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Full text of "Journal asiatique"

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^ 


JOURNAL  ASIATIQUE 


ONZIÈME   SÉRIE 

TOME  XIX 


JOURNAL  ASIATIQUE 

RECUEIL  DE  MÉMOIRES 

ET  DE   NOTICES 
RELATIFS  AUX    ÉTUDES    ORIENTALES 

PUBLIÉ  PAR  LA  SOCIETE  ASIATIQUE 


ONZIEME  SERIE 
TOME   XIX 


PARIS 

IMPRIMERIE    NATIONALE 


EDITIONS  ERNEST  LEROUX,  RUE  BONAPARTE,  28 


MDCCCGX 


4- 

1  ,  1^-20 


JOURNAL  ASIATIQUE, 

JANVIER-MARS  1922. 

o*c=- 


ETUDES  ASSYRIENNES, 

PAR 

M.  C.  FOSSEY. 


XXI 


INSCRIPTION  DE  NABU-NAID 
SUR  SES  TRAVAUX  À  SIPPAR,  LARSA  ET  AGADE. 

L'inscription  de  Nabû-mhd  qui  relaie  les  travaux  faits  par 
lui  à  YEbara  de  Sippar  et  à  VEbara  de  Larsa,  h.X Eulmas  Ôl  A^iide 
et  à  VEulmas  de  Sippar,  nous  est  aujourd  hui  connue  par  trois 
exemplaires,  tous  conservés  au  British  Muséum  : 

A.  Barillet  trouvé  à  Mukayyai%  K.  1688,  publié  par  Raw- 
linson,  IR,  6(). 

B.  Tablette  trouvée  à  Abn-Hahhak,  AH.  89-7-18,3680, 
publiée  par  King,  CT,  XXXIV  (t  c)i/i),  pi.  28-2  5. 

C.  Barillet,  provenance  non  indiquée,  lyi  2-7-6,  9,  publié 
par  King,  CT,  XXXIV,  26-37. 

Le  texte  A,  sur  lequel  ont  été  faites  toutes  les  traductions, 
est  très  incomplet.  De  B,  il  ne  reste  guère  que  86  lignes,  la 
plupart  mutilées,  mais  dont  quelques-unes  suppléent  fort  heu- 
reusement à  une  lacune  de  C.  Le  texte  de  G  est  presque  com- 
plet, et  la  lacune,  qui  commence  col.  1,1.  10,  peut  être  entiè- 
rement remplie  par  l'emploi  combiné  de  A  et  de  B.  Le  texte 
ainsi  obtenu  forme  au  total  9  33  lignes,  dont  81  sont  entière- 
ment nouvelles,  savoir  :  col.  I,  1-18,  38-/i3,  63  à  col.  II,  5; 


2  JANVIER-MARS   19^1 

col,  II,  6/i  à  col.  III,  3/i;  les  nombreuses  lignes  mutilées  du 
texte  de  Uawlinson  sont  complétées ,  et  Ton  constate  que  presque 
toutes  les  reslitulions  proposées  sont  inexactes,  ce  qui  ne  sur- 
prendra aucun  épigraphiste. 

Il  m'a  donc  paru  qu'il  valait  la  peine  de  traduire  ce  texte 
aujourd'hui  complet,  d'autant  plus  qu'il  présente  certaines  par- 
ticularités que  je  signalerai  plus  loin. 

TRANSCRIPTION. 

(Col.  I,  i)  E-har-ra  hhu  ''"Samas  sa  Sippar'''  (2)  sa  "''"Nabû- 
kudurri-mur  sar  Bâhili^'  sarru  mah-rt  (3)  bîtu  su-a-tmi  td-kii- 
'-i-ma  {h\  te-me-en-su  la-bi-ri  la  ik-su-du  (5)  E-har-ra  su-a- 
tim  i-pu-us-ma  (6)  a-na  ''"Sainas  be-h-su  id-di-in  {j)  i-na  lu 
sanâti  """  sa  bîti  su-a-iuni  i-ga-ra-tu-su  (8)  i-ku-pa-a-ma  il-h-ku 
la-ba-ri-is  {(^^  i-a-ti  " ''"Nabû-nàid  sar  Bàbili'''  (^i  0)  [za]-n(-in 
E-sag-il  H  E-zi-da  ina  paU-e-a^"^  ki-tilm''''' (^i  1)  s«  ''"5m  u  ''"Samas 
i-ram-mu^'^  E-bar-ra  su-a-t'i^''^  (12)  ad-di-e-ma  ht-it-ta-at-su 
ah-tu-ut  U'-me-en-su  la-bi-ri    (i3)   sa  "Sarru-kin  sarru  mah-ri 

C'  B,  l,  11  :  pa-li-e-a.  ■ —  ''''  B,  I,  19  :  ki-i-nim.  —  C^)  B,  1,  to  :  i-ra- 
am-mu.   —  C*)  B,  I,  i3  :  su-a-tim. 

TRADUCTION. 

(Col.  I,  1)  UEbara.  temple  de  Samas  à  Sippar.  (9)  — 
Nahiï-kudurri-usm\  roi  de  Babylone,  roi  antérieur,  (3)  ce 
temple  avait  jeté  bus  et  {h)  son  ancien  temen  n'avait  pas  atteint; 
(5)  cet  Ebara  il  avait  (re)construit  et  (G)  à  Samas,  son  seigneur, 
l'avait  donné  ;  (7)  au  bout  de  cinquante-deux  ans ,  de  ce  temple 
les  murs  (8)  s'écroulaient  et  tombaient  de  vétusté,  —  (g) 
moi,  Nabn-nàid ,  roi  de  Babylone,  (10)  qui  prends  soin  de 
VEsag il  cl  de  XEzida,  pendant  mon  règne  légitime,  (11)  que 
Sin  et  Samas  aiment,  cet  Ebara  (  i  :?)  je  le  démolis  et  ses  tran- 
chées je  creusai:  son  vi(Mi\  Icnirn  .  (  1  3)  que  Sairnk/n  ,  roi  an  té- 


ETUDES  ASSYRIENNES.  â 

i-pu-m  a-mur-nia  e-li  te-me-en-na  (lAj  "Sarru-km  i-pu-us-su 
ubânu  la  a-si-e  ubânu  In  e-ri-bi  (i5)  us-su-su  ad-di-ma  u-kin 
h-)h-na-(it-su  (16)  "^^ gusûrê""''  ['-"em/]  si-ru-tum  tar-hit  sadû 
Ha-ma-nu  (17)  \a-na  su-luyii-su  u-sat-n-û  (iS)  \d(ilâl'i^'' 
{•"]/ear«  sV«  i-vi-is-si-na  (19)  [ta-a-hi]  kaspi  d)-ht  u  (20)  erii  nam- 
ru  u-sa-al-bi-ii-ina  (^ai^e-ma  babânt'"^'-su  u-ra-at-ta  E-bar-ra 
su-a-tim  (22)  si-pir-m  u-sak-lil-ma  bUu  ki-ma  ûniu""' u-nnm-mir- 
ma  (28]  a-na  balât  napsâte  '"^'-ia  sn-ka-pu  "'"'''^nakn-ia  (2/1)  a- 
na  ''"Samas  bêli-ia  lu-u  a-kî-is  ''"Samas  bêlu  rnbu-u  (26)  u-mi- 
sam-mu  la  na-par-ka-a  i-na  idi  ''"^Sin  (26)  abu  a-li-di-ka  dam- 
ka-a-U  E-sng-il  (9  y)  E-zi-da  E-gis-sir-gal  E-bar-ra  E-an-na 
(28)  E-ul-mas  su-bat  du-u-ti-su-nu  rabîtt''  (29)  hs-sa-hn  sap- 
tuk-ka  ki-ma  samê"  riksâ  "^^^-su-nu  li-kin  (3o)  u  pu-luh-ti 
Sm   bel    ilâni'"'"   u    ''"  is-lar  Ç^^       (3i)    t-na    sa-ina-mu  lib-hi 


ilu 


rieur,  avait  tait,  je  le  vis  et  sur  le  temeii  (16)  que  Sarrukin  avait 
fait,  sans  dépasser  d'un  doigt  ni  rentrer  d'un  doigt,  (t5)  ses 
fondations  je  jetai  et  j'établis  sa  base;  (16)  des  poutres  de 
grands  [cèdres] ,  poussés  dsns  la  montagne  de  l'Amanus,  (i  7) 
[pour  le  couvr|ir  je  fis  étendre;  (18)  [des  portes]  de  liàru, 
dont  l'odeur  est  (19)  agréable,  d'argent  brillant  et  (-^o)  de 
cuivre  éclatant  je  fis  revêtir  et  (m)  à  ses  entrées  je  fixai., Cet 
Ebara,  (22)  j'achevai  sa  construction  et  le  temple,  comme  le 
jour,  je  fis  resplendir  et  (28]  pour  le  salut  de  mon  âme, 
l'écrasement  de  mes  ennemis,  (2/1)  à  Samas,  mon  seigneur, 
je  ie  consacrai. 

Sainas,  seigneur  grand,  (26)  tous  les  jours,  sans  cesser, 
aux  côtés  de  Sin,  (26)  le  père  qui  t'a  engendré,  que  les  em- 
bellissements de  VEsagil,  (27)  de  YEzida,  de  VEgissirgal,  de 
VEbara,  de  ÏEunn,  (28)  de  VEulmas..  demeures  de  votre  divi- 
nité grande,  (29)  soient  sur  tes  lèvres  !  Comme  les  cicux,  que 
leur  construction  soit  solide,  (3o)  et  la  crainte  de  S/n,  sei- 
gneur des  dieux  et  des  déesses     (3i)  dans  les  cieux,  au  cœur 


4  Janvier-mars  \9û'2. 

/».s'r '""-.s//  sii-iiè-l,i-n(i-(i-ma  (^3/i]  (u  tr-è(i-(i-an  hi-ti-li  d-du-m- 
tiu  li-huu-nu  (35)  id-a-ti  "''"i^ahù-nà/d  sar  Bàb/'h'''  (36]yw-///j 
îli(-u-tl-hu-nu'"^  ra-bi-ti  (3 "7)  la-li-c.  ba-lu-tu  lu-us-bi  (38)  u 
sa  "  ''"  Bèl-sar-usur  mâru  res-lu-u  .si-it  lib-bi-in 
(3q)         su-ri-ku         ùmc '""'-su         ai  ir-sa-a         hi-ti-tum. 

{ho)         sa  eli  "*""  a-su-mit-tum  sa  Sippar'". 

(/il)  E-bur-ra  bit  ''"Samas  sa  Larsa'"  sa  ûmu'""  m-ku-ii-ti 
(liù)  ''"Sin  sarru  sa  ilàni"'"'  bel  ilnm'"'"'  u  ''" is-tar  (/i3)  a-si-bu- 
tu  sa  samê'  u  irsitim^'"'  e-li  ah  (66)  u  bkt  sa-a-èu  is-bu-su-ma 
si-pili  bn-as-si  rabûti  "***  (65)  e-li-su  is-sap-hu-ma  la  m-nam-ru 
(66)  ki-is-si-su  i-na  paU"^^''  "''"  Nabû-kudurri-mur  [h'])  sar 
BâbiW"  sarru  mah-ri  a-Jik  nialj-ri-ia  (68)  mâr  "''" Nabû-aplu- 
usur  sur  Bâbili'"       (69)  i-na  ki-bi  ''"  Sin  u  ''"  Samas  bêlê""''-su 

(">  A,  I,   -jb  i  ilu-u-li-m-nu.  —  ('"'  A,  1,  48  :  pa-li-e. 

de  ses  peuples  racts-la  !  Çdh)  Qu'ils  ne  commettent  pas  de 
péché,  que  leurs  fondations  soient  fermes!  (35)  Moi  Nabû- 
nâid,  roi  de  Babylone,  (36)  qui  crains  votre  divinité  grande, 
(3-7)  d'une  surabondance  dévie  puissé-je  me  rassasier!  (38) 
Et  de  BiH-sar-mur,  mon  fils  aîné,  rejeton  de  mon  cœur, 
(3 9)  allonge  les  jours.   Qu'il    ne    commette    pas   de   péché! 

(60)  Ce  qui  (est)  sur  la  stèle  de  Sippar. 

(6  1  )  VEbara,  temple  de  Sanias  à  Larsa  —  depuis  des  jours 
lointains  (62)  Sin,  roi  des  dieux,  seigneur  des  dieux  et  des 
déesses  (63)  qui  habitent  les  cieux  et  la  terre,  contre  cette 
ville  (66)  et  ce  temple  était  irrité  et  de  grands  monceaux  de 
sable    (65)    sur  lui  s'étaient   répandus  et  on  ne  voyait  plus 

(66)  ses   sanctuaires.    Sous   le   règne  de  JSnbû-kudurri-umr, 

(67)  roi  de  Babylone,  roi  antérieur  à  moi,  (68)  lils  de  Nabù- 
aplu-UHur,   roi   de   Babylone,    (6())  sur   1  ordre    de  Sut   et  de 


ETUDES  ASSYRIENNES.  5 

(5o)  d-hu-nim-ma  sa-a-ri  w-hit-tt  me-hi-e  rahûli""'^  (5i)  hti-as-.v 
sa  eli  ali  u  htti  su-a-tim  '"'  kat-mii^''^  (02)  in-na-si-ih-inn  hi-tt-ta~ 
tum'^''^  ih-tu-ut-mn  (53)  te-me-cn-na  E-lmr-ra  sa  "Bur-na-lmr-ia- 
fls''''  (5/))  sarru pa-na-a  a-lik  mah-ri-su^'^  i-pu-m^^^  (55)  i-mur-ma 
e-li  te-me-en-na^^^  "  Bur-na-bur-ia-as^''^  (56)  ithânu  la  a-si-e  itbânu 
la  e-ri-bi  (5 7)  us-su  E-bar-ra  su-a-ti^'^  îd-fli  a-na  mu-sab 
(58)  ''"Samas  bêlu  rahii"  u  ''"  Aya  hal-lat  na-ram-ti-su  (59)  bka 
î-pu-us-ma  u-sah-Ul  si-pir-su^^^  (60)  ''"Samas  be-lum^^^  ra-bu-u 
(6 1  )  kir-ba-su  u-sar-ma-a  sub-tnm  ''^  (62)  ia-a-ti  "  ''"  Nabû-nâut 
sar  Babil/'"  (63)  za-nin  E-sag-il  u  E-zi-da  (6/i)  i-na-an-na  i-na 
sattLi''""'  iîia^'"'' palè'-a^"^  ki-nirn'^''''  (65)  sa  ''"Sinu  ''"Samas  i-ram- 
lYiu^p)  ''"Samas  bêlu  ralm"    (66)  ih-su-us-su-ma''''^  su-bai-su  n-es- 

(")  A,  I,  53  :  sa-a-su.  —  C")  A,  I,  53  et  B,  II,  10  :  ha-at-mu.  —  C^)  A,  I, 
54  :  hi-la-ti;^,  II,  11  :  hi-it-li.  —  C*)  A,  I,  55  :  "Bur-na-bur-ia-a-as.  ■^— 
(')  A,  I,  56  et  B,  II,  i3  :  mah-ri-ia.  —  f^'  La  ligne  5i  manque  dans  B.  — 
'*'  A,  I,  57  et  B,  II,  i5  ajoutent  :  m.  —  ('''  A,  I,  57  :  Bur-na-hur-ia-a-as. 
—  C'  A,  I,  59  et  B,  II,  17  ;  su-a-tim.  ^  t-''  A ,  I.  61  et  B,  II,  19  :  si-pi- 
ir-àu.  —  (*)  B,  II,  90  :  bélum.  —  0  B,  II,  ao  :  iub-lu.  —  (")  B,  II,  93  : 
i-na.  —  C)  A,  I,  65  :  pa-li-e-[a].  —  M  B,  II,  2/1  :  ki-i-ni  —  C)  B,  II,  a4  : 
i-ra-a[m-mu].  —  (')   B,   II,  95  :  ih-su-its-ma. 

Sa?nas,  ses  seigneurs,  (5o)  les  quatre  vents  se  levèren., 
grandes  bourrasques,  (5  1)  et  le  sable  qui  recouvrait  celte  ville 
et  ce  temple  (52)  fut  enlevé,  et  il  creusa  une  tranchée  et 
(53)  le  tomen  de  VEbara  que  Burnaburias,  {hlx)  roi  ancien, 
antérieur  à  lui,  avait  fait,  (55)  il  vit  et  sur  le  iemen  de  Burna- 
burias, (56)  sans  dépasser  d'un  doigt  ni  rentrer  d'un  doigt, 
{57)  les  fondations  de   cet  Ebara  il  jeta;  pour  la   demeure 

(58)  de  Samas,  seigneur  grand,  et  d'.jya,  son  épouse  chérie, 

(59)  le  temple  il  (re)fit  et  il  en  acheva  la  construction.  (60) 
Samas,  seigneur  grand,  (6  1)  dedans  il  installa  —  (62)  moi, 
Nabû-nâid,  roi  de  Babylone,  (63)  qui  prends  soin  deVEsagil 
et  de  ÏEzida,  (6/i)  en  ce  temps-là,  en  la  dixième  année  de 
mon  règne  légitime,  (65)  qu'aiment  Sui  et  Samas,  Samas,  sei- 
gneur grand,    (66)  pensa  à  lui  et  sa  demeure  préférée,   (67) 


6  JANVIER-MARS    1922. 

ti-ti  (^(î'y)  i-fia  su-nt-ti  sa  a-mu-ru  u  nisè""'  i-tam-ma-ru-ni^"^ 
(68)  a-Hu  cli  te-uie-en-na^''^  E-bar-ra  la-bi-ri  su-a-tu  (69)  E-bar- 
ra  a-na  as-n-su  tur-ru  su-bat  tu-ub  l/b-bi-su  (70)  u-ma-i-ir-an- 
ni  la-a-si  im-ah-lap-lum  zth-hur-rat  (yi)  e-U-tu  ap-pa-lis-ma 
u-sa (1-1,(1  m-i)ia  nisv  ""'''  ma-du-tum  (72)  h-mi-tum  bîti  zik-kur-rat 
m-a-tum  imni  mmèli  (7 3)  pa-m  u  arki  ah-tu-ut-mn  E-bar-ra 
(7/1)  a-(Ji  si-hir-ti-èu  a-mur-ma  si-pr  su-mn  (col.  II,  1)  sa  "Ha- 
aui-tnu-ra-bi  sarru  mah-r(  a-Jik  luah-ri-ia  (9)  hi-rib-su  ap-pa- 
lis-ma  VII  c  sauâti  """  l(i-am  " Bur-na-bitr-ia-as  (3)  E-bar-ra  u 
zik-kur-ra-lum  ''''  e-li  te-me-en-na  (/i)  la-bi-n  E-bar-ra  a-na 
''"  Samus  1-pu-su  (5)  kir-ba-su  ap-pa-lis-ma  ih-dt  lib-bt  (6)  vm- 
mi-ru  zf-mu-u-a  (n)  E-bar-ra  e-h  te-me-eu-na  "  Ifa-/im-mu-ra-b/ 
(8)  sarru  mah-ri  ubânu  la  a-si-e  ubânu  la  e-n-bi  (9)  us-su-su 
ad-tli-ma  n-k/n^'^ni-ib-7ia-al-su   (10)  E-bar-ra  rs-sis  e-pu-us-ma'^'^ 

C)   B,  [I,  27  :  i-ta-am-ma-ru .  ...  —  t**'   B,  11,  98  :  te-me-en.  —  C")   A,  H, 
f)  :  zik-kur-ri.  —  •''J  A,  II,  10  :  n-ki-in.  —  C'   A,  II,   11  :  e-pu-uL 


dans  un  songe  que  je  vis  et  que  virent  d'autres  gens.  (68) 
sur  le  lemcti  de  ce  vieil  Ebara,  (69)  YEbara.  demeure  chère  à 
son  cœur,  (70)  il  m'ordonna  de  le  restaurer.  Le  revête- 
ment de  la  ziggurat  (71)  élevée  je  considérai  et  je  levai  des 
gens  en  grand  nombre;  (72)  l'aire  de  cette  ziggurat  à  droite  et 
à  gauche  (73)  devant  et  derrière,  je  creusai  et  YEbara  (7/1) 
jusqu'à  son  mur  d'enceinte  je  l'examinai  et  l'inscription  (col.  II , 
1)  de  Hammurapi,  roi  ancien,  antérieur  à  moi,  (2)  dedans 
je  vis  et  —  sept  cents  ans  avant  Burnaburias ,  (3)  YEbara  et  la 
ziggurat,  sur  \e  terne  u  (A)  ancien  de  Y  Ebara  ^  ^iour  Samasi\a\i\û 
construit  —  (5)  (dedans  je  vis  et)  mon  cœur  se  réjouit,  (6)  ma 
face  s'illumina.  (7)  \JEbara,  sur  le  terrien  de  Hammurapi .  (8) 
roi  antérieur,  sans  dépasser  d'un  doigt  ni  rentrer  d'un  doigt, 
(9)  ses  fondations  je  jetai  et  j'établi.s  sa  base.  (10)  VEbara  à 
neuf  je  fis  et  j'en  achevai  la  construction.   (11)  Des  poutres  de 


ETUDKS  ASSYRIENNES.  7 

u-mh-lH  s/-pir-^u  (iij  *^^ gusûrê"""'  '^" erini  si-ru-tum  tar-hit 
sadâ  Ha-ma-nu  (12)  a-iia  su-lu-h-èu  u-sat-ri-iH  '^"  dalàlc""'^ 
^^"liâru  (i3)  sa  i-n-is-si-na  ta-a-bi^"^  e-ma  hal)âni''^"''-su  u-ral-li 
i\.lx)  bîtu  su-a-tum^''^  e-pu-us^''^  ki-ma  ânm""'  U-nam-mir-ma  (i5) 
a-ud  '^"Samas  bêlu  rabil"  bêli-ia  a-na  balât  tiapsâte-ia  (16)  w- 
Lap  "'"*'"  nahri-ia  lu'^'''^  e-pu-us  '^"SanuLs  bêlu  ra-bu-u  (i-yj  u-mi- 
sam-ma^'^  la  nn-par-ha- a  i-na  ma-har '^"S/n  (18)  [al^-bi  a-li-di- 
ka  i-na  iii-ip-ht  u  ri-bi  (ig)  dam-ka-a-li  E-fiag-d,  E-zi-da 
(90)  E-gts-kr-gal  E-bar-ra  E-an-na  E-ul-mas  (91)  su-bat  du-u- 
ti-ku-nu  l'dbUi"""'  Id-m-kin  sap-luk-ka  ('Jsî)  ki-ma  hamê'' 
is-da-su-nu  U-kun-nu''-^^  (98)  la-a-ti  "''"  Nabû-nnid  sar 
Bâbdi^'     pa-lih      du-u-ti-ku-nu^^^     rabîlu^"  ('2  k)      la-li-e 

balâti^''^  lu-us-bi  u  sa  " ''" Bêl-sar-iisur     (26)  ntâru  res-tu-n  si-it 

C)  A,  II,  ih  :  ta-hi.  —  <")  A,  II,  i5  :  su-a-tim.  —  C^)  A.  II,  i5  :  e-pu- 
us-ma.  —  C*)  A ,  II ,  1 7  :  lu-u.  —  (')  A ,  II ,  1 8  :  [u-mi-]smn-mu.  —  ^^"^  A, 
II,  92  :  li-k{n{l).  —  C)   A,  II,   34  :  [ilu-u-]ti-ka.  —  ('')  A,  II,  26  :  [ba-la-]lu. 

grands  cèdres,  poussées  dans  les  montagnes  de  l'Amanus, 
(19)  pour  le  couvrir  je  fis  étendre;  des  portes  de  hâru,  (i3) 
dont  l'odeur  est  agréable,  à  ses  entrées  je  fixai,  (i/i)  Ce 
temple  je  fis,  comme  le  jour  je  le  fis  resplendir  et  (iT)] 
pouPiSamas,  seigneur  grand,  mon  seigneur,  pour  le  salut  de 
mon  âme,   (16)  l'écrasement  de  mes  ennemis,  je  le  fis. 

Samas,  seigneur  grand,  (l'y)  tous  les  jours,  sans 
cesser,  devant  Sin  (18)  le  père  qui  t'a  engendré,  au  lever 
et  au  coucher,  (iq)  que  les  embellissements  de  VEsagd, 
de  VEzida,  (90)  de  VEgissirgal,  de  ÏEbara,  de  VEana, 
de  YEulmas,  (91)  demeures  de  votre  divinité  grande, 
soient  sur  tes  lèvres!  (99)  Comme  les  cieux  que  leurs 
fondations  soient  solides!  (98)  Moi,  Nabû-nâid,  roi  de 
Babylone,  qui  crains  votre  divinité  grande,  (9/1)  d'une 
surabondance  de  vie  puisse -je  me  rassasier!  Et  de 
Bêl-mr-usur,        (y 5)    mon   fils   aîné,   rejeton  de  mon  cœur, 


s  JANVIER-MARS   1922. 

llh-hi-in  (^-2  G)      su-ri-hii     nmê'"''-su      ai      iv-sa-a      ht-ti-tl 

(un)  sa  eh  """^  a-su-mi-tiwi^"^  sa  Lavsa''' 

(28)  le-me-en-nn  E-ul-mas  sa  A-ga-de^'  (29)  srt'*^  ul-tu  pa-ni 
' oarru-kin  sar  BâhiW"  (3o)  u  " ISa-ram-  '^"  Sin  mâri-su  sarrii 
su-ut  mah-ri  (3i)  u  a-di  pa-Ji-r  "''"  Nahû-nâid  sar  Bâbili'" 
(82)  la  in-nam-ru  "  Ku-rt-gal-zu  sar  Bâbilt'"  (33)  sarru  su-ut 
mah-ri  u-hu-i-i-ma  (3/i)  ic-me-en-na  E-ul-mas  la  ik-su-ud 
(35)  ki-a-am  is-lur-ma  is-kun  um-ma  te-me-m-na  (36)  E-ul-mas 
u-ha-i-i-ma  ad-lul-ma  la  ak-su-ud  (3 '7)  "''"Asur-ali-iddiji  sar 
^'^  Assur  îi  "''"  Assur-ban-aphi  mâri-su  (38)  sV?  ''" Sin  sar  ilâni 
kis-sat  matâti  u  sat-li-mu-su-nu-ti-ma^"^  (3c))  te-me-en-na  E-ul- 
mas  n-ba-u-u  la  fk-su-du-u  (/lo)  is-tu-ru-ma  is-ku-nu  um-ma 
te-me-en-na   (61)  E-ul-mas  su-a-ti  u-ba-i-i-ma    (/12)  la  ak-su-ud 

(")  A,  II,  28  :  a-su-mit-ii.  —  f")  A,  II,  99  :  caret.  —  ^'>  A,  II,  87  :  u-sat- 
lim-su-mi-ti-ma. 

(26)  allonge  les  jours.    Qu'il  ne   commette- pas  de  péché! 

(27)  Ce  qui  (est)  sur  la  stèle  de  Larsa. 

(28)  Le  temen  deVEulmas  d'Agade,  (29)  qui  depuis  avant 
Sarru-kin,  roi  de  Babylone,  (3o)  et  I\arâm-Sin,  son  fils,  rois 
antérieurs,  (3i)  et  jusqu'au  règne  de  Nabn-nâid.  roi  de  Baby- 
lone, (3 2)  n'avait  pas  été  vu,  —  Kurigahu  roi  de  Babylone, 
(33)  roi  antérieur,  l'avait  recherché  et  (3/i)  le  temen  de 
VEulmas'A  n'avait  pas  atteint.  (35)  Ainsi  l'inscrivit-il  (sur  une 
stèle  qu'jil  dressa  :  ^Lq  temen  (36)  de  17:«//m/.s' j'ai  recherché, 
j'ai  pris  de  la  peine,  et  je  ne  l'ai  pas  atteint.»  (87)  Asur-ahê-' 
iddin,  roi  d'Assyrie  et  Asur-ban-aplu  son  fds,  (38)  auxquels 
Sin,  roi  des  dieux,  avait  remis  tous  les  pays,  (89)  le  temen  de 
VEulmas  recherchèrent  (et)  ne  l'atteignirent  pas.  (A oy-Ils  écri- 
virent (une  stèle)  et  la  dressèrent,  disant  :  «  Le  temen  (/i  1)  de  cet 
Eulmas,  j'ai  recherché  et  (6  a)  je  ne  l'ai  pas  atteint.  Des  sarbatu 


ETUDES   ASSYRIENNES.  9 

^^^ mr-ha-tum  u  ''"bar(^mns?ytu-u  (A3)  ak-sit-ma  (c-nie-e  E-ul-mns 
(Il h)  lu-u  e-pu-us-ma  a-na  ''"Istar  A-ga-de '" ^"^  hêlti  rahttu'"  hêlli- 
ia  ih  5)  lu-u  ad-di-/n  "  ''"  Nahû-hudurri~umr  sar  Bàbilt  '" 
(/|6)  mâr  '"'" Nnbû-aplu-usur  mrru  mnh-ri  um-ma-ni-su  (li'j) 
ma-du-lum  id-kam-wa  tc-mc-en  ^''^  E-ul-mas  m-a-tu^'^  (/i8)  u-ba- 
'i-i-ma  id-lul-ma  ih-tu-ut-ma  [7i())  iè-ne-ma  te-me-en-na  E-ul- 
mas  la  ik-su-ud  (5o)  ia-a-ti  "'^"Nabti-nâid  sar  Bàbili^'  /5i)  za- 
wm'''^  E-sag-il  u  E-zi-da  (62)  i-na  pale-e-a  ki-mn&^  ma  pu- 
luh-tu^^^  sa  '^" Istar  A-ga-de'"  bêlti-ia  (53)  bi-i'i  ab-ri-e-ma 
''"  Sainas  u  ''"  Adad  (54)  i-pu-lu~  u-ni-ni  an-na  ki-i-ni  (55)  sa 
ka-sa-du  te-me-en-na  E-ul-mas  iu-a-ti^'-'''  (56)  sêr  dum-ki  i-na'^''^ 
ser  têrtl-ia  is^'-kun  (5 y)  «'««'« 0)  nisê^''^-ia  ma-du-lum  u-ma-i-ir-ma 
(58)    a-na    bu-i-i    te-me-en-na    E-ul-mas '^'^    iu-a-ti       (5  9)    ///'" 

'"'  A,  Il  :  tout  le  passage,  depuis  1.  ^0,  manque.  — ''')  A,  II,  lia:  te- 
me-en-na.  —  ''^'  A,  II,  /i3  [:  su-a-tim.  —  C*)  A,  II,  46  ;  za-ni-in.  —  (')  A, 
II,  47  :  ki-i-ni.  ~  (-^^  A,  II,  A 7  :  pu-luh-ti.  —  '^'  A,  II,  5o  :  caret.  — 
('')  A,  II,  5i  :  M.  —  C  A,  II,  5i  :  caret.  —  (^''  A,  II,  5i  :  sarrv.  —  (*)  A, 
II,  5i  :  sabé"''-{a.  —  '-''>  A,  II,  59  :  caret. 

f>t  des  bartu  (^mastu?)  (/i3)  j'ai  abattu  et  les  piliers  de  VEulmas 
ijxlx)  j'ai  fait  et  à  Istar  cVAgade,  la  dame  grande,  ma  dame, 
(/t 5)  j'ai  donné.  55  Nabû-kudurri-umr,  roi  de  Babylone,  (/i6) 
fils  de  Nabû-aplu-usur,  roi  antérieur,  ses  nombreux  (^7) 
ouvriers  leva  et  le  temen  de  cet  Eulmas  (48)  il  rechercha, 
il  prit  de  la  peine  et  creusa,  (4 9)  et  à  plusieurs  reprises, 
et  le  temen  de  VEulmas  il  n'atteignit  pas.  —  (5o)  à  moi, 
Nabâ-nâid,  roi  de  Babylone,  (5i)  qui  prends  soin  de  ÏEsagtl 
et  de  ÏEzida,  (5 9)  pendant  mon  règne  légitime,  dans  la 
crainte  d' Istar  d'Agade,  ma  dame,  (53)  lorsque  je  consultai 
les  entrailles,  Samas  et  Adad  (5 4)  me  répondirent,  par 
un  oui  sûr,     (55)    que  j'atteindrais  le  temen  de  cet   Eulmas; 

(56)  un  présage  favorable  dans  ma  consultation  ils   mirent. 

(5 7)  J'envoyai  mes  gens  en  grand  nombre  et,  (58)  pour 
rechercher  le    temen    de   cet   Eulmas,        (59)     trois   années 


10  JANVIER-MARS    1922. 

sanâti"*"'  ina  hi-k-ta-tum  sa  "''"  Nahâ-kudurri-u.wr  (60)  snr 
Bâbili'"  ah-tu-ut^"^  im-tni  su-me-ri'^''^  p>i-ni  (61)  m  ar-kii  n-ha-i-i- 
nia  la  ak-su-ud  (62)  hi-a-am  ik-bu-ni  um-ma  te-me-cn-na  su-a- 
tii^"^  (63)  nu-u-ba-i-i-ma  ^^^  la  ni-mur^'^  ra-a-du  sa  inê^'"  zunni 
(66)  ib-ba-èi-ma  hi-pi  is-kun-ma  ni-niur-ma  (65)  hi-a-am.  ak-bi- 
su-nu-ii  (66)  um-ma  hi-k-ta-tum  ina  hi-pi  su-a-ti  (67)  hu-ut-ta- 
a-ma  a-di  te-me-en-na  hi-pi  (68)  su-a-ti  ta-ta-ma-ra- a  (69)  ht- 
pi  su-a-ti  ih-tu-tu-ma  (70)  te-me-en-na  E-ul-mas  sa  "  Na-ram- 
''"Sin  (71)  sarru  mah-ri  mu-sab  ''" Istar  A-ga-de'"  (7 3)  ''"  Na- 
na-a  ''"A-nu-ni-tum  (7  3)  n  ilâni'"'^  su-ut  E-nl-ma»  {j  Ix)  ih-su-d li- 
ma ik-bu-nt  (7  5)  ih-di  hb-bi  im-mi-ru  pa-nu-u-a  (76)  eh  te-me- 
en-na  E-ul-mas  su-a-ti  (77)  uhânu  la  a-si-e  ubânu  la  e-ri-bi 
(78)  te-me-en-na  su-a-ti  di-i-um  parahki  (col.  III,  1)  a-di  11'" 
zik-kur-ri-e-ti-su    (2)  ad-di-ma  u-kin  h-ib-na-at-su    (3)  ta-am- 

C)  A,  II,  hk  :  ah-tu-ut-ma.  —  <■')  A,  II,  54  :  èu-me-lu.  —  (')  A,  II.  56  : 
ia-a-ti.  —  '■^^  A,  Il ,  56  :  nu-ba-'i-i.  —  '''  A ,  II,  56  :  ni-mu-ur. 

dans  la  tranchée  de  Nabû-hudurri-usur,  (60)  roi  de  Babylone, 
je  creusai;  à  droite  et  à  gauche,  devant  (61)  et  derrière  je 
recherchai  et  je  ne  l'atteignis  pas.  (62)  Ils  me  dirent  :  r^Ce 
temen  (63)  nous  l'avons  recherché,  mais  nous  ne  l'avons  pas 
vu.  Une  trombe  d'eau  de  pluie  (66)  s'est  produite  et  a  tout 
ruiné,  nous  l'avons  bien  constaté,  w  (65)  Ainsi  leur  dis-je  :  (66) 
«Une  tranchée  dans  cette  ruine  (67)  creusez,  jusqu'à  ce  que 
vous  voyez  le  temen  (68)  de  celte  ruine,  w  (6g)  Cette  ruine  ils 
creusèrent  et  (70)  le  temen  de  XEuhnas  de  Narâm-Sin,  (71) 
roi  antérieur,  demeure  d'7stor  d'Agadé.  (72)  de  Nanâ,  à'Anunk 
(73)  et  des  dieux  de  XEulmas,  (7/1)  ils  atteignirent  et  me  le 
dirent.  (75)  Mon  cœnr  se  réjouit,  ma  face  s'illumina.  (76) 
Sur  le  temen  de  cet  Eulmas,  (77)  sans  dépasser  d'un  doigt  ni 
rentrer  d'un  doigt,  (78)  ce  temen,  le  piédestal  du  sanctuaire 
(col.  III,  1)  et  ses  deux  ziggurat  (2)  je  posai  et  j'établis  sa  base. 


ETUDES   ASSYRIENNES.  11 

la- a  u-mnl-h-su-ma  {Jx)  e-li  pa-ni  hih-hir  m-kun-m  (5)  as-su 
la  ma-se-e  te-me-en-na  E-ul-mas  (G)  E-ul-mas  e-pu-us-ma  u-s/ih- 
l/l  si-pii'-su  (7)  '■" gusûrê""''  ""erini  si-ru-tum  tar-bit  sadû  Ha- 
ma-nu  (8)  a-na  su-lu-li-su  u-èat-ri-is  '''^ dalâti "*^'  '■''liâru  (q)  sa 
i-n-is-sMia  Ui-a-hi  ma  babâni  "'"'-sn  (10)  lu-us-zn  bîtu  su-a-ti 
ki-ma  ûmu"'"  [x  1^  u-nam-niir-ma  a-na  ''" Istar  A-ga-de '"  (la) 
hrlti  rabhi  "  bêlù-ia  a-na  balât  napsâte  '"^^-ia  (  1 3)  sa-kav 
'""'''' tiakn'-ia  lu-u  e-pu-us  (1/4)  ''"Istar  A-ga-de  *'  bâti  rabîlum  '""' 
bêlu-ia  (i5)  i-na  nia-har  '^'' Sin  a-bi  a-h-di-ha  (i())  dam- 
ka-a-ti  Ë-sag-tl  E-zi-da  (ly]  E-gd-sir-gal  E-bar-ra  E-an-na 
E-al-mas  (18)  su-bat  du-u-ti-ku-nu  rabki""^"  l/s-m-kin  sap- 
luk-ka  (it))  ki-nia  samê'  is-da-su-nu  li-kun-nu  (20)  ia-a-ti 
" ''"  Nabû-nâid  sar  Bâbili'"  (ai)  pa-lih  ilu-u-ti-ku-nu  rabîti" 
('ia)   la-li-e  lu-us-bi  sa    "''" Bêl-sar-usur   mâru   res-tu-u      (23) 

(3)  Le  terre-plein  je  remplis  et  [k)  plus  qu'auparavant  je  lui 
mis  de  la  terre,  (5)  pour  qu'on  ne  dérobe  pas  le  tenien  de 
VEulmas.  (())  UEulmas  je  fis  et  j'achevai  sa  construction. 
(7)  Des  poutres  de  grands  cèdres,  poussés  dans  la  mon- 
tagne de  VAmanus  (8)  pour  le  couvrir  je  fis  étendre;  des 
portes  de  liâru  (9)  dont  l'odeur  est  agréable,  à  ses  entrées 
(1  o)  je  plaçai.  Ce  lemple,  comme  le  jour,  (1 1)  je  fis  resplen- 
dir et  pour  Istar  d'Agadé,  (12)  la  dame  grande,  ma  daine, 
pour  le  salut  de  mon  ame,  (i3)  l'écrasement  de  mes  enne- 
mis, je  fis. 

(i/i)  Istar  à'Agade,  dame  grande,  ma  dame,  (1 5)  devant 
Sin,  le  père  qui  t'a  engendré,  (iG)  que  les  embellissements 
de  XEsagil,  df  YEzida,  (ly)  de  VEgissiigal,  de  XEbara,  de 
VEana,  de  XEulmas,  (18)  demeures  de  votre  divinité  grande, 
soient  sur  les  lèvres.  (1^)  Gomme  les  cieux,  que  leurs  fonda- 
lions  soient  solides!  (20)  Moi,  Nabii-nâid,  roi  de  Babylone, 
(21)  qui  crains  votre  divinité  grande,  (22)  d'une  surabon- 
dance   (de     vie)    puissé-je   me    rassasier!     De    Bêl-sar-imir 


12  JANVIER-MARS    1922. 

si-it  Iih-ht-iit  iu-ii-Lu  âmè""^-su  (tî/i)  ai  /r-sa-'a  Iji-ti-li 
(2  5)  sa  eh  """' a-su-nul-tiim  sa         A-ga-de-hl. 

(2 G)  E-iil-mas  su  Sippa)-'"  ''" A-nu-ni-tuni  (2 'y)  sa  ''"Shi  sar 
ilàni'""  eli ail  u  hîti  sa-a-sii  (28)  is-bu-su  u-sad-ham-ma  "''"  Sin- 
ahr-en'ha  sar  "'"'"  Assur  (^-2^)  """^''^  tiahru  za-ma-nu-u  alu  u  Intu 
èa-a-su  u-sa-hk  kar-mu-tu  Ç00)  i-na-an-na  la-a-ti  "''" Nahû-nâid 
,sV/r  Bàlnli'"  (3i)  za-mn  E-sag-il  u  E-zi-da  (32)  ma  pale-e-a 
ki-nim  sa  ''"Sinu  ''"  Samas  i-ram-mu-us  (33)  ''"A-mi-ni-tum  hêltu 
rabîtum"""  hêlti-ia  a-si-hat  E-ul-mas  (3^)  i-na  hi-hit  ''"  Sin  iiar 
ûâni"'"  abi  a-li-di-su  (35)  a-na  ah  u  bïli  su-a-tum^"^  tar-su-u 
sa-li-nin  (36)  ina  sittt  i-na  sat  mu-si  a-na  e-pt s  E-ul-mas  (S'y) 
iu-sap-ra-an-ni  su-ut-ti  ih-di  hb-bi  (38)  mi-mi-ru  zi-mu-u-a  ^''^ 
n-sad-ham-ma      (3^)   «'««'« .sa/,^-""   ma-du-tum  te-me-en   E-nl-mns 

("^   A.  III.   16  :  su-a-ti.  —  (''J   A,  III,   18  :  im-mi  zi-tnu-u. 


mon    fils    aîné,      (2  3)    rejeton   de   mon    cœur,   allonge   les 
jours!  (2/1)       Qu'il     ne     commette     pas     de     péché! 

(26)  Ce  qui  (est)  sur  la  stèle  à'Agade. 

(2  G)  VEuhnas  de  Sippar  à'Anunit,  (27)  ville  et  templ<> 
contre  qui  Sin  (28)  était  irrité  et  avait  lancé  Sin-ahê-eriba ,  roi 
d'Assyrie,  (29)  l'ennemi  méchant  de  cette  ville  et  de  ce 
temple  avait  fait  un  tas  de  ruines.  (3o)  En  ce  temps-là,  moi, 
Nabû-nâid,  roi  de  Babylone,  (3i)  qui  prends  soin  de  VEsngil 
et  de  VEzida,  (32)  pendant  mon  règne  légitime,  qu'aiment 
Sin  et  Samas,  —  (33)  Animit,  dame  grande,  ma  dame,  cjui 
habite  l'Aî/Zwas,  (3/i)  par  l'ordre  deiSm^,  roi  des  dieux,  le  père 
qui  Ta  engendrée,  (35)  de  cette  ville  et  de  ce  temple  prit  pitié. 
—  (36)  dans  mon  sommeil,  au  milieu  de  la  nuit,  ellemc  manda 
en  songe  de  (re)faire  (3 7)  VEulmas.  Mon  cœur  se  réjouit,  (38) 
ma  face  s'illumina;  je  levai  (3  9)  des  hommes  en  grand  nombre, 


ÉTUDES  ASSYRIENNES.  13 

su-a-tt    (ko)  ah-tu-id-ma  sal-mu  si-tir  sumi  sa  "  Sa-ga-rak-li-sur- 

ia-as^"^     {h  i)  sor  Bàhili^'  sarru  mah-ri  ma  h-it-ta-tumS^^  su-a-ti 

{li:i)  a-inur-ma  hi-i  an-ua-a     (/i3)  iiui  eh  ml-mu  si-tir  sitnu-su 

sa-tir^''^    [kli)  uni-ma  "  ^a-ga-rak-ti-sur-ia-as  rê'u  ki-num  (/i5) 

rubà  na-a-du  mi-gir  ''""Samas  u  ''"A-nu-ni-tum  a-na-ku    (/i6)  i-nu 

''"  Samas  u  ''"A-nu-ni-tum  a-na  be-lu-ut  ma-a-ti^''-^  {h'])  m-uni  im- 

bu-u  slr-rit^'^  ka-la  nisê"*"^  kâtu-u-a"^    (^liS)  us-7nn-al-lu-u  i-nu- 

su  E-bar-ra    (^19)  bit  ''"Samas  sa  Sippar""  bêli-ia  u  E-ul-nins 

(5o)  bit  ''"A-nu-ni-tum  saSippar'"  ''"  A-nu-ni-tum  bêlti-ia    (5i) 

sa  is-tu^^^  Za-bu-um  ina  la-bar  ^''^  ému""'  i-ga-ru-su-nu    (62)  i-ku- 

up-ma  i-ga-ri-su-nu'^'^  ak-kur^J^     (53)  us-si-su-7iu'^'''  e-ip-tii'^'^  e-pi- 

ri-su-nu  as-suh^"'^      (5  A)    parakki-su-nu  as-sur  u-su-ra-li-su-nu 

u-sal-lim   (55)  us-mal-luS"^  us-si-su-nu  e-pi-ri^"^  ki-di  u-tir'^'''  (56) 

(  ")  A .  III ,  -J  o  :  Sa-ga-rak-li-ia-ai.  —  ''')  A ,  III ,  2 1  :  hi-it-ta-a-ti.  —  '*"'  A  ,  111 , 
a 2  :  sa-li-u:  —  C*)  A ,  III ,  a 5  :  mâti.  —  O  A ,  III ,  26  :  si-ri-ti.  —  t-^)  A ,  III ,  26  : 
ka-lu-u-a.  —  '"'  A,  III,  99  -.nl-tu.  —  ''')  A,  III,  3o  :  i-na  la-ba-ru.  —  (')  B,  V, 
3  :  i-ga-ru-su-HK.  —  (■'*  A,  III,  3i  etB,  V,  3  :  ak-ku-ur.  —  '-'">  B,  V,  3  :  us- 
èu-nu.  —  (')  A,  m,  3i  et  B,  II,  i  :  e-ip-ti.  —  ('")  B,  V,  k  :  ag-su-[uh].  — 
(")  A,  III,  33  :  us-ma-al-lu;  B,  V,  6  :  us-ma-al-li.  —  W  A,  III,  3li  et  B,  V, 
7  :  e-pi-ir.  —  C^  A,  III,  34  et  B,  V,  7  :  u-te-ir. 

le  terrien  de  cet  Eulmas  (/lo)  je  creusai  et  une  statue  au  nom  de 
Sagaraktisurias,  [hi)  roi  de Babylone ,  roi  antérieur,  dans  cette 
tranchée  (4q)  je  vis,  et  ce  qui  suit  (a3)  sur  la  statue  à 
son  nom  était  écrit  :  (6 A)  k Sagaraktisurias ,  berger  fidèle, 
(/i5)  prince  auguste,  docile  à  Samas  et  à  Aminit,  je  suis.  (A 6) 
Lorsque  Samas  et  Aniinit  pour  le  gouvernement  du  pays  (/iy) 
prononcèrent  mon  nom  et  les  rênes  de  tous  les  peuples  remi- 
rent en  mes  mains,  f/iS)  en  ce  temps-là  XEbara,  (/ly)  temple 
de  Samas  de  Sippar,  mon  seigneur,  et  Y  Eulmas,  (5  o)  temple 
d'Anunit  de  Sippar  (YAnunit,  ma  dame,  (5i)  dont  depuis 
Zabum,  au  cours  des  âges,  les  murs  (5 a)  s'étaient  écroulés, 
leurs  murs  je  démolis,  (53)  leurs  fondations  je  dégageai,  la 
terre  je  déblayai ,  (5  h)  leur  sanctuaire  je  préservai ,  leur  plan  je 
respectai,     (55)  je  remplis  leurs  fondations,  de  la  terre  de 


U  JANVIÊR-MARS   1922. 

i-ga-vi-m-nu  n-na  as-ri-sii-fm^"^  u-nam-mir  (5 7)  si-kit-ta-èu-nu'^^^ 
e-li"'  jj/i-)ii  ii-sa-tir  (58)  n-na  sn-at-ti^''-^  ''"  Samm  u  ''"  A-nu-ni- 
titm  n-iui  ip-se-ti-ia  (5())  su-kii-ra-a-ti^''  hb-ba-liu-nu^-^^  li-ih-du- 
mn  li-ri-hu  ûmê'"^^-ia  (Go)  li-id-dt-su  halâta  ûmu"'"''^^  ri-sa-a- 
fu^*'  arhê  ta-si-la-a-ti  (Gi)  sanâte'"""  hegalli  a-na  si-rik-ti'^'^  lis- 
vN-lii-mi  (6q)  f/?-/«'''  hit-ti  mi-sa-1'i  tas-ma-a  u  sa-li-mu^^^  (63) 
li-èah-ki-ma  ma-U-ma  an-na-a  si-ti7'  èumi  sa  '^^  Sa-ga-rak-ti-èur- 
ia-as  (G/i)  sar  Bâbdi'"  sarru  mah-r/  sa  E-id-mas  sa  Sippar'" 
(65)  ''"  A-nu-ni-tum  i-pu-su  te-me-en-m  la-hi-ri  ap-pa-lîs-ma 
(()G)  uhâmi  la  a-st-e  uhânu  la  e-n-hi  eJi^^^  te-me-en-na  la-bi-ri 
(G  y)  us-sn-sii  ad-di-nia  ii-kin  Iibnat''^-sii^"'^  E-ul-mas  èi-pir-su 
u-sak-ld-ma  (G8)  ki-ma  ûmu""'  u-nam-mir-ma  a-na  ''"A-nu-ni-tum 

(")  A,  III.  .3^  et  B,  V,  8  :  as-ri-su-un.  —  C")  A,  III,  35  :  «m.  —  (')  A,  Ul, 
.'îf)  :  eli-m;  B,  V,  10  :  e-li  sa.  —  ''')  B,  V,  lo  :  sa-at-tu.  —  C  A,  III,  87  : 
daui-ka-a-li.  —  ''^^  A.  III,  87  :  lib-ba-èu-im ;  B,  V,  13  :  lib-bi-ku-\nH].  — 
(»'  A,  III,  38  :  caret.  —  "''  B,  V,  lû  :  ri-ha-a-ti.  —  '''  A,  IIL  89  :  èi-rik-lii. 
—  (•'■)  A,  III,  Ao  et  B,  V,  16  :  di-i-ni.  —  (')  A,  III,  io  :  ga-du-mu.  —  0  A, 
III,  45  :  M.  —  f"')  A,  III,  46  :  li-ib-na-[at]-su. 


campagne  (?)  je  rapportai,  (56)  leurs  murs  en  leur  place  je  lis 
resplendir,  (S'y)  leur  construction  je  la  fis  plus  importante 
cju'aup;iravant.  (58)  A  jamais  puissent  Samas  et  Annn/I  (5 y) 
se  réjouir  en  leur  cœur  de  mes  travaux  magnifiques  et  allonger 
mes  jours!  (Go)  Qu'ils  renouvellent  ma  vie!  des  jours  d'allé- 
gresse, des  mois  de  jubilation,  (Gi)  des  années  d'abondance 
en  don  qu'ils  me  donnent!  (6 a)  des  jugements  d'équité  et  de 
droit,  la  discipline  et  la  paix  (G 3)  puissent-ils  faire  régner  à 
jamais! 57  Telle  était  l'inscription  au  nom  de  SagarakUsunas, 
(GZi)  roi  de  Babylone,  roi  antérieur,  qui  ÏEulmas  de  Sippar 
(65)  dWnunit  construisit.  Son  ancien  temen  je  vis  et,  (6 G)  sans 
dépasser  d'un  doigt  ni  rentrer  d'un  doigt,  sur  le  vieux  tenim 
(67)  ses  fondations  je  jetai  et  j'établis  son  soubassement. 
VEulmas,  sa  construction  j'achevai  et  (68)  comme  le  jour  je 


ÉTUDES  ASSYRIENNES.  15 

bêlti  rabîti''  bêlti'"  (69)  a-na  balai  7iapsâte"'''-ia  sa-kap  '""^'"  nakri- 
ia  lu-u  e-pu-us  (70)  ''''A-nu-n/-tumhêltiirabîtu'''^''h'na''''^  ma-har''''^ 
•'"«Sm  ahi  a-U-di-ka  {j  \)  danikâte"'''  E-sag-il  E-zi-da  E-gls-s/r- 
gal  E-bar-ra  E-an-na  (79)  E-ul-mas  su-bat  ilu-ti-ku-nu  ('''  rabîli '"** 
lis-sa-liin  sap-tuk-ka  ki-ma  samê"  (78)  isdâ"'^^-su-nu^'^  h-kun-nu 
u  pu-Juh-ti  ''"Sin  bel  ilânt  '"'"  ina  sa-nia-nm  (7/1)  lib-bi  tiiiê  "'"'-su 
su-ué-ki-iia-a-ma  ai  ir-sa-a  h-ti-ti  isdâ'""'-sii-nu^-^^  (76)  h-ku- 
mi^^''  la-a-ti  " ''" Nabû-nâid  sar  Bâb/li'"  pa-lih  du-u-ti-ku-uu  ^''^ 
rabîtti'"^'^  (76]  la-li-e  balâtî  lu-us-bi  u  sa  "''"  Bêl-sar-usur  mâru 
res-lu-u  (77)  si-it  lib-bi-ia  su-ri-ku  ûmê  "^'^-su  ai  ir-sa-a  hi-tt-ti 
(78)     sa     eli     "'""' a-su-)nit-tum      sa     Sip-par      An-nu-ni-tum. 

C)  A,  III,  49  :  ra-bi-ti.  —  C)  A ,  III,  5o  :  i-na.  —  ('>  A,  III,  5o  :  idi.  — 
C)  A,  III,  53  :  ilu-u-ti-ka.  —  C)  A,  III,  53  :  ii-da-su-nu.  —  (■'")  A,  III,  56  : 
is-da-ki-nu.  —  C'  A,  III,  50  :  li-hw-mi.  —  (''>  A,  III,  58  :  [ilûti]-ka.  — 
(')  A,  III,  58  :  rabiti". 

le  fis  resplendir  et  à  inuinl .  dame  grande,  ma  dame,  (fic)) 
pour  le  salut  de  mon  âme,  l'écrasement  de  mes  ennemis,  je  le 
construisis. 

(70)  Anumt,  dame  grande,  devant  iSV>/^  le  père  qui  t'a  engen- 
drée, (71]  que  les  embellissements  de  VEsagd,  de  VEzida,  de 
XEgmirgal,  de  VEbara,  de  VEana,  de  ÏEulmas,  (79)  demeure 
de  votre  divinité  grande,  soient  sur  tes  lèvres  !  Comme  les  cieux 
(78)  que  leurs  fondations  soient  solides!  Et  la  crainte  de  Sin, 
seigneur  des  dieqx  dans  les  cieux,  (7/1)  au  cœur  de  ses  peuples 
établis-la  et  qu'ils  ne  commettent  pas  de  pécbé  !  Que  leurs 
bases  (76)  soient  solides!  Moi,  Nabû-nâid,  roi  de  Baby- 
lone,  qui  crains  votre  divinité  grande,  (76)  d'une  surabon- 
dance de  vie  puissé-je  me  rassasier!  Kt  de  Uèl-snv-asur. 
mon  fds  aîné,  (77)  rejeton  de  mon  cœur,  allonge 
les      jours  !         Qu'il      ne      commette      pas      de      péché  ! 

(78)  Ce  qui  (est)  sur  la  stèle  de  Sippar  d'Aminil. 


Ifi  JANVIER-MAns   1922. 

(79)  e-irir-lu  ''"Siii  hcl  ilàni  ""''  u  ''"is-tar  (80)  sa''"^  samê'  u 
irsitwi'""  sa  ina  cli  ''^""  a-su-mi-ni-e-tu'^''^  (81)  sa'^"'' ga-la-la  tiè-tu- 
ru-ma  ''''  a-na  sa-me-e  m  '"'  nisê  '""  ar-kt-tum  ^^\ 

("'  A,  III,  6;<  :  a-si-bu-ul.  —  (''5  B,  VI.  9  :  a-si(-mi-)n-lum.  —  C^)  A,  III, 
6/i  :  caret.  —  C)  B,  VI,  3  :  as-tu-ru.  —  ''  B,  VI.  '1  :  «'"él»  mié.  —  (^)  A, 
m,  65etB,  VI,  -'1  :ar-ku-tL 

(79)  Message  à  Sin,  seigneur  des  dieux  et  des  déesses  (80) 
des  cieux  et  de  la  terre,  que  sur  des  stèles  (81)  tournantes  (?) 
j'ai  écrit,  pour  que  l'entendent  les  peuples  futurs. 

REMARQUES. 

La  composition  de  ce  texte  est  fort  différente  de  celle  que 
présentent  généralement  les  inscriptions  du  second  empire 
babylonien.  Pour  perpétuer  le  souvenir  de  leurs  travaux,  les 
rois  de  Babvlone  ont  rédigé  des  textes  de  deux  types  bien  dis- 
tincts, le  type  simple  et  le  type  récapitulatif.  Dans  le  type 
simple,  il  est  fait  mention  d'un  seul  travail;  dans  le  type  réca- 
pitulatif, le  roi  rappelle  ses  travaux  antérieurs ,  avant  de  décrire 
celui  à  propos  duquel  l'inscription  a  été  rédigée.  Dans  tous  les 
cas.  le  récit  des  travaux  est  comme  encadré  entre  un  préam- 
bule qui  énumèrc  les  titres  du  roi  et  les  dieux  pour  lesquels  il 
a  une  dévotion  spéciale,  et  une  prière  qui  constitue  une  espèce' 
de  péroraison.  Dans  la  partie  récapitulative,  le  roi  ne  se  fait 
pas  faute  d'emprunter  littéralement  aux  inscriptions  du  type 
simple  le  récit  de  tel  ou  tel  travail  '^,  mais  le  tout  est  fondu 
dans  une  composition  où  les  joints  n'apparaissent  pas  trop 
jcrûment.  Ici  au  contraire  nous  trouvons,  simplement  juxta- 
posés, des  extraits  de  quatre  stèles  érigées  à  Sippar,  Lai-sa , 
Agadé  et  Sippar  lYAiiuml.  Tout  préambule  fait  défaut  :  on  n'a 
pas  reproduit  celui  qui  devait  se  trouver  sur  chacune  des  stèles 

'•'   Cf.  Languon,  BuildiHir  Inscriplioiis  of  ihe  Neo-Habyloniax  l'empire  [i^oh), 
ialroduclion. 


ÉTUDES  ASSYRIENNES.  \1 

et  on  n'en  a  pas  composé  un  nouveau  pour  servir  d'introduction 
aux  extraits  qu'on  en  a  donnés.  Par  contre,  on  a  cité  la  prière 
finale  de  chaque  slèlo.  Nous  n'avons  donc  pas  affaire  à  une 
inscription  du  type  récapitulatif  rédigée  à  propos  des  travaux 
effectués  dans  VEuhnas  de  Sippnr  AWmmit,  les  derniers  nom- 
més, mais  à  une  compilation  destinée  à  célébrer  les  travaux 
les  plus  importants  de  Nabû-uàuJ.  Cela  expliquerait  pourquoi 
le  premier  exemplaire  connu,  A,  a  été  trouvé  à  Mukayyar,  site 
de  l'antique  ville  d'f/r,  bien  qu'aucun  des  travaux  commémorés 
n'y  ait  été  entrepris. 

Col.  1,7:  i-n(i  samti'"^'  m.  Dans  l'inscription  publiée  VR. 
6/i,  col.  II,  5  i,  Nabû-nâid  dit  qu'il  s'est  écoulé  quarante-cinq 
ans  entre  la  restauration  de  Nabâ-kudurri-usur  et  la  sienne. 
Les  chiffres  qu'il  donne  sont  souvent  contradictoires  et  il  n'y  a 
décidément  pas  lieu  de  s'en  servir  pour  bâtir  une  chronologie. 

16.  ['■"  erint],  restitué  d'après  col.  II,  1 1  et  III,  7. 

17.  [a-na  su-lu]-li-m,  restitué  d'après  col.  II,  la  et 
III,  8. 

18.  [(klâte""'  '>],  restitué  d'après  col.  II,  12  et  III,  8. 

19.  [ta-a-bij,  restitué  d'après  col.  11,  i3  et  III,  9. 

28.    ilu-u-ti-su-mi  doit  être  corrigé  :  ilu-u-ti-ku-na;  d.  1.  3(i. 

3/1.  La  lacune  qui  commence  I.  20,  dans  les  textes  B  ot  G 
combinés,  est  comblée  par  12  lignes  du  texte  A;  la  ligne  34 
devrait  donc  être  numérotée  32.  Pour  simplifier,  j'ai  gardé  la 
numérotation  de  King. 

i)h.  inn  èatti  .r'""".  Si  le  chiffre  est  exact,  ce  renseignement 
permettrait  de  dater  l'inscription  relative  aux  travaux  de  ÏEbara 
de  Larsa  publiée  par  Bezold,  FSB  A,  XI  (1899),  P^*  ^^^'^' 
Nabà-nàul,  étant  monté  sur  le  trône  en  555,  aurait  restauré 
le  temple  de  Larsa  en  hhk. 

Col.  II,  2.  VII  c  kinâli  ""'.  Weidner  (^Die Kônige  von  Assyrien, 
p.  5  2-6  3  )  place  Hammurapi  en  1955-1913,  Burnaburias  I  en 


JS  JANVIER-MARS   1922. 

1  ô.'î-y-i  bti  1  oi  liumahurins  H  en  i  385-1  SG  i .  De  toute  façon  , 
le  chiftre  donné  par  i^nbù-ndul  serait  trop  élevé. 

5.  kir-ba-m  ap-pa-lis-ma  répète  le  ki-rtb-èu  np-pn-hs-nm  de 
la  ligne  3,  soit  par  une  distraction  du  scribe,  soit  en  raison 
de  la  parenthèse  cpii  coupe  le  récit. 

.53.  bivi  nbrvma.  11  ne  peut  pas  être  (pjcstion  d'un  songe 
ou  d'une  vision,  car  Samas  et  Adad  répondent  {^i-pu-lu-u-in-niy 
lis  ont  donc  été  consultés  et  c'est  par  les  entrailles  des  victimes 
qu'ils  manifestent  leur  volonté.  Cf.  M.  Jastrow,  Die  Religion 
ihibijloniens  und  Assyriens,  II  (iqia),  p.  i()/i  et  suiv.;  Zim- 
mern,  BKBR,  n°'  yo-ioi,  et  particulièrement  n"'  86-86. 

56.  sêr  dtimki iskun.  On  attendrait  iskunu.  Le  texte, 

sûrement  fautif  dans  A,  paraît  l'être  aussi  dans  C. 

Col.  III,  9  1.  la-H-e,  suppléer  balâtu,  qui  ne  manque  jamais 
dans  cette  formule.  Cf.  I,  3^  ;  II,  2 4;  III.  76. 

36.  tua  *^I-<^  (Zt^  ....  lusnprnnm  su-ut-ti.  Cette  phrase 
montre  que  *-]-^  ^^^  doit  avoir  une  valeur  autre  que  sutlu 
(Br.  9o35).  Sillu  me  paraît  la  plus  vraisemblable. 

5  1 .  Za-bu-um.  La  copie  de  King  porte  A-bu-um,  erreur  évi- 
dente. 

55.  ki-di,  campagne.  Thureau-Dangin,  Hilp.  Ann.  Vol., 
162^  Mais  cf.  MVAG,  XIV,  273,  6. 

80-81.  "'""' a-su-im-m-e-tu  m  ga-la-la,  stèles  tournantes  (?). 
La  racine  '?'73  signifie  «  rouler  jj.  On  pourrait  aussi  penser  aux 
barillets,  que  l'on  peut  faire  «  rouler  w,  et  sur  lesquels  en  efllèt 
nous  sont  parvenus  deux  exemplaires  de  ce  texte.  En  ce  cas, 
le  dé  ter  mi  natif  "'"'",  pierre,  ne  serait  pas  tout  à  fait  exact. 

XXII 

A-NA  KURUMMATE  BU-NA  IL-TAK-NV. 

(cr,xv,  49, 1, 11.) 

Ce  passage  de  la  légende  à'Ea  et  Atrahasis  doit  être  diflicile 
à  lire  sur  l'original  et  l<'  (léj)ul  de  la  ligne  prescjue  effacé.  Zim- 


ÉTUDES   ASSYRIENNES.  19 

mern,  transcrivant  une  copie  imparfaite,  a  lu  [  j-sa-te  bu- 

na  il-tak-nu  [ZA,  XIV,  2  83,  il)  et  traduit  k[ ]  ,  ,  .  den 

Sohn  setzt  man  ibn^i  (^ibid.,  p.  288).  Jensen,  travailiant  sur 
la  même  copie,  a  lu  [an(i.]'^-sa-tl  b[p)u-na  ll-tnk-nu  et  traduit 
«leg(t)en  sie  das  Kind  [zum.] .  .  hinw  [KB,  VI,  2 7 6-2 7 7,  36). 
La  copie  plus  complète  donnée  par  King,  CT,  XV,  /iy,  porte  : 

ïï  -n  <w  ^T  ^-  ^  rjiTT  ^f  •/ 

Dhorme  a  lu  :  a-na pat-te  bu-na  il-tak-nu  et  traduit  «aussitôt 
on  met  l'enfant 77  i^Oioix  de  textes  religieux,  128-120,  36). 
Ungnad,  plus  récemment,  traduit  :  fç  [Zur  Zehrung  (?)]  bereiten 
[sie  das  Kind]w  (^  Al  (orient  alische  Texte  und  Bilder,  620,  36), 
qui  me  paraît  rendre  exactement  le  sens.  Mais  sa  réserve,  mar- 
quée par  un  ?  et  des  [  j,  me  fait  douter  qu'il  ait  trouvé  la 
vraie  lecture.  Il  faut  évidemment  lire  : 

a-na  kuruinmaté"  bu-na  il-tak-nu 

qui  donne  un  parallélisme  remarquable  avec  la  ligne  précé- 
dente : 

6  sattu  i-na  ka-sa-di  il-tak-nu  a-na  nap-t[a-ni  inarta] 

L'ensemble  signifie  :  «Quand  on  arrive  à  la  sixième  année, 
on  se  fait  de  la  fille  un  aliment,  on  se  fait  du  fils  une  nourri- 
ture. V  C'est  la  description  classique  de  la  famine.  Cf.  Annajes 
àAsur-ban-aplu ,  IV,  hh-kb  :  a-na  bu-ri-su-nu  sêrê"*^^  mâi^ê'""^- 
m-nu  mârâte'""^-su-nu  e-ku-lu  ce  Pour  parer  à  leur  faim,  ils  man- 
gèrent la  chair  de  leurs  fils  et  de  leurs  filles»  et  Ann.,  IX,  69; 
cyl.  B,  VIII,  19.  —  Quatre  lignes  plus  baut,  le  texte  dit  :  «La 
mère  à  la  fille  n'ouvre  pas  la  porte.  »  Comparer  dans  mes  Pré" 
sages  assyriens  tirés  des  naissances,  6  ,  /i/i  :  ummu  eli  inartisa  bâbèa 
etedil  «la  mère  à  sa  fille  fermera  sa  porte 71;  et  CT,  XIII,  àq, 
col.  II,  i5  :  ummu  eh  marlisa  baba  iddil  «la  mère  à  sa  fille 
fermera  la  porte w.  Ce  trait  ne  marque  pas  «la  consternation 
de  la  mère  et  de  la  fille  77  (Dborme),  mais  la  défiance  de  la  mère 
qui  craint  que  sa  fille  ne  lui  dérobe  ses  maigres  provisions. 


20  JANVlEft-AfARS   lOJl 

XXIII 

SALMÛTI  LIPSÛ  UGÂRÊ. 

(cr,  XV,  49,  m,  ^7.) 

Zimraern  (Zi,  XIV,  286 ) ,  Jensen  (KB,  VI,  38/1  )  et  Dhorme 
(Choix  de  texlcs  religieux,  i36)  ont  lu  mumti  lipm  ugârê,  et 
traduit  en  conséquence  :  c^die  Nachte  niôgen  .  .  .  das  Gefild??; 
—  r^(//i)  de?i  Niichtew  mogen  die  Fluren  weiss  werdenln  — 
«Que,  durant  les  nuits,  les  campagnes  blanchissent  !  a  Ungnad 
a  traduit  :  «Nachts  soU  das  Gefilde  weiss  werden  !  ?:•  [Alt- 
orientalische  Texte  und  Bilder,  64),  qui  suppose  la  même  lec- 
ture. Seul  Zimmern  a  fait  remarquer  qu'une  lecture  salmâti 
était  également  possible.  Elle  me  paraît  bien  préférable  à  la 
lecture  mumti  uniformément  adoptée.  Musâti ,  sans  préposi- 
tion et  au  pluriel,  est  étonnant  :  on  attendrait  plutôt  ina  7nûsi. 
Ce  n'est  pas  pendant  la  nuit  que  les  campagnes  babyloniennes 
blanchissent;  c'est  pendant  le  jour,  sous  l'action  du  soleil,  qui 
les  dessèche  et  fait  affleurer  le  salpêtre  contenu  dans  le  sol. 
Et  il  importe  peu,  d'ailleurs,  que  le  fait  se  produise  la  nuit 
ou  le  jour.  Ce  qu'il  était  intéressant  de  marquer,  c'est  le  con- 
traste entre  une  terre  fertile,  noire  quand  elle  est  bien  arrosée, 
et' une  terre  que  la  sécheresse  rend  stérile  et  blanche.  C'est 
pourquoi  je  préfère  la  lecture  salmûti  et  la  traduction  :  «Que 
les  campagnes  noires  blanchissent,  que  la  vaste  plaine  enfante 
du  sel!»  La  construction,  un  peu  exceptionnelle,  qui  sépare 
l'adjeclif  du  substantif  a  pour  effet,  et  probablement  pour  but, 
d'accenlui.'r  l'antithèse  mlmûii  lipsû. 

XXIV 

SAMMU  lA  USA  SU'U  lA  IMRU. 

(CT,  XV,  ûy,III,   69.) 

(îe  texte  a  été  lu  par  Zimmern  :  sam-mu  ta  u-sa-a  su-u  m 


KTUDES   ASSYRIKNNES.  21 

i-'-m  [ZA ,  XIV,  986)  et  traduit  «so  dass  Kraut  nicht  eritstehe, 
Getreide  (?)  nicht  hervorkomme^^  (^ibid.,  p.  291).  Jensen  a 
adopté  cette  lecture  et  traduit  :  «(Grûnes)  Kraut  moge  nicht 
hervorkommen,  Korn  nicht  .  .  .  .en^^  {KB,  VI,  28/Î-285). 
La  copie  de  King,  pubhée  depuis,  porte  : 

sam-mu  ta  u-sa-a  su-u  ta  i-im-ru 

Dhorme,  corrigeant  cette  copie,  continue  à  lire  su-u  ia  {--ru 
et  traduit:  «Que  la  plante  ne  sorte  pas,  qu'elle  ne  germe  pas.?? 
(  Choix  de  textes  religieux ,  1 3  6- 1 3  7 .  )  Ungnad  traduit  :  «  Kraut 
soll  nicht  aufgehen ,  Getreide  nicht  kommen  (?)  !  ri  Toutes  ces 
traductions  me  paraissent  peu  satisfaisantes,  ^u-ii  ne  peut 
guère  signifier  «Getreide»  ni  «Korn«,  qui  se  disent  sc-um, 
se-im,  se-am,  se-e.  Je  ne  connais  pas  un  seul  exemple  de  gra- 
phie su-u.  Il  est  bien  possible  que  ""su-u  désigne  une  espèce 
de  froment,  comme  l'affirme  Hrozny  (^Das  Getreide  ini  alten 
Babylonien,  p.  87-88).  Mais  notre  texte  porte  su-u  et  non 
'^su-u.  Il  n'est  guère  plus  vraisemblable  que  su-u  soit,  comme 
Dhorme  l'admet  implicitement,  le  pronom  indépendant  de  la 
troisième  persoime  :  nous  aurions  là  un  emploi  du  pronom  tout 
à  fait  contraire  au  génie  de  la  langue  accadienne.  Si  le  scribe 
avait  voulu  exprimer  la  pensée  que  lui  prête  Dhorme,  il  eût 
dit  simplement  sanmiu  ia  um  ia  iru^  Je  crois  donc  qu'il  faut 
voir  dans  su-u  le  mot  suu,  hébr.  n'ù?  «mouton  15  et  dans  i-im-ru 
le  prétérit  de  marû  «être  gras»;  cf.  su--e  ma-ru-li  «moutons 
gras»  (Muss-Arnolt,  995  b).  Et  je  traduirais  :  «Que  l'herbe 
ne  pousse  pas!  Que  les  moutons  n'engraissent  pas!»  La  gra- 
phie i-im-ru,  pour  im-ru,  est  bien  un  peu  bizarre,  mais  on 
en  trouverait  d'autres  exemples,  et  elle  ne  constitue  pas  une 
difficulté  sérieuse.  Une  nouvelle  collation  montrerait  probable- 
ment qu'à  la  ligne  69  il  faut  lire  sii-n  ul  ^*^-ru,  au  lieu  de 


22  JANVIER-MARS   1922. 

■^»^»^-rM,  ieçon  de  King.  Mais  la  forme  i'-rii  elle-même  pour- 
rail  se  rattacher  à  la  racine  mâru. 


XXV 

SUBSI  SIKIN  BALÂTI  AMÊLUM  LIBSI. 
(CT,  VI,  5%  II.) 

Le  texte  Bu.  91-5-9,  269,  d'une  lecture  particulièrement 
difficile  en  raison  du  mauvais  état  de  la  tablette,  a  été  copié 
successivement  par  Pinches(Cr,  VI,  5^)  et  par  Langdon  (^Uni- 
versitij  of  Pennsykania ,  the  Universilij  Muséum,  publications  of  the 
Bahylonian  section,  X^  [191  5],  pi.  III-IV).  Dans  l'intervalle, 
Zimmern  a  donné  la  transcription  de  quelques  lignes  de  la 
copie  de  Pinches  [ZA,  XIV,  981).  Langdon  a  joint  à  sa  copie 
une  transcription  et  une  traduction  des  lignes  /i  à  9  5  de  la 
deuxième  colonne  du  texte  [loc.  cit.:,  p-  aB-aG).  A  la  ligne  /r, 
il  a  lu  : 

kât  si-ktn  balàti  a-we-lum  U-is-si 

et  traduit  : 

A  form  of  a  créature  of  life  may  man  bear, 

kât  étant  selon  lui  l'état  construit  de  knttu ,  pour  kantii.  Je  crois 
qu'il  nV  a  pas  lieu  d'accorder  l'hospitalité  du  dictionnaire  à  ce 
nouveau  venu.  La  copie  de  Pinches  porte  : 

M  ï^(^>  <!-  --]<W^  -<H')  ïï  *!-  t^-  ^T  IrU^^')  <h 

celle  de  Langdon  : 

^  ^  <!-  -T<!^  -<!<  ]}  ^h  t^  ^!  ::^TT  <h 

Il  me  paraît  que  la  leçon  de  Pinches  doit  être  préférée  et 
qu'il  faut  lire  : 

su-ub-si  .sikin  baldti  a-we-lum  li-ih-si 
fais  une  créature  de  vie;  que  l'homme  soit! 


ETUDES   ASSYRIENNES.  23 

Le  signe  que  Langdon  a  transcrit  kin  est  sûrement  *-]<^^ 
sakânu  (Br.  2  2  53)  et  non  I^.  A  la  fin  de  la  ligne,  le  signe 
l^  est  d'autant  plus  douteux  que  Pinches  lui-même  a  lu  ^IJ 
à  la  ligne  i  i,  qui  répète  la  ligne  à.  Les  deux  signes  peuvent 
être  ditliciles  à  distinguer  dans  l'écriture  de  la  tablette.  Mais 
le  sens  me  paraît  imposer  la  leçon  IdfJ . 

XXVÏ 

LE  NOM  DE  LA  MÈRE  DE  GILGAMES. 

Le  nom  de  la  mère  de  Gilgamcs  a  été  lu  de  manières  très 
différentes  :  Rrmdt-Bêllt  (Jensen  et  Dhorme),  Risâl-Ninlil  (Un- 
gnad),  Ninsun  (Poebel,  OLZ,  XVII,  /i-6).  Ces  profondes 
divergences  ne  proviennent  pas  seulement  de  la  polyphonie 
des  cunéiformes,  mais  surtout  du  mauvais  état  du  texte  :  dans 
l'édition  de  liaupt,  le  nom  ne  se  trouvait  pas  une  seule  fois 
complet,  mais  toujours  mutilé ,  soit  dans  la  première,  soit  dans 
la  seconde  partie  : 

lit  mu-da-at  ka-la-ma  i-di  (  I ,  col.  6,29) 

sinniitu  ri--^  ''"Nin (II  [Jeusen,  IV],  col.  3,  ig) 

''"Ntln-sun  mr-ra-ti  rahi-ti    (IV  |  Jensen,  III],  col.  1,  23) 

En  ce  dernier  passage,  une  mauvaise  restitution  :  \(ina  amnt 
''"Ni]n-Sun  «vers  la  servante  de  Ninsunv,  empêchait  d'ailleurs 
de  reconnaître  dans  Ninsun  la  mère  de  Gilgames.  Un  passage 
de  la  nouvelle  tablette  conservée  au  musée  de  l'Université  de 
Pennsylvanie  [UP,\^,  pi.  LXVIII,  28-3o)  a  permis  à  Poebel 
d'établir  que  le  vrai  nom  de  la  mère  de  Gilgames  est  Ninsun.  0.ï\ 
y  lit  en  efïet  :  mn~ma-ka  u-li-td-ka  ri-im-tum  sa  su-pu-ri  ''"Nin-'Sini- 
na  «elle  t'a  enfanté  ta  mère,  la  vache  des  remparts,  Ninsunan. 
Dans  la  tablette  II  de  la  recension  de  Londres,  il  faut  donc  lire 
"""'■''"' ri -mat  '^"  Nin-[sun.  .  .].    Pour  ce  qui  est  de  la  premièxe 


2^  JANVIER-MARS    1922. 

tablette,  M.  Poebel  a  dû  renoncer  à  raccorder  le  nom  de  Nhi- 
Sun  à  la  syllabe  ///  qui  se  présente  apri'S  la  cassure;  il  s'est 
borné  à  suspecter  l'exactitude  de  la  copie  de  Haupl.  La  solution 
de  la  dilficullé  est  fournie  par  le  fragment  de  Londres,  publié 
dans  le  Supplément  au  Catalogue  de  la  collection  de  Kuyunjih , 
par  king(p.  i  i-i  2).  On  lit  en  effet  dans  ce  fragment  : 

al-ka  ih-ri  ni-il-lik  a-na  E-gal-mah 
a-na  mah-ri  ''"Nin-sun  sar-rat  rabîù" 
''"  iS'in-suH-en-Hl  mu-da-ti  ka-la-ma  i-di 

Eh  bien,  ami,  allons  à  VEgahnah, 
Devant  Nin-sun ,  la  grande  reine , 
Ninsun-enlil,  qui  sait  toute  science. 

Le  nom  complet  de  la  mère  de  Gilgames  est  donc  Ninsun- 
enlil  et  la  première  tablette  de  la  recension  de  Londres  doit 
se  restituer  : 

\Nin-sun-en]-lil  mu-da-at  ka-la-ma  i-di 

Comment  expliquer  que  le  nom  se  présente  tantôt  sous  la 
forme  Nin-sun,  tantôt  sous  la  forme  Nin-sun-en-lil ,  et  quel  peut 
en  être  le  sens?  La  forme  Nin-sun  doit  avoir  à  elle  seule  un 
sens  complet,  que  précise  l'adjonction  du  mot  en-lil.  Or  je 
remarque  que  sun  signifie  rimtu  «  vache  sauvage  5)  (Meissner, 
SAI,  67  2  5).  Nin-sun  est  donc  et  la  déesse  vache  5?  et  elle  est  en 
effet  ainsi  qualifiée  dans  la  deuxième  tablette  de  Londres  et 
dans  celle  de  Philadelphie.  Si  le  mot  enlil  était  précédé  du  signe 
*-»^,  on  traduirait  sans  difficulté  :  et  la  vache  du  (dieu)  Enlilv. 
Le  déterminatif  *^'^  manquant,  il  vaut  mieux  chercher  une 
autre  explication.  Malheureusement  les  dictionnaires  ne  nous 
fournissent  aucun  équivalent  accadien  de  en-lil.  Le  passage  du 
texte  de  Philadelphie,  rimfum  sa  supuri,  peut  faire  supposer 
que  ces  mots  seraient  la  traduction  de  Ninsun-enlil.  Mais  cette 
hypothèse  restera  invérifiable  tant  que  nous  ne  serons  pas 
mieux  informés  sur  le  sens  du  mot  enlil. 


KTUDES  ASSYRIENNES.  25 


XXVII 


LUPUT  IJAMDATNL 
[Gillfames,  VI,  69.) 

Dans  le  récit  que  Gilganips  fait  à  Istar  de  ses  provocations 
amoureuses  et  de  ses  inconstances,  se  trouve  un  passage  que 
Dhorme  traduit  :  «Et  avance  ta  main  et  touche  notre  pu- 
deur. 55  i^Choix  de  textes  religieux,  p.  2^9,  69.)  Le  sens  me 
paraît  sûr,  et  je  m'étonne  que  Ungnad  n'ait  pas  suivi  Dhorme 
et,  imitant  la  réserve  de  Jensen,  ait  traduit  :  «auch  hob 
deine  Hand  hervor  und  beriihre  unsere ...  ».  Mais  peut-être 
convient-il  d'établir  ce  sens  par  d'autres  arguments  que  ceux 
de  Dhorme.  Celui-ci  lit  en  effet  har-da-at-ni  et  dit  en  note  : 
«Pour  hardalu,  Brûnnow  propose  dans  ses  Indices  le  sens  de 
«crainte?».  L'on  a,  en  effet,  l'hébreu  ninn  «effroi,  crainte». 
Mais  l'arabe  i»^  a  le  sens  tout  spécial  d'«étre  chaste,  pleine  de 
pudeur»,  en  parlant  de  la  vierge  ou  de  la  femme;  l'adjectif 
^-à.  se  dit  de  la  jeune  fdle  intacte.  La  signification  de  la  racine 
est  donc  la  crainte  virginale,  la  pudeur.  Notre  hardatu  matéria- 
Hse  le  concept  dans  «^l'objet  de  la  pudeur».  Hardalu  serait  donc 
une  manière  d'euphémisme  pour  ûru,  bisru  «pudendum  mu- 
liebre».  —  On  peut  arriver  à  ce  résultat  par  une  voie  beau- 
coup plus  simple.  Il  existe  en  effet  plusieurs  synonymes  de  ûru 
et  de  bisru,  parmi  lesquels  je  remarque  un  mot  ha-nn-du-ut-tu 
[CT,  XIV,  '6  a  11,  corrigeant  llK'i'j  e,  /19),  très  voisin  de 
hardatu.  La  simihtude  est  encore  plus  frappante  si,  au  lieu 
de  hardatm,  on  lit  ham-da-at-ni ,  ce  qui  est  aussi  légitime,  le 
signe  ^^  ayant  les  valeurs  har  et  ham.  D'autre  part  nous 
savons  que  m  se  change  assez  souvent  en  n  devant  d.  IJandutlu 
peut  donc  être  une  altération  de  hamduttu,  comme  mindidu  et 
endêku  sont  des  altérations   de  mimdidu  et  de  emdêku.  Nous 


26  JANVIER-MARS   1922. 

sommes  ainsi  ramenés  à  deux  formes  très  voisines,  hamduttu 
et  hamdatu ,  et  l'étymoiogie  proposée  avec  hésitation  par  Holma 
pour  handuttu  i^Dte  jSamen  der  Kôrperteile,  p.  i  02  ),  iCn ,  n"pn  , 
devient  assez  vraisemblable. 

XXVIII 

SIPKU,  REVÊTEMENT;  TAHBATU,  PAROI. 
(  Gilgameë ,  VI ,  189.) 

Les  cornes  du  taureau  monstrueux  lancé  par  Anu,  à  la, 
demande  à'istar^  contre  Gilgames  et  Engidu  {^Eahani^  sont  dé- 
crites en  trois  lignes  (VI,  i88-ic)o)  qui  ont  été  traduites 
incomplètement,  ou,  me  semble-t-il,  d'une  manière  inexacte.  Je 
crois  qu'en  tenant  compte  des  deux  lignes  suivantes,  on  doit 
rectifier  les  traductions  proposées  jusqu'à  ce  jour.  Le  texte  dit  : 

ku-bur  kar-ni-su  u-na--du  mârê  um-ma-ni 
.si-la-sa  manu  ta-a-an  "'""'uknî  si-pi-ik-si-im 
sin-nu  u-ha-ni-e  a-an  ta-ah-ba-tu-H-va 

Jensen  [KB ,  VI.  177)  a  traduit  : 

Den  Umfang  seiner  Horner  slaunen  die  Hand\verker(sohDe)  an  : 
Dreissig  Miaen  Lazurstein  (ist)  ilire  Masse, 
2  Fiuger  (ist)  ihre  .  .  . 

Dhorme  (  Choix  de  textes  religieux,  257): 

Les  artisans  vantent  la  longueur  de  ses  cornes, 
3o  mines  de  lapis-lazuli  leur  niasse  ['!), 
un  double  doigt  leur  profondeur. 

Ungnad  (Das  Gilgnmesch-Epos ,  35)  : 

Die  Dicke  seiner  Horner  loben  die  Meister; 

je  dreissig  Minen  Lapislazuli  war  ihre  Masse  (?), 

je  zwei  Finger  ihre  Schale  (?). 

avec  une  note  pour  la  troisième  ligne  :  «Gemeint  ist  wobl  die 
Dicke  der  Horn masse,  v 


ÉTUDES  ASSYRIENNES.  27 

Tahbatu  ne  peut  pas  désigner  la  «profondeur??  des  cornes, 
car,  dans  les  deux  lignes  qui  suivent,  il  est  dit  <^ue  Gilgames 
«  consacra  pour  l'onction  de  son  dieu  Lugal-handa  six  gur  d'huile , 
contenance  des  deux  cornes??.  Le  gur  valant  lao  litres  (Ungnad, 
Hammurahis  Gesetz,  III,  p.  968),  chaque  corne  aurait  contenu 
36o  litres;  une  profondeur  de  deux  doigts,  c'est-à-dire'" 
0  m.  oi3333  x  a,  soit  o  m.  026666,  eût  été  évidemment 
insuffisante.  Cette  mesure  ne  peut  convenir  qu'à  l'épaisseur 
des  parois.  —  Les  trente  mines  de  lapis-lazuli  ne  peuvent  pas  non 
plus  représenter  la  «masse??  (le  poids?)  des  cornes,  car  trente 
mines  à  0  kilogr.  5  ne  font  qu'un  poids  de  i5  kilogrammes, 
c'est-à-dire  7  kilogr.  5  pour  chaque  corne,  ce  qui  est  bien  peu 
pour  une  contenance  de  36o  litres.  D'ailleurs  l'expression 
«trente  mines  de  lapis-lazuli  est  leur  masse??  serait  bien  singu- 
lière. 11  me  semblerait  plus  naturel  de  traduire  :  «  Trente  mines 
(le  lapis  lazuli  forment  leur  revêtement;  l'épaisseur  de  leur  paroi 
est  de  deux  doigts.  ??  Mais  je  n'ai  aucune  étymologie  ni  aucun 
autre  texte  à  fournir  à  l'appui  de  cette  traduction. 

XXIX 

SUT  Anm  :  HOMMES  (?)  DE  PIERRE. 
{Gilgames,  X,  II,  39.) 

La  dixième  tablette  de  la  légende  de  Gilgames  expose  com- 
ment Sabhu  enseigna  à  Gilgames  le  moyen  de  se  rendre  chez 
IJl-iHupistim.  Col.  II,  hgnes  28 -3o,  elle  lui  signale  l'exis- 
tence d'Ur-sanabi,  le  batelier  à'Ut-napistim,  et  le  lui  décrit 
sommairement.  Ce  passage  a  été  traduit  par  .lensen  {Kl>,  VI, 
217): 

Gilgames,  es  giebt  Ur-Niiura  [^sanaln),  den  Schiffer  Ut-napistim's , 
neben  [d]em  fr[w|elchc  mit  Steinenr'  sind;  in  milieu  des  Waldes  pfliirLi 

er  ein(e|n]).  .  . 
flh|ri  miige  ei-blickeu  dein  Angesichl! 

0)  GKNoiiiu.Ar.,  rSA,  LXVIII.  n.  1. 


28  JANVIER-IMARS    1922. 

par  Dhorme  {^Choix  de  textes  religieux,  a 85)  : 

Cilgamès,  il  y  a  Our-satiaU ,  le  batelier  d'Outa-uapisthn, 

Avec  lequel  sont  frceux  des  pierres^  ;  dans  la  forêt  il  cueille  de  Ywnu. 

Qu'il  voie  ta  face  ! 

par  Ungnad  (^Das  Gilganiesch-Epos  [i  g  1 1],  h'j)  : 

Gilgames,  es  ist  da  Ur-Sanahi,  der  Schiffer  des  Ut-napistim , 

bel  welchem  Stein- .  .  .  sind  ;  im  Walde  pfliickt  er 

[ihn  I  moge  dein  Antlitz  schauen! 

La  difficulté  de  ce  passage  est  dans  l'expression  su-ut  abni, 
rendue  par  Jensen  «welche  mit  Steinen«,  par  Dhorme  «ceux 
des  pierres 35,  par  Ungnad  «Stein.  .  .v,  et  par  Gressmann, 
dans  le  commentaire  joint  à  la  traduction  d'Ungnad  (p.  187, 
n.  2),  «Sleinkistejî.  Gressmann  invoque  à  l'appui  de  celte 
interprétation  le  fait  rapporté  par  le  Pseudo-Callislhènes  (II, 
3o),  suivant  lequel  Alexandre  se  servit  de  caisses  de  pierre 
immergées  pour  traverser  le  «fleuve  de  sable»,  et  se  fonde 
ensuite  sur  elle  pour  écarter  toutes  les  explications  données  sur 
l'emploi  des  perches  coupées  par  Gilgnmeè  dans  la  foret.  Mais 
le  parallélisme  avec  la  légende  d'Alexandre  ne  peut  pas  être 
considéré  comme  une  preuve  décisive,  et  il  y  a  quelques  objec- 
tions à  faire  à  l'hypothèse  des  caisses  de  pierres.  D'abord  on 
ne  voit  pas  pourquoi  le  mot  signifiant  ce  caisse??  n'aurait  pas  été 
exprimé.  En  outre  on  ne  comprend  pas  pourquoi  Gilgames  a 
exercé  sa  fureur  contre  des  caisses  de  pierres  et  encore  moins 
comment  il  a,  en  les  brisant,  causé  un  malheur  irréparable, 
car  des  caisses  se  raccommodent  ou  se  remplacent,  et  de  gros 
biocs  de  pierre  auraient  rempli  le  même  olFice.  Je  verrais  plu- 
tôt dans  «ceux  de  pierre»  des  matelots  merveilleux,  qui,  par 
la  matière  dont  ils  étaient  faits,  pouvaient  sans  danger  navi- 
guer dans  les  eaux  de  mort  entourant  l'île  â'Ut-napistim.  Une 
fois  brisés,  il  n'était  pas  au'pouvoir  de  Gilgamesàeleur  rendre 
la  vie.  C'est  afin  de  suppléer  à  leur  absence  qu'il  se  munit  de 


ETUDES   ASSVRiHl.NNES.  ^ 

cent  vingt  perches  pour  faire  avancer  le  bateau  à  coups  de  gaffe , 
parce  qu'il  abandonne  chaque  perche  trempée  dans  Teau,  dont 
le  contact  serait  mortel  pour  lui.  Mais  la  dernière  est  jetée 
avant  que  le  bateau  ait  accosté  à  l'iIe;  alors  GiJgames  enlève  le 
mal  et  s'en  sert,  non  pas  évidemment  pour  naviguer  à  la  voile 
(Gressmann,  loc.  cit.,  i38,  n.  4),  mais  pour  donner  un  der- 
nier coup  de  gaffe.  Celte  manœuvre  me  paraît  plus  vraisem- 
blable que  la  construction  d'un  pont  suspendu  avec  les  perches 
mises  bout  à  bout,  comme  le  veut  Gressmann. 


XXX 

ALKATSUNU  LU  SUMRUSATMA  I  iM[PUS\  ALAKTU'"  TA[BTA]. 
(Création,  1,  87,  46.) 

Le  vers  /i6  de  la  première  tablette  du  poème  de  la  Création 
a  été  lu  par  King  (T/ie  Secen  Tableta  of  Crealion,  I,  p.  8)  : 

\a\l-kat-su-nu  lu  sum-ru-sa-at-ma  i  ni[-is-lal  ni-i-nt\ 
Let  their  way  be  made  difficiilt,  and  let  us  [lie  dowa  (again)  in  peacej. 

Cette  restitution  s'appuie  sur  les  vers  ào,  96,  100  et  10^2, 
où  on  lit  : 

ku-u-lu  lis-sa-kin-ma  i  ni-is-lal  [  ni-i-ni\ 

ul  ni-m-al-lal  ni-i-ni 

i  ni-is-lal  ni-i-\iii\ 

Mais  King  lui-même  a  dû  y  renoncer  (lè/J.^  p.  i83  et  i85) 
après  la  découverte  du  fragment  K  7871,  qui,  pour  le  second 
hémistiche,  nous  a  conservé  les  trois  signes  : 

^T^I^  

Dhorme  {^Choix  de  textes  religieux,  1011)  a  donc  lu  : 
al-kat-su-nu  lu  sutn-ru-sa-at-ma  i  ni-[pu-iis]  tu-ud  ta-\ba\ 

et  traduit  : 

()ue  leur  route  soit  pleine  de  misère!  et  faisons{-nous)  une  bonne  route! 


no  JANVIER-MARS    1922. 

Le  sens  est  satisfaisant,  mais  la  graphie  ^^T  ij  n'est  con- 
forme ni  à  l'orthographe  du  mot  tudu,  qui  est  toujours  écrit 
m^  n^?  ni  aux  habitudes  des  scribes  assyriens  et  particuliè- 
rement de  ceux  à  qui  nous  devons  les  copies  de  la  Création, 
où  n^y,  autant  qu'il  me  souvient,  n'a  jamais  la  valeur  lu. 

llngnad  (dans  Gressmann,  Altorienfahsclie  Texte  und  Bdder) 
a  proposé,  sous  réserves  d'ailleurs,  une  autre  interprétation  : 

Ihr  Treiben  sei  erscliAvert,  damit  wir  ewig(?)  herrschen  (?)! 

Cette  traduction  n'étant  pas  accompagnée  d'une  transcrip- 
tion, il  est  impossible  de  la  discuter.  Au  point  de  vue  du  sens, 
celle  de  Dhorme  me  parait  préférable  et  je  crois  qu'on  peut  la 
maintenir,  tout  en  modifiant  la  lecture.  ^i^J  ayant  la  valeur 
idaku ,  nlaktii ,  on  peut  transcrire,  en  faisant  de  ^]  un  complé- 
ment phonétique,  alaktu'"  ta[ab-ia\,  ce  qui  donne  le  vers  : 

al-kat-sit-nu  lu  sum-m-sa-at-ma  i  n{[-pn-us  alaklii'"  hi\-ab-la\ 

La  traduction  libre  serait  : 

Faisons-leur  la  vie  dure  et  faisons-nous  la  vie  douce  , 

antithèse  simple,  qui  est  bien  dans  le  goût  du  poème. 
Par  comparaison,  je  restituerais  le  vers  87  : 

im-\ru-us\  al-kat-su-n\u\  e-li-ia. 
Leuis  agissements  me  sont  insupportables. 

'  XXXI 

^A-ZUK  SUBTI  U  PARAKKl. 
(K.  159,5.) 

Klauber,  qui  a  publié  le  texte  K.  169  dans  ses  Polkiscli- 
religiôsc  Texte  am  der  Surgonidenzeit  (191 3),  pi.  5().  a  lu, 
p.  io3,  la  ligne  5  : 

■sa-nis  nasuk-ku-u  bah 


ÉTUDES   ASSYRIENNES.  31 

cl  a  renoncé  à  traduire  le  mol  nasukkû.  Il  me  semble  qu'en 
prenanl  ^  comme  l'idéogramme  bien  connu  de  subtu_,  on 
arrive  à  un  sens  salisfaisant,  el  le  passage  toul  entier  se  tra- 
duit : 

Si  à  droite  de  la  "placei^  se  trouve  le  lobiis  caudatus.  défaite  de  Tar- 
mée;  ou  bien  :  dommage  pour  la  maison  et  le  sanctuaire. 

Nazuk  est  l'inlinitif  nifal  ou  le  substantif  de  forme  J*à3 
d'une  racine  pu  dont  l'existence  est  attestée,  particulièrement 
dans  un  texte  divinatoire  de  la  série  Alu  ina  mêle  suhn,  iv  196, 
III ,  9  5  (Pinches ,  Texts  in  (lie  Bnbylonian  Wedge-writing  [1  882  j , 
p.  1/1),  où  on  Ht  :  * 

bel  biti  siidli  ina-an-iik 
Le  maître  de  cette  maison  subira  un  dommage. 

Pour  la  lecture  de  l'idéogramme  ^Î3,  on  peut  hésiter  entre 
parakku  «  sanctuaire  71  eiasibu  cç  habitante.  —  «Dommage  pour 
la  maison  et  l'habitant 55  serait  en  effet  une  bonne  formule  de 
présage. 

XXXII 

CONSULTATION  D'ARUSPICE  . 
{CT,  IV,  3ib.) 

La  tablette  du  British  Muséum,  Bu  88-5-19,  591,  publiée 
dans  le  ([uatrième  volume  des  Ciineiform  Texts,  est  une  consul- 
tation d'aruspice,  comme  Boissier  l'a  reconnu  le  premier  [Noie 
sur  la  nouvelle  -imblicalion  des  textes  divinnloires  du  Britisk  Museuw 
[1905],  i/i-i5).  Après  lui,  Jastrow  a  traduit  le  texte  [Ihe 
Religion  Babyloniens  und  Assyriens ,  II  [1912],  2  7  6-9  y  7).  Les 
progrès  accomplis  depuis  une  dizaine  d'années  dans  l'intcrpré- 


a2  JANVlER-MAnS   1922. 

ttitioii  (le  celle  classe  de  documents  justifient  un  nouvel  essai 
(le  traduclion  : 

La  (r place -^''  existe:  la  veiue  porle (?)  existe;  les  e'minences  portes 
sont  en  bon  étal;  la  poche  est  fertm'e;  la  vi'sicule  biliaire  est  en  bon 
état;  le  lobns  caudalus  est  en  bon  éial:  les  entrailles  comme  le  cœur 
sont  en  boa  état.  Douze  signes.  Le  présage  (tiré)  du  mouton.  .  .  est 
favorable;  ne  crains  rien. 

La  dernière  ligne  avait  été  correctement  traduite  par  Bois- 
sier  :  «ne  sois  inquiet  en  aucune  façon 55.  La  traduction  de 
Jastrow  :  «Allés,  was  untersucht  wurde»  ne  me  paraît  pas 
défendable. 


XXXIII 

{Maklù,  VIII,  69,  84  et  €T,  XXIX,  5o,  i6.j 

La  huitième  tablette  du  recueil  d'incantations  Maklù  a  été 
partiellement  restaurée  par  la  publication  de  la  tablette  K  -jSSB 
-(-'yBSB.  King,  à  qui  nous  devons  ce  texte,  en  a  donné  [CT, 
XXIX,  10-1 1)  une  transcription  et  une  traduction,  que  je  pro- 
poserai de  modifier  en  deux  points.  Ligne  16,  il  a  lu  : 

a-na  eli  11  erib  erinni  tamanmi  [nu)- ma 

el  Iraduil  : 

over  two  caged  locusls  (?)  sball  thou  récite. 

Matériellement ,  il  est  légitime  de  lire  *^]<J  ^  erilm  (  Br.  -i  !>  0  6) , 
mais  les  «deux  sauterelles  encagées??  éveillent  tout  d'abord  la 
méfiance,  et  le  doute  grandit  encore  si  Ton  se  reporte  à  deux 

C  Partie  du  foie,  non  identifiée. 


ETUDES   ASSYIUENNES.  33 

autres  passages  du   recueil  Maklù  où  se  rencontre  le  même 
groupe  •"I<y^f  *A  ^.  *r  '■ 

kàtà-su  ina  eli  imi.s)ii"  tua  »^]<]  *f   t^J   ^J   *y^   uita  iii-sii  i-hui-ridif) 
(IMW,  VIII,G2). 

ses  mains  dessus  ( l'image  du  sorcier)  il  lavera,  dans trois  fois 

il  baignera  ('). 

kàtà-su  ana  inuk-lji  iiimai"  ina  *-Jk]  ^f  t^J  ^J  "j^  ««'*  m-su  i-kar-rid{l) 
{Makht,  VIII,  83-84). 

ses  mains  dessus  (l'image  de  ia  sorcière)  il  lavera,  dans trois  fois 

il  baignera  (?). 

Or  le  groupe  t:!  ^T  »7^,  s'il  a  bien  la  valeur  erinnu  «cage», 
comme  l'attestent  les  textes  lexicographiques  (Br.  6789),  n'est 
guère  employé  avec  ce  sens  dans  les  textes  magiques  et  médi- 
caux, mais  assez  fréquemment  avec  la  valeur  eru,  ini,  qui 
désigne  certainement  une  plante.  Ivuchler  (^Beitrnge  zur  Kennl- 
niss  der  assyrisch-hahylomschen  Medizin  [lyo/i],  p.  109),  hésite 
entre  le  lauvus  nobllis,  le  tamaris  et  une  plante  épineuse.  L'in- 
terprétation de  Tallquist,  «cedernbaum»  ,  est  naturellement 
exclue,  l'idéogramme  du  cèdre  étant  tout  différent.  Reste  le 
groupe  "^M^f .  Il  me  semble  qu'il  faut  le  décomposer  en  deux 
signes,  •-^T<y  hii,  <^  mb,  comme  Ta  déjà  reconnu  Tallquist.  Le 
sens  du  mot  humbu  est  d'ailleurs  incertain.  Tallquist  a  traduit 
«Saft»,  sans  appuyer  sa  traduction  d'aucune  preuve,  et  si  elle 
est  acceptable  dans  ces  deux  passages,  elle  ne  l'est  plus  dans  le 
texte  de  King,  oii  le  mot  Ijumb  désigne  une  chose  qui  se 
compte.  Hii.sabu  ne  peut  pas  non  plus  désigner  dans  ce  texte 
une  espèce  de  palmier,  comme  dans  les  contrats  de  répo(|ue 
néo-babylonienne  (Feuchtwang,  Z\,  VI,  hhb).  La  lecture  de 
ia  ligne  t  G  me  paraît  donc  assez  sûre  : 

a-na  eli  11  hu-sab  eri  (amannu""-ma 
mais  le  sens  de  husab  eri  reste  à  préciser. 


U  JANVIER-MARS  19iJ. 

liigne  8  du  même  texte,  King  a  lu  : 

^//*/«  al-li  làhtu  sa  ina  as-ri  elli  ib-ha-nu-u  ana  fli  sit  làln  1aiiiannii""-ina 

et  traduit  : 

Incantation  :  ffThou  artgood,  who  in  ibe  puie  place  art  liorni-  over 
a  good  offering  shalt  thou  recite. 

A  ma  connaissance,  le  signe  *^\^'  a  comme  équivalent  le 
substantif  //fi/*/  rcseb^,  non  l'adjectif //?iw  «bonw.  D'autre  part 
t^II!  a  une  valeur  kurhannu  a  motte  ^^  (Kûchler,  op.  cit.,  120). 
Je  propose  donc  de  traduire  ; 

L'incantation  rrSel,  qui  dans  un  lieu  pur  a  été  créé'*,  sur  une  moite 
de  sel  tu  réciteras. 

XXXIV 

SASARUM,  CHAÎNE  D'ARPENTEUR,  ÉTALON (V). 

Le  mot  sasarum  se  rencontre  dans  les  contrats  de  la  première 
dynastie,  où  Schorr'^'l'a  traduit  ttKatasterw  et  rapproché  d'un 
mot  ~\'dt'  «  minium  w;  le  samnim  serait  le  plan  dessiné  à  la 
couleur  rouge,  puis  le  lieu  où  le  plan  était  conservé.  Mais  tous 
les  plans  ou  cadastres  qui  nous  sont  parvenus  sont  tracés  au 
stylet  sur  l'argile,  sans  aucune  couleur.  Ce  n'est  d'ailleurs  pas 
là  la  principale  difficulté.  Le  texte  le  plus  propre  à  nous  révé- 
ler le  sens  du  mot  est  un  jugement  de  l'époque  de  Hammurapi 
(91-0-9,  -.M'y (S  A)  publié  dans  le  second  fascicule  des  Cunei- 
jorm  Teœts,  p.  lih.  Mannasi,  prêtresse  de  Samas,  avait  acheté 
de  Snmas-bêl-ih  une  maison.  Le  vendeur  ayant  élevé  une  con- 
testation, les  juges  ordonnèrent  une  vérification  de  la  conté- 
es Altbabyloiiinche  Rpcktsurhuiulon  nus  der  Zeil  dev  I  habyliinischen  Tiijttastie 
(1907),  p.  81  et  Urkunden  des  allbabubnnschen  Zivil-  niid  l'rozessrechis  [i[)i S), 
p.  a6o. 


ETUDES   ASSYRIKNNES.  35 

naïuc  du  terrain  et  l'on  constata  que  la  superficie  était  infé- 
rieure de  douze  f^in  à  la  superficie  portée  sur  le  contrat.  Le 
plaignant  mal  avisé  fut  condamné  à  céder  un  nouveau  morceau 
de  terrain  et  à  payer  une  amende  pour  réclamation  injustifiée. 
Le  passage  ditficile  se  lit  : 

i-iia  su-sa-n-im  sa  ''"Samas  bituin  uz^:a-ni-ik-ina  lû  gin  bitim  a-na  pi 
dup-pa-at  si-ina-tim  im-ti-ma. 

Schorr  traduit  i^Urkunden,  p.  386)  : 

Nachdem  im  Kataster  (?)  des  Samas  das  Haus  nachgemessen  worden 
wai"  und  gemâss  den  Verkaufsurkunden  i  a  Gin  Hausgruadstùck  gefehlt 
liatten. 

Lngnad'^)  a  accepté,  avec  réserve,  cette  interprétation,  qui 
ne  me  satisfait  guère,  car  je  ne  vois  pas  comment  une  maison 
peut  être  remesurée  (Ungnad  :  nachgeprûft  [?])  dans  le  cadastre 
de  Samas.  Il  me  paraît  plus  raisonnable  de  donner  à  ma  le  sens 
instrumental  qu'il  a  si  souvent  et  de  voir  dans  sasaru  l'étalon 
des  mesures  linéaires,  conservé  dans  le  temple  de  Samas, 
quelque  chose  comme  une  chaîne  d'arpenteur.  Je  traduirais 
donc  : 

Avec  l'ëtaion  de  Samas  la  maison  a  été  mesurée  et  (la  superficie)  s'est 
trouvée  inférieure  de  i  a  gin  au  texte  de  l'acte  de  vente. 

C'est  seulement  avec  cette  interprétation  du  mot  sasaru  que 
l'on  peut  traduire  sanâku  par  k  mesurer  ?5.  Le  mol  signifie  en 
effet  proprement  «serrer,  appuyer  contre,  appliquer»,  d'où 
sanâku  sa  dalli  w fermer,  en  parlant  d'une  porte??,  sanddum  «la 
porte»,  c'est-à-dire  «celle  qui  ferme».  Or  mesurer  consiste  pré- 
cisément à  appliquer  une  longueur  prise  comme  unité  Sur  la 
chose  à  mesurer.  —  De  l'idée  de  «  superposer  ?? ,  on  a  pu  pas- 
sera celle  de  «  comparer  77 ,  en  général,  et  de  «collationner», 

'■'   Haininiirapix  Gesetz,  III,  n°  700. 


36  JANVlER-MÂRS   \92û. 

en  parlant  de  manuscrits.  Peut-être  est-ce  dans  cette  direction 
qu'il  faudrait  chercher  l'interprétation  de  la  formule,  toujours 
discutée  f'*,  des  tahlettes  A\4stir-han-aplu  :  astur  asmk  abrêma. 
Je  traduirais  volontiers  :  «J'ai  écrit,  coUationné  et  relu.» 

Le  sasm-u  des  rituels'-'  désigne  évidemment  un  autre  objet, 
peut-être  une  scie,  car,  avec  la  hache  [pâsu),  il  sert  à  abattre 
des  arbres '^l 

XXXV 

Tf  ^  ^I^  "-V  A-III-LU-DAR. 

(6x  vl,/l9^3.) 

Le  nom  propre  If  •<^  ^^*^  *^T~5  ^I"^  apparaît  dans  un  con- 
trat de  l'époque  de  Sumu-la-ilu,  a  été  lu  par  Meissncr  i^MVAG , 
igo5,  29 (J)  A-hi-amêl{J)-ik^ ;  par  Ungnad  ( Hammurapis-Gesetz , 
111,  n°  35)  ^Aî.  .  .  .  Il  faut  certainement  le  lire  A-hi-lu-dar; 
cf.  le  nom  de  femme  Si-i-lu-da-ra-at ,  Strass.  Ner.,  5 9,  5.  C'est 
un  nouvel  exemple  de  la  valeur  lu  pour  le  signe  F^  (cf.  Thu- 
reau-Dangin,  Lettres  et  Contrats,  p.  34,  n.  1),  et  d'autant  plus 
intéressant  qu'il  se  rencontre  dans  un  texte  sémitique,  ce  qui 
est  particulièrement  rare. 

XXXVI 

!  --f   -::!<!-!  ^55  ^  ^  tHTI   -IT<T   ^""MARDUK-KA-TA-Hl. 
(fi£,  VIII,  5i.  10.) 

Le  premier  des  témoins  de  l'acte  reproduit  BE,  Vlll ,  pi.  2  1 , 
n"  5i    est  Ikiipu,  fils  de  I  ->f  -t:I<T-y  ^1^  ^  ►^  tSPfT 

C'  SinKcii ,  Assurbanipal  und  die  letzten  assynschen  Kônige  (i()i6),  355°, 
/12a  et  575. 

^■'  Notamment  Zihhebn,  BKBR,  cité  par  Meissnek,  6.4/,  n"  aASa. 
W  Cf.  Mkissner,  MVAG,  IX  (1904),  935. 


ETUDES   ASSYRIENNES.  S"? 

»^yy<y.  Clay  a  lu  ce  nom  Ilu-ersi  ''seum  kalari  (^BE,  VIII,  p.  5o  a 
et  by  Les  deux  signes  lus  er-si  n'en  font  qu'un  :  '^t:I<T'^T;  V 
est  certainement  ■<^,  et  le  tout  donne  "  ''"  Marduk-katari  «Mar- 
duk  est  mon  rocher  55.  A  ce  nom  on  peut  comparer  Nabû- 
katari,  llu-kattara,  ///„,fs-/.Y;/rt/7'(Tailquist,  JS euhahylonisches  Na- 
menbuch,  1906,  33 0).  Le  fonctionnaire  seiim  katan  est  à  sup- 
primer. 

XXXVII 

•^T  ;^2P  l  ^I  -^^I  'M  SÛKU  RAPSU  MALAKU. 
(M,  VIII,  3,  8.) 

L'immeuble  vendu  par  l'acte  publié  BE,  VIII,  3  est  atte- 
nant, à  l'Ouest,  à  -r  ^.^  l  tl  -^I  I^.  Clay,  BE,  VIII, 
âS-a/i,  a  lu  Tarrabsti  malaku  et  traduit  «ihe  Tan-abm  road». 
»'-*!^  doit  se  lire  sûka.  Le  suku  rap-su,  «  la  Grand'Rue  55 ,  est  bien 
connu  (Tallquist,  Neubabylonisches  Nameubuch,  299);  mais  je 
ne  connais  pas  d'autre  exemple  où  il  soit  qualifié  de  iiKihikn 
«chemin». 


XXXVIII 

-<I<  m. 

La  valeur  ùl,  pour  le  signe '^<I<,  dans  l'usage  sumérien, 
déduite  de  groupes  tels  que  •^<y<  ^^i^  (Br.  1696),  est  confir- 
mée, dans  l'usage  accadien,  parla  comparaison  des  deux  gra- 
phies du  nom  Warad-e-til-an-na ,  dans  Bu  88-6-12,  2  23  (C7', 
VIII,  t/ia)  : 


-;rT^yyyy-<y<H-^(i-^3) 


38  JANVIER-MABS  1922. 

XXXIX 

HITTITE  OU  MITAM  DANS  LES  INCANTATIONS  ASSYRIENNES  ? 

Certains  recueils  d'incantations  assyriennes  contiennent  des 
passages  inintelligibles,  qui  ne  sont  certainement  rédigés  ni 
en  accadien,  ni  en  sumérien.  Ce  sont,  dans  le  traité  contre  la 
Labartu  : 

Siptu  ;  ki  ris  ti  H  bi  ki  ris  ti  la  li  bi  ki  la  H  bi 

pis  pis  ti  m  an  zi  is  ti  sa  an  zi  is  su  an  zi  is  an  zi  is,  Siptu. 

{IV R\  55,  n°i,  a,  96-37.) 

Dans  le  texte  inédit  Sm  i3oi,  dont  Bezold  a  donné  {Cata- 
logue, p.  1^77)  un  extrait  transcrit  par  Myrhman  (ZA,  XVI. 

,89): 

Siptu  :  ka  ris  te  li  bi  ka  ns  te  ki  la  li  bi 

ki  la  li  bi  pis  pis  li  '  es  an  zi  es 

su  ma  al  zi  es  sa  ha  al  zi  es.  ►t^^^  siptu  hît  nu-ru. 

Dans  CT,  XXIII,  9,  3-9  : 

Siptu  :  se  za  ah  li  ta  mir         zi  har  gim         kur  kal .  .  .  .vm 

za  zi  ib  ha  zi  ib  ta  zi  ib  ba  an  zi  an  gi  es  te  ib  ta  ti  ib  [b\a 

an  zi  an  gi  es  ti  ib  te  is  hi  en  ni  e  ka  ris  ti  la  gi  ba  -^^H]  siptu 

Siptu  :  si  za  ah  li  mu  za  ah  li  im  t  :a  ah  li  iin  u  me  zn  ah  me  en 

su  gim  hu  um  ma  ak  kur  ka  as  ta  u  ta  u  za  am 

i  ga  zak  ti  mu  hi  ti  mah  t  i  ga  zak  ti  li  la  lib  su  te  ma 

is  ta  ra  ga  ah  is  ta  ra  ga  ah  ►^J^^J  Siptu. 

Ihid. ,  Il ,  i-li  : 

[Siptu]  ba-ah-ra-am  ba-ah-ra-am  t  la-an.  .  . 

nu-ub  tur-tur-ri  i  ''"Samas 

zag  ga  ra  si  na  ah  t  ni-in  .... 

i(t  bi  lu  ('  In  tu  c  te  mu  ah  e  bi  lu  e  .  .  . 


ETUDES   ASSYRIENNES.  39 

IhnL,  8,  37-38  : 

nu-ub  lur-luv-ri  ^  ''"Sama«  en  zi  la  si  na  ah  t  zag  gar  ra  si  na  ah 

ga . 

ia  bi  ium  e  bi  tum  e  te  ma  ah  e  bi  tum  e  te  ma  ah  e  hi  tu  ti  la  hit  (?) 

Siptu  kii  ut  te  ma  ha  te  ma  ha  na  hi  la  te  e  ha  nab  an  zi  te  e  ha 

...  e  ha  ni  ga  zi  ia  si  ma  hi  ma  t  ia  ku  ut  te  ma  ha  ia  .... 

Jastrow ,  qui  a  cité  les  deux  premiers  textes  dans  sa  Religion 
Babyloniens  und  Assyriens  (igoS),  t.  I,  p.  33g ^,  estime  que 
les  variantes  montrent  «dass  es  sich  um  Zauberspriiche  ohne 
zusammenhangenden  Sinn  handeltw  et  compare  le  Tahnud  de 
Babylone,  Aboda  Zarâ,  12b:  sabriri  beriri  rîri  in  ri.  Mais  les 
variantes  peuvent  tout  aussi  bien  montrer  qu'il  s'agit  d'un  véri' 
table  texte,  et  les  répétitions  ne  sont  pas  rares  dans  les  textes 
magiques  écrits  en  pur  accadien.  L'abracadabra  ne  me  paraît 
guère  dans  l'esprit  de  la  magie  de  l'époque  assyrienne  et  avant 
de  l'admettre  il  faudrait  avoir  épuisé  toutes  les  suppositions 
possibles.  Or  il  en  est  une  que  Jastrow  ne  pouvait  guère 
l'aire  à  l'époque  où  il  écrivait  et  qui  me  paraît  mériter  un 
examen  sérieux.  Nous  savons  maintenant  que,  outre  le  suraé- 
rien et  l'accadien ,  six  langues  étaient  en  usage  dans  la  capi- 
tale des  Hittites  (Bogbaz-keui=/frtft/),  et  les  textes  liturgiques 
témoignent  précisément  de  l'emploi  alterné  de  plusieurs  lan- 
gues. D'autre  part,  avant  d'être  la  capitale  d'un  royaume  sémi- 
tique ou  sémitisé,  Ninive  a  été  un  centre  mitanien.  Il  me  sem- 
blerait donc  légitime  de  rechercher  si,  dans  les  textes  transcrits 
ci-dessus,  il  n'y  a  pas  un  spécimen  d'une  des  langues  de  Bo- 
ghaz-keui.  Dans  les  deux  premiers  notamment,  la  finale  s,  si 
fréquente,  pourrait  être  celle  que  Hrozny  admet  comme  dési- 
nence du  nominatif  masculin  singulier  en  hittite  (^Die  Spriiclie 
des  Hethitcr,  9  ).  '  • 


/iO  JANVIER-MARS  1922. 

XL 

VENTE  D'ESCLAVES. 

(Clav.  Bahyhmmn  Rpcnrds  in  the  Library  of  Pierpont  Morgan,  Il  [igi3],  n°  a.) 

Anu-ali-uèabsi  vend  à  Ana-rahm,  femme  de  Ana-rahika-Anu , 
trois  esclaves,  dont  une  femme,  avec  les  garanties  d'usage. 
Bien  qu'il  ne  présente  pas  de  difficulté  particulière,  ce  texte 
mérite  d'être  traduit,  car  il  donne  lieu  à  quelques  observations 
intéressantes.  Ami-bêl-u.mr,  le  premier  esclave  vendu,  est  mar- 
qué au  nom  de  Anu-ihmv,  fils  i^màru)  de  Anu-ahu-iddin.  Cet 
Anu-iksur  est-il  le  même  que  Ami-ihmr.  le  père  du  vendeur 
Anu-ah-usabsi?  On  peut  le  croire,  bien  que  celui-ci  soit  dit  des- 
cendant i^nplu)  de  Ahùtu.  Il  me  semble  en  effet  quil  y  a  lieu  de 
distinguer  entre  mâru  «fils»  et  apJu  «descendant»,  bien  que 
les  deux  mots  soient  communément  rendus  par  «fils??.  Dans 
les  indications  généalogiques  contenues  dans  les  contrats ,  le  nom 
qui  suit  celui  du  père  n'est  pas,  en  général,  le  nom  du  grand- 
père,  mais  celui  de  l'ancêtre  de  toute  la  lignée.  Si  on  n'admet 
pas  cette  distinction ,  on  est  conduit  à  attribuer  aux  prétendus 
grands-pères  des  postérités  invraisemblables.  Ainsi,  d'après 
l'index  des  noms  propres  qui  accompagne  Touvrage  de  M.  Glay, 
il  y  aurait  au  moins  2 4  fils  de  Ahùtu,  3o  de  Ekur-zakir,  3i 
de  Kuzû,  28  de  Lustammar-Adad,  i3  de  Sin-hiki-unnmu ,  26  de 
Sadî,  sans  que  rien  nous  permette  de  distinguer  plus  de  cinq 
personnages  sous  ces  cinq  noms.  Il  est  en  effet  remarquable 
qu'ils  ne  se  rencontrent  qu'en  dernière  ligne,  comme  noms 
d'aïeux,  jamais  comme  noms  de  pères  ou  de  fils.  Ce  sont  donc 
des  noms  d'ancêtres  de  clans,  de  cbefs  de  lignées,  qu'on  évi- 
tait, précisément  pour  cette  raison,  de  donner  à  leurs  arrière- 
neveux.  Anu-îLsur,  fils  de  Ami-alju-iddùi ,  peut  donc  être  le  même 
que  Anu-ikmr  descendant  âi^ Ahùtu,  et  c'est  lui  qui  aurait  légué 
à  son  fils  Anu-ah-nmhsi\GS(AQ.yQ.  Anu-bêl-usur. 


ÉTUDKS   ASSYRIENNES.  Al 


TRANSCRIPTION. 


(i)  [" ''" Anu-]nh-U!Îabsi''  mâru  sa  "''" Anu-ik-mr  apJu  "Ahu- 
'-u-tu  ina  hii-nd  lih-bi-su  " ''" Anu-bêl-usur  (2)  "'"''"  arad-su  sa 
hât  II  imni-su  a-na  sùmi  sa  "''" Anu-ik-sur  mâru  sa  "''" Ami-ah- 
iddan-nu  sat-rat  (^)  '  Gub-ba-ka-''"  Anu  "'"'^^  ardu  '"""^'^  Ni-dk- 
tum-''" Na-na-a  amtu  napliar  ii-ta  '""'''' as-ta-pir  (/i)  mârê-su  sa 
"''"Anu-bêl-usur  '""^''' arddni  suâtunu'"''  sa  kâtu  11  mm-su-nu  a-na 
sûmi  sa  "''" Anu-ahu-nsabsi"  (5)  mâr  sa  """ Anu-ik-mr  sat-ral 
naphar  iii-ta  '*"*^^''as-ta-pir  a-na  11  nia-na  kaspi  ka-Iu-u  (6)  a-na 
èîmi  ganirûti""''  a-na  ''"""'"  Ana-rabi-su  mârti  sa  "Iddinnâ"  assati 
"  Ana-rabi-ka-''"  Ana  (7)  mari  sa  " ''"  Anu-ah-usabsi "  id-dhi 
kaspa-a-an  11  ma-na  ka-lu-u  sim  (8)  "''" Anu-bêl-usur  "  Gub-ba- 
ka-^'^Anu  u  ''"""'^''Ni-di7i-tum-''''Na-na-a  amêlu-ut-tm  suâtunu'"" 
(q)  "''"Anu-ah-usabs/'"  mâru  sa  "''"Anu-ik-sur  aplu  sa  "Ahu-'-u-tu 
ina  kâta  11  '"""''" Ana-rabi-su  mârti  sa  (10)  "Iddinnâ"  assati 
" Ana-rabi-ka- '"Anu  mari  sa  "''"Anu-ah-usabsi"  ma-lur  e-tir  (11) 
ûmu"'"  pa-ka-ri  ana  muh-hi  "''"Anu-bêl-usur  "  Gitb-ba-ka-'" Anu 
u  "'"'''^'' Nî-din-ium-''" Na-tia-a  (12)  amêlu-ut-tim  suâtvnu""'  it- 
tab-iu-u  "''"Anu-ah-usabsi''  mâru  sa  "''"Anu-ik-sur  u-mar-rak-ma 
(i3)  a-na  ''""''"' Ana-rabi-su  mârti  sa  " Iddinna"  assati  "Ana- 
rabi-ka-""  A  nu  i-nam-din  pu-ut  (i/j)  la  ""'''"  s ir-ku-u-tu  la  '""''"  su- 
sa-nu-u-tu  la  "'"''"^  mâr-bânu-u-tu  la  ""'^'"^  arad-sarru-u-tu  (i5) 
la  bit  sisi  u  la  bit  '-""narkabti  sa  "''"Anu-ik-sur  "  Gub-ba-ka-'" Anu 
(16)  u  """"'"  Ni-din-lum-''" N a-na-a  amêlu-ut-tim  suâtunu'"^'  a-na 
ûmu"'"  sa-a-tum  " ''" Anu-ah-usabsi''  na-si  (17)  u  pu-ut  halâki 
sa  amêlu-ut-tim  suàtunu"'^'  a-di  ic  umu"'"  "''"Anu-ah-usabsi" 
mâru  sa      (18)  "''"Anu-ik-sur  na-si. 

(19)  ""'^'^  mu-kin  " ''"  Anu-zcr-lisir  mâru  sa  "''"  Sam  as- id dan-nu 
apil  "Ahu-u-tu  "  Usallim-'" Anu  mâru  sa  (^ùo)  "''"Na-na-a-iddin 
apil  " Lu-us-tam-mar-'" Adad  "''"Anu-ab-utir  mâru  sa  "Iddinnâ" 
aplu  sa  "Ahu--u-tu  (9  1)  " Ni-din-twn-'"Anu  mâru  sa  "  Ta-tiit-tmn- 


42  JANVIER-MARS   1922 

''"Anu  aplu  sa  "Ahu-'-u-tu  "Nl-dm-tim-""Anu  u  "''" Nn-nn-a-iddm 
mâni  sa  (22)  "  La-ba-si  apil  "Ku-zu-u  " Ina-ki-bit-''"A)iu  màru  sa 
"  Ki-din-''"Anu  apil  " E-kur-z a-kir  (^^D)"''"Amt-zêr-iddinmdru 
sa  "''" Amt-halât-su-ikhi  apil  "Aku-'-u-tu  " Kisti-'" Anu  mnvu  sa 
(26)  " Ina-ki-lil-''" Anu  apil  "  Gimil-''" Anu  "''"Sanias-eres  niâni  sa 
"  ''"  Samas-iddin  "  ''"  Na-na-a-iddin      (26)  mm'u  sa  " Ki-din- ''"  Istar. 

(26)  "''"  Anu-bèl-m-nu  '""^''' dupsar  mâru  sa  "  Itti-''"Anu-nûh 
apil  "''"Sin-lâki-unninu  Umk'''  """i"*  iè  ûmu  au'"'"'  (27)  satla 
n'"""  "Si-lu-ku  sarri 

{UE)''''"''kunuk  ^'''iKisti-''"Anu  "'""'kunuk  "Usallim-Anu  "'""'kumik 
"''•'Anu-ab-utir  "''"'' kunuk  " Ina-ki-bil-"" Anu  (LE)  "'"'"kunuk 
"Ni-din-tum-""  Anu  "''"'' kunuk  " ''"  Samas-eres  "''"'' kunuk  "''" Na- 
na-a-iddin  «*""  kunuk  "  ''"Anu-zêr-iddin  {LE)  «*""  kunuk  "Ni-din- 
tum-Anu  "''""kutiuk  "''" Anu-zêr-lisir  "''""kunuk  "''"Na-na-a-iddin 
(RE)  "''""kunuk  """Anu-ah-usabsi"  ""'^^'^ na-din  amêlu-ut-tim 
suâtunu"*** 


TRADUCTION. 


(ij  [Amtynh-umbsi,  (ils  de  Anu-ikmr,  descendant  de  Ahûiu, 
de  son  plein  gré,  Anu-bêl-usur  (2)  son  esclave,  dont  la  main 
droite  au  nom  de  Anu-ikmr,  fds  de  Anu-ah-iddannu ,  est  mar- 
quée, (3)  Gubbaka-Anu,  esclave,  Nidintum-Namh  servante, 
en  tout  2  esclaves  (/i)  nés  de  Anu-bêl-usur,  esclaves  dont  la 
main  droite  au  nom  de  Anu-ah-usabsi ,  (5)  fds  de  Anu- 
ikmr,  est  marquée;  en  tout  trois  esclaves,  pour  deux  mines 
d'argent  pur,  (6)  prix  total,  à  Ana-rabisu,  fdle  de  IddinnA, 
femme  d(^  Ana-rabika-Anu ,  (7)  fils  de  Anu-ah-usabsi ,  a  vendu. 
Les  deux  mines  d'argent  pur,  prix  de  (8)  Anu-bêl-usur, 
Gubba-ka-Anu  et  Nidintum-Nanâ ,  ces  esclaves,  (9)  Anu-ah- 
usabiîi,  fils  de  Anu-ikmr,  descendant  de  Ahùtu,  des  mains  de 
Ana-rabisu,  fille  (lo)  de  Iddinnà ,  femme  de  Ana-rabika-Anu, 
fils  de  Anu-ah-usabsi,  les  a  reçues;  il  est  payé.  (11)  Le  jour 
où    une    revendication    au    sujet    de    Anu-bêl-usur,    Gubbaka- 


KTdDES    \SSYR1ENNES.  fi?, 

Anu,  Nùkintum-Nanâ,  ces  esclaves,  (la)  se  produira,  Anu- 
ah-mahHt,  fils  de  Anu-iksur,  fera  la  compensation  (?)  (i3)  et 
à  Ana~rabisu,  fdle  Alddinnâ,  femme  de  Ana-rahiha-Anu ,  il  la 
remettra.  Pour  [\  k)  la  non-condition  de  sirhu,  de  susanu, 
d'homme  libre,  d'esclave  du  roi,  (i5)  d'attaché  aux  écu- 
ries ou  aux  remises,  de  Anu-iksur,  de  Guhhaka-Anu ,  (16)  de 
JSidintum-Nanâ,  ces  esclaves,  Anu-ah-usnhsi est  à  jamais  garant. 
(ly)  Et  pour  la  fuite  de  ces  esclaves,  jusqu'au  centième  jour, 
Anu-ah-usabsi,      (18)  fils  de  Anu-iksur,  est  garant. 

(19-95)  Noms  et  fihations  des  onze  témoins. 

(26)  Anu-hêl-sunu ,  scribe,  fils  de  lui-Anu-nûh ,  fils  de  Sin- 
laki-imnînu.  Uruk,  mois  d'Ab,  jour  xn",  (97)  an  ix  de  Sé- 
leucus,  roi. 

Tranches.  Douze  cachets  des  témoins  et  du  vendeur. 


REMARQUES. 

L.  19.  umarrnk.  J'ai  déjà  donné  (n°  XVIII)  les  raisons 
pour  lesquelles  il  me  semble  difficile  d'admettre  la  traduction 
de  Koschaker  f^bereinigen,  im  gereinigtcMi  Zustando,  d.  h.  frei 
von  Eviktionsanspriichen  dem  Kaiifer  zu  ùbergehen  v.  Le 
regretté  Pognon  ayant  appuyé  de  son  autorité  l'interprétation 
de  Koschaker  (7.  A.,  janvier-mars  1  99  1),  je  crois  devoir  citer 
les  passages  des  contrats  de  la  collection  Pierpont-Morgan 
auxquels  j'avais  fait  allusion  : 

(n°  3,  1.  16-19)  w''^"""  pa-ka-ri  ana  muh-hi  islen"'  ûmu'""  u  11'"  kàta 
II  .sa  ûmu"'"  isku  "'"*''" i,An-Ni-GAB-M-/H  sinitii"*''^  [it]-fab-su-u  "'^"Anu-ah- 
umr  u  '"^'' Ami-balàt-su-ikhi  u-uiar-vak-ma  a-di  xu-t(i-u-an  a-na  '"'"Na- 
na-a-iddin  u  ahé"''^-su  mdré"'^^  sa  "  '^"  Anu-zêr-iddin  i-nam-din-u 

En  cas  de  revendication  de  1  jour  et  a  liées  des  revenns  de  celte 
charge  de  surveillant  des  pnri(ic;itions,  A ini-ah-usur  el  Anit-lxtldt-an-iklti 


44  JANV1ER-MARSM922. 

u  1)1  (tira I,- el  douze  fois  à  Nam-iddin  el  ses  frères,  fils  de  Anu-zér-iddin , 
ils  remettront. 


(n°  II,  9-11)  ùmn"'"  pa-ka-ri  ana  mith-hi  isku  hKllu'"^^  it-tab-su-u  "La- 
ba-si  a-dl  xu-ta-u-un  u-mar-rah-ma  a-nu  "  ''"Anu-zér-iddin  ina-an-din 

En  cas  de  revendication  de  ces  revenus,  Laias/ douze  fois  uinairak 
et  à  Anu-zér-iddin  il  remettra. 

(n°  8,  12-16)  ému"'"  pa-ka-[ri]  ana  muh-hi  isku  suâtu'"^^  it-tab-su-u 
" ''"  Ami-ahê'"'^^-iddin    màru    sa    " '^"  Anu-uballit 'f   u-mar-[rak-ma]    a-na 

sinntstu  Dan-lum   ahàti-su màrtu  sa   "  ''" Anu-ahê'^^'^-iddin  mâru    m 

"Ikisa^"-"  a-na  ùtnu""'  sa-a-tu  ina-an-din. 

En  cas  de  revendication  de  ces  revenus,  Anu-ahé-iddin,  fds  de  Anu- 
uballit,  umarrak  et  à  Dantum  sa  sœur,  ....  fdle  de  Anu-ahé-iddin,  fils 
de  Ikisa,  pour  toujours  il  remettra. 

(n°  9,  i3-i6)  ùmu"'"  pa-ka-ri  a-na  muh-hi  bit  kdtâ  u  suâtW*''^  it-tah- 
su-u  ''Ta-nit-tum-'^"Anu  '""^'" na-din-na  bit  kâtd  11  siiàtu""'^  aplu  m  "Ub- 
bu-lii  apil  " Ahu-'-u-tu  u-mar-ntk-vm  a-di  xu-ta-a-an  a-na  "Ki-din-^"Anu 
aplu  sa  "  ''" Anii-balât-su-ikbi  aplu  sa  "  ''"Samas-étir  apil  "Lu-u.s-[tam]-mar- 
Adad  a-na  mnu"'"  sa-a-tu  i-uam-din.  ^ 

En  cas  de  revendication  de  ce  magasin,  Tanittum-Anu ,  le  vendeur  de 
ce  magasin,  fils  de  JJbbulu,  descendant  de  ^4/;»/?/,  timarrak  et  douze  fois 
à  Kidin-Anu,  fils  de  Anu-bulàtsu-ikbi ,  fils  de  Samas-étir,  descendant  de 
Lustammar-Adad ,  pour  toujoiu's  il  remettra. 

(n°  10,7-10)  ûniu"'"  pa-ka-ri  ana  muh-hi  ^"""'^''^Ina-bdni-'^"Na-na-a 
amtu  Huàtu"'^^  it-tab-su-u  ''Man-nu-ki-i-''"Dilbal  màru  sa  "Ana-ràbi-ka- 
'^"Anu  u  ''Ki-tu-''"Anu  màr-su  u-mar-rak-ma-a  a-na  "Ni-din-tum  màn 
sa  Ni-din-tum-'" Anu  ina-an-din. 

En  cas  de  revendication  de  Ina-bani-Nnnd ,  cette  esclave,  Mannu-kl- 
Dilbat,  fils  de  Ana-rùbika-Anu ,  et  Kilu-Anu,  son  fils,  umatrak  et  à 
Ni-din-tum,  fils  de  Nidintum-Anu,  ils  remettront. 

(n°  11,  iQ-i5)  ùmu"'"  pa-ka-ri  ana  muh-hi  mi-sil  ina  istén'"  iimu"'"  ina 
,)if,j,mumei  .suàtUHu"'*'  iski  """'" rikku-u-lu  suàtu"'"  it-tab-su-u  "''"Anu-ah- 


ETUDES  ASSVniËNNKS.  45 

iddan-nu  u  " Ana-i'ahi-ka-'^"Anu  amclu  màri-su  a-di  xii-ta-a-an  u-mar-vuk- 
ma-a  a-na  "La-ba-si  mdri  sa  "''"Anu-:êr-iddin  a-na  ûmu  sa-a-tum  ina-an-' 
din-u. 

En  cas  de  revendication  des  revenus  d'une  moitié  d'un  de  ces 
jours  des  fonctions  de  rililiU,  Anu-uh-iddannu  et  Anu-rdbika-Anu ,  son 
fils,  12  ioxsiimarrak  et  à  Lahmi,  fils  de  Anu-iêr-iddin ,  pour  toujours 
ils  remettront. 

(n°  i3,  11-16)  ùmu'""  pa-ka-ri  ana  muh-hi  istên""  ûmu"'"  ina  ùinu  li''"'" 
àinu  .m''""'  iski  '^'"^'^  mb-ùdnu-u-tu  xudti'"^"  it-tab-sii-u  "Kt-diit-''"Anu  amclu 
na-din-na  iski  suâti"''^  mdru  sa  Etii^-Anu  u  Ki-din~''"Anu  mdru  sa  "  '^"Anu- 
uballipf  mdru  sa  "  ''"Samas-zér-iddin  a-di  xu-ta-a-an  u-mar-rak-ma-a  a-na 
"La-ba-si  mdri  sa  "''"Anu-zêr-iddin  apil  " E-kur-za-kir  a-na  ùmu""'  sa-a- 
tum  ina-an-din-u. 

En  cas  de  revendication  des  revenus  d'un  des  jours  xi  et  xii ,  de  la 
charge  de  rab-banû,  Kidin-Anu,  vendeur  de  ces  revenus,  fils  de  Etir- 
Anu,  et  Kidin-Anu,  fils  de  Anu-ubaUit,  descendant  de  Samas-zir-iddin, 
19  fois  umarrak  et  à  Labasi,  fils  de  Anu-zêr-iddin,  fils  de  Ekur-zakir, 
pour  toujours  ils  remettront. 

(n°  i4,  16-17)  ùmu'""  pa-ka-ri  ana  muh-hi  biti  sudli"'^^  it-tab-m-u 
" Ana-rdbi-'^" Anu  mdru  sa  "''" Anu-eriba  apil  "  Sadl'  a-di  \n-ta-a-mi  u- 
mar-ruk-ma  a-na  " A-ta- a-'^" Ami  a-na  ùmu'""  sa-a-tum  ina-an-din. 

En  cas  de  revendication  de  cette  maison,  Ana-rdbi-Anu ,  fils  de  Anu- 
eriba,  descendant  de  Sadi,  douze  fois  umarrak  et  à  Ata'a-Anu,  pour 
toujours  il  remettra. 

(n"  i5,  10-1 3)  ûmu'""  pa-ka-ri  ana  muh-hi  si-in  gi-ru-u  sa  istén'" 
ûmu""'  inaûînû"''*"'^'  sudtunu'"'^  iski  '""«''» Kis-siG-«-to  sudli""^  it-lab-su-u 
'^"Anu-ab-usur  '^'^^'^ na-din-na  iski  «/«/»' »'«*  mdru  sa  "Rdbi-'^"Anu  u-mar- 
rak-ma  a-di  xn-ta-a-an  a-na  "La-ba-si  mdri  sa  "'"Anu-iér-iddin  a-na 
ùmir"  sa-a-tum  ina-an-din 

En  cas  de  revendication  de  2/26  d'un  jour,  parmi  ces  jours,  de  reve- 
nus de  cette  charge  de  kis-sig,  Anu-ab-usur,  vendeur  de  ces  revenus, 
fils  de  Rdbi-Anu,  umarrak  et  xn  fois  à  Labasi,  fils  de  Anu-zêr-iddin, 
pour  toujours  il  remettra. 


4()  JANVlËR-MARS   19'22. 

^^a"  16,  16-2/1)  ùmu'""  pa-ka-ri  sa  una  muh-hi  Iski  siidù'"^'  U-lab-su-u 
"Anu-dh-iiUon-nu  a  """Anu-uballitM  màrr  "  \i-din-tiim-""Anu  a-mar-vak- 
rna  a-di  xii-ta-a-an  a^na  "La-ba-si  apli  sa  "''"Anv-\:êr-iddin]  ul  i-sal-ma 
"""AnH-ah-iddan-nu  u  "  ""  Anu-uballit'(  isku  sudtu""'^  a-mi  kaspi  a-na 
cptis  "•'  su-bii-tii  a-na  nu-dun-nu-u  a-na  maii-um  sa-nam-mu  e-lat  "La-ba-si 
ni  td-din-nii-u  ul  i-nam-din-m-n  it  ki-i  id-din-nu-u  u  id-dan-nu~u  u-tnar- 
rak-ma  a-di  xn-ta-a-an  a-na  "La-ba-si  apli  sa  " Anu-zêr-iddin  a-na  ùmu'"" 
m-a-tu  su-nu 

En  cas  de  revendication  de  ces  revenus,  Anu-ah-iddannu  et  Anu- 
uballit,  ûh  de  NidinUim-Anu,  umarrah  douze  fois;  à  Labasi ,  fiis  de 
Anii-[n'r-{ddin\,  ils  ne  réclameront  pas;  et  Anu-ah-iddanntt  et  Ami-ubnllil. 
ces  revenus  pour  de  l'argent,  pour  prêts  à  intérêt  (?),  pour  dot,  à  per- 
sonne d'autre  que  Labasi,  ils  n'ont  donné  ni  ne  donneront.  Et  si  ils 
l'ont  donné  ou  le  donnent .  ils  umavmk  douze  fois;  à  Labasi,  fils  d'ylm/- 
:,êr-iddin ,  pour  toujours  ils  appartiennent. 

(n"  19,  10-1 5)  ûmu"'"  pa-ka-ri  ana  muh-hi  iski  ""^^'''iv-bit-n-lu 
suàti""'  il-tab-su-u  "  ''"  Anu-ahê'""-iddin  amêlu  na-din-na-un  iski  sMaU"*" 
a-dt  xii-ta-a-an  u-mar-rak-ma  a-na  "La-ba-si  mdri  sa  "'^"Anu-iêr-iddin 
a-na  ûmu"'"  sa-a-tii  i-tiam-din 

En  cas  de  revendication  des  revenus  de  celle  charge  de  TV-biii,  Anu- 
ahé-iddin,  vendeur  de  ces  revenus,  douze  fois  umarrak  et  à  LabaM,  iils 
(ï Anu-zér-iddin ,  pour  toujours  il  remettra. 

(n"20,  17-20)  ùinu"'"  pa-ka-ri  ana  inuh-hi  Inti  u  ki-ru-ba-a-su 
suàli"'^^  it-tab-su-u  "Ki-din-''"Anu  u  "'^"Anu-ah-iddannu""  amèlu  na-din"*^^ 
bîti  u  ki-1-u-ba-a-su  sudti"'^^  màrê"'"'^  sa  "I{i-hat-''"Anu  a-di  xii-la-a-an 
u-tnar-rak-u-ma  a-na  ûmu""'  sa-a-tu  ana  Su-mu{t)-ut-tum-''"Anu  u  "Mal- 
ta-nit-tum-'^" Anu  mdrê'"^^  sa  "Ni-din-lum-^"Anu  ina-an-din-u 

En  cas  de  levcudication  de  la  maison  et  de  son  terrain,  Kidin-Anu  et 
Anu-ah-iddannu ,  vendeurs  de  cette  maison  et  de  son  terrain,  fils  de 
Rihal-Anu,  douze  fois  umarraku  et  pour  toujours  à  Sumuttmn-Anu  et 
MatUinittum-Anu ,  fils  de  Nidintum-Anu,  ils  remettront. 

(a"  29.  t6-2o)  ùmu"'"  pa-ka-ri  ana  muh-hi  iski  sudli'^'*  it-tab-su-u 
"Ni-din-tum-'^''Anu  na-din  iski  ""^^''^ ban-nu-u-tu  sudti"^^  mdru  sa  "''"Auu- 


ÉTUDES   ASSYUIENNES.  /|7 

mdv-id(hmnu""  a-di  xii-la-u-an  u-mar-rak-ma  a-na  "Ri-lial-''"Anu  indrii  fia 
"  Ldbusi  M  " Ni-din-tum-sarri  mdru  sa  " ''" Ann-ahé"'^^-iddin  a-na  ùmu'"" 
■sa-a-tu  ina-an-din. 

En  cas  de  revendication  de  ces  revenus,  Nidinlum-Anu,  vendeur  des 
revenus  de  cette  charge  d'architecte,  (ils  de  Anu-mdr-iddanmi ,  douze  Ibis 
uinairak  et  à  Rihat-Anu,  fils  de  Labasi,  et  à  Nidinluin-sarri,  liis  de  Anti- 
ahc-iddin,  pour  toujours  il  remettra. 

(n°  aS,  9 9- "-2 5)  ùmu'""  pa-ka-ri  ana  iiatk-hi  biti  sudti^"^'"  k-liib-su-u 
" ''"  Anu-bêl-zêri  amêlii  na-din  biti  sudti'"'^^  u  "  ''"Anu-indr-iddannu""  ahi-su 
ffidrc""'^  sa  ''"Anu-ab-u-sur  a-di  \ii-ta-a-an  u-inar-rak-u-ma  a-na  sinmstui_n 
a-na  ùmu"'"  sa-a-tu  ina-an-din-'u. 

En  cas  de  revendication  de  cette  maison,  Anu-hct-:érl,  vendeur  de  hi 
maison,  et  Anu-mdr-iddannu,  son  irère,  (ils  de  Anu-ah-usur,  douze  fois 
umarraku  et  à  la,  pour  toujours  ils  remettront. 

(n°26,  16-19)  ùmu"'"  pa-ka-ri  ana  muh-hi  ri-bu-u  ina  biti  hiâti '"^^ 
it-tab-sn-u  '"'"Anu-ah-iddin  mar-su  a-di  xii-ta-a-an  u-mar-rak-ma  a-na 
sinnistu  ]\i_(il,i_tum  uidrati  sa  "  '^"Anu-ah-iddannu""  ina-an-din 

En  cas  de  revendication  d'un  quart  de  cette  maison,  Anu-ah-iddin, 
son  (lis,  douze  fois  uniarrak  et  à  Nidintuni,  fille  de  Anu-ah-iddannn , 
il  remettra. 

(n"  99,  1/1-17)  '™"""  pti-ka-ri  ana  muh-hi  iski  suâti'"^^  it-tab-su-[u] 
'"'"Anu-ab-Hsur  mdru  sa  "Etir-''"A7iu  mâru  sa  " Ina-ki-lil-'^" Anu  apil  "Lu- 
us-tam-mar-''"  [Adad]  u-mar-rak-ma  a-di  xn-ta-a-an  a-na  " Ina-ki-lil- 
''"Anu  mdru  [sa]  "  '^"Anu-uhallivl  a-na  ûmu""'  sa-a-tu  ina-an-din. 

En  cas  de  revendication  de  ces  revenus,  Anu-ab-usur,  fils  de  Eiir- 
Anu,  fils  de  Ina-kUil-Anu,  descendant  de  Lustummar-Adad ,  umarrak  et 
douze  fois  à  Ina-kilil-Anu,  fils  de  Anu-ubulUi,  pour  toujours  il  remettra. 

(n"  3o,  18-96)  ùmu""'  pa-ka-ri  a-na  muh-hi  bit  katd  n  sudti""^^  it-tab- 
su-u  "U-bar  aplu  sa  '"'"Anu-uballit'f  aplu  sa.  "U-bar  aplu  "^uhalimme'"^' 
u-mar-rah-ma  a-di  xu-ta-a-an  a-na  "  ''"Na-na-a-iddin  aplu  sa  "  ''"Adad- 
ab-utir  a-na  ùmu  sa-a-tu  i-nam-din. 

En  cas  de  revendication  de  ce  magasin,  Ubar,  fils  de  Anu-uballit,  fils 


!iH  jANVlEH-MAns   1921 

(le  LIkii;  (lesceridanl  des  Boulangers,  iniiiirnik  et  douze  fois  à  Nand- 
iddin,  fils  de  Adad-ab-uiir,  pour  toujoui-s  il  remettra. 

(n"  3*:?.  \h-\'])  ùmu'""  pa-ka-n  a-nu  viiih-hi  ùili  siiàli'^^''  it-(ab-su-[H] 
'"'"Aiiii-uballil'i  umvlit  lui-diii-mi-an  b'ili  sudti""''  i("Tiid-d(in-''"Na-na-a 
mdr-.hi  a-di  \n-ta-a-an  u-mar-ndi-  u  a-na  "Ni-din-tuin-idiri  a-nu  ùmu""' 
m-a-tii  t-naui-din-u 

En  cas  de  revendication  de  cette  maison,  Anu-iiballit,  vendeur  de  cette 
maison,  et  Taddun-Nand,  son  fils,  douze  fois  umarrakù  (ei)  à  Mdinlmn- 
mrri  pour  toujours  ils  remettront. 

(n"  33,  20-2  3)  itinu""'  pa-ka-ri  a-na  muh-hi  Lurummàte'""  suâtinumes 
k-tab-su-u  "'^"Na-na-a-iddiu  u  '"'"Anu-ah-iddin  amêlu  na-din-na'"^^  kuruin- 
mâte'""  suàtina""^'  amêlu  u-mar-rak"*^'  a-di  xii-ta-a-an  a-na  "Sa-''"Anu-ls- 
su-u  apli  sa  "Nu-ur  ana  ûmu  sa-a-tu  i-nam-din"^^^ 

En  c<is  de  revendication  de  ces  offrandes,  Nand-iddin  et  Anu-ah-iddin , 
vendeurs  de  ces  offrandes,  umannku  (et)  douze  fois  à  Sa-Anu-issù ,  fils 
de  Nùr,  pour  toujours  ils  remettront. 

(n°  34,  9-19)  »/««'""  pa-ka-ri  a-na  muh-hi  '^'"^^^ atu-u-lu  u  kurum- 
nuite"'"  suàlina'"^^  il-tab-su-u  " ^idintu-sarri  aplu  sa  " Anu-ah-usabsi" 
u-mar-rak-ma  a-di  xii-ta-a-an  a-na  "Dum-ki-''"Anu  aplu  sa  "Arad-bit-ri-es 
a-na  ûmu"'"  sa-a-tu  i-nam-din 

En  cas  de  revendication  de  ces  fonctions  de  surveillant  et  de  ces 
oHrandes,  Nidintu-sarn,  fils  de  Anu-ah-usalm,  umairak  et  douze  fois 
à  Dumki-Anu ,  fils  de  Arad-bit-res , .  .  .  .  pour  toujours  il  remettra. 


LE    GOUVERNEMENT 
DE   LA    RÉPUBLIQUE    CHINOISE 

ET 
SA   HEPIIÉSENTATION  DIPLOMATIQUE, 

PAR 

M.  A.   VISSIÈRE. 


L'absence  en  langue  française  et  aussi  —  à  ma  connais- 
sance —  en  anglais  de  tout  travail  sinologique  présentant 
l'ensemble  des  divers  organismes  dont  se  composent  le  gou- 
vernement et  l'administration  de  la  République  chinoise,  vieux 
déjà  de  dix  ans,  m'a  déterminé  à  préparer  pour  le  Journal  asia- 
tique le  résumé  ci-dessous,  en  attendant  que  puisse  être  publié 
un  ouvrage  plus  étendu  sur  le  même  sujet,  dont  j'ai  réuni  les 
éléments  et  qui  comprendra,  en  même  temps,  la  nouvelle  géo- 
graphie politique  de  la  Chine,  profondément  modifiée  par  le 
régime  qui  a  succédé  à  l'empire  mantchou. 

J'y  joindrai,  comme  une  seconde  partie,  la  liste  française 
et  chinoise  des  légations  et  consulats  de  Chine  existant  dans 
les  pays  étrangers.  Cette  liste,  basée  sur  l'annuaire  otïiciel  que 
publie  le  gouvernement  de  Pékin,  nous  indique,  en  effet, 
l'orthographe  adoptée  par  le  Ministère  chinois  des  affaires 
étrangères  pour  transcrire  les  noms  de  pays  et  de  villes  d'autres 


50  janvier-Mars  1922. 

Etats,  noms  qui  s'offrent  ainsi  sous  une  forme  pouvant  faire 
autorité  et  qui  viennent  s'ajouter  à  ceux  que  j'ai  relevés  dans 
mon  mémoire  inséré  au  Journal  asiaiujue  de  novembre-décembre 
1  Q  i /i ,  p.  65  1,  sous  le  titre  Orthographe  officielle  chinoise  des 
noms  de  capitales  étrangères.  Il  est  à  souhaiter,  comme  je  le 
marquais  alors,  que  l'orthographe  se  précise,  en  caractères 
chinois,  du  plus  grand  nombre  possible  de  noms  étrangers, 
géographiques  et  historiques,  et  que  nous  puissions,  quelque 
jour,  entrevoir  enfin  une  issue  à  la  confusion,  au  chaos,  qui 
sont  malheureusement  la  caractéristique  de  cette  délicate 
matière. 

La  constitution  provisoire  (Ea  fl^  ^>  îi  ''"  c^^*"'  '"^'^  /')  ^"^ 
régit  la  République  chinoise  (  4*  ^  .K  ^  Tchông  hoûa  mm 
koiw)  est  la  wloi  conventionnelle??  (|§  ^  yué jà)  du  1 1  mars 

Le  président  de  la  République  (;/cî|i^^  ta  tsimg  t'ong), 
chef  de  l'Etat  (%  "S*  y"dn  cheou),  est  investi  du  pouvoir  exé- 
cutif (fr  i|^  li  htng  tchéng  liiuân).  De  lui  dépendent  directe- 
ment : 
le  Maréchalat  (jff  !^  /j^  tsidng  klnn  fini) ,  composé  de  quatre 

maréchaux  supérieurs  (Jl  iff^  cluing  Isuing  kmn)   et  de 

quarante  maréchaux  (^tJIP  jp!  tsidng  kiûn):, 
la  Direction  générale  de  la  défense  des  frontières  ('^  ^  ^  |!$ 

^  ^  JM  ton  pdn  piêu  fâng  ché  wôu  tch'ôu)  ; 
le  Commandement  général  de  la  garnison  de  Pékin  (m  H;  Hl 

^  j|ê'  f3  '^  p15  k'^itg  kl  ivéi  chou  tsong  ssêu  ling pou); 
le  Conseil  d'Etat  (^  ij^  Bt  pîng  tchéng  yuan),  comprenant 

un  président  (^^  yuan  fchàng)  et  trois  Chambres  (|g 

t'mg)  avec  présidents  de  Chambre  [^  -M:  t'îng  tchàng)  et 

juges  (If  :$■  pmg-ché); 
la  Cour   des  comptes  (^  If  15c  <hèu  kl  yuan),  à  la  tête  de 

laquelle  sont  un  président  (  [^  -^  yuan  tchàng)  et  un  vice- 


LE  GOUVERNEMENT  DE  LA  REPUBLIQUE  CHINOISE.  51 

président  (  glj  ^  :^  foû  i/um  tchàng)  et  qui  comprend  trois 
Directions  (;^  ùng)  subdivisées  en  Sections  (J|x  km). 

Le  pouvoir  législatif  [iL'^^W  fi  jà  k'mâti)  appartient  au 
Parlement  ou  Assemblée  nationale  (M  'a'  koûo  houéi),  com- 
posée de  deux  chambres  :  le  Sénat  [^  M  ^  ts'ân  yi  yuan)  et 
la  Chambre  des  députés  (^  sH  1!^  tchông  yi  yuan),  ayant  cha- 
cune un  président  [tû -M:  yi  tchàng)  et  un  vice-président  (glj 
1^  ^  fiu  yi  tchàng).  Le  Parlement,  dont  les  membres  (pi  ^ 
yi  yuan)  se  sont  dispersés  lors  des  troubles  de  juillet  1990, 
n'a  plus  été  réuni  et  doit  être  remplacé  après  de  nouvelles 
élections. 

Le  Gouvernement  central  {^  -^^  M  tchông  yàng  tchéng 
foû)  se  compose  : 

de  la  Présidence  du  Conseil  des  ministres  ou  Cabinet  (M  f^  ^ 
koûo  wôu  yuan),  dont  est  investi  un  président  du  Conseil 
ou  premier  ministre  (  ^  ^  4^  SI  koûo  ami  tsong  h,  ou  |§. 
SI  tsong  II),  qui  peut  être  sans  portefeuille,  assisté  des 
membres  du  Cabinet  [M^  M  koûo  wôu  yuan)  ou  ministres 
[M  -^  t^ong  tchàng)  chargés  des  différents  ministères  (^ 
^  kfj  poû); 
des  neuf  Ministères  :  des  affaires  étrangères  (^h  ^  pÇ  ivdi. 
kiâo-poû), 

de  l'intérieur  (  ^  ^  pl5  néiwôu  pou), 

des  finances  (^  l|5;  p|5  ts'ài  tchéng  poû), 

de  la  guerre  (|^  ^  pl$  loû  kiûn poû), 

de  la  marine  (:^  ^  ^  hài  kiûn  poû), 

de  la  justice  (^J  fe  p|3  ssêu  fâ  poû), 

de  l'instruction  publique  (15;  W  p15  kiâo  yû  poû), 

de  l'agriculture  et  du  commerce  (^  ^  pî5  nông  châng 

poû) 
et  des  communications  (^  j1  pl5  kiâo  t'ông poiï); 

li. 


o'J  JANVlEh-MARS  I'J'Jl'. 

chaque  Ministère  est  dirigé  par  un  ministre  (^,  ^ 
Ifiong  U'Iiàng)  et  un  vice-ministre  on  co-ministre  (ï^  ^ 
Is'eû  Ichàng^,  au-dessous  desquels  sont  des  conseillers 
(^^  ts'ân  ché),  des  rédacteurs  (^^  is'iên  ché^, 
des  secrétaires  (^  §  pi  chou)  et  des  attachés  (;i  ^ 
triwù  chéj,  parfois  des  ingénieurs  (^  ÏE  ki  tchéng)  et 
des  techniciens  (Mi  ^^  c/tt');  les  services  com- 
prennent un  Cabinet  du  ministre  (i^,  f^  ^.  tsbng  wôu 
t'ing)  et  des  Directions  (  pj   ssm),  divisés  en  Bureaux 

de  hautes  administrations  métropolitaines  telles  que  : 

la  Cour  de  cassation  (^  î^  1%  In  li  yuan); 

l'Etat-major  général  (^  |j^  Tji  pi5  tsân  mcou  pèn  poû),  dirigé 
par  un  maréchal  chef  d'Etat-major  générai  [^, -M:  tsbng 
tchàr^y, 

la  Cour  mongole  et  thibétaine  {MW>^  Mong  Tsfmg  yuan), 
dirigée  par  un  administrateur  général  {'fl^.  M,  t-wng  t/âi)', 

le  Bureau  national  des  eaux  (  ^  ^  7JC  ^'J  M  tsniân  koûo  choùei 
li  km),  ressortissant  directement  à  la  Présidence  du  Con- 
seil; 

le  Service  des  douanes  (^f|?J^  choùei  wôu  tch'oû),  admi- 
nistré par  un  directeur  général  [^  M  toû  pdn)  et  un 
adjoint  [^  ^  hoûei  pdn)  et  dont  dépend  un  nombreux 
personnel  cosmopolite,  ayant  à  sa  tête  un  inspecteur  géné- 
ral (^<  ^  ^  tij  isong  choùei  ivôu  ssëu)  anglais  et  des  com- 
missaires des  douanes  (^  ^  ^  choùei  wôu  ssëu); 

l'Administration  delà  gabelle  {^Ml  ^  ^  y^'»  "^^'^  chou),  dont 
le  directeur  général  est  le  ministre  des  finances  et  dont  le 
Contrôle  général  (|f  ^^  ^§  ]pjj  kl  hô  tsbnfj  so)  comporte  un 
personnel  chinois  et  étranger  ayant  à  sa  tête  un  co-directeur 
{^  ^  koûei  pdn)  anglais; 

la  Direction  générale  des  postes  (ffS  i^  M  Wi  yt^ou  tchéng  tsbng 
kiù),  ayant  un  personnel  de  toutes  nationahtés  et  dont  le 


LE  GOUVERNEMENT  DE  LA  REPUBLIQUE  CHINOISE.  53 

directeur  général  [^  -^  km  tchàng)  est  chinois  et  le  co- 
directeur (^.  ^  tsong ptln^j  français; 

deux  Conseils  supérieurs  de  discipline  {M  ^  ^M  ^  ^  M  ^ 
kâo  tèngtch'êng  kùli  ivêi  yuan  hoûci)  des  fonctionnaires  civils 
(3St  1^  ireM  kouân^  et  des  magistrats  (^I  ^i*^  ssêu  fa 
kouâii)^  ayant  pour  président  (^  M  :ê  "^'^''  yuan  tchàng^  le 
président  du  Conseil  d'PJtat; 

le  Bureau  des  monnaies  et  valeurs  fiduciaires  (^  "^j  ^  fî  tchê 
kiiï),  dirigé,  sous  l'autorité  du  ministre  des  finances,  par 
un  administrateur  général  (^§,  ^  Isong  (s'àiy, 

le  Bureau  des  lois  ( J^  fij  J^  fâ  tchc  kiû); 

le  Bureau  des  distinctions  honorifiques  {M:  ^■^  M  ts'iiutn  sni 
kiu)  dépendant,  comme  le  précédent,  de  la  Présidence  du 
Conseil; 

l'Université  de  Pékin  (^b  J5C>^^  P<''f  k'ing  ta  htm),  admi- 
nistrée par  un  recteur  ['^  -^  hitlu  icliàngY^^; 

la  Police  métropolitaine  (^  El  ^  '^  J^  king  c/iê  khig  fch'â 
t'ïng),  commandée  par  un  préfet  de  police  (^.  ^  tsong 
kiéii),  dépendant  du  Ministère  de  l'intérieur  et  dont  relèvent 
vingt  Commissariats  de  police  (^*^:^  king  tch'â  chou) 
pour  autant  de  quartiers  (^  k'iû),  confiés  à  des  officiers 
de  paix  (^  ÎE  kltig  khéng)  ou  à  des  brigadiers  (^  f^  king 
tso); 

l'ancien  Ya-men  du  général  commandant  l'infanterie  (^^-f^ 
M  jpj  P^  p()û  kiûn  t'ong  l'uig  yà  nirnj^  dirigé  par  un  maré- 
chal et  qui,  sous  l'empire,  était  chargé  spécialement  du 
maintien  de  l'ordre  dans  la  Ville  tartare  de  Pékin  ; 

la  Municipalité  de  Pékin  ('ff^  ^  1^  ï!^  ^  Pfi  king  toû  ché 
tchéng  kông  sa),  administrée  par  le  préfet  de  police  et  s'oc- 

''*  Le  titre  de  l'Universilé  de  Pékin  est  couramment  abréjjé  en  ;j[^  ;;^  Pi'i 
là.  En  vertu  de  la  même  simplification,  l'Université  de  Paris  (  Ë*  ^  ^  ^^ 
Pà-U  tel  hiûe)  est  appelée  (^  Ji^  Pà  id  et  celle  do  Lyon  (^  _^|  Li-niriiii({ 
t(i  hiùe)  devient  ^  Jr  Li  ht. 


5^»  JANVIER-MARS    1922. 

cupant  des  questions  de  taxes  de  voirie  et  de  police,  des 
épidémies,  du  commerce  et  de  l'industrie. 

L'administration  territoriale  comprend  : 

le  Territoire  métropolitain  (^  îl^  lâng  Ichâo^,  administré  par 
le  préfet  de  Pékin   (^  iJ^  5^  hïng   tchdo   yhi),    dont    dé- 
pendent 20  Sous-préfectures  (|,?,  Iiién)  voisines; 
les  vingt-deux  Provinces  (^t^  chèng^^  dans  chacune  desquelles 
résident  : 

1°  un  gouverneur  militaire  {^  W-  fôu  kiûn)^  parfois  investi 
des  fonctions  de  haut-commissaire  inspecteur  (jiKC  |^  ^ 
h'hui  yiie  ché'j  pour  deux  ou  trois  provinces '^^,  et  dont 
dépendent  un  ou  plusieurs  commissaires  de  la  défense 
(^  ^  M  ^(^^^''n  chèou  ché)  pour  autant  de  circonscrip- 
tions militaires  existant  dans  la  province; 
2°  un  gouverneur  civil  [t^  ^  chèiig  tchnng),  ayant  son 
(labinet  ou  Direction  des  affaires  administratives  (i^;  ^ 
^  tch'ng  ivôu  t'ing)  et  auprès  duquel  sont  établis  un  Bu- 
reau des  affaires  étrangères  (  ^  i^  :§•  hâo  chô  chou)  dirigé 
par  un  délégué  du  Ministère  des  affaires  étrangères  (^ 
î^  ^  kiâo  cho  yuan)  —  et  comptant  parfois  des  succur- 
sales dans  des  localités  ouvertes  au  commerce  interna- 
tional, —  et  trois  Directions  des  finances  (^  l|it  ^.  ts'n 
Ichérig  t'ing),  de  l'instruction  publique  {^'^  M  f^^"^ 
yû  t'îng)  et  de  l'industrie  (^  H  Mi  clu'  yé  t'tng),  admi- 
nistrées par  des  directeurs  (i^  ^  t'ing  tchàng)  relevant 
des  Ministères  compétents  à  Pékin; 

(')  La  presse  élranjjère  en  Chine  donne,  dans  ce  cas,  familièrement  à  ces 
olliciers  de  jjrande  fortune,  (jui  sont  présentement  les  arbitres  du  pays,  le 
titre  de  asuper-toukiunsîi.  On  en  a  compté  quatre  :  un  pour  les  trois  provinces 
de  la  Manlcliourie,  un  pour  le  Kiânjj-sou,  le  Ngân-hoiiei  et  le  Kian|f-sï,  un 
pour  le  Tché-ii,  le  CliQn-tong  et  le  Hù-nàn  et  un  pour  le  Hoù-pèi  et  le  Hoû- 
nân. 


LE  GOUVERNEMKMT  DE  LA   IlÉPUnLIQLE  CHINOISE.  55 

la  Province  est  divisée  en  Cercles  (^  tdo'j,  adminis- 
trés chacun  par  un  intendant  de  Cercle  (xË  ^  tdo  tjin) 
et  subdivisés   en  Sous -préfectures  (|^,   hién),  adminis- 
trées par  un  sous-préfet  (^B  ^  Uhê  cfu'  ou  |J,  ^0  ^  hién 
telle  ché^,   parfois  assisté  d'un  juge -délégué  (:^^  p 
tch'êng  cliên  ijuân^  '•*; 
les   trois  Régions    particulières  (if#^lj|^i^   ù')  pie  k'iû  yû) 
constituées  par  le  Gouvernement  républicain  au  nord  de  la 
Grande  muraille  sous  les  noms  de  Jô-ho  (|^  ^pf  Gehol),  de 
Tch'â-hâ-râJ  ("^  ^  M  Tchagar)  et  de  Soûei-yuàn  (|5  js) 
et  placées  sous  l'autorité  militaire  et  civile  de  généraux  des 
Bannières  (^  -^j^  toû  ibng),  dont  dépendent  des  intendants 
de  Cercle  et  des  sous-préfets  ; 

une  quatrième  Région  particulière  dite  de  Tch'ouân-piên 
[JH  jâ)»  qui  devait  comprendre  une  superficie  à  peu  près 
égale  à  celle  de  la  grande  province  de  Sséu-tch'oûan,  dont 
elle  aurait  englobé  la  partie  ouest  avec  le  territoire  voisin 
prélevé  sur  le  Thibet  oriental,  n'a  pu  être  encore  complè- 
tement organisée  ; 
la  Mongolie,  le  Koukou  nor  (^î#  Ta'lng  hài)  et  le  Thibet, 
sans  administration  chinoise  et  rattachés  au  Gouvernement 
de  Pékin  par  des  liens  plus  ou  moins  étroits. 

(')  L'annuaire  officiel  chinois  (^  ^  f|^  Tchv  yuan  lou)  du  premier  tri- 
mestre de  1930  donne  la  nomenclature  des  1,81 3  Sous-préfectures  que  compte 
aujourd'iiui  la  Chine,  sans  y  comprendre  les  33  qui  figurent  comme  constituant 
la  Région  particulière,  encore  hypothétique,  de  Tch'ouân-piên,  sino-thibétaine. 
On  sait  que  le  gouvernement  républicain  a,  dès  l'année  1912,  supprimé  toutes 
les  Préfectures  (  ^  fou  de  première  classe ,  ^_  t'rng  secondaires  et  W  tckrott 
de  deuxième  classe)  et  n'a  laissé  subsister  au-dessous  des  Provinces  et  des  Cercles 
que  des  Sous-préfectures.  Celles-ci  ont  été  l'objet  d'une  revision  générale  : 
lorsqu'un  nom  était  commun  à  plusieurs  d'entre  elles  —  et  c'a  été  le  cas 
pour  126  de  ces  circonscriptions,  —  il  a  été  maintenu  à  la  Sous-préfecture  qui 
le  portait  depuis  le  plus  long  temps;  les  autres  ont  repris  officiellement  des 
appellations  leur  ayant  appartenu  dans  le  cours  de  leur  histoire.  11  n'y  a  donc 
plus  d'homographes  parmi  les  Sous-préfectures  chinoises. 


56  JANVIER-MARS   1922. 

Le  pouvoir  judiciaire  (^|  î^i^  ssëu  j'â  tshuin)  est  exercé, 
en  dehors  du  ministère  de  la  justice,  par  : 

la  Cour  de  cassation  (^'c  M  Bu  '''  /'  ijKiln),  comprenant  un 
président  (  ^  ^  iju/in  uhàug),  quatre  Chambres  des  affaires 
civiles  (  Je  ^  ;^  mîn  cJié  t'îng)  et  deux  Chambres  des  affaires 
pénales  [M^  M  /*'"^  c^^^'  ^*"^)'  ayant  chacune  un  prési- 
dent de  Chambre  {J^  ^  t'hig  tcJuing)  et  deux  ou  quatre 
conseillers  (|^  ^  t'oûei  chéy, 

près  la  Cour  de  cassation  est  institué  un  Parquet  du 
procureur  général  (If.  fi^  ^  J^.  tsong  kièn  tch'â  ting),  com- 
prenant un  procureur  général  [\^'^  ^  kièn  tcli'à  tchnng), 
assisté  de  huit  procureurs  (  Y^^  %  kih  tch'â  kouân); 

des  Tribunaux  supérieurs  ou  Cours  d'appel  (î^  ^  ^  ^J  J^ 
/.Y/0  tèfig  chèn  p'dn  t'ing),  dont  un  à  Pékin  et  dans  chaque 
capitale  de  Province,  comportant  un  président  (J^  -^  Ùng 
tchàng)  et  plusieurs  conseillers  (^  ^  foïiei  ché),  et  auprès 
desquels  est  institué  un  Parquet  de  procureur  général  (^ 
^  ^^  M  kâo  tèng  kièn  tch'â  t'îng),  comportant  un  procu- 
reur général  {"M  ^  ^^  ^  ^  kâo  tèng  kièn  tch'â  tchàng) 
assisté  de  plusieurs  procureurs  (|^  *^  '^  kièn  tch'â  kouân); 

des  Tribunaux  locaux  ou  de  première  instance  (i't'fi^^'^lM 
ti  fâng  chèn  p'ân  t'îng) ,  dont  un  à  Pékin  et  dans  un  très  petit 
nombre  d'autres  villes  importantes  au  point  de  vue  interna- 
tional, comprenant  chacun  un  président  et  plusieurs  con- 
seillers; 

auprès  de  ces  Tribunaux  locaux  est  institué  un  Parquet 
de  procureur  de  la  République  [i^  'Jf  ^^  'M  M  ^'^ P^^g  ^»""'' 
tch'â  t'îng)  ayant  un  procureur  de  la  République  (itfe,  3^  Ijk 
^  ^  '''  l^'"ig  kièn  tch'â  tchàng)  assisté  de  plusieurs  procu- 
reurs; 

les  Tribunaux  des  sous-préfets,  parfois  secondés  par  un  juge- 
délégué,  et  auxquels  ont  été  confirmées  par  décret  leurs 
anciennes  attributions  judiciaires  dans  toutes  circonscrip- 


LE  GOUVERNEMENT  DE  LA  RÉPUBLIQUE  CHINOISE.  57 

lions  où  des  tribunaux  du  nouveau  modèie  n'ont  pas  encore 
élé  créés; 

des   prisons  modernes  (^  IK  hiën  yu)  en  petit  nombre 
ont  été  édifiées  auprès  de  ces  derniers. 

Le  service  diplomatique  et  consulaire  de  la  République 
chinoise  ne  compte  pas  encore  d'ambassadeurs  (  ^c  "^  là  ché)  ^'). 
Il  comprend  des  Légations  (^  ff  ché  houmi)  dirigées  par  des 
envoyés  extraordinaires  ministres  plénipotentiaires  [^^  ^  ^ 
W.  ^  ^  ^'^  fnîng  tsiiiân  k'iiiân  kông  ché'j,  des  Consulats  géné- 
raux (M  ^Mf^  ^^ong  Ving  liouàn),  des  Consulats  (M  ft  i^ng 
kounn),  des  Vice-consulats  (Sljplft  /ow  Ihig  kouàn),  trois 
classes  de  secrétaires  de  Légation  (^>  ^  pi  cAoû),  des  attachés 
de  Légation  (|^  ^  soûei  yuan),  des  chanceliers  ou  commis  (^ 
:^  tchbu  ché),  des  consuls  généraux  (|ê-  M  ^  tsong  hng  ché), 
des  consuls  (  pM  ^  Jhig  ché) ,  des  vice-consuls  (  glj  M  ^  fou 
Ihig  ché),  des  élèves-consuls  (|§3  ^  M  ^  souci  si  Uiig  ché). 

LISTE 

DES  LÉGATIONS  DE  CHINE  À  L'ÉTRANGER 
ET    DES   POSTES    CONSULAIRES    QU[    EN    DEPENDENT 
(Si  ^h  ^  P^  ^  ft  tchôii  ivdi  ché  Ihig  ko  kouàn). 

Légation  en  Grande-Bretagne  (^  l^  M  M    Ying-kt-U-koûo)  : 
1  ministre,  3  secrétaires,  3  attachés,  i  chancelier. 

C  Cependant  des  ambassadeurs  extraordinaires  ont  parfois  été  charjjés  de 
missions  par  le  (jouverncment  chinois.  C'est  ainsi  que  MM.  Chë  Tcliào-ki  (^ 
^  ^)  et  Koii  VVèi-kiun  (^  |^  |^),  respectivement  envoyés  extraordinaires 

ministres  plénipotentiaires  aux  Etats-Unis  et  en  Grande-Bretafjne,  ont  reçu, 
par  décret  présidentiel  du  a  novembre  1931,  le  titre  d'ambassadeurs  plénipo- 
tentiaires (^  JM  Je  W  \^  ts'iudn  k'iuàii  ta  ché  hièn)  pour  représenter  lu 
Chine  à  la  Conférence  du  désarmement  et  du  Pacifique,  à  Wasliinj;ton.  II  y  a 
des  exemples  de  jiominations  analoj;ues  au  temps  de  l'empiro  uiantcliou  (Li 
Hùng-tchàng  en  Russie  notamment). 


58  JANVIFR-MARS    19-22. 

—  Consulat  général  à  Londres  (^j^  $^  Louèn-toum^  :  i  consul 

général,  i  vice-consul,    i    élève-consul,    i   chancelier. 

—  Consulat  général  à  Singapour  (  if  ^  :^  Sln-kla-fô)  :  id. 

—  Consulat  général  en  Australie  (f^  ^  ^ij  ^  JS gdo-tâ-li-yà)  : 

id. 

—  Consulat  en  Nouvelle-Zélande '^'  {^'f^.%  Nteou-ssên- 

louêh^  :  1  consul,   i  élève  consul  et    i    chancelier. 

—  Consulat   général   au    Canada'-'  {^^  :^    K'àn-mUâ)  : 

1    consul  général,    i    vice-consul,    i    élève-consul   et 
1  chancelier. 

—  (Consulat   général   h   Bornéo  septentrionale  (  4b  "ijît  ^  ^ 

Pèi  Pô-lô  tchêou'j  :  i  consul  général,  i  élève-consul  et 
1  chancelier. 

—  Consulat  à  Pinang  (^  |êC  llll^  Pln-lâng  siù)  :  i  consul. 

—  Consulat  à  Rangoun  [^  %  Ynng-kouàng)  :  i  consul, 

1  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat  à  Vancouver  (fm  "^  ^  Wën-kô-houâ^  :  id. 

—  Consulat  général  dans  l'Afrique  du  Sud  '^'  (  ^  §|  '^'|  Nàn 

Fei  tchêon)  :  i  consul  général,  i  élève-consul  et  i  chan- 
celier. 

—  Consulat  aux    îles   Samoa '^^  {W.  ^  1^  Sâ-mù  lào)    : 

1  consul,  1  élève-consul  et  i  chancelier. 

Légation  en  France  (J'i  H  W  M  Fd-lân-sl  koûo)  :   i  ministre, 
/»  secrétaires,  i  attaché  et  i  chancelier. 

—  Consulat  général  à  Paris  (G.  ^  Pâ-lî)  :  i  consul  général, 

1  vice-consul,  i  élève-consul  et  i  chancelier. 

Légation  au  Danemark  {-J^  ^  M  Tân-mni  hoùo)  :  i  ministre, 
3  secrétaires,  i  attaché  et  i  chancelier. 

(')  Résidence  à  Wellinjjlou. 

(*'  Hésidence  à  Ottawa. 

W  Résidence  à  Joliannesljurjj  (Transvaal). 

W  Résidence  à  Apia. 


LE  GOUVERNEMENT  DE  LA  REPUBLIQUE  CHINOISE.  51» 

Légation  en  Suède  (^  A  ^  Joûei-tièn  Imio)  :  i  ministre  et 
1  secrétaire. 

Légation  en  Russie  (ifÊ  j^  tjr  ^  Ngô-lâ-ssëu  koûo)  [actuelie- 
ment  vacante]  :  i  ministre,  3  secrétaires.  3  attachés 
et  1  chancelier. 

— -  Consulat  général  à  Vladivostok  (î#  ^  ^  Hni  cliên  wêi)  : 

1  consul  général,    i    vice-consul,   ti  élèves-consuls  et 

2  commis. 

—  Vice-consulat  à  Khabarovsk  (fé  ^'J  Pô-U)  :  i  vice- 

consul  et  3  commis. 

—  Vice -consulat  à  Nikolaïevsk  (j||  ^x    Midn  kiâi)  : 

il 

—  Consulat  général  à  Omsk  (ff5  ^  M  %  I\g6-m6u-ssêu-k'ô)  : 

1    consul  général,    i    vice-consul,    i    élève-consul  et 
1  chancelier. 

—  Consulat  à  Irkoutsk  (^  M  ^  ^Jz  %  Yi-eàl-k'(m-t}i'en- 

^  o)  :  1  consul,  i  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat    général   à    Blagoviestchensk    (S^pJ"    Hëi-hù)  : 

1  consul  général,  i  élève-consul  et  3  commis. 

—  Consulat  à  Tchita  (i^lj;  f§  T'rAV-^V})  :  i  consul,  t  élève- 

consul  et  i  chancelier. 

Légation  aux  États-Unis  (H  fij  M 'â"  ^  ^  Mèi-U-kiën  hô- 
te hôug-koiio)  :    1   ministre,  /i  secrétaires,    i   attaché  et 

2  commis. 

Légation  et  Consulat  général  à  Cuba  {l&  G  Knù-pâ)  :  i  mi- 
nistre, titulaire  de  la  Légation  aux  Etats-Unis,  i  consul 
général  chargé  d'affaires  (fi;  #?  ^  ^  tài  pdn  ché chr), 
1  vice-consul,  i  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat  général  à  San-Francisco  (^  jjj  Kin-ch/ln)  :  i  con- 

sul général,  i  vice-consul,  t  élève-consul  et  i  chance- 
lier. 


60  JANVIER-MARS    1922. 

—  (ionsulat  génëral  aux  îles  Philippines  (^  ^ij  f^  Fèi-li-pln)  : 

id. 

—  Consulat  à  Ne\v-\ork  [^  f,^  Nieou-yûe)  :   i  consul, 

1  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat  aux  îles  Sandwich  (  fl  ^  UJ  Tân-hiâng-chân)  : 

id. 

—  Consulat  général  à  Panama  (  Ë»  ^  3i|  Pâ-nâ-mà)  :  i  con- 

sul général,  i  vice-consul,  i  élève-consul  et  i  chance- 
lier. 

Légation  au  Japon  (  B  7|i  ®  Jé-pm  koûo)  :  i  ministre,  l\  se- 
crétaires, 1  attaché  et  i  chancelier. 

—  Consulat  général  à  Yokohama  {^^'M  Héug-pïn'j  :   i  con- 

sul général,  1  vice-consul,  i  élève-consul  et  i  chance- 
lier. 

—  Consulat  à  Kohé  (fl^  ^    Chên-hôu)  et  Osaka  {:f^^Ji 

Td-fànj  :  i  consul,  i  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat  à  Nagasaki  (^  i$:  Tcli'âng-h'î)  :  id. 

—  Consulat  général  en  Corée  (^  |^  Tch'do-sion^  :  i  consul 

général,   i  vice-consul,  i  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat  à  Tchemoulpo  (t  il|  Jên-tch'ouân)  :  i  con- 

sul, 1  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat  à  Pusan  (^  llj  Fou-chân)  :  id. 

—  Consulat  a  Shingishu  (^^  ^  '}]]  Stu-yi-tcheôu)  :  id. 

—  Vice-consulat  à  Gensan  (%  tlj  Yuân-vlum)  :  i  vice- 

consul,  1  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Vice-consulat  à  Tchinampo  (tS  ^  M  Tsihig-nân- 

j/oà)  :  id. 

Légation  en  Hollande  (#  "^  ^   Hô-hhi  /o/îo)  :   i    ministre, 
2  secrétaires,  i  attaché  et  i  chancelier. 

—  (Consulat  général  à  Java  (^|^  Pj|  Tchào-wà)  :  i  consul  géné- 

ral, t  vice-consul,  i  élève-consul  et  i  chancelier. 


LE  GOUVERNEMENT  DE  LA  UEPUULlQUE  CHINOISE.  (il 

—  Consulat  à  Sourabaya  (f^  ^jc  Sséu-choùei)  :  i  consul, 

1  élève-consul  et  i  chancelier. 

—  Consulat  à  Padang  (^B  ^  Pâ-tông)  :  ul 

— ^  Consulat  à  Médan  (||§  ^  Miên-lân)  :  i  consul. 

Légation  en  Italie  (^  ;^  ^!l  ^  Yi-td-Ii  koào)  :  i  ministre, 
2  secrétaires,  i  attaché  et  i  chancelier. 

Légation  en  Belgique  (J;b  M  fl#  M  Pi-H-chê  kotio)  :  id. 

Légation  en  Espagne  (0  Sjr  G.  /^  5&  S  Jé-ssëu-pâ-nî-yn  koûo)  : 
1  ministre  chargé  cumulativement  des  Légations  de 
Chine  au  Portugal  et  près  du  Saint-siège,  2  secrétaires, 

1  attaché  et  i  chancelier. 

Légation  au  Portugal  (^^  ^  M  P'ou-t\iô-yâ  koûo)  :  i  mi- 
nistre (voir  ci-dessus),  i  chargé  d'affaires  secrétaire  de 
seconde  classe ,  i  attaché  et  i  chancelier. 

Légation  près  du  Saint-siège  (fS;  ^  Kiâo  Ùng,  Cour  pontifi- 
cale) :  1  ministre  (voir  Légation  en  Espagne). 

Légation  au  Brésil  (G  W  ^  Pd-sl  koào)  :  i  ministre,  chargé 
cumulativement  de  la  l^égation  au  Pérou,  9  secré- 
taires, 1  attaché  et  i  chancelier. 

Légation  au  Pérou  (|t5#  ^  Pi-loa  koûo)  :  i  ministre  (voir 
ci-dessus),  i  chargé  d'affaires  second  secrétaire,  chargé 
cumulativement  du  (îonsulat  du  Callao  (  ^  M  Ivl  ^'d- 
li-yûe),  1  attaché  et  i  chancelier. 

Légation  au  Mexique  (M  W  W  ^  Mô-sî-kô  koûo)  :  i  ministre, 

2  secrétaires,  i  attaché  et  i  chancelier. 


62  JANVIER-MARS    1922. 

Légation  en   Suisse  (3^  i  ^   Joûei-ché  koûo)   :    i   ministre, 
2  secrétaires,  i  attaché  et  i  chancelier. 

Comme  conséquence  de  l'article  premier  de  l'arrangement 
sino-allemand  (4'  f*  "^  ^  tchông  ta  hiê  yûe)  signé  à  Pékin 
le  2  0  mai  1921,  une  Légation  de  Chine  près  la  République 
allemande  ((§  S  ^  ^  fo  M  Td-yi-tché  kmg-hô-koûo)  a  été, 
en  outre,  établie,  depuis  peu,  à  Berlin  (|Ô  W  Po-lin). 

Par  décret  présidentiel  du  2/1  décembre  1921,  une  Léga- 
tion chinoise  a  été  créée  à  Panama,  dont  la  direction  a  été 
confiée  cumulativement  au  ministre  de  Chine  à  Cuba. 


NOTES  ÉPIGRAPHIQUES", 


PAR 

M.    NOËL  GIRON. 


à.   CACHET  HÉBRAÏQUE. 

Scarabée  percé  dans  le  sens  de  la  longueur,  marbre  blanc, 
acquis  à  Alep.  iMa  collection.  Sous  le  plat,  rangées  d'uraeus 
stylisées  encadrant  un  scarabée  à  deux  paires  d'ailes  éployées, 


iX'\\"T2|'7j      A  Mnràifesa. 


Fig.  1. 
(Agrandi  au  double.) 

(|ui  occupe  le  centre.  Au-dessous,  légende  d'une  ligne.  Les 
caractères,  notamment  leD,  rappellent  par  leur  forme  l'alpha- 
bet samaritain  (Kg.  i).  Je  lis  :  K*J\X")D['?j  à  Marâyesa. 

'"   La  [(rcinirrc  |(ar(ic  de  c(!s   notes  a  paru  dans  les  Mélanges  de  la  Faculté 
iiripiilalr  ilr  hfjiroutli ,  t.  V,  p.  «7  et  suiv.  Le  manuscrit  du  présent  travail  est 


i\'i  JANVlËfi-MAHS    ly2-J. 

I.e  sens  de  ce  nom  propre  n'est  pas  douteux  :  «que  le  sei- 
gneur (le)  sauve»  ou  plutôt  «que  le  dieu  Mara  (probablement 
une  forme  de  Marna,  le  dieu  de  Gaza^^*)  le  sauve».  Le  fait  que 
le  mot  araméen  Nit:  se  trouve  engagé  dans  le  composé  hébraïque 
y^ywnt:  permet  de  supposer  qu'il  n'y  u  pris  place  que  comme 
épitbète  divine  équivalant  à  un  nom  propre  '-'  et  non  pas  comme 
nom  commun  ;  la  seconde  traduction  doit  donc  être  préférée. 

On  retrouve  le  nom  de  112  sans  N,  en  combinaison,  sur 
d'autres  petits  monuments,  et  particulièrement  sur  un  cachet 
des  collections  du  British  Muséum,  publié  par  M.  Clermont- 
Ganneau^^j  et  dont  les  détails  ornementaux  sont  de  style  égyp- 
tien comme  ici,  avec  le  scarabée  aux  ailes  éployées  pour  motif 
central.  En  comparant  l'ornementation  du  sceau  ici  étudié  à 
celle  du  n"  12 4  du  C.I.S.,  part.  11,  p.  i  28,  on  serait  tenté  de 

resté  en  Syrie  durant  la  guerre  et,  pour  ne  pas  en  retarder  encore  l'impres- 
sion, j'ai  eu  recours  à  la  bienveillante  hospitalité  du  Journal  asiatique.  J'ai 
laissé  à  ce  travail  la  forme  de  notes  au  jour  le  jour  qu'il  avait  en  igi-'i,  sans 
y  presque  rien  changer.  Il  est  possible  que  plusieurs  des  monuments  publiés 
ici  aient  été  déjà  mis  en  œuvre  en  Allemagne;  mon  éloignement  de  l'Europe 
ne  m'a  pas  permis  de  le  vérifier. 

CJ  Voir  C.I.S.,  part.  I,  p.  ^7,  78  et  1 1 J  :  part.  ll,p.  8^1,  87.  Cette  divinité 
avait  été  assimilée  par  les  Grecs  au  Zeus  Cretois.  Voir  Boucué-Leclei\co,  Hist.  de 
la  Divination  ,  t.  111,  p.  /loo.  Le  culte  de  Marna  étant  peu  étendu  au  dehors  de 
Gaza  (cf.  Roscueu  ,  Lexicon ,  sub  verbo) ,  le  dieu  Mar  est  peut-être  plutôt  à  rappro- 
cher du  mystérieux  Mari  de  Jacob  de  Sarug  cité  dans  Assemani,  Bibl.  Or. ,  III, 
I,  p.  337-328  (cf.  Z.D.M.G.,  XXIX,  p.  i3i)  :  «Il  a  égaré  Harran  avec  Sin, 
Ba'al  Samin,  Bar  Nemré  [peut-être  Nesre  Im-'*  <"f-  le  passage  de  la  Dottrine 
d'Addai,  J.  As.,  1891,  II,  229]  et  Mari  son  chien,  etc.»  ,  »o>n  •iV)?  ..vaoo.  — 
Pognon  {Inscript,  sémit.,  p.  81,  n°  46)  suppose,  à  propos  de  la  phrase  (inale 
«qu'il  soit  maudit  par  Marlahai,  qu'une  divinité  appelée  Mer  ou  Mar  a  été 
très  anciennement  adorée  en  Syrie.  U  cite  à  l'appui  de  son  hypothèse  une 
inscription  publiée  par  Piuches  (  T.S.H.A.,  VIU,  p.  359),  où  un  roi  du  pays  de 
IJana  porte  le  nom  de  J  t:|  J^f  »^<  T»—  ^  luhulti  nœ-ir,  qui  signifie 
«secours  de  Mer».  Pognon  cite  encore  le  nom  propre  de  vô*»».-»»,  qu'on  pour- 
rail  expliquer  plutôt  par  «le  dieu  Mar  a  donné»  que  j)ar  «mon  seigneur  a 
donné». 

(^)  Cf.  yii'^^y. 

•W  Clebmont-Ganneau ,  Sceaux  el  cachets ,  J.  As.,  1883,»"  ai,  p.  ili3  et  507. 


NoTKS  ÉPKUUPHIQUES. 


65 


l'attribuer  au  vi"  ou  au  vu*  siècle  av.  J.-C.  Il  semble  cependant 
qu'eu  égard  à  la  forme  des  caractères  de  l'inscription ,  il  faille 
descendre  au  moins  jusqu'au  v"  siècle. 

La  facture  de  ce  cachet  est  certainement  syrienne,  quoique 
les  motifs  aient  été  empruntés  à  l'Egypte,  probablement  par 
l'intermédiaire  de  la  Pbénicic.  Connaissant  à  peu  près  dans 
([uelle  région  ce  petit  monument  a  été  trouvé,  je  pense  qu'il 
faut  l'attribuer  aux  descendants  des  populations  juives  que 
Sargon  avait  exilées  après  la  prise  de  Samarie,  «à  Khala,  sur 
le  Khabour,  fleuve  de  Gozan'^^?,  à  la  fin  du  vnf  siècle.  C'est 
peut-être  à  ces  mêmes  populations  qu'il  faut  restituer  le  cylindre 
avec  motifs  assyriens,  publié  au  C.I.S.,  part.  Il,  n"  85  ,  comme 
araméen  et  portant  ""13")!:'?. 

5.  BAGUE  AVEC  NOM  PROPRE  PALMYRÉNIEN. 


1 


Petite  bague  en  or  de  ma  collection,  portant  gravé  en  creux 
sur  le  chaton  un  profil  d'homme  imberbe,  regardant  à  gauche. 
Les  traits  du  visage  et  la  coupe  de  cheveux 
rappellent  le  faire  des  bons  artistes  de  Palmyrc. 
Derrière  la  tête  et  tracés  horizontalement,  qua- 
tre caractères  (fig.  -2)  nous  donnent  le  nom 
bien  connu  de  "i^Ti  Tahnou,  ^(xï(X05,  que  l'on 
retrouve  fréquemment  dans  l'onomastique  pal- 
mvrénienne  et  nabatéenne.  La  forme  des  carac- 
tères, du  type  syi'iacisant,  semblables  à  ceux  de 
l'inscription  de  Nazala^-',  permet  de  dater  celte  ^^'' 

bague  du  milieu  du  n"  siècle  de  notre  ère.  S'il  faut  en  croire 
\e  fellah  de  qui  je  l'ai  acquise,  elle  proviendrait  de  Sfîré,  au 
sud-est  d'Alep. 


(1-2)  (1)  Il  Rois,  XVII,  6;  xviii,  11.  i*our  l'atlribution  de  cet  événement  à 
Sar(fon,  rf.  Dhorme,  Les  faijn  liiljliifups  et  IWssijyip ,  p.   'i.'5  à  Ad.   Pour  Khala 

XIX.  5 


66  JANViÉR-MAftS  l92l 


6.   BAGUE   PORTE-BONHEUR  "'. 

Petite  bague  en  or  à  chaton  rond  d'émail  (?)  bleu  j)resque 
noir,  sur  lequel  se  détache  en  relief  et  en  blanc  l'inscription 
suivante  : 

eVTVXI  £!;%(£)< 

O+OPOJN        b  (popùiv 

Formule  bien  connue'-^  A  noter  seulement  le  <p  cruciforme. 
Provenance  incertaine,  collection  de  M.  Grapin,  vice-consul 
de  France  à  Caïiïa. 


7.  AMULETTE   GREC 

Lamelle  d'argent,  de  ma  collection,  mesurant  o  m.  i3  sur 
G  m.  o/i5,  roulée  à  l'origine,  probablement  pour  être  glissée 
dans  une  tombe *^^  ou  plutôt  pour  être  portée  au  cou  dans 
un  étui  de  métal^^',  provenant  des  environs  d'Alep ,  comme 
l'amulette  judéo-araméen  publié  par  Schwab  dans  le  Journal 
asiatique  '■^K  Elle  porte  sept  lignes  de  caractères  magiques 
entremêlés  de  lettres  grecques.  Le  véritable  texte  commence  à 
la  fin  de  la  septième  ligne  et  couvre  encore  onze  hgnes;  le  tout 


et  le  Khabour,  fleuve  de  Gozan,  op.  laïuL,  p.  ^7.  —  '-'  Euting,  V,  cl  Cleii- 
mont-Ganneau,  £.^4.0.,  t.  II,  p.  ()5. 

<•'  Je  ne  possède  pas  de  reproduction  do  tel  objet. 

'-'  Cf.  Lehla.nt,  700  iiignlptions  de  pirrres  ffrarépu ,  dans  le  tome  XXWIl 
des  Mi'm.  de  l'Acail.  des  Inscriptions  et  licUes-Lcltres ,  n"  73. 

(')  Cf.  Clkrmont-Gannkau,  R.A.O.,  VllI,  p.  58. 

W  Cf.  Schwab,  J.  As.,  1906,  p.  5  eti?.£.S.,n°  i(). 

C*)  Schwab,  /«c  cit. 


NOTES  ÉPIGHAPHIQUÉS. 


67 


7      Xv 

8  craTS  Trjv  lovXi 

9  (xvrjv  dTTO  XS 0.(711) 

1 0  (o"»;)?  ^^'  (p<xp(xaxî- 

1 1  a?  xaî  •oravTo?  isra- 
13  6ovs  xa,]  tifcia'ïjs  ê- 

1 3  vspytOLs  xai  (potv- 

i!i  racrias  Sa.i(xovu  (stc^ 

i5  Sous  vvxTcis  xai 

i6  vfxépas  îjSï]  rjSi] 

1 7  Ta^y  Ta;(^y  apTt 

i8  dpTt  éipri 


H-  3. 

est  gravé  à  la  pointe^",  d'après  Tusage  ordinairement  suivi 
pour  ce  genre  de  textes.  On  lit  sans  dilliculté  comme  ci-dessus. 

"--)  '■'  La  tfyravure  au  poinçon  sur  une  lame  de  métaln  parait  caractériser 

5. 


68  JANVlËn-MARS   1921 

.  .  .  délirrc:  loiiliaiir  de  tout  poison  et  de  toute  douleur  et  de  toute  in- 
Jluence  et  apparition  démoniaque,  nuit  et  jour,  maintenant,  maintenant, 
vite,  vite,  à  l'instant,  à  l'instant,  à  l'instant. 


La  formule  initiale  tt  délivrez  ??  laisse  supposer  que  les  carac- 
tères magiques  qui  précèdent  expriment  les  noms  des  puissances 
infernales  auxquelles  on  s'adresse.  Ces  noms  seraient  peut-être 
intéressants  à  connaître,  mais  j'avoue  que  je  laisse  à  de  plus 
habiles  que  moi  le  soin  de  les  ^terminer. 

On  voit  de  suite  que  le  but  pour  lequel  cet  amulette  a  été 
composé  n'est  pas  de  vouer  un  tiers  aux  esprits  infernaux, 
comme  dans  les  tabellae  devotio7iis  ^^\  mais  au  contraire  de  pro- 
téger une  certaine  louliané  contre  ce  qui  pourrait  lui  arriver 
de  fâcheux.  Avons-nous  affaire  ici  à  un  phylactère  préventif  ou 
à  un  contre-charme  ?  On  ne  saurait  trancher  catégoriquement 
la  question;  cependant,  je  pencherais  vers  la  seconde  hypo- 
thèse. 

La  finale  du  texte  demandant  que  l'effet  se  produise  «vite '5 
ou  «à  l'instantw  se  retrouve  dans  les  formules  magiques  ana- 
logues grecques  ^^^,  gnostiques^^^  et  arabes '*l 


spécialement  les  tablettes  à  exécration  de  Tanliquité  classique.  DicL  des  Aiit., 
sub  verbo.  —  '-'  Doublon  du  jjraveur,  qui  a  répété  av. 

C   Defixiunum  tabellae  atlicae,  CI. G.,  Appendix. 

f-)  VVuENSCH,  lUtlletino  eummunale  di  Ruina,  1897,  p.  io3  et  pi.  \1I.  Un 
cliarnic  destiné  à  arrêter  les  cbevaux  du  cirque  se  termine  é{;alement  par  y\Si) 
1\Sr)  layxi  ■l'V/^ji  (Maspkko,  Eludes  Egijpt.,  11,  p.  3o6,  tabelia  d'Hadrumèle , 
même  linale,  etc.). 

(^>  Cf.  la  formule  (fvite  tem  dans  les  Lettres  à  Letruiiue ,  par  C.  J.  C.  l'ucu- 
VENS,  Leyde,  i83o,  p.  ly  et  /17.  Du  reste  les  sijjnes  magiques  qui  précèdent 
1  e  texte  rappellent  assez  certains  caractères  des  pierres  jjnostiques.  Cf.  aussi 
pour  ces  si{;nes  l'alphabet  majjique  qui  se  trouve  au  verso  du  papyrus  magique 
de  Leyde,  pi.  XIV,  n°  3,  dans  Pap.  égypt,  dèmot.  à  transcriptions  grecques, 
Leyde,  i83(j  et  les  sceaux  du  papyrus  gnoslique  Bruce,  Amélineau,  Notices  et 
extraits  des  manuscrits ,  t.  XXIX,  1"  partie,  1891. 

(')  Cf.  ce  que  dit  le  baron  Carra  de  Vaux  dans  7.  As.,  1907,  p.  53q,  oîi  il 
cite  une  conjuration  arabe  extraite  du  manuscrit  arabe   de  la  Bibbothèque 


NOTES  ÉPIGRAPHIQUES.  69 

D'après  la  paléographie,  ce  texte  doit  dater  du  iv'  ou  du 
V*  siècle  (le  notre  ère. 


8.   CROIX  BYZAîSTIiNE. 

Croix  de  Malte  byzantine  en  cuivre,  appartenant  à  M.  G.  Mar- 
copoli,  d'Alep,  et  dont  je  ne  possède  pas  de  reproduction.  Elle 
porte,  gravé  sur  les  branches,  le  texte  suivant  : 


Pour  le  repos  (de  l'dine)  de  Comètas  et  de  Théodore  et  d'Anastase. 


9.   CACHET  A  INSCRIPTION  PEHLEVIE. 


Cachet  hémisphérique  de  pierre  blanche  de  la  collection  de 
M.  A.  Marcopoh,  percé  horizontalement  d'un  trou  de  suspen- 

Natlonale  2662,  XVII,  fol.  5i  v°,  pour  faire  piquer  (|ui'lqu'un  par  un  scorpiua 
et  qui  se  termine  par  1»..^)  pour  çpi  (rvilc  suivi  du  chiffre  r  «<ern. 


70  JANVIER-MARS   1922. 

sion.  Sur  le  plal,  l'inscription  suivante  se  d«^roule  autour  d'un 
buste  d'homme  très  mal  gravé;  époque  sassanide  : 


^I-i^Al^^  M^JQï} 


Rpcniiis  il  Dion. 

Formule  très  commune  sur  les  cacliels  de  cette  espèce: 
Mordtmann  "'  suppose  que  les  Arabes  l'ont  empruntée  aux  Per- 
sans et  il  cite  à  ce  propos  la  légende  très  fréquente  des  cachets 
arabes  coufiques  4ML  ^3>o  disposée  ainsi  autour  du  nom;  le 
nom  remplaçant  l'image  du  possesseur,  que  la  religion  défen- 
dait de  reproduire  : 

Mi 

On  peut  rapprocher,  pour  la  manière  de  disposer  celte 
formule,  la  coutume,  encore  vivante  au  Maroc '-^,  d'encadrer 
la  signature  du  souhait  n^  M\  otl^  ou  aMI  ^oui;  ainsi  : 


(')  Z.D.M.G.,  i86i,  p.  i8,  n°  3a,  Studien  ûher  getchnittme  Steine  mit  Peh- 
levi  Intchriften. 

(*)  Voir  par  exemple  E.  Fumey,  Choix  de  correspondances  marocaines, 
textes,  n"  ah,  26,  33,  36,  etc.  et  Nehlil,  Lettres  cliérijîcnnps ,  n°'  5,  G 
cl  11. 


NOTES  RPIGRAPHTQUKS.  71 

OU  plus  fréquemment  : 

10.  INSCRIPTIONS  ARABES. 

,  Je  (lois  à  la  bienveillante  amitié  du  R.  P.  Ronzevalle  les 
photographies  des  cinq  inscriptions  arabes  publiées  ci-après. 
N'ayant  eu  entre  les  mains  que  les  photographies  ici  repro- 
duites, je  demande  toute  l'indulgence  de  mes  lecteurs  pour 
les  erreurs  de  lecture  dans  lesquelles  j'ai  pu  tomber. 

INSCRIPTIONS  A  ET  B. 

Toutes  deux  proviennent  des  quartiers  nord-est  de  la  ville 
de  Homs.  Les  blocs  qui  les  portent  ont  été  réemployés  dans 
des  constructions  modernes.  A  est  complète,  B  présente  à 
droite  une  lacune  d'environ  quatre  à  cinq  lettres  par  ligne,  et 
la  fin  manque  totalement.  Les  deux  textes  reproduisent  au 
commencement  le  verset  266  de  la  deuxième  sourate  du  Qorân , 
verset  appelé  ^^^î  aj)  «le  verset  du  trôner?  et  se  terminent 
par  le  nom  des  défunts  pour  lesquels  ils  furent  gravés.  Je  don- 
nerai ici  les  deux  textes  côte  à  côte  : 


72  JANVIER-MARS   192'J. 


5       <>0L£  xi-CikJ  (jj»XJl   ii  (^  (jb  I  ^^.(wJl  ^      Le  AJ   I» 

7  a^Xà.  Uj  A^<>ot  sJvxfi  aà^  4^6JI  !i 

J  "^        j  y, 


i3 

IxaC    ^0     Jv^t   yj^     ItX^ 

i)j&^  IvylaÀa^    »:>>>  ^ 

i/i 

*JLc  ^-«è  ^^  *\Mi  MTj  f» 

OsJ^  jixLisxJ!  [JUJÎ 

i5 

v^(j^j  y»  0^  ^^^ 

vXjU^  ^AJJ    1              '' 

i6 

i  ;>À^  (?)  U  JU  (^j^^ 

»7 

xxij  ^  <-r^»  ^^jaj!^I 

'i^)^   aJ    T*--^^   '^^ 

i8 

AjOmk    /«AJiUw   iKkm   v^^l 

aM!  J^  4X4^  [Jfi  M 

19 

CJ^'^ 

I^AM^    <9^£ 

i4.  Lis  jusqu'au  bout  (la  prière)  :  ffDieu  est  le  seul  Dieu;  il  n'y  en  a 
point  d'autre  que  Lui,  le  Vivant,  l'Eternel.  Ni  l'assoupissement  ni  le 
sommeil  n'ont  prise  sur  Lui.  Tout  ce  qui  est  dans  les  cieux  et  sur  la 
terre  lui  appartient.  Qui  peut  intercéder  auprès  de  Lui  sans  sa  permis- 
sion? Il  connaît  ce  qui  est  devant  eux  et  ce  qui  est  derrière  eux,  et  les 
hommes  n'embrassent  de  sa  science  que  ce  qu'il  a  voulu  leur  apprendre. 
Son  Irône  s'élend  sur  les  cieux  et  sur  la  terre  et  leur  garde  ne  lui  coûte 
aucune  peine.  Il  est  le  Très-Haut,  le  Grand '''. 

C'  Traduction  Kasimirski. 


NOTES  EPIGRAPHIQUES. 


73 


Ceci  est  le  toinbmii  d'Ahmed  ben  Assâm,  qu'Allah  lui  fasse  miséricorde 
et  soit  satisfait  de  lui,  qu'il  fasse  tniséricorde  à  celui  qui  a  /?/*''  {le  Qorân 
pour  le  défunt),  à  celui  qui  a  écrit  {cette  inscription)  et  à  celui  qui  a  pro- 


noncé (?)  ce  qui  est  gravé  sur  {ces)  dewr  stèles.  (  Ceci)  a  été  écrit  en  Beln-'l- 
Ahar,  l'an  a6â  {décembre  Syj). 

^''  Les  moauments  de  l'Egypte  antique  et  les  inscriptions  nabatéennes  nous 
fournissent  de  semblables  demandes  de  prières  aux  vivants  de  la  part  des 
morls. 


là  JANVIER-MARS   1022 

L.  1 .  Je  traduis  \Q^  pl  comme  je  le  fais  eu  considérant  que  Âl. 
a  ici  le  sens  de  xjlL  rrlecture  du  Qorân  d'un  bout  à  l'autre  comme  acte  de 
dévotion  pour  un  morti. 

L.  17.  ^^'5UJl,  duel  de  ïX*,  qui  signifie  ordinairement  rr pierre  sur 
laquelle  on  pose  un  objet «.  Peut-être  serait-il  préférable  de  lire,  au  lieu 
de  ce  mot,  inconnu  dans  le  sens  que  je  lui  attribue,  ^^-iVjJI,  en  sup- 
posant une  faute  du  graveur.  Le  duel  s'explique  par  la  coutume  qu'ont 
les  Musulmans  de  dresser  deux  pierres  sur  leurs  tombeaux,  l'une  à  la 
tête,  l'autre  aux  pieds;  le  texte  devait  être  répété  sur  une  seconde  st(Me 
que  nous  ne  possédons  pas. 

Ainsi  qu'on  peut  le  voir  sur  la  photographie,  les  points  sont  assez 
souveut  indiqués. 

B.  Le  texte  de  cette  inscription  se  distingue  seulement  de 
celui  de  A  :  1°  en  ce  qu'il  faut  restituer  en  tête  la  formule 
j<(Nawpi  dj^t?^'  '^^  f^*^'i  2°  par  la  finale,  que  je  traduis  : 

Ceci  est  (le  tombeau  de )  Khàlid ,  fils  de  'Isa  ([u  {Allah) 

lui  fasse  miséricorde  et  le  pardonne  et  que  (la  miséricorde  d'Allah  soit  sur) 
Mohammed  [qu'Allah  prie  pour  lui  et  lui  accorde  le  salut ). 

Ce  texte  est  entièrement  dépourvu  de  points  diacritiques;  la 
forme  curieuse  du  ^^  final  rappelle  encore  celle  du  yod  naba- 
léen.  Il  me  paraît  plus  ancien  que  A. 


INSCRIPTION  C. 

Je  ne  possède  aucun  renseignement  sur  l'origine  de  cette  in- 
scription. Elle  doit  cependant  provenir  de  Homs  comme  les 
précédentes.  Comme  elles,  c'est  une  épitaphe  coufique.  Le  bloc 
qui  la  portait  a  été  réemployé  comme  pierre  de  construction. 
Il  est  couché  horizontalement  au-dessus  des  voussoirs  d'une 
porte  moderne.  Cet  emploi  a  obligé  les  ouvriers  à  entamer  la 
partie  droite  de  l'inscription,  afin  de  lui  faire  embrasser  la 


NOTES  ÉPIGRAPHIOUES. 


75 


courbe  du  cintre.  De  ce  fait,  quelques  caractères  ont  disparu 
au  commencement  des  lignes.  La  fin  du  texte  manque. 

^  y^  i)l  *JI  i)  [Ai      :} 
U  l^U  ^t       F) 


;û  (I) 


f^^L 


.xll 


[' 


XUw 


i  «T*^ 


(?)»Jy^^A3    l[i, 

jr^^  L^^[^  AMI 

<JuAfi  aMI  Jctf.  *X-,.|a2 


(i)  Au  nom  d'Allah  le  clément,  (a)  le  miséricordieux.  Dieu  a  rendu  ce 
témoignage  :  (3)  //  n'ij  a  point  d'autre  dieu  que  lui;  (A)  les  anges  et 
les  hommes  doués  (5)  de  science  répètent  :  (6)  //  n'y  a  point  d'autre 
dieu  que  lui,     (7)  le  Puissant,  le  Sage'-^\     (8)  Ceci  est  le  tombeau  de  Al- 


(')  Faute  du  {fraveur  pour  çaSJl . 

<'')   Qoi-dn ,  iiour.  m,  16,  trad.  Kasiiuirski. 


76  JANVIER-MARS   1922. 

Hamida,  (c))  fille  de  'Aiiir  ben  Qats  (lo)  ben  'Isa,  qu'Allah  lui  jasse 
miséricorde  (ii)  et  lui  accorde  le  pardon,  qu'il  la  rétiibue  (12)  pour 
ses  bonnes  actions  (i3)  et  la  place  (en  compagnie)  de  son  prophète 
Mohammed  (qu'Allah  prie  pour  lui  (i5)  et  lui  accorde  le  salut),  qu'il 
fasse  miséricorde  à  celui     [(16)  qui  a  lu  [le  Qordn  pour  le  défunt),  à  celui 

qui  a  écrit  (cette  stèle)     (17)  et  à  celui  qui  a  prononcé (18)  rt 

été  écrit  le (19)   l'an 

L.  8.  gljs.-ti!;  la  lecture  de  ce  nom  est  très  incertaine. 

L.  i3.  A  rapprocher  de  Qordn,  sour.  xii,  102  :  ^j^UaJL?  (^SÂ  «place- 
moi  au  nombre  des  vertueux  n. 

Les  lignes  16  et  suivantes  ont  été  restituées  d'après  la  finale 
de  A. 

Il  m'a  semblé  intéressant  de  grouper  ici  les  trois  inscriptions 
A,  B,  C.  Leur  rapprochement  permet  de  donner  une  date 
approximative  à  B  et  G.  Le  texte  A,  dont  l'écriture  me  paraît 
moins  ancienne  que  celle  de  B  et  C,  porte  la  date  de  26/1  de 
rhégire.  On  en  peut,  je  crois,  conclure  que  ces  dernières  ont 
été  gravées,  pour  le  moins,  à  la  fin  du  11"  siècle  de  l'hégire.  Il 
est  en  outre  très  probable  que  B  et  C  aient  appartenu  aux 
membres  d'une  même  famille  dont  l'aïeul  commun  se  nommait 
'Isa. 

INSCRIPTION  D. 

Linteau  encastré  au-dessus  de  la  porte  de  la  mosquée  de 
Qârâ  i^U,  village  situé  au  nord  de  Yabroiid.  Ce  point  présen- 
tait une  assez  grande  importance  à  l'époque  des  Croisades  :  il 
y  existait  un  relais  pour  la  poste  par  pigeons  entre  Damas  et 
Homs.  Les  pigeons  allaient  en  effet  de  Damas  à  Baalbeck, 
puis  à  Qârâ  et  de  là  à  Homs.  Ce  village  est  également  mentionné 
comme  étape  pour  le  transport  de  la  neige  entre  Qastâl  et 
Homs.  Il  était  habité  par  des  Chrétiens  et  fut  ensuite  repeuplé 
presque  exclusivement  de  Musulmans,  ainsi  que  nous  l'ap- 
prend Novaïri  et  que  nous  le  verrons  au  sujet  de  l'inscription 


NOTKS  KPIGUAPIIIQLKS.  77 

ici  étudiée.  Cinq  lignes  de  neskhi  mamlouk  assez  bien  conser- 


D 

^jlUU^JI  [bii^J  jLxj  ^1  ^6^  ;^j-idi  ^14  ^^  *-^^  y'     1 

LxjjJI  (^j  ;^-»^Ui  yclij.1  laji^-li  jofcU^I  J:>WI  ^U!ly>  •  2 

jl   tiJ^i^  (»-^'j   Vt-*^'   (jlkX*«  viiXlIi   0;t^  ^xXUJiJl   vilJuo  ^JJ^       ^4 

(?)  -U!^  (^y^La)!  ^_J*J^xAJ  ^ùlJÎ 

j_fijjyci)l  ioLuLj  <9U,.«VM^  LYl^J^}  ^^^   *-»-^  ^'î?^  CS'^  i  y^'   ''■^       ^ 

A  ordonné  la  constrnclion  de  cette  mosquée  où  l'on  mentionne  sans  cesse 
Allah,  le  Très-Haut  —  Notre  maître  le  Sultan  al-Malik  al-Zàhlr,  le  savant, 
le  juste,  le  rhatnpion  de  la  foi,  l'assidu  des  rihàts,  le  rictoricu.r ,  le  vain- 


1H  JaNVIER-MARS    lOJJ. 

loueur,  Hukn-al-buujja  ira-ul-Din ,  le  Sultan  de  l'Islam  li  des  Musulmans , 
le  seigneur  des  rois  et  des  sultans,  V Alexandre  de  ce  Iciiips.  né  sous  une 
honne  étoile,  le  possesseur  des  deux  harams  [la  Mchkc  et  Médine),  le  com- 
mandeur des  deux  ijihla  (La  Mekhe  et  Jérusalem),  l'héritier  du  roijaunu' , 
le  Sultan  des  Arabes,  des  Persans  et  des  Turcs,  Abù-l-Fath  Baïbars  al-Sà- 
lihi.  Ce  lieu  («.  été)  terminé '^^^  au  mois  de  Dù-l-Hijja,  l'an  66â  (septembre 
ti>66)  par  les  soins  de  l'Emir  'Izz-al-Dln  .  .  ,(?). 

Celte  inscription  fut  gravée  par  Beïbars  lorsque,  étant  allé 
au  devant  de  ses  armées  qui  revenaient  d'une  expédition  contre 
Haitoun,  roi  d'Arménie,  il  voulut  châtier  d'une  façon  exem- 
plaire les  Chrétiens  de  Qârâ,  coupables  d'avoir  saisi  des  Musul- 
mans et  de  les  avoir  vendus  comme  esclaves  aux  Francs. 

A  cette  occasion,  le  Sultan  ruina  le  village,  incendia  le  cou- 
vent, massacra  les  habitants,  tortura  les  moines  et  transforma 
l'éghse  en  mosquée'^'.  Voici  comment  Novaïri  rapporte  le  fait'^'  : 

Le  Sultan  étant  parti  de  Damas  pour  aller  à  la  rencontre  de  Texpédi- 
lion  de  Sis ,  passa  près  de  Kârâ  le  6'  jour  du  mois  de  Dlioulhidjeh  et 
ordonna  de  mettre  cette  ville  au  pillage.  Voici  le  motif  qui  provoqua 
celte  mesure  rigoureuse.  Un  palefrenier  qui  était  au  service  de  l'eunuque 
Mourchid,  commandant  des  troupes  de  Hamah,  revenant  de  la  cour  du 
sidlàn  avec  son  maitre,  et  étant  entré  dans  le  lieu  nommé  al-Aioun'"', 
tomba  malade  et  passa  la  nuit  dans  cet  endroit.  L'eunuque  ignorait  cet 
événement.  Deux  habitants  de  Kàrà  allèrent  trouver  cet  homme  et  l'atti- 
rèrent chez  eux  pour  lui  donner  l'hospitalité.  11  séjourna  auprès  d'eux 
durant  trois  jours  et  recouvra  la  santé.  Alors  ses  deux  hôtes  l'emmenèrent 

(•)  -Ufl  est  très  douteux;  on  trouve  ordinairement  à  celte  place  une  formule 
telle  que  .  .  .   li^  *Uj!  yl5. 

(^^  Le  fait  est  rapporté  par  plusieurs  historiens  arabes  :  Abouiféda  (  Htst.  dp» 
(xoigadct,  t.  1,  p.  ]5i),  Macrizi  (Hisl.  des  xullaiis  Diainloukn ,  Irad.  Quatre- 
mère,  a*  partie,  p.  3/i-35)  et  iNovaïri,  dont  je  cite  le  récit. 

t^    Traduction  de  Quatremère  dans  Hisl.  des  itiaiidoulcs ,  p.  35,  n.  6 1. 

''''  Quatremère,  d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliolbè(jue  Nationale,  donne 
,^*jJ)  sans  traduction;  je  lis  y^iJl  d'après  la  pliotoj;ra])lne  (riin  manuscrit  du 
V*^!  ijy^  S  Vr*-"  ^^-^  conservé  à  la  Bibliothèque  sultanienne  du  Caire.  Il 
existe  en  effet  de  nombreuses  sources  sur  la  route  au  nord  de  Qàrà  et  un 
nom  comme  (jy»*-^^  aJ^l*  est  tout  naturel. 


Notes  épigraphiqurs.  ^o 

pendant  la  nuit  et  le  conduisirent  au  Château  des  Gurdes  où  ils  le  ven- 
dirent pour  une  somme  de  ho  dinars  souris.  Cette  même  aimée,  ini 
marchand  de  Damas  s'élant  rendu  au  Château  des  Curdes,  pour  payer 
la  rançon  des  prisonniers,  racheta  entre  autres  ce  palefrenier,  qu'il  con- 
duisit à  Damas,  où  il  lui  rendit  la  liberlé.  Cet  homme  se  mit  au  service 
d'un  soldat  et  fut  au  non)bre  de  ceux  qui  accompagnaient  le  Sultan 
dans  sa  marche.  Lorsqu'il  fut  arrivé  dans  la  ville  de  Kàrà,  le  palefre- 
nier se  présenta  à  l'audience  de  l'Emir  Farès-eddin,  l'atabek  et  lui  ren- 
dit compte  de  son  aventure.  L'Émir  lui  ayant  demandé  s'il  reconnaî- 
trait celui  qui  l'avait  vendu ,  il  répondit  ailirmativement.  On  le  fit  partir 
accompagné  de  plusieurs  dj audit vs.  Il  rencontra  un  des  deux  hommes 
qui  l'avaient  trompé,  l'arrêta  et  le  conduisit  en  présence  de  l'ntabek, 
(jui  se  hâta  de  communiquer  l'aflaire  au  sultan.  Ce  prince  fit  comparaître 
les  deux  adversaires  et  les  confronta  l'un  avec  l'autre.  L'habitant  de 
Kârâ  nia  le  fait.  Le  palefrenier  certifia  qu'il  reconnaitrait  la  maison  et 
tout  ce  qu'elle  renfermait.  L'habitant  de  Kârà  se  vit  contraint  d'avouer 
la  chose;  puis  il  ajouta  :  rrJe  ne  suis  pas  seul  à  commettre  de  pareils 
actes;  tous  les  habitants  de  la  ville  y  prennent  part. a  Des  moines  de 
Kârâ  s'étaient  rendus  à  la  tente  du  Sultan,  apportant  des  provisions;  le 
prince  les  fit  arrêter,  puis ,  montant  à  cheval ,  il  se  transporta  en  per- 
sonne au  monastère  situé  eu  dehors  de  la  porte  de  Kârâ,  fil  massacrer 
ceux  qui  s'y  trouvaient  renfermés  et  livra  l'édifice  au  pillage.  Etant 
revenu  sur  ses  pas,  il  ordonna  à  ses  troupes  de  se  mettre  en  marche,  et 
marcha  vers  la  colline  située  hors  de  Kârâ,  du  côté  Nord.  Ayant  mandé 
Abou-1-Izz,  reis  de  la  ville,  il  lui  dit  :  rrNous  avons  dessein  d'aller  à  la 
chasse. •«  Les  habitants  eurent  ordre  de  sortir.  Une  partie  d'entre  eux 
s'avança  en  dehors  de  la  place.  Lorsqu'ils  furent  à  une  assez  grande  dis- 
tance, le  Sultan  ordonna  de  leur  trancher  la  tête,  ce  qui  fut  exécuté.  11 
n'échappa  au  carnage  que  ceux  qui  prirent  la  fuite  et  allèrent  se  cacher 
dans  les  maisons  et  dans  les  puits.  Plusieurs  s'étaient  cantonnés  dans  les 
tours,  obtinrent  la  vie  sauve  et  lurent  retenus  prisonniers.  Ils  étaient  au 
nombre  de  mille  soixante-dix,  tant  hommes  que  femmes  et  enfants. 
Quelques-uns  se  réfugièrent  auprès  d'Aliou-l-Izz,  reis  de  la  ville;  le 
Sultan  lui  accorda  leur  fiberté.  Hientôt  après  les  moines  (pii  avaient 
apporté  des  provisions  furent,  par  ordre  du  Sultan,  fendus  par  le  mi- 
lieu du  corps.  L'armée  reçut  l'oidre  de  mettre  le  feu  à  la  ville,  ce  qui 
fut  exécuté.   L'église  fut  converlii;  en  mosquée  ^\  On  amena  dans   celle 

'    Toujours  d'après  les  photographies  du  Caire  :  ^^x^^^J^  Jj-j»?  yl  v«l  ^ 


80 


JANVIER-MARS   1922. 


ville  un  grand  nombre  de  Turcomans  et  d'autres  habitants;  en  sorte 
qu'elle  se  trouva  remplie.  On  y  plaça  un  Khàlib  et  un  Kàdi.  Avant  celle 
époque  elle  élait  entièrement  liabile'e  par  des  chrétiens  .  .  .  Lorsque  le 
Sultan  eut  terminé  do  tuer  les  habitants  de  KârA  et  de  pillei"  leurs  biens, 
il  se  dirigea  vers  Hama  .  .  .  puis  retourna  à  Damas  le  '2 h. 

Notre  texte  ne  souille  mot  dos  circonstances  qui  accompa- 
gnèrent la  transformation  de  l'église  de  Qâi'â  en  mosquée  et 
même,  comme  à  l'ordinaire,  il  laisserait  entendre  que  Baïbars 
a  créé,  et  non  pas  tout  simplement  désaffecté,  l'édifice  qui 
devait  servir  de  mosquée  à  Qârâ.  L'inscription  ici  publiée, 
outre  son  intérêt  historique,  offre  donc  un  réel  intérêt  archéo- 
logique, car  elle  permettra  de  situer  avec  précision  l'emplace- 
ment de  l'ancienne  église,  sur  les  ruines  de  laquelle  s'élève  la 
mosquée  actuelle. 

liVSCRIPTIOIV  E. 

Inscription  gravée  sur  le  minaret  de  la  mosquée  de  Aqraba, 
petit  village  au  sud-est  de  Damas.  Trois  lignes  de  neskhi  : 


''■<^^iO>&>^.J^  ■Sïjfy  ^ 


if  .y  .  : 


NOTES  ÉPIGRAPHIQUËS.  81 

9..^!0J     ÂjUvmI^    /WyUr^    OWkM    (^XAM   ^^'^ÀW 

ffilw  nowt  d'Allah,  le  Clément,  te  Miséricordieux.  Que  fréquente  les 
mosquées  d'Allah  seulement  celui  qui  croit  en  Dieu  et  au  jour  [du  jugement) 
dernier '^^Kv  La  construction  de  ce  minaret  béni  a  été  ordonnée  par  Son 
Altesse  éminente  El-Uussâmi  Torontai  al-Mamùri ,  na'ïb-al-Saltanat-al- 
Muazzama.  [Il  a  été  édifié)  sous  l'administration  du  pauvre  serviteur 
d'Allah  Lou'lou'  al-Mas'ûdi,  al-Hussàmi  dans  un  des  mois  de  l'an  686  de 
l'hégire  {laSj). 

Le  personnage  qui  ordonna  la  construction  n'est  autre  que 
Hussam  eddin  Torontai,  qui  fut  au  service  du  sultan  al-Malik 
al-Mansoûr  Kalaoun,  ainsi  que  l'indique  l'épithète  d'al-man- 
soûri  ajoutée  à  son  nom.  Il  fut  gouverneur  d'Egypte  sous  ce 
prince,  dirigea  plusieurs  campagnes  en  Syrie  et  dans  le  Said 
et  fut  mis  à  mort  en  689  (1290)  par  le  sultan  al-i\Ialik  al- 
Achruf  Klialîl,  contre  lequel  il  avait  conspiré.  L'année  où  notre 
inscription  fut  rédigée,  Torontai  était  probablement  passé  par 
Damas,  alors  qu'il  se  rendait  à  Sahioun  pour  châtier  Sonkor 
Achkarf2). 

11.  INSCRIPTIONS   GRECQUES. 

A.  INSCRIPTION  DE  BEÏSAN. 

Plaque  de  marbre  blanc  sale  apportée  de  Beisan,  l'ancienne 
Scytbopolis,  à  Damas,  où  j'ai  eu  l'occasion  de  l'éludier  en 

C   Qordn,  sour.  ix,  18. 

(->  Cette  expédition  est  mentionnée  dans  VHisl.  des  sultans  mamlouks,  de 
Macrizi,  trad.  Quatremère,  à  l'année  686. 


82 


JANVIER-MARS   1922. 


nifu  1 1)  1  /j .  Tilulus  funéraire  comprenant  sept  lignes  très  nel- 
tement  gravées  : 


eArCdÊOrPAtlMlCOYAICAGÀHATOC 

yeioczoTfAZiûWAirafiooATPiAOfef 

j\rHCJ10AflB(AÀfAHO[lûAt!lOïfAÀIC^GAW 
Cf/U]ÈTu;NenTAKÂIUHH(ii)/E!  HUm 

mMhmhkismcomammmy 


A  bis 


NOTES  EPIGIUPHIQUES.  83 

1  0apa-si  làovpotëîSets  ovSh  à9dva.T0? 

a  Csîos  Zovpd^to  xaXtyapiois  TSarpiSos  0p 

3  aKt]s  zs6Xeci}s  ASp^i^a.vSTTo'Xet  làovpciSis  è'ôav- 

4  (ejv  d)  êrojv  éitlà  xai,  (xrivôov  éç  YjfxépoLS  a 

5  sros  HC  TsévTS  v£(o)(pMTi(r1o$  eOavev  xat 

6  évdaSe  xîre  ^-dpcri  l?é€o  xaraxÏTS  svyvs  dov 

7  BopasiSeis  b  àSsX(p65  aov  ^-vyaTijp  Mapxiavov. 

Un  seul  passage  douteux,  au  commencement  de  ia  ligne  5, 
après  év6s,  les  lettres  HC,  qui  semblent  bien  être  une  faute  du 
graveur  pour  cjp  =  a>p{Gûv)7r£vie'^\ 

Je  traduirai  : 

Courage  Boumidis,  personne  n'est  immortel ,  jils  de  Zouraiios,  caliga- 
rius'"'',  de  patrie  de  Thrace,  [natif)  de  la  ville  d'Audrinople.  Bouraidis  est 
mort  à  sept  ans,  six  mois,  un  jour  et  cinq  [heures),  il  est  mort  nonvelle- 
menl  baptisé^''  et  ici  repose.  Courage  Réhou,  près  de  toi  repose  ton  frère 
Bouraidis,  6  fille  de  Marcien. 

La  grammaire  dans  ce  texte  est  fortement  malmenée,  et 
l'orthographe  n'a  pas  subi  un  meilleur  traitement,  altérée 
qu'elle  est  par  l'iotacisme  :  Csîos  et  xaXiydpion ,  etc.  Ce  der- 
nier mot  suppose  la  prononciation  xaXiydpi?  et  un  effort  pour 
corriger,  effort  impuissant  qui  fait  répéter  encore  le  son  i  en 
écrivant  oi.  Les  sons  o  et  ov  sont  également  confondus.  Quant 
à  l'alternance  des  voyelles  u,  w,  oi  par  exemple,  elle  est  fré- 


t')  Je  dois  cette  conjecture  au  H.  P.  Mouterde,  que  je  tiens  également  à 
remercier  ici  d'avoir  dessiné  le  fac-similé  de  l'inscriptiou  de  Beisan  reproduit 
dans  cet  article. 

<-'  KaXt-yâptos  s'est  rencontré  au  moins  une  fois  en  épigraphie  grecque  à 
l'époque  chrétienne  tardive,  Dcchesne,  B.C. IL,  i883,  p.  243,  n°  lii  (Korcy- 
ros,  Isaurie).  Sur  l'usage  du  mot  dans  l'épigraphie  latine,  voir  Ruggiero, 
Dizionario  epif^raphico,  siib  verbo. 

(^>  Pour  l'usage  épigraphique  de  veo<^éiialos,  voir  I.  Dolgeii,  i;^W«,  Das 
Fiêchsymbol,  p.  190;  y  joindre  Ramseï,  Studies  in  the  Eastern  Rotimn  Provinces, 
p.  175,  n°  67. 

6. 


84  JANVIER-MARS  1022. 

quente  dans  l'onomastique  ihrace''',  à  laquelle  appartiennent 
les  noms  de  cette  inscription. 

Le  nom  de  Boupae/Seis  semble  être  formé  du  composant  Bowp,  qui 
se  rencontre  dans  beaucoup  de  noms  propres  thraces  <->.  La  forme  patro- 
nymique de  ce  nom  fait  songer  aux  BopsâSa»,  dont  la  naissance  et  la 
légende  étaient  attribuées  à  la  Tbrace.  On  peut  aussi  comparer  à  ce  nom 
celui  d'un  neveu  de  Justinien,  Bopaihrjs'-^K 

Zowpa|/o  est  un  autre  nom  thrace  connu  au  génitif,  o  pour 
ov  ('). 

Pé^o  me  paraît  être  le  vocatif  de  PeSovs  et  devoir  être  rapproché  d'un 
nom  de  femme,  retrouvé  au  vocatif  également  (Piêov)  à  Délos^^'.  Si  la 
traduction  que  je  propose  :  rrcourage  Rébou,  près  de  toi  repose  ton 
frère  Bouraidis,  ô  fille  de  Marcien^  est  exacte,  il  faut  supposer  que 
Rébou  était  la  sœur  utérine  de  Bouraidis.  On  pourrait  aussi  à  la  rigueur 
regarder  B-vyàTrjp  Mapxjavoû  comme  la  signature  de  la  personne  qui  a 
fait  graver  le  monument  et  qui  serait  alors  la  mère  (?)  des  enfants.  Dans 
ce  cas,  ia  phrase  finale  serait  à  traduire  :  rr Courage  Rébou,  près  de  loi 
repose  ton  frère  Bouraidis.  La  fille  de  Marcien  (a  fait  faire). 

Cette  inscription  paraît  ne  pas  pouvoir  être  placée  plus  haut 
que  le  iv%  voire  le  v"  siècle  de  notre  ère.  Elle  aura  été  gravée 
pour  les  enfants  d'un  des  nombreux  Thraces  combattant  en 
Syrie  dans  l'armée  romaine  ou  l'armée  byzantine. 


('>  Cf.  KuRTSCHMEi»,  Einleiiung  in  die  Geschichte  der  ip-iecliisclirii  Sprache , 
1896,  p.  226,  par  exemple  Pwfi»jToéA«Tjs ,  Pu/xeraAxrjs,  PufxjxaA^Tjs,  PwfiSTaAxrjs , 
Rumitalca  et  PojfxjjTaAxas. 

(■-)  Kretscumer,  op.  laud.,  p.  2i4,  336  et  suiv.;  G.  Sedre,  B.C. H.,  1898, 
p.  5i8. 

(')  Pacly-Wissowa,  Realencycl. ,  sub  verbo  et  peul-ôlre  aussi  Bovdeas  Zab- 
diboli  {C.I.L.,  m,  liaiG),  nom  d'un  soldat  mort  à  Tibiscum,  en  Dacie, 
bien  que  le  scrond  nom  porte  plutôt  à  rechercher  rorigine  du  premier  égale- 
ment à  Palmyre. 

(*)  Cf.  Zcwpd^ets  sur  la  stèle  de  Pyzos,  B.C.U.,  1898,  p.  /j86,  1.  26 
(G.  Seure);  op.  laud.,  p.  5A8  et  55o.  G.  Scure  rapproche  Zypo^s,  nom  gèle 
(Dion  Cass.,  XLl,  9(i)el  Durazi8,C.I.L,,  111,  19392;  Kbetsch mer,  op.  laud., 
p.  938,  cite  encore  Durze,  C.Ï.L.,  VI,  938. 

('■'  B.C.IL,  1909,  p.  517,  n"  38. 


NOTES  EPIGIUPHIQUES.  85 


B.  INSCRIPTIONS  DE  MENIN. 

Les  deux  inscriptions  suivantes  ont  été  copiées  par  moi  en 
juin  191^  dans  la  mosquée  de  Ménin ,  petit  village  situé  à  trois 
heures  et  demie  au  nord-est  de  Damas.  Elles  étaient  grossiè- 
rement gravées  sur  des  blocs  de  calcaire  blanc  très  friable  et 
provenaient  des  tombeaux  percés  au  flanc  de  la  colline '''  qui 
fait  face  au  village.  Les  blocs  avaient  été  transportés  dans  la 
mosquée,  dont  ils  devaient  servir  à  réparer  le  pavage. 

a.  Linteau  horizontal,  mesurant  1  m.  35  de  long,  om.  ^2 
de  large  et  0  m.  20  d'épaisseur  : 


6TôVc'fv(/Aci>0VltAYC(\h/(0C 
K6Ar^PocAyeo'^oiCABATloyA|ior 


.0,. 

Etol/s  q\/'  Kyov  ts'  Avaavtos 

Cette  inscription  paraît  être  la  signature  des  tailleurs  de 
pierre  chargés  de  creuser  le  tombeau. 

Atiffav/os  est  connu.  A)  apo?  apparaît  pour  la  première  fois.  Le  fémi- 
nin Ayciprj  se  trouve  deux  fois  dans  Waddinglon,  n"'  9200  et  2/106.  Ces 
noms  procèdent  probablement  de  Aêyapos,  par  suile  de  la  prononcia- 
tion spirante  du  jS'^', 

yiaëârios  s'est  déjà  rencontré  sous  les  formes  2aê€'â6'a<oî  '^',  l'aé'fà. 
TJO?'*'  et  SaêêaToOs  (gén.)  '^'. 


'')  Cette  colline  m'a  semblé  percée  de  plusieurs  {jrottes  funéraires. 
(^)  Aêjixpos,   B.C. H.,  1897,   p.   li(),   n"   37   et   Wadd.,   90/16.  On   aurait 
Abgarog  <z  *Avgaro.'t  <  *A(f[[(triis  <;  Agarug. 

(3-5)   (*)   .\  Kérak  du  llaiir;in,  Dussaiik  et  Maci.ku,  Vinjage  airhéul,  au  Saja, 


86 


JANVIER-MARS  1922. 


A^ios,  nom  curieux,  peut-être  dérivé  de  i'acclamation  syriaque 
C'^cnN  dont  on  saluait  les  évêques  en  se  portant  à  leur  rencontre,  cette 
acclamation  elle  même  n'étant  autre  chose  que  le  grec  â^ios  ''. 

L'an  760  des  Séleucides  correspond  à  l'année  438  de  J.-G. 

b.  Ce  fragment  se  rapporte  à  une  autre  inscription  et  pro- 
vient peut-être  d'un  autre  tombeau.  Hauteur,  cm.  80;  lar- 
geur, 0  m.  20. 


[ë^  siSii 


lOJV  STTOKTSV. 


C.  INSCRIPTION  DE  HARRAN-EL-AWAMID. 

Stèle  de  basalte  noire  provenant,  paraît-il,  de  Harran-el- 
Awâmîd,  site  antique  situé  à  une  quarantaine  de  kilomètres  à 
l'est  de  Damas.  Elle  présente  la  forme  habituelle  des  inscrip- 
tions funéraires  du  Hauran  :  une  longue  dalle  cintrée  en  haut. 
La  face  est  grossièrement  dressée,  la  partie  postérieure  à  peine 
dégrossie.  Ce  petit  monument  avait  été  acquis  par  moi  en  juin 
1 9 1  /t ,  alors  que  j'étais  à  Damas.  J'en  ai  fait  don  dernièrement 
au  musée  (?)  de  cette  ville. 


p.  2o5,  n"  85,  dans  une  épitaphe  qui  serait  celle  d'un  Juif.  —  W  A  Korycos 
(l'Isaurie,  M^'  Ddcuesne  ,  B.C. H.,  VII,  p.  a4o,  dans  une  inscription  chré- 
tienne de  basse  époque.  —  '^^  En  Attique,  Cil.  Baïkt,  B.C. H.,  II,  p.  33, 
dans  une  inscription  chrétienne. 

C)  Cleiimont-Gannbai' ,  R.A.O. ,\lll,  p.  76,  note  de  l'abbé  Chabot.  Cf.  Afws 


NOTES  ÉPIGRAPHIQUES. 
Le  texte  se  lit  avec  certitude  : 


87 


ÇTOVC 

ÊTOfS 

Z»<f 

w 

Au)»v 

K^ov 

ZêTtAt 

^'  êrsXe- 

1 

VTHCtN 

vTvo-ev 

hAyA 

Ma^ci- 

BH^OC( 

^v'kos  ê- 

Tk)N 

r&v 

.     iTJ 

X' 

-C- 

Type  (l'inscription  connu.  La  date,  comptée  selon  l'usage  d'après  l'ère 
des  Séleucides,  correspond  à  l'année  2o5  de  notre  ère.  Seul  le  nom  de 
MoL^a^ijXos  est  digne  de  remarque.  Je  le  crois  nouveau  ^'\  Il  correspond 
peut-être  à  un  original  sémitique  comme  ?3D''D  ou  ?2?33"'D  tr celui  qui 
est  comme  Bel  ou  Baal,  sur  le  type  de  ?N3"'D.  L'a  de  Ma.  .  .  aurait 
dans  ce  cas  été  enijdoyé  pour  transcrire  la  voyelle  brève  de  timbre  indé- 
terminé qu'on  entend  encore  aujourd'hui  dans  la  prononciation  de  l'arabe 
m'hait.  Quant  à  expliquer  Mahâbélos  par  les  racines  nriD  ou  HDD  qui 
signifient  rr blesser,  délrnirei,  etc.,  les  habitudes  onomastiques  de  la 
région  ne  permettent  pas  d'y  songer. 


Wadd.,  n"  9543  et  ÂSIOX  de  la  stèle  peinte  de  Sidon  (n°  6),  Rev.  Arch., 
igoi,  p.  1 1  (Jalabert). 

W  Wadd.,  n"  1875  a,  donne  bien  MAXXI  .  .  AOY  et  lit  M(xx.X^[Sri]Xou , 
mais  DussAiii),  Voyage  au  Djeùfl  Druz,  p.  2i3,  assure  qu'il  faut  corriger  le 
premier  ;^  en  A,  ce  qui  en  fait  un  nom  bien  connu. 


88  JANVIER-MARS  1922. 


12.   INSCRIPTIONS  SYRIAQUES. 

Lors  de  mon  séjour  à  Alep  en  1910-1911,  j'ai  eu  l'occa- 
sion de  copier  les  trois  inscriptions  syriaques  suivantes  : 


Stèle  funéraire  païenne  de  0  m.  60  sur  0  m.  /i8 ,  en  calcaire 
rougeâtre,  portant  à  la  partie  supérieure  un  bas-relief  repré- 
sentant un  aigle  éployé  enlevant  dans  ses  serres  un  foudre  et 
une  bandelette  ^^'.  La  tête  de  l'aigle  a  disparu  avec  le  sommet 
de  la  stèle.  En  bas,  dans  le  champ,  inscription  de  quatre 
lignes  horizontales  en  caractères  estranghélos.  Aucune  prove- 
nance ne  m'a  été  indiquée.  Je  crois  cependant  que  ce  monu- 
ment a  été  trouvé  à  Orfa  '^'. 

Le  texte  se  transcrit  : 

113^1  ND72  1  Image  qu'ont  Jaite 

ND1D21  X2D3N  a  Absako  et  BaJcouso, 

va?  D13  ''il  3  Jils  de  Baras,  à  Atjou, 

^lU  NflD?  pnnn  k  leur  sœur  en  terre,  hélas. 

L.  1.  Contrairement  à  un  usage  assez  fréquent,  le  mot  ND*?!?  rr images 


(')  Le  Las-relief  n'est  pas  reproduit  sur  la  pholojjraphie  de  restampa<je  ;  on 
aperçoit  seulement  les  deux  extrémités  de  la  bandelette,  qui  retombent  de 
part  et  d'autre  de  Tinscription.  Le  petit  croquis  extrait  de  mon  carnet,  que 
je  publie  également,  donnera  une  idée  de  l'ensemble. 

W  II  me  semble  être  parent  de  celui  que  j'ai  publié  dans  M.F.O.,  V,  p.  78, 
n"  3,  et  qui  vient  certainement  d'Urfa.  Comparer  aussi  la  formule  finale  avec 
le  n"  45  de  Pounon,  limcript.  sémit.,  provenant  «'■jjalemeul  d'Orfa, 


l 


90  JANVIER-MARS   1922. 

est  ici  au  masculin ,  bien  qu'il  s'agisse  d'une  femme  ''^  Il  est  vrai  qu'on 
ne  dit  pas  limage  de  N?),  mais  ffimage  faite  pour  Nn.  Le  bas-relief 
paraît  en  effet  ne  pas  avoir  représenté  la  défunte,  mais  un  aigle.  Ceci 
pourrait  peut-être  fournir  un  argument  en  faveur  de  la  thèse  de  ceux 
qui  soutiennent  qu'en  Syrie,  aux  basses  époques  tout  au  moins,  i aigle 
des  monuments  funéraires  n'est  pas  une  personnification  du  mort''^ 

Le  T  fmal  de  Ml^  paraît  avoir  été  gravé  fautivement  comme  un  D, 

L.  2.  J'ignore  l'origine  du  n.  pr.  masc.  N2D3N*:  quant  à  ND122,  c'est 
le  nom  bien  connu  de  Bix)(p5. 

L.  3.  Le  nom  propre  D12  me  semble  devoir  être  rapproché  de  celui 
de  ND")3  que  porte  un  évêque  d'Edesse  dans  B.O.,  I,  396-898. 

PX ,  n.  pr.  fém. ,  peut  être  rapproché  pour  la  terminaison  de  'i'^^ , 
n.  pr.  également  féminin,  Pognon,  op.  laiid.,  n"  kk. 

L.  h.  Je  crois  que  le  trait  qui  joint  le  )  de  pnnn  au  ?  qui  suit  est 
accidentel ,  de  même  que  les  traits  qui  s'élèvent  dans  l'interligne  à  la  fin 
de  la  ligne  k. 

NnD7  =  NnD+ 7,  que  je  compare  à  la  formule  finale  de  Pognon, 
op.  laud.,  n°  kh.  Je  suppose  que  le  *?  qui  précède  Nn-  lui  donne  une 
valeur  adverbiale;  comparer  les  locutions  NpVJ?,  N'?31p7,  etc. 

En  comparant  la  graphie  de  ce  texte  avec  celle  de  ceux  qu'a 
publiés  M.  Pognon,  je  crois  qu'on  peut  le  faire  remonter  à  la  lin  du 
m'  siècle  de  notre  ère. 

B 

Dalle  rectangulaire  de  calcaire  blanc,  mesurant  0  m.  5o  sur 
0  m.  34,  trouvée  aux  environs  d'Alep  et  transportée  au  musée 
de  Gonslantinople  quelque  temps  après  la  découverte '^l  En 
haut,  trois  croix  au-dessus  d'un  trait.  Le  texte  comprend  quatre 
lignes,  à  lire  de  haut  en  bas;  les  croix  indiquent  que  la  pierre 
était  bien  dressée  verticalement  sur  le  petit  côté. 


C'  Pour  cet  usage,  cf.  Pognon,  Imcripl.  sémil. ,  p.  18 1-1 83  et  ce  que  je  dis 
M.F.O. ,  loc.  cit. 

(*)  L'aigle  figuré  sur  les  monuments  funéraires  de  Syrie  a  été  étudié  en 
dernier  lieu  par  S.  Ronzevalle,  M.F.O. ,  V,  p.  i*-6a*,  où  Ton  trouvera  la 
bibliographie  du  sujet. 

(^)  Je  ne  possède  plus  les  estampages  de  ce  texte,  ni  du  suivant  :  ils  ont 
été  détruits  pendant  la  guerre,  et  je  suis  obligé  de  reproduire  ici  les  copies 
de  mon  carnet. 


NOTES  KPIGRAPHIQUES. 


91 


Je  lis 


+  +  f 

b   ^  r  J 

1 

Y^N^t 

$    -l        * 

|q     >f 

-  B- 

1      Dî'eM,  donnerinoi 

2     l'abondance  de  l'eau 

3     ef  l'espérance 

4     «?e  /a  vj'e 

^J3n  xn"?»     1 
«"ïam    3 


Cette  inscription ,  certainement  chrétienne ,  rappelle  l'expression  éZoûxev 
iv  aoi  vSojp  T<i  Çwv  de  l'Evangile  de  saint  Jean  *''.  Son  contenu  me  fait 
supposer  qu'elle  était  voisine  d'un  baptistère.  On  peut  difficilement 
songer  à  y  voir  une  inscription  funéraire,  attendu  qu'elle  ne  contien- 
drait pas  alors  le  nom  du  défunt. 


Bloc  carré  (o  m.  6o  sur  o  m.  6o)  de  basalte  noir  rapporté 
à  Sfiré  d'un  endroit  situé  à  l'ouest,  dans  le  Hâss,  qu'on  m'a 
dit  se  nommer  (^^m  niallaq.  De  par  sa  forme  et  son  ornemen- 
tation (^',  paraît  avoir  fait  partie  d'un  cancel.  Une  ligne  verticale 


C  IV,  lo;  cf.  IV,  i4. 

(^^  Cf.  Princeton  Expédition,  part  IV,  n"'  a  a  et  a  4. 


92  JANVIER-MARS    1922. 

et  une  ligne  horizontale  se  coupant,  gravées  sur  les  bras  d'une 
croix  : 


*?  3-)  ^^ n:x  +     i 

1  +  Mol ,  Jîls  de  Bahhel, 

2  j'ai  fait  celte  balustrade. 


L.  1 .  La  copie  de  mon  carnet  ne  me  permet  pas  de  déchiffrer  le  pre- 
mier nom  propre. 

L.  2.  Remarquer  la  forme  n"'13i^.  dëjà  expliquée  par  Pognon ''\  Au 
lieu  de  n^7D,  on  attendrait  l'état  emphatique  NnvD. 

Le  T  et  le  "î  sont  pointés,  le  3  et  le  3  presque  semblables;  ce  texte 
peut  donc  être  attribué  tout  au  plus  au  \i'  siècle  de  notre  ère. 


13.   ORIGINE  DU  MOT  ^imM 

M.  Pognon,  dans  ses  Inscriptions  sémi lignes ^^\  avait  supposé 
que  le  mot  Niim:  devait  provenir  d'une  forme  pehlevie  *mu- 
hadâr  ou  *nohadâr,  composée  d'un  substantif  et  du  suffixe  dâr 
que   l'on   retrouve  dans  les  mots  persans  ^lijjcii  «gredier», 


(')  Op.  laud. ,  p.  67-58,  qui  dit  que  primitivement  la  1"  personne  du  sin- 
{fulier  du  parfait  était  déjà  ilh  D^  dans  ia  réjjion  d'Anlioche  et  d'Alep,  et 
qu'elle  devint  ensuite  la  forme  en  usa[{e  chez  les  Meikites,  (jui  furent,  jusqu'à 

l'invasion  arahe,  majorilé  dans  la  Syrie  du  Nord. 

(3)    ^^..  r,_ 


NOTES  EPIGRAPHIQUES.  93 

^b**É*  «^ générale.  Nôldeke^'*  a  rapproché  avec  raison  de  ce  mot 
le  Nohodares  d'Aramien  Marcellln,  où,  dans  ia  phrase  Noho- 
darcs  quidam  nomine  e  numéro  optimatum^^\  l'auteur  latin  prend 
le  titre  dont  il  s'agit  pour  un  nom  propre  ^^l  Une  note  de  M.  An- 
dréas placée  à  la  fin  de  l'ouvrage  de  M.  A.  Chrislensen,  L'Em- 
pire des  Sossanides ,  nous  apprend,  au  sujet  d'un  fonctionnaire 
nommé  nahharar  tt  gouverneur  »  (?)  par  Moïse  de  Khorène^*', 
que  ce  titre  provient  de  l'iranien  mikhudhâr  {r=^dh)  et  qu'on 
le  retrouve  non  seulement  dans  le  passage  d'Ammien  iMarcellin 
cité  plus  haut,  mais  encore,  et  dépendant  d'une  forme  sassa- 
nide  *nakhvêr,  devenue  nukiwer,  dans  les  fragments  de  Turfan  ^^^ 
et  chez  les  historiens  byzantins  sous  les  formes  simples  à  No- 
y^o£py(xv'-'''\  '^a.yopa.yd.v^'^'^  OU  dans  les  composés  b  ^avay(pepû- 
yav^^^  et  'E<xpva)(^opydvtis''^\  où  le  mot  nohadra  semble  précédé 
de  l'élément  s^r  =  persan  j-m-  «chef».  Si  ces  rapprochements 
étaient  fondés,  comme  je  le  crois,  ils  nous  expliqueraient  l'ori- 
gine du  mot  xiiniJ.  Il  me  semble  cependant  qu'il  subsiste 
une  petite  difficulté  :  exphquer  comment  kh  ou  y^  est  devenu 
n  en  syriaque. 

C'  Z.i.,XXI,  1908,  p.  i53. 

(•2)  XIV,  3. 

W  MoRDTMANN,  Z.D.M.G.,  1 864 ,  p.  ili,  n"  kj,  a  commis  la  même  erre.ur 
en  rapprochant  de  Nohodares  le  n.  pr.  "'"irij  lu  par  lui  sur  un  cachet  pehlvi. 

'"'  Voir,  sur  ce  mot  dans  Moïse  de  Khorène,  Kh.  Johannisiants,  Inscript, 
cunéif.  dans  l'Arménie  russe,  Venise,  1897  (en  arménien),  cite  par  Macler, 
Rev.  archéoL,  1903,  p.  89. 

(■)  Éd.  Muller,  p.  ai. 

^^'>  Ménandre,  édit.  Dindorf,  p.  28. 

W  Aftathias,  III,  2. 

(*'  Ménandre,  op.  laud.,  p.  91. 

W  Théophylacte,  III,  i5,  7,  n. 


MÉLANGES. 


SUR 
lA  LECTURE  DU  NOM  DE  fj^®  ^  * — • 

Parmi  les  tombeaux  des  princes  d'Elephantine  découverts  à 
Assouan  en  1 886  ''^  se  trouve  celui  d'un  certain  |  J_^  ©  j^  "^ — 
qui  explora  fort  avant  la  Nubie  sous  le  règne  de  Pepi  P'  et  rap- 
porta de  ses  voyages,  entre  autres  curiosités,  un  ^ ^  Q  ^  des- 
tiné à  charmer  les  loisirs  du  souverain. 

Le  nom  du  personnage  a  été  lu,  tout  d'abord  Herchuj'^-\ 
puis  Hirkhouf^^l  11  me  paraît  que  la  lecture  en  est  un  peu  dif- 
férente. 

Ce  nom  est  à  rapprocher,  en  effet,  de  celui  du  pharaon 
(©^"^ — ^X  variante  (@^* — X*'-  C'est  là,  comme  on 
sait,  une  forme  courante  obtenue  par  l'aphérèse  d'un  nom 
divin,  en  l'espèce  celui  de  i^,  et  l'apocope  du  pronom 
régime  de  la  première  personne,  ^2)*  ^'  ^^^^  MûUer  a 
montré,  le  premier  ^^\  qu'il  fallait  rétablir  «  '^  ©  ^  "<—  ^  2l 
«Hnwm  me  protèges,  de  même  qu'il  faut  suppléer  '  f  et  le 

pronom  \  3) tlanslenom de (Pî^ ^3  =  (!!!Pî!i^3)3 
isPth  me  rend  bon». 


(')  BoDRUNT,  Les  tombeaux  d'Atiottan,  dans  le  Rec.  de  Travaux,  X,  p.  181- 

(*)  ScHiAPABBLLi ,  Una  tomba  egiziana  inedita  délia  rr'"  dinattia,  dans  les 
Mem.  délia  R.  Ace.  dei  Lincei,  Ser.  IV,  t.  I,  part.  I,  p.  ai -53.  pasiim. 

'•^)   G.Maspebo,  Hisl.  anc.  des  peuples  de  l'Orient  classique ,  I,  p.  ^3o  et  suiv. 

W  Cf.  H.  Gadthibr,  Livre  des  Rois,  1. 1,  p.  7^  et  78. 

(')  W.  Max  MïiLLER ,  Bemerkungen  iiber  einige  Konigsnamen ,  dans  le  il<e.  de 
Trav.,  t.  IX,  p.  176-177. 


MÉLANGES.  95 

L'apocope  graphique  du  pronom  régime  de  la  première 
personne,  ^2)'  ^!2l'  ^^^  constante,  comme  d'ailleurs 
celle  du  pronom  sujet,  dans  les  inscriptions  de  l'époque  thi- 
nilo-memphite.  Le  plus  souvent,  il  est  vrai,  cette  apocope 
n'est  que  partielle,  et  l'on  note  soigneusement  le  ^  de  \  ^, 
sans  doute  pour  éviter  des  erreurs  d'interprétation.  Mais  elle 
|)eut  être  totale.  Ainsi  l'on  trouve  P|^  pour  P|^^***  et 
O^^f^),   «^^(^^Jpour  ©>^>  et  i^@^w;^. 

Or,  il  semble  diflicile  de  voir,  dans  le  nom  de  |  ^  @  ^  ■< 

autre  chose  qu'un  nom  théophore  composé  sur  le  modèle  de 
î  ^  0  ^  « —  ^.  Au  lieu  de  Hnwm ,  le  dieu  protecteur  est  ici 
Hr.  L'orthographe  |^,  l<=L>\k^'  P^^^""  ^  ^^^  constante  aux 
temps  memphiles,  oii  l'écriture  est  presque  purement  phoné- 
tique. On  s'en  convaincra  aisément  en  parcourant  les  inscrip- 
tions des  pyramides  de  Saqqarah  ou  celles  des  mastabas  mem- 
phites.  Un  exemple  tout  à  fait  typique  nous  en  est  fourni  par  le 
tombeau  thébain  de  ^7^  (xf  dynastie).  Dans  toute  la  région 
de  la  tombe  où  les  textes  paraissent  avoir  été  empruntés  à  un 
vieux  manuscrit  memphite,  le  nom  du  propriétaire  est,  par 
raison  d'harmonie  orthographique,  régulièrement  écrit  |^ 
7^''*^.  Partout  ailleurs,  c'est  la  forme  \^7*7  ^"^  prévaut (^'. 

Il  me  paraît  donc  que  le  nom  du  baron  d'Elephantine, 
lu    jusqu'ici    Herchuf,    Hirkhouf,    est    à    lire    correctement 

!,i  ®  >  -  -  !  i  (  V)  ^  >  -  (  >  âl) .  Ur-h«>-f-wé, 
c'est-à-dire  :  Horus  me  protège. 

WORMS. 


'"'  Gautuieh,  Livre  des  Roit ,  1. 1,  p.  04. 

'-)  Id.,  ibid.,  t.  l,  p.  75,  78. 

'^)  lD.,ibid.,l.  l,p.  7^. 

'""^  Masi'Ebo  ,  Trois  années  de  fouilles  dans  les  tombeaux  de  Thèbes  et  de  Mem- 
phis,  dans  les  Mémoires  de  la  Mission  du  Caire,  t.  I,  p.  187  et  suiv. ,  1.  i,  G, 
17,  etc. 

'**  lu.,  ibid,  ^.  i48  et  suiv. ,  I.  ly^  ,  200 ,  207,  etc. 


COMPTES  RENDUS. 


Aujjusle  Coun,  professeur  à  la  chaire  publique  d'arabe  de  Constanline.  Li 
DiyASTiE  MAiiocAiNE  DES  liEM  Wattas  {iùao-i55â).  Tlièse  complémentaire 
pour  le  doctorat  es  lettres.  —  Constantine,  D.  Braham,  1920;  1  vol.  in-S", 
aie  pages  et  une  table  généalogique. 

Dans  l'histoire  du  Maroc,  la  dynastie  des  Banou-Wattâs  vient  s'inse'- 
rer  entre  les  Mérinides  et  la  dynastie  sa'dienne.  Elle  était  reste'e  jusqu'ici 
dans  la  pénombre;  à  un  moment  où  une  foule  de  documents  nous  per- 
mettent de  constituer  l'histoire  du  Maghreb  el-Aqçâ  et  continuent  l'ex- 
ploration scientifique  de  l'Afrique  du  Nord,  il  était  bon  que  la  thèse 
complémentaire  soutenue  par  M.  A.  Cour  devant  la  Faculté  des  Lettres 
de  l'Université  d'Alger  vînt  jeter  un  peu  plus  de  lumière  sur  des  événe- 
ments qui  s'étendent  de  i/i65  à  i554  et  sont  assez  difficiles  à  suivre 
chez  les  auteurs  indigènes.  En  comparant  les  données  de  ceux-ci  avec 
les  renseignements  puisés  chez  les  chroniqueurs  portugais,  M.  Cour  a 
décrit  une  série  de  transformations  successives  qui  font  comprendre 
l'état  d'anarchie  dans  lequel  s'est  complu  ce  malheureux  pays ,  et  a  amené 
sa  ruine. 

Avant  d'être  souverains  d'une  partie  du  Maroc  (car  c'est  surtout  la 
région  de  Fez  où  leur  pouvoir  était  le  mieux  assis),  les  Banou-Waltàs, 
formant  un  groupe  à  part  dans  l'ensemble  des  tribus  mérinides ,  avaient 
déjà  joué  un  rôle  important  dans  le  royaume  qu'ils  devaient  renverser. 
Vers  i3o3,  on  trouve  l'un  d'entre  eux  ministre  du  suhan  mérinide 
Abou-Rabî'a  Suléïmân  et  un  autre,  frère  du  précédent,  chef  des  troupes. 
Les  descendants  de  ces  deux  personnages  occupèrent  des  postes  émi- 
nents.  Abou-Zakariyâ  Yahya,  gouverneur  de  Salé,  proclame  sultan  le 
dernier  des  Mérinides,  'Abd-el-lla(jq,  fils  d"Abou-Sa'id ,  alors  âgé  d'un 
an,  et  se  met  à  la  tête  des  affaires  avec  la  quaUté  de  régent:  c'est  au 
nom  de  ce  dernier  qu'il  s'empare  de  Fez  en  lAaÔ.  A  sa  mort,  son  neveu 
'Ali  ben  Yoûsouf  prend  le  pouvoir;  il  est  tué  en  iû58  et  remplacé  par 
son  cousin  Yahya,  fils  d' Abou-Zakariyâ ,  massacré  par  ordre  du  sultan 


COMPTES  RENDUS.  97 

après  soixante-dix  jours  de  gouvernement.  Ce  meurtre,  d'ailleurs,  ne 
j)rofita  pas  à  'Abd-el-llaqq,  qui,  peu  après,  à  la  suite  d'une  sëdition, 
fut  égorgé  dans  une  des  mosquées  de  Fez. 

Mohammed  ech-Gliéïkh,  échappé  au  massacre  de  sa  famille,  élève 
alors  des  prétentions  au  trône  et  s'empare  de  Fez  en  i465.  Ses  descen- 
dants et  successeurs,  Mohammed  el-Bortgali  (iSo/l-iSaô),  ainsi  dé- 
nommé parce  qu'il  avait  été  emmené  au  Portugal  en  qualité  d'otage, 
Abou'I-Abbâs  Ahmed  (i  59  5-1 55o),  Abou'l-llasan  'Ali  dit  Bou-llassoûn 
(i55i-i55/j),  menèrent  une  existence  agitée.  Leur  pouvoir  était,  en 
effet ,  précaire.  Les  Portugais  prennent  Açila  en  i  (4  7 1 ,  et  débarquent 
en  i5i5  à  Anfa,  déjà  ruinée  par  eux  en  i468,  et  y  créent  une  nouvelle 
ville  sous  le  nom  de  Casablanca  (Dâr  el-Béïdâ);  ils  tiennent  à  peu  près 
toute  la  côte  et  poussent  des  incursions  dans  l'intérieur.  Pour  lutter 
contre  ces  ennemis,  les  confréries  reh'gieuses  s'arment  et  proclament  la 
guerre  sainte.  Elles  deviennent  ainsi  un  puissant  soutien  de  la  dynastie. 
Toutefois  l'accroissement  de  pouvoir  et  d'influence  qui  en  résultait  pour 
les  chefs  religieux  fait  de  ceux-ci  des  personnages  redoutables,  qui  insti- 
tuent pour  leurs  zaouïas  une  sorte  de  droit  d'asile  appelé  horina.  Mo- 
hammed ech-Chéïkh  s'appuie  sur  les  chérifs  et  accueille  ceux  qui  sont 
chassés  d'Fspagne  par  la  conquête  des  Castillans.  Pour  contenir  ce 
monde  religieux ,  trop  disposé  à  faire  prévaloir  ses  propres  tendances, 
les  Waltàsides  organisent  des  contingents  armés  tirés  des  tribus  arabes, 
désignés  dès  cette  époque  par  le  nom  de  makhzeii,  en  usage  aujourd'hui 
encore  :  c'est  en  effet  de  leur  temps  que  l'on  voit  apparaître  cette  expres- 
sion pour  la  première  fois,  non  dans  les  auteurs  arabes,  qui  ne  la  trou- 
vaient pas  assez  classique,  mais  dans  l'usage  courant,  attesté  par  les 
narrateurs  chrétiens  (p.  lo/j).  Somme  toute,  ils  luttent  contre  l'anar- 
chie, et  n'arrivent  pas  à  l'enrayer  :  les  Berbères,  retirés  dans  leurs  mon- 
tagnes, n'obéissent  guère  ou  pas  du  tout  au  pouvoir  central;  c'est  l'état 
du  Maroc  avant  l'occupation  française. 

Mourid'i  (p.  78,  n.  9)  ne  peut  signifier  rrcelui  qui  est  abreuvé  aux 
sources  spirituelles  « ,  pas  plus  que  tnouridin  (p,  76)  n'a  le  sens  d'fraspi- 
rants  à  l'abreuvoir  spirituels  ;  on  dirait  d'une  confusion  avec  la  racine 
ivarada.  Mourid,  c'est  celui  qui,  en  salFdiant  à  un  ordre  religieux,  a  fait 
preuve  de  bonne  volonté  ïi\ A  [%ftn?>  que  ce  mot  a  chez  les  mystiques), 
par  suite  trdisciple  d'un  chef  de  confrérie^  [tnourchid  trdirecteur  spiri- 
tuel"). Quant  à  mouridl,  c'est  un  ethnique  qui  veut  dire  adescendant 
d'un  mouridl)  ou  se  lattachant  à  une  personne  dénommée  Mourîd.  —  La 
note  3  de  la  page  78,  sur  el-Khidr,  ne  contient  que  des  renseignements 
très  insuffisants  sur  le  caractère  de  ce  personnage  mythique. 


9»  JANVIER-MARS    1922. 

Page  80.  irAllianibra,  palais  des  émirs  BenouM-Ahmai-'i;  ce  membre 
de  phrase  semble  ëlablir  une  corrélation  entre  le  nom  de  cette  dynastie 
et  celui  du  célèbre  palais  de  Grenade;  mais  on  sait  que  celui-ci  lui  est 
antérieur,  et  que  son  nom  est  probablement  celui  d'un  lieu-dit  sur  l'em- 
placement duquel  la  construction  en  a  été  effectuée.  —  P,  i36.  rrHluiib 
(sic)  so'oiidn  et  n.  1  :  ffla  rue  du  Bon  augure  ou  de  la  Montéer;  l'or- 
thographe n'est  pas  la  même  dans  les  deux  cas;  le  bon  augure,  c'est 
so'oùd;  mais  la  montée,  c'est  ço'oùd. 

Cl.  HUART. 


J.  Deny.  GnAitiiÀinE  DE  LA  LAyaiE  TtfiytE  (dialecte  osmanli).  —  Paris,  Le- 
roux, 1920;  1  vol.  in-12,  xx\-i2i8  payes  (Bibliothèque  de  l'Ecole  des 
Langues  orientales  vivantes). 

Bien  qu'il  se  défende,  dans  sa  préface,  d'avoir  voulu  faire  une  gram- 
maire historique  du  turc  osmanli,  M.  J.  Deny  a  été  amené,  par  la  force 
des  choses,  à  ne  point  négliger  le  côté  historique  de  son  travail,  c'est-à- 
dire  la  comparaison  des  formes  ée  l'osmanli  actuel  avec  celles  de  l'os- 
manii  ancien ,  dont  les  formes  vieillies  et  désuètes  ont  souvent  conservé 
des  traces  de  leur  origine;  il  a  dû  comparer  celles  qu'offrent  les  divers 
dialectes,  soit  actuellement  vivants,  soit  attestés  par  des  écrivains  ori- 
ginaux; il  a  recouru  aux  autres  idiomes  du  groupe  des  langues  turques, 
et  cela  mène  loin;  sa  grammaire  est  donc,  non  seulement  historique, 
mais  encore  comparative,  et  c'est  ce  qui  en  fait  la  valeur.  C'est  la  pre- 
mière fois  qu'en  langue  française,  et  même  en  une  langue  étrangère 
quelconque,  on  présente  au  public  un  travail  aussi  complet,  aussi 
étendu,  aussi  consciencieux:  de  longues  années  y  ont  été  consacrées,  et 
même  la  dernière  guerre,  pendant  laquelle  l'auteur,  mobilisé,  a  pu 
j'endre  d'importants  services  relevant  de  ses  connaissances  spéciales,  si 
elle  a  retardé  jusqu'en  1920  l'impression  commencée  en  191^»,  a  per- 
mis de  léuuir  un  ceitain  nombre  d'observations  que  le  présent  volume 
contient  sous  forme  d'addenda. 

Renonçant  délibérément  à  faire  entrer  de  force  les  faits  grammaticaux 
dans  les  cadres  de  la  grammaire  française,  latine  ou  arabe,  M.  Deny  a 
adopté  une  terminologie  en  grande  partie  nouvelle  qui  paraîtra  quelque 
peu  rébai'bative  au  lecteur  non  prévenu,  et  qui  a  subi  Tinlluence  de 
M.  A.  Meillet  et  surtout  du  regretté  Robert  Gauthiot.  C'est  ainsi  qu'on 
trouvera  les  termes  suivants  :  indice  de  rappel,  épithète  complexe,  base, 
modificateur,  quasi-passif,  pro-participe ,  thème,  quasi-proposition,  qui 
sont  nouveaux  ou  dont  l'apidication  au  turc  n'avait  pas  encore  été  pra- 


COMPTES  RENDUS.  99 

Uquée.  L'indice  de  rappel,  c'est  le  pronom  possessif  sullixé  î  dans  le 
type  coban-m  ev-i  rrla  maison  du  berger*^.  L'épithète  complexe  esl  un 
des  proct'de's  par  lesquels  les  langues  turques  remplacent  les  pronoms 
relatifs  qu'elles  ne  possèdent  pas;  soit  le  groupe  de  mots  ffla  maison 
dont  le  toit  est  rougen  ,  nous  aurons  dam-î  qirmlzi  ev;  c'est  l'épithète 
complexe.  La  base,  c'est  la  racine;  le  second  terme  est  emprunté  à  la 
botanique,  le  premier  à  la  géométrie  ou  à  la  chimie;  il  suffit  de  s'en- 
tendre. Le  modificateur  est  le  suffixe  verbal  de  dérivation  pour  exprimer 
la  voix,  comme  In  dans  ed-in-mek  de  et-mek.  Le  quasi-passif,  c'est  le  par- 
ticipe qui  a  une  forme  active  et  un  sens  passif,  type  :  oqu-yagaq  khah 
ff livre  à  lire»,  c'est-à-dire  rfà  être  lu^i,  legendus.  Le  pro-participe ,  ce 
sont  les  formes  en  -dik  pour  le  passé  et  -e^]ek  pour  le  futur,  munies  du 
suffixe  possessif,  dans  sev-diij-lm  (sev-('îreij-ini)  ev  ffla  maison  que  j'ai 
aimée  (que  j'aimerai )t.  Le  Ihème  est  un  complexe  composé  de  la  base 
verbale  (racine)  suivie  du  signe  thématique  tel  que  -ijor-  indiquant 
l'action  présente  dans  sev-{i)-yor-um ,  -r-  de  l'aoriste  dans  sev-er-im,  etc. 
La  quasi-proposition  est  un  groupe  suboraonné  qui  est  terminé  par  une 
forme  nominale  du  verbe,  nom  d'action,  infinitif  ou  gérondif.  Celte  ter- 
minologie ne  va  pas  sans  inconvénients,  et  l'auteur  l'a  bien  senti,  puis- 
qu'il parle,  pour  en  rejeter  l'idée,  rrde  l'avantage  qu'il  y  a  à  ne  pas 
dépayser  l'élève  français  qui  aborde  l'étude  du  ttirc«.  Cette  grammaire, 
en  effet,  est  conçue  pour  être  à  la  portée  des  agrégés  de  grammaire,  ou 
de  ceux  qui  aspirent  à  le  devenir;  la  compréhension  en  sera,  je  le  crains, 
pénible  pour  les  non-initiés  aux  arcanes  de  la  grammaire  comparée.  Il 
n'importe;  le  maitre  sera  présent  pour  guider  les  pas  chancelants  des 
commençants ,  qui  en  général  n'éprouvent  pas  d'amour  immodéré  pour 
ces  études  abstraites  et  n'ont  conservé  de  la  grammaire  française  qu'une 
certaine  répulsion  pour  les  tei-mes  techniques  (ju'elle  a  été  forcée  d'em- 
prunter au  latin.  L'impression  eu  caractères  plus  petits  des  passages  spé- 
cialement consacrés  aux  formes  anciennes  du  langage,  aux  expressions 
dialectales  ou  aux  comparaisons  avec  les  autres  idiomes  turcs,  permet  de 
procéder  à  une  discrimination  qui  met  en  bonne  vue  les  faits  princi- 
paux ,  réservant  l'étude  du  détail  à  des  recherches  plus  approfondies. 

Une  bibliographie  très  étudiée  donne  la  nomenclature  des  ouvrages 
cités  dans  le  texte,  parmi  lesquels  on  remarquera  le  ti'ès  important  dic- 
tionnaire arabe-turc  de  Mahmoud  ben  el-Husséin  el-kachghari ,  D'iwàn 
loghùt  rt-ltirk,  terminé  en  h()(j  (107/»)  et  récenunent  publié  à  Conslan- 
tinople  en  trois  volumes  (i333-i335  hég.);  une  liste  des  ouvrages  uti- 
lisés et  non  cités  (ce  sont  des  grammaires  en  langue  turque),  et  une 
liste  de  grammaires  de  l'osmanli  <mi  langues  européennes.  On  regrettera 


100  JANVIER-MARS   Î9iî2. 

que  l'auteur  n'ait  pas  utilisé  le  Lehdjè  d'Ahmed  Véfiq-pacha ,  qui  n'a 
pas  toujours  été  bien  entendu  par  Barbier  de  Meynard ,  ni  le  dicliou- 
naire  turc-français  en  caractères  latins  de  R.  Youssouf  (R.  P.  Giuseppe 
Reali). 

Dans  une  introduction,  M.  Deuy  traite  du  turc  au  point  de  vue  de  la 
classification  des  langues  et  de  ses  caractéristiques  morphologiques 
générales;  il  indique  sa  place  dans  le  groupe  des  langues  turco-latares ; 
il  énumère  ses  divers  dialectes,  d'après  RadlofT;  il  donne,  d'après  des 
documents  russes ,  une  statistique  des  divers  peuples ,  peuplades ,  grou- 
pements, tribus,  pratiquant  cet  idiome;  une  carte  géographique  permet 
de  se  rendre  compte  d'un  coup  d'œil  des  aires  respectives  occupées  par 
ces  divisions.  Une  première  partie  est  réservée  à  l'écriture  et  à  la  tran- 
scription de  celle-ci  en  caractères  latins;  une  seconde  à  l'étude  des  sons: 
une  troisième  à  celle  de  la  syllabe;  une  quatrième  à  celle  du  mot;  une 
cinquième  aux  parties  du  discours;  une  sixième  au  groupe  de  mots, 
c'est-à-dire  à  la  syntaxe. 

Quelques  observations  de  détail  n'enlèveront  rien  à  l'importance  consi- 
dérable de  ce  travail.  Page  26.  ffô  correspond  à  eu  français  moyen  dans 
jeune -n ,  c'est-à-dire  lout  simplement  à  Ve  muet  de  Je;  mais  il  y  a  aussi 
des  cas  oii  6  se  rapproche  de  ïeu  de  jeûne  (sans  allongement),  par 
exemple  bôijulc  [=biii/iik)  rr  grand 'i  ;  Jiôtû  rf  mauvais 'i  ;  dôn-mek  rr  tourner  r. 
—  P.  27.  ff/l  correspond  à  a  français  moyen  dans  Pniis.-^  Il  y  a  au 
moins  deux  a  différents,  par  exemple  hat-maq  rr s'enfoncer 55 ,  où  le  second 
correspond  bien  à  la  définition,  mais  où  le  premier  (syllabe  radicale) 
est  un  a  plus  sourd  se  rapprochant  de  Va  long  de  pâte.  —  P.  53.  yel 
qovan  rr girouette,  l'aiguille  des  secondes  d'une  montrer  ;  ajouter  ff alcyon" 
[lelidjè  :  espèce  de  mouette).  —  P.  60.  Une  liste  donne  rrtous  les  mots 
usuels  qui  contiennent  le  son  y  {g  prononcé  y)-r>;  on  a  oublié  ^JJb^5^ 
bôyiirllen  rr  framboise ^  ,  '^■S)\  zûyùrt  ff misérable n.  —  P.  61.  duyûn  crnoce, 
cérémonie  de  la  circoncision 55  ;  cette  dernière  s'appelle  siinnet.  —  SuyiH 
ff  viande  froides  ;  c'est  du  bouilli. 

P.  78.  ffLe  mot  pasa  vient  de  bas  a'a-^  [bas-aya].  C'est  peu  pro- 
bable. La  graphie  »Lib  est  attestée  en  8o3  hég.  dans  Ibn-Taghri-birdi , 
ëd.  Popper,  t.  VI,  part  I,  p.  85,  1.  1 5,  et  en  808  hég.,  id.  op.,  p.  175, 
1.  i5,  et  p.  177,  1.  6.  L'amuissement  du  i  est  invraisemblable  à  cette 
date.  Le  Mésdlilc  el-Abçàr  de  Chihâb-ed-dîn  el-'Omari,  analysé  par  Qua- 
tremère,  Notices  et  extraits,  t.  XllI,  et  Munedjdjim-bachi  parlent  bien 
d'un  Suléïman-pacha ,  prince  de  Castamouni  de  la  dynastie  des  Qîzîl- 
Ahmed-lu  (voir  Cl.  Huaut,  Un  commentaire  turc  du  Qoran,  dans  le  Journ. 
as.,  1921,  t,  11.  p.  162),  mais  Ibn-Baloûla  lui  donne  le  titre  de  pàdi- 


COMPTES  RENDUS.  101 

chah  (t.  II,  p.  363).  Djévad-bey,  t^tat  militaire  otloman  (irad.  franc., 
t.  I,  p.  20,  n.  3),  semble  admettre  la  même  étymologie  que  M.  Deny, 
quand  il  dit  :  ffCe  titre  semble  apparaître  pour  la  première  fois  lorsque 
le  sultan  Osman  le  conféra  à  son  fils  aine  Ala-eddin;  Orkban,  son  liis 
puîné,  le  conféra  également  à  son  fils  aine  Suléïman,  qui  commença  la 
conquête  de  la  Thrace.  Murad  I"  n'ayant  pas  de  fils  en  âge  et  le  prince 
Savdji-bey  prétendant  au  trône,  le  sultan  donna  ce  titre  à  Tchendéré-li 
Kara-Khalil,  cazasker,  déclarant  ainsi  qu'il  le  considérait  comme  son  fils 
aîné.  C'est  le  premier  fonctionnaire  qui  fut  appelé  au  poste  du  Vézirat, 
et  depuis  lors  le  mot  de  Pacha  devint  un  titre  olliciel." 

P.  81.  i^^^  iôhret  rf célébrité,  nomn.  C'est  ])our  traduire  l'idée  mo- 
derne de  crnom  de  famille -o  que  les  Turcs  se  servent  de  ce  mot;  quant  au 
nom  véritable  de  l'individu,  nomen,  notre  rr  prénom  n,  c'est  isim.  — 
P.  98.  ^y^  hazm  ff décision,  caractère  décidé^.  Ce  mot  arabe  désigne  la 
ff  prudence"  ;  ffdécisioni  est  ^eim.  —  P.  i56.  Le  sufiixe  du  pluriel  régu- 
lier arabe  un  s'appli(pie  extraordinairement  au  mot  persan  nâm  anonm 
quand  il  est  question  de  plusieurs  personnes  :  'ali  ve  ahined  nâmûn  kimse- 
ler  ffles  individus  nommés  'Ali  et  Abnied^;  celle  expression  hybride  est 
spéciale  aux  rapports  de  police.  —  P.  iSy.  Le  suflixe  possessif  leri  ne 
peut  s'employer  avec  le  pluriel  du  nom;  on  ne  dit  pas  eo-ler-leri  ff  leurs 
maisonsn ,  contrairement  à  l'énoncé;  on  dit  ev-leri,  de  sorte  qu'il  est 
impossible  de  savoir,  sauf  par  le  contexte,  s'il  s'agit  de  ffleur  maison  n  , 
ff  ses  maisons"  ou  ff  leurs  maisons  n.  —  P.  317.  ffLe  pronom  français 
ffrienn  n'a  pas  de  correspondant  en  turc  ;  on  emploie  en  ce  cas  le  per- 
san lue;  cf.  p.  221,  §  335;  p.  285,  S  /j/ig  et  p.  291,  8  ^Sg. 

P.  287.  mas  mavi  fftout  à  fait  bien"  ,  lire  ffUeu"  (faute  typogra- 
phique). —  P.  260.  là  ijiinqali',  lij-e  là  i/anqali.  —  P.  278.  kiirre  ffla 
terre",  lire  hm'e;  g'ecen  liejïe  (lire  liafta)  traduit  par  ffun  jour";  c'est 
ffla  semaine  passée".  — •  P.  296.  qazan-amaz^  ffil  ne  gagnera  pas"; 
plutôt  ffil  ne  pourra  pas  gagner".  —  P.  3 12.  yaiha  mat  est  bien  une 
ff  demi-heure",  mais  sàat  ijarim  veut  dire  ffune  demi-heure  après  le  cou- 
cher du  soleil  (commencement  de  la  journée  civile)".  —  P.  33g.  cift 
est  le  persan  ^^nft  frpair,  paire"  ;  cf.  Geiger  et  Kuhn,  Grundriss  der  Iran. 
Philologie,  t.  I,  2*  part.,  p.  79  (P.  Horn).  —  P.  3/12.  terùiije-li  est 
bon,  mais  terbiyye-li  indiqué  entre  parenthèses  n'existe  pas.  —  P.  344. 
demir-gi  est  ff  forgeron";  maréchal-ferrant  se  dit  na-l-bend.  —  P.  4o3. 
L'amuissement  de  la  sitHante  sonore  dans  sev-me-m  pour  sev-me>im,  etc., 
est  un  phénomène  qui  se  rencontre  dans  d'autres  groupes  de  langues. 
—  P.  4o5.  Je  n'aime  pas  la  traduction  de  mûzi-i-naqli  par  rpassé  tra- 
ditionnel", ce  qui  semblerait  vouloir  dire  ff  conservé  par  la  tradition"; 


102  JANVIER-MARS    1922. 

je  prét'firerais  frpass^  nai'raliC-'.  —  P.  lioi).  mihiafjhil  rravenirr  est  |)ro- 
prenienl  viiisl((qlicl,  les  noms  de  temps,  dans  les  ("ormes  verbales  déri- 
vées ,  en  arabe ,  ayant ,  comme  les  noms  de  lieu ,  la  même  forme  que  le 
participe  passif.  —  P.  4i5.  Dans  la  dernière  pbrase  citée,  è->  •>y^^. 
sJ!^  ffou  bien  encore  plus  tard  (que  la  deuxième  période)'^  n'a  pas  été 
traduit. 

P.  Soa,  1.  7.  jLs:  iiiedjal-i  rfsa  possibilité^^  est  transcrit  hàl-i  par  inad- 
vertance. —  P.  hh'è.  Jhildaq  n'est  pas  seulement  une  girouette,  mais 
encore  une  toupie.  —  P.  5^17.  vnh-li  r clouée ,  du  persan  vilx-  —  P-  5A8. 
Le  sullixe  me.  peut  prendre  le  sullixe  du  diminutif,  -jyc,  dans  les  mois 
hUme-ge  ff énigme  de  bilme  rr savoir r,  cekmege  ff boîte  h  tiroirs,  pont- 
levis"  de  cehne  rtiroirr.  —  P.  577,  yaq-î  est  un  cautère,  un  vésica- 
loire;  «cataplasmen  est  lapa.  —  P.  08A.  La  définition  du  paragraphe  87A 
est  trop  générale,  puisque  la  postposition  siz  ne  gouverne  pas  ie  génitif 
des  pronoms  personnels  et  démonstratifs  (cf.  p.  588).  —  P.  887.  Au 
lieu  de  frDieu  protège*-,  lire  rraide,  secourt?»  (yardm-gî).  —  P.  690. 
A  propos  de  l'expression  egl-i  iciin,  l'exemple  cilé  n'est  pas  adéquat, 
puisque  celle  locution  n'y  figure  pas,  à  moins  qu'on  ne  le  corrige  dans 
ce  sens.  —  P.  5t)2.  rr Godets  de  fontaine  publique^  ;  ce  sont  plutôt  des 
gobelets.  —  P.  801.  frPierre  meunière^  ,  lire  rrmeulièrei  (faute  typo- 
graphique). —  P.  (J09.  rrFauteur'n,  lire  ffcoupablc'^.  —  P.  628.  »£^ 
dUvJ  ii'esl  pas  ff  s'agenouiller  ^-i  mais  fse  courber  en  deux",  posture  de 
la  prière  canonique.  —  P.  63 1.  frDes  hérosii ,  lire  rrdes  hérauts ^^  (faute 
typographique).  —  P.  658.  Dans  la  dernière  phrase,  'alâ-l-eksev  ffpour 
la  plupart"  n'a  pas  été  traduit.  —  P.  662.  J^l  «^  signifie,  non  ffles 
gens  de  bien",  mais  rfles  gens  de  goût",  sens  que  taU  a  en  persan.  — 
P.  669  ,  dernière  phrase.  La  faute  qui  consiste  à  éciire  la  conjonction  ^ 
au  moyen  d'un  zammé  est  empruntée  à  une  graphie  fréquente  des  co- 
pistes ])ersans;  dans  celle  dernière  langue,  la  conjonction  0  est  encli- 
tique du  mot  qui  la  précède.  —  P.  67^.  La  négation  *j  .  .  .*j  répétée 
est  sùi'ement  empruntée  au  persan. 

P.  G78.  ».^ iyij  ffau  comptant",  lire  ffen  espèces  sonnantes";  au 
comptant  est  pèsin  para.  —  A  la  note,  ajouter  certains  noms  propres  : 
Yiinus-Emrem,  'AUq-pamm,  Qocam-sei/yidi ,  Hdgim-sult/m,  cités  par  Kieu- 
priilii-zâdè ,  Itic  muteçavvif-Ier,  p.  992,  note.  —  P.  685.  Dans  le  dernier 
exemple,  uql  est  traduit  par  rresprit",  tandis  (ju'il  faut  rf raison».  — 
P.  716.  ialm  j.^s^  dcyil-mi  t  n'est-ce  pas  évident  ?',  plutôt  ff  naturel". 
—  P.  725.  L'interjection  licyhat  est  empruntée  à  l'arabe.  —  P.  727. 
zinhâr  est  persan.  —  P.  728.  Pour  dire  ffgare!"  les  portefaix  emploient 
encore  l'expression  doq-un-îna-sin  rrque  [cela]  ne  |  vous]  atteigne  {)as!". 


COMPTES  RENDUS.  108 

—  P.  y'io.  Los  redif  ne  sont  pas  des  soldats  de  réserve  (Ihllyàt),  mais 
l'armée  territoriale,  Laïubrclir.  —  P.  yAô.  nifitia  frevi:  ff noyer  sculptét, 
lire  oyina.  —  P.  747.  Le  yacluiuiq  (dont  i'usage  a  d'ailleurs  disparu) 
n'est  pas  tout  à  fait  un  frbandeau  hlanc  transparent '^ ,  mais  une  voilette 
de  tulle  blanc  qui  fait  le  tour  de  la  tête  en  couvrant  le  front  et  les  che- 
veux: et  est  ramenée  par  devant  pour  cacher  le  menton  et  le  nez,  ne 
laissant  voir  directement  que  les  yeux. 

P.  70/1.  Pour  que  l'exemple  allégué  ^^^w-oLtaJU  t$l-«,  *IaXc  porte  tout 
son  effet,  il  faut  supprimer  l'épithète,  car  cette  expression  ne  peut  faire 
au  génitif  Galala  seray-în  et  au  datif  Galata  seray-a.  —  P.  760.  La  fête 
des  sacrifices  ne  correspond  pas  à  la  Pâque  des  Musulmans;  car  si  la 
Pàque  termine  le  carême,  c'est  le  kùcùk  bairam  (vulg.  sek'er  bairam)  qui 
clôt  le  jeune  du  Uamazan.  —  P.  762.  barbunya  est,  non  le  «•  barbeau  de 
mer 5^,  mais  le  rouget  {^MuUm  barbatus,  Percoïdes),  espèce  d'ailleurs 
voisine.  —  Tere  ot-u  est  l'aneth,  sorte  de  fenouil,  non  le  cresson  (les 
dictionnaires  traduisent  ainsi,  mais  c'est  une  erreur).  —  P.  768.  oda 
basl.  C'est  le  concierge  ou  portier  des  hân  (caravansérails)  et  aussi  des 
maisons  de  rapport  à  appartements.  —  P.  788.  Jl-^^  est  emprunté  tel 
quel  au  persan.  —  P.  796.  rr Reis.  .  .  aujourd'hui  :  chefs  des  pompiers 
volontaires.  1  Ajouter  :  ff  président  ^j.  —  P.  796.  A  Alger,  le  dpy,  chef 
des  Janissaires,  était  constamment  en  lutte  avec  le  pacha  envoyé  de 
Constantinople.  —  P.  812.  Dans  la  phrase  citée,  on  a  omis  de  traduire 
kemid-i  harâredc  ffdans  le  plein  de  l'enthousiasme 'i ,  ce  qui  montre  bien 
que  (riizel  n'est  pas  ffjoliT^,  mais  (rbeau^^. 

P.  879.  Dans  la  phrase  citée,  tu>lu  fr poussiéreux ^ ,  lire  to:-lu  (faute 
typographique).  —  P.  88A,  1.  37.  havâli-si  a  été  oublié  dans  la  traduc- 
tion :  fLes  environs  (d'Ak-Kerraan)^.  —  P.  887,  1.  3.  ahmm-n  qarïb 
f  vers  le  soir^  manque  dans  la  traduction  de  la  phrase  citée.  —  P.  900  , 
I.  8,  lier  mule-nin  havgi  deyil-dir  rce  n'est  pas  l'affaire  de  tout  estomac  1 
est  traduit  par  ffcela  demande  un  bon  estomac^.  —  P.  909.  Dans  des 
phrases  comme  0  k'ôy  sapa  dîr  w c'est  un  village  perdu,  loin  de  toute 
route n,  et  iki  mil  yoldan  sapa  oha  ffsi  c'est  à  deux  milles  de  la  routes, 
il  est  diflicile  de  déterminer  si  sapa  est  adverbe  ou  adjectif.  —  P.  911, 
1.  16.  av  qus-lar-l  ne  sont  pas  des  oiseaux  que  l'on  chasse,  mais  ceux  qui 
servent  à  la  chasse  (faucons),  les  rapaces.  11  ne  faut  pas  traduire  par 
ff  gibier  1.  —  P.  919.  Dans  la  légende  des  Sept  Dormants,  Dakyanifs 
n'est  pas  Dioclétien,  mais  l'empereur  Décius.  —  P.  920 ,  dernière  phrasé. 
»U.  doit  être  une  faute  d'impiession  pour  ^^U. ,  à  raison  de  la  Iraductio'h 
fflleuvei.  —  P.  980,  1.  6.  L^JJ\  o^  J^,  lire  cjUoJI.  —  P.  996.  A 
côté  du  suflixe  -{y)i{j('k  il  a  existé  dialectalement  une  forme  élargie 


lOi  JANVIER-MARS   1922. 

-{y)i^eyei  analogue  au  -(y)inget  de  la  page  999  et  allestëe  dans  des  vers 
de  yïmiis  Emrè  (pièce  n°  78  de  mon  manuscrit)  : 

(^JLùoj^iJ    jiCacs^^^  »>>^   J-ilb   wUll? 

Les  montagnes ,  les  pierres  se  prosternent  quand  elles  voient  les  derviches. 

P.  io33,  i.  12.  Istambol paytaht  ol-duq-dan  sonra  «après  que  Constan- 
tinople  fut  piise^i ,  lire  rr après  que  cette  ville  fut  devenue  la  capitale  [de 
l'empire]').  —  L.  i3.  eii  sonra  rret  plus  tard  encore  »,  lire  :  fren  tout 
dernier  lieu ''.  —  P.  1089.  i mârel  .nfouv  banal  pour  les  pauvres».  Ce 
sont  des  hospices  pour  étudiants  en  théologie  pauvres ,  attenant  aux 
mosquées  impériales,  et  aujourd'hui  presque  déserts.  i,j^.U  est  naturel- 
lement une  faute  d'impression  pour  4^U.  —  P.  lohli,  1.  10.  Le  mot 
yjo  a  été  omis.  —  P.  108I1.  iniiseviede  rrminute  (de  lettre  officielle)» 
est  correct,  mais  la  prononciation  fautive  miisvedde  (=  part,  ix*^  f.)  est 
courante  dans  l'administration  ottomane.  —  P.  io85,  1.  8.  Btlâ  aman 
r impitoyablement»  a  été  omis  dans  la  traduction.  Ghulât  revâjh  «héré- 
tiques les  plus  effiénés»  ne  peut  désigner  que  les  Chi'ïtes  outrés,  comme 
c'est  d'ailleurs  le  cas  pour  les  Bektachis.  A  la  ligne  21,  Tôhfet-id-Bihâr 
est  visiblement  une  inadvertance  pour  tôhfet-itl-hihâr,  titre  donné  exacte- 
ment par  ailleurs.  —  P.  1092 , 1.  20.  ftmizâg,  vulg.  pour  miga:  rr santé»  ; 
ces  deux  mots  doivent  être  intervertis,  car  c'est  inizâg  qui  est  la  bonne 
forme  empruntée  à  l'arabe  traduisant  le  grec  crvyxpaafs  ff mélange  [des 
quatre  humeurs],  tempérament».  —  P.  1096.  halayîq  «servante»  serait 
mieux  traduit  par  «odnlisque».  —  P.  1099,  1.  1.  hal-iha  Inh  k'erre 
suhùr  et  «bénis  le  ciel»,  plus  exactement  « remercie[-le]  mille  fois  de  ta 
situation».  —  P.  1 108.  Si  der-iiir-mek  devient  en  osmanli  moderne  dev- 
sir-mek,  c'est  une  dissimilation ,  non  une  assimilation.  —  P.  1128. 
tavan  n'est  pas  «toit»,  mais  «plafond».  —  P.  1182.  ^U  traduit  par 
«charpentier»;  ne  serait-ce  pas  une  faute  typographique  pour^Uc? 

La  grammaire  de  M.  Deny  marque  un  pas  décisif  dans  le  progrès  des 
études  turques ,  non  seulement  chez  nous ,  où  nous  ne  possédions  aucun 
ouvrage  en  approchant,  mais  même  à  l'étranger,  où  cet  ordre  de  recher- 
ches avait  été  poussé  plus  avant.  Elle  sera  la  base  d'une  grammaire  com- 
parée de  tout  le  groupe,  dont  les  documents  accumulés  aujourd'iiui 
permettent  d'entrevoir  la  réalisation.  Elle  peut  servir  de  point  de  départ 
à  un  dictionnaire  historique  qui  nous  manque  :  il  est  clair,  par  exemple, 
que  le  sens  de  «girouette»  donné  à  fivildaq  et  à  yol-qovan  est  moderne, 
car  l'ancien  Orient  ne  connaissait  pas  ce  moyen  d'indiquer  la  direction 
du  vent;  à  Bagdad,  le  sommet  du  dôme  vert  qui  couvrait  la  seconde 


COMPTES   RENDUS.  105 

salle  d'audience  du  khalife  el-Mançoûr  était  surmonté  de  la  m'epiésenla- 
tion  d'un  cheval  portant  un  cavalier^  (G,  Salmon,  L'Introduction  topo- 
graphique  à  l'histoire  de  Bugdddh,  p.  87);  et  l'on  savait  si  peu  que  c'était 
une  g-irouette,  que  tout  le  monde  croyait  à  l'existence  d'un  talisman 
indiquant  la  direction  où  devait  éclater  une  révolte. 

CI.  HUART. 


Louis  BnuNOT.  L.i  Mer  dans  les  tkaditioxs  et  les  industries  ixdioIuses  à 
Babat  et  Salé.  —  Paris,  E.  Leroux,  1931;  1  vol.  in-S",  xiv-358  pa{{es; 
h  cartes  et  plans,  iG  figures  dans  le  texte. 

M.  L.  Brunot,  chef  du  service  de  l'enseignement  des  indigènes  à  la 
Direction  de  l'Instruction  publique  du  Maroc,  a  consacré  sa  thèse  de 
doctorat  à  l'élude  des  questions  maritimes ,  au  double  point  de  vue  des 
traditions  populaires  et  de  l'industrie  indigène,  dans  la  région  de  Rabat 
et  de  Salé,  surtout  de  la  première  de  ces  deux  villes  jumelles,  puisque 
Salé  n'est  plus  un  port  depuis  longtemps.  Les  deux  localités,  d'ailleurs, 
étaient  ruinées  au  xni'  siècle  ;  lorsque  les  Arabes  chassés  d'Espagne  par 
les  conquêtes  des  chrétiens,  monscos  proscrits  ou  hornacheros  fuyant 
d'eux-mêmes,  vinrent  s'établir  à  l'embouchure  du  Bou-Regreg,  c'est 
Rabat  qu'ils  choisirent  et  reconstruisirent;  c'est  à  Rabat  que  les  cor- 
saires salétins  armaient  leurs  navires.  L'auteur  a  étudié  dans  les  plus 
petits  détails  le  sujet  qu'il  a  choisi  ;  et  comme  il  accompagne  ses  descrip- 
tions des  termes  techniques  transcrits  en  caractères  latins  d'après  la 
prononciation  locale,  il  nous  offre,  au  point  de  vue  de  la  documentation 
linguistique,  uu  riche  vocabulaire  du  dialecte  local  qui  servira  de  base 
à  l'étude  phonétique  et  philologique  du  patois  arabe  parlé  sur  les  bords 
de  l'Océan  Atlantique. 

La  population  arabo-berbère  de  Rabat  n'aime  pas  la  mer;  elle  en  a 
peur.  Les  pêcheurs  ne  prennent  jamais  le  large;  ce  sont  des  Espagnols 
qui  s'en  vont  en  haute  mer  chercher  des  sortes  de  poissons  dont  c'est 
l'habitat  et  qu'on  n'avait  jamais  vus  auparavant  sur  le  marché.  L'Océan 
est  presque  une  divinité;  ffon  l'appelle  le  Sultan.  .  .  mais  en  donnant  à 
ce  nom  le  sens  que  les  chrétiens  donnent  à  celui  du  Démon n  (p.  5);  en 
d'autres  termes,  sultan  est  un  euphémisme  pour  chattdn.  Quand  la  barre 
a  été  mauvaise,  les  mariniers  égorgent  un  bouc  noir  sur  le  rivage,  au 
mdieu  de  la  nuit;  il  est  censé  offert  aux  riidl^  ssijdhl  ff saints  du  littoral", 
pour  sauvegarder  l'apparence  islamique  de  ce  saciifice;  mais  comme  on 
ne  sacrifie  pas  de  bouc  noir  aux  saints,  il  est  certain  que  cette  cérémonie 
a  conservé  son  caractère  païen.  Les  poissons  ont  aussi  leurs  légendes  : 


I(K)  JANVIER-MARS    11)22. 

pour  Ips  imligèncs,  loin  d'être  miiels,  ils  parloiil.  ils  récilent  un  hkli 
(|ui  les  protège;  mais  quand  ils  voient  rajipnt,  ils  oublient  leur  /*('://  el 
se  laissent  prendre  ( p.  1 7G  ). 

Les  aloses  du  Bou-Regreg  sont  constituées  en  bien  luibous  ou  trafj  f  en 
faveur  des  deux  grandes  mosquées  de  Rabat  et  de  Salé  (p.  3o3).  C'est 
un  cas  unique  au  Maroc;  on  l'explique  en  supposant  qu'elles  étaient 
d'abord  un  bien  tiiakhzen,  c'est-à-dire  domanial,  et  qu'elles  ont  pu  être 
par  ia  suite  constituées  en  haboiis,  contrairement  au  droit  malékite; 
aussi  les  rédacteurs  du  dahir  du  i5  djouniâda  l"  i334  (20  mars  1916) 
en  ont-ils  été  réduits  à  appuyer  leur  raisonnement  sur  ia  longue  durée 
de  l'état  de  fait.  Le  plus  ancien  document  produit  est,  en  effet,  un  dalilr 
de  Moulay  Ismaël.  petit-fds  de  Moulay  Chérif,  monté  sur  le  trône  en 
1672. 

Les  marins  se  guident  d'après  les  étoiles ,  mais  les  connaissances  de 
ceux  de  Rabat  en  astronomie  sont  nulles  ou  parfois  erronées,  comme 
dans  le  cas  de  "Ipia  rr=le  lustre ^^ ,  qui  est  la  grande  Ourse  (p.  /i6), 
tandis  que  ce  mot,  dans  tous  les  pays  musulmans,  désigne  les  Pléiades 
(cf.  Noies  le.ricographifjues ,  p.  92)  et  de  "zzôhra  rla  brillanlei ,  qui  est 
pour  eux  l'étoile  polaire ,  alors  qu'ailleiu"s  c'est  la  planète  Vénus.  L'auteur 
a  donc  eu  raison  de' qualifier  ces  termes  de  r  vocables  sans  précision  ": 
mais  les  traductions  qu'il  donne  ont-elles  toujours  la  précision  désiiable? 
Que  signifie,  en  effet,  nêznït  sshàr  [proprement  :  rr l'étoile  du  moisr»] 
traduit  scelle  qui  brille  tout  près  de  la  lune^  ?  La  lune  occupant  chaque 
nuit  un  espace  différent  dans  le  ciel,  il  devrait  y  avoir  autant  d'étoiles 
ainsi  dénommées  que  de  mansions  lunaires,  c'est-à-dire  vingt-huit. 

Comme  tous  les  musulmans,  les  Ribâtîs,  habitants  de  Ribât  el-Fath 
(Rabat),  croient  que  rrla  terre  est  posée  siu-  les  cornes  d'un  taureau,  le- 
quel est  posé  lui-même  sur  un  poisson  qui  se  trouve  évidemment  dans 
une  merrî  (p.  27);  il  n'y  a  là  rien  de  spécial  à  cette  localité.  Le  poisson 
est  déjà  dans  les  plus  anciens  exégètes  du  Qorân  (cf.  Tabarî,  Tafstr, 
t.  XXIX,  p.  8),  dont  un  certain  nombre  admettent  que  la  lettre  noûn, 
figurant  en  tête  de  la  sourate  lxvui,  doit  s'interpréter  par  le  poisson 
qui  soutient  la  terre. 

Un  grand  nombre  de  termes  techniques  sont  espagnols,  ce  qui  n'a 
rien  de  surprenant;  ce  qui  l'est  davantage,  c'est  qu'il  s'en  trouve  aussi 
de  turcs,  comme  M.  Brunot  l'a  (ait  remarquer  dans  ses  Notes  le.vn-olo- 
giqties;  ils  ne  peuvent  être  venus  que  par  la  Méditerranée.  Page  66,  ntli 
rf  littoral"  est  à  rapprocher  de  JL»,  lui-même  d'origine  grecque  (ai-)  taXàs)  ; 
il  serait  intéressant  de  savoir  si  cdli  ne  viendrait  pas  directement  de  ce 
dernier  vocable.  —  P.  67.  Intyd:  frdétroil''  est  turc;  cf.  Notes  lexicoL, 


COMPTAS  HK-NDUS.  107 

p.  16.  —  P.  81.  iglés^W  s'asseoit,  se  dil  d'un  navire  qui  échoue. 
L'arabe  classique  ne  connaît  avec  ce  sens  que  la  11°  l'orme  (cf.  Dozy, 
SuijpL).  Comparer  le  turc  otuvmaq  ffs'asseoir^  et  rf échouer".  —  P.  11 3. 
ffDeux  parts"  se  dit  lui  ^ppuâi;  dans  le  premier  mot,  nous  trouvons 
aisément  une  assimilation  réfjressive  pour  zui  ffdeuxn  de  l'Afrique  du 
Nord  (proprement  rr paire,  couple^);  dans  le  second,  nous  avons  affaire 
au  turc  pat  rpart"  (non  rrpaye  v ,  comme  il  est  dil  dans  les  Notes  lexical. , 
|).  17)  introduit  par  les  corsaires  de  la  Méditerranée  et  conservé  par  les 
dialectes  algériens  (cf.  Beaussier).  —  P.  178,  n.  2.  A  Mostaganem,  le 
rouget  s'appelle,  entre  autres  noms,  luiiridn  haluq,  expression  turque 
(littéralement  ffpoisson-corailn),  bien  que  ce  soit  plutôt  la  dorade  que 
l'on  nomme  ainsi  à  Constantinople.  —  P.  aSi.  rrLa  poupe  est  appelée 
. .  .  qac  [d.  Notes  kricoL,  p.  107).  C'est  le  turc  (fie,  même  sens.  — 
P.  270.  "ddmânzi^le  timonier,  "IqalaJ'àt^le  calfat,  autres  mots  turcs. 
Notons  en  passant  "sstrdtor  crmaître  d'hôtel  ou  restaurateur ",  qui  semble 
bien  une  réduction  de  ce  dernier  mot  français  (cf.  l'algérien  mostaifir 
ffadministrateurn);  l'expression  synonyme  "s-s/Vor  nous  rapproche  de  l'an- 
glais .s/piiYnv/ (prononcé  stiiird);  cf.  Notes  lexicol.,  p.  67. 

P.  334.  ^1  Jl;.^^  (transcrit  ihel  lldr,  p.  67,  n.  1).  rrLes  Marocains 
appellent  ainsi  Gibraltar.  Ils  ignorent  la  dénomination  Iheltanq.-^  C'est 
que  cette  dernière  n'existe  pas;  Gibraltar  est  ^j.Lb  Ju^,  d'où  provient 
directement  la  forme  ribâtîe,  par  suppression  de  la  fin  de  mot  atone  ûy 
et  infixation  de  l'article.  —  Il  est  bien  imprudent  d'affirmer  qu'rr  on  ne 
trouve  pas  en  arabe  cette  richesse  de  vocables  des  peuples  marins  pour 
indiquer  tous  les  aspects  ...  de  la  côten  (p.  66),  la  publication  pro- 
chaine du  Séïr  es-sofon  d'Ibn-Mâdjid  par  M.  G.  Ferrand  démontreia  pré- 
cisément le  contraire;  il  est  vrai  qu'il  s'agit  plutôt  de  la  mer  des  IndeS. 

En  outre  de  quarante-six  figures  disséminées  dans  le  texte,  ce  volume 
contient  à  la  fin  le  plan  de  Rabat,  celui  de  Salé,  une  carte  batliymétrique 
de  l'embouchure  du  Bou-Regreg,  et  un  croquis  du  cours  inférieur  de 
cette  rivière,  autant  de  documents  importants  à  consulter. 

Cl.  HUART. 


Louis  BnuNOT.  Notes  lexicologiques  suit  le  vocAuviAinE  HAiimME  de  Rmiat 
ET  Salé.  —  Paris,  E.  Leroux,  1990;  1  voL  in-8°,  xvi-i5i  pa^jes. 

Après  son  mémoire  sur  La  Mer  dans  les  traditions  et  les  industries  indi- 
giiiies  à  lîalmt  et  Salé,  M.  L.  Brunot  a  [)ris  soin  d'étudier,  ilans  un  voca- 
bulaire spécial ,   les  expressions  maritimes  en  usage  dans  la  population 


108  JANVIER-MARS   1922. 

indigène  de  la  première  de  ces  deux  villes,  en  y  adjoignant  un  certain 
nombre  de  mots  du  dialecte  de  Mostaganem  offrant  quelque  intérêt  et 
se  rattachant  au  même  groupement  d'idées.  Les  mots  sont  rangés  dans 
l'ordre  des  racines  arabes,  vraies  ou  supposées;  il  était  difficile  de  faire 
autrement,  si  l'on  veut  grouper  les  mois  de  même  origine,  à  raison  des 
préformantes.  Deux  remarques  d'ordre  général  à  propos  de  ce  dialecte 
de  Rabat  :  les  consonnes  ont  une  tendance  marquée  à  devenir  empha- 
tiques, et,  quant  aux  voyelles  brèves,  elles  sont  à  peu  près  supprimées  : 
elles  sont  remplacées  pai'  une  sonorisation  spéciale  de  la  consonne.  On 
en  arrive  à  parler  sans  voyelles  (sauf  les  longues). 

La  transcription  suit  celle  que  M.  W.  Marçais  a  adoptée  pour  ses 
Teates  en  arabe  farlé  de  Tanger  et  en  général  dans  ses  travaux  linguis- 
tiques; elle  est  seulement  simplifiée;  les  voyelles,  quand  il  y  en  a,  rrsont 
variables  souvent  d'un  individu  à  l'autre  et  très  difficiles  à  noter  exacte- 
ment i.  Cette  remarque  pourrait  s'appliquer  à  beaucoup  de  dialectes 
arabes.  Les  comparaisons  de  l'auteur  portent  surtout  sur  les  dialectes 
déjà  étudiés  de  l'Afrique  du  Noi'd  ;  elles  auraient  gagné  certes  à  être 
étendues  à  d'autres  domaines,  mais  il  est  peut-être  difficile,  au  Maroc, 
de  réunir  dans  sa  bibliothèque  ou  de  trouver  dans  les  collections  acces- 
sibles au  public  les  travaux  qu'il  serait  utile  de  consulter.  La  lecture  de 
ces  pages  nous  a  inspiré  quelques  remarques,  que  nous  soumettons  au 
lecteur. 

Page  8.  Berrhna  rfvrille,  tarrière  [lire  tarière]?^  ne  peut  provenir  de 
l'esp.  barrena,  puisque  nous  avons  le  classique  baruna  et  le  syrien  ber- 
rima  et  herrina  (Guche),  de  la  racine  baram  fftordren.  L'espagnol  est 
plutôt  à  rapprocher  de  la  forme  syrienne.  —  Bôrma  «  chaudron  5?  est 
classique.  —  Bermïl  rr baril ti  est  méditerranéen,  et  je  ne  vois  pas  très 
bien  comment  il  pourrait  venir  de  l'esp.  barril  (infixation  de  la  nasale?); 
on  le  trouve  en  Syrie  (Cuche).  —  P.  9.  Buda  ffboussole?»  est  aussi  mé- 
diterranéen; cf.  turc  yusula.  —  P.  12.  ff^j^U  signifie  rrqui  a  les  yeux 
hagards-^.  C'est  à  propos  du  mot  turc  balïq  rr poisson 75  qu'intervient 
cette  remarque.  On  trouve  en  effet  cette  racine  avec  ce  sens  dans  Beaus- 
sier  ;  mais  où  cette  expression  est-elle  usitée  ?  On  ne  nous  le  dit  pas.  La 
forme  jàûl  est  rare  en  arabe  et  souvent  d'origine  étrangère.  —  P.  28. 
(^y^  signifie  aussi  rcoulern  et  c'est  de  ce  sens,  non  de  celui  de  trcourirn, 
qu'est  dérivé  celui  de  nrirâ.  —  P.  28.  Si,  rdans  le  dialecte,  le  ^  est 
régulièrement  remplacé  par  i  dans  la  racine  ^\,  sauf  pour  les  vocables 
se  rapportant  au  mariage^ ,  c'est  que,  dans  ce  dernier  cas,  on  a  con- 
servé une  prononciation  savante  de  formes  classiques.  —  P.  82.  Jl:».  ne 
signifie  pas  originairement  ffouvrir»,  mais  «dénouerai  (opposé  à  j-.^). 


COMPTES  RENDUS.  109 

d'où  découlent  les  autres  significations  classiques  ou  dialectales.  —  P.  33. 
ff  Rappelons  que  de  ce  mot  [Mlq  "Imd]  nous  avons  fait  la  Goulette."  Ce 
dernier  mot  ne  vient  pas  de  l'arabe,  mais  de  l'italien  g-o/e/^a,  diminutif 
de  gola  tr  gosier n. 

P.  35.  Hàiul,  espace  libre  dans  les  embarcations,  est  le  mot  classique 
qui  signifie  frbassin-^,  auquel  est  comparé  l'espace  vide.  —  P.  Sy.  ^ 
est  la  bourre  de  soie;  à  Rabat,  on  appelle  ainsi  la  mousse,  marine  ou 
non.  —  P.  38.  hlifa  rr lieutenant'^  est  néo-classique  (Dozv,  SuppL).  — 
P.  A3,  ddh  ffavoir  le  mal  de  mem,  proprement  ffêtre  pris  de  vertige^, 
se  trouve  avec  ce  dernier  sens  en  Syrie  (Cuche).  —  P.  hh.  mràia  ff  mi- 
roir n  désigne  la  poupe  carrée  des  petites  embarcations;  bien  que  l'au- 
teur essaie  de  rattacher  ce  mot  à  l'esp.  muralla  rr  mur^n ,  je  crois  que  c'est 
simplement  le  mot  arabe  bien  connu ,  et  que  c'est  la  forme  plate  de  cette 
poupe,  vue  du  dehors,  qui  l'a  fait  comparera  un  miroir.  —  P.  54.  -"[«/?«> 
fr[mer]  violente^  est  classique.  —  P.  55.  zôr  ffviolence  faite  à  quel- 
qu'un, injustice"  est  emprunté  au  turc,  qui  l'a  tiré  du  persan.  —  P.  58. 
sràb  ffVoie  Lactée ^  m'a  tout  l'air  d'être  sardb  ffmiragen.  —  P.  (ii. 
skelléra  rréchelle  des  passagers^  ,  esp.  escalera,  doit  avoir  eu  aussi  le  sens 
de  iiaubans  (auj.  s"//«w),  puisque  nous  avons  l'expression  rds  "sskelUra 
ffhunei  (proprement  fftéte  des  haubans -o ). 

L.  70.  sa?ba  fféquerre  de  charpentiers  (en  bois)  se  rattache  certaine- 
ment à  m'ba  ffbrauchen  et  aussi  «•  pièce  de  bois  (ou  de  drap)";  il  en  est 
de  même  de  la  signification  de  rr  directions  différentes  s .  —  P.  77.  •ifàih 
V  rochers  plats  et  lisses  n  est  le  pluriel  de  mflha ,  qui ,  en  classique ,  désigne 
ffune  surface  planer.  —  sjàr  rr  laiton  n  est  classique  par  ressaut  de  la 
voyelle  pour  sàfr.  —  P-  79-  -^nàbâr  <t  sapin  a  est  le  cl.  snnaubar  rr  pinn  ;  on 
confond  ces  deux  genres  de  Conifères  dans  l'Afrique  du  Nord;  la  Syrie 
connaît  sûh  pour  désigner  le  premier. 

P.  80.  ffL'étymologie  de  ce  mot  [sânzaq],  avec  ses  deux  significa- 
tions si  dissemblables  [rr  pavillon  s  et  ff  tribord  ^i]  reste  énigmatique.  1  C'est 
le  turc  ^3laÀ^  (de  s(mj-  fr pointer  avec  la  lancen),  qui  a  précisément  ces 
deux  sens  ;  le  second  n'est  pas  donné  dans  les  dictionnaires ,  mais  je  le 
connais  par  expérience  personnelle.  C'est  par  tribord  que,  dans  les  na- 
vires de  guerre,  abordent  les  personnes  ayant  rang  d'oflicier;  il  y  aurait 
à  rechercher  si,  dans  l'ancienne  marine  à  voiles,  l'échelle  de  tribord 
n'était  pas  placée  plus  près  du  pavillon  de  poupe  (ce  qui  justifierait  son 
nom  turc)  que  celle  de  bâbord  réservée  au  service.  En  turc,  bâbord  est 
isicele  larafi  ffcôté  de  l'échelle  n.  —  P.  87.  Le  sens  de  fr  diarrhée  de 
talq  provient  de  celui  de  rr  relâchement  t).   —  P.  9a.  ^àmûd  ffperche, 


110  JANVIER-MARS    19-22. 

poulie- ,  etc. ,  est  le  classique  ^âmtuL  —  P.  98.  ^âin  rrespèce,  nature  d'une 
marchandise'  dans  l'expression  ^asâro  mn  ^âim  r payer  les  droits  de 
douane  en  nature^'  [proprement  :  dans  leur  ipséité],  est  classique; 
l'administration  ottomane  connaît  les  asyâ-i  ^uimyije  rr marchandises 
données  en  nature  en  payement  des  droits  r.  —  P.  g5.  f  Le  calendrier 
julien  employé  encore  par  les  indigènes  est  en  retard  de  quelques  jours 
sur  le  calendrier  grégorien,-  Depuis  le  commencement  du  xx'  siècle, 
c'est  de  treize  jours  exactement  qu'il  est  en  retard.  —  P.  97.  yânio 
r  gaffe  1  est  méditerranéen;  ajouter  aux  mots  cités  p.  98  le  turc  qànja. 

P.  98.  Du  moment  qu'à  côté  de  y"nîma  r  butin-  nous  avons  y"  lima 
ff mouton-,  il  est  clair  que  la  dissimilation  constatée  dans  le  second  mot 
provient,  non  d'une  action  purement  mécanique  [dans  ce  cas  les  deux 
mots  seraient  pareils],  mais  d'une  action  psychologique,  le  désir  de 
différencier  pour  le  sens  deux  mots  de  forme  semblable.  —  P.  101. 
Farada  signifiant  >- tailler  un  morceau  de  boisr ,  les  autres  sens  en  décou- 
lent; quant  au  subst.  fii'd  rr  part  légale  [ou  plus  exactement  ffpart  réser- 
vataire"^ ]  d'un  héritage- ,  la  signification  qui  lui  est  donnée  par  la  langue 
juridique  dérive  plutôt  de  celle  de  ff  devoir  obligatoire •«  [imposé  par  la 
loi  musulmane,  contrairement  au  droit  coutumier  des  Arabes  païens]. 
—  P.  io4.  È^ôXxiov  a  déjà  été  indiqué  par  Vollers  pour  l'étymologie 
de  fulL:  —  r  Dialectal  /t///«//i  =  bouche,  du  classique  sy>  même  sens.'' 
L'auteur  s'est  mal  exprimé;  fûmm  ne  peut  provenir  de  fùh;  il  est 
d'ailleurs  absolument  classique  dans  sa  ïorme  faiii"" ,  fit  m""  (un  des  rares 
mots  bilitères  de  la  lexicologie),  où  les  dialectes  ont  géminé  la  seconde 
consonne,  comme  dans  yedd,  idd.  —  P.  106.  Qu'est-ce  que  qtibba  frcou- 
polc  r,  a  de  dialectal  ? 

P.  107.  qabaq  ir vaisseau  cuirassé "i,  expression  de  Mostaganem  incon- 
nue avec  ce  sens  à  Rabat,  ne  vient  pas  du  turc  qabaq  r  courage-  [lire  : 
courge],  mais  de  qapaq  " couvercle "i;  voir  Barbier  de  Meynard,  Dicl. 
/HIT.  —  qàc  est  le  turc  qtc  ff  poupe  t.  —  iuqdàj  ff  aviron  "^  est  classique 
(ciljJL*);  l'explication  donnée  p.  108  est  inutile.  —  P.  12.3.  knrâhii 
ffintendant  de  la  coi-poration  des  barcassiers  ou  de  celle  des  portefaix-: 
l'auteur  a  raison  d'en  rapprocher  le  tunisien  karrdka  ff  galère,  bagne-, 
harràhji  f  forçat-;  c'est  le  turc  kurak  rr  aviron-  et  par  suite  ff  galères  ^ 
(peine  infamante);  l'esp.  carraca,  fr.  caraque,  est  en  conséquence  exclu. 
Gomment,  de  ffgarde-chiourmer  .  est-on  passé  au  sens  d'intendant  d'une 
corporation?  C'est  par  l'oubli  de  la  signification  péjorative  du  mot.  On 
sait  d'ailleurs  que  rexjiression  de  notre  Code  d'instruction  criminelle 
ff  peine  infamante  n  n'a  pas  de  correspondant  chez  les  Musulmans;  pour 


COMPTES  RENDUS.  lit 

eux,  aucune  peine  n'est  infamante.  —  P.  i3o.  yj^L»  est  classique  dans 
le  sens  dV ustensile  de  cuisine^.  En  turc,  matina  est  courant  pour  de'si- 
gner  la  malienne;  on  écrit  génëralemenl  xj^L»,  mais  la  graphie  *j^L« 
existe  également.  —  P.  i36.  makinislo  rcmaitre  mécanicien''  ne  j)eut 
avoir  été  fabriqué  par  les  indigènes  au  moyen  de  Tesp.  nid<iuiiia;  oîi 
auraient-ils  pris  le  sulDxe  -isio?  Le  mot  a  été  emprunté  tout  formé,  peut- 
être  à  l'ital.  inacchinista ,  par  la  voie  de  la  Méditerranée. 

Cl.   HuART. 


Prof.  Dr.  Albert    Grinwedel.   Alt-Kvtscii.i,    abchaoiogische    unu    nELioioNS- 

GESCIIICHTLICHE     FOBSCHV^GEN      .l.V     TEMPEllA-GEMÀLDEH      AUS      BV  DntlrSTISCHE^ 

HOHLEy  DER  EiisTEN  ACHi'  jaiihhvxderte  nach  christi  gebvrt  [  VerôfTenlii- 
chunjj  der  preussischen  Turfan-Expeditionen  mit  Untcrstùtzung  des  Bassier- 
Instituts].  —  Berlin,  Otto  Elsner  Verlagsgeseiischaft ,  1920;  in-folio,  1  por- 
tefeuille de  69  planches  en  couleurs,  et  1  volume  de  texte  de  189 -j- 
118  pages  -(-  3  feuillets  non  chiffrés  avec  84 -f  89  figures,  dont  7  hors 
texte. 

Les  visiteurs  du  Muséum  fiir  \'r»lkerkunde  de  Berlin  ont  pu  admirer 
les  belles  fresques  rapportées  duTurkestan  chinois  par  les  archéologues 
allemands.  Celles  qui  proviennent  de  la  région  de  Tourfan  ont  été  somp- 
tueusement reproduites  en  1918  dans  le  Chotsclw  de  M.  von  Le  Coq. 
Restaient  celles  recueillies  dans  la  région  de  Koutcha ,  et  dont  M.  Grùn- 
wedel  s'était  réservé  la  publication.  Ce  sont  elles  qui  font  l'objet  du  pré- 
sent ouvrage;  la  magnifique  série  des  planches  en  couleurs  constitue 
pour  nos  études  une  documentation  d'un  très  grand  intérêt. 

A  côté  des  planches,  il  y  a  un  volume  de  texte.  Les  travaux  passés  de 
M.  Griinwedei  étaient  marqués  au  coin  d'une  science  du  meilleur  aloi. 
Cette  fois  encore,  l'ouvrage  témoigne  d'une  information  fort  étendue, 
mais  on  y  constate  aussi  avec  stupeur  la  reproduction  et  l'utilisation  de 
nombreux  documents  tibétains  plus  que  suspects.  L'explication  ap))araît 
aujourd'hui,  singulièrement  triste.  11  paraît  que  la  santé  de  M.  Griin- 
wedei est  depuis  quelques  mois  profondément  ébranlée.  Lorsque 
M.  Griinwedei  a  rédigé  son  livre ,  il  est  évident  qu'il  ne  distinguait  déjà 
plus  entre  les  données  solides  de  la  science  et  les  chimères  que  peut  en- 
fanlei'  une  imagination  troublée.  Aous  aurions  scrupule  à  insister  sur  un 
sujet  pénible.  Les  lecteurs  éventuels  d\ih-Kuisclia  ne  devront  pas  ou- 
blier que  le  vrai  Griinwedei,  celui  que  la  maladie  ne  tenait  pas  encore, 
a  été  pendant  trente  ans  un  bon  ouvi'ier  de  l'iconographie  bouddhique 
et  de  la  philologie  tibétaine. 

P.  Pelliot. 


112  JANVIER-MARS   1922. 

CuAMi'AT  Rai  Jai>.  Tue  Key  of  Kxowledce.  Second  édition  revised.  — 
Arrah  (India),  Central  Jaina  Publisliing  Housc,  igjy;  in- 8°,  cxxiv  cl. 
101)6  pa[jes. 

—  The  Pn.iCTic.iL  Patii.  —  lùid,  19 lO;  in-8°,  xxxi  et  233  pages. 

—  SELECTioys  mou  fri4r.iM-D//.i/n/.i7î  of  BnAiiMACuAni  Sital  Prasadji.  —  Allah- 
abad,  Indian  Press,  i()ao;  in-ia,  68  pages. 

Ces  trois  ouvrages,  si  disparates  quant  h  Te'tendue,  forment  une 
suite  logique  oiî  se  reconnaît  une  parfaite  unité  de  pensée,  et  ils 
témoignent  d'un  sincère  effoit  intellectuel  qui  mérite  de  ne  pas  rester 
inaperçu. 

C'est  de  la  science  religieuse  que  l'auteur  prétend  donner  la  clef  dans 
son  gros  livre  The  Key  of  Knotvledge ,  et  si  c'est  là  une  tâche  irréalisable, 
du  moins  a-t-il  fourni  à  bien  des  âmes  la  nourriture  spirituelle  qu'elles 
cherchaient,  puisque  ce  livre,  publié  pour  la  première  fois  en  1918,  a 
atteint  sa  seconde  édition  en  quatre  ans.  M.  Champat  Rai  Jain  se  défend 
d'être  un  savant;  pourtant  il  est  manifeste  qu'il  a  fait  de  vastes  lectures 
et  qu'il  les  a  méditées.  Non  seulement  les  systèmes  philosophiques  de 
l'Inde  lui  sont  familiers,  mais  la  Bible  semble  avoir  été  pendant  long- 
temps l'objet  exclusif  de  ses  réflexions.  11  la  cite  presque  à  chaque  page 
de  son  œuvre  et  lui  emprunte  même  le  titre  de  la  plupart  de  ses  cha- 
pitres. Il  n'est  donc  pas  dans  ses  intentions  de  refuser  à  l'Ancien  Testa- 
ment et  moins  encore  au  Nouveau  Testament  la  valeur  morale  qu'ils 
recèlent.  La  Bible,  toutefois,  ne  saurait  être,  pour  un  esprit  moderne, 
l'expression  de  la  vraie  et  de  l'unique  religion.  Pas  davantage  les  autres 
livres  comme  l'Avesta  ou  le  Coran.  S'agit-ii  alors  de  fonder  une  religion 
nouvelle,  d'enseigner  un  Evangile  inédit?  En  aucune  façon ,  et  l'auteur 
ne  caresse  point  de  pareilles  ambitions.  Mais  chaque  livre  religieux  ren- 
ferme d'inappréciables  trésors  de  sagesse  dont  la  synthèse  pourrait  bien 
procurer  aux  hommes  la  solution  des  problèmes  moraux  qui  les  tour- 
mentent. Dans  ces  conditions,  n'est-ce  pas  faire  une  œuvre  supérieure  à 
toutes,  que  de  donner  la  clef  qui  ouvre  les  précieuses  cassettes  et  de 
permettre  aux  âmes  de  bonne  volonté  de  contempler  les  richesses  qu'elles 
contiennent?  Tel  est  le  but  de  la  AV^  of  Knowledge  :  s'efforcer  de  conci- 
lier les  diverses  doctrines  religieuses  tenues  jusqu'ici  pour  irréductibles 
l'une  à  l'autre.  C'est  l'Inde  qui,  bien  entendu,  dans  l'esprit  de  l'au- 
teur, doit  fournir  cette  clef,  et  parmi  les  phiiosophies  de  l'Inde,  il  en 
est  une  plus  spécialement  favorisée  à  cet  égard  :  le  Jainisme.  rJai- 
nism,  est-il  dit  à  la  page  109^,  is  the  Path  of  Liberation  par  excel- 
lence, n 


COMPTES  RENDUS.  113 

Cet  ouvrage  principal  de  M.  Ghampat  Rai  Jaia  est  recommandable  à 
bien  des  égards.  D'abord  il  est  loyal  et  sincère.  Puis  il  est  profondément 
pensé  et  il  s'appuie  sur  une  documentation  large  :  Schopenhauer,  Keuan 
et  même  M.  Bergson  sont  plus  d'une  fois  cités.  Enfin,  au  point  de  vue 
maléricl,  il  est  présenté  avec  soin,  d'une  façon  commode  et  pratique.  Il 
s'achève  par  un  glossaire  des  termes  non  anglais,  c'est-à  «lire  sanskrits, 
arabes,  etc.,  par  im  index  des  références  bibliques  et  par  un  index  gé- 
néral. Des  feuillets  blancs  ont  même  été  mis  à  la  disposition  du  lecteur 
qui  peut  y  consigner  ses  réflexions. 

Tel  qu'il  est  cependant,  ce  livre  reste  incomplet.  11  signale  la  voie  de 
la  délivrance  et  recommande  de  suivre  les  doctrines  du  Jainisme.  Mais 
il  n'indique  pas,  ou  n'indique  que  fort  peu,  ce  que  c'est  que  le  Jainisme. 
Cette  lacune  est  comblée  dans  le  deuxième  ouvrage  de  l'auteur  :  The 
Practical  Path.  Dès  lors  nous  abandonnons  le  domaine  de  la  spéculation 
pure  pour  nous  acheminer  sur  le  terrain  solide  de  l'exposition  d'un  sys- 
tème. Cet  exposé  du  Jainisme,  ou  plus  exactement  des  principes  méta- 
physiques et  moraux  du  Jainisme,  est  un  des  meilleurs  qui  me  soient 
connus.  H  débute  par  l'étude  des  méthodes  de  logique,  les  nayas  et  le 
Hijàdvmla,  pour  aborder  ensuite  la  théorie  du  karman  et  celle  des  caté- 
goiies  [laltims).  Le  tout  conduit  à  des  considérations  générales  sur  la 
pratique  du  dharma.  D'excellentes  classifications,  parfois  sous  forme  de 
tableaux,  jettent  une  vive  clarté  sur  la  nomenclature  souvent  si  com- 
plexe des  Jainas. 

Mais  l'auteur  est  lui-même  un  trop  fervent  Jaina.  11  le  montre  dans 
un  appendice  où  il  a  voulu  prouver  l'antériorité  du  Jainisme  non  seule- 
ment sur  le  Bouddhisme,  ce  qui  est  un  point  désormais  acquis,  mais 
encore  sur  ce  qu'il  appelle  l'Hindouisme,  entendant  sous  ce  nom  la  reli- 
gion orthodoxe  de  l'Inde  depuis  les  Védas.  L'entreprise  est  chimérique, 
mais  la  démonstration  de  M.  Chanqjal  Rai  Jain  est  curieuse.  Elle  aboutit 
à  la  conclusion  que  voici  (p.  Si3o)  :  ffHinduism  in  its  very  inceplion 
was  an  oiïshool  of  Jainism ,  though  it  soon  set  ilself  up  as  an  indepen- 
denl  System  of  religion.  In  course  of  time  it  fcll  under  demoniacal 
influence,  the  réaction  against  which  is  characterised  by  the  intellectua- 
lism  of  the  Upanishads  and  ihe  nielaphysical  subtelely  of  the  world- 
famous  Daislianas  (schools  or  Systems  of  philosophy),  Nyaya,  Vedanta 
and  the  like.  llaving  set  ilself  up  as  au  independent  System,  it  was 
nalurally  lorced  to  regard  Jainism  as  a  hostile  creed,  and  some  of  the 
Darshanas  actually  contain  sutras  which  aim  at  refuling  the  Jaina  views, 
though  whal   Ihey  actually  refnt»-  is  not   the  Jaina  Siddluinta  as  it  is 

XIX.  8 


n/i  JANVIER-MARS    1922. 

uiulcrslood   1)\  Jainas,  but  iheir  own  fanciful  nolions  coiicerniii};-  its 
leachiug.'' 

L'oHvra^je  se  termine  par  un  glossaire  et  un  index  général. 

l'Ja  petite  brochure  intitulée  Sélections  jrom  «  Alma-Dharma-^  consiste 
en  une  série  de  passages  extraits  de  divers  auteurs  jainas  et  traduits  eu 
anglais.  C'est  une  manière  d'apologétitpie  par  citations  qui  confirme 
l'exposé  théorique  du  Practkal  Path.  L'intention  est  excellente,  mais  la 
réalisation  est  médiocre.  En  efïet,  M.  Champat  Rai  Jain  a  cru  devoir 
traduire  d'abord  les  principaux  passages  d'un  livre  moderne,  YAtma- 
dliarnia,  rédigé  en  hindi  par  Brahmachari  Sital  Prasadji.  Parfois, 
parait-il,  il  y  a  joint  ses  propres  réflexions:  mais  comme  il  ne  les  a 
marquées  d'aucun  signe  extérieur,  on  ne  sait  au  juste  ce  qui  lui  appar- 
tient en  propre  et  ce  qui  est  l'œuvre  du  Brahmacharin.  Ceci  constitue 
la  première  partie  de  la  brochure.  Une  seconde  partie,  un  peu  plus 
courte,  est  mieux  conçue.  Elle  renferme  quelques  rr joyaux i  [irems]  em- 
pruntés à  de  célèbres  auteurs  jainas,  tels  que  Kundakunda,  Pûjyapàda. 
Padraanandin,  Devasena,  Amrtacandra.  Amitagati,  Padmaprabha  et 
Subhacandra.  Cette  seconde  partie  représente  l'esquisse  de  la  forme 
qu'aurait  pu  prendre  le  livre  tout  entier.  Il  serait  alors  devenu  le  recueil 
des  pages  les  plus  significatives  écrites  au  cours  des  siècles  par  les 
maîtres  jainas.  M.  Champat  Rai  Jain  possède  les  qualités  requises  pour 
éditer  une  anthologie  de  cette  sorte,  qui  serait  le  complément  et  comme 
l'illustration  de  son  Practkal  Path. 

A.  Gdérinot. 


Les  Classiques  du  LÛniKyT.  (Collection  publiée  sous  le  patronajje  de  l'Associa- 
tion française  des  Amis  de  l'Orient  et  la  direction  de  Victor  Gololbkav.  — 
Editions  Hossard,  l'aris,  rue  Madame,  n°  ^3. 

Tome  I.  La  Légexde  de  Nala  et  Damât anti  ,  traduite  du  sanskrit  avec 
intioduclion,  notes  et  vocabulaire,  par  Sylvain  Lévi;  bois  dessinés  et  gravés 
par  Aiidn'c  KaiîI'elks,  in-8°,  1990,  i5i  pages. 

ffLes  aventures  do  Nala  et  Damayanti  sont  un  vieux  conte  de  fées,  dit 
M.  Sylvain  Lévi,  où  l'Inde  ancienne  a  glorifié  l'amour  conjugal.  Le 
thème  en  est  simple  :  un  Prince  Charmant  a  épousé  une  piincesse  Belle- 
ol-Bonne;  leur  bonheur  est  |)arfai(.  Mais  un  jour  la  [)assion  du  jeu  saisit 
le  prince;  il  perd  tout,  ses  trésors  et  la  royauté;  forcé  de  s'exiler  en 


COMPTES  RENDUS.  Il;) 

vagabond  avec  son  épouse ,  il  se  re'sout  à  l'abandonner  piiitôl  que  île  lui 
imposer  le  partage  de  ses  misères.  Aussi  sagace  que  constante  dans 
rinfortune,  la  princesse  finit  par  retrouver  son  époux." 

Tome  II.  La  Marche  à  la  Lumière,  Bodhicaryâvâtara ,  poème  sanskrit 
de  Çantideva,  traduit  avec  introduction  par  Louis  Finot;  bois  dessinés  et 
gravés  par  H.  Tirman,  in-8°,  1990,  1G7  pages. 

ffLe  BodMcarijàvâtara ,  dit  M.  Finot,  est  un  poème  bouddhique  en 
918  vers  et  10  chapitres,  dont  le  titre,  que  nous  avons  rendu  un  peu 
librement  par  La  Marche  à  la  Lumière,  signifie  littéralement  :  hitroduc- 
Iton  à  la  pratique  en  vue  de  la  Bodhi.  La  Pratique  [caryà,  la  frmarchen, 
au  sens  étymologique)  est  l'ensemble  des  exercices  spirituels  qui  ache- 
minent vers  son  but  le  futur  Buddha.  La  Bodhi  est  l'cr éveil  n  ,  l'illumina- 
tion suprême  qui  révèle  au  Buddha  la  loi  de  l'univers,  donc  la  Lumière 
par  excellence.  Mais  elle  est  plus  qu'un  état  transcendant  de  l'esprit  : 
elle  implique  aussi  la  charité  parfaite,  le  désir  fervent  de  guérir  la  dou- 
leur du  monde.  Le  Buddha  n'est  pas  seulement  un  Voyant ,  il  est  encore 
un  Sauveur.  .  .  r, 

Tome  111.  Représentations  théâtrales  daxs  les  MoxAsricnBs  du  Tibet. 
Trois  MysTh:REs  tibétaius  :  Tchrimekvndan ,  Djroazaxmo,  Nansal,  traduits 
avec  introduction,  notes  et  index,  par  Jacques  Bacot-,  bois  gravés  d'après  les 
dessins  do  Victor  Golooi!evv,  in-8°,  1921,  299  pages. 

L'histoire  de  Tchrimekundan  trse  passe  au  Népal,  dit  M.  Bacot,  à  une 
époque  fictive  prodigieusement  reculée.  Elle  est  l'histoire  de  l'a  van  t- 
dernière  existence  sur  terre  de  cdui  qui  renaîtra  Çakya-Muni.  Vessantara 
rr Tchrimekundan  des  Tibétains 71  est  le  fiitur  Buddha.  .  .  (p.  iq)". 
Djroazannio  est  plutôt  un  conte  de  fée  qu'un  mystère  religieux  (p.  i33). 
Nansal  est,  au  contraire,  ffuu  tableau  de  mœurs  tibétaines  et  un  drame 
philosophique.  11  n'y  a  aucun  merveilleux.  C'est  aussi  une  peinture  de 
caractère  où  tout  est  normal  et  mesuré  (p.  293)n. 

Tome  iV.  (Iostks  et  Léhexdes  di  Bouddhisme  <:iii.\ois,  traduits  du  clii- 
nois  par  Edouard  Chavannes,  préface  et  vocabulaire  de  Sylvain  Lévi;  bois 
dessinés  et  gravés  par  Andrée  Karpki.ks,  in-S",  1991,  aao  pages. 

La  préface  de  M.  Sylvain  Lévi  montre  l'impoilance  de  la  version  chi- 
noise de  ces  contes  et  légendes  auxquels  le  regretté  Chavannes  avait  con- 
sacré une  partie  de  sa  prodigieuse  activité. 


116  JANVlER-MAtlS   1922. 

Tome  V.  Cinq  Ao,  drames  lyriques  japonais  traduits  avec  préface,  notices 
et  notes,  par  INoël  Pkiu;  bois  dessinés  et  gravés  par  Jean  Bdhat,  in-8°,  1921, 
369  pages. 

L'inlroduction  (p.  1-69)  Iraile  de  Torigine  du  no,  de  la  définition  de 
ce  mot,  des  acteurs  et  rôles,  de  la  scène,  des  formes  parlées  et  chantées 
de  ces  sortes  de  drames,  des  mimiques  et  danses,  des  costumes  et 
masques,  de  la  forme  générale  et  de  la  slruclure  du  nô,  de  la  classifica- 
tion des  nô  et  de  la  composition  des  programmes,  des  pièces  et  contes, 
du  style  des  nô.  Les  cinq  nô  publiés  en  traduction  sont  :  Le  vieux  pin, 
Atsumori,  par  Kwanze  Seami  Motokiyo;  Komachi  au  Sttipa,  par  Kwanze 
Kwanami  Kiyotsugu;  La  visite  impériale  à  Ohara  et  Le  tambourin  de 
damas,  par  K^vanze  Seami  Motokiyo. 

Inaugurée  sous  les  ausjjices  scientifiques  de  maîtres  tels  que  Cha- 
vannes,  Sylvain  Lévi  et  Finot;  continuée  par  des  orientalistes  de 
marque  tels  que  MM.  Bacot  et  Noël  Péri,  celte  collection,  on  est  heureux 
de  le  constater,  a  obtenu  le  plus  légitime  succès.  Elle  fait  grand  honneur 
à  notre  confrère  Goloubew,  son  dinîcteur,  et  aux  éditions  Bossard.  L'idée 
de  faire  concourir  des  bois  oiiginaux  à  lintelligence  de  ces  textes  de 
rinde,  du  Tibet  et  du  Japon  est  heureuse,  et  elle  a  été  réalisée  avec  un 
profond  sentiment  et  ut)e  compréhension  très  exacte  du  sujet,  notam- 
ment parla  parfaite  artiste  qu'est  M""  Andrée  Karpelès. 

D'autres  volumes  sont  à  l'impression  ou  en  préparation,  qui  com- 
prendront des  œuvres  traduites  du  chinois,  du  sanskrit,  de  l'arabe,  du 
persan  et  du  lurk. 

Gabriel  Ferrand. 


K»/,fîBivAfi,vft/r,£  OpsTELLEfi ,  1,  publiés  par  le  Koioi(iaal  Instituai  te  Amsterdam  , 
Mededceliug  n"  IX,  Afdeeling  volkenkunde  u°  3. 

Ce  premier  fascicule  des  Mémoires  ethnographiques  de  l'Institut  colo- 
nial d'Amsterdam  contient  deux  études.  La  premièie,  du  docteur 
J.  P.  Kleiweg  de  Zwaan  (p.  1-90),  est  intitulée  Tanimharschedels  (crânes 
de  Tanimbar).  Les  îles  de  Tanimbar  ou  Tiniurlaul  forment  un  groupe 
insulaire  de  rarchij>el  des  Moluques  et  comprennent  les  îles  de  Yamdeua, 
Selaru,  Larat,  Vordala,  Molo,  Maro  (habitée  en  partie  par  des  Galela- 
rais  de  Halmahera)  et  Syera.  Ces  crânes  sont  en  parfait  état  et  ont  été 
mensurés  et  étudiés  avec  le  plus  grand  soin  par  M.  Kleiweg  de  Zwaan. 
L'autre  élude,  intitulée  Ooer  ornamenthunst  von  Seram  (sur  l'art  de  l'or- 


COMPTES   RENDUS.  117 

nementalion  à  Sëram),  est  due  à  M.  Herman  F.  E.  Wisser,  qui  en 
indique  les  principales  caractéristiques.  Ce  fascicule  de  Mémoires  ethno- 
graphiques est  enrichi  de  précieuses  illustrations  en  noir  et  en  couleurs. 
On  ne  peut  que  féliciter  l'Institut  colonial  hollandais  d'inaugurer  ainsi 
une  nouvelle  série  de  publications  qui  rendront  grand  service  aux  ethno- 
graphes. 

Gabriel  Ferrand. 


CHRONIQUE 
ET  NOTES  BIBLIOGRAPHIQUES, 


PERIODIQUES. 


The  Asiatic  Review^,  January  1922  : 

P.  G.  Ray.  ludian  Swaraj  and  the  British  Gommonwealth. 

F.  Oldrieve.  The  Leper  Problem  in  India  and  the  Treatment  of 
Leprosy.  [Préconise  la  ségrégation  obligatoire  des  malades  et  la  construc- 
tion d'asiles  spéciaux.  ] 

0.  VouNGHusBAND.  The  English  Boy  in  India.  [L'éducation  déjeunes 
Anglais  dans  l'Inde  est  appelée  à  donner  d'heureux  résultats;  mesures 
à  prendre  à  cet  effet,  en  particulier  aménagement  d'hôtels  universi- 
taires. J 

J.  Pollen.  The  Liquor  Question  in  India.  [Indication  de  quelques 
moyens  efficaces  pour  rendre  l'Inde  tempérante,  c'est-à-dire  ff libre".] 

G.  Keatinge.  Indian  Economies.  [C'est  grâce  à  des  institutions  appro- 
priées que  l'Inde  utilisera  ses  richesses  naturelles.] 

S.  RicE.  Indian  Symbolism.  [On  se  méprend  trop  souvent  sur  l'Inde, 
parce  (ju'on  ne  sait  pas  interpréter  son  symholisme.  | 

S.  Savatanagi.  Education  in  the  Japanese  Empire.  |  Indication  rapide 
des  principaux  établissements  scolaires  du  Japon.  | 

Indian  Antiquary,  December  1921  : 

A.  KouL.  Life  sketch  of  Laleshwari ,  agréât  Ilermitess  of  Kashmir. 
—  W.  FosTER.  Siwâji's  Raid  upon  Surat  in  i66A.  —  W  \V.  IIaig.  The 
llistory  of  the  INîzâm  Shàlii  Kings  of  Ahmadnagar  isulic). 


CHRONIQUE   RT   NOTES    BIBLIOGRAPHIQUES.         119 

January  1922  : 

W.  Poster.  Siwâji's  Raid  upon  Surat  (suite).  —  P.  G.  Halkatti. 
Vachanas  attributed  to  Basava,  trauslated.  —  G.  A.  Grierson.  The 
Apabhramsa  Stabakas  of  Râma-Sarman  (Tarkavâgisa). 

Supplément.  —  E.  H.  Man.  Diclionary  of  Soulh  Audamaa  Language. 

—  N.  Dey.  Geographical  Dictionary  of  Ancient  and  Mediaeval  India. 

Journal  and  Proceedings  of  the  Asiatic  Society  of  Bengal,  1921, 
n"  1  : 

R.  G.  Majumdar.  The  chronology  of  the  Pâla  Kings;  -  The  chrono- 
iogy  of  the  Sena  Kings. 

Journal  of  the  American  Oriental  Society,  voi.  XLI ,  Part  4  : 

A.  T.  Clay.  The  Antiquily  of  Babylonian  Givilization.  —  R.  G.  Rar- 
RET.  The  Kashmirian  Atharva-Veda ,  Rook  VIII.  —  G.  W.  Rishop.  The 
Eléphant  and  its  Ivory  in  Ancient  Ghina.  —  N.  Schmidt.  The  two 
Recensions  of  Slavonic  Enoch. 

BrieJ  Notes.  —  A.  T.  Glay.  A  iiew  King  of  Rabylonia.  —  M.  Jastrow. 
Huruppdti  rrbetrolhal  giftsn.  —  J.  A.  Montgomery.  The  frlwo  youthsTi 
in  the  LXX  to  Dan.  6.  —  B.  G.  Rarret,  Note  on  Pâippalâda  6.  i8. 

Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society  of  Great  Britain  and  Ireland, 

January  1922  : 

E.  Denison  Ross.  The  Portuguese  in  India  and  Arabia,  iSiy-SS.  — 
W.  H.  Moreland.  The  Development  of  the  Laud-revenue  System  of  the 
Mogul  Empire.  —  H.  K.  Deb.  Taxila  Silver-scroll  Inscription.  — 
F.  Krenkow.  Notes  on  the  éditions  of  the  Arabie  Poets  'Abid  ibn  al- 
Abras,  'Amir  ibn  al-Tufail,  and  'Amr  ibn  Çami^a  piiblislied  by  Sii- 
Gh.  Lyall.  —  L.  G.  Hopkins.  Pictographic  Reconnaissances,  Part  iv. 

Miscellaneous  Communications.   —  G.  A.  Grierson.  Hamm-(Gatau). 

—  F.  W.  Thomas.  The  Plays  of  Rhâsa:  -  Noie  on  the  Hathigurapba 
Inscription.  —  T.  N.  Subramaniam.  Satiyaputra  of  Asoka's  Edict  No.  •^. 

—  F.  Ohrt.  Abracadabra.  —  W.  Foster.  A  Footnote  to  Manucci.  — 
F.  Krenkow.  The  word  Simkurni.  —  Report  of  the  Délégation  of  ihe 
Royal  Asiatic  Society  to  tlie  American  Academy  of  Arts  and  Sciences, 
Boston,  October  5-7,  192t. 


120  JANVIER-MARS   1922. 

ObtUumi  •Soùcos.  Professer  Ignaz  GoldzibfM-,  by  A.  A.  Bevan.  —  Sir 
'Abtlu'l-Balia  'Abbas,  by  E.  G.  Browne.  —  R.  \V.  Fkazer,  by  F.  W. 
Thomas.  —  M.  Longnorth  Dames. 

Al-Machriq,  Janvier  1922  : 

L.  CiiEiKHO.  Les  Séances  d'Elie,  évêque  de  Nisibe;  -  Un  discours  du 
palriarcbe  Elie  III  ibn  Hadîlliî  sur  le  jour  de  l'an;  -  La  bibliographie 
arabe  chrétienne  depuis  l'Islam. 

Février  : 

H.  Lammens.  Les  Croisés  et  la  bibhothèque  de  Tripoli.  —  L.  Cheikho. 
Les  Séances  d'Elie  de  Nisibe  (suite);  -  La  Bibliographie  arabe  chrétienne 
depuis  l'Islam  [suite).  —  J.  Eid.  La  fameuse  inscription  d'Abercius.  — 
L.  Chejkho.  Les  Naqâid  de  Gurïr  et  de  Ahfal. 

The  Moslem  "World,  January  1922  : 

L.  Massignon.  What  Moslems  expect.  —  A.  E.  Garvie.  Our  niethod 
ofjudging  Islam.  —  J.  de  Maver.  Turkistan,  a  neglecled  Field.  — 
S.  Anderson.  Dervish  Orders  of  Constantinople.  —  J.  G.  Young.  Médical 
Missions  in  Yemen.  —  L.  E.  Esselstyn.  What  to  preach  to  Moslems.  — 
Percy  Smith.  Did  Jésus  foretell  Ahmed? 

Le  Muséon,  t.  XXXIV  (1921)  : 

Ad.  Hebbelvnck.  Les  manuscrits  coptes  suhidicpies  des  Epitres  de 
saint  Paul.  —  L.  Dieu.  Les  manuscrits  grecs  des  Livres  de  Samuel  (essai 
de  classement).  —  T.  Lekort.  La  règle  de  saint  Pacôme  (élude  d'ap- 
proche). —  Ad,  Hebbelynck.  L'unité  et  l'âge  du  papyrus  copte  biblique 
Or.  7.59/1  du  Britisli  Muséum. 

Revue  des  Études  arméniennes,  t.  I,  fasc.  h  : 

N.  Marr.  Ani,  la  ville  arménienne  en  ruines,  d'après  les  fouilles  de 
1892-1893  et  de  190/1-1917.  — Fr.  Macler.  Notices  de  manuscrits 
aiméniens  ou  relatifs  aux  Arméniens,  vus  dans  quelques  bibIiolhè(pies 
de  la  Péninsule  ibérique  et  du  Sud-Est  de  la  Fi-ance  (suite).  —  Cl.  Huart. 
Une  razzia  en  Arménie  au  x"  siècle.  —  A.  Sakissian.  Deux  tableaux  à 
sujets  arméniens  d(^  J.-B.  Van  Mour.  —  A.  Tchobania\.  Qnelques  chan- 
sons de  Djivani  traduites.  —  Fr.  Macler.  L'Arménie  au  musée  céra- 


CHRONIQUE  ET  NOTES  BIBLIOGRAPHIQUES.  121 

mique  de  Sèvres.  —  L.  Maries.  Epikoura  =  Aboukara.  —  Société  des 
Etudes  arméniennes  :  Statuts  et  procès-verbaux  des  séances.  —  Biblio- 
graphie :  1950. 

T'oungPao,  1920-1921,  n°  2  : 

P.  Pelliot.  Quelques  transcriptions  apparentées  à  Çambhala  dans  les 
textes  chinois.  —  E.  de  Sacssure.  Les  origines  de  l'astronomie  chinoise. 
—  RicHENET.  Note  sur  la  mission  des  Lazaristes  en  Chine,  spécialement 
à  Pékin.  —  A.  Stelx.  Gentrai-Asian  relies  of  Ghina's  ancient  silk  trade. 


Hespéris.  Archives  berbères  et  Bulletin  de  l'Institut  des  Hautes  Études 
marocaines.  Emile  Laroze,  éditeur.  1"  trimestre  1921  : 

E.  Laoust.  Noms  et  cérémonies  des  feux  de  joie  chez  les  Berbères  du 
Haut  et  de  l'Anti-Atlas.  —  L.  Châtelain.  Inscriptions  et  fragments  de 
Volubilis,  d'Anoceur  et  de  Mechra  Sidi  Jabeur.  —  E.  Lévi-Provençal. 
Note  sur  un  Qor'àn  royal  du  xiv'  siècle.  —  J.  Gampardon  et  H.  Basset. 
Graffiti  de  Ghella.  —  E.  Laoust.  Sidi  Hamed  ou  Moussa  dans  la  caverne 
du  Gyclope.  —  R.  Montagne.  Note  sur  la  kasbah  de  Mehdiya. 

9'  trimestre  1921  : 

Brcnot.  Noms  de  récipients  à  Rabat.  —  Michaox-Bellaire.  Essai  sur 
l'histoire  des  Confréries  marocaines.  —  Renaud.  Recherches  historiques 
sur  les  épidémies  au  Maroc  :  la  peste  de  1799.  —  H.  Massé.  Ibn  Zaï- 
doun.  —  Laoust.  La  littérature  des  Berbères.  —  Paris.  Haouach  à 
Teloiiet.  —  BuoNDEL.  Note  sur  la  genèse  de  rornementation  arabe.  — 
CouRsiMAULT.  Extraction  du  goudron  liquide. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


SEANCE  DU  9  DECEMBRE  1921. 

La  séance  est  ouverte  à  5  heures ,  sous  la  présidence  de  M.  Hcart, 
vice-président. 

Etaient  présents  :  * 

M"'  Lalou;  mm.  Bacot,  Benaviste,  Boubdais,  Bodvat,  Casanova, 
Cohen,  Deny,  Ddssaud,  Eliséiev,  Ferrand,  Hariz,  Mayer  Lambert, 
Macler,  Maspero,  Minorsky,  Moret,  Ort,  Pelliot,  a.  Périer,  Przyluski, 
Ravaisse,  Sidersky,  Stcherbatsky,  memhres;  Ïhcreau-Dangin,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  ia  séance  du  1 1  novembre  est  lu  et  adopté. 

Est  élu  membre  de  la  Société  : 

M.  L.  DE  Raymond-Modène-Petrowski ,  présenté  par  MM.  Ferrand  et 
Gaudefroy-Demombynes. 

M.  LE  Président  annonce  que  M.  Aymomer  a  remis  à  la  bibliothèque 
de  la  Société  le  reste  de  sa  collection  de  manuscrits  inrJochinois.  Des 
remerciements  seront  adressés  à  M.  Aymonier. 

Une  subvention  de  /j,ooo  francs  a  été  accordée  par  la  caisse  des 
Recherches  scientifK]ues  pour  la  réédition  du  tome  IV  des  Voyages  d'ibn 
Batoutah. 

Les  ouvrages  suivants  sont  offerts  à  la  Société  : 

Par  le  Ministre  du  Siam,  au  nom  du  prince  Chandabhui,  ministre 
des  finances  du  Siam,  un  exemplaire  d'un*;  nouvelle  iMliliou  dos  Siiila 
Patika  ; 


SOCIETE   ASIATIQUE.  123 

Par  M.  SiDERSKY,  au  nom  de  M.  Jesaias  Press,  Palàstina  und  Siidsyrien  ; 
Par  M.  MoRET,  au  nom  de  Sir  James  Frazer,  Adonis,  traduction  fran- 
çaise par  Lady  Frazer. 

M.  Mi\ORSKY  analyse  ies  poésies  religieuses  de  Chah  Israaïl  {"{khatd'i). 
De  son  divdn  turc-azerbaïdjani ,  dont  il  existe  des  manuscrits  à  Paris,  à 
Pétrograd  et  à  Londres,  il  ressort  que  les  doctrines  professe'es  par  le 
fondateur  de  la  dynastie  des  Séfévis  présentaient  une  synthèse  de  l'ensei- 
gnement des  sectes  chiites  extrémistes  et  des  ordres  soufis.  Le  dhmn 
fournit  quelques  exemples  intéressants  des  arguments  à  l'aide  desquels 
les  Séfévis  maintenaient  leur  emprise  sur  leurs  affidés.  Chah  Ismaïl  va 
jusqu'à  se  proclamer  l'incarnation  de  'Alî  et  de  Dieu  {màn-ain  oljatl-i- 
mutlaq,  etc.). 

La  séance  est  levée  à  6  heures  un  quart. 


SEANCE  DU  13  JANVIER  1922. 

La  séance  est  ouverte  à  5  heures,  sous  la  présidence  de  M.  Senart. 

Etaient  présents  : 

MM.  HuART  et  Cordier,  vice-présidents;  M""  Grabowska;  MM.  Basma- 
DJiAN,  Bénédite,  Bloch,  Bourdais,  Bouvat,  A.-M.  Boyer,  p.  Boyer,  Casa- 
nova, Contexau,  Danon,  Deny,  Ferrand,  Gaudefroy-Demombynes,  Hariz', 
M.  Lambert,  Macler,  Meillet,  Moret,  Pelliot,  Przyluski,  Sidersky, 
Stcherbatskv,  membres;  Thuread-Dangin,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  9  décembre  est  lu  et  adopté. 

Sont  élus  membres  de  la  Société  : 

MM.  G.  DE  Maydell,  présenté  par  MM.  Cordier  et  Bouvat; 
M.  CuENDET,  présenté  par  MM.  Moret  et  Macler  : 
G.  Si\APiAN,  présenté  par  MM,  Meillet  et  Maclkr: 
.  Mestre,  présenté  par  MM.  Pelliot  et  Granet; 
Haguexauer,  présenté  [)ar  MM.  Pelliot  et  Granet. 

M.  Pelliot  est  élu  membre  de  la  commission  du  Journal. 


124  JANVIER-MARS    1922. 

M.  i,E  PnKSiDENT  aniiouce  que  le  cenlenaire  des  de'couvciies  de  Chani- 
pollion  sera  célébré  ea  même  temps  qiie  le  centenaire  de  la  Société 
asiatique. 

M.  J.  Deny  analyse  un  important  traité  arabe  sur  la  langue  turque 
écrit  à  Kachgar  en  107/i. 

M.  Pelliot  présente  quelques  observations  et  fait  ressortir  tout  l'inté- 
rêt de  celle  communication. 

La  séance  est  levée  à  6  heures  et  demie. 


SEANCE  DU  10  FEVRIER  1922. 

La  séance  est  ouverte  à  5  heures ,  sous  la  présidence  de  M.  Senart. 

Etaient  présents  : 

M.  HuART,  vice-président;  M""  Grabowska,  Massied  et  Saisseï;  M"'  La- 
Loo  ;  MM.  Basmadjian,  Bloch,  Bocrdais,  Bouvat,  a. -M.  Bover,  P.  Bover. 
Casanova,  Danon,  Deny,  Fadeggon,  Ferband,  Graffin,  Hariz,  Madrolle, 
Masson-Oursel,  de  Maydell,  Meillet,  Moret,  Ort,  Pelliot,  Polain. 
pRZYLUsKi,  Bavaisse,  Sidersky,  membres;  Tiiureau-Dangin,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  1 3  janvier  est  lu  et  adopté. 

Sont  élus  membres  de  la  Société  : 

MM.  Lehot,  présenté  par  MM.  Meillet  et  Lacôte; 

L.  Delaporte,  présenté  par  MM.  Thdreau-Dangin  et  Contenau; 
Kedprdlu-Zadeh  Mehemet  Fcad,  présenté  par  MM.  Ferrand  et 

Deny  : 
A.  Basset,  présenté  par  MM.  Ferrand  et  Deny. 

M.  LE  Président  annonce  que  la  date  des  fêtes  du  centenaire  de  la 
Société  a  été  définitivement  fixée  :  elles  auront  lieu  du  10  au  i3  juillet. 
C'est  le  1 1  qu'aura  lieu  la  séance  solennelle  que  M.  le  Président  de  la 
Bépublique  a  bien  voulu  accepter  de  présider. 

M.  Casanova  fait  une  communication  sur  un  manuscrit  arabe  de  la 
Bibliothèque  nationale  (Calai,  manuscrit,  n°  5()G8),  Dastoùr  al  Mou- 
iiadjdjimîn  «le  Manuel  des  Astronomes w.  On  avait  déjà  reconnu  que 


SOCIETE  ASIATIQUE.  125 

l'auteur  écrivait  vers  la  fin  du  v°  siècle  de  l'Hégire  et  qu'il  était  tout 
dévoué  aux  Fatiniides  d'Egyple:  mais  en  réalité  il  était  partisan  d'une 
branche  spéciale  de  ces  Falimide?.,  c'est-à-dire  les  Nizârites,  plus  con- 
nus sous  le  nom  d'Assassins.  Le  manuscrit  contient  des  blancs  nom- 
breux qui  ont  été  remplis  par  des  écritures  diverses  tracées  dans  tous 
les  sens,  ce  qui  lui  donne  l'aspect  d'un  manuscrit  autographe.  Un  de 
ces  textes  ajoutés  à  l'original  semble  antérieur  à  5i3  de  l'Hégire.  L'au- 
teur est,  en  tout  cas,  un  contenjporain  et  un  partisan  de  llasan  Sabbàh, 
le  premier  grand-maîti'e  des  Assassins.  (Voir  l'Annexe  au  procès- verbal.) 

M.  Fadeggoîv  pi-ésente  quelques  remarques. 

M.  Hariz  lit  un  mémoire  sur  la  médecine  arabe  antéislamiqne  et 
annonce  que  l'histoire  de  la  médecine  arabe  formera  le  sujet  d'une  thèse 
qu'il  présentera  prochainement  à  la  Faculté  de  Médecine. 

Observations  de  MM.  Danox  et  Siderskv. 

Au  sujet  de  la  période  de  suprématie  sumatranaise  à  Java,  M.  Fkr- 
in\D  rappelle  Tindicalion  fournie  pai-  l'inscription  de  Kota  Kapur  (ile  de 
Banka),  d'après  laquelle,  en  0o8  raka,  fr l'armée  de  (jrï  Vijaya  venait 
de  partir  en  expédition  contre  le  pays  de  Java,  qui  ne  recoimaissait  pas 
la  suzeraineté  de  Çrl  Vijayan  (cf.  J.  A.,  juillet-août  1919-  p.  iSa); 
l'inscription  du  sanctuaire  javanais  de  Kalasan  (près  de  Yogyakarta). 
datée  de  778  de  notre  ère,  où  le  roi  de  Çrï  Vijaya  dit  expressément 
qu'il  s'agit  de  son  propre  royaume  et  apparaît  comme  le  maître  du  pays 
(N.  J.  Krom,  De  Sumatraamche  période  der  Javaansche  geschiedenis ,  Leyde, 
1919,  in-8°,  p.  1 5-1 6  ) ,  et  les  complète  par  les  indications  suivantes  que 
fournissent  les  textes  chinois.  D'après  le  Sin  t'ang  chou,  crie  roi  [java- 
nais] habitait  la  ville  de  ^  ^  Cho-p'o  (=Dja-\va,  Java);  l'aïeul  du 
[roi  actuel],  Ki-yen,  a  transporté  [la  capitale]  vers  l'est,  à  la  ville  de  ^ 
^  filD  ^if  P'o-lou-kia-sseu  71  (=Baroh  Gérsi  frla  plage  de  sable  n,  l'ac- 
tuel le  Grésik  ou  Grisée,  le  port  de  Surabaya;  cf.  J.  A.,  mars-avril  1919, 
p.  3o5 ,  note).  Et  le  Yuan  clie  lei  pien  précise  :  cfDans  la  période  t'ien- 
pao  {'jhû-'jbb),  on  déplaça  [la  capitale]  de  Cho-p'o  à  la  ville  de  P'o- 
lou-kia-sseu^  {H.E.F.E.-O.,  t.  IV,  190A,  p.  aaf),  n.  a).  C'est  donc  à 
la  suite  de  la  canq)agne  victorieuse  de  l'aimée  sumatranaise  de  Cri 
Vijaya  que  la  capitale  de  Java,  alors  située  dans  le  centre  de  l'ile,  fut 
transférée  à  Gërsik  pour  un  certain  temps. 

Après  quelques  observalions  de  M.  Pklliot,  la  séance  est  levée  à 
G  heures  et  demie. 


'26  lANVlER-MARS    1922. 


ANNEXE  AU  PROCES-VERBAL. 


UN    NOUVEAU   MANUSCRIT    DE    LA    SECTE    DES    ASSASSINS. 

Le  manuscrit  arabe  de  la  Bibliothèque  Nationale  qui  porte  le  u°  6968 
provient  de  la  collection  Schefer  ''l  II  ëlait  déjà  connu  des  orientalistes 
par  Houtsma  et  de  Goeje.  Le  premier  remarque  que  l'auteur  a  du  vivre 
vers  la  (in  du  V  siècle  de  l'Hégire  eu  Egypte  sous  le  règne  des  Fatimides , 
(pi'il  donne  la  date  de  la  mort  d'al  Mouslansir  (687),  que  le  titre  de 
lonvrage  paraît  être  ^^^^.«.a^m  .yu^ù  Dastoùr  al  Mounadjdjimin  rrle  Manuel 
(les  Astronomes -i,  bien  que  sur  la  tranche  on  lise  :  gs'yJ'  ^^  g)  (fiable 
(astronomique)  avec  les  chroniques ''^n.  Le  second  l'a  utilisé  dans  son 
étude  sur  les  Carmathes  et  en  a  donné  un  extrait'''.  Au  cours  d'une 
récente  étude  sur  la  doctrine  des  Fatimides  d'Egypte  *'"',  j'ai  été  amené  à 
examiner  de  près  cet  important  manuscrit.  En  poursuivant  cet  examen 
à  fond,  je  crois  avoir  obtenu  quelques  résultats  intéressants  que  voici. 

Le  manuscrit  actuel  contient,  sous  sa  reliure  orientale  assez  ancienne, 
deux  volumes  :  le  premier,  de  vingt-quatre  cahiers  numérotés,  avec 
d'importantes  lacunes.  11  ne  commence  qu'au  milieu  du  deuxième  cahier, 
et  plusieurs  autres  sont  incomplets.  Le  premier  feuillet  porte  au  recto. 


C'  Blochet,  Catalogue  de  la  collection  de  manuscrits  orientaux. .  .  formée  par 
M.  Charles  Schefer,  Paris,  1900,  p.  34;  DEUENBonnc,  Les  manuscrits  arabes 
de  la  collection  Schefer  (Journal  des  Savants,  mars-juin  1901).   tir.  à   part, 

(-'  Ibn-Wàdhih  qui  dicilur  Al-Ja'qubî  histiiriœ,  Leyde.  i883,  Prœfatio,  x-m. 
Cf.  Dkrendodug,  /oc.  cit. 

(■'''  Mémoires  d'bistnire  et  de  géojrrapltie  orienlales,  n°  1,  a"  édil.  :  Mémoire 
sur  les  Carmathes  du  Halirahi  ri  les  Fatimides,  Leide,  1886.  p.  8,  19,  lai. 
192,  ao3-2o6.  Cf.  Deiieniiouik;  ,  loc.  cit.;  Blochet,  Le  Messianisme  dans 
l'hétérodoxie  musulmane ,  Paris.  1908,  p.  58,  71,  7.5. 

(*'  La  doctrine  secrète  des  Fatimides  d'Egypte,  dans  Bulletin  de  l'Institut 
français  d'archéologie  orientale  du  Caire,  t.  XVIII,  Le  Caire,  1921.  p.  12 1-1 6.5. 
C'est  la  nÂimpression  d'une  partie  de  ma  trailnetion  des  Khilat  de  Makrizî 
{Meut.  Jnsl.  franc,  d'arch.  orient,  du  Caire,  IV,  p.  lai-iVi),  avec  une  intro- 
duction et  un  index. 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE.  127 

ilaos  un  cadre,  à  i'encni  rouge,  cette  mention,  malheureusement  détruite 
en  partie  par  une  déchirure  du  papier  : 

r €)^^ 


(jiio  je  propose  de  restituer  ainsi  : 

Livre  de  la  table  d'aï  llàkim  biariir  Ailali,  émir  des  Croyants,  composé  par 
Ahmad  ibn  'Abd.  .  .  al  Hàkimî. 

Ce  titio  parait  apocryphe,  et  c'est  probablement  pour  cela  que 
Houtsnia  l'a  ne'glige.  Cependant  il  lépond  à  ce  qui  est  écrit  sur  la  tranche, 
comme  nous  l'avons  vu  plus  haut.  11  faut  remarquer  effectivement  que 
l'ouvrage  comporte  une  partie  astronomique  où  se  trouvent  de  nombreux 
tableaux,  et  une  partie  historique.  En  tout  cas,  il  ne  peut  s'agir  des 
tables  hakémites  ici ,  car  nous  savons  déjà  que  l'ouvrage  est  postérieur  à 
/iSy,  tandis  que  le  khalife  al  llâkim  biamr  Allah,  pour  qui  elles  furent 
faites  par  Ibn  Yoiinous,  est  mort  en  4ii  ''.  En  réalité,  la  partie  astro- 
nomique n'est  qu'une  compilation  d'extraits  de  divers  auteurs  (qui  ne 
sont  pas  toujours  nommés),  entre  autres  al  Biroiinî '''. 

Cette  partie  remplit  tout  le  premier  volume,  ou  plutôt  la  première 
moitié,  qui  se  termine  au  présent  fol.  188  v"  par  les  mots  :  ^Jl.£ùJ\  ^i 
^^.•«<m  ;yu>,^  ^j4>  Jjill .  Elle  se  continue  dans  le  second  volume,  qui  com- 
mence par  le  septième  traité,  JooLJl  *JUm. 

La  première  moitié  est  acéphale,  et  il  manque  au  milieu  un  certain 
nombre  de  feuillets;  beaucoup  sont  intervertis.  La  remarque  a  été  faite 
par  les  propriétaires  du  manuscrit;  ainsi,  au  bas  de  fol.  28  v°,  ou  lit  ces 
mois  à  l'encre  louge,  en  persan  :  ^jLo  ^-  o';^'  *J  ^^^3'  "ici  manquent 
neuf  feuillets  a;  fol.  67  v",  également  à  l'encre  rouge  et  en  j)ersan  :  ^^ 


<')  Voir  Le  Livre  de  la  i^rautlr  laide  hnkémite  ohservée  par.  .  .  obii  Yoiiiùn..  ., 
par  le  C°°  C.vussiN,  dans  Notices  et  Extraits,  t.  VII,  p.  16  et  sniv.  Cette  table 
n'a  aucime  ((spèce  de  ra|t|>()rt  avec  notre  manuscrit. 

'-'    lloiITSMA,   loc.   laïuL)   M. 


128  JANVIER-MARS   19-2  2. 

ooL.  ^«  ^3^^1  r(\[x  feuillets  manquent-;  en  marge  de  fol.  67  v°,  en  arabe, 
d'une  main  postérieure  :  jU^lXl  J^l  j  ^i  c:,UsLJl  ^  *=Jv«Jl  sj^jt>  rrce 
lal)leau  est  à  la  suite  des  tableaux  qui  sont  au  commencement  du  ca- 
hier'^. 

J'ai  relevé  la  mention  de  vingt-quatre  cahiers  de  dix  ou  de  huit 
feuillets  ',,  ce  qui  devi-ait  donner  environ  deux  cent  vingt  feuillets,  au 
lieu  de  cent  quali-e-Aingt-luiit.  La  première  mention  est  au  fol.  6  r"  : 
troisième  cahier.  C'est  du  treizième  au  vingt-deuxième  que  le  manusciit 
a  le  plus  souflert  (fol.  96  à  168). 

La  seconde  moitié  est  en  meilleur  état,  sauf  la  fin,  qui  manque.  J'y 
ai  noté  seize  cahiers  complets,  sauf  deux  feuillets'"'.  Elle  se  termine 
avec  le  folio  346.  Elle  contient  la  suite  des  tables  astronomiques  et,  à 
partir  de  fol.  aSi  r°,  des  renseignements  historiques.  Après  quelques 
remarques  générales  et  un  résumé  de  l'histoire  des  Persans  et  des 
Arabes,  l'auteur,  à  partir  de  268  v",  présente  la  biographie  des  princi- 
paux personnages  depuis  Adam,  sous  forme  de  tableaux,  avec  diffé- 
rentes indications  empruntées  à  dix  auteurs  qu'il  énumère  fol.  â63  r", 
depuis  la  Bible  JL..yJ\  jusqu'au  hrltioùn  d'Aboù-l  rihàn  (al  Biroùnî). 
Après  une  biographie  assez  détaillée  du  Prophète  Moubamraad  (809  r"- 
33o  r")  vient  le  tableau  des  imàms  conformément  à  la  doctrine  ismai- 
lienne,  Isma'il  ibn  Dja'far  ['doit  r")  est  appelé  j-(âLkJI  J^ssUl  ffle  rejeton 
pur»;  son  fds  Mouhammad  (334  v°)  est  qualifié  de  -LxJl  tjLJI  rrle  sep- 
tième (imâm)  parfait-  ":  Puis  viennent  les  imâms  cachés  (335  v")  et  la 
série  des  khalifes  fatiraides  jusqu'à  al  Moustansir  billah  (343  r°)  et  à 
son  fils  Nizàr  (343  v").  On  passe  ensuite  aux  imàms  dits  :  al  Kafiyal''^ 
(344  r°  à  345  v°:  il  y  a  une  lacune).  Viennent  les  imàms  zeïdites 
(346  r°  et  v")  et  l'ouvrage  est  interrompu  en  ce  point. 

C'  Le  6"  cahier  a  même  19  feuillets  (16-27). 

(-'  Deux  notes  aux  fol.  nl\t\  v"  et  a/iS  r°  font  allusion  à  des  intorvcrsions  de 
tableaux ,  caLaL^ . 

(*'  Ce  qui  prouve  bien  que  c'est  Mouliammad  seul  (et  non  L«ma'il)  (jui 
est  compté  j)our  iinàm,  comme  je  i'ai  établi  dans  les  notes  de  ma  traduction 
de  Makrizi  [Ménioirvs  de  l'Institut  français  d'arcliroloipe  orientale  du  Caire,  Le 
Caire,  1920,  t.  IV,  p.  laj),  n.  1  et  i32,  n.  2-,  et  UuUetin  du  môme  Instilul, 
Le  Caiie,  1921,  t.  XVIII,  passajjcs  correspondants  :  p.  187.  n.  2  et  p.  t'io, 
n.  U\  cf.  i'avant-propos ,  p.  12/1  et  ia5). 

(*)  Appelés  aussi  Moiîsawis  (partisans  de  Moùsà,  autre  fils  de  Dja'far; 
cf.  Bull,,  p.  12/1).  Sur  le  terme  de  Kal/iyat  ou  K.ittî'iyat,  voir  Fiukdlandeu  . 
Hétérodoxies  of  tlie  Shiites,  dans  Journal  of  Aineric.  Orient.  Soc.  (1909), 
t.  XXIX,  p.  49  et  suiv. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  129 

La  mention  du  fatimide  Nizâr,  fils  d'al  Moustansir  billah,  est  d'une 
particulière  importance,  et  je  crois  bon  de  la  reproduire  : 

\j-»ji-J^  'L.JLÂJ  jSj.)  sJlL.  AS-V^    JLft^Vl   tJl  JUl     \\  ô^-àJ^Âit^J^  ô^^=^\    C-^lj 

ô^-iiieAJ'   C'OL*-— 3  j  J^ J 

■fjL.^*J\  Ji^t  Jj  <UflJj  <L».^\j  liliLj'   i_)j-«J  JjJl*JU   l-jj^x^jl   JjSe^l 
I^^JlP      ^   bJlC    <Ui  li!jJ/i_J  «Uif.  jâjJ\    w.V\    (_,>-U<9   .  v>^    "Wi    JuP    Bji-i    <*.^Vj   LJli 


ur 


Dans  la  première  ligne  verticale  : 

Notre  maître,  Timàm  ",  al  Mouslafà  lidia  Aliali.  Aboù  Mansoùr  Nizàr,  lils 

.  .  (■■'). 

Deuxième  ligne  veiticalc  : 

Né  le  ...  1  .r'-'''  de  Rabi'  premier  année  h'6<),. 

Lignes  horizontales  : 

Au  Caire  d'al  Mou'izz;  sa  mèro  était  grecque  (ivninnjat). 


(''  Le  mot  a  été  gratté ,  mais  est  encore  reconnaissable. 
'■->  Le  bas  di'  la  page,  à  droite,  a  disparu. 

(^'  Le  jour  et  le  nombre  des  unités  ont  été  grattés;  je  n'ai  tronvé  nulle  part 
les  indications  propres  à  les  rétablir. 


y 


130  JANVIKR-MARS    1922. 

On  émit  les  dépêches  »5W0I  diverses  à  travers  les  provinces,  à  l'Iieurc  de 
sa  naissanrc  ])Oiir  annoncer  sa  venue  fortunée 

ot *''.  On  les  appela  les  parfumées  caUiJLi^l . 

C'est  ainsi  qu'acjh  piiâhir,  Dieu  l'agrée  !  avait  notifié  l'heure  de  la  nais- 
sance <"-'  d'al  Moustansir,  Dieu  l'agrée!  et  émis 

la  dépêche  appelée  la  dynastique  JjJ^il  ('^  H  fit  frapper  dos  monnaies  à  son 
nom  et  lui  conféra  le  titre  d'héritier  présomptif. 

Lorsque  son  frère  'Abd  Allah  entra  en  compétition  avec  lui,  le  chef  du  pou- 
voir'*) lui  fit  donner  la  notification  (de  succession)  et  il  l'associa  à  d'autres  (de 
ses  frères)  et  la  notification  fut  conférée  à 

tous,  comme  nous  en  avons  déjà  parlé  '•^K  La  situation  devint  grave  pour  lui 
à  la  mort  de  Notre  Seigneur  al  Moustansir  billah, 

lors  de  sa  fuite  à  Alexandrie,  et  un  autre  obtint  le  pouvoir. 

L'histoire  du  moine  chez  (jui  il  descendit ,  le  jour  de  la  fuite ,  est  connue , 
ainsi  que  le  discours  qu'il  lui  tint,  sur  lui  soit  le  salut! 

(ainsi  conçu)  :  Nous  avons  appris  de  nos  anciens  que  le  fils  de  la  Grecque 
descendrait  dans  tel  monastère ,  à  tel  jour, 

à  telle  heure  et  qu'il  aurait  tel  et  tel  caractère.  (On  sait)  ensuite  qu'il  pro- 
fessa l'islam  entre  ses  mains 

et  qu'il  porta  témoignage  par  devers  lui  lors  de  la  lutte,  que  la  miséricorde 
de  Dieu  soit  sur  lui  ! 

Ses  fils  : 

L'émir  L'émir 

Aboù  'Abd  Allah  Aboù  'Ali  al  Hasan. 

Al  Houseïn. 

Presque  tous  les  détails  donnés  par  cette  nolict;  sont  inédits.  La  jdu- 
pait  des  historiens  sont  muets  sur  le  rôle  joué  par  ce  lils  d'al  Moustansir. 
Seul  Ibu  Mouyassar,  dans  ses  Annales  d'Egijple ,  lui  a  consacré  plu- 
sieurs pages '^'.  1 

C'est  surtout  à  pi-opos  de  la  doctrine  de  Hasan  ibn  Sabbâh  qu'Ibn 
Mouyassar  nous  en  parle;  c'est  aussi  à  ce  propos  que  les  autres  histo- 
riens, comme  Ibn  al  Athîr  et  Mirkhond,  en  ont  fait  mention.  Je  rappelle 

(''  Le  début  du  mot  est  gratté;  je  ne  sais  comment  le  reconstituer. 

'-)  Corriger  :  6.>i)^l  en  ».>i)j.  Adh  Dhâhir  est  le  khalife  prédécesseur  et  père 
d'al  Moustansir  billah. 

(''  Je  vois,  dans  ce  mot,  un  déterminatif  de  *Jj^  dynastie,  littéralement  : 
«la  constituante  de  dynastie».  Aucun  dictionnaire  ne  donne  ce  sens. 

W  Le  vizir  al  Afdal? 

('')  Dans  le  tableau  précédent,  où  il  est  donné  quelques  détails,  tm  peu 
confus,  sur  les  différents  fils  d'al  Moustansir. 

(')  Kd.  Henri  Massé,  Le  Caire,  1911  (Publication!:  de  l'instttul  français 
d'arcké()li>ijrie  Diicnldlc).  p.  '}.-.  0/1-37.  (ilJ-dS. 


SOCIETE  ASIATIQUE.  I:î1 

succiuclemeiil  les  laits  connus,  auxquels  fait  allusion  la  notice  précé- 
dente. 

Al  Moustansir  avait  désigné  comme  son  héritier  présomptif  son  fils 
aîné  INizàr.  llasan  ibn  Sabbâh  s'était  fait  initier  à  la  doctrine  des  Fati- 
mides  et  était  venu  au  Caire,  auprès  du  khalife,  pour  compléter  son 
initiation.  Ses  intrigues  le  firent  bientôt  chasser,  mais  il  fonda  en  Perse, 
après  la  prise  d'Alamoùt,  une  secte  qui  n'était  qu'une  branche  des  Fati- 
mides,  tant  que  Mzàr  continua  d'être  héritier  présomptif.  A  la  mort  d'al 
Moustansir,  le  vizir  al  Afdal,  alors  tout  puissant,  fit  reconnaître  un 
autre  fils,  qui  fut  proclamé  khalife  sous  le  nom  d'al  Mousta'lî.  Nizâr 
s'enfuit  à  Alexandrie,  mais  ne  put  tenir  tête  à  al  Afdal,  qui  s'empara  de 
lui  et  le  fit  mettre  à  mort,  llasan  ibn  Sabbàh  maintint  que  l'imâmal 
n'appartenait  qu'au  seul  Nizâr.  Sa  secte  devint  celle  des  Nizârîyat.  Ibn 
Mouyassar  nous  dit  (p.  68)  qu'on  leur  donnait  différents  noms  :  en 
Syrie,  al  Ilachlchhjat;  a  Alamoût,  al  Ba(iniijat  et  al  Malàhidat ;  dans  le 
Kbourasàn,  at  Ta'lhnhjat;  et  que  leur  nom  général  était  :  al  hma'ilhjat. 
En  réalité,  ces  noms  appartenaient  à  la  secte  des  Fatimides;  seuls  les. 
deux  premiers  leur  furent  propres  :  celui  d'an  Nizâriyat,  qui  leur  venait 
de  l'imâm  reconnu  par  eux,  et  celui  d'al  Hachîchîyat,  qui  leur  venait 
d'une  pratique  spéciale  du  hachich,  qui  leur  fut  attribuée  à  tort  ou  à 
raison.  C'est  de  ce  dernier  nom  que  les  Français  des  Croisades  ont  tiré 
celui  d'Assassins. 

Ainsi  le  Dastoùr  a  été  rédigé,  sans  qu'il  y  ait,  je  crois,  l'ombre  d'un 
doute,  par  un  partisan  de  la  secte  des  Assassins,  (iomme  la  mort  de 
Nizâr  n'y  est  [)as  mentionnée  et  que  le  titre  d'émir  conféré  à  ses  fils 
semble  indiquer  qu'ils  sont  vivants  ,  il  faut  en  placer  la  rédaction  peu 
de  temps  après  la  mort  d'al  Moustansir. 

J'avais  pensé  un  moment  à  en  attribuer  la  conqiosition  à  llasan  ibn 
Sabbâb  lui-même'' ,  ce  qui  lui  aurait  conféré  une  importance  nouvelle, 
mais  je  crois  que  ce  personnage,  fondateur  même  de  la  secte,  est  dési- 
gné dans  un  autre  passage.  C'est  au  fol.  3k'è  r°;  l'auteur,  parlant  d'al 
Moustansir,  dit  : 

5^_Cu>    r j  g  \n    (W«   *-»_9    3J^.SîL^    Lj«j    *_)L|^_i^l^    (wOL*-n<    iJU.u>    (jl    (?)  j,-..A<>    Iv-^ij    U^} 

(lire  :  x>^>>  ) 

il  faisait  souvent  allusion  à  l'année  470  et  à  toutes  les  manifestations  nou- 
velles de  sa  dortrine  (jui  s'y  étaient  produites; 

t'^  D'aprôs  Hàdji  Khalfa,  il  serait  l'autour  d'un  ouvrage  sur  la  sphère  : 
»J3|  <_.Uj,  Lexicon  bibliographicuin ,  éd.  Kliijfel ,  Loudres,  i85o,  t.  V,  p.  i^io, 

n"  \{)h  I  7. 


132  JANVIER-MARS   1922. 

et  il  ajoute  : 

Or  TaiTivée  vers  lui  de  notre  mailre,  que  Dieu  le  garde!  eut  lieu  en  celte 
année. 

Ce  maître,  comme  l'indique  l'eulogie,  est  vivant  et,  à  cette  époque, 
ce  ne  peut  être  que  Flasan,  le  premier  des  fjrands-maîtres  de  la  secte. 
D'après  le  récit  qu'il  a  fait  de  sa  propre  vie  et  que  nous  ont  rapporte 
deux  historiens  persans,  Mirkhond  et  Rachîd  ad  din,  c'est  en  671  que 
Ilasîin  serait  ài-rivé  en  Egypte  et  il  n'aurait  pas  rencontré  personnelle- 
ment al  Moustansir '''.  Mais  en  examinant  de  près  le  texte  de  Rachid  ad 
din  que  M.  Blochet  a  eu  l'obligeance  de  me  signaler  et  de  revoir  pour 
moi,  il  me  paraît  vraisemblable  qu'il  a  débarqué  à  la  fin  de  Ayo.  Quant 
aux  termes  mêmes  du  Dastoùr  :  xJ\  J^^sj,  ils  ne  doivent  pas  nécessaire- 
ment être  interprétés  par  une  rencontre,  mais  par  une  mise  en  relation. 
Effectivement,  ilasan  dit  que,  sans  le  voir,  al  Moustansir  ne  cessa  d'être 
en  rapports  suivis  avec  lui.  Il  rapporte  qu'il  quitta  Ispahân  pour  se 
mettre  en  marche  vers  l'Egypte  en  ^6f),  se  rendit  successivement  en 
Adherbeidjàn,  à  Mayàfârikin,  iMossoiil,  Sindjàr,  Damas;  delà  à  Bey- 
roùt,  Saïdâ,  Soùr,  'Akkâ  et  Kaïsarîyat.  C'est  dans  ce  port  de  Syrie  qu'il 
s'embarque  et,  après  une  navigation  de  sept  jours,  il  entre  en  Egypte 
pai'  le  port  de  Tinnis.  Void  comment  il  s'exprime  : 

3'  [p-  t'7]    (s^^^  <^i'^\  *jyx>»  injyiûlji  .>jOv.=^  ^6  (lire  :  ^«-i.*)  j«^?Jt-«  t4-^  '•?r!  )^) 
y' — *-ao' — à-  ^l-j  .  1,1  «  y...^l  Ov^>*ur  l^/yX^  Xj-~iè'JLi  U>.^^.ui  JkjLjtjJ^  ^w. J. « .«t/j  ^^.Xi.! 

v_».L->    I-l-j    t_jl.I=J.V    yl^l-jj    ^buuJ    IjJvjww     (jt  t-lK  y<>.lj    c>JLt\-u.lj    ^yLo^    Ij    yO—t-Oj 

.XJ^y^  tX.>..-fc    Lj.X:s.w  yi  (jo— L«  isJoLlr».    ^^  8^^  f\     iijLi*i/  c:>IJoj 

''*  Auteurs  cités  par  M.  Blochet,  La  Messianisme  dans  l'hétérodoxie  musiil- 
uiane,  Paris,  i(jo3,  p.  io5-iO(),  d'après  le  Rauzel-elséfa,  paru  dans  Nodces 
el.  Extraits  des  Manuscrits  de  la  Biblioth.  Impér.,  181H,  t.  IX.  p.  i/i3  [trad. 
de  Jourdain:  ^  éd.  de  Bombay,  1966,  t.  IV,  p.  63  |  et  ie  Djdini'  at  tawdrihii 
(BihI.  Nat.,  ras.  suppl.  pers.  ,  n"  i36/i,  p.  G(>  et  07). 


SOCIETE  ASIATIQUE.  133 

et  de  là  à  ai  Maks  qui  esta  la  limite  d'al  Kdhirat  (le  Caire)  d'al  Mou'izz'"'. 
Nombre  des  grands  personnages  de  la  cour  vinrent  à  sa  rencontre,  dont  Aboù 
Dàoùd  qui  était  dà'i  des  dà'is  et  le  chérif  Tàhir  Kazwini,  qui  était  parmi  les 
gens  notables.  Le  mercredi,  18°  jour  de  Sal'ar  ^71,  notre  seigneur  t'-J  arriva  à 
al  Kàliirat  d'al  Mou'izz.  Al  Mouslansir  billah  envoya  des  familiers  et  des  cour- 
tisans pour  féliciter  et  complimenter  notre  seigneur  et  il  donna  des  ordres 
pour  qu'il  fnt  traité  avec  égard  et  considération.  Il  demeura  là  durant  une 
année  et  demie  et,  quoique  pendant  toute  la  durée  de  son  séjoiu-  il  n'eût  pas 
vu  al  Moustansir,  celui-ci  ne  cessa  de  s'informer  de  sa  situation  et  de  faire 
prendre  de  ses  nouvelles,  si  bien  que  les  courtisans  conçuient  de  la  jalousie 
contre  notre  seigneur. 

Non  seulement  le  Dastoûr  a  été  rédigé  par  un  partisan  de  la  secte  des 
Assassins  contemporain  de  Hasan  ibn  Saljbali,  mais  j'ai  des  raisons  de 
croire  que  noire  manuscrit  est  autographe.  En  l'examinant  de  près, 
j'avais  été  frappé  de  l'allure  persane  de  l'écriture  et  celle  première  im- 
pression était  confirmée  par  les  deux  notes  écrites  en  persan,  que  j'ai 
signalées  plus  haut,  d'un  ty[)P  très  voisin  de  l'écriture  du  manuscrit  et 
cependant  évidemment  postérieures  à  sa  rédaction.  En  matière  de  paléo- 
graphie arabe,  il  convient  d'être  1res  prudent.  Je  soumis  donc  mon 
observation  à  M.  Blochet,  qui  se  tint  sur  la  réserve,  tout  en  reconnais- 
sant qu'il  avait  eu  jadis  l'impression  que  le  manuscrit  était  autograpbe, 
mais  qu'il  en  était  revenu.  iVlîrza  Mouliammad  Kazwînî,  le  savant  édi- 
teur de  divers  ouvrages  persans,  consulté  à  son  tour,  fut  de  mon  avis. 

L'aspect  du  manuscrit  est  assez  étrange  et  rend  très  invraisemblable 
riiypothèse  qu'il  ait  été  écrit  par  un  copiste  de  profession.  Les  lignes 
sont  souvent  allongées,  surtout  dans  les  titres,  et  débordent  de  la 
marge.  Des  blancs  ont  été  laissés  de  façon  très  irrégulière  dans  un  très 

(')  Al  Maks,  qui  répond  aujourd'bui  à  l'étang  (devenu  le  jardin)  de  l'Izbe- 
kiyeb,  était  à  cette  époque  sur  le  Nil,  et  servait  de  port  au  Caire;  cf.  Ra- 
VAissE,  Essai  sur  l'histoire  cl  sur  la  Uipugrapliic  du  Caire,  dans  Mémoires 
publiés  par  les  membres  de  la  Mission  archéologifiue  française  au  Caire,  Paris, 
1887,  t.  I,  p.  Z116 ,  n.  1,  et  p.  /i5/i  :  plan  général.  De  Tinnis  à  ai  Maks, 
Hasan  était  venu  par  le  Nil,  comme  cela  parait  certain,  llien  n'empéciie  qu'il 
ait  séjourné  deux  ou  trois  mois  dans  cette  localité  avant  d'entrer  au  Caire 
même.  On  peut  donc  admettre  avec  l'auteur  du  Dastoi'ir  qu'il  était  en  Egyjjte 
dès  la  fin  de  ^70,  le  mois  de  Safar  dont  il  est  parlé  ensuite  étant  le  deuxième 
de  l'année  musulmane. 

(-*  Le  texte,  au  début,  reproduisait  Tautobiograpliie  de  Ilasau,  (pii  parlait 
à  la  première  personne,  jusqu'à  l'arrivée  à  Mayàfàrikîn,  puis,  brusquement, 
l'auteur  le  fait  parler  à  la  troisième  personne  et  même,  ce  <{ui  <'st  étrange,  le 
désigne  sous  ce  titre  bonorificpie  :  notre  seigneur. 


i:U  JANVIER-MARS   1922. 

grand  nombre  de  pages  et  ces  blancs  ont  été  remplis,  après  coup, 
d'écritures  de  diverses  mains,  dont  quelques-unes  certainement  tardives 
et  allant  jusqu'au  vu'  siècle  de  l'hégire  ou  au  delà.  Ces  écritures,  tracées 
dans  tous  les  sens,  s'amalgament  plus  ou  moins  au  texte,  soit  comme 
complément,  soit  comme  commentaire.  Une  d'elles  paraît  avoir  été  rédi- 
gée vers  l'année  5oo,  ce  qui  placerait  par  conséquent  l'original  entre 
/487,  date  relevée  précédemment,  et  5oo;  et  cela  correspond  tout  à  fait 
à  l'époque  que  j'assigne  à  la  composition  du  Dnsloiir.  Voici  le  texte  de 
cette  note.  Au  fol.  289  r°  commence  un  cliapitre  (k°  jad  de  la  7'  mn- 
hàlat)  traitant  du  mouvement  de  la  sphère  dit  d'accès  et  de  recès^'^  sui- 
vant la  doctrine  des  constructem^s  de  talismans  :  2\_^Ju»  JJjJl  iL5j.^  j 
caLftJUaJi  cjLaï'l  L^Jv.»  J^  lj?>-«j.  L'auteur  n'est  pas  cité  et  il  ne  peut 
èti-e  celui  du  Dasloùr,  car,  pariant  de  ses  propres  observations  en  correc- 
tion de  celles  de  Ptolémée,  il  dit  les  avoir  faites  7^8  ans  après  lui,  donc 
eu  88/4 ,  puisque  c'est  en  i4i  de  notre  ère  que  Ptolémée  fit  ses  observa- 
tions'"'', si  l'auteur  compte  par  années  solaires,  ou  vers  862,  s'il  compte 
par  années  lunaires.  Ce  sera  donc  aux  environs  de  l'année  260  de  l'Hé- 
gire dans  le  premier  cas'^',  de  2/40  dans  le  second,  de  toute  façon  bien 
avant  l'époque  où  fut  compilé  le  Dastoùr. 

L'auteur  parle  donc  des  périodes  de  6ko  ans  pendant  lesquelles 
s'elfectue  le  mouvement  de  la  sphère  et  le  texte  s'arrête  vers  la  lin  du 
fol.  960  r°  en  laissant  un  blanc  qui  est  rempli  par  cette  note  écrite  ver- 
ticalement : 

!.>>.„<-•  J  (^1  ^If  A.,JLc  Ljj;  »jO"  iUUJi  yy-~J!  >>j^.>jj  ^jA  yjiJi  ik-uJI  Jji)  *JU<« 

(')  Ce  mouvement,  appelé  aussi  trépidation  des  flxes,  a  été  inventé  pour 
expliquer  les  irré|j[uiarilés  du  mouvement  dit  de  précession  des  équinoxes. 
Voir  à  ce  sujet  Delamure,  Histoire  de  l'astronomie  au  Moyen  Age,  Paris.  i8i(). 
p.  73-75,  173-175,  362-97^;  Sédillot,  Mémoire  sur  les  instruments  astrono- 
miques (les  Arabes,  Paris,  18/11,  p.  3i;  Le  même.  Matériaux  pour  serrir  à 
l'histoire  comparée  des  sciences  mathématiques ,  II,  Paris,  i86y,  p.  A63;  Rki- 
NAUii,  Géojp-aphie  d'Aboulféda,  Introd.,  Paris,  18 '18,  p.  xlvii;  etc.  J'aurai  pro- 
bablement l'occasion  d'en  parler  prochainement  dans  le  présent  Journal. 

^*^  De  12G  à  ll^l,  d'après  Tannery,  dans  la  Grande  Encyclopédie,  S  Pto- 
émée. 

W  C'est  celte  date  qui  me  paraît  la  plus  probable;  elle  permet  d'attribuer 
ce  texte  à  Tliàhit  ibn  Kourrat  (291-988),  qui  est  précisément  l'auteur  de  la 
théorie  de  la  trépidation,  reuouvelée,  il  est  vrai,  de  Tliéon.  Voir  DEi.AMnitE, 
op.  cit.,  p.  173-175  et  Uisl.  de  l'uslronomie  ancienne,  Paris.  1H17.  Il,  p.  Oaa- 
627. 


SOCIETK   ASIATIQUE.  135 

-LxJ  ïL-^Ji^  Tcv  jL-syJ  jj,  ^y^y^  ■^>^h  ))-^  ër^  b^-''^  ^'^'  '■^'^^'  "^y^^ 

j   tJUiJI    i^Ov^-^  l^JU^Jl    BÔv^  jw*  Â;~^»<.4'«   XÀ.U/   yA.C   .iiJ^   L.iriV'il   .XÀjcJ  ÂJUu  ^   jLo^l 

Par  exemple,  soit  le  début  de  l'an  /176  de  l'ère  de  Yezdedjerd-,  le  nombre 
des  années  écoulées  est  476.  Ajoutons-y  792  qui  représente  le  début  du  mou- 
vement de  retour  (de  la  sphère)  avant  cette  ère,  il  viendra  :  1267.  Divisons 
par  6/10  qui  est  la  période  du  mouvement  de  la  sphère  en  accès  et  recès,  le 
quotient  sera  1  cycle  entier  pour  le  retour,  et  le  reste  sera  pour  l'accès  :  627. 
Pour  achever  une  période  d'accès  il  faudra  encore  i3  ans  [697  -f  i'^  =6/io]. 
A  l'expiration  de  i3  années  solaires  à  partir  de  cette  année  (de  Yezdedjerd) 
la  sphère  commencera  le  retour  et  cela  sera  en  l'an  5i3  de  l'hégire,  héjjire  du 
Prophète  Mouhammad,  etc. 

Comme  on  le  voit,  la  théorie  fait  oscilier  la  sphère  tantôt  dans  un 
sens  (accès)  pendant  6^0  ans,  tantôt  dans  l'auti-e  (recès)  pendant  le 
même  laps  de  temps.  A  la  fin  de  la  première  période  il  y  a  retour  c.^^.  de 
la  sphère.  L'ère  de  Yezdedjerd  commence  en  689  de  notre  ère.  Le  début 
du  dernier  mouvement  de  recès  était  792  ans  avant,  soit  160  ans  avant 
J.-G.  Le  mouvement  d'accès  commençait  en  /i8o  de  notre  ère  et  finis- 
sait en  1120,  que  l'auteur  identifie  avec  5i3  de  l'hégire,  ce  qui  est 
rigoureusement  exact,  ou  488  de  Yezdedjerd,  ce  qui  est  également 
exact,  puisque  les  années  de  cette  ère,  suivant  le  comput  persan,  équi- 
valent aux  années  juliennes  (63a  +  488  =  1  lao). 

Il  résulte  de  là  qu'au  moment  où  cette  note  est  écrite,  on  est  dans 
l'année  476  de  Yezdedjerd  ou  à  peu  près,  et  que,  i3  années  solaires 
après,  on  sera  à  l'an  5i3  de  l'hégire.  Il  faut  donc  assigner  au  manuscrit 
qui  contient  celte  note  une  date  voisine  de  5oo  de  l'hégire,  et  ceci  con- 
firme notre  hypothèse  ([u'il  est  autogi-aphe. 

On  peut  admettre,  par  la  physionomie  persane  de  l'écriture,  qu'il  a 
été  rédigé  au  siège  même  de  la  secte,  dans  la  fameuse  citadelle  d'Ala- 
moût.  Comme  me  le  rappelait  très  justement  Mîrzâ  Mouhammad  Kaz- 
wînî,  lorsque  Houlagou  détruisit  cette  forteresse,  on  y  trouva  beaucoup 
de  livres  d'astronomie;  le  moustaufi  'Atà  MaJik  Djouwainî  en  sauva 
quelques-uns  de  la  destruction  ^'\  Peut-être  le  manuscrit  acquis  par 
Schefer  est-il  un  de  ceux  qui  ont  échappé, 

Casanova. 

O  The  Tarihh-i-jahdn-gmchd  oj  'Ald'u  'd-din.  'Atà  Malih-i-Juwaijni .  .  : 
edited.  .  .  bij  Mirzà  Muhammad  ibn  ' Abdu'l-Wahhàb-i-Qazwim ,  dans  Gibb  Me^ 


136  JANVIER-MARS   1922. 

SÉANCE  DU  10  MARS  1922. 
La  s(?ance  est  ouverte  à  5  heures,  sous  la  présidence  de  M.  Senart. 

Étaient  présents  : 

M.  HcART,  vice-président;  M""  Grabowska  et  Massieu;  M"°  Lalou; 
MM.  Allotte  de  la  Foye,  Bloch,  Bolrdais,  Bouvat,  A.-M.  Boyer,  Ga- 
BATON,  Gasanova,  Danon,  Delaporte,  Dussaud,  Fadeggon,  Ferrand, 
Fevret,  Goloubew,  Graffin,  Hariz,  Mayer  Lambert,  Madrolle,  Maître, 
Marchand,  Maspero,  Masson-Oursel,  Meillet,  Minorsky,  Moret,  Ort, 
Pelliot,  Przyluski,  Sidersky,  Stern,  Worms,  membres;  Thureau-Dangin, 
secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  i  o  février  est  lu  et  adopté. 

Sont  élus  membres  de  la  Société  : 

M"*    0.  Trognon,  présentée  par  MM.  Senart  et  Gaudefroy-Demom- 

BYNES; 

MM.  Banerji  Sastri,  présenté  par  M°"  Grabowska  et  M.  Bloch; 
G.  DucROQ,  présenté  par  MM.  Hdart  et  Minorsky; 
Gharles-F.  Jean,  présenté  par  MM.  Gontenau  et  THLREAlI-DANGI^  ; 
P.  Lasglois,  présenté  par  MM.  Moret  et  Hackin; 
J.  Lecerf,  présenté  par  MM.  Boyer  et  Gaudefroy-Demombynes: 
Pézard,  ])résenté  par  MM.  Dussaud  et  Thureau-Dangin  ; 
Ph.  DE  Tarazzi,  présenté  par  MM.  Ferrand  et  Bouvat. 

M.  WoRMS  expose  une  hypothèse  sur  la  lecture  possible  de  quelques 
noms  propres  égyptiens  composés  avec  les  verbes  (|]|'  ms  et  _^  ,  htp, 
derrière  lesquels  certaines  variantes  en  ^  w  final  lui  paraissent  indi- 
quer qu'il  faut  rétablir  le  pronom  régime  de  la  première  personne 
^  ^^  m,  apocope  suivant  un  usage  bien  établi  à  l'époque  memphite, 

morial,  XVI,  i,  Leyde  et  Londres,  191  a,  préface  de  Tédileur,  p.  98.  D'après 
lui,  et  les  deux  textes  qu'il  cite  en  note  sont  lout  à  fait  probants,  'Atà  Malik 
n'a  Itrùlé  que  les  livres  traitant  de  la  doctrine  de  la  secte  et  a  conservé  Gorans, 
livres  précieux,  instruments  astronomiques,  etc.  Je  ne  m'explique  pas  que 
Quatrenièrc  lui  attribue  la  destruction  de  ces  instruments  {Mines  de  l'Orient, 
Vienne,  1809,  l.  I,  p.  aai).  Hammcr  l'a  répété  après  lui  {Histoire  de  l'Ordre 
des  .issassins,  trad.  franc.,  Paris,  i833,  p.  278-,  corriger  à  la  fin  de  la  note 
de  la  page  279  :  11,  p.  220  en  :  I,  p.  aao). 


SOCIETE  ASIATIQUE.  137 

et  qui  aurait  persisté,  pour  la  graphie  des  noms  propres,  aux  époques 
postérieures.  Ainsi,  f  „,„^  ^  ,,  """^11)1  seraient  à  lire  ']iHn-htp-[m), 
'l'h-ms-{wt),  Amm  s'unit  à  moi,  Aali  m'a  enfanté. 

M.  MoRET  incline  à  croire  que  l'hypothèse  n'est  pas  vraisemblable 
pour  les  noms  en  ^  ,,  où  il  voit,  avec  Sethe,  un  p^eiulo-participe, 
sans  se  prononcer  de  manière  catégorique  pour  les  nonjs  en  \\]\'. 

M.  GoLoiBEw,  membre  de  l'Ecole  française  d'Extrême-Orient,  fait  le 
récit  de  ses  voyages  au  Cambodge  et  dans  le  Centre-Annam  en  igso- 
1921,  ainsi  qu'un  bref  exposé  des  divers  travaux  archéologiques  dont  il 
a  pu  suivre  la  progression  pendant  son  séjour  en  Indo-Chine.  Au  cours 
de  ces  voyages,  M.  Coloubew  a  accompagné  M.  Finot,  directeur  de 
l'Ecole,  et  M.  Parmentier,  chef  du  Service  archéologique,  aux  ruines  de 
Banteai  Chmar  (province  de  Sisophon),  dont  il  a  spécialement  étudié 
le  décor  plastique  et  les  bas-reliefs  historiques  sculptés  sur  les  murs  de 
la  première  enceinte.  Un  très  intéressant  groupe  de  monuments  mono- 
lithes ornés  de  sculptures  mahâyànistes  a  été  découvert  par  la  mission 
de  l'Ecole  française  près  de  Phnom  Srok,  au  N.-O.  d'Augkor.  Dans 
le  Centre-Annam,  M.  Goloubew  a  visité  la  vallée  de  Mï-so'n,  où  des 
fouilles  très  fructueuses  ont  eu  lieu  en  1908-1904  sous  la  direction  de 
H.  Parmentier  et  (îh.  Carpeaux,  ainsi  que  les  restes  du  monastère 
bouddhique  de  Bông-du'ùng  et  le  sanctuaire  civaïte  de  Pô  Nagar.  Le 
nombre  de  clichés  pris  par  M.  Goloubew  au  cours  de  sa  mission  atteint 
environ  1,900.  Une  série  de  sculptures  khmères,  composée  de  sept 
pièces  et  destinée  au  Musée  Guimet,  a  été  rapportée  eu  France.  Elle 
figurera  à  l'Exposition  coloniale  de  Marseille. 

La  séance  est  levée  à  six  heures  trois  quarts. 


CORRESPONDANCE. 

«Nous  sommes  heureux  de  publier  la  lettre  suivante  de  notre  excel- 
lent confrère,  M.  Goloubew.  Elle  vient  en  appendice  à  la  belle  com- 
munication de  M.  A.  Foucher  qui  a  paru  précédemment  ici  (t.  XVll', 
1921).  Au  moment  où  le  service  archéologique  de  l'Inde  multiplie 
ses  effoils  pour  pi-éserver  et  rendre  accessible  au  public  ce  qui  reste  des 
fameuses  peintures  d'Ajanlà,  ce  n'est  que  justice  de  rappeler  Tinilialive 
active  et  généreuse  qu'avait  spontanément  prise  M.  Goloubew  pour  en 
obtenir  et  en  répandre  l'image  fidèle.  Rien  ne  peut  faire  oublier  celte 


138  JANVIEH-MARS    1922. 

remarquable  documentation  photographique.  Tant  par  sa  date  que  par 
l'autorité  qui  s'attache  aux  piocédés  de  reproduction  mécaniques,  elle 
représentera  un  contrôle  toujours  précieux.  Elle  demeureia  un  titre 
d'honneur  durable  pour  son  habile  et  savant  auteur,  n  [E.  Senart.] 

Hanoi,  le  7  octobre  1921 . 
Monsieur  et  cher  Président , 

Je  viens  de  lire  dans  le  n°  2  (t.  XVII)  du  Journal  Asiatique,  la  lettre, 
si  intéressante,  si  riche  en  données  nouvelles,  que  M.  A.  Foucher  vous 
a  adressée  d'Ajantâ  en  mars  1920.  Tout  en  me  rappelant  la  visite  que  je 
Hs  aux  célèbres  grottes  bouddhiques  en  1910,  cette  lettre  évoque  le  sou- 
venir d'un  travail  que  j'avais  entrepris,  il  y  a  dix  ans,  sous  d'excellents 
auspices  et  que  j'ai  dii  interrompre  plus  tard ,  à  la  suite  de  circonstances 
défavorables. 

Je  me  suis  rendu  à  Ajanfâ  en  novembre  1910  dans  un  but  déterminé. 
Il  s'agissait  de  photographier  les  fresques  et  de  compléter  par  une  série 
de  documents  inattaquables,  établis  selon  des  procédés  mécaniques, 
l'œuvre  forcément  fragmentaire  de  Lady  Herringham  et  de  J.  Gritïiths. 
Six  mois  plus^  tard  je  revins  à  Paris  avec  environ  trois  cents  clichés  de 
gi'aud  format  et  je  me  mis  de  suite  h  préparer  un  nouveau  voyage  dans 
l'Inde,  au  cours  duquel  les  travaux  commencés  dans  les  grottes  d'Ajan la 
devaient  être  repris  et  achevés.  Le  tout  était  destiné,  dans  ma  pensée,  à 
une  grande  publication  conçue  à  la  façon  d'un  répertoire  photographique. 
C'est  en  automne  191/1  que  je  devais  repartir.  Mais  la  guerre  éclata ,  et 
mon  projet  fut  abandonné.  Quant  aux  photographies  rapportées  par 
moi ,  elles  figurèrent ,  en  1911,3  l'Exposition  indienne  du  Grystal  Palace , 
oîi  un  grand  prix  et  une  médaille  d'or  leur  furent  décernés.  J'ai  eu,  en 
outre,  l'honneur  d'en  faire  projeter  quelques-unes  au  cours  de  votre 
séance  générale  de  la  même  année.  Des  collections  d'épreuves  furent 
olferles  à  l'Académie  Impériale  des  Sciences  de  Saint-Pétersbourg,  au 
Musée  (îuimet,  au  Musée  Gernuschi,  aux  Universités  de  Tokyo  et  de 
Vienne,  à  diverses  sociétés  savantes.  La  Biblothèque  d'Art  et  d'Archéo- 
logie en  possède  une  série  complète. 

Malgré  les  difiicultés  avec  lesquelles  nous  avions  à  lutter,  mon  opéra- 
teur et  moi,  je  crois  avoir  obtenu  de  bons  résultats.  Aucun  détail  ne 
manque  sur  mes  clichés.  Pris  sur  des  plaques  orthochromatiques  dans 
des  conditions  d'éclairage  spécialement  étudiées  par  moi,  ils  ne  laissent 
rien  k  désirer  quant  à  la  netteté  de  l'image.  A  l'heure  actuelle,  ils 
constituent  un  ensemble  qu'il  serait  fort  dillicile,  sinon  impossible,  de 
refaire  et  dont  l'importance  ne  saurait  échapper  à  ceux  qui  se  sont  inté- 


SOCIETE   ASIATIQUE.  139 

ressés  aux  rcprobièmes  d'Ajanlâ^.  Que  je  ne  sois  pas  seul  à  penser  ainsi, 
c'est  ce  qui  resuite  du  lait  que  la  Kokka  publia  en  1917  un  nombre  con- 
sidérable de  mes  photographies  et  (ju'un  groupe  de  savants  et  d'artistes 
japonais  examine  en  ce  moment  les  moyens  de  continuer  la  tâche  que 
j'avais  commence'e. 

C'est  en  automne  1919  que  j'appris,  par  hasard,  que  le  Service  Ar- 
chéologique de  l'Inde  avait  repris  contact  avec  les  grottes  si  longtemps 
laissées  sans  surveillance  et  comme  oubliées  par  lui,  et  que  l'on  songeail 
à  publier  Ajanlà.  Ce  fut  pour  moi  une  bonne  nouvelle.  J'écrivis  sponta- 
nément à  Sir  John  Marshall,  alors  de  passage  à  Londres,  en  lui  signa- 
lant les  résultats  obtenus  au  cours  de  mon  voyage  à  Ajanlâ  et  mon  désir 
de  mettre  à  son  entière  disposition  la  totalité  de  mes  documents.  11  me 
ri'pondit  de  suite,  en  me  remerciant  en  termes  courtois  de  mon  oflVe. 
mais  il  m'apprit  en  même  temps  qu'il  ne  pouvait  pas  en  tirer  un  grand 
avantage,  vu  qu'il  était  question  non  pas  d'un  ouvrage  du  type  ordi- 
naire, illustré  de  planches  phototypiques  ou  d'héhogravures,  mais  d'une 
publication  en  couleurs  dont  la  réalisation  imposait  des  procédés  tech- 
niques spéciaux.  Ce  projet  me  causa  quelque  surprise.  J'ai  eu  plusieurs 
l'ois  l'occasion,  au  cours  de  ma  carrière  d'historien  d'art,  d'étudier  et  de 
publier  des  monuments  anciens  dont  l'état  de  conservation  i-appelait  celui 
des  peintures  d' Ajanlà.  Je  savais  également  à  (juelles  dillicultés  s'étaient 
heurtés  ceux  de  nos  collègues  'qui  avaient  songé  à  reproduire  en  fac- 
similé  les  fresques  souterraines  d'Egypte,  celles  des  catacombes  et  des 
tombeaux  étrusques.  Je  demeurais  donc  sceptique  à  l'égard  des  résultats 
t|ue  Sir  John  Marshall  espérait  obtenir,  tout  en  lui  souhaitant  par  la 
pensée  une  brillante  réussite.  L'expérience  que  viennent  de  faire  M.  Fou- 
cher  et  l'éminent  chef  de  l'Archaeological  Survey  a  malheureusement  ' 
confirmé  mes  doutes.  Faut-il  de  ce  fait  renoncera  la  partie?  Certes  non  ! 
D'ailleurs,  le  problème  qui  se  pose  n'est-il  pas  en  somme  déjà  résolu? 
Les  clichés  d'Ajantâ,  déposés  au  Musée  Guimet,  à  la  section  photogra- 
phique, créée  l'année  dernière,  sont  accessibles  à  tout  le  monde.  Ils 
pourraient  être  de  suite  utilisés  par  celui  qui  entreprendrait  la  belle  et 
grande  lâche  de  faii-e  connaître  au  public  les  plus  anciennes  peintures  de 
riude.  On  peut  les  compléter  sans  courir  les  risques  d'un  échec  coûteux. 
Rien  de  plus  facile  aussi  que  d'ajouter  aux  documents  photograpbicpies 
quelques  notations  de  couleurs  prises  sur  place.  Intégralement  j)ublié, 
cet  ensemble  lendrait  de  plus  grands  services  h  la  Science  qu'un  album 
de  calques,  exécutés  par  des  artistes,  sans  doute  pleins  de  bonne  volonté 
et  d'ardeur,  mais  inca[)ables  de  saisir  la  dilïérence  entre  une  ligne  réelle 
et  une  ligne  imaginée. 


1/iO  JANVIER-MARS   1922. 

Pendant  mon  séjour  à  Ajantà,  je  pus  me  rendre  compte  des  obstacles 
que  rencontrait  le  travail  inliniment  consciencieux  de  Lady  Herringliam 
et  de  ses  aides.  Les  rugosités  des  parois  peintes  arrêtaient  à  chaque  instant 
le  tracé  du  crayon  qui  suivait  les  contours  à  peine  visibles  à  travers  le 
papier.  11  était  en  même  temps  indispensable  de  tenir  compte  du  danger 
que  présentait  la  moindre  pression  exercée  par  les  doigts  du  copiste  sur 
la  surface  écailleuse  des  fresques.  La  destruction  de  toute  une  peinture 
pouvait  en  résulter.  Ce  n'est  que  grâce  à  des  précautions  minutieuses 
que  pareil  désastre  a  pu  être  évité.  Que  de  fois,  dans  ces  conditions, 
fallait-il  recommencer  un  calque,  le  dessinateur  s'étant  trompé  dans  la 
lecture  d'un  détail!  Parfois  aucune  indication  linéaire  n'était  discernable 
sur  la  serpente,  par  suite  du  mauvais  état  de  la  fresque.  C'est  alors,  et 
personne  ne  songera  à  blâmer  l'artiste,  que  la  fantaisie  érudite  et  pieuse 
se  substituait  à  la  réalité .  .  .  Quiconque  a  manié  le  calquoir  connaît  ce 
genre  de  tentation  :  l'horreur  du  vide,  qui  s'insinue  dans  l'âme  du  co- 
piste au  fur  et  à  mesure  que  son  travail  avance  et  qu'apparaissent  les 
inévitables  lacunes  dues  à  la  mauvaise  conservation  de  l'original  !  J'avais 
essayé  moi-même,  à  plusieurs  reprises,  de  calquer  quelques  motifs 
d'Ajantâ,  utiles  à  mes  études  de  style.  Je  n'obtins  que  des  résultats  très 
insuflisants.  Et  pourtant,  il  s'agissait  dans  mon  cas  de  surfaces  relative- 
ment minimes,  ne  dépassant  pas  un  mètre  carré! 

Qu'il  me  soit  permis  d'ajouter  à  ceci  une  autre  remarque  de  caractère 
technique.  Les  peintres  d'Ajantâ,  dit  M.  Foucher,  crn'étaient  pas  de  purs 
coloristes 7).  D'accord!  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  la  j)lupart  des 
peintures  conservées  dans  les  grottes  sont  exécutées  selon  un  procédé  (pii 
fait  songer  aux  fresques  de  Pompéi,  c'est-à-dire  que  la  couleur  pâteuse 
et  crûment  appliquée  à  la  surface  murale  écrase  souvent  les  contours  et 
déborde  pour  ainsi  dire  sur  la  silhouette  dessinée  qui  se  trouve  de  ce  fait 
presque  effacée.  Aucun  dessinateur  ne  saurait  faire  fuce  aux  diOicultés 
d'interprétation  qui  en  résultent.  Les  ouvrages  de  Lady  Herringham  et 
de  Griffîths  nous  en  fournissent  la  preuve.  Par  contre,  ces  mêmes  dilli- 
cultés  n'existent  ni  pour  le  photographe,  ni  pour  l'imprimeur  d'art. 

En  résumé,  la  question  d'Ajantâ  se  pose  ainsi.  Un  inventaire  photo- 
graphique, commencé  en  1910,  a  donné  des  résultats  satisfaisants  et 
peut  être  utilisé  pour  une  publication  à  grande  échelle  dont  Tintérêl 
scientin(|ue  est  hors  de  doute.  Il  ne  s'agit  que  de  continuer  cette  œuvre 
et  de  la  rendre  aussi  parfaite  que  possible  en  appliquant  aux  travaux 
futurs  le  bon  vieux  principe  :  l'union  fait,  la  force! 

V.  (lOLOOBEW. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  IM 

ANNEXE 
AU    PROCÈS-VERBAL    DE    LA    SEANCE    DU   13    MAI   1921. 

Il  est  bien  connu  qu'eu  Egypte,  au  temps  de  la  X1X°  et  de  la  XX°  dy- 
nastie, entre  i3oo  et  1900  av.  J.-C,  paraissent  dans  les  relations  pha- 
raoniques les  noms  d'une  quinzaine  de  peuples  d'outre-Méditerranée , 
dont  les  Égyptiens  rencontrèrent  des  représentants  sur  les  champs  de 
bataille  les  plus  divers,  à  la  solde  des  Kheta  de  la  Syrie  du  Nord  en 
fjucrre  avec  Ramsès  II,  avec  les  Libyens  qui  attaquent  Mineptah,  en 
dernier  lieu  constituant  les  Peuples  de  la  Mer  dont  Ramsès  III  repousse 
l'oflensive.  Ces  étrangers  sont  des  gens  de  l'Egée  ou  d'Asie  Mineure 
dont  les  désignations  se  laissent  identifier;  on  relève  parmi  eux  les  Poti- 
lousati  dont  on  retrouve  le  nom  ,  d'autre  part,  chez  les  Philistins  d'après 
qui  la  Palosùnc  est  nommée,  et  dont  la  documentation  biblique  permet 
de  situer  le  pays  d'origine  en  Crète. 

On  a  trace  des  mêmes  peuples  ultérieurement  aux  événements  où 
l'Egypte  fui  intéressée.  Outre  des  Poulousati  en  Palestine,  comme  on 
vient  de  le  dire,  à  l'époque  israéUte ,  on  retrouve  des  Zakkarou  un  peu 
plus  au  Nord  vers  l'an  i  loo  (documentation  égyptienne);  des  Shardina 
donnent  leur  nom  à  la  Sardaigiie,  des  Tourska  deviennent  les  Tyr- 
rliènes,  Tyrsènes,  Tusci,  etc.  d'Italie  (les  Gi-ecs  savent  que  Tijrshnes  ou 
Tyrrhènes  d'Italie  sont  des  ffLydiensfl),  des  Shakalasha  sont  peut-être 
les  Sicules,  et  des  Ouashasha  les  Osques.  Non  qu'il  faille  croire,  certes, 
que  ce  sont  les  bandes  mêmes  repoussées  par  les  Egyptiens  qui  se 
fixèrent  ainsi;  mais  leurs  congénères  émigraient,  essaimaient  vers  la, 
même  époque  dans  toutes  les  directions  de  la  Méditerranée. 

Parmi  ces  Maritimes  agresseurs  des  Egyptiens,  très  intéressants  sont 
les  Akalouasha  et  les  Dainiou,  dans  lesquels  l'égyptologie  reconnaît  de- 
puis longtemps  des  Achéeiis  et  des  Danaens.  Pour  Dainiou,  nulle  dilli- 
culté  à  voir  en  eux  des  Egéo-asiauiques,  étant  considéré  que  dans  la 
tradition  greccpie  même,  le  Danaos  dont  le  souvenir  est  attaché  à  Argos 
et  à  la  fondation  deMycènes,  venait  d'un  outre-mer  très  lointain.  Pour 
Akaiouaslia-Achécns ,  les  choses  vont  moins  simplement  :  Ucaiouaslia  est 
égéen  ou  carien,  très  probablement,  comme  tous  ses  voisins  de  la  liste 
égyptienne,  et  en  outre,  d'après  la  désinence,  comme  Toursha ,  Shaka- 
lasha et  Ouasliasha  cités  tout  à  l'heure;  niais  comment  concilier  le  fait 
avec  cette  auLie  circonstance,  que  les  Achéens  sont  des  Hellènes  de  la 
(irèce  continentale  ? 


\fr2  JANVIER-MARS   1922. 

Ubscivei',  loul  d'abord,  que  les  raisons  d'identifier  Akaiouasha  et 
AchépHs  sont  peut-êlre  plus  simples  et  plus  certaines  qu'il  n'a  été  aperçu 
jusqu'ici.  Car  dans  le  nom  reçu  et  transcrit  par  les  Egyptiens,  il  y  a  la 
désinence  -asha,  fréquente  dans  les  noms  de  la  liste,  et  qui  est  l'ethni- 
que asianique  bien  connu -AT02,  -acrcros  de  la  transcription  grecque 
ordinaire;  de  telle  sorte  que  pour  avoir  le  nom  sous  sa  forme  radicale, 
débarrassé  de  l'ethnique  suffixe  peut-être  par  quelque  cita  te  ur  de  langue 
carienne,  il  faut  le  réduire  à  Akniou,  qui  est  alors  kyjxtoi  pur  et  simple. 

Ceci  n'est  point  une  raison  de  croire  que  la  forme  première  du  nom 
est  l'asianique  :  une  fois  l'ethnique  asianique  ôté,  il  ressort  que  la  déri- 
vation est  également  possible  et  également  simple  dans  les  deux  sens , 
AWhalou  à  Àp^ajo/  ou  inversement.  Que  Akniou  de  la  relation  égyptienne 
soit  très  probablement  un  égéo-asianique ,  cela  résulte  seulement  des 
circonstances  dans  lesquelles  on  le  rencontre.  Mais  le  fait,  si  on  l'admet, 
est-il  en  contradiction  avec  celui  des  Achéens  considérés  d'ordinaire,  et 
ne  se  pourrait-il  pas  que  les  Achéens  primitifs  du  Péloponnèse  fussent  des 
Egéo-asianiques  immigrés  ? 

La  tradition  grecque  parait  le  savoir  très  bien.  On  y  trouve  qu'Argos, 
Tirynlhe,  Mycènes  sont  des  villes  antéhélléniques ,  fondées  par  des 
Egéeus,  Inakhos,  Danaos,  Pelasgos,  en  rapport  avec  le  Phrygien  Pelops, 
père  d'Atrée,  père  des  grands  achéo-péloponnésiens  de  la  tradition  ho- 
mérique, Agamemnon  et  Ménélas.  Agameiimon,  TAchéen  par  excellence , 
de  source  phrygienne,  rien  ne  semble  pouvoir  accuser  plus  clairement 
la  position  ethnique  primitive  des  Achéens,  et  l'on  se  tiendrait  à  la  sim- 
plicité séduisante  de  cette  conclusion  s'il  ne  se  dressait  d'aulre  pari,  à 
l'encontre  de  la  suppression  des  Achéens  hellènes,  des  difficultés  très 
graves." 

Dans  la  tradition  même  subsiste  une  dualité  extrêmement  irréduc- 
tible :  rf  Agamemnon T  jÂrygien,  mais  en  même  temps  hcllciu'  spécifi- 
quement, représentativement ,  et  avec  lui  la  chose  achéenne  tout 
entière.  Tout  se  passe  comme  .si,  dans  une  première  forme  tradition- 
nelle, V  historique  ou  Y  authentique ,  les  Pélopides  et  les  nations  qu'ils  re- 
présentent étaient  encore  égéo-asianiques,  et  que  dans  une  forme  de 
deuxième  stade  seulement,  V  homérique,  trAchéens'i  et  Pélopides  fussent 
englobés  dans  l'hellénisme.  Ceci  -suffirait,  dans  l'hypothèse  d' Achéens 
d'outre-mer,  à  expliquer  l'élaboration  de  la  tradition,  mais  le  terrain 
déblayé  de  ce  côte ,  il  se  j)résente  d'autres  objections  dans  le  domaine 
{>roprement  historique. 

Ces  objections  ressortent  de  l'ensemble  d'une  situation  linguistique 
qu'on  j)eut  résumer  en  disant  que  les  parlers  dorieus  de  l'e'poque  histo- 


SOCIETE   ASIATIQUE.  143 

riqiie  recouvrent  un  substrat  du  type  ancien  dont  la  famille  est  précisé- 
ment celle  que  les  Grecs  classent  sous  la  dénomination  à'nchéen  :  d'où  il 
ressort  qu'au  dessous  des  Doriens  il  faut  bien  qu'il  y  ait  eu,  comme 
l'histoire  traditionnelle  le  veut,  des  Achéens  helléniques. 

Pour  satisfaire  aux  nécessités  de  ces  divers  témoignages,  il  semble 
qu'il  faille  distinguer  des  Achéens  de  deux  périodes.  D'abord  VantélicHc- 
nique,  comprenant  l'arrivée  dans  le  Péloponnèse  des  premiers  mari- 
times,  Inakhos,  Danaos,  puis  les  Pélopides  de  l'empire  péninsulaire; 
domination  égéenne  qui  prend  fin  avec  l'arrivée  des  Hellènes,  ceux 
qu'on  a[)pelle  les  Achéens  d'ordinaire.  Sans  doute  le  nom  égéen  sera- 
t-il  resté  fixé  au  pays,  désignant  ses  nouveaux  occupants,  les  Achéens 
de  la  deuxième  période,  \ hellénique,  qui  devaient  être,  par  la  suite, 
déplacés  ou  recouverts  par  les  Doriens. 

On  observe  que,  par  ailleurs,  l'analyse  toponymique  décèle  en  Grèce , 
tout  au  début,  une  couche  égéo-asianique  (Lyciens,  Cariens,  Etéocré- 
tois)  que  recouvrit  l'arrivée  des  lUyro-thraces ,  eux-mêmes  prédécesseurs 
des  Hellènes.  Les  Achéens  primitifs  arrivés  d'outre-mer  sont  bien  pro- 
bablement du  groupe  très  ancien  des  Egéens,  Lyciens,  Cariens,  etc.  du 
premier  stade. 

La  chronologie  est  difficile  à  préciser.  Si  l'on  accepte  les  données 
alexandrines  traditionnelles,  c'est  au  xiv'  siècle  que  les  Hellènes  descen- 
dent du  Nord,  et  il  faut  admettre  —  cela  est  sans  difficulté  —  qu'à 
cette  époque' les  Egéo-asianiques ,  les  Achéens  parmi  eux,  étaient  en 
(îrèce  depuis  longtemps.  Ces  Achéens  sont  donc  de  beaucoup  antérieurs 
à  leurs  congénères  qui,  d'Asie  Mineure,  se  portent  à  l'attaque  de 
l'Egypte  vers  laSo,  Con)ment  progressent  ensuite  les  événements  en 
(Jrèce?La  période  des  Achéens  hellènes,  dans  le  Péloponnèse,  se  place 
entre  i4oo  et  iioo;  à  cette  dernière  date,  l'invasion  dorienne;  vers 
io5o,  les  rr Ioniens"  passent  la  mer  et  prennent  pied  en  Asie  Mineure, 
en  même  temps,  indubitablement,  que  Chypre  et  la  Crète  sont  abordées 
par  les  Hellènes ,  Achéens  et  Doriens  sans  doute.  11  est  très  remarquable 
de  trouver  le  terme  de  io5o,  comme  date  de  l'apparition  des  Hellènes 
en  Crète,  confirmé  par  l'archéologie  (chronologie  des  périodes  tcmi- 
MoennesT)  d'Evans). 

Il  faut  donner  attention,  à  ce  propos,  au  passage  connu  d'Odi/ssée, 
XIX,  176-179,  enregistrant  en  Crète  des  Achéens  et  des  Doriens  a  côté 
de  Kydoniens,  dlùéocrétois  et  de  Pélasgcs.  Ce  tableau  pourrait,  comme 
on  voit,  se  référer  à  une  situation  historique  authentique  des  environs 
de  l'an  1000,  mais  il  est  plus  probable  que  la  notice  ethnographique 
passée  dans  le  poème  est  de  l'époque  même  du  rédacteur,  c'est-à-dire 


la  JANVIER-MARS    1922. 

nolablenienl  plus  tardive  que  le  xi'  siècle.  En  tout  état  de  cause,  on  ne 
saurait  suivre  cerlains  historiens  (Dorpfeld,  Ed.  Meyer)  qui,  envisa- 
geant rindicalion  de  l'Odyssée  comme  un  renseignement  historique  véri- 
lahle,  croient  voir  des  Hellènes  en  Grèce  dès  le  w'  siècle,  et  leur  attri- 
buent les  actions  de  guerre  en  Crète  dont  on  a  trace  vers  celte  époque  : 
ces  dernières  considérations  comportent  une  eireur  de  critique  grave. 

Raymond  Weill. 


NOUVELLES  ACQUISITIONS  DE  LA  BIBLIOTHEQUE^') 


I.  Livres. 

*  ibhandlungen  fiir  die  Kiinde  des  Morgeulandes ,  herausgegeben  von 
der  Deutsohen  Morgenlandischen  Geseilschaft ,  xv,  2.  —  I.  Biiddhistische 
Litteratur,  Nordariscli  uiid  Deutsck.  I.  Teil  :  Nebenstiicke ,  von  ErnstLEU- 
MANN.  —Leipzig,  F.  A.  Brockhaus,  1990;  in-8°. 

AbO-MansOr  'Abd  Al-Kahir  ibn  Tahir  Al-Baghdâdï.  Mosleni  Schisuis 
andSects.  .  .  Part  I,  translaled  from  the  Arabie by  Kate  (IhambersSkf.lyk. 
—  New  York,  Golumbia  University  Press  (Lenicke  and  Buechner), 
1990;  in-8°.  [Éd.] 

*Acadcmia  dns  Sciéiicias  de  Lisboa.  Aclas  das  Assemhleas  geraes,  Vo- 
lume IV  (191/1-1915).  —  Boletin  da  segunda  Clfisse. \oh\me  XII  (1917- 
1918).  —  Centenarios  de  Ceuta  c  de  Afoiiso  de  Albuquerque.  —  J ornai  de 
Sciéncias  Matematicas,  Jisicas  e  naturais,  março  de  1990.  —  Monumen- 
tos  da  lileralitra  dramat'ca  porlugiiesa.  I.  Coinedia  Eujros'ma  de  Jorge  Fe- 
ivEuiA  DE  Vasconcellos  . . .  pubUcada . . .  por  Aubrey  F.  G.  Bell.  —  Lisboa 
c  Goimbre,  1920;  in-8". 

Allotte  de  la  Fuye  (Le  colonel).  Documents  présargoniqucs.  Fasci- 
cule supplémentaire.  Paris,  Editions  Ernest  Leroux,   1990;  in-fol.  [A.] 

—  L'iconogmpliie  de  Moïse  sii)-  quelques  niédnillcs  modernes  à  légendes 
hébraïques  [Extrait].  —  Paris,  chez  G.  Ilollin  et  Feuardeut,  1919; 
gr.  in-8°.  [A.| 

'')  Les  publications  mar(|iir'cs  crun  asti-risque  sont  celles  qui  sont  reçues  par 
voie  d'ériianjjc.  Les  noms  des  donateurs  sont  indiqués  à  la  suite  des  titres  : 
A.  =  auleui  ;  Kd.  —  éditeur;  Dir.  =  Direction  d'une  société  savante,  d'un 
établissement  scienlifique  ou  d'une  revue;  M.  I.  P.  =  Ministère  de  l'instrurlion 
publique. 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE.  |/i5 

Ananda  Hanga  Pillai.  Tlie  Diarij,  Iranslated  j'rom  ihe  Taiitil  bij  Urdvr  oj 
ihc  Govcniiiipiil  of  Madras ,  edited  by  H.  Dodwell.  —  Madras,  Government 
Press,  KJ19:  in-8°.  [Dir.] 

Anderson  (J.  D.).  a  Manuel  of  iIu-  Be)i(>ali  Laiiguafj-e.  —  Cambridge, 
at  ibc  University  Press,  1920;  in-8\  [Dir.] 

Andrews  (F.  H.).  Ancient  Chinesc  Jigured  Sillis  cxcaialcd  by  Sir  Aurel 
Stcin  at  ruined  Sites  qf  Central  Asia  [Extrait].  —  London,  Bernard  Qua- 
rilch,  1920;  m-li".  \  India  Office.] 

Annual  Report  of  llie  Archœological  Department  of  His E.ralled Hifjimess 
The  Nizam's  Dominion,  iSS-j.  igiy-iS  A.  D.  —  Calcutta,  Baptist 
Mission  Press.  1919;  in-Zi".  [Gouvernement  de  l'Inde.] 

Annual  Report  oJ  the  Archœological  Surveij  Dépariaient ,  Southern  Circle, 
Madras ,  for  the  y  car  igi8-igi(j.  —  Madras,  Government  Press.  1919; 
in-fol.  [Gouvernement  de  Plnde.] 

Annual  Progress  Report  of  the  Superintendent ,  Uindu  and  Buddhisl 
Monuments,  J\orthern  Circle,  for  the  year  ending  'iist  March  ifjig-  — 
Lahore,  Government  Printing,  1920;  in-fol.  [Gouvernement de  i'inde.] 

Annual  Report  qf  the  Archœological  Survey  of  India,  Frontier  Circle, 
for  igig-igso.  —  Peshawar,  Caxton  Printing  Works,  1920;  in-fol. 
[Gouvernement  de  Tlnde.] 

*Archives  d'études  orientales,  publiées  par  J.  A.  Lcndell.  Vol.  V,  -i. 
Traditions  de  Tsazegga  et  Hazegga,  traduction  française  par  Johannes 
KoLMOom.  — Vol.  IX.  LiNDBLOiM  (Gerhard).  Oullines  qf  a  Tharala  Grain- 
niar,  livre  2.  —  Vol.  XI.  Ekblom  (B-).  Rus  et  Vareg  dans  les  noms  de 
la  région  de  Novgorod,  livre  1.  —  Vol.  Xll.  Agrell  (S.).  Observations 
relatives  à  l'oscillaiion  de  l'accent  dans  le  verbe  russe,  livre  1.  —  Vol.  XIII. 
Karlgren  (Bernhard).  1  Mandarin  Phonetic  Ueader,  livre  1.  —  Vol.  XVI.. 
André  (Toi).  Die  Person  ]liihaninieds,  livre  2.  —  Vol.  XIV.  Chrlsten- 
SEN  (  Arthur).  Le  premier  homme  cl  le  premier  roi  dans  l'histoire  légen- 
daire des  Iraniens,  livre  2.  —  Vol.  XV.  Karlgre.v  (Bernhard).  Eludes  sur 
la  phonologie  chinoise,  livres  1-2.  —  Vol.  XVII.  Lindblom  ((ierhard). 
The  Akamba ,  livres  1-2.  —  (Jpsala,  Appelbergs  Bogtrykeri  Aktiebolag. 
1916-1920;  in-8°. 

Actran  (C).  n Phéniciens-^.  Essai  de  eonlribntion  à  l'hisloire  antique  de 
hi  Méditerranée.   -  Paris,  Paul  Geulhner,  1920:  gi'.  in-/i".  |Ed.] 

Aymomer  (Elienne).  Un  aperçu  de  l'histoire  du  Cambodge.  —  Paris, 
Augustin  Ghallamel,  1918;  gi'.  in-8".  [A.] 

Baiâo  (Antonio).  Alguns  Ascendentes  de  Albuquerque  e  0  seu  Jilho.  Aca- 
demia  das  Sciéncias  de  Lisboa,  s.  d.:  in-li".  I  Dir,] 


î/i()  JANVIKH-MAHS    i92'l 

Manerjkk  (Gauranga  Nath).  Hpllenlsm  in  Aiicieul  ior/m.  Second  édition , 
lliorouglily  revised  and  eniarged.  —  Calcutta  and  London,  Buttenvorth 
and  Go.,  1920;  in-8".  [Ed.] 

*iiataviaasch  Genootschap  van  kunsten  on  Wctenscliappcn.  Gidsvoorden 
bezoeker  van  die  Elhnograpbische  Verzameling ,  door  H.  J.  E.  T.  Schvvap.tz. 
Zaal  A,  Sumatra,  Java;  Zaai  B,  Bali  en  Lombok.  —  Weitvreden ,  Typ. 
frEvolutien  ,  s.  d.;  pet.  in-S". 

Bezerman  (J.  L.  J.  F.).  Besclirijving  van  (hr  koau  Irnt-Tempcl  Tiao- 
KahSie  te  Cheribon.  —  S.  i.  n.  d.  (Batavia,  1930);  in-8°.  [Société  des 
Sciences  et  Arts  de  Batavia.] 

*Bibliotheca  indica  :  A  Collection  of  Oriental  Works  pub Itsiied  by  Asialic 
Society  of  Bcngal.  New  Séries.  —  The  Akbarnâma  oj  Abu-l-Fazl,  III,  3, 
6.  —  jimal-i-Salili .  .  .  of  Muhammad  Saliij  Kamisu,  I.  —  Amarakosak, 
a  Metrical  Dictionary .  .  .  edited  by  Santis  Ghandra  Vidhyâbhusana  ,  I. 
II.  —  Amara-Tika-Kadânuh .  .  .   —  Anumana  Didhlti  Prasârini ,  II-III. 

—  Atmattavivka ,  II.  —  Avadàna  Kalpalatâ,  I,  9-1 1  ;  11,  910.  —  Har- 
die and  Historicol  Survey  of  Rnjputana ,  edited  by  L.  G.  Tessitori,  I.  — 
Baudhdyana  Srauta  Sîitram,  II,  5  ;  III,  1.  —  The  Bliâsâvrittih,  edited  by 
Pandit  Giriçacandra  Vedântatirtha,  I,  1.  —  Bliattadipika,  II,  9.  —  Çâ- 
lasâhasrîka-Prajnâ-Paramittà,  I,  i5,  17;  II,  1.  —  The  Çatapatha  Bràh- 
mana,  IX,  1-9.  —  The  Fars-Nâma  of  Zabardast  Khan,  edited  by 
lieut.-col.  D.  G.  Phillott.  —  Gulriz,  by  Aga  Mdhammad  Kazim  Shirazi 
and  the  late  M.  R.  F.  Azoo.  —  The  first  Bock  of  the  Hadîqalu'l-Haqiqat 
of  ibe  Hakïm  Abû'l-Majdud  Sanâ'i  of  Ghazna,  edited  and  translated  by 
Major  J.  Stephenson.  —  History  ofShustar.  .  .  by.  .  .  Faqîr,  edited  by 
KuÂN  Bahâdur  Mailâ  BiiAKHSH.  —  Haft  Iqlim.  .  .  of  Amin  Aumad  Râzi, 
edited  by  E.  Denison  Ross  and  Khan  Shahib  Maulavî  Abdcl  Muqtadir. 
Kirânaoali,  by  Udayanachâryva.  .  .  edited  by  Mahamahopâdhyâya  Siva 
Ghandra  Sârvabhouma,  I-III.  —  The  Ma'asir-i-Bahtmï .  ..,1,3.  —  The 
Maasiru-l-Umarà .  .  .,  1,  5-C.  —  Mahâbhasyapradlpoddyota ,  IV,  3.  — 
Marhamu'  ilali  'l-Mudila.  .  .,  III.  —  Memoirs  of  Shah  Tahmasp,  edited 
by  iieul.-col.  D.  G.  Phillott.  —  Miigdabodha  Vyakarana.  .  .  ,  I,  9-5.  — 
The  Muntakhab  al-Labâb  of  Khâfi  Khan,  III,  6.  —  Miintakhabii-I-Tairâ- 
rikh  by.  .  .  Al-Bauaoni,  III,  3.  —  The  Nirukta  (second  Edition),  1,9. 

—  iMtyâcârapradipah .  .  .  II,  i.  —  Nyâya-Vàrttika-Tàtparya-Parisuddhi, 
by  Udayanâchâriya,  I-II.  —  Nyâya-Vârttikam.  .  .  VII.  —  Saduktlkar- 
namriki,  by  S'ridhaua  Dhasa,  edited  by  Râmavâtan  S'arma,  I.  — Sama- 
râicca  Kahâ,  IV,  V,  VII.  —  Shâh-Alam-JSàma,  edited  by  the  late 
Harinath  De.  —  Siva-Parinayah. ,  .  edited  by  Sir  George  A.  Grierson,  I. 

—  Smiritiprakasha ,   bv    Vasi  diiva    Iîvtiiv.  .  .    I.  — -  Sri  Snrimrvasvam  , 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  \'û 

by  Src  Govinda  Kavibhusana  Samantaroy  ...  I.  —  The  Story  of  Ti-med- 
Icnn-den.  .  .   odited  by  Dr.  E.  D.  Ross.  —  The  Suryija  Siddhanta .  .  .  II. 

—  The  Pudummvati .  .  .  VI.  —  Prajnakards  Commcntary  to  the  Bodhica- 
ri/nvatarn. .  .  VI.  —  Bavisidhânta  Manjari,  by  Matharânâtha  Sarmâ  ,  edi- 
ted  by  Bis'vambhara  Iyotisarnava.  —  The  Tantravâvttika .  .  .  XI,  XII.  — 
TaUvacinlnmani  Didhiti  Pnihasa.  .  .  I,  5-6.  —  Tattvacintâmani  Didhilti- 
Vivritti .  .  .  1,  3,  h,  5,  6,  7;  II,  2.  —  Tîrthacintàmani .  .  .  II-IV.  — 
The  Upainilhibarnpmpancn-Kathâ  of  Siddharsi  .  .  .  III  (  2  ) ,  XIV.  —  The 
Vidhàna-Pflrijata .  .  .  II,  5;  III,  1  —  Calcutta,  1911-191/1;  in-8°. 

Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Hautes  Etudes,  Sciences  religieuses.  — 
XXXIV'  volume;  Granet  (Marcel),  Fêtes  et  chamons  anciennes  de  la  Chine. 

—  Paris,  Editions  Ernest  Leroux,  1919;  in-8°.  [Dir.] 

Bibliothèque  des  Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Borne,  fasc.  116'. 
Carcopino  (Jérôme).  Virgile  et  les  origines  d'Ostie.  —  Paris,  E.  de  Boc- 
card,  1919;  in-8^  [M.  I.  P.] 

Bloomfield  (Maurice).  Big-Veda  Bepetitions.  The  repeated  Verses  and 
Districts  and  Stanzas  of  the  Rig-Veda  in  system;itic  Présentation  and 
with  critical  Discussion,  —  Cambridge,  Massachusets ,  Harvard  Univer- 
sity  Press,  1916;  2  gr.  vol.  in-8°.  [A.J 

B0URDARIE  (Paul).  Meeting  franco-hindou  en  faveur  de  la  Turquie,  tenu 
à  la  nSalle  }l  agrainri  le  -25  juin  igso,  sous  la  présidence  de  M.  A.  de  Mon- 
ziE.  -  Paris,  Bibliothèque  de  la  rr Revue  Indigène  ,  s.  d.  ;  in-8°.  [A.] 

Brandstetter  (Renward).  ÂrchiteJdonische  SprachverwandtschaJÏ  in 
allen  Erdteilen.  S.  1.,  1920;  in-8''.  [A.] 

Browne  (E.  G.).  A  Hislory  of  Persian  Litcrature  under  Tartar  Domi- 
nion (A.  D.  1  265-1602).  -  Cambridge,  atthe  University  Press,  1920; 
in-8".  [A.j 

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Index.  —  Calcutta ,  Superintendant  Government  Printing,  India,  1920: 
in-S".  [Gouvernement  de  l'Inde.] 

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due  lingue  scoperte  nell'  Asia  centrale.  —  Firenze,  Tipografia  Galileiana, 
1917:  in-8".  [Società  Asialica  Italiana.  | 

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l'époque  hérodienne  (Extrait).  —  Paris,  Paul Geuthner,  1920;  in-4°.  [A.] 

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l'aul  Geuthner,   1919;  in-8".  |  Ed.  | 


148  JANViÉR-MAHS    10-25. 

Dagli-lii'irisler gelioiidcii  tnl  Casteel  Batavia.  .  .  aniio  1681.  —  Batavia, 
's  Hage,  1919;  gr.  in-8°.  [Société  des  Sciences  et  Arts  fie  Batavia.] 

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des  Sciences  de  Lisbonne.  J 

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asiaticas.—  Coimbra,  Imprensa  da  Universitade,  191 3:  in-8°.  —  Glos- 
sario  lu-so-asiatico.  Volume  I.  —  Coimbra,  Imprensa  da  Universitade; 
1 9 1 9  ;  in-8".  [Académie  des  Sciences  de  Lisbonne.  ] 

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Press,  19:20;  in-8°.  [Ed.] 

Gazetteers.   Addenda  et  Corrigenda .  .  .  —  !\o.  h,  Bhandara  District. 

—  i\o.  0,  Belul  and  Jiibbulpore  Districts.  Amraoti  Cbindwara,  Nagpur 
Districts.  —  No.  6,  Hosliengabad  District.  —  No.  7,  Drug  and  Baipur 
and  Saugor,  Bilaspur,  Narsinghpur  Districts.  —  No.  8 ,  Akola  District. 

—  S.  1.  n.  d.;  pet.  in-4°. 

—  Gazetteer  ofthe  Province  of  Sind,  \ol.  B.  I,  Karachi;  II,  Hydera- 
bad  District;  111,  Sukkur;  IV,  Larkana:  VI,  Thar  and  Parkar;  VII,  Up- 
per  Sind  Frontier District.  —Bombay,  Government  Central  Press,  1919  ; 
in-8°. 

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(^erôfientlichen  der  rrDe  Goeje-Stiftungi  No.  VI).  —  Leiden,  E.  J.Brill, 
1920;  iu-8".  [Dii-.] 

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prince  de  Ligne.  —  Paris,  Bi-esniak,  1920;  in-16.  [A.] 

HoGARTH  (D.  G.).  Hittite  Seals,  with particular  Référence  lo  tlie  Ashnio- 
Ican  (Collection.  —  Oxford,  at  the  Clarendoa  Press,  1920;  'iu-li°.  [Dir.] 

Holij  Places  of  Mesopotamia.  Printed  and  engraved  by  the  Superin- 
teudenl,  Government  Press,  Basrah.  —  S.  d. ;  in-/i°.  [India  Office.] 

liuiiBARD  (G.  E.).   The  Daij  of  the  Crescent.  Glimpses  of  old  Turkeij. 

—  Cambridge,  at  the  Universily  Press,  1920;  in-8°.  |  Dir.| 

lluvGiiK  (Le  P.  G.).  Dictionnaire  français-chaouia.  —  Alger.  Adolphe 
Jourdan.  1  90O;  in-8°. 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE.  1/iU 

Hydonilxid  in-liœologicftl  Séries.  —  No.  d.  PaLlidl  Inscriplinn  of  llte 
Reign  of  the  Kâlathja  Ganapatidêca.  Published  by  His  Exaltée!  Highness 
Ihe  Nizam's  Government,  printed  at  ihe  Baptist  Mission  Press.  —  Cal- 
cutta, 1919;  in-4°.  [Gouvernement  de  l'Inde. J 

Impérial  Libranj,  CatnlofJiie ,  Part.  /...  First  Supplément.  —Calcutta, 
Superintendent  Government  Printing,  India,  1917;  a  vol.  in-4°.  [India 
Office.] 

L'indépendance  de  la  Corée  et  la  paix.  —  Paris ,  Bureau  d'information 
Core'en,  1919;  gr.  in-8°.  [Dir.] 

Indian  Khilafat  Délégation.  N"  1.  Le  traité  de  paix  avec  la  Turquie, 
l'attitude  des  Musulmans  et  de  l'Inde.  —  N"  9.  Le  Secrétaire  d'Etat  pour 
les  Indes  et  la  Délégation  de  l'Inde  pour  le  Califlit.  -  Paris,  Bureau 
d'Information  Islamique,  1920;  pet.  in-S".  —  N°  3.  M.  Lloyd  George 
et  la  Délégation  indienne  pour  le  Califat.  —  N°  4.  Le  droit  d'un  peuple 
à  la  vie.  —  N"  5.  Le  traité  tnrc.  Le  verdict  de  l'Inde. 

James  (L'abbé  A.  F.).  Dictionnaire  de  l'Ecriture  Sainte,  ou  Répertoire 
et  Concordance  de  tous  les  textes  de  l'Ancien  et  du  \ouveau  Testament. 
—  A  Paris,  1887;  in-8°. 

JoiJON  (Paul).  Etudes  de  morphologie  hébraïque  (Extrait).  —  Rome, 
Institut  Biblique  Pontifical.  1990;  in-S".  [A.] 

JouvEAU-DuBREUiL  (G.).  Ancient  Histpnj  of  the  Deccan.  Traiislated  inlo 
English  by  V.  S.  Swamixadha  DiKSHrrAu.  —  Pondicbery,  sold  by  the 
Aullior,  1990;  gr.  in-8°.  [A.] 

The  Kàdambarl  of  Bànabhatta.  (Purvabhâya,  p.  1-1  9/1  of  Peterson.'s 
Edition.)  With  Notes.  —  Bombay,  P.  V.  Kane.  1990;  pet.  in-8".  [Éd.] 

Kaye  (G.  R.)  a  Guide  to  the  old  Ohservatork's  at  Delhi,  Jaîpur,  Ujjain, 
Benares.  —  Calcutta,  Superintendent  Government  Prinling,  1920;  pet. 
iu-8°.  [Gouvernement  de  l'Inde.] 

Kern  (Prof.  H.).  Verspreide  Gesckriften.  IX.  Spraakkunst  van  bel 
Oudjavaanscli.  .  .  I.  —  's  Gravenhage ,  Martinius  Nijholf,  1990;  in-8°. 
[Institut  Royal  des  Indes  Néerlandaises.] 

kharosllâ  Inscriptions  discorered  bi/ Sir  iurel  Stein  m  Ghinese  Turhostan. 
Part.  1.  Text  of  Inscriptions  discovered  at  the  Niya  Site,  1901,  transcri- 
bed  and  edited  by  A.  M.  Boyer,  E.  J.  Rapson,  and  E.  Se\art.  —  Oxford, 
at  the  Clarondon  Press,  1990;   In-h".  [A.] 

Kipruii-izÂdh:  Mehmeo  Foi  Âd.  Les  Mystiques-  dans  la  liltéralurr  turque. 
(en  turc).  —  Gonslantinople ,  Imprimerie  Nationale,  1919;  in-H".  [A.| 


150  JANVIER-MARS    1922. 

*KorlP  Giih  voor  de  Archeolngische  Vfizameling  van  het  Balaviaasch 
Geiwolschap  nin  Kiinstm  en  Welenscliuppen.  —  Weltvreden.  Albrecht  en 
Co.,  1919;  in-8^ 

kiiltKi'gescIticIttliclie  liibliothek,  liera usgegebeu  von  W.  Fov.  I.  Reihe. 
a.  WiEDEMANX  (A).  Das  dite  Agypten.  —  3.  Meissner  (Bruno).  Babylo- 
nien tiud  Asayrien,  I.  —  Heiflelberg,  Garl  Winters  Universitiilsbuchhand- 
lung,  1920;  '2  vol.  in-8°.  [Kfl.] 

Lallâ-Vâkyôm,  or  llie  wise  Sayings  of  Lal  Ded,  a  Mystic  Poel  of 
Ancient  kachmir.  Edited  witb  Translation,  Notes  and  a  Vocabulary,  by 
Sir  George  Grierson  and  Lionel  B.  Barnett.  —  London,  publislied  by 
the  Royal  Asiatic  Society,  1920  ;  in-8°.  [Dii-.  | 

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Librairie  ci-devant  E.  J.  Brill,  1920;  in-8°.  [Ed.] 

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i99o:in-8°.  [Ed.] 

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and  of  the  Région  of  Lake  Chad.  —London,  published  for  the  Government 
of  Nigeria  by  the  Crown  Agents  for  the  Colonies,  1990;  pet.  in-8°. 
[Dir.] 

Linguistic  Siirvey  of  India.  Vol.  VllI,  Part  L  Indo-Aryan  Family, 
North-Western  Group.  Spécimens  of  Sindhi  and  Lahadâ,  compiled  and 
edited  by  Sir  George  Abraham  Grierson.  —  Calcutta,  Superin tendent 
Government  Printing,  1919;  in-/i°.  [Gouvernement  de  l'Inde.J 

Linguistic  Siirvey  of  India.  Vol.  X.  Spécimens  of  Languages  of  the 
Iranian  Family,  compiled  and  edited  by  Sir  George  Abraham  Grierson. 
—  Calcutta,  Superintendent  Government  Printing ,  India,  1920;  in-^". 

LiTïMANN  (Enno).  Zigeuner-Arabisch.  Worlschatz  der  arabischen  Be- 
standleile  in  den  iMorgenlàndischen  Zigeunerspriichen.  —  Bonn-Leipzig, 
Kurt  Schroeder,  1920;  in-8°.  [Ed.] 

Livres  relatifs  aux  Philippines.  BennÀsar  (El  P.  Guiliermo). 
Diccionario  liruray-espanol  y  espanol-tiruray .  —  Manila,  Chofré  y  Comp., 
1892-1893;  2  vol.  in- 16.  —  Cartilla  moro-castcllaiia  para  los  Magiiinda- 
naos.  —  Manila,  M.  Pères,  1887;  in-16.  —  Catecismo  de  la  ductrina 
cristiana  en  castellano  y  en  moro  de  Magiiindanao,  por  un  P.  Misionero  de 
la  Compania  de  Jésus.  —  Manila,  M.  Perez,  1888;  in-16.  —  Compendio 


SOCIKTK   ASIATIQUE.  151 

de  historin  unicersal  dcsde  la  cvcacion  dol  mundo  hasla  la  vcnida  de  Jpsii- 
cristo  y  un  brève  Vocabulario  en  castellano  ij  en  moro-maguindanao ,  por  im 
Padre  Misionero  de  laCompania  de  Jésus.  —  Sinjjapore,  Kah  Yew  Hean, 
1888;  pet.  iii-8°.  —  Diccionario  tiispano-Laraha .  .  .  —  Tambobong, 
1892;  pet.  in-8". —  Flecry  (Claudio).  Cntecismo  historico .  .  .  traducido 
al  tinraij  ...  —  Manila,  Tipografia  ffAmigos  de!  Pays" ,  189-3;  ia-16. 

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cinto).  Diccionario  de  la  lengua  de  Maguindanao.  —  Manila,  Imprenta 
Amigos  del  Pais,  1898;  pet,  in-8°.  —  Tenorio  (a)  Sigayan  (José).  Cos- 
tumbres  de  los  Indios  Tiriiroyes .  .  .  traducidas  al  es  espanol  y  anotadas. 

—  Manila,  Tipografia  ffAmigos  del  Paisw,  189a;  pet.  in-8".  [Dca  de 
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1930;  in-8°.  [Ed.] 

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Imprensa  Nacional,  1919;  gi".  in-8".  [Académie  des  Sciences  de  Lis- 
bonne.] 

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Honoré  Champion  ,  1921  ;  in-8°.  [A.] 

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scripts  in  the  Oriental  Public  Library,  at  Bankipore.  Volume  VI.  ïlistory. 

—  Patna,  Superintendent  Governinent  Prinling,  1918;  in-8°.  [Gouver- 
nement de  l'Inde.] 

Mazumdar  (Akshoy  Kumar).  Tlie  Ilindu  ïlistory,  U.  (].  3. 000  to  1.9.00 
A.  1).  Second  Edition.  —  Revised  aud  Enlarged.  —  Faridabad,  Dacca, 
Nagendra  Kumar  Roy;  in-16.  [Éd.] 

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orientale  du  ( luire ,  T.  XLII  :  Baillet  (Jules).  Inscriptions  grecques  ou 
latines  des  tombeaux  des  rois  ou  syringes  à  Thèbes,  i"'  fasc.  —  T.  XLV  : 


15-J  JANVIEB-MARS    1922. 

Herciikm  (Max  vanV  Mnlériaii.v  pour  un  Corpus  inscriplionuin  arahicorum , 
2' partie,  t.  III,  l'asc.  1  et  -i.  —  Le  Caire,  Imprimerie  de  l'Institut  fran- 
çais irarchéologie  orientale,  1920;  gr.  in-4°. 

*Mt'Hioir('.s  publics  par  1rs  vioubres  de  la  Mission  archéologique  française 
au  Caire.  Tome  IV  :  Makrizi,  Description  Jiislorique  et  topographique  de 
l'Egypte,  traduit  par  M.  Paul  Casanova,  IV,  1.  —  Tome  XI  :  Emile  Chas- 
siNAT.  JjC  temple  d'EdJou,  II,  3.  —  Le  Caire,  Imprimerie  de  l'Institut 
français  d'archéologie  orientale.  1920;  gr.  in-/i". 

Merckk  (Samuel  A.  B.).  The  Book  of  Genesis,  for  Bible  Classes  and 
priiate  Studjj.  —  Mihxaukee,  Wis.,  Morehouse  Publishing  Go.,  s.  d.; 
in-16.  —  Growth  of  Religions  and  Moral  Ideas  in  Egypt.  —  Milwaukee, 
Wis.,  Morehouse  Publishing  Co.,  s.  d.;  in-16.  —  Religions  and  Moral 
Ideas  in  Egypt.  —  Milwaukee,  Wis.,  Morehouse  Pubhshing  Co. ,  s.  d.; 
in-16.  [Éd.] 

Mestoiv  (Lord).  India  ai  the  Crossrvays.  The  Rede  Lecture  1990.  — 
Cambridge,  at  the  University  Press,  1920;  in-16.  [Dir.| 

MiN'ORSKY  (V.).  Les  Antiquités  de  Malou  (en  russe).  —  Pétrograd, 
1916;  in-8°.  [A.] 

—  La  Délimitation  turco -persane  (en  russe).  —  Pëtrograd,  1916: 
in-8°.  [A.] 

—  Les  Kurdes.  Données  géographiques ,  ethnographiques ,  historiques,  hu' 
pressions  de  voyage.  —  Pétrograd,  V.  F.  Kirchbaum,  1916;  gr.  in-8^ 

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—  Paris,  Editions  Ernest  Leroux,  1919;  in-4°.  [M.  I.  P.  | 

Mission  Pelliot.  IL  Le  Sùtra  des  causes  et  des  ejféts.  Tome  I.  Textes  sog- 
dien  et  chinois.  —  Paris,  Paul  Geuthner,  1920;  in-i".  [A.] 

Mitka  (Panchanam).  Prehistoric  Cultures  and  Baces  of  India.  (Extraits.) 
S.  Ln.  d.;iii-8".  [A.]' 

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Edition,  revised  and  enlarged.  —  Oxford,  at  the  Clarendon  Press,  1920; 
in-8^  [Dir.j 

Morgan  (J.  di;).  Contribution  à  l'étude  des  ateliers  monétaires  sous  la  dy- 
nastie des  rois  sassanides  de  Perse.  (Extrait.)  —  Paris,  C.  Rollin  et  Feuar- 
dent,  191 3;  in-8°. 

—  Essai  de  lecture  des  légendes  sémitiques  des  monnaies  chaldéennes. 
(Extraits.)  —  S.  I.,  1920;  in-8°. 

Histoire  du  peuple  arménien  depuis  les  temps  les  plus  reculés  de  ses  An- 
nales jusqu'il  710S  jours.  —  Nancy-Paris-Strasbourg,  Berger-Levrault, 
1919;  in-8''. 


SOCIETE  ASIATIQUE.  153 

—  Observations  sur  le  monnayage  des  premiers  Arsacides  de  Perse. 
(tlxlrait.)  —  Paris,  G.  Rollin  et  Feuardent,  1912;  in-8°.  [A.  | 

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Fouilles  et  Missions.  —  Paris,  Librairie  Hachette,  s.  d.;  xn-h".  [Ed.]. 

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nitz ,  Sylvain  Lévi,  Huber).  —  Bombay,  D.  B.  Taraporevala  and  Sons, 
1990;  iu-8°.  [Éd.] 

Naville  (Edouard).  L'évolution  de  la  langue  égyptienne  et  les  langues 
sémitiques.  —  Paris,  Paul  Geuthner,  1920;  gr,  ia-8°.  [A.] 

The  ISighaiitu  and  the  Nirukta.  .  .  critically  edited  by  Lakshman  Sariip, 
M.  A.  Introduction.  —  Oxford,  University  Press,  1920;  in-8".  [Dir.] 

Norges  Indskrifter  med  de  OEeldre  Runer.  Udgione.  .  .  ved  Magnus  Ol- 
SEif.  9  det  Hefte.  —  Christiania,  A.  VV.  Broggers  Bogtrykerri  A/S;  1919: 
gr.  in-4°.  [Norske  Historiske  Kildeskriflfond.] 

Oriental  Advisory  Committee.  Report  on  the  Terminology  and  Classifica- 
tions oj  Grammar.  —  Oxford,  at  ihe  Clarendon  Press,  s.  d.;  in-8''.  [Dir,] 

Papazian  (Verthanès).  Santho.  Scènes  de  la  vie  des  Rochas,  Rohémiens 
d'Arménie.  Traduit  de  l'arménien  par  Serge  d'HERMiNY.  Préface  de  Frédé- 
ric Macler,  —  Paris,  Editions  Ernest  Leroux,  1920;  in-18.  [Ed.] 

Penoendjoeh  Djalan  pada  orang-orang  jang  hendak  melihat  Kamar  ln~ 
tan  di  Gedong  Artja.  —  Batawi,  1919:  iu-16.  [Société  des  Sciences  et 
Arts  de  Batavia.] 

PisANO  (Maleus  de).  Livro  da  guerra  de  Ceuta  escrito  sm  iàf)o,  publi- 
cado . . .  por  Roberto  Gorrêa  Pinto.  —  Academia  das  Sciências  de  Lisboa , 
s.  d.;  in-k".  [Dir.] 

PissuRLENCAR  (P.).  La  vie  de  l'abbé  de  Faria  (en  mahratte).  |  Extrait.] 
—  Sanquelim-Goa ,  1 9 1 8  ;  in-8''. 

—  A  Antiguidade  do  Crixnaismo.  [Extrait.]  —  Nova  Goa,  Imprensa 
Nacional,  1990;  in-8". 

—  Recherches  sur  la  découverte  de  l'Amérique  par  les  anciens  hommes  de 
l'Inde.  —  Nova  Goa,  Rau  e  Irmaos;  in-8".  [A.] 

PiTUAVVALi.A  (Maneck).  Afternoom  with  Ahura  Mazda.  —  Poona,  1919; 
in-iG. 

—  If  Zoroaster  went  lo  Rerlin!  Or  :  The  Ladder  of  Perfection.  Second 
Edition.  —  Poona,  1919;  in-16.  [Parsee  Punchayet  Funds  and  Proper- 
ties.] 

Prix  perpétuels  de  l'Académie  Royale  de  Relgique  et  du  Gouvernement.  — 
S.  I.  n.  d.:in-i6.  [M.  L  P.| 


!54  JANVIER-MARS    192-2. 

Rangacharva  (V.).  1  TnpoiJiviphiral  LisI  of  llic  fnscrlptioiis  nf  iho  Madras 
Prpsidt'ncij  (coUeoted  till  I9i5).  W ith  Notfs  and  Références.  —Madras. 
Government  Press,  3  vol.  in-8°.  |  Gouvernement  de  l'Inde.] 

Records  of  Fort  Si.  George.  Letters  from  Fort  St.  George,  1698. 
Vol.  8.  —  Madras,  Superintendent  Government  Press,  iggo;  in-fol. 
[Gouvernement  de  l'Inde.  | 

*  Report  oj'thv  Joint  Session  ojthe  Royal  Asialic  Society,  Société  Asiatique, 
American  Oriental  Society ,  and  Scuola  Orientale,  Reale  Universitadi  Roma, 
September  3-6,  ig'io.  [Extrait.]  —  London,  1990:  in-8". 

*Report  of  the  Peripatetic  Pnrty  of  the  Government  Oriental  Manuscripts 
Library  during  the  triennium  igi6-ij-i8-ig.  —  S.  1.  n.  d.:  in-fol.  [Gou- 
vernement de  l'Inde.] 

Report  of  the  Superintendent ,  Archœological  Survey,  Burma,  for  the  year 
ending  3ist  March  ig-2o.  —  Rangoon,  Government  Printing,  1990: 
in-fol.  I  Gouvernement  de  l'Inde.] 

Report  of  the  Work  of  the  Â.  R.  Cama  Oriental  Institute  for  ihe  ijear 
igig.  —SA.  n.  d.;  in-8°  [Dir.] 

Schiffer  (Dr.  S.).  Marsyas  et  les  Phrygiens  en  Syrie.  [Extrait].  —  Ror- 
deaux  et  Paris,  1919;  in-8".  [A.] 

ScHMiDT  (P.  W.  ).  Die  Gliederung  der  australischen  Sprachen.  VVien, 
Druck  und  Verlag  der  Mechitharisten-Ruchdruckerei,  1919;  in-/i°. 

—  Die  Personalpronomina  in  den  australischen  Sprachen.  [Extrait,  j  — 
Wien,  Alfred  Holder,  1919:  gr.  in-4°.  [A.] 

ScHOFF  (Wilfrid  H.).  The  Ship  ftTyrer,.  .  .  A  Study  in  the  Commerce 
of  the  Rible.  —  New- York,  Longmans,  Green  and  Go.,  1920;  in-8". 

|A.] 

SiDERSKY  (M.).  Tablet  oj  prayers  for  a  King  (?)  (Af  9279)  [Extrait.]  — 
S.  1.,  1990;  ia-8°.  [A.] 

Stein  (Sir  Aurel).  Explorations  in  the  Lop  Désert.  [Extrait.]  —New 
York,  American  Geographical  Society,  1990;  gr.  in-8°.  [A.] 

University  of  Pensylvània.  The  University  Muséum,  Publications  of  the 
Babylonian  Expédition.  1,9.  Lutz  (H.  T.).  Selected  Sumerian  and  Raby- 
lonian  Texts.  —  X,  4.  Langdon  (Stephen).  Sumerian  Liturgies  and 
Psalms.  —  XI.  Chiera  (Edward).  Lists  of  personal  Names  from  the 
Temple  School  of  Nippur.  Lists  of  personal  Sumerian  Names.  —  Philadel- 
phia,  University  xMuseum,  1919:  in-A".  [Dir.] 

Vadala  (R.).  Le  Golfe  Persique.  —  Paris,  Rousseau  et  G",  1990:  in-8°. 

[Éd.] 


SOCIETE   ASIATIQUE.  155 

Vasskl  (Eusèbe).  Marques  céramiques  et  halles  de  fronde  rartliafjinoises. 
[Extrait.]  —  Paris,  Imprimerie  Nationale,  1919;  gr.  in-8".  |  A.J 

ViEiRA  GumâRAES.  Marrocos  e  très  Meslres  da  Ordem  de  Crislo.  —  Aca- 
demia  das  Sciências  de  Lisboa,  s.  d.;  in-ii°.  [Dir.  | 

Villes  et  Tribus  du  Maroc.  Rabat  et  sa  région,  t.  H  et  III.  —Paris, 
Editions  Ernest  Leroux,  1919-1920;  in-8°.  |  Don  de  M.  A.  Le  Ghatelier.] 

II.   Revues. 

*  Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  Comptes  rendus  des  séances, 
juillet  1919-mai   1920.    -  Paris,  Auguste  Picard,  1919-1990;  in-8°. 

L'Acropole,  i"  année,  n'i.  —  Athènes,  1990;  in-8".  |Dir.J 

Acta  Academiae  Aboensis.  Humaniora,  I.  -   Abo,  i99o;in-8°.  [Dir.  | 

*  L'Afrique  française,  avril-octobre  1920.  —  Paris,   1920  ;  in-A°. 
L'Agent  de  Liaison.  N"  1-9.  —  Paris,  in-fol.  |  Dir.  j 

L'Atne  Gauloise,  VHP  année,  n"  87.  —  Paris,  1990  ;  gr.  in-fol.  [Dir.  | 

*  American  .Journal  of  Arckœology,  XXIV,  i-3.  —  Goncord,  N.  H.,  The 
Rumford  Press,  1990;  in-8°. 

*  The  American  Journal  of  Philology,  Nos.  1  fi  1-1 63.  —  Baltimore,  The 
John  Hopkins  Press,  1920;  in-8°. 

*The  American  Journal  of  Semitic  Languages  and  Literatures,  XXXVI, 
3;  XXXVII,  1.  —  The  University  of  Chicago  Press,  1990;  in-8°. 

*Analecla  Bollandiana,  XXXIII,  li;  XXXVIII  i-4.  —  Bruxelles,  Société 
des  Bollandistes,  191/1-1920;  in-8°. 

*Anthropos,  XII-XIII,  5-6.  —  St.  Gabriel  Modling  beiWien,  1917- 
1918:  in-4°. 

The  Asiatic  Beview,  July-October  1990.  —  London,  1990;  iu-8°. 

*L'.4si<?/ro«pa/sf',  avril-novembre  1990.  —  Paris,  t^^o;'\n-li°. 

*Baessler-Archiv,  VI,  3.  —  Leipzig,  B.  G.  Teubner,  1917;  gr.  xn-k". 

"Bessarione,  fasc.  1/19-100.  —  Roma,  1919;  in-8''. 

*Bijdragen  toi  de  Taal-,  iMnd-  en  VoUcenkunde  van  Nederlandsch-Indië , 
LXXVI,  1-9.  Lijst  der  Leden. .  .  —  's  (îravenhage,  Martiuus  Nijhofl", 
1920;  in-S". 

*Boletin  de  la  Heal  Academia  de  laUistoria,  LXXVI,  5-6;  LXXVII,  t-6. 
—  Madrid,  Forfanet.  1990;  in-8''. 

Bollcltino  délie  pubblicazioni  italiane  ricevute  per  diritto  di  stampa ,  Nura. 
926-933.  Eirenze,  presso  la  Biblioteca  Nazionale  Centrale,  1990; 
in-8°.  [Dir.] 

—  1919,  Indice  alfabelico. 


156  JANVIER-MARS    1922. 

Bulletin  archéologique  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques. 
1919,  1"  livraison.  —  Paris,  Imprimerie  Nationale  (Ernest  Leroux, 
éditeur),  1919;  ia-8".  [M.  I.  P.] 

Bulletin  arménien,  n"'  i8-95.  —  Paris,  1990;  in-/r.  [Dir,] 

Bulletin  d'informations  de  l' Azerbaïdjan,  n°'  11-19.  —  Paris,  1920; 
in-8".  [Dir.j 

*Bulletin  de  l'Ecole  Française  d'Extrême-Orient ,  XIX,  5;  XX,  1.— 
Hanoï,  Imprimerie  d'Extrême-Orient,  1919-1990;  gr.  in-8°. 

*  Bulletin  de  l'Institut  français  d'archéologie  orientale ,  XVII,  9;  XVIII,  1. 
—  Le  Caire,  1990;  in-/i°. 

*  Bulletin  de  littérature  ecclésiastique,  mars-octobre  1990.  —Toulouse 
et  Paris,  1990;  in-8''. 

Bulletin  du  Comité  d'études  historiques  et  scientifiques  de  l'Afrique  occi- 
dentale française,  janvier-septembre  1990.  —  Paris,  Emile  Larose, 
1990;  in-8''.  [Gouvernement  général  de  TA.  0.  F.] 

*Bijzantinische  Zeitschrift,  XXIII,  3-i.  —  Leipzig,  B,  G.  Teubner, 
1990;  in-8°. 

Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques.  Bulletin  de  la  Section  de 
Géographie,  XXIV,  année  1919.  —  Paris,  Imprimei'ie  Nationale  (Ernest 
Leroux,  éditeur),  1990;  iu-8°.  [M.  I.  P.] 

Im  Corée  libre,  n"'  i-3.  —  Paris,  mai  1990;  in-8".  [Dir.J 

L'Echo  de  l'Islam,  n°'  1-^-17.  —  Paris,  1990;  in-4°.  [Dir.] 
Epigraphia  Indica,  XV,  1 ,  3  et  5.  -  Calcutta,  Government  Print- 
ing,  1990;  in-li°.  [Gouvernement  de  l'Inde.] 

*Tlie  Géographie  al  Journal,  May-December  1990,  Supplément,  N"  5- 
6,  1990.  —  Loudou,i99o;  in-8°. 

*La  Géographie,  XXXIII,  3 -A -5:  XXXIV,  i-k.  —  Paris,  1920; 
gr.  in-8°. 

*Le  Globe,  t.  LIX,  Bulletin.  —  Genève,  Payot  et  C'%  1990;  in-S". 

L'Hexagramme,  n°  98.  —  Paris,  1990;  in-8°.  [Dir.] 

The  Indian  Antiquarij,  Decendjer  1919.  March-June  1990,  Index  to 
vol.  XLVII,  1918.  —  Bombay,  British  India  Press,  1919-1990;  ïn-h". 
[Gouvernement  de  l'Inde.  | 

*Der  Islam,  V,  k;  X,  3-6.  —  Berlin  und  Leipzig,  Walter  de  Gruyter 
undCo. ,  191/1-1990;  in-8". 


Société  asiatique.  157 

*  Journal  and  Procedings  of  the  Asialic  Society  of  Bengal,  New  Séries, 
XV,  6-7;  XVI,  1.  —  Calcutta,  1919-1990;  in-S". 

*  Journal  de  la  Société  fmno-ougrienne ,  XXIX-XXXVI.  —  Helsinki, 
lyi  5-i9-?o;  iii-S". 

Journal  des  Savants ,  JAwy'iGv-iioùi  igao.  —  Paris,  Librairie  Hachette, 
1920;  'm-tx\  [M.  l.P.  1 

*  Journal  of  the  American  Oriental  Society,  XL,^-^;  -  New  Haveii, 
Vale  Universily  Press,  1990;  in-S". 

*Tlie  Journal  of  the  Anthropological  Society  of  Bombay ,  XI ,  6.  —  Bom- 
bay, Brilish  ludia  Press,  1920;  in-8°. 

*  Journal  of  the  Burma  Research  Society,  X,  1-9.  —  Rangoon,  American 
Baptist  Mission  Press,  1990:  in-/j". 

*  Journal  of  the  (rypsy  Lore  Society,  New  Séries,  IX,  1-9.  —  Edinbm'g, 
University  Press,  1915-1916;  in-H". 

Journal  of  the  Manchester  Egyptian  and  Oriental  Society,  1918-1919. 

—  Manchester,  University  Press,  1990;  in-8°.  [Dir.J 

*  Journal  of  the  North-China  Branchof  the  Royal  Asialic  Society,  Vol.  LI. 

—  Shanghai,  Kelly  and  Walsh,  1990;  in-8°. 

*  Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society ,  January-October  1990.  —  Lon- 
don,  1990;  in-8°. 

*Journal  of  the  Society  of  Oriental  Research ,  IV,  1-2.  —  Chicago,  1990; 
in-8°. 

*Das  Land  der  Bibel ,  III,  3-/i.  Die  Tienvelt  Palàstinas,  von  Fritz  Bo- 
DENHEiMER.  —  Leipzig,  J.  C.  Hinrich'sche  Buchlandlung,  i99o;in-8". 

The  Linotype  Bulletin,  February  1990.  New  York,  Mergenlhaler 
Linotype  Company,  1990;  hi-tt".  [Dir.J 

*Luzac's  Oriental  List  and  Book  Review,  Jan.-September  1990.  —  Lon-' 
don,  1920;  pet.  in-S". 

*Al-Machriq,  mai-novembre  1990.  —  Beyrouth,  Imprimerie  catho- 
lique, 1990;  in-8°. 

*  Mémoires  de  la  Société  Jinno-ougrienm'.  XLl.  Paasonen  [li-).  Die 
fnnisch-ugrischen  s-laute.  —  XLII,  1  ;  XLIII.  AiMA(Frans).  Phonetik  und 
Lautlehre  des  Inarilaiypischen,  I-ll.  —  XLIV.  Kaijjia  (Jalo).  Die  ostseefln- 
nischen  Lehnworter  in  Russischen.  — XLV.  Aima  (Frans).  Istevaihtelutut- 
kielmia.  —  \LVI.  Kannista  (Arlluri).  Zur  Geschichte  des  Vokalismus  der 
erstcn  Silbe  im  Wogulischen  vom  qualitativen  Standpunkt..  —  XLVII.  Ha- 
MALAiNEN  (Albort).  Ihmisruumiin  substanssi.  .  .  —  XLVIII.  RASA^'li:N 
(Martti).  Die  tschuwassischen  Lehnworter  in  Tscheremissischen.  —  Helsinki, 
1918-1990;  in-8''. 


158  JANVifeR-MARS   l9ï>2. 

*Mcnmtrs  présentes  à  riiislitiil  (VEgypte,  Tome  II.  J.-B.  Piot-Be>.  Or- 
ganisalion  et  fonctionnenienl  du  service  vétérinaire  à  i'Aclniiiiislration 
des  domaines  de  l'Etat  égyptien.  —  Le  Caire,  Imprimerie  de  l'Institut 
français  d'x4rcliéologie  orientale,  ig-io;  in-4°. 

*Memoirs  of  thc  Archœohgical  Sunvey  of  India.  No.  9.  Varieties  of  tlie 
Vishnii  Image,  by  Pandit  B.  B.  Bidyanibod.  —  No.  fi.  The  Archœological 
Reviains  and  Excavations  al  Nagari,  by  Professor  D.  R.  Bhandarkar.  — 
No.  5.  Archœology  and  Vaislmava  Tradition,  by  Ramaprasad  Chandra.  — 
Calcutta,  Superintendent  Government  Printing,  19^0;  in-/4°.  [Gouver- 
nement de  l'Inde.] 

*Metnoirs  of  the  Asiatic  Societii  of  Bengal,  VI ;  VII,  3.  —  Calcutta. 
1919-1920:  in-4". 

*Memorie  délia  R.  Accademia  dei  Lincei,  Classe  di  scienze  morali,  sto- 
riche  e  filoiogiche,  XVI,  i-5.  —  Roma,  1910;  in-4°. 

Le  Messager  de  la  Paia-,  n°'  i-3.  —  Falaise.  1920:  in-4°.  [Dir.] 

Le  Monde  libre,  9"  année,  n°'  10-19.  —  Paris.  1990;  gr.  in-ZI".  [Dir.J 

*Le  Monde  oriental,  XII,  1-9.  —  Uppsala,  A.-B.  Akademiska Bokhan- 
dein,  1919:  gr.  in-8°. 

*The  Moslem  World,  July-October  1920.  —  New  York,  Missionary 
Review  Publishing  Co. ,  1 990  ;  in-8°. 

Al-Mounir,  n'  1/1.  —  Tunis,  1990:  in-fol.  [Dir.] 

Muséum  oj  Five  Aiis  Bulletin,  n"'  106  et  109.  —  Boston.  i99o;in-8°. 
[Dir.] 

The  Neiv  Russia,  II,  29;  III,  87.  /i5.  —  London,  1990:  in-8".  [Dir.] 

*]Sotulen.  .  .    van  het  Balaviaasch  Genootschap  imn  Kunsten  en  ]\  eten- 

schappen,  LVII,  9-4.  —  Weltvreden ,  s-Gravenhage ,  1919-1990;  in-8". 

Orientalia.  (Jommeniarii  de  rébus  Assijro-Babylonicis ,  Arabicis,  Aegi/p- 
tiacis,  etc.,  édita  a  Poniificio  Instituto  Biblico,  I,  1.  —  Roma.  1990;  gr. 
in-8".  [Dir.] 

L'Œuvre  Coloniale,  n°'  1-9.  —  Paris.  1990;  in- 4".  [Dir.  j 
*OudheidLundige  Dienst  in  Nederlandisch-lndië.  Oudheidkundig  Versiag, 
1919,  IV:  1990,  I.      ANeltvreden,  's-Hage,  1919-1920;  in-i'. 

*Palestim  Exploration  Fund.  Quarterly  Statement,  Jnly-October  1990. 
—  London,  1920;  pet.  in-8°. 

*Polybiblion,  février-octobre  1920.—  Paris,  1920;  in-8". 

*Rendiconti  délia  R.  Accademia  dei  Lincei.  Classe  di  scienze  morale. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  IbO 

sloriche  e  filologiche,  Série  quinta,  XXVIII,  7-12:  XXIX,  1-6.  —  Roma, 
1920;  iii-8". 

Répertoire  d'art  et  d'archéologie.  Index  alpbal)('lique.  Quatrième  année , 
1918.  Fascicule  90.  —  Paris,  Bibliothèque  d'art  et  d'archéologie,  1919; 
in-/i".  [Dir.  | 

*  Revue  archéologique,  novembre-décembre  1919.  —  Paris,  Editions 
Ernest  Leroux,  1919;  in-8°. 

*Revue  biblique,  1"  avril- 1"  octobre  1920.  —  Paris,  J.  (Jabalda,  et 
Home ,  François  Ferrari ,  1 9  ^^  o  ;  in-8°. 

*Revue  critique,  54°  année,  n"'  .3-2  0.  —  Paris,  Editions  Ernest  Leroux, 
1920;  in-8°. 

*  Revue  d'ethnographie  et  des  traditions  populaires,  1,  i-3.  —  Paris, 
Emile  Larose,  1920;  iu-8°. 

*  Revue  d'histoire  et  de  littérature  religieuses,  VI,  i-3.  —  Paris,  Emile 
Nourry,  1920;  in-8°.  [Dir.] 

*Revue  de  l'histoire  des  religions,  LXXX,  5-6;  LXXI,  1.  —  Paris,  Edi- 
tions Ernest  Leroux,  1920;  in-8°. 

*  Revue  de  l'Orient  chrétien,  3°  série,  I,  4.  —  Paris,  Auguste  Picard , 
1918-1919;  in-8°. 

Revue  des  études  arméniennes,  I,  1-2.  —  Paris ,  Imprimerie  Nationale , 
Imprimerie  Paul  Geuthner,  1920;  in-8".  [Dir.] 

*Revue  des  études  juives ,  107-188  (Annexe);  i3o-i4i.  —  Paris,  Dur- 
lacher,  1919-1920;  in-8°  et  in-4°. 

*Revue  du  Monde  Musulman,  volume  XXVII,  juin  191 4;  XXXVII, 
Paul  i\Urty,  Etudes  sur  l'Islam  et  les  tribus  du  Soudan,  t.  I,  1918-1919; 
XXXVIII,  1919;  XXXIX,  juin  1920.  —  Paris,  Editions  Ernest  Leroux, 
191/1-1920;  in-S". 

''Revue  hispanique,  n°'  109-112.  --  New -York  et  Paris,  1919;  g''. 
in-8". 

*Revue  indochinoise,  novembre  1919-aoùt  1990.  —  Hanoi,  1919- 
1920;  in-8°. 

*Rivista  degli  Studi  orientali,  VIII,  3.  —  Roma,  presse  la  Regia  Univer- 
sità,  1920;  gr.  in-8°. 

*Straits  Rranch,  Royal  Asiatic  Societij.  Journal,  n°'  79-81.  —  Singa- 
pore,  1918-1920;  in-8°. 

*Sijria,  Revue  d'art  oriental  et  d'archéologie,  I,  i-3.  —Paris,  Paul 
CJeuthner,  1920;  in-/i". 

*TijdschriJt...  mitgegeven  door  het  Bataviaasch  Genootschap  van  kunsten 
en  Wrieiisrhdjipni ,  LI\.  3-/i.  —  Batavia , 's  Hage,   1930;  in-8". 


|f)()  JANV1KH-MAI\S   lU^'J, 

T'oun^-  Pao,  \1\,  5.  —  Leide,  E.  J.  Biill,  lyrîo:  in-8°. 

*Transaclions  0/  tlie  Asialic  Society  of  Jiipan,  vol.  XLVII.  —  Tokyo, 
1919;  in-8°. 

*Traiisactio)i>i  0/  titc  Koiea  BmncJi  of  the  lloijal  Asialic  Societi/,  1,  II, 
i-«3;III,  i;lV,  i-3;  VI,  2;  VIII,  IX,"  XL  -  Scoul,  1900-1920;  iii-8°. 

*Zi'ilscliriJt  (1er  Doiiisclicn  Morgcnliindischeii  Gesellschaft,  LXVIV,  1-4. 
—  Leipzig,  F.  A.  Brockhaus,  1920;  in-8". 

*Zeil.sclirifl  des  Deiitscken  Pnlnstina-Vereins ,  XLIII,  1-2.  —  Leipzig, 
J.  G.  Hinrichs'scbe  Buchbandiung,  1920;  in-8°. 

*Zeilsclirifl  fiir  die  alllestanieiUliche  Wisseiischafl ,  1916,  i-A:  191G, 
1-4;  1917-1918,  1-4:  1919-1920,  1-2.  —  Giessen,  Alfred  Topelmann , 
1915-1990;  iii-8°. 


Le  géranl  : 

Gabriel  Ferrand. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 


AVRIL-JUm  1922. 

&*< 


HISTOIRE 

DES 

PACHAS  D'ALGER  DE  1515  À  1745. 


EXTRAIT  D'UNE  CHRONIQUE   INDIGENE 

TRADUIT  ET  Ai\NOTÉ 

PAR 

G.   DELPHIN. 


NOTICE   SUR   G.   DELPHIN. 

La  Société  asiatique  a  perdu  en  G.  Delphiu  un  de  ses  membres  les 
plus  anciens. 

Venu  jeune  encore  en  Algérie,  en  1876  ,  il  fut  sensible  dès  le  premier 
jour  à  l'intérêt  offert  par  la  société  arabe  et  se  donna  pour  tâche  de  con- 
naître la  civilisation  de  nos  sujets.  Pendant  plus  de  3o  ans,  il  mêla 
étroitement  sa  vie  à  celle  des  musulmans  algériens.  En  même  temps  qu'il 
s'applicpiait  à  l'étude  de  la  langue  arabe  «'t  de  l'Islam,  il  consacrait  son 
activité  pratique  à  instruire  et  former  l'élite  des  jeunes  générations  indi- 
gènes. 

Pourvu  d'une  solide  culture  classique,  Delpin'n  commença  d'ap- 
prendre tout  seul  l'arabe;  il  fit  dans  l'étude  de  celle  langue  des  pro- 
grès si  rapides  qu'il  put,  quelques  années  plus  tard,  être  chargé  de 
l'enseigner  à  la  chaire  publique  d'Oran,  puis  à  1  Ecole  des  lettres 
d'Alger. 

En  1896,  le  Gouvernement  général  de  l'Algérie  entreprit  de  réfor- 


162  AVIUL-JUIN   192-2. 

mer  l'enseignement  supérieur  musulman  dans  les  me'dersas.  On  voulait 
mieux  préparer  à  leur  tâche  professionnelle  les  futurs  fonctionnaires 
indigènes  et  donner  à  ces  représentants  des  classes  dirigeantes  un  ensei- 
gnement mixte,  adapta  a  la  vie  composite  de  l'Algérie  française,  combi- 
nant les  sciences  musulmanes  Iradiliounellcs  et  des  éléments  do  culluie 
européenne.  Les  qualités  personnelles  de  Delphiu  et  ses  études  anlc- 
rieures  —  il  venait  de  publier  une  sérje  d'articles  sur  l'enseignement  à 
la  Mosquée  de  Fez  —  le  désignaient  en  première  ligne  pour  collaborer 
à  celte  réforme.  11  fut  appelé  à  ia  direction  de  la  Médersa  supériem-e 
d'Alger  et  y  resta  dix  ans.  Parmi  de  nombreuses  difficultés  il  y  accomplit 
sans  défaillance  une  œuvre  de  haute  valeur,  exerçant  sur  ses  élèves  une 
heureuse  influence  et  marquant  de  son  empreinte  plusieurs  générations 
de  fonctionnaires  indigènes. 

L'œuvre  scientifique  de  Delphin  est  importante  et  variée.  Elle  va  de 
l'histoire  au  droit  musulman  et  à  la  grammaire  de  l'arabe  classique.  Les 
études  de  dialectologie  niaghribine  y  sont  largement  l'eprésentées. 
L'ouvrage  capital  de  Delphin  dans  ce  domaine  est  son  Beciœil  de  Textes 
•pour  l'étude  de  l'arabe  parlé.  Ce  livre  constitue  l'une  des  plus  riches  et 
des  plus  rares  collections  lexicographiques  jusqu'à  présent  réunies  dans 
le  champ  de  l'arabe  moderne.  Il  mot  en  lumière  le  talent  de  fauteur 
dans  l'art  difficile  de  l'information  orale.  Aucun  ouvrage  consacré  à 
l'arabe  maghribin  n'a  été  étudié  avec  autant  de  zèle  par  les  praticiens 
algériens;  aucim  recueil  de  documents  n'a  été  mis  davantage  à  contribu- 
tion parles  sociologues  et  linguistes  nord- africains. 

Il  convient  de  faire  une  place  à  part  dans  l'œuvre  de  Delphin  à  srs 
études  sur  les  mœurs  et  le  langage  des  étudiants  campagnards.  Les  mi- 
heux  ruraux  demi-lettrés  avaient  de  bonne  heure  piqué  sa  curiosité  et 
il  les  avait  soumis  à  de  patientes  entpiètes.  L'influence  de  la  scolastique 
musulmane  sur  ces  esprils  h'ustes  u  juxtaposé  à  leur  simplicité  native  une 
subtilité  acquise  et  un  peu  puérile.  Le  pédautisme  naïf  qui  est  leur  trait 
dominant  s'exprime  dans  une  langue  à  part  mêlant  au  fonds  des  parlers 
locaux  des  élémenls  littéraires  disparates,  expressions  coraniques,  frag- 
ments de  prose  rimée  des  gongoristes  classiques,  lieux  communs  des 
poètes  moralistes ,  termes  techniques  du  droit  et  de  la  théologie.  Ce  sont 
ces  bédouins  cultivés  qui  ont  maintenu  dans  les  campagnes  du  Maghreb 
un  certain  contact  entre  la  langue  écrite  et  la  langue  parlée;  et  c'est  [lar 
leur  intermédiaire  que  les  dialectes  ruraux  iiiaghribins  ont  subi  de  tout 
temps  l'inlluence  de  l'arabe  littéraire  et  aussi  des  parlers  citadins.  Le 
Jiécit  dcfi  aventures  d'un  étudiant  au  village  nègre  d'Oran  et  les  Séances  de 
Aouali  publiées  par  Delphin  l'un  en  1898  j\  Alger,  les  autres  en  191^- 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   1745.  163 

igi5  à  Paris  (Journal  rts/a%«e)  fournissent  de  prëcieux  spécimens  du 
ian{,''age  et  du  style  de  cette  classe  des  tolbas  ruraux. 

Depuis  une  dizaine  d'années,  Deipliin  ne  résidait  plus  en  Algérie, 
mais  il  y  faisait  de  fréquents  voyages  et  avait  conservé  toute  son  ardeur 
pour  les  éludes  orientales.  Bientôt  la  guerre  allait  poser  les  plus  graves 
questions  de  politique  indigène  nord-africaine.  Ces  problèmes  ne  pou- 
vaient écha[)per  à  l'expérience  allenlive  de  l)el|)liin  el  il  s'atlacha  par- 
ticulièrement à  l'un  d'entre  eux  :  la  participation  plus  large  et  plus 
efficace  des  musulmans  maghribins  à  la  défense  nationale.  Engagé  volon- 
taire comme  interprète  de  langue  arabe  à  l'âge  de  Sg  ans,  il  organisa 
d'autre  part  diverses  institutions  d'assistance  à  l'intention  des  soldats  et 
des  ouvriers  musulmans  venus  d  ins  la  métropole. 

Au  moment  où  il  a  disparu ,  Uelphin  préparait  la  traduction  annotée 
d'un  recueil  d'annales  de  l'Algérie  turque  rédigé  en  arabe  au  milieu 
du  xvui"  siècle.  Notre  regretté  confrère  avait  réuni  pour  l'annotation 
d'abondants  matériaux;  la  mort  l'a  empêcbé  de  les  utiliser:  par  contre, 
avant  de  disparaître ,  il  avait  établi  la  traduction  et  rédigé  définitivement 
une  importante  introduction.  En  publiant  aujourd'bui  dans  son  Journal 
les  fragments  achevés  de  l'œuvre  posthume  de  Delphin,la  Société  asia- 
tique rend  un  juste  hommage  à  ce  collaborateur  lidèle,  à  ce  savant 
consciencieux  et  à  cet  homme  de  bien, 

VV.  Marçais. 


INTRODUCTION. 

Les  annales  d'Alger  pour  la  période  turque  durant  laquelle 
cette  belle  cité,  malgré  sa  situation  exceptionnelle  et  la  fertilité 
(le  ses  environs,  ne  fut  jamais  qu'un  nid  de  forbans  et  une 
géhenne  avec  toutes  ses  hontes  et  ses  douleurs  pour  les  mal- 
heureux chrétiens  réduits  en  esclavage,  ont  été  écrites  avec 
tant  de  compétence  par  M.  de  Grammont^^'  qu'une  nouvelle 
contribution  à  cette  histoire  peut  paraître  superflue. 

Il  en  serait  incontestablement  ainsi  si  l'on  devait  s'en  tenir 
iuix   soiu'ces   européennes  que    cet  auteur  a  minutieusement 

"'   H.  D.    KE  Ghammont,    llixtoire   d'Aller  sans  lu  doininalion  lui-que  (i5i5- 
ifS.'îo),  1  vol.  iii-8",  Paris,  Eruest  Loruiix,  1887. 


164  AVRIL-JUIN  1922. 

compulsées  en  feuilletant  les  fonds  inédits  d'archives  locales, 
et  en  rééditant  des  relations  déjà  anciennes  devenues  fort  rares. 
Mais  ses  investigations  sont  moins  étendues  en  ce  qui  concerne 
la  documentation  indigène.  Ce  ne  sera  point  peine  perdue, 
j'en  suis  convaincu,  que  de  reprendre  l'étude  méthodique  des 
manuscrits  indigènes  d'histoire  locale  qui  n'ont  été  que  super- 
ficiellement analysés.  Ils  contribueront  à  élucider  quelques 
points  restés  obscurs  dans  cette  histoire  tourmentée  d'un  peu 
plus  de  trois  siècles. 

Sans  doute,  M.  de  Grammont  ne  s'en  est  pas  désintéressé 
complètement,  car  les  travaux  de  Berbrugger,  Féraud,  Devoulx, 
publiés  dans  le  Recueil  de  la  Société  historique  algérienne,  dont 
il  fut  le  président,  et  ceux  plus  anciens  de  Sanderrang,  Rous- 
seau, etc.,  auquels  il  se  réfère  en  maintes  circonstances,  ne 
sont,  en  définitive,  que  des  documents  indigènes  traduits  et 
commentés  par  ces  orientalistes.  Mais,  critique  sévère,  il  ne 
pouvait  admettre  que  les  écrivains  musulmans  en  prennent 
tant  à  leur  aise  avec  des  faits  incontestés  et  jugent  des  événe- 
ments comme  si  l'Islam  était  le  pôle  du  monde.  Aussi  a-t-ii 
fait  leur  procès  dans  les  premières  pages  de  son  livre  ''^  avec 
cette  vivacité  qui  lui  était  familière  : 

A  aucun  moment,  dit-il,  on  ne  peut  faire  fond  sur  les  chroniques 
indigènes.  Elles  sont  d'une  extrême  rareté  et  l'on  n'a  guère  à  le  regretter 
quand  on  sait  combien  celles  qui  ont  été  conservées  sont  dilFuses  et  rem- 
plies d'erj'eurs,  d'exagérations  et  de  mensonges  souvent  voulus. 

Doit-on  prendre  à  la  lettre  cette  opinion,  si  autorisée  soil- 
elle,  et  s'interdire,  d'une  façon  absolue,  cette  source  d'infor- 
mations? Celle  partialité  est-elle  le  fait  des  musulmans  seuls? 
Il  n'y  a  pas  si  longtemps  qu'ont  été  définies  chez  nous  les  règles 
critiques  de  la  méthode  historique. 

Les  annalistes  musulmans  sont  sujets  à  caution,  c'est  en- 

<')  Même  ouvrage,  Introduction,  p.  xiv. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   1745.  165 

tondu,  mais  de  ces  prémisses,  on  ne  peut  inférer  d'autre  con- 
clusion légitime  que  celle  de  ne  pas  se  départir,  à  leur  égard , 
de  la  plus  grande  circonspeclion.  En  revanche,  il  est  exact, 
comme  l'écrit  M.  de  Grammont,  que  ces  chroniques  sont  d'une 
extrême  rareté  et  l'on  est  vraiment  déçu,  au  milieu  de  tant 
d'ouvrages  de  droit,  d'exégèse,  de  grammaire,  de  lexicogra- 
phie, recueillis  par  nous  en  Algérie  depuis  notre  prise  de  pos- 
session du  pays,  de  ne  découvrir  qu'un  si  petit  nombre  de  rela- 
tions historiques. 

Nous  ne  pouvons  que  le  regretter,  car  si  imparfaites  fussent- 
elles,  il  est  bien  certain  que  nous  en  aurions  tiré  parti. 

Tel  est  bien,  du  reste,  l'avis  d'un  auteur  de  mérite,  E.  Wat- 
bled,  qui  publia  dans  la  Revue  africaine,  de  1870  à  187/1, 
une  série  d'excellentes  études  sur  le  régime  turc  en  Algérie. 
A  propos  de  la  mort  tragique  de  l'un  des  premiers  pachas 
d'Alger,  Tekelerli,  après  avoir  analysé  des  lettres  inédites,  dont 
une  de  Philippe  II  d'Espagne,  il  avoue  en  ces  termes  l'embarras 
oii  il  se  trouve  pour  formuler  une  conclusion  : 

Trop  souvent,  dil-il,  comme  dans  le  cas  présent,  l'absence  de  toute 
annale  algérienne  ne  permet  pas  de  dégager  la  vérité  d'assertions  contra- 
dictoires empruntées  soit  à  d'obscures  légendes,  soit  à  des  documents 
européens,  sans  aucun  caractère  d'authenticité'''. 

A  maintes  reprises,  M.  de  Grammont  signale  très  franche- 
ment les  lacunes  de  son  livre.  Certaines  périodes,  notamment 
celles  des  pachas  triennaux,  de  1697  à  iGSg,  sont  particu- 
lièrement obscures.  Ces  incertitudes  ne  tiennent  pas  seulement 
au  manque  de  précision  des  anciennes  relations,  mais  elles 
proviennent,  pour  beaucoup,  des  transcriptions,  par  trop  fan- 
taisistes, des  noms  propres  étrangers,  telles  que  les  ont  ima- 
ginées les  auteurs  européens  des  xvi%  xvii"  et  xvin'  siècles.  Les 

^'^  Ernest  Wathlkd,  Documcvts  médil.i  sur  rassanalnat  du  jjacha  Tekelerli 
(1 556-1 557),  dans  la  Revue  africaine,  t.  XV,  1871,  p.  335  et  suiv. 


166  AVRIL-JUIN   1922. 

maîtres  d'Aigcr  n'nppartenuient  pas,  on  (pi'en  très  petit  nombre, 
à  ia  race  autochtone:  ils  étaient  orip,inaires  des  régions  sou- 
mises au  joug  ottoman  :  Europe  orientale,  Turquie  d'Asie, 
Egypte.  Ces  ethniques  étrangers  subissaient  dans  ia  bouche  des 
Algériens  une  première  déformation  ;  recueillis  par  les  auteurs 
européens,  ils  devenaient,  sous  leur  plume,  à  peu  près  mécon- 
naissables. 

Nous  en  trouvons  une  preuve  dans  cette  note  de  M.  de  Gram- 
mont  : 

Aucun  des  textes  chronologiques  connus  ne  parle  de  Saref.  dont 
l'existence  est  pourtant  rendue  incontestable  par  les  lettres  du  vice-consul 
Chaix  et  par  les  ouvrages  de  Gramaye,  captif  à  Alger  en  1619  ^''. 

On  conviendra  que,  si  avisé  soit-on,  il  est  difficile  de  recon- 
naître en  ce  personnage,  soit  un  nommé  Khesraf,  qui  fut  pacha 
d'Alger,  une  première  fois  en  1619  et  une  seconde  en  162/1, 
soit  Israf  Khodja  qui,  avec  Hamouda  Tabadji,  exerça  le  pou- 
voir quand  Hossein  Cheikh  fut  emprisonné,  et  dont  mon  auteur 
indique  avec  précision  la  nature  et  la  durée  des  fonctions. 

De  là,  une  cause  d'erreur  à  peu  près  inévitable  pour  qui- 
conque ne  peut  se  référer  à  un  texte  original  arabe  ou  turc. 
Quelques  systèmes  de  transcription  plus  rationnels  tendent, 
aujourd'hui,  à  se  généraliser.  Ce  sera  un  grand  progrès,  mais 
jusqu'à  présent,  on  peut  leur  reprocher  leur  extrême  compli- 
cation et,  surtout,  d'avoir  trop  facilement  passé  sur  la  vraie 
difficulté  de  la  réforme  qui  provient  de  ce  que  l'usage  a  déjà 
fixé  l'orthographe  de  certains  noms  ou  termes  étrangers.  On 
les  trouve,  aujourd'hui,  sous  la  plume  de  nos  meilleurs  écri- 
vains et  inventoriés  dans  nos  dictionnaires.  Croire,  dans  ces 
conditions,  que  l'on  arrivera  à  une  entente  générale,  grâce 
à  laquelle  on  modifiera  toutes  les  transcriptions  erronées  des 
termes  étrangers,  c'est,  je  le  crains,  se  leurrer  d'un  espoir  chi- 

(')  Dh  GRiuKom,  Histoire  d'Alger,  p.  i56. 


I 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1745.  167 

mérique;  je  considère  donc  comme  indispensable  d'arriver  à 
une  transaction  et  de  considérer  comme  acquises  les  transcrip- 
tions actuelles  de  nos  lexiques.  Ce  sera,  si  l'on  veut,  «la  part 
du  feu  5).  Vouloir  être  trop  absolu  en  celte  matière  n'aboutirait 
à  rien. 

Si  l'on  m'objecte  que,  du  moment  où  il  y  a  dérogation^ 
le  système  entier  disparaît,  je  répondrai  qu'il  faut  distinguer 
deux  cas  : 

Le  premier  est  celui  d'un  lecteur  qui  ne  cherche  qu'à  s'in- 
struire des  événements  historiques  d'un  pays  et  ne  désire  point 
avoir  la  transcription  adéquate  de  l'ethnique  étranger.  Tout 
système  qui  le  mettra  dans  l'obbgation  de  s'initier  tout  d'abord 
à  l'interprétation  de  nombreux  signes  conventionnels  lui  appa- 
raîtra comme  une  perte  de  temps  et  une  cotoplication  qu'on 
eût  pu  lui  éviter,  car  l'essentiel  pour  lui  est  d'idenlifier  ses 
personnages.  On  peut,  il  me  semble,  sans  inconvénient  bien 
grave,  admettre  les  dérogations  auxquelles  je  fais  allusion 
plus  haut. 

Le  second  cas  est  celui  d'un  érudit  qui  étudie  un  texte  au 
point  de  vue  morphologique.  Ici,  nulle  latitude  ne  doit  être 
laissée  dans  l'application  du  système  convenu.  Différemment, 
il  ne  serait  plus  possible  d'établir  les  comparaisons  dialectales. 
Nous  sommes,  en  effet,  dans  le  domaine  d'une  science  qui  vise' 
à  l'exactitude,  et  à  ce  titre,  les  signes  qui  l'expriment  doivent 
être  déterminés  par  une  convention  à  laquelle  on  ne  saurait 
déroger. 

Mon  manuscrit,  rédigé  par  un  kourougli,  c'est-à-dire  un 
algérien  issu  d'un  turc  marié  à  une  femme  arabe,  m'a  permis 
de  proposer  pour  quelques  uns  de  ces  problèmes  d'histoire 
locale,  auxquels  M.  de  Grammont  a  fait  allusion,  des  solutions 
satisfaisantes. 

Un  autre  document  inédit  et  dont  la  publication  serait  une 
annexe  utile  de  ma  traduction  m'a  été  d'un  graïul  secours  :  je  veux 


168  AVRIL-JUIN    1922. 

parler  de  la  précieuse  collection  des  empreintes  autlientiqnes 
des  sceaux  des  anciens  chefs  de  la  Régence  d'Alger. 

Elle  comprend  soixante  et  onze  spécimens,  dont  le  premier 
est  le  sceau  d'Hassan  Veneziano,  aflVanchi  d'El  Euldj  Ali,  qui 
gouverna  Alger  de  1577  à  i  58o,  et  le  dernier  celui  d'Hossein 
Pacha,  qui  régnait  en  1 83o.  Cette  collection  renferme  quelques 
lacunes  :  certaines  lectures  restent  douteuses;  elle  n'en  est  pas 
moins  extrêmement  intéressante  à  consulter. 

Je  me  rendis  accjuéreur  de  ces  deux  documents  à  Alger,  dans 
les  derniers  jours  de  1876,  avec  d'autres  pièces  provenant  de 
la  succession  d'Albert  Devoulx,  décédé  peu  de  temps  aupar- 
avant. Beaucoup  de  papiers  manuscrits  de  cet  éminent  arabi- 
sant avaient  été  déjà  dispersés.  Je  m'appliquai  à  les  recueillir, 
mais  un  grand  nombre  et  non  des  moindres,  si  je  m'en  rap- 
porte à  la  hste  de  ses  ouvrages  en  préparation,  échappèrent 
à  toutes  mes  recherches. 

Est-ce  à  dire  qu'ils  sont  définitivement  perdus  ?  J'espère  que 
non.  Et  ce  qui  me  confirme  dans  cette  opinion,  c'est  qu'en 
191/1,  c'est-à-dire  trente-sept  ans  après  l'époque  dont  je  parle, 
M.  Jean  Deny,  le  distingué  professeur  de  turc  à  l'Ecole  des 
Langues  orientales,  découvrit  chez  un  libraire  de  Paris  une 
série  de  firmans  relatifs  à  l'Odjak  algérien.  Au  cours  de  la  com- 
munication qu'il  fit  à  ce  sujet  à  l'une  de  nos  séances  men- 
suelles ^^',  j'eus  la  pensée  que  ces  pièces  pouvaient  avoir  la 
même  provenance  que  les  miennes.  J'en  fis  part  à  mon  confrère 
et  le  doute  ne  fut  plus  possible  après  que  nous  les  eûmes  coUa- 
lionnées.  Les  firmans  que  je  possédais  étaient  précisément 
ceux  qui  manquaient  à  la  collection  de  M.  Deny.  D'autre  part, 
on  relevait  sur  certains  d'entre  eux  des  annotations  de  la  main 
d'Albert  Devoulx,  dont  l'écriture  m'est  familière. 


(')  Journal  iisinti(jup ,  mai-juin  uji"^,  séance  du  8  mai  191^1,  p.  708,  ainsi 
que  ma  noie  reproduite  p.  710. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   1745.  109 

Ce  n'est  donc  point  une  vaine  conjecture  d'espérer  que 
d'autres  personnes  que  ces  études  sur  l'ancienne  histoire 
d'Alger  intéresseront  retrouveront  un  jour  le  reste  des  manu- 
scrits précieux  provenant  de  la  succession  d'Albert  Devouk. 

Ces  empreintes  des  sceaux  des  pachas  ont  été  découpées 
dans  des  pièces  manuscrites.  Quelles  étaient  celles-ci  ?  J'ai  lieu 
de  supposer  qu'elles  provenaient  de  documents  administratifs 
recueilhs  par  nous  à  Alger,  après  avoir  pris  les  lieu  et  place 
du  Beylik ,  et  qui  constituèrent  le  premier  fonds  des  archives 
arabes  et  turques  du  Domaine. 

On  y  groupa  tout  ce  qui  présentait  un  intérêt  général  ou  his- 
torique :  registres  de  paye  de  la  mihce,  actes  administratifs, 
correspondance  ofTicielle,  titres  de  propriété  des  biens  appar- 
tenant au  Beylilv,  actes  de  habous,  de  vente,  d'échange,  dans 
lesquels  le  pacha  intervenait  soit  en  son  nom  personnel  pour 
des  biens  lui  appartenant  en  propre,  soit  en  sa  qualité  de 
chef  du  Gouvernement. 

En  dessous  de  ces  cachets  rangés  sur  feuilles  blanches, 
Devoulx  a  inscrit  des  dates.  Je  dois  les  accepter  telles  quelles, 
car  je  n'ai  aucun  moyen  de  les  discuter,  n'ayant  pas  eu  entre 
les  mains  les  originaux  auxquels  ces  empreintes  ont  appartenu. 
Comme  elles  sont  différentes  pour  le  même  cachet  et  parfois 
avec  des  écarts  assez  grands,  l'hypothèse  la  plus  probable  que 
l'on  puisse  émettre ,  c'est  que  ces  dates  sont  celles  des  diffé- 
rentes pièces  sur  lesquelles  Devoulx  a  relevé  la  même  em- 
preinte. Il  est  bon,  néanmoins,  de  rappeler  ici  que,  parfois, 
un  titre  administratif  porte  le  cachet  de  deux  pachas  différents. 
Devoulx  en  avait  fait  la  remarque  à  propos  de  la  constitution 
d'un  habous  au  profit  de  la  mosquée  de  Ketchaoua,  actuelle- 
ment église  cathédrale  d'Alger,  sous  le  vocable  de  Saint- 
Philippe  :  Hassan  Pacha  qui  gouverna  Alger  de  1791  à  1798 
était  l'auteur  de  cette  dotation;  son  successeur,  Mustapha 
Pacha,  apposa  son    cachet,,  «rpour  témoigner,  dit  Devoulx, 


170  AVRIL-JUIN    1922. 

qu'il  n'avait  pas  l'inlenlion  d'invalider  les  dispositions  prises 
par  son  prédécesseur'^'??. 

Je  n'ai  pns  fait  de  constatation  analogue  dans  les  anciens 
actes  que  j'ai  eus  sous  les  yeux;  il  est  vrai  que  le  nombre  en 
est  infime  en  regard  de  ceux  que  Dcvoulx  a  examinés,  mais 
j'ai  relevé  le  même  procédé  dans  un  des  registres  dont  j'ai 
parlé  plus  haut.  Il  s'agissait  de  la  confirmation  d'exemptions 
fiscales  en  faveur  de  la  milice.  Il  était  question,  en  même 
temps,  de  fixations  de  salaires  et  de  taxations  de  denrées, 
réglementation  compliquée  qui  occupait  une  place  considé- 
rable dans  le  système  gouvernemental  des  Turrs  à  Alger,  car 
ces  gens  entendaient  bien,  venant  de  si  loin,  ne  pas  s'être 
dérangés  pour  rien;  ils  voulaient  vivre  sur  le  pavs  et  à  bon 
compte;  j'ajouterai  quen  cela,  ils  ont  fait  preuve  d'une  ingé- 
niosité étonnante.  Le  prix  de  certaines  denrées  alimentaires 
n'était  pas  le  même  pour  eux  que  pour  le  reste  de  la  popu- 
lation. Ainsi,  en  ce  qui  concerne  la  viande,  une  taxe  très 
basse  était  édictée  au  profit  des  acheteurs  inscrits  au  rôle  de 
la  milice,  une  seconde,  moins  onéreuse  pour  le  négociant,  s'ap- 
pUquait  aux  habitants.  La  plupart  des  objets  de  première 
nécessité  étaient  taxés  à  la  vente  au  détail.  A  cet  effet,  les  prix 
de  revient  étaient  minutieusement  établis;  ainsi,  pour  le  pain, 
l'huile,  le  savon,  on  décomptait  la  quantité  de  matière  pre- 
mière, leur  prix  d'achat,  puis  le  transport  et  enfin  la  main 
d'œuvre.  Pour  arriver  à  une  estimation  aussi  exacte  que  pos- 
sible, le  cheikh  el  blad  faisait  procéder,  sous  ses  yeux,  à  la 
fabrication  du  produit;  il  établissait  le  décompte  de  toutes  les 
dépenses  engagées  et  le  prix  de  vente  était  fixé  sur  ces  don- 
nées. Le  procédé,  tout  empirique  qu'il  soit,  apparaît  en  somme 
assez  expédient,  et  les  circonstances  actuelles  nous  ont  montré 
les  difficultés  d'une  question  de   ce  genre.  Le  bain  maure, 

'"'  Edifices  reliifieuT ,  p.  167,  n.  9. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   1745.  171 

donl  l'usage  est  si  répandu  en  milieu  arabe,  était  également 
taxé  par  le  même  procédé.  J'ai  relevé  la  plupart  de  ces  indica- 
tions à  la  bibliothèque  de  rÉtat-Major  à  Alger,  dans  un  manu- 
scrit portant  le  numéro  670,  attribué  à  Abd-el-qader  ben  el 
Hadj  Youssef  Echouihat.  Il  commence  par  cette  phrase  : 

Louange  à  Dieu.  Ceci  est  un  règlement,  par  la  grâce  de  Dieu,  en 
vigueur  dans  la  ville  d'Alger,  que  Dieu  la  conserve  à  l'Islam. 

Quelques  lignes  plus  bas,  on  relève  celte  date  : 

Coutumes  des  marchés  à  l'encan,  année  1116  (6  mai  170 4-9^  avril 
1706). 

Le  manuscrit  est  une  compilation,  sans  aucun  plan  d'en- 
semble, d'ordonnances  de  police,  de  prescriptions  fiscales  de 
toutes  sortes  relatives  à  la  valeur  respective  des  monnaies  en 
usage  à  Alger,  aux  prix  de  certaines  denrées,  au  salaire  des 
fonctionnaires  préposés  à  la  vente  des  marchandises  à  l'encan, 
qu'il  s'agisse  des  esclaves  au  Badeslan,  ou  des  produits  im- 
portés des  pays  Francs  et  d'Orient.  On  y  trouve  encore  la 
série  des  droits  perçus  à  la  sortie  des  portes  d'Alger,  le  tarif 
des  transports  par  bêles  de  somme  de  certaines  marchandises, 
telles  que  les  grains,  le  charbon  de  bois,  etc. 

Au  milieu  d'une  énumération  fastidieuse  d'articles  les  plus 
variés,  on  est  surpris  de  trouver  un  passage  (pie  je  vais  citer 
en  entier,  parce  qu'il  a  une  porlée  morale  que  je  lue  plais  à 
souligner,  après  mes  nombreuses  critiques  sur  le  régime  turc 
en  Algérie. 

Il  s'agissait  de  prendre  une  décision  pour  faire  rentrer  des 
droits  que  l'on  avait  omis  de  percevoir. 

lîaba  Ahmed  nous  fit  appeler  :  Abd  Allah  Mohammed  Ben  el  Hadj 
Youssef  Echouilial,  Soliman  Cheikh  Kl  Blad,  Si  Ahmed  Ben  el  Fassia 
et  El  Amin.  Le  [)aclia  dit  :  ffBcunissc/-voiis  vendnMli,  el  décidez  pour 
chaque  corps  de  métier,  une  fois  pour  loulcs.i  Nous  nous  réunîmes,  au 


172  AVRIL-JUIN  1922. 

jour  (lit,  à  la  mosquée  d'Es-Seïda^'',  vieux  et  jeunes,  et  l'accord  fut 
conclu. 

Suit  l'énuméralion  d'un  certain  nombre  de  marchandises. 
Enfin,  la  phrase  où  je  veux  en  venir  : 

Restait  à  découvrir  quarante  réaux.  Nous  allâmes  trouver  Baba  Ahmed 
et  lui  fimes  notre  rapport.  Il  nous  répondit  :  r  Imposez-les  aux  corps 
de  métiers  qui  n'ont  pas  versé ,  mais  de  telle  sorte  que  le  riche  paye  en 
proportion  de  sa  fortune,  et  le  pauvre  en  raison  de  ses  modestes 
ressources  '•-'.  n 

(•'  La  mosquée  d'Es-Seida  est  le  monument  d'architecture  indigène  dont  la 
disjiarition,  au  début  de  la  conquête,  causa  le  plus  de  regrets  à  ceux  qui 
furent  les  témoins  à  Alger  de  si  nombreuses  destructions  de  belles  maisons 
indigènes  et  de  mosquées  condamnées  sous  prétexte  de  nécessité  militaire.  Son 
intérieur  était  d'ime  élégance  admirable.  Une  gravure  de  l'époque  nous  en  a 
conservé  un  souvenir  très  imparfait,  car  elle  nous  représente  le  monument 
déjà  aux  trois  quarts  démoli. 

Située  en  face  de  l'entrée  principale  de  la  Djenina ,  elle  servait  de  chapelle 
aux  chefs  de  la  Régence  qui  n'avaient  ainsi  qu'une  faible  dislance  à  parcourir 
en  dehors  de  leur  palais.  On  voit  par  l'extrait  du  manuscrit  d'Echoudiat  que 
l'on  s'y  réunissait  pour  discuter  et  consacrer  certains  accords. 

Haëdo  la  cite  comme  étant  une  des  sept  grandes  mosquées  d'Alger. 

La  démolition  fut  commencée  en  i83o,  mais  le  minaret  resta  debout  jus- 
qu'en i83a.  Quand  on  voulut  le  jeter  à  bas  au  moyen  de  cordages  fixés  à  son 
sommet,  la  sohcle  construction  résista  à  tous  les  eflorts.  On  l'attaqua  alors  par 
la  base  avec  le  pic  et  la  pioche,  en  remplaçant  par  des  étais  en  bois  les  maté- 
riaux au  fur  et  à  mesure  de  leur  enlèvement.  Puis  ces  supports  furent  enduits 
de  poix  et  entourés  de  fascines,  on  y  mit  le  feu.  Un  témoin  oculaire,  cité  par 
Devoulx,  raconte  que  l'on  vit  le  monument  s'atTaisser  sur  lui-même,  se  pen- 
cher du  côté  Est,  en  faisant  quelques  contorsions  («te),  et  tomber  à  terre  d'une 
seule  pièce.  Quelle  triste  besogne  et  quel  pénible  spectacle!  Avouons-le!  Plus 
tard,  on  regretta  de  s'être  tant  hâté  quand  on  constata,  lors  de  l'achèvement  des 
travaux  d'établissement  de  la  place  du  Gouvernement,  que  l'élégante  mosquée 
eût  pu  être  conservée.  Elle  occuperait  actuellement  à  l'angle  l'Ouest  la  partie 
plantée  de  palmiers  que  nous  avons  dénommée  :  (rS(iuare  de  la  Régence?). 

De  l'intérieur  de  la  mosquée,  on  utilisa  uue  très  belle  colonnade  qui  forme 
aujourd'hui  le  péristyle  de  la  grande  mosquée  de  la  rue  delà  Marine  (cf.  Edi- 
Jices  religieux,  p.  102  et  suiv.). 

(*'  Il  s'agit  de  Ladj  Ahmed,  qui  succéda  en  lOgS  à  Chabau  Khodja.  Ce  trait 
atténue  un  peu  la  sévérité  du  jugement  qui  a  été  porté  sur  lui  et  que  M.  de 
Graniniont  résume  en  ces  termes  :  «r C'était  un  homme  capricieux  et  d'une 
bizarrerie  voisine  de  la  folien  (Hixt.  d'Alger,  p.  atUi). 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1745.  173 

L'affaire  fut  donc  réglée  dans  ces  conditions.  L'auteur  ajoute  :  rrNous 
en  informâmes  ie  doulatli  Baba  Ahmed,  que  le  salut  soit  sur  vous,  ainsi 
que  la  miséricorde  et  la  bénédiction.  11  (le  pacha)  dit  :  ffPour  que  l'on 
n'ait  pas  l'ennui  de  recommencer  ce  compte  chaque  année,  il  restera 
fixé  une  fois  pour  toutes.  Que  Dieu  nous  accorde  son  agrément  et  nous 
procure  la  tranquillité.  A  la  date  de  110855  (3i  juillet  1696-19  juillet 

1697)- 

J'ai  relevé  ailleurs  une  réglementation  au  sujet  de  ce  que 
nous  appelons  aujourd'hui  la  resserre. 

Certaines  denrées,  les  légumes  notamment,  ne  pouvaient 
être  remises  en  vente  le  lendemain  que  moyennant  une  baisse 
de  prix  sensible,  et  malheur  au  délinquant!  11  était  immédia- 
tement appréhendé,  conduit  devant  le  fonctionnaire  préposé 
à  la  surveillance  des  marchés  et  ne  sortait  de  son  bureau 
qu'après  une  copieuse  distribution  de  coups  de  bâton  (''. 

On  a  lu  plus  haut  le  nom  de  Echouïhat. 

La  rédaction  du  manuscrit  lui  est  attribuée  ;  il  est  considéré 
du  reste  comme  l'auteur  de  la  majeure  partie  des  prescrip- 
tions administratives  et  communales  en  vigueur  à  Alger.  Il 
personnifie,  pour  ainsi  dire,  toute  la  science  économique  de 
cette  époque.  Son  nom  n'était  pas  complètement  inconnu  à 
Alger  il  y  a  quelques  années  encore.  Le  recueil  dont  je  cite  ci- 
dessus  des  passages  mérite  d'être  traduit  et  publié.  On  a  vu 
dans  quel  style  fantaisiste  il  est  rédigé.  Il  s'exprime  en  langue 
usuelle  d'Alger.  La  connaissance  de  cet  idiome  est  donc  indis- 
pensable pour  en  arriver  à  bout,  car  l'érudit  qui  entreprendra 
sa  traduction  doit  s'attendre  h  déchiffrer  plus  d'une  énigme, 
la  signification  de  nombre  de  ces  termes  étant  aujourd'hui 
inconnue.  On  obtiendrait,  je  crois,  des  renseignements  utiles 


*''  Laugier  de  Tassy,  dans  son  Histoire  du  Royaume  d'Alger,  Amsterdam  , 
1735,  raconte,  p.  129  et  ia3,  l'avenlure  d'un  marchand  de  la  ville  qui  fut 
pendu  sur  l'ordre  du  D(;y  Dili  Ibrahim,  pour  avoir  vendu  du  riz  et  des  raisins 
secs  au-dessus  de  la  taxe. 


Mh  AVRIL-JUIN   192i'. 

en  interrogeant  des  Israélites  algériens  âgés  qui  auraient  en- 
tendu des  commerçants  indigènes  les  employer  autrefois. 

Mon  sujet  ne  me  permet  pas  d'étendre  ici  cette  digression, 
mais  je  signale  l'élude  de  la  fiscalité  turque  en  Algérie  ù  ceux 
qu'intéressent  les  questions  économiques  étrangères  dans  les 
années  qui  ont  précédé  l'époque  contemporaine. 

Ce  fut  sans  doute  en  raison  de  ses  fonctions  d'agent. des 
Domaines  que  Devoulx  fut  amené  à  composer  la  collection 
de  cachets  que  j'ai  trouvée  dans  les  papiers  de  succession;  elle 
dut  lui  servir  à  déterminer  plus  rapidement  et  plus  sûrement 
l'authenticité  des  documents  soumis  à  son  examen.  Conserva- 
teur des  archives  arabes  et  turques,  il  eut  pour  mission  de 
réunir  les  actes  destinés  à  appuyer  les  revendications  de 
l'État  dans  la  propriété  des  biens  de  main-morte  qui  devaient 
faire  retour  au  domaine  public,  du  fait  de  la  conquête  et  de 
la  suppression  des  habous. 

Cette  tâche  n'était  point  aussi  aisée  qu'elle  le  semble  au 
premier  abord,  car  les  détenteurs  de  ces  biens,  les  oukils, 
qui  n'en  jouissaient  qu'à  titre  précaire  et  moyennant  certaines 
charges,  n'eurent  garde,  à  notre  arrivée  à  Alger,  de  laisser 
échapper  l'occasion  de  s'en  emparer.  Profitant  do  l'ignorance 
où  nous  étions  de  l'existence  d'actes  et  de  registres  les  concer- 
nant, ils  les  firent  disparaître,  nous  privant  ainsi  des  moyens 
d'établir  nos  revendications.  Plusieurs  d'entre  eux  vendirent 
ces  immeubles  ou  conservèrent  la  totalité  des  revenus  dont  la 
majeure  partie  revenait  aux  œuvres  pies.  On  décida  de  mettre 
fin  à  cette  situation  si  préjudiciable  aux  intérêts  de  l'Etat. 

Ce  fut  le  général  Charron  qui,  le  3  octobre  18/18,  pro- 
mulgua un  arrêté  complémentaire  de  ceux  des  7  décembre 
i83o  et  s>')  mai  18/1 3,  restés  sans  elfet  Tun  et  l'autre.  Aux 
termes  de  cet  arrêté,  r^tous  immeubles  appartenant  aux  mos- 
quées, marabouts,  zaouias  et  en  général  tous  les  établisse- 
ments religieux  musulmans  encore  régis  par  les  oukils  étaient 


HISTOmK  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  À  1745.  175 

réunis  au  Domaine  qui  devait  les  administrer.  Tous  les  titres, 
registres  et  autres  documents  relatifs  à  ces  immeubles  et  à  leur 
gestion  devaient  elre  remis  à  l'agent  des  Domaines  désigné  à 
cet  elTetî). 

En  exécution  de  cet  arrêté,  Albert  Devoulx  fut  nommé  pour 
représenter  le  Domaine  à  Alger  et  dans  sa  banlieue. 

Décision  particulièrement  heureuse  :  le  fonctionnaire  ainsi 
choisi  avait  toute  l'activité  et  toute  la  compétence  nécessaires 
pour  bien  remplir  une  mission  aussi  délicate.  Il  sut  faire  resti- 
tuer à  l'Etat  les  biens  qui  lui  appartenaient  et  réunit  les  docu- 
ments qui  nous  permirent  de  gagner  les  instances  en  cours. 
De  ce  chef,  bien  des  édifices  publics,  religieux  ou  autres, 
furent  sauvés  de  la  destruction,  car  vendus  à  des  spéculateurs, 
ils  n'eussent  pas  tardé  à  être  démolis  pour  faire  place  à  des 
immeubles  de  meilleur  rapport. 

Elle  eut  un  autre  résultat.  Le  fonctionnaire  avisé  qui  tenait 
de  son  père  Alphonse  Devoulx '''  un  goût  très  vif  pour  l'his- 

'^i  Nous  n'avons  que  fort  peu  de  renseignements  sur  Alphonse  Devoiilx  ot 
les  dates  des  principaux  événements  de  sa  vie  son\  incertaines.  D'après  Klein , 
il  fut  nommé  receveur  des  Domaines  à  Alger  le  19  février  i83i.  Pan  une  allu- 
sion d'Alhert  Devoulx,  nous  savons  qu'en  iSag,  il  était  à  Tunis. 

Les  quelques  détails  que  j'ai  recueillis  sur  lui  me  proviennent  de  personnes 
(|ui  fui'cnt  les  condisciples  de  son  lils  au  collège  d'Alger.  Cet  établissement 
était  alors  installé  rue  Bab-Azoun ,  dans  une  ancienne  caserne  de  Janissaires 
dénommée  dur  enkchaïria  mla  bab  Azoun  ffCaserne  des  janissaires  à  Bab- 
Azoïmn,  et  plus  rarement  ilar  el-lebendjia  f  maison  des  vendeurs  de  petit  lait» 
ou,  comme  le  traduit  Albert  Devoulx  :  cfdes  buveurs  de  petit  lait«.  Les  témoi- 
gnages datlection  qu'Alphonse  Devoulx  prodiguait  à  son  lils  les  avaient  tous 
frappés.  Il  l'accompagnait  à  la  rentrée  des  classes,  quelque  temps  qu'il  fit, 
puis  il  allait  l'attendre  dans  une  boutique  sise  non  loin  de  là ,  appartenant  à 
un  Kourougli,  marchand  de  grains,  de  farine  ot  de  caroubes.  On  voyait 
Alphonse  Devoulx  s'entretenir  avec  lui  et  prendre  dos  notes  sous  sa  dictée. 
Cet  indigène  passait  pour  un  homme  instruit,  très  au  lait  de  tout  co  qui  con- 
cernait l'époque  turcjue  à  Alger.  Mes  informateurs  étaient  convaincus  que 
cette  documtfutalion  constituait  le  meilleur  de  ce  qu'Albert  Devoulx  avait 
publié  dans  la  suite. 

Ces  personnes  n'avaient  pas  la  compétence  nécessaire  pour  porter  un  sem- 


176  AVRIL-JUIN   1922. 

toire  et  l'archéologie,  se  prit  de  passion  pour  les  documents 
cjue  le  hasard  mettait  si  heureusement  entre  ses  mains.  Il  ne 

blablo  jugemont  sur  l'œuvre  entière  d'Albert  Devoulx,  mais  je  crois  qu'Al- 
phonse Devoiiiï  facilita  singulièrement  à  son  liis  ses  débuts  dans  sa  carrière 
d'arabisant.  Il  m'avait  toujours  paru  surprenant  que  ce  dernier  eût  publié, 
aussi  jeune,  des  traductions  de  manuscrits  dont  le  déchifTrement  exige  une 
connaissance  de  la  langue  arabe  que  l'on  n'a  pas  à  cet  âge,  car  c'est  entre 
vingt  et  vingt-cinq  ans  qu'Albert  Devoulx  réunit  et  traduisit  les  manuscrits 
arabes  et  turcs  qui  forment  la  matière  de  son  tachnj'at.  Nous  savons,  il  est 
vrai,  que  la  collaboration  de  lettrés  indigènes  ne  lui  fit  pas  défaut.  Cela  ne 
sullit  pas;  pour  que  cette  collaboration  soit  réellement  efficace,  il  faut  que  l'au- 
teur soit  à  même  de  tracer  la  tâche  à  remplir  et  la  contrôler.  Je  retiens  éga- 
lement une  autre  affirmation  de  ses  condisciples,  à  savoir  qu'au  collège  de 
Bab-Azoun,  il  ne  se  distinguait  nullement  par  sa  précocité  dans  l'étude  de  la 
langue  arabe. 

11  est  à  remarquer  d'autre  part  qu'Alphonse  Devoulx,  qui  savait  parler  et 
écrire  couramment  l'arabe,  n'a  jamais  rien  publié  de  ces  notes  qu'on  le  voyait 
recueillir  sans  relâche.  Ce  faisant,  il  avait  certainement  un  but;  je  n'en  vois 
pas  de  plus  probable  que  l'intention  de  permettre  à  son  fils  sur  lequel  il  fon- 
dait les  plus  grands  espoirs  d'écrire  cette  histoire  d'Alger  qui  n'avait  pas  encore 
été  faite  et  dont  il  entrevoyait  l'intérêt.  Ce  fut,  en  efiet,  cette  tâche  qu'Albert 
Devoulx  poursuivit  durant  toute  sa  carrière;  tous  ses  articles  qui  s'y  rat- 
tachent en  sont  la  préparation.  Sa  mort  prématurée  survenue  en  1876  à 
l'âge  de  cinquante  ans  ne  lui  permit  de  publier  que  les  premiers  chapitres 
de  cet  ouvrage. 

On  ne  peut  prétendre  qu'Alphonse  Devoulx  n'avait  pas  les  connaissances 
générales  indispensables  pour  faire  œuvre  d'auteur.  Il  suffit  de  lire  son  article 
sur  l'amphithéâtre  romain  d'El  Djem  en  Tunisie,  paru  dans  la  Revue  africaine 
en  187^,  article  dont  il  est  incontestablement  l'auteur,  car  il  prend  soin 
d'avertir  le  lecteur  qu'il  est  (fia  copie  textuelle»  de  son  journal  de  route,  pour 
être  convaincu  que  son  auteur  était  à  même  d'écrire  sur  n'importe  quel  sujet 
d'histoire.  Comment  cet  article  écrit  en  janvier  i83o  ne  parut-il  que  quarante- 
quatre  ans  plus  tard?  Ceci  est  dillicile  à  expliquer.  Son  fils  avait  toute  facilité 
pour  le  faire  admettre  par  le  Comité  de  rédaction  de  la  Revue  africaine,  où 
lui-même  a  fait  imprimer  à  peu  près  tout  ce  qui  a  paru  de  lui.  Pourquoi 
a-t-il  attendu  si  longtemps  pour  y  insérer  cette  étude  archéologique  dont  l'in- 
térêt principal  consistait  à  être  imprimé  le  moins  de  temps  possible  après  avoir 
été  écrit?  Alphonse  Devoulx  ne  comptait  que  des  amis  :  Berbrugger,  le  prési- 
dent de  la  Société  algérienne  et  par  conséquent  du  comité  de  rédaction  de  la 
Reçue,  était  très  lié  avec  lui  et  le  consultait  volontiers;  Mac  Carthy  en  faisait 
le  plus  grand  cas. 

Dans  ces  conditions,  il  est,  je  crois,  inutile  de  chercher  davantage  à  expli- 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   1745.  1?7 

borna  pas  son  activité  à  un  rôle  purement  administratif;  il  se 
rendit  compte ,  dès  le  premier  jour,  combien  ces  documents 
étaient  intéressants  pour  l'histoire  locale  d'Alger  et  celle  des 
relations  de  la  Régence  avec  l'Etranger.  C'est  grâce  à  lui  que 
nos  archives  s'enrichirent  de  nombreuses  pièces  arabes  et 
turques  qui,  sans  lui,  eussent  été  dispersées  et  perdues, 
comme  tant  d'autres  vestiges  de  cette  époque  dont  nous  déplo- 
rons aujourd'hui  la  disparition. 

Sa  mission  ayant  pris  fin,  il  assura  le  dépôt  de  ces  archives 
dans  une  de  nos  bibliothèques  publiques  d'Alger,  celle  du  Gou- 
vernement général,  rue  Bruce.  Les  érudits  qui,  un  jour,  vien- 
dront les  dépouiller  méthodiquement,  ne  manqueront  pas 
d'en  reconnaître  l'importance  et  rendront  justice  à  l'œuvre 
de  Devoulx. 

Mais,  déjà,  et  beaucoup  grâce  aux  articles  parus  dans  le 
Bullelin  de  la  Société  du  Vieil  Alger,  sous  la  signature  de  son 
érudit  secrétaire  général,  M.  Klein,  les  Devoulx  ne  sont  plus 
des  inconnus  pour  les  Algérois;  et  la  Municipalité,  sur  la  pro- 
nosition  du  maire,  M.  de  Galland,  auteur  lui-même  d'une 
intéressante  plaquette  sur  le  vieil  Alger '^',  a  décidé,  il  y  a  peu 
de  temps,  de  donner  le  nom  d'Albert  Devoulx  à  une  des  nou- 
velles rues  de  la  ville. 

Une  indication  que  je  relève  sur  la  couverture  du  tirage 
à  part  de  VEpigraplde  indigène  du  musée  archéologique  d'Alger, 


quor  le  silence  voulu  d'Albert  Devoulx  à  l'égard  de  son  père.  J'hésiterai  tou- 
jours à  porter  sur  lui  un  jujjemcnt  trop  sévère,  car  il  est  des  raisons  que  je 
puis  ignorer.  Mon  but  uni([ue  a  été  de  ne  pas  laisser  tomber  dans  l'oubli  le 
nom  d'Aipbonse  Devoulx.  Sou  rcMe  fut  modeste  et  ellacé;  il  mérite  néanmoins 
d'être  cité  à  côté  de  celui  de  ces  hommes  d'étude  qui,  arrivés  au  début  de  la 
conquête,  entreprirent  les  recherches  historiipies  sur  le  [)assé  de  ce  pays,  sur 
hjquel  tant  (h'  légendes  avaient  cours  et  qui  lurent  les  précurseurs  de  nos 
savants  archéologues  contemporains. 

C'   Feuillets  d'El  Djczair,  sept  hrocimres  iu-8"  avec  de  nombreuses  illustra- 
tions, Alger,  Jourdan,  i  (jio-Kji 'i. 


1?8  AVRIL-JUIN    1922. 

d'Albert  Devoulx'^',  nous  apprend  qu'il  avait  l'intention  de 
publier  cette  collection  de  cacbets.  En  eiïet,  après  avoir  énu- 
niéré  ceux  de  ses  ouvrages  déjà  parus  ^  au  nombre  de  12, 
puis  ceux  terminés  et  non  publiés,  au  nombre  de  U,  il  range 
dans  une  troisième  catégorie  ceux  «en  préparations,  au 
nombre  de  11,  parmi  lesquels  nous  en  relevons  un,  inti- 
tulé :  IjCs  chefs  de  la  régence  d'Alger,  essai  de  chroHologte  des 
pachas,  agas,  deys  et  pacha-deys  d'Alger,  arec  documents,  rensei- 
gnements et  fac-similé  des  cachets.  Il  est  de  toute  évidence  que 
cet  ouvrage  qu'il  projetait  d'écrire  n'est  autre  que  celui  qui 
parait  ici  même.  Mais  combien  le  livre  de  Devoulx  eut  été  plus 
complet  que  le  mien!  puisque,  de  tous  les  documents  auxquels 
il  fait  allusion,  un  texte  arabe  sans  aucune  note  et  la  collec- 
tion des  cacbets  me  sont  seuls  parvenus.  Il  avait  dû,  en  outre, 
extraire  de  la  correspondance  du  Beylick  et  peut-être  aussi  des 
autres  chapitres  du  manuscrit  du  fils  du  mufti  bien  des  rensei- 
gnements qui  eussent  trouvé  leur  place  dans  la  publication 
qu'il  projetait.  Il  l'eût  très  probablement  continuée  jusqu'en 
i83o,  tandis  que  j'ai  cru  devoir  ra'arréter  avec  mon  manu- 
scrit en  17/15,  me  trouvant  en  présence  d'une  lacune  de  plus 
de  cinquante  ans  entre  cette  date  et  l'année  1798,  qui  corres- 
pond au  début  du  règne  de  Moustafa  Pacba,  à  partir  duquel 
je  pourrais  rapporter  quelques  faits  inédits  que  je  tiens  de  la 
tradition  orale  indigène  et  que  j'ai  consignés  dans  des  notes 
prises  à  Alger  avant  1880,  époque  à  laquelle  je  quittai  cette 
ville  pour  un  poste  de  l'intérieur,  d'où  je  Jie  revins  (ju'en  i8y5. 

Combler  cette  lacune  uniquement  au  moyen  d  extraits  d'ou- 
vrages déjà  parus  ne  répond  en  aucune  façon  au  but  que  je 
me  suis  proposé.  J'y  ai  donc  renoncé. 

Quant  aux  traditions  orales  qui  sont  un  écbo  lointain  de  la 
vie  anecdotique  de  l'Alger  turc,  elles  feront  l'objet  d'une  autre 

('*  Epigvaphie  indigène  du  musée  archéologique  d'Aigei-,  suivio  (1^111   musée 
mural  à  Alger,  par  Albert  DeVodlx,  Alger,  Jourdan ,  1S7Û. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE   15 IT)  A  17/i5.  179 

publication.  Néanmoins,  on  en  trouvera  quelques-unes  dans  la 
dernière  partie  de  mes  notes,  celles  qui  ont  trait  à  la  topo- 
graphie de  l'ancien  Alger  et  à  son  organisation  administrative 
qui  fut  conservée  dans  ses  grandes  lignes  jus(ju'à  la  fin.  Albert 
Devoulx,  qui  appartenait  à  la  génération  qui  a  précédé  la 
mienne,  eût  pu  nous  laisser  une  moisson  plus  riche  de  souve- 
nirs et  traditions  remontant  à  la  période  turque.  Sa  situation 
oUicielle  lui  fournissait  à  cet  égard  des  occasions  nombreuses, 
et  des  facilités  toutes  particulières.  Il  ne  l'a  point  fait,  ou  si 
imparfaitement!  Ses  publications  s'en  ressentent  et  sa  belle 
Histoire  d'Alger  qui,  dans  la  partie  consacrée  à  la  topographie 
de  cette  ville  aux  derniers  jours  de  l'occupation  turque,  peut 
être  considérée  comme  l'œuvre  la  plus  documentée  écrite  jus- 
qu'à ce  jour  sur  cette  matière,  eût  gagné  beaucoup  en  relief  et 
en  intérêt  a  relater,  je  ne  dis  pas  des  légendes,  mais  les  tradi- 
tions de  certains  événements  locaux  dont  ces  murs  furent  le 
théâtre  parfois  tragique,  événements  que  l'histoire  n'a  pas 
enregistrés.  Elles  eussent  communiqué  un  peu  de  vie  à  ces 
pages  qui  nous  donnent  l'impression  d'une  longue  et  mono- 
tone nomenclature  de  rues,  de  marchés  et  d'échfices  publics. 
Devoulx  s'est  absorbé  dans  la  traduction  des  actes  oiliciels; 
il  les  a  fort  bien  analysés,  je  le  reconnais;  mais  il  est  toujours 
temps  de  le  faire,  ces  documents  déposés  en  lieu  sur  ne  ris- 
quant pas  d'être  perdus  pour  lui  ou  ses  successeurs.  Il  aurait 
pu  étendre  davantage^  ses  investigations  autour  de  lui,  inter- 
roger les  indigènes  très  nombreux  alors  (jui  avaient  vécu  sous 
le  régime  turc,  et  dont  plusieurs  avaient  appartenu  à  cette 
administration.  Il  ne  s'est  pas  assez  rendu  compte  que  le  temps 
faisait  son  œuvre  et  emportait  avec  lui  beaucoup  de  souvenirs 
d'une  époque  que  nous  regrettons  ne  pas  mieux  connaître.  11 
obéissait  à  un  préjugé  à  peu  |)rès  général  alors;  les  traditions 
orales  n'étaient  pas  en  honneur,  et  les  érudits  se  défendaient 
d'y  avoir  recours.  Dans  la  mesure  de  mes  moyens,  et  autant 


180  AVRIL-JUIN   1922. 

que  les  circonstances  me  l'ont  perniis,  je  me  suis  efforcé  de 
combler  cette  lacune. 

Ces  souvenirs  seront  une  diversion  à  la  monotonie  d'un 
texte  hérissé  de  dates  et  de  noms  propres.  Ce  ne  sont  sans 
doute  que  les  miettes  de  l'histoire,  mais  ayant  été  très  proba- 
blement le  dernier  qui  ait  eu  la  pensée  de  les  recueillir  à  une 
époque  aussi  éloignée  de  la  bouche  même  des  quelques  sur- 
vivants de  l'ancien  régime  que  la  mort  a  aujourd'hui  couchés 
l'un  après  l'autre  dans  la  tombe,  il  importait  que  je  ne  sois 
point  seul  à  en  conserver  le  dépôt. 

Deux  bibliothèques  d'Alger,  la  bibliothèque  du  Gouverne- 
ment général  d'Alger,  rue  Bruce,  et  celle  dite  du  Musée,  rue 
del'Etat-Major,  sont  particulièrement  riches  en  pièces  officielles 
arabes  et  turques;  ces  pièces,  que  l'on  y  a  réunies  sans  mé- 
thode bien  définie  et  qu'un  conservateur  très  compétent, 
M.  Esquer,  dans  celle  du  Gouvernement  général,  s'apphque 
aujourd'hui  à  classer,  n'ont  guère  été  compulsées  depuis  Albert 
Devoulx.  En  revanche,  celui-ci,  vrai  bénédictin  ainsi  que  l'a 
défini  très  justement  Berbrugger'^',  les  avait,  je  crois,  toutes 
parcourues.  Certaines  rectifications  de  titres  et  dans  le  réper- 
toire de  la  bibliothèque  des  annotations  de  sa  main  que  j'ai 
relevées  sur  les  ouvrages  eux-mêmes  en  sont  une  preuve  incon- 
testable, JN'a-t-il  pas  écrit  lui-même'^'  qu'«  environ  cent  mille  55 
documents  arabes  lui  étaient  passé  par  les  mains.  Et  pas  un 
de  ceux  qui  le  connurent  et  furent  les  témoins  de  son  labeur 
incessant  ne  mit  jamais  en  doute  cette  assertion.  Il  a  su  analy- 
ser tous  ces  documents  et  y  puiser  les  matériaux  de  ces  nom- 
breux ouvrages  et  articles  qui  s'échelonnent  sans  interruption 
de  1862  à  1  8 '7 6. 

\\\on  ne  caractérise  mieux  la  nature  de  ses  recherches  et  sa 
méthode  de   travail  que  ce  qu'il   en   a  dit  lui-même  dans  la 

'■'   Reviic  (tfricaiiic,  1876,  p.  5i5. 
'^'  Idem  opus ,  1876,  p.  iaa. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  17/i5.  181 

courte  introduction  de  son  premier  ouvrage,  le  Tachrifat,  bro- 
chure aujourd'hui  introuvable,  car  elle  fut  tirée  à  un  nonihre 
restreint  d'exemplaires.  Voici  ce  passage: 

«Les  registres  qui  ont  été  trouvés  dans  le  palais  du  Dey  et 
chez  les  principaux  administrateurs,  lors  de  la  prise  d'Alger, 
sont  aujourd'hui  déposés  dans  les  archives  arabes  des  Do- 
maines. 

«  Ces  registres  sont  relatifs  à  la  perception  des  impôts  et  à 
l'administration  des  propriétés  du  Beylik  et  des  corporations 
religieuses. 

«Dans  plusieurs  de  ces  documents  se  trouvent  éparpillés, 
sans  ordre,  ni  méthode,  des  relations  de  faits  historiques,  ou 
d'événements  remarquables,  des  règlements  sur  divers  objets 
et  des  notes  sur  l'Administration,  sur  les  esclaves  chrétiens  et 
sur  les  tributs  payés  à  la  Régence  par  diverses  nations. 

wL'un  de  ces  registres,  intitulé  Daftar  tachrifat  (registre  des 
choses  nobles)  est  particulièrement  précieux  au  point  de  vue 
historique  et  son  importance  est  telle  qu'il  doit  être  déposé  à  la 
bibliothèque.  Il  m'a  paru  utile,  vu  ces  notes,  d'en  former  un 
recueil,  en  classant,  autant  que  possible,  les  matières  par 
catégorie. 

«Le  caractère  officiel  de  ces  notes  et  les  détails  qu'elles  don- 
nent sur  certains  points  de  l'administration  turque,  me  font 
espérer  que  ce  recueil  ne  sera  pas  sans  intérêt  pour  les  per- 
sonnes qui  se  livrent  à  des  recherches  historiques*^'.  » 

Ce  n'est  que  postérieurement  à  celte  date  et  même  assez 
longtemps  après,  que  le  Domaine  cessa  de  conserver  ces 
archives  et  qu'elles  furent  transférées  par  les  soins  de  Devoulx 
à  la  bibliothèque  du  Gouvernement  général  dont  j'ai  parlé  plus 
haut.  De  tous  ces  manuscrits,  celui  que  j'aurais  voulu  consul- 

(^'  Tachrifat,  recueil  dénotes  historiques  sur  l'administralion  de  l'ancienne 
régence  d'AI/j<'r,  par  A.  Devoulx,  conservateur  des  archives  arabes  des  Do- 
maines, 99  pages,  in-8°,  imprimerie  du  Gouvernement,  i853. 


i82  AVRIL-JUIN    1922. 

ter  de  préférence  —  car  Devoulx  n'en  a  donné  que  des  extraits 
—  est  le  tachrifat  que  je  viens  de  citer.  Ce  recueil  qui  a  une 
valeur  historique  réelle  est  bien  porté  au  répertoire,  mais  soit 
qu'il  n'ait  pas  été  replacé  à  son  numéro  d'ordre,  soit  pour  toute 
autre  cause,  je  n'ai  pu  le  retrouver.  En  compulsant  les  autres 
registres,  j'ai  acquis  la  conviction  qu'il  y  aurait  intérêt  à  pro- 
céder à  un  dépouillement  complet  et  méthodique  de  tous  les 
documents  de  ce  fonds;  on  arriverait  ainsi  à  recueillir  une 
série  de  renseignements  entièrement  inédits  et  sur  les  objets 
les  plus  divers  concernant  l'ancienne  Régence. 

Et  puisque  j'ai  été  amené  à  parler  de  cette  bibliothèque  et 
d'en  signaler  l'importance,  je  joindrai  ma  voix  à  celle  de  son 
distingué  conservateur,  M.  Esquer^^^,  pour  jeter  un  cri  d'alarme 
sur  les  dangers  que  l'état  de  vétusté,  le  défaut  d'appropriation 
et  la  disposition  des  locaux  font  courir  à  ces  manuscrits.  L'hu- 
midité persistante,  la  poussière  et  la  vermine  en  viendront 
plus  sûrement  à  bout  que  ne  l'ont  fait  tous  les  événements  cala- 
miteux  et  les  révolutions  qu'ils  ont  traversés  sans  trop  d'en- 
combre. Que  de  reproches  seront  en  droit  de  nous  adresser 
ceux  que  ces  études  passionneront  un  jour  et  qui  mieux  que 
beaucoup  d'entre  nous  sauront  apprécier  la  valeur  de  ces  legs 
du  passé! 

Le  manuscrit  de  la  chronologie  des  pachas  dont  je  donne  ici 
la  traduction  ne  provient  pas  de  ce  fonds.  Je  l'ai  trouvé  parmi 
d'autres  papiers  de  la  succession  Devoulx,  au  miheu  d'une  liasse 
de  lettres  arabes,  une  centaine  environ,  adressées  par  les 
Caïds  des  Outân'-'  d'Alger  au  Beylick  et  relatives  à  des  cor- 
vées, des  cadeaux  coutumiers,  etc.,  sans  grand  intérêt  et  du 

'')  JjCs  archives  nigériennes  et  les  sources  de  l'histoire  de  In  conquête,  par 
M.  G.  EsQUBU,  dans  les  Annales  universitaires  de  l'Ali;érte,  septembre  191  a, 
p.  3i'j6  et  suiv. 

(*^  Ces  tciriloires  aflrninistrés  par  des  Caids  étaient  au  nombre  de  onze  : 
Béni  Khelil,  Keni-Moussa,  Isser,  Sbaon,  JJeni  Djad,  IJeni  Klielifa,  llumza, 
Es-Sebt,  Arib,  Heni-Menacer  et  Ei-fabs  ou  banHeue  d'Alger. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   17'i5.  183 

reste  sans  aucun  rapport  avec  l'ouvrage  du,  fils  du  mufti.  Ces 
pièces  étaient  déjà  sorties  des  mains  des  héritiers  d'Albert  De- 
voulx;  je  les  découvris  chez  un  libraire  d'Alger  de  qui  j'en  fis 
l'acquisition. 

Cette  histoire  des  pachns  d'Alger  se  compose  de  neuf  feuil- 
lets de  grand  format,  écrits  au  recto  et  au  verso,  dix-sept 
lignes  à  la  page.  Il  est  bien  conservé,  sauf  une  déchirure  à 
l'extrémité  des  lo''  et  1 1' lignes  du  dernier  feuillet  ;  par  suite, 
deux  ou  trois  mots  ont  disparu,  mais  le  sens  est  facile  à  réta- 
blir. Le  style  en  est  clair  et  suffisamment  correct.  L'écriture 
est  du  caractère  oriental  assez  élégant.  Je  l'ai  reconnue  pour 
être  celle  d'un  kliodja  indigène  entré  aux  Domaines  après 
1800,  car  je  possède  d'autres  spécimens  de  la  môme  écriture, 
notamment  un  mémoire  rédigé  en  arabe  sur  l'organisation 
administrative  de  la  Régence,  ses  fonctionnaires,  l'avancement 
dans  la  milice,  etc.,  que  j'ai  traduit  il  y  a  quelques  années 
déjà  et  qui,  je  l'espère,  pourra  paraître  après  le  présent 
travail. 

Albert  Devoulx  nous  a  conservé  le  nom  de  deux  lettrés  indi- 
gènes qui  furent  ses  fidèles  collaborateurs  :  Si  Mohammed  ben 
Moustafa  et  Si  Mohammed  ])en  Otsman  Khodja;  car,  ne 
sachant  pas  le  turc,  il  dut  avoir  fréquemment  recours  à  ceux-ci 
qui  rédigeaient  aussi  aisément  en  turc  qu'en  arabe.  Il  ne 
manque  jamais  de  les  citer.  Ces  lettrés  avaient  appartenu  à 
l'ancien  corps  des  khodjas  turcs  qui  se  recrutait  en  partie 
parmi  les  janissaires  levés  en  Orient.  On  choisissait  parmi 
eux  ceux  qui,  moins  ignorants  que  les  autres,  paraissaient 
avoir  un  pou  d'aptitude  aux  fondions  administratives  et  on  les 
instruisait  tant  bien  que  mal.  Ils  passaient  un  examen  et  ver- 
saient une  somme  déterminée.  Avant  d'être  définitivement 
nommés,  ils  étaient  affectés  comme  stagiaires  à  une  garnison 
de  l'intérieur  du  pays,  ou  à  la  colonne  expéditionnaire  charg('e 
de  faire  rentrer  les  impots  des  tribus  arabes.  Mais  les  meil- 


\Sà  AVRIL-JUIN   1922. 

leurs  étaient  sans. contredit  ceux  que  l'on  recrutait  parmi  les 
kourouglis  lettrés  qui,  sachant  l'arabe  et  le  turc  étaient  à  même 
d'assurer  la  correspondance  du  beylik  avec  les  tribus  de  l'inté- 
rieur. Bien  qu'ayant  des  liens  de  famille  avec  les  Arabes,  ils  se 
considéraient  néanmoins  comme  très  supérieurs  à  eux  et 
recherchaient  volontiers  les  emplois  publics;  aussi,  en  i83o, 
se  rallièrent-ils  très  tôt  au  pouvoir  nouveau.  Nous  eûmes  le 
bon  sens  de  ne  pas  les  repousser,  et  à  Alger,  notamment, 
ceux  que  nous  utilisâmes  dans  nos  administrations  nous  furent 
d'un  secours  précieux.  Sans  eux ,  nous  eussions  éprouvé  les 
plus  grandes  difîicultés  à  débrouiller  l'héritage  confus  du  gou- 
vernement disparu. 

En  tête  de  la  feuille  de  garde  du  manuscrit,  on  lit  cette 
indication  qui  est  de  la  même  écriture  (jue  celle  du  texte 
arabe  : 

Histoire  des  pachas  qui  exercèrent  le  pouvoir  à  Alger  d'Occident. 

Puis,  au  milieu  de  la  page,  cette  annotation  de  Devoulx  : 

Manuscrit  du  fils  de  inuphti  Hosseïn  ben  Redjeb  Ghaouch  apparte- 
nant à  Mahmoud  ben  Cheikh  Ali  ben  el  Amin  (celui-ci  a  été  muphti), 
employé  au  journal  le  Mobacher  (vers  1 156  =  1760-17^1). 

En  donnant  cette  date,  Devoulx  commet  une  erreur,  puis- 
que, dans  le  manuscrit  lui-même,  on  en  relève  une  posté- 
rieure, celle  de  la  mort  d'Ibrahim  Koutchouck,  survenue  le 
28  choual  11 58,  correspondant  au  18  octobre  17/16.  On 
verra  plus  loin  que  dans  son  livre  sur  les  Edifices  religieux,  il 
assigne  à  l'ouvrage  une  date  encore  plus  éloignée,  celle  de 
173/1. 

Ces  contradictions  s'expliquent  de  la  façon  suivante  :  le 
livre  du  fils  du  mufti,  bien  que  renfermant  de  nombreux  sou- 
venirs de  famille,  n'est  pas  à  proprement  parler  un  journal, 
car,  dans  ce  cas,  l'âge  du  manuscrit  est  facile  à  déterminer  par 
la  date  du  dernier  événement  raconté  et  une  erreur  semblable  à 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1745.  185 

celle  commise  par  Devoulx  est  impossible.  Il  semble  donc,  car 
j'en  suis  réduit  aux  conjectures,  ne  connaissant  du  livre  que 
les  extraits  traduits  par  Devoulx  et  la  chronologie  des  pachas, 
que  l'auteur,  à  l'occasion  de  tel  ou  tel  fait,  aimait  à  revenir  en 
arrière  et  écrire,  non  sans  érudition,  ici  l'histoire  des  pachas, 
là  celle  des  muftis.  Ce  sont  autant  de  chapitres  détachés  avec 
leur  chronologie  particulière.  Si  l'on  se  contente,  comme  Ta 
fait  probablement  Devoulx,  de  ne  lire  que  tel  ou  tel  chapitre 
sans  se  préoccuper  si  ailleurs  on  ne  relèverait  pas  une  date 
plus  récente  qui,  à  défaut  d'autre  précision  devra  être  consi- 
dérée comme  la  plus  rapprochée  du  jour  où  l'auteur  a  cessé 
d'écrire,  on  est  exposé  à  commettre  une  erreur.  Pour  justifier 
Devoulx,  je  puis  supposer  que  le  temps  lui  manqua  de  lire 
l'ouvrage  en  entier  à  ce  moment-là,  soit  par  suite  d'occupa- 
tions professionnelles  absorbantes,  soit  en  raison  de  l'obliga- 
tion où  il  était  de  ne  pas  conserver  par  devers  lui  un  manu- 
scrit auquel  son  propriétaire  devait  tenir  beaucoup.  Quoi  qu'il 
en  soit,  comme  ce  détail  a  son  importance  pour  nous,  je  vais 
essayer  d'arriver  à  une  approximation  plus  grande. 

La  chronique  des  pachas,  celle  que  je  publie  ici,  s'arrête, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  au  mois  d'octobre  17 -4  5,  mais 
dans  la  partie  relative  à  la  chronologie  des  muftis  malékites 
et  hanéfiles  d'Alger,  le  dernier  personnage  que  l'auteur  cite 
comme  ayant  rempli  les  fonctions  de  mufti  malékite  est  El 
hadj  Ez-Zerrouq  ben  Mahi  ed-din  ben  Abd  el-Letif.  Or, 
celui-ci  fut  intronisé  en  hidja  1166  (du  29  septembre  au 
8  octobre  1753).  Notre  auteur  ajoute  à  son  sujet  :  «C'est  lui 
qui  est  aujourd'hui  en  fonctions.  55  Or,  son  successeur,  le 
cheikh  Abd  el-Qader  ben  Mohammed  El-Bramli  fut  nommé  à 
sa  place  au  commencement  de  safar  1169  (du  6  au  i5  no- 
vembre 1755)^^'. 

(')  Edifices  reîtfrieux,  p.  iiO  ot  117. 


186  AVRIL-JUIN    1922. 

De  cela ,  on  peut  conclure  que  l'auteur  (écrivait  encore  à  une 
dale  postérieure  à  octobre  i-yôS  et  antérieure  à  novembre 
1755. 

Mais  si  ce  point  échappa  à  Devoulx ,  en  revanche  il  ne  se 
méprend  pas  sur  l'intérêt  du  livre  lui-même,  car  il  s'exprime 
à  son  sujet  en  ces  termes  : 

Dans  celte  pe'nurie  d'ouvrages  historiques  d'origine  indigène,  j'ai 
considéré  comme  une  bonne  fortune  la  circonstance  qui  a  mis  entre  mes 
mains  un  manuscrit  arabe  rédigé  vers  ly.'î/i  par  le  fils  du  muphti  Hus- 
sein hen  Redjeb  Ghaoucb.  L'auteur  se  place,  il  est  vrai,  à  un  point  de 
vue  tout  particulier,  ne  s'occupant  en  général  que  des  euléma  d'i\lger  et 
spécialement  des  muphtis  et  des  cadis,  mais  il  donne,  évidemment, 
quelques  indications  qui  peuvent  être  relevées  dans  l'intérêt  de  l'his- 
toire'''. 

Comme  le  fait  observer  Devoulx,  l'auteur  s'occupe  beaucoup 
des  eulema  (lettrés);  la  chose  n'a  rien  qui  doive  nous  sur- 
prendre. Cette  classe  sociale  a  toujours  joué  un  rôle  prépon- 
dérant dans  la  communauté  musulmane.  Les  Turcs,  bons 
diplomates,  en  avaient  fait  une  des  assises  de  leur  pohtique 
en  Algérie.  Ils  les  protégeaient,  les  flattaient,  n'hésitaient  pas 
à  leur  accorder  des  privilèges,  à  les  combler  de  cadeaux,  alors 
que,  par  ailleurs,  ils  étaient  extrêmement  parcimonieux  de 
tout  ce  qui  pouvait  amoindrir  leurs  profits,  l'avarice  étant  un 
des  traits  caractéristiques  de  ces  anciens  maîtres  de  l'Afrique 
septentrionale.  Les  eulema  représentaient  alors  ce  que  nous 
appelons  aujourd'hui  rl'opinion  publique».  Il  était  bien  dan- 
gereux pour  le  pouvoir"  de  s'aliéner  leurs  sympathies.  La 
milice  turque  s'apercevait-elle  que  les  relations  étaient  moins 
intimes  entre  ces  personnages  vénérés  par  la  foule  et  le  pou- 
voir, et  (pi'elle  pouvait  compter  éventuellement  sur  leur  appui, 
lors(jue  renversant  leurs  marmites  ils  feraient  entendre  dans 

O   Revue  africaine,  iSGç),  p.  /i.'')f)  et  AOo. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  À   17A5.  187 

leurs  casernes  leur  cri  traditionnel  de  révolte  «istemaiz^^,  dès 
lors,  dis-je,  les  jours  du  souverain  étaient  comptés. 

Cette  situation  privilégiée  auprès  du  gouvernement  n'avait 
pas  manqué  de  susciter  entre  eux  des  rivalités  profondes.  Déjà 
ennemis  de  par  leur  profession  —  on  sait  combien  sont  vives 
entre  lettrés  musulmans  les  querelles  de  doctrine  —  ils  n'avaient 
cessé  d'intriguer  pour  obtenir  ces  emplois  qui  leur  procuraient 
des  avantages  matériels  considérables.  Ils  n'hésitaient  pas  à 
mettre  en  œuvre  tous  les  moyens  pour  desservir  un  compétiteur 
et  provoquer  la  disgrâce  du  titulaire  de  l'emploi  convoité.  Le 
fils  du  mupfti  qui  était,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  de  la 
«caste 5?,  ne  manque  pas  de  s'étendre  longuement  sur  ces 
intrigues (^^.  Ces  détails  sont  curieux  à  lire,  ils  abondent  dans 
les  extraits  publiés  par  Devouix.  Petites  bassesses  et  lAchetés 
qui  sont  la  menue  monnaie  du  pouvoir  ! 

Les  renseignements  sur  la  topographie  d'Alger  en  dehors 
de  ceux  conservés  par  l'ouvrage  capital  du  bénédictin  Haëdo 
sont  tellement  rares  chez  les  écrivains  postérieurs,  européens 
ou  indigènes,  que  ceux  que  nous  relevons  dans  le  manuscrit  du 
fils  du  mufti,  si  succincts  soient-ils,  nous  apparaîtront  toujours 
comme  des  plus  précieux. 

A  l'arrivée  des  Turcs,  Alger  est  occupé  par  une  fraction 
d'une  tribu  voisine,  les  Béni  Mezrenna'^',  venus  s'installer  au 
milieu  de  ce  qui  restait  des  ruines  de  la  ville  romaine  d'Icosium 
où  ils  trouvent  encore  avec  quelques  vestiges  d'habitation  cer- 
taines facilités  d'existence  au  moyen  du  cabotage  et  de  la  poche, 
et,  il  faut  l'ajouter,  de  la  piraterie.  Deux  petites  criques'^', 

(')  Edijicrs  religieux ,  jjassiin. 

'')  Go  nom  so  retrouve  dans  la  commune  de  Tal)lat;  les  Mozrenna  forment 
un  douar  assez  important  sur  un  territoire  d'environ  9,5oo  iiectnros.  Le  der- 
nier recensement  lui  attribue  une  population  de  a,''09  liabitante. 

*^'  Ces  deu.t  petites  criques  sont  fi|jurées  sur  le  plan  de  i56()-i570,  la  pre- 
mière est  dite  portas  parvns  et  la   s(>ron(!e  pnrhis  minor  sire  raldtn.  Ccllo-ri 


188  AVRIL-JUIN    1922. 

dont  l'une  à  l'ouest,  mais  mal  abritée,  trop  exposée  aux  vents 
(le  haute  mer,  et  l'autre  à  l'est,  mieux  orientée,  leur  per- 
mettent d'amener  chaque  soir  leurs  grandes  barques  en  sûreté 
sur  la  rive.  Vivants  assez  misérablement  sous  la  menace  con- 
stante des  fléaux  naturels  —  l'inondation  dont  le  sous -sol 
sableux  et  les  constructions  qui  y  sont  ensevelies  nous  con- 
servent le  témoignage,  les  tremblements  de  terre,  l'orage,  le 
froid,  —  ils  avaient  encore  à  redouter  la  descente  de  leurs 
montagnes  de  pillards  berbères  qui  les  dépouillaient  du  peu 
qu'il  leur  restait.  N'importe,  ils  supportaient  avec  patience  ces 
maux  qu'ils  considéraient  comme  le  lot  naturel  de  leur  destinée 
humaine,  jusqu'au  jour  où  l'infidèle,  l'Espagnol  maudit,  prit 
pied  sur  un  îlot  à  quelques  brasses  de  leurs  demeures,  et  leur 
rendit  la  vie  absolument  insupportable.  Ne  pouvant  les  en 
chasser,  ils  résolurent  de  faire  appel  à  l'étranger.  Fatale  réso- 
lution qui  les  Conduisit  à  la  perte  de  leur  indépendance.  En 
débarquant,  les  Turcs  inauguraient  par  l'assassinat  du  chef  de 
la  ville,  le  cheikh  Selim  El  Tahmi,  ce  régime  de  perfidie  et 
de  terreur  qui  leur  permit  de  dominer  tout  le  pays  avec  une 
poignée  d'hommes.  Mais  aussi  dans  quel  état  le  laissèrent-ils  ! 
Si  le  pays  mis  en  coupe  réglée  à  l'intérieur  ne  put  jamais 
se  relever  tant  qu'ils  régnèrent  à  Alger,  en  revanche  la  modeste 
aiguade  d'El  Djezaïr  béni  Mezrenna,  devenue  leur  capitale,  se 
transforma  en  un  grand  port  qui  abrita  les  flottes  nombreuses 
des  premiers  Barberousse.  Une  grande  jetée  fut  élevée  par 
Kheir  Ed  Dîn  entre  le  Penon  et  le  rivage,  brisant  les  vagues 
soulevées  par  les  vents  dangereux  du  nord-ouest.  Les  défenses 
de  la  ville  considérablement  accrues   devinrent    redoutables 


était  connue  sous  ie  nom  de  qalet  el  khadem,  «la  plajje  des  négressesn,  parce 
que  ces  femmes  esclaves  des  familles  riches  y  venaient  laver  le  linge.  Elles  se 
servaient  de  l'eau  douce  d'un  ruisseau  qui  descendait  des  contreforts  au  sommet 
desquels  s'élève  le  bordj  Mouley  Hassen  et  se  jetait  à  la  mer  à  cet  endroit  du 
rivaf'e. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE   1515  A  1745.  189 

même  pour  les  flottes  et  les  armées  européennes.  Un  arsenal 
fut  bâti  sur  la  partie  du  rivage  englobée  aujourd'hui  dans  les 
fondations  de  la  place  du  Gouvernement.  Avec  les  ressources 
abondantes  de  la  piraterie,  les  reïs  édifièrent  ces  luxueuses 
demeures  auxquelles  les  maîtres  andalous  donnèrent  ce  cachet 
d'originalité  qui  fait  aujourd'hui  notre  admiration.  Puissions- 
nous  les  admirer  longtemps  encore,  et  mes  concitoyens  com- 
prendre que  l'exécution  intégrale  d'un  plan  de  nivellement 
qui,  je  le  reconnais,  améhorerait  les  conditions  d'existence 
d'une  partie  intéressante  de  la  population  algéroise,  ferait  en 
même  temps  disparaître  ce  qui  constitue  l'attrait  le  plus  réel 
de  notre  ville.  Nombreux  sont  ceux  qui  désirent  conserver  le 
plus  longtemps  possible  les  spécimens  d'un  art  architectural, 
moins  parfait,  il  est  vrai,  que  celui  de  l'Espagne  musulmane, 
mais  d'un  intérêt  incontestable.  Ce  que  nous  avons  tenté  jus- 
qu'ici pour  les  imiter  n'est  pas  fait  pour  diminuer  les  appré- 
hensions que  nous  cause  le  projet  d'un  bouleversement  complet 
des  plus  anciens  quartiers  d'Alger,  ceux  dits  «de  la  marine w. 

A  l'arrivée  des  Turcs,  des  espaces  vides  immenses  existaient 
encore  à  l'intérieur  de  la  ceinture  d'épaisses  murailles  d'El- 
Djezaïr  béni  Mezrenna  démesurément  étendues.  Les  Berbères 
avaient  conservé  l'enceinte  du  vaste  camp  romain  qui  se  pliait 
aux  accidents  du  sol  et  l'utilisaient  pour  leur  défense.  Des 
chèvres  paissaient  là  où  s'élève  la  cathédrale  actuelle  qui  est 
une  ancienne  mosquée  peu  modifiée,  et  dont  le  nom  de  Ket- 
chaoua,  «champ  aux  chèvres 5)  rappelle  l'état  primitif  des 
lieux. 

Les  maisons,  de  plus  en  plus  nombreuses,  ne  tardaient  pas 
à  s'élever,  constituant  de  nouveaux  quartiers  avec  des  marchés 
aux  légumes,  aux  grains,  au  charbon  de  bois,  aux  marchan- 
dises d'importation  étrangère,  sans  parler,  bien  entendu,  de 
celui  aux  esclaves  installé  au  Badestan  et  dont  la  place  Mahon 
actuelle    marque  assez  exactement  l'emplacement.  Des  souq 


iOO  AVRIL-JUIN   1922. 

abritent  les  cor|jorations  d'artisans  de  tous  les  métiers  existant 
alors  en  Europe,  avec  des  Amin  à  leur  tête  au  nombre  de  qua- 
rante environ.  Cent  soixante  seize  édifices  consacrés  au  culte 
étaient  encore  debout  à  notre  arrivée  en  i83o.  Cité  tout  à  la 
fois  commerçante  et  guerrière,  car  plus  d'un  de  ces  artisans 
ne  craignait  pas  de  risquer  quelques  capitaux  pour  comman- 
diter une  croisière  fructueuse  sur  les  côtes  d'Espagne,  ou 
même  plus  loin,  s'intéressant  ainsi  à  la  campagne  en  mer  d'un 
reïs  connu;  s'il  n'avait  pas  de  fonds,  il  s'enrôlait  lui-même  et 
était  admis  au  partage  des  bénéfices.  De  retour  à  son  souq, 
il  reprenait  tranquillement  l'aiguille  ou  la  navette. 

Les  jardins  maraîcbers  qui  s'étendaient  au  bord  de  la  mer 
entre  la  colline  et  ie  rivage  durent  également  faire  place  aux 
nouvelles  constructions.  Ils  émigrèrent  à  l'Est,  toujours  plus  à 
l'Est.  Nous  les  avons  encore  vus  à  i'Agha  et  à  Hussein  Dey.  Il 
y  a  quelques  années  encore,  ils  s'étalaient  le  long  des  rives  de 
l'Harrache.  De  là,  ils  «ont  aujourd'hui  chassés  un  à  un  par  les 
grandes  usines.  Ces  champs  toujours  verts,  aux  produits  remar- 
quablement beaux,  ont  définitivement  abandonné  les  environs 
immédiats  de  la  ville.  Les  faubourgs  d'Alger  ne  ressemblent 
plus  qu'à  ceux  d'une  grande  cité  industrielle. 

IN'ayant  sur  le  fils  du  mufti  Hosseïn  ben  Redjeb  Cbaouch 
d'autres  indications  biographiques  que  celles  que  nous  relevons 
dans  les  ouvrages  de  Devoulx  qui  eut  entre  les  mains  le  manu- 
scrit  complet,  je  reproduirai  ici  ces  extraits  qui  nous  révéleront 
quelques  traits  de  la  physionomie  de  l'écrivain  et  nous  rensei- 
gneront sur  l'origine  de  sa  famille,  la  carrière  de  son  père  et 
de  son  grand-père.  Voici  en  quels  termes  Devoulx  s'exprime 
dans  l'un  de  ces  passages '^^  : 

On  li'ouvera  ci-après  celle  liste  en  ce  qui  concerne  le  rite  maleki  :  je 
l'ai  complétée  an  moyen  d'extraits  empiuntés  à  un  manuscrit  arabe. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D*ALGER  DE  1515  A  17'i5.  191 

rédigé  vers  l'année  1 153  (17/40-17/11)  par  an  Algérien  couiongliqui  ne 
se  nomme  pas,  se  contentant  de  décliner  les  noms  et  qualités  de  ses  as- 
cendants, jusqu'au  troisième  degré.  Comme  l'auteur  se  dit  fils  d'un 
mu[)liti,  il  m'a  semMé  que  ces  renseignements  piésentaient  quelques 
garanties  de  véracité,  et  je  n'ai  pas  hésité  à  les  employer  par  exception 
à  la  règle  que  je  me  suis  imposée  de  ne  puiser  que  dans  les  documents 
otTiciels.  Ce  manuscrit  renferme,  d'ailleurs,  des  détails  qui  ne  sauraient 
avoir  été  inventés  et  qui  sont  des  peintures  de  mœurs  d'autant  plus 
utiles  à  enregistrer  que  les  matériaux  de  cette  nature  n'a  fondent  pas. 
Dans  une  khotba  (ou  invocation)  qui  sert  d'introduction  à  son  oeuvre, 
cet  écrivain  nous  apprend  qu'étant  arrivé  près  du  terme  de  sa  carrière 
et  se  trouvant  seul  et  allligé  dans  ce  monde,  par  la  perte  de  ses  enfants, 
il  a  entrepris,  bien  cju'il  ne  soit  pas  doué  d'une  science  éminente,  de 
recueillir  les  faits  historiques  parvenus  à  sa  connaissance  et  cela  avec  sin- 
cérité et  dans  le  l)ut  fie  remédier  flans  les  limites  de  ses  forces  à  l'absenc;' 
d'ouvrages  de  cette  nature.  ffMon  père,  dit-il  ensuite,  était,  que  Dieu  lui 
fasse  miséricorde,  le  cheikh,  l'imam,  le  vertueux,  l'accompli,  le  savant, 
le  théologien,  le  docteur  profond,  Hossaïn  fils  de  RefljebChaouch,  ainsi 
connu,  fils  de  Mohammed.  Il  naquit  à  Mézerennet  el  Djézaïr  (Alger)  y 
vécut  et  y  a  son  tombeau.  Son  père  el  son  aïeul  naquirent  dans  une  bour- 
gade de  Malaman  appelée  Haza  Hissar.  Malaman  est  une  vaste  contré<3 
sise  en  face  de  la  ville  de  Smyrne  :  je  l'ai  visitée  en  iiq8.  Mon  père, 
(|ue  Dieu  lui  fasse  miséricorde,  a  rempli  les  fonctions  de  muphli  à  Alger, 
la  bien  gardée. 

Un  second  passage  que  je  citerai  en  entier  malgré  sa  lon- 
gueur, car  il  nous  éclaire  sur  la  méthode  de  notre  auteur^ 
nous  le  dépeint  comme  un  homme  de  hon  sens,  de  caractère 
indépendant,  n'acceptant  pas  les  yeu\  fermés  n'importe  quelle 
information.  11  en  discute  la  vraisem])lance  et  sait  s'élever 
contre  les  légendes  injustifiées,  cherchant  à  réhabiliter  un 
homme  injustement  accusé.  Il  s'agit  d'une  imputation  grave  à 
l'enconlre  d'un  personnage  qui  n'est  pas  un  inconnu  pour 
nous,  Sidi  Mohammed  ben  Sidi  Saïd,  qui  fut  mufti  de  i65o 
à  109G. 

Voici  en  quels  termes  il  rapporte  cet  événement  : 

Une  dizaine  d'années  avant  1090.  Sidi  Mohammed  ben  Sidi  Saiid  fut 


192  AVRIL-JUIN   1922. 

révoqué,  mais  pour  un  moment  et  sans  être  remplacé.  Cette  destitution 
e'tait  due  à  une  lettre  qui  avait  été  adressée  au  Prince  alors  au  pouvoir 
et  dans  laquelle  on  l'accusait  d'actions  honteuses  et  de  manque  de 
dignité.  Bien  loin  de  là,  il  était  vertueux  et  noble.  Cette  accusation 
n'était  que  mensonges  et  inventions  dictées  par  la  méchanceté.  Il  fut 
réintégré  dans  ses  fonctions  avant  le  vendredi  suivant.  J'ai  trouvé  la 
mention  de  ce  fait  dans  un  écrit  en  prose  et  en  vers ,  rédigé  par  ses  amis 
[)lusieurs  années  après  l'événement,  et  qui  est  encore  en  ma  possession. 
Mon  père,  ainsi  que  mes  professeurs  Mustaj)lia  el  Annabi  et  Sidi  Mo- 
hammed ben  Nigrou ,  m'ont  fait  de  nombreux  récits ,  mais  ils  ne  m'ont 
jamais  parlé  du  fait  que  je  viens  de  citer.  Il  en  est  de  même  de  mes 
frères  et  bous  amis  ci-après  nommés,  qui  avaient  une  connaissance 
approfondie  des  hommes  (ki  passé  et  avec  lesquels  je  me  suis  souvent 
entretenu  de  matières  de  cette  nature,  savoir  :  Sidi  Mohammed  i)en  Mo- 
hammed Ettsériri ,  savant  fds  de  savant  ;  Sidi  Mohammed,  adel  du  Beït- 
el-mal:  Ben  Sidi  Mohammed  el  cadi  ben  el  Manguelati;  Sidi  Mohammed 
ben  Ali  ben  Sidi  el  Mehdi  ben  Sidi  Bamdan  ben  ïoussef  el-Oldj,  Sidi 
Ahmed  ben  el-Ilim,  adel  (greffier)  du  tribunal  hanéfi;  Sidi  Mustapha  ben 
Ettaleb  l'andalou,  l'un  des  notables  de  Blidah;  Sidi  Mohammed  ben 
Kanit,  cheikh  de  la  hadera  des  Soufis,  etc,  tous  ignoraient  cette  destitu- 
tion. Ils  avaient  été  tous  contemporains  de  mon  père  qui  exerça  les 
fonctions  de  mufti  pendant  huit  ans. 

(Son  père  fut  nommé  mufti  hanéfite  au  commencement  de  djoumada 
el  ouel  1102  [du  3i  janvier  au  9  février  1691]  après  la  destitution 
de  Sidi  Mohammed  Khodja,  fds  de  Mouslim  effendi  ''l) 

Son  fils,  notre  auteur,  écrit  à  ce  sujet  : 

Après  lui  fut  nommé  mon  père  Hossaïn  ben  Redjeb  chaouch.  Il  aug- 
mente la  considération  et  la  puissance  de  cet  emploi.  Il  était  aimé  par 
les  gouvernants  et  avait  beaucoup  d'influence  et  de  crédit.  Il  se  dévouait 
à  faire  réussir  ceux  qui  s'adressaient  à  lui,  sans  jamais  s'occuper  de  ses 
propres  intérêts.  Il  avait  coutume  de  me  dire  :  rrSois  la  tête  d'une  sar- 
dine et  ne  sois  pas  la  queue  d'un  thon^  (Il  vaut  mieux  être  le  premier 
dans  un  village  que  le  second  dans  Rome;  note  de  Devoulx).  Il  médisait 
aussi  :  tr Resserre  ton  ventre,  ta  tête  en  grossira  '-'Kv  II  fut  le  premier  cou- 

(^)  Edifices  religiptix,  p.  106. 

^■1  En  d'autres  termes  :  «Modère  tes  appétits,  sois  patient,  garde-toi  de 
laisser  percer  ton  ambition,  tu  atteindras  tous  les  iioiineurs.n 

Dans  i'odjak  des  janissaires  en  Turquie,  les  {jTades  se  distinguaient  par  la 


HISTOIRE.DES  PACHAS  D'ALGEH  DE  I3I5  A  1745.  193 

lougli  appelé  aux  fonctions  de  niuphti.  Lorsque  mon  père  i-erut  sa 
nomination,  il  était  âgé  d'environ  trente  ans.  Il  occupa  cet  emploi 
douze  années  et  tut  révoqué  par  le  doulatli  Ahtchi  Mustapha  "'. 

On  vient  de  lire  que  son  grand-père  occupa  l'emploi  de 
chaouch  sous  plusieurs  chefs  de  la  Régence  ;  il  en  parle  égale- 
ment dans  son  Histoire  des  pachas.  Je  reviendrai  dans  mes 
notes  sur  les  prérogatives  de  cet  emploi,  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  avec  les  humbles  fonctions  de  l'employé  indigène 
attaché  aujourd'hui  à  la  plupart  de  nos  administrations  algé- 
riennes. 

Autant  par  les  extraits  qu'en  a  donnés  Dcvoulx  que  par  la 
traduction  que  je  publie  ici,  on  jugera  combien  la  disparition 
du  manuscrit  original  est  à  déplorer.  Durant  plusieurs  années 
et  metlant  à  profit  mes  relations  constantes  avec  les  lettrés 
musulmans,  j'ai  multiplié  mes  recherches  en  tous  sens;  elles 
n'ont  pas  abouti.  A  un  moment  donné,  je  crus  être  sur  sa 
trace  :  on  m'avait  dit  qu'il  avait  été  acheté  à  une  vente  pu- 
])lique  après  décès,  par  un  négociant  indigène  et  transporté 
au  Mzab,  avec  beaucoup  d'autres  ouvrages  manuscrits.  Mon 
regretté  collègue  et  ami,  M.  Motylinski  y  effectuait  alors  une 
mission  d'études;  il  connaissait  admirablement  la  région.  Jl 
voulut  bien  s'en  occuper  activement.  Ce  fut  en  vain,  le  livre 
était  totalement  inconnu.  Néanmoins,  je  n'ai  pas  abandonné 


Inrme  du  vêlement  et  l'ampleur  de  la  roifluro.  Dans  les  ffrades  supérieurs,  le 
luriian  [irenait  des  proportions  énormes.  Au  sommet  de  la  liiérarcliie  niiiilaii-e 
était  ra{;ha  des  janissaires.  Sa  coiffure  en  drap  rouge  était  démesurément 
haute  et  large.  On  peut  voir  la  reprcisentation  des  diflV'rents  insignes  des  grades 
dans  les  planches  très  curieuses  qui  accompagnent  le  texte  de  l'ouvrage  de 
Djévad  Bey  :  Elnl  militaire  oltoman.  dojmis  la  fondation  de  l'Empire  jusqu'à  nos 
jdurs,  par  Ahmed  Dji;vad-bey,  traduit  du  turc  par  Georges  Macridio;  t.  I.  Le 
corps  des  Janissaires  depuis  sa  création  jusqu'à  sa  suppression,  Constanlinople 
et  Paris,  i88:î,  avec  un  alhum  de  figures  et  des  dessins  mentionnés  dans  le 
premier  volume. 

^''  Edifices  reliijieux ,  p.  i/i5. 

XIX.  i3 


tlATIOMLB 


lO'i  AVRIL-JUIN    1922. 

l'espoir  qu'il  tombera  un  jour  entre  les  mains  d'un  arabisant 
plus  heureux  que  moi  qui  en  donnera  une  édition  complète. 

J'ai  eu  à  ma  disposition  quelques  autres  chronologies  ma- 
nuscrites, les  unes  que  j'ai  recopiées  dans  ditïérents  ouvrages 
arabes ,  conservés  à  la  bibliothèque  du  musée  d'Alger,  rue  de 
l'État- Major,  les  autres  qui  me  furent  communiquées  par  des 
indigènes  de  mes  amis.  Bien  qu'elles  me  parussent  dès  ma 
première  lecture  peu  intéressantes,  parce  que  sans  caractère 
d'authenticité,  je  les  ai  toutes  traduites.  Elles  ne  méritent  pas 
que  j'en  fasse  ici  la  description  ;  elles  ne  m'ont  été  à  peu  près 
d'aucun  secours. 

Par  contre,  un  manuscrit  de  ma  collection  personnelle  mé- 
rite de  retenir  l'attention;  on  peut  lui  accorder  un  certain 
crédit,  car  il  est  incontestablement  ancien.  II  m'est  impossible 
d'en  préciser  aujourd'hui  la  provenance;  ma  mémoire  me  sert 
mal  à  ce  sujet.  Je  crois  cependant  l'avoir  acquis  durant  mon 
séjour  en  Oranie.  A  cette  époque  déjà,  je  réunissais  des  docu- 
ments que  je  pensais  pouvoir  être  utilisés  dans  la  publication 
que  je  projetais.  C'est  un  seul  cahier  de  la  dimension  de 
G  m.  1  9  de  hauteur  sur  cm.  i  3  de  largeur,  vraisemblable- 
ment détaché  d'une  copie  en  cours  d'exécution  d'un  ouvrage 
historique  ou  d'un  recueil  de  chroniques  sur  Alger.  Il  se  com- 
pose de  douze  feuillets  écrits  au  recto  et  au  verso,  à  quatorze 
lignes  à  la  page.  L'écriture  est  du  maghrébin  cursif  élégant. 
Toutes  les  dates  sont  écrites  à  l'encre  rouge  et  le  nom  des  pa- 
chas avec  cette  formule  :  »»x«j  ^^  Jjj  '^  qui  se  répète  unifor- 
mément pour  chacun,  alternativement  à  l'encre  rouge  et 
verte. 

Ce  cahier  commence  par  ces  mots  : 

Dieu,  qu  il  soit  exalté,  les  en  délivra  et  les  habitants  d'Alger  se  ré- 
jouirent de  celte  victoire  éclatante. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE   1315  A   1745.  195 

Il  s'agit  là  de  l'expédition  de  Charles -Quint  contre  Alger 
en  i5/ii,  qui  aboutit  au  désastre  que  l'on  sait. 

Ce  récit  se  termine  au  milieu  du  verso  de  cette  première 
page  par  cette  phrase  : 

/wJsJî    pî«X-fiî    LJyÀ-i    ^^    y.A,^^k**JLÎ    <.^-»-Cj    ^3    '^î'^^    (J^5^5    CJjtiL^ 

^jLi!  dlUi  (^L»  u'^y  (:J^  **^*^ 

Alger  ressembla  à  une  llance'e  qui  s'avance  gracieusement,  parée  de 
bijoux  et  (le  riches  atours;  et  cela  gi'âce  au  bon  marché  des  vivres  et  à  la 
sécurité  qui  régnait  dans  la  contrée.  Cette  cilé  n'eut  plus  à  craindre 
personne.  Le  bruit  de  cet  événement  se  répandit  à  l'Oinent  et  à  l'Occi- 
dent. Le  terreur  des  Musulmans  régna  dans  le  cœur  des  ennemis  de 
notre  religion  durant  de  longues  années  par  la  grâce  de  Dieu  qui  nous 
prodigue  ses  faveurs. 

Le  texte  qui  vient  immédiatement  après  a  pour  titre  : 

Relation  de  rex[)édilion  de  la  llotte  des  chrétiens,  également  contre 
Alger. 

Nous  avons  donc  une  seconde  relation  du  même  événement, 
et  l'auteur  reprend  en  entier  le  récit  de  la  tragique  aventure 
de  l'invincible  Armada. 

A  la  cinquième  ligne,  p.  i  a  ,  il  se  termine  par  ces  mots  : 

(^jx^^ai  JoU^I  J^  aJU!  ^^3  Â)olb  Jl^l 

Le  maudit  laissa  un  butin  immense  entre  les  mains  des  habi(anls 
d'Alger  dont  les  richesses  furent  considérablement  accrues.  Dieu  délivra 
ses  amis  les  Musulmans. 

i3. 


196  AVRIL-JUIN    1922. 

Puis,  il  continue  l'histoire  du  glorieux  vainqueur  de  Charles- 
Quint,  Hnssen  Agha  ,  qui,  dit-il,  jouit  ensuite  d'un  repos  com- 
plet jusqu'à  son  départ  en  ^jàS.  Il  relate  quelques  faits  sail- 
lants de  son  règne;  prise  de  Mostoganem  en  9^5,  celle  de 
Biskra  en  9/17  et  enfin  il  mentionne  la  date  de  la  mort  de  ce 
prince  en  961.  Il  passe  ensuite  à  son  successeur  : 

Après  lui  fut  investi  du  pouvoir  notre  maître  Hasseu  pacha ,  fils  de 
Kheir  ed-din,  en  962. 

Suivent,  après  cela,  quelques  maigres  renseignements  sur 
son  règne  et  l'auteur  continue  la  série  des  souverains  en  em- 
ployant les  mêmes  formules,  d'une  façon  abrégée  et  mono- 
tone, jusqu'à  l'avènement  d'Ibrahim  el  Kheznadji  en  rabia  el 
ouel  11^5  (du  22  août  au  20  septembre  1732). 

Là  s'arrête  brusquement,  en  haut  d'une  page  blanche,  la 
suite  du  récit. 

L'expédition  de  Charles-Quint  contre  Alger  a  déjà  fait  l'objet 
de  nombreuses  publications  tant  en  France  qu'en  Espagne. 
M.  René  Basset  les  cite  pour  la  pluj)art  dans  un  article  paru 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  et  daixliéologie  d'Oran 
en  1890"^.  Il  donne  le  texte  arabe  et  la  traduction  de  trois 
versions  de  cet  événement.  La  première  est  un  extrait  du  Meh- 
kémé  dont  deux  copies  existent  à  la  bibliothèque  du  musée  de 
la  rue  de  l'Etat-Major  à  Alger,  la  seconde  est  empruntée  à 

^''  Documents  rnusulmans  sur  le  siège  d^ Alger  par  Charles- Quint  (laâi),  par 
M.  René  Ras.si;t  (Bulletin  trimestriel  de  géographie  et  d'archéologie  d'Oran,  t.  X, 
p.  171-21/1 ,  avril-juin  1890),  Oran,  1890. 

M.  l*atorni  rcprcuant  cos  deux  textes  on  a  donné  une  nouvelle  traduction 
avec  des  notes  critiques  dans  la  Revue  africaine,  Aljjer,  1891,  p.  177-206,  sous 
le  titre  :  L'Expédition  espagnole  de  i5ùi  contre  Alger. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  17A5.  197 

l'ouvrage  bien  connu  d'iladji  Khalfa,  le  Tohfat-el-kibar  et  enCm 
la  troisième  est  un  extrait  du  Ghazaouat,  dont  le  manuscrit  est 
également  à  la  bibliothèque  de  la  rue  de  TEtat-Major. 

Bien  que  les  deux  chapitres  de  mon  manuscrit  acéphale  me 
paraissent  identiques  quant  au  fond  au  premier  et  au  dernier 
des  documents  ci-dessus  cités,  dont  je  ne  connais  d'ailleurs 
le  texte  que  par  la  publication  de  M.  Basset,  j'ai  relevé  cepen- 
dant, entre  mes  deux  textes  et  ceux  de  M.  Basset,  des  diffé- 
rences suffisantes  pour  conclure  qu'ils  n'ont  pas  la  même 
origine. 

Ceci  n'est  point  pour  nous  étonner,  car  la  victoire  des  Algé- 
riens sur  le  souverain  qui  régnait  en  maître  sur  la  moitié  de 
l'Europe  eut  un  retentissement  considérable  et  inspira  nombre 
d'écrivains  musulmans.  Je  m'explique  moins  que  deux  versions 
du  même  fait  historique  se  trouvent  réunies  dans  le  même 
ouvrage.  S'il  n'est  pas  rare  qu'un  auteur  arabe  reprenne  un 
texte  pour  le  commenter  une  seconde  fois  et  même  davantage, 
il  en  fait  toujours  l'objet  d'autant  de  livres  différents.  Je  me 
contente  de  consigner  ici  cette  observation  en  passant,  sans  y 
attacher  une  plus  grande  importance  qu'elle  n'en  comporte. 

Parmi  les  éditions  européennes  de  la  chronologie  des  sou- 
verains d'Alger,  la  plus  ancienne,  à  ma  connaissance,  est  celle 
qu'Alphonse  Rousseau  a  imprimée  en  annexe  de  sa  traduc- 
tion du  Zohrat  En-Nnyyerat,  dite  k  chronique  de  la  Régence 
d'Alger». 

Malgré  la  confiance  que  l'on  peut  accorder,  a  priori,  à  un 
orientaliste  qui  a  occupé  le  poste  important  de  drogman  du 
consulat  de  France  à  Tunis  à  une  époque  où  certainement  les 
manuscrits  de  ce  genre  étaient  moins  rares  qu'aujourd'hui, 
on  ne  saurait  cependant  se  servir  de  cette  chronologie  sans 
quelque  réserve.  Certains  noms  sont  tellement  défigurés  qu'on 
se  demande  si  ce  n'est  pas  l'impression  typographi{[ue  qui  est 
fautive,  mais  comme  le  lecteur  n'en  est  pas  averti,  il  est  ex- 


198  AVRIL^JUIN    1922. 

posée  commettre  des  erreurs.  Autre  grief:  Rousseau  ne  si- 
gnale pas  ceux  des  pachas  qui  ont  été  nommés  deux  ou  plu- 
sieurs fois.  Bien  plus,  il  reproduit  le  nom  du  même  souverain 
avec  une  orthographe  différente,  conime  s'il  s'agissait  de  deux 
personnages  différents  !  Très  vraisemblablement,  il  ne  s'est  pas 
douté  que  c'était  le  même  individu  qui  revenait  au  pouvoir. 
Cette  confusion  s'explique  mal,  car  aucun  chroniqueur  indi- 
gène ne  manque  de  signaler  ce  retour  d'un  pacha  au  poste 
qu'il  avait  occupé  précédemment.  Rousseau  n'aurait-il  pas 
travaillé  sur  des  sources  originales?  Et  pourquoi  encore  omet^ 
il  de  nous  faire  connaître  sur  quels  documents  il  a  établi  cette 
chronologie  ?  On  ne  se  rend  pas  compte  non  plus  quelle  est  la 
source  des  quelques  renseignements  qui  accompagnent  cer- 
taines de  ces  dates.  D'une  façon  générale,  on  a  l'impression 
d'avoir  à  faire  à  un  pastiche  d'ouvrage  indigène. 

En  revanche,  les  chronologies  publiées  récemment  dans  les 
ouvrages  de  iMercier '^'  et  du  général  Faure-Biguet  ^'^^,  l'un  et 
l'autre  arabisants  de  grande  valeur,  constituent  une  base  sé- 
rieuse d'étude  et  de  comparaisons.  M.  de  Grammont  n'a  pas 
cru  devoir  en  rédiger  une  à  la  suite  de  son  Histoire  d'Alger.  Au 
cours  de  son  livre,  il  signale  les  incertitudes  de  ses  informa- 
tions. Peut-être  n'a-t-il  pas  voulu  donner  une  précision  plus 
grande  à  ce  qu'il  entendait  laisser  dons  le  vague  de  sa  première 
rédaction.  Je  crois,  néanmoins,  qu'il  eut  pu  éviter  cet  écueil  en 
soulignant  ses  hésitations  au  moyen  de  quelques  brèves  indi- 
cations, ainsi  que  l'a  très  heureusement  réahsé  Mercier.  Dans 
un  recueil  qui  embrasse  l'histoire  d'une  période  de  plusieurs 
siècles  durant  lesquels  se  succèdent  un  nombre  élevé  de  sour- 


(')  Histoire  de  l'Afrique  septentrionale  (Berberie)  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  la  conquête  Jraiiçaise  {i83o),  par  Eriicsl  Miiiiciiii;,  Paris,  iHgi. 
t.  m,  p.  55i  ot  suiv. 

'■^)  Histoire  de  l'Afrique  septentrionale  sous  la  domination  musulmane ,  par  le 
gcccral  G.  FAiiitii-Bi<;iJKT,  l^aris,  igoS,  p.  365  ot  suiv.  el  p.  HS  et  suiv. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   17'i5.  199 

verains,  dont  quelques-uns  n'ont  fait  qu'une  apparition  ou  re- 
viennent au  pouvoir  après  en  avoir  été  éloignés  plusieurs  an- 
nées, un  index  chronologique  constitue  un  point  de  repère 
précieux  que  l'on  aime  consulter  à  chaque  instant.  Cela  évite 
au  lecteur  de  faire  lui-même  ce  travail  que  je  juge  indispensable. 

J'aurai  garde  d'omettre  la  chronologie  qui  se  trouve  à  la  fin 
du  second  volume  de  M.  Plantet:  elles  sont  le  fait  des  secré- 
taires-interprètes de  la  Cour  de  France.  Il  n'appartenait  pas  à 
M.  Plantet,  qui  éditait  leur  traduction,  de  la  moditier  même 
dans  l'orthographe  des  noms;  l'inconvénient  disparaît  en  par- 
tie, car  au  moyen  des  dates  il  est  aisé  de  rétablir  les  noms 
altérés. 

Je  n'ai  pas  cherché  à  concilier  les  dates  adoptées  par  les 
auteurs  que  je  viens  de  citer  avec  celles  mentionnées  par  mon 
chroniqueur  indigène,  les  différences  sont  assez  nombreuses  et 
ne  doivent  pas  nous  surprendre  :  je  m'en  explique  ici  une  fois 
pour  toutes.  Le  fils  du  mufti  relate  généralement  pour  l'avè- 
nement d'un  pacha  la  date  de  sa  reconnaissance  officielle  noti- 
fiée à  rOdjak  d'Alger  par  la  Sublime  Porte;  les  auteurs  euro- 
péens indiquent  plutôt  celle  de  la  prise  effective  du  pouvoir 
qui  marquait  en  réalité  pour  eux  la  fin  d'un  règne  et  le  com- 
mencement d'un  autre.  Cette  dernière  date  est  le  plus  souvent 
antérieure  à  l'envoi  du  firman,  qui  consacre  un  état  de  choses 
établi. 

J'ai  tenu  à  conserver  au  texte  du  livre  du  mufti  son  carac- 
tère d'information  indigène.  Le  discuter  pas  à  pas,  le  com- 
menter, c'était  refaire  l'histoire  d'Alger  durant  trois  siècles, 
travail  bien  inutile  depuis  que  d'excellentes  publications  l'ont 
vulgarisée.  Tel  quel,  il  satisfait  notre  curiosité,  car  c'est  une 
œuvre  très  personnelle,  celle  d'un  lettré  dont  la  modestie  est 
le  garant  de  la  véracité.  Il  a  cru  bon  de  recueillir  les  événe- 
ments historiques  de  sa  pairie  d'adoption,  parce  ([ue  d'autres 


200  AVRIL-JUIN    1922. 

ne  l'avaient  pas  fait  avant  lui.  H  voit,  il  écoute,  puis  il  inter- 
roge les  siens  :  son  père,  son  grand-père  qui,  tous  Jeux,  ont 
occupé  une  situation  élevée  dans  l'adminislration  du  pays  et 
enfin  son  arrière-grand'mère  paternelle.  De  tout  cela,  il  com- 
pose un  livre  dont  nous  sommes  à  même  d'apprécier  l'utilité, 
d'autant  plus  que  nous  n'en  connaissons  pas  d'autres  aussi 
précis  écrits  par  un  indigène ,  pour  une  période  particulière- 
ment obscure. 

Sans  chercher  à  exagérer  la  valeur  de  l'œuvre,  on  peut 
cependant  conclure  par  les  extraits  qu'en  a  publiés  Devoulx,  et 
par  la  traduction  que  je  donne  moi-même  ici,  qu'elle  assure  à 
son  auteur  une  place  honorable  parmi  les  eulema  d'Alger 
turc. 

TRADUCTION. 

Sachez  que  io  nombre  des  pachas  qui  furent  investis  du  Gouvernement 
d'Alger  d'Occident  est  de  cinquante-quatre,  en  ne  tes  comptant  qu'une 
fois  chacun. 

Le  premier  est  Ishaq  pacha. 

Aroudj  exerça  le  pouvoir  en  991  (inc.  i5  février  i5i5),  et  Kheir-ed- 
din  pacha  en  928  (inc.  2^1  janvier  iSiy). 

Hassen  Agha,  Khahfa  de  Kheir-ed-din  fut  nommé  en  964  (inc. 
10  juin  lôSy).  H  prit  Mostaganem  en  9A6  (inc.  19  mai  iSSg)  et  Biskra 
en  9A7  (inc.  8  mai  i5/io).  Ce  fut  durant  son  gouvernement  qu'une 
flotte  chrétienne  attaqua  Alger,  9/18  (inc.  27  avril  i54i).  Ce  prince 
mourut  au  mois  de   Ramadan   gSa   (0   novemhre-5  décembre  i5/j5). 

Ilassen  pacha,  fils  de  Kheir-ed-din,  lui  succéda  en  Djouraad  el  ouel 
982  (11  juillot-9  août  i545).  Il  prit  Tlemceu  en  9.52  (inc.  i5  mars 
i5i5),  puis  il  résilia  le  pouvoir  en  968  (inc.  9  janvier  i55i) 

Saiah  pacha  fut  nommé  en  969  (inc.  29  décembre  i55i).  Il  s'empara 
de  Fez  en  glji  (inc.  7  décembre  i553).  11  fil  également  la  conquête  de 
Bougie  en  962  (inc.  26  novembre  i554)  et  mourut  en  Redjeb  968 
(11  mai-g  juin  i556). 

Mohammed  pacha  Teka-ourli  prit  le  pouvoir  la  même  année. 

Puis  Hassen  pacha,  fils  do  Kheir-ed-din  fut  nommé  une  deuxième  fois 
en  964  (inc.  h  novembre  i556).  Ce  fut  sous  son  gouvernement  qu'un 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE   1515  À  1745.  201 

chef  arabe  nommé  'Abd  el  Aziz  eut  la  têle  tranchée  067  (inc.  3  octobre 

.559). 

Après  hii  le  pouvoir  fut  transmis  à  Ahmed  pacha  Bostandji-bachi, 
Moharrem  969  (inc.  1 1  se|)tembre  i56i).  H  mourut  la  mrme  année. 

Hassen  pacha,  fils  de  Kheir-ed-cHn  fut  nommé  pour  la  troisième  fois 
en  969  (inc.  1 1  septembre  1 56 1).  11  fit  une  expédition  contre  Fez  égale- 
ment en  9G9,  et  il  y  retourna  encore  en  970  (inc.  3i  août  loGii). 

Après  lui  Mohammed  pacha,  fils  de  Salah  pacha,  reçut  l'investiture 
en  Hiddja  974  (inc.  9  juin  1567).  La  révolte  de  Constanline,  lorsque 
Haïder  Kahia  s'en  empara,  eut  lieu  en  976  (inc.  8  juillet  1567). 

Son  successeur  fut  Ali  pacha,  en  976  (inc.  26  juin  i568).  Il  s'em- 
para de  Tunis  en  977  (inc.  16  juin  1669).  Ali  pacha  retourna  eu  Tur- 
quie, et  il  y  fut  nommé  Qobtàn  pacha  979  (inc.  26  mai  1571). 

Arab  Ahmed  pacha  lui  succéda  en  Hiddja  979  (i5  avril-i3  mai  1572). 

Puis  Ramdàn  prit  le  pouvoir  en  982  (inc.  23  avril  167/1).  11  fit  une 
expédition  contre  la  Goulette  en  982  (inc.  23  avril  1576). 

11  porta  la  guerre  au  Maroc,  et  s'empara  de  Fez.  Il  y  installa  Mouley 
Abd  el  Malek  en  983  (inc.  19  avril  1576). 

Après  lui  fut  nommé  Hassen  pacha  affranchi  d'Ali  Qobtân  pacha,  en 
Rebia  et-tsani  986  (18  juin-16  juillet  1577). 

Djafar  pacha  ancien  captif  chrétien  lui  succéda,  en  Redjeb  988 
(12  août- 10  septembre  i58o).  Ce  fut  lui  qui  fit  trancher  la  tète  à  Mo- 
hammed ben  Dali  Ali  cette  même  année. 

Au  mois  de  Redjeb ,  arriva  à  Alger  Ali  pacha ,  Qobtân  pacha ,  à  la  tête 
d'une  flotte  de  soixante  galères.  Il  se  fit  aussitôt  remettre  le  pouvoir, 
comme  l'usage  le  voulait;  car  il  était  établi  dans  toute  l'étendue  du  terri- 
toire ottoman  que  lorsqu'un  Qobtân  pacha  débarquait  dans  un  port, 
l'administration  de  la  ville  était  remise  entre  ses  mains. 

Ramdân  pacha  revint  au  pouvoir  en  990  (inc.  26  janvier  t582). 

Hassen  pacha,  affranchi  d'Ali  Qobtàn  pacha,  le  remplaça  en  Rebia  et- 
Isani  990  (25  avril-23  mai  i582). 

Mohammed  pacha,  affranchi  de  Qardja  Ali,  fut  nommé  en  Ghabàn  993 
(29  juillet-96  août  i585). 

Ahmed  pacha  lui  succéda  en  996  (inc.  12  décembre  i586). 

Kliider  pacha  prit  le  pouvoir  au  mois  de  Ramadan  997  (1/1  juillet- 
12  août  1.589). 

Ghabân  pacha  fils  de  Yahia  pacha  fut  nommé  en  Qada  999  (21  août- 
19  septembre  1591). 

Mouslafa  pacha  ben  Qaïa  pacha  en  Rebia  el  ouol  ioo3  (i4  novcmbre- 
i3  décembre  iSgi). 


202  AVRIL-JUIN    1922. 

Khider  pacha  fut  nommé  une  seconde  fois  en  Hiddja  ioo3  (7  août- 
5  septembre  iBgô). 

Après  lui  reçurent  successivement  l'investiture  : 

Hassen  pacha  connu  sous  ie  nom  de  Boudjaqardji-bachi  1007  (iuc. 
h  août  1598). 

Soleïmân  pacha,  affranchi  de  Qetania;  Safar  1009  (la  aoûl-9  sep- 
tembre 1600). 

Khider  pacha  occupai  le  pouvoir  pour  la  troisième  fois  en  Djoumad 
el  ouel  101 3  (aS  septemltre-'j/i  octobre  i6oi). 

Moustafa  pacha  El  Koussa,  ancien  fonctionnaire  de  la  Sublime  Porte, 
fut  nommé  en  Hiddja  101 3  (20  avriUiS  mai  i6o5). 

Et  Redouân  pacha ,  affranchi  de  Ramdân  pacha ,  en  Safar  1016  (28  raai- 
90  juin  1607). 

Moustafa  pacha  El  Koussa  fut  nommé  une  seconde  fois  en  Djoumad 
et-tsani  1019(21  aoùlri8  septembre  1610). 

Son  neveu  par  son  frère,  IMouslafa  pacha  lui  succéda,  le  16  Djoumad 
el  ouel  loâo  (âS  juillet  iGii). 

Hosseïn  pacha,  lieutenant  de  Moustafa  pacha,  fut  nommé  en  Djoumad 
et-tsani  ioâ3  (gjuillet-G  août  161 /J).  Il  partit  avec  la  colonne  de  l'Ouest, 
en  1020  (inc.  90  janvier  161  G.  Mais  le  99  Ramadàu  de  la  même  année, 
011  l'emprisonna,  et  on  installa  à  sa  place,  au  siège  du  gouvernement, 
le  Cadi  Moula-Ali. 

Puis  fut  nommé  Moustafa  pacha ,  secrétaire  de  Soleiraân  pacha ,  le  9 
de  Choual  109 5  (i3  octobre  161  (i). 

Soleïmân  pacha ,  affranchi  de  Qetania,  occupa  le  pouvoir  une  seconde 
fois  le  2  de  Ramadan  1026  (3  septembre  1617).  Il  mourut  le  mercredi 
et  fut  enterré  le  jeudi  6  Djoumad  et-tsani  1097  (3i  mai  1618). 

Hosseïn  pacha  descendit  de  prison ,  et  rentra  en  fonctions  le  mercredi 
29  Ramadan  1027  (19  septembre  1618)  après  l'acer.  Les  fondations  de 
Bordj  el  djezira  furent  commencées  squs  son  règne.  A  ce  moment  le  pou- 
voir était  assuré  par  Israf  Khodja  et  Hamouda  Tabadji  1027  (inc.  99  dé- 
cembre 1617). 

Puis  furent  nommés  : 

Kliesraf  pacha ,  le  96  Chabân  1028  (8  aoïît  1O19). 

Hosseïn  pacha,  gouverneur  de  Sousse  affranchi  de  Qaya  pacha,  le 
9  Choual  io3o  (90  août  1621).  Il  arrivait  de  Tripoli,  tandis  que  Klies- 
raf s'embarquait  pour  Tunis  permutant  avec  lui.  La  colonne  du  caïd 
Youssef  fut  mise  en  pièces  par  Khaled  le  i5  de  Ramadan  1002  (lo  juil- 
let 1693). 

Mourad  pacha  El  Ama  fut  nommé  le  2  9  Ramadan  iqoq  (90Juillet  lôaS). 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  À  1745.  203 

Ibrahim  pacha  lui  succéda  ie  i4  Djoumad  et-tsani  io33  (3  avril 
iGai).  Khesraf  paclia  reprit  le  pouvoir  pour  la  seconde  fois,  le  a>2  Hid- 
dja  io33  (5  octobre  iGâ/i).  On  termina  les  travaux  de  consh'uclion  de 
Bordj  el  djezira,  le  29  Rebia  et-tsani  io3^i  (8  février  lôaS).  Les  Turcs 
pénétrèrent  daqs  les  montagnes  de  Kouico,  grâce  aux  Oulad  Yahia;  ils  y 
établirent  une  garnison,  le  22  Choual  io34  (28  juillet  1620).  Khesraf 
mourut  le  22  Redjeb  io35  (19  avril  1626),  La  mort  de  Ferhat  bey  sur- 
vint le  22  de  Ramadan  loST)  (17  juin  1636). 

Hosseïn  pacha  Ech- Cheikh  rej)rit  le  pouvoir  une  seconde  fois  le 
1"  Chabân  io36  (17  avril  1627).  Le  92  Ramadan  1087  (26  mai  1628) 
les  Tunisiens  furent  défaits  par  les  Algériens  qui  s'emparèrent  de  vingt 
canons.  Avec  une  colonne  partie  d'Alger,  Ben  Souri  prit  Tlemcen  que 
venait  d'occuper  le  prétendant  marocain,  8  Ramadan  io38  (1"  mai 
1629).  Il  lapporta  à  Alger  la  peau  du  prétendant  et  celle  de  son  lieute^ 
tenant  Ej  Mehander,  bourrées  de  paille  ,  le  i5  Ramadan  io38  (8  mai 
1699). 

Younes  pacha  fut  nommé  le  4  de  Hiddja  1089  (i5  juillet  i63o),  Le 
début  de  l'exode  des  Koulouglis  lorsqu'ils  furent  bannis  d'Alger  par  les 
Turcs  eut  lieu  le  dernier  jour  du  mois  de  Ramadan  io38  (28  mai  1 629); 
les  derniers  d'entre  eux  ne  quittèrent  la  villa  qu'en  Redjeb  1009  (i4  fé- 
vrier-1 5  mars  i63o).  On  jeta  les  fondations  de  la  citadelle  de  Constan- 
tineenChabàn  1089  (16  mars-i3  avril  i63o),  et  les  travaux  se  termi- 
nèrent en  Safar  10/10  (9  septembre- 8  octobre  î63o).  Les  Koulouglis 
commencèrent  à  revenir  de  Tunis  chez  les  Zouaoua  en  Ramadan  lohi 
(22  niars-20  avril  1632). 

Hosseïn  pacha  Ech-Cheikh  monta  au  pouvoir  pour  la  troisième  fois 
le  22  Rebia  et-lsani  10/12  (6  novemijre  i<î32).  La  Qaçba  fut  détruite, 
durant  la  révolte  des  Koulouglis  le  ah  de  Hiddja  10/12  (2  juillet  i633). 

Furent  ensuite  nommés  : 

Youssef  pacha  ;  21  Mohafrem  lohk  (17  juillet  i034). 

Ali  pacha  :  1  Safar  10/17  (^^  j"^"  1687). 

Dans  le  milieu  de  Djoumad  el  ouel  io/i8  (20-5^9  septembre  i638), 
les  Ilanancha  et  les  Douaouda  réunis  sous  le  commandement  de  \loham- 
mcd  ben  Ali  mettent  en  déroute  l'aimée  deMourad  bey,  It;  piemier. 

Les  Vénitiens  enlevèrent  aux  Algériens  huit  galioles  et  le  même  nomi»re 
aux  Tunisiens  à  Valona,  port  de  l'empire  turc;  cette  nouvelle  parvint  à 
Alger  le  27  Djoumada  el  ouel  io/i8  (26  septembre  1 038),  Aji  pacha 
partit  poiM'  l'Ksl  avec  une  colonne  pour  lenter  un  coup  de  main  contre 
Kjialed  ou  (lila  de)  Ahmed  ben  Ali  le  samedi  26  Hiddja  10/18  (3o  avril 
1639).  Le  caïd  Mourad  (pii  s'était  éloigné  de  ja  colonqe  perdU  la  vie  : 


204  AVRIL-JUIN   1922, 

il  fut  traîtreusement  assassiné  par  Kbaled  ou  Ahmed  ben  Ali  en  Safar 
10/19  (3  juin- 1"  juillet  1639).  Hamza  Kliodja  fut  étrangle'  à  ladite 
colonne  le  aa  Safar  10/19  (a/f  juin  1639). 

Youssef  pacha  surnommé  Serheouche-Youssef  prit  le  pouvoir  le  21  de 
Moharrem  io5o  (i3  mai  16/10),  Il  gouverna  quarante  jours  puis  se 
démit  de  ses  fonctions. 

Youssef  pacha  fut  nommé  une  deuxième  fois,  le  11  Safar  io5o 
(9  juin  i6/io).  11  l^s'embarqua  avec  une  colonne  pour  soumettre  Mo- 
hammed ben  Ali  Cheikh  des  Douaouda,  le  17  Moharrem  io5i  (28  avril 
16/n).  Il  revint  d'expédition  au  milieu  de  Moharrem  loSa, 

Mohammed  pacha  Bouricha,  le  samedi  1  h  Ramadan  1062  (6  décembre 
1  6/t9  ),  fut  appelé  à  remplacer  Youssef  pacha  mis  en  prison  pour  relard 
apporté  à  la  paye  des  troupes.  11  descendit  du  fort  le  samedi  7  Ghoual 
io53  (19  décembre  i6/i3). 

Ahmed  pacha  Derandji-bachi  lui  succéda  le  i/i  Djoumad  el  ouel  io5/i 
(19  juillet  16/1/1). 

Youssef  pacha  recouvra  le  pouvoir  une  troisième  fois,  le  2  3  Rebia 
et-tsani  1067  (28  mai  16/17),  ^^  Chabâu  1067  (1  septembre-29  sep- 
tembre 16/17)  i^  sortit  avec  une  colonne  du  côté  de  l'Est  pour  occuper 
le  territoire  des  Douaouda  et  autres. 

Puis  furent  successivement  nommés  : 

Mourad  pacha  affranchi  d'Arabadji  l'Algérois ,  le  1  Rebia  el  ouel  1060 
(/»  mars  i65o). 

Mohammed  pacha  le  Bosniaque,  le  22  Djoumad  el  ouel  1061  (i3  mai 
i65i). 

Tobal,  qui  fut  élevé  à  la  dignité  de  pacha  le  17  Moharrem  io6/i 
(8  décembre  i653). 

Avec  lui  est  close  la  série  de  quarante  huit  investitures  en  énumérant 
chaque  pacha  individuellement.  Notez-le  :  je  les  recompterai  quand 
j'aurai  fini  d'exposer  d'un  bout  à  l'autre  tout  ce  que  j'ai  appris. 

Viennent  ensuite  : 

El  Hadj  Ahmed  pacha,  connu  sous  le  nom  de  Touchân  pacha,  le 
29  Ramadan  io65  (26  juillet  i655). 

Ibrahim  pacha  le  Bosniaque,  le  12  Rebia  et-tsani  1066  (8  février 
i656).  Il  fut  lévoqué  et  l'on  nomma  à  sa  place,  pour  la  seconde  fois, 
El  Hadj  Ahmed  pacha  qui  était  en  prison.  Ceci  se  passait  après  l'acer, 
le  ùk  Redjeb  1066  (18  mai  i656). 

Ibrahim  pacha  revint  au  pouvoir  une  seconde  fois  le  samedi  après 
l'acer,  22  Qada  1067  (1"  septembre  1657), 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1745.  205 

La  paye  des  troupes  fut  officieHement  confiée  à  Khelii  Beloukbachi 
en  Qada  1070  (9  juiIlet-8  août  1660).  Il  fut  massacré  dans  les  derniers 
jours  (le  Moharrem  1071  (26  septembre-5  octobre  i66o). 

Le  jour  même  de  la  mort  de  Khelii,  ses  fonctions  furent  confiées 
à  Ranidân  Beloukbachi  connu  sous  le  non  de  Yourk-Ramdâii. 

En  Ramadan  1071  (3o  avril-2()  mai  1661)  on  commença  la  construc- 
tion du  fort  de  Ras-Tafoura. 

Les  Janissaires  se  soulèvent  contre  Yourk-Ramdân,  et  le  tuent  avec 
ses  gardes  au  milieu  du  Badestan,  le  samedi  i5  Moharrem  1072 
(10  septembre  1661). 

Ismaïl  pacha  fut  nommé  le  17  Ramadan  1072  (6  mai  1662). 

El  Hadj  Ali  agha  fut  chargé  tout  à  la  fois  du  gouvernement  d'Alger  et 
de  la  paye  des  troupes,  le  jour  de  la  mort  de  Yourk-Ramdân.  Cette  règle 
a  été  observée  jusqu'à  nos  jours.  Puis  les  Youldach  se  soulevèrent  contre 
Ali  Agha,  et  lui  tranchèrent  la  tête  le  i4  Djoumad  et-tsani  1082  (18  oc- 
tobre 1671)-  Il  fut  enterré  auprès  du  bordj  Ras-Tafoura. 

Après  lui  on  éleva  au  pouvoir  Hosseïn  Qobtàn  El-Triki,  doulath.  Au 
bout  de  quelques  jours  on  lui  associa  son  gendre  Hassan  Chaouch.  Puis 
peu  de  temps  après  les  Youldach  lui  retirèrent  son  associé  Hassen 
Chaouch  qui  fut  révoqué.  On  nomma  à  sa  place  Tabaq  pour  que  El- 
Triki  fut  dey  suprême,  et  lui  Tabaq  son  subordonné. 

Quatre  mois  s'écoulèrent  ainsi,  et  la  bonne  gestion  des  affaii-es  pu- 
bliques par  le  Dey  s'étant  affirmée,  Tabaq  fut  exilé,  et  on  renomma  le 
gendre  d'El-Triki,  Hassen  Chaouch.  Ce  fut  pour  lui  le  premier  que  l'on 
employa  l'appellation  de  ffBaban.  Puis  il  eut  la  tête  tranchée,  et  El- 
Triki  fut  exilé  à  Tripoh  1096  (inc.  11  décembre  1682).  11  y  demeura 
plusieurs  années  jusqu'à  un  âge  avancé,  et  fut  atteint  de  paralysie.  On 
le  ramena  alors  à  Alger  :  on  l'inst'dla  dans  une  maison  (ju'il  y  possédait; 
il  y  demeura  juscpi'à  sa  mort.  Il  fut  enterré  à  côté  de  son  gendre. 

Quand  il  fut  exilé  on  nomma  doulatli,  Hosseïn  reïs  Qobtân  Mezzo- 
Morto.  Celui-ci  exerça  le  pouvoir  avec  les  deux  fonctions  réunies  entre 
ses  mains  :  celles  de  dey  et  celle  de  pacha ,  1 096  (inc.  8  décembre  1 G8A  ). 
Puis  il  abandonna  sa  charge  et  se  sauva  sur  une  frégate  avec  laquelle 
il  prit  la  mer  à  Cherchel.  H  gagna  la  Turquie,  1 101  (inc.  i5  octobre 
1689).  A  Consfantinople,  il  moula  en  {«rade.  11  mit  à  la  voile  avec  un 
bâtiment  de  guerre  et  enleva  Chio  aux  Chrétiens.  Il  fut  nonuné  Qobtàn 
pacha,  emploi  qu'il  conserva  jusqu'à  sa  mort.  Il  fut  enterré  à  Chio,  et 
j'ai  visité  sou  tombeau  dans  cette  ville,  que  Dieu  l'ait  en  sa  miséricorde. 

Puis  El  Hadj  Cbabàn  Khodja  fut  nommé  doulatli,  le  ai  de  Iliddja 
1101  (ii8  septembre  1690). 


206  AVRIL-JUIN    1022. 

Celle  nu^me  année  fut  investi  de  la  dignité  de  pacha  El  Hadj  Moustafa 
Ech-Cheikh. 

Amer  pacha  remjilaça  ce  dernier  en  i  loa  (inc.  5  octobre  1690). 

El  Hadj  Moustafa  Ech-Cheikh  pacha  fut  nommé  une  seconde  fois  en 
1109  (inc.  5  octobre  1690).  Il  mourut  en  1106  (inc.  12  septembre 
1693). 

Moussa  pacha  lui  succéda  en  Qada  iioG  (i3  juin-i  q  juillet  1696). 

Sur  ces  entrefaites,  les  Janissaires  se  révoltèrent  à  la  colonne  de  l'Est, 
et  décidèrent  d'enlever  le  pouvoir  à  Chabàn  Khodja.  Déjà  avant  lui  ils 
avaient  tramé  un  complot  semblable  contre  Mezzo-Morto,  et  c'est  lorsque 
ce  dernier  l'apprit,  qu'il  abandonna  le  gouvernement  d'Alger  et  s'enfuit 
en  Turquie. 

Voici  ce  qui  advint  à  Chabâo  Khodja.  Quand  il  sut  que  la  colonne 
était  sur  le  point  d'arriver,  il  dépêcha  au  devant  des  soldats  le  pacha 
d'alors  et  qui  n'élait  autre  que  Moussa  pacha  susnommé.  11  les  lit  accom- 
pagner par  les  personnages  suivants  :  les  deux  muftis  dont  l'un  était  le 
mufti  hanéfite,  mon  père,  que  Dieu  Tait  en  sa  miséricorde,  et  l'autre 
le  Cheikh  Sidi  Mohammed  ben  Sidi  Saïd  mufti  malékite  et  les  deux  cadis , 
savoir  :  Sidi  Mohammed  ben  t^l  Hadj,  cadi  Malékite,  et  le  Cheikh  Sidi 
Mohammed  Zitoiin  El-Tounsi,  cadi  hanéfite.  Mais  cela  ne  servit  à  rien, 
car  tandis  qu'ils  arrivaient  au  camp,  parvenait  en  même  temps  à  Alger, 
adressée  aux  Janissaires ,  une  letti'e  éciite  au  nom  des  soldats  de  la 
colonne  contenant  l'approbation  des  eulema,  par  laquelle  ils  les  enga- 
geaient à  enlever  le  pouvoir  à  Chabàn  Khodja.  Au  reçu  de  la  lettre,  les 
membres  du  divan  furent  convoqués,  ils  s'assemblèrent  au  Palais, 
prirent  connaissance  de  la  lettre  et  du  désir  exprimé  par  les  soldats, 
à  savoir  que  Chabàn  Khodja  fut  emprisonné.  On  le  conduisit  à  la  maison 
de  l'Agha,  et  il  y  fut  enfermé  dans  le  local  servant  de  prison  publique. 
Ceci  se  passait  après  la  prière  du  vendredi.  Le  lendemain  ou  nomma 
doulath  El  Hadj  Ahmed,  ancien  Agha,  connu  sous  le  nom  de  Ladj  Ahmed 
28  Hiddja  1106  [k  janvier  1696).  Aussitôt  nommé,  il  donna  l'ordre 
d'étrangler  Chabàn  Khodja,  que  Dieu  l'ait  en  sa  miséricorde.  Ahmed 
Ladj  mourut  en  1109  (inc.  qo  juillet  1697).  Il  est  enterré  à  droite  en 
entrant  dans  la  qoubba  du  saint  vertueux.  Sidi  Abderrahraan  Et-Tsaa- 
libi. 

Après  lui  fut  ])rociamé  doulatli  Hosseïn  bach-chaouch  qaraberli, 
26  Hiddja  1109  (5  juillet  1698). 

Puis  reçut  l'investiture  Ali  pacha  qui  était  doulatli  à  Tunis  en  1111 
(inc.  29  juin  1699).  ^ 

Hosseïn  bach-Chaouch  se  démit  de  ses  fonctions  et  se  retira  eu  Egypte. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  À  1745.  207 

Après  lui  furent  successivement  nommés  : 

Atclii  Mustat"a,'le  vendredi  6  Safar  1112  (2.3  juillet  1700). 

Moustafa  pacha  le  10  de  Rebia  et-tsani  1116  (12  août  170/1). 

Hasseii  Khodja  Chei'if,  Celui-ci  obtint  le  pouvoir  grâce  à  ses  intrigues 
qui  firent  (pie  Atclii  Musfafa  jugea  prudent  de  s'enfuir,  bien  qu'il  fut  au 
milieu  de  ses  troujies.  11  arrivait  avec  Ja  colonne  de  l'Est,  et  se  trouvait 
auprès  de  Ras  Tafoura.  Il  cheicha  à  gagner  Kolëa;  mais  oq  l'atteignit, 
et  il  fut  égorgé.  Il  y  fut  enterré.  Hassen  Khodja  précité  fut  élu  avant  le 
lever  du  soleil  26  Redjeb  1117  (i3  novembre  1705). 

Après  lui  reçut  le  litre  de  doulatli  Mohammed  Baktach  Khodja  ;  28  Qada 
1118  (3  mars  1707).  Il  fit  embarquer  Hassen  Khodja  sur  une  saetleet 
l'envoya  à  Bougie  qu'il  n'atteignit  pas.  Mais  le  détail  de  cet  événement 
viendra  à  sa  place. 

Ibrahim  pacha  le  Bosniaque  lui  succéda  comme  pacha  en  Djoumad 
el  ouel  1119  (3i  juiHet-29  août  1707). 

Ensuite  fut  nommé  à  sa  place  Ahmed  pacha  le  a 3  Rebia  et-tsani  1 1  s  1 
(2  juillet  1709).  Baktach  Khodja  envoya  son  gendre  le  sariasker  qui 
s'empara  dOran  le  2/1  Choual  1121  (27  décembre  1709). 

Il  fut  tué  dans  son  palais ,  tandis  que  son  gendre  le  sariasker  était  à 
la  Colonne  de  l'Est,  le  samedi  21  Moharrem  1122  (22  mars  1710). 

Deli-lbrahim  bey  qui  ce  jour  là  avait  porté  les  premiers  coups  à  Bak- 
tach, que  Dieu  l'ait  en  sa  miséricorde,  fut  nommé  doulatli.  Ouzoun 
Hassen  arrivait  sur  ces  entrefaites  avec  la  Colonne  de  l'Est.  On  dépêcha 
à  sa  rencontre  des  cavaliers  qui  le  rejoignirent  au  lieu  dit  Drâ  el  Kelekh; 
et  regorgèrent.  Sa  tête  fut  rapportée  à  Alger  et  on  l'enterra  à  côté  de 
son  beau-père  Baktach,  près  de  la  fabrique  de  poteries,  en  dehors  de 
Bab  el  oued  le  18  Safar  1122  (18  avril  1710). 

Deli-Ibrahira  bey  le  doulatli  fut  tué  à  son  tour  dans  le  haut  de  son 
palais  après  une  résistance  acharnée.  11  fut  enterré  près  de  Sidi  Moham- 
med El  Keltâni,  dans  la  partie  qui  est  du  côté  de  Sidi  Yaqonb,  à  pou  de 
dislance  des  Sept  hommes  vertueux.  Peu  de  jours  après  sa  stèle  fut  mise 
en  pièces;  aujourd'hui  ,  il  n'en  subsiste  plus  aucun  vestigi;;  que  Dieu 
ell'ace  sa  mémoiie ,  comme  il  égara  sa  raison  durant  sa  vie. 

Ali  Chaouch  fut  nommé  doulatli  après  lui,  le  jeudi  18  Djoumad  el- 
tsani  1129  {ik  août  1710). 

Ali  Chaouch  était  doulatli  depuis  sept  jours  quand  il  fil  embarquer 
Ahmed  pacha  pour  l'Europe  dans  une  saclte.  Puis  arriva  le  fiiman  du 
sultan  victorieux  accordant  à  Ali  Chaouch  l'investiture  du  pacha  d'Alger. 
11  mourut  do  la  dysenterie,  que  Dieu  tout  puissant  l'ait  en  sa  niiséri- 
corde.  On  l'enterra  dans  l'intérieur  de  la  ville ,  derrière  ie  palais. 


208  AVRIL-JUIN  1922. 

Mohammed  Kheznadji  fut  nommé  douiatii  ie  mercredi  5  Djoumad  el 
ouel  1  i3o  (6  avril  1718).  11  reçut  également  le  firmaft  lui  conférant  le 
tilre  de  pacha  d'Alger.  II  fui,  par  ce  fait,  et  comme  l'avait  été  avant  lui 
Ali  Chaouch,  tout  à  la  fois  douiatii  et  pacha. 

Mohammed  |)acha  fut  tué  d'un  coup  de  feu  qui  fut  tiré  sur  lui  de  la 
caserne  des  janissaires  d'Ousta  Moussa. 

Il  fut  remplacé  comme  douiatii  par  Abdi  Agha,  qui  était  agha  des 
spahis  arabes  el  administrait  le  beylik  de  Titteri  (Médéa),  20  Djoumad 
el-lsani  11 36  (16  mars  172^). 

Abdi  reçut  également  du  sultan  Ahmed  le  titre  de  pacha ,  comme  cela 
avait  eu  lieu  précédemment.  Il  fut  eu  même  temps  dey  et  pacha  1187 
(inc.  20  septembre  172/»). 

Sous  son  gouvernement  un  pacha  arriva  à  Alger,  mais  on  lui  fit 
reprendre  le  lai-ge,  sans  qu'il  pût  débarquer:  et  cela  à  la  suite  d'une 
entente  entre  les  Janissaires  poussés  par  Abdi.  On  raconte  que  le  pacha 
qui  fut  traité  de  la  sorte  se  nommait  Ali  Dernaoui  ;  suivant  d'autres  per- 
sonnes, il  se  nommait  Hassen;  22  Qada  ii/ii  (19  juin  1729). 

La  ville  d'Oran  fut  occupée  par  les  Espagnols.  Les  Musulmans  l'aban- 
donnèrent sans  attendre  d'être  assiégés;  car  dès  qu'ils  virent  les  Espa- 
gnols débarquer  non  loin  de  la  ville ,  ils  la  quittèrent.  Les  Infidèles  firent 
leur  entrée  le  2  2  Qada. 

Abdi  pacha  mourut  le  vendredi  1 1  Moharrem  iiliS  (4  juillet  1782). 

Ibrahim  Kheznadji  fut  nommé  douiatii  le  12  Rebia  el  ouel  11 /i5 
(27  septembre  1782).  11  reçut  l'investiture  de  pacha  comme  ceux  qui 
l'avaient  précédé  1 1  h^  (inc.  22  mai  1786).  Cette  dignité  lui  fut  renou- 
velée quatre  fois  avant  la  rédaction  de  ces  notes,  et  il  l'obtiendra  encore 
certainement  à  l'avenir. 

Avec  lui  le  nombre  des  |iachas  qui  ont  exercé  le  pouvoir  à  Alger,  énu- 
mérés  individuellement,  sans  tenir  compte  des  nominations,  deux  ou 
plusieurs  fois  renouvelées,  comme  cela  eut  lieu  ])our  certains  de  nos 
gouvernants,  les  douiatii  qui  occupèrent  à  plusieurs  reprises  diflérentes 
le  pachalité  d'Alger,  est  de  cinquante-quatre,  dont  cinq  reçurent  l'inves- 
titure alors  qu'ils  administraient  déjà  la  ville.  Ce  sont,  nous  l'avons  vu  : 
Mezzo-Morto,  Ali  Chaouch,  Mohammed  le  Kheznadji,  Abdi  bey  et 
Ibrahim  bey  qui  était  le  Kheznadji  d'Abdi.  Quant  aux  autres,  ils  vinrent 
tous  de  Constantiuople  avec  un  firman  d'investiture.  Certains  furent 
nommés  deux  fois  et  même  davantage,  ainsi  que  je  l'ai  raconté  au  fur 
et  à  mesure  des  événements. 

Ismaïl  pacha,  deuxième  du  nom ,  arriva  également  de  Constantinople , 
mais  Mezzo-Morto  l'exila  au  Maioc,  et  il  y  mourut.  La  même  aventure 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1745.  -209 

advint  à  Ali  pacha  Dernaoui;  Abdi  j)ey  le  renvoya  ainsi  que  je  l'ai  rapporté. 

Depuis  que  j'ai  rédi^ré  les  notes  qui  précèdent  Ibrahim  pacha  a  été 
atteint  de  dysenleiic.  H  a  résilié  le  pouvoir  qu'il  a  confié  à  son  neveu 
Ibrahim  Khodja  le  Kheznadji.  Ce  qui  le  détermina  à  prendre  cette 
décision,  ce  furent  les  désordres  continuels  qui  troublèrent  son  palais. 

Ibrahim  Khodja  resta  seul  exerçant  le  pouvoir  suprême  à  Alger,  pre- 
nant toutes  les  décisions  et  mesures  nécessaires,  attendant  du  sultan 
Mahmoud  Khan  sa  nomination  officielle  de  pacha.  Il  la  reçut  le  mercredi 
a/i  Ramadan  ii58  (20  octobre  17^5). 

Ibrahim  pacha  qui  s'était  démis  du  pouvoir  suprême  mourut  le  22 
Ghoual  de  l'année  susdite  (  1 7  novembre  17^0). 

Entre  son  abdication  et  sa  mort  il  s'écoula  un  espace  de  vingt-neuf 
jours.  Il  fut  enterré  à  côté  d'Abdi  pacha,  dans  le  cimetière  qui  est  près 
du  palais. 

Quant  à  mon  grand-père  il  occupa  l'emploi  de  Chaouch  avec  Tobal 
Moharrem,  celui  dont  il  a  été  parlé  précédemment,  puis  avec  El  Hadj 
Ahmed  surnommé  Touchan,  et  successivement  avec  Ibrahim  le  Bos- 
niaque, quelque  temps  avec  Ismaïl  pacha,  et  ceux  qui  furent  chargés 
de  la  paye,  savoir  :  Khelil  Beloukbachi  et  Ramdân  Beloukbachi.  Puis 
encore  avec  El  Hadj  Ali  Agha,  investi  en  même  temps  de  l'administration 
et  de  la  paye. 

A  l'expiration  de  ses  fondions  de  chaouch  il  fut  nommé  Beloukbachi. 
Il  demeurait  dans  une  maison  qui  est  au  dessus  de  la  rue  d'Es-Soiiïqa 
qui  aboutit  à  la  mosquée  d'Ali  Bilchnin,  et  que  l'on  nommait  autrefois 
la  maison  de  Kah  Moussa.  Il  y  tomba  malade  d'une  rétention  d'urine,  et 
il  mourut  que  Dieu  lui  accorde  sa  miséricorde.  On  l'enterra  dans  le 
cimetière  qui  se  trouve  près  de  la  poterie  en  dehors  de  la  poite  Bab  el 
Oued,  entre  le  mausolée  du  Saint,  vertueux,  source  de  bénédictions, 
Sidi  Abd  Er-Rahman  El-Tsaalibi,  et  celle  de  Sidi  Mohammed  Es-Sadi, 
que  Dieu  nous  fasse  bénéficier  de  leurs  mérites.  Ainsi  soit-il. 

Je  vais  raconter  maintenant  les  raisons  qui  firent  qu'on  enleva  aux 
pachas  la  prérogative  de  faire  la  paye.  Voici  :  tant  qu'ils  en  furent 
chargés,  ils  en  profilèrent  pour  piller  sans  retenue  les  fonds  apportés 
au  palais  de  différents  côtés.  A  cette  époque  ils  se  succédaient  au  pouvoir 
à  des  intervalles  rapprochés,  et  les  habitants  d'Alger  étaient  victimes 
de  leur  rapacité.  Parfois  même,  ils  imposaient  le  paiement  d'une 
somme  déterminée  aux  savants  et  aux  notaires  de  la  Mahakma. 
Nos  soldats  victorieux  avec  l'aide  de  Dieu  s'en  aperçurent  et  ils 
décidèrent  d'enlever  aux  pachas  le  paiement  de  la  solde,  ainsi  que  la 

XIX.  1  h 


^10  AVRIL-JUIN   1922. 

perception  des  impôts,  le  règlement  des  dépenses,  et  cela  d'une  façon 
absolue. 

Ils  en  chargèrent  ime  autre  personne,  et  le  premier  à  cpii  fut  confiée 
celte  mission  fut  Khelil  Beloukbachi  dont  il  est  parlé  ci-dessus.  11  en  est 
encore  ainsi  aujourd'hui.  Le  pacha  a  été  maintenu  seulement  à  la  tête 
du  gouvernement  de  la  ville  et  de  son  territoire.  Quant  à  Khehl  Belouk- 
bachi, il  jouissait  de  toutes  les  autres  prérogatives  du  pouvoir,  et  se 
tenait  sous  le  péristyle  du  palais.  Ramdôn  Beloukbachi  siégeait  au  milieu 
du  Badestan,  et  son  autorité  s'exerçait  parles  ordres  qu'il  donnait,  les 
mesures  de  clémence  ou  de  rigueur  qu'il  prenait. 

Lorsque  El  Hadj  Ali  Agha  fut  chargé  de  la  paye,  on  lui  remit  en 
même  temps  l'administration  générale  du  pays.  Ce  fut  le  premier  qui,  à 
Alger,  porta  le  titre  de  ffHâkemfl  parce  qu'il  détenait  le  pouvoir  sans 
aucun  partage,  que  ses  ordres  étaient  souverains  et  qu'il  siégeait  là  où 
résident  aujourd'hui  les  chefs  du  pouvoir.  11  exigea  qu'auprès  de  lui  se 
tinssent  les  Khodjas  et  les  secrétaires  qui  étaient  avec  les  pachas,  ainsi  que 
l'interprète  et  les  Chaouch  arabes.  Toute  l'organisation  qui  existe  aujour- 
d'hui est  son  œuvre;  c'est  lui  qui  en  régla  les  détails,  que  Dieu  lui  fasse 
miséricorde.  11  faut  en  excepter  toutefois  les  noubadjia  qui  montent  la 
garde  devant  le  trésor,  et  qui  dépendent  de  la  garnison  de  la  Qaçba, 
ceux-ci  furent  organisés  par  Et-Triki  et  par  Baba  Hasseu.  Ceux  de  garde 
au  palais  se  tenaient,  au  début,  en  dedans  de  la  porte  dans  le  vestibule 
et  lorsque  Deli  Ibrahim  bey  le  doulatli  prit  ie  pouvoir,  il  les  divisa  en 
deux  sections  qui  se  tinrent  au  dehors,  ainsi  que  tu  les  vois  encoie 
aujourd'hui. 

El  Hadj  Ali  Agha  édicta  des  règlements  d'une  sagesse  parfaite.  Les 
négociants  s'enrichirent.  Tout  le  monde  vécut  dans  l'abondance.  On  se 
mit  avec  ardeur  à  armer  dos  vaisseaux  de  guerre,  à  équiper  des  bâti- 
ments en  vue  des  croisières,  et  l'on  fit  du  butin.  Les  habitants  en  reti- 
rèrent beaucoup  de  richesses,  de  l'oi",  de  l'argent  et  quantité  d'objets 
dont  ils  firent  usage.  Ils  bàlii'ent  des  maisons,  les  ornèrent  magnifi- 
quement. Ils  cultivèrent  des  jardins  au  milieu  desquels  s'élevaient  des 
palais  somptueux.  On  ne  vit  partout  que  vergers  et  parterres  lleuris.  I^s 
champs  furent  ensemencés.  Us  montèrent  des  chevaux  et  des  mules  de 
prix.  Ce  n'était  que  bijoux  et  pierres  précieuses  aux  brillants  éclats;  le 
plus  grand  luxe  l'égna  partout.  Les  gens  se  mirent  à  rechercher  les 
vêtements  en  drap  de  couleurs  diverses,  les  tuniques  sombres  et  les  tur- 
bans de  différentes  sortes.  De  nouvelles  industries  aux  produits  mer- 
veilleux se  créèrent,  bien  différentes  de  ce  qui  existait  jusqu'alors.  La 
garde  d'El  lladj  Ali  Agha  l'escortait  chaque  soii-  jusqu';;  son  domicile 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  17/i5.  211 

particulier,  et  revenait  le  chercher  de  bon  matin.  Cette  maison  est  connue; 
elle  est  située  dans  le  quartier  de  Bab  Azoun. 

Ce  prince  se  divertissait  avec  quelques  citadins  qu'il  avait  choisis 
comme  confidents,  au  nombre  desquels  étaient  Qen  Tobal  et  Ben  el 
Malidi ,  lorsque  des  misérables  l'atteignirent  d'un  coup  de  feu  au  souq 
d'Et-temniaqîn.  Il  s'élança  à  leur  pouisuite,  fit  qn  dques  pas,  perdit 
connaissance  et  tomba  à  terre.  Us  se  jetèrent  sur  lui,  et  lui  tranchèrent 
la  tête.  Quant  à  ses  gardes,  ils  s'enfuirent  dans  le  plus  grand  désordre. 
Que  Dieu  l'ait  en  sa  miséricorde. 

Quand  après  lui  fut  nommé  Hossein  reis  Et-Triki,  on  donna  à  celui-ci 
le  titre  de  doulatli:  et  lorsque  le  pouvoir  échut  à  Baba  Hassen  on  le 
désigna  sous  la  double  appellation  de  El  Ildkem  et  de  doulalU. 

Il  en  fut  ainsi  jusqu'à  l'époque  d'Ali  Chaouch.  Quant  à  Ouzoun  Aii, 
on  ajouta  à  ses  titres  celui  de  rr pacha".  Et  c'est  cette  appellation  qui  a 
prévalu,  et  que  nous  employons  encore  aujourd'hui. 

La  joie,  les  plaisirs,  les  gaies  réunions  et  les  profits  ne  firent  que 
croître  dans  la  ville  d'Alger,  dépassant  tout  ce  que  l'on  avait  vu  jus- 
qu'alors, à  tel  point  que  l'on  put  comparer  Alger  à  la  Syrie.  Ajoutez  à 
cela  que  tout  était  bon  marché  et  d'excellente  qualité.  On  citait  en  pro- 
verbe la  prospérité  de  cette  ville;  mais  l'impie  la  guettait  jalousement 
et  je  rappellerai  ici  ces  vers  du  poète  : 

(r Je  ne  suis  pas  à  l'abii  des  méchants  ;  mais  je  ne  suis  pas  non  plus 
un  aveugle  qui  étant  prévenu  ne  se  tient  pas  sur  ses  gardes. 

ffJe  me  dirige  dans  la  voie  de  Dieu,  et  celui  qui  en  fait  le  but  de  ses 
pensées  ne  peut  aller  à  sa  perte.» 

Alger  avait  atteint  ce  degré  de  prospérité  et  ses  maisons  s'élevaient  à 
l'envi,  lorsque  les  Européens  c'est-à-dire  les  Français,  vinrent  l'attaquer 
avec  une  flotte,  et  la  bombardèrent  1098  (inc.  lo  janvier  1682),  y 
jetant  trois  cents  bombes.  Elle  fut  dévastée,  et  un  certain  nombre  de 
moscjuées  s'écroulèrent.  Les  chrétiens  s'éloignèrent,  et  l'année  suivante 
ils  revinrent  et  lancèrent  sur  la  ville  sept  cents  bombes  109^  (inc. 
3i  décembre  1682). 

Ils  réclamèrent  les  esclaves  de  leur  nation  qu'on  trouverait  à  Alger. 
L'on  décida  de  les  leur  remettre  pour  obtenir  leur  départ.  Baba-llassen 
réunit  tous  ceux  qui  étaient  eu  ville;  leur  nombre  atteignit  cent  cin- 
quante. Il  les  remit.  Quand  ou  les  eut  Uvrés,  les  clm'tiens  rcconuucii- 
cèreiit  le  bombardement  de  la  ville  comme  auparavant.  Les  soldats 
eulrèrent  dans  une  violente  colère,  et  ils  reprochèrent  sa  conduite  à 

1/1. 


212  AVhiL-JUiN   1922. 

Baba-Hassen.  Us  le  guettèrent  un  soir,  lorsqu'il  descendait  vers  le  port, 
et  lui  tirèrent  un  coup  de  feu.  II  mourut,  que  Dieu  l'ait  en  sa  miséri- 
corde. Le  surlendemain  les  chrétiens  s'éloignèrent. 

Sous  le  gouvernement  d'Hossein  reis  Mezzo-Morto  ils  revinrent  et  lan- 
cèrent sur  la  ville  douze  mille  bombes.  Mezzo-Morto  récupéra  le  prix  des 
esclaves  que  Baba  Hassen  avait  livrés,  en  imposant  tous  les  propriétaires 
de  maisons  en  ville.  C'est  ainsi  que  nous  dûmes  payer  pour  la  nôtre  onze 
réaux  petite  monnaie.  Voilà  ce  que  je  sais  sur  ces  événements. 

Notre  maison  fut  très  endommagée  à  ce  dernier  bombardement,  et 
nous  dépensâmes  en  réparations  une  somme  de  cent  quarante  réaux. 

Bien  rares  furent  ceux  qui  n'éprouvèrent  aucun  dommage  dans  ces 
trois  attaques.  La  situation  des  musulmans  devint  mauvaise,  et  ils  furent 
éprouvés  par  l'adversité,  lis  perdirent  la  plus  grande  partie  de  ce  qu'ils 
possédaient  pendant  leur  déménagement  au  dehors  de  la  ville,  en  raison 
de  la  précipitation  de  leur  fuite.  La  plupart  des  marchands  quittèrent  la 
ville  à  cause  de  la  baisse  du  prix  des  denrées  et  de  l'extrême  abondance 
des  fruits  ces  années-là.  La  situation  continua  à  être  critique,  la  misère 
et  le  dénùment  se  firent  sentir.  Quand  Atchi  Moustafa  fut  nommé  doula- 
lli,  il  se  mit  à  dépouiller  les  habitants,  et  combien  furent  exilés  pieds 
nus  et  sans  vêlements!  Le  prix  des  denrées  à  cette  époque  atteignit  des 
prix  excessifs.  Le  blé  se  vendit  jusqu'à  douze  réaux  le  saa  d'Alger. 

Ce  fut  sous  son  gouvernement  que  Mourad  bey  l'aveugle  s'avança 
avec  une  colonne  composée  de  six  cents  tentes  et  défit  les  Algériens  qui 
n'avaient  que  soixante  tentes.  11  mit  le  siège  devant  Gonstantine  durant 
six  mois.  Atchi  Moustala  vint  l'attaquer  et  le  battit,  faisant  de  ses  troupes 
un  grand  carnage.  Mourad  bey  s'enfuit  jusqu'à  Tunis  avec  ce  qui  lui 
restait  de  cavaliers.  Ceci  se  passait  le  i8  de  Rebia  et-tsani  1112  (9  oc- 
tobre 1700)  vers  le  milieu  du  jour,  et  le  moment  n'était  pas  encore 
venu  de  faire  la  pi-ière  de  l'acer  que  l'affaire  était  terminée.  Périt  qui 
périt,  et  les  vivants  furent  ramenés  prisonniers. 

A  son  tour  Atchi  Moustafa  envahit  la  Tunisie,  et  attaqua  les  troupes 
ennemies  commandées  par  Cherif  bey.  II  les  mit  en  déroute,  fil  Cherif 
bey  prisonnier  et  le  chargea  de  fers.  Une  autre  colonne  sortit  de  Tunis 
sous  les  ordres  d'Hossein  bey  ben  Ali  qui  avait  pris  le  pouvoir  après  que 
Cherif  bey  eut  été  fait  prisonnier.  11  noua  des  intrigues  avec  le  Cheikh 
des  Arabes  Bon  Aziz.  Ce  dernier  prêtait  son  appui  aux  Algériens,  car  il 
avait  eu  des  démêlés  avec  Tunis.  Dès  le  début,  il  était  devenu  le  con- 
seiller d'Atchi  Moustafa.  Il  alla  donc  trouver  celui-ci  le  soir  venu,  et  se 
mit  à  l'entrejMcndre  lui  disant  :  ffSi  lu  restes  ici  jusqu'à  demain  matin, 
tes  troupes  sont  perdues.  1  Atchi  Moustafa  s'enfuit  avant  le  jour,  aban- 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE   1515  A   1745.  213 

donnant  les  tentes  des  troupes  et  les  grandes  tentes  encore  debout , 
ainsi  que  quantité  de  matériel,  et  il  reprit  la  route  d'Alger. 

En  arrivant  près  de  Ras  Tafoura,  il  apprit  qu'llassen  Khodja  Cherif 
avait  été  nommé  doulatli  le  matin  même,  avant  le  lever  du  soleil.  Il  s'en- 
fuit jusqu'à  Koléa. 

Voici  comment  Hassen  Khodja,  dont  je  viens  de  parler,  fut  élevé  au 
pouvoir  suprême.  Ses  amis  répandirent  la  nouvelle  qu'Atchi  Mouslafa 
en  arrivant  à  l'Harrache  (Maison  Carrée)  avait  pris  la  fuite.  Les  Janis- 
saires et  les  membres  du  divan  s'en  émurent  et  ajoutèrent  foi  à  cette 
nouvelle.  Ils  désignèrent  alors  Hassen  Khodja  comme  doulatli.  Puis  l'évé- 
nement fut  démenti,  c'est  alors  que  le  nouvel  élu  dépêcha  quelques-uns 
de  ses  partisans  à  la  rencontre  d'Atchi  Moustafa.  Quand  celui-ci  les  vit 
arriver,  il  tourna  bride  et  se  dirigea  sur  Koléa  en  compagnie  de  Kour 
Ali  chaouch  du  corps  des  spahis  turcs.  Hassen  Khodja  lança  des  cavaliers 
à  ses  trousses,  ceux-ci  l'atteignirent  alors  qu'il  était  sur  le  seuil  de  la 
porte  du  sanctuaire  du  vertueux,  du  saint  Sidi  Ali  Embarek,  que  Dieu 
nous  fasse  bénéficier  de  ses  mérites.  Or  Atchi  Moustafa  s'était  mal 
comporté  autrefois  à  l'égard  des  descendants  de  ce  saint  personnage. 
Apercevant  le  pacha,  ils  se  rendirent  compte  aussitôt  de  ce  qui  lui  arri- 
vait, ils  fermèrent  la  porte  de  l'édifice  et  le  laissèrent  dehors.  11  fut 
étranglé  sur  place.  On  l'enterra  dans  celte  localité. 

Ce  que  je  sais  fort  bien,  c'est  que  les  colonnes  d'Alger  attaquèrent 
les  Tunisiens  huit  fois, 

La  première  fois  Tunis  fut  conquise  par  l'armée  d'Ali  pacha  :  ceci  a 
déjà  été  raconté. 

La  seconde,  les  Tunisiens  furent  défaits  et  leur  artillerie  prise  :  j'en  ai 
parlé  plus  haut  également. 

Le  troisième,  Mohammed  bey  tils  de  Mourad  bey,  vint  à  Alger  et 
demanda  à  être  secouru.  Baba  Hassen  prit  sa  cause  en  mains,  et  amena 
une  entente  entre  lui  et  son  frère  Ramdân  bey,  io8()  (inc.  28  mars 
1678).  Notre  émir  reçut  à  cette  occasion  des  présents  que  l'on  ne  sau- 
rait compter  ni  évaluer. 

La  quatrième  fut  l'expédition  dirigée  par  Ibrahim  Khodja  Sariasker, 
sur  l'ordre  d'Hosseïn  Mezzo-Morto.  Tunis  l'ut  assiégée  dix-sept  mois,  et 
il  ne  put  la  réduire. 

La  cinquième  et  sixième  furent  les  expéditions  de  Ben  Chakour  et 
d'El  Hadj  Chabàn  Khodja  le  doulatli.  Celui-ci  s'empara  de  Tunis  et  y 
exerça  le  pouvoir  près  d'un  mois.  Puis  il  y  laissa  ses  rejjrésenlants  et 
rentra  à  Alger  avec  un  riche  butin.  Après  son  départ  la  ville  reprit  son 
aspect  accoutumé. 


214  AVRIL-JUIN   1922. 

La  septième  exptîdition  fut  celle  d'Atclii  Moustafa  qui  la  première  fois 
dëtit  Mourad  bey,  puis  après  s'être  emparé  d'Ali  Gherif  bey  se  laissa 
jouer  le  lendemain,  et  plein  de  crainte  battit  en  retraite  abandonnant 
les  tentes  de  ses  soldats  et  les  gi'andes  lentes  encore  dressées. 

Enfin  la  huitième  guerre  est  celle  qui  eut  lieu  à  l'occasion  de  la 
révolte  d'Ali  bey  ben  Mohammed  bey  ben  AH  Et-Turki,  contre  son 
oncle  qui  avait  mis  fin  à  la  grande  sédition,  le  défunt  Hossein  bey  ben 
Ali  El-Turki.  Les  hostilités  durèrent  cinq  ans,  et  l'on  désigne  cette 
période  sous  le  nom  de  rr l'année  d'Ouslatr).  Quand  Ali  bev  épuisé  ne 
put  continuer  la  lutte,  il  se  réfîigia  à  Alger  alors  gouverné  par  Abdi  bey 
le  Doulalli,  que  Dieu  lui  fasse  miséricorde.  Quelques  jours  après,  on 
l'enferma  dans  une  maison  occupée  par  les  pachas,  dans  l'enceinte 
même  du  palais. 

Son  emprisonnement  consistait  en  ce  qu'il  ne  pouvait  aller  et  venir, 
ni  recevoir  personne.  11  ne  lui  était  pas  permis  non  plus  d'assister  à  la 
prière  du  vendredi  à  la  Mosquée,  non  plus  qu'aux  grandes  fêtes.  Il  i-esta 
ainsi  prisonnier  cinq  ans  et  même  davantage.  Puis  à  son  avènement  au 
trône,  notre  prince  actuel,  le  bien  dirigé  par  la  protection  divine,  Ibra- 
him pacha,  usa  de  clémence  à  son  égard  et  mit  à  sa  disposition  cent 
quatre  vingts  tentes  pour  marcher  contre  son  oncle.  Voici  quelle  fut  la 
raison  de  celte  décision  :  des  suggestions  haineuses  excitèrent  profondé- 
ment Ibrahim  pacha  contre  Hossein  bey,  et  au  fond  il  n'y  avait  rien  de 
vrai. 

Les  troupes  étaient  commandées  par  le  neveu  du  pacha  susnommé 
Ibrahim  Khodja  le  Kheznadji,  par  Hossein  bey  de  Gonstantine.  Un 
autre  personnage  dénommé  Kour  Hossein  fit  route  avec  eux.  Ils  quit- 
tèrent Alger  le  2  2  Hiddja  11^7  (i5  mai  17 35),  et  arrivèrent  au  Kef 
après  soixante-deux  jours  de  marche.  Ils  y  séjournèrent  vingt-deux  jours, 
puis  le  5  de  Rebia  el  ouel  1148  (26  juillet  1735)  ils  firent  encore  trois 
étapes  et  s'arrêtèrent  non  loin  de  Tunis.  Ils  campèrent  sur  le  bord  dune 
rivière.  Hossein  bey  ben  Ali  s'établit  en  face  d'eux  avec  cinq  cents  tentes. 
Ils  restèrent  ainsi  face  à  face  sans  engager  de  combat  :  ils  se  contentaient 
de  s'approcher  les  ims  des  autres  et  de  s'interpeller  mutuellement. 

Il  en  fut  ainsi  jusqu'au  26  Rebia  et-tsani  11 48  (jeudi  i5  septembre 
1735).  Ge  jour-là,  à  peine  le  soleil  fut-il  levé,  que  les  Algériens  fon- 
dirent à  l'improviste  sur  les  Tunisiens  qui  n'étaient  pas  sur  leurs  gardes: 
les  uns  dormaient  encore ,  les  autres  s'habillaient  ou  allumaient  le  feu. 
Ils  en  massacrèrent  le  plus  grand  nombre  et  poursuivirent  les  autres 
qu'ils  ramenèrent  prisonniers  dans  leur  camp. 

Quant  à  Hossein  bey,  ses  enfants  et  ceux  qui  se  trouvaient  près  de 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   I7/i5.  215 

lui,  en  tout  une  trentaine  de  personnes,  réussirent  à  s'enfuir.  Tous  ceux 
qui  craiguaienl  le  ressentiment  d'Ali  bey  le  rejoignirent.  Younes  bey 
ben  Ali  bey  hàla  sa  marche  sur  Tunis,  et  la  nouvelle  de  ces  événements 
se  répandit.  Le  mercredi  suivant,  c'esl-à-dire  quatre  jours  après  la  ba- 
taille, Ali  bey  entra  à  Tunis  et  fut  proclamé  à  la  Qaçba.  C'est  ainsi  qu'il 
s'empara  du  pouvoir.  Il  continua  plusieurs  années  à  se  battre  contre 
son  oncle  Hosseïn  bey,  car  après  l'arrivée  des  Algériens,  le  royaume 
s'élait  divisé  en  deux  :  Qairouân  et  ses  environs.  Sousse,  Monastir, 
Mahdia,  les  deux  Qalaa  et  les  tribus  environnantes  obéirent  à  Hosseïn 
bey  ben  Ali,  et  l'Ouest  comme  le  Kef,  Tilache,  Testour,  etc.,  ainsi  que 
les  Arabes  résidant  dans  cette  ivgion  reconnurent  l'autoiité  d'Ali  bey,  et 
la  guerre  fut  tantôt  favorable  tantôt  défavorable  aux  uns  et  aux  autres. 
Qairouân  fut  assiégé  et  on  ne  put  l'approvisionner  en  bié  à  tel  point  qu'il 
atteignit  le  prix  de  soixante  réaux  boudjou  (108  francs)  le  sàa.  On  en 
vint  à  vendre  le  sang  des  bêtes  égorgées.  Les  habitants  mangèrent  des 
spathes  de  palmier  piles.  Les  riches  vendirent  ce  qu'ils  possédaient,  et 
les  pauvres  moururent.  Il  n'était  pas  rare  de  voir  des  personnes  qui 
depuis  deux  ou  trois  jours  n'avaient  pas  goûté  au  moindre  aliment. 

Ceci  dura  jus(pi'au  mardi  22  Safar  11  53  (19  mai  17/10).  Des  musul- 
mans ne  purent  surmonter  cette  détresse  et  tirent  secrètement  des  ouver- 
tures à  Younes  bey  ben  Ali  bey.  Us  lui  ménagèrent  un  passage  pour 
pénétrer  en  ville.  C'est  ainsi  que  la  ti'ahison  se  glissa  parmi  les  habitants 
de  Qairouân.  Hosseïn  bey  quitta  la  ville  avec  les  Zouaoua  et  ses  parti- 
sans. Celle-ci  fut  occupée.  Les  vainqueurs  attaquèrent  les  Zouaoua  et  les 
exterminèrent.  Hosseïn  bey  ben  Ali,  le  martyr,  fut  pris;  ce  fut  Ben 
Melouk  le  perfide  qui  s'en  empara  et  qui  rejoignit  ensuite  Younes  bey. 
Il  ne  cessa  un  seul  instant  d'être  résigné  et  confiant  en  Dieu.  Il  eut  la 
tête  tranchée. 

Quelque  temps  avant  ces  événements,  Mohammed  fils  d'Hossein  bey 
dont  je  viens  de  parler  était  allé  à  Alp;er  pour  demander  qu'il  lui  fut 
accordé  aide  et  protection.  Mais  il  n'obtint  pas  de  réponse  favorable. 
Son  frère  Mahmoud  qu'il  avait  laissé  à  sa  place  en  Tunisie  et  qui  gou- 
vernait Sousse  resta  encore  quelques  jours  après  la  mort  de  son  père, 
puis  il  s'emhanpia  et  vint  à  Alger.  Il  y  retrouva  son  frère,  et  tous  deux 
attendirent  des  jours  meilleurs.  Quant  à  leur  frère  qui  était  entre  eux 
deux,  Ali  bey,  il  était  lixé  depuis  longtemps  déjà  en  Algérie  aux  envi- 
rons de  Conslantine,  entouré  des  Cheikhs  arabes  et  de  personnages 
influents  et  sages  qui  étaient  au  nombre  des  partisans  les  plus  puissants 
de  son  défunt  pèn;  Hosseïn  bey. 

Ce  qui  précède  relativenicut  aux  événements  dont  la  Tunisie  lut  le 


216  AVRIL-JUIN    1922. 

liu'Atre,  el  des  succès  que  les  Algériens  y  remportèrent  ne  peut  être  nié. 
J'ai  recueilli  autrefois  de  la  bouche  de  Sidi  Mohammed  ben  Ali  beu  Sidi 
el  Mahdi  ces  paroles  :  rrj'ai  lu  dans  les  ouvrages  d'histoire  que  lorsque 
la  guerre  éclate  entre  Orientaux  el  Occidentaux,  ces  derniers  rempor- 
tent toujours  la  victoire.  Cela  est  un  fait  d'expérience.  Voyez  ce  qui 
s'est  passé  quand  Tlemcen  fit  la  guerre  avec  ses  voisins.  55  Ainsi  s'expri- 
mait ce  saint  personnage. 

Il  y  eut  autrefois,  ce  que  je  n'ai  pas  raconté,  une  attaque  contre  la 
Goulette,  à  l'époque  de  Ramdân  pacha  qui  s'en  empara. 

Avant  les  pachas  je  n'ai  rien  appris  à  ce  sujet,  sinon  qu'il  y  eut  une 
bataille  à  l'époque  des  Hafsides  quand  les  infidèles  s'emparèrent  de 
Tunis  el  la  gouvernèrent  après  s'être  concertés  avec  les  musulmans. 

Une  flotte  fut  envoyée  par  le  sultan  victorieux,  en  même  temps  qu'une 
colonne  arrivait  d'Alger.  Ceci  se  passait  à  l'époque  de  Kheir-ed-din. 

On  arrive  ainsi  au  chiffre  de  dix  expéditions.  Cette  dernière  est  rap- 
portée par  Er  Rouaini  (El-Qairouâni)  dans  son  histoire  de  Tunis. 

Alger,  boulevard  de  l'Islamisme,  se  nommait  Mezrenna.  C'était  en  l'an 
^00  (inc.  q5  août  1009)  une  ville  entourée  de  murs  qui  n'avait  pas 
encore  été  conquise:  el  jamais  l'infidèle  avec  sa  fausse  religion,  non 
plus  que  le  musulman  malgré  la  force  de  ses  armes  ne  l'avaient  réduite. 
Elle  ne  formait  au  début  qu'un  petit  groupe  d'habitations.  Elle  s'étendait 
de  la  porte  Bab  ei-oued  jusqu'à  l'endroit  où  s'élève  aujourd'hui  la  rési- 
dence du  pacha. 

L'emplacement  du  palais  actuel  avec  Ketchaoua  n'était  qu'un  même 
quartier.  Quant  à  Souq  el-Kebir  jusqu'à  Bab-Azoun,  c'était  un  vaste 
terrain  de  culture.  La  Haret  el-djenân,  aujourd'hui  Sidi  Helal,  avec  la 
partie  inférieure,  et  l'emplacement  qu'occupe  Hammam  el-malah  ne 
comprenail  que  des  jardins  maraîchers. 

A  l'endroit  où  s'élèvent  aujourd'hui  la  grande  mosquée  et  Sidi  'Ali 
el-fassi  s'étendaient  les  entrepôts  des  potiers.  La  colline  en  face  était 
couverte  de  broussailles. 

Quant  au  nom  d'El-Djezaïr  ffles  îlesn,  qui  a  prévalu  aujourd'hui,  il 
lui  a  été  donné  à  cause  des  rochers  qui  émei-geaient  en  mer  en  face  même 
du  port.  A  cette  époque  ses  chefs  étaient  de  race  arabe. 

Alger  fut  dévastée  une  fois  par  les  fuurmis,  et  une  autre  fois  par  la 
peste.  C'est  du  moins  ce  que  l'on  rapporte.  El-Bi-echki  raconte  dans  sa 
relation  de  voyage,  qu'elle  fut  déliante  par  un  tremblement  de  terre  en 
7GC  (inc,  38  septembre  i3C4).  Il  se  fil  sentir  dans  la  nuit  du  lo  Rebia 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1745.  217 

et-tsani  (4  janvier  i365)  après  la  prière  du  coucher  du  soleil.  La  plus 
grande  partie  de  la  ville  fut  démolie,  et  un  nombre  si  élevé  d'habitants 
périt  que  les  Berbères  purent  s'y  installer.  Ils  s'emparèrent  de  toutes 
les  constructions.  Leur  domination  s'étendit,  et  ils  finirent  par  sou- 
mettre tous  les  habitants  à  leur  domination.  Que  soit  proclamée  la  puis- 
sance de  Celui  qui  fait  ce  qu'il  veut  I 

El-Brechki  rapporte  ceci  :  rrJe  me  trouvai  la  nuit  du  tremblement  de 
terre  dans  une  maison  sise  à  Haret  el-djenàn,  du  côté  de  la  porte  Bab 
el-oued;  je  fus  témoin  de  choses  effrayantes  que  nul  n'a  relatées  avant 
moi.  J'entendis  une  femme  qu'un  habitant  interrogeait  sur  les  dangers 
qu'elle  avait  courus.  Elle  lui  ré()ondit  :  «J'étais  en  compagnie  de  ma 
ffsœur,  et  je  portais  ma  fille  dans  mes  bras.  Je  courais  dans  la  maison 
frde  place  en  place,  jusqu'au  moment  où  une  partie  s'écroula  sur  moi. 
«Ma  sœur  fut  ensevelie  et  j'échappai;  puis  une  autre  partie  tomba  sans 
«m'atteindre.  Je  jetai  ma  fille  à  terre  pour  être  plus  légère  et  je  me 
«sauvai  sans  elle,  cherchant  le  salut  dans  la  fuite.  Ainsi  quand  je  me  vis 
«sur  le  point  de  succomber,  j'abandonnai  ma  fille  au  milieu  des  dé- 
«combres.» 

Je  me  rappelai  à  ce  sujet  l'histoire  de  cette  femme  qui,  au  déluge,  se 
sauvait  avec  son  enfant.  L'eau  montait  toujours.  Elle  le  mit  sous  ses 
pieds,  j)our  se  hausser  un  peu  plus.  Le  flot  les  submergea  l'un  et 
l'autre;  tandis  que  la  femme  dont  je  parle  plus  haut  se  sauva,  et  ce 
furent  ses  compagnons  qui  périrent. 

On  m'a  rapporté  qu'un  homme  instruit,  digne  de  foi,  affirme  avoir 
compté,  cette  nuit  seulement,  quatre  cent  quatre-vingt-seize  secousses. 
Durant  quelques  années  ces  tremblements  de  terre  se  succédèrent,  mais 
sans  occasionner  d'autres  dégâts. 

Un  tremblement  de  terre  se  produisit  encore  à  Alger  en  99/1  (inc. 
28  décembre  i585).  En  10/12  (inc.  19  juillet  1682),  il  fut  assez  vio- 
lent pour  renverser  les  maisons  de  Médéa.  Une  année  auparavant  Dellys 
avait  été  détruit  de  la  même  façon. 

L'auteur  de  ces  lignes  ajoute  :  nous  avons  ressenti,  à  Alger  où  nous 
habitions,  d'autres  secousses  qui  occasionnèrent  des  fentes  dans  l'ancien 
rempart,  sans  causer  de  dégâts  plus  graves,  ni  de  mort  d'habitants.  Le 
lundi  9  Safar  1128  (3  février  17 lO),  au  mdieu  de  la  matinée,  Alger 
fut  secoué  par  un  tremblement  de  terre  ell'royable.  La  plupart  de  ses 
maisons  s'écroulèrent,  la  grande  mosquée  se  lézarda;  mais  ce  fut  sur- 
tout dans  les  villas  des  environs  que  les  dégâts  furent  1res  impor- 
tants. Partout  se  firent  sentir  ses  redoutables  effets.  On  était  pour  ainsi 
dire  emporté  par  la  poussière  qui  s'élevait  du  sol.  Une  partie  du  terrain 


218  AVRIL-JUIN    1922. 

sur  lequel  ces  maisons  étaient  édifiées  put  être  cultivé  au  bout  de 
quelque  temps.  Nous  appartenons  à  Dieu,  et  c'est  à  liji  que  nous  ferons 
retour. 

Les  habitants  abandonnèrent  la  ville  et  dressèrent  des  tentes,  les  uns 
dans  le  cimetière,  les  autres  dans  la  campagne  où  il  n'y  avait  aucune 
construction.  Cet  événement  coïncida  avec  le  mois  étranger  de  janvier. 

Ne  cherche  pas  à  connaître  ce  que  ces  pauvres  gens  durent  éprouver 
de  souffrances  par  suite  des  orages  continuels  et  du  froid  intense.  Les 
secousses  ne  discontinuèrent  pas  tout  ce  jour  et  la  nuit  qui  lui  succéda; 
elles  se  renouvelèrent  vingt-quatre  fois  de  suite.  Gomme  le  froid  faisait 
cruellement  souffrir  les  habitants,  et  qu'ils  risquaient  d'être  submergés 
par  la  pluie,  ils  se  décidèrent  à  regagner  la  ville,  implorant  le  secours 
de  l'Unique,  du  Puissant. 

Après  ces  événements,  on  était  au  milieu  de  la  nuit  du  troisième  jour 
de  Rebia  el-ouel  de  l'année  susdite  (26  février  1716),  une  secousse  se 
produisit  glaçant  les  coeurs  d'effroi ,  jetant  l'épouvante  parmi  les  habi- 
tants. Deux  autres  la  suivirent,  et  avant  que  les  premières  lueurs  du 
jour  eussent  dissipé  les  ténèbres,  les  habitants  avaient  déjà  fait  leurs 
préparatifs  pour  fuir  une  seconde  fois.  Durant  vingt  jours  les  secousses 
se  succédèrent  sans  interruption,  notamment  dans  la  nuit.  Dieu  est  tout 
puissant,  sa  volonté  ne  rencontre  pas  d'obstacle. 

En  11 'i8  (inc.  qA  mai  1785),  quatre  secousses  se  produisirent,  mais 
sans  causer  aucun  dégât.  En  revanche,  Cherchel  qui  est  une  localité  à 
deux  journées  de  marche  d'Alger  eut  la  majeure  partie  de  ses  maisons 
renversées.  Ceci  se  passa  la  nuit  du  samedi  17  Redjeb qui  correspond  au 
mois  étranger  de  novembre.  Beaucoup  d'habitants  de  Cherchel  périrent  : 
on  en  compta  deux  cent  cinquante.  Les  Berbères  en  profitèrent  pour 
s'emparer  de  la  ville. 

Je  parlerai  plus  loin  d'un  autre  tremblement  de  terre,  mais  seule- 
ment quand  je  mentionnerai  les  autres  événements,  d'après  leur  ordre 
chronologique,  si  Dieu  veut. 

La  ville  d'Alger  a  été  occupée  par  les  Arabes ,  et  leur  chef  était  de 
race  arabe  :  le  siège  de  son  gonverneinent  était  la  maison  qui  sort  aujour- 
d'hui de  caserne  aux  canouniers  près  de  la  porte  Bab  el-oued;  mais  il 
logeait  à  Dar  el-hamra,  près  du  saint  vertueux,  Sidi  Ali  El-Fassi.  Les 
revenus  de  celte  maison  sont  aujourd'hui  constitués  en  habous  pour 
acheter  les  bougies  (pie  l'on  allume  à  la  Grande  Mosquée  la  nuit  du  97 
Ramadan  de  chaque  année. 

Le  port  d'Alger  servait  de  refuge  à  tout  venant,  musulman  ou  infi- 
dèle, jusqu'à  lépoque  où  les  Chrétiens  occupèrent  le  grand  fort  (Peûon). 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1755.  219 

Ce  port  ëtait  alors  bien  moins  important  qu'aujourd'hui.  Or  il  advint 
qu'un  jour  une  frégate  montée  par  des  combattants  pour  la  foi  arriva  de 
Turquie.  Ils  se  rendirent  compte  de  ce  que  les  habitants  avaient  à  souf- 
frir des  entreprises  des  infidèles  qui  occupaient  la  forteresse,  se  livraient 
à  des  démonstrations  contre  la  ville,  et  y  prélevaient  du  butin.  Tout 
cela  par  suite  de  l'insouciance  des  Arabes  et  leur  manque  de  perspicacité. 
Ils  assiégèrent  les  infidèles  une  semaine  durant;  ceux-ci  ripostèrent  par 
des  coups  de  canon  qui  démolirent  une  partie  de  la  ville.  Mais  ils  durent 
néanmoins  se  rendre  par  suite  de  la  disette  des  vivres  et  de  l'eau.  Ils 
étaient  au  nombre  de  cinq  cents.  Ainsi  on  ne  put  les  réduire  que  par  la 
force. 

Le  sultan  victorieux  Bayazid  Khan,  fils  du  sultan  Mohammed  Khan, 
avait  été  informé  de  ces  événements  en  gaS  (inc.  3  janvier  1619).  Il 
envoya  à  Alger  Ishaq  pacha  avec  un  certain  nombre  de  soldats,  puis 
d'autres  et  encore  d'autres,  si  bien  que  la  garnison  d'Alger  fut  très 
importante.  Ishaq  pacha  fixa  sa  résidence  sur  la  pente  du  Mont  dans  une 
redoute  qui  se  trouvait  à  l'intérieur  de  l'ancienne  Qaçba.  Geile-ci  com- 
prenait encore  dans  son  enceinte  :  la  mosquée  de  Sidi  Ramdan  oii  ce 
saint  est  enterré,  un  bain  du  même  nom,  un  moulin  à  blé,  deux  fours 
banaux,  et  des  boutiques  de  marchands  de  légumes,  de  fabricants  de 
haïks;  tout  cela  formait  le  quartier  de  l'ancienne  Qaçba.  Le  chef  de  race 
arabe  conserva  le  pouvoir  quelque  temps ,  puis  il  fut  tué  et  l'adminis- 
tration de  la  ville  passa  entre  les  mains  des  pachas;  le  commandement 
(les  s(tldats  appartint  à  leur  agha. 

Alors  le  pacha  fixa  sa  résidence  au  milieu  de  la  ville.  On  édicta  les 
règlements  qui  sont  en  vigueur  aujourd'hui,  notamment  en  ce  qui  con- 
cerne les  costumes  qui  doivent  être  différents  suivant  le  rang  et  la  qua- 
lité des  personnes  qui  les  portent,  les  degrés  de  la  hiérarchie  avec  les 
prérogatives  et  obligations  de  chacun  ;  le  tout  aboutissant  à  un  conseil 
composé  d'un  certain  nombre  de  personnes  désignées  pour  en  faire 
partie. 

On  bâtit  le  palais  du  gouvernement  et  le  local  des  Kahias.  La  nouvelle 
Qaçba  fut  édifiée  et  le  divan  s'y  réunit,  1006  (inc.  1  h  août  1697). 

Le  pacha  fut  spécialement  chargé  du  gouvernement  de  la  ville  d'Al- 
ger et  des  territoires  en  dépendant.  On  confia  la  surveillance  des  poids, 
mesures  et  marchés  à  l'Amin  el  oumana,  et  chaque  corporation  eùl  à 
sa  tête  un  amin  qui  agissait  au  nom  du  Pacha.  Tout  cela  fut  réglé  d'un 
commun  accord,  entre  les  amins,  les  notables  de  la  ville  et  l'amin  el 
oumana. 

Tout  ce  qui  concernait  les  troupes  était  dans  ies  attributions  du  pacha. 


220  AVRIL-JUIN  1922. 

Mais  pour  l'organisation  spéciaie des  janissaires,  ceux-ci  conservaient  un 
certain  nombre  de  règlements  particuliers,  à  l'observation  desquels  cha- 
cun d'eux  veillait.  Quand  il  y  avait  lieu  de  punir  un  janissaire  pour  une 
faute  commise,  on  en  référait  au  kahia  ou  bien  on  attendait  le  jour  où 
le  divan  se  réunissait  à  la  Qaçba. 

Les  de'cisions  judiciaires  étaient  prises  par  les  deux  cadis  :  i°  le  cadi 
malékite,  indépendant  au  temps  de  la  domination  arabe,  et  qui  sous  les 
Turcs  ne  fut  plus  qu'un  fonctionnaire  en  sous-ordre,  jusqu'à  l'époque 
de  Sidi  Ali  Ech-Ghalibi,  comme  tu  le  verras;  a"  le  cadi  hanéfite  qui  ne 
fut  nommé  que  lorsque  les  Turcs  s'établirent  à  Alger.  En  général ,  les 
affaires  importantes  étaient  remises  au  jeudi.  Ce  jour  là  il  y  avait  réunion 
des  eulema  savoir  :  les  deux  cadis  et  les  muftis  hanélîte  et  malékite.  Au 
début  ils  étaient  assistés  d'un  certain  nombre  de  peisonnages  de  marque 
comme  Sidi  Ranidân,  et  après  lui  son  fils  Sidi  El  Mahdi,  et  après  lui 
son  fils  Sidi  Mohammed  Cherif. 

Ce  dernier  s'abstint  de  s'y  rendre  parce  que  un  jour,  se  trouvant  en 
compagnie  des  autres  euléma,  et  en  présence  de  Mezzo-Morto,  on  donna 
la  bastonnade  à  un  homme  pour  un  crime  quelconque.  Il  en  éprouva 
une  telle  émotion  qu'il  jura  de  ne  plus  jamais  assister  à  un  spectacle 
pareil  ;  et  il  en  fut  effectivement  ainsi.  Les  euléma  du  rite  malékite  le 
suivirent  dans  sa  retraite,  et  la  réunion  ne  comptait  plus  que  les  cadis  et 
les  muftis.  Un  bach  Yayabachi  remplaçant  le  kabia  du  palais  s'y  ren- 
dait pour  assister  au  prononcé  du  jugement  et  lui  conférer  ainsi,  par  sa 
présence,  un  caractère  solennel.  Il  avait  pour  mission  également  lors- 
qu'un plaideur  faisait  preuve  de  mauvais  vouloir  d'en  prévenir  le  kahia; 
il  lui  rapportait  ce  qui  s'était  passé  sous  ses  yeux.  Le  récalcitrant  rece- 
vait le  châtiment  que  sa  faute  comportait. 

Mais  à  l'époque  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  c'est-à-dire  celle  où 
l'on  enleva  aux  pachas  leurs  prérogatives,  et  au  temps  de  Baba 
Hassen  le  doulatli,  on  affecta  l'immeuble  dit  Dar  Selkadji  ourli  à  la 
résidence  de  ceux  qui  étaient  investis  de  la  charge  d'agha  des  janis- 
saires. On  y  installa  en  même  temps  la  prison  réservée  à  ces  derniers, 
et  sous  les  arcades,  comme  tu  le  vois  encore  aujourd'hui.  La  Qaçba  cessa 
donc  de  servir  de  résidence  à  l'agha  et  de  prison  aux  janissaires,  comme 
cela  avait  lieu  jusqu'à  ce  jour.  Le  divan  se  transporta  au  palais  du  gou- 
vernement et  se  tint  en  présence  du  Doulatli  ;  et  le  j)ouvoir  ne  fut  plus 
aux  mains  que  d'une  seule  personne,  contrairement  à  ce  qui  se  passait 
auparavant.  Ce  fut  une  organisation  toute  nouvelle,  et  les  janissaires  y 
trouvèrent  une  IriuKpiillilé  inconnue  juscju'alors,  car  ils  n'avaient  cessé 
jusque  là  d'être  en  but  à  la  violence  et  à  l'arbitraire,  la  proie  des  impu- 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  1745.  221 

dents,  les  victimes  des  manœuvres  criminelles,  d'insinuations  menson- 
gères qui  troublaient  la  vie,  tantôt  au  faîte  de  la  fortune,  tantôt  dans 
la  situation  la  plus  précaire. 

Tout  ce (lacune)  était  très  dur  pour  eux;  mais  ils  étaient  bien 

plus  à  plaindre  encore  quand  une  sédition  venait  à  éclater. 

Le  première  est  celle  d'El-Hamaïmi  qui  éclata  à  Alger  en  996  avec 
l'appui  d'un  grand  nombre  de  rebelles.  Ils  violèrent  le  domicile  des  chefs 
qu'ils  détestaient,  ainsi  que  de  ceux  qui  avaient  un  rang  élevé  dans  le 
gouvernement  et  l'administration  delà  ville,  qu'ils  fussent  membres  du 
Divan  ou  non.  Durant  ces  révolutions  il  se  formait  deux  partis  qui  en 
venaient  aux  mains  et  se  battaient  jusqu'à  ce  que  l'un  d'eux  l'eût  em- 
porté. Les  vainqueurs  poursuivaient  leurs  adversaires  jusque  dans  leurs 
retraites  les  plus  cachées. 

Je  tiens  de  la  grand'mère  de  mon  père,  nommée  Aziza,  le  récit 
suivant  : 

ffUs  firent  irruption  dans  notre  maison  sise  rue  Es-Sebbagh  près  de 
Sidi  Ali  El-Fassi.  Ils  découvrirent  un  de  leurs  ennemis  qui  s'était  caché 
sous  un  matelas  de  laine,  sans  que  nous  l'eussions  aperçu.  Ils  le  firent 
sortir  et  vouluient  l'égorger  surplace.  Nous  nous  mîmes  à  les  adjurer  de 
n'en  rien  faire,  car  nous  redoutions  que  les  choses  ne  vinssent  à  tourner 
encore  plus  mal  pour  nous.  Ils  le  traînèrent  dans  la  rue  et  l'égorgé rent.i 
Celte  dernière  révolte  qui  eut  lieu  au  temps  des  Beloukbachi  fut  peu 
grave.  La  grand'  mère  de  mon  père  en  vit  une  autre  du  même  genre. 

D'autres  révoltes  s'étaient  produites  en  l'an  1000  (inc.  19  octobre 
1591),  puis  à  Biskra  en  ioo4  (inc.  6  septembre  1695).  Enfin  celle 
dite  d'EI-Qlaïdji  éclata  au  palais  en  1006  (inc.  i4  août  iSgy). 

C'est  postérieurement  à  ces  dernières  que  se  déroulèrent  les  événe- 
ments qui  m'ont  été  contés  par  la  grand'  mère  de  mon  père. 

Mais  aujourd'hui  les  janissaires  sont  parfaitement  tranquilles  et 
mènent  l'existence  la  plus  agréable  qu'ils  aient  jamais  connue.  Je  ne  fais 
qu'une  exception  pour  le  différend  qui  s'éleva  entre  les  Turcs  et  les 
Koulouglis.  Ils  en  vinrent  aux  mains  ainsi  que  je  l'ai  raconté  plus  haut, 
le  19  Ramadan  (12  mai  1629),  tandis  que  l'expulsion  [des  Koulouglis] 
eut  lieu  le  99  du  même  mois  io38  (22  mai  1629),  je  veux  dire  le  der- 
nier jour  de  Ramadan. 

NOTE. 

El  Hadj  Ali  n'est  autre  que  El  Euldj  Ali ,  connu  dans  les  chroniques 
du  temps  sous  les  aonis  de  Ochali,  Oucholi,  Lochiali,  Lucciali,  Olu- 


•222  AVRlL-JUiN    1922. 

chali,  etc.,  appellations  que  reproduisent  encore  certaines  compilations 
modernes.  Par  sa  longue  et  glorieuse  carrière,  il  se  présente  à  nous 
comme  la  plus  grande  figure  de  l'histoire  d'Alger  sous  la  domination 
turque,  l'émule  de  Kbeir  ed-Din. 

Le  qualificatif  rrEuldji  était  donné  aux  hommes  que  nous  appelons 
renégats,  c'est-à-dire  aux  chrétiens  qui  embiassaient  l'islamisme.  Les 
Turcs  n'avaient  aucune  prévention  contre  ces  néo-musulmans;  en  Algé- 
rie, Us  pouvaient  aspirer  à  tous  les  emplois,  même  à  la  dignité  suprême, 
dont  l'accès  était  refusé  aux  Arabes  et  aux  Kourouglis. 

El  Euldj  Ali  était  Calabrais;  il  exerçait  très  jeune  le  métier  de  marin. 
Il  fut  pris  avec  sa  barque  par  un  corsaire  algérien  qui  fit  de  lui  un 
rameur  de  sa  chiourme.  Il  accomplit  ainsi  de  nombreuses  croisières  en 
compagnie  d'autres  chrétiens,  esclaves  comme  lui,  qui  ne  lui  ména- 
geaient pas  les  railleries ,  parce  qu'il  était  teigneux.  Us  allèrent  jusqu'à 
lui  refuser  de  manger  à  ses  côlés  et  l'empêcher  de  s'asseoir  à  leur  banc. 
Toutes  ces  avanies  ne  purent  le  décider  à  apostasier,  ce  qui  l'eût  débvi-é 
de  ses  persécuteurs.  Mais  un  jour,  un  Levantin  l'ayant  frappé,  il  se  fil 
musulman  pour  pouvoir  en  tirer  vengeance.  Distingué  pai'  son  chef, 
il  fut  nommé  comité,  c'est-à-dire  officier  de  galère.  Ayant  amassé  quelque 
argent  dans  cet  emploi,  il  fît  la  course  pour  son  projn-e  compte.  Sou 
nom  devint  célèbre  et  il  partagea,  sous  les  ordres  de  Hassen  fils  de  Kheir 
ed-Din,  et  de  Dragut,  la  fortune  de  ces  grands  capitaines. 

Mis  à  la  tête  du  gouvernement  d'Alger,  ses  démêlés  avec  les  janis- 
saires furent  fréquents  et  le  décidèrent  à  quitter  la  Djeuina,  beaucoup 
trop  exposée  à  un  coup  de  main  de  soldats  toujours  prêts  à  se  révolter, 
quand  le  souverain  montrait  quelque  indépendance  à  leur  égard.  Il  fixa 
sa  résidence  dans  un  fort  nouvellement  construit  au  nord  du  rempart 
Bab  el  Oued.  Ce  fort  dominait  la  mer  de  ce  côté  et  tenait  sous  son  canon 
une  petite  rade  où  étaient  ancrées  des  galères  gardées  par  des  réis  tout 
dévoués.  Devoulx  nous  eu  a  conservé  la  description  ;  les  indigènes  l'appe- 
laient eu  deruier  lieu  «Bordj  Selti  Taklill-  (Fort  de  dame  négresse), 
d'une  maraboute  kabyle  qui  y  aurait  été  iidmmée'''.  Auparavant,  il  était 
désigné  par  eux  sous  les  noms  de  ffBordj  el  Hadj  Ali'^  et  crBordj  Bab  el 
Ouedi.  Les  Européens  le  connaissaient  sous  cette  dernière  dénomination 


''^  Revue  africaine,  mars-avril  1878  :  Alger,  étude  archéologique  et  topogra- 
phique sur  celte  ville,  p.  i  l\g.  D'autre  part  des  indijjèncs  qui  se  rappelaient 
foit  bien  les  travaux  exécutés  en  i853  m'ont  ra])porté  qu'à  leur  connaissance 
il  a'y  avait  eu  personne  d'enterré  dans  ce  local,  négresse  ou  autre;  c'était  une 
simple  kheloua  ^eiunlagav  qui  recevait  la  visile  de  dévotes  musuhnanes. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  17Zi5.  223 

et  sous  celle  de  rrCort  de  2/1  heures  r ,  dont  l'origine  est  obscure.  Sa  démo- 
lition fut  entreprise  par  nous  en  iS5'2. 

El  Euldj  Ali  abandonna  volontairement  le  gouvernement  d'Alger  eu 
avril  1671  et,  escorte  de  vingt  galères  et  de  trente  navires  monlés  par 
ses  fidèles  marins,  il  fit  route  vers  Gonstantinople.il  sut  se  couvrir  de 
gloire  au  désastre  de  Lépante,  en  dégageant  quarante  galères  par  une 
manœuvre  habile  et  hardie.  Ce  fait  d'armes  lui  valut,  avec  le  surnom  de 
cKilidjfl  (glaive  de  l'Empire)  le  titre  de  Beglerbeg,  et  le  poste  de  Capi- 
tan  pacha  qui  lui  donnait  des  pouvoirs  presque  souverains  avec  d'im- 
menses revenus.  Son  œuvre  fut  importante;  le  fait  qu'il  entreprit  les 
travaux  de  percement  de  l'isthme  de  Suez  suflit  pour  donner  la  mesure 
de  ses  vastes  conceptions  et  sauver  son  nom  de  l'oubli. 

Les  historiens  s'étendent  longuement  sur  la  mélancolie  qui  ne  l'aban- 
donnait pas  au  milieu  de  ses  richesses  et  des  honneurs  dont  il  était 
comblé.  Ils  y  voient  non  seulement  le  chagrin  que  cause  toujours  une 
infirmité  incurable  et  considérée  par  beaucoup  comme  honteuse,  mais 
ils  l'attribuaient  plus  encore  au  remords  qu'il  éprouvait  d'avoir  renié  la 
religion  de  ses  pères.  Ils  s'en  réfèrent  pour  cela  au  témoignage  de  l'am- 
bassadeur de  Charles  IX  à  Constantinople,  François  de  Noailles,  arche- 
vêque de  Dax,  <jui  était  admis  dans  lin  limité  ilu  Capitan  Pacha.  Notre 
ambassadeur  ailirme  qu'el  Euldj  Ali  n'avait  jamais  cessé  de  pratiquer  la 
religion  chrétienne.  Les  démarches  que  tirent  les  janissaires  auprès  du 
Padishah,  à  l'effet  d'obtenir  pour  cette  raison  le  rappel  de  sou  représen- 
tant à  Alger,  donnent  à  penser  que  sa  conversion  à  l'islamisme  manquait 
de  sincérité.  Malgré  cette  grave  accusation,  le  sultan  se  garda  bien  de 
sacrifier  à  des  soldats  indisciplinés  un  homme  qui  lui  avait  rendu  les 
services  les  plus  signalés ,  et  les  janissaires  furent  éconduits.  Si  le  pape 
Pie  V  conseilla  à  Philippe  II  de  chercher  à  le  gagner  à  sa  cause,  c'est 
qu'il  pensait  qu'une  réconciliation  avec  l'ancien  pêcheur  calabrais  n  é(ait 
pas  chose  impossible.  Ces  avances,  il  est  vrai,  furent  assez  mal  accueillies. 

La  mansuétude  d'el  Euldj  Ali  à  l'égard  des  prisonniers  de  guen-e  se 
manifesta  maintes  fois;  il  ne  les  mettait  pas  en  vente  et  ne  leur  imposait 
point  des  travaux  trop  rudes.  Quand  il  mourut,  trois  mille  d'entre  eux 
étaient  occupés  à  coloniser  une  des  îles  de  l'Archipel. 

Par  ces  détails  qui  appartiennent  à  l'histoire,  on  estimera  combien 
semble  peu  justifiée  la  grave  accusation  dont  Ilaëdo  est  l'auteur  et  qui 
pèse  sur  la  miiinoire  du  Capitan  pacha  en  le  représentant  comme  un 
tyran  sans  j)itié,  faisant  péj'ir  sous  ses  yeux  du  supplice  de  l'empiee/iieat 
un  prisonnier  espagnol  qui  refusait  d'abjurer. 

Le  bénédictin  Haëdo,  abbé  de  Fromesta,  avait  raconté  en  iGia  le 


224  AVRIL-JUIN   1922. 

supplice  d'un  Arabe  devenu  chrëtien  sous  le  nom  de  Geronimo  et  empisé 
dans  le  mur  du  fort  Bab  el  Oued  en  septembre  1669.  Un  squelette  fut 
en  effet  trouvé  dans  un  mur  de  ce  fort,  lors  de  sa  démolition  en  i863. 

D'abord,  et  au  risque  d'aller  à  l'eucontre  des  idées  reçues,  nous  devons 
reconnaître  que  ce  supplice  théâtral  était  beaucoup  moins  cruel  (jue  ceux 
de  l'écartèlement,  du  feu  et  de  la  roue,  usités  chez  les  chrétiens. 
L'homme  placé  dans  un  endroit  étroit,  face  contre  terre,  pieds  et  poings 
liés,  puis  couvert  d'une  masse  de  terre  éuergiquement  foulée  devait  être 
étouffé  rapidement.  Ce  suppHce  était  surtout  impressionnant,  parce 
que  le  corps  restait  enfermé  dans  un  mur  à  une  place  exposée  à  tous 
les  regards. 

Cette  découverte  n'est  pas  en  elle-même  un  fait  extraordinaire. 
D'autres  du  même  genre  ont  été  faites  depuis.  Devoulx  qui  suivit  en 
1870  la  démolition  des  fortifications  de  l'angle  sud -est  de  la  ville 
constata  dans  le  pisé  la  présence  de  plusieurs  cavités  contenant  des  osse- 
ments humains.  La  tradition  prétend  que  lorsqu'on  démolira  les  murs 
de  la  qaçba,  on  en  mettra  d'autres  à  jour. 

Quant  à  la  responsabilité  d'el  Euldj  Ali ,  elle  doit  être  complètement 
dégagée.  Il  ressort,  en  effet,  d'une  inscription  datée  de  976  (juillet  1667 
à  juin  i568)  qui  était  placée  au-dessus  de  la  porte  du  fort,  que  celui-ci 
fut  bâti  par  le  pacha  Mohammed ,  prédécesseur  d'el  Euldj  Ali.  Pour 
expliquer  l'absence  du  iiom  de  ce  dernier,  Berbrugger  a  supposé  qu'elle 
était  due  à  l'animosité  drs  janissaires.  C'est  une  supposition  gratuite, 
absolument  invraisemblable,  imaginée  jiour  les  besoins  de  la  cause  :  les 
janissaires  n'avaient  aucun  moyen  de  s'immiscer  dans  une  construction, 
cela  leur  était  égal  d'ailleurs.  Le  seul  objet  qui  les  intéressât  était  la 
régularité  dans  le  payement  de  leur  solde.  Quand  ils  n'étaient  pas  satis- 
faits d'un  pacha,  c'est  par  d'autres  moyens  plus  violents  qu'ils  cherchaient 
à  s'en  venger.  Admettant  même  qu'el  Eiddj  AH  ait  terminé  le  fort,  ce 
que  rien  ne  prouve,  on  ne  saurait  lui  im|)uler  le  supplice  du  malheu- 
reux dont  le  squelette  a  été  retrouvé,  car  celui-ci  était  dans  la  partie 
inférieure  du  mur;  l'empisement  remonte,  par  conséquent,  au  commen- 
cement des  travaux. 

M.  de  Grammont  qui  était  doué  d'un  sens  critique  très  avisé  a  mis  eu 
relief  dans  une  brochure  presque  introuvable  '''  les  contradictions  et  les 
erreurs  matérielles  du  récit  de  Haëdo.  Je  ne  reprendrai  pas  en  entier 

(')  Geronimo,  surnommé  le  martyr  du  fort  des  vingt-quatre  heures,  at-il 
existé?  Ses  restes  ont-ils  été  découverts?  Etuile  crilifiiic  par  Kf.-Zi)\M  (pseudo- 
nyme de  H.  UK  Ghammont),  in-8°,  'Jtj  pi';;ea,  Aijfor,  1882. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE   1515  A   1765.  225 

l'argumentatioQ  du  savant  historien  d'Alger,  mais  après  lui  j'examinerai 
si  une  autre  raison  que  le  refus  d'abjurer  n'ëtail  pas  suffisante  pour  mo- 
tiver le  supplice  de  Geronimo. 

Je  résume  d'abord  le  récit  d'Haëdo  : 

ffDans  une  des  razzias  que  la  garnison  d'Oran  exécutait  sur  les  tribus 
voir.ines,  un  enfant  aral)e  fut  pris  et  acheté  par  le  licencié  Juan  Caro. 
Comme  cet  enfîuit  était  de  jolie  taille  et  de  gentilles  manières  {de  gentil 
gcslo  }j  tnlle),  son  maître  lui  fit  donner  une  bonne  éducation  et  la  doc- 
trine, si  bien  que,  peu  de  temps  après,  il  put  être  baptisé  sous  le  nom 
de  (Jeronimo.  Quand  l'enfant  eut  huit  ans,  des  Arabes  captifs  profilant 
d'un  relâchement  de  surveillance,  causé  par  une  épidémie,  s'enfuirent 
en  emmenant  l'enfant  et  le  rendirent  à  ses  parents.  Dix-sept  ans  plus 
tard,  en  iSbçj,  après  avoir  vécu  tout  ce  temps  avec  les  siens  et  confor- 
mément à  leur  loi,  Geronimo  poussé  par  le  Saint-Esprit,  dit  Haëdo, 
revint  à  Oran  chez  son  ancien  maître.  Celui-ci  l'accueillit  très  bien ,  le 
maria  avec  une  de  ses  esclaves  d'origine  arabe  et  le  fit  entrer  dans  un 
escadron  de  campagne  [cuadvilla  del  campo),  sous  les  ordres  de  l'adalid 
Anton,  originaire  de  Palma.  habitant  Oran  et  chef  de  partisans  dans 
celte  ville.  Après  dix  ans  passés  à  remplir  ce  service,  en  1669,  l'adalid 
ayant  été  informé  que  l'occasion  se  présentait  de  tenler  un  coup  de  main 
sur  un  douar  campé  tout  près  du  rivage,  non  loin  de  la  ville  et  de  le 
razzier,  choisit  neuf  hommes  de  son  escadron  au  nombre  desquels  était 
Geronimo.  Ils  s'embarquèrent  à  Oran  dans  la  nuit.  Arrivés  au  malin 
à  l'endroit  désigné,  ils  se  mettaient  en  mesure  de  déi)arquer,  quand 
ils  furent  surpris  par  deux  brigantins  turcs  allant  de  Tetouan  à  Alger. 
L'adalid  seul  put  prendre  la  fuite,  mais  il  ne  tarda  pas  à  être  fait  pri- 
sonnier par  un  douar  voisin.  Quant  aux  autres  captifs,  les  Turcs  les  em- 
menèrent avec  eux  à  Alger  comme  butin  de  guerre." 

Quel  était  donc  le  rôle  de  ces  escadrons  de  campagne  où  servait  Gero- 
nimo ? 

Suai'ez  Montanes,  ce  vétéran  des  guerres  d'Afrique,  qui  servit  plus  de 
trente  ans  dans  la  province  d'Oran,  nous  a  laissé  dans  son  histoire 
d'Afrique  la  peinture  la  plus  sincère  et  la  plus  pittoresque  de  Toccupa- 
lion  espagnole  durant  un  siècle,  de  i5o5  à  1609.  Nous  y  voyons  le  parti 
que  les  conquérants  tiraient  de  ces  auxiliaires  indigènes  '*>. 

C  Mejs  el  Kéhir  cl.  Oran  de  i5o()  à  tf!o8,  d'uprh  Dipgn  Suave:.  Mouliuies. 
La  razia  espagnole  à  Oran,  par  A.  BKiiiiiiuuoEU  {Revue  Africaine,  18G6,  p.  197 
•4  'iiiiv.). 

XIX.  i5 


226  AVRIL-JUIN   1922. 

J/'s  nmîlros  d'Orau  n'nnt  jamais  cherché  à  procéder  par  une  progres- 
sion lenle  et  conlimie  de  manière  à  asseoir  méthodiquement  et  détini- 
livemejit  leur  domination.  Ils  se  contentaient  d'asslirer  la  séciurilé  de  k 
ville  par  de  puissants  remparts  et  d'en  garantir  les  approches  eii  tenant 
en  haleine  les  tribus  voisines  par  des  attaques  inopinées  dans  lesquelles 
ils  razziaient  tout  ce  qu'ils  pouvaient  prendre.  Les  cuadrilla  del  campo 
étaient  destinées  à  ces  coups  de  main. 

Ces  escadrons  avaient  avec  eux  des  éclaireurs  ou  esj)ions  qui  les  ren- 
seignaient sui-  les  razzia  à  opérer,  sans  courir  le  risque  d'être  repoussés 
ou  coupés  au  retour.  Connaissant  parfaitement  le  pays,  ayant  conservé 
leur  costume,  ces  espions  traversaient  la  contrée  sans  éveiller  de  méfiance 
et  rapportaient  leurs  renseignements  parfois  de  fort  loin.  Avaient-ils 
aperçu  un  campement  riche,  mais  mal  gardé  et  facile  à  aborder? 
ils  revenaient  en  hâte,  et  rendaient  compte  à  leurs  chefs  de  leur  décou- 
verte. Une  colonne  d'organisation  spéciale  était  aussitôt  formée  et  dirigée 
sur  le  point  indiqué.  Elle  marchait  la  nuit,  dans  le  phis  profond  silence, 
en  bon  ordre  et  à  vive  allure,  de  manière  à  arriver  avant  le  jour. 
A  quelque  dislance  du  douar  à  surprendre,  elle  s'arrêtait  et  envoyait 
une  reconnaissance  s'assurer  que  les  victimes  n'étaient  pas  gardées,  puis 
la  troupe  se  jetait  sur  les  tentes,  massacrait  les  uns.  capturait  les  autres 
et  réunissait  tout  le  butin.  Après  quoi,  on  battait  rapidement  en  retraite 
sur  Oran  de  peur  que  les  tribus  voisines  n'accourussent  pour  reprendre 
le  hulin  et  venger  le  sang  versé.  L'indicateur  recevait  une  récompense 
proportionnée  à  l'impoitance  de  la  prise  et  qui  allait  à  un  doublon  par 
captif  ramené. 

Voici  en  quels  termes  le  cheikh  Abou  Ras  en  Nasri  dépeint  l'état  des 
malheureuses  tribus  d'Oran,  et  le  rôle  perfide  des  espions  indicateurs: 
r  rr Quand  les  Musulmans  s'écartaient  de  ce  Duc  maudit,  il  leur  envoyait 
des  espions  connus  sous  le  nom  de  Moghatasin  rr  baptisés  ^i  (^doù  le  mot 
espagnol  Ahnogataz)  afin  de  les  observer,  puis  il  les  écrasait  sous  ses 
cavaliers  et  ses  fantassins.  Ils  pillaient  les  biens,  tuaient  les  hommes  et 
emmenaient  en  esclavage  les  femmes  et  les  enfants. «  On  lit  dans  le  com- 
mentaire d'Abd  el  qader  el  Djamaï  :  irPeu  de  temps  après  la  conquête, 
rrj'arrivai  chez  le  savant  Mohammed  el  Uoumassi.  Je  le  trouvai  campé 
fravec  sa  famille  près  d'uil  bois  au  sommet  de  la  flioùtâgnê.  11  y  passait 
fia  nuit,  tandis  que,  dans  le  jour,  il  était  dans  sa  maison  ou  sa  mosquée, 
tr occupé  à  lire  ses  livres  ou  à  enseigner  le  Coran.  Je  lui  en  demandai  le 
frmolif.  Nous  sommes  dans  cet  état,  me  dit-il,  à  cause  de  la  frayeur 
(rque  nmis  inspirent  les  chrétiens.  Dans  nos  maisons,  nous  ne  sommes 
frpas  à  l'abri  des  attaques  de  nuit.  C'est  pour  cela  que  nous  sommes 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  17^5.  227 

rrsoiis  des  lentes,  îifîn  fie  pouvoir  fuir  plus  facilement  jusqu'au  l)ois,  au 
ff sommet  de  la  montagne.  Celui  l;i  seul  qui  a  éprouvé  l'amertume  de 
rrrelfroi.  apprécie  la  douceur  de  la  sécurité. « 

ffCos  malheureux  ne  pouvaient  dormir  paisiblement  dans  leur  pays 
qu'à  la  condition  de  mettre  quelqu'un  en  faction.  Encore,  quand  l'un 
d'eux  s'endormait,  les  attaques  des  chrétiens  hantaient  son  sommeil  et 
on  l'entendait  crier  en  dormant.  Les  chrétiens  razzièrent  Tessala  et  lirent 
prisonnier  le  saint  Sidi  Claha  et  ses  trois  (illes  qui  restèrent  un  an  à 
Oran.  Ce  cheikh  fut  ensuite  racheté,  puis  successivement  deux  de  ses 
filles.  La  troisième  resta  prisonnière  et  sa  mère  ne  cessait  de  la  pleu- 
rer (''.« 

On  comprend  la  haine  des  Arabes  contre  ceux  de  leurs  compatriotes, 
qui,  moyennant  salaire,  attiraient  sur  eux  de  pareils  malheurs.  On  ne 
peut  s'étonner  de  l'accueil  que  ces  indicateurs  recevaient  à  Alger  quand 
prisonniers  ils  étaient  reconnus.  Les  préventions  des  musuhiians  à 
l'égard  des  indigènes  qui  entraient  en  relation  avec  les  Espagnols  étaient 
telles  que  Venture  de  Paradis  a  pu  écrire  :  rrll  suflit  même  qu'un  Maure 
ait  resté  à  Oran,  pour  perdre  la  vie  dans  le  cas  qu'il  retourne  sur  les 
terres  d'Alger ''^n 

Dans  ces  conditions ,  il  n'était  pas  douteux  que  s'il  était  reconnu  à 
Alger,  Geronimo  était  irrémédiablement  perdu. 

Mais,  indé[)endamment  de  toutes  ces  considérations  historiques  qui 
infirment  déjà  grandement  la  relation  d'Ha('do,  examinons  quel  degré  de 
confiance  ce  récit  mérite  en  lui-même,  en  pesant  la  valeur  des  témoi- 
gnages sur  lesquels  il  repose ,  et  eu  cherchant  à  nous  rendre  compte 
quelle  fut  l'intention  de  l'auteur  en  publiant  lé  dialogue  des  martyrs.    , 

<•'  Celte  cilation  m'a  été  obligeamment  communiquée  par  M.  le  général 
Faure-Biguel  qui  l'a  relevée  au  commentaire  du  vers  26  de  la  Qacîda  du 
Cheikh  Bou  Ras  sur  la  prise  d''Oran  par  les  Musulmans  en  179I.  ('et  ouvrage, 
qui  porte  à  là  Bibliothèque  nationale  le  n"  /i6i()  des  manuscrits  arabes,  est 
croit-on,  de  ia  main  même  du  Cheikh.  M.  le  général  Faure-Biguel,  qui  a 
dOnn«^  une  excellente  édition  critique  de  celte  poésie,  a  utilisé  le  manuscrit  de 
la  Bibliothèque  nationale  dans  sa  traduction  et  ses  notes. 

L'ouvrage  a  paru  sous  le  titre  :  6~jyJlf  ylj-^^  O^--^  i  x-^-u-JvJL-*Jl  J^X-Â 
t^yoLJI  ^!,  ^-s!  J^  g-û-U  *^~Jjoill  wLes  vêtements  de  soie  fine  au  sujet 
(l'Oran  (;t  de  la  péninsule  espagnole'-! ,  poésie  du  Cheikh  Mohammed  Abou-Ras 
Eii-Nasri,  traduction  par  le  général  Fauiuî-Biguet,  iîi-ia,  Fontaua,  Alg*'*-, 
190.3. 

("^  Ai^rii'  mi  \<cin  iiicki  tédilé  par  M.  Fu^nan  (Row-  njricainci  iS^d,  p.  30 
«t  suiv.  ). 

i5. 


228  AVRIL-JUIN    1922. 

Le  béiieiliclin  Haëdo,  neveu  de  rarchevèque  de  Païenne  du  même 
nom,  séjourna  à  Alger  de  1578  à  i58i.  C'est  alors  qu'il  recueillit  les 
renseignements  qui  lui  permirent  de  composer  plus  tard  la  Topografa 
de  Avgel.  Après  son  rachat,  il  revint  auprès  de  son  oncle,  lequel,  s'inlé- 
ressant  beaucoup  aux  captifs  chrétiens,  en  avait  racheté  plusieurs  et 
avait  pris  des  notes  d'après  leurs  récits.  Ces  notes  furent  confiées  au 
neveu  qui  en  fit  une  œuvre  susceptible  d'être  publiée.  On  y  trouvait  des 
récits  faits  par  l'abbé  vSosa.  Celui-ci,  capturé  en  1077,  avait  séjourné  à 
Alger  de  1677  à  i58i,  époque  où  il  fut  racheté,  très  probablement, 
par  l'archevêque.  H  avait  été  l'esclave  d'un  juif  devenu  musulman  sous  le 
nom  de  Mohammed,  d'une  cupidité  extrême  et  qui,  pour  l'obliger  à  se 
faire  envoyer  sa  rançon,  le  tenait  emprisonné  dans  un  cachot.  Cepen- 
dant, au  fond  de  sa  prison,  Sosa  i-ecueiHait  les  bruits  de  la  ville  qui  lui 
étaient  apportés  par  d'autres  captifs.  C'est  donc  par  cette  unique  source 
que  l'histoire  de  Geronimo  a  été  connue.  Tout  ceci  résulte  du  texte  de  la 
dédicace  que  le  bénédictin  fit  de  son  œuvre  au  cardinal  de  Palerme. 

Ainsi,  l'histoire  de  Geronimo  et  tous  les  détails  de  sa  mort  furent 
rapportés  par  des  captifs  qui  n'avaient  peut-être  pas  été  présents  à  son 
supplice  à  Sosa  qui  n'y  avait  certainement  pas  assisté.  Celui-ci  signale  un 
seul  témoin  auriculaire  qui  avait  entendu  un  des  propos  tenus  par  Gero- 
nimo au  bagne.  11  rapporta  le  tout  à  l'archevêque  qui  le  consigna  dans 
des  notes  à  l'état  de  brouillon,  et  enfin  celles-ci  servirent  au  béuédictin 
à  composer  son  histoire.  On  comprendra  qu'après  un  tel  circuit,  le  récit 
ne  présente  plus  de  garanties  sullisantes  [)our  être  accepté  sans  con- 
trôle. 

Si  on  examine  l'ouvrage  lui-même,  on  voit  qu'il  se  compose  de  cinq 
parties  : 

1°  La  topographie  d'Alger,  dont  il  a  été  parlé  plus  haut; 

2°  Une  chronologie  des  rois  d'Alger.  Ici,  les  éléments  de  contrôle 
abondent.  Toute  la  partie  antérieure  à  i58i,  année  du  retour  de  Haëdo 
en  Europe,  c'est-à-dire  celle  dont  il  a  pu  recueillir  les  cléments  à  Alger, 
est  exacte.  Mais,  à  partir  de  cette  date,  elle  renl'erme  de  nombieuses  er- 
reurs. Ceci  nous  met  en  garde  sur  tout  ce  qu'il  a  rapporté  de  seconde 
main  d<'puis  son  l'elour  en  Euiope. 

3°  Trois  auties  parties  présenlérs  sous  forme  de  dialogues,  dans  les- 
quels Sosa  est  toujours  le  principal  interlocuteur.  Le  second  de  ces  dia- 
logues, intitulé  rr Dialogue  des  Martyrs^,  contient  l'histoire  de  Gero- 
nimo. Cps  (h-rnieis  chapitres  ayant  été  rédigés,  ainsi  que  je  l'ai  indiqué . 
très  postéri(!uremeul  à  sou  reloui'  d'Algei-,  sur  des  notes  dont  il  n'est  pas 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE   1515  A    17^5.  229 

l'auteur,  nous  sommes  tenus,  pour  ces  derniers  chapitres  de  son  oeuvre , 
à  la  plus  grande  réserve  ''^ 

Passons  à  l'examen  de  cette  histoire. 

Toute  la  partie  s'étendant  depuis  la  capture  de  l'enfant  par  les  Espa- 
gnols vers  i5A2  jusqu'à  son  arrivée  au  bagne  d'Alger  en  1669  peut 
être  admise.  Il  y  a  bien  quelques  points  obscurs.  Par  exemple,  l'enfant 
fut  baptisé  peu  de  temps  après  avoir  été  capturé,  mais  non  sans  voir  reçu 
une  bonne  éducation  et  la  doctrine  qui  durent  lui  être  données  dans  sa 
langue  maternelle  ;  il  avait  donc  1  âge  de  raison ,  cinq  ou  six  ans  au  mi- 
nimum. Comme  il  fut  ramené  dans  son  douar  à  huit  ans,  il  resta  seule- 
ment deux  ou  trois  ans  chez  les  Espagnols.  Il  est  évident  que  ce  n'est 
pas  l'impression  qu'il  reçut  de  la  religion  chrétienne  pendant  un  temps 
aussi  court  et  à  cet  âge,  qui  lui  fit  quitter  les  siens  dix-sept  ans  plus 
tard,  pour  revenir  à  Oran.  Mais  il  put  y  avoir  d'autres  motifs  que  nous 
ignorons. 

Constatons  seulement  qu'à  Oran,  Geronimo  servit  pendant  dix  ans 
dans  un  de  ces  escadi'ons  de  campagne  dont  j'ai  rappelé  plus  haut  la 
perGde  et  redoutable  tactique  contre  leurs  coreligionnaires  sans  mé- 
fiance. Il  fut  pris  dans  un  coup  de  main  qui  tourna  mal  pour  lui  et  ses 
compagnons.  Emmené  à  Alger  et  emprisonné  au  bagne  du  pacha,  il  de- 
vait fatalement  être  reconnu  et  identifié,  car  il  ne  pouvait  dissimuler 
qu'il  fût  Arabe.  11  n'est  pas  nécessaire  pour  cela  de  faire  intervenir  le 
diable,  comme  l'écrit  Haëdo.  Or,  Geronimo  avait  trahi  les  siens;  de 
plus,  il  était  renégat,  crime  qui  entraîne  la  mort.  La  loi  coranique  est 
formelle  :  aucun  pardon  ne  peut  être  accordé  au  musulman  qui,  sans 
contrainte,  a  renié  sa  foi^^'.  Ce  fait  dûment  constaté  par  les  euléma,  il 

(')  La  topographie  d'Alger  a  été  traduite  par  MM.  Monnereau  et  Bcrbrujj- 
per  et  pid)llée  dans  la  Bévue  africaine,  t.  XIV,  1870  et  t.  XV,  1871.  M.  de 
Grammont  a  traduit  l" Epitome  des  rois  d'Alger  dans  le  même  recueil,  t.  XXIV, 
1870  et  XXV,  1881.  Enfin  la  traduction  de  la  3°  partie  de  l'œuvre  d'Haedo, 
c'est-à-dire  les  Dialogues,  a  été  publiée  par  M.  Moliner-Violle  également  dans 
la  Revue  africaine,  t.  XXXIX,  1896  et  XLl,  1897. 

(^J  Cf.  sourate  xti,  verset  108.  C'est  bien  dans  le  sens  d'une  répression 
inexorable  que  la  tradition  a  interprété  la  parole  du  Prophète  (Sidi  Khelil , 
p.  999,  1.  3  de  l'édition  de  la  Société  asiatique,  Paris,  1900). 

Les  comm(!ntaires  de  ce  passa[[e  sont  analysés  daiis  PriinoN,  Précis  de  juris- 
prudence mu  subnane ,  yo\.  V  de  l'Exploration  scientifi(jue  de  l'Algérie,  Paris, 
i853,  section  XII,  p.  5i/i-5i5.  L'un  d'eux  s'exprime  en  ces  termes  :  «Nous 
laissons  agir  à  sa  guise  et  sans  la  moindre  opposition  ou  médiation  de  notre 
part  l'infidèle  qui  de  sa  croyance  ou  religion  passera  à  la  religion  ou  croyance 


230  AVRIL-JUIN    1922. 

n'ëtait  plus  possible  à  personne,  même  au  souverain  le  plus  puissant, 
de  sauver  Geronimo,  fut-ce  au  prix  d'une  nouvelle  apostasie.  Il  manque 
au  martyre  de  Geronimo  la  condition  essentielle  :  avoir  préféré  la  mort  à 
Taposlasifi,  c'est-à-dii'e  avoir  de  propos  délihéré  subi  le  dernier  supplice 
avec  la  possibilité  de  s'y  soustraire  au  moyen  d'une  nouvelle  abjura- 
tion. 

Examinons  maintenant  à  quelles  conclusions  logiques  nous  condui- 
sent les  constatations  matérielles  relativement  à  la  date  du  supplice,  à 
l'emplacement  où  furent  mis  à  jour,  en  i853,  les  restes  de  la  victime, 
et  touchant  les  caractères  physiques  de  son  corps  comparés  au  signale- 
ment de  Gei'onimo  donné  par  l'auteur  des  Dialogues  des  martijrs. 

Haëdo  attribue  l'empisement  dans  les  murg  du  fort  Bab  ei  oued  à  El 
Euldj  Ali.  C'est,  nous  le  répétons,  une  erreur  manifeste.  On  ne  saurait 
opposer  un  témoignage  oral  à  un  texte  épigraphique  authentique.  Il  est 
vrai  que  le  fort  s'est  appelé  fort  El  Euldj  Ali,  mais  cela  tient,  comme  je 
l'ai  dit ,  à  ce  que  ce  pacha  y  fixa  sa  résidence  pour  être  plus  eq  sûreté  et 
à  très  peu  de  distance  de  ses  équipages  de  mer,  toujours  prêts  à  lui 
porter  secours.  M.  de  Grammont  a  commis  une  erreur  en  prétendant 
qu'il  fut  dénommé  fort  d'El  Hadj  Ali  '''  du  nom  d'un  autre  personnage 
dont  l'histoire  ne  parle  pas.  En  réalité,  ffEl  Hadj«  n'est  qu'une  corrup- 
tion populaire  d'ffEl  Euldj  «,  ce  dernier  qualificatif  étant  moins  connu 
que  le  premier.  D'autre  part,  il  y  a  lieu  de  remarquer  que,  lorsqu'il  est 
employé,  il  accompagne  plutôt  le  uom  ^u  lieu  de  le  précéder  comme 
dans  le  cas  présent;  ceci  a  certainement  contribué  à  généraliser  la  confu- 
sion parmi  les  indigènes. 

Une  erreur  du  même  genre  s'est  produite  plus  tard  au  sujet  de  Ladj 
Ahmed  qui  gouverna  Alger  de  lOgS  à  1698;  il  est  à  peu  près  unique- 
ment connu  sous  le  nom  d'El  Hadj  Ahmed;  Mercier,  cependant  si  bien 
informé,  ne  le  cite  pas  autrement  '"',  De  Grammont  non  plus  '^'. 

Nous  sommes  donc  eu  présence  de  ce  dilemne  ;  ou  bien  Geronimo  a 
été  eiiécuté  en  1669,  comme  le  dit  Haëdo,  et  alors  ce  fut  bien  sous  le 

d'autres  mécréants.  Car  mécréants  de  telle  espèce  et  mécréiants  de  telle  ou  telle 
autre  espèce,  c'est  loul  un.  Et  la  parole  du  Prophète  «  Quiconque  change  de 
«religiou  tuez-len  ne  s'applifpie  qu'à  la  religion  dijpie  de  ce  nom,  digne  d'être 
hautement  a\ouée,  la  relijjion  de  l'iblani;  c'est  la  seule  dont  la  loi  puisse  se 
soucier,  la  seule  qu'elle  doive  sauvegarder.  Par  conséquent  la  loi  et  nous,  nous 
oe  iaisserous  poùil  en  repos  le  musulman  qui  renie  sa  loi.» 

''J  Ilisloire  d'Alger^  p.  toa,  note  3. 

('^  Hifloire  de  l'Afrique  seiilenlrionale ,  p.  3 16. 

'^^  Hittoire  d'Alger,  p.  a60. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A   17A5.  231 

règne  de  El  Euldj  Ali,  mais  il  ne  fut  pas  empisé  dans  les  murs  du  fort 
Babel  Oued  qui  existait  déjà,  ou  bien  il  fut  mis  à  mort  avant  iBGg 
sous  le  règne  de  Moliammed.  Haëdo  s'est  donc  gravement  trompé. 

En  admettant  que  l'emmurement  ait  eu  réellement  lieu,  on  aurait  dû 
retrouver  le  corps  dans  la  face  du  fort  qui  regarde  le  Nord  [que  mira  la 
Iramonia  o  norlc),  comme  l'indique  Haëdo.  Il  sullit  de  regarche  le  plan 
pour  voir  qu'il  n'y  a  pas  de  doute  sur  la  face  ainsi  désignée.  Or'  on  n'y 
a  rien  trouvé,  tandis  qu'un  corps  a  été  découvert  dans  la  face  qui  re- 
garde i'O.  S.  0.  Deuxième  erreur  grave.  Pour  tâcher  de  l'explicjuer,  Ber- 
brugger  épilogue  sur  le  sens  du  mot  rtramontanen  ;  son  argument  ne 
peut  être  pris  au  sérieux.  La  tramontane  désigne  tellement  bien  le  Nord 
que  le  sens  primitif  de  ce  mot  est  l'étoile  polaire. 

On  peut  remarquer  ici  que  si  Hai'do  avait  recueilli  ces  détails  pendant 
son  séjour  à  Alger,  de  la  bouche  de  Sosa  ou  de  tout  autre,  il  n'aurait 
pas  manqué  de  corriger  cette  erreur  dans  l'orientation,  lui  toujours  si 
exact  dans  ses  descriptions  topographiques. 

Enfln,  le  corps  qui  a  été  retrouvé  peut-il  être  celui  de  Geronimo? 
Haëdo  nous  donne  quatre  caractéristiques  :  l'homme  avait  les  pieds  et 
les  mains  attachés,  il  était  petit,  maigre  (di  pocas  carnes)  et  avait  le  vi- 
sage allongé  (caridelgado). 

La  ligature  des  pieds  et  des  mains  ne  prouve  rien  ;  pour  la  facilité  de 
l'exécution,  le  condamné  devait  être  Ugoté,  sans  cela,  il  se  serait  dé- 
battu et  il  aurait  été  diÛîcile  de  le  couvrir  de  terre.  Le  squelette  avait 
t  m.  68  de  long;  c'est  la  taijle  d'un  homme  petit.  Mais  l'examen  du 
moulage  et  des  ligures  jointes  au  livre  de  Berbrugger  montrent  que 
l'homme  était  bien  musclé  et  que  sa  figure,  loin  d'être  allongée,  était  de 
type  tout  opposé ,  aussi  large  que  longue. 

Nous  arrivons  ainsi  à  celte  conclusion  :  le  squelette  trouvé  n'était  pas 
celui  de  Geronimo ,  parce  qu'il  a  été  trouvé  dans  une  autre  face  que 
celle  indiquée  et  parce  que  la  majorité  des  caractères  [)bysiqnes  man- 
quent. 

N'est-il  pas  viaisemblabie  même  que  le  corps  de  Geronimo  a  disparu 
parce  que  le  fort  a  été  reconstruit  ou  remanié  à  la  suite  de  divers  bom- 
bardements dont  son  front  de  mer  souffrit  beaucoup,  et  suiiout  à  la 
suite  de  l'explosion  terrible  de  sa  poudrière  en  i68i,  qui  détruisit 
quatre  cents  maisons  en  ville  ?  Certains  indices  prouvent  ces  remanie- 
ments :  le  nombi'c  des  embrasures  de  la  plate-forme,  celui  des  casemates 
et  l'absence  de  ce  bloc  désagrégé  dans  lequel,  suivant  Haëdo,  se  trou- 
vait le  corps  du  supplicié.  On  en  a  également  une  preuve  dans  la  Gom- 
paraison  des  croijuis  publiés  dans  la  brochure  de  De  Granmiont  avec  un 


232  AVRIL-Jlll^   1922. 

plan  cavalier  d'Alger  édité  en  1 570-1 579  par  Bruyne  '',  où  ce  fort 
(igurc  avec  l'inscription  suivante:  Castrum  novum  anno  ii)6g  perfeclum. 
La  face  nord  fut  considérablement  augmentée  et  reçut  une  forme  bas- 
tionnée,  tandis  que,  auparavant,  elle  était  rectiiigne.  Donc,  le  squelette 
découvert  en  i853  n'était  pas  celui  de  Geronimo,  si  tant  est  que  celui- 
ci  ait  été  empisé  quelque  part.  C'était  celui  d'un  de  ces  malheureux  qui 
avaient  subi  ce  supplice  cruel,  et  dont  les  Européens  ne  soupçonnaient 
pas  le  nombre  à  cette  époque. 

Comment  une  pareille  erreur  a-t-elle  pu  se  produire?  Haëdo  écrivait 
avec  une  parfaite  loyauté.  Tout  au  plus  peut-on  dire  que,  dans  cette 
dernière  partie  de  son  grand  ouvrage,  il  se  proposait  en  même  temps 
i'édidcation  des  fidèles.  Il  écrivait  chez  son  oncle ,  le  haut  prélat  sicilien. 
Il  appartenait  lui-même  à  l'église,  il  a  le  désir  de  faire  tout  à  la  fois 
œuvre  d'historien  et  de  missionnaire.  Il  cherche  à  exciter  la  compassion 
de  ses  concitoyens  par  le  tableau  des  traitements  cruels  infligés  aux 
malheureux  captifs  en  Berbérie,  en  faisant  connaître  à  quels  dangers 
leur  foi  est  sans  cesse  exposée,  II  provoque  ainsi  un  élan  de  charité 
chrétienne  et  prépare  les  voies  à  une  Rédemption.  M.  Yver,  l'érudit  pro- 
fesseur d'histoire  de  la  Faculté  des  Lettres  d'Alger,  a  fait  une  obsex'va- 
tion  du  même  genre  dans  sou  édition  d'une  rr  Rédemption  à  Alger,  en 
1718:, '^>. 

Puis  Haëdo  ne  savait  pas  le  turc.  II  ignorait  très  certainement  l'in- 
sci'iption  du  fort  de  Bab  el  Oued  et  ne  soupçonnait  par  l'erreur  signalée 
plus  haut  sur  la  date  de  l'exécution.  Trompé  également  de  bonne  foi  sur 
les  lieux  de  l'emmurement,  il  avait  annoncé  avec  une  conviction  sincère 
les  signes  caractéristiques  du  corps  et  l'endroit  où  on  le  retrouverait .  . . 
En  i853,  on  ne  savait  pas  qu'il  y  eût  d'autres  squelettes  emmurés, 
comme  l'ont  montré  les  démolitions  ultérieures.  Aussi ,  quand  on  mit  au 
jour  celui  du  fort  des  Vingt-quatre  heures,  et  bien  qu'il  n'eût  pas  été 
trouvé  à  la  place  annoncée  par  Haëdo ,  on  ne  douta  pas  que  ce  fût  celui 
de  Geronimo.  La  responsabilité  de  cette  erreur  incombe  tout  entière 
à  Berbrugger  '^K  II  en  imposa  à  l'opinion  par  l'autorité  qui  s'attachait  à 
son  nom  et  que  lui  valaient  d'autres  découvertes  archéologiques  à  l'abri 

(')  G.  BnLïNE,  Civitates  orbis  tcrraritm.  Coionia,'  1572-81,  /i  vol.  en  a  gros 
tomes  in-foi.;  Paris,  I^e  Glievalier. 

(")  Annales  universitaires  de  l'Algérie,  mars  1916,  p.  197-235,  cher  Jour- 
dan,  Alger. 

(')  Geronimo,  le  martyr  du  fort  des  Vin^ri-qmilre  heures  à  Al<>er  :  1°  La  décou- 
verte de  son  corps:  2"  Sa  vie  de  i542  à  1569.  Pièces  ù  l'appui,  par  A.  Bi;r.- 
uituiiGKr. ,  Alger,  1859. 


HISTOIRE  DES  PACHAS  D'ALGER  DE  1515  A  17^15.  233 

de  toute  critique.  Le  pius  grave,  c'est  qu'il  entraîna  la  conviction  de 
M"'  Pavy,  évêque  d'Alger,  qui  procéda  en  grande  pompe  à  l'enlèvement 
du  squelette  et  le  fit  transporter  le  28  mai  i854  à  la  cathédrale,  où, 
quelques  années  après,  un  monument  fut  élevé  pour  en  perpétuer  le 
souvenir.  Le  clergé  français  fut  ainsi  engagé  dans  une  voie  opposée  à  sa 
prudence  habituelle. 

Au  moment  oii  j'écris  ces  lignes,  il  me  revient  que  la  Cour  de  Rome 
a  ordonné  d'instruire  le  procès  de  Geronimo  aux  fins  de  canonisation. 
J'émets  le  vœu  que  les  personnes  qui  en  ont  été  chargées  et  dont  la 
bonne  foi  est  indiscutable  soient  mises  sur  leurs  gardes  et  évitent  de 
provoquer  une  décision  qui  rendrait  l'erreur  plus  difficile  à  réparer  et 
risquerait  de  soulever  une  polémique  fâcheuse  à  tous  les  points  de  vue. 


L'ETUDE 
DES  LANGUES    NÉGRO-AFRICAINES'^' 

DE    182^2   À    1922, 


PAR 


IVI.   MAURICE   DELAFOSSE. 


Tl  est  permis  de  dire  qu'au  moment  où  s'est  fondée  la 
Société  AsKit/ijue,  la  connaissance  des  langues  négro-africaines 
était  à  peu  près  nulle.  On  cite  un  dictionnaire  k  français-gui- 
néen»  de  ibMi,  qui  se  trouve  dans  un  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque nationale.  De  très  rares  ouvrages  avaient  été  publiés 
dans  la  seconde  moitié  du  xvn"  siècle  sur  quelques  parlers  des 
côtes  de  Guinée,  tels  qu'une  grammaire  en  latin  de  la  langue 
du  bas  Congo  par  le  Père  Brusciotto  en  lôBcj,  un  vocabulaire 
en  allemand  du  dialecte  fétou  (Côte  d'Or)  par  W.  Mùller  en 
iGyO  ,  une  grammaire  en  portugais  de  la  langue  d'Angola  par 
le  Père  Pedro  de  Dias  en  1697.  Quelques  autres  travaux, 
datant  de  la  même  période,  étaient  restés  à  l'état  de  manu- 
scrits, tels  qu'un  vocabulaire  en  français  des  langues  ouolove, 
mandingue,  peule,  sérère,  sarakollé,  bagnoun  et  lloupe, 
recueilli  pour  le  compte  de  la  Compagnie  Royale  du  Sénégal 


<')   Il  n'esl  pas  (juesliou  ici  des  langues  sémiliques  jiarlt''cs  en  Afrique  ni  des 
langues  liaiiiititjucs  (|[r()ii)i('  liliyro-liorb^re  cl  «jrotipe  (iricnlal  ou  koucliilique). 


L'ETUDE  DES  LANGUES  NEGRO-AFRIGAINES  DE   1822  A   1922.     235 

vers  i65o  et  publié  seulement  en  i8/i5  par  la  Société  ethno- 
logique de  Paris  ;  un  dictionnaire  congo-français  sans  nom  d'au- 
teur et  sans  date;  un  dictionnaire  italien-nubien  composé  en 
iGoo  par  Carradori  di  Pistoia. 

Au  siècle  suivant  parurent  quelques  récits  de  voyageurs 
renfermant  de  courtes  listes  de  mots,  puis  des  nomenclatures 
de  toutes  les  lanjjues  alors  connues  ou  simplement  soupçon- 
nées, dont  la  première  ayant  mentionné  quelques  parlers  négro- 
africains  paraît  être  le  Glossarium  comparalum  linguarum  totius 
orhis,  publié  en  lyS'y  à  Saint-Pétersbourg. 

Les  débuts  du  xix''  siècle  virent  apparaître  quelques  explora- 
teurs qui,  au  cours  de  leurs  voyages  en  Afrique,  glanèrent 
des  mots  appartenant  à  des  idiomes  jusqu'alors  ignorés,  et  ces 
bribes  de  vocabulaires,  sans  grande  valeur  en  général,  furent 
incorporées  dans  le  fameux  Mithriilates ,  dont  le  premier  volume 
fut  publié  à  Leipzig  en  i8o6  par  Adelung  l'aîné,  le  deuxième 
en  i8oc)  par  Vater,  le  troisième  eii  i8i6  et  le  quatriènie  en 
i8i8  par  Vater  et  Adelung  le  jeune.  Tout  ce  que  l'on  savait 
on  Europe  en  182a  concernant  les  langues  des  noirs  de 
l'Afrique  se  trouvait  renfermé  dans  cette  compilation,  bien 
oubliée  de  nos  jours,  mais  qui  présentait  à  l'époque  un  intérêt 
réel  et  qui,  quelques  années  plus  tard,  en  i8u6,  fut  utilisée 
par  Baibi  pour  l'établissement  des  cinij  cartes  africaines  de  son. 
Atlas  ethnologique. 

Eii  réalité,  et  abstraction  faite  des  travaux  du  xvif  siècle 
mentionnés  plus  baut,  mais  demeurés  à  peu  près  inconnue, 
ainsi  que  de  quelques  grammaires  datant  du  début  du  xiv"  siècle 
(grammaire  bounda  de  Cannecattim  de  i8o4  et  grammaire 
boulom  de  jNylander  de  181/1),  tout  se  résumait  à  une  qua- 
ranlaine  de  noms  de  langues  ou  dialectes  et,  pour  quelques-uns 
de  ces  parlers ,  à  de  courtes  listes  de  mots  plus  ou  moins  cor- 
rects et  plus  ou  moins  bien  transcrits,  sans  qu'aucune  tenta- 
tive eût  été  faite  pour  l'étude  proprement  dile  de  ces  parlers 


236  AVRIL-JUIN    1922. 

ni,  à  plus  forte  raison,  pour  une  élude  d'ensemble  offrant  des 
analogies  même  lointaines  avec  la  grammaire  comparée. 

A  partir  de  1892,  les  contributions  à  la  connaissance  des 
langues  nègres  vont  se  multiplier  et  s'élargir  peu  à  peu.  En 
182 'y,  Mrs.  Hannali  Kilbam  publiait  un  assez  médiocre  recueil 
de  mots  en  un  certain  nombre  d'idiomes  ouest-africains,  dont 
une  seconde  édition,  augmentée  de  quelques  phrases  simples, 
parut  en  1821.  En  18/11,  un  vrai  savant,  Norris,  faisait 
paraître  à  son  tour  une  collection  de  vocabulaires  plus  étendus 
et  mieux  contrôlés  et  faisait  réaliser  un  progrès  sensible  à  la 
linguistique  africaine. 

L'état  des  connaissances  européennes  en  la  matière  a  été 
fort  bien  résumé  en  18/1  y,  au  congrès  d'Oxford  de  l'Associa- 
tion Britannique ,  par  un  rapport  de  Latbam  intitulé  :  On  the 
présent  state  and  récent  progress  of  ethnographical  philolngij  as 
relating  to  Africa  alone.  La  même  année,  Julg  donnait  une 
seconde  édition  de  la  bibliographie  linguistique  de  Vater. 

En  18/19  paraissait  un  petit  volume  publié  par  le  mission- 
naire Clarke  sous  le  titre  un  peu  long  de  Spécimens  ofdialects, 
short  vocahularies  of  Janguages  and  notes  of  countnes  and  customs 
in  Africa,  où  se  trouvent  accumulés  sans  ordre  dix  mots  en 
deux  cent  quatre-vingt-quatorze  langues  ou  dialectes,  les 
nombres  de  1  à  1  0  en  trois  cent  trente-huit  idiomes,  vingt  et 
un  mots  en  trente-six  langues  et  quelques  mots  et  expressions 
en  vingt  autres  langues,  avec  un  index  alphabétique  des  con- 
trées ou  villages  où  sont  parlées  ces  langues  et  une  liste  des 
parlers  africains  connus  de  l'auteur.  Il  est  certain  que  cette 
compilation  a  dû  donner  bien  du  mal  au  Rév.  John  Clarke, 
mais  elle  n'a  rendu  que  bien  peu  de  services.  Les  langues  y 
figurent  sous  des  noms  souvent  erronés,  le  même  nom  étant 
apphqué  à  des  parlers  très  différents  et  le  même  idiome  étant 
mentionné  à  diverses  reprises  sous  des  appellations  dissem- 
blables. La  localisation  des  langues  est  vague  et  généralement 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  NEGHO-AFRICAINES  DE   1822  A   1922.     237 

incompréhensible.  Les  mots  cités  sont  orthographiés  sans 
méthode  et  ne  répondent  pas  toujours  à  la  traduction  anglaise 
au-dessous  de  laquelle  ils  sont  inscrits. 

Un  travail  du  même  genre,  mais  bien  supérieur  à  tous 
égards  et  d'une  autre  envergure,  parut  cinq  ans  plus  tard 
(i85A)  :  la  célèbre  Polyghltd  africnna  du  Rév.  S.  W.  Koelle, 
immense  in-folio  de  i88  pages,  véritable  œuvre  de  bénédictin, 
donnant  environ  trois  cents  mots  ou  locutions  en  anglais,  avec 
leurs  correspondants  en  plus  de  cent  langues  ou  dialectes  afri- 
cains que  l'auteur  a  essayé  de  classer  d'après  leurs  alïlnités 
respectives.  Des  noies  très  consciencieuses  exposent  la  façon 
dont  chaque  vocabulaire  a  été  recueilli,  précise  le  degré  de 
créance  qui  peut  être  accordé  aux  informateurs  et  indique  la 
région  d'où  provenaient  ces  derniers.  Une  carte  linguistique 
termine  l'ouvrage;  elle  fut,  à  l'époque  oii  elle  parut,  une  révé- 
lation, et,  même  aujourd'hui,  elle  peut  être  considérée,  dans 
son  ensemble,  comme  approximativement  exacte.  Le  système 
de  transcription,  unique  pour  toutes  les  langues  étudiées,  est 
d'une  très  grande  précision.  Les  mots  dont  Koelle  n'était  pas 
sûr  sont  marqués  d'un  point  d'interrogation.  L'œuvre  tout 
entière  porte  le  sceau  de  la  conscience  la  plus  scrupuleuse. 
Malheureusement,  elle  a  été  faite  dans  des  conditions  très 
défavorables  :  c'est  à  Sierra-Leone,  auprès  d'esclaves  libérés 
dont  la  plupart  avaient  quitté  leur  pays  d'origine  depuis  de 
longues  années,  que  l'auteur  a  recueilli  ses  cent  vocabulaires; 
aussi  n'est-il  pas  possible  de  leur  accorder  une  confiance  abso- 
lue. Néanmoins,  cette  publication  réalisait,  comparativement 
aux  compilations  antérieures,  un  immense  progrès,  parce 
qu'elle  avait  été  faite  par  un  linguiste  averti.  Elle  fournissait 
des  matériaux,  imparfaits  sans  doute,  mais  utilisables  cepen- 
dant pour  un  premier  essai  de  comparaison  entre  elles  des 
langues  négru-africaines,  et  surtout  une  base  pour  les  cher- 
cheurs de  i)oniie  volonté  qui  se  trouvaient  en  situation  de  pous- 


2â8  AVÏ^IL-JUIN   1922. 

ser  plus  à  fond  l'étude  de  l'un  ou  l'autre  des  parlers  révélés 
par  Koelle.  De  nos  jours  encore,  il  est  bien  des  idiomes  afri- 
cains sur  lesquels  nous  ne  possédons  pas  d'autres  renseigne- 
ments que  ceux  qu'à  fourrtis,  dès  i856,  à  force  de  patience, 
fcë  remarquable  travailleur.  En  matière  de  lexicographie  afrî' 
caitiê.  koelle  fut  un  initiateur  et  un  maître. 

Il  fut  d'ailleurs  autre  chose.  Dès  1869,  il  avait,  sur  les 
indications  de  Forbes  et  de  Norris,  étudié  et  publié  le  système 
d'écriture  syllabique  inventé  et  employé,  pour  écrire  leur 
langue,  peir  les  Vaï  de  la  région  dé  Gape-Mount  (Libéria  et 
Sierra-Leone)  et,  l'année  même  où  paraissait  sa  Pohjglotla 
nfricana,  il  donnait  une  grammaire  et  un  dictionnaife  de  la 
langue  vaï  et  montrait  la  voie  à  suivre  pour  l'étude  raisonnée 
des  langues  dépourvues  de  littérature  écrite,  en  publiant  toute 
Une  série  de  fables,  contes,  proverbes  et  récits  en  langue 
kartouri  (Bornou),  recueillis  de  la  bouche  d'indigènes,  accom- 
pagnés d'une  Iraduclion  anglaise,  d'un  lexique  et  d'une  gram- 
maire. 

Tandis  que  Koelle  inaugurait  ainsi,  de  façon  magistrale, 
une  été  nouvelle j  le  docteur  Barth,  qui  fui,  lui,  un  initiateur 
et  un  maître  en  fait  d'exploration  africaine,  recueillait  au  Sou- 
dan les  éléments  d'un  monument  linguistique  d'un  autre  ordre, 
qui  parut  à  Gotha  de  186a  à  1 80 6,  en  allemand  et  en  anglais, 
souS  le  titre  de  Sdmmhng  und  Bearbeittntg  Central- Afrikûnischer 
Vohûhulnrien  ou  Collection  of  vocabuinriés  of  Centml^AJrican  lan- 
g^tagcs.  Avec  Barth,  nous  quittons  le  domaine  des  listes  de 
mots  pour  entrer  dans  celui  de  l'étude  systématique  des  langues. 
A  vfai  dire,  ce  dertiier  domaine  n'était  pas  entièrement  nou- 
veau. Sans  remonter  jusqu'aux  grammaires  congolaise  et  ango- 
laise du  \vU'  siècle,  des  travaux  de  valeur  avaient  été  publiés 
déjà  antérieurement  à  i8(J2  :  la  grammaire  bounda  de  Can- 
necattitrt  (1806)  et  la  grammaire  boulom  de  Nylànder  (iSi'i) 
ont  été  hientiotitiées  plus  haut;  il  convient  de  signaler  en  outre 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  NÉGRO-AFIUCAINÉS  DK  18-22  À  1922.     230 

la  gratnnifiifë  oubloVe  de  Dard  (iSaB),  les  remarquables 
Recherches  philosophKjues  sur  la  langue  ouolofe  du  baron  Pioger 
(i8y())  et  laciirieusé,  quoique  un  peu  fantaisiste,  Grammaire 
(le  la  langue  ivoloffe  de  l'abbé  Boilal  (i858),  les  publications 
de  Klaprotli  (i  8^6)  et  surtout  de  Koclle  (i  85 /j),  déjà  nommé, 
sur  le  kanouri,  de  l'Américain  Wilson  sur  le  grébo  (i8'i)3  à 
i8/i3)  et  sur  le  mandingue  comparé  âU  gfébo  et  au  pongoué 
(1867),  de  Macbrair  sur  le  tiiandingué  (iSS-y)  et  sur  le  peul 
(i85/i),  de  d'Avezac  sur  le  yébou  (i8/i4),  de  Glarke,  déjà 
nommé  aussi,  sUr  la  langue  de  Fernando-Po  (1868),  de 
Kôhler  sur  l'idjo  de  Borirly  (t  848),  de  Crowther  siifle  yoi'ouba 
(1853),  de  Schlenker  sur  le  tininé  (i85/i),  de  Riis  sur  le 
Iclii  (i85/i),  de  Krapf  (i85/i)  et  d'Erbardt  (1867)  siir  le 
kouafi  et  le  massai,  de  Schlegel  sur  l'éhoué  (i856),  de  Ziw^ 
mermann  sur  le  gan  d'Accra  (i858),  dé  C.  J*  Réichardt  sUr 
le  peul  (18 5 9),  de  Schoeh  tûv  l'ibo  (i86i),  etc.,  etj  en  de 
qui  Concerne  les  langues  du  groupe  bantou,  dont  l'étude  était 
déjà  fort  en  avance  à  cette  époque  sur  celle  des  autres  Ifcmgues 
nègres,  lés  grammaii^es  tchduarlà  d'Arcbbcll  (1807),  sOUto  de 
Casalis  (18/11),  kahlba  d'Ewald  (1876),  pongoiié  dé  Wilson 
(18/17),  zoulou  de  Scbreuder  (i85o),  khossa-kalir  d'Apple- 
yard  (i85oj,  souahiii  de  krapf  (i85o),  isoubou  de  Merrick 
(i85/i),  douala  de  Saker  (i855),  benga  de  Mackèy  (i8B5)', 
héféro  de  Hahn  (1867),  zoulou  de  Grout  (l85())  et  de 
Colenso  (nlême  anHée)^  eliiih,  relativement  aux  bmgues  des 
Hottentots  et  Busbmen,  les  travaux  de  Wallmann  (1856-1857) 
dtdeTindall(i857). 

Ce  qui  distingue  Barth  de  ses  devanciers  en  liilglùstique 
africaine,  c'est  d'une  part  (pi'il  a  étudié  côte  Ô  ('/»te  plusieurs 
langues  importantes  —  le  kanouri,  le  téda,  le  haoussa,  le 
peuli  lé  songoïj  lé  logohe,  le  Wandala  ou  mandara,  le  baguir- 
mien  et  le  màba  du  Oiiadaï  —  et  a  fait  entre  elles  des  rappro- 
ch(!nients  ingénieux  et  utib's,  d'autre  part  qu'il  a  conduit  ses 


2A0  AVRIL-JUIN    1922. 

enquêtes  ot  ses  travaux  avec  une  méthode  scientifique  dont 
manquaient  beaucoup  de  ses  prédécesseurs.  Toutefois  l'on  a 
peut-être  professé  pour  son  Snmmlung  une  admiration  exagérée. 
Comme  explorateur,  Barth  fut  incontestablement  un  maître. 
Comme  linguiste,  il  fut  loin  d'être  à  l'abri  de  tout  reproche  et 
le  nombre  des  erreurs  qu'il  a  commises  se  révèle  de  plus  en 
plus  considérable  au  fur  et  à  mesure  que  les  langues  dont  il  a 
abordé  l'étude  sont  mieux  connues.  Encore  a-t-il  eu  l'indéniable 
mérite  d'avoir  été  un  précurseur  pour  cinq  au  moins  d'entre 
elles  et,  pour  toutes,  d'avoir  tracé  une  voie  dans  laquelle  ceux 
qui  sont  venus  après  lui  n'ont  eu  qu'à  le  suivre. 

11  avait,  au  cours  de  ses  voyages,  récolté  un  grand  nombre 
de  vocabulaires  que  la  mort  l'empêcha  de  publier;  on  les 
croyait  perdus  et  l'on  pensait  généralement  que  leur  dispari- 
tion était  une  grande  perte  pour  la  science.  Cependant,  ils  ont 
été  retrouvés  et  publiés  en  1912  par  P.  Askell  Benton  :  leur 
importance  et  leur  valeur  sont  loin  de  répondre  à  ce  qu'on 
avait  imaginé. 

Quoi  qu'il  en  soil  et  quelque  mérite  qu'il  convienne  de 
reconnaître  à  l'œuvre  de  Barth,  ce  n'était  pas  encore  de  la 
grammaire  comparée.  C'est  à  son  contemporain,  l'Anglais 
Bleek,  qu'il  faut  se  reporter  pour  l'entrée  en  scène  de  ce 
troisième  et  nouvel  aspect  des  études  de  linguistique  négro- 
africaine.  En  1862  paraissait  la  première  partie  de  sa  Compa- 
rative Grammav  of  ihe  Soufh-Afncan  languages,  qui  a  posé  les 
principes  de  l'important  groupe  bantou;  la  seconde  partie 
voyait  le  jour  en  1869.  Deux  ans  auparavant,  en  1867,  l'Alle- 
mand Steinthal  avait  fixé  les  bases  d'un  groupe  soudanais,  celui 
des  langues  dites  mandé. 

Un  autre  nom,  dans  cette  féconde  période  de  la  seconde 
moitié  du  xix*  siècle,  est  à  associer  à  ceux  de  Koelle,  de 
Barth,  de  Bleek  et  de  Steinthal  :  c'est  celui  du  missionnaire 
anglais  Schocn.  Donnant  un  nouvel  essor  au  procédé  inauguré 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  NÉGUO-AFRICAlNES  DE  1822  À  1922.     241 

•par  Koelle  en  i854  dans  ses  (ravaux  sur  le  kanouri,  procédé 
sans  lequel  les  meilleurs  etTorls  sont  condamnés  à  demeurer 
stériles,  Schoen  recueillit  et  publia  des  textes  en  abondance. 
Sa  grammaire  haoussa,  parue  en  i86ii,  n'est  sans  doute  pas 
la  meilleure  qui  ait  été  donnée  de  cette  langue,  mais  elle  a 
l'avantage  de  renfermer  des  textes;  il  en  publia  de  nouveaux 
dans  son  Hausn  reading-hook  de  1877  ^^  dans  son  Appendix 
lo  the  dictwnary  0/  the  Hausa  language  de  1888,  mais  surtout 
dans  son  admirable  Magana  Hausn  de  i885,  qui  a  permis 
aux  linguistes  professionnels  de  tous  les  pays  d'acquérir  et  de 
communiquer  de  la  langue  haoussa  une  connaissance  qui  n'a 
plus  aujourd'hui  beaucoup  de  progrès  à  réaliser  et  à  laquelle 
nous  ne  serions  jamais  parvenus  sans  les  copieux  et  excellents 
matériaux  mis  à  notre  disposition  par  Schoen  et,  bien  après 
lui,  par  les  Anglais  Robinson,  Harris,  Charlton,  Miller, 
G.  Merrick,  Brooks  et  Nott,  Fletcher,  Tremearne,  Raltray, 
Edgar  et  Burdon,  King,  les  Allemands  Prietze,  Marré,  Lip- 
perl,  Mischlich,  les  Français  Landeroin  et  Tilho. 

Avec  Schoen,  la  linguistique  négro-africaine  entre  décidé- 
ment dans  une  voie  nouvelle.  Le  règne  trompeur  des  simples 
vocabulaires  est  terminé,  comme  ceux  des  grammaires  sque- 
lettiques  et  des  généralisations  hâtives.  L'on  s'aperçoit  que  des 
textes  sont  nécessaires  et,  puisqu'il  s'agit  de  langues  parlées, 
chacun  fait  de  son  mieux  pour  recueillir  oralement  ou  pour 
faire  écrire  par  quelques  indigènes  lettrés  des  récits,  des 
contes,  des  fables,  des  proverbes,  qui  vont  enrichir  de  plus 
en  plus  nos  bibliothèques  et  fournir  des  matériaux  sohdes  pour 
l'étude  raisonnée  de  chaque  langue  comme  pour  l'étude  com- 
parée des  groupes. 

Quel  écart  entre  la  connaissance  des  langues  africaines  à 

l'époque  des  dernières  publications  de  Schoen  et  celle  que  nous 

constatons  à  l'époque  actuelle!  En  trente-cinq  ans,  ce  domaine 

de  la  linguistique,  si  négligé  naguère,  a  fait  au  moins  dix  fois 

xi\.  1 6 


2/it)  AVRIL-JUIN    1922. 

plus  de  progrès  qu'il  n'en  avait  fait  en  deux  siècles.  Il  suffit, 
pour  s'en  rendre  compte,  de  se  reporter  à  un  ouvrage  qui  a 
fait  date  dans  l'histoire  de  la  linguistique  africaine  et  qui, 
aujourd'hui,  nous  apparaît  bien  vieilli  et  bien  désuet,  le  livre 
de  Cust  sur  les  Modem  languages  ofAfrica,  paru  en  i883. 

La  partie  bibliographique  de  cette  publication  oflVe  un 
intérêt  rétrospectif  et,  en  quelque  sorte,  archéologique,  du  fait 
qu'elle  présente  le  tableau,  à  peu  près  complet,  de  toute  la 
documentation  réunie,  antérieurement  à  i883,surles  langues 
de  l'Afrique  :  les  listes  de  mots,  les  numérotations  en  divers 
idiomes,  les  simples  notes  jetées  en  passant  par  les  voyageurs, 
les  compilations  faites  sans  esprit  scientifique  en  constituent  la 
majeure  partie,  avec  les  références  à  la  PohjghUa  de  Koelle  ou 
au  très  médiocre  recueil  de  Clarke.  Quelques  collections  de 
vocabulaires  d'une  réelle  valeur  y  apparaissent  cependant, 
telles  que  celles  de  Koenig  (182/1  et  1889),  de  Krapf  (i85o 
et  1860),  de  Baikie  {i85(j),  de  Schweinfurth  (1873),  de 
Halévy  (1875].  Les  grammaires  sont  relativement  nombreuses; 
en  plus  de  celles,  citées  plus  haut,  antérieures  à  l'ouvrage  de 
Barth,  on  y  voit  mentionnés  les  travaux  de  Payne  sur  le  grébo 
(i8()0  à  i8()7),  de  Growther  sur  le  noupé  (i5G/i),~de 
Fr.  MuUer  (i8(j/i)  et  de  Mitterulzner  (1867)  sur  lu  bari,  du 
même  Mitterulzner  (i86(>)  et  de  Beltrame  (1880)  sur  le 
dinka,  de  Goldic  (18G8  et  187A)  sur  l'éfik,  de  M"'"  Kobès 
sur  le  ouolof  (18G9),  du  Père  Lamoise  sur  le  sérère  (1870), 
de  Léo  Ueinisch  sur  le  baria  (187/1),  ^^  nouba  (187(1)  ^^  ^^ 
kounama  (1881),  de  Faidherbe  (1876)  et  de  C.-A.  L.  Rei- 
chardt  (187G)  sur  le  peul,  de  Gbristaller  sur  le  tchi  (1876), 
de  Lepsius  sur  le  nouba  (1880),  de  l'abbé  Bouche  sur  le 
yorouba  (1880),  du  Père  Courdioux  sur  le  dahoméen  (1881). 
On  y  relève  aussi,  à  côté  des  ouvrages  de  Barth  et  de  Stcin- 
thai,  les  publications  de  Munzinger  sur  les  langues  de  l'Afrique 
Orientale  (i8G/»)el  de  Fr.  Miiller  sur  les  langues  krou  (1877) 


L'ETUDE  DES  LANGUES  NEGRO-AFIUGAINES  DE   1822  A   1922.     2/13 

et  sur  les  langues  du  haut  Nil  (1877  ^^  ^^79)'  I^nfi"^  ^^i  biblio- 
graphie du  groupe  hantou  s'enrichit,  en  dehors  des  ouvrages 
de  Bleek,  des  travaux  d'ensemble  de  Fr.  Millier  (1877)  et  de 
Bûttner  (1881)  et  des  études  spéciales  de  Steere  sur  le  chani- 
bala(i8G7),  le  souahili  (1870,  1876  et  18812  ),  le  yao  (1871) 
et  le  kondé  (  1 8  7  6  ) ,  du  Père  Le  Berre  sur  le  pongoué  (1876), 
de  Procter  et  Blair  (  1 8  7  5  )  et  de  Riddei  (1880)  sur  le  nganga , 
d'Enderaann  sur  le  souto  (i87()),  de  Maples  sur  le  lomoué 
(1880),  de  C.  T.  Wilson  sur  le  ganda  (1882),  de  Woodward 
sur  le  bondeï  (1882),  auxquelles  il  faut  ajouter  les  grammaires 
hottentotes  du  comte  de  Gharencey(i86i^»)  et  de  Hahn  (1871). 
Cette  liste,  dont  ne  sont  reproduits  ici  que  les  noms  les  plus 
saillants,  est  lein  d'être  négligeable;  mais  combien  elle  est 
courte,  comparée  à  celle  qui  pourrait  être  étabhe  des  ouvrages 
publiés  de  i883  à  nos  jours!  Dès  1898,  d'ailleurs,  Cust  était 
obligé  de  donner  à  son  livre  un  fort  supplément. 

Sa  classification  offre  beaucoup  moins  d'intérêt  que  sa 
bibliographie.  A  Tépoque  où  elle  parut,  il  sembla  qu'elle  réa- 
lisait un  progrès  sensible  sur  les  tentatives  antérieures,  mais, 
à  la  lumière  de  la  science  actuelle ,  elle  apparaît  remplie  d'er- 
reurs dont  certaines  sont  imputables  à  l'insuffisance  delà  docu- 
mentation que  possédait  Cust  et  dont  d'autres  sont  moins  aisé- 
ment explicables.  C'est  ainsi  qu'il  range  parmi  les  langues 
hamitiques,  avec  le  saho  et  l'agaou,  le  baria  et  le  kounama, 
sur  lesquels  il  avait  pourtant  les  travaux  de  Reinisch  et  qui 
sont  des  langues  nègres  du  même  groupe  que  le  nouba.  11  a 
inventé  le  fameux  groupe  w  nouba-foula  ?5 ,  qui  peut  se  soutenir 
peut-être  du  point  de  vue  anthropologique  —  bien  que  ce  ne 
soit  pas  certam  —  mais  qui  n'a  absolument  aucune  consistance 
au  pojot  de  vue  linguistique;  on  y  trouve  appariées  des  langues 
n'ayant  pas  entre  elles  d'autre  ben  que  d'appartenir  à  la  grande 
famille  négro-africainc  —  dont  il  les  exclut,  du  reste,  — et 
il  n'y  a  nulle  raison  de  ranger  dans  un  même  groupe  le  nouba, 

iG. 


"ïlxix  AVRIL-JUIN  1922. 

le  massaï,  le  berla  (dialecte  dinka),  le  nyamnyam  ou  zandé  et 
le  peul,  qui  sont  les  prototypes  de  cinq  groupes  tout  à  fait 
distincts,  tandis  qu'il  aurait  convenu  de  placer  sous  une  même 
étiquette  le  nouba  et  le  kanouri,  sous  une  autre  le  massai'  et 
le  bari,  sous  une  Iroisième  le  berta  et  le  chilouk,  sous  une 
quatrième  le  zandé  et  le  banda,  sous  une  cinquième  le  peul 
et  le  sérère.  On  se  demande  également  pourquoi  il  a  classé 
cette  dernière  langue  et  ses  parentes  pêle-mêle  avec  les  langues 
mandé,  qui  en  diffèrent  essentiellement;  pourquoi  il  n'a  pas 
distingué  les  langues  krou  du  groupe  renfermant  le  tchi  et 
l'éhoué,  ni  de  celui  si  spécial  des  langues  voltaïques,  ni  de 
celui  que  représente  le  yorouba.  Il  a  d'ailleurs  scindé  en  trois 
ce  dernier  groupe,  mettant  dans  une  section  k  yorouba,  dans 
une  autre  Tizékiri  ou  dyékri  (qui  n'est  qu'une  variété  du 
yorouba  et  qu'il  place  avec  l'idjo,  lequel  constitue  un  groupe 
à  part)  et  dans  une  troisième  l'éfik  et  d'autres  parlers  proches 
du  yorouba.  Le  songoï,  le  haoussa,  le  kanouri,  le  baguir- 
mien,  qui  relèvent  de  quatre  groupes  distincts,  sont  rangés 
ensemble  dans  un  même  sous-groupe,  comme  le  bari,  le  chi- 
louk et  le  bongo,  qu'il  aurait  fallu  classer  sous  trois  étiquettes 
différentes.  L'ensemble  forme  une  mosaïque  plus  confuse 
encore  que  celle  de  Koelle,  que,  comme  Barth,  Cust  critique 
avec  trop  d'âpreté.  Seul,  son  groupe  bantou  —  dont  il  fait  à 
tort  une  «famille 55  qu'il  oppose  au  «groupe  nègre 55  —  est 
à  peu  près  irréprochable,  encore  qu'il  y  ait  fait  entrer  des 
langues  de  l'Est  Africain  et  des  langues  du  Cameroun  qui  ne 
sont  point  bantou. 

Cependant,  c'est  cette  classification  plus  que  médiocre  qui 
a  fait  autorité  en  bien  des  milieux  jus(ju'en  ces  dernières  années. 
A  vrai  dire,  de  188A  à  1910,  on  s'est  surtout  préoccupé  de 
combler  les  lacunes  considérables  qui  existaient  dans  la  con- 
naissance des  langues  négro-africaines  considérées  chacune  en 
elle-même.  La  plupart  de  ces  vides  ont  été  remplis  par  des 


LETUDE  DES  LANGUES  NEGRO-AFRICAINES  DE  1822  À   1922.     245 

{grammaires,  des  dictionnaires  et  surtout  des  textes  nombreux, 
colligés  et  transcrits  avec  soin,  ainsi  que  par  des  notes  et  des 
vocabulaires  se  rapportant  à  des  idiomes  dont,  auparavant, 
on  ne  soupçonnait  pas  l'existence.  Il  ne  se  passe  guère  d'année, 
à  présent  encore,  qui  ne  nous  révèle  une  langue  négro-afri- 
caine  jusque  là  inconnue.  De  plus,  l'on  s'est  mis  à  traiter,  soit 
pour  un  parler  particulier,  soit  pour  un  ensemble  d'idiomes, 
des  questions  spéciales  d'ordre  phonétique  ou  grammatical, 
telles  que  les  mutations  de  certains  phonèmes,  le  rôle  des  pro- 
noms, la  formation  du  pluriel,  etc. 

Il  est  matériellement  impossible  de  relater  ici  les  titres  ou 
seulement  les  noms  des  auteurs  des  innombrables  publications 
en  toutes  langues  qui  ont  tellement  accru  nos  connaissances  en 
matière  ih  linguistique  négro-africaine  depuis  l'apparition  du 
travail  de  Cust.  Anglais,  Allemands  et  Français,  aidés  de  quel- 
ques Belges,  Italiens,  Portugais  et  même  de  quelques  indigènes 
africains,  ont  rivalisé  de  zèle.  L'œuvre  de  nos  compatriotes, 
qui,  au  début,  semblait  noyée  dans  celle  des  Anglais,  s'est 
manifestée  l'une  des  plus  abondantes  et  des  meilleures,  quoique 
la  plus  élémentaire  justice  nous  oblige  à  signaler  l'elTort  vrai- 
ment remarquable  et  fécond  accompli  en  Allemagne  durant  la 
même  période. 

C'est  à  des  Anglais  que  nous  sommes  redevables  des  prin- 
cipaux matériaux  concernant  le  massai  et  les  parlers  voisins, 
les  nombreux  idiomes  du  bas  Niger,  de  la  Bénoué  et  du  Cala- 
bar,  plusieurs  langues  proches  parentes  du  haoussa  et  parais- 
sant être  demeurées  à  un  stade  plus  ancien,  puis  letimné,  le 
mendé  et  d'autres  parlers  du  Sierra-Leone,  quelques  langues 
du  groupe  voltaïque  et  de  nombreux  dialectes  bantou. 

Ce  sont  des  Allemands  qui  nous  ont  révélé  le  groupe  des 
langues  à  classes  nominales  du  Kordofan  et  qui  ont  étudié  le 
plus  à  fond  l'éhoué  et  plusieurs  autres  parlers  du  Togo,  le  chi- 
louk  et  divers  idiomes  du  haut  Nil,   ainsi  ([ue  beaucoup  de 


2Afi  AVRIL-JUIN    1922. 

langues  ot  dialectes  bantoii  du  Cameroun,  du  Sud-Ouest  Afri- 
cain et  de  l'Afrique  Orientale.  L'étude  du  zandé  a  été  parache- 
vée par  des  Italiens  et  surtout  des  Belges. 

C'est  un  Français,  Henri  Gaden,  qui,  d'abord  dans  une 
note  publiée  en  1908  par  le  Journal  Asinlifjue,  puis  surtout 
dans  deux  remarquables  volumes  parus  en  1  9  1  3  et  1  9  i  /i ,  a 
fixé  définitivement  le  système  grammatical,  si  longtemps  con- 
troversé, de  la  langue  peule.  Ce  sont  deux  Français,  Lande- 
roin  et  Tilho,  qui  ont  donné  en  1  9 09- 1910  ce  qui  a  été  fait 
de  mieux  sur  la  langue  baoussa.  Ce  sont  deux  Français  encore, 
le  Père  Hacquard  et  Dupuis  qui,  ensemble  en  1897,  le  second 
en  1  91 1  et  191  7,  ont  déterminé  les  principes  de  la  langue 
songoï.  Ce  sont  des  missionnaires  français  - —  le  Père  Abiven, 
M*^"  Bazin  et  surtout  le  Père  Sauvant  —  qui  nous  ont  donné 
les  meilleurs  traités  de  la  langue  mandingue.  Ce  sont  des  Fran- 
çais aussi  qui  ont  les  premiers  révélé  l'existence  du  très  impor- 
tant groupe  des  langues  voltaïques  et  qui  ont  publié  les  tra- 
vaux les  mieux  faits  et  les  plus  complets  sur  le  ouolof,  lesérère, 
le  diola,  le  soussou,  le  néouolé  et  l'ensemble  des  langues  krou, 
l'agni,  le  dahoméen,  le  mossi,  le  sénoufo,  le  baguirmien,  le 
banda,  le  mandjia,  le  banziri,  le  sango,  le  fang,  le  pongoué, 
le  loango,  le  téké  et  plusieurs  langues  de  l'AfrKjue  du  Sud  et 
de  l'Afrique  Orientale.  C'est  une  Française  enfin,  iVl'^"  Hom- 
burger,  qui  a  reconstitué  la  phonétique  historique  du  bantou 
(1913)  et  qui  a  posé  les  premiers  jalons  de  la  voie  conduisant 
à  reconnaître  l'unité  de  toutes  les  langues  nègres  :  soudanaises, 
guinéennes  et  bantou. 

Le  domaine  de  la  grammaire  comparée,  qui,  au  début  du 
xx'  siècle,  était  encore  à  peu  près  vierge,  sauf  pour  ce  qui  est 
du  groupe  bantou,  a  été  sérieusement  exploré  et  défriché  au 
cours  dos  vingt  dernières  années.  Ueprenanl  les  travaux  déjà 
anciens  de  Bleek  (iSfia-iHfig)  et  ceux  plus  récents  de  Kolbe 
(1888)  et  de  Torrend  (1891),  l'Anglais  Madan  (de  190/1  à 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  NÉGRO-AFP.ICAINKS  DE  1822  À   1922.     247 

i()i5)  et  les  AHemands  Meinliof  (de  1899  '^  *9^^0'  ^^^^^^ 
(1908),  Endemann  (1911)  et  von  der  Velden  (191/1)  ont 
achevé  la  grammaire  comparée  des  langues  bantou  qui,  après 
le  travail  déjà  mentionné  de  M"''  Homburger,  peut  être  consi- 
dérée comme  acquise.  Il  convient  de  signaler,  à  ce  propos ,  les 
services  rendus  en  la  matière  par  la  Pohjglotta  nfn'cana  ormitahs 
de  Last(i885)  et  surtout  par  les  très  abondantes  contributions 
fournies  à  diverses  reprises  depuis  1886  et  tout  récemment 
encore  (1919,  1920  et  1921)  par  Sir  Harry  Johnston. 

Nous  sommes  beaucoup  moins  avancés  en  ce  qui  concerne 
les  langues  nègres  non-bantou.  Tandis  que  les  Français  se 
contentaient  pour  la  plupart  d'accumuler  des  matériaux  et  de 
suggérer  de  timides  hypothèses,  estimant  les  allirmalions  pré- 
maturées, de  savants  linguistes  allemands  se  montrèrent  plus 
hardis.  En  1911,  Westermann ,  auteur  de  travaux  de  premier 
ordre  sur  plusieurs  parlers  de  la  Guinée,  du  Soudan  et  de 
l'Afrique  Orientale,  entreprenait  une  étude  comparée  des  lan- 
gues qu'il  appelle  «soudanaises 55  et  cherchait  à  démontrer 
l'unité  d'origine  de  l'ensemble  des  idiomes  parlés  des  côtes  de 
la  Guinée  jusqu'au  Nil  et  au  delà,  par  une  comparaison  métho- 
dique de  huit  de  ces  idiomes  :  l'éhoué,  le  tchi,  le  gan,  le 
yorouba,  l'éfilv;,  le  kounama,  le  nouba  et  le  dinka.  Il  est  pei*- 
mis  de  lui  reprocher  de  n'avoir  fait  porter  son  enquête  que  sur 
quatre  groupes  (l'éhoué,  le  tchi  et  le  gan  appartenant  à  un 
môme  groupe,  le  yorouba  et  l'éfik  à  un  autre,  le  kounama  et 
le  nouba  à  un  troisième)  et  d'avoir  laissé  de  côté  les  douze  autres 
groupes  du  Soudan  et  de  la  Guinée  ou  de  n'y  avoir  fait  que 
des  allusions  fragmentaires.  Dans  ces  conditions,  on  peut  trou- 
ver exagérée  sa  prétention  d'avoir  voulu  reconstituer  un  ancien 
soudanais  commun,  d'autant  plus  que  Ton  se  demande  pour- 
quoi il  exclut  de  sa  iamille  «soudanaise»  le  peul,  le  haoussa 
et  le  massai'. 

L'explication  de  ce  triple  rejet  fut  fournie  l'année  suivante 


248  AVRIL-JUIN    192  2. 

(î  ()  t  a)  par  l'ouvrage  do  Meinhof  sur  les  langues  des  Hnmites. 
L'(''(ol('  allemande,  dont  Meinhof  est  le  chef  justement  estimé 
et  dont  Westermann  est  l'un  des  principaux  représentants, 
range  le  peul,  le  haoussa  et  le  massai  —  avec  le  hottentot  — 
dans  une  famille  qualifiée  de  «hamitiquè»  et  comprenant 
d'autre  part  le  berbère,  le  bédja,  le  bilin,  le  somali,  etc.  Or, 
si  quelques  particularités  du  haoussa  (notamment  ses  pronoms 
de  la  2^  personne  et  son  pronom  féminin  de  la  3*  personne 
du  singulier)  ont  pu  conduire  à  le  rapprocher  de  certaines  lan- 
gues dites  hamitiques,  il  se  trouve  que  ces  particularités  sont 
communes  à  des  langues  incontestablement  nègres,  comme  le 
bola  ou  bolantchi  entre  autres,  et  le  fait  que,  par  ailleurs,  ces 
langues  forment  avec  le  haoussa  un  groupe  à  caractères  lin- 
guistiques franchement  nègres  doit  faire  écarter  le  haoussa  du 
groupe  dit  hamilique.  Quant  au  peul  et  au  massai,  langues  à 
classes  nominales  bien  nettes,  rien  absolument  n'autorise  à  les 
distraire  de  l'ensemble  des  langues  négro-africaines,  compre- 
nant les  parlers  du  groupe  bantou.  Des  réserves  sont  à  faire 
en  ce  qui  concerne  le  hottentot.  Toujours  est-il  qu'il  n'est  pas 
possible  de  suivre  Meinhof  et  Westermann  dans  leur  essai  de 
classification,  bien  aue  leurs  travaux  aient  un  réel  mérite  et 
que,  en  suscitant  la  discussion,  ils  aient  fait  réaliser  à  la  science 
un  indéniable  progrès. 

Du  côté  anglais,  F.  W.  H.  Migeod  a  réuni  en  191 1-1918 
un  grand  nombre  de  matériaux  se  rapportant  à  l'étude  com- 
parée des  parlers  ouest-africains ,  Miss  Alice  Werner  a  entre- 
pris en  1  9 1  5  un  classement  de  toutes  les  langues  africaines  et 
Sir  Harry  Johnston  (1919-1921)  tend  à  ramener  au  groupe 
bantou  (juantifé  de  langues  qui  s'en  rapprochent  assurément, 
mais  seulement  dans  la  mesure  où  la  plupart  des  langues  négro- 
africaines  non-banlou  se  rapprochent  des  langues  négro-afri- 
caines bantou. 

L'école  française,  s'inspirant  à  la  fois  des  découvertes  et  des 


L'ÉTUDE  DES  LANGUES  NÉGRO-AFRICAINES  DE   1822  À   1922.     2^9 

erreurs  de  l'école  allemande  et  des  linguistes  anglais,  s'est  déci- 
dée à  dire  son  mot  à  son  tour.  Elle  prépare  en  ce  moment  les 
éléments  d'une  étude  d'ensemble  de  toutes  les  langues  qu'elle 
appelle  «négro-africaines??.  L'auteur  de  ces  lignes,  à  la  suite 
d'un  examen  attentif  portant  à  la  fois  sur  le  vocabulaire,  la 
phonéticnie,  la  morphologie  et  la  syntaxe  de  quatre  cent  vingt- 
cinq  langues  non-bantou  et  de  l'ensemble  des  parlers  bantou, 
est  arrivé  à  conclure  à  la  parenté  de  toutes  les  langues  qui 
sont  parlées  en  Afrique  par  des  populations  nègres  ou  négroïdes 
et  qui  lui  paraissent  constituer  une  famille  linguistique  unique, 
se  divisant  en  dix-sept  groupes  dont  l'un  est  le  groupe  bantou, 
déjà  isolé  et  bien  connu,  et  dont  les  seize  autres  se  partagent 
les  quatre  cent  vingt- cinq  langues  parlées  du  Sahara  aux  abords 
de  l'Equateur,  les  parlers  des  Hottentots,  des  Bushmen  et  des 
divers  groupements  de  négrilles  étant  provisoirement  laissés 
à  part.  Les  premiers  résultats  de  cette  enquête,  qui  n'est  pas 
encore  complètement  terminée  dans  ses  détails,  seront  publiés 
dans  un  ouvrage  sur  Les  langues  du  7nonde,  qui  paraîtra  pro- 
chainement sous  la  direction  du  professeur  Antoine  Meillet. 

Ces  résultats  ne  prétendent  pas  à  être  définitifs  et  doivent 
être  considérés  seulement  comme  une  indication,  ou  comme 
un  canevas,  sur  lequel  une  grosse  besogne  de  mise  au  point 
est  réservée  aux  travailleurs  de  l'avenir. 

Il  ne  faut  pas  oublier  en  effet  qu'à  de  très  rares  exceptions 
près,  notre  documentation  sur  les  langues  négro-africaines  est 
uniquement  contemporaine,  qu'elle  est  douteuse  en  bien  des 
cas  et  qu'elle  est  de  toute  manière  incomplète,  puisqu'il  est 
encore  un  nombre  appréciable  de  ces  langues  dont  nous  ne 
savons  guère  autre  chose  que  le  nom  et  qu'il  en  est  certaine- 
ment dont  nous  ignorons  même  l'existence.  Dans  ces  conditions , 
la  meilleure  des  grammaires  comparées,  si  elle  se  pi([ue  d'être 
consciencieuse,  est  condamnée  à  se  cantonner  longtemps  encore 
dans  le  domaine  des  probabilités  ou  des  simples  hypothèses. 


ALPHABETS   MAGIQUES  ARABES 

(DEUXIÈME  ARTICLE), 

PAR 

M.    CASANOVA. 


Dans  un  niinn^ro  précédent  du  Journal  (isiatique  (juillet-sep- 
tembre 1991,  p.  5/1),  je  terminais  un  premier  article  en  pro- 
posant une  interprétation  de  deux  formules  cryptographiques 
attribuées  au  fameux  soufi  al  Ilalladj  et  je  demandais  que 
M.  Massignon,  le  savant  éditeur  des  œuvres  de  ce  personnage, 
donnât  son  avis  autorisé  sur  ce  point.  Voici  la  lettre  qu'il  a 
bien  voulu  m'adresser  h  ce  sujet  : 

Paris,  3o  décembre  igaj. 

Lorsque  vous  m'avez  communiqué  en  juin  votre  déchiffrement  de  ia 
formule  chiffrée  des  Tnwdsin  (chap.  x,  8  91),  je  vous  avais  écrit  tout  de 
suile  qu'il  me  paraissait  hien  que  vous  aviez  Uouvé  la  clef. 

Votre  article  exposant  plus  en  détail  la  méthode  inductivc  employée 
(p.  /I18-A9,  53-5/J)  me  permet  de  vous  confirmer  ma  première  impres- 
sion. 

L'analyse  indéterminée  des  deux  formules  ne  pouvait  rien  donner,  le 
calcul  monti'ant  que  le  nombre  des  combinaisons  possibles  dépassait 
toute  pioportion  raisonnable.  La  solution  devait  donc  se  trouver  par 
induction,  au  moyen  de  la  seconde  foimule,  la  moins  altérée,  J'avaig 
(înti'cvu  tthihnqq  TaJia-n  et  je  m'étais  arrêté  là,  pensant  que  la  fin  de  la 
formule  reproduisait  ces  trois  mots  h  l'envers,  bizarrerie  qui  m'avait  fait 
suspendre  \h  mon  essai  de  déchiffrement.  Vous  avez  montré  qu'il  fallait 


ALPHABETS  MAGIQUES  ARABES.  251 

lire  cette  (în  «wa  Ta  Sin-n  et  le  sens  s'éclaircit.  Par  une  seconde  induc- 
tion vous  avez  suppose'  que  la  première  formule  devait  contenir  tout 
simplement  la  basiiialah. 

En  fait  v(»lre  déchiffrement  coïncide  si  rigoureusement  avec  l'inten- 
tion maîtresse  de  l'ensemble  des  Taxvâsîn  que  je  n'hësite  pas  à  le  consi- 
dérer comme  exact.  Biharjq  Talia  ira  Ta  Sin  —  f  par  la  réalité  (=  le  sens 
réel)  des  lettres  Taha  et  TdSlny).  L'expression  liihaqq  est  spécifiquement 
hallagienne  (voir  Quatre  Textes,  p.  ai,  aS,  a6  et  n.  2;  et  Passion, 
p.  ao2,  n.  3,  pour  la  critique  qu'en  firent  des  banéfites);  elle  vise  la 
valeur  réelle,  la  signification  spirituelle  de  la  chose,  par  opposition  à 
isjn,  le  nom  apparent,  la  silhouette  externe.  Dans  cette  partie  des  Tawà- 
s{7i,  al  llallâj  veut  montrer  que  l'union  mystique  n'est  réalisable  que 
grâce  à  une  intervention  divine  transcendante  et  que,  ni  la  prédication 
de  Satan  [s'attachant,  devant  les  Anges,  à  adorer  Dieu  seul,  au  point  de 
lui  désobéir  en  refusant  de  se  prosterner  devant  Adam],  ni  la  prédica- 
tion de  Mobammad  [affirmant,  devant  les  hommes,  que  Dieu  seul  est 
adorable],  ne  nous  permettent  d'accéder  à  l'union  mystiijue.  Or  Taha, 
dans  l'exégèse  commune,  désigne  Mobammad,  et  Td-Sin,  je  l'ai  montré, 
est  l'anagramme  de  Si-tdn,  Satan.  On  peut  donc  traduire  rrpar  la  réalité 
[restreinte]  qu'atteignent  l'apostolat  de  Mobammad  et  celui  de  Satann; 
et,  comme  vous  le  verrez  dans  ma  traduction  in  extenso  des  Taxvâsîn 
[Passion,  p.  88/i),  votre  déchiffrement  du  paragraphe  21  s'intercale 
exactement  dans  le  développement  de  la  pensée. 

Pour  la  première  formule,  j'admets,  comme  vous,  qu'il  faut  y  cher- 
cher la  basmalah.  Mais  au  moyen  de  quel  alphabet?  Je  ne  suis  pas  assez 
familiarisé  avec  les  conventions  des  alphabets  magiques  arabes  pour  pro- 
poser une  solution.  Il  n'est  évidemment  pas  impossible  a  priori  que  la 
première  formule  soit  chiffrée  dans  un  autre  alphabet  que  la  seconde. 

A  cette  lettre  si  intéressante,  je  voudrais  ajouter  quelques 
mots  : 

1°  L'alphabet  que  j'attribue  à  la  première  formule  n'est 
autre,  en  réalité,  que  celui  de  l'écriture  arabe  ordinaire,  pré- 
senté seulement  sous  une  forme  un  peu  déroutante  par  la 
ligne  horizontale  qui  réunit  tous  les  caractères,  par  l'absence 
de  toute  ligature  entre  les  lettres  et  de  toute  séparation  entre 
les  mots,  par  la  sécheresse  des  traits,  etc.  Il  peut  donc  y  avoir 


252  AVRIL-JUIN    1922. 

eu  intention  particulière  de  l'adopter  pour  représenter  la  for- 
mule musulmane  urâinmrc.  Au  contraire,  pour  la  formule  sy>e- 
ciale,  r(^servée  aux  initiés,  un  autre  alphabet  plus  mystérieux 
.devait  paraître  mieux  indiqué.  Mais  il  y  a  là  des  nuances  peut- 
être  trop  subtiles,  et  on  peut  admettre  que,  dans  les  manuscrits 
des  Tawâshi,  ce  sont  des  altérations  dues  aux  copistes  qui  ont 
défiguré  les  traits  de  la  première  formule  et  que ,  dans  l'origi- 
nal, ces  traits  appartenaient  à  l'alphabet  en  chiffres. 

9°  M.  Massignon  a  eu  l'amabilité  de  me  signaler  dans  la 
compilation  intitulée  al  kachkoûl^^^  d'autres  exemples  de  cryp- 
tographie arabe  avec  leurs  clefs.  Je  voudrais  profiter  de  cette 
occasion  pour  les  signaler,  à  mon  tour,  aux  lecteurs  du  Journal 
avec  quelques  observations. 

P.  9/1 ,  le  texte  est  ainsi  conçu  : 

a3j  X^S'JXÎ^  iùo!^'  Xxj^i^  ^^T^  ^^^)  ^)^  ^^  (*i^'  c:jI.I^) 

(»-*;  J-*^^   '4*?-^^  •y.j^'i  ^j\  LgJ^ij:^  j'*y^   ^^^  ^T^  *^-waï  ^ji  Juaj 
y^ù\J^  />.'i-J^  Lj^Xii\  l^~s^j.Ay  ^UaJO»  t^xXfi  iJÎ:>  «^0  j5^_jX» 

o 

'^        '        "  o  *  o  o    ^ 

o  )  o 

(')  Éd.  du  Caire,  1829  Ilt'ïg.,  p.  9^,  i35,  aSS-aSg,  353.  Sur  l'auteur 
Batià  ad  dîn  Mouliarauiad  al  'Amouli  (953-io3o),  voir  Bi.ockelmann,  Gesch. 
aval).  Lit.,  H,  Ai 5.  M.  Massijjnon  a  eu  ranial)iiité  de  me  jirèler  son  propre 
cxt'iiijilaire  pour  me  porineltre  celle  étude. 


ALPHABETS  MAGIQUES  ARABES.  253 


Ce  texte  ayant  des  parties  un  peu  obscures  et  les  exemples 
donnés  étant  évidemment  altérés  pour  quelques  caractères  qui 
ne  répondent  pas  à  la  théorie  énoncée,  je  crois  devoir,  avant 
d'en  donner  la  traduction,  présenter  le  tableau  des  valeurs  de 
l'alphabet  arabe  conformément  à  la  théorie  telle  que  je  l'ai 
comprise.  Ce  lableau  comprend  les  lettres  arabes  distribuées 
en  huit  groupes  factices,  suivant  le  système  dit  de  Vaboudjad 
(conforme  à  l'ordre  de  l'alphabet  hébraïque  complété  par  les 
lettres  spéciales  de  l'alphabet  arabe)  ^'^  A  chaque  lettre  répond 
une  colonne  verticale  marquée  des  majuscules  de  l'alphabet 
européen  et  une  colonne  horizontale  marquée  d'un  de  nos 
chiifres  usuels,  que  nous  appelons  arabes  et  que  les  Arabes 
appellent  indiens.  Ainsi  Yalif  î  sera  représenté  par  A,  \e  bâ  lj 
par  B,  le  djîni  ^  par  C,  le  ddl  :>  par  1),  le  hâ  s  par  Ai,  le  ivâiy 
^  par  Bi,  le  zâ  ^  par  Cj  et  ainsi  de  suite.  L'auteur  nous 
explique  que  le  zéro  n'est  pas  tracé  et  que  le  n"  i  est  donné 
au  second  groupe,  le  n°  2  au  troisième,  etc.  Les  quatre  pre- 
mières lettres  n'ont  donc  (ju'un  zéro  virtuel,  si  je  puis  dire,  et 
se  réduisent  à  A,  B,  C,D;  la  numérotation  réelle  ne  com- 
mence qu'avec  le  second  groupe.  Ces  préliminaires  étaient 
nécessaires,  je  crois,  pour  rendre  possible  une  traduction. 

(!)   itx«>  Ooc''  c>-i>J»  jaJLii-w  ;j-i^  d^'^  \^  «^^-S"'  •   Voir   s.   DE   Sacï,    Gram- 
maire arabe,  i"  éd.,  Paris,  iKio,  1,  p.  10;  •2"  éd.,  Paris,  i83i,  I.  p.  8. 


254 


AVRIL-JUIN    1922. 


D  C  B  A 

0 

i  ^^  f 

Lo      !    LuL» 

J  ô  ^ 

1   L    j  L  î 

1 

^^z 

r  to  JL  r 

2 

U  f  J^ 

0                  v^ 

3 

j'^^tr 

4 

•^^J3 

d    <3           d    <d 

1     Lo      J    Luu     û 

5 

*       *        * 

6  ^c^ 

Lu             LuL»      ' 
o              vj 

6 

T  T^  Jf  Xuu  V 

7 

Mois  de  Vahoudjad.  —  lis  sont  liuil  :  quatre  de  quatre  lettres,  quatre 
de  trois  lettres,  A  chaque  mot  est  un  cbiffre  indieu  suivant  Tordre  (au- 
rnéral)  ot  à  chaque  lettre  un  sigie  y^  sindi.  Ce  sont  :  poiu-  la  première 
lettre  L-,  ]K)ur  la  seconde  J,  pour  la  Iroisiènu;  Lo,  pour  la  quatrième  I . 
Mais  nous  nous  contenterons,  pour  le  cliiiTre  du  premier  mot,  de  o,  par 
rapport  h  la  lettre  du  mot  suivant  et  du  sigle  de  ses  lettres  par  rapport 
à  sa  prej'/re  lettre'''.  Le  si|j-ne  de  Valif  sera  donc  L.,  du  dni  1  .  du  miw 

o 

'"  En  d'autres  termes,  le  [iromicr  mot  n'aura  pas  de  cliiffre  et  ses  lettres 
seront  représentées  i>ar  leurs  sigles  respectifs.  Il  n'y  aura  de  chifl're  que  pour 
les  mots  suivants. 


! 


ALPHABETS  MAGIQUES  ARABES.  255 

j ,  du  kdj  L_;  le  sigle  de  chacune  de  ces  lettres  se  joignant  au  cliiiïrc  du 

mot  suivant.  De  même,  le  signe  du  fd  sera,  comme  tu  le  sais,  I-js.  Tu 

o 

écriras  donc  Alimad  ainsi  :  !  r  __  L«,  'Ali  :  r  Ju.  Jlc,  Dja'far  :  J]^  S^Li, 

00  '^  _     o  o 

Ghànim  :  r  r  L»  "i  parce  que  le  mot  qui  précède  celui  où  est  le  ghaïn 

o 

est  le  septième  [donc  le  irlunn  comporte  le  chiffre  sept  v]. 

Il  est  évident  d'après  cela  que  l'on  n'a  pas  besoin  du  cliiiïre  du  hui- 
tième mot,  de  même  qu'on  n'a  nul  besoin  de  celui  du  premier  mot  par 
rapport  à  sa  lettre;  en  effet  le  huitième  n'a  pas  de  suivant,  comme  le 
premier  n'a  pas  de  précédent. 

Le  mot  achevé,  sa  dernière  lettre  prolonge  le  [sigle]  sindi  de  façon 
à  arriver  jusqu'à  la  fin  du  mot  et  à  ne  pas  se  mêler  à  ce  qui  est  après, 
ô  mon  Dieu  !  si  ce  n'est  à  la  fin  de  la  ligne.  C'est  ainsi  que  tu  tran- 

scriras  Zeïd  (i)bn  KhMid  :  I  Ju,  U  J  r  J  I  ^  i . 

o  o  o  o 

J'avoue  que  je  ne  m'explique  pas  très  bien  la  dernière 
phrase  et  que  l'exemple,  tel  qu'il  est  donné  dans  l'édition,  n'y 
répond  en  rien.  En  effet,  pour  être  probant,  il  devrait  offrir 
une  séparation  entre  les  trois  mots  qui  forment  le  groupe  tran- 
scrit en  cbiffres  et  sigles,  et  rien  ne  permet  de  reconnaître 
cette  séparation.  D'autre  part,  comment  prolonger  un  sigle 
comme  î,  et  comment  les  sigles  indiqués  pourraient-ils  se 

ô 

mêler  aux  autres,  puisque,  par  leur  nature,  ils  ne  se  prêtent 
à  aucune  ligature?  Contentons-nous  de  savoir  qu'il  y  a  une 
manière  de  distinguer  la  fin  des  mots. 

Si  l'on  compare  les  exemples  donnés  avec  le  tableau  que  j'ai 
dressé,  on  verra  qu'il  y  a  des  divergences  assez  marquées.  Je 
vais  essayer  de  les  expliquer,  en  me  servant  pour  plus  de  clarté 
des  notations  par  majuscules  latines  jointes  aux  chiffres  euro- 
péens qui  résultent  du  tableau. 

Les  quatre  sigles  qui  répondent  à  A,  B,  G,  D  me  paraissent 
dérivés  du  syriaque  nestorien.  D  en  effet  répond  tout  à  fait  à 
la  lettre  j,  caractérisée  par  le  point  en-dessous.  Quant  a  A,  je 
crois  que  sa  véritable  forme  est  L  et  non  L*;  on  la  retrouve  en 
effet  dans  le  A  «y  qui  s'écrit  L,  dans  lequel  le  maddâ  me  paraît 


256  AVRiL-JUlN   1922. 

une  altération  du  haut  du  chifFre  f*';  voir  dans  le  tableau  :  A  3. 
Cette  forme  L  appartient  au  nestorien  archaïque ^^l  Quant  au 
B,  il  répond  au  nestorien  3,  ramené  au  J  arabe,  par  une  alté- 
ration assez  compréhensible.  Il  y  a,  j'en  conviens,  plus  d'écart 
entre  L*  et  ,^^"'. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  hypothèse,  il  faut  remarquer  que 
C  et  D  peuvent  se  confondre,  si  on  néghge  dans  C  la  ligature 
entre  le  petit  cercle  et  le  trait  vertical.  C'est  ainsi  que,  dans 
les  précédents  exemples,  nous  voyons  le  -  de  *x^i  représenté 
par  D3  au  lieu  de  C3;  de  même  dans  ^jià.  Dans  ce  même 
mot,  le  y  est  représenté  par  K'  sans  petit  cercle  au-dessous,  con- 
trairement à  la  théorie  (t)3).  Le  sigle  de  ^  est  représenté  par 
J  surmonté  d'une  petite  croix  qui  représente  le  chiffre  1 .  J'ai 
conjecturé  que  la  vraie  forme  était  celle  du  chiffre  1  couché 
horizontalement.  Nous  retrouverons  la  même  petite  croix  pour 
le  signe  de 3,  mais  ce  dernier  (C  1)  a  été  confondu  avec  D  1 
qui,  d'ailleurs,  n'existe  pas,  le  groupe  n°  1  ne  comportant  que 
trois  lettres.  C'est  encore  un  exemple  de  la  confusion  des 
sigles  C  et  D.  Il  est  possible  cependant  que,  dans  les  groupes 
de  trois  lettres,  la  colonne  D  soit  réservée  à  la  dernière  lettre 
et  que  ce  soit  la  colonne  G  qui  doive  être  supprimée.  Ci,  C2 , 
C  6  et  C  7  n'auraient  pas  de  lettre  correspondante. 

Dans  *Xî*l ,  le  ^  a  été  transcrit  sous  sa  forme  arabe  précédée 
d'un  petit  trait  horizontal.  C'est  évidemment  une  distraction 
de  Tauteur  ou  du  copiste,  car  cette  forme  ne  répond  en  rien 
à  celle  du  tableau  (A  9).  Le  petit  trait  horizontal  semble  con- 
firmer mon  point  de  vue  que  le  sigle  de  A  est  l'ancien  nesto- 
rien L  et  la  forme  rectihée  de  A 9  serait  ti_.  Nous  manquons, 
pour  fortiher  cette  conjecture,  d'autres  exemples  de  ce  sigle. 

Le  o  isolé  ou  celui  deyixs^  est  mis,  non  sans  incorrection, 

('^  Fr.   Lenormant,   Essai  sur   la  propagation   de    l'alphabet  phénicien,   II, 
Paris,  187a,  pi.  5. 

('-'  Id.,  ibid.,  3'  coionne,  forme  intermédiairo. 


ALPHABETS  MAGIQUES  AHABËS.  ^        Ûb1 

sous  la  forme  D  /i  alors  qu'il  réjDond  li  C  à.  C'est  encore  une 
confusion  de  D  et  de  G.  De  même  le  ^  de  ^oili  devrait  ré- 
pondre à  Cy;  il  est  traité  comme  D  y,  dans  lequel  le  petit 
cercle  inférieur  ferait  corps  avec  le  chiffre  v,  d'où  la  forme  ^ 
qui  appartient  à  l'écriture  arabe. 

Pour  le  groupe  5,  nous  ne  disposons  que  de  j  (B  5)  qui 
est  représenté  par  J  surmonté  d'une  croix,  ce  qui  le  fait  con- 
fondre avec  ^  (B  i).  Je  pense  que  cette  croix  est  une  altération 
du  chiffre  <>  placé  au-dessus  des  sigles  comme  le  chiffre  i . 

Malgré  les  incertitudes  causées  par  ces  incorrections  et  l'ab- 
sence de  près  de  la  moitié  des  lettres,  je  crois  que  mon  tableau 
concorde  suffisamment  avec  les  exemples  donnés  et  les  expli- 
cations du  texte. 

Le  même  ouvrage  contient  également  à  la  page  i35  des 
groupes  cryptographiques  qui  répondent  aux  douze  mois  syriens. 
Le  texte  y  est  très  embrouillé  et  la  liste  des  mois  est  mal  à 
propos  coupée  par  un  texte  obscur  qui  ne  m'a  pas  paru  s'y  rap- 
porter. Je  reproduis  seulement  le  tableau  des  mois,  leur  valeur 
chiffrée  et  l'explication  qui  s'y  rapporte. 

«c-j^j  ^yi^i)  ^c_vyi)  v^^^J  'J^^  y>^\sj  ^kJLiJ 

^y-i  t^'  (i  ^-îj'   i  ^JM-vw^J!  ijy-^  J^^^^  ^-^l-r!^  i  JotJ  Jjilî  Ajy  ! 
(''  Le  texte  porte  :  yl  lts^yù\^ . 

XIX.  1  rj 


258 


AVRIL-JUIN  1922. 


Les  (quelques  mots  d'explication  (|ui  suivent  ce  tableau  per- 
mettent de  l'établir  ainsi,  en  corrigeant  les  fautes  évidentes 
qui  se  sont  glissées  dans  les  nombres  des  degrés  des  signes 
du  zodiaque. 


>  0  M 

DU    MOIS. 

=3   â 

DEGRÉS 
ot 

MINUTES. 

SIGNES 
du 

ZODIAQUE. 

\  0  M 

DU    AIOIS. 

i  i 

DEGKÉS 
et 

MINUTES. 

SIGNES 
du 

ZODIAOLE. 

Ticbrîu  i". 
Ticbrin  2°. 
Kànoùn  1"'. 
Kànoùn  a''. 
Ghabàt  .  .  . 
Adàr 

3i 
3o 
3i 
3i 
28 
3i 

17°    /|' 

ig"  h' 

20''il' 
29°38' 

ii°39' 

Balance. 

Scorpion. 

Sagittaire. 

Capricorne. 

Verseau. 

i^oissons. 

Nizàn .... 

Ayàr 

Hazîràn. .  . 
Tamoùz..  . 

Ab 

lloùl 

3o 
3i 
3o 
3i 
3i 
3o 

ai'-aB' 
i8°3o' 

80°12' 
17*12' 

i8°37' 
i8°3a' 

Bélier. 

Taureau. 

Gémeaux. 

Ecre  visse. 

Lion. 

Vierge. 

Les  premiers  cliifFres  indiquent  le  nombre  de  jours,  les  derniers  dans 
quel  signe  du  Zodiaque  est  le  soleil  au  commencement  du  mois;  les  deux 
groupes  du  centre  donnent  les  degrés  et  les  minutes.  Et  Dieu  est  le  plus 
savant!  Le  premier  de  Tichrin  i"^'  est  le  premier  jour  de  leur  année  et 
c'est  à  notre  époque ,  au  début  de  la  moitié  de  la  Balance. 

J'ai  dû  rectifier  les  cbiiïres  des  degrés  :  ainsi,  pour  Tich- 
rin i""",  au  lieu  de  :  y^  ^107,  il  faut  évidemment  :j.j  1  7  ;  pour 
Ticbrîn  a*"  et  pour  Kanoûn  1"'',  Laj  doit  être  lu  kj;  pour  Kà- 
noùn 2%  J  00  doit  être  remplacé  par  dJ  20 ,  un  signe  ne  pou- 
vant avoir  plus  de  3o°;  pour  Ghabàt,  il  faut  supprimer  i  et 
remplacer  J  par  dJ  comme  plus  baut;  pour  Adâr,  écrire  b  au 
lieu  de  U  ^^\  Pour  Ayâr,  Ab  et  lloùl,  le  nombre  des  degrés  est 
représenté  par  c.  70,  ce  qui  est  impossible;  je  propose  de  lire  : 

Les  lettres  qui  représentent  les  signes  du  Zodiaque  me 
paraissent  avoir  été  toutes  plus^  ou  moins  altérées.  Je  crois  en 
effet  qu'elles  doivent  en  principe  être  les  lettres  terminales  du 

C'  Comme  ce  nombre  est  beaucoup  plus  faible  que  les  autres ,  il  vaudrait 
peut-être  mieux  lire  :  Lj  ai. 


ALPHABETS  MAGIQUES  ARABES. 


^59 


nom  arabe.  Or  cela  ne  se  vérifie  que  deux  fois,  comme  cela 
résuite  du  petit  tableau  suivant  : 


NOM  ARABE 

LETTRE 

LETTRE 

NOM  ARABE 

LETTRE 

LETTRE 

DU  TEXTE. 

TERMINALE. 

DU  TABLEAU. 

DU  TEXTE. 

TERMINALE. 

DU  TABLEAU. 

u'r^i 

U 

S 

J^ 

J 

u 

vyixJI 

t_> 

; 

;iiJl 

; 

) 

O-yiJl 

u- 

z 

';>^ 

1 

<_> 

<S^ 

<^ 

y 

ylbj-Ji 

u 

s: 

yjJ! 

s 

<s 

Cs^ill 

3 

j 

c^ 

c:> 

t 

xL:^J! 

S 

s 

Remarquons  d'autre  part,  que  si  nous  partons  du  Taureau, 
les  lettres  du  tableau  paraissent  suivre  l'ordre  numérique  :  çj  î 
«-rS?'^c5^r).5*^S  '^v^^  l^s  altérations  suivantes  :  un  second 
»  au  lieu  de  ^,  ^  pour  L  et  U  pour  <_^.  Même,  dans  cette 
hypothèse,  il  faudrait,  je  pense,  décaler  d'un  rang  toutes  les 
lettres,  ie  n"  i  devant  être  reporté  au  Bélier  J^  qui  com- 
mence la  série  des  signes  dans  le  Zodiaque  arabe  identique  au 
Zodiaque  grec. 

Je  laisse  au  lecteur  le  soin  de  décider,  en  l'état  d'incorrec- 
tion de  ce  texte,  quelle  est  la  meilleure  interprétation.. 

P.  238  et  239,  le  Aor/tAou/ donne,  en  transcription  chiffrée, 
la  valeur  de  quelques  mots  arabes  :  ^jwJIi'^rr,  dlyc^i  fM«rF»*'(, 
idâJuJ!  ô^iiiri,  *^l  iciôi^i,  pUll  FlûFf^i ,  ^Ic  FiK'v  (qu'il  faut 
écrire  :  Friv),  «jjyoj  ôt-i-iK. 

Comme  on  le  voit,  ces  transcriptions  sont  conformes  à  l'al- 
phabet chiffré  que  j'ai  présenté  dans  mon  article  précédent ('^. 
H  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrêter. 

'')  Journal  asiatique,  hic.  cit.,  p.  i^-So.  Je  profite  de  roccasioii  pour  signa- 
ler que  cet  alpliabct,  ce  qui  m'avait  échappé,  lijjure  dans  la  liste  de  Ilauinier 
{Ancicnt  alphabets,  p.  6,7  et  8). 


%0 


AVRIL-JUIN   1922. 


P.  353  figurent  encore  quatre  transcriptions  du  même  genre  : 
«oUw»  <M*' 1 1 1  (qu'il  faut  corriger  en  :  or'iiip),   «x^viFf-r, 

Des  quatre  passages  du  Kachkoûl  que  nous  avons  analysés, 
le  premier  seul  nous  apporte  quelque  chose  de  nouveau.  Le 
second  ne  paraît  pas  comporter  de  cryptographie  proprement 
dite;  les  troisième  et  quatrième  ne  font  que  confirmer  les  résul- 
tats déjà  acquis. 


M.  Massignon  me  signale  encore  un  texte  fort  curieux,  qui 
contient,  je  crois,  la  véritable  clef  de  la  cryptographie  chiffrée. 
Il  esl  tiré  d'un  livre  intitulé  :  Les  di^cullés  des  sciences, 
*ykx}\  .oli^SCi^,  commencé  par  Mollà  Mahdî  ibn  Aboù  Dharr 
an  Nahrâkî  et  terminé  par  son  fds  MoHâ  Mouhammad  ibn  Aboû 
Mouhanimad  Mahdi.  Cet  ouvrage  a  été  lithographie  à  Téhéran 
le  2  0  Chawvvâl  iSai  (=io  janvier  lyo/i).  Le  passage  sui- 
vant se  trouve  p.  2  65-266  : 


(  en  marge  :  )  Xr-;  jj-^y»  I^  i 


U. 


\^ 


^)  t^L^-Ji  '-^^^*?^*'  t^JjWI  \<><^ 


Sur  une  cryptographie.  Utilité. 
Sache  que  quelques-uns  ont  in- 
venté un  procédé  d'écriture  dont 
ils  se  servent  quand  ils  ne  veulent 
pas  être  compris  de  toul  le  monde. 
Notre  cheikh  al  Bahâï  l'a  employé 
dans  le  Kachkoûl  pour  quelques 
mots.  Voici  ce  procédé. 

On  trace  une  ligne  horizon- 
tale et  au-dessus,  les  chiffres  de 
géométrie*'',  chaque  lettre  ayant 
un    chiffre    correspondant    à    sa 


''*  li  faudniil  :  iL^.yj^\  ou,  peul-étrc,  ^jO^à^JI  rrles  chiffres  indiensn. 


ALPHABETS  MAGIQUES  ARABES.  261 

L5:>Uw!  iL<)%xs  iJsjJ!  ^  «J^l"-*.-^  valeur    numérique.     Les    unilës 

>.  .  ont  pour  caraclère  que  le  chiffre 

■^  '^  J  n  atteint   pas    la    ligne   horizon- 

«j^V^lsKjil^xJlJuajyU^'lyikfi  taie;  les  dizaines,  qu'il  l'atteint 

..    ,  P  sans   la  dépasser;  les  centaines, 

Frenvoien  m.  :  AjLfiV»_WL>  UjU  I  ,.,  i     i ,  /->  -n 

■■  ^^  ■  qu  nia  dépasse.  Quant  au  mille, 

«,  Aj  Js-ùi,!^  ci»,  ^   <>di  oi)i  Lo!^  il  n'a  qu'une  lettre  et  il  est  égale- 

^   ,  ment   écrit  en  dépassant.  On  le 

•■  •  \^j  ••>  >^  .        .      ••  distingue    des    centaines    par    le 

-LUî  «jijjV  *Uî  (jAjj  contexte'''. 

Le  texte  donne  en  exemple  la  transcription  de  quelques 
noms  propres  arabes  :  elle  n'est  pas  rigoureusement  conforme 
à  la  théorie;  je  la  rétablis  dans  le  petit  tableau  suivant  : 


^AX2>. 

r  A   Y    •*" 

«XJIa.  /o  «Xj> 

L 

r  • 

^ô''    J'i    "^ 

c>Lfi 

fi    '    •    1 

(en  marge)  ù^ 

F   K   ^    K 

Comme  on  le  voit,  ce  système,  qui  est  une  ébauche  de  celui 
qui  a  servi  en  Occident  pour  la  notation  musicale,  permet  de 
distinguer  les  unités,  dizaines  et  centaines.  S'il  était  respecté 
par  les  copistes,  nous  aurions  la  clef  définitive  de  la  crypto- 
graphie chiffrée  arabe.  Malheureusement,  il  n'en  est  pas  ainsi; 
outre  les  confusions  de  chiffres,  très  fréquentes,  la  règle  de 
position,  dans  les  textes  que  je  connais,  est  complètement 
méconnue.  Qu'on  imagine  une  partition  où  les  notes  ne  seraient 

<*'  Littéralement  :  «par  l'accesfîoirc  du  lieim.  Sur  le  sens  de  «Kijjj»,  cf,  D021 
Supplément  aux  Diclioiuiaires  arabes,  sub  verbo. 


262  AVRIL-JUIN    1922. 

pas  à  lour  place  sur  les  lignes!  Dans  le  texte  même  de  notre 
auteur,  malgré  l'explication  très  claire  qui  précède,  il  n'y  a 
pas  un  seul  mot  correctement  transcrit  en  ce  qui  regarde  la 
règle  de  position;  de  plus,  Joj  est  écrit  avec  confusion  de  v  et 
^;  les  deux  premières  lettres  de  *X4^  sont  correctement  chif- 
frées, mais  les  deux  dernières  manquent^''.  On  conçoit  a  for- 
tiori que  les  copistes,  privés  de  toute  clef,  doivent  commettre 
d'innombrables  erreurs. 

Ce  texte  ne  nous  aide  donc  pas  beaucoup  à  décbiftVer  cette 
cryptographie  arabe,  mais  il  est  précieux,  car  il  en  complète 
la  théorie,  qui  est  désormais,  je  crois,  tout  à  fait  mise  au 
point. 

Ld  tableau  que  j'ai  présenté  dans  le  premier  article  (p-  ^7) 
doit  donc  être  modifié  ainsi  : 


1 

1 

± 

(£ 

-    ■»- 

v5 

c 

V 

I 

J 

* 

; 

r 

S 

jf 

J 

^ 

cr 

F 

^ 

j? 

r 

4P 

(^ 

6 

» 

£. 

u 

■6- 

<A) 

1 

s 

a. 

u- 

* 

t 

V 

; 

X 

e 

V 

!> 

A 

c 

\ 

cj 

A- 

J^ 

4 

1» 

L 

o« 

4. 

là 

Il  no  me  reste  plus  qu'à  offrir,  une  fois  de  plus,  à  M.  Mas- 
signon,  mes  vifs  remerciements  et  mes  sincères  compliments. 

(1)  Pcul-élrc  âoat'elles  rûol  vdUues  à  la  gr&vura. 


MELANGES. 


LE   ROMAN   TURC    DE   HAIQAR. 

(/oMnm/ asia^'^Me^  janvier-mars  1921,  p.  ii3-i92») 

Depuis  l'édition  de  Cambridge  (iS()8)  —  qui  comprend 
surtout  les  textes  syriaque  (C),  arabe,  arménien,  et  la  traduc- 
tion d'un  texte  slave  - —  de  nombreuses  éditions 'i'  ont  levé  bien 
des  difficultés  et  nous  permettent  d'ajouter  quelques  notes  h 
l'édition  de  M.  Danon  : 

I.  P.  1  20,  dernières  lignes.  Les  papyrus  nous  ont  donné  la 
forme  originale  du  nom  dubourretiu,  c'est  ^^.rv^vi^fligoaAJ  qu'on 
peut  lire  :  NnhonsoumishoUn.  La  plupart  des  versions  l'ont 
abrégé  en  Yabousemak  ou  Abousemik,  Nabousemak,  cf.  His- 
loire  et  sagesse,  p.  196;  Leroy,  p.  S^ô  ^'-^;  quelques  manuscrits 

'''  Citons  noire  compilation  :  Histoire  et  sagesse  d'Ahikar  rAss>jrieii,  Paris, 
Letouzey,  1909,  8°,  3o8  pages,  qui  tient  compte  de  l'édition  de  Cambridge 
(C),  du  néo-syriaque  (NS)  édité  par  M.  Lidzbarski,  d'un  texte  atahe  (S)  édité 
par  Salhani,  d'une  version  roumaine  traduite  par  M.  Gasler,  etc.,  et  donne  eu 
plus  la  traduction  d'un  manuscrit  syriaque  de  Berlin,  Sachau ,  336,  (B)  qui 
semble  provenir  d'un  manuscrit  syriaque  fragmentaire  complété  par  une  tra- 
duction syriacpie  d'un  texte  arabe  (cf.  Th.  Noldbke,  U alersuchunjren  zum  Achi- 
kur-Ilvmaii ,  Berlin,  1913,  p.  5i).  —  Voir  aussi  l'édilion  et  la  traduction,  par 
L.  Leroy,  de  deux  manuscrits  arabes  de  Paris  (n"'  3637  '^'  -^656)  dans  la  [tenie 
(le  rOrient  chrétien,  l.  XIII  (1908),  p.  3()7-388;  t.  XIV  (1909),  p.  rio-70  et 
ili^-iôd ,  elles  papyrus  aràméens  du  v'  siècle  avdfit  notre  ère,  édités  et  traduits 
par  M.  Sachau,  Leipzig,  1911.  —  M.  Noldeke  (cité  plus  haut),  en  sus  d'autres 
textes  connus,  a  utilisé  des  manuscrits  arabes  de  Gotha  (n"  aôSa),  de  Leyde 
(n"  laga'"),  de  Go|)OnhagUe  (ii°  a36).  —  Entiu  nous  avons  édité  et  traduit 
dans  la  Uevui'  de  l'Orient  chrétien,  t.  XXI,  trois  manuscrits  syriaques  :  de  Berlin 
(Sachau  162),  de  M^''  Graffm  (G),  de  M.  H.  Pognou  (P).  Nous  renverrons 
au  tirage  à  part  :  Documents  relatifs  à  AIjikar,  Paris,  Picard,  1920,  96  pages. 
—  On  peut  ajouter  (|ue  L.  Leroy  a  édité  et  traduit,  comme  documents  de 
comparaison,  La  vie,  les  précepteà  et  le  testament  de  Lolrtnan ,  d&na  la  Hevue  de 
l'Orient  chrétien,  t.  XIV  (190g),  p.  925. 

*'->  Nos  renvois  sont  à  compléter  d'après  la  note  précédchtc. 


264  AVRIL-JUIN    1922. 

l'ont  allongé  en  Yabousimi(kma)skin(at)  et  Yabousmi(kma)ski' 
n(akti)  (P  et  G,  Documents^  p.  5 7).  Ces  diverses  formes  ex- 
pliquent la  leçon  de  C  (p.  52,1.  1)  :  Yebousmak  Meskîn  Knotî 
(^J^xû  ^«r>rr»ao  »*,'iûroaA* ) ;  c'est  le  même  nom  propre,  coupé 
en  trois,  avec  la  finale  un  peu  modifiée  pour  lui  donner  un  sens. 
Il  faut  traduire:  «Yabousmakmeskin,  mon  ami»,  Yabousmak- 
nieskin''^  correspond  suffisamment  à  l'original  Nabousoumis- 
koun  et  la  traduction  de  Rnoti  (-J^*iû]  par  «mon  ami»  semble 
certaine  parce  qu'on  trouve  plus  loin  (C,  p.  55,1.  6)  le  même 
mot  avec  ce  sens.  Il  n'y  a  donc  plus  rien  de  mystérieux  et  les 
meilleurs  manuscrits  sont  ceux  qui  ont  conservé  la  forme  la 
plus  apparentée  au  Nabousoumiskoun  des  papyrus. 

IL  P.  121-122.  La  finale  du  turc  qui  mentionne  la  bas- 
tonnade et  la  pendaison  de  Nadan  aux  latrines  n'est  pas 
opposée  à  celle  du  conteur  arabe ,  car  toutes  les  versions  ren- 
ferment plus  ou  moins  explicitement  tous  ces  détails ,  mais 
elles  les  placent  avant  les  dernières  instructions  à  Nadan.  Le 
turc  a  simplement  transposé,  mais  n'a  rien  inventé.  Voir  édition 
de  Cambridge  ,p.  21,  5i,79,ii3. 

Le  manuscrit  B  porte  : 

Je  pris  Nadan  et  allai  à  ma  maison ,  je  l'attachai  avec  des  liens  et  des 
cliaînes  de  fer;  je  lui  mis  des  liens  de  fer  aux  mains  et  aux  pieds  et  je 
mis  du  fer  sur  ses  épaides,  puis  je  commençai  à  ie  flageller  de  verges  et 
(à  ie  frapper)  de  coups  violents. 

Le  néo-syriaque  et  l'arabe  correspondant  sont  plus  expli- 
cites : 

(Je  le  frappai)  de  mille  coups  entre  les  épaules,  de  mille  sur  le  dos, 
de  mille  sur  les  pieds  et  de  mille  sur  le  cœur.  Cf.  Histoire  et  sagesse, 
p.  235. 

C)  MesJiin  siffiiifie  tfpauvren;  aussi  M.  Leroy,  p.  376,  a  traduit  :  «Le  bour- 
reau s'appelait  Abou  Saraiic  et  c'était  un  homme -pauvre. r)  Il  faut  lire  en  un  mot, 
p.  386-387  '  ^^Joii  Saniikmçskin, 


MELANGES.  265 

G  porte  : 

Je  le  conduisis  à  la  maison.  Je  commençai  par  le  flageller  fortement, 
je  le  frappai  de  mille  soixante-dix  coups  sur  son  dos,  de  mille  sur  son 
(épaule,  de  mille  sur  son  ventre,  de  mille  sur  son  derrière  et  de  mille  sur 
ses  pieds  et  chaque  jour  je  le  frappai.  Quand  il  voulait  reposer,  je  le  fai- 
sais étendre  sur  le  fumier  pour  qu'il  respirât  une  odeur  puante  et  je  lui 
donnai  pour  nourriture  du  pain  et  de  l'eau  avec  mesure.  Cf.  Doruinputs , 
p.  68. 

L'arabe  Leroy,  p.  i/i5,  porte  aussi  : 

Haïkar  s'en  empara,  lui  lia  les  mains  et  les  pieds,  le  prit  dans  sa  mai- 
son ,  lui  mit  aux  pieds  une  lourde  chaîne  et  le  frappa  durement  sur  les 
pieds,  sur  le  dos  et  sur  le  ventre,  sous  les  aisselles  et  sur  les  jambes,  ie 
couvrant  de  plaies.  Après  l'avoir  frappé,  il  le  jeta  dans  un  lieu  obscuj^ 
près  des  latrines. 

Les  différences  entre  les  versions  et  môme  les  transcriptions 
ne  doivent  pas  trop  nous  étonner,  car  Haïkar  faisait  partie  de  ces 
contes  populaires  envers  lesquels  toutes  libertés  semblent  per- 
mises. Nous  avons  cité  dans  notre  compilation  Histoire  et  sagesse 
d'Aliikar^^\  de  nombreux  passages  de  la  traduction  (?)  d'Agoub 
et  de  celle  qui  a  été  éditée  dans  les  Mille  et  une  nuits,  pour 
montrer  comment  les  traductions  deviennent  facilement  des 
adaptations. 

Il  faut  cependant  remarquer,  à  la  louange  des  scribes 
syriens,  que  les  transcripteurs  des  manuscrits  B  et  P  ne  se  sont 
pas  permis  d'uniformiser  la  filiation  de  Sennacbérib  et  de 
Sarhédom.  Dans  la  partie  ancienne,  ils  ont  trouvé  qu'Ahikar 
avait  servi  Sarhédom,  fils  du  roi  Sennacbérib  (^';  dans  la  par- 
tie nouvelle,  au  contraire,  ils  ont  trouvé  qu'Ahikar  était  l'écri- 
vain de  Sennacbérib,  fils  du  roi  Sarhédom,  et  ils  ont  transcrit 


f  On  devrait  écrire  Ahiqar  ou  Achiqar.  —  Nous  avons  écrit  Ahikar  pour 
nous  conformer  à  la  graphie  de  l'édition  de  Cambridjje. 

C  C'est  la  bonne  leçon,  conforme  à  l'histoire  et  aux  papyrus.  On  la  trouve 
aus?i  dans  le  manuscrit  G. 


266  AVRIL-JUÏN   1922. 

fidèlement  ces  phrases  contradictoires.  Cf.  Documents^  p.  1 5 , 
p.  56,  note  5. 

m.  P.  ii-y.  La  version  turque,  comnae  les  manuscrits  B, 
G,  P,  etc. «  suppose  qu'Aljikar  s'adresse  d'abord  aux  idoles. 
Elle  porte  :  «Si  Vous  m'accordez  un  fils,  je  (m'engage  à)  vous 
consacrer  (par  testament),  à  partir  (du  jour)  de  ma  propre 
mort  jusqu'au  décès  de  mon  fils,  un  quintal  d'or  par  jour.»  Il 
est  dilficde  de  donner,  de  ce  passage,  une  traduction  qui  le 
rende  vraisemblable.  La  bonne  leçon  figure  en  BP  : 

Alors,  moi,  Ahikar,  j'allai  offrir  des  sacrifices  et  des  dons  aux  dieux 
et  je  leur  fis  brûler  des  aromates  et  des  paifums  et  je  leur  dis  :  ffSi  vous 
êtes  dieux,  donnez-moi  un  fils  pour  que  je  me  réjouisse  en  lui  et  qu'il 
soit  mon  héritier  quand  je  mourrai ,  car  si  depuis  le  jour  de  ma  mort  jus- 
qu'au jour  où  il  mourra,  il  diminuait  mon  bien  chaque  jour  d'un  talent 
d'or,  mon  argent  ûe  manquerait  pas  et  ne  cesserait  pas  t.  Documents, 
p.  74. 

La  mention  du  talent  d'or  par  jour  a  seulement  pour  but  de 
montrer  combien  il  a  besoin  d'un  héritier  qui  puisse  recueillir 

ses  immenses  richesses. 

t 

On  peut  encofe  faire  remarquer  ici  que  les  pîipyfus  portent 
tiné  autobiographie  comme  le  syriaque  ci-dessus.  Tous  les 
textes  —  comme  le  turc  —  qui  emploient  la  troisième  per- 
sonne sont  des  remaniements. 

IV>  P.  1 18  (1).  La  leçon  du  turc  :  «Bien  que  tu  deviennes 
grand  et  puissant  j  que  de  (fois)  un  âne  a  construit  deux  mai- 
sons en  un  seul  jour?)  est  certainement  mauvaise.  Il  faut  lire, 
par  exemple ,  avec  B  : 

N'élevé  pas  ta  voix  avec  jactance  et  tumulte,  car  s'il  suflisait  d'une  voix 
puissante  pour  construire  une  maison,  t'âne  en  bâtirait  deux  en  un  joiu". 
Histoire  et  sagesse ,  p.  i5q;  Documents,  p.  5o-5i  et  Leroy,  p.  371. 

V.  P.  1 1  ()  (  3  ).  Le  turc  porte ,  comme  presque  toutes  les  tra- 
ductions, que  c'est  le  mûrier  qui  produit  dcS  fouilles  après  tous 


MÉLANGES.  267 

(les  arbres)  et  fait  manger  ses  fruits  avant  tous  (ies  autres); 
mais  le  syriaque  )tol  (^toutâ)  mûrier,  ressemble  assez  à  jlL 
(titâ)  figuier,  pour  que  nous  avons  cru  devoir  traduire  : 

Ressemble  au  figuier  qui  (porte)  des  Heurs  à  la  fin  et  dont  le  fruit  est 
mangé  d'abord.  Histoire  el  sagesse^  p.  i58. 

Car  nous  ne  savons  pas  si  cette  propriété  convient  au  mû- 
rier, mais  nous  savons  que  le  figuier  peut  porter  des  fruits 
même  avant  d'avoir  des  feuilles.  C'est  donc  bien  lui  tr  qui  pro- 
duit des  fruits  avant  tous  les  arbres  ?5.  Ibid. 

VI.  P.  1 19-120(5).  Cette  maxime  signifie  seulement  que  le 
même  acte  prête  à  deux  interprétations  bien  différentes  sui- 
vant qu'il  provient  d'un  pauvre  ou  d'un  riche.  Il  ne  faut  donc 
pas  trop  l'alambiquer.  Le  texte  de  PC  est  très  suffisant  : 

Mon  fils,  si  un  riche  mange  un  serpent,  on  dit  qu'il  lô  mange  pour 
guérir  sa  maladie,  et  si  un  pauvre  le  mange,  on  dit  qu'il  le  mange  par 
faim.  Documents,  p.  53.  CL  Histoire  et  sagesse,  p.  161  et  Leroy,  p.  871. 

Ce  sens  est  d'ailleurs  confirmé  par  une  autre  sentence  : 

Mon  fils,  celui  dont  la  main  est  pleine  est  appelé  sage  et  honorable, 
et  celui  dont  la  main  est  vide  est  appelé  méchant,  pauvre,  besogneux  et 
indigent,  et  personne  ne  l'honore.  Histoire  et  sagesse,  p.  17-3. 

•t 

VIL  P.  1  2  0(6).  Cette  sentence  manque  dans  un  bon  nombre 
de  versions  et  de  manuscrits.  Le  texte  primitif  semble  être  : 
«Mon  fils,  si  tu  trouves  quelque  chose  devant  une  idole,  offre- 
lui  sa  pari,  w  Noldeke,  p.  /i/i ,  n"  70  ;  Documents,  p.  62  ;  Histoire 
et  sagesse,  p.  i83.  Certains  manuscrits  arabes  ont  cherché  un 
sens  plus  obvie,  qui  a  encore  été  accentué  dans  le  turc. 

VIII.  P.  120,  au  bas.  Le  nom  du  roi  de  Perse  el  d'Elam 
manque  en  général  dans  les  manuscrits;  on  trouve  dans  G  : 
Akîs  bar  Semahlin,  Documents,  p.  55.  Le  néo-syriaque  porte 
en  somme  le  même  nom.  Histoire  et  sagesse,  p.  190.  L'arabe 


268  AVRIL-JUIN   1922. 

Leroy  porte  :  Akhîs  Ibna-Chah  Hakim,  p.  87/1  et  provient 
donc  de  ia  même  source.  Le  turc  :  Khîs  Ibn  Selim  provient 
aussi  de  Akîs  bar  Semahlin. 

IX.  P.  121,  ligne  b-'j,  il  n'y  a  que  deux  garçons  (et  non 
trois)  qui  cbevaucbent  sur  les  aigles.  Cf.  Histoire  et  sagesse, 
p.  2  1  3  ;  Documents,  p.  63  ;  arabe  Leroy,  p.  53. 

La  publication  de  M.  Danon,  qui  fait  connaître  une  rédac- 
tion turque  de  la  légende  d'Ahikar  d'après  un  manuscrit  de 
1769,  fournira  matière  à  un  nouveau  paragraphe  dans  l'his- 
toire littéraire  de  ce  célèbre  roman  ^^'. 

F.  Nau. 

'')  Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  traiter  ce  sujet  ici  qu'assez  superficielle- 
ment.  Nos  amis  savent  comment  on  nous  a  contraint  à  consacrer  tout  notre 
temps  aux  mathématiques.  Cf.  Documents ,  p.  96,  et  Revue  de  l'Orient  chrétien, 
t.  XXII  (1920-1921),  p.  109. 


MÉLANGES.  269 

NOTE  SUR  L'ACCEPTION, 

À  TRAVERS  LA  CIVILISATION  INDIENNE, 

DU  MOT  DHARMA. 

La  signification  de  l'idée  de  dhnrma,  vraiment  centrale 
dans  la  pensée  indienne,  est  multiple  et  diverse  comme  la 
civilisation  qui  l'a  conçue;  aussi  est-il  usuel  dans  les  ouvrages 
d'indianisme  d'indiquer  que  ce  mot  a,  selon  les  cas,  divers 
sens  :  loi,  religion,  ordre  social,  vertu,  devoir,  droit,  justice, 
mœurs,  convenances,  être,  phénomène,  essence,  existence, 
(jualité.  Ceci  dit,  on  choisit  dans  un  cas  tel  sens,  dans  un 
autre  tel  autre,  ou  l'on  renonce  à  traduire.  Nous  craignons 
que  cette  affectation  de  scrupule  atteste  quelquefois  un  manque 
de  courage.  Certes  un  concept  riche  de  contenu  a  du  voir 
constamment  sa  signification  évoluer  au  cours  d'une  histoire 
d'au  moins  trois  millénaires;  niais  cette  évolution  même 
doit  avoir  sa  raison ,  comme  l'apparent  caprice  d'une  courbe 
obéit  à  une  loi.  Il  faut  se  demander  résolument  pourquoi  et 
comment  le  même  mot  peut  avoir  signifié  tantôt,  comme  dans 
la  Bhngavad-gitâ ,  le  devoir  et  le  droit  de  caste;  tantôt,  comme 
dans  l'enseignement  du  muni  des  Çâkyas,  l'idée  même  de 
religion;  comment  il  peut  désigner  tantôt  la  loi  morale  ou 
juridique,  tantôt  l'objectivité;  comment  il  en  vint  a  exprimer 
le  premier  et  le  dernier  mot  du  Bouddhisme,  et  à  ne  présen- 
ter pour  ainsi  dire  aucune  valeur  spéculative  aux  yeux  des 
adeptes  d'un  Brahmanisme  tardif. 

I.  Le  sanscrit  védique  emploie  le  mot  de  dharmmi,  un  de 
ces  termes  nenlres  fort  anciens,  qui  nous  introduisent  dans 


270  AVRIL-JUIN    1922. 

rari'ièro-foiul  (Je  la  pensée  indienne  :  dhâninn,  karman ,  hrah- 
man.  Le  Rgreda  appelle  dharman  l'acte  sacrificiel  par  lequel 
dieux  ou  prêtres  «maintiennent^  l'ordre  du  monde.  Il  nous 
explicjue  expressément  (v,  63)  que  Mitra  et  Varuna  sont  les 
gardiens  des  lois  (^liasya  gopâvadhi;  vratâ  rnksethe'j  par  l'effi- 
cace de  leur  diiarman  (mol  constamment  usité  au  moyen  : 
dfiarmanây,  et  ce  dharman  est  comme  un  sortilège  d'être  sur- 
naturel i^asurasya  mâyayây 

II.  Les  plus  anciennes  wpanisads,  puis,  à  un  stade  ulté- 
rieur, les  fâsirrts  juridiques  ou  politiques  i^dhanna-,  nltiçâstra)^ 
montrent  dans  la  puissance  temporelle  du  monarque  l'héri- 
tière de  la  souveraineté  que  confère  l'acte  pie  :  le  roi  a  pour 
fonction  de  «  maintenir  >5  cet  ordre  social  qu'expriment  collec- 
tivement la  loi  et  individuellement  la  vertu.  La  Brhadâranya- 
kopanisad  (i,  /i,  i/i)  salue  déjà  dans  le  dharma  {devenu  terme 
masculin)  un  principe  supérieur  aux  quatre  castes,  supérieur 
au  démiurge  même  :  la  souveraineté  de  la  souveraineté  (^ksa- 
trnsya  ksatram^  cette  puissance  qui  est  vérité  {^saiyani)^  mais 
aussi  celte  vérité  qui  est  puissance  et  en  laquelle  ix  le  faible  en 
lutte  contre  le  fort  met  son  recours  comme  en  un  roi??.  Effecti- 
vement, au  sacre  des  rois,  on  proclame  qu'il  est  né  un  et  gar- 
dien du  dharma  » ,  —  en  termes  analogues  à  ceux  qui  faisaient 
tout  à  l'heure  des  dieux  les  et  gardiens  jj  du  rta  ou  des  vrala. 
Le  roi  en  personne  déclare  :  et  Le  dharma  doit  entrer  en  vi- 
gueur dans  mon  pays.  ?)  Le  dharma  n'exprime  plus  la  puissance 
du  sacré,  mais  la  puissance  de  la  souveraineté  temporelle; 
quoiqu'il  ait  passé  des  dieux  aux  prêtres,  puis  des  prêtres  aux 
rois,  le  dharma  consiste  toujours  à  maintenir  un  ordre.  Ce 
despotisme  éclairé  qui  fait  le  fond  de  la  politique  indienne 
voit  dans  le  peuple,  matière  sociale  sans  initiative  {^prakHÏ,  — 
on  voudra  bien  remarquer  le  mot),  mais  dont  la  sauvegarde 
est  la  raison  d'être  du   monarque  lui-même,  un   troupeau  à 


MELANGES.  271 

prolé{j[er,  conformément  à  l'antique  raétajahore  pastorale  selon 
laquelle  s'exprimait  dans  les  Védas  la  sollicitude  divine. 

III.  Voilà  dans  quelle  ambiance  s'édifie  le  Bouddhisme.  Le 
(Ih/irniacahraprniuirt/inti  du  Bouddha  coïncide  à  bien  des  égards 
avec  la  conception  du  monarque  mkravartiu  :  la  roue  solaire, 
emblème  de  la  royauté,  ainsi  que  cette  roue  dialectique,  inhé- 
rente à  l'existence  comme  sa  structure  même,  le  pratïtijasauiut- 
pdda,  figurent  par  l'insertion  des  rais  dans  le  moyeu  le  «  main- 
tien?) d'un  ordre,  la  convergente  adaptation  d'une  pluralité. 
C'est  aussi  bien  comme  roi  que  comme  bouddhiste,  qu'Açoky 
prône  le  dharma.  Et  son  maître  spirituel,  le  Bouddha,  non 
seulement  passe  pour  avoir  été  prince  de  famille  royale,  mais 
lit  en  vérité,  dans  l'ordre  métaphysique,  c'est-à-dire  indisso- 
lublement intellectuel  et  moral,  ce  que  fait  un  roi  dans  son 
royaume.  Le  dharma  qui  est  sa  religion  consiste  à  comprendre 
que  le  donné  est  fait  de  phénomènes  (dharma  au  sens  de 
samskâra)^  mais  de  phénomènes  en  connexion,  ajustés  en  une 
insurmontable  relativité  par  la  loi  de  causalité,  —  de  sorte 
ipi'il  suffit  de  dissocier  méthodiquement  leur  contexture  pour 
trouver  dans  le  nirvana  qui  n'est  ni  être,  ni  non-être,  la  déli- 
vrance. Reconnaître  le  conditionné  pour  du  conditionné,  c'est 
la  tâche  de  l'intelligence  et  la  voie  du  salut.  Pareillement,  dans 
un  Etat  régi  par  un  prince  juste,  se  conformer  à  la  loi  est  le 
plus  sûr  moyen  d'en  éviter  les  rigueurs. 

IV.  Le  Mdhmjàna,  peut-être  sous  l'influence  de  théories 
créationnistes  d'inspiration  gnostique,  cherche  dans  le  Boud- 
dha lui-même  le  principe  qui  donne  l'être  aux  phénomènes. 
Il  les  suscite  par  une  puissance  d'illusion  qui  lui  appartient  en 
propre,  comparable  à  ïasurnsya  mâyâ  de  Mitra  ou  de  Varuna, 
ainsi  qu'à  la  Maya  de  Krsiia  reconnue  par  les  Bbâgavatas. 
Mais  ces  phénomènes  qu'il  suscite,  il  les  proclame  illusoires  : 


272  AVRIL-JUIN   1922. 

il  ne  pourrait  sauver  s'il  ne  savait  tromper.  L'ordre  fallacieux 
de  l'illusion,  comme  l'ordre  salutaire  de  l'affranchissement,  se 
fondent  également  dans  le  Tathâgata.  La  Prajnapâramitâ , 
Açvaghosa,  l'école  Mâdhyamika,  enfin  et  surtout  les  Yogâcâras 
élaborent,  de  plus  en  plus  complexe,  une  doctrine  des  corps 
du  Bouddha  {^trikâija;  cf.  /.  As.,  mai-juin  191 3),  par  la- 
quelle se  précise  la  notion  d'un  Bienheureux  faiseur  de  cette 
fantasmagorie,  le  monde,  mais  dénonciateur  de  cette  fantas- 
magorie et  prêchant  lui-même  la  vacuité  de  sa  loi.  Ne  nous 
étonnons  donc  pas  que  le  même  mot  désigne  à  la  fois  la  reli- 
gion bouddhique  (^Dhammapada;  Dharmnsamgraha)  et  l'être; 
comme  aussi,  pour  parler  à  la  façon  des  Alexandrins,  l'essence 
intelligible  et  idéale  (par  exemple  dans  Dharmaknya,  «agré- 
gat des  dharmasîî),  ou  encore,  si  l'on  s'en  tient  au  point  de 
vue  de  la  conscience  subjective,  ces  manières  d'être  qui  sont 
nos  états  d'àme  {^Dhammasangmiiy  Pour  des  esprits  convain- 
cus d'avance  que  tout  n'est  que  phénomène  et  relativité,  la  loi 
consiste  à  comprendre  que  tout  n'est  que  loi.  Cette  loi  n'a  ni 
plus  ni  moins  d'existence  que  les  Bouddhas  qui  la  conçoivent; 
et  l'ordre  qu'elle  implique,  ce  sont  eux  qui  en  exorcisent  le 
prestige,  mais  ce  sont  eux  aussi  qui  le  maintiennent. 

V.  Nous  allons  saisir  à  présent  pourquoi  le  Brahmanisme 
médiéval,  qui  prête  au  mot  de  dharma  des  acceptions  tech- 
ni(|ues  variables  selon  les  darçanas  (par  exemple  :  l'objet  du 
sens  interne  ou  manus^,  fait  en  somme  à  cette  idée  si  peu 
de  place.  C'est  peut-être  parce  que  le  mot  est  devenu  presque 
synonyme  de  Bouddhisme,  nom  d'une  hérésie  que  l'on  com- 
bat. Mais  c'est  surtout  parce  que  le  Brahman  védantique,  le 
Purusa  (lu  Samkliya  et  autres  premiers  principes  admis  par 
les  écoles  orthodoxes  n'ont  cure  de  justifier  l'existence  d'un 
ordre  quelconque  dans  la  diversité  du  donné  empirique.  En 
contraste  avec  l'erreur  absolue,  l'identité  pure  du  vrai  suffit 


MÉLANGES.  273 

désormais  aux  esprits  spéculatifs,  que  cesse  d'intéresser  le 
monde  sensible.  Le  Bouddhisme  faisait  figure  d'un  Védisme 
sans  dieux,  sans  prêtres,  mais  avec  un  monarque  spirituel, 
dont  la  pensée  jouait  le  rôle  que  remplissait  naguère  l'acte 
sacrificiel.  Or  le  Vedânta  nous  apparaît  comme  un  Bouddhisme 
sans  Bouddha,  où  culmine  un  Atman  sans  pensée,  véritable 
hypostase  du  nirvana  (cf.  l'expression  de  Brahmanirvânay 
Entre  ces  deux  pôles,  l'erreur  infiniment  diverse,  et  l'unité 
seule  vraie,  il  ne  saurait  v  avoir  aucun  ordre  ni  moral,  ni  lo- 
gique, ni  ontologique  à  maintenir  :  le  dharma  ne  peut  plus 
jouer  aucun  rôle  métaphysique. 

Nous  conclurons  qu'à  travers  son  évolution  l'idée  de  dharma 
demeura  fidèle  à  sa  signification  fondamentale,  exprimée 
dans  la  valeur  constante  de  la  racine  indo-européenne  dont 
procède  ce  mot  :  tenir  ferme,  maintenir.  D'où  l'aspect 'spé- 
cifiquement indien  de  cette  idée,  aspect  que  ne  présentent 
ni  l'idée  juive  de  loi,  pourtant  identique  en  Israël  à  celle  de 
religion;  —  ni  l'idée  grecque  de  v6(xos,  qui  cependant  atteste, 
par  son  contraste  avec  (pvcris,  un  artificialisme  très  accusé;  — 
ni  l'idée  chinoise  de  fa  y^,  traduction  consacrée  de  dharma, 
mais  dont  le  sens  originaire  est  voie,  méthode,  et  non  loi. 

Il  nous  sera  permis  de  schématiser  dans  le  tableau  suivant 
les  principales  étapes  de  l'évolution  du  concept  de  dharma  : 

Sens  acli{  (dlinniKm)  : 

Puissance  de  l'acte  sacrilicuil ,  ordonnateur  et  conservateur  du 
monde. 

Sens  passif  (dharma)  : 

Le  résultat  de  la  puissance  du  souverain;  l'ordre  qu'il  fonde  en 
établissant  et  conservant  la  justice. 

Le  résultai  de  la  puissance  de  la  relalivitf?^  qui  dans  notre  igno- 
rance constitue  le  monde  et  qui,  une  fois  comprise,  le  dissout. 

MX.  18 


•274  AVRIL-JUIN  1922. 

Le  résultat  de  la  puissance  du  Bouddha,  mystificateur  et  sauveur. 
Le  résultat  de  Tactivité  des  cinq   sens,  objet  propre  du  marias, 

reconnu  comme  sorte  de  ffseusorium  commune n  par  les  Vaiçe- 

sikas. 

Le  dhai-ma  pouvant  de  la  sorte  se  définir  ;  ie  fait  d'être 
maintenu,  par  l'efficace  d'un  pouvoir  qui  maintient,  —  dieu, 
prêtre,  roi  ou  Bouddha,  —  on  ne  saurait  s'étonner  que  tout 
ce  qui  fut  conçu  par  la  pensée  indienne  comme  pourvu  de 
quelque  stabilité  ait  mérité  le  nom  de  dliarma  :  l'ordre  cos- 
mique; —  la  justice  sociale,  le  régime  des  castes;  —  l'objec- 
tivité de  l'être,  fut-il  phénomène  et  vacuité  universelle;  —  la 
vérité  de  la  religion;  —  les  mœurs  et  convenances. 

Mais  peut-être  trouvera-t-on  étrange  ique  le  Bouddhisme, 
pour  lequel,  comme  pour  Heraclite,  -nâvroi  psï,  tout  est  per- 
pétuellement instable,  ait  précisément  désigné  sa  doctrine  par 
le  même  mot  de  dharnia,  qui  implique  stabilité.  —  A  cette 
objection,  nous  répondrons  que  les  Bouddhistes  admettent 
une  stabilité  :  celle  du  vide.  rrTout  est  relatif,  il  n'y  a  que  cela 
d'absolu.  V  Ainsi  s'exprimait  A.  Comte  dans  l'une  de  ses  pre- 
mières lettres  à  d'Ëichthal.  Mais  l'absolue  relativité  est  encore 
un  absolu. 

Au  surplus,  notre  interprétation  se  trouve,  à  quelque  degré 
tout  au  moins,  corroborée  par  deux  faits  qui  nous  serviront 
comme  de  contre-épreuve. 

Le  premier  atteste  ([ue  le  vieux  Brahmanisme  concevait 
bien  le  dbarma  comme  un  ordre  stable*:  c'est  le  fait  que  la 
plus  ancienne  génération  des  sophistes  indiens,  dialecticiens 
négateurs  de  toute  vérité  comme  de  toute  moralité,  c'est-à-dire 
de  tout  ordre,  ont  décoché  contre  le  dbarma  leurs  traits  les 
plus  acérés.  Le  véliénient  immoralisme  de  ces  «libertins?' 
s'exprime  en  des  diatribes  aussi  nietzschéennes  que  celles  de 
ce  Calliclès  qui  scandalisait  les  Athéniens  de  bonne  famille, 
amis  du  jeune  Platon,  les  Glaucon  et  les  Adimanthe;  ces  bou- 


MÉLANGES.  2?5 

tades  d'un  relativisme  effréné,  le  Mahâbhârata  nous  les  a  con- 
servées en  de  saisissantes  formules  :  «Le  juste  prend  les  appa- 
rences de  l'injuste;  l'injuste,  celles  du  juste»  (^ad/iarmarûpo 
dharmo  lii  kaçcid  (isti ,  dharmaçcâdharmarûpo' stiy  «Le  droit 
d'une  époque  est  l'illégalité  d'une  autre  époque.»  «La  mora- 
lité n'est  qu'un  bavardage  insensé»  [dharmo  bhavati  pralâpahy, 
c'est  la  force,  ou  l'argent,  qui  font  loi.  —  La  seule  réfutation 
qu'ont  comportée  ces  sarcasmes,  c'est  celle  à  laquelle  faisait 
allusion  le  texte  cité  de  la  Brhadârnnyakopnnimd  :  l'affirmation 
d'une  V  vérité  en  laquelle  le  fîiible  met  son  recours  comme  en 
un  roi»;  de  même  qu'en  Grèce  Platon  réfutait  Gallidès  en  éta- 
blissant l'existence,  sinon  dans  l'ordre  de  la  réalité  sensible, 
du  moins  dans  l'ordre  du  vrai,  de  lois  non  écrites  (^v6(xoi  àypd- 

Enfin  l'autre  fait  qui  nous  paraît  montrer,  celui-là,  que  le 
Bouddhisme  concevait  aussi,  à  sa  façon,  le  dharma  comme 
une  stabilité,  c'est  cette  simple  glose  donnée  par  un  traduc- 
teur chinois  du  mot  de  dharma,  et  rapportée  par  E.  Chavannes 
dans  sa  traduction  des  Cinq  cents  contes  (11,  9  5(j)  :  tchou  tch'eu 
fÈ^î  le  premier  de  ces  termes  signifiant  c^ arrêter»,  le 
second  «tenir  ferme,  gouverner,  maintenir w. 

P.  Masson-Ourskl. 


iX. 


276  AVRIL  JUIN   1921 

LA  PLUS  ANCIENNE  TOMBE  CHRÉTIENNE 
DE  riADE  SEPTENTRIONALE". 

On  ne  sait  peut-être  pas  que  Agra,  qui  possède  le  plus  beau 
mausolée  qui  existe  au  monde,  renferme  en  même  temps  le 
plus  ancien  tombeau  chrétien  du  Nord  de  l'Inde,  un  tombeau 
beaucoup  plus  vieux  que  celui  qui  est  enchâssé  dans  le  fameux 
Taj.  Mais  où  peut-on  voir  celte  tombe  si  intéressante? 

Il  y  avait  dans  le  vieux  et  beau  cimetière  arménien  d'Agra 
innommé  mamtenant  le  R.  C.  Gimetery)^^'  un  mausolée  octogo- 
nal, sans  prétention  aucune,  si  on  le  compare  à  ceux  qui 
furent  érigés  parla  suite  dans  le  même  cimetière,  à  la  mémoire 
de  Hessing,  le  fameux  Sumru,  et  d'autres  aventuriers  mili^- 
taires  du  xvni"  siècle. 

Dans  cet  édifice,  qui  est  la  plus  ancienne  construction  chré- 
tienne d'Agra  et  qui  est  connue  sous  le  nom  de  rt  chapelle  du 
martyr 71,  se  trouve  la  tombe  d'un  marchand  arménien,  riche 
et  très  pieux,  nommé  Martyros,  et  qui  mourut  à  Agra  en  l'an 
i6i  1  de  J.-G. 

Mais,  avant  de  décrire  la  tombe  et  de  transcrire  l'inscrip- 
tion bilingue  qui  est  gravée  dessus,  il  sera  bon  de  noter  que  le 
nom  arménien  Martyros  [|]^/w^»i/i/»^//f/]  signifie  httéralement 
un  jnartyr,  d'où  la  dénomination  actuelle  de  cette  chapelle  mor- 
tuaire; bien  ([ue  quelques  auteurs  et  archéologues  catholiques 
trop  zélés  aient  vainement  tenté  d'établir  une  corrélation  entre 
cette  chapelle  et  le  martyre  de  deux  Pères  Jésuites  qui  mou- 

'')  Rédiyi'  (Ml  arijrlais  par  M.  Sclli,  ct'l  article  a  été  obligeamment  traduit 
on  français  par  M.  Macler,  professeur  d'arménien  à  i'KcoIe  nationale  des  langues 
orientales  vivantes. 

(^)  Cimetière  caliiolinuc  romain. 


MELANGES.  277 

rurent  en  prison  sous  le  règne  du  Chah  Jahan  et  furent  trans- 
portés et  enterrés  dans  la  Chapelle  de  Martijros,  parce  qu'en  ce 
temps-là  il  n'y  avait  pas  d'autre  terre  bénite  à  Agra. 

Lorsqu'on  pénètre  dans  cette  chapelle  mortuaire,  on  trouve 
dans  la  niche  placée  à  droite  deux  tablettes  murales  en  grès, 
l'une  recouverte  d'une  inscription  arménienne  et  placée  à  la 
tête  du  tombeau,  l'autre  portant  une  inscription  persane  pla- 
cée au  pied  du  même  monument. 

J'ai  cependant  le  regret  de  faire  observer  que  les  mains 
impies  des  vandales  n'ont  pas  épargné  ces  tablettes;  on  y  dis- 
tingue nettement  des  traces  de  plâtre,  ce  qui  prouve  à  l'évi- 
dence que  ces  tablettes  ont  été  recouvertes  de  plâtre,  puis, 
plus  tard,  badigeonnées  à  un  moment  où,  dans  l'intérêt  de 
l'archéologie,  le  plâtre  blanc  avait  été  enlevé  par  quelques 
ouvriers  malhabiles,  évidemment  à  l'aide  d'un  pic  trop  gros- 
sier. Plusieurs  lettres  de  l'inscription  arménienne  ont  élé  très 
écornées,  et  ce  n'est  pas  sans  de  grandes  difficultés  que  je  par- 
vins à  déchiffrer  l'inscription,  et  ce,  à  l'aide  d'ui/e  forte  loupe. 

Après  ce  qui  était  arrivé  aux  deux  tablettes  murales  dont  il 
vient  d'être  question,  je  supposai  aussitôt  que  d'autres  tablettes 
commémoratives  devaient  également  avoir  été  traitées  pareille- 
ment, je  veux  dire  avec  la  même  brutalité  expéditive  par  des 
mains  vandales;  depuis  lors,  j'ai  découvert  que  mes  soupçons 
et  mes  craintes  étaient  parfaitement  fondés ,  car,  à  ma  grande 
stupéfaction,  je  trouve  les  lignes  de  mauvais  augure  suivantes 
dans  l'ouvrage  de  Blunt,  Christian  Tombs  and  Monuments  in  the 
United  Provinces,  à  la  page  38  :  «Toutes  les  inscriptions  armé- 
niennes (sauf  celle  de  Hwaja  Morlenepus)  étaient  sur  les  mu- 
railles et  sont  maintenant  cachées  par  une  couche  de  badigeon 
dont  j'espère  qu'un  jour  elles  finiront  par  être  débarrassées,  n 

Depuis  cette  navrante  découverte,  j'ai  demandé  au  Service 
archéologi(jue  d'Agra  d'enlever  le  plâtre  ([ui  recouvre  les  murs 
de  la  chapelle  mortuaire  et  d'exposer  à  la  lumière  du  jour  les 


278  AVRIL-JUIN    1922. 

trésors  qu'il  cache.  J'ose  espérer  que  les  honorables  conserva- 
teurs des  K anciens  tombeaux  et  monuments»  donneront  satis- 
faction à  mon  humble  demande  et  sauveront  de  l'oubli  ces 
appréciables  monuments  de  mes  compatriotes,  dans  cette  an- 
cienne et  glorieuse  capitale  de  la  puissance  mongole. 

Arrivons  à  cette  inscription  bihngue,  dont  voici  la  transcrip- 
tion correcte  : 

ARMÉNIEN. 
^u/batMJL   h  UJju  inujuuuiLu  ihhpnuÊ 
yjuj  nnijnh  i/niniruft  ULunmhnnu   Ont- 
niujh  Jiun^iinjirquJL.  n  uibn^iui 
OUI  nui  oh  irL.  ujuinu/bou  trtn  uïT   jTî  fit-p 

PERSAN. 

Différentes  traductions  de  l'inscription  persane  ont  été  pro- 
posées depuis  iS-yô,  mais  aucune  n'a  été  rendue  correctement 
en  anglais,  comme  on  s'en  apercevra  dans  un  instant.  Quant  à 
l'inscription  arménienne,  elle  est  traduite  ici  pour  la  première 
lois,  comme  suit  : 

Dans  celte  tombe  reposa  le  pèlerin  (mablési) 

Martiros,  fils  de  Piihasi,  de  Jiilfa. 

Il  mourut  dans  la  ville 

d'A||r;i  et  donna  ses  biens  à  Dieu  pour  [le 

salut  de]  son  âme.  Ère  arménienne  totio  {—  i6i  i  de  J.-C). 


MÉLANGES.  279 

Il  ne  pouvait  pas  v  avoir  eu  de  plaque  sur  la  tombe  de  l'Ar- 
ménien Marliros,  étant  donné  que  le  Service  archéologique  a 
récemment  placé  une  plaque  en  marbre  blanc  sur  la  tombe, 
avec  l'inscription  suivante,  qui  est  plutôt  une  traduction,  com- 
bien incorrecte,  de  l'inscription  persane  placée  au  pied  du 
tombeau ,  et  qui  porte  : 

Ici  repose  le  saint  Hawaja  Mortenepus,  Arménien,  qui  professa  le 
Christ  et  qui  fut  un  homme  juste;  tout  ce  qu'il  avait,  il  ie  donna  par 
charité  aux  pauvres,  en  ga^^e  de  fldélité  à  son  Maître  adoré.  Dans  l'an- 
née mille  six  cent  et  onze  de  la  naissance  du  Christ. 

Tout  d'abord,  le  nom  de  la  personne  enterrée  là,  qui  est  la 
partie  essentielle  de  l'épitaphe,  a  été  inexactement  traduit.  Car, 
au  lieu  du  persan  Martinus  (^jmàajj.»),  qui  est  le  mot  latin 
pour  Martin,  ou  Martyrose,  les  savants  traducteurs  ont  lu  — 
je  ne  peux  comprendre  comment,  ni  d'où  ils  l'ont  tiré  —  Mor- 
tenepus, qui  n'est  certainement  pas  un  nom  arménien. 

En  outre,  le  mot  Mohdeû  (,^<XjLo),  qui,  en  arménien, 
signiiie  un  pèlerin  (^Juj^Çtnbult^  —  celui  qui  a  visité  le  saint 
sépulcre  à  Jérusalem  —  a  été  fautivement  traduit  comme 
signifiant  «Mokaddasnj,  dans  le  sens  de  «un  saint  homme jj; 
de  la  même  manière,  trop  arbitraire,  le  mot  persan  golânt 
(-liA^  =  un  esclave)  a  été  fautivement  traduit  par  «un  dis- 
ciple». 

Gomme  il  y  a  pas  mal  de  fautes  manifestes  dans  la  traduc- 
tion mentionnée  ci-dessus,  je  crois  devoir  donner  une  traduc- 
tion correcte  de  l'inscription  persane  originale;  elle  présentera 
ce  texte  : 

Ici  gît  enterré  l'Arménien  Ilwajeh  Martinus,  le  pèlerin,  qui  se  nom- 
mail  lui-m(^ine  l'esclave  du  Christ;  et  comiiie  il  avait  un  caractère  ciiari- 
tahle,  tout  ce  qu'il  possédait  il  le  donna  par  charité  aux  pauvres,  par 
respect  pour  son  Maître.  An  mille  six  cent  et  onze  de  la  naissance  de 
Jésus. 

Une    personne  qui   se  nomme  humblement  «l'esclave  du 


280  AVRIL-JUIN   1922. 

Christ»  (^^fiftutnnu'j  se  retournerait  dans  son  tombeau  si  elle 
était  appelée  «saint  homme w;  de  sorte  que  les  traducteurs  ont 
commis  une  injustice  envers  sa  mémoire,  en  le  qualifiant  de 
«  saint  w.  A  celte  occasion,  je  me  permets  de  suggérer  au  Ser- 
vice archéologique  d'Agra  de  remplacer  l'inscription  fautive  de 
la  plaque  actuelle,  et  de  la  remplacer  par  une  autre  qui  repro- 
duirait l'inscription  correcte  telle  que  je  l'ai  donnée  ci-dessus. 

Examinons  maintenant  qui  était  ce  marchand  arménien, 
pieux  et  charitable,  et  d'où  il  venait. 

Mon  excellent  ami,  le  docte  Père  Jésuite  H.  Hosten,  du 
collège  de  Saint-Joseph  à  Darjihng,  a  publié,  dans  son  inté- 
ressante note  sur  Mirza  Zul-Karnayn  (un  haut  fonctionnaire 
arménien  de  la  cour  de  Akbar,  Jehangir  et  Chah  Jahan),  la 
lettre  suivante  écrite  d'Agra  en  1612  ''',  et  qui  jette  un  Ilot  de 
lumière  sur  l'objet  de  cet  article. 

Le  Père  Jésuite  Joâo  de  Velasco,  écrivant  son  rapport 
annuel  d'Agra,  à  la  date  du  2  0  décembre  1  6  1  2  ,  dit  : 

Le  roi  nous  concéda,  ponr  enterrer  les  Chrétiens,  nn  terrain  conve-* 
nable  et  vaste,  où  les  restes  des  Chrétiens  furent  transportés,  au  milieu 
de  prières  solennelles,  le  '2  novembre  (Fête  des  morts)  :  les  présents 
offerts  par  les  Chrétiens  pour  les  morts  furent  distribués  aux  pauvres, 
fussent-ils  chrétiens  ou  païens;  tout  ce  qui  resta  fut  transporté  à  la 
prison  pour  réconforter  les  prisonniers;  cet  acte  de  charité  ne  contribua 
]jas  peu  à  étonner  et  à  édifier  les  Musulmans.  Plus  tard,  cet  endroit  fut 
orné  d'une  chapelle  {leînpium) ,  érigée  avec  les  aumônes  d'un  pieux 
Arménien  qui,  dégagé  des  liens  du  mariage  par  la  mort  de  sa  femme, 
se  rendit  eu  pèlerinage  à  Rome  et  à  Jérusalem,  les  lieux  saints  de  la 
Rcdemptiou.  De  là,  il  retourna  dans  son  pays  [patria)  et  donna  aux 
deux  fils  qui  lui  restaient,  après  la  mort  de  sa  femme,  tout  ce  à  quoi  ils 
avaient  droit.  Après  quoi,  il  se  consacra  si  complètement  à  Dieu  qu'il 

(^)  [La  version  anglaise  de  cette  lettre  a  été  publiée  par  \o  P.  Hosten  dans 
ses  Jcsuil  lettevs  and  allied  papers  on  Mogor,  Tibet ,  Brngid  and  Burma,  part  II  : 
MînzÀ  zl-l-Qarnain,  A  (lltrislian  jp-andpc  0/  tliir-c  grvul  Mogltuls,  willt  notes  on 
Akbar  s  Christian  wife  and  tlie  fndian  Bourbons,  dans  Memoirs  oj  ihe  Asial.  Soc. 
of  Bengal,  vol.  V,  n°  f\ ,  p.  i83-i8^i,  1916.] 


MELANGES.  281 

s'appelait  lui-nif*nie  le  petit  esclave  (mancipioluin)  du  Seigneur  Jésus,  et 
il  ne  permettait  pas  qu'on  le  nommât  d'un  autre  nom. 

Cependant,  il  voyagea  dans  divers  pays,  comme  négociant,  achetant 
et  vendant  des  marchandises,  et  re'alisant  des  bénéfices  qui  montèrent  à 
plusieurs  milliers  de  pièces  d'or  (««j-eî  =  mohui's  d'or?).  Tous  les  gains 
qu'il  réalisait,  il  les  abandonnait  aux  pauvres  ou  il  les  employait  à  des 
oeuvres  de  piété  et  de  charité,  et  ce,  si  fidèlement,  (|ue  ce  n'était  qu'à 
contre-cœur  qu'il  en  soustrayait  quelque  chose  pour  sa  subsistance.  Il 
avait  en  effet  l'habitude  de  répéter  que  ces  biens  n'étaient  plus  à  lui, 
mais  au  Seigneur  Jésus,  à  qui  il  s'était  consacré.  Une  fois,  après  de 
longs  délais,  cinq  mille  pièces  d'or  lui  furent  enfin  adjugées  à  la  suite 
d'un  procès  ;  quel  ne  fut  pas  l'élonnement  des  juges  quand  ils  le  virent 
distribuer  sur  l'heure  aux  pauvres  l'argent  qu'il  avait  reçu. 

H  racheta  de  très  nombreux  captifs,  de  sa  propre  bourse;  il  en  sou- 
lagea plusieurs  dans  leurs  besoins;  il  donna  des  dots  aux  femmes  ver- 
tueuses pauvres;  puis,  comme  le  1res  fidèle  serviteur  du  Seigneur  Jésus, 
il  donna  ses  biens  et  sa  vie.  Sans  aucun  doute,  il  mérita  d'entrer  dans 
la  joie  de  son  Seigneur. 

Il  fut  enterré  dans  la  chapelle  (m  templo)  qu'il  avait  construite  et  il 
demanda  au  Père  Xavier  d'écriie  sur  sa  tombe  :  «flci  repose  Martin 
(Martinus),  l'esclave  du  Seigneur  Jésus.» 

Il  fut  ainsi  fait;  et,  après  sa  mort,  tous  les  biens  qui  restaient  de  lui 
furent  en  partie  employés  à  construiie  et  à  orner  la  chapelle,  comme  il 
l'avait  ordonné;  en  partie  distribués  aux  pauvres  qu'il  avait  désignés 
comme  ses  héritiers. 

Le  témoignage  ci-dessus,  dû  à  la  plume  du  Père  Jésuite, 
qui,  évidemment,  connut  personnellement  le  pieux  Arménien, 
est  une  preuve  éloquente  de  la  bonté  de  mon  noble  compa- 
triote. 

Mon  excellent  ami,  le  Père  Jésuite  H.  Hosten,  qui  apporta 
ses  lumières  sur  un  sujet  aussi  intéressant,  et  auquel  je  suis 
personnellement  reconnaissant  pour  son  importante  décou- 
verte, la  commente  en  ces  termes  : 

N'est-il  pas  émouvant  que  l'inscriplion  gravée  sur  la  tombe  de  ce 
brave  homme  ait  été  si  longtenq)s  une  énigme  pour  les  archéologues  ou 
que  ses  bonnes  œuvres  reviennent  à  la  connaissance  du  public  après  un 
oubli  de  trois  siècles?  Les  insciiptions  (h;  sa  tombe,  en  arménien  et  eu 


282  AVRIL-JUIN    1922. 

persan,  sont  placées  en  retrait,  à  main  droite  de  la  chapelle  octogo- 
nale, lorsque  l'on  entre.  Ces  ligues,  les  pltis  vieilles  du  cimetière,  auront 
été  lues  autrefois  avec  incrédulité ,  comme  un  morceau  de  vaine  ostenta- 
tion. Mais  elles  sont  au  contraire  l'expression  modeste  de  grandes  réalités 
et  de  la  gratitude  des  pauvres  1 

L'histoire  de  ce  vieux  cimetière  arménien  d'Agra  reste 
encore  à  écrire.  Il  y  a  aujourd'hui,  en  déjùt  des  ravages  du 
temps  et  des  éléments,  environ  lao  tombes  avec  des  inscrip- 
tions arméniennes;  on  peut  les  voir  dans  ce  cimetière;  plusieurs 
d'entre  elles  ont  une  valeur  historique,  datant  des  premières 
années  du  xvif  siècle,  jusqu'au  milieu  du  siècle  dernier.  Des 
Arméniens  de  toutes  les  parties  de  l'Orient  sont  enterrés  là, 
avec  quelques  prêtres.  Il  y  a  parmi  eux  des  hommes  de  lettres, 
d'éminents  négociants,  des  artisans  habiles,  de  braves  soldats 
et  des  officiers  renommés. 

Lorsque  cette  histoire  aura  été  écrite,  elle  montrera  claire- 
ment que  la  colonie  arménienne  d'Agra  doit  avoir  été  très  pros- 
père aux  jours  glorieux  de  l'Empire  mongol '^l 

Mesrovb  J.  Setii. 


(^)  Pour  un  récit  détaillé  des  premiers  établissements  arméniens  dans  ce 
pays,  voir  Historij  of  the  Armemans  itt  Iiidia,  par  l'auteur  de  ces  lignes.  [La 
référence  exacte  du  livre  auquel  renvoie  M.  Seth  est  :  History  uf  the  Anne- 
niaiis  in  India,  frum  the  earliest  times  tu  the  présent  daij,  by  JMesrovb  J.  Skth..  . 
(  Calcutta,  1896),  in-16,  xxn -f-  190  P^S^s.] 


COMPTES  RENDUS. 


Professeur  Jaddnath  Sarkar.  History  of  Avra:igzib  mainly  basbd  ou  Pebsuhi 
SOURCES,  t.  I,  1919,  règne  de  Chah  Jahan,  xxvi-376  pages;  t.  II,  1913, 
guerre  de  succession,  3ao  pages;  t.  III,  1921,  Inde  septentrionale,  i658- 
1G61,  2'  éd.  revue  et  corrigée,  Sgi  pages;  t.  IV,  1919,  Inde  méridionale, 
16/15-1689,  «based  on  original  sources».  —  Calcutta,  M.  G.  Sarkar  and 
Sons,  in-19. 

—  ÂHKAM-i-ÀLAMGiBr  (Auecdotes  of  Aurengzib),  texte  persan  avec  traduction 
anglaise,  des  notes  et  une  l)iographie  de  Aurengzib.  —  Calcutta,  même  édi- 
teur, 1912;  in-18,  lit  à  pages -|-  72  pages  de  texte. 

—  Studies  in  Mughal  hùiA,  2*  édit.  —  Calcutta,  même  éditeur,  1919; 
in-12 ,  3i3  pages. 

—  MvGHAL  Administration.  —  Calcutta,  même  éditeur,  1990;  in-12, 
1  59  pages. 

—  Later  Mughals  by  William  Irvine,  édité  par  — ,  t.  I,  1707-1720.  — 
Calcutta  (même  éditeur)  et  Londres  (Luzac  and  C°),  sans  date  [1929]; 
in-S",  xwii  -{-  li'is  pages. 

Muhï  ad-dïn  Muhammad  Aureng-zeb,  sixième,  fils  de  l'empereur  Sâh 
Jahân  et  de  l'impératrice  Miimtaz  Malial,  naquit  le  ah  octobre  1G18.  A 
quatoi'ze  ans,  le  28  mai  i633,  en  présence  de  son  père  et  de  la  cour, 
le  jeune  prince  est  chargé  par  un  éléphant  furieux  et  soutient  bravement 
l'attaque.  Son  courage  lui  vaut  le  titre  de  bahadur  cr  héros  n  et  le  rend 
célèbre  dans  l'Inde  entière.  Il  est  nommé  dix-huit  mois  après  rr comman- 
dant de  10,000  cavaliersT)  et  entreprend  l'année  suivante  sa  première 
expédition  militaire.  Sa  carrière  ollioielle,  commencée  alors  qu'il  n'avait 
pas  encore  seize  ans,  se  continue  |)ar  le  gouvernement  du  Guzerate,  la 
vice-royauté  de  Balh,  le  gouveinement  du  Multân  et  du  Sind,  la  cam- 
pagne de  Kandahâr,  la  vice-royauté  du  Dekkan,  l'invasion  de  Golkonde, 
la  guerre  contre  Bijapur.  En  1667,  Sâh  Jahân  est  gravement  malade 
et  la  succession  de  l'empereur  est  ainsi  virtuellement  ouverte.  Dara  est 
désigné  comme  son  successeur;  mais  un  autre  fils,  Murad  Bahs,  se 


28A  AVRIL-JUIN  1922. 

proclame  empereur,  et  Aurengzeb  fait  également  valoir  ses  droits.  Une 
guerre  de  succession  entre  les  prétendants  s'ouvre,  qui  se  termine  au 
bénéfice  de  celui-ci  :  Aurengzeb  est  solennellement  couronné  empereur 
le  5  juin  1609,  pendant  que  Sâb  Jahân,  tenu  en  stricte  surveillance, 
mène  une  vie  misérable  qui  prendra  fin  en  janvier  1 666  seulement. 

Dans  les  tomes  III  et  IV,  le  règne  du  nouvel  empereur  est  décrit  dans 
le  délail  jusqu'à  l'année  1690.  A  celte  époque,  Aurengzeb  est  le  souve- 
rain incontesté  du  Nord  de  l'Inde  et  du  Dekkan.  ffll  semblait,  conclut  le 
professeur  J.  S.,  que  tout  avait  été  gagné  par  l'empereur:  mais,  en  réa- 
lité, tout  était  perdu.  Alors  s'ouvrit  la  période  la  plus  triste  et  la  plus 
désespérée  de  sa  vie.  L'empire  mongol  de  l'Inde  était  devenu  trop  étendu 
pour  être  gouverné  par  un  homme,  du  centre  du  pays...  Les  ennemis 
se  soulevèrent  de  tous  les  côtés:  il  put  les  battre,  mais  non  les  écraser 
définitivement.  L'illégalité  prévalait  dans  de  nombreuses  parties  de  l'Inde 
septentrionale  et  centrale.  Les  fonctionnaires  devenaient  négligents  et 
corrompus.  L'interminable  guerre  du  Dekkan  avait  épuisé  le  Trésor. 
Napoléon  I"  disait  :  ff C'est  l'ulcère  espagnol  qui  m'a  perdu.''  L'idcère 
du  Dekkan  perdit  Aurengzeb  1  (t.  IV,  p.  ^07). 

Ce  xvif  siècle  mongol  nous  est  connu  par  les  témoignages  de  voya- 
geurs européens;  mais  les  sources  persanes  et  les  documents  de  la 
chancellerie  impériale  n'avaient  pas  été  utilisés  encore  dans  une  étude 
d'ensemble.  C'est  le  grand  mérite  de  l'auteur  d'avoir  patiemment 
recherché  et  mis  à  contribution  toutes  les  informations  persanes  et 
indiennes,  qui  lui  ont  ainsi  permis  de  faire  œuvre  d'historien  dans  les 
moindres  détails  et  de  nous  donner  une  narration  vivante  et  fidèle  des 
règnes  de  Sâh  Jahân  et  d'Aurengzeb. 

Le  i^ySxls.  JX^\  Ahkam-i-Alauigiri  est  un  petit  volume  d'anecdotes 
sur  Aurengzeb,  qui  illustre  de  façon  intéressante  le  caractère  du  sou- 
verain. C'est  une  utile  addition  aux  quatre  volumes  précédents. 

Les  Stiidies  in  Mughal  India  contiennent  vingt-deux  chapitres  (dont 
dix  seulement  figuraient  dans  la  première  édition),  qui  traitent  des 
sujets  suivants  :  La  vie  journalière  de  Sâh  Jahân;  La  richesse  de  l'Inde 
en  i65o;  Les  compagnons  de  l'impératrice;  Qui  a  construit  le  Taj 
Mahal?;  Aurengzeb;  La  vie  jouinalière  d'Aurengzeb;  L'éducation  d'un 
prince  mongol;  La  princesse  Zeb-un-nissa  (le  dernier  enfant  d'Aureng- 
zeb et  de  sa  femme  persane  Dilras  Banu  Begam);  La  Néraésis  d'Au- 
rengzeb; Une  héroïne  musulmane;  Les  pirates  européens  de  Chatgaon; 
La  concjuèle  de  Chatgaon;  Saista  Hân  au  Bengal  (1666-1666);  Le 
règlement  d'A(uengzeb  pour  la  perception  des  impôts;  Orissa  au 
xvu'  siècle;  Un  grand  mémorialiste  hindou  (Bhimsen);  Un  ancien  his- 


COMPTES  RENDUS.  285 

lorien  hindou  d'Aurengzeb  (Iswar-das  du  Guzerale);  William  Irvine 
(riiistorien  des  derniers  empereurs  mongols);  lluda  Bahs,  le  Bodley 
indien  (fondateur  de  la  riche  bibliothèque  qui  porte  son  nom);  L'art 
dans  l'Inde  musulmane;  L'instruction  dans  llude  musulmane;  Monar- 
chies orientales. 

Mughal  Administration  [Palna  University  readership  lectures,  i()2o) 
comprend  six  chapitres  qui  traitent  respectivement  de  :  I.  Le  gouver- 
nement, son  caractère  et  ses  buts;  II.  Le  souverain  et  ses  ministres; 
III.  Les  ministères  du  Trésor  et  de  la  Maison  impériale,  et  leur  fonc- 
tionnement; IV.  L'administration  provinciale;  V.  Les  impôts;  VI.  Le 
gouvernement  mongol  :  son  œuvre  et  son  insuccès. 

Comme  les  précédents,  ces  deux  derniers  volumes  sont  pleins  d'in- 
formations puisées  à  des  sources  orientales  inédites:  et  c'est  ce  qui 
donne  une  valeur  particulière  aux  travaux  de  M.  J.  S.  Ecrits  dans  un 
anglais  clair  et  agréable,  ces  volumes  fourniront  aux  historiens  euro- 
péens la  documentation  qui  leur  manquait  sur  cette  période  de  la 
domination  mongole  dans  l'Inde. 

William  Irvine,  mort  en  1911,  est  surtout  connu  par  sa  jnagistrale 
édition  de  la  Storia  do  Mogor  de  Niccolao  Manucci  {Indian  texts  séries, 
k  vol.,  1907-1908);  mais  ce  n'est  qu'une  partie  de  son  œuvre,  qui 
comprend  notamment  une  collaboration  assidue  à  des  périodiques  [Cal- 
cutta Ileview,  Journ.  of  the  Asiat.  Soc.  of  Bengal,  Indian  Magazine, 
Indian  Antiquary,  Asiat.  Quarterly  lieview,  Journ.  of  the  Moslem  Institutc, 
Journ.  oj  R.  Asiat.  Society)  de  1869  à  1911.  On  en. trouvera  la  bibho- 
grapbie  dans  l'introduction  du  lome  I  des  Later  Mughals,  qui  vient  de 
paraître.  M.  J.  S.  remplit  le  pieux  devoir  de  publier  le  dernier  travail 
de  celui  qui  fut  son  maître  et  ami. 

Le  présent  volume  s'étend  sur  une  période  de  treize  ans  :  1707- 
1720,  qui  comprend  :  le  règne  de  Balladur  Sâh,  décédé  le  27  février 
1712;  le  court  interrègne  qui  précéda  l'avènement  de  Jahandar  Sàh, 
couronné  le  3o  mars  de  la  même  année;  en  février  1718,  celui-ci  est 
battu,  décapité  et  remplacé  par  Farruh-siyar,  qui  fut  exécuté  à  son 
tour  en  avril  1719.  Kaliu'd-darjat  lui  succède,  mais  il  est  déposé  au 
début  de  juin  de  la  même  année.  Uafiu'd-dawla  est  couronné  ensuite 
et  meurt  de  maladie  le  17  ou  18  septembre  1719,  apiès  un  règne  de 
quelques  semaines.  L'histoire  de  chacun  de  ces  souverains  se  termine 
par  une  appréciation  de  son  caraclèie  et  par  des  renseignements  détail- 
lés sur  sa  famille  et  les  monnaies  frappées  sous  son  règne.  On  retrouve 
dans  ce  travail  toutes  les  qualités  dont  Irvine  a  fait  preuve  dans  les 
ouvrages  qu'il  publia  lui-même.  On  admirera  l'étendue  de  sou  informa- 


'286  AVRIL-JUIN    1922. 

tion.  qui  comprend,  en  réalité,  tous  les  documents  orientaux  actuelle- 
ment accessibles,  que  cet  infatigable  chercheur  de  textes  avait  patiem- 
ment réunis  et  qu'il  était  certainement  seul  en  état  de  se  procurer  en 
aussi  grand  nombre.  L'œuvre  est  d'un  ouvrier  de  premier  ordre  dont 
on  ne  saurait  trop  regretter  la  perte. 

Gabriel  Ferrakd. 


Publications  de  l'École  supérieure  de  langue  arabe  et  de  dialectes  berbères 
DE  Rabat.  —  Editions  Ernest  Leroux,  28,  rue  Ronaparte,  Paris. 

Les  Publications  de  l'Ecole  supérieure  de  Rabat ,  inaugurées  en  1918. 
en  sont  au  moment  où  j'écris  à  leur  septième  volume.  Ces  travaux 
témoignent  d'une  activité  féconde  qui  mérite  d'être  mise  en  lumière  et 
hautement  louée.  Rien  ne  peut  mieux  servir  les  intérêts  généraux  de 
notre  protectorat  que  cette  enquête  scientifique  permanente  menée  avec 
tant  de  zèle  au  Maroc,  à  l'exemple  de  ce  qui  fut  fait  et  se  continue  en 
Algérie. 

I.  Emile  Laoust.  Etude  svr  le  vialecte  berbère  des  Ntifa.  Grammaire, 
textes.  — •  1918,  p.  XTi--'j/i6,  in-8°. 

Dans  une  courte  préface,  AL  L.  indique  la  situation  des  Ntifa,  qui 
habitent  une  partie  importante  de  rr  l'angle  largement  ouvert  vers  l'Océan 
que  forment  le  Grand  et  le  Moyen  Atlas  à  leur  point  de  suture  encore 
mal  connu fl  (p.  vu).  Suivent  un  tableau  des  signes  de  transcription  et 
la  liste  des  ouvrages  consultés. 

La  grammaire  comprend  deux  parties  :  la  phonétique  (consonan- 
tisme,  vocalisme  et  structure  syllabique),  p.  i-liS;  la  morphologie  et 
la  syntaxe  divisées  en  six  chapitres  (nom,  verbe,  pronom,  numération, 
de  l'idée  qualificative,  mots  invariables),  auxquels  s'ajoute  un  appen- 
dice intitulé  :  le  temps  et  ses  divisions,  les  fêtes  saisonnières  et  agraires 
(le  jour,  les  divisions  du  jour,  heures  des  repas,  heures  des  prières, 
mesure  du  temps,  noms  des  jours  [les  Ntifa  emploient  les  noms  arabes 
des  jours  de  la  semaine],  superstitions  relatives  aux  jours;  le  calendrier, 
les  mois,  les  saisons,  fêtes  saisonnières),  p.  ^g-SsS.  Les  trente-trois 
textes  qui  terminent  le  volume,  accompagnés  de  leur  traduction  (p.  3-35- 
A37),  com|)rennent  vingt-quatre  textes  ntifa,  quatre  textes  infedouaq, 
quati-e  textes  imeghran  et  un  texte  des  Ait  hou  OuUi. 

La  phonéli(p]e  et  la  morphologie  du  htifi  sont  clairement  exposées; 
l'auteur  s'est  sagement  borné  à  l'élude  de  ce  dialecte,  et  cette  [)rudente 
restiitilibn  s'impose.  Le  berbèie  marocain  n'en  est  encore  qu'à  la  période 


COMPTES  RENDUS.  28? 

des  monographies  dialectales:  ce  n'est  que  plus  tard  qu'on  pourra  songer 
au  comparatisme  des  dialectes  marocains  entre  eux,  puis  avec  les  ault-es 
dialectes  et  parlers  de  la  famille  tout  entière.  Cette  première  étude  du 
ntifi  y  trouvera  la  place  qu'elle  mérite  et  on  doit  féliciter  M.  Laoust 
d'avoir  entrepris  ses  recherches  alors  que  le  tei-ritoire  des  Ntifa  n'était 
pas  encore  occupé  par  nos  troupes.  Ces  enquêtes  scientifiques  en  pays 
insoumis  exigent  des  quahtés  nombreuses  qui  n'apparaissent  pas  dans 
l'exposé  des  résultats  linguistiques;  il  convient  de  marquer  qu'on  ne 
l'ignore  pas  et  d'ajouter  que  les  travaux  de  ce  genre  font  grand  honneur 
à  leurs  auteurs. 

II.  Louis  MiLLioT.  DÉMEMBREMENTS  DU  H.iBous  :  Meiifa'â,  Gzâ ,  Guelsd, 
Zînd,  Istighrdq.  —  1918,  p.  i85,  avec  la  reproduction  photographique  de 
i3  pièces. 

ff Aussitôt  entrepris,  dit  l'auteur  dans  son  introduction ,  le  travail  de 
leconstitution  du  patrimoine  des  Hahous  Publics  mettait  l'Administra- 
tion en  présence  de  la  difficulté  suivante  :  un  grand  nombre  d'immeubles 
se  trouvaient  depuis  un  temps  immémorial  àiix  mains  d'individus  qui 
prétendaient  avoir  acquis  sur  eux ,  à  divers  titres .  un  droit  perpétuel  de 
jouissance.  Les  occupants  ne  contestaient  point,  d'ailleurs,  aux  im- 
meubles qu'ils  détenaient  le  caractère  de  biens  habous;  mais,  à  les 
entendre,  les  droits  des  Fondations  se  réduisaient  à  la  perception  d'une 
redevance  perpétuelle.  Outre  le  bénéfice  de  la  situation  acquise,  ils  pou- 
vaient invoquer  des  usages  séculaires,  dont  il  fallait  nécessairement 
tenir  compte.  De  nombreux  étrangers  ou  protégés  étrangers  s'étant  fait 
céder  les  di'oits  des  indigènes,  la  question  se  compliquait  encore  d'un 
aspect  international,  -n 

Ainsi  se  pose  ce  problème  extrêmement  compliqué.  Docteur  es  sciences 
juridiques  et  diplômé  d'arabe,  M.  L.  M.  a  pu  l'étudier  en  sa  double  qua- 
lité de  juriste  et  d'islamisant,  tr L'étude  des  textes  du  dira,  dit-il  (p.  5), 
puis  du  milieu  historique  où  elle  a  pris  naissance  et  s'est  développée, 
nous  pcrmellra  de  dégager  les  traits  caractéristiques  de  l'institution. 
L'étude  des  Dahirs  nous  la  montrera  au  terme  de  son  évolution. n  De 
cet  exposé  est  née  la  division  du  livre  en  trois  parties  :  étude  des  textes 
arabes  régissant  la  matière  (p.  fi-By),  le  milieu  historique  (p.  38-66), 
la  législation  du  protectorat  (p.  t)7-7<j).  Six  annexes  donnent  en  texte 
arabe  jihotographié  et  en  traduction  intégrale  ou  résumée  :  deux  extraits 
du  'Amal  al-Fdsi  (chap.  du  louage,  du  jugement,  du  seimeht  et  du 
témoignage);  une  /e^fra  autographe  de 'Abd  al-Qâdir  al-Fàsî,  les  Pio- 
cès-verbaux  de  la  Commission  des  droits  de  gz,d,  guelsd,  clé,  etc.;  la 


28S  AVRIL-JUIN   192!>. 

Législutiou  rlu  Protectorat  (textes)  et  des  pliotograpliies  d'actes  (p.  84- 
181). 

Ce  livre  bien  documenté  est  appelé  à  rendre  de  signalés  services  à 
l'Adminislration  du  Protectorat  lorsque  ffdu  domaine  de  la  spéculation 
pure  et  de  l'efTort  législatif,  le  problème  va  passer  dans  celui  de  la  pra- 
tique juridiques.  Plus  et  mieux  que  tout  antre,  M.  L.  M.  lui  a  fourni 
les  éléments  nécessaires  pour  le  traiter  en  pleine  connaissance  de  cause. 

III-IV.  Louis  j\Iii,L!OT.  Recveil  de  jurisprudence  CHÉRiFiEyNE.  Tribunal 
du  Miuistre  chérifien  de  la  Justice  et  Conseil  supérieur  d'Ouléma  [Medjlès 
al-Istimif).  T.  1,  /io()  pages,  avec  une  table  de  classement  des  affaires,  une 
table  chronologique  des  décisions ,  une  table  alphabétique  des  noms  des 
parties ,  une  table  alphabétique  des  auteurs  et  des  ouvrages  musulmans 
cités,  un  vocabulaire  arabe-français,  une  table  alphabétique  des  matières  et 
une  table  générale  analytique  des  matières;  t.  II,  3^3  pages,  avec  les  mêmes 
tables  et  vocabulaire  qu'au  tome  I.  Un  très  grand  nombre  de  pièces  arabes, 
toutes  inédites,  sont  reproduites  en  photographie  (aSi  chchés  pour  les 
deux  volumes). 

Le  oUJLuvill  ^vJLs:  Medjlès  al-Istinàf  ou  juridiction  d'appel,  créé  par 
un  dahiren  date  du  ao  décembre  iQiS,  a  rendu  déjà  un  certain  nombre 
d'arrêts  qui  peuvent  constituer  jurisprudence.  Chargé  pendant  un  an 
des  fonctions  de  commissaire  du  Gouvernement  près  les  juridictions 
chériGennes,  et,  comme  tel,  délégué  du  Protectorat  auprès  du  Conseil 
supérieur  d'Ouléma  et  du  Miuistre  chérifien  de  la  Justice,  M.  L.  M., 
l'auteur  du  volume  II  [vide  supra),  a  assisté  au  travail  de  préparation 
des  dossiers  de  procédure.  rLes  arrêts,  dit-il.  ont  été  rendus  sous  notre 
contrôle.  Nous  les  hvrons  à  la  publicité  comme  des  documents  à  la  fois 
importants  et  auxquels  nous  croyons  pouvoir  assigner  toute  leur  impor- 
tance» (p.  a  1-2 2). 

Dans  son  introduction  (p.  3  et  suiv.),  l'auteur  expose  les  raisons 
juridiques  et  politiques  qui  ont  rendu  nécessaire  la  création  de  ce  tri- 
bunal (et  non  cour)  d'appel,  la  compétence  du  juge  unique,  les  délais 
dappel,  la  procédure  et  l'issue  possible  :  confirmation  du  jugement 
rendu  par  le  kâdï,  réforme,  cassation  et  renvoi,  ou  revision.  Suit,  à 
titre  d'exemple,  un  procès  dont  le  dossier  se  décompose  en  quatre 
instances  différentes  :  une  instance  engagée  devant  le  kàdî  de  Keuitra, 
une  deuxième  instance  engagée  devant  le  même  juge,  une  instance 
devant  le  Tribunal  \  iziriel  d  up])el  et  une  nouvelle  instance  engagée 
devant  le  kàdi  de  Salé,  après  cassation  et  renvoi  par  le  Tribunal  \ iziriel 
devant  ce  dernier  juge.  ffLe  dossier  de  la  procédure,  dont  le  texte  est 
photographié  dans  les  3i   clichés  ci-après,  se  préseule  matériellement 


COMPTES   RENDUS.  289 

sous  la  forme  d'une  bande  de  papier  longue  de  5  à  6  mètres,  large  de 
9  0  à  95  centimètres,  écrite  au  recto  et  au  verso,  obtenue  en  collant 
bout  à  bout,  sans  aucun  ordre,  les  actes  de  la  procédure.  La  bande  est 
d'ordinaire  repliée  sur  elle-même  dans  le  sens  de  la  largeur,  de  façon  à 
former  un  rouleau  commode  à  transporter.  Quand  on  veut  consulter  le 
dossier,  on  la  dérouler  (p.  5i).  Suivent  une  soixantaine  d'affaires  dont 
les  pièces  de  procédure  sont  reproduites  en  photographies  et  traduites 
ou  résumées  par  M.  L.  M.  Des  commentaires  appropriés  rendent  ce 
recueil  précieux.  Ainsi,  à  propos  de  la  propriété  d'une  esclave  dépen- 
dant d'une  succession  (appel  n°  83,  t.  1,  p.  902  et  suiv.),  ou  trouvera 
une  très  intéressante  note  sur  l'esclavage  dans  l'Islam  [ihid.,  p.  -2  13- 
218;  cf.  également  t.  II,  appel  0°  i5,  p.  978-279). 

Dans  ces  deux  volumes  et  dans  le  précédent  [vide  supra,  II),  l'auteur 
a  précisé  le  sens  exact  d'un  grand  nombre  de  termes  juridiques.  Ses  tra- 
vaux, qu'il  faut  louer  sans  réserve,  intéressent  au  même  degré  juriscon- 
sultes, sociologues  et  arabisants.  11  y  a  lieu  d'ajouter  que  de  nombreuses 
tables,  un  glossaire  arabe  et  un  index  analytique  des  matières  pour 
chaque  volume  permettent  de  retrouver  rapidement  les  renseignements 
recherchés. 

V.  Louis  Bronot.  La  mer  dans  les  traditioxs  et  les  industries  indi- 
gènes À  Rabat  et  Salé.  -  1921,  xiv-358  paj^es,  avec  hd  figures  daus  le  texte 
et  ti  cartes  et  plans. 

VI.  Louis  Brunot.  Notes  lexicologiqves  sur  le  vocabulaire  siaritime 
DE  Rabat  et  Sale.  -  igao.xvi-iôi  pages. 

Pour  ces  deux  volumes,  je  renvoie  aux  comptes  rendus  de  M.  Huart 
parus  dans  le  Journal  asiatique,  XI"  série,  t.  XIX,  1922,  p.  io5-iii. 

VIL  Edward  Westeumarck.  Les  cérémonies  du  mariage  au  Maroc,  tra- 
duit de  l'anglais  par  M""  J.  Arin.  -  1921,  894  pages,  avec  un  index  des 
mois  arabes  et  des  mots  berbères,  un  index  générai  et  une  table  analy- 
tique des  matières. 

L'ouvrage  de  A\ esteimai-ck  est  trop  connu  pour  y  insister.  On  doit 
savoir  gré  à  M"""  Arin  d'en  avoir  donné  une  traduction  élégante  et  fidèle. 

Gabriel  Ferramd. 


Henri  Basset.  Essai  sor  la  littérature  des  Berbères.  —  Alger,  igao;  in-8°, 
Ziiô  pages,  avec  index  (librairie  Jules  Carbonel). 

ff Qu'est-ce  que  cette  langue  berbère,  qui,  aujourd'hui  encore,  après 
tant  de  siècles  écoulés,  après  tant  de  successives  dominations  étrangères, 


19 


•i<JO  AVRIL-JUIN   1922. 

est  parI('o  par  plusieurs  millions  d'êlres  humains,  sur  une  aire  qui 
s'dlend  des  confins  (.'gyptiens  à  l'Atlantique,  du  Sénégal  et  du  Niger  à  la 
Méditerranée?  Et  d'où  vient-elle în  Telle  est  la  question  posée  au  début 
du  livre;  et  i'auteui' répond  sagement:  tr  Question  obscure  entre  toutes  ^  ; 
autrement  dit  :  nous  n'en  savons  rien.  Toutes  les  recherches  scientifiques 
entreprises  dans  le'  but  de  retrouver  l'origine  des  Berbères  et  de  leur 
langue  sont  restées  stériles  :  le  berbère  est  étranger  au  sémitique  —  la 
seule  concordance  de  ia  marque  du  féminin  :  t  final  en  sémitique,  t  ini- 
tiai et  final  en  berbère,  ne  conslitue  pas  une  preuve  décisive  de  parenté 
—  et  au  khuniitique.  Quant  à  l'égyptien  ancien ,  sa  parenté  avec  le  ber- 
bère n'est  point  établie  non  plus  et  elle  ne  pourra  l'être  que  par  un 
comparatiste  ayant  préalablement  étudié  les  deux  langues,  ce  qui  ne 
s'est  pas  rencontré  encore. 

Même  incertitude  en  ce  qui  concerne  l'origine  de  l'alphabet  libyque  : 
ffil  parait  impossible  de  formuler  la  moindre  hypothèse^i,  en  l'étal  lacu- 
naire de  nos  connaissances  (p.  18-19). 

Quelques  traditions  indigènes  font  venir  certaines  tribus  berbères  de 
l'Arabie  méridionale.  M.  H.  B.  est  disposé  à  n'en  pas  tenir  compte. 
crNous  verrons  en  effet,  dit-il  p.  17.  que  ces  traditions  sont  récentes  et 
n'ont  eu  pour  point  de  départ  que  la  vanité  de  tribus  désireuses  d'être 
apparentées  aux  Arabes.  1  II  y  a  là  une  indication  qu'il  serait  impru- 
dent, je  crois,  d'écai-ter  délibérément.  A  priori,  un  tel  événement  a  pu 
se  produire,  car  les  Abyssins,  par  exemple,  sont  venus  d'Arabie  et  une 
migration  subséquente  vers  le  Nord  n'est  pas  impossible.  Cet  argument 
est  évidemment  fragile  pour  des  populations  stationnées  à  très  haute 
époque  dans  rAfri(]ue  centrale  et  septentrionale;  mais  il  y  a  mieux 
encore  :  le  nom  de  l'ancienne  ville  tunisienne  de  Hadrumète  a  été  jiiste- 
meut  rapproché,  à  mon  avis,  de  celui  du  .-j^^.^^,  Hadramût  de  l'Arabie 
méridionale  (cf.  René  Basset,  Mélanges  africains  et  orientaux,  Paris, 
1915,  in-S"  p.  78).  Une  telle  rencontre  est  sans  doute  insufTisanîe  pour 
justifier  les  prétentions  de  quelques  tribus  à  la  descendance  d'ancêtres 
arabes;  mais  notre  pénurie  d'informations  est  telle,  que  des  indications 
de  ce  genre  doivent  être  notées  à  l'appui  des  traditions  indigènes. 

Le  chapitre  premier,  qui  est  consacré  au  Berbère  et  à  sa  langue, 
traite  en  réalité  de  la  psychologie  des  Berbères.  L'analyse  est  parfaite, 
poussée  à  fond,  remarquablement  exposée  et  la  conclusion  décisive  :  sous 
son  bilinguisme,  sous  sa  plasticité  apparente,  rrsous  le  vernis  de  culture 
étrangère  (jui  le  recouvre,  il  reste  en  réalité  le  vieux  Berbère  inchangé, 
avec  toutes  ses  tendances  et  toute  son  individualité i:  (p.  33).  Les  Ber- 
bères ont  subi  successivement  l'influence  de  leurs  maîtres  ou  voisins, 


COMPTES  RENDUS.  291 

Egyptiens,  Grecs,  Romains,  Arabes;  ils  subissent  actueliement  la  nôtre; 
mais  cette  docilité  ne  doit  pas  donner  le  change  :  les  témoins  linguis- 
tiques de  la  longue  occupation  romaine  se  réduisent  à  très  peu  de  chose 
et  rien  n'est  plus  significatif  que  cette  constatation.  Sans  doute,  Tlslâm 
et  sa  langue  véhicuiaire,  l'arabe,  ont  profondément  marqué  leur  em- 
preinte en  Berbérie;  mais  il  s'agit,  en  ce  cas,  d'une  occupation  plus 
que  millénaire,  au  début  de  laquelle  les  Berbères  ont  été  convertis  par 
force  à  la  rehgion  des  envahisseurs.  Le  Berbère  en  est  même  arrivé 
à  s'exprimer  de  préférence  en  arabe  qu'en  sa  langue  maternelle,  dans 
ses  rapports  avec  les  étrangers.  Nous  avons  contribué  à  consacrer  ce 
bilinguisme  en  ne  lui  parlant  qu'arabe,  lors  de  nos  installations  succes- 
sives dans  l'Afrique  du  Nord.  On  revient  heureusement  à  une  plus  exacte 
notion  de  nos  devoirs  vis-à-vis  de  ce  peuple,  et  l'enseignement  du  ber- 
bère, tant  en  Algérie  qu'au  Maroc,  va  bientôt  fournir  à  notre  adminis- 
tration les  berbérisants  nécessaires.  Il  va  de  soi  que  nous  n'avons  aucun 
intérêt,  politique  ou  scientifique,  à  laisser  se  poursuivre  et  s'accentuer 
l'arabisation  des  Berbères. 

Je  ne  puis  que  signaler  les  chapitres  suivants,  consacrés  à  la  littéra- 
ture écrite,  la  littérature  juridique  et  la  littérature  orale.  Celle-ci  traite 
des  contes  et  légendes  (contes  merveilleux,  plaisants,  d'animaux;  lé- 
gendes historiques,  religieuses,  hagiographiques,  explicatives);  de  la 
poésie  (caractères  de  la  poésie  berbère;  poésie  des  Berbères  marocains, 
des  Touaregs,  des  Kabyles)  et  de  son  avenir. 

Grâce  à  sa  riche  documentation,  son  information  si  complète  puisée 
en  nombre  de  cas  auprès  des  Berbères  marocains  eux-mêmes,  M.  H.  B. 
a  pu  nous  donner  un  livre  clair,  précis  et  qui  témoigne  d'une  compié- 
hension  parfaite  de  toutes  les  données  du  problème  berbère.  Berbéri- 
sants, socioh)gues  et  admiuistialeurs  de  l'Afiique  du  Nord  devront  éga- 
lement le  lire  ;  et  c'est  le  plus  bel  éloge  qu'on  puisse  faire  de  cette  thèse 
de  doctorat.  Elle  est  dédiée  au  père  de  l'auteur,  mon  maître  René  Basset. 
Qualis  pater. .  .''*. 

Gabriel  Ferrand. 


Henri  Basset.  />b  cvlte  des  ghottes  au  Maroc.  —  Alger,  librairie  Jules  Car- 
bone!, 1920-,  in-8°,  12()  pages,  avec  index. 

ffLe  cidte  des  grottes  au  Maroc  est  un  culte  essentiellement  populaire 

(')  Cf.,  du  même  auteur,  un  excellent  article  intitule  ;  Lrs  in/lue»ci.i  pu- 
niques chez  les  Berbères,  dans  Rumie  AJricaine,  n""  3o8  et  809 ,  3°  et  W  tri- 
mestres 1921. 

«9 


292  AVRIL-JUIN   1922. 

dans  toutes  les  acceptions  du  terme.  li  est  suivi  surtout  par  les  campa- 
gnards et  les  petites  gens.  En  vain  le  chérif  Si  Abd-el-Haï  el-Kittani  a 
pu  sanctionner  un  jour  de  sa  très  haute  autorité,  en  affirmant  que  le 
prophète  Daniel  y  avait  son  tombeau,  le  culte  rendu  au  kehj'l  ihoud 
[Utt.  la  grotte  du  juif]  de  Sefrou,  les  docteurs  de  l'Islam  voient  d'un 
mauvais  œil,  comme  toute  chose  où  ils  sentent  les  restes  de  l'antique 
paganisme,  la  vénération  de  la  foule  pour  de  tels  sanctuaires.  Seuls,  les 
plus  avisés  d'entre  eux,  à  l'exemple  d'el-Kittani ,  comprenant  qu'ils  ne 
les  pourraient  supprimer,  ont  tenté  de  les  ramener  à  l'orthodoxie.  Les 
citadins  lettrés  rougiraient  de  telles  dévotions»  (p.  7).  A  ces  grottes 
sacrées,  le  peuple  rend  un  culte  célébré  chaque  année,  à  date  fixe,  par 
de  grandes  fêles  religieuses  qui  durent  plusieurs  jours  :  ce  sont  les 
mûsem  de  l'Afrique  du  Nord.  Le  mot,  qui  est  arabe  (j<wjj«  mawsim,  de 
la  racine  j^w^  wasm,  ainsi  que  l'a  montré  GAUDEFROV-DEMOMByNES ,  J.  As., 
t.  XX,  1909,  p.  35o),  imphque  l'idée  de  périodicité  annuelle  (cf.  les 
vents  périodiques  de  l'océan  Indien  appelés  mawsim,  dont  nous  avons 
fait  mousson);  le  sens  du  mûsem  nord-africain  est  identique  à  celui  de 
l'expression  nautique  orientale. 

L'ouvrage  est  divisé  en  9  chapitres  :  l'extension  du  culte  des  grotles 
au  Maroc;  les  grottes  dans  la  littérature  populaire  et  les  contaminations 
littéraires  et  orientales;  les  grottes  et  les  trésors;  les  cultes  solaires  et 
rites  agraires  dans  les  grotles;  les  grottes  à  oracles;  les  grottes  guéris- 
seuses; les  grottes  et  l'expulsion  du  mal;  les  génies  dans  les  grottes;  les 
saints  successeurs  des  dieux  locaux  antérieurs  à  l'Islam. 

Bien  que  l'auteur  s'en  défende,  il  s'agit  ici  d'un  véritable  Corpus  des 
grottes  sacrées  marocaines  dont  il  a  constilué  les  bases  et  que  les  explo- 
rations folkloristes  ultérieures  viendront  compléter.  Le  plan  adopté  est 
excellent;  la  répartition  des  grottes  d'après  leur  caractère  propre  est  très 
heureuse.  Nos  fonctionnaires  et  officiers  en  service  au  Maroc  ont  en  cette 
monographie  un  guide  parfait  pour  étendre  l'enquête  nécessaire  au  pays 
tout  entier.  M.  H.  B.  leur  a  montré  la  voie  oii  il  faut  s'engager  sans 
retard;  car,  si  le  fond  de  ces  cultes  est  immuable,  leurs  aspects  chan- 
geants doivent  être  notés  dès  maintenant,  au  stade  où  ils  se  trouvent 
actuellement,  })our  fournir  de  points  de  repère  les  folk-loristes  qui  en 
étudieront  plus  tard  l'évolution. 

Gabriel  Ferrand. 

G.  K.  Narimav.  LiTF.nART  HisTORY  oF  Saxskrit  BuDDHisM.  —  Bombay,  Tarapo- 
rovala ,  19^0-,  in-8"  fie  mii-383  pages. 
Il  est  arrivé  à  M.  Nariman  que  son  zèle  de  vidgarisateur  rendît  des 


COMPTES   RENDUS.  293 

services  non  seulement  aux  Hindous,  mais  aux  Occidentaux  ;  ainsi  lors- 
qu'il entreprit  de  puhliei'  à  bas  prix  une  traduction  anglaise  de  l'ouvrage 
d'inostranzew,  sous  ce  titre  :  Iranian  hijluence  on  Moslem  Literalure 
(Bombay,  ibid.,  1918,  t.  I).  En  la  pre'sente  occurrence,  il  ne  parait  avoir 
voulu  se  montrer  utile  qu'à  ses  compatriotes,  en  compilant  à  leur  usage 
les  résultats  de  récents  travaux  euiopéeiis  sur  le  Bouddhisme  sanscrit  : 
tels  le  tome  II  de  la  Gcschichte  der  indisciten  Litteratur  de  Winternitz,  le 
Divyâvadana  de  Huber,  nombre  de  publications  ou  d'articles  de  M.  Syl- 
vain Lévi.  La  haute  culture  indigène,  souvent  si  peu  ou  si  mal  informée 
du  Bouddhisme,  y  trouvera  des  notions  précises,  de  nature  à  dissiper 
bien  des  préjugés.  Malheureusement,  ce  répertoire  de  l'indianisme  con- 
temporain juxtapose,  sans  aucune  critique,  les  avis  les  plus  hétéroclites 
et  introduit  beaucoup  d'inexactitudes  dans  les  renseignements  qu'il 
fournit.  Les  termes  sanscrits  et  chinois,  les  noms  européens  fourmillent 
d'incorrections.  Cette  publication  n'est  pas  un  livi'e,  mais  un  zibaldone. 

P.  Masson-Oursel. 


Raymond  Weill.  Là  cité  de  David,  compte  rendu  des  fouilles  exécutées  à 
Jérusalem,  sur  le  site  de  la  ville  primitive.  —  Paris,  Geuthner,  1920  ;  1  vol. 
in-8°,  de  viii  -{-  20(j  pages  et  allas  gr.  in-4°  de  XXVI  planches. 

Les  fouilles  de  M.  B.  Weill,  sur  le  site  de  Jérusalem,  datent  de  la  fin 
de  1918  et  du  printemps  de  191^.  Elles  ont  été  conduites  sur  la  colline 
d'Ophel  qui  faisait  partie  de  la  Jérusalem  antique,  et  qui  se  trouve  au- 
jourd'hui peu  habitée.  En  effet,  la  colline  d'Ophel,  qui  est  située  au 
sud  de  Jérusalem,  était  comprise  dans  l'enceinte  primitive,  tandis  que 
l'enceinte  actuelle  passe  au  nord  de  la  colline.  Celle-ci ,  bornée  à  l'est 
par  la  vallée  du  Cédron  et  à  l'ouest  par  celle  du  Tyropaeon,  à  peu  près 
comblée  au  cours  des  siècles,  se  termine  au  sud  en  promontoire;  c'était 
le  site  typique  des  établissements  cananéens,  d'autant  que  sur  la  face 
est,  dans  la  vallée,  prenait  naissance  une  source  capable  d'alimenter 
cette  acropole.  Cet  aménagement  primitif  d'Ophel  en  forteresse  nous  est 
attesté  par  la  Bible.  11  était  donc  naturel  qu'on  entreprit  des  fouilles  sur 
ce  point,  un  des  endroits  les  plus  anciennement  habités  de  Jérusalem. 
C'est  ce  qui  eut  lieu  au  cours  du  xix°  siècle  lors  des  recherches  de  Guth, 
Warren,  Hliss  et  Dickie,  et,  en  1909,  Parker.  Mais  ces  missions  ne 
firent  que  des  sondages,  ou  travaillèrent  en  puits  et  en  galeries  souter- 
raines. Ces  conditions  incommodes  l(!s  privèrent  d'une  partie  des  résul- 
tats qu'elles  étaient  en  droit  d'espérer. 


29a  AVRIL-JUIN  1922. 

Les  fouilles  de  M.  R.  Weiii  ont  eu  un  point  de  départ  bien  défini.  On 
sait  que  If  canal  souterrain  d'Ezéchias,  qui  conduit  les  eaux  de  la  source 
h  la  piscine  de  Siloé  où  elles  servaient  aux  besoins  de  la  ville,  décrit,  en 
atteignant  la  pointe  de  la  colline,  une  boucle  que  rien  ne  justifie;  il 
semble  que  les  anciens  ingénieurs  se  soient  effoicés  de  contourner  un 
obstacle.  M.  Clermont-Ganueau  a  conjecturé  que  cet  obstacle  était  la 
nécropole  des  Rois  de  Juda,  que  nous  savons,  par  les  textes,  avoir  été 
enterrés  près  de  la  pointe  d'Ophel.  M.  R.  Weill  s'est  proposé  de  vérifier 
cette  hypothèse.  Grâce  à  l'achat  des  tei-rains,  il  a  pu  ti"availler  à  ciel  ou- 
vert, déblayant  tout  le  sol  jusqu'au  roc.  La  première  campagne  n'a  pu 
explorer  qu'une  petite  partie  de  la  pointe  d'Ophel. 

M.  R.  Weill,  au  début  de  son  livre  (p.  1-87),  expose  l'état  de  la 
question  au  moment  oîi  il  commença  ses  recherches;  le  compte  rendu  de 
ses  travaux  va  des  pages  92  à  200,  fin  du  volume.  Un  atlas  de  photo- 
graphies et  de  plans  accompagne  le  volume;  en  raison  de  l'enchevêtre- 
ment des  constructions  successives,  quelques  coupes  schématiques  sup- 
plémentaires auraient  été  les  bienvenues. 

Comme  il  fallait  s'y  attendre,  en  allant  de  la  plaie-forme  jusqu'au 
roc,  M.  R.  Weill  a  trouvé  des  traces  d'installations  d'époques  extrême- 
ment différentes.  Tout  d'abord,  les  restes  d'une  synagogue  et  d'un  bal- 
néaire y  attenanl.  Une  inscription  grecque  nous  donne  le  nom  de  son 
fondateur  :  Théodotos.  Comme  cette  inscription  a  fait  l'objet  de  nom- 
breux travaux  et  comptes  rendus,  je  ne  fais  que  la  signaler  à  mon  tour, 
pour  insister  davantage  siir  les  remarquables  résultats  des  fouilles  pro- 
fondes. 

Nous  connaissons  par  elles  les  fortifications  d'Ophel  à  l'époque  davi- 
dique;  sous  le  mur  de  crête,  un  système  défensif  en  gradins  avec  es- 
carpes descend  jusqu'au  pied  de  la  colline.  Ces  gradins  sont  renforcés 
de  bastions;  en  bas,  se  voient  encore  les  restes  d'une  tour  de  7  mètres 
de  diamètre,  témoignant  du  souci  de  rendre  plus  solides  les  lignes 
basses  du  sylème  de  défense.  Nous  voyons  ainsi  que  l'antique  Jérusalem 
fut  une  citadelle  comparable  aux  sites  cananéens  que  les  fouilles  de 
Gézer  et  de  Mageddo  nous  ont  restitilés.  Les  anciennes  cités  orientales 
déversent  volontiers  du  haut  des  murs  les  détritus  de  la  ville;  c'est  ce 
qui  s'est  produit  à  Jérusalem  où ,  sous  une  couche  de  décombres  que 
datent  les  débris  des  poteries,  on  a  trouvé  des  tombes  cananéennes  ex- 
trêmement simjdes,  en  l'orme  de  caves  creusées  dans  le  roc.  L'examen 
des  travaux  hydraulicjues  de  la  colline  amena  la  découverte  d'autres 
tombeaux  remaniés,  mais  dont  les  travaux  d'aménagement  successifs 
montrent  un  tel  souci  de  remettre  tout  en  état,  que  M.  R.  Weill  conclut 


COMPTES   RENDUS.  295 

à  des  tombes  princières.  Elles  pourraient  faire  partie  des  sépulcres  de 
David  qui  devaient  être  au  nnmbie  de  treize;  ici  nous  avons  les  traces 
de  quatre  sépultures;  ce  serait  donc  au  nord  et  à  l'ouest  de  cette  place 
qu'il  conviendrait  de  faire  des  replierclies  ultérieures  en  partant  de  la 
surface  du  soi ,  dans  i'espoir  de  trouver  le  complément  de  la  nécropole. 
Ces  sépulcres  se  présentent,  contrairement  à  ce  qu'on  pouvait  imaginer, 
comme  des  chambres  indépendantes,  à  ouverture  peu  dissimulée.  Cette 
situation  rendait  fatale  la  violation  qui  a  dû  avoir  lieu.  Par  ailleuis, 
M.  R.  VVeili  rappelle  que  les  tombes  des  Rois,  quelque  auguste  que  fût 
le  caractère  de  leurs  occupants,  étaient  devenues  aux  yeux  de  la  Loi  une 
souillure  pour  la  vHle  qui  les  contenait.  Bien  que  les  textes  soient  muets 
à  cet  égard,  il  reste  une  hypothèse,  bien  fragile,  à  laquelle  ne  s'arrête 
d'ailleurs  pas  M.  R.  Weill:  c'est  que  la  sépulture  royale  ait  été  vidée 
pour  celte  raison,  et  son  contenu  transporté  en  un  endroit  que  nous 
ignorons. 

Toutes  ces  recherches  ont  été  rendues  extrêmement  difficiles  par  le 
bouleversement  qu'a  lait  subir  à  cette  partie  du  terrain  l'édification  du 
balnéaire  de  Théodotos.  Ce  n'est  point  tout  ;  l'exploitation  de  cette  ré- 
gion en  carrière  est  venue,  peu  après,  ravager  une  partie  de  ces  diffé- 
rents travaux.  On  voit  par  ce  résumé  rapide,  à  quel  point  les  résultats 
obtenus  par  M.  R.  Weill  sont  intéressants;  ils  font  souhaiter  la  reprise  de 
ces  fouilles  à  bref  délai. 

G.  CONTENAU. 


Les  Psaomes.  Extrait  de  la  Bible  du  Ccntonairo.  Traduction  nouvelle,  d'après 
les  meilleurs  textes,  avec  introductions  et  notes.  ■ —  Paris,  Société  biblique^ 
de  Paris,  Kjao;  gr.  in-8",  188  pages. 

La  Société  biblique  de  Paris  poursuit,  malgré  les  difficultés  de 
l'heure,  l'impression  de  la  Bible  du  Cenlenaire.  Elle  donnait  lécemment 
un  fascicule  renfermant  la  traduction  annotée  des  Psaumes.  Mais  ce  fas- 
cicule ne  saui'ait  être  vendu  séparément,  et  le  Comité  de  cette  Société 
décida  d'en  faire  un  extrait  que  l'on  pût  mettre  dans  le  commerce,  avant 
l'achèvement  définitif  et  encore  lointain  de  la  iilhh  du  Cmtena'ire. 

C'est  ce  tiré  à  part  que  nous  signalons  au  public  savant. 

Le  volume  débute  par  une  note  renseignant  le  lecteur  sur  le  texte 
suivi  par-  les  traducteurs.  A  côté  du  texte  hébreu,  dit  massorétique,  on 
a  tenu  un  {;raiid  compte  des  versions,  nolanmient  des  versions  jjrecques , 
des  versions  latines  et  des  versions  syriaques.  On  a  attaché  moins  d'im- 
portance aux  versions  secondaires,   arabe,  aiTnénienne,  copte,  éthio- 


296  AVRIL-JUIN    1922. 

pienue.  parce  que  postéi'ieures  et  reposant  généralement  sur  le  texte 
des  Septante. 

On  a  ensuite  pris  en  considération  des  variantes  Iiél)raïques,  qui  ne 
sont  pas  incorporées  dans  le  texte  niassorétique,  mais  qui  ont  leur  im- 
portance, surtout  dans  les  leçous  où  le  texte  reçu  est  manifestement  en 
mauvais  état.  On  a  enfin  consulté  le  Targotim,  écrit  en  araméen,  et  don- 
nant parfois  de  bonnes  leçons. 

Après  un  tableau  des  signes  et  des  abréviations  employés  dans  le 
corps  de  l'ouvrage,  on  aborde  la  traduction  elle-même,  où  les  notes  en 
bas  de  page,  abondantes  et  concises,  facilitent  la  lecture  de  passages 
réputés  obscurs. 

Le  volume  se  termine  par  une  note  générale  sur  les  indications  musi- 
cales, littéraires  et  liturgiques  que  Ton  rencontre  fréquemment  dans  les 
Psaumes,  et  dont  une  grande  partie  reste  encore  énigmatique. 

Une  telle  publication,  d'une  érudition  de  si  bon  aloi,  fait  vivement 
souhaiter  l'achèvement  prochain  de  l'oeuvre  complète. 

Frédéric  Macler. 


Aiiff.  Cour  ,  professeur  à  ia  chaire  publique  d'arabe  de  Constantine.  f/jv  poète 
ahabe  D'AnDALovsiE  :  Ibn  Zaïdovn.  Etude  d'après  le  diwan  de  ce  poète  et 
les  principales  sources  arabes.  —  Imprimerie  M.  Boet,  1990;  1  vol.  in-8°, 
a3i  pages,  dont  66  pages  de  textes  arabes. 

Il  y  a  bien  longtemps  que  Silvestre  de  Sacy  faisait  connaître  aux  lec- 
teurs du  Journal  asiatique  la  personnalité  d'Ibn-Zaïdoùn ,  poète  arabe 
d'Espagne,  secrétaire  et  ministre  (11°  sér.,  t.  XII,  p.  609);  il  valait  la 
peine  de  reprendre  cette  étude  sur  de  nouvelles  bases,  en  utilisant  les 
sources,  aujourd'hui  accessibles,  auxquelles  n'avait  pu  atteindre  le  grand 
promoteur  des  études  orientales  en  Europe.  C'est  à  cette  tâche  que  s'est 
consacré  M.  A.  Cour,  qui  a  présenté  son  travail,  sous  forme  de  thèse 
pour  le  doctorat  es  lettres,  à  l'Université  d'Alger;  eu  le  lisant,  nous 
nous  transporterons  par  la  pensée  dans  cette  brillante  cour  des  khalifes 
de  Cordoue,  que  tant  de  souvenirs  rappellent  à  notre  mémoire. 

Ibn-Zaïdoiui  naquit  à  Cordoue  même  en  89/1  hég.  (ioo3  J.-C);  il 
était  un  véritable  Arabe,  descendant  d'immigrés  de  la  tribu  de  Makh- 
zoûm.  La  terminaison  de  son  nom,  semblable  à  celle  que  l'on  rencontre 
chez  Ibn-Khaldoùn,  Ibn-'Abdoùn,  Ibn-Badi-oùii,  indique  une  origine 
yéménite  :  M.  Kampffmeyer,  Sudarabisches  [Zcitschr.  cl.  cleutscli.  morg. 
Gesellsch.,  t.  LIV,  1900,  p.  633  et  suiv. )  a,  en  effet,  montré  que  ce 
suiïïxe  n'est  pas  l'augmentatif  néo-latin  on,  comme  l'ont  cru  Dozy  et  de 


COMPTES  RENDUS.  297 

Slane,  mais  une  nounnation  de  i'arabe  du  Sud  correspondant  aux  suflixes 
an,  in.  Malgré  sa  prospérité  et  ses  richesses,  la  ville  de  Gordoue  n'était 
pas  heureuse  :  en  moins  de  quinze  ans,  elle  eut  à  subir  dix  révoltes 
militaires,  fut  pillée  par  les  Berbères,  devint  victime  de  la  peste;  enfin, 
sous  Tautorilé  nominale  de  rOniéyyade  Hicluun  III,  elle  constitua  une 
sorte  de  sénat  qui  confia  le  pouvoir  exécutif  à  l'un  des  principaux  bour- 
geois do  la  cité,  Abou'l-llazm  ben  Djahwar,  en  628  (io3i).  C'est  au 
milieu  de  cette  agitation  politique  qu'lbn-Zaïdoûn  s'éprit  d'une  j)rincesse 
oméyyade,  fille  du  khahfe  el-Moslakfi,  qui,  après  la  mort  de  son  père, 
mena  une  vie  assez  libre  et  fréquenta  la  société  des  lettrés.  Les  amours 
du  poète  et  de  Wallâda  sont  devenues  célèbres. 

L'intimité  des  deux  amants  ne  dura  pas  fort  longtemps;  ils  avaient  à 
se  l'eprocher  l'un  à  l'autre  des  infidélités.  Ils  se  séparèrent,  et  Wallàda 
trouva  bientôt  chez  Ibn-'Abdoûs,  riche  notable ,  un  protecteur  généreux. 
Celui-ci  fit  accuser  le  poète  d'avoir  détourné  la  succession  d'un  de  ses 
affranchis;  Ibn-Zaïdoûn  fut  jeté  en  prison,  d'où  il  réussit  à  s'évader.  Il 
se  rendit  d'abord  à  Badajoz,  puis  à  Séville,  où  régnait  l'émir  el-Mo'ta- 
did,  ami  des  letties  et  des  arts,  qui  le  prit  comme  secrétaire,  puis  lui 
confia  la  charge  de  ministre.  Son  fils  et  successeur  el-Mo'tamid  lui  con- 
tinua la  confiance  que  son  père  avait  eue  dans  les  éminentes  qualités  de 
son  secrétaire  d'Etat.  Ibn-Zaïdoûn  ne  retouina  à  Cordoue  qu'après  la 
prise  de  cette  ville  par  el-Mo'tamid  en  /162  (1069);  mais,  atteint  de 
la  fièvre  et  n'ayant  pas  voulu  différer  son  retour  dans  sa  ville  natale, 
il  y  dépérit  et  finit  par  y  mourir  le  i5  l'édjeb  463  (18  avril  1071). 

Les  poésies  d'Ibn-Zaidoùn  sont  d'inspiration  classique;  il  est  nourri 
de  la  lecture  des  anciens  poètes  arabes  ainsi  que  de  Motanabbi  et  d'Abou'l- 
'Alâ  el-Ma'arrî;  c'est  dire  tout  ce  qu'il  y  a  d'artificiel  dans  la  composition 
de  ses  vers,  qui  sentent  l'école,  malgré  la  fougue  avec  laquelle  il  décrit 
les  passions  qui  l'agitent.  La  langue  dont  il  se  servait  était  celle  des 
Bédouins,  ce  qui  parut  ridicule  à  de  bons  esprits,  frappés  de  ce  fait 
qu'un  citadin  chantât  les  chameaux  du  désert  et  les  plaines  sans  eau, 
quand  il  se  trouvait  au  milieu  d'une  ville  où  le  rr navire  du  déserta  était 
rare  et  dont  les  environs  étaient  formés  de  jardins  et  de  bosquets.  Il  y 
avait  à  cela  encore  un  inconvénient  plus  grave  :  c'est  que  la  poésie ,  se 
servant  d'un  langage  désuet,  «■  tendait  à  ne  plus  être  à  la  j)orlée  du 
grand  publia  (p.  187)  et  qu'il  fallait  avoir  fait  de  longues  éludes  pour 
comprendre  le  langage  dans  lequel  le  poète  exprimait  ses  pensées; 
défaut  qui  persiste  encore  dans  la  presse  périodique  de  nos  jours,  où, 
par  pédanlismo,  les  rédacteurs  se  servent  de  termes  rares,  que  les  lec- 
teurs, pour  les  comprendre,  doivent  aller  rechercher  dans  les  pages  du 


298  AVRIL-JUIN   1922. 

Qàmoûs  ou  du  Ltsdn.  Toutefois  Ibn-Zaïdoûn  a  cherché  à  sortir  de  la 
forme  de  la  qaçida  classique  ;  il  a  composé  une  ordjouza  et  deux  takhmîs 
qui  figurent  dans  le  recueil  de  ses  poésies.  Ce  n'est  qu'au  siècle  suivant 
que  l'on  verra  apparaître  les  poésies  vraiment  populaires,  les  mowach- 
chaha  et  les  zadjal. 

M.  A.  Cour  donne  en  appendice  le  texte  arabe  des  pièces  qu'il  a  tra- 
duites intégralement  au  cours  de  son  ouvrage.  Ce  qui  frappe  les  yeux  au 
premier  abord ,  c'est  l'absence  totale  de  signes  orthographiques ,  voyelles 
et  autres;  or  l'on  sait  comme  il  est  ditîîciie  de  lire  un  texte  poétique  arabe 
s'il  n'offre  pas,  tout  au  moins,  les  principaux  de  ces  signes  orthogra- 
phiques. On  en  est  réduit  à  reconstituer  la  phrase  au  moyen  des  mètres 
prosodiques,  qui  heureusement  sont  indiqués  en  tête  de  chaque  mor- 
ceau. Ce  travail  délicat  n'est  pas  à  la  portée  de  tous  les  arabisants.  Un 
exemple  entre  mille  :  à  la  page  3  des  textes,  vers  43,  on  a  imprimé  JL« 
qu'il  faut  lire  JLi  ff  refuge  n,  comme  le  montrent  le  mètre  et  le  con- 
texte, mais,  pour  restituer  la  véritable  leçon,  il  faut  un  double  travail 
de  scansion  et  d'interprétation.  On  aurait  pu  éviter  cette  peine  aux  lec- 
teurs, si  peu  nombreux  que  doivent  être  ceux-ci. 

Des  inconséquences  se  rencontrent  dans  la  transcription,  en  dépit  de 
la  table  spéciale  figurant  en  tête  du  volume;  ainsi,  p.  20 , 1.  92 ,  D'aqwdn 
devrait  être  écrit  D'akwdn;  p.  108,  asil,  lire  açil.  Cette  transcription  est 
aussi  fâcheusement  influencée  par  le  milieu  ambiant  des  lettrés  indi- 
gènes; ainsi  ffMâlik,  fils  de  Nouîra»  (p.  37)  est  pour  frMâlik,  fils  de 
Nowaïra  1  ;  même  page ,  Samawâl  rend  insuffisamment  compte  du  nom 
de  Samau^al. 

D'autres  remarques  s'imposent  au  cours  de  la  lecture.  Page  19, 
vers  9,8,  la  traduction  :  wEn  ta  personne  la  troupe  musulmane  a  été 
frappée  dans  son  chef -5  ne  rend  pas  compte  de  la  métaphore  du  texte  : 
ffLa  meule  de  l'islamisme  est  pleine  de  douleur  parce  qu'elle  a  perdu 
son  pivot».  —  P.  ao,  n.  1.  cfLe  mot  mathouak  signifie  :  ff .  .  .  le  tom- 
beau.» Le  texte  porte  ji\^  malhwà~ka  ffta  demeure,  ton  tombeau*).  — 
P.  96,  1.  h.  ffUn  œil  dont  tu  es  le  nafhV  pleure  ta  séparation. «  Et  en 
note  :  ffLe  nadir  est  le  nom  donné  anciennement  au  point  du  ciel  opposé 
à  celui  qu'occupait  le  centre  du  soleil. n  Le  texte,  p.  5,  porte  :  SS\j>  JL^ 
UiliU  oJl  (^  ffUn  œil  dont  lu  es  la  glande  lacrymale  (=la  cause  des 
larmes)  pleure  ton  absence. n  Nadir,  en  astronomie,  est  wJàJ.  Cf.  Lisdn, 
VII,  p.  73.  —  P.  28,  n.  2.  Mochtari  ne  peut  signifier  ffcelui  qui  a  été 
acheté  à  l'encan  n;  il  faudrait  viochtarà;  mais  l'allusion  à  l'astrologie  est 
certaine.  —  P.  3i,  n.  1.  n-Miçr,  surnom  de  rÉgvpte"  ;  c'est  son  nom, 
non  son  surnom;  quant  au  sens  de  rr vaste  étendue-  .-iltribué  gratuite- 


COMPTES  RENDUS.  299 

ment  à  ce  mot,  je  ne  le  connais  pas.  —  P.  35.  hadkadh,  sorte  (h  médi- 
cament; lire  liodad.  —  P.  36,  n.  6.  ffKosroès  {sic),  roi  de  Perse. n 
Kesrà  du  lexte  est  un  terme  générique  désignant  les  rois  de  Perse  de  la 
dynastie  des  Sâsànides,  comme  César  pour  les  empereurs  de  Byzance 
(n.  7).  Note  9  :  les  Taouaifne  sont  pas  des  fr  sortes  de  bandes  militaires  n  , 
mais  les  satrapies  des  Achéménides  correspondant  aux  anciens  peuples 
soumis  par  Gyrus  et  vivant,  sous  les  Arsacides  [moloûk  et-tawdïf),  d'une 
vie  propre  sous  les  liens  assez  lâches  de  vassalité  qui  les  rattachaient  au 
pouvoir  central.  —  P.  87,  n.  1.  La  légende  de  Dahhâk  est  purement 
iranienne;  peu  importe  la  forme  qu'elle  revêt  dans  les  traditions  arabes. 
Ajdihaka  (sic)  correspond  ditficilement  à  kalviyrjs. 

P.  38.  ff  Al  Mahalabi ,  qui  combattit  les  Azâriqa,  est  el-Mohallab  ben 
Abi-Çafra ;  cf.  Ghahrastâni,  p.  90;  trad.  Haarbriicker,  t.  I,p.  i3/i.  — 
P.  /ji,  n.  6.  ffDomesticus  (l'anibassadeur  byzantin)."  Le  Domestique 
était  le  général  en  chef  des  troupes  d'Asie.  —  P.  62,  n.  7.  r  Al-Ma'idi.n 
Lire  el-ÀIo'aïdî  et  consulter,  sur  celte  sorte  de  monstre  ou  d'être  funeste, 
Et.  Qualremère  dans  le  Journal  asiatique,  nov.  1808,  p.  ôaS;  Caussin 
dePerceval,  Hist.  des  Arabes ,i.\\ ,^.  Ma;  A.  Fischer,  dans  la  Z.D.M. G., 
t.  LXIII,  1909,  p.  39/1  et  suiv.  —  P.  /i3,  n.  1.  ffLes  Ghoiuuii  (lire 
ghavodni)  étaient  des  femmes  qui,  après  s'être  mariées,  trouvaient  un 
moyen  d'obliger  leurs  maris  à  divorcer  n  et  conservaient  ainsi  la  posses- 
sion de  leurs  douaires.  La  lexicographie  ne  nous  apprend  rien  de  pareiL 
La  ghàniya  est  la  femme  qui  est  contente  de  son  mari  {Lisdn,  XIX, 
p.  376);  plus  tard  ce  mot,  en  poésie,  a  servi  à  désigner  toutes  les 
femmes,  mariées  ou  non.  —  N.  6.  Sohaïi  est  l'étoile  Ganopus;  souhaiter 
qu'elle  épouse  les  Pléiades,  c'est  un  événement  qui  ne  se  réalisera  ja- 
mais. 

P.  5o,  note.  ffLes  Ababils  sont  des  oiseaux  fabuleux  mentionnés  dans 
le  Coran,  n  En  effet,  la  poétesse  dont  on  cite  les  vers  dit  :  min  at-tatri  7- 
ahàhili,  ce  qui  prouve  que  cette  signiGcation  était  admise  de  son  temps; 
mais  les  anciens  commentateurs  du  Qoràn  affirment  que  cette  expression 
énigmatique  veut  dire  simplement  ffen  troupesn  et  que  ce  n'est  pas  un 
nom  d'oiseau.  Gf.  Tabarî,  Tafsir,  t.  XXX,  p.  161;  Béïdâwî,  éd.  FIcischer, 
t.  II,  p.  /j  17.  —  P.  6/t,  n.  1.  Mosaïlama,  lire  Mosaïlima.  —  P.  65, 
n.  1.  'Adhad  ad  Daoula,  lire  'Adhod.  —  P.  67,  1.  a  et  n.  1.  ^^\  n'est 
pas  le  lys,  mais  le  myrte,  dont  les  fleurs  durent  plus  longtemps  que  les 
pétales  de  la  rose;  d'où  l'antithèse.  —  P.  73,  n.  9.  En  présentant 
Manès  comme  un  rf réformateiu-  religieux  du  christianisme  primitifs, 
l'auteur  n'a  envisagé  (ju'un  des  as|)ects  de  ce  fondateur  d'mip  religion 
nouvelle,  qui  devait  avoir  tant  de  succès  en  Europe  et  dans  l'Asie  cen- 


300  AVRIL-JUIN    1922. 

traie.  —  P.   ii/i.  Abou  al-Ma'ala,  surnom  d'un  vizir.  Le  texte  porte 
Abou'l-Maali.  —  P.  117.  ffFirqadn;  lire  Farqad. 

P.  118,  n.  5.  ffLe  qad'af  qs\  la  constellation  delà  Balance.  ^  Cette 
afllrniation  est  déconcertanle  pour  les  astronomes.  ooOJ!  -^  ne  peut 
guère  désigner  que  les  étoiles  filantes,  lancées  par  les  anges  pour  se 
débarrasser  des  démons  qui  viennent  écouter  aux  portes  du  paradis.  —  " 
P.  167,  note.  Cbahr  n'est  pas  une  rr région  du  littoral  du  golfe  Persique 
entre  l'Oman  et  Adenn  ;  cette  définition  géographique,  inexacte  d'ailleurs, 
paraît  tirée  du  Mérdçid  el-ùiild,  qui  dit  en  eiïet  que  le  Chili r  est  sur 
l'océan  Indien,  comme  il  n'y  a  pas  à  en  douter,  puisqu'il  y  a  encore 
aujourd'hui  une  ville  du  lladramaut  qui  porte  ce  nom.  —  P.  1 5 1 ,  note. 
(?)ovxJl  J^l  doit  être  lu  jJlJ!  Juâl  cries  critiques^i.  A  la  même  page, 
w«Ï3  n'est  pas  le  chacal,  ^^jT^jjI,  mais  le  loup;  le  sens  de  chacal  est  par- 
ticulier à  l'Afrique  du  Nord.  —  P.  i53.  Al-Bana,  quartier  de  Cordoue. 
Le  texte  porte  (J~J\,  que  le  mètre  exige  de  lire  ^^1.  Al-Aqhouan,  lire 
al-Oqhowân  rr  jardin  de  la  camomille''.  Même  page.  rrUn  jeune  faon  nous 
y  abreuvait  du  salafde  son  vin.n  Le  texte  porte  suldfa;  comparer  p.  55, 
vers  5  :  ffdu  Salâf  céleste  r» ,  et  note  6  :  rrLe  Saldf  est  la  boisson  du 
Paradis,  faite  avec  l'eau  de  Tasnîm'î ,  tandis  que  le  texte  a  :  ^çsjljJ]  Ct^kL 
ffle  vin  pur  des  déhcesTi;  cf.  Lisnn,  XI,  p.  60  :  le  suldf  est  la  première 
cuvée,  ou  même  le  jus  des  raisins  coulant  sans  qu'on  les  presse. 

Les  traductions  de  M.  A.  Cour  sont  agréables  à  lire.  Je  souhaite 
qu'elles  appellent  l'attention  des  lettrés  snr  cette  brillante  littérature 
de  l'Espagne  musulmane,  si  peu  connue  en  dehors  d'un  petit  cercle  de 
spécialistes. 

CL  Hdart. 


CHRONIQUE 
ET   NOTES  BIBLIOGRAPHIOUES, 


PERIODIQUES. 


The  Asiatic  Revie-w ,  April  1922  : 

L,  Metson.  The  Siluation  in  India.  —  H.  Graik.  Britain's  Responsibi- 
lity  in  India,  —  E.  Cotes.  The  Prince  in  India.  —  Abbas  Ali  Baig.  The 
Near  Eastern  Seulement.  —  R.  de  Belleval.  The  Empire  of  Annam  and 
France.  —  G.  Bower.  Peace  in  the  East. 

E.  A.  CoTTON.  Castes  and  Gusloms  in  Malabar.  [Article  très  docu- 
mente et  très  instructif,  rédigé  avec  beaucoup  de  méthode  :  Le  Malabar, 
situation  géographique,  organisation  administrative,  richesse  écono- 
mique; résumé  d'histoire;  religion;  les  castes  :  les  Nayars,  les  Izhuvans, 
les  Mukkavans,  les  castes  inférieures;  la  famille;  le  vêtement;  coutumes 
diverses.  ] 

M.  Frewen.  The  Export  Trades  of  the  United  Kingdom  and  the  United 
States  to  Asia.  —  G.  Pollock.  The  VVealth  of  the  Netherlands  East 
Indies.  —  St.  Rice.  Wit  and  Humour  of  the  Hindus. 

J.  A.  Sandbrook.  a  hundred  years  of  Journalism  in  India.  [Courtes 
notices  sur  divers  journaux  iiindous,] 

The  School  of  Oriental  Studies  :  A  five  y  cars'  Survey.  [Notice  sur 
l'Ecole  de  Langues  orientales  annexée  en  1916a  l'Université  de  Londres; 
l'organisation;  les  divers  enseignements  :  plus  d'une  cinquantaine  de 
langues  orientales  font  l'objet  des  cours  et  leçons.] 

L.  A.  Waddell.  ffShinarn  of  llie  Old  Testament  discovered  lo  be  the 
ancient  Sumerian  Name  of  Babyion.  —  H.  R.  Hall.  The  Egypl  Explor- 
ation Societys  Excavations  at  El-Amarna,  1921-1922. 

D.  A.  WiLso-s.  Two  songs  for  VVidows.  |  Traduit  (hi  chinois.] 


302  AVRIL-JUIN   1922. 

Bulletin  de  l'École  française  d'Extrême-Orient,  t.  XX,  n°  k  : 

f^otes  archéologiques  :  H.  Parmentier.  Borne  inscrite  de  My-hu'ng;  - 
\  estiges  de  Vihâr  Thoni.  —  L.  Finot.  Le  tricùla  inscrit  de  Pn'ili  Vihâr 
Thom.  —  G.  CoEDÈs.  Note  sur  une  statuette  cambodgienne  de  la  Prajnà 
Pciramità  ;  -  A  propos  des  meules  de  pierre  appele'es  rasuh  batau. 

G.-C.  Toussaint.  Le  Padma  than  yig. 

Bibliographie.  —  Chronique.  —  Documents  administratifs.  —  Index 
el  table. 

Indian  Antiquary,  Fcbruary  1922  : 

G.  A.  Grierson.  The  Apabhramsa  Stabakas  of  Râma-Sarman  (Tarka- 
vâgisa).  —  T.  W.  Haig.  The  History  of  the  Nizâm  Shâhî  Kings  of  Ah- 
madnagar.  —  P.  G.  Halkattj.  Vachanas  attributed  to  Basava,  translated. 
—  G.  F.  UsBORNE.  The  Story  of  Plir  and  Rânjha,  by  Waris  Shah,  1776 
A.D. 

March  : 

R.  L.  TuRNER.  Further  Spécimens  of  Nepâlï.  —  V.  J.  Antani.  The 
Date  of  the  Mudrâ-rakshasa.  —  P.  V.  Ramanujaswami.  Hemacandra  and 
Paiçâci-prâkrta.  —  P.  G.  Halkatti,  Vachanas  attributed  to  Basava ,  trans- 
lated [suite).  —  R.  G.  Temple.  Notes  from  Old  Factory  Records. 

Supplrment.  Nundolal  Dev.  Geographicai  Dictiouary  of  Aiicient  and 
Mediieval  India. 

Journal  of  the  American  Oriental  Society,  vol.  à\,  fasc.  5  : 

In  memoriam,  Morris  Jaslrow,  Jr.  —  J.  Morgenstern.  Morris  Jastrow, 
Jr. ,  as  a  Biljlical  Critic.  —  G.  A.  Barton.  The  Contributions  of  Morris 
Jastrow,  Jr. ,  to  the  History  of  Religion,  —  A.  T.  Clav.  Professor  Jas- 
trow as  an  Assyriologist.  —  Bibliography  of  Morris  Jastrow,  Jr. 

A.  T.  Olmstead.  Shalmaneser  III  and  the  Establishment  of  the  Assyr- 
ian  Power.  —  R.  Gottheil.  The  Dhimmis  (Arabie  text  and  translation). 

Ihief  Notes.  R.  P.  Dougherty.  Ancient  Teimâ  and  Babylonia.  — 
T.  MiCHELSON.  Note  on  Mâgadhï  ahakc.  —  E.  Chieba.  A  New  Création 
Story.  —  T.  Michei.son.  Once  more  Shàhbâzgarhi  nthanani;  —  The  loca- 
tive  singular  of  masculine  and  neuter  i  and  «  stems  in  Sauraset)!  Prâ- 
krit.  —  F.  Edgkrton.  On  the  doubling  of  consonants  In  the  seam  of 
certain  Pâli  compoiuids.  —  M.  Bloomfield.  On  a  possible  Pre-Vedic 


CHRONIQUE  ET   NOTES  BIBLIOGRAPHIQUES.         303 

Form  in  Pâli  and  Prâkrit.  —  A.  T.  Glay.  Gobryas,  governor  of  Baby- 
lonia.  —  F.  R.  Blake.  A  new  method  of  syntactical  Arrangement  [lin- 
guistique comparée]. 


Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society  of  Great  Britain  and  Ire- 
land,  April  îq-2-2  : 

K.  V.  Slbrahmanya  Aiyer.  An  unidentified  Territory  of  Southern  India. 

—  Prof.  A.  H.  Sayce.  Hittite  Legend  of  the  War  vvith  the  Great  Ser- 
pent. —  E.  B.  SoANE.  Notes  on  the  Phonology  of  Southern  Kurmanji. 

—  H.  B.  Morse.  The  Provision  of  Funds  for  the  East  India  Company's 
Trade  at  Canton  during  the  Eighteenth  Century.  —  S.  Flury.  The 
Kutic  Inscriptions  of  Kisimkazi  Alosque ,  Zanzibar,  5oo  a.  h.  ( a.  d.  1 1 07). 

Miscellaneous  Communications.  Prof.  A.  H.  Sayce.  A  Cappadocîan  Seal. 

—  L.  A.  Waddell.  The  frOropusi  title  of  Carchemish,  —  H.  Beveridge. 
Dara-i-Nur.  —  G.  A.  Gooke.  Epigraphical  Notes  :  A  Persian  Seal  Gyliu- 
der;  A  Palmyrene  Tessera. 

Ohituarij  Notices.  Mansei  Longworth  Dames,  by  R.  Temple  and  H.  Ho- 
woRTU.  —  Sir  Arthur  Naylor  WoUaston ,  by  W.  Foster,  —  Mrs.  Haynes 
Bode,  by  Miss  G.  M.  Ridding. 

Journal  of  the  Society  of  Oriental  Research,  October  1  Q-i  1   : 

S.  Langdon.  a  Hymn  of  Eridu.  —  H.  Goweîv.  (rSound^  Ternis  and 
crShinei  Terms.  —  S.  Langdon.  The  Incantation  Title  é-i\u-sdb.  — 
S.  A.  Mercer.  Late  Babylonian  Morals.  —  F.  T.  Kellv.  Stray  Notes  on 
the  ffA^î  Giass  Segholate.  —  S.  Langdon.  Assyriologicid  Notes. 

January  1922  : 

H.  GowEN.  Hebrew  Trade  and  Trade  Terms  in  0.  T.  Times.  —  J.  A. 
Maynard.  The  Assyrian  Law  Gode.  —  S.  A.  Mercer.  The  Anaphora  of 
the  Holy  and  Blessed  John. 

Al-Machriq,  Mars  1922  : 

'Obeid  a.\  Nasiri  et  M.  Mercier.  L'étude  de  l'ai-abe  dans  l'enseigne- 
ment secondaire  en  France.  —  L.  Gheikiio.  Les  Séances  d'Elie,  évêque 
de  Nisibe  (suite).  —  R.  Mol'terde.  La  parificalion  de  la  Syrie  et  la 
défense  dés  frontières  sous  les  Romains.  —  L.  (îheikho.  La  bibliogra- 
phie arabe  chrétienne  depuis  l'Islam. 


304  AVRIL-JUIN  1922. 

Avril  : 

L.  Cheikho,  Les  Séances  d'Elic  de  Nisibe  (suite);  -  La  bibliographie 
arabe  chrétienne  depuis  Tlslam  (suite);  -  Le  Dragon  de  saint  Georges. 

Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique  de  Paris,  t.  XXII,  fasc.  6  : 

Prince  N.  Trocbetzkov.  La  forme  slave  du  nominatif-accusatif  singu- 
lier des  thèmes  neutres  en  -n-,  —  A.  Meillet.  La  forme  du  génitif 
pluriel  en  ombrien;  -  Sur  la  flexion  attiquc  de  zrôXts:  -  Homérique 
-nrépdai.  —  J.  Marodzeau.  Notes  sur  la  formation  du  latin  classique.  — 
J.  Vendrves.  Gloses  en  vieux  haut-allemand  dans  un  manuscrit  d'Avia- 
nus.  —  Index  du  t.  XXII. 

The  Moslem  World,  April  1922  : 

H.  W.  Stamon.  Christ  and  Controversy.  —  J.  H.  Ritsox.  The  Bible 
among  Moslems.  —  M.  T.  Titcs.  Mysticism  and  Saint  worship  in  India. 

—  J.  DE  Maver.  Turkislan,  a  neglected  Mission  field.  —  H.  Birge.  Jelal 
ud-din  Rurai.  —  St.  G.  Mylrea.  An  ancient  Account  of  India  and  China. 

—  E.  Elder.  Christians  and  Arabie  Writing.  —  E.  Putxev.  Seen  from 
a  Stamboul  Day  School. 

Revue  des  Études  arméniennes ,  t.  II ,  fasc.  1  : 

A.  Meillet.  De  quelques  mots  |)arthes  en  arménien  [nahapet,  parar, 
zand,  nerkliini,  pacoijc,  pakas\.  —  F.  Macler.  Notices  de  manuscrits 
arméniens  ou  relatifs  aux  Arméniens  vus  dans  quelques  bibliothèques 
de  la  Péninsule  ibérique  et  du  Sud-Est  de  la  France. 

Mélanges.  S.  David-Beg.  Le  mot  terragan  dans  les  chansons  de  geste. 

—  J.  Mathorez.  Notules  sur  quelques  Arméniens  ayant  vécu  en  France 
avant  1789.  —  F.  Macler.  Une  forme  arménienne  du  thème  des 
cramants  malheureuxn  [analyse  du  roman  Mamô  et  Zinê].  —  G.  Cuendet. 
Notice  de  deux  manuscrits  arméniens  vus  à  Genève. 

Chronique.  M""  Z.  Essayan.  Le  rôle  de  la  femme  ai-ménienne  pendant 
la  guerre.  —  F.  Macler.  Le  procès  Talaat  pacha.  —  A.  Meillet.  Statis- 
tique de  l'Arménie  soviétique.  —  Général  Marty.  Discours  prononcé  à 
rinauguration'du  monument  aux  morts,  à  Adana. 

Revue  du  Monde  musulman,  vol.  hl  (octobre  1921)  : 

G.  Textes  historiques  sur  le  réveil  arabe  au  Hedjaz.  —  J.  Castagne. 
Les  Tamgas  des  Kirghizes  (Kazaks).  —  L.  Bolvat.  Les  Moplahs  du  Sud 


CHRONIQUE  ET  NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.        305 

de  l'Inde.  —  H.  Bourgeois.  Les  trois  ères  solaires  de  la  Perse.  — 
P.  Martv.  Nécrologie  saharienne  :  Kaossen,  Moussa  ag  Amastane,  Ti- 
djani.  —  L.  Bouvat.  La  presse  musulmane.  —  Les  livres  et  les  revues. 

—  Documents  sur  la  situation  sociale  dans  l'Inde  et  sur  les  projets  de 
réforme. 

Vol.  48  (décembre  1921)  : 

J.  Castagne.  Notes  sur  la  politique  extérieure  de  l'Afghanistan  depuis 
1919  (missions  et  traités).  —  L.  Boivat.  Documents  annexes,  traduits 
du  persan. 

T'oungPao,  1920-1921,  n°'  3-6  : 

P.  Pelliot.  Les  rf Conquêtes  de  l'Empereur  de  la  Chine".  —  A.-G. 
Molle.  A  life  of  Odoric  of  Pordenone. 

Nécrologie.  Jules  Harmand ,  par  Henri  Cordier. 

N"5: 

A.  C.  MonLE.  A  smail  contribution  to  the  study  of  the  bibliography 
of  Odoric.  —  P.  Pelliot.  Note  sur  les  T'ou-yu-houen  et  les  Sou-p'i.  — 
A.  Stein.  La  traversée  du  désert  par  Hiuan-tsang  en  600  ap.  J.-C.  — 
C.  Mathieu.  Le  système  musical. 

Note.  L.  DE  Saossdre.  L'étymologie  du  nom  des  monts  K'ouen  louen. 

Zeitschrift  der  Deutschen  Morgenlàndischen  Gesellschaf t ,  1922  , 
fasc.  1  : 

G.  Brockelmaniv.  Die  morgenlàndischen  Studien  in  Deutschland.  — r 
G.  H.  Becker.  Der  Islatn  im  Bahraen  einer  allgemeinen  Kulturgeschichte. 

—  H.  ZiMMERN.  Babylonische  Vorstufen  der  vorderasiatischen  Myslerien- 
religionen?  —  H.  Gunkel.  Die  Komposition  der  Joseph-Geschichten.  — 
A.  Erman.  Das  Wôrterhuch  der  agyptischen  Sprache.  —  Br.  Meissner. 
Die  gegenwiirtigen  Hauptprobleme  der  assyiiologischen  Forschung.  — 
Fr.  RosEN.  Der  Einfluss  geistigor  Stromungen  auf  die  poHtische  Ge- 
schichle  Persiens.  —  Fr.  Babinger.  Der  Islam  in  Klcinasien. 


Hespéris,  t.  I,  199.1,  3°  trimestre  : 

H.  DE  Castries.  Les  signes  de  validation  des  (^.hérifs  saadiens,  avec 
16  figures  et  7  planches  (l'auteur  a  pu  déchiffrer  le  *^Uc  'alâma  ou 


SOfi  AVRIL-JUIN    192  2. 

seing  des  Saadiens,  (|iii  n'est  autre  que  la  formule  pieuse  :  'siJL^  *ij  o^Ji 
tria  louange  à  Allah  seulement^i,  c'est-à-dire  :  Allah  seul  est  digne 
d'être  loué),  p.  aSi-aÔQ. 

E.  Laoust.  Noms  et  cérémonies  des  feux  de  joie  chez  les  Berbères  du 
Haut  et  de  l'Anli-Atlas  (suite),  p.  253-3i6,  avec  i5  planches. 

J.  GouLVEN.  Notes  sur  les  origines  anciennes  des  Israélites  au  Maroc, 
p.  3i7-33G. 

HoccEiN  Kaci.  Les  cérémonies  du  mariage  à  Bahlil,  p.  'do']-dliQ. 

J.  HuGUET.  Le  diplomate  Ghéuier  au  Maroc,  p.  SliS-'dUj. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


SEANCE  DU   12  AVRIL  1922. 

La  séance  est  ouveite  à  5  heures,  sous  la  présidence  de  M.  Senart. 

Etaient  présents  : 

M.  HiAitT,  oice-prcsidenl ;  M""  Gisabowska;  M"'  Lalod;  MM.  Basma- 
DJiAN,  Blocii,  Bouudais,  Bodvat,  Danon,  Dklaportk,  Ferrand,  Graffin, 
Lacrentie,  h.  Maspkro,  (j.  Maspero,  Masson-Oursel,  de  Maydell,  Pel- 
LiOT,  PuzvLUSKi,  Bavaisse ,  SiDERSKY,  Stern,  membres;  Thuueau-Dangin, 
secrétaire. 

Le  procés-verbal  de  la  séance  du  i  o  mars  est  lu  et  adopté. 

Sont  élus  membres  de  la  Société  : 

MM.  M.  DuNAN,  présenté  par  MM.  Clermont-Ganneau  et  Diissaud. 
J.  ViAU,  présenté  par  MM,  Clermoxt-Ganneau  et  Dussaud. 
D.  B.  Hadjibekli,  présenté  par  MM.  Huart  et  Bouvat. 
H.  Laijrentie,  présenté  par  MM.  Meillet  et  Macler. 
Gustave  Mercier  ,  présenté  par  MM.   Galdefrov-Demombv.nes  et 

Louis  Mercier. 
Charles  Boreux,  présenté  par  MM.  Bénédite  et  Thureau-Dangin. 

M.  Stern  offre  à  la  Société  le  premier  fascicule  de  la  revue  Arts  et 
A  rclu'otoffie  khmers. 

M.  lluART  lait  une  comininiicalion  sur  la  valeur  histori(|ue  dos  mé- 
moires des  derviches  tourneurs  (voir  IMnnexe  au  procès-verbal). 

Ubservatioas  de  M.  Pelliot. 


308  AVniL-JtJIN   Î9âl 

M.  Pelliot  Aùt  connaître  la  nalure  et  le  contenu  de  quatre  documents 
qui  lui  ont  été  récemment  envoyés  de  la  Bibliothèque  du  Vatican  pour 
identification,  et  dont  il  a  déjà  dit  quelques  mots  à  l'Académie  des 
Inscriptions.  Ces  quatre  documents  sont  :  i"  L'original  persan ,  jusqu'ici 
inconnu,  de  la  réponse  du  grand  khan  Guyuk  au  pape  Innocent  IV. 
Cette  réponse,  datée  de  1266,  fut  rapportée  par  Plan  Carpin;  on  ne  la 
connaissait  jusqu'ici  que  par  trois  versions  latines  assez  divergentes 
entre  elles.  -2°  Une  lettre  mongole  du  khan  mongol  de  Perse  Arghun , 
écrite  en  1290,  et  répondant  à  une  lettre  où  le  pape  l'avait  exhorté  à 
se  faire  chrétien.  3°  Un  laissez-passer  en  mongol,  adressé  au  pape  par 
Arghun  en  1291  en  faveur  d'une  mission  d'évêques  dont  le  chef  devait 
s'appeler  Gérard.  k°  Une  lettre  mongole  du  khan  mongol  Ghazan, 
écrite  au  printemps  de  i3o2,  rappelant  des  missions  antérieures,  entre 
autres  celle  de  Bisqart  (qui  doit  être  le  Guiscardus  connu  dans  les 
archives  vaticanes  sous  l'année  1  Sot),  et  exhortant  le  pape  à  ne  pas  man- 
quer au  rendez-vous  pour  une  action  commune  contre  le  sultan  mam- 
louk  d'Egypte.  Le  texte  et  la  traduction  de  ces  documents  paraîtront 
dans  la  Revue  de  l'Orient  chrétien. 

La  séance  est  levée  à  6  heures  et  demie. 


ANNEXE  AU  PROCES-VERBAL. 


DE    LA    VALEUR   HISTORIQUE   DES    MEMOIRES 
DES   DERVICHES   TOURNEURS. 

En  publiant,  il  y  a  quatre  ans,  le  premier  volume  de  ma  traduction 
du  Ménâqib  el-'Àrifin  d'Aflùkî,  sous  le  titre  de  ffLes  saints  des  derviches 
tourneursii,  j'écrivais  ceci  dans  la  préface  :  rrCelte  traduction  n'est 
point  destinée  à  éclaircir  des  points  historiques  obscurs;  le  côté  histo- 
rique est  même  laissé  complètement  de  côté;  il  s'agit  bien  plutôt  de 
faire  connaître  le  milieu  intellectuel  et  moral  dans  lequel  a  pris  nais- 
sance et  s'est  développé  un  des  grands  ordres  religieux  musulmans. « 
S'il  est  vrai  qu'il  n'y  a  point  d'histoire  à  proprement  parler  dans  l'ou- 
vrage d'Allâkî,  il  est  non  moins  certain  qu'étant  donné  l'obscurité  qui 
règne  sur  les  événements  dont  l'Asie  Mineure  a  été  le  théâtre  au  xiii"  et 
surtout  au  xiv'  siècle  —  nous  n'avons  pour  cette  dernière  période  que 


SOCIETE  ASIATIQUE.  309 

les  renseignemenls  épars  dans  Ibn-Batoùta  et  le  Mésdlik  el-Ahçàr  —  les 
récils  recueillis  par  ce  derviche  côloient  par  endroits  des  phénomènes 
historiques  et  complètent,  par  certains  détails,  la  prose  officielle  des 
chroniqueurs  attitrés. 

Le  père  du  poète  persan  Djélâl-ed-Dîn  Roûmî,  fondateur  de  l'ordre, 
qui  se  nommait  Béhâ-ed-din  Wéled,  avait  dû  quitter  Balkh  sous  le 
règne  du  Khàiezm-châh  'Alâ-ed-din  Mohammed ,  lils  de  Takach  et  père 
du  valeureux  et  infortune-  Djélâl-ed-din  Mango-hirti.  Son  exil  volontaire 
était  dû  à  la  pression  exercée  sur  l'esprit  du  souverain  par  les  docteurs 
de  la  loi,  jaloux  du  succès  de  ses  prédications,  qui  n'hésitèrent  pas  à 
l'accuser  de  comploter  le  renversement  du  Sultan.  11  se  rend  d'abord 
à  Bagdad,  puis  accomplit  le  pèlerinage  de  la  Mecque;  à  son  retour,  il 
passe  par  Damas,  où  régnait,  non  El-Mélik  el-Achraf,  comme  le  dit 
l'auteur,  mais  el-Mélik  el-Mo'azhzham ,  son  frère.  Béhâ-ed-din  ne  s'ar- 
rêta pas  dans  celte  ville;  une  volonté  supérieure  le  poussait  vers  l'Asie 
Mineure,  possédée  alors  par  les  Seldjouqides  de  Roùm.  Le  Seldjouqide 
'Alâ-ed-dîn  Kaï-Qobâd  1"  avait  été  inironisé  à  Siwàs  en  1219. 

Béha-ed-din  Wéled  passe  à  Erzindjàu  et  refuse  d'entrer  dans  la  ville. 
Celle-ci  était  alors  gouvei-née  par  un  prince  de  la  dynastie  des  Mengoû- 
djékides  étudiée  par  M.  Houtsma  dans  le  Keleti  Stemle  (t.  Y,  p.  277), 
Fakhr-ed-din  Behrâm-Châh,  qui,  en  présence  du  refus  du  voyageur 
d'entrer  dans  sa  capitale,  lui  construisit,  dans  le  village  d'Aq-chéhir,  un 
collège  où  le  derviche  séjourna  quatre  ans.  Le  fait  intéressant,  c'est  la 
part  prise  à  cette  détermination  par  la  femme  de  ce  prince, 'Içmèti- 
khâtoûn.  Plus  d'une  fois  notre  chroniqueur,  loin  d'imiter  la  réserve  des 
historiographes,  n'hésite  pas  à  divulguer  la  part  prise  par  les  femmes 
aux  résolutions  des  gouvernants  d'alors. 

Après  la  mort  de  son  protecteur  et  de  sa  femme,  Béhà-ed-dîn  entre 
sur  le  territoire  de  Kaï-Qobâd  I"  et  descend  dans  la  ville  de  Larenda, 
aujourd'hui  Qaramân,  où  il  est  reçu  par  le  gouverneur,  nommé  Emir 
Moûsà.  Au  bout  de  quelque  temps,  le  Sultan  lui-même  veut  voirie  der- 
viche étranger  et  l'invite  à  venir  s'établir  à  Qonya ,  sa  capitale.  C'est  là 
qu'il  mourut  en  1  âSi. 

Un  an  après  la  mort  de  son  père,  Djélàl-ed-dîn  entreprend  le  voyage 
de  Syrie  et  descend  à  Alep  dans  le  collège  llalàwiyya,  voisin  de  la 
grande  mosquée  et  probablement  une  transformation  de  l'ancienne 
cathédrale  chrétienne.  Il  rencontre  dans  cette  ville  Kémàl-ed-din  Ibn-cl- 
'Adhu,  l'hislorien,  ffhomme  démérite,  1res  savant,  au  cœur  éclairé  et 
croyante.  Au  bout  de  quelques  mois,  le  prince  de  Qonya,  'Izz-ed-dhi 
Kaï-kâoûs  II,    petit-fils  de  Kaï-Qobâd,  fait  rechercher  le  derviche  et 


310  AVRIL-JUIN    1922. 

réclame  son  relour  dans  sa  capitale,  (lomnio  ce  prince  a  n-gné  à  partir 
(le  644  (i24G),  cela  fixe  Tépoque  où  ce  voyage  aurait  eu  lieu. 

En  GSy  (1269),  Houlagou  qui,  Tannée  précédente,  s'était  emparé 
de  Bagdad,  dirige  une  expédition  contre  la  Syrie,  s'empare  d'Alep  et 
investit  Damas;  ses  troupes  étaient  commandées  par  Kîtou-bogba.  Cette 
expédition  fut  inl'ructueuse,  non  |)as  en  ce  sens  que  la  ville  de  Damas 
ne  tut  pas  prise,  au  contraire;  elle  capitula,  mais  K<tou-bogha  fut  tué  à 
la  bataille  d'Aïn-Djàloùt. 

Un  ministre  des  Seldjouqides  dont  le  nom  revient  fréquemment  sous 
la  plume  d'Aflâkî,  c'est  le  Perwànè  Mo'in-ed-din  Soléïman,  qui  paraît 
avoir  été  le  grand  protecteur  de  l'ordre.  On  appelait  pei^dnè,  à  Qonya, 
le  cbef  de  la  cbancellerie  du  palais,  qui  semble  avoir  exercé  en  même 
temps  les  fonctions  de  grand  chambellan,  maître  des  cérémonies  de  la 
cour.  C'était  un  personnage  considérable.  Mo'în-ed-din  fut  le  ministre 
de  Ghiyâth-ed-dîn  Kai-Khosrau  H;  Qylydj-Arslan  IV  lui  avait  donné  en 
fief  la  ville  et  le  territoire  de  Sinope,  dont  son  fils,  marié  à  une  fille  de 
Léon  III,  roi  de  la  Petite-Arménie,  hérita  après  lui.  Il  se  rendit  ensuite 
à  la  cour  des  princes  mongols;  plus  tard,  convaincu  de  trahison,  il  fut 
condamné  à  mort  et  exécuté,  par  oidre  d'Abaqa,  à  Alataq,  le  98  juillet 
1278;  rril  le  fist  trancher  j)ar  min,  dit  l'histoi'ien  arménien  Haylou. 
D'après  Mîrkhond  ,  il  était  originaire  de  la  ville  de  Kàchàu  en  Perse. 

'Izz-ed-dîn  Kaî-Kàoùs  H,  petit-fils  d"Alà-ed-dîn  Kaï-Qobàd,  ne  parta- 
geait pas  les  idées  de  son  grand-père  au  sujet  des  services  qu'on  pouvait 
attendi'e  des  derviches  tourneurs.  Il  fit  des  objections  à  son  ministre 
Gheras-ed-dîn  Içfahânî  :  ;>•  Pourquoi  vas-tu  continuellement  voir  le  supé- 
rieur de  ces  religieux,  lui  manifester  de  ramiti(',  alors  que  tu  te  tiens  à 
l'écart  des  autres  grands  personnages ?n  Le  ministre,  en  faisant  allusion 
aux  miracles  attribués  à  Djélàl-ed-dîn,  inspira  au  Sultan  le  désir 
d'éprouver  le  talent  de  divination  des  derviches;  celui-ci  mit  dans  une  boîte 
d'or,  à  i'insu  de  tous,  un  petit  seipent  qu'il  avait  trouvé  dans  ses  pro- 
menades autour  du  kiosque  de  Filou bàd;  le  cheikh  Çaiàh-ed-dîn,  sur- 
nommé Zerkoiib  parce  qu'avant  sa  vocation  il  avait  été  batteur  d'or, 
devina  immédiatement  ce  que  contenait  cette  boîte. 

Un  miiiistre  du  sultan  'Izz-ed-din  Kaï-Kâoùs  II,  ce  fut  le  qàdî  Izz-ed- 
dîn  de  Qonya,  qui  fit  élever  la  mosquée  cathédrale  de  cette  ville. 

Un  autre  ministre  du  même  prince,  Fakhr-ed-dîn  'Ali  ben  el-lloséïn, 
a  laissé  à  Qonya  des  souvenirs  encore  vivaces  aujourd'hui;  car  son  mau- 
solée, encore  debout,  est  connu  sous  le  nom  de  çàhib-'atd  rrle  bienfai- 
teur n,  appellation  qui  coriespond  exactement  à  celle  d'Abou'l-Khaïràt 
qui  lui  est  donnée  par  notre  auteur.  J'ai  relevé  à  Qonya  l'inscription 


SOCIETE   ASIATIQUE.  311 

de  sa  pierre  lombale,  qui  e'tablit  que  sa  mort  eut  lieu  en  décembre 
1985. 

Le  sultan  Rokn-ed-dîn  Qylydj-Arslan  IV  assistait  aux  exercices  des 
derviches.  Il  eut  limprudeuce  de  se  rendre' également  à  une  séance  du 
même  genre  tenue  par  le  chéïkh  Bàbà  de  Mérend,  ce  qui  faisait  concur- 
rence aux  Mau}a\Yis.  Djélàl-ed-dîn  sortit  furieux ,  et  l'on  ne  manqua  pas 
d'attribuer  à  TefTet  de  sa  colère  la  tragédie  qui  termina  la  vie  de  ce  sou- 
verain. Les  émirs,  chefs  des  troupes,  tinrent  conseil  à  Aq-Chéhir  sur  la 
"manière  de  repousser  l'invasion  mongole.  Le  sultan  s'y  rendit,  fut  attiré 
dans  un  lieu  solitaire  et  étranglé  au  moyen  d'une  corde.  Cela  se  passait 
en  663  (i96i). 

Kémàl-ed-dîn  Kàbî,  un  des  grands  juges  de  l'Asie  Mineure,  se  rendit 
en  19  58  à  Qonya  pour  y  voir  le  sultan  'Izz-ed-din  Kaï-Kàoùs,  terminer 
les  affaires  de  la  province  des  Dànichmendides  (Sîwas)  et  rapporter  des 
firmans  et  des  diplômes.  Nous  apprenons  à  cette  occasion  le  nom  de  la 
femme  du  sultan  Rokn-ed-dîn  Qylydj-Arslan  IV;  elle  se  nommait  Koi\- 
màdj-khàtoùn  de  Toqat. 

En  19  55,  une  armée  mongole  sous  les  ordres  de  Bâdjoû,  proprement 
Baïgou ,  mit  le  siège  devant  Qonya.  Djélàl-eJ-dîn  pratique  les  rites  de 
la  prière  canonique  sur  une  colline  en  dehors  de  la  ville;  les  Mongols 
l'aperçoivent  et  le  couvrent  d'une  pluie  de  flèches,  sans  résultat.  Baïgou 
lui-même  lance  un  trait  qui  revient  sur  sa  trajectoire  et  retombe  au  milieu 
de  l'armée;  il  veut  pousser  son  cheval  en  avant,  celui-ci  reste  pétrifié 
sur  place.  Le  chef  mongol  sécrie  alors  :  rrCet  homme  appartient  au 
^aratghàn  (en  turc  oriental,  le  Créateur);  il  faut  s'abstenir  de  le  mettre 
en  colère."  Finalement  la  ville  fait  acte  de  soumission,  et  les  Mongols  la 
démantèlent,  à  l'exception  de  la  citadelle,  parce  que  celle-ci  renfermait 
les  tombeaux  des  anciens  sultans. 

L'atabek  Arsian-Doghmouch  est  encore  un  personnage  historique;  il 
fit  élever  à  Qonya  un  medresé  qui  fut  appelé,  d'après  son  titre,  le  col- 
lège Atàbékiyyé.  11  avait  stipulé,  dans  l'acte  de  fondation,  que  le  pro- 
fesseur qui  y  donnerait  des  leçons  appartiendrait  au  rite  hanéfite,  et  de 
plus  serait  allilié  au  mysticisme.  Ces  conditions  déplurent  aux  derviches, 
qui  prétendaient  qu'aucune  condition  ne  pouvait  être  posée  à  l'occasion 
d'une  œuvre  charitable. 

'Alam-ed-dîn  Qaïçar  était  un  des  généraux  du  sultan  Ghiyâth-ed-dîn 
Kaï-Khosrau  III,  fils  de  Rokn-ed-din  Qylydj-Arslan  IV.  On  nous  le  repré- 
sente comme  vendant  tous  ses  biens  [lour  j)ayer  le  prix  du  sang  d'un 
individu  qu'un  [tn'dicaleur,  favorable  aux  derviches,  avait  assommé 
d'un  coup  de  poing  en  descendant  de  la  chaire. 


312  AVRIL-JUIN   1922. 

Ciaïklialou  envahit  l'Asie  Mineure  à  la  tête  d'une  arme'e  nombreuse  et 
vient  (•;im|)er  devant  Qonya.  C'était  en  1291;  il  s'agissait  d'y  étouffer 
une  révoile.  L'ilkhan  entra  sans  difllculté  dans  la  ville  avec  deux  ou 
trois  niiiio  hommes  de  troupes,  et  descendit  dans  le  palais  royal.  On  lui 
apporta  des  présents  qui  parurent  le  satisfaire.  Naturellement  les  der- 
viches attribuèrent  la  mansuétude  de  rilklian  à  l'intervention  de  DjéhU- 
cd-dîn,  ou  plutôt  de  son  ombre,  car  il  était  déjà  mort. 

Une  sérieuse  concurrence  se  présenta  aux  deiviches  tourneurs  lors 
de  l'arrivée  à  Qonya  de  Tàdj-ed-din,  qui  était  le  propre  fds  d'Ahmed 
er-Rifâ'î,  fondateur  de  l'ordre  des  Rifà'iyya  ou  derviches  hurleurs.  On  le 
logea,  ainsi  que  sa  suite,  ses  adeptes  et  ses  élèves,  dans  le  collège  de 
Qarataï,  monument  connu  depuis  que  j'en  ai  donné  la  description.  Tout 
le  monde  voulut  aller  voir  ces  gens  qui  passaient  à  travers  le  feu,  se 
mettaient  dans  la  bouche  des  fers  rouges,  mangeaient  des  serpents, 
avaient  des  sueurs  sanguinolentes ,  se  lavaient  avec  de  l'huile  bouillante , 
et  se  livraient  à  la  prestidigitation,  toutes  choses  que  ne  pratiquent 
point  les  Maulawis.  Les  fenmies,  encore  plus  curieuses  que  les  hommes, 
y  entraînèrent  la  femme  même  de  Djélàl-ed-dîn,  Kirà-khàtoiin,  sans 
l'autorisation  de  son  mari,  ce  qui  lui  valut  une  punition  :  saisie  par  le 
froid ,  elle  ne  put  plus  jamais  se  réchauffer. 

Sultan  Wéled,  fds  de  Djélàl-ed-dîn,  reçut  un  jour  la  visite  du  noijan 
Irendjin,  oncle  maternel  d'Euldjaïtou ,  gouverneur  de  l'Asie  Mineure 
en  71/1  (i3i/i)  [d'Ohsson,  IV,  076],  qui  lui  posa  cette  question  :  rrNos 
bahhchi  affirment  que  les  dieux  sont  au  nombre  de  quarante.  Cette  doc- 
trine a-t-elle  une  réalité?"  Le  derviche  se  tii-e  d'affaire  en  expliquant  que 
sur  ces  quarante  dieux,  il  y  en  a  un  qui  est  le  Dieu  suprême  auquel 
obéissent  les  trente-neuf  autres,  ce  qui  sauve  l'idée  de  l'unité  de  Dieu; 
et  il  lui  donne  comme  exemple  les  serviteurs  de  sa  propre  maison,  qui 
le  reconnaissent  comme  leur  maître,  tandis  que  lui-même  est  le  servi- 
teur de  l'ilkhan  régnant  en  Perse,  soumis  lui-même  au  grand  Khàqàn, 
l'empereur  mongol. 

Du  leni[)s  de  Ghazan,  le  gouverneur  mongol  de  l'Asie  Mineure  était 
le  noyan  Apichqà,  que  notre  auteur  représente  comme  extrêmement 
bienveillant  pour  les  sujets  de  l'empire  et  équitable;  on  l'appelait, 
paraît-il,  rrlo  prophète  glabre n,  par  allusion  à  la  rareté  des  poils  carac- 
térisant la  physionomie  des  Mongols.  11  était,  d'ailleurs,  musulman 
orthodoxe. 

A  l'époque  où  Ghazan-khan  venait  de  monter  sur  le  trône  de  Perse, 
le  Tchélébi  'Arif,  fils  de  Suilàu-Wéled  et  petit-fils  de  Djélàl-ed-dîn 
Hoùmî,  éprouva  le  désir  de  visiter  T'Iràq-'Adjéinî  et  de  se  mettre  en  rela- 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE.  313 

lions  avec  les  mystiques  de  ces  contrées.  A  Erzeroiim ,  il  rencontre  le 
grand-fiiuconnier  de  1  llklian,  qui  était  le  fils  d'un  des  émirs  des  Scldjou- 
qides  de  Roum  et  s'appelait  Touman-beg,  fils  de  Qilàwoùz;  il  lui  rend 
le  service  de  lui  ramener  un  Aiucon  échappé.  Ce  fauconnier  parla  de  lui 
à  Ghazan,  et  la  femme  de  celui-ci,  Iltirmîcli-khàtoùn,  organisa  une 
séance  de  danse  rituelle  qui  fut  l'occasion  de  gialifications  somptueuses. 

Les  derviches  avaient  d'ailleurs  un  prolecteur  dans  la  personne  de 
Medjd-ed-dîn  Atàbéki,  qui  obtint  la  nomination,  en  qualité  de  roi  de 
l'Asie  Mineure,  de  'Alà-ed-dîn  Kaï-Qobàd  111,  intronisé  en  1297  et  des- 
titué en  i3oo. 

Le  biuil  s'était  répandu  en  Asie  Mineure  qu'Euldjaïtou  avait  embrassé 
le  parti  des  Chi'ïtes  et  avait  envoyé  à  Médiue  des  gens  chargés  d'enlever 
de  son  tombeau  le  corps  d'Abou-Bekr.  Sultan  Wéled  envoie  son  fils 
'Arif  pour  tacher  de  ramener  l'ilkhau  à  l'orthodoxie;  il  part  en  i3i5, 
mais,  arrivé  à  Baïbourt,  il  y  apprend,  en  i3i6,  la  mort  d'Euldjaïtou. 
Continuant  son  voyage ,  il  trouve  la  ville  de  Sultàniyyé  en  deuil  ;  néan- 
moins, il  y  donne  une  séance.  Les  ministres,  Rachîd-ed-dîn ,  'Ali-chàh 
et  autres ,  sont  scandalisés  ;  ils  envoient  demander  ce  que  cela  veut  dire  : 
ffSi  voire  souverain  est  mort,  répondit  'Arif,  le  nôtre  est  toujours  vivant, 
car  il  est  éternel,  -n 

Nous  rencontrons  des  noms  de  gouverneurs  de  villes  :  Ghodjà'-ed-din 
Inandj-beg  à  Lâdiq,  Mohammed-beg,  fils  de  Torontàï,  à  Qonya. 

La  domination  mongole  s'affaiblit;  des  velléités  d'indépendance  se 
manifestent  de  toutes  parts.  En  ce  qui  concerne  Qonya ,  on  nous  parle 
d'un  certain  Mohammed-beg,  fils  du  Khàdjè  Çadr-ed-din  Balifidhoimî, 
ethnique  étrange  qui  paraît  se  rattacher  au  nom  de  la  ville  de  Bolivvadin, 
Polybotum  des  Byzantins,  près  d'Afyoun-Qara-Hiçàr.  Ce  personnage 
était  devenu  roi  de  la  capitale  et  jouissait  d'une  grande  considération.  11 
n'hésita  pas  à  poursuivre  dans  la  maison  même  de  Sultan  Wéled  un 
individu  auquel  il  en  voulait.  La  punition  ne  se  fit  pas  attendre  :  cfMo- 
hammed-beg  fut  pris  par  la  colère  des  hommes;  en  dix  jours,  de  la  tota- 
lité de  cette  famille  et  de  ce  clan,  il  ne  resta  personne;  tous  moururent 
de  mort  subite,  tant  hommes  que  femmes,  à  tel  point  qu'il  ne  resta 
même  pas  un  chat  dans  leur  maison,  n 

Le  pouvoir  des  Mongols  s'estompe  et  disparait.  Masoûd-beg,  fils  de 
Mentéché,  dont  le  nom  ne  se  retrouve  pas  dans  les  historiens,  paraît 
avoir  été  indépendant;  on  note  aussi  le  nom  de  son  fils  Chodjà'-cd-dîu 
Orkhan. 

La  dynastie  de  Qaramàn  s'installe  à  Larenda;  le  gouverneur  qu'elle 
avait  nommé  à  Qonya ,  Djélàl  Koiilchek ,  profitant  de  l'absence  du  Tché- 


3U  AVRIL-JUIN    1922. 

\é\n  'Arif,  fait  enlever  un  bassin  de  marbre  envoyé  jadis  de  Kutabia  à 
Sullân  Wéled.  Au  retour  de  son  voyage,  le  chef  de  la  confrérie  s'aper- 
çoit de  la  disparition  du  bassin;  il  le  réclame,  et  Bedr-ed-din  Ibràliim- 
beg  le  lui  fait  restituer  incontinent. 

Nos  derviches,  préoccupés  de  leur  vie  mystique,  ne  songeaient  pas  à 
la  politique.  Toutefois,  au  début  du  xiv'  siècle,  ils  prennent  parti  entre 
les  deux  pouvoirs  qui  se  partageaient  l'ancienne  Lycaonie,  et,  chose 
inattendue ,  ils  se  tournent  du  côté  des  Mongols.  Voici  le  passage  d'Aflàki 
relatif  à  cette  question  : 

Du  temps  de  la  dynastie  de  Qaramnn  qui  régnait  à  Qonya,  le  Tchélébi  '  Arif 
[pelit-flls  et  successeur  de  Djéiàl-pd-din  Roùmi]  était  partisan  des  Mongols, 
ce  qui  attristait  ces  princes;  ils  étaient  d'un  avis  contraire  au  sien  et  lui  di- 
saient :  «Tu  ne  veux  pas  de  nous,  qui  sommes  tes  voisins  et  les  amis  du 
grand  Maître;  tu  préfères  les  Mongols,  qui  sont  des  étrangers.  —  Nous  sommes 
dos  derviches ,  répondit  le  Tchélébî  ;  nos  regards  sont  dirigés  vers  la  volonté 
de  Dieu,  pour  voir  qui  il  préfère  et  à  qui  il  confie  le  gouvernement  de  son 
empire;  nous  sommes  de  son  côté,  et  c'est  lui  que  nous  cherchons.  Actuelle- 
ment, Dieu  ne  veut  pas  de  vous;  il  est  puur  raruiét'  mongole;  il  a  enlevé 
l'empire  aux  Seldjouqides  pour  le  confier  aux  descendants  de  Tchinggiz-khan. 
Nous  voulons  ce  que  Dieu  veut. 75  Cependant  les  fils  de  Qaramân,  bien  qu'amis 
sincères  et  disciples  de  cet  ordre  religieux,  étaient  fâchés  et  se  tenaient  sur 
leurs  gardes  par  rapport  au  Tchélé])i. 

Cette  situation  n'eut  d'ailleurs  d'autre  suite  que  de  causer  indirecte- 
ment la  mort  du  gouverneur  de  la  citadelle  de  Qonya,  un  borgne  nommé 
Qilidji  Béhàdour;  ayant  eu  l'imprudence  de  hive  frapper  à  coups  de 
fouet  la  croupe  du  cheval  que  montait  le  Tchélébî  'Arif,  il  sentit  bientôt 
au  ventre  une  tumeur  qui  l'emporta  promptement. 

Dans  la  ville  de  Bey-Chébri,  nous  trouvons  un  émir,  Mobài'iz-ed-din 
Moliammed-beg,  lils  d'Achraf,  protecteur  de  nos  derviches.  Son  fils 
Soléïmàmdiùh ,  qui  lui  succéda,  vit  sa  capitale  conquise  par  Témur- 
lach  et  fut  noyé  dans  le  lac  qui  avoisine  cette  localité. 

Ce  Téuujr-tach  était  le  fils  du  général  mongol  Tcbobau;  désigné 
comme  gouverneur  de  l'Asie  Mineure,  il  se  révolta  en  i329  contre 
Abou-Sa'îd,  et  fut  ensuite  pardonné;  plus  tard  il  se  réfugia  en  Egypte 
et  y  fut  exécuté  en  1898.  D'après  notre  auteur,  c'est  en  i.'5«^o  qu'il  avait 
expulsé  de  Qonya  la  dynastie  de  Qarauuui,  réduite  à  la  possession  de 
Larenda.  On  le  représente  comme  fort  généreux  et  juste,  religieux  et 
jirobe.  Pour  j-amencr  à  l'obéissance  la  tribu  turque  des  Oûdj,  il  choisit 
le  d(;rviche  'Aiif  comme  ambassadeur;  celui-ci.  au  retour  de  sa  mission, 
ne  retrouva  plus  j)ersonne;  tous  étaient  j)artis  pour  la  Syrie,  c'est-à-dire 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  315 

qu'ils  avaient  suivi  Téniur-tach  lorsque  celui-ci  jugea  à  propos,  à  son 
grand  dam,  de  se  r(^fugier  auprès  des  Mamlouks. 

A  Kutahia,  Yaqoiib-beg,  arrière-petit-fils  de  Germiyàn,  avait  installa 
un  pouvoir  indépendant.  Le  derviche  Arif  eut  une  entrevue  avec  lui  à 
Làdiq.  Mohainnied-beg,  fils  d'Aïdin,  n'avait  pas  encore  conquis  la  région 
de  Bourgi  et  était  un  simple  officier,  souharin,  au  service  de  ce  même 
Ya'qoùb-beg.  Un  de  ses  successeurs,  Oumour-[)acha,  que  les  historiens 
ottomans  appellent  Ouinour-beg,  s'était  signalé  par  des  expéditions 
maritimes  et  s'était  même  emparé  de  l'île  de  Chio,  qu'U  avait  constituée 
en  fief  à  son  bénéfice  particulier;  il  mourut  d'un  coup  de  flèche  devant 
Smyrne,  qu'il  essayait  d'enlever  aux  Latins. 

Les  femmes  avaient  aussi  leurs  réunions  particulières.  Chaque  nuit 
précédant  le  vendredi,  toutes  les  grandes  dames  se  réunissaient  chez  la 
femme  d'Amîn-ed-dîn  Mik;Vd,  lieutenant  particulier  du  sultan,  qui  jouis- 
sait de  la  faveur  de  Djélàl-ed-din;  celui-ci  l'appelait  chcïkh  el-kltawdtîn 
ffla  directrice  spirituelle  des  dames 55.  Sans  qu'on  eût  besoin  de  l'en  pré- 
venir, il  se  rendait  à  la  demeure  de  cette  dame,  après  la  prièie  de  la 
nuit  close;  il  s'asseyait  au  milieu  du  cercle  formé  par  les  assistantes  et, 
jusqu'à  minuit,  prononçait  un  sermon  mystique  entremêlé  de  conseils 
moraux,  pendant  qu'on  jetait  sur  lui  de  l'eau  de  i-ose  et  des  pétales  de 
rose  que  l'on  conservait  ensuite  comme  amulettes.  Puis  de  jeunes  es- 
claves récitaient  des  poésies,  des  joueuses  de  tambour  de  basque  et  de 
flûtes  préludaient,  et  le  derviche  se  mettait  alors  à  danser  la  danse 
rituelle  jusqu'au  matin;  après  avoir  accompli  la  prière  canonique,  il  s'en 
allait. 

Gurdjî-khâtoùn  nous  est  représentée  comme  une  grande  bienfaitrice 
des  derviches;  on  l'appelait  la  sultane,  et  Aflàkî  lui  concède  même  le 
titre  d'ft épouse  du  sultan n.  C'est  une  erreur;  Curdji-khâtoûn  était  la 
femme  du  Perw^ânè  Mo'in-ed-dîn.  On  l'appelait  sultane  parce  qu'elle  était 
de  race  royale,  étant  fille  de  Ghiyâth-ed-din,  prince  d'Eizeroum,  et 
d'une  princesse  de  Géoi'gie.  Au  rapport  de  Nowaïri,  elle  mourut  à 
quatre  journées  de  distance  de  Césarée  de  Cappadoce,  quand  elle  dut 
abandonner  cette  ville  au  moment  où  les  troupes  des  Mamlouks,  con- 
duites par  Béïbars,  l'occupèrent  à  la  suite  de  la  bataille  (rLlhislan  en 
676  (-1277).  où  les  Mongols  avaient  été  défaits  par  les  l']{>yptiens.  Sa 
lille,  'Aïn-el-llayât,  habitait  Krzcroiun  et  enlreteuait  des  rapports  ami- 
caux avec  nos  derviches. 

Deux  sultanes  moujjoles  sont  cilées  dans  les  M('moires.  La  première 
est  Pacha-khàtoûn,  ipie  les  hisloriens  persans  appelhîut  IVulichâh-kha- 
loûn:  elle  avait  été  l'épouse  d'Abatia;  devenue  veuve,  le  fils  de  ce  sou- 


316  AVRIL-JUIN   1922. 

verain,  Gaïkhatou,  avait,  suivant  l'usage  mongol,  épousé  sa  belle- 
mère  et,  en  1293,  il  lui  avait  attribué  la  principauté  du  Kirmân,  dont 
son  père  Qolb-ed-dln  avait  été  souverain.  Il  parait  qu'après  l'assassinat 
de  Gaïkhatou  elle  s'était  j'etirée  à  Erzeroum;  elle  était,  nous  apprennent 
les  Mémoires,  une  des  amies  de  la  famille  du  Grand  Maître;  elle  aimait 
beaucoup  le  Tchélébî  'Arif ,  qui  apprit  sa  mort  par  une  révélation  mys- 
térieuse et  la  pleura.  Une  allusion  à  sa  principauté  du  Kirmàn  se 
retrouve  dans  un  vers  composé  à  cette  occasion  :  ffCe  roi  qui  dévore  le 
royaume  du  Kirmân,  aujourd'hui  ce  sont  les  vers  [hirmdn)  qui  le  dévo- 
rent à  son  tour." 

La  seconde  est  Utirmich-khâtoûn ,  une  des  huit  femmes  de  Ghazan. 
Elle  profita  de  la  présence  du  même  'Arif  à  la  cour  du  souverain  mon- 
gol pour  donner  une  séance  de  derviches  tourneurs,  qu'elle  récompensa 
libéralement,  et  devint  même,  dit  l'auteur,  ffune  des  élèves  sincèresn. 

Koûmàdj-khàtoùn  était  la  femme  du  Seldjouqide  de  Roura  Rokn-ed- 
dîn  Qylydj-Arslan  IV;  elle  était  originaire  de  Toqat;  elle  fit  cadeau  à 
Djélâl-ed-din  Roùmi  de  dix  paniers  de  sucre  candi  ;  c'est  elle  que  le  der- 
viche vint  prévenir  qu'une  voûte  du  palais  allait  s'effondrer.  Après  la 
mort  du  sultan,  elle  paraît  s'être  retirée  dans  la  ville  de  Toqat  où  elle 
était  née. 

Une  autre  élève  du  Maître  était  Nizhâm-khfttoûn ,  que  les  Mémoires 
qualifient  de  sainte  et  qui  ne  possédait  pour  toute  fortune  qu'un  voile 
tissé  à  Boûra,  en  Egypte;  elle  voulait  le  vendre  pour  payer  les  frais  d'un 
concert;  mais  Djélàl-ed-dîn  Roûmî,  ayant  connu  sou  intention,  le  lui 
défendit  et  vint  chez  elle  donner  un  concert  rituel  sans  l'obliger  à  des 
dépenses. 

Fakhr-en-Nisà  tria  gloire  des  femmes  1  était  une  sainte  de  la  ville  de 
Qonya;  ff c'était  une  dame  pieuse  et  sincère;  elle  était  la  Rabî'a  'Ada- 
wiyya  de  son  temps.  Elle  était  parfaite,  et  elle  accomplit  des  miracles 
évidents. 7)  Elle  voulait  faire  le  pèlerinage  de  la  Mecque;  Djélàl-ed-din 
lui  montra,  dans  une  vision,  la  Ka'ba  elle-même  faisant  des  tournées 
rituelles  autour  de  sa  propre  personne.  Un  jour  que  des  voyageurs 
étaient  arrivés  de  Bokhara ,  elle  leur  apporta  un  plat  de  halwd  foit  à  la 
mai.son.  Un  quartier  de  la  ville  de  Qonya  avait  conservé  son  nom. 

Il  y  avait,  dans  cette  même  Qonya,  une  dame  très  belle  qu'on  appe- 
lait la  (ille  d'Avériyà;  elle  était  foit  à  Taise.  Elle  devint  éprise  d'Arif  et 
sacrifia  toute  sa  fortune  [jour  les  derviches;  mais  'Arif  ne  répondit  pas  à 
ses  avances  et  se  tint  sur  la  réserve.  Elle  fut  assassinée  par  ses  esclaves. 

Dans  la  ville  de  Toqat  déjà  citée,  'Arif  avait  un  représentant  dans  la 
personne  de  la  dame  Khoch-Liqâ,  savante  mystique,  qui  eut  pour  dis- 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  317 

ci|)los  les  ferames  de  la  région.  G  elait  d'ailleurs  ud  des  centres  du  fémi- 
nisme, car  nous  y  trouvons  un  cercle  de  femmes  s'intéressant  aux  der- 
viches; en  dehors  de  la  sultane  Koùmndj-khàtoiin ,  on  y  rencontre  Khà- 
wend-Zâdè,  ûile  du  Perwânè  Mo'in-ed-din ,  la  fille  du  Ghéràb-Sâlàr  dont 
on  ne  nous  communique  pas  le  nom ,  et  une  autre  dame  appelée  Mos- 
taufîL  Enfin,  la  conversion  de  la  harpiste  Tà'oûs  forme  un  agréable 
intermède  :  elle  habitait,  à  Qonya,  dans  le  caravansérail  du  ministre 
Divà-ed-din;  sous  l'influence  de  Djélàl-ed-dîn  Roûmi,  elle  renonce  à  sa 
vie  aventureuse  et  épouse  Chéref-ed-din,  le  trésorier  du  sultan. 

Comme  on  le  voit,  ce  sont  surtout  des  noms  propres  que  nous  a  con- 
servés le  recueil  de  biographies  d'Aflâki;  les  uns  sont  connus  par 
ailleurs,  les  autres  sont  nouveaux.  En  tout  cas,  les  mémoires  des  der- 
viches tourneurs  présentent  un  certain  nombre  de  renseignements  qui 
viennent  compléter  ceux  des  historiens,  et  des  appréciations  sur  le  rôle 
de  plusieurs  personnages,  qu'il  ne  convient  pas  de  dédaigner.  L'ouvrage 
d'Aflâkî,  composé  d'après  des  témoignages  oraux  un  siècle  et  demi 
après  les  plus  anciens  incidents  qu'il  relate,  peut  être  considéré,  une 
fois  dégagé  des  légendes  hagiographiques  qui  l'encombrent,  comme  un 
tableau  fidèle  des  premiers  temps  de  l'existence  des  deiviches  Maulawîs 
sur  le  sol  de  l'Asie  Mineure. 

Cl.  HUÀRT. 


SEANCE  DU  12  MAI  1922. 

La  séance  est  ouverte  à  5  heures  sous  la  présidence  de  M.  Senart. 

Etaient  présents  : 

M.  HnART,  vice-président;  M'""  Grabowska;  M"°  Lalou;  MM.  Basma- 
DJiAN,  Bigaré,  Bouedx,  Bohrdais,  Bouvat,  Casanova,  Danon,  Ferrand, 
Mayer  Lambert,  Lecerf,  Maduolle,  Maspero,  Masson-Oursel,  Meillet, 
MiNORSKY,  MoRET,  Ort,  Pelhot,  Polain  ,  Przyluski,  Sidersky,  Stern, 
Weill,  Zalitzky,  membres;  Thureau-Dangin,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  i-.>.  avril  est  lu  et  adopté. 

Est  élu  membre  de  la  Société  : 

M.  Jarl  Charpentier,  présenté  [)ar  MM.  Senart  et  Ferrand. 


318  AVRIL-JOIN   1922. 

Les  ouvrages  suivants  sont  offerts  à  la  Société  : 

Les  Saints  des  Derviches  tourneurs  (2  volumes),  par  M.  Clément 
Hdart  ; 

Notes  sur  la  Secte  des  Ahlé-Haqq ^  ipar  M.  V.  Minorsky. 

M.  Masson-Oursel  fait  une  communication  sur  la  physiologie  mystique 
de  l'Inde ,  c'est-à-dire  l'examen  des  fonctions  organiques  imaginées  en  ce 
pays  pour  transcender  les  conditions  normales  de  la  vie  en  vue  de  l'ob- 
tention d'une  fin  absolue.  M.  Masson-Oursel  croit  pouvoir  restituer,  à 
travers  l'influence  continue  du  Yoga,  trois  types  ou  pbases  de  physio- 
logie mystique.  Le  système  pneumatique  àe.s  fvânas,  cii'culant  dans  les 
artères ,  ayant  pour  centre  le  cœur  et  ne  sortant  pas  du  corps  tant  que 
dure  la  vie,  lui  paraît  la  plus  ancienne  conception.  —  crMais  le  Brah- 
manisme y  opposa,  puis  y  mêla  une  doctrine  inspirée  du  symbolisme 
igné  :  la  nécessité,  mais  aussi  la  difficulté  d'identifier  les  éléments 
prâna  et  tejas  expliquent  la  plupart  des  incohéj-ences  de  la  psychologie 
des  Brâhmunas  et  des  llpanisads.  Avec  le  symbolisme  igné,  une  artère 
particulière,  la  summnâ,  prenait  une  importance  exceptionnelle,  et 
l'idée  apparaissait,  d'une  évasion  de  l'âme  par  une  fente  ciânienne.  — 
La  théorie  des  cakras,  vers  l'époque  tantrique,  s'empai'a  de  cette  con- 
ception; cependant,  cessant  de  tenir  le  cœur  pour  foyer  unique  de  la 
vie,  elle  remplaça  la  considération  des  artères  par  celle  du  canal  médul- 
laire, aussi  vertical  que  la  susumnà,  mais  partant  de  la  base  du  tronc; 
les  notions  de  souille  ou  de  feu  céilèrenl  la  place  à  l'idée  d'une  çahli  qui 
coïncide  en  droit  avec  l'absolu,  seigneur  des  âmes,  mais  qui,  en  fait, 
tant  que  l'aspiration  vers  le  salut  suscite  un  dur  effort,  n'est  que  la  hié- 
rarchie des  fonctions  plus  ou  moins  grossières  de  notre  organisme,  ten- 
dant à  délaisser  le  corps.  ?) 

Cette  communication  provoque  des  observations  de  la  part  de  MM.  Se- 
NAiiT,  Pelliot,  Masi'euo,  Gasanova  et  Danon. 

M.  Przyluski  signale  que  le  Majjhima-nikâya  pâli  comprend  1 5  sec- 
tions et  162  sutta,  tandis  que  le  Madhi/amn-a<jama  traduit  en  chinois  est 
beaucoup  plus  long.  Toutefois,  si  on  retranche  de  ce  dernier  les  varga 
de  longueur  anormale,  il  leste  i5  sections  sensiblement  égah's  et  qui 
contiennent  au  total  i52  sfilra,  soit  exactement  le  même  nombre  que 
dans  le  Majjhima-nihmja  pâli. 

La  séance  est  levée  à  6  heures  et  demie. 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES  DANS  LE  TOME  XIX,  XP  SÉRIE. 


MEMOIRES  ET  TRADUCTIONS. 

Payes. 

Etudes  assyriennes  [sMî7e]  (M.  G.  Fossey) i 

Le  gouvernement  de  la  République  chinoise  et  sa  représentation  diplo- 
matique (M.  A.  Vissière) <       li(j 

Notes  épigraphiques  (M.  Noël  Giron) <)-> 

Histoire  des  pachas  d'Alger  de  i5i5  à  17^15  (M.  G.  Delphin) 161 

L'étude  des  langues  négro-africaines  de  1822  à  192a  (M.  M.  Delafosse).  y3i 

Alphabets  magiques  arabes  [deuxième  article]  (M.  Casanova) 3  5o 

MÉLANGES. 

Sur  la  lecture  du  nom  de  |     '    O  \  ^ (M.  Worms) 9/, 

Le  roman  turc  de  Haiqar  (M.  F.  Nau) t!<)3 

Note  sur  l'acception,  à  travers  la  civilisation  indienne,  du  mot  dharnia 

(M.  P.  Masson-Oursel) 269 

La  plus  ancienne  tombe  chrétienne  de  l'Inde  septentrionale  (Mesrovb 

J.  Seth) 276 

COMPTES  RENDUS. 

Janvier-mars  1922  :  Aug.  Gour,  La  dynastie  marocaine  des  Bcui  WuUas 
(i420-i55/l);  -  J.  Denv,  Grammaire  de  la  langue  turque  (dialecte 
osmanli);  -  L.  Brunot,  La  Mer  dans  les  traditions  et  les  industries 
indigènes  à  lUibat  et  Salé;  -  L.  Iîhunot,  Notes  lexicologiques  sur  le 
vocabulaire  maritimes  de  Rabat  et  Salé  (M.  Cl.  Huart).  —  i*rof.  Dr. 
A.  Grïnwedel,   Alt-Kutscha,  archaologische  und  Reiigiousgeschicht- 


320  AVRIL-JUIIN    1922. 

licho  Forsclunifjcn  an  Tcmpera-{;omaldcn  aus  huddhislischen  Hohien 
(Ipr  orstcn  aclit  iahrlniiulortc  nacli   Christi  Gebiirt  (M.  P.  Pelliot). 

-  Champat  Haï  Jain,  The  koy  of  Knowledge;  -  The  Practical  J'alli; 

-  Sélections  from  ttAtma-Dharmaîi  of  Brahmachari  Silal  Prasadji 
(M.  A.  Guéiiinot).  — -  Les  Classiques  de  rOrient:  -  Volkeukundijje 
Opslelien  (M.  Gabriel  FKiinAND) 9O 

Avril-juin  1992  :  Professeur  Jadunath  Sahivau,  History  of  Auranjjzib 
mainiv  based  on  Persian  sources;  Ahkam-i-Alamgiri;  Studies  in  Mu- 
jjlial  India:  Muyhal  Administration-,  Later  Mujjhals  by  William  Irvine; 

-  Publications  de  TEcole  supérieure  de  langue  arabe  et  de  dialectes 
berbères  de  Rabat;  -  Henri  Basskt,  Essai  sur  la  littérature  des  Ber- 
bères; -  Henri  Basset,  Le  culte  des  grottes  au  Maroc  (M.  Gabriel 
Ferhand).  —  G.  K.  Nariman,  Literary  History  of  Sanskrit  Buddhisra 
(M.  P.  Masson-Oursel).  —  Raymond  \Veill,  La  cité  de  David  (M.  G. 
CoNTENAu).  —  Les  Psaumes  (M.  F.  Macler).  —  Aug.  Cour,  Un  poète 
arabe  d'Andalousie  :  Ibn  Zaidoùn  (M.  Cl.  Huart) 288 


CHRONIQUE  ET  NOTES  BIBLIOGRA^PHIQUES. 

Janvier-mars  1922 118 

Avril-juin  1922 3oi 


SOCIETE  ASIATIQUE. 

Procès-verbal  de  la  séance  du  9  décembre  1921 122 

Procès-verbal  de  la  séance  du  i3  janvier  1922 i23 

Procès-verbal  de  la  séance  du  1 0  février  1929 196 

Annexe  au  procès-verbal  :  Un  nouveau  mamiscrit  de  la  secte  des  Assas- 
sins (M.  Casanova) ia6 

Procès-verbal  de  la  séance  du  1  o  mars  1999 1 36 

Correspondance i37 

Annexe  au  procès-verbal  de  la  séance  du  i3  mai  1991   (M.  R.  Weiel).  .  l'ii 

Nouvelles  acquisitions  de  la  Bibliothèque 1  ^^ 

Procès-verbal  de  la  séance  du  1 9  avril  1922 807 

Annexe  au  procès-verbal  :  De  la  valeur  historique  des  mémoires  des  der- 
viches tourneurs  (M.  Cl.  Huart) 3o8 

Procès-verbal  de  la  séance  du  12  mai  1922 817 


Le  ijéranl  : 

Gabriel  Ferrand. 


a 


JOURNAL  ASIATIQUE 


ONZIÈME    SÉRIE 
TOME   XX 


/ 


K' 


JOURNAL  ASIATIQUE 

RECUEIL  DE  MÉMOIRES 

ET  DE   NOTICES 
RELATIFS  AUX    ÉTUDES    ORIENTALES 

PUBLIÉ  PAR  LA  SOCIETE  ASIATIQUE 

ONZIÈME   SÉRIE 
TOME  XX 


PARIS 
IMPRIMERIE    NATIONALE 

ÉDITIONS  ERNEST  LEROUX,  IlLE  BONAPARTE,  28 


MDCCCCXXII 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 


L'EMPIRE    SUMATRANAIS 
DE  CKÎVIJAYA, 

PAR 

GABRIEL    FERRAND, 

MINISTRE    PLKMPOTEiNTIAIRE. 


4  la  mémoire  de  Hexdrik  KERN. 

On  chercherait  vainement  le  nom  de  l'ancien  empire  de 
(Invijaya  dans  les  dictionnaires  et  manuels  de  géographie  ou 
d'histoire  :  il  est  encore  inconnu.  Des  textes  orientaux  qu'on 
trouvera  plus  loin,  permettent,  cependant,  d'en  reconstituer 
huit  siècles  d'histoire.  Colonisé  par  l'Inde  à  haute  époque, 
comme  le  Camhodge  et  le  Campa,  l'empire,  le  premier  em- 
pire de  l'Indonésie,  est  en  plein  développement  culturel  dès 
II!  vif  siècle  de  notre  ère  :  nous  en  avons  pour  témoignage  le 
récit  d'un  étranger,  le  grand  pèlerin  Yi-tsing. 

La  hibliographie  du  sujet  peut  tenir  en  ([uelques  lignes  : 

Kikih  ajàïb  al-llind,  Livre  des  Merveilles  de  l'Inde,  par  le  capilaine 
BozoRii  BiN  Saiiriyàr  dc  Râmhormoz,  trad.  par  Marcel  Devic,  texte  arabe 
et  noies  par  P.  A.  van  der  Lith,  Leyde,  i883-i886,  in-A",  p.  a^iy- 
2  53,  avec  uue  note  de  Beal. 

Les  relijyieu.v  émincnts  qui  allèrent  chercher  la  loi  dans  les  jaijs  d'Occi- 
dent, Mémoire  composé  ii  l'époque  de  la  grande  dynastie  T'anfr  par  I-tsing, 
trad.  K(\.  CiHAVANiMEs,  Paris,  i8()^i,  iii-8'. 


2  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

J.  Takaklsi  ,  A  Record  oj  the  Buddimt  veligion  as  piaclised  in  Indta 
aiid  the  Malay  Archipclago  (A.  D.  6yi-ljy5)  by  I-tsing,  Oxford,  1896, 
pet.  in-h". 

Paul  Pelliot,  Deur  ititii-raires  de  Chine  en  Inde  à  la  Jin  du  riii'  siècle, 
ihns  B.É.F.E.-O.,  t.  IV,  içfoli. 

Gabriel  Ferrand  ,  Jielations  de  voijages  et  textes  géographiques  arabes , 
persans  et  turks  relatifs  à  l' Extrême-Orient,  Paris,  in-8°,  t.  1,  191 3: 
t.  II,  1916. 

N.  J.  Krom  ,  Een  Sumatraansche  Inscriptie  van  Koning  Krtanagara, 
dans  Verslagen  en  Med.  der  K.  Ahademie  v.  Wetenschapen,  Afdeeling 
Letterhunde ,  5e  Reeks,  Deel  II,  p.  Soô-SSg,  1916. 

Georges  Coedès,  Xe  royaume  de  Çrîvijaija,  dans  B.E.F.E.-O.,  t.  XVIII, 
1918,  n°  6,  3(î  pages  avec  3  planches. 

Gabriel  Ferrand,  Compte-rendu  du  mémoire  précédent  dans  /.  .4s., 
juillet-août  1919,  p.  169-200. 

N.  J.  Krom,  De  Sumatraansche  période  der  Javaansche  geschiedenis , 
Leyde,  1919,  33  pages  in-S";  traduit  en  français  dans  le  B.E.F.E.-O., 
t.  XIX,  1919,  n°  5,  p.  127-135. 

J.  Ph.  VoGEL,  Het  koninhrijk  Çrivijaya,  dans  Bijdragen  tôt  de  Taal, 
Land-  en  ■Volkenkunde  van  Nederlandsch-Indië ,  deel  76,  1919,  p.  6a6- 
607  (l'auteur  analyse  le  mémoire  précité  de  CoEdî:s,  Le  royaume  de 
Crlvijaya,  et  donne  des  renseignements  peu  connus  sur  l'entrée,  à  la 
bibliothèque  de  l'Université,  de  la  rfgrande  charte  de  Leyde» ,  vide  inj'ra, 
XXXll,p.  46). 

(j.  0.  Blagdkn,  The  Empire  of  ihe  Mahnrdja,  King  0}  the  Monnlains 
and  Lord  of  the  Isles,  dans  Journ.  Slraits  Brunch  oj  /».  tI.  iï. ,  n"  81, 
1920. 

Ou  a  réuni  dans  les  pages  suivantes,  les  textes  chinois,  indo- 
nésiens, sanskrits,  palis,  tamouls,  arabes,  persans,  cambod- 
giens et  siamois  qui,  sous  des  noms  divers,  mentionnent  l'em- 
j)ire  de  Çnvijjiya  et  ses  dépendances.  Ces  textes  s'éclairent  les 
uns  par  les  autres  et  permettent  heureusement  d'arriver  à  des 
précisions.  Les  résultats  obtenus  à  la  suite  d'une  enquête  nou- 
velle portant  sur  un  |)lus  grand  nombre  de  documents,  modi- 
fient dans  une  certaine  mesure,  infirment  quelquefois    telle 


L'EMPIRE  SUMATIUNAIS  DE  ÇRÏVIJAV\.  3 

opinion  exprimée  dans  mon  compte  rendu  du  mémoire  de 
CoËDÈs  (supra,  p.  2).  Mais  il  ne  s'agit  pas  ici  de  simples 
rectifications  personnelles  qui  auraient  pu  tenir  en  quelques 
pages;  la  question  est  plus  haute  et  vaut  qu'on  y  revienne, 
d'est  presque  une  opinion  courante  que  Java  a  été  le  foyer  et 
le  centre  d'expansion  de  la  civilisation  indienne  dans  l'Insu- 
linde.  Il  semble,  au  contraire,  qu'il  faille  en  faire  lionneur  à 
l'empire  sumatranais  de  Çrivijaya,  dont  les  textes  et  l'épigra- 
phie  nous  montrent  la  haute  culture  et  l'incontestable  supré- 
matie poHtique,  militaire  et  navale  pendant  le  premier  millé- 
naire de  notre  ère.  Maître  encore  d'un  immense  territoire 
au  xui"  siècle,  l'empire  s'effondre  sous  les  défaites  que  lui 
infligent  les  Javanais  dans  la  métropole,  les  Thaïs  de  Sukho- 
daya  dans  ses  possessions  de  la  péninsule  malaise,  et  à  la  suite 
des  revers  éprouvés  dans  les  deux  expéditions  contre  Ceylan. 

TEXTES  CHINOIS. 

Yi-tsing'^*,  Ta  t'ang  siyu  k'ieou  fa  kao  seng  tchouan,  Les  Reli- 
gieux éminents  qui  allèrent  chercher  la  Loi  dans  les  pays  d'Occident, 
Mémoire  composé  n  l'époque  de  la  grande  dynastie  T'ang,  trad. 
Ed.  CuAVANNES,  Paris,  iSq/i,  in-8". 

1.  (P.  03-64.)  Maître  Yux-k'i  est  originaire  de  la  province  de  ^ 
kiao  I  autrement  dit  du  ^l^jt  Kiao-tclie,  le  Tonkin].  .  .  Il  est  revenu 
[de  Chine]  dans  les  niers  du  sud  depuis  plus  de  dix  ans.  Il  s'entend 
parlailciinenl  au  parler  ^  -^  h'auen-loiien^'^^;  il  connaît  bien  la  langue 

'■'  Dans  quelques  cas  où  l;i  préseule  version  française  dillère  d<'s  tiaduc- 
lions  de  textes  cljinnis  que  j'ai  utilisées,  les  corrections  dont  il  s'agit  m'ont  été 
indiquées  par  M.  Pelliot,  qui  a  bien  voulu  lire  une  épreuve  de  ce  mémoire. 
Il  s'en  faut  cependant  que  toutes  les  eJMuurs  aient  été  rectifiées;  il  n'entrait 
pas  dans  le  cadre  de  ce  travail  de  le  faire.  Il  serait  désirable  qu'un  sinolojjue 
voulût  bien  se  cbai'ger  de  cette  nécessaire  i-cvision  des  li'xtes  en  question. 

(^)  «L'appellation  k'ouen-louen,  dit  en  note  CiiAviN>K8,  peut  être  prise  pour 
synonyme  de  Malais.»  Dans  un  mémoire  postérieur  à  la  traduction  du  présent 


Ix  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

sauskrile.  Dans  la  suite,  il  jug'ea  convenable  de  rentrer  dans  le  monde 
et  se  lixa  dans  le  pays  de  ^  ^\\  f^  i||  Che-li-fo-yeon  [{graphie  fautive 
pour  I  j  1  j^  Che-li-fo-clie].  C'est  là  qu'il  vit  encore  aujourd'hui 
[vers  695?].  .  . 

II.  (P.  76-77.)  .  . .  Les  ouvrages  chinois  quils  (les  Maîtres  de  la 
Loi  Pei-ngan  et  Tche-ngan)  avaient  pris,  le  Yôga-çàstra  (alias  Yôgàca- 
rijùlhûmi-çàsira)  et  d'autres  sidra?.  et  castras  se  trouvent  tous  dans  le 
pays  de  Che-li-fo-che. 

IIL  (P.  119.)  ...  Avant  que  vingt  jours  se  fussent  écoulés  [depuis 
notre  départ  de  Canton],  nous  arrivâmes  au  pays  de  Fo-che'^^;  je  m'y 
arrêtai  pendant  six  mois  [,  en  671];  j'y  étudiai  par  degrés  la  science 
des  sons  [çabda  ridi/d).  Le  roi  me  donna  des  secours  grâce  auxquels 
je  parvins  au  pays  de  ^  j^  j^  Mo-lo-yu  [=Malâyu];  j'y  séjournai 
derechef  pendant  deux  mois.  Je  changeai  de  direction  pour  aller  dans 
le  pays  de  |^  ^  kie-lch'a  [=Këdah,  sur  la  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise].  Lorsque  arriva  la  douzième  lune  [de  l'année  67-2], 
on  hissa  la  voile;  je  remontai  sur  un  bateau  du  roi  et  je  me  dirigeai 
petit  à  petit  vers  l'Inde  orientale  [à  destination  de  Tâmralipti,  l'actuelle 
Tamluk,  en  faisant  escale  au  pays  des  Hommes  nus  ou  îles  Nicobar]  .  .  . 

I\ .  (P.  125.)   .  .  .   [Après  un   séjour  dans  l'Inde,  Yi-tsing  revient 


ouvrage  de  M-tsing  (Sylvain  Lévi  et  Edouard  Chavannes,  Les  seize  Arhai  pro- 
tecteurs de  la  Loi,  J.  As.,  XI"  série,  t.  VIII,  1916,  p.  ig),  Chavannes  a  inter- 
prété le  texte  :  « Amoghavajra  partit  de  (fanion  sur  un  bateau  k'oucn-louen-i 
par  rr  .  .  .  sur  un  bateau  malaisw.  L'équivalence  k'ouen-louen  =  malais  n'est 
sûre  que  dans  le  premier  cas  où  il  s'agit  du  Che-U-fo-che  =  Çrîvijaya  —  em- 
ipire  de  Palemban.  Pour  la  seconde  citation ,  la  même  interprétation  est  dou- 
euse,  car  le  texte  ne  dit  pas  expressément  qu'il  saglt  d'un  bateau  du  même 
pays.  On  sait,  en  efl'et,  que  les  Gbinois  out  indiqué  comme  |Il^  -^  ,  i!!,  "ro" 
k'iiiien  louen,  variantes  |{jS  ^  hiiie-loiieii .  »a»  -^  hou-luuen ,  des  indigènes 
de  l'Indonésie  et  de  l'Inde  transgangétiqne  voisine.  Cf.  G.  Feuuand.  Le  K'ouen- 
louen  et  les  anciennes  navigations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud,  J.  As., 
XP  série,  t.  XIII,  p.  Hig  el  suiv. ,  en  rectiliant  ainsi  Tavant-dernièrc  phrase  : 
ff  .  .  .Par  langue  k'ouen-louen  à  Java,  au  vii°  siècle,  il  faut  entendre  le  kawi 
ou  vieux-javanais;  c'est  le  vieux-malais  qu'on  parlait  à  Palemban  à  la  même 
épo  ne,  ainsi  qu'en  témoigne  linscriplion  de  liaùka.  .  .  •'.  Pour  cette  inscrip- 
tion, vide  inj'ra ,  \\\  11. 

<-)  Forme   abrégée  de    Clie-li-Jh-chc.    Yi-tsing   emploie    tantôt  lun,    iantot 
l'autre. 


L'EMPIRE  SUMVTRANMS  DE  ÇRÏVIJAYA.  5 

à  Tâmralipti.]  Après  cela,  je  m'embarquai;  je  passai  par  le  royaume  de 
Kie-tch'a:  les  textes  sanskrits  du  Tripitaka  que  je  rapportais  formaient 
plus  de  cinq  cent  mille  stances  qui ,  dans  la  traduction  chinoise,  rempli- 
raient bien  mille  rouleaux;  je  les  pris  avec  moi  et  m'arrêtai  dans  le  pays 
de  Fo-che. 

V.  (P.  126.)  .  , .  [Maître  Ghan-hing  ëtait  un  de  mes  disciples.  A  ma 
suite  il  vint  dans  le  pays  de  Che-li-fo-che . . .  (cf.  également  p.  i36). 

VI.  (  P.  1^4.)  ...  Le  maître  du  dhyâna  Wou-hing  prit  le  maître  de 
la  discipline  Tche-hong  pour  compagnon,  et  au  temps  du  vent  d'est, 
ils  s'embarquèrent;  en  un  mois  ils  arrivèrent  au  pays  de  Che-li-fo-che. 
Le  roi  de  ce  pays  les  honora  fort  et  les  distingua  du  vulgaire.  II  leur 
distribua  des  fleurs  d'or;  —  il  répandit  pour  eux  du  millet  d'or  ^''  — 
H  leur  fournit  les  quatre  choses  nécessaires  à  l'entretien  (le  manger  et 
le  boire,  les  vêtements,  la  literie,  les  médecines);  —  il  se  prosterna  de 
tout  son  corps  (pancnng(t)  pour  leur  dévoiler  son  cœur.  Lorsqu'il  apprit 
qu'ils  venaient  du  pays  du  Fils  du  ciel  de  la  grande  dynastie  T'ang, 
il  redoubla  pour  eux  d'honneurs. 

Puis  Wou-HiNG  s'embarqua  sur  un  bateau  du  roi;  au  bout  de  quinze 
jours  il  aborda  dans  l'île  de  Mo-lo-yu;  au  bout  de  quinze  antres  jours 
il  arriva  au  pays  de  |^  ^  Kie-tch'a  [=Këdah,  sur  la  côte  occidentale  de 
la  j)éninsule  malaise].  Lorsque  le  dernier  mois  d'hiver  fut  venu,  il  chan- 
gea de  route  dans  sa  navigation  et  se  dirigea  vers  l'ouest.  Au  bout  de 
trente  jours,  il  parvint  au  pays  de  Na-kia-po-tan-na  [=  Negapatam  dans 
le  sud-est  de  l'Inde];  à  partir  de  ce  lieu,  il  arriva,  après  deux  jours  de 
navigation  sur  mer,  dans  l'île  du  Lion  (Simhala,  Geylan). 

VIL  (P.  159.)  ...  La  deuxième  année  ijong-choiien  (==683  de 
notre  ère),  le  maître  de  la  Loi  Ta-tsîn  entreprit  de  partir-  pour  les  mers 
(lu  sud. .  .  il  suivit  un  ambassadeur  impérial;  après  une  navigation  de 
plus  d'un  mois,  il  aborda  dans  l'île  de  Che-li-fo-che.  II  demeura  là  |)lu- 
sieurs  années;  il  s'initia  à  la  langue  k'ouen-louen'^^^;  il  étudia  un  grand 
nombre  de  livres  sanskrits .  .  . 

(1)  «Les   fleurs  d'or  et  lé  millet  d'or  avaient  une  signification  symbolique 
dans  la  religion  bouddhique.  Ainsi  l'expression  "^  JH  -^^  ^  propr.  :  l'ombre 
du  millet  d'or,  signifie  l'ombre  du  bouddha  (St.  .1i;i.ikn,  lliupii-lcJioonfr,  t.  II, 
p.  w).  D'apn's  un  renseignement  oral  (jui  m'a  été  donné  par  un  lettré  cliiuois 
on  appellerait  miliet  d'or  les  graines  de  cannelier  (Cbavannes)?). 

'-'   Vide  supra,  p.  1^,  noie  y. 


6  JUILLET-SEPTEMBRR    1922. 

VIII.  [V.  170  et  siiiv.)  Pour  moi,  Yi-tsing,  je  m'embarquai  à  l'em- 
boucliure  du  fleuve  de  l''o-che  ...  Ce  que  j'ai  rëuni  des  trois  Recueils, 
à  savoir  plus  de  cinq  cent  mille  stances  ',,  se  trouve  en  entier  dans  le 
pays  de  Fo-cbe.  .  . .  Puis,  le  premier  jour  de  la  1 1"  lune  de  cette  année 
(G8()),  nous  nous  embarquâmes  sur  un  baleau  marchand  et  nous  nous 
éloijO'nàmes  de  Cianlon.  Nous  nous  dirigeâmes  vers  le  (5  ^  Tcban-po 
[^ Campa,  TAnnam  actuel]  en  hissant  nos  voiles;  —  nous  nous  pro- 
posions d'arriver  dans  le  pays  de  Fo-che  par  une  longue  course,  — 
...  (cf.  également  p.  182,  i83,  187,  188,  189,  190). 

Yi-TsiNG,  Non  hni  hi  kouei  nei  fa  Ichouan,  A  record  0/  ihe 
Biiddhist  i^eligion  as  pracUsed  m  India  and  the  Mahy  Arcinpelago , 
trad.  par  J.  Takakusu,  Oxford,  1896,  'm-à°, 

IX.  (P.  10.)  ...  Dans  les  îles  de  la  nier  du  sud  où  il  y  a  plus  de 
dix  royaumes,  le  Mitlasarvâstivûdunikâyd  a  e'té  à  peu  près  généi'alemenl 
adopté  ...  En  les  comptant  d'ouest  [en  est],  la  première  de  toutes  est 
^  '^  iiti  '^'l'I  1 '1^  *'6  P'o-lou-che  [=Baros,  sur  la  côte  occidentale  de 
Sumatra]:  pms.  ^  #  ît  ^'1  (var.  j']])  SP  4*  >P  M  f*  M  (gra- 
phie  fautive  ^yeoit)  ^  -^  l'ile  de  Mo-lo-yu  [^Malâyu],  c'est  main- 
tenant [vers  692]  le  pays  de  Che-li-fo-cbe  .  .  .  '^'. 

HouEi-jE  (né  en  680). 

X.  Ce  moine  chinois  ell'ectua  un  voyage  de  Chine  en  Inde 
et  passa  par  Fo-che.  «Les  royaumes  maritimes  du  sud-est,  dit 
le  Sonf  hao  seng  uhouaii  (éd.  de  Tokyo,  XXXV,  5,  io3"; 
chap.  99)  :  lllS  -TO  K'ouen-louen ,  %  %  Fo-che,  l'ile  de  Geylan 
et  d'autres,  il  [Houei-je]  les  traversa,  les  parcourut,  et  il  attei- 
gnit l'Inde  11  (cf.  mon  mémoire  sur  Le  Kouen-huen  et  les 
aniiennnes  rtarignt'wns  interocéantqurs  dans  les  mers  du  Sud, 
J.  As.,  XI"  série,  t.  XIII,  1919,  p.  2/16,  Ylllbis). 

(')  GiiiVANNKS  a  ici  trcinq  roiit  miWe phrases^  ,  mais  U  faut  liro  stances,  comme 
dans  l'extrait  précédent  dp  la  pajji'  ia5  do  sa  tradurlinn  {^vide  supra). 

(«)  Tvipit.  de  Tôkyô .  boîte  XXW,  voi.  Vil ,  p.  68 ,  coi.  a.  Cf.  1'.  Pklliot  ,  Detu: 
ilinéraires,  p.  828.  il  faut  évidemment  entendre  par  cette  phrase  concise  que 
le  Malâyu  est  passé  sous  la  •suzeraineté  du  Clie-li-fo-clie. 


L'EMPIRR  SUMATnWMS  DE  CRÏVUVW. 


Vajrabodhi  (717). 

XI.  Ce  moine,  qui  s'embarqua  à  (ieylan  pour  la  Chine,  rr traversa  vers 
l'est  plus  de  20  royaumes,  dont  ceux  de  f^  ^  Fo-che  et  des  ^  \ 
Hommes  nus  {Son^  hao  seng  ichotian,  dans  Trlpilaka  de  Tôkvô,  ^,  IV, 
p.  70  v")'!.  Selon  un  autre  texte,  parti  de  Geylan  avec  35  navires  per- 
sans, ffcn  un  mois  de  route  il  arriva  au  royaume  de  f^  j^  Fo-che. 
Le  roi  du  royaume  de  Fo-che  vint  au-devant  du  maître  avec  des  parasols 
et  dais  d'or  et  un  lit  d'or.  A  cause  du  vent  contraire,  [le  maître]  s'arrêta 
là  cinq  mois.  Quand  le  vent  fut  fixe',  alors  il  put  se  mettre  en  routes. 
II  rencontra  d'ailleurs  des  tempêtes  terribles  et  erra  de  royaume  en 
royaume  pendant  trois  ans  avant  de  parvenir  en  Chine  dans  le  courant 
de  l'année  790  [Tcheng yuan  siii  ting  che  Mao  mou  loii,  dans  Tripit.  Tôk. ,' 
^,VI,p.  78v»)C).  •  .. 

..A 

Ambassades  de  P  ^ij  f^  ^  che-li-fo-che 

ET    DE    fj^   ®    rO-CHE   À    LA    COUR    DE    CHINE '-'. 

XII.  D'après  le  Sin  l'ang  chou  (k.  992  "f ,  p.  a  r°),  le  Che-li-fo-che 
envoya  des  ambassades  de  la  période /(«en-Ae/tg- (670-678)  à  la  période 
k'ni-yuan  (71 8-7 4 1  ). 

XIII.  La  1"  année  tcheng-cheng  (696),  au  9'  mois,  le  5"  jour,  une 
décision  impériale  ordonne  de  distribuer  des  vivres  aux  envovés  de  cer- 
tains pays  étrangers  qui  viendraient  à  la  cour,  dont  ceux  du  Che-li-fo- 
che  (T'ang  houeiyno,  k.  100 ,  p.  22  v°). 

XIV.  Au  12°  mois  de  la  1"  année  (ch'ang-ngan  (début  de  702)  et  en 
716,  ambassades  du  Fo-che  (Ts'o  fou  yuan  koiiei,  k.  970,  p.  18  r", 
pour  la  première  ambassade,  et  k.  971,  p.  9  r°,  pour  la  seconde). 

XV.  En  79/1 ,  au  7°  mois  de  l'année  chinoise,  rfle  roi  du  royaume  de 
Che-li-fo-che  envoie  en  ambassade  fil  0.  ^  Kiu-mo-lo  (peut-être 
humâra  r:le  pi'ince  hérilierfl)  pour  offrir [|deux  nains,  une  fdle  ff"  )\^ 
seiig-k'i  [ c'esl-à-dire  une  négresse  de  l'Afrique  orientale  |,  une  troupe 
de  musiciens  et  des  perroquets  aux  cin(j  couleurs;  [  l'empereur]  conféra 

(''  Apud  Paul  Pelliot,  Deux  ilinéraires ,  p.  336. 

^'^  Apud  Paul  Pri.mot,  Deux  itinéraires,  p.  33'i-335. 


8  JUILLET-SEPTEMBRE    192-2. 

à  [Kiu-]mo-lo  [ie  litre]  de  ^  f|j  tcho  ich'o:)';-  (odnëral).  lui  accorda 
cent  pit'ccs  de  soie,  et  le  renvoya  dans  son  pays  (7a'o  fou  yuan  l.viici , 
k.  971,  p.  6  j°;  cf.  aussi  Sin  t'ang  chou,  k.  222  Ij*  ,  p.  A  r")n.  An 
huitième  mois  chinois  de  la  même  année,  l'empereur  confe'ra  à  }^  y^l] 
PS  M  ^  1^  Che-ii-l'o-lo-pa-mo  ((liïndravaiman  ?),  roi  du  Che-li-fo- 
che,  le  titre  de  /5:  J^  fif  ^C  'M  -^V'-  Iso-nri-trci-la-t.sianii-J.iiin  [Ts'd  fou 
yuan  kouei ,  k.  9G/1,  p.  i5  v°;  k.  976,  p,  h  v° ;  cf.  Sin  t'nng  chou, 
k,  222   f ,  p.  li  i"). 

XVI.  En  728,  le  roi  du  Fo-clie  fait  de  nouveaux  dons  de  jierroquets 
bigarrés  (Ts'ô  fou  yuan  kouei,  k.  971.  p.  7  v"). 

XML  Au  12''  mois  de  la  29"^  année  h'ai-yuan  (au  début  de  7A2), 
le  roi  du  Fo-che  envoie  son  fils  à  la  cour  chinoise  pour  offrir  le  tribut 
{Ts'ô  fou  yuan  kouei,  k.  971,  p.  1 A  r").  C'est  à  cette  occasion  sans  doute 
qu'en  celle  même  année  ']'^'i,  le  roi  du  Fo-che,  ap'jelé  §\\  ^^  tJc  ^ 
Lieou-t'eng-wei-kong,  fut  nommé  '^  ^  J  Prince  Pin-yi  et  reçut  le 
titre  de   tso-kiH-ivou-irei-tii-tsidng-liiun   [Ts'ô  Juu   yuan    kouei,   k.    965, 

p.  1  T"). 

TCHOD  FAN  TCHE   DE  TcHAO  JoU-KOUA  (l225). 

Chau  Ju-kua,  Hîs  irork  on  the  CJinieso  and  Aral)  tnuk  in  the 
tivelfth  and  tfurteenth  centuries,  entuled  Cuu-F.w-Tcnï,  traduit  du 
chinois  et  annoté  par  Friedrich  Hihth  et  W .  \\ .  Rocruill.  Saint- 
Pétersbourg,  \n-l\°,  1912.  Le  texte  chinois  en  a  été  posté- 
rieurement pubHé  par  Rockhill  à  Tôkyô  (Kokumin  shimbun 
Press)  avec  une  postface  en  anglais  datée  du  i*^"^  avril  191/j. 
La  date  exacte  du  Tchou  fan  tche  a  été  indiquée  par  Pelliot 
dans  son  compte  rendu  de  la  traduction  Hirth-Rockhill  {T'oung 
paOj  t.  XIIl,  1912 ,  p.  lih6-liSi). 

H  f^  ^  Sa.\-fu-ts'i. 

XVIII.  (P.  60.)  San-fo-ts'i  gît  entre  l.>  ^  Il  Tchen-la  (le  Cam- 
bodge) et  le  fHI  ^  Ch(')-p'o  (Java).  Sa  suzeraineté  s'étend  sur  (juinze 
provinces  (  ^l'I"!  ).  Ce  pays  se  trouve  droit  an  sud  de  Ts'iuan-tcheon  |  (hi 
Fou-kien  ]. 

Pendant  Tliivei'.  avec  la  mousson.  (  en  partant  de  ce  dernier  porl,| 


t;k\ipire  suaf\tr\nais  de  ÇRÎVIJAYA.  0 

vous  naviguez  pendant  un  |)eu  plus  d'un  mois  et  vous  arrivez  alors  au  }^ 
^  P^  détroit  de  Ling-ya^'>,  oii  un  tiers  des  marchands  qui  eflectuent 
ce  voyage  [font  escale?]  avant  de  pénétrer  dans  ce  pays  [de  San-lo-ts'i]. 

Un  grand  nombre  des  gens  de  ce  pays  ont  pour  nom  de  famille  /ff 
y' ou  ^'^ 

Le  mur  de  la  ville  (la  capitale)  est  construit  en  briques  et  mesure 
plusieurs  dizaines  de  li  de  tour. 

Lorsque  le  roi  sort,  il  est  assis  dans  une  embarcation;  il  est  recou- 
vert par  un  pagne  enroulé  autour  du  corps.  Il  est  abrité  [du  soleil]  par 
un  parasol  en  soie  et  gardé  par  des  hommes  portant  des  lances  d'or. 

Les  habitants  [de  la  capitale]  vivent  soit  disséminés  hors  de  la  ville, 
soit  sur  le  fleuve  dans  des  maisons  flottantes  [l'dt.  :  des  radeaux)  cou- 
vertes avec  des  roseaux.  Ils  ne  paient  pas  d'impôts. 

Les  gens  du  pays  sont  habiles  à  combattre  sur  terre  et  sur  l'eau. 
Loisqu'ils  sont  sur  le  point  de  faire  la  guerre  contre  un  autre  état,  ils 
réunissent  et  expédient  le  corps  de  troupes  que  réclament  les  circon- 
stances. Us  nomment  [alors]  les  chefs  et  commandants;  chacun  fournit 
son  propre  é(|uipement  militaire  et  les  approvisionnements  nécessaires. 
Pour  afl'ronter  l'ennemi  et  braver  la  mort,  ils  n'ont  pas  leurs  égaux  chez 
les  autres  peuples. 


'''  Le  détroit  de  Lii){fa. 

'-'  Les  traducteurs  disent  en  note  (p.  (îA,  n.  3)  :  «Fit  stands  for  Bû ,  an 
al)breviali()n  of  MiR  «fatliorw  ,  whicli  précèdes  so  many  Arabie  names.  Theplu'ase 
^  fêc.  '^ffl  ''"^'^'^y  ^^^  surnamed  Fun,  occurring  hore  and  Ihere  in  Chincso 
elhnugraphical  literature  may  safoly  be  taken  to  indicate  Arab  settlements. 
HiRTH,  Die  Insel  Hainan,  kS'],  note.»  Si  cette  interprétation  était  exacte,- il 
en  résulterait  que  ie  San-fo-ts'i  =  Palembai'i  du  commencement  du  xui°  siècle 
possédait  une  très  importante  colonie  musulmane,  arabe  ou  d'origine  arabe; 
mais  il  n'en  est  rien  :  le  sens  de  la  pbrasc  est  tout  autre.  Par  «Un  grand 
nombre  [de  gens  de  ce  pays]  ont  pour  nom  de  famille  Fou-n ,  le  texte  veut 
faire  entendre,  à  la  chinoise,  que  beaucoup  de  noms  de  gens  du  San-fo-ts'i 
commencent  par  Fou.  Ce  Fou  n'a  rien  à  voir  avec  l'arabe  Ahû  ;  il  s'agit  ici 
du  titre  nobiliaire  indonésien  Pu,  ou  Mpu  (cf.  cam  Pô),  correctement  rendu 
par  f^  .  Les  «Arab  settlements»  du  San-fo-ts'i  au  début  du  xm'  siècle  n'ont 
donc  pas  plus  de  réaliti-  historique  que  «ces  marchands  sabépus  que  la  fertile 
imagination  de  Bk.u.  avait  fait  venir  à  Ceyian  au  temps  de  F\-Hn:N  et  (pie 
LK(i(;E  n'en  sut  pas  chasser»  (Pei.liot,  bulletin  criticpie  du  T'ouiig  pan,  t.  XIII, 
1912  ,  p.  'i56);  que  le  «Tigre  des  Thais»  de  r<''|iigraphie  siamoise  (cf.  G.  (Iokdks, 
Docuini'nU  sur  la  dynastie  de  Sukluidaijti ,  dans  H.K.F.E.-O. ,  t.  XVII,  1917, 
n"  'J  ,  p.  .')-())  et  autres  idida  lihri. 


10  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

lis  n'ont  pas  de  monnaie  de  cuivre  enfilées  à  une  corde  [comme  les 
dhindis],  mais  ils  se  servent  de  morceaux  d'argent  coupé  pour  les 
transactions  commerciales. 

Pendant  ia  plus  grande  partie  de  l'année,  la  température  est  chaude 
et  il  n'y  a  que  peu  de  temps  froid.  Leurs  animaux  domestiques  sont  très 
semblables  à  ceux  de  la  Chine. 

On  trouve  chez  eux  du  vin  fait  avec  des  fleurs,  du  vin  de  coco,  du 
vin  fabriqué  avec  des  noix  d'arec  et  du  miel;  tous  ces  vins  ont  fermenté, 
bien  qu'on  n'ait  employé  aucun  levain  de  quelque  sorte  que  ce  soit.  Ces 
vins  enivrent  quand  on  en  boit. 

Pour  la  rédaction  des  documents  officiels ,  ils  se  servent  de  caractères 
étrangers  (^)  '''•  La  bague  du  roi  est  employée  comme  sceau.  Ils  con- 
naissent également  les  caractères  chinois  et  ils  les  utilisent  quand  ils 
envoient  un  mémoire  à  la  cour  [de  Chine]. 

(P.  61.)  Les  lois  du  pays  sont  très  rigoureuses.  L'adultère  expose 
l'homme  et  la  femme  [qui  le  commettent]  à  la  peine  la  plus  rigoui'euse 
[,  c'est-à-dii-e  :  à  la  raoït]. 

Quand  le  roi  mem-t,  le  peuple  prend  le  deuil  en  se  rasant  ia  tête. 
Cependant,  les  gens  de  la  cour  attachés  à  sa  personne  se  donnent  volon- 
tairement la  mort  en  se  jetant  dans  un  bûcher  funèbre  ardent;  cet  acte 
est  appelé  s  vivre  et  mourir  ensemble^  ''''. 

Il  y  a  [à  San-fo-ts'i,]  une  [sorte  de]  Buddha  [,  c'est-à-dire  :  une  sta- 
tue] appelée  ^  iS  llj  ff Montagne  d'or  et  d'argent-" ,  qui  est  fondue 
en  or.  Chaque  nouveau  roi,  avant  de  monter  sur  le  ti'ône,  fait  fondre 
une  statue  d'or  représentant  sa  personne.  Les  gens  du  pays  ont  grand 
soin  d'apporter  en  offrande  des  vases  d'or  à  ces  statues.  Les  statues  d'or 
et  les  vases  d'or  portent  tous  une  inscription  destinée  à  prévenir  les 
générations  futures  de  ne  pas  les  fondre  '^^K 

(')  Commo  à  Java,  les  anciennes  inscriptions  de  Sumatra  sont  tantôt  n'di- 
gées  en  sanskrit,  tantôt  en  indonésien  éciit  au  moyen  d'un  système  }[ia|iliiijue 
emprunté  à  l'Inde. 

('-)  Sur  cotte  pratique,  cl.  JÀvir  dus  meiv>eilles   de  l'hide.,  au  glossaire,  s. 

^°  7=-^^'  P-  *9^- 

C  Ce  passage  n'est  pas  clair  dans  le  texte.  M.  I^elliot  en  propose  l'inter- 
prétation suivante  :  «Il  y  a  un  Buddlia  qu'on  appelle  le  Buddlia  de  la  Mon- 
tagne d'Or  et  d'Argent.  Sa  statue  est  fondue  en  or.  Chaque  roi,  [juste]  avant 
de  monter  sur  le  trône,  [fait]  fondre  sa  [propre]  image  en  or  pour  remplacer 
celte  sUitue.  On  lait  des  vases  et  de  la  vaisselle  en  or,  et  on  rend  [à  cette 
image]  des  lioiiiinages  solennels.  Les  statues  d'or  et  les  vases  et  vaisselle 
portent  tous  des  inscriptions  gravées  pour  que    les   générations  futures  ne  les 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJVYA.  11 

Dans  ce  pays,  lorsijue  quelqu'un  est  giavemenl  malade,  il  distribue 
aux  pauvres  du  pays  [une  somme  équivalente  à]  son  poids  en  arguent. 
[Cette  pratique]  est  considérée  comme  un  moyen  de  retarder  la  mort. 

Ils  donnent  à  leur  roi  le  titre  de  f|  fn   lonfr-ising  "'.  Il  ne  doit  pas 

détruisent  pas.»  Pour  ces  statues  royales,  cf.  une  coutume  identique  chez  des 
tribus  turkes  dont  parie  Pelliot  dans  un  compte  rendu  de  Les  pays  d'Occident 
d'après  /e  Wei-lio,  de  Chavannes  {B.E.F.E.-O.,  t.  VI,  p.  892,  n.  3;  et  dans 
un  autre  compte-rendu ,  ibid. ,  p.  liio). 

(')  HuiTii  et  RocKHiLL  ont  cru  à  lorL  que  long-tsinn  transcrivait  un  terme 
protocolaire  (cf.  p.  65,  note  12).  «The  titie  arun  [auquel  avaient  son,o'é  les 
traducteurs  du  T chou  fan  ic/ie],  dit  C.  0.  Blagden  {Somc  remarks  on  GiiAU 
Ju-kua's  Chu  fan  chi,  dans  J.R.A.S.,  1918,  p.  166),  is  used  in  Celebes 
and  is  not  Malay  at  ail.  ^V^liat  Malay  word  is  transcribed  by  the  very  un-Malay- 
looking  long-tsing  I  cannot  imagine.  Possibly  thèse  are  simply  Cliinese  words 
intended  for  a  translation  of  some  Indian  title  beginning  with  nâ/ja^tho  équi- 
valent of  long.  Tsing  is  given  in  Giles  as  meaning  inter  alia  «f essence,  spiritn. 
But  long  appears  there  aiso  in  phrases  where  it  merely  means  «impérial  <i.' 
Cannot  the  words  represent  some  conventional  expression  like  «His  Majestyw  ï^? 
La  remarque  est  fort  intéressante,  mais  partiellement  inexacte.  M.  Pelliot 
m'a  fait  savoir  que  long-lsing  (et  non  lung-ts'ing,  comme  transcrivent  Hirtu  et 
Rockhill)  n'est  pas  une  transcription  d'un  nom  étranger  et  que  les  deux 
caractères  doivent  être  interprétés  avec  leur  valeur  sémantique  :  «esprit, 
sperme  de  dragonn,  c'est-à-dire  aesprit,  sperme  de  nâgan.  Cette  constatation 
a  une  haute  importance,  car  elle  rattache  l'origine  de  la  dynastie  de  San-fo- 
ts'i  à  un  nâga.  Dans  son  important  mémoire  :  The  yupa  inscriptions  of  leing 
Mrdavarman ,  from  Koelei  [EasL  Bornéo]  {Bijdragen  tôt  de  T.,  L.  en  Volken- 
kiinde  van  Nederlandsch-Indië ,  deel  7^1,  1918,  p.  179),!.  Ph.  Vogel  dit: 
«Il  y  a  une  curieuse  légende  que  nous  a  conservée  la  poésie  tamoule,  qui 
rattache  l'origine  des  Pallavas  aux  anciens  souverains  du  Coromandel.  Cetto 
légende  rapporte  que  le  premier  Tomlaimân  (=Pallava)  était  le  fils  d'un  roi 
cola  et  d'une  nSgi  ou  démonne-serpent.n  Et  l'auteur  ajoute  en  note  :  «Le 
poème  tamoul  Mariimegalai ,  dans  lequel  se  trouve  cette  légende,  mentionne 
éjialement  une  ville  appelée  Nâgapuram  [=skr.  Nàgapura  «la  ville  du  nàgan] 
située  dans  le  Çâvaka-nàdu  [-—pays  de  Çavaka]  qui,  comme  le  dit  M.  Ven- 
kayïa,  semble  être  le  nom  tamoul  de  l'île  de  Java  [lire  :  Sumatra;  Çavaka  est 
la  forme  tamoule  du  malais  Jàvaka^-  Zàhag,  ainsi  qu'on  le  montrera  plus 
loin].  Deux  rois  de  Nâgapuram  sont  mentionnés  :  Bhilniicandra  et  PuMyarâ|a 
qui  prétendaient  descendre  d'Indran.  (Arclil.  Siu-veif  Annual  Bnport  for  if)o6- 
IQOJ,  p.  ^31,  n.  1.)  D'auhe  part,  la  tr.adilion  d'après  laqmfllc  la  première 
dynastie  du  Fou-nan  remonte  au  mariage  d'uiK!  nâgi  avec  un  prince  indien 
a  été  étudiée  par  Finot  (.S'mj-  fjut'lqurs  Iradilions  indochinoises ,  dans  Bull,  de  la 
Commission  arrhéid.  de  l'Indochine,   191  ),   |i.   ^io    et   suiv.).    CcenÈs   a    étudié 


12  .  lUILLET-SEPTEMBRI-    1922. 

mauger  de  céi'énles,  mais  on  le  nourril  de  sagoii.  S'ii  ftiisait  autrement, 
l'année  serait  une  année  de  sécheresse  et  les  cën'ales  seraient  chères.  Il 
prend  des  bains  d'eau  de  i-ose:  s'il  se  baignait  dans  de  l'eau  ordinaire, 
il  y  aurait  une  grande  inondation. 

[Le  roi]  poite  une  haute  coiffure  dans  laquelle  sont  enchâssés  des 
centaines  de  joyaux  el  qui  est  très  lourde.  Dans  les  grandes  cérémonies 
de  cour,  le  roi  seul  est  capable  de  la  porter;  aucune  autre  personne  ne 
le  peut.  Lorsque  le  trône  devient  vacant,  tous  les  fils  du  roi  se  réunis- 
sent, la  coiffure  leur  est  présentée  et  celui  qui  peut  [en  supporter  le 
poids]  succède  au  souverain  défunt. 

Il  y  a,  dans  ce  pays,  une  ancienne  tradition  d'après  laquelle  le  sol 
s'est  une  l'ois  entr'ouvert  subitement -.(le  la  crevasse,  sortirent  plusieurs 
myriades  de  bœufs  qui  se  précipitèrent  en  troupeaux  dans  les  montagnes: 
les  habitants  s'en  emparèrent  à  l'envi  et  les  mangèrent.  Ensuite,  la  cre- 
vasse fut  bouchée  avec  des  bambous  et  des  arbres,  et  il  n'en  resta  plus 
ti'ace. 

En  dehors  des  produits  du  pays  qui  comprennent  l'écaillé  de  tortue, 
le  camphre;  le  tch'en,  sou,  tchan  et  le  cheou  comnum  (quatre  variétés  de 
bois  d'aloès);  le  kiang-tchen '■^\  le  girofle,  le  sandal,  le  cardamome;  on 
trouve  encore  des  perles,  de  l'encens,  de  l'eau  de  rose,  des  fleurs  de 
gardénia,  de  la  civette,  de  la  myrrhe,  de  l'aloès,  de  l'assa-foetida , 
du  putchuk,  du  storax  liquide,  des  défenses  d'éléphant,  du  corail,  des 
œils-de-chat,  de  l'ambre,  des  étoffes  de  coton  étrangères  el  des  lames 
de  sabre.  Tous  ces  [derniers]  sont  des  produits  des  pays  étrangers, 
J^  ^  Tache  (Arabes)'"'  et  autres,  rassemblés  dans  ces  pays,  et  que 
les  marchands  étrangers  viennent  vendre  en  les  échangeant  contre  de 
l'or,  de  l'argent,  des  objets  en  porcelaine,  de  la  soie  brochée,  des  éche- 

égaloment  la  Légonrlp  de  la  Vâg-?  dans  ses  Etudes  Ç.amhodffpnnes  [B.E.F.E.-O., 
t.  M,  191 1,  p.  3()i-.393)  et  conclut  ainsi  :  trl)e  quelque  façon  que  nous  l'en- 
visafjions,  la  légende  cambodgienne  [de  la  nàgl]  nous  ramène  à  la  cour  des 
Pallavas ..."  L'interprétation  nouvelle  du  long-tsing  du  Tchmi  fan  tche  et  le 
Nâfrapurayn  du  poème  tamoul  montrent  que  le  cycle  légendaire  du  tiâga  ou 
de  la  ndgî  s'étend  à  Tlnsulinde  occidentale  :  comme  l'ancien  Cambodge, 
Sumatra  a  du  son  hindouisation  à  des  immigrants  venus  de  l'Inde  sud-oiien- 
tale.  Le  fait  n'a  rnm  d'inattendu;  mais  des  infiii'inalions  dans  ce  sens  ne 
peuvent  être  ijue  les  bienvenues  et  on  \  reviendra  uUérieuremenl. 

(')  C'est  ie  parfum  désigné  en  anglais  sous  le  nom  de  laha-wond. 

'^'  Les  produits  d'importation  dont  il  s'agit  soiil  ceux  qui  Sdiil  iiuuuérés 
après  :  on  trouve  encore  des  perles,   .  .  , 


L'EMPIRE   SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAVA.  13 

veaux  de  soie,  des  e'ioffes  en  soie,  du  sucre,  du  fer,  du  via  [de  graiusj, 
du  riz,  du  gaianga  se'ché,  de  la  rhubarbe  et  du  camphre. 

(P.  62.)  Ce  pays  gît  dans  l'océan  et  est  maître  des  détroits  par  leqnel 
le  trafic  étranger  par  mer  et  par  terre,  dans  l'une  et  l'autre  direction'"', 
doit  passer.  Autrefois,  on  utilisait  une  chafne  de  fer,  comme  barrière, 
pour  se  garer  des  pirates  des  autres  pays.  Cette  chaîne  pouvait  être 
maintenue  haute  ou  abaissée,  grâce  à  un  ingénieux  dispositif.  Si  un 
navire  marchand  airivait,  on  l'abaissait.  Après  un  certain  nombre  d'an- 
nées de  paix,  pendant  lesquelles  elle  ne  fut  pas  utilisée,  on  l'enleva  et 
[maintenant]  elle  gît  lovée  sur  le  rivage.  Les  indigènes  la  vénèrent 
comme  le  Buddha  et  les  navires  qui  arrivent  lui  offrent  des  sacrifices. 
Lorsqu'elle  est  frottée  d'huile,  elle  brille  comme  une  chaîne  neuve.  Les 
caïmans  n'osent  pas  passer  sur  la  chaîne  pour  [aller]  faire  du  mal. 

Si  un  navire  marchand  passe  devant  [San-fo-ts'i]  sans  y  faire  escale, 
les  bateaux  [du  pays]  sorteut  poui'  l'attaquer  d'après  une  niano'uvre 
prévue;  ils  sont  prêts  à  mourir  [pour  réaliser  leur  entreprise].  C'est 
pour  cette  raison  que  ce  pays  est  devenu  un  important  centre  mari-, 
time'"'. 

Les  dépendances  [de  San-fo-ts'i]  sont  les  suivantes  : 

^  ®   P'eng-fong[=:Pahan], 

^  ^  iM  Teng-ya-nong  [=Trënganu], 

^  ^  Sif  ^P  Ling-ya-sseu-kia  [=Lënkasuka], 


PI 


]^  j^  Ki-lan-tan  [=Kôlautan]('\ 


i^m^  Fo-lo-an(?), 
B  il  ^  Je-lo-ting  (?)('', 

'')  Des  pays  de  l'Ouest  en  Chine  et  inversement. 

'-'  L'escale  de  San-fo-ts'i  était  ainsi  rendue  obligatoire  pour  tous  les  bâti- 
ments qui  passaient  à  proximité. 

^•''  Ces  quatre  dépendances  sont  situées  sur  la  côte  orientale  de  la  péninsule 
malaise.  La  suivante,  Fo-lo-an,  se  situe  également  sur  la  même  côte,  mais 
n'est  pas  localisée. 

('"'  Jfl-lo-ting  repn'sente  un  ancien  *iSit-la-ihn  ou  '^'iMl-ra-din,  c'est-à-dire 
^Ni-ra-dih  ou  * JM -la-dih  =-- * Niladinga  ou  *I\ii'adinga,  qui  n'est  pas  attesté 
par  ailleurs.  Peut-être  est-ce  du  même  pays  qu'il  s'agit  dans  ce  passage  du 
Song  che  où  il  est  dit  :  ff .  .  .  puis,  en  quinze  jours,  [de  ^  j^j^  l''o-ni  (Bor- 
néo)] on  arrive  au  royaume  de  San-fo-ts'i;  puis,  on  sept  jours,  on  arrive  au 
royaumiî  do  "j^'  ^  Kou-lo;  puis,  en  sept  jours,  on  arrive  au  royaume  de  ^ 
^  ^  Tch'ai-li-ting;  ou  parvient  au  Kiao-lclic  (Tonkin)  et  on  gagne  Kouang- 
tchcou  (Canton)'!  [Pr:r,i,ioT,  Dcii.v  itinéraires,  p.  a()()  et  .'?o6|;  ce  ipii  situerait 
également  le  .le-ln  liti;;  eu  Tciral-li-ting  sur  la  côte  orientale  de   la  péninsule 


l'i  JUILLKT-SEPTEMBHE    !9-2l'. 

i^  j^  Ts'ien-mai(V), 
^^Pa-t'a'", 

^.  ,11^  /]^  Tan-ma-ling  |  ^  Tâmbralinga]^"', 
i/P  il  #  Kia-io-bi  [=  Grain -Jaya]('', 
G  IfCiî  Pa-lin-fong  [- Palembaiï], 

<îî  ^  Sin-l'o    [variante  ^  ftll  Soweu-ZV/ -^  Sinifla,   partie  occiden- 
liilo  de  Java  ] , 

^«t  Kien-pi[^Kampe](% 

^  H  M  i-an-wou-li  [=Lamim]t'', 


i^B  M  Si-lau  |  =  (leylan" 

Ce  pays  commença  à  avoir  des  relations  avec  ia  Chine  pendant  la 
période  t'ien-yeou  (90 '1-907)  des  T'ang.  Pendant  la  période  hien-long 
(960-963)  de  la  présente  dynastie  [des  seconds  Song],  il  a  envoyé  trois 
fois  ie  tribut  [d'allégeance].  La  troisième  année  de  la  période  choncn-hoiia 
(992),  il  fit  savoir  qu'il  avait  été  envahi  par  Chô-p'o  (Java)  et  suppliait 
qu'un  édit  impérial  fût  envoyé  à  leur  pays;  cela  fut  accordé. 

Dans  la  sixième  année  de  la  période  hieii-p'ing  (ioo3),  on  lit  savoir 
au  Trône  [impérial  de  Chine]  qu'un  temple  bnddhiste  avait  été  construit 
dans  ce  pays  afin  d'y  prier  pour  [la  prolongation  de]  la  vie  de  l'empe- 
reur; et  on  exprima  le  désir  que  ce  temple  reçût  son  nom  et  une  cloche 
[de  la  cour  de  Chine].  L'empereur  donna  son  approbation  à  cette 
requête,  oi'donna  que  le  temple  porterait  le   nom  de   ^  ^^  ^ 

malaise.  Mais  ce  n'est  là  qu'une  conjecture,  car  l'identité  du  Jc-lo-ting  de 
Tchao  Jou-koua  et  du  Tch'ai-li-ting  du  Sotig  che  n'est  pas  certaine. 

'''  Il  s'agit  peut-être  ici  des  Bataks  de  Sumatra,  comme  l'ont  indiqué  les 
traducteurs  (p.  66,  n.  8). 

'■-)  Sur  Ja  côte  nord-orienlai(>  de  la  péninsule  malaise,  au  sud  de  la  liaic  de 
Bandon.  Cf.  Coedks,  Le  royaitiue  de  Çrivijaijd,  p.  16-iS. 

(■^)  Ibid. 

(*)  Sur  la  côte  orientale  de  Sumatra. 

('')  Dans  le  nord  de  Sumatra. 

(6)  Pr,\j.  Jg  ^,.Qig  siècles  avant  la  publication  du  Tchou  J'an  Ichi; ,  Mas'Cdî 
écrivait  déjà  dans  les  Praiiies  d'or  (t.  I,  p.  170)  :  «...  Iv.  Maharaja  roi  des 
des  du  Zàbag,  de  Kalah  (=Kra  de  la  péninsule  malaise),  de  Sirandili 
(=Ceylan),  etc.  :  ...Lô^^j  i_^>J~»«^  *J.5j  g:lJL5'^^!j4I  J.l«  ^l^^ii'?.  La  ren- 
contre est  curieuse,  mais  aucun  témoignage  historique  n'allesle  par  ailleuis 
(jue  Ccylan  ait  été  une  dépendance  de  Sumatra  vers  le  milieu  du  ,\°  siècle 
Mas'udï)  et  le  pr(!n)ier  <juurf  du  un'  (Tchao  Jou-koua). 

tfA  jtartir  de  la  dynastie  Ming,  et  encore  de  nos  jours,  ou  écrit  ^  ^ 
Si-lam  (PicLi.Krr,  Driix  ilim'truiras ,  jj.  3,58). 


L'EMPHIK  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  15 

Tch'eng-t'ien-wan-chou  «Dix  miile  années  h  recevoii'  du  Ciel  n  et  fit  cadeau 
d'une  cloche. 

Jusqu'aux  périodes  king-to,  siang-fou  et  t'ien-lii  (iooA-1022)  et  piMi- 
dant  les  périodes  i/uun-yeou  et  yuan-Jong  (1 078-1 0()/i  ),  ce  pays  envoya 
un  certain  nomltre  d'ambassades  apportant  le  tribut,  et  des  messages 
impériaux  lui  furent  adi-essés  à  titre  de  louange  et  de  réconfort. 

Dans  l'est,  ce  pays  [de  San-fo-ts'i]  est  limitrophe  de  J-^^  'i^  Jong- 
ya-iou  [=  Jéngâlâ,  à  Java].  [Mote  :  appelé  aussi  S  ^  iî  Tchong-kia- 
lou.] 

SoNG  GUE  OU  Histoire  des  seconds  Song  (960-1979), 
chap.  ccccLxxxix'". 

Sâx-fo-ts'i. 

XIX.  Le'"'  royaume  de  San-fo-ls'i  '  '  est  l'un  des  l'oyaumes  des  Bar- 
bares méridionaux.  11  git  entre  le  Tchen-la  ((>ambodge)  et  le  (Ihô-p'o 
(Java)  et  étend  son  autorité  sur  quinze  pays  différents. 

'''  D'après  W.  P.  Grokneveldt,  fioles  on  the  Mulmj  ai-chij>(da(>o  and  Malacca, 
dans  Miscellaneous  papcrs  rcluling  to  Indo-China  and.  ihc  Indian  urchipelagti , 
socnnd  séries,  t.  I,  Londres,  1887.  in-S",  p.  187  et  suiv. 

Le  Song  che,  qni  a  été  compilé  au  xir"  siècle,  a  fait  de  très  nombreux 
emprunts  à  la  notice  sur  le  San-fo-ts'i  de  Tchao  Jon-KOOA.  On  s'en  convaincra 
facilement  en  comparant  les  deux  textes. 

("-)  H  y  a  une  qviestion  du  ^  p^  ^ij  Knn-fo-li  du  Leang  chou  (var.  du 
Sang  chou  :  Jj-  [^  ^|J  Kin-l'o-li)  que  je  ne  trailcrai  pas  ici  pour  ne  pas 
allonge^'  déuiesuréineut  ce  mémoire.  Cf.  sur  le  sujet,  Giîoknevkldt,  Noies, 
p.  185-187;  G.  Fkriîanu,  Le  K'ouen-loiien  el,  les  anciennes  mivigalions  Irons- 
tici'anùfues  dans  les  mers  du  sud,  J.  As.,  XI"  série,  t.  XIV,  1919,  a])p('iidic('  III , 
p.  •2'6H-2hi. 

(')  Dans  un  commentaire  de  ses  Notes,  Groenevjeldt  dit  (loc.  cil.,  p.  nja)  : 
«in  transcribing  the  names  of  the  différent  kings  [mentionnés  dans  hî  Song 
che,]  the  old  Mandarin  pronunciation  bas  bcen  Aillowed,  because  thèse 
names  were  written  down  at  court  and  uot  carried  to  China  hy  morcbanls 
from  soutliern  Ciiina-,  wc  are  bowever  t)ut  very  insufliciently  ac((uainted  witli 
the  pronunciation  of  that  period,  and  so  our  transcription  niay  oftcn  nol  b(^ 
quite  correct.  .  .  n  Ln  fait,  presque  toutes  les  restitutions  de  Ghokneveldt  sont 
fautives.  Son  San-ùo-Uai,  par  exemple ,  à  côté  de  la  graphie  .^  f ^  ^  ^  est 
un  pur  barbarisme.  La  prononciation  de  ces  trois  caractères  sous  les  seconds 
Song  devait  être  à  peu  près  *Sam-hud-ls'ai  (l'afiriquée  du  troisième  caractère 
pouvant  repr('s<'ntei'  les  palatales  sourde  el  sonore,  soit  *ls'ai  <Cjiiy  ou  caii) 


1(i  JUILLET-SFJPTEMRRK    l<.)-2l). 

Ses  piodails  sont  le  rotin,  io  hino  roii^jc.  le  hnis  daloès.  les  noix 
«rjii-ec  et  les  cocos.  On  ne  s'y  sert  pas  de  monnaie  de  cuivre,  mais  on  a 
riialiitnde  de  traiter  toutes  les  transactions  commerciales  avec  de  l'or  et 
de  l'argent.  Pendant  toute  l'année,  la  température  est  ordinairement 
chaude  et  rarement  froide:  en  hiver,  il  n'y  a  ni  gelée  ni  neige.  Les  gens 
se  Irictionnenl  le  coi-ps  avec  de  l'huile  parfumée.  Le  pays  ne  produit  pas 
d'orge,  mais  il  y  a  du  riz  et  des  pois  verts  et  jaunes.  La  volaille,  les 
oies  et  les  canards  y  sont  à  peu  près  les  mêmes  qu'en  C-hine. 

On  y  fait  du  vin  avec  des  fleurs,  des  noix  de  cocos,  des  noix  d'arec 
ou  du  miel:  et  tous  ces  vins  enivrent,  quoiqu'ils  soient  fabriqués  sans 
levain  ni  levure'''. 

Pour  faire  de  la  musique,  ils  ont  une  petite  guitare  el  un  petit  tam- 
bour; les  esclaves  provenant  du  K'ouen-louen  <-'  font  de  la  musique  pour 
les  gens  du  pays,  en  sautant  sur  le  sol  et  en  chantant. 

Ils  écrivent  avec  les  caractères  sanskrits;  le  roi  se  sert  de  sa  bague  en 
guise  de  sceau.  Ils  connaissent  également  les  caractères  chinois  et  ils  en 
usent  lorsqu'ils  présentent  des  lettres  avec  le  tribut  [à  la  cour  de  tihine]. 

Ils  ont  construit  une  ville  fortifiée,  entourée  d'un  mur  en  briques 
superposées  qui  a  plusieurs  dizaines  de  H  de  tour:  leurs  maisons  sont 
recouvertes  avec  des  feuilles  de  palmier.  Les  habitants  vivent  disséminés 
hors  de  la  ville  et  ne  payent  pas  d'impôts.  Eu  temps  de  guerre,  ils  choi- 
sissent immédiatement  un  chef  pour  les  commander:  chacun  fournil 
ses  propres  armes  et  approvisionnements.  Avec  un  vent  favorable,  on  se 
rend  de  San-fo-ts'i  à  Canton  en  vingt  jours. 

On  donne  au  roi  le  titre  de  §  ^  tchan-pei'^K  Dans  ce  pays,  il  y  a 
beaucoup  de  gens  dont  le  nom  de  famille  est  f^  p'ou  '''. 


et  permet  do  remonter  à  un  original  tel  que  *Sartibujayn.  En  dehors  de 
quelques  cas  spéciaux,  je  ne  reviendrai  pas  sur  les  restitutions  inexactes  de 
l'auteur  des  Notes;  elles  ont  été  corrigées  vn  partie  par  Pelliot  dans  ses  Deux 
itinéraires. 

C'  Le  Sang  che  ou  Histoire  des  seconds  Son  g  a  été  compilé  par  T'o-t'o  au 
xiv'  siècle  (Pklliot,  Deux  itinéraires,  p.  Soi).  A  peine  est-il  besoin  de  faire 
remarcpier  que  de  nombreux  emprunts  ont  été  faits  au  Tchoufan  tcho  (XVIil, 

^■'^   Il  s'agit  icirde  nègres  de  la  côte  orientale  d'Afrique. 

(3-/i)  (3)  (Je  titre  royal  est  énigmali(iue  et  inconnu  par  ailleurs,  k  D'après  le  Lin<r 

wai  tni  la  [de  Tr.iiKor   K'n;-FKi ,  ((ui  a  été  rédige'"  en  1178   et  dont  le  Tckou 

fan  Iclir  re})roduit  textuellement  de  1res  nombreux  passages,]  (k.  -j  ,  p.  12  r"), 

en   I  171)  |liie  :  117S]  le  ro}aunie  de  San-fo-ts'i  envoya  <Tun  ambassadeur  du 


L'EMPIRE  SUMATRAÎSVIS  DE  (:iU\I.IU\.  17 

Vei's  la  fm  de  la  dynastie  des  T'ang,  eu  l'aimée  906,  ils  ont  envoyé 
le  tribut,  et  l'ambassadeur''*  qui  était  le  gouverneur  de  leur  capitale, 
reçut  de  l'empereur  de  Chine  le  titre  de  fGénéral  ([ui  pacifie  les  pays 
éloignés''. 

Dans  le  9*^  mois  île  l'année  960,  [le  roi  |  ^,  ^Ij  (§ij  :^  ^  M  11 
Si-li  lion-ta  Hia-li-tan  [=  malais  :  Sëri  kuda  Haridana?J  envoya  un 
andjassadeur  pour  apporter  le  tribut ''':  ce  (pi'il  fit  encore  pendant  l'été 
de  l'année  suivante.  Pendant  riiiver  de  961,  le  tribut  fut  présenté  [»ar 
un  roi  appelé  ^  ^ij  ^  JfP  Che-li  Wou-ye  [=  Çrï  Wuja?]  "'. 

Au  printemps  de  l'année  969.  '\  le  roi  (Ihe-li  Wou-ye  envoya  une 
ambassade  composée  de  trois  ambassadeurs,  pour  apporter  le  tribut. 
Ils  rapportèrent  [de  leur  visite  à  la  cour  de  Chine]  des  queues  de  yak, 

royaume  de  Tdian-pei  pour  apporter  le  tribut-^.  Or  il  semblorail  que  ce  nom 
(In  Tchan-poi  fût  les  deux  fois  [,  dans  le  Ling  wai  lai  ta  et  le  Soiig  che,]  celui 
du  pays  mnme  de  San-fo-ts'i ,  qui  dans  un  cas  aurait  été  faussement  pris  pour 
le  nom  du  souverain.  Plus  tard,  ÏHistoirc  des  Ming  (k.  "iih ,  p.  1 1  v°;  Groe>e- 
VELDT,  Notes,  p.  196;  ScuLEOEL,  dans  T'uung  pao,  11,  u,  p.  laS)  nous  dira 
encore  que  le  royaume  de  Jambi  [sur  la  côte  orientale  de  Sumatra,  au  nord 
de  Palemban]  tire  son  nom  de  tchan-pei  qui,  dans  la  lanjjue  du  San-fo-ts'i , 
siffnifie  "souvorain-i  (P.  Pelliot,  Deux  ilinéraives ,  p.  2>'-lC))v.  D'après  plusieui-s 
textes  arabes  :  fl'ilc  do  kilali  [=Kra]  appartient  au  royaume  de  Jâba  l'In- 
dien'i  (Icn  Houdâ^iieh);  EdrIsï  s'exprime  dans  les  mêmes  termes.  Iiîn  AL-W.uiDï 
(lil  que  Tie  roi  de  la  ville  (sic)  [de  Jâba]  s'appelle  [aussi]  Jâl)a'i  (pour  ces 
citations,  cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  I,  p.  27,  i84,  i85;  t.  II,  p.  Z121). 
Il  \  a ,  je  cidis  bien,  une  parenté  étroite  entre  ce  nom  royal  de  Jâba  et  le  titre 
de  Tcliaii-pei ;  mais  je  ne  sais  quel  terme  protocolaire  ils  recouvrent  et  laquelle 
(.le  ces  deux  transcriptions,  arabe  ou  cliinoise,  reproduit  le  moms  inexacte- 
ment l'expression  indonésienne.  On  verra  plus  loin  que  les  conclusions  de  ce 
mémoire  autorisent  un  tel  rapprochement.  —  '''    Vide  supra,  p.  9,  n.  2. 

'  D'apr(''s  le  Wen  liien  l'oiig  kan ,  l'ambassade  arriva  à  la  cour  en  90/1; 
1  ambassadeur  s'appelait  ^(^j  gji]'  Jj^  Pou  Ho-sou;  :l/ér((i/o«aMX,  trad.  d'Heiueï 
DE  Saiîjt-Denïs,  Genève,  i883,  in-^",  p.  56 1. 

'-'  D'après  le  Wen  hien  t'ong  k'ao  (Méridionaux ,  p.  56 1),  cet  ambassadeur 
s'appelait   ^  y^  ^  Li-tchc-ti. 

'''  Le  Wen  liien  t'ong  k'ao  [Méridionaux ,  p.  56-j)  ajoute  ici  :  ffOn  apprit 
par  ces  ambassades  ([ue  le  royaume  de  San-fo-ts'i  était  appelé  aussi  royaume 
de  -^  -^  Sien-lieou.?î  J'ai  proposé  d('jà  de  corriger  ^  -^  Sien-lieou  en 
5^  ^   Mo-lieou  =  Malâyu  (cf.  J.  As.,  juillet-août  1919,  p.  i05). 

''''  D'après  Ma  Touan-lin  {Méridionaux,  p.  569),  cette  ambassade  aurait  été 
envoyée  par  le  roi  ^  ^  ^"  ^  j^jc  0  ^  Li-si-lin-nan-mi-je-lai  [/iVc 
ffMi-je-lai,  fds  de  Li-si-lin-'|. 


i8  JUILLET-SEPTEMBRE   192îi. 

(le  la  polx^ela^Ile  blanche,  des  ustensiles  en  argent,  du  lii  de  soie  et  deux 
jeux  de  selles  et  de  ])rides. 

En  l'année  971,  l'un  des  précédents  ambassadeurs  fut  renvoyé  \h  la 
cour  de  Chine]  pour  y  olfrir  du  cristal  et  du  naphte.  11  revint  h  la  cour 
en  972.  En  974,  on  apporta  comme  tribut  de  l'ivoire,  de  l'encens,  de 
l'eau  de  rose,  des  dattes,  des  pêches  plates  {sic)^^\  du  sucre  blanc,  des 
bagues  en  cristal,  des  bouteilles  en  verre  et  du  corail.  En  976,  de 
nouveaux  ambassadeurs  vinrent  [à  la  cour],  oh  on  leur  fît  présent  de 
coilîures  et  de  ceintures. 

En  980.  le  ixii  de  San-fo-ts'i  ^  f^  Hia-tch'e  [=  vieux  malais  Haji 
rroi'^  ^'']  envoya  un  embassadenr.  La  même  année,  on  apprit  de  Tch'ao- 
tcheou  (  Swatow  du  Fou-kien  ) ,  qu'un  mai*chaud  étranger  venu  de  San- 
fo-ts'i  était  anivé  dans  ce  port  avec  un  chargement  de  parfums,  de 
médicaments,  drogues,  cornes  de  rhinocéros  et  d'ivoire.  Par  suite  de 
vent  contraire,  il  avait  mis  soixante  jours  pour  la  traversée  de  San-fo-ts'i 
à  Tch'ao-tcheou. 

En  983,  le  roi  j^  ^  Hia-tch'e  [=  vieux  malais  Ha/ji  rrroi'"]  envoya 
un  ambassadeur  qui  apporta  en  tribut  du  cristal,  des  étoffes  de  coton, 
des  cornes'^*  de  rhinocéros,  des  parfums  et  des  drogues'''. 

En  985,  le  capitaine  d'un  navire  arriva  et  offrit  en  présent  des  pro- 
duits de  son  pays. 

En  988,  un  ambassadeur  arriva  avec  l'intention  d'apporter  le  tribut. 
Pendant  l'hiver  de  992,  on  apprit  de  (lanton  que  cet  ambassadeur  '^ 
qui  avait  quitté  la  capitale  de  la  Chine  deux  ans  auparavant,  avait  appris 
dans  le  sud  que  son  pays  avait  été  envahi  par  le  Chii-p'o  (Java)  et  que, 
en  conséquence  de  cet  événement,  il  était  resté  pendant  un  an  [à  Can- 
ton]. Au  printemps  de  995 ,  l'ambassadeur  était  allé  au  Campa  avec  son 


(')  Ma  Touan-lin  [Méridionaux,  p.  562)  a  :  des  confitures  de  pêches. 

<-)  L'/i  initial  est  tombé  en  malais  moderne. 

(')  Le  texte  a  ^  ,  litt.  des  dents,  des  délciises. 

''')  CiiAVANNES  (Les  Inscriptions  cliinoisos  (h-  Undli-Gayô ,  dans  Rfiriin  hist.  des 
reliifions,  t.  XXXI V,  u°  1,  1896,  p.  5-!,  note,  du  tirage  à  part)  donne  le  texte 
et  la  traduction  de  ce  passajje  du  So»j>-  du;  (cliap.  hbQ,  p.  5  v")  où  il  est  dit  : 
rLa  huitième  année  [t'ai-p'inir-hing-kouo  ■-==  <j83],  le  roi  de  ce  .pays  [de  San- 
fo-ts'i],  ifi'a-tc/i'e,  envoya  l'ambassadeur  ^  ^I|l  |5^  ^  Pou  Yà-t^o-lo  [=Pu 
Ya-du-ra  ou  -ht]  apporter  eh  tribiit.  .  .n 

(^)  D'api-ès  le  Wen  bien  t'nng  Ic'ao  [Méndionaux ,  p.  662),  cet  ambassadeur 
s'ap|).'lnit  '}\\\  ^î'p  [5'^  ^  /*'oH  ïi-fn-li  -=Pn  Yi-d(M'i  ou  -/('.  'C'est  prolnihlo- 
menl  le  même  ijur  irlui  de  rauibasï-ade  de  988.  Voir  la  note  précédente. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DK  (;|{Î\IJA^\.  19 

navire,  mais  comme  il  n'y  recueillit  pas  de  bonnes  nouvelles,  il  revint 
[en  Cihine]  et  demanda  [à  la  cour]  qu'un  décret  impérial  fût  promulgué 
mettant  le  San-fo-ts'i  sous  le  protectorat  de  la  Chine. 

Eu  ioo3,  le  roi  ,g  B  :^%  M  M  iÈ  B  M  ^^  Sseu-li-tchou- 
lo-\vou-ni-fo-ma-tiao-houa  [=  skr.  Çiîculaniai.iivai-madeva]  '''  envoya 
deux  ambassadeurs  pour  apporter  le  tiihut.  Ils  racontèrent  que,  dans 
leur  pays .  un  temple  buddhiqiie  avait  été  érigé  afin  d'y  prier  pour  la 
prolongation  de  la  vie  de  l'empereur;  ils  demandaient  que  l'empereur 
lui  donnât  un  nom  et  [fit  présent]  de  cloches  pour  le  temple;  l'empe- 
reur montrerait  ainsi  qu'il  faisait  cas  de  leurs  bonnes  intentions.  Ou 
pi-omulgua  un  décret  par  lequel  le  temple  jeçut  le  nom  de  Tch'eng-t'ien- 
ivan-chou  et  des  cloches  furent  fondues  pour  être  données  aux  ambassa- 
deurs'"'.  En  outre,  l'un  des  ambassadeurs  reçut  le  titre  de  rr Général 
qui  est  attiré  |)ar  la  vertu t)  et  l'autre,  celui  de  ff Général  qui  aime  ardem- 
ment l'influence  civilisatrice r. 

En  1008,  le  roi  ,g,  ^É  IB  ^l  È.  i^ic)  Sseu-li  Ma-lo-p'i  [--=Çrïmâ- 
ra\ijai/oUiiiigavarman]  envoya  trois  ambassadeurs  pour  offrir  le  tribut. 
On  leur  permit  de  se  rendre  au  ï'ai-chan  (l'une  des  montagnes  saintes 
de  la  Chine,  dans  ie€han-tong)  et  de  se  trouver  en  même  temps  que 
l'empereur  dans  la  salle  d'audience.  Finalement,  ils  furent  n^nvoyés 
[dans  leur  pays,  après  avoir  reçu  ]  de  généreux  cadeaux. 

En  1017,  le  roi  ^  jM  ^  ^  P-6  M  'M  Hia-tch'e  Sou-wou-lch'a- 
p'ou-rai  [=^Haji  Sumalrabhûnii  «le  roi  de  la  terre  de  Sumatra-''^'] 

(')  Go  nom  royal  et  le  suivant  ont  été  restitués  par  Coedès,  Le  royaume  de 
ÇHvijaya,  p.  7. 

'^'    Vide  svpra,  p.  l'i— 15. 

''  l*our  cotte  restitution,  cf.  ma  noio  :  La  plus  ancienne  wcnlion  du  nom  de 
l'ile  de  Suinuira,  dans  /.  As.,  W  sorio,  t.  JX,  1917,  p.  33 1-335  ot  la  cor- 
roi-lion,  au  suji'l  du  raractoro  ^  wou,  dans  Le  K'ouen-hiuen  et  les  anciennes 
navigations  inli'focmnifjuen  dans  les  mers  du  sud  [ibid.,  t.  XJll ,  1919,  p.  977- 
••^78). 

fQue  Sainudra,  Sumulra,  sijfuifio  i'ile  de  ÏOcéan,  dit  RouFFAEn,  et  soit  à 
ido.nlifior  avec  la  vUlc  de  Saniudia  sur  la  livièro  de  Pasoi  de  la  côte  orionlalo 
de  Aôeh,  c'est  (•(_'  dont  presijuo  por'sonno,  ne;  douto"  (Oudhcikundige  opmer- 
kingvn ,  dans  liijdrajrm  I.  T.,  L.  en  I  olkvnlmnde  i\  Nederlaiidscli-Indie ,  dool  7^, 
1918,  p.  i38j.  .I'inia;{ine,  au  conlrairo,  (pio  oollo  intorprétalion  ne  doit  pas 
avoir  beaucoup  de  partisans.  Le  skr.  sanmdra  sijjuific  liion  crmer,  océan n;  mais 
on  n'a  pas  encore,  à  ma  conn;iissanco ,  apporté  le  témoignage  qu'une  île  délcir- 
minéc  a  é.l<;  janutis  appelée  *samudvadnpa  et  île  i\i^  la  nior-i  et  quo  cet  ôtiangc 
toponymo  a  dosij;né  file  entière  ou  la  partie  soplonhioiialo  do  Suuiatra.  Dans 


20  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

envoya  des  ambassadeurs  avec  une  ieltre  écrite  en  iellies  dorées  el  un 
tribut  sous  forme  [de  présents  comprenant]  des  perles,  des  livres  san- 
skrits plies  entre  des  planchettes  et  des  esclaves.  Par  édit  impérial,  ils 
furent  autorisés  à  voir  l'emiiereur  et  à  visiter  quelques  édilices  impé- 
l'iaux.  Lorsqu'ils  retournèrent  [dans  leur  pays],  on  promulgua  un  édit 
adressé  à  leur  roi  et  on  leur  remit  dilTéreiits  présents  dans  le  but  de  lui 
être  agréable. 

En  iOîî8,  au  8'  mois,  le  roi  ^  ^^  ^  ^  Che-li-tie-lioua  [--Çrl- 
deva]  envoya  des  ambassadeurs  pour  porter  le  tribut.  Habituellement, 
les  ambassadeurs  venant  de  jiays  éloignés  recevaient  une  ceinture  ornée 
d'or;  mais,  cette  fois,  on  donna  aux  ambassadeurs  de  San-fo-ts'i  des 
ceintures  entièrement  en  or. 

En  1 067,  arriva  en  Chine  un  ambassadeur  qui  était  l'un  des  plus 
haut  dignitaires  de  San-fo-ts'i  et  s'appelait  j^  ^  ^\i  ^  Ti-houa  k'ie  lo 
[=^Devakala].  On  lui  conféra  le  litre  de  Grand  (Jénéral  qui  maintient 
l'obéissance  et  qui  aime  ardemment  le  renouvellement.  On  lui  accorda 
un  édit  impérial  conçu  en  ces  termes  :  tr  Notre  réputation  et  Nos  ensei- 

un  travail  postériour  (un  impcirlant  mémoire  également  publié  dans  les 
Bijdragen ,  que  je  u'ai  pas  encore  eu  le  temps  de  lire  à  loisir),  Rolffaek  y 
revient  à  propos  du  présent  roi  de  San-fo-ts'i  :  Haji  Sumatrabliûmi.  L'auleur 
rappelle  rinterprétalion  que  j'en  ai  donnée  et  ajoute  :  trd'après  moi,  [ce  com- 
plexe désigne]  plus  exactement  un  Roi  du  pays  de  Samudra,  c'est-à-dire  du 
pays  de  la  mer,  c'est-à-dire  du  pays  de  Tasilc  [en  malais  «mern],  Tènmsik, 
Tumasik  [formes  infixées  de  Tasik^,  autrement  dit  de  l'île  de  Singapour'' 
(  IFrt*  M(d(tka  cmpoi-niin  voor  ihoo  A.  D.  geimanid  Midajoer  ?  dans  Bijdrogcn, 
deel  77,  1921,  p.  75).  L'objection  est  la  même  que  dans  le  premier  cas  : 
comment  l'ile  de  Singapour  pourrait-elle  être  appelée  wpays  de  l'oct-an'^  ?  (le 
ioponyme  est  aussi  impossible  que  le  précédent  :  une  île  déterminée  ne  peut 
pas  plus  être  dénommée  ttOcéanw  que  «Terre  de  l'océan??,  surtout  (juand 
ffOcéann  s'applique  au  nord-est  de  Sumatra  et  tr  Terre  de  l'océan*?  à  l'île  de 
Singapour.  Le  iSàgurahertâgama  (a*  édit.,  p.  5i)  a  bien  Tutnasik ,  (pu  a  (Hé 
identilié  à  Singapour  et  .lolior  [iOld.,  p.  -jlïo)  et  qui  est  sans  doute  le  JS  ,!& 
^  Tan-ma-si  du  Tuo  iji  Iclie  lia  (notice  consacrée  au  jfj  Sien,  pron.  anc. 
^Siiaiit,  l'ancien  ro\aume  de  Sukotbaï,  dans  Rockiiill,  J\oli's  un  the  relations 
and  I rade  (if  China,  Toung  pao ,  t.  XV,  191  G,  p.  100);  mais  il  n'est  aucune- 
ment démontré  qu'il  s'agisse  ici  d'une  île  qui  aurait  élé  appelée  initialement 
Samudra  «la  mer,  l'océan??.  Je  ferai  reDnar(pier,  enfin,  que  le  premier  carac- 
tiVe  du  toponyme  en  question  est  sou  =  su,  comme  celui  de  toutes  les  autres 
notations  chinoises  el  arabes  qui  transcri\('nt  le  nom  de  l'île  et  de  l'état  sunia- 
Iranais  de  la  ci'ile  nord-est  (vide  infra,  LXXIX,  extrait  du  m<.  '.!a();!,  la  note 
ù  propos  du  nom  de  l'île  de  Sumuira,  p.  81  ). 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  çnïVIJAVA.  21 

g-nemenls  projettent  ienr  ombre  sur  tons  les  pays,  proches  ou  lointains; 
si  les  représentants  de  ces  pays  sont  seulement  loyaux  et  soumis,  Nous 
leur  donnons  toujours  des  titres  chinois,  eu  leur  accordant  des  noms 
distiujfjués  daus  le  but  de  marquer  notre  estime  pour  leur  pays.  Vous 
vous  êtes  joyeusement  soumis  à  Notre  haute  intluence  et  vous  êtes  venus 
à  travers  la  mer.  pour  apporter  en  tribut  des  objets  pre'cieux.  Nous  vous 
louons  de  cela  et  Nous  vous  avons  élevé  en  dignité  pour  vous  encourager 
à  être  loyal  et  soumis." 

Pendant  la  ^yéviode  yuan- fong  (i 078-1  o85),  des  ambassadeurs  vin- 
rent de  San-fo-ls"i  apportant  encore  de  l'argent,  des  perles,  de  Ihuile 
de  camphi-e,  de  l'encens  et  d'autres  produits  du  pays.  La  lettre  qu'ils 
aj)portaient  fut  d'abord  envoyée  à  la  cour,  de  GantoQ  où  ils  attendaient 
que  [l'ordre  vînt]  de  les  faire  escorter  jusqu'à  la  capitale.  L'empereur 
se  rappelant  qu'ils  venaient  de  très  loin,  leur  donna  de  généreux  pré- 
sents et  les  autorisa  ensuite  à  s'en  retourner.  L'année  suivante,  il  leur 
donna  6/j.ooo  ligatures  de  monnaie  de  cuivre,  iS.ooo  taels  d'argent  et 
il  accorda  aux  deux  ambassadeurs  des  titres  honoritîques.  L'un  d'eux 
demanda  la  ])ermission  d'acheter  des  ceintures  d'or,  dillerenls  objets  en 
argent,  des  vêtements  de  pourpre  pour  moines  buddhistes  et  des  tablettes 
officielles'^*  :  tout  cela  lui  fut  donné  comme  il  le  désirait'"'. 

En  1080,  un  étranger  du  sud  arriva  à  Canton.  Il  dit  qu'il  avait  la 
direction  des  affaires  dans  son  pays.  La  fille  du  roi  envoya  [par  son 
intermédiaire]  une  lettre  en  caractères  chinois  au  surintendant  du  com- 
merce avec  [,  en  présent,]  du  camphre  de  Baros  et  des  cotonnades.  Le 
surintendant  n'osa  recevoir  ni  lettre  ni  présent  et  il  fit  un  rapport  au 
Trône;  sur  quoi  il  reçut  l'ordre  de  payer  ces  marchandises  à  leur  valeur. 
Le  surintendant  acheta  alors  de  la  soie  pour  une  valeur  égale  à  celle  des 
objets  donnés  en  présent ,  et  la  remit  à  l'étranger  en  question. 

En  1082,  trois  ambassadeurs  vinrent  de  San-fo-ts'i  pour  obtenir 
audience  de  l'empereur;  ils  apportaient  des  tleurs  de  lotus  en  or  ornées 
de  perles,  du  camphre  de  Baros  et  [ils  accomplirent  la  cérémonie  appe- 
'•'*^]  ^  IS  sn-lien  '^^K  On  leur  conféra  des  titres  honorifiques  d'après  leur 
grade  personnel.  Le   troisième  ambassadeur  mourut  en  Chine,  après 

''^   ^ÏJj  )^  ■  Le  sens  de  ces  mots  n'est  pas  clairw  (Ghokneveldt). 

'■-'  Sans  (|u'il  eût  rien  à  payer,  ajoute  1(!  If Vh  hicn  l'onn  k'ao  (Méndùmaux , 
p.  565). 

W  Groknkvkldt  n'a  pas  compiis  cepussaije,  qui  est  plus  explicite  dans  le 
Wpn  hie.n  l'oiig  k'ao  ( McriditiiKni.r ,  p.  5(15  et  n.  90).  (-elle  cérémonie  consiste 
a  rcpaiidn'  du  canipliic  cl  des  pcilcs  siii'  1rs  (Icjjic's  du  Irône  do  l'empereur. 


22  JUILLET-SEPTEMBRE   192-2. 

.'ivoii'  (jiiillé  la  rapilale.  Le  gouvernement  chinois  fit  présent  tle  cinf|uanlo 
pièces  (le  soie  pour  ses  ol)sèques. 

En  io83,  trois  autres  ambassadeurs  arrivèrent;  il  leur  fui  conféré  à 
tous  des  titres  honorifiques  d'après  leur  grade  personnel. 

Pendant  la  période  clmo-cheug  (109/1-1097),  une  ambassade  vint 
encore. 

En  ii5G,  le  roi  ^  ^ij  JmM%§:^  Si-li  raa-hia-lo-chë  [-  skr. 
Çrïmaliâraja  >  malais  Sëri  Maharaja]  envoya  des  ambassadeurs  pour 
apporter  le  tribut.  L'empereur  dit  :  ff  Lorsque  des  gens  éloignés  se  sen- 
tent attirés  par  Notre  intluence  civilisatrice,  on  doit  louer  leur  discci'ne- 
ment.  C'est  de  cela  que  Je  me  réjouis,  mais  non  pas  parce  (jue  Je  veux 
tirer  bénéfice  des  produits  de  leur  pays.ii  A  cette  occasion,  le  roi  de 
San-fo-ts'i  avait  également  envoyé  des  perles  pour  être  remises  en  pré- 
sent à  l'im  des  ministres  chinois  qui  moui'ut  à  ce  moment.  L'empereur 
donna  l'ordre  de  recevoir  les  perles  et  de  remettre  une  somme  égale  à 
leur  valeur  ''l 

En  1 178.  on  envoya  encore  des  ambassadeurs  pour  apporter  en  tri- 
but ,  des  produits  du  pays.  A  cette  occasion ,  l'empereur  promulgua  un 
édit  prescrivant  que  [les  envoyés  de  San-fo-ts'i]  ne  viendraient  plus  à  la 
cour  et  s'installeraient  à  Ts'iuan-tcheou  du  Fou-kien  ^'K 

SoNG  cuE  ou  Histoire  des  seconds  Song,  chap.  ccccxc,  dans 
Ed.  Chavannes,  Les  inscriptions  chinoises  de  Bodh-Gaijd  i^îicvne 
de  Vhstoire  des  religions,  t.  XXXIV,  1896,  p.  Sa). 

XX.  La  huitième  année  t'ai-p'ing-lnn^-l.niio  ^  gSti ,  le  religieux  ^^ 
i^  Fa-yu,  revenant  de  l'Inde  où  il  avait  été  chercher  des  livres  sacrés, 

('^  Le  Wcu  liiou  t'i»tg  k'ao  nienlionne  entre  l'ambassade  do  11 56  et  celle 
de  1178  une  amljussade  dont  ne  parie  pas  le  Song  chc  :  «La  8°  année  kien-lao 
(117a),  le  roi  [de  San-fo-ls'i]  sollicita  l'autorisation  d'acheter  du  cuivre,  d'en 
faire  charger  un  bateau  et  d'engager  aussi  à  son  service  un  certain  nombre 
d'ouvriers  chinois  sachant  fabricjuer  des  tuiles  avec  ce  métal.  L'emporeui' 
donna  son  consentement,  mais  sous  la  condilion  (|ii('  (•clic  demande  ne  serait 
pas  renouvelée. -5 

^''  Le  goiivcineur  de  Ts'inan-tcheou  les  recevrait  désormais  et  leur  servi- 
rait d'intermédiaire  {Weii-Iiien  l'ong  k'ao,  Méridionaux,  p.  .566).  ^Ia  Touan- 
i.is  ajoute  (ibid.)  :  «Le  roi  de  San-fo-ts'i  fit  connaître  [par  l'ambassade  de 
1  17B]  (ju'il  avait  succédé  à  son  père  depuis  la  ti"  année  kien-lao  (1  169).  Aus- 
sitôt i'inveslilnrc  lui  fut  donnée,  avec  I,i  confirmalion  de  liuis  les  titres  dent 


|;K\|IMRK  SI\(ATR\N\1S  l)K  (_:i;i\  i.l  \n.  -23 

arriva  à  iïi  1^  ^  San-fo-ls'i  et  y  rencontra  le  religieux  binilou  5^  |^ 
j^  ^  ^  Mi-mo-lo-che-U  (=  Vimalaçrî),  qui,  après  un  court  entre- 
lieu, le  chargea  d'une  requête  clans  laquelle  il  exprimait  son  désir  de  se 
rendre  dans  le  Royaume  du  Milieu"'  et  d'y  traduire  les  livres  saints. 
L'empereur  eut  la  bonté  de  rendre  un  édit  pour  l'appeler  auprès  de  lui. 
Fa-yu  quêta  ensuite  des  aumônes  pour  fabriquer  un  dais  précieux  et  un 
kasâija.  Gomme  il  se  proposait  de  retourner  en  Inde,  il  demanda  qu'on 
lui  remît  des  lettres  officielles  pour  les  royaumes  qu'il  devait  traverser. 
[L'empereur]  lui  donna  donc  des  lelties  pour  i||  ^  Hia-tche  [:=  vieux 
malais //«/«  nToi^^],  roi  du  pays  de  H  f^  ^  San-fo-ts'i:  pour  ^  ,^ 
fo  S  Sseu-ma-ki-mang  ^^^  souverain   du  pays  de  ^  "é'  ^  Ko-kou- 

ses  ancêtres  avaient  joui  et  avec  les  présents  consistant  en  liabits  do  cérémo- 
nie ,  ceinture  d'or,  chevaux ,  selles ,  soieries ,  traditionnellement  accordés  aux 
princes  de  son  rang  à  l'occasion  de  leur  avènement. 3) 

(1)  La  Chine. 

'^1  Dans  la  nulicc  ih  consacrée  ^u  Chô-p'o  —  .lava ,  Tciivo  Jou-koi;a  dit  : 
<f Comme  mandarins,  il  y  a  [dans  ce  pays]  des  pïj  ,Ç^  It)!  ^  f p  1^  ssvn- 
ma-hie-lo-ki-licn  qui  administrent  ensemble  les  aQ'aires  du  royaume;  ils  sont 
comme  les  ministres  en  Chine"  (Pklliot,  Deiix  itinéraires,  p.  3i};  cf.  Chan 
Ju-kua,  p.  76).  Le  Si  yang  tch'ao  honji  tien  Ion  de  Hocvng  Sing-ts'eng  (i.5âo) 
contient  une  notice  sur  Pahan  (côte  orientale  de  la  péninsule  malaise),  où 
une  note  au  texte  dit  :  «En  l'année  1879,  P'en<j-henj;-  (Pahaù)  envoya  à  la 
cour  de  Chine  une  ambassade  avec  une  requête  [gravée]  sur  une  feuille  d'or 
et  un  présent  d'esclaves  et  de  divers  objets.  En  l'année  1  /i  1  ^1 ,  il  envoya  le 
haut  fonctionnaire  j^  ^  ^  P^  Ô^  M  Sou-mt-kou-men-ti-li  et  d'autres  avec 
le  tribut"  (Rockiiu.l,  ISotes  on  llio  relations  and  tradc  oj  China  witk  tlie  eastern 
Arcliijjclairo  and  ihe  coast  of  tlie  Indian  Océan  during  the  fourteenth  ceiiturif, 
dans  Tounir  jxtn ,  t.  XVI,  J9i5,  p.  121,  note).  De  ces  dpux  titres,  la  seconde 
partie  du  premier  :  lo-li-licn  a  été  correctement  restituée  en  yrtlr^rt»  (  1'i;j.i,iot, 
Deux  itinéraires,  p.  3ii-3i2),  qqi  est  bien  ponnu  en  vieux-javanais  et  vieux- 
malais  (^vide  infra  l'inscription  de  Baiika);  les  trois  dernier^  caractères  du 
second  :  men-ti-U  représentent  le  titre  malais  mëntëri  <  skr.  mantri  anjiuistre». 
Dans  les  deux  cas ,  les  trois  premiers  caractères 

f^eu-ma-kie  lo-hi-lien  =  rakryan 
snu-t)ia-k(iK  wen-ti-li  --  mënlëri 

sont  évidemment  apparentés,  niais  je  ne  sais  quel  terme  protocolaire  indoné- 
sien ils  transcrivent.  IIirtii  et  Rockhili,  ont  traduit  le  passage  précité  du  Tchou 
fan  telle  :  «Of  otTicials  they  bave  Sfi-rna-kié  (and)  Lo-ki-lien .  .  ^ '"  (p-  76), 
mais  cette  interprétation  ne  se  justifie  pas.  Pi;li,iot  [ibid.,  p.  3>i)  avait 
remarqué  dt-jà   (pie   le  Song  cJw  el  le  TT'c/(    liicn   t'iinfr  k'ao   (cf.   Méridionaux 


n  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

lo;  pour  1^  iS  j^  Tsan-tan-lo  [===  (landra]  du  pays  de  ^  g^  Ko-lan 
[=Kfdam  (les  textes  arabes,  le  Quilou  de  uos  cartes],  et  pour  ^  S|i^ 
Jllj  Mou-fo-sien  [=^  Mudiasena],  (ils  du  roi  de  l'Inde  de  l'Ouest:  on  le 
fil  |»aitir  muni  de  ces  lettres, 

MiNG  CHE  OU  Histoire  des  Ming  (  i  3  6  8-  i  6  /i  3  ) , 
livre  CCCXXIV  ('l 

SAy-FO-Ts'l. 

XXI,  San-fo-ts'i,  appelé  autrefois  -f-  lî^  ^ij  Kan-to-li '^',  envoya 
pour  la  première  fois  des  ambassadeui's  apporter  le  tribut  sous  le  règne 
de  l'empereur  Hiao-wou  de  ia  dynastie  des  premiers  Soug  (6o4-/iGA). 
Pendant  le  règne  de  l'empereur  Wou  de  la  dynastie  des  Leang  (5oq- 
5/19),  ils  revinrent  à  plusieurs  reprises;  et  à  l'époque  de  la  dynastie 
des  seconds  Song  (960-1279),  ils  apportèrent  le  tribut  sans  arrêt. 

En  1870,  l'empereur  de  Chine  envoya  un  ambassadeur  [au  roi  de 
San-fo-ts'i J  pour  enjoindre  à  celui-ci  de  se  faire  représenter  [à  la  cour 
chinoise  par  une  ambassade].  L'année  suivante,  le  roi  qui  était  appelé  ^^^ 
•^  "p  M  -^L  A  M  h  Ma-ha-la-lcha  pa-la-pou  [=  indonésien  Maha- 
raja Prabhu],  envoya  des  ambassadeurs  portant  une  lettre  écrite  sur 
une  feuille  d'or  et  apportant  en  tribut  des  ours  noirs,  des  casoars,  des 
paons,  des  perroquets  de  différentes  couleurs,  plusieurs  sorles  de  par- 

p.  ^97)  ont  seulement  lo-ki-lien  au  lieu  de  sspu-itia-kie  lo-ki-liri} ;  le  passajje 
parallèle  du  .SV  i/rt»g"  tch'ao  koug  tlri>  Ion  vient  heureusement  résoudre  une  par- 
tie de  l'énigme  :  c'est  sseu-ma-kie  qu'il  faut  lire;  les  deux  premiers  caractères 
iseu-ma,  complexe  chinois  signifiant  «chef  militaire,  général",  sont  hors  de 
cause. 

Le  Ko-kûu-lo  du  Sang  che  qui  est,  sous  une  autre  graphie,  identi(|ue  au 
'W  ^  W-  '^""l^'J""!"  de  KiA  Tan  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  a\ec  son 
homonyme  le  xlïU  Kakula  de  Ibn  Bâti  ta,  est  à  situer  sur  la  côte  occidentale 
(le  la  p(''iunsiile  malaise.  Le  nom  du  souverain  de  ce  pays  :  Sseu-ma-ki-mang, 
semble  bien  devoir  être  lu  :  Sseu-ma-ki  .\laug,  le  premier  terme  de  ce  nom 
ou  titre  royal  étant  à  rapprocher  du  Sscu-iiia-kii'  du  Te  Itou  fan  tche  et  du  Sau- 
vin-kou  du  Si  yang  tch'ao  kang  lieu  lnti. 

'')  D'après  Gkoenkvkldt,  Notes,  Inc.  cit..  p.   192  et  suiv. 

(■')  Pour  le  Kan-t'd-li,  cf.  l'appendice  111  de  mon  mémoire  sur  Le  K'niieii- 
louen  et  les  anciennes  navigations  interocèani<iues  dans  les  mei's  du  Sud.  dans 
J.  As.,  XI"  série,  t.  XIV,  1919,  p.  23H-a4i,  et  siipra,  p.  i5,  n.  2. 

'■     Il  l'aul  cnlriKlic  :  (iiii  [lorlail  le  tilrc  de  Mnliaraja  Prahhii. 


L'KMPlRt;  SllMATPiVNAIS  DE  ÇHÎVIJAW.  25 

fums,  (le  l'étoffe  ',^  pi,  des  couvertures  en  laine  et  beaucoup  d'autres 
objets.  L'empereur  ordoinia  de  leur  donner  une  copie  de  l'almanach 
impérial  et  des  pièces  de  soie  [en  nombre  vaiiable]  suivant  leur  grade. 
En  même  temps,  le  ministère  des  Finances  fit  savoir  (ju'un  navire  avec 
des  marchandises  leur  appartenant,  était  arrivé  à  Ts'iuan-tcheou  [du 
Fou-kien]  et  voulait  leur  faire  payer  des  droits;  mais  l'empereur  pres- 
crivit de  ne  lùen  leur  l'aire  payer. 

En  1873,  le  roi  '\^  B  f^  M  f^l  ^  Ta-ma-clia-na-a-tch(i  '' 
envoya  des  ambassadetiis  pour  porter  le  tribut,  avec  une  lettre  spéciale 
de  félicitation  pour  le  nouvel  an  suivant. 

A  cette  époque,  il  y  avait  tiois  i-ois  dans  ce  pays. 

En  1874,  le  roi  ^  M  ^^è  ^  ^^  ^  Ma-na-ha  Pao-lin-pang  [-Ma- 
haraja de  Palembai'i  |  envo\a  des  ambassadeurs  pour  apporter  le  tribut, 
ce  qu'on  fit  également  le  1"  mois  de  l'année  suivante. 

Au  9°  mois  de  l'année  1875.  le  roi  appelé  fW  {fHI  ^1  ^  M  ^^^^g- 
h'ia-lie-yii-lan  '''  envoya  des  ambassadeurs  pour  apporter  le  tribut.  Ces 
ambassadeurs  vinrent  à  la  cour  en  suivant  un  envoyé  impérial  qui  reve- 
nait de  mission  dans  un  autre  pays. 

En  1876,  le  roi  Ta-ma-cha-na-a-tchô  mourut  et  son  fils,  ^  ^f)  ^ 
3a  ^  Ma-na-tcho  Mou-li  [=  Maharaja  VVuli  ou  Wuni?]  lui  succéda. 
L'année  suivante,  ce  dernier  envoya  en  tribut  des  cornes  de  rhinocéros, 
des  casoars,  des  singes  blancs,  des  perroquets  noirs  et  verts,  de  l'écaillé 
de  tortue,  du  girolle,  du  camphre  de  Baros  et  d'autres  objets.  Les 
ambassadeurs  dirent  que  le  fils  n'osait  pas  monter  sur  le  trône  de  sa 
propre  autorité,  c'est  pourquoi  il  en  demandait  la  permission  à  la  cour 
impériale.  L'empereur  fit  l'éloge  de  son  sentiment  du  devoir  et  ordonna 
à  des  envoyés  impériaux  de  lui  poiter  un  sceau  H  un  brevet  de  roi  de 
San-fo-ls'i. 

Cependant,  à  celte  époque,  San-fo-ts'i  avait  été  déjà  conquis  par  )^ 


f')  GiiOKNKVELDT  a  lu  inexactement  Td-ma-cha-na-a. 

•*)  D'après  le  Yuan  cke  (XXIX,  aa";  XXX,  p,*,  90°),  le  loi  de  Ja\a  cnvova 
en  i325,  en  ambassade  en  Chine,  un  ministre  appelé  ^  ]|i|J  f^  jjjff  ^  .{{f^ 
Si-la  iSeng--A;ù(-/î-î/fi  =  javanais  Sira  San  kaUija  (1).  Kn  i332,  unt-  autre  ambas- 
sade avait  à  sa  tète  un  ministre  du  ni)ni  de  f^  ^\\  ]^|J  >SV///;  k'ia-la,  lill.  Saii 
Gala  (ou  Kala)  (Yuan  clio ,  XXX,  ai';  XXXVl,  ^1'').  Comme  l'a  conjecturé 
WocKHUA.  [Notes  on  the  velalions  and  Irade ,  dans  T'ouitjr  pao,  t.  XV,  191 '1, 
p.  yiti-Viy),  il  s'a{jit  1res  vraisemblablement  du  même  personnage.  Le  nom 
fie  I  ambassadeur  javanais  est  sans  doute  le  même  ([ne  celui  du  roi  flu  San-fo- 
is  I .  niais  i(>   iTmi  pas  n'iissi  à  les  res[iluer. 


20  JUILLKT-SEPTEMBRE   1922. 

P^  Tchao-wa^''.  Le  roi  de  ce  dernier  pays  apprenant  que  l'empereur 
de  Chine  avait  nommé  un  roi  de  San-fo-ts'i,  en  fut  extrêmement  irrité; 
il  envoya  des  gens  qui  guettèrent  au  passage  et  assassinèrent  les  envoyés 
impériaux.  L'empereur  ne  pensa  pas  qu'il  fut  juste  de  punir  le  roi  de 
Java  pour  cela. 

Après  cet  incident,  San-fo-ts'i  devint  de  plus  en  plus  pauvre  el  on 
n'apporta  plus  le  tribut  de  ce  pays. 

En  1897,  ^^^  fonctionnaires  du  ministère  des  Rites  adressèrent  un 
mémoire  à  l'empereur,  disant  que  différents  Barbares  n'avaient  |i.as 
apporté  le  tribut  depuis  longtemps. 

L'empereur  répondit  en  ces  termes  :  ffAu  commencement  de  mon 
règne,  les  différents  Barbares  envoyaient  sans  cesse  des  ambassadeurs 
avec  le  tribut;  parmi  ces  Barbares  étaient  les  pays d'Annani ,  du  Campa, 
du  Cambodge,  du  Siam,  de  Java,  de  Lieou-k'ieou '"',  de  San-fo-ts'i,  de 
[la  côte  septentrionale  de]  Bornéo,  de  Pahan,  de  [l'état  de]  Sumatra 
[sur  la  côte  nord-est  de  Tile  du  même  nom]  et  de  beaucoup  d'autres 
pays;  mais,  récemment,  San-fo-ts'i  se  prévalut  de  la  révolte  de  Hou 
W'ei-yong  et  induisit  en  erreur  nos  envoyés  dans  ce  pays  par  de  faux 
rapports.  En  apprenant  cela,  le  roi  de  Java  envoya  des  gens  pour  ftùre 
remarquer  aux  envoyés  impériaux  qu'ils  avaient  été  trompés  et  on  les 
renvoya  [en  Chine]  avec  la  plus  grande  courtoisie.  Depuis  cette  époque, 
les  relations  commerciales  ont  cessé. 


')  Le  Trio  iji  Icltc  lio  de  \\ ma  Ta-tuan  (i^'ig)  contient  une  notice  consa- 
crée ù  Tchao-wa  =  Java  —  Hockhill  (ISoli'S  on  the  re](iti(»m  and  Uaile ,  dans 
Toun^  ■pan,  t.  XYI,  191 5,  p.  fl36)  a  iniprimô  la  leçon  fantive  hal)ilnello  f^ 
pi  Koua-wa  ponr  J^  \  Tchao-tra  qni  est  sans  donle  celle  du  texte  chinois 
—  on  il  est  dit  :  r  C'est  le  royaunu>  do  [^  ^  (Jië-p'o  d'autrefois. 75  La  gra- 
phie [^  ^  so  prononçait  sons  les  T'ang  *Z'a-h'^a 'CZ.Jawa;  au  xiu°  siècle, 
ces  deux  caractères  avaient  nnc  prononciation  à  peu  près  identique  à  celle  du 
chinois  mandarin  moderne  :  Chô-p'o,  qui  n'avait  plus  qu'une  lointaine  relation 
phonétique  avec  le  nom  de  la  grande  ile  indonésienne.  Par  un  louahle  souci 
de  rendre  aussi  fidèlement  que  possible  le  loponynie  étranger,  les  Chinois 
adoptèrent  une  nouvelle  transcription  :  Tchau-wa,  phonétiquement  Cao-wa, 
qui  représente  exactement  Jnwa ,  au  timbre  do  la  palatale  près,  sonore  eii 
indonésien ,  sourde  en  chinois.  L'entiploi  du  caractère  ^  Ichag  <  indonésien 
ja ,  répond  à  une  particularité  de  l'euphonie  chinoise  d'après  laquelle  on  choi- 
sit de  prélV-rence  un  mot  dont  le  phonème  final  soit  en  harmonie  avec  l'ini- 
tiale de  la  s\Uahe  suivante,  soit  Iclia-n  -\-  tva  —  jaiva. 

(')  Sur  ce  pays,  cf.  l'appendice  I  de  mon  mémoire  Malaha ,  Iv.  Malâiju  et 
Ahiiâiiiir.  dans  ./.    I.v. .  Xi'  s(''rie,  t.  XII,  191B,  p.   lofi  i!<!j. 


i;kmpihe  slimatranais  dk  (;rïvi.i\y\.  27 

ffLes  (liiïdieiils  [)ays  u'out  pas  la  même  menlalitë  :  rAnuam,  le  Campa, 
le  Cambodge,  le  Siam  cl  le  Lieou-k'ieou  se  rendent  à  la  cour  et  apportent 
le  tribut  comme  par  le  passe;  mieu.v  encore,  le  Lieou-k'ieou  a  envoyé 
des  jeunes  gens  qui  viennent  s'instruire  ici.  Toutes  les  fois  que  les  pays 
barbares  envoient  des  ambassadeurs,  ceux-ci  sont  toujours  traités  avec 
courtoisie  et  Je  ne  suis  eu  aucune  façon  indinereiit  à  leur  égard;  mais, 
actuellement,  Je  ne  connais  pas  leur  mentalité.  Si  Nous  envoyons  actuelle- 
ment des  porteurs  de  message  à  Java,  il  est  à  craindre  que  San-fo-ts'i 
ne  les  arrête  en  route.  Je  suis  informé  que  ce  San-fo-ts'i  était  initiale- 
ment un  pays  appartenant  à  Java.  Prenez  donc  note  de  ma  manière  de 
voir  et  faites-en  part  au  Siam,  en  lui  enjoignaul  de  la  faii'e  connaître  à 
Java. y 

Sur  ce,  le  ministère  des  Rites  envoya  une  lettre  ainsi  conçue  : 
ff Depuis  que  le  ciel  et  la  terre  existent,  la  différence  entre  souverain  et 
sujet,  entre  baut  et  bas,  a  toujours  existé.  Les  pays  qui  se  trouvent 
autour  de  la  Cbine  sont  réunis  en  un  seul  par  notre  gouvernement  et 
autrefois  les  différents  Barbares  d'au  delà  de  la  mer,  venaient  régulière- 
ment jouir  de  son  indiience.  Actuellement,  le  San-fo-ts'i  a  eu  de  mau- 
vaises intentions,  il  a  trompé  nos  fidèles  envoyés  impériaux  et  s'est 
rendu  coupable  de  trahison.  Notre  saint  Empereur  traite  tous  les  Bar- 
bares avec  la  même  bienveillance  et  justice;  comment  osent-ils  être 
ingrats  pour  ces  hautes  faveurs  et  oublier  les  devoirs  d'un  sujet  envers 
son  prince?  Si  la  colère  de  l'empereur  est  éveillée,  il  peut  envoyer  une 
armée  de  cent  mille  hommes  pour  mettre  à  exécution  la  punition  flu 
ciel,  ce  qui  lui  est  aussi  facile  que  de  retourner  la  main.  Pourquoi  les 
Barbares  ne  se  rappellent-ils  pas  de  cela?  Notre  saint  Empereur  a  dit 
que  l'Annam,  le  Campa,  le  Cambodge,  le  Siam  et  le  Lieou-k'ieou  rem- 
plissent leurs  devoirs  de  sujets,  mais  le  San-fo-ts'i  seul  se  retourne 
contre  les  saintes  instructions  de  rËm|)ereur.  Quoiqu'il  soit  plus  petit 
que  les  autres  pays  précités,  il  se  risque  à  être  rebelle  :  il  sera  aiusi  la 
cause  de  sa  propre  ruine.  Mais  vous,  Siam,  comme  vous  remplissez 
respectueusement  vos  devoirs  de  sujet;  comme  le  gouvernement  prescrit 
parle  Ciel  vous  a  en  grande  estime,  il  vous  confie  le  soin  d'informer 
Java  que  ce  derniei'  pays  doil  parler  au  San-fo-ts'i  de  ses  devoirs  [envers 
l'empereur]  et  de  lui  faire  savoir  que  si  celui-ci  modifie  ses  mauvais  pro- 
cédés, il  seia  aimablement  reçu  à  la  cour  comme  par  le  passé. i^ 

A  celte  époque,  Java  avait  conquis  le  San-fo-ts'i  tout  entier  et  changé 
son  nom  en  celui  de  ^  f^  Kieou-kiang ''\  Lorsque  le  San-fo-ts'i  fut 

(')    l,il(.  -le  \i('il  csliiaircj) ,  le  vieux  pciil. 


'2^  jriLLRT-SEPTEMBRE    1922. 

batln,  il  y  eut  (Ips  troubles  dans  tout  le  pays  et  les  Javanais  ne  purent 
pas  l'occuper  enlièrenient.  En  raison  de  cela,  les  Chinois  qui  étaient 
établis  là.  se  révollèrent  pour  leur  propre  compte,  et  un  Cantonnais  de 
Nan-liai,  appelé  ^  y^  \])]  Lean^  Tao-ming,  qui  avait  vécu  pendant 
longtemps  et  erré  sur  la  mer,  et  qui  avait  l'appui  de  plusieurs  milliers 
d'hommes  du  Fou-kien  et  de  Canton,  fui  choisi  par  eux  comme  chef. 
11  régna  comme  maiire  d'une  partie  du  pays,  et  son  (ils  tjui  rencontra, 
une  fois,  un  anibassadeui-  impérial  envoyé  en  mission  hors  de  Chine, 
fut  amené  par  celui-ci  à  la  cour. 

En  iAo5,  l'empereur  envoya  un  porteur  de  message  qui  était  origi- 
naire de  la  même  ville  que  Leang  Tao-ming,  invitant  le  chef  chinois  de 
San-fo-ts'i  à  se  présenter  à  la  cour.  Tao-ming  et  son  allié  §5  f 0  Pf 
Tcheng  Po-k'o  suivirent  l'envoyé  impérial  et  apportèrent  en  tribut,  des 
produits  du  pays  à  la  cour.  Ils  revinrent  ensuite  [dans  leur  pays]  après 
avoir  reçu  de  nom])reux  présents. 

En  i4o6,  le  chef  [chinois]  de  Kieou-kiang,  appelé  f^  )p£  ^  Tch'en 
Tsou-yi.  envoya  son  lils:  Tao-ming  envoya  son  neven  qui  se  rendirent 
ensemble  à  la  cour.  Tsou-yi  était  également  un  Cantonnais  et  quoiqu'il 
envoyât  le  tribut  ;i  la  cour,  il  se  livrait  en  même  temps  à  la  piraterie; 
les  ambassadeurs  d'autres  pays  qui  ap])oitaient  le  tribut  en  Chine  en 
souflfrirenl  beaucoup. 

En  1/107.  1  envoyé  impérial  Tcheng  Ho''^  qui  revenait  d'Occident, 
le  convoqua  par  un  porteur  de  message.  Tsou-yi  feignit  d'obéir  à  cet 
ordre,  mais  il  se  prépara  secrètement  à  dévaliser  aussi  Tcheng  Ho. 
Celui-ci  en  fut  prévenu  par  un  autre  Chinois  aj)pelé  f^  j^  j^^  Che 
Tsin-k'ing,  et  lorsque  Tsou-yi  l'attaqua,  il  le  lit  |)risonnier,  l'amena 
à  la  capitale  oii  il  fut  exécuté.  En  même  temps,  Tsin-k'ing  envoyait 
son  gendre  apporter  le  tribut;  sur  quoi  l'empereur  donna  l'ordre  de 
créer  un  bureau  de  Pacificateur  de  Kieou-kiang  et  nomma  Tsin-k'ing 
à  ces  t'onctions.  Par  ordre  impérial,  on  remit  à  ce  dernier  un  sceau,  un 
chapeau  et  une  ceinture  [comme  insignes  de  ses  fonctions],  et  depuis 
lors  le  tribut  fut  apporté  à  la  cour  à  plusieurs  reprises.  Quoique  Tsin- 
k'ing  ait  reçu  une  commission  de  l'empereur,  il  était  en  même  temps 
soumis  à  Java.  Le  teriitoire  de  son  gouvernement  n'était  pas  étendu  et 
n'était  en  rien  comparable  à  celui  de  l'ancien  San  fo-ts'i. 

En  ilmh,  le  (ils  de  Tsin-k'ing.  appelé  '^  ^  ^^,  Che  Tsi-souen, 
fit  savoir  que  son  père  ('tait  mort  <'t  demandait  l'autoiisation  de  lui  suc- 

'•'  Sur  ce  réldirc  ('unii(|U(' et  imiliassiidi'iir  iiii|i(Mi;ii,  cf.  llix.kini.i.,  Ae/cs  <>» 
l'iC  )cl(ilii)iis  (nul  Ifdih' .  T'iiuiiir  1)1111.  I.   \\[,    KtlT),  |).  <Si. 


1;KM1MI{K  SU\l\Tli\NVI.S  l)K  (;hi\ijv^\.  29 

cëder  :  elle  lui  luL  accurdec.  ivi  i^i-).ô,  il  envoya  des  anil»asHi;l('ui'.s 
pour  apporter  le  tribut.  Ceux-ci  dirent  que  l'ancien  sceau  avait  été  dé- 
truit dans  un  incendie;  sur  quoi  l'empereur  ordonna  d'en  donner  un 
nouveau.  Depuis  lors,  le  tribut  fut  graduellement  apporté  plus  rare- 
ment. 

Vers  la  fin  de  la  |)ériode  lia-ising  (iSaa-iSôC)),  le  fameux  bandit 
cantonnais,  i^^  1^^.  Tcliang  Lien,  causa  des  troubles;  mais,  au  bout  de 
quelque  temps,  les  officiers  de  l'armée  firent  savoir  cju'ils  l'avaient  cap- 
turé. En  1577.  ^^^  marcliands  venus  à  Kieou-kiang-  virent  que  cet 
bomme  y  avait  une  rangée  de  boutiques  et  était  le  maître  de  navires 
indigènes;  un  grand  nombre  de  Cbinois  du  Fou-kien  lui  étaient  attacbés 
et  il  était  une  sorte  de  surintendant  du  commerce  avec  la  Chine. 

Ce  pays  est  un  endroit  de  grande  importance  pour  le  commerce  des 
Barbares.  Il  est  situé  à  l'ouest  de  .lava  d'où  on  y  arrive,  avec  vent  favo- 
rable, eu  huit  jours  de  voyage  environ.  Le  pays  est  divisé  en  quinze 
districts;  le  sol  est  fertile  et  propre  à  l'agriculture;  d'après  un  dicton 
local  :  frSi  vous  plantez  du  riz  une  année,  vous  avez  de  l'or  pour  trois 
ansfl  ,  ce  cjui  veut  dire  que  la  récolle  est  abondante  et  peut  être  vendue 
pour  beaucoup  d'argent. 

Les  gens  riches  sont  très  adonnés  à  la  débauche. 

Les  habitants  de  ce  pays  sont  habiles  à  combattre  sur  l'eau  :  aussi 
leurs  voisins  les  craignent-ils. 

Le  pays  est  abondamment  fourni  de  [cours  d'Jeau.  Les  chefs  vivent  à 
terre;  le  peuple  habite  sur  la  rivière;  dans  ce  but,  on  construit  les  mai- 
sons sur  des  radeaux  qui  sont  attachés  à  des  pieux  de  telle  façon  que 
lorsque  la  marée  monte,  les  radeaux  s'élèvent  sans  être  submergés 
Lorsqu'on  veut  changer  de  place,  on  arrache  les  pieux,  ce  qui  ne  coûte 
pas  beaucoup  d'argent  ni  de  travail. 

Les  basses  classes  donnent  à  leiu's  supérieuis  le  titre  de  @  ^. 
tclmn-pei'',  ce  qui  a  le  même  sens  (jue  cr souverain  "du  pays-'.  Postérieu- 
rement, l'endroit  oii  le  premier  chef  vécut  fut  appelé  également  Tchan- 
pei  ■'. 

L'ancienne  capitale  du  pays  a  été  changée  en  [l'actuel  |  Kieou-kiang. 
Autrefois,  le  pays  était  riche;  mais  dc|)uis  sa  con(|uéte  par  Java,  il  est 
devenu  de  [)lus  on  plus  pauvre  et  peu  de  navires  marchands  s'y  rendent. 

(')    Vide  xupni ,  p.   i() ,  11.  3. 

(■-)  G'csl-à-dirc  .lamhi,  au  nord  di\  Palonilian,  qui  rorrospoiul  j;<''((j;ra[ilii- 
qucniciil  au  Maiàui  de  Yi-lsiujf.  VA',  mon  iiK'moIre  Malalm,  le  Mulaija  cl  Mata- 
yur,  dans  ./.  As.,  mai-juin  et  juillcl-aoril    i<)iS. 


;{0  J  U I L L  K  T- s  E  P T  K  M  B RE  ;1  U  '2  2. 

Ses    coiitiiines   et    ses    produits  ont    été   décrus    dans    rilisloiie   des 
[seconds j  Song''^. 


TaO  17   TCIIE  Lin  (le  W  ANG  Ta-^  L'AN   (  iS/l^  ). 

^'.'1  \-/'o-r.s'/. 

X\ll.  Eu"'  jiailaiil  du  détroit  de  Long-ya  f|  ^  P^  ' ,  on  arrive 
dans  ce  pays  après  un  voyage  de  cinq  jours  el  cinq  nuits. 

Beaucoup  de  gens  ont  pour  nom  de  famille  ^  pou  '",  Ils  aiment  à 
se  battre,  sur  mer  et  sur  terre.  Les  combattants  avalent  une  drogue  qui 
empécbe  les  épées  de  les  blesser.  Ce  sont  ainsi  les  gens  les  plus  auda- 
cieux du  monde. 

Le  pays  a  une  population  dense;  la  terre  est  fertile  et  splendide;  le 
climat  est  chaud.  Au  printemps  et  pendant  l'été,  il  pleut  continuelle- 
ment. 

Les  coutumes  y  sont  bienséantes  et  pures.  Hommes  et  femmes  coiffent 
leurs  cheveux  en  chignon  et  portent  une  courte  chemise  bleue  en  coton  ; 
ils  s'enveloppent  dans  une  pièce  d'('toffe  de  coton  [provenant  (?)]  de 
Tong-tch'ong  ^  /'l'  ^  •  Comme  ils  aiment  la  propreté,  ils  mettent  leurs 
maison  sur  des  charpentes  [llottaut]  sur  l'eau  *^'.  Ils  recueillent  les 
huîtres  pour  en  faire  du  S^  tcha  '-^K  Ils  font  bouillir  l'eau  de  mer  pour 
faire  du  sel  et  font  feimenter  le  riz  giutineux  f)ft  poui'  f^ùre  du  vin.  Us 
ont  un  souverain. 

Les  produits  indigènes  sont  la  fleur  de  prunici-.  les  morceaux  de 


'■)   Vide  supra,  p.  i5  el  sulv. 

(-)  D'après  W.  W.  Rgckhill,  ]\(iles  ou  ihe  rdalinus  und  Intdc  o/'  CJdim  ivilli 
tke  Eustt-iii  Arckipelugo  and  tlie  coasl  of  ike  Indian  Océan  duruig  ihf  fourlmitli 
ceidurij,  dans  T'ou7ig  pao,  t.  XVI,  1916  ,  p.  1 3  A- 1/10. 

(^i  \insl  (jut!  Ta  moulré  Rockuill  (/oc.  cit.,  p.  129,  n.  2),  ii  s'agit  ici  du 
détroit  de  Singapour,  alors  que  le  ^  :^  P^  Ling-ya  men  du  Tchou  fan  tche 
{vide  supra,  p.  9)  «le  détroit  de  Ling-ya 5),  désigne  le  détroit  de  linga.  Le 
Long-jin-nicn  dn  Tao  yi  tche  lio  signifie  littéralement  ^détroit  de  la  dent  du 
dragon".  Rockuill  situe  inexactement  San-fo-ts'i  à  Jamhi;  c'est  Palemban 
qu'il  faut  lire. 

(*)    Vide  supra,  p.  16,  n.  !i. 

(^)    Vide  supra,  p.  99  et  9. 

(*)  Sorte  de  condiment  colonial  appelé  en  anglais  chulney.  Cl.  11ouso.n-Joi!- 
8ON,  s.  v°  Chtiinf. 


L'EMPÏUE  SUMATIIVNAIS  DE  ÇUÎVIJAVA.  .'51 

camphre  de  qualité  moyenne,  le  bois  de  la(]iie,  la  uoix  d'arec,  les 
étoffes  de  colon  et  du  bois  artistiquement  sculpté. 

Les  marchandises  qu'emploient  [les  Chinois]  pour  faire  du  com- 
mei*ce  sont  :  les  taffetas  de  couleur,  les  perles  rouges,  les  châles,  les 
étoffes  de  coton  de  couleur,  les  marmites  en  cuivre  et  en  ter  el  d'autres 
encore. 

D'après  une  ancienne  tradition,  [une  i"ois,J  la  terre  s'ouvrit  subite- 
ment et  plusieurs  myriades  de  bœufs  en  sortirent.  Les  gens  s'en  empii- 
rèrent  et  les  mangèrent;  puis,  ils  prirent  des  bambous  et  comblèrent 
[la  crevasse]  pour  toujours  '''. 

^  f^    KlEUU-KlA.\G. 

XXllI.  [En  partant]  de  ]'^î  f^  Tan-kiang,  on  pénètre  dans  le  ^ 
^  P^  détroit  de  P'eng-kia  [=Banka]'''.  Les  habitants  se  servent  de 
[radeaux  en]  bambous  au  lieu  de  bateaux.  Le  long  des  routes,  il  y  a 
beaucoup  de  pagodes  en  briques.  Le  profit  qu'ils  retirent  de  leurs 
champs  est  le  double  de  celui  des  autres  pays.  C'est  un  dicton  populaii'e 
que  si  du  grain  est  planté  une  année ,  la  troisième  année  il  pousse  de 
i'oj';  ceci  veut  dire  que  le  grain  a  été  changé  en  or.  Au  bout  d'un  cer- 
tain temps,  des  gens  de  l'Océan  occidental  ayant  entendu  parler  de  la 
fertilité  du  sol,  vinrent  dans  des  navires  et  prirent  dans  les  champs  un 
morceau  de  l'os  de  la  terre  (i^  09  1^  /2  ifc  *M')  pour  le  transporter 
dans  leurs  propres  champs  et  établir  ainsi  des  relations  entre  eux  et  ce 
pays  (  JLU  B§  {^  ffl  ^  ^  W<)'->  niais,  quoi  qu'ils  aient  planté  du 
grain,  l'or  des  champs  de  Kicou-kiang  ne  poussa  pas.  Ceci  est  une 
étrange  chose  *^'  1 

Le  climat  est  plutôt  cliaud.  Hommes  et  femmes  coiffent  leurs  cheveux 
en  chignon  et  portent  un  pagne  de  coton  blanc.  Ils  font  bouillir  l'eau  de 


'')   Vide  supra,  p.  12. 

Î-)  tr C'est-à-dire  :  :tQuan(i  on  quitte  l'embouchure  de  la  rivière  de  JaiiiLi 
trou  Suni  Sunsan  (appelé  ici  «l'estuaire  à  i'oau  douce»  ou  Tan-kiang),  on  entre 
firabord  (en  se  rendant  dans  la  mer  do  Tava)  dans  le   di-lioit  do   Banka.-^ 

(HoCKniLL.) 

W  «Le  Toiig  si  yaiig  k'ao  (3,  l'i")  dit  :  «Kicou-kiang  ('lait  appelé  |^  -j^ 
«îrto  t'ou  «le  pays  fertile,  parce  que,  trapros  le  dicton,  si  on  sème  du  grain 
une  année,  la  troisième  année  [suivante],  il  pousse  de  Tor;  ce  qui  veut  dire 
«que  les  n'coltcs  y  étaient  si  abondantes  ([u'on  en  retirai!  beaucoup  d'or  en  les 
«vendant.-'  (Ivocmmll.)  Vide  miprn ,  j).  99. 


32  JUILLET-SËPTKMBRE    19!>-i. 

mer  pour  en  laii-e  du  sel  et  font  fernienlorle  jus  de  la  noix  de  coco  pour 
en  faire  du  vin.  Ils  ont  un  souverain. 

Les  produits  indigènes  sont  :  le  bois  d'aloès.  le  parfum  ^  |^  Lin- 
(//«'',  du  coton  supérieur  à  celui  de  tous  les  autres  pays  élrangers,  de 
la  cire  d'abeille,  du  hiang-tchen  de  qualité  inférieure,  de  très  grands 
buceros'"'  et  du  bois  d'aloès  de  qualité  moyenne. 

Les  marcbandises  qu'emploient  [les  Chinois]  pour  faii-e  du  commeice 
sont  :  de  petites  perles  colorées  de  f^  ^  X.  i'k  Men-pang  (?) ,  des  ||ft 
J^  fJ£  noyaux  de  hi-lin  (?),  des  objets  en  porcelaine  de  Tch'ou-[tcheou- 
fou],  des  chaudrons  de  cuivre,  des  étoffes  de  coton  de  couleur,  de 
grands  et  petits  récipients  pour  l'eau,  des  pots  et  d'autres  choses  encoie. 

YiyG   Y  Al  CHEXG  LAN  de  Ma   HoiAN   (  1 /|  9  5-1  â  3  2  ?). 
KlEOU-KIANG. 

XXIV.  On  l'appelait  anciennement  San-fo-ts'i,  On  l'appelle  également 
î'$ '/H^  ^  Po-bn-pang  [— Palemban]  et  il  est  sous  la  dépendance  de 
Tcbao-wa  (Java).  A  l'est,  [ce  pays]  est  contigu  à  Tchao-wa;  à  l'ouest, 
à  f^  $lj  ijli  Man-la-kia  [=Malaka] '^';  au  sud,  se  trouvent  de  hautes 
montagnes  et  au  nord-ouest,  il  s'étend  jusqu'au  bord  de  la  mer.  Les 
navires  (venant  de  Kieou-kiang)  entrent  dans  le  \'^  f§  Tan-kiang 
fTestuaire  à  l'eau  douce ";  puis  à  ^^  P'eng-kia  [=Banka|.  lis 
doivent  transborder  sur  de  petits  bateaux  pour  remonter  le  [Tan-]kiang 
et  atteindre  la  capitale  ''^\ 

''  «Lo  kin-yin  hiaiig,  litt.  «encens  d'argent  et  d'or»,  en  malais  kcmanjan, 
[Hre  :  këininan,  cf.  Favhe,  Dict.  mnhiis-fraurais ,  sub  verbis^^y^,  ^Jir^,  (j;>-^J> 
est  le  benjoin  doux;  voir  Hiuth  et  Rockuill  {Chati  Ju-ktia.  p.  198  [où  il  est 
appelé  ^  il^  ^  klii-iicii-hiaiig  ftcucons  do  couleur  d'or^];  le  Tong  si  ymg 
k'ao  (3,  17  a]  monlionnc  le  nnphte  ^^  >/^  ^  parmi  les  produits  de  Kicou- 
kian|j.r>  (RockiiiLi..  j 

'-'  Pour  la  description  de  cet  oiseau,  vide  inj'ra,  X\l\,  p.  3'i. 

'^)  Ma  HoiAN  oriente  Sumatra  de  lesta  l'ouest,  alors  que  l'orienlaliou  de 
l'ilc  est  du  nord  au  sud.  Une  erreur  idenlicpic  a  été  commise  par  le  mu'aUim 
arabe  Ibn  Majid  (ms.  2292  de  la  Bibliothèque  Nationale),  qui  a  rédigé  ses 
Instructions  nautiques  dans  la  seconde  nioilié  du  \V'  siècle  et  par  SdlaymAn  al- 
Mahiiî,  autre  auteur  iV Instructions  nautiques  dr  la  première  moitié  du  xvi°  siècle 
(ms.  2559  du  môme  fonds). 

'•''>  Telle  est  riiilerprétation  de  R'Xkim.i, ,  mais  elle  doit  être  recliliée  ainsi  : 
Le>i  navires  \eniml  de  Kieou-kiauj;  =  Palembaù  doivent  suivre  le  détroit  de 


L'EMiniu-:  s(i\i\'i'iî\NAis  dk  ciîivuwa.  33 

Un  grand  nomhro  dos  habilanls  sont  des  immigrants  de  Canton,  de 
Tdiang-tcheou  et  de  Ts'iuan-tclieou  [,  ces  deux  derniers  au  Fou-kien|. 

Le  pays  est  fertile  et  la  population  dense.  Le  sol  est  bon  pour  la 
cullure.  D'après  nn  dicton  populaire,  si  on  cnllive  le  sol  une  saison,  la 
troisième  saison  on  récolte  du  riz  ij^  IfJ  ;  le  mot  1(^  clioii  signifie  ff  mois- 
sonner lin  grand  espace i  '''. 

Il  y  a  [dans  ce  pays]  beaucoup  plus  d'eau  que  de  terre.  Les  liabilanis 
sont  adonnés  au  combat  sur  l'eau.  Les  maisons  des  hauts  fonctionnaires 
sont  seules  sur  les  berges  de  la  rivièi-e;  le  peuple  vit  disséminé  sur  des 
radeaux  en  bambous  attachés  à  des  racines  d'arbres  ou  à  des  pieux;  ces 
ladeaux  suivent  le  mouvement  de  la  marée,  du  flot  et  du  jusant'''. 

Les  mœurs  et  coutumes  '''  et  la  langue  sont  les  mêmes  qu'à  Tchao-wa 
(Java). 

Sous  le  règne  de  l'empereur  Hong-wou  (des  Ming,  iSôS-iSgS),  il  y 

Bai'ika,  puis,  culrer  diius  le  Tan-kiang  ou  ostuaire  de  la  rivière  de  Jamhi.  Là, 
ils  transbordent  sur  de  pclils  bateaux  pour  remonter  la  rivière  de  Jambi  cl 
atteindre  la  capitale.  Le  texte  du  Yivif  yai  cheng  lan  traduit  par  Groeneveldt 
(i\o/rs,  p.  197),  précise  que  le  transbordement  s'eflectue  «près  d'un  endroit 
où  se  trouvent  de  nombreuses  pagodes  construites  on  briques^?. 

"'  frTout  le  sel  de  l'histoire  a  dispara  dans  celte  version  [vidn  f:upraf 
p.  !!()].  Au  lieu  de  «on  récolte  de  rizn  on  devrait  avoir  nalurcllemonl  rron 
récolte  de  Vqw,  Ralph  Fiit.h  qui  écrivait  dans  le  dernier  quart  du  \vi°  siècle, 
dit  en  j)arlant  de  Jambi  :  ^Jamba  is  an  Island  among  the  Javao  also,  from 
wlience  corne  diamants.  And  Ihe  king  hath  a  masse  of  earth  which  is  golde; 
if  growclh  in  Ibe  middie  of  a  river  :  and  wben  the  king  doth  lacke  gold,  they 
eut  part  of  the  earth  and  mell  il,  wbereof  coramelh  golde.  This  masse  of  earth 
dolh  appeare  but  once  in  a  yeare;  which  is  wlien  the  water  is  low  :  and  this 
is  in  the  month  of  Aprili  (Hvklijvt,  Principal  iSavigalions,  V,  ^99;  Hakluijl 
Soc.  édit.).  Ceci,  conclut  Hockhill,  est  évidemment  une  autre  version  de  cette 
tradition. '1  (IIockiiii.i,.)  Le  texte  traduit  par  Groeneveldt  {Notes,  p.  197)  a, 
plus  correctement  :  frLes  gens  de  ce  pays  sont  très  riches,  car  le  sol  est  très 
fertile.  Un  dicton  populaire  dit,  en  effet  :  (? Quand  quelqu'un  sème  pour  une 
(tonnée,  il  peut  récolter  pendant  trois  ans<i,  ce  qui  n'est  pas  exagéré  du  tout.'>5 

'-)  S'élevant  avec  le  flot,  s"a!)aissant  avec  le  jusant.  Le  texte  traduit  par 
Gr.oKNKVKt.DT  {\ole.i,  p.  197)  ajoute  ici  :  rrljorsque  les  habitants  de  ces  mai- 
sons llotlanles  veulent  s'en  aller  cl  aller  vivre  dans  un  autre  endroit,  ils 
nri'achent  les  poteaux  [auxquels  elles  sont  attachées]  et  se  déplacent  avec  leur 
maison  tout  entière,  ce  (pii  est  très  commode.  La  rivière  a  deux  marées  par 
jour.i  Vide  supra,  p.  •J9. 

''*  Le  texte  traduit  par  Ghoenevei.dt  [ihid.)  ajoute  ici  •  «les  cérémonies  du 
mariage  et  des  funcVailIcs-. 


3/1  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

avîiit  à  Canton  un  homme  appelé  TchVn  Tsou-yi.  qui,  étant  proscrit, 
s'enfuit  dans  ce  pays  dont  il  devint  le  chef,  pillant  impitoyablement  les 
voyageurs  de  passage.  Sous  le  règne  de  l'empereur  Yong-lo  (  1 6o3-i  4  2  i), 
l'empereur  ordonna  à  l'eunuque  Tcheng  Ho  de  prendre  le  commande- 
ment de  la  flotte  chinoise.  Lorsqu'il  arriva  à  [ Kieou-kiang ] ,  il  y  avait 
à  Canton  un  homme  appelé  f^  jg  Che  Tsin  qui  adressa  à  Tcheng 
Ho  une  plainte  contre  [Tch'en]  Tsou-yi.  Tcheng  Ho  ordonna  à  ses 
soldats  d'arrêter  celui-ci  et  [Tch'en]  Tsou-yi  fut  décapité.  Tcheng  Ho 
donna  à  [Che]  Tsin  des  fonctions  officielles  et  là-dessus  celui-ci  retourna 
à  Kieou-kiang  dont  il  devint  le  chef.  A  sa  mort,  sa  fille  lui  succéda 
et  eut  ie  pouvoir  de  promouvoir  en  dignité  [les  gens  utiles]  et  de 
punir  ceux  qui  ne  servent  à  rien,  comme  son  père  l'avait  fait. 

Ils  sont  passionnément  adonnés  aux  jeux  d'argent,  tels  que  le  ^G,  ^ 
pa-kouei,  les  échecs,  les  combats  de  coqs,  pour  lesquels  ils  engagent 
des  enjeux  en  argent. 

Dans  les  transactions  commerciales,  ils  font  usage  de  monnaie  de 
cuivre  [chinoise],  de  [pièces]  de  cotonnade,  de  soie  et  d'autres  mar- 
chandises de  ce  genre. 

Les  produits  du  pays  sont  :  les  buceros,  le  hoimug-lien  (rhizome  du 
coptis  iecta),  le  kiang-fchcn,  le  bois  d'aloès,  la  cire  d'abeille,  le  j)arfum 
de  l.in-y'ni'^'  qui  a  l'air  d'un  objet  avec  incrustations  d'argent;  il  est 
(le  couleur  noire  avec  des  parties  blanches.  La  meilleure  espèce  est 
celle  dans  laquelle  le  l)lanc  prédomine  sur  ie  noir;  la  plus  médiocre, 
celle  qui  est  presque  noire.  Lorsqu'on  le  brûle,  ce  parhim  impressionne 
l'odorat  d'une  manière  irrésistible.  Les  Occidentaux  appelés  ^'  H 
So-li  [=Cola]  l'apprécient  fort. 

Le  buceros  t|  ]j^  ,^  est  |)lus  grand  que  le  canard.  Ses  plumes  sont 
noires  et  il  a  un  long  cou.  L'os  de  sa  tète  a  environ  un  pouce  d'épais- 
seur; à  l'intérieur  il  est  jaune,  et  à  l'extérieur  rouge;  il  est  très  joli  et 
très  estimé. 

L'[oiseau  appelé]  >A^  ^^  liouo-hi^'-  (litt.  =  poule  de  feu)  est  plus 
grand  qu'une  grue.  Son  cou  est  aussi  très  long.  11  a  une  crête  charnue 
rouge ,  un  bec  eu  pointe ,  des  plumes  de  la  couleur  d'un  mouton  noir 
(^  ^  ?),  de  longues  jambes  noires  avec  des  ergots  si  effilés  que  s'il 
blesse  quelqu'un  à  la  poitrine  celui-ci  en  meurt.  Il  mange  des  chaibons 
ardents.  Il  ne  meurt  [ms  eu  captivité. 


/''    Ville  supra,  p.  ^\-'.,  n,  1. 
'-    C'est  le  casoar. 


L'EMPIRE  StJMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAVA.  35 

Le  f  cerf  des  fe'es?)'''  (ff^  >^)  est  de  la  taille  d'un  grand  porc,  envi- 
ron trois  pieds  de  haut,  et  a  le  poil  ras,  un  groin  de  porc,  et  comme 
le  porc,  le  sabot  trifide  (sic).  Il  est  herijivore  et  n'approche  pas  des 
choses  qui  ont  une  odeur  forte. 

Leur  bétail  se  compose  de  moulons,  porcs,  chiens,  poules,  canards; 
leurs  comestibles  et  leurs  fruits  sont  les  mêmes  que  ceux  de  Tchao-\va 
(Java). 

SiNG  TCfl'.l  CUENG  LU  de   FeI  SiN. 
KlEOU-KlANG. 

W\.  L'ancien  nom  était  royaume  de  San-fo-ts'i.  On  peut  s'y  rendre 
de  Tchao-wa  (Java)  en  huit  jours,  avec  vent  favorable.  On  y  parvient 
après  avoir  pénétré  dans  l'embouchure  de  la  rivière. 

La  terre  est  très  riche,  deux  fois  plus  riche  qu'ailleurs.  D'apiès  un 
vieux  dicton,  si  on  plante  du  grain  une  année,  trois  ans  après,  il 
pousse  de  l'or;  ce  qui  veut  dire  que  le  grain  est  récolté  en  telle  abon- 
dance, qu'on  relire  beaucoup  d'or'"'.  Aussi  les  habitants  sont-Us  à  leur 
aise. 

Ils  sont  habitueilemenl  bruyants  et  très  débauchés.  lis  sont  adonnés 
au  combat  sur  l'eau. 

Il  y  a  là  beaucoup  deau  et  peu  de  terre  non  immergée.  Tous  les  chefs 
construisent  leurs  maisons  sur  les  berges;  les  personnes  de  leur  suite  et 
leurs  domestiques  sont  logés  dans  leur  entourage.  Le  bas  peuple  con- 
struit ses  maisons  sur  des  radeaux  en  bambous  qu'on  relie  à  des  pieux; 
quand  l'eau  monte,  les  radeaux  flottent  sans  danger  d'être  sidmiergés. , 
Les  habitanls  de  ces  maisons  llottantes  veulent-ils  aller  ailleurs,  ils  ar- 
rachent les  pieux  et  s'en  vont  avec  leur  maison ,  sans  peine  ni  dépense. 

Actuellement,  ce  pays  est  sous  la  souveraineté  de  Tchao-wa  (Java). 

Les  produits  naturels  sont  :  le  bois  d'aloès  des  espèces  houang-chou 
et  son,  le  bois  de  laque,  le  bois  d'aloès  de  l'espèce  ich'en,  la  cire 
d'abeille,  les  buceros.  Les  marchandises  [étrangères  qu'on  y  vend] 
îont  :  les  perles  de  couleur,  la  porcelaine  bleue  et  blanche,  les  chau- 
drons de  cuivre,  les  étoflbs  en  coton  de  couleur  et  en  soie,  le  salin  de 
couleur,  les  grandes  et  petites  jarres  en  porcelaine  et  la  monnaie  de 
cuivre  |  chinoise]. 

En  la  1.3"  ann«'e  du  règne  de  l'emporeur  Yong-lo  (iii5),  Tcheng  Ho 

*''  Ta|)ir  de  Suinalra. 

(-'    \i(U'  Hitpvu,  p.  '.\'.\  ^  n.  I. 


36  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

et  d'autres  personnes  se  rendaient  avec  une  (lotte  [chinoise  |  à  l'étranger. 
Le  pirate  Tcli'en  Tsou-yi  et  d'autres  qui  |)illaient  les  marchands  étran- 
gers à  San-fo-ts'i  projetèrent  de  les  attaquer;  mais  tes  commandants  de 
notre  Hotte  leur  tendirent  un  piège,  les  battirent,  prirent  les  pirates 
vivants  et  emmenèrent  les  chefs  à  l'empereur.  Depuis  lors,  du  nord  au 
id  et  de  l'est  à  l'ouest  des  mers  intéiieures  et  extérieures,  la  tranquil- 
le régna  partout. 

ToXG  SI  YAXG  k'aO  (  l  6  1  8  ). 

XXVÏ.  (Livre  m.)  Lorsqu'un  navire  ai'rive  à  Kieou-kiang,  on  offre 
en  présent  au  roi,  des  fruits  et  de  la  soie,  en  quantité  déterminée^ 

Lorsque  les  gens  de  .lamhi  tiaitent  l'achat  de  marchandises,  le  ])rix 
convenu  est  indiqué  en  or,  mais  ils  ne  payent  qu'avec  du  poivre;  par 
exenq)le,  si  quelque  chose  conte  deux  laels  en  or,  ils  payent  celle  somme 
avec  100  piknls  de  poivre  ou  à  peu  près.  Ils  achètent  volontiers  des 
femmes  du  dehors;  des  filles  provenant  de  pays  étrangers  sont  fré- 
quemment amenées  à  Kieou-kiang  et  y  sont  vendues  contre  du  poivre. 

Ils  se  serveul  de  monnaie  en  plomb. 

San-fo-ts'i  était  anli-efois  connu  connue  un  endroit  riche;  mais,  depuis 
qu'il  a  été  conquis  par  Java,  la  capitale  a  été  abandonnée  cl  peu  de 
marchands  s'y  rendent  maintenant. 


INSCRIPTIONS    MALAISES,    SANSKRITES    ET   TA  VI  OU  LES. 

Inscription,  en  vieux-malais,  de  Kota  Kapur  dans  l'ilo  de 
Banka  (côte  sud-est  de  Sumatra),  dans  H.  Ivern,  Verspreide 
geschriflen ,  t.  \II,  1917?  I^a  Haye,  in-S",  p.  2o5  et  suiv. 

XX\  II.  (L.  9.).  .  .  Il  çiilcactir^iillln  608  dih  iinilipudit  çuhlitpdJ.sn  ciiltiii 
Vdiçaliha.  talhâlâùn  (1.  \o)  ijitii  nuiiiiiuni  siiinpiili  ini.  iiipaliiil  di  vcliiHâ  i/tih 
valu  cri  vijaija  ladwat  manfipik  ijaii  bhfiiui  jârii  tidu  bluihii  lui  çrl  vijmjii. 
ff  L'année  çaka  révolue  608  [=  686  de  notre  ère],  le  premier  jour  de  la 
quinzaine  claire  du  mois  de  vaiçâkha ,  [telle  est]  la  date  à  laquelle  cette 
imprécation  a  été  giavée.  C'est  à  celle  |  même]  époque  que  l'armée  de 
Cri  Vijaya  vient  de  partir  en  expédition  [contre]  le  pays  de  Java  [qni] 
ne  [reconnaissait]  pas  la  suzeraineté  de  Cri  Vijaya '''.n 

'■'  Pour  i'iulcrprétalion  de  ce  passade,  cf.  mon  compte  rendu  de  Le  royaume 
de    Çrinjaya   de   (À):;i>î;s,   dans  J.    A».,   jiiillot-aonl    1  f)  1  y  ,  p.    1  5:2-1 53.    Çrl- 


L'I'MPIHE  Sl\I\TinNAIS  DK  cr.lVIJVVA.  37 

D'aprrs  le  Sin  l'ang  chou  ou  iSouveUi;  histoire  des  Tatig  (  G  i  8 
()oG),  ralans  la  ^év'ioâo  chang-yuan  (GyZi-G'jB),  les  gens  du 
royaume  de  f^  (J^  Ho-ling,  nppelé  également  f^I  ^  Cho-p'o 
[^=Jawa,  Ja\a  central],  élevèrent  à  la  royauté  une  femme  nom- 
mée ^^  Si-mo  [pron.  anc.  ^SieJ'-mak  =  *Sira  Maka  ou 
Maga]'' .,  dont  le  gouvernement  plia  tout  à  la  règle;  sur  les 
roules,  on  ne  ramassait  pas  ce  qui  était  tombé.  Le  prince  des 
y^  ^  Ta-che  [  pron.  anc.  *Tâzï  ou  *Tâjik'''^^]  l'entendit  dire;  il 
fit  don  d'un  sac  d'or  qui  fut  placé  dans  une  avenue;  tous  ceux 
qui  passaient  l'évitaient  immédiatement.  Il  en  fut  ainsi  pen- 
dant trois  ans.  [Puis,]  le  prince  héritier,  en  passant,  foula  du 
pied  cet  or.  Si-mo,  furieuse,  voulut  le  faire  décapiter.  Les  mi- 
nistres intercédèrent  avec  insistance,  et  Si-mo  dit  :  k  Puisque 
«la  faute  se  trouve  originairement  dans  les  pieds,  on  peut  lui 
K couper  les  doigts  de  pied.?)  Les  ministres  intercédèrent  à 
nouveau ,  mais  on  lui  coupa  les  doigts  pour  l'exemple.  Les 

vijaya  est  menlionne  deux  autres  l'ois  daus  la  même  inscription  (1.  a  et  /i-5). 
Cf.  éjjalctiient  ^.  J.  Krom,  Epigraphische  Aaiiteekeningen.  XVI.  De  inscriptie 
vaii  Karanir  Hralii,  dans  Tijdschrift  voor  Indi.icliii  T.,  L.  en  Volkenkunde , 
deel  IJX,  t(j-20,  p.  h-26-lx'di. 

'•'  GiiOENEVKLDT  {Notss,  p.  iSq)  a  inexactement  restihK'  Snnn.  Les  rappro- 
clicnicnls  (le  IJoifkaem  avec  le  vieux-javanais  shna  {OiKlIieidkitiidige  opwer- 
laiijrfii ,  dans  Uijdragex ,  deel  ^h,  1918,  p.  \hZ  et  suiv.)  sont  donc  à  écarter. 

'"-'  rii  y  a  dans  les  Histoires  des  Tang,  comme  dans  le  Toiig  lien,  dit  Pia-  . 
MOT  {Deux  itinéraires,  p.  297),  de  longues  notices  sur  les  Ta-clie,  doii  il 
ressort  avec  la  pijis  grande  netteté  que  les  Arabes  et  les  Arabes  seuls  sont 
dési{fnés  par  ce  nom.:^  11  est  au  moins  inattendu  de  voir  les  Arabes  mentionnés 
dans  un  texte  cbinois  à  propos  de  Java,  en  07^1-675.  A  cette  époque,  le  prince 
des  Arabes  ne  ])eut  être  que  Mu'âwiya,  le  kbalife  omeyyade  do  Damas,  qui 
mourut  en  O80.  11  est  surprenant  ([ue  cctti;  dyuasiie  ait  été  connue  en 
Indoni'sii^  du  vivant  mrnie  de  son  fondateur.  Dans  les  textes  chinois,  la 
grapliii;  -^IJJ  ffij  Pa-sseu  transcrit  tantôt  le  nom  de  la  I^erse;  tantôt  le  nom  d'un 
état  indonésien  presque  homophone  de  celui-ci  (cf.  Sino-irnniea  de  D.  Laufku 
et  mon  compte-rendu  de  ce  travail  dans  J.  As.,  XI"  série,  t.  XVIll,  19:11, 
p.  379-993);  Ta-che  désigne  sûrement  les  Arabes,  mais  désigne  vraisembla- 
blement aussi  im  pays  et  un  peuple  dExtrème-Orient  de  la  région  de  llnsu- 
linde  ou  do  llnde  transgangélicpjo.  La  (|uestion  est  d  importance  et  j  y  re- 
viendrai. 


38  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

Ta-che  apprirent  cela  et   craignirent  [Si-rao];  ils  n'osèrent 
pas  lever  de  troupes  [contre  elle]  »  ^^\ 

Par  Ho-ling  également  appelé  Gho-p'o  ou  Jawa,  il  faut  en- 
tendre le  centre  de  Tile  de  Java,  ainsi  que  l'atteste  l'inscription 
de  Kalasan  (m/ra,  p.  89).  C'est  ià  que  se  situe  en  toute  certi- 
tude le  royaume  de  Si-mo.  On  conçoit  aisément  par  la  descrip- 
tion qu'en  fait  le  Siti  t'ang  chou,  qu'un  tel  royaume  ait  été 
tout  à  fait  indépendant  vers  la  fin  du  vif  siècle.  L'inscription 
de  Banka  précise,  en  effet,  que  ijoh  bhûmi  jâva  uda  hlialdi  ka 
çrlvijaija,  «le  pays  de  Java  \^=Chô-po  du  Sm  ùing  chou\  ne 
[reconnaissait]  pas  la  suzeraineté  de  (Irï  Vijaya??.  C'est  cepen- 
dant contre  cette  redoutable  Si  -  mo  ou  son  successeur  que 
l'empire  sumatranais  voisin  dirige,  en  686  de  notre  ère,  l'ex- 
pédition mentionnée  dans  la  dernière  ligne  de  la  même  inscrip- 
tion. De  la  confrontation  de  ces  textes,  on  doit  conclure  que 
l'empire  de  Çrï  Vijaya  était  plus  puissant  et  plus  redoutable 
encore  que  celui  de  la  reine  javanaise ,  car  l'expédition  attei- 
gnit son  but  :  on  verra  plus  loin  que  le  royaume  javanais  fut 
occupé  jusque  dans  la  seconde  moitié  du  ix''  siècle  par  les  (iai- 
lendra  de  Sumatra. 

Inscription  sanscrite  de  Kalasan,  près  de  Yogyakarta  (Java 
central),  de  701  çaka  =  '7'79  (cf.  J.  Brandes,  Een  nâgari-op- 
schrift  frovondcn  tiisschen  Kalasan  en  Pramhanan ,  dans  Tafjdschnft 
voor  Indische  Tanl-,  Land- en  Volkenkunde ,  Batavia,  deelXXXI, 
1886,  p.  2/10-260;  B.  G.  Bhandarkar,  a  Sanskrit  Inscriplion 
froni  central  Java,  dans  Journ.  Bomba ij  Branch  of  B.  A.  S., 
t.  XVII,  1887-1889,  part  II,  p.  1-10;  N.  J.  Kroji,  De  Sunia- 
iraanschi'  veriode  der  Javaansche  geschiedems  (leçon  inaugurale  à 
l'Université  de  Leyde),  3  décembre  1919,  p-  i3  etsuiv.  *-'. 

XXVIII.    ...  (5).  Dans  le  florissant  royaume  du  roi  qui  est  l'orne- 

(')  Dans  Pelliot,  Deux  itinéraire»,  p.  297. 
('-"    Vide  supra ,  p.  9. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏMJAVA.  39 

menl  de  la  dynastie  des  Çailendra ,  un  temple  de  Tara  a  été  construit  par 
le  guru  du  roi  de  la  dynastie  des  Çailendra  .  .  . 

(6).  C'est  lorsque  sept  siècles  de  l'ère  çaka  furent  révolus  (701  çaka 
~770)  ^^'^  ^'^  Maharaja  fît  construire  le  temple  de  Tara  pour  honorer 
le  guru. 

(7).  Le  village  appelé  Kâlasan  est  donn<^  à  la  communauté  [du 
temple]:  en  sont  témoins  les  notables  chefs  du  pays  :  paiikur,  Uwan  et 
lirip, 

(8).  Celte  incomparable  donation  en  terre,  faite  à  la  communauté 
par  le  Lion  Royal  sera  maintenue  par  les  rois  de  la  race  des  Çailendra, . . 

Cette  interprétation  n'est  exactement  ni  celle  de  Brandes  ni 
celle  de  Bhandarkar,  mais  on  a  utilisé  l'une  et  l'autre.  «Le 
(lailendra,  dit  Krom  en  résumant  ce  passage,  qui  a  fait  con- 
struire kalasan,  dit  expressément  qu'il  agit  dans  son  propre 
royaume,  donne  des  terrains  au  sanctuaire,  bref  apparaît 
absolument  comme  le  roi  du  pays  {landsvorst ,  loc.  cit., 
p.  i6)(iU 

Le  même  auteur  ajoute  : 

Un  demi-siècle  environ  avant  l'inscription  [ci- dessus]  de  Çailendra 
I ,  vers  7.30],  nous  trouvons  dans  cette  même  région  centrale  de  l'ile  de 
Java,  un  document  émanant  d'nn  tout  autre  prince,  un  prince  çivaïte 
([ui  se  donne  ex[>ressément  comme  le  roi  de  Java  et  cpii  sait  qu'il  descend 
d'un  courant  d'immigrants  venus  du  sud  de  l'Inde.  Cette  contrée  est  connue 
comme  étant  le  berceau  du  culte  du  prophète  Agastya;  aussi  a-t-on  eU' 
raison  d'établir  un  rapprochement  ■''  entre  ce  roi  de  Java  central  et  un 
autre  prince  qui,  trente  ans  plus  tard  [,  en  683  çaka  =  760],  fît  ériger 
une  image  de  ce  prophète,  mais  dans  une  toute  autre  région,  dans  l'Est 
de  Java  [,  à  Dinaya].  En  revanche,  on  constate  dans  le  centre  de  Java 
un  phénomène  remarquable  :  après  ladite  inscription  çivaïte,  et  durant 
une  péi'iode  d'un  siècle  et  demi  [,  de  7,30  à  880  de  notre  ère),  on  ne 
trouve  plus  dans  le  centre  de  Java  aucune  charte  royale  authentique,  à 
l'exception  justement  des  inscriptions  des  Çailendra.  On  connaît   un 

(»  li.É.F.E.-O.,  t.  XI\,  1919,  n"r),  p.  i3o. 

'^'  F.  D.  K.  Bosch,  De  Sansbril-inscriplif:  op  dcn  Siee»  van  Diitaja  {G8a  çaka), 
clans  ïijdschrifl  voov  hdische  T.,  L  en  Volkenkunde ,  doel  LVII,  1916,  p.  /i4i- 
khh. 


/jO  JLMLLET-SEPTKMBRK    192-2. 

nombre  assez  cousidt^rable  de  chartes,  mais  les  céfémoiiies  cons&ia- 
foires  ne  sont  jamais  accomplies  par  un  roi  :  elles  le  sont  par  un  haut 
dijpiitaiie.  Durant  cette  même  période  les  t('moignag'es  chinois  rap- 
portent bien  cpielques  ambassades  de  Java  central ,  mais  ne  disent  nulle 
pari  qu'elles  aient  été  envoyées  par  un  roi,  et  ne  donnent  plus  aucun 
nom  de  loi,  comme  ils  le  font  d'ordinaire  si  volontiers.  La  première 
explication  qui  se  préseule  provisoirement  est  que,  durant  cette  période, 
les  anciens  rois  de  Java  central  s'étaient  retirés  dans  l'Est,  Java  central 
étant  tombé  sous  la  domination  des  Çailendra  de  Sumatra,  qui  firent 
ériger  quelques  monuments  inq)ortants  en  leur  propre  nom,  mais  s'en 
remirent  pour  le  reste  à  leurs  représentants  et  aux  autorités  locales.  Le 
témoignage  des  inscriptions  favorise  donc  l'hypothèse  d'après  laquelle 
Java  central  aurait  été'  positivement  vassal  du  royaume  de  [Çrï  Vijaya 
ou]  Paieraban.  Environ  cent  ans  après  la  fondation  de  Kalasan  [,  c'est-à- 
dire  vers  880  de  notre  ère],  se  manifeslenl  les  signes  que  la  période, 
que  nous  pouvons  appeler  la  période  sumatranaise,  a  pris  fin.  De  nou- 
veau se  montrent  des  chartes  royales  d'un  caractère  indigène,  et  il  app£i- 
raît  bientôt  que  les  mêmes  princes  gouvernaient  à  la  fois  l'est  et  le  centre 
de  Java.  La  disparition  de  l'influence  sumatranaise  semble  coïncider  avec 
la  reprise  de  Java  central  par  les  anciens  rois  de  Java  établis  alors  dans 
l'Est  (/èù/.,  p.  i6-i8)''). 

Deux  textes  chinois  permettent  d'apporter  quelque  précision 
en  ce  qui  concerne  le  transfert  de  la  capitale  de  Java,  du 
centre  de  l'île  à  la  partie  orientale.  Le  Sin  fang  cliou  ou  Nou- 
velle histoire  des  Tang  (61  8-906)  dit  (k.  *2  2f>  Y,  P-  ^  »'°)   : 

3E  ^  Fi  ^  :^  ix  m~^m%  m^  M  m  m  ii  m  m-  «Le  roi 

habitait  la  ville  de  Cho-p'o  [=Jawa];  son  ancêtre  Ki-ycn  a 
transporté  [la  capitale]  vers  l'est,  à  la  ville  de  P'o-lou-kia- 
sseu  75  Ipron.  anc.  *Ba-ru-ga-si,  litt.  t^la  plage  de  sable  55  = 
Grise  ou  Grisse,   le  port  de  la    Résidence  de  Surabaya]'-'. 

(')  B.E.F.E.-(K,  t.  XIX,  1919,  n°  5,  p.  i3o.  M.  Krom  a  eu  l'obligeance  de 
me  faire  savoir  que  le  roi  Çailendra  est  également  mentionné  dans  l'iuscrip- 
lion  de  KIocrak  de  70^  ralca  {vide  Brandes  apiid  Groenkveldt,  Calal()j>iis  lia 
tavia,  1887,  p.  389). 

'-)  Pour  ccttL'  restitution,  cf.  mon  mémoire  Le  K'ouen-louen  et  les  anciennes 
vaviii^ations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud ,  dans  /.  As.,  W  série,  t.  XIII, 
1()1(),  p.  .'{o'i. 


L"K\il»llil<:  S(\UTIi\N\lS   i)K  <:iii\i.l\'l  \.  /il 

A  propos  (lu  même  événement,  l'aulcur  du  \ uan  clic  Ici  pieu 
(k.  li'î,  p.  S'y  r")  rapporte  (pie,  clans  la  période  l'icn-ptio 
(7/12-755)  :  i  il  ^  il  M  -MMiU  M  m  «on  déplaça  [la 
capitale]  de  Clio-p'o  à  la  ville  de  P'o-lou-kia-sscu  ??  (dans  Pkl- 
LiOT,  Dcu.r  ihm'raires .  p.  225)''*. 

En  confrontant  ces  indications  avec  les  renseignements 
fournis  par  l'inscription  de  Banka  et  le  passage  du  Sin  ùinn-  chou 
ayant  trait  à  la  reine  Si-mo  i^vido  supra,  p.  37),  on  peut  en 
déduire  que  l'expédition  sumatranaise  de  (]o8  çaka  =  686 
n'atteignit  son  but  ([u'à  la  longue,  car  il  fallut  plus  d'un  demi- 
siècle  aux  envahisseurs  pour  occuper  la  capitale  et  provocjuer 
ainsi  la  fuite  dans  l'est,  à  Grise,  de  la  famille  régnante,  repré- 
sentée alors  par  un  successeur  de  Si-mo,  le  roi  Ki-yen.  Ce  que 
nous  savons  parla  Nourclle  hislo/rc  des  TaiHjàu.  royaume  java- 
nais, montre  que  la  victoire  finale  dut  être  chèrement  achetée. 
Mais  elle  allirme,  d'autre  part,  la  puissance  incontestable  des 
(iailendra  de  Sumatra  qui  opéraient  loin  de  leur  pays  et  de- 
vaient avoir  une  remarquable  organisation  militaire  et  navale 
pour  mener  à  bonne  fin  une  telle  entreprise  coloniale,  suivie 
bientôt  par  l'occupation  d'une  partie  de  la  péninsule  malaise 
et  la  campagne  contre  le  Cambodge. 

Inscriptiom  sanskrite  de  Vien  Sa  de  G()7  çaka=775  (c()te 
orientale  de  la  péninsule  malaise,  au  sud  de  la  baie  de  Ban- 
don),  dans  G.  Cœuks,  Le  roi/auiiic  de  Çncljaipt  iB.E.V.E.-O., 
I.  XVJII,  1918,  n"  G ,  p.  29-32).  Je  n'en  reproduis  que  les 
passages  utiles. 

XXIX  .  .  .  Vicloi'ioiix  est  \c  roi  d(î  Çrïvijaya,  dont  la  (lil  a  son  si(''otî 
cchaulVé  par  les  rayons  (imaiiés  dos  rois  voisins,  et  cpii  a  él('  (liligcmincnt 
ci-éé  [>ar  Brahmâ  comme  si  ce  Dieu  n'avait  on  en  viu;  (juc  la  durée  du 
Dharnia  lenommé. 

'''  /!/»/(/  PlJ.l.KiT,  DriLv  iliiii'ritircs  ,  |i.  •.>.:>,î'>,  ii.  ;>  ,  cl  |).  /|  i  M  ,  et  ma  cniiiiiui- 
uicalion  à  la  Sociél(5  Asiatique,  dans/.  As.,  XI'  scrio,  t.   XIX,   i()t>'. ,  [i.   i  •>;"). 


42  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

Le  roi  seigneur  de  Çrîvijaya ,  seul  roi  supr(>me  de  tous  les  rois  de  la 
terre  enliôre,  a  élevé  ces  trois  beaux  édifices  de  briques,  séjour  de  Kaja- 
kara  (=  Padniapâni) ,  du  Destructeur  de  Mâra  (=le  Buddha)  et  de  Vaj- 
rin  (=  Vajrapâni). 

.  .  .  Ensuite  le  chapelain  royal  nommé  Jayanta  ayant  reçu  du  roi  cet 
ordre  excellent  :  rFais  trois  strqyasn  ,  il  les  fit. 

Quand  ce  (Jayanta)  fut  mort,  son  disciple  le  stimmra  Adhimukti  fit 
deux  cailyas  de  briques  près  des  trois  caityas  (élevés  pai*  le  roi). 

(L'année)  eâkarâja  (désignée  par  les  (six)  saveurs,  le  nombre  neuf 
et  les  (sept)  munis  étant  révolue  (697  çaka-=  yyS),  lo  onzième  jour  de 
la  quinzaine  claire  du  mois  de  Mâdhava ,  le  Soleil  se  levant  en  compa- 
gnie de  Vénus  dans  le  Cancer,  le  roi  de  Çrîvijaya  semblable  au  roi  des 
Devas,  supérieur  aux  autres  rois,  ayant  l'aspect  du  cintâmani,  attentif 
aux  trois  mondes  a  élevé  ici  ...  stûpa  .  .  . 

Ce  roi  suprême  des  rois  [râjâdhirâja) ,  le  seul  qui  par  son  éclat  soit 
comparable  au  soleil  (dissipant)  cette  nuit  qu'est  la  troupe  de  tous  ses 
ennemis,  ressemblant  par  sa  beauté  charmante  à  la  lune  d'automne  sans 
tache,  ayant  l'aspect  de  Kâma  incarné,  ayant  l'aspect  de  Visnu  .  .  .  chef 
de  la  famille  des  Çailendra ''■',  nommé  Grï  Maharaja  [çailendravahçaprn- 
bh[ii]  nigadalah  çrimahârâjanâmà)  .  .  .  (la  suite  manque). 

Manuscrit  népalais  r»  miniatures  datant  au  plus  tard  du 
début  du  xi"  siècle,  rédigé  dans  le  couvent  nommé  (irï  Hlam 
(manuscrit  sanskrit /lY/'////o/m/ 1  6â3  de  la  bibliothèque  de  l'uni- 
versité de  Cambridge),  dans  A.  Foucher,  Etude  sur  l'iconogra- 
phie bouddhique  de  l'Inde,  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Hautes 
Études,  t.  XIII,  Paris,  1900,  in-8°. 

XXX.  La  miniature  28  du  manuscrit  précité  est  ainsi  décrite 
par  Foucher  :  «Bodhisattva  blanc,  debout,  à  quatre  bras  : 
1"  bras  inférieurs  :  main  droite  en  charité,  main  gauche  re- 

f''  CoedÈs  (Le  rojiainiip  de  Çi-lnjayn,  p.  3îî)  a  traduit  çdili'ndiarfinrapraliltu 
par  «chef  de  la  famille  du  roi  dos  monts».  Je  préfère  lire  :  «chef  de  la  famille 
des  Çailendraî5 ,  c"est-ù-dire  «chef  de  la  famille  du  roi  de  la  montaiinc"',  et 
j'en  ai  donné  les  raisons  dans  mon  compte  rendu  {Joudi.  Aniat.,  juiliet-aoûl 
1919,  p.  198-199).  Cette  nouvelle  interprétation  est  conforme  à  une  légende 
historique  bien  connue. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DK  CRÎVIJAYA.  fi'à 

pliée  tenant  le  lotus;  -2"  bras  supérieurs  :  main  droite  tenant 
le  rosaire,  main  gauche,  le  livre;  à  sa  droite,  autre  lotus.  — 
Deux  assistants  :  à  droite,  Bodhisattva  féminin,  verte  (Tara); 
à  gauche  :  [assistant]  terrible, sexe  indécis,  rouge,  coiffé  d'une 
tête  de  cheval  (lAIarïci  ou  Hayagriva).  —  Halo,  w  La  miniature 
porte  l'inscription  suivante  :  Siwarnnapure  Çrï-Vijaijapure  Loka- 
nâtha  «  Avalokiteçvara  à  Çri-Vijayapura  dans  Suvarnapura» 
(p.  193,  n^  2.3). 

Foi  CHER  ne  se  prononce  pas  entre  les  identifications  possibles 
de  Suvarnapura  à  Karnasuvarna  au  sud-ouest  du  Bengale, 
Suvarnabhumi  en  Birmanie  et  Suvarnadvïpa  des  îles  de  la 
Sonde  (^ihid.,  p.  1  o5).  Pour  Goedf.s,  «Suvarnapura  peut  aussi 
bien  désigner  la  Birmanie  (Suvarnabhumi)  que  Sumatra  (Su- 
varnadvïpa) [Le  royaume  de  Çrivijaya,  p.  /i]  55.  .l'ai  dit  déjà  que, 
isolément,  Suvarnapura  ne  prête  pas  \\  une  identification  déci- 
sive, car  on  peut,  en  effet,  hésiter  entre  la  Birmanie  et  Suma- 
tra; mais  quand  le  texte  précise  qu'il  s'agit  de  Çrïvijayapura 
«ville  de  (irïvijaya??  situé  dans  Suvarnapura  «la  ville  de  l'or?? 
ou  «la  ville  [du  pays]  de  l'or»,  la  localisation  s'impose  :  il  s'agit 
de  Çrivijaya  =  Palemban,  et  la  Birmanie  est  hors  de  cause. 
En  dernière  analyse,  l'inscription  me  semble  devoir  être  tra- 
duite par  :  <:^Avalokiteçvara  à  Çri-Vijayapura  (ville  de  Çri  Vi- 
jaya)  dans  Suvarnapura  (la  ville  [du  pays]  de  l'or^Pa- 
lemban).  » 

La  mention  de  Çrivijayapiu^a  dans  un  manuscrit  népalais 
du  x^-xf  siècle  témoigne  que  la  connaissance  de  l'empire  suma- 
tranais  s'étendait  à  cette  époque  jusque  dans  le  nord-est  do 
l'Inde,  et  celte  constatation  a  son  prix.  La  première  miniature 
du  même  manuscrit  porte  cette  inscription  :  Yavadvipe  Dipan- 
kara,  «  Dq)ankara  à  Yavadvipa  w  (Fouciii<:k,  dnd.,  p.  79  et  189; 
cf.  également  la  miniature  1  2  du  manuscrit  A.  1  f)  de  Calcutta, 
avec  une  inscription  identique,  ihuL,  p.  209,  n"  12),  et 
il  s'agit  ici  de  Sumatra  ou  de  Java.  Or,  un  important  article 


/i/i  JfMLLKT-SEPTE.MlJRi'     19-2  2. 

|)ubli(3  en  i  ()0  i  par  G.  A.  J.  HAZKudaiis  la  Tijdsvlnifl  ooov  Iiidisclic 
Taal-,  Ltnid-  en  \o1Lenl,uiuh'  (t.  XLIV,  p.  âSy-SB'y),  sous 
le  titre  de  Het  oial-javaamche  Adipariva  en  zijn  Sanskrit-Orignieel , 
nous  montre  la  littérature  javanaise  en  relations  étroites  avec 
le  nord-ouest  de  l'Inde. 

L'auteur  s'est  assigné  comme  tâche  la  reclierche  de  l'origine  du  Mahà- 
hhârata  en  kawi.  Dans  son  présent  article,  il  compare  le  chapitre  Âdipai- 
ra)i  du  poème  vieux-javanais  avec  la  partie  correspondante  des  rédactions 
sanskrites  et  avec  la  Bhâratanuinjaiï  de  Ksemendra.  Voici  ses  conclusions  : 
On  peut  admettre  que  dans  la  période  des  ix",  x"  et  xi'  siècles ,  il  a  existé 
plusieurs  rédactions  ou  même  plusieurs  écoles  du  Mahàhhlmla.  Une  de 
ces  rédactions,  celle  qui  au  milieu  du  \\'  siècle  était  répandue  au  Kaç- 
mir,  nous  est  suffisamment  connue  par  l'extrait  qu'en  donne  Ksemendra. 
Etant  donnée  l'étroite  parenté  qui  existe  entre  celte  rédaclion  kaçmi- 
rienne  et  l'original  de  la  traduction  faite  un  siècle  auparavant  à  Java , 
on  est  autorisé  à  conclure  que  l'original  du  manuscrit  vieux-javanais 
était  lui-même  venu  du  Kaçmir  ou  d'une  région  limitrophe,  tout  au  moins 
du  nord-ouest  de  l'Inde  [B.É.F.E.-O.,  t.  II,  1902,  p.  000). 

Ainsi  aux  x'-xi'  siècles,  l'empire  de  Çrïvijaya  est  connu  au 
Népal  et  on  traduit  à  Java  une  version  kaçmirienne  du  Maliâ- 
hhnrnta;  le  contact  est  donc  établi  entre  le  nord  de  l'Inde  et 
l'Indonésie  occidentale  depuis  au  moins  quelque  dix  siècles. 

Inscription  taboulé  dk  Tanjoue  (io3oj. 

Elle  a  été  éditée,  traduite  et  commentée  par  E.  Hri/rzscu 
dans  Arcltaeologiml  Surrri/  of  Indm ,  South-Indunt  inscriplions  : 
Tannl  imcnptwm  0/  liajavaja,  Bajeiidiacltoln,  and  othcvs  vi  ihe 
Rajarajesvara  temple  al  Tanjarur  (vol.  II,  parti,  Madras,  i8()î, 
in-/i°,  p.  108)  et  Epigraphm  Indica  (vol.  I.\ ,  part  \,  jan- 
vier 1908  :  n°  3i,  Tint  ma  lai  rock  itiscrmhomi  0/  Hajctulra- 
Chola  I,  j).  9  0  0-2  3  1). 

XXXI.  Le  deux  ccnl  quarante-deuxième  jour  de.  la  dix-ueiivièine  an- 
née [du  règne]  de  Ko-Parakesarivarmau,  (dias  le  Seigneur  Çrï-Kâjëndra- 
coradcva[l",  1 01 -2 -ioA:î  |.  qui    ...    ooiupiil  avec  sa  grande  cl   hclli- 


I;E\!IM!IE  SUM.VT!{\NVi8  DE  ÇiaVlJWV.  4b 

qiieuse  armée  .  .  .  Jra-iiiai.H.lalam  (Gcyhin)  ou  entier  [sitiiéj  sur  la  iner 
Iransparenle;  .  .  .  Odda-visayain  (province  d'Orissa)  qu'il  était  diflicile 
d'appioclïer;  ...  le  bon  Kâç.ilai-nâflu  (?),  où  les  Bralimanes  s'assem- 
blaient: Tandabutli  (c'est-à-dire  Danda-bhukti  [?]),  dans  les  jardins  du- 
quel abondent  les  abeilles;  .  .  .  Vangâladeçam  (le  Bengale) oîi  il  ne  cesse 
de  pleuvoir  ...  ;  la  Gangâ  (le  Gange)  ...  ;  et  [qui],  ayant  envoyé  de 
nombreux  navires  au  milieu  de  la  mer  ondulante  et  s'étant  emparé 
de  Sariigrâmavijayottungavarman ,  rôi  de  Kadâram,  avec  les  élépbauts 
en  rut  qui  lui  servaient  de  montures  et  qui  dans  les  batailles  [étaient 
aussi  impétueux]  que  la  mer,  [prit  aussi]  une  immense  quantité  de  tré- 
sors que  [ce  roi  de  Kadâram]  avait  justement  accumulés;  le  Vidyâdlia- 
ratorâna,  la  rr Porte  de  la  gueiren  de  la  graude  cité  ennemie,  la  rr Porte 
des  joyaux  1  splendidement  ornée,  la  «Porte  des  grands  joyaux  ^  ,  le  pro- 
spère Grïvijayam:  Pannai  (Pane,  sur  la  côte  nord-orientale  de  Sumatra), 
arrosé  par  la  rivière;  l'ancien  Malaiyûr"'  [avec]  un  fort  situé  sur  une 
haute  colline:  Mâyirudiiigam '"'  entouré  paria  mer  profonde  [comme] 
un  fossé  plein  d'eau  entoui-e  un  château-fort;  llangaçogam  (Lënkasuka< 
sur  la  côte  orientale  de  la  péninsule  malaise),  intrépide  dans  de  terribles 
batailles:  Mâppapâlam  (le  grand  Pappâjam)  '\  défendu  i)ar  d'abondantes 
eaux  piofondes;  Mevilimbaùgam  (!)  défendu  par  de  beaux  murs;  Valaip- 
pandûru  (?)  possédant  [à  la  fois]  des  terres  cultivées  et  des  terres 
incultes;  Talaittakkolam  (le  Takkola  du  MiliiuJapanha,  le  Tâ;^«oAa  de 
Ptolémée),  loué  par  de  gi'ands  hommes  [versés  dans]  les  sciences; 
le  grand  Damâlingain  (^1^  0j  '^  Tan-ma-ling  de  Tchao  Jou-koua, 
Tâmbralinga  de  l'inscription  de  Vieù  Sa),  inébranlable  dans  les  grandes 
et  terribles  batailles;  Ilânuu-i-deçam  (le  Lâinuri  des  textes  arabes,  au 
nord  de  Sumatra)  dont  la  terrible  force  fut  vaincue  par  une  impétueuse 
[attaque];  Mâuakkavâram  (le  grand  Aakkavâram  —  les  Nicobar)  dont 
les  jardins  de  fleurs  [ressemblaient]  à  la  ceinture  [de  la  nymphe  |  de  la 
l'égion  méiidionale,  et  Kadâram  [=  ville  ou  état  du  Gi'Ivijaya]  à  la  force 
terrible  qui  était  protégé  par  la  mer  voisine  .  .  .  '"'. 

(')  Cf.  mon  uit'iiiuii'o  sur  Malal.ci ,  le  Mulà\iu  et  Maldyiir,  dans  Journ,  AniaU, 
Xl°  scrio,  t.  XII,  p.  83  et  suiv. 

(■-'    Ville  siipia ,  p.  i3  et  n.  /i. 

'■''  T.'iinoul  Mâpjxippàlam —M.ahh-Piip^ïi\dm.  Pappalani  est  soit  le  f^i-xs  Foja' 
lam  de  Sulavman  AL-MAniû  (manuscrit  -.ibhç) ,  fdl.  33  v".  I.  m)  =  J.*^"»  lùnv- 
Jal  (te  Ibn  Sa'id  =  ^  ^  ^^  Pno-p'a-lai  de  Tchao  .Ioi-koua  d(!  la  côte  nord- 
orientale  (le  rinde;  soit  le  Papplinla  du  l/r(/i«r«//(.s«  an  Péjmn;  mais  la  [)i'emièrc 
ideutiiicalion  est  plus  vi'aiserablaliie. 

'''^    l'ouï'  ce    texte,    cl.  Cokdks,    Le   yntjnitiiie   de.    Çrtàj(uj<( ,  p.  .')    et   suiw.  et 


46  JUILLET-SEPTEMBRE    l9-2'2. 

Inschiption  sanskrite  et  tamoule  dont  la  partie  sanskritc  est 
datée  de  lolili  et  la  partie  tamoule  de  ioh6  de  notre  ère 
(Archaeological  Survey  of  Southern  Inclia,  vol.  IV  :  Tamil  and 
Sanskrit  inscriptions  ivitli  some  notes  on  village  antiquities  collectcd 
chiejly  in  the  soiith  oftlw  Madras  Presidencij,  par  Jas.  Burgess, 
trad.  de  S.  M.  Natesa  Sâstrï,  pandit,  Madras,  i886,in-/i", 
p.  2o5  et  218).  C'est  la  charte  appelée  «grande  charte  de 
Leyde:^  où.  elle  est  conservée  dans  le  musée  de  l'université 
de  cette  ville. 

XXXII.  Partie  sanskrite  :  ...  En  la  21°  année  du  règne  [du  roi 
colaj  Râjarâja  Râjakësarivarman  <''  ...,  à  Nâgïpattana  (Negapatam), 
par  Çrï  Mâravijayotlungavarman,  fils  de  Cudâmanivarman  .  .  .,  issu  de 
la  famille  de  (lailëndra  (Çallendraraiiiça) ,  roi  de  Kalâha  (Kalâhâdhipati) 
et  de  Cri  Visaya  [Çrï  ]  isaimdhlpati) ,  a  été  donné  au  Buddha  cpii  se 
trouve  dans  le  très  beau  Ciîdâmanivarman-vihara  -''  —  ainsi  nommé 
d'après  son  père  —  le  village  de  Anaimaiigalam  situé  dans  le  même 
populeux  district  appelé  Pa|tanakkûiTu ,  dont  les  quatre  limites-fron- 
tières ont  été  nettement  marquées  par  le  parcom's  d'un  éléphant 
femelle  . .  . 

Partie  tamoule  :  Salut  1  Prospérité!  —  Nous,  [Râjarâja  Râjakêsari- 
varma]  Kônerinamaikonçlan ,  le  92"  jour  de  la  21°  année  de  notre  règne 
.  .  .  nous  témoignons  que  le  don  [xle  ce  village]  a  été  fait  par  le  roi  de 
Kiflâra  [Kidûratlaraiijun)  pour  le  charitable  entretien  du  Çûlâmanipad- 

moii  compte  rendu  de  ce  travail  dans  Jotini.  Asial.,  juillef-aoi\t  1919.  p.  173 
et  suiv.  Ln  rapport  épigraphique  (Government  of  Madras,  G.  0.  961,  a  août 
1918,  p.  100,  n"  a6)  mentionne  trois  inscriptions  consacrées  à  Râjâdlii- 
râja  1"  (n°  70  de  1895,  n°  96  cte  1896  et  u"  34a  de  1913)  dans  lesquelles 
on  rappelle  que  ce  roi  est  fils  de  Râjêndracôradeva  I"'  (dont  il  est  question 
dans  XXXI,  supra)  et  que  ce  dernier  souverain  tfs'était  emparé  de  Ganga,  au 
nord;  Laiika  (Ceylan),  au  sud;  Mahôdaya  (=  Granganore;  cf.  Ep.  Ind.,  vol.  VII, 
p.  97),  à  l'ouest,  et  Kidâram  [identifié  inexactement  par  fauteur  du  rap- 
port à  la  Basse  Birmanie]  (=  Çrîvijaya),  à  Test''.  Je  reviendrai  plus  loin  sur 
ces  identifications  do  Kadâram.  Kidâram  à  Çrîvijaya. 

'')  Râjarâja  1"  ré^'ua  de  980  à  10 13  de  notre  ère.  La  ai*^  année  de  ^on 
règne  tombe  donc  en  ioo5  ou  looG. 

'■-^  Monastère  [fondé]  par  Gûdâmauivarman  (vide  supra,  p.  19.  pour  ce 
souverain  de  Çrîvijaya  dont  le  nom  est  mentionné  dans  le  Song  che). 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  (;IUV1JV\.\.  47 

ma-viliâra  coustrujt  à  Nâgapaltana  (Negapatam)  par  Çûlamânipadnia 
...  Le  village  de  Anaimangalarn  ...  a  clé  donné  par  nous,  le  roi  de 
Kadâra  {Kadàrattarmijan)  .  .  .  pour  le  charitable  entretien  du  Çûlâma- 
nipadnia-vihâra  de  la  ville  de  Nâgapattaija  .  .  . 

En  d'autres  termes,  la  présente  charte  du  roi  cola  Ràjaraja 
a  pour  but  de  commémorer  la  donation  du  village  de  Anai- 
mangalarn à  un  temple  buddhique  de  Negapatam.  La  construc- 
tion de  ce  temple  a  été  commencée  par  l'empereur  sumatranais 
Cùjâmanivarman  et  achevée  par  son  fils  et  successeur  Mâravi- 
jayottungavarman.  Le  temple  est  appelé  Çùlâmanipadma- 
vihara,  du  nom  de  son  fondateur.  Dans  la  partie  sanskrite, 
Maravijayottufigavarman  est  titré  «roi  de  Kataha  et  de  Çrï 
Visaya  =  Çri  Vijaya^?;  dans  la  partie  tamoule,  r^roi  de  Kidâra  ?? 
(1.  117),  «  roi  de  Kadra-a  ??  (1.  1  2  1  ). 

XXXIII.  Inscription  TAMOULE  de  108/1  environ  (^Archaeological 
Survey  of  Southern  India,  vol.  IV,  lac.  cit.,  p.  :2 2 6-2 a 7). 

Cette  charte  du  roi  cola  Kôviràjakesaripanma,  le  calmvarù 
Cri  Kulôttuiigaçoladeva,  a  pour  but  d'exempter  de  certaines 
taxes  le  village  donné  au  temple  buddbique  dont  il  est  question 
dans  la  grande  charte  de  Leyde  [cide  supra,  p.  /iB)  et  d'auto- 
riser un  échange  de  terrains.  Cette  mesure  gracieuse  fut  prise 
à  la  requête  du  roi  de  Kidâra  {^Kùldraltaraiynr)  représentée  par 
ses  envoyés  Râjavidyadhara  Sâmanta  et  Ahhimanôttunga  Sa- 
manla)5  (1.  10-11).  Dans  cette  inscription,  le  temple  bud- 
dhique dont  il  a  été  question  ci-dessus  (p.  /i6),  est  appelé  Cri 
Çailëndracûdàmanivarma-vihâra  «monastère  de  S.  M.  Cûdâma- 
nivarma  [de  la  famille]  des  Çailéndra):. 

Pendant  la  correction  des  épreuves  de  ce  mémoire ,  M.  G.  Jou- 
Vkai-Dlijp.euil  m'a  aimablement  signalé  l'existence  dans  l'épi- 
grapliie  de  l'Inde  d'inscriptions  qui  ont  trait  à  l'histoire  du  Çrï- 


48  JLIILLET-SKPTEMBnK    1U!>2. 

vijava.  La  ioUoctioii  des  rappoiis  ('pijjrapliicjuos  du  Gouverne- 
ment de  Madras  que  possède  la  bibliothèque  de  la  Sociélé  nsin- 
tiquc  est  malheureusement  incomplète.  Dans  les  fascicules  que 
j'ai  consultés,  on  relève  les  textes  suivants  : 

Inscuh'TION  n"  588  de  1917,  datée  de  la  10"  année  du 
règne  de  Jatavarman  Vïra-Pan(jya=  196^. 

XXXIII  hk.  [Tlio  pîinfiya  kiiigj  Jolavarniaii  Nïra-Païujya  is  rcjuc- 
scnled  by  a  dozen  inscriptions  in  ihe  collection.  Three  of  ihese,  viz., 
n°'  609,  689  and  657  supply  détails  of  date  which  bave  been  discussed 
hy  Mr.  L.  D.  Swamikannu  Pillai  in  Appendiv  F.  But  as  ibe  citations  are 
lecbnically  wrong  in  certain  respects  ibe  records  do  not  hclp  us  to 
identify  tbe  king.  N°  588  of  1916  is  doted  in  ihe  tenlli  year  of  Jata- 
varman Vïra-Pàndya,  rwlio  was  pleased  to  take  tbe  Gliôla  country, 
Ceylon,  and  tlie  crown  and  the  crowned  head  of  the  (Irivaka  [=  jâvaka]''. 
To  identify  ihis  king  witb  Vira-Pândya  tbe  conqueror  of  Kongu  Avhose 
initial  date  bas  been  iixed  as  i254  A.  D. ,  we  llnd  ihat  the  record  under 
review  omits  rfKongni  among  tbe  conquesis  of  Vïra-Pândya.  If  bowever 
he  is  to  be  identified  wilh  the  conqueror  of  Kongu  as  tbe  paleographical 
évidence  tends  to  prove,  it  is  iuteresting  to  note  tbat  tbe  epitbet  ffwlio 
took  tlic  crown  and  crowned  bead  of  the  ÇâYaka^i  is  found  for  tbe  flrst 
tinie  among  bis  records  .  .  .  *'  The  phrase  as  it  stands  nieans  rrone  who 
cul  oir  the  crown  and  tbe  crowned  bead  of  tbe  Çàvaka  (king)".  Pro- 
bahly  the  land  of  Çâvaka  (i.  e.  Java?  [sîV]  "  )  or  a  king  of  nanie  Çâvaka 
might  hâve  been  inlended  .  .  .  (Government  of  Madras,  G.  0.  n°  io35, 
1  G  août  1917.  Epigraphy,  p.  ho  cl  1 1  il 

Inscuiitu»  n"  1)01]  de  lyoG,  datée  de  la  11''  année  du 
règne  de  Jala\ai-nian  Vn"a-Pandya=  t  -jdS. 

XXXlIl  lo'.  To  rcliu'n  lo  the  records  of  Jatûvarman  Vîra-Pandya, 
est-il  dit  dans  un   autre  l'ajtporl,  the  conqueror  of  Kongu,  liani.  etc., 


'')  Dans  le.-  Iijjiu's  (jiii  siiivoiit,  le  rii|ij)oi'tciir  déclare  (louteux  (jiie  Çnvaka 
soil  ici  pour  Ç.râviikn. 

('-)  Çavdim  n'esl  aiilrc  (jiie  la  liaiisniptiou  régulière  en  laiiiuiil  de  Javttlm^ 
X-diaji  =  (jiivijaya. 


L'E-MPIRK  SL. MATRA. NAIS  DK  ÇRlMJA^A.  /i9 

llic  kiKJuniiyâmalai  inscription  n°  356  of  1906,  must  be  altribuled  lo 
liim,  because  there,  ihe  chief  adviser  of  ihe  king  in  making  the  graiil 
was  Kâiingarayaij  who  lias  been  alreadj  referred  to  as  one  of  Vlra- 
l'aïKJya's  ollicers.  This  epigraph  is  a  parliculaily  interesting  one  and 
supplies  for  Jalâvarman  Vîra-Pândya  a  hislorical  introduction  in  poct- 
ical  prose  beginning  with  ihe  words  tirumagal  valar.  \Ve  learn  from  tlic 
iiilroduction  that  Vîra-Pândya  conquered  llie  kiugs  of  Gangam"',  Gaii- 
dani  ■ ,  Kadàram'^-,  Kâsi  ' ,  Kongam  ' ,  Kudiram,  KoUam  "',  Çôna- 
gam,  Çïnam''',  Avanti'*',  karunadara  (karnàla),  llam  " ,  kalingam, 
Telingam ''"',  Pundram'"\  etc.,  foiight  with  the  Ghôja  king  a  batlle  at 
Kâvikkalam,  killed  one  of  the  two  kiugs  of  Ceylou,  caplured  his  army, 
chariols,  treasures,  throne,  crovvn,  necklaces,  bracelets,  parasols,  chau- 
ris""'  and  other  royal  possessions,  planted  the  Pâudya  llag  with  the 
double  fish  on  kônamalai  and  the  high  peaks  of  the  Trikulagiri  moun- 
lain,  received  éléphants  as  tribute  from  the  other  king  of  Ceylou  (  whoni, 
perhaps,  he  raised  to  the  throne)  aud  subdued  the  Kêrala.  Trikulagiri 
is ,  vcry  probably,  the  nanie  applied  to  a  three-peaked  mouulain  in  ihc 
kandyan  hill  country  (Parker's  Ceijlon,  p.  9)  and  Kônamalai  is  ihc 
Tirukkônaraâmalai  mentionued  in  the  Devarain.  This  high  eulogy  bes- 
lowed  on  Vïra-Pâudya  in  the  kudunuyâmalai  record  justifies  at  least 
his  more  modesl  boast  of  having  conquered  Koiigu ,  llam  and  the  Çola- 
mandalam.  N"  i3i  of  1907  from  kodumbâltir,  in  a  shorter  poelical 
iiilioductiou,  aiso  states  that  Vîra-Pândya  took  konganam,  dcvaslalcd 
llie  land  of  \adugu,  (captured)  Gangai-nàdu  and  was  crowned  al  Puli- 

''  Les  Gaiigas  orieulaux  et  occideutaux. 

'-'  Bengale  orientai. 

'•^^  Çrivijaya. 

'■^'  Benares. 

'^'•''  Salem  dislricl. 

"^  Le  Kûiam  des  géographes  arabes,  le  Quilon  de  nos  cartes,  sur  la  cole 
sud-ouest  de  ITnde. 

'''  Il  ne  s'agit  pas  de  la  Chine,  comme  Ta  cru  le  rapporteur,  mais  des 
Çmas  alliés  des  Kurus,  des  Kiràtas  et  du  roi  de  Prâgjyotisa  (d'après  un  article 
de  M.  JoivEAU-DiiiiiKiiiL  destiné  à  VAsiatic  Review,  qui  m'a  été  obligeamment 
communi(jué  en  manuscrit). 

f*'   Ijjain. 

'')  Ceylan. 

''*>  Le  pays  lelugu. 
^")  Cliotà-nâgpur. 
''">  Chasse-mouches. 


50  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

yûr  (i.  e. ,  Gliidarabaram).  The  lai  ter  record  makes  référence  to  the 
coins  palam-ÇoIjyan-lifiçu  and  Vmi-PâiuliyaiilMçu  (Government  of  Ma- 
dras, G.  0.  n°  919,  39  juillet  1913,  Epigrapliy,  p.  72,  n°  89;  cf.  éga- 
lement p-  71,  n°  87). 

D'après  ia  première  inscription  précitée  (n"  588  de  1^17), 
le  roi  pànclya  conquit  le  pays  des  Colas,  Geyian  et  tr s'empara 
de  la  couronne  et  de  la  tête  couronnée  (c'est-à-dire  :  du  roi) 
de  Gâvaka  (=Çrivijaya)».  La  seconde  inscription  (n"  356  de 
1906)  nous  apprend  que,  entre  autres  rois,  Jatàvarman  vain- 
quit les  rois  des  Colas,  de  Geyian  et  de  Kadâram.  Ce  dfU'nicr 
texte  épigraplîique  est  daté  de  lallo;  le  précédent,  de  laG/i. 
11  faut  donc  poser  :  Kadâram  =  Jiicak(i  et  identifier  également 
celui-là  à  Çrîvijaya. 

le  ne  sais  dans  quelle  partie  de  Sumatra  situer  cette  ville 
ou  état  de  Kadâram,  dont  le  nom  varie  d'une  inscription  à 
l'autre  (je  supprime  la  désinence  tamoule  -m)  : 

Manuscrit  népalais  (cf.  XXX) Katâlio 

Inscription  de  Tanjore  (XXXI) Kadâra 

^,       j     ,     ,    ,1      1   /vvvîi;   (  Partie  sanskrite.     Katalia 
Grande  charte  de  Levae  (  AAAll  .<  ,.     .    .          ,         ,..*, 

•'      ^  ^   (  rarlie  tamoule .      Kidam 

Inscription  de  108/i  (XXXIII) Kiddra 

Inscription  de  126/1  (XXXIII  his) Jâiaka 

Insciiption  de  i26o*(XX\Ill  1er) Kadâra 

Kathâsarilsâgara Katâha 

Poème  tamoul  Paddiuappalui Kâlaga 

Poème  tamoul  kaluigalluparaiji Kadâra 

Skr.  Katâha  et  tamoul  Ka<jârom  sont  séaiantiquemenl  appa- 
rentés, comme  l'a  indicjué  Coedks  (Le  royanme  de  Çrïvijni/n, 
p.  90),  et  signifient  également  r, poêle,  chaudron  de  cuivre ?i; 
tamoul  fJiddâram  a  aussi  le  sens  de  «couleur  brune  tirant  sur 
le  noir";  or  Lâlngam  a  précisément  le  sens  de  r? noirceur»,  et 
c'est  p(Mit-élre  uniquement  cette  synonymie  qui  a   incité  le 


L'EMPII^R  SU.MATRVNAIS  DE  ÇUIVIJAI A.  51 

commentateur  du  PacUinappalai  et  les  lexicographes  à  gloser 
Kâlagam,  par  Kadâramn  (^ihid.y  Sans  qu'on  puisse  explitpier  les 
variations  vocaliques  de  la  syllabe  initiale,  Kadâram  et  Kidâ- 
ram  sont  évidemment  les  leçons  différentes  d'un  même  topo- 
nyme;  mais  ils  n'ont  aucune  parenté  phonétique  avec  katâhn , 
ni  avec  Kâlagam.  Ceux-ci  et  ceux-là  ne  peuvent  pas,  ù  mon 
avis,  représenter  malais  Këddh  de  la  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise  (cf.  .7.  As.,  juillel-aoïU  i  cj  i  c| ,  p.  i  y  (S- 183), 
auquel  avait  songé  Coedès.  Géographiquemenl,  Kadâram  et  ^V- 
(jâram  sont  à  situer  à  Sumatra,  d'après  les  textes  tamouls 
(notamment  d'après  XXXIII  bis  et  XXXIII  ter).  Les  seuls  noms 
sumatranais  (|ui  s'en  rapprochent  sont  le  -p  ^  ^ij  kan-t'o-h 
(lu  Leang  chou  et  du  Ming\che  i^vide  supra,  XXI,  p.  a/i],  le  ^ 
^  ^Ij  Kin-to-li  du  Songe  hou;  elle  ^^Jt-y^jS  kamlâri  à^Xà  Hâwhjii 
de  Irn  Mâjid,  ce  dernier  désignant  incontestablement  Sumatra 
(cf.  mon  mémoire  Le  K'ouen-louen  et  les  anciennes  navigations 
interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud,  J.  As.,  XP  série,  t.  XIV, 
icjif),  p.  '238-y/ii).  Le  seul  nom  inchgène  qui  réponde 
d'assez  loin  aux  transcriptions  chinoises  {^Kan-{o~li=^*Kandal, 
*Kandar,  *kandali,  *kandari)  et  arabe  (^Kandârî^,  est  le  topo- 
nyme  Andalus.  VAndaloz  de  Barhos,  qui  se  situe  dans  le  sud  de 
la  grande  île  indonésienne  (cf.  mon  mémoire  Malaha,  le  Ma- 
huju  et  Malmjur,  J.  As.,  XP  série,  t.  XII,  1  918,  p.  62  et  72)^ 
Quant  à  Katâha,  qui  figure  dans  la  tilulalure  du  souverain  de 
(Irïvijaya  {^supra,  XXXII),  un  passage  du  Kathâsaritsâgara  sem- 
ble le  placer  à  l'est  de  Suvarnadvipa  =  Sumatra  (cf.  J.  As.j 
juillet-août  1919,  p-  182  et  suiv.).  La  question  reste  donc 
ouverte  et  ne  sera  résolue  de  façon  décisive  que  si  on  découvre 
des  textes  plus  explicites  que  les  précédents. 


.'I. 


52  JUILLET-SEPTEMBUK   iyJ2. 


TEXTES  ARABES  ET  PERSANS, 

Ibn  Hordà^beu  (8/1/4-8/18). 

Kitâh  al-niasâlik  wal-mamàhk,  éd.  et  trad.  M.  J.  De  Gueje, 
Leyde,  1889,  in-S^H). 

XXXIV.  (P.  i3.)  .  .  .  Le  roi  de  Zâbag  ^lyi  s'appelle  o^îl  (var. 
ci\^viîl )*""';  ...  le  roi  des  îles  de  la  mer  orientale,  le  Maharaja'''  .  .  . 

(')  Tous  ces  textes,  à  l'exception  des  extraits  du  ISuthal  ul-kulûb  de  Ham- 
DULLAH  MusTAWFï  ct  des  uiss  239'j  et  9.559,  ont  été  étudiés  déjà  dans  les 
tomes  I  et  II  de  mes  Relations  de  voyages  et  te.rles  géographiques  aiahes, 
persans  et  lurks  relatifs  à  F  Extrême-Orient,  auxquels  je  renvoie  une  fois  pour 
toutes. 

(2-3)  (2)  Litt.  Al'K...liJ,  var.  Al-Filj  .t.  Ces  deux  leçons  sont  fautives.  D'après 
une  suggestion  de  Kern,  De  Goeje  a  restitué  i-^faiX-iJI  Al-Fatijab  =  Pati-Ja/ja 
trie  prince  de  Java?'.  J'ai  dit  déjà  [Relations  de  voyages,  t.  1,  p.  28,  note  7) 
que  cette  restitution  est  impossible  :  le  Jaba  des  géographes  arabes  est  toujours 
écrit  âjU..  Jàba.  Pour  le  même  tiire  royal,  EdrïsI  {vide  infra,  XLVI,  in  fine, 
p.  66)  a  ^T-v^,  litt.  F.n.j.b  ou  F.n.g.b.  En  adoptant  cette  dernière  leçon, 
vocalisée  ^r-^^-à  *Fangaba,  on  aurait  *Pungaba ,  forme  arabisée  de  *Piiiigaba 
<iskr  puiigava  «taureau,  héros,  chef"  >  javanais,  malais,  sundanais,  etc. 
puiigâa'a  ou  pniigawa  rpremier  ministre,  officier,  héros,  grand  de  la  cour'î 
(cf.  Favre,  Dictionnaire  malais-français , ^is^ij).  Un  passage  du  .\àgarakèrlâ- 
gama  mentionne  les  pungavai^  avec  d'autres  dignitaires.  Le  poète  décrivant 
les  environs  de  Majapahit  (chant  Xll,  strophe  1,  trad.  Kern,  éd.  Krom  ,  p.  l\-j- 
i8;  cf.  également  R.  NG.  Poerbatjaraka,  Z)e  in^o/^j/îc  van  het  Mahàksobhya- 
heeld  te  Simpang  [  Soerabaya  ] ,  dans  Bijdragen  tôt  de  T. ,  L.  en  V.  l'an  Neder- 
landsch-Indié ,  deel  78,  1922,  p.  /i5o-/i5i),  dit  :  n  .  .  .  A  l'est,  [habitent]  les 
Bralimanes  çivaites  dont  le  plus  notable  est  le  Très  Révérend  Rrahmarâja. 
Au  sud,  [habitent]  les  Ruddhistes;  le  plus  notable  de  la  congrégalion  est  le 
stliavira  Rënkannadi.  A  l'ouest,  [habitent]  les  Ksati-iya^,  les  Mantris,  les 
Puiigaras  et  les  parents  de  S.  M.  le  roi 55  [kulvan  ksalriya  njantri  pungava 
sagotra  nnnarcndrâdkipa).  Dans  cette  hypothèse,  pungava,  haut  dignitaire  de 
la  cour,  aurait  été  inexactement  pris,  par  le  géographe  arabe,  pour  un  titre 
royal.  I/erreur  est  manifeste,  car  Ibn  HordA<îbeh  dit  plus  loin  (vide  infra)  que 
trie  roi  du  Zâbag  est  nommé  le  Mahârâja'5.  Une  autre  conjecture  possible  est 
que,  dans  le  premier  cas,  il  s'agisse  du  nom  personnel  du  souverain  régnant 
au  i.\°  siècle;  mais  notre   documentation  actueMe  est  alors  trnp  fragmentaire 


L'KMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  53 

(P.  fiS.)  .  .  .  Dans  les  montagnes  du  Zâbag,  ii  y  a  d'énormes  serpents 
qui  dévorent  les  hommes  et  les  bulTles;  on  en  trouve  même  qui  dévorent 
les  éléphants.  Ce  pays  produit  des  camphriers  gigantesques;  il  y  en  a 
qui  peuvent  étendre  l'ombre  de  leur  feuillage  sur  environ  cent  per- 
sonnes. Pour  obtenir  le  camphre,  on  pratique,  au  sommet  de  l'arbre, 
une  incision  par  laquelle  l'eau  de  camphre  s'échappe  en  assez  gi'ande 
(piantilé  pour  qu'on  puisse  en  remplir  plusieurs  jarres.  Après  l'avoir 
recueillie,  on  fait  une  autre  incision  au-dessous,  vers  le  milieu  de 
l'arbre,  d'oii  découlent  les  morceaux  de  camphre;  c'est  la  gomme  de  cet 
arbre,  mais  elle  se  trouve  dans  le  bois  même.  Après  celte  opération, 
l'arbre  devient  inutile  et  se  dessèche. 

(P.  AS.)  ...  Le  roi  du  Zâbag  est  nommé  le  Maharaja  ...  Le  Maha- 
raja perçoit  chaque  jour  un  revenu  de  deux  cents  matin  d'or;  il  fait 
fondre  cet  argent  en  une  seule  brique  et  le  jette  dans  l'eau  en  disant  : 
Voili^  mon  Trésor.  Une  partie  de  ce  revenu,  soit  cinquante  iiiann  par 
jour,  lui  vient  des  combats  de  coqs.  Une  des  cuisses  du  coq  vainqueur 
appartenant  de  droit  au  roi,  le  possesseur  la  rachète  à  prix  d'or. 

Sdlaymân  (85  i). 

Voyage  du  marchand  arabe  Sulaymân  en  Inde  et  en  Chine 
rédigé  en  85  i,  suivi  de  remarques  par  Abu  Zayd  Hasan  (vers 
()i6),trad.  G.  Ferrand,  Paris,  1992  ,  in-8'' (t.  VII  des  Clas- 
sujites  fh>  rOrienty 

XXXV.  (P.  Al.)  ...  De  Lahgabâlûs  (les  Nicobar),  les  navires  appa- 
reillent ensuite  pour  se  rendre  à  un  endroit  appelé  Kalâh-bâr^'^  On  dé-' 
signe  également  sous  le  nom  de  bâr,  un  royaume  et  une  côte.  Le  Kalâh- 
bâr  [fait  partie  dej  l'empire  du  Zâbag  qui  est  situé  au  sud  du  pays  de 
l'Inde.  Le  Kalâh-bâr  et  le  Zâbag  sont  gouvernés  par  un  même  roi'''  ... 

jiour  nous  permettre  de  corriger  avec  cerlitud»!  les  leçons  fautives  des  manu- 
srrits  arabes.  —  (^)  Les  textes  arabes,  comme  les  textes  malais,  ont  -1*4^ 
lilt.  inaltràj.  J'ai  rétabli  partout  la  forme  initiale  sanskrile  maharaja. 

''  ^U  sio,  litt.  le  pays  maritime  de  Kalâh  =  Këra  ou  Kra,  sur  la  côte  occi- 
dentale de  la  péninsule  malaise,  d'après  lequel  est  nommé  l'islhme  de  Kra  de 
nos  cartes.  Pour  celte  identification ,  cf.  mon  mémoire  fjf  K'oupii-Louen  et  les 
(indcnni'ii  navijraiions  inlprocé<(iù<jui'ii  daitu  Ips  mers  du  Sud,  J.  Ah.,  W"  série, 
l.  XIV,   I  ()  1  j) .  appendice  I,  p.  9.if{-->.'.V.^. 

*'-)  Ou  a   vu  déjà  [supra,   \\1\.  p.  Ai-'i-i)  par  Pinscription  sanskrile  do 


54  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

(P.  fiô.)  On  rapporte  que  pivs  du  Zâbaf»''^  il  y  ^  ^n^G  montagne 
a|i|>el('e  montugtie  de  fou  dont  il  est  impossible  de  s'approclier.  On  en  voit 
sortir  de  la  ['nmée  pendani  le  jour  et  des  flammes  pendant  la  nnit.  Au 
lias  de  la  montagne  soiu'donl  une  source  d'eau  froide  potable  et  une 
source  d'eau  chaude  potable. 

IbN   AL-FaKÏH  (f)09). 

Compendium  lil)i'i  Kitâh  nl-hohifin  auctore  Ibn  al-Fakîh  al- 
Hamadhânï  quod  odidit,  indicibus  et  glossario  instruYit  M.  J.  de 
GoEjE,  Leyde,  i885,in-8°. 

XXXVI.  (  P.  ••)...  Au  Zabag ,  il  y  a  des  perroquets  blancs ,  rouges 
et  jaunes  qui,  quand  on  le  leur  apprend,  parlent  couramment  arabe, 
persan,  grec  et  hindou '"^^;  il  y  a  [également]  des  paons  verts  et  tachetés 
de  blanc  et  de  noir;  des  faucons  blancs  à  huppe  rouge;  de  grands 
singes  blancs  de  la  taille  d'un  buffle.  On  y  trouve  des  êtres  à  forme 
humaine  qui  parlent  un  langage  incompréhensible;  ils  mangent  et 
boivent  [comme  les  hommes].  U  y  a  des  chats  de  différentes  espèces, 
ailés  comme  les  chauves  souris  ;  [leurs  ailes]  vont  de  la  naissance  de 
l'oreille  (p.  Il)  à  la  queue  .  . . 

(P.  If)  ...  Le  navire  se  dirige  ensuite  vers  un  endroit  appelé 
Kalah-bâr^'l  Celui-ci  fait  partie  de  l'empire  du  Zâbag  qui  est  situé  au 
sud  du  pays  de  l'Inde.  Un  roi  les  réunit  [=Kalali-bâr  et  Zâbag  sont 
gouvernés  par  un  mémo  souverain]  '^'  .  .  . 

(P.  \V^)  . .  .  Dans  le  voisinage  du  Zâbag  se  trouve  une  montagne 
qu'on  appelle  la  muniagne  de  feu  et  dont  on  ne  peut  pas  s'approcher.  On 

Vien  Sa,  qu'au  viii°  siècle,  le  roi  de  Çrïvijaya  étendait  sa  souveraineté  jusqu'à 
la  baie  de  Bandon,  où  elle  se  maintenait  encore,  en  I9s5  (gupra,  XVIFI, 
extrait  du  Tcliuii  fan  (clie ,  p.  i4). 

'■'  Ma  traduction  de  ce  texte  arabe  a  :  Zâbag  <  1  âwaga  =  île  de  Java.  J'ai 
dû  maintenir  rideutilication  trudilionuelle ,  le  caractère  de  cette  jiulilicatiou  ue 
nie  pernieltanl  pas  de  présenter,  avec  arguments  à  l'appui ,  la  tiièsc  nouvelle 
exposée  ici.  Ceci  s'applique  également  à  l'extrait  XX^XIX,  infra,  p.  .')(>. 

(-1  Â.>j^jLi6j  iU<»}>)  iJ.^AMjlij  *^y^  ^V^  c^^  owJlI  L«  Jlc  *JX;c.  Ce  passage 
montre  que  la  langue  grecijue  était  connue  en  Indonésie  occidentale  à  la  lin 
du  ix°  siècle. 

W  rL?  i^lS.  Ou  remarquera  })lus  loin  d'autres  variantes  de  ce  toponyme. 

W   Vi(h  supra,  p.  ôa,  XXXV. 


I 


L'EMPir.K  SlJM\Tn\N\lS  DK  CRÏM.KU.  55 

en  voil  sorlir  de  la  fumée  pendant  le  jour,  et,  pendant  la  nuit,  de  la 
flamme.  Du  pied  de  celte  monta^j-ne,  soin-dent  une  source  d'eau  froide 
potable  et  i\no  source  d'eau  chaude  potable  (vide  supra,  p.  54). 

(P.  i<î)  ...  On  va  ensuite  au  pays  du  Zâbag  dont  le  grand  roi  s'ap- 
pelle Maliârâja,  ce  qui  veut  dire  rrroi  des  rois''^-.  11  n'y  a  personne 
derrière  lui  [dans  la  direction  du  sud],  car  il  est  dans  la  dernière  des 
Iles.  C'est  un  roi  très  riche.  .  .  . 

(P.  m)  ...  Le  girofle,  le  bois  de  sandal,  le  camphre,  la  noix  mus- 
cade proviennent  du  Zflbag  —  pays  situé  du  coté  du  sud,  dans  le  voisi- 
nage de  la  Chine —  d'un  pays  [du  Zâbag]  appelé  Faneur'''  [--Iku'os^ 
sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra]  .  .  . 

Ibn  Rosteh  (vers  908 ). 

Kitffh  al-aJah  (in-nnflsn  VU  auctore  Abu  'Alî  Ahmed  ibn  'Omar 
IBN  Rosteh,  éd.  DeGoeje,  Leydo,  18(^3,  in-8°. 

XXXVII.  (P.  irv)  ...  Le  grand  roi  [du  Zâbag]  s'appelle  Maha- 
raja, ce  cpii  veut  dire  rrroi  des  lois'*'^.  On  n'en  compte  pas  de  plus 
grand  parmi  les  rois  de  l'Inde;  car  il  habile  dans  des  îles.  On  ne  connaît 
pas  de  roi  plus  riche,  plus  fort  et  ayant  plus  (p.  IK'^)  de  revenus. 

IsHAK  BiN  'Imrân  (moi't  vei's  907). 

Cité  par  Ibn  al-Baytâr  (1197?-!  2 AS)  dans  son  Traité  des 
simples,  t.  \l\  ^=  Notices  et  Extraits,  t.  XXVI,  i883,  trad. 
L.  Leclerc,  n"  1868,  p.  127. 

XXXVIII.  Le  camphre  est  apporté  de  Sofâla  et  du  pays  de  Kalâ'*',  du 
Zâbag  et  de  Haranj  (ou  Harang)'"'.  Or  Haranj  est  la  petite  Chine  et 
c'est  de  là  qu'on  en  exporte  le  plus .  .  . 

Ce  passage  a  été  reproduit  presque  littéralement  par  Ibn 
Skraimon  (cf.  mes  RclalioNS  de  voyages   el    textes  géographiques 

'')  Le  sens  exact  de  ce  le.  me  sanskrit  est  «j^rand  roi«. 
'^'  ^^jLaJL»,  qui  l'eprésenle  malais  Pcniciir. 
'•'*>    [  i de  supra ,  noie  1. 

'''   jfV*-  ^'f*'".  ^^  Ifaiîj  011   Jtfin'r,  Ce  pays  ii'i'st  pas  identilié. 


56  JUILLKT-SKPTEMBRE    M>-22. 

arabes,  persans  et  turks  relatifs  à  fExlrème-Oricut ,  t.  l,  i  ()  i  3  , 
in"8°,  p.  113). 

Abu  Zayd  Hasan  (vers  916). 

Voyage  du  marchand  arabe  Silaymân  en  Inde  et  en  Chine 
rédigé  en  85  1,  suivi  de  remarques  par  Abîi  Zavd  IJ\sa>  (vers 
()i6),  trad.  G.  Ferranu,  Paris,  1932,  iu-8°  (t.  MI  des  Clas- 
siques (le  lOrienty 

XXXIX.  (P.  95.)  Description  de  la  ville  {sic)  de  Zâbag.  Nous  com- 
mençons [ce  chapitre]  par  l'histoire  de  la  ville  de  Zâbag  parce  qu'elle 
est  située  en  face  de  la  Chine.  La  distance  entre  l'une  et  l'autre  est  d'un 
mois  de  route  par  mer,  et  même  moins  si  les  vents  sont  favorables. 

Le  roi  de  cette  ville  est  connu  sous  le  titre  [sanskrit]  de  maharaja 
(ffgrand  roi->).  On  dit  que  la  superficie  [du  territoire  dont  cette  ville  est 
la  capitale]  est  de  900  parasauges  [carrées].  Ce  roi  est  en  même  temps 
souverain  d'un  grand  nombre  d'iles  qui  s'étendent  sur  1.000  para- 
sauges  de  dislance  et  plus  encore.  Parmi  les  états  sur  lesquels  il  lègne, 
est  l'ile  appelée  Sribuza''',  dont  la  superficie  est,  dit-on,  de  /ioo  para- 
sauges  [carrées],  et  l'île  appelée  Râmï '■',  dont  la  superficie  est  de 
800  parasanges  [carrées].  Dans  celle-ci,  on  trouve  des  j)lanlations  de 
bois  du  Brésil,  le  camphrier  et  d'autres  essences.  Fait  également  partie 
des  possessions  du  Maharaja,  le  pays  maritime  de  Kalah  ^''  qui  est  situé 
à  rai-chemin  entre  la  Chine  et  l'Arabie.  La  superficie  du  pays  de  Kalah 
est,  dit-on,  de  80  parasanges  [carrées].  La  ville  de  Kalah  est  (p.  96) 
le  marché  où  se  centralise  le  commerce  de  l'aloès,  du  camphre,  du 
sandal,  de  l'ivoire,  de  l'étain,  de  l'ébène,  du  bois  du  Brésil,  de  toutes 
les  épices  et  aromates  et  d'autres  produits  dont  la  mention  détaillée 
serait  trop  longue.  C'est  dans  ce  port  que  se  rendent  actuellement  [,  au 

'■'  Le  texte  a  »vj^  S.n.o.za,  var.  Sj-.-?**»  S.r'n-a,  qui  sont  à  reclilier  en 
iyiy^-  *j^.r^  est  la  leçon  fautive  hahiluolle  (les  manuscrits  arabes. 

'■)  t^IJI,  |)liis  exactement  ^yJL«!Jl  que  Ibn  al-Fakîh  vocalise  ^yJL«lJl  Ar- 
Râmini  (cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  I,  p.  56  et  n.  0).  C'est  un  des  noms 
de  l'île  de  Sumatra.  Abu  Zavd,  ni  les  géographes  antérieurs  et  postérieurs  ne 
se  sont  rendu  compte  que  Zâbag,  Sribuza ,  R;in>inT  désignaient  un  seul  et 
mètne  pays  insulaire. 

(•'')   Ou  Kra ,  sur  la  |i<''niiisiil('  malaise.  Vide  xujini ,  p.  '>'A .  note   i. 


L'EiVlPlllE  SU.MVTUANAIS  DE  ÇRÎVIJAW.  57 

commencement  du  x°  siècle,]  les  navires  de  l"Omrin  et  c'est  de  ce  port 
que  partent  les  navires  à  destination  de  T'Omân. 

L'autorité  du  Maharaja  s'exerce  sur  ces  îles.  Son  ile  à  lui ,  dans  laquelle 
il  réside,  est  aussi  fertile  qu'une  terre  peut  l'être  et  les  endroits  peuples 
s'y  suivent  sans  interruption.  Quelqu'un,  dont  le  témoignage  est  digne 
de  foi,  a  rapporté  que  lorsque  les  coqs  de  ce  pays  se  mettent  à  chanter 
à  l'aube,  comme  ils  le  font  en  Arabie,  ils  se  répondent  les  uns  aux 
autres  [sur  une  étendue  de  pays  qui  atteint]  jusqu'à  loo  parasanges 
et  plus  encore;  [il  en  est  ainsi  |  parce  que  les  villages  sont  contigus  l'un 
à  l'autre  et  se  succèdent  sans  interruption,  car  il  n'y  a  ni  déserts,  ni 
ruines.  Celui  qui  se  déplace  dans  ce  pays  en  voyageant  à  pied  où  à 
cheval  peut  aller  où  il  lui  plaira;  s'il  lui  arrive  de  s'ennuyer  ou  (p.  97) 
que  son  cheval  soit  fatigué,  il  peut  s'arrêter  où  il  voudra  [,  il  trouvera 
toujours  un  gîte]. 

Parmi  les  choses  extraordinaires  qui  sont  venues  à  notre  connais- 
sance, en  ce  qui  concerne  les  traditions  de  cette  île  appelée  Zàbag-  [,  je 
vais  rapporter  la  suivante].  Un  ancien  roi  de  cette  île  qui  portait  le  titre 
de  Maharaja,  avait  son  palais  qui  faisait  face  à  un  talâg^^^  communi- 
quant avec  la  mer  —  par  lalâg,  on  désigne  un  estuaire  comme  celui  du 
Tigre,  le  fleuve  de  Bagdad  et  de  Basra,  où  pénètre  l'eau  de  la  mer  avec 
le  flot  et  où  l'eau  est  douce  au  moment  du  jusant.  —  De  ce  tatàg,  se 
formait  un  petit  lac  contigu  au  palais  du  roi.  Chaque  matin,  l'intendant 
se  présentait  devant  le  roi  et  lui  apportait  un  lingot  d'or  en  forme  de 
brique,  pesant  un  certain  nombre  de  mahn  dont  la  valeur  m'est 
inconnue.  Puis,  devant  le  roi,  l'intendant  jetait  ce  lingot  dans  le  lac. 
Au  moment  du  flot,  l'eau  recouvrait  entièrement  ce  lingot  et  les  lingots 
identiques  qui  se  trouvaient  déjà  dans  le  talâg;  au  moment  du  jusant,, 
quand  la  mer  se  retirait,  les  lingots  reparaissaient  et  brillaient  au  soleil. 

'''  Le  texte  a  la  leçon  fautive  ^XS  pour  ^i*.j'.  «Les  Indiens,  dit  Mutahhar 
BiN  Tâhir  al-Makdisï  ( Lfi  livre  de  la  création  el  de  l'histoire,  texte  arabe  et  Irad. 
par  Ci.  Huaut,  t.  IV,  Paris,  1908,  in-8°,  p.  09),  se  nourrissent  habilueliemenl 
d«i  riz  el  de  sorgho;  ils  boivent  l'eau  des  mares  où  se  rassemblent  les  eaux  de 
pluie,  el  qu'ils  appellent  ~!^:'  talàjn  [lire  :  talàjç  avec  ^  en  fonction  de  jfultu- 
rale  sonore].  «C'est,  ajoule  en  note  le  traducteur,  le  sanskrit  (â(/ag-rt,  liindou- 
slani  Jljo'  tàdâg.n  Le  rapprochement  est  exact,  sons  celte  réserve  que  1'/  de 
la  transcription  arabe  ^!5A.j  doit  remonter  à  une  forme  prâkrite  *tàlàg.  Pour 
l'équivalence  régulière  des  cérébrales  indiennes  et  indonésiennes  en  transcrip- 
tion arabe,  cf.  fappendice  I  de  mon  mémoire  sur  Ije  k'oueii-louen  et  les  aii- 
ctennes  uaviijalions  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud,  J.  As.,  XI*  série, 
t.  XIV,  p.  91/1-9H:?. 


58  JUILLET-SEPTEMBRE    1922 

Le  roi  les  examinait  quand  il  siégeait  dans  sa  grande  salle  dominant  le 
lac.  Cette  coutume  se  maintenait  invariable  :  on  jetait  tous  les  jours  un 
lingot  d'or  dans  le  lac.  Tant  que  le  roi  vivait,  on  ne  touchait  pas  au\ 
lingots.  A  sa  mort,  son  successeur  faisait  retirer  tous  les  lingots  sans  en 
excepter  un  seul.  On  les  comptait,  on  les  faisait  fondre;  puis,  on  en 
parlageait  [une  certaine  quantité]  entre  les  membres  de  la  famille  royale, 
hommes,  femmes  et  enfants,  les  généraux,  les  esclaves  royaux,  en  tenant 
compte  de  leurs  rang  et  prérogatives  respectifs.  L'excédent  était  ensuite 
distribué  aux  pauvres  et  aux  malheureux.  Puis,  on  inscrit  officiellement 
le  nombre  des  lingots  d'or  et  leur  poids.  [Dans  le  procès-verbal  réfligé 
à  cette  occasion,]  (p.  98)  il  était  mentionné  que  tel  roi  ayant  régné  à 
telle  époque,  pendant  tant  d'années,  avait  laissé,  après  sa  mort,  tant  de 
lingots  d'or  dans  le  lac  royal  et  que  ses  lingots  avaient  été  partagés, 
après  sa  mort,  entre  les  princes  et  les  fonctionnaires  royaux  ^^\  Chez  les 
gens  du  Zâbag,  c'était  une  gloire  pour  un  roi  qu'eussent  été  longs  les 
jours  de  règne  et  que  fût  plus  grand  le  nombre  des  lingots  d'or  qu'il 
laissait  en  héritage  '"''. 

D'après  les  annales  du  pays  de  Zâbag,  il  y  avait  autrefois  un  roi 

^')  Mas'ûdï  (Les  Prairies  d'or,  t.  I,p.  175-177)  fournit  des  renseignements 
identiques.  D'après  Ibn  Sa'Id  (rideinfra,  LX),  on  laisse  dans  l'étang  une  brique 
d'or  par  règne  et  le  nombre  des  briques  isolées  représente  ainsi  le  nombre  des 
rois  qui  ont  régné  sur  le  pays.  Cette  coutume  existait  également  au  Campa. 
Ma  ToDAN-LiN  {Méridionaux,  Y>.  /i.3o;  cf.  également  G.  Maspero,  Lp  roijanme 
de  Clinmpa,  T'ounjr  pao,  t.  XI,  1910,  p.  5i4)  rapporte  que  le  premier  em- 
pereur de  la  dynastie  des  Soiiei  (Ô18-617),  Wen-ti,  lit  envahir  le  Lin-yi 
(Campa)  par  une  armée  chinoise  commandée  par  le  général  Lieou-fang. 
Celui-ci  s'empara  de  la  capitale  et  wy  prit  dix-huit  tablettes  d'or  massif,  dans 
la  salle  oîi  le  roi  [cam]  honorait  la  mémoire  de  ses  ancêtres.  Ces  tablettes 
étaient  au  nombre  de  dix  huit  parce  que  ^  ^  Fan-tcbe  [ ,  le  roi  cam 
vaincu,  ]  était  le  dix-neuvième  roi  du  Lin-yi  ...  ». 

'-)  ffCe  lac  aux  biiques  d'or,  dit  Millies  {Rtcherehê*  sur  les  monnaies  i)tdi- 
frènes  dp  l'arcliipel  uidii-n  et  de  la  pénmsule  malaise,  La  Haye ,  1 87 1,  in-4°,  p.  2 1), 
rappelle  tout  de  suite  plusieurs  noms  géogpaphi([ues  de  Java,  comme  le  Kali- 
mas  «la  rivière  d'or»  qui  passe  par  Surabaya;  le  nom  do  }iantfOu-mas  (Hre  : 
BaUti-mas)  «rTeau  d'or» ,  etc.;  soit  que  ce  conte  soit  un  mythe  étymologique,  soit 
que  la  mémoire  de  l'usage  ancien  ait  été  conservée  par  le  nom  géographiques. 
C'est  celte  dernière  hypothèse  qui  est  à  retenir.  «Il  est  bien  connu,  dit 
RoupPAER  [Eneyclopaedie  van  ISederlandsch-fndië,  i"éd. ,  t.  1\,  p.  38a,  3*col. , 
fin  de  la  note  2),  que  les  princes  de  Java  et  de  Bali  avaient  l'habitude  de 
mettre  leurs  trésors  à  l'abri  sur  une  Pulo  gëdoA  —  une  ile  du  Trésor  (een 
Srhatkamer  Eiland),  ronstruclion  en  maçonnerie  enleiirée  d'eau. -i 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇUÎVIJ.W  \.  59 

(le  khmèr  [dont  il  va  être  question  plus  loin].  Le  Kbmèr  est  le  pays 
d'où  on  exporte  Tabès  kliraèr.  (^e  pays  n'est  pas  une  ile,  mais  |il  est 
situé J  sur  la  partie  [du  continent  asiatique]  qui  confine  au  pays  des 
Arabes  (  sic)  '''.  Il  n'y  a  pas  de  royaume  qui  possède  une  plus  nombreuse 
population  que  celui  de  Kbmèr.  Tous  les  Khmèrs  vont  à  pied.  La 
débaucbe  et  toutes  les  boissons  fermentées  leur  sont  interdites;  dans  les 
villes  et  dans  l'empire,  on  ne  trouverait  pas  une  seule  personne  prati- 
quant la  débauche  ou  usant  de  boissons  fermentées.  Le  Kbmèr  est  situé 
sur  la  même  longitude  que  le  royaume  du  Maharaja,  c'est-à-dire  file 
qui  est  appelée  Zâbag.  Entre  ces  deux  pays,  la  distance  est  de  dix  à  vingt 
jours  [de  route)  par  mer,  en  faisant  route  dans  la  direction  nord-sud  ou 
inversement;  [dix  jours  avec  bon  vent  et  vingt  jours]  avec  un  vent 
moyen. 

On  raconte  que,  autrefois,  un  roi  de  Khmèr  fut  investi  du  pouvoir; 
il  était  jeune  et  prompt  à  agir.  Un  jour,  il  était  assis  dans  son  palais  qui 
dominait  un  fleuve  d'eau  douce  semblable  au  Tigre  de  l'Irak  —  entre 
le  palais  et  la  mer,  la  distance  était  d'un  jour  de  route  [par  le  fleuve]  — 
il  avait  son  ministre  devant  lui.  11  s'entretenait  avec  son  ministre  et  il 
était  question  dans  la  conversation  du  (p.  99)  royaume  du  Maharaja, 
do  l'éclat  qu'il  jetait,  de  sa  nombreuse  population  et  des  iles  qui  lui 
étaient  soumises.  crJ'ai  un  désir  [,  dit  alors  le  roi,]  que  j'aimerais  à  satis- 
faire. »  Le  ministre,  qui  était  sincèrement  dévoué  à  son  souverain  et  qui 
connaissait  sa  promptitude  à  prendre  des  décisions,  lui  demanda  :  a  Quel 
est  ce  désir,  ô  voi'h  Celui-ci  reprit  :  rfJe  désire  voir  devant  moi,  sur  un 
plat,  la  tête  du  Maharaja,  roi  du  Zâbag. «  Le  ministre  comprit  que  c'était 
la  jalousie  qui  avait  suggéré  cette  pensée  à  son  souverain  et  il  lui  re- 
pondit  :  rrJe  n'aimerais  pas,  ô  roi,  que  mon  souverain  exprimât  un  tel 
désir.  Les  peuples  du  Khmèr  et  du  Zâbag  n'ont  jamais  manifesté  de 
haine  l'un  pour  l'autre,  ni  en  paroles,  ni  en  actes.  Le  Zâbag  ne  nous  a 
jamais  fait  de  mal.  C'est  une  île  lointaine  qui  n'est  pas  dans  le  voisinage 
de  notre  pays.  [Son  gouvernement)  n'a  jamais  manifesté  un  vif  désir  de 
s'emparer  du  Khmèr.  Il  ne  faudrait  pas  que  qui  que  ce  soit  eût  connais- 
sance de  ce  que  le  roi  vient  de  dire  ni  que  le  roi  répétât  ce  propos.  «  Le 
roi  du  Khmèr  se  fâcha  [contre  son  ministre),  n'écouta  pas  l'axis  que  lui 

(')  Mas'OdI  (jui  mentionne  également,  presque  dans  les  même»  termes,  la 
campagne  du  Zabâg  contre  le  Khmèr  ou  ancien  Cambodge,  dit  plus  correcle- 

pays  [du  Klian'-r]  n'e>it  pas  une  ile  do  la  mw;  il  est  soulemenl  situé  sur  le 
bord  de  lu  mer;  et  [il  y  a  dune  ce  pav""  )  des  montagnes". 


no  JDILLET-SKPTEMBRE    l'.)22. 

donnait  son  sage  et  loyal  conseiller  et  il  répéta  le  propos  devant  ses 
généraux  el  devant  des  grands  de  sa  cour  qui  étaient  présents.  Le  pro- 
pos passa  de  Ijouche  en  Itouche  au  point  qu'il  se  répandit  partout  et 
qu'il  parvint  à  la  connaissance  du  Maharaja.  Celui-ci  était  un  souverain 
énergique,  actif  el  expérimenté;  il  était  alors  arrivé  à  l'âge  mûr.  Il  fit 
appeler  son  ministre  et  l'informa  de  ce  qu'il  venait  d'apprendre;  puis,  il 
ajouta  :  rr Après  le  propos  que  ce  fou  [de  roi  kbmèr]  a  rendu  public, 
devant  le  désir  [de  voir  ma  tête  sur  un  plat]  qu'il  a  exprimé  parce  qu'il 
est  jeune  et  léger,  après  la  divulgation  du  propos  qu'il  a  tenu,  il  est  né- 
cessaii'e  que  je  m'occupe  de  lui.  |  Mépriser  ses  insultes,]  serait  me  faire 
tort  à  moi-  (p.  loo)  même,  me  diminuer  et  m'abaisser  devant  lui. ti 
Le  roi  prescrivit  ensuite  à  sou  minisire  de  garder  secrète  la  conversation 
qu'ils  venaient  d'avoir  et  de  faire  préparer  mille  navires  de  moyenne 
grandeur,  de  les  équiper,  de  mettre  à  bord  de  chacun  d'eux  des  armes 
et  des  troupes  vaillantes  en  aussi  grande  quantité  que  possible.  [Pour 
expliquer  ces  armements,]  il  déclara  ouvertement  qu'il  désirait  faire  un 
voyage  d'agrément  dans  les  îles  de  son  royaume;  et  il  écrivit  aux  gou- 
verneurs de  ces  iles  qui  lui  étaient  soumises,  pour  les  prévenir  qu'il 
allait  leur  faire  visite  en  effectuant  un  voyage  d'agrément  dans  les  îles. 
La  nouvelle  se  répandit  partout  et  le  gouverneur  de  chaque  île  se  pré- 
para à  recevoir  le  Maharaja  comme  il  convenait. 

Lorsque  les  ordres  du  roi  furent  exécutés  et  que  les  préparatifs  étaient 
terminés,  celui-ci  s'embarqua  et  avec  sa  flotte  et  ses  troupes  Ht  roule  à 
destination  du  royaume  de  Khmèr.  Le  roi  et  ses  compagnons  se  servaient 
du  cure-dent  ;  chacun  d'eux  s'en  servait  plusieurs  fois  par  jour.  Chacun 
emportait  un  cure-dent  et  ne  s'en  séparait  pas  ou  le  donnait  à  garder  ii 
son  domestique. 

Le  roi  du  Khmèr  n'eut  soupçon  de  ces  événements  que  lorsque  le 
Mahâi'âja  se  fut  emparé  du  fleuve  conduisant  à  sa  capitale  et  eut  lancé 
en  avant  ses  troupes.  Celles-ci  cernèrent  la  capitale  à  l'improviste,  elles 
s'emparèrent  du  roi  et  entourèrent  son  palais.  Les  khmèrs  avaient  fui 
devant  l'ennemi.  Le  Maharaja  fit  déclarer  par  des  crieurs  publics  qu'il 
garantissait  la  sécurité  de  tout  le  monde;  juiis  il  s'assit  sur  le  trône  du 
roi  du  khmèr  qui  avait  été  fait  prisonnier  et  le  fit  comparaître  devant 
lui  ainsi  que  son  ministre.  Il  dit  au  roi  du  Khmèr  :  cfQn'est-ce  qui  t'a 
poussé  à  formuler  un  désir  qu'il  n'était  pas  en  ton  pouvoir  de  satisfaire, 
qui  (p.  loi)  ne  t'aurait  pas  donné  de  bonheur  s'il  avait  été  réalisé  et 
qui  même  n'aurait  pas  été  justifié  s'il  avait  été  facilement  réalisable?'" 
[Le  roi  khmèr]  ne  r(''|)ondit  pas.  Le  Maharaja  reprit  :  ffTu  as  manifesté 
le  désir  de  voir  devant  toi  ma  fêle  sur  un  plat  ;  mais  si  tu  avais  égale- 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJA^A.  (ii 

ment  voulu  t'eniparer  de  mon  pays  et  de  mon  royaume  ou  seulcmenl  eu 
lavager  une  partie,  j'en  aurais  fait  autant  au  Klimèr.  Gomme  tu  n'as 
exprimé  cpie  le  premier  de  ces  désirs,  je  vais  l'appliquer  le  traitement 
que  lu  voulais  me  faire  subir  et  je  retournerai  ensuite  dans  mon  pays, 
sans  m'emparer  de  quoi  que  ce  soit  du  Khmèr.  qu'il  s'agisse  de  choses 
de  grande  ou  d'inllme  valeur.  iMa  victoire  [seivira  de  leçon J  à  tes  suc- 
cesseurs ;  personne  ne  sera  plus  tenté  d'entreprendre  une  tâche  au-dessus 
de  ses  forces,  et  de  désirer  plus  qu'il  ne  lui  est  échu  en  partage  par  la 
destinée;  on  s'eslimera  heureux  d'avoir  la  santé,  quand  on  en  jouira. t' 
11  lit  alors  couper  la  tête  au  roi  du  Khmèr.  Puis  il  s'approcha  du  ministre 
khmèr  et  lui  dit  :  crJe  vais  te  récompenser  pour  le  bien  [que  lu  as 
essayé  de  faire]  en  agissant  en  [bon]  ministre;  car  je  sais  bien  comment 
tu  avais  sagement  conseillé  ton  maître  :  [quel  dommage  pour  lui]  qu'il 
ne  t'ait  pas  écouté.  Cherche  maintenant  quelqu'un  qui  puisse  faire  un 
bon  l'oi  après  ce  fou,  et  mets-le  à  la  place  de  celui-ci. i 

Le  Maharaja  partit  sur  l'heure  pour  retourner  dans  son  pays,  sans 
que  lui  ni  aucun  de  ceux  qui  l'accompagnaient  enq)ortassent  quoi  que  ce 
soit  du  pays  de  Khmèr.  Lorsqu'il  fut  de  retour  dans  son  royaume,  il 
s'assit  sur  son  trône  qui  dominait  le  lac  [aux  lingots  d'or]  et  il  fît  mettre 
devant  lui  le  plat  contenant  la  tête  du  roi  du  Khmèr.  Puis  il  fit  con- 
voquer les  hauts  fonctionnaires  de  sou  royaume  et  les  mil  au  (p.  io!î) 
courant  de  ce  qui  s'était  passé  et  des  motifs  qui  l'avaient  poussé  à  entre- 
prendre cette  expédition  contre  le  roi  du  Khmèr.  [En  apprenant  cela], 
le  peuple  du  Zàbag  pria  pour  son  roi  et  lui  souhaita  toutes  sortes  de 
bonheur.  Le  Maharaja  fit  ensuite  laver  et  embaumer  la  tête  du  roi  du 
Khmèr;  on  la  mit  dans  un  vase  et  on  l'envoya  au  roi  qui  avait  remplacé 
sur  le  trône  du  Khmèr  le  souverain  décapité.  Le  Maharaja  fit  parvenir 
en  même  temps  une  lettre  ainsi  conçue  :  (rJ'ai  été  poussé  à  agir  comme 
je  l'ai  fait  vis-à-vis  de  ton  prédécesseur  à  cause  de  la  haine  qu'il  avait 
manifestée  contre  nous  et  nous  l'avons  châtié  [pour  donner  une  leçon]  à 
ceux  qui  voudraient  l'imiter.  Nous  lui  avons  appliqué  le  traitement  qu'il 
voulait  nous  faire  subir.  Nous  jugeons  bon  de  le  renvoyer  sa  tête,  car 
il  n'est  maintenant  pas  nécessaire  de  la  retenir  ici.  Nous  ne  tirons  aucune 
gloire  de  la  victoire  que  nous  avons  remportée  contre  lui.i  Quand  la 
nouvelle  [de  ces  événements]  parvint  aux  rois  de  l'Inde  cl  de  la  Chine, 
le  Maharaja  grandit  à  leurs  yeux.  I)e[)uis  ce  moment,  les  rois  du 
Khmèr,  tous  les  malins,  en  se  levant,  tournent  le  visage  dans  la  direction 
du  pays  de  Zâbag,  s'inclinent  jusqu'à  terre  et  s'humilient  devant  le  Ma- 
haraja pour  lui  rendre  hommage. 


0'2  JUlLLET-SEPTEMbRIi    1922. 

Mas'ûdï  (9^3). 

Les  Prairies  d'or,  texte  el  tiad.  par  C.  Barbier  de  Meynard  et 
Pavet  de  Gourteille,  t.  {,  i86t ,  in-8°;  t.  II,  i863,  in-8°. 

XL.  (Tome  I,  p.  iGq,  injine.)  L'Inde  est  un  vasie  pays  qui  s'étend 
sur  la  mer,  le  continent  (p.  i63)  et  au  milieu  des  montagnes;  ce 
royaume  est  limitrophe  de  celui  du  Zâbag,  qui  est  l'empiie  du  Maha- 
raja, roi  des  Iles.  Le  Zâbag,  qui  sépare  la  Chine  de  l'Inde,  est  compris 
dans  cette  dernière  contrée. 

(P.  207,  injine.)  .  .  .  Les  crocodiles  abondent  .  .  .  dans  la  baie  du 
Zâbag,  [qui  se  trouve]  dans  les  états  du  Maliârâja  .  .  . 

(P.  a/ia.)  .  .  .  Aux  environs  de  Kalah  et  de  Sribuza,  on  trouve  des 
mines  d'or  el  d'argent 

(P.  3/J3.)  .  .  .  Dans  l'empire  du  Maharaja  est  lile  de  Sribuza  qui  est 
située  à  enviion  4oo  parasanges  du  continent  et  entièrement  cultivée. 
Ce  prince  possède  aussi  les  îles  de  Zâbag  '"'  el  de  Ràranï  et  bien  d'autres 
encore  que  nous  ne  mentionnerons  pas;  au  surplus,  sa  domination 
s'étend  sur  toute  la  sixième  mer  ou  mer  de  Campa  (l'Annam  actuel). 

(P.  394.)  Nous  avons  déjà  parlé  .  .  .  dans  nos  Annales  historiques  et 
notre  Histoire  moyenne  ^'^'>  ...  du  Maharaja ,  roi  des  lies ,  ainsi  que  des 
[jarfuras  et  des  plantes  aromatiques,  et  des  autres  princes  de  l'Inde.  ... 
ce  pays  [Mandùra-patan '^',  la  capitale  du  Madura,]  est  situé  vis-à-vis 
de  Ceylan,  comme  le  pays  de  Khmèr  l'est  des  iles  du  Maharaja,  telles 
que  le  Zâbag  et  les  autres  .  .  . 

(Tome  If,  p.  5i.)  ...  Ou  rencontre  une  ti-oisième  espèce  de  singes 
dans  les  nombreuses  criques  que  forme  la  mer  de  Chine  sur  les  côtes  du 
Zâbag  et  de  l'empire  du  Maharaja ,  roi  de  ces  iles.  Les  possessions  de  ce 
dernier,  comme  nous  l'avons  (p.  62)  déjà  fait  remarquer  dans  cet 
ou\iage,  font  face  à  la  Chine  et  occupent  une  position  intermédiaire 
entre  ce  royaume  el  celui  du  Ballahiâ  [de  l'Inde]  .  .  .  Les  marins  de 
Sii'àf  et  de  l"Oraân  qui  font  coulinuellemeut  le  voyage  de  Kalah  el  du 
Zâbag,  connaissent  parfaitement  les  singes  de  celte  espèce  . .  . 

(')  Les  éditeurs  ont  lu  fautivement  g' vJl  Zandj. 

('^)  Ia*i,3i)lj  yUJi  %Là>I.  Ces  ouvrages  ne  uous  soiil  uialheureusemenl  pas 
parvenus. 

'■^)  Les  éditeurs  ont  adopté  la  leçon  fautive  ^^^î,>a,«  Mandùrafîn,  qu'il  faut 
corriger  en  ^^,jj^i>«. 


L'EMPIRE  SUlVJATRVNAlS  DE  (.ilUMJWA.  63 

Mas'ûdï  (955). 

Kitâb  al-tanblh  wal-isràf,  éd.  M.  J.  De  Goeje,  Leycle,  1 8()/i , 
in-8°;  Le  livre  de  l'avertissement  et  de  la  révision,  trad.  Garha  de 
Vaux,  Paris,  1896,  in-8°. 

XLI.  (P.  90,  influe.)  .  .  .  Nous  avons  donné  dans  le  livre  des  Prai- 
ries d'or  et  des  mines  de  pierres  précieuaes,  des  renseignements  sur  tous 
les  volcans  qui  se  trouvent  dans  la  partie  haintée  de  la  terre,  comme  .  .  . 
(p.  91)  ...  le  grand  volcan  qui  est  dans  le  royaume  du  Maharaja,  loi 
des  îles  du  Zâbag  et  d'autres  îles  dans  la  mer  de  Chine,  parmi  lesquelles 
sont  Kalah  et  Sribuza.  On  désigne  tous  leurs  rois  par  le  titre  de  Maha- 
raja. Cet  empire  [du  Maharaja]  a  une  population  énorme  et  des  armées 
innombrables;  personne  ne  peut  en  deux  ans,  avec  le  vaisseau  le  plus 
rapide ,  parcourir  ces  îles ,  qui  toutes  sont  habitées.  Le  roi  [  de  ces  îles  ] 
possède  plus  de  variétés  de  parfums  et  d'aromates  que  n'en  possède 
aucun  autre  roi.  vSes  terres  produisent  le  camphre,  l'aloès,  le  girolle,  le 
sandal,  la  muscade,  le  cardamome,  le  cubèbe,  etc.  Quant  au  volcan,  il 
est  situé  dans  les  montagnes '''  qui  se  trouvent  à  (p.  92)  l'extrémité 
d'une  des  îles.  Il  paraît  noir  le  jour  à  cause  de  la  clarté  du  soleil,  et 
rouge  la  nuit;  sa  flamme  rejoint  les  nuages  du  ciel  tant  elle  est  haute 
et  tant  elle  monte  dans  l'air  .  . . 

Ibrahim  bin  Wâsif-Sâh  (vers  1000). 

L'Abrégé  des  Merveilles,  trad.  de  l'arabe  d'après  les  manu- 
scrits de  la  Bibliothècjue  Nationale  de  Paris,  par  Carra  de  Vaux, 
Paris,  i8y8,  in-S". 

XLII.  (P.  61.)  . .  .  Une  île  proche  du  Zâbag;  il  s'y  dresse  une  mon- 
tagne dite  nionlaipie  du  Jeu,  d'où  sort,  le  jour,  de  la  fumée;  la  nuit,  de 
la  flamme;  personne  ne  [)ent  en  approcher. 

(P.  69.)  Les  îles  du  Zâbag.  C'est  un  grand  arclii|)el,  fort  i)enplé, 
riche  en  mojssons  et  en  denrées  diverses.  On  dit  que  lorsque  les  habi- 
tants de  la  Chine  étaient  ruinés  par  les  invasions  ou  les  guerres  civiles , 

(')  Il  semble  qu'il  s'agisse  ici  du  fameux  Bërâpi  de  Sumatra  (litt.  [1^  mon- 
tagne] qui  est  en  feu),  Barapi  en  dialecte  miuaàkabaw  (cf.  J.  As.,  juiilct- 
aoùt  1919,  p.  198-199). 


(k'i  JUILLET- sept  embue    19 '2 -2. 

ils  vciiaiciil  piller  Tune  des  îles  du  Zâba^j  et  que  Ici  fui  le  soil  de  loules 
les  îles  de  cet  archipel  et  de  toutes  leurs  villes  .  .  . 

Les  îles  du  Zâbag'  sont  nombreuses  :  Tune  d'elles,  connue  sous  le 
nom  de  Sribuza  ' ,  a  une  superficie  de  ^oo  parasanges  [carrées].  Elle 
pioduit  des  denrées  et  des  parfums  .  .  . 

L'ile  du  Maharaja;  c'est  le  nom  du  roi  de  1  ile.  Cest  une  grande  ile 
li'ès  prospère  et  très  fertile.  Des  commerçants  dignes  de  foi  ont  rapporté 
que  les  coqs  chantant  dans  les  arbres  s'y  répondent  à  cent  parasanges 
(p.  63)  à  cause  de  la  continuité  des  terrains  cultivés  et  du  bel  arrange- 
ment des  campagnes,  que  n'interrompent  ni  déserts  ni  ruines.  Les  voya- 
geurs s'y  déplacent  sans  provisions  et  descendent  où  ils  veulent  '•''>. 

BîRÛNï  (vers  1  o3o). 

Albemm's  India,  an  account  of  the  religion,  pliilosophy, 
lilleralure,  clironology,  astronomy,  customs,  law  and  aslro- 
logy,  about  A.  D.  io3o,  edited  in  ihe  Arabie  original  by 
E.  Sacuau,  Londres,  1887,  in-Zi^'^l 

XLllI.  (P.  l'h*)  Les  iles  orientales  de  cette  mer  [l'Océan  Indien]  qui 
sont  plus  ]aj)[)rochées  de  la  Chine  que  de  l'Inde ,  sont  les  îles  du  Zâbag 
appelées  dans  l'Inde  sûivarndib'''',  c'est-à-dire  ffiles  de  l'orr,  .  .  . 

(P.  f<?F)  .  .  .  L'épithète  d'or  (ou  de  l'or)  appliquée  à  la  forteresse, 
peut  être  de  pure  convention.  II  est,  cependant,  possible  qu'il  faille  l'en- 
tendre au  sens  propre  du  mot,  car  les  îles  du  Zâbag  sont  appelées  ffla 
terre  de  l'or-^,  parce  qu'on  retire  beaucoup  d'or  en  lavant  un  peu  de 
terre  [de  ces  îles]. 

Du  même  auteur  :  kllâl>  al-ldflmn  h  âwail  siintfat  at-taujim 
«Livre  de  l'instruction  sur  les  principes  de  l'astrologie 5?,  dans 


^''  Les  niss  ont  ».Xj)0^au  Sadîda,  »jJ..w  Surira;  Caura  i>e  Vaux  a  restitué  Ser- 
bozah. 

(-)    Vidi'  sttpra,  p-  •'37. 

W  Traduit  en  aiifjlais  par  Sachau  sous  ic  (itre  de  :  Ai.iinitLM's  India,  etc., 
au  English  édition,  willi  notes  and  indices,  9  vol.,  in-8",  Londres,  1910, 
2°  éd  . 

''')  c_o3  ij^y^.  C'est  la  forme  arabisée  du  complexe  sanskrit  suvanjadrlp 
(file  de  l'or». 


L^KMPIHE  StlMATRANAIS  DE  (JRIVIJAYA.  (5 

mes  Rcidt/otis  (le  roi/ages  et  textes  géographiques  arabes,  persa:  s 
et  lurks  relatifs  à  l'Extrême-Orient,  t.  II,  Paris,  iQi'i,  in-S", 
p.  G  0  0-6  0  1. 

XLIV.  .  .  .  Plus  loin  (au  delà  de  Ceylau),  sont  l'Ile  de  Kalah  d'où 
on  exporte  l'ëtain  et  l'île  de  Sribuza  d'où  on  exporte  le  camphre. 

Des  pays  ipù  se  trouvent  dans  les  climats  .  .  .  Nous  disons  que 
lequateur  commence  dans  la  mer  au  sud  de  la  (îhine:  passe  à  l'ile  de 
Zâbag  qui  renferme  de  l'or,  entre  les  îles  de  Kalah  et  de  Sribuza  .  . . 

Habakî  (vers  1 182). 

Al-Batlanï  sive  Albatenii  opus  astronomicum,  éd.  et  trad. 
C.  A.  Nallino,  pars  prima,  Milan,  1908,  in-Zi",  p.  lxvii. 

\LV.  Parmi  les  îles  de  cette  mer  de  l'Inde,  sont  l'île  de  Zâbag  .  .  ., 
l'île  de  Kalah  d'où  l'on  exporte  i'étain,  l'île  de  Sribuza  d'où  l'on  exporte 
le  camphre. 

Edrïsï  (1  i54). 

Kitâl)  nuzhat  al-mustakfi  ihtirâk  al-afâh  «Livre  de  la  rëcroa- 
lion  pour  l'homme  désireux  de  connaître  les  paysw,  trad,  par 
Amédée  Jaubert  sous  le  titre  de  Géographie  d'Edrisi,  Paris, 
t.  I,  i83(i,  m~k"  (t.  V  du  Recued  de  voyages  et  de  mémoires 
publié  par  la  Société  de  Géographie  de  Paris). 

XLVl.  (T.  1,  p.  58.)  .  .  .  Les  habitants  des  îles  du  Zâbag  vont  au 
pays  du  Za ng'  dans  de  grands  et  de  petits  navires,  et  ils  s'en  servent 
poin-  le  commerce  de  leurs  marchandises,  attendu  qu'ils  comprennent  le 
langage  les  uns  des  autres  *^'. 

I  P.  59.)  ...  Au  nombre  des  îles  du  Zâbag  est  celle  de  Sribuza  ^^' 
dont  la  circonférence  est,  à  ce  qu'on  dit,  de  1.200  milles  et  où  l'on 
tiouve  des  pêcheries  de  perles  et  diverses  sortes  d'aromates  et  de  par- 
fums, ce  qui  y  attire  les  marchands. 

'"'  Côte  orienlaU;  d'Afri(ju»'  au  sud  du  cap  Guardafui. 

■^  I.«!  leile  iiialx'  a  »^^j-i  Sarhiiïva;  la  carie  aflerento  à  cette  section,  Syjj.^ 
Sdiiia ,  qui  sont  à  corriger  on  »vij-i  Srilju'-u. 


6«  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

(P.  Go.)  ...  On  dit  que  lorsque  l'étal  des  affaires  de  la  Chine  fut 
troublé  par  les  rébellions  et  que  la  tyrauuie  et  la  confusion  devinrent 
excessives  dans  l'Inde,  les  habitants  de  la  Chine  transportèrent  leur 
commerce  au  Zâbag  et  dans  les  autres  îles  qui  en  dépendent,  entrèrent 
en  relations  et  se  familiarisèrent  avec  ses  habitants,  à  cause  de  leur 
équité,  de  la  bonté  de  leur  conduite ,  de  raménitë  de  leurs  mœurs  et  de 
leur  facilité  dans  les  aiïaires.  C'est  pour  cela  que  cette  île  [de  Zâbag]  est 
si  peuplée  et  qu  elle  est  si  fréquentée  j>ar  les  étrangers. 

AjLiprès  de  cette  île  [du  Zâbag],  il  en  existe  une  autre  peu  considé- 
rable, dominée  par  une  haute  montagne  dont  le  sommet  et  les  flancs 
sont  inaccessibles,  parce  qu'elle  brûle  tout  ce  qui  s'en  approche. 
Dunanl  le  jour,  il  s'en  élève  une  épaisse  fumée,  et  durant  la  nuit,  un 
feu  ardent.  De  sa  base  coulent  des  sources,  les  unes  d'eau  froide  et 
douce,  les  autres  chaudes  cl  salées. 

(P.  65.)  ...  Les  habitants  des  îles  du  Zâbag  et  des  autres  îles  envi- 
ronnantes viennent  chercher  ici  [à  Sofâla  de  la  côte  sud-orientale 
d'Afrique]  du  fer  pour  le  transporter  sur  le  continent  et  dans  les  îles  de 
rinde,  où  ils  le  vendent  à  bon  prix,  car  c'est  un  objet  de  grand  com- 
merce et  de  grande  consommation  dans  l'Inde  .  .  . 

(P.  78  hifra.)  .  .  .  Les  gens  de  Komr  (=  Madagascar)  et  les  mar- 
chands du  pays  du  Maliârâja  viennent  chez  eux  [les  Nègres  de  la  côte 
sud-orientale  d'Afrique],  on  sont  bien  accueillis  et  trafiquent  avec  eux  ... 

(P.  178.)  .  .  .  Au  Zâbag,  les  rois  s'ai)pellent(_,<^i'''  ... 

Yâkût  (122/1). 

Yacut's  geographischcs  Wôrterbuch  .  .  .  herausgegeben  von 
Ferdinand  WïiSTENFELD,  Leipzig,  6  V0l.,in-8°,  1866-1870. 

XLVII.  (T.  I,  p.  f'i)  ...  Dans  les  régions  de  l'est,  se  trouvent  les 
îles  du  Zâbag;  puis,  .  .  .  Srilniza'"'  d'où  on  tire  le  camphre. 

(T.  II,  p.  4- f)  Az-Zâbag  est  une  île  située  aux  contins  [orientaux]  du 
pays  de  l'Inde,  derrière  la  mer  de  Harkand  [^ golfe  du  Bengale],  et 
aux  confins  [occidentaux]  de  la  Chine. 

(T.  III,  p.  ^a)  Srihuza  est  une  île  dans  la  terre  de  l'Inde  dont  la 

(')    Vide  supra,  p.  h^.,  n.  a. 

'-)  On  a  imprimi''  ^'jiy^,  erreur  lypojvrapliiijuc  pour  ï'-r^t^  Saibuza,  qui  est 
à  conijfcr  on  s^-'..^. 


.      L'EMPIRE  SIMATRANAIS  DE  ÇlîIVlJV^  \.  67 

[wsition  dans  le  monde  habité  est  sur  réquateur.  On  en  exporte  le 
camphre. 

Kazwînî  (1208-1283). 

Kitâb  ajôïl)  al-mahlûhlt  wa  yarnib  al-mawjûdftt  «Livre  dés 
merveilles  des  créatures  et  des  curiosités  de  l'univers  ?5,  dans 

ZaKAHUA   BEN   MuHAMMED    Ui:\    MaIIMVD    EL-CAZ}yiM's    KoSMUgVa- 

■phic,  éd.  WiJsTENFELD,  Gotlingen,   18^9,  in-8%  Erster  Theil. 

XLVIII.  (P.  I*a)  Les  îles  de  la  mer  de  Chine.  .  .  .  L'île  de  Zâbag^'^ 
C'est  une  grande  île  sur  les  frontières  de  la  Chine,  à  l'extrémité  du  pays 
de  l'Inde.  Elle  est  gouvernée  par  un  roi  appelé  le  Maharaja. 

XLIX.  Mliiammad  Bm  Zakariyâ  ar-Râzî  [mort  en  928  ou  <)3aJ  dit  : 
(fLe  Maharaja  reçoit  un  trihut  qui  s'élève  à  deux  cents  mann  d'or  par 
jour;  le  mann  vaut  600  dirhams.  11  fait  faire  des  briques  [avec  cet  or], 
et  les  jette  dans  l'eau  [d'un  étang],  et  cet  étang  lui  sert  de  maison  du 
Trésor,  -n 

L.  Ib\  al-Fakïh  [909]  dit:  ffDans  cette  [île]  hahilenf  des  êtres  sem- 
blables aux  hommes,  mais  leur  caractère  ressemble  ])lulôt  à  celui  des 
bétes  sauvages;  ils  parient  une  langue  que  personne  ne  comprend.  Il  y 
a  dans  cette  [ile]  des  arbres  et  ses  [habitants]  sautent  d'un  arbre  à 
l'autre.'^  Le  même  auteur  dit  ensuite:  rfll  y  a  dans  cette  [île]  une 
espèce  particulière  de  chats  avec  des  ailes  comme  celles  des  chauves- 
souris  qui  partent  de  la  naissance  de  l'oreille  et  vont  jusqu'à  la  queue  ; 
il  y  a  aussi  des  antilopes  semblables  aux  bœufs  de  montagne,  dont  la 
couleur  est  rouge  à  points  blancs,  leur  queue  est  semblable  à  celle  des- 
gazelles et  leur  chair  est  d'un  goût  désagréable.  Il  y  a  encore  la  civette 
qui  ressemble  au  chat  et  dont  on  tire  le  parfum  du  même  nom  ;  le  rat 
nuisqué:  la  montagne  appelée  Nasbân'''  où  se  trouvent  de  giands  ser- 
pents dont  quelques-uns  peuvent  avaler  des  hommes,  des  bœufs  et  des 
buffles,  d'autres  [même]  des  éléphants;  des  singes  blancs  qui  ressem- 
blent en  partie  aux  buffles,  en  partie  aux  béliers,  et  d'autres  [singes] 
avec  la  poitrine  blanche  et  le  dos  noir  ''.» 

'')  Ici  et  »«//■«,  le  texte  a  faulivcincnt  glj  Z(itia[r  pour  gh . 

''^)  yLj,a.jJ!,  var,  yUiJJi,  jjjUijJI .  yL-y.a-Jl;  je  Hc  sals  quelle  est  la  bonne 
lefoa  du  nom  de  cette  monta^juc,  qui  n'est  pas  identiliéc 

(■^)  Ces  deux  passajjes  ne  se  retrouvent  pas  intégralciricnt  dans  le  le\le  ([iii 
nous  est  jiarvenu  et  qui  a  été  édité  par  Dk  (ioEJi;  {vida  supra,  p.  ij/i). 


08  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

LI.  Zakariyâ  bin  YahyI  bin  Hâkân'''  dit  :  rrDans  l'île  de  Zâbag,  il  y  a 
une  espèce  de  perroquets  blancs,  rouges  et  jaunes,  qui  parle  toutes  les 
langues  possibles;  il  y  a  également  des  paons  noirs,  tachetés  de  blanc, 
et  verts;  une  espèce  d'oiseau  appelé  (il-lunrân,  plus  grand  que  celui  du 
Soudan,  plus  petit  que  le  pigeon  à  collier,  à  bec  jaune,  ailes  noires, 
ventre  blanc  et  ['attes  rouges,  qui  parle  mieux  encore  que  les  perro- 
quets. Il  y  a  également  dans  [cette]  ile  des  créatures  à  forme  humaine  qui 
parlent  une  langue  incompréhensible;  ils  mangent  comme  les  hommes; 
il  y  en  a  de  blancs,  de  noirs  et  de  verts,  avec  des  ailes  au  moyen  des- 
quelles ils  volent '^'.T5 

LU,  MâhÂn  bin  Bahr'^'  de  Sïrâf  dit  :  ff  J'étais  sur  l'une  des  îles  du  Zâbag 
et  je  vis  de  nombreuses  roses  rouges,  jaunes,  bleues  et  d'autres  cou- 
leurs. Je  pris  un  morceau  d'étoffe  rouge  et  mis  dedans  quelques  roses 
bleues.  Lorsque  je  voulus  les  emporter,  je  vis  du  feu  dans  l'étoffe  qui 
consuma  toutes  les  roses  qui  s'y  trouvaient,  mais  l'étoffe  ne  brûla  pas. 
Je  questionnai  les  gens  du  pays  à  ce  sujet  et  ils  me  dirent  :  ffCes  roses 
ffont  beaucoup  de  propriétés  utiles,  mais  il  est  impossible  de  les  em- 
ff porter  hors  de  la  roseraie." 

LUI.  MoHAMMAD  BIN  Zakariyâ  [ar-RâzI]  dit  :  «Parmi  les  merveilles  de 
cette  île  [de  Zâbag],  il  faut  compter  l'arbre  à  camphre.  Il  est  extrême- 
ment grand  et  couvre  de  son  ombre  cent  hommes  et  même  davantage. 
L'arbre  étant  percé  dans  sa  partie  la  plus  élevée,  il  en  coule  Veau  de 
camphre  de  quoi  remplir  une  quantité  de  cruches.  [Quand  la  récolte  de 
la  partie  supérieure  est  terminée,]  on  perce  un  peu  plus  bas,  au  milieu 
de  l'arbre,  et  on  en  fait  sortir  des  morceaux  de  camphre:  car  c'est  dans 
cette  paitie  que  se  trouve  la  résine  de  l'arbre  et  il  n'y  en  a  qu'à  l'inté- 
rieur du  camphrier.  Quand  on  l'a  récolté,  l'arbre  se  dessèche. ^^ 

LUI.  (P,  i<î>i)  ...  La  montagne  de  Jâba,  dans  l'Inde.  C'est  une 
montagne  au  sommet  de  laquelle  se  trouve  un  feu  qui  brûle  [sur  un 
espace  de]  500  coudées  carrées.  Pendant  le  jour,  [il  en  sort]  de  la 
fumée.  Il  y  a  là  des  collines  qui  produisent  des  parfums  qu'on  trans- 
porte dans  les  [autres]  pays  et  dans  l'univers  entier. 


(')  Ci't  autour  ne  m'est  connu  quo  par  la  présente  cltalion. 
'-'   Vidfi  supra,  p.  ô^i,  le  passajfe  de  IiiN  al-Fakîh  qui  est  vraisemblablement 
à  la  base  de  ces  iiilormations. 
^^'  Inconnu  par  .lilleurs. 


L'KMPIRE  SIMATIWNAIS  DE  ÇUiVIJAYA.  69 

Kitâb  àOâv  al-htlàd  wa  nhhâr  al-ibâd  «  Livre  des  monuments 
des  pays  et  des  renseignements  sm*  les  hommes  w,  dans  Zaka- 

RIJA    BEN    MuBAMMED    BEN    MaUMUD    EL-CaZU'I.m's    KosmOgraphlC , 

éd.  WûsTENFELD,  Zwoiter  Theil,  Gôltingen,  18^8,  in-8''. 

LIV.  (P.  1'^)  Jâwa  est  un  pays  [situé]  sur  le  rivage  de  la  mer  de 
Chine,  limitrophe  du  pays  de  l'Inde.  De  notre  temps,  les  marchands 
[voulant  trafiquer  avec  la  Chine]  n'arrivent  que  jusqu'à  ce  pays;  toute 
aulre  région  de  la  Chine  leur  est  inaccessible  à  cause  de  la  grande  dis- 
lance et  de  la  différence  des  religions.  Lés  marchands  exportent  de  ce 
pays  l'aloès  [ appelé ]y«ît;i  (ou  aloès  sumatranais),  le  camphre,  le  nard  , 
le  girofle,  le  macis,  les  vases  chinois.  On  exporte  [ces  dei-niers]  dans  le 
monde  entier. 

LV.  (P.  h)  L'ile  de  Zâbag.  C'est  une  grande  île  à  la  frontière  de  la 
Chine,  limitrophe  du  pays  de  l'Inde,  Elle  contient  des  choses  extra- 
ordinaires. C'est  un  royaume  étendu,  Son  roi  est  puissant;  il  s'appelle 
le  Maharaja. 

LVI.  MuHAMMAD  BiN  Zakariyâ  dit:  rfLe  Maharaja  perçoit  chaque  jour 
un  impôt  qui  s'élève  à  200  mnnn  d'or;  il  fait  [avec  cet  or]  des  briques 
et  les  jette  dans  l'eau.  C'est  l'eau  qui  lui  sert  de  maison  du  Trésor. n 
11  dit  aussi  que  parmi  les  merveilles  de  cette  île  est  l'arbre  à  camphre. 
Il  est  très  grand  et  couvre  de  son  ombre  cent  hommes  et  plus.  L'arbre 
dans  sa  partie  la  plus  élevée,  étant  percé,  il  en  coule  l'edu  de  camphre, 
de  quoi  remplir  une  quantité  de  cruches.  [Quand  la  récolte  de  la  partie 
haute  est  terminée,]  on  perce  un  peu  plus  bas,  au  milieu  de  l'arbre,  et 
on  en  fait  sortir  des  morceaux  de  camphre;  car  c'est  dans  cette  partie 
que  se  trouve  la  résine  de  l'arbre  et  il  n'y  en  a  (|ue  dans  l'intérieur  du 
camphrier.  Quand  on  l'a  récoltée,  l'arbre  se  dessèche '*'. 

LVII.  Mâhân  BIX  Bahr  de  Sïrâf  raconte  ceci  :  ff J'étais,  dit-il,  sur  l'une 
des  îles  du  Zâbag  et  je  vis  de  nombreuses  roses  rouges,  jaunes,  bleues 
et  d'autres  couleurs  .  .  .  [vide  supra,  LU,  p.  68),n 

LVIII.  1b\  al-Fakîh  dit  (p.  \")  :  rrll  y  a  dans  cette  île,  un  peuple 
semblable  aux  hommes,  si  ce  n'est  que  leur  caractère  ressemble  à  celui 
des  bêtes  féroces.  Ils  parlent  une  langue  qu'on  ne  comprend  jias. 
Ils  sautent  d'arbre  en  arbre  .  .  .  (vide  supra,  L,  p.  67). 

")    Vùlr  ««/«•«,  \\A\  cl  Mil,  p.  (".7  A  ()8. 


70  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

LI\,  Zak.muvâ  BIX  MuiiAMMAD  BIS  IIâkân^'^  dit."  «Dans  Tile  de  Zâbag, 
il  y  a  des  peiioquets  blancs,  jaunes  et  rouges  (|ui  parlent  toutes  les- 
langues  possibles.  Il  y  a  également  des  paons  noirs,  tachetés  de  blanc, 
et  verts;  un  oiseau  appelé  (d-haivân,  plus  petit  que  le  pigeon  à  collier, 
à  ventre  blanc,  aux  ailes  noires,  aux  pattes  rouges  et  k  bec  jaune. 
Il  pa;'le  mieux  encore  que  le  pei"roquet,  Allah  seul  sait  la  vérité  !  r, 

Ibn  Sa'îd  (1208  ou  iQiA-127/i  ou  1286). 

Extraits  du  ms.  2a3/i  du  fonds  arabe  de  ia  Bibliothèque 
nationale  de  Paris  qui  est  intitulé  :  «Livre  qu'a  réuni  et  résumé 
'Alï  bin  Sa'îd  le  Maghrébin  l'Espagnol  —  qu'Allah  l'ait  en  sa 
miséricorde!  —  du  Livre  de  la  Géographie  [de  Ptolémiîe], 
en  sept  climats;  et  il  y  a  ajouté  les  longitudes  et  les  latitudes 
exactes  d'après  le  Livre  de  Ibn  Fâtima'^^  —  qu'Albh  l'ait  en 
sa  miséricorde  !  v 

.  LX.  (Fol.  -ik  v°).  r"  climat,  ...  Les  îles  du  Zâbag  sont  célèbres 
chez  les  voyageurs.  La  plus  grande  est  l'île  de  Sribuza,  dont  la  lon- 
gueur, du  nord  au  sud,  est  de  hoo  milles,  et  dont  la  largeur,  soit  au 
nord,  soit  au  sud,  est  de  160  milles.  On  y  accède  facilement  de  la  mer^^^ 
Sa  ville  [appelée  aussi]  Sribuza,  jusqu'où  pénèti'e  un  golfe  de  Tile,  est 
située  au  centre  de  l'île.  Elle  est  [située]  slm-  un  llenve.  Sa  longitude  est 
de  88°  3o'  et  m  latitude  de  3°  Ao'.  Dans  cette  île,  se  trouvent  d'autres 
villes  dont  nous  ignorons  les  noms.  ...  Au  sud-est  de  Sribuza,  se 
trouvent  un  nombre  infini  d'îles  qui  font  partie  de  l'archipel  du  Zâbag. 
Le  plus  grand  nombre  de  ces  îles  sont  habitées  par  des  noirs.  . .. 

LXI.  (Fol.  97  v\)  .  .  .  Les  îles  du  Maharaja  sont  nombreuses  et  on 
en  parle  dans  les  livres.  On  y  trouve  de  l'or  excellent.  Leur  souverain 
compte  parmi  les  rois  les  plus  riches  de  l'Inde  et  e'est  celui  qui  possède 
le  plus  d'éléphants.  (Fol.  37  v°.)  La  plus  grande  des  îles  de  cet  archipel 
qui  contient  la  ville  du  Maharaja,  a  200  milles  de  long  et  environ 
100  milles  de  large.  La  ville  est  située  sur  son  côté  occidental  et  est  par 

(')  C'est   évidemment  io  même  personnage  qui  est  appelé  précédemment 
(Ll,p.  (y%)  bin   Yahyâ. 
(^)  Inconnu  par  ailleurs. 
W  Litt.  elle  a  des  entrées  dans  la  nior. 


i;EMPIHE  SUMATRANAIS  de  ÇRÎVIJAYA.  7;1; 

iSi"  de  longitude  et  i  a"  3o'  de  latitude.  A  l'est  de  la  ville,  se  trouve  uui 
estuaire  qui  vient  de  la  montagne  qui  est  au  nord.  On  raconte  que  le 
palais  de  ce  loi  se  trouve  sur  un  vaste  canal  dont  il  a  tapissé  le  fond  avec 
de  l'argent.  Il  l'a  clos  aux  deux  extrémités  poui*  que  ce  qu'on  y  dépose 
ne  puisse  pas  sortir.  Depuis  qu'ils  gouvernent  ces  îles,  la  coutume  de 
chacun  des  rois  de  celte  dynastie  est  de  jeter  une  Inique  d'or,  chaque 
année,  [dans  le  canal].  Après  la  mort  [du  roi],  on  compte  les  briques 
et  on  connaît  [ainsi]  la  durée  de  son  règne.  On  remet  [dans  le  canal] 
une  des  briques  et  on  distribue  le  reste  aux  soldats,  en  l'honneur  dùj 
nouveau  roi.  Les  briques  isolées  [représentant  chacune  un  règne,]  sont 
mises  d'un  côté,  et  les  briques  [annuelles  mises  daiis  le  canal  par  lé; 
souverain  régnant,  ]  sont  mises  d'un  autre  côté.  Quand  pu  veut  indiquer 
combien  de  leurs  rois  ont  régné,  on  compte  les  briques  isolées  [qui 
représentent  chacune  un  règne  *'^].  On  sait  quelle  est  la  durée  du  règne 
du  roi  régnant  au  moyen  d'une  baguette  [graduée  comme  un  maréo- 
mètre].  On  ne  la  sort  pas  de  sa  place,  car  elle  se  trouve  dans  ua  endroit 
exposé  au  soleil  levant;  et,  dans  la  matinée,  cet  .or  brille  au  milieu  de 
l'eau.  On  trouve  des  corindons,  des  émeraudes,  de  graudes  perles  dont 
il  [le  Maharaja  |  dispute  la  possession  aux  autres  rois  et  dont  il  s'en- 
orgueillit. Cet  endroit  (fol.  98  r°)  est  le  Trésor  des  richesses  [du  ror^?'  ]a 
On  dit ,  sans  le  prouver,  que  cette  île  a  été  enlevée  à  une  race  pout'- 
passer  à  une  autre.  Pour  cela,  ils  montrent  de  la  fierté  à  leurs  voisins. 
Le  titre  de  Maharaja  est  un  surnom  [lire  :  titre]  que  [les  rois]  se  trànsn 

mettent  héréditairement. 

\ 

LXII.  Au  sud  des  îles  du  Maharaja  est  l'île,  de  Jâwa'  ,  gjande,' 
célèbre,  où  les  navires  se  rendent  à  cause  des  nombreuses  drogues 
indiennes  qui  s'y  trouvent  et  parce  que  ses  habitants  sont  bien  connus 
par  leur  façon  de  traiter  les  voyageurs.  Son  extrémité  occidentale  est 
par  ifik"  de  longitude  et  dans  ce  coin  [nord-occidental],  parmi  sps 
villes,  est  celle  qui  est  célèbre  parmi  les  voyageurs,  Làmurr^*^  Celte 


O   Vide  supra,  p.  58,  n.  1. 

'-'   Vide  supra,  p.  58,  n.  2.  ; 

'■^)  «3U.I  =  Sumatra. 

'*'  c5jv«il,   que  je  lis   ^^-ii)  d'après  les   notations   chinoises.    C'est   le    ^ 

^    {sic )  Laii-li  du  Lini!i  ivui  lai  la,  le  ^  ^  ^  Lan-wmUi  du  7t7i(>«  fnu 

Uilie  (cf.  lliiiiU-bocKHiM.,  (^Iiau  Ju-lcua,  p,  ()2,  00,  7a  et  78);  le  P||j  jlAl  n|| 

^an-^vou-U  du   Tao  yi  Iche  lia,  le   j^  '^^  J|  Nan-po-li  du  Yinp;  ijai  citeng  laii 

(  cl.  UocKHiu.  :  Notes  on  ihe  relalimis  atitl  Irade,  dans  Toung  pao,  t.  XVI ,  lyiô  , 


72  JUILLET-SEPTEMBRE    1<J22. 

dernière  est  par  5°  de  latitude.  Dans  le  sud  de  l'ile,  dans  le  coin  sud- 
onest,  se  trouve  la  ville  de  Pancûr  '  qui  donne  son  nom  au  camphre 
[appelé] /JflMCMrJ.  Elle  se  trouve  sur  le  même  méridien  que  l'aulre  [Lâ- 
muri]  en  ce  qui  concerne  sa  longitude.  Sa  latitude  est  de  i°  3o'.  Les 
Montagnes  du  Camphre  s'étendent  de  la  ville  [de  Pancûr]  jusqu'à  peu 
près  à  l'extrémité  de  l'ile,  de  l'ouest  à  l'est.  Au  milieu  de  l'ile  [de  Jâwa], 
sur  les  Montagnes  du  Camphre,  se  trouve  sa  capitale,  la  ville  de  Jâwa. 
Là,  réside  le  roi  de  celte  ile  et  des  iles  qui  l'entourent  et  qui  se  rattachent 
[à  l'ile  de  Jâwa].  De  cette  ville  tire  son  nom  l'aloès  [appelé]  jâirî;  il  est 
noir,  lourd,  plonge  dans  l'eau  comme  s'il  était  une  pierre.  Ou  dit  que 
l'aloès,  c'est  la  racine  de  l'arbre.  (Foi.  â8  v°.)  Cette  ville  [de  Jâwa]  est 
par  lit)"  20'  de  longitude  et  3°  de  latitude. 

KuTB  AD-Dïis  As-SîRÂzi  (mort  en  i3i  1). 

Nihâyat  al-idrah  fi  dirayat  al-ajlûk  «  La  plus  parfaite  compré- 
hension de  la  connaissance  des  sphères ?5,  d'après  le  ms.  1  106 

p.  1^8  et  1/19;  cf.  également  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  827,  note  3);  le 
Lamuri  du  Nàgarakërtâgama  (chant  XIII,  strophe  2,  édit.  Krom  .  p.  r)o),  etc. 
(')  God.  ;>Maîr*  pour  ^^oJj,  iilt.  Faneur  avec  ij^  —  ('•  C'est  le  fameux  port 
du  camphre  de  la  côte  ocrideutale  de  Sumatra  ,  l'actuel  Baros  ou  Barus.  Les 
Chinois  l'ont  connu  sous  ce  dernier  nom  :  ^  «^  §ip  P<>-l(ni-che  Cii-TsiNo), 
fîP  M  ^  ^  Lang-p'o-lou-sseu  [Sin  l'ang  chou);  c'est  aussi  Baros  qu'il  faut 
restituer  dans  le  complexe  ^  f^  ^  signifiant  w onguent  de  P'olui  et  dési- 
gnant le  camphre,  qui  remonte  au  plus  tard  au  temps  des  Leang  (5oa- 
556)  (Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  3io-3ii).  Quant  au  ^  ^  Pin-sou  du 
xiii°  siècle,  au  îJE  ^  Pan-tsuu  du  Tao  yi  tche  lio  (cf.  Rockhill,  Noies  on  the 
relations  and  trade,  Toung  pao,  t.  XVI,  igiS,  p.  i33);  au  ^  2Çt  Pan-tsou , 
ou  îff  2fe  53  Pan-tsou-eul  du  xv"  (cf.  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  3'ii), 
il  faut  évidemment  restituer  également  Pancûr;  mais  si  j'en  juge  d'après  le 
passage  du  Ming  che  (apud  Groeneveldt,  Notes,  p.  i64)  et  la  notice  l\^  du 
Tao  yi  tche  lio,  il  ne  peut  s'agir  dans  ces  deux  cas  du  Pancur-Baros  de  la  côte 
orcidentate  de  Sumatra  que  son  exportation  de  camphre  avait  rendu  célèbre. 
liC  passage  du  Ming  che  dit  :  (rAbout  that  time  (i'ii5),  some  followers  of  the 
impérial  envoys  (envoyés  à  Java)  had  bcen  driven  by  a  storm  to  the  country 
Pan-lsou-eul'i  (Giïoeneveldt,  Notes,  p.  i64).  L'itinéraire  des  missions  chinoises 
se  rendant  à  Java  n'a  pu,  en  aucun  cas,  passer  au  large  de  la  côte  occidentale 
de  Sumatra;  ce  Pan-tsou-eul  =  Pancur  n'est  donc  pas  le  Pancur-Baros  d'où 
s'exporte  le  camphre.  La  notice  4i  du  Tao  yi  tche  lio,  traduite  par  Rockhill, 
dit  :  fr Pan-tsou.   This   locnlity  is   the  liill   back   of  ^  :^  P^   Long-ya-menn 


L'EMPIIŒ  SU\I\TR\\\IS  DK  ÇRlMJ\V\.  73 

de  Leyde  et  le  ms.  0682  de  Berlin,  dans  Eilhard  Wiedkmann, 
Reitidge  :ur  Geschichie  der  .^aturwissenschnften,  XX Vil,  tirage 
à  part  des  Sitznngsherichte  fier plii/.nlcalisch-mef(i(l)imfien  SocicUU 
in  Erlangon ,  t.  kh  ^  '  'j  ^  2  • 

LXIIl.  (P.  3^.)  L'équateur  commence  à  l'est  de  la  Chine  et  passe 
par  une  île  que  les  Indiens  appellent  Jamkût;  |)uis,  par  les  parties 
méridionales  de  la  Cliine;  puis  par  Dizkank  [ouKankdiz];  — '  pai* 
l'ile  de  Zâwa  ^- ,  nom  qui  signifie  (fie  pays  de  l 'or^^  ;  ensuite,  par  le  suri 
de  l'île  de  Sirandïb  (Ceylan);  entre  les  îles  de  Kalah  et  de  Sribuza;  ... 

DiMASKï  (vers  i32o ). 

Cosmographie  de  Ciiems  ed-din  Abov  Abdallah  Mohammed 
ED-DiMicuQi,  texte  arabe,  éd.  Mehren,  Saint-Pétersbourg, 
1866,  in- h";  Manuel  de  cosmographie  du  moyen  âge,  truH. 
Mehren  du  texte  précédent,  Paris,  187/1,  in-S". 

LXIV.  (P.  9  de  la  trad.)  , .  .  [L'équateur]  passe  aux  îles  Dïbajât  (les 
Maldives),  entre  les  côtes  méridionales  de  l'île  de  Sirandïb  (Ceylan)  et 
l'île  de  Sribuza;  après  Tîle  de  Zâbag,  il  touche  la  côte  méridionale  de  la 
Chine  et  aboutit  à  l'extrême  frontière  de  l'Orient  .  .  . 

(P.  92.).  .  .  .  D'après  Abu'l-Fahaj  bin  Kodâma  [,  mort  en  922,]  . .  . 
parmi  les  fleuves  situés  au-delà  de  l'équateur,  nous  trouvons  .  , . 
deux  fleuves  de  l'île  de  Sribuza. 

(P.  199.)  L'île  de  Sribuza,  d'une  circonférence  de  1.200  milles, 
contient  beaucoup  de  villes,  parmi  lesquelles  Sribuza  est  la  plus  célèbre, 
on  y  trouve  la  meilleure  espèce  de  camphre. 

(P.  206.)  L'île  de  Maharaja  est  la  plus  considérable '^j ;  sa  longueur 

flilt.  :  ffdétroit  de  la  dent  du  dragou  (/ong-t/a),  vide  supra,  p.  3o,  note] 
...»  Ces  indications  permettent  de  situer  le  Pan-tsou  ou  Pan-tsou-eul  du  Tao 
yi  tche  lia  et  du  Minij  che  sur  la  côte  orientale  de  Sumatra  où  il  existe,  en 
effet,  une  île  Faneur,  homonyme  et  liomojjraphe  du  port  du  camphre  de 
la  côte  occidentale  de  la  même  île. 

'')  Ce  qui  suit  est  une  addition  marginale  au  manuscrit  de  Leyde  (Wibde- 
mann). 

<')  Le  texte  a  donc  Hj!^ . 

(•^)  Le  texte  a  p.  (op  :  *'l^lj4il  -f^'y^^'^^  <,A  ^\j^\  Vr^*'  '^*'-  *^''''*^  ^" 
Mnhârâja  est  la  môre  dfs  ilo'^  miihârrtjionnos-^  (appartenant  au  Maharaja). 


74  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

est  de  1  9  journées  fde  marche]  sur  une  largeur  de  5;  à  son  extrémité, 
est  (p.  907)  situé  uu  grand  volcan  qui  lance  des  étincelles  comme  des 
|)ierres,  avec  un  bruit  de  tonnerre  et  des  échiirs;  à  cause  du  feu,  il  n'y  a 
ni  lieu  d'habitation,  ni  passage  juscju'à  une  distance  d'une  parasauge. 
(",e  volcan  est  le  plus  grand  du  monde,  et  il  n'y  en  a  pas  de  pareil  :  la 
])lace  qu'il  occupe  s'appelle  Ile  du  volcan,  et,  comparée  avec  le  reste  de 
l'île,  elle  ressem])le  au  pied  en  proportion  de  la  jambe  .  . . 

Abùlpidâ  {1973-1  33  1). 

Géographie  d'ABOULFÉDA,  t.  II,  a''  part.,  tracl.  St»GuvARD, 
Paris,  i883,  m-li". 

(P.  126.)  Iles  delà  mer  orientale. 

LXV.  ...  On  lit  chez  Ibn  Sa'ïd  :  Les  îles  du  Zâbag  sont  célèbres  par 
les  récits  des  marchands  et  des  voyageurs  ' .  La  ])lus  grande  est  l'ile 
de  Sribuza  qui  a  /loo  milles  de  longueur  du  nord  au  sud  et  environ 
160  milles  de  largeur  sur  toute  son  étendue'^''.  Des  bras  de  mer  y  pé- 
nètrent. Sa  capitale  Sribuza  est  située  en  son  milieu  ,  sur  un  estuaire  et 
sur  un  fleuve.  Sa  longitude  est  108°  3o'  et  sa  latitude  3"  ûo'. 

LXM.  (^P.  127.)  Le  même  auteur  rapporte  que  parmi  les  Iles  delà 
mer  de  l'Inde,  il  faut  citer  celle  de  Jâwa,  grande 'île  célèbre  par  l'abon- 
dance de  ses  drogues  '"'.  La  côte  [nord-]  occidentale  de  cette  île  a  pour 
longitude  1  AS"  et  pour  latitude  5°.  Au  sud  de  l'île  de  Jâwa  on  remarque 
la  ville  de  Pancûr,  d'où  le  camphre  [appelé]  pançwt  tire  sou  nom.  La 
longitude  de  Pancûr  est  i45°  et  sa  latitude  1°  3o'. 

LXVII.  (P.  i3o.)  ...  Ile  de  Zâbag.  D'après  YAtwàï  [=  Livre  des  lon- 
gitudes et  des  latitudes  attribué  à  Al-Faris,  x°  siècle],  11  5°  de  longitude. 
Au  sud  du  1"  climat.  Dans  la  mer  Verte. 

On  lit  dans  VAtivâl  :  il  y  a  dans  les  îles  du  Zâbag  des  serpents  ca- 
pables d'engloutir  un  homme  et  même  un  bullle,  et  des  montagnes  en 
ignition  perpétuelle.  Les  feux  de  ces  montagnes  se  voient  snr  la  mer 
à  plusieurs  jours  ... 

<')   Vide  supra,  LX ,  p.  70. 

'^)  Les   cliifl'rcs   donnés   par   le   manuscrit    de  Ib^   Sa'ïd    s'accordent    ayec 
ceux-ci.  Vide  »upra ,  i^\ .,  p.  70. 
'')    Vide  supra,  LXII,  p.  71. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  75 

LXVIII.  Uedu  Maharaja  ou  de  Siihuza",  D'après  le  AV7nHH|  de  Bîrûnî] 
i4o°  de  longitude  et  i"  de  latitude.  Au  sud  du  premier  climat.  Grande 
île  tle  la  mer  Verte, 

On  lit  chez  Ibn  Sâ'ïd  ;  Les  iles  du  Maharaja  sont  de  nombreuses  îles. 

Leur  souverain  est  un  des  plus  riches  rois  de  l'Inde  et  celui  qui  pos- 
sède le  plus  d'or  et  d'élépliants.  La  plus  grande  de  ces  iles  est  le  siège 
de  sa  royauté.  D'après  le  Kttâb  aî-Ahvâl,  l'île  de  Sribuza,  c'est  l'île  du 
Maharaja  ^'K 

LXIX.  MuH.\LLABï  [fin  du  x°  siècle]  dit  que  i  île  de  Sribuza  est  une 
des  dépendances  de  la  Chine.  11  ajoute  qu'elle  est  prospère  et  peuplée, 
et  que  lorsqu'un  vaisseau  en  part  pour  se  rendre  en  Chine  il  trouve  en 
face  de  lui,  dans  la  mer,  des  montagnes  étendues  et  qui  pénètrent  dans 
la  mer,  cela  pendant  dix  jours.  Quand  les  voyageurs  s'approchent  de  ces 
montagnes,  ils  y  trouvent  des  passages  et  des  chenaux  qui  aboutissent 
chacun  à  une  contrée  quelconque  de  la  Chine  '■^K 

HaMDULLAH   MUSTAWFÏ  (l3/lo). 

The  geograpluail  part  of  the  Nuzliat  ai-Qiilub  composed  by 
Hamd-Allâu  Mustawfî  of  Qnzwin  m  jâo  [iSâo^,  tfxte  persan 
et  trad.  anglaise  par  G.  Le  Strange,  E.  J.  W.  Gibb  mémorial 
.séries,  n"  XXIII,  2  vol.,  iiî-8°,  parti,  1916  (texte);  part.  II, 
1  y  18  (trad.  et  notes). 

LXX.  (P.  22ï?  de  la  trad.)  Iles  de  Jâba  et  de  Zâbag'''-.  Elles  sont 
situées  sur  la  frontière  de  l'Inde  et  leur  roi  est  appelé  Maliârâja.  Iiin 
IJubdâSbeh  assure  qu'il  est  le  souverain  d'un  si  grand  nombre  d'îles  (îl 
si  peuplées  que  son  revenu  quotidien  s'élève  à  300  munn  d'or  ^'^  Dans 

'')  Le  texte  a  :  [sic)  iyjyw  •ji^t?'  ir^s  (I't*^'  'Vir?-  "lî'c  du  Maharaja, 
c'est  l'île  de  Srihuza'i,  c'est-à-dire  :  île  tUi  Maliârâja  et  île  de  Sribuza  sont  les 
deux  noms  d'une  même  île.  IjC  texte  a,  en  plus,  cette  phrase  que  Guvaiu)  n"a 
pas  traduite  ;  ~l>4il  s'^jj-a-  ^j  (sic)  »jJj.»"  »>tî=~=>-  Jly^i)!  ^1x5  ^  JU^  ad'après 
le  Livrn  des  langiliules :,  l'île  de  Sribuza,  c'est  l'île  du  Mahârâja-i. 

^''  Cf.  la  note  précédente  et  vûle  supra,  I.XI,  p.  70. 

^''  Ces  passages  sont  gén(''nilemenl  appelés  :  Portes  de  la  (lliine.  Cf.  mes 
Relations  de  voyages,  à  l'index  du  tome  11,  sous  :  Chine  (Portos  de  la  --   ). 

^'J  Le  texte  a  gk  que  Le  Sthange  a  fautivement  rendu  en  traiislittération 
anglaise  par  Zàbij. 

(^)   Vida  supra,  XXXIV,^.  r)3. 


76  JLIILLKT-SEPTEMBRE   19-Ji'. 

l'île  de  Jâba,  il  y  a  une  montagne  au  sommet  de  laquelle  se  trouve  un 
endroit  de  loo  aunes  carn'es  de  superficie,  qui  est  entièrement  éclairé 
par  le  feu.  Pendant  la  nuit,  on  voit  ce  feu  s'élevant  à  la  hauteur  de  deux 
longueurs  de  lance  et  [se  développant  sur]  loo  aunes  de  long;  |>endant 
le  jour,  on  aperçoit  comme  de  la  fumée;  il  ne  s'éteint  jamais.  Sur  celle 
île  il  y  a  des  hommes  ailés  qui  peuvent  voler. 

Ibn  al-Wardî  (vers  i3/io). 

Haridnt  al-ajàib  ira  farldat  al-yaràih  «La  perle  des  mer- 
veilles et  le  joyau  des  choses  extraordinaires  55.  J'ai  utilisé  l'édi- 
tion du  Caire  de  i98o-=t863  et  l'édition  Tornberg  (2  vol., 
in-8",Upsal,  1835-1839). 

LXXI.  (P.  II.)  .  .  .  Parmi  les  îles  de  la  mer  de  Chine,  est  l'île  de 
Zâbag  qui  comprend  de  nombreuses  îles  cultivées  et  fertiles,  situées  a>ix 
confins  extrêmes  de  la  (Ihine  'ai  des  régions  les  plus  éloignées  de  l'Inde. 
On  n'y  voit  pas  de  ruines:  on  peut  y  voyager  sans  [emporter]  ni  eau  ni 
provisions  en  raison  de  la  fertilité  [du  pays].  Elle  a  environ  100  para- 
sanges. 

LXXil.  MuHAMMAD  BiN  Zakarivâ  [  ar-Râzï]  dit  quc  le  roi  de  cette  île 
s'appelle  le  Maharaja.  H  perçoit  chaque  jour  un  tribut  de  3oo  mann 
d'or  —  le  mann  est  de  600  dirhams.  —  Sou  produit  net  quotidien  est 
de  plus  de  1 26.000  tniOkâl  qu'on  [fond  et  qu'on]  transforme  en  briques 
et  qu'on  jette  [ensuite]  dans  la  mer  qui  [sert  ainsi]  de  Trésor^''. 

LXXIII.  Ibn  al-Fakïh  dit  :  «rDans  cette  île  habitent  des  [êtres]  qui 
ressemblent  aux  hommes,  mais  ils  ont  le  caractère  des  bêtes  sauvages  et 
parlent  un  langage  incompréhensible.  [Dans  cette  île,  |  se  trouvent  des 
arbres  et  ses  habitants  sautent  (litt.  volent)  d'un  arbre  à  l'autre.  Il  y  a 
aussi  une  espèce  de  chat  sauvage  [de  couleur]  rouge,  tacheté  de  blanc, 
qui  a  une  queue  comme  celle  des  lézards.  Une  autre  espèce  de  chat  est 
pourvue  d'ailes  comme  la  chauve-souris.  Il  y  a  également  des  bœufs  sau- 
vages rouges,  (achetés  de  blanc;  leur  chair  est  acide;  des  civettes  qui 
sont  une  espèce  de  chat  et  des  rats  musqués.  Sur  une  montagne  connue 
de  i'îie,  appelée  An-Nasân<"\  se  trouvent  des  serpents  d'une  telle  gran- 

(•'   Vide  supra,  p.  ;">;?,  ,07,  67,  69  et  70. 


LEMl'lRK  SUiMATHANAlS  DK  Ç1\I\1JA\A.  77 

tleur  qu'ils  peuvent  avaler  un  éléphant;  des  singes  de  la  taille  d'un 
buffle  et  de  grands  béliers.  Parmi  les  singes ,  les  uns  sont  blancs  comme 
du  papier;  d'autres  ont  le  dos  blanc  et  le  ventre  noir;  d'autres,  au  con- 
traire, ont  le  dos  noir  et  le  ventre  blanc;  d'autres,  enfin,  sont  noirs 
comme  les  rats  (sic).  Il  y  a  (p.  m)  des  perroquets  en  grand  nombre, 
blancs,  rouges,  jaunes,  verts,  qui  parlent  toutes  les  langues  qu'ils 
entendent.  Il  y  a  des  créatures  à  forme  humaine,  blanches,  noires, 
rousses,  vertes,  qui  mangent,  boivent  et  parlent  un  langage  incompré- 
hensible. Elles  ont  des  ailes  avec  lesquelles  elles  volent  '  .n 

LXXIV.  Ibn  as-Sïrâfï  '"  dit  :  ff  Je  fus  dans  une  des  lies  du  Zâbag  et 
je  vis  des  roses  en  grand  nombre ,  rouges ,  blanches ,  bleues ,  jaunes  et 
multicolores.  Je  pris  un  manteau  et  j'y  mis  des  roses  bleues.  Lorsque 
les  roses  furent  [  dans  le  manteau  J ,  je  vis  du  feu ,  dans  le  manteau , 
qui  brûla  toutes  [les  roses]  qu'il  contenait  sans  que  le  manteau  fût 
brûlé '\^ 

J'ai  questionné  des  gens  à  ce  sujet  qui  m'ont  répondu  que  ces  roses 
sont  très  utiles ,  mais  que  jamais  personne  n'a  pu  les  sortir  de  cette  rose- 
raie. 

On  trouve  dans  celte  île  l'arbre  à  camphre  qui  est  si  extraordinairc- 
ment  granfl  qu'un  seul  camphrier  peut  couvrir  de  son  ombre  cent 
hommes  ou  même  davantage  .  .  . 

LXXV.  L'île  de  Jâba  est  (p.  iVf)  grande.  On  y  trouve  la  banane,  le 
coco,  le  riz,  d'excellentes  cannes  à  sucre  et  l'aloès  ...  Il  y  a  [dans  cette 
ilej,  une  grande  montagne.  La  nuit,  il  en  sort  un  grand  feu  visible 
à  i5  parasanges;  et  le  jour,  de  la  fumée.  Il  est  impossible  de  s'approcher 
de  la  montagne,  [même]  à  5  parasanges,  sans  en  mourir  [,  tant  la  cha- 
leur est  intense].  Le  roi  de  cette  ville  (sic)  [de  Jâba]  s'appelle  [également] 
Jâba'''.  Il  est  revêtu  de  vêtements  en  or  et  [coiffé]  d'une  couronne  en 
or,  ornée  de  perles,  de  corindons  et  de  pierres  précieuses  de  grand  prix. 
Ses  (lirlKmis  et  ses  dinars  sont  frappés  à  son  effigie.  11  adore  les  idoles. 
Le  culte  des  gens  de  cette  île  consiste  en  chants  et  mélodies  [accompa- 
gnés] de  battements  de  mains.  Les  jeunes  filles  les  plus  jolies  se  réu- 

'')    Vide  supra ,  p.  .^4  et  68. 

'')  Il  s'agit  sans  d(tute  de  iMâhÀn  bin  Bah»  as-Siuui  (do  Sîrâf)  dont  il  a  été 
question  prérédemmont  [supra,  p.  68). 
(')   Vide  supra,  j).  68  et  69. 
'*'    Vide  supi-n,  p.  7-i. 


78  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

nissent  et  dausent  en  variant  ies  mouvements  du  corps  et  en  balançant 
le  cor|)s  devant  l'idole.  Dans  le  temple  où  se  trouve  l'idole ,  il  y  a  de 
belles  jeunes  filles  qui  dansent  en  faisant  de  nombreuses  inclinaisons  du 
corps.  Lorsqu'une  femme  met  au  monde  une  belle  Bile  et  que  celle-ci 
est  devenue  adulte,  sa  mère  la  revêt  de  vêtements  splendides,  [la  pare] 
de  bijoux  et,  accompagnée  de  ses  parents,  hommes  et  femmes,  conduit 
sa  iille  à  l'idole  et  la  lui  olTre  en  hommage.  Ensuite,  les  serviteurs  [de 
l'idole)  remettent  [la  jeune  fille]  à  des  maîtres  qui  enseignent  à  danser 
et  à  faire  des  mouvements  de  corps  harmonieux  '^K 

Bàkuwi  (commencement  du  xv"  siècle). 

Kitdb  talhls  alâOâr  wa  ^ajâih  al-nialik  al-kalihâr  «  Livre  de  l'exa- 
men des  monuments  et  des  merveilles  du  roi  lout-puissant», 
trad.  DE  Guignes,  dans  Notices  et  Extraits,  t.  II,  i  789. 

LXWl.  (P.  397.)  liâwa.  Pays  sur  le  bord  de  la  mer  de  Chine,  du 
côté  de  l'Inde:  les  marchands  en  tirent  le  bois  d'aloès  nommé  yVnr»,  le 
camphre .  le  nard ,  le  girofle ,  le  macis  et  les  vases  de  la  (  ihine  dont  on 
fait  commerce. 

LXXVII.  L'île  de  Zâbag.  Cette  île,  qui  est  grande,  est  située  sur  les 
liontières  de  la  Chine,  du  coté  de  l'Inde.  Ses  productions  sont  étonnantes; 
c'est  un  royaume  fort  étendu:  on  y  trouve  le  camphre  qui  est  un  arbre 
si  grand  que  100  hommes  peuvent  y  être  h  l'ombre,  et  qui  rend  beau- 
coup de  liqueur;  on  fait  une  ouverture  au  tronc  et  on  en  tire  des  mor- 
ceaux de  camphre  qui  est  nne  sorte  de  gomme.  Il  y  a  dans  ce  pays  une 
espèce  de  chat  qui  a  des  ailes  comme  celle  de  la  chauve-souris,  qui 
s'étendent  d'une  oreille  à  l'autre  [sic);  des  chèvres  qui  ressemblent  à  des 
bœufs  de  montagne,  elles  sont  rouges  marquées  de  blanc;  la  civette; 
dans  une  montagne  appelée  Nasbân  *'*,  de  grands  seqjents  qui  attaquent 
les  bœufs  et  les  buffles:  des  singes;  des  perroquets,  les  uns  blancs, 
d'autres  rouges  ou  jaunes,  qui  pailent  très  bien,  et  de  beaux  paons. 

LXXVllI.  (P.  Aïo.)  . .  .  L'île  de  Jâba.  Ile  de  l'Inde  dont  les  habi- 
tants sont  roux.  On  y  voit  une  haute  montagne  qui  pendant  la  nuit  jette 

(')  Cf.  mes  Relations  de  voijages,  t.  11 ,  p.  iaa,  n.  1. 
'*)    Vido  Hupia  .  y.  7('>,  n.  9. 


LEMI'IHE  SUMVTRANAIS  DK  OUIVIJAVA.  79 

du  feu,  et  de  la  fumée  pendant  le  jour.  H  y  a  du  bois  d'aloès,  des  cocos, 
des  bananiers  et  des  cannes  à  sucre. 


Ibn  Mâjid  (i/i8()). 

LXXIX.  Le  muallim^^^  ou  maître  de  navigation  Siiiâb  ad-uhv 
Ahmad  bin  Mâjid '-^  est  l'auteur  d' Instructions  nautiques  sur  les 
mers  du  Sud  (Océan  Indien,  mer  de  Chine  occidentale  et 
mers  du  jjrand  archipel  d'Asie)  que  nous  ont  conservées  les 
niss  2292  et  2559  du  fonds  ^rabe  d(^  la  Bibliothèque  Natio- 
nale de  Paris. 

Le  passage  suivant  est  extrait  d'un  traité  nauti([ue  (hi 
ms.  3999,  intitulé  :  <S-&\yi^\^  ^^Ji  h'-s-  J_ya^  ^i  *>v!yL)l  c_jIaS 
«  Livre  des  renseignements  utiles  sur  les  bases  et  les  principes 
de  la  science  nautique  w,  daté  de  8 9 5  de  l'hégire  =  1  ^89-1/190. 
Au  chapitre  consacré  à  la  description  des  dix  plus  grandes 
îles  des  mers  du  Sud,  qui  sont,  d'après  Ibn  Mâjid  :  la  pres- 
qu'île arabique, j^î  Al-Komr=  Madagascar,  Sumatra,  s^U^ 
Ja\va==  Java,  ^^t  Al-yùr==Formose,  Ceyian,  Zanzibar;  liah- 


'■'  i)4i*-  Au  sens  classique  :  «précepteur,  maître,  professeur,  instUuloun; 
celui  ([ui  est  arrive  à  la  maîtrise  dans  son  art  ou  son  métiers.  En  terniino- 
lojjie  nautique,  le  mu'alliin  répond  à  rofTicier  do  navigation  de  l'ancienne 
marine  à  voiles  qui  était  spécialement  cliaiyé  de  la  conduite  du  navire.  Dans 
son  Ayn-i-Alif)ari ,  Abû'l-Fazl  en  donne  la  définition  suivante  :  «Le  nm'allim 
<iu  capitaine.  Il  doit  être  informé  des  endroits  profonds  et  peu  prol'ouds  de 
Toci'an  et  doit  connaître  l'astronomie.  C'est  lui  cpu  {jiiidc  le  navire  vers  sa 
destination  et  l'écarfe  des  dangers'?  (The  Ain  i  ALbari  \)\j  Ar.uL  I*\\zl  'Vll.uii. 
tracl.  Bi.ocHMANN,  Calcutta,  1878,  in-S",  p.  -iSo).  Cf.  éjjalement  mes  lielatioiis 
de  voyages,  t.  II,  iQi'i,  in-8°,  p.  5/18,  et  llobson-Jobxon ,  a'' ('dit.,  s.  v'  maluin. 
Sur  Ibn  Mâjid  et  le  mu'allim  suivant,  Sdlaîmân  AL-BlArmï,  c[.  mes  Rclalions  de 
voyagea,  ihid.,  p.  /i85  et  les  auteurs  cités. 

"  '*>  Sur  [m  MajIid,  cf.  mon  article  Le  'pilote  arabe  de  Vanco  de  Gaina  et  (es 
instructions  nautiques  des  Arabex  au  \v°  siècle,  dans  Annales  de  géographie, 
XXX°  année,  11"  172,  i5  juillet  lyas,  p.  2Stj-3o7. 


80  JUILLET-SEPTEMBnE    1922. 

rayii  et  Ibn  GâwAn,  dans  le  golfe  Persique,  et  Socoloru;  l'au- 
teur décrit  ainsi  Sumatra  : 

^  ^1  iy^y^  ^^  (''»^14^  ïyj^  AxJUJî  ïyj  ...  (Fol.  68  v.) 
J^iLJLiUw!  <Xa£.^  ijy'-*»^'  (j'*  UyJ^*>*J^'  ^^^^^  ^^^  sj^m^  *Xj»Ljb  i)';-i'_5 

ltX-5^^^    UyjuO  )y^^  {J^    cui^  iWi^ib  ioU   ^  <\a.mJ»^   AfiUjVl   iblfi 


■'  Sans  doute  pour  bCLii,  qui  désigne  ici  l'ile  de  Sumatra  tout  entière. 
L'i'fat  du  même  nom  sur  la  côte  nord-est  de  Tile  est  appelé  par  Ibn  BatLxa 
»jla.fj  Suniutra ,  var.   »Jai<i  Sumutra. 

'-)  Cod.  t_o0^j~»i;.  Je  corrige  la  vocalisation  de  l'initiale  d'après  les  nota- 
lions  chinoises  :  ^  "^  Si-lan  du  Ling  wai  tai  la  (CJtau  Ju-kua,  p.  7/1,  n.  a), 
^  B^  •SV-/n?i  et  surtout  ^  ^  §  Si-louen-tie ,  pron.  anc.  *Si-lun-dep,  qui 
est  la  transcription  correcte  du  toponyme  arabe  Siratulib  (cf.  Pelliot,  Deux 
itinéraires,  p.  358-359:  Chau  Ju-hia,  p.  7a,  78  et  7/i,  n.  8). 

(''  Cod.  yyJi-L.  Voir  la  note  précédente. 


L'EMPIRE  SLMATRA.NAIS  DE  ÇRÏVlJAYA.  81 

jj_A_x.^l  ^i  (fol.   69  r")  ijy-t^JiJ]  (jo;iJ!^j~i-5l^  uo.XJ^  (_^il^ 
^-tfi^  »-ÂJj  (jxLrIiiiw  »«Xfi  l^  iLLaswj  aui  idài^  Lg.ili  ^l^iJ!  /j^  o^^*^^ 

yj)_j,.j  ^La.a.«!]I  ,^1^   ^W'^    ''iU-lxA-j^  j^lXJl^   (^a*-!^'  JL*J^i   y*>s)M 

(^c^  xj^ill  iuiU"  OoîyiJI  AaX*  L^Uij  »Câ6  l^U^  (J^^  ca^û  JJ! 

La  troisième  ile  est  l'ile  de  Sumutra  '''.  C'est  l'île  où  passe  i'équateur. 
Un  ifjnorant  a  dit  qu'il  passe  au  nord  de  l'île;  mais  nous  disons  qu'il 
passe  au  sud.  La  position  exacte  [de  I'équateur]  est  par  5  isba  (litt. 
doigts)  des  Farâkid''',  au  moment  de  leur  passage  au  méridien  vers 
Test  et  au  moment  de  la  culmination  de  l'Epi  (la  Vierge  du  zodiaque) 
au-dessus  du  cap'''.  Là,  les  deux  pôles  sont  à  la  même  distance'*'.  [Les 
pôles]  ne  sont  pas  deux  astres,  mais  ce  sont  deux  endi-oits  qui  séparent 
les  régions  de  l'est  de  celles  de  l'ouest  '"'. 

[L'île  de  Sumutra]  est  la  résidence  de  Al-Hâtî,  le  sultan  de  tout  le 

'')  God.  j--~»^. 

'-^  Cette  vocalisation  est  on  accord  avec  les  transcriptions  chinoises  du  nom 
de  l'état  de  Sumutra,  homonyme  de  celui  de  i'iie  tout  entière,  que  donnent  le 
Tao  yi  Iclie  tio  :  ^  ^  ^  ^l]  Siu-wen-ta-ln  ;  i(!  JV/fg-  yai  cheng  lan  et  le 
Sivg  tch'a  cheng  lan  :  j^  p^  j^  ]^|J  Sou-men-ta-la  (cf.  Rockhill,  Notes  on 
the  relations  and  traile,  T'oting  pao,  t.  XVI,  1916,  p.  1 5 1-1  57;  et  Pelliot, 
Deux  itinéraires,  p.  .Say,  n.  ^1).  Je  reprendrai  la  question  prochainement.  Vide 
êujna,  p.  80 ,  n.  1. 

''j  i)  isba  des  Faràkid((3  et  y  ou  les  Gardes  de  la  Petite  Ourse)  =  environ 
0°  5a'  Nord.  Pour  ces  calculs,  cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  Il,  p.  696  et  les 
auteurs  cités. 

'*'  Cet  essai  de  traduction  n'est  en  rien  certain.  Les  textes  nautiques  des 
mss  9399  et  9559  contiennent  un  très  grand  nombre  d'expressions  techniques 
tout  à  fait  inconnues  par  ailleurs.  Je  n'ai  pas  réussi  encore  à  les  interpréter 
toutes. 

'*'  Là  =  I'équateur,  qui  est  à  éjjale  distance  des  deux  pôles. 

'")   Il  y  a  ici  confusion  entre  iiôlr  el  nirriitien, 

x.\.  () 


«2  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

pays  d'Abyssiuie^''.  Certains  sultans  sout  en  lutte  contre  lui;  mais  il^sl 
le  plus  grand  de  tous. 

On  diffère  d'opinion  en  ce  qui  concerne  le  nom  de  Sirandih.  Les  uns 
disent  que  c'est  le  nom  de  l'île  de  Silân:  d'autres,  celui  de  [l'ile  de] 
Sumutra'"^'.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'équateur  se  confond  avec  la 
vallée,  [c'est-à-dire]  la  vallée  de  Sirandîb  -.  [Cette  dernière  île]  est  égale- 

(*)  Cette  phrase  et  la  suivante  n'ont  rien  de  commun  avec  la  description  de 
Sumatra.  Je  ne  sais  par  quelle  confusion  elles  ont  été  interpok'es  dans  ce  pas- 
snjre.  Ce  titre  royal  éthiopien  (en  gé  ëz  <h2  Ijole)  est  mentionné  dans  ie  tjU5 
j^il)  ^-ô  de  Kalçasandî,  qui  est  du  xiv'  siècle  (l'auteur  est  mort  en  iii8)  : 
«Rois  d'Abyssinie  de  notre  temps.  Tous  les  rois  d'Abyssinie  s'appellent  ^^|-i-C  (sic) 
ifxiilii  c'est  le  litre  qui  est  mentionné  daus  la  correspondance  à  eux  adressée 
par  la  cour  des  sultans  [mamiuks  du  Caire]''  (édit.  du  Caire,  t.  V,  191 5, 
p,  1='^<>).  Pour  l'une  des  lettres  auxquelles  fait  allusion  ce  passage,  cf.  Quatre- 
MÈRE,  HishÀrc  des  sallans  mamluuks  de  l'Egypte ,  écrite  eu  arabe  par  Tàki-eddin 
Abmed  Màkrizi ,  t.  I,  9°  part.,  Paris,  1887,  in-^i",  p.  laa,  n.  i5i  :  «En 
1374,  rapporte  MakrïzT,  on  reçut  une  lettre  adressée  au  sultan  [Malik  Zâhir 
Bibars]  par  le  roi  d'Abyssinie  qui  prend  le  titre  de  ^^lai!  al-hatî ,  c'est-à-dire 
khalife. v  Albuqcerqce  (lettre  XLI,  en  date  du  k  décembre  i5i3,  dans  Carta» 
de  Affonso  de  Albvqvbdqve,  seguidas  de  documenlos  que  as  elncidam ,  t.  I, 
i884,  in-i",  Lisbonne,  p.  939)  écrit  :  «Les  Alaures  et  les  Abyssins  appellent 
le  souverain  d'Abyssinie  {généralement  [connu  sous  ie  nom  de]  Prêtre  Jean, 
Elaty,  [ce  qui  répond]  au  titre  d'empereur;  ils  ne  l'appellent  pas  Prêtre  Jean." 
Dans  une  autre  lettre  non  datée,  adressée  à  Duarte  Gtiai.dâo  (sic),  il  dit 
encore  :  «Le  Prêtre  Jean  s'appelle  [en  réalité]  elayre  (sic,  pour  elaty) ,  ce 
qui  répond  au  titre  d'empereur;  son  nom  [personnel]  est  David,  roi  d'Israël?' 
[ihid.,  p.  4oo).  Une  lettre  adressée  au  roi  de  Portugal  par  Francisco  d'Atiiu- 
QiiERQUK  (un  juif  converti  qui  avait  sans  doute  pris  le  nom  de  son  parrain,  le 
chef  d'escadre  cousin  du  grand  Albuquorque),  eu  date  du  20  octobre  i5i3 
{Carias  do  Affonso  de  Aim'QVEtiQUE ,  t.  III,  1908,  Lisbonne,  in-i°,  p.  879, 
S/i4),  porte  ceci  :  rrSi  \olre  Majesté  désire  savoir  comment  s'appelle  le  roi 
Prêtre  [Jean,  qu'Klle  sache]  qu'ils  (les  indigènes)  l'appellent  well  hati  danti- 
«nellque  {sic)  ysracll"  ,  ce  qui  signifie  «David,  roi  d'Israël". î»  Les  Coinmeiir 
larios  do  Grande  Afonso  Z)/JiBO(?t'jïnçt'B  (réimpression  de  177Û  ,  *•  IV,  chap.  vu, 
p.  4i)  disent  également  :  «Les  Abyssins  n'appellent  le  Prêtre  Jean  que  Eluti, 
ce  qui  répond  au  litre  d'empereur." 

^*)  C'était  une  erreur  courante  au  moyen  âge. 

^^'  Pour  luN  Majid  ,  (]eylan  est  sur  l'écpiateur.  Sédiliot  décrit  dans  ses 
MatihiauT  paur  si-rvir  à  l'histoire  comparée  des  sciences  tnathémaliqnes  chei  les 
Grecs  et  les  Orientaux  (Paris,  18^5-1869,  in-8°,  t.  I,  p.  Sig),  un  astrolabe 
en  laiton  acheté  à  Alep  qui  porte  l'inscription  suivante  sur  un  côté  du  premier 
disque  :  «Pour  l'île  de  Sirandih  (Ceylan),  qui  n'a  pas  de  latitude  puisqu'elle 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAW.  83 

nienl  appelée  Siraadïd  avec  deux  «?'''  et  [Sirandîb]  avec  un  d  et  un  b. 
Dans  les  deux  cas,  elle  est  située  par  4  i-^ba  des  Farâkid.  Si  lu  ap- 
pliques le  mot  irla  valléei" ,  c*est-à-diie  la  vallée  de  Siraudib  [au  nom  de] 
celle  ile,  c'est  exact.  Les  latitudes  sont  prises  du  pôle;  elles  ne  sont  pas 
prises  de  l'étoile  Al-Judayy '"',  qui  s'appelle  également  As-Sumiyyâ  [en 
arabe]  et,  en  persan,  Gâh '^'.  Le  pôle,  les  observateurs  ne  le  voient  pas 
et  cependant  c'est  du  pôle  qu'on  prend  les  latitudes.  On  en  a  la  direction 
par  une  étoile  toujours  visible  qui  fait  partie  des  étoiles  boréales,  telles 
que  Mïh  '',  Gâb  et  Farâkid'*.  (Juand  on  observe  la  hauteur  méridienne 
et  le  maximum  de  déclinaison  d'une  étoile,  on  apprend  que  l'axe  [de  la 
sphère]  est  entre  les  deux  points  observés  et  qu'elle  [l'étoile]  est  à  tant 
de  degrés  de  l'horizon  d'après  l'observa tion  faite  avec  l'astrolabe.  La  ligne 
de  l'équateur  [qui  s'étend]  à  i'est  et  à  l'ouest,  est  traversée  parla  ligne 
du  méridien  et  divise  ainsi  la  terre  en  quatre  parties.  La  ligne  du  méri- 
dien est  sur  les  deux  bords  des  ténèbres  f"*.  La  ligne  de  l'équatetu'  [com- 
mence] à  l'est,  aux  îles  de  Silâ^''  et  [se  termine]  à  l'ouest,  aux  îles  For- 
tunées; et  ces  deux  lignes  [,  c'est-à-dire  le  méridien  et  l'équateur,]  se 

e»(  dans  ht  lij^ne  équinoxiale ,  son  heuro  12.??  l/autre  côté  porte  :  «Pour  lati- 
tude 66",  heure  24n,  c'est  la  durce  du  plus  long  jour  de  l'année  sous  ce  paral- 
lèle. 

*'*  Celte  indication,  inexacte  d'ailleurs,  ne  se  retrouve,  à  ma  connaissance, 
dans  aucun  aulre  texte  arabe. 

'-)  L'étoile  polaire.  Cette  afiirmalion  est  inattendue,  car  presque  toutes  les 
latitudes  boréales  sont  déterminées  par  des  observations  de  l'étoile  polaire; 
cf.  mes  Relalion.i  île  voyages,  t.  II,  p.  5i.5-532. 

'^'>  Eu  persan  tl'Sgàh,  lilt.  fie  lieun.  Quelques  pages  avant,  au  fol.  37  r°, 
I.  i3  et  suiv. ,  IiiN  Majii)  dit  : 

^^  c^.>A.;-:  (^0^5  LJl  jv^^x-i^i^^  *^fil  Jl>x.tl  ir^wij^  (o4  (^7?  »^4  ^i  ts-^ 

Lv-cwJi    *jyia.tl    ,L)^!   Jub\    .XJt-C  ^yfw.J^   'r'î*^  (s^y^  (*^'    *^5  Ljv*Jl    «-:>^ 

«Al-judayy,  c'est  le  gâli.  Al-jadi  [avec  lequel  il  ne  faut  pas  le  confondre,] 
est  un  signe  du  Zodiaque  (le  (Capricorne),  qui  [s'étend  sur]  deux  niansions  et 
un  tiers;  c'est  l'une  des  douze  divisions  du  ciel.  Gixh  est  un  nom  persan  ara- 
bisé; les  Egyptiens  rappellent  ag-simiijyà  («ic). 

'*j  Litl.  «le  clouTi,  étoile  voisine  de  la  polaire. 

^''^  Litt.  «les  Veauxw.  Vide  supra,  p.  81,  n.  3. 

*"'  11  faut  sans  doute  entendre  que  les  extrémités  nord  et  sud  du  méridien 
sont  plongi'es  dans  les  ténèbres  des  deux  pôles. 

'''  La  Corée. 

0. 


84  JllLLEt-SEPTEMBRË  1922. 

coupent  à  la  vallée  de  Sirandîb.  La  plus  grande  partie  de  la  terre  habitée 
(fol.  69  r°)  se  trouve  dans  les  deux  quarts  boréaux  et  la  plus  grande 
partie  des  deux  [quarts]  austraux  est  occupée  par  l'eau,  sauf.  .  .'''  de  la 
terre  comme  TAbyssinie  et  une  partie  de  la  Syrie,  car  l'eau  pénètre  très 
avant  [dans  les  terres]. 

Sumutra  a  un  grand  nombre  de  rois  infidèles.  C'est  le  pays  par  excel- 
lence'"*'  des  éléphants  blancs'^',  du  camphre,  du  macis,  du  musc  excel- 
lent de  cette  île  qu'on  vend  au  poids  de  l'or.  Au  nord  [de  l'île],  les 
Farâkid  sont  par  7  [/sert]  3//i  ;  au  sud,  les  Farâkid  sont  par  un  peu 
moins  de  h  [isba  \  '■''>. 


Ibn  Iyas  (1  5  16). 

Kilâb  nasak  al-aihâr  fi  "ajâih  al-oktâr  ç^  Livre  de  l'odeur  des 
parfums  dans  les  merveilles  des  pays 55,  éd.  Arnold,  dans  sa 
Chrestomathia  arabica,  Paris,  i853,  in-8". 

LXXX.  (P.  66.)  ...  Le  royaume  [de  l'Inde]  est  voisin  immédiat  du 
royaume  de  Zâbag"^"',  la  résidence  du  Maharaja,  [qui  est  situé]  entre 
l'Inde  et  la  Chine.  .  . 

(P.  71,  injra.)  . .  .  La  ville  du  Zâbag  "'  est  grande;  elle  est  située  sur 
une  île  aux  confins  de  la  Chine,  du  côté  de  l'Inde.  Elle  contient  des  mer- 
veilles. Il  y  pousse  (p.  72)  l'arbre  à  camphre.  Cet  arbre  est  si  grand 
qu'un  seul  [camphrier]  peut  couvrir  100  hommes  de  sou  ombre.  Le 
camphre  coule  du  sommet  de  l'arbre  [après  l'avoir  incisé]  et  on  le  met 


'-)  Je  traduis  par  fpays  par  excellence"  l'arabe  y^Jt-«,  qui  a  le  seus  de 
«minen,  tr endroit  où  quelque  chose  se  trouve  spécialement  et  en  grand  nombre". 

'•'')  On  sait  que  réJépliant  dit  éléphant  blanc  est  un  simple  albinos,  d'où  sa 
rareté.  On  sait  aussi  la  vénération  qu'ont  les  bouddhistes  pour  l'éléphant  blanc, 
eu  lequel  se  serait  incarné  Çâkyamuni  pendant  sa  longue  ascension  vers  le 
nirvana.  Autant  que  je  sache,  il  n'a  pas  été  trouvé  de  nombreux  éléphants 
blancs  à  Sumatra;  il  en  existe  actuellement  quelques-uns  à  la  cour  de  Bangkok 
et  au  Cambodge. 

W  Pour  les  latitudes  du  noi'd  et  du  sud  de  Sumatra,  ride  inj'ra  les  extraits 
du  ms.  2559. 

'*)  Le  texte  a  la  l(!çon  fautive  gjJl  J-U;  pour  r^M'  liU.*;. 

C"*)  Le  texte  afautivemont  -^\\  pour  -«îIv  . 


L'EMPIRE  SUM\TRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  85 

dans  des  jarres  pour  y  être  desséché  et  solidifié.  C'est  une  résine  de  cet 
arbre  qui  ne  se  trouve  (ju'à  l'intérieur  [de  l'arbre  J.  11  y  a  dans  cette 
[ville],  des  chats  ailés  comme  les  chauves-souris.  H  y  a  aussi  une  espèce 
de  démon  qui  ressemble  à  une  vache  de  montagne;  il  est  de  couleur 
rouge,  tacheté  de  blanc,  ses  chairs  sont  amères  (sic).  H  y  a  également 
un  félin  à  musc,  semblable  au  chat,  dont  le  musc  se  trouve  sous  l'ais- 
selle. 11  y  a  une  montagne  appelée  An-Nasbân  '^'  où  se  trouvent  de  grands 
serpents  qui  avalent  éléphant,  vache,  veau  et  buffle.  H  y  a  des  singes 
blancs  semblables  aux  buffles  et  aux  grands  béliers.  11  y  a  des  oiseaux 
blancs,  rouges,  jaunes  qui  parlent  toutes  les  langues  :  on  les  appelle 
des  perroquets,  11  \  a  des  paons  au  plumage  tacheté  de  blanc  et  de  noir, 
verts ,  aussi  grands  que  les  grandes  autruches. 

SuLAYMÂN  al-Mahrî  (i™  moitié  du  xvf  siècle). 

Les  textes  arabes  qui  suivent  sont  empruntés  au  ms.  2609 
de  ia  Bibliothèque  Nationale  de  Paris.  lis  ont  pour  auteur  un 
muaUini'^'^^  arabe  nommé  Sulavmân  ibn  Ahmau  al-Mahrî  Al- 
MuHAMMADÏ,  qui  est  inconnu  par  ailleurs.  Nous  savons  seule- 
ment par  un  passage  du  Mufût  de  Sïdî  'Ali,  que  ce  muallim 
était  déjà  mort  en  i553  ^^\ 

Le  premier  texte  est  extrait  d'un  traité  nautique  daté  de 
1  5 1  9  ,  intitulé  :  *jjï^î  r,^^'  laj^  ^  *:^j4l'  ««XjJI  ^t  Le  sou- 
tien des  Mahara  (de  l'Arabie  méridionale;  ce  sur  quoi  s'ap- 
puient les  Mahara,  en  quoi  ils  ont  confiance)  et  la  fixation  des 
sciences  nautiques». 

Les  variantes  au  texte  arabe  indiquées  en  note  sont  don- 
nées :  A,  d'après  le  ms.  2299  du  même  fonds  arabe  de  Paris 
(^vide  supra,  p.  -79);  B,  d'après  un  extrait  du  texte  turk  du 
Mnlût  de  SîDÏ  'Alî  (ms.  de  Naples)  publié  par  Luigi  Bonelli''^^; 

'')   Vide  supra,  p.  78  ,  n.  2. 

'■''   Vide  supra,  p.  79,  n.  1. 

(■')  Le  Muhu  n'esl  eu  réalité  que  la  version  turke  des  textes  nautiques  arabes 
de  Ihn  AIâjIi)  et  Sulaymân  al-.Mauiiï.  Cf.  mes  Relatiuits  de  voyages,  t.  II, 
p.  485,  n.  9. 

'*'   Pel  Muhif  0  rl)escri:iniie  (Ici  itioii  délie  Indie"  dell'ummira^lio  turco  SÎdÎ 


86  JUILLRT-SRPTEMBRE    1922. 

C,  d'après  la  traduction  allemande  du  Midnt  par  Maximilien 
BiTTNER  ''^,  qui  a  quelquefois  corrigé  les  lectures  de  l'éditeur  du 
texte  turk  en  utilisant  le  manuscrit  de  Vienne,  plus  correct 
que  celui  de  Naples. 

L^^î  (''(57c)^Ja^  ïj^yf^  (s/c)oô-*x(  ^»  JSJW15  (Fol.  27  v°,  1.  6.) 
^^  i)|  J-A.J»j  ^JJi  ))\  iuj'-fi"'  -î^s^  ^jîOoyiJî  t^i^  J^î?^  JUviJî  (^y^* 
/j-A-À-LjcJ^  aakIaï  ^  (j*''"*^^^  *''  <>woyi  ^jXaj  ^^^w.j  t_'^j-*4*'  (^  '•^''î;"^^^ 

',4z./  </et/o  Kiâtih-i-Rùni ,  dans  Rendiconti  dclla  R.  Acad.  dei  Lincei ,  Classe  di 
scienze  tnorali,  storiche  e  Jilologiche,  Série  quinta,  vol.  III,  i8<)i,  p.  751-777. 
Le  texte  eu  question  se  trouve  aux  pages  771-773. 

^')  Dans  Die  topop-aphischen  Capilel  des  Indischen  Seespiegels  Mohit,  trad. 
W.  BiTTNER,  avec  introduction  et  3o  caries  par  Wilhelm  Tomaschek,  Vienne, 
1897,  in-fol.  La  traduction  du  passage  en  question  est  aux  pages  71-79. 

W  Cette  graphie  incorrecte  :  ts  l'ual  =  » ,  se  présente  à  plusieurs  reprises 
dans  les  mss  9â()3  et  aSSg.  B  a  »Jaii  't^t?*"  y^-^'  ^^  "*'™  de  l'île  n'est  voca- 
lisé que  dans  A  et  B.  Les  trois  textes  ont  la  siillante  palatale.  sJiLfi  »jjj-=>-  jj^ 
est  à  traduire  par  croules  [maritimes]  de  l'ile  de  Sumutraw.  L'arabe  »>j^, 
plur.  -j.>,  a,  eu  terminologie  nautique,  le  sens  de  «route'?.  Sîdï  'Alî  le  glose 
par  ^.■h'  wroute,  chemin".  Le  sens  de  ces  deux  mots  est  en  efliet  identique, 
celui-ci  étant  emplo\é  pour  la  terre  et  celui-là  ponr  la  mer. 

La  phrase  suivante  du  texte  turk  n'existe  pas  dans  le  ms.  2659  :  elle  a  été 
ajoutée  par  Sïdî  'Alï  au  texte  arabe  :  ffSchilTswege  (»j»>)  au  der  Insel  Sumulra. 
Mit  den  Schiffswegen  au  der  Insei  Sumutra  verhalt  es  sich  folgenderraassen  : 
Zuerst  sei  kund,  dass  es  daselbst  Zibetli,  namlich  Moscbus-Galia  (<^Uj  ^b; 
iiLû-«  xJLc),  in  unermesslicher  ^lenge  gibt.'>  Le  gJmîiya  est  un  parfum  com- 
posé de  musc  et  d'ambre;  c'est  également  un  médicament.  Cf.  mes  Relations 
de  voyages,  t.  I,  p.  aSG  et  t.  H,  p.  OiA-ôao. 

Ce  texte  sur  Sumatra  a  été  reproduit  en  traduction  seulement  dans  le 
t.  11  de  mes  Relations  de  voyages,  p.  5oi-5ii,   d'après  B,  C  et  le  ms.  qSôq. 

(')  B  a  o^^y^^Jo,  que  C  a  lu  iVîA'M  Tannid.  Le  ms.  95.59  avait  ^^-f  >J^", 
sans  points  diacritiques.  Ils  ont  été  ajoutés  par  un  correcteur  inconnu.  Les  cor- 
rections de  cette  nature  et  les  additions  en  marge  y  sont  nombreuses.  Il  semble 
bien  qu'après  avoir  été  copié  par  un  scribe  quelconque,  le  2559  a  été  coUa- 
tioiiné  avec  le  texte  reprodin't,  car  quebju'un  y  a  ajouté,  d'une  autre  encre, 
les   points   diacritiques ,   les  passages   sautés   par   le  copiste   et  a  rectifié  les 


L'EMPIRE  SUMVrRAJVAI  S  DE  GRlVIJAYA.  87 

fc^Lfi  A-xJuXj  iX-s-ot  ^^1  ^I^XiyUI  ^J\  J^iJÎ  JyCÎI  Jty»I  »jÔ3  ^^ 
Ljj-nJ\  A-xXfij  j^  kxj^]  iUfls.  ylJvï^iJî  ij  ^UJî  Jyiiîj  ■''  i_^^5 
^i  cXwajj  âuAj  *jl  ^jJU^I  <x-»-U^  eJUJi  Jyt!!^  "'  ^jLJj-iJ!  (jàhj^ 

erreurs  de  copie.  Cette  revision  n'a  été  cependant  que  partiellement  faite  et 
laisse  à  désirer.  A,  fol.  53  r°,  1.  8,  a  :  o^^y  ^l^  Tabâkû  tai-rnad.  Je  suis  la 
leçon  du  ms.  aûSg  sans  en  garantir  Toxactitude. 

(')   B  a  :  ^^«JLj^ji^l  J^!  ,>jjuâ  ji5l  j^j>^^\  ^^j^  »o>Jl  y!oo-i  J^l  J^. 

W  B  a  seulement  :  ^:>fJ^_y^^\  J_jJl  vj^^^  ^'^J^-^  U•>«-^*='  '^;j->  o'-^'  Jy>î  que 
C  a  traduit  par  trnacli  Anjjabe  der  Araber  niclit  gauz  'i"^ 

W  Ce  passage  a  été  mal  rendu  par  Sidi  'Ali,  qui,  en  outre,  y  a  ajouté  ce 
(pii  suit  :  B  à>y-!'-^  y^\  yJw.  Mi.f-:f  p,>oi_:_«>!  ^^  ^\  soUjL  J..t^v  «ÎJb-  Jy» 

tJ^Jjl  j.^_Lx.^  ^jjj  CPT*  kiU.^  wfA  idj!  ^-^;^^  «^j  L,»^  c-i^..tn«>»l  *5  ^O^J)l  u-^ovLl* 
yLA_^l_j   j_)lj^j   r^^-»-^  «î^-Wr  *-J  J^-jJji   ^Ao^  tjj-^  *5>^  »oJo  ,Joj£    Lîj  XJjl   wOÛ 

iuJf\  JjS  5jj5l5!  v>^.i'  *>>^jJ>'tt!i  que  c  traduit  par  :«■...  und  nach  der 
Behauplung  etlicher  3  i/a  Finger  hoch.  Klinige  haben  sogar  gesagt,  er  stiindc 
auf  dem  Sildende  der  Insei  Sumutra  nur  3  Finger  hoch.  Nach  meinem  Dafiir- 
Iiallen  ist  dies  ailes  richtig  :  Denn ,  wie  schon  friiher  erwalnit ,  bevvegen  sich 
die  Fixstorne  mit  dem  achten  Himmel.  Dies  beweist  auf  Folgendes  :  Bei  der 
Bcslimminig  der  Fingerhohe  (des  Kloinen  Biiren)  an  jenem  Punkte  fandeu' 
niimlich  die  Inder  zu  unserer  Zeit  den  Kleiuen  Baren  A  Finger  hoch  stehend , 
wiilircnd  vor  diesen  die  Araber  den  Kleiuen  Baren  3  3/A  Finger  hoch  stehend 
gefunden  hatten;  einige  sagten,  er  stiitide  nur  3  ij-i  Finger  hoch,  und  wieder 
einige  fandon  am  Ende  der  Insel  nur  3  P'inger.  Es  steht  also  fost,  dass  die 
ll()h(Mil)cstimmuii|}  immer  strittig  ist,  doiui  es  ist  évident,  dass  der  Kleine 
Bar  sich  mil  der  Bewegung  dos  aciitcu  Himmels  bewcgt.  Man  sollte  also  mit- 
lelsl  des  Astroiab's  odor  «antwortenden  Quadriinten?:  die  geograpliisciie  Breite 
eines  jeden  PJatzes  bostimmen  und  verzeichueu,  aber  auch  mit  Berùcksichti- 
gnng  der  gcographischen  Breite  cine  Karte  construiren,  die  aile  Hohcn ,  Insein 
und  Weltgogendon  je  am  riclitigcn  Orle  bringt,  und  sich  nach  dioser  orien- 
liren»  (p.  7  ij.  BittiNeu  traduit  ^^\  par  et  Finger"  ,  ce  qui  est  sou  sens  littéral, 
(if.  mes  lli'latians  de  roya^p.s ,  t.  11,  p.  /197,  n.  G. 

(*)  j^  signifie  littéralement   cfdos'5.    Appliqué   à    une  grande  île  orientée 


88  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

viJU._i6  yî«X_i^JI_5  '"'  ^j*»)^L^Iju>«    ^^<uo   '"'  »*>y^  h^y^  *r*^^'  (:J^ 


(6) 


nord-sud,  «dosw  désigne  la  côte  qui  fait  face  à  la  haute  mer  (la  côte  occiden- 
tale de  Sumatra  et  la  côte  orientale  de  Madagascar,  par  exemple).  ^Jia^ 
trventre»,  désigne  la  côte  opposée  (orientale  de  Sumatra  et  occidentale  de 
Madagascar).  On  retrouve  une  terminologie  à  peu  près  identique  et  sans  doute 
empruntée  aux  Arabes  dans  les  anciens  routiers  portugais.  Cf.  «Portos  que  ha 
na  ilha  de  Siîo  Lourenço  pela  banda  de  dentro«  =  côte  occidentale  de  Mada- 
gascar =  ffventrc"  des  instructions  nautiques  arabes  (dans  G.  Pereira,  Roteiros 
Portuguezes  da  viagem  de  Liboa  à  Iiulia  nos  secuîos  xri  et  ivii,  Lisbonne,  1898, 
in-B",  p.  8i  );  rr  Viagem  de  Goa  para  0  cabo  de  Boa  Esperança  por  Moçambique 
por  dentro  da  iiha  de  Sào  Lourençon  [ibid.,  p.  \ho)\  «Viagem  de  Goa  para  0 
cabo  de  Boa  Esperança  por  fora  [=«dosn]  da  ilha  de  Sào  Lourenço jj  [ibid., 
p.  168).  Ces  expressions  parallèles  sont  courantes  dans  les  textes  arabes  et  les 
routiers  portugais. 

^''  Le  texte  avait  initialement  »j,^jit grande n ,  qui  a  été  corrigé  en  Sy^j 
pour  »^-JiJ«  nombreux  n. 

(^)  A  a  la  même  leçon  dans  ce  vers,  fol.  io5  v',  1.  8  : 

«et  leur  nom  [de  ces  îles],  ô  ami,  est  Mikâmârûs;  Mârùs,  à  Sumutra,  est 
une  montagne  qui  no\is  est  familières. 

^^)  Le  passage  depuis  yb^^  Jvxj  ^.i  jusqu'à  y!,>J»jiJl  j^^^LtiJU^  avait  été 
sauté  par  le  copiste.  H  a  été  ajouté  en  marge  par  le  correcteur. 

'*'  C  a  lu  Andar-Sàbôr.  Aucun  des  textes  n'est  vocalisé;  mais,  par  analogie 
avec  ^^i^ool,  qui  est  sûrement  à  lire  ^^jool  7/irfra/û?-a  =  Indrapura ,  je  voca- 
lise >jjL.*^jo1  Indra-sâbûr. 

(')  B  a  la  même  leçon;  C  a  ^^^UaJL»  Mantàwi,  qui  est  le  nom  des  iles  Men- 
tawei,  Mantawai  ou  INLintawei.  t^^L^*-»  est  un  complexe  malais  bien  connu  : 
luata-hâri,  litt.  «l'œil  du  soleil,  le  soleil".  Il  s'agirait  donc  d'une  île  appelée 
«lie  du  soleih.  BrriNER,  qui  a  adopté  la  correction  ^^^IL-U,  lit  Mentâwi  (p.  71); 
ToMASCHEK  inscrit  Mantnwï  sur  la  carte  XXA .  Graphiquement,  la  correction  de 
<^,lj:i^  en  (^^ILj^  est  diiïicilement  acceptable,  car  le  4  médiat  ne  peut  guère 
être  confondu  avec  la.  médial.  Au  surplus,  il  serait  extraordinaire  que  le 
ms.  '.!559  et  le  manuscrit  turk  fussent  tous  deux  fautifs  eu  donnant  une  leçon 
qui  représente  le  complexe  malais  précité.  Enfin,  géographiquement ,  l'île  de 
Matahâri  ou  île  du  Soleil  est  située  dans  ces  deux  textes  par  4°  43'  nord  et  les 
îles  Mciitawci  v.uwl  par   1"  à  ?>°  sud.  Tomascjiek  a  donc  été  obligé  d'inscrire  une 


L'EMPIRK  Sn[\TRANAIS  DE  ÇRÎV1JAY\.  89 

'  o;  (iT^y^  C:)^'^  çs*r^^  ;^  ;)jr^  '■«y-*-*  "M^M^  ''(;5^!>**-  ^->^^^ 

t5-»  tP'  (*''^)  ■'' *-^^->;-J  l^^-jy-s-io  (SU.:ï^5Xj  l^_^.fwu   i_jji^î^  ,^^[i  yk» 

lie  ^tanlâ\vi  contre  la  côte  nord-occidentale  de  Sumatra,  alors  qu'aucune  rela- 
tion de  voyage,  ancienne  ou  moderne,  n'a  signalé  un  nom  de  ce  genre  à  cette 
ialilude.  Je  ne  suis  pas  en  mesure  d'identifier  lile  de  Mataliâri;  mais  il  me 
parait  plus  prudent  d'en  maintenir  provisoirement  le  nom  sur  la  foi  des  textes 
arabe  et  turk. 

'''  ^^!>^  >J<*aJ^,  qui  a  été  ajouté  en  marge,  ne  figure  ni  dans  B  ni  dans  G. 

'-j  ^3 ^ ,  en  terminologie  nautique,  désigne  un  rbanc  plat  s'étendant  devant 
la  terren  (cf.  Instructions  nautiques  sur  la  mer  Rouge  et  le  golfe  d'Aden,  Paris, 
i885,  in-8°,  n°  68i,  à  l'index  des  mots  arabes,  p.  xv,  s.  v"  Rak). 

'•^'i  t;-jt_<i,  plur.  yLjiX  — «récif  de  roches»  (cf.  Instructions  nautiques ,  op. 
luud.,  s.  v"  Shah). 

'•'*>  Manque  dans  B  et  G. 

t^)  G  a  :  «Man  nennt  sie  Fulô  Bàniq:  bei  den  Indern  heissen  sie  Talâgih, 
weil  sie  den  zu  Gùgaràt  gehôrigen  Talàgih  iUinlich  sind.» 

'"^  Le  texte  a  »^J^ . 

(')  A  a  aX»  J--?'-?-  Gâmis-fulah ,  fol.  Sa  v°,  dernière  ligne;  M»  J^^^  Gmnis- 

fallah,  fol.  109  r°,  1.  7;  109  v°,  1.  18;  111  r",  1.  a  ;  ki»  ij~>*^  (làniûs-faUali , 
fol.  io5v°,  1.  1 1  et  *i^  (j--y«Ui.  Gdniûs't-fùlali ,  fol.  54  v°  infra.  Cette  der- 
nière leçon  est  un  hybride  composé  de  J'allah,  déformation  du  malais  ^^'i 
pûlaw,  ptilo  «île»,  et  du  perso-arabe  ij">«^>.  «buffle».  La  syntaxe  malaise  et 
arabe  exigerait  *fallah-gànais  ;  mais  l'inversion  gâniûs-fallah ,  dont  on  retrouve 
d'autres  exemplaires  dans  la  loponomasliipie  ancienne  de  l'Inde  Iransgangé- 
tiquc,  a  été  faite  sur  le  modèle  de  sanskrit  Yaradvipa. 

W  J.J!  al-burr  a,  dans  certains  textes  géographiques,  le  sens  de  «conti- 
nent, terre  ferme»,  par  opposition  à  la  mer  et  aux  terres  insulaires.  Ici,  il  est 
employé  avec  son  sens  initial  de  «terre»,  par  opposition  à  la  mer.  Cf.  les 
exemples  classiques  ^^1^  ^1  «la  terre  et  la  mer»;  llirj  lo  «par  terre  et 
par  mer». 


90  JUILLET-SBPTEMBRE   1922. 

A-Xj  j<*_^L^  ^^  iJa^  *j^j-^  >^  Hy?.^  l-<'^  ''"'  ^^^^-^  ^••^^  C5^!>*' 

^u  Jî  j^i  '^^  vy^'  (jJ^  J>^^  4^*^'  J'y^  *^'  *^  '"'^'^^^i 

^î  J^-^y^Av  (JtAia^  ij^  t^*^^^^  Jysô-»«  t^Jai  «i-JljJi  J>*J'^  J^!^-**'  (*^^a^ 

xJJa-»  ^LU!  JjJDI^  y*ji}]  ^1^  J^ill  Jjjtlî  Jlyil  ÀiÀj|*jiJb  iJa-fi; 
(jLJ^.*iJU  ^UJî^  j;ii!  JyiiU  t_yuJ!  ^ixo  eJLJI  J^iJt^  JJl^i)! 
(jMk>oL^  ^wi  l {(.À.ln.j  iioâ  Ul^  à^.;^!^  i-jjt\s^]^  (_>jaU  (^]UJi  JyDt^ 

XaJLÀ  jLJiXfw  ^*>OlJ  t^**^  ^y«3  (fol.  98  V")  LjJix]]  fcUa.»  (^y/«^U  *Ai 
is.\j..iî^  ^t>w-j  O— *^    )HH^^   ^Aix«    ^^^ij    ^^)Ly^  A^lx«  L^Ovsk.!   (j^^ 

^  il  Ja.^  ;*^^-^  &j^.«;i>Ii  U^iUj  Ut^  S^**^'  (*^^  c^UJI  lift-i».ii 

t')  A  a  la  leçon  fautive,  fréqueûte  dans  les  textes  arabes,  ^>*â^  Faifiûr, 
fol.  53  r°,  1.  5;  et  la  bonne  leçon,  ^>*iJ^,  foi.  1 1 1  r°,  1.  5. 

(-)    Vide  supra,  p.  87,  n.  i. 

'■'')  Cest  la  bonne  leçon  qu'ont  également  A,  B  et  C.  Vide  stiprn ,  p.  80, 
n.  a. 

C')  A  a  I^JLc,  foi.  111  r",  1.  6-,  B  et  C  ont  s^y^.  Celte  notation  est  tout  à 
fait  inattendue,  car  le  Nâ{iarahevtâg(nii(i  (i365)  a  Harw  (cf.  G.  FiiiiiiAND, 
Uvlniinns  de  voyages,  t.  II,  p.  65a),  qui  est  passé  à  Uaru ,  puis  à  Avu,  dans 
la  langue  moderne.  D'après  le  poème  ka\vi  précité,  8>^Lc  et  s^-^  sont  à  lire 
»}>Lc  '/l?-t7/t  et  i^~£.  'Arûh;    'jn'-c,  'tIj'm. 

^•')  A  a  jsîLiX^  Mahkajang ,  fol.  53  r°,  1.  1,  et  xsJil^  Mahhofing,  fol.  1 1 1  r", 
1.  3.  U  et  C  ont  la  même  leçon  que  le  ms.  :!559.  Bittnkr  a  lu  Mdlilfdnag. 

'•">  (^'esl  l'un  des  3 a  ^^^i.  hann  (piur.  yU^I  aljnân)  ou  rumbs  de  vent  de  ia 
boussole.  L'expression  arabe,  litt.  «lever  du  Scorpioun,  a  été  rendue,  en  tra- 
duction, par  le  terme  ('quivaient  usité  dans  les  marines  occidentales.  Cette 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  (.H\ÎV1JAY\.  91 

ooLa.  ^j-A  [  ^,A  la-.i  ^  y^J  '''  ^  ^  ^«^^  iu*:^  ^ji  Joyl)t  cjy*)l 
l.fl.A.»  jj**ji^LoUi.A-«  ^ys>.  y!  ^1^  (Vj^^  **o'  (j^*^r*^'  S->*^5  Ot**^^ 

X^^  ;ÔUt   JS  ;3^U   <*)  ^kJl   «^   JUj   Àl«ii)!   y^lj  l^Ulj 

LXXXI.  Le  soutien  des  Mahara. 

Section  traitant  de  la  connaissance  de  l'île  de  Sumatra. 

EUe^^'  commence,  au  nord-*',  à  la  montagne  de  Lâmnrï  où  les  Far- 
question  sera  traitée  en  détail  dans  la  traduction  intégrale  des  mss  2-393  el 
2559,  qui  sont  actuellement  en  cours  de  publication. 

'■>  B  a  :  j3^^fM>,«  xbl  Jo^  is^^i  )^)»*^i  ;^>>^'>s^  \^^  et  C  :  «...  ein 
nouer  uud  bowolinler  Hafen,  dessen  Gouverneur  dujch  Gerechtigkeit  bekannt 
ist  .  .  .  n. 

(^)  B  a  la  même  leçon;  A  a  I^LïJli,  fol.  53  r",  1.  7  et  111  r",  1.  9;  G  a 
Menang-kdbù  (sic),  rectifié,  entre  parenthèses,  en  Manqâbôh,  ce  qui  repré- 
sente Sj-jUlL»,  comme  dans  le  ms.  2 5  59.  Le  Nâgarakërtâgama  a  Mananhahwa 
(cf.  G.  Feiîrano,  Relations  de  voyages,  \.  II,  p.  ôSa),  qui  permet  de  corriger 
les  leçons  précédentes  et  de  rétablir  s^liJj^  Manangkâbwa  =  Mananhabtva. 
Dans  un  manuscrit  malais  daté  du  i3  safar  12/10  =  octobre  182/1,  le  mémo 
nom  est  écrit  ^.JjLl»  =  Mënankabaw  (H.  H.  Juïnboll,  Catalogus  van  de  Ma- 
leische  en  Sitndanesche  Jiandschrijten  der  Leidsche  UniversUeits-biblioÛteek,  Leydc, 
1H99,  in-8°,  p.  2/1 5,  CCLVI). 

^^>  B  et  G  ont  la  même  leçon  fautive,  que  Tomaschek  a  identifiée  à  l'île  do 
Banka.  Le  ms.  2569  et  B  ont  tous  doux  ^  j-U  ^>>^  «le  port  de  P'alu  Bangv  ; 
il  ne  s'agit  donc  pas  d'une  île,  mais  d'un  port  de  la  côte  sud-orientale  de 
Sumatra.  ^  jJj  est  à  corriger  en  ^  ^^.  A  a ,  en  effet,  jS  ^^Ai  au  fol.  1 1 1  r", 
1.  11,  et  jti-^s^Ji  au  fol.  53  r",  1.  8.  L'un  et  l'autre  et  les  leçons  précédentes 
sont,  sans  doute,  pour  ^^4^  Falivibaiig  =  Palembaii. 

'")  Même  leçon  dans  G;  B  a  fautivement  ^^• 

(5-<J)   (5)  J^^;s  documents  utilisés  pour  le  conimeutaire  de  ce  texte  sont  : 

Ilinerario  voyage  afle  schipvaert  van  /i.v  III  rcF.fi  van  LiftsciioTRN  naer  oosi 
qfte  Portugaels  Irulien  i5j()-i5ga ,  édit.  H.  Kkun,  's-Gravenhage,  in-8°,  1910, 
t.  I,  chap.  19  :  Van  'l  Eylandl  Samatra,  eertijts  Tapnibana  glieheeten ,  p.  ']\-'ji] 
et  la  carte  de  la  page  70  du  même  volume-, 

La  carte  do  Sumatra  do  Valkntyn  rcpioduilc  dans  le  n°  22  du  Journal  of 


92  JIILLET-SEPTEMBRE   1922. 

kadayn  (les  (Jeux  Gardes  =^  (S  et  y  de  la  Petite  Ourse)  sont  par  7  i.^ba  et 
7/8  [—  5"  48'  nord  environ],  d'après  les  uns;  par  7  isba  3//i  [=-  5°  SV 

//le  Slraits   brauch    nf  the  Roijal  Asiatic  Society,  décembre  1890,   intitulée  : 
^iemve  kaavt  vaii  liet  pyland  Sumatra  verbelerd  door  François  Yalentvn',  J.  van 

BnAAM   et  {»ic)    GOUDER    DE  LiNDEN; 

Le  Petit  Atlas  inm-itime ,  recueil  de  cartes  et  de  plans  des  quatre  parties  du 
monde,  Tome  III,  coiilenattl  :  T  l'Asie,  II"  F  y'rifjue ,  avec  les  détails  intêressam 
de  ces  deux  parties,  176'!.  sans  nom  d'auteur  ni  de  lieu  d'impression  (je  n'ai 
pas  encore  pu  reirouvof  ies  deux  premiers  volumes  de  celte  publication,  dont 
le  présent  volume  m'est  seul  connu  )  ; 

A  new  directory  for  the  East  Indies  conlainiiig  gênerai  and  particalar  charts 
of  the  océans,  seas  ,  straits ,  coats,  islands,  capes,  golfs,  bays,  harbours,  rocks, 
sands,  suundings ,  etc.,  necessary  to  be  knuivn  in  sailing  to,  from  and  throughoiit 
the  East  Indies,  the  whule  (oiiginally  begun  and  carried  on  from  the  most 
approved  charts  and  plans,  by  M'  W.  Herbert,  M'  W.  Nichelson  and  otliers) 
niurh   improved  and  augmenled  ii/ Samuel  Du.nn,  Londres,  5*  édition,  17H0; 

The  Oriental  Pilot ;  or  a  sélect  collection  of  charts  and  plans,  both  gênerai  and 
parliculars  ;  calculated  for  the  navigation  of  the  country  trade  in  the  seas  beyond 
the  cape  of  Good  Hope  :  including  the  Indian  sea,  with  the  Arabie  and  Persian 
golfs,  the  China  sea,  the  eastern  sea,.  etc.,  etc.,  etc.  Drawn  chiefly  from  the  last 
édition  of  the  Nepti^e  OitiEyriL  of  Mons.  d\iriit:s  de  MiNysyniETTE ;  ^vith 
important  additions  and  seceral  improvements ,  exiracted  from  numerous  Journah 
of  ihe  Hunourable  the  English  East  India  Company;  and  from  aclual  surceys  hy 
officers  in  that  service;  as  aho  from  the  original  drafts  of  the  Diitch  East  India 
Company  tvith  sailing  directions.  Londres,  sans  date  (vraisemblablement  des 
dernières  années  du  xviii'  siècle). 

Ce  sont  les  seuls  documents  cartographiques  que  j'aie  à  ma  disposition.  — 
W  D'après  le  texte  de  Linschoten  (p.  7^1 -7 5),  la  pointe  nord  de  Sumatra 
est  par  5°  nord  et  l'extrémité  méridionale  de  l'ile  par  6°  sud.  L'île  aurait 
170  milles  de  long  et  60  milles  de  large.  Sur  la  carte  de  Linschoten,  la  pointe 
nord-ouest  et  la  pointe  sud  de  Sumatra  dépassent  respectivement  de  près  d'un 
quart  de  degré  le  cinquième  parallèle  septentrional  et  le  sixième  parallèle 
méridional.  La  partie  nord  de  Sumatra  est  à  peu  près  parallèle  à  l'équateur  et 
divisée  en  trois  états  :  Daia,  au  nord-ouest;  Achem  =  Acin.  commimément 
Atchin,  au  centre;  et  Pedir,  au  nord-est. 

Sur  la  carte  de  Valentvn  ,  l'extrême  pointe  nord-ouest  est  par  environ 
.5°  âo'.  Tout  le  nord  de  l'de  constitue  l'état  d'Atchin  {Tryk  van  Atsjen),  avec 
la  ville  d'Atchin  à  la  pointe  nord-est,  sur  la  rive  droite  et  à  l'embouchure 
d'une  rivière  non  dénommée. 

D'après  le  Petit  Atlas  maritime,  l'extrême  pointe  nord-ouest  est  par  5°  et 
quelques  minutes,  blêmes  indications  que  dans  Valentvn.  La  rivière  est  appelée 
«rivière  d'Achem». 

La  Cfirle  XIII  du  \i'iv  Directory   (A  particalar  plan  of  Arheen  riiad  ivilli  ihe 


L'EMPIRE  SUMAThAWIS  DE  (jlîïVIJVW.  93 

environ],  d'après  d'autres.  Elle  finit,  an  sud,  [avec  le  pays  ou  le  cap 
de]  Tïkû  Tarmad'"'.  En  ce  qui  concerne  la  latitude  de  ce  dernier 
endroit,  les  opinions  diffèrent  :  il  y  en  a  trois.  La  première  est  que,  en 
cet  endroit,  les  Farkadayn  sont  par  h  isha  [=  o°  62'  sud  environ];  c'est 
l'opinion  de  la  majorité  des  Indiens  [de  la  côte  occidentale  de  l'Inde]. 
La  seconde  est  que,  en  cet  endroit,  les  Farkadayn  sont  par  un  peu  moins 
de  II  isba  [=  un  peu  moins  de  0°  62'  sud];  c'est  l'opinion  des  Arabes  et 
(les  Colas"'.  La  troisième  est  celle  de  ceux  qui  l'ont  vérifiée  :  [les  Far- 
kadayn sont  en  cet  endroit]  par  3  isha  1/3  [=  1°  hd'  sud  environ].  Cer- 
tains disent  que  l'extrémité  méridionale  de  l'île  de  Sumutra  est  [même] 
par  3  isba  [=  1°  36'  sud  environ]  '^'. 

Sache  que  sur  la  côte  occidentale,  il  y  a  de  nombreuses  îles  appelées 

hlands  adjacent)  désigne  l'extrême  pointe  nord-ouest  sous  le  nom  de  «Rings 
l*oint75 ,  la  ville  d'Atchin  est  à  o*  jo'  à  l'est.  Ce  rrKings  Point»,  la  moderne 
fftète  d'Atchin?5 ,  est  à  peu  près  entre  5°  23'  et  5"  aV.  VOriental  Pilot  (carte  4^  , 
A  chart  of  the  stvails  of  Malacca  aixl  Singapove)  appelle  également  cette  pointe 
fftlie  King's  Point  or  Cape  Ashim»  et  la  situe  par  environ  5°  20'.  La  ville  de 
ffAchem  or  Ashim»  est  à  un  degré  de  longitude  à  l'est,  sur  le  delta  d'une 
rivière  non  dénommée. 

tf .  .  .  the  great  Isiand  Sumatra,  which  Extendeth  from  05°  Ao'  Soufh 
Latitude  to  o5' ûo'  North  Latitude,  soe  that  the  Equinoctiall  Line  dividelli 
tliis  Isiand  into  2  Equall  parts...»  (.4  Geographical  account  nf  couniries  ruinid 
the  bay  oj  Bengal ,  iGGrj  to  i6jg,  by  Thomas  BowBEy,  édit.  Sir  Richard  Carnai; 
Temple,  Halcltiyt  Society,  2"  série,  t.  XII,  Londres,  1906,  p.  285). 

(')   Vide  supra,  p.  b6,  n.  3. 

^^'  Le  J^joi)!  .>«-i4jë  (^  J>siJI  XjLsr  ^y^  cjU5  de  Sulaymân  ibn  Ahmad  al- 
-Mahrî,  que  contient  également  le  ms.  aSSg,  a,  au  fol.  167  r",  1.  9  et  suiv.  : 

"Les  Sûliyan  [=Cola]  sont  les  gens  du  Sùiamandala  [=  Colamandalain= 
(iororaandel  ].  La  plus  célèbre  de  leurs  \iHes  est  celle  de  Kâyâl.  C'est  la  ville 
de  leurs  savants.  Kâyâl  est  un  port  célèbre  depuis  fantit^uité.  H  est  situé  dans 
le  pays  de  Karikara  (ou  Karaykara,  le  Kailukari  de  nos  cartes).» 

Kâyal  est  le  Cail  de  Marco  Poi.o  (cf.  édit.  ^ilk-Cordier,  t.  Il,  1903, 
p.  373-373).  La  notation  arabe  reproduit  exactement  le  nom  lamoul  de  cet 
ancien  port  :  Kâyal  (cf.  Impérial  Gazetteer  of  ludia.  Madras,  t.  II.  Calcul  la, 
1908,  p.  283). 

^^>  Toutes  ces  latitudes  sont  inexactes.  L'extrémité  méridionale  de  Sumatra 
est  aux  enviions  de  6". 


94  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

Mikâmârûs''';  les  Farkadayn  sont  là  par  7  isba  [=4°  18'  nord  eavirun]. 
Viennent  ensuite  deux  îles  appelées  Indrasâbûr  *"'l  Entre  ces  îles  et  la 
côte  occidentale  de  l'ile  de  Suniutra,  il  y  a  8  znm"  [de  distance].  En- 
suite, au  sud  de  ces  iles,  se  trouve  une  ile  appeje'e  Matabâri  '',  là  où  les 
Farkadayn  sont  par  7  isba  i/A  [=^  4°  43'  nord  environ].  Après  celle-ci, 
au  sud,  il  y  a  de  nombreuses  iles  appelées  Mïkâmârfls ^^\  là  où  les  Far- 
kadayn sont  par  7  degrés  de  bauteur  [^  k"  18'  nord].  Là  où  les  Farkadayn 
sont  par  G  isba  xj-i  [=  3°  2O'  nord],  se  trouvent  deux  grandes  îles  :  ce 
sont  des  montagnes  élevées.  A  mi-cberain  de  l'île  septentrionale  de  ces 
deux  îles,  il  y  a  de  petites  îles.  A  l'est  de  ces  deux  îles,  il  y  a  peu  de 
fond,  des  récifs  de  roches  et  (fol.  28  r°)  des  barrages  dans  l'eau  *'.  On 
appelle  ces  deux  iles  Pulaw  Bânyak  ' .  Les  Indiens  les  appellent  Talâgïb 
parce  qu'elles  ressemblent  aux  Talâgih  [du  Cnzerate]'*"^;  car  dans  l'île 
septentrionale,  les  montagnes  qui  s'y  trouvent  apparaissent  semblables 
aux  Talagib.  Les  précautions,  toutes  les  précautions,  il  faut  que  les 
prenne  en  cet  endroit,  celui  qui  vient  de  Gâmis-fula ''\  cai-  il  ne  peut 

t*'   Vide  supm,  p.  88.  n.  2. 

W   Vide  sup-a,  p.  88.  n.  4. 

(^)  8  câwi  =  ai  heures  de  route,  à  raison  de  3  heures  au  zâm. 

'*)   Vide  supa,  p.  88,  n.  5. 

t^)  Ce  sont  ies  dernières  îles  méridionales  de  l'archipel  dont  il  vient  d'étr» 
question. 

'•)  11  s'agit  vraisemiilablement ,  soit  de  hauts-fonds,  soit  de  bancs  de  sable. 

'')  Ce  sont  les  iles  que  nos  cartes,  reproduisant  servilement  la  transcription 
hollandaise,  appellent  Banjak ,  qui  est  à  |)rononcer  Banrtk.  ^i^b.  que  Bittneu 
a  lu  Bâmk-  (p.  71),  est  donc  à  lire  ,^li  Bânyak.  C'est  un  bon  exemple  de 
transcription  do  la  nasale  palatale  ■\-  a. 

(8)    Vida  supra,  p.  89,  n.  5. 

(•'  Vide  supra,  p.  89,  n.  7.  C'est  la  Gauenispolu  de  Marco  Polo  (édit.  \ile- 
CoRDiKR,  t.  II,  p.  3oo  et  307)',  la  Gomespola  de  Linschoten  (édit.  H.  Kehn, 
caitc  de  la  p.  70.  t.  Ij;  la  Poulo  Gomes  du  New  Directory  (carte  XIII)  et  de 
VOriciilal  Pilot  (carte  '19).  tt[Achin],  rapporte  Thomas  BownEï  (.1  gpofrraphical 
account  of  countries  round  the  bay  of  Bengal,  iGGrj  lo  iGjQ,  édit.  Sir  Rich. 
Carnac  Tkmple.  Hakluyt  Society,  1905,  p.  286-987 ).  hatb  likewisc  a  vory 
Excellent  Roadc  or  ba\  in  which  there  is  roome  Enough  for  many  bundreds 
of  .Sliips  and  in  j[reat  Safety,  where  tbey  may  ride  in  12  ,  10,  8,  6,  'i  fatbonis 
de])lh,  very  clearc  jjiound,  and  abnost  land  locked  vvilh  the  liead  of  Sumatra 
[=  Tête  d'Atchin],  Puilo  Way,  and  Pullo  Gomus,  and  2  or  3  Small  Islands 
and  rocks. -î  Sir  Carnac  Temple  ajoute  en  note  :  cfCf.  Dampier,  William,  A  now 
voyajje  round  Ihe  worldn  (Londres,  169G,  t.  II,  p.  laa)  :  rrPulo  Gomez  is 
anolber  larjje  island  about  20  miles  Wesl  froni  Pulo  Way.  and  about  3  leagaes 


L'EMPIRE  SUMVTRANAIS  UE  ÇHiVIJAlA.  95 

se  sauvej'  que  sur  la  côte,  c'est-à-dire  sur  la  côte  occidentale  de  1  ilc  de 
Sumuira ,  s'il  veut  arriver  à  Pancur  ^'^ 


from  the  N.  W.  point  of  Sumatra».  Cf.  also  (hc  followinij  JVoiii  trAbstract  of 
Captaiii  Aitkins  Journal»,  0.  C.  N"  hol\5,  «i5lh  Apiii  )67r)-'.  As  soou  as  wee 
wcre  shott  williout  the  island  Polo  Gomos,  wce  moll  wilh  a  slronjf  stiram». 
llorsburjjli ,  Easl  hidia  Direclorij,  vol.  Il,  p.  ia,  éd.  i8o5,  lias  «Pulo  Gomcz, 
where  there  are  rogular  soundin{;s  and  good  anchoring  ground.  from  lo  lo 
17  fathoms-i.  Cf.  Captain  Alexander  Hamilton  (^4  new  accouiit  of  the  Eusl 
Indie»,  Edinbourg,  17.57,  vol.  II,  p.  lia),  «Between  Atcheen  Head  an  high 
sleep  Promontory,  and  the  South  End  of  Goraus  Islands,  there  arc  two  Clia- 
nols  to  corne  from  the  Westward  into  the  Road.» 

O  i^j»aii,  litt.  Fansîir  =  Fdiicfir  <:z  Pancûr.  Vide  supra,  p.  90,  n.  1.  Dans 
une  note  dt^  sou  Account  of  the  Malay  Mss  belougin{>  lo  the  Royal  Asialic  Society 
(^Miscallaneous papers  relalm^r  lo  Indo-Chiiia  aud  ihe  Indian  urchipclago,  •>,"  série, 
t.  II,  1887,  p.  5i),  H.  JN.  Van  deu  Ïlnk  dit  à  propos  de  Hamzah  de  Baros 
appelé  Hamzah  (^^ynJJJl  parce  que  «Fantsur  est  l'ancien  nom  de  Baros;  d'où 
le  camphre  de  Baros  est  appelé  en  arabe  ^^^^jaJUJI  ^>it5^  t camphre  de  Panfur». 
YuLE,  qui  a  utilisé  cette  citation,  ajoute  {Marco  Polo,  éd.  Gonoiicu,  t.  II, 
p.  3o2)  :  cflt  is  higbiy  probable  that  Fansûr  and  Buriis  may  be  not  only  the 
same  iocality  but  mère  variations  of  the  sauie  uame.  Tlie  place  is  called  in 
the  Shijarat  Malayu,  Pasuri ,  a  name  whicli  the  Arabs  rertainly  made  into 
Funsûri  in  one  direction,  and  which  might  easily  in  another,  by  a  very  com- 
mon  kiud  of  Oriental  metathesis,  pass  into  BavHsi.-n  Yule,  qui  n'était  pas  ara- 
bisant, n'a  pas  pris  garde  que  Vs,  en  transcription,  de  Fansûr  et  de  Bans, 
sont  deux  lettres  différentes.  La  première  est  un  ^Jf>  qui,  dans  le  cas  présent, 
rend  la  palatale  malaise  c,  transcrite  par  les  Hollandais  (/ ;  la  seconde,  une 
silllante  dentale  que  les  Arabes  ont  également  rendue  par  j^  s.  En  réalité, 
malais  *Paiihir  >  arabe  ^yoJ^  n'a  absolument  aucun  rapport  avec  malais, 
Barus  ou  Baios  >  arabe  o^y^  Bâlus.  Les  deux  noms  désignent  le  même  port 
occidental  de  Sumatra ,  mais  il  n'y  a  aucune  parenté  phonétique  de  l'un  à 
l'autre.  Sur  Bàlîis  et  Faneur,  cf.  les  deux  premiers  volumes  de  mes  Relalinns 
de  voyaires  et  textes  ftéoffraphiques  arabes,  turks  et  persans ,  passini .  Le  doublet 
BarosPancur  s'(!xpli(pie  ainsi.  Baros  (]ui  est  situé  par  environ  a"  do  latitud(! 
Nord,  en  pays  batak,  est  le  port  d'exportation  et  la  tète  de  ligne  de  la  route  à 
destination  de  la  région  du  benjoin  et  de  celle  du  camphre.  Les  premières 
étapes  sont  :  Kampoii  Mudik,  Lubuk  Tuwa  et  Pansur,  le  long  de  la  rive 
gauche  de  la  rivière  Batu  Garigis.  Les  Bataks  écrivent  Pansur,  mais  prononcent 
Patsur,  iWm  la  forme  malaise  Panâir  qui  a  confondu  l'un  et  Tautre  et  que  les 
Arabes  ont  rendu  par  ^y^J^  (cf.  L.  van  Vluhen,  De  kandel  van  Baroes,  als 
oudule  huri'ii  op  Sumalras  ivcslLusl,  rerklaard;  eu  voor  de  toekomsl  beschouwd , 
dans  Tijduclirift  v.  Kon.  Nederlundsch  aardrijicskundijr  Genolsvhup,  a"  série, 
t.  \XV,  i(jo8,  ail.  G,  p.  1889  et  suiv. ,  avec  carte  et  plans). 


96  JUlLLET-SEPTEMBllE   1922. 

Sur  l;i  cùle  orientale  de  Sumutra,  ia  mer  a  peu  de  loiul,  par  lieu  lièie- 
ineiit  autour  du  port  de  Aru. 

[VoiciJ  la  route  [à  suivre]  sur  la  côte  occidentale  de  l'île  de  Sumutra. 
De  Gâmis-pula  à  Mâkûtâug''*,  il  y  a  trois  opinions  :  la  première,  [faire 
roule]  au  sud-est:  la  seconde,  au  sud-sud-est;  et  la  troisième,  au  sud. 
D'après  moi,  c'est  la  route  au  sud  qui  est  la  meilleure.  De  Mâkùlâng  — 
c'est  une  montagne  sur  la  côte  occidentale  de  i'ile  de  Sumutra.  Les  Far- 
kadayn  sont  là  par  7  isba  1/9  [^5°  9'  nord  environ],  d'après  les  uns; 
7  isba  i/li  [^  4°  /i3'  nord  environ],  d'après  les  autres  —  de  Mâkiifang 
à  Pancitr,  la  route  est,  d'après  les  uns,  au  sud-est;  d'après  les  autres, 
au  sud-est- i/4-sud  :  c'est  la  première  qui  est  la  meilleure.  De  Pancûr  à 
l'extrémité  de  I'ile  de  Sumujra,  la  route  est,  d'après  les  uns,  à  l'est-sud- 
esl;  d'après  d'autres,  au  sud-est- i/4-est  et  d'après  d'autres  encore,  au 
sud-est.  La  première  et  la  seconde  opinion  est  celle  des  Colas;  et  la  troi- 
sième, celle  des  Arabes,  des  gens  de  Hormuz  et  des  Indiens  [de  la  côte 
occidentale  de  l'Inde]. 

[Voici]  la  route  [à  suivre]  sur  la  côte  orientale.  De  Gâmis-fula  à 
Làmurî,  au  sud-est  "'.  De  Lâmurï  au  port  de  Sumutra,  les  uns  disent 
[qu'il  faut  faire  route]  à  l'est- i/à-sud:  les  autres,  à  l'est-sud-est  ''.  Du 
port  de  Sumutra  à  l'extrémité  de  I'ile,  l'opinion  dominante  est  de  faire 
route  au  sud-est. 

Les  poits  de  I'ile  les  plus  connus  sont  :  le  port  de  Sumutra  sur  la 
côte  orientale  —  les  Farkadayn  sont  là  par  7  isba  1/2  [=  5°  09'  nord 
environ];  le  port  de  Mandara^*'  qui  est  proche  de  Lâmurï,  également 
sur  la  côte  orientale  —  c'est  un  port  nouveau,  célèbre  par  sa  prospérité 
et  par  le  bon  ordre  qui  y  règne  — ;  le  port  de  Pancur,  sur  la  côte  occi- 
dentale—  les  Farkadayn  sont  là  par  6  isba  [=  2°  34'  nord  environ];  le 
port  de  Manankâbwa  •  ',  également  sur  la  côte  occidentale  —  les  Far- 


(')  C'est  le  Manivpa  de  Barros  {Da  Asia,  décade  111,  liv.  V,  chap.  i,  Lis- 
bonne, 1777,  p.  5i  1). 

'''  La  direction  donnée  à  la  route  est  inexacte ,  car  la  petite  ile  de  Gâmis- 
fula  est  au  snd-Ouest  de  la  pointe  la  plus  sej)tentrionale  de  la  Tête  d'Atchin. 
I  ide  infra  le  texte  arabe  sulvaul. 

^'>  Cette  route  indique  nettement  que  Lâmurï  est  à  l'est  de  la  Tète  d'Atchin, 
donc  sur  ia  côte  orientale  de  Sumatra,  en  prenant  comme  point  de  séparation 
entre  les  deux  côtes  la  pointe  la  plus  septentrionale  de  l'île. 

''')  Ce  port  est  inconnu  par  ailleurs. 

(^)  Vide  supin,  p.  ()i.  n.  •>.  Lixs(;iioten  l'a  également  inscrit  sur  sa  carte 
comme  port  de  la  côte  occidentale  :  Maiiuiicabi).  C'est  aujourd'hui  le  nom  d'une 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  97 

kadaynsont  là  par  5  isba  [=o°5>2'  nord  environ];  ie  port  de  Pulaw 
Bang''',  sur  la  côte  orientale  —  les  Farkadayn  sont  là  par  3  isba  3/4 
[=  1°  i8'  sud  environ].  x 

Sache  que  dans  les  îles  Mikâmârûs,  se  trouvent  des  gens  semblables 
aux  bêtes  féroces  qui  mangent  les  hommes.  11  en  est  de  même  des  gens 
de  la  côte  occidentale  de  l'île  de  Sumutra  :  ce  sout  des  brutes  anthropo- 
phages qu'on  appelle  Batang''^  [=Batak].  Prends  garde,  prends  bien 
garde  ! 

Le  texte  suivant  est  extrait  également  du  ms.  2  55g.  C'est 
une  des  sections  du  chapitre  ni  d'un  autre  ouvr;ige  nautique 
de  SuLAYMÂN  al-Maiirï,  intitulé  >^î  ks.  ^à^à^UJî  ^l^ill  <_>L>:^ 
js^h^^  w  Livre  de  récits  de  voyages  précieux  ou  science  de  la 
mer  en  fureur??.  Il  n'est  pas  daté,  mais  il  est  postérieur  au 
texte  précédent.  C'est  au  Kttdh  al-minliâj  (lue  Sîni  ""Ali  a  em- 
prunté les  trois  importantes  sections  :  slil  j-<Us  ^  Juai  Sec- 
tion de  la  latitude  d'après  l'étoile  polaire  (du  fol.  ()/l  v"à  -70  r"); 
^sXi-iJï  (j*''^9  (^  J*^*  Section  de  la  latitude  d'après  les  Far- 
kadayn ou  les  deux  Veaux  = /S  et  y  de  la  Petite  Ourse  (du 
fol.  'yO  r"  à  '71  v")  et  (j;Ujt-lJi  ^Li  ^i  J^ai  Section  de  la  latitude 
d'après  a,  /S,  7,  J  de  la  Grande  Ourse  (du  fol.  y  1  v"  à  y  9  f). 
On  trouvera  la  traduction  de  ces  trois  sections  d'après  le  Mnint 
de  SîDÎ  '^k\A,  dans  mes  Relations  de  voyages  et.  textes  géographiques 
arabes ,  persans  et  turks ,  t.  Il,  p.  ."jiS-BSî), 

Le  chapitre  n  du  ^-=wj_jLJi  ^L^_il  «jU:-^  commence  ainsi' 
(fol.  ()/i  r%l.  9  et  suiv.)  : 

,^5_ii"^X-o^î  ijJ^'i  i^i  V/*^'^   <XÀ^1  Jifc!  ^^^.i  lAàji  o^Axà-t  J*a2»>_5 

peuplade  de  celle  région,  que  les  anciens  marins  avaient  sans  doute  donné  au 
port  par  lequel  on  pénétrait  dans  le  pays. 

'')  A  corriger  en  Palembang  —  Palen)bai"i.  Vide  supra,  p.  gi,  n.  3. 

'-)  Il  s'agit  sans  doute  des  Bataks,  dont  le  nom  a  été  inexactement  transcrit. 
Cf.  le  texte  arabe  suivant,  p.  100  cl  10:!. 


98  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

LcXJiJ!  J^J»  oot-o  L^bS.l\  \ù^  1^^  jjUJ^.,iJJ  \xi\yA  'ià^\  ^\'i^ 

J_j  >_i_£  <>^_2wî^  »_**_£  l.^jtX2^^i  *^^^33  ^i"*^^  (^'"^-  ^^  ^'')  y'^^Ji^J' 

•  •  •  (>*-^'  '-«Y^J 

Chapitre  ii  traitant  de  la  iatitude  [des  ports  situés]  sur  les  côtes  habi- 
lées  connues.  Sache  que,  au  sujet  de  la  hauteur  du  Gâh  (réloile  polaire), 
il  y  a  des  divergences  entre  les  gens  des  pays  sous  le  vent  et  ceux  des 
pays  au  venl'^',  en  ce  qui  concerne  certains  caps.  Il  en  résulte  également 
des  divergences  entre  les  gens  de  l'Inde  [occidentale]  et  les  Arabes  au 
sujet  de  la  hauteur  fondamentale  [,  c'est-à-dire  de  la  hauteur  de  la 
polaire  à  tel  ou  tel  endroit].  Dans  mon  livre  intitulé  Ai-'Umda  {y'uh 
supra,  p.  85),  [les  latitudes  données]  sont  conformes  à  celles  des 
[marins]  Colas ^^^;  dans  le  présent  livre,  j'ai  reproduit  l'opinion  des 

'')  Dans  ia  terminolooie  nautique  de  Ibn  ^Iâjid  et  de  Sulaymân  al-Mahri  ,  le 
point  de  séparation  entre  les  pays  au  vent  et  les  pays  sous  le  vent  est  le  cap 
Comorin.  Cette  expression,  qui  est  sans  doute  empruntée  au  malais,  a  pris  en 
arabe,  comme  on  vient  de  le  voir,  un  sens  géographique  assez  ditïérent.  Poul- 
ies Malais,  le  point  de  séparation  des  deux  sortes  de  pays  est,  au  contraire, 
la  pointe  nord  de  Sumatra.  Modifier  dans  ce  sens  la  note  2,  p.  igô,  de  mes 
Relalio7is  de  voyages,  t.  II. 

TcHEon  K'iu-FEi,  dans  son  Ling  wai  tai  In  (II,  12^),  indique  une  répartition 
spéciale  des  pays  de  la  mer  de  Chine  et  du  grand  archipel  d'Asie  eu  trpays  do 
la  haute  côte  et  de  la  basse  côte?'  :  «Le  royaume  de  Chci-p'o,  appelé  égale- 
ment f^  ^  |[-|  P'ou-kia-long  [=  P'u-kia-lon  <Z.  Pëkalonan],  git  dans  le 
sud-est  de  ia  mer.  Sa  position  étant  en  bas  (c'est-à-dire  dans  le  sud  par  rap- 
port à  TAnnam,  qui  est  au  nord  et  qui  est  dit  être  «en  haut»),  fait  qu'il  est 
appelé  la  côte  basset'  (dans  Chnu  Ju-kua ,  trad.  Hirth-Rockuill,  p.  79  infra). 
Le  Tchou  fan  tche  contient  des  indications  identiques,  évidemment  emprun- 
tées au  Ling  ivai  tai  ta.  trOn  a  l'habitude,  dit  Tchao  Jou-koca  (ibid.,  p.  20/1. 
notice  11),  de  distinguer  entre  la  «haute  côte''  et  la  cr basse  côte.  Le  Tchen- 
ia  (Cambodge)  et  le  Tchan-tch'eng  (Campa)  sont  appelés  [pays  de  la]  haute 
côte:  [le  pays  de]  Ta-che,  le  San-1'o-ts'i  (Palemban)  et  Chô-p'o  (Java)  sont 
appelés  [pays  de  la]  basse  côte.» 

(-')  11  existait  donc  aux  xv*  et  xvi°  siècles  des  textes  nautiques  colas  sur  la 
navigation  dans  l'Océan  Indien,  les  mers  de  Chine  et  de  l'Indonésie,  assez 
importants  et  utiles  à  connaître  pour  que  les  auteurs  d'Instructions  nautiques 
arabes  se  soient  crus  obligés  de  les  étudier  et,  dans  certains  cas,  de  les  prendre 
pour  base  de  leurs  propres  publications.  Je  ne  crois  pas  que  cette  littérature 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRIVIJAYA.  99 

Anciens  [qui  oui  rédige  des  Instructions  nautiques,]  pour  toutes  les  côtes 
parce  que  je  les  ai  vérifiées  pour  certains  caps  que  je  supposais  avoir 
été  situés  au-dessous  de  leur  latitude  vraie,  par  exemple  Midawwar  et 
Zagad.  J'ai  trouvé  ces  deux  caps  pai-  lo  et  ii  [isba]^  et  même  à  un 
peu  moins  [de  i  o  et  1 1  isba] .  . . 

^v-«  Lg.J^Î  Swla^  iAs.^  ^y-T^  -^ii-x/o  i^  ij^^^^  (Fol.  78r°,  1.  lo.) 

A  ^  '^Ji^  kXJjj  8jjyi5  Ji^î  Lg^o^  '-{^■M^  ^Y-*  Svi^^  ^j^V^  T^^J  y**^^ 
A-i-Lj  (fol.  78  v")  (ji*XJ-jiJi  l^-à»>\  yl  j.^^i)i  JjJiJt  jL*i  «<XjJ!  ^i 

j^-la-lî  jj  A.L»  (j*l-i  aAj  jww^Li.  (v4  LgJkiaj  ôvJ.:>  i.«îj  cJix)!  xXla>o 

>-aJî  ij-LaJO)  /jSj  c_j~ï  lyA  ^i\^  »ji>M  *\ïI-âj!  citA^i.  y^y=?-  ^tUa.*  /j5j 

^ju^yjî  iiX^  ^i  j)_j..g./iK.o  y^à  '*'j)^ijtXjl  ^»X>j  iytJl^j  wjJî  ^«Jûi)  j<>»^ 

spéciale  ait  été  consultée;  je  n'ai  mémo  pas  souvenir  qu'on  en  ait  signalé 
l'existence. 

'■'  Le  texte  a  fautivemcnl  j-^- 

'^)  Cod.  s^Uu^. 

w  Cod.  i_^;^r. 


100  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

yJb^  (fol.  79  r")  »*Ja.^  )'^J^  jÀixîî  ^*XÀi  _^ift^  c^r«^  c)^^  ci\.^_j^_5 
>«>v_jL_j  •— ^^  CJ~^  _)*^^--*-^  i-^**^  ^^^-'^  ^^  ^ij^  •(«^Ài  yj-?^  )'^^  ^i 
«X-Jli  jiljLxJî  c:jI*»,Uï  UL»  ^_gafc.l_^À]î  diX'i  y..*  *r*^^  t^^'^  _)^W  (e>5~*^ 

^  UJsjo  aj  -^^3!  iuiLf  L<y^>o  *imt^  '^'  ^'liav^U  'sSÀxa  ^^  J-*^ 
/jtOsJ»jJlJî^  ''"'  fjM^y^\xjk.A  ^fu»j  0L05  ^1*^'  '^'•^  ^ytr^  ^"fj"^  V>'*^ 

j-xJi  <_»j,ï  ^i  c:^ULà»._5  '''UAs^^Vi  »,jyïs._5  ^_5J  t^^  |^>jJ  j.Ai_}  (s/c)  jU 

iiXiLiu  ^A^  *7^j^  C^^'-  79  ^'  )  V>-M^  L5^'  ;v4^  *^>^  •■^^^^î  yU*ÀiJi 
^î   <^^'5    [sic)  jji;^^ Ui.À./9  ,_g.tfwJ"  -ï^^  *-^jU'  _jl«>JCo  l<yÀxj^  '''^^^Àa^a] 


(')  Cod.  ^  Jo.  —  (-^i  Cod.  ;>^'L-- J-3! .  —  '''  Cod.  ;<U^U.  —  W  Cod. 
^J«ll^ULiL^-o.  —  '^)  Cod.  lL;=J^j.  —  <")  Cod.  JX-i.  —  W  Cod.  ;>>û-U.  — 
(»)  Cod.  ;>..^J-..  —  '')  Cod.  Usxj. 


L'EiMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇP.IVIJAYA.  101 

Livre  de  récits  de  voyages  précieux. 

LXXXII.  Section  traitant  de  la  connaissance  de  l'ile  de  Sumutra. 

Sumutra  commence,  au  nord-ouest,  là  où  les  Farkadayn  sont  par  un 
peu  moins  de  8  ishn  \—  G°  nord  environ].  Gâmis-fula  est  à  l'ouest  de  ce 
ca|)  [noid-occidental].  Proche  de  ce  cap,  c'esl-à  dii-e  du  cap  [septen- 
trinn;dl  de  Sumutra,  gisent  les  îles  de  Mâs-fula^''.  Ce  sont  des  îles 
grandes  et  petites.  En  ce  qui  concerne  la  latitude  de  l'extrémité  méridio- 
nale de  l'île  de  Sumutra,  il  y  a  plusieurs  opinions  qne  j'ai  rapportées 
dans  [l'ouvrage  intitulé]  Al-'Umda '"^'.  L'opinion  la  plus  répandue  est 
qu'elle  se  termine  là  où  les  Farkadayn  (fol.  78  v°)  sont  par  3  isba  1/2 
[—1°  Zi3'  sud  environ]. 

[Voici]  la  roule  à  suivre  sur  la  côte  occidentale  :  de  Gâmis-fula  à 
Mâkûfâng-,  au  sud-sud-est;  de  Mâkûfâng  à  Pancûr,  au  sud-est- i/à-sud: 
de  Panètir  à  l'exlrémité  méridionale  de  l'île,  au  sud-est. 

[Voici]  la  route  à  suivre  sur  la  côte  orientale  :  de  Gâmis-fula  à  Mâs- 
fula,  au  plein ^est ''^' ;  de  Mâs-fula  au  port  de  Sumutra,  à  l'est- i//i-sud; 
[du  port]  de  Sumutra  à  PuLiav  Barliala,  au  sud-est- i//i-est  —  les  Far- 
kadayn sont  là  par  7  isba  [=  6°  18'  nord  environ];  —  de  [Pulaw]  Bar- 
liala à  l'île  de  Jumur,  au  sud-est-i/A-esl  également.  Cette  route  est  [dite 
la  route]  du  large'*'. 

La  route  le  long  de  la  côte  [orientale]  est  la  suivante  :  [du  port]  de 
Sumutra  à  Aru  où  les  Farkadayn  sout  par  6  isba'  1/2  [—  3"  26'  nord  envi- 

(')  Mâs-fula  est  un  complexe  dont  les  mots  sont  malais  et  la  construction 
sanskrite,  signifiant  «île  de  i'orn.  L'aire  d'expansion  de  mâs,  correctement 
ëmàs,  amas  et  mâs  en  malais,  s'étend,  en  dehors  de  l'Indonésie,  à  la  pénin- 
sule malaise  et  ù  l'Indochine.  Cf.  javanais  émus;  bisaya,  dayak,  tagal  amas; 
makassar  amasa;  batak  ornas;  khmèr  7nâs ;  bahnar,  jai'ai,  halan  mah;  cam 
ino'li;  racle  ma;  péninsule  malaise  amas ,  mas,  mâs  (cf.  Avmonieu-Cabaton,  Dic- 
tionnaire cam-franrais ,  p.  36.5,  sub  verbo,  et  G.  Otto  BLAfinioN,  Comparalive 
vocabularij  aj  aboriginal  dialects,  dans  Pagan  races  qf  the  Maluy  peninsula, 
Londres,  190G,  in-8°,  t.  II,  p.  62 1,  s.  v°  gold).  La  Lijst  van  de  voornaamste 
aardrijkskundige  namen  in  den  Nederlandsch-Indischen  archipel  (^Balayia,  1906) 
mentionne  trois  îles  du  même  nom  :  l'une  dans  l'archipel  des  îles  Aru  (Rési- 
dence d'Amhoine);  la  seconde  dans  la  résidence  de  Timor,  et  la  troisième  sur 
la  rôle  orientale  de  Sumatra,  dans  la  Résidence  de  Riouw  et  dépendances. 

'*)   Vide  supra,  p.  85. 

'■''  Litt.  «à  l'est  fondamental  71. 

''*'  C'est-à-dire  la  route  par  le  milieu  du  détroit,  opposée  à  la  route  du 
cabotage  le  long  de  la  côte.  Pulaw  Barhala  est  sans  doute  le  petit  groupe  d'îles 
à  l'est  de  l'embouchure  de  la  rivière  do  DcH,  plus  exactement  Dfli,  au  sud 
du  li°  degré  de  lalitmie  nord,  que  VOriental  Pilol  (carte  A 2)  appelle  «Pulo 
Aarela,  calld  liv  llie  Sailors  Pulaw  Veruran.   Pulaw  Jumur,  exactement  Pulaw 


102  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

ron],  au  sud-est;  de  Aru  aux  environs  de  Rakan''^  à  l'est-i/i-sud  — 
les  Forkadayn  sont  là  par  6  isba  \/li  [=  3°  oo'  nord  environ],  A  partir 
des  environs  de  Rakan,  la  terre  s'avance  dans  la  direction  du  pôle  [sud] 
et  de  ses  environs,  jusqu'à  l'extrémité  de  l'ile.  On  dit  cela  et  on  dit  aussi 
autre  chose. 

Les  ports  connus  de  i'ile  sur  la  cote  occidentale,  sont  : 

Le  port  de  Panèûr:  c'est  le  port  du  camphre.  .  J'\  de  l'or  et  d'autres 
produits  ; 

Le  port  de  Pariyaman^^^,  célèbre  parmi  les  hommes  [et  qui  est  situé 
dans  le  pays]  de  Manaiikabwa ;  c'est  le  port  de  la  poudre  d'or  et  de 
l'aloès; 

Le  pori  de  Indrapura'*',  qui  n'est  plus  connu  h  cette  époque-ci,  mais 
qui  était  céièbi'e  autrefois. 

Les  ports  de  la  côte  orientale  sont  : 

Le  port  de  Pedir^^^  sous  la  montagne  de  Lâmuri;  c'est  le  port  du 
poivre  ; 

Le  port  de  Sumutra;  (fol.  ygr")  c'est  le  plus  célèbre  des  ports  de 
l'île.  C'est  une  grande  ville.  C'est  le  port  du  poivre,  de  la  soie  et  de  l'or. 
C'est  un  port  fréquenté; 

Le  port  de  Aru  ;  c'est  un  petit  port  : 

Le  port  de  Rakan:  c'est  un  petit  port; 

Le  port  de  Palemban'^';  c'est  également  un  petit  port.  Parmi  ces 
|)olits  ports  sont  les  ports  du  benjoin^''  et  d'autres  produits  de  ces 
régions. 

En  ce  qui  concerne  la  latitude  '*'  de  ces  ports,  je  l'ai  indiquée  au  cha- 
pitre des  latitudes  et  il  n'y  a  pas  à  y  revenir. 

Attention  '''.  Sache  que  sur  la  côte  de  l'ile  de  Sumutra  qui  fait  face  à 

.Icniur,  est  l'une  des  îles  de  l'archipel  des  Aru.  Cf.  Tomaschek,  carie  XXV,  et 
mes  Relations  de  voyages,  t.  11,  p.  A89,  note;  igo,  note;  ^93,  Agy,  533, 
où  8j^  Gumj-ah,  ^^  Gamar,  etc.;  Gumar,  Gamar,  doivent  être  rectifiés  en 
.57  Jumur  <  malais  Jëmur. 

(1)  Malais  Rëkan  ou  Rokan. 

'^)  Le  texte  a  ^,  qui  peut  signifier  frcaraphre  vivaul::,  mais  je  n'ai  trouvé 
cette  expression  nulle  part  ailleurs. 

(')  Ou  Pariaman ,  jfénéralemeut  appelé  Priaman. 

^*)  Indrapura,  la  ville  d'Indra;  exactement  Indrôpurô  et  Indërôpurô. 

(^)  Litt.  Fidir;  en  atchinais  Pidië. 

'*)  Le  texte  a  Fall-bang. 

(')  Le  texte  a  ^^^Jl  ^0^,. 

W  Le  texte  a  i:aLwLjLJl,  pluriel  de  ij-t-^ï,  qui  signifie  simplement  trmesuren 
et,  dans  le  cas  présent,  avec  le  sens  de  «mesure  de  hauteur  d'étoile  à  tel 
endroit  pour  en  déterminer  la  latitude", 

W  *-><-!Lj  signifie  au  propre  «avertissement,  admonition,  avis".  Je  lai  Ira 


L'EMPIRE  SUiMATRANAlS  DE  ÇRÎVUAYA.  103 

la  haute  mer,  du  côté  de  l'ouest,  il  y  a  une  séi-ie  d'îles.  [Voici  quelle 
est]  la  roule  nu  lar^o-e  :  de  Gâmis-fula  aux  îles  de  Indrasâbûr  qui  soat 
les  premières  ea  commençant  par  le  nord,  au  sud-sud-oiiest  —  elles 
sont  en  face  de  Mâkiifâng;  —  la  distance  entre  ces  deux  points  est  de 
S  zâni.  Ensuite,  au  sud,  une  grande  ile  aux  nombreux  criques '"'  et 
ports,  appelée  Mïkâmfirûs  où  les  P'arkadayn  sont  par  6  isba  3//i  [—  3°  62' 
nord  environ].  C'est  le  pays  dont  sont  originaires  les  Balak  anlhro|io- 
phages.  —  Nous  implorons  d'Allah  le  pardon  et  la  sécurité  !  —  luilre 
cette  île  et  la  côte  occidentale  de  Sumutra,  il  y  a  également  8  zâm  de 
distance.  Si,  de  celle  île,  tu  fais  route  à  l'est-i/Zi  sud,  tu  arrives  dans  un 
groupe  d'îles  parmi  lesquelles  sont  :  Pulaw  Bânyak'-*,  Pulaw  Lumbû''', 
Pulaw  Lûiû''',  l'île  de  Talâgîh  *^'  et  des  îles  désertes '"^  jusque  près  de  la 
côte.  Sur  la  côte,  se  trouve  le  port  de  Siukil''^,  là  où  les  Farkadayn  sont 

(luit  par  le  terme  nautique  équivalent  :  ff  attention 75 ,  qui  est  imprimé  en 
caractères  gras  dans  les  Insh-uclioiis  nauliqups  modornes.  Les  instructions  qui 
suivent  ce  titre  mis  ainsi  en  relief  ont  pour  but  de  mettre  en  garde  les  marins 
contre  les  dangers  de  la  navigation  en  tel  ou  tel  endroit. 

t')  D'après  BïRÛNï ,  i_^  yubh,  plur.  vU'^'  ayhàb ,  signifie  tf golfe,  baien  et 
rjj^  hïir,  plur.  \\^\  ahwâr,  trestuaire  de  fleuve  formant  golfen  [Alberuni's 
India,  édit.  et  trad.  E.  Sachau,  p.  /■►'  du  texte  arabe  et  p.  208,  t.  I,  de  la 
traduction  anglaise).  L'indication  est  exacte  du  point  de  vue  géographique; 
mais,  en  terme  do  marine,  Ijûr  a  le  sens  de  «lagune,  crique».  Cf.  Instructions 
nautiques  sur  la  mer  Rouge  et  le  golfe  d'Aden,  n"  681,  i885,  p.  xv,  sub  verbo. 

(-)  Pulo  Banak.  Vide  supra,  p.  9/1  et  note  7.  Le  texte  a  ici  la  leçon  fautive 
^b  Bànî  pour  ^^loLj  Bànyah. 

(^)  Je  n'ai  pas  à  ma  disposition  de  document  cartographique  me  permettant 
de  situer  exactement  celte  ile.  11  s'agit  sans  doute  du  groupe  insulaire  gisant 
en  face  de  Baros. 

W  Ibid. 

(^)  Ibid. 

(*'  Le  texte  a  caLl-ii^,  de  la  racine  vj-^  «être  ruiné,  dévasté,  dépeuplée. 
(t[The  Moorish  pilot],  rapporte  TeixiîiraÎ  though  reputed  the  best  in  those 
riarrow  seas  [il  s'agit  du  golfe  Persique],  ncarly  put  us  liigli  and  dry  al  a 
pass  vvliich  the  jMoors  call  Karab  [hre  v'r=^  haràb],  that  is,  trljroken'i  or 
(fruinedn.  They  say  that  there  was  a  great  city,  that  was  overflowed  by  reason 
of  ils  iow  positions  (  The  travels  of  Pedro  Teixëika  ,  trad.  et  annoté  par  William 
V .  Sinclair  et  Donald  Ferguson,  Hakluyt  Society,  2°  série,  n"  IX,  1902  ,  p.  26). 
La  traduction  de  loblji-  par  wdésertesn  implique  que  les  îles  en  question  ont 
été  dévastées  et  dépeuplées. 

'')  Exactement  Sinkil,  mais  communément  appelé  Sinkel.  La  notation  arabe 
Sinkil  est  fautive,  car  la  sifflante  palatale  n'existe  pas  dans  les  langues  de 
Sumatra. 


104  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

par  6  i?bn  1/2  [=  3°  26'  nord  environ].  C'est  un  eiulroit  à  récits  de 
roches.  Après  ces  îles,  en  se  dirigeant  vers  ie  sud,  (fol.  79  v°)  se  trouve 
une  île  située  en  lace  de  Pancûr  —  entre  ces  deux  points,  il  y  a  environ 
8  zâm  —  appelée  Mankâriis  '"'.  Sache  que  la  roule  de  l'île  de  Mankârûs 
à  Pancûr  est  à  Tesl-sud-esl;  mais  prends  bien  garde  [aux  parties]  mal- 
saines '"'  dans  ces  endroits. 

Parmi  les  lies  connues  [sont  lés  suivantes]  :  l'île  Nihâ'''  qui  est  située 
au-dessus  [=au  sud'*^]  du  port  de  Pancûr;  Pile  Bâsalâr  qui  est  au  sud 
et  au  large  de  Pancûr'^'.  Il  se  trouve  dans  cette  dernière. île  un  cours 
d'eau  qui  ne  tarit  jamais  "'.  Mais  combien  il  y  en  a  encore  d'îles  non 
mentionnées  ici  et  de  récifs  de  roches  ! 

'')  Dans  le  même  traité  du  ms.  2659,  au  foL  70  v°,  1.  li  et  suiv. ,  Silaym.is 
cite  les  ports  et  iles  suivants,  qui  sont  situés  à  l'emlroit  où  les  Farkadân  sont 
par  6  isba  :  >-^,U«  s...jv^  «i"  >^-»aJLi  >>xJo  aî'  ï-Ia^  cj"^  cj^  u  y  j"^^  fi~^  *ïi^ 
K  U f>.  (^guoL»  (j«  tdrï^b  ^  ^y^wj  Jv^sj  n^laiâka  [sur  ia  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise];  puis  ie  port  de  R&kan  sur  la  côte  orientale  de  [i'île  de] 
Sumutra:  puis  ie  port  de  Pancûr;  puis  i'îlo  ^làrûs,  qu'on  dit  s'appeler  aussi 
Fulo  Bâbïk  [et  qui  est  située]  à  l'ouest  de  [l'iie  de]  Sumulra.55  Mankârûs 
est ,  sans  doute ,  une  erreur  de  graphie  pour  Mârûs  et  i'ile  en  question  est  à 
identilier  à  Pulaw  Babi,  au  large  de  Fancûr-Baros.   Vide  supra,  p.  88,  n.  2. 

'-)  ^Im^ù]  ,  pluriel  de  g^,  signifie  au  propre  tr  saleté,  malpropreté»;  c'est  le 
contraire  de  iJ^-*^3  «propre».  Ces  deux  mots  répondent  en  terminologie  nau- 
tique française  à  tfsaiuîî  et  «malsain»,  avec  ie  sens  de  «endroit  où  la  naviga- 
tion est  ou  n'est  pas  dangereuse».  Cf.  les  passages  suivants  des  instructions 
nautiques  sur  la  mer  Roufre  et  le  golfe  d'Aden,  n°  681,  i885  :  p.  56  «Au  sud 
des  îles  Djilalin  jusqu'à  Kosseu',  la  côte  a  comme  direction  générale  le  S.  S.  E 
et  est  assez  saine»;  p.  70  «le  chenal  en  dedans  de  Makaoua  ...  est  sain»; 
p.  85  «Le  passage  entie  Shah  [=sa'b]  Gousser  et  Siiab  Touil  parait  sain»; 
p.  65  «La  BAIE  MALSAINE  ...  est  pleine  de  récifs  et  de  roches  sous  l'eau»; 
p.  86  «Approche  de  Saouakin  par  l'est.  —  Le  chenal  ...  est  malsain  pour  les 
navigateurs  qui  ne  sont  pas  pratiques  de  la  localité  ;  on  consedle  donc  de  ne 
pas  le  prendre  jusqu'à  nouvel  ordre». 

(')  Le  texte  a  l^^-•,  que  je  lis  Us^J.  On  sait  que  le  nom  indigène  de  l'île  de 
Nias  est  Niha. 

W  Les  cartes  arabes  ont  une  disposition  différente  des  nôtres.  Le  sud  est  en 
haut  de  ia  carte;  le  nord,  en  bas;  l'est,  à  la  gauche  du  lecteur  et  l'ouest,  à  sa 
droite.  Tel  endroit  au-dessus  de  tel  autre  est  donc  au  sud  de  celui-ri.  Pour  des 
expressions  de  ce  genre,  cf.  Ibn  Khaldûn,  t.  11  de  mes  Relations  de  voyages, 
p.  i6i. 

'■'■''>  11  s'agit  d'une  île  Pancûr  de  la  côte  orientale  de  Sumatra,  dont  le  nom 
est  homographe  de  celui  du  célèbre  port  du  camphre  de  la  côte  occidentale  : 
Pancur-Baros. 

(")  Litt.  qui  coule  toujours. 

{A  suivre.) 


UNE  INTERPOLATION   DU   CHE   Kl. 


LE    TABLEAU    GALENDERIQUE 

DE   76  ANNÉES, 

PAR 

LÉOPOLD  DE  SAUSSURE. 


On  sait  qu'à  la  fin  du  xxvf  chapitre  du  Che  ki,  traitant  du 
calendrier,  se  trouve  un  tableau  embrassant  une  nc'riode  de 
•76  années,  c'est-à-dire  une  période  luni-solaire  jmu  ^  ana- 
logue à  la  période  grecque  de  Callippe.  Ce  tableau  comporte 
d'abord  six  colonnes  relatives  à  la  répartition  des  mois  et  des 
jours  dans  chacune  des  années  successives;  puis  une  colonne 
indiquant  la  double  appellation,  dénaire  et  duodénaire  (Yen- 
fong  Clto-t'i-lco,  etc.)  de  l'année;  puis  une  dernière  colonne 
affectée  aux  noms  des  périodes  de  règne,  nien-hiao  ^  ^,  dont 
la  première,  t'ai-tch'ou  -j^  |/j  (Grand  commencement),  fait 
allusion  à  la  réforme  calendérique  de  l'an  ^oà,  suggérée  par 
les  coïncidences  exceptionnelles  qui  avaient  marqué  le  solstice 
d'hiver  précédent. 

Dans  sa  traduction  des  Mémoires  historiques  de  Se-ma  Ts'ien, 
Ed.  Chavannes  a  présenté  ainsi  ce  document  (t.  III,  p.  339, 
n.  Zi): 

Après  avoir  rappelé  le  décret  par  lequel  l'empereur  Ou  instituait  le 
nouveau  calendrier  t'ai-tch'ou,  Se-ma  Ts'ien  va  exposer  ce  qu'était 
l'iincien  calendrier  t'ai  tch'ou  des  Yn.  L'eiieur  dans  la(|uelle  sont  tombés 


106  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

la  plupart  des  commentateurs  a  été  de  croire  que  le  tableau  qui  va  suivre 
représentait  le  nouveau  calendrier  t'ai  tch'ou  de  l'empereur  Ou;  les  noms 
des  périodes  d'anne'es  sont  vraisemblablement  une  interpolation  de 
Tch'ou  Chao-suen,  eiSe-nia  Ts'ieii  avait  dû  se  borner  à  donner  le  scbéma 
d'une  période  de  76  années  comptée  à  partir  d'une  origine  première 
appelée  t'ai  tch'ou. 

Dans  l'appendice  III  du  même  tome,  après  avoir  expliqué 
io  contenu  des  diverses  colonnes,  i'éminent  sinologue  conclut 
(p.  665)  : 

Qu'est-ce  que  le  calendrier  qui  nous  a  été  conservé  par  Se-nia  Ts'ien? 
L'bypothèse  qui  paraît  la  plus  naturelle  consisterait  à  admettre  que  nous 
sommes  en  présence  du  calendrier  t'ai  tch'ou  qui  fut  institué  eu  io4 
avant  J.-G,  et  à  la  rédaction  duquel  Se-ma  Ts'ien  lui-même  collabora. 
En  eiïet,  les  noms  des  périodes  d'années  qui  se  succédèrent  à  partir  de 
la  période  t'ai-tch'ou  sont  distribués  régulièrement  dans  le  tableau  des 
Mémoires  historiques  et  ce  tableau  parait  donc  bien,  à  première  vue, 
prendre  son  point  de  départ,  comme  le  calendrier  t'ai-tch'ou,  en  l'année 
io4  av.  J.-G. 

Il  est  à  remarquer  cependant  que  ces  noms  de  périodes  d'années  son! 
donnés  jusqu'en  l'an  39  av.  J.-G.  Ils  sont  donc  une  interpolation  mani- 
feste, car  Se-ma  Ts'ien  dut  mourir  au  commencement  du  règne  de  l'em- 
pereur Tchao  (86-76  av.  J.-G.).  Ils  ont  sans  doute  été  introduits  dans 
le  texte  par  Tch'ou  Chao-suen  (cf.  t.  I,  p.  ccui).  Dès  lors  la  présence 
de  ces  noms  de  périodes  n'a  plus  l'aulorité  qu'elle  aurait  eue  si  nous  la 
devions  à  Se-ma  Ts'ien  lui-même. 

D'autre  part  l'année  yeu-fong  cho-t'i-ko  correspond  dans  la  notation 
moderne  à  une  année  ^  'J|,  Si"  du  cycle.  Or,  la  première  année  t'ai- 
tch'ou  (lo/i  av.  J.-G.)  est  une  année  "X  -B:!  1^°  Ju  cycle.  Par  consé- 
quent l'année  yen-fong  cho-l'i-hv,  par  laquelle  commence  le  calendrier 
des  Mémoires  historiques,  ne  peut  être  identique  à  l'année  10/i  av.  J.-G., 
qui  est  le  point  de  départ  du  calendrier  t'ai-tch'ou. 

Enfin  le  calendrier  t'ai-tch'ou  était  fondé  sur  un  rapport  entre  la 
mesure  du  temps  et  les  proportions  musicales;  comme  81  était  le 
nombre  qui  exprimait  lés  dimensions  du  tuyau  sonore  rendant  la  note 
fondamentale  kong,  le  jour  était  divisé  «mi  81  j)arties '"'  et  on  disait  que 

('^  La  division  du  jour  en  81  parties  lut  imaginée  par  Lo-hia  Hong  (dont 
le  nom  de  famille,  d'après  un  commentaire,  était    ^  ~^   et  le   nom   person- 


UNE  INTERPOLATION  DU  CHE  Kl.  107 

la  lunaison  se  composait  de  îîq  jours  el  ^  de  jour.  Nous  ne  trouvons  pas 
cette  ëvalualion  chez  Se-ma  Ts'ien,  qui  eslime  la  lunaison  à  29  jours  et 
^  de  jour  ''^.  Le  calendrier  des  Mémoires  hisioriques  n'a  donc  rien  de 
commun  avec  le  calendrier  t'ai-tch'on. 

Celte  conclusion  me  paraît  juste,  car  je  crois  que  ce  tableau 
a  é\é  intercalé  dans  le  Che  ki  sous  les  Han  postérieurs.  Mais 
les  deux  dernières  raisons  sur  lesquelles  elle  se  fonde  ne  sont 
j)as  probantes;  l'appellation  }en-fong  Clio-t'i-l,o  est  conférée  à 
Tannée  t'ai tch'ou  non  seulement  par  le  tableau  calendérique, 
mais  piir  le  texte  du  cbapitre  en  cause  el  par  le  Ts'ien  Han 
(hou,  comme  on  le  verra  plus  bas.  El  la  fraction  g^,  ramenée 
au  dénominateur  8  1  pour  correspondre  à  la  division  du  jour, 
est  éf|uivalente  à  la  fraction  |||,  qui  ne  figure  d'ailleurs  pas 
au  Clic  Jn\  sauf  dans  le  tableau  suspect  dont  il  est  ici  question. 

Celle  remarque  —  continue  Chavannes  —  avail  ëlé  déjà  faite  par  le 
malliématicien  Mei  Wen-tlng  (1 633-1 721),  qui  disait  :  ffLe  système 
que  donne  Se-ma  Ts'ien  n'est  pas  celui  qui  avait  cours  à  son  époque; 
c'est  en  effet  le  calcndi'ier  des  Yn  et  non  celui  des  Ean.  n 

Celle  affirmation  eût  été  intéressante  si  ce  mathématicien 
l'avait  appuyée  par  quelques  arguments  techniques.  Tel  n'est 
malheureusement  pas  le  cas;  il  émet  une  supposition  gratuite, 
suggérée  simplement  par  le  fait  que,  dans  le  Ts'ien  Han  chou, 


nel  ^  ).  A  la  même  page  (I,  11),  le  Lu-li  (che  reproduit  la  fin  d'uu  passage 
du  Clic  li  que  (Jliavanues  traduit  (j1/.  H.,  III,  p.  33o)  :  trQuand  rcmpereur 
actuel  eut  pris  le  pouvoir,  il  niauda  aupics  de  lui  le  savant  Tann  Ion  et  lui 
assigna  le  minislère  du  Ciel."  Mais,  d'après  un  commentateur  du  Ts'ien  llan 
chou,  ^)*  5^  p15  signifierait  «mesurer  l'intervalle  des  sieoun.  Cetle  leçon 
(confirmée  par  un  autre  passage  où  ^  rfï  a  le  sens  de  «milieu  des  divl- 
sionsîî)  convient  mieux  au  texte  du  Lu-li  :  «{Tang)  lou  délimita  les  secteurs 
du  ciel  et  (Lo-hia)  Hong  fit  progresser  les  calculs  du  calendrier.  Sa  règle  se 
servait  des  tuyaux  sonores  comme  base  du  calendrier,  n 

^''  Par  inadvertance,  Chavannes  écrit  ici  ^  au  lieu  de  ^°°;  l'erreur  s'ex- 
plique quand  on  se  reporte  à  la  pagi;  i\M),  oit  ces  deux  fractions  ligni-cnl  sur 
une  mémo  ligne. 


108  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

après  avoir  retracé  les  circonstances  dans  lesquelles  le  calen- 
drier T'ai-tch'ou  fut  élaboré,  Pan  hou  rappelle  les  critiques 
(d'ordre  métaphysique)  dont  ce  calendrier  fut  l'objet  de  la 
part  de  Tchang  Cheou-ivang,  qui  succéda  à  Sseu-ma  Ts'ien  dans 
la  charge  de  grand  astrologue,  et  ajoute  que  «le  calendrier 
préconisé  par  Cheoii-ivang  était  le  calendrier  des  Yin  tel  que 
s'en  servaient  les  grands  astrologues  officiels». 

Il  est  possible  que  Sseu-ma  Ts'ien  eût  préféré  l'adoption  de 
ce  calendrier  à  celui  dont  il  fut  chargé,  par  décret,  d'assurer 
l'application.  Mais  il  n'y  a  pas  là  une  raison  suffisante  pour 
identifier  le  tableau  calendérique  du  Che  ki  au  calendrier  des 
Yin.  Tout  calendrier  chinois  se  composait  alors  de  deux  élé- 
ments :  de  certaines  données  numériques  tirées  de  l'observation 
des  faits  et  de  théories  cherchant  à  relier  ces  faits  aux  idées 
métaphysiques  en  faveur.  Nous  ne  voyons  rien  de  tel  dans  ce 
tableau.  Par  ailleurs,  la  seule  caractéristique  technique  que 
nous  connaissions  du  calendrier  de  la  dynastie  Yin,  c'est  qu'il 
faisait  commencer  l'année  au  mois  ^  et  non  au  mois  H .  Or 
cette  indication  ne  figure  pas,  et  ne  saurait  figurer,  dans  le 
tableau  du  Che  ki,  puisqu'on  y  trouve  simplement  six  colonnes 
consacrées  au  décompte  numérique  annuel  du  processus  de  la 
période  poii,  une  septième  consacrée  à  la  notation  sexagési- 
male usitée  sous  les  Ts'in  et  une  huitième  qui,  de  l'aveu  de 
Chavannes,  est  interj)olée. 

Pour  rattacher  la  supposition,  faite  par  le  mathématicien 
Met,  au  tableau  du  Che  ki,  il  faudrait  au  moins  y  trouver  un 
élément  astrologique.  La  seule  colonne  qui  pourrait  donner 
une  maigre  satisfaction  à  ce  desideratum  est  celle  où  figure  la 
notation  Yen-fong  Cho-l'i-ko;  car  ce  cycle,  originellement  en 
connexion  avec  la  révolution  de  Jupiter,  est  exposé  par  Sseu-ma 
Ts'ten  dans  le  chapitre  des  Gouverneurs  du  ciel ,  avec  son  emploi 
astrologique  reproduit  d'un  document  de  la  fin  des  Tcheou. 
Mais  Chavannes  n'est  guère  fondé  à  la  rattacher  à  un  prétendu 


UNE  INTERPOLATION  DU  CHE  KL  109 

calendrier  t'ai-tch'ou  des  Yin^  puisque,  tant  dans  le  texte  du 
Clie  kl  que  dans  celui  du  Ts'ien-Hon  chou,  cette  appellation  Yen- 
fong  Cho-t'i-ko  est  liée  au  calendrier  t'ai-tch'ou  impérial  et  à 
l'année  loh  av.  J.-C. '^l  Le  chapitre  authentique  se  termine, 
à  mon  sens,  par  la  phrase  qui  suit  le  décret  instituant  la  nou- 
velle période  (M.  ^.,  III,  p.  332)  : 

...  Le  onzième  mois,  au  jour  ^  ^  qui  était  le  premier  jour  du 
mois,  au  malin,  est  survenu  eiïeclivement  le  solstice  d'hiver.  Je  change 
donc  la  septième  année  et  j'en  fais  la  première  année  t'ai-tch'ou. 

Le  nom  de  l'année  est  Yen-fong  Cho-fi-ko;  le  nom  du  mois  est  Pi- 
tsiu.  Quand  le  jour  ^  ^  est  arrivé,  au  milieu  delà  nuit  qui  est  le 
matin  du  premier  joiu'  du  mois,  c'est  le  solstice  d'hiver. 

[Interpolation.  ]  Tableau  de  la  méthode  du  calendrier  disposé  d'après 
le  cycle   ^  -^   : 

La  première  année  t'ai-tch'ou,  le  nom  de  l'année  est  Yen-fong  Cho-t'i- 
ko  ;  le  nom  du  mois  est  Pi-tsiu;  quand  le  jour  ^  ^  est  arrivé,  au 
milieu  de  la  nuit  qui  est  le  matin  du  premier  mois,  c'est  le  solstice 
d'hiver. 

En  réalité,  cette  répétition  de  la  phrase  est  de  la  main  de 
l'inlerpolateur,  qui  a  cru  devoir  intercaler,  à  titre  explicatif, 
le  tableau  d'une  période  de  76  ans'^'. 

(''  Ces  deux  textes,  qui  se  complèlcnl  mutuellement,  provienneiit  d'ailleurs 
avec  évidence  du  calendrier  Tai-tch'uu  lui-même  ,  rédigé  par  Teng  P'ing. 

Cette  identification  du  tableau  du  Che  ki  à  un  calendrier  des  Yin  a  été 
développée  par  Chavannes  dans  un  article  du  Journ.  as.  de  uov.-déc.  i8go. 
On  n'y  trouve  aucun  autre  argument  à  l'appui  de  sa  théorie. 

Dans  cet  article,  comme  aussi  dans  son  appendice  111,  Chavannes  a  exposé 
au  sujet  du  cycle  de  Jupiter  (mis  en  cause  par  l'expression  Cho-t'i-ko)  d'inté- 
ressantes théories,  critiquables  du  point  de  vue  astronomique,  mais  qui  ont 
posé  le  problème  et  servi  de  base  à  la  discussion  (cf.  Toung  Pao,  1918  et 
191  4  :  Le  cycle  de  Jupiter  et  1911  :  La  règle  des  Cho-t'i;  ainsi  que  la  réponse 
de  Chavannes  dans  son  mémoire  1/ instruction  d'un  futur  empereur  de  Chine. 

'^)  Comme  nous  le  verrons  plus  loin ,  les  circonstances  exceptionnelles  du 
solstice  t'ai  tch'ou,  tombant  sur  le  jour  tp  ^  et  sur  la  conjoncticm  luni- 
solaire,  en  firent  un  point  de  départ  prestigieux  pour  les  computations  astro- 
Domiques  et  calendériques  des  temps  suivants.  Il  était  donc  naturel  d'inter- 


110  Jl  ILLET-SEPTEMBRE  1922. 

Ij'asserlion  d'après  laquelle  le  terme  Yen-fong  Cho-t'i-ko  ne 
saurait  désigner  l'année  lo/i  av.  J.-C.  n'est  d'ailleurs  pas  fon- 
dée. Comme  je  l'ai  montré  dans  le  T'oung  Pao  (191/1,  p.  682  ; 
1913,  p.  397),  en  discutant  les  données  historiques  réunies 
par  Chavannes,  l'emploi,  fort  ancien,  des  positions  sidérales  de 
Jupiter  n'a  donné  lieu  à  un  cycle  continu  qu'à  partir  des  envi- 
rons de  l'an  38g  av.  J.-C,  époque  à  laquelle  la  progression 
annuelle  de  celte  planète  concorde  effectivement  avec  les  indi- 
cations des  prophéties  apocryphes  du  Tso  tcJiouan  et  avec  l'ori- 
gine du  roulement  duodénaire  révélé  par  le  texte  relatif  à 
l'an  239.  Mais,  comme  les  positions  duodénaires  de  Jupiter  se 
modifient  d'une  dodécalémorie  en  86  ans,  le  cycle  devait  être 
déjà  fortement  dérangé  à  l'époque  de  Lu  Pou-wei  et  allait 
atteindre  une  avance  de  deux  dodécatémories  aux  environs  de 
l'an  208.  Or,  précisément,  le  deuxième  texte,  relatif  à  l'an  17/1, 
montre  un  changement  de  2  rangs. 

Mais,  après  celle  mise  au  j)oint,  le  roulement  duodénaire  du  cycle 
Clio-t'i-ko  s'est  perpétué  sans  plus  tenir  compte  des  positions  de  la  pla- 
nète. .  . 

11  faut  mentionner,  cependant,  une  tentative  de  réforme'*'  en  l'an  lo/i 
av.  J.-C,  à  l'occasion  de  la  promulgation  du  calendrier  T'ai  tch'ou.  La 
péiiode  t'ai  tch'ou  prétendait  inaugurer  une  ère  nouvelle  dont  le  point 
de  départ  se  tiouvait  dans  les  merveilleuses  circonstances  qui  entourèrent 
le  solstice  d'hiver  du  début  de  celte  année  :  ce  solstice  tomba  (ou  fut 
censé  tomber)  à  la  fois  sur  un  jour   ^  ^  et  sur  le  premier  jour  du 

caler,  à  la  suite  du  décret  instituant  le  Graud-conmiencement  t'm-lcU'ou,  le 
tableau-type  d'une  période  de  76  ans. 

Le  caractère  suspect  de  ce  tableau  se  manifeste  déjà  d'après  les  diverses 
constatations  disséminées  dans  l'ouvrage  de  Chavannes  :  1°  la  colonne  des 
noms  de  règne  est  interpolée  (111,  p.  665);  2°  la  postface  du  tableau  est 
fausse  (111,  p.  338):  3°  le  titre  du  tableau  est  interpolé  (I,  p.  ccvui). 

C  Cette  expression  n'est  pas  adéquate.  Sous  le  règne  de  Wuu  ti ,  le  roule- 
mont  duodénaire  fictif  était  déjà  entré  dans  les  mœurs  et  on  ne  songeait  plus 
à  ie  réformer.  Mais  on  savait  que,  récemment  encore,  le  cycle  était  basé  sur 
le  lieu  vrai  de  la  planète;  il  était  donc  d'un  heureux  augure  que  Jupiter  se 
trouvât  au  point  de  dépai-t  de  sa  révolution  en  l'année  t'ai-tch'ou. 


UNE  INTERPOLATION  DU  CHE  Kl.  111 

mois,  Jupiter  se  trouvant  en  outre  en  Sing-Ici  ^  ^Ë»  (  l' Astérisme- 
repère,  point  de  départ  anlii|ue  de  la  révolution  de  cette  planète).  Ces 
coïncidences  Curent  présentées  à  l'empereur  comme  terminant  une  pé- 
riode de  4617  ans  et  inaugurant  une  ère  nouvelle  dont  la  première 
année  était  Ngo-fon{;-  Clto-t'i-Lo'^^  [Toung  Pao,  191 4,  p.  083). 

fM^afi  i^mmm^i^zm  ^  ^  +  - jî  ^  =^m 

g  ^  ^  0  J^^'^SMo  Ainsi,  en  compulant  rétrospectivement 
depuis  le  T'ai  tch'ou  du  Chang-ijuan  (alla  origo),  /i()i7  années  s'étant  écou- 
lées jusqu'à  la  7°  année  de  la  période  yuan  Jung  (loi  av.  J.-G. ),  se  retrouva 
l'année  Ngofong  Cho-t'i-ko  :  au  milieu  de  l'hiver,  en  la  1 1*  lune ,  au  jour  hia- 
Iseu,  au  matin  de  la  nuit  qui  marque  le  1"  jour  du  mois,  le  solstice  d'hiver 
se  produisit,  le  soleil  et  la  lune  se  trouvant  en  Kien-sing  (=  Teou  —  Sing-ki, 
cf.  ToungPao,  191  i,  p.  (352). 

La  position  de  Jupiter  est  sous-entendue  dans  l'expression  Cho-t'i-ho;  car  la 
planète  étant  en  Sing-ki  =  ^ ,  la  Grande  année  se  trouve  en  J^  =  Cho  t'i-ko 
{M.  H.,  111,  p.  357).  Cette  position  ne  concordait  pas  avec  le  roulement 
calendérique  légué  par  les  Ts'in;  mais,  à  cette  époque,  on  se  rendait  déjà 
compte  qu'il  ne  fallait  pas  attrihuer  à  la  planète  une  révolution  moyenne  de 
1  a  ans ,  comme  on  le  croyait  autrefois  tout  en  constatant  ses  perturbations. 
On  s'abstenait  de  rectifier  le  cycle  calendérique  d'après  le  lieu  vrai  de  Jupiter. 
Un  remarquera  d'ailleurs  que  4617  est  divisible  par  19,  mais  non  par  19,  ni 
par  76,  comme  c'est  le  cas  du  Cliang  yuan  imaginé  sous  les  Han  postérieurs 
(voir  plus  bas). 

Le  Ts'ien  Han  chou  orthographie  ïïM ,  comme  le  Eul  ya ,  tandis  que  le  Che 
ki  emploie  la  variante   ^   [M.  H.,  111,  p.  6.52). 

Par  ailleurs,  j'ai  montré  que  la  série  duodénaire  Cho-t'i-ko  équivaut  à  la 
série  des  douze  branches,  laquelle  représente  les  douze  mois,  ^  étant  la 
lune  solsticiale.  Cette  équivalence  ressort  de  la  symétrie  originelle  de  la  liste 
Cho-t'i-ko  telle  qu'elle  a  été  retrouvée  par  Houai-nan  tseu  (où  les  mois  cardi- 
naux sont  tris\llabiques),  tandis  que  le  cvcle  légué  par  les  Ts'in  est  déformé, 
comme  le  sont  aussi  le  cycle  des  douze  animaux  et  la  liste  Pi-tsiu  (cf.  Toung 
Pao,  1910,  p.  /169,  ^76,  588).  Yen  f on  g  Cho-t'i-ko  correspond  donc  origi- 
nellement à  ^  -^  .  A  l'époque  où  j'ai  signalé  ce  fait,  j'ignorais  qu'il  se  trouve 
confirmé  par  des  textes  du  Che  ki  et  du  Ts'ien  Han  chou,  qui  reproduisent 
évidemment  ceux  du  calendrier  Tai-tch'ou.  On  lit  en  effet  dans  le  Lu-li  tche , 
■X  partie,  p.  7  v°,  que  la  période  jj[^  de  6617  ans  se  subdivise  en  3  i'ong  ^ 
$J  de  1539  •''"S;  le  premier  est  le  t'ong  du  Ciel  et  commence  en  une  année 
^  -^  ,  le  second  est  celui  de  la  Terre  et  commence  en  une  année  ^  ^  i 
le  troisième,  celui  de  l'Homme,  commence  en  une  année  ^  ^  .  —  Ainsi 
donc,  d'après  ie  roulement  cyclique  actuel,  commencé  sous  les  Ts'in,  l'année 
io4  est  marquée   ~J"  •J  ;  d'après  l'équivalence  admise  sous  les   Ts'in  ^    Yen- 


112  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

Les  circonstances  remarquables  de  ce  solstice  étaient 
d'ailleurs  prévues,  car  l'empereur  Wou  se  rendit  en  personne 
au  T'ai chan  pour  y  accomplir  un  sacrifice,  où  l'officiant  pro- 
nonça les  paroles  suivantes  (il/.  //. ,  III,  p.  5  i  2  )  : 

Le  Ciel  a  derechef  donné  à  l'empereur  les  achillées  magiques  du  -j^ 
■jÎ^  (—  3fc  ^)'  L3  période  est  révolue  et  elle  recommence. 

La  remarque  de  Ghavannes,  d'après  laquelle  l'année  Yen- 
fong  Cho-fi-ko  ne  saurait  correspondre  à  la  1™  année  t'ai-tch'ou, 
tout  en  étant  exacte  au  point  de  vue  purement  calendérique  du 
roulement  duodénaire  actuel  inauguré  sous  les  Ts'in,  n'est 
donc  pas  conforme  aux  données  astrologiques;  elle  est  infirmée 
par  les  textes  du  Ts'ien  Bon  chou  et  de  deux  chapitres  du 
Che  kl. 

Nous  avons  à  examiner  maintenant  le  dernier  argument  en 
faveur  de  la  thèse  identifiant  le  tableau  de  76  années  à  un 
calendrier  des  Yin  :  le  calendrier  t'ai  tch'ou  de  l'an  loh  éva- 
luait la  lunaison  à  129  |^  jours,  tandis  que  le  tableau  l'évalue  à 
29  IjI  jours.  Or  ces  deux  fractions  sont  exactement  équiva- 
lentes. Si  elles  sont  exprimées  selon  deux  dénominateurs  diffé- 
rents, c'est  qu'il  s'agit  dans  le  premier  cas  de  spéculations  mys- 
tiques associant  les  lois  de  l'acoustique  à  celles  de  l'astronomie, 
et  dans  le  second  cas  du  décompte  arithmétique  du  processus 
annuel  d'une  période  luni-solaire  de  76  ans.  Comme  cette 
période  comporte  27769  jours  à  répartir  dans  9/10  lunaisons, 
le  dénominateur  Cjlio  s'impose;  on  ne  voit,  d'ailleurs,  pas  de 
relation  entre  ce  dénominateur  9^0,  qui  caractérise  un  calen- 


Jon^  Chn-t'i-ko  —  B^  "^   et,  d'après  la  symétrie  du  système  cosmologique,  la 
correspondance  originelle  est    Ç   ^  • 

Ce  passage  important  démontre  que,  déjà  au  temps  de  Sseu-ma  Ts'ien,  on 
appliquait  aux  années  (mais  non  pour  l'usage  calendérique  effectif)  la  notation 
^  -^  .  Au  point  de  vue  théorique,  l'interpolateur  n'a  pas  commis  une  erreur 
en  attribuant  le  signe    ^   ^    h  la  1"  année  t'ai-tch'ou. 


UNE  INTERPOLATION  DU  CUt:  Kl.  113 

di'ier  astrononiiquo  postérieur  à  la  découverte  du  pou,  et  un  pré- 
tondu calendrier  (iHlvologique  de  l'antique  dynastit;  des  Yiit. 
Si  l'on  convertit  ces  fractions  en  décimales,  on  obtient  : 

Evaluation  de  la  lunaison  en  jours. 
Tirée  de  la  période  de  Méton  :  |^    =  29,58191 
Tirée  de  la  péiiode  de  76  ans  :  ^=  29,53o85  ) 
Tirée  du  calendrier  t'ai-fch'ou  :  29  ^=  29,58086  ) 
Tirée  de  notie  astronomie  moderne^  29,58069 

1/identité  entre  l'évaluation  tirée  de  la  période  de  76  ans 
et  celle  du  calendrier  Tai-tchou  est  manifeste.  Toutes  deux 
diffèrent  en  outre  franchement  de  l'évaluation  tirée  de  la  période 
imparfaite  de  Méton,  comme  aussi  de  la  valeur  vraie. 

On  voit  donc  que  les  divers  indices  par  lesquels  Chavanncs 
a  cru  pouvoir  conlirmer  la  supposition  gratuite  du  mathémati- 
cien Met  sont  illusoires.  Le  tableau  du  Che  kl  n'est  pas  un 
calendrier  astrologique  ni  un  calendrier  des  }iii;  il  présente 
simplement  le  décompte  arithmétique  du  processus  annuel 
d'une  ^riioAe  pou. 

\jH  connaissance  de  cette  période  de  7 G  ans  paraissant  être 
impliquée  dans  l'évaluation  de  la  lunaison  à  29  ^j'  au  temps 
de  l'empereur  Wou,  rien  n'empêche,  semble-t-il,  d'attribuer  à 
Sscu-ma  Th'k'u  lui  même  l'insertion  de  ce  tableau  dans  le  Che  là. 
Mais  cette  conclusion  serait  erronée,  car  ce  tableau,  comme 
0:1  va  le  voir,  a  été,  en  réalité,  interpolé  au  plus  tôt  sous  les 
lliin  postérieurs. 

I)K  LV  CO.^WISSANCE  DES  PÉRIODES  LUNI-SOLAIRES 
SOUS   LES  HAN  ANTlhîlEURS. 

Les  Hdii  antérieurs  ont-ils  connu  et  employé  la  période  pou 
de  7  G  ans?  Les  arguments  qu'on  pourrait  faire  valoir  en  faveur 
de  cette  thèse  sont  les  suivants  : 

(ij   (Ihavamics  a   aHii-nn'   (pic  cette    période   avait  servi  de 


lU  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

base  à  ia  constitution  du  calendrier  des  Tsin  et  des  premiers 
H  an  ; 

b)  L'évaluation  de  la  lunaison,  dans  le  calendrier  T'ai- 
tch'ou,  équivaut,  comme  je  l'ai  montré  plus  haut,  à  l'évaluation 
déduite  de  la  période  jî^om; 

c)  Les  propos  tenus,  en  l'an  iio  av.  J.-C,  par  Kong-suen 
K'ing,  impliquent  la  connaissance  d'une  période  luni-solaire  ; 

d)  Le  tableau  du  Che  hi,  considér(''  comme  authentique  par 
la  critique  chinoise,  expose  numériquement  la  théorie  complète 
de  cette  période. 

Nous  allons  examiner  successivement  ces  indices. 

a)  Prétendu  emploi  de  la  période  ccdlippique  sous  les  premiers 
Han.  —  Dans  l'appendice  II  du  tome  III  de  sa  traduction, 
Chavannes  a  montré  que  la  brusque  apparition,  sous  les  Ts'in, 
de  la  théorie  des  tuyaux  sonores  et  de  la  progression  harmo- 
nique par  quintes  est  vraisemblable?nent  une  importation  des 
nombres  pythagoriciens  par  l'intermédiaire  de  la  Bactriane.  On 
ne  peut  que  souscrire  à  cette  conclusion,  car  l'esprit  d'obser- 
vation et  d'analyse  exigé  par  une  telle  découverte  n'est  guère 
l'apanage  du  génie  chinois. 

Aussitôt  après  Alexandre,  riiypolhèse  de  relations  entre  la  Chine  et  le 
monde  grec  cesse  d'être  invraisemblable.  Si  Mégastliène  put  être  envoyé 
en  ambassade  à  Pàtaliputra  de  3i  i  à  3o-2  av.  J.-C.  .  .  .,  ou  ne  voit  pas 
pourijuoi  l'influence  grecque  n'aurait  pas  pu,  vers  la  même  époque, 
trouver  du  côté  de  l'ouest  sa  voie  jusqu'en  Chine. 

Mais  cette  judicieuse  constatation  a  induit  son  auteur  à  faire 
d'autres  rapprochements  : 

Peul-êire  l'aul-il  \oir  aussi  une  trace  de  l'influence  hellénique  dans 
les  notions  aidiiiiiiques  que  nous  trouvons  exprimées  en  Chine  dès 
l'an  i33  av.  J.-C.  avec  une  singulière  précision.  Entin  la  conslilulioii 


UNE  lNTKItl>OLATION  DU  UΠ KL  tl5 

du  calendrier  chinois  rappelle  à  maint  égard  la  constitution  du  calen- 
di'ier  grec. 

En  ce  qui  concerne  l'historique  des  notions  alchimiques,  je 
me  déclare  incompétent.  Mais  je  crois  hien  savoir  que  le  calen- 
drier chinois  n'a  rien  emprunté  au  calendrier  grec.  Ce  n'est 
pas  ici  le  lieu  de  discuter  à  fond  cette  question,  qui  sera  traitée 
dans  les  articles  ultérieurs  des  Ongiites  de  Fustroiiomie  chinoise; 
je  me  borne  donc,  pour  la  compréhension  de  ce  qui  va  suivre, 
à  rappeler  les  caractéristiques  du  calendrier  chinois  —  resté 
essentiellement  le  même  depuis  la  haute  antiquité  jusqu'à  l'in- 
tervention des  Jésuites  au  xvif  siècle  —  et  la  différence  qui  le 
distingue  du  calendrier  grec. 

Ce  dernier  avait  pour  but  de  déterminer  la  date  des  jeux 
olympiques,  fixés  tous  les  quatre  ans  à  la  pleine  hme  qui  suit 
le  solstice  d'été.  Si  les  Grecs  avaient  pratiqué  l'observation 
du  gnomon,  comme  les  Chinois  le  faisaient  alors  depuis  une 
vingtaine  de  siècles,  cette  formule  leur  aurait  fourni  une  règle 
excellente.  Mais,  si  géniales  que  fussent  déjà  les  spéculations 
de  leurs  philosophes,  les  Grecs  ne  se  mirent  pas  à  observer 
méthodiquement  avant  la  fondation  de  l'école  d'Alexandrie.  Le 
calendrier  des  diverses  cités  était  encore  basé  sur  les  levers 
d'étoiles;  la  durée  de  l'année  et  de  la  lunaison  restait  incer- 
taine, et  l'on  cherchait  surtout  à  découvrir  une  période  luni- 
solaire  permettant  d'établir  un  calendrier  perpétuel  ('l 

Ces  souvenirs  classiques  ont  inspiré  à  plus  d'un  auteur  l'idée 
(jue  le  calendrier  chinois,  lui  aussi,  devait  être  fondé  sur  la 


'''  l'^aule  d'observations  ancicmics  de  lu  durée  de  l'anuée  Iropicjue  par  le 
[[iionion,  la  l)nsc  de  comparaison  ne  pouvait  être  trouvée  que  dans  l'année 
sidérale  coufronlée  avec  l'erreur  des  di\ei'ses  périodes  luni-solaires  essayées 
depuis  plusieurs  siècles,  parmi  lesqueiles  la  nioins  mauvaise  était  l'octaélé- 
ride.  Diodiu'e  dit  que  Méton  s'était  consacré  à  la  rectification  des  observations 
de  levers  d'étoiles  et  qu'il  déduisit  sa  péiiode  de  l'exauien  des  mois  interca- 
laires attiques  (cf.  GiNzut.,  Uanilbuch  .  Il,  p.  389). 


116  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

recherche  de  périodes  porpétuelles.  Mais  c'est  une  erreur;  ce 
culen(h"ier,  depuis  la  haute  antiquité,  est  étahli  sur  l'observa- 
tion du  solstice  d'hiver  par  le  gnomon  *'',  qui  en  maintient  la 
concordance  avec  l'année  iropique  et  désigne  automatiquement 
l'année  embolismique. 

Le  rang  du  mois  intercalaire  parmi  les  douze  lunaisons  nor- 
males n'a  pas  grande  importance  :  on  pourrait  lui  assigner 
une  place  fixe,  à  la  fin  de  l'année  par  exemple.  Cependant, 
dès  la  haute  antiquité,  les  Chinois  ont  tenu  à  désigner  le  rang 
qui  revient  au  mois  intercalaire  d'après  la  symétrie  des  phases 
cardinales  ''■^';  le  texte  du  Yao  tien  spécifie  que  les  mois  médians 
de  chaque  saison,  /tf*  ^,  i^  M^  i^  ^X,  i'^  ^-t  sont  déter- 
minés par  les  équinoxes  et  solstices;  il  ajoute  que  le  mois  inter- 
calaire sert  à  régler  ç^les  quatre  saisons 55.  Tel  est,  en  effet,  le 
principe  du  calendrier  chinois  et  on  peut  constater,  dans  le  Lu 
/î'(IP  partie,  p.  1,  5,  8),  que  le  rang  des  années  intercalaires 
dans  la  période  tcliang  est  déduit  de  la  répartition  des  lunes 
dans  les  tcliong  Iri. 

Cette  règle  des  tchong  hi  4*  M  »   (jui  apparaît  seulement 

C'  Cola  ost  dëmuntiT',  coiumo  ToiiL  Lion  vu  Gaubil,  J.-B.  liiot  ol  Ideloi, 
par  le  fait  que  les  sioon  cardinaux  contenant  les  phases  cardinales  de  l'année 
tropique  sont  exactement  indiqués  par  le  Yao  tien  (cf.  Le  zodiaque  lunaire, 
dans  le  Toung  Pao,  1922).  Cela  est  confirmé  en  outre  par  la  cosmologie  chi- 
noise, qui  place  l'origine  des  révolutions  en  -^  et  par  l'identité  du  calendrier 
des  Hia  avec  le  système  des  palais  célestes  et  des  équivalences  normales  de  la 
cosmologie.  Enlin,  dès  que  les  documents  deviennent  explicites,  on  y  voit  spé- 
cifiée l'observation  du  solstice  d'hiver  par  le  gnomon  {Tso  Ichouan,  Tcheou 
li,  etc.). 

'-)  La  désignation  de  la  lunaison  solsliciale  -^  par  le  gnomon  assure  une 
concordance  annuelle,  mais  non  pas  trimestrielle,  entre  l'année  civile  et 
l'année  tropique.  Elle  n'empêchera  donc  pas  les  phases  carfUnales  ^|5 ,  ^  , 
^   de  sortir  parfois  des  lunaisons  cardinales   ^|5,   v^,    ^. 

La  règle  cardinale  d'intercalatlon,  spécifiée  par  le  ïao  tien,  commcnce-l-elle 
à  être  l'cconnuc;  aussi  dans  les  documents  clialdéens?  Cela  semblerait  résulter 
d'un  passage  de  (iinzel  (llandliucli ,  111,  p.  306)  relatif  à  l'existence  d'une 
l'èjjlc  d'inleicalaliun,  à  l'c'poque  de  llainiiiu-rapi,  ffum  das  Mondjahr  in  unge- 
lalire  t  lii'rciiisl  luniiim;;  mit  dcn  Jalireszciton  /ii  briai'cii". 


îi. 


UNE  INTERPOLATION  DU  UlE  KL  117 

sous  les  TclieouA^^  (quoique  probablement  bien  plus  ancienne), 
fixe,  non  plus  Irimestriellement,  mais  mensuellement,  le  rang 
qu'il  faut  assigner  au  mois  intercalaire,  d'après  la  formule 
lapidaire  :  ^  ^  ^  4*  ^  «le  mois  intercalaire  est  celui  ([ui 
ne  contient  pas  de  tchoiig  Iri-n  ^~\  dette  formule,  reconnaissable 
dans  un  passage  du  Tso  Ic/iouan,  est  indiquée  dans  le  Che  hun 
kio  du  Tclteou  cfioii ,  chapitre  rédigé  sous  les  Han  et  rappelant 
les  règles  calendériques  de  la  dynastie  Tchcou. 

La  méthode  chinoise,  par  cela  même  qu'elle  maintient, 
d'a])rès  une  règle  fixe,  la  concordance  de  l'année  lunaire  avec 
l'année  tropique,  détermine  automatiquement  une  série  d'inler- 
calntions  recommençant  au  bout  de  19  ans,  comme  on  le  voit 
dans  le  Lu  h  du  Tsien  Han  chou;  ce  retour  périodique  des 
années  intercalaires  doit  avoir  été  connu  1res  anciennement, 
car  il  est  peu  croyable  que  les  Chinois  aient  pratiqué,  pendant 
tant  de  siècles,  leur  méthode  solsticiale  sans  le  remarquer. 
Mais  cette  période  n'est  pas  rigoureuse  et  ne  se  reproduit  pas 
indéfiniment  si  l'on  considère  un  point  de  départ  invariable, 
car  elle  est  en  rapport  avec  l'année  fictive  juh'enne  et  non  pas 
avec  l'année  tropique  réelle  '^'.  On  conçoit  donc  que  la  connais- 
sance de  la  période  tcliang  n'ait  joué  en  Chine  qu'un  rôle  subsi- 
diaire et  non  un  rôle  fondamental  comme  en  Grèce,  où  le  but 

C'  ^()^l•  Jauni,  /i.s.,  iivril-jiiin  njai,  |).  957  et  277,  et  janv.-mars  Kjao, 
p.  58-01. 

-  Si  les  mois  liimiircs  équivalaient  aux  mois  solaires  (/>:'«),  le  milieu  de  la 
liuu'isdn  (•(mcdidcrait  avec  le  milieu  du  mois  solaire.  Comme  la  lunaison  est 
plus  courte  d'cnviion  un  jour,  cet  accord  est  vite  rompu;  mais,  pour  main- 
tenir un  niiniuuim  de  concordance,  on  spécilii'  que  chaque  mois  lunaire  doit 
au  initins  contenir  le  milieu  d'un  mois  solaire.  —  Dans  le  Ts'icn  llan  chou , 
la  ni(''ni('  rèjjle  est  exprimée  sous  cette  forme  équivalente  :  (Juand  la  distance 
^^  liv  la  iK'omi'nie  au  préccklcnt  Icliong  k'i  est  ('{jale  ou  supc'iieure  à  la 
lun,ii.,iii ,  retl(i  lune  est  intercalaire.  Car  alors,  en  ell'et,  elle  ne  saurait  conte- 
nir un  Iclionjj-L'i. 

'  L'évaluation  de  l'année  à  3G6  jours  n'apparaît  qu(^  dans  le  Yao  tien  et  a 
dû  élre  remplacée  très  anciennement  jjar  l'évaluation  365,35  sur  laquelle  sont 
Itasé'i's  li's  inicicalaiions  de  la  pc'iiodi'  Tcli'dnrii-ls'irnii. 


118  JriLLET-SKPTEMBRE    1922. 

recliprch(''  était  de  découvrir  une  règle  perpétuelle.  A  côté  de 
leur  calendrier  luni-solaire,  reposant  sur  une  évaluation  provi- 
soire de  la  durée  de  l'année  et  de  la  lunaison,  les  Chinois  ont 
eu,  dès  la  haute  antiquité,  le  cycle  sexagésimal  des  jours,  qui 
corrigeait  l'inconvénient  du  calendrier  empirique  en  enregis- 
trant le  nombre  des  jours  écoulés.  La  date  du  solstice  tombant 
sur  la  néoménie  et  sur  le  i"  jour  ^  -^  du  cycle  attirait  natu- 
rellement l'attention  ^^'  et  fixait  un  point  de  départ  qui  mettait 
en  évidence  la  série  périodique  des  intercalations.  Il  est  donc 
vraisemblable  (et  certain  passage  du  Tso  (chouan  semble  le 
confirmer)  que  les  astronomes  se  confiaient  plus  ou  moins  à 
la  notion  de  la  durée  des  révolutions,  ou  à  la  période  tchang'^\ 
pour  établir  à  l'avance  le  calendrier,  jusqu'au  jour  où,  l'erreur 
s'étant  accumulée,  ils  étaient  rappelés  à  l'ordre  par  le  résultat 
de  l'observation. 

Ces  exphcations  préalables  nous  permettent  d'examiner 
maintenant  la  thèse  de  Chavannes,  suivant  laquelle  le  calen- 
drier chinois  serait  basé,  non  pas  subsidiairement,  mais  régu- 
Hèrement,  sur  la  connaissance  d'une  période  luni-solaire;  non 
pas  sur  le  cycle  de  i  q  ans,  qui  semble  avoir  été  anciennement 
eoiinu  en  Chine  ^^J,  mais  sur  la  période  de  -y  6  ans,  qui,  en  réa- 
lité, n'y  apparaît  pas  avant  l'époque  des  Han  postérieurs. 

Comme  la  majeure  partie  des  Mémoires  historiques  de  Se-ina 
Ts'teii  se  rapporte  au  siècle  et  demi  qui  s'écoula  depuis  l'époque 
oij  les  Ts'in  devinrent  tout  puissants  jusqu'à  la  date  de  la  mort 

(')  Le  7'«o  tclioïKin  nous  montre,  en  l'an  655,  le  prince  honoiant  de  sa 
présence  l'oltservalion  du  solstice  d'hiver  tombant  sur  le  i"  jour  ^  ^  du 
i"'  mois. 

'■'-'  Les  deux  procédés  reviennent  au  même,  puisque  le  calcul  de  la  règle 
des  tchong  k'i  comporte  une  évaluation  des  révolutions  et  indique  à  l'avance 
la  série  ])ériodique  des  intercalations  qui  se  reproduisent  tous  les  nj  ans. 

'^)  Ce  l'ut  l'opinion  de  Gaul)il;  tout  en  constatant  que  Lo-hia  Uuiig  et  Liroii 
Iliii  sont  les  premiers  auteurs  qu'on  sache  si'u'ement  avoir  parlé  du  Icltaug , 
il  a  admis,  dans  les  Lettres  édifiantes,  que  le  cycle  de  19  ans  devait  être  connu 
sous  les  Tchvou. 


UNK  INTERPOL\TION  DU  Cllf':  KL  119 

de  l'fimpeivur  Won .  Chavannes  avait  à  préciser  le  cadre  dans 
lequel  so  rangent  les  faits.  Il  a  résumé  ses  recherches  dans 
l'article  intitulé  La  rhronoloipc  de  Fan  238  à  l'an  8 j  avant  J.-C, 
puijlié  dans  le  T'oiing  Pao  de  mars  i8(|G,  et  qui  débute  par 
les  affirmations  suivantes  : 

Dès  l'époque  des  Ts'in,  et  peut-être  avant  cette  époque,  les  Chinois 
ont  connu  la  période  de  76  années  ou  période  pou  ^.  Celte  période 
se  subdivise  en  quatre  périodes  de  19  ans,  ou  périodes  tc/iang  ^  ,  dont 
l'une  ne  compte  que  6989  jours,  tandis  que  les  trois  autres  en  comptent 
69^0.  11  est  vraisemblable  que  les  chronologistes  chinois  ne  connurent 
d'abord  que  la  période  tchang  de  69/10  jours;  on  a  dû  introduire  dans 
le  calendrier  chinois,  à  une  époque  incertaine,  mais  assurément  anté- 
rieure au  milieu  du  \if  siècle  avant  notre  ère,  un  perfectionnement  iden- 
tique à  celui  que  Gailippe  apporta  en  33o  av.  J.-C.  au  calendrier  g-rec 
lorsque,  au  moyen  de  la  période  de  76  ans,  plus  courte  «l'un  jour  que 
h  périodes  de  19  ans,  il  loctitia  l'usn^e  de  la  période  de  Méton"'. 

('  On  voil  iHJjKirailrc  ici  lu  méprise  de  Chavannes.  Les  Grecs,  n'étant  pas 
fixés  sur  ia  durée  de  l'année  et  de  la  lunaison,  la  déduisirent  de  là  période 
e  Méton,  et  la  découverte  de  ce  dernier  portait  efTectivement  sur  un  inter- 
valle de  ôg'io  jours,  d'où  l'on  lira  l'évaluation  365 -j^  de  la  durée  de  l'année 
(Ginzel,  lit,  p.  .388).  Tout  autre  est  le  cas  en  Chine,  où  l'approximation 
3(35.2.^  était  depuis  lonjjtemps  connue  et  où  l'évaluation  de  la  lunaison  tirée 
du  cycle  de  19  ans  ne  fait  pas  intervenir  le  nombre  d<ï  jours  6yiio  de  ce 
cycle,  mais  seulement  le  nombre  de  lunaisons  compris(>s  dans  19  années 
lie  365.25  jours,  ce  qui  a  fourni  au  calendrier  Tai-Ick'ou  la  même  t'-valua- 
(ion  qui  ressort  de  la  période  callippique. 

Comme  on  le  verra  plus  loin,  le  tchang  fut,  pour  les  Chinois,  une  période 
déduite  des  Ichong-k'i  et  ramenant  la  même  série  d'inlercalalions;  dans  cette 
constatation  n'intervenait  aucunement  le  nombre  de  69/10  jours,  dont  l'erreur 
s'accumulait  en  Grèce  à  chaque  période.  Cette  erreur  s'explique  chez  les 
Grecs,  puisqu'ils  ne  connaissaient  pas  l'évaluation  365.25  de  l'année,  mais 
elle  n'aurait  aucune  raison  d'être  en  Chine,  où  la  durée  du  tchang,  si  ou 
venl  l'exprimer  en  jours,  ressort  immédiatement  à  69^9,75  jours. 

EvaluHliiin  dit  l'dinu'e  tropique. 

Tirée  de  la  période  de  Mc'lon 365.963 

Tirée  de  la  période  de  Callippe 365. a 5o 

Tirée  du  {;nomon  par  les  anciens  Chinois 365. a5o 

Tirée  de  notre  astronomie  moderne 365. a42 

Lo  comput  pascal  ecclésiastique  est  aussi  basé  sur  la  période  de  19  ans, 


120  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

Ces  affirmations  ne  sont  suivies  explicitement  (i'aiiriine 
preuve.  Mais,  en  étudiant  l'exposé  de  la  construction  de  ce 
tableau,  on  s'aperçoit  que,  dans  la  pensée  de  l'auteur,  la  preuve 
réside  dans  le  fait  que  la  période  de  76  ans  vérifie,  d'une 
manière  systématique,  les  données  cal^ndériques  du  Clie  ki  et 
du  Ts'ien  H  an  cliou. 

Il  suffit  de  se  reporter  à  ce  qui  a  été  dit  des  traits  essentiels 
de  l'antique  calendrier  chinois,  basé  sur  l'observation  du  solstice 
d'hiver  et  du  renouvellement  do  la  lune,  pour  comprendre 
qu'une  telle  induction  est  illusoire.  L'observation  directe  de 
l'aspect  de  la  lune  établit  automatiquement  la  conformité  des 
mois  lunaires  avec  les  lunaisons  réelles,  de  sorte  que,  au  bout 
de  'y  6  ans,  à  moms  d'avoir  mal  regardé  l'astre  de  la  nuit,  le 
calendrier  aura  placé  bout  à  bout  ()lio  mois  et  Q^ySg  jours, 
quand  bien  même  les  fonctionnaires  préposés  à  ce  soin  n'au- 
raient jamais  entendu  parler  de  la  période  callippique.  D'autre 
paît,  l'observation  du  solstice  d'hiver,  régularisée  bon  an  mal 
an  parla  notion  de  la  durée  de  l'année,  évaluée  à  3G5  1//1  jours 
sous  les  Tclteuu,  assure  la  conformité  de  l'année  civile  avec 
l'année  réelle  en  maintenant  à  la  lune  ^  son  rang  solsticial; 
et  cette  règle  produira  automatiquement,  dans  Tintercalation, 
une  série  semblable  à  celle  que  Chavannes  déduit  des  docu- 
ments, en  la  considérant,  d'ailleurs,  comme  arbitraire.  Avec 
cette  différence,  toutefois,  que  le  calendrier  chinois  étant  basé 
sur  le  solstice,  c'est-à-dire  sur  l'année  tropique,  et  non  sur 
l'année  julienne  (sauf  à  titre  provisoire  et  subsidiaire],  la  série 
des  intercalations  historiques  ne  pourra  pas  concorder  bien 
longtemps  avec  la  série  artificielle  déduite  d'une  période  de 
•y  6  ans  juliens''^ 

non  pas  mét<)ni(|U(',  mais  julienne  et  équivalente  au  tchang  chinois,  qu'on  ne 
doit  pas  confondre  avec  la  période  de  Melon. 

(')  Chavannes  écrit  (p.  20)  :  «H  est  évident  en  outre  que,  les  dates  du 
caU'ndricr  julien  qui   correspondent  aux  dates  danoises  se  reproduisant  les 


UNK  INTRr.POLVTlON  DU  CUE  Kl.  1-21 

l  ne  |)(  riode  callippique  comprenant  '^7759  jours,  la  répar- 
tition (le  ces  jours  dans  les  9/40  lunaisons  se  fera  aulomalique- 
Mient  d'après  l'aspect  de  la  lune.  Mais,  ne  se  confiant  qu'aux 
loxtes  sans  on  éclairer  l'interprétation  par  l'examen  des  condi- 
tions de  la  nature  et  des  règles  antiques,  Chavannes,  qui  se 
représente  in\arial)lement  le  calendrier  chinois  comme  appar- 
tenant au  type  «perpétuel 55  et  fondé  sur  des  règles  arbitraire- 
ment conventionnelles,  écrit  (^p.  3)  : 

Enfin  le  quatrième  et  dernier  problème  est  de  savoir  quels  sont,  dans 
chaque  année,  les  mois  de  99  jours  et  quels  sont  les  mois  de  3o  jours. 

Pour  les  années  de  o54  jours  antérieures  à  \oh  av.  J.-C. ,  les  mois 
de  29  et  de  3o  jours  se  succèdent  de  la  manière  suivante  : 

(formule  II  :)  99.99.30.30.29.30.30.30.29.99.29.30. 

Cette  formule,  abstraite  des  contingences  de  la  réalité, 
laisse  le  lecteur  incrédule.  La  durée  de  la  lunaison  étant  de 
99,53069  jours,  tous  les  calendriers  primitifs  l'évaluent, 
comme  première  approximation ,  à  29,5  ,  ce  qui  conduit  à  laire 
alterner  les  mois  de  29  et  de  3o  jours.  Un  peuple  qui  emploie 
les  mois  lunaires  réels  n'aura  donc  jamais  l'idée  bizarre  de 
troubler  cette  réalité  en  faisant  succéder  trois  mois  consécutifs 
de  29  jours. 

Mais,  après  avoir  fait  alterner  les  mois  de  29  et  de  3o  jours, 
on  constatera   (au  bout  d'environ  deux  ans  et  demi)  que  le 

m»''mes  tous  les  7G  ans,  on  l'olioinfra  le  solstice  d'Iiivcr  [du  a'i  dt'comljre  1 13] 
assijjiK'  au  a'i  d<''cemljre  i8().  clc.":  oui,  parce  que,  la  correction  gréfjo- 
rienno,  d'environ  un  jour  pour  i95  ans,  ne  s(v  tait  pus  sentir  sur  ce  failjle 
intervalle.  Mais  comme  Chavannes  prolonge  son  tableau  jusque  sous  les  Ts'in 
et  coinnns  par  ailleins,  il  ne  lient  pas  compte  de  la  lègle  fondamentale  que 
le  mois  -^  doit  ètie  solsticiai,  on  voit  fréquemment,  dans  ce  talileau,  le 
solstice  tomber  en  dehors  de  la  11°  lune,  sans  se  trouver  cependant  en  con- 
tradiction avec  les  textes  employés,  trop  peu  nombreux  potu'  établir  un 
canevas  continu,  l'ar  exemple,  en  l'an  169  et  en  l'an  191,  il  fait  débuter  la 
1 1°  lune  {-^  )  en  janvier,  alors  que  le  solstice  oscille  à  cette  époque  (suivant 
que  l'année  est  bissextile  on  non)  entre  le  2/1  et  le  a.')  décembre.  I.e  solstice 
ne  s'est  plus  |iiodiiit  en  janviei'  depuis  la  lin  de  la  dynastie   )V/*. 


122  JUILLET-SEPTEMBRE    1022. 

mince  croissant  de  la  lune  ne  fait  pas  son  apparition,  au  jour 
prévu,  dans  les  feux  du  crépuscule,  et  qu'il  faut  introduire  un 
jour  supplémentaire  dans  le  roulement  des  mois  : 

. . .  29.30.29.30.30.00.99.30  . . . 

La  deuxième  décimale  ("^^jBS)  occasionne  ainsi  périodi- 
quement une  correction,  imposée,  sans  calcul  théorique,  par 
l'observation  du  disque"';  puis,  dans  un  avenir  plus  éloigné, 
la  quatrième  décimale  (•<9,53o6)  fera,  à  son  tour,  sentir  son 
effet;  et,  tant  que  les  astronomes  n'ont  pas  découvert  la  durée 
exacte  des  révolutions,  la  succession  des  mois  de  iij  et  de 
3o  jours  peut  être  troublée  de  temps  à  autre  par  une  adjonc- 
tion, mais  non  par  une  suppression,  d'un  jour. 

Une  première  règle  conventionnelle  s'est  alors  imposée. 
Comme  la  valeur  discordante  des  lunaisons  et  de  l'année  solaire 
conduit  à  l'intercalation  d'un  mois  supplémentaire  tous  les 
deux  ou  trois  ans,  et  comme  la  seconde  décimale  conduit  éga- 
lejuent  à  introduire  un  jour  supplémentaire  tous  les  deux  ans 
et  demi  environ,  on  a  attribué  uniformément  une  durée  de 
3o  jours  aux  mois  intercalaires.  Mais  cet  expédient,  qui  sim- 
plifie le  problème,  ne  le  résout  pas,  car  il  n'ajoute  en  réalité 
qu'un  demi-jour  en  intercalant  un  mois  de  3o  jours  dans  le 
roulement  moyen  de  29,0  jours.  On  sera  donc  amené  à  caser 

^''  Dans  tes  contres  primitifs  de  civilisation  où  des  fonctionnaires  sont  pré- 
posés —  comme  c'était  le  cas  en  Chine  —  à  l'observation  du  ciel  et  à  la  con- 
fection du  calendrier,  on  n'attendait  pas,  naturellement,  l'apparition  du 
croissant  pour  en  constater  ie  retard.  <*n  en  était  prévenu  auparavant  par  te 
retard  du  dernier  quartier  observé  avant  l'aurore. 

Cette  impossibilité  de  prévoir  lon[jtemps  à  l'avance  le  renouvellement  de  la 
lune  était  bien  propre  à  confirmer  les  anciens  Cbinois  dans  leur  idée  que  le 
mouvement  des  astres  n'était  pas  rigoureusement  constant.  L'évaluation  09.6 
de  la  limaison  devait  être  pour  eux  analogue  à  l'évaluation  366  (plus  tard 
.3(5.''). 95)  de  l'année;  c'étaient  là  des  évaluations  de  principe  sous  réserve  du 
contrôle  de  l'observation  :  au  moyeu  du  gnomon  en  ce  qui  concerne  le  soleil 
et  :"i  simiilc  vue  en  ce  (lui  concerne  la  hmo. 


UNE  INTERPOL \TIO^   1)1    ClIE  Kl.  123 

encore  lô  jours  dans  les  lunaisons  dune  période  de  7(1  ans, 
comme  on  le  verra  plus  loin. 

Revenons  maintenant  aux  années  de  t  9  lunaisons  ordi- 
naires, c'est-à-dire  de  35/i  jours,  répartis  alternativement  en 
mois  de  99  et  de  3o  jours,  années  auxquelles  Chavannes 
attribue  l'improbable  formule  II  tout  au  long  des  1  7  pages  de 
son  taljleau. 

Une  revision  des  textes  lui  a  révélé,  après  coup,  l'incerti- 
tude de  cette  formule,  qui  lui  serait  apparue  d'emblée  s'il  avait 
songé  aux  réalités  qui  conditionnent  le  calendrier  lunaire. 
Il  écrit  alors  en  note  : 

Cet  ordre  de  succession  est  celui  qui  résulte  mathématiquement  des 
données  historiques  sur  lesquelles  je  me  fonde.  Rien  ne  prouve  cepen- 
dant que,  dans  toutes  les  années,  ce  soient  les  mêmes  mois  qui  aient 
eu  99  jours  et  les  mêmes  mois  qui  aient  eu  3o  jours.  La  chronologie 
que  je  propose  n'est  donc  crade  qu'à  un  jour  près,  c'esl-à-tlire  que  le  jour 
que  j'indique  comme  le  dernier  d'un  certain  mois  peut  avoir  été  en  réa- 
lité le  premier  du  mois  suivant  et  vice-vevsa.  Mais  l'accord  se  rétablit 
ndcessairement  à  la  fin  de  l'année. 

Nous  pouvons  donc  mettre  de  côté  la  formule  II  et  rétablir 
Talternance  naturelle  des  lunaisons  de  99  et  de  3o  jours.  Mais 
il  reste  à  caser  les  i5  journées  qui,  dans  un  intervalle  de 
y  ()  années,  se  trouvent  réparties  dans  les  différentes  lunaisons  ' 
pour  maintenir  l'accord  entre  le  mois  calendérique  et  la  réalité 
du  mois  lunaire. 

La  manière  dont  Chavannes  conçoit  ce  problème,  en  attri- 
buant aux  fonctionnaires  qui  établissaient  le  calendrier  une 
intention  inexistante,  montre,  mieux  encore  que  la  formule  11, 
cond)ien  son  idée  d'une  période  perpétuelle,  arbitrairement 
agencée,  est  éloignée  de  la  réalité  astronomique  et  des  tradi- 
tions chinoises.  De  même  qu'il  place  les  lunaisons  consécu- 
tives 29,  99,  99,  sans  examiner  les  nécessités  imposées  par 
la  lune,  la  répartition  des  jours  supplémentaires  lui  apparaît 


12'i  JIULLET-SEPTEMBRE   192-2. 

seulement  dans  .^cs  rapports  avec  la  durée  de  l'année,  alors 
qu'elle  est,  au  contraire,  purement  d'ordre  lunaire,  et  que  la 
confection  du  calendrier  chinois  n'a  pas  à  s'occuper  de  la  valeur 
réelle  de  l'année"'. 

Une  période  tchiing  de  69/10  jours  conijireiKint  7  années  intercalaires, 
il  reste  [eu  dehors  de  ces  7  années  de  384  jours]  un  eosemhle  de 
AaSa  jours  à  répartir  entie  8  années  de  354  jours  et  h  années  de 
355  jours.  Le  second  prohlènie  à  résoudre  est  donc  de  savoir  quelles 
places  occupent  dans  une  période  irlinng  de  G9A0  jours  les  années  de 
355  jours. 

Le  troisième  problème  consiste  à  déterminer  rpielle  est  l'année  qui 
fait  qu'une  période  tcliang-  n'a  que  6939  jours,  c'est-à-dire  qui  ne 
compte  que  354  jours,  tandis  que  l'année  correspondante  d'une  période 
tchiiitg  de  69/10  en  compte  355. 

Enfin  le  quatrième  et  dernier  pjcblème  est  de  savoir  quels  sont  dans 
chaque  année  les  mois  de  29  jours  et  quels  sont  les  mois  de  00  jours. 

Ce  quatrième  problème,  placé  en  dernier  lieu,  est,  au  con- 

■''  Lorsque  ios  jours  ont  été  dislrilmés  dans  les  mois  do  manière  à  bien 
concorder  avec  la  lunaison  réelle,  le  calendrier  chinois  se  trouve  du  mémo 
cou|)  réjjlé.  Il  ne  reste  plus  qu'à  indiquer,  dans  la  série  indéfinie  des  lunai- 
sons ,  laquelle  portera  le  sifjne  -^  ,  c'est-à-dire  laquelle  contient  le  solstice. 
La  durée  de  l'année  se  trouve  ainsi  éliminée  du  prolilème  calendénque  (ou  du 
moins  elle  n'y  joue  qu'un  rôle  secondaire,  celui  de  prévoir  le  détail  du  calen- 
drier de  l'année  à  venir,  opération  pour  laquelle  vme  évaluation  approxima- 
tive suffît).  C'est  là  un  trait  remarquable,  fondamental  et  méconnu,  du  calen- 
drier chinois,  dont  l'accord  avec  la  réalité  de  l'année  tropique  est  basé  seule- 
ment sur  l'observation  du  solstice  qui  sert  à  marquer  du  sijjne  -^  le  mois 
solslicial.  Une  erreur  sur  ia  date  du  solstice  n'amènera  aucune  modification 
immt'diate  si  cette  date  ne  se  trouve  pas  fortuitement  à  la  limite  du  mois, 
au(juel  cas  elle  pi'ovoquerait  simplement  une  intercalation  prématuï'(''e  ou  tar- 
dive, ce  qui  n'entraînera  aucune  inexactitude  consécutive.  C'est  seulement 
par  les  limites  extrêmes  entre  lesquelles  oscille  le  mois  -^  que  l'accord  est 
maintenu  avec  l'année  tropique,  et  cet  accord,  toujours  suffisant,  devient  de 
plus  en  plus  impeccable  avec  les  progrès  de  l'astronomie.  Le  calendrier  chi- 
nois, dont  l'esprit  est  diamétralement  opposé  à  celui  que  Cha\  aunes  lui  attri- 
bue, ne  peut  donner  lieu  à  une  erreur  cumulative,  comme  ce  lut  le  cas  du 
calendrier  grec  fondé  sur  les  périodes  luni-solaires,  ou  du  calendrier  julien 
fonde  sur  une  (''\;ihialiori  fixe  de  l'année. 


UNE  INTERPOL  rriON    DU  CHE  Kl.  J25 

trairt',  primordial  cl  dépeiul,  nous  i'avoiis  vu,  de  la  seule 
observation.  Si  Chavannes  n'avait  été  circonvenu  par  une  idée 
préconçue,  il  se  serait  d'abord  placé  dans  les  conditions  du 
calendrier  chinois  antique,  quitte  à  y  renoncer  si  cet  examen 
lui  en  démontrait  l'incompatibilité  avec  les  textes.  Ces  condi- 
tions supposant,  en  premier  lieu,  le  maintien  de  visu  du  mois 
limaire  calendérique  avec  la  lunaison  réelle,  il  aurait  compris 
([ue  la  répartition  de  ^7751)  jours  et  de  g/to  mois  dans 
^6  années  est  basée,  avant  tout,  sur  la  répartition  de  ces 
■^77^9  jours  dans  les  ()/io  mois,  problème  purement  pra- 
tique, résolu,  sans  théorie,  au  fur  et  à  mesure  des  constata- 
tions de  l'âge  de  la  lune'''.  Or  c'est  là  un  problème  que  Cha- 
vannes n'envisage  pas.  Il  s'occupe  de  la  répartition  des  mois 
dans  l'année  et  des  jours  dans  l'année,  mais  non  du  problème 
fondamental  qui  est  la  répartition  totale  des  jours  dans  la 
lunaison.  S'il  avait  commencé  par  là,  il  aurait  probablement 
compris  que  le  problème  des  années  de  355  jours  se  trouve 
résolu  du  même  coup  :  une  année  civile  compte  355  jours 
quand  l'état  de  la  lune  a  imposé  l'adjonction  d'un  jour  dans 
une  des  lunaisons,  en  substituant  un  mois  de  3o  jours  à  un 
mois  de  a 9  jours  dans  la  série  alternante.  Cette  répartition 
primordiale  des  jours  dans  la  lunaison  étant  résolue,  il  ne 
reste  place  à  aucun  autre  problème,  si  ce  n'est  celui  de  Tinter-" 
calation,   déterminée  par  la  date  du  solstice,  date  indiquée 

'')  Dans  ce  qui  prt'cèclo ,  j';ii  admis,  |i()ur  la  clarté  de  l'exposition,  le  cas 
{{éuf'ral  du  calendrier  lunaire  d'uu  peuple  piimilil"  réylé,  mois  pur  mois, 
d'après  l'aspect  du  croissant.  Mais  il  va  de  soi  que,  si  le  calendrier  est  établi 
un  an  à  l'avance,  l'accord  du  mois  avec  la  lunaison  est  prévu  empiriquement 
et  corrigé  dans  le  calendrier  suivant.  L'inlercalation  étant  prévue  d'après  la 
diu'ée  des  révolutions  (résumé-e  par  la  périocU^  Icluinij)  et  le  mois  inlercalaire 
étant  unilormémeut  de  '60  jours,  les  années  embolismiqucs  avaient  nalurelle- 
meut  une  durée  uniforme  de  38A  jours  :  elles  ne  pouvaient  avoir  moins, 
puisqu'on  ne  diminue  jamais  le  roulement  moven  de  39,5  jours-,  et  elles  ne 
pouvaient  avoir  davantage,  puisque  deux  augmentations  ne  s'imposent  pas  au 
cours  d'une  même  année. 


126  JUILLET-SEPTEMBRE   \\)'2-2. 

par  le  ^;^i)omon  ou  déduite  provisoirement  d'un  solstice  anté- 
rieur. Le  nombre  de  jours  contenu  dans  l'année  civile  est  donc 
un  problème  qui  ne  se  pose  en  aucune  façon  dans  la  confec- 
tion du  calendrier  cbinois,  car  ce  n'est  pas  sur  ce  nombre  de 
jours  qu'est  fondé  l'accord  avec  l'année  astronomique,  accord 
maintenu  simplement  par  la  considération  des  mois,  grâce  à 
l'adjonction  du  mois  intercalaire. 

Cette  répartition  fondamentale  des  jours  dans  les  lunes  est 
basée,  on  vient  de  ie  voir  :  i"  sur  l'approximation  conven- 
tionnelle 29,5  ;  '2°  sur  une  première  correction  convention- 
nelle attribuant  une  valeur  constante  de  3o  jours  aux  mois 
intercalaires;  3"  en  rectifiant  de  visu  le  mois  civil  par  l'adjonc- 
tion d'un  jour  lorsque  la  nouvelle  lune  (déjà  un  peu  déréglée 
précédemment)  anticipe  par  trop  sur  la  date  prévue. 

Tout  cela  résulte  automatiquement  des  règles  du  calendrier 
chinois.  Mais  Ghavannes,  qui  ne  mentionne  nulle  part  ces 
règles,  croit  avoir  trouvé  la  preuve  que  ce  calendrier  était 
fondé  sur  la  période  callippique  et  suppose  que  les  Chinois 
avaient  élaboré  des  règles  arbitraires  et  précises  de  réparti- 
tion : 

Voici  les  solutions  que  j'ai  trouvées  pour  ces  questions  : 

1  °  et  9".  Dans  la  période  tcliang-  de  6960  jours  comprise  de  1  ^9  à  1 3o 
av.  J.-C. ,  les  années  de  384,  de  355  et  de  3o/i  jours  sont  répartis  de  la 
manière  suivante  ''^  ; 

Foi'mule  I  :  a  b  a  a  h  a  ù  a  h  a  a  a  b  (i  a  b  n  b  a. 

(let  ordre  de  succession  sera  le  même  [xmr  toutes  les  périodes  tchan^ 
de  6960  jours. 

Cette  alHrmation  se  trouvera  sûrement  infirmée  si  l'on 
considère  une  époque  un  peu  différente,  car  le  Ichang  étant 
erroné  par  rapport  à  l'année  tropitjue,  les  règles  du  calendi'icr 

(•)  «  =  35A.  a  =355,  è  =  38/i. 


LINK  li\TKni>OL\Tl()^i   l)L   CUE  KL  127 

chinois  ne  larderont  pas  à  produire  une  variante.  Chavannes 
s'en  est  aperçu  et  il  a  publié  une  Note  rectificative  dans  le  cou- 
rant de  la  même  année  [T'oung  Pao,  décembre  1896).  Mais  il 
ne  voit  pas  la  cause  réelle  de  la  variante,  ne  recherche  pas  si 
elle  s'explique  par  les  règles  antiques  du  calendrier  chinois  et 
l'attribue  à  une  décision  arbitraire  modifiant  cda  formule  de 
rintercalation?)  : 

A  l'époque  des  Han  postérieurs ,  la  formule  de  rinlercalatioii  sera  la 
suivante  pour  une  période  tchang  que  je  pnmds  de  Tannée  /ia  à  l'année 
Go  après  J.-C.  : 

a  b  a  a  b  a  b  a  a  b  a  a  b  a  b  a  a  b  a. 

On  ne  doit  pas  être  surpris  que  la  formule  de  l'intercalation  ne  soil 
pas  la  même  sous  les  Han  postérieurs  que  sous  les  Han  antérieurs;  en 
effet ,  celle  Ibnnule  a  souvent  varié  ;  en  voici  une  nouvelle  preuve  qu'on 
j)enl  tirer  des  écrits  de  l'époque  des  Sang  ;  considérons  une  j)ériode  de 
1 9  années  comprise  de  1126  à  1 1  /»3  après  J.-G.  ;  entre  celte  péinode  et 
celle  que  nous  avons  considérée,  tant  pour  l'époque  des  Han  antérieurs 
(|ue  pour  celle  des  Han  postmeurs,  il  s'est  écoidé  un  nombre  entier  de 
pi'riodes  icliang^';  cependant  la  formule  de  l'intercalation  pour  cette 
période  se  trouve  être  différente  etc.  1  [voir  le  tableau,  p.  5i5]. 

Ainsi  la  méthode  du  calendrier  perpétuel  et  arbitraire  se 
serait  prolongée  jusque  sous  les  Soiig  !  A  quelle  époque  Cha- 
vannes attribue-t-il  donc  les  règles  du  calendrier  chinois  que' 
les  Jésuites  ont  trouvées  en  vigueur? 

Reste  encore  à  examiner  la  solution  du  problème  que  Cha- 
vannes appelle  le  troisième  : 

3°  Ce  senties  années  99  et  i(i8  av,  J.-C.  (pii,  dans  l'ensendjle  de 
i52  années  dont  j'ai  établi  la  chronologie  exacte,  comptent  35/i  jours 


'*'  Celle  reniarquo  montre  à  quel  jidiiit  Cliavannes  méconnaissait  que  le 
calendrier  cliinois  est  fondé  sur  l'année  solsticialc,  tropique,  dualisliquc, 
réelle.  Entre  les  premiers  Han  et  les  Song,  la  correction  jjn'fjorionne  est  d'une 
dizaine  de  jours,  dont  il  ne  lient  aucun  compte,  quoicpielle  lompe  la  conti' 
nuilé  cuir»!  les  ichaiig  de  ces  deux  dynasties. 


128  JLULLET-SKPTRMUr.l':   192-2. 

an   lieu  de   i)ô5   (jueiks  devraienl  («voir   si  oJlos  ;i|)|);iilci!i\i('iil  à   uik' 
période  tchang  de  6960  jours. 

Comme  une  période  julienne  de  76  ans  si^  décompose 
nécessairement  en  /i  Ichnng,  dont  un,  dans  le  calendrier  c'uhI , 
sera  inférieur  d'une  journée,  il  serait  en  effet  possible,  grâce 
au  calcul  de  la  date  et  de  l'heure,  de  déterminer  (par  exemple 
dans  une  période  arbitrairement  choisie  du  calendrier  russe) 
où  tombera  le  tchang  \e  plus  court,  en  tenant  compte  des  ano- 
malies qui  peuvent  produire  un  écart  de  1  0  heures  en  plus  et 
en  moins  dans  l'heure  de  la  conjonction  luni-solaire.  Mais 
c'est  pure  illusion  de  croire  qu'on  puisse  procédera  cette  déter- 
mination, pour  l'époque  considérée,  avec  le  petit  nombre  de 
textes  disponibles,  alors  surtout  qu'on  a  reconnu  une  indéter- 
mination d'un  jour  sur  la  date  des  mois.  11  est,  en  réalité,  im- 
possible de  préciser  quels  sont  les  tcliang  fictifs  de  G(|ào  jours 
et  quel  est  celui  de  6c)39  jours.  Chavannes  a  cependant  cru 
pouvoir  le  faire  et  l'assertion  semble  se  vérifier  par  le  lait  (juc 
son  tableau  lui  a  fourni  (solution  du  3"  problème)  les  dates  (ja 
et  i()8,  lesquelles  sont  précisément  distantes  de  7!)  ans.  Il 
faut  remarquer,  cependant ,  qu'on  a  là  deux  moutures  du  même 
blé,  car  ces  deux  dates  sont  déduites  des  mêmes  données  (en 
tout  vingt  textes)  transportées  conventionnellement  d'un  pou  à 
l'autre  (p.  5).  C'est  d'après  ce  transport  cjue  Chavannes  a  éta- 
bli le  tableau  (p.  2o-36);  et  c'est  après  avoir  composé  ce 
tableau  qu'il  s'est  aperçu  (n.  ri  de  la  p.  3)  que  «la  chronologie 
proposée  n'est  exacte  qu'à  un  jour  près,  c'est-à-dire  que  le  jour 
indiqué  comme  le  dernier  d'un  certain  mois  peut  avoir  été  en 
réalité  le  premier  du  mois  suivant  et  ricc-vcrsnn ,  ce  c[ui  rend 
illusoire  la  prétendue  distinction  entre  les  Icliang  de  69 A 0  et 
6989  jours.  Illusoire  est  donc  également  la  prétendue  preuve 
d'un  emploi  de  la  période  callippique  sous  les  Han  antérieurs. 

b)   Le  calendriei"  T'ai-lclioii  évalue  la  durée  de  la  lunaison  à 


UNE  INTERPOLATION  DU  ClIE  KL  129 

'^9  M  jours,  évaluation  équivalente,  nous  l'avons  vu,  à  celle 
(le  29  m  qui  se  déduit  de  la  période  de  76  ans.  On  pourrait 
voir  dans  cette  coïncidence  la  preuve  que  la  période  de  9/10  lu- 
naisons était  connue  des  premiers  Hnu.  iVIais  le  Tsic;)  Ha»  choit 
montre  clairement  que  cette  évaluation  29  |j-  est  tirée  de  la 
période  trlintig  de  1  9  ans,  laquelle  était  probablement  connue 
depuis  fort  longtemps.  Et  la  manière  dont  cette  évaluation  en 
est  tirée  prouve  justement  que  l'utilité  de  la  période  de  76  ans 
n'avait  pas  encore  été  remarquée. 

L'évaluation,  par  Méton,  de  la  période  de  19  années  a 
(i(j/io  jours  provient,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  de  ce  que 
les  Grecs  ne  connaissaient  pas  encore  l'évaluation  de  l'année  à 
365  1//1  jours,  évaluation  qui  fut  déduite,  un  siècle  plus  tard, 
(le  la  période  callippique.  Mais  les  Chinois,  qui,  depuis  un 
{jrand  nombre  de  siècles,  connaissaient  l'évaluation  365  ijli 
et  avaient  établi  d'après  elle  leur  division  de  l'équateur  en 
365  i/li  degrés,  n'avaient  aucune  raison  d'attribuer  6 9/10  jours 
à  la  période  icimng,  puisque  19  fois  365.25  font  6939.'75. 

D'autre  part,  cette  période  tcliimg  s'est  révélée  aux  Chinois 
comme  découlant  de  la  règle  des  tchong  lî'i,  laquelle  déduit 
le  rang  des  années  intercalaires  du  rang  du  mois  intercalaire 
dans  l'année'''.  Ce  lien  entre  le  tchang  et  les  ts'ie-ki^-^  est  exposé 


■  ')  I^oiir  simplifuT  les  idées,  prenons  l'évaluation  de  l'année  à  366  jours 
(exprimée  dans  le  Yao  tien  sous  la  forme  3oo  -}-  fio  -f-  6,  qui  décèle  une  phi- 
losophie des  nombres),  d'oîi  résulte  l'évaluation  3o.5  jours  pour  le  mois 
soiaiie,  c'est-à-dire  1  jour  de  plus  que  le  mois  lunaire  (3o.5  —  29.6  =  1). 

Concevons  maintenant  deux  règles,  graduées  l'une  à  des  intervalles  de 
3o  millim.  5  et  l'autre  de  aQmillim.  5,  représentant  le  roulement  indélini 
des  tcliniig  k'i  et  des  lunaisons.  Faisons  coïncider  le  point  de  départ  de  ces 
deux  règles,  ce  qui  roprisenle  le  solstice  se  produisant  en  même  temps  que  la 
néoménie-,  puis  cherchons,  le  long  de  la  règle,  quelles  sont  \ç^  lunaisons  qui 
tombent  entre  deux  tcluniir  l/i  |^  J^  1^  ^  ^  o  ^"  ohtiendra  ainsi ,  à  la 
fois,  le  rang  du  mois  intercalaire  et  le  rang  des  années  intercalaires. 

'■-'  Les  13  k'i  sont  divisés  en  a^i  tsie  k'i,  dont  12  représentent  le  mi7i«tt 
des  dodécatémories  et  1  a  leur  limite. 


130  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

dans  le  T^'im  Hait  chou ,  où  le  détail  numérique  de  la  réparti- 
tion est  indiqué  et  d'où  le  rang  des  années  dans  le  Ichang  est 
déduit  de  ce  calcul  *^^. 

Dans  ces  conditions,  l'évaluation  de  la  durée  de  la  lunaison 
est  la  même,  qu'elle  soit  déduite  de  la  période  de  19  fois 
365.25  ou  de  la  période  de  76  fois  365.25.  L'évaluation 
29  gj  qu'on  trome  dans  le  calendrier  T'ai-tch'ou  et  dans  le 
calendrier  San-t'ong  ne  suppose  donc  aucunement  la  considé- 
ration particulière  de  -76  années  et  9/10  lunaisons. 

Non  seulement  cette  période  de  -76  années  n'est  pas  men- 
tionnée dans  les  chapitres  calendériques  du  Ts'ien  Han  chou, 
mais  encore  la  théorie  numérique  de  cette  époque  l'en  exclut. 
Toute  cette  théorie,  basée  sur  le  système  de  Lo-hia  Hong  divi- 
sant le  jour  en  81  parties,  repose  sur  le  chiilre  19,  qui  est 
celui  des  années  du  tchang:  81  X  19=1539,  période  appelée 
long  ^^,et  3x  i539  =  /i6i7,  période  appelée  yuan  7c,  qui 
est  précisément  la  période  de  à&i'j  ans  présentée  à  l'empereur 
Wou  comme  renou\  elée  par  son  calendrier  T'ai-tch'ou  '^'. 

'')  Lu  li  tche,  2"  partie,  p.  1,  5,  8.  —  GauLil  a  résumé  ce  cliapitre  dans 
le  recueil  de  Souciet ,  II ,  p.  6  et  suiv. 

(-'  Dans  l'énumération  des  notions  numériques  qui  fait  l'objet  des  premières 
pages  du  deuxième  chapitre  Lu-li  du  IVien  Ihvi  chou,  il  est  dit  que  û  années 
font  i46i  jours,  ce  qui  est  une  manière  d'exprimer  l'évaluation  julienne  de 
365.2.5.  Comme  le  nombre  iSSg  des  années  du  t'ong  n'est  pas  divisible  par 
II,  non  plus  que  le  nombre  19  des  années  du  tchang,  il  eu  résulte  que  ces 
périodes  tfne  sont  pas  pleines'i  ^  ^ .  C'est  uniquement  à  cause  des  théories 
métaphysiques  associant  les  tubes  musicaux  au  calendrier  (d'où  le  nom  Lu  li 
du  cliapitre)  que  Lo-hia  Hong  a  institué  ces  périodes  incommodes  sur  des 
multiples  impairs  de  9  et  de  19.  Mais  en  faisant  le  décompte  d'après  l'évalua- 
tion de  l'année,  on  savait  fort  bien  que  le  nombre  des  jours  contenus  dans 
ces  périodes  ne  s'exprimait  pas  par  un  nombre  entier,  comme  eu  témoigne 
l'évaluation  de  la  durée  de  la  lunaison  et  l'application  de  la  règle  des  tchong  k'i. 

Quand  on  renonça  à  la  métaphysique  du  chiffre  9,   le  plus  petit  commun 
multiple  de  U  et  de   19  (76)  s'imposa   comme  base  nouvelle.   Mais  cela  ne 
changea  pas  Tévaluation  de  la  lunaison.  L'assertion,  admise  par  l'empereur' 
Tchaiig  lui-même  {IJcou  Hun  Lu4i ,  II,  p.  1  et  a),  que  la   nouvelle  théorie 
Sseu-fait  expliquîiit   les  erreurs  constatées,  notamment   en   l'an   32  et  63  de' 


LiNE  INTERPOLATION  DU   CHE  Kl.  131 

Si  maintenant  nous  nous  reportons  au  chapitre  analogue 
(lu  Hcou  Han  chou  consacré  aux  notions  des  Hnn  postérieurs 
(Lm  li  tche,  3"  partie,  p.  i  v"),  nous  y  trouvons  la  transforma- 
tion (le  cette  règle  de  trois  (H  Jf^)  en  règle  de  quatre  (P9 

La  règle  du.  yuan  7c  est /i56o. 

La  règle  du  Ici  ^  est  i590. 

La  règle  du  pou  ^  est  76. 

La  règle  du  Ichang  "^  est  19. 

...  Le  point  de  départ  de  l'aunce  astronomique  ^  '^  est  le  sol- 
stice. Le  point  de  départ  de  la  lunaison  est  la  conjonction.  Quand  le 
solstice  et  la  conjonction  se  produisent  le  même  jour  [mais  non  à  la 
même  heure] ,  cela  s'appelle  un  tchang.  Quand  ils  se  produisent  au  point 
de  départ  de  la  jonrm^e  (minuit),  cela  s'appelle  un  pou.  Le  pou  qui  se 
termine  avec  le  cycle  sexagésimal  des  jours  5^  "h]  s'appelle  un  Ici;  et 
s'il  tombe  en  outre  sur  le  renouvellement  (du  cycle  sexagésimal)  des 
années  *'',  cela  s'appelle  un  yuan. 

notre  ère,  est  une  niaiserie.  On  soujtçonuait  d'ailleurs  que  ces  irréjjularités  se 
trouvaient  aussi  en  rapport  avec  le  déplacement,  nouvellement  constaté,  du 
solstice;  hypothèse  alors  logique,  puisque  les  tsie  k'i,  d'où  découlait  la  règle 
d'intercalation,  étaient  liés  au  solstice  et  à  un  point  fixe  du  firmament. 

En  réalité  les  erreurs  constatées  provenaient  :  1°  de  l'inexactitude  des 
périodes  luui-solaires  fondées  sur  une  apj)roxiaiatiou  insuffisante  de  l'année  et 
d(!  la  lunaison  :  2°  sur  les  anomalies  de  la  lune.  Ces  deux  causes  furent  bien- 
tôt édaircics  et  reng(iu<'ment  passager  pour  la  période  pou  n(î  dura  que  pen- 
dant le  court  intervalle  (lao  ans]  séparant  la  publication  du  traité  K'ien 
si(ui(j  ^  ^  de  celle  du  traité  Sseu-fan.  L'iiistorien  Pan  knti,  qui  écrivait  à 
la  fin  du  1"  siècle  de  notre  ère  sous  l'influence  de  la  théorie  Sseu-fan,  croyait 
avoir,  dans  la  période  pou,  une  règle  absolue  permettant  de  fixer  le  jour  et 
l'heure  des  néoménies  et  des  solstices  du  plus  lointain  passe;  à  son  époque, 
la  règle  des  Iclioiij^  k'i  semblait  se  résumer  dans  le  tableau  d'une  période  de 
76  ans  indéliuiment  renouvelée.  Il  fallut  en  raiiiitlre  quand  on  découvrit 
l'inexactitudfî  de  ce  tableau:  et  la  règle  antique  reprit  ses  droits  jusqu'à  Tiu- 
tervention  des  Jésuites. 

('>  L'expression  ^  ^  ^  seiait  difficile  à  comprendre  si  elle  n'était 
éclairée  par  les  chiffres.  Le  ~j^  est  un  commun  multiple  de  7G  et  60  années, 
tandis  que  le  J^  est  un  conunun  multiple  de  7G  et  80  années,  la  période  do 
80  anné'cs  juliennes  ramenant  la  même  nnlatiou  cyclique  des  joiu's.  Cette  der- 
nière constatation  a  été  attribuée  à  Gawbil  par  Kritsclie  et  Chavannes  {M.  IL, 


132  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

Mais  il  y  a  plus.  Les  inductions  tirées  de  ces  données  numé- 
riques sont  contirmées  explicitement  par  le  chapitre  du  Heou 
Han  chou  {^Lu-h  tche,  2*  partie)  consacré  à  l'historique  des  dis- 
cussions calendériques  ^  fj^  '^l  Dès  les  premiers  mots,  il  y  est 
spécifié  que  «à  partir  de  la  1™  année  t'ai-tch'ou  (lo/i  av.  J.-C.) 
commence  l'application  de  la  théorie  San-tong  §  :ic  ¥J  7C  ^ 
§^  ^  H  l^jt ')'-). 

Cette  fixation  du  yuan  par  un  multiple  de  19  sous  les  Han 
antérieurs  et  de  76  sous  les  Han  postérieurs  est,  en  définitive, 
la  raison  d'être  du  nom'^^  des  deux  calendriers  San  t'ong  3  M 
et  Sseu  fan  pQ  ^  ^  qui  représentent  respectivement  les  notions 
des  Han  antérieurs  et  des  Han  postérieurs. 

Le  chapitre  du  Ts'ien  Han  chou  consacré  aux  notions  àesHnn 
antérieurs '^^  débute,  en  effet,  par  ces  propositions  fondamen- 
tales : 

La  (théorie  San-]t'ong  est  basée  sur  la  division  du  jour  en  81  par- 
ties . . . 

I,  p.  xcix);  mais  Gaiibil  lui-mèmo  la  donne  comme  tirée  du  Ts'ien  ïlan  vhnu, 
eu  faisant  proljabiement  une  confusion  avec  le  Hmu  Han  chou  (comp.  T'oung 
Pau,  1896,  p.  17  et  Lettres  Edif.,  XIV,  p.  3o5,  éd.  de  Lyon). 

(')  L'élymologie  du  terme  ^  est  fort  difl'érente  de  celle  de  notre  mot 
calendrier.  Il  signifie  computation  ;  c'est  pourquoi  les  expressions  telles  que 
J-^  îf^  ®  désignent  dos  ti-aités  ou  des  théories  plutôt  que  des  calendriers. 
Pour  la  même  raison,  j^  ^^  ne  suppose  pas  ici  des  changements  dans  les 
règles  —  à  peu  près  immualilos  —  du  calendrier  chinois,  mais  seulement  la 
discussion  de  théoi'ies  en  rapport  avec  les  computations  calendériques. 

f'^'  CeUe  indication  est  conqjlétée,  à  la  page  18  du  chapitre  suivant,  par 
cet  autre  renseignement  :  rtLieou  Hin  fit  le  traité  San-t'ong  en  prenant  comme 
Chang  yuan  _L  T^  ^'origine  i'ai-tch'ou  de  la  précédente  génération.  Le  calen- 
drier t'ai-tch'ou  resta  en  vigueur  jusqu'à  la  période  ^  ^p  de  l'empereur 
Tchang  (Si  apr.  J.-C.).^?  On  voit  jiar  là  que  le  San-t'ong  est  une  théorie, 
puisque  le  principe  en  est  aj)pliqué  dès  l'an  10/1  av.  J.-C,  longtemps  avant  la 
naissance  de  Lieou  Ilin,  lequel  mourut  au  début  de  notre  èi'e. 

(3-6)  (.1)  L,j  mjm  de  San  t'ong  (Les  trois  principes)  fait  allusion  à  la  trinilé 
cric  Ciel,  la  Terre  et  l'Hommen,  qui  figure  dans  la  métaphysique  de  ce  traité. 
Mais,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  dans  tous  les  calendriers  de  cette  époque, 
les  notions  numériques  étaient  mises  en  relation  avec  les  théories  métaphy- 


UNE  INTERPOLATION  DU  CHE  Kl.  133 

La  règle  de  l'inlercalation  est  19,  ce  qui  donne  lieu  à  la  période 
tchang .  .  . 

La  règle  du  t'ong  -^^  est  iSSg.  .  . 

La  règle  du  yuan  "%  est  6617;  la  règle  des  trois  t'ong  H  t^  con- 
duit à  la  règle  du  yuan.  .  . 

On  voit,  en  résumé,  que  la  période  pou  ne  fut  pas  prise  en 
considération  avant  les  Han  postérieurs,  mais  que,  la  période 
frhnng  étant  déduite  de  la  règle  d'intercalation  et  de  l'évalua- 
tion 365,95  de  l'année,  les  Chinois  obtenaient  la  même  éva- 
luation de  la  durée  de  la  lunaison  par  la  période  de  1  9  ans  ou 
par  la  période  de  76  ans. 

c)  Le  chapitre  du  Che  ki  sur  les  sacrifices  Fong  et  Chnn  con- 
tient un  passage  relatif  à  une  période  luni-solaire. 

Nous  avons  vu  que  les  circonstances  exceptionnelles  du  sol- 
stice du  2  5  décembre  de  l'an  io5  décidèrent  l'empereur  Wou 
à  opérer  la  réforme,  depuis  longtemps  attendue,  restaurant  le 
type  normal  du  calendrier  antique,  réforme  qui  fut  le  point 
de  départ  t'ai-tch'ou  des  temps  nouveaux.  Or  un  des  person- 
nages qui,  à  ce  propos,  exploitaient  la  crédulité  du  Fils  du 
ciel,  un  certain  Kong-siien  K'ùig,  lui  fit  observer,  en  l'an  1 13, 
que  le  solstice  allait  tomber,  à  la  fin  de  l'année,  au  matin,  sur 
un  jour  ^  E<  premier  du  mois,  et  en  tirait  la  conclusion  que 
l'époque  actuelle  coïncidait  avec  celle  de  Houang  ti  ;  car  il  pré- 
tendait posséder  un  livre  d'après  lequel  : 

le  solstice  t'taiil  tombé,  au  mafin,  sur  un  jour  £,  ^  f[ui  était  le 
premier  du  mois,  Houang  ti  calcula  d'avance  les  jours  en  supputant  les 

siques  à  la  mode.  —  '''  Lu  li  tclw ,  n°  partie.  —  C'est  avec  laison  que  Gaubil 
appelle  ce  chapili'e  ff L'astronomie  de  Lo-hia-liong  et  de  Lii-au  Hiur>,  car  les 
données  qu'on  y  trouve  proviennent  soit  du  traité  de  Licou  llin ,  soit  du  calen- 
drier T'ai-tch'ou  (par  exemjjlc  la  mesure  des  sieoti),  soit  de  Lo-hia  Hong  (par 
eieniple  la  division  du  joue  en  81  parties).  Il  résume  les  idées  d'astronomes 
qui  vécurent  à  un  siècle  de  distance. 


134  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

liges  (l'acbilléc;  après  environ  ao  années,  ie  solstice  d'hiver  retoniliait 
de  nouveau  sur  le  premier  jour  du  mois  au  matin.  Lorsqu'il  eut  tait 
20  fois  ce  calcul,  ce  qui  embrassait  une  période  de  38o  ans,  Houang  ti 
devint  un  bienheureux  et  monta  au  ciel  {M.ti.,  III,  p.  485). 

Dans  ce  texte,  où  ne  figurent  ni  ie  terme  j)ou,  ni  le  nombre 
-jÇ^^  le  solstice  est  représenté  comme  tombant,  à  la  fin  de 
chaque  période  de  i^  ans,  sur  la  même  partie  du  jour  (le 
matin),  alors  que  la  considération  de  la  période  pmi  repose, 
au  contraire,  sur  le  fait  que  chaque  période  tchnng  s'achève 
successivement  sur  les  divers  quarts  de  la  journée,  comme 
l'indique  la  première  colonne  du  tableau  interpolé  dans  le  Clœ 
hi,  conformément  à  la  théorie  P9  ^  exposée  par  Li  fang  ^ 
^^.  Cet  intéressant  passage  témoigne  donc  bien  exactement 
des  connaissances  de  l'époque.  La  période  de  i  9  ans  est  en 
effet  impliquée  dans  le  nombre  (20  x  19  =)  3 80,  énoncé  par 
Kong-suen  K'ing;  et  son  affirmation  que  la  période  se  ter- 
mine ,  chaque  fois ,  le  matin ,  montre  qu'on  n'avait  pas  encore 
tiré  au  clair  le  fait,  implicitement  indiqué  dans  la  théorie  de 
Lo-hia  Hong,  puis  mis  en  lumière  par  la  théorie  Sseu-fan,  que 
cette  période  de  1  9  ans  s'achève  successivement  à  o'\  1 8'\  1  9'' 
et  6^ 

d)  Il  ne  reste  donc  plus,  comme  indice  d'une  prétendue 
connaissance  de  la  période  pou  à  l'époque  de  Sseu-ma  Ts'ien, 
que  la  présence  du  tableau  de  76  années  à  la  fin  du  cha- 
pitre XXVI  du  Che  ki.  Or  ce  tableau  est  une  évidente  interpola- 
tion. 

Dès  l'nbord,  il  frappe  par  sa  sécheresse.  Sseit-ma  Tnien  pré- 
tendait faire  une  œuvre  httéraire  et  non  un  traité  d'arithmé- 
tique. «Collectionneur  de  vieux  documents 5),  il  se  soucie  fort 
peu  de  transmettre  des  détails  techniques  et,  précisément  dans 
ce  chapitre  sur  le  calendrier,  on  a  lieu  de  regretter  qu'il  se 
soit  borné  à  juxtaposer  les  lieux  conuuuns  de  la  phraséologie 


UNK  INTERPOL \TION  Dl    (;///•;  KL  135 

classique  concernant  l'importance  du  calendrier.  Il  est  invrai- 
semblable qu'après  s'être  absteini  de  mentionner  ni  la  période 
tchang,  ni  la  période  pou,  il  eût  ainsi  déparé  son  ouvrage  par 
de  fastidieuses  pages  de  chiffres  arides. 

Cependant,  puisque  Chavannes  ne  mentionne  aucune  sus- 
picion élevée  parla  critique  chinoise  à  son  sujet,  et  puisque  le 
mathématicien  Mei,  à  la  fin  du  xvif  siècle,  y  voyait  un  calen- 
drier des  Yin,  il  faut  admettre,  chose  étrange,  qu'aucun  lettré 
n'a  été  frappé  du  contraste  existant  entre  ce  tableau  et  les 
notions  des  Hau  antérieurs.  Puisque  Mei  a  conçu  sa  bizarre 
hypothèse  en  feuilletant  le  premier  chapitre  Lu-U  du  Ts'ien  Han 
chou,  il  lui  eût  cependant  suffi  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  le 
deuxième  pour  constater  l'anachronisme. 

D'autre  part,  les  remarques  déjà  faites  par  Chavannes  — 
interpolation  de  la  colonne  des  nien-hmo,  inexactitude  des 
explications  finales  du  tableau  et  anachronisme  contenu  dans 
son  titre  —  achèvent  de  le  rendre  suspect,  avant  même  de 
faire  intervenir  l'historique  de  l'astronomie.  Or  cet  historique, 
fort  bien  résumé  par  Gaubil,  établit  que  la  période  de  76  ans 
était  inconnue  avant  le  règne  de  l'empereur  Tchang.  Le  tableau 
porte  donc  la  marque  de  l'époque  (85-!2oG  de  notre  ère)  où 
la  période  pOM  fut  en  vogue.  Pan  kou,  qui  écrivait  en  ce  temps- 
là,  ayant  sous  les  yeux  le  Che  ki,  le  calendrier  T'ai-tch'ou  et  le 
calendrier  San-t'ong,  a  collationné  les  notions  des  Han  anté- 
rieurs et  n'y  a  trouvé  aucune  mention  de  la  période  de  76  ans. 
C'est  donc  postérieurement  ù  Li  fang  et  à  Pan  kou  que  le  tableau 
en  question  a  été  interpolé  dans  l'œuvre  de  Sseu-ma  Ts'ieu. 


MÉLANGES. 


QUELQUES    OBSERVATIO\S 
SUR    LEZOUR-VKDAM    KT    SON    AUTEUR. 

Au  cours  des  dernières  années,  plusieurs  savants  ont  fait 
mention  de  ÏEzour-Védajn  :  M.  Julien  Vinson,  dans  la  Revue 
de  Imgw'stKjue,  35,  978  et  suiv.;  Windisch,  dans  le  Gnmdriss 
der  indo-nrischen  PliiL,  I,  ib,  p.  8  et  suiv.;  M.  Caland,  dans 
Verslngen  en  Medcdedingen  der  Kon.  A  Lad.  van  W' etcnscliappen , 
Afd.  Letterkunde,  5,  Reeks,  vol.  111,  p.  290  et  suiv.;  et 
M.  Zachariae  dans  une  très  importante  revue  de  l'œuvre  de 
M.  Caland,  Gôtt.  gel.  Anzeigen,  1921,  p.  167.  Mais  personne 
n'a  encore  précisé  qui  a  composé  ce  curieux  ouvrage,  auquel 
naguère,  grâce  aux  louanges  de  Voltaire  et  aux  commentaires 
de  Sainte-Croix,  s'est  attachée  une  grande  renommée;  M.  Vinson 
a,  sans  nul  doute,  fourni  un  moyen  de  l'identifier  et  a  même 
mentionné  son  nom,  mais  il  l'a  fait  seulement  sous  forme 
d'hypothèse  et  n'a  point  poursuivi  ses  recherches  dans  la  direc- 
tion indiquée. 

Ecartons  en  premier  lieu  l'opinion  de  l'éditeur,  le  haron  de 
Sainte-Croix,  qui,  dans  ses  Ohser  rai  ions  pn'linunaires,  p.  1/16 
et  suiv.,  présume  qu'un  te  philosophe  Ganigueul»  —  c'est-à- 
dire  un  ascète  du  Sud  de  l'Inde  —  aurait  été  l'auteur  du  texte 
original  de  YE:aui-Vi'd(im.  Déjà  Francis  Eilis,  (|ui  a  découvert 


MELANGES.  137 

et  reproduit  dans  les  Asiatic  Researches,  XIV,  i-Sg,  les  origi- 
naux écrits  dans  un  sanscrit  très  incorrect  de  plusieurs  de  ces 
Védams,  a  remarqué  que  ces  textes  ne  sauraient  avoir  été  com- 
posés par  des  Hindous.  Il  me  paraît  tout  à  fait  évident  qu'ils 
ne  l'ont  pas  été  :  car  un  Hindou  appartenant  aux  castes  infé- 
rieures, auxquelles  s'est  toujours  appliqué  avec  le  plus  de  pré- 
dilection le  zèle  des  missionnaires,  ne  saurait  certainement  pas 
composer  une  seule  ligne  sanscrite  et  n'aurait  pas  assez  de  con- 
naissances en  mythologie  brahmanique  pour  pouvoir  écrire  de 
ces  traités  où  abondent  des  allusions  de  cette  sorte.  D'antre 
part  un  prosélyte  appartenant  à  une  haute  caste  —  disons  par 
exemple  un  brahmane  —  possédant  le  sanscrit  et  sachant  par 
cœur  les  mythes  et  les  dogmes  de  sa  religion,  n'eût  jamais 
composé  en  mauvais  sanscrit  des  œuvres  très  incorrectes  et 
parfois  totalement  contraires  aux  conceptions  indiennes.  Remar- 
quons seulement  que  la  théorie  de  la  métempsycose  n'est 
point  admise  par  VEzour-Védam;  elle  est  expressément  désa- 
vouée dans  le  volume  II,  p.  186-197,011  il  est  parlé  de  l'éter- 
nité des  peines  de  l'enfer  et  des  récompenses  du  ciel,  et  où 
«Chumontour  dit  qu'après  la  mort  il  n'y  a  point  de  nouvelle 
naissance.  Dans  le  même  volume,  p.  1  2^  ,  on  lui  fait  dire  que 
les  débauches  et  la  vie  de  péché  sont  la  véritable  raison  des 
maladies;  et  les  maladies  causent  la  mort  :  cr  voilà  la  vraie  cause 
de  la  différente  durée  de  la  vie  des  hommes».  Mais  cette  con- 
ception physiologique  et  naturaliste  n'est  point  celle  des  Hin- 
dous; pour  eux  la  durée  de  la  vie  est  déjà  prédestinée  par 
l'amas  du  karman  bon  ou  mauvais  [punya  ou  papa)  que  l'indi- 
vidu a  ramassé  dans  des  existences  antérieures.  Déjà  Sainte- 
Croix  (vol.  II,  p.  i85,  note)  a  parlé  de  la  possibilité  d'une 
influence  chrétienne;  il  y  a  possibihté  et  plus  encore.  Nous 
pouvons  soutenir,  sans  craindre  de  nous  trop  éloigner  de  la 
vérité,  que  VEzonr-Védam  fut  composé  par  un  chrétien  euro- 
péen qui  avait  arquis  uno  certaine  connaissance  du  sanscrit  et 


138  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

assez  de  théologie  brahmanique  pour  discuter  cette  dernière, 
mais  en  faisant  des  fautes  parfois  très  graves. 

Mentionnons  encore  le  célèbre  P.  Roberto  de'Nobih  (1077- 
i656),  ce  génial  fondateur  de  la  mission  si  fructueuse  de  Ma- 
duré,  auquel  on  a  souvent  attribué  la  composition  de  notre 
texte.  Dans  les  Asiatic  Researches,  XiV,  3o  et  suiv.,  Ellis  a  dis- 
cuté la  probabilité  de  cette  hypothèse;  il  est  arrivé  à  ce  résultat 
que  le  P.  Nobili  a  pu  être  l'auteur  de  XEzour-Yédam,  et,  après 
Ellis,  on  a  beaucoup  écrit  pour  ou  contre  cette  possibilité ^^'. 
Mais  Nobili  n'est  certainement  pas  l'auteur  de  ce  texte.  Il  a 
passé  toute  sa  vie  de  missionnaire  dans  l'extrême  Sud  de  l'Inde , 
et  XEzour-Yédam  appartient  —  comme  l'a  prouvé  Ellis  lui-même 
(et  après  lui  M.  Vinson)  — -  à  la  région  du  Bengale.  Nous 
aurons  bientôt  à  parler  de  son  pays  d'origine.  D'ailleurs,  le 
P.  de'  Nobili,  connu  encore  dans  le  Sud  sous  son  nom  de 
Tattvabodhasvâmî  et  fameux  par  ses  compositions  tant  en  sanscrit 
qu'en  langue  tamoule,  considérées  comme  de  vrais  chefs- 
d'œuvre,  n'eût  jamais  écrit  un  livre  contenant  tant  de  fautes  et 
prouvant  une  telle  ignorance  de  la  langue  sacrée  des  brah- 
manes. 

Tous  les  mots  sanscrits  conservés  dans  YEzour-Védam,  qui 
sont  parfois  très  difficiles  à  identifier,  témoignent  de  la  pro- 
nonciation qui  prédomine  dans  le  Bengale  et  peut-être  dans 
rOrissa.  ElHs  t^*  a  discuté  quelques  détails  de  l'orthographe  et 
de  la  |>rononcialion  qui  mettent  ce  fait  hors  de  conteste,  et  l'on 
pourrait  ajouter  beaucoup  à  ses  observations,  si  cela  n'était 
superflu.  Il  est  aussi  très  remarquable  que  dans  tout  le  livre  le 
dieu  Siva  ne  joue  pas  un  rôle  important,  ce  qui  atteste  aussi 
une  origine  non  méridionale.  Par  contre  le  dieu  suprême  est 

(')  Daus  MicHAUD,  Biog)-aphie  univ.,  XXXVIII,  /109,  note,  on  suppose  que 
Nobili  est  i'uuleiir  de  VEzour-Védam;  daus  le  uièmu  ouvrage,  XXXIX,  5/i6, 
il  est  dit  :  «aujourd'hui  que  l'on  couuait  l'auteur  de  ïEzuur-Védam-n, 

*^'  Atiatu'  lifsfarches ,  \IV.  i3.  , 


MELANGES,  139 

ici  Visnu,  ou  plutôt  Visnu  manifesté  en  jeune  Krsna,  trait 
caractéristique  de  la  religion  du  Bengale '''.  La  figure  de  Krsna 
prédomine  à  ce  point  que  l'auteur  dit  (vol.  II,  p.  1 1  a  et  suiv.) 
que  Prahlâda,  le  fils  du  démon  Hiranyakasipu,  invoqua  ce 
dieu  quand  son  père  lui  voulut  faire  injure;  co  qui  est  au  point 
de  vue  indien  une  absurdité,  car  Hiranyakasipu  et  Prahlâda 
vivaient  au  temps  de  la  quatrième  incarnation  de  Visnu ,  alors 
que  Krsna  était  lui-même  la  huitième. 

D'ailleurs ,  l'auteur  montre  une  connaissance  très  exacte  de 
la  province  d'Orissa  et  du  culte  de  Jagannâth  à  Purl.  Il  connaît 
l'existence  des  trois  idoles  Jagannâth,  Subhadrâ  et  Balarâma 
dans  le  grand  temple;  il  n'ignore  pas  que  les  prasâds  de  Ja- 
gannâth peuvent  être  mangés  par  toutes  les  castes  sans  diffé- 
rence (II,  p.  1  /»7);  il  sait  aussi  qu'on  adore,  dans  ÏUlknladesa  , 
Krsna  «sous  la  figure  d'un  tronc  de  ])ois»  (II,  p.  i3o),  et  il 
raconte  conformément  à  cette  notice  une  légende  concernant 
le  roi  Indradyumna,  la  construction  du  temple  à  l'emplace- 
ment du  vieux  sanctuaire  enseveli  sous  les  flots  et  les  sables  et 
la  consécration  de  l'idole  inachevée  de  Jagannâth  —  légende 
qui  a  des  rapports  avec  un  épisode  du  Mahâbhârata  (III,  199) 
et  qu'on  raconte  encore  à  Purï  ^'-l  Ensuite  il  parle  longuement 


(''  Peut-être  a-t-on  supposé  k  VEtour-Védain  une  orîjjiue  méridionale  parce 
que  l'éditeur,  Sainte-Croix,  a  apparemment  fait  usage  de  sources  raéridio- 
naios.  Ce  sont  entre  autres  la  traduction  du  Bhâgavata-Piiràiia  par  Maridas 
PouLi.É,  dont  des  manuscrits  se  trouvaient  alors  à  Paris  (voir  Hihliothèque  de 
S.  de  Sary,  I,  3f6);  les  livres  trôs  célèbres  d'Alirabam  Rojjer  (trad.  française 
par  La  Grue,  1670)  et  de  La  Croze,  et  avant  tout  un  manuscrit  sur  le  paga- 
nisme indien  écrit  par  un  missionnaire  dans  le  Sud  de  l'Inde  (voir  sur  ce 
manuscrit  les  renseignements  importants  de  M.  Zachaule,  GÔU.  Nacltrichten, 
1918,  p.  9  et  suiv.).  Dans  les  observations  préliminaires,  il  cite  aussi  une 
géographie  tamoule,  Puvuana-Sahkaram  {—  Bhuvana-cakram),  d'après  Baïeh, 
Hist.  regni  Grtecovum  Bactriani,  p.  9, 

<*)  Voir  Ward,  Tlie  Hinduos,  II,  i()3;  Tbohston,  dûtes  and  Tnbei  uf 
S.  hidia,  \I,  1*19;  CnooKi:  dans  l'Kncvdopédie  de  Haslings,  Vil,  At)4;  E.  0. 
Martin,  The  Goda  oj  India ,  y.  \h\  et  suiv.;  etc. 


UO  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

de  la  iégende  de  Gajâsura,  dont  il  a  confondu  ie  nom  avec 
celui  du  lieu  sacré  de  Bodli-Gayâ,  où  se  trouve  l'empreinte  du 
pied  de  Visnu'^';  dans  ce  récit  on  trouve  (II,  p.  i63)  une 
note  très  importante  dans  laquelle  on  lit  :  «  Ce  paya  ('^'  est  à 
l'ouest  de  Chaud einmgor,  et  en  est  éloijJtié  d environ  ia5  journées; 
interpolation  du  traducteur,  ^i  Le  et  traducteur  55  (qui  est  certai- 
nement aussi  l'auteur  de  l'original  qu'il  a  traduit)  a  par  consé- 
quent vécu  à  Chandernagor  quand  il  a  écrit  son  ouvrage. 

Nous  avons  donc  cru  pouvoir  constater  que  l'auteur  était  un 
chrétien  d'Europe,  qui  avait  acquis  dans  le  Bengale  et  l'Orissa 
une  certaine  connaissance  du  sanscrit  et  de  la  théologie  hindoue , 
et  qui  vécut  à  Chandernagor.  Sans  nul  doute  c'était  un  mis- 
sionnaire, et,  selon  toute  vraisemblance,  un  membre  de  la 
Compagnie  de  Jésus.  En  effet,  lorsqu'au  dernier  chapitre  du 
second  volume  il  parle  du  mariage,  il  fait  une  allusion  — 
pourtant  bien  détournée  —  aux  rites  Malabares.  qui  consti- 
tuaient depuis  la  mission  du  cardinal  de  Tournon  un  point  de 
discussion  plus  brûlant  que  jamais  entre  les  Jésuites  et  leurs 
adversaires,  il  déclare  (II,  p.  198-200)  que  l'on  doit  couvrir 
les  jeunes  époux  «de  fleurs  d'or 55,  ce  qui  revient  à  dire  qu'on 
doit  nouer  le  taly,  signe  du  mariage  admis  par  les  Jésuites, 
—  et  qu'on  doit  accompagner  les  nouveaux  mariés  en  leur 
maison  au  son  d'instruments  de  musique,  cérémonie  caractéris- 
tique des  Hindous. 

On  sait  que  Sonnerat'^^  s'est  gardé  d'admetire  l'opinion  de 
Voltaire  et  d'autres  auteurs,  qui  tenaient  VEzonr-Védnni  pour 
un  texte  très  précieux.  Il  paraît  évident  que  Sonnerat  a  appris 
dans  rinde  quelque  chose  de  positif  sur  la  composition  de  cet 
ouvrage;  — seulement  il  crut  qu'il  avait  <''té  composé  à  Masu- 

'')   Voir  Oslaxiatisclie  Zeitichrifl ,  ^ll,  5  et  siiiv. 

''^^  H  s';ij;it  d'une    ri''j;ioii  a])peléo   Maijnoilfclidii  :  (hms  ce  nom.   jo  no  sais 
identifier  (|ue  lo  sccdiid  nietnltrc,  "ili-sa. 

'■'■    I  ()i/«/j'V'.s  aii.r  finies  (hii'iilalen  i-l  à  la  CJunc  (i'^i*i-i  ) .  I,  p.  aiâ. 


MELANGES.  '  141 

lipatam,  ce  qui  ne  saurait  êlre.  Mais  sa  notice  est  si  détaillée 
qu'on  pourrait  facilement  croire  que  Sonnerat  a  eu  des  soup- 
çons positifs  sur  la  personne  de  l'auteur.  Le  P.  Paulin  de  Saint- 
Barthélémy,  carme  déchaussé  et  missionnaire  du  Malabar,  qui 
avait  des  connaissances  profondes  de  la  mythologie  indienne 
et  qui  avait  étudié  le  sanscrit  peut-être  mieux  que  la  plupart 
de  ses  contemporains,  en  a  parlé  en  plusieurs  endroits  de  ses 
ouvrages  :  dans  le  Si/stema  Brachnatdcum ,  p.  3i5  et  suiv. ,  et 
dans  son  Examen  kistorico-criticum  codicuni  Lidicorum  S.  Con- 
gregatwnis  de  propagatula  Jide,  p.  /ia  et  suiv.,  il  a  montré  en 
détail  que  YEzour-Védam  contient  des  vues  tout  à  fait  chré- 
tiennes et  ne  saurait  avoir  été  composé  par  un  brahmane;  dans 
ses  Voyages  aux  Indes  Orientales,  I,  170^'^,  il  le  nomme  sim- 
plement «livré  composé  par  un  Missionnaire,  et  faussement 
attribué  aux  Brames  55.  Il  admet  que  Sonnerat  ne  savait  pas  les 
langues  indigènes  de  l'Inde,  mais  établit  qu'il  connaissait  très 
bien  la  côte  de  Goromandel  et  les  traditions  de  cette  région. 

Le  P.  Paulin  avait  plusieurs  fois  critiqué  Anquelil  Duperron 
et  en  particulier  son  insuflisante  connaissance  des  langues  hin- 
doues. C'est  pourquoi  Anquetil,  dans  les  observations  qu'il  a 
ajoutées  au  troisième  volume  de  l'édition  française  des  Voyages 
du  savant  missionnaire,  a  souvent  saisi  l'occasion  de  traiter 
d'une  façon  assez  amère  les  opinions  de  son  adversaire.  Dans 
son  commentaire  sur  le  passage  en  question,  il  nous  a  donné 
un  résumé  de  ce  qu'il  prétend  savoir  concernant  l'auteur  de 
ÏKzour-Védant  —  un  précis  de  ce  qu'il  avait  appris  par  sa  cor- 
respondance avec  le  P.  Cœurdoux,  Jésuite  très  habile,  très 
versé  dans  la  religion  hindoue,  et  dont  il  avait  fait  la  connais- 
sance à  Pondichéry  pendant  son  séjour  dans  Tlnde.  Celte  cor- 
respondance datait  déjà  des  années  1768-1771,  mais  ne  fut 
publiée  que  dans  le  lx(f  volume  des  Mémoires  de  F  Académie  des 

(')  On  trouve  ce  passage  dans  l'original  italien,  Viaggio  aile  Indir  Orienlali, 
p.  66. 


142  '  JUILLET-SEPTEMBRK   19l>2. 

IttscriphoiiK.  qui  parut  la  même  année  (1808)  que  la  Irnduclion 
française  de  l'ouvrage  du  P.  Paulin. 

Quand  Anquctil  Dupcrron  visita  Ghandernagor  (en  1756), 
le  supérieur  de  la  maison  des  Jésuites  était  un  certain  P.  An- 
toine Mosac  (ou  Mozac),  de  la  vie  duquel  M.  Vinson  '^^  a  donné 
(d'après  la  Bibliothèque  de  Sommervogel)  les  principales  dates. 
M.  Vinson  a  aussi  relevé  deux  phrases  tirées  des  lettres  du 
P.  Goeurdoux  imprimées  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des 
IiiscriptioNs,  où  il  est  parlé  de  ses  connaissances  en  sanscrit 
(comme  en  bengali  et  en  mythologie  hindoue)  et  de  ce  qu'il 
prétend  avoir  découvert  ie  Védam.  Ce  passage  très  important 
se  trouve  dans  les  Mémoires,  p.  685 ,  où  on  lit  :  «...  le  P.  Mo- 
sac, qui  n'a  pas  moins  étudié  la  langue  samscroutane,  prétend 
a\ûir  découvert  le  vrai  Védam.  Il  le  fait  postérieur  à  la  gentilité 
Indienne  ''-^,  dont  il  est  la  réfutation  détaillée.  Get  ouvrage  a 
pour  auteur  un  vrai  philosophe  ennemi  du  polythéisme,  tel  que 
toute  la  terre  en  eut  long-temps  après  ie  déluge.  Ge  vaste 
ouvrage  a  été  traduit  par  le  P.  Mosac;  et  quel  trésor  pour  vous, 
s'il  vouloit  vous  le  communiquer,  ^i  Anquetil  Duperron,  qui 
ajoute  dans  une  note  ;  «  Get  ouvrage  sera  YEzourvédnm  n ,  exprime 
dans  sa  réponse  (voir  Mémoires,  p.  688)  au  P.  Gœurdoux 
l'espoir  que  le  P.  Mosac  voudra  bien  envoyer  à  Paris,  non  seu- 
lement sa  traduction  —  on  ignorait  encore  que  ce  document 
a>ait  été  déjà  remis,  en  1761,  par  Voltaire  à  la  Bibliothèque 
du  Roi  —  mais  aussi  l'original,  «et  accompagner  ce  préaeux 
trésor.  .  .  de  discussions  critiques  sur  la  nature,  l'auteur, 
l'ancienneté  de  ce  Védam,  ie  pays  où  il  a  été  composé,  et  les 
contrées  où  il  fait  loi,  préférablement  aux  quatre  Védas  admis 
aux  côtes  Malabare,  du  Goromandel,  dans  le  Guzcrate,  etc.  w. 
Mais  le  P.  Mosac  ne  voulut  pas  consentir  à  faire  connaître  ses 

(')  Revue  de  linguistique ,  lib ,  ay'i,  noto. 

'*■•  Telle  «si  aussi  lopiniou  de  Sainte-Croix  ( voir  les  otjservatious  piéiinii- 
naires,  p.  17a). 


MÉLANGES.  U3 

collections  '"  —  peut-être  avait-il  des  raisons  (jui  n'étaient 
guère  en  ce  temps-là  compréhensibles,  mais  qui  semblent 
maintenant  bien  justifiées. 

La  correspondance  publiée  dans  les  Mémoires  de  rAcnrlétnie 
ne  nous  permet  pas  de  douter  que  le  P.  Mosac  ne  soit  l'auteur 
du  livre  imprimé  sous  le  nom  de  ÏEzour-Védam.  Anquetil  Du- 
perron  et  le  P.  Cœurdoux  le  savaient  bien,  et  le  premier  l'a 
encore  relevé  dans  sa  polémi([ue  contre  le  P.  Paubn  à  ce 
sujet'-'.  Après  avoir  cité  les  mots  allégués  ci-dessus  du  P.  Cœur- 
doux,  il  continue  de  la  façon  suivante  :  wLe  P.  Mosac,  supé- 
rieur, en  1766,  des  Jésuites  de  Gbandernagor,  avait  appris  le 
samscrétam  sous  les  Brahmes  de  l'université  ou  école  de  Nou- 
dia  '^',  sur  le  Gange.  Je  suis  porté  à  croire  que  le  Védam  qu'il  a 
traduit  est  ÏEzour-Vcdam,  et  que  sa  traduction  aura  passé  à 
Pondichéry,  d'où  elle  a  été  apportée  en  France,  et  est  tombée 
dans  les  mains  du  savant  baron  de  Sainte-Croix,  qui  l'a  donnée 
au  public,  enrichie  de  notes  curieuses  et  instructives. •«  Et  il 
ajoute  quelques  explications  sur  la  manière  dont  l'ouvrage  a 
pu  être  apporté  en  France,  mais  ce  ne  sont  guère  que  des  hypo- 
thèses qu'il  serait  inutile  de  reproduire  ici. 

Le  P.  Mosac,  qui,  à  en  juger  par  les  lettres  du  P.  Cœur- 
doux,  serahle  avoir  vécu  jusqu'à  un  âge  avancé  à  Pondicbéry, 
mourut  vers  178/1.  Alors  son  livre  était  déjà  imprimé  depuis 
environ  cuiq  ans.  Mais  nous  ignorons  s'il  a  jamais  eu  connais- 
sance du  sort  de  son  ouvrage  et  Anquetil  Duperron  '*'  nous 
apprend  qu'après  avoir  reçu,  au  commencement  de  l'an  1770  , 
une  nouvelle  lettre  du  P.  Cœurdoux,  il  ne  reçut  jamais  de 
lettres  ni  n'entendit  parler  de  lui  ou  de  soa  confrère,  le  P.  Mo- 
sac. 

(')  Mémoires,  p.  690  (lettre  du  P.  Cœurdoux). 

W  Voir  Voyages  aux  Indes  Orientales  (Paris,  1808),  III,  p.  120  et  suiv. 

(')  Nadiya. 

(*'    Mémoires,  p.  6f)6. 


ï!ili  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

On  liC  |)ciil  cloulor  de  l'eiitirre  venté  des  ronsoignoiiienls 
fournis  par  le  P.  Cœurdoux  et  par  Anquetil  Duperron.  Le 
P.  Mosac  avait  donc  appris  le  sanscrit  au  collège  brahmanique 
de  Nadiya,  il  prétendait  avoir  découvert  «le  vrai  Védamn  et 
avait  traduit  «ce  vaste  ouvrage îi  *^'.  Comme  le  P.  Cœurdoux 
n  eût  guère  attribué  à  ï Ezoiu-\ édani  seui  i'épithète  de  «vaste  r, 
on  doit  supposer  que  toutes  les  traductions  trouvées  et  énumé - 
rées  par  Francis  Ellis  tiraient  leur  origine  de  la  même  source. 
Eilis  a  aussi  publié  quelques  fragments  des  textes  originaux; 
ils  sont  écrits  en  sanscrit  avec  l'orthographe  du  Bengale  par 
un  homme  qui  possède  de  la  langue  ancienne  une  connaissance 
assez  approfondie  pour  être  capable  de  composer  en  cet  idiome 
des  slokas  et  de  la  prose  assez  simples,  mais  qui  a  commis  des 
fautes  nombreuses  et  parfois  graves.  Nous  ne  saurions  douti^r 
que  ces  livres  n'aient  été  composés  dans  l'intention  de  réfuter 
la  religion  hindoue  contenue  dans  les  Pourânas  et  de  guider 
les  missionnaires  dans  leurs  discussions  avec  les  brahmanes. 
Le  P.  de'  Nobili  (et  plusieurs  de  ses  prédécesseurs)  avait  déjà 
composé  de  semblables  ouvrages,  dont  un  bon  nombre  avaient 
été  imprimés  dans  l'Inde  —  surtout  en  langue  tamoule.  Mais 
le  P.  Cœurdoux  nous  dit  aussi  que  le  P.  Mosac  ne  voulut  point 
communiquer  ses  collections  aux  savants  de  l'Europe.  Peut- 
être  faut-il  conclure  de  là  qu'il  les  avait  composés  lui-même 
dans  l'intention  d'en  faire  usage  pour  ses  travaux  de  mission- 
naire, mais  qu'il  ne  voulut  pas.  les  présenter  au  public  plus 
exigeant  des  savants  européens.  Certes,  il  est  impossible  de 
prouver  la  vérité  de  cette  hypothèse;  cependant,  elle  reste  au 
moins  vraisemblable. 

Le  résultat  de  ces  recherches  est  donc  que  le  P.  Antoine 
Mosac,  S.  J.,  supérieur  de  la  maison  de  Chandernagor,  (îsI 
l'auteur  du  manuscrit  imprimé  avec  les  commentaires  du  baron 

Cj  Méinoiiei,  p.  685. 


MÉLANGES.  145 

(le  Sainte-Croix  sous  le  titre  de  YËzour-Védam,  et  que,  ayant 
vécu  longtemps  au  Bengale  et  étudié  le  sanscrit  chez  les  brah- 
manes de  Nadiya,  il  a  vraisemblablement  aussi  composé  les 
originaux  de  ce  même  Véda  et  des  autres  textes  pseudo-védiqiics 
retrouvés  par  Francis  Eilis. 

Jarl  Charpentier. 


NOTE  ADDITIONNELLE. 

En  composant,  au  début  de  1929,  le  précédent  article,  j'ignorais 
que  ie  savant  père  H.  Hosteu,  S.  J. ,  avait  déjà  démontré,  en  1921,  dans 
le  Calliolic  Herald  of  India  du  29  juin,  que  les  manuscrits  des  Védnms, 
dont  une  partie  an  moins  se  trouve  encore  conservée  à  Pondichéry, 
étaient  de  ia  main  du  P.  Mosac'^'.  Le  P.  Hosten  a  comparé  l'écriture 
des  manuscrits  avec  celle  du  P.  Mosac  dans  des  livres  appartenant  à  la 
cathédrale  de  Pondichéry  et  eu  a  constaté  la  conformité  absolue.  J'ai 
grand  plaisir  à  me  trouver  sur  ce  point  en  accord  avec  le  P.  Hosten , 
dont  les  excellentes  recherches  ont  toujours  suscité  ma  vive  admira- 
tion. 

Le  P.  Hosten,  naturellement,  ne  veut  pas  admettre  que  le  P.  Mosac 
ait  été  aussi  l'auteur  des  originaux  sanscrits  de  ces  œuvres.  A  ce  sujet  il 
(lit  :  ffA  hideous  calumny,  which  has  weighed  on  the  Jesuits  since  1822, 
will  now  be  silenced;  it  will  be  showu  instead  that,  ever  since  lyia, 
onc  of  their  numbei"  ought  lo  hâve  been  ranked  in  the  fore  front  of  the 
|)ioneers  of  Sanskrit  studies.«  Je  déplore  vivement  de  ne  pas  pouvoir 
suivre  ici  ro[)inion  du  savant  Père;  mais  j'ai  donné  sur  ce  point  des  rai- 
sons —  à  mon  sens  démonstratives  —  qui  montrent  l'impossibilité  de 
supposer  pour  ces  Védams  un  auteur  indigène.  Quant  à  la  crcalomnie 
hideusen  dont  parle  le  P.  Hosten,  elle  est  certainement  plus  ancienne 
que  1S29;  mais  seule  l'époque  où  toute  action  des  Pères  Jésuites  était 
conilamnée  prcs(pie  comme  un  crime  a  pu  voir  ici  —  telle  est  du  moins 
mon  o[)inion  —  (pielque  chose  de  tout  à  fait  impardonnable.  Si  ie 
P.  Mosac  fut  vraiment,  comme  je  le  crois  encore,  l'auteur  des  textes 


t')  Voir  aussi  le  P.  Hosten,  Mij  Jounwij  ht  Mylopon; ,  Poiiflichcirij  and  Tri- 
chinopiiiij.  Ilojjort  subuiilted  to  llie  hidiuu  Hislorical  llecords  Coinuiissioii  , 
(>alculta,  iy2i!,  p.  9  et  suiv. 


146  JUILLET-SEPTEMBRE    1922. 

sanscrits,  son  zèle  de  missionnaire  était  fort  expiicai)le.  Quant  à  sa  qua- 
lité de  frpioneer  of  Sanskrit  studies«,  ii  a  eu  un  grand  nomi)re  de  pré- 
curseurs dans  la  Compagnie  de  Jésus,  dont  les  membres  furent,  aux 
xvi'  et  xvn°  siècles,  presque  les  seuls  Eiuopéens  qui  possédassent  quelque 
connaissance  des  langues  et  des  religions  de  l'Inde. 

J.  C. 


COMPTES  RENDUS. 


Rbyvs  des  Étodbs  slaves ^  t.  I,  fasc.  i-4,  Sao  pagres,  Paris,  1991,  Impri- 
merie Nationale,  Edouard  Champiou  éditeur;  t.  II,  fasc.  i-a,  17 A  pages, 
199a  (abonnement  aunuel,  '10  francs;  pour  l'étranger,  43  francs.). 

11  convient  de  signaler  aux  orientalistes  un  organe  scientifique  nouveau 
de  la  première  imporlance,  et  qui  leur  donnera  des  vues  sur  un  vaste- 
domaine  voisin  du  leur  :  la  Revue  des  Etudes  slaves,  publiée  pai'  l'Institut 
d'Etudes  slaves  de  l'Université  de  Paris  sous  la  direction  de  MM.  A.  Meillet 
et  Paul  Boyer.  Le  tome  I  (fasc.  1-/1)  est  déjà  paru;  les  fascicules  1-9  du 
tome  II  l'ont  suivi  de  près.  L'avanl-propos  de  M.  A.  Meillet,  figurant  en 
tête  du  premier  fascicule,  définit  le  programme  de  la  revue  :  formuler, 
dans  une  langue  accessible  à  l'ensemble  des  slavistes  et  des  savants 
d'autres  disciplines,  les  résultats  principaux  acquis  sur  le  terrain  de  la 
slavislique  au  sens  large  du  mot  et,  par  l;\-mémc,  tirer  les  études  slaves 
de  leur  isolement  relatif  pour  en  verser  l'apport  dans  le  patrimoine 
scientifique  commun.  Le  caractère  synthétique  (jue  se  propose  d'avoir 
la  Revue  des  Eludes  slaves,  et  qu'ont  en  elfet  ses  premiers  numéros,  la 
rendra  particulièrement  précieuse  aux  non-slavistes,  car  ils  y  trouveront 
des  ensembles  nets  et  solides  en  matière  de  linguistique,  d'anti(piités, 
de  civilisation,  d'histoire  littéraire,  d'ethnogra[)hie  et  de  folklore  slaves. 

Les  orientalistes  relèveront  notamment  dès  à  présent  :  dans  le  |t.  I, 
fasc.  1-'.),  un  article  admirablement  lumineux  et  suggestif  de  M.  Meillet 
sur  crl'anité  slave»);  —  un  article  de  M.  St.  Mladenov  sur  les  ffvesligcs 
do  la  langue  des  Protobulgares  touraniens  en  bulgare  moderne  «;  dans 
les  fasc.  1-2  et  3-4,  un  tableau  général,  avec  une  bibliographie  nour- 
rie, ffdes  études  ethnographiques  en  Tchéco-Slovaquie  :  littérature  popu- 
laire, coutumes  et  croyances,  civilisation  matéi'iellen,  par  M.  Horàk;  — 
dans  le  t.  II,  fasc.  1-9,  deux  belles  éludes  où  deux  maîtres  de  l'archéo- 
logie et  de  l'histoire  traitent  des  influences  orientales  anciennes,  ira- 
niennes et  njougoles,  sur  le  monde  sliive,  l'ime  de  M.  Rostovlzefl"(ffLes 
origines  de  la  lUissie  kiévienne«)  et  l'autre  de  M.  Lubor  Niedeile  (« Des 


I/j8  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

théories  nouvelles  de  Jan  Peisker  sur  les  anciens  Slaves  ri),  —  enfin  un 
travail  riche  de  faits  du  savant  commentateur  des  contes  des  frères  Grimm , 
M.  Poh'vka,  sur  rrle  surnaturel  dans  les  contes  slovaques». 

La  Revue  des  Etudes  slaves  emhrasse  aussi  le  domaine  baltique  :  le 
fascicule  i-a  du  tome  II  offre  un  résumé  de  M.  J.  Eudzelin  sur  la  ques- 
tion des  intonations  lettonnes. 

Une  chronique  bibhographicjue  extrêmement  détaillée  accompagne 
chaque  fascicule.  Cette  chronique  s'étend,  pour  l'indication  des  travaux 
essentiels,  aux  domaines  voisins  de  la  slavistique,  tels  que ^  celui  de 
l'osmanli,  du  lurc  oriental,  du  grec  moderne,  etc.  Il  me  parait  que  la 
Revue  des  Etudes  slaves  doit  avoir  sa  place  marquée  dans  toute  biblio- 
thèque d'orientalisme. 

Gabriel  Ferrand. 


Augustin  PÉrier,  Yaijy  een  'AdÎ,  nn  philosophe  arabe  chrétien  du  x'  siècle. 
Thèse  pour  le  doctorat  es  lettres  de  l'Université  de  Paris.  —  Paris,  J.  Ga- 
balda  et  P.  Geuthner,  1920;  1  vol.  in-12,  228  pages.  —  Petits  TnAirÉs 
APOLOGÉTIQUES  DE  Vahya  bajv  'Adî ,  texte  arabe  édité  pour  la  premièi-e  fois 
et  traduit  en  français.  Thèse  complémentaire.  —  Paris,  mêmes  éditeurs, 
1920;  1  vol.  iu-12,  i35  pages. 

Yahyâ  ben  'Adi,  né  à  Tekrit  en  898,  était  jacobite;  il  vécut  à  Bagdad, 
où  il  avait  reçu  les  leçons  d'  'Abou-Bichr  Mattâ  et  d'el-Fârâbî.  C'était  un 
copiste  infatigable;  il  avait  copié  deux  fois  le  Tafslr  de  Tabarî,  ce  qui 
n'est  pas  une  mince  besogne;  en  un  jour  et  une  nuit,  il  arrivait  à  trans- 
crire une  centaine  de  pages,  au  témoignage  de  l'auteur  du  Fihvist 
(p.  ^%h).  Il  paraît  avoir  été  médecin,  au  témoignage  d'Ibn-Abi-Oçaïbi'a, 
mais  il  exerça  peu  son  art,  semble-t-ii,  réservant  ses  forces  pour  écrire 
des  traités  apologétiques  en  vue  de  défendre  la  croyance  des  Chi-étiens 
contre  les  attaques  des  Musulmans.  Il  mourut  à  Bagdad  le  i3  aoiît  97^!, 
à  l'âge  de  quatre-vingt-un  ans,  et  fiit  enterré  dans  l'éghse  de  Saint- 
Thomas,  au  quai'tier  de  Daqîq. 

Tel  fut  l'homme  dont  M.  l'abbé  Augustin  Périer  a  entrepris  de  faire 
revivre  la  figure  et  connaître  les  œuvres.  De  celles-ci ,  il  ne  nous  reste 
guère  que  les  traités  chrétiens  d'apologie,  tandis  que  ses  traités  philoso- 
pjjiipies  et  ses  traductions  d'auteurs  grecs  ont  presque  tous  disparu. 
C'est  que  les  ])remiers  ont  été  étudiés,  recopiés  et  conservés  par  les 
moines  jacobites  dans  les  monastères  d'Kg} pie,  tandis  que  les  autres  ont 
été  compris  dans  le  naufrage  de  la  littérature  arabe  qui  a  accompagné 
les  grandes  destiiidioiis  dont  Bagdad  a  été  victime.  Plusieurs  ont, 
d'ailleuis,  df'jà  lait  l'objet  de  publications,  coiimie  le  Telidliih  el-Ahhldq 


COMPTES  RENDUS.  UO 

imprimé  à  Beyrouth  en  1866  et  au  Caire  en  1891  et  191 3;  le  traité 
sur  la  substance  unique  du  Créateur,  que  le  P.  L.  Cliéïkho  a  imj)rimc 
en  1902  dans  le  Machriq,  t.  V,  p.  368  et  reproduit  dans  ses  Vingt  trai- 
tés théohgiques  (Beyrouth,  1920,  p.  70);  la  défense  de  la  Trinité, 
traité  publié  et  traduit  par  M.  A.  Périer  dans  la  Bévue  de  l'Orient  chré- 
tien (3°  sér. ,  t.  II,  1990,  n°  1). 

Des  manuscrits  contenant  ses  ouvrages,  on  en  connaît  seize  :  six  à  la 
Bibliothèque  Nationale,  neuf  à  la  Vaticane,  un  à  Munich,  car  celui  qui 
est  catalogué  sous  son  nom  à  la  Bibliothèque  Palatine  de  Florence  est 
une  copie  de  sa  main,  non  une  traduction  faile  par  lui.  Parmi  les  pre- 
miers, nous  citerons  crie  magnifique  in-folio,  l'un  des  plus  précieux 
manuscrits  arabes  des  bibliothèques  d'Europe^  (p.  98),  n"  882  a  de 
l'ancien  fonds,  aujourd'hui  93A6  du  Catalogue  de  Slane,  p.  h\\,  qui 
renferme,  entre  autres,  la  traduction  de  la  Sophistique  faite  sur  la  ver- 
sion syriaque  de  Théophile  d'Edesse. 

L'auteur  étudie  successivement  la  philosophie  de  Yahyâ  dans  ses  rap- 
ports avec  la  cosmologie,  la  métaphysique,  la  lop,iqxie  et  la  morale;  sa 
théologie  dans  ses  traités  de  l'unité  de  Dieu  et  de  la  Trinité,  où  les  per- 
sonnes sont  distinguées  de  la  substance  et  distinctes  entre  elles,  ainsi 
que  dans  le  trailé  de  l'incarnation  ou  de  l'union,  et  la  place  qu'occupe 
Yaliyà  dans  la  philosophie  arabe.  Les  témoignages  concordants  de 
Mas'oûdi,  d'en-Nadlm,  l'auteur  du  Fihrist,  d'Ibn-Abi-Oçaïbi'a  et  de  Bar- 
Hebrœus,  indiquent  à  quel  point  la  science  du  philosophe  chrétien  était 
prisée  par  ses  contemporains,  même  musulmans.  Nous  noterons  en  pas- 
sant une  légère  inadvertance  de  la  page  63,  dernière  ligne,  oii  nous 
lisons  Hichàm  al-Jouhâï;  ce  sont  deux  personnes  différentes;  Hichâm 
ben  el-Hakam  était  un  théologien  chi'ïte  et  Abou-'.AIî  el-Djobbâï  un  doc- 
teur mo'ta/élite;  h  la  note,  halâm  n'est  pas  rrla  parole  révélée",  mais  la 
théologifi  scholaslique,  la  science  des  molékallimin. 

Les  petits  traites  dont  M.  A.  Périer  publie  à  la  fois  le  texte  et  la  tra- 
duction (sur  une  même  page,  ce  qui  est  fort  commode,  ainsi  qu'on  l'a 
déjà  remai'qué  pour  les  Voyages  d'[hn-îi(ilj>i)(a  et  les  Prairies  d'Or),  sont 
au  nombre  de  huit  :  pour  démontrer  que  les  Chrétiens  ont  raison  de 
croire  que  le  Ciéateui'  est  une  substance  unique  douée  de  trois  attributs; 
pour  explicpier  comment  les  Chrétiens  comparent  le  Fils  à  l'intelligent 
et  iioii  h  l'intelligiitle,  le  Saint-Espi'il  à  l'intelligible,  non  h  l'intelligent, 
et  solution  de  lu  dithculté  <^  ce  sujet;  pour  l'épondre  à  plusieurs  (]ues- 
tions  (ju'on  lui  a  posées  sur  les  trois  personnes  de  la  Trinité  et  l'unité 
de  Dieu;  pour  démontrer  comment  il  est  permis  d'atlirmer  du  Créateur 
qu'il  est  une  sui)stance  unique  douée  de  trois  propriétés  a|)pelées  per- 


150  JUILLET-SEPTEMBRE   1922. 

sonnes;  pour  répondre  à  une  question  soulevée  devant  le  ministre  'Ail 
ben  'Isa  ei-DjaiTàh  au  sujet  de  lu  ïriuitë;  sur  le  mode  de  rincarnation; 
pour  répondre  à  une  ol)jeclion  des  adversaires  contre  les  attributs  que 
Ton  donne  au  Christ  considéré  comme  homme;  sur  l'erreur  de  ceux  qui 
disent  que  le  Christ  est  un  par  accident.  L'appendice  I  contient  la  tra- 
duction, revue  et  améliorée,  de  la  défense  du  dogme  de  la  Trinité  contre 
les  objections  formulées  par  Abou-Yoùsouf  el-Kiudi  dans  sa  Réfutation 
des  Chrétiens,  déjà  parue  dans  la  Revue  de  l'Orient  chrétien  (1920),  et 
l'appendice  II  est  un  glossaire  de  quelques  termes  philosophiques. 

Malgré  le  soin  apportée  la  correction  des  épreuves,  il  a  subsisté, 
dans  le  texte  arabe,  un  certain  nombre  de  fautes  typographiques  qui 
n'ont  pas  toutes  été  relevées  aux  pages  \Zk  et  i3/i';  mais  il  serait  fasti- 
dieux de  les  énumérer  ici.  Nous  nous  bornerons  à  noter  quelques  pas- 
sages qui  appellent  des  observations.  Page  11.  Jos^àU^-o  signifie  rrab- 
surden;  de  même  jLsïC^l,  p.  78,  dernière  ligne.  —  P.  i5.  <xic  est  la 
cause,  non  le  principe,  et  JyLjL*  l'effet.  —  P.  18.  U^5  doit  être  écrit  en 
deux  mots  :  U  JS'.  —  P.  22,  1.  1.  caljLo  S^,  plutôt  iLLo  S-^.  —  P.  38. 
ffJ:.._M^\\  frqui  éclaire'?,  plutôt  que  ffqui  brillei.  —  P.  89.  »j^^!  (.y»  xa.^ 
tf d'aucune  manière^,  non  ffà  des  points  de  vue  différents55.  —  P.  ^o. 
»yi53!  ttle  nombre^?;  plutôt  :  cria  pluralité'?.  ^^wUl  ^  (vw^l  «le  nom  ne 
convient  plus  à  la  chose  dénommée^;  il  faut  traduire  mot-à-mot  :  ffLe 
nom  est  autre  chose  que  la  chose  dénommée n;  la  question,  débattue 
dans  les  écoles  de  philosophie,  est  de  savoir  si  le  nom  est  identique  à  la 
chose  dénommée,  si  l'on  et  l'autre  ne  constituent  qu'une  seule  entité. 
—  P.  /i2.  iLv<w*xJLj  j^yiJLjLju  (^j.^jsjs:  ffdes  êtres  dont  la  définition  est  diffé- 
rente" ,  traduire  plus  précisément  rrdes  êtres  défiais  dont  la  dénomina- 
tion est  différente^.  —  P.  65.  En  dépit  de  la  note,  le  membre  de  phrase 
visé  se  lie  parfaitement  à  ce  qui  précède. 

P.  53.  ^!^j  est  une  pure  transcription  du  grec  Iwivvris,  à  côté  de 
G^fcj,  qui  trahit  son  origine  syriaque,  et  de  <^5:^,  qui  figure  dans  le 
Qorân.  ^sJ^J!  rrapôtre^,  étant  emprunté  au  syriaque  saltho,  doit  être 
vocalisé  ^JLJl  (cf.  Dozv,  SuppL),  non  ^JLJI,  qui  ne  se  trouve  que  dans 
le  Mohit  d'el-Bislanî.  —  P.  5/j.  Un  membre  de  plu'ase  a  été  oublié  dans 
la  traduction;  après  :  «Lorsqu'une  chose  est  identiipie  avec  une  autre  en 
quelquf  chose  de  son  essence^,  ajouter  :  fret  en  dillère  par  quelque 
chose  de  son  essence^.  —  P.  60,  dernière  ligne,  lire  «^xjL^r  ^-  —  P.  63, 
avant-dernière  ligne,  Bahar,  lire  Bahr.  —  P.  6/1.  yl^.oJl  j.'Xîwb  trdans 
les  conseils^,  traduire  plutôt  ff règles  de  l'administration n;  iybJl  t_.'^^ 
«f  secrétaires  présents»)  serait  mieux  rendu  j)ar  n-secréUiiros  de  la  cour,  ou 
de  S.  M.  [le  khalifejr),  —  P.  73.  yj_>joo.«il  ffqui  lomnonl  le  dosn  n'est 


COMPTES  RENDUS.  151 

pas  rendu  dans  la  traduction;  au  lieu  de  :  ffsi  l'on  est  tourné  comme  les 
objets •n ,  il  faut  traduire,  en  serrant  de  plus  près  le  texte  :  «Si  l'on  tourne 
le  dos  aux  objets  [et  que,  par  conséquent,  on  ne  puisse  les  voir  directe- 
ment], face  aux  miroirs,  on  y  voit  Timage  de  ces  objets.  .  .  ».  —  P.  76 , 
1.  1.  yl^,s^  est  traduit  par  r  vivante  et  p.  78,  1.  3,  par  a  animai»;  la 
seconde  interprétation  est  la  seule  exacte. 

P.  87.  Younis,  lire  Yoûnous.  —  P.  9/i.  Jy^j  ffqu'il  a  grandi»,  com- 
prendre :  (T qu'il  a  été  élevé,  éduquén.  —  P.  ()ç).  iojJjLJ!  n'est  pas  le  dia- 
mant, mais  le  corindon.  —  P.  101.  Juci^  a  disparu  de  la  traduction  : 
fret  on  les  amis  à  mort».  —  P.  io3.  ciUàK^I  fr indifférence»,  plutôt 
rmépris»;  à  la  ligne  6,  *Jlil  n'est  pas  traduit  :  ff  plein  de  mansuétude». 
—  P.  io5.  ff  Différentes  leurs  habitudes»,  lire  rf  opinions»  ^Kl.  ■ — 
P.  106.  *.^>£^  lâLjvcil^  n'est  pas  traduit;  en  outre,  la  leçon  du  ms.  0 
(Paris  178)  me  paraît  meilleure,  si  on  lit  CiU^ou-l^  :  «pour  éprouver 
les  prédicateurs,  examiner  ce  que  valait  leur  prétention  (45^3),  et  être 
rassurés  à  l'endroit  de  leur  mission  (s^i)».  —  P.  108.  (£^:>  doit  être 
rendu  par  ff  prétention»  et  non  ffallirmation».  —  P.  ii3.  S  entre  cro- 
chets doit  être  supprimé.  —  Dans  le  glossaire,  j.5o  ff  éternité»,  f-lL 
ffatome»,  -Svc  méant»,  \jb^  cfaccident»,  ^««lï  frpai'tie»  ne  sont  pas 
vocalises  comme  il  est  d'usage  courant. 

Ces  légères  imperfections  de  détail  ne  doivent  rien  enlever  au  mérite 
de  l'auteur,  qui  a  eu  le  courage  de  s'attaquer  à  une  matière  difficile  et 
ingrate  et  a  eu  le  talent  de  faire  revivre  les  œuvres  d'un  défenseur  du 
christianisme  resté  trop  longtemps  dans  l'oubli. 

Cl.  HUART. 


Ibno'l-Balkhî.  The  FÂrsnÂma,  edited  by  G.  Le  Strange  and  R.  A.  Nicholson 
[Gihh  Mémorial,  new  séries,  t.  I).  —  Cambridge,  University  Press,  1991; 
1  vol.  in-8°,  xxxn-199  pages. 

L'auteur  du  Fârs-nâma  ou  description  géographique  et  historique  de 
la  province  du  Fars,  en  Perse,  ouvrage  conservé  en  manuscrit  au  Bri- 
tish  Muséum,  était  inconnu  avant  M.  Le  Strange,  qui  a  donné  la  tra- 
duction de  la  partie  géographique  dans  le  Journal  de  la  Royal  Astalic 
Society  en  1912.  Ce  savant  a  établi  que  le  nom  d'Ibn-el-Balkhî  lui  vient 
d'un  ancêtre  originaire  de  Balkli ,  que  son  grand-père  avait  été  contrô- 
leur des  finances  dans  le  Fars  vers  l'année  de  l'hégire  ^9;?  (1099),  sous 
les  ordres  de  l'atabek  Roku-ed-daula  Khomàrtakin,  gouverneur  de  la 
province  pour  le  sultan  seldjouqide  Barq-Yaioucp  Ibn-el-Balkhi,  qui 
avait  accompagné  son   grand-père,    fut    élevé  dans  la  province  dont 


152  JUILLET-SEPTEMBRE  1022. 

celui-ci  contrôlait  les  revenus,  et  fut  chaip;é  d'c^crire  le  pressent  livre  par 
le  frère  et  successeur  de  Barq-Yarouq,  Gliiyàlli-ed-din  Moliammed,  au- 
quel il  est  dddié.  Ce  sultan  ëtant  mort  en  5i  i,  et  l'Atabek  Tchàwoulî, 
mort  en  5io,  étant  fréquemment  cité  dans  le  texte  comme  encore  vivant, 
il  s'ensuit  que  l'ouvrage  a  été  écrit  dans  les  dix  premières  années  du 
vi°  siècle  de  l'hégire  (xii*  siècle  de  uolre  ère),  par  conséquent  deux  cents 
ans  avant  que  IlamduHah  Mustaufî  compil<^t  son  No:hat-el-Qoloùh. 

La  disposi  ion  adoptée  par  l'auleur  est  peu  méthodique.  Après  la  pré- 
face habituelle,  il  donne  une  descri|)lion  sommaire  de  la  province,  cite 
quelques  traditions  du  prophète  afférentes  h  sou  sujet,  puis  trace  un 
résumé  de  l'histoire  des  anciens  rois  de  Perse  et  de  la  conquête  arabe, 
jusqu'au  règne  du  khalife  'Ali  ;  nous  trouvons  ensuite  une  liste  des  cadis 
de  la  province,  et  la  description  géographique  intégj-alemeut  traduite 
en  1912  par  M.  Le  Strange.  Nous  revenons  après  cela  à  l'histoire  du 
Fais,  comprenant  une  description  des  tribus  Chabânkàrè  et  kurdes  sui- 
vie d'un  sommaire  des  revenus  de  la  région,  et  enlin  d'une  courte  note 
rappelant  les  derniers  Boiiyides  et  l'avènement  des  Seldjouqides. 

11  existe  un  second  manuscrit  de  cet  ouviage,  c'est  celui  qui  a  fait 
partie  de  la  collection  Schefer  et  se  trouve  maintenani  à  la  Bibliothèque 
Nationale,  mais  il  est  visiblement  une  copie,  faite  en  1806,  de  celui  du 
British  Muséum,  qui  lui  fut  jadis  présenté  en  feuilles  détachées;  celui  de 
Paris  peut  servir  à  compléter  les  lacunes  de  ce  dernier.  Non  seulement 
Hamdullah  Mustaufî  a  utilisé  le  Fdrs-ndma,  mais  encore  llàfîzh  Abroù, 
le  secrétaire  de  Timour,  en  a  inséré  la  plus  grande  partie  dans  le  livre 
qu'il  a  écrit  en  820  (1/117). 

On  trouvera,  p.  xxvn  et  suivantes,  une  liste  de  formes  archaïques  et  de 
mots  obsolètes  que  nous  compléterons  par  les  obser\atious  que  voici  : 
1^)^  en  parlant  d'une  rivière,  n'est  pas  tout  à  fait  rrsweet  and  whole 
somer,  mais  rrdont  l'eau  est  aisée  à  digérer-r.  les  Orientaux  prisent 
beaucoup  cette  qualité,  qui  naturellement  varie  selon  les  sources.  -LO 
yS",  p.  i3/i,  1.  19,  (rmeaning  obscure"  ;  la  phrase  où  se  trouve  celle 
expression  se  traduit  ainsi  :  rrC'est  un  chemin  très  ditficile,  tout  en 
défilés  et  en  montagnes;  il  est  pénible  et  oblige  à  ])rendre  les  rênes  des 
montures  (pour  (pi'olles  ne  londjenl  pas  dans  les  précipices) 75.  jJ  dans 
le  sens  d'otage  doit  être  une  graphie  défectueuse  pour  \y  (cf.  p.  5, 
1.  20,  y!l^  au  plur.  ),  qui  est  donné  avec  ce  sens  par  le  Borhdn-i  qàiï. 
Suivent  deux  pages  de  corrections  et  d'additions;  ce  n'est  pas  beaucoup; 
ajouter  toutefois  :  p.  117,  1.  i4  »^1^  (^,  lire  s.\y  (corrigé  à  la  table); 
p.  i3^t ,  I.  11.  c5>4-i.  qu  il  faut  lire  ^^y^. 

La  j)arlic  relative  aux  anciens  rois  de  Perse  est  de  quinze  ans  anlé- 


COMPTES  RENDUS.  153 

Heure  au  Modjmcl  et-Tairàrilih ,  écrit  en  Sao  (i  i  26);  elle  a  pour  base 
Tabarî  et  llaniza  Icfabànî,  mais  l'auteur  a  encore  utilisé  d'autres  sources 
qui  ne  nous  sont  plus  accessibles.  On  trouvera,  p.  xxni-xxiv,  l'énuméra- 
tion  des  différences  qui  séparent  le  texte  du  Fdrs-ndina  des  autres 
sources;  par  exemple,  le  mariage  de  la  reine  Bouràn-dokbt  avec  Cbalir- 
baràz  et  le  nieuilre  qu'elle  commet  sur  celui-ci  sont  ignorés  des  histo- 
riens musulmans,  mais  non  des  Arméniens;  les  rois  sâsànides  Ki-^rà 
Kburahân  ben  Arslàn  (nom  turc?)  et  Kisrà  (ibn)  Qobâd  ben  Hormuz, 
qui  ne  se  trouvent  pas  dans  Tabarî ,  tandis  que  llamza  connaît  ce  der- 
nier. Rustem  reçoit  de  Kaï-kàoûs  un  àzdd-nàinn,  expression  traduite  par 
ffletter  of  émancipations,  mais  qu'on  peut  comprendre  aussi  conmie 
cf lettres  de  noblesse^. 

On  ne  saurait  trop  féliciter  les  éditeurs  d'avoir  substitué  la  graphie 
moderne  à  celle  des  anciens  manuscrits ,  tracés  par  des  copistes  formés 
à  l'école  de  l'arabe,  qui  ne  tiennent  pas  compte  de  la  différence  entre 
b  et  p,  dj  et  c,  k  et  g. 

Ainsi  que  l'explique  M.  Nicholson  dans  l'introduction,  M.  Le  Strange 
avait  commencé  à  établir  le  texte,  à  la  suite  de  la  traduction  de  la  partie 
géographique  qu'il  en  avait  faite,  lorsqu'en  1912  il  a  perdu  prestpie 
complètement  la  vue.  Cela  explique  la  collaboialion  que  lui  a  prêtée 
M.  Nicholson;  grâce  à  son  dévouement,  ce  texte,  important  par  sa  date 
et  son  contenu,  a  pu  voir  enfin  le  jour  et  inaugurer  une  nouvelle  série 
de  la  collection  du  Gibb  Mémorial. 

Cl.   HUART. 


Joseph  Carame,  interprète.  L.i    DESCRipnofi  de  la  Fjiaxce  agricole,  /jvdi/s- 

TRIELLB ,    COMMERCIALE  ET   COLONIALE,    A   l'vSAGE    DES    MaROCAINS    [  BU    arabe]. 

—  Rabat,  Imprimerie  officielle,  1921;  1  vol.  in-8°,  192  pages. 

M.  Yoiisef  Abou-Karam ,  Libanais  de  Broummâna,  est  un  de  ces  Ma- 
ronites (jui  se  sont  attachés  à  la  fortune  de  la  France;  il  est  actuellement 
interprète  à  la  Résidence  générale  à  Rabat  (Ribût-el-Fath,  Maroc). 
Ayant  eu  l'occasion,  au  cours  de  la  dernière  guerre,  de  publier  dans  le 
journal  arabe  Sadda  une  série  d'articles  d'économie  [)olilique  destinés  à 
faire  connaître  aux  Marocains  ce  qu'est  la  puissance  protectrice  de  leur 
pays,  il  a  eu  l'idée  de  les  réunir  en  volume,  et  la  Direction  de  l'instruc- 
tion publique  s'est  intéressée  à  cette  publication.  Cesl  surtout  l'agricul- 
ture qui  a  attiré  l'attention  de  l'auteur,  et  le  fait  est  que  celte  branche 
du  travail  est  de  nature  à  préoccu|)er  une  population  oîi  cette  science  est 
restée  dans  l'état  le  plus  primitif;  il  est  vriti  que  le  trjeune  Araben  est  nné 


15/1  JUILLET-SEPTEMBRE  1922. 

plutôt  poète  qu'agriculteur,  plutôt  littérateur  fjue  planteur  d'arbres  !  n 
Un  ouvrage  de  ce  genre  provoquera  de  sérieuses  réflexions  chez  les  Ma- 
rocains instruits,  et,  s'ils  sont  propriétaires  de  terrains  agricoles,  ils  se 
demanderont  pourquoi  leur  pays  n'est  pas  aussi  florissant  que  ceux  de 
l'Europe  centrale;  s'ils  se  posent  celte  question,  ils  seront  tout  pi'ès 
de  la  résoudre. 

L'auteur  possède  bien  sa  langue  classique  et  ne  tombe  pas  trop  dans 
ie  travers  de  se  servir  d'expressions  obsolètes  dont  il  faut  aller  chercher 
l'explication  dans  la  poussière  des  bibliothèques,  comme  tant  d'autres 
qui,  fiers  de  bien  posséder  leur  Qdmoits,  se  préoccupent  peu  de  savoir 
s'ils  seront  aisément  entendus  de  leurs  lecteurs.  Gela  n'eût  pas  convenu 
à  un  ouvrage  de  vulgarisation ,  et  le  rédacteur  l'a  bien  compris  ;  mais  il 
a  évité  d'écrire  trop  platement,  car  son  livre  sera  lu  par  des  lettrés  et 
non  par  des  paysans;  notre  style  simple  des  traités  didactiques  n'eût  pas 
convenu  en  ce  cas,  puisque  ce  n'est  pas  un  manuel  technique.  Le  texte 
en  est  imprimé  en  caractères  orientaux  et  non  maghrébins,  comme 
d'ailleurs  le  journal  Sa'dda  lui-même;  il  parail  que  la  différence  de  ponc- 
tuation du^a  et  du  qdj  ne  gène  pas  les  lecteurs  marocains. 

Cl.    HUART. 


CHRONIQUE 
ET   NOTES  BIBLIOGRAPHIQUES. 


PERIODIQUES. 


Anthropos,  vol.  XIV-XV,  juillet-décembre  1990  : 

P.  M.  KïsTERS.  Das  Grab  der  Afrikaner,  —  V.  Christian.  Akkader 
und  Siidaraber  als  altère  Semitensclàchte.  —  H.  Pinard.  L'étude  com- 
parée des  religions,  de  l'appaiition  du  cbristianisme  au  moyen  âge.  — 
P.  ScHEBESTA.  Eiue  Bantugrammatik  aus  dem  17.  Jahrhuiidert.  —  Fr.  v, 
d.  Velden.  Der  Ursprung  der  nichtgemein-indogermaniscbe  Beslandteile 
der  germanischen  Sprachen.  —  M.  Vanovkrbergh.  Songs  in  Lejianto 
Igorot  as  it  is  spoken  at  Bauco.  —  G.  Schurhammer.  Das  Stadtbild  Kyotos 
zur  Zeit  des  hl.  Franz  Xaver  (i55i).  —  P.  Bivet  et  P.  Tastevin.  Les 
langues  du  Punis,  du  Jurua  et  des  régions  limitrophes.  —  G.  PagÎîs. 
Au  Ruanda,  sur  les  bords  du  lac  Kivou  (Congo  belge).  —  N.  Stam. 
Bantu  Kaviiondo  of  Mumias  district  (near  Lake  Victoria).  —  P.  A.  Witte. 
Beitriige  znr  Ethnographie  von  Togo.  —  C.  Nimuemdaju.  Bruchstiicke 
aus  Religion  und  Uebeilieferung  der  Sipaia-Indianer.  —  K.  Th.  Preuss. 
Forschungsreise  zu  den  Kagaba-Indianern.  —  Fr.  Bock.  Die  Gôttcr  der 
sieben  Planeten  in  alten  Mexiko.  —  Fr.  Graebner.  Thor  und  Maui.  — 
W.  ScHMiDT.  Anthropologie,  Ethnologie  und  Urgeschichte  in  der  Schule. 

The  Asiatic  Revie-w,  July  1922  : 

Th.  BfNiNktt.  The  Bef'orm  in  India.  [Considérations  rapides  sur  les 
réformes  politiques  introduiles  récemment  dans  ITnde.] 

C,  D.  Bruce.  Genoa  and  the  Washington  Conférence  vvilh  spécial 
référence  to  ihe  Inleresls  of  Ihe  Lf.  S.  A.  in  China.  [Sur  l'action  possible 
du  traité  germano-russe  en  dehors  de  l'Europe.] 

G.  A.  ORMSiîv-Gour;.  The  Situalion  in  the  Near  and  Middle  East. 


Ib6  Jl  ILLKT-SEPTEMBRE  1922. 

K.  N.  SiTAK\M.  Some  Aspecls  of  Indian  Architecture,  chieny  Hindiiistic. 
[Revue  des  principales  périodes  de  l'histoire  de  rarchilecture  hindoue; 
description  succincte  des  monuments  types.] 

V.  Chirol.  India  in  the  Lea{^>ue  of  Nations  :  what  she  gains.  [Le  béue'- 
fice  que  retire  l'Inde  de  faire  partie  de  la  Société  des  nations  est  de  voir 
sa  législation  s'améliorer.  ] 

J,  A.  Sandbrook.  a  Hnndred  years  of  Journalisra  in  India  (suite), 

T.  B.  Partington.  The  Commercial  Future  of  China.  [Au  point  de  vue 
commercial,  la  Chine  méi'itc  de  retenii'  l'attention  des  capitalistes  an- 
glais.] 

U.  B.  HoLME.  The  Burmese  Craftsman  and  liis  work. 

Stanlev  Rice.  The  frSihylline  Books-^  of  India. 

D.  A.  WiLSON.  Chinese  Love  Songs. 

Epigraphica  indica,  Vol.  XVI,  Parts  3-4  : 

F.  E.  Pargiter.  The  Inscriptions  on  the  Rimaran  Vase.  —  R.  Sewell. 
Tlie  First  Arya-Siddhanta  :  ffTruei  System. 

Hespéris,  t.  I,  'i"  trimestre  1921  : 

G.  Marçais.  La  chaire  de  la  Grande  Mosqiiée  d'Alger  (avec  9  ligures 
et  7  planches).  —  E.  Laoust.  Noms  et  cérémonies  des  feux  de  joie  chez 
les  Berbères  du  Haut  et  de  l'Anli-Atlas  (lui,  avec  une  carte  du  Maroc). 
—  P.  Ricard.  Poteries  berbères  à  décor  de  personnages  (avec  10  illus- 
trations). —  Actes  du  IP  congrès  de  l'Institut  des  Hautes-Etudes  maro- 
caines. —  Bibliographie  marocaine  eu  1931. 

Indian  Antiquary,  April  1922  : 

R.  L.  Turner.  Furtlier  Spécimens  of  Nepàlî.  —  T.  W.  Haig.  The  His- 
lory  of  the  Nizam  Shàhî  Kings  of  Ahmadnagar.  —  K.  M.  Gupta.  Land 
System  in  accordance  witli  epigraphic  évidence,  with  noies  on  some  of 
the  inscriptions  and  on  some  ternis  iised  in  thcni.  —  A.  C.  Creswell. 
Oiigin  of  the  svelling  Dôme. 

May  : 

A.  C.  Creswell.  A  Bibliograjiliy  of  the  Muhanmiadan  Arciiili^cture  in 
India.  —  R.  C.  Tkmple.  Faclor's  coniplaint  froiii  l'oraki'id  in  1  (')('),").  — 
E.  K.  AvuToN.  Note  on  oiie  of  tlic  \niaràvati  Scid|iliii('s  in  llic  Colondio 
Muséum. 


CHRONIQUE  ET  NOTES   BIBLIOGRA  IMIIQ  UES.         157 

Jiine  : 

J.  HosKYN.  The  Origin  aiul  eaily  Hislory  nf  the  Mers  of  Mervvara.  — 
Prof.  A.  Savcr.  New  liglit  from  Western  Asia.  —  T.  VV.  Haig.  The  His- 
tory  of  the  Nizam  Shàhî  Kings  of  Ahmadnagar.  —  R.  G.  Temple.  Notes 
from  old  Factory  Records. 

Der  Islam,  vol.  XII,  fasc.  3-4  : 

W.  AiiRENS.  Die  ffmagischen  Quadraten  ai-Bûnî's.  —  J.  IIorovitz. 
Sahiiâu  al-Fârisi;  -  Biblisclie  Nachwirkungeu  in  der  Sira.  —  J.  H.  Mordt- 
MANN.  Das  Ei  des  Golombus.  —  I.  Goldziuer.  Zwei  Schwerter. 

Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society  of  Great  Britain  and  Ire- 
land,  Juiy  1922  : 

W.  Haig.  Five  Questions  in  the  History  of  the  Tughluq  Dynasty  of 
Dihii.  —  J.  N.  Farqlhar.  The  historical  Position  of  Raniananda.  — 
G.  Grierson.  Spontaneous  Nasalizaliou  in  the  Indo-Aryan  I>anguages.  — 
G.  J.  Gadd.  Notes  on  some  Babylonian  Rulers.  —  W.  P.  Yetts.  More 
notes  ou  the  Eight  Immortals. 

Miscellaneous  Communications.  G.  E.  Woolley.  The  name  of  Garche- 
mish.  —  A.  MiNGANA.  Baghdad.  —  S.  Langdon.  The  Location  of  Isiu. 

Obituary  Notices.  E.  II.  Whinfield,  by  H.  Beveridge.  —  Dr.  J.  Nies. 

Al-Machriq,  Mai  iQ'îQ  : 

A  Salham.  L'accord  des  généalogies  de  N.-S.  dans  saint  Matthieu  et 
suint  Luc.  —  L.  Gheikho.  Les  Séances  d'Elie  de  Nisibe;  -  La  bibHogra- 
pliic  arabe  chrétienne  depuis  rislaiii;-  Le  premier  centenaire  des  Mis- 
sions cathoii([ues.  —  J.  Ghorevier.  Un  orientaliste  jésuite  américain  :  le 
P.  W.  Drum. 


uni 


S.  GiiEiKiio.  Le  troisième  centenaire  de  la  Gongr/galioii  de  la  Pi-opa- 
gande.  —  A.  Gémavel.  L'opinion  et  le  purisme  en  arabe.  —  L.  (îiu;ikiio. 
La  bibliograpliic  arabe  chrétienne  depuis  l'Islam.  —  P.  Sahaii.  Un  ermite 
français  au  LibcUi  :  M.  Fiançcus  de  Ghastenil. 

Juillet  : 

Fr.  Krenkov.  Les  diwans  des  deux  poètes  Auu'on  ibn  kolthoum  et 
llarilli  ibn  Hilliza.  —  L.  Gheikho.  Le  centenaire  de  la  Société  asiatique 


158  JUILLET-SEPTKMBUE  1922. 

de  Paris.  —  R.  Nakhlé.  La  nouvelle  Allemagne.  —  L.  Ciieikiio.  La 
bibliographie  aiabo  cbrélienne  depuis  ilslara.  —  P.  Sàrah.  Un  ermite 
français  au  Liban  :  M.  François  de  Ghasteuil  (jin). 

The  Moslem  "World ,  July  19  2  a  : 

P.  W.  Harrison.  The  Arab  Mind  an  ihe  Gospel.  —  A.  Jeffery,  Eclect- 
ism  in  Islam.  —  S.  R.  Harlow.  Goramunity  Life  and  Geremonies  of  the 
Peasant  Turk.  —  S.  M.  Zwemer.  The  so-caiied  Hadith  Qudsi.  —  Percy 
Smith.  The  Ibadhites. 

Le  Muséon,  vol.  XXXIV,  fasc.  2  : 

A.  Carnoy.  L'idée  du  cr Royaume  de  Diem  dans  l'Iran.  —  J.-B.  Cha- 
bot. Mélanges  épigraphiques  et  archéologiques.  —  G.  Ryckmans.  Un 
sceau  avec  inscription  sud-arabe.  —  P.  Gruveilhier.  Elude  sur  les  frag- 
ments d'un  code  pré  -  hammourabien  en  rédaction  sumérienne.  — 
G.  RvcKMANs.  Relevé  des  inscriptions  sud-arabes  appartenant  aux  musées 
et  aux  collections  privées.  —  Th.  Lefort.  Analecta  phiiologica.  — 
H.  Devis.  Homéhe  cathédrale  de  Marc,  patriarche  d'Alexandrie.  —  E.  de 
Zacharko  et  W.  Bang.  La  syntaxe  kirghize  de  P.  M.  Melioranski.  — 
D'  R.  Pelissier.  Alien  Races  of  East  Russia  :  Among  the  Wotjaks.  — 
E.  DE  Zacharko.  Usage  des  Tatares  de  TAbakan.  —  B.  Belpaire.  Une 
j'éceiite  histoire  de  la  Ghine  [Henri  Gordier,  Histoire  générale  de  la 
Chine]. 

Revue  africaine,  1922,  fasc.  1  : 

W.  Seston.  Qui  fut  l'Auctor  d'Hadrien?  Note  sur  un  passage  contro- 
versé (le  l'ordre  du  jour  de  Lainbèse.  —  G.  Marçais.  Reclierches  d'archéo- 
logie musulmane.  —  G.  Braibant.  Invenlaii'e  des  archives  de  l'Amirauté 
d'Alger.  —  Voinot.  Une  phase  curieuse  des  rapports  des  autorités  algé- 
riennes avec  l'Amalat  d'Ondjda  (187.3-187/1).  —  Bencheneb  et  E.  Levi- 
Provençal.  Essai  de  léperloire  chronologique  des  éditions  de  Fès. 

Revue  des  Études  slaves  j)ubliée  par  l'Institut  d'Etudes  slaves.  Direc- 
teurs :  A.  Meillet  et  Paul  Boyer.  Librairie  Ghampion.  Tome  I, 
1921  : 

Avant-propos.  —  A.  Meillkt.  De  l'unité  slave.  —  J.  Mikkola.  La 
question  des  syllabes  ouvertes  en  slave  comnuui.  —  A.  Belu;.  Les  rap- 
jiorls  mutuels  du  serbo-croate  et  du  slovèue.  —  N.  van  VVijk.  Du  dépla- 


CHRONIQUE  ET   NOTES   BIBLIOGRAPHIQUES.         159 

cernent  de  l'accent  en  serbo-croate.  —  St.  Mladenov.  Vestiges  de  la 
langue  des  Protobulgares  touraniens  en  bulgare  moderne.  —  Oldfich 
HujER.  Des  sources  de  l'histoire  de  la  langue  tchèque.  —  i\H  Horâk. 
Les  études  ethnographiques  en  Tche'co-Slovaquie ;  littérature  populaire; 
coutumes  et  croyances.  —  André  Lirondelle.  La  poésie  de  l'art  pour 
l'art  en  Russie  et  sa  destinée.  —  André  Mazon.  Quelques  lettres  de  Dos- 
toevskij  à  Turgenev.  —  Louis  Eisenuann.  Ernest  Denis.  —  S.  M.  Kul'- 
BAKm.  L'œuvre  de  A.  A.  Sachmatov.  —  Prince  N.  Troubetzkoy.  De  la 
valeur  primitive  des  intonations  du  slave  commun.  —  A.  Meillet.  Les 
vues  de  Sachmatov  sur  la  constitution  de  la  nation  russe  et  des  dialectes 
russes.  —  J.  J.  Mikkola.  L'avance  des  Slaves  vers  la  Baltique.  — 
Fr.  Travim'cek.  De  la  ijuantité  en  tchèque.  —  Jifî  Horak.  Les  études 
ethnographiques  en  Tchéco-Slovaquie  :  la  civilisation  matérielle.  — 
P.  Cancel.  a  propos  de  l'origine  des  rrbugarsliceii.  —  Pierre  Chasles. 
La  famille  paysanne  russe  d'après  le  droit  coutumier.  —  Louis  Réau. 
L'art  français  en  Pologne  sous  Stanislas-Auguste.  —  (-hronique,  par 
A.  Meillet,  André  Mazon,  A.  Vaillant. 

T.  II,  fascicules  i  et  2  : 

M.  Rostovtzeff.  Les  origines  de  la  Russie  kiévienne.  —  Lubor  Nie- 
DERLE.  Des  théories  nouvelles  de  Jan  Peisker  sui*  les  anciens  Slaves.  — 
A.  Meillet.  Des  innovations  du  verbe  slave.  —  St.  Romanski.  Slave 
commun  et  verbe  ancien.  —  J.  Endzelin.  Des  intonations  leltones.  — 
A.  Belic.  Principes  du  classement  des  substantifs  en  serbo-croate.  — 
M.  IvKovic.  La  chute  du  v  dans  les  parlers  de  la  Macédoine  orientale.  — 
Jordan  Ivanov.  Un  parler  bulgare  archaïque.  —  Jiïî  Poli'vka.  Du  surna- 
turel dans  les  contes  slovaques  :  les  êtres  surnaturels.  — Jules  Patouillet. 
L'histoire  du  théâtre  russe  :  essai  de  bibliographie  critique.  —  Chro- 
nique. 

Revue  du  Monde  musulman,  vol.  XLIX  (mars  1922)  : 

Colonel  NiEGER.  Choix  de  documents  sur  le  territoire  des  Alaouites 
(pays  des  Noseïris).  —  B.  Nikitiîne,  Les  valis  d'Ardelan.  —  IL  BoiR- 
geois.  Le  frLivre  des  Bektachisn  de  Naïm  bey  Frasheri,  traduit  de  l'alba- 
nais. —  M.  Delafosse.  L'animisme  nègre  et  sa  résistance  à  l'islamisation 
en  Afrique  occidentale.  —  L.  Bouvat.  Livres  et  Revues. 

Vol.  L  (juin  1922)  : 

C.  Snolck-Hurgronje.  L'Islam  et  le  problème  des  races.  —  J.  Cas- 
tagne. Le  Turkestan  depuis  la  révolution  russe.  —  G.  .  .  Textes  liisto- 


160  JUILLET-SEPTEMBRE   ly-JJ. 

riques  sur  le  lévoil  arabe  au  Hetljaz.  —  Yoîsoi  f  Bek  Vezîuoff.  IJii  coup 
rl'œil  sur  la  lillëralure  de  rAzerbaidjan.  —  B.  INikitine.  Talecli.  — 
M.  TcHOKAÏEv.  Deux  contes  modernes  du  Turkrstaa,  traduits  du  kirgliiz. 
—  Liste  des  ouvi'ages  imprimes  à  Damas  de  191^  à  1991,  communi- 
quée par  l'Académie  arabe.  —  Livres  nouveaux  concernant  les  études 
islamiques.  —  Livios  orientaux  nouveaux.  —  Revue  des  revues. 

T'oung  Pao,  1922,  fasc.  9-3  : 

J.  MuLLiE.  Les  anciennes  villes  de  l'empire  des  grands  Leao  au  royaume 
mongol  de  Bârin. 


Le  {jCKIHl  : 

(J;il)riol  Fkrrani). 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

OCTOBRE-DÉCEMBRE   1922. 


L'EMPIRE   SUMATRANAIS 
DE   ÇRlVIJAYi, 

PAR 

GABRIEL   FERRAND, 

MINISTRE    PLENIPOTENTIAIRE. 

(SUITE.) 


Abû'l-Fazl  (1695). 

The  Aîn  i  Akbari  hy  Abul  Fazl  Allami,  lexlc  persan  édité 
par  H.  Blochmainn,  2  vol.,  in-/i°,  Calciilt.),  1872  et  1877; 
trad.  anglaise  :  t.  I,  par  Blochmann,  in- 8",  Calcutta,  1878; 
t.  II  et  III,  par  le  colonel  H.  S.  Jarret,  Calcutta,  1891  et 
189/1. 

LXXXllI.  (T.  III,  p.  46.)  Table  pour  la  détermination  des  iongiludes 
et  des  latitudes  des  endroits  situés  dans  le  quart  habité  du  globe. . . 

Pays  situés  au  sud  de  l'équateur. 
L'île  de  Lâmurï,  dans  l'Inde, 

qui   produit    le    bois    du 

Brésil long.  1 3o°  00'     lai.    9°  00' 

L'Ile  de  Kalah ,  dans  l'Inde.  .  1  /io°  00'  8'  00' 

L'île  du  Maharaja,  dans  l'Inde.  1 5o°  00'  i'  00' 

Premier  climat. 
L'île  de  Zâbag ioA°oo'  1 5°  00' [nord'"'] 

'')  Tontes  ros  indications  sont  inexactes.  Les  pays  situés  dans  le  1"  climat 
sont  au  nord  de  réquatéur.  D'après   les  latitudes  données  par  Abu'l-Fazl,  le 


162  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 


Mille  et  uxe  ivc/rs'^l 


LXXXIV.  Au  cours  de  son  premier  voyage,  Sindbâd  arrive  dans  une 
île  inconnue.  Il  y  rencontre  des  palefreniers  qui  lui  dirent  :  cfNous 
sommes  les  palefreniers  du  roi  [appelé]  le  Mahâiâja  à  qui  cette  île 
appartient .  .  .-r  Dès  que  les  juments  du  roi  eurent  été  saillies  par  l'éta- 
lon sorti  de  la  mer,  rrles  gens,  montés  chacun  sur  une  jument,  formèrent 
une  troupe  nombreuse  et  partirent,  en  m'amenanl  de  compagnie,  pour 
la  ville  du  roi  [appelé]  le  Maharaja,  où  nous  arrivâmes  tous  ensemble. 
Ils  m'introduisirent  vers  ce  roi  et  me  présentèrent  devant  lui.  Il  me 
demanda  qui  j'étais,  et  je  lui  racontai  toilt  ce  qui  m'était  arrivé"  (texte 
et  trad.  de  Lakglîîs,  dans  Savakv,  Grammaire  de  la  langue  arabe,  Paris, 
181 3,  m-h\  p.  li']b-h-]6). 

Livre  des  merveilles  de  l'L\de. 

Kkàh  "njâ'ih  al-Hind,  Livre  des  merveilles  de  l'Inde  par  le  capi- 
taine BozoRG  BiN  Sahriyàr  dc  Râmhormoz,  trad.  par  iMarcel 
Devic,  texte  arabe  et  notes  par  P.  A.  van  der  Lith,   Leyde, 

1883-1886,  in-/» <'('^). 

LXXXV.  (P.  187.)  Yûnus,  fils  de  Mahrân,  de  Sïrâf,  le  marchand 
qui  a  été  au  Zâbag,  m'a  dit  :  rrDans  la  ville  où  réside  le  Maharaja,  roi 
du  Zâbag,  j'ai  vu  une  quantité  innombrable  de  rues  marchandes.  Dans 
[la  rue]  des  Changeurs,  j'ai  compté  jusqu'à  800  changeurs,  outre  ceux 
qui  sunt  établis  çà  et  là  dans  les  autres  rues.i-  Il  ajoutait  bien  d'autres 
choses  sur  celte  île  du  Zâbag,  ses  campagnes  cultivées,  la  multitude  de 
ses  villes  et  de  ses  villages,  qui  passent  toute  description. 

LXXXVl.  (P.  176.)  Jai  déjà  parlé  de  Sribuza  qui  est  située  à  l'ex- 
trémité de  l'île  de  LâmurI,  à  1 20  zâm  [=.360  heures  de  route]  dc  Kalah. 

Zahâjj  serait  à  16°  au  nord  de  l'île  du  Maharaja,  à  28°  au  nord  de  Kalah  = 
Kra  de  la  péninsule  malaise  et  à  ai"  au  nord  de  Lâmurï  ^=  pointe  nord  de 
Sumatra  ! 

"^  Le  texte  des  Mille  et  u»c  nuits  n'est  pas  daté,  mais  son  ancienneté  est 
incontr-slable  (cl.  mes  Relations  de  vutju^cs ,  t.  Il,  p.  56i). 

'*)  La  date  de  ce  lexle  osl  incertaine;  j'en  ai  donné  les  raisons  dans  mes 
HelatioDs  (le  voijaifes ,  t.  II,  p.  56^1 -56f). 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  163 

Allah  seui  connaît  la  vérité I  La  baie  de  Sribuza  pénètre,  dit-on,  de 
5o  parasanges  dans  l'île.  (î'est  un  fleuve  beaucoup  plus  large  que  le 
Tigre  à  Basra,  ses  eaux  sont  douces  comme  celles  du  Tigre.  Il  n'y  a 
point  de  baie  plus  longue  dans  toute  l'île.  Le  llux  s'y  fait  sentir  de 
douze  eu  douze  heures.  On  y  trouve  des  crocodiles  ;  mais  ceux  qui  sont 
dans  ia  partie  qui  avoisine  les  habitations,  ne  font  aucun  mal,  ayant 
été  enchantés,  comme  nous  l'avons  dit'*',  tandis  que  les  parties  situées 
en  deliors  des  constructions  sont  inabordables,  à  cause  de  ces  animaux. 
Quelques  maisons  sont  bâties  sur  terre;  mais  la  plupart  flottent  sur 
l'eau,  soutenues  sur  des  pièces  de  bois  reliées  ensemble,  en  forme  de 
radeaux,  et  d'une  durée  infinie.  Ils  font  cela  par  crainte  du  feu;  car 
leuis  habitations,  construites  en  bois,  sont  fort  sujettes  à  l'incendie; 
que  le  feu  prenne  quelqiie  part,  tout  brùIe.  Placées  sur  l'eau,  les  mai- 
sons sont  mieux  protégées;  si  le  feu  se  déclare  en  un  point,  chaque 
propriétaire  peut  couper  ses  amarres,  déloger  et  s'aller  fixer  ailleurs, 
loin  de  l'incendie.  Lorsqu'il  se  déplaît  quelque  (p.  177)  part,  il  peut 
de  même  changer  de  quartier.  Ces  habitations  de  la  baie  sont  rangées  de 
manière  à  former  comme  des  rues.  L'eau,  entre  les  habitations,  coule 
avec  abondance.  C'est  de  Teau  douce  qui  arrive  du  haut  pays  pour 
pénétrer  dans  l'estuaire  et  se  jeter  dans  la  mer,  de  la  même  manière  que 
le  Tigre. 

ÇrÎVIJAYA  >  CuE-LI-FO-CUE  =  ZâBAG  <  JâVAKA. 

L'empire  de  Çrlvijnya  avait  sa  capitale  à  Paiemban  même 
ou  aux  environs  de  l'actuelle  Paiemban.  C'est  ce  qui  résulte 
des  itinéraires  de  Yi-tsing  (III  et  VI,  p.  k  et  5).  Celui-là,  de 
Chine  en  Inde,  part  de  Canton,  avec  escales  à  Fo-che  ou  Che- 
li-fo-che,  Mo-lo-yu,  Kie-lch'a,  l'une  des  Nicobar,  pour  aboutir 
à  Tamralipti;  autrement  dit  Canton-Palemban-Jambi-lvedah- 
Nicohar  et,  enfin,  Tamluk.  Celui-ci,  de  Chine  à  Ceylan, 
emprunte  l'itinéraire  suivant,  le  port  chinois  d'embarquement 
n'étant  pas  explicitement  indicpié  :  Canton,  Che-li-lo-clie,  Mo- 
io-yu,  Kie-tch'a,  Na-kia-po-tan-na ,  Ceylan;  c'est-à-dire  :  Can- 
ton-Palembafi-Jambi-këdah-Negapatam-Ceylan.   Dans  ce   der- 

f   Vide  p.  1 58- 160  du  même  ouvrage. 


164  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

nier  cas,  il  est  dit  que  la  durée  du  voyage  entre  les  deuxième, 
troisième  et  quatrième  escales,  fut  de  quinze  jours  de  Clie-li- 
fo-che  à  Mo-io-yu  et  de  quinze  jours  également  de  Mo-lo-yu  à 
Kie-tch'a''l  Si  le  voyage  paraît  un  peu  long  entre  ces  escales 
qui  sont  relativement  proches,  on  se  rappellera  que  Palemban 
et  Jambi  sont  des  ports  fluviaux,  situés,  comme  Bangkok, 
Saigon  et  Canton,  en  amont,  à  (jueique  cent  milles  de  l'em- 
bouchure, et  que  la  navigation  dans  ces  fleuves  et  rivières 
d'Extrême-Orient  est  extrêmement  lente,  malgré  l'assistance 
des  pilotes  locaux.  En  fait,  de  Palemban  à  Jambi,  près  d'un 
quart  du  voyage  s'elïectue  dans  l'estuau'e  et  la  partie  basse  du 
fleuve  où  les  apports  d'alluvions  et  les  déplacements  constants 
des  bancs  de  sable  et  de  vase  sous  l'influence  du  courant  variable 
avec  les  saisons  (saison  des  pluies  ou  saison  sèche),  de  la 
mousson,  des  cyclones,  rendent  la  pratique  du  fleuve  extrême- 
ment difficile  et  malaisée  pour  les  bâtiments  de  haute  mer.  Je 
n'ai  navigué  ni  sur  le  bas  fleuve  de  Palemban ,  ni  sur  celui  de 
Jambi,  mais  je  connais  assez  bien  le  bas  Menam;  et  je  sais 
combien  la  montée  de  la  mer  à  Bangkok  et  la  descente  du 
fleuve  à  la  mer  exigent  de  précautions,  même  de  la  part  des 
marins  du  commerce  qui  font  régulièrement  la  navette  entre 
Saigon  ou  Singapour  et  la  capitale  siamoise,  avec  des  vapeurs 
de  faible  tonnage.  On  peut  ainsi  facilement  imaginer  combien 
celte  navigation  était  plus  délicate  encore  pour  les  voiliers  et 
jonques  de  mer  du  vu''  siècle. 

Çrivijaya  et  Che-li-fo-che  ou  Fo-che  se  situent  donc  à  Pa- 
lemban. D'après  rinscription  de  Viei'i  Sa  (XXIX),  le  roi  de 
Çrivijaya  est  titré  Maharaja;  le  texte  épigraplii(pie  dit  en  effet, 


('^  Vide  supra,  LXXWI,  p.  lOa ,  lo  passajje  du  Livre  des  merveilles  de  l'Inde 
où  il  est  (lit  que  kaiuli  ou  Kra  de  la  pôniiisnle  malaise  est  à  120  zàm  de 
route  =  3Go  lieui'cs=  i5  jours  de  route  île  Srihuza  ;  mais  il  s'agit  sans  doute 
ici  d'un  voya^je  direct,  sans  escale  inlermikliaire  entre  les  deux  ports  de  di'part 
et  d'arrivée. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  165 

expressément  :  çrmali/lrâjandmn  (^vide  supra,  p.  àtî^  C'est 
exactement  le  titre  par  le<|uel  les  textes  arabes  désignent  le 
souverain  du  Zabâg  et  nous  en  avons  de  nombreux  témoi- 
gnages :  Ibn  Horda<5"bei(  (XXXIV),  Ibn  al-Fakïh  (XXXVI, 
p.  lô),  Ibn  Rosteii  (XXXVII),  Abu  Zayd  (XXXIX, *§  2),  Mas^ûdî 
(XL  et  XLI),  Kazwlm-  (XLVIII  et  LV),  Ibn  Sa  w  (LXI,  infue), 
Abûlfidâ  (LXVlll  et  LXÏX),  Ibn  al-Wardï  citant  Muhammad 
bin  Zakariyâ  ar-Râzï  (LXXII),  qui  s'étendent  du  milieu  du 
i\^  siècle  au  milieu  du  xIv^ 

D'autre  part,  Abûlfidâ  affirme  que  «l'île  du  Maharaja,  c'est 
l'île  de  Sribuza55,  c'est-à-dire  que  cale  du  Maharaja»  et  cale 
de  Sribuza»  sont  les  noms  diff'érents  d'une  même  île  (LXVIII, 
p.  '76,  et  n.  1  ).  Le  même  auteur  rapporte  également  un  pas- 
sage du  Livre  des  longiludes  attribué  à  Al-Faris  (x"  siècle)  dont 
Abîjlfidâ  ne  fait  sans  doute  que  reproduire  le  témoignage 
(p.  7^).  DniASKï,  qui  fut  contemporain  du  prince  de  Hamât, 
s'exprime  dans  des  termes  équivalents  :  «L'île  du  Maharaja, 
dit-il,  est  la  mère  des  îles  mahârâjiennesj)  (LXIV,  p.  78,  et 
n.  3),  ce  qu'il  faut  entendre  par  :  l'île  du  Maharaja  [=Sri- 
buza]  est  la  capitale  de  tous  les  pays  dépendant  de  ce  souve- 
rain. 

L'équation  :  île  du  Maliârâja  =  Zabag  ===  Sribuza  est  du 
reste  attestée  par  ailleurs.  Abij  Zayd  décrit  en  détail  la  ville  (sic) 
de  Zâbag  (XXXIX);  Ibrahim  bin  Wâsif-Sâh  (XLII)  s'exprime 
dans  les  mêmes  termes  en  parlant  de  l'île  du  Maharaja.  D'après 
Abu  Zayd,  le  palais  du  Maharaja  du  Zfdiag  est  situé  sur  un 
fleuve  dont  l'estuaire  est  semblable  à  celui  du  Tigre  (XXXIX, 
p.  67);  le  Livre  des  merveilles  de  l'Inde  en  dit  autant  du  fleuve 
de  Sribuza  (LXXXVI),  que  l'auteur  trouve  «beaucoup  plus 
large  que  le  Tigre  à  Basra??.  Le  même  ouvrage  arabe  parle 
des  maisons  flottantes  ancrées  dans  le  fleuve  de  Sribuza;  le 
Tchou  fan  tche  en  fait  également  mention  dans  la  notice  consa- 
crée au  San-fo-ls'i  (XVIII,  p.  ()). 


166  Or/rOBRE-DECKMRRE  19t>i>. 

Ibn  Sa'id  (lécril  lo  l;ic  ou  élang  aiiv  briques  (101'  et  le  situe 
dans  la  ville  (.s/c)  du  Maharaja  (LXI,  p.  ■yo);  c'est  ce  même 
lac  ou  étang  dont  parlent,  à  propos  du  Zâbag,  Ibn  Hordâ^beh 
(XXXIV),  Aev  Zayd  (XXXIX,  p.  57;  cf.  également  Les  Prai- 
ries itor  de  Mas'ïdî,  t.  I,  p.  175-176),  Kazvvini  (XLIX)  et 
Ibn  al-Wardï  (LXXII),  ces  deux  derniers  d'après  la  même 
source. 

Ces  conslatations  sont  décisives  et  on  en  peut  conclure  à 
l'identité  de  Che-li-fo-clie  ou  San-fo-ls'i,  Zrdiag,  Sribuza,  ile 
du  Maharaja  et  du  Çrivijaya.  Dans  tous  les  cas  et  à  partir  de  la 
fin  dq  vif  siècle  (cf,  IX),  il  s'agit  d'un  puissant  empire  dont  la 
capitale  se  trouvait  dans  la  région  de  Palembaii;  la  dynastie 
régnante  des  Çailendra  se  rendit  maître  de  l'île  de  Sumatra 
tout  entière  et  étendit  ses  conquêtes  coloniales  à  Java,  d'une 
part,  et  à  la  péninsule  malaise,  d'autre  part.  Le  texte  du  Tchou 
fan  tclie  (XVllI,  p.  1  3  )  est  suflisamment  explicite  à  cet  égard. 
Les  géographes  arabes  sont  moins  précis.  Un  seul,  Ibn  al-Fakih 
(XXXVI,  p.  5^1),  rapporte  que  kaiah  de  la  péninsule  malaise 
et  le  Zâbag  font  partie  du  même  empire  ''^;  les  autres  se  con- 
tentent de  vanter  la  puissance  et  la  richesse  du  Maharaja  :  «roi 
des  îles  du  Zâbag  et  d'autres  îles  dans  la  mer  de  Chine  57,  dit, 
par  exemple,  Mas'ldi  (XLlj,  sans  y  apporter  plus  de  précision. 
Mais  si  on  lit  ces  textes  avec  la  préparation  nécessaire,  on 
s'aperçoit  aisémetit  que  Sumatra  a  été  morcelée  en  plusieurs 
îles  qui  ne  sont  en  délinitive  que  des  r(''gions  différentes  de  ia 
grande  île  indonésienne.  Le  nord  de  Sumatra  est  décrit  comme 
une  île  indépendante  appelée  Râmi,  liâmni,  llainini  '-',  Lâmun  '^'; 


(')  Eoiiîsï  donne  iinplicilcmcnl  un  rensci[fnoment  identique  en  disant  qtie, 
dans  l'ile  de  Kaiah,  «demeure  un  roi  qu'on  appelle  le  Jaita  [al-liindi]  ou  prince 
indien')  (cf.  mes  Helulioit»  de  voyaues,  t.  I,  p.  18/1). 

(^)  Pour  d'aulres  mentions  de  l'ile  de  liâmi,  cf.  l'index  du  t.  II  de  mes 
Relations  de  voijaj'i'g ,  s.  v"  liàinl,  llduiln,  Râmnî. 

(•'''   Ibid.,  s.  v°  Làiniiri. 


L'RMPIRE  SUMA'rnVNAlS  DE  ÇRlVUAYA.  167 

nie  de  Paiicur  ou  BûIlis  désignent  également  Baros,  le 
port  fameux  du  camptire  de  la  côte  occidentale;  par  l'ile  de 
Sribuza,  il  faut  entendre  plus  particulièrement  le  sud-est  de 
Sumatra.  De  même,  dans  le  Nâgarahertâgamn ,  le  poète  de  cour 
PrapaiS(:a  donne  comme  «îles 75  (^nûm'j  vingt-quatre  villes  ou 
états  du  Malayu  =  Sumatra  dont  quelques-uns  sont  situés  dans 
l'intérieur  de  l'île  (wV/e  vifra,  p.  180).  Sans  indiquer  qu'ils 
font  partie  d'une  même  île,  Yi-tsing  cite  trois  pays  :  P^O" 
lou-che,  Mo-lo-yu  et  Che-li-fo-che  (IX,  p.  6)  dans  son  Nan 
liai  kl  kouei  nei  fa  tchouan,  en  indiquant  que  «le  Mo-lo-yu, 
c'est  maintenant  [==a  été  soumis  par]  le  Che-lirfo-chej).  Aussi, 
dans  son  Ta  i'ang  si  iju  k'ieou  fa  kao  seng  tchouan,  divise-t-il 
Sumatra  en  deux  pays  ou  royaumes.  «Deux  hommes  du  Sin-lo 
(Corée)  .  .  .  partirent  de  Tch'ang-ngan  (capitale  de  la  Chine) 
et,  après  une  longue  route,  arrivèrent  dans  les  mers  du  sud. 
Ils  se  rendirent  en  bateau  dans  le  royaume  de  P'o-lou-che 
[^ Baros],  à  l'ouest  du  royaume  de  Che-li-fo-che»  [Heligieuûp 
éminents,  p.  3 6-3 '7).  Kia  Tan,  au  contraire,  n'a  qu'un  nom 
pour  Sumatra  :  i%  ^  Fo-che  :  «  ,  .  .  Puis,  après  cinq  jours 
de  route,  dit-il  dans  son  itinéraire  par  voie  de  mer,  on  arrive 
à  un  détroit  que  les  barbares  nomment  ^  Tche  (détroit  de 
Malaka).  Du  nord  au  sud,  il  a  cent  //.  Sur  la  côte  septentrio- 
nale, c'est  le  royaume  de  H  jH  Lo-vue  (pron.  anc.  *LavaS  ou 
*Lawa§y,  sur  la  côte  méridionale,  c'est  le  royaume  de  Fo-che» 
(Pelliot,  Deux  itinéraires j,  p.  3  7  3). 

Le  Tao  yi  tche  lio  de  Wang  Ta-yian  (13/19)  contient  1  00  no- 
tices dont  gf)  sont  des  notices  géographiques.  Les  suivantes 
sont  consacrées  à  différentes  parties  de  Sumatra.  On  verra  par 
leur  numéro  d'ordre  que  l'auteur  n'a  pas  eu  Iç  sentiment  qu'il 
s'agissait  d'une  même  terre  insulaire  :  2  9 .  San-fo-ts'i  ;  61 .  Kieou- 
kiang;  kk.  Pan-tsou[-eul]  ^^^;  53.   %i  y\<, '^  Ki-chouei-wan  Adi 

(')   Vide  »up-a,  p.  79,  n.  1. 


168  OCTOBRE-DÉCEMBRE  1922. 

baie  aux  eaux  furieuses  w  ^'';  5/i.  ^M  ^  Houa-mien  houo  c^le 
pays  des  hommes  au  visage  fleuri  55  [=^  tatoués]  =  pays  des 
Bataks;  55.  \hW  Tan-yang  (l'embouchure  de  la  rivière  de 
Tamian);  ^^ -  ^M  '^  ^  M  Sm-wen-ta-la  (état  de  Sumatra  de 
la  côte  nord-est);  09.  i}#  #  M  T'o-fnn-U,  peut-être  Tapanuli 
de  la  côte  sud-ouest  (?);  G2.  fj^  p^JÂ  Pg^  IS an-wou-li -=  Lâmurï^-l 
Dans  le  Ying  yaicheng  lan  de  Ma  Huan,  sur  1  8  notices,  5  sont 
consacrées  à  Sumatra  (3  ,  6,7,8  et  9).  Le  Sing  tch'a  cheng  lan 
de  Fei  SiN  est  divisé  en  k  chapitres  contenant  ensemble 
ko  notices  géographiques  (1-12,  i3-2i,  22-81,  82-/10).  Les 
5  notices  suivantes,  insérées  au  hasard  dans  les  trois  premiers 
chapitres,  sont  consacrées  à  Sumatra  :  10,  20,  21,  22  et  28. 
Il  en  est  de  même  dans  le  Siyang  tcliao  hong  tien  lou  de  Houang 
Sing-ts'eng  (^*  et  même  dans  le  Tchoufnn  tche  (trad.  Hihth-Rock- 
HiLL,  cf.  la  table  de  la  page  vii)(^'. 

Les  textes  qui  précèdent  désignent  successivement  l'empire 
sumalranais  sous  les  noms  de  : 

Chinois  :  Che-li  Fo-che  ou  Fo-che,  Che-li  P'i-che,  jusque 
dans  les  premières  années  du  x"  siècle;  à  partir  des  dernières 
années  des  T'ang,  en  90/1,  apparaît  la  leçon  San  Fo-lsi  on 
Fo-ls'i,  qui  se  maintiendra  sous  les  Song  postérieurs  (960- 
1279)  et  jusqu'au  début  des  Ming  (fin  du  xiv*  siècle); 

Indonésien,  sanskrit  ettamoul  :  Çrî  Vijaya  (tamoul  Çrl  Visa- 
yam,  qui  est  l'exacte  représentation  phonétique,  en  tamoul,  de 
la  leçon  indonésienne); 

Arabe  :  Sri  Buza<z*Sri  Buja  (restitution  des  graphies  fau- 


''>  A  la  poiiile  nord  de  Sumatra. 

(')  Pour  ces  notices  et  les  suivantes,  cf.  Rockhill,  Notes  on  ihe  relations 
and  Irade,  T'oung  pao,  1916,  t.  XV,  p.  6/1  et  suiv. 

''>  Dans  Rockhill,  Notes  on  the  relations  and  trade,  T'oung  pao,  t.  XVI, 
1916,  p.  79. 

'''  Pour  la  conception  qu'avaient  les  Chinois  de  la  situation  des  îles  de 
rindonésie,  cf.  l'élranye  carte  à  la  (in  du  t.  Il  du  Si  iju  ki,  trad.  St.  Julien. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.      •  169 

tives  »v^,  »jjj.*C,  »;J^—  Sarbnza,   Snrhuza ,    Sarîra^   et    Zâ- 
hag; 

Javanais  :  Sam  Boja,  Sëm  Boja^^l 

Plusieurs  de  ces  leçons  sont  étroitement  apparentées.  Le  -^ 
M  Wo  'M.  Clie-Ii  P'i-che  du  T'ai  ping  houan  yu  ki  est  incontes- 
tablement une  transcription  chinoise  parfaite  du  Çrî  Vijaya  de 
l'inscription  indonésienne  de  Kota  Kapur  (XXVII).  A  cette 
notation  correcte  s'oppose  celle  de  Yi-tsing  et  d'autres  textes  : 
^  (ou  pï)  ^ij  f^  j^  (ou  ^)  Che-li  Fo-chr,  qui  représente 
Che-U^c^Çrî et  Fo-che  < *BiC^-jaif,  l'implosive  dentale  du  carac- 
tère f^yo<::  ancien  ^hiul,  étant  en  harmonie  avec  la  palatale 
sonore  initiale  du  mot  suivant  f/<e<  ancien  *jay;  c'est-à-dire 
*Çri  Bujay".  Phonétiquement,  Talternance  vi:>hu  est  incon- 
testablement fautive  et  d'autant  plus  inexplicable  que  Yi-tsing 
a  longuement  séjourné  dans  le  pays  où  il  apprit  le  sanskrit  et 
la  langue  indigène;  une  erreur  de  ce  genre  de  la  part  de  ce 
moine  lettré  et  polyglotte  échappe  à  tout  commentaire.  Force 
nous  est  donc  de  constater  une  divergence  pour  laquelle  on 
n'entrevoit  aucune  justification.  A  partir  de  la  fin  des  T'ang, 
les  transcriptions  chinoises  présentent  la  même  difficulté  et 
une  autre  encore.  H  f^  ^  San  Fo-tsi  est  la  stricte  notation 
d'un  ancien  *Sam  Bu''^-jay'\  H  san,  pron.  anc.  *sam  avec  im- 
plosive  nasale  labiale,  tient  ici  la  place  du  che-li > çrî  de  Yi- 
tsing  et  d'autres  textes.  De  çrl  a.  *sam,  on  ne  peut  songer  à  une 
alternance  phonétique  *sam<cçn  que  rien  ne  justifierait.  La 
seule  explication  possible  est  la  suivante  :  des  textes  javanais 
tardifs  ont  Samboja  et  Sëmboja,  qui  sont  très  voisins  de  San-fo- 
tsi<:*Sam  Bujaya.  Ceci  permet  de  conjecturer  que  la  leçon 
javanaise  remonte  peut-être  au  x"  siècle,  date  de  l'apparition 
de  cette  nouvelle  notation  chinoise,  qui  aurait  suivi  une  évolu- 

(')  J'ai  déjà  trailé  la  question  ea  détail  dans  lo  J.  /U.,  juillet-aoùl  1919, 
p.  1 08-161,  auquel  je  renvoie. 


170  .  OCTOI'.r.R-DECEMBRE  1922. 

lion  j3ar;illèle  à  celle  du  nom  indigène  :  Çrl  ViJai/n>-Saml>o/a, 
Semboja.  Mais  cette  hypothèse  soulève  des  objections  assez 
graves.  Tout  d'abord,  nous  ne  possédons  aucun  texte  indoné- 
sien du  début  du  x*"  siècle  et  l'épigraphie  n'a  révélé  rien  de 
pareil;  enfin  et  surtout,  les  inscriptions  tamoules  du  xf  siècle 
ont  toutes  Çri  V{smja  =  Çrï  Vijaya,  ce  qui  montre  que  le  nom 
de  l'empire  sumatranais  attesté  par  l'inscription  malaise  de 
Kota  Kapur  se  maintenait  intact  et  n'avait  pas  varié  au  mo- 
ment où  les  Chinois  commençaient  à  le  rendre  par  San  Fo-ti'i-< 
*Sam  Bujaya.  Le  désaccord  phonéticpe  de  ces  difTérentes 
leçons  du  nom  d'un  même  pays  reste  ainsi  irréductible  en 
l'état  de  nos  connaissances  (^'. 

Sous  les  réserves  précédentes,  on  peut  donc  poser  géogt^a- 
phiquemenî^'^  :  Çrï  Vijaya  =  Çr'i  Vimya  =  Che-U  Fo-che  ou  Fo-che 
=  San  Fo-ts'i  ou  Fo-ts'i  =  Sri  Buza<<*Sri  Buja  =  Sam  Boja, 
Sëm  Boja. 

L'autre  nom  sous  lequel  les  Arabes  désignent  l'empire  suma- 
tranais :  ^îjj  Zâbag,  est  également  la  transcription  d'un  terme 
indigène.  Le  jz  transcrit  la  palatale  sonore  indonésienne  y;,  le 
t_?  peut  représenter  un  v  initial  et  le  ^  en  fonction  de  guttu- 
rale sonore  =g-.  On   conçoit  que  les  premiers  transcripteurs 

f''  Ibid.  La  même  éniffme  phonétique  se  présente  clans  la  loponoraaslique 
du  Campa.  L'une  des  capitales  du  pays  est  appelée  -j^  1(Ê-  Fn-cke  ==  *Bu''-jay'' 
(sino-annamite  Pâl-lhê)  par  les  textes  annamites;  j^  ^  Fo-che  =^  *Ba^-jmj'', 
par  le  .SV/»*^;  chc:  le  Tao  iji  Iche  ko,  dans  la  notice  sur  ï^in-l'ong-long  =  l'ându- 
rai'iga,  a  [5jj^  "M-  P'i-ls'i  =  *Vijay".  «Or,  dit  Cokdès  (Le  roiimime  de  Çnvijaya, 
p.  a'i),  on  sait  d'une  façon  certaine  par  l'épigrapliie  qu'à  cette  époque  la 
capitale  came  était  au  Binli-dinli  et  s'appclail  Vijaya. n  Le  cas  est  exactement 
semblable  à  celui  dos  transcriptions  du  Çrivijaya  sumati'anais  et  la  divergence 
vocaliqu^  est  également  inexplicable.  [CL  cependant  skr.  visâjifl > arabe  bukàn, 
dans  mes  Relalians  de  voyaiies,  t.  11,  p.  67,5,  qui  présentent  une  alternance 
identique  » '>  u  après  v.  Le  procès  est  évidemment  le  môme  dans  Vijaya  > 
Fo-che  ]. 

(-'  Ihid.,  p.  1 52-1 55,  où  il  est  montré  ([ue  le  Çvl  Vijaya  de  l'ins<ription 
de  Kota  Kapur  ne  peut  se  traduire  que  par  «Sa  Majesté  Vijaya»  et  qu'il  s'agit 
donc  d'un  nom  de  souverain. 


L'KMPinK  SUMATRANAIS  DR  ÇPJVIJAYA.  171 

dont  le  parier  arabe  avait  conservé  au  ^  sa  prorionriatioii  giiltii- 
ralc  (qui  s'est  palatalisée  en  dehors  de  T'onianais  et  de  l'égyp- 
tien) et  qui,  par  conséquent,  ne  possédaient  pas  de  palatale 
sonore,  aient  employé  le;  -  pour  rendre  approximativement  ie 
/  indonésien.  C'est  ce  que  firent  les  Grecs,  qui  se  trouvaient 
dans  le  même  cas  (cf.  skr.  Ujjnyinî>-0^r]vt),  Knnijakuhja:^' 
^.avoyi^^-nY  ^1)  Zâbag  a  donc  régulièrement  à  la  base  malais 
*J(ivaga.  Parfois,  à  la  gutturale  sourde  d'un  mot  étranger, 
l'arabe  répond  parla  sonore.  Ainsi,  skr.  çaka  k teck 55  a  donné 
en  arabe  ^L-,  litt.  sâg;  skr.  nânhela  «noix  de  coco 5?  >■  J^a^-jL) 
nârgll;  et  celte  alternance  se  retrouve  en  grec  :  ^avoyil,n  <: 
skr.  Knnynkuhja,  le  r^Cnnogen  de  nos  cartes;  Bapvya^a.  ■<  skr. 
Bharukaccha,  la  ville  maritime  de  «Broachw.  D'après  ces 
exemples  où  l'alternance  A:>-^-=g-  est  nettement  attestée,  on 
peut  également  poser  ^i)  Zâbag <::*Jâvaka^^l  Celte  restitution 
théorique  est  confirmée  par  un  texte  de  basse  époque,  il  est 
vrai,  \q  Malulvamsa ,  où  il  est  question  (LXXXllI,  3G-/i8,  et 
LXXXVIII,  62-70)  d'une  armée  de  Javaka  qui,  à  deux  reprises, 
envahit  Ceyian  dans  la  seconde  moitié  du  xnf  siècle.  Les  Jâ- 


'^)  L'alternance  j  étranger  >^  z  et  ^  =  gutturale  sonore  représentant  une 
sourde  iiiitiiilo  étrangère  est  attestée  par  le  cas  suivant.  Le  nom  du  cap  nord- 
occidental  du  Kalliiawar  est  Ov:^v  Zogad  d'après  Sclaïmân  al-Mauivî  [vide 
siiiivn,  p.  98);  mais  la  tradu<ti()n  lurke  de  Sïnî  'Ai,ï  (cf.  mes  Relations  de 
voifoi^es,  t.  11,  p.  5i5,  n.  9,  et  589,  n.  5)  a  ^SLs^  jakad;  et  celui-ci  est  évi- 
dcranient  à  la  base  de  la  transcription  précédente  pour  un  arabe  dont  le  parler 
ne  connaît  pas  la  palatûle  sonore.  o>j>.J)  et  .nJo».  sont  ainsi  deux  notations  plio- 
néti(juement  égales.  Le  cap  en  question  est  désigné  par  Bahuos  (/)«  Asia, 
dé(ad(^  IV,  1"  part.,  liv.  IV,  diap.  iv,  p.  091  de  la  petite  édition  de  la  fin  du 
xviii'  siècle)  sous  le  nom  de  rru  poiUa  de  Jiumela  [  =  .laket],  fjue  he  (Ujuvlle 
7101110(1(1(1  leiiij)l(j  dos  Resl/ulos,  la  pointe  de  .Iaket  qui  est  appelée  leniple  des 
/^(j/J(^^s•■'.  Le  major  Hennkl  (Hecucil  de  curies  géoi>7-aj)lti(jues  pour  la  description 
de  niido((sl(in,  revues  par  le  (litoyen  BiiAciii:,  l'aris,  an  vui  [i8oo])  écrit 
Jijrat  =  Jigal.  On  peut  donc  jjoser  en  toute  certitude,  coranic  pour  Zâbag, 
Zagad '<i  Jalind.  l'our  le  cap  en  question,  et".  Instiuclions  nautiques,  u°  85:!, 
Océan  Indien,  Mer  d'Oman  {partie  Est),  l'aris,  igoS,  in-8°,  p.  890,  sul) 
Temitle  de  Dwarka. 


172  OCTOnriE-DKCEMBRE  1922. 

vaka  étaient  commandés  par  le  roi  Candrabhânu  Qâvahurâjcho). 
Lors  de  la  seconde  invasion,  les  troujDes  qui  débarquèrent  à 
Ceylan  comprenaient  une  armée  jâvaka  et  une  «grande  armées 
levée  t^dans  les  royaumes  Pândya,  Cola,  etc.,  ainsi  que  des 
soldats  tamouls. . .  ».  Le  roi  jâvaka  Candrabhânu  et  les  troupes 
jâvaka  sont  évidemment  des  roi  et  troupes  du  Zâbag,  c'est-à- 
dire  de  Sumatra.  Jâvaka  et  Zâhagsonl  les  deux  seuls  noms  géogra- 
phiques de  l'Océan  Indien]  qu'on  puisse  rapprocher  avec  certi- 
tude; celui-ci  désigne  authentiquement  l'île  de  Sumatra;  celui- 
là  ne  peut  désigner  que  la  même  île  et  Candrabhânu  est  ainsi 
un  roi  sumatranais^''. 

«Dans  le  T'ongtien  (k.  i88,  p.  9/1  v^-'iô  r°)  [encyclopédie 
compilée  à  la  fin  du  viii^  siècle  par  Tou  Yeou  (785-812)]  et 
le  T'ai  ping  yn  Jan  (k.  788,  p.  171'")  [rédigé  pendant  la 
période  C)77-(j83],  AûVeluoi  i^Deux  itinéraires ,  p.  276),  il  y 
a  des  notices,  à  peu  près  semblables  d'ailleurs,  sur  le  pays  de 
i^  PI  Tou  po,  qui  se  trouvait  dans  le  Tchang-hai  [litt.  «la 
mer  immense »  =  mer  de  Chine  occidentale],  à  l'est  du  Fou- 
nan  [=en  gros,  le  Cambodge  et  le  Siam  actuels]  ('^'.  On  y 
arrive  après  avoir  voyagé  sur  mer  plusieurs  dizaines  de  jours. 
Les  femmes  y  tissent  des  cotonnades  à  ramages.  Sur  l'île  de 
Tou-po,  il  y  a  plus  de  dix  villes  royales,  ou  du  moins  dont  les 


(')  Vide  infra,  \).  228,  pour  ces  deux  expéditions  à  Ceylan.  Kern  {Tivee 
kfijifstoclilen  uit  di'u  Iiidischen  Archipel  tegen  Ceilon,  paru  on  1896  dans  les 
Bijdrojren  et  réimprimé  dans  ses  Versjoreide  geschrijien ,  t.  111,  191 5,  p.  29  et 
suiv.)  a  traduit  jâvaka  par  trjavanais».  Ce  mol  considéré  comme  un  complexe 
java-\-ka,  sur  le  modèle  de  romaka  ^=  roma -\- ka  aromainn  a,  en  ell'et,  ce 
sens  dans  les  langues  de  tinde.  Mais  Jôvafca  est  inséparable  des  transcriptions 
arabe  Zâbag  et  chinoise  Chô-po,  pron.  anc.  *Ja-hak,  qui  désignent  Sumatra. 
11  est  donc  au  moins  inattendu  de  rencontrer,  à  côté  de  )  ava  et  Java,  une 
forme  Jâvaka,  dont  la  finale,  attestée  par  trois  sortes  de  textes  ditlércuts, 
est  tout  à  fait  inexplicable. 

'')  L'orientation  est  inexacte,  mais  les  (finnois  ont  très  fréfjuemment  com- 
mis des  erreurs  de  ce  genre  {)our  la  situation  des  pays  étrangers  les  uns  par 
rapport  aux  autres. 


L'EMPIRE  SUMATRANâIS  DE  ÇRIVIJAYA.  173 

chefs  prennent  le  titre  de  rois.  On  aurait  entendu  parler  de  ce 
pays  au  temps  des  Souei  (BSg-GiS).'?  i^  tou,  comme  l'a 
indiqué  Pelliot  i^ihid.^,  se  confond  fréquemment  avec  fi  cho; 
on  est  donc  autorisé,  Tou-po  ne  répondant  à  rien  de  connu,  à 
restituer  jjîj:  fH  Clio-po,  représentant  un  ancien  *Ja-hak^^\  *.Ja- 
hak,  il  n'est  pas  nécessaire  d'y  insister,  est  une  transcription 
parfaite  de  Jâvaka>  Zfibag;  il  s'agit  donc  encore  de  Sumatra. 
Mais  d'autres  textes  nous  permettent  de  remonter  plus  haut, 
ce  Le  nom  de  Tou-po  [à  corriger  en  Cfiô-po],  dit  Pelliot  {^ihid., 
p.  2 ■y '7  et  n.  2),  nous  est  encore  fourni  par  une  citation  du 
Nan  tcheou  yi  wou  tchc  [de  Wan  Tghen,  qui  vivait  au  uf  siècle ^^*] 
et  par  les  fragments  subsistants  du  Fou-nan  tou  sou  tchouan  de 
K'ang  Tap^'  qui  fut  envoyé  en  mission  au  Fou-nan  avec  Tchou 
Ying,  vers  2/i5-2  5o  de  notre  ère'^^.  ?? 

La  forme  Yava  du  complexe  Yavadvlpa  qu'on  interprète  par 
«  lie  de  Java  v ,  nous  est  connue  de  longue  date.  Elle  apparaît 
pour  la  première  fois  dans  le  Râmàijana.  On  la  retrouve  ensuite 
dans  le  ^  pj  Yie-titio,  pron.  anc.  *Ynp-div=  Yavadvlpa,  dont 
il  est  question  au  début  de  182  de  notre  ère  dans  le  Heou  han 
chou  (25-220)  et  le  Tong  kouan  kt  ou  Tong  kouan  han  ki  de  la 
seconde  dynastie  des  Han'^';  le  ïaSotSiov  de  Ptoléhée  f'"'^,  le  §P 
M  ^  Yc-p'o-ti  (pron.  anc.  *Ya-h"'a-dc,  pratiquement  *Yavadi) 
de  Fa-hien  (/i  1  2-/i  1  3)  qui  sont  encore  des  transcriptions  cor- 
rectes de  Yavadvlpa.  Or,  les  descriptions  qu'en  donnent  le  Râ- 
mâyana  et  Ptole'mée  sont  heureusement  assez  précises  :  le  texte 

(')  Dfiu.T  itinéraires ,  p.  270-271  et  i277-278.  L'imploslve  finale  -i  représente 
éijalemonl  une  «jiitturale  étrangère  sourde  ou  sonore. 

'-'  Deux  ilinéraires ,  p.  277. 

'')  IbicL,  p.  aO(j--J7o. 

(")  Ibid. 

'■''  Cf.  J*i;LLior,  Deux  ilinéraires,  p.    liGfi. 

t")  La  (iiiale  -Siov  de  ia  noLalion  de  Ptolkmée  est  une  prakritisatiou  du  skr. 
dvîpa.  Cf.  KiiiiN,  Java  en  liet  Goudotland  colj<eiis  de  oudsle  herichten ,  article  de 
i^Oy,  réimprimé  dans  les  Verspreide  ifescltriften,  t.  V,  i<ji6,  p.  3o5. 


17'i  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

sanskrit  qualifie  Yava  de  «l'île  de  l'or  et  de  l'argent,  parée  de 
mines  d'or  71  ;  le  texte  grec  s'exprime  dans  les  mômes  termes  : 
«elle  produit  beaucoup  d'or».  Cette  indication  dicte  notre 
choix  entre  «Java  la  mineure»  et  «Java  la  majeure»  de  Marco 
Polo  :  c'est  évidemment  ici  de  Sumatra  qu'il  s'agit,  dont  la 
richesse  en  or  est  bien  connue,  alors  que  la  production  d'or  de 
Java  a  toujours  été  nulle  ou  insignifiante.  Je  sais  bien  qu'il  y  a 
une  inscription  sanskrile  de  Cangal  (Këdu,  à  Java),  datée  de 
()hà  çaka  =  -ySa  ,  où  il  est  dit  •  «11  y  avait  (s/r)  une  île  excel- 
lente, incomparable,  appelée  Yava,  fertile  en  céréales  et  en 
autres  grains,  riche  en  mines  d'or  [kanakâkara)  ...»  Kern, 
qui  l'a  éditée,  traduite  et  commentée,  a  naturellement  rap- 
proché cette  description  de  celle  du  Yavndvlpn  du  Ràmmjana 
et  rappelé  ce  qu'il  avait  déjà  dit  à  cet  égard  :  ?t  Les  expressions 
du  Rânulyam  au  sujet  de  l'île  de  l'or  et  de  l'argent  ne  sont  pas 
exemptes  d'ambiguité  dans  l'original,  mais  elles  ne  le  sont  pas 
davantage  dans  la  traduction.  Ce  serait  donc,  à  mon  avis,  une 
explication  très  forcée  si  nous  vouUons  conclure,  soit  du  texte, 
soit  de  la  traduction,  qu'il  y  est  question  d'une  autre  île  que 
Yavadvipa»  [=Java  de  nos  cartes]  (*'.  Quinze  ans  après  (en 
i885),  Kern  ajoutait  :  «Ce  que  j'ai  dit  alors  (en  1869)  a 
actuellement  une  double  force.  Quoique,  tant  Ptolémée  que  les 
informations  chinoises  nous  aient  appris  que  l'or  fait  partie  des 
produits  de  Java,  le  fait  a  été  révoqué  en  doute.  En  face  du 
témoignage  de  notre  inscription  [de  Cangal]  tout  doute  rai- 
sonnable doit  disparaître'-^.  » 

J'avoue  ne  pas  être  convaincu.  En  face  des  indications  four- 
nies par  le  liâmfujuna  et  Ptolémék,  oii  manquent,  cependant, 
des  précisions  géographiques  décisives,  il  y  a  lieu  de  recher- 

'')  Java  en  hel  Goudeiland  voli>euii  de  oudgle  ùevitlileii ,  i8(h),  r('mi|iriint' 
dans  Verspreide  irnachriftcn,  I.  \,  loifi,  J).  '^O']. 

'^)  De  SdiixLiil-iiiscriplie  van  CaHijgul  (Kèdu),  ail  GH'i  ctiha,  i885,  réim- 
[iriiiit'  dans  Verspreide  ifcschriften,  l.  Vtl,  1917,  |>.   128. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  17b 

cher  quelle  est  l'ile  d'Extrême-Orient  sumrnarûpyakadvipam 
suvaniâkaramamldam,  eù(popcoroiTTf  Se  "kéyercit  >)  vija-os  sivat  xai 
ërt  nXeîcrlov  ^pvaov  tsoisÎv.  Le  choix  est  aisé,  car  il  n'existe 
qu'une  seule  terre  insulaire  à  laquelle  s'appliquent  ces  textes  : 
c'est  la  ^  ^t|  kin-tchcou  «l'île  de  l'or 55  de  Yi  tsint,,  qui  en  par- 
lait en  pleine  connaissance  de  cause,  la  siivarnahhûiui  «la  terre 
de  l'or^j  d'une  inscription  sumatranaise  [^infra,  XC,  p.  179), 
c'est-à-dire  Sumalra  ''^.  Dans  les  textes  sanskrit  et  grec,  ia  carac- 
téristique principale  du  Yavndvïpn  est  d'être  tr  l'île  de  l'or,  parée 
de  mines  d'or»,  de  ft produire  beaucoup  d'orw.  Sumatra  seule, 
par  sa  richesse  en  or,  peut  entrer  en  ligne  de  compte.  L'argu- 
ment tiré  des  informations  chinoises  (^Chineesche  berichteti)  fait 
sans  doute  allusion  à  ces  passages  du  Sin  {ang  chou  ou  ^ovr- 
velle  liisloire  (les  Tang  (6  i8-()o(),  compilée  en  loGo)  disant  : 
«Le  pays  de  IrT  ^  Ho-ling  appelé  également  ^  ^  Cho-p'o 
(=./rtu;a)  produit  de  i'écaille  de  tortue,  de  l'or  et  de  l'argent, 
des  cornes  de  rhinocéros  et  de  l'ivoire  55;  et  du  Soug  che  ou 
Histoire  des  seconds  Sang  (960-1  279,  compdée  au  xiv''  siècle) 
où  il  est  dit  :  «Le  pays  de  ^  ^  Cho-p'o  (=-=  phonétiquement 
Jawa)  produit,  en  outre,  de  l'or,  de  l'argent,  des  cornes  de 
rhinocéros,  de  l'ivoire,  le  l)ois  d'aloès,  le  sandal,  l'anis,  le 
poivre,  la  noix  d'arec,  le  soufre,  le  bois  du  Brésil (-^.»  Mais 
l'or  n'a  pas  une  place  éminenle  dans  cette  énumération  de 
produits  javanais  et  ne  justifierait  en  aucune  façon  la  qualifica- 
tion de  siumrnàkaramamjilam.  On  a  trouvé  et  on  trouve  sans 
doute  encore  de  l'or  à  Java,  comme  dans  tous  les  pays  du 
monde.  Nous  avons,  par  exemple,  nos  orpailleurs  du  Rhône; 
mais,  de  ce  fait,  la  France  n'a  jamais  été  considérée  comme 
une  suvarmhhûim .  Enfin,  le  Tcliou  fan  tche,  qui  donne  généra- 
lement une  liste  étendue  des  produits  des  pays  étrangers,  ne 


'')   Pour  Yi-TSiNU  (_'l  l'inscriplidii  suiaulianaist',,  cidu  infru,  ^.  178  et  suiv. 
'■'>  Cf.  GiioKNKVELUT,  l\<jtes,  \).  i',W)  et  l'ia. 


170  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

mentionne  pas  l'or  parmi  les  produits  énumérés  dans  les  no- 
tices là  et  i5,  qui  sont  consacrées  à  Java''*. 

Le  cas  de  l'inscription  de  Cangal  est  beaucoup  plus  embar- 
rassant; à  dire  vrai,  le  problème  est  insoluble.  Ainsi  que  le 
fait  remarquer  une  note  de  Kern,  la  pbrase  commence  par  àsU 
«il  était 75,  au  lieu  de  asti  «il  est 57,  alors  que  le  mètre  n'est  pas 
en  cause,  et  l'éditeur  déclare  ignorer  pourquoi  le  poète  emploie 
le  passé  au  lieu  du  présent '^^.  D'autre  part,  le  texte  attribue 
au  Ynvadvlpa  une  richesse  en  or  que  Sumatra  et  Sumatra  seule 
possède.  La  seule  explication  qu'on  entrevoit,  c'est  que  les  deux 
grandes  îles  indonésiennes  ont  dû  porter  en  même  temps  un 
nom  identique  ^^^  et  que  les  produits  de  l'une  ont  pu  être  ainsi 
inexactement  attribués  à  l'autre'^*'. 

Les  Arabes  ont,  en  effet,  connu  la  forme  Yava>Java  = 
Sumatra.  On  la  retrouve  encore  au  début  du  xv*  siècle  dans 
Bâkuwî,  sous  deux  formes  phonétiquement  apparentées  iijU. 
Jàwa  (LXXVI,  p.  78)  et  U^  Jâba  (LXXVIII,  p.  78),  dont 
l'ignorance  de  l'auteur,  qui  reproduit  des  informations  anté- 
rieures, a  fait  deux  îles  distinctes,  indépendantes  du  Zâbag- 
Sumatra  (cf.  également  Ibn  Sa'id,  LXII,  p.  71,  et  Ibn  al- 
Wardî,  LXXV,  p.  77).  Jâwa  ou  Jâba  est  devenu  dans  certains 
textes  arabes  le  nom  d'une  île  ou  pays  maritime,  de  sa  capi- 
tale et  même  du  roi  du  pays^^^.  Dans  Ibn  Batùta,  au  contraire, 


(^)  Cf.  Chau  Ju-kua,  Irad.  Hiiiiu-RocKHiLL,  p.  75-87. 

(")  Loc.  cit.,  p.  122  ,  n.  9. 

(^)  Cf.  ics  deux  Java  de  Mauco  I^olo  et  infra^  les  notations  arabes. 

<'')  Au  fond,  je  crois  que  le  rédacteur  de  l'inscription  de  Cangal  a  tout  sim- 
plement mis  au  compte  de  Java,  la  description  du  ïavttdvîpa  du  Râmâyann, 
sans  se  préoccuper  du  désaccord  avec  la  réalité. 

(^'  Cf.,  par  exemple,  lim   Sa'îd  (LXII,  p.  71-72),  Ibn  al-Waudi   (LXXV, 

P-77)- 

L'identité  do  Jâba  et  Zâbag  avait  été  signalée  déjà  par  De  Gokji:  dans  son 

édition  de  1«.n  IJoiidâ^heu  (p.  lid  et  n.  2).  On  po.ul  l'aire  la  même  remanpie  à 

propos  du  volcan  qui  est  situé  à  Jâba  par  Ibn  HouuA^lseu,  VAbréiié  des  Mer- 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  177 

Jfhva  désigne  nettement  l'île  de  Sumatra  et  il  n'est  plus  ques- 
tion de  .hlha  ni  du  Zdhag  (cf.  mes  Relnlions  de  voyages,  t.  II, 
p.  A3/i  et  suiv.).  Enfin ,  à  partir  de  la  fin  du  xv"  siècle,  les  deux 
muallim  Ibn  Mâjid  (LXXIX)  et  Sllaymân  al-Mahrî  (LXXXI  et 
LXXXII)  inaugurent  la  toponomastique  moderne  :  Sumutra  et 
Jâiva,  que  feront  définitivement  prévaloir  les  marins  et  voya- 
geurs européens  des  xvf ,  xvif  et  xvin"  siècles. 

En  malais,  la  grande  île  indonésienne  occidentale  est  géné- 
ralement désignée  dans  les  textes  sous  l'un  des  trois  noms  sui- 
vants :  Pûlaw  Emds  «l'île  de  l'orj),  Pûlaiv  Përca  r l'île  de  la 
gutta-perchajj  et  Pûlaw  ou  Tânah  Amlalas  «l'île 5?  ou  «pays  de 
Andalas?);  en  javanais,  sous  celui  de  Malayu  (cf.  Nâgarakërtà- 
gama  et  Pararaton,  infra ,  p.  i83  et  326). 


SvvAR 


NADVIPA, 


L'île  de  Sumatra  a  été  quelquefois  désignée  sous  les  noms 
sanskrits  de  SuvarnadvJpa  «l'île  de  l'or 55,  Suvarnahhûmi  «la 
terre  de  l'or 53,  Suvarnapiira  «la  ville  de  l'or??.  Dans  les  deux 
derniers  cas,  ce  complexe  désigne  plus  spécialement  la  partie 
méridionale  de  l'île.  A  l'inscription  déjà  reproduite  du  manu- 


veilles,  Kazwînï,  Ibn  ai.-Wardï  et  Râklwî;  et  au  Zâbaj^;  ou  près  du  Zâbajj  par 
SulaymAn,  IiiN  Af^-FARiu,  jMas'Cdï ,  ïAbi-éijé  des  Merveilles  et  Abulfidà.  VAbvéfré 
des  Merveilles  situe  d'abord  ce  volcan  «vis-à-vIs  de  l'ilc  de  Jâban  et,  quelques 
pages  plus  loin,  «dans  une  île  proche  du  Zàbag»  (cf.  J.  As.,  juillet-août  1919, 
p.  188,  n.  1).  Il  y  a  Heu  de  rappeler  ici  une  très  intéressante  note  de  Dk  Goeje 
publiée  on  hollandais  dans  le  Feestbundcl-\i:T\i  (Leyde,  189'!)  et  traduite  en 
français,  en  appendice  à  son  Mémoire  sur  les  migrations  des  Tsiganes  à  travers 
l'Asie  (Leyde,  1903,  pet.  in-B",  p.  86-91).  Elle  traite  des  Sayâbija,  au  sing. 
Sâba]  (qui  est  à  lire  Sàhag),  et  que  Tauteur  a  rapproché  du  Zrdjag  de  Sumatra. 
Ces  descendants  de  Malais  sumalranais  vivaient  au  ix°  siècle,  au  ténioifjnagc 
de  BelâdorI,  dans  le  golfe  Persique  et  en  'Irak.  Je  n'ai  pas  ici  la  place  de  re- 
produire les  textes  arabes  qui  en  font  mention;  on  étudiera  ailleurs  cet  autre 
témoignage  de  l'aclivité  des  Sumatranais  à  l'étranger. 

XX.  l3 


178  OCTOBRE-DÉCEMBRE   1922. 

scrit  in'palais  à  miniatures  [siipm,  XXX,   p.  /la),   s'ajoutent 
les  inscriptions  et  les  textes  suivants  : 

Yi-TSING,  Ta  t'ang  si  yu,  k'icoii  fa  kao  seug  tchouan,  trad. 
Ed.  Ghavannes  [vide  supra,  p.  3). 

LXXXVII.  (P.  179.)  .  .  .  Puis,  le  premier  jour  de  la  onzième  lune 
de  cette  année  (689),  nous  [,  maître  Tcheng-koc  et  moi  Yi-tsing,] 
nous  nous  embarquâmes  sur  un  bateau  marchand  et  nous  nous  éloi- 
gnâmes de  P'an-yu  ((^anton).  Nous  nous  dirigeâmes  vers  le  ^  '^ 
Tchan-po  ((^ampa)  en  hissant  nos  voiles;  —  nous  nous  proposions 
d'arriver  dans  le  pays  de  Fo-che  par  une  longue  course,  —  ...  (p.  181) 
TciiEN'G-Kou  fut  mon  excellent  compagnon;  —  nous  arrivâmes  ensemble 
à  ^  ^\\  l'ile  de  Tor  ^^K  —  Si  nous  pûmes  accomplir  notre  voyage  vers 
les  pays  hindous ,  —  ce  fut  grâce  à  notre  parfoite  amitié,  —  ... 

LXXXVIII.  (P.  i85.)  ...  Lorsque  Tao-hong  apprit  que  moi,  Yi- 
tsing,  j'étais  arrivé  |  en  Chine] ,  il  se  rendit  à  pied  (au  temple)  Tchouang- 
yen  pour  s'y  informer  où  je  demeurais;  on  lui  dit  que  je  m'étais  établi 
dans  le  temple  Tche-lche.  A  peine  se  fut-il  acquitté  des  salutations 
d'usage  qu'il  s'éprit  de  l'idée  du  départ  ,  .  .  (p.  186)  .  .  .  Alors  il  ne 
songea  plus  qu'aux  mers  du  sud,  —  au  voyage  que  nous  ferions 
ensemble  à  l'île  de  l'oi-  ...  (p.  187)  ...  Lorsqu'il  arriva  au  pays  de 
Fo-che ,  il  s'appliqua  de  tout  son  cœur  au  recueil  de  la  discipline  . .  . 

Vie  de  Dîpamkaiu  Atîça,  en  tibétain,  résumée  par  Sarat 
GnANDRA  Das  dans  hiclian  Pandits  m  ihe  land  of  snoiv ,  Calcutta, 
1893. 

Atîça  naquit  au  Bengale  en  980  de  notre  ère. 

LXXXIX.  (P.  5o.)  Ou  account  of  thèse  divers  attainments  which 
moved  his  mind  variously  in  différent  directions,  he  resoived  to  go  to 
Achârya  Chandrakïrti,  the  High  Priest  of  Sinarnadvïpa ^^'.  Accordingly 
in  the  company  of  some  merohanls  lie  embarked  for  SuvainadvTpa  in  a 
large  vessel.  The  voyage  was  1om<;  and  tedious,  extending  over  several 

'')  CiiAVANNKS  II  traduit  cffilc  d'or?)  ici  ol  plus  loin, 

l'^)  S.  C.  Das  dit  eu  uoto  :  w Sudliarmanagara  in  Po{fU,  now  cailed  Tlialon.55 
La  remarque  est  iiioxacti'  :  il  s'ajjit  ilc  Sumatra. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  179 

months  du  ring  which  the  Iravellers  were  overlaken  by  terrible  storms. 
At  this  lime  Suvarnadvïpa  Avas  ihe  iiead  quartei-  of  Biiddhism  in  tbe 
East,  and  ils  liigh  Priest  vvas  considered  as  the  greatesl  scholar  of  bis 
âge.  DïPAMKAKA  resided  there  for  a  perind  of  tweive  years  in  order  to 
completely  master  the  pure  teachings  of  Buddha,  of  which  the  key  Avas 
possessed  by  ihe  fligh  Priest  alone.  He  returned  to  India  accompained 
by  some  merchants  in  a  saiiing  vessel,  visiting  Tâmradvïpa  (Ceyion)  and 
the  island  of  forests  in  bis  way. 

Inscription  en  vieux-malais  de  1208  faka=i28G  trouvée 
dans  la  plaine  de  Padan  Roco,  près  de  Sunav  Lansat,  sur  la 
rive  gauche  du  Batan-Hari,  dans  la  subdivision  i^onderafdeeling) 
des  «  Balan-Hari-districten  )i  de  la  résidence  des  «Padangsche 
Bovenlandenj?,  dans  l'ouest  de  Sumatra,  par  environ  i°3o' 
Sud. 

Cette  inscription,  découverte  en  1911  par  L.  C.  Westenenk, 
a  été  publiée  et  traduite  en  hollandais  par  N.  J.  Krom  dans  sa 
magistrale  étude  :  Een  sumnlraansche  Inscriptie  van  Koning  Krta- 
tuigara,  dans  Verslagen  en  Medcdelingen  der  K.  Akademie  van 
Weten.,  Afdeeling  Letterkunde,  5"  reeks,  deel  II,  Amsterdam, 
1  (ji6,  p.  806-339. 

XC.  (1  ft)  //  srasti  çakavary'iïita ,  iao8,  bhâdravâda  mâsa ,  ti 

(b)  thi  pratipada  çuJdapaksa,  mavulu,  vâge,  vrhaspnti  vâra,  madahlcu- 
iian,  grahacdra  nairitistha,  viçâkà 

(c)  naksatra,  calera  [devatâ,  majndala,  çuhha 

(2  a)  yoga,  huvera  purheça ,  kihstugJma  inuhûrtla,  kanyâ  râçî,  i 

(b)  nan  latkàla  pâduka  bharàla  ârij ijâmoghapaça  lokeçvara,  caturdaçâ- 
milkâ  snpiaratnasaliita,  diûnluk  [ 

(c)  dari  blifimi  jâva  ka  svarimabhûmi  (sic)  dipratistha  di  dharmmâ- 
çraya,  akan 

(3  n)  punya  çrî  viçvarfipa  kumàra,  prakâranah  ditltah  pâduka  cri  ma 
(/^)  hârâjadhiràja  cri  krtanugara  vikraiiia  dharmmottuhgadeva  viahirik- 

kan  pâduka  bharàla,  rakryân  maliâinantrt  dyah 

(c)  advayabvahiud ,  rakn/ân  sr'ikan.  di/ah  sugalabrakma ,  inûah 

[h  a)    ,  minagul  payànun    liah  dipaiikaradasa,    rakrydn    daniiih  pu 

vira, 

j3. 


180  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

(/>)  liiiinit  pumjcni  yogija  dianumodnnânjaleh  sukapraja  di  hhûmi  ina- 
tàyû,  hrâhmanah  Lsatriya  vaiçija  sûdra,  â 

(c)  ryi/âmaddijât,  cri  maharaja  çrimat  Iribhuvanarâja  maulivarmmade 

(d)  va  pratnukha  //. 

Salut!  En  çaka  1208,  au  mois  de  bhâdrapada,  premier  jour  de  la 
quinzaine  claire,  jour  de  la  semaine  de  six  jours  :  Mavulu;  de  la  se- 
maine de  5  jours  :  Vâge;  le  jeudi;  wukti  (période  de  l'année  civile)  Ma- 
dankunan;  position  de  la  planète,  dans  le  sud-ouest:  mansion  lunaire, 
Viçâkhà;  sous  la  divinité  çakra  appartenant  au  cycle  de  .  .  .,yoga  Çubha: 
seigneur  de  la  jonction  (astronomique),  Kuvera;  heure,  Kimstughna; 
signe  du  zodiaque,  la  Vierge;  c'est  à  cette  date  que  (l'image)  du  Haut 
Seigneur  l'Aryya  (le  noble)  Amoghapâçalokeçvara  avec  ses  1 3  compagnons, 
accompagné  des  sept  joyaux,  venant  du  pays  de  Java'"'  à  destination 
de  Suvarnabhûmi  (rrle  pays  de  \'ov',  =  Sumatra),  fut  érigée  à  Dharm- 
mâçraya  '"\  en  tant  que  don  de  Son  Altesse  le  prince  héritier  Çrï  Viçva- 
rûpa.  A  cet  effet,  Sa  Majesté  Çrî  Mahârâjadhirâja  >^'  Çrî  Krtanagara 
Vikrama  Dharmmottuùgadeva  donna  l'ordre  d'accompagner  la  sainte 
image  aux  hauts  fonctionnaires    suivants   :    le  Rakrijan^''''    Mahàman- 

'')  Le  texte  a  hhûmi  jàva  construit  à  la  malaise,  et  il  s'agit  ici  de  l'île  de 
Java  (le  nos  cartes.  C'est  Tëquivalent  exact  de  Tindonésien  moderne  tanah  jâiva, 
litt.  ff terre,  pays  de  Java'),  où  le  caractère  insulaire  de  Java  n'est  pas  marqué. 
Ce  genre  d'expression  est  commun  à  tout  le  domaine  linguistique  de  l'indo- 
nésien; cf.,  par  exemple,  en  malgache  :  lani  Madagastkara  ala  terre,  le  pays 
de  Madagascar:)  ('^^%-  ^^'"  r(*pond  à  indonésien  occidental  tànah,  avec  le 
même  sens). 

'-)  Situé  par  Roukfaeh  dans  le  haut  pa^s  du  fleuve  de  Jambi  (cf.  mes  liela 
lions  de  voijagcs,  t.  11,  p.  602,  u.  3  et  h). 

'■')  On  remarquera  que  le  fameux  souverain  javanais  Krtanagara  est  titré 
ici  Çn  MahârdjadkirSja,  litt.  rrSa  Majesté  le  grand  roi  des  roisn,  titre  dont  le 
souverain  du  Zabag  =  Çrivijaya  avait  le  privilège.  Mais  ce  texte  est  daté  de 
1208  çaka  =  128G  de  notre' ère  et  c'est  l'époque  où  le  Zâbag-Çrivijaya  entre 
on  pleine  décadence  et  succombe  sous  les  coups  de  ses  adversaires  Javanais, 
Tliais  de  Suklioda\a  et  Singaiais.  A  cette  même  époque  les  rois  javanais  sont 
assez  forts  pour  reponsser  l'attaque  prochaine  des  li-oupes  chinoises  de  Hubiiai 
Hân  et  c'est  dans  la  même  période  que  se  fonde  le  puissant  empire  de  Maja- 
pahit,  qui  sera  Théritier  de  la  souveraineté  exercée  par  le  Çrivijaya  depuis  le 
début  de  notre  ère. 

<*)  C'est  le  titre  javanais  (pie  le  Tchmi  fan  Irhc  et  le  Song  che  mentionnent 
sous  sa  forme  chinoise  ^  fj'j  j^  lu-Li-lwu  (cl.  Pelliot,  Deux  itinérains , 
p.  3ii,  et  ChauJu-kua,  trad.  Hiutu-Uockhill,  p.  76). 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  181 

<n'^''  Advayal)rahma ,  le /?a/.77/rtn  sirikan  dyah  Sugatabrahraa ;  puis,  au 
dyah  Samgêt'-'^  paijânnn  liak  Dipaiikaradâsa  et  au  RaJinjan  dèmuh  pu  Vîra. 
Ensuite,  à  cause  de  ce  don  convenable,  tous  les  sujets  du  pays  de 
Maiâyu  se  réjouirent  :  brahmanes,  itsatriya,  vaicya  et  sudra  et,  au 
milieu  des  Arya  (nobles),  Çrï  Maharaja  ^''  Çrimqt  Tribhuvanarâja  Mau- 
livarmadeva  s'en  réjouit  le  premier. 

Inscription  cambodgienne  gravée  sur  le  piédestal  d'une 
grande  statue  de  Buddha  provenant  du  VatHuâ  Vien,  une  des 
pagodes  de  Grahi  (le  'fjll  ^  ^  Kia-lo-hi  àw  Tchoufan  tche,  vide 
supra,  p.  i/i,  et  du  Song  che),  du  pays  de  Jaiya  (siamois  : 
Xaya),  qui  est  situé  dans  la  partie  septentrionale  de  la  baie  de 
Bandon,  sur  la  côte  orientale  de  la  péninsule  malaise  (cf.  G.  Coe- 
DÈs,  Le  royaume  de  Çrïvijaya,  loc.  cit.,  p.  33-36).  L'inscription 
est  incorrectement  datée,  mais  «un  fait  semble  certain,  c'est 
qu'elle  ne  saurait  guère  être  postérieure  au  milieu  du  xiif  siècle» 
{^ihid.,  p.  36). 

XCI.  En  11006  [sic)  çaka,  année  du  Lièvre,  par  ordre  de  Kam- 
rateii  An  Maharaja  çrîmat  Trailokyarâjamaulibhfisanavarniadeva,  le 
3"  jour  de  la  lune  croissante  de  Jyeslha,  mercredi,  le  Mahâsenâpati  Ga- 
lânai  (?)  qui  gouverne  le  pays  de  Grahi,  invita  le  Mraten  Çrï  Nâno  à 
faire  cette  statue.  Le  poids  du  samrit  est  1  bhâm  2  tula  et  la  valeur, de 
l'or  (employé  pour  la  dorure)  est  10  tamlih.  (lelte  image  a  été  érigée 


(')  Litl.  ttle  grand  manlri  ou  ministre». 

(-^  D'après  uni!  heureuse  suggestion  de  M.  Pelliot,  sam^^ët  semble  hien  être 
le  titre  indonésien  qui  est  à  la  base  de  la  transcription  chinoise  ssuu-ma-kie 
{vide  supra,  p.  u3,  n.  a),  dont  le  troisième  caraactère  est  à  implosive  finale 
dentale. 

(^)  Le  roi  de  Maiâyu  n'est  titré  que  Çn  Maharaja  «Sa  Majesté  le  grand  roi?' 
à  côté  du  Çrî  Maliàràjadhiràja  de  Krtanagara  {vide  supra,  p.  180,  n.  3). 
C'est  que  le  Maiâyu  a  été  envahi  et  vaincu  en  1 197  çaka  =  1275  et  que  l'am- 
bassade de.  Krtanagara  est,  en  somme,  envoyée  à  ini  vassal  (cf.  Pararaton, 
trad.  RniNDEs,  édit.  Kiiom,  p.  ()•>,).  Krtanagara  fut  le  premier  prince  javanais 
qui  prit  le  titre  de  prabliu  {ibiiL,  p.  78  et  8/i),  dont  les  (Jnilendra  de  Çrïvi- 
jaya usaient  depuis  des  siècles,  car  il  figure  dans  Tinscriplion  de  Vieil  Sa 
{vide  supra,  XXIX,  p.  /ii). 


182  OCTOBftË-DÉCËMBRE  1922. 

afin  (jlte  Imis  les  (idèlos  s'ott  féjonissoiit,  ia  vénèrent  ol  l'adoi'cnt  ici 
obtiennent  i'oniniscience  '^'. 


Met   oud-jnvaamche    lofdicht   NâgarakrTâgàma    van    Prapanca 
(i365  A.  D.)  [Le  panégyrique  en  vieux-javanais  intitulé  A^iGi- 

(')  Une  inscription  sanskrite  dt-couverlc  sur  le  territoire  du  Minankabaw, 
et  qui  se  trouve  actuellement  à  Paj^ar  Ruyon,  est  au  nom  de  :  Çrimat  çrï 
A[  Jyâditvavarma  .  .  .  râjendramaulimanivarmadeva  maliâràjâdliirtija,  et  datée 
de  1278  çaka  =  i35G  (cf.  Cotiimissie  in  Nedevlandscli-Iitdië  voor  oudheikundig 
onderzoek  op  Jaca  en  Madoera.  Oudheikundig  verslag  iQiSi  2°  trimestre, 
p.  5 1-52  et  ia-,  le  titre  royal  précédent  est  aux  ligues  6-7;  aux  lij^'nes  18-19, 
le  même  souverain  est  appelé  :  Adityavarmanrpatemanivarmadeva).  Cet  Âdi- 
tyavarman  hotis  est  connu  par  ailleurs.  Sous  le  titre  général  de  Hel  zoogenaamde 
rotinschnft  van  vBalu  Bëragungn  in  Mënangkahau  {taÔQ  en  iSQ'j  çaka),  dans 
Verspreide  gcschriften ,  t.  VI,  1917,  p.  249-268,  Kern  a  réuni  deux  articles 
intitulés  :  't  Opschrift  t'an  Batoe  Beragong  op  Sumatra  et  Het  opschiift  van 
Baloe  Beiiigong  optiieuiv  onderzucht,  publiés  dans  les  Bijdragen  tôt  T.,  L.  en  l'. 
V.  N-I  en  1872  et  1877,  oîi  il  est  question  de  ce  souverain.  Cf.  également,  du 
même  auteur,  De  ivij-inscriptie  op  het  Amoghapaça-beeld  van  Padàng  Cdndi 
(Midden-Sumalra)\  ia6g  çaka  (dans  Verspreide  geschriften,  t.  VII,  1917, 
p.  172),  où  ce  roi  est  appelé  :  Çrimat  çrl  Udayâdityavarman  râjendraroauli- 
mâliVarmadeva  mahârâjâdliirâja,  et  où  il  est  fait  mention  de  Maiaiiapura, 
erreur  de  grapliie  pour  Mahuiujnna  [ibid.,  p.  17^).  Par  une  autre  inscription 
également  publiée  par  Kkun  (  Het  sanskril-insclirift  op  den  grafsteen  van  Vont 
Adityamrntan  te  Kubur  Haja,  Mënangknbau ;  ±  i3oo  çaka,  dans  Verspreide 
geschiiften,  t.  VII,  p.  210-221),  nous  savons  que  ce  roi  était  fils  de  Advaya- 
varman  et  titré  Kanakamedinïndra  (rsouverain  de  la  terre  de  l'or».  Nous  savons, 
enfin ,  que  ce  dernier  souverain  eut  un  fils ,  Anangavarman ,  qui  fut  probable- 
ment son  successeur  (cf.  N.  J.  Krom  ,  Eine  sumalraansche  Inscriplie  van  Koning 
Krlanagarai  loc.  cit.,  p.  338).  D'après  ces  textes  épigraplilques ,  on  peut 
établir  la  liste  suivante  des  rois  de  MalQyu  au  xiii"  siècle  çaku  : 

Climat  Tribuvàna  râjamaillivarmadeva ,  qui  règne  en  1208  ç.  —  1 286  [supra , 
XC,  p.  179); 

Advayavarman,  père  du  roi  suivant; 

Çrimat  çri  A[  ]yâdil\îivar:na  (\ar.  Udauïdityavarman)  râjendramaulimaiii- 
rarmadeva  (  var.  r5jendrani;iuiiiuali\urniadeva),  qui  régnait  en  12G9  (;.:=i3'i7 
et  rtlourut  vers  i3oo  c.—  l'A'jS. 

Anangavarman. 

Le  Maliârâja  çrimat  Trailokya  rajamauiibbusanavainiadeva  de  rinscriptiun 
cambodgienne  de  Grabi  était  certainement  un  roi  de  Malâyu,  car  ses  titres 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  183 

RAKnTÂGÀMA  de  Prapanca,  daté  de  i-j.S'j  raka -^-  i365  de  notre 
ère],  texte  en  transcription,  traduction  et  commentaires  par 
H.  Kern,  avec  annotations  et  indices  de  N.  J.  Krom,  La  Haye, 
i9i9,in-8%  avec  une  carte  des  dépendances  de  l'empire  de 
Majapahit  et  un  fac-similé  de  quelques  feuilles  du  manuscrit 
kawi. 

XCII.  L'île  de  Sumatra,  l'une  des  dépendances  de  l'empire  de  Maja- 
pahit, y  est  désignée  sous  le  nom  de  fcpays  de  Malayu  [tanah  ri  Malni/u)v 
par  le  poète  javanais  rpii  en  mentionne  les  vingt-quatre  villes  ou  étals 
suivants  :  «Les  principales  iles  [sic)  qui  sont  sous  la  souveraineté  (de 
Majapahit)  dans  le  pays  de  Malayu  sont  les  suivantes  :  Jambi,  Palemhaù, 
Karitan,Tëba  (Toba),  Dharmniâçraya  (Dharmâçraya),  Kai.idis  (Kandis), 
Kahwas  (Kawai),  Manankabwa  (Mënankabavv  ou  Minaiikabaw),  Siyak 
(Siak),  Rëkàn  (Rokan),  Kâmpar,  Pane  (Paney),  Kâmpe  (PuIbav  Kom- 
pai),  Haru  (Aru),  Mandahiliù  (Mandailin),  Tumihan  pour  Tamihan 
(Tamiaiï),  Parllâk  (Përlak),  Barat,  Lwas  lâwan  (Padan  Lwas  ou  Gayu 
Luas),  Samudra  (l'ancien  état  de  Sumutra,  sur  la  côte  nord-est  de  l'île 
dont  on  retrouve  encore  les  ruines  près  de  Lho'  SeumaAvé),  Lamuri 
(Grand-Aceh),  Batan  (peut-être  l'île  de  Batam),  Lampun  (Lampon)  et 
Barus  (Baros).  Telles  sont  les  plus  importantes  dépendances  du  pays  de 
Malayu  tout  entier;  tous  ces  pays  dépendent  [de  l'empire  de  Majapahit]. n 
(Chant  i3,  p.  5o;  cf.  également  chant  hi,  strophe  5,  p.  io5,  et 
chant  hu ,  strophe  9,  p.  107;  pour  les  identifications  précédentes,  voir 
p.  267-959,  et  mes  Relations  de  voijages,  t.  II.  p.  659,  oij  la  note  8  : 
ffPane  ou  Panei  dans  l'ouest  de  Sumatra  «  est  à  corriger  en  :  rrsur  la 
côte  orientale  de  Sumatra,  en  face  de  l'île  de  Jamar  =  Jumur  de  YOriental 
Piloti  [cartes  k-i  et  43],  et  p.  671.) 

Les  noms  entre  parenthèses  représentent  la  forme  malaise 
moderne  des  notations  du  texte  kawi. 

Les  deux  complexes  sanskrit  et  chinois  sont  parallèles  au 
double  point  de  vue  sémantique  et  syntaxique  :  :^  '^j  hin- 
tcheuii  recouvre  exactement  suvama-dvîpa ;  l'un  et  l'autre  repré- 

protocolaircs  soûl  riimnrqimhleincnt  idontiques  à  coux  des  rois  do  celle 
dyuaslie  sumalranuise  alleslés  par  les  inscriplioiis  que  uuus  possédous. 


184  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

sentent  lilléralemont  oi^-ile,  le  premier  terme  étant,  par  anlé- 
position ,  complément  du  second.  CiiAVAMNes  a  traduit  kiti-tcheou 
par  «île  d'or»,  mais  cette  interprétation  n'est  pas  à  retenir  : 
c'est  r^île  de  l'or»  qu'on  doit  lire,  et  c'est  ainsi  qu'il  faut  éga- 
lement traduire  le  suvarnadvlpa  des  textes  sanskrits.  En  chinois 
et  en  sanskrit,  le  sens  du  complexe  est  un  peu  flou  :  il  peut 
s'agir  aussi  bien  d'une  île  riche  en  mines  d'or  que  d'une  île 
dont  le  sol  et  la  flore  sont  en  or.  Mais,  dans  le  cas  présent, 
il  n'y  a  pas  place  au  doute;  l'information  s'appuie  sur  un  fait 
concret  bien  connu  :  la  richesse  aurifère  de  Sumatra,  et  nous 
n'avons  pas  afl'aire  à  un  thème  de  folk-lore.  On  vient  de  voir 
i^supra,  p.  177)  que  l'un  des  noms  malais  de  la  grande  île 
indonésienne  est  Pidaiv  Enuîs  «île  de  l'or»  (cf.  un  toponyme 
de  formation  parallèle  :  Pidaiv  Bâtu  et  l'île  de  la  pierre»,  ainsi 
appelée  parce  qu'il  s'y  trouve  une  pierre  remarquable  et  non 
parce  qu'elle  est  constituée  par  un  bloc  de  rocher;  Piihuv  P'uiah 
«île  de  l'aréquier»,  etc.).  Pûlaw  Emds  répond  à  Kin-tcheou  et 
à  Suvarnadvlpa,  construit  suivant  les  exigences  de  la  syntaxe 
indonésienne,  à  l'inverse  du  sanskrit  et  du  chinois;  et,  comme 
il  vient  d'être  dit,  le  sens  en  est  clair  et  ne  comporte  aucune 
amphibologie  (cf.  également  Bîrlni,  XLIII,  p.  6/1). 

Pour  Yi-TsiNG  (LXXXVII  et  LXXXVIII,  p.  178),  l'île  de  l'or 
^  Fo-che  ou  Che-li  Fo-che ,  c'est-à-dire  la  partie  méridionale 
de  Sumatra.  Dans  l'inscription  malaise  de  1208  çaka  {^supra, 
XC,  p.  179),  le  pays  où  se  rend  la  mission  javanaise  est 
appelé  Surarnahhûmi  «la  terre  de  l'or»  (1  c)  et  il  est  dit  expli- 
citement plus  loin  que  le  pays  en  question  est  le  Malâyu  (/i  i), 
c'est-à-dire  la  partie  de  Sumatra  également  désignée  sous  le 
nom  de  MinankabawC^.  L'auteur  du  Kitâh  aJ-minhâj ,  Sulaymân 
al-Mahrî,    compte  parmi    les  ports  de   Sumatra   (LXXXII, 


^')  Cf.  mon  mémoire  Malaka,  le  Màlayu   et  Malayur,  J.   As.,   XI"   série, 
t.  XII,  p.  5i  et  suiv. 


L'EMPIRE  SUMATBANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  18b 

p.  102),  trois  ports  par  lesquels  s'exporte  l'or  :  Pancûr,  à 
l'ouest;  Pariyaman  çr célèbre  parmi  les  hoipmes  [et  qui  est 
situé  clans  le  pays]  de  Manankabwa  [=Minankabaw]  ??,  au 
sud-ouest;  et  Sumutra,  au  nord-est '''.  Les  anciennes  relations 
portugaises  sont  plus  explicites  encore  : 

Arrivèrent  également  [à  Malaka] ,  dit  Gaspar  Correa  [Lendas  da  India, 
t.  11,  p.  2G6),  quatre  barques  du  royaume  de  Manancaho,  qui  ne  pro- 
duit pas  d'autre  marchandise  que  l'or  en  poudre  et  en  barres,  que  les 
gens  du  pays  apportent  [à  Malaka]. 

L'or  qui  est  importé  à  Malaka ,  disent  les  Commentaires  d'Albuquerque 
(^Commentarios  do  Grande  Afonso  Dalboquerqve,  édit.  de  177^,  t.  III, 
chap.  xxxn,  p.  161),  provient  en  majeure  partie  d'une  mine  [du  pays] 
de  Menamcabo,  qui  se  trouve  à  l'extrémité  de  l'île  de  Samatra,  du 
côté  du  sud ,  en  face  de  Malaka ,  à  six  jours  de  mer .  . . 

A  ce  moment,  arrivèrent  trois  pangajaoas  (navires  à  rames  et  h  voiles) 
du  royaume  de  Menamcabo ,  qui  est  situé  à  l'extrémité  de  l'ile  de  Çama- 
tra,  sur  l'autre  côte  méridionale  [que  celle  qui  fait  face]  à  Malaka 
[=  côte  sud-ouest].  Ils  apportaient  une  quantité  d'or  [ihid.,  chap.  xxxvn, 
p.  189).  [ Pour  d'autres  témoignages  portugais  de  la  richesse  en  or  du 
Minaiikahaw,  cf.  mon  mémoire  Malaka,  le  Malmju  el  MaUujur,  dans 
J.  As.,  XP série,  t.  XII,  1918,  p.  80-81.] 

Il  est  plusieurs  fois  question  des  fameuses   «Iles  de  l'ôr?? 
{Ilhas  do  owo)  dans  les  relations  portugaises  de  la  période  des 

(')  M.  Eilhard  Wiedemann  a  récemment  publié  et  a  eu  l'obligeance  de  me 
faire  parvenir  un  article  sur  les  drogues  employées  par  les  Arabes,  où  iigure, 
en  traduction,  un  important  extrait  de  rencyclopédie  de  Nuwavkî  (mort 
en  i33a).  A  propos  du  camphre,  l'auteur  arabe  dit  :  «En  ce  qui  concerne  son 
habitat  originel,  il  y  a  plusieurs  opinions.  Les  uns  disent  (pie  le  camphre  pro- 
vient de  Faneur  [=Baros,  sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra],  une  île  de 
700  parasanges  de  tour  qui  est  connue  comme  le  pays  de  l'or.  .  ,v  {Beitruge 
zur  Geschichic  dcr  Nahirwissrnschaflen ,  XLIX.  Vber  von  den  Arabern  henulztc 
Drojren,  dans  Siizungsberichte  der  physikaliscit-inedizinkclien  Sozietât  tn 
Ertangen,  Band  ^18,  1916,  p.  17.)  Cette  information  dont  j'ai  eu  connais- 
sance pendant  l'impression  du  présent  mémoire,  confirme  hein'eusement  le 
témoignage  de  ^i-tsing  et  de  l'inscription  malaise  de  1208  çaka  :  l'île  de 
Sumatra  est  bien  le  pays  ou  l'île  de  l'or. 


186  OCTOBHE-DÉCEMBRE  1<J^22. 

(iécoiiverles.  En  fait,  les  dérouvrcurs  étaient  surtout  préoccupés 
de  recueillir  des  informations  sur  l'Eldorado  oriental  pour  pou- 
voir s'y  rendre  et  en  rapporter  les  fabuleuses  richesses  qu'une 
légende  plus  que  millénaire  situait  dans  des  îles  indétermi- 
nées'^^. Joâo  de  Barros,  l'historiographe  royal  du  xvf  siècle, 
en  parle  à  trois  reprises  dans  la  décade  III  : 

.  .  .  Diogo  Pacheco,  dit-il  (liv.  III,  cliap.  m,  p.  26/1),  peu  de  temps 
après  son  arrivée  de  Malaka  [à  Sumatra],  avait  apporté  d'importantes 
informations  sur  les  Iles  de  l'or  qui,  d'après  un  bruit  général  dans 
rinde,  gisaient  au  sud  de  Sumatra.  C'est  à  l'effet  de  les  découvrir  que 
Diogo  Lopes  [de  Secpieira]  envoyait  Diogo  Pacheco,  parce  que  celui-ci 
était  très  versé  dans  les  choses  de  la  mer  et  extrêmement  habile  décou- 
vreur, étant,  en  outre,  un  parfait  gentilhomme.  Dans  ce  but,  on  lui 
donna  l'ordre  d'armer  un  navire  à  bord  duquel  il  serait,  et  un  brigantin 
dont  serait  capitaine  Francisco  de  Sequeira . .  . 

Pacheco  se  met  en  route  et  touche  à  Daya,  sur  la  côte 
nord-ouest  de  Sumatra  ^  oii  le  brigantin  se  met  au  plein  et  se 
perd  corps  et  biens,  à  l'exception  d'un  esclave  canarin  i^ihid., 
p.  966).  Avec  son  seul  navire,  le  marin  portugais  descend  le 
long  de  la  côte  et  fait  escale  au  port  de  Baros  : 

(P.  268.)  . . .  Tandis  qu'il  se  trouvait  là,  il  ne  se  préoccupait  que 
de  deux  choses  :  se  tenir  sur  ses  gardes  de  peur  que,  pendant  la  nuit,  à 
l'instigation  des  Maures  [=  musulmans]  de  Çambaya  [qui  se  trouvaient 
là] ,  il  ne  fût  victime  de  quelque  traîtrise;  et  s'informer  auprès  des  gens 
du  pays  de  ce  qu'ils  savaient  et  disaient  des  Iles  de  l'or  qui  gisaient  au 
sud  de  l'ilc  de  Sumatra.  D'autant  que,  à  Malaka  où  se  rendaient  cer- 
tains marchands  de  ce  i-oyaume  de  Baros,  l'opinion  générale  était  que 
ce  pays  de  Baros  ne  produisait  pas  autant  d'or  qu'ils  en  apportaient, 
mais  que  la  plus  grande  partie  était  obtenue  par  échange  dans  les  Iles 
de  l'or  où  ces  marchands  se  rendaient  pai-  mer.  Quoique  les  Maures  cl 
les  gens  du  pays  fussent  très  jaloux  [de  cons(;rver  le  secret]  de  ce  com- 

(')  Sur  ces  ilcs  léj^cndaiiTS ,  cf.  l*omponius  ÎMela,  Pline  rAncien,  Sohn, 
IsiDOUE  de  SùvUle,  daus  Cokuks,  Textes  d'auteurs  ^rrecs  et  iatins  relatifs  à  l'Ex 
Iréme-OrioU ,  l*aiis,  i()io,  in-S". 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  187 

merce,  Diogn  Pachoco  pul  copoiidanl  aclieloi'  deux  on  liois  in(li{|ènes 
qui  s'y  étaient  rendus  el  (|ui  finirent  par  lui  dire  ce  qu'ils  avaient  vu  et 
ce  qui  s'était  passé.  (P.  269.)  Ils  racontèrent  que,  à  peu  près  à  100  et 
des  lieues  au  sud-est  du  port  de  Baros,  gisait  une  ligne  de  hauts-fonds 
et  de  bancs  de  sable ^  au  milieu  desquels  se  trouvait  une  île,  légèrement 
accidentée,  dont  les  côtes  étaient  couvertes  de  palmiers;  à  l'intériem* 
de  l'île,  vivait  une  nombreuse  population  noire  avec  laquelle  ils  e'clian- 
geaient  de  l'or  sur  le  rivage,  parce  que  ces  gens  ne  permettaient  à  per- 
sonne de  se  rendre  où  ils  habitaient.  Pour  celte  raison,  [les  commer- 
çants de  Baros]  ne  connaissaient  ni  l'intérieur  de  l'île,  ni  la  façon  de 
vivre  des  insulaires.  (îeux-ci  donnaient  nne  grande  quantité  d'or  en 
échange  de  pièces  d'étoffes  de  Cambaya,  de  la  même  sorte  que  celles 
que  Pacheco  avait  apportées  :  vespiclas  (toiles),  mantazes  (draps)  et 
herUnigis  (toiles)  bleus  et  rouges'''.  Quoiqu'on  se  procurât  de  i'or  à 
très  bon  marché  en  l'écliaiigeant  pour  des  étoffes  de  qualité  inférieure, 
cependant,  beaucoup  de  marchands  qui  s'y  étaient  rendus  nne  fois, 
malgré  la  grande  quantité  d'or  qu'ils  en  avaient  rapporté,  n'y  retour- 
naient plus  de  peur  d'y  perdi-e  la  vie.  En  général,  de  vingt  navires  qui 
partaient  pour  les  Iles  de  l'or,  il  n'en  restait  que  le  quart,  ces  voyages 
étant  extrêmement  périlleux;  on  ne  pouvait  les  efïectuer  que  pendant 
une  mousson  qui  durait  trois  mois  et  seulement  avec  des  navires  de  très 
faible  tonnage  à  cause  des  nombreux  hauts-fonds  et  bancs  de  sable  qu'il 
y  a  là,  [entre  lesquels]  se  trouvent  de  très  étroits  passages  par  où  Ton 
fait  route.  Ces  passages  changeaient  de  place  chaque  année  par  suite  du 
déplacement  des  sables  (p.  970)  sons  l'action  des  courants  marins  pen- 
dant la  période  d'hiver  de  cette  région.  Quand  les  marins  étrangers 
arrivaient  Ji  entrer  ou  sortir  par  ces  passages,  un  jour  où  il  ne  faisait 
pas  très  beau  et  calme,  la  mer  furieuse  engloutissait  tout  ce  qu'elle  ren- 
contrait, dépendant,  bien  que  les  indigènes  de  Baros  lui  exposassent  les 
très  grands  dangers  qu'on  courait,  jaloux  [qu'ils  étaient  de  se  réserver] 
ce  commerce,  comme  il  le  comprit,  Diogo  Pacheco  ne  cessait  de  leur 
poser  de  nonibieuses  questions,  autant  pour  son  instruction  pcrsoanelle 
que  pour  se  rendre  compte  s*il  n'y  avait  pas  (juelque  contradiction  dans 
ce  qu'ils  racontaient.  Après  qu'il  en  eut  tiré  ce  qu'il  put,  comme  cette 
enquête  était  la  principale  raison  (pii  l'avait  fait  s'arrêter  à  Baros  pen- 
dant qliel([ues  jours,  il  prit  congé  du  roi  et  de  ses  gouverneurs  et  fit 
route  en  longeant  la  côte  de  l'ile.  .  . 

"'   Pour  CCS  étoU'os,  cl",   mon  nnjnioiro   Les  poidii ,  inesures  cl  monnairs  de« 
tncis  ilu  Sud  aux  xvi'  et  xvn'  siècles,  J.  As.,  déc.  1920,  p.  202-'io3> 


188  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

Pacheco  contourna  Sumatra  par  le  sud  et,  remontant  la 
côte  orientale  de  l'île,  retourna  à  Malaka,  sans  avoir  tenté  de 
découvrir  les  Iles  de  l'or. 

En  juin  i52i,  rapporte  encore  BaiTos  (décade  III,  liv.  IV,  chap.  m, 
p.  Al 2),  arriva  de  Portugal  un  navire  apportant  des  instructions  du  roi 
D.  Manuel,  cr Entre  autres  choses,  le  roi  invitait  Diogo  Lopes  [de  Se- 
queira]  ...  à  charger  quelqu'un  d'aller  découvrir  les  Iles  de  l'or  préci- 
tées qui  gisent  par  le  travers  (a  través)  de  l'ile  de  Sumatra;  car,  plusieurs 
personnes  qui  étaient  allées  dans  cette  région  de  l'Inde  [naquellas  partes 
da  India),  avaient  donné  grand  espoir  qu'on  pourrait  les  découvrir. . .  n 

Les  Lendas  da  htdia  «Les  légendes  de  l'Inde??  ont  trait  à  la 
période  comprise  entre  1^97  et  i55o.  Nous  savons  par  une 
indication  de  l'auteur  lui-même  qu'il  travaillait  encore  à  la 
rédaction  de  ses  Lendas  en  i56i  (cf.  t.  I,  p.  266).  Elles  ont 
été  publiées  par  les  soins  de  l'Académie  des  Sciences  de  Lis- 
bonne ,  le  t.  III  en  1 8  6  2 ,  le  t.  IV  en  186/1;  in-/i°. 

(T.  III,  1"  partie,  p,  208,  chap.  11.)  Des  navires  de  France. 

En  l'année  qui  précéda  iSay,  trois  navires  armés  en  corsaires  dont 
l'un  commandé  par  le  Portugais  Esteuào  Dias  Biigas,  partirent  de  France 
et  firent  roule  à  destination  de  l'Inde .  . . 

(P.  2/jo.)  ...  Le  second  navire  se  sépara  du  convoi  au  cap  de  Bonne- 
Espérance,  du  côté  du  Sud,  ne  sachant  plus  où  il  allait.  11  prit  le  che- 
min des  côtes  de  l'ile  de  Sumatra  et  arriva  à  l'Ile  de  l'or  dont  le  sable 
du  rivage,  gros  et  petit,  est  tout  en  or.  La  végétation  y  est  luxuriante; 
il  y  a  de  grands  bois  (aruoredos),  des  rivières  d'eau  excellente,  beaucoup 
d'arbres  fruitiers  dont  les  fruits  sont  savoureux.  Les  habitants  sont  nus 
et  sauvages,  ne  se  couxrant  que  d'étoffes  fabriquées  avec  des  feuilles 
d'arbres  [foUias  d'henias).  Ils  ne  mirent  aucun  obstacle  à  ce  qu'on  prit 
ce  qu'on  voulut.  Les  [marins  du  navire  français]  embarquèrent  autant 
d'or  qu'ils  voulurent  et  s'en  allèrent,  faisant  roule  sans  savoir  dans 
quelle  direction  le  vent  leur  serait  le  plus  utile.  Ils  arrivèrent  ainsi  sur 
la  côte  de  Sumatra  en  pleine  détresse,  la  ])lupart  d'entre  eux  étant 
morts  ou  malades.  Le  navire  faisait  tant  d'eau ,  qu'il  était  sur  le  point 
de  couler.  Ils  mirent  le  cap  sur  la  terre  pour  s'y  échouer;  mais  avant  d'y 
arriver,  ils  s'échouèrent  sur  un  banc  (de  sable  ou  de  roches)  oii  le 
navire  se  perdit.  Ceux  qui  pouvaient  travailler,  mirent  la  chaloupe  en 


L'EMPIRE  SUxMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  189 

état  el  vinrent  à  terre  avec  beaucoup  d'or  que  chacun  y  avait  rais.  [En 
arrivant]  à  terre,  ils  moururent.  Des  barques  de  pêcheurs  qui  les  ren- 
contrèrent par  hasard,  emportèrent  l'or.  On  apprit  cela  à  Malaka  par 
des  marchands  de  Sumatra  qui  venaient  y  trafiquer,  que  partout  on 
parlait  de  cette  chaloupe  que  des  pêcheurs  avaient  trouvée  pleine  d'or 

et  que  les  hommes  qui  on  parlaient (e  que  os  homens  que  faîauâo 

como  bombardeiros?).  On  amena  un  de  ces  individus  au  roi  d'un  pays 
{sic)  qui  le  fit  empaler  parce  qu'il  disait  qu'il  ne  saurait  pas  retrouver 
l'Ile  [de  l'orj.  On  apprit  également  que  ceux  qui  découvrirent  cette 
Ile  de  i'or  n'appartenaient  pas  à  l'équipage  du  navire  commandé  par  le 
Portugais  Brigas. 

(T.  IV.  p.  3o6.)  [En  i563]  ...  [le  gouverneur  Martim  Afonso  de 
Sousa]  donna  l'ordre  à  Jeronymo  de  Figueiredo  de  partir  avec  un  galion 
et  trois  fustes ,  à  la  découverte  de  l'Ile  de  l'or  qu'on  disait  être  par  le  tra- 
vers [alraués]  de  l'ile  de  Sumatra,  au  large  de  Sumatra,  du  côté  de 
l'Ouest ...  Au  moment  de  partir,  le  navire  [  désigné  pour  cette  expédi- 
tion] faisait  tant  d'eau  que,  pendant  la  nuit,  il  coula  dans  la  rivière  [de 
Goa  où  il  était  ancré  ...  On  le  remit  à  flot]  et  il  fut  réparé  et  prit 
ensuite  la  mer.  Le  directeur  des  finances  fit  informer  Diogo  Cabrai  qu'il 
avait  fait  faire  secrètement  des  trous  au  navire  et  celui-ci  coula  [en  mer ] '''. 

Il  est  question  d'îles  de  l'or  dans  un  curieux  mémoire  de 
Godinho  de  Eredia  (ou  Heredia)'-^  intitulé  :  Declaraçani  de 
Malaca  e  India  Méridional  coin  o  Catlioy  em  III  tract.  Le  texte 
portugais  avec  traduction  française,  sans  notes,  a  été  publié 
sous  ce  titre  :  Malaca,  l'Inde  Méridionale  et  le  Catliay,  édit.  et 
.  trad.  Léon  Janssen  d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
Royale  de  Bruxelles,  avec  une  préface  de  Ch.  Rlelens;  Bru- 
xelles, m-U°,  1889,  XIV  pages-]- 8 -.2  folios -f  100  pages,  avec 
lio  cartes  et  plans  et  19  illustrations  de  l'auteur.  Ce  mémoire 
est  adressé  à  Philippe  III  de  Portugal  el  daté  de  Goa,  le  â/i  no- 
vembre 161  3  (la  traduction  porte  par  erreur  :  a 4  décembre). 
Dans  ce  texte,  Inde  méridionale  désigne  une  terre  et  des  îles 

'')  Ce  fonclionnaiic  portugais  avait  uu  intérêt,  que  nous  ne  soupçonnons 
pas,  à  cmpiVlicr  li;  départ  du  galion. 

^-)  Sur  ce  personnage,  cf.  Hamy,  Le  dvscobridor  Godinho  de  Eredia,  dans 
Bull.  Soc.  O'e'ogr.  de  Paris,  juin  1878,  p.  5 16. 


190  OCTOBRK-DECEMBRE    1022. 

imy^pnalres  situées  au  sud  du  i  o''  degré  de  latitude  australe. 
La  seconde  partie  (p.  5/i  et  suiv.)  est  consacrée  à  celte  Inde 
méridionale.  Il  y  est  question  de  deux  îles  riches  en  or  :  Luca- 
antara  (lire  :  Luça  Antara  =  pyanais  Nusa  Antara  «l'île  du 
milieu  75,  litt.  «l'île  entre  [d'autres  îles]??)'^'  et  Luca  iy=Luça, 
pour  Nusa  «île 51)  Veacli=  V^eak.  Dans  la  première,  où  se 
rendit  un  prince  javanais,  «il  y  vit  beaucoup  d'or,  de  girofle, 
de  noix  muscade  imassanos  =  massa  nos^,  de  sandal  Liane  et 
rouge,  d'autres  épices  et  aromates,  et  en  prit  des  échantillons 55 

(p-58). 

La  description  de  l'île  de  Luca  Veach  vaut  d'être  reproduite 
intégralement  : 

Chapitre  vu.  De  l'île  de  Ldca  Veach. 

(P.  63.)  . . .  La^'^  navigation  était  suivie  entre  les  îles  d'Ende  (Flo- 
rès) et  Luca  Veach  ''^\  terre  produisant  de  l"or  en  grande  quantité  :  on 
en  tirait  de  nombreux  lingots  de  ce  métal  par  des  échanges,  ainsi  que 
le  racontent  les  vieillards  d'Ende.  (les  vieillards  rapportent  l'aventure  de 
cette  barque  d'Ende  qui ,  faisant  voile  vers  Luca  Veach ,  fut  prise ,  à  la 
hauteur  de  l'île  de  vSaho  '*',  par  une  violente  tempête.  Elle  ne  put  eutrer 
nia  Saho,  ni  dans  le  port  deRajoam*'*^  ni  à  Lucachancana  ''^  rivages 
qui  sont  en  vue  l'un  de  l'autre.  La  tourmente  l'entiaîna  et  lui  fil  perdre 
de  vue  toutes  ces  îles.  Ensuite  le  temps  se  calma ,  les  vents  tombèrent. 
Pendant  trois  jours,  la  barque  égarée  navigua  de  part  et  d'autre,  puis 


(')  C'est  l'ancion  nom  de  Jladura,  applique  ici  à  une  île  imaginaire. 

<"-'  Je  reproduis  la  traduclion  de  Janssen  en  la  rectifiant  par  des  notes. 

'•'*)  I^our  celle  île ,  vide  injra. 

''''  Cod.  Sabbo.  La  carie  du  fol.  53  a  Sabo.  C  est  file  appelée  Sacu,  ySawu  ou 
Rai  Hawu,  la  Savoe  de  nos  caries,  entre  Sumba  et  Timor. 

(^'  Cod.  ilha  Rajoam  rr l'île  de  Rajoamn.  La  carie  du  fol.  59  a  linjoan.  C'est 
l'île  Kaiymva  ou  Rai  Jua  du  groupe  des  îles  Savu. 

'">  Lttca  est  pour  /(/««;=  javanais  misa  rfîlen;  Chancanu  est  vi'aiseniMable- 
meul  à  covrïger  i>i\*(Muclianu  =  Kancanu.  Sur  la  chiite  du  fol.  5-j,  ces  trois 
îles  et  une  quatrième  non  déjionnnée  sont  situées  par  Godinlio  au  nord  et  à 
peu  de  disUuice  de  file  de  l'etau  el  au  Nord-iNord-Ouesl  de  la  pointe  de 
Beacli. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  191 

elle  lut  poHSsëe  à  Luca  (p.  64)  Veacli  où  les  marins  qui  montaient  i'eni- 
barcalion,  débarquèrent  dans  un  village.  Ils  voulaient  faire  de  l'eau  et 
des  vivres  car,  pendant  la  tempête,  ils  avaient  tout  perdu  sauf  une  cer- 
taine quantité  de  fruits  d'une  espèce  de  palmier  nommée  Sioallas'^^^  qui 
servaient  de  lest  au  bâtiment.  Ces  fruits  du  Sivallas  étaient  très  estimés 
à  Luca  Veach.  Ils  obtinrent  en  échange  de  leurs  Sivallas  '''  autant  d'or 
qu'ils  en  voulurent  :  ce  métal  est  très  commun  à  Luca  \each  où  le  gra- 
vier qui  se  trouve  au  pied  des  arbres  est  du  minerai  d'or  '■^\ 

Cette  île  de  Luca  Veach  mesure  environ  8  lieues  espagnoles  de  circon- 
férence. Sa  terre,  qui  produit  des  minerais,  est  fraîche  et  en  partie 
boisée*''  :  elle  est  très  fertile  en  riz  et  en  grains  de  toutes  sortes,  bien 
plantée  de  palmiers,  de  cocotiers  domestiques*''  et  d'une  grande  variété 
de  cannes  à  sucre.  De  nombreuses  et  fraîches  rivières  on  coule  une  eau 
excellente  et  où  se  trouvent  des  rochers  aurifères,  arrosent  le  pays,  et 
les  marins  d'Ende  y  tirent  de  l'eau  "'. 

Une  autre  partie'''  des  habitants  sont  des  blancs  à  cheveux  blonds, 
avec  des  yeux  bleu  clair,  petits  de  taille,  nus  ou  mal  vêtus.  Ils  habi- 
taient des  maisons  couvertes  de  paille  et  vivaient  du  fruit  de  leur  tra- 
vail, cultivant  des  jardins  légumiers**'.  Parmi  eux  se  trouvent  égale- 
ment des  hommes  bruns,  mais  tous  parlent  la  même  langue  qui  est 
celle  de  Sabo  et  de  Rajoam  *''.  Ils  emploient  le  fer  pour  fabriquer  les 
armes,  les  frondes,  les  dards  et  les  lances  dont  ils  munissent  la  pointe 
de  dents  de  poisson.  C'est  le  plus  riche  et  le  plus  puissant  d'entre  eux 
qui  gouverne  le  pays. 

Le  long  de  la  côte,  sur  une  largeur  de  loo  pas  géométriques,  la  mer 

*')  Cod.  dajnicta  sivallas. 

'-)  Cod.  sivallas,  fructa  de  palmas  bravas  csivallas,  fruit  de  palmiers  sau- 
vages .  .  .  n. 

'■■')  Cod.  (ira  de  mcJlaes  de  imro ,  lilL.  trëtait  de  métaux  d'orn ,  était  en  or.  Il 
n'est  pas  du  tout  question  do  minerai. 

'•^)  Cod.  eslava  jrescu  echca  de  bosqnes  arvnredos  ffolle  était  fraîche  et  cou- 
verte de  forêts  [et]  de  bois». 

*^)  Cod.  de  cocos  domeslicos,  c'est-à-dire  de  cocotiers  cultivés. 

*^^  Cod.  e  tern  muylas  e  fresca  ribeijras  de  excelenle  agoa  de  nichas  de  nurn , 
onde  fizerâo  affuada  wet  il  y  a  de  nombreuses  et  iraiches  rivières  d'eau  excel- 
lente [sourdant]  de  rochers  en  or,  où  [les  marins  élran,<i[ers]  liront  de  l'oau». 

")   Cod.  E  a  jjeiitv  uluua  rrqufîlcjiios-uns  dos  lialiilanls». 

*"'  Cod.  cuiii  iiranjrvvia  de  ortas ,  ils  vivon(  do  leurs  labours  ol  innauv  [(iiii 
consistent]  fren  culture  do  jardins-i  ;  ils  vivent  du  produit  de  leurs  jardins. 

^•''  Cod.  de  liayiuo  (sic,  pour  liajoâo)  v  Sabbo. 


192  OCTOBRE-DÉCEMBRE    1922. 

qui  baigne  celle  île  esl  remplie  cVime  espèce  de  corail'''  recouvert  de 
varech,  ce  qui  gêne  le  débarquemenl  dans  le  port  de  Luca  Veach.  Pour 
que  l'embarcation  pût  atterrir,  il  fallut  couper  les  branches  de  ces  varechs 
et  s'y  frayer  un  passage.  De  cette  façon,  la  barque  toucha  terre  et  revint 
sans  encombre,  car  il  n'y  avait  pas  d'autres  récifs  ni  bancs  de  sable  sur 
la  côte  '""'. 

Après  que  l'embarcation  eut  un  chargement  suffisant  d'or,  elle  quitta 
Luca  Veach.  Mais,  assaillis  par  une  nouvelle  tempête,  les  marins  furent 
obligés  de  jeter  leur  or  à  la  mer  '*'.  Ils  n'en  gardèrent  que  ce  qui  était 
nécessaire  pour  lester  la  barque  et  regagnèrent  Sabbo  quand  le  temps 
se  calma.  Ils  y  déchargèrent  leur  or  dont  il  y  avait  encore  une  telle 
quantité  que  tous  les  habitants  de  Sabbo  en  furent  frappés  (p.  65) 
d'étonnement.  La  vue  de  ces  richesses  leur  donna  l'intention  de  faire 
ime  nouvelle  expédition  vers  Luca  Veach,  mais  ils  ne  donnèrent  pas 
suite  à  leur  projet  à  cause  de  l'ignorance  des  habitants ,  qui  ne  savaient 
ni  la  latitude  ni  la  configuration  de  Luca  Veach.  Enfin  cette  île  s'appelle 
ainsi  parce  que,  dans  la  langue  de  Sabbo  et  de  Java'^\  Luca^^^  signifie 
(fîle»  et  Veach  veut  dire  ffd'or"  ^^\ 


(')  Cod.  de  certos  contes  faisos  «rde  certains  faux  corauxw. 

*-'  Cod.  per  nâo  haver  outras  restingas  «car  il  n'y  avait  pas  d'autres  récifsn. 

(')  Le  jet  de  l'or  à  la  mer  a  pour  but  d'apaiser  la  tempête.  C'est  un  thème 
de  folklore  bien  connu,  qui  est  généralement  à  trois  motifs  :  I.  Motif  de 
l'arrivée  dans  une  île  ou  un  pays  inconnus;  II.  ^lotif  de  l'enlèvement  par  les 
étrangers  du  produit  caractéristique  de  l'ile;  III.  Jet  obligatoire  du  produit 
en  question  pour  apaiser  la  tempête  occasionnée  par  l'enlèvement  de  ce  pro- 
duit. Dans  le  cas  présent,  comme  il  s'agit  d'un  voyage  de  chercheurs  d'or, 
Godinho  raconte  qu'il  en  fut  conservé  une  certaine  partie  à  titre  de  lest ,  pour 
montrer  aux  indigènes  do  Sabo  que  Luca  Veach  esl  l'île  de  l'or  qu'on  recherche. 
Sur  un  thème  de  folklore  parallèle,  cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  Il,  p.  299, 
3io  et  h\o.  Dans  ces  trois  passages,  les  roses  magiques  disparaissent  par  com- 
bustion instantanée  dès  qu'elles  sont  portées  hors  de  la  roseraie  {supra,  LII, 
p.  G8;LVII,p.  69;LXXIV,  p.  77). 

'')  Le  texte  a  :  chez  les  indigènes  de  Eude  =  Flores,  de  Sabbo  et  de  Java. 

(^)  Luca  est  pour  /«ça  =  javanais  nusa  n\lor>.  Nusa  n'est  usité  qu'à  Java, 
Madura  et  à  Madagascar  (nusi).  Partout  ailleurs,  frîlen  est  généralement  désigné 
sous  le  nom  de  pulaw,  pulo  ou  par  une  variante  dialectale  se  rattachant  à  ce 
thème. 

W  En  indonésien,  le  nom  de  l'or  se  rattache  aux  types  suivants  : 

I.  Malais  mas,  ^>na«;  javanais  ëmas ;  bisaya,  dayak,  tagal  amas;  batak  ornas; 
makassar   umasaq;  vieux-bugi  mata;  bësëmah  ëmas,  rëmas.  Cf.  khmèr  mâs. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  193 

Chapitre  viii.  Certificat  relatif  à  l'île  de  Luca  Veach. 

Pendant  que  je  commandais  la  forteresse  d'Ende  [ou  Flores],  les 
habitants  les  plus  honorables  et  les  mieux  placés  de  celte  Chrétienté 
rendirent  compte,  à  moi,  Pedro  de  Carvalhaes,  comme  il  suit,  du  fait 
de  la  découverte  de  l'Ile  d'or  [lire  :  lie  de  for]  ou  Luca  Veach. 

Une  petite  embarcation  avec  quelques  marchands,  chassés  du  port  de 
Sabbo  par  les  vents,  la  tempête  et  de  violents  courants,  s'égara,  perdit 
de  vue  la  terre  et,  naviguant  la  proue  au  Sud,  pendant  environ 
3o  lieues  ''',  rencontra  Pulo  Carabin  ^^\  une  île  dans  laquelle  il  n'y  a 
que  des  chèvres.  Puis  continuant  sa  route  au  Sud,  après  avoir  parcouru 
environ  la  même  distance  encore,  elle  trouve  Pulo  Nliior^'',  autre  île 
déserte  dans  laquelle  croissaient  des  cocotiers.  Plus  avant,  la  barque  en 
question  rencontra  l'île  Pulo  Tambini'"',  peuplée  de  femmes,  et  pais 
après,  apparut  Luca  Veach. 

cam  mo'h;  bahnar,  jaral  (oliréai),  lialaii  do  rindochiuo  mah ;  nias,  màs ,  amas 
dans  les  dialectes  de  la  péninsule  malaise,  fforw,  kawi  //(/7s. 

II.  Dayak,  katinan  bulun;  magindanao  et  bulaan-moi'iondu  bulawan;  bugi 
ulawën;  bontenan  wulën  vovn. 

m.  Vieux-bugi  tanexjo  ou  taiikeyo  <:Z.eiion  «briller». 

IV.  Vieux-bugi  ivara-wava  <Cwara  «charbon  ardente. 

V.  Malgache  vulamena,  litt.  argent  rouge,  sumba  amas  rara,  litt.  or  rouge 
=  ffor». 

VI.  Vieux-bugi  nipajati,  magindanao  kancana,  dayak  (mot  religieux)  7-awia 
«or:i,  empruntés  respectivement  à  skr.  jàta  râpa  «or",  kancana  «odi,  dramja 
«objet,  richesses». 

Cf.  R.  BiiANDSTETTEii,  Mala-Havi ,  Lucerne,  igo8,  in-S",  p.  8-9-,  Aymonirr- 
Cabaton,  Dictionnaire  cam-français ,  s.  v°  mo'h;  G.  0.  Blagden,  Comparative 
vocabtilanj  of  abori^rinal  dialects,  dans  Skeat  et  Blagden,  Pagaii  races  of  the 
Malaij  peninsula,  Londres,  190G,  in-8°,  t.  II,  p.  6a  1,  n°  62,  s.  v°  gold.  Veach 
n'a  donc  rien  de  commun  avec  le  nom  de  l'or  en  indonésien. 

'''   Cod.  pouco  menos  de  3o  logoas  «un  peu  moins  de  3o  lieues». 

'-)  Cod.  Pulo  Caiiibim  (  sic)  de  cabras  «Pulo  Camhim  [ou  île]  des  chèvres». 
Pulo  Canibim  est  la  transcription  portugaise  de  Pulaw  Kambin,  qui  signifie  en 
effet  «île  des  Chèvres».  Cette  île  figure  sur  la  carte  de  Godinho,  du  fol.  48  v"  : 
elle  est  située  au  Nord  de  la  pointe  orientale  de  Timor.  Il  existe  en  ciïet  une 
ile  de  ce  nom  dans  la  Résidence  de  Timor  et  dépendances.  Elle  est  ('gaiement 
appelée  Hoogciland. 

'^^  Cod.  Pulonkior  de  cocos  «l'ulonliior  [ou  ile  |  des  cocos»  =;  Pw/((ir  hiyur, 
qui  signifie  «île  des  Cocos».  Celle  ile  cl  la  précédente,  où  reparaît  le  terme 
malais  pulaw,  au  lieu  du  javanais  nusa,  ne  figuri^nt  pas  sur  la  carte  du  fol.  5a. 

'*'  Cod.  Pulo  lambini  de  molkeres  «Pulo  Tambini  [ou  ile]  des  Femmes».  La 


IM  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

Les  navigalcurs  y  aperçurent  notamment  l'heureuse  montagne  d'or, 
et  les  gens  de  Sabbo  qui  montaient  la  barque  mirent  pied  à  terre  dans 
le  port,  où  ils  virent  une  telle  quantité  d'or  qu'ils  en  demeurèrent 
frappés  d'étonnement.  Ils  en  chargèrent  autant  qu'ils  voulurent  et  tant 
que  le  navire  eu  put  supporter  le  poids.  Puis,  poussés  par  les  vents  du 
Sud,  la  barque  regagna  le  port  de  Sabbo.  Cette  expé(Htion  enrichit  cette 
terre,  qui  n'était  pas  très  riche  par  elle-même.  Aujourd'hui  encore,  tout 
l'or  qui  se  trouve  à  Sabbo  est  celui  qui  provient  de  l'expédition  de  cette 
dite  barque  à  Luca  \each. 

(P.  66.)  Les  susdits  navigateurs  rapportent  qu'il  se  trouve  à  Luca 
Veach  un  pic  élevé,  qui  est  une  montagne  massive  d'or.  C'est-à-dire  que 
ce  métal  s'y  trouve  en  telle  quantité  qu'il  est  répandu  dans  les  pierres 
eu  gros  filons  et  en  veines  considérables. 

Sous  l'action  du  temps,  cet  or  a  été  mis  à  nu  et  fait  resplendu'  la 
montagne  à  tel  point  que  de  loin,  sous  la  réverbération  du  soleil,  elle 
apparaît  comme  un  brasier  en  feu. 

Sur  ces  infoimations ,  je  fis  apprêter  de  suite  doux  embarcations  à 
rames,  bien  approvisionnées,  avec  des  pilotes  et  des  marins  d'Ende  [ou 
Flores]  et  d'autres  officiers  pour  faire  le  voyage  de  Luca  Veach.  Alors 
que  les  embarcations  étaient  déjà  prèles  à  lever  l'ancre  et  à  faire  voile, 
les  pères  de  l'ordre  des  Dominicains,  comme  vicaires  de  cette  Chrétienté 
et  administrateurs  des  pays  du  Sud,  me  supplièrent  avec  la  plus  grande 
insistance  de  ne  pas  effectuer  ce  voyage,  disant  que  les  Chrétiens  qui 


carte  du  foi.  62  a  :  Lucatambini  =  Nusa  Tnmhiai,  I.  de  Molhercs.  C'est  la 
légendaire  île  des  Femmes  dont  Kredia  a  voulu  parler.  Le  javanais  bini  signifie 
bien  fr femelle,  femme 'k,  mais  tambini  n'a  pas  ce  sens.  La  géographie  légen- 
daire tles  Javanais  à  laqucftle  l*]redia  a  fait  cet  emprunt  maladroit  connaît  inie 
Nusa  Tambini.  C'est  la  Nusa  Tambini  où  Aji  Çaka,  l'hindou  civilisateur  des 
Javanais,  s'établil  en  Tan  10  de  l'ère  qui  porte  son  nom  [=  88  de  notre  ère] 
(cf.  Rafflks,  llislory  af  Jura ,  liOndres,  1817,  in-i",  t.  li,  p.  a3i),  la  Nusa 
Tambina  du  C}clo  légendaire  de  Panji  où  le  brahmane  Kanda  (appelé  aussi 
Sakendo  et  Salirti),  prolecteur  du  râ]a  de  Nusa  Kancana  «l'île  de  l'or»,  alla 
faire  pénitence  au  i\"  siècle  {ibtd.,  p.  90).  Dans  un  manuscrit  on  javanais 
moderne  contenant  un  fragment  du  cycle  de  Panji,  il  est  question  de  Wando, 
princesse  de  T('mbini  (iipud  ms.  cmmx  [cod.  317;!  |,  dans  H.  H.  JtvNBOLL, 
Supplément  op  den  catalogus  van  de  Javaansclie  en  Madoei'eesche  HnndscUriJten 
der  Lcidsche  Universileils-Hibliolheek,  t.  II,  Leyde,  1911,  in-8°,  p.  78).  Et  c'est 
évidemment  cette  i\usa  Tambini  ou  TC'mbini  qui,  par  ua  oontre-sens,  est 
devenue  «l'île  des  Femmes')  de  Eredia. 


L'EMPIRR  SUMATRANAIS  DK  ÇRÏVIJAYA.  195 

s'y  aventureraient,  ne  connaissant  pas  la  navigation  de  cette  mer^''  et 
la  situation  de  Luca  Vearh,  courrai(3nl  à  une  perte  certaine  et  trouve- 
raient la  mort  sur  cet  océan.  Par  respect  pour  la  requête  solennelle  de 
ces  religieux,  j'abandonnai  mon  dessein  et  le  voyage  vers  celte  lie  si 
riche  de  Luca  Veach  ou  île  d'or,  n'eut  pas  lieu  '"'. 

Le  descobridor  Emanuel  Godinlio  de  Eredia  m'ayant  demandé  cette 
déclaration  pour  le  bien  de  son  voyage  et  de  son  entreprise  et  pour 
le  service  du  Roi,  je  jure  par  les  Saints  Evangiles  que  tout  ceci  est  la 
vérité  et  j'ai  scellé  les  présentes  de  mon  sceau  ci-dessous. 

Malaca,  le  k  octobre  1601. 

Pedro  de  Carvalhaes. 

Pedro  de  Carvalhaes  était  sans  doute  de  bonne  foi;  mais  il 
va  de  soi  que  l'île  de  l'or  en  question  est  purement  imaginaire; 
imaginaire  aussi  le  voyage  de  Eredia  à  Luca  Veach.  Tout  cela 
est  du  folk-lore  transformé  en  réalité  par  un  métis  ambitieux  à 
la  recherche  de  dupes.  Le  résultat  final  est  décisif  dans  ce  sens  : 
Godinho  de  Eredia  ne  retourna  jamais  dans  l'île  en  question. 

Les  Portugais  n'avaient  naturellement  pas  découvert  les 
fameuses  lies  de  l'or.  Les  Hollandais  eurent  sans  doute  vent 
des  projets  d'expédition  en  Eldorado  de  leurs  prédécesseurs  et 
mirent  aussi  la  question  à  l'étude.  Le  Dagh-Register  gehoiiden 
uil  Casicd  Batacia  vaut  passeremk  daer  ter  plaetse  nls  over  te 
geheel  Neih'rl(ints-I)tdw  anno  i636  ^^  Journal  tenu  dans  \e  CAmleau 
de  Batavia  de  ce  qui  s'est  passé  à  Batavia  même  ainsi  que 
dans  les  Indes  néerlandaises  tout  entières  pendant  l'année  1 63  6  » 
(édit.  H.  T.  CoLENBiuxDER,  's-Gi'avenhage ,  i8(|(^,  gr.  in-8°, 
p.  1  o/i)  fait  mention,  au  mois  de  juin,  d'un  projet  de  décou- 
verte de  l'Ile  riche  en  or  et  argent  i^hel  goût  ende  siherrijck  eij- 
landl)  ^^K  On  songe  à  charger  de  ce  soin  le  commandant  Ma- 

(')  Cod.  cnmo  ignorante»  daquclla  nnvijrarào. 

'"-)  l^a  laisuu  invoquée  [)our  empcVtior  ce  nouveau  voyage  à  Luca  Veach,  est 
ditficilcintMil,  acccptabtc.  11  y  a  lieu  de  remarquer  qu'il  n'est  pas  question  dans 
ce  procès-verljul  de  la  tempiHc  qui  cildi'jea  l(_'s  marins  de  Sabbo  à  jeter  à  la 
mer  la  plus  jjrande  partie  de  l'or  re(n(>illi  dans  file  merveilleuse. 

'^)  L'éditeur  ajoute  en  note  :  «Cf.  Lebpk,  Ueiza  van  Maarten  Gerrilz*,  p.  3 


196  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

ihijs  QuAST  avec  les  navires  Grol  et  Waterloose  Wei^ve.  Suit  ce 
curieux  renseignement  :  «On  rapporte  que  l'île  aurifère  et 
argentifère  gît  par  S^"  1/2,  à  environ  /loo  milles  à  l'est  {^bij 
oosteii)  du  Japon.  « 

D'après  les  renseignements  recueillis  par  Diogo  Pacheco 
sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra,  les  Iles  de  l'or  devaient  se 
trouver  «à  peu  près  à  cent  et  des  lieues  au  sud-est  du  port  de 
Baros55  (^suprn,  p.  187).  Pendant  les  cent  et  quelques  années 
qui  ont  suivi  l'mfructueux  voyage  du  capitaine  portugais,  la 
région  au  sud-est  de  Sumatra  a  été  parcourue  eu  tous  sens  et 
aucune  île  aurifère  n'y  a  été  découverte;  mais  la  légende  de 
l'Ile  ou  des  Iles  de  l'or,  que  justifient  dans  une  certaine  mesure 
les  arrivages  de  poudre  et  de  lingots  d'or  à  Malaka,  conserve 
ses  fidèles  parmi  les  gens  de  mer  et  les  marchands  eiu'opéens. 
Les  îles  de  l'Indonésie  n'ont  pas  fourni  encore  de  richesses  com- 
parables aux  fabuleux  trésors  des  Indes  occidentales;  mais 
l'enthousiasme  des  découvreurs  n'en  est  pas  atteint  :  leur  foi 
reste  entière  et  leur  zèle  ne  se  dément  pas.  Ceux  qui,  comme 
le  signataire  de  ces  lignes,  ont  vu  de  près  les  prospecteurs  du 
Transval  et  de  Madagascar,  peuvent  témoigner  de  la  touchante 
crédulité  des  chercheurs  d'or;  et  leurs  lointains  prédécesseurs 
des  xv"  et  xvi^  siècles  n'étaient  pas  moins  crédules.  L'insuccès 
des  expéditions  portugaises  n'a  découragé  personne.  Leur 
unique  résultat  pratique  est  d'avoir  montré  qu'il  n'y  a  pas 
d'Iles  de  l'or  dans  l'Insulinde;  mais  qu'à  cela  ne  tienne;  elles 

et  35-io;  Heeues,  IJfe  and  labours  of  Abel  Jansz.  Tasman,  p.  i5-205'.  Je  n'ai 
pas  eu  occasion  de  consulter  ces  deux  ouvrages.  M.  Paul  Pellioï  a  eu  l'obli- 
[jeiince  de  me  signaler  le  mémoire  de  0.  Nachod,  Ein  unenidecktes  Goldland 
[  Mitthcilungen  der  Deulschen  Gesell.  fiir  Noiur-  uiid  Volkerkuiide  Oslasiens, 
Tokyo,  t.  Vil,  3°  part.,  p.  Sj^i-^iSi),  où  on  retrouvera  l'historique  des  expédi- 
tions envoyées  à  la  recherche  de  la  légeudaiie  lie  de  lor,  depuis  le  projet 
hollandais  de  ViinsTEEriEN,  en  i()35,  jus(praux  voyages  de  La  Pkuolse,  A-sson, 
BitouGiiTON,  von  KruiSF.NSTEBN,  Joliu  Meaues;  ot  la  liste  des  documents  et 
cartes  ayant  trait  à  ITle  de  l'or,  de  1  087  à  189.")  !  La  première  des  expéditions, 
celle  de  Diogo  Pacheco  [supra,  p.  i8(i),  n'y  figure  pas. 


L'EMPIRE  SUMÂTRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  197 

n'en  existent  pas  moins  et  la  recherche  continue.  L'Ile  de  l'or 
ne  peut  être  que  dilhcilenient  accessible  :  la  rumeur  publique 
la  situera  donc  à  /loo  milles  à  l'est  du  Japon,  dans  quekjue 
terre  insulaire  du  Pacifique,  où  on  ne  la  trouva  pas  davantage. 

La  vraie  merveille  de  la  légende,  c'est  que  les  Portugais  et 
Hollandais  des  x\f  et  xvn*  siècles  ne  soupçonnaient  pas  encore 
la  richesse  aurifère  du  sud  de  Sumatra,  où  tant  de  fois  ils 
firent  escale.  Le  secret  fut  rigoureusement  gardé,  tant  par  les 
Sumatranais  que  par  les  trafiquants  musulmans  avec  lesquels 
ils  traitaient.  En  Indonésie  comme  en  Afrique,  l'européen  est 
considéré  comme  un  ennemi;  le  musulman  ou  l'hindou  ont 
seuls  la  confiance  de  l'indigène.  Ainsi  ce  trafic  d'or  qu'on  cache 
jalousement  aux  marins  d'Europe,  a  été  connu  d'un  moine 
chinois  dès  la  fin  du  vif  siècle  (LXXVII,  LXXXVIII,  p.  178) 
et  il  est  révélé  aux  marins  arabes  par  Birûnï  (XLIII,  p.  6/1) 
et  surtout  par  les  Instructions  nautiques  de  Sulaymân  al-Mahrî 
(^supra,  p.  102),  quelque  cent  ans  avant  l'époque  où  le  com- 
mandant Mathijs  QuAST  est  chargé  d'aller  rechercher  l'Ile  de 
l'or  à  l'est  du  Japon. 

Le  Kùâh  al-minhâj  de  Sulaymân  al-Maharî  a  une  courte  section 
(Jaa»)  consacrée  aux  distances  entre  certains  ports  de  l'Océan 
Indien  (ms.  2669,  fol.  ^^  ^"°)-  ^^^^  lignes  G-7,  il  est  dit  ceci  : 

t-o*Xjî_5  (^^j^JLjoyfJi  JjL«^  ll*tj  ij^-^'^-^  Jj^î^_>*Jî_5  ^J^j^  ^j.^  JjO» 

^b  U^y*^  «comme  [entre]  les  iles  Zarïn  et  les  Sawâhil  (côte 
orientale  d'Afrique),  il  y  a  60  zdm  [=  180  heures  de  route] 
de  distance;  comme  entre  [l'île  de]  Tayzam-turi  et  les  Mal- 
dives, il  y  a  20  zfmi  [=60  heures  de  route]  de  distancer. 

Dans  la  llâwiya  de  Ibn  Mâjid  qui  est  datée  du  i3  septembre 
1/162,  la  même  île  est  également  mentionnée  (ms.  2202, 
fol.  107  v°,  vers  1  0)  : 

^b  u^/^      ^)y  (^'0  p7^'  (j^^  ^^r^i 

Entre  elle  (riinc;  des  Maldives  citée  au  vers  précédent)  et  Tayzam- 
lûrî,  il  y  a  20  zâm. 


1»8  OCTOBRE. DECEMBRE   1922. 

En  marge  de  ce  vers,  une  main  étrangère,  très  différente 
do  celle  du  copiste,  a  écrit  :  t^^xJ!  »^.2^  =  t_\iôJJi  ^t^^t^  «l'île 
de  l'or  55.  Sïdi  'Alï,  dans  son  MuhU,  nous  a  conservé  la  légende 
de  cette  île  de  l'or  : 

[Le  soi  de]  l'ile  de  Tayzam-tùrl  est  counu  comme  terrain  aurifère, 
comme  il  ne  peut  pas  y  en  avoir  un  second  au  monde.  On  raconte  qu'une 
fois,  un  commerçant  indien  était  allé  pour  affaires,  du  port  de  Surat  de 
la  province  de  Guzerate,  dans  les  districts  du  Bengale.  Comme  il  reve- 
nait du  Bengale  [à  Surat]  avec  des  marchandises,  sa  route  le  fit  passer 
devant  l'ile  de  Tayzam-tûrï.  Le  marchand  jeta  l'ancre,  vint  sur  l'île  et 
s'empressa  de  faire  cuire  son  repas.  La  chaleur  du  feu  fit  entrer  l'or  en 
fusion  et  il  coula  de  tous  les  côtés.  Lorsque  celui-ci  vit  cela,  il  jeta  par 
dessus  bord  toutes  les  majchaudises  qui  se  trouvaient  sur  le  navire  et 
le  chargea  avec  la  terre  de  l'ile.  Lorsque,  avec  l'aide  d'Allah,  il  fut  de 
retour  dans  le  port  de  Surat,  il  donna  au  Fadisâh  du  Guzerate  une  par- 
tie [de  la»  terre  rapportée]  et  fit  construire  dans  le  port  de  Surat  un 
talàw  profond,  c'est-à-dire  un  gigantesque  bassin  tout  en  pierre  pour 
lequel  il  avait  dépensé  sur  la  part  qui  lui  restait  un  hulûr,  c'est-à-dire 
100  lah  [=  10  millions  de  pièces  de  monnaie].  On  n'avait  jamais  va 
encore  dans  le  monde  entier  une  construction  semblable  (trad.  Bittner, 
dans  mes  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  5/ii). 

En  fait,  ni  Ibn  Mâjid,  ni  Sulaymân  al-Mahrî  ne  men- 
tionnent celle  île  de  l'or  purement  légendaire;  leurs  Instruc- 
tions nautiques  sont  des  travaux  scientifiques  où  la  réalité  seule 
est  enregistrée.  L'amiral  turk,  au  contraire,  ne  néglige  pas 
le  folk-lore;  il  a  intercalé  cette  disgression  sur  l'île  de  Tay- 
zam-lûri  dans  le  passage  du  Kilâh  al-minhâj  qu'il  est  censé  tra- 
duire, sans  prévenir  le  lecteur  qu'il  s'agit  d'une  addition  de 
Fon  cru. 

Celle  croyance  en  l'île  de  l'or  était  si  fortement  ancrée  dans 
l'esprit  des  découvreurs  des  xvu"  et  xvnf  siècles,  qu'on  la  trouve 
portée  sur  des  curies  européennes  et  même  sur  des  caries 
marines.  Godinlio,  par  exemple,  inscrit  près  ^q  la  côt(;  occi- 
dentale de  sa  ^^ Sumatra  moderne?)  (fol.  12/1  v"  de  la  Declaraçam) 


L'EMPIRE  SLIMATIUNAIS  DE  ÇRIVIJAYA.  1«9 

un  archipel  situé  enlni  i"  et  -2°  de  latitude  Nord  et  correspon- 
dant à  peu  près  à  l'ile  de  Nias,  au-dessous  duquel  est  noté 
crourow.  Non  loin  de  là,  entre  l'équateur  et  1"  Sud,  une  autre 
île  est  appelée  « Puloraâs 5)  =^ malais  Pûlaw  mas,  «île  de  l'or» 
—  c'est  probablement  la  Tanah  Masa  de  l'archipel  des  Batu. 
Linschoten,  qui  a  beaucoup  emprunté  aux  Portugais,  a  inscrit 
sur  sa  carte  de  l'Extrême-Orient  une  crBeach  prouincia  auri- 
fera»,  située  droit  au  sud  de  Java,  entre  1  ()°  et  20"  de  latitude 
méridionale.  C'est  évidemment  la  Veach  ou  Beach  de  Go- 
dinho;  la  partie  méridionale  de  cette  «province  aurifère?)  se 
confond  avec  le  cadre  de  la  carie  et  l'on  ne  sait  s'il  s'agit  d*une 
île  Q14  d'un  continent.  Cette  hantise  des  îles  de  l'or  se  manifeste 
encore  à  la  fin  du  xviii"  siècle  dans  les  cartes  marines  de 
ï Oriental  Pilot.  Elles  figurent  sur  la  carie  Sa  ,  entre  i°et  2" Nord 
et  respectivement  par  92°  3o',  87°  et  83°  de  longitude  : 
«Ouro  according  to  the  Dutch.  [Incertain  55,  «Anolher  Ouro 
equally  uncertainw,  «Ouro  or  Owra.  According  to  the  English. 
Its  Situation  and  existence  Uncerlain  »  (cf.  également  la  carte  h"] 
du  même  atlas).  La  carte  1  7  est  intitulée  :  A  chartofthe  Indian 
hlands,  witk  the  Coasts  of  the  Continent  from  Cahninera  Point  to 
Amoye  m  China,  drawn  from  the  Best  Journals  and  Remark^  of 
Navimtors,  ascertained  hy  astronomical  observations,  and  improved 
from  the  last  édition  of  the  Neptune  Oriental  o/Mons''  D'après  de 
Mannevillettr.  Sur  cette  carte,  entre  82"  et  gS'^  de  longitude 
orientale  de  Londres,  et  o^Sq'  et  a"  de  latitude  nord,  gont 
inscrits,  de  Test  à  l'ouest,  trois  îles  ou  groupes  d'îles  avec  les 
inscriptions  suivantes  :  «Ouro  [portugais  «onî]  according  to 
the  Dutch",  «another  Ouro  e([ually  unçertain»  et  «Shoal  of 
Ouro  uncerlain».  C'est  évidemment  un  s(uivenir,  transmis  par 
les  Hollandais  (d'après  le  cartographe  anglais),  des  lies  de  l'or, 
que  chercha  vainement  Diogo  Pacheco. 

Le  «j^t  iCs^W  et   le  ■^iX\  cjU^  de  Sulaymân  al-Mahapî 
consacrent  chacun  une  section  aux  îles  Zarln. 


200  OCTOBRE-DÉCEMBRE   1922. 

Le  premier  texte  (ms.  3 55 9,  fol.  22  v°,  1.  12)3: 
itXfi  ^Jl  JUb^  yljtMol  {sic)  Kt^JiXs.  ^  Js^jÀÎt^  ^^jj  y^  iijUM  ^  jJa^ 
v:3\^\^^  yj^s£\i  pULÎ  jaX)  lii-Alfi  *"6^r*  «J^^^  (jV*^  JT^  £*'!'**'  (:J^j3  ^T^ 

^)  *^  jfji  /jjtf  c^x^vuj  oeK  /j-*Jù»<  >■^J'^  Jii' •    *^Jf^  (j^^  ^^T^^  it«5\)o 

Jj-4^  t_^;^  (jiX*  jS"  yî  jfc^î^  >»;  2H^  (^r^^  T'^  j»«^^»^?  (j^^  }4^ 

Section  traitant  de  la  connaissance  des  îles  Zarîn.  Elles  gisent  par 
3  khd  des  Farâkid  [=  environ  h"  18'  sud].  On  dit  qne  ces  îles  Zarin 
sont  au  nombre  de  7.  En  ce  qui  concerne  les  abords  de  ces  îles  [,  ils 
sont  les  suivants]  :  quand  on  en  approche,  l'eau  change  [de  couleur] 
et  elle  devient  verle.  Comme  [autre]  abord  des  côtes  [de  ces  îles],  il  y 
a  encore  des  jâijàt  (algues).  Entre  ces  îles  et  la  côte  [africaine],  il  y  a 
60  zàm.  [=  180  heures  de  route].  J'ai  entendu  dire  par  des  gens  dignes 
de  foi  que  par  3,  /i,  5  ishd  des  Farâkid,  gisent  des  îles  (fol.  28  r") 
éparses,  ëchelonnées  depuis  Talignement  des  îles  ZarIn  dans  la  direction 
de  la  côte  [d'Afrique].  Certains  disent  que  ce  sont  des  îles  de  sable. 
Sache  que  toute  région  écartée  est  inconnue  1 

Le  second  texte  (ms.  2  55(),  fol.  78  v°  infra)  est  identique 
au  précédent  : 

(f-î^  (j.4J»X.c  î_5^i^  {^"^  {^^*^  yt^Xi^î  (^^;;;j^  45*  J-J^ 

cuL«!5\jtj|  Xol  /Y^jy\£  cjvS  /vx^j  Cols  (M^*"***     r~'      ^-^^  (J^**^^  >LH*" 

yj)Z  (^^3  "v^***  (j^  cjiJ\L«j»L>»  djUs-xx.*  ^y^  S'Mt^^  **jj)^ 

Section  traitant  des  îles  Zarïn.  Elles  gisent  par  2  isba  des  Farâkid 
[=  environ  h"  18'  sud].  On  dit  (jue  ces  îles  sont  au  nombre  de  7.  Entre 
ces  îles  et  la  [côte  africaine],  il  y  a  Go  zàm  [^  180  heures  de  roule]. 
En  approchant  de  ces  îles,  surviennent  des  abords  comme  l'abord  des 
terres.  J'ai  entendu  dire  à  quicoimaissaitccs  questions  par  expérience,  que 
par  3,4,5  i>jhd  des  Farai<id,  gisent  des  îles  r[)arses  qui  s'(T,helonnent 
depuis  l'alignement  des  îles  Zarlii  dans  la  direction  de  la  côte  [d'Afrique]. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  201 

D'après  la  position  de  ces  îles  indiquée  par  Sulaymân  al- 
Mabrï,  on  ne  peut  guère  les  identifier  qu'au  groupe  insulaire 
des  Seychelies,  au  nord  de  Madagascar.  Leur  nom  de  ^_j^  ^^ 
juzr  Zarin  est  intéressant.  Zarm  n'est  pas  arabe,  mais  il  est 
aisé  d'y  retrouver  le  persan  ;^  zer  «or»,  ^^j  zerin  «d'or?j 
iaureusY  Les  Instructions  nautiques  arabes  sont,  à  ma  connais- 
sance, les  seuls  textes  orientaux  qui  en  fassent  mention.  Les 
Seychelies  n'ont,  je  crois,  jamais  livré  un  gramme  d'or.  Ce 
toponyme  injustifié  est  sans  doute  la  localisation  dernière  de 
la  légende  des  Iles  de  l'or,  qu'on  a  successivement  situées  au 
sud-est  de  Sumatra,  au  sud  de  Java,  à  l'est  du  Japon,  au  sud 
de  l'Inde,  entre  Sumatra  et  Ceylan  et  enfin  aux  Seychelies, 
l'événement  montrant  chaque  fois  que  les  indications  fournies 
par  les  indigènes  étaient  erronées  :  le  secret  était  hien  gardé. 
Ce  n'est  que  plus  tard  que  fut  révélée  la  richesse  aurifère  de 
Sumatra  :  les  marchands  sumatranais,  musulmans  et  hindous 
avaient  réussi  à  la  cacher  aux  découvreurs  européens  en  quête 
de  l'Eldorado  oriental. 


ESQUISSE  HISTORIQUE. 

D'après  les  textes  qui  précèdent  et  cjuelques  autres  qu'on 
utilisera  plus  loin,  il  est  possible  de  retracer  dans  ses  grandes 
Hgnes  l'histoire  de  l'ancien  empire  sumatranais  de  la  seconde 
moitié  du  vu*"  au  xv''  siècle.  La  période  antérieure,  du  début  de 
notre  ère  à  6/i/i,  date  de  l'envoi  de  la  première  ambassade  à 
la  cour  de  Chine  par  le  Malâyu,  est  reconstituée  grâce  à  une 
interprétation  nouvelle  de  documents  sanskrits,  grecs  et  chi- 
nois. J'ai  indiqué,  pour  chacun  d'eux,  lo  cocllicient  de  certitude, 
de  presque  certitude  ou  de  vraisemblance  que  présentent  les 
solutions  qu'on  propose.  Quant  aux  origines  mêmes  du  Çrïvi- 
jaya  etduMalàyu,  elles  nous  restent  complètement  inconnues, 
faute  de  documentation  à  cet  égard. 


202  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

Le  nom  dé  Çrwijaifa  est  adopté  déjà  en  orientalisme  pour 
désigner  l'empire  sumatranais  qui  avait  sa  capitale  dans  le 
sud-est  de  l'île,  à  Palemban  même  ou  dans  la  région  de  Pa- 
lemban  :  on  l'a  donc  maintenu  dans  ce  travail.  Son  histoire  est 
intimement  liée  à  celle  de  l'ancien  royaume  voisin  de  Malàyu, 
l'actuel  Minaiikabaw,  cjui  fut  tantôt  suzerain,  tantôt  feudataire 
de  celui-là  et  dont  la  capitale  se  trouvait  sur  le  haut  Batan 
Hari,  à  Pagar  Ruyon  ou  aux  environs  de  cette  ville.  Il  sera 
donc  alternativement  question  de  ces  deux  états  qui  furent  en 
permanente  interdépendance  mutuelle.  On  rappelle  enfin  que 
l'île  de  Sumatra,  le  Çrïvijaya  et  le  Malâyu  ont  été  connus  sous 
des  noms  différents  par  les  Chinois  et  les  Arabes  et  notam- 
ment sous  celui  de  Java  et  ses  variantes.  Ce  témoignage  nous 
permet  de  remonter  à  haute  époque,  jusqu'à  Ptoléraée,  au 
Heou  han  chou  et  au  Râmâyana. 

Vers  le  début  de  notre  ère,  «notre  Râmâyana,  dit  Syl- 
vain Lévi  (^Pour  r histoire  du  Ràmâijana,  J.  As.,  XI'  série,  t.  XI, 
1918,  p.  i5o),  composé  à  une  époque  encore  indéterminée, 
sort  dans  ses  multiples  recensions  d'une  édition  publiée  aux 
environs  de  l'ère  chrétienne,  v 

Le  texte  sanskrit  dit  :  «De  tous  vos  efforts  gagnez  l'île  de 
Yava,  embellie  de  sept  royaumes,  l'île  de  l'or  et  de  l'argent 
(^suvarmrûpyakadvîpatn^ ,  parée  de  mines  d'or  (^suvamâkara- 
mandiUnn);  puis,  par  delà  l'île  de  Yava  est  la  montagne  appe- 
lée Çiçira  (litt.  :  fraîche)  dont  le  sommet  (litt.  :  la  corne, 
ffiiga)  louche  le  ciel  et  qui  est  visitée  par  les  dieux  et  les  dé- 
mons, jj  «Le  mont  Çiçira,  dit  Kern  (^Jnva  en  het  Goudeiland  vol- 
gens  de  oudste  henchten,  dans  Vorsjyriude  fjeschriflen,  t.  V,  1916, 
p.  3  G  ■y),  est  nettement  fabuleux  (^zulrof  fahelachliiyj;  il  consti- 
tue la  limite  extrême-orientale  des  connaissances  géographiques 
du  poète,  car,  au  delà,  on  ne  cite  ni  terres  ni  mers  légen- 
daires. V 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  CRÎVIJAYA.  203 

Yavadinpa  a  été  identifié  à  Java  et,  autant  que  je  sache,  au- 
cune objection  n'a  été  élevée  contre  cette  identification.  Voyons 
plutôt  si  l'examen  du  texte  sanskrit  la  justifie  autant  qu'on  le 
croit.  Le  Râmâyana  note  deux  particularités  de  l'île  de  Yava  : 
i"  elle  est  embellie  de  sept  royaumes;  2°  c'est  l'île  de  l'or  et 
de  l'argent,  parée  de  mines  d'or.  La  première  information 
reste  sans  objet  :  il  y  manque  les  noms  des  sept  royaumes. 
D'autre  part,  nous  ne  savons  pas  s'il  y  eut  sept  royaumes  à  Java 
ou  ailleurs,  il  y  a  quelque  vingt  siècles'^';   la  question  ainsi 

^'^  Sylvaip  Lévi  [ibid.,  p.  81-82)  n'a  pas  manqué  de  citer  ici  la  description 
de  Java  par  Odobic  de  Pordenone .  qui  rappelle  de  très  près  les  indications 
fournies  par  le  Râmâyana.  Le  moine  dit,  en  effet  :  «Rex  hujus  Jauae  habet 
benesubse  septem  reges  corouœ»  (sic),  et  l'emprunt  au  texte  sanskrit  est  évident 
ot  indiscutable.  Mais  ni  le  texte  latin  ni  la  version  française  éditée  par  H.  Cqr- 
DiER,  ne  parlent  explicitement  de  richesse  aurifère  du  pays.  Voici,  par  exemple, 
la  description  du  palais  royal  qui  a  de  {jrands  escaliers.  «  Graduum  uuus  est 
aureus,  aller  vero  argenteus.  Pavimenlum  autem  ejus  unum  laterem  habet  de 
ai\ro,  alterum  vero  de  argeuto.  Murns  vero  istius  palatii  totus  est  lamatus 
interius  laminis  aureis  in  quibus  lamis  sculpti  sunt  équités  solum  de  auro 
babentes  circa  caput  unum  magnum  circulum  aureum.  .  .  Insuper  teclum  ejus 
tolum  est  de  auro  puro.»  C'est  exactement  ce  que  rapporte  le  Sin  l'aiig  chou 
(k.  222  ~^ ,  p.  h  \")  dans  la  notice  sur  le  royaume  de  P'iao  =  Birmanie  qui 
contient  un  itinéraire  finissant  'au  Cho-p'o  =  Java  :  Le  pays  do  ^  ^  'ffm  l# 
P'o-houei-kia-lou  [graphie  fautive  pour  ^  ^  fÔll  Sjf  P'o-lou-kia-ssou,  dans 
l'est  de  Java,  vide  supra,  p.  lio]  est  chaud;  aux  carrefours  et  sur  les  routes  on 
a  planté  des  cocotiers  et  (Jes  aréquiers;  en  levant  la  tête,  on  ne  voit  pas  le 
soleil.  A  l'habitation  du  roi,  les  tuiles  sont  faites  en  or;  les  cuisines  sont  cou- 
vertes de  tuiles  d'argent.  On  brûle  des  bois  parfumés.  Les  salles  sont  ornées 
de  perles  brillantes.  11  y  a  deux  étangs  dont  les  berges  sont  en  or  ;  les  rames 
des  l)ateaux  sont  entièrement  garnies  d'or  et  de  joyaux  [apud  Peli.iot,  Deux 
itinéraires,  p.  22'! ).  ffCett's  abondance  de  l'or  et  de  l'argent,  dit  Sylvain  LÉvi 
en  commentant  la  citation  d'OpoEic  de  Pordenone,  semble  gloser  suvarna- 
rûpyakadvipan  [ihid.,  p.  82).  A  nion  ftvis,  ia  question  n'est  pas  là;  l'ancien 
palais  d'un  llàrûu  ar-Raàîd,  d'un  doge  de  Venise  ou  le  Louvre  d'un  Louis  XIV 
aurait  pu  valoir  daus  la  relation  d'u|i  voyageur  hindou,  l'épitliètc  de  i^uvarna- 
rS/Ji/aAa  appliquée  à  Bagdad,  Venise  et  Paris.  Ce  (jui  importe  dans  le  passage 
du  Râmâyana ,  c'est  |e  syivarnâkarammdMa.  Or,  ni  le  Sin  i'aug  citou,  ni  Ouonic 
ne  parlent  de  mines  d'or.  La  Java  des  Tang  et  d'Ououic  était  riche  et.  j)rospère; 
le  palais  de  ses  princes,  fastueux;  cl  c'est  encore  le  cas.  Mais  sa  richesse  auri- 
fère est  à  peu  près  nulle.  Peut-être,  la  description  d'Oumuc  a-l-elle  été  inHu- 


20/i  OCTOBRE-t)ÉCEMBRE    1922. 

posée  reste  donc  ouverte  et  il  est  peu  vraisemblable  qu'on  y 
trouve  réponse  quelque  jour.  La  seconde  information  est,  au 
contraire,  précise  et  il  est  aisé  d'en  vérifier  l'exactitude  :  la 
seule  île  de  l'Insulinde  occidentale  «parée  de  mines  d'or», 
c'est  Sumatra;  sa  richesse  aurifère  lui  vaudra  le  nom  de  «île 
de  l'orw  dans  un  grand  nombre  d'inscriptions  (ît  de  textes  qui 
ne  prêtent  pas  à  discussion. 

Sumatra  est  l'île  la  plus  occidentale  du  grand  archipel 
d'Asie.  Située  à  l'avancée  des  terres  indonésiennes,  voisine  de 
la  péninsule  malaise,  c'est  évidemment  l'île  qu'ont  colonisée 
d'abord  les  immigrants  venus  de  l'Inde,  quelques  siècles  avant 
notre  ère.  Leur  premier  atterrissage  en  Indonésie  est  inscrit 
sur  la  carte  et  aussi  certain  que  si  l'épigraphie  nous  en  donnait 
l'assurance  explicite,  qu'ils  soient  venus  directement  par  mer 
ou  qu'ils  aient  longé,  en  cabotant,  la  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise.  Les  «  sauvages  v  sumatranais  de  la  période 
antérieure  à  l'hindouisation  de  l'île,  ne  pouvaient  ni  ne  de- 
vaient faire  mystère  de  l'abondance  de  l'or  dans  leur  pays, 
s'ils  en  exploitaient  déjà  les  mines  :  avant  que  l'ère  des 
échanges  internationaux  ait  pris  naissance,  l'or  n'est  qu'un 
métal  comme  un  autre,  moins  utile  que  le  fer.  Peut-être, 
comme  le  rapporte  Ibn  Hordâ^beh  des  Wâkwâk  orientaux, 
étaient-ils  «tellement  riches  en  or,  que  les  habitants  fabriquent 
avec  ce  métal,  les  chaînes  de  leurs  chiens  et  les  colliers  de 
leurs  singes 55 (^\  Dans  cette  hypothèse,  les  Hindous  immigrés 


encée  par  celle  de  Vâlmïki;  en  tout  cas,  le  moine  voyageur  reproduisait  une 
opinion  courante,  non  dénuée  d'exactitude,  qui  vantait  la  splendeur  des  palais 
royaux  de  Java  au  xiv°  siècle,  en  termes  à  peu  près  identiques  à  ceux  de  la 
Nouvelle  histoire  des  T'anjr.  Et  ceci  n'infirme  pas  la  localisation  à  Sumatra  du 
Yavadvlpa ,  aux  environs  de  notre  ère. 

(')  Cf.  mes  Relalions  de  voxja^rps ,  t.  I,  p.  3o-3i ,  et  t.  11,  p.  ()7'i  pour  la  rec- 
tification à  la  p.  3i,  1.  3.  C'est  dans  ce  «pays  de  l'om  que  je  compte  situer  les 
Vâkwâk  orientaux.  11  en  sera  longuement  traité  dans  un  cxcursus  du  t.  III  de 
mes  Relaliont  de  voyages. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  205 

ne  pouvaient  pas  ne  pas  être  frappés  de  cette  richesse  qui 
s'étalait  en  toute  innocence,  au  grand  jour.  Si,  au  contraire, 
les  premières  exploitations  aurifères  ont  été  inaugurées  par 
les  immigrants  hindous  qui  connaissaient  la  valeur  de  l'or, 
le  résultat  reste  le  même.  Je  veux  dire  que  dans  l'une  ou  l'autre 
hypothèse,  les  civilisateurs  de  l'Inde  ont  su  de  honne  heure 
qu'ils  avaient  découvert  Vile,  terre  ou  pays  de  l'or  et  c'est  ainsi 
qu'ils  la  désignèrent  le  plus  souvent  :  suvarnadvîpa  ou  suvarna- 
bhûmi^^K  Et  à  ce  propos,  on  doit  ajouter  ici  que  la  date  de 
rédaction  initiale  du  Râmây/nja  serait  la  bienvenue  pour  cette 
autre  cause  :  elle  tiendrait  lieu  d'une  sorte  de  terminus  a  qiio 
qui  nous  manque  encore,  pour  fixer  approximativement,  mais 
sur  une  base  certaine,  l'époque  où  fut  colonisée  l'Insulinde. 
Enfin,  Sumatra  s'est  appelée  aussi  Java<:Yava,  nous  le  sa- 
vons de  source  certaine;  ce  fut  le  pays  des  Jàvaka,  ce  qui  est 
également  attesté  sans  conteste  '-'.  On  conçoit  donc  que  le 
Râmâynmi  puisse  parler  d'un  Yavadvipa  suvarnâhnnmandita  et 
qu'il  s'agisse  de  Sumatra.  Mais  si  nous  continuons  à  situer  Ya- 
vadvipa à  Java,  le  texte  sanskrit  est  incompréhensible,  parce 
que  matériellement  inexact.  Une  tradition  déjà  longue  a  con- 
sacré l'équivalence  Yacadvlpa  =^\[e.  de  Java  de  nos  cartes.  Il 
semble  que  l'identification  est  définitive  et  inattaquable  quand 
un  Kern  et  un  Sylvain  Lévi  l'ont  adoptée  sans  réserve.  Reve- 
nons, cependant,  au  Râmâyana  et  aux  environs  de  notre  ère, 
alors  que  la  tradition  n'est  pas  encore  établie.  Les  colons  hin- 
dous sont  à  Java,  s'y  élabhssent  et  constatent  qu'il  n'y  a  pas 
d'or  ou  qu'on  l'y  trouve  en  petite  quantité,  ce  que  nous  savons 
par  ailh^ns.  C'(>?t  ce  qu'on  [)eut  conclure  de  la  phrase  du  Sin 
t'ang  chou  et  du  Song  clie  où  sont  énumérés  les  produits  du 
pays  iySUfra,  p.    lyB).   Or,  l'épopée  sanskrite  parle  d'un  Ya- 

C   Pour  colle  dcrniore  expression,  cf.  nolamraenl,  l'inscription   de    laoS 
çaka  =  ia86  trouvée  clans  le  Minaùkabaw  {supra,  p.  179). 
'^)    Vide  infra,  p.  ii-j8-2:i(j  el  supra,  p.  i^-iB. 


206  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

vachnpn  mvamàkaramandita ,  c'est-à-dire  d'un  suvnrnadvîpa , 
d'un  ^  ^\  liin-tcheou ,  d'une  «ile  de  l'or??;  et  «lile  de  l'or 75, 
c'est  Sumatra.  Si  on  maintient  Tidentification  traditionnelle, 
il  faut  admettre  que  Vavadvïpa=  Java  a  été  pourvue  par  erreur 
d'une  richesse  en  or  que  Sumatra  seule  possède.  On  voit  im- 
médiatement combien  une  telle  explication  manque  de  hase  et 
prèle  à  la  critique.  Car,  enfin,  de  deux  choses  l'une  :  on  con- 
naissait sûrement  Sumatra  à  l'époque  où  écrivait  Vâlmîki  : 
c'est  ce  qu'autorise  à  poser  son  stwamâhanunnndita;  peut-être, 
sans  doute  même,  connaissait-on  aussi  Java;  mais  le  poète 
hindou  informé  de  la  richesse  en  or  de  celle-là,  n'a  pas  pu 
l'attribuer  à  celle-ci  parce  qu'il  n'avait  aucune  raison  de  le 
faire.  En  dernière  analyse,  Yavadvlpa  a  désigné  Sumatra;  nous 
en  avons  la  certitude  par  des  formes  dérivées  de  Yava  dont  j'ai 
parlé  déjà'^^;  mais  la  richesse  aurifère  de  la  Yava  du  Râmâ- 
yana  est,  à  mon  sens,  l'argument  décisif  pour  rejeter  l'identi- 
fication traditionnelle  et  adopter  celle  qu'on  propose  ici  '-'. 

En  utilisant  les  renseignements  fournis  par  Edrisî  {^snpra, 
p.  65),  Ibn  Sa'Id,  Diogo  de  Gouto,  le  Père  Luiz  Marianno, 
Manuel  Freire  de  Andrade  ,  le  Père  Nacquart,  Flagourt  et  les 
témoignages  linguistiques  que  fournissent  les  dialectes  mal- 
gaches anciens  et  modernes  i^d.  mon  mémoire  Le  kOueii-louen 
et  les  anciennes  navigations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud, 
dans  /.  As. ,  XI*  série,  t.  XIV,  1 9 1 9 ,  p.  62-68 ,  et  les  ouvrages 
cités),  je  suis  arrivé  à  la  conclusion  que  -Madagascar  a  été 
colonisé  vers  le  début  de  notre  ère  par  des  Indonésiens  occi- 
dentaux hindouisésr  (^ihid.,  p.  68).  J'ai,  depuis  1  q  1  (j ,  repris 
l'étude  de  l'inscription  en  vieux-malais  de  kota-kapur,  dans 
l'île  de  Banka  [supra ^  p.  36;    cf.  également  J.  As.,  juillet- 


'')    Vida  gupfa,  n.  l'^li. 

<"*    Vida  sufn'u,  p.  -.'.o.'î,  n.  1. 


L'EMPIRR  SUMATRANAIS  DE  ÇRIVIJAYA.  207 

août  19  19^  p.  i53,  note).  Les  affinités  remarquables  de  ce 
texte  avec  le  malgache  ancien  et  moderne,  à  l'exclusion  de 
toute  autre  langue  du  domaine,  tant  au  point  de  vue  de  la 
phonétique  que  de  la  morphologie  et  de  la  syntaxe,  permettent 
de  préciser  davantage.  A  «Indonésiens  occidentaux  hindoui- 
sés5j,  on  peut  substituer  maintenant  «Suinatranais  hindoui- 
sés  5?  ^^K 

La  date  de  cette  migration  par  la  voie  de  mer  est  naturelle- 
ment approximative;  mais  la  migration  d'est  en  ouest  ne  peut 
se  situer  dans  le  temps  qu'à  très  haute  époque  et  il  est,  en 
somme,  de  peu  d'importance  qu'il  faille  un  jour  la  faire  des- 
cendre d'un  siècle  ou  deux.  JNous  en  connaissons  les  points  de 
départ  et  d'arrivée,  et  c'est  un  résultat  appréciable  en  pareille 
matière.  Les  Indonésiens  occidentaux  qui  ont  colonisé  Mada- 
gascar alors  peuplé  de  nègres  parlant  une  langue  bantoue, 
ont  imposé  aux  anciens  habitants  de  la  grande  île  africaine 
leurs  langue,  mœurs  et  coutumes,  religion,  et  profondément 
modifié  leur  type  somatique.  Le  fait  est  incontestable,  car 
nous  en  avons  des  témoignages  certains  que  l'anthropologie, 
l'ethnographie  et  la  Hnguistique  ont  enregistrés.  Il  restait  à 
retrouver  le  pays  d'origine  des  immigrants  et  c'est  en  Indoné- 
sie que  devait  s'effectuer  l'enquête.  La  traversée  de  l'Océan  In- 
dien de  bout  en  bout  et  à  haute  époque  suppose  chez  les  ma- 
rins qui  vont  l'entreprendre,  une  connaissance  parfaite  de  la 
mer,  un  matériel  navigant  perfectionné  par  rapport  à  l'arme- 
ment rudinientaire  à  la  pèche  ou  au  cal)otage;  en  bref,  l'exis- 
tence de  tout  ce  qu'exige  la  navigation  haulurière.  Une  telle 
préparation  ne  peut  se  concevoir  que  chez  un  peuple  de  haute 
culture,  identique,  par  exemple,  à  celle  des  marins  d'Hlram, 

^')  Ckjci  roiilirmo  finlerprëtation  que  j'avais  iiuli<[uéc  précédemment  du 
malfjache  liamini ,  Hamima  par  «rie  Sninatranais,  la  Siunalranaiso»  (cf.  mon 
article  Les  iles  Hdmity,  Làmery,  Waktvak.,  Kamtir  de»  (jéograplies  arabes  et 
Madagascar,  dans  J.  As.,  X"  série,  l.  X,  1907,  p.  Mn  et  suiv.). 


208  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

roi  de  Tyr,  qui  se  rendaient  à  la  mystérieuse  Ophir  pour  le 
compte  de  Salomon.  Je  pense  avoir  montré  dans  mon  mémoire 
sur  Le  K'ouen-loiien  et  les  anciennes  navigations  interocéaniques 
dans  les  mers  du  Sud,  que  les  mers  de  Chine,  du  grand  archipel 
d'Asie  et  l'Océan  Indien  ont  été  parcourus  aux  environs  de  notre 
ère  par  des  navires  de  pays  différents  et  notamment  de  l'In- 
sulinde  occidentale.  Au  fur  et  à  mesure  que  progressent  les 
études  entreprises  dans  ce  domaine  spécial  de  l'activité  extrême- 
orientale,  des  faits  se  précisent  qui  étaient  ignorés  ou  restés 
dans  l'ombre.  La  révélation  par  les  textes  d'un  puissant  empire 
sumatranais  au  vif  siècle,  nous  est  un  précieux  témoignage 
permettant  de  remonter  dans  le  passé  et  de  retrouver  dans  le 
glorieux  Çrivijaya  de  Yi-tsing,  la  descendance  des  lointains 
ancêtres  qui  colonisèrent  Madagascar  et  l'Afrique  orientale 
(cf.  le  mémoire  précité).  C'est  également  à  l'île  de  Sumatra 
tout  entière  ou  plutôt  à  une  partie  de  l'île  non  expressément 
indiquée,  c|ue  s'appliquent  trois  textes  chinois  (^Heou  han  chou, 
k.  6,  p.  3  v":  Tong  kouan  là,  k.  3,  p.  /i  v°;  Ts'ien  han  chou, 
k.  1 1 6  ,  p.  3  \°-à  r°)  ayant  trait  à  la  même  ambassade  et  qu'on 
peut  résumer  ainsi  : 

1  32.  a  La  sixième  année  jjong-kien  de  Y  empereur  j^  Chouen, 
au  1  2"  mois  [=tout  au  début  de  i32  de  notre  ère],  le  roi  du 
^M  Ye-tiao  (pron.  anc.  * Yap-div  =  Yavadvîpa'j ,  fH  Pien  , 
envoya  en  ambassade  Éi  ^  Che-houei  (phonétiquement  Se- 
hwi)  pour  se  rendre  à  la  cour  de  Chine  et  offrir  le  tribut.  De 
Ghe-houei,  on  fit  un  «maître  de  la  ville  de  Ye-tiao  soumis  aux 
«Han».  L'empereur  de  Chine  accorda  au  roi  Pien  un  sceau 
d'or  et  un  ruban  violet '^'.w 

■'>  Afud  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  266.  Le  mi'me  auteur  dit  plus  loin 
[ibid.,  p.  268,  n,  2)  :  «r  .  .  .En  proposant  de  retrouver  Yavadvïpa  dans  Ye-tiao, 
je  ne  veux  naturellement  pas  dire  qu'il  faille  y  voir  Java  même  plutôt  que 
Sumatra  ;  c'est  pour  moi  le  pendant  du  nom  donné  par  Ptolémée  et  rien  de 
plus.  » 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRiVIJAYA.  209 

2"  moitié  du  if  siècle.  «Déjà  même  au  if  siècle,  dit  Syl- 
vain Lévi  (Pour  ïhistoirc  du  Râmâi/ami ,  J.  As.,  XP  série,  t.  XI, 
1918,  p.  82),  la  notice  de  Ptolémce  (VII,  2,  29)  semble 
traduire  en  langage  positif  les  données  du  Râmâyana  et  du 
Saddharmasmrlyupasthânasûtra  f^-  :  «labadiou,  ce  qui  signifie 
«l'ile  de  l'Orge  11,  est,  dit-on,  d'une  fertilité  extraordinaire,  et 
«produit  beaucoup  d'or;  la  capitale  est  Argyrë  «[la  ville]  de 
<d'argent5i  située  à  l'extrémité  occidentale  par  167"  de  longi- 
wtude],  8°3o'  sud  [de  latitude],  l'extrémité  orientale  de  l'île 
«étant  par  169°,  8°  3  0' sud ''■^^î  (cf.  également  G.  Coedès,  Textes 
d'auteurs  grecs  cl  latins  relatifs  à  l'Extrême-Orient,  Paris,  1910, 
in-S",  p.  6  1  ).  Le  Râmâyana  et  la  Géographie  de  Ptolémée  notent 
également  la  richesse  aurifère  de  Yavadvipa;  il  ne  peut  donc 
s'agir  que  de  Sumatra. 

2/i5-25o.  «Dans  les  fragments  subsistants  du  Fou-nan  t'ou 
sou  tchouan  de  K'ang  T'ai  (2/i5-25o),  il  est  question  à  plu- 
sieurs reprises  du  pays  de  îf  v^  Tchou-po,  pron,  anc.  *Cu-hak 
(transcription  fautive  ^our  *So-bali-<Jâvaka),  à  l'est  duquel 
on  arrivait  à  l'île  M)  IL  Ma-wou  [?].  Selon  le  Wai  kouo  tchouan 
(qui  doit  remonter  au  m*'  siècle),  les  femmes  de.  Tchou-po 
savent  tisser  des  cotonnades  à  ramages.  Ce  pays  de  Tchou-po, 
est-il  dit  dans  d'autres  textes  qui  remontent  indirectement  à  la 
mission  de  K'ang  T'ai,  se  trouvait  à  l'est  du  Pou-nan,  dans  le 

C  Dans  un  article  que  ne  connaissait  pas  Sylvain  Lkvi,  publié  en  t86(j 
dans  les  llijdragen  et  qui  a  été  réimprimé  dans  le  tome  V  des  Verspreide 
gfischriften  (Java  an  hel  Goiideiland  volgnns  de  nudsle  berichieii,  1916,  p.  807 
de  cette  dernière  publication),  Kern  dit  également  :  «Quand  on  compare  les 
données  du  Râmâyana  avec  celles  de  Ptolémée,  on  peut  poser  avec  une  suffi- 
sante certitude,  ce  qui  jieut  également  s'entendre  de  YavadvTpa,  que,  dans 
tous  les  cas,  le  Yavadvïpa  riche  en  or  des  Hindous  et  la  labadiu  riclic  en  or  du 
géographe  alexandrin  ne  sont  qu'une  seule  et  même  ile.;?  Kehn  el  Sylvain  Lévi 
la  situent  à  Java;  mais  je  l'identifie,  au  contraire,  à  Sumatra. 

'-'  Ce  qui  donne  à  l'ile  ^mo  longueur  de  a  degrés  eu  longitude.  Eu  réalité, 
Java  s'étend  sur  près  de  10  degrés  en  longitude. 


210  OCTOBRE-DÉCEMBRE   192-2. 

|S§  ^§  Tcliang  hai,  qui  est  noire  mer  de  Cliine  de  Hainan 
au  détroit  de  Malaka.  jj  (Pelliot,  Deux  iliuéraires,  p.  269- 
970.)  Vide  supra,  p.  17 9- 17 3. 

892.  Le  Cite  eut  yeou  king  ou  «Sûtra  sur  les  Douze  Etapes 
du  Buddha?3,  traduit  en  892  par  le  moine  Kâlodaka,  contient 
une  notice  sur  le  Jambudvipa  qui  est  insérée  dans  le  King  hu  yi 
siang  compilé  en  5 1 6  et  où  il  est  dit  ceci  :  «Dans  la  mer,  il  v  a 
2.5 00  royaumes.  .  .  Le  premier  roi  a  pour  nom  fifî  ^  Sseu-li; 
ce  royaume  ne  sert  que  le  Buddha  et  il  ne  sert  point  les  héré- 
tiques. .  ,  Le  (juatrième  roi  a  nom  [^  %^  Cho-ije;  la  terre  y 
produit  le  i^  ^  fi-pa  c: poivre  long??  et  le  ||j{  ^  hou-tsiao 
«poivre 53...  (Sylvain  Lrvi,  Pour  l'histoire  du  Râmàyana , 
J.  As.,  XP  série,  t.  XI,  1  918,  p.  83  ).  c^Le  glossaire  Fan  fan 
yu,  compilé  au  vf  siècle,  à  la  fin  du  livre  IV,  section  1  2,  cite 
trois  de  ces  noms  :  «roi  de  Kia-lo,  roi  de  Pou-lo,  roi  de  Cho- 
yé?) (mêmes  caractères  que  ci-dessus)  en  se  référant  à  un 
«Sûtra  sur  les  cinq  Songes  du  Prince  Royal??  [Tai  tseii  trou 
mong  hmg)  qui  ne  se  retrouve  pas  dans  nos  collections.  Il 
glose  le  nom  de  hia-lo  par  ®  «  noir??  (skr.  liâla^,  pou-lo  par  |^ 
cf ville??  (skr.pMr^),  chô-ye  par  ^  «victoire??  (^skr.jaya^n  (^ilnd.). 
Sylvain  Lévi  a  justement  identifié  Sseu-li  à  Cevlan,  le  Siele- 
diba  de  Cosmas,  dont  «la  dévotion  au  Buddlia  est  bien  un  des 
traits  traditionnels  de  l'île??.  En  ce  qui  concerne  Cho-ye,  le 
maître  indianiste  considère  que  la  notation  chinoise  est  une 
altération  du  nom  de  Java.  Je  renvoie  au  fascicule  du  Journal 
de  juillet-aoùl  1919  (p.  162-168)  où  j'ai  donné  les  raisons 
pour  lesquelles  l'identification  de  Clio-i/e,  glosé  par  skr.  jaya 
«victoire??,  à  Vijaya  (qui  a  également  le  sens  de  «victoire??)^ 
Çrîvijnya,  me  paraît  préférable. 

/ii/i.  «Fa-hien  [revenant  de  l'Inde,  via  Ceylan]  arriva 
I ,  en  '1 1  A  ,  I  dans  un  pays  appelé  ^  |^  |e  Ye-p'o-t'i[=  Yava- 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DK  ÇRÏVIJAYA.  211 

dvipay^\  Dans  ce  pays,  les  brahmanes  hérétiques  sont  fort 
nombreux;  quant  à  la  religion  buddhique,  elle  n'y  a  pus  assez 
d'importance  pour  qu'il  vaille  la  peine  d'en  parler.  Il  s'arrêta 
là  pendant  près  de  cinq  mois  et  s'embarqua  ensuite  sur  un 
autre  navire  marchand  qui  avait  un  équipage  d'environ  deux 
cents  hommes.  On  prit  à  bord  pour  cinquante  jours  de  vivres 
et  on  mit  à  la  voile  le  16"  jour  du  k"  mois  [chinois  de  k\.lx\ 
Fa-hien  s'installa  à  bord  du  navire.  On  fit  route  au  nord-est 
pour  se  rendre  à  Kouang-tcheou  (Canton)  57  (cf.  Si  yu  ki,  trad. 
S.  Beal,  Londres,  t.  I,  in-S",  i(jo6,  p.  lxxxi). 

De  Ceylan  à  Canton  la  route  habituelle  passe  par  Che-li-fo- 
che,  c'est-à-dire  le  détroit  de  la  Sonde  et  Palemban.  Tcheou 
K'iu-FEi  l'indique  nettement  au  xn"  siècle  [vide  infra,  p.  y  16) 
et  il  n'y  a  aucune  raison  de  croire  que  tel  n'était  pas  l'itiné- 
raire des  marms  du  v"*  siècle.  Yavadvïpa  désigne  donc  ici  Su- 
matra et  non  Java. 

«Dans  le  Kao  seng  Ichouan  ou  Biographie  des  religieux  émi- 
nents,  compilé  en  5  1  g  (  Tripilaha  de  Tokyo ,  ^ ,  II ,  k.  3  ,  p.  1 5- 
16],  dit  Pelliot  [Deux  itinéraires,  p.  ay/i-a^B),  se  trouve 
entre  autres  la  biographie  de  H^  M  î^M  J^  K'ieou-na-pa-mo, 
Gunavarman.  Gunavarman,  petit-fils  de  Pi^  ^  J^  PÊ  Ho-li-pa- 
t'o,  Haribhadra,  et  fils  de  fi' fljp  ppf  H  Seng-kia-a-nan,  San- 
ghânanda,  appartenait  à  la  famille  royale  du  Ki-pin  (Cache- 
mire]. Il  se  consacra  de  bonne  heure  à  la  vie  religieuse.  Quand 
il  eut  trente  ans,  le  roi  du  Cachemire  étant  mort  sans  enfant, 
on  voulut  le  mettre  sur  le  trône,  mais  il  refusa  et  partit  pour 
Ceylan,  oii  il  habita  un  village  appelé  il]  -^  ^ij  Kie-po-li.  En- 
suite il  se  rendit  dans  le  royaume  de  HJ  ^  Cho-p'o.  La  nuit 
qui  précéda  son  arrivée,  la  mère  du  roi  vit  en  songe  un  reli- 
gieux qui  entrait  dans  le  royaume  sur  une  jonque  volante.  Au 

'')  Rkal  ajdute  t'iilre  parontlièsos  :  «Java  or,  perhaps ,  Suiiiulran.  Cf.  cga- 
lomont  I*i:Li,ior,  Deux  itinéraires,  p.  271. 


>212  OCTOBRE-DÉCEMBRE    1922. 

matin,  Gunavarraan  arrivait,  et  la  reine-raère,  convaincue  par 
son  rêve,  se  convertit  au  bouddhisme.  Elle  usa  de  son  influence 
sur  son  fils  pour  qu'il  l'imitât;  elle  parvint  à  le  persuader. 
Des  ennemis  ayant  envahi  le  royaume,  le  roi  demanda  à  Gu- 
navarman  s'il  n'était  pas  contraire  à  la  loi  religieuse  de  lutter 
contre  eux;  Ciuiiavarman  répondit  qu'on  devait  châtier  les  bri- 
gands; le  roi  partit  alors  en  guerre  et  remporta  la  victoire.  Peu 
à  peu  le  bouddhisme  se  répandit  dans  tout  le  royaume,  et  le 
roi,  qui  voulait  entrer  en  religion,  ne  renonça  à  ce  projet  sur 
les  instances  de  ses  ministres  qu'à  la  condition  que  dans  le 
royaume  entier  on  cesserait  de  mettre  à  mort  des  êtres  vivants. 
La  renommée  de  Gunavarman  s'était  répandue  au  loin;  en 
à'2k,  des  bonzes  chinois  demandèrent  à  l'empereur  d'inviter 
Gunavarman  à  se  rendre  en  Chine;  des  messagers  furent  dépê- 
chés à  cet  eiïet  à  Gunavarman  et  au  roi  de  Cho-p'o,  ^  ^  fijl 
P'o-to-kia.  A  ce  moment  Gunavarman  s'embarqua  ou  s'était 
embarqué  pour  aller  au  Lin-yi  (Campa)  sur  le  navire  du  mar- 
chand '—M^Èr  Tchou  Nan-t'i  (l'Hindou  Nandin);  quand  le 
vent  fut  favorable,  il  gagna  Canton,  il  arriva  à  Nankin  en  /i3i, 
et  dut  mourir  quelques  mois  après,  Agé  à  la  chinoise  de  65  ans. 
Voilà  la  version  de  l'hagiographie,  ajoute  Pelliot,  et  sans 
doute  elle  a  quelque  peu  déformé  pour  le  bon  motif  la  vérité 
historique.  Il  n'en  reste  pas  moins,  si  le  Cho-p'o  est  bien  Java, 
qu'entre  la  visite  de  Fa-hien  qui  en  à  ^  Il  trouve  dans  l'ile  si 
peu  de  bouddhistes  que  «ce  n'est  pas  la  peine  d'en  parlera  et 
l'arrivée  de  Gunavarman  à  Nankin  en  /loi,  une  active  propa- 
gande avait  du  s'exercer  à  Java  en  faveur  de  la  Loi.  n  La  locali- 
sation du  Ye-p'o-t'i  de  Fa-hien  à  Sumatra  supprime  toute  diffi- 
culté, car  il  s'agit  alors  de 'deux  iles  différentes. 

v''  siècle  (lin  du  — )  ou  commencement  du  vi".  L'astronome 
AiivMiiiATA  qui  est  né  en  li'jd  de  notre  ère,  dit  dans  son  Ari/a- 
lihnnijinii  (IV,  vers  i  .'5  j  :  «  Lorsque  le  soleil  se  lève  sur  Ceylan, 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRiVIJAYA.  213 

il  se  couche  dans  la  ville  des  Bienheureux  (aux  îles  Fortunées, 
à  180"  de  longitude  Ouest  de  Ceylan);  il  est  midi  à  la  pointe 
de  Yava  (^Yavnkoti)  et  minuit  dans  le  pays  des  Romains  (^Rotna- 
havmuje\n  (^apud  Kern,  Java  en  het  Goudeiland  volgens  de  oudste 
herichten  dans  Vesprcide  geschriftcn,  t.  V,  p.  3 08).  Kern  inter- 
prète Yavakoti  par  «pointe  de  Yava 51  =  Java.  En  l'absence 
d'indication  décisive,  il  peut  tout  aussi  bien  s'agir  de  Sumatra, 
Cf.,  à  l'appui  de  cette  nouvelle  identification,  ce  passage  du 
Sûrya-Siddliânta  {\\\ ^  vers  38,  de  l'éd.  Fitz-Edward  Hall, 
Calcutta,  1809,  Bihliolheca  Indien^  où  il  est  dit  :  ce  Sur  un  [des] 
quarts  de  la  circonférence  de  la  terre,  gît,  à  l'est,  dans  la 
partie  du  monde  des  Bhadrâçvas,  la  ville  fameuse  de  Yavakotï 
dont  les  remparts  et  les  portes  sont  en  or??  (a'^/y/Kern,  ihid., 
p.  309).  Et  Kern  ajoute  dans  son  commentaire  (^ihid.)  :  «Ces 
remparts  et  portes  en  or  semblent  être  un  ornement  emprunté 
à  la  description  [du  Ynvndmpa^^  du  Ramàyanaw,  et  conclut  que 
nous  manquons  d'indications  pour  décider  s'il  s'agit  de  Java 
ou  de  Sumatra. 

Après  ce  qu'on  vient  de  lire,  il  mo  semble  cjue  la  traduction 
de  Yavahotl  par  «pointe  de  Yava  =  Sumatra 5? ,  peut  être, 
tout  au  moins  provisoirement,  adoptée.  A  la  date  où  écrivait 
Aryabuata,  nous  ne  sa\ons  pas  par  ailleurs  si  la  description  du 
Sin  t'angchou  [vide  supra,  p.  90 3,  n.  1)  était  déjà  applicable  à 
Java.  Il  est  hors  de  doute,  au  contraire,  que  le  Çrivijaya  que 
nous  dépeindra  Yi-tsing  à  la  fin  du  vif  siècle,  était  en  puissance 
dans  celui  de  la  fin  du  v",  sans  remonter  jusqu'à  Ptolémée  ni 
au  Râmâijana. 

6  h  h.  En  6/i/i  ou  tout  au  début  de  6  A  5,  le  nom  de  Mo-lo- 
yeou  apparaît  pour  la  première  fois  dans  les  textes  chinois. 
«La  18'  année  tcheng-kouan  (6/i4),  dit  le  Ts'ô fou  ijiiaii  kouei 
(k.  177,  p.  i/i  r°),  au  15?"  mois,  le  royaume  de  )^  f:{Ê  'M  Mo- 
lo-yeou  (=--  Malayu)  envoya    un   ambassadeur  (à  la  cour  de 


2!/i  nCTOBRE-DKGEiMBRR    1922. 

(îhine)  olïVIr  des  produits  du  pàys^i  (^apud  Phlliot,  Deux  itiné- 
raires, p.  326). 

D'après  Hohson-Jobson  (2*  éd.,  s.  v°  Java,  p.  A55,  co- 
lonne 2),  il  faudrait  rappeler  ici  l'inscription  de  Pagar  Ruyon 
datée  de  678  çaka=656,  publiée  par  R.  H.  Th.  Friederich 
dans  les  Verhandclingcn  van  het  Bataviaasch  Genootschap  van  K. 
en  W.  (deelXXVI,  iSS/j-Sy,  p.  3  1-8 6)  oîi  il  est  question  d'un 
roi  appelé  Adityadharma,  deva  de  la  première  Yava  =  Suma- 
tra; mais  il  n'existe  rien  de  pareil  :  nom  royal,  «première 
Yava  »  et  date  proviennent  de  fausses  lectures  de  Friederich. 
Kern  a,  en  effet,  montré  depuis  longtemps  que  le  véritable 
nom  du  souverain  en  question  est  Adityavarman  et  que  l'in- 
scription est  datée  de  1278  çaka=i356  (cf.  Vcrspreide 
geschriften ,  t.  VI,  1917,  p.  252-276).  Une  transcription  com- 
plète de  ce  texte  épigraphique  a  été  publiée  par  N.  J.  Krom 
dans  Coniniissie  in  Ncderlandsch-Indië  vour  ondhnkundig  onderzock 
op  Java  en  Madoera  (Oudheikundig  Verslag,  1912,  2'  tri- 
mestre, p.  5  1-52).  J'y  reviendrai  plus  loin  i^infra,  p.  209). 

670-7/1 1 .  Le  Che-li-fo-cbe  envoie  des  ambassades  en  Chine 
de  67037/11  [supra,  XII,  p.  7). 

686  =  608  çaka.  L'armée  de  Çrîvijaya  part  en  expédition 
contre  le  pays  de  Java  (=Java  central)  qui,  à  cette  époque, 
ne  reconnaissait  pas  la  suzeraineté  de  Çrîvijaya  (s^^^a,  XXVII, 
p.  36). 

?.  Le  poème  tamoul  Maniniepnlai  cite  le  nom  de  deux  rois  : 
Bhumirandra  et  Piiiiyaraja,  qui  régnèrent  à  Nagapura,  capi- 
tale du  pays  de  ( lavaka  ==  Javaka  =  Zabag  [vide  supra,  p.  1  1, 


n.  1 


689-692.   Le  moine  Yi-tsing  voyagea  de  Chine  en  Inde  et 
d'Inde  en  Cliinc  de  671  à  6^5  de  notre  ère.  Il  fit  un  premier 


L'EMPIRE  SriMATlUNAlS  DE  çnïVIJAYA.  215 

séjour  de  six  mois  à  Che-li-fo-cbe  en  671-67^  ;  un  autre  de 
quatre  ans  en  686-689  et  un  troisième,  h  son  retour  de  Can- 
ton, à  la  fin  de  689  qui  fut  également  prolongé.  Les  deux  ou- 
vrages du  pèlerin  chinois  dont  il  a  été  précédemment  (pieslion 
(I,  p.  3,  et  IX,  p.  6)  ont  été  composés  dans  la  période  com- 
prise entre  689  et  692  (c'est  à  cette  dernière  date  que  le 
manuscrit  en  fut  envoyé  en  Chine  par  l'auteur).  Dans  le  ISan 
liai  ki  kouei  ne/  fa  tchouan  (^supra,  IX,  p.  G),  Yi-ïsing  dit  : 
c  L'île  (ou  l'étal)  de  Mo-lo-yu=Malâyu  (alias  le  pays  de  Minaft- 
kabavv),  c'est  maintenant  (de  689  à  692)  le  pays  de  Chedi- 
fo-che75,  autrement  dit  :  le  Malâyu  qui  était  antérieurement 
l'état  souverain  de  Sumatra,  est  passé,  sans  que  nous  sachions 
pourquoi  ni  comment,  sous  la  dépendance  du  Çrïvijaya.  Yi- 
TsiNG  désigne  le  Fo-che==  Çrïvijaya  sous  le  nom  de  «Tile  de 
l'or»,  ce  qui  assure  son  identification  au  Yavadvîpa  de  Ptolé- 
MÉE  et  du  Râmâyana. 

D'après  certains  renseignements  que  donne  incidemment 
Yi-TsiNCx  (ils  ont  été  relevés  par  Takakusu,  dans  l'introduction 
de  A  Record,  p.  xl-xli),  le  Che-li-fo-che  avait,  atteint  un  haut 
degré  de  culture  dès  la  seconde  moitié  du  vu*  siècle.  Ainsi  „ 
le  pèlerin  chinois  s'y  arrête  pendant  six  mois  en  6 '71- 6-7 9; 
«j'y  étudiai  par  degré,  dit-il,  la  science  des  sons?),  c'est-à-dire 
la  grammaire  sanskrite  [mpra,  III,  p.  k).  «Dans  la  ville  for- 
tifiée de  Fo-che,  dit-il  encore,  il  y  a  plus  de  mille  prêtres  bud- 
dhistes  dont  l'esprit  est  tourné  vers  l'étude  et  les  bonnes 
actions.  Ils  scrutent  et  étudient  tous  les  sujets  possibles,  exac- 
tement comme  dans  le  Madhyadeça  («le  pays  du  milieu», 
l'Inde);  les  règles  et  les  cérémonies  y  sont  identiques  [à  celles 
de  l'Inde].  Si  un  prêtre  chinois  veut  se  rendre  en  Occident 
[==dans  rindej  pour  y  entendre  (des  leçons)  et  y  lire  (les 
textes  buddhiques  originaux),  il  ferait  mieux  de  séjourner 
[d'abord]  à  Fo-che  pendant  un  an  ou  deux  et  d'y  pratiquer 
les  règles  convenables;  il  pourrait  se  rendre  ensuite  dans  l'Inde 


216  OCTOBRK-DÉCEMBRE    1922. 

centrale»  [A  Record,  p.  xxxiv).  De  tels  conseils  donnés  par  un 
moine  chinois  qui  parle  en  pleine  connaissance  de  cause,  ont 
pour  nous  une  signification  évidente  :  l'enseignement  du  sans- 
krit et  l'interprétation  des  textes  buddliiques  étaient  organisés 
avec  tant  de  soin,  de  méthode  et  de  science  que  la  réputation 
des  maîtres  de  Che-li-fo-che  les  faisait  préférer  à  ceux  de  l'Inde 
propre  par  un  buddhiste  chinois  aussi  éminent  que  Yi-tsing. 
Celui-ci  apprit  également  la  langue  indigène  ;  le  vieux-malais, 
et  son  exemple  fut  suivi  par  plusieurs  religieux,  notamment 
par  le  tonkinois  Yin-k'i  (I,  p.  3)  et  le  chinois  Ta-tsin 
(VII,  p.  5).^ 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Cette  maîtrise  dans  l'enseignement 
du  malais,  du  sanskrit  et  de  la  Loi  qui  est  l'indice  certain  d'un 
haut  développement  intellectuel,  va  de  pair  avec  une  égale 
maîtrise  dans  l'armée  et  la  marine  dont  témoignent  incontes- 
tablement les  campagnes  victorieuses  à  Java,  sur  la  péninsule 
malaise  et  au  Cambodge.  Le  commerce  et  la  marine  marchande 
ne  sont  pas  moins  florissants  :  Che-li-fo-che  est  l'escale  en 
quelque  sorte  obligatoire  entre  l'Inde  et  la  Chine.  Tchkou  K'iu- 
FEi  dira  en  1178,  dans  son  Lingwai  tai  ta,  que  «le  San-fo-ts'i 
est  l'escale  maritime  la  plus  importante  pour  les  étrangers. 
Qu'ils  viennent  de  Java,  dans  l'Est,  ou  du  pays  des  Ta-che 
(Arabie)  et  de  Kou-lin  (Quilon  du  sud-ouest  de  l'Inde),  dans 
l'Ouest,  tous  passent  par  là  en  se  rendant  en  Chine n  i^Chau  Ju- 
hua,  p.  63,  n.  1).  Enfin,  si  on  en  juge  par  l'attitude  du  Maha- 
raja de  Zâbag  vis-à-vis  des  Cambodgiens  vaincus  i^supm, 
XXXIX,  p.  56-6  1),  la  noblesse  morale  et  la  sagesse  pohtique 
de  ces  souverains  Çailendra  ne  sauraient  être  trop  admirées. 

Telle  est  la  situation  de  l'empire  sumatranais  au  vu'"  siècle. 
Cette  prospérité  éclatante  dans  tous  les  domaines  est  tellement 
inattendue  dans  la  Sumatra  actuelle,  qu'elle  resterait  insoup- 
çonnée sans  le  témoignage  décisif  des  historiens  et  géographes 
étrangers.  L'étude  et  la  confrontation  des  textes  nous  a  révélé 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DR  ÇlVlVIJAVA.  217 

l'existence  d'un  nouveau  centre  de  civilisation  dans  les  mers  du 
Sud.  Gomme  au  Cambodge  et  au  Campa,  VAhna  mater 
indienne,  à  haute  époque,  y  «avait  apporté  ses  dieux,  ses  arts, 
sa  langue  littéraire,  enfin  l'appareil  complet  de  sa  civilisa- 
tion ^^^5.  Et  pendant  plus  d'un  millénaire  de  notre  ère,  ces 
disciples  de  l'Inde  firent  grand  honneur  à  leurs  éducateurs. 

695.  Une  décision  de  l'empereur  de  Chine  prescrit  de 
donner  six  mois  de  vivres  aux  envoyés  du  Che-li-fo-che  qui 
viendraient  à  la  cour  (XIII,  p.  7). 

709  et  716.  Ambassades  du  Fo-che  à  la  cour  de  Chine 
(XIV,  p.  7). 

717.  Fo-che  est  visité  par  le  moine  Vajiubodhi  se  rendant 
en  Chine  (XI,  p.  7).  C'est  peut-être  vers  cette  époque  que  le 
moine  chinois  Houei-je,  se  rendant  de  Chine  en  Inde,  passa 
également  par  Fo-che  (X,  p.  G). 

72/1.  P  ^ij  ^  ^  t^  }^  Che-li-t'o-lo-pa-mo  (Çrindravar- 
man),  roi  du  Che-li-fo-che,  envoie  une  ambassade  en  Chine 
(XV,  p.  7).- 

728.   Nouvelle  ambassade  quatre  ans  après  (XVI,  p.  8). 

739  =  65/1  çaka.  C'est  la  date  que  porte  l'inscription  trou- 
vée à  Java  et  qui  a  été  publiée  en  i885  dans  les  Bijdragen  par 
Kern  (De  sanskritinscriptie  van  Cnnggal  (^Këduj,  uii  calca  65â 
(dans  Verspreide  geschriften,  t.  VII,  1917,  p.  11/1-128). 
Le  passage  intéressant  pour  ce  mémoire  est  le  suivant  dont 
je  reproduis  le  texte  en  transcription,  d'après  Kern  : 

âsiddvîpavaratn  yavâkhyamaiulandhn[nyà)  divîjâdhikam 
sampannam  kanakâlcaraistadamarai ... 

Il  était  (sic)  une  île  excellente,  incomparable,  appelée  Yava,  fertile 

'')  Sylvain    Lkvi,    /'owr  l'hisloirc  du  Rdmâijana,  J.  As.,   XI°  série,  t.  XI, 
iyi8 ,  p.  153. 


218  Or.TOBRK-DÉCEMBRE    1922. 

en  cëi'éalos  et  autres  graines,  riche  en  raines  d'or;  les  immortels  s'en 
sont  emparés  par etc.  (sic)  ... 

Après  avoir  noté  que  le  texte  devrait  avoir  asti  au  lieu  de 
âsîl  (^ride  supra,  p.  176),  Kern  dit  en  note  :  «La  traduction  est 
défectueuse  et  incertaine  (gebrekkig  en  onzeker);  ilmatique  un 
mot  que  je  ne  sais  pas  comment  suppléer  parce  que  je  ne  puis 
pas  deviner  l'intention  du  poète.  La  première  syllabe  peut  être 
aussi  bien  a7/ji'7  questv?»  i^ibtti.,  p.  i2a,n.  2).  Ce  passage  rap- 
pelle singulièrement  celui  de  Râmâyuna  sur  Yavadvîpa  et  Kern 
n'a  pas  mancjué  de  signaler  la  concordance  (^vùk  supra^^.  ^7^)* 
Je  n'ai  rien  à  ajouter  à  ce  que  j'en  ai  dit  déjà  (supra ,  p.  176)  : 
il  s'agit  ici  delà  Yava  =  Java  de  nos  cartes  etl'épithète  de  kana- 
kâkara  «riche  en  mines  d'or»  est  absolument  injustifiée  et  inex- 
plicable. La  richessse  en  or  est  un  fait  spécifiquement  satnatfa- 
nais  qui  a  été  gratuitement  transporté  à  Java  sans  qu'on  puisse 
entrevoir  la  raison  qui  a  dicté  de  tels  vers  au  poète. 

7/12.  Le  roi  de  Fo-cbe,  $\\  ^'^  ^  ^  Lieou-t'eng-wei-kong, 
envoie  son  fils  à  la  cour  de  Chine  pour  offrir  le  tribut  (XVlI, 
p.  8). 

776.  L'inscription  sanskrite  de  Vien  Sa  (XXIX,  p.  ii) 
commémore  la  construction  de  trois  stfipas  effectuée  sur  l'ordre 
du  roi  de  Çrïvijaya.  Le  texte  épigraphique  donne  au  souverain 
les  titres  de  :  «roi  suprême  des  roisw,  «Crî  Maharaja»  et  ajoute 
quil  est  «le  chef  de  h  famille  des  Çailendfa  [litléi\  :  roi  de  la 
montagne) ^^'».  On  a  vu  déjà  (p.  i65)  que  le  second  de  ces 
titres  est  celui  sous  lequel  fut  connu  |)ar  les  Arabes,  le  foi  du 
Zâbag<  Jâvaka  qui  est  un  autre  nom  de  l'empire  de  (ll'ïvijaya. 

?   D'après    l'inscription    précédente,  l'empire    sumatranais 

(')  Pour  ia  Irailucfion  «roi  de  la  montagnes  au  lieu  do  fcroi  des  montsn, 
cf.  mon  coiu|)l<!  rendu  de  Le  royaume  de  Crmjuija  de  CokuÈs  dans  J.  As. . 
juillel-aoùl  Kjiy,  p-  n.jH-igtj. 


L'EMPIRE  SllMATRANAIS  DE  ÇP.ÏVI.IAYA.  210 

s'étendait  jusqu'à  Vien  Sa  dans  ia  seconde  moitié  du  viif  siècle. 
Le  texte  ne  le  dit  pas  expressément,  mais  le  fait  de  la  posses- 
sion du  pays  par  i'empereur  sumatranais  me  paraît  résulter 
assez  clairement  des  titres  souverains  qui  lui  sont  attribués 
dans  ce  document;  un  prince  étranger  indépendant  ne  s'en 
serait  certainement  pas  accommodé  dans  son  propre  pays  (cf., 
par  exemple,  l'inscription  cola,  XXXII,  p.  /i6).  Vien  Sa  est 
donc  sinon  une  colonie  de  Çrïvijaya,  tout  au  moins  un  pays 
de  protectorat  de  l'empire  sumatranais* 

Si  l'empire  de  Çrivijaya  fait  acte  de  pouvoir  souverain  dans 
la  baie  de  Bandon  au  viif  siècle,  c'est  évidemment  que  ce  terri- 
toire alors  cambodgien  et  de  langue  cambodgienne  (cf.  l'in- 
scription de  Grabi,  supra,  XCt,  p.  181)  a  été  conquis  par 
l'empereur  sumatranais,  qui  s'est  également  emparé  des  autres 
états  ou  provinces  maritimes  de  la  péninsule  malaise.  C'est 
vraisemblablement  vers  cette  époque  qu'a  du  avoir  lieu  l'expé- 
dition du  Maharaja  du  Zâbag  ou  Çrivijaya  contre  le  Cambodge. 
La  relation  qu'en  donne  AiJÛ  Zayd  (\XXIX,  p.  ôg-bi)  a  été 
rédigée  au  début  du  x*"  siècle;  Mas'îjdï  rapporte  les  mêmes  faits 
dans  ses  Prairies  d'or,  qui  ont  été  rédigées  en  ^kS  i^supra, 
p.  69).  L'un  et  l'autre  s'expriment  dans  les  mêmes  termes  : 
les  faits  dont  il  s'agit  se  sont  passés  Jj^\  «j,ù>j>  ^  ^c  dans  les 
temps  anciens».  L'expression  est  aussi  vague  que  a  jadis,  au- 
trefois 5?  et  ne  peut  se  traduire  chronologiquement  par  une 
reculée  diHerminée;  des  informations  complémentaires  per- 
mettent seules  de  situer  les  faits  dans  le  temps.  L'inscription 
de  Vien  Sa  me  Betnble  en  tenir  lieu.  C'est  donc  au  viii^  siècle 
qu'on  peut  placer  l'expédition  victorieuse  du  Maharaja  contre  le 
Cambodge.  A  pr(Mi(h-e  à  bi  leltre  le  récit  de  Mas'ûdî  et  de  Ai$ù 
Zayd  ([ui  sont  identiques  dans  le  fond  et  la  forme,  le  Maharaja 
avait  pn'texté  «un  voyage  d'agrément  dans  les  îles  de  son 
royaume  11,  pour  cacher  le  véritable  but  de  ses  armements 
marilimes  i^mpra ,  p.  Go).  Le  terme  arabe  employé  :  jjK-=-  litt. 


220  OCTOBRE-DECEMBRE    1U22. 

«îles»  peut  s'appliquer  à  des  possessions  de  la  péninsule 
malaise  qui  est  elle-même  une  «yy?-  Riler  ou  «presqu'île». 
Ce  voyage  d'agrément  dans  des  possessions  du  Zâbag  devait 
s'effectuer  dans  la  direction  du  Cambodge  pour  pouvoir  servir 
utilement  les  projets  du  Maharaja.  Comme  la  seule  terre  con- 
tinentale ou  insulaire  qui  remplît  ces  conditions  est  la  pénin- 
sule malaise,  on  en  est  amené  à  conclure  que  le  Zâbag  était 
déjà  souverain  d'une  partie  de  la  péninsule  sinon  de  la  pénin- 
sule tout  entière  au  moment  où  le  Maharaja  allait  venger  l'in- 
sulte de  ce  «  fou  »  de  roi  khmèr. 

779  =  701  çaka.  L'inscription  sanskrite  de  Kalasan 
(XXVIIÏ,  p.  38-/ii)  nous  renseigne  sur  les  résultats  de  l'ex- 
pédition entreprise  en  686  contre  l'île  de  Java  (XXVIl ,  p.  36), 
plus  exactement  contre  le  roi  javanais  du  centre  de  l'île.  Qu'elle 
ait  précédé  ou  suivi  l'expédition  contre  le  Cambodge,  cette 
nouvelle  campagne  fut  également  victorieuse,  car  le  texte  épi- 
graphique  précité  présente  le  roi  «de  la  dynastie  des  Çailen- 
dra»,  c'est-à-dire  de  la  dynastie  régnant  à  Çrïvijaya,  comme 
le  véritable  maître  de  Kalasan,  faisant  une  donation  à  un  temple 
situé  en  son  propre  royaume.  Celte  situation  de  fait  est  impli- 
citement confirmée  par  un  passage  du  Sin  t'ang  chou  (^ibid.^  qui 
relate  le  transfert  à  Grise  (Java  oriental)  de  la  capitale  de  Java 
central,  abandonnée  au  Çailendra  victorieux  dont  l'occupation 
se  prolongea  pendant  environ  un  siècle. 

802-869.  L'inscription  bilingue,  sanskrite  et  khmère,  de 
Sdok  kak  thom  qui  contient  la  date  de  97/1  çaka=  1062  — 
«c'est  sans  doute  en  cette  année  même  qu'elle  fut  rédigées?  — 
a  été  éditée,  traduite  et  commentée  par  Finot  {^B.E.F.E.-O., 
t.  XV,  1915,  II,  p.  53  et  suiv.).  II. est  dit  dans  la  partie 
khmère  i^ibid. ,  p.  71  ;  pour  le  texte,  p.  6  1  et  68-78;  pour  la 
traduction,  p.  87  et  88):  «Alors  S.  M.  Parameçvara  (=  Jaya- 
varman    II,   'j'?.h-'](^\.    çaka  =  80 2 -869)  vint  de  Java  pour 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRIVIJAYA.  221 

régner  dans  la  cité  d'Indrapura  .  .  .  Aiors  un  brahmane  nom- 
mé Hiranyadâma,  savant  dans  la  science  magique,  vint  de 
Janapada ,  parce  que  S.  M.  Parameçvara  l'avait  invité  à  faire 
un  rituel  pour  que  le  Kambujadeça  ne  fût  plus  dépendant  de 
Java  et  qu'il  y  eût  [dans  ce  royaume  de  Kambuja]  un  souverain 
cakravartin .  .  .  t>  L'identification  de  Çrîvijnya  à  Zâhng  <c  Jâ- 
vaka  =  Yava  =  J('iba  =  Jdiva  des  textes  arabes,  entraîne  auto- 
matiquement, pour  ainsi  dire,  l'interprétation  de  Java  par 
Java  =  Sumatra.  C'est  à  la  suite  de  la  campagne  du  Maharaja 
au  Cambodge  —  l'expédition  ayant  eu  lieu  vers  la  fin  du 
vnf  siècle,  ce  qu'autorisent  à  poser  l'inscription  de  Vien  Sa  et 
la  relation  de  Mas'ùdî  et  Abu  Zayd  —  que  l'empereur  sumatra- 
nais  vainqueur  aurait  imposé  au  Kambujadeça  un  souverain  de 
son  choix.  Le  Zabag  se  situant  à  Sumatra,  Java  propre  est 
hors  de  cause ,  car  ce  que  nous  savons  historiquement  ne  per- 
met en  aucune  façon  d'attribuer  un  tel  rôle  à  l'un  des  souve- 
rains javanais  contemporains  de  Jayavarman  IL 

8/i/i-8/i6.  Première  mention  du  Maharaja  du  Zâbag  dans 
un  texte  arabe,  par  Ibn  Hordâ<5'beh  (^supra,  XXV,  p.  62). 

85 1.   Texte  arabe   du   marchand  Sulaymân    (^supra,    XXV, 

p.  53). 

ix"  siècle  (fin  du  — ).  Ishâk  bin  Imrân,  mort  en  907,  fait 
mention  du  camphre  du  Zabag  (^supra,  XXVIII,  p.  55). 

(joj.  Ibn  al-Fakih  donne  quelques  renseignements  sur  la 
situation  et  les  produits  du  Zâbag  [supra,  XXXVI,  p.  5/i). 

90.3  (vers  — ).  Ibn  {{osteii  décrit  l'ordahe  du  feu  en  usage 
dans  le  pays  du  Maharaja,  à  Pancur  ou  Baros  de  la  côte  occi- 
dentale de  Sumatra  (  cf  mes  Belalions  fie  voyages ,  t.  I ,  p.  7  9-8  0  ). 
C'est,  dit-il,  ^^un  pays  de  l'Inde  [sic)  bien  connu»  (XXXVIl). 


222  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

ûo/i  (ou  f)o5).  Envoi  d'une  ambassade  en  Chine  par  le 
San-fo-l'si  {snpra,j).  iZi,  l'yetn.  i  ). 

()iC)  (vers  — ).  Abu  Zayd  fait,  pour  la  première  fois,  une 
description  un  peu  détaillée  du  Zâbag  (^sitpra ,  XWIX,  p.  5 G 
et  suiv.)  et  de  la  cour  du  Maharaja.  Suit  la  très  importante  re- 
lation de  la  campagne  du  Maharaja  contre  le  Khmèr  ou  Cam- 
bodge. Dans  ce  texte  arabe  apparaît  le  nom  de  la  ville  ou  état 
de  Sribuza  =  Çrïvijaya. 

9/1 3  et  955.  Dans  les  Prairies  d'or  et  le  Lwre  de  J'uvertisse- 
ment  (XL  et  XLI,  p.  62  et  63),  Mas'ûdî  donne  des  renseigne- 
ments à  peu  près  identiques. 

9  6  0-9  <]  2.  Le  roi  de  San-fo-ts'i,  ^.  ^ij  ^Jz^MW.  Si-li 
hou-ta  hia-li-t'an^={^v\  Kuda  Haridana  (?),  envoie  une  ambas- 
sade en  Chine.  Autre  ambassade  envoyée  pendant  l'hiver  de 
la  toême  année  par  le  roi  ^  ^ij  %  ^  Che-li  rFoM-ye  =  ÇrI 
Wuja(?),etau  printemps  de  962.  Le  dernier  ambassadeur  dit 
que  le  San-fo-ts'i  s'appelait  également  7^  ^  Sien-lieou,  vrai- 
semblablement pour  '^  ^  Mo-//eoM  =  *M«'-//coM  =  Malâyu 
(supra ,  p.  l'y,  n.  3). 

971,  972,  97^,  975.  Quaire  ambassades  envoyées  par 
un  ou  des  rois  non  dénommés. 

980 ,  1)83.  Ambassades  envoyées  par  les  rois  ^  f^  Hla-kh'c 
et  jH  M  Hia-tcli'c  (dans  les  deux  cas  il  s'agit  du  litre  indo- 
nésien llaji  «roiw). 

983.  Passage  du  religieux  Fa-yu  se  rendant  d'Inde  en 
Chine.  Il  s'y  arrêta  encore  en  retournant  de  Chine  en  Inde 
(supra,  XX,  p.  22). 

988-992.  Autre  ambassade  en  988.  A  son  retour  de  Chine 
en  990,  l'ambassadeur  apprit  «dans  le  Su(hj,  en  retournant  à 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRiVIJAYA.  223 

San-fo-ts'i ,  que  son  pays  avait  été  envahi  par  les  Javanais  qui 
l'occupaient  encore  au  commencement  de  992.  Du  (^ampa  où 
il  recueillit  ces  fâcheus(?s  nouvelles,  l'ambassadeur  revint  à  la 
Cour  et  demanda  à  l'empereur  de  rendre  un  décret  mettant 
le  San-fo-ts'i  sous  le  protectorat  de  la  Chine.  L'invasion  du  San- 
fo-ts'i  par  les  Javanais  est  vraisemblablement  la  revanche  de 
l'invasion  du  centre  de  Java  en  686  et  de  l'occupation  de  cette 
partie  de  l'île  par  les  Çailendra  jusque  vers  880  (supra,  XXVIII, 
p.  38-/n).  Autant  que  nous  sachions,  l'occupation  javanaise 
du  San-fo-ts'i  fut  de  courte  durée. 

x*"  siècle.  Al-Faris  affirme  l'identité  de  Sribuza  et  de  l'ile  du 
Maharaja  (sujn-a ,  LXVII,  p.  7^1). 

1000  (vers  l'an  —  ).  U A brégr.  des  Merveilles  (\L\\,  ^.  63- 
6/j  )  fournit  des  informations  sur  le  pays  du  Maharaja,  Sribuza , 
Jâba  et  le  Zâbag. 

ioo3.  Envoi  d'une  ambassade  en  Chine  par  le  roi  de  San- 
fo-ts'i  Çriculamanivarman  (supra,  p.  19). 

ioo5  ou  1006.  La  91"  année  du  règne  de  Râjarâja  I" 
(986-1012)  une  inscription  est  gravée  commémorant  la  dota- 
tion d'un  village  à  un  temple  buddhique  de  Negapatam  dont 
la  construction  fut  commencée  par  le  roi  de  Çrivijaya  (^ùlâma- 
nivarman  (le  souverain  précédent)  et  achevée  par  son  fils  et 
successeur  Çrïmâravijayottungavarman  (supra,  XXXll,  p.  A 6). 

1007  =  929  çaka.  La  capitale  de  Java  est  détruite  et  son 
roi  tué.  II  s'agit  vraisemblablement  d'une  campafjnc  heureuse 
du  Çrïvijaya,  en  représailles  de  l'invasion  du  San-fo-ts'i  par 
les  Javanais  une  quinzaine  d'années  auparavant  (cf.  P.  V.  van 
Stein  Callenfels,  De  verovcraar  vuu  Dliannmawangças  kralon, 
dans  Oudheikundig  verslag,  1919,  p-  i56  et  suiv.). 

1008.   Envoi  d'une  ambassade  en  Chine  par  le  roi  Çnmà- 


224  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

ravijayottuiigavarman,  fils  et  successeur  du  précédent  i^supra, 

P-  19)- 

1017.  Haji  Suniatrabhûrai  «le  roi  de  la  terre  de  Sumatra  » 
envoie  une  ambassade  en  Chine  i^supra,  p.  it)). 

1028.  Le  roi  Çrideva  envoie  en  Chine  une  ambassade 
i^supra,  p.  ao). 

io3o.  Le  roi  Râjendracola  I"  (10  1  2-10/19)  au  cours  d'une 
heureuse  campagne  s'empare  des  possessions  métropolitaines 
et  coloniales  de  l'empire  de  Çrïvijaya  {^supra,  XXXI,  p.  kk). 

io3o  (vers  — ).  Bïrûnï  rapporte  que  les  iles  du  Zàbag 
sont  appelées  dans  l'Inde,  suvarnadvïpa  {\\A[{ ,  p.  6/i).  Cf.  éga- 
lement les  informations  contenues  dans    son    Kânûn  i^supva, 

p.  75). 

1067.  Devakala,  l'un  des  plus  hauts  dignitaires  de  San-fo- 
ts'i,  se  rend  en  ambassade  en  Chine  (^supra,  p.  20). 

1068.  Un  des  successeurs  de  Râjendracola  P",  son  fils  (?) 
Virarâjendra  V%  prétend  aussi,  en  10G8,  avoir  conquis  Kada- 
ram  et  l'avoir  ensuite  rendu  à  son  roi  (le  souverain  de  San-fo- 
ts'i;  cf.  HuLTzscH,  South- Indidn  Inscriptions,  t.  III,  p.  i()2, 
1^5,  202,  dans  CœoÈs,  Le  royaume  de  Çrwijaya ,  p.  /i ,  n.  h). 

1  G  G  8-1  D'y  "y.  D'après  le  Ile»  hien  l'ong  k'no  (Ma  Touan-lin, 
Méridionaux,  p.  58G),  le  '/É  ^  Tchou-lien  (ou  pays  des  Co- 
las) était,  à  cette  époque,  vassal  du  San-fo-ts'i. 

1078-1085.  Pendant  cette  période,  des  ambassadeurs 
sont  envoyés  en  Chine  (^supra,  p.  21). 

1080.  Un  étranger  du  Sud,  qui  avait  la  direction  des 
aiïaircs  de  son  pays,  apporte  à  Canton  une  lettre  de  la  fille 
du  roi  écrite  en  caractères  chinois  (^supra .  p.  21). 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇliîVIJAYA.  225 

1082.  Arrivée  en  Chine  de  trois  ambassadeurs  du  San-fo-ts'i 
{^supra,  p.  ai). 

io83.   Nouvelle  ambassade  en  Chine  (^suprrf,  p.  s-j). 

io8/i=i=.  Le  roi  de  Ki(Jâra==Çrivijaya  envoie  deux  ambas- 
sadeurs auprès  du  roi  rola  pour  demander  une  exemption  de 
taxes  au  bénéfice  du  village  donné  au  temple  buddhicjue  élevé 
par  les  soins  d'un  de  ses  prédécesseurs,  Çrïculamanivarman 
(^supra,  XXXIII,  p.  /i7). 

1088=  1010  çaka.  Une  inscription  tamoule  de  cette  date 
a  été  trouvée  sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra,  à  LobuTawa, 
près  de  Baros.  Elle  rappelle  un  don  fait  par  un  groupe  de  per- 
sonnes qui  y  sont  appelées  des  100055.  C'est  tout  ce  que  le 
mauvais  état  de  l'inscription  a  permis  à  Hultzsch  de  lire  (cf.  Jour. 
yls.^  juiliet-aoïit   1919,  p-  19''')- 

1096-1097.'  Autre  ambassade  pendant  cette  période  (p.  â-j). 

1182.  IJaraki  cite  l'île  de  Sribuza  d'où  l'on  exporte  le 
camphre  (^supra,  p.  (ÎS). 

11 5/1.  Vide  supra,  \L\l,  p.  65-G6,  les  informations  re- 
cueillies et  transmises  par  Edrïsî,  notamment  sur  les  relations 
du  Zâbag  avec  la  côte  orientale  d'Afrique. 

11  56.  Ambassade  envoyée  en  Chine  par  le  roi  du  San-fo- 
ts'i  que  le  texte  chinois  désigne  sous  le  titre  de  Çrîmahàrâja 
(^supra,  p.  22). 

1178.  Autre  ambassade  (^ibid.y  C'est  en  cette  année  que 
paraît  le  Ling  ivai  lai  ta  de  Tcheou  K'iu-fei  dont  le  Tchou  fan 
telle  de  TcHAO  Jou-koua  reproduit  textuellement  le  plupart  des 
informations  (p.  8-1 5). 

1  2 2/1.    Le  Mujam  al-huldân  de  Yâkùt,  qui  a  été  terminé  le 
XX.  16 


226  OCTOBRE-DÉCEMBRE    1922. 

i3  mars  de  cette  année,  contient  de  brefs  renseignements  sur 
Râmî,  Zâbag  et  Sribuza  [supra ,  p.  ()(i). 

1235.   Description  du  royaume  de   San-fo-ts'i   et  de   ses  • 
quinze  dépendances  dans  le  Tcliou  fat  uhc  de  Tciiao  Jou-koua 
{sujmi,  \Ym,i^.  8-1 5). 

laBozt.  D'après  l'inscription  khmère  de  Jaya  [supra, 
p.  i8i  )  qui,  dit  CœoÈs  {Le  royaume  de  Çrlnjaya,  p.  36),  «ne 
saurait  être  postérieure  au  milieu  du  xni"  siècle tî,  régnait  à 
cette  époque  un  roi  du  Malâyu  appelé  Kamraten  An  Maharaja 
çrimat  Trailokyarâja  Maulibhusana  Varmadeva. 

1908-1286.  IiîN  Sa'id  fournit  d'intéressantes  informations 
sur rinsulinde  occidentale  [supra,  p.  'yo-yj). 

126/1-1265.  Conquête  du  Jâvaka  =  Çrïvijaya  par  le  roi 
Jatâvarman  Vïra-Pandya  [supra,  XXXIII  bis  et  XXXIII  ter, 
p.  /i8  et  suiv.),  qui  fit  prisonnier  le   souverain  sumatranais. 

12 '7  5-1  298.  «Quelques  dix  jours  après  [,  en  1298],  rap- 
porte le  Pararaton  (irad.  Brandes,  éd.  Krom,  p.  92  ),  les  troupes 
[javanaises  de  Tumapël]  qui  étaient  allées  conquérir  le  Malâ- 
yu''*,  revinrent  avec  deux  princesses  [du  pays  vaincu].  L'une 
d'elles,  Raden  (la  princesse)  Dara  pétak,  devint  la  binthaji 
(femme)  de  Raden  Vijaya  [alias  (ïri  (Sa  Majesté)  KèrtarajasaJ. 
L'aînée,  [la  princesse]  Dara  jinga,  épousa  un  dera  [=roi]  et 
fut  la  mère  du  roi  de  Malâyu,  Tuhan  (le  Seigneur)  Janaka, 
dont  le  nom  [Jiasirl,asir  =  ravis'j  était  Çrî  Marmadeva  et  dont 
le  nom  de  règne  fut  Aji  Mantrolot.  La  campagne  entreprise 
contre  le  Malayu  et  la  chute  de  Tumapél  eurent  heu  dans  la 
même  année  çaka  1197  [=  1275]  .  .  .  ?5 

Ce  texte  important  demande  quelques  explications  et  recti- 
fications. La  date  du  début  de  l'expédition  javanaise  contre  le 

''*  Le  Malayu  du  Icxlc  javanais  désigne  Sumalia.  Vide  nupra,  |i.  i^'^. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  227 

Malâyu,  1 1 97  çaka=  i  2^5 ,  est  exacte.  Celte  guerre  fut  entre- 
prise par  le  roi  de  Tumapël  Cri  Kertanagara  (nom  posthume  : 
Çivabuddha),  le  ^  P^  M  M  M  M  M  Ha-tche  Ko-ta-na-kia-la 
du  Yuan  che  (k.  162,  p.  5  v")  =  Haji  (le  roi)  Kertanagara. 
Raden  Vijaya  (le  i  ?^  >^'  ^  ^  T'ou-han  P'i-chô-ye=Tuhan 
(Seigneur)  Vijaya  du  Yuan  che  \apud  Groeneveldt,  Notes, 
p.  1/19]),  nom  de  règne  Çri  Kertarajasa,  entre  en  scène 
l'année  de  la  prise  de  Tumapel  :  1  2  1  /i  =  1  a 9 2  (cf.  PararaUm, 
éd.  Krom,  p.  92,  n.  8).  Mon  savant  confrère,  le  professeur 
N.  J.  Krom  a  eu  l'obligeance  d'attirer  mon  attention  sur  le  fait 
que  le  NâgaraLërtâgama ,  dont  l'auteur  était  mieux  renseigné 
que  celui  du  Pararaton,  contient  des  indications  préférables 
aux  données  de  ce  dernier  ouvrage  qui  sont  incontestablement 
inexactes.  Kertanagara ,  d'après  Prapanca  ,  est  mort  en  1 2  1  /j  = 
1292  ,  l'année  même  de  la  prise  de  Tumapël  (cf.  Nâgarahërtâ- 
ganui,  trad.  Kern,  éd.  Krom,  chant  43,  strophe  5,  p.  112). 
C'est  dans  ce  sens  que  doit  être  modifiée  la  note  de  Pelliot, 
Deux  itinéraires,  p.  332  ,  et  mon  Malaha,  le  Malâyu  et  Malâyur 
(J.  As.,  XV  série,  i.  XI,  p.  /i8i-/i83,ett.  XII,  p.  68-70). 

«Les  troupes  javanaises,  dit  le  Pararaton,  étaient  allées 
conquérir  le  Malavu.w  Que  faut-il  entendre  ici  par  Malajju 
(telle  est  la  graphie  du  texte  sans  â  long)  ?  S'agit-il  du  Malâyu 
propre  (avec  Va  long  des  Malais),  c'est-à-dire  du  Minankabaw? 
La  réponse  n'est  pas  douteuse  :  Malâyu,  en  javanais,  désigne 
l'île  de  Sumatra;  nous  en  avons  pour  témoignage  certain  le 
chant  i3  du  Nâgarakërtngama  (2"  éd.  Krom,  p.  5o  et  i  2-i3), 
où  Tanah  ri  Malâyu  tdc  pays  de  Malâyu  55  désigne  incontesta- 
blement l'îie  de  Sumatra  tout  entière.  Il  faut  donc  enteadr« 
aitisi  la  phrase  précédente  :  ^  f^es  troupes  javanaises  étaient 
allées  conquérir  le  Malâyu  =  Sumatra,  n  H  est,  cependant,  à 
peu  près  certain  que  la  campagne  ne  s'étendit  pas  à  toute  l'île, 
mais  fut  dirigée  contre  la  capitale  de  l'état  souverain,  en  l'es- 
pèce le  San-fo-ts'i  =Çrivijaya.  (iette  interprétation  est  confirmée 

3. 


228  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

par  le  passage  du  Miiig  che  où  il  est  dit  à  propos  du  San-fo-ts'i  : 
«A  cette  époque  (1376)  le  San-fo-ts'i  avait  été  déjà  conquis 
par  Java»  i^supra,  p.  25,  etinfra,  p.  287).  Il  s'agit  ici  du 
même  événement,  c'est-à-dire  de  la  conquête  de  layB-iayS, 
enregistrée  dans  l'histoire  javanaise  sous  le  nom  de  conquête 
du  Malayu.  Si  le  Nngnrahërtâgamn  et  le  Pararaton  s'expriment 
ainsi,  c'est  que  le  Malâyu-Minankabaw,  pays  d'origine  des  Ma- 
lais, a  été  autrefois  l'état  suzerain  de  l'île  entière  jusqu'au  mo- 
ment où  (Yi-TSiNG  le  dit  expressément  [supra,  p.  6])  la  suze- 
raineté est  passée  au  Che-li-fo-che  =  Çrivijaya,  dont  on  sait 
l'éclatante  fortune  sous  la  dynastie  des  Gailendra  qui  étaient 
eux-mêmes  originaires  du  Minaiikabavv.  On  verra  plus  loin  que 
l'influence  politique  du  Malâyu  sur  les  anciennes  colonies  de 
la  péninsule  malaise  fut  utilisée  encore  au  xix''  siècle  par  les 
administrateurs  anglais  des  Etablissements  des  Détroits  (^Slraits 
setllemenlsy 

12  55  et  années  suivantes.  Le  Maliâvamsn  nous  a  conservé 
le  souvenir  des  faits  suivants  :  «  La  1  1"  année  du  règne  de  Parâ- 
kramabâhu  II  (roi  de  Ceylan  qui  régna  de  la/io  à  1275  ■'')  fut 
celle  où  un  certain  \'o\  Jâvaka  (^plvdluiràjeho  [=roi  de  Zâbag]), 
appelé  Candrabhânu,  débarqua  avec  une  armée  de  Jâvaka  à 
Kakkhalâ,  après  avoir  traîtreusement  affirmé  :  «Nous  aussi, 
nous  sommes  buddhistes.  »  Les  guerriers  jâvaka ,  qui  étaient 
tous  munis  de  flèches  empoisonnées  comme  d'horribles  ser- 
pents, se  rendirent  maîtres  de  tous  les  passages  de  rivières, 
tourmentèrent  cruellement  sans  relâche  tous  ceux  qu'ils  ren- 
contrèrent, se  répandirent  partout,  parcourant  en  furieux  l'île 
entière  de  Lanka  (Cevlan)  qu'ils  ruinèrent  .  .  .  Ayant  obligé 
les  Javuka  à  prendre  la  fuite,  le  régent  Vïrabahu  libéra  d'en- 
nemis  tout  le  territoire  de  Lanka.»  Quelques  années  après, 

*''   Pour  celte  reclificalion  à  l'atiiclc  de  Kiin.N,  cf.  Rolffaeu,   Was  Malaka 
emporium  .  .  .,  dans  Dijilvagen,  deel  77,  igai,  p.  83,  n.  1. 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  229 

rapporte  encore  le  Mahâramsa,  «ce  fut  à  cette  époque  que  le 
roi  Candrablulnu  qui,  précédemment,  avait  été  contraint  de 
s'enfuir  après  une  grande  bataille,  débarqua  à  Mahâlîrtlia  avec 
une  armée  deJâvaka,  après  avoir  rassemblé  une  grande  armée 
dans  les  royaumes  Pandya,  Çoja,  etc.,  ainsi  que  des  soldats 
tamouls  .  .  .  11.  Cette  nouvelle  armée  fut  encore  battue  par 
Vïrabâhu  i^apud  Kern,  Twee  hrijgstochten  uit  des  Indischen  Archi- 
pel tegen  Ceilon,  paru  en  1896  dans  le  tome  XLVI  des  Bijdra- 
gen,  dans  Verspreidc  geschriften,  t.  III,  191&,  p.  2()  et  suiv. 
Ces  deux  passages  du  Mahdvamsa  sont  dans  LXXXIII,  36-/i8, 
et  LXXXVIII,  69-75  ;  vide  supra,  p.  171).  Comme  nous  savons 
par  les  inscriptions  des  rois  colas  (^vide  supra,  p.  lih),  que  le 
Çrïvijaya  a  été  en  relations  fréquentes  avec  la  côte  orientale 
de  l'Inde,  que  Jâvaka  est  à  la  base  de  la  notation  arabe  Zâhag 
{^supra,  p.  1  7  1  ),  il  est  permis  de  supposer  que  Colas  et  Suma- 
tranais  étaient  alliés  vers  1260  pour  aller  piller  ensemble  l'île 
de  Ceylan;  cf.  également  le  témoignage  du  Tchou  fan  tcJie  qui 
compte  Ceylan  comme  l'une  des  1  5  dépendances  du  San-fo-ts'i 
{^supra,  p.  1  ky^K 

1286^1-308  çaka.  Une  statue  de  Amoghapâça  Lokeçvara 
est  envoyée  par  le  roi  javanais  Kertanagara  à  Suvarnabhûmî  = 
Malâyu  =  l'actuel  pays  de  Minankabaw  dont  le  souverain  est 
Çri  maharaja  çrïmat  Tribuvanarâja  Maulivarmadeva  {vide 
supra,  p.  179). 

On  a  groupé  ensemble  ci-dessous,  des  textes  chinois  et  une 
inscription  siamoise  portant  sur  les  années  laSi-iSoi  qui 
nécessitent  un  commentaire  spécial  : 

1281.  ç^La  17"  année  iclœ-yuan,  au  12"  mois  (c'est-à-dire 
tout  au  début  de  1281),  dit  le  Yuan  chc  (k.  11,  p.  k  r"),  au 

'•^   Les    inscriptions    de    .lalnvarnian    Vira-Pâiulya    {supra,    WXllI    bis    et 
XXXIIl   1er,  j).  fiH )   i'aj)[)f'laiil    la  ctinfiMi'lc  de  .la\aka  par  ce  sonvcrain ,  peu- 


230  OCTOBRE-DECEMBRE    192'J. 

jour  meou-ijln,  de  i^  $lj  ^-  Sou-la-man  (Sulaymân),  chargé 
d'une  mission  au  royaume  de  /fc  "^Ij  ^  Mou-la-yeou  [=  Ma- 
layu],  et  d'autres,  on  fit  des  tchao-t'ao-che;  ils  portèrent  à  la 
ceinture  une  tablette  d'or»  (^apud  Pelliot,  Deux  itinéraires, 
p.  826). 

1281.  r^La  iS*"  année  tche-yuan,  au  ^^  mois  (1281),  quand 
^  ,§L  ~r  Chan-sseu-ting  (c'est-à-dire  (j.j»xJI  (j**<w  Samsud-dm^, 
chargé  de  mission  pour  le  royaume  de  Mou-la-yeou,  arriva  au 
Campa,  son  navire  fut  détruit;  il  envoya  un  messager  demander 
pour  lui  un  navire,  des  approvisionnements  et  des  soldes  sup- 
plémentaires; un  ordre  Impérial  lui  donna  plus  de  i./i 00  pi- 
culs  de  riz 55  (^Yuan  che,  k.  1  1,  p.  6  r°,  dans  Deux  itinéraires, 
p.  826). 

1  9^2  =h.  A  la  fin  de  la  fameuse  inscription  siamoise  dite  de 
Râma  Khamheng  (cf.  C.  B.  Bradley,  The  oldest  known  writing 
in  Siamese,  the  inscription  of  Phra  Ram  Khamaeng  of  Siikhothai 
i2g3  A.  D.,  The  Journal  of  the  Siam  Soc,  vol.  VI,  part.  I, 
ic^og,  p.  3o  ;  pour  la  date  :  G.  GœoÈs,  Notes  critiques  sur  l'in- 
scription de  Râma  Khamheng,  ihid.,  vol.  XII,  part.  I,  1918, 
p.  i3-2  5),  le  texte  épigraphi(|ue  rappelle  les  conquêtes  faites 
par  le  roi  aux  quatre  points  cardinaux.  «Dans  la  direction  du 
sud,  il  conquit  .  .  .  Sithammarat  et  le  rivage  de  la  mer 
océane.  55  Sithammarat  est  la  forme  siamisée  du  skr.  Çridhar- 
marâja[nagara]^  c'est-à-dire  de  Ligor"',  sur  la  côte  orientale  de 
la  péninsule  malaise,  par  un  peu  plus  de  S°  nord^'^l 

vent  donner  à  n-oiro  (|uo  Candr;ililiânu  (HaiL  un  simple  allié  du  roi  [lâiiilya 
dans  les  op<''i'ati(ins  cnti'cjirisos  contro  Covlan.  Tous  cos  textes  épijjr'aphitjues 
do  rinde  du  Sud  devront  être  (Uudiés  comparalivcuient  pour  en  tirer  d;s  ju'é- 
cisions,  tant  au  point  de  vue  des  faits  liistoriques  que  de  la  chronoio{i[ie. 

(1-3)  (1)  Le  sanskrit  nai^ara  «villen  a  abouti  en  cambodgien  et  siamois  aux 
formes  iwlior,  Uj^or,  lal.Itôn.  On  sait  également  que  Aiihor,  vulgairement  Au^knr, 
est  également  issu  de  na^rura.  Cf.  Pelliot,  bulletin  crili(jue  du  T'outtg  pao , 
t.   XIll,  191a,   p.   /i6G-.'i()7.    Çrîdhaitnaràja  [nagara]  rla  ville  de  sa  Majesté 


L'EMPIRE  SLMATIUlNAIS  DE  ÇHÎVIJAYA.  231 

1298.  Yi-k'o-moii-sou,  fl/ms  Ye-hei-mi-che,  l'un  des  géné- 
raux chinois  qui  faisaient  campagne  à  Java,  «envoya  Tcheng- 
kouei  notifier  les  ordres  impériaux  au  /fv  ^  ^  Mou-lai-yeou 
|^=Malâyu]  et  à  d'autres  petits  royaumes;  tous  (les  rois  de  ces 
pays)  envoyèrent  leurs  fils  ou  leurs  frères  pour  faire  leur  sou- 
mission 55  (^Yuan  che,  k.  i3i,  p.  8  v°,  apud  Pelliot,  Deux  Uiné- 
néraires,  p.  3  9  6-3  27). 

129/i.  Le  10*  mois,  «au  jour  yi-sseu,  on  renvoya  les  am- 
bassadeurs du  ^  3â  M  Nan-vvou-li  (le  Lâmurî  des  Arabes,  au 
nord  de  Sumatra),  du  'M'^^M  Sou-mou-tou-la  (état  de 
Sumatra,  sur  la  côte  nord-est),  du  |^  îx  $ij  ^  Ki-mo-la-mao 
(vraisemblable  erreur  de  graphie  pour  \x.  $'J  "f"  Mo-la-yu  = 
Malâyu)  et  du  ^  P^  T'an-yang  (sur  la  côte  orientale  de  Suma- 
tra) pour  qu'ils  retournassent  dans  leurs  pays.  On  leur  fit  don 
de  tablettes  au  tigre  avec  double  perle,  de  tablettes  d'or  et 
d'argent,  d'or,  de  soieries,  de  vêtements  suivant  le  rang  de 
chacun.  Antérieurement,  lorsque  Ye-hei-mi-che  allait  en  cam- 
pagne contre  le  Tchao-wa  (Java),  il  avait  appelé  (à  se  sou- 
mettre à  l'empereur)  les  royaumes  situés  au  bord  de  la  mer. 
Sur  quoi,  le  Nan-wou-li  et  autres  (pays)  envoyèrent  des  gens 
pour  faire  acte  d'obédience.  Comme  on  interdit  (aux  navires) 
de  commerce  de  prendre  la  mer,  (ces  gens)  restèrent  à  la 
capitale.  A  ce  moment  (c'est-à-dire  en  129/1),  on  rapporta 
l'embargo  (mis)  sur  le  commerce;  c'est  pourquoi  on  les  ren- 
voya tous»  {Yuan  che,  k.  18,  p.  h  r",  apud  Pelliot,  Deux  iti- 
néraires, 327-828). 

1  2 c)5.   La  i'^  année  yuan-tcheng  (1 2 96 )  -de  Tch'eng-tsong, 

Dharraarâja  (pâli  :  Dhammarûja)  wle  Roi  de  la  Loi-?,  a  été  fondée  ou  plutôt 
peut-(^tre  simpli-ment  nomm«'o  par  un  roi  siamois  de  ce  nom  (cf.  CoEi)f;s,  Docn- 
menU  sur  la  dynaslu;  des  Sakhoda ijd ,  daii9,  ll.E.b\E.-0.,  t.  XVll,  1917,1!, 
p.  hh-kii).  —  '^'  Au  mémoin!  cilc  dans  la  note  précédeute,  ajouter  uu  autre 
article  de  Coedks,  Les  orijrincg  de  la  dynastie  de  Sukhudaiju,  dans  7. /!«.,  avril- 
juin  1930,  p.  233-2^5. 


232  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

le  royaume  de  j'S  Sien  [pron.  anc.  *Syam,  khmèr  Sijâm]  pré- 
senta une  supplique  en  lettres  d'or,  priait  la  cour  [chinoise] 
d'envoyer  une  mission  dans  ce  royaume.  Or,  avant  que  cette 
supplique  n'arrivât,  on  avait  déjà  envoyé  une  mission;  c'est 
sans  doute  que  ceux-là  (c'est-à-dire  les  gens  du  Sien)  ne  le  sa- 
vaient pas  encore.  On  donna  à  l'envoyé  une  tablette  en  or  uni 
pour  qu'il  la  portât  à  la  ceinture.  L'envoyé  s'en  retourna  immé- 
diatement; un  ordre  impérial  envoya  une  mission  pour  partir 
avec  lui.  Comme  les -gens  du  Sien  s'entreluaient  depuis  long- 
temps avec  les  llî  M  "f*  Si  Ma-li-yu-eul  [=  Malâyur] ,  tous  à 
ce  moment  se  soumirent.  Il  y  eut  un  ordre  impérial  disant  aux 
gens  du  Sien  :  «Ne  faites  pas  de  mal  aux  xMa-li-yu-eul  afin  de 
tenir  votre  promesse 55  (  Iwa/j  che,  k.  210,  p.  5  v°,  dans  Deux 
xtinéraires,  p.  2/12). 

1299.  «La  3°  année  ta-tô  (1299),  au  printemps,  le 
1"  mois,  au  i^""  jour  qui  était  houei-ivei ,  les  royaumes  barbares 
Sien,  des  ^  %\\  é  Mo-la-yeou  et  du  f|  f^  Lo-hou  (sur  le 
bas  Ménam)  vinrent  chacun  apporter  en  tribut  des  produits  du 
pays.  On  accorda  au  prince  héritier  des  barbares  Sien  une 
tablette  au  tigres?  (^Yuan  che,  k.  20,  p.  1  r%  dans  Deux  itiné- 
raires, p.  26 3). 

i3oi.  «C'est  encore  du  même  pays  [de  Malâyu]  qu'il  doit 
s'agir,  dit  Pelliot  i^Deux  itinéraires,  p.  328),  quand  il  est 
àii  [Yuan  che,  k.  20,  p.  5  r°)  que  la  5°  année  yuan-tcheng 
(i3oi),  le  3"  mois,  «au  jour  meou-ivou,  ,E|  ^  j^,  Ma-lai-hou 
et  d'autres  îles  de  la  mer  envoyèrent  des  ambassadeurs  à  la 
cour.» 

Dans  mon  mémoire  sur  Malaka,  le  Maldiju  et  Malâyur 
(/.  As.,  XP  série,  t.  XII,  1918,  p.  i3/i  et  suiv.),  j'ai  déjà 
étudié  ces  textes  et  l'interprétation  qui  en  a  été  donnée  n'a  pas 
cessé  de  me  paraître  vraisemblable.  En  1296,  au  témoignage 


L'KMPIRE  SUMATRANMS  I)K  ÇIIÏVIJAYA.  233 

du  Yuan  che,  les  Ma-li-yu-eul  «s'enlretuaient  depuis  long- 
temps jj  avec  les  gens  du  Sien,  c'est-à-dire,  à  celte  époque, 
avec  les  Thaïs  ou  Siamois  de  l'empire  de  Sukhodaya.  Or,  ni 
texte,  ni  inscription  ou  tradition  d'où  que  ce  soit,  n'indique 
explicitement  ou  implicitement  que  les  gens  du  Sien  aient 
jamais  fait  campagne  à  Sumatra.  L'argument  est  décisif  et  il 
faut  situer  ces  Ma-li-yu-eul  ailleurs  que  dans  la  grande  île 
indonésienne.  Gomme  l'inscription  siamoise  de  Râma  Kham- 
heng  donne  comme  limites  à  l'empire  de  Sukhodaya  ==  Sien , 
à  la  fin  du  xnf  siècle  :  au  nord ,  Luang  Phrabang  sur  le  haut 
Mékong,  et  au  sud,  Ligor  =  Silhammarat,  sur  la  côte  orientale 
de  la  péninsule  malaise,  c'est  au  sud  de  Ligor  qu'il  faut  recher- 
cher ces  Ma-li-yu-eul  =  Malâyur  (appelés  également  Mou-lai- 
yeou,  Mo-la-yu,  Mo-la-yeou,  Ma-lai-hou  =Malâyu).  La  loca- 
lisation de  ces  Ma-li-yu-eul  ou  Malâyu  est  précisée  par  les  an- 
ciennes relations  portugaises  et  le  Ming  che.  et  Les  navires  du 
Siam,  rapportent  les  Commentaires  d'ALCUQUERQUE  i^Commenta- 
rios,  t.  111,  chap.  xviii,  p.  (jà),  ne  viennent  phis  à  Malaka 
avec  leurs  marcliandises  parce  que  [les  Siamois]  ont  été  con- 
stamment en  guerre  avec  les  Malaios  (les  Malayu  de  Malaka).  w 
Et  plus  loin  (^ibiil.,  chap.  xxxvi,  p.  179):  «Le  roi  [de  Siam]  a 
toujours  été  en  guerre  avec  celui  de  Malaka;  à  cause  de  cela 
il  ne  fut  pas  fâché  de  voir  [Malaka]  détruit  [par  les  Portugais].  » 
Dans  la  notice  que  consacre  à  f^  JjjlJ  jjn  Man-la-kia  ==  Ma- 
laka ,  le  Mmg-clie  ou  Histoire  des  Miiig,  il  est  dit  que  «  en  iànj, 
le  roi  de  Malaka  vint  à  la  cour  ...  En  s'en  allant,  il  affirma 
que  le  Siam  paraissait  disposé  à  attaquer  son  pays.  En  consé- 
quence, l'empereur  envoya  l'ordre  au  Siam  [de  ne  pas  atta- 
quer Malaka]  et  ce  pays  s'y  conforma 55  (cf.  Groeneveldt, 
Notes,  p.  20 0). 

Les  gens  de  Malaka  sont  donc  des  Malayo  qui  étaient  «con- 
stamment en  guerre»  avec  le  Siam.  Leur  pays  est  limitrophe 
des  possessions  thaïs  de  Sukhodaya  =  Sien,  que  les  Thaïs  ont 


234  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

conservées  après  leur  descente  sur  le  bas  Ménam  et  que  con- 
servent encore  leurs  descendants,  les  Siamois  modernes.  Il  me 
parait  hors  de  doute  que  ces  Malai/o  sont  identiques  aux  Ma- 
li-yu-eul  du  Yuan  che  qui,  à  la  fin  du  \nf  siècle,  « s'entretuaient 
depuis  longtemps  5;  avec  les  gens  du  Sien  =  Siam.  La  concor- 
dance de  ces  informations  de  sources  différentes  me  semble 
décisive  dans  ce  sens.  Le  passage  du  Yuan  che  a  trait  à  la  pé- 
riode antérieure  à  12^6;  les  deux  extraits  des  Commentaires 
font,  au  contraire,  allusion  à  des  faits  postérieurs  à  la  fin  du 
xni"  siècle,  à  ceux  que  signale  le  Mmg  che.  Les  textes  chinois 
et  portugais  témoignent  ainsi  que  l'état  d'hostilité  entre  le 
Siam  et  ses  voisins  Malâyu  de  Malaka  s'est  maintenu  pendant 
des  siècles,  malgré  les  interventions  répétées  de  la  cour  de 
Chine  pour  le  rétablissement  de  la  paix  entre  les  belligérants. 
On  sait,  enfin,  qu'à  l'époque  mongole,  V Histoire  des  Yuan 
(1 280-1868)  ne  fait  aucune  mention  explicite  de  relations 
entre  la  cour  de  Chine ^^^  et  le  Malâyu  ou  le  San-fo-ts'i  de  Su- 
matra. 

En  1226,  TcHAO  Jou-KOUA  éuumère  dans  son  Tchou  fan 
tche,  quinze  dépendances  du  San-fo-ts'i  ou  Çrivijaya  dont  huit 
sont  situées  sur  la  côte  orientale  de  la  péninsule  malaise 
{^supra,  p.  i3).  Quelque  cinquante  ans  après,  les  Thaïs  de 
Sukhodaya,  autrement  dit  les  Siamois,  se  rendent  maîtres  de 
la  basse  vallée  du  Ménam  et  de  la  partie  septentrionale  de  la 
péninsule  malaise  jusqu'à  Ligor.  Cette  dernière  conquête  en- 
lève au  Çru'ijaya  ses  possessions  coloniales  de  la  péninsule 
qu'il  occupe,  au  plus  tard,  depuis  le  vui"  siècle^'*  (cf.  supra, 


O  Cf.  mon  im'^moire  Malaka,  le  Malâyu  et  Malâijur,  dans  J.  As.,  XI"  série, 
l.  XII,  iyi8,  p.  83  et  suiv. 

'^^  L'ambassade  chinoise  envoyée  au  Cambodjje  en  lacjG,  trouve  la  cam- 
pagne dévastée  par  la  guerre  siamoise.  «Dans  la  récente;  [juerre  avec  les  Sia- 
mois, dit  le  Tclien-la  foHjr  tou  ki,  le  pays  u  été  entièrement  dévastée  (Mé- 
moire»  sur  les  coutume»  du  Cambodge  par  Tcueoij  Ta-kouan,  trad.  et  annoté  par 


L'EMPIRE  SUMATUANAIS  DE  ÇRÎVIJAYA.  235 

XXIX,  p.  /il,  l'inscription  de  Vien  Sa).  La  progression  du 
Siam  vers  le  Sud  ne  s'arrêta  pas  là  et  se  poursuivit  jusqu'aux 
détroits,  car  le  Ming  clie  rapporte  qu'en  i/ioo,  Malaka  payait 
au  Siam  un  tribut  annuel  de  quarante  taels  d'or  (cf.  Grokne- 
VELDT,  Notes,  p.  968  et  un  renseignement  identique  dans  le 
Ying  yai  clieng  lan,  ibid.,  p.  2/10).  Dans  son  *X_)|^jUI  cjL:^ 
daté  de  1 /i8(j-i/if)0,  Ibn  Mâjid  dit  également  (ms.  9392, 
folio  53  r",  1.  5-6)  :  -L<IJî  y  xkïjî^  iL^J^  *xSjî  (s/c)  ^^jl^^^ 

«Singapour  est  par  plus  de  5-  yinha  des  Farkadayn]  et  c'est  là 
que  se  termine  la  côte  du  Siam  15.  Sulaiman  al-Maiirï,  dans  son 
^Ig-Uî  <_>b:^,  qui  est  de  la  première  moitié  du  \yf  siècle,  s'ex- 
prime dans  le  même  sens  (ms.  2 5 09,  folio  71  r",  1.  5-6],: 
cjj.À.41  ^^  (•L*'>*^Î5  jj  -awl  ^<^  ^^il.s^-w  <WÇ-  (jî«>vi\jiJi  c^[Là  OÙ] 
les  Farkadayn  sont  par  5  \jsha,  gît]  Singapour;  elle  [est  située] 
à  l'extrémité  de  la  côte  du  Siam,  dans  le  sud 55. 

Pendant  le  dernier  quart  du  xni"  siècle,  le  glorieux  empire 
sumatranais  s'écroule.  La  longue  campagne  des  Javanais 
(i9'75-i293)  a  mis  fin  à  Tliégémonie  politique,  militaire  et 
navale  du  San-fo-ts'i  en  Insuliude  et  aboutit  à  une  sorte  de 
protectorat,  car  Tuban  Janaka,  roi  du  Malâyu  de  Sumatra, 
était  fils  de  la  princesse  sumalranaise  Dara  Jinga  ramenée  par 
les  troupes  victorieuses,  qui  épousa  un  roi  non  dénommé,  sans 
doute  javanais^'l  A  la  même  époque  (i2'76  et  années  sui- 
vantes), Candrabbanu  envahit  deux  fois  Ceylan  et  éprouve 
une  double  défaite'-*.  Enfin,  les  Thaïs  de  Sukhodaya  s'empa- 
rent de  toutes  les  possessions  coloniales  du  San-fo-ts'i  sur  la 
péninsule  malaise.  Les  ambassades  à  la  cour  de  Chine  qu'on 
trouvera    mentionnées  plus   loin    ne   doivent    pas   donner   le 

Paul  Pelmot,  dans  H.E.F.E.-O.,  t.  II,  njo;!,  p.  178;  cf.  éjjaienicnt  p.  i3i). 
(les  faits  do  j;uerie  soûl  du  la  ituMue  puriode  que  la  couquèle  des  oolouies  Kuma- 
Iranaises  de  la  péuinsule  malaise. 

"'    Vide  supra,  p.  :!•>,(). 

'-'    Vide  supra,  p.  •.!;>.8  et  p.  17:'.,  n.   1. 


•236  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

change  :  l'empire  a  vécu  et  la  cour  impériale  recevra  désormais 
l'hommage  d'un  simple  vassal  de  Java.  Raden  Vijaya  dont  le 
nom  de  règne  fut  (iri  Kerlarajasa,  fonde  en  1216  çaka  = 
lag/i  l'empire  de  Majapahit  dont  il  est  le  souverain  (^prabhu, 
cf.  Pararalon,  trad.  Brandes,  éd.  Krom,  p.  1  28).  Il  avait  succes- 
sivement épousé  les  quatre  fdles  de  KCrtanagara  et  la  princesse 
sumatranaise  Dara  pëtak  ramenée  par  les  troupes  javanaises 
victorieuses  (^supra,  p.  226).  Un  second  grand  empire  se  lève 
en  Insulinde,  héritier  des  possessions  de  l'ancien  Çrivijaya. 
Dans  son  Nâgarakërtâganui  qui  est  daté  de  1287  çaka  =  1 365 , 
Prapanca  les  énumère  complaisamment  à  la  louange  de  son 
maître  Hayam  Vuruk,  alias  Cri  Râjasanagara  et  San  hyan  Vëkas 
in  sukha'^',  dans  les  chants  i3,  là,  i5,  16  (cf.  Nâgarakër- 
tàgama,  éd.  et  trad.  Kern,  1"  éd.  Krom,  p.  5o  et  suiv.)  et  83, 
strophe  h  (^ibid.,  p.  186)  :  ce  sont  l'Insulinde  et  la  péninsule 
malaise  à  peu  près  tout  entières;  le  Campa,  le  Camhodge  et 
d'autres  pays  de  l'Inde  transgangétique  ^sont  des  amis  con- 
stants 55  (chant  i5);  «sans  arrêt,  venaient  en  foule  toutes 
sortes  de  gens  des  autres  pays;  du  Jamhudvîpa  (l'Inde),  du 
Camhodge,  de  la  Chine,  du  Yavana,  du  Campa,  du  Karnâ- 
taka,  etc.,  du  Gau(ja  (l'actuel  Gaur  en  Inde  orientale)  et  du 
Siam;  ils  venaient  par  des  navires  avec  denomhreux  marchands, 
des  moines  et  de  distingués  brahmanes;  ceux  qui  vinrent  furent 
accueillis  et  restèrent  volontiers  [dans  le  pays]»  (chant  83, 
stropiic  /j).  Ce  sont  les  termes  mêmes  du  poème  vieux-java- 
nais. La  réalité  historique  est  naturellement  un  peu  en  deçà  des 
exagérations  attendues  d'un  poète  de  cour.  La  ^^L»  ^^1^  oolXs^ 
ou  Histoire  des  rois  de  Pâsè  (cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  II, 
p.  666-669)  donne,  semblc-t-il,  un  tahleau  plus  exact  de 
l'expansion  territoriale  de  l'empire  javanais  en  Insulinde;  mais, 
cette  rectification  faite,  il  n'est  pas  douteux  que  les  souverains 

<')  Pour  ce  nom,  cf.  N.  J.  Krom,  De  begraafplaats  von  Ilayam  Wuruk,  dans 
Bijdragen  tôt  T.,  L.  en  V.  van  Nederlandsch-Indië ,  dcel   76,  igiy,  p.  25-i!7. 


L'EMPIRK  SUMATRÂNAIS  DE  ÇRÏVIJAYA.  237 

de  Majapahit  fussent  en  relations  avec  tous  les  états  de  l'Ex- 
trême-Orient à  l'exception  du  Japon,  et  que  de  l'Inde  à  la 
Chine,  on  tînt  en  juste  considération  le  pays  et  les  hommes 
qui  avaient  victorieusement  repoussé  l'attaque  des  troupes  de 
Hubilaï  Hàn. 

1825.  Information  sur  l'Insulinde  occidentale  dans  la  cos- 
mographie de  DmA^i  (^suprn ,  p.  70). 

1 9 78-1 33 1.  Autres  informations  fournies  par  Abùlfidâ 
{^supra,  p.  7/4). 

?.  Récits  consignés  dans  les  Mille  et  une  nuits  (^siipra, 
p.  16-2)  et  le  Litrre  des  Merveilles  de  l'Inde  (^supra,  p.  62-63). 

i365=  1287  çaka.  Le  Nâgarahërtàgania  fournit  des  ren- 
seignements détaillés  sur  l'île  de  Sumatra  qu'il  désigne  sous  le 
nom  de  Tanah  ri  Malaiju  «pays  de  Malayu»  (^supra,  p.  i83). 

1373.  Le  roi  du  San-fo-ts'i  '[Ë  B  7P  MM  ^  Ta-ma-sa- 
na-a-tchô  envoie  une  ambassade  en  Chine.  Il  y  avait  alors  trois 
rois  dans  le  pays  (^supra,  p.  96).  • 

107/1  et  1875,  au  1"  ™"'^-  ^^  ^'^^  ^M^  9.W^  Ma- 
na-ha  Pao-hn-pang  =  Maharaja  de  Palemban  envoie  deux 
ambassades  (sMjora,  p.  9  5). 

1875,  au  9"  mois,  ambassade  envoyée  par  fi"  f&ll  ^|  ^  ^ 
Seng-k'ie-lie-yu-lan,  l'un  des  trois  rois  du  San-fo-ts'i  [supra, 
p.  25  ,  et  cf. /.  yls.,  juillet-août  1919,  p.  196,  n.  2). 

1876.  Mort  du  roi  Ta-ma-sa-na-a-tchô  auquel  succède  son 
iils  BM-:i^  MË.  Ma-na-tcho  Wou-h  -  Maharaja  Wuli  (?) 
qui  envoie  une  ambassade  à  la  cour  de  Chine  l'année  suivante 
pour  demander  son  exequatur  à  l'empereur.  «A  cette  époque, 


238  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

ajoute  le  texte,  ie  San-fo-ts'i  avait  été  déjà  conquis  par  Java. 
Le  roi  de  ce  dernier  pays  [c'est-à-dire  l'empereur  de  Maja- 
paliit]  apprenant  que  l'empereur  de  Chine  avait  nommé  un  roi 
pour  le  San-fo-ts'i,  devint  très  en  colère  et  envoya  des  gens 
qui  tendirent  une  embuscade  aux  envoyés  impériaux  [appor- 
tant l'exequatur  de  la  cour  de  Chine]  et  les  assassinèrent,  w 
Le  Mi'ng  elle  ajoute  ensuite  cette  curieuse  phrase  :  «  L'empereur 
de  Chine  ne  pensa  pas  qu'il  eût  le  droit  de  punir  le  roi  de  Java 
pour  cela.  Après  cet  événement,  conclut  V Histoire  des  Ming,  le 
San-fo-ts'i  devint  peu  à  peu  de  plus  en  plus  pauvre  et  n'envoya 
plus  de  tribut  w  {^siipra,  p.  2  5-2  6). 

xv^  siècle.  A  partir  de  i/io5,  des  désordres  se  produisent 
et  des  Chinois  établis  dans  le  pays  s'emparent  du  pouvoir  avec 
l'aide  de  compatriotes  du  Fou-kien  et  de  Canton.  L'ancienne 
dynastie  des  Çailendra  n'existe  plus  ou  ses  représentants  dégé- 
nérés passent  complètement  inaperçus  et  disparaissent,  tels, 
au  xix^  siècle,  les  derniers  successeurs  des  grands  Mongols  de 
l'Inde. 

Reste  le  Malâyu  propre,  je  veux  dire  l'ancien  suzerain  du 
Çrïvijaya  au  vii^  siècle ,  l'actuel  pays  de  Minankabaw.  L'épigra- 
phie  ne  nous  fournit  (jue  quelques  noms  de  souverains  aux  xnf 
et  xiv"  siècles.  Les  inscriptions  sont  généralement  assez  déve- 
loppées, mais  leur  contenu  est  totalement  dénué  d'intérêt  en 
dehors  du  nom  royal  et  de  la  date.  Celle  de  1208  çaka 
i^supra,  p.  179)  est  extrêmement  importante;  celle  de  j  960  db 
est  importante  aussi,  car  elle  est  rédigée  en  cambodgien  et  a 
été  trouvée  dans  une  ancienne  possession  de  iempire  suma- 
tranais.  Les  autres  textes  épigraphiques  n'ont  de  valeur  que  par 
les  noms  des  rois  dont  elles  commémorent  les  règnes.  En  voici 
la  trop  courte  liste  : 

1  2  00  dz  ?  :  T)ut'dohiinr(ljii-mmdiblmmna-varmadem      le  Var- 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇRÎVIJÂYA.  239 

madeva  —  ornement  du  diadème  —  du  roi  des  3  mondes 
{^supra,  p.  181). 

1208  ç.  =  1286  :  TnhiivaHdrâjd-wauli-varnuideva  =  le  Var- 
madeva  —  diadème  —  du  roi  des  3  mondes  {^supra ,  p.  1  81). 


? 


Advayavarman,  père  du  roi  suivant. 


1269  0=10/17:  Adityavarman  (ou  Udayadityavarraan, 
ou  encore  A[  jyâdityavai'ma)  râjendra-mauliman/  (var.  mauh- 
mali]-varmadeva  =  le  Varmadeva  —  joy<iiJ  ^^  diadème  de 
rindra  des  rois.  Il  en  est  question  dans  les  inscriptions  de 
12789.=  i356,  1269  ç.  =  13/17.  L'inscription  de  sa  pierre 
tombale  de  Kubm*  Raja  (Minankabau)  est  datée  de  1 3oo  =h  ç.  = 
1378  et  il  y  est  titré  Kannkamedinîndra  «souverain  de  la 
terre  de  Torw  =  suvarmthhûmi  du  Malâyu  de  l'inscription  de 
1208  çaka  ci-dessus  i^supra,  p.  182). 

?.  Anangavarman,  fds  du  précédent;  il  fut  probablement 
son  successeur  {ihid.  ). 

1/1 8 9.  Description  de  Sumatra  par  le  muallim  \m  Mâjid 
l^supra,  p.  79-8/1). 

xvf  siècle  (première  moitié  du  — ).  Description  de  Sumatra 
d'après  io^-glî  «*xiJI  et  ^Ig^li  iJ^i  du  muallim  Sulaymân  al- 
Mahri  i^mpra,  p.  83-io/i). 

Nous  sommes  redevables  ù  Newbold,  l'auteur  du  Pollticnl 
and  statislical  account  0/  tlie  Brittsh  settlements  in  the  Straits  ofMa- 
laccn  (2''  vol..  in-8",  Lonch'es  i8.u)),  de  la  connaissance  d'un 
document  de  haute  importance;  appeb'  Trumha  piisaka  «loi  de 
successions,  Trumha  piisaka  Mimiiibihaw  ce  loi  de  succession  du 
Minankabaw 71 ,  ou  encore  Trumha  Minahkahaiv  «loi  du  Minafi- 
kabaw»,  dont  j'ai  récemment  donné  une  Iraduclion  nouvelle 
(dans  Mnlaka.  le  Malni/u  et  Malài/ur.  J.  As.,  XI"  série,  t.  XII, 


240  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

1918,  p.  5i  et  suiv.).  Ce  document  a  été  rédigé  vers  1826; 
c'est  une  lettre  d'intronisation  de  Raja  Labu  comme  Yah  di- 
ptrluan  (lilt.  :  «celui  qui  est  fait  maître,  qui  est  reconnu 
comme  maîtres,  le  souverain  suprême)  des  quatre  états  dissi- 
dents de  la  péninsule  malaise  qui  continuaient  à  reconnaître 
l'autorité  traditionnelle  du  Minankabaw.  Le  signataire  du 
Trumha  pusaka  est  le  Grand  Sultan  Maharaja  di  râja  de  Minan- 
kabaw. Il  affirme  une  suzeraineté  purement  nominale,  mais 
qui  rappelle  une  ancienne  suzeraineté  effective,  sur  l'île  de  Su- 
matra tout  entière  et  sur  l'état  javanais  de  Bantën  ou  Bantam 
qui  faisaient  partie  de  l'ancien  Çrïvijaya.  Si  on  se  rappelle 
qu'en  1826,  le  sultan  de  Minankabaw  était  un  simple  souve- 
rain indigène  soumis  à  la  Hollande  et  qu'il  intronisait  un  autre 
souverain  indigène  résidant  en  territoire  colonial  anglais,  on 
pourra  juger  du  prestige  qu'avait  conservé,  longtemps  après 
la  conquête  étrangère,  l'héritier  des  titres  et  prérogatives  du 
grand  empire  sumatranais  disparu.  Quatre  Yah  (h-përtuan  de 
la  péninsule  malaise  furent  successivement  désignés  et  intro- 
nisés par  le  sultan  de  Minankabaw  :  Adil  qui  mourut  en  1795 
ou  1796;  Hîtam ,  mort  en  1808;  Lengafi  Laut,  mort  en 
182/1.  Râja  Lâbu  intronisé  en  1826,  ne  régna  que  six  ans. 
A  partir  de  i83â,  son  successeur  fut  désigné  dans  le  pays 
même  et  on  n'eut  plus  recours  au  sultan  de  Minankabaw.  Les 
exigences  de  la  politique  coloniale  mirent  fin  à  la  pratique  qui 
consistait  à  demander  à  un  souverain  soumis  à  la  Hollande,  la 
nomination  du  chef  des  sujets  britanniques  indigènes  de  la 
péninsule  malaise. 

Tels  sont  les  renseignements  que  nous  fournissent  les  textes 
sanskrits,  palis,  chinois,  tamouls,  arabes,  persans,  cam- 
bodgiens, siamois  et  indonésiens  pendant  quelque  quinze 
siècles.  Ces  informations  présentent  de  grandes  lacunes  que 
l'avenir  comblera  peut-être;  mais  les   faits   parvenus  à  notre 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS  DE  ÇHIVIJAYA.  241 

connaissance^  ceux  snrlout  qu'a  ra[)portés  Yi-tsing,  sont  assez 
nets  et  précis  pour  faire  revivre  ia  grancieiir  de  l'ancien  empire 
sumatranais.  Le  (jrivijaya  entre  dans  Thistoire  générale  de 
l'Asie  orientale  au.monnent  où  régnent,  en  Chine,  la  grande 
dynaslie  des  T'ang  (618-906);  à  Bagdad,  les  illustres  kha- 
lifes abbassides  Hârun  ar-Rasïd  (-786-809)  et  son  fils  Al- 
iMamun  (8  i  3-833),  tous  deux  contemporains  de  Charlemagne. 
L'Inde  a  accompli  cet  autre  miracle  insoupçonné  :  la  création 
à  Sumatra  d'un  centre  de  civilisation  indonésienne,  qui  dès 
le  vHi"  siècle,  avait  pour  roi  un  souverain  cakravartin  dont  la 
renommée  s'étendra,  au  x%  jusqu'au  lointain  Népal. 

On  aurait  dû  s'en  douter  plus  tôt^'';  mais  nous  avons  tous 
été  victimes  d'une  illusion  d'optique.  Les  relations  occidentales 
sur  rinsulinde  de  la  lin  du  xiii'  et  du  xiv"  siècles  (Marco  Polo, 
Odoric  de  Pordenone)  et  des  siècles  des  découvertes  (relations 
portugaises,  hollandaises,  anglaises  et  françaises),  présentent 
généralement  Java  comme  une  île  riche,  prospère  et  d'antique 
civilisation;  Sumatra,  au  contraire,  est  un  pays  de  sauvages  et 
d'anthropophages.  Cotte  impression  s'accentue  et  se  précise  au 
fur  et  à  mesure  qu'on  retrouve  à  Java  des  ruines  de  palais  et 
de  temples  d'une  incontestable  grandeur;  elle  s'établit  défini- 
tivement et  s'impose  par  la  découverte  de  ce  splendide  monu- 
ment qu'est  le  Boro-Bodur,  achevé  dans  le  courant  du  ix"  siècle *-l 


*''  Dans  une  note  à  sa  traduction  du  Ta  t'auff  si  yn  k'ieoii  fa  kao  seng 
tchouan  de  Yi-tsing,  CiixwavKii  {M(;ligieux  éminents,  189/1,  p.  io5)  avait  mon 
tré  l'identité  du  Chc -li-fo-che  et  du  Zaliedj  (sic)  et  rappelé  le  passage  de  Bïrûni 
sur  le  suvarnadvîpa  {supra,  p.  64).  Ainsi  présentée,  Tidentification  n'allait 
pas  de  soi,  car  il  n'y  a  aucun  rapport  phonétique  entre  les  transcriptions  chi- 
noise et  aralte-,  elle  ne  fut  pas  adu|)tée.  Quinze  ans  après,  (iEiiiNi  la  reprit 
dans  ses  Resnarches  on  Ptoleiiii/s  j'otiirraphif  <if  Kasion  Asio  (Londres,  1909, 
in-8°;  voir  à  l'index,  s.  v"  Znhpj)  où  il  transcrit  également  Zàln'j.  A  son  habi- 
tude ,  l'auteur  restitue  toutes  les  formes  imaginai)les  sans  s'arrêter  à  la  seule 
correcte  avec  ~  on  fonction  de  gutturale  sonore;  et  on  n'en  tint  pas  compte. 

'-'   (]f.   Aichae<il<i^isch  Onderzoek  m  .\ederlandsch-Inilié.  111.    lieschriiring  van 


2A-2  OCTOBBE-DECEMBRE   1922. 

Tout  récemment  encore,  l'île  voisine  ne  présentait  rien  de  pareil. 
Ses  titres  sur  pierre  à  une  ancienne  culture  étaient  peu  nom- 
breux et  inconnus,  donc  inexistants  pour  l'historien.  Sa  popu- 
lation actuelle  ne  conserve  pas  de  traces  d'un  glorieux  passé  : 
Atchinais  du  Nord,  Bataks  de  l'Ouest,  Malais  de  l'Est,  Minan- 
kabaws  et  Ijampons  du  Sud  ont  tout  à  fait  allure  de  barbares. 
Les  textes  cliinois  qui  ont  tant  à  nous  apprendre  sur  Sumatra 
n'avaient  pas  été  traduits:  les  inscriptions  tamoules  et  les  géo- 
graphes arabes  étaient  mal  interprétés.  Nous  sommes  enfin 
mieux  informés  grâce  aux  recherches  entreprises  sur  place  et 
à  l'étude  d'un  grand  nombre  de  documents  orientaux.  La 
réunion  de  tous  ces  témoignages  est  singulièrement  instructive 
et  il  s'en  dégage,  presque  automatiquement,  un  point  de  vue 
nouveau  qui  est  exposé  dans  ce  mémoire. 

Kern  termine  son  article  intitulé  :  Jcn'ci  en  het  Goudeiland 
volgens  de  oudste  herkhten^^'  par  les  conclusions  suivantes  : 
R  1°  D'après  la  conception  dominante,  Suvarnadvïpa  et  Yava- 
dvïpa  étaient  une  [seule  et  même  île];  2°  deux  îles  initiale- 
ment dilTérentes  furent  confondues  l'une  avec  l'autre;  3°  au 
sens  propre,  Suvarnadvïpa  est  Sumatra,  et  Yavadvïpa,  Java; 
A°  Sumatra  (ou  une  partie  de  Sumatra)  et  Java  ont  été  consi- 
dérées comme  un  tout,  peut-être  parce  que  les  deux  îles  fai- 
saient partie  d'un  même  groupement  politique;  5°  par  Yavakoti 

Barafjiulur,  samengesleld  doov  N.  J.  KnoM  en  T.  van  Erp.  I'°  deel.  Arcliaeolo- 
giiclie  Jîcsclirijvinif  duor  N.  J.  Kiiosi,  s'Gravenhafje,  1920,  gr.  in-^°,  viu- 
7yi  pa;jes,  avec  allas  du  'l'ia  planches  in-l'ulio.  Sur  cette  majjislrale  publicalion, 
cf.  le  compte-rendu  do  1*inot,  dans  U.E.l\lù.-0.,  t.  XX,  1920,  1\,  p.  iSS-iûg. 
D'après  i'élude  paléograpliique  des  épigraphes,  Kern  fixait  la  date  de  construc- 
tion du  Boro-Budur  vers  850;  Kkom  indique  760  à  800  do  notre  ère.  Il  est 
à  peu  près  certain  que  ce  temple  fameux  a  été  achevé  dans  le  courant  du 
ix'  siècle  (Finot).  D'après  une  récente  note  de  Coedbs  [A  propos  de  la  date 
d'édilicalion  d'Anglwr  Vut,  dans  J.  /Is.,  janvier-mars  1920,  p.  96-99),  aAng- 
kor  Vat  ne  saurait  être  antérieur  à  1  na  A.  D.;'. 

O  Publié  en  18G9  dans  les  liijdragen,  réimprimé  en  1916   dans  le  t.  V 
d(!S  Ic'ititreide  ireêcbriften,  \),  3i/i. 


L'EMPIRE  SCMATRANÂIS  DE  ÇRÏVIJÂYA.  243 

«la  pointe  de  Yava»^^',  on  a  désigné  proprement  le  cap  orien- 
tal de  Java. 55  A  mes  yeux,  ces  conclusions  ne  sont  pas  entière- 
ment justifiées.  Sumatra  et  Java  ont  été,  il  est  vrai,  désignées 
sous  le  même  nom  :  Yava  et  ses  dérivés;  nous  en  avons  l'as- 
surance certaine  pour  Sumatra  par  Marco  Polo  et  les  textes 
arabes  jusqu'au  xiv"  sircle  (voyage  de  Ibn  Batûta).  Mais,  dans 
les  passages  du  Râmâi/rmu  et  de  la  Géogrqphie  de  Ptolémée 
que  j'ai  reproduits  (^siipra,  p.  202  et  209),  Yavadvïpa  est 
pour  moi,  Sumatra.  Des  environs  de  notre  ère  à  la  seconde 
moitié  du  n"  siècle,  Java  était  vraisemblablement  moins  bien 
connue  que  Sumatra  dont  la  richesse  en  or  est  notée  comme 
un  fait  remarquable  par  Vâlmîki  et  par  le  géographe  alexan- 
drin. Ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard  que  cette  richesse  a  été 
inexactement  attribuée  à  Java,  grâce  sans  doute  à  l'identité  de 
nom  des  deux  îles  et  parce  que  Yava  >  Jâwa  désigna  postérieu- 
rement la  seule  île  de  Java.  Enfin,  Yavakoti  me  semble  plutôt 
devoir  être  interprété  par  «pointe  de  Yava  =  Sumatra 55. 

Cet  article  a  été  écrit  en  pieux  hommage  à  la  mémoire  de 
Hendrik  Kern  f^'.  Le  maître  regretté  auquel  l'Institut  royal  de 
La  Haye  élève  le  beau  monument,  pereimius  aère,  que  sont  les 
Verspreùk  Geschriftcn,  était  un  orientaliste  illustre;  mais  il  fut 
aussi  un  grand  citoyen  épris  de  vérité  et  de  justice,  inflexible 
en  matière  de  droit  et  d'honneur,  affectueux  et  tendre  dans 
son  milieu  familial,  fidèle  et  dévoué  à  ses  amis  et  ses  élèves, 
inlassablement  obligeant  à  tous,  ainsi  qu'en  peut  témoigner, 
avec  bien  d'autres,  le  signataire  de  ces  lignes  ^^'.  Le  savant  était 
chez  lui,  de  nremier  ordre;  l'homme  fut  toujours  égal  au  sa- 


(')   Vide  supra,  p.  21 3. 

1-)  Né  le  8  avril  i833,  Kern  est  décédé  le  k  juillet  1917.  Cf.  fartide  nécro- 
logique auqui'l  il  est  fait  allusion  dans  la  note  suivante. 

<^'  Cf.  Tarticle  nécrologique  de  Snouok  IIuughonje,  dans  Bijdmgen  loi  de  T., 
L.  en   V.  van  A.-/.,  deel  78,  i()i7,  notamuicul  |(.  vu. 

17 


244  OCTOBRE-DECEMBKE    1922. 

vant.  Tel  parmi  nous  son  souvenir  demeure,  admirable  modèle 
et  perpétuel  enseignement'". 

'■'  MiM.  N.  J.  Krom  et  Ph.  S.  van  Ronkkl,  de  rUiiiversitc  de  Lcyde;  Gaiide- 
kkoï-Demo.mbynes  et  Paul  Pelliot  m'ont  obligeamment  fourni  de  très  utiles 
indications.  Je  leur  en  exprime  ici  tries  plus  cordiaux  remerciements. 


L'EMPIRE  SUMATRANATS  DE  CRÎVIJAYA. 


245 


TABLE   DES   MATIÈRES. 


Introduction i 

TEXTES   CHINOIS. 

Yi-tsing 3 

Houei-je 6 

Vajrabodhi. 7 

Ambassades    en    Chine    (  7 1 3- 

7^2) 7 

Tchou  fan  tche 8 

Sotig  che 1 5 

Ming  che a^ 

Tao  yi  tche  lio 3o 

Ying  y  ai  cheng  lan 3  a 

Sing  tch'a  cheng  lan 35 

Tong  si  yang  k'ao 36 

INSCRIPTIONS    MALAISES, 
SAN8KRITES   ET   TAMOULES. 

Inscription  de  Ranka 36 

La  reine  Si-mo  de  Java 37 

Inscription  de  Kalasan 38 

Les  Çailendra  à  Java 39 

Inscription  de  Vien  Sa Ai 

Manuscrit  népalais Zia 

Inscription  cola  de  Tanjore..  .  .  /i4 

Grande  charte  de  Leyde 46 

Inscription  cola  de  io84 A7 

Inscription    de   Jatâvarman   de 

1964 /i8 

Inscription    de    Jatâvarman   de 

126.0 UH 

TEXTES  ARABES  ET  PERSANS. 

Ibn  Hordâ(îbeh Sa 

Sulaymân 53 


Ibn  al-Fakïh 54 

Ibn  Rosteh 55 

Isliak  bin  'Imrân 55 

Abfi  Zayd  Hasan 56 

Mas'ûdi 69 

Ibrahim  bin  Wâsif-Sâh 63 

Rïrûnï 64 

Haraki 65 

Ëdrîsl 65 

Yàkùt 66 

Kazwinï 67 

Ibn  Sa'id 70 

Kutb  ad-dîn  a§-Slrâzï 72 

Dimaskî 73 

Abûlfidâ 74 

Hamdullah  Mustawfl 75 

Ibn  al-Wardi 76 

Ràkuwï 78 

Ibn  Mâjid 79 

Ibn  lyâs 84 

Sulaymân  al-Mahrî 85 

Abul-Fazl 161 

Mille  et  une  nuits 162 

Livre  des  Merveilles  de  l'Inde.,  162 

CRÎVIJAYA  >  CHE-LI-FO-CHE 
==  ZÂBAG  <  JÂVAKA  =  SU- 
MATRA   i63 

SUVARNADVÏPA  =  SUMATRA.  .  177 

Yi-tsin{{ , .  178 

Vie  de  Diparnkara  Atîça 178 

Inscription  malaise  de  ia86.  .  179 
Inscription   cambodgienne   de 

Grahi 181 


2/16 


OCTOBRE-DÉCEMBRE   1922, 


Nâjrarak-j-l(ij>(i)iia 1 8:î 

Textes  portugais i85 

Les  îles  (le  l'or i85 

Voyajje  de  Parheeo 186 

Leiulas  (ht  Iiidia 188 

Godiiiho  de  Eredia. .  .  i  .  ;  ;  .  .  189 

Voyage  de  Quasi 1  gy 

Sulaymâu  al-Malirï 197 

Ibn  Mâjld 1 97 

Le  Muhu  de  Sîdi  'Alî 198 

Les  îles  Zarlii .*.....  900 

ESQUISSE  HISTORIQUE..  .  aoi 

R&mâyana * .  i  202 

Heoii  haii  cJiou 208 

Plolëmée 209 

Mission  de  K'ang  T'ai 209 

Che  eul  ijenu  king âio 

Fa-hieu 210 

Gunavaniian t!  1 1 

Àryabhata .  .  i  9 1  'î 

Le  Malâyu  en  6/1 A 9 1 3 

Inscription  de  Pagar  Ruyon  de 

656 i 9 1  '1 

Ambassades     en     Chine      au 

vu"  siècle siU 

Poème  tamoul  Manimegalai. .  .  aiâ 

Yi-tsing 9  1 A 

Ambassades     en      Chine      au 

vui°  siècle 917 

Idscription  de  Gangal  (Java).  .  217 

Inscription  de  Vie»  Sa 918 

Campagne  contre  !<;  Cambodge,  a  j  8 

Inscription  de  Sdok  kak  Ihom.  990 

L<;s  textes  arabes.  .  , 291 


Expédition    contrtî     Java     en 

1007 993 

Ambassades  eu  Chine 9  93 

Campagne  victorieuse  de  Râ- 

jendracola  en  io3o 99/4 

Autre    campagne     victorieuse 

des  Colas  en  1068 29a 

Colonie  tamoule  à  Baros 2  95 

Ambassades      en     Cliine     au 

\u'  siècle 9  25 

Campagne  victorieuse  de  Jatâ- 

varman  Vira-Pândya 296 

Campagne  victorieuse  des  Ja- 
vanais en  1275-1293 396 

Campagne       contre       Ceylan 

d'après  le  Maltàvamsa 328 

Envoi  d'une  statue  au  Malâyu 

par  Kërtanagara 229 

Textes  chinois  sur  le   Malâyu 

ou  Malâyur 999 

Inscription    de    Râma     Kham- 

heng 2  3o 

Textes  chinois  sur  le  Malâyu.  201 
Situation  de  ce  Malâyu  sur  la 

péninsule  malaise. 2  32 

Ambassades     en      Chine     au 

Mv''  siècle 287 

Conquête    du    San-fo-ts'i    par 

Java 938 

Le  Malâyu  =  Minankahaw..  .  .      938 

Java  et  Sumatra i.      9^1 

Les  conclusions  de  Kern..  .  .  .      âûa 

Reclilications  proposées 9^12 

Hommage  au  maître  hollan- 
dais       9^3 


DEUX  INSCiRIPTIONS  COUFÏQUES 
DU  CAMPA, 

PAR 

PAUL   RAVAISSE. 


Les  deux  inscriptions  arabes  qui  font  l'objet  de  cette  tHude 
ont  été  découvertes,  il  y  a  quinze  ou  vingt  ans,  ç^sur  un  point 
non  éloigné  de  la  côte  annamite,  par  un  officier  de  la  marino 
françaises,  qui  en  prit  sur  place  les  précieux  estampages  — 
sans  compter  un  croquis  —  dont  on  trouvera  ici  la  reproduc- 
tion. 

•  •  •  • 

Ce  sont,  autant  qu'il  est  permis  de  le  croire  en  l'état  actuel 

de  nos  connaissances,  les  derniers  vestiges  subsistant  d'une 
colonie  musulmane  établie  au  moyen  Age  dans  le  royaume  du 
Campa,  en  un  centre  urbain  dont  les  hautes  herbes  de  la 
brousse  auraient  depuis  un  temps  inappréciable  recouvert  les 
ruines,  vraisemblablement  quelque  part  dans  la  vallée  de 
Phan-ri  et  de  Phan -rang,  que  les  Cams  regardent  encore 
aujourd'hui  comme  leur  heu  d'origine,  tandis  qu'on  les  voit 
groupés  au  Binh  Thuàn,  le  dernier  refuge  de  leur  nationalité 
en  Annam^'^. 


(')   Cf.   E.  Aymonikr,   Ltis    Tchanis  cl   leurs  rcliifiuns ,   Paris,   1891;    Lvgfimles 
liisluriques  des  Tchams  [K.rcKrs.  et  Herniiii.,  l.  \1V,  n"  Sa);  A.  Cabaton,  A'om- 


248  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

A  son  retour  d'Iiidocbiiie,  cet  olficier,  dont  on  ne  sait  plus 
le  nom,  crut  bon  de  remettre  sa  petite  moisson  épigraphique 
au  savant  indianiste  A.  Barth,  lequel  jugea  meilleur,  dès  le 
premier  coup  d'reil,  de  s'en  dessaisir  en  faveur  de  son  confrère 
de  l'Institut  H.  Derenbourg,  tout  à  fait  qualifié,  en  effet,  pour 
en  faire  profiter  la  science. 

Mais  H.  Derenbourg,  qui  dédaignait  de  propos  délibéré 
cette  menue  monnaie  de  la  civilisation  musulmane  et  se  déchar- 
geait volontiers  sur  son  ancien  disciple  du  soin  d'en  tirer  le 
meilleur  parti,  me  passa,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  les 
trois  feuilles  vagabondes,  en  ne  me  donnant  pour  tout  rensei- 
gnement, sur  ces  inscriptions  rarissimes,  sur  le  lieu  et  la  date 
de  leur  découverte  et  sur  leur  inventeur,  que  la  très  sommaire 
indication  qu'on  vient  de  lire.  Il  est  probable  qu'il  n'en  avait 
pas  appris  davantage  de  la  bouche  de  Barth. 

Après  avoir  pris  des  deux  inscriptions  une  connaissance  plus 
ou  moins  satisfaisante,  à  cause  de  certaines  difficultés  initiales 
de  lecture  dont  la  solution  n'avait  rien  à  attendre  de  l'impa- 
tience, je  les  gardai  soigneusement  par  devers  moi,  les  lais- 
sant reposer  en  compagnie  d'autres  documents  de  même  ordre, 
quand  d'amicales  instances  vinrent  me  décider  à  mettre  mes 
premières  notes  en  état,  à  reviser  complètement  mon  déchif- 
frement et  à  en  faire  connaître  le  résultat  à  ceux  qu'une  épi- 
graphie  de  provenance  aussi  exceptionnelle  est  capable  d'inté- 
resser, les  sinologues  et  les  arabisants. 

velles  recherches  sur  les  Chams,  Paris,  1901:  le  P.  Durand,  Les  Chams  Banis ; 
-  Note  sur  les  Chams  ( Bull,  de  l'Ecole  fr.  d' Extr. -Orient ,  111 ,  5/i-6a  ,  kU^-h^h  , 
597-608;  V,  308-386)-,  A.  Cabaton,  Notes  sur  l'Islam  dam  l'Indochine  française 
(Revue  du  Monde  musulman ,  1,  27-^7);  Les  Clianis  musulmans  de  l'Indochine 
française  [ibid.,  p.  139-180)-,  art.  Clunns,  dans  VEnc^cl.  of  lieligion  and  Ethics , 
1,  34o-35o;  art.  Induchine ,  dans  VEncycl.  de  l' Islam ,  11,  p.  537  *^^  suiv.; 
Georges  Maspero,  Le  Royaume  de  Chanipa,  Leide,  191^  (extr.  du  T'oung  Pao, 
mars  1910-mai  1913). 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  249 


Épitaphe  d'Abù  Kâmil  Ahmad  le  Garde-chemins. 

Celle  de  ces  deux  inscriptions  qui  est  datée  et  complète  (à 
deux  lignes  près)  est  gravée  en  un  relief  assez  accentué, 
semble-t-il ,  sur  le  cippe  qu'il  est  d'usage  en  Islam  d'ériger  au 
chevet  d'une  tombe'''.  Suivant  les  cotes  qui  accompagnent  le 
croquis  pris  sur  place ,  ce  cippe  mesure  d'une  extrémité  à  l'autre 
t  m.  G  5  5  de  hauteur  et  présente  une  forme  légèrement  conique. 
A  cm.  88  de  la  base,  dont  le  diamètre  est  de  cm.  i5,  un 
bandeau  fruste,  large  de  o  m.  o/i5  et  donnant  le  diamètre 
maximum  o  m.  i  g  ,  ceinture  le  sommet  du  fût  proprement  dit, 
sur  lequel  repose,  par  le  raccord  d'une  gorge  circulaire,  une 
espèce  de  sphère  aplatie  de  moitié,  mesurant,  gorge  comprise, 
0  m.  1  3  de  hauteur  et ,  exactement  comme  le  bandeau ,  o  m.  i  y 

(')  Une  tombe  musulmane  {qahi'  jo)  se  compose  en  premier  lieu  d'une 
fosse  ou  d'un  caveau  construit  en  briques  [turba  i^-p)-  Tout  ce  qui  se  trouve 
au-dessus  :  dalle,  table,  etc.,  même  une  cou[)ole  (cf.  Quatiîemkre,  Sultans  Mam- 
louks,  11,  '2°  part.,  p.  79)  s'appelle  tarkîha  IL^-H  crce  qui  est  assemblé,  monté, 
agencé».  Au  chevet  de  la  larklbu  est  dressé  le  mltid  j^Li,  pilier,  cippe  ou 
stèle,  sur  quoi  est  inscrite  l'épitaphe,  à  tout  le  moins  la  saliâda  s:>l^  du 
défunt,  c'est-à-dire  l'acte  par  lequel  il  atteste  o^4-i->  qu'il  a  fait  en  mourant  sa 
profession  de  foi,  ce  qui  doit  lui  permettre  de  répondre  sans  crainte  à  l'inter- 
rogatoire des  deux  anges  Nakir  et  Munkar  en  vue  de  la  rétribution  des  récom- 
penses et  des  peines.  Souvent,  lui  faisant  vis-à-vis,  une  seconde  pierre  est 
dressée  au  pied  de  la  tombe.  Le  qabr  est  quelquefois  renfermé  dans  un  édifice 
à  coupole  {(jubifa  iLJi).  Cf.  Lank,  Modem  Ej^ijptiaiis ,  London,  1871,  11,  p.  225 
et  suiv.  et  ligures.  —  Mahomet  a  formellement  interdit  la  tarktba  ;  mais  on 
a  de  bonne  heure  passé  outre  à  cette  défense  :  son  propre  tombeau ,  à  Médine , 
en  fournit  la  preuve.  Mû  par  un  pieux  scrupule.  Sultan  Murâd,  tué  à  Kossovo 
en  i.38(),  tourna  ingénieusement  la  difficulté,  quand  il  édifia  le  somptueux 
lurheh  destiné  à  abriter  sa  dépouille  mortelle,  à  Brousse.  Sa  tombe  consiste, 
en  effet,  en  une  sorte  de  sarcophage  de  marbre  sans  fond  ni  couvercle,  rempli 
de  terre  et  placé  au  centre  d'un  monument  dont  le  dôme,  percé  d'une  large 
baie  circulaire ,  est  ouvert  au  ciel. 


250  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

de  diamètre.  Ce  genre  de  couronnement  est,  on  ie  sait,  un 
motif  particulier  à  l'art  funéraire  islamique  et  n'exclut  pas  la 
variété;  c'est  l'image  stylisée  d'un  turban,  ce  qui  revient  à 
dire  qu'il  s'agit  ici  d'un  musulman,  une  femme  musulmane 
n'ayant  droit  qu'à  une  modeste  colonnette  ou  à  une  simple 
stèle,  le  plus  souvent  sans  autre  emblème  révélateur,  mais  non 
sans  l'épitapbe  due  à  sa  mémoire  '^l 

Sur  la  matière  dans  laquelle  a  été  taillé  ce  vestige  d'une 
tombe  sans  doute  détruite,  nous  n'avons  aucun  renseignement. 
C'est,  du  reste,  une  question  secondaire  en  regard  de  l'impor- 
tance de  l'inscription  en  fort  beaux  caractères  coufiques  qui  en 
constitue  le  véritable  décor. 

Cette  inscription,  suivant  une  probabilité  d'ordre  épigra- 
phique,  compte  quinze  lignes,  chacune  marquant  cm.  o/i5 
de  hauteur.  Mais,  sur  ce  nombre,  treize  lignes  pleines  nous 
sont  seulement  fournies  par  l'estampage,  une  feuille  de  papier 
Whatman  aux  dimensions  réduites  à  om.  6i5  sur  om.  35, 
qui  s'est  dès  lors  trouvée  trop  courte  pour  couvrir  tout  le  champ 
de  l'inscription.  L'existence  de  la  quatorzième  ligne  est  sûre, 
attendu  que  l'extrémité  des  caractères  coufiques  à  hampe  est 
nettement  visible  sur  o  m.  oi  au-dessous  de  la  précédente.  Et 
il  est ,  en  outre ,  de  toute  vraisemblance  qu'elle  est  suivie  d'une 
quinzième  et  dernière  ligne,  longue  au  plus  de  o  m.  qo,  la 
plus  courte  de  toutes  en  raison  de  la  place  qu'elle  occupe  au 
plus  près  (o  m.  1 8)  de  la  base  du  cippe  en  tronc  de  cône;  par 
là  se  continue  et  s'achève  la  profession  de  foi  du  défunt,  for- 
mule-type amorcée  à  la  treizième  ligne,  avec,  pour  clore  l'épi- 

(')  On  ne  connaît  pas  de  iâliid  datant  du  v"  siècle  llég.  et  coifré  du  turban. 
Celui-ci  serait  une  j)ièce  peut-être  uniijue.  —  Le  sommet  d'un  sdhid  de  Aïmme 
est  ])arfais  couromu!  d'un  réseau  de  guirlandes,  (|ui  ne  sont  (|ue  des  tresses 
de  cheveux  stylisées.  C'est  toutelois  d'un  art  n'-cent.  VA.  le  (iHtaloguv  du  Musée 
(la  l'Art  urabe  au  Cuire,  jiar  Heuz-Bey,  Caire,  190(1,  |i.  35,  lig. 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUt^IQUKS  DU  CAMPA.  251 

taphe,  la  brève  parole  tlu  Coran  attendue,  puis  les  deux  niOtB 
lapidaires  et  sacramentels  du  Kyrie  eleison  musulman. 

L'inscription  se  développe  ainsi  sUr  une  longueur  de  o  m.  70, 
verticale  à  droite,  c'est-à-dire  au  commencer  des  lignes,  et 
siir  une  largeur  variant  de  0  m.  98  en  haut  à  0  m.  90  en  bas, 
dégression  oblirpie  en  rapport  avec  la  forme  conique  du  monu- 
ment. Elle  occupe,  immédiatement  au-dessous  du  bandeau, 
les  quatre  cinquièmes  du  fût  dont  elle  contourne  assez  la  courbe 
pour  que  le  regard  du  lecteur  ne  puisse  embrasser  qu'une 
partie  du  texte  à  la  fois. 

L'estampage  en  a  été  levé  sur  l'original  avec  un  soin  qui 
dénote  une  certaine  expérience.  Mais  le  manque  de  souplesse 
d'un  foi't  papier  à  dessin  et  l'emploi  du  tampon  d'étoffe  frotté 
de  plombagine  ont  donné  au  pro61  des  caractères  gravés  et 
principalement  des  fleurons  de  remplage  un  aspect  trop  flou 
pour  que  l'œil  en  puisse  aisément  deviner  les  épaisseurs.  Ce 
genre  d'estampage,  si  l'on  ne  se  hâte  de  passer  l'épreuve  au 
fixatif,  comme  c'a  été  ici  le  cas,  finit  toujours  par  produire 
l'effet  d'un  estompage.  Ces  inconvénients  ne  font  le  compte  ni 
de  la  paléographie  ni  de  l'épigraphie.  Quelque  bonne  épreuve 
photographique  est  de  beaucoup  préférable  pour  la  reproduc- 
tion exacte  des  reliefs,  ou  encore  un  estampage  obtenu  au 
moyen  du  classique  et  spécial  papier  de  chiffon  bien  imbibé 
d'eau,  tamponné  à  la  brosse  et  séché  à  fond  sur  l'original, 
dont  on  obtient  ainsi  un  véritable  moulage,  plus  ou  moins 
épais,  rigide  et  indélébile,  suivant  le  nombre  de  feuilles  sur- 
estampées. 

Estimons -nous  heureux  cependant  en  constatant  que  le 
champ  des  intervalles,  n'ayant  été  que  légèrement  touché  par 
le  frottis,  grAce  sans  doute  à  la  saillie  des  caractères,  sinon  à 
l'habilelé  de  l'opérateur,  la  plus  grande  partie  de  cette  inscrip- 
tion n'en  paraît  que  plus  sombrement  teintée. 

Soit  à  cause  d'une  détérioration  accidentelle,  âoit  que  le 


252  OCTOBRE-DÉCEMBRE    1922. 

tampon,  promené  tout  d'abord  de  haut  en  bas  sur  la  gauche, 
se  trouvât,  pour  commencer,  mal  imprégné  de  mine  de  plomb, 
les  deux  derniers  mots  des  lignes  i  et  a  et  la  dernière  lettre 
des  lignes  5  et  6  ont  pour  ainsi  dire  complètement  disparu. 
Ce  ne  sont,  au  surplus,  que  des  défectuosités  sans  conséquence 
pour  le  bon  déchiffrement  de  l'épigraphe,  dont  le  texte,  faci- 
lement rétabli  en  ses  points  obscurs,  est  ainsi  conçu  : 

[y\>^^  yû^  .  JMI  v^^  Jl/i)l      6 
vXg-ifcj  yi>^  .  AjLy.jjî^  ^Aj!^'j^  j^     11 

J^*«;    )  J^    y!^    ^i    >iî    ^J]^  i)l         19 

[aMÎ  a^^  _  L^  J^j  i^     i5 

1  Au  nom  du  Dieu  clément  et  miséricordieux l  \Que  Dieu  hénissê\ 

2  le  Prophète  Mohammed  et  sa  famille  et  leur  donne  le  Salut  ! 

[Il  est] 


\'S 


,  '\1l  VStTiH        y; 

*    .-    t  •  ■  k  . 


l  ' 


1.  Epitaphe  d'Abu  Kàmil  Alimad  !••  Garde-chemins. 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  255 

3     le  Créateur  de  toule  chose,  le  Maître  de  tout  ce  qui  vit;  Celui 

qui  use  tout 
k     ce  qui  est  nouveau  '^'  e^  fait  rentrer  dans  le  néant  tout  ce  qui 

est  engendré^-^ \  le  éeul  dont  l'Eternité  soit  l'essetice 
o     et  qui  demeurera  après  chacun  (de  nous);  Celui  qui  compte 

6  les  actions  et  écrit  les  destinées  (des  hommes).  //  est  le  Grand;, 

7  le  Sublime.  —  Ceci  est  le  tombeau  d'AniUAD,  fils  d'Asv  Ibrâ- 

8  ni  M,  fils  dAnû  "^Arràda,  le  Garde-chemins , 

9  connu  sous  le  nom  d'AnC  Kâmil,  qui  mourut  dans  la  nuit  du 

Jeudi , 

10  la  dernière,  celle  du  vingt-neuf  de  Safar,  l'an 

1 1  quatre  cent  trente  et  m«'^',  attestant  lui-même       » 

1-2  quil  nest  pas  d'autre  dieu  que  Dieu,  que  Mohammed  est  l'En- 
voyé 

i3  de  Dieu,  que  le  Jardin  (du  Paradis),  le  Feu  (de  l'Enfer), 
la  Résurrection  et  la 

ih  \Jialance  (du  Jugement  dernier) ^^^  sont  la  Vérité  même. 
«Certes,  l'Heure  viendra, 

i5  il  n'y  a  pas  à  en  douter '^l»  —  Qu  Allah  lui  fasse  miséri- 
corde !j 

'■'  Eulre  autres  choses,  le  jour  et  la  uuit,  c'est-à-dire  les  deux  temps  qui 
se  renouvellent  sans  cesse  ylj^jj^. 

<'^'  Paraphrase  de  :  trTout  ce  qui  est  sur  celte  terre  passera  dans  le  néantn, 
yli  I4lic  ^  JJ^ {Coran,  lv,  26). 

(')  Cette  date  répond  au  ai  novembre  1089  de  J.-Chr-,  d'après  les  Ver- 
jjleiclniiiirs-Tabcllen  (1er  inohniniiietbtiiiHcheii  und  chrisl.lichen  Zeilrecknuiig  de 
F.  VVusTENrKLi),  Li'ipzijf,  185/4,  p.  18. 

''')  Jannat  el-Firdaus,  cf.  Coran,  xviii,  107.  Le  Coran  mentionne  huit 
paradis,  chacun  sous  un  nom  difléreut.  A«r  el-Jahaimatn,  cl.  Coran,  u,  aa. 
La  llidance  dans  laquelle  est  pesée  la  valeur  des  (ouvres  et  même  des  pensées, 
et,  au  figuré,  rexamen  et  l'évaluation  qui  auront  lieu  au  jour  du  Jugement-, 
cf.  Coran,  xxi,  l\q-lx%.  Une  balance  figure  comme  symbole  parmi  les  ornements 
sculptés  de  quelques  palais  ou  mausolées  d'em[)ereurs  Mongols  de  rindc.  Voir 
D'  G.  Le  Bon,  Les  momimcnln  de  l'Inde,  Paris,   i8ij;i,  p.   i85,  pi.  •J79. 

'■■'•''>  Coran,  xi, ,  61.  (ieLle  annonce  de  Tlicure  suprôme  rovieuL  plusieurs  fois 
dans  le  Coran  :  xvm,  20;  xxu,  7;  xlv,  3i-,  uv,  i.  CI".  P.  Casanova,  Mohammed 


•2ô()  OCTOBRK-DKCEMRRK    1922. 

La  paléographie  de  cette  inscription  est  fàtimite;  la  date 
ferait-elle  défaut,  qu'on  ne  pourrait  s'y  tromper.  On  retrouve 
ici  la  plupart  des  trails  pai  liculiers  au\  grandes  et  petites  in- 
scriptions, historiques  et  autres,  d'une  période  brillante  qui 
s'étend  du  milieu  du  x"  siècle  à  la  fin  du  x^^  Ainsi,  la  queue 
des  lettres  finales  ou  isolées  ci,  ,jj,  -  (deux  fois  sur  quatre) 
et  ^J  —  mais  non  ^  et  ),  exception  rare  —  se  recourbe  en 
demi-orbe  et  se  dresse  en  une  hampe  verticale  épanouie  au 
sommet;  en  outre,  le  champ,  au-dessus  des  lettres  basses,  est 
semé  par  endroits  du  fleuron  formé  par  le  rapprochement  de 
deux  palmettes  accolées,  qu'on  pourrait  prendre  pour  quelque 
fleur  de  lis.  Ces  particularités,  qui  ne  se  manifestent  que  timi- 
dement jusqu'alors,  se  généralisent  à  partir  de  cette  époque, 
constituant  les  premières  caractéristiques  de  l'écriture  si  im- 
proprement et  si  longtemps  décorée  depuis  l'erreur  de  Golius 
(1596  ti66())  du  nom  de  coufique  carmatliujue,  désormais 
dénommé  fâtimhe.  à  juste  titre,  et  qui  n'est,  en  somme,  qu'une 
série  de  variétés  du  coufique  primitif. 

Cette  jolie  inscription  offre  d'autres  traits  significatifs  dans 
leur  originalité.  Par  exemple,  les  hampes  des  lettres  J^,  d)  et 
le  trait  essentiel  des  signes  en  ^  aff'ectent  la  courbe  gracieuse 
d'un  col  de  cygne,  dessin  que  l'on  remarque  aussi  dans  le 
corps  du  »  initial  ou  médian  (1.  6,  '7,  8,  11),  ce  qui  doime  à 
cette  lettre  un  grand  cachet  d'élégance.  Le  b  a  sa  boucle 
ouverte,  ainsi  que  le  li),  et  la  différence  qu'il  y  a  entre  eux  ne 
consiste  guère  que  dans  le  dessin  du  jambage  supérieur  (1.  10, 
le  quantième  du  mois).  Au  contraire,  la  boucle  en  retour  du  J 
final  est  réduite  la  plupart  du  temps  à  sa  plus  simple  expres- 
sion, ce  qui  risque  de  le  faire  confondre  avec  1  final.  Le  *  est 
un  anneau  placé  au-dessus  de  la  ligne.  (îomme  à  l'accoutumée, 

et  lu  fin  du  monde,  l'aris,  1 1)  i  1,  pasmiii.  —  C'est  d'aprùs  imo  inscription  tumii- 
lalre  inédite,  datée  de  l'an  !!8i  (897),  et  dont  j<'  possède  un  hou  estampage, 
que  je  reconstitue  la  tin  de  l'épitaphe  d'Ahu  kâniil. 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  257 

le  ^  OU  i  médian  reste  motif  à  décor;  c'est  une  baie  d'euca- 
lyptus stylisée.  Enfin  le  ^^  final,  avec  son  appendice  rectiligne 
plus  ou  moins  allongé  sous  le  mot,  semble  calqué  sur  la  même 
lettre  dans  l'inscription  du  Miqyàs,  tandis  que,  isolé,  il  affecte 
une  forme  étirée  peu  commune,  une  sorte  de  crosse  (1,  5  ,  i  i  ), 
dont  je  trouve  la  réplique  dans  une  inscription  de  pierre  tom- 
bale égyptienne  datée  de  à'jo  (1077),  où  le  caractère  fâtimite 
est  traité  d'après  une  conception  identique^". 

On  remarquera  de  quelle  façon  ingénieuse  et  décorative  le 
graveur  a  fait  grimper  le  long  de  la  marge  la  seconde  moitié 
du  mot  «x^j,  parce  qu'il  manquait  de  place  pour  l'inscrire 
tout  au  long  en  fin  de  ligne  et  qu'il  n'avait  pas  la  ressource  de 
le  couper  en  deux  comme  pour  les  mots  <Sj^\  (1.  4-5),  r<\^î^î 
et oj-*ii  (1.  7-8-9),  (^*x^l  (I.  10-ii),  Jjj.^Vi}  [\.  i3-i^).  Ce 
n'en  sont  pas  moins  des  négligences,  probablement  dues  à 
une  esquisse  peu  poussée  et  qu'on  ne  rencontre  guère  dans 
l'épigraphie  de  haut  style. 

Parmi  les  accidents  signalés  tout  à  l'heure  :  mots  ou  lettres 

manquant  à  l'appel,  d'ailleurs  restitués  dans  la  transcription, 

*  .  .  .  * 

le  mot  ^AAa^î  (1.  5  in  fine)  reste  visiblement  écrit  Laaii.î.  C'est 

une  de  ces  fautes  contre  l'usage  établi  que  l'on  relève  assez 
souvent  datis  les  vieux  textes  funéraires  et  qui  ont  toutes  les 
apparences  de  graphies  archaïques  traditionnellement  et  spé- 
cialement conservées  dans  le  corps  de  métier  des  sculpteurs 
calligra[)lies. 

Au  résumé,  l'écriture  de  cette  épilaphe  est  d'un  bon  ciseau 
de  brodeur  sur  pierre  et  d'une  époque  qui  fait  date  dans  l'his- 
toire de  la  paléographie  arabe  :  couficpie  élégant  dans  ses 
courbes,  élancé  dans  ses  hautes  lignes,  distingué  dans  son 
allure,  aussi  éloigné  de  la  sévérité  du  premier  stade  (pie  des 

(')  Pit'cc    irK'ilite   de   ma  coilcdion   :   jjravuro  011   croux,  stèle  au  nom  de 
Mosiim  ,  allraiiclii  de  Runaiyu  ibnal  (sic)  Moliammad  beu  Ij-^ji^. 

XX.  i^ 


•258  OGTOBHE-DECEMBRE    192-2. 

afféteries  du  dernier,  sans  appendices  superllus,  sans  autre 
décor  de  fond  que  des  motifs  de  reniplage  tels  que  fleurons 
de  deux  ou  trois  sortes,  ou  lettres  évadées  de  leur  groupe 
comme  i,  ^  et  ^  (1.  à,  i  i,  la).  Si  l'on  cherche  un  point  de 
comparaison,  il  faut  se  reporter  à  l'inscription  dédicatoire  du 
mihrâb  offert  par  le  calife  el-Amir  à  la  mosquée  El-Azhar'^', 
panneau  de  bois  sculpté  en  i  i  'j5  '^l  (j'est,  de  part  et  d'autre, 
à  quatre-vingt-six  ans  d'intervalle,  du  pur  coulique  fàtimite, 
conçu  et  exécuté  d'après  les  traditions  classiques. 

Le  texte  de  cette  inscription  donne  matière  à  plusieurs 
observations  diversement  intéressantes. 

Si  les  deux  pronuèrcs  lignes  n'olTrent  rien  que  de  commun 
à  toutes  les  inscriptions  de  celte  espèce,  le  couplet  doxologique 
qui  vient  immédiatement  après  l'invocation  liminaire  mérite 
du  moins  une  mention.  Il  est,  en  effet,  composé  de  huit  à 
neuf  phrases  brèves,  en  prose  rnnée,  en  style  lapidaire,  sorte 
de  prière  parfumée  de  littérature  eulogique.  Or,  en  pareil  cas 
et  à  cette  époque,  ce  sont  des  clichés  extraits  du  Coran  qui  font 
tous  les  frais  du  libellé,  et  nous  nous  trouvons  ici  plus  près  de 
la  Chine  que  des  terres  métropolitaines  de  l'Islâm. 

La  colonie  arabe  du  (iampa  à  laquelle  appartenait  notre  Abu 
Kâmil  er-Rahdâr  devait  donc  avoir  une  certaine  importance, 
à  en  juger  par  ce  fait  qu'on  y  trouvait,  pour  faire  passer 
d'humbles  noms  à  la  postérité,  un  lapicide  habile  et  un  rédac- 
teur d'épitaphes  congrument  lettré,  l'un  complétant  l'autre 
avec  bonheur,  à  moins  que  les  deux  talents  ne  fussent  réunis 
chez  un  seul  et  même  artisan. 

Les  noms  et  filiation  du  défunt,  un  inconnu,  ne  nous  disent 

'')  (lonsurvé  au  Musoc  arabe  du  (Jairc.  Cf.  CaUdogue,  p.  8i;  P.  Ravaisse, 
Sur  trois  uiifiràbs  en  bois  sculpté  (^Mémoires  de  l'Inst.  égyptien,  t.  II,  Caire, 
t888);  M.  VAN  Bbuchrm,  dorptu  intcr.  arab.  (Mém.  de  la  Mission  archéol.  fran- 
i^aise  au  (Àtire,  t.  XIX,  losc  iv^  p.  032  et  lasc.  i,  pi.  aa). 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUKS  DU  CAMPA.  259 

rien  qui  vaille.  C'était  sans  doute  un  colon  venu  d'Occident, 
de  la  Perse  semble-t-il,  pour  chercher  fortune  à  l'orée  de 
l'Extrême-Orient,  plutôt  qu'un  fils  d'émigrés  installés  là  depuis 
une  ou. plusieurs  générations.  Le  inoindre  nom  ethnique,  si, 
par  un  heureux  hasard,  il  avait  été  mentionné  à  la  suite,  aurait 
singulièrement  satisfait  notre  besoin  de  savoir. 

On  voit  toutefois  que  son  aïeul  est  nommément  désigné  sous 
le  sobriquet  inédit  de  »i.V^  jjl  ou  »it-fi^l  ou  encore  àfitlfi^i, 
car  le  coufique  nous  laisse  le  libre  choix  entre  ces  trois  lec- 
tures. C'est  un  de  ces  noms  complexes  si  fréquents  dans  l'ono- 
mastique arabe  et  qui  doivent  leur  origine  à  une  particularité 
extérieure  considérée  comme  caractéristique '^l  Ghamda  est 
une  espèce  de  champignon  ou  de  truffe;  'Arâda,  une  sauterelle 
pondeuse;  Wrràdn ,  une  baliste,  machine  de  guerre  plus  petite 
qu'un  Mayyrtm^  ou  mangonneau'-l  De  ces  trois  kunija,  laquelle 
fut  appliquée  au  grand-père  d'Abù  Kàmd  Ahmad? 

L'embarras  du  choix  n'imphque  pas  la  liberté  d'indiffé- 
rence. On  se  rend  aisément  compte  de  ce  que  peut  valoir  la 
combinaison  du  mot  à  tout  faire  Abu  avec  les  deux  premiers 
de  ces  trois  mots-charades.  Pour  rester  dans  la  vraisemblance 
en  écartant  l'absurde  et  le  ridicule,  supposons  donc  qu'au  lieu 
de  s'être  vu  affligé,  de  son  vivant,  d'on  ne  sait  quel  travers, 
quelle  tare  physique,  quelle  manie  le  particularisant,  ce  brave 
musulman  exerça  un  métier  touchant  de  près  ou  de  loin  à  l'art 
d'assiéger  les  villes,  places  et  châteaux  forts  qu'il  ne  fut  peut- 
être  pas  ingénieur,  mais  servant  do  pièce,  et  lisons  Abu 
'Arrâda,  c'est-à-dire  «l'homme  à  la  baliste 75,  un  soldat. 

Dans  cette  hypothèse,  Abu  KâmU  aurait  presque  de  qui 
tenir  :  hii-même  était  gendarme  ou,  j)our  ne  pas  trahir  le  sens 
exact  du  mot  rahdàr  inscrit  sur  sa  tond)e,  il  était  «garde-che- 

(''  Cf.  VV.  AI.utçAis,  Textes  aruben  de  Tiuigi'i;  Piiris,  1911,  p.  ii38-a39. 
(^)   Dans  M.  IIaiiï.m.vnn,  Liedcr  der  lijbisclien    Wûsle,  'Arràda   est  une   K{ja- 
zcllen.  Cf.  W.  Mariiais,  l.  c,  p.  ;}78. 

18. 


260  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

mins».  C'est  un  mot  composé  persan,  mais  arabisé  au  moyen 

d'une  suppression  de  lettre  :  ^!*xd>j  au  lieu  de  ^b  Ȕ^(''. 

Nous  savons  par  Ibn  el-Athir  qu'il  y  avait  à  Bagdad,  et,  par 
Edrïsï,  à  Lorca,  un  quartier  dit  des  Rahâdira^'^K  Cependant, 
cette  institution,  empruntée  par  l'administration  arabe  à  la 
Perse,  était  née  pour  ne  survivre  qu'en  Perse,  Au  xvif  siècle, 
le  P.  Raphaël  du  Mans  et  Chardin  nous  la  représentent  comme 
très  florissante.  «  Ces  rahdars,  dit  le  premier,  constitués  d'ordi- 
naire aux  lieux  des  passages  nécessaires,  aux  anfractes  des 
montagnes,  là  où  il  faut  passer  par  nécessité,  ont  été  institués 
pour  garder  les  chemins ...  Ils  sont  assez  fréquens  sur  les 
chemins  qui,  icy  en  Perse,  sont  des  destroits  par  lesquels  il 
faut  passer  de  nécessité,  de  sorte  que  la  Perse  est  une  très 
grande  prison  d'où  l'on  ne  peust  pas  eschapper  et  s'enfuir, 
supposé  qu'il  y  aie  recommandation  de  vous  arrester '^l  ??  Et 
Chardin,  à  propos  d'une  histoire  de  brigands,  ne  manque  pas 
de  parler  de  ces  préposés  à  la  sûreté  des  pistes  persanes  :  «Les 
ralulms  sont  des  gardes  de  grands  chemins,  comme  des  archers 
de  la  prévôté.  Il  y  en  a  par  tout  le  royaume,  dans  les  villages 
et  dans  tous  les  caravansérails .  .  .  Ces  gardes  de  grands  che- 
mins donnent  tous  bonne  caution  en  entrant  en  ofïice.  Ils  ont 
un  prévôt  qui  doit  aussi  répondre  de  leurs  personnes,  et  comme 
ils  ne  font  qu'un 'corps  en  chaque  canton,  ils  se  connaissent 
tous.  Du  reste,  ils  subsistent  par  la  levée  d'un  petit  droit  sur 
les  marchandises  '*l  » 


''^  \'ui.i,i;iis,  LexicoH  jH'rsictiHi  :  'r,b  »!, ,  \iam  tenons,  oocupans;  met.  l'ur, 
lutro,  vifc  cuslos,  s.  put)licaniis  ijiil  vcclifjalia  accipil».  Gendarme  et  voleur 
de  jjrands  chemins,  ce  cumul  a  été  lunjjlctnps  de  rèjjle  en  Orient.  Au  Maghreb, 
relidâr  subsiste  avec  le  sens  de  ffbri{jaii<l^.  (  Ueiiseignemenl  oral). 

''->  Ci.  Dozv,  Supplément  aux  dictionnaires  arabes,  1,  p.  '19G. 

'•')  Estai  présent  de  la  l'erse  en  iGOo,  par  le  Père  RAPiiAiii.  du  Mans,  publié 
et  annoté  par  Ch.  Schkfkii,  Paris,  i<S()0,  p.  a'iG  {Pul/licalii)ns  de  l'Ecole  des 
L.  0.  F.,  a'  série,  vol.  XX). 

'*'    ^  oijujjes  du  Chevalier  Cliardin  en   l'erse  et  autres  lieux  de  l'Orient,  édités 


DEUX  INSCRIPTIONS  COI  FIQUES  DU  CAMPA.  261 

Aujourd'hui,  l'institulion  des  râhdârs  semble  avoir  subi 
quelques  modifications  assez  importantes  :  ils  ne  gardent  plus 
que  certains  passages ,  et  c'est  uniquement  en  qualité  de  péagers. 
Ainsi  la  route  ouverte  par  les  Russes  entre  Recht  et  Téhéran 
est  jalonnée  de  postes  de  râhdârs  chargés  de  percevoir  au  nom 
du  gouvernement  un  droit  de  passage  par  tête  de  voyageur  et 
d'animal  de  bat. 

On  est  amené  dès  lors  à  se  demander,  d'ailleurs  sans  le 
moindre  espoir  de  solution,  si  cette  institution  florissait  au 
royaume  des  Cams  au  xf  siècle,  si  Abu  Kâmil  mourut  dans  ce 
pays  comme  il  y  remplissait  la  charge  de  garde-voies  et  com- 
munications, ou  s'il  n'était  pas  un  ancien  râhdâr  ayant  servi, 
non  en  Egypte  —  car  là,  autant  qu'on  sache,  il  n'a  jamais  été 
question  d'une  police  de  ce  genre,  surtout  sous  cette  appella- 
tion —  mais  soit  en  'Iraq,  soit  en  Perse,  d'où  il  serait  venu  au 
Campa,  où  nous  le  retrouvons  poussière,  au  pied  d'un  cippe 
enturbané,  marqué  à  son  nom. 

Quoi  qu'il  en  ait  été,  on  ne  peut  qu'être  surpris  de  voir 
mentionnée  de  la  sorte  et  dans  une  contrée  aussi  excentrique 
une  institution  dont  il  est  si  peu  fait  état  chez  les  auteurs  arabes 
jusqu'à  l'époque  des  Séfévis  de  Perse. 

Il  ne  me  reste  plus  qu'à  examiner  la  date  de  la  mort  de 
notre  Râhdâr,  et  c'est  vraiment  à  ce  sujet  que  je  puis  parler 
de  surprise  et  d'excentricité. 

(jette  date  est,  comme  d'habitude,  écrite  en  toutes  lettres 
quant  à  l'année,  soit  /i3i  de  l'Hégire  (du  28  sept.  1089  au 
1 1  sept,  lo/io).  Mais  le  quantième  du  mois,  qui  est  celui  de 

par  Lanclks  (Paris,  1811,  10  vol.  et  atlas),  t.  VI,  p.  i24  et  128.  Cf.  Théve- 
NOT,  Voiinges  au  Levant  (Paris,  1 603 ,  H  vol.),  l.  Il,  p.  ia/i;  Taveknier, 
Voyaires  vit  Turquie,  vu  Prise  et  aux  Indes  (Paris,  1679,  3  vol.),  t.  II, 
p.  ()8o-()80  :  HiiHNiiAUEii,  Méiniiire  sur  les  iiislltiillons  de  pulice  chez  les  Arabes, 
les  l'eisa)is  et  les  Turcs,  dans  Journal  Asiiiliijue.  juin  1860,  p.  507. 


262  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

Safar,  est  indiqué,  conirairement  à  l'habitude,  par  un  sem- 
blant de  substantif  fallacieusemenl  précédé  de  l'article  :  iaX3l. 
Or,  il  s'agit  en  l'espèce  non  d'un  substantif,  mais  d'un  nombre 
en  lettres  à  valeur  numérique  :  el-Kâfiâ,  c'est-à-dire  cl  le  9953 

Ainsi,  par  une  dérogation  tout  à  fait  exceptionnelle  aux 
usages  en  cours  dans  tous  les  pays  d'Islam,  le  rédacteur  de 
l'épitaphe  a  chiffré  son  quantième  d'après  le  système  archi- 
séculaire  de  YAhujed,  au  lieu  de  le  faire  en  toutes  lettres.  Ce 
n'est  pas  que  la  chose  en  elle-même  soit  tellement  étrange, 
puisque  les  astronomes,  les  mathématiciens,  les  savants  (comme 
Birùni,  qui  meurt  en  io/i8),  les  marchands  et  même,  parfois, 
les  littérateurs  ne  se  servaient  pour  leurs  calculs,  leurs  comptes 
ou  leurs  signatures  d'auteurs  et  leurs  hémistiches-devinettes 
que  de  ces  chiffres-lettres  —  les  seuls  d'ailleurs  que  les  Arabes 
eurent  à  leur  disposition  jusque  vers  la  fin  du  x"  siècle  —  et 
puisqu'ils  en  tiraient  un  parti  presque  aussi  avantageux  que 
nous-mêmes,  à  partir  du  \uf,  des  chiffres  dits  arabes 'i'.  Mais 
ce  que  l'on  ne  conçoit  pas  très  bien,  c'est  la  raison  pour 
laquelle  il  a  cru  devoir  consacrer  une  ligne  entière  de  quatre 
mots  à  l'unique  fm  d'indiquer  l'année,  alors  qu'il  pouvait  éco- 
nomiser son  temps  ei  sa  peine  en  finissant  avec  liois  lettres  ce 
qu'il  avait  commencé  avec  deux.  Cela  peut  n'être  qu'une  fan- 
taisie sans  conséquences,  un  caprice  sans  lendemain,  ou  un 
essai  d'artiste  hésitant  entre  les  deux  systèmes  de  notation  :  on 
ce  cas,  cette  inscription,  spécimen  unique  en  son  genre,  prend 
une  valeur  inattendue.  Mais  on  peut  aussi  imaginer  que,  dans 
la  corporation  (h^s  lapicides  arabes  installés  au  Campa,  il  y  en 
avait  un,  un  seul,  au  v"  siècle  de  l'Hégire,  qui  usait  de  ce 
moyen    orifjinal   et  anonyme  pour  distinguer  son  œuvre  de 


('^   Cf.   B""   (iAiiiiA    UK    \aii.\,    Les   Penseurs  de   ri.shnii    (l*uris,  iQ:!!,    2  \i)l. 
parus  clicz  CluiIIiiici',  in-ia),  t.  Il,  p.  loy  cl  siiiv. 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  C\\\V\.  "Jfi^ 

celui  de  ses  compagnons;  ou  que,  tout  au  contraire,  celait  un 
usage  établi  parmi  la  corporation  de  dater  les  obituaires  de 
pierre  en  recourant  à  XAbujed.  Quoi  que  l'on  conjecture,  des 
rechercbes  archéologiques  s'imposent,  qui  peuvent  cbnduire 
dans  un  sens  ou  dans  l'autre  à  quelque  découverte  d'un  intérêt 
capital  à  tous  les  égards. 

Ce  quantième,  el-Kâftd,  exprimé  d'une  façon  si  exception- 
nelle, se  trouve  précédé,  dans  l'inscription,  du  mot  l*Jt  qui 
l'annonce,  en  confirme  l'exactitude  et  pourrait,  à  la  rigueur, 
suffire  à  fixer  le  jour  de  la  mort  d'Abû  Kâmil.  Ce  mot  sivr,  pro- 
prement «chose  cachée,  voilée,  secrètes  ( variantes ^t-l,  ^--1), 
d'un  emploi  courant  dans  les  textes  de  droit,  par  exemple  à 
propos  du  jeûne,  peut  être  considéré,  dans  le  domaine  épigra- 
phique,  comme  un  d7:a^  'keyoïxevov. 

Les  Qâmûs  nous  apprennent  que  l'ensemble  des  trois  der- 
nières nuits  sans  lune  d'un  mois  lunaire  de  2  g  ou  de  3o  jours 
est  désigné  en  arabe  par  le  terme  maJulq  ^^t^^^'  «obscurité 
complètes.  En  outre,  chacune  de  ces  trois  nuits  porte  un  nom 
particulier  : 

la  première,  ou  troisième  avant -dernière  nuit,  s'appelle 
Leda  dajà  Jj^:>  *LJ  r  nuit  noire  »  ; 

la  seconde,  ou  avant-dernière  nuit,  s'appelle  Lcilal  es-Sarâr 
jI^mJI  xUÎ  «nuit  d'invisibilité 55  (nuit  de  lune  cachée); 

la  troisième  et  dernière,  LeUat  el-Falta  HjôJi}]  àJUJ  çcnuit  de 
soudaineté  (?)  v  '-', 

Sans  doute  parce  qu'elle  est  un  peu  méticuleuse,  cette  clas- 
sitication  donne  lieu  chez  les  auteurs  à   quelque   désaccord. 

(')  iVUs'ODi,  L,e*  Prairie»  d'Or,  publ.  oL  Irad.  par  Biiuiiiiii  di;  .AIkïnabd, 
l.  III,  p.  43o.  aLe  terme  mohàq  s'appli(jue  à  la  lune  lorsuuclle  nV-st  pas 
éclairée  par  le  soleil.» 

'^)  Voir  W.  Lank,  An  Ànihic-l'jiiglisli  Lo.vicon,  s.  v"  =     . 


264  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

Ainsi,  ce  qu'on  appelle  jft->-J!  ^tj*«  ou  a^i-w  «le  sarâr  du  mois  55, 
serait  pour  les  uns  la  dernière  nuit  du  mois,  celle  du  29  ou 
celle  du  3o;  pour  les  autres,  l'avant-dernière,  celle  du  28  ou 
celle  du  29,  selon  le  mois;  ou  bien  encore  c'est  la  nuit  au 
commencement  ou  à  la  fin  de  laquelle  le  croissant  de  la  lune 
est  rendu  invisible  par  la  lumière  du  jour  qui  décline  ou  qui  se 
lève  ^^\  Ces  divergences  d'opinions  s'expliquent  par  le  fait  bien 
connu  pour  être  fréquent  et  que  les  lexicographes  ont  bien  soin 
de  noter,  que  l'absence  totale  de  lune  ou  sarâr  peut  durer  aussi 
bien  une  nuit  que  deux  nuits,  celles  par  conséquent  qui  pré- 
cèdent Tapparition  du  croissant  au  premier  jour  d'un  mois 

lunaire,  jour  appelé  J^^^-*-*  mustahall ,  parce  qu'il  est  témoin 
de  la  première  apparition  du  hllâl  J>U>  ou  croissarit.  On  va 
même  jusqu'à  dire  que  sirr  et  mustahall  sont  synonymes'-'  : 
c'est  une  question  d'heures.  Baïhâqi  cependant  dit  formelle- 
ment dans  son  Sahïh  que  aie  sirr  du  mois  ne  désigne  pas  autre 
chose  que  la  fin  du  mois»,  entendant  par  là  la  journée  ou  les 
deux  journées  au  cours  desquelles  la  lune  reste  invisible,  est 
cachée,  uilasarrnr  el-Qamar'^K 

Ces  renseignements  sont  d'autant  plus  intéressants  qu'ils 
vont  nous  aider  à  élucider  un  point  cjui  ne  paraît  pas  très  clair 
au  premier  abord.  Il  s'agit  des  mots  :  «il  mourut  la  nuit  du 
jeudi»  (j*»^!-«.=i  *XJ  j,ys,  par  lesquels  débute  l'énoncé  chrono- 
logique de  l'épitaphe,  car  ils  constituent  une  donnée  contre- 
dite par  les  Tables  de  concordance  de  Wûstenfeld,  qui,  pour 

fO  Lisàn  el-'Arab,  VI,  p.  21-32  :  j,j.^CiJ]  ^y^  Ji*V'  37***^  *^  r^'  y*J* 
(^)  FïRCziBÂDl,  QâmRs,  II,  p.  !ii>  et  ^6  infne  :  —  »^)  ^1  *4^l  J-^j:*»^  Z-vJl 

W  DuiT  en-Nallûr  (n'-sumô  de  la  Ntliâijnl  fi  ghai-lb  el-Hadîth  d'Iim  el-Athïii), 

p.    157,  s.  V"  j-u-  :  *-J  J>l,)   \J>\j  ti-~L.)   Sy^  y!   .^ysis-Jl   kJ^.1,  i  jL^^I   J'o  c^ 


DEUX  INSCRIPTIONS  COLFIQUES  DU  CAMPA.  265 

nous,  font  autorité.  Ils  ont  donc  besoin,  comme  les  mots  qui 
les  suivent  et  qu'on  vient  (rexaminer,  d'une  courte  explication, 
qui  sera  d'ailleurs  la  dernière. 

D'après  ces  Tables,  le  99"  jour  du  mois  de  Safar  à'S  i  com- 
mence le  mardi  soir  20  novembre  io3c)  au  coucher  du  soleil 
et  s'achève  vingt-quatre  heures  après,  pour  faire  place  au  1" 
du  mois  suivant,  Rabi'  el-Awwal. 

Or,  le  texte  de  notre  inscription  signifie  :  il  mourut  entre  le 
mercredi  soir  et  le  jeudi  matin,  dans  la  2 g"  et  dernière  journée 
de  Safar,  soit  le  2  1  novembre. 

Il  y  a  donc  une  différence  d'un  jour  plein  entre  le  comput 
des  Tables  de  Wiistenfeld  et  celui  qui  était  en  vigueur  à  cette 
époque  en  Annam.  D'où  vient  cette  variation? 

On  sait  que  dans  le  calendrier  musulman,  qui  suit  unique- 
ment le  mouvement  lunaire,  le  commencement  de  chaque 
mois  n'est  pas  fixé  d'avance,  mais  déterminé  par  le  témoignage 
de  deux  personnes  dignes  de  foi  qui  déclarent  avoir  aperçu  des 
premiers  le  croissant  de  la  lune  du  mois  nouveau.  Rien  n'est 
plus  arbitraire,  rien  de  plus  sujet  à  caution,  puisque  la  lune 
peut  être  vue  un  jour  ou  deux  plus  tôt  ou  plus  tard,  suivant 
l'habileté  de  l'observateur,  l'état  du  ciel,  l'étendue  de  l'horizon 
et  la  situation  des  localités.  Voilà  une  première  raison  des 
variations  de  dates  que  l'on  remarque  chez  les  auteurs  musul- 
mans. Il  y  en  a  une  autre  qui  provient  de  ce  que,  selon  plu- 
sieurs, le  i""  Moharrem  An  i  de  l'Hégire  répond  au  vendredi 
1 6  juillet  629,  tandis  que  suivant  d'autres,  tels  que  Abu  1-Ha- 
san  'Alï  de  Merrâkes  (xnf  siècle)  et  Ulùgh  Beg  (xv"  s.),  ce 
jour  répond  au  jeudi  i5  juillet^^l  Enfin,  une  troisième  cause 
de  variation,  et  ce  n'est  pas  la  moins  fréquente,  réside  dans  le 

(''  Cf.  Francoeur,  Sur  li>  calcndrirv  drs  MalioinéluiiH,  dans  la  <!uiiiiaissaiicfi 
des  temps  pour  i8âù,  Paris,  i8'iç),  p.  1  1 1  et  suiv.;  H.  Sauvuhk  et  J.  dk  Hey- 
Pailhade,  Sur  une  mère  d'aslrolahi'  arabe,  du  xiii'  siècle  partant,  un  calendrier 
jjerpétuel  arec   concordance  musulmane  et  chrétienne ,  d&us  J.  As.,  t8i)3,  u"  5. 


266  OOTOBRK-DEnRMHRE   1<)22. 

fait  que  la  nouvelle  lune  étant  apparue  aux  premières  lueurs 
(le  Taurore,  donc  la  nuit  terminée,  le  mois  nouveau  n'entre 
en  cours  qu'au  coucher  du  soleil  qui  suit,  c'est-à-dire  le  lende- 
main, par  conséquent  avec  un  retard  très  appréciable  selon  le 
lieu  et  la  saison;  sans  compter  les  erreurs  dues  à  l'observation, 
qu'elle  soit  naturelle  ou  astronomique.  Or  il  faut  distinguer 
entre  la  nouvelle  lune  astronomique  et  celle  fixée  par  l'obser- 
vation pure  et  simple. 

Dans  le  cas  qui  nous  occupe,  la  néoménie  de  novembre 
io3q  répondant  exactement  à  celle  de  Rabi'  ?'  /i3i,  il  y  a  à 
tenir  compte,  avant  tout,  de  la  diflérence  de  temps  qui  existe 
entre  Paris,  temps  civil  moyen,  et  l'Annam,  longitude  en 
tenq)s  de  Hanoï- Batavia.  Cette  différence  accuse  un  retard 
de  6"' 55'".  C'est  à  peu  près  sullisant  pour  expliquer  Técart 
que  nous  constatons  entre  le  comput  qui  a  servi  à  Wûstenfeld 
et  celui  d'après  lequel  la  date  de  l'inscription  a  été  établie. 
Ajoutons  que  si  la  mort  d'Abii  Kamil  a  précédé  d'une  demi- 
heure  seulement  le  lever  du  soleil,  et  si  Tapparition  de  la  nou- 
velle lune  a  été  officiellement  observée  au  moment  où  le  soleil 
avait  disparu  à  l'horizon  du  lieu,  c'est  autant  d'heures  gagnées 
—  c'est  même  plus  qu'il  n'en  faut  —  sur  le  temps  incriminé. 
Au  surplus,  ce  n'est  certainement  pas  par  basard  que  Texpres- 
sion  Jl.^1  i  figure  dans  l'inscription  :  l'absence  totale  de  lune, 
Vimmhil'ilé,  avant  la  néoménie,  peut  en  effet  durer  de  i9  à 
68  heures,  comme  il  a  été  dit. 

Si  l'on  voulait  pousser  la  curiosité  plus  loin  afin  d'arriver  à 
une  solution  vraiment  scicntiliquc  de  ce  petit  problème  d'astro- 
nomie épigraphique,  on  pourrait  s'en  référer  à  la  Table  pour  le 
calcul  des  syzygîes  éclip tiques  ,  .  .  (Paris,  1 863)  de  Largeteau; 
mais  on  aurait  la  déception  de  voir  mis  en  échec  tout  le 
système  des   TnhIeH  de  concordance  connues''^.  Il  en  serait  de 

Ci  Ainsi,  d'après  les   Tables  de   VViistenfeld,  élabliee  sur  les  donuées  les 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CWIPA.  -201 

même  avec  les  Tahlca  plus  récenles  de  Schraram  et  Oppolzer 
(Soc.  astron.  de  Vienne,  1896),  pour  peu  que  l'on  veuille 
entreprendre  des  séries  de  calculs  interminables  tels  que  ceux 
auxquels  se  livre  en  toute  patience  et  compétence  le  Bureau 
des  Longitudes. 

En  somme,  cette  date  yX^  ^^  k53!  JmJï  i  u^-fi-t-^^  *W  ,  aussi 
peu  çxacte  que  possible  au  point  de  vue  astronomique,  n'a 
qu'une  valeur  opportune,  en  tant  que  fixée  par  l'observation 
naturelle,  la  plus  arbitraire  qui  soit. 

Mais  c'est  précisément  à  cause  de  cette  notation  bizarre,  à 
cause  surtout  de  la  région  excentrique  qui  est  à  son  origine, 
que  la  seule  inscription  en  caractères  coufiques  et  datée  qui 
ait  été  jusqu'à  présent  trouvée  au  (lampa,  acquiert,  semble-t-il, 
une  valeur  inappréciable. 

Il 

Un  avis  aux  MEMBRKS   de  la  colonie  MlSrLMANE. 

La  seconde  inscription  a  été,  comme  la  précédente,  estam- 
pée au  frottis  de  plombagine  sur  papier  Whatnian  et  en  exem- 
plaire unique;  et  ce  sont  aussi  les  mêmes  parages  ignorés  qui, 
vraisemblablement,  en  recèlent  l'original.  .  .  ou  ses  débris. 

A  cela  près,  elles  diffèrent  l'une  de  l'autre  d'une  manière 
absolue;  mais  le  contraste  est  tout  en  faveur  de  la  première. 

meilleures  de  chaque  système  ancien,  la  N.  L.  de  Rabï'  I"  aurait  (ïu  lieu  le 
mercredi  soir  21  novcmhre  1089.  A  queilo  lonj^itude?  C'est  ce  que  nous  igno- 
l'ûus,  et  c'est  pourtaul  un  point  d'ini[)oitance.  D'après  la  Tahlr  de  Laryeteau, 
où  les  calculs  des  phases  lunaiies  sont  rapportées  (sans  répondre  des  minutes) 
au  méridien  de  Paris,  temps  civil  moyen,  la  même  néoménie  a  eu  lieu  le  1 8  no- 
vembre à  91'' o"*,  c'est-à-dire  3  jours  moins  3  heures  plus  tôt.  Il  y  a  donc 
entre  le  comput  de  Wiislenfeld  et  les  données  ri|joureuses  de  l'astronomie  un 
écart  impressionnant,  duquel  il  résulte  que,  la  différence  de  temps  entre  Paris 
et  i'Annam  étant  de  (j*"  55"  iH',  la  N.  L.  de  Uabi'  I"  'i3i  a  (ui  lieu  en  ce 
pays  le  iç)  novembre  1089  à  3'' 55'"  i8\ 


268  OCTOBRE-DÉCEMBRE   1922. 

Autant  celle-ci  est  parlante  jusqu'en  ses  détails  et  ne  laisse 
aucune  prise  à  l'incertitude,  autant  celle-là  revêt  l'aspect  déce- 
vant des  énigmes  épigraphiques  et  déconcerte  les  plus  labo- 
rieuses conjectures. 

Et  d'abord,  elle  est  incomplète,  à  tout  le  moins  de  moitié. 
Les  côtés,  à  gauche  comme  à  droite,  ne  font  que  trop  fâcheu- 
sement défaut,  et  le  haut,  comme  le  bas,  n'est  pas  en  meilleur 
état  d'intégrité.  En  sorte  que  ce  document  est  réduit,  tel  qu'il 
nous  est  parvenu,  à  une  surface  de  o  m,  61  sur  0  m.  3o,  avec 
dix  lignes  ne  contenant  chacune  que  de  deux  à  trois  mots,  les 
uns  plus  ou  moins  tronqués  à  l'une  ou  à  l'autre  de  leurs  extré- 
mités, les  autres  pleins  et  entiers,  mais  parfois  si  hétéroclites 
d'apparence,  à  cause  de  l'ignorance  et  de  l'impéritie  de  celui 
qui  les  traça,  qu'on  a  la  crainte  de  les  voir  rester  lettres  mortes. 
Dans  un  texte  amputé  et  altéré,  où  l'enchaînement  des  idées 
est  tout  à  deviner,  qu'est-ce  que  représentent  en  arabe  des 
groupes  de  lettres  comme  i)lj^,(jjA;tf,^^  J^,^5Ajki,  et  quelques 
autres  tout  de  même  moins  abstrus,  plus  transparents? 

Ensuite,  ce  fragment  d'inscription  n'annonce  rien  qui  rap- 
pelle une  épitaphe.  L'indispensable  invocation  par  laquelle 
commence  tout  acte  public  ou  privé,  la  hasmala,  au  cas  où  la 
brisure  du  haut  ne  l'eût  emportée,  ne  prouverait  sans  doute 
pas  grand'chose;  mais  on  ne  relève  parmi  les  vingt-cinq  ou 
trente  mots  préservés  en  tout  ou  partie  d'un  plus  grand  dom- 
mage, ni  le  plus  mince  indice  de  citation  coranique,  ni  la 
moindre  de  ces  expressions  qui  relèvent  du  florilège  funéraire 
musulman,  ni  —  ceci  est  plus  grave  —  un  vestige,  un  sem- 
blant de  date  :  férié,  quantième,  mois  ou  année.  Il  y  a  bien 
des  nombres,  mais  il  s'agit  de  tout  autre  chose. 

Enfin,  nous  nous  trouvons  en  présence  d'un  coulique  fort 
laid  et,  ce  qui  est  plus  extraordinaire,  tout  à  fait  inusité,  en 
ce  sens  qu'il  est  mâtiné  de  nnshï.  Mais  je  ne  doute  pas  que  ce 
soit  purement  accidentel.  Cette  espèce  de  coufique  cursif  est 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  269 

gravée  en  creux  et  à  fleur  de  pierre  au  moyen  d'un  ciseau  de 
5  millimètres  seulement  au  biseau,  qu'un  lapicide  de  fortune, 
en  tout  cas  très  inexpert  en  l'art  de  la  sculpture  calligraphique, 
promena  à  petits  coups  de  mailloche  sur  une  table  fruste,  nul- 
lement préparée,  par  une  judicieuse  économie  des  mesures  et 
une  mise  au  point  préalable,  à  recevoir  une  longue  inscription. 
De  là,  dans  les  lignes  et  dans  les  caractères  —  dont  la  hauteur 
moyenne  est  de  o  m.  o3  — ^  un  manque  d'équilibre  et  d'égalité 
qui  n'est  pas  sans  faire  pièce  au  déchiffrement,  par  exemple  à 
la  fin  de  la  deuxième  ligne,  où  l'on  voit  deux  mots,  que  la  bri- 
sure de  gauche  écourta,  chevauchant  sans  raison  apparente. 

Faute  de  date  formellement  énoncée,  on  a  recours  d'habi- 
tude et  l'on  se  fie  à  l'examen  paléographique.  Or,  à  première 
vue,  celte  inscription  réunit  réellement  quelques  traits  d'un 
archaïsme  d'assez  bon  aloi  : 

i  final  est  souligné,  suivant  la  règle,  par  une  queue  verti- 
cale, mais  souvent  d'une  longueur  insolite,  égale  à  la  lettre 
elle-même,  au  risque  de  se  faire  prendre  pour  un  -  ou  un  J 
(1.^,3); 

^  médian  est  représenté  —  une  seule  fois  —  par  le  simple 
trait  horizontal  (1.  8); 

(j*.,  trois  petits  bâtons  légèrement  en  échelons,  est  con- 
forme à  l'ancien  ; 

p  est  annulaire,  mais  indifféremment  placé  au  milieu  ou 
au-dessous  de  la  hgne;  il  est  ouvert  et  d'ailleurs  manqué  à  la 
1.5; 

^^  médian ,  lettre  caractéristique  par  excellence  d'une  époque , 
est  ici  figuré  par  deux  demi-cercles  concentriques  reposant  sur 
le  trait  de  jonction  ;  il  esl  par  là  d'un  type  nettement  archaïque; 

Enfin  les  hanqies  des  I  et  di^s  J  ne  dépassent  que  rarement 
lu  liauleur  des  autres  lettres,  comme  dans  le  coufiquc  ancien 
du  genre  trapu. 

Ajoutons  qu'il  n'y  a  pas  trace  de  fioriture  inlerlinéairc  ou 


■270  OCTOBRE-DÉCEMBRE    192'J. 

caliigraphiquo,  sauf  pourtant  dans  le  triple  groupe  ^  (1.  fi 
et  6).  où  la  hampe  du  J  a  Tair  de  sépanouir  en  palrne;  groupe 
si  gauchement  dessiné,  d'ailleurs,  qu'on  y  peut  aussi  hien  voir 
le  »i)  ou  le  ^  initial  à  la  hampe  en  col  de  cygne  du  coufique 
fat  imite. 

Au  demeurant,  c'est  une  inscription  aussi  peu  artistique 
(|ue  possible  :  la  lettre  toute  nue,  primitive,  maladroite, 
pareille  à  un  épais  grallito.  On  écrivait  encore  ce  coufique-là 
au  IV*  siècle  de  l'Hégire,  non  certes  dans  les  grands  centres  de 
civilisation,  mais  au\  confins  du  désert  de  Svrie,  dans  l'Arabie 
du  Nord,  oii  on  en  a  relevé  des  centaines  de  spécimens.  Le 
Bédouin  qui  gravait  sur  un  pan  de  calcaire ,  avec  la  pointe  de 
sajnubît/a,  un  laconique  «Allah  ait  pitié  d'un  tel  !  »  a  souvent 
fait  mieux,  rarement  pire^^'. 

Il  existe  en  effet,  entre  les  deux  manières  de  traiter  l'écri- 
ture gravée,  une  différence  essentielle  et  très  significative  :  la 
graphie  du  nomade,  correctement  angulaire,  restait  homo- 
gène, sans  disparates;  ici .  avec  cette  graphie  sortie  d'une  région 
excentrique  et  qu'on  pourrait  qualifier  d'arabo-èame,  nous 
voyons  mêlés  aux  éléments  du  coufique  natif  d'autres  éléments 
manifestement  empruntés  à  l'écriture  cursive,  à  l'usuel  nashi. 
Telles  surtout  les  lettres  à  boucles  :  ^,  la,  (3  ou  (^  (coufique 
à  la  ligne  5)  et  y;  ^  et  i)  d'un  dessin  grossier;  ?•  initial,  s  final 
et  (^  d'une  ampleur  exagérée;  et,  dans  le  groupe  j.i  (1.  o  et 
lo),  j,  qui  n'existe  même  plus  pour  la  forme,  donnant  à 
lire  f*^. 

Or,  ce  sont  autant  d'anomalies  paléographiques  qui ,  réunies 
dans  une  seule  et  même  inscription ,  enlèvent  à  celle-ci  la  plus 
grande  partie  de  l'originalité  et  de  l'antiquité  qu'on  serait  tenté 

^'J  Cf.,  entre  autres  spécimens,  l'inscription  do  Lizdib,  du  m'  ou  iv*  siècle 
liég. ,  o  m.  88  sur  o  in.  /io,  reproduite  par  Y;in  Rercliom  dans  M.  und  A',  des 
Palaslina    Veieiiis ,    1908,    1.    MuU'iluugeu ,  Arabisclw   hmclirijïcii   ans   Syrien, 


DEUX  INSCRIPTIONS  GOtJFiQUES  DU  CAMPA.  271 

(le  lui  reconnaître.  Il  semble  réellement  que  ce  soit  ici  Touvrage 
d'un  lapicide  d'occasion  et  non  de  profession,  mieux  encore, 
d'un  indigène  du  Campa,  arabisé  depuis  peu  et  d'autant  plus 
malhabile  qu'il  ignore,  assez  pour  les  confondre,  le  coufique 
qui  se  grave  et  le  nnsln  qui  s'écrit ,  et  qu'il  est  également  novice 
dans  le  maniement  du  ciseau  et  du  qalam.  Il  n'est  même  pas 
bien  certain  qu'il  ait  su  lire  comme  il  le  faut  la  minute  en 
nashi  ou  le  modèle  en  coufique  qu'il  s'est  évertué  à  reproduire 
sur  la  pierre,  tant  son  texte  est  fautif.  Tout  cela  est  d'une  main 
non  arabe.  Ce  n'est  pas  le  naqqâs  Au  cimetière,  quelc[ue  émigré 
de  fraîche  date,  qui  eût  griffonné  une  pareille  épigrapbie. 

L'analyse  du  texte  nous  montrera,  je  crois,  que,  quel  qu'il 
fiil,  Cam  ou  Arabe,  il  a  dû  faire  son  œuvre  de  mauvais  éditeur 
à  peu  près  dans  le  même  temps  que  l'on  sculptait  le  beau 
ènJiid  du  garde-chemins  Abu  Kiïmil. 

Voici,  transcrites  en  clair,  au  moyen  des  corrections  et  resti- 
tutions que  la  simple  logique  est  capable  de  suggérer,  mais 
que  je  me  garde  bien  de  présenter  comme  péremptoires  et  défi- 
nitives, les  trop  courtes  séries  de  mots  sans  cohérence  appa- 
rente qui  composent  ce  tronçon  d'inscription  : 


liJyljjlj  *jL«  o!5AJi 1 


\    U=i    »Jy£13    Aj a 

.   ii~«^  \ila*a.« 0 


OCTOBRE-DÉCEMBRE    1922. 

^[IJ^,J[^[^:.......  e 

yWak'i  i^X^ 7 

i]_^  (jLlûX|^ 8 

^^  i}^  J^  ^ 9 

*»«    lyJ     y«-C    L^^** 10 


Ligne  1.  —  «Trois  cents  hâzâr-roh.v  Je  ne  vois  qu'un  mol 
qui  puisse  faire  calque  sur  le  groupe  ^^b,  c'est  le  persan  ^t^U 
«marché,  bazar ?7,  d'où  dérive  hâzargân  canarchand j5,  et  qui 
entre  en  composition  avec  le  mot  bâzâr-rok  :>* bâzan'ûk  signi- 
fiant dans  plusieurs  idiomes  de  l'Hindoustan  ^  argent  de  bazar  55 , 
pièce  de  monnaie  de  peu  de  valeur  en  un  mélange  de  cuivre, 
étain  et  plomb.  Cette  monnaie  de  billon  avait  cours  dans  tous 
les  territoires  continentaux  et  insulaires  des  mers  du  Sud,  depuis 
la  côte  orientale  d'Afrique  juscju'en  Extrême-Orient.  Il  en  est 
question  dans  le  Lyvro  doti  pesos  da  Ymdia.  e  assy  medidas  e 
moliedas  escriplo  em  loâà  par  Antonio  JNunez,  dont  M.  Gabriel 
Ferrand  a  donné  une  traduction  savamment  annotée  dans  son 
mémoire  sur  Les  poids,  mesures  et  monnaies  des  mers  du  Sud  aux 
xvf  et  xvif  siècles  (^Journal  asiatique,  juill.-sept.  et  oct.-déc. 
1020).  «Il  y  a  actuellement  aux  Moluqucs,  dit  Nunez,  des 
bazarucos  qui  viennent  de  l'Inde.  .  .  5o  ba:an(cos  représentent 
en  compte  tioo  caixan  (p.  89;  cf.  p.  960).  On  trouve  aussi 
une  référence  intéressante  au  sujet  de  cette  monnaie  dans  le 
Ilobsun-Jobson,  a glossary  of  culloqund  AngJo-lndian  a-ords  (a^édit., 
par  W.  Crooke,  Londres,  igoS)'^^. 

")   ]*.    iQi,  s.  y"  Btidgrook  <Z  lK(jâia-rokka  =  hâ:(it-ruka,  mol  sur  l'orijjino 
duquel  on  n'est  pas  fixé;  ou  liésile  cuire  le  maliratti  et  lo  canara.  —  Je  crois 


?~ 


'r 


XI. 


II.   Avis  iiLix  membres  (l<'  la  colonie  inusul 


manu. 


ul3 


M) 


DEUX  INSCRIPTIONS  COLFIQUES  DU  CAMPA.  275 

La  lecture  «3oo  jjiéceltes  dénommées  i)^^  ;b^"  ^^  lieu  de 
k3oo  marchands  ^jLb^^Ljj  et  surtout  de  k3oo  navires  mar- 
chands», sens  attesté  par  Dombay  et  Marcel  (cf.  Dozy,  Suppl. 
aux  dict.  arabes,  s.  v°),  semble  préférable,  vu  la  suite  de  l'in- 
scription. Il  est  probable  que  ce  terme  hybride  était  nouveau 
dans  les  pays  baignés  par  les  mers  du  Sud,  car  c'est  au 
xi"  siècle  de  notre  ère,  précisément  à  l'époque  où  cette  inscrip- 
tion, si  je  ne  me  trompe  pas,  a  été  rédigée,  que  certaines 
langues  de  l'Inde  s'imprègnent  d'éléments  persans,  notamment 
l'hindoustani,  auquel  on  donna  aussi  le  nom  turc  d'ûrdû 
«langue  des  camps ti5,  et  qui  se  forma  sous  l'influence  de  la 
pénétration  musulmane,  un  peu  avant  et  particulièrement  après 
les  expéditions  de  Sultan  Malimùd  Ghaznévï'^'. 

Ligne  2.  —  k  Vingt  ^ammâ.  .  .  »  I^L^  faute  pour  t^U^,  une 

devoir  compléter  ici  ot  amendcïr  rarticle  du  Hohsoii-.lohson  en  mettant  à  con- 
tribution ramabiiité  et  le  savoir  de  mon  collègue  M.  Jules  Blocli,  qui  a  bien 
voulu  me  fournir  les  éléments  de  la  présente  note.  1"  En  hindoustani,  le  mot 
est  Jjj  rok,  aussi  rokar,  rokrâ  (passés  en  mahratte),  avec  deux  sens  :  a  «ar- 
gent comptant,  Iiquide?5,  jS  «or,  argent,  bijoux,  etc.»  (en  tant  que  conver- 
tibles en  argent  liquide);  en  canara,  rokka  (non  *râka),  tamoul  et  malayalam, 
rukkam,  «argent  comptant,  monnaie»;  a"  en  niahralte,  rii/.a  et  rukkd,  «nion- 
naic  de  biilon  valant  1/19°  d'anna»;  en  télougou,  rakn ,  «monnaie  équivalant  au 
faïuun  tamoul  (cl.  Ilo/isoii-Jo/jgnn,  s.  v").  Ainsi,  suivant  les  cas,  deux  sens: 
1"  monnaie  en  général;  a"  monnai(;  de  biilon  de  valeur  connue.  [D'où,  cora- 
munémenl;  monnaie  propre  aux  petites  transactions,  monnaie  d'appoint,  mon- 
naie de,  marclié,  rok  de  bazar.  l,e  bazarucu  de  Nunez  parait  transcrit  d'un  liin- 
doustani  Jjnl^b  <  kiJ5^  ;'3'^"  ^^  effet,  *bâzaiTi)k  ne  se  rencontre  pas.  Si  la 
grapliie  de  rinscriplion  n'est  pas  fautive,  si  mon  décbiffrement  est  exact, 
ce  •^i)\^  ne  peut  ('Xn\  ([u'une  Iranscrifition  arabe  d'iui  hindouslani  lidzàr-rnk.^ 
(}uant  à  l'origine  du  mot,  c'est  l'erreur  des  dictionnaires  liind.  et  mahr.  de 
lui  attribuer  l'ét^-mologic!  sanskrite  roka,  mot  qu'on  trouve  bien  dans  le  Véda, 
mais  pas  plus  d'ime  fois  ou  deux  et  avec  le  sens  de  «lustre,  lumière».  Mieux 
vaudrait  raukma  «doré»,  de  rukma  «ornement  d'or»,  quoique  de  là  au  rfikâ, 
dont  la  valeur  n'atteint  môme  pas  un  liard ,  le  sens  ait  singulièrement  déchu. 
Enlin,  quant  aux  composés  imaginés  par  les  auteurs  cités  dans  le  Hohson-Job- 
son,  on  n'en  trouve  de  trace  nulle  part. 

'■'  Cf.  ll(j\Hi.AG()hii,  La  lin^uiHliquv,  Paris,  i<S8i,  p.  273. 

19- 


276  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

variante  de  a^^  poids  et  mesure  de  capacité  dont  on  faisait 
usage  en  médecine  et  qui  équivalait  à  ()  (firdt,  soit  i  gr.  io35, 
d'après  H.  Sadvaire,  Matériaux  pour  servir  à  Flitstoire  de  la  nu- 
mismatique Pl  de  la  métrologie  musulmanes  (^Journal  asiatique, 
VHP  série,  t.  IV,  188/1 ,  p.  278  k^j-i  et  268  <J^y^)-  f^'est  un 
doublet  de  <^i>i,  qui  représentait  le  même  poids,  et  une  tran- 
scription parallèle  de  ypanixa. 

Est-ce  là  un  indice  que  la  colonie  comptait  parmi  ses 
membres  quelque  droguiste,  voire  un  médecin? 

Au-dessus  de  UL.^  se  trouve  un  mot  d'autant  plus  difficile 
à  lire  que  le  contexte  est  à  peu  près  nul  et  qu'on  ne  sait,  par 
suite,  à  quoi  il  se  rapporte.  Est-ce  un  nom  de  poids  ou  de 
mesure?  Il  se  laisserait  deviner  sans  peine,  s'il  était  connu  par 
ailleurs.  Il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  de  combinaison  possible 
en  dehors  de  i)Lj  c^un  rien  ?î  ou  de  cuilb^  c'^des  parcelles,  des 
rognures  55.  On  ne  peut  même  pas  proposer  cette  lecture  comme 
un  pis-aller  :  la  phrase,  ainsi  que  le  mot,  est  en  suspens. 

Pourtant  à  cette  époque  —  xf  siècle  —  un  genre  tout  spé- 
cial de  monnaie  divisionnaire  avait  cours  à  Bagdad  et  dans 
r'Irâq,  consistant  en  petits  morceaux  qu'au  moyen  d'une  ci- 
saille on  retranchait  de  pièces  d'or  et  d'argent.  Les  gens  s'en 
servaient  journellement  pour  la  vente  et  l'achat,  parant  de  la 
sorte,  outil  et  balance  en  main,  à  la  pénurie  de  numéraire. 
(le  procédé  dura  jusqu'en  iq.'U),  au  dire  do  Maorizi  i^Khitai, 
H,  p.  12G,  injine,  cf.  S.  de  Sagv,  Clirc.st.  nr.,  ti''  éd.,  I, 
p.  2/47-2^8;  Sa^di  ,  (ry///s/<7//.  eh.  II,  hist.  20;  Doz\,  Suppl.,  II, 
p.  321)).  Il  ne  saurait  nullement  s'agir  ici  de  ces  rognures  de 
dirhams  et  de  dinars,  puisqu'on  les  désignait  sous  le  nom  ex- 
pressif,  et  d'ailleurs  consacré  par  l'usage,  de  qurâda  [^y^  ««ci- 
sailler»). Mais,  d'autre  part,  si  l'argent  monnayé  n'était  pas 
inconnu  au  (-ampa,  l'emploi  n'cMi  était  pas  courant;  on  usait 
dans  les  payements  de  commerce  soit  du  troc,  soit  de  petits 
lingots  d'or  et  d'argent  susceptibles  d'être  augmentés  ou  dimi- 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  277 

nués  de  poids  dans  le  creuset.  (Cf.  Georges  Maspero,  Le  royaume 
de  Champa,  p.  /»6.)  Se  pourrait-il  que  les  Arabes,  dans  leurs 
comptoirs  du  (îampa,  eussent  désigné  d'un  mot  tout  à  fait  dif- 
férent :  zuhâla,  ce  qui  était  non  des  rognures,  mais  des  par- 
celles provenant  de  la  fonte  de  ces  petits  lingots  du  pays? 

Ligne  3.  —  «Le  ncuph  'Amr.  »  Le  naqih  était  un  marchand 
ou  un  artisan  chargé  des  affaires  d'une  communauté  dont  il 
était  membre.  Chaque  corps  de  métier,  principalement  les  bar- 
biers, les  charpentiers,  les  relieurs,  les  tailleurs,  les  tourneurs 
et  quelques  autres  corporations,  avait  à  sa  tête  un  syndic 
dénommé  Seih  cs-Stuj ,  lequel  était  assisté  d'un  adjoint  ou  Naqib 
es-Sûq.  Celui-ci,  délégué  par  son  chef,  avait  généralement  pour 
mission  de  présider,  en  la  présence  de  maîtres-compagnons,  à 
la  réception  des  candidats-apprentis.  C'était  une  petite  fête  de 
famille  qui  se  passait  chez  le  père  du  jeune  garçon  et  n'allait 
pas  sans  quelques  pratiques  rituelles,  un  bon  repas,  des 
échanges  de  cadeaux  et  la  récitation  répétée  de  la  sourate  El- 
Fâtilin.  Cette  cérémonie  d'admission  aux  arts  et  métiers  mineurs 
subsiste  encore  dans  les  grandes  villes  et  s'appelle  Sadd  el- 
Walad  ff-Vditle  qui  lie  l'apprenti 55'". 

Le  nom  du  naifib  de  la  colonie,  'Amr,  était  vraisemblable- 
ment suivi  de  ses  noms  d'ascendance  et  surnoms. 

Ligne  h.  —  «Qu'alors  le  boulanger  (un  tel)  en  fasse  le 
change.  T)  o^,  «changer  la  monnaies,  a  aussi  —  naturelle- 
ment—  le  sens  de  «payer:?  (cf.  Dozv,  SuppL,  I,  p.  899); 
mais  ce  sens  implique  la  réciproque  :  l'acheteur  paie  et  le  ven- 
deur, en  rendant  la  monnaie,  paie  à  son  tour.  Vu  la  teneur 
générale  de  l'inscription,  il  doit  s'agir  ici  de  l'opération  qui 

(')  Cf.  VV.  Lane,  Modem  Egijpùam ,  éd.  1871,  II,  p.  q/kj,  et  Dozv,  SuppL 
aux  dict.  arabes,  I,  p.  828.  Au  .Majflireb,  un  syndic  de  corporation  est  intitulé 
amhi. 


278  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

consiste  ù  |iaver  en  tenant  compte  de  la  tlitrércnce  existant 
entre  les  monnaies  et  les  poids  du  pays  et  ceux  des  colons. 
J'observerai  que  m1^  a  le  sens  de  «menue  monnaies  (cf.  Dozy, 
SuppL,  loc.  cit.),  et  que  c'était  aussi  un  poids  de  9  gr.  981 5 
(cf.  H.  Sautaire,  op.  laud.,  J.  As.,  p.  2  55). 

U  se  peut  que  le  caractère  imprécis  qui  se  trouve  gravé 
au-dessus  de  Lil  soit  le  )  de  ce  que  je  lis  jjllXsI  «  le  boulanger  ». 

Ligne  5.  —  «  .  .  .Mnslafa  et  Murâd .  .  .  w  Quoique  tracé 
comme  qui  dirait  de  main  de  maître,  le  groupe  de  lettres  ^JaXJ: 
ne  répond  à  rien  qu'on  sacbe  dans  aucune  langue  usant  de 
l'écriture  arabe.  Aussi  bien,  je  n'hésite  pas  à  y  voir  un  nom 
propre  allant  de  pair  avec  le  suivant  ctMurad??,  et  à  léparer 
l'erreur  du  lapicide  qui  ne  sut  pas  déchiffrer  sur  sa  copie  le 
mot  rtMustafâ"  et  qui  mit,  en  s'embrouillant,  .*.  pour  ^a,  x 
pour  La  et  (ja  pour  j.,  sans  compter  quil  fit  la  part  égale  au 
coufique  et  au  tuisJn. 

Ligne  6.  —  «Le  colon  et  le  percepteur  de  redevances. « 
Notre  lapicide  n'a  pas  eu  la  main  plus  heureuse  en  ce  qui 
concerne  les  deux  mots  J^il  et  ^  qu'il  nous  donne  à  identi- 
fier. Le  premier  est  équivoque,  le  second  est  impossible.  Au 
premier  peuvent  s'adapter  deux  combinaisons  :  <jlil  «libre, 
exempt  de.  .  .  ??  et  jUi.  «émigré,  exilé  =  colon  »,  en  admettant 
comme  vraisemblable  que  nous  avons  affaire  ici  à  des  ism  J/'nl 
(ou  participes  présents)  dont  ïalif  a  été  omis  par  erreur "l 
C'est  évidemment  Jlil  ({u'il  faut  retenir'-'. 

Dans  le  second  mot  ^,  (pii  n'est  qu'un  groupe  de  lettres 
déimé  de  signification,  le  soi-disant  ^  est  sans  aucun  doute 

C'  Cf.  »uprn,  I.   1,  ^;b,  pinir  iiciil-iMi-o  ^l)^. 

1-)  (;f.  Do/ï,  SuppL,  I,  j).  3  10,  JU.  (rémi'jréî)  pI  ffconlribual)l('" ,  (l'a|)rt's 
JuJUfc,  pi.  J\y^  (tciiiiliiltiition,  taxe,  livraison  fie  doinrcs  iiii|i()Si''0  |>ar  l'oii- 
ucmiw,  dans  (Ji  Miii.Mi.iii; ,  llisl.  des  Siiltaim  MaiiilmiLs ,  II,  p.   182. 


DEUX  nNSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  279 

une  mauvaise  graphie  de  J.  ou  de  ^^ .  Il  y  a  des  exemples  de 
graphies  analogues  dans  le  coufique  primitif,  notamment  dans 
une  inscription  du  désert  de  Safâoii  ^ju^UaJ!  est  pour  y^Lalî'", 
et,  moins  anciennement,  dans  un  papyrus  du  f-n"  siècle 
de  l'Hégire  où  ^^^i)!  est  pour  i^i)!^^'.  Parti  de  là,  on  aura  le 
choix  entre  les  trois  combinaisons  suivantes  affectant  égale- 
ment la  forme  de  Vismfail  :  ^UL  rr  oppresseur  55,  ^\Jl  ctjuge», 
i^[Â  I? protecteur 55.  La  dernière  doit  être  la  bonne,  surtout  si 
on  applique  au  mot  la  signification  très  intéressante  qu'il  avait 
autrefois,  particulièrement  sous  l'administration  des  Sultans 
Mamlouks,  et  qui  ne  se  trouve  pas  dans  les  dictionnaires  arabes. 

On  désignait  sous  le  nom  de  himâya  <\jI^  l'ensemble  des 
droits  que  le  souverain  prélevait  sur  un  canton  mis  a  contri- 
bution par  lui  et  qu'il  se  réservait  en  propre;  ce  territoire 
était  ainsi  interdit  à  toute  spéculation  du  même  genre,  passait 
sous  sa  protection  nominale,  devenait  himâ  ^^;  celui  qui  levait 
ces  droits  d'interdiction  et  de  protection  était  dit  hâmî  <^Uw, 
ism  fa  il  du  verbe  luimâ  ^^  ^^'. 

Je  suppose  qu'il  est  question  dans  ce  texte  de  quelque  entre- 
prise que  le  colon  musulman  prenait  à  ferme  d'un  hânn  indi- 
gène et  des  redevances  himâyât,  qu'il  avait  à  lui  payer  ^^^. 

Ligne  -y.  —  «...  parmi  quoi  un  quintal  de. . .  v  Le  groupe 

t''  iDscriptioa  relevée  par  de  VocCé,  Syrie  centrale,  p.  i/i3,  n°  16  et 
pi.  XVIII. 

'*'  Pièce  inédite  de  ma  coHeclion.  C'est  un  devoir  d'écolier  sur  feuillet  de 
quatre  pages  recto  et  verso,  0  m.  a 5  sur  o  m.  18. 

W  CI".  QuATiiKMKUK,  loc.  Cit.,  1,  1 '*  partie,  p.  261,  et  Dozv,  Suppl.,  I, 
p.  S'U)  :  *jU-,  droit  (jue  l'on  percevait  sur  des  terres  ou  des  mardiandises. 
Mais  ,  d'après  Amari ,  ^y^  sijjiiilierait  tout  au  contraire  «rne  pas  lever  d'inipùlji. 

'')  (tLe  roi  ne  payait  aucune  solde  aux  fonctionnaires,  de  qui>l(|ue  ordre 
qu'ils  fussent;  ils  vivaient  sur  le  pays  et  leurs  administrés  étaient  tenus  de 
subvenir  à  leurs  besoins."  Georges  Maspero,  IjC  rayavme  de  Champa,  p.  34 
et  87. 


280  OCTOBRK-DECEMBRE    1922. 

j^U»  est  dinicilc;  il  ne  se  prête  à  aucune  combinaison  satisfai- 
sante, ne  donne  même  pas  à  soupçonner  qu'il  cache  un  nom 
propre,  si  rare  soit-il  dans  l'onomastique  musulmane.  Quant 
à  un  mot  ou  à  un  nom  ram  ou  malais,  il  n'y  faut  pas  songer, 
tant  il  en  a  peu  l'apparence. 

Il  y  a  certainement  ici  encore  une  grossière  faute  de  gra- 
phie, et  elle  ne  peut  aflfecter,  dans  ce  groupe  quadrihtère,  que 
le  seul  ^,  les  autres  éléments  étant  simples  et  n  priori  parfaite- 
ment clairs.  Aussi  ne  suis-je  pas  éloigné  de  croire  que  ce  ^ 
n'est  pas  autre  chose  que  la  combinaison  des  deux  lettres  Ha 
trop  étroitement  soudées  ensemble  par  le  graveur  décidément 
ignare  et  maladroit,  qui,  prenant  la  hampe  du  I0  pour  un  des 
deux  jambages  de  la  double  lettre  lâm-ahf,  pensa  écrire,  sans 
rien  comprendre  à  ce  qu'il  venait  de  lire,^!!iUj>  au  lieu  de^lkjLï, 
ce  qui  a  du  moins  une  signification. 

Au  reste,  cette  faute  ne  constitue  pas  ici  un  cas  isolé. 
L'exemple  le  plus  curieux,  sinon  exactement  semblable,  est 
aussi  le  plus  ancien  qu'on  connaisse  :  on  le  trouve  dans  l'inscrip- 
tion bilingue  de  Harrân,  au  Lejja,  qui  remonte  à  l'année  5G8 
de  notre  ère  et  où  le  mot  ji^rl'  est  écrit  de  façon  que  le  L»  et 
le  ^  sont  agglutinés  au  point  de  ne  plus  former  qu'un  signe 
ressemblant  au  0  grec^*'. 

La  lecture  ^Lkju»  se  justifierait  pleinement,  si  ce  mot  était 
seulement  accompagné  de  deux  ou  trois  autres.  Cependant,  en 
l'espèce,  elle  est  plausible.  Le  contexte  paraît,  en  effet,  vou- 
loir dire  approximativement  :  «  Il  est  entendu  entre  le  jâh  et 
le  hâmi  que  le  premier  paiera  sa  redevance  en  nature  avec, 
entre  autres  denrées,  un  quintal  de  (telle  denrée),  w  Le  qantâr^'^^ 


*')  Inscription  (k-couverte  par  Wetzstein  el  rolrouvée  par  Waddington, 
publiée  par  de  VociJÉ ,  Syrie  centrale,  p.  117-118,  el  reproduite  par  Ph.  BER(iER 
dans  sou  Ilisl.  de  l'écriture  dans  l'antiquité ,  l^aris,  1891,  p.  288. 

(2)  .UajLJ»  (>  quintal)  provient  de  xevTnivâpiov  par  l'araméen,  cl.  Khaenkel, 
Arainiiische  Freindtvorter  ini  Aivbischen ,  I^cyde,   1886. 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CWIPA.  281 

valait  cent  ratl ,  mais  la  valeur  du  ratl  varia  souvent,  selon  les 
choses,  les  lieux  et  les  époques.  Le  rntl  égyptien  valait  au 
xi"  siècle  un  peu  plus  de  dàk  grammes.  (Cf.  H.  Sauvaire,  /.  c, 
p.  261.) 

Ligne  8.  —  «  Sultan  Malimûd.  5)  Ce  n'est  pas  sans  perplexité 
qu'on  se  demande  d'où  sort  ce  Mahmùd  ainsi  décoré  d'un  titre 
souverain  de  cette  importance  et  qu'on  ne  se  serait  guère 
attendu  à  rencontrer  dans  un  document  en  langue  arabe, 
publié  —  pour  durer  —  de  la  façon  et  dans  le  pays  qu'on 
sait.  Ce  nom  qui,  pour  être  accolé  au  mot  c^ sultan 77,  cesse 
d'être  banal,  ce  titre  surtout,  qui  n'était  pas  un  vain  mot  au 
moyen  âge  oriental,  alors  que  les  sultans  Bûyides,  Seljûqides 
et  Gbaznévides  le  portaient  si  haut,  en  vrais  pâdmhân  qu'ils 
étaient,  sont  difficilement  explicables,  dans  l'ignorance  où  nous 
sommes  de  l'histoire  des  établissements  arabes  au  Campa  et 
vu  l'état  de  mutilation  où  se  trouve  l'inscription.  Force  nous 
est  de  recourir  aux  conjectures,  ce  qui  ne  laisse  pas  d'être  sou- 
vent très  hasardeux. 

Une  des  premières  qui  se  présentent  à  l'esprit  est  celle-ci  : 
un  souverain  de  ce  nom,  musulman  de  religion  et  cam  de 
race,  régnait  sur  le  pays.  Mais  cette  hypotbèse  soulève  deux 
graves  objections.  Non  seulement  on  sait  (pventre  io3o  et 
lokh  le  trône  du  Campa  fut  occupé  par  deux  rois  indigènes, 
Vikrântavarman  IV  et  Jaya  Sinhavarman  II,  de  la  VIII"  dy- 
nastie; mais  on  ne  connaît  aucun  texte  autlientique  apportant 
la  preuve  que  la  conversion  du  peuple  cam  à  l'islamisme  ait 
eu  heu  avant  le  grand  fait  historique  de  l'année  1/171:  la  prise 
de  la  capitale  du  royaume,  Vijaya  (act.  Binh  Dinb),  suivie  de 
la  conquête  du  pays  par  l'empereur  du  Dai  Viêt(act.  Tonkin), 
Tành  Ton.  On  s'accorde  par  ailleurs,  en  dépit  d'une  grande 
incertitude,  à  regarder  cet  événement,  qui  réduisit  les  rois 
Cams,  pour  quelques  siècles  encore,  à  l'unique  et  précaire  pos- 


282  OCTOBRE-DKCEMBRE    1<.)22. 

sossion  du  Binli  Thuân,  comme  le  point  de  départ  des  pre- 
mières tentatives  d'islamisation  faites  au  Campa  par  les  Musul- 
mans du  Khmèr  ou  par  les  Cams  réfugiés  sur  leur  territoire, 
convertis  à  leur  contact,  puis  revenus  dans  leur  propre  patrie, 
où  jusqu'alors  la  religion  de  Mahomet,  en  dehors  des  rares 
colonies  arabes,  n'avait  jamais  compté  qu'un  petit  nombre 
d'adeptes'^'.  Or,  notre  inscription  est  paléographiquement  du 
xf  siècle,  antérieure  de  plus  de  quatre  cents  ans  à  cet  événe- 
ment comme  elle  l'est  de  cent  trente  ans  à  l'époque  où  l'écriture 
couiique  tombe  universellement  en  désuétude. 

Autre  hypothèse  :  ce  sultan  Mahmùd  ne  serait-il  pas  un 
colon,  un  émigré,  ayant  audacieusement  fait  à  son  profit,  de 
la  plus  importante  des  colonies  musulmanes  du  (lampa,  une 
sorte  de  domaine  indépendant,  éphémère  sans  doute,  avec  ou 
sans  l'accord  du  gouvernement  local?  Si  cette  seconde  inscrip- 
tion est  contemporaine  de  la  première ,  comme  il  y  a  lieu  de  le 
penser,  ce  petit  dynaste  nommé  Mahmùd  serait  donc,  de  son 
côté,  contemporain  —  prédécesseur,  successeur  ou  rival  — 
du  fameux  Pô  Ovlâh  ccle  seigneur  Allah i'  de  la  légende  rame, 
lequel  serait  le  premier  des  Musulmans  à  régner  à  Çrï-Banôy,  en 
l'année  du  Rat,  soit  de  looo  à  io36,  mais  dut  passer  trente- 
sept  ans  en  exil  à  Môkah  (La  Mecque),  parce  que  le  pays  n'était 
pas  content  de  lui,  puis,  ayant  ainsi  confié  son  âme  et  son 
corps  au  Seigneur  du  ciel,  ce  qui  semble  bien  vouloir  dire 
qu'il  embrassa  le  Soufisme,  revint  enfin  au  royaume  cam^'-^  .  . 


<')  Cf.  Georges  Maspeuo,  Le  royaume  de  Cliampa,  p.  xi,  17-18,  3&2  et  suiv. 

<*'  Cf.  A.  Cabaton,  art.  Indochine,  L'islam  dans  l'fndochine  fi-ançaise,  dans 
V Encyclopédie  de  l'Islam,  t.  II,  p.  538.  Ay.monier,  Ujrendes  hislojiqnes  des 
Chams,  Excurs.  et  Reconnaissances,  XIV,  p.  i53.  —  Les  Gains  Bani,  c est-à- 
dire  Musulmans  |.5A.«y)^,  n'ont  rien  imaginé  de  mieux  que  de  faire  remon- 
ter à  Allali  en  personne  la  souche  de  leurs  rois.  Leur  Pô  Oviah  ou  Uvlah, 
cependant ,  pourrait  bien  n'avoir  été  qu'un  ietlj  plein  de  zèle  i-eligieui  qui  poussa  si 
loin  l'esprit  de  prosélytisme,  que  sa  prédication,  à  la  fin  jugée  subversive  par 
le  roi  indigène,  contraignit  celui-ci  à  y  mettre  un  ti'rme  en  faisant  rembarquer 


DEUX  INSCHIPTIONS  COLFIQUES  DU  CAMPA.  283 

Tout  cela  est  possible,  encore  que  bien  étrange,  car  la  coïnci- 
dence est  absolue. 

A  tout  le  moins,  ce  nom,  ce  titre  pourraient  avoir  été  ceux 
d'un  liant  fonctionnaire  indigène  de  l'endroit,  qui,  gagné  à 
l'Islam  grâce  à  la  propagande  des  émigrés,  aurait  naturelle- 
ment troqué  son  nom  cam  contre  un  nom  musulman;  pour  le 
mot  sultan  au  sens  de  «cbef  du  pouvoir  exécutif»,  ce  serait  son 
titre  cam  rendu  en  arabe  par  un  vocable  équivalent.  Certes, 
il  y  aurait  témérité  à  lui  attribuer  l'ordre  de  rédiger  l'rravis 
au  public»  que  semble  être  l'inscription  où  son  nom  figure 
sans  doute  parmi  plusieurs  autres,  et  conséquemment  l'idée 
de  confier  à  son  drogman,  comme  lui  indigène  et  converti,  le 
soin  de  le  publier  et  de  l'aificher  au  principal  carrefour  du 
bazar,  sous  la  sauvegarde  du  syndic  des  marchands  étrangers, 
'Amr,  Naqlb  es-Sïiq. 

La  vérité  n'est  pas  encore  de  ce  côté  :  l'imagination  est  à  la 
réabté  ce  que  la  légende  est  à  l'histoire.  Peut-être  l'ellleurera- 
t-on  en  ne  sortant  pas  du  domaine  de  l'histoire  même,  en  con- 
sidérant ce  nom  et  ce  titre  comme  représentant  un  personnage 
vraiment  historitpie.  C'est  nommer  le  plus  illustre  conquérant 
du  xf  siècle,  Sultan  Mahmud  Ghaznévi,  qui  régna  de  998.  à 
io3o  sur  l'Iran  presque  tout  entier  et  se  couvrit  de  gloire  en 
soumettant  aux  lois  de  l'Islam  les  populations  bouddhistes  du 
Bàmyân,  dû  Panjâb  et  du  Gujrât,  en  détruisant  les  idoles 
du  Çivaïsme,  en  fondant  \e  royaume  de  Lahore,  etc.  Il  est  hors 
de  doute  que,  durant  le  premier  tiers  du  xi"  siècle,  plus  d'im 
sujet,  plus  d'un  client,  et  comhien  de  soldats  des  armées  du 
fanatique  iconoclaste  de  Sômnal  se  fixèrent  dans  l'Inde,  ou 
passèrent  de  l'Inde  au  Campa ,  la  plus  proche  étape  sur  la  route 
maritime  de  Chine,  pour  v  faire  fortune  en  se  livrant,  comme 

|)(iiir  la  terre  ualale  ce  faiuili(|ii(î  scrvitt-ur  du  dieu  de  Malioniel,  peut-être 
sinipl(!ni(!iit  Connu  sous  le  nom  de  Es-Sriji/id  ' Alid  Ullah ,  proprement  «le  soi- 
gneur ['Aitd]  Ullûlin. 


284  OCTORnR-OEnEMnRE    1022. 

tant  de  coreligionnaires,  au  commerce  de  la  canne  à  sucre, 
de  la  gomme  laque,  des  pierres  précieuses,  des  bois  de  bam- 
bou .  .  . 

Dès  lors,  la  8'  ligne  de  noire  inscription,  si  regreltable- 
ment  incomplète,  ne  serait-elle  pas  à  rétablir  de  la  façon  sui- 
vante, à  un  terme  près  :  is^yt^^  ^y^  ylioL»/  J^  (j>\i  ^j  y5X* 
«Un  tel,  fils  d\m  tel,  aflrancbi  de  Sultan  Mahmûd  le  Ghazné- 
vide  w  ? 

Si  cette  dernière  bypothèse,  à  défaut  d'une  autre  plus 
concluante,  a  quelque  chance  do  paraître  soutenable,  il  s'ensuit 
que  cette  inscription  est,  de  toute  (Widence,  contemporaine  de 
la  première,  datée  de  1089.  L'expédition  du  Ghaznévide  en 
Hindustân  est  de  1096.  Or,  cette  déduction,  qui  s'appuie  sur 
le  fait  qu'en  épigraphie  un  nom  historique  est  représentatif 
d'une  date,  se  trouve  entièrement  corroborée  par  le  résultat 
de  l'examen  paléographique. 

Ligne  9.  —  «  .  .  .mi  Bây  'Alï  el-Ker.  .  .  5?  Pour  commencer, 
un  nom  de  personne  dont  il  ne  subsiste  plus  que  la  dernière 
lettre  :  ^  ou  ^,  ou  les  deux  dernières  :  J.  ou  J,  ou  (cf.  ^^  de 
la  1.  6)  ^^,  et  qu'on  ne  saurait  songer  à  restituer,  parce  que  le 
mot  est  trop  écourté  et  le  champ  des  hypothèses  trop  vaste;  ce 
nom  et  le  suivant  :  Bâij,  qui  est  une  espèce  de  titre  de  noblesse 
turc,  n'en  font  nominalement  qu'un  seul.  Ensuite  le  nom  propre 
du  personnage  :  \ih ,  J^^t,  dont  le  J  est  insulhsamment  hampe. 
Et  pour  finir,  les  quatre  premières  lettres  de  sa  Lunija  ou  de 
son  nom  ethnique. 

Le  mot  Bâij,  dans  cette  inscription,  est  tout  à  fait  remar- 
quable. D'une  lecture  certaine,  il  nous  montre  non  moins  cer- 
tainement que  cette  colonie  musulmane  du  Campa  ne  comp- 
tait pas  que  des  Arabes  et  des  Persans  dans  son  sein,  mais 
aussi  des  Turcs,  descendants  d'émigrés  venus  en  masses  trans- 
humantes dans  la  Transoxiane,  le  Ilârizm,  le  Seistân,  le  Qan- 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  285 

dahar,  lors  de  la  première  tagkrïha  ou  «poussée  vers  l'Ouest r 
des  peuplades  de  l'Asie  Centrale,  à  l'époque  des  Sâmânides. 
Des  noms  comme  Mmlafn ,  Muiûd,  même  ''Amr,  qui,  démodé 
parmi  les  Arabes,  trouva  lui  joiu-  du  legain  avec  les  Saffàrides, 
sont  là  gravés  pour  l'attester.  Qui  sait,  pour  le  surplus,  si  ces 
notables  de  la  colonie  ne  touchaient  pas  par  quelque  endroit 
au  sultan  de  Ghazna,  Mabmud,  cet  autre  Turc  de  nom  et  d'ori- 
gine? 

Dans  l'Asie  Centrale,  le  mot  Bdij  était  ajouté  aux  noms  de 
personnes  pour  désigner  les  gens  ricbes  et  indépendants.  En 
regard  de  la  masse  du  peuple,  c'était  une  véritable  aristocratie 
de  fortune  qui  n'avait  qu'à  voulou*  commander  pour  être  obéie. 
Le  bâij  le  plus  influent  pouvait  alors  s'intituler  heg  (kirguiz  hl 
ou  èry>turc  osm.  hey^,  c'est-à-dire  «prince»  d'une  petite 
tribu  ou  d'un  groupement  de  tribus,  ayant  au-dessus  de  lui 
le  Qâghfm  ou  Bân,  maître  d'un  domaine  plus  étendu '". 

Comme  nom  épitbète  avec  le  sens  de  «ricbé»,  ce  mot  est 
attesté  pour  la  première  fois  dans  les  inscriptions  de  l'Orhon  '-* 
puis  dans  le  récit  que  fait  Juweini  à  propos  de  IViabmud  Bây, 
vizir  du  Gùr-liân  des  Qàra-llitAy,  dans  son  Tarih-i-Jihân  Kumij 
(vu"  s,  H.  =  xiif  s.  A.  D.).  Or,  il  se  présente  à  nous  dans  une 
inscription  arabe  du  v'  siècle  de  l'Hégire  (xi^  s.  A.  D.),  n'ayant 
perdu  sa  signification  d'origine  que  parce  que  ce  titre  n'avait 
pas  plus  de  valeur  ni  de  raison  d'être  au  (îampa  qu'il  n'en 
devait  avoir  plus  tard  en  Egypte,  quand  les  mamlouks  Bi-Bars, 

"'  (A.  W.  Buniioi.D,  KncyvlojM'du!  de  l'hluin,  1,  p.  699,  S.  v"  liàti ;  Mou- 
UAUCEA  d'Omsson,  IUsI.  (It's  Mtnigols ,  I,  {).  1 68 -,  W.  Baiitiioi.d,  Tarkeslan, 
\"  pari.,  p.  1  i3;  ■'/  part.,  p.  .{S '1-385.  Bày,  en  Asie  Conlialc,  a  aussi  le  sens 
(le  rrmailre  de  maison".  F^es  Sailcs,  nie  dit  notre  confrère  M.  Miuorski,  pro- 
noncent ce  mol  l)()è  el  1  eniploienl  dans  le  sens  de  trmonsieurn.  Comparer  en 
turc  ottoman  sullanhn.  —  BAiiitii;»  dk  Mkynaud,  Suppl.  aux  dicl.  litres:  ^L? 
cf riche,  fortuné,  puissant";  àLXw  rr monsieur n,  désuet. 

(^)  vin*  siècle  de  notre  ère,  raraclères  runiformes;  déchitFrées  par  \.  Tiiom- 
SK\  ,  Mi'tiKHiPS  (le  1.(1  Suc.  lliiiKi-iiuiirii'ititr ,  HeJsinjjloi'S ,    189A-1896. 


286  OCTOBRE-DECEMBRE    19  22. 

Bars-Bây  et  Yel  et  Qâït  et  Tûmân-Bâv  v  remplissaient  le  rôle  de 
sultans.  Il  est  inutile  d'insister  sur  l'inlérél  qu'oHre  ce  texte, 
si  mutilé  qu'il  soit. 

Ligne  lo  :  «  .  .  .si  'Omar,  fils  de  S.  .  .  r>  Gomme  précé- 
demment, la  fin  d'un  mot  :  ^^i  ou  ^^,  qui  ne  peut  être  qu'un 
titre,  ne  serait-ce  que  et-Taivâsî  ^^\yh.l\  «l'Eunuque 75(1);  puis 
un  nom  propre  suivi  du  mot  (^  écrit  ^;  enfin  le  commence- 
ment d'un  autre  :  *«  ou  ^. 

Dans  ces  dix  lignes  d'un  texte  fort  amoindri,  semé  de  fautes 
d'orthographe,  écrit  à  la  hâte  d'une  écriture  hybride  et  mal 
venue,  on  relève  trois  noms  de  poids  ou  de  monnaies;  autant 
de  noms  de  nombre  et  de  titres  d'importance  d'ailleurs  inégale; 
deux  adjectifs  verbaux;  un  nom  de  métier;  un  mot  tronqué 
d'identification  douteuse;  enfin,  au  milieu  de  tout  cela,  pas 
moins  de  six  noms  propres  et  un  seul  verbe  à  un  niode  per- 
sonnel. On  voit  par  là  dans  quelles  proportions  incohérentes 
les  mots  se  sont  off'erts  au  déchillrement.  Le  reste  de  l'inscrip- 
tion n'est  que  déchet. 

Ce  bilan  est  si  pauvre  que  c'est  tout  juste  s'il  nous  permet 
d'apercevoir  les  rares  lueurs  qui  transpercent  tant  bien  que 
mal  une  obscurili;  presque  impénétrable  où  l'on  ne  peut  mar- 
cher qu'à  tâtons.  Il  est  sutfisant,  toutefois,  [)Our  nous  donner 
à  entendre  ({u'il  s'agit  d'un  acte  public  destiné  à  aviser  les 
membres  d'une  colonie  d'Arabes,  de  Persans  et  de  Turcs  de  la 
façon  dont  ils  doivent  en  user  avec  les  gens  du  pays  dans  leurs 
transactions,  leurs  opérations  de  change  et  le  payement  de 
leurs  contributions.  On  juge  de  l'imporlance  de  cette  inscrip- 
tion, si  elle  était  intacte. 

La  date  manque.  Mais  a-t-elie  jamais  été  mentionnée?  Du 

'■'   Cf.  (JuATiiKMKiiK,  lllul.  dus  Sulliuis  Mnmlouks ,  I,  9°  part.,  p.   i39. 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  287 

moins  diverses  présomptions  nous  autorisent  à  placer  ce  curieux 
document  entre  les  années  i  026,  et  io35  de  notre  ère. 


Il  semble  qu'un  document  de  cette  sorte  contienne  l'indice 
que  là  011  il  fut  trouvé,  il  existait  au  xi*  siècle  une  aggloméra- 
tion urbaine  dont  nous  ignorons  tout,  où  des  étrangers  diffé- 
rant en  tout  du  peuple  cam,  par  la  race,  par  les  croyances 
et  par  les  mœurs,  étaient  venus  cbercber  l'hospitalité  et  avaient 
obtenu  le  droit  de  séjour.  Ces  étrangers,  des  marchands  et 
des  artisans,  issus  pour  beaucoup  d'entre  eux  des  premiers 
immigrés  —  dont  l'arrivée  daterait,  croit-on,  d'une  centaine 
d'années  auparavant  —  et  de  femmesdu  pays,  nous  les  y  voyons 
vivre  en  société  parfaitement  organisée,  mêlés  en  nombre  plus 
ou  moins  imposant  aux  indigènes.  Ils  ont  confié  à  un  des  leurs 
le  soin  de  les  représenter  et  de  défendre  leurs  intérêts  auprès 
des  autorités  du  lieu  :  c'est  le  Seih  es-Sûq,  le  «syndic  du  mar- 
chés, qu'assiste  un  Naqîb.  Avec  ce  «premier  de  la  nation»  les 
notables,  riches  par  le  commerce,  occupent  une  place  prépon- 
dérante :  ce  sont  leurs  noms  qui  figurent  dans  l'inscription. 

Nul  doute  qu'à  la  tête  de  cette  communauté  de  Musulmans 
il  n'y  ait  un  Seih  el-Islâm  ou  Mujtî^  qui  est  un  chef  uniquement 
spirituel,  mainteneur  de  la  Religion  et  instigateur  de  la  Pro- 
pagande, laquelle  ne  doit  pas  s'endormir,  lin  hnâm-Hnlib  pour 
la  célébration  du  culte,  un  Qfujl  pour  l'exercice  de  la  justice 
sont  d'indispensables  fonctionnaires  ^^^;  et  si  la  colonie  est  im- 
portante, un  Muljlasib  veille  à  son  bon  ordre,  faisant  la  police 
du  quartier  et  de  ses  bazars,  contrôlant  les  poids  el  les  mesures, 
réglant  le  cours  des  marchandises. 

Us  vivent,  coude  à  coude  en   terre  exotique,  la  vie  musul- 

'*'   Cf.  Ch.  SciiEFKu,  Noies  sur  tes  relations  des  Musulmans  avec  les  Chinois, 
Paris,  «4595,  p.  a3. 


288  OCTOBRE-DECEMBRE    1922. 

mane,  qui  leur  est  chère.  Tout  ce  qu'ils  ont  quitté  en  y  venant, 
ils  le  retrouvent  îiutour  d'euv  ;  la  mosquée  —  sans  minaret 

—  qui  les  réunit,  le  sûq  où  ils  traliquent,  l'okel  aJI^^  ^^'  i'^ 
entreposent  leurs  marchandises,  et  le  cimetière,  leur  dernier 
lieu  de  rendez-AOus. 

Tout  ceci  est  comme  inscrit  sur  les  deux  seuls  monumcnls 
qui  attestent  leur  existence  d'une  façon  singulièremenl  plus 
concrète  que  les  récits  monotones  des  globe-lrotters  arabes. 
D'ailleurs,  ceux-ci  ne  paraissent  pas  s'intéresser  outre  mesure 
à  ces  régions  un  peu  sauvages  de  la  péninsule  indo-chinoise. 
Ils  nomment  bien  le  pays  khmèr  ^U  et  le  (lampa  oïà*»  dans 
leurs  relations,  mais  ils  ne  s'attardent  pas  à  narrer  le  peu 
qu'ils  en  savent  par  oui-dire;  à  peine  songent-ils  à  le  visiter. 
Pourquoi? 

Pourquoi  aussi  les  colons  musulmans  viennent-ils  s'installer 
si  tard  (x"  siècle)  au  (lampa?  Pourquoi  leurs  établissements, 
leurs  comptoirs  n'y  jouissent-ils  pas  de  la  même  solidité  ni  de 
la  même  force  d'expansion  (pie  les  colonies  similaires  de  Cbine, 
si  nombreuses,  si  longtemps  prospèi-es  et  si  agissantes  au  point 
de  vue  de  la  Propagande?  Pourtant  les  navires  de  Basra,  de 
Sîrafet  de  l'Oman  doublent  régulièrement  la  terre  d'Indocliine 
pour  se  rendre  au  pays  de  Sin.  H  faut  vraisendîlablemeni  attri- 
buer ce  dédain  général  des  navigateurs  et  des  marchands 
musulmans  pour  le  Campa  h  la  rigueur  du  climat,  à  ladilliculté 
de  trafiquer  librement  f>l  d'exploiter  les  produits  du  sol,  à 
i'inhospitalité  des  habitaiils  violents  et  querelleurs,  à  la  pira- 
terie, à  Tabsence  de  bons  ports,  et  peut-être  aussi  aux  révo- 
lutions politiques  (cf.  Georges  Maspero,  loc.  laud.,  p.  1-8,  Sh, 
38,  /n). 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  l'islamisme  n'y  a  pénétré  avec 
succès  et  ne  s'y  est  maintenu  que  grâce  aux  relations  des  Cams 
avec  l'Indonésie  occidentale  au  cours  des  siècles  suivants,  par 
conséquent  bien  après  le  temps  où  la  principale  colonie  établie 


DEUX  INSCRIPTIONS  COUFIQUES  DU  CAMPA.  -289 

dans  le  royaume  cara  comptait  parmi  ses  membres  le  Rahdâr 
Ahmad  Abïi  Kâmil,  le  Naqilj  'Amr,  le  Bav  Turc'Alï,  et  d'autres 
cjui  se  faisaient  un  titre  d'avoir  été  esclaves  au  service  du  sultan 
le  plus  fameux  de  ce  siècle-là. 

Lçs  établissements  musulmans  du  Campa  n'ont  pas  d'his- 
toire; tout  au  plus  abritent-ils  leurs  débuts  sous  une  légende. 
Ils  ont  du  moins  laissé  deux  précieux  monuments  de  leur  passé 
éphémère,  deux  inscriptions  de  portée  tout  à  fait  dissemblable, 
mais  également  exceptionnelles,  si  l'on  envisage  l'expansion 
civilisatrice  du  proche  Orient  dans  l'extrême  Orient.  L'une  est 
remarquable  par  sa  beauté  paléographique  et  par  son  origina- 
lité épigraphique.  L'autre,  au  contraire,  tout  énigme,  est  l'im- 
perfection même.  Cependant,  le  peu  qui  subsiste  de  cette  chose 
que  le  temps  et  l'espace  nous  rendent  si  lointaine,  laisse  deviner 
combien  elle  captiverait  noire  intérêt,  si  de  trop  nombreuses 
et  graves  lacunes  ne  l'empêchiiiciit  pas  de  livrer  entièrement 
son  secret. 


MELANGES. 


LE  SARCOPHAGE   DU  ROI  MYKÉRI\OS 
ET  CELUI  DE  LA  REINE. 

Tout  le  monde  sait  que  Mariette,  pendant  ses  fouilles  dans 
les  environs  des  grandes  pyramides  de  Ghizeli,  fit  la  décou- 
verte de  plusieurs  sarcophages  en  pierre,  ornés  d'inscriptions 
hiéroglyphiques,  dans  lesquels  avaient  reposé  divers  grands 
personnages  de  la  IV"  dynastie.  Les  sarcophages  des   rois  et 

reines  de  cette  époque  sont,  au 
contraire,  tous  anépigraphes.  Ce 
n'esl  (pie  pendant  la  VL  dynastie 
qu'on  commence  à  graver  des  in- 
scriptions sur  les  sarcophages  des 
rois.  Les  sarcophages  contenus 
dans  les  deux  grandes  pyramides 
sont  encore  (Mi  place  dans  leurs 
caveaux  funéraires,  sans  couvercle  et  en  mauvais  état.  Celui  du 
roi  Mykérinos,  qui  élait  sans  inscriptions,  mais  décoré  de  sculp- 
tures, fut  découvert  dans  la  3"  pyramide  par  l'architecte  anglais 
Perring,  travailhmt  pour  le  colonel  Howard  Vyse,  mais  le  sar- 
cophage fut  perdu  en  mer,  au  cours  du  transport  en  Angleterre. 
Le  cercueil  intérieur,  une  restauration  datant  sans  doute  de  la 
XXV*  dynastie,  arriva  eu  revanclie  sans  dilïiculté  en  Angle- 
terre; il  est  exposé  au  Mus(''c  Rritannupie.  La  forme  est  exac- 
tement une  de  celles  en  usage  pour  les  sarcophages  en  bois  de 
l'époque,  et  la  formule  (pi'on  Ht  sur  le  devant  se  rencontre 


MELANGES.  291 

également  souvent  sur  les  cercueils  en  bois  datant  des  XXIP- 
XXVP  dynasties.  Le  sarcophage  de  la  reine,  épouse  de  Myké- 
rinos,  a  été  figuré  par  Nestor  L'Hôte '^^,  mais  ni  lui,  ni  aucun 
autre,  n'a  dit  de  quel  règne  il  date.  A  en  juger  d'après  les 
expressions  de  L'Hôte,  on  pourrait  supposer  qu'il  se  trouve 
dans  une  des  trois  petites  pyramides  situées  près  de  la  grande. 
Cependant  tel  n'est  pas  le  cas.  Aucune  de  ces  pyramides  ne 
contient  de  sarcophage.  En  revanche,  un  sarcophage,  celui 
que  nous  reproduisons  d'après  L'Hôte ,  se  trouve  dans  la  pyra- 
mide du  milieu,  près  de  la  troisième.  Voici  ce  qu'on  lit  chez 
L'Hôte  :  «Plusieurs  des  petites  pyramides  construites  aux  alen- 
tours de  la  grande  ont  aussi  été  rouvertes;  leur  intérieur  ne 
présente  qu'un  couloir  incliné  conduisant  à  la  chambre  funé- 
raire. Leurs  parois  sont  entièrement  nues,  et  je  n'ai  vu  que 
dans  l'une  d'elles  un  sarcophage.  La  cuve  est  en  granit  rouge, 
dépourvue  de  sculptures,  mais  remarquable  par  son  exécution, 
la  vivacité  de  ses  arêtes,» et  par  son  système  de  clôture.  .  . 
Cette  fermeture  consiste  en  une  rainure  en  biseau,  ménagée 
aux  deux  côtés  supérieurs  et  en  dedans  du  sarcophage.  Le 
couvercle,  introduit  dans  celte  double  rainure  en  manière  de 
tiroir,  était  scellé  j)ar  des  boulons  mobiles  en  métal  qui,  une 
fois  introduits,  ne  pouvaient  plus  être  retirés.  On  devait  briser 
le  couvercle  pour  avoir  la  momie '^'.  »  Le  même  système  de  fer- 
meture était  en  usage  dans  le  sarcophage  du  roi  Khefren  de  la 
2"  grande  pyramide'-^'  et  dans  celui  du  roi  Mykérinos'''. 

Waldemar  Schmidt. 


C'  Nestor  L'Hôte,  Lellres  d'EifijpUt  en   ii'Jô'  cl  i83y,  p.  il\o  (i84o). 

(-)  Nestor  L'HoTE,  loc.  cit.,  p.  lio-iAi. 

'')  L.  JloLSCUEii,  Grabdenkmal  il.  Koeiiiijs  Clirfren ,  ]).  63  (i(jia). 

'''  VïSK,  Opérations,  11,  p.  85  (i8^oj. 


COMPTES  RENDUS. 


Léon  Rkallon.  PitEMiEns  éléments  de  LAficinE  DOVAL.i.  —  Douala ,  1919;  iu-S" 

carré,  56  pages. 
Charles  Mathieu.   Petit   vocidclaiiie  FRiyçAis-nouLOU.   —   Paris,   Geuthner, 

1991;  ia-18,  80  pages. 

Les  langues  du  Cameroun  n'avaient  élé  l'objet  que  de  travaux  eu  alle- 
mand et  en  anglais  jusqu'à  ces  dernières  années;  depuis  l'occupation 
française,  nos  compatriotes  se  sont  mis  à  les  étudier  à  leur  tour  et  nous 
avons  déjà  deux  petits  volumes  dus  à  deux  de  nos  administrateurs  et 
consacrés  l'un  au  douala,  l'autre  au  boolou,  qui  appartiennent  tous 
deux  au  groupe  bantou. 

Le  douala  est  bien  connu  ;  de  nombreux  ouvrages  ont  traité  de  cette 
langue,  parmi  lesquels  il  faut  citer  surtout  ceux  de  Meinhof  et  de  Din- 
ckelacker,  que  M.  Réallon  a  utilisés,  ainsi  qu'il  le  mentionne  dans  son 
iiitroduclion.  Le  boulon,  qui  fait  partie  du  sous-groupe  dont  le  type  est 
le  fang  ou  pabouin  et  auquel  se  rattache  également  le  yaouudé,  est 
parlé  principalement  dans  la  circonscription  d'Ebolowa;  Tronje  von 
Hagen  en  a  donné,  en  191 4,  un  Lehrbuch  qui  ne  serait,  dit-on,  que  la 
traduction  allemande  d'une  grammaire  rédigée  par  les  missionnaires 
américains. 

Les  modestes  publications  de  MM.  Uéallon  et  Malliieii  ne  sont  donc 
pas  (les  révélations  et  leurs  autmirs  uoiit  jamais  eu  la  préteution  d'être 
des  découvreurs  en  matière  de  linguistique  africaine.  Le  seul  but  qu'ils 
se  sont  proposé  a  été  de  mettre  le  public  français  en  mesure  de  s'initier 
à  la  coiuiaissance  d'idiomes  parlés  au  Cameroun.  Ils  auront  pleinement 
réalisé  ce  but,  cpiand  la  {irammaire  douala  de  M.  Réallon  sera  complétée 
par  un  vocabulaiie  et  quand  le  vocabulaire  boulon  de  M.  Mathieu  sera 
suivi  d'une  grammaire. 

M.  Delafosse. 


COMPTES   RENDUS.  293 

F.   W.    TaYLOR,     a    FIItST    Gn.iilMAR     OF    THE    AdAMAWA    DIALECT    OF    THF.     FuLAM 

LANavACE  (Fulfvldb). —  Oxford ,  Clarendon  Prcss ,  i92i;in-i2,  i3G  pages. 

Le  dialecte  peu!  ou  fulfulde,  en  usage  dans  i'Adamaoua  et  les  régions 
voisines,  ne  nous  était  connu  jusqu'ici  que  grâce  à  quelques  publi- 
cations allemandes  :  une  note  de  Schultze  (1909),  un  rudiment  gram- 
matical de  Steane  et  Sembritzki  (1909),  quelques  textes  recueillis  par 
Von  Stephani  (1909)  et  un  petit  manuel  du  même  auteur  (1911).  Au- 
cune de  ces  publications  n'était  satisfaisante.  La  grammaire  que  vient  de 
nous  donner  en  anglais  M.  Taylor  n'est  assurément  pas  parfaite,  mais 
elle  réalise  un  progrès  très  sensible  sur  l'œuvre  de  ses  devanciers  et  nous 
permet  de  nous  faire  une  idée  à  peu  près  exacte  de  ce  qu'est  le  dialecte 
peul  dont  elle  traite. 

D'une  façon  générale,  le  peul  de  I'Adamaoua  présente,  par  rapport 
au  peul  du  Foûta  sénégalais  ou  ptilar,  les  mêmes  différences  que  l'en- 
semble des  dialectes  parlés  à  l'est  du  Niger  :  infinitif  en  {>o  au  lieu  de  de,, 
futur  afiîrmatif  actif  en  an  au  lieu  de  at,  parfait  négatif  actif  en  ai  au 
lieu  de  uni,  parfait  alïirmatif  passif  et  réfléchi  en  ake  et  ike  au  lieu  de 
ama  et  iiiia;  pronom  nga  au  lieu  de  ba  affecté  à  la  classe  des  noms  de 
certains  animaux ,  principalement  herbivores.  Il  convient  d'observer,  en 
outre,  que  cette  même  classe  à  pronom  nga  englobe,  dans  I'Adamaoua, 
les  augmentatifs  et  que  ces  derniers  ont  une  classe  de  pluriel  à  pronom 
ko  et  à  initiale  occlusive  (nasalisée  si  elle  est  susceptible  de  nasalisa- 
tion): ainsi  la  racine  rew  donne  ndciva  nga  tria  grande  femme'',  pi. 
tideho  ko  tries  grandes  femmes n;  hgesa  i^champn  a  comme  pluriel  gpse 
dans  le  sens  de  irchampsA  et  iigeso  dans  celui  de  ff  grands  champs  1. 

Par  ailleurs,  le  dialecte  de  I'Adamaoua  ne  semble  pas  présenter  de 
caractères  bien  originaux  et,  si  l'on  met  à  part  les  différences  de  vocabu- 
laire, qui  sont  fatales  entre  deux  dialectes  parlés  dans  des  régions  aussi 
éloignées  l'une  de  l'autre ,  il  se  distingue  très  peu  du  peul  du  Massina. 
Les  phénomènes  de  modification  et  de  nasalisation  de  la  consonne  ini- 
tiale de  la  racine  semblent  être  soumis  aux  mêmes  règles  dans  i'Ada- 
maoua qu'au  Massina  et  au  l^iita  sénégalais  et,  à  cet  égard  comme  à 
quelques  autres,  les  dialectes  de  ces  trois  pays  paraissent  moins  évolués 
tpie  celui  du  Foûta  Diallon. 

i'iusieurs  des  caractères  communs  aux  divers  dialectes  du  peul,  qui 
nous  sont  bien  connus  depuis  le  remarquable  travail  de  M.  Gaden  (Le 
poitlar,  Paris,  2  vol.  gr.  in-8",  1919,-191^1),  n'ont  pas  été  notés  par 
M.  Taylor,  faute  de  préparation  sullisant(î  ii  la  connaissance  des  |)rincipes 
généraux  de  la  langue,  mais  ils  se  dégajicnl  des  exenqtles  (|u'il  cite. 
C'est  ainsi  qu'il  attribue  au  ii()nd>re,  et  au  fait  que  les  noms  représentent 


294  OCTOBRE-DÉCEMBRE  1922. 

ou  non  des  (Hres  humains,  les  phénomènes  d'alternance  consonanlique 
qui,  en  fait,  sont  dus  à  ia  classe;  c'est  ainsi  encore  qu'il  ne  paraît  pas 
avoir  saisi  le  mécanisme  des  diverses  formes  que  revêt,  selon  les  cas,  le 
sullixe  d'une  même  classe  nominale  (par  exemple:  hgo,  go,  tvo,  et  o; 
de,  le,  dye  et  e,  etc.),  bien  que  ces  diverses  formes  apparaissent  fré- 
quemment dans  son  livre;  il  dit  n'avoir  pas  rencontré  l'emploi  de  la 
voix  réiléchie,  et  cependant  il  se  trouve  amené  à  en  citei-  plusieurs 
formes  ou  temps,  comme  un  intinilif  en  âgo,  un  aoriste  en  o  et  un 
aoriste  négatif  en  alâko  (et  non  ako),  dont  il  propose  une  interprétation 
incorrecte. 

Ces  réserves  faites,  et  ce  sont  surtout  des  réserves  de  doctrine,  la 
grammaire  de  M.  Taylor,  accompagnée  de  nombreux  exercices  de  tra- 
duction et  de  deux  petits  lexiques,  rendra  certainement  des  sei-vices. 
L'auteur  l'a  complétée  depuis  par  deux  reading  looks  qui  contiennent 
une  certaine  quantité  de  textes  recueilhs  sur  place.  Son  œuvre  constitue 
ainsi  un  instrument  de  travail  qui  pourj-a  permettre  aux  linguistes  de 
dégager  pleinement  et  méthodiquement  les  particularités  dialectales  du 
peul  de  l'Adamaoua. 

Il  n'est  pas  inutile  de  signaler  ici  que  M.  Taylor  a  noté  ces  consonnes 
spéciales  {b,  d  et  dij  —  qu'il  transcrit  par  un  »/  pointé  — )  qui  sont 
appelées  par  les  uns  rraspirées^  et  pai'  les  autres,  dont  M.  Gaden,  ff cla- 
quantes •n.  Tant  de  ceux  qui  ont  écrit  sur  la  langue  peule  les  ont  ignorées 
qu'il  faut  savoir  gré  à  M.  Taylor  de  les  avoir  observées. 

M.  Delafosse. 


Grobmann  (Dr.  Adolf).  Aet iiiopisc.hr  M.iniENHYMKEX  {Ahhaudlun^i'ii  dev  PliiL 
Hisl.  Klasse  dcr  Sitchnischcn  Akademif  dur  IMsseiiscliaflpn ,  XXXIII,  11°  IV). 
—  Leipzig,  Teubner,  1919;  gr.  in-S",  xii-5o7  pages. 

Ce  gros  travail  a  été  entrepris  en  1910,  livré  à  l'impression  à  la  fin 
de  igii.  Dans  l'intervalle,  M.  Grohmann  s'est  assimilé  une  quantité 
considérable  d'ouvrages  et  quelques  enseignements  verbaux  (il  a  été  en 
relations  à  .lérusaloiu  avec  le  savant  abyssin  Abba  Takla  Maryani)  sur  ia 
langue  et  la  littérature  élhio[)iennos  en  général  et  en  parliculier  surtout 
KB  qui  concoine  les  œuvres  —  elles  sont  nombreuses  —  consacrées  à  la 
Vierge.  Outre  le  présent  livre,  il  annonce  une  édition  (en  collaboraliou 
ave.c  M.  Kuring(!r)  de  ÏOrguc  de  la  Vierge,  (iMivr(!  iniportnnie  en  i)r()se, 
et,  d'autre  [)art,  une  étude  sur  l'art  abyssin  d'a|)rès  l(!S  miniatures. 

Le  présent  livre  est  surtout  une  édition  d'une  lon{;ue  suite  de  cou- 


COMPTES   RENDUS.  295 

plets  (i56  strophes  de  5  vers),  à  la  louange  de  Marie,  connue  sous  le 
nom  de  (lanùque  de.  la  Fleur,  très  répandue  en  Al»yssinie  en  difTérentes 
versions  (où  Tordre  au  moins  des  strophes  est  variahle).  Ce  cantique  est 
chanté  pendant  une  période  de  l\o  jours,  dite  Temps  des  /leurs  ((Iuidi, 
\  ocabolario  amurico,  col.  610),  du  a  G  Maskai'am  au  ^  Hedar,  c'est-'i- 
dire  aux  mois  d'octobre-novembre,  ce  qui  est  le  vrai  piinteraps  du  haut 
plateau  abyssin,  après  la  saison  des  pluies  (et  non  du  26  juin  au  96  sep- 
tembre, comme  le  dit  M.  Grohmann,  p.  62). 

D'autres  poe'sies  moins  considérables  sont  éditées  à  la  suite.  L'édition 
est  faite  avec  toutes  les  ressources  de  la  critique  de  textes;  les  variantes 
de  plusieurs  manuscrits  sont  citées,  traduites,  discutées;  la  traduction 
parait  très  exacte:  le  ti-ès  abondant  commentaire  pourra,  joint  à  cette 
traduction,  intéresser  tous  les  curieux  de  littérature  religieuse. 

Une  introduction  copieuse  (avec  répertoire  des  chants  d'église  consa- 
crés à  la  Vierge  par  le  rituel  abyssin),  un  index  de  tous  les  noms  et 
verbes  contenus  dans  les  textes  avec  références  exhaustives,  un  gros 
index  des  noms  et  des  clioses  (  contenant  entre  autres  un  lépertoire  de 
toutes  les  qualifications  de  la  Vierge),  une  riche  bibliographie,  et  un 
index  des  passages  de  la  Bible  cités  complètent  l'équipement  du  vo- 
lunje. 

Pour  les  éthiopisants ,  l'intérêt  principal  de  cette  pubhcation  est 
qu'aucune  édition  analogue  de  textes  poétiques  n'a  été  faite  jusqu'à 
présent  :  or  la  poésie  a  une  place  éminente  dans  le  culte  abyssin  et  dans 
l'instruction  et  la  vie  du  clergé. 

Il  y  a  encore  beaucoup  à  dire  sur  cette  poésie,  même  après  M.  Groh- 
mann. Lui-même  d'ailleurs  reconnaît  (pie  les  questions  de  métrique  et 
d'exécution  musicale  ne  peuvent  être  bien  étudiées  qu'en  Abyssinie.  Il  est 
très  désirable  que  des  éludes  de  ce  genre  sur  place  puissent  être  faites 
bientôt.  La  poésie  et  la  musi(jue  éthiopienne,  outre  leur  intérêt  propre, 
peuvent  aider  à  l'ésoudre  certaines  des  questions  qui  intriguent  les  sa- 
vants au  sujet  de  la  poésie  hébraïque. 

Les  indications  de  M.  Grohmann  sont  h  compléter  et  à  rectiher  sur 
certains  points  au  moyen  de  l'élude,  datant  de  iH.5o-i85A,  faite  par  un 
homme  qui  a  vécu  luugtenips  en  Abyssinie,  le  Père  Juste  d'Urbin  ;  elle 
a  été  publiée  en  partie  par  M.  Conti  Ilossini,  dans  ce  Journal  asiatiquo, 
XI"  série,  tome  VI,  191 5  (a'  semestre "),  p.  239  et  suivantes.  De  plus, 
les  Archires  de  la  Parole  h  la  Sojbonne  possèdent  maintenant  en  disques 
phonographiques  une  {)etite  série  d'hymnes  abyssins  qui  peut  pernjetlre 
de  commencer  une  étude  musicale. 

Observations  au  sujet  de  la  poésie  :  p.  ^i ,  il  est  dit  que  la  poésie  en 


296  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

guèze  est  toute  religieuse,  à  part  quelques  proverbes;  c'est  vrai  pour  la 
forme,  mais  non  pour  le  fond;  certains  hymnes  chante's  au  milieu  du 
service  religieux  ont  partiellement  un  caractère  profane  (voir  notam- 
ment 7.  As.,  191 5,  11,  p.  228).  —  P.  89,  certaines  formes  de  poésies  sont 
ënumére'es  comme  pouvant  être  consacrées  à  la  Vierge;  puis  il  est  dit, 
p.  /io,  que,  outre  ces  types,  il  existe  la  sërie  des  hymnes  (qënê),  rare- 
ment adresses  à  la  Vierge  :  or  les  foj-mes  citées  à  la  page  89  sont  précisé- 
ment en  majeure  partie  des  formes  connues  de  qénë;  il  est  bon  que  les 
lecteurs  soient  mis  en  garde  contre  cette  manièie  d'exposer  les  choses. 

A  la  page  89,  il  est  dit  que  la  poésie  de  six  vers  qui  porte  le  nom  de 
sëllâsë  ffTrinitén  (traduit  faussement  par  frtercetn)  a  souvent  deux  rimes 
(une  pour  le  premier,  l'autre  pour  le  second  tercet);  ceci  me  paraît  tout 
à  fait  erroné  ;  l'erreur  remonte  à  une  note  de  Ludolf  contenant  la  tra- 
duction fausse  ff  tercet  •«;  mais  l'exemple  de  poésie  hHlâsê  citée  par  lui- 
même  est  monorime,  de  même  que  toutes  celles  du  même  type  publiées 
par  M.  Guidi  (Rmdiconti  Lincei,  1900).  Le  caractère  monorime  de  la 
sti'ophe  guèze  est  encore  méconnu  p.  /jo,  où  il  est  dit  que  le  genre  za- 
'amlâkhja  (à  trois  vers)  a  un  premier  vers  blanc,  les  deux  derniers  ri- 
mant entre  eux  {(ihh):  ceci  paraît  reposer  uniquement  sur  un  exemple 
cité  dans  la  grammaire  éthiopienne  du  P.  Chaîne  (p.  aSo);  M.  Guidi, 
commentant  ce  texte,  dans  l'article  indiqué  en  note  par  M.  Grohraann 
lui-même,  a  observé  que  le  premier  vers  devait  être  corrigé;  or  le  même 
tercet  figure  au  J.  As.,  1915,  II,  p.  298,  avec  trois  rimes  pareilles,  le 
premier  vers  (qui  paraît  d'ailleurs  altéré)  rimant  avec  les  deux  autres. 

Lexique.  Une  petite  liste  de  mots  et  de  sens  inédits  est  donnée  p.  43- 
45  ;  mais  d'autres  indications  nouvelles  sont  noyées  dans  l'index  qui  se 
trouve  à  la  fin  du  livre;  il  est  très  regrettable  qu'un  signe  particulier 
n'y  ait  pas  distingué  tout  ce  qui  n'est  pas  dans  le  dictionnaire  de  DUl- 
mann. 

Complément  à  la  bibliographie  :  Jean  Uuchesne-Fournet,  Mission  en 
Ethiopie,  1909,  t.  I,  p.  289  et  suiv.  :  Note  sur  les  manuscrits  rapportés 
d'Abjjssinie  par  la  mission  Duchesne-Fournet ,  par  J.  Rlanchart;  voir  pour 
la  littérature  consacrée  à  la  Vierge,  p.  827,  882,  834  (où  est  donné  le 
début  d'une  version  du  Cantique  de  la  fleur);  Marcel  Cohen,  Rapport  sur 
une  mission  linguistique  en  Ahyssinie ,  1912,  p.  16,  18  et  20;  M.  Chaîne, 
(!ataloi>ue  des  manuscrits  éthiopiens,  etc..  Revue  de  l'Orient  chrétien, 
19'  vol.,  191'!,  second  article  (p.  247-268);  (sur  le  P.  Juste  d'Urbin  , 
voir  plus  haut). 

Marcel  Goiien. 


COMPTES   RENDUS.  297 

NizÂMî.  diioix  DE  rPB.s  Tinh  m:  la  Khamsa.  Texte  persan  publii-  par  M.  Th. 
HoiiTSMA.  —  E.  J.  Brlll,  Leydo,  1921;  1  vol.  iii-8°,  80  pages,  plus  une  pré- 
face (le  3  pages  non  numérotées. 

La  bibliothèque  de  Leyde  renferme  un  manuscrit  persan  (Dozv, 
Catal.,  t.  II,  p.  109)  dont  le  compilateur  s'est  occupé  de  réunir,  sous 
des  rubriques  variées ,  une  anthologie  de  vers  extraits  du  recueil  des 
cinq  poèmes  de  Nizhâmî  connu  sous  le  nom  de  Khamsa.  Gela  forme 
trente-sept  chapitres,  qui  donnent  une  idée,  non  de  la  composition  de 
ces  poèmes  et  des  sujets  qui  y  sont  traités,  mais  de  diverses  pensées  et 
réflexions  émises  par  l'auteur  au  cours  de  ses  élucubrations.  Les  orienta- 
listes qui  ne  se  sentiraient  pas  le  courage  de  s'absorber  dans  la  lecture 
de  l'édition  lithographiée  à  Bombay  en  1278  hég.  (1 856-1  Sôy)  au- 
ront, grâce  aux  extraits  qui  nous  sont  donnés,  un  moyen  pratique  de 
se  rendre  compte  aisément  de  la  manière  de  ce  poète  du  xn"  siècle  de 
notre  ère. 

La  copie  de  Leyde  est  médiocre,  mais  c'est  celle  qui  contient  le  plus 
grand  nombre  de  vers.  Ceux-ci  ont  été  corrigés  au  moyen  du  manuscrit 
de  Berlin,  qui  ne  contient  pas  moins  de  trois  rédactions  différentes  de 
ce  texte,  et  de  ceux  d'Oxford,  du  British  Muséum  et  de  Tlndia  Office, 
sans  compter  les  éditions  imprimées  et  lithographiées.  Une  feuille 
volante,  qui  est  distrii)uée  avec  le  volume,  contient  cinq  corrections 
qu'il  est  facile  de  reporter  aux  endi'oits  indicpiés. 

Un  inconvénient  de  cette  compilation ,  c'est  que  les  cinq  poèmes  de 
Nizhâmî,  Makhzen  el-Asrdr,  Khbsvan  0  Cliirin,  Léïlù  0  Madjnoiui,  Hoff- 
Péïher,  Islioider-nàmè ,  ont  été  écrits  sur  des  mètres  prosodiques  dillé- 
rents,  ce  qui  oblige  le  lecteur,  en  passant  de  l'un  à  l'autre  des  morceaux 
choisis,  à  scander  de  façon  diverse  :  or  on  sait  que  cette  scansion  est 
indispensable  pour  l'intelligence  des  vers,  dans  une  édition  où  les  izdfet 
ne  sont  pas  indiqués.  La  gène  qui  en  résulte  n'est  pas,  d'ailleurs,  impu- 
table à  l'éditeur,  qui  a  apporté  tout  le  soin  possible  à  donner  un  texte 
correct.  Le  savant  orientaliste  d'Utrecht  réserve  à  Nizhâmî  une  estime 
particulière,  ainsi  qu'il  veut  bien  me  le  faire  savoir  par  une  communi- 
cation personnelle;  il  n'hésite  {»as  à  le  préférer  à  Sa'di  et  à  d'autres 
poètes  persans.  L'édition  qu'il  nous  donne  de  ces  extraits  aura  au  moins 
le  mérite  d'attirer  l'attention  sur  des  œuvres  qui  semblent  quelque  peu 
négligées  en  Europe.  Cl.  IIiaut. 

Edward    0.  Rhowne.    Arabian   Medicike.   —   Cambridge,   Univcrsily  Press, 
i()2i;  1   vol.  pet.  in-8°,  vni-i38  pages. 
M.  Brownea  été  élu  en  1911  membre  du  Collège  royal  des  médecins, 


298  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

l'Académie  de  médecine  de  l'Angleterre.  Il  a  raconté  Ini-même ,  dans  un 
de  ses  premiers  ouvrages,  qu'il  s'était  d'abord  destiné  à  la  médecine 
avant  d'étudier  le  persan  et  de  rapporter  de  Perse  les  documents  rela- 
tifs à  la  religion  des  Bàbîs  qui  ont  attiré  sur  lui  l'attention  du  monde 
savant.  C'est  le  couronnement  de  sa  carrière  d'orientaliste  qui  le  ramène 
ainsi  à  ses  premières  études.  Le  Collège  royal  lui  a  demandé  d'exposer, 
en  quatre  conférences,  ses  idées  sur  la  médecine  arabe;  ces  lectures  ont 
eu  lieu  en  novembre  1919  et  dans  le  même  mois  de  1930.  Le  présent 
volume  est  le  résultat  des  recherches  auxquelles  il  s'est  livré. 

Comme  la  philosophie,  la  médecine  est,  chez  les  Arabes,  d'origine 
grecque;  il  a  pu  s'y  mêler  des  éléments  perses  et  indiens,  à  un  moindre 
degré.  Le  plus  ancien  médecin  mentionné  par  Ibn-Abi-Oçaibi'a  est  un 
certain  el-Hâiith  ben  Qalada,  contemporain  de  Chosroès  1",  auquel  il 
aurait  donné  des  conseils  d'hygiène;  mais  il  est  difficile  de  déterminer 
si  ce  renseignement  contient  rien  d'historique.  La  seule  chose  h  en 
retenir,  c'est  qu'il  avait  étudié  à  l'école  de  Gondê-Ghâpoùr  en  Susiane, 
à  laquelle  était  annexé  un  hôpital;  de  là  sortit  également,  au  rapport 
d'el-Qifti  dans  son  Histoire  des  médecins,  Djordjîs  fds  de  Bôkht-Yichou 
que  le  khalife  el-Mançoùr  enleva  à  ses  fonctions  de  médecin-chef  pour 
le  faire  venir  à  la  cour  de  Bagdad.  Cette  fondation  des  rois  sassanides 
fut  pendant  longtemps  le  seul  centre  scientifique  de  l'Asie  antérieure. 
A  la  cour  des  khalifes,  les  médecins  avaient  une  situation  extrêmement 
délicate;  dépositaires  de  redoutables  secrets,  connaissant  l'efl'et  des  poi- 
sons, ils  pouvaient  être  solhcilés  en  haut  lieu  de  mettre  leur  science  au 
service  de  rancunes  personnelles.  On  comprend,  à  la  rigueur,  que  les 
docteurs  sortis  de  l'école  de  Gondê-Châpoûr  fussent  peu  tentés  démettre 
leurs  connaissances  à  la  portée  d'autres  gens  que  leurs  compatriotes  : 
toujours  est-il  que  Honéin  ben  Isliaq,  chrétien  de  llira,  fut  chassé  par 
son  maître  Yohannâ  ben  Mâsawaïh  (le  Messuë  des  traducteurs  latins  du 
moyen  âge)  pour  les  (piestions  indiscrètes  qu'il  s'était  permis  de  lui 
poser.  A  côté  des  médecins  officiels,  une  foule  d'empiriques  distribuaient 
à  tort  et  à  travers  les  remèdes  que  leur  suggérait  la  pratique  de  leurs 
prédécesseurs  :  en  9.^1,  le  khalife  el-Moqtadir,  pour  remédier  en  par- 
tie à  cet  abus,  institua  des  examens  présidés  par  Sinân  ben  Thâbit  de 
llariân ,  (pii  en  retira  de  bons  profils. 

M.  B.  dis  lingue  deux  périodes  dans  renseignement  :  la  première  est 
celle  des  traductions  du  grec  en  arabe,  souvent,  mais  non  toujours, 
|)ar  un  intermédiaire  syriaque:  la  seconde  est  celle  des  travaux  person- 
nels de  médecins  "écrivant  <'M  ai-abe,  bien  qu'ils  lussent  Juifs,  chrétiens, 
Cabi(!ns  de  llarràn  ou  même  Zoroastriens.  Pour  lui,   lîhazès  est  supé- 


COMPTES  RENDUS.  299 

rieur  à  A\icenne,  malgié  ia  céléhrité  de  ce  dernier,  parce  (ju'il  nous  a 
transmis  ses  observations  clinif|ues.  Nombre  d'anecdotes  emprunle'es  aux 
œuvres  d'Osània  ben  Monqldh.  au  Fnradj  had  ech-Cliidda  d'et-Tanoù- 
khî,  au  Tcliahàr-Mmjàla  de  Nizbàm  'Aroùdi,  ont  tenu  eu  éveil  Tatlenlion 
de  l'audiloire.  Plus  intéressante  pour  nous  est  la  mention  de  ce  manu- 
scrit du  Britisb  Muséum,  le  Firdaiis  el-ÏIilana  d'Ali  ben  l»abban  du 
Tabaiislân,  qui  peut  être  considéré  comme  unique,  puisque  celui  de  la 
collection  Landberg,  aujourd'hui  à  Berlin,  parait  n'en  être  qu'un  abrégé; 
M.  B.  nous  en  promet  la  publication  et  peut-être  même  la  traduction. 
Du  même  intérêt  sera  la  correspondance  de  Rachîd-ed-Din ,  de  laquelle 
l'auteur  a  déjà  entretenu  les  orientalistes,  et  dont  il  possède  un  manu- 
scrit provenant  de  la  bibliothèque  rapportée  de  Perse  par  Houtoum- 
Schindler. 

Le  frontispice,  tiré  également  à  l'encre  rose  sur  la  couverture  en 
pa](ier  entourant  le  cartonnage,  rejjroduit  une  scène  du  Malih:en-el- 
Asi'dr  de  Nizhàmî  (p.  8g);  la  rivalité  de  deux  médecins  les  avait  poussés 
à  se  défier  de  s'empoisonner  mulueliement:  l'un  d'eux  meurt,  non  par 
l'effet  d'un  poison  qui  ne  lui  fut  pas  présenté,  mais  de  peur  et  de  sai- 
sissement, à  la  vue  d'une  rose  inoffensive  sur  laquelle  son  adversaire 
avait  simulé  une  incantation.  Cette  gracieuse  miniature  est  extraite  d'un 
manuscrit  persan  sur  lequel  YArabian  Medictne  ne  donne  aucun  rensei- 
gnement. 

L'auteur  dit  en  passant  quelques  mots  dédaigneux  de  la  médecine  de 
Mahomet ,  dont  les  Musulmans  font  grand  cas  parce  qu'ils  lui  attribuent 
pour  ox'igine  une  inspiration  venue  d'en  haut.  En  dernière  analyse,  les 
|)assages  des  traditions  islamiques  qui  traitent  de  ce  sujet  se  réduisent 
à  l'emploi  de  trois  moyens  thérapeuticpies  :  le  miel,  les  ventouses,  le 
cautère  actuel,  dont  l'usage  est  peu  recommandé,  probablement  à  cause 
de  son  emploi  fréquent  chez  les  Arabes  païens:  on  énumère  encore 
quelques  médicaments  sans  inq)oitaiice.  Notons,  p.  119.  que  mi-ddj 
ff  teuqjérament'^  est  proprement  rf  mélange  j?;  c'est  donc  sinq)lemenl  la 
traduction  du  grec  av-^hpucrts^^K 

Cl.  IICART. 

'"'  Comparer,  sur  le  mômo  sujot,  VElal  do  uns  CDitiiaissances  skv  la  médecine 
aiicicmiii  au  Marne,  par  l((  (locleur  ncjuuid,  til  \v*  Congidi'nitlans  sur  la  tnédc- 
riiii'  iiidi<>viic  (irhiellc  au  Maroc,  par  le  docteur  Maurnri.  dniX'^  le  Hnllrtlu  de 
l'iinlilul  (Ica  Hautes  Eludes  Mariicaines ,  ^\v^•vn\hv^'   i<)'Jii.  p.  71-1(1. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


SEANCE  GENERALE  DU  15  JUIN  1922. 

La  séance  est  ouverte  à  3  heures,  sous  la  présidence  de  M.  Senart, 

Etaient  présents  : 

MM.  HuART  et  CoRDiER,  vice-présidents;  M™'  Grarowska.  MM.  Allotte 

DE  LA  FuVE,  BÉNÉDITE,  BeSSIÈRES,  BlOCH  ,  BouVAT,  A. -M.  BOYER,  P.  BoYER  , 

Cabaton,  Gontenau  ,  Da>on,  Deny,  Ducrocq,  Dussaud,  Ferrand,  Gaude- 
froy-Demombynes ,  Graffin,  Cb.-F.  Jean,  Macler,  Madrolle,  G.  Mas- 
PERO,  de  Mavdell,  Meillet,  Moret,  Ort,  a.  Périer,  J.  Périer,  Bceské, 
SiDERSKY,  SiNAPiAN,  ViAU ,  membres;  Tum\E\v-])A'SGm ,  secrétaire. 

Le  procès-verbai  de  la  séance  générale  du  1 6  juin  1921  est  lu  et  adopté. 

En  ouvrant  cette  séance  qui  clôt  la  centième  année  d'existence  de  la 
Société,  M.  LE  Président  prononce  l'allocution  suivante  : 

ff  Messieurs, 

ffNous  retrouvons  aujourd'hui  le  cadre  de  notre  simplicité  coutu- 
mière;  rien  n'y  est  changé:  et  cependant  il  n'est  personne  de  nous  qui 
ue  ressente  le  caractère  exceptionnel  de  cette  séance.  Nous  nous  apprê- 
tons à  célébrer  solennellement  le  centenaire  de  notre  fondation;  en  atten- 
dant, nous  ne  saurions  l'oublier  dans  cette  réunion  qui,  pour  être  toute 
familiale,  n'en  évoque  pas  moins  des  impressions  graves. 

ffLa  première  d'un  siècle  nouveau  d'activité,  elle  nous  invite  tout 
d'abord  à  nous  retourner  vers  nos  illustres  fondateurs,  vers  ceux  qui, 
après  eux,  nous  ont  tracé  la  voie,  lis  ont  certes  moins  besoin  de  nos 


SOCIETE  ASIATIQUE.  301 

louanges  que  nous  n'avons  de  leurs  exemples,  et  leurs  découvertes, 
leurs  travaux  sont  pour  le  pays  un  patrimoine  commun;  mais  nous 
aimons  ici,  au  foyer,  à  rappeler  tout  ce  qu'ils  ont  fait  pour  notre  Société 
et,  par  elle,  pour  la  science,  ce  que  plusieurs  de  nos  aines  nous  ont, 
dans  des  relations  familières,  apporté  d'encouragement,  de  lumière  et 
de  réconfort.  C'est  à  la  vie  intime  de  notre  association  qu'ici  se  reporte 
plus  particulièrement  notre  pensée  pieuse.  De  notre  histoire  extérieure, 
vous  retrouverez  avec  plaisir  une  esquisse  dans  notre  Livre  du  Centenaire. 
Aucun  de  nous  ne  manquera  de  l'animei"  par  les  souvenirs  personnels 
qui,  surtout  pour  les  anciens,  font  revivre  tant  de  bonnes  heures  et 
de  mémoires  chères. 

rrMais,  autant  .qu'aux  commémorations,  cette  journée  nous  invite 
aux  visions  d'avenir. 

ffCorabien  je  souhaiterais  que  nous  nous  assurions  enfin  une  installa- 
tion moins  indigne  de  l'importance  de  nos  études,  plus  favorable  à 
l'emploi  de  nos  collections  !  Vous  le  savez  sans  que  j'y  insiste.  A  aimer 
notre  maison,  à  nous  y  sentir  à  l'aise  dans  cette  atmosphère  de  collabo- 
ration amicale  qui  accroît  la  force  de  tous,  nous  serons  mieux  armés 
pour  la  tâche  immense  qui  s'offre  à  nous. 

ff Serrons  les  langs,  mes  chers  confrères,  et,  fidèles  à  nos  traditions 
modestes,  mais  fortes,  espérons  que,  malgré  les  diflicultés  que  nous 
connaissons  trop  bien,  le  siècle  nouveau  qui  s'ouvre  verra  se  lever  un 
bataillon  de  travailleurs  qui  ne  soit  pas  indigne  des  premières  généra- 
tions."    • 

M.  Meillet  donne  lecture  du  rapport  de  la  Commission  des  censeurs. 
Des  remerciements  sont  votés  à  la  Commission  des  fonds. 

M.  Ferrand  signale  le  coût  très  élevé  des  corrections  et  invite  les 
auteurs  à  les  réduire  dans  toute  la  mesure  possible. 

La  Société  donne  ()leins  pouvoirs  à  M.  Gaudefroy-Demombynes, membre 
(le  la  Commission  des  fonds,  jtour  toucher  toutes  sommes  allouées  à  la 
Société  ou  qui  pourraient  lui  être  allouées  à  l'avenir,  et  en  donner 
quittance. 

Est  élue  membre  de  la  Société  : 

M"°  lIoMBURGEu,  présentée  par  MM.   Meillet  et  Gaudefrov-Dehom- 

BYNES. 

M.  J.  Périer  offre  à  la  Société  un  volume  intitulé  La  Perle- précieuse 
(t.  XVI,  fasc.  li  d(i  h  Palroloiriu  orlentalis). 


r,02  OCTOBRE-DÉCEMBRE  1922. 

iM.  Fkbrand  (Joune  lectwe  d'un  mémoire  de  M,  de  Saussure  sur 
L'origine  chiiioise  de  la  Cosmologie  iranienne.  (Voir  l'Annexe  au  procès- 
verbal.) 

Des  observations  sont  présentées  par  MM.  Senart,  Meillet  et  Thu- 
read-Dangin. 

M.  Ferrand  fait  une  communication  sur  Une  navigation  européenne 
sur  la  côte  orientale  d'Afrique  au  xiv'  siècle.  (Voir  l'Annexe  au  procès- 
verbal.) 

Il  est  procédé  au  dépouillement  des  votes.  Tous  les  membres  sortants 
sont  réélus. 

La  séance  est  levée  à  k  bem'es  et  demie. 


AN!\EXES   AU  PROCES-VERBAL. 


ORIGINE   CHINOISE    DE   LA    COSMOLOGIE    IRANIENNE. 

L'analogie  entre  le  dualisme  du  Zend  Avesta  et  celui  de  Ja  théorie 
chinoise  du  yin  et  du  yang  n'a  —  paraît-ii  —  pas  été  signalée.  Elle  est 
cependant  manifeste  et  cette  constatation  entraine  d'importantes  consé- 
quences. 

L'apparition  de  l'Avesta  sur  la  scène  du  monde  fut  d'un  grand  poids 
dans  les  destinées  de  la  philosophie  et  de  la  morale  humaines.  La  con- 
ception d'un  dieu  suprême,  immatériel,  était  née.  L'empire  iranien  la 
répandit  ensuite  vers  Babyloue  et  l'Occident.  Telle  est,  du  moins,  l'opi- 
nion émise  en  ces  dernières  années  et  qu'il  ne mappartient  pas  d'appré- 
cier. Si  je  la  rappelle  ici,  c'est  simplement  pour  attirer  l'alienlion  sur 
l'importance  d'une  fdiation  directe  entre  la  cosmologie  chinoise  et  celle 
de  l'Avesta. 

Grâce  à  sa  symétrie,  la  cosmologie  chinoise  peut  s'exposer  facilement 
en  quelques  lignes,  comme  j'ai  eu  l'occasion  de  le  faire  dans  le  Journal 
asiatique  de  janvier  1920  à  propos  du  Cijcle  des  douze  aniniau.r. 

Le  firmament  est  divisé  en  cinq  régions,  d'une  manière  très  logique: 
d'aboid  la  région  centrale  (c'est-à-(hre  la  calotte  circompolaire  toujours 
visible),  puis  les  quatre  régions  périphériques  correspondant  aux  quatre 
saisons  [ilnd.,  lig.  7  et  8), 


SOCIETE  ASIATIQUE.  303 

Le  miiieu  do  la  région  centrale  est  marqué  par  1  étoile  polaire, 
appelée  T'ai  yi  ffl'Uniqne  supréraeTî  ;  et  le  miiieu  des  régions  périphé- 
riques est  marqué  par  (juatre  astérisraes  cardinaux  correspondant  aux 
solstices  et  aux  équinoxes,  c'est-à-dire  aux  quatre  phases  de  la  révolu- 
tion dualistique  du '^m  et  du  yang.  Ces  deux  principes  antithétiques, 
des  ténèbres  et  de  la  lumière,  du  froid  et  de  la  chaleur,  expliquent,  aux 
yeux  des  Chinois,  l'alternance  de  toutes  les  révolutions  :  révolution 
annuelle  des  saisons,  révolution  diurne,  révolution  azimutale;  de  telle 
sorte  que  le  Nord  (maximum  du  yin  sur  l'horizon)  équivaut  au  solstice 
d'hiver  dans  la  révolution  annuelle  et  à  l'heure  de  minuit  dans  la  révo- 
lution diurne. 

Tous  ces  traits  sont  reproduits  dans  le  Boundehesh  et  dans  l'Avesta  '''. 

Le  ciel  iranien  est  marqué,  comme  le  ciel  chinois,  par  quatre  asté- 
rismes  cardinaux  qui  président  aux  quartiers  boréal,  oriental,  méridio- 
nal, occidental  du  firmament.  Au-dessus  de  ces  quatre  quartiers  se  trouve 
l'étoile  polaire  Gâli,  qui  est  appelée  le  Grand  du  milieu  du  ciel  et  pré- 
sentée dans  les  termes  mêmes  de  '.a  description  chinoise  du  firmament 
traduite  par  Chavannes ,  où  il  est  dit  qu'au  centre  du  ciel  l'étoile  Faite 
du  ciel  est  la  résidence  de  ^  — ■  YUnité  suprême  {M.  IL,  III,  p.  SSg; 
T'oung  pao,  1920,  p.  97). 

L'identification  de  Gdli  à  l'étoile  polaire,  déjà  évidente  d'après  l'ana- 
logie chinoise,  résultede  1  expression  ffLe  Grand  au  milieu  du  ciel«; 
elle  est,  en  outre,  confirmée  par  un  renseignement  très  intéressant  que 
me  communique  M.  G.  Ferrand.  Dans  les  Instruciions  nautiques  des 
marins  arabes  de  l'Océan  Indien  '',  l'étoile  polaire  est  désignée  sous  le 
nom  de  Gdh,  mot  d'origine  persane  signifiant  aie  lieun  ''^ 

(')  Boundelicsh,  II,  7  et  V,  1.  —  Yasl,  Mil,  la.  —  Siiozah,  I,  tS-i.'). 

Qu(ji([ue  ayaut  eu  à  prendre,  connaissance,  à  propos  du  zodiacjue  iunair'o, 
des  travaux  relatifs  aux  tlivers  systèmes  astronomiques  de  l'Asie,  je  n'avais 
rencontré  aucune  allusion  à  ces  textes  iraniens  lorsque ,  en  feuilletant  derniè- 
rement ï Histoire  de  l'astronomie  ancienne  de  Bailly  (177^*)'  j*^  ^"^'  ^^^"^  ^^^^ 
surprise,  que  «d'après  M.  Anquetil,  les  anciens  Perses  avaient  quatre  étoiles 
préposées  aux  (jualre  points  cardinaux"  (p.  /i8o),  trait  caractéristique  du  sys- 
tème chinois.  Ce  renseignement  inaltendu  venait  conlirnier  ce  que  j'avais 
avancé  en  1910  (T'ouiig  puo,  p.  •2vt\)  sur  l'orijjine  du  myllio  jjrec  du  pliénix 
renaissant  de  ses  cendi'es  et  siu'  la  propaj;alion  des  notions  chinoises  vers 
l'Asie  Occidentale. 

(2-:5)  (2)  1^11  f,jy  Q^i  notamment  (pu;stion  dans  le  passage  suivant  tlu  ms.  aaya 
du  fonds  arabe  de  la  l{ibliolhè<pie  Nationale  (fol.  37  r",  I.  i3  et  suiv.)  : 

c(^  t-^*a..^  (>'>^>  U^-"  J^O^^i:..:-^  *J~«y-l'   JljJI   ^«^'j  (fl-ii   «Jjr  S^i  >-^i  >S->^ 


.50/1  OCTOBRE-DEGKMBRE  19'it>. 

-Mais  les  traducteurs,  ignorant  que  le  système  du  Boiindehesh  repro- 
duit celui  des  Chinois,  n'ont  pas  eu,  pour  l'interpréter,  le  secours  de  la 
lomparaison.  Ils  ont  cru  que  Gdk  de'signait  ici  une  heure  de  la  journée''' 
et,  dans  leurs  commentaires  astronomiques  sur  les  astérismes  cardi- 
naux, ont  accumulé  des  erreurs  dont  on  trouvera  l'exposé  dans  une 
élude  plus  détaillée. 

Le  même  système  se  révèle  dans  l' Avesfa  (  Sirozali ,  1,8,  1 1 ,  i  a  ,  i  3  ) , 
011  il  est  décrit  dans  l'ordre  que  lui  assigne  le  livre  canonique  Yi  king 
des  Chinois  : 

D'abord  la  divinité  suprême,  Ahoura  mazda,  correspondant  au  Faîte 
suprême  -j^  ^  des  Chinois. 

Ensuite  le  Soleil  et  la  Lune  symbolisant  les  deux  principes  antithé- 
tiques ^  ^ . 

Puis  les  quatre  astérismes  cardinaux,  l'eprésentant  les  quatre  saisons 
symbolisées  par  quatre  emblèmes  [Z3  ^ . 

Ces  emblèmes,  comme  on  peut  le  voir  dans  ce  même  chapitre  des 
Gouverneurs  du  ciel  de  Chavannes,  sont,  notamment,  la  Tortue  pour  la 
région  nord  et  l'Oiseau  pour  la  région  sud.  La  raison  du  choix  de  ces 
emblèmes  a  été  exposée  à  propos  du  Cycle  des  douze  animaux  :  la  Tortue, 
qui  recherche  l'obscurité,  l'humidité  et  semble  engourdie,  a  été  désignée 
pour  symboliser  le  principe  passif  des  ténèbres  et  de  l'humidité.  Comme 
le  système  physique  et  cosmologique  des  Chinois  est  transposé,  par 
l'Avesta ,  dans  le  domaine  moral  et  religieux ,  le  principe  des  ténèbres 
devient  le  principe  du  Mal  et  rinoffensive  tortue  se  voit  ainsi  vouée  h 
l'exécration.  Les  iranisants  peuvent-ils  donner  une  explication  du  pas- 
sage (Fargard,  XIII)  où  Zoroastre  consulte  spécialement  le  Créateur  de 

Ls.{wJl   iùyooil    ,Lj.xJI    J^l   J^ÀX   ^y<v*Jj  Vt*^   is*"^^  f*^'    '^5  Uv*-'! 

«Al-ju(layy,  c'est  le  gàh.  Ai-jadi  [avec  lequel  il  ne  faut  pas  le  confondre]  est 
un  sijjne  tlu  Zodiaque  (lu  Capricorne),  qui  [s'étend  sur]  deux  mansions  et  un 
tiers;  c'est  l'une  des  douze  divisions  du  ciel.  Gàh  est  un  nom  persan  arabisé; 
les  Egyptiens  l'appellent  as-simiyyâ.n  G.  F.]  —  (^)  [En  persan,  »Ij,  qui  a  été 
arabisé  en  »L=».  ^â/t,  avec  ~  en  fonction  de  gutturale  sonore,  représentant  le 
kàf-é  'ajémi  ou  g-  persan.  G.  F.  | 

'')  Divers  chapitres  de  l'Avesta  el  du  Ijoundeliesli  nionlrenl  qu'il  ]  a  cinq 
lj;àlt  ;  il  est  visible  que  ces  gdk  sont  les  astérismes  centraux  des  cinq  régions. 
Ils  correspondent  aux  jj  fl^  el  aux  ^  ^ ,  dont  la  révolution  est  conçue 
soit  dans  l'espace,  soit  dans  le  temps  (  7"o«;(^' |i((ri .   1910,  p.  2^6  et  (io5j. 


SOCIETE  ASIATIQUE.  305 

l'univers  au  sujet  de  cet  animal  et  oîi  il  lui  est  répondu  que  ffla  tortue 
est  la  mauvaise  créature  parmi  les  créatures  de  l'esprit  du  xMal  qui,  à 
minuit,  s'en  va  détruire  les  créatures  de  l'esprit  du  Bien^?  Darmesteter 
ne  donne  à  ce  sujet  aucun  éclaircissement.  Par  contre,  dans  son  Intro- 
duction, il  décrit  la  répartition  générale  des  animaux  dans  la  catégorie 
du  bien  et  dans  celle  du  mal,  répartition  qui  transj)ose,  de  l'ordre  phy- 
sique dans  l'ordre  moral,  celle  que  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  résumer  à 
propos  du  symbolisme  des  douze  animaux  chinois. 

Quant  à  l'emblème  du  sud,  de  Vc'ti'  et  du  feu,  <|ui  était  dans  la  haute 
antiquité  chinoise  la  caille,  parce  que  cet  oiseau,  transformé  plus  tard 
eu  phénix,  semble  naître  chaque  année  des  feux  de  l'été,  on  ne  le  trouve 
pas  dans  la  littérature  iranienne,  dont  (juehpies  lambeaux  seulement 
nous  sont  parvenus.  Mais  l'origiue  chinoise  du  système  mazdéen  per- 
met de  conq)rendre  comment  le  niylhe  du  pliéiiix  renaissant  de  ses 
cendres  a  pu  arriver  aux  Grecs.  Elle  pourrait  aussi  expliquer  la  vision, 
de  Zacharie,  datée  de  la  a*"  année  du  règne  de  Darius,  où  un  ange  révèle 
le  mystère  des  chevaux  symbolisant  les  vents  des  quatre  points  cardi- 
naux, dont  la  couleur  est  celle  des  quatre  points  cardinaux  dans  la 
théorie  chinoise  des  cinq  éléments  '*'. 

Cette  théorie,  très  antique,  des  cinq  éléments,  n'est  en  efTet  (ju'une 
application  du  concept  fondamental  de  la  cosmologie  chinoise,  celui  de 
la  région  centrale  entourée  des  quatre  régions  périphériques,  qui  s'étend 
aussi  bien  au  monde  terrestre  qu'au  monde  céleste^''. 

Aux  cinq  régions  correspond(;nt  les  cinq  éléments,  les  cinq  planètes 
et  les  ciu({  couleurs.  Parmi  les  cinq  planètes,  Saturne  est  associée  à. la 
couleur  jaune,  qui  est  celle  du  centre  impérial,  et  à  l'élément  terre,  qui 
est  logiquement  l'élément  central;  Saturne  est  ainsi  la  planète  du  centre, 
correspondant  à  l'empereur  sur  la  Terre,  donc  à  l'étoile  polaire  au  Ciel 
(M.  H.,  III,  p.  867;  Toung  pao,  1910,  p.  -iû^). 

Or,  dans  le  Boundehesh  (V,  1),  à  la  suite  de  la  description  du  firma- 
ment, se  trouve  la  théorie  des  cinq  planètes,  dont  (juatre  sont  mises  en 

C  La  concordance  dos  couleurs  cardinales  do  ce  texte  avec  les  couleurs 
cliinoises  n'est  cependant  pas  conaplèto  :  le  nord  est  bien  assimilé  au  noir,  mais 
c'est  le  gris  (=  bleu  =  vert,  voir  T'oung  pao ,  njoy,  p.  ;î63;  1910,  p.  -i-^aj  et 
277)  qui  est  mis  en  relation  avec  le  sud  (au  lieu  du  rouge). 

'^'  Les  cinq  éléments  chinois,  mentionnés  séparément  dans  la  llturjfie  de 
l'Avesta,  sont  énumérés  collectivement  dans  le  texte  pehlvi  S.L.,  XV,  ;")  [S. ILE., 
vol.  V),  où  l'élément  central,  la  lerm ,  est  placé,  comme  en  Chine,  au  miheu 
de  la  série.  Cette  théorie  quinaire,  inconnue  du  monde  chaldéo-{jrcc ,  est  spé- 
ciliquement  cliiuoisu. 


306  OCTOBRE  DECEMBRE  1922. 

relation,  comme  en  Chine,  avec  les  astérismes  cardinaux,  et  la  cin- 
quième (précisément  Satm*ne)  avec  «le  Grand  du  milieu  du  ciel 71 ,  c'est- 
à-dire  avec  l'étoile  polaire.  Ce  qui  confirme  la  signification  déjà  évidente 
du  terme  Gâh  et  l'origine  chinoise  du  système. 

Remarquons  enfin  que,  dans  la  doctrine  iranienne,  on  voit  l'Etre 
suprême,  Ahoura  mazda,  tantôt  assimilé  au  pôle  placé  au-dessus  des 
deux  principes,  au-dessus  de  Mithra  (le  yang  solaire  des  Chinois)  et 
d'Anahila  (le  yin  humide  des  Chinois),  tantôt  assimilé  à  l'un  de  ces 
deux  princi[)es.  Or  le  même  fait  se  retrouve  en  Chine  où ,  à  partir  du 
xn°  siècle  avant  notre  ère,  une  doctrine  hétérodoxe  consacrée  par  la 
dynastie  des  Tcheou  conçoit  le  Ciel  en  dualisme  avec  la  Terre,  ce  qui 
déforme  l'ancienne  religion  cosmologique  où  le  pôle  trônait  au-dessus 
des  deux  principes  :  et ,  à  propos  du  Ci/cle  des  douze  anvnawv ,  bien  avant 
d'avoir  lu  i'Avesta,  j'ai  été  amené  à  signaler  dans  le  Journal  asiatique 
(p.  66-69)  la  juxtaposition  de  ces  deux  théories,  qui  subsistent  côte  à 
côte  jusqu'à  nos  jours  ^''. 

En  attendant  une  étude  plus  complète,  ces  premières  remarques 
peuvent  sulîu'e  à  montrer  la  connexion  du  système  iranien  et  du  système 
chinois. 

Léopold  DE  Saussure. 

f  Pourquoi  ia  religion  de  Zoroastre  interdit-elle  d'ensevelir  les  morts  dans 
la  terre  '?  Darmesteter  admet  l'explication  suivant  laquelle  cette  prescription 
aurait  pour  but  d'empêcher  de  souiller  l'élément  terre.  Mais  alors  pourquoi  un 
chapitre  des  Yendidad  expose-t-il  que  l'enterremcnl  des  cadavres  réjouit  la 
terre  ? 

L'orijjine  chinoise  fournit  l'explication  de  cette  crovaûce.  Dans  la  doctrine 
originelle  et  intt'grale,  où  le  pôle  engendre  et  domine  les  deux  principes  yin 
et  yang,  c'est  le  zéro  de  la  révolution  duahstique,  l'heure  de  minuit,  qui  est 
le  siège  du  principe  des  ténèbres,  et  c'est  pourquoi,  dans  l'ordre  moral  ira- 
nien, la  tortue  est  vouée  à  l'exécration.  Mais  dans  la  doctrine  hétérodoxe  où 
le  couple  Ciel-Terre  se  substitue  au  dualisme  yin-ynng,  l'antithèse  haut  et 
bas,  noble  et  vil,  \ienl  s'ajouter  à  l'opposition  de  la  lumière  et  des  ténèbres. 
Le  vil  n'est  alors  plus  représenté  par  la  tortue  (îNord),  mais  par  l'élément 
teiTc,  placé  à  égale  distance  entre  [eau  (N.)  et  W  jeu  (S.),  ce  qui  exphque  pour- 
(juoi  l'Avesta  presci'lt  de  placer  le  cadavre  sur  le  sol ,  à  égale  distance  de  l'eau 
et  du  feu  (cl.  Toung  pao,  1910,  p.  253).  11  est  clair,  dès  lors,  que  la  défense 
d'enterrer  les  cadavres  n'est  pas  destinée  à  préserver  la  terre  de  la  souillure , 
mais  bien  d'empêcher  l'élément  impur  de  s'engraisser  et  de  se  réjouir. 

Quoi(jue  la  doctrine  chinoise  se  maintienni;  plutôt  dans  le  domaine  pliy 
sique  et  scientiliipie,  on  voit  appaiaitre  çà  et  là  l'appréciation  moiale.  Dans  le 
C/ie  Al  ( M.  IL,  111 ,  p.  aSa  ),  il  est  dit  que  «le  Ciel  est  noble ,  la  Terre  est  vile». 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE.  307 


UNE   NAVIGATION   EUROPEENNE   DANS   L'OCEAN    INDIEN    AU   XIV°   SIECLE. 

Dans  une  note  précédemment  parue  ici-même  {A  propos  d'une  carte 
javanaise  du  xv'  siècle,  XI°  série,  t.  XII,  juillet-août  1918,  p.  167), 
j'avais  reproduit  ces  deux  vers  d'une  Instruction  nautique  de  Ibn  Mâjid 
(ms.  9292  du  fonds  arabe  de  la  Bibliothèque  Nationale,  fol.  100  v", 

1.8-9): 

y*  i  Jl  ^'Li'  ^'jj^l   'r^'r*        JJÔ.X-!!  *-J.x5  ^  yLj  J^j 
^^i)|  (5ji  ^J&  !$A.jL5  JOLgJl^        Sj— "  7~^  i:)i-—'^-i  ^  -^-.i^ 

Ou  dil  (juo,  dans  ios  temps  anciens,  ies  navires  des  Francs  vinrent  à  Komr 
[=  Madagascar]  et  vinrent  également  sur  la  côte  du  Zang  et  de  Tlnde  [Occi- 
dentale], d'après  ce  rpie  rapportent  les  Francs. 

Le  texte  dont  sont  extraits  ces  deux  vers  est  daté,  au  fol.  1 16  v°,  du 
18  Sul-hijja  866=  i3  septembre  1/162. 

Cette  information  est  extrêmement  importante,  mais  je  n'étais  pas 
alors  en  mesure  d'apporter  à  son  appui  le  témoignage  d'un  texte  euro- 
péen. M.  Paul  Pelliot  a  eu  l'oldigeance  de  me  signaler  l'existence  dans  le 
liecuril  des  Historiens  des  Croisades  publié  par  les  soins  de  l'Académie 
des  Inscriptions  [Documents  arméniens,  t.  II,  1906,  in-folio),  d'une 
relation  de  voyages  datée  du  xiv"  siècle,  qui  vient  heureusement  confir- 
mer l'indication  fournie  par  l'auteur  arabe. 

ffLe  Dircctorium  ad  passa pum  Jaciendum,  dit  Gh.  Kohier  dans  sa 
magistrale  introduction  au  l.  Il  des  Documents  arméniens,  un  des  plus 
dignes  d'altenlion  parmi  les  nombreux  projets  de  croisade  composés 
dans  la  première  moitié  du  xiv°  siècle,  fut  adressé  en  iHSa  k  Phi- 
lippe VI,  roi  de  France,  par  un  rehgieux  dominicain,  jadis  missionnaire 
dans  l'Empire  grec  et  dans  les  contrées  lointaines  de  l'Orient  asiatique 
et  de  l'Afrique  (p.  cxLni).n  Ainsi  que  le  montre  [dus  loin  Kolder,  l'attri- 
bution du  Direclorium  à  licocardus  ou  Hrochard  est  purement  gratuite 
et  ue  saurait  être  maintenue;  le  véritable  auteur  de  ce  texte  en  est  peut- 
être  le  dominicain  Guillaume  Adam  (ibid.,  p.  cliv  et  suiv.). 

Voici  le  passage  où  il  est  question  d'une  navigation  du  Pseudo-Hro- 
cardus  sur  la  côte  orientale  d'Afrique,  juscpie  [>ar  ali"  Sud,  c'est-à-dire 


308  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

jusqu'au    tropique   du    Capricorne.   Des  marchands  naviguaient  alors 
jusque  par  34°  Sud,  latitude  du  cap  de  Bonne-Espérance  : 

[Pseddo-]Brocardus,  Directorilm  ad  PASs.iGWM  FAciENDDM,  dtins  RecusU  des 
Historiens  des  Croisades,  Documents  arméniens,  t.  II,  Paris,  1906,  in-folio. 

(P.  383.)  ff  .  .  .  Ego,  pro  meo  proposito,  unum  per  me  visum  adicio  et 
expertum.  Cum  cnim  proficiscerer  inter  gcutes,  causa  fidei  predicande,  tran- 
siens  infallibiliter  sub  et  ultra  tropicuin  estivalem,  suIj  cquinoctio  me  inveni, 
quod  probatur  ex  tribus  demonslrativis  evidencius  argumcntis.  Primo  quod  in 
loco  illo  in  quantitate  diei  ae  noctis,  nulle  anni  temporo,  alicujus  hore  seu 
ociam  momcnli  sonsibilis  diffei'oncia  notaliatur:  secundo  quod  cxistente  sole 
in  primo  gradu  Ai'ietis  et  Libre,  eral,  ibi  (p.  38^1  )  in  nieridie  umbra  rtn-ta: 
tcicio  (juoil  slcllns  [illas]  (jue  circumcunl  propinquius  polos  muiidi  videbam 
in  aliqua  parte  ntx'tis  islas,  scilicet  ad  aquilonem,  illas  autem  ad  meridiem 
super  circulum  orizontis  simul  et  equaliter  elevatas.  Obmitto,  causa  brevita- 
tis,  mulla  alia  argumenta,  licet  essent  audiencium  auribus  curiosa.  Processi 
ultra  versus  meridiem  ad  locum  ubi  polum  nostrum  articum  non  videbam,  et 
videbam  polum  antarticum  circa  xxiii  gradibus  elevatum.  Ab  isto  loco  ulterius 
non  processi.  Mercatores  vero  et  bomiues  iide  digni  passim  ultra  versus  meri- 
diem procedebant.  usque  ad  loca  ubi  asscrebant  polum  antarticum  quinqua- 
ginta  [lire  :  trigintaO]  quatuor  gradibus  elevari.  ConjuncLa  autem  minori 
lalitudine  climalum  (}ue  est  xxii  graduum ,  quibus  primcipium  primi  climatis 
vel  circa  ab  equinoccio  distat,  cum  illis  quinquaginla  [lire  :  triginta]  quatuor 
gradibus  quibus  polus  antarticus  elevabatur  in  loco  ad  quem  mercatores  supra 
diximus  pervenisse,  constat  quod  patent  quatuor  conclusiones  diHgencius 
inluenti.  Prima  [est]  quod  plus  sit  extra  climatus  versus  orientem  atque 
meridiem  babitatum  ipiam  sit  lotum  spacium  infra  minorera  et  majorera  lati- 
liidinem  cbmatum  assigiiatum.  Secunda  quod  major  est  pars  Asie  [asserenda] 
quam  communiter  assignelur.  Tercia  quod  non  est  frivolura  neque  falsura 
antipodes  assignare.  Quarta,  que  raagis  venit  ad  nostrura  propositura,  quod 
nos  qui  veri  Cbristiani  suraus,  non  dicara  deciraa  sed  et  vigesima  pars  non 
sumus. 

Le  De  modo  Sarracenos  extirpandi  du  dominicain  Guillaume  Adam, 
public  dans  le  même  volume  de  Bocumenla  arinénicm,  contient  égale- 
ment d'importants  renseignements  géographiques  sur  l'Océan  Indien, 
où  ce  religieux  avait  voyagé  : 

Nous  savons,  dit  Kohler  {Introduction,  p.  cxci,  infra),  qu'il  se  trouvait  en 
Perse  du  temps  de  GI(''menL  V,  à  Tépoque  oîi  s'organisait  en  Occident  un  pas- 
sage général,  c'est-à-dire  probablement  en  i3i3-i3i4,  et  qu'il  s'était  avancé 

'')  Cette  correction,  (|ui  s'impose,  est  indiquée  dans  une  note  de  Tisse- 
rand. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  309 

mémo  dans  les  lointaines  régions  de  Tana  (près  de  Bombay),  de  Cambaeyt 
(Cambaye)  et  de  Colom  (Quilon).  .  .  D'ailleurs,  suivant  ses  propres  paroles, 
il  avait  traversé  dans  toute  sa  longueur  l'empire  des  Mongols  de  Perse  et  prê- 
ché l'Evangile  eh  diverses  réglons  de  l'Inde.  Pendant  près  de  vingt  mois,  il 
avait  navigué  sur  l'Océan  Indien,  dont  il  avait  également  exploré  les  rivages. 
Il  s'était  arrêté  neuf  mois  dans  i'ile  de  Socotora.  .  .  11  connaissait,  probable- 
ment pour  y  avoir  séjourné,  les  îles  de  Chyx  (Kism)  et  de  Hormutz  (Uormuz) 
à  l'entrée  du  golfe  Persique.  Peut-être  avait-il  aussi  fait  escale  dans  l'archipel 
des  Dives  (Laquedives  ou  Maldives),  et  il  n'est  guère  douteux  non  plus  qu'il 
ait  parcouru  le  golfe  Persique  et  la  mer  Rouge  et  pénétré  dans  la  ville  d'Aden, 
sur  le  commerce  de  laquelle  il  fournit  de  précieux  renseignements.  Enfin  sou 
zèle  pour  la  prédication  de  la  foi  l'avait  conduit  jusqu'en  Ethiopie. 

Et  plus  loin  (p,  ce)  : 

Avec  l'approbation  et  l'aide  du  souverain  des  Mongols  [de  la  Perse],  Ar- 
goun-Khan  [qui  régna  du  ii  août  i'?8^i  au  7  mars  1991],  les  Génois  ont 
construit  à  Bagdad  deux  galères  (ju'iis  se  proposaient  de  conduire  par  l'Eu- 
phrale  dans  la  mer  des  ludes,  dans  le  dessein  de  confisquer  à  leur  profit  tout 
le  commerce  de  celte  mer.  Nul  doute  que  leur  entreprise  eût  été  couronnée 
de  succès  si  des  divisions  ne  se  fussent  mises  entre  eux. 

C'est  évidemment  à  ces  navigations  que  fait  allusion  Ibn  Mâjid  dans 
les  deux  vers  précités. 

Gabriel  Ferrand. 


310  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 


Nécrologie. 

Un  de  mes  amis  de  Pétrogi-ad  m'adresse,  sous  ie  titre  significatif  de 
liussia  orientnHs  dolorosa,  la  liste  des  orientalistes  russes  morts  dans  la 
période  1918-1922.  J'ai  pensé  que  nos  confrères  de  la  Société'  asiatique 
auraient  quelque  intérêt  à  connaître  les  perles  douloureuses  qu'a  faites 
l'orientalisme  russe  dans  ces  dernières  années ,  d'autant  que  les  commu- 
nications sont  loin  d'être  régulièrement  établies.  Les  dates  n'ont  pu  être 
indiquées  d'une  faron  précise  pour  les  noms  marqués  d'un  astérisque. 

8  janvier  1918,  Valentin  Joukovski  (iranisant). 

19  avril  1918,  Nicolas  Vessélovsky  (histoire  de  l'Orient). 

19  mai  1918,  Vilhelm  Radlov  (turcisant). 

3  juin  1918,  Oscar  Lemm  (coptisant). 

28  octobre  1918,  Jacques  Smirnov  (bistoire  de  l'art). 

26  octobre  1918,  ISicolas  Médnikov  (arabisant). 

16  octobre  1919,  Jean  Volkov  (égyptologue). 

Octobre  1919,  *Ollo  Rosenberg  (japonisant). 

1919,  *Abraliam  Harkavv  (bébraïsant). 

1919,  *Joseph  RiPCHiDZE  (langues  du  Caucase). 

28  juillet  1920,  Boris  Toiraiev  (éthiopisant  et  égyptologue). 

1"  août  1920,  Alexis  Markov  (numismate). 

*Alexis  PozDMîJEv  (mongolisant). 

26  mai  1922,  Basile  Smirnov  (turcisant). 

28  mai  1922,  Jean  Rovzmine  (arabisant).  Agé  de  28  ans  seulement, 
il  avait  donné  une  traduction  l'usse  du  Haijyi  ibn  Yaqzhàn  et  travaillait 
à  un  ouvrage  sur  le  système  philosophique  d'Ibn  Tofaïl  et  les  sources  de 
ses  théories,  qui  devait  compléter  l'étude  de  L.  Gauthier.  Il  avait  aussi 
presque  terminé  la  traduction  russe  du  Kalilah  et  Dimnah,  d'après  la 
recension  publiée  par  le  P.  Cbeïkho ,  celle  d'Altaï  et  Riabnine  étant  faite 
sur  le  texte  de  De  Sacy. 

3  juillet  1922,  P.  Falev  (turcisant).  11  avait  travaillé  dans  le  domaine 
de  la  poésie  épique  liirke  et  avait  recueilli  un  grand  nombre  de  docu- 
ments chez  les  Coumouques  du  Caucase. 

René  Basset, 
Doyen  de  la  Faculté  des  Lettres  d'Alger. 


RAPPORT 

DE   LA  COMMISSION  DES   CENSEURS 

SUR    LES    COMPTES    DE    L'ANNEE     IQÛl. 


L'exercice  1991  a  encore  été  un  exercice  de  liquidation  des  difficultés 
(le  l'après-guerre. 

11  a  fallu  régler  le  reliquat  dû  pour  les  tirages  à  part  de  l'ancien 
régime,  soit  18,716  francs.  Une  partie  s'est  trouvée  heureusement  cou- 
verte par  la  vente  de  livres  que  nous  avions  en  double;  celte  vente, 
réalisée  par  les  soins  du  zélé  rédacteur  de  notre  Journal,  a  rapporté 
8,5/48  francs. 

Nos  comptes  se  trouvent  obscurcis  par  le  fait  que  le  compte  de  la 
maison  Leroux  porte  sur  deux  exercices  :  1920  et  1921.  Voici  les  faits 
essentiels  : 

Outre  2,990  francs  de  cotisations  arriérées,  il  a  été  reçu,  pour  1990, 
5,836  fr.  3o  de  cotisations  annuelles,  et,  pour  1991,  6,699  fr,  20.  On 
peut  donc  esthner  que  nos  cotisations  annuelles  rapportent  environ 
6,000  francs.  Le  recrutement  des  membres  est  satisfaisant,  mais  néces- 
sairement limité. 

Les  abonnements  au  Journal  ont  rapporté,  en  1920,  9,4i8fr.  90, 
et,  en  1921,  2,56o  fr.  3o.  11  n'y  a  pas  à  espérer  de  grands  progrès  de 
ce  côté. 

Les  ventes  de  publications  ont  rapporté,  en  1990,  1,727  fr.  55,  et, 
en  1991,  1,621  francs.  On  ne  doit  pas  oublier  que,  depuis  de  longues 
années,  la  Société  n'a  plus  fait  de  [tublications  nouvelles  dont  elle  soit 
propriétaire.  Ce  poste  est  donc  appelé  à  diminuer  progressivement. 

Une  cotisation  perpétuelle  de  600  francs,  reçue  en  1991,  et  un  rem- 
boursement d'obligation,  montant  à  hSo  francs,  n'ont  pas  encore  été 
employés  à  acheter  des  titres. 

La  seule  charge  im|)ortanle  de  la  Société  est  actuellement  Timpression 
du  Journal  :  cinq  fascicules  ont  coûté  98,799  fr.  3o.  C'est  dire  que  les 


312  OCTOBRE-DECEMBRE   1922. 

quatre  fascicules  annuels  auxquels  on  a  dû  réduire  la  publication 
reviennent  à  près  de  96,000  francs. 

11  a  été  fait  environ  3, 000  francs  de  dépenses  pour  la  mise  en  état 
de  la  bibliothèque.  Ces  dépenses  ne  se  renouvelleront  pas. 

Nos  frais  généraux  sont  réduits  au  minimum.  Les  honoraires  versés 
au  bibliothécaire  et  au  rédacteur  du  Journal  sont  demeurés  au  chiffre 
d'avant  guerre.  La  rétribution  —  déjà  minime  —  des  auteurs  d'articles 
est  restée  au  même  taux.  11  n'y  a  aucune  économie  possible. 

Les  cotisations  annuelles  et  les  intérêts  des  fonds  placés  ne  suffisent 
donc  pas  à  couvrir  nos  dépenses  régulières.  Nous  ne  parvenons  à  y  faire 
face  que  grâce  aux  subventions  qui  comblent  le  déficit  :  2,000  francs 
de  l'Instruction  publique,  3, 000  francs  d'un  crédit  ouvert  par  l'Impri- 
merie nationale,  2,000  francs  d'abonnements  pris  par  le  service  des 
OEtivres  françaises  à  l'étranger,  i,5oo  francs  de  la  Banque  de  l'Indo- 
Chine,  5oo  francs  du  Maroc  et  5oo  francs  de  l'Afrique  Occidentale,  soit 
environ  10,000  francs. 

La  réimpression  du  quatrième  volume  d'Ibn  Batoutah  n'a  été  rendue 
possible  cette  année  que  grâce  à  une  subvention  de  la  Caisse  des  recherches 
scientifiques. 

Notre  situation  financière  est  saine,  grâce  à  la  rigoureuse  économie 
de  votre  bureau  et  grâce  à  des  dons  généreux  qu'il  a  obtenus.  Il  faut 
souhaiter  que  ces  dons  se  multiplient. 

Car  il  est  regrettable  que  nous  ne  puissions  ni  procéder  à  des  achats 
appréciables  de  livres  et  de  périodiques,  ni  faire  ou  aider  des  publica- 
tions nouvelles.  Faute  de  ressources,  notre  vie  est  ralentie. 

A.  Meillet.    R.  Dussacd. 


RAPPORT   DE  M.  GAUDEFROY-DEMOMRYNES 


AU    NOM    DE    LA    COMMISSION    DES    FONDS 


ET  COMPTES  DE  L'ANNEE   1921. 


Les  comptes  de  1921  sont  une  liquidation  :  dépenses  arriérées  du 
Journal  asiatique  et  de  tirages  à  part  d'un  prix  imprévu  (en  tout 
lib,(x']i  fr.  25);  frais  de  mise  en  état  du  matériel  de  la  Bibliothèque 
(menuiserie,  etc.,  1,89/1  fr.o5;  reliure,  1,786  fr.  26).  Elles  ont  été 
couvertes  par  l'appoint  du  second  versement  de  la  maison  Leroux  pour 
1920,  retardé  de  quelques  jours  et  porté  au  compte  de  1921;  par  des 
ventes  de  livres  en  double  heureusement  réalisées  par  le  rédacteur  du 
Journal,  et  par  diverses  subventions.  Il  semble  que  Ton  peut  désormais 
compter  sur  l'équilibre,  mais  en  s'en  tenant  au  format  réduit  du  Journal 
asiatique  et  en  renonçant  à  faire,  sans  un  secours  étranger,  aucune 
publication  ou  réimpression. 


31A  OCTOBRE-DÉCEMBRE  1922. 

COMPTES  El 

DÉPENSES. 

Honoraires  et  frais  de  la  maison  Leroux ^^397'  80  > 

Honoraires  du  bibliothécaire 1 ,800  00 

Frais  de  la  Société  :  service  et  étrennes Zi36  b(H 

Chauffage,  éclairage ,  frais  de  bureau 267  Bd, 

Impressions h^k  7^ 

Mobilier 1,394  o5 

Reliure 1,786  al 

Classement  de  la  bibliothèque 696  00 

Correspondance  et  souscriptions i54  00  1 

Impositions 486  60  1 

Assurance 1^9  60 1 

Imprimerie  Nationale  (Journal  asiatique  et  tirages  à  part) 45,471  a 

Indemnité  du  rédacteur 600  0 

Honoraires 822  00 

Société  générale 944  o5 

Reliquat  au  3»  décembre  1921 4,621  35 

ToTAt 63,750  5o 


SOCIETE  ASIATIQUK.  315 

ANNÉE   1921. 

RECETTES. 

Reliquat  au  3i  déceiiibre  1990 5. 689   92 

Intérêts  des  valeurs  de  la  Société 1 8,986  hj 

Rerabourseinent  d'une  obli{fation  P.-L.-M I180  3i 

Intérêts  des  Bons 1 80  00 

Intérêts  des  sommes  en  compte 59  o5 

Versements  Leroux  pour  1920  et  1931 93,699  9*> 

Cotisations  versées  au  trésorier ,  .  970  00 

Ventes  de  livres  en  double 8,548  65 

Souscription  da  Ministère  de  l'Instruction  publique 3,000  00 

Crédit  de  l'Imprimerie  nationale 3, 000  00 

Souscription  du  Ministère  des  AlTaires  Étrangères , , .  9,000  00 

Souscri|)tions    diverses   (Banque    Indo-Chine,  i,5oo  fr. ;  Afrique   Occidentale   et 

Maroc,  1,000  fr. ) 3,5oo  00 

Avances  du  bibliothécaire 1,387  2» 

Total 63,760  5o 


316 


OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 


DEPENSES. 


BUDGET  Dl 


Honoraires  du    libraire   pour  le  recouvrement   des  cotisations  et 
remise  sur  les  abonnements  et  ventes  de  publications 

Frais  de  bureau  du  libraire 


Honoraires  du  bibliothécaire 

Service  et  étrennes 

Chauffage,  éclairage,  frais  de  bureau 

Impression  et  envoi  des  lettres  de  convocation . 

Entretien  du  mobilier 

Reliure  et  achat  de  livres  nouveaux 

Abonnements  aux  journaux  et  revues 

Souscriptions  et  subventions 

Contributions 

Assurance  contre  l'incendie 


Réserve  statutaire 

Frais  d'impression  du  Journal  asiatique 

Indemnité  au  rédacteur 

Honoraires  des  auteurs 

Société  générale ,  droits  de  garde,  timbres,  etc. 


i,5oo' 

1,000 

i,8oo 
5oo 
6oo 

300 
200 

317 
5o 

100 

i36 
i4C 

i,4oo 

24,000 

6oo 

i,5oo 

i5o 


00 
00 

00     \ 

00 

00 

00 

00 

8o 

00 
00 

10 


9,5oo'  00 


3,767  8d( 


582  a 


27,650  od 


Total  des  dépenses. 34,5oo 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.  317 

/ANNÉE    1923. 


RECETTES. 

Cotisations 5,ooo'  oo    )  ^^^^^^  ^^ 

Abonnements  cl  vente  des  publications  de  la  Société 5,ooo  oo    \ 

Intérêts  des  fonds  placés i''-"°°  "^^ 

Souscription  du  Ministère  de  llustriiclioii  publiciue 2.000  00 

(Crédit  de  l'Imprimerie  nationale 3, 000  00 

Souscription  du  Ministère  des  AlVaires  Klrangères 2,000  00 

Souscriptions  diverses "^'^°°  "° 

Total  des  recettes 3/.,5oo  00 


RAPPORT  SUR  LA  RIRLIOTHÈQUE 
POUR   L'ANNÉE   1921-1922. 


Pendant  l'année  écoulée,  la  bibliothèque  a  reçu,  à  titre  de  don  ou 
d'échange  : 

1°  Environ  quatre-vingts  volumes  et  une  quarantaine  de  plaquettes; 
à  citer,  parmi  les  pubhcations  les  plus  importantes ,  la  magnifique  édi- 
tion hoUaudaise  du  Barabudur  et  The  Thousand  Buddhas  de  Sir  Aurel 
Stein  : 

2°  65  ouvrages  en  langue  siamoise  édités  et  envoyés  par  la  Vajira- 
ilana  National  Lihrary,  de  Bangkok  ; 

3°  Le  restant  de  la  collection  de  manuscrits  indochinois  donnée  par 
M.  Aymonier. 

La  bibliothèque  doit  à  l'intervention  de  M.  Ferrand  de  recevoir  Tlie 
Philippine  Journal  of  Science,  qu'il  était  à  peu  près  impossible  de  trouver 
à  Paris.  Par  contre,  The  Hispauic  Society  ol'  America  n'a  pas  voulu  con- 
tinuer l'échange  de  la  Revue  hispanique  avec  le  Journal  asiatique. 

En  raison  de  notre  situation  financière,  il  n'y  a  pas  eu  d'achats  de 
hvies  nouveaux,  et  la  reliure  des  volumes  reste  suspendue. 

Lucien  Bouvat. 
Vu: 

Le  présideni  de  la  Commission  de  la  Bibliothèque , 

H.  CoHDIER. 


TABLE  DES  MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  LE  TOME  XX,  XP  SÉRIE. 


MEMOIRES  ET  TRADUCTIONS. 

Pages. 

L'empire  sumatranais  de  Çrlvija^a  (M.  Gabriel  Feur.vnd) i 

Une  interpolation  du  Che  ki  (M,  L.  dk  Saussure) io5 

L'empire  sumatranais  de  Çrîvijaya  [«mie]  (M.  Gabriel  KEnr.vND) t6i 

Deux  inscriptions  coufiques  du  Campa  (M.  P.  Ravaisse) 3'i7 

MÉLANGES. 

(Jui'l(|ii('S  oiiservalious  sur  rEzour-Védam  et  son  auteur  (M.  .1.   (]uau- 

l'ENTIEU  j I  36 

Le  sarcophage  du  roi  ^Mykeriuos  et  celui  de  la  reine  (M.  W.  Schmidt).  .  290 


COMPTES  RENDUS. 

Jiiilli'l-septembrc  lya-J  :  llevue  des  Etudes  slaves  (M.  Gabriel  Keuuand). 

—  Aujjustin  Péuieh,  Saliva  ben  'Adi,  un  pliiloso|)lie  arabe  clii'éticn  du 
.\'  sii'cle;  i'elils  traités  apoiojjétiques  de  ^ali\à  ben  'Adi;-  Ibnu'l- 
Bai.kiiI.  Tlie  Kàrsnàma;  -  Joseph  Gaiiame.  interprète,  La  description 
de  la  France  ajjricole,  industrielle,  commerciale  et  coloniale,  à  l'usage 

des  Marocains  [en  arabe]  (M.  Cl.  Hlabt) 1^7 

Octobre-décembre  itj9!  :  L.  Iîém.i.on,  Premiers  éléments  de  langage 
douaia;  Ch.  Matimei  ,  Petit  vocabulaire  IVançais-boulou;  -  F.  \V.  Taï- 
LOR,  A  first  gramniar  ol  the  Adamawa  dialect  of  tlie  Fulani  language 
(Fidfuide)  (M.  Dei.afosse).  —  Dr.  A.  Ghoiimann,  Velliiopische  Mai-ien- 
li\inneii  (M.  M.  Coiien).  —  >izâmï,  Choix  de  vers  tirés  de  la  Khantsa  ; 

-  E.  G.  Hiiowm;,  \rahian  Medicine  (M.  Ci.  Ili  act) aga 


320  OCTOBRE-DECEMBRE  1922. 

CHRONIQUE  ET  NOTES  BIBLIOGRAPHIQUES. 

Juillet-septembre  1922 i55 

SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 

Procès-verbal  de  la  séance  générale  du  1;")  juin  1922 3oo 

Annexe  au  procès-verbal  :  Orijjine  cbinoise  de  la  cosmologie  iranienne 
(M.  L.  DE  Saussure) , 002 

Annexe  au  procès-verbal  :  Une  navigation  européenne  dans  TOcéan  In- 
dieu au  xiv'  siècle  (M.  Gabriel  Ferrand) 807 

Nécrologie 3io 

Rapport  de  la  Commission  des  censeurs  sur  les  comptes  de  Tannée  1921.     3 1 1 

Rapport  de  M.  Gaudefroy-Demombynes  au  nom  de  la  Commission  des 

fonds ,  et  Comptes  de  l'année  1 9  2 1 3 1 3 

Budget  de  l'année  1928 3i6 

Rapport  sur  la  Bibliothèque  pour  l'année  1921-1922  (M.  L.  Bouvat).  .  .      3i8 


Le  iicmnl  : 

Gabriel  Ferrand. 


0 


SOCIÉTÉ  BELGE  D'ÉTUDES  ORIENTALES, 


FONDATION   DE   LA    SOCIETE. 

Le  9  janvier  1921,  sur  l'invitaliou  de  M°'  P.  Ladeuze,  recleur  de 
l'Université  de  Louvain,  de  MM.  J.  Capart,  conservateur  du  Musée  du 
Cinquantenaire,  Kugener,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles,  de  la 
Vallée  Poussin,  professeur  à  l'Université  de  Gaud,  et  du  R.  P.  Peeters, 
Bollandiste,  se  réunissaient  au  Musée  de  nombreux  orientalistes  et  amis 
de  l'Orient.  Après  avoir  entendu  M''"  Ladeuze  et  M.  de  la  Vallée  Poussin, 
qui  montrèrent  combien  il  était  utile  aux  orientalistes  belges,  dans 
l'intérêt  scientifique  comme  dans  l'intérêt  national,  de  concentrer  leurs 
efforts  dans  un  esprit  de  fraternelle  collaboration,  l'assemblée  décida  de 
constituer  une  société  exclusivement  consacrée  à  l'étude  des  philologies 
et  archéologies  orientales. 

M.  E.  Senart,  président  de  la  Société  asiatique,  et  Lord  Reay,  prési- 
dent de  la  Royal  Asiatic  Society,  avaient  adressé  à  la  société  naissante 
les  souhaits  les  plus  sympathiques.  M^'  Casartelli,  MM.  Goblet  d'Al- 
viella,  Fr.  Gumont,  le  général  R.  Pontus  et  le  R.  P.  Delehaye  lui  avaient 
promis  leur  concours  actif.  M.  Van  Overloop,  conservatem*  en  chef  du 
Musée,  lui  avait  offert  l'hospitalité  la  plus  large. 

Un  projet  est  à  l'étude  (jui  mettra  à  la  disposition  de  la  Société,  pour 
l'impression  des  procès-verbaux  de  ses  séances,  quelques  feuilles  du 
Journal  asiatique. 

Le  bureau  de  la  Société  est  constitué  :  M.  de  la  Vallée  Poussin,  pn;- 
sident;  MM.  Capart  et  le  général  Pontus,  vice-pri'sidenls;  MM.  iîonimer, 
conservateur  de  la  section  d'Extrême-Orient  du  Musée,  For{>el,  de  l'Uni- 
versité de  Louvain,  Kugener,  de  l'Universilé  de  Bruxelles,  Mansion,  de 

90G.   UELGK.  1 


l'Université  de  Liège,  et  le  R.  P.  Peeters,  membres  du  Conseil;  M.  Slrac- 
mans,  secrétaire  et  trésorier. 

M.  Gapart  se  charge  de  re'diger  le  pj-ojet  de  statut  de  la  Société,  en 
tenant  compte  des  observations  présentées  au  cours  d'une  discussion 
intéressante  et  animée. 

La  séance  est  levée  à  h  heures. 

Etaient  présents  ou  ont  adhéré  : 

M'""  Weynants,  M""  Beaufais,  Corbisier  de  Meaulsart,  Werbrouck , 
MM.  B.  Belpaire.  J.  Bommer,  Bricteux ,  Buckens,  J.  Capart,  A.  Carnoy, 
M"^  CasailoUi,  MM.  Combaz,  Fr.  Cumout,  FiR.  PP.  Dandoy,  Delehaye. 
MM.  de  la  Vallée  Poussin,  Denis,  H.  de  Vis,  de  Winiwarler,  P.  E.  Dû- 
ment, Englebert,  J.  Forget,  Goblet  d'Alviella.  Collier,  H.  Grégoire, 
M*''  Hebbelynck,  MM.  Heutze,  H.  Hirzel,  Kiigener,  Lebon,  Lebrun, 
Lechat,  Lefort.  J.  Mansion.  Ch.  Michel,  Mortier,  P.  Orgels,  R.  P.  Pee- 
ters, MM.  R.  Pontus,  Prickaerlz,  Ryckmans,  Simonson.  S.  Speleers, 
A.  Stoclet,  M.  Stracmans,  A.  Van  der  Bnrch,  B.  Van  de  Walle.  R.  P. 
L.  Van  Hée,M.  ZechC). 


SEANCE  DU  6  FEVRIER  1921. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

Etaient  présents  : 

M.  J.  Capart,  vice-président;  M""  Weynants,  W"  Werbrouck,  MM.  Bel- 
paire,  Bommer,  Buckens,  Bxncteux,  Carnoy,  Dumonl,  Forget,  Hirtzel, 
Mansion,  Orgels,  Peclers,  Prickaerlz,  Speleers.  Zech,  membres;  Strac- 
mans, tiecrclitiie. 

Le  piocès-\orl)al  de  la  séance  du  <)  janvier  est  lu  et  adopté. 

M.  Capart  soumet  un  i)rojet  de  stnluts. 

"'  Oui  adhéré  depuis  :  .M""  Kl.  do  Mol,  MM.  .1.  I.irlcni.  Oisollc  et  Villcrs. 


M.  Capart  donne  la  lisle  des  pul)licatioiis  orientales  périodiques  que 
la  Bibliothèijue  du  Musëe  met  à  la  disposition  de  la  Société. 

M.  de  la  Vallée  Poussin  lit  de  courtes  notices  sur  Thistoire  du  drame 
indien,  par  M.  S.  Konow;  sur  riiisloire  de  la  philologie  indienne  de 
E.  Windisch;  sur  le  deuxième  volume  de  l'Art  du  Gandhâra,  de  M.  Fou- 
clier. 

M.  Capart  décrit  un  mobilier  funéraire  récemment  découvert  à  Thèbes 
[)ar  les  explorateurs  du  iMusée  de  iMew-Vork  (Moyen  Empire). 

La  séance  est  levée  à  4  heures. 


SEANCE  DU  6  MARS  1921. 

La  séance  est  ouverte  à  -i  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de; 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

Etaient  présents  : 

M.  Capart,  vice-président;  M""  Weynanls,  M"''  Corbisier  de  Meaul- 
sarl,  Werbrouck;  MM.  Belpaire,  Bricteux,  Beaufais,  Bommer,  Buckens, 
Caruoy,  Combaz,  Denis,  de  Winimarler,  Dumont.  Englebert,  Kugener, 
Mansion,  Orgels,  Peelers,  Prickaertz,  Speleers,  Villers,  membres;  Strac- 
mans,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  6  février  est  lu  et  adopté. 

M.  A.  Carnoy  annonce  la  prochaine  résurrection  du  Muséon,  et  en 
ouvre  largement  les  colonnes  aux  mémoires,  notices  et  communications 
des  membres  de  la  Société. 

M.  Prickaertz  fait  une  communication  sur  les  relations  grammaticales 
et  de  vocabulaire  du  Sumérien,  du  Proto-Sémitique  et  de  l'Indo-Euro- 
péen.  Suit  une  discussion  à  laquelle  prennent  part  MM.  Mansion  et 
Peeters. 

La  séance  est  levée  à  U  heures  et  demie. 


—  k  — 

SEANCE  DU  3  AVRIL  1921. 

La  séance  est  ouverte  à  a  heures  et  demie ,  sous  la  présidence  de 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

Etaient  présents  : 

M"'  Gorbisier  deMeaulsart,  MM.  Bommer,  Buckens,  Combaz,  Deie- 
haye ,  de  Vis ,  Forget ,  Heutze ,  Hirtzel ,  Kugener,  Orgels ,  Peeters ,  Spee- 
1ers,  Stocket,  Villers,  membres;  Stracmans,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  6  mars  est  lu  et  adopté. 

Le  projet  de  statuts  de  la  Société  est  adopté  à  l'unanimité. 

Son  Excellence  M.  le  ministre  de  Chine  et  Son  Excellence  M.  le 
ministre  du  Japon  ont  accepté  le  titre  de  membre  d'honneur  de  la  So- 
ciété. 

M.  le  docteur  Buckens  lit  un  travail  sur  les  tombes  chinoises  qu'il  a 
explorées  lors  de  son  dernier  séjour  dans  le  Houan  central ,  et  sur  de 
nombreux  monuments  qui  sont  aujourd'hui  déposés  par  lui  dans  les 
collections  du  Musée. 

La  séance  est  levée  à  k  heures  et  demie. 


SEANCE  DU  5  JUIN   1921. 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  Gapart. 

Etaient  présents  : 

M'"'^  Weynants,  M"°'  Gorbisier  de  Meaulsart,  Werbrouck,  MM.  Bom- 
mer, Combaz,  Dumont,  Denis,  Kugener,  Lebrun,  Mansion,  Peeters, 
Orgels,  Simonson,  Speelers,  Van  de  VValle,  membres;  Stracmans,  secré- 
taire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  3  avril  est  lu  et  adopté. 


—  5  — 

M.  Speleers  étudie  tine  stalnelle  en  bionze  récemment  acquise  par  le 
Musée. 

M.  Kugener  lil  une  noie  sur  le  crporliait  des  Gothsn  de  Josué  le  Sty- 
lile  (passage  des  Goths  à  Édesse  eu  avril  5o6).  Le  (rportrailn  est  encore 
d'actualité. 

M.  Capart  étudie  un  fragment  de  vase  en  granit  provenant  de  la  col- 
lection Ravenstein;  l'ouvrage  de  Borchardt,  Altaegijplische  Zeitmessnng , 
permet  d'identifier  ce  fragment,  (jui  est  en  fait  un  morceau  d'une  hor- 
loge hydraulique. 

La  séance  est  levée  à  fi  heures  et  demie. 


SÉANCE  DU  9  OCTOBRE  1921. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

Etaient  présents  : 

M.  Capart,  vice-jjrésident ;  M'"°  Weynants,  M""  VVerbrouck,  MM.  Bel- 
paire,  Buckens,  Denis,  Delehaye,  Forget,  Hirtzel,  Mansion,  Prickaertz, 
Viilers,  membres. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  5  juin  est  lu  et  adopté. 

M.  de  la  Vallée  Poussin  annonce  que  M.  Stracmans,  secrétaire,  appelé 
sous  les  drapeaux,  sera  désormais  empêché  de  remplir  ses  fonctions. 
M""  Werbrouck  veut  bien  le  suppléer. 

M.  Capart  étudie  des  instruments  de  musique  égyptiens  d'après 
l'ouvrage  récent  de  H.  Sachs  et  analyse  les  travaux  de  recherches  entre- 
piis  en  Nubie  et  au  Soudan  au  cours  des  vingt  dernières  années,  et  qui 
apportent  des  renseignements  nouveaux  sur  l'apparition  des  Nègres  dans 
la  vallée  du  Nil;  il  commente  les  textes  historiques  mis  au  jour  par 
Reisner  à  Napata,  ancienne  capitale  d'Ethiopie,  et  particulièrement  la 
stèle  de  Thoutmès  III  (campagnes  en  Asie,  passage  de  l'Enphrate,  siège 
de  Meggido). 

La  séance  est  levée  h.  k  heures. 


—  (i 


SEANCE  DU  6  NOVEMBUE   1921. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

Etaient  présents  : 

M.  Gapart,  vice-président;  MM.  Belpaire,  Bommer,  Carnoy,  Delehaye, 
de  Vis,  Dumont,  Hertzei,  Lechat,  Stracmans,  Villers,  membres; 
M"'  Werbrouck,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  9  octobre  est  lu  et  adopté. 

Sur  la  proposition  de  M.  Speelers ,  la  Société  s'engage  à  verser  une 
cotisation  annuelle  de  ao  francs  au  Comité  des  Dames  Amies  de  Car- 
thage. 

M.  Speelers  étudie  deux  statuettes  syro-hiltites  découvertes  près  de 
Horas. 

Le  R.  P.  Peelers  lit  un  travail  sur  les  relations  littéraires  des  anciennes 
littératures  chrétiennes  d'Orient. 

La  séance  est  levée  à  li  heures  et  demie. 


ANNEXE  AU  PROCES-VERBAL. 

Les  anciennes  littératures  chrétiennes  de  l'Orient  sont,  pour  une  large 
|)art,  composées  de  traductions  dont  le  fonds  original  a  été  le  plus  sou- 
vent fourni  par  le  grec.  Outre  ce  qu'elles  ont  directement  puisé  à  la 
source  commune,  elles  se  sont  abondamment  copiées  les  unes  les  autres. 
Ces  emprunts  de  langue  à  langue  sont  liés  à  des  causes  plus  complexes 
qu'on  ne  le  croit  généralement,  et,  s'ils  ont  suivi  une  direction  assez 
constante,  ils  sont  loin  de  présenter  un  enchaînement  invariable.  Dans 
lu  vallée  du  Nil ,  on  trouve  ordinairement  échelonnés ,  en  parlant  du  grec , 
le  copte,  l'arabe,  l'éthiopien,  et,  hors  série,  le  nubien;  en  pays  ara- 
mëen,  le  syriaipie,  puis  Taiabe:  plus  loin  vers  l'Est,  l'arménien  et  le 
géorgien.  Mais  cet  ordre  est  traversé  par  beaucoup  d'exceptions  inatten- 
dues, voire  paradoxales.  On  connaît  même  un  certain  nombre  de  cas  oii 
le  grec  est  tributaire  du  syriaque,  de  l'arabe  et  de  l'arménien.  Et  pour 


—  7  — 

envisager  la  question  dans  toute  son  ampleur,  il  faudrait  faire  entrer  en 
ligne  de  compte  le  rôle  d'intermédiaire  que  les  langues  du  Proche-Orient 
ont  parfois  joué  entre  l'hellénisme  et  les  civilisations  de  i'Inde,  de  l'Iran 
et  peut-être  de  l'Asie  Centrale. 

P.  Peeters. 


SÉANCE  on  h  DECEMBRK   1921. 

La  séance  est  ouverte  à  -2  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

Klaient  présents  : 

M.  Capart,  vice-présidenl  ;  M"""  Weynants,  MM.  Belpaire,  Garnoy, 
(îombaz,  Dumont.  Mansion,  Orgels,  Peeters ,  Speelers ,  Villers, membres; 
M""  Werbrouck,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  6  novembre  est  lu  et  adopté. 

M.  Mansion  lit  un  travail  intitulé  :  Où  et  par  qui  le  sanscrit  a-t-ii  été 
parlé? 

M.  Capart  montre  et  explique  un  mobilier  funéraire  de  la  IX'  dynas- 
tie de  l'Ancien  Knipire,  provenant  d'Héracléopolis,  récemment  entré 
dans  les  collections  du  Musée.  Ce  mobilier  comprend  un  grenier,  une 
scène  domestique  el  deux  bateaux.  Dans  ces  deux  bateaux,  dont  l'un  a 
la  voile  déployée,  se  trouvent  des  armes  :  détail  nouveau  dans  l'archéo- 
logie funéraire  et  qui  s'explique  par  les  circonstances,  invasions  et 
troubles,  qui  marquèrent  celle  épo(|ue.  Ces  intéressants  documents  pro- 
viennent (les  fouilles  du  professeur  Flinders  Pétrie  à  Héracléopolis. 

La  séance  est  levée  à  A  heures  et  demie. 


ANNEXE  AU   PROCBS-VEBBAL. 

Le  berceau  de  la  civilisation  aryenne  dans  l'Inde  doit  être  cherché 
dans  l'angle  nord-ouest  de  ce  pays,  qu'on  appelle  aujourd'hui  le  Pendjab. 
Elle  plus  ancien  monument  ((ue  l'Inde  nous  ait  laissé,  lo  Rig-Véda, 
doit  être  localisé  dans  celte  légion.  La  langue  en  est  le  sanscrit  archaïque, 


—  8  — 

ou  la  Jangue  védique,  qui  ne  diftère  du  sanscrit  plus  récent  de  l'époque 
classique  que  comme  l'ionien  dllomère  diffère  de  l'attique.  L'ancienne 
population  du  Pendjab  a  essaimé  Aers  lest  et  le  sud;  en  même  temps, 
le  sanscrit  est  devenu  la  langue  sacrée,  langue  religieuse,  littéraire, 
scientifique  de  toute  l'Inde  du  Nord,  et  cela  pour  des  siècles.  Car  son 
rôle  n'était  pas  fini  au  xix"  siècle  et  on  ne  peut  pas  dire  que  même 
aujourd'hui  il  soit  terminé. 

Dès  une  date  ancienne,  le  sanscrit  a  cessé  d'être  une  langue  mater- 
nelle. Au  ni'  siècle  avant  notre  ère,  un  monarque  puissant,  As'oka,  fait 
graver  ses  édils  en  des  lieux  publics  dans  toutes  les  provinces  de  l'Inde 
aryenne.  Ces  édits  sont  dans  une  langue  vulgaire  dérivée  du  sanscrit, 
très  voisine  encore  de  la  source,  mais  nettement  distincte.  Des  diffé- 
rences dialectales  montrent  que  le  prâcrit  (prdcril  =  langue  vulgaire, 
par  opposition  au  sanscrit,  langue  pure  ou  parfaite)  d'Asoka  était  une 
langue  vivante  diverse  selon  les  régions.  Après  As'oka,  pendant  de  longs 
siècles  encore ,  tous  les  monuments  épigrapbiques  sont  en  prâcrit.  De 
plus ,  il  y  a  toute  une  littérature  en  prâcrit.  Mais  on  se  tromperait  en 
voyant  dans  cette  vitalité  des  langues  vulgaires  une  preuve  de  la  fai- 
blesse de  la  langue  sacrée.  A  mesure  que  l'on  s'éloigne  de  l'époque 
d'As'oka,  le  sanscrit  prend  de  plus  en  plus  d'importance.  Si  le  drame 
classique  est  un  genre  mixte  où  le  sanscrit  est  parlé  par  une  partie  des 
personnages,  le  prâcrit  l'étant  par  les  autres,  la  plupart  des  genres 
littéraires  sont  cultivés  principalement  ou  uniquement  en  sanscrit.  Il  y 
a  une  véritable  renaissance  sanscrite,  sans  que  du  reste  le  sanscrit  rede- 
vienne langue  vivante  et  maternelle.  Il  s'agit  donc  d'expliquer  cette 
énigme  d'une  langue  conservée  artificiellement,  semble-l-il,  pendant  des 
milliers  d'années  à  côté  et  au-dessus  des  idiomes  vulgaires.  On  obser- 
vera d'abord  que  le  sanscrit,  langue  d'un  livre  sacré,  le  Véda,  livre  qui 
n'a  jamais  cessé  d'être  récité  et  appris  par  cœur,  avait  une  importance 
rituelle  considérable.  Ensuite,  dans  un  pays  de  castes,  où  les  castes  ont 
eu,  à  ce  qu'il  semble,  une  origine  raciale  [varna,  caste,  signifie  pro- 
prement couleur),  il  est  probable  que  la,  langue  s'est  conservée  pure 
dans  les  couches  supérieures  longtemps  après  que  le  peuple  eut  adopté 
les  pràcrits.  Enfin  le  brahmanisme  est  une  organisation  savante,  dont 
l'école  est  un  élément  fondamental  :  tout  brahmane  est  en  principe  novice 
et  écolier,  plus  tard  maître  et  père  s[)irituel.  La  grammaire  de  Pânini 
atteste  pour  le  iv"  siècle  avant  notre  ère  l'aboutissement  d'une  tradition 
d'école  multiséculaire.  Parlé  d'abord  par  tous,  puis  restreint  aux  castes 
supérieures,  le  sanscrit  Unit  par  n'être  plus  qu'une  langue  d'église  et 
d'école.  Il  en  était  vraisoniblablemeul  ainsi  à  l'époque  d'As'oka.  Reste  à 


—  9  — 

expliquer  la  renaissance  de  l'époque  classique,  Max  Millier,  qui  attri- 
buait aux  invasions  des  Indo-Scythes,  vers  l'ère  chrétienne,  une  éclipse 
delà  culture  nationale,  croyait  constater  après  l'expulsion  des  barbares 
un  renouveau  des  lettres  et  sciences;  M.  Sylvain  Lévi  veut  au  contraire 
que  ce  soient  des  souverains  barbares  qui  aient  les  premiers  tiré  le  san- 
scrit de  la  pénombre  du  sanctuaire  pour  l'introduire  au  grand  jour  de 
la  vie  publique;  aucune  de  ces  explications  ne  satisfait  entièrement. 
Mais  le  fait  est  indéniable ,  et  il  faut  probablement  tenu*  compte  d'un 
plus  grand  nombre  de  fîicteurs.  D'autres  difficultés  viennent  encore  du 
sanscrit  épique,  la  littérature  épique  ayant  pour  public  des  castes  de 
langue  prâcrite  et  non  sanscrite;  le  jargon  mêlé  qu'on  appelle  sanscrit 
bouddhique  soulève  aussi  de  multiples  problèmes.  Tout  ceci  nous 
apprend  que  la  situation  linguistique  de  l'Inde  ancienne  ne  le  cédait 
sans  doute  pas  en  complexité  à  l'Inde  moderne,  où  se  rencontrent  quel- 
quefois sous  un  seul  loit  des  dizaines  de  langues  et  de  dialectes.  A  toutes 
les  époques  le  sanscrit  a  sa  place,  tantôt  plus  en  vue,  tantôt  relativement 
elTacée,  mais  toujours  très  importante.  S'il  n'est  pas  une  langue  vivante, 
vu  qu'il  n'est  pas  langue  maternelle,  sa  vitalité  extraordinaire  ne  permet 
pas  (le  l'appeler  une  langue  morte. 

J.  Mans[on. 


SEANCE  DU  8  JANVIER  1922. 

La  séance  est  ouverte  à  9  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de  M.  le 
général  Pontus. 

Etaient  présents  : 

M. M.  Cji\ part,  vice-président;  Bommer,  Gombaz,  Denis,  de  Winiwarter, 
(ioblet  d'Alviella,  Mansion,  Peeters,  Speleers,  Stracmans,  Van  den  Kei'- 
cliove,  P.  L.  Vaidya,  membres;  M""  Werbrouck,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  s('ance  du  'j  décembre  1931  est  lu  et  adopté. 

M.  Gombaz  expose  les  origines,  le  développement  et  les  caractères 
distinctifs  de  l'art  gréco-bouddhique  du  Gandhâra  (projections). 

La  séance  est  levée  à  4  heures  et  demie. 


—  10  — 


SKANCK  DU  3  FEVRIER   lS-22. 


La  séniice  est  ouverte  à  9  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  de  ia  Vallée  Poussin. 

Etaient  présents  : 

MM.  Capart  et  Pontus,  vire-présidents  ;  M"'"  Weynants;  MM.  Belpaire, 
Carnoy,  Demarchi,  Denis,  Dumont,  Hirtzel,  Peeters,  Speleers,  Strac- 
mans,  membres:  M"'  Werbrouck,  accrélairo. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  8  janvier  est  lu  et  adopté. 

M.  A.  Carnoy  annonce  la  réapparition  de  la  revue  Le  Muséon  et  fait 
hommage  à  la  Société  du  premier  cahier  de  la  nouvelle  série  (t.  XXXIV 
de  la  collection  complète).  Le  Muséon  ouvrira  une  large  hospitalité  aux 
travaux  des  membres  de  la  Société. 

M.  B.  Belpaire  donne  un  compte  rendu  détaillé  et  critique  du  savant 
ouvrage  de  M.  H.  Cordier,  Histoire  générale  de  la  Chine. 

M.  de  la  Vallée  Poussin  et  M.  le  général  Pontus  présentent  à  leur  tour 
quelques  remarques  sur  ce  sujet. 

M.  Capart  décrit  les  récentes  fouilles  des  Américains  à  Deir-el-bahari, 
Wadi  natron,  El-bercheh  et  leurs  travaux  dans  les  tombes  thébaiues 
(tombe  de  Neferhotep,  de  Tehuti  hetep,  etc.). 

La  séance  est  levée  à  h  heures  et  demie. 


SÉANCE  DU  5  MARS  1922. 

La  séance  est  ouverte  à  a  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

l'étaient  présents  : 

MM.  Ca|)arl  et  Pontus,  vice-présidents  ;  M'""  Weynants;  M"'  Corbisier 
de  Meaulsart;  MM.  Belpaire,  Carnoy,  Denis,  Dumont,  Goblel  d'Alviella  , 


Kugeiier,   Lofoi-l,   Peeters,  Speleers,  Slracmans,  membres;  M"°  Wer- 
brouck,  secrétaire. 

I^  procès-verbal  de  la  séance  du  5  février  est  lu  cl  adoplé. 

M.  le  Président  fait  pari  de  l'invitation  adressée  à  la  Société  par  la 
Société  asiatique,  qui  célébrera  au  mois  de  juillet  le  centenaire  de  sa 
fondation  et  le  centenaire  de  la  découverte  de  Ghampollion. 

M.  Carnoy  lit  un  travail  sur  l'idée  du  royaume  de  Dieu  dans  l'Iran. 

La  séance  est  levée  à  h  heures  et  demie. 

ANNEXE   Ai:   PROCÈS-VERBAL. 

Dans  le  système  religieux  de  Zoroaslre,  Ahura  Mazda,  le  dieu  saint, 
auteur  de  loul  bien,  occupe  une  place  éminente.  A  ses  côtés  se  trouvent 
des  sortes  d'anges,  les  Amesha  Spenla.  rrêlres  immortels  et  saints^i  : 
leurs  noms  prouvent  que  ce  sont  des  hypostases;  ils  ont  ce  caractère 
dans  les  Gâthâs,  les  plus  anciens  textes  de  l'Avesta.  Plus  tard  au  con- 
traire, tout  en  gardant  leur  valeur  morale,  ces  divinités  deviennent  des 
génies  présidant  à  diverses  portions  de  la  nature  :  par  exemple,  Vohu 
Manah  est  la  Bonne  volonté,  mais  aussi  1(3  protecteur  du  bétail;  Asha 
Vahishta  est  la  Justice,  mais  aussi  l'esprit  du  feu;  Spenta  Armaiti  est  la 
Pi'udcnce  ou  la  Piété,  mais  aussi  la  patronne  de  la  terre. 

On  j)eut,  dans  une  large  mesure,  découvrir  dans  les  Gâthâs  les  cir- 
constances qui  ont  amené  cet  état  de  choses.  La  comparaison  des  divers 
passages  relatifs  aux  Amesha  Sj)enla  permet  de  dégager  les  différents 
aspects  de  ces  entités,  et,  partant,  de  déterminer  le  point  de  départ  de 
l'évolution  qu'ils  ont  subie. 

C'est  une  analyse  de  ce  genre  que  M.  Carnoy  a  entreprise  sui-  la  per- 
sonne de  Khshalhra  Vairya,  le  quatrième  Amesha  Sj)enta. 

L'élude  des  versets  des  Gâthâs  oii  celle  divinité  intervient  montre  qu'il 
s'agit  d'une  j)ersonnificalion  du  royaume  de  Mazda,  c'est-à-dire  de  la 
félicité  qu(!  Mazda  accorde  aux  justes  en  cette  vie  et  dans  l'autre.  Comme 
ce  royaufuc  attendu  suivi-a  la  grande  épreuve  finale  par  le  métal  fondu, 
on  l'a  noiiiMié  Royaume  du  métal,  et  khsliathra  Vairya  est,  de  la  sorte, 
devenu  plus  lard  le  génie  des  métaux. 

Certains  auteurs,  notannnenl  le  P.  Lagrange,  frappés  de  la  ressem- 
blance de  l'attente  du  Rovaume  et  chez  les  Iraniens  et  chez  les  Juifs,  ont 


—  12  — 

cru  que  les  Zoroastriens  étaient  ici  Irilnilaii-es  d'Israël  :  la  date  du  pro- 
phète doit  donc  être  retardée.  M.  Carnoy  soutient  au  contraire  que  le 
royaume  de  Mazda  a  sa  contre-partie  dans  le  royaume  de  Varuna, 
empvrée  lumineux  où  séjourneront  les  justes  après  la  mort.  Pour  Klisha- 
thra  Vairya,  comme  pour  Asha,  Armaiti.  Haurvalât  et  d'autres  entités 
religieuses  du  Zoroastrisme,  on  peut  démontrer  que  le  Prophète  n'a  fait 
qu'adapter  à  son  système  des  notions  indo-iraniennes.  Donc  les  Perses 
n'ont  pas  reçu  des  Juifs  la  croyance  au  royaume  futur.  D'ailleurs,  dans 
l'état  actuel  de  nos  connaissances,  nous  ne  pouvons  pas  non  plus  établir 
que  l'idée  du  royaume  de  Dieu,  dont  on  peut  très  bien  suivre  le  déve- 
loppement dans  Israël  même,  ait  été  par  les  Juifs  empruntée  à  l'Iran 
(voir  Muséon,  XXXIV,  p.  81-106). 

A.  (JARNOV. 


SEANCE  DU  2  AVRIL  1922. 

La  séance  est  ouverte  à  2  heures  et  demie,  sous  la  présidence  de 
M.  de  la  Vallée  Poussin. 

Etaient  présents  : 

M.  Capart,  vice -président;  M""  Caldweil,  Lefrancq,  Weynants; 
M""  Corbisier  de  Meaulsart,  de  Mot;  MM.  Belpaire,  Caldweil,  Carnoy, 
Combaz,  de  Vis,  Dumont,  Hirlzel,  Laurent,  Lefrancq,  Peelers,  Spe- 
leers,  Stracmans,  V^aidya,  \illers.  Van  de  Walle,  membres;  M"'  Wer- 
brouck ,  secrétaire. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  du  5  raai's  est  lu  et  adopté. 

M.  Capart  expose  les  idées  de  Champollion  sur  l'art  ég-yplien. 

La  séance  est  levée  à  Ix  heures. 


STATUTS 

DE 

LA  SOCIÉTÉ  BELGE   D'ÉTUDES   OlUENTALES. 


Art.  I.  —  Il  est  fondé  une  Société  Belge  d'Études  Orientales.  Elle  a 
son  siège  à  Bruxelles. 

Art.  II.  —  Son  but  est  : 

1°  De  grouper  les  orientalistes  et  les  personnes  qui  s'intéressent  à 
rOrient; 

5°  De  faciliter  leurs  études  et  leurs  recherches  de  toutes  manières 
que  la  Société  jugera  efficaces; 

3°  De  les  aider  à  publier  leurs  travaux. 

Art.  m.  —  La  Société  se  compose  : 

i"  De  membres  titulaires: 
9°  De  membres  honoraires  ; 
3°  De  membres  protecteurs. 

Les  membres  titulaires  doivent  être  présentés  par  deux  membres, 
agréés  par  le  Conseil  et  admis  par  l'assemblée. 

Le  titre  de  membre  honoraire  est  décerné  par  l'assemblée,  sur  la 
proposition  du  Conseil. 

Le  titre  de  membre  protecteur,  également  décerné  par  l'assemblée, 
est  conféré  à  toute  personne  ayant  bien  mérité  de  la  Société. 

Art.  IV.  —  La  cotisation  annuelle  des  membres  titulaires  est  de 
90  francs  minimum;  elle  peut  être  rachetée  en  versant  une  somme 
de  9  00  francs,  soit  en  une  fois,  soit  en  deux  annuités. 

Art.  V.  —  La  qualité  de  membre  se  perd  : 

i"  Par  démission.  —  Est  considéré  comme  démissionnaire  le  membre 
qui  n'a  pas  payé  sa  cotisation  après  avoir  été  prévenu  par  lettre  recom- 
mandée ; 


—  l'i  — 

3*  Par  la  radiation,  prononcée  pour  motif  grave  par  le  Conseil,  le 
membre  ayant  été  préalablement  appelé  à  fournir  des  explications  et 
ponvanl  avoir  l'ecours  à  l'assemblée  générale. 

LE  CONSEIL. 

Art.  VI.  —  La  Société  est  administrée  par  un  Conseil  élu  par  l'assem- 
blée générale  et  choisi  parmi  les  membres  titulaires.  11  est  composé 
comme  suit  : 

1°  Un  président; 

•2°  Un  ou  deux  vice-présidents; 

3"  Six  membres  ordinaires,  nommés  poui-  quatre  ans; 

V  Un  secrétaire-trésorier. 

Le  reuouvellement  du  Conseil  a  lieu  tous  les  deux  ans  par  moitié. 
Il  pourra  être  nommé  un  ou  plusieurs  présidents  ou  vice-présidents 
à  vie. 

Art.  VU.  —  Le  Conseil  se  réunit  eu  séance  ordinaiie  au  moins  deux 
fois  par  an. 

Il  se  réunit  extraordinairement  chaque  fois  qu'il  est  convoqué  par  le 
président  ou  sur  la  demande  de  la  moitié  de  f.es  membres  adressée  au 
présiden  t. 

Si  la  moitié  des  membres  sont  absents,  les  décisions  seront  soumises 
à  une  seconde  réunion  du  Conseil,  qui  pourra  statuer  quel  que  soit  le 
nombre  de  conseillers  présents. 

11  est  tenu  procès-verbal  des  séances. 

Les  procès-verbaux  seront  transcrits  dans  un  registre  et  signés  par 
le  président  et  le  secrétaire. 

Art.  vin.  —  Le  Conseil  est  chargé  de  Tadmàiistration  de  la  Société  et 
notamment  il  veille  au  recouvrement  et  à  l'emploi  des  fonds;  il  dirige 
les  travaux  littéraires  qui  rentrent  dans  l'objet  de  la  Société,  ordonne 
l'impression  des  ouvrages  qu'il  reconnaît  utiles,  accorde  des  encourage- 
ments et  subsides,  enfin  propose,  lorsqu'il  le  croit  convenable,  des 
acquisitions  de  livres,  do  documents  ou  de  manuscrits. 

ASSEMBLÉES   GÉNÉRALES. 

Art.  IX.  —  Les  membres  titulaires  de  la  Société  se  réunissent  quati-e 
fois  par  an,  entn'  les  mois  de  novembre  et  de  juin,  ainsi  (|uc  sur  con- 


—  15  — 

vocalion  du  prësident  ou  sur  h  demande  du  tiers  au  moins  des  membres 
adressée  au  président;  dans  ce  cas,  ces  membres  devront  déterminer 
robjet  précis  qu'ils  désirent  mettre  à  Tordre  du  jour. 

Une  assemblée,  qui  se  tiendra  en  janvier,  sera  considérée  comme 
réunion  statutaire.  Le  secrétaire-trésorier  y  fera  rapport  sur  la  situation 
financière  de  la  Société. 

L'assemblée  approuve  les  comptes  de  l'exercice  clos,  vote  le  budget 
pour  l'exercice  suivant,  décide,  s'il  y  a  lieu,  du  transfert  de  sommes  à 
la  réserve,  délibère  sur  les  questions  mises  à  l'ordre  du  jour  et  pi-ocède 
aux  élections  statutaires. 

Il  est  tenu  procès-verbal  des  assemblées,  tant  ordinaires  qu'extraordi- 
naires. 

Les  procès-verbaux  seront  transcrits  dans  un  registre  et  signés  par 
le  président  et  le  secrétaire. 

LES  FONDS. 

Art.  X.  —  Les  ressources  de  la  Société  se  composent  : 
1°  Des  cotisations  et  souscriptions  de  ses  membres; 
2°  Des  sommes  versées  pour  le  rachat  des  cotisations  ; 
3°  Des  subsides  de  l'Etat  et  des  particuliers: 
li°  Du  revenu  des  biens  et  valeurs. 

Un  fonds  de  réserve  peut  être  constitué  suivant  les  décisions  de  l'as- 
semblée statutaire. 

MODIFICATION   DES  STATUTS  ET  DISSOLUTION, 

Art.  XI.  —  Les  statuts  ne  [)euvent  être  modifiés  que  sur  la  proposi- 
tion du  Conseil,  en  vertu  d'une  délibération  prise  à  la  majorité  des  deux 
tiers  des  membres  présents,  ou  sur  la  demande  du  quart  des  membres 
titulaiT"es,  soumise  au  bureau  au  moins  un  mois  avant  la  séance. 

Dans  tous  les  cas,  les  statuts  ne  peuvent  être  modifiés  cpià  la  majo- 
rité des  membres  présents.  * 

Art.  XII.  —  L'assemblée  génihale  appelée  à  se  prononcer  sur  la  disso- 
lution de  la  Société  et  spécialement  convo(juée  à  cet  effet  doit  comprendre 
au  moins  la  moitié  plus  un  des  membres  en  exercice. 

Si  cette  proportion  n'est  pas  atteinte,  l'assemblée  est  convoquée  de 
nouveau  et,  cette  fois,  elle  peut  valablement  délibérei',  quel  que  soit  le 
nombre  de  membres  présents. 


—  16  — 

Dans  tous  les  cas,  ia  dissolution  ne  peut  être  votée  qu'à  la  majorité 
des  deux  tiers  des  membres  présents. 

Art.  XIII.  —  En  cas  de  dissolution ,  l'assemblée  désignera  les  membres 
chargés  de  la  liquidation.  Les  livres  et  collections  seront  remis  en  toute 
propriété  aux  Musées  Royaux  du  Cinquantenaire.  Le  reliquat  des  fonds 
servira  à  des  acquisitions  de  livres  orientaux  pour  la  bibliothèque  des 
dits  Mnsées. 

Art.  XIV.  —  Les  livres,  les  revues  et  documents  appartenant  à  la 
Société  seront  déposés  à  la  bibliothèque  des  Musées  Royaux  du  Cinquan- 
tenaire, où  un  registre  spécial  en  sera  tenu. 

Le  Conseil  élaborera  un  règlement  spécial  relatif  à  ia  bibliothèque. 


/ 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE 

(1922-1923) 


LISTE  DES  MEMBRES 


PARIS 
IMPRIMERIE    NATIONALE 


MDCCCCXXII 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE, 


1 

TABLEAU 

DU   CONSEIL  D'ADMlNLSTRATlOiN 

CONFORMÉMENT    AUX    NOMINATIONS    FA1TF.S    DANS    L'ASSEMBLEE    GÉNÉHALE 
DU     l5    JUIN     1922. 


BUREAU. 

PRÉSIDENT. 

M.  E.  Senart. 

VICE-PRÉSIDENTS. 

MM.  Clément  Huart. 
Henri  Cordier. 

SECRÉTAIRE. 

M.  Thuread-Dangin. 

RBDAGTBUR-GBHANT   DU    JOURNAL   ASIATIQL  E. 

M.  Ferrand. 

BIBLIOTHÉCAIRE. 

M.  L.  Bouvat. 

TRÉSORIER. 

M.  Allotte  de  la  Fuye. 


4  SOCIETE  ASIATIQUE.   1Q22. 

COMMISSAIRES   DES    FONDS. 

MM.  Glermont-Ganneau. 

Gaudefroy-Demombynes. 
Casanova. 

MEMBRES  ORDINAIRES  DU  CONSEIL   ELUS  POUR  TROIS  ANS. 

MM.  DussAUD,  FiNOT,  J.  ViNsoN,  J.-B.  Ghabot, 
Pelliot,  Moret,  Vernes,  PaulBoYER,  élus  en  1920. 

MM.  Nau,  Vissière,  Gabaton,  Sgheil,  Dela- 
FOSSE,  Mayer  Lambert,  Macler  ,  Bacot,  élus  en  1921. 

MM.  Aymonier  Sylvain  LÉvi,  Garrâ  de  Vaux, 
FoucHER,  Meillet,  Ferrand,  a. -M.  Boyer,  prince 
Roland  Bonaparte,  élus  en  1922. 

CENSEURS 
éius  par  l'Assemblée  générale  pour  1922-1933. 

MM.  Meillet. 

DuSSAUD. 


COMMISSIONS. 

COMMISSION    DU  JOURNAL  ASIATIQUE. 
MM.    F.    SeNART,    IIUART,    GORDIER,   ThUREAuDaN- 

GiN,  Ferrand,  membres  de  droit;  —  Sylvain  Lévi, 
Moret,  Meillet,  Sgeieil,  Foucher,  Pelliot,  membres 
élus  par  le  Conseil  parmi  ses  membres. 

COMMISSION    DE   LA  RIBLIOTHÈQUE 
élne  par  l'Assemljléc  générale  parmi  les  membres  de  la  Société. 

MM.  Gabaton,  Gordier,  Ferrand,  Macler,  Fe- 

VRET,  Mayer  Ï.ambert. 


LISTE   DES   MEMBRES.  ^ 

II 

LISTE  DES  MEMBRES  SOUSCRIPTEURS, 

PAR  ORDRE    ALPHABÉTIQUE, 
À      LA     DATE     DU       l5     JUIN      1922. 

Nota.  Les  noms  niartiiiés  d'un*  sont  ceux  des  Membres  à  vie. 

M.  Abddllah  (Le  R.  P.  Séraphin),  Mékhitariste 
de  Venise,  professeur  à  l'école  Ozanam,  cité 
Barat,  2,  à  Asnières  (Seine). 

Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 

MM.  Ahmed  Zeo  Pacha  (Son  Exe),  ancien  secré- 
taire du  Conseil  des  ministres,    au    Caire 

(Egypte). 

Alfaric  (Prospcr),  chargé  de  cours  à  la  Faculté 
des  Lettres,  Institut  de  l'histoire  des  reli- 
gions, à  l'Université  de  Strasbourg  (Bas- 
Rhin). 

Allaoua  BEN  Yaiiia,  interprète  Judiciaire,  à 
Inkermaiin  [département  d'Oran]  (Algérie). 

Allotte  DE  LA  FuYE ,  coloucl  du  génie  en 
retraite,  correspondant  de  l'institut,  rue 
d'Anjou,  2  ,  h  Versailles  (Seine-ct-Oise), 

Ammoun  Bey  Daoud,  à  Beyrouth  (Syrie). 

Arakelian  (Hamhartzoum),  Rédaction  du 
Mschak,  ti  1'illis  (Géorgie). 


6  SOCIÉTÉ   ASIATIQUE,    1922. 

MM.  AssiER  DE  PoMPiGNAN,  lieutenant  de  vaisseau, 
rue  de  Rennes,  yS,  à  Paris  (vf). 
*Aymonier  (Etienne),  résident  supérieur  hono- 
raire,  membre   du  Conseil    supérieur   des 
colonies,  rue  de  Liège,    lo,  à  Paris  (ix*). 

*  Bacot  (Jacques) ,  boulevard  Saint-Antoine  ,61, 
à  Versailles  (Seine-et-Oise). 

Baillet  (Jules),  agrégé  des  lettres,  ancien 
membre  de  l'Institut  d'archéologie  orien- 
tale du  Caire ,  rue  d'IUiers ,  3  5  ,  à  Orléans 
(Loiret). 

Banerjee  (Gauranga  Nath),  docteur  en  philo- 
sophie, professeur  d'histoire  ancienne,  se- 
crétaire de  l'Université,  Mechua  Bazar 
Street,  lOy/i,  à  Calcutta  (Inde  Britan- 
nique). 

Banerji  Sastri  (D'A.  P.),  rue  Tournefort,  k, 
à  Paris  (v^). 

Barrigue  de  Fontainieu  (le  marquis  G.  de), 
boulevard  de  Clichy,  10,  à  Paris  (xviii"). 

Barthélémy  (Ad.),  consul  de  France,  profes- 
seur à  l'École  des  langues  orientales  vivantes , 
directeur  adjoint  à  l'Ecole  pratique  des 
Hautes  Etudes,  à  Saint -Louis- sous -Poissy 
(Seine-et-Oise). 

Basmadjian  (K.  J.  ) ,  directeur  de  la  revue  armé- 
nienne Banasêr,  rue  Gazan ,  9  ,  à  Paris  (xiv*). 

Basset  (André),  rue  d'Ulm,  2  ,  à  Paris  (v*j. 

Basset   (Henri),   directeur-adjoint   de  l'Ecole 


LISTE   DES   MEMBRES.  7 

supérieure  de  langue  arabe  et  de  dialectes 
berbères  de  Rabat,  professeur-adjoint  à  la 
Faculté  des  Lettres  d'Alger,  rue  Denfert- 
Rochereau.  20,  Villa  Louise,  à  Alger. 
MM.  Basset  (René),  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres 
de  l'Université  d'Alger,  rue  Denfert-Roche- 
reau,  20,  villa  Louise,  à  Alger. 

Baston  (A.),  professeur  au  Lycée,  rue  Notre- 
Dame,  à  Valence  (Drame). 

Baudouin  (Robert),  adjoint  des  Affaires  indi- 
gènes au  Gouvernement  du  Sénégal,  à  Da- 
kar. 

Beauvais  (Jean -Joseph),  consul  général  de 
France,  à  Canton  (Chine). 

Bel    (Alfred),    directeur    de    la    Médersa,    à 

Tlemcen  [département  d'Oran]  (Algérie). 
*Belvalkar  (Shripad    Krishna),  Assistant  Pro- 
fessor,  Deccan  Collège,  à  Poona  (Inde  Bri- 
tannique). 

Ben  Cheneb  (Mohammed),  professeur  à  la 
Médersa,  k  Alger. 

BÉNÉDrrE  (Georges),  conservateur  du  Départe- 
ment des  antiquités  égyptiennes  au  Musée 
du  Tjouvre,  rue  du  \  al-de-Gràce,  q  ,  à  Paris 

Bentouhami  (Touhami  ben  liarbi),  interprète 
judiciaire  de  première  classe  près  la  Cour 
crinn'nclle  el  le  'J'ribunal  de  première 
instance  de  Moslagancm  [dé])arlement 
d'Oran]  (Algérie). 


vS  SOCIETE   ASIATIQUE,   1922. 

M.      Ben VENiSTE  (Emile),  rue  Uiomond,  2,  à  Paris 

(v). 

M"*'    Berthet    (Marie),     rue    Boileau,    5,    à  Paris 

(xvf). 
MM.*BESsii:RES  (René),  élève  diplômé  de  TRcole  du 
liOuvre ,  rue  du  F'aubourg- Poissonnière ,  1  5 .5 , 
à  Paris  (ix^). 
Beye  (François),  avenue  d'iéna  ,    46,  à  Paris 
(xvf). 
*Bézagd  (Louis),  cours  d'Aquitaine ,  61,  à  Bor- 
deaux (Gironde), 
Bibliothèque  Ambrosienne,  à  Milan  (Italie). 
Bibliothèque    de    l'Université,     à     Utrecht    (Hol- 
lande). 
Bibliothèque  universitaire,  à  Alger. 
Bibliothèque  vaticane,  à  Rome. 
MM.  BiGAP.RÉ  (René),   rur   de   Bièvre,   28,  à  Paris 
(V). 
Blogh  (Jules),  professeur  à  l'Ecole  des  langues 
orientales,  directeur  d'études  à  l'Ecole  pra- 
tique des  Hautes  Etudes,   agrégé  de   l'Uni- 
versité ,  rue  Maurice-Berteaux ,  1  6  ,  à  Sèvres 
(Seine-et-Oise). 
Blonay  (Godefroy  de),   château  de  Grandson 

(Vaud)  [Suisse]. 
B0BRINSK.1  (le  comte),  président  de  la  Commis- 
sion   archéologique   russe,    promenade  des 
Anglais,  128,  à  Nice  (Alpes-Maritimes). 
*BoissiER    (Alfred),  Le   Rivage,   à  Chambésy, 
près  Genève  [Suisse). 


LISTE   DES   MEMBRES.  9 

MM.  Bonaparte    (le    prince  Roland),    membre  de 
l'Institut,     avenue     d'Iéna,     lo,     à     Paris 

(xvr). 

BoNiFACY  (A.),   lieutenant -colonel,   à   Valreas 

(Vauciuse). 
BoREUX  (Charles),  square  Moncey,  i  i,  à  Paris 

BouRDAis  (iabbé),  rue  de  Bellechasse,   3i,  à 
Paris  (vif). 
^BouRQUiN  (D'  A.),  à  Denver  (Colorado)  [F.tats- 

Unis]. 
BouvAT  (Lucien),  rue  de  Seine,  63,   à    Paris 

M- 
BoYER    (A. -M.),    rue    du  Bac,    i  i /i ,  à  Pans 

(vnl. 
BoYER  (Paul),   administrateur  de  l'Kcole  des 
langues  orientales  vivantes,  rue  de  Lille,  2  , 

à  Paris  (vu"). 
Brunot  (Louis),  docteur  es  lettres,    chef  du 

Service   de   l'enseignement    des    Indigènes, 

à  Rabat  (Maroc). 
BuDGE  (E.  A.  Wallis),  Litt.  D.F.S.A.,  au  Bri- 

tish  Muséum ,  à  Londres. 
M'"^'    BuTENSGHŒN  ( A.) ,  Vettakolleu ,  par  Christiania 

(Norvège). 

M.  Cabaton  (Antoine),  professeur  à  TKcole  des 
langues  orientales  vivantes  et  à  Tl^cole  colo- 
niale,   rue   PVançois-Bonvin,    21,  k   Pans 

(xv«).' 


10  SOCIETE  ASIATIQUE,  1922. 

MM.  Gadikrf.  (L.),  missionnaire,  à  Hué  (Indo- 
chine). 

Casanova  (Paul),  professeur  au  Collège  de 
France,  rue  du  Four,  lio ,  à  Paris  (vi^). 

Castries  (le  comte  Henry  de),  rue  du  Bac,  loi , 
à  Paris  (vii^). 

*  Chabot  (l'abbé  J.-B.),  membre   de  l'Institut. 

rue  Claude-Lorrain,  i5,  à  Paris  (xvi^). 
Chaîne  (l'abbé  Marius),  aumônier  au  Quartier 

"  Général ,  So*"  C.  A.,  secteur  postal  96. 
Charpentier  (Jarl),  professeur  à   l'Université, 

à  Upsal  (Suède). 
Chatterji,  c/o  Kalidana  Nag,  rue  Du  Sommu- 

rard,  1  y,  à  Paris  (v"). 
ChattopÂdhyâya  (Virendranâtlî),    Grevturega- 

tan,  'Î2,  à  Stockholm. 

*  CilliÈre  (Alphonse) ,  consul  général  de  France , 

à  Constantinople. 

*  Clark  (D"^  W.  Eugen),  Instructor  in  Sanskrit, 

University  of  Chicago  [Illinois]  (Etats- 
Unis). 

Clermont-Ganneao  (Ch.),  membre  de  l'Institut, 
ministre  plénipotentiaire  honoraire,  pro- 
fesseur au  Collège  de  France,  avenue  du 
Président-Wilson,  1,  à  Paris  (viiT). 

Coedès  (George),  conservateur  de  la  Vajiranâna 
National  Library,  à  Bangkok  (Siam). 

ConKN  (Marcel),  directeur  d'études  à  l'Ecole 
pratique  des  Hautes  i^^tudes,  j)rofesseur  ad- 
joint ;i  l'Ecole  deslangues  orientales  vivantes. 


LISTE   DES   MEMBRES.  11 

rue   des  Marais,    17,  à  Viroflay  (Seine-et- 

Oise). 
M.      Colin  (le  D""  Gabriel),  professeur  d'arabe  à  la 

Faculté  des  Lettres,  rue  d'isly,  67,  à  Alger. 
Collège   français    de    Zi-Ka-Weï,    par    Shanghaï 

(Chine). 
MM.  Combe    (Etienne),     boîte     postale     1737,     à 

Alexandrie  (Egypte). 
CoNTENAu  (le  D'  Georges),   place    Vintimille, 

18,  à  Paris  (ix^). 

*  CoNTi  RossiNi  (Carlo),  dott.   comm.,   via  Pa- 

lestro,  78,  à  Rome. 
*CoRDiER     (Henri),     membre     de     l'Institut, 
professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes,  rue  de  Siam,  8,  à  Paris  (xvf). 

CouLBER,  commandant  en  retraite,  rue  de 
l'Académie,  à  Bruges  (Belgique). 

Cour  (Auguste) ,  professeur  à  la  chaire  d'arabe, 
à  Constantine  (Algérie). 

CouBANT  (Maurice),  consul  de  France,  profes- 
seur ])rès  la  Chambre  de  commerce  de 
Lyon,  professeur  à  l'Université  de  Lyon, 
chemin  du  Chancelier,  3,  à  Ecully 
(Rhône). 

*  COWASMY, 

*Croi/,ier   (le  marquis  uii),  à  Rayonne  (Basses 
Pyrénées). 
CuENUKT   (Georges),   rue  d'Assas,   70,  à  Paris 

3 


12  SOCIÉTÉ   ASIATIQUE,    1922. 

MM.  CuMONT  (Franz),  membre  de  l'Institut,  boule- 
vard deCourcelles,  3,  à  Paris  (xvii*). 
CuNY  (A.),  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres, 
rue  Raymond-Lartigue ,  y,  à  Bordeaux  (Gi- 
ronde). 

*  Dan  ON  (Abraham  ) ,  square  de  Clignancourt ,  i , 

à  Paris  (xvm^). 

*  DarrigarrÈre  (Théodore-Henri),  numismate, 

à  Beyrouth  (Syrie). 

Dautremer  (Joseph) ,  consul  général  de  France , 
professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes,  à  Bièvres  (Seine-et-Oise). 
*Davies  (T.  Witton),  B.  A.,  Ph.  D.,  D.  D., 
Université  de  Genève ,  professeur  de  langues 
sémitiques,  University  Collège,  à  Bangor 
(North  Wales)  [Angleterre]. 

Delafosse  (Maurice) ,  gouverneur  des  colonies, 
professeur  à  f  Ecole  des  langues  orientales 
vivantes  et  à  l'Ecole  coloniale,  rue  Vaneau, 
5/i ,  à  Paris  (viif). 

Delaporte  (Louis),  docteur  es  lettres,  licencié 
es  sciences,  rue  du  Cherche-Midi,  ii8,  à 
Pans  ( VI*). 

Deloustal  (R.),  interprète  principal  des  ser- 
vices judiciaires,  à  Hanoï  (Jndochine). 

Demiéville  (Paul),  membre  de  l'Ecole  fran- 
çaise d'Extrême-Orient,   à  Hanoi  (Tonkin). 

Deny  (Jean),  professeur  à  TEcole  des  langues 
orientales  vivantes ,  rue  d'Ulm,  i ,  à  Paris  (v"). 


L[STE  DES  MEMBRES.  13 

MM.*Dessus  Lamare-Leenhoi'f  (A,),  chalet  Alexan- 
drine,  rue  Malakofï,  9-7,  à  Saint-Eugène, 
près  Alger. 

Destaing  (Edmond),  professeur  à  j'Ecole  des 
langues  orientales  vivantes ,  route  de  Ghoisy, 
2,  à  L'Hay-les-Roses  (Seine). 

DoRviLLE  (G.),  consul  de  France  en  retraite, 
rue  du  Pavillon,  3o,  à  Bordeaux  (Gironde). 

DuGROCQ  (le  capitaine  Georges),  attaché  mili- 
taire à  la  Légation  de  France  à  Téhéran, 
avenue  de  l'Observatoire,  i3,  à  Paris  (vf). 

DuMON  (Raoul),  élève  diplômé  de  l'Ecole  du 
Louvre,  rue  de  la  Chaise,  »o,  à  Paris  (vu*). 

DuNAN  (Maurice),  rue  du  Cardinal-Lemoine, 
Sg,  à  Paris  (v"). 

Dupont  (Maurice),  bibliothécaire  du  Musée 
Guimet,  rue  de  Tournon,  29,  à  Paris  (vi*). 

*  DuRIGHELLO  (  J.-A.  ). 

DuROisELLE  (C),  x\ssistant  Superintendent , 
Archaeological  Survey,  à  Mandalay  (Birma- 
nie). 
*DussAUD  (René),  conservateur  adjoint  au  Mu- 
sée du  Louvre,  professeur  à  l'Ecole  du 
Louvre,  rue  du  Boccador,  3,  à  Paris  (viii*). 

Eliséieff  (Serge),  professeur  à  l'Université  de 
Petrograd  et  à  l'Institut  de  l'histoire  des 
Beaux-Arts,  rue  Nouvelle,  1,  à  Paris  (ix*). 

Faueggon   (Johan-Melchior),  bibliothécaire  de 

3. 


14  SOCIÉTÉ   ASIATIQUE,  1922. 

l'Union  des  Arts   décoratifs,    avenue  de  ia 
République,  67,  à  Montrouge  (Seine). 
MM.*Fargues  (F.),  boulevard  de  Montmorency,  92, 
à  Deuil  (Seine-et-Oise). 

F'aure-Biguet  (Général),  avenue  des  Balives, 
29,  à  Valence  (Drôme). 
*FAVRE(Léopold),  rue  des  Granges,  6,  à  Genève. 

Feghali   (l'abbé    M. -T.),    docteur  es   lettres, 
chargé  de  cours  à  la  Faculté  des  Lettres, 
■boulevard  Wilson,    870,  à  Bordeaux  (Gi- 
ronde). 
*Ferrand  (Gabriel),  ministre  plénipotentiaire, 
rue  Racine,  28,3  Paris  (vf  ). 

Ferrer  (Orlando),  consul  de  Cuba,  à  Sainl- 
Nazaire  (Loire -Inférieure). 

Ferrieu  (Th.),  commissaire  de  la  marine,  à 
l'Abbaye,  à  Moissac  (Tarn-et-Garonne). 

Fevret  (André),  bibliothécaire  à  la  Biblio- 
thèque nationale ,  rue  Berthier,  3  6 ,  à  Ver- 
sailles (Seine-el-Oise). 

*FiNOT  (Louis),  directeur  de  l'Ecole  française 
d'Extrême-Orient,  professeur  au  Collège  de 
France,  directeur  d'études  à  l'Ecole  pra- 
tique des  Hautes  Etudes,  h  Hanoï  (Tonkin). 

FossEY  (Ch.),  professeur  au  Collège  de  France, 
boulevard  Raspail,  286,  à  Paris  (xiv*). 

FoLCHER  (A.),  ancien  directeur  de  l'Ecole  fran- 
çaise d'ExIromc-Orient,  ch;irgé  de  cours 
i\  la  Sorbonne,  boulevard  Raspail,  286,  à 
Paris  (xiv*). 


LISTE   DES   MEMBRES.  15 

MiM.  Gaudefroy-Demombynes  (M.),  professeur  à 
l'Ecole  des  langues  orientales  vivantes,  rue 
Joseph-Bara,  g,  à  Paris  (vi*). 

Gauthier  (Léon),  professeur  d'histoire  de  la 
philosophie  musulmane  à  l'Université,  rue 
Naudot,  4,  à  Mustapha  (Alger). 

Gautier  (E.-F.),   professeur  de  géographie   à 
la  Faculté  des  Lettres,  Institut  géographique 
de  l'Université,  à  Alger. 
*  Gautier    (Lucien),    professeur   de    théologie,  . 
à  Cologny,  près  Genève  (Suisse). 
M"^     Getty  (Alice),   avenue  des  Champs-Elysées, 

•y 5,  à  Paris  (viii*). 
MM.  Geuthner   (Paul),  éditeur,  rue  Jacob,    i3,  à 
Paris  (vi*). 

Gieseler  (le  D""  G.),  médecin  à  la  Compagnie 
des  chemins  de  fer  du  Nord,  rue  de  Cha- 
brol, 3  I ,  à  Paris  (x*"). 

Goloubew  (Victor  de),  rue  Théodore-de-Ban- 
ville, 1  I ,  à  Paris  (xyii"). 
*GoMPEL    (Robert),    diplômé     de    l'Ecole    des 
langues    orientales    vivantes,   rue   Charles- 
Eloquet,  36,  à  Paris  (vu"). 

Grafi'in  (M^'),  président  de  la  Société  anti- 
esclavagiste  de  France,  rue  d'Assas,  /ly,  à 
Paris  (vi'"). 

(iRANET  (Marcel) ,  chargé  de  cours  à  la  Sorbonne, 
avenue  du  Parc-de-Montsouris,  3(),  «^  Paris 
(xiv"). 

Greenup      (Kev.     A.    W.),      The     Principal's 


16  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE,    1922. 

Lodge,    Saint  John's    Hall,    Highbury,    à 
Londres,  N. 
MM.  Grenard  (F.),  consiul  général  de  France. 

Grimault  (Paul),  cour  Saint-Laud,  i  li  his ,  à 
Angers  (Maine-et-Loire). 

Groslier  (George),  directeur  des  Arts  Cam- 
bodgiens, à  Pnorltl  Penh  (Cambodge). 

GuÉRiNOT  (A.),  docteur  ès  lettres,  rue  de  Bou- 
lainrilliers,  19,  à  Paris  (XTf). 

GuiGUES  (le  D'  P.),  professeur  à  la  Faculté 
française  de  Médecine,  à  Beyrouth  (Syrie). 

Guy  (Arthur),  vice-consul  de  France  à  Caïffa 
(Syrie). 

Hackin  (Joseph),  conservateur  adjoint  du  Mu- 
sée Guimet,  rue  Debrousse,  2,  à  Paris 
(xvf). 

Hadjibekli  (Djeyhoun  Bek) ,  membre  de  la  Dé- 
légation de  paix  de  i' Azerbaïdjan  ^  directeur 
du  journal  «Azerbaïdjan»,  rue  Henri-Mar- 
tin, 6,  à  Paris  (xvr). 

Haguenauer  (Charles),  rue  Gay-Lussac,  62.;» 
Paris  (v"). 

Hai.phen  (Jules),  avenue  MalakofF,  /i ,  à  Paris 
(xvf). 

Hamel  (G.),  ingénieur,  à  Astillero  [province 
de  Santander]  (Espagne), 

Hamet  (Ismaël),  officier  interprète  principal, 
directeur  de  l'FiCole   snpéiieure  de   langue 


LISTE  DBS  MEMBRES.  17 

arabe    et    de   dialectes    berbères,   à    Rabat 

(Maroc). 
MM.  Hanoune  (J.),  Colonne-Voirol ,  à  Alger. 

Ha  RIZ  (le  D"^  Joseph),  rue  du  Jourdain,  lo,  à 

Paris  (xx''). 
*Harkavy  (Albert),  bibliothécaire  de  la  Biblio- 
thèque   publique,    Pouchkarskaya ,    Ixq,    à 

Pétrograd. 
Hebrelynck  (M^  Adolphe),  recteur  honoraire 

de  l'Université  de  Louvain ,  à  Meirelbeke , 

près  Gand  (Belgique). 

*  Hériot-Bdnoust  (Louis). 

Hérold  (Ferdinand),  licencié  es  lettres,  ancien 
élève  de  l'École  des  chartes,  rue  Nicolo ,  48  , 
à  Paris  (xvf). 

*  HiLGENPELD  (D'  Heinrich),  professeur  à  l'Uni- 

versité,  Fùrstengraben ,    y,    à   léna    (Saxe- 
Weimar). 

M"'   HoMBURGER  (Lilias),  avenue  d'Eylau,  5,  à  Paris 
(xvf). 

MM.  HuARï  (Clément),  membre  de  l'Institut,  consul 
général ,  professeur  à  l'Ecole  des  langues 
orientales  vivantes,  directeur  d'études  à 
l'Ecole  pratique  des  Hautes  Etudes,  rue 
Dupont-des-Loges,  i  2  ,  à  Paris  (vif). 
Hubert  (Henry),  conservateur  adjoint  du  Musée 
de  Saint- Germain,  directeur  d'études  à 
l'Ecole  prati([ue  des  Hautes  Etudes. 


18  SOCIETE   ASIATIQUE,    1922. 

MM.*HuGDET  (le  D'),  chai^gé  du  cours  des  civilisa- 
tions musulmanes  à  l'Institut  colonial  de 
l'Université,  à  Nancy  (Meurthe-et-Moselle). 

HuMBERT  (Paul),  professeur  à  l'Université  de 
Lausanne,  avenue  Jean-Jacques  Rousseau, 
4,  à  Neufchàtel  (Suisse). 
*Hyde  (James  H.),  Pavillon  de  l'Ermitage,  -j, 
rue  de  l'Ermitage,  à  Versailles  (Seine-et- 
Oise). 

HvvERNAT  (l'abbé Henry),  professeur  à  l'Univer- 
sité catholique  d'Amérique,  34o5,Twelfth 
Street  (Brookland),  à  Washin^on. 

Jean   (le  R.-P.    Gharles-F.),   lazariste,  rue  de- 
Sèvres,  gS ,  à  Paris  (vf  ). 

JoHNSTON  (R.  F.),  précepteur  de  S.  M.  fempe- 
reur  Hsuan-lûng,  Ville  interdite,  à  Pékin. 

JouvEAu-DuBREUiL  (G.),  docteur  es  lettres,  pro- 
fesseur au  Collège,  rue  Dumas,  6,  à  Pon- 
dichéry  (Inde  Française). 

Julien  (Gustave- Jacques-Henri),  gouverneur 
des  colonies,  chargé  de  cours  à  l'Ecole 
coloniale,  rue  Lecourbe,  j  i  6,  à  Paris  (xv*"). 

Karlgren  (Bernard),  professeur  à  l'Université, 

k  Gôteborg  (Suède). 
M""     Karpelès  (Suzanne),  rue  du  Docteur-Blanche, 

2^,3  Paris  (xvf  ). 
MM.  Karst  (Joseph),   professeur   à    l'Université,    à 

Strasbourg  (Bas-Rhin ]. 


LISTE  DES   MEMBRES.  19 

MM.*Kemm.  Ali,   secrétaire  d'ambassade,  à  Benha 

(Egypte). 

Keuprulu-Zadeh  Mehmet  Fouad,  professeur 
d'histoire  de  la  littérature  turque  à  l'Univer- 
sité, à  Conslanlinople. 

Khaïrallah  (K.  t.),  publiciste,  rue  Léopold- 
Robert,  k,  à  Paris  (xiv^). 

KoKOwzoFF  (Paul  de),  professeur  d'hébreu  à 
l'Université,  3,  Rota  Ismaïlowski ,  à  Pétro- 
grad. 

Kraemer  (H.),  St-Walburg,  i36,  à  Tiel  (Hol- 
lande). 

Krom  (le  Dr.  .1.  N.),  professeur  à  fUniversité, 
Groenbovenstraat,  9,  à  Leyde  (Hollande). 

KuENTz  (Charles),  rue  Pierre-Corneille,  6  1 ,  .^ 
Lyon  (Rhône). 

*  Labodrt  (l'abbé  Jérôme),   docteur  es  lettres, 
directeur  du  Collège  Stanislas,   rue   Nolre- 
Dame-des-Champs,  22,  à  Paris  (vi^). 
LacÔte     (Félix),     professeur    à    l'Université, 

cours  Morand,  20,  à  Lyon  (Rhône). 
Lajonquière  (LunetDE),  chef  de  bataillon  d'in- 
fanterie coloniale,    rue  Saint-Genès,  /i  1 ,  ;^ 
Bordeaux  (Gironde). 
M"*     Lalou  (Marcelle),  boulevard  Saint-Michel,  6, 

à  Paris  (vi"). 
M.      Lambert  (Mayer),  directeur  d'études  à  l'Rcole 
pratique  des   Hautes  lùudes,  avenue  Tru- 
daine,  2-7,  à  Paris  (ix"). 


20  SOCIETE'ASIATIQUE,    1922. 

MM.*Landherg    (Carlo,     comte    de),    docteur    es 

lettres ,  chambellan  de  S.  M.  le  Roi  de  Suède , 

villa  Kraft,  avenue  Désambrois,  2,  à  Nice 

(Alpes-Maiùtimes). 
Langlois  (Pierre),  place  au  Bois,  8,  à  Annecy 

(Haute-Savoie). 
Lartigue  (J.),  lieutenant  de  vaisseau,  rue  du 

Rocher,  62,3  Paris  (viif  ). 
Latif  (Qazi  Abdul),  M.  A.,  Colotoolia  Street, 

]  1 ,  à  Calcutta  (Inde  Britannique). 
Laufer    (Berthold),    conservateur    du    Field 

Muséum,  à  Chicago  [Illinois]  (Ktats-Unis). 
LAURENtiE    (Henri),  rue  Guy-de-la-Brosse,    9, 

à',  Paris  (v"). 
La   Vallée  Poussin   (Louis   de),  professeur  à 

l'Université  de  Gand,  avenue  Molière,  66, 

à  Bruxelles. 
Le  Cerf  (Georges),  enseigne  de  vaisseau. 

Lecerf  (Jean),  élève  diplômé  de  l'Ecole  des 
Langues  orientales  vivantes,  rue  d'IJim,  /|5, 
à  Paris  (v"). 

Ledodlx  (Alphonse),  consul  de  France  en  re- 
traite. Compagnie  des  Eaux,  à  Constan- 
tinople. 

LEpiiVRE-PoNTALis  (  l^ierrc) ,  ministre  plénipo- 
tentiaire, rue  Pierre -Charron,  iZi,  à  Paris 
(xvi"). 

Le  Hardy  deBeaulieu  (Henri),  avenue Marnix, 
1  6 ,  à  Bi'uxeiles. 


LISTE  DES  MEMBRES.  21 

M.      liEHOT  (Maurice),  professeur  au  Lycée,  à  Aix- 

eii-Provence  (Bouches-du-Khone). 
M'""    Le  Lasseur  (Denyse),  rue  de  Greffulhc,  y,  à 

Paris  (viif). 
MM.*Lehiche   (Louis),  consul  de   France,   à  Rabat 
(Maroc). 
*  Le  Strange  ((juy),  Panton  Street,  63,  à  Cam- 
bridge (Angleterre), 
LÉvi  (Sylvain  ) ,  professeur  au  Collège  de  France , 

rue  Guy-de-la-Brosse,  9,  à  Paris  (v"). 
Lévy  (Isidore),    directeur    d'études    à  l'Ecole 
pratique  des  Hautes  Etudes,  rue  Adolpbe- 
Focillon,  4,  à  Paris  (xiv*). 
Liber    (Maurice),    professeur    à    l'Ecole  rab- 

binique,  rue  Saulnier,   1  4,  Ji  Paris  (ix*). 
*LoiSY    (Alfred),    profcsseui^     au    Collège    de 
FVance,  rue  des  Ecoles,  k  bis,  à  Paris  (v*). 
LoREY  (P^ustache  de),  Mission  archéologique,  à 

Damas  (Syrie). 
LoRGEOu  (Edouard),  professeur  à  l'Ecole  des 
langues  orientales  vivantes,  rue  Nolre-Dame- 
des-Champs,  -76,  à  Paris  (vf). 

Macleb  (Frédéric),  professeur  à  l'Ecole  des 
langues  orientales  vivantes,  boulevard  de 
Montmorency,  1  bis ,  h  Paris  (xvi"). 
*MADKorj.E  (C),  avenue  du  Roule,  gS,  h 
Neuilly-sur-Seine  (Seine). 
M"''  Magne  (Louise),  Ambassade  de  France,  h 
Tokyo. 


22  SOCIÉTÉ   ASIATIQUE,    1922. 

MM.  Maître  (Cl.-E.),    ancien  direcleur  de  l'Kcole 
française  d'Extrême-Orient,  rue   Blanche, 
45,  à  Paris  ( IX*). 
*Makhanoif  (Michel),  professeur  au  Séminaire 
religieux,  à  Kazan  (Russie). 

Maksoudoff  (Sadry),  ancien  député  à  la 
Douma,  rue  Blaise-Desgoffe,  6,  à  Paris  (vi*). 

Mallon  (P.),  boulevard  Flandrin ,  58,  à  Paris 
■  (xvf). 

Marçais  (William),  directeur  de  l'Ecole  supé- 
rieure d'arabe,  à  Tunis,  professeur  à  l'Ecole 
des  Langues  orientales  vivantes,  avenue  de 
Tourville,  6,  à  Paris  (vif). 

Marestaing  (Pierre),  boulevard  Flandrin,  ly, 
à  Paris  (xvf  ). 
*Margoliouth     (David    Samuel),      professeur 
d'arabe    à    l'Université,     New -Collège,     h 
Oxford  (Angleterre). 

Marmorstein  (A.),  bibliothécaire,  Ports- 
down  Road,  2  52,  Maida  Vale,  à  Lon- 
dres, W. 

Martin  (A.-G.-P.),  ofticiei -interprète  principal 
de  l'armée  territoriale,  professeur  à  l'FiCole 
supérieure  de  Commerce,  cours  d'Alsace, 
23,  à  Bordeaux  (Gironde). 

Maspero  (Georges),  résident  supérieur  en  Indo- 
chine, avenue  du  Maréchal-Pétain,  i(S,  à 
Versailles  (Seine-et-Oise). 

Maspero  (Henri),  professeur  au  Collège  de 
France,  rue  Guynemei-,  3o,  à  Paris  (vr). 


LISTE    DES   MEMBRES.  23 

M.      Massé   (Henri),  professeur  à    la    Faculté  des 

Lettres,  rue  Michelel,  à  Alger. 
M™"    Massieu  (Isabelle),  rue  de  Prony,  S/i,  à  Paris 

(xvif  ). 
MM.  Massignon  (Louis) ,  ancien  membre  de  l'Institut 
d'archéologie  orientale ,  rue  Monsieur,  2  1 , 
à  Paris  (vii^)- 
.  Masson-Oursel  (Paul),  rue  de  Milan,  i  \  bis, 
à  Paris  [if]. 
Mauss   (Marcel),   directeur  d'études  à  l'Ecole 
pratique   des   Hautes    Etudes,  rue  Bruller, 
2  ,  à  Paris  (xiv"). 
Mawas  (Alfred),  rue  Fouad  I",  82,  à  Alexan- 
drie (Egypte). 
Mawson  (G.  O.  Sylvester),  P.  0.  Box  886,  à 

Springfield ,  Mass.  (Etats-Unis). 
Maybon  (Charles),  directeur  de  l'Ecole  française, 

avenue  Paul-BiTinat ,  à  Shanghaï  (Chine). 
Maydell  (le  baron  Gérard   de),   place  Saint- 
Sulpice,  3  bis,  à  Paris  (vi'). 
*  Mazon    (André),   professeur  à  la  Faculté  des 
Lettres,  rue  Twinger,  5  ,  à  Strasbourg  (Bas- 
Rhin). 
*Meillet     (A.),    professeur    au    Collège     de 
France,  rue  François -Coppée,   2,  à  Paris 
(xv«). 
M""    Menant  (D.),  rue  Stanislas,  6,  à  Paris  (vf). 
M.      Meucieu  (Oustavc),  avocat  à  la  Cour  d'appel, 
délégué    Hiiaiicier,    Parc   Gatlif,    Mustapha- 
Supérieur,  à  Alger. 


24  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE,   1922. 

MM.  Mercier  (Louis),  consul  de  France. 

Mestbe  (Edmond),  rue  des  Feuillantines,  3,  à 

Paris  (v*). 
Minorsky  (Vladimir),  premier  secrétaire  de  la 

Légation  de  Russie  à  Téhéran ,  rue  Jacques- 

Offenbach,  i,  à  Paris  (xvf). 
Montet  (Pierre),  professeur   à  la  Faculté,  des 
•    Lettres,  à  Strasbourg  (Bas-Rhin). 
Moret  (Alexandre),  directeur  d'études  à  l'Ecole 

pratique  des  Hautes   Etudes,  conservateur 

du  Musée  Guimet,  rue  Vaneau,  5/i,à  Paris 

(vii^).   . 
Morgan    (Jacques   de),     Villa   Les   Sables,    à 

Saint-Raphaël  (  Var ). 
MziK  (D"^  Hans  von),  bibliothécaire  adjoint  à 

la  Bibliothèque  Nationale,  Leopold  MùUer- 

gasse,  i,  à  Vienne. 

*Nau  (l'abbé  F.),  docteur  es  sciences  mathéma- 
tiques,  professeur  d'analyse  à  l'Institut  ca- 
tholique, rue  de  Vaugirard  ,7/1,3  Paris  (vf  ). 
Nehlil. 

New  York.  Public  Library,  à  New  York. 

MM.  Nicolas     (A.-L.-M.),    consul    de    France,    à 
Tillis  (Caucase). 
NoRDEMANN    (Edmond),    chef   du   service   de 
renseignement  au  Laos,  à  Vientiane  (Indo- 
chine). 


LISTE   DES    MEMBRES.  25 

MM.  Ohsumi  (S.),  professeur  à  l'Université,  à  Tokyo. 
Ollone  (le  général  comte  d'),  commandant  la 

place  de  Soissons  (Aisne). 
Oltramare  (Paul),  professeur  à   l'Université, 
La  Pelouse,  avenue  des  Bosquets,  Servette, 
à  Genève  (Suisse). 
Ort  (Georges),  rue  Jacob,   i3,  à  Paris  (vi*). 
*OsTROROG  (le  comte  Léon),  rue  d'Astorg,  i  i, 
à  Paris  (viii*). 

Parisot  (Jean),  rue  du  Brice,  6,  à  Nancy 
(Meurthe-et-Moselle). 

Paulhan  (Jean),  rue  Boissonade,  16,   à  Paris 
(x,v-). 
*  Pelliot  (Paul),  membre  de  l'institut,  profes- 
seur au  Collège  de  France,  rue  de  Varenne, 
38,  à  Paris  (vif). 

Peltier  (Frédéric),  professeur  à  la  Faculté  de 
Droit,  rue  Michelet,  1121,  à  Alger. 

Pereira  (Francisco  Maria  Estcves),  colonel  du 
génie,  rua  das  Damas,  l\ ,  k  Lisbonne. 

Périer  (l'abbé  Augustin),  rue  de  Furstenberg, 
7,  à  Paris  (vi*). 

PÉRIER  (l'abbé  Jean),  professeur  de  langues  sé- 
mitiques à  l'Institut  catliojifjue,  rue  de 
r Abbé-Grégoire,  89,  à  Paris  (yf). 

Petithuguenin  (Paul),  conseiller  du  Gouverne- 
ment siamois,  à  Bangkok  (Siam). 

Pé/.akd  (Maurice),  attaché  aux  Musées  Natio 
naij\,  iiic  du  Commerce,  90,  à  Paris  (xv"). 


26  SOCIÉTÉ   ASIATIQUE,  1922. 

M"^    Poirier    (M.),    agrégée   de    l'Université,    rue 

Montprofit,  II,  à  Bourg-la-Reine  (Seine). 
MM.  PoLAiN  (Louis),  rue  Madame,  60,  à  Paris  (vf). 

PoLiGNAG  (le  comte  Charles  de),  rue  Le  Sueur, 
1  5,  à  Paris  (xvf  ). 

PoPESCL-CiocANEL  (Gheorghe),  Medgidie  Da- 
broyel  (Roumanie). 

PoppER  (William),  University  of  California ,  à 
Berkeley  (Etats-Unis). 

Pr-btorius  (D""  Frantz),  professeur  à  l'Uni- 
versité, Hedwigstrasse ,  ko,  à  Breslau  (Alle- 
magne). 

*  Prym   (D'  E.),  professeur  à  l'Université,  Co- 

blenzerstrasse ,  89,  à  Bonn  (Allemagne). 
Przyluski  (J.),  professeur  adjoint  à  l'Ecole  des 
langues  orientales  vivantes,  rue  de  Luynes, 
9,  à  Paris  (vif). 

Raggi  (J.  G.),  professeur,  à  Bangkok  (Siam). 

Ramchandra  Kak,  Archaeological  Survey  of 
India,  à  Simla  (Inde  Britannique). 

Rapson  (E.  j.),  professeur  de  sanscrit  à  l'Uni- 
versité, 8,  Mortimer  Road,  à  Cambridge 
(Angleterre). 

*  Ravaisse  (  Paul) ,  professeur  adjoint  à  l'Ecole  des 

langues    orientales    vivantes,    rue    Antoine- 
Roucher,  6,  à  Paris  (xvf). 
RAVMOND-MoDENE-PKTiunvskv  (lecomto  liadislas 
de),  rue  Marszalkowska,  3^2 3,  à  Varsovie 
(Pologne). 


LISTE   DES   MEMBRES.  27 

MM.  REizLÉR(Slani.slas),  bihliollit'rairerle  la  Société 
de  Géographie,   rue  Boulard,   20,  à  Paris 
(xiv*'). 
René-Lec.lerc  (Ch.),  directeur  du  Service  des 

Habous,  à  llabat  (Maroc). 
Reuter   (D'  J.   N.),  docent  de  sanscrit  et  de 
philologie  comparée  .^1   l'Université,  Boule- 
vardsgaten,  h  Helsingfors  (Finlande). 
*RoESKÉ   (J.),  boulevard  Pasteur,    i3,    à  Paris 

(xv*'). 
*RoNFLARD  (Arsène),     premier    interprète    de 
l'Agence  de  France,  h  Tanger  (Maroc). 
Ross  (Sir   Denison),  directeur  de  l'Fcole  des 
études  orientales,  London  Institution ,  P^ins- 
bury  Circus,  k  Londres,  E.  G. 
RoTiG  (William),  vice  consul  de  France,  à  Go- 

lombo  (Geylan). 
RoTOURs  (R.  des),  à  Pékin. 
RouGiER  (Virgile),  rue  Halle,  36 ,  à  Paris  (xtv"). 
*RoLSE    (W.    H.    D.),    Headmaster    of  Perse 
School,  à  Gainbridge  (Angleterre). 
Roux   (Jules),  chef  d'escadron   d'artillerie  co- 
loniale, commissaire  du  Gouvernement  près 
le  Gonseil   de  guerre  de  la  9"  région,   ru<> 
Grécourt,   1,  h  Tours  ([ndre-et-Loire). 

Saiia  (le[)'),  Luchmikunda,  ifi-iy.  à  Bénarès 

(Inde  J^ritnnni({ne). 
Saint-Victor  (Gabriel  de)  ,  avenue  Mac-Malion  , 

33,  à  Paris  (xvii'). 


28  SOCIÉTÉ   ASIATIQUE.    1922. 

M'"'    Saisset  ( L.  ) ,  square  Delambre ,  i ,  à  Paris  (xiv*). 
MM.  Sakaki  (R.),  professeur  n  l'Université,  à  Kyoto 
(Japon). 
Saleh  Khan  Loghman  ,  rue  Jacob ,  2  2 ,  à  Paris 

M- 

M™"    San  Mahtino  (la  comtesse  de),  place  Vendôme, 

i5,  àParis  (r). 
MM.  Saroukhan  (Arakel),  Société  A.  J.  Mantacheff 

»t  C'^  rueZakharievskaya,  10,  à  Petrograd. 
*  Saussure  (L.  de),  à  Rossinière,  canton  de  Vaud 

(Suisse). 
Sauvageot  (  Aurélien) ,  élève  de  l'Ecole  Normale 

Supérieure,  rue  de  Tolbiac,  i45,   k  Paris 

(xiif). 
ScHEiL  (V.),  membre  de  l'Institut,  directeur  à 

ri^^iCole  pratique  des  Hautes  Etudes,  rue  du 

Cbercbe-Midi,  4  his ,  à  Paris  (vf). 
ScHMiDT  (Valdeniar),  professeur  h  l'Université, 

Musées  Royaux,  Frederiksholm  Kanal     1  2  , 

à  Copenhague. 
Sémélas  (Démétrios). 

Senart    (Emile),    membre    de    l'Institut,    rue 

François  P',  18,  à  Paris  (vnf). 
Seth    (iVJesrovb   J.),   Armenian    Examiner    to 

tbe  University,  Wollcsley  Sfpiare,  12,  East, 

à  Calcutta  (Inde  Jiritanriique). 
SiDERSKY  (I).),  ingénieur,  avenue  Pasteur,  20, 

à  Bécon-les-Bruyères  (Seine). 
Simon    (S.),     directeur     de     la     Ban{[ue     de 


LISTE   DES   MEMBRES.  29 

riiido- Chine,    rue    La    Fayette,    16  bis,  à 
Paris  (ix"). 
MM.*SiMONSEN  (David),  grand  rabbin,  Skindergade, 
28,  à  Copenhague. 

SiNAPiAN  (G.),  avocat,  rue  Fsabey,  5,  à  Paris 
(xvi").  ^         ^ 

SoTTAs  (Henri),  directeur  d'études  à  i'Ecole 
pratique  des  Hautes  Études,  boulevard  de 
Latour-Maubourg ,  5o,  à  Paris  (vu"). 

Stein  (M.  Aurel),  Ph.  D.,  D.  Litt.,  D.  Se, 
Superintendent ,  Frontier  Circie ,  Ar- 
chseological  Survey  of  India,  c/o  Post- 
master,  Srinagar,  kashmir  (Inde  Britan- 
nique). 

Stern  (Philippe),  attaché  au  Musée  Guimet, 
boulevard  Malesherbes,  90,  à  Paris  (vin''). 

Stouey  (C.  A.),  professeur  d'arabe  au  M.  A.  O. 
Collège,  à  Aligarh  [Unilcd  Provinces]  ([nde 
Britannique). 

Taha  (Hussein),  professeur  à  l'Université,  au 
Caire. 

ÏAÏEij(A.  M.),  interprète  judiciaire,  à  Mascara 
[département  d'Oran]  (Algérie). 

Tarazzi  (ie  vicomte  Philippe  de),  fondateur- 
conservateur  de  la  Bibliotlièque  Nationale, 
à  Beyrouth  (Syrie). 

Tciiou  (Kia-Kien),  répétiteur  à  l'Kcole  des 
langues  orientales  vivantes,  rue  Du  Somme- 
rard,  9,  à  Paris  (y*). 


30  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE,   1922. 

MM.   riiKii.i.ET,  vice-consul  de  FVance. 

Thomas  (F.  W.),  India  OfTice  Library,  White 
hall,  à  Londres,  S.  W. 

Thureau-Dangin  (F.),  membre  de  l'Institut, 
conservateur  adjoint  des  antiquités  orientales 
au  Musée  du  Louvre,  rue  de  Grenelle,  102, 
à  Paris  (vif). 

ToRU  (Haneda),  professeur  à  l'Université,  à 
Kyoto. 

Toussaint  (Gustave-Charles),  président  du  tri- 
bunal consulaire,  à  l'Ambassade  de  France, 
à  Pékin. 
M""    Trognon    (Odette),    rue    du    Maréchal -Foch, 
Ziy,  à  Versailles  (Seine-et-Oise). 

TuNELD  (Ebbe),  professeur  à  l'Université,  à 
Lund  (Suède). 

Vadala  (Ramiro),  vice-consul  de  France,  à 
Bombay  (Inde  Britannique). 

Van  der  Leyden,  professeur  à  la  Médersa,  à 
Constantine  (Algérie). 

Vaux  (le  baron  Carra  de),  professeur  hono- 
raire d'arabe  à  l'Jnstitut  catholique,  rue  de 
la  Trémoille,  6,  à  Paris  (viif). 

Vehnes  (Maurice),  président  de  la  section  des 
Sciences  religieuses  de  l'Fcole  pratique  des 
Hautes  Ftudes,  rue  Notre  -  Dame  -  des- 
Champs,  io5,  h  Paris  (vf). 

ViAU  (Jean),  rue  Souiîlot,  5,  h  Paris  (v''). 


LISTE   DES   MEMBRES.  31 

MM.  ViNsoN  (Julien),  professeur  honoraire  à  l'Ecole 
des  langues  orientales  vivantes ,  rue  de  l'Uni- 
versité, 86,  à  Paris  (vii^). 

ViROLi.EADD  (Gh.),  conseiller  du  Haut  Com- 
missariat de  France,  à  Beyrouth  (Syrie). 

VrssiÈRE  (Arnold),  ministre  plénipotentiaire, 
professeur  à  l'Ecole  des  langues  orientales 
vivantes ,  rue  du  Ranelagh ,  4/» ,  à  Paris  (xvi*). 

*  Weill  (Raymond) ,  commandant  du  génie ,  rue 
du  Cardinai-Lemoine ,  71,  à  Paris  (v*). 

WiET  (Gaston),  maître  de  conférences  à  la  Fa- 
culté des  lettres  de  Lyon,  Grande-Rue,  Sy, 
à  Caiuire  (Rhône). 

WiLHELM  (D""  Eugen),    professeur  à   l'Univer- 
sité, Lœbdergraben .  28,  à  léna  (Saxe-Wei- 
mar). 
M""*    Wilman-Grabowska   (Hélène    de),   chargée  de 
conférences  à  la  Sorbonne,   rue  Linné,  3,. 
à  Paris  (y*). 
MM.  Woods  (James  Houghton),  professeur  de  phi- 
losophie   à    l'Université   Harvard,   Prescott 
Hall,    16,    à     Cambridge    [Massachusetts] 
(États-Unis). 

WoRMs(M.),  rue  Bonaparte ,  28,  à  Paris  (vi*). 

Yanni  (G.),  à  Tripoli  de  Syrie. 

ZayAt  (Habib),  boîte  postale,  n"  435,  à 
Alexandrie  (Egypte). 


32  SOCIETE   ASIATIQUE,   1922. 

III 

LISTE  DES  MEMBRES  HONORAIRES. 

MM.  Delitzsch  (D'  Friedrich),   Sùdslrasse,    /ly/H, 
à  Leipzig. 

Erman  (D'  Adolf),  professeur  à  l'Université, 
à  Berlin. 

GoLENiscHEF  (W.  S.),  conservateur  au  Musée 
de  l'Ermitage,  rue  de  la  BufFa,  63,  à  Nice 
(  Alpes-Maritimes  ) . 

Grierson  (Sir  George  A.),  C.  I.  E.,  correspon- 
dant de  l'Institut,  Rathfarnliam,  Camberley 
(Surrey)  [Angleterre]. 

Griffith  (F.  Ll.),  professeur  à  l'Université, 
Norham  Gardens,  ii,  à  Oxford  (Angle- 
terre). 

GuiDi  (Ignazio),  membre  associé  de  l'Institut, 
professeur  ;'i  l'Université,  Botteghe  oscure, 
2/1 ,  à  Rome. 

HiRTH  (D'  Friedrich),  professeur  émérite  à  la 
Columbia  University,  5oi,  West  11 3''',  à 
New  York  (Rtats-Unis). 

HuLTZscH  (D'  E.),  professeur  à  l'Université, 
à  Halle. 

Lanman  (Charles  Rockwell),  correspondant  de 
l'Institut,  professeur  à  l'Université  Harvard, 
Farrar  Street,  9,  à  Cambridge  [Massachu- 
setts] (l^tats-Unis). 


LISTE  DES  MEMBRES  HONORAIRES.  33 

MM.  MiJLLER  (F.  W.  K.),  membre  de  l'Académie 
des  sciences,  directeur  du  Musée  d'ethno- 
graphie, à  Berlin. 

NAViLLE(F^douard),  correspondant  de  l'Institut, 
professeur  à  l'Université,  à  Maiagny,  près 
Genève  (Suisse). 

NôLDEKE  (D'  Theodor),  53,  Ettlingerstrasse, 
à  Karlsruhe  (Bade). 

Oldenburg  (Serge  d'),  secrétaire  perpétuel  de 
l'Académie  des  Sciences,  à  Pétrograd. 

PiNGHES  (Theophilus  Goldrige),  conservateur 
auBritish  Muséum,  Sippara,  lo,  Oxford 
Road,  Kilburn,  N.  W.  (Angleterre). 

Rhys  Davids  (Dr.  T.  W.),  Ghipstead,  Surrey 
(Angleterre). 

Sachau  (D""  Ed.),  directeur  du  Séminaire  des 
Langues  orientales,  à  Berlin. 

ScHiAPARELLi  (Emesto),  directeur  du  R.  Museo 
di  antichità,  à  Turin  (Italie). 

Snouck  Hurgronje  (Christian),  conseiller  du 
Gouvernement  colonial  néerlandais,  profes- 
seur à  l'Université,  Rapenburg,  61,  à  Leide 
(Hollande). 

Welliiaîjsen  (l)'  J.),  professeur  à  l'Université, 


à  (jœltingen. 


Wiedemann  (D""  Alfred),  professeur  à  l'Univer- 
sité, à  Bonn. 


PJ 

J5 
ser.ll 

t. 19-20 

Journal  asiatiqu« 

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