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JOURNAL ASIATIQUE
ONZIÈME SÉRIE
TOME XIX
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL DE MÉMOIRES
ET DE NOTICES
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES
PUBLIÉ PAR LA SOCIETE ASIATIQUE
ONZIEME SERIE
TOME XIX
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
EDITIONS ERNEST LEROUX, RUE BONAPARTE, 28
MDCCCGX
4-
1 , 1^-20
JOURNAL ASIATIQUE,
JANVIER-MARS 1922.
o*c=-
ETUDES ASSYRIENNES,
PAR
M. C. FOSSEY.
XXI
INSCRIPTION DE NABU-NAID
SUR SES TRAVAUX À SIPPAR, LARSA ET AGADE.
L'inscription de Nabû-mhd qui relaie les travaux faits par
lui à YEbara de Sippar et à VEbara de Larsa, h.X Eulmas Ôl A^iide
et à VEulmas de Sippar, nous est aujourd hui connue par trois
exemplaires, tous conservés au British Muséum :
A. Barillet trouvé à Mukayyai% K. 1688, publié par Raw-
linson, IR, 6().
B. Tablette trouvée à Abn-Hahhak, AH. 89-7-18,3680,
publiée par King, CT, XXXIV (t c)i/i), pi. 28-2 5.
C. Barillet, provenance non indiquée, lyi 2-7-6, 9, publié
par King, CT, XXXIV, 26-37.
Le texte A, sur lequel ont été faites toutes les traductions,
est très incomplet. De B, il ne reste guère que 86 lignes, la
plupart mutilées, mais dont quelques-unes suppléent fort heu-
reusement à une lacune de C. Le texte de G est presque com-
plet, et la lacune, qui commence col. 1,1. 10, peut être entiè-
rement remplie par l'emploi combiné de A et de B. Le texte
ainsi obtenu forme au total 9 33 lignes, dont 81 sont entière-
ment nouvelles, savoir : col. I, 1-18, 38-/i3, 63 à col. II, 5;
2 JANVIER-MARS 19^1
col, II, 6/i à col. III, 3/i; les nombreuses lignes mutilées du
texte de Uawlinson sont complétées , et Ton constate que presque
toutes les reslitulions proposées sont inexactes, ce qui ne sur-
prendra aucun épigraphiste.
Il m'a donc paru qu'il valait la peine de traduire ce texte
aujourd'hui complet, d'autant plus qu'il présente certaines par-
ticularités que je signalerai plus loin.
TRANSCRIPTION.
(Col. I, i) E-har-ra hhu ''"Samas sa Sippar''' (2) sa "''"Nabû-
kudurri-mur sar Bâhili^' sarru mah-rt (3) bîtu su-a-tmi td-kii-
'-i-ma {h\ te-me-en-su la-bi-ri la ik-su-du (5) E-har-ra su-a-
tim i-pu-us-ma (6) a-na ''"Sainas be-h-su id-di-in {j) i-na lu
sanâti """ sa bîti su-a-iuni i-ga-ra-tu-su (8) i-ku-pa-a-ma il-h-ku
la-ba-ri-is {(^^ i-a-ti " ''"Nabû-nàid sar Bàbili''' (^i 0) [za]-n(-in
E-sag-il H E-zi-da ina paU-e-a^"^ ki-tilm''''' (^i 1) s« ''"5m u ''"Samas
i-ram-mu^'^ E-bar-ra su-a-t'i^''^ (12) ad-di-e-ma ht-it-ta-at-su
ah-tu-ut U'-me-en-su la-bi-ri (i3) sa "Sarru-kin sarru mah-ri
C' B, l, 11 : pa-li-e-a. ■ — '''' B, I, 19 : ki-i-nim. — C^) B, 1, to : i-ra-
am-mu. — C*) B, I, i3 : su-a-tim.
TRADUCTION.
(Col. I, 1) UEbara. temple de Samas à Sippar. (9) —
Nahiï-kudurri-usm\ roi de Babylone, roi antérieur, (3) ce
temple avait jeté bus et {h) son ancien temen n'avait pas atteint;
(5) cet Ebara il avait (re)construit et (G) à Samas, son seigneur,
l'avait donné ; (7) au bout de cinquante-deux ans , de ce temple
les murs (8) s'écroulaient et tombaient de vétusté, — (g)
moi, Nabn-nàid , roi de Babylone, (10) qui prends soin de
VEsag il cl de XEzida, pendant mon règne légitime, (11) que
Sin et Samas aiment, cet Ebara ( i :?) je le démolis et ses tran-
chées je creusai: son vi(Mi\ Icnirn . ( 1 3) que Sairnk/n , roi an té-
ETUDES ASSYRIENNES. â
i-pu-m a-mur-nia e-li te-me-en-na (lAj "Sarru-km i-pu-us-su
ubânu la a-si-e ubânu In e-ri-bi (i5) us-su-su ad-di-ma u-kin
h-)h-na-(it-su (16) "^^ gusûrê""'' ['-"em/] si-ru-tum tar-hit sadû
Ha-ma-nu (17) \a-na su-luyii-su u-sat-n-û (iS) \d(ilâl'i^''
{•"]/ear« sV« i-vi-is-si-na (19) [ta-a-hi] kaspi d)-ht u (20) erii nam-
ru u-sa-al-bi-ii-ina (^ai^e-ma babânt'"^'-su u-ra-at-ta E-bar-ra
su-a-tim (22) si-pir-m u-sak-lil-ma bUu ki-ma ûniu""' u-nnm-mir-
ma (28] a-na balât napsâte '"^'-ia sn-ka-pu "'"'''^nakn-ia (2/1) a-
na ''"Samas bêli-ia lu-u a-kî-is ''"Samas bêlu rnbu-u (26) u-mi-
sam-mu la na-par-ka-a i-na idi ''"^Sin (26) abu a-li-di-ka dam-
ka-a-U E-sng-il (9 y) E-zi-da E-gis-sir-gal E-bar-ra E-an-na
(28) E-ul-mas su-bat du-u-ti-su-nu rabîtt'' (29) hs-sa-hn sap-
tuk-ka ki-ma samê" riksâ "^^^-su-nu li-kin (3o) u pu-luh-ti
Sm bel ilâni'"'" u ''" is-lar Ç^^ (3i) t-na sa-ina-mu lib-hi
ilu
rieur, avait tait, je le vis et sur le temeii (16) que Sarrukin avait
fait, sans dépasser d'un doigt ni rentrer d'un doigt, (t5) ses
fondations je jetai et j'établis sa base; (16) des poutres de
grands [cèdres] , poussés dsns la montagne de l'Amanus, (i 7)
[pour le couvr|ir je fis étendre; (18) [des portes] de liàru,
dont l'odeur est (19) agréable, d'argent brillant et (-^o) de
cuivre éclatant je fis revêtir et (m) à ses entrées je fixai., Cet
Ebara, (22) j'achevai sa construction et le temple, comme le
jour, je fis resplendir et (28] pour le salut de mon âme,
l'écrasement de mes ennemis, (2/1) à Samas, mon seigneur,
je ie consacrai.
Sainas, seigneur grand, (26) tous les jours, sans cesser,
aux côtés de Sin, (26) le père qui t'a engendré, que les em-
bellissements de VEsagil, (27) de YEzida, de VEgissirgal, de
VEbara, de ÏEunn, (28) de VEulmas.. demeures de votre divi-
nité grande, (29) soient sur tes lèvres ! Comme les cicux, que
leur construction soit solide, (3o) et la crainte de S/n, sei-
gneur des dieux et des déesses (3i) dans les cieux, au cœur
4 Janvier-mars \9û'2.
/».s'r '""-.s// sii-iiè-l,i-n(i-(i-ma (^3/i] (u tr-è(i-(i-an hi-ti-li d-du-m-
tiu li-huu-nu (35) id-a-ti "''"i^ahù-nà/d sar Bàb/'h''' (36]yw-///j
îli(-u-tl-hu-nu'"^ ra-bi-ti (3 "7) la-li-c. ba-lu-tu lu-us-bi (38) u
sa " ''" Bèl-sar-usur mâru res-lu-u .si-it lib-bi-in
(3q) su-ri-ku ùmc '""'-su ai ir-sa-a hi-ti-tum.
{ho) sa eli "*"" a-su-mit-tum sa Sippar'".
(/il) E-bur-ra bit ''"Samas sa Larsa'" sa ûmu'"" m-ku-ii-ti
(liù) ''"Sin sarru sa ilàni"'"' bel ilnm'"'"' u ''" is-tar (/i3) a-si-bu-
tu sa samê' u irsitim^'"' e-li ah (66) u bkt sa-a-èu is-bu-su-ma
si-pili bn-as-si rabûti "*** (65) e-li-su is-sap-hu-ma la m-nam-ru
(66) ki-is-si-su i-na paU"^^'' "''" Nabû-kudurri-mur [h']) sar
BâbiW" sarru mah-ri a-Jik nialj-ri-ia (68) mâr "''" Nabû-aplu-
usur sur Bâbili'" (69) i-na ki-bi ''" Sin u ''" Samas bêlê""''-su
("> A, I, -jb i ilu-u-li-m-nu. — ('"' A, 1, 48 : pa-li-e.
de ses peuples racts-la ! Çdh) Qu'ils ne commettent pas de
péché, que leurs fondations soient fermes! (35) Moi Nabû-
nâid, roi de Babylone, (36) qui crains votre divinité grande,
(3-7) d'une surabondance dévie puissé-je me rassasier! (38)
Et de BiH-sar-mur, mon fils aîné, rejeton de mon cœur,
(3 9) allonge les jours. Qu'il ne commette pas de péché!
(60) Ce qui (est) sur la stèle de Sippar.
(6 1 ) VEbara, temple de Sanias à Larsa — depuis des jours
lointains (62) Sin, roi des dieux, seigneur des dieux et des
déesses (63) qui habitent les cieux et la terre, contre cette
ville (66) et ce temple était irrité et de grands monceaux de
sable (65) sur lui s'étaient répandus et on ne voyait plus
(66) ses sanctuaires. Sous le règne de JSnbû-kudurri-umr,
(67) roi de Babylone, roi antérieur à moi, (68) lils de Nabù-
aplu-UHur, roi de Babylone, (6()) sur 1 ordre de Sut et de
ETUDES ASSYRIENNES. 5
(5o) d-hu-nim-ma sa-a-ri w-hit-tt me-hi-e rahûli""'^ (5i) hti-as-.v
sa eli ali u htti su-a-tim '"' kat-mii^''^ (02) in-na-si-ih-inn hi-tt-ta~
tum'^''^ ih-tu-ut-mn (53) te-me-cn-na E-lmr-ra sa "Bur-na-lmr-ia-
fls'''' (5/)) sarru pa-na-a a-lik mah-ri-su^'^ i-pu-m^^^ (55) i-mur-ma
e-li te-me-en-na^^^ " Bur-na-bur-ia-as^''^ (56) ithânu la a-si-e itbânu
la e-ri-bi (5 7) us-su E-bar-ra su-a-ti^'^ îd-fli a-na mu-sab
(58) ''"Samas bêlu rahii" u ''" Aya hal-lat na-ram-ti-su (59) bka
î-pu-us-ma u-sah-Ul si-pir-su^^^ (60) ''"Samas be-lum^^^ ra-bu-u
(6 1 ) kir-ba-su u-sar-ma-a sub-tnm ''^ (62) ia-a-ti " ''" Nabû-nâut
sar Babil/'" (63) za-nin E-sag-il u E-zi-da (6/i) i-na-an-na i-na
sattLi''""' iîia^'"'' palè'-a^"^ ki-nirn'^'''' (65) sa ''"Sinu ''"Samas i-ram-
lYiu^p) ''"Samas bêlu ralm" (66) ih-su-us-su-ma''''^ su-bai-su n-es-
(") A, I, 53 : sa-a-su. — C") A, I, 53 et B, II, 10 : ha-at-mu. — C^) A, I,
54 : hi-la-ti;^, II, 11 : hi-it-li. — C*) A, I, 55 : "Bur-na-bur-ia-a-as. ■^—
(') A, I, 56 et B, II, i3 : mah-ri-ia. — f^' La ligne 5i manque dans B. —
'*' A, I, 57 et B, II, i5 ajoutent : m. — (''' A, I, 57 : Bur-na-hur-ia-a-as.
— C' A, I, 59 et B, II, 17 ; su-a-tim. ^ t-'' A , I. 61 et B, II, 19 : si-pi-
ir-àu. — (*) B, II, 90 : bélum. — 0 B, II, ao : iub-lu. — (") B, II, 93 :
i-na. — C) A, I, 65 : pa-li-e-[a]. — M B, II, 2/1 : ki-i-ni — C) B, II, a4 :
i-ra-a[m-mu]. — (') B, II, 95 : ih-su-its-ma.
Sa?nas, ses seigneurs, (5o) les quatre vents se levèren.,
grandes bourrasques, (5 1) et le sable qui recouvrait celte ville
et ce temple (52) fut enlevé, et il creusa une tranchée et
(53) le tomen de VEbara que Burnaburias, {hlx) roi ancien,
antérieur à lui, avait fait, (55) il vit et sur le iemen de Burna-
burias, (56) sans dépasser d'un doigt ni rentrer d'un doigt,
{57) les fondations de cet Ebara il jeta; pour la demeure
(58) de Samas, seigneur grand, et d'.jya, son épouse chérie,
(59) le temple il (re)fit et il en acheva la construction. (60)
Samas, seigneur grand, (6 1) dedans il installa — (62) moi,
Nabû-nâid, roi de Babylone, (63) qui prends soin deVEsagil
et de ÏEzida, (6/i) en ce temps-là, en la dixième année de
mon règne légitime, (65) qu'aiment Sui et Samas, Samas, sei-
gneur grand, (66) pensa à lui et sa demeure préférée, (67)
6 JANVIER-MARS 1922.
ti-ti (^(î'y) i-fia su-nt-ti sa a-mu-ru u nisè""' i-tam-ma-ru-ni^"^
(68) a-Hu cli te-uie-en-na^''^ E-bar-ra la-bi-ri su-a-tu (69) E-bar-
ra a-na as-n-su tur-ru su-bat tu-ub l/b-bi-su (70) u-ma-i-ir-an-
ni la-a-si im-ah-lap-lum zth-hur-rat (yi) e-U-tu ap-pa-lis-ma
u-sa (1-1,(1 m-i)ia nisv ""''' ma-du-tum (72) h-mi-tum bîti zik-kur-rat
m-a-tum imni mmèli (7 3) pa-m u arki ah-tu-ut-mn E-bar-ra
(7/1) a-(Ji si-hir-ti-èu a-mur-ma si-pr su-mn (col. II, 1) sa "Ha-
aui-tnu-ra-bi sarru mah-r( a-Jik luah-ri-ia (9) hi-rib-su ap-pa-
lis-ma VII c sauâti """ l(i-am " Bur-na-bitr-ia-as (3) E-bar-ra u
zik-kur-ra-lum '''' e-li te-me-en-na (/i) la-bi-n E-bar-ra a-na
''" Samus 1-pu-su (5) kir-ba-su ap-pa-lis-ma ih-dt lib-bt (6) vm-
mi-ru zf-mu-u-a (n) E-bar-ra e-h te-me-eu-na " Ifa-/im-mu-ra-b/
(8) sarru mah-ri ubânu la a-si-e ubânu la e-n-bi (9) us-su-su
ad-tli-ma n-k/n^'^ni-ib-7ia-al-su (10) E-bar-ra rs-sis e-pu-us-ma'^'^
C) B, [I, 27 : i-ta-am-ma-ru . ... — t**' B, 11, 98 : te-me-en. — C") A, H,
f) : zik-kur-ri. — •''J A, II, 10 : n-ki-in. — C' A, II, 11 : e-pu-uL
dans un songe que je vis et que virent d'autres gens. (68)
sur le lemcti de ce vieil Ebara, (69) YEbara. demeure chère à
son cœur, (70) il m'ordonna de le restaurer. Le revête-
ment de la ziggurat (71) élevée je considérai et je levai des
gens en grand nombre; (72) l'aire de cette ziggurat à droite et
à gauche (73) devant et derrière, je creusai et YEbara (7/1)
jusqu'à son mur d'enceinte je l'examinai et l'inscription (col. II ,
1) de Hammurapi, roi ancien, antérieur à moi, (2) dedans
je vis et — sept cents ans avant Burnaburias , (3) YEbara et la
ziggurat, sur \e terne u (A) ancien de Y Ebara ^ ^iour Samasi\a\i\û
construit — (5) (dedans je vis et) mon cœur se réjouit, (6) ma
face s'illumina. (7) \JEbara, sur le terrien de Hammurapi . (8)
roi antérieur, sans dépasser d'un doigt ni rentrer d'un doigt,
(9) ses fondations je jetai et j'établi.s sa base. (10) VEbara à
neuf je fis et j'en achevai la construction. (11) Des poutres de
ETUDKS ASSYRIENNES. 7
u-mh-lH s/-pir-^u (iij *^^ gusûrê"""' '^" erini si-ru-tum tar-hit
sadâ Ha-ma-nu (12) a-iia su-lu-h-èu u-sat-ri-iH '^" dalàlc""'^
^^"liâru (i3) sa i-n-is-si-na ta-a-bi^"^ e-ma hal)âni''^"''-su u-ral-li
i\.lx) bîtu su-a-tum^''^ e-pu-us^''^ ki-ma ânm""' U-nam-mir-ma (i5)
a-ud '^"Samas bêlu rabil" bêli-ia a-na balât tiapsâte-ia (16) w-
Lap "'"*'" nahri-ia lu'^'''^ e-pu-us '^"SanuLs bêlu ra-bu-u (i-yj u-mi-
sam-ma^'^ la nn-par-ha- a i-na ma-har '^"S/n (18) [al^-bi a-li-di-
ka i-na iii-ip-ht u ri-bi (ig) dam-ka-a-li E-fiag-d, E-zi-da
(90) E-gts-kr-gal E-bar-ra E-an-na E-ul-mas (91) su-bat du-u-
ti-ku-nu l'dbUi"""' Id-m-kin sap-luk-ka ('Jsî) ki-ma hamê''
is-da-su-nu U-kun-nu''-^^ (98) la-a-ti "''" Nabû-nnid sar
Bâbdi^' pa-lih du-u-ti-ku-nu^^^ rabîlu^" ('2 k) la-li-e
balâti^''^ lu-us-bi u sa " ''" Bêl-sar-iisur (26) ntâru res-tu-n si-it
C) A, II, ih : ta-hi. — <") A, II, i5 : su-a-tim. — C^) A. II, i5 : e-pu-
us-ma. — C*) A , II , 1 7 : lu-u. — (') A , II , 1 8 : [u-mi-]smn-mu. — ^^"^ A,
II, 92 : li-k{n{l). — C) A, II, 34 : [ilu-u-]ti-ka. — ('') A, II, 26 : [ba-la-]lu.
grands cèdres, poussées dans les montagnes de l'Amanus,
(19) pour le couvrir je fis étendre; des portes de hâru, (i3)
dont l'odeur est agréable, à ses entrées je fixai, (i/i) Ce
temple je fis, comme le jour je le fis resplendir et (iT)]
pouPiSamas, seigneur grand, mon seigneur, pour le salut de
mon âme, (16) l'écrasement de mes ennemis, je le fis.
Samas, seigneur grand, (l'y) tous les jours, sans
cesser, devant Sin (18) le père qui t'a engendré, au lever
et au coucher, (iq) que les embellissements de VEsagd,
de VEzida, (90) de VEgissirgal, de ÏEbara, de VEana,
de YEulmas, (91) demeures de votre divinité grande,
soient sur tes lèvres! (99) Comme les cieux que leurs
fondations soient solides! (98) Moi, Nabû-nâid, roi de
Babylone, qui crains votre divinité grande, (9/1) d'une
surabondance de vie puisse -je me rassasier! Et de
Bêl-mr-usur, (y 5) mon fils aîné, rejeton de mon cœur,
s JANVIER-MARS 1922.
llh-hi-in (^-2 G) su-ri-hii nmê'"''-su ai iv-sa-a ht-ti-tl
(un) sa eh """^ a-su-mi-tiwi^"^ sa Lavsa'''
(28) le-me-en-nn E-ul-mas sa A-ga-de^' (29) srt'*^ ul-tu pa-ni
' oarru-kin sar BâhiW" (3o) u " ISa-ram- '^" Sin mâri-su sarrii
su-ut mah-ri (3i) u a-di pa-Ji-r "''" Nahû-nâid sar Bâbili'"
(82) la in-nam-ru " Ku-rt-gal-zu sar Bâbilt'" (33) sarru su-ut
mah-ri u-hu-i-i-ma (3/i) ic-me-en-na E-ul-mas la ik-su-ud
(35) ki-a-am is-lur-ma is-kun um-ma te-me-m-na (36) E-ul-mas
u-ha-i-i-ma ad-lul-ma la ak-su-ud (3 '7) "''"Asur-ali-iddiji sar
^'^ Assur îi "''" Assur-ban-aphi mâri-su (38) sV? ''" Sin sar ilâni
kis-sat matâti u sat-li-mu-su-nu-ti-ma^"^ (3c)) te-me-en-na E-ul-
mas n-ba-u-u la fk-su-du-u (/lo) is-tu-ru-ma is-ku-nu um-ma
te-me-en-na (61) E-ul-mas su-a-ti u-ba-i-i-ma (/12) la ak-su-ud
(") A, II, 28 : a-su-mit-ii. — f") A, II, 99 : caret. — ^'> A, II, 87 : u-sat-
lim-su-mi-ti-ma.
(26) allonge les jours. Qu'il ne commette- pas de péché!
(27) Ce qui (est) sur la stèle de Larsa.
(28) Le temen deVEulmas d'Agade, (29) qui depuis avant
Sarru-kin, roi de Babylone, (3o) et I\arâm-Sin, son fils, rois
antérieurs, (3i) et jusqu'au règne de Nabn-nâid. roi de Baby-
lone, (3 2) n'avait pas été vu, — Kurigahu roi de Babylone,
(33) roi antérieur, l'avait recherché et (3/i) le temen de
VEulmas'A n'avait pas atteint. (35) Ainsi l'inscrivit-il (sur une
stèle qu'jil dressa : ^Lq temen (36) de 17:«//m/.s' j'ai recherché,
j'ai pris de la peine, et je ne l'ai pas atteint.» (87) Asur-ahê-'
iddin, roi d'Assyrie et Asur-ban-aplu son fds, (38) auxquels
Sin, roi des dieux, avait remis tous les pays, (89) le temen de
VEulmas recherchèrent (et) ne l'atteignirent pas. (A oy-Ils écri-
virent (une stèle) et la dressèrent, disant : « Le temen (/i 1) de cet
Eulmas, j'ai recherché et (6 a) je ne l'ai pas atteint. Des sarbatu
ETUDES ASSYRIENNES. 9
^^^ mr-ha-tum u ''"bar(^mns?ytu-u (A3) ak-sit-ma (c-nie-e E-ul-mns
(Il h) lu-u e-pu-us-ma a-na ''"Istar A-ga-de '" ^"^ hêlti rahttu'" hêlli-
ia ih 5) lu-u ad-di-/n " ''" Nahû-hudurri~umr sar Bàbilt '"
(/|6) mâr '"'" Nnbû-aplu-usur mrru mnh-ri um-ma-ni-su (li'j)
ma-du-lum id-kam-wa tc-mc-en ^''^ E-ul-mas m-a-tu^'^ (/i8) u-ba-
'i-i-ma id-lul-ma ih-tu-ut-ma [7i()) iè-ne-ma te-me-en-na E-ul-
mas la ik-su-ud (5o) ia-a-ti "'^"Nabti-nâid sar Bàbili^' /5i) za-
wm'''^ E-sag-il u E-zi-da (62) i-na pale-e-a ki-mn&^ ma pu-
luh-tu^^^ sa '^" Istar A-ga-de'" bêlti-ia (53) bi-i'i ab-ri-e-ma
''" Sainas u ''" Adad (54) i-pu-lu~ u-ni-ni an-na ki-i-ni (55) sa
ka-sa-du te-me-en-na E-ul-mas iu-a-ti^'-''' (56) sêr dum-ki i-na'^''^
ser têrtl-ia is^'-kun (5 y) «'««'« 0) nisê^''^-ia ma-du-lum u-ma-i-ir-ma
(58) a-na bu-i-i te-me-en-na E-ul-mas '^'^ iu-a-ti (5 9) ///'"
'"' A, Il : tout le passage, depuis 1. ^0, manque. — ''') A, II, lia: te-
me-en-na. — ''^' A, II, /i3 [: su-a-tim. — C*) A, II, 46 ; za-ni-in. — (') A,
II, 47 : ki-i-ni. ~ (-^^ A, II, A 7 : pu-luh-ti. — '^' A, II, 5o : caret. —
('') A, II, 5i : M. — C A, II, 5i : caret. — (^'' A, II, 5i : sarrv. — (*) A,
II, 5i : sabé"''-{a. — '-''> A, II, 59 : caret.
f>t des bartu (^mastu?) (/i3) j'ai abattu et les piliers de VEulmas
ijxlx) j'ai fait et à Istar cVAgade, la dame grande, ma dame,
(/t 5) j'ai donné. 55 Nabû-kudurri-umr, roi de Babylone, (/i6)
fils de Nabû-aplu-usur, roi antérieur, ses nombreux (^7)
ouvriers leva et le temen de cet Eulmas (48) il rechercha,
il prit de la peine et creusa, (4 9) et à plusieurs reprises,
et le temen de VEulmas il n'atteignit pas. — (5o) à moi,
Nabâ-nâid, roi de Babylone, (5i) qui prends soin de ÏEsagtl
et de ÏEzida, (5 9) pendant mon règne légitime, dans la
crainte d' Istar d'Agade, ma dame, (53) lorsque je consultai
les entrailles, Samas et Adad (5 4) me répondirent, par
un oui sûr, (55) que j'atteindrais le temen de cet Eulmas;
(56) un présage favorable dans ma consultation ils mirent.
(5 7) J'envoyai mes gens en grand nombre et, (58) pour
rechercher le temen de cet Eulmas, (59) trois années
10 JANVIER-MARS 1922.
sanâti"*"' ina hi-k-ta-tum sa "''" Nahâ-kudurri-u.wr (60) snr
Bâbili'" ah-tu-ut^"^ im-tni su-me-ri'^''^ p>i-ni (61) m ar-kii n-ha-i-i-
nia la ak-su-ud (62) hi-a-am ik-bu-ni um-ma te-me-cn-na su-a-
tii^"^ (63) nu-u-ba-i-i-ma ^^^ la ni-mur^'^ ra-a-du sa inê^'" zunni
(66) ib-ba-èi-ma hi-pi is-kun-ma ni-niur-ma (65) hi-a-am. ak-bi-
su-nu-ii (66) um-ma hi-k-ta-tum ina hi-pi su-a-ti (67) hu-ut-ta-
a-ma a-di te-me-en-na hi-pi (68) su-a-ti ta-ta-ma-ra- a (69) ht-
pi su-a-ti ih-tu-tu-ma (70) te-me-en-na E-ul-mas sa " Na-ram-
''"Sin (71) sarru mah-ri mu-sab ''" Istar A-ga-de'" (7 3) ''" Na-
na-a ''"A-nu-ni-tum (7 3) n ilâni'"'^ su-ut E-nl-ma» {j Ix) ih-su-d li-
ma ik-bu-nt (7 5) ih-di hb-bi im-mi-ru pa-nu-u-a (76) eh te-me-
en-na E-ul-mas su-a-ti (77) uhânu la a-si-e ubânu la e-ri-bi
(78) te-me-en-na su-a-ti di-i-um parahki (col. III, 1) a-di 11'"
zik-kur-ri-e-ti-su (2) ad-di-ma u-kin h-ib-na-at-su (3) ta-am-
C) A, II, hk : ah-tu-ut-ma. — <■') A, II, 54 : èu-me-lu. — (') A, II. 56 :
ia-a-ti. — '■^^ A, Il , 56 : nu-ba-'i-i. — ''' A , II, 56 : ni-mu-ur.
dans la tranchée de Nabû-hudurri-usur, (60) roi de Babylone,
je creusai; à droite et à gauche, devant (61) et derrière je
recherchai et je ne l'atteignis pas. (62) Ils me dirent : r^Ce
temen (63) nous l'avons recherché, mais nous ne l'avons pas
vu. Une trombe d'eau de pluie (66) s'est produite et a tout
ruiné, nous l'avons bien constaté, w (65) Ainsi leur dis-je : (66)
«Une tranchée dans cette ruine (67) creusez, jusqu'à ce que
vous voyez le temen (68) de celte ruine, w (6g) Cette ruine ils
creusèrent et (70) le temen de XEuhnas de Narâm-Sin, (71)
roi antérieur, demeure d'7stor d'Agadé. (72) de Nanâ, à'Anunk
(73) et des dieux de XEulmas, (7/1) ils atteignirent et me le
dirent. (75) Mon cœnr se réjouit, ma face s'illumina. (76)
Sur le temen de cet Eulmas, (77) sans dépasser d'un doigt ni
rentrer d'un doigt, (78) ce temen, le piédestal du sanctuaire
(col. III, 1) et ses deux ziggurat (2) je posai et j'établis sa base.
ETUDES ASSYRIENNES. 11
la- a u-mnl-h-su-ma {Jx) e-li pa-ni hih-hir m-kun-m (5) as-su
la ma-se-e te-me-en-na E-ul-mas (G) E-ul-mas e-pu-us-ma u-s/ih-
l/l si-pii'-su (7) '■" gusûrê""'' ""erini si-ru-tum tar-bit sadû Ha-
ma-nu (8) a-na su-lu-li-su u-èat-ri-is '''^ dalâti "*^' '■''liâru (q) sa
i-n-is-sMia Ui-a-hi ma babâni "'"'-sn (10) lu-us-zn bîtu su-a-ti
ki-ma ûmu"'" [x 1^ u-nam-niir-ma a-na ''" Istar A-ga-de '" (la)
hrlti rabhi " bêlù-ia a-na balât napsâte '"^^-ia ( 1 3) sa-kav
'""'''' tiakn'-ia lu-u e-pu-us (1/4) ''"Istar A-ga-de *' bâti rabîlum '""'
bêlu-ia (i5) i-na nia-har '^'' Sin a-bi a-h-di-ha (i()) dam-
ka-a-ti Ë-sag-tl E-zi-da (ly] E-gd-sir-gal E-bar-ra E-an-na
E-al-mas (18) su-bat du-u-ti-ku-nu rabki""^" l/s-m-kin sap-
luk-ka (it)) ki-nia samê' is-da-su-nu li-kun-nu (20) ia-a-ti
" ''" Nabû-nâid sar Bâbili'" (ai) pa-lih ilu-u-ti-ku-nu rabîti"
('ia) la-li-e lu-us-bi sa "''" Bêl-sar-usur mâru res-tu-u (23)
(3) Le terre-plein je remplis et [k) plus qu'auparavant je lui
mis de la terre, (5) pour qu'on ne dérobe pas le tenien de
VEulmas. (()) UEulmas je fis et j'achevai sa construction.
(7) Des poutres de grands cèdres, poussés dans la mon-
tagne de VAmanus (8) pour le couvrir je fis étendre; des
portes de liâru (9) dont l'odeur est agréable, à ses entrées
(1 o) je plaçai. Ce lemple, comme le jour, (1 1) je fis resplen-
dir et pour Istar d'Agadé, (12) la dame grande, ma daine,
pour le salut de mon ame, (i3) l'écrasement de mes enne-
mis, je fis.
(i/i) Istar à'Agade, dame grande, ma dame, (1 5) devant
Sin, le père qui t'a engendré, (iG) que les embellissements
de XEsagil, df YEzida, (ly) de VEgissiigal, de XEbara, de
VEana, de XEulmas, (18) demeures de votre divinité grande,
soient sur les lèvres. (1^) Gomme les cieux, que leurs fonda-
lions soient solides! (20) Moi, Nabii-nâid, roi de Babylone,
(21) qui crains votre divinité grande, (22) d'une surabon-
dance (de vie) puissé-je me rassasier! De Bêl-sar-imir
12 JANVIER-MARS 1922.
si-it Iih-ht-iit iu-ii-Lu âmè""^-su (tî/i) ai /r-sa-'a Iji-ti-li
(2 5) sa eh """' a-su-nul-tiim sa A-ga-de-hl.
(2 G) E-iil-mas su Sippa)-'" ''" A-nu-ni-tuni (2 'y) sa ''"Shi sar
ilàni'"" eli ail u hîti sa-a-sii (28) is-bu-su u-sad-ham-ma "''" Sin-
ahr-en'ha sar "'"'" Assur (^-2^) """^''^ tiahru za-ma-nu-u alu u Intu
èa-a-su u-sa-hk kar-mu-tu Ç00) i-na-an-na la-a-ti "''" Nahû-nâid
,sV/r Bàlnli'" (3i) za-mn E-sag-il u E-zi-da (32) ma pale-e-a
ki-nim sa ''"Sinu ''" Samas i-ram-mu-us (33) ''"A-mi-ni-tum hêltu
rabîtum""" hêlti-ia a-si-hat E-ul-mas (3^) i-na hi-hit ''" Sin iiar
ûâni"'" abi a-li-di-su (35) a-na ah u bïli su-a-tum^"^ tar-su-u
sa-li-nin (36) ina sittt i-na sat mu-si a-na e-pt s E-ul-mas (S'y)
iu-sap-ra-an-ni su-ut-ti ih-di hb-bi (38) mi-mi-ru zi-mu-u-a ^''^
n-sad-ham-ma (3^) «'««'« .sa/,^-"" ma-du-tum te-me-en E-nl-mns
("^ A. III. 16 : su-a-ti. — (''J A, III, 18 : im-mi zi-tnu-u.
mon fils aîné, (2 3) rejeton de mon cœur, allonge les
jours! (2/1) Qu'il ne commette pas de péché!
(26) Ce qui (est) sur la stèle à'Agade.
(2 G) VEuhnas de Sippar à'Anunit, (27) ville et templ<>
contre qui Sin (28) était irrité et avait lancé Sin-ahê-eriba , roi
d'Assyrie, (29) l'ennemi méchant de cette ville et de ce
temple avait fait un tas de ruines. (3o) En ce temps-là, moi,
Nabû-nâid, roi de Babylone, (3i) qui prends soin de VEsngil
et de VEzida, (32) pendant mon règne légitime, qu'aiment
Sin et Samas, — (33) Animit, dame grande, ma dame, cjui
habite l'Aî/Zwas, (3/i) par l'ordre deiSm^, roi des dieux, le père
qui Ta engendrée, (35) de cette ville et de ce temple prit pitié.
— (36) dans mon sommeil, au milieu de la nuit, ellemc manda
en songe de (re)faire (3 7) VEulmas. Mon cœur se réjouit, (38)
ma face s'illumina; je levai (3 9) des hommes en grand nombre,
ÉTUDES ASSYRIENNES. 13
su-a-tt (ko) ah-tu-id-ma sal-mu si-tir sumi sa " Sa-ga-rak-li-sur-
ia-as^"^ {h i) sor Bàhili^' sarru mah-ri ma h-it-ta-tumS^^ su-a-ti
{li:i) a-inur-ma hi-i an-ua-a (/i3) iiui eh ml-mu si-tir sitnu-su
sa-tir^''^ [kli) uni-ma " ^a-ga-rak-ti-sur-ia-as rê'u ki-num (/i5)
rubà na-a-du mi-gir ''""Samas u ''"A-nu-ni-tum a-na-ku (/i6) i-nu
''" Samas u ''"A-nu-ni-tum a-na be-lu-ut ma-a-ti^''-^ {h']) m-uni im-
bu-u slr-rit^'^ ka-la nisê"*"^ kâtu-u-a"^ (^liS) us-7nn-al-lu-u i-nu-
su E-bar-ra (^19) bit ''"Samas sa Sippar"" bêli-ia u E-ul-nins
(5o) bit ''"A-nu-ni-tum saSippar'" ''" A-nu-ni-tum bêlti-ia (5i)
sa is-tu^^^ Za-bu-um ina la-bar ^''^ ému""' i-ga-ru-su-nu (62) i-ku-
up-ma i-ga-ri-su-nu'^'^ ak-kur^J^ (53) us-si-su-7iu'^''' e-ip-tii'^'^ e-pi-
ri-su-nu as-suh^"'^ (5 A) parakki-su-nu as-sur u-su-ra-li-su-nu
u-sal-lim (55) us-mal-luS"^ us-si-su-nu e-pi-ri^"^ ki-di u-tir'^''' (56)
( ") A . III , -J o : Sa-ga-rak-li-ia-ai. — ''') A , III , 2 1 : hi-it-ta-a-ti. — '*"' A , 111 ,
a 2 : sa-li-u: — C*) A , III , a 5 : mâti. — O A , III , 26 : si-ri-ti. — t-^) A , III , 26 :
ka-lu-u-a. — '"' A, III, 99 -.nl-tu. — ''') A, III, 3o : i-na la-ba-ru. — (') B, V,
3 : i-ga-ru-su-HK. — (■'* A, III, 3i etB, V, 3 : ak-ku-ur. — '-'"> B, V, 3 : us-
èu-nu. — (') A, m, 3i et B, II, i : e-ip-ti. — ('") B, V, k : ag-su-[uh]. —
(") A, III, 33 : us-ma-al-lu; B, V, 6 : us-ma-al-li. — W A, III, 3li et B, V,
7 : e-pi-ir. — C^ A, III, 34 et B, V, 7 : u-te-ir.
le terrien de cet Eulmas (/lo) je creusai et une statue au nom de
Sagaraktisurias, [hi) roi de Babylone , roi antérieur, dans cette
tranchée (4q) je vis, et ce qui suit (a3) sur la statue à
son nom était écrit : (6 A) k Sagaraktisurias , berger fidèle,
(/i5) prince auguste, docile à Samas et à Aminit, je suis. (A 6)
Lorsque Samas et Aniinit pour le gouvernement du pays (/iy)
prononcèrent mon nom et les rênes de tous les peuples remi-
rent en mes mains, f/iS) en ce temps-là XEbara, (/ly) temple
de Samas de Sippar, mon seigneur, et Y Eulmas, (5 o) temple
d'Anunit de Sippar (YAnunit, ma dame, (5i) dont depuis
Zabum, au cours des âges, les murs (5 a) s'étaient écroulés,
leurs murs je démolis, (53) leurs fondations je dégageai, la
terre je déblayai , (5 h) leur sanctuaire je préservai , leur plan je
respectai, (55) je remplis leurs fondations, de la terre de
U JANVIÊR-MARS 1922.
i-ga-vi-m-nu n-na as-ri-sii-fm^"^ u-nam-mir (5 7) si-kit-ta-èu-nu'^^^
e-li"' jj/i-)ii ii-sa-tir (58) n-na sn-at-ti^''-^ ''" Samm u ''" A-nu-ni-
titm n-iui ip-se-ti-ia (5()) su-kii-ra-a-ti^'' hb-ba-liu-nu^-^^ li-ih-du-
mn li-ri-hu ûmê'"^^-ia (Go) li-id-dt-su halâta ûmu"'"''^^ ri-sa-a-
fu^*' arhê ta-si-la-a-ti (Gi) sanâte'""" hegalli a-na si-rik-ti'^'^ lis-
vN-lii-mi (6q) f/?-/«''' hit-ti mi-sa-1'i tas-ma-a u sa-li-mu^^^ (63)
li-èah-ki-ma ma-U-ma an-na-a si-ti7' èumi sa '^^ Sa-ga-rak-ti-èur-
ia-as (G/i) sar Bâbdi'" sarru mah-r/ sa E-id-mas sa Sippar'"
(65) ''" A-nu-ni-tum i-pu-su te-me-en-m la-hi-ri ap-pa-lîs-ma
(()G) uhâmi la a-st-e uhânu la e-n-hi eJi^^^ te-me-en-na la-bi-ri
(G y) us-sn-sii ad-di-nia ii-kin Iibnat''^-sii^"'^ E-ul-mas èi-pir-su
u-sak-ld-ma (G8) ki-ma ûmu""' u-nam-mir-ma a-na ''"A-nu-ni-tum
(") A, III. .3^ et B, V, 8 : as-ri-su-un. — C") A, III, 35 : «m. — (') A, Ul,
.'îf) : eli-m; B, V, 10 : e-li sa. — ''') B, V, lo : sa-at-tu. — C A, III, 87 :
daui-ka-a-li. — ''^^ A. III, 87 : lib-ba-èu-im ; B, V, 13 : lib-bi-ku-\nH]. —
(»' A, III, 38 : caret. — "'' B, V, lû : ri-ha-a-ti. — ''' A, IIL 89 : èi-rik-lii.
— (•'■) A, III, Ao et B, V, 16 : di-i-ni. — (') A, III, io : ga-du-mu. — 0 A,
III, 45 : M. — f"') A, III, 46 : li-ib-na-[at]-su.
campagne (?) je rapportai, (56) leurs murs en leur place je lis
resplendir, (S'y) leur construction je la fis plus importante
cju'aup;iravant. (58) A jamais puissent Samas et Annn/I (5 y)
se réjouir en leur cœur de mes travaux magnifiques et allonger
mes jours! (Go) Qu'ils renouvellent ma vie! des jours d'allé-
gresse, des mois de jubilation, (Gi) des années d'abondance
en don qu'ils me donnent! (6 a) des jugements d'équité et de
droit, la discipline et la paix (G 3) puissent-ils faire régner à
jamais! 57 Telle était l'inscription au nom de SagarakUsunas,
(GZi) roi de Babylone, roi antérieur, qui ÏEulmas de Sippar
(65) dWnunit construisit. Son ancien temen je vis et, (6 G) sans
dépasser d'un doigt ni rentrer d'un doigt, sur le vieux tenim
(67) ses fondations je jetai et j'établis son soubassement.
VEulmas, sa construction j'achevai et (68) comme le jour je
ÉTUDES ASSYRIENNES. 15
bêlti rabîti'' bêlti'" (69) a-na balai 7iapsâte"'''-ia sa-kap '""^'" nakri-
ia lu-u e-pu-us (70) ''''A-nu-n/-tumhêltiirabîtu'''^''h'na''''^ ma-har''''^
•'"«Sm ahi a-U-di-ka {j \) danikâte"''' E-sag-il E-zi-da E-gls-s/r-
gal E-bar-ra E-an-na (79) E-ul-mas su-bat ilu-ti-ku-nu (''' rabîli '"**
lis-sa-liin sap-tuk-ka ki-ma samê" (78) isdâ"'^^-su-nu^'^ h-kun-nu
u pu-Juh-ti ''"Sin bel ilânt '"'" ina sa-nia-nm (7/1) lib-bi tiiiê "'"'-su
su-ué-ki-iia-a-ma ai ir-sa-a h-ti-ti isdâ'""'-sii-nu^-^^ (76) h-ku-
mi^^'' la-a-ti " ''" Nabû-nâid sar Bâb/li'" pa-lih du-u-ti-ku-uu ^''^
rabîtti'"^'^ (76] la-li-e balâtî lu-us-bi u sa "''" Bêl-sar-usur mâru
res-lu-u (77) si-it lib-bi-ia su-ri-ku ûmê "^'^-su ai ir-sa-a hi-tt-ti
(78) sa eli "'""' a-su-)nit-tum sa Sip-par An-nu-ni-tum.
C) A, III, 49 : ra-bi-ti. — C) A , III, 5o : i-na. — ('> A, III, 5o : idi. —
C) A, III, 53 : ilu-u-ti-ka. — C) A, III, 53 : ii-da-su-nu. — (■'") A, III, 56 :
is-da-ki-nu. — C' A, III, 50 : li-hw-mi. — (''> A, III, 58 : [ilûti]-ka. —
(') A, III, 58 : rabiti".
le fis resplendir et à inuinl . dame grande, ma dame, (fic))
pour le salut de mon âme, l'écrasement de mes ennemis, je le
construisis.
(70) Anumt, dame grande, devant iSV>/^ le père qui t'a engen-
drée, (71] que les embellissements de VEsagd, de VEzida, de
XEgmirgal, de VEbara, de VEana, de ÏEulmas, (79) demeure
de votre divinité grande, soient sur tes lèvres ! Comme les cieux
(78) que leurs fondations soient solides! Et la crainte de Sin,
seigneur des dieqx dans les cieux, (7/1) au cœur de ses peuples
établis-la et qu'ils ne commettent pas de pécbé ! Que leurs
bases (76) soient solides! Moi, Nabû-nâid, roi de Baby-
lone, qui crains votre divinité grande, (76) d'une surabon-
dance de vie puissé-je me rassasier! Kt de Uèl-snv-asur.
mon fds aîné, (77) rejeton de mon cœur, allonge
les jours ! Qu'il ne commette pas de péché !
(78) Ce qui (est) sur la stèle de Sippar d'Aminil.
Ifi JANVIER-MAns 1922.
(79) e-irir-lu ''"Siii hcl ilàni ""'' u ''"is-tar (80) sa''"^ samê' u
irsitwi'"" sa ina cli ''^"" a-su-mi-ni-e-tu'^''^ (81) sa'^"'' ga-la-la tiè-tu-
ru-ma '''' a-na sa-me-e m '"' nisê '"" ar-kt-tum ^^\
("' A, III, 6;< : a-si-bu-ul. — (''5 B, VI. 9 : a-si(-mi-)n-lum. — C^) A, III,
6/i : caret. — C) B, VI, 3 : as-tu-ru. — '' B, VI. '1 : «'"él» mié. — (^) A,
m, 65etB, VI, -'1 :ar-ku-tL
(79) Message à Sin, seigneur des dieux et des déesses (80)
des cieux et de la terre, que sur des stèles (81) tournantes (?)
j'ai écrit, pour que l'entendent les peuples futurs.
REMARQUES.
La composition de ce texte est fort différente de celle que
présentent généralement les inscriptions du second empire
babylonien. Pour perpétuer le souvenir de leurs travaux, les
rois de Babvlone ont rédigé des textes de deux types bien dis-
tincts, le type simple et le type récapitulatif. Dans le type
simple, il est fait mention d'un seul travail; dans le type réca-
pitulatif, le roi rappelle ses travaux antérieurs , avant de décrire
celui à propos duquel l'inscription a été rédigée. Dans tous les
cas. le récit des travaux est comme encadré entre un préam-
bule qui énumèrc les titres du roi et les dieux pour lesquels il
a une dévotion spéciale, et une prière qui constitue une espèce'
de péroraison. Dans la partie récapitulative, le roi ne se fait
pas faute d'emprunter littéralement aux inscriptions du type
simple le récit de tel ou tel travail '^, mais le tout est fondu
dans une composition où les joints n'apparaissent pas trop
jcrûment. Ici au contraire nous trouvons, simplement juxta-
posés, des extraits de quatre stèles érigées à Sippar, Lai-sa ,
Agadé et Sippar lYAiiuml. Tout préambule fait défaut : on n'a
pas reproduit celui qui devait se trouver sur chacune des stèles
'•' Cf. Languon, BuildiHir Inscriplioiis of ihe Neo-Habyloniax l'empire [i^oh),
ialroduclion.
ÉTUDES ASSYRIENNES. \1
et on n'en a pas composé un nouveau pour servir d'introduction
aux extraits qu'on en a donnés. Par contre, on a cité la prière
finale de chaque slèlo. Nous n'avons donc pas affaire à une
inscription du type récapitulatif rédigée à propos des travaux
effectués dans VEuhnas de Sippnr AWmmit, les derniers nom-
més, mais à une compilation destinée à célébrer les travaux
les plus importants de Nabû-uàuJ. Cela expliquerait pourquoi
le premier exemplaire connu, A, a été trouvé à Mukayyar, site
de l'antique ville d'f/r, bien qu'aucun des travaux commémorés
n'y ait été entrepris.
Col. 1,7: i-n(i samti'"^' m. Dans l'inscription publiée VR.
6/i, col. II, 5 i, Nabû-nâid dit qu'il s'est écoulé quarante-cinq
ans entre la restauration de Nabâ-kudurri-usur et la sienne.
Les chiffres qu'il donne sont souvent contradictoires et il n'y a
décidément pas lieu de s'en servir pour bâtir une chronologie.
16. ['■" erint], restitué d'après col. II, 1 1 et III, 7.
17. [a-na su-lu]-li-m, restitué d'après col. II, la et
III, 8.
18. [(klâte""' '>], restitué d'après col. II, 12 et III, 8.
19. [ta-a-bij, restitué d'après col. 11, i3 et III, 9.
28. ilu-u-ti-su-mi doit être corrigé : ilu-u-ti-ku-na; d. 1. 3(i.
3/1. La lacune qui commence I. 20, dans les textes B ot G
combinés, est comblée par 12 lignes du texte A; la ligne 34
devrait donc être numérotée 32. Pour simplifier, j'ai gardé la
numérotation de King.
i)h. inn èatti .r'""". Si le chiffre est exact, ce renseignement
permettrait de dater l'inscription relative aux travaux de ÏEbara
de Larsa publiée par Bezold, FSB A, XI (1899), P^* ^^^'^'
Nabà-nàul, étant monté sur le trône en 555, aurait restauré
le temple de Larsa en hhk.
Col. II, 2. VII c kinâli ""'. Weidner (^Die Kônige von Assyrien,
p. 5 2-6 3 ) place Hammurapi en 1955-1913, Burnaburias I en
JS JANVIER-MARS 1922.
1 ô.'î-y-i bti 1 oi liumahurins H en i 385-1 SG i . De toute façon ,
le chiftre donné par i^nbù-ndul serait trop élevé.
5. kir-ba-m ap-pa-lis-ma répète le ki-rtb-èu np-pn-hs-nm de
la ligne 3, soit par une distraction du scribe, soit en raison
de la parenthèse cpii coupe le récit.
.53. bivi nbrvma. 11 ne peut pas être (pjcstion d'un songe
ou d'une vision, car Samas et Adad répondent {^i-pu-lu-u-in-niy
lis ont donc été consultés et c'est par les entrailles des victimes
qu'ils manifestent leur volonté. Cf. M. Jastrow, Die Religion
ihibijloniens und Assyriens, II (iqia), p. i()/i et suiv.; Zim-
mern, BKBR, n°' yo-ioi, et particulièrement n"' 86-86.
56. sêr dtimki iskun. On attendrait iskunu. Le texte,
sûrement fautif dans A, paraît l'être aussi dans C.
Col. III, 9 1. la-H-e, suppléer balâtu, qui ne manque jamais
dans cette formule. Cf. I, 3^ ; II, 2 4; III. 76.
36. tua *^I-<^ (Zt^ .... lusnprnnm su-ut-ti. Cette phrase
montre que *-]-^ ^^^ doit avoir une valeur autre que sutlu
(Br. 9o35). Sillu me paraît la plus vraisemblable.
5 1 . Za-bu-um. La copie de King porte A-bu-um, erreur évi-
dente.
55. ki-di, campagne. Thureau-Dangin, Hilp. Ann. Vol.,
162^ Mais cf. MVAG, XIV, 273, 6.
80-81. "'""' a-su-im-m-e-tu m ga-la-la, stèles tournantes (?).
La racine '?'73 signifie « rouler jj. On pourrait aussi penser aux
barillets, que l'on peut faire « rouler w, et sur lesquels en efllèt
nous sont parvenus deux exemplaires de ce texte. En ce cas,
le dé ter mi natif "'"'", pierre, ne serait pas tout à fait exact.
XXII
A-NA KURUMMATE BU-NA IL-TAK-NV.
(cr,xv, 49, 1, 11.)
Ce passage de la légende à'Ea et Atrahasis doit être diflicile
à lire sur l'original et l<' (léj)ul de la ligne prescjue effacé. Zim-
ÉTUDES ASSYRIENNES. 19
mern, transcrivant une copie imparfaite, a lu [ j-sa-te bu-
na il-tak-nu [ZA, XIV, 2 83, il) et traduit k[ ] , , . den
Sohn setzt man ibn^i (^ibid., p. 288). Jensen, travailiant sur
la même copie, a lu [an(i.]'^-sa-tl b[p)u-na ll-tnk-nu et traduit
«leg(t)en sie das Kind [zum.] . . hinw [KB, VI, 2 7 6-2 7 7, 36).
La copie plus complète donnée par King, CT, XV, /iy, porte :
ïï -n <w ^T ^- ^ rjiTT ^f •/
Dhorme a lu : a-na pat-te bu-na il-tak-nu et traduit «aussitôt
on met l'enfant 77 i^Oioix de textes religieux, 128-120, 36).
Ungnad, plus récemment, traduit : fç [Zur Zehrung (?)] bereiten
[sie das Kind]w (^ Al (orient alische Texte und Bilder, 620, 36),
qui me paraît rendre exactement le sens. Mais sa réserve, mar-
quée par un ? et des [ j, me fait douter qu'il ait trouvé la
vraie lecture. Il faut évidemment lire :
a-na kuruinmaté" bu-na il-tak-nu
qui donne un parallélisme remarquable avec la ligne précé-
dente :
6 sattu i-na ka-sa-di il-tak-nu a-na nap-t[a-ni inarta]
L'ensemble signifie : «Quand on arrive à la sixième année,
on se fait de la fille un aliment, on se fait du fils une nourri-
ture. V C'est la description classique de la famine. Cf. Annajes
àAsur-ban-aplu , IV, hh-kb : a-na bu-ri-su-nu sêrê"*^^ mâi^ê'""^-
m-nu mârâte'""^-su-nu e-ku-lu ce Pour parer à leur faim, ils man-
gèrent la chair de leurs fils et de leurs filles» et Ann., IX, 69;
cyl. B, VIII, 19. — Quatre lignes plus baut, le texte dit : «La
mère à la fille n'ouvre pas la porte. » Comparer dans mes Pré"
sages assyriens tirés des naissances, 6 , /i/i : ummu eli inartisa bâbèa
etedil «la mère à sa fille fermera sa porte 71; et CT, XIII, àq,
col. II, i5 : ummu eh marlisa baba iddil «la mère à sa fille
fermera la porte w. Ce trait ne marque pas «la consternation
de la mère et de la fille 77 (Dborme), mais la défiance de la mère
qui craint que sa fille ne lui dérobe ses maigres provisions.
20 JANVlEft-AfARS lOJl
XXIII
SALMÛTI LIPSÛ UGÂRÊ.
(cr, XV, 49, m, ^7.)
Zimraern (Zi, XIV, 286 ) , Jensen (KB, VI, 38/1 ) et Dhorme
(Choix de texlcs religieux, i36) ont lu mumti lipm ugârê, et
traduit en conséquence : c^die Nachte niôgen . . . das Gefild??;
— r^(//i) de?i Niichtew mogen die Fluren weiss werdenln —
«Que, durant les nuits, les campagnes blanchissent ! a Ungnad
a traduit : «Nachts soU das Gefilde weiss werden ! ?:• [Alt-
orientalische Texte und Bilder, 64), qui suppose la même lec-
ture. Seul Zimmern a fait remarquer qu'une lecture salmâti
était également possible. Elle me paraît bien préférable à la
lecture mumti uniformément adoptée. Musâti , sans préposi-
tion et au pluriel, est étonnant : on attendrait plutôt ina 7nûsi.
Ce n'est pas pendant la nuit que les campagnes babyloniennes
blanchissent; c'est pendant le jour, sous l'action du soleil, qui
les dessèche et fait affleurer le salpêtre contenu dans le sol.
Et il importe peu, d'ailleurs, que le fait se produise la nuit
ou le jour. Ce qu'il était intéressant de marquer, c'est le con-
traste entre une terre fertile, noire quand elle est bien arrosée,
et' une terre que la sécheresse rend stérile et blanche. C'est
pourquoi je préfère la lecture salmûti et la traduction : «Que
les campagnes noires blanchissent, que la vaste plaine enfante
du sel!» La construction, un peu exceptionnelle, qui sépare
l'adjeclif du substantif a pour effet, et probablement pour but,
d'accenlui.'r l'antithèse mlmûii lipsû.
XXIV
SAMMU lA USA SU'U lA IMRU.
(CT, XV, ûy,III, 69.)
(îe texte a été lu par Zimmern : sam-mu ta u-sa-a su-u m
KTUDES ASSYRIKNNES. 21
i-'-m [ZA , XIV, 986) et traduit «so dass Kraut nicht eritstehe,
Getreide (?) nicht hervorkomme^^ (^ibid., p. 291). Jensen a
adopté cette lecture et traduit : «(Grûnes) Kraut moge nicht
hervorkommen, Korn nicht . . . .en^^ {KB, VI, 28/Î-285).
La copie de King, pubhée depuis, porte :
sam-mu ta u-sa-a su-u ta i-im-ru
Dhorme, corrigeant cette copie, continue à lire su-u ia {--ru
et traduit: «Que la plante ne sorte pas, qu'elle ne germe pas.??
( Choix de textes religieux , 1 3 6- 1 3 7 . ) Ungnad traduit : « Kraut
soll nicht aufgehen , Getreide nicht kommen (?) ! ri Toutes ces
traductions me paraissent peu satisfaisantes, ^u-ii ne peut
guère signifier «Getreide» ni «Korn«, qui se disent sc-um,
se-im, se-am, se-e. Je ne connais pas un seul exemple de gra-
phie su-u. Il est bien possible que ""su-u désigne une espèce
de froment, comme l'affirme Hrozny (^Das Getreide ini alten
Babylonien, p. 87-88). Mais notre texte porte su-u et non
'^su-u. Il n'est guère plus vraisemblable que su-u soit, comme
Dhorme l'admet implicitement, le pronom indépendant de la
troisième persoime : nous aurions là un emploi du pronom tout
à fait contraire au génie de la langue accadienne. Si le scribe
avait voulu exprimer la pensée que lui prête Dhorme, il eût
dit simplement sanmiu ia um ia iru^ Je crois donc qu'il faut
voir dans su-u le mot suu, hébr. n'ù? «mouton 15 et dans i-im-ru
le prétérit de marû «être gras»; cf. su--e ma-ru-li «moutons
gras» (Muss-Arnolt, 995 b). Et je traduirais : «Que l'herbe
ne pousse pas! Que les moutons n'engraissent pas!» La gra-
phie i-im-ru, pour im-ru, est bien un peu bizarre, mais on
en trouverait d'autres exemples, et elle ne constitue pas une
difficulté sérieuse. Une nouvelle collation montrerait probable-
ment qu'à la ligne 69 il faut lire sii-n ul ^*^-ru, au lieu de
22 JANVIER-MARS 1922.
■^»^»^-rM, ieçon de King. Mais la forme i'-rii elle-même pour-
rail se rattacher à la racine mâru.
XXV
SUBSI SIKIN BALÂTI AMÊLUM LIBSI.
(CT, VI, 5% II.)
Le texte Bu. 91-5-9, 269, d'une lecture particulièrement
difficile en raison du mauvais état de la tablette, a été copié
successivement par Pinches(Cr, VI, 5^) et par Langdon (^Uni-
versitij of Pennsykania , the Universilij Muséum, publications of the
Bahylonian section, X^ [191 5], pi. III-IV). Dans l'intervalle,
Zimmern a donné la transcription de quelques lignes de la
copie de Pinches [ZA, XIV, 981). Langdon a joint à sa copie
une transcription et une traduction des lignes /i à 9 5 de la
deuxième colonne du texte [loc. cit.:, p- aB-aG). A la ligne /r,
il a lu :
kât si-ktn balàti a-we-lum U-is-si
et traduit :
A form of a créature of life may man bear,
kât étant selon lui l'état construit de knttu , pour kantii. Je crois
qu'il nV a pas lieu d'accorder l'hospitalité du dictionnaire à ce
nouveau venu. La copie de Pinches porte :
M ï^(^> <!- --]<W^ -<H') ïï *!- t^- ^T IrU^^') <h
celle de Langdon :
^ ^ <!- -T<!^ -<!< ]} ^h t^ ^! ::^TT <h
Il me paraît que la leçon de Pinches doit être préférée et
qu'il faut lire :
su-ub-si .sikin baldti a-we-lum li-ih-si
fais une créature de vie; que l'homme soit!
ETUDES ASSYRIENNES. 23
Le signe que Langdon a transcrit kin est sûrement *-]<^^
sakânu (Br. 2 2 53) et non I^. A la fin de la ligne, le signe
l^ est d'autant plus douteux que Pinches lui-même a lu ^IJ
à la ligne i i, qui répète la ligne à. Les deux signes peuvent
être ditliciles à distinguer dans l'écriture de la tablette. Mais
le sens me paraît imposer la leçon IdfJ .
XXVÏ
LE NOM DE LA MÈRE DE GILGAMES.
Le nom de la mère de Gilgamcs a été lu de manières très
différentes : Rrmdt-Bêllt (Jensen et Dhorme), Risâl-Ninlil (Un-
gnad), Ninsun (Poebel, OLZ, XVII, /i-6). Ces profondes
divergences ne proviennent pas seulement de la polyphonie
des cunéiformes, mais surtout du mauvais état du texte : dans
l'édition de liaupt, le nom ne se trouvait pas une seule fois
complet, mais toujours mutilé , soit dans la première, soit dans
la seconde partie :
lit mu-da-at ka-la-ma i-di ( I , col. 6,29)
sinniitu ri--^ ''"Nin (II [Jeusen, IV], col. 3, ig)
''"Ntln-sun mr-ra-ti rahi-ti (IV | Jensen, III], col. 1, 23)
En ce dernier passage, une mauvaise restitution : \(ina amnt
''"Ni]n-Sun «vers la servante de Ninsunv, empêchait d'ailleurs
de reconnaître dans Ninsun la mère de Gilgames. Un passage
de la nouvelle tablette conservée au musée de l'Université de
Pennsylvanie [UP,\^, pi. LXVIII, 28-3o) a permis à Poebel
d'établir que le vrai nom de la mère de Gilgames est Ninsun. 0.ï\
y lit en efïet : mn~ma-ka u-li-td-ka ri-im-tum sa su-pu-ri ''"Nin-'Sini-
na «elle t'a enfanté ta mère, la vache des remparts, Ninsunan.
Dans la tablette II de la recension de Londres, il faut donc lire
"""'■''"' ri -mat '^" Nin-[sun. . .]. Pour ce qui est de la premièxe
2^ JANVIER-MARS 1922.
tablette, M. Poebel a dû renoncer à raccorder le nom de Nhi-
Sun à la syllabe /// qui se présente apri'S la cassure; il s'est
borné à suspecter l'exactitude de la copie de Haupl. La solution
de la dilficullé est fournie par le fragment de Londres, publié
dans le Supplément au Catalogue de la collection de Kuyunjih ,
par king(p. i i-i 2). On lit en effet dans ce fragment :
al-ka ih-ri ni-il-lik a-na E-gal-mah
a-na mah-ri ''"Nin-sun sar-rat rabîù"
''" iS'in-suH-en-Hl mu-da-ti ka-la-ma i-di
Eh bien, ami, allons à VEgahnah,
Devant Nin-sun , la grande reine ,
Ninsun-enlil, qui sait toute science.
Le nom complet de la mère de Gilgames est donc Ninsun-
enlil et la première tablette de la recension de Londres doit
se restituer :
\Nin-sun-en]-lil mu-da-at ka-la-ma i-di
Comment expliquer que le nom se présente tantôt sous la
forme Nin-sun, tantôt sous la forme Nin-sun-en-lil , et quel peut
en être le sens? La forme Nin-sun doit avoir à elle seule un
sens complet, que précise l'adjonction du mot en-lil. Or je
remarque que sun signifie rimtu « vache sauvage 5) (Meissner,
SAI, 67 2 5). Nin-sun est donc et la déesse vache 5? et elle est en
effet ainsi qualifiée dans la deuxième tablette de Londres et
dans celle de Philadelphie. Si le mot enlil était précédé du signe
*-»^, on traduirait sans difficulté : et la vache du (dieu) Enlilv.
Le déterminatif *^'^ manquant, il vaut mieux chercher une
autre explication. Malheureusement les dictionnaires ne nous
fournissent aucun équivalent accadien de en-lil. Le passage du
texte de Philadelphie, rimfum sa supuri, peut faire supposer
que ces mots seraient la traduction de Ninsun-enlil. Mais cette
hypothèse restera invérifiable tant que nous ne serons pas
mieux informés sur le sens du mot enlil.
KTUDES ASSYRIENNES. 25
XXVII
LUPUT IJAMDATNL
[Gillfames, VI, 69.)
Dans le récit que Gilganips fait à Istar de ses provocations
amoureuses et de ses inconstances, se trouve un passage que
Dhorme traduit : «Et avance ta main et touche notre pu-
deur. 55 i^Choix de textes religieux, p. 2^9, 69.) Le sens me
paraît sûr, et je m'étonne que Ungnad n'ait pas suivi Dhorme
et, imitant la réserve de Jensen, ait traduit : «auch hob
deine Hand hervor und beriihre unsere ... ». Mais peut-être
convient-il d'établir ce sens par d'autres arguments que ceux
de Dhorme. Celui-ci lit en effet har-da-at-ni et dit en note :
«Pour hardalu, Brûnnow propose dans ses Indices le sens de
«crainte?». L'on a, en effet, l'hébreu ninn «effroi, crainte».
Mais l'arabe i»^ a le sens tout spécial d'«étre chaste, pleine de
pudeur», en parlant de la vierge ou de la femme; l'adjectif
^-à. se dit de la jeune fdle intacte. La signification de la racine
est donc la crainte virginale, la pudeur. Notre hardatu matéria-
Hse le concept dans «^l'objet de la pudeur». Hardalu serait donc
une manière d'euphémisme pour ûru, bisru «pudendum mu-
liebre». — On peut arriver à ce résultat par une voie beau-
coup plus simple. Il existe en effet plusieurs synonymes de ûru
et de bisru, parmi lesquels je remarque un mot ha-nn-du-ut-tu
[CT, XIV, '6 a 11, corrigeant llK'i'j e, /19), très voisin de
hardatu. La simihtude est encore plus frappante si, au lieu
de hardatm, on lit ham-da-at-ni , ce qui est aussi légitime, le
signe ^^ ayant les valeurs har et ham. D'autre part nous
savons que m se change assez souvent en n devant d. IJandutlu
peut donc être une altération de hamduttu, comme mindidu et
endêku sont des altérations de mimdidu et de emdêku. Nous
26 JANVIER-MARS 1922.
sommes ainsi ramenés à deux formes très voisines, hamduttu
et hamdatu , et l'étymoiogie proposée avec hésitation par Holma
pour handuttu i^Dte jSamen der Kôrperteile, p. i 02 ), iCn , n"pn ,
devient assez vraisemblable.
XXVIII
SIPKU, REVÊTEMENT; TAHBATU, PAROI.
( Gilgameë , VI , 189.)
Les cornes du taureau monstrueux lancé par Anu, à la,
demande à'istar^ contre Gilgames et Engidu {^Eahani^ sont dé-
crites en trois lignes (VI, i88-ic)o) qui ont été traduites
incomplètement, ou, me semble-t-il, d'une manière inexacte. Je
crois qu'en tenant compte des deux lignes suivantes, on doit
rectifier les traductions proposées jusqu'à ce jour. Le texte dit :
ku-bur kar-ni-su u-na--du mârê um-ma-ni
.si-la-sa manu ta-a-an "'""'uknî si-pi-ik-si-im
sin-nu u-ha-ni-e a-an ta-ah-ba-tu-H-va
Jensen [KB , VI. 177) a traduit :
Den Umfang seiner Horner slaunen die Hand\verker(sohDe) an :
Dreissig Miaen Lazurstein (ist) ilire Masse,
2 Fiuger (ist) ihre . . .
Dhorme ( Choix de textes religieux, 257):
Les artisans vantent la longueur de ses cornes,
3o mines de lapis-lazuli leur niasse ['!),
un double doigt leur profondeur.
Ungnad (Das Gilgnmesch-Epos , 35) :
Die Dicke seiner Horner loben die Meister;
je dreissig Minen Lapislazuli war ihre Masse (?),
je zwei Finger ihre Schale (?).
avec une note pour la troisième ligne : «Gemeint ist wobl die
Dicke der Horn masse, v
ÉTUDES ASSYRIENNES. 27
Tahbatu ne peut pas désigner la «profondeur?? des cornes,
car, dans les deux lignes qui suivent, il est dit <^ue Gilgames
« consacra pour l'onction de son dieu Lugal-handa six gur d'huile ,
contenance des deux cornes??. Le gur valant lao litres (Ungnad,
Hammurahis Gesetz, III, p. 968), chaque corne aurait contenu
36o litres; une profondeur de deux doigts, c'est-à-dire'"
0 m. oi3333 x a, soit o m. 026666, eût été évidemment
insuffisante. Cette mesure ne peut convenir qu'à l'épaisseur
des parois. — Les trente mines de lapis-lazuli ne peuvent pas non
plus représenter la «masse?? (le poids?) des cornes, car trente
mines à 0 kilogr. 5 ne font qu'un poids de i5 kilogrammes,
c'est-à-dire 7 kilogr. 5 pour chaque corne, ce qui est bien peu
pour une contenance de 36o litres. D'ailleurs l'expression
«trente mines de lapis-lazuli est leur masse?? serait bien singu-
lière. 11 me semblerait plus naturel de traduire : « Trente mines
(le lapis lazuli forment leur revêtement; l'épaisseur de leur paroi
est de deux doigts. ?? Mais je n'ai aucune étymologie ni aucun
autre texte à fournir à l'appui de cette traduction.
XXIX
SUT Anm : HOMMES (?) DE PIERRE.
{Gilgames, X, II, 39.)
La dixième tablette de la légende de Gilgames expose com-
ment Sabhu enseigna à Gilgames le moyen de se rendre chez
IJl-iHupistim. Col. II, hgnes 28 -3o, elle lui signale l'exis-
tence d'Ur-sanabi, le batelier à'Ut-napistim, et le lui décrit
sommairement. Ce passage a été traduit par .lensen {Kl>, VI,
217):
Gilgames, es giebt Ur-Niiura [^sanaln), den Schiffer Ut-napistim's ,
neben [d]em fr[w|elchc mit Steinenr' sind; in milieu des Waldes pfliirLi
er ein(e|n]). . .
flh|ri miige ei-blickeu dein Angesichl!
0) GKNoiiiu.Ar., rSA, LXVIII. n. 1.
28 JANVIER-IMARS 1922.
par Dhorme {^Choix de textes religieux, a 85) :
Cilgamès, il y a Our-satiaU , le batelier d'Outa-uapisthn,
Avec lequel sont frceux des pierres^ ; dans la forêt il cueille de Ywnu.
Qu'il voie ta face !
par Ungnad (^Das Gilganiesch-Epos [i g 1 1], h'j) :
Gilgames, es ist da Ur-Sanahi, der Schiffer des Ut-napistim ,
bel welchem Stein- . . . sind ; im Walde pfliickt er
[ihn I moge dein Antlitz schauen!
La difficulté de ce passage est dans l'expression su-ut abni,
rendue par Jensen «welche mit Steinen«, par Dhorme «ceux
des pierres 35, par Ungnad «Stein. . .v, et par Gressmann,
dans le commentaire joint à la traduction d'Ungnad (p. 187,
n. 2), «Sleinkistejî. Gressmann invoque à l'appui de celte
interprétation le fait rapporté par le Pseudo-Callislhènes (II,
3o), suivant lequel Alexandre se servit de caisses de pierre
immergées pour traverser le «fleuve de sable», et se fonde
ensuite sur elle pour écarter toutes les explications données sur
l'emploi des perches coupées par Gilgnmeè dans la foret. Mais
le parallélisme avec la légende d'Alexandre ne peut pas être
considéré comme une preuve décisive, et il y a quelques objec-
tions à faire à l'hypothèse des caisses de pierres. D'abord on
ne voit pas pourquoi le mot signifiant ce caisse?? n'aurait pas été
exprimé. En outre on ne comprend pas pourquoi Gilgames a
exercé sa fureur contre des caisses de pierres et encore moins
comment il a, en les brisant, causé un malheur irréparable,
car des caisses se raccommodent ou se remplacent, et de gros
biocs de pierre auraient rempli le même olFice. Je verrais plu-
tôt dans «ceux de pierre» des matelots merveilleux, qui, par
la matière dont ils étaient faits, pouvaient sans danger navi-
guer dans les eaux de mort entourant l'île â'Ut-napistim. Une
fois brisés, il n'était pas au'pouvoir de Gilgamesàeleur rendre
la vie. C'est afin de suppléer à leur absence qu'il se munit de
ETUDES ASSVRiHl.NNES. ^
cent vingt perches pour faire avancer le bateau à coups de gaffe ,
parce qu'il abandonne chaque perche trempée dans Teau, dont
le contact serait mortel pour lui. Mais la dernière est jetée
avant que le bateau ait accosté à l'iIe; alors GiJgames enlève le
mal et s'en sert, non pas évidemment pour naviguer à la voile
(Gressmann, loc. cit., i38, n. 4), mais pour donner un der-
nier coup de gaffe. Celte manœuvre me paraît plus vraisem-
blable que la construction d'un pont suspendu avec les perches
mises bout à bout, comme le veut Gressmann.
XXX
ALKATSUNU LU SUMRUSATMA I iM[PUS\ ALAKTU'" TA[BTA].
(Création, 1, 87, 46.)
Le vers /i6 de la première tablette du poème de la Création
a été lu par King (T/ie Secen Tableta of Crealion, I, p. 8) :
\a\l-kat-su-nu lu sum-ru-sa-at-ma i ni[-is-lal ni-i-nt\
Let their way be made difficiilt, and let us [lie dowa (again) in peacej.
Cette restitution s'appuie sur les vers ào, 96, 100 et 10^2,
où on lit :
ku-u-lu lis-sa-kin-ma i ni-is-lal [ ni-i-ni\
ul ni-m-al-lal ni-i-ni
i ni-is-lal ni-i-\iii\
Mais King lui-même a dû y renoncer (lè/J.^ p. i83 et i85)
après la découverte du fragment K 7871, qui, pour le second
hémistiche, nous a conservé les trois signes :
^T^I^
Dhorme {^Choix de textes religieux, 1011) a donc lu :
al-kat-su-nu lu sutn-ru-sa-at-ma i ni-[pu-iis] tu-ud ta-\ba\
et traduit :
()ue leur route soit pleine de misère! et faisons{-nous) une bonne route!
no JANVIER-MARS 1922.
Le sens est satisfaisant, mais la graphie ^^T ij n'est con-
forme ni à l'orthographe du mot tudu, qui est toujours écrit
m^ n^? ni aux habitudes des scribes assyriens et particuliè-
rement de ceux à qui nous devons les copies de la Création,
où n^y, autant qu'il me souvient, n'a jamais la valeur lu.
llngnad (dans Gressmann, Altorienfahsclie Texte und Bdder)
a proposé, sous réserves d'ailleurs, une autre interprétation :
Ihr Treiben sei erscliAvert, damit wir ewig(?) herrschen (?)!
Cette traduction n'étant pas accompagnée d'une transcrip-
tion, il est impossible de la discuter. Au point de vue du sens,
celle de Dhorme me parait préférable et je crois qu'on peut la
maintenir, tout en modifiant la lecture. ^i^J ayant la valeur
idaku , nlaktii , on peut transcrire, en faisant de ^] un complé-
ment phonétique, alaktu'" ta[ab-ia\, ce qui donne le vers :
al-kat-sit-nu lu sum-m-sa-at-ma i n{[-pn-us alaklii'" hi\-ab-la\
La traduction libre serait :
Faisons-leur la vie dure et faisons-nous la vie douce ,
antithèse simple, qui est bien dans le goût du poème.
Par comparaison, je restituerais le vers 87 :
im-\ru-us\ al-kat-su-n\u\ e-li-ia.
Leuis agissements me sont insupportables.
' XXXI
^A-ZUK SUBTI U PARAKKl.
(K. 159,5.)
Klauber, qui a publié le texte K. 169 dans ses Polkiscli-
religiôsc Texte am der Surgonidenzeit (191 3), pi. 5(). a lu,
p. io3, la ligne 5 :
■sa-nis nasuk-ku-u bah
ÉTUDES ASSYRIENNES. 31
cl a renoncé à traduire le mol nasukkû. Il me semble qu'en
prenanl ^ comme l'idéogramme bien connu de subtu_, on
arrive à un sens salisfaisant, el le passage toul entier se tra-
duit :
Si à droite de la "placei^ se trouve le lobiis caudatus. défaite de Tar-
mée; ou bien : dommage pour la maison et le sanctuaire.
Nazuk est l'inlinitif nifal ou le substantif de forme J*à3
d'une racine pu dont l'existence est attestée, particulièrement
dans un texte divinatoire de la série Alu ina mêle suhn, iv 196,
III , 9 5 (Pinches , Texts in (lie Bnbylonian Wedge-writing [1 882 j ,
p. 1/1), où on Ht : *
bel biti siidli ina-an-iik
Le maître de cette maison subira un dommage.
Pour la lecture de l'idéogramme ^Î3, on peut hésiter entre
parakku « sanctuaire 71 eiasibu cç habitante. — «Dommage pour
la maison et l'habitant 55 serait en effet une bonne formule de
présage.
XXXII
CONSULTATION D'ARUSPICE .
{CT, IV, 3ib.)
La tablette du British Muséum, Bu 88-5-19, 591, publiée
dans le ([uatrième volume des Ciineiform Texts, est une consul-
tation d'aruspice, comme Boissier l'a reconnu le premier [Noie
sur la nouvelle -imblicalion des textes divinnloires du Britisk Museuw
[1905], i/i-i5). Après lui, Jastrow a traduit le texte [Ihe
Religion Babyloniens und Assyriens , II [1912], 2 7 6-9 y 7). Les
progrès accomplis depuis une dizaine d'années dans l'intcrpré-
a2 JANVlER-MAnS 1922.
ttitioii (le celle classe de documents justifient un nouvel essai
(le traduclion :
La (r place -^'' existe: la veiue porle (?) existe; les e'minences portes
sont en bon étal; la poche est fertm'e; la vi'sicule biliaire est en bon
état; le lobns caudalus est en bon éial: les entrailles comme le cœur
sont en boa état. Douze signes. Le présage (tiré) du mouton. . . est
favorable; ne crains rien.
La dernière ligne avait été correctement traduite par Bois-
sier : «ne sois inquiet en aucune façon 55. La traduction de
Jastrow : «Allés, was untersucht wurde» ne me paraît pas
défendable.
XXXIII
{Maklù, VIII, 69, 84 et €T, XXIX, 5o, i6.j
La huitième tablette du recueil d'incantations Maklù a été
partiellement restaurée par la publication de la tablette K -jSSB
-(-'yBSB. King, à qui nous devons ce texte, en a donné [CT,
XXIX, 10-1 1) une transcription et une traduction, que je pro-
poserai de modifier en deux points. Ligne 16, il a lu :
a-na eli 11 erib erinni tamanmi [nu)- ma
el Iraduil :
over two caged locusls (?) sball thou récite.
Matériellement , il est légitime de lire *^]<J ^ erilm ( Br. -i !> 0 6) ,
mais les «deux sauterelles encagées?? éveillent tout d'abord la
méfiance, et le doute grandit encore si Ton se reporte à deux
C Partie du foie, non identifiée.
ETUDES ASSYIUENNES. 33
autres passages du recueil Maklù où se rencontre le même
groupe •"I<y^f *A ^. *r '■
kàtà-su ina eli imi.s)ii" tua »^]<] *f t^J ^J *y^ uita iii-sii i-hui-ridif)
(IMW, VIII,G2).
ses mains dessus ( l'image du sorcier) il lavera, dans trois fois
il baignera (').
kàtà-su ana inuk-lji iiimai" ina *-Jk] ^f t^J ^J "j^ ««'* m-su i-kar-rid{l)
{Makht, VIII, 83-84).
ses mains dessus (l'image de ia sorcière) il lavera, dans trois fois
il baignera (?).
Or le groupe t:! ^T »7^, s'il a bien la valeur erinnu «cage»,
comme l'attestent les textes lexicographiques (Br. 6789), n'est
guère employé avec ce sens dans les textes magiques et médi-
caux, mais assez fréquemment avec la valeur eru, ini, qui
désigne certainement une plante. Ivuchler (^Beitrnge zur Kennl-
niss der assyrisch-hahylomschen Medizin [lyo/i], p. 109), hésite
entre le lauvus nobllis, le tamaris et une plante épineuse. L'in-
terprétation de Tallquist, «cedernbaum» , est naturellement
exclue, l'idéogramme du cèdre étant tout différent. Reste le
groupe "^M^f . Il me semble qu'il faut le décomposer en deux
signes, •-^T<y hii, <^ mb, comme Ta déjà reconnu Tallquist. Le
sens du mot humbu est d'ailleurs incertain. Tallquist a traduit
«Saft», sans appuyer sa traduction d'aucune preuve, et si elle
est acceptable dans ces deux passages, elle ne l'est plus dans le
texte de King, oii le mot Ijumb désigne une chose qui se
compte. Hii.sabu ne peut pas non plus désigner dans ce texte
une espèce de palmier, comme dans les contrats de répo(|ue
néo-babylonienne (Feuchtwang, Z\, VI, hhb). La lecture de
ia ligne t G me paraît donc assez sûre :
a-na eli 11 hu-sab eri (amannu""-ma
mais le sens de husab eri reste à préciser.
U JANVIER-MARS 19iJ.
liigne 8 du même texte, King a lu :
^//*/« al-li làhtu sa ina as-ri elli ib-ha-nu-u ana fli sit làln 1aiiiannii""-ina
et traduit :
Incantation : ffThou artgood, who in ibe puie place art liorni- over
a good offering shalt thou recite.
A ma connaissance, le signe *^\^' a comme équivalent le
substantif //fi/*/ rcseb^, non l'adjectif //?iw «bonw. D'autre part
t^II! a une valeur kurhannu a motte ^^ (Kûchler, op. cit., 120).
Je propose donc de traduire ;
L'incantation rrSel, qui dans un lieu pur a été créé'*, sur une moite
de sel tu réciteras.
XXXIV
SASARUM, CHAÎNE D'ARPENTEUR, ÉTALON (V).
Le mot sasarum se rencontre dans les contrats de la première
dynastie, où Schorr'^'l'a traduit ttKatasterw et rapproché d'un
mot ~\'dt' « minium w; le samnim serait le plan dessiné à la
couleur rouge, puis le lieu où le plan était conservé. Mais tous
les plans ou cadastres qui nous sont parvenus sont tracés au
stylet sur l'argile, sans aucune couleur. Ce n'est d'ailleurs pas
là la principale difficulté. Le texte le plus propre à nous révé-
ler le sens du mot est un jugement de l'époque de Hammurapi
(91-0-9, -.M'y (S A) publié dans le second fascicule des Cunei-
jorm Teœts, p. lih. Mannasi, prêtresse de Samas, avait acheté
de Snmas-bêl-ih une maison. Le vendeur ayant élevé une con-
testation, les juges ordonnèrent une vérification de la conté-
es Altbabyloiiinche Rpcktsurhuiulon nus der Zeil dev I habyliinischen Tiijttastie
(1907), p. 81 et Urkunden des allbabubnnschen Zivil- niid l'rozessrechis [i[)i S),
p. a6o.
ETUDES ASSYRIKNNES. 35
naïuc du terrain et l'on constata que la superficie était infé-
rieure de douze f^in à la superficie portée sur le contrat. Le
plaignant mal avisé fut condamné à céder un nouveau morceau
de terrain et à payer une amende pour réclamation injustifiée.
Le passage ditficile se lit :
i-iia su-sa-n-im sa ''"Samas bituin uz^:a-ni-ik-ina lû gin bitim a-na pi
dup-pa-at si-ina-tim im-ti-ma.
Schorr traduit i^Urkunden, p. 386) :
Nachdem im Kataster (?) des Samas das Haus nachgemessen worden
wai" und gemâss den Verkaufsurkunden i a Gin Hausgruadstùck gefehlt
liatten.
Lngnad'^) a accepté, avec réserve, cette interprétation, qui
ne me satisfait guère, car je ne vois pas comment une maison
peut être remesurée (Ungnad : nachgeprûft [?]) dans le cadastre
de Samas. Il me paraît plus raisonnable de donner à ma le sens
instrumental qu'il a si souvent et de voir dans sasaru l'étalon
des mesures linéaires, conservé dans le temple de Samas,
quelque chose comme une chaîne d'arpenteur. Je traduirais
donc :
Avec l'ëtaion de Samas la maison a été mesurée et (la superficie) s'est
trouvée inférieure de i a gin au texte de l'acte de vente.
C'est seulement avec cette interprétation du mot sasaru que
l'on peut traduire sanâku par k mesurer ?5. Le mol signifie en
effet proprement «serrer, appuyer contre, appliquer», d'où
sanâku sa dalli w fermer, en parlant d'une porte??, sanddum «la
porte», c'est-à-dire «celle qui ferme». Or mesurer consiste pré-
cisément à appliquer une longueur prise comme unité Sur la
chose à mesurer. — De l'idée de « superposer ?? , on a pu pas-
sera celle de « comparer 77 , en général, et de «collationner»,
'■' Haininiirapix Gesetz, III, n° 700.
36 JANVlER-MÂRS \92û.
en parlant de manuscrits. Peut-être est-ce dans cette direction
qu'il faudrait chercher l'interprétation de la formule, toujours
discutée f'*, des tahlettes A\4stir-han-aplu : astur asmk abrêma.
Je traduirais volontiers : «J'ai écrit, coUationné et relu.»
Le sasm-u des rituels'-' désigne évidemment un autre objet,
peut-être une scie, car, avec la hache [pâsu), il sert à abattre
des arbres '^l
XXXV
Tf ^ ^I^ "-V A-III-LU-DAR.
(6x vl,/l9^3.)
Le nom propre If •<^ ^^*^ *^T~5 ^I"^ apparaît dans un con-
trat de l'époque de Sumu-la-ilu, a été lu par Meissncr i^MVAG ,
igo5, 29 (J) A-hi-amêl{J)-ik^ ; par Ungnad ( Hammurapis-Gesetz ,
111, n° 35) ^Aî. . . . Il faut certainement le lire A-hi-lu-dar;
cf. le nom de femme Si-i-lu-da-ra-at , Strass. Ner., 5 9, 5. C'est
un nouvel exemple de la valeur lu pour le signe F^ (cf. Thu-
reau-Dangin, Lettres et Contrats, p. 34, n. 1), et d'autant plus
intéressant qu'il se rencontre dans un texte sémitique, ce qui
est particulièrement rare.
XXXVI
! --f -::!<!-! ^55 ^ ^ tHTI -IT<T ^""MARDUK-KA-TA-Hl.
(fi£, VIII, 5i. 10.)
Le premier des témoins de l'acte reproduit BE, Vlll , pi. 2 1 ,
n" 5i est Ikiipu, fils de I ->f -t:I<T-y ^1^ ^ ►^ tSPfT
C' SinKcii , Assurbanipal und die letzten assynschen Kônige (i()i6), 355°,
/12a et 575.
^■' Notamment Zihhebn, BKBR, cité par Meissnek, 6.4/, n" aASa.
W Cf. Mkissner, MVAG, IX (1904), 935.
ETUDES ASSYRIENNES. S"?
»^yy<y. Clay a lu ce nom Ilu-ersi ''seum kalari (^BE, VIII, p. 5o a
et by Les deux signes lus er-si n'en font qu'un : '^t:I<T'^T; V
est certainement ■<^, et le tout donne " ''" Marduk-katari «Mar-
duk est mon rocher 55. A ce nom on peut comparer Nabû-
katari, llu-kattara, ///„,fs-/.Y;/rt/7'(Tailquist, JS euhahylonisches Na-
menbuch, 1906, 33 0). Le fonctionnaire seiim katan est à sup-
primer.
XXXVII
•^T ;^2P l ^I -^^I 'M SÛKU RAPSU MALAKU.
(M, VIII, 3, 8.)
L'immeuble vendu par l'acte publié BE, VIII, 3 est atte-
nant, à l'Ouest, à -r ^.^ l tl -^I I^. Clay, BE, VIII,
âS-a/i, a lu Tarrabsti malaku et traduit «ihe Tan-abm road».
»'-*!^ doit se lire sûka. Le suku rap-su, « la Grand'Rue 55 , est bien
connu (Tallquist, Neubabylonisches Nameubuch, 299); mais je
ne connais pas d'autre exemple où il soit qualifié de iiKihikn
«chemin».
XXXVIII
-<I< m.
La valeur ùl, pour le signe '^<I<, dans l'usage sumérien,
déduite de groupes tels que •^<y< ^^i^ (Br. 1696), est confir-
mée, dans l'usage accadien, parla comparaison des deux gra-
phies du nom Warad-e-til-an-na , dans Bu 88-6-12, 2 23 (C7',
VIII, t/ia) :
-;rT^yyyy-<y<H-^(i-^3)
38 JANVIER-MABS 1922.
XXXIX
HITTITE OU MITAM DANS LES INCANTATIONS ASSYRIENNES ?
Certains recueils d'incantations assyriennes contiennent des
passages inintelligibles, qui ne sont certainement rédigés ni
en accadien, ni en sumérien. Ce sont, dans le traité contre la
Labartu :
Siptu ; ki ris ti H bi ki ris ti la li bi ki la H bi
pis pis ti m an zi is ti sa an zi is su an zi is an zi is, Siptu.
{IV R\ 55, n°i, a, 96-37.)
Dans le texte inédit Sm i3oi, dont Bezold a donné {Cata-
logue, p. 1^77) un extrait transcrit par Myrhman (ZA, XVI.
,89):
Siptu : ka ris te li bi ka ns te ki la li bi
ki la li bi pis pis li ' es an zi es
su ma al zi es sa ha al zi es. ►t^^^ siptu hît nu-ru.
Dans CT, XXIII, 9, 3-9 :
Siptu : se za ah li ta mir zi har gim kur kal . . . .vm
za zi ib ha zi ib ta zi ib ba an zi an gi es te ib ta ti ib [b\a
an zi an gi es ti ib te is hi en ni e ka ris ti la gi ba -^^H] siptu
Siptu : si za ah li mu za ah li im t :a ah li iin u me zn ah me en
su gim hu um ma ak kur ka as ta u ta u za am
i ga zak ti mu hi ti mah t i ga zak ti li la lib su te ma
is ta ra ga ah is ta ra ga ah ►^J^^J Siptu.
Ihid. , Il , i-li :
[Siptu] ba-ah-ra-am ba-ah-ra-am t la-an. . .
nu-ub tur-tur-ri i ''"Samas
zag ga ra si na ah t ni-in ....
i(t bi lu (' In tu c te mu ah e bi lu e . . .
ETUDES ASSYRIENNES. 39
IhnL, 8, 37-38 :
nu-ub lur-luv-ri ^ ''"Sama« en zi la si na ah t zag gar ra si na ah
ga .
ia bi ium e bi tum e te ma ah e bi tum e te ma ah e hi tu ti la hit (?)
Siptu kii ut te ma ha te ma ha na hi la te e ha nab an zi te e ha
... e ha ni ga zi ia si ma hi ma t ia ku ut te ma ha ia ....
Jastrow , qui a cité les deux premiers textes dans sa Religion
Babyloniens und Assyriens (igoS), t. I, p. 33g ^, estime que
les variantes montrent «dass es sich um Zauberspriiche ohne
zusammenhangenden Sinn handeltw et compare le Tahnud de
Babylone, Aboda Zarâ, 12b: sabriri beriri rîri in ri. Mais les
variantes peuvent tout aussi bien montrer qu'il s'agit d'un véri'
table texte, et les répétitions ne sont pas rares dans les textes
magiques écrits en pur accadien. L'abracadabra ne me paraît
guère dans l'esprit de la magie de l'époque assyrienne et avant
de l'admettre il faudrait avoir épuisé toutes les suppositions
possibles. Or il en est une que Jastrow ne pouvait guère
l'aire à l'époque où il écrivait et qui me paraît mériter un
examen sérieux. Nous savons maintenant que, outre le suraé-
rien et l'accadien , six langues étaient en usage dans la capi-
tale des Hittites (Bogbaz-keui=/frtft/), et les textes liturgiques
témoignent précisément de l'emploi alterné de plusieurs lan-
gues. D'autre part, avant d'être la capitale d'un royaume sémi-
tique ou sémitisé, Ninive a été un centre mitanien. Il me sem-
blerait donc légitime de rechercher si, dans les textes transcrits
ci-dessus, il n'y a pas un spécimen d'une des langues de Bo-
ghaz-keui. Dans les deux premiers notamment, la finale s, si
fréquente, pourrait être celle que Hrozny admet comme dési-
nence du nominatif masculin singulier en hittite (^Die Spriiclie
des Hethitcr, 9 ). ' •
/iO JANVIER-MARS 1922.
XL
VENTE D'ESCLAVES.
(Clav. Bahyhmmn Rpcnrds in the Library of Pierpont Morgan, Il [igi3], n° a.)
Anu-ali-uèabsi vend à Ana-rahm, femme de Ana-rahika-Anu ,
trois esclaves, dont une femme, avec les garanties d'usage.
Bien qu'il ne présente pas de difficulté particulière, ce texte
mérite d'être traduit, car il donne lieu à quelques observations
intéressantes. Ami-bêl-u.mr, le premier esclave vendu, est mar-
qué au nom de Anu-ihmv, fils i^màru) de Anu-ahu-iddin. Cet
Anu-iksur est-il le même que Ami-ihmr. le père du vendeur
Anu-ah-usabsi? On peut le croire, bien que celui-ci soit dit des-
cendant i^nplu) de Ahùtu. Il me semble en effet quil y a lieu de
distinguer entre mâru «fils» et apJu «descendant», bien que
les deux mots soient communément rendus par «fils??. Dans
les indications généalogiques contenues dans les contrats , le nom
qui suit celui du père n'est pas, en général, le nom du grand-
père, mais celui de l'ancêtre de toute la lignée. Si on n'admet
pas cette distinction , on est conduit à attribuer aux prétendus
grands-pères des postérités invraisemblables. Ainsi, d'après
l'index des noms propres qui accompagne Touvrage de M. Glay,
il y aurait au moins 2 4 fils de Ahùtu, 3o de Ekur-zakir, 3i
de Kuzû, 28 de Lustammar-Adad, i3 de Sin-hiki-unnmu , 26 de
Sadî, sans que rien nous permette de distinguer plus de cinq
personnages sous ces cinq noms. Il est en effet remarquable
qu'ils ne se rencontrent qu'en dernière ligne, comme noms
d'aïeux, jamais comme noms de pères ou de fils. Ce sont donc
des noms d'ancêtres de clans, de cbefs de lignées, qu'on évi-
tait, précisément pour cette raison, de donner à leurs arrière-
neveux. Anu-îLsur, fils de Ami-alju-iddùi , peut donc être le même
que Anu-ikmr descendant âi^ Ahùtu, et c'est lui qui aurait légué
à son fils Anu-ah-nmhsi\GS(AQ.yQ. Anu-bêl-usur.
ÉTUDKS ASSYRIENNES. Al
TRANSCRIPTION.
(i) [" ''" Anu-]nh-U!Îabsi'' mâru sa "''" Anu-ik-mr apJu "Ahu-
'-u-tu ina hii-nd lih-bi-su " ''" Anu-bêl-usur (2) "'"''" arad-su sa
hât II imni-su a-na sùmi sa "''" Anu-ik-sur mâru sa "''" Ami-ah-
iddan-nu sat-rat (^) ' Gub-ba-ka-''" Anu "'"'^^ ardu '"""^'^ Ni-dk-
tum-''" Na-na-a amtu napliar ii-ta '""'''' as-ta-pir (/i) mârê-su sa
"''"Anu-bêl-usur '""^''' arddni suâtunu'"'' sa kâtu 11 mm-su-nu a-na
sûmi sa "''" Anu-ahu-nsabsi" (5) mâr sa """ Anu-ik-mr sat-ral
naphar iii-ta '*"*^^''as-ta-pir a-na 11 nia-na kaspi ka-Iu-u (6) a-na
èîmi ganirûti""'' a-na ''"""'" Ana-rabi-su mârti sa "Iddinnâ" assati
" Ana-rabi-ka-''" Ana (7) mari sa " ''" Anu-ah-usabsi " id-dhi
kaspa-a-an 11 ma-na ka-lu-u sim (8) "''" Anu-bêl-usur " Gub-ba-
ka-^'^Anu u ''"""'^''Ni-di7i-tum-''''Na-na-a amêlu-ut-tm suâtunu'""
(q) "''"Anu-ah-usabs/'" mâru sa "''"Anu-ik-sur aplu sa "Ahu-'-u-tu
ina kâta 11 '"""''" Ana-rabi-su mârti sa (10) "Iddinnâ" assati
" Ana-rabi-ka- '"Anu mari sa "''"Anu-ah-usabsi" ma-lur e-tir (11)
ûmu"'" pa-ka-ri ana muh-hi "''"Anu-bêl-usur " Gitb-ba-ka-'" Anu
u "'"'''^'' Nî-din-ium-''" Na-tia-a (12) amêlu-ut-tim suâtvnu""' it-
tab-iu-u "''"Anu-ah-usabsi'' mâru sa "''"Anu-ik-sur u-mar-rak-ma
(i3) a-na ''""''"' Ana-rabi-su mârti sa " Iddinna" assati "Ana-
rabi-ka-"" A nu i-nam-din pu-ut (i/j) la ""'''" s ir-ku-u-tu la '""''" su-
sa-nu-u-tu la "'"''"^ mâr-bânu-u-tu la ""'^'"^ arad-sarru-u-tu (i5)
la bit sisi u la bit '-""narkabti sa "''"Anu-ik-sur " Gub-ba-ka-'" Anu
(16) u """"'" Ni-din-lum-''" N a-na-a amêlu-ut-tim suâtunu'"^' a-na
ûmu"'" sa-a-tum " ''" Anu-ah-usabsi'' na-si (17) u pu-ut halâki
sa amêlu-ut-tim suàtunu"'^' a-di ic umu"'" "''"Anu-ah-usabsi"
mâru sa (18) "''"Anu-ik-sur na-si.
(19) ""'^'^ mu-kin " ''" Anu-zcr-lisir mâru sa "''" Sam as- id dan-nu
apil "Ahu-u-tu " Usallim-'" Anu mâru sa (^ùo) "''"Na-na-a-iddin
apil " Lu-us-tam-mar-'" Adad "''"Anu-ab-utir mâru sa "Iddinnâ"
aplu sa "Ahu--u-tu (9 1) " Ni-din-twn-'"Anu mâru sa " Ta-tiit-tmn-
42 JANVIER-MARS 1922
''"Anu aplu sa "Ahu-'-u-tu "Nl-dm-tim-""Anu u "''" Nn-nn-a-iddm
mâni sa (22) " La-ba-si apil "Ku-zu-u " Ina-ki-bit-''"A)iu màru sa
" Ki-din-''"Anu apil " E-kur-z a-kir (^^D)"''"Amt-zêr-iddinmdru
sa "''" Amt-halât-su-ikhi apil "Aku-'-u-tu " Kisti-'" Anu mnvu sa
(26) " Ina-ki-lil-''" Anu apil " Gimil-''" Anu "''"Sanias-eres niâni sa
" ''" Samas-iddin " ''" Na-na-a-iddin (26) mm'u sa " Ki-din- ''" Istar.
(26) "''" Anu-bèl-m-nu '""^''' dupsar mâru sa " Itti-''"Anu-nûh
apil "''"Sin-lâki-unninu Umk''' """i"* iè ûmu au'"'"' (27) satla
n'""" "Si-lu-ku sarri
{UE)''''"''kunuk ^'''iKisti-''"Anu "'""'kunuk "Usallim-Anu "'""'kumik
"''•'Anu-ab-utir "''"'' kunuk " Ina-ki-bil-"" Anu (LE) "'"'"kunuk
"Ni-din-tum-"" Anu "''"'' kunuk " ''" Samas-eres "''"'' kunuk "''" Na-
na-a-iddin «*"" kunuk " ''"Anu-zêr-iddin {LE) «*"" kunuk "Ni-din-
tum-Anu "''""kutiuk "''" Anu-zêr-lisir "''""kunuk "''"Na-na-a-iddin
(RE) "''""kunuk """Anu-ah-usabsi" ""'^^'^ na-din amêlu-ut-tim
suâtunu"***
TRADUCTION.
(ij [Amtynh-umbsi, (ils de Anu-ikmr, descendant de Ahûiu,
de son plein gré, Anu-bêl-usur (2) son esclave, dont la main
droite au nom de Anu-ikmr, fds de Anu-ah-iddannu , est mar-
quée, (3) Gubbaka-Anu, esclave, Nidintum-Namh servante,
en tout 2 esclaves (/i) nés de Anu-bêl-usur, esclaves dont la
main droite au nom de Anu-ah-usabsi , (5) fds de Anu-
ikmr, est marquée; en tout trois esclaves, pour deux mines
d'argent pur, (6) prix total, à Ana-rabisu, fdle de IddinnA,
femme d(^ Ana-rabika-Anu , (7) fils de Anu-ah-usabsi , a vendu.
Les deux mines d'argent pur, prix de (8) Anu-bêl-usur,
Gubba-ka-Anu et Nidintum-Nanâ , ces esclaves, (9) Anu-ah-
usabiîi, fils de Anu-ikmr, descendant de Ahùtu, des mains de
Ana-rabisu, fille (lo) de Iddinnà , femme de Ana-rabika-Anu,
fils de Anu-ah-usabsi, les a reçues; il est payé. (11) Le jour
où une revendication au sujet de Anu-bêl-usur, Gubbaka-
KTdDES \SSYR1ENNES. fi?,
Anu, Nùkintum-Nanâ, ces esclaves, (la) se produira, Anu-
ah-mahHt, fils de Anu-iksur, fera la compensation (?) (i3) et
à Ana~rabisu, fdle Alddinnâ, femme de Ana-rahiha-Anu , il la
remettra. Pour [\ k) la non-condition de sirhu, de susanu,
d'homme libre, d'esclave du roi, (i5) d'attaché aux écu-
ries ou aux remises, de Anu-iksur, de Guhhaka-Anu , (16) de
JSidintum-Nanâ, ces esclaves, Anu-ah-usnhsi est à jamais garant.
(ly) Et pour la fuite de ces esclaves, jusqu'au centième jour,
Anu-ah-usabsi, (18) fils de Anu-iksur, est garant.
(19-95) Noms et fihations des onze témoins.
(26) Anu-hêl-sunu , scribe, fils de lui-Anu-nûh , fils de Sin-
laki-imnînu. Uruk, mois d'Ab, jour xn", (97) an ix de Sé-
leucus, roi.
Tranches. Douze cachets des témoins et du vendeur.
REMARQUES.
L. 19. umarrnk. J'ai déjà donné (n° XVIII) les raisons
pour lesquelles il me semble difficile d'admettre la traduction
de Koschaker f^bereinigen, im gereinigtcMi Zustando, d. h. frei
von Eviktionsanspriichen dem Kaiifer zu ùbergehen v. Le
regretté Pognon ayant appuyé de son autorité l'interprétation
de Koschaker (7. A., janvier-mars 1 99 1), je crois devoir citer
les passages des contrats de la collection Pierpont-Morgan
auxquels j'avais fait allusion :
(n° 3, 1. 16-19) w''^""" pa-ka-ri ana muh-hi islen"' ûmu'"" u 11'" kàta
II .sa ûmu"'" isku "'"*''" i,An-Ni-GAB-M-/H sinitii"*''^ [it]-fab-su-u "'^"Anu-ah-
umr u '"^'' Ami-balàt-su-ikhi u-uiar-vak-ma a-di xu-t(i-u-an a-na '"'"Na-
na-a-iddin u ahé"''^-su mdré"'^^ sa " '^" Anu-zêr-iddin i-nam-din-u
En cas de revendication de 1 jour et a liées des revenns de celte
charge de surveillant des pnri(ic;itions, A ini-ah-usur el Anit-lxtldt-an-iklti
44 JANV1ER-MARSM922.
u 1)1 (tira I,- el douze fois à Nam-iddin el ses frères, fils de Anu-zér-iddin ,
ils remettront.
(n° II, 9-11) ùmn"'" pa-ka-ri ana mith-hi isku hKllu'"^^ it-tab-su-u "La-
ba-si a-dl xu-ta-u-un u-mar-rah-ma a-nu " ''"Anu-zér-iddin ina-an-din
En cas de revendication de ces revenus, Laias/ douze fois uinairak
et à Anu-zér-iddin il remettra.
(n° 8, 12-16) ému"'" pa-ka-[ri] ana muh-hi isku suâtu'"^^ it-tab-su-u
" ''" Ami-ahê'"'^^-iddin màru sa " '^" Anu-uballit 'f u-mar-[rak-ma] a-na
sinntstu Dan-lum ahàti-su màrtu sa " ''" Anu-ahê'^^'^-iddin mâru m
"Ikisa^"-" a-na ùtnu""' sa-a-tu ina-an-din.
En cas de revendication de ces revenus, Anu-ahé-iddin, fds de Anu-
uballit, umarrak et à Dantum sa sœur, .... fdle de Anu-ahé-iddin, fils
de Ikisa, pour toujours il remettra.
(n° 9, i3-i6) ùmu"'" pa-ka-ri a-na muh-hi bit kdtâ u suâtW*''^ it-tah-
su-u ''Ta-nit-tum-'^"Anu '""^'" na-din-na bit kâtd 11 siiàtu""'^ aplu m "Ub-
bu-lii apil " Ahu-'-u-tu u-mar-ntk-vm a-di xu-ta-a-an a-na "Ki-din-^"Anu
aplu sa " ''" Anii-balât-su-ikbi aplu sa " ''"Samas-étir apil "Lu-u.s-[tam]-mar-
Adad a-na mnu"'" sa-a-tu i-uam-din. ^
En cas de revendication de ce magasin, Tanittum-Anu , le vendeur de
ce magasin, fils de JJbbulu, descendant de ^4/;»/?/, timarrak et douze fois
à Kidin-Anu, fils de Anu-bulàtsu-ikbi , fils de Samas-étir, descendant de
Lustammar-Adad , pour toujoiu's il remettra.
(n° 10,7-10) ûniu"'" pa-ka-ri ana muh-hi ^"""'^''^Ina-bdni-'^"Na-na-a
amtu Huàtu"'^^ it-tab-su-u ''Man-nu-ki-i-''"Dilbal màru sa "Ana-ràbi-ka-
'^"Anu u ''Ki-tu-''"Anu màr-su u-mar-rak-ma-a a-na "Ni-din-tum màn
sa Ni-din-tum-'" Anu ina-an-din.
En cas de revendication de Ina-bani-Nnnd , cette esclave, Mannu-kl-
Dilbat, fils de Ana-rùbika-Anu , et Kilu-Anu, son fils, umatrak et à
Ni-din-tum, fils de Nidintum-Anu, ils remettront.
(n° 11, iQ-i5) ùmu"'" pa-ka-ri ana muh-hi mi-sil ina istén'" iimu"'" ina
,)if,j,mumei .suàtUHu"'*' iski """'" rikku-u-lu suàtu"'" it-tab-su-u "''"Anu-ah-
ETUDES ASSVniËNNKS. 45
iddan-nu u " Ana-i'ahi-ka-'^"Anu amclu màri-su a-di xii-ta-a-an u-mar-vuk-
ma-a a-na "La-ba-si mdri sa "''"Anu-:êr-iddin a-na ûmu sa-a-tum ina-an-'
din-u.
En cas de revendication des revenus d'une moitié d'un de ces
jours des fonctions de rililiU, Anu-uh-iddannu et Anu-rdbika-Anu , son
fils, 12 ioxsiimarrak et à Lahmi, fils de Anu-iêr-iddin , pour toujours
ils remettront.
(n° i3, 11-16) ùmu'"" pa-ka-ri ana muh-hi istên"" ûmu"'" ina ùinu li''"'"
àinu .m''""' iski '^'"^'^ mb-ùdnu-u-tu xudti'"^" it-tab-sii-u "Kt-diit-''"Anu amclu
na-din-na iski suâti"''^ mdru sa Etii^-Anu u Ki-din~''"Anu mdru sa " '^"Anu-
uballipf mdru sa " ''"Samas-zér-iddin a-di xu-ta-a-an u-mar-rak-ma-a a-na
"La-ba-si mdri sa "''"Anu-zêr-iddin apil " E-kur-za-kir a-na ùmu""' sa-a-
tum ina-an-din-u.
En cas de revendication des revenus d'un des jours xi et xii , de la
charge de rab-banû, Kidin-Anu, vendeur de ces revenus, fils de Etir-
Anu, et Kidin-Anu, fils de Anu-ubaUit, descendant de Samas-zir-iddin,
19 fois umarrak et à Labasi, fils de Anu-zêr-iddin, fils de Ekur-zakir,
pour toujours ils remettront.
(n° i4, 16-17) ùmu'"" pa-ka-ri ana muh-hi biti sudli"'^^ it-tab-m-u
" Ana-rdbi-'^" Anu mdru sa "''" Anu-eriba apil " Sadl' a-di \n-ta-a-mi u-
mar-ruk-ma a-na " A-ta- a-'^" Ami a-na ùmu'"" sa-a-tum ina-an-din.
En cas de revendication de cette maison, Ana-rdbi-Anu , fils de Anu-
eriba, descendant de Sadi, douze fois umarrak et à Ata'a-Anu, pour
toujours il remettra.
(n" i5, 10-1 3) ûmu'"" pa-ka-ri ana muh-hi si-in gi-ru-u sa istén'"
ûmu""' inaûînû"''*"'^' sudtunu'"'^ iski '""«''» Kis-siG-«-to sudli""^ it-lab-su-u
'^"Anu-ab-usur '^'^^'^ na-din-na iski «/«/»' »'«* mdru sa "Rdbi-'^"Anu u-mar-
rak-ma a-di xn-ta-a-an a-na "La-ba-si mdri sa "'"Anu-iér-iddin a-na
ùmir" sa-a-tum ina-an-din
En cas de revendication de 2/26 d'un jour, parmi ces jours, de reve-
nus de cette charge de kis-sig, Anu-ab-usur, vendeur de ces revenus,
fils de Rdbi-Anu, umarrak et xn fois à Labasi, fils de Anu-zêr-iddin,
pour toujours il remettra.
4() JANVlËR-MARS 19'22.
^^a" 16, 16-2/1) ùmu'"" pa-ka-ri sa una muh-hi Iski siidù'"^' U-lab-su-u
"Anu-dh-iiUon-nu a """Anu-uballitM màrr " \i-din-tiim-""Anu a-mar-vak-
rna a-di xii-ta-a-an a^na "La-ba-si apli sa "''"Anv-\:êr-iddin] ul i-sal-ma
"""AnH-ah-iddan-nu u " "" Anu-uballit'( isku sudtu""'^ a-mi kaspi a-na
cptis "•' su-bii-tii a-na nu-dun-nu-u a-na maii-um sa-nam-mu e-lat "La-ba-si
ni td-din-nii-u ul i-nam-din-m-n it ki-i id-din-nu-u u id-dan-nu~u u-tnar-
rak-ma a-di xn-ta-a-an a-na "La-ba-si apli sa " Anu-zêr-iddin a-na ùmu'""
m-a-tu su-nu
En cas de revendication de ces revenus, Anu-ah-iddannu et Anu-
uballit, ûh de NidinUim-Anu, umarrah douze fois; à Labasi , fiis de
Anii-[n'r-{ddin\, ils ne réclameront pas; et Anu-ah-iddanntt et Ami-ubnllil.
ces revenus pour de l'argent, pour prêts à intérêt (?), pour dot, à per-
sonne d'autre que Labasi, ils n'ont donné ni ne donneront. Et si ils
l'ont donné ou le donnent . ils umavmk douze fois; à Labasi, fils d'ylm/-
:,êr-iddin , pour toujours ils appartiennent.
(n" 19, 10-1 5) ûmu"'" pa-ka-ri ana muh-hi iski ""^^'''iv-bit-n-lu
suàti""' il-tab-su-u " ''" Anu-ahê'""-iddin amêlu na-din-na-un iski sMaU"*"
a-dt xii-ta-a-an u-mar-rak-ma a-na "La-ba-si mdri sa "'^"Anu-iêr-iddin
a-na ûmu"'" sa-a-tii i-tiam-din
En cas de revendication des revenus de celle charge de TV-biii, Anu-
ahé-iddin, vendeur de ces revenus, douze fois umarrak et à LabaM, iils
(ï Anu-zér-iddin , pour toujours il remettra.
(n"20, 17-20) ùinu"'" pa-ka-ri ana inuh-hi Inti u ki-ru-ba-a-su
suàli"'^^ it-tab-su-u "Ki-din-''"Anu u "'^"Anu-ah-iddannu"" amèlu na-din"*^^
bîti u ki-1-u-ba-a-su sudti"'^^ màrê"'"'^ sa "I{i-hat-''"Anu a-di xii-la-a-an
u-tnar-rak-u-ma a-na ûmu""' sa-a-tu ana Su-mu{t)-ut-tum-''"Anu u "Mal-
ta-nit-tum-'^" Anu mdrê'"^^ sa "Ni-din-lum-^"Anu ina-an-din-u
En cas de levcudication de la maison et de son terrain, Kidin-Anu et
Anu-ah-iddannu , vendeurs de cette maison et de son terrain, fils de
Rihal-Anu, douze fois umarraku et pour toujours à Sumuttmn-Anu et
MatUinittum-Anu , fils de Nidintum-Anu, ils remettront.
(a" 29. t6-2o) ùmu"'" pa-ka-ri ana muh-hi iski sudli'^'* it-tab-su-u
"Ni-din-tum-'^''Anu na-din iski ""^^''^ ban-nu-u-tu sudti"^^ mdru sa "''"Auu-
ÉTUDES ASSYUIENNES. /|7
mdv-id(hmnu"" a-di xii-la-u-an u-mar-rak-ma a-na "Ri-lial-''"Anu indrii fia
" Ldbusi M " Ni-din-tum-sarri mdru sa " ''" Ann-ahé"'^^-iddin a-na ùmu'""
■sa-a-tu ina-an-din.
En cas de revendication de ces revenus, Nidinlum-Anu, vendeur des
revenus de cette charge d'architecte, (ils de Anu-mdr-iddanmi , douze Ibis
uinairak et à Rihat-Anu, fils de Labasi, et à Nidinluin-sarri, liis de Anti-
ahc-iddin, pour toujours il remettra.
(n° aS, 9 9- "-2 5) ùmu'"" pa-ka-ri ana iiatk-hi biti sudti^"^'" k-liib-su-u
" ''" Anu-bêl-zêri amêlii na-din biti sudti'"'^^ u " ''"Anu-indr-iddannu"" ahi-su
ffidrc""'^ sa ''"Anu-ab-u-sur a-di \ii-ta-a-an u-inar-rak-u-ma a-na sinmstui_n
a-na ùmu"'" sa-a-tu ina-an-din-'u.
En cas de revendication de cette maison, Anu-hct-:érl, vendeur de hi
maison, et Anu-mdr-iddannu, son irère, (ils de Anu-ah-usur, douze fois
umarraku et à la, pour toujours ils remettront.
(n°26, 16-19) ùmu"'" pa-ka-ri ana muh-hi ri-bu-u ina biti hiâti '"^^
it-tab-sn-u '"'"Anu-ah-iddin mar-su a-di xii-ta-a-an u-mar-rak-ma a-na
sinnistu ]\i_(il,i_tum uidrati sa " '^"Anu-ah-iddannu"" ina-an-din
En cas de revendication d'un quart de cette maison, Anu-ah-iddin,
son (lis, douze fois uniarrak et à Nidintuni, fille de Anu-ah-iddannn ,
il remettra.
(n" 99, 1/1-17) '™""" pti-ka-ri ana muh-hi iski suâti'"^^ it-tab-su-[u]
'"'"Anu-ab-Hsur mdru sa "Etir-''"A7iu mâru sa " Ina-ki-lil-'^" Anu apil "Lu-
us-tam-mar-''" [Adad] u-mar-rak-ma a-di xn-ta-a-an a-na " Ina-ki-lil-
''"Anu mdru [sa] " '^"Anu-uhallivl a-na ûmu""' sa-a-tu ina-an-din.
En cas de revendication de ces revenus, Anu-ab-usur, fils de Eiir-
Anu, fils de Ina-kUil-Anu, descendant de Lustummar-Adad , umarrak et
douze fois à Ina-kilil-Anu, fils de Anu-ubulUi, pour toujours il remettra.
(n" 3o, 18-96) ùmu""' pa-ka-ri a-na muh-hi bit katd n sudti""^^ it-tab-
su-u "U-bar aplu sa '"'"Anu-uballit'f aplu sa. "U-bar aplu "^uhalimme'"^'
u-mar-rah-ma a-di xu-ta-a-an a-na " ''"Na-na-a-iddin aplu sa " ''"Adad-
ab-utir a-na ùmu sa-a-tu i-nam-din.
En cas de revendication de ce magasin, Ubar, fils de Anu-uballit, fils
!iH jANVlEH-MAns 1921
(le LIkii; (lesceridanl des Boulangers, iniiiirnik et douze fois à Nand-
iddin, fils de Adad-ab-uiir, pour toujoui-s il remettra.
(n" 3*:?. \h-\']) ùmu'"" pa-ka-n a-nu viiih-hi ùili siiàli'^^'' it-(ab-su-[H]
'"'"Aiiii-uballil'i umvlit lui-diii-mi-an b'ili sudti""'' i("Tiid-d(in-''"Na-na-a
mdr-.hi a-di \n-ta-a-an u-mar-ndi- u a-na "Ni-din-tuin-idiri a-nu ùmu""'
m-a-tii t-naui-din-u
En cas de revendication de cette maison, Anu-iiballit, vendeur de cette
maison, et Taddun-Nand, son fils, douze fois umarrakù (ei) à Mdinlmn-
mrri pour toujours ils remettront.
(n" 33, 20-2 3) itinu""' pa-ka-ri a-na muh-hi Lurummàte'"" suâtinumes
k-tab-su-u "'^"Na-na-a-iddiu u '"'"Anu-ah-iddin amêlu na-din-na'"^^ kuruin-
mâte'"" suàtina""^' amêlu u-mar-rak"*^' a-di xii-ta-a-an a-na "Sa-''"Anu-ls-
su-u apli sa "Nu-ur ana ûmu sa-a-tu i-nam-din"^^^
En c<is de revendication de ces offrandes, Nand-iddin et Anu-ah-iddin ,
vendeurs de ces offrandes, umannku (et) douze fois à Sa-Anu-issù , fils
de Nùr, pour toujours ils remettront.
(n° 34, 9-19) »/««'"" pa-ka-ri a-na muh-hi '^'"^^^ atu-u-lu u kurum-
nuite"'" suàlina'"^^ il-tab-su-u " ^idintu-sarri aplu sa " Anu-ah-usabsi"
u-mar-rak-ma a-di xii-ta-a-an a-na "Dum-ki-''"Anu aplu sa "Arad-bit-ri-es
a-na ûmu"'" sa-a-tu i-nam-din
En cas de revendication de ces fonctions de surveillant et de ces
oHrandes, Nidintu-sarn, fils de Anu-ah-usalm, umairak et douze fois
à Dumki-Anu , fils de Arad-bit-res , . . . . pour toujours il remettra.
LE GOUVERNEMENT
DE LA RÉPUBLIQUE CHINOISE
ET
SA HEPIIÉSENTATION DIPLOMATIQUE,
PAR
M. A. VISSIÈRE.
L'absence en langue française et aussi — à ma connais-
sance — en anglais de tout travail sinologique présentant
l'ensemble des divers organismes dont se composent le gou-
vernement et l'administration de la République chinoise, vieux
déjà de dix ans, m'a déterminé à préparer pour le Journal asia-
tique le résumé ci-dessous, en attendant que puisse être publié
un ouvrage plus étendu sur le même sujet, dont j'ai réuni les
éléments et qui comprendra, en même temps, la nouvelle géo-
graphie politique de la Chine, profondément modifiée par le
régime qui a succédé à l'empire mantchou.
J'y joindrai, comme une seconde partie, la liste française
et chinoise des légations et consulats de Chine existant dans
les pays étrangers. Cette liste, basée sur l'annuaire otïiciel que
publie le gouvernement de Pékin, nous indique, en effet,
l'orthographe adoptée par le Ministère chinois des affaires
étrangères pour transcrire les noms de pays et de villes d'autres
50 janvier-Mars 1922.
Etats, noms qui s'offrent ainsi sous une forme pouvant faire
autorité et qui viennent s'ajouter à ceux que j'ai relevés dans
mon mémoire inséré au Journal asiaiujue de novembre-décembre
1 Q i /i , p. 65 1, sous le titre Orthographe officielle chinoise des
noms de capitales étrangères. Il est à souhaiter, comme je le
marquais alors, que l'orthographe se précise, en caractères
chinois, du plus grand nombre possible de noms étrangers,
géographiques et historiques, et que nous puissions, quelque
jour, entrevoir enfin une issue à la confusion, au chaos, qui
sont malheureusement la caractéristique de cette délicate
matière.
La constitution provisoire (Ea fl^ ^> îi ''" c^^*"' '"^'^ /') ^"^
régit la République chinoise ( 4* ^ .K ^ Tchông hoûa mm
koiw) est la wloi conventionnelle?? (|§ ^ yué jà) du 1 1 mars
Le président de la République (;/cî|i^^ ta tsimg t'ong),
chef de l'Etat (% "S* y"dn cheou), est investi du pouvoir exé-
cutif (fr i|^ li htng tchéng liiuân). De lui dépendent directe-
ment :
le Maréchalat (jff !^ /j^ tsidng klnn fini) , composé de quatre
maréchaux supérieurs (Jl iff^ cluing Isuing kmn) et de
quarante maréchaux (^tJIP jp! tsidng kiûn):,
la Direction générale de la défense des frontières ('^ ^ ^ |!$
^ ^ JM ton pdn piêu fâng ché wôu tch'ôu) ;
le Commandement général de la garnison de Pékin (m H; Hl
^ j|ê' f3 '^ p15 k'^itg kl ivéi chou tsong ssêu ling pou);
le Conseil d'Etat (^ ij^ Bt pîng tchéng yuan), comprenant
un président (^^ yuan fchàng) et trois Chambres (|g
t'mg) avec présidents de Chambre [^ -M: t'îng tchàng) et
juges (If :$■ pmg-ché);
la Cour des comptes (^ If 15c <hèu kl yuan), à la tête de
laquelle sont un président ( [^ -^ yuan tchàng) et un vice-
LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE CHINOISE. 51
président ( glj ^ :^ foû i/um tchàng) et qui comprend trois
Directions (;^ ùng) subdivisées en Sections (J|x km).
Le pouvoir législatif [iL'^^W fi jà k'mâti) appartient au
Parlement ou Assemblée nationale (M 'a' koûo houéi), com-
posée de deux chambres : le Sénat [^ M ^ ts'ân yi yuan) et
la Chambre des députés (^ sH 1!^ tchông yi yuan), ayant cha-
cune un président [tû -M: yi tchàng) et un vice-président (glj
1^ ^ fiu yi tchàng). Le Parlement, dont les membres (pi ^
yi yuan) se sont dispersés lors des troubles de juillet 1990,
n'a plus été réuni et doit être remplacé après de nouvelles
élections.
Le Gouvernement central {^ -^^ M tchông yàng tchéng
foû) se compose :
de la Présidence du Conseil des ministres ou Cabinet (M f^ ^
koûo wôu yuan), dont est investi un président du Conseil
ou premier ministre ( ^ ^ 4^ SI koûo ami tsong h, ou |§.
SI tsong II), qui peut être sans portefeuille, assisté des
membres du Cabinet [M^ M koûo wôu yuan) ou ministres
[M -^ t^ong tchàng) chargés des différents ministères (^
^ kfj poû);
des neuf Ministères : des affaires étrangères (^h ^ pÇ ivdi.
kiâo-poû),
de l'intérieur ( ^ ^ pl5 néiwôu pou),
des finances (^ l|5; p|5 ts'ài tchéng poû),
de la guerre (|^ ^ pl$ loû kiûn poû),
de la marine (:^ ^ ^ hài kiûn poû),
de la justice (^J fe p|3 ssêu fâ poû),
de l'instruction publique (15; W p15 kiâo yû poû),
de l'agriculture et du commerce (^ ^ pî5 nông châng
poû)
et des communications (^ j1 pl5 kiâo t'ông poiï);
li.
o'J JANVlEh-MARS I'J'Jl'.
chaque Ministère est dirigé par un ministre (^, ^
Ifiong U'Iiàng) et un vice-ministre on co-ministre (ï^ ^
Is'eû Ichàng^, au-dessous desquels sont des conseillers
(^^ ts'ân ché), des rédacteurs (^^ is'iên ché^,
des secrétaires (^ § pi chou) et des attachés (;i ^
triwù chéj, parfois des ingénieurs (^ ÏE ki tchéng) et
des techniciens (Mi ^^ c/tt'); les services com-
prennent un Cabinet du ministre (i^, f^ ^. tsbng wôu
t'ing) et des Directions ( pj ssm), divisés en Bureaux
de hautes administrations métropolitaines telles que :
la Cour de cassation (^ î^ 1% In li yuan);
l'Etat-major général (^ |j^ Tji pi5 tsân mcou pèn poû), dirigé
par un maréchal chef d'Etat-major générai [^, -M: tsbng
tchàr^y,
la Cour mongole et thibétaine {MW>^ Mong Tsfmg yuan),
dirigée par un administrateur général {'fl^. M, t-wng t/âi)',
le Bureau national des eaux ( ^ ^ 7JC ^'J M tsniân koûo choùei
li km), ressortissant directement à la Présidence du Con-
seil;
le Service des douanes (^f|?J^ choùei wôu tch'oû), admi-
nistré par un directeur général [^ M toû pdn) et un
adjoint [^ ^ hoûei pdn) et dont dépend un nombreux
personnel cosmopolite, ayant à sa tête un inspecteur géné-
ral (^< ^ ^ tij isong choùei ivôu ssëu) anglais et des com-
missaires des douanes (^ ^ ^ choùei wôu ssëu);
l'Administration delà gabelle {^Ml ^ ^ y^'» "^^'^ chou), dont
le directeur général est le ministre des finances et dont le
Contrôle général (|f ^^ ^§ ]pjj kl hô tsbnfj so) comporte un
personnel chinois et étranger ayant à sa tête un co-directeur
{^ ^ koûei pdn) anglais;
la Direction générale des postes (ffS i^ M Wi yt^ou tchéng tsbng
kiù), ayant un personnel de toutes nationahtés et dont le
LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE CHINOISE. 53
directeur général [^ -^ km tchàng) est chinois et le co-
directeur (^. ^ tsong ptln^j français;
deux Conseils supérieurs de discipline {M ^ ^M ^ ^ M ^
kâo tèngtch'êng kùli ivêi yuan hoûci) des fonctionnaires civils
(3St 1^ ireM kouân^ et des magistrats (^I ^i*^ ssêu fa
kouâii)^ ayant pour président (^ M :ê "^'^'' yuan tchàng^ le
président du Conseil d'PJtat;
le Bureau des monnaies et valeurs fiduciaires (^ "^j ^ fî tchê
kiiï), dirigé, sous l'autorité du ministre des finances, par
un administrateur général (^§, ^ Isong (s'àiy,
le Bureau des lois ( J^ fij J^ fâ tchc kiû);
le Bureau des distinctions honorifiques {M: ^■^ M ts'iiutn sni
kiu) dépendant, comme le précédent, de la Présidence du
Conseil;
l'Université de Pékin (^b J5C>^^ P<''f k'ing ta htm), admi-
nistrée par un recteur ['^ -^ hitlu icliàngY^^;
la Police métropolitaine (^ El ^ '^ J^ king c/iê khig fch'â
t'ïng), commandée par un préfet de police (^. ^ tsong
kiéii), dépendant du Ministère de l'intérieur et dont relèvent
vingt Commissariats de police (^*^:^ king tch'â chou)
pour autant de quartiers (^ k'iû), confiés à des officiers
de paix (^ ÎE kltig khéng) ou à des brigadiers (^ f^ king
tso);
l'ancien Ya-men du général commandant l'infanterie (^^-f^
M jpj P^ p()û kiûn t'ong l'uig yà nirnj^ dirigé par un maré-
chal et qui, sous l'empire, était chargé spécialement du
maintien de l'ordre dans la Ville tartare de Pékin ;
la Municipalité de Pékin ('ff^ ^ 1^ ï!^ ^ Pfi king toû ché
tchéng kông sa), administrée par le préfet de police et s'oc-
''* Le titre de l'Universilé de Pékin est couramment abréjjé en ;j[^ ;;^ Pi'i
là. En vertu de la même simplification, l'Université de Paris ( Ë* ^ ^ ^^
Pà-U tel hiûe) est appelée (^ Ji^ Pà id et celle do Lyon (^ _^| Li-niriiii({
t(i hiùe) devient ^ Jr Li ht.
5^» JANVIER-MARS 1922.
cupant des questions de taxes de voirie et de police, des
épidémies, du commerce et de l'industrie.
L'administration territoriale comprend :
le Territoire métropolitain (^ îl^ lâng Ichâo^, administré par
le préfet de Pékin (^ iJ^ 5^ hïng tchdo yhi), dont dé-
pendent 20 Sous-préfectures (|,?, Iiién) voisines;
les vingt-deux Provinces (^t^ chèng^^ dans chacune desquelles
résident :
1° un gouverneur militaire {^ W- fôu kiûn)^ parfois investi
des fonctions de haut-commissaire inspecteur (jiKC |^ ^
h'hui yiie ché'j pour deux ou trois provinces '^^, et dont
dépendent un ou plusieurs commissaires de la défense
(^ ^ M ^(^^^''n chèou ché) pour autant de circonscrip-
tions militaires existant dans la province;
2° un gouverneur civil [t^ ^ chèiig tchnng), ayant son
(labinet ou Direction des affaires administratives (i^; ^
^ tch'ng ivôu t'ing) et auprès duquel sont établis un Bu-
reau des affaires étrangères ( ^ i^ :§• hâo chô chou) dirigé
par un délégué du Ministère des affaires étrangères (^
î^ ^ kiâo cho yuan) — et comptant parfois des succur-
sales dans des localités ouvertes au commerce interna-
tional, — et trois Directions des finances (^ l|it ^. ts'n
Ichérig t'ing), de l'instruction publique {^'^ M f^^"^
yû t'îng) et de l'industrie (^ H Mi clu' yé t'tng), admi-
nistrées par des directeurs (i^ ^ t'ing tchàng) relevant
des Ministères compétents à Pékin;
(') La presse élranjjère en Chine donne, dans ce cas, familièrement à ces
olliciers de jjrande fortune, (jui sont présentement les arbitres du pays, le
titre de asuper-toukiunsîi. On en a compté quatre : un pour les trois provinces
de la Manlcliourie, un pour le Kiânjj-sou, le Ngân-hoiiei et le Kian|f-sï, un
pour le Tché-ii, le CliQn-tong et le Hù-nàn et un pour le Hoù-pèi et le Hoû-
nân.
LE GOUVERNEMKMT DE LA IlÉPUnLIQLE CHINOISE. 55
la Province est divisée en Cercles (^ tdo'j, adminis-
trés chacun par un intendant de Cercle (xË ^ tdo tjin)
et subdivisés en Sous -préfectures (|^, hién), adminis-
trées par un sous-préfet (^B ^ Uhê cfu' ou |J, ^0 ^ hién
telle ché^, parfois assisté d'un juge -délégué (:^^ p
tch'êng cliên ijuân^ '•*;
les trois Régions particulières (if#^lj|^i^ ù') pie k'iû yû)
constituées par le Gouvernement républicain au nord de la
Grande muraille sous les noms de Jô-ho (|^ ^pf Gehol), de
Tch'â-hâ-râJ ("^ ^ M Tchagar) et de Soûei-yuàn (|5 js)
et placées sous l'autorité militaire et civile de généraux des
Bannières (^ -^j^ toû ibng), dont dépendent des intendants
de Cercle et des sous-préfets ;
une quatrième Région particulière dite de Tch'ouân-piên
[JH jâ)» qui devait comprendre une superficie à peu près
égale à celle de la grande province de Sséu-tch'oûan, dont
elle aurait englobé la partie ouest avec le territoire voisin
prélevé sur le Thibet oriental, n'a pu être encore complè-
tement organisée ;
la Mongolie, le Koukou nor (^î# Ta'lng hài) et le Thibet,
sans administration chinoise et rattachés au Gouvernement
de Pékin par des liens plus ou moins étroits.
(') L'annuaire officiel chinois (^ ^ f|^ Tchv yuan lou) du premier tri-
mestre de 1930 donne la nomenclature des 1,81 3 Sous-préfectures que compte
aujourd'iiui la Chine, sans y comprendre les 33 qui figurent comme constituant
la Région particulière, encore hypothétique, de Tch'ouân-piên, sino-thibétaine.
On sait que le gouvernement républicain a, dès l'année 1912, supprimé toutes
les Préfectures ( ^ fou de première classe , ^_ t'rng secondaires et W tckrott
de deuxième classe) et n'a laissé subsister au-dessous des Provinces et des Cercles
que des Sous-préfectures. Celles-ci ont été l'objet d'une revision générale :
lorsqu'un nom était commun à plusieurs d'entre elles — et c'a été le cas
pour 126 de ces circonscriptions, — il a été maintenu à la Sous-préfecture qui
le portait depuis le plus long temps; les autres ont repris officiellement des
appellations leur ayant appartenu dans le cours de leur histoire. 11 n'y a donc
plus d'homographes parmi les Sous-préfectures chinoises.
56 JANVIER-MARS 1922.
Le pouvoir judiciaire (^| î^i^ ssëu j'â tshuin) est exercé,
en dehors du ministère de la justice, par :
la Cour de cassation (^'c M Bu ''' /' ijKiln), comprenant un
président ( ^ ^ iju/in uhàug), quatre Chambres des affaires
civiles ( Je ^ ;^ mîn cJié t'îng) et deux Chambres des affaires
pénales [M^ M /*'"^ c^^^' ^*"^)' ayant chacune un prési-
dent de Chambre {J^ ^ t'hig tcJuing) et deux ou quatre
conseillers (|^ ^ t'oûei chéy,
près la Cour de cassation est institué un Parquet du
procureur général (If. fi^ ^ J^. tsong kièn tch'â ting), com-
prenant un procureur général [\^'^ ^ kièn tcli'à tchnng),
assisté de huit procureurs ( Y^^ % kih tch'â kouân);
des Tribunaux supérieurs ou Cours d'appel (î^ ^ ^ ^J J^
/.Y/0 tèfig chèn p'dn t'ing), dont un à Pékin et dans chaque
capitale de Province, comportant un président (J^ -^ Ùng
tchàng) et plusieurs conseillers (^ ^ foïiei ché), et auprès
desquels est institué un Parquet de procureur général (^
^ ^^ M kâo tèng kièn tch'â t'îng), comportant un procu-
reur général {"M ^ ^^ ^ ^ kâo tèng kièn tch'â tchàng)
assisté de plusieurs procureurs (|^ *^ '^ kièn tch'â kouân);
des Tribunaux locaux ou de première instance (i't'fi^^'^lM
ti fâng chèn p'ân t'îng) , dont un à Pékin et dans un très petit
nombre d'autres villes importantes au point de vue interna-
tional, comprenant chacun un président et plusieurs con-
seillers;
auprès de ces Tribunaux locaux est institué un Parquet
de procureur de la République [i^ 'Jf ^^ 'M M ^'^ P^^g ^»""''
tch'â t'îng) ayant un procureur de la République (itfe, 3^ Ijk
^ ^ ''' l^'"ig kièn tch'â tchàng) assisté de plusieurs procu-
reurs;
les Tribunaux des sous-préfets, parfois secondés par un juge-
délégué, et auxquels ont été confirmées par décret leurs
anciennes attributions judiciaires dans toutes circonscrip-
LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE CHINOISE. 57
lions où des tribunaux du nouveau modèie n'ont pas encore
élé créés;
des prisons modernes (^ IK hiën yu) en petit nombre
ont été édifiées auprès de ces derniers.
Le service diplomatique et consulaire de la République
chinoise ne compte pas encore d'ambassadeurs ( ^c "^ là ché) ^').
Il comprend des Légations (^ ff ché houmi) dirigées par des
envoyés extraordinaires ministres plénipotentiaires [^^ ^ ^
W. ^ ^ ^'^ fnîng tsiiiân k'iiiân kông ché'j, des Consulats géné-
raux (M ^Mf^ ^^ong Ving liouàn), des Consulats (M ft i^ng
kounn), des Vice-consulats (Sljplft /ow Ihig kouàn), trois
classes de secrétaires de Légation (^> ^ pi cAoû), des attachés
de Légation (|^ ^ soûei yuan), des chanceliers ou commis (^
:^ tchbu ché), des consuls généraux (|ê- M ^ tsong hng ché),
des consuls ( pM ^ Jhig ché) , des vice-consuls ( glj M ^ fou
Ihig ché), des élèves-consuls (|§3 ^ M ^ souci si Uiig ché).
LISTE
DES LÉGATIONS DE CHINE À L'ÉTRANGER
ET DES POSTES CONSULAIRES QU[ EN DEPENDENT
(Si ^h ^ P^ ^ ft tchôii ivdi ché Ihig ko kouàn).
Légation en Grande-Bretagne (^ l^ M M Ying-kt-U-koûo) :
1 ministre, 3 secrétaires, 3 attachés, i chancelier.
C Cependant des ambassadeurs extraordinaires ont parfois été charjjés de
missions par le (jouverncment chinois. C'est ainsi que MM. Chë Tcliào-ki (^
^ ^) et Koii VVèi-kiun (^ |^ |^), respectivement envoyés extraordinaires
ministres plénipotentiaires aux Etats-Unis et en Grande-Bretafjne, ont reçu,
par décret présidentiel du a novembre 1931, le titre d'ambassadeurs plénipo-
tentiaires (^ JM Je W \^ ts'iudn k'iuàii ta ché hièn) pour représenter lu
Chine à la Conférence du désarmement et du Pacifique, à Wasliinj;ton. II y a
des exemples de jiominations analoj;ues au temps de l'empiro uiantcliou (Li
Hùng-tchàng en Russie notamment).
58 JANVIFR-MARS 19-22.
— Consulat général à Londres (^j^ $^ Louèn-toum^ : i consul
général, i vice-consul, i élève-consul, i chancelier.
— Consulat général à Singapour ( if ^ :^ Sln-kla-fô) : id.
— Consulat général en Australie (f^ ^ ^ij ^ JS gdo-tâ-li-yà) :
id.
— Consulat en Nouvelle-Zélande '^' {^'f^.% Nteou-ssên-
louêh^ : 1 consul, i élève consul et i chancelier.
— Consulat général au Canada'-' {^^ :^ K'àn-mUâ) :
1 consul général, i vice-consul, i élève-consul et
1 chancelier.
— (Consulat général h Bornéo septentrionale ( 4b "ijît ^ ^
Pèi Pô-lô tchêou'j : i consul général, i élève-consul et
1 chancelier.
— Consulat à Pinang (^ |êC llll^ Pln-lâng siù) : i consul.
— Consulat à Rangoun [^ % Ynng-kouàng) : i consul,
1 élève-consul et i chancelier.
— Consulat à Vancouver (fm "^ ^ Wën-kô-houâ^ : id.
— Consulat général dans l'Afrique du Sud '^' ( ^ §| '^'| Nàn
Fei tchêon) : i consul général, i élève-consul et i chan-
celier.
— Consulat aux îles Samoa '^^ {W. ^ 1^ Sâ-mù lào) :
1 consul, 1 élève-consul et i chancelier.
Légation en France (J'i H W M Fd-lân-sl koûo) : i ministre,
/» secrétaires, i attaché et i chancelier.
— Consulat général à Paris (G. ^ Pâ-lî) : i consul général,
1 vice-consul, i élève-consul et i chancelier.
Légation au Danemark {-J^ ^ M Tân-mni hoùo) : i ministre,
3 secrétaires, i attaché et i chancelier.
(') Résidence à Wellinjjlou.
(*' Hésidence à Ottawa.
W Résidence à Joliannesljurjj (Transvaal).
W Résidence à Apia.
LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE CHINOISE. 51»
Légation en Suède (^ A ^ Joûei-tièn Imio) : i ministre et
1 secrétaire.
Légation en Russie (ifÊ j^ tjr ^ Ngô-lâ-ssëu koûo) [actuelie-
ment vacante] : i ministre, 3 secrétaires. 3 attachés
et 1 chancelier.
— - Consulat général à Vladivostok (î# ^ ^ Hni cliên wêi) :
1 consul général, i vice-consul, ti élèves-consuls et
2 commis.
— Vice-consulat à Khabarovsk (fé ^'J Pô-U) : i vice-
consul et 3 commis.
— Vice -consulat à Nikolaïevsk (j|| ^x Midn kiâi) :
il
— Consulat général à Omsk (ff5 ^ M % I\g6-m6u-ssêu-k'ô) :
1 consul général, i vice-consul, i élève-consul et
1 chancelier.
— Consulat à Irkoutsk (^ M ^ ^Jz % Yi-eàl-k'(m-t}i'en-
^ o) : 1 consul, i élève-consul et i chancelier.
— Consulat général à Blagoviestchensk (S^pJ" Hëi-hù) :
1 consul général, i élève-consul et 3 commis.
— Consulat à Tchita (i^lj; f§ T'rAV-^V}) : i consul, t élève-
consul et i chancelier.
Légation aux États-Unis (H fij M 'â" ^ ^ Mèi-U-kiën hô-
te hôug-koiio) : 1 ministre, /i secrétaires, i attaché et
2 commis.
Légation et Consulat général à Cuba {l& G Knù-pâ) : i mi-
nistre, titulaire de la Légation aux Etats-Unis, i consul
général chargé d'affaires (fi; #? ^ ^ tài pdn ché chr),
1 vice-consul, i élève-consul et i chancelier.
— Consulat général à San-Francisco (^ jjj Kin-ch/ln) : i con-
sul général, i vice-consul, t élève-consul et i chance-
lier.
60 JANVIER-MARS 1922.
— (ionsulat génëral aux îles Philippines (^ ^ij f^ Fèi-li-pln) :
id.
— Consulat à Ne\v-\ork [^ f,^ Nieou-yûe) : i consul,
1 élève-consul et i chancelier.
— Consulat aux îles Sandwich ( fl ^ UJ Tân-hiâng-chân) :
id.
— Consulat général à Panama ( Ë» ^ 3i| Pâ-nâ-mà) : i con-
sul général, i vice-consul, i élève-consul et i chance-
lier.
Légation au Japon ( B 7|i ® Jé-pm koûo) : i ministre, l\ se-
crétaires, 1 attaché et i chancelier.
— Consulat général à Yokohama {^^'M Héug-pïn'j : i con-
sul général, 1 vice-consul, i élève-consul et i chance-
lier.
— Consulat à Kohé (fl^ ^ Chên-hôu) et Osaka {:f^^Ji
Td-fànj : i consul, i élève-consul et i chancelier.
— Consulat à Nagasaki (^ i$: Tcli'âng-h'î) : id.
— Consulat général en Corée (^ |^ Tch'do-sion^ : i consul
général, i vice-consul, i élève-consul et i chancelier.
— Consulat à Tchemoulpo (t il| Jên-tch'ouân) : i con-
sul, 1 élève-consul et i chancelier.
— Consulat à Pusan (^ llj Fou-chân) : id.
— Consulat a Shingishu (^^ ^ '}]] Stu-yi-tcheôu) : id.
— Vice-consulat à Gensan (% tlj Yuân-vlum) : i vice-
consul, 1 élève-consul et i chancelier.
— Vice-consulat à Tchinampo (tS ^ M Tsihig-nân-
j/oà) : id.
Légation en Hollande (# "^ ^ Hô-hhi /o/îo) : i ministre,
2 secrétaires, i attaché et i chancelier.
— (Consulat général à Java (^|^ Pj| Tchào-wà) : i consul géné-
ral, t vice-consul, i élève-consul et i chancelier.
LE GOUVERNEMENT DE LA UEPUULlQUE CHINOISE. (il
— Consulat à Sourabaya (f^ ^jc Sséu-choùei) : i consul,
1 élève-consul et i chancelier.
— Consulat à Padang (^B ^ Pâ-tông) : ul
— ^ Consulat à Médan (||§ ^ Miên-lân) : i consul.
Légation en Italie (^ ;^ ^!l ^ Yi-td-Ii koào) : i ministre,
2 secrétaires, i attaché et i chancelier.
Légation en Belgique (J;b M fl# M Pi-H-chê kotio) : id.
Légation en Espagne (0 Sjr G. /^ 5& S Jé-ssëu-pâ-nî-yn koûo) :
1 ministre chargé cumulativement des Légations de
Chine au Portugal et près du Saint-siège, 2 secrétaires,
1 attaché et i chancelier.
Légation au Portugal (^^ ^ M P'ou-t\iô-yâ koûo) : i mi-
nistre (voir ci-dessus), i chargé d'affaires secrétaire de
seconde classe , i attaché et i chancelier.
Légation près du Saint-siège (fS; ^ Kiâo Ùng, Cour pontifi-
cale) : 1 ministre (voir Légation en Espagne).
Légation au Brésil (G W ^ Pd-sl koào) : i ministre, chargé
cumulativement de la l^égation au Pérou, 9 secré-
taires, 1 attaché et i chancelier.
Légation au Pérou (|t5# ^ Pi-loa koûo) : i ministre (voir
ci-dessus), i chargé d'affaires second secrétaire, chargé
cumulativement du (îonsulat du Callao ( ^ M Ivl ^'d-
li-yûe), 1 attaché et i chancelier.
Légation au Mexique (M W W ^ Mô-sî-kô koûo) : i ministre,
2 secrétaires, i attaché et i chancelier.
62 JANVIER-MARS 1922.
Légation en Suisse (3^ i ^ Joûei-ché koûo) : i ministre,
2 secrétaires, i attaché et i chancelier.
Comme conséquence de l'article premier de l'arrangement
sino-allemand (4' f* "^ ^ tchông ta hiê yûe) signé à Pékin
le 2 0 mai 1921, une Légation de Chine près la République
allemande ((§ S ^ ^ fo M Td-yi-tché kmg-hô-koûo) a été,
en outre, établie, depuis peu, à Berlin (|Ô W Po-lin).
Par décret présidentiel du 2/1 décembre 1921, une Léga-
tion chinoise a été créée à Panama, dont la direction a été
confiée cumulativement au ministre de Chine à Cuba.
NOTES ÉPIGRAPHIQUES",
PAR
M. NOËL GIRON.
à. CACHET HÉBRAÏQUE.
Scarabée percé dans le sens de la longueur, marbre blanc,
acquis à Alep. iMa collection. Sous le plat, rangées d'uraeus
stylisées encadrant un scarabée à deux paires d'ailes éployées,
iX'\\"T2|'7j A Mnràifesa.
Fig. 1.
(Agrandi au double.)
(|ui occupe le centre. Au-dessous, légende d'une ligne. Les
caractères, notamment leD, rappellent par leur forme l'alpha-
bet samaritain (Kg. i). Je lis : K*J\X")D['?j à Marâyesa.
'" La [(rcinirrc |(ar(ic de c(!s notes a paru dans les Mélanges de la Faculté
iiripiilalr ilr hfjiroutli , t. V, p. «7 et suiv. Le manuscrit du présent travail est
i\'i JANVlËfi-MAHS ly2-J.
I.e sens de ce nom propre n'est pas douteux : «que le sei-
gneur (le) sauve» ou plutôt «que le dieu Mara (probablement
une forme de Marna, le dieu de Gaza^^*) le sauve». Le fait que
le mot araméen Nit: se trouve engagé dans le composé hébraïque
y^ywnt: permet de supposer qu'il n'y u pris place que comme
épitbète divine équivalant à un nom propre '-' et non pas comme
nom commun ; la seconde traduction doit donc être préférée.
On retrouve le nom de 112 sans N, en combinaison, sur
d'autres petits monuments, et particulièrement sur un cachet
des collections du British Muséum, publié par M. Clermont-
Ganneau^^j et dont les détails ornementaux sont de style égyp-
tien comme ici, avec le scarabée aux ailes éployées pour motif
central. En comparant l'ornementation du sceau ici étudié à
celle du n" 12 4 du C.I.S., part. 11, p. i 28, on serait tenté de
resté en Syrie durant la guerre et, pour ne pas en retarder encore l'impres-
sion, j'ai eu recours à la bienveillante hospitalité du Journal asiatique. J'ai
laissé à ce travail la forme de notes au jour le jour qu'il avait en igi-'i, sans
y presque rien changer. Il est possible que plusieurs des monuments publiés
ici aient été déjà mis en œuvre en Allemagne; mon éloignement de l'Europe
ne m'a pas permis de le vérifier.
CJ Voir C.I.S., part. I, p. ^7, 78 et 1 1 J : part. ll,p. 8^1, 87. Cette divinité
avait été assimilée par les Grecs au Zeus Cretois. Voir Boucué-Leclei\co, Hist. de
la Divination , t. 111, p. /loo. Le culte de Marna étant peu étendu au dehors de
Gaza (cf. Roscueu , Lexicon , sub verbo) , le dieu Mar est peut-être plutôt à rappro-
cher du mystérieux Mari de Jacob de Sarug cité dans Assemani, Bibl. Or. , III,
I, p. 337-328 (cf. Z.D.M.G., XXIX, p. i3i) : «Il a égaré Harran avec Sin,
Ba'al Samin, Bar Nemré [peut-être Nesre Im-'* <"f- le passage de la Dottrine
d'Addai, J. As., 1891, II, 229] et Mari son chien, etc.» , »o>n •iV)? ..vaoo. —
Pognon {Inscript, sémit., p. 81, n° 46) suppose, à propos de la phrase (inale
«qu'il soit maudit par Marlahai, qu'une divinité appelée Mer ou Mar a été
très anciennement adorée en Syrie. U cite à l'appui de son hypothèse une
inscription publiée par Piuches ( T.S.H.A., VIU, p. 359), où un roi du pays de
IJana porte le nom de J t:| J^f »^< T»— ^ luhulti nœ-ir, qui signifie
«secours de Mer». Pognon cite encore le nom propre de vô*»».-»», qu'on pour-
rail expliquer plutôt par «le dieu Mar a donné» que j)ar «mon seigneur a
donné».
(^) Cf. yii'^^y.
•W Clebmont-Ganneau , Sceaux el cachets , J. As., 1883,»" ai, p. ili3 et 507.
NoTKS ÉPKUUPHIQUES.
65
l'attribuer au vi" ou au vu* siècle av. J.-C. Il semble cependant
qu'eu égard à la forme des caractères de l'inscription , il faille
descendre au moins jusqu'au v" siècle.
La facture de ce cachet est certainement syrienne, quoique
les motifs aient été empruntés à l'Egypte, probablement par
l'intermédiaire de la Pbénicic. Connaissant à peu près dans
([uelle région ce petit monument a été trouvé, je pense qu'il
faut l'attribuer aux descendants des populations juives que
Sargon avait exilées après la prise de Samarie, «à Khala, sur
le Khabour, fleuve de Gozan'^^?, à la fin du vnf siècle. C'est
peut-être à ces mêmes populations qu'il faut restituer le cylindre
avec motifs assyriens, publié au C.I.S., part. Il, n" 85 , comme
araméen et portant ""13")!:'?.
5. BAGUE AVEC NOM PROPRE PALMYRÉNIEN.
1
Petite bague en or de ma collection, portant gravé en creux
sur le chaton un profil d'homme imberbe, regardant à gauche.
Les traits du visage et la coupe de cheveux
rappellent le faire des bons artistes de Palmyrc.
Derrière la tête et tracés horizontalement, qua-
tre caractères (fig. -2) nous donnent le nom
bien connu de "i^Ti Tahnou, ^(xï(X05, que l'on
retrouve fréquemment dans l'onomastique pal-
mvrénienne et nabatéenne. La forme des carac-
tères, du type syi'iacisant, semblables à ceux de
l'inscription de Nazala^-', permet de dater celte ^^''
bague du milieu du n" siècle de notre ère. S'il faut en croire
\e fellah de qui je l'ai acquise, elle proviendrait de Sfîré, au
sud-est d'Alep.
(1-2) (1) Il Rois, XVII, 6; xviii, 11. i*our l'atlribution de cet événement à
Sar(fon, rf. Dhorme, Les faijn liiljliifups et IWssijyip , p. 'i.'5 à Ad. Pour Khala
XIX. 5
66 JANViÉR-MAftS l92l
6. BAGUE PORTE-BONHEUR "'.
Petite bague en or à chaton rond d'émail (?) bleu j)resque
noir, sur lequel se détache en relief et en blanc l'inscription
suivante :
eVTVXI £!;%(£)<
O+OPOJN b (popùiv
Formule bien connue'-^ A noter seulement le <p cruciforme.
Provenance incertaine, collection de M. Grapin, vice-consul
de France à Caïiïa.
7. AMULETTE GREC
Lamelle d'argent, de ma collection, mesurant o m. i3 sur
G m. o/i5, roulée à l'origine, probablement pour être glissée
dans une tombe *^^ ou plutôt pour être portée au cou dans
un étui de métal^^', provenant des environs d'Alep , comme
l'amulette judéo-araméen publié par Schwab dans le Journal
asiatique '■^K Elle porte sept lignes de caractères magiques
entremêlés de lettres grecques. Le véritable texte commence à
la fin de la septième ligne et couvre encore onze hgnes; le tout
et le Khabour, fleuve de Gozan, op. laïuL, p. ^7. — '-' Euting, V, cl Cleii-
mont-Ganneau, £.^4.0., t. II, p. ()5.
<•' Je ne possède pas de reproduction do tel objet.
'-' Cf. Lehla.nt, 700 iiignlptions de pirrres ffrarépu , dans le tome XXWIl
des Mi'm. de l'Acail. des Inscriptions et licUes-Lcltres , n" 73.
(') Cf. Clkrmont-Gannkau, R.A.O., VllI, p. 58.
W Cf. Schwab, J. As., 1906, p. 5 eti?.£.S.,n° i().
C*) Schwab, /«c cit.
NOTES ÉPIGHAPHIQUÉS.
67
7 Xv
8 craTS Trjv lovXi
9 (xvrjv dTTO XS 0.(711)
1 0 (o"»;)? ^^' (p<xp(xaxî-
1 1 a? xaî •oravTo? isra-
13 6ovs xa,] tifcia'ïjs ê-
1 3 vspytOLs xai (potv-
i!i racrias Sa.i(xovu (stc^
i5 Sous vvxTcis xai
i6 vfxépas îjSï] rjSi]
1 7 Ta^y Ta;(^y apTt
i8 dpTt éipri
H- 3.
est gravé à la pointe^", d'après Tusage ordinairement suivi
pour ce genre de textes. On lit sans dilliculté comme ci-dessus.
"--) '■' La tfyravure au poinçon sur une lame de métaln parait caractériser
5.
68 JANVlËn-MARS 1921
. . . délirrc: loiiliaiir de tout poison et de toute douleur et de toute in-
Jluence et apparition démoniaque, nuit et jour, maintenant, maintenant,
vite, vite, à l'instant, à l'instant, à l'instant.
La formule initiale tt délivrez ?? laisse supposer que les carac-
tères magiques qui précèdent expriment les noms des puissances
infernales auxquelles on s'adresse. Ces noms seraient peut-être
intéressants à connaître, mais j'avoue que je laisse à de plus
habiles que moi le soin de les ^terminer.
On voit de suite que le but pour lequel cet amulette a été
composé n'est pas de vouer un tiers aux esprits infernaux,
comme dans les tabellae devotio7iis ^^\ mais au contraire de pro-
téger une certaine louliané contre ce qui pourrait lui arriver
de fâcheux. Avons-nous affaire ici à un phylactère préventif ou
à un contre-charme ? On ne saurait trancher catégoriquement
la question; cependant, je pencherais vers la seconde hypo-
thèse.
La finale du texte demandant que l'effet se produise «vite '5
ou «à l'instantw se retrouve dans les formules magiques ana-
logues grecques ^^^, gnostiques^^^ et arabes '*l
spécialement les tablettes à exécration de Tanliquité classique. DicL des Aiit.,
sub verbo. — '-' Doublon du jjraveur, qui a répété av.
C Defixiunum tabellae atlicae, CI. G., Appendix.
f-) VVuENSCH, lUtlletino eummunale di Ruina, 1897, p. io3 et pi. \1I. Un
cliarnic destiné à arrêter les cbevaux du cirque se termine é{;alement par y\Si)
1\Sr) layxi ■l'V/^ji (Maspkko, Eludes Egijpt., 11, p. 3o6, tabelia d'Hadrumèle ,
même linale, etc.).
(^> Cf. la formule (fvite tem dans les Lettres à Letruiiue , par C. J. C. l'ucu-
VENS, Leyde, i83o, p. ly et /17. Du reste les sijjnes magiques qui précèdent
1 e texte rappellent assez certains caractères des pierres jjnostiques. Cf. aussi
pour ces si{;nes l'alphabet majjique qui se trouve au verso du papyrus magique
de Leyde, pi. XIV, n° 3, dans Pap. égypt, dèmot. à transcriptions grecques,
Leyde, i83(j et les sceaux du papyrus gnoslique Bruce, Amélineau, Notices et
extraits des manuscrits , t. XXIX, 1" partie, 1891.
(') Cf. ce que dit le baron Carra de Vaux dans 7. As., 1907, p. 53q, oîi il
cite une conjuration arabe extraite du manuscrit arabe de la Bibbothèque
NOTES ÉPIGRAPHIQUES. 69
D'après la paléographie, ce texte doit dater du iv' ou du
V* siècle (le notre ère.
8. CROIX BYZAîSTIiNE.
Croix de Malte byzantine en cuivre, appartenant à M. G. Mar-
copoli, d'Alep, et dont je ne possède pas de reproduction. Elle
porte, gravé sur les branches, le texte suivant :
Pour le repos (de l'dine) de Comètas et de Théodore et d'Anastase.
9. CACHET A INSCRIPTION PEHLEVIE.
Cachet hémisphérique de pierre blanche de la collection de
M. A. Marcopoh, percé horizontalement d'un trou de suspen-
Natlonale 2662, XVII, fol. 5i v°, pour faire piquer (|ui'lqu'un par un scorpiua
et qui se termine par 1»..^) pour çpi (rvilc suivi du chiffre r «<ern.
70 JANVIER-MARS 1922.
sion. Sur le plal, l'inscription suivante se d«^roule autour d'un
buste d'homme très mal gravé; époque sassanide :
^I-i^Al^^ M^JQï}
Rpcniiis il Dion.
Formule très commune sur les cacliels de cette espèce:
Mordtmann "' suppose que les Arabes l'ont empruntée aux Per-
sans et il cite à ce propos la légende très fréquente des cachets
arabes coufiques 4ML ^3>o disposée ainsi autour du nom; le
nom remplaçant l'image du possesseur, que la religion défen-
dait de reproduire :
Mi
On peut rapprocher, pour la manière de disposer celte
formule, la coutume, encore vivante au Maroc '-^, d'encadrer
la signature du souhait n^ M\ otl^ ou aMI ^oui; ainsi :
(') Z.D.M.G., i86i, p. i8, n° 3a, Studien ûher getchnittme Steine mit Peh-
levi Intchriften.
(*) Voir par exemple E. Fumey, Choix de correspondances marocaines,
textes, n" ah, 26, 33, 36, etc. et Nehlil, Lettres cliérijîcnnps , n°' 5, G
cl 11.
NOTES RPIGRAPHTQUKS. 71
OU plus fréquemment :
10. INSCRIPTIONS ARABES.
, Je (lois à la bienveillante amitié du R. P. Ronzevalle les
photographies des cinq inscriptions arabes publiées ci-après.
N'ayant eu entre les mains que les photographies ici repro-
duites, je demande toute l'indulgence de mes lecteurs pour
les erreurs de lecture dans lesquelles j'ai pu tomber.
INSCRIPTIONS A ET B.
Toutes deux proviennent des quartiers nord-est de la ville
de Homs. Les blocs qui les portent ont été réemployés dans
des constructions modernes. A est complète, B présente à
droite une lacune d'environ quatre à cinq lettres par ligne, et
la fin manque totalement. Les deux textes reproduisent au
commencement le verset 266 de la deuxième sourate du Qorân ,
verset appelé ^^^î aj) «le verset du trôner? et se terminent
par le nom des défunts pour lesquels ils furent gravés. Je don-
nerai ici les deux textes côte à côte :
72 JANVIER-MARS 192'J.
5 <>0L£ xi-CikJ (jj»XJl ii (^ (jb I ^^.(wJl ^ Le AJ I»
7 a^Xà. Uj A^<>ot sJvxfi aà^ 4^6JI !i
J "^ j y,
i3
IxaC ^0 Jv^t yj^ ItX^
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19
CJ^'^
I^AM^ <9^£
i4. Lis jusqu'au bout (la prière) : ffDieu est le seul Dieu; il n'y en a
point d'autre que Lui, le Vivant, l'Eternel. Ni l'assoupissement ni le
sommeil n'ont prise sur Lui. Tout ce qui est dans les cieux et sur la
terre lui appartient. Qui peut intercéder auprès de Lui sans sa permis-
sion? Il connaît ce qui est devant eux et ce qui est derrière eux, et les
hommes n'embrassent de sa science que ce qu'il a voulu leur apprendre.
Son Irône s'élend sur les cieux et sur la terre et leur garde ne lui coûte
aucune peine. Il est le Très-Haut, le Grand '''.
C' Traduction Kasimirski.
NOTES EPIGRAPHIQUES.
73
Ceci est le toinbmii d'Ahmed ben Assâm, qu'Allah lui fasse miséricorde
et soit satisfait de lui, qu'il fasse tniséricorde à celui qui a /?/*'' {le Qorân
pour le défunt), à celui qui a écrit {cette inscription) et à celui qui a pro-
noncé (?) ce qui est gravé sur {ces) dewr stèles. ( Ceci) a été écrit en Beln-'l-
Ahar, l'an a6â {décembre Syj).
^'' Les moauments de l'Egypte antique et les inscriptions nabatéennes nous
fournissent de semblables demandes de prières aux vivants de la part des
morls.
là JANVIER-MARS 1022
L. 1 . Je traduis \Q^ pl comme je le fais eu considérant que Âl.
a ici le sens de xjlL rrlecture du Qorân d'un bout à l'autre comme acte de
dévotion pour un morti.
L. 17. ^^'5UJl, duel de ïX*, qui signifie ordinairement rr pierre sur
laquelle on pose un objet «. Peut-être serait-il préférable de lire, au lieu
de ce mot, inconnu dans le sens que je lui attribue, ^^-iVjJI, en sup-
posant une faute du graveur. Le duel s'explique par la coutume qu'ont
les Musulmans de dresser deux pierres sur leurs tombeaux, l'une à la
tête, l'autre aux pieds; le texte devait être répété sur une seconde st(Me
que nous ne possédons pas.
Ainsi qu'on peut le voir sur la photographie, les points sont assez
souveut indiqués.
B. Le texte de cette inscription se distingue seulement de
celui de A : 1° en ce qu'il faut restituer en tête la formule
j<(Nawpi dj^t?^' '^^ f^*^'i 2° par la finale, que je traduis :
Ceci est (le tombeau de ) Khàlid , fils de 'Isa ([u {Allah)
lui fasse miséricorde et le pardonne et que (la miséricorde d'Allah soit sur)
Mohammed [qu'Allah prie pour lui et lui accorde le salut ).
Ce texte est entièrement dépourvu de points diacritiques; la
forme curieuse du ^^ final rappelle encore celle du yod naba-
léen. Il me paraît plus ancien que A.
INSCRIPTION C.
Je ne possède aucun renseignement sur l'origine de cette in-
scription. Elle doit cependant provenir de Homs comme les
précédentes. Comme elles, c'est une épitaphe coufique. Le bloc
qui la portait a été réemployé comme pierre de construction.
Il est couché horizontalement au-dessus des voussoirs d'une
porte moderne. Cet emploi a obligé les ouvriers à entamer la
partie droite de l'inscription, afin de lui faire embrasser la
NOTES ÉPIGRAPHIOUES.
75
courbe du cintre. De ce fait, quelques caractères ont disparu
au commencement des lignes. La fin du texte manque.
^ y^ i)l *JI i) [Ai :}
U l^U ^t F)
;û (I)
f^^L
.xll
['
XUw
i «T*^
(?)»Jy^^A3 l[i,
jr^^ L^^[^ AMI
<JuAfi aMI Jctf. *X-,.|a2
(i) Au nom d'Allah le clément, (a) le miséricordieux. Dieu a rendu ce
témoignage : (3) // n'ij a point d'autre dieu que lui; (A) les anges et
les hommes doués (5) de science répètent : (6) // n'y a point d'autre
dieu que lui, (7) le Puissant, le Sage'-^\ (8) Ceci est le tombeau de Al-
(') Faute du {fraveur pour çaSJl .
<'') Qoi-dn , iiour. m, 16, trad. Kasiiuirski.
76 JANVIER-MARS 1922.
Hamida, (c)) fille de 'Aiiir ben Qats (lo) ben 'Isa, qu'Allah lui jasse
miséricorde (ii) et lui accorde le pardon, qu'il la rétiibue (12) pour
ses bonnes actions (i3) et la place (en compagnie) de son prophète
Mohammed (qu'Allah prie pour lui (i5) et lui accorde le salut), qu'il
fasse miséricorde à celui [(16) qui a lu [le Qordn pour le défunt), à celui
qui a écrit (cette stèle) (17) et à celui qui a prononcé (18) rt
été écrit le (19) l'an
L. 8. gljs.-ti!; la lecture de ce nom est très incertaine.
L. i3. A rapprocher de Qordn, sour. xii, 102 : ^j^UaJL? (^SÂ «place-
moi au nombre des vertueux n.
Les lignes 16 et suivantes ont été restituées d'après la finale
de A.
Il m'a semblé intéressant de grouper ici les trois inscriptions
A, B, C. Leur rapprochement permet de donner une date
approximative à B et G. Le texte A, dont l'écriture me paraît
moins ancienne que celle de B et C, porte la date de 26/1 de
rhégire. On en peut, je crois, conclure que ces dernières ont
été gravées, pour le moins, à la fin du 11" siècle de l'hégire. Il
est en outre très probable que B et C aient appartenu aux
membres d'une même famille dont l'aïeul commun se nommait
'Isa.
INSCRIPTION D.
Linteau encastré au-dessus de la porte de la mosquée de
Qârâ i^U, village situé au nord de Yabroiid. Ce point présen-
tait une assez grande importance à l'époque des Croisades : il
y existait un relais pour la poste par pigeons entre Damas et
Homs. Les pigeons allaient en effet de Damas à Baalbeck,
puis à Qârâ et de là à Homs. Ce village est également mentionné
comme étape pour le transport de la neige entre Qastâl et
Homs. Il était habité par des Chrétiens et fut ensuite repeuplé
presque exclusivement de Musulmans, ainsi que nous l'ap-
prend Novaïri et que nous le verrons au sujet de l'inscription
NOTKS KPIGUAPIIIQLKS. 77
ici étudiée. Cinq lignes de neskhi mamlouk assez bien conser-
D
^jlUU^JI [bii^J jLxj ^1 ^6^ ;^j-idi ^14 ^^ *-^^ y' 1
LxjjJI (^j ;^-»^Ui yclij.1 laji^-li jofcU^I J:>WI ^U!ly> • 2
jl tiJ^i^ (»-^'j Vt-*^' (jlkX*« viiXlIi 0;t^ ^xXUJiJl vilJuo ^JJ^ ^4
(?) -U!^ (^y^La)! ^_J*J^xAJ ^ùlJÎ
j_fijjyci)l ioLuLj <9U,.«VM^ LYl^J^} ^^^ *-»-^ ^'î?^ CS'^ i y^' ''■^ ^
A ordonné la constrnclion de cette mosquée où l'on mentionne sans cesse
Allah, le Très-Haut — Notre maître le Sultan al-Malik al-Zàhlr, le savant,
le juste, le rhatnpion de la foi, l'assidu des rihàts, le rictoricu.r , le vain-
1H JaNVIER-MARS lOJJ.
loueur, Hukn-al-buujja ira-ul-Din , le Sultan de l'Islam li des Musulmans ,
le seigneur des rois et des sultans, V Alexandre de ce Iciiips. né sous une
honne étoile, le possesseur des deux harams [la Mchkc et Médine), le com-
mandeur des deux ijihla (La Mekhe et Jérusalem), l'héritier du roijaunu' ,
le Sultan des Arabes, des Persans et des Turcs, Abù-l-Fath Baïbars al-Sà-
lihi. Ce lieu («. été) terminé '^^^ au mois de Dù-l-Hijja, l'an 66â (septembre
ti>66) par les soins de l'Emir 'Izz-al-Dln . . ,(?).
Celte inscription fut gravée par Beïbars lorsque, étant allé
au devant de ses armées qui revenaient d'une expédition contre
Haitoun, roi d'Arménie, il voulut châtier d'une façon exem-
plaire les Chrétiens de Qârâ, coupables d'avoir saisi des Musul-
mans et de les avoir vendus comme esclaves aux Francs.
A cette occasion, le Sultan ruina le village, incendia le cou-
vent, massacra les habitants, tortura les moines et transforma
l'éghse en mosquée'^'. Voici comment Novaïri rapporte le fait'^' :
Le Sultan étant parti de Damas pour aller à la rencontre de Texpédi-
lion de Sis , passa près de Kârâ le 6' jour du mois de Dlioulhidjeh et
ordonna de mettre cette ville au pillage. Voici le motif qui provoqua
celte mesure rigoureuse. Un palefrenier qui était au service de l'eunuque
Mourchid, commandant des troupes de Hamah, revenant de la cour du
sidlàn avec son maitre, et étant entré dans le lieu nommé al-Aioun'"',
tomba malade et passa la nuit dans cet endroit. L'eunuque ignorait cet
événement. Deux habitants de Kàrà allèrent trouver cet homme et l'atti-
rèrent chez eux pour lui donner l'hospitalité. 11 séjourna auprès d'eux
durant trois jours et recouvra la santé. Alors ses deux hôtes l'emmenèrent
(•) -Ufl est très douteux; on trouve ordinairement à celte place une formule
telle que . . . li^ *Uj! yl5.
(^^ Le fait est rapporté par plusieurs historiens arabes : Abouiféda ( Htst. dp»
(xoigadct, t. 1, p. ]5i), Macrizi (Hisl. des xullaiis Diainloukn , Irad. Quatre-
mère, a* partie, p. 3/i-35) et iNovaïri, dont je cite le récit.
t^ Traduction de Quatremère dans Hisl. des itiaiidoulcs , p. 35, n. 6 1.
'''' Quatremère, d'après le manuscrit de la Bibliolbè(jue Nationale, donne
,^*jJ) sans traduction; je lis y^iJl d'après la pliotoj;ra])lne (riin manuscrit du
V*^! ijy^ S Vr*-" ^^-^ conservé à la Bibliothèque sultanienne du Caire. Il
existe en effet de nombreuses sources sur la route au nord de Qàrà et un
nom comme (jy»*-^^ aJ^l* est tout naturel.
Notes épigraphiqurs. ^o
pendant la nuit et le conduisirent au Château des Gurdes où ils le ven-
dirent pour une somme de ho dinars souris. Cette même aimée, ini
marchand de Damas s'élant rendu au Château des Curdes, pour payer
la rançon des prisonniers, racheta entre autres ce palefrenier, qu'il con-
duisit à Damas, où il lui rendit la liberlé. Cet homme se mit au service
d'un soldat et fut au non)bre de ceux qui accompagnaient le Sultan
dans sa marche. Lorsqu'il fut arrivé dans la ville de Kàrà, le palefre-
nier se présenta à l'audience de l'Emir Farès-eddin, l'atabek et lui ren-
dit compte de son aventure. L'Émir lui ayant demandé s'il reconnaî-
trait celui qui l'avait vendu , il répondit ailirmativement. On le fit partir
accompagné de plusieurs dj audit vs. Il rencontra un des deux hommes
qui l'avaient trompé, l'arrêta et le conduisit en présence de l'ntabek,
(jui se hâta de communiquer l'aflaire au sultan. Ce prince fit comparaître
les deux adversaires et les confronta l'un avec l'autre. L'habitant de
Kârâ nia le fait. Le palefrenier certifia qu'il reconnaitrait la maison et
tout ce qu'elle renfermait. L'habitant de Kârà se vit contraint d'avouer
la chose; puis il ajouta : rrJe ne suis pas seul à commettre de pareils
actes; tous les habitants de la ville y prennent part. a Des moines de
Kârâ s'étaient rendus à la tente du Sultan, apportant des provisions; le
prince les fit arrêter, puis , montant à cheval , il se transporta en per-
sonne au monastère situé eu dehors de la porte de Kârâ, fil massacrer
ceux qui s'y trouvaient renfermés et livra l'édifice au pillage. Etant
revenu sur ses pas, il ordonna à ses troupes de se mettre en marche, et
marcha vers la colline située hors de Kârâ, du côté Nord. Ayant mandé
Abou-1-Izz, reis de la ville, il lui dit : rrNous avons dessein d'aller à la
chasse. •« Les habitants eurent ordre de sortir. Une partie d'entre eux
s'avança en dehors de la place. Lorsqu'ils furent à une assez grande dis-
tance, le Sultan ordonna de leur trancher la tête, ce qui fut exécuté. 11
n'échappa au carnage que ceux qui prirent la fuite et allèrent se cacher
dans les maisons et dans les puits. Plusieurs s'étaient cantonnés dans les
tours, obtinrent la vie sauve et lurent retenus prisonniers. Ils étaient au
nombre de mille soixante-dix, tant hommes que femmes et enfants.
Quelques-uns se réfugièrent auprès d'Aliou-l-Izz, reis de la ville; le
Sultan lui accorda leur fiberté. Hientôt après les moines (pii avaient
apporté des provisions furent, par ordre du Sultan, fendus par le mi-
lieu du corps. L'armée reçut l'oidre de mettre le feu à la ville, ce qui
fut exécuté. L'église fut converlii; en mosquée ^\ On amena dans celle
' Toujours d'après les photographies du Caire : ^^x^^^J^ Jj-j»? yl v«l ^
80
JANVIER-MARS 1922.
ville un grand nombre de Turcomans et d'autres habitants; en sorte
qu'elle se trouva remplie. On y plaça un Khàlib et un Kàdi. Avant celle
époque elle élait entièrement liabile'e par des chrétiens . . . Lorsque le
Sultan eut terminé do tuer les habitants de KârA et de pillei" leurs biens,
il se dirigea vers Hama . . . puis retourna à Damas le '2 h.
Notre texte ne souille mot dos circonstances qui accompa-
gnèrent la transformation de l'église de Qâi'â en mosquée et
même, comme à l'ordinaire, il laisserait entendre que Baïbars
a créé, et non pas tout simplement désaffecté, l'édifice qui
devait servir de mosquée à Qârâ. L'inscription ici publiée,
outre son intérêt historique, offre donc un réel intérêt archéo-
logique, car elle permettra de situer avec précision l'emplace-
ment de l'ancienne église, sur les ruines de laquelle s'élève la
mosquée actuelle.
liVSCRIPTIOIV E.
Inscription gravée sur le minaret de la mosquée de Aqraba,
petit village au sud-est de Damas. Trois lignes de neskhi :
''■<^^iO>&>^.J^ ■Sïjfy ^
if .y . :
NOTES ÉPIGRAPHIQUËS. 81
9..^!0J ÂjUvmI^ /WyUr^ OWkM (^XAM ^^'^ÀW
ffilw nowt d'Allah, le Clément, te Miséricordieux. Que fréquente les
mosquées d'Allah seulement celui qui croit en Dieu et au jour [du jugement)
dernier '^^Kv La construction de ce minaret béni a été ordonnée par Son
Altesse éminente El-Uussâmi Torontai al-Mamùri , na'ïb-al-Saltanat-al-
Muazzama. [Il a été édifié) sous l'administration du pauvre serviteur
d'Allah Lou'lou' al-Mas'ûdi, al-Hussàmi dans un des mois de l'an 686 de
l'hégire {laSj).
Le personnage qui ordonna la construction n'est autre que
Hussam eddin Torontai, qui fut au service du sultan al-Malik
al-Mansoûr Kalaoun, ainsi que l'indique l'épithète d'al-man-
soûri ajoutée à son nom. Il fut gouverneur d'Egypte sous ce
prince, dirigea plusieurs campagnes en Syrie et dans le Said
et fut mis à mort en 689 (1290) par le sultan al-i\Ialik al-
Achruf Klialîl, contre lequel il avait conspiré. L'année où notre
inscription fut rédigée, Torontai était probablement passé par
Damas, alors qu'il se rendait à Sahioun pour châtier Sonkor
Achkarf2).
11. INSCRIPTIONS GRECQUES.
A. INSCRIPTION DE BEÏSAN.
Plaque de marbre blanc sale apportée de Beisan, l'ancienne
Scytbopolis, à Damas, où j'ai eu l'occasion de l'éludier en
C Qordn, sour. ix, 18.
(-> Cette expédition est mentionnée dans VHisl. des sultans mamlouks, de
Macrizi, trad. Quatremère, à l'année 686.
82
JANVIER-MARS 1922.
nifu 1 1) 1 /j . Tilulus funéraire comprenant sept lignes très nel-
tement gravées :
eArCdÊOrPAtlMlCOYAICAGÀHATOC
yeioczoTfAZiûWAirafiooATPiAOfef
j\rHCJ10AflB(AÀfAHO[lûAt!lOïfAÀIC^GAW
Cf/U]ÈTu;NenTAKÂIUHH(ii)/E! HUm
mMhmhkismcomammmy
A bis
NOTES EPIGIUPHIQUES. 83
1 0apa-si làovpotëîSets ovSh à9dva.T0?
a Csîos Zovpd^to xaXtyapiois TSarpiSos 0p
3 aKt]s zs6Xeci}s ASp^i^a.vSTTo'Xet làovpciSis è'ôav-
4 (ejv d) êrojv éitlà xai, (xrivôov éç YjfxépoLS a
5 sros HC TsévTS v£(o)(pMTi(r1o$ eOavev xat
6 évdaSe xîre ^-dpcri l?é€o xaraxÏTS svyvs dov
7 BopasiSeis b àSsX(p65 aov ^-vyaTijp Mapxiavov.
Un seul passage douteux, au commencement de ia ligne 5,
après év6s, les lettres HC, qui semblent bien être une faute du
graveur pour cjp = a>p{Gûv)7r£vie'^\
Je traduirai :
Courage Boumidis, personne n'est immortel , jils de Zouraiios, caliga-
rius'"'', de patrie de Thrace, [natif) de la ville d'Audrinople. Bouraidis est
mort à sept ans, six mois, un jour et cinq [heures), il est mort nonvelle-
menl baptisé^'' et ici repose. Courage Réhou, près de toi repose ton frère
Bouraidis, 6 fille de Marcien.
La grammaire dans ce texte est fortement malmenée, et
l'orthographe n'a pas subi un meilleur traitement, altérée
qu'elle est par l'iotacisme : Csîos et xaXiydpion , etc. Ce der-
nier mot suppose la prononciation xaXiydpi? et un effort pour
corriger, effort impuissant qui fait répéter encore le son i en
écrivant oi. Les sons o et ov sont également confondus. Quant
à l'alternance des voyelles u, w, oi par exemple, elle est fré-
t') Je dois cette conjecture au H. P. Mouterde, que je tiens également à
remercier ici d'avoir dessiné le fac-similé de l'inscriptiou de Beisan reproduit
dans cet article.
<-' KaXt-yâptos s'est rencontré au moins une fois en épigraphie grecque à
l'époque chrétienne tardive, Dcchesne, B.C. IL, i883, p. 243, n° lii (Korcy-
ros, Isaurie). Sur l'usage du mot dans l'épigraphie latine, voir Ruggiero,
Dizionario epif^raphico, siib verbo.
(^> Pour l'usage épigraphique de veo<^éiialos, voir I. Dolgeii, i;^W«, Das
Fiêchsymbol, p. 190; y joindre Ramseï, Studies in the Eastern Rotimn Provinces,
p. 175, n° 67.
6.
84 JANVIER-MARS 1022.
quente dans l'onomastique ihrace''', à laquelle appartiennent
les noms de cette inscription.
Le nom de Boupae/Seis semble être formé du composant Bowp, qui
se rencontre dans beaucoup de noms propres thraces <->. La forme patro-
nymique de ce nom fait songer aux BopsâSa», dont la naissance et la
légende étaient attribuées à la Tbrace. On peut aussi comparer à ce nom
celui d'un neveu de Justinien, Bopaihrjs'-^K
Zowpa|/o est un autre nom thrace connu au génitif, o pour
ov (').
Pé^o me paraît être le vocatif de PeSovs et devoir être rapproché d'un
nom de femme, retrouvé au vocatif également (Piêov) à Délos^^'. Si la
traduction que je propose : rrcourage Rébou, près de toi repose ton
frère Bouraidis, ô fille de Marcien^ est exacte, il faut supposer que
Rébou était la sœur utérine de Bouraidis. On pourrait aussi à la rigueur
regarder B-vyàTrjp Mapxjavoû comme la signature de la personne qui a
fait graver le monument et qui serait alors la mère (?) des enfants. Dans
ce cas, ia phrase finale serait à traduire : rr Courage Rébou, près de loi
repose ton frère Bouraidis. La fille de Marcien (a fait faire).
Cette inscription paraît ne pas pouvoir être placée plus haut
que le iv% voire le v" siècle de notre ère. Elle aura été gravée
pour les enfants d'un des nombreux Thraces combattant en
Syrie dans l'armée romaine ou l'armée byzantine.
('> Cf. KuRTSCHMEi», Einleiiung in die Geschichte der ip-iecliisclirii Sprache ,
1896, p. 226, par exemple Pwfi»jToéA«Tjs , Pu/xeraAxrjs, PufxjxaA^Tjs, PwfiSTaAxrjs ,
Rumitalca et PojfxjjTaAxas.
(■-) Kretscumer, op. laud., p. 2i4, 336 et suiv.; G. Sedre, B.C. H., 1898,
p. 5i8.
(') Pacly-Wissowa, Realencycl. , sub verbo et peul-ôlre aussi Bovdeas Zab-
diboli {C.I.L., m, liaiG), nom d'un soldat mort à Tibiscum, en Dacie,
bien que le scrond nom porte plutôt à rechercher rorigine du premier égale-
ment à Palmyre.
(*) Cf. Zcwpd^ets sur la stèle de Pyzos, B.C.U., 1898, p. /j86, 1. 26
(G. Seure); op. laud., p. 5A8 et 55o. G. Scure rapproche Zypo^s, nom gèle
(Dion Cass., XLl, 9(i)el Durazi8,C.I.L,, 111, 19392; Kbetsch mer, op. laud.,
p. 938, cite encore Durze, C.Ï.L., VI, 938.
('■' B.C.IL, 1909, p. 517, n" 38.
NOTES EPIGIUPHIQUES. 85
B. INSCRIPTIONS DE MENIN.
Les deux inscriptions suivantes ont été copiées par moi en
juin 191^ dans la mosquée de Ménin , petit village situé à trois
heures et demie au nord-est de Damas. Elles étaient grossiè-
rement gravées sur des blocs de calcaire blanc très friable et
provenaient des tombeaux percés au flanc de la colline ''' qui
fait face au village. Les blocs avaient été transportés dans la
mosquée, dont ils devaient servir à réparer le pavage.
a. Linteau horizontal, mesurant 1 m. 35 de long, om. ^2
de large et 0 m. 20 d'épaisseur :
6TôVc'fv(/Aci>0VltAYC(\h/(0C
K6Ar^PocAyeo'^oiCABATloyA|ior
.0,.
Etol/s q\/' Kyov ts' Avaavtos
Cette inscription paraît être la signature des tailleurs de
pierre chargés de creuser le tombeau.
Atiffav/os est connu. A) apo? apparaît pour la première fois. Le fémi-
nin Ayciprj se trouve deux fois dans Waddinglon, n"' 9200 et 2/106. Ces
noms procèdent probablement de Aêyapos, par suile de la prononcia-
tion spirante du jS'^',
yiaëârios s'est déjà rencontré sous les formes 2aê€'â6'a<oî '^', l'aé'fà.
TJO?'*' et SaêêaToOs (gén.) '^'.
'') Cette colline m'a semblé percée de plusieurs {jrottes funéraires.
(^) Aêjixpos, B.C. H., 1897, p. li(), n" 37 et Wadd., 90/16. On aurait
Abgarog <z *Avgaro.'t < *A(f[[(triis <; Agarug.
(3-5) (*) .\ Kérak du llaiir;in, Dussaiik et Maci.ku, Vinjage airhéul, au Saja,
86
JANVIER-MARS 1922.
A^ios, nom curieux, peut-être dérivé de i'acclamation syriaque
C'^cnN dont on saluait les évêques en se portant à leur rencontre, cette
acclamation elle même n'étant autre chose que le grec â^ios ''.
L'an 760 des Séleucides correspond à l'année 438 de J.-G.
b. Ce fragment se rapporte à une autre inscription et pro-
vient peut-être d'un autre tombeau. Hauteur, cm. 80; lar-
geur, 0 m. 20.
[ë^ siSii
lOJV STTOKTSV.
C. INSCRIPTION DE HARRAN-EL-AWAMID.
Stèle de basalte noire provenant, paraît-il, de Harran-el-
Awâmîd, site antique situé à une quarantaine de kilomètres à
l'est de Damas. Elle présente la forme habituelle des inscrip-
tions funéraires du Hauran : une longue dalle cintrée en haut.
La face est grossièrement dressée, la partie postérieure à peine
dégrossie. Ce petit monument avait été acquis par moi en juin
1 9 1 /t , alors que j'étais à Damas. J'en ai fait don dernièrement
au musée (?) de cette ville.
p. 2o5, n" 85, dans une épitaphe qui serait celle d'un Juif. — W A Korycos
(l'Isaurie, M^' Ddcuesne , B.C. H., VII, p. a4o, dans une inscription chré-
tienne de basse époque. — '^^ En Attique, Cil. Baïkt, B.C. H., II, p. 33,
dans une inscription chrétienne.
C) Cleiimont-Gannbai' , R.A.O. ,\lll, p. 76, note de l'abbé Chabot. Cf. Afws
NOTES ÉPIGRAPHIQUES.
Le texte se lit avec certitude :
87
ÇTOVC
ÊTOfS
Z»<f
w
Au)»v
K^ov
ZêTtAt
^' êrsXe-
1
VTHCtN
vTvo-ev
hAyA
Ma^ci-
BH^OC(
^v'kos ê-
Tk)N
r&v
. iTJ
X'
-C-
Type (l'inscription connu. La date, comptée selon l'usage d'après l'ère
des Séleucides, correspond à l'année 2o5 de notre ère. Seul le nom de
MoL^a^ijXos est digne de remarque. Je le crois nouveau ^'\ Il correspond
peut-être à un original sémitique comme ?3D''D ou ?2?33"'D tr celui qui
est comme Bel ou Baal, sur le type de ?N3"'D. L'a de Ma. . . aurait
dans ce cas été enijdoyé pour transcrire la voyelle brève de timbre indé-
terminé qu'on entend encore aujourd'hui dans la prononciation de l'arabe
m'hait. Quant à expliquer Mahâbélos par les racines nriD ou HDD qui
signifient rr blesser, délrnirei, etc., les habitudes onomastiques de la
région ne permettent pas d'y songer.
Wadd., n" 9543 et ÂSIOX de la stèle peinte de Sidon (n° 6), Rev. Arch.,
igoi, p. 1 1 (Jalabert).
W Wadd., n" 1875 a, donne bien MAXXI . . AOY et lit M(xx.X^[Sri]Xou ,
mais DussAiii), Voyage au Djeùfl Druz, p. 2i3, assure qu'il faut corriger le
premier ;^ en A, ce qui en fait un nom bien connu.
88 JANVIER-MARS 1922.
12. INSCRIPTIONS SYRIAQUES.
Lors de mon séjour à Alep en 1910-1911, j'ai eu l'occa-
sion de copier les trois inscriptions syriaques suivantes :
Stèle funéraire païenne de 0 m. 60 sur 0 m. /i8 , en calcaire
rougeâtre, portant à la partie supérieure un bas-relief repré-
sentant un aigle éployé enlevant dans ses serres un foudre et
une bandelette ^^'. La tête de l'aigle a disparu avec le sommet
de la stèle. En bas, dans le champ, inscription de quatre
lignes horizontales en caractères estranghélos. Aucune prove-
nance ne m'a été indiquée. Je crois cependant que ce monu-
ment a été trouvé à Orfa '^'.
Le texte se transcrit :
113^1 ND72 1 Image qu'ont Jaite
ND1D21 X2D3N a Absako et BaJcouso,
va? D13 ''il 3 Jils de Baras, à Atjou,
^lU NflD? pnnn k leur sœur en terre, hélas.
L. 1. Contrairement à un usage assez fréquent, le mot ND*?!? rr images
(') Le Las-relief n'est pas reproduit sur la pholojjraphie de restampa<je ; on
aperçoit seulement les deux extrémités de la bandelette, qui retombent de
part et d'autre de Tinscription. Le petit croquis extrait de mon carnet, que
je publie également, donnera une idée de l'ensemble.
W II me semble être parent de celui que j'ai publié dans M.F.O., V, p. 78,
n" 3, et qui vient certainement d'Urfa. Comparer aussi la formule finale avec
le n" 45 de Pounon, limcript. sémit., provenant «'■jjalemeul d'Orfa,
l
90 JANVIER-MARS 1922.
est ici au masculin , bien qu'il s'agisse d'une femme ''^ Il est vrai qu'on
ne dit pas limage de N?), mais ffimage faite pour Nn. Le bas-relief
paraît en effet ne pas avoir représenté la défunte, mais un aigle. Ceci
pourrait peut-être fournir un argument en faveur de la thèse de ceux
qui soutiennent qu'en Syrie, aux basses époques tout au moins, i aigle
des monuments funéraires n'est pas une personnification du mort''^
Le T fmal de Ml^ paraît avoir été gravé fautivement comme un D,
L. 2. J'ignore l'origine du n. pr. masc. N2D3N*: quant à ND122, c'est
le nom bien connu de Bix)(p5.
L. 3. Le nom propre D12 me semble devoir être rapproché de celui
de ND")3 que porte un évêque d'Edesse dans B.O., I, 396-898.
PX , n. pr. fém. , peut être rapproché pour la terminaison de 'i'^^ ,
n. pr. également féminin, Pognon, op. laiid., n" kk.
L. h. Je crois que le trait qui joint le ) de pnnn au ? qui suit est
accidentel , de même que les traits qui s'élèvent dans l'interligne à la fin
de la ligne k.
NnD7 = NnD+ 7, que je compare à la formule finale de Pognon,
op. laud., n° kh. Je suppose que le *? qui précède Nn- lui donne une
valeur adverbiale; comparer les locutions NpVJ?, N'?31p7, etc.
En comparant la graphie de ce texte avec celle de ceux qu'a
publiés M. Pognon, je crois qu'on peut le faire remonter à la lin du
m' siècle de notre ère.
B
Dalle rectangulaire de calcaire blanc, mesurant 0 m. 5o sur
0 m. 34, trouvée aux environs d'Alep et transportée au musée
de Gonslantinople quelque temps après la découverte '^l En
haut, trois croix au-dessus d'un trait. Le texte comprend quatre
lignes, à lire de haut en bas; les croix indiquent que la pierre
était bien dressée verticalement sur le petit côté.
C' Pour cet usage, cf. Pognon, Imcripl. sémil. , p. 18 1-1 83 et ce que je dis
M.F.O. , loc. cit.
(*) L'aigle figuré sur les monuments funéraires de Syrie a été étudié en
dernier lieu par S. Ronzevalle, M.F.O. , V, p. i*-6a*, où Ton trouvera la
bibliographie du sujet.
(^) Je ne possède plus les estampages de ce texte, ni du suivant : ils ont
été détruits pendant la guerre, et je suis obligé de reproduire ici les copies
de mon carnet.
NOTES KPIGRAPHIQUES.
91
Je lis
+ + f
b ^ r J
1
Y^N^t
$ -l *
|q >f
- B-
1 Dî'eM, donnerinoi
2 l'abondance de l'eau
3 ef l'espérance
4 «?e /a vj'e
^J3n xn"?» 1
«"ïam 3
Cette inscription , certainement chrétienne , rappelle l'expression éZoûxev
iv aoi vSojp T<i Çwv de l'Evangile de saint Jean *''. Son contenu me fait
supposer qu'elle était voisine d'un baptistère. On peut difficilement
songer à y voir une inscription funéraire, attendu qu'elle ne contien-
drait pas alors le nom du défunt.
Bloc carré (o m. 6o sur o m. 6o) de basalte noir rapporté
à Sfiré d'un endroit situé à l'ouest, dans le Hâss, qu'on m'a
dit se nommer (^^m niallaq. De par sa forme et son ornemen-
tation (^', paraît avoir fait partie d'un cancel. Une ligne verticale
C IV, lo; cf. IV, i4.
(^^ Cf. Princeton Expédition, part IV, n"' a a et a 4.
92 JANVIER-MARS 1922.
et une ligne horizontale se coupant, gravées sur les bras d'une
croix :
*? 3-) ^^ n:x + i
1 + Mol , Jîls de Bahhel,
2 j'ai fait celte balustrade.
L. 1 . La copie de mon carnet ne me permet pas de déchiffrer le pre-
mier nom propre.
L. 2. Remarquer la forme n"'13i^. dëjà expliquée par Pognon ''\ Au
lieu de n^7D, on attendrait l'état emphatique NnvD.
Le T et le "î sont pointés, le 3 et le 3 presque semblables; ce texte
peut donc être attribué tout au plus au \i' siècle de notre ère.
13. ORIGINE DU MOT ^imM
M. Pognon, dans ses Inscriptions sémi lignes ^^\ avait supposé
que le mot Niim: devait provenir d'une forme pehlevie *mu-
hadâr ou *nohadâr, composée d'un substantif et du suffixe dâr
que l'on retrouve dans les mots persans ^lijjcii «gredier»,
(') Op. laud. , p. 67-58, qui dit que primitivement la 1" personne du sin-
{fulier du parfait était déjà ilh D^ dans ia réjjion d'Anlioche et d'Alep, et
qu'elle devint ensuite la forme en usa[{e chez les Meikites, (jui furent, jusqu'à
l'invasion arahe, majorilé dans la Syrie du Nord.
(3) ^^.. r,_
NOTES EPIGRAPHIQUES. 93
^b**É* «^ générale. Nôldeke^'* a rapproché avec raison de ce mot
le Nohodares d'Aramien Marcellln, où, dans ia phrase Noho-
darcs quidam nomine e numéro optimatum^^\ l'auteur latin prend
le titre dont il s'agit pour un nom propre ^^l Une note de M. An-
dréas placée à la fin de l'ouvrage de M. A. Chrislensen, L'Em-
pire des Sossanides , nous apprend, au sujet d'un fonctionnaire
nommé nahharar tt gouverneur » (?) par Moïse de Khorène^*',
que ce titre provient de l'iranien mikhudhâr {r=^dh) et qu'on
le retrouve non seulement dans le passage d'Ammien iMarcellin
cité plus haut, mais encore, et dépendant d'une forme sassa-
nide *nakhvêr, devenue nukiwer, dans les fragments de Turfan ^^^
et chez les historiens byzantins sous les formes simples à No-
y^o£py(xv'-'''\ '^a.yopa.yd.v^'^'^ OU dans les composés b ^avay(pepû-
yav^^^ et 'E<xpva)(^opydvtis''^\ où le mot nohadra semble précédé
de l'élément s^r = persan j-m- «chef». Si ces rapprochements
étaient fondés, comme je le crois, ils nous expliqueraient l'ori-
gine du mot xiiniJ. Il me semble cependant qu'il subsiste
une petite difficulté : exphquer comment kh ou y^ est devenu
n en syriaque.
C' Z.i.,XXI, 1908, p. i53.
(•2) XIV, 3.
W MoRDTMANN, Z.D.M.G., 1 864 , p. ili, n" kj, a commis la même erre.ur
en rapprochant de Nohodares le n. pr. "'"irij lu par lui sur un cachet pehlvi.
'"' Voir, sur ce mot dans Moïse de Khorène, Kh. Johannisiants, Inscript,
cunéif. dans l'Arménie russe, Venise, 1897 (en arménien), cite par Macler,
Rev. archéoL, 1903, p. 89.
(■) Éd. Muller, p. ai.
^^'> Ménandre, édit. Dindorf, p. 28.
W Aftathias, III, 2.
(*' Ménandre, op. laud., p. 91.
W Théophylacte, III, i5, 7, n.
MÉLANGES.
SUR
lA LECTURE DU NOM DE fj^® ^ * — •
Parmi les tombeaux des princes d'Elephantine découverts à
Assouan en 1 886 ''^ se trouve celui d'un certain | J_^ © j^ "^ —
qui explora fort avant la Nubie sous le règne de Pepi P' et rap-
porta de ses voyages, entre autres curiosités, un ^ ^ Q ^ des-
tiné à charmer les loisirs du souverain.
Le nom du personnage a été lu, tout d'abord Herchuj'^-\
puis Hirkhouf^^l 11 me paraît que la lecture en est un peu dif-
férente.
Ce nom est à rapprocher, en effet, de celui du pharaon
(©^"^ — ^X variante (@^* — X*'- C'est là, comme on
sait, une forme courante obtenue par l'aphérèse d'un nom
divin, en l'espèce celui de i^, et l'apocope du pronom
régime de la première personne, ^2)* ^' ^^^^ MûUer a
montré, le premier ^^\ qu'il fallait rétablir « '^ © ^ "<— ^ 2l
«Hnwm me protèges, de même qu'il faut suppléer ' f et le
pronom \ 3) tlanslenom de (Pî^ ^3 = (!!!Pî!i^3)3
isPth me rend bon».
(') BoDRUNT, Les tombeaux d'Atiottan, dans le Rec. de Travaux, X, p. 181-
(*) ScHiAPABBLLi , Una tomba egiziana inedita délia rr'" dinattia, dans les
Mem. délia R. Ace. dei Lincei, Ser. IV, t. I, part. I, p. ai -53. pasiim.
'•^) G.Maspebo, Hisl. anc. des peuples de l'Orient classique , I, p. ^3o et suiv.
W Cf. H. Gadthibr, Livre des Rois, 1. 1, p. 7^ et 78.
(') W. Max MïiLLER , Bemerkungen iiber einige Konigsnamen , dans le il<e. de
Trav., t. IX, p. 176-177.
MÉLANGES. 95
L'apocope graphique du pronom régime de la première
personne, ^2)' ^!2l' ^^^ constante, comme d'ailleurs
celle du pronom sujet, dans les inscriptions de l'époque thi-
nilo-memphite. Le plus souvent, il est vrai, cette apocope
n'est que partielle, et l'on note soigneusement le ^ de \ ^,
sans doute pour éviter des erreurs d'interprétation. Mais elle
|)eut être totale. Ainsi l'on trouve P|^ pour P|^^*** et
O^^f^), «^^(^^Jpour ©>^> et i^@^w;^.
Or, il semble diflicile de voir, dans le nom de | ^ @ ^ ■<
autre chose qu'un nom théophore composé sur le modèle de
î ^ 0 ^ « — ^. Au lieu de Hnwm , le dieu protecteur est ici
Hr. L'orthographe |^, l<=L>\k^' P^^^"" ^ ^^^ constante aux
temps memphiles, oii l'écriture est presque purement phoné-
tique. On s'en convaincra aisément en parcourant les inscrip-
tions des pyramides de Saqqarah ou celles des mastabas mem-
phites. Un exemple tout à fait typique nous en est fourni par le
tombeau thébain de ^7^ (xf dynastie). Dans toute la région
de la tombe où les textes paraissent avoir été empruntés à un
vieux manuscrit memphite, le nom du propriétaire est, par
raison d'harmonie orthographique, régulièrement écrit |^
7^''*^. Partout ailleurs, c'est la forme \^7*7 ^"^ prévaut (^'.
Il me paraît donc que le nom du baron d'Elephantine,
lu jusqu'ici Herchuf, Hirkhouf, est à lire correctement
!,i ® > - - ! i ( V) ^ > - ( > âl) . Ur-h«>-f-wé,
c'est-à-dire : Horus me protège.
WORMS.
'"' Gautuieh, Livre des Roit , 1. 1, p. 04.
'-) Id., ibid., t. l, p. 75, 78.
'^) lD.,ibid.,l. l,p. 7^.
'""^ Masi'Ebo , Trois années de fouilles dans les tombeaux de Thèbes et de Mem-
phis, dans les Mémoires de la Mission du Caire, t. I, p. 187 et suiv. , 1. i, G,
17, etc.
'** lu., ibid, ^. i48 et suiv. , I. ly^ , 200 , 207, etc.
COMPTES RENDUS.
Aujjusle Coun, professeur à la chaire publique d'arabe de Constanline. Li
DiyASTiE MAiiocAiNE DES liEM Wattas {iùao-i55â). Tlièse complémentaire
pour le doctorat es lettres. — Constantine, D. Braham, 1920; 1 vol. in-S",
aie pages et une table généalogique.
Dans l'histoire du Maroc, la dynastie des Banou-Wattâs vient s'inse'-
rer entre les Mérinides et la dynastie sa'dienne. Elle était reste'e jusqu'ici
dans la pénombre; à un moment où une foule de documents nous per-
mettent de constituer l'histoire du Maghreb el-Aqçâ et continuent l'ex-
ploration scientifique de l'Afrique du Nord, il était bon que la thèse
complémentaire soutenue par M. A. Cour devant la Faculté des Lettres
de l'Université d'Alger vînt jeter un peu plus de lumière sur des événe-
ments qui s'étendent de i/i65 à i554 et sont assez difficiles à suivre
chez les auteurs indigènes. En comparant les données de ceux-ci avec
les renseignements puisés chez les chroniqueurs portugais, M. Cour a
décrit une série de transformations successives qui font comprendre
l'état d'anarchie dans lequel s'est complu ce malheureux pays , et a amené
sa ruine.
Avant d'être souverains d'une partie du Maroc (car c'est surtout la
région de Fez où leur pouvoir était le mieux assis), les Banou-Waltàs,
formant un groupe à part dans l'ensemble des tribus mérinides , avaient
déjà joué un rôle important dans le royaume qu'ils devaient renverser.
Vers i3o3, on trouve l'un d'entre eux ministre du suhan mérinide
Abou-Rabî'a Suléïmân et un autre, frère du précédent, chef des troupes.
Les descendants de ces deux personnages occupèrent des postes émi-
nents. Abou-Zakariyâ Yahya, gouverneur de Salé, proclame sultan le
dernier des Mérinides, 'Abd-el-lla(jq, fils d"Abou-Sa'id , alors âgé d'un
an, et se met à la tête des affaires avec la quaUté de régent: c'est au
nom de ce dernier qu'il s'empare de Fez en lAaÔ. A sa mort, son neveu
'Ali ben Yoûsouf prend le pouvoir; il est tué en iû58 et remplacé par
son cousin Yahya, fils d' Abou-Zakariyâ , massacré par ordre du sultan
COMPTES RENDUS. 97
après soixante-dix jours de gouvernement. Ce meurtre, d'ailleurs, ne
j)rofita pas à 'Abd-el-llaqq, qui, peu après, à la suite d'une sëdition,
fut égorgé dans une des mosquées de Fez.
Mohammed ech-Gliéïkh, échappé au massacre de sa famille, élève
alors des prétentions au trône et s'empare de Fez en i465. Ses descen-
dants et successeurs, Mohammed el-Bortgali (iSo/l-iSaô), ainsi dé-
nommé parce qu'il avait été emmené au Portugal en qualité d'otage,
Abou'I-Abbâs Ahmed (i 59 5-1 55o), Abou'l-llasan 'Ali dit Bou-llassoûn
(i55i-i55/j), menèrent une existence agitée. Leur pouvoir était, en
effet , précaire. Les Portugais prennent Açila en i (4 7 1 , et débarquent
en i5i5 à Anfa, déjà ruinée par eux en i468, et y créent une nouvelle
ville sous le nom de Casablanca (Dâr el-Béïdâ); ils tiennent à peu près
toute la côte et poussent des incursions dans l'intérieur. Pour lutter
contre ces ennemis, les confréries reh'gieuses s'arment et proclament la
guerre sainte. Elles deviennent ainsi un puissant soutien de la dynastie.
Toutefois l'accroissement de pouvoir et d'influence qui en résultait pour
les chefs religieux fait de ceux-ci des personnages redoutables, qui insti-
tuent pour leurs zaouïas une sorte de droit d'asile appelé horina. Mo-
hammed ech-Chéïkh s'appuie sur les chérifs et accueille ceux qui sont
chassés d'Fspagne par la conquête des Castillans. Pour contenir ce
monde religieux , trop disposé à faire prévaloir ses propres tendances,
les Waltàsides organisent des contingents armés tirés des tribus arabes,
désignés dès cette époque par le nom de makhzeii, en usage aujourd'hui
encore : c'est en effet de leur temps que l'on voit apparaître cette expres-
sion pour la première fois, non dans les auteurs arabes, qui ne la trou-
vaient pas assez classique, mais dans l'usage courant, attesté par les
narrateurs chrétiens (p. lo/j). Somme toute, ils luttent contre l'anar-
chie, et n'arrivent pas à l'enrayer : les Berbères, retirés dans leurs mon-
tagnes, n'obéissent guère ou pas du tout au pouvoir central; c'est l'état
du Maroc avant l'occupation française.
Mourid'i (p. 78, n. 9) ne peut signifier rrcelui qui est abreuvé aux
sources spirituelles « , pas plus que tnouridin (p, 76) n'a le sens d'fraspi-
rants à l'abreuvoir spirituels ; on dirait d'une confusion avec la racine
ivarada. Mourid, c'est celui qui, en salFdiant à un ordre religieux, a fait
preuve de bonne volonté ïi\ A [%ftn?> que ce mot a chez les mystiques),
par suite trdisciple d'un chef de confrérie^ [tnourchid trdirecteur spiri-
tuel"). Quant à mouridl, c'est un ethnique qui veut dire adescendant
d'un mouridl) ou se lattachant à une personne dénommée Mourîd. — La
note 3 de la page 78, sur el-Khidr, ne contient que des renseignements
très insuffisants sur le caractère de ce personnage mythique.
9» JANVIER-MARS 1922.
Page 80. irAllianibra, palais des émirs BenouM-Ahmai-'i; ce membre
de phrase semble ëlablir une corrélation entre le nom de cette dynastie
et celui du célèbre palais de Grenade; mais on sait que celui-ci lui est
antérieur, et que son nom est probablement celui d'un lieu-dit sur l'em-
placement duquel la construction en a été effectuée. — P, i36. rrHluiib
(sic) so'oiidn et n. 1 : ffla rue du Bon augure ou de la Montéer; l'or-
thographe n'est pas la même dans les deux cas; le bon augure, c'est
so'oùd; mais la montée, c'est ço'oùd.
Cl. HUART.
J. Deny. GnAitiiÀinE DE LA LAyaiE TtfiytE (dialecte osmanli). — Paris, Le-
roux, 1920; 1 vol. in-12, xx\-i2i8 payes (Bibliothèque de l'Ecole des
Langues orientales vivantes).
Bien qu'il se défende, dans sa préface, d'avoir voulu faire une gram-
maire historique du turc osmanli, M. J. Deny a été amené, par la force
des choses, à ne point négliger le côté historique de son travail, c'est-à-
dire la comparaison des formes ée l'osmanli actuel avec celles de l'os-
manii ancien , dont les formes vieillies et désuètes ont souvent conservé
des traces de leur origine; il a dû comparer celles qu'offrent les divers
dialectes, soit actuellement vivants, soit attestés par des écrivains ori-
ginaux; il a recouru aux autres idiomes du groupe des langues turques,
et cela mène loin; sa grammaire est donc, non seulement historique,
mais encore comparative, et c'est ce qui en fait la valeur. C'est la pre-
mière fois qu'en langue française, et même en une langue étrangère
quelconque, on présente au public un travail aussi complet, aussi
étendu, aussi consciencieux: de longues années y ont été consacrées, et
même la dernière guerre, pendant laquelle l'auteur, mobilisé, a pu
j'endre d'importants services relevant de ses connaissances spéciales, si
elle a retardé jusqu'en 1920 l'impression commencée en 191^», a per-
mis de léuuir un ceitain nombre d'observations que le présent volume
contient sous forme d'addenda.
Renonçant délibérément à faire entrer de force les faits grammaticaux
dans les cadres de la grammaire française, latine ou arabe, M. Deny a
adopté une terminologie en grande partie nouvelle qui paraîtra quelque
peu rébai'bative au lecteur non prévenu, et qui a subi Tinlluence de
M. A. Meillet et surtout du regretté Robert Gauthiot. C'est ainsi qu'on
trouvera les termes suivants : indice de rappel, épithète complexe, base,
modificateur, quasi-passif, pro-participe , thème, quasi-proposition, qui
sont nouveaux ou dont l'apidication au turc n'avait pas encore été pra-
COMPTES RENDUS. 99
Uquée. L'indice de rappel, c'est le pronom possessif sullixé î dans le
type coban-m ev-i rrla maison du berger*^. L'épithète complexe esl un
des proct'de's par lesquels les langues turques remplacent les pronoms
relatifs qu'elles ne possèdent pas; soit le groupe de mots ffla maison
dont le toit est rougen , nous aurons dam-î qirmlzi ev; c'est l'épithète
complexe. La base, c'est la racine; le second terme est emprunté à la
botanique, le premier à la géométrie ou à la chimie; il suffit de s'en-
tendre. Le modificateur est le suffixe verbal de dérivation pour exprimer
la voix, comme In dans ed-in-mek de et-mek. Le quasi-passif, c'est le par-
ticipe qui a une forme active et un sens passif, type : oqu-yagaq khah
ff livre à lire», c'est-à-dire rfà être lu^i, legendus. Le pro-participe , ce
sont les formes en -dik pour le passé et -e^]ek pour le futur, munies du
suffixe possessif, dans sev-diij-lm (sev-('îreij-ini) ev ffla maison que j'ai
aimée (que j'aimerai )t. Le Ihème est un complexe composé de la base
verbale (racine) suivie du signe thématique tel que -ijor- indiquant
l'action présente dans sev-{i)-yor-um , -r- de l'aoriste dans sev-er-im, etc.
La quasi-proposition est un groupe suboraonné qui est terminé par une
forme nominale du verbe, nom d'action, infinitif ou gérondif. Celte ter-
minologie ne va pas sans inconvénients, et l'auteur l'a bien senti, puis-
qu'il parle, pour en rejeter l'idée, rrde l'avantage qu'il y a à ne pas
dépayser l'élève français qui aborde l'étude du ttirc«. Cette grammaire,
en effet, est conçue pour être à la portée des agrégés de grammaire, ou
de ceux qui aspirent à le devenir; la compréhension en sera, je le crains,
pénible pour les non-initiés aux arcanes de la grammaire comparée. Il
n'importe; le maitre sera présent pour guider les pas chancelants des
commençants , qui en général n'éprouvent pas d'amour immodéré pour
ces études abstraites et n'ont conservé de la grammaire française qu'une
certaine répulsion pour les tei-mes techniques (ju'elle a été forcée d'em-
prunter au latin. L'impression eu caractères plus petits des passages spé-
cialement consacrés aux formes anciennes du langage, aux expressions
dialectales ou aux comparaisons avec les autres idiomes turcs, permet de
procéder à une discrimination qui met en bonne vue les faits princi-
paux , réservant l'étude du détail à des recherches plus approfondies.
Une bibliographie très étudiée donne la nomenclature des ouvrages
cités dans le texte, parmi lesquels on remarquera le ti'ès important dic-
tionnaire arabe-turc de Mahmoud ben el-Husséin el-kachghari , D'iwàn
loghùt rt-ltirk, terminé en h()(j (107/») et récenunent publié à Conslan-
tinople en trois volumes (i333-i335 hég.); une liste des ouvrages uti-
lisés et non cités (ce sont des grammaires en langue turque), et une
liste de grammaires de l'osmanli <mi langues européennes. On regrettera
100 JANVIER-MARS Î9iî2.
que l'auteur n'ait pas utilisé le Lehdjè d'Ahmed Véfiq-pacha , qui n'a
pas toujours été bien entendu par Barbier de Meynard , ni le dicliou-
naire turc-français en caractères latins de R. Youssouf (R. P. Giuseppe
Reali).
Dans une introduction, M. Deuy traite du turc au point de vue de la
classification des langues et de ses caractéristiques morphologiques
générales; il indique sa place dans le groupe des langues turco-latares ;
il énumère ses divers dialectes, d'après RadlofT; il donne, d'après des
documents russes , une statistique des divers peuples , peuplades , grou-
pements, tribus, pratiquant cet idiome; une carte géographique permet
de se rendre compte d'un coup d'œil des aires respectives occupées par
ces divisions. Une première partie est réservée à l'écriture et à la tran-
scription de celle-ci en caractères latins; une seconde à l'étude des sons:
une troisième à celle de la syllabe; une quatrième à celle du mot; une
cinquième aux parties du discours; une sixième au groupe de mots,
c'est-à-dire à la syntaxe.
Quelques observations de détail n'enlèveront rien à l'importance consi-
dérable de ce travail. Page 26. ffô correspond à eu français moyen dans
jeune -n , c'est-à-dire lout simplement à Ve muet de Je; mais il y a aussi
des cas oii 6 se rapproche de ïeu de jeûne (sans allongement), par
exemple bôijulc [=biii/iik) rr grand 'i ; Jiôtû rf mauvais 'i ; dôn-mek rr tourner r.
— P. 27. ff/l correspond à a français moyen dans Pniis.-^ Il y a au
moins deux a différents, par exemple hat-maq rr s'enfoncer 55 , où le second
correspond bien à la définition, mais où le premier (syllabe radicale)
est un a plus sourd se rapprochant de Va long de pâte. — P. 53. yel
qovan rr girouette, l'aiguille des secondes d'une montrer ; ajouter ff alcyon"
[lelidjè : espèce de mouette). — P. 60. Une liste donne rrtous les mots
usuels qui contiennent le son y {g prononcé y)-r>; on a oublié ^JJb^5^
bôyiirllen rr framboise ^ , '^■S)\ zûyùrt ff misérable n. — P. 61. duyûn crnoce,
cérémonie de la circoncision 55 ; cette dernière s'appelle siinnet. — SuyiH
ff viande froides ; c'est du bouilli.
P. 78. ffLe mot pasa vient de bas a'a-^ [bas-aya]. C'est peu pro-
bable. La graphie »Lib est attestée en 8o3 hég. dans Ibn-Taghri-birdi ,
ëd. Popper, t. VI, part I, p. 85, 1. 1 5, et en 808 hég., id. op., p. 175,
1. i5, et p. 177, 1. 6. L'amuissement du i est invraisemblable à cette
date. Le Mésdlilc el-Abçàr de Chihâb-ed-dîn el-'Omari, analysé par Qua-
tremère, Notices et extraits, t. XllI, et Munedjdjim-bachi parlent bien
d'un Suléïman-pacha , prince de Castamouni de la dynastie des Qîzîl-
Ahmed-lu (voir Cl. Huaut, Un commentaire turc du Qoran, dans le Journ.
as., 1921, t, 11. p. 162), mais Ibn-Baloûla lui donne le titre de pàdi-
COMPTES RENDUS. 101
chah (t. II, p. 363). Djévad-bey, t^tat militaire otloman (irad. franc.,
t. I, p. 20, n. 3), semble admettre la même étymologie que M. Deny,
quand il dit : ffCe titre semble apparaître pour la première fois lorsque
le sultan Osman le conféra à son fils aine Ala-eddin; Orkban, son liis
puîné, le conféra également à son fils aine Suléïman, qui commença la
conquête de la Thrace. Murad I" n'ayant pas de fils en âge et le prince
Savdji-bey prétendant au trône, le sultan donna ce titre à Tchendéré-li
Kara-Khalil, cazasker, déclarant ainsi qu'il le considérait comme son fils
aîné. C'est le premier fonctionnaire qui fut appelé au poste du Vézirat,
et depuis lors le mot de Pacha devint un titre olliciel."
P. 81. i^^^ iôhret rf célébrité, nomn. C'est ])our traduire l'idée mo-
derne de crnom de famille -o que les Turcs se servent de ce mot; quant au
nom véritable de l'individu, nomen, notre rr prénom n, c'est isim. —
P. 98. ^y^ hazm ff décision, caractère décidé^. Ce mot arabe désigne la
ff prudence" ; ffdécisioni est ^eim. — P. i56. Le sufiixe du pluriel régu-
lier arabe un s'appli(pie extraordinairement au mot persan nâm anonm
quand il est question de plusieurs personnes : 'ali ve ahined nâmûn kimse-
ler ffles individus nommés 'Ali et Abnied^; celle expression hybride est
spéciale aux rapports de police. — P. iSy. Le suflixe possessif leri ne
peut s'employer avec le pluriel du nom; on ne dit pas eo-ler-leri ff leurs
maisonsn , contrairement à l'énoncé; on dit ev-leri, de sorte qu'il est
impossible de savoir, sauf par le contexte, s'il s'agit de ffleur maison n ,
ff ses maisons" ou ff leurs maisons n. — P. 317. ffLe pronom français
ffrienn n'a pas de correspondant en turc ; on emploie en ce cas le per-
san lue; cf. p. 221, § 335; p. 285, S /j/ig et p. 291, 8 ^Sg.
P. 287. mas mavi fftout à fait bien" , lire ffUeu" (faute typogra-
phique). — P. 260. là ijiinqali', lij-e là i/anqali. — P. 278. kiirre ffla
terre", lire hm'e; g'ecen liejïe (lire liafta) traduit par ffun jour"; c'est
ffla semaine passée". — • P. 296. qazan-amaz^ ffil ne gagnera pas";
plutôt ffil ne pourra pas gagner". — P. 3 12. yaiha mat est bien une
ff demi-heure", mais sàat ijarim veut dire ffune demi-heure après le cou-
cher du soleil (commencement de la journée civile)". — P. 33g. cift
est le persan ^^nft frpair, paire" ; cf. Geiger et Kuhn, Grundriss der Iran.
Philologie, t. I, 2* part., p. 79 (P. Horn). — P. 3/12. terùiije-li est
bon, mais terbiyye-li indiqué entre parenthèses n'existe pas. — P. 344.
demir-gi est ff forgeron"; maréchal-ferrant se dit na-l-bend. — P. 4o3.
L'amuissement de la sitHante sonore dans sev-me-m pour sev-me>im, etc.,
est un phénomène qui se rencontre dans d'autres groupes de langues.
— P. 4o5. Je n'aime pas la traduction de mûzi-i-naqli par rpassé tra-
ditionnel", ce qui semblerait vouloir dire ff conservé par la tradition";
102 JANVIER-MARS 1922.
je prét'firerais frpass^ nai'raliC-'. — P. lioi). mihiafjhil rravenirr est |)ro-
prenienl viiisl((qlicl, les noms de temps, dans les ("ormes verbales déri-
vées , en arabe , ayant , comme les noms de lieu , la même forme que le
participe passif. — P. 4i5. Dans la dernière pbrase citée, è-> •>y^^.
sJ!^ ffou bien encore plus tard (que la deuxième période)'^ n'a pas été
traduit.
P. Soa, 1. 7. jLs: iiiedjal-i rfsa possibilité^^ est transcrit hàl-i par inad-
vertance. — P. hh'è. Jhildaq n'est pas seulement une girouette, mais
encore une toupie. — P. 5^17. vnh-li r clouée , du persan vilx- — P- 5A8.
Le sullixe me. peut prendre le sullixe du diminutif, -jyc, dans les mois
hUme-ge ff énigme de bilme rr savoir r, cekmege ff boîte h tiroirs, pont-
levis" de cehne rtiroirr. — P. 577, yaq-î est un cautère, un vésica-
loire; «cataplasmen est lapa. — P. 08A. La définition du paragraphe 87A
est trop générale, puisque la postposition siz ne gouverne pas ie génitif
des pronoms personnels et démonstratifs (cf. p. 588). — P. 887. Au
lieu de frDieu protège*-, lire rraide, secourt?» (yardm-gî). — P. 690.
A propos de l'expression egl-i iciin, l'exemple cilé n'est pas adéquat,
puisque celle locution n'y figure pas, à moins qu'on ne le corrige dans
ce sens. — P. 5t)2. rr Godets de fontaine publique^ ; ce sont plutôt des
gobelets. — P. 801. frPierre meunière^ , lire rrmeulièrei (faute typo-
graphique). — P. (J09. rrFauteur'n, lire ffcoupablc'^. — P. 628. »£^
dUvJ ii'esl pas ff s'agenouiller ^-i mais fse courber en deux", posture de
la prière canonique. — P. 63 1. frDes hérosii , lire rrdes hérauts ^^ (faute
typographique). — P. 658. Dans la dernière phrase, 'alâ-l-eksev ffpour
la plupart" n'a pas été traduit. — P. 662. J^l «^ signifie, non ffles
gens de bien", mais rfles gens de goût", sens que taU a en persan. —
P. 669 , dernière phrase. La faute qui consiste à éciire la conjonction ^
au moyen d'un zammé est empruntée à une graphie fréquente des co-
pistes ])ersans; dans celle dernière langue, la conjonction 0 est encli-
tique du mot qui la précède. — P. 67^. La négation *j . . .*j répétée
est sùi'ement empruntée au persan.
P. G78. ».^ iyij ffau comptant", lire ffen espèces sonnantes"; au
comptant est pèsin para. — A la note, ajouter certains noms propres :
Yiinus-Emrem, 'AUq-pamm, Qocam-sei/yidi , Hdgim-sult/m, cités par Kieu-
priilii-zâdè , Itic muteçavvif-Ier, p. 992, note. — P. 685. Dans le dernier
exemple, uql est traduit par rresprit", tandis (ju'il faut rf raison». —
P. 716. ialm j.^s^ dcyil-mi t n'est-ce pas évident ?', plutôt ff naturel".
— P. 725. L'interjection licyhat est empruntée à l'arabe. — P. 727.
zinhâr est persan. — P. 728. Pour dire ffgare!" les portefaix emploient
encore l'expression doq-un-îna-sin rrque [cela] ne | vous] atteigne {)as!".
COMPTES RENDUS. 108
— P. y'io. Los redif ne sont pas des soldats de réserve (Ihllyàt), mais
l'armée territoriale, Laïubrclir. — P. yAô. nifitia frevi: ff noyer sculptét,
lire oyina. — P. 747. Le yacluiuiq (dont i'usage a d'ailleurs disparu)
n'est pas tout à fait un frbandeau hlanc transparent '^ , mais une voilette
de tulle blanc qui fait le tour de la tête en couvrant le front et les che-
veux: et est ramenée par devant pour cacher le menton et le nez, ne
laissant voir directement que les yeux.
P. 70/1. Pour que l'exemple allégué ^^^w-oLtaJU t$l-«, *IaXc porte tout
son effet, il faut supprimer l'épithète, car cette expression ne peut faire
au génitif Galala seray-în et au datif Galata seray-a. — P. 760. La fête
des sacrifices ne correspond pas à la Pâque des Musulmans; car si la
Pàque termine le carême, c'est le kùcùk bairam (vulg. sek'er bairam) qui
clôt le jeune du Uamazan. — P. 762. barbunya est, non le «• barbeau de
mer 5^, mais le rouget {^MuUm barbatus, Percoïdes), espèce d'ailleurs
voisine. — Tere ot-u est l'aneth, sorte de fenouil, non le cresson (les
dictionnaires traduisent ainsi, mais c'est une erreur). — P. 768. oda
basl. C'est le concierge ou portier des hân (caravansérails) et aussi des
maisons de rapport à appartements. — P. 788. Jl-^^ est emprunté tel
quel au persan. — P. 796. rr Reis. . . aujourd'hui : chefs des pompiers
volontaires. 1 Ajouter : ff président ^j. — P. 796. A Alger, le dpy, chef
des Janissaires, était constamment en lutte avec le pacha envoyé de
Constantinople. — P. 812. Dans la phrase citée, on a omis de traduire
kemid-i harâredc ffdans le plein de l'enthousiasme 'i , ce qui montre bien
que (riizel n'est pas ffjoliT^, mais (rbeau^^.
P. 879. Dans la phrase citée, tu>lu fr poussiéreux ^ , lire to:-lu (faute
typographique). — P. 88A, 1. 37. havâli-si a été oublié dans la traduc-
tion : fLes environs (d'Ak-Kerraan)^. — P. 887, 1. 3. ahmm-n qarïb
f vers le soir^ manque dans la traduction de la phrase citée. — P. 900 ,
I. 8, lier mule-nin havgi deyil-dir rce n'est pas l'affaire de tout estomac 1
est traduit par ffcela demande un bon estomac^. — P. 909. Dans des
phrases comme 0 k'ôy sapa dîr w c'est un village perdu, loin de toute
route n, et iki mil yoldan sapa oha ffsi c'est à deux milles de la routes,
il est diflicile de déterminer si sapa est adverbe ou adjectif. — P. 911,
1. 16. av qus-lar-l ne sont pas des oiseaux que l'on chasse, mais ceux qui
servent à la chasse (faucons), les rapaces. 11 ne faut pas traduire par
ff gibier 1. — P. 919. Dans la légende des Sept Dormants, Dakyanifs
n'est pas Dioclétien, mais l'empereur Décius. — P. 920 , dernière phrasé.
»U. doit être une faute d'impiession pour ^^U. , à raison de la Iraductio'h
fflleuvei. — P. 980, 1. 6. L^JJ\ o^ J^, lire cjUoJI. — P. 996. A
côté du suflixe -{y)i{j('k il a existé dialectalement une forme élargie
lOi JANVIER-MARS 1922.
-{y)i^eyei analogue au -(y)inget de la page 999 et allestëe dans des vers
de yïmiis Emrè (pièce n° 78 de mon manuscrit) :
(^JLùoj^iJ jiCacs^^^ »>>^ J-ilb wUll?
Les montagnes , les pierres se prosternent quand elles voient les derviches.
P. io33, i. 12. Istambol paytaht ol-duq-dan sonra «après que Constan-
tinople fut piise^i , lire rr après que cette ville fut devenue la capitale [de
l'empire]'). — L. i3. eii sonra rret plus tard encore », lire : fren tout
dernier lieu ''. — P. 1089. i mârel .nfouv banal pour les pauvres». Ce
sont des hospices pour étudiants en théologie pauvres , attenant aux
mosquées impériales, et aujourd'hui presque déserts. i,j^.U est naturel-
lement une faute d'impression pour 4^U. — P. lohli, 1. 10. Le mot
yjo a été omis. — P. 108I1. iniiseviede rrminute (de lettre officielle)»
est correct, mais la prononciation fautive miisvedde (= part, ix*^ f.) est
courante dans l'administration ottomane. — P. io85, 1. 8. Btlâ aman
r impitoyablement» a été omis dans la traduction. Ghulât revâjh «héré-
tiques les plus effiénés» ne peut désigner que les Chi'ïtes outrés, comme
c'est d'ailleurs le cas pour les Bektachis. A la ligne 21, Tôhfet-id-Bihâr
est visiblement une inadvertance pour tôhfet-itl-hihâr, titre donné exacte-
ment par ailleurs. — P. 1092 , 1. 20. ftmizâg, vulg. pour miga: rr santé» ;
ces deux mots doivent être intervertis, car c'est inizâg qui est la bonne
forme empruntée à l'arabe traduisant le grec crvyxpaafs ff mélange [des
quatre humeurs], tempérament». — P. 1096. halayîq «servante» serait
mieux traduit par «odnlisque». — P. 1099, 1. 1. hal-iha Inh k'erre
suhùr et «bénis le ciel», plus exactement « remercie[-le] mille fois de ta
situation». — P. 1 108. Si der-iiir-mek devient en osmanli moderne dev-
sir-mek, c'est une dissimilation , non une assimilation. — P. 1128.
tavan n'est pas «toit», mais «plafond». — P. 1182. ^U traduit par
«charpentier»; ne serait-ce pas une faute typographique pour^Uc?
La grammaire de M. Deny marque un pas décisif dans le progrès des
études turques , non seulement chez nous , où nous ne possédions aucun
ouvrage en approchant, mais même à l'étranger, où cet ordre de recher-
ches avait été poussé plus avant. Elle sera la base d'une grammaire com-
parée de tout le groupe, dont les documents accumulés aujourd'iiui
permettent d'entrevoir la réalisation. Elle peut servir de point de départ
à un dictionnaire historique qui nous manque : il est clair, par exemple,
que le sens de «girouette» donné à fivildaq et à yol-qovan est moderne,
car l'ancien Orient ne connaissait pas ce moyen d'indiquer la direction
du vent; à Bagdad, le sommet du dôme vert qui couvrait la seconde
COMPTES RENDUS. 105
salle d'audience du khalife el-Mançoûr était surmonté de la m'epiésenla-
tion d'un cheval portant un cavalier^ (G, Salmon, L'Introduction topo-
graphique à l'histoire de Bugdddh, p. 87); et l'on savait si peu que c'était
une g-irouette, que tout le monde croyait à l'existence d'un talisman
indiquant la direction où devait éclater une révolte.
CI. HUART.
Louis BnuNOT. L.i Mer dans les tkaditioxs et les industries ixdioIuses à
Babat et Salé. — Paris, E. Leroux, 1931; 1 vol. in-S", xiv-358 pa{{es;
h cartes et plans, iG figures dans le texte.
M. L. Brunot, chef du service de l'enseignement des indigènes à la
Direction de l'Instruction publique du Maroc, a consacré sa thèse de
doctorat à l'élude des questions maritimes , au double point de vue des
traditions populaires et de l'industrie indigène, dans la région de Rabat
et de Salé, surtout de la première de ces deux villes jumelles, puisque
Salé n'est plus un port depuis longtemps. Les deux localités, d'ailleurs,
étaient ruinées au xni' siècle ; lorsque les Arabes chassés d'Espagne par
les conquêtes des chrétiens, monscos proscrits ou hornacheros fuyant
d'eux-mêmes, vinrent s'établir à l'embouchure du Bou-Regreg, c'est
Rabat qu'ils choisirent et reconstruisirent; c'est à Rabat que les cor-
saires salétins armaient leurs navires. L'auteur a étudié dans les plus
petits détails le sujet qu'il a choisi ; et comme il accompagne ses descrip-
tions des termes techniques transcrits en caractères latins d'après la
prononciation locale, il nous offre, au point de vue de la documentation
linguistique, uu riche vocabulaire du dialecte local qui servira de base
à l'étude phonétique et philologique du patois arabe parlé sur les bords
de l'Océan Atlantique.
La population arabo-berbère de Rabat n'aime pas la mer; elle en a
peur. Les pêcheurs ne prennent jamais le large; ce sont des Espagnols
qui s'en vont en haute mer chercher des sortes de poissons dont c'est
l'habitat et qu'on n'avait jamais vus auparavant sur le marché. L'Océan
est presque une divinité; ffon l'appelle le Sultan. . . mais en donnant à
ce nom le sens que les chrétiens donnent à celui du Démon n (p. 5); en
d'autres termes, sultan est un euphémisme pour chattdn. Quand la barre
a été mauvaise, les mariniers égorgent un bouc noir sur le rivage, au
mdieu de la nuit; il est censé offert aux riidl^ ssijdhl ff saints du littoral",
pour sauvegarder l'apparence islamique de ce saciifice; mais comme on
ne sacrifie pas de bouc noir aux saints, il est certain que cette cérémonie
a conservé son caractère païen. Les poissons ont aussi leurs légendes :
I(K) JANVIER-MARS 11)22.
pour Ips imligèncs, loin d'être miiels, ils parloiil. ils récilent un hkli
(|ui les protège; mais quand ils voient rajipnt, ils oublient leur /*(':// el
se laissent prendre ( p. 1 7G ).
Les aloses du Bou-Regreg sont constituées en bien luibous ou trafj f en
faveur des deux grandes mosquées de Rabat et de Salé (p. 3o3). C'est
un cas unique au Maroc; on l'explique en supposant qu'elles étaient
d'abord un bien tiiakhzen, c'est-à-dire domanial, et qu'elles ont pu être
par ia suite constituées en haboiis, contrairement au droit malékite;
aussi les rédacteurs du dahir du i5 djouniâda l" i334 (20 mars 1916)
en ont-ils été réduits à appuyer leur raisonnement sur ia longue durée
de l'état de fait. Le plus ancien document produit est, en effet, un dalilr
de Moulay Ismaël. petit-fds de Moulay Chérif, monté sur le trône en
1672.
Les marins se guident d'après les étoiles , mais les connaissances de
ceux de Rabat en astronomie sont nulles ou parfois erronées, comme
dans le cas de "Ipia rr=le lustre ^^ , qui est la grande Ourse (p. /i6),
tandis que ce mot, dans tous les pays musulmans, désigne les Pléiades
(cf. Noies le.ricographifjues , p. 92) et de "zzôhra rla brillanlei , qui est
pour eux l'étoile polaire , alors qu'ailleiu"s c'est la planète Vénus. L'auteur
a donc eu raison de' qualifier ces termes de r vocables sans précision ":
mais les traductions qu'il donne ont-elles toujours la précision désiiable?
Que signifie, en effet, nêznït sshàr [proprement : rr l'étoile du moisr»]
traduit scelle qui brille tout près de la lune^ ? La lune occupant chaque
nuit un espace différent dans le ciel, il devrait y avoir autant d'étoiles
ainsi dénommées que de mansions lunaires, c'est-à-dire vingt-huit.
Comme tous les musulmans, les Ribâtîs, habitants de Ribât el-Fath
(Rabat), croient que rrla terre est posée siu- les cornes d'un taureau, le-
quel est posé lui-même sur un poisson qui se trouve évidemment dans
une merrî (p. 27); il n'y a là rien de spécial à cette localité. Le poisson
est déjà dans les plus anciens exégètes du Qorân (cf. Tabarî, Tafstr,
t. XXIX, p. 8), dont un certain nombre admettent que la lettre noûn,
figurant en tête de la sourate lxvui, doit s'interpréter par le poisson
qui soutient la terre.
Un grand nombre de termes techniques sont espagnols, ce qui n'a
rien de surprenant; ce qui l'est davantage, c'est qu'il s'en trouve aussi
de turcs, comme M. Brunot l'a (ait remarquer dans ses Notes le.vn-olo-
giqties; ils ne peuvent être venus que par la Méditerranée. Page 66, ntli
rf littoral" est à rapprocher de JL», lui-même d'origine grecque (ai-) taXàs) ;
il serait intéressant de savoir si cdli ne viendrait pas directement de ce
dernier vocable. — P. 67. Intyd: frdétroil'' est turc; cf. Notes lexicoL,
COMPTAS HK-NDUS. 107
p. 16. — P. 81. iglés^W s'asseoit, se dil d'un navire qui échoue.
L'arabe classique ne connaît avec ce sens que la 11° l'orme (cf. Dozy,
SuijpL). Comparer le turc otuvmaq ffs'asseoir^ et rf échouer". — P. 11 3.
ffDeux parts" se dit lui ^ppuâi; dans le premier mot, nous trouvons
aisément une assimilation réfjressive pour zui ffdeuxn de l'Afrique du
Nord (proprement rr paire, couple^); dans le second, nous avons affaire
au turc pat rpart" (non rrpaye v , comme il est dil dans les Notes lexical. ,
|). 17) introduit par les corsaires de la Méditerranée et conservé par les
dialectes algériens (cf. Beaussier). — P. 178, n. 2. A Mostaganem, le
rouget s'appelle, entre autres noms, luiiridn haluq, expression turque
(littéralement ffpoisson-corailn), bien que ce soit plutôt la dorade que
l'on nomme ainsi à Constantinople. — P. aSi. rrLa poupe est appelée
. . . qac [d. Notes kricoL, p. 107). C'est le turc (fie, même sens. —
P. 270. "ddmânzi^le timonier, "IqalaJ'àt^le calfat, autres mots turcs.
Notons en passant "sstrdtor crmaître d'hôtel ou restaurateur ", qui semble
bien une réduction de ce dernier mot français (cf. l'algérien mostaifir
ffadministrateurn); l'expression synonyme "s-s/Vor nous rapproche de l'an-
glais .s/piiYnv/ (prononcé stiiird); cf. Notes lexicol., p. 67.
P. 334. ^1 Jl;.^^ (transcrit ihel lldr, p. 67, n. 1). rrLes Marocains
appellent ainsi Gibraltar. Ils ignorent la dénomination Iheltanq.-^ C'est
que cette dernière n'existe pas; Gibraltar est ^j.Lb Ju^, d'où provient
directement la forme ribâtîe, par suppression de la fin de mot atone ûy
et infixation de l'article. — Il est bien imprudent d'affirmer qu'rr on ne
trouve pas en arabe cette richesse de vocables des peuples marins pour
indiquer tous les aspects ... de la côten (p. 66), la publication pro-
chaine du Séïr es-sofon d'Ibn-Mâdjid par M. G. Ferrand démontreia pré-
cisément le contraire; il est vrai qu'il s'agit plutôt de la mer des IndeS.
En outre de quarante-six figures disséminées dans le texte, ce volume
contient à la fin le plan de Rabat, celui de Salé, une carte batliymétrique
de l'embouchure du Bou-Regreg, et un croquis du cours inférieur de
cette rivière, autant de documents importants à consulter.
Cl. HUART.
Louis BnuNOT. Notes lexicologiques suit le vocAuviAinE HAiimME de Rmiat
ET Salé. — Paris, E. Leroux, 1990; 1 voL in-8°, xvi-i5i pa^jes.
Après son mémoire sur La Mer dans les traditions et les industries indi-
giiiies à lîalmt et Salé, M. L. Brunot a [)ris soin d'étudier, ilans un voca-
bulaire spécial , les expressions maritimes en usage dans la population
108 JANVIER-MARS 1922.
indigène de la première de ces deux villes, en y adjoignant un certain
nombre de mots du dialecte de Mostaganem offrant quelque intérêt et
se rattachant au même groupement d'idées. Les mots sont rangés dans
l'ordre des racines arabes, vraies ou supposées; il était difficile de faire
autrement, si l'on veut grouper les mois de même origine, à raison des
préformantes. Deux remarques d'ordre général à propos de ce dialecte
de Rabat : les consonnes ont une tendance marquée à devenir empha-
tiques, et, quant aux voyelles brèves, elles sont à peu près supprimées :
elles sont remplacées pai' une sonorisation spéciale de la consonne. On
en arrive à parler sans voyelles (sauf les longues).
La transcription suit celle que M. W. Marçais a adoptée pour ses
Teates en arabe farlé de Tanger et en général dans ses travaux linguis-
tiques; elle est seulement simplifiée; les voyelles, quand il y en a, rrsont
variables souvent d'un individu à l'autre et très difficiles à noter exacte-
ment i. Cette remarque pourrait s'appliquer à beaucoup de dialectes
arabes. Les comparaisons de l'auteur portent surtout sur les dialectes
déjà étudiés de l'Afrique du Noi'd ; elles auraient gagné certes à être
étendues à d'autres domaines, mais il est peut-être difficile, au Maroc,
de réunir dans sa bibliothèque ou de trouver dans les collections acces-
sibles au public les travaux qu'il serait utile de consulter. La lecture de
ces pages nous a inspiré quelques remarques, que nous soumettons au
lecteur.
Page 8. Berrhna rfvrille, tarrière [lire tarière]?^ ne peut provenir de
l'esp. barrena, puisque nous avons le classique baruna et le syrien ber-
rima et herrina (Guche), de la racine baram fftordren. L'espagnol est
plutôt à rapprocher de la forme syrienne. — Bôrma « chaudron 5? est
classique. — Bermïl rr baril ti est méditerranéen, et je ne vois pas très
bien comment il pourrait venir de l'esp. barril (infixation de la nasale?);
on le trouve en Syrie (Cuche). — P. 9. Buda ffboussole?» est aussi mé-
diterranéen; cf. turc yusula. — P. 12. ff^j^U signifie rrqui a les yeux
hagards-^. C'est à propos du mot turc balïq rr poisson 75 qu'intervient
cette remarque. On trouve en effet cette racine avec ce sens dans Beaus-
sier ; mais où cette expression est-elle usitée ? On ne nous le dit pas. La
forme jàûl est rare en arabe et souvent d'origine étrangère. — P. 28.
(^y^ signifie aussi rcoulern et c'est de ce sens, non de celui de trcourirn,
qu'est dérivé celui de nrirâ. — P. 28. Si, rdans le dialecte, le ^ est
régulièrement remplacé par i dans la racine ^\, sauf pour les vocables
se rapportant au mariage^ , c'est que, dans ce dernier cas, on a con-
servé une prononciation savante de formes classiques. — P. 82. Jl:». ne
signifie pas originairement ffouvrir», mais «dénouerai (opposé à j-.^).
COMPTES RENDUS. 109
d'où découlent les autres significations classiques ou dialectales. — P. 33.
ff Rappelons que de ce mot [Mlq "Imd] nous avons fait la Goulette." Ce
dernier mot ne vient pas de l'arabe, mais de l'italien g-o/e/^a, diminutif
de gola tr gosier n.
P. 35. Hàiul, espace libre dans les embarcations, est le mot classique
qui signifie frbassin-^, auquel est comparé l'espace vide. — P. Sy. ^
est la bourre de soie; à Rabat, on appelle ainsi la mousse, marine ou
non. — P. 38. hlifa rr lieutenant'^ est néo-classique (Dozv, SuppL). —
P. A3, ddh ffavoir le mal de mem, proprement ffêtre pris de vertige^,
se trouve avec ce dernier sens en Syrie (Cuche). — P. hh. mràia ff mi-
roir n désigne la poupe carrée des petites embarcations; bien que l'au-
teur essaie de rattacher ce mot à l'esp. muralla rr mur^n , je crois que c'est
simplement le mot arabe bien connu , et que c'est la forme plate de cette
poupe, vue du dehors, qui l'a fait comparera un miroir. — P. 54. -"[«/?«>
fr[mer] violente^ est classique. — P. 55. zôr ffviolence faite à quel-
qu'un, injustice" est emprunté au turc, qui l'a tiré du persan. — P. 58.
sràb ffVoie Lactée ^ m'a tout l'air d'être sardb ffmiragen. — P. (ii.
skelléra rréchelle des passagers^ , esp. escalera, doit avoir eu aussi le sens
de iiaubans (auj. s"//«w), puisque nous avons l'expression rds "sskelUra
ffhunei (proprement fftéte des haubans -o ).
L. 70. sa?ba fféquerre de charpentiers (en bois) se rattache certaine-
ment à m'ba ffbrauchen et aussi «• pièce de bois (ou de drap)"; il en est
de même de la signification de rr directions différentes s . — P. 77. •ifàih
V rochers plats et lisses n est le pluriel de mflha , qui , en classique , désigne
ffune surface planer. — sjàr rr laiton n est classique par ressaut de la
voyelle pour sàfr. — P- 79- -^nàbâr <t sapin a est le cl. snnaubar rr pinn ; on
confond ces deux genres de Conifères dans l'Afrique du Nord; la Syrie
connaît sûh pour désigner le premier.
P. 80. ffL'étymologie de ce mot [sânzaq], avec ses deux significa-
tions si dissemblables [rr pavillon s et ff tribord ^i] reste énigmatique. 1 C'est
le turc ^3laÀ^ (de s(mj- fr pointer avec la lancen), qui a précisément ces
deux sens ; le second n'est pas donné dans les dictionnaires , mais je le
connais par expérience personnelle. C'est par tribord que, dans les na-
vires de guerre, abordent les personnes ayant rang d'oflicier; il y aurait
à rechercher si, dans l'ancienne marine à voiles, l'échelle de tribord
n'était pas placée plus près du pavillon de poupe (ce qui justifierait son
nom turc) que celle de bâbord réservée au service. En turc, bâbord est
isicele larafi ffcôté de l'échelle n. — P. 87. Le sens de fr diarrhée de
talq provient de celui de rr relâchement t). — P. 9a. ^àmûd ffperche,
110 JANVIER-MARS 19-22.
poulie- , etc. , est le classique ^âmtuL — P. 98. ^âin rrespèce, nature d'une
marchandise' dans l'expression ^asâro mn ^âim r payer les droits de
douane en nature^' [proprement : dans leur ipséité], est classique;
l'administration ottomane connaît les asyâ-i ^uimyije rr marchandises
données en nature en payement des droits r. — P. g5. f Le calendrier
julien employé encore par les indigènes est en retard de quelques jours
sur le calendrier grégorien,- Depuis le commencement du xx' siècle,
c'est de treize jours exactement qu'il est en retard. — P. 97. yânio
r gaffe 1 est méditerranéen; ajouter aux mots cités p. 98 le turc qànja.
P. 98. Du moment qu'à côté de y"nîma r butin- nous avons y" lima
ff mouton-, il est clair que la dissimilation constatée dans le second mot
provient, non d'une action purement mécanique [dans ce cas les deux
mots seraient pareils], mais d'une action psychologique, le désir de
différencier pour le sens deux mots de forme semblable. — P. 101.
Farada signifiant >- tailler un morceau de boisr , les autres sens en décou-
lent; quant au subst. fii'd rr part légale [ou plus exactement ffpart réser-
vataire"^ ] d'un héritage- , la signification qui lui est donnée par la langue
juridique dérive plutôt de celle de ff devoir obligatoire •« [imposé par la
loi musulmane, contrairement au droit coutumier des Arabes païens].
— P. io4. È^ôXxiov a déjà été indiqué par Vollers pour l'étymologie
de fulL: — r Dialectal /t///«//i = bouche, du classique sy> même sens.''
L'auteur s'est mal exprimé; fûmm ne peut provenir de fùh; il est
d'ailleurs absolument classique dans sa ïorme faiii"" , fit m"" (un des rares
mots bilitères de la lexicologie), où les dialectes ont géminé la seconde
consonne, comme dans yedd, idd. — P. 106. Qu'est-ce que qtibba frcou-
polc r, a de dialectal ?
P. 107. qabaq ir vaisseau cuirassé "i, expression de Mostaganem incon-
nue avec ce sens à Rabat, ne vient pas du turc qabaq r courage- [lire :
courge], mais de qapaq " couvercle "i; voir Barbier de Meynard, Dicl.
/HIT. — qàc est le turc qtc ff poupe t. — iuqdàj ff aviron "^ est classique
(ciljJL*); l'explication donnée p. 108 est inutile. — P. 12.3. knrâhii
ffintendant de la coi-poration des barcassiers ou de celle des portefaix-:
l'auteur a raison d'en rapprocher le tunisien karrdka ff galère, bagne-,
harràhji f forçat-; c'est le turc kurak rr aviron- et par suite ff galères ^
(peine infamante); l'esp. carraca, fr. caraque, est en conséquence exclu.
Gomment, de ffgarde-chiourmer . est-on passé au sens d'intendant d'une
corporation? C'est par l'oubli de la signification péjorative du mot. On
sait d'ailleurs que rexjiression de notre Code d'instruction criminelle
ff peine infamante n n'a pas de correspondant chez les Musulmans; pour
COMPTES RENDUS. lit
eux, aucune peine n'est infamante. — P. i3o. yj^L» est classique dans
le sens dV ustensile de cuisine^. En turc, matina est courant pour de'si-
gner la malienne; on écrit génëralemenl xj^L», mais la graphie *j^L«
existe également. — P. i36. makinislo rcmaitre mécanicien'' ne j)eut
avoir été fabriqué par les indigènes au moyen de Tesp. nid<iuiiia; oîi
auraient-ils pris le sulDxe -isio? Le mot a été emprunté tout formé, peut-
être à l'ital. inacchinista , par la voie de la Méditerranée.
Cl. HuART.
Prof. Dr. Albert Grinwedel. Alt-Kvtscii.i, abchaoiogische unu nELioioNS-
GESCIIICHTLICHE FOBSCHV^GEN .l.V TEMPEllA-GEMÀLDEH AUS BV DntlrSTISCHE^
HOHLEy DER EiisTEN ACHi' jaiihhvxderte nach christi gebvrt [ VerôfTenlii-
chunjj der preussischen Turfan-Expeditionen mit Untcrstùtzung des Bassier-
Instituts]. — Berlin, Otto Elsner Verlagsgeseiischaft , 1920; in-folio, 1 por-
tefeuille de 69 planches en couleurs, et 1 volume de texte de 189 -j-
118 pages -(- 3 feuillets non chiffrés avec 84 -f 89 figures, dont 7 hors
texte.
Les visiteurs du Muséum fiir \'r»lkerkunde de Berlin ont pu admirer
les belles fresques rapportées duTurkestan chinois par les archéologues
allemands. Celles qui proviennent de la région de Tourfan ont été somp-
tueusement reproduites en 1918 dans le Chotsclw de M. von Le Coq.
Restaient celles recueillies dans la région de Koutcha , et dont M. Grùn-
wedel s'était réservé la publication. Ce sont elles qui font l'objet du pré-
sent ouvrage; la magnifique série des planches en couleurs constitue
pour nos études une documentation d'un très grand intérêt.
A côté des planches, il y a un volume de texte. Les travaux passés de
M. Griinwedei étaient marqués au coin d'une science du meilleur aloi.
Cette fois encore, l'ouvrage témoigne d'une information fort étendue,
mais on y constate aussi avec stupeur la reproduction et l'utilisation de
nombreux documents tibétains plus que suspects. L'explication ap))araît
aujourd'hui, singulièrement triste. 11 paraît que la santé de M. Griin-
wedei est depuis quelques mois profondément ébranlée. Lorsque
M. Griinwedei a rédigé son livre , il est évident qu'il ne distinguait déjà
plus entre les données solides de la science et les chimères que peut en-
fanlei' une imagination troublée. Aous aurions scrupule à insister sur un
sujet pénible. Les lecteurs éventuels d\ih-Kuisclia ne devront pas ou-
blier que le vrai Griinwedei, celui que la maladie ne tenait pas encore,
a été pendant trente ans un bon ouvi'ier de l'iconographie bouddhique
et de la philologie tibétaine.
P. Pelliot.
112 JANVIER-MARS 1922.
CuAMi'AT Rai Jai>. Tue Key of Kxowledce. Second édition revised. —
Arrah (India), Central Jaina Publisliing Housc, igjy; in- 8°, cxxiv cl.
101)6 pa[jes.
— The Pn.iCTic.iL Patii. — lùid, 19 lO; in-8°, xxxi et 233 pages.
— SELECTioys mou fri4r.iM-D//.i/n/.i7î of BnAiiMACuAni Sital Prasadji. — Allah-
abad, Indian Press, i()ao; in-ia, 68 pages.
Ces trois ouvrages, si disparates quant h Te'tendue, forment une
suite logique oiî se reconnaît une parfaite unité de pensée, et ils
témoignent d'un sincère effoit intellectuel qui mérite de ne pas rester
inaperçu.
C'est de la science religieuse que l'auteur prétend donner la clef dans
son gros livre The Key of Knotvledge , et si c'est là une tâche irréalisable,
du moins a-t-il fourni à bien des âmes la nourriture spirituelle qu'elles
cherchaient, puisque ce livre, publié pour la première fois en 1918, a
atteint sa seconde édition en quatre ans. M. Champat Rai Jain se défend
d'être un savant; pourtant il est manifeste qu'il a fait de vastes lectures
et qu'il les a méditées. Non seulement les systèmes philosophiques de
l'Inde lui sont familiers, mais la Bible semble avoir été pendant long-
temps l'objet exclusif de ses réflexions. 11 la cite presque à chaque page
de son œuvre et lui emprunte même le titre de la plupart de ses cha-
pitres. Il n'est donc pas dans ses intentions de refuser à l'Ancien Testa-
ment et moins encore au Nouveau Testament la valeur morale qu'ils
recèlent. La Bible, toutefois, ne saurait être, pour un esprit moderne,
l'expression de la vraie et de l'unique religion. Pas davantage les autres
livres comme l'Avesta ou le Coran. S'agit-ii alors de fonder une religion
nouvelle, d'enseigner un Evangile inédit? En aucune façon , et l'auteur
ne caresse point de pareilles ambitions. Mais chaque livre religieux ren-
ferme d'inappréciables trésors de sagesse dont la synthèse pourrait bien
procurer aux hommes la solution des problèmes moraux qui les tour-
mentent. Dans ces conditions, n'est-ce pas faire une œuvre supérieure à
toutes, que de donner la clef qui ouvre les précieuses cassettes et de
permettre aux âmes de bonne volonté de contempler les richesses qu'elles
contiennent? Tel est le but de la AV^ of Knowledge : s'efforcer de conci-
lier les diverses doctrines religieuses tenues jusqu'ici pour irréductibles
l'une à l'autre. C'est l'Inde qui, bien entendu, dans l'esprit de l'au-
teur, doit fournir cette clef, et parmi les phiiosophies de l'Inde, il en
est une plus spécialement favorisée à cet égard : le Jainisme. rJai-
nism, est-il dit à la page 109^, is the Path of Liberation par excel-
lence, n
COMPTES RENDUS. 113
Cet ouvrage principal de M. Ghampat Rai Jaia est recommandable à
bien des égards. D'abord il est loyal et sincère. Puis il est profondément
pensé et il s'appuie sur une documentation large : Schopenhauer, Keuan
et même M. Bergson sont plus d'une fois cités. Enfin, au point de vue
maléricl, il est présenté avec soin, d'une façon commode et pratique. Il
s'achève par un glossaire des termes non anglais, c'est-à «lire sanskrits,
arabes, etc., par im index des références bibliques et par un index gé-
néral. Des feuillets blancs ont même été mis à la disposition du lecteur
qui peut y consigner ses réflexions.
Tel qu'il est cependant, ce livre reste incomplet. 11 signale la voie de
la délivrance et recommande de suivre les doctrines du Jainisme. Mais
il n'indique pas, ou n'indique que fort peu, ce que c'est que le Jainisme.
Cette lacune est comblée dans le deuxième ouvrage de l'auteur : The
Practical Path. Dès lors nous abandonnons le domaine de la spéculation
pure pour nous acheminer sur le terrain solide de l'exposition d'un sys-
tème. Cet exposé du Jainisme, ou plus exactement des principes méta-
physiques et moraux du Jainisme, est un des meilleurs qui me soient
connus. H débute par l'étude des méthodes de logique, les nayas et le
Hijàdvmla, pour aborder ensuite la théorie du karman et celle des caté-
goiies [laltims). Le tout conduit à des considérations générales sur la
pratique du dharma. D'excellentes classifications, parfois sous forme de
tableaux, jettent une vive clarté sur la nomenclature souvent si com-
plexe des Jainas.
Mais l'auteur est lui-même un trop fervent Jaina. 11 le montre dans
un appendice où il a voulu prouver l'antériorité du Jainisme non seule-
ment sur le Bouddhisme, ce qui est un point désormais acquis, mais
encore sur ce qu'il appelle l'Hindouisme, entendant sous ce nom la reli-
gion orthodoxe de l'Inde depuis les Védas. L'entreprise est chimérique,
mais la démonstration de M. Chanqjal Rai Jain est curieuse. Elle aboutit
à la conclusion que voici (p. Si3o) : ffHinduism in its very inceplion
was an oiïshool of Jainism , though it soon set ilself up as an indepen-
denl System of religion. In course of time it fcll under demoniacal
influence, the réaction against which is characterised by the intellectua-
lism of the Upanishads and ihe nielaphysical subtelely of the world-
famous Daislianas (schools or Systems of philosophy), Nyaya, Vedanta
and the like. llaving set ilself up as au independent System, it was
nalurally lorced to regard Jainism as a hostile creed, and some of the
Darshanas actually contain sutras which aim at refuling the Jaina views,
though whal Ihey actually refnt»- is not the Jaina Siddluinta as it is
XIX. 8
n/i JANVIER-MARS 1922.
uiulcrslood 1)\ Jainas, but iheir own fanciful nolions coiicerniii};- its
leachiug.''
L'oHvra^je se termine par un glossaire et un index général.
l'Ja petite brochure intitulée Sélections jrom « Alma-Dharma-^ consiste
en une série de passages extraits de divers auteurs jainas et traduits eu
anglais. C'est une manière d'apologétitpie par citations qui confirme
l'exposé théorique du Practkal Path. L'intention est excellente, mais la
réalisation est médiocre. En efïet, M. Champat Rai Jain a cru devoir
traduire d'abord les principaux passages d'un livre moderne, YAtma-
dliarnia, rédigé en hindi par Brahmachari Sital Prasadji. Parfois,
parait-il, il y a joint ses propres réflexions: mais comme il ne les a
marquées d'aucun signe extérieur, on ne sait au juste ce qui lui appar-
tient en propre et ce qui est l'œuvre du Brahmacharin. Ceci constitue
la première partie de la brochure. Une seconde partie, un peu plus
courte, est mieux conçue. Elle renferme quelques rr joyaux i [irems] em-
pruntés à de célèbres auteurs jainas, tels que Kundakunda, Pûjyapàda.
Padraanandin, Devasena, Amrtacandra. Amitagati, Padmaprabha et
Subhacandra. Cette seconde partie représente l'esquisse de la forme
qu'aurait pu prendre le livre tout entier. Il serait alors devenu le recueil
des pages les plus significatives écrites au cours des siècles par les
maîtres jainas. M. Champat Rai Jain possède les qualités requises pour
éditer une anthologie de cette sorte, qui serait le complément et comme
l'illustration de son Practkal Path.
A. Gdérinot.
Les Classiques du LÛniKyT. (Collection publiée sous le patronajje de l'Associa-
tion française des Amis de l'Orient et la direction de Victor Gololbkav. —
Editions Hossard, l'aris, rue Madame, n° ^3.
Tome I. La Légexde de Nala et Damât anti , traduite du sanskrit avec
intioduclion, notes et vocabulaire, par Sylvain Lévi; bois dessinés et gravés
par Aiidn'c KaiîI'elks, in-8°, 1990, i5i pages.
ffLes aventures do Nala et Damayanti sont un vieux conte de fées, dit
M. Sylvain Lévi, où l'Inde ancienne a glorifié l'amour conjugal. Le
thème en est simple : un Prince Charmant a épousé une piincesse Belle-
ol-Bonne; leur bonheur est |)arfai(. Mais un jour la [)assion du jeu saisit
le prince; il perd tout, ses trésors et la royauté; forcé de s'exiler en
COMPTES RENDUS. Il;)
vagabond avec son épouse , il se re'sout à l'abandonner piiitôl que île lui
imposer le partage de ses misères. Aussi sagace que constante dans
rinfortune, la princesse finit par retrouver son époux."
Tome II. La Marche à la Lumière, Bodhicaryâvâtara , poème sanskrit
de Çantideva, traduit avec introduction par Louis Finot; bois dessinés et
gravés par H. Tirman, in-8°, 1990, 1G7 pages.
ffLe BodMcarijàvâtara , dit M. Finot, est un poème bouddhique en
918 vers et 10 chapitres, dont le titre, que nous avons rendu un peu
librement par La Marche à la Lumière, signifie littéralement : hitroduc-
Iton à la pratique en vue de la Bodhi. La Pratique [caryà, la frmarchen,
au sens étymologique) est l'ensemble des exercices spirituels qui ache-
minent vers son but le futur Buddha. La Bodhi est l'cr éveil n , l'illumina-
tion suprême qui révèle au Buddha la loi de l'univers, donc la Lumière
par excellence. Mais elle est plus qu'un état transcendant de l'esprit :
elle implique aussi la charité parfaite, le désir fervent de guérir la dou-
leur du monde. Le Buddha n'est pas seulement un Voyant , il est encore
un Sauveur. . . r,
Tome 111. Représentations théâtrales daxs les MoxAsricnBs du Tibet.
Trois MysTh:REs tibétaius : Tchrimekvndan , Djroazaxmo, Nansal, traduits
avec introduction, notes et index, par Jacques Bacot-, bois gravés d'après les
dessins do Victor Golooi!evv, in-8°, 1921, 299 pages.
L'histoire de Tchrimekundan trse passe au Népal, dit M. Bacot, à une
époque fictive prodigieusement reculée. Elle est l'histoire de l'a van t-
dernière existence sur terre de cdui qui renaîtra Çakya-Muni. Vessantara
rr Tchrimekundan des Tibétains 71 est le fiitur Buddha. . . (p. iq)".
Djroazannio est plutôt un conte de fée qu'un mystère religieux (p. i33).
Nansal est, au contraire, ffuu tableau de mœurs tibétaines et un drame
philosophique. 11 n'y a aucun merveilleux. C'est aussi une peinture de
caractère où tout est normal et mesuré (p. 293)n.
Tome iV. (Iostks et Léhexdes di Bouddhisme <:iii.\ois, traduits du clii-
nois par Edouard Chavannes, préface et vocabulaire de Sylvain Lévi; bois
dessinés et gravés par Andrée Karpki.ks, in-S", 1991, aao pages.
La préface de M. Sylvain Lévi montre l'impoilance de la version chi-
noise de ces contes et légendes auxquels le regretté Chavannes avait con-
sacré une partie de sa prodigieuse activité.
116 JANVlER-MAtlS 1922.
Tome V. Cinq Ao, drames lyriques japonais traduits avec préface, notices
et notes, par INoël Pkiu; bois dessinés et gravés par Jean Bdhat, in-8°, 1921,
369 pages.
L'inlroduction (p. 1-69) Iraile de Torigine du no, de la définition de
ce mot, des acteurs et rôles, de la scène, des formes parlées et chantées
de ces sortes de drames, des mimiques et danses, des costumes et
masques, de la forme générale et de la slruclure du nô, de la classifica-
tion des nô et de la composition des programmes, des pièces et contes,
du style des nô. Les cinq nô publiés en traduction sont : Le vieux pin,
Atsumori, par Kwanze Seami Motokiyo; Komachi au Sttipa, par Kwanze
Kwanami Kiyotsugu; La visite impériale à Ohara et Le tambourin de
damas, par K^vanze Seami Motokiyo.
Inaugurée sous les ausjjices scientifiques de maîtres tels que Cha-
vannes, Sylvain Lévi et Finot; continuée par des orientalistes de
marque tels que MM. Bacot et Noël Péri, celte collection, on est heureux
de le constater, a obtenu le plus légitime succès. Elle fait grand honneur
à notre confrère Goloubew, son dinîcteur, et aux éditions Bossard. L'idée
de faire concourir des bois oiiginaux à lintelligence de ces textes de
rinde, du Tibet et du Japon est heureuse, et elle a été réalisée avec un
profond sentiment et ut)e compréhension très exacte du sujet, notam-
ment parla parfaite artiste qu'est M"" Andrée Karpelès.
D'autres volumes sont à l'impression ou en préparation, qui com-
prendront des œuvres traduites du chinois, du sanskrit, de l'arabe, du
persan et du lurk.
Gabriel Ferrand.
K»/,fîBivAfi,vft/r,£ OpsTELLEfi , 1, publiés par le Koioi(iaal Instituai te Amsterdam ,
Mededceliug n" IX, Afdeeling volkenkunde u° 3.
Ce premier fascicule des Mémoires ethnographiques de l'Institut colo-
nial d'Amsterdam contient deux études. La premièie, du docteur
J. P. Kleiweg de Zwaan (p. 1-90), est intitulée Tanimharschedels (crânes
de Tanimbar). Les îles de Tanimbar ou Tiniurlaul forment un groupe
insulaire de rarchij>el des Moluques et comprennent les îles de Yamdeua,
Selaru, Larat, Vordala, Molo, Maro (habitée en partie par des Galela-
rais de Halmahera) et Syera. Ces crânes sont en parfait état et ont été
mensurés et étudiés avec le plus grand soin par M. Kleiweg de Zwaan.
L'autre élude, intitulée Ooer ornamenthunst von Seram (sur l'art de l'or-
COMPTES RENDUS. 117
nementalion à Sëram), est due à M. Herman F. E. Wisser, qui en
indique les principales caractéristiques. Ce fascicule de Mémoires ethno-
graphiques est enrichi de précieuses illustrations en noir et en couleurs.
On ne peut que féliciter l'Institut colonial hollandais d'inaugurer ainsi
une nouvelle série de publications qui rendront grand service aux ethno-
graphes.
Gabriel Ferrand.
CHRONIQUE
ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES,
PERIODIQUES.
The Asiatic Review^, January 1922 :
P. G. Ray. ludian Swaraj and the British Gommonwealth.
F. Oldrieve. The Leper Problem in India and the Treatment of
Leprosy. [Préconise la ségrégation obligatoire des malades et la construc-
tion d'asiles spéciaux. ]
0. VouNGHusBAND. The English Boy in India. [L'éducation déjeunes
Anglais dans l'Inde est appelée à donner d'heureux résultats; mesures
à prendre à cet effet, en particulier aménagement d'hôtels universi-
taires. J
J. Pollen. The Liquor Question in India. [Indication de quelques
moyens efficaces pour rendre l'Inde tempérante, c'est-à-dire ff libre".]
G. Keatinge. Indian Economies. [C'est grâce à des institutions appro-
priées que l'Inde utilisera ses richesses naturelles.]
S. RicE. Indian Symbolism. [On se méprend trop souvent sur l'Inde,
parce (ju'on ne sait pas interpréter son symholisme. |
S. Savatanagi. Education in the Japanese Empire. | Indication rapide
des principaux établissements scolaires du Japon. |
Indian Antiquary, December 1921 :
A. KouL. Life sketch of Laleshwari , agréât Ilermitess of Kashmir.
— W. FosTER. Siwâji's Raid upon Surat in i66A. — W \V. IIaig. The
llistory of the INîzâm Shàlii Kings of Ahmadnagar isulic).
CHRONIQUE RT NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 119
January 1922 :
W. Poster. Siwâji's Raid upon Surat (suite). — P. G. Halkatti.
Vachanas attributed to Basava, trauslated. — G. A. Grierson. The
Apabhramsa Stabakas of Râma-Sarman (Tarkavâgisa).
Supplément. — E. H. Man. Diclionary of Soulh Audamaa Language.
— N. Dey. Geographical Dictionary of Ancient and Mediaeval India.
Journal and Proceedings of the Asiatic Society of Bengal, 1921,
n" 1 :
R. G. Majumdar. The chronology of the Pâla Kings; - The chrono-
iogy of the Sena Kings.
Journal of the American Oriental Society, voi. XLI , Part 4 :
A. T. Clay. The Antiquily of Babylonian Givilization. — R. G. Rar-
RET. The Kashmirian Atharva-Veda , Rook VIII. — G. W. Rishop. The
Eléphant and its Ivory in Ancient Ghina. — N. Schmidt. The two
Recensions of Slavonic Enoch.
BrieJ Notes. — A. T. Glay. A iiew King of Rabylonia. — M. Jastrow.
Huruppdti rrbetrolhal giftsn. — J. A. Montgomery. The frlwo youthsTi
in the LXX to Dan. 6. — B. G. Rarret, Note on Pâippalâda 6. i8.
Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland,
January 1922 :
E. Denison Ross. The Portuguese in India and Arabia, iSiy-SS. —
W. H. Moreland. The Development of the Laud-revenue System of the
Mogul Empire. — H. K. Deb. Taxila Silver-scroll Inscription. —
F. Krenkow. Notes on the éditions of the Arabie Poets 'Abid ibn al-
Abras, 'Amir ibn al-Tufail, and 'Amr ibn Çami^a piiblislied by Sii-
Gh. Lyall. — L. G. Hopkins. Pictographic Reconnaissances, Part iv.
Miscellaneous Communications. — G. A. Grierson. Hamm-(Gatau).
— F. W. Thomas. The Plays of Rhâsa: - Noie on the Hathigurapba
Inscription. — T. N. Subramaniam. Satiyaputra of Asoka's Edict No. •^.
— F. Ohrt. Abracadabra. — W. Foster. A Footnote to Manucci. —
F. Krenkow. The word Simkurni. — Report of the Délégation of ihe
Royal Asiatic Society to tlie American Academy of Arts and Sciences,
Boston, October 5-7, 192t.
120 JANVIER-MARS 1922.
ObtUumi •Soùcos. Professer Ignaz GoldzibfM-, by A. A. Bevan. — Sir
'Abtlu'l-Balia 'Abbas, by E. G. Browne. — R. \V. Fkazer, by F. W.
Thomas. — M. Longnorth Dames.
Al-Machriq, Janvier 1922 :
L. CiiEiKHO. Les Séances d'Elie, évêque de Nisibe; - Un discours du
palriarcbe Elie III ibn Hadîlliî sur le jour de l'an; - La bibliographie
arabe chrétienne depuis l'Islam.
Février :
H. Lammens. Les Croisés et la bibhothèque de Tripoli. — L. Cheikho.
Les Séances d'Elie de Nisibe (suite); - La Bibliographie arabe chrétienne
depuis l'Islam [suite). — J. Eid. La fameuse inscription d'Abercius. —
L. Chejkho. Les Naqâid de Gurïr et de Ahfal.
The Moslem "World, January 1922 :
L. Massignon. What Moslems expect. — A. E. Garvie. Our niethod
ofjudging Islam. — J. de Maver. Turkistan, a neglecled Field. —
S. Anderson. Dervish Orders of Constantinople. — J. G. Young. Médical
Missions in Yemen. — L. E. Esselstyn. What to preach to Moslems. —
Percy Smith. Did Jésus foretell Ahmed?
Le Muséon, t. XXXIV (1921) :
Ad. Hebbelvnck. Les manuscrits coptes suhidicpies des Epitres de
saint Paul. — L. Dieu. Les manuscrits grecs des Livres de Samuel (essai
de classement). — T. Lekort. La règle de saint Pacôme (élude d'ap-
proche). — Ad, Hebbelynck. L'unité et l'âge du papyrus copte biblique
Or. 7.59/1 du Britisli Muséum.
Revue des Études arméniennes, t. I, fasc. h :
N. Marr. Ani, la ville arménienne en ruines, d'après les fouilles de
1892-1893 et de 190/1-1917. — Fr. Macler. Notices de manuscrits
aiméniens ou relatifs aux Arméniens, vus dans quelques bibIiolhè(pies
de la Péninsule ibérique et du Sud-Est de la Fi-ance (suite). — Cl. Huart.
Une razzia en Arménie au x" siècle. — A. Sakissian. Deux tableaux à
sujets arméniens d(^ J.-B. Van Mour. — A. Tchobania\. Qnelques chan-
sons de Djivani traduites. — Fr. Macler. L'Arménie au musée céra-
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 121
mique de Sèvres. — L. Maries. Epikoura = Aboukara. — Société des
Etudes arméniennes : Statuts et procès-verbaux des séances. — Biblio-
graphie : 1950.
T'oungPao, 1920-1921, n° 2 :
P. Pelliot. Quelques transcriptions apparentées à Çambhala dans les
textes chinois. — E. de Sacssure. Les origines de l'astronomie chinoise.
— RicHENET. Note sur la mission des Lazaristes en Chine, spécialement
à Pékin. — A. Stelx. Gentrai-Asian relies of Ghina's ancient silk trade.
Hespéris. Archives berbères et Bulletin de l'Institut des Hautes Études
marocaines. Emile Laroze, éditeur. 1" trimestre 1921 :
E. Laoust. Noms et cérémonies des feux de joie chez les Berbères du
Haut et de l'Anti-Atlas. — L. Châtelain. Inscriptions et fragments de
Volubilis, d'Anoceur et de Mechra Sidi Jabeur. — E. Lévi-Provençal.
Note sur un Qor'àn royal du xiv' siècle. — J. Gampardon et H. Basset.
Graffiti de Ghella. — E. Laoust. Sidi Hamed ou Moussa dans la caverne
du Gyclope. — R. Montagne. Note sur la kasbah de Mehdiya.
9' trimestre 1921 :
Brcnot. Noms de récipients à Rabat. — Michaox-Bellaire. Essai sur
l'histoire des Confréries marocaines. — Renaud. Recherches historiques
sur les épidémies au Maroc : la peste de 1799. — H. Massé. Ibn Zaï-
doun. — Laoust. La littérature des Berbères. — Paris. Haouach à
Teloiiet. — BuoNDEL. Note sur la genèse de rornementation arabe. —
CouRsiMAULT. Extraction du goudron liquide.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
SEANCE DU 9 DECEMBRE 1921.
La séance est ouverte à 5 heures , sous la présidence de M. Hcart,
vice-président.
Etaient présents : *
M"' Lalou; mm. Bacot, Benaviste, Boubdais, Bodvat, Casanova,
Cohen, Deny, Ddssaud, Eliséiev, Ferrand, Hariz, Mayer Lambert,
Macler, Maspero, Minorsky, Moret, Ort, Pelliot, a. Périer, Przyluski,
Ravaisse, Sidersky, Stcherbatsky, memhres; Ïhcreau-Dangin, secrétaire.
Le procès-verbal de ia séance du 1 1 novembre est lu et adopté.
Est élu membre de la Société :
M. L. DE Raymond-Modène-Petrowski , présenté par MM. Ferrand et
Gaudefroy-Demombynes.
M. LE Président annonce que M. Aymomer a remis à la bibliothèque
de la Société le reste de sa collection de manuscrits inrJochinois. Des
remerciements seront adressés à M. Aymonier.
Une subvention de /j,ooo francs a été accordée par la caisse des
Recherches scientifK]ues pour la réédition du tome IV des Voyages d'ibn
Batoutah.
Les ouvrages suivants sont offerts à la Société :
Par le Ministre du Siam, au nom du prince Chandabhui, ministre
des finances du Siam, un exemplaire d'un*; nouvelle iMliliou dos Siiila
Patika ;
SOCIETE ASIATIQUE. 123
Par M. SiDERSKY, au nom de M. Jesaias Press, Palàstina und Siidsyrien ;
Par M. MoRET, au nom de Sir James Frazer, Adonis, traduction fran-
çaise par Lady Frazer.
M. Mi\ORSKY analyse ies poésies religieuses de Chah Israaïl {"{khatd'i).
De son divdn turc-azerbaïdjani , dont il existe des manuscrits à Paris, à
Pétrograd et à Londres, il ressort que les doctrines professe'es par le
fondateur de la dynastie des Séfévis présentaient une synthèse de l'ensei-
gnement des sectes chiites extrémistes et des ordres soufis. Le dhmn
fournit quelques exemples intéressants des arguments à l'aide desquels
les Séfévis maintenaient leur emprise sur leurs affidés. Chah Ismaïl va
jusqu'à se proclamer l'incarnation de 'Alî et de Dieu {màn-ain oljatl-i-
mutlaq, etc.).
La séance est levée à 6 heures un quart.
SEANCE DU 13 JANVIER 1922.
La séance est ouverte à 5 heures, sous la présidence de M. Senart.
Etaient présents :
MM. HuART et Cordier, vice-présidents; M"" Grabowska; MM. Basma-
DJiAN, Bénédite, Bloch, Bourdais, Bouvat, A.-M. Boyer, p. Boyer, Casa-
nova, Contexau, Danon, Deny, Ferrand, Gaudefroy-Demombynes, Hariz',
M. Lambert, Macler, Meillet, Moret, Pelliot, Przyluski, Sidersky,
Stcherbatskv, membres; Thuread-Dangin, secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 9 décembre est lu et adopté.
Sont élus membres de la Société :
MM. G. DE Maydell, présenté par MM. Cordier et Bouvat;
M. CuENDET, présenté par MM. Moret et Macler :
G. Si\APiAN, présenté par MM, Meillet et Maclkr:
. Mestre, présenté par MM. Pelliot et Granet;
Haguexauer, présenté [)ar MM. Pelliot et Granet.
M. Pelliot est élu membre de la commission du Journal.
124 JANVIER-MARS 1922.
M. i,E PnKSiDENT aniiouce que le cenlenaire des de'couvciies de Chani-
pollion sera célébré ea même temps qiie le centenaire de la Société
asiatique.
M. J. Deny analyse un important traité arabe sur la langue turque
écrit à Kachgar en 107/i.
M. Pelliot présente quelques observations et fait ressortir tout l'inté-
rêt de celle communication.
La séance est levée à 6 heures et demie.
SEANCE DU 10 FEVRIER 1922.
La séance est ouverte à 5 heures , sous la présidence de M. Senart.
Etaient présents :
M. HuART, vice-président; M"" Grabowska, Massied et Saisseï; M"' La-
Loo ; MM. Basmadjian, Bloch, Bocrdais, Bouvat, a. -M. Bover, P. Bover.
Casanova, Danon, Deny, Fadeggon, Ferband, Graffin, Hariz, Madrolle,
Masson-Oursel, de Maydell, Meillet, Moret, Ort, Pelliot, Polain.
pRZYLUsKi, Bavaisse, Sidersky, membres; Tiiureau-Dangin, secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 1 3 janvier est lu et adopté.
Sont élus membres de la Société :
MM. Lehot, présenté par MM. Meillet et Lacôte;
L. Delaporte, présenté par MM. Thdreau-Dangin et Contenau;
Kedprdlu-Zadeh Mehemet Fcad, présenté par MM. Ferrand et
Deny :
A. Basset, présenté par MM. Ferrand et Deny.
M. LE Président annonce que la date des fêtes du centenaire de la
Société a été définitivement fixée : elles auront lieu du 10 au i3 juillet.
C'est le 1 1 qu'aura lieu la séance solennelle que M. le Président de la
Bépublique a bien voulu accepter de présider.
M. Casanova fait une communication sur un manuscrit arabe de la
Bibliothèque nationale (Calai, manuscrit, n° 5()G8), Dastoùr al Mou-
iiadjdjimîn «le Manuel des Astronomes w. On avait déjà reconnu que
SOCIETE ASIATIQUE. 125
l'auteur écrivait vers la fin du v° siècle de l'Hégire et qu'il était tout
dévoué aux Fatiniides d'Egyple: mais en réalité il était partisan d'une
branche spéciale de ces Falimide?., c'est-à-dire les Nizârites, plus con-
nus sous le nom d'Assassins. Le manuscrit contient des blancs nom-
breux qui ont été remplis par des écritures diverses tracées dans tous
les sens, ce qui lui donne l'aspect d'un manuscrit autographe. Un de
ces textes ajoutés à l'original semble antérieur à 5i3 de l'Hégire. L'au-
teur est, en tout cas, un contenjporain et un partisan de llasan Sabbàh,
le premier grand-maîti'e des Assassins. (Voir l'Annexe au procès- verbal.)
M. Fadeggoîv pi-ésente quelques remarques.
M. Hariz lit un mémoire sur la médecine arabe antéislamiqne et
annonce que l'histoire de la médecine arabe formera le sujet d'une thèse
qu'il présentera prochainement à la Faculté de Médecine.
Observations de MM. Danox et Siderskv.
Au sujet de la période de suprématie sumatranaise à Java, M. Fkr-
in\D rappelle Tindicalion fournie pai- l'inscription de Kota Kapur (ile de
Banka), d'après laquelle, en 0o8 raka, fr l'armée de (jrï Vijaya venait
de partir en expédition contre le pays de Java, qui ne recoimaissait pas
la suzeraineté de Çrl Vijayan (cf. J. A., juillet-août 1919- p. iSa);
l'inscription du sanctuaire javanais de Kalasan (près de Yogyakarta).
datée de 778 de notre ère, où le roi de Çrï Vijaya dit expressément
qu'il s'agit de son propre royaume et apparaît comme le maître du pays
(N. J. Krom, De Sumatraamche période der Javaansche geschiedenis , Leyde,
1919, in-8°, p. 1 5-1 6 ) , et les complète par les indications suivantes que
fournissent les textes chinois. D'après le Sin t'ang chou, crie roi [java-
nais] habitait la ville de ^ ^ Cho-p'o (=Dja-\va, Java); l'aïeul du
[roi actuel], Ki-yen, a transporté [la capitale] vers l'est, à la ville de ^
^ filD ^if P'o-lou-kia-sseu 71 (=Baroh Gérsi frla plage de sable n, l'ac-
tuel le Grésik ou Grisée, le port de Surabaya; cf. J. A., mars-avril 1919,
p. 3o5 , note). Et le Yuan clie lei pien précise : cfDans la période t'ien-
pao {'jhû-'jbb), on déplaça [la capitale] de Cho-p'o à la ville de P'o-
lou-kia-sseu^ {H.E.F.E.-O., t. IV, 190A, p. aaf), n. a). C'est donc à
la suite de la canq)agne victorieuse de l'aimée sumatranaise de Cri
Vijaya que la capitale de Java, alors située dans le centre de l'ile, fut
transférée à Gërsik pour un certain temps.
Après quelques observalions de M. Pklliot, la séance est levée à
G heures et demie.
'26 lANVlER-MARS 1922.
ANNEXE AU PROCES-VERBAL.
UN NOUVEAU MANUSCRIT DE LA SECTE DES ASSASSINS.
Le manuscrit arabe de la Bibliothèque Nationale qui porte le u° 6968
provient de la collection Schefer ''l II ëlait déjà connu des orientalistes
par Houtsma et de Goeje. Le premier remarque que l'auteur a du vivre
vers la (in du V siècle de l'Hégire eu Egypte sous le règne des Fatimides ,
(pi'il donne la date de la mort d'al Mouslansir (687), que le titre de
lonvrage paraît être ^^^^.«.a^m .yu^ù Dastoùr al Mounadjdjimin rrle Manuel
(les Astronomes -i, bien que sur la tranche on lise : gs'yJ' ^^ g) (fiable
(astronomique) avec les chroniques ''^n. Le second l'a utilisé dans son
étude sur les Carmathes et en a donné un extrait'''. Au cours d'une
récente étude sur la doctrine des Fatimides d'Egypte *'"', j'ai été amené à
examiner de près cet important manuscrit. En poursuivant cet examen
à fond, je crois avoir obtenu quelques résultats intéressants que voici.
Le manuscrit actuel contient, sous sa reliure orientale assez ancienne,
deux volumes : le premier, de vingt-quatre cahiers numérotés, avec
d'importantes lacunes. 11 ne commence qu'au milieu du deuxième cahier,
et plusieurs autres sont incomplets. Le premier feuillet porte au recto.
C' Blochet, Catalogue de la collection de manuscrits orientaux. . . formée par
M. Charles Schefer, Paris, 1900, p. 34; DEUENBonnc, Les manuscrits arabes
de la collection Schefer (Journal des Savants, mars-juin 1901). tir. à part,
(-' Ibn-Wàdhih qui dicilur Al-Ja'qubî histiiriœ, Leyde. i883, Prœfatio, x-m.
Cf. Dkrendodug, /oc. cit.
(■''' Mémoires d'bistnire et de géojrrapltie orienlales, n° 1, a" édil. : Mémoire
sur les Carmathes du Halirahi ri les Fatimides, Leide, 1886. p. 8, 19, lai.
192, ao3-2o6. Cf. Deiieniiouik; , loc. cit.; Blochet, Le Messianisme dans
l'hétérodoxie musulmane , Paris. 1908, p. 58, 71, 7.5.
(*' La doctrine secrète des Fatimides d'Egypte, dans Bulletin de l'Institut
français d'archéologie orientale du Caire, t. XVIII, Le Caire, 1921. p. 12 1-1 6.5.
C'est la nÂimpression d'une partie de ma trailnetion des Khilat de Makrizî
{Meut. Jnsl. franc, d'arch. orient, du Caire, IV, p. lai-iVi), avec une intro-
duction et un index.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 127
ilaos un cadre, à i'encni rouge, cette mention, malheureusement détruite
en partie par une déchirure du papier :
r €)^^
(jiio je propose de restituer ainsi :
Livre de la table d'aï llàkim biariir Ailali, émir des Croyants, composé par
Ahmad ibn 'Abd. . . al Hàkimî.
Ce titio parait apocryphe, et c'est probablement pour cela que
Houtsnia l'a ne'glige. Cependant il lépond à ce qui est écrit sur la tranche,
comme nous l'avons vu plus haut. 11 faut remarquer effectivement que
l'ouvrage comporte une partie astronomique où se trouvent de nombreux
tableaux, et une partie historique. En tout cas, il ne peut s'agir des
tables hakémites ici , car nous savons déjà que l'ouvrage est postérieur à
/iSy, tandis que le khalife al llâkim biamr Allah, pour qui elles furent
faites par Ibn Yoiinous, est mort en 4ii ''. En réalité, la partie astro-
nomique n'est qu'une compilation d'extraits de divers auteurs (qui ne
sont pas toujours nommés), entre autres al Biroiinî '''.
Cette partie remplit tout le premier volume, ou plutôt la première
moitié, qui se termine au présent fol. 188 v" par les mots : ^Jl.£ùJ\ ^i
^^.•«<m ;yu>,^ ^j4> Jjill . Elle se continue dans le second volume, qui com-
mence par le septième traité, JooLJl *JUm.
La première moitié est acéphale, et il manque au milieu un certain
nombre de feuillets; beaucoup sont intervertis. La remarque a été faite
par les propriétaires du manuscrit; ainsi, au bas de fol. 28 v°, ou lit ces
mois à l'encre louge, en persan : ^jLo ^- o';^' *J ^^^3' "ici manquent
neuf feuillets a; fol. 67 v", également à l'encre rouge et en j)ersan : ^^
<') Voir Le Livre de la i^rautlr laide hnkémite ohservée par. . . obii Yoiiiùn.. .,
par le C°° C.vussiN, dans Notices et Extraits, t. VII, p. 16 et sniv. Cette table
n'a aucime ((spèce de ra|t|>()rt avec notre manuscrit.
'-' lloiITSMA, loc. laïuL) M.
128 JANVIER-MARS 19-2 2.
ooL. ^« ^3^^1 r(\[x feuillets manquent-; en marge de fol. 67 v°, en arabe,
d'une main postérieure : jU^lXl J^l j ^i c:,UsLJl ^ *=Jv«Jl sj^jt> rrce
lal)leau est à la suite des tableaux qui sont au commencement du ca-
hier'^.
J'ai relevé la mention de vingt-quatre cahiers de dix ou de huit
feuillets ',, ce qui devi-ait donner environ deux cent vingt feuillets, au
lieu de cent quali-e-Aingt-luiit. La première mention est au fol. 6 r" :
troisième cahier. C'est du treizième au vingt-deuxième que le manusciit
a le plus souflert (fol. 96 à 168).
La seconde moitié est en meilleur état, sauf la fin, qui manque. J'y
ai noté seize cahiers complets, sauf deux feuillets'"'. Elle se termine
avec le folio 346. Elle contient la suite des tables astronomiques et, à
partir de fol. aSi r°, des renseignements historiques. Après quelques
remarques générales et un résumé de l'histoire des Persans et des
Arabes, l'auteur, à partir de 268 v", présente la biographie des princi-
paux personnages depuis Adam, sous forme de tableaux, avec diffé-
rentes indications empruntées à dix auteurs qu'il énumère fol. â63 r",
depuis la Bible JL..yJ\ jusqu'au hrltioùn d'Aboù-l rihàn (al Biroùnî).
Après une biographie assez détaillée du Prophète Moubamraad (809 r"-
33o r") vient le tableau des imàms conformément à la doctrine ismai-
lienne, Isma'il ibn Dja'far ['doit r") est appelé j-(âLkJI J^ssUl ffle rejeton
pur»; son fds Mouhammad (334 v°) est qualifié de -LxJl tjLJI rrle sep-
tième (imâm) parfait- ": Puis viennent les imâms cachés (335 v") et la
série des khalifes fatiraides jusqu'à al Moustansir billah (343 r°) et à
son fils Nizàr (343 v"). On passe ensuite aux imàms dits : al Kafiyal''^
(344 r° à 345 v°: il y a une lacune). Viennent les imàms zeïdites
(346 r° et v") et l'ouvrage est interrompu en ce point.
C' Le 6" cahier a même 19 feuillets (16-27).
(-' Deux notes aux fol. nl\t\ v" et a/iS r° font allusion à des intorvcrsions de
tableaux , caLaL^ .
(*' Ce qui prouve bien que c'est Mouliammad seul (et non L«ma'il) (jui
est compté j)our iinàm, comme je i'ai établi dans les notes de ma traduction
de Makrizi [Ménioirvs de l'Institut français d'arcliroloipe orientale du Caire, Le
Caire, 1920, t. IV, p. laj), n. 1 et i32, n. 2-, et UuUetin du môme Instilul,
Le Caiie, 1921, t. XVIII, passajjcs correspondants : p. 187. n. 2 et p. t'io,
n. U\ cf. i'avant-propos , p. 12/1 et ia5).
(*) Appelés aussi Moiîsawis (partisans de Moùsà, autre fils de Dja'far;
cf. Bull,, p. 12/1). Sur le terme de Kal/iyat ou K.ittî'iyat, voir Fiukdlandeu .
Hétérodoxies of tlie Shiites, dans Journal of Aineric. Orient. Soc. (1909),
t. XXIX, p. 49 et suiv.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 129
La mention du fatimide Nizâr, fils d'al Moustansir billah, est d'une
particulière importance, et je crois bon de la reproduire :
\j-»ji-J^ 'L.JLÂJ jSj.) sJlL. AS-V^ JLft^Vl tJl JUl \\ ô^-àJ^Âit^J^ ô^^=^\ C-^lj
ô^-iiieAJ' C'OL*-— 3 j J^ J
■fjL.^*J\ Ji^t Jj <UflJj <L».^\j liliLj' i_)j-«J JjJl*JU l-jj^x^jl JjSe^l
I^^JlP ^ bJlC <Ui li!jJ/i_J «Uif. jâjJ\ w.V\ (_,>-U<9 . v>^ "Wi JuP Bji-i <*.^Vj LJli
ur
Dans la première ligne verticale :
Notre maître, Timàm ", al Mouslafà lidia Aliali. Aboù Mansoùr Nizàr, lils
. . (■■').
Deuxième ligne veiticalc :
Né le ... 1 .r'-''' de Rabi' premier année h'6<),.
Lignes horizontales :
Au Caire d'al Mou'izz; sa mèro était grecque (ivninnjat).
('' Le mot a été gratté , mais est encore reconnaissable.
'■-> Le bas di' la page, à droite, a disparu.
(^' Le jour et le nombre des unités ont été grattés; je n'ai tronvé nulle part
les indications propres à les rétablir.
y
130 JANVIKR-MARS 1922.
On émit les dépêches »5W0I diverses à travers les provinces, à l'Iieurc de
sa naissanrc ])Oiir annoncer sa venue fortunée
ot *''. On les appela les parfumées caUiJLi^l .
C'est ainsi qu'acjh piiâhir, Dieu l'agrée ! avait notifié l'heure de la nais-
sance <"-' d'al Moustansir, Dieu l'agrée! et émis
la dépêche appelée la dynastique JjJ^il ('^ H fit frapper dos monnaies à son
nom et lui conféra le titre d'héritier présomptif.
Lorsque son frère 'Abd Allah entra en compétition avec lui, le chef du pou-
voir'*) lui fit donner la notification (de succession) et il l'associa à d'autres (de
ses frères) et la notification fut conférée à
tous, comme nous en avons déjà parlé '•^K La situation devint grave pour lui
à la mort de Notre Seigneur al Moustansir billah,
lors de sa fuite à Alexandrie, et un autre obtint le pouvoir.
L'histoire du moine chez (jui il descendit , le jour de la fuite , est connue ,
ainsi que le discours qu'il lui tint, sur lui soit le salut!
(ainsi conçu) : Nous avons appris de nos anciens que le fils de la Grecque
descendrait dans tel monastère , à tel jour,
à telle heure et qu'il aurait tel et tel caractère. (On sait) ensuite qu'il pro-
fessa l'islam entre ses mains
et qu'il porta témoignage par devers lui lors de la lutte, que la miséricorde
de Dieu soit sur lui !
Ses fils :
L'émir L'émir
Aboù 'Abd Allah Aboù 'Ali al Hasan.
Al Houseïn.
Presque tous les détails donnés par cette nolict; sont inédits. La jdu-
pait des historiens sont muets sur le rôle joué par ce lils d'al Moustansir.
Seul Ibu Mouyassar, dans ses Annales d'Egijple , lui a consacré plu-
sieurs pages '^'. 1
C'est surtout à pi-opos de la doctrine de Hasan ibn Sabbâh qu'Ibn
Mouyassar nous en parle; c'est aussi à ce propos que les autres histo-
riens, comme Ibn al Athîr et Mirkhond, en ont fait mention. Je rappelle
('' Le début du mot est gratté; je ne sais comment le reconstituer.
'-) Corriger : 6.>i)^l en ».>i)j. Adh Dhâhir est le khalife prédécesseur et père
d'al Moustansir billah.
('' Je vois, dans ce mot, un déterminatif de *Jj^ dynastie, littéralement :
«la constituante de dynastie». Aucun dictionnaire ne donne ce sens.
W Le vizir al Afdal?
('') Dans le tableau précédent, où il est donné quelques détails, tm peu
confus, sur les différents fils d'al Moustansir.
(') Kd. Henri Massé, Le Caire, 1911 (Publication!: de l'instttul français
d'arcké()li>ijrie Diicnldlc). p. '}.-. 0/1-37. (ilJ-dS.
SOCIETE ASIATIQUE. I:î1
succiuclemeiil les laits connus, auxquels fait allusion la notice précé-
dente.
Al Moustansir avait désigné comme son héritier présomptif son fils
aîné INizàr. llasan ibn Sabbâh s'était fait initier à la doctrine des Fati-
mides et était venu au Caire, auprès du khalife, pour compléter son
initiation. Ses intrigues le firent bientôt chasser, mais il fonda en Perse,
après la prise d'Alamoùt, une secte qui n'était qu'une branche des Fati-
mides, tant que Mzàr continua d'être héritier présomptif. A la mort d'al
Moustansir, le vizir al Afdal, alors tout puissant, fit reconnaître un
autre fils, qui fut proclamé khalife sous le nom d'al Mousta'lî. Nizâr
s'enfuit à Alexandrie, mais ne put tenir tête à al Afdal, qui s'empara de
lui et le fit mettre à mort, llasan ibn Sabbàh maintint que l'imâmal
n'appartenait qu'au seul Nizâr. Sa secte devint celle des Nizârîyat. Ibn
Mouyassar nous dit (p. 68) qu'on leur donnait différents noms : en
Syrie, al Ilachlchhjat; a Alamoût, al Ba(iniijat et al Malàhidat ; dans le
Kbourasàn, at Ta'lhnhjat; et que leur nom général était : al hma'ilhjat.
En réalité, ces noms appartenaient à la secte des Fatimides; seuls les.
deux premiers leur furent propres : celui d'an Nizâriyat, qui leur venait
de l'imâm reconnu par eux, et celui d'al Hachîchîyat, qui leur venait
d'une pratique spéciale du hachich, qui leur fut attribuée à tort ou à
raison. C'est de ce dernier nom que les Français des Croisades ont tiré
celui d'Assassins.
Ainsi le Dastoùr a été rédigé, sans qu'il y ait, je crois, l'ombre d'un
doute, par un partisan de la secte des Assassins, (iomme la mort de
Nizâr n'y est [)as mentionnée et que le titre d'émir conféré à ses fils
semble indiquer qu'ils sont vivants , il faut en placer la rédaction peu
de temps après la mort d'al Moustansir.
J'avais pensé un moment à en attribuer la conqiosition à llasan ibn
Sabbâb lui-même'' , ce qui lui aurait conféré une importance nouvelle,
mais je crois que ce personnage, fondateur même de la secte, est dési-
gné dans un autre passage. C'est au fol. 3k'è r°; l'auteur, parlant d'al
Moustansir, dit :
5^_Cu> r j g \n (W« *-»_9 3J^.SîL^ Lj«j *_)L|^_i^l^ (wOL*-n< iJU.u> (jl (?) j,-..A<> Iv-^ij U^}
(lire : x>^>> )
il faisait souvent allusion à l'année 470 et à toutes les manifestations nou-
velles de sa dortrine (jui s'y étaient produites;
t'^ D'aprôs Hàdji Khalfa, il serait l'autour d'un ouvrage sur la sphère :
»J3| <_.Uj, Lexicon bibliographicuin , éd. Kliijfel , Loudres, i85o, t. V, p. i^io,
n" \{)h I 7.
132 JANVIER-MARS 1922.
et il ajoute :
Or TaiTivée vers lui de notre mailre, que Dieu le garde! eut lieu en celte
année.
Ce maître, comme l'indique l'eulogie, est vivant et, à cette époque,
ce ne peut être que Flasan, le premier des fjrands-maîtres de la secte.
D'après le récit qu'il a fait de sa propre vie et que nous ont rapporte
deux historiens persans, Mirkhond et Rachîd ad din, c'est en 671 que
Ilasîin serait ài-rivé en Egypte et il n'aurait pas rencontré personnelle-
ment al Moustansir '''. Mais en examinant de près le texte de Rachid ad
din que M. Blochet a eu l'obligeance de me signaler et de revoir pour
moi, il me paraît vraisemblable qu'il a débarqué à la fin de Ayo. Quant
aux termes mêmes du Dastoùr : xJ\ J^^sj, ils ne doivent pas nécessaire-
ment être interprétés par une rencontre, mais par une mise en relation.
Effectivement, ilasan dit que, sans le voir, al Moustansir ne cessa d'être
en rapports suivis avec lui. Il rapporte qu'il quitta Ispahân pour se
mettre en marche vers l'Egypte en ^6f), se rendit successivement en
Adherbeidjàn, à Mayàfârikin, iMossoiil, Sindjàr, Damas; delà à Bey-
roùt, Saïdâ, Soùr, 'Akkâ et Kaïsarîyat. C'est dans ce port de Syrie qu'il
s'embarque et, après une navigation de sept jours, il entre en Egypte
pai' le port de Tinnis. Void comment il s'exprime :
3' [p- t'7] (s^^^ <^i'^\ *jyx>» injyiûlji .>jOv.=^ ^6 (lire : ^«-i.*) j«^?Jt-« t4-^ '•?r! )^)
y' — *-ao' — à- ^l-j . 1,1 « y...^l Ov^>*ur l^/yX^ Xj-~iè'JLi U>.^^.ui JkjLjtjJ^ ^w. J. « .«t/j ^^.Xi.!
v_».L-> I-l-j t_jl.I=J.V yl^l-jj ^buuJ IjJvjww (jt t-lK y<>.lj c>JLt\-u.lj ^yLo^ Ij yO—t-Oj
.XJ^y^ tX.>..-fc Lj.X:s.w yi (jo— L« isJoLlr». ^^ 8^^ f\ iijLi*i/ c:>IJoj
''* Auteurs cités par M. Blochet, La Messianisme dans l'hétérodoxie musiil-
uiane, Paris, i(jo3, p. io5-iO(), d'après le Rauzel-elséfa, paru dans Nodces
el. Extraits des Manuscrits de la Biblioth. Impér., 181H, t. IX. p. i/i3 [trad.
de Jourdain: ^ éd. de Bombay, 1966, t. IV, p. 63 | et ie Djdini' at tawdrihii
(BihI. Nat., ras. suppl. pers. , n" i36/i, p. G(> et 07).
SOCIETE ASIATIQUE. 133
et de là à ai Maks qui esta la limite d'al Kdhirat (le Caire) d'al Mou'izz'"'.
Nombre des grands personnages de la cour vinrent à sa rencontre, dont Aboù
Dàoùd qui était dà'i des dà'is et le chérif Tàhir Kazwini, qui était parmi les
gens notables. Le mercredi, 18° jour de Sal'ar ^71, notre seigneur t'-J arriva à
al Kàliirat d'al Mou'izz. Al Mouslansir billah envoya des familiers et des cour-
tisans pour féliciter et complimenter notre seigneur et il donna des ordres
pour qu'il fnt traité avec égard et considération. Il demeura là durant une
année et demie et, quoique pendant toute la durée de son séjoiu- il n'eût pas
vu al Moustansir, celui-ci ne cessa de s'informer de sa situation et de faire
prendre de ses nouvelles, si bien que les courtisans conçuient de la jalousie
contre notre seigneur.
Non seulement le Dastoûr a été rédigé par un partisan de la secte des
Assassins contemporain de Hasan ibn Saljbali, mais j'ai des raisons de
croire que noire manuscrit est autographe. En l'examinant de près,
j'avais été frappé de l'allure persane de l'écriture et celle première im-
pression était confirmée par les deux notes écrites en persan, que j'ai
signalées plus haut, d'un ty[)P très voisin de l'écriture du manuscrit et
cependant évidemment postérieures à sa rédaction. En matière de paléo-
graphie arabe, il convient d'être 1res prudent. Je soumis donc mon
observation à M. Blochet, qui se tint sur la réserve, tout en reconnais-
sant qu'il avait eu jadis l'impression que le manuscrit était autograpbe,
mais qu'il en était revenu. iVlîrza Mouliammad Kazwînî, le savant édi-
teur de divers ouvrages persans, consulté à son tour, fut de mon avis.
L'aspect du manuscrit est assez étrange et rend très invraisemblable
riiypothèse qu'il ait été écrit par un copiste de profession. Les lignes
sont souvent allongées, surtout dans les titres, et débordent de la
marge. Des blancs ont été laissés de façon très irrégulière dans un très
(') Al Maks, qui répond aujourd'bui à l'étang (devenu le jardin) de l'Izbe-
kiyeb, était à cette époque sur le Nil, et servait de port au Caire; cf. Ra-
VAissE, Essai sur l'histoire cl sur la Uipugrapliic du Caire, dans Mémoires
publiés par les membres de la Mission archéologifiue française au Caire, Paris,
1887, t. I, p. Z116 , n. 1, et p. /i5/i : plan général. De Tinnis à ai Maks,
Hasan était venu par le Nil, comme cela parait certain, llien n'empéciie qu'il
ait séjourné deux ou trois mois dans cette localité avant d'entrer au Caire
même. On peut donc admettre avec l'auteur du Dastoi'ir qu'il était en Egyjjte
dès la fin de ^70, le mois de Safar dont il est parlé ensuite étant le deuxième
de l'année musulmane.
(-* Le texte, au début, reproduisait Tautobiograpliie de Ilasau, (pii parlait
à la première personne, jusqu'à l'arrivée à Mayàfàrikîn, puis, brusquement,
l'auteur le fait parler à la troisième personne et même, ce <{ui <'st étrange, le
désigne sous ce titre bonorificpie : notre seigneur.
i:U JANVIER-MARS 1922.
grand nombre de pages et ces blancs ont été remplis, après coup,
d'écritures de diverses mains, dont quelques-unes certainement tardives
et allant jusqu'au vu' siècle de l'hégire ou au delà. Ces écritures, tracées
dans tous les sens, s'amalgament plus ou moins au texte, soit comme
complément, soit comme commentaire. Une d'elles paraît avoir été rédi-
gée vers l'année 5oo, ce qui placerait par conséquent l'original entre
/487, date relevée précédemment, et 5oo; et cela correspond tout à fait
à l'époque que j'assigne à la composition du Dnsloiir. Voici le texte de
cette note. Au fol. 289 r° commence un cliapitre (k° jad de la 7' mn-
hàlat) traitant du mouvement de la sphère dit d'accès et de recès^'^ sui-
vant la doctrine des constructem^s de talismans : 2\_^Ju» JJjJl iL5j.^ j
caLftJUaJi cjLaï'l L^Jv.» J^ lj?>-«j. L'auteur n'est pas cité et il ne peut
èti-e celui du Dasloùr, car, pariant de ses propres observations en correc-
tion de celles de Ptolémée, il dit les avoir faites 7^8 ans après lui, donc
eu 88/4 , puisque c'est en i4i de notre ère que Ptolémée fit ses observa-
tions'"'', si l'auteur compte par années solaires, ou vers 862, s'il compte
par années lunaires. Ce sera donc aux environs de l'année 260 de l'Hé-
gire dans le premier cas'^', de 2/40 dans le second, de toute façon bien
avant l'époque où fut compilé le Dastoùr.
L'auteur parle donc des périodes de 6ko ans pendant lesquelles
s'elfectue le mouvement de la sphère et le texte s'arrête vers la lin du
fol. 960 r° en laissant un blanc qui est rempli par cette note écrite ver-
ticalement :
!.>>.„<-• J (^1 ^If A.,JLc Ljj; »jO" iUUJi yy-~J! >>j^.>jj ^jA yjiJi ik-uJI Jji) *JU<«
(') Ce mouvement, appelé aussi trépidation des flxes, a été inventé pour
expliquer les irré|j[uiarilés du mouvement dit de précession des équinoxes.
Voir à ce sujet Delamure, Histoire de l'astronomie au Moyen Age, Paris. i8i().
p. 73-75, 173-175, 362-97^; Sédillot, Mémoire sur les instruments astrono-
miques (les Arabes, Paris, 18/11, p. 3i; Le même. Matériaux pour serrir à
l'histoire comparée des sciences mathématiques , II, Paris, i86y, p. A63; Rki-
NAUii, Géojp-aphie d'Aboulféda, Introd., Paris, 18 '18, p. xlvii; etc. J'aurai pro-
bablement l'occasion d'en parler prochainement dans le présent Journal.
^*^ De 12G à ll^l, d'après Tannery, dans la Grande Encyclopédie, S Pto-
émée.
W C'est celte date qui me paraît la plus probable; elle permet d'attribuer
ce texte à Tliàhit ibn Kourrat (291-988), qui est précisément l'auteur de la
théorie de la trépidation, reuouvelée, il est vrai, de Tliéon. Voir DEi.AMnitE,
op. cit., p. 173-175 et Uisl. de l'uslronomie ancienne, Paris. 1H17. Il, p. Oaa-
627.
SOCIETK ASIATIQUE. 135
-LxJ ïL-^Ji^ Tcv jL-syJ jj, ^y^y^ ■^>^h ))-^ ër^ b^-''^ ^'^' '■^'^^' "^y^^
j tJUiJI i^Ov^-^ l^JU^Jl BÔv^ jw* Â;~^»<.4'« XÀ.U/ yA.C .iiJ^ L.iriV'il .XÀjcJ ÂJUu ^ jLo^l
Par exemple, soit le début de l'an /176 de l'ère de Yezdedjerd-, le nombre
des années écoulées est 476. Ajoutons-y 792 qui représente le début du mou-
vement de retour (de la sphère) avant cette ère, il viendra : 1267. Divisons
par 6/10 qui est la période du mouvement de la sphère en accès et recès, le
quotient sera 1 cycle entier pour le retour, et le reste sera pour l'accès : 627.
Pour achever une période d'accès il faudra encore i3 ans [697 -f i'^ =6/io].
A l'expiration de i3 années solaires à partir de cette année (de Yezdedjerd)
la sphère commencera le retour et cela sera en l'an 5i3 de l'hégire, héjjire du
Prophète Mouhammad, etc.
Comme on le voit, la théorie fait oscilier la sphère tantôt dans un
sens (accès) pendant 6^0 ans, tantôt dans l'auti-e (recès) pendant le
même laps de temps. A la fin de la première période il y a retour c.^^. de
la sphère. L'ère de Yezdedjerd commence en 689 de notre ère. Le début
du dernier mouvement de recès était 792 ans avant, soit 160 ans avant
J.-G. Le mouvement d'accès commençait en /i8o de notre ère et finis-
sait en 1120, que l'auteur identifie avec 5i3 de l'hégire, ce qui est
rigoureusement exact, ou 488 de Yezdedjerd, ce qui est également
exact, puisque les années de cette ère, suivant le comput persan, équi-
valent aux années juliennes (63a + 488 = 1 lao).
Il résulte de là qu'au moment où cette note est écrite, on est dans
l'année 476 de Yezdedjerd ou à peu près, et que, i3 années solaires
après, on sera à l'an 5i3 de l'hégire. Il faut donc assigner au manuscrit
qui contient celte note une date voisine de 5oo de l'hégire, et ceci con-
firme notre hypothèse ([u'il est autogi-aphe.
On peut admettre, par la physionomie persane de l'écriture, qu'il a
été rédigé au siège même de la secte, dans la fameuse citadelle d'Ala-
moût. Comme me le rappelait très justement Mîrzâ Mouhammad Kaz-
wînî, lorsque Houlagou détruisit cette forteresse, on y trouva beaucoup
de livres d'astronomie; le moustaufi 'Atà MaJik Djouwainî en sauva
quelques-uns de la destruction ^'\ Peut-être le manuscrit acquis par
Schefer est-il un de ceux qui ont échappé,
Casanova.
O The Tarihh-i-jahdn-gmchd oj 'Ald'u 'd-din. 'Atà Malih-i-Juwaijni . . :
edited. . . bij Mirzà Muhammad ibn ' Abdu'l-Wahhàb-i-Qazwim , dans Gibb Me^
136 JANVIER-MARS 1922.
SÉANCE DU 10 MARS 1922.
La s(?ance est ouverte à 5 heures, sous la présidence de M. Senart.
Étaient présents :
M. HcART, vice-président; M"" Grabowska et Massieu; M"° Lalou;
MM. Allotte de la Foye, Bloch, Bolrdais, Bouvat, A.-M. Boyer, Ga-
BATON, Gasanova, Danon, Delaporte, Dussaud, Fadeggon, Ferrand,
Fevret, Goloubew, Graffin, Hariz, Mayer Lambert, Madrolle, Maître,
Marchand, Maspero, Masson-Oursel, Meillet, Minorsky, Moret, Ort,
Pelliot, Przyluski, Sidersky, Stern, Worms, membres; Thureau-Dangin,
secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du i o février est lu et adopté.
Sont élus membres de la Société :
M"* 0. Trognon, présentée par MM. Senart et Gaudefroy-Demom-
BYNES;
MM. Banerji Sastri, présenté par M°" Grabowska et M. Bloch;
G. DucROQ, présenté par MM. Hdart et Minorsky;
Gharles-F. Jean, présenté par MM. Gontenau et THLREAlI-DANGI^ ;
P. Lasglois, présenté par MM. Moret et Hackin;
J. Lecerf, présenté par MM. Boyer et Gaudefroy-Demombynes:
Pézard, ])résenté par MM. Dussaud et Thureau-Dangin ;
Ph. DE Tarazzi, présenté par MM. Ferrand et Bouvat.
M. WoRMS expose une hypothèse sur la lecture possible de quelques
noms propres égyptiens composés avec les verbes (|]|' ms et _^ , htp,
derrière lesquels certaines variantes en ^ w final lui paraissent indi-
quer qu'il faut rétablir le pronom régime de la première personne
^ ^^ m, apocope suivant un usage bien établi à l'époque memphite,
morial, XVI, i, Leyde et Londres, 191 a, préface de Tédileur, p. 98. D'après
lui, et les deux textes qu'il cite en note sont lout à fait probants, 'Atà Malik
n'a Itrùlé que les livres traitant de la doctrine de la secte et a conservé Gorans,
livres précieux, instruments astronomiques, etc. Je ne m'explique pas que
Quatrenièrc lui attribue la destruction de ces instruments {Mines de l'Orient,
Vienne, 1809, l. I, p. aai). Hammcr l'a répété après lui {Histoire de l'Ordre
des .issassins, trad. franc., Paris, i833, p. 278-, corriger à la fin de la note
de la page 279 : 11, p. 220 en : I, p. aao).
SOCIETE ASIATIQUE. 137
et qui aurait persisté, pour la graphie des noms propres, aux époques
postérieures. Ainsi, f „,„^ ^ ,, """^11)1 seraient à lire ']iHn-htp-[m),
'l'h-ms-{wt), Amm s'unit à moi, Aali m'a enfanté.
M. MoRET incline à croire que l'hypothèse n'est pas vraisemblable
pour les noms en ^ ,, où il voit, avec Sethe, un p^eiulo-participe,
sans se prononcer de manière catégorique pour les nonjs en \\]\'.
M. GoLoiBEw, membre de l'Ecole française d'Extrême-Orient, fait le
récit de ses voyages au Cambodge et dans le Centre-Annam en igso-
1921, ainsi qu'un bref exposé des divers travaux archéologiques dont il
a pu suivre la progression pendant son séjour en Indo-Chine. Au cours
de ces voyages, M. Coloubew a accompagné M. Finot, directeur de
l'Ecole, et M. Parmentier, chef du Service archéologique, aux ruines de
Banteai Chmar (province de Sisophon), dont il a spécialement étudié
le décor plastique et les bas-reliefs historiques sculptés sur les murs de
la première enceinte. Un très intéressant groupe de monuments mono-
lithes ornés de sculptures mahâyànistes a été découvert par la mission
de l'Ecole française près de Phnom Srok, au N.-O. d'Augkor. Dans
le Centre-Annam, M. Goloubew a visité la vallée de Mï-so'n, où des
fouilles très fructueuses ont eu lieu en 1908-1904 sous la direction de
H. Parmentier et (îh. Carpeaux, ainsi que les restes du monastère
bouddhique de Bông-du'ùng et le sanctuaire civaïte de Pô Nagar. Le
nombre de clichés pris par M. Goloubew au cours de sa mission atteint
environ 1,900. Une série de sculptures khmères, composée de sept
pièces et destinée au Musée Guimet, a été rapportée eu France. Elle
figurera à l'Exposition coloniale de Marseille.
La séance est levée à six heures trois quarts.
CORRESPONDANCE.
«Nous sommes heureux de publier la lettre suivante de notre excel-
lent confrère, M. Goloubew. Elle vient en appendice à la belle com-
munication de M. A. Foucher qui a paru précédemment ici (t. XVll',
1921). Au moment où le service archéologique de l'Inde multiplie
ses effoils pour pi-éserver et rendre accessible au public ce qui reste des
fameuses peintures d'Ajanlà, ce n'est que justice de rappeler Tinilialive
active et généreuse qu'avait spontanément prise M. Goloubew pour en
obtenir et en répandre l'image fidèle. Rien ne peut faire oublier celte
138 JANVIEH-MARS 1922.
remarquable documentation photographique. Tant par sa date que par
l'autorité qui s'attache aux piocédés de reproduction mécaniques, elle
représentera un contrôle toujours précieux. Elle demeureia un titre
d'honneur durable pour son habile et savant auteur, n [E. Senart.]
Hanoi, le 7 octobre 1921 .
Monsieur et cher Président ,
Je viens de lire dans le n° 2 (t. XVII) du Journal Asiatique, la lettre,
si intéressante, si riche en données nouvelles, que M. A. Foucher vous
a adressée d'Ajantâ en mars 1920. Tout en me rappelant la visite que je
Hs aux célèbres grottes bouddhiques en 1910, cette lettre évoque le sou-
venir d'un travail que j'avais entrepris, il y a dix ans, sous d'excellents
auspices et que j'ai dii interrompre plus tard , à la suite de circonstances
défavorables.
Je me suis rendu à Ajanfâ en novembre 1910 dans un but déterminé.
Il s'agissait de photographier les fresques et de compléter par une série
de documents inattaquables, établis selon des procédés mécaniques,
l'œuvre forcément fragmentaire de Lady Herringham et de J. Gritïiths.
Six mois plus^ tard je revins à Paris avec environ trois cents clichés de
gi'aud format et je me mis de suite h préparer un nouveau voyage dans
l'Inde, au cours duquel les travaux commencés dans les grottes d'Ajan la
devaient être repris et achevés. Le tout était destiné, dans ma pensée, à
une grande publication conçue à la façon d'un répertoire photographique.
C'est en automne 191/1 que je devais repartir. Mais la guerre éclata , et
mon projet fut abandonné. Quant aux photographies rapportées par
moi , elles figurèrent , en 1911,3 l'Exposition indienne du Grystal Palace ,
oîi un grand prix et une médaille d'or leur furent décernés. J'ai eu, en
outre, l'honneur d'en faire projeter quelques-unes au cours de votre
séance générale de la même année. Des collections d'épreuves furent
olferles à l'Académie Impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg, au
Musée (îuimet, au Musée Gernuschi, aux Universités de Tokyo et de
Vienne, à diverses sociétés savantes. La Biblothèque d'Art et d'Archéo-
logie en possède une série complète.
Malgré les difiicultés avec lesquelles nous avions à lutter, mon opéra-
teur et moi, je crois avoir obtenu de bons résultats. Aucun détail ne
manque sur mes clichés. Pris sur des plaques orthochromatiques dans
des conditions d'éclairage spécialement étudiées par moi, ils ne laissent
rien k désirer quant à la netteté de l'image. A l'heure actuelle, ils
constituent un ensemble qu'il serait fort dillicile, sinon impossible, de
refaire et dont l'importance ne saurait échapper à ceux qui se sont inté-
SOCIETE ASIATIQUE. 139
ressés aux rcprobièmes d'Ajanlâ^. Que je ne sois pas seul à penser ainsi,
c'est ce qui resuite du lait que la Kokka publia en 1917 un nombre con-
sidérable de mes photographies et (ju'un groupe de savants et d'artistes
japonais examine en ce moment les moyens de continuer la tâche que
j'avais commence'e.
C'est en automne 1919 que j'appris, par hasard, que le Service Ar-
chéologique de l'Inde avait repris contact avec les grottes si longtemps
laissées sans surveillance et comme oubliées par lui, et que l'on songeail
à publier Ajanlà. Ce fut pour moi une bonne nouvelle. J'écrivis sponta-
nément à Sir John Marshall, alors de passage à Londres, en lui signa-
lant les résultats obtenus au cours de mon voyage à Ajanlâ et mon désir
de mettre à son entière disposition la totalité de mes documents. 11 me
ri'pondit de suite, en me remerciant en termes courtois de mon oflVe.
mais il m'apprit en même temps qu'il ne pouvait pas en tirer un grand
avantage, vu qu'il était question non pas d'un ouvrage du type ordi-
naire, illustré de planches phototypiques ou d'héhogravures, mais d'une
publication en couleurs dont la réalisation imposait des procédés tech-
niques spéciaux. Ce projet me causa quelque surprise. J'ai eu plusieurs
l'ois l'occasion, au cours de ma carrière d'historien d'art, d'étudier et de
publier des monuments anciens dont l'état de conservation i-appelait celui
des peintures d' Ajanlà. Je savais également à (juelles dillicultés s'étaient
heurtés ceux de nos collègues 'qui avaient songé à reproduire en fac-
similé les fresques souterraines d'Egypte, celles des catacombes et des
tombeaux étrusques. Je demeurais donc sceptique à l'égard des résultats
t|ue Sir John Marshall espérait obtenir, tout en lui souhaitant par la
pensée une brillante réussite. L'expérience que viennent de faire M. Fou-
cher et l'éminent chef de l'Archaeological Survey a malheureusement '
confirmé mes doutes. Faut-il de ce fait renoncera la partie? Certes non !
D'ailleurs, le problème qui se pose n'est-il pas en somme déjà résolu?
Les clichés d'Ajantâ, déposés au Musée Guimet, à la section photogra-
phique, créée l'année dernière, sont accessibles à tout le monde. Ils
pourraient être de suite utilisés par celui qui entreprendrait la belle et
grande lâche de faii-e connaître au public les plus anciennes peintures de
riude. On peut les compléter sans courir les risques d'un échec coûteux.
Rien de plus facile aussi que d'ajouter aux documents photograpbicpies
quelques notations de couleurs prises sur place. Intégralement j)ublié,
cet ensemble lendrait de plus grands services h la Science qu'un album
de calques, exécutés par des artistes, sans doute pleins de bonne volonté
et d'ardeur, mais inca[)ables de saisir la dilïérence entre une ligne réelle
et une ligne imaginée.
1/iO JANVIER-MARS 1922.
Pendant mon séjour à Ajantà, je pus me rendre compte des obstacles
que rencontrait le travail inliniment consciencieux de Lady Herringliam
et de ses aides. Les rugosités des parois peintes arrêtaient à chaque instant
le tracé du crayon qui suivait les contours à peine visibles à travers le
papier. 11 était en même temps indispensable de tenir compte du danger
que présentait la moindre pression exercée par les doigts du copiste sur
la surface écailleuse des fresques. La destruction de toute une peinture
pouvait en résulter. Ce n'est que grâce à des précautions minutieuses
que pareil désastre a pu être évité. Que de fois, dans ces conditions,
fallait-il recommencer un calque, le dessinateur s'étant trompé dans la
lecture d'un détail! Parfois aucune indication linéaire n'était discernable
sur la serpente, par suite du mauvais état de la fresque. C'est alors, et
personne ne songera à blâmer l'artiste, que la fantaisie érudite et pieuse
se substituait à la réalité . . . Quiconque a manié le calquoir connaît ce
genre de tentation : l'horreur du vide, qui s'insinue dans l'âme du co-
piste au fur et à mesure que son travail avance et qu'apparaissent les
inévitables lacunes dues à la mauvaise conservation de l'original ! J'avais
essayé moi-même, à plusieurs reprises, de calquer quelques motifs
d'Ajantâ, utiles à mes études de style. Je n'obtins que des résultats très
insuflisants. Et pourtant, il s'agissait dans mon cas de surfaces relative-
ment minimes, ne dépassant pas un mètre carré!
Qu'il me soit permis d'ajouter à ceci une autre remarque de caractère
technique. Les peintres d'Ajantâ, dit M. Foucher, crn'étaient pas de purs
coloristes 7). D'accord! Il n'en est pas moins vrai que la j)lupart des
peintures conservées dans les grottes sont exécutées selon un procédé (pii
fait songer aux fresques de Pompéi, c'est-à-dire que la couleur pâteuse
et crûment appliquée à la surface murale écrase souvent les contours et
déborde pour ainsi dire sur la silhouette dessinée qui se trouve de ce fait
presque effacée. Aucun dessinateur ne saurait faire fuce aux diOicultés
d'interprétation qui en résultent. Les ouvrages de Lady Herringham et
de Griffîths nous en fournissent la preuve. Par contre, ces mêmes dilli-
cultés n'existent ni pour le photographe, ni pour l'imprimeur d'art.
En résumé, la question d'Ajantâ se pose ainsi. Un inventaire photo-
graphique, commencé en 1910, a donné des résultats satisfaisants et
peut être utilisé pour une publication à grande échelle dont Tintérêl
scientin(|ue est hors de doute. Il ne s'agit que de continuer cette œuvre
et de la rendre aussi parfaite que possible en appliquant aux travaux
futurs le bon vieux principe : l'union fait, la force!
V. (lOLOOBEW.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. IM
ANNEXE
AU PROCÈS-VERBAL DE LA SEANCE DU 13 MAI 1921.
Il est bien connu qu'eu Egypte, au temps de la X1X° et de la XX° dy-
nastie, entre i3oo et 1900 av. J.-C, paraissent dans les relations pha-
raoniques les noms d'une quinzaine de peuples d'outre-Méditerranée ,
dont les Égyptiens rencontrèrent des représentants sur les champs de
bataille les plus divers, à la solde des Kheta de la Syrie du Nord en
fjucrre avec Ramsès II, avec les Libyens qui attaquent Mineptah, en
dernier lieu constituant les Peuples de la Mer dont Ramsès III repousse
l'oflensive. Ces étrangers sont des gens de l'Egée ou d'Asie Mineure
dont les désignations se laissent identifier; on relève parmi eux les Poti-
lousati dont on retrouve le nom , d'autre part, chez les Philistins d'après
qui la Palosùnc est nommée, et dont la documentation biblique permet
de situer le pays d'origine en Crète.
On a trace des mêmes peuples ultérieurement aux événements où
l'Egypte fui intéressée. Outre des Poulousati en Palestine, comme on
vient de le dire, à l'époque israéUte , on retrouve des Zakkarou un peu
plus au Nord vers l'an i loo (documentation égyptienne); des Shardina
donnent leur nom à la Sardaigiie, des Tourska deviennent les Tyr-
rliènes, Tyrsènes, Tusci, etc. d'Italie (les Gi-ecs savent que Tijrshnes ou
Tyrrhènes d'Italie sont des ffLydiensfl), des Shakalasha sont peut-être
les Sicules, et des Ouashasha les Osques. Non qu'il faille croire, certes,
que ce sont les bandes mêmes repoussées par les Egyptiens qui se
fixèrent ainsi; mais leurs congénères émigraient, essaimaient vers la,
même époque dans toutes les directions de la Méditerranée.
Parmi ces Maritimes agresseurs des Egyptiens, très intéressants sont
les Akalouasha et les Dainiou, dans lesquels l'égyptologie reconnaît de-
puis longtemps des Achéeiis et des Danaens. Pour Dainiou, nulle dilli-
culté à voir en eux des Egéo-asiauiques, étant considéré que dans la
tradition greccpie même, le Danaos dont le souvenir est attaché à Argos
et à la fondation deMycènes, venait d'un outre-mer très lointain. Pour
Akaiouaslia-Achécns , les choses vont moins simplement : Ucaiouaslia est
égéen ou carien, très probablement, comme tous ses voisins de la liste
égyptienne, et en outre, d'après la désinence, comme Toursha , Shaka-
lasha et Ouasliasha cités tout à l'heure; niais comment concilier le fait
avec cette auLie circonstance, que les Achéens sont des Hellènes de la
(irèce continentale ?
\fr2 JANVIER-MARS 1922.
Ubscivei', loul d'abord, que les raisons d'identifier Akaiouasha et
AchépHs sont peut-êlre plus simples et plus certaines qu'il n'a été aperçu
jusqu'ici. Car dans le nom reçu et transcrit par les Egyptiens, il y a la
désinence -asha, fréquente dans les noms de la liste, et qui est l'ethni-
que asianique bien connu -AT02, -acrcros de la transcription grecque
ordinaire; de telle sorte que pour avoir le nom sous sa forme radicale,
débarrassé de l'ethnique suffixe peut-être par quelque cita te ur de langue
carienne, il faut le réduire à Akniou, qui est alors kyjxtoi pur et simple.
Ceci n'est point une raison de croire que la forme première du nom
est l'asianique : une fois l'ethnique asianique ôté, il ressort que la déri-
vation est également possible et également simple dans les deux sens ,
AWhalou à Àp^ajo/ ou inversement. Que Akniou de la relation égyptienne
soit très probablement un égéo-asianique , cela résulte seulement des
circonstances dans lesquelles on le rencontre. Mais le fait, si on l'admet,
est-il en contradiction avec celui des Achéens considérés d'ordinaire, et
ne se pourrait-il pas que les Achéens primitifs du Péloponnèse fussent des
Egéo-asianiques immigrés ?
La tradition grecque parait le savoir très bien. On y trouve qu'Argos,
Tirynlhe, Mycènes sont des villes antéhélléniques , fondées par des
Egéeus, Inakhos, Danaos, Pelasgos, en rapport avec le Phrygien Pelops,
père d'Atrée, père des grands achéo-péloponnésiens de la tradition ho-
mérique, Agamemnon et Ménélas. Agameiimon, TAchéen par excellence ,
de source phrygienne, rien ne semble pouvoir accuser plus clairement
la position ethnique primitive des Achéens, et l'on se tiendrait à la sim-
plicité séduisante de cette conclusion s'il ne se dressait d'aulre pari, à
l'encontre de la suppression des Achéens hellènes, des difficultés très
graves."
Dans la tradition même subsiste une dualité extrêmement irréduc-
tible : rf Agamemnon T jÂrygien, mais en même temps hcllciu' spécifi-
quement, représentativement , et avec lui la chose achéenne tout
entière. Tout se passe comme .si, dans une première forme tradition-
nelle, V historique ou Y authentique , les Pélopides et les nations qu'ils re-
présentent étaient encore égéo-asianiques, et que dans une forme de
deuxième stade seulement, V homérique, trAchéens'i et Pélopides fussent
englobés dans l'hellénisme. Ceci -suffirait, dans l'hypothèse d' Achéens
d'outre-mer, à expliquer l'élaboration de la tradition, mais le terrain
déblayé de ce côte , il se j)résente d'autres objections dans le domaine
{>roprement historique.
Ces objections ressortent de l'ensemble d'une situation linguistique
qu'on j)eut résumer en disant que les parlers dorieus de l'e'poque histo-
SOCIETE ASIATIQUE. 143
riqiie recouvrent un substrat du type ancien dont la famille est précisé-
ment celle que les Grecs classent sous la dénomination à'nchéen : d'où il
ressort qu'au dessous des Doriens il faut bien qu'il y ait eu, comme
l'histoire traditionnelle le veut, des Achéens helléniques.
Pour satisfaire aux nécessités de ces divers témoignages, il semble
qu'il faille distinguer des Achéens de deux périodes. D'abord VantélicHc-
nique, comprenant l'arrivée dans le Péloponnèse des premiers mari-
times, Inakhos, Danaos, puis les Pélopides de l'empire péninsulaire;
domination égéenne qui prend fin avec l'arrivée des Hellènes, ceux
qu'on a[)pelle les Achéens d'ordinaire. Sans doute le nom égéen sera-
t-il resté fixé au pays, désignant ses nouveaux occupants, les Achéens
de la deuxième période, \ hellénique, qui devaient être, par la suite,
déplacés ou recouverts par les Doriens.
On observe que, par ailleurs, l'analyse toponymique décèle en Grèce ,
tout au début, une couche égéo-asianique (Lyciens, Cariens, Etéocré-
tois) que recouvrit l'arrivée des lUyro-thraces , eux-mêmes prédécesseurs
des Hellènes. Les Achéens primitifs arrivés d'outre-mer sont bien pro-
bablement du groupe très ancien des Egéens, Lyciens, Cariens, etc. du
premier stade.
La chronologie est difficile à préciser. Si l'on accepte les données
alexandrines traditionnelles, c'est au xiv' siècle que les Hellènes descen-
dent du Nord, et il faut admettre — cela est sans difficulté — qu'à
cette époque' les Egéo-asianiques , les Achéens parmi eux, étaient en
(îrèce depuis longtemps. Ces Achéens sont donc de beaucoup antérieurs
à leurs congénères qui, d'Asie Mineure, se portent à l'attaque de
l'Egypte vers laSo, Con)ment progressent ensuite les événements en
(Jrèce?La période des Achéens hellènes, dans le Péloponnèse, se place
entre i4oo et iioo; à cette dernière date, l'invasion dorienne; vers
io5o, les rr Ioniens" passent la mer et prennent pied en Asie Mineure,
en même temps, indubitablement, que Chypre et la Crète sont abordées
par les Hellènes , Achéens et Doriens sans doute. 11 est très remarquable
de trouver le terme de io5o, comme date de l'apparition des Hellènes
en Crète, confirmé par l'archéologie (chronologie des périodes tcmi-
MoennesT) d'Evans).
Il faut donner attention, à ce propos, au passage connu d'Odi/ssée,
XIX, 176-179, enregistrant en Crète des Achéens et des Doriens a côté
de Kydoniens, dlùéocrétois et de Pélasgcs. Ce tableau pourrait, comme
on voit, se référer à une situation historique authentique des environs
de l'an 1000, mais il est plus probable que la notice ethnographique
passée dans le poème est de l'époque même du rédacteur, c'est-à-dire
la JANVIER-MARS 1922.
nolablenienl plus tardive que le xi' siècle. En tout état de cause, on ne
saurait suivre cerlains historiens (Dorpfeld, Ed. Meyer) qui, envisa-
geant rindicalion de l'Odyssée comme un renseignement historique véri-
lahle, croient voir des Hellènes en Grèce dès le w' siècle, et leur attri-
buent les actions de guerre en Crète dont on a trace vers celte époque :
ces dernières considérations comportent une eireur de critique grave.
Raymond Weill.
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voie d'ériianjjc. Les noms des donateurs sont indiqués à la suite des titres :
A. = auleui ; Kd. — éditeur; Dir. = Direction d'une société savante, d'un
établissement scienlifique ou d'une revue; M. I. P. = Ministère de l'instrurlion
publique.
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La Société asiatique a perdu en G. Delphiu un de ses membres les
plus anciens.
Venu jeune encore en Algérie, en 1876 , il fut sensible dès le premier
jour à l'intérêt offert par la société arabe et se donna pour tâche de con-
naître la civilisation de nos sujets. Pendant plus de 3o ans, il mêla
étroitement sa vie à celle des musulmans algériens. En même temps qu'il
s'applicpiait à l'étude de la langue arabe «'t de l'Islam, il consacrait son
activité pratique à instruire et former l'élite des jeunes générations indi-
gènes.
Pourvu d'une solide culture classique, Delpin'n commença d'ap-
prendre tout seul l'arabe; il fit dans l'étude de celle langue des pro-
grès si rapides qu'il put, quelques années plus tard, être chargé de
l'enseigner à la chaire publique d'Oran, puis à 1 Ecole des lettres
d'Alger.
En 1896, le Gouvernement général de l'Algérie entreprit de réfor-
162 AVIUL-JUIN 192-2.
mer l'enseignement supérieur musulman dans les me'dersas. On voulait
mieux préparer à leur tâche professionnelle les futurs fonctionnaires
indigènes et donner à ces représentants des classes dirigeantes un ensei-
gnement mixte, adapta a la vie composite de l'Algérie française, combi-
nant les sciences musulmanes Iradiliounellcs et des éléments do culluie
européenne. Les qualités personnelles de Delphiu et ses études anlc-
rieures — il venait de publier une sérje d'articles sur l'enseignement à
la Mosquée de Fez — le désignaient en première ligne pour collaborer
à celte réforme. 11 fut appelé à ia direction de la Médersa supériem-e
d'Alger et y resta dix ans. Parmi de nombreuses difficultés il y accomplit
sans défaillance une œuvre de haute valeur, exerçant sur ses élèves une
heureuse influence et marquant de son empreinte plusieurs générations
de fonctionnaires indigènes.
L'œuvre scientifique de Delphin est importante et variée. Elle va de
l'histoire au droit musulman et à la grammaire de l'arabe classique. Les
études de dialectologie niaghribine y sont largement l'eprésentées.
L'ouvrage capital de Delphin dans ce domaine est son Beciœil de Textes
•pour l'étude de l'arabe parlé. Ce livre constitue l'une des plus riches et
des plus rares collections lexicographiques jusqu'à présent réunies dans
le champ de l'arabe moderne. Il mot en lumière le talent de fauteur
dans l'art difficile de l'information orale. Aucun ouvrage consacré à
l'arabe maghribin n'a été étudié avec autant de zèle par les praticiens
algériens; aucim recueil de documents n'a été mis davantage à contribu-
tion parles sociologues et linguistes nord- africains.
Il convient de faire une place à part dans l'œuvre de Delphin à srs
études sur les mœurs et le langage des étudiants campagnards. Les mi-
heux ruraux demi-lettrés avaient de bonne heure piqué sa curiosité et
il les avait soumis à de patientes entpiètes. L'influence de la scolastique
musulmane sur ces esprils h'ustes u juxtaposé à leur simplicité native une
subtilité acquise et un peu puérile. Le pédautisme naïf qui est leur trait
dominant s'exprime dans une langue à part mêlant au fonds des parlers
locaux des élémenls littéraires disparates, expressions coraniques, frag-
ments de prose rimée des gongoristes classiques, lieux communs des
poètes moralistes , termes techniques du droit et de la théologie. Ce sont
ces bédouins cultivés qui ont maintenu dans les campagnes du Maghreb
un certain contact entre la langue écrite et la langue parlée; et c'est [lar
leur intermédiaire que les dialectes ruraux iiiaghribins ont subi de tout
temps l'inlluence de l'arabe littéraire et aussi des parlers citadins. Le
Jiécit dcfi aventures d'un étudiant au village nègre d'Oran et les Séances de
Aouali publiées par Delphin l'un en 1898 j\ Alger, les autres en 191^-
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 163
igi5 à Paris (Journal rts/a%«e) fournissent de prëcieux spécimens du
ian{,''age et du style de cette classe des tolbas ruraux.
Depuis une dizaine d'années, Deipliin ne résidait plus en Algérie,
mais il y faisait de fréquents voyages et avait conservé toute son ardeur
pour les éludes orientales. Bientôt la guerre allait poser les plus graves
questions de politique indigène nord-africaine. Ces problèmes ne pou-
vaient écha[)per à l'expérience allenlive de l)el|)liin el il s'atlacha par-
ticulièrement à l'un d'entre eux : la participation plus large et plus
efficace des musulmans maghribins à la défense nationale. Engagé volon-
taire comme interprète de langue arabe à l'âge de Sg ans, il organisa
d'autre part diverses institutions d'assistance à l'intention des soldats et
des ouvriers musulmans venus d ins la métropole.
Au moment où il a disparu , Uelphin préparait la traduction annotée
d'un recueil d'annales de l'Algérie turque rédigé en arabe au milieu
du xvui" siècle. Notre regretté confrère avait réuni pour l'annotation
d'abondants matériaux; la mort l'a empêcbé de les utiliser: par contre,
avant de disparaître , il avait établi la traduction et rédigé définitivement
une importante introduction. En publiant aujourd'bui dans son Journal
les fragments achevés de l'œuvre posthume de Delphin,la Société asia-
tique rend un juste hommage à ce collaborateur lidèle, à ce savant
consciencieux et à cet homme de bien,
VV. Marçais.
INTRODUCTION.
Les annales d'Alger pour la période turque durant laquelle
cette belle cité, malgré sa situation exceptionnelle et la fertilité
(le ses environs, ne fut jamais qu'un nid de forbans et une
géhenne avec toutes ses hontes et ses douleurs pour les mal-
heureux chrétiens réduits en esclavage, ont été écrites avec
tant de compétence par M. de Grammont^^' qu'une nouvelle
contribution à cette histoire peut paraître superflue.
Il en serait incontestablement ainsi si l'on devait s'en tenir
iuix soiu'ces européennes que cet auteur a minutieusement
"' H. D. KE Ghammont, llixtoire d'Aller sans lu doininalion lui-que (i5i5-
ifS.'îo), 1 vol. iii-8", Paris, Eruest Loruiix, 1887.
164 AVRIL-JUIN 1922.
compulsées en feuilletant les fonds inédits d'archives locales,
et en rééditant des relations déjà anciennes devenues fort rares.
Mais ses investigations sont moins étendues en ce qui concerne
la documentation indigène. Ce ne sera point peine perdue,
j'en suis convaincu, que de reprendre l'étude méthodique des
manuscrits indigènes d'histoire locale qui n'ont été que super-
ficiellement analysés. Ils contribueront à élucider quelques
points restés obscurs dans cette histoire tourmentée d'un peu
plus de trois siècles.
Sans doute, M. de Grammont ne s'en est pas désintéressé
complètement, car les travaux de Berbrugger, Féraud, Devoulx,
publiés dans le Recueil de la Société historique algérienne, dont
il fut le président, et ceux plus anciens de Sanderrang, Rous-
seau, etc., auquels il se réfère en maintes circonstances, ne
sont, en définitive, que des documents indigènes traduits et
commentés par ces orientalistes. Mais, critique sévère, il ne
pouvait admettre que les écrivains musulmans en prennent
tant à leur aise avec des faits incontestés et jugent des événe-
ments comme si l'Islam était le pôle du monde. Aussi a-t-ii
fait leur procès dans les premières pages de son livre ''^ avec
cette vivacité qui lui était familière :
A aucun moment, dit-il, on ne peut faire fond sur les chroniques
indigènes. Elles sont d'une extrême rareté et l'on n'a guère à le regretter
quand on sait combien celles qui ont été conservées sont dilFuses et rem-
plies d'erj'eurs, d'exagérations et de mensonges souvent voulus.
Doit-on prendre à la lettre cette opinion, si autorisée soil-
elle, et s'interdire, d'une façon absolue, cette source d'infor-
mations? Celle partialité est-elle le fait des musulmans seuls?
Il n'y a pas si longtemps qu'ont été définies chez nous les règles
critiques de la méthode historique.
Les annalistes musulmans sont sujets à caution, c'est en-
<') Même ouvrage, Introduction, p. xiv.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 165
tondu, mais de ces prémisses, on ne peut inférer d'autre con-
clusion légitime que celle de ne pas se départir, à leur égard ,
de la plus grande circonspeclion. En revanche, il est exact,
comme l'écrit M. de Grammont, que ces chroniques sont d'une
extrême rareté et l'on est vraiment déçu, au milieu de tant
d'ouvrages de droit, d'exégèse, de grammaire, de lexicogra-
phie, recueillis par nous en Algérie depuis notre prise de pos-
session du pays, de ne découvrir qu'un si petit nombre de rela-
tions historiques.
Nous ne pouvons que le regretter, car si imparfaites fussent-
elles, il est bien certain que nous en aurions tiré parti.
Tel est bien, du reste, l'avis d'un auteur de mérite, E. Wat-
bled, qui publia dans la Revue africaine, de 1870 à 187/1,
une série d'excellentes études sur le régime turc en Algérie.
A propos de la mort tragique de l'un des premiers pachas
d'Alger, Tekelerli, après avoir analysé des lettres inédites, dont
une de Philippe II d'Espagne, il avoue en ces termes l'embarras
oii il se trouve pour formuler une conclusion :
Trop souvent, dil-il, comme dans le cas présent, l'absence de toute
annale algérienne ne permet pas de dégager la vérité d'assertions contra-
dictoires empruntées soit à d'obscures légendes, soit à des documents
européens, sans aucun caractère d'authenticité'''.
A maintes reprises, M. de Grammont signale très franche-
ment les lacunes de son livre. Certaines périodes, notamment
celles des pachas triennaux, de 1697 à iGSg, sont particu-
lièrement obscures. Ces incertitudes ne tiennent pas seulement
au manque de précision des anciennes relations, mais elles
proviennent, pour beaucoup, des transcriptions, par trop fan-
taisistes, des noms propres étrangers, telles que les ont ima-
ginées les auteurs européens des xvi% xvii" et xvin' siècles. Les
^'^ Ernest Wathlkd, Documcvts médil.i sur rassanalnat du jjacha Tekelerli
(1 556-1 557), dans la Revue africaine, t. XV, 1871, p. 335 et suiv.
166 AVRIL-JUIN 1922.
maîtres d'Aigcr n'nppartenuient pas, on (pi'en très petit nombre,
à ia race autochtone: ils étaient orip,inaires des régions sou-
mises au joug ottoman : Europe orientale, Turquie d'Asie,
Egypte. Ces ethniques étrangers subissaient dans ia bouche des
Algériens une première déformation ; recueillis par les auteurs
européens, ils devenaient, sous leur plume, à peu près mécon-
naissables.
Nous en trouvons une preuve dans cette note de M. de Gram-
mont :
Aucun des textes chronologiques connus ne parle de Saref. dont
l'existence est pourtant rendue incontestable par les lettres du vice-consul
Chaix et par les ouvrages de Gramaye, captif à Alger en 1619 ^''.
On conviendra que, si avisé soit-on, il est difficile de recon-
naître en ce personnage, soit un nommé Khesraf, qui fut pacha
d'Alger, une première fois en 1619 et une seconde en 162/1,
soit Israf Khodja qui, avec Hamouda Tabadji, exerça le pou-
voir quand Hossein Cheikh fut emprisonné, et dont mon auteur
indique avec précision la nature et la durée des fonctions.
De là, une cause d'erreur à peu près inévitable pour qui-
conque ne peut se référer à un texte original arabe ou turc.
Quelques systèmes de transcription plus rationnels tendent,
aujourd'hui, à se généraliser. Ce sera un grand progrès, mais
jusqu'à présent, on peut leur reprocher leur extrême compli-
cation et, surtout, d'avoir trop facilement passé sur la vraie
difficulté de la réforme qui provient de ce que l'usage a déjà
fixé l'orthographe de certains noms ou termes étrangers. On
les trouve, aujourd'hui, sous la plume de nos meilleurs écri-
vains et inventoriés dans nos dictionnaires. Croire, dans ces
conditions, que l'on arrivera à une entente générale, grâce
à laquelle on modifiera toutes les transcriptions erronées des
termes étrangers, c'est, je le crains, se leurrer d'un espoir chi-
(') Dh GRiuKom, Histoire d'Alger, p. i56.
I
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 167
mérique; je considère donc comme indispensable d'arriver à
une transaction et de considérer comme acquises les transcrip-
tions actuelles de nos lexiques. Ce sera, si l'on veut, «la part
du feu 5). Vouloir être trop absolu en celte matière n'aboutirait
à rien.
Si l'on m'objecte que, du moment où il y a dérogation^
le système entier disparaît, je répondrai qu'il faut distinguer
deux cas :
Le premier est celui d'un lecteur qui ne cherche qu'à s'in-
struire des événements historiques d'un pays et ne désire point
avoir la transcription adéquate de l'ethnique étranger. Tout
système qui le mettra dans l'obbgation de s'initier tout d'abord
à l'interprétation de nombreux signes conventionnels lui appa-
raîtra comme une perte de temps et une cotoplication qu'on
eût pu lui éviter, car l'essentiel pour lui est d'idenlifier ses
personnages. On peut, il me semble, sans inconvénient bien
grave, admettre les dérogations auxquelles je fais allusion
plus haut.
Le second cas est celui d'un érudit qui étudie un texte au
point de vue morphologique. Ici, nulle latitude ne doit être
laissée dans l'application du système convenu. Différemment,
il ne serait plus possible d'établir les comparaisons dialectales.
Nous sommes, en effet, dans le domaine d'une science qui vise'
à l'exactitude, et à ce titre, les signes qui l'expriment doivent
être déterminés par une convention à laquelle on ne saurait
déroger.
Mon manuscrit, rédigé par un kourougli, c'est-à-dire un
algérien issu d'un turc marié à une femme arabe, m'a permis
de proposer pour quelques uns de ces problèmes d'histoire
locale, auxquels M. de Grammont a fait allusion, des solutions
satisfaisantes.
Un autre document inédit et dont la publication serait une
annexe utile de ma traduction m'a été d'un graïul secours : je veux
168 AVRIL-JUIN 1922.
parler de la précieuse collection des empreintes autlientiqnes
des sceaux des anciens chefs de la Régence d'Alger.
Elle comprend soixante et onze spécimens, dont le premier
est le sceau d'Hassan Veneziano, aflVanchi d'El Euldj Ali, qui
gouverna Alger de 1577 à i 58o, et le dernier celui d'Hossein
Pacha, qui régnait en 1 83o. Cette collection renferme quelques
lacunes : certaines lectures restent douteuses; elle n'en est pas
moins extrêmement intéressante à consulter.
Je me rendis accjuéreur de ces deux documents à Alger, dans
les derniers jours de 1876, avec d'autres pièces provenant de
la succession d'Albert Devoulx, décédé peu de temps aupar-
avant. Beaucoup de papiers manuscrits de cet éminent arabi-
sant avaient été déjà dispersés. Je m'appliquai à les recueillir,
mais un grand nombre et non des moindres, si je m'en rap-
porte à la hste de ses ouvrages en préparation, échappèrent
à toutes mes recherches.
Est-ce à dire qu'ils sont définitivement perdus ? J'espère que
non. Et ce qui me confirme dans cette opinion, c'est qu'en
191/1, c'est-à-dire trente-sept ans après l'époque dont je parle,
M. Jean Deny, le distingué professeur de turc à l'Ecole des
Langues orientales, découvrit chez un libraire de Paris une
série de firmans relatifs à l'Odjak algérien. Au cours de la com-
munication qu'il fit à ce sujet à l'une de nos séances men-
suelles ^^', j'eus la pensée que ces pièces pouvaient avoir la
même provenance que les miennes. J'en fis part à mon confrère
et le doute ne fut plus possible après que nous les eûmes coUa-
lionnées. Les firmans que je possédais étaient précisément
ceux qui manquaient à la collection de M. Deny. D'autre part,
on relevait sur certains d'entre eux des annotations de la main
d'Albert Devoulx, dont l'écriture m'est familière.
(') Journal iisinti(jup , mai-juin uji"^, séance du 8 mai 191^1, p. 708, ainsi
que ma noie reproduite p. 710.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 109
Ce n'est donc point une vaine conjecture d'espérer que
d'autres personnes que ces études sur l'ancienne histoire
d'Alger intéresseront retrouveront un jour le reste des manu-
scrits précieux provenant de la succession d'Albert Devouk.
Ces empreintes des sceaux des pachas ont été découpées
dans des pièces manuscrites. Quelles étaient celles-ci ? J'ai lieu
de supposer qu'elles provenaient de documents administratifs
recueilhs par nous à Alger, après avoir pris les lieu et place
du Beylik , et qui constituèrent le premier fonds des archives
arabes et turques du Domaine.
On y groupa tout ce qui présentait un intérêt général ou his-
torique : registres de paye de la mihce, actes administratifs,
correspondance ofTicielle, titres de propriété des biens appar-
tenant au Beylilv, actes de habous, de vente, d'échange, dans
lesquels le pacha intervenait soit en son nom personnel pour
des biens lui appartenant en propre, soit en sa qualité de
chef du Gouvernement.
En dessous de ces cachets rangés sur feuilles blanches,
Devoulx a inscrit des dates. Je dois les accepter telles quelles,
car je n'ai aucun moyen de les discuter, n'ayant pas eu entre
les mains les originaux auxquels ces empreintes ont appartenu.
Comme elles sont différentes pour le même cachet et parfois
avec des écarts assez grands, l'hypothèse la plus probable que
l'on puisse émettre , c'est que ces dates sont celles des diffé-
rentes pièces sur lesquelles Devoulx a relevé la même em-
preinte. Il est bon, néanmoins, de rappeler ici que, parfois,
un titre administratif porte le cachet de deux pachas différents.
Devoulx en avait fait la remarque à propos de la constitution
d'un habous au profit de la mosquée de Ketchaoua, actuelle-
ment église cathédrale d'Alger, sous le vocable de Saint-
Philippe : Hassan Pacha qui gouverna Alger de 1791 à 1798
était l'auteur de cette dotation; son successeur, Mustapha
Pacha, apposa son cachet,, «rpour témoigner, dit Devoulx,
170 AVRIL-JUIN 1922.
qu'il n'avait pas l'inlenlion d'invalider les dispositions prises
par son prédécesseur'^'??.
Je n'ai pns fait de constatation analogue dans les anciens
actes que j'ai eus sous les yeux; il est vrai que le nombre en
est infime en regard de ceux que Dcvoulx a examinés, mais
j'ai relevé le même procédé dans un des registres dont j'ai
parlé plus haut. Il s'agissait de la confirmation d'exemptions
fiscales en faveur de la milice. Il était question, en même
temps, de fixations de salaires et de taxations de denrées,
réglementation compliquée qui occupait une place considé-
rable dans le système gouvernemental des Turrs à Alger, car
ces gens entendaient bien, venant de si loin, ne pas s'être
dérangés pour rien; ils voulaient vivre sur le pavs et à bon
compte; j'ajouterai quen cela, ils ont fait preuve d'une ingé-
niosité étonnante. Le prix de certaines denrées alimentaires
n'était pas le même pour eux que pour le reste de la popu-
lation. Ainsi, en ce qui concerne la viande, une taxe très
basse était édictée au profit des acheteurs inscrits au rôle de
la milice, une seconde, moins onéreuse pour le négociant, s'ap-
pUquait aux habitants. La plupart des objets de première
nécessité étaient taxés à la vente au détail. A cet effet, les prix
de revient étaient minutieusement établis; ainsi, pour le pain,
l'huile, le savon, on décomptait la quantité de matière pre-
mière, leur prix d'achat, puis le transport et enfin la main
d'œuvre. Pour arriver à une estimation aussi exacte que pos-
sible, le cheikh el blad faisait procéder, sous ses yeux, à la
fabrication du produit; il établissait le décompte de toutes les
dépenses engagées et le prix de vente était fixé sur ces don-
nées. Le procédé, tout empirique qu'il soit, apparaît en somme
assez expédient, et les circonstances actuelles nous ont montré
les difficultés d'une question de ce genre. Le bain maure,
'"' Edifices reliifieuT , p. 167, n. 9.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 171
donl l'usage est si répandu en milieu arabe, était également
taxé par le même procédé. J'ai relevé la plupart de ces indica-
tions à la bibliothèque de rÉtat-Major à Alger, dans un manu-
scrit portant le numéro 670, attribué à Abd-el-qader ben el
Hadj Youssef Echouihat. Il commence par cette phrase :
Louange à Dieu. Ceci est un règlement, par la grâce de Dieu, en
vigueur dans la ville d'Alger, que Dieu la conserve à l'Islam.
Quelques lignes plus bas, on relève celte date :
Coutumes des marchés à l'encan, année 1116 (6 mai 170 4-9^ avril
1706).
Le manuscrit est une compilation, sans aucun plan d'en-
semble, d'ordonnances de police, de prescriptions fiscales de
toutes sortes relatives à la valeur respective des monnaies en
usage à Alger, aux prix de certaines denrées, au salaire des
fonctionnaires préposés à la vente des marchandises à l'encan,
qu'il s'agisse des esclaves au Badeslan, ou des produits im-
portés des pays Francs et d'Orient. On y trouve encore la
série des droits perçus à la sortie des portes d'Alger, le tarif
des transports par bêles de somme de certaines marchandises,
telles que les grains, le charbon de bois, etc.
Au milieu d'une énumération fastidieuse d'articles les plus
variés, on est surpris de trouver un passage (pie je vais citer
en entier, parce qu'il a une porlée morale que je lue plais à
souligner, après mes nombreuses critiques sur le régime turc
en Algérie.
Il s'agissait de prendre une décision pour faire rentrer des
droits que l'on avait omis de percevoir.
lîaba Ahmed nous fit appeler : Abd Allah Mohammed Ben el Hadj
Youssef Echouilial, Soliman Cheikh Kl Blad, Si Ahmed Ben el Fassia
et El Amin. Le [)aclia dit : ffBcunissc/-voiis vendnMli, el décidez pour
chaque corps de métier, une fois pour loulcs.i Nous nous réunîmes, au
172 AVRIL-JUIN 1922.
jour (lit, à la mosquée d'Es-Seïda^'', vieux et jeunes, et l'accord fut
conclu.
Suit l'énuméralion d'un certain nombre de marchandises.
Enfin, la phrase où je veux en venir :
Restait à découvrir quarante réaux. Nous allâmes trouver Baba Ahmed
et lui fimes notre rapport. Il nous répondit : r Imposez-les aux corps
de métiers qui n'ont pas versé , mais de telle sorte que le riche paye en
proportion de sa fortune, et le pauvre en raison de ses modestes
ressources '•-'. n
(•' La mosquée d'Es-Seida est le monument d'architecture indigène dont la
disjiarition, au début de la conquête, causa le plus de regrets à ceux qui
furent les témoins à Alger de si nombreuses destructions de belles maisons
indigènes et de mosquées condamnées sous prétexte de nécessité militaire. Son
intérieur était d'ime élégance admirable. Une gravure de l'époque nous en a
conservé un souvenir très imparfait, car elle nous représente le monument
déjà aux trois quarts démoli.
Située en face de l'entrée principale de la Djenina , elle servait de chapelle
aux chefs de la Régence qui n'avaient ainsi qu'une faible dislance à parcourir
en dehors de leur palais. On voit par l'extrait du manuscrit d'Echoudiat que
l'on s'y réunissait pour discuter et consacrer certains accords.
Haëdo la cite comme étant une des sept grandes mosquées d'Alger.
La démolition fut commencée en i83o, mais le minaret resta debout jus-
qu'en i83a. Quand on voulut le jeter à bas au moyen de cordages fixés à son
sommet, la sohcle construction résista à tous les eflorts. On l'attaqua alors par
la base avec le pic et la pioche, en remplaçant par des étais en bois les maté-
riaux au fur et à mesure de leur enlèvement. Puis ces supports furent enduits
de poix et entourés de fascines, on y mit le feu. Un témoin oculaire, cité par
Devoulx, raconte que l'on vit le monument s'atTaisser sur lui-même, se pen-
cher du côté Est, en faisant quelques contorsions («te), et tomber à terre d'une
seule pièce. Quelle triste besogne et quel pénible spectacle! Avouons-le! Plus
tard, on regretta de s'être tant hâté quand on constata, lors de l'achèvement des
travaux d'établissement de la place du Gouvernement, que l'élégante mosquée
eût pu être conservée. Elle occuperait actuellement à l'angle l'Ouest la partie
plantée de palmiers que nous avons dénommée : (rS(iuare de la Régence?).
De l'intérieur de la mosquée, on utilisa uue très belle colonnade qui forme
aujourd'hui le péristyle de la grande mosquée de la rue delà Marine (cf. Edi-
Jices religieux, p. 102 et suiv.).
(*' Il s'agit de Ladj Ahmed, qui succéda en lOgS à Chabau Khodja. Ce trait
atténue un peu la sévérité du jugement qui a été porté sur lui et que M. de
Graniniont résume en ces termes : «r C'était un homme capricieux et d'une
bizarrerie voisine de la folien (Hixt. d'Alger, p. atUi).
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 173
L'affaire fut donc réglée dans ces conditions. L'auteur ajoute : rrNous
en informâmes ie doulatli Baba Ahmed, que le salut soit sur vous, ainsi
que la miséricorde et la bénédiction. 11 (le pacha) dit : ffPour que l'on
n'ait pas l'ennui de recommencer ce compte chaque année, il restera
fixé une fois pour toutes. Que Dieu nous accorde son agrément et nous
procure la tranquillité. A la date de 110855 (3i juillet 1696-19 juillet
1697)-
J'ai relevé ailleurs une réglementation au sujet de ce que
nous appelons aujourd'hui la resserre.
Certaines denrées, les légumes notamment, ne pouvaient
être remises en vente le lendemain que moyennant une baisse
de prix sensible, et malheur au délinquant! 11 était immédia-
tement appréhendé, conduit devant le fonctionnaire préposé
à la surveillance des marchés et ne sortait de son bureau
qu'après une copieuse distribution de coups de bâton (''.
On a lu plus haut le nom de Echouïhat.
La rédaction du manuscrit lui est attribuée ; il est considéré
du reste comme l'auteur de la majeure partie des prescrip-
tions administratives et communales en vigueur à Alger. Il
personnifie, pour ainsi dire, toute la science économique de
cette époque. Son nom n'était pas complètement inconnu à
Alger il y a quelques années encore. Le recueil dont je cite ci-
dessus des passages mérite d'être traduit et publié. On a vu
dans quel style fantaisiste il est rédigé. Il s'exprime en langue
usuelle d'Alger. La connaissance de cet idiome est donc indis-
pensable pour en arriver à bout, car l'érudit qui entreprendra
sa traduction doit s'attendre h déchiffrer plus d'une énigme,
la signification de nombre de ces termes étant aujourd'hui
inconnue. On obtiendrait, je crois, des renseignements utiles
*'' Laugier de Tassy, dans son Histoire du Royaume d'Alger, Amsterdam ,
1735, raconte, p. 129 et ia3, l'avenlure d'un marchand de la ville qui fut
pendu sur l'ordre du D(;y Dili Ibrahim, pour avoir vendu du riz et des raisins
secs au-dessus de la taxe.
Mh AVRIL-JUIN 192i'.
en interrogeant des Israélites algériens âgés qui auraient en-
tendu des commerçants indigènes les employer autrefois.
Mon sujet ne me permet pas d'étendre ici cette digression,
mais je signale l'élude de la fiscalité turque en Algérie ù ceux
qu'intéressent les questions économiques étrangères dans les
années qui ont précédé l'époque contemporaine.
Ce fut sans doute en raison de ses fonctions d'agent. des
Domaines que Devoulx fut amené à composer la collection
de cachets que j'ai trouvée dans les papiers de succession; elle
dut lui servir à déterminer plus rapidement et plus sûrement
l'authenticité des documents soumis à son examen. Conserva-
teur des archives arabes et turques, il eut pour mission de
réunir les actes destinés à appuyer les revendications de
l'État dans la propriété des biens de main-morte qui devaient
faire retour au domaine public, du fait de la conquête et de
la suppression des habous.
Cette tâche n'était point aussi aisée qu'elle le semble au
premier abord, car les détenteurs de ces biens, les oukils,
qui n'en jouissaient qu'à titre précaire et moyennant certaines
charges, n'eurent garde, à notre arrivée à Alger, de laisser
échapper l'occasion de s'en emparer. Profitant do l'ignorance
où nous étions de l'existence d'actes et de registres les concer-
nant, ils les firent disparaître, nous privant ainsi des moyens
d'établir nos revendications. Plusieurs d'entre eux vendirent
ces immeubles ou conservèrent la totalité des revenus dont la
majeure partie revenait aux œuvres pies. On décida de mettre
fin à cette situation si préjudiciable aux intérêts de l'Etat.
Ce fut le général Charron qui, le 3 octobre 18/18, pro-
mulgua un arrêté complémentaire de ceux des 7 décembre
i83o et s>') mai 18/1 3, restés sans elfet Tun et l'autre. Aux
termes de cet arrêté, r^tous immeubles appartenant aux mos-
quées, marabouts, zaouias et en général tous les établisse-
ments religieux musulmans encore régis par les oukils étaient
HISTOmK DES PACHAS D'ALGER DE 1515 À 1745. 175
réunis au Domaine qui devait les administrer. Tous les titres,
registres et autres documents relatifs à ces immeubles et à leur
gestion devaient elre remis à l'agent des Domaines désigné à
cet elTetî).
En exécution de cet arrêté, Albert Devoulx fut nommé pour
représenter le Domaine à Alger et dans sa banlieue.
Décision particulièrement heureuse : le fonctionnaire ainsi
choisi avait toute l'activité et toute la compétence nécessaires
pour bien remplir une mission aussi délicate. Il sut faire resti-
tuer à l'Etat les biens qui lui appartenaient et réunit les docu-
ments qui nous permirent de gagner les instances en cours.
De ce chef, bien des édifices publics, religieux ou autres,
furent sauvés de la destruction, car vendus à des spéculateurs,
ils n'eussent pas tardé à être démolis pour faire place à des
immeubles de meilleur rapport.
Elle eut un autre résultat. Le fonctionnaire avisé qui tenait
de son père Alphonse Devoulx ''' un goût très vif pour l'his-
'^i Nous n'avons que fort peu de renseignements sur Alphonse Devoiilx ot
les dates des principaux événements de sa vie son\ incertaines. D'après Klein ,
il fut nommé receveur des Domaines à Alger le 19 février i83i. Pan une allu-
sion d'Alhert Devoulx, nous savons qu'en iSag, il était à Tunis.
Les quelques détails que j'ai recueillis sur lui me proviennent de personnes
(|ui fui'cnt les condisciples de son lils au collège d'Alger. Cet établissement
était alors installé rue Bab-Azoun , dans une ancienne caserne de Janissaires
dénommée dur enkchaïria mla bab Azoun ffCaserne des janissaires à Bab-
Azoïmn, et plus rarement ilar el-lebendjia f maison des vendeurs de petit lait»
ou, comme le traduit Albert Devoulx : cfdes buveurs de petit lait«. Les témoi-
gnages datlection qu'Alphonse Devoulx prodiguait à son lils les avaient tous
frappés. Il l'accompagnait à la rentrée des classes, quelque temps qu'il fit,
puis il allait l'attendre dans une boutique sise non loin de là , appartenant à
un Kourougli, marchand de grains, de farine ot de caroubes. On voyait
Alphonse Devoulx s'entretenir avec lui et prendre dos notes sous sa dictée.
Cet indigène passait pour un homme instruit, très au lait de tout co qui con-
cernait l'époque turcjue à Alger. Mes informateurs étaient convaincus que
cette documtfutalion constituait le meilleur de ce qu'Albert Devoulx avait
publié dans la suite.
Ces personnes n'avaient pas la compétence nécessaire pour porter un sem-
176 AVRIL-JUIN 1922.
toire et l'archéologie, se prit de passion pour les documents
cjue le hasard mettait si heureusement entre ses mains. Il ne
blablo jugemont sur l'œuvre entière d'Albert Devoulx, mais je crois qu'Al-
phonse Devoiiiï facilita singulièrement à son liis ses débuts dans sa carrière
d'arabisant. Il m'avait toujours paru surprenant que ce dernier eût publié,
aussi jeune, des traductions de manuscrits dont le déchifTrement exige une
connaissance de la langue arabe que l'on n'a pas à cet âge, car c'est entre
vingt et vingt-cinq ans qu'Albert Devoulx réunit et traduisit les manuscrits
arabes et turcs qui forment la matière de son tachnj'at. Nous savons, il est
vrai, que la collaboration de lettrés indigènes ne lui fit pas défaut. Cela ne
sullit pas; pour que cette collaboration soit réellement efficace, il faut que l'au-
teur soit à même de tracer la tâche à remplir et la contrôler. Je retiens éga-
lement une autre affirmation de ses condisciples, à savoir qu'au collège de
Bab-Azoun, il ne se distinguait nullement par sa précocité dans l'étude de la
langue arabe.
11 est à remarquer d'autre part qu'Alphonse Devoulx, qui savait parler et
écrire couramment l'arabe, n'a jamais rien publié de ces notes qu'on le voyait
recueillir sans relâche. Ce faisant, il avait certainement un but; je n'en vois
pas de plus probable que l'intention de permettre à son fils sur lequel il fon-
dait les plus grands espoirs d'écrire cette histoire d'Alger qui n'avait pas encore
été faite et dont il entrevoyait l'intérêt. Ce fut, en efiet, cette tâche qu'Albert
Devoulx poursuivit durant toute sa carrière; tous ses articles qui s'y rat-
tachent en sont la préparation. Sa mort prématurée survenue en 1876 à
l'âge de cinquante ans ne lui permit de publier que les premiers chapitres
de cet ouvrage.
On ne peut prétendre qu'Alphonse Devoulx n'avait pas les connaissances
générales indispensables pour faire œuvre d'auteur. Il suffit de lire son article
sur l'amphithéâtre romain d'El Djem en Tunisie, paru dans la Revue africaine
en 187^, article dont il est incontestablement l'auteur, car il prend soin
d'avertir le lecteur qu'il est (fia copie textuelle» de son journal de route, pour
être convaincu que son auteur était à même d'écrire sur n'importe quel sujet
d'histoire. Comment cet article écrit en janvier i83o ne parut-il que quarante-
quatre ans plus tard? Ceci est dillicile à expliquer. Son fils avait toute facilité
pour le faire admettre par le Comité de rédaction de la Revue africaine, où
lui-même a fait imprimer à peu près tout ce qui a paru de lui. Pourquoi
a-t-il attendu si longtemps pour y insérer cette étude archéologique dont l'in-
térêt principal consistait à être imprimé le moins de temps possible après avoir
été écrit? Alphonse Devoulx ne comptait que des amis : Berbrugger, le prési-
dent de la Société algérienne et par conséquent du comité de rédaction de la
Reçue, était très lié avec lui et le consultait volontiers; Mac Carthy en faisait
le plus grand cas.
Dans ces conditions, il est, je crois, inutile de chercher davantage à expli-
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 1?7
borna pas son activité à un rôle purement administratif; il se
rendit compte , dès le premier jour, combien ces documents
étaient intéressants pour l'histoire locale d'Alger et celle des
relations de la Régence avec l'Etranger. C'est grâce à lui que
nos archives s'enrichirent de nombreuses pièces arabes et
turques qui, sans lui, eussent été dispersées et perdues,
comme tant d'autres vestiges de cette époque dont nous déplo-
rons aujourd'hui la disparition.
Sa mission ayant pris fin, il assura le dépôt de ces archives
dans une de nos bibliothèques publiques d'Alger, celle du Gou-
vernement général, rue Bruce. Les érudits qui, un jour, vien-
dront les dépouiller méthodiquement, ne manqueront pas
d'en reconnaître l'importance et rendront justice à l'œuvre
de Devoulx.
Mais, déjà, et beaucoup grâce aux articles parus dans le
Bullelin de la Société du Vieil Alger, sous la signature de son
érudit secrétaire général, M. Klein, les Devoulx ne sont plus
des inconnus pour les Algérois; et la Municipalité, sur la pro-
nosition du maire, M. de Galland, auteur lui-même d'une
intéressante plaquette sur le vieil Alger '^', a décidé, il y a peu
de temps, de donner le nom d'Albert Devoulx à une des nou-
velles rues de la ville.
Une indication que je relève sur la couverture du tirage
à part de VEpigraplde indigène du musée archéologique d'Alger,
quor le silence voulu d'Albert Devoulx à l'égard de son père. J'hésiterai tou-
jours à porter sur lui un jujjemcnt trop sévère, car il est des raisons que je
puis ignorer. Mon but uni([ue a été de ne pas laisser tomber dans l'oubli le
nom d'Aipbonse Devoulx. Sou rcMe fut modeste et ellacé; il mérite néanmoins
d'être cité à côté de celui de ces hommes d'étude qui, arrivés au début de la
conquête, entreprirent les recherches historiipies sur le [)assé de ce pays, sur
hjquel tant (h' légendes avaient cours et qui lurent les précurseurs de nos
savants archéologues contemporains.
C' Feuillets d'El Djczair, sept hrocimres iu-8" avec de nombreuses illustra-
tions, Alger, Jourdan, i (jio-Kji 'i.
1?8 AVRIL-JUIN 1922.
d'Albert Devoulx'^', nous apprend qu'il avait l'intention de
publier cette collection de cacbets. En eiïet, après avoir énu-
niéré ceux de ses ouvrages déjà parus ^ au nombre de 12,
puis ceux terminés et non publiés, au nombre de U, il range
dans une troisième catégorie ceux «en préparations, au
nombre de 11, parmi lesquels nous en relevons un, inti-
tulé : IjCs chefs de la régence d'Alger, essai de chroHologte des
pachas, agas, deys et pacha-deys d'Alger, arec documents, rensei-
gnements et fac-similé des cachets. Il est de toute évidence que
cet ouvrage qu'il projetait d'écrire n'est autre que celui qui
parait ici même. Mais combien le livre de Devoulx eut été plus
complet que le mien! puisque, de tous les documents auxquels
il fait allusion, un texte arabe sans aucune note et la collec-
tion des cacbets me sont seuls parvenus. Il avait dû, en outre,
extraire de la correspondance du Beylick et peut-être aussi des
autres chapitres du manuscrit du fils du mufti bien des rensei-
gnements qui eussent trouvé leur place dans la publication
qu'il projetait. Il l'eût très probablement continuée jusqu'en
i83o, tandis que j'ai cru devoir ra'arréter avec mon manu-
scrit en 17/15, me trouvant en présence d'une lacune de plus
de cinquante ans entre cette date et l'année 1798, qui corres-
pond au début du règne de Moustafa Pacba, à partir duquel
je pourrais rapporter quelques faits inédits que je tiens de la
tradition orale indigène et que j'ai consignés dans des notes
prises à Alger avant 1880, époque à laquelle je quittai cette
ville pour un poste de l'intérieur, d'où je Jie revins (ju'en i8y5.
Combler cette lacune uniquement au moyen d extraits d'ou-
vrages déjà parus ne répond en aucune façon au but que je
me suis proposé. J'y ai donc renoncé.
Quant aux traditions orales qui sont un écbo lointain de la
vie anecdotique de l'Alger turc, elles feront l'objet d'une autre
('* Epigvaphie indigène du musée archéologique d'Aigei-, suivio (1^111 musée
mural à Alger, par Albert DeVodlx, Alger, Jourdan , 1S7Û.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 15 IT) A 17/i5. 179
publication. Néanmoins, on en trouvera quelques-unes dans la
dernière partie de mes notes, celles qui ont trait à la topo-
graphie de l'ancien Alger et à son organisation administrative
qui fut conservée dans ses grandes lignes jus(ju'à la fin. Albert
Devoulx, qui appartenait à la génération qui a précédé la
mienne, eût pu nous laisser une moisson plus riche de souve-
nirs et traditions remontant à la période turque. Sa situation
oUicielle lui fournissait à cet égard des occasions nombreuses,
et des facilités toutes particulières. Il ne l'a point fait, ou si
imparfaitement! Ses publications s'en ressentent et sa belle
Histoire d'Alger qui, dans la partie consacrée à la topographie
de cette ville aux derniers jours de l'occupation turque, peut
être considérée comme l'œuvre la plus documentée écrite jus-
qu'à ce jour sur cette matière, eût gagné beaucoup en relief et
en intérêt a relater, je ne dis pas des légendes, mais les tradi-
tions de certains événements locaux dont ces murs furent le
théâtre parfois tragique, événements que l'histoire n'a pas
enregistrés. Elles eussent communiqué un peu de vie à ces
pages qui nous donnent l'impression d'une longue et mono-
tone nomenclature de rues, de marchés et d'échfices publics.
Devoulx s'est absorbé dans la traduction des actes oiliciels;
il les a fort bien analysés, je le reconnais; mais il est toujours
temps de le faire, ces documents déposés en lieu sur ne ris-
quant pas d'être perdus pour lui ou ses successeurs. Il aurait
pu étendre davantage^ ses investigations autour de lui, inter-
roger les indigènes très nombreux alors (jui avaient vécu sous
le régime turc, et dont plusieurs avaient appartenu à cette
administration. Il ne s'est pas assez rendu compte que le temps
faisait son œuvre et emportait avec lui beaucoup de souvenirs
d'une époque que nous regrettons ne pas mieux connaître. 11
obéissait à un préjugé à peu |)rès général alors; les traditions
orales n'étaient pas en honneur, et les érudits se défendaient
d'y avoir recours. Dans la mesure de mes moyens, et autant
180 AVRIL-JUIN 1922.
que les circonstances me l'ont perniis, je me suis efforcé de
combler cette lacune.
Ces souvenirs seront une diversion à la monotonie d'un
texte hérissé de dates et de noms propres. Ce ne sont sans
doute que les miettes de l'histoire, mais ayant été très proba-
blement le dernier qui ait eu la pensée de les recueillir à une
époque aussi éloignée de la bouche même des quelques sur-
vivants de l'ancien régime que la mort a aujourd'hui couchés
l'un après l'autre dans la tombe, il importait que je ne sois
point seul à en conserver le dépôt.
Deux bibliothèques d'Alger, la bibliothèque du Gouverne-
ment général d'Alger, rue Bruce, et celle dite du Musée, rue
del'Etat-Major, sont particulièrement riches en pièces officielles
arabes et turques; ces pièces, que l'on y a réunies sans mé-
thode bien définie et qu'un conservateur très compétent,
M. Esquer, dans celle du Gouvernement général, s'apphque
aujourd'hui à classer, n'ont guère été compulsées depuis Albert
Devoulx. En revanche, celui-ci, vrai bénédictin ainsi que l'a
défini très justement Berbrugger'^', les avait, je crois, toutes
parcourues. Certaines rectifications de titres et dans le réper-
toire de la bibliothèque des annotations de sa main que j'ai
relevées sur les ouvrages eux-mêmes en sont une preuve incon-
testable, JN'a-t-il pas écrit lui-même'^' qu'« environ cent mille 55
documents arabes lui étaient passé par les mains. Et pas un
de ceux qui le connurent et furent les témoins de son labeur
incessant ne mit jamais en doute cette assertion. Il a su analy-
ser tous ces documents et y puiser les matériaux de ces nom-
breux ouvrages et articles qui s'échelonnent sans interruption
de 1862 à 1 8 '7 6.
\\\on ne caractérise mieux la nature de ses recherches et sa
méthode de travail que ce qu'il en a dit lui-même dans la
'■' Reviic (tfricaiiic, 1876, p. 5i5.
'^' Idem opus , 1876, p. iaa.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17/i5. 181
courte introduction de son premier ouvrage, le Tachrifat, bro-
chure aujourd'hui introuvable, car elle fut tirée à un nonihre
restreint d'exemplaires. Voici ce passage:
«Les registres qui ont été trouvés dans le palais du Dey et
chez les principaux administrateurs, lors de la prise d'Alger,
sont aujourd'hui déposés dans les archives arabes des Do-
maines.
« Ces registres sont relatifs à la perception des impôts et à
l'administration des propriétés du Beylik et des corporations
religieuses.
«Dans plusieurs de ces documents se trouvent éparpillés,
sans ordre, ni méthode, des relations de faits historiques, ou
d'événements remarquables, des règlements sur divers objets
et des notes sur l'Administration, sur les esclaves chrétiens et
sur les tributs payés à la Régence par diverses nations.
wL'un de ces registres, intitulé Daftar tachrifat (registre des
choses nobles) est particulièrement précieux au point de vue
historique et son importance est telle qu'il doit être déposé à la
bibliothèque. Il m'a paru utile, vu ces notes, d'en former un
recueil, en classant, autant que possible, les matières par
catégorie.
«Le caractère officiel de ces notes et les détails qu'elles don-
nent sur certains points de l'administration turque, me font
espérer que ce recueil ne sera pas sans intérêt pour les per-
sonnes qui se livrent à des recherches historiques*^'. »
Ce n'est que postérieurement à celte date et même assez
longtemps après, que le Domaine cessa de conserver ces
archives et qu'elles furent transférées par les soins de Devoulx
à la bibliothèque du Gouvernement général dont j'ai parlé plus
haut. De tous ces manuscrits, celui que j'aurais voulu consul-
(^' Tachrifat, recueil dénotes historiques sur l'administralion de l'ancienne
régence d'AI/j<'r, par A. Devoulx, conservateur des archives arabes des Do-
maines, 99 pages, in-8°, imprimerie du Gouvernement, i853.
i82 AVRIL-JUIN 1922.
ter de préférence — car Devoulx n'en a donné que des extraits
— est le tachrifat que je viens de citer. Ce recueil qui a une
valeur historique réelle est bien porté au répertoire, mais soit
qu'il n'ait pas été replacé à son numéro d'ordre, soit pour toute
autre cause, je n'ai pu le retrouver. En compulsant les autres
registres, j'ai acquis la conviction qu'il y aurait intérêt à pro-
céder à un dépouillement complet et méthodique de tous les
documents de ce fonds; on arriverait ainsi à recueillir une
série de renseignements entièrement inédits et sur les objets
les plus divers concernant l'ancienne Régence.
Et puisque j'ai été amené à parler de cette bibliothèque et
d'en signaler l'importance, je joindrai ma voix à celle de son
distingué conservateur, M. Esquer^^^, pour jeter un cri d'alarme
sur les dangers que l'état de vétusté, le défaut d'appropriation
et la disposition des locaux font courir à ces manuscrits. L'hu-
midité persistante, la poussière et la vermine en viendront
plus sûrement à bout que ne l'ont fait tous les événements cala-
miteux et les révolutions qu'ils ont traversés sans trop d'en-
combre. Que de reproches seront en droit de nous adresser
ceux que ces études passionneront un jour et qui mieux que
beaucoup d'entre nous sauront apprécier la valeur de ces legs
du passé!
Le manuscrit de la chronologie des pachas dont je donne ici
la traduction ne provient pas de ce fonds. Je l'ai trouvé parmi
d'autres papiers de la succession Devoulx, au miheu d'une liasse
de lettres arabes, une centaine environ, adressées par les
Caïds des Outân'-' d'Alger au Beylick et relatives à des cor-
vées, des cadeaux coutumiers, etc., sans grand intérêt et du
'') JjCs archives nigériennes et les sources de l'histoire de In conquête, par
M. G. EsQUBU, dans les Annales universitaires de l'Ali;érte, septembre 191 a,
p. 3i'j6 et suiv.
(*^ Ces tciriloires aflrninistrés par des Caids étaient au nombre de onze :
Béni Khelil, Keni-Moussa, Isser, Sbaon, JJeni Djad, IJeni Klielifa, llumza,
Es-Sebt, Arib, Heni-Menacer et Ei-fabs ou banHeue d'Alger.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17'i5. 183
reste sans aucun rapport avec l'ouvrage du, fils du mufti. Ces
pièces étaient déjà sorties des mains des héritiers d'Albert De-
voulx; je les découvris chez un libraire d'Alger de qui j'en fis
l'acquisition.
Cette histoire des pachns d'Alger se compose de neuf feuil-
lets de grand format, écrits au recto et au verso, dix-sept
lignes à la page. Il est bien conservé, sauf une déchirure à
l'extrémité des lo'' et 1 1' lignes du dernier feuillet ; par suite,
deux ou trois mots ont disparu, mais le sens est facile à réta-
blir. Le style en est clair et suffisamment correct. L'écriture
est du caractère oriental assez élégant. Je l'ai reconnue pour
être celle d'un kliodja indigène entré aux Domaines après
1800, car je possède d'autres spécimens de la môme écriture,
notamment un mémoire rédigé en arabe sur l'organisation
administrative de la Régence, ses fonctionnaires, l'avancement
dans la milice, etc., que j'ai traduit il y a quelques années
déjà et qui, je l'espère, pourra paraître après le présent
travail.
Albert Devoulx nous a conservé le nom de deux lettrés indi-
gènes qui furent ses fidèles collaborateurs : Si Mohammed ben
Moustafa et Si Mohammed ])en Otsman Khodja; car, ne
sachant pas le turc, il dut avoir fréquemment recours à ceux-ci
qui rédigeaient aussi aisément en turc qu'en arabe. Il ne
manque jamais de les citer. Ces lettrés avaient appartenu à
l'ancien corps des khodjas turcs qui se recrutait en partie
parmi les janissaires levés en Orient. On choisissait parmi
eux ceux qui, moins ignorants que les autres, paraissaient
avoir un pou d'aptitude aux fondions administratives et on les
instruisait tant bien que mal. Ils passaient un examen et ver-
saient une somme déterminée. Avant d'être définitivement
nommés, ils étaient affectés comme stagiaires à une garnison
de l'intérieur du pays, ou à la colonne expéditionnaire charg('e
de faire rentrer les impots des tribus arabes. Mais les meil-
\Sà AVRIL-JUIN 1922.
leurs étaient sans. contredit ceux que l'on recrutait parmi les
kourouglis lettrés qui, sachant l'arabe et le turc étaient à même
d'assurer la correspondance du beylik avec les tribus de l'inté-
rieur. Bien qu'ayant des liens de famille avec les Arabes, ils se
considéraient néanmoins comme très supérieurs à eux et
recherchaient volontiers les emplois publics; aussi, en i83o,
se rallièrent-ils très tôt au pouvoir nouveau. Nous eûmes le
bon sens de ne pas les repousser, et à Alger, notamment,
ceux que nous utilisâmes dans nos administrations nous furent
d'un secours précieux. Sans eux , nous eussions éprouvé les
plus grandes difîicultés à débrouiller l'héritage confus du gou-
vernement disparu.
En tête de la feuille de garde du manuscrit, on lit cette
indication qui est de la même écriture (jue celle du texte
arabe :
Histoire des pachas qui exercèrent le pouvoir à Alger d'Occident.
Puis, au milieu de la page, cette annotation de Devoulx :
Manuscrit du fils de inuphti Hosseïn ben Redjeb Ghaouch apparte-
nant à Mahmoud ben Cheikh Ali ben el Amin (celui-ci a été muphti),
employé au journal le Mobacher (vers 1 156 = 1760-17^1).
En donnant cette date, Devoulx commet une erreur, puis-
que, dans le manuscrit lui-même, on en relève une posté-
rieure, celle de la mort d'Ibrahim Koutchouck, survenue le
28 choual 11 58, correspondant au 18 octobre 17/16. On
verra plus loin que dans son livre sur les Edifices religieux, il
assigne à l'ouvrage une date encore plus éloignée, celle de
173/1.
Ces contradictions s'expliquent de la façon suivante : le
livre du fils du mufti, bien que renfermant de nombreux sou-
venirs de famille, n'est pas à proprement parler un journal,
car, dans ce cas, l'âge du manuscrit est facile à déterminer par
la date du dernier événement raconté et une erreur semblable à
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 185
celle commise par Devoulx est impossible. Il semble donc, car
j'en suis réduit aux conjectures, ne connaissant du livre que
les extraits traduits par Devoulx et la chronologie des pachas,
que l'auteur, à l'occasion de tel ou tel fait, aimait à revenir en
arrière et écrire, non sans érudition, ici l'histoire des pachas,
là celle des muftis. Ce sont autant de chapitres détachés avec
leur chronologie particulière. Si l'on se contente, comme Ta
fait probablement Devoulx, de ne lire que tel ou tel chapitre
sans se préoccuper si ailleurs on ne relèverait pas une date
plus récente qui, à défaut d'autre précision devra être consi-
dérée comme la plus rapprochée du jour où l'auteur a cessé
d'écrire, on est exposé à commettre une erreur. Pour justifier
Devoulx, je puis supposer que le temps lui manqua de lire
l'ouvrage en entier à ce moment-là, soit par suite d'occupa-
tions professionnelles absorbantes, soit en raison de l'obliga-
tion où il était de ne pas conserver par devers lui un manu-
scrit auquel son propriétaire devait tenir beaucoup. Quoi qu'il
en soit, comme ce détail a son importance pour nous, je vais
essayer d'arriver à une approximation plus grande.
La chronique des pachas, celle que je publie ici, s'arrête,
comme nous venons de le voir, au mois d'octobre 17 -4 5, mais
dans la partie relative à la chronologie des muftis malékites
et hanéfiles d'Alger, le dernier personnage que l'auteur cite
comme ayant rempli les fonctions de mufti malékite est El
hadj Ez-Zerrouq ben Mahi ed-din ben Abd el-Letif. Or,
celui-ci fut intronisé en hidja 1166 (du 29 septembre au
8 octobre 1753). Notre auteur ajoute à son sujet : «C'est lui
qui est aujourd'hui en fonctions. 55 Or, son successeur, le
cheikh Abd el-Qader ben Mohammed El-Bramli fut nommé à
sa place au commencement de safar 1169 (du 6 au i5 no-
vembre 1755)^^'.
(') Edifices reîtfrieux, p. iiO ot 117.
186 AVRIL-JUIN 1922.
De cela , on peut conclure que l'auteur (écrivait encore à une
dale postérieure à octobre i-yôS et antérieure à novembre
1755.
Mais si ce point échappa à Devoulx , en revanche il ne se
méprend pas sur l'intérêt du livre lui-même, car il s'exprime
à son sujet en ces termes :
Dans celte pe'nurie d'ouvrages historiques d'origine indigène, j'ai
considéré comme une bonne fortune la circonstance qui a mis entre mes
mains un manuscrit arabe rédigé vers ly.'î/i par le fils du muphti Hus-
sein hen Redjeb Ghaoucb. L'auteur se place, il est vrai, à un point de
vue tout particulier, ne s'occupant en général que des euléma d'i\lger et
spécialement des muphtis et des cadis, mais il donne, évidemment,
quelques indications qui peuvent être relevées dans l'intérêt de l'his-
toire'''.
Comme le fait observer Devoulx, l'auteur s'occupe beaucoup
des eulema (lettrés); la chose n'a rien qui doive nous sur-
prendre. Cette classe sociale a toujours joué un rôle prépon-
dérant dans la communauté musulmane. Les Turcs, bons
diplomates, en avaient fait une des assises de leur pohtique
en Algérie. Ils les protégeaient, les flattaient, n'hésitaient pas
à leur accorder des privilèges, à les combler de cadeaux, alors
que, par ailleurs, ils étaient extrêmement parcimonieux de
tout ce qui pouvait amoindrir leurs profits, l'avarice étant un
des traits caractéristiques de ces anciens maîtres de l'Afrique
septentrionale. Les eulema représentaient alors ce que nous
appelons aujourd'hui rl'opinion publique». Il était bien dan-
gereux pour le pouvoir" de s'aliéner leurs sympathies. La
milice turque s'apercevait-elle que les relations étaient moins
intimes entre ces personnages vénérés par la foule et le pou-
voir, et (pi'elle pouvait compter éventuellement sur leur appui,
lors(jue renversant leurs marmites ils feraient entendre dans
O Revue africaine, iSGç), p. /i.'')f) et AOo.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 À 17A5. 187
leurs casernes leur cri traditionnel de révolte «istemaiz^^, dès
lors, dis-je, les jours du souverain étaient comptés.
Cette situation privilégiée auprès du gouvernement n'avait
pas manqué de susciter entre eux des rivalités profondes. Déjà
ennemis de par leur profession — on sait combien sont vives
entre lettrés musulmans les querelles de doctrine — ils n'avaient
cessé d'intriguer pour obtenir ces emplois qui leur procuraient
des avantages matériels considérables. Ils n'hésitaient pas à
mettre en œuvre tous les moyens pour desservir un compétiteur
et provoquer la disgrâce du titulaire de l'emploi convoité. Le
fils du mupfti qui était, si je puis m'exprimer ainsi, de la
«caste 5?, ne manque pas de s'étendre longuement sur ces
intrigues (^^. Ces détails sont curieux à lire, ils abondent dans
les extraits publiés par Devouix. Petites bassesses et lAchetés
qui sont la menue monnaie du pouvoir !
Les renseignements sur la topographie d'Alger en dehors
de ceux conservés par l'ouvrage capital du bénédictin Haëdo
sont tellement rares chez les écrivains postérieurs, européens
ou indigènes, que ceux que nous relevons dans le manuscrit du
fils du mufti, si succincts soient-ils, nous apparaîtront toujours
comme des plus précieux.
A l'arrivée des Turcs, Alger est occupé par une fraction
d'une tribu voisine, les Béni Mezrenna'^', venus s'installer au
milieu de ce qui restait des ruines de la ville romaine d'Icosium
où ils trouvent encore avec quelques vestiges d'habitation cer-
taines facilités d'existence au moyen du cabotage et de la poche,
et, il faut l'ajouter, de la piraterie. Deux petites criques'^',
(') Edijicrs religieux , jjassiin.
'') Go nom so retrouve dans la commune de Tal)lat; les Mozrenna forment
un douar assez important sur un territoire d'environ 9,5oo iiectnros. Le der-
nier recensement lui attribue une population de a,''09 liabitante.
*^' Ces deu.t petites criques sont fi|jurées sur le plan de i56()-i570, la pre-
mière est dite portas parvns et la s(>ron(!e pnrhis minor sire raldtn. Ccllo-ri
188 AVRIL-JUIN 1922.
dont l'une à l'ouest, mais mal abritée, trop exposée aux vents
(le haute mer, et l'autre à l'est, mieux orientée, leur per-
mettent d'amener chaque soir leurs grandes barques en sûreté
sur la rive. Vivants assez misérablement sous la menace con-
stante des fléaux naturels — l'inondation dont le sous -sol
sableux et les constructions qui y sont ensevelies nous con-
servent le témoignage, les tremblements de terre, l'orage, le
froid, — ils avaient encore à redouter la descente de leurs
montagnes de pillards berbères qui les dépouillaient du peu
qu'il leur restait. N'importe, ils supportaient avec patience ces
maux qu'ils considéraient comme le lot naturel de leur destinée
humaine, jusqu'au jour où l'infidèle, l'Espagnol maudit, prit
pied sur un îlot à quelques brasses de leurs demeures, et leur
rendit la vie absolument insupportable. Ne pouvant les en
chasser, ils résolurent de faire appel à l'étranger. Fatale réso-
lution qui les Conduisit à la perte de leur indépendance. En
débarquant, les Turcs inauguraient par l'assassinat du chef de
la ville, le cheikh Selim El Tahmi, ce régime de perfidie et
de terreur qui leur permit de dominer tout le pays avec une
poignée d'hommes. Mais aussi dans quel état le laissèrent-ils !
Si le pays mis en coupe réglée à l'intérieur ne put jamais
se relever tant qu'ils régnèrent à Alger, en revanche la modeste
aiguade d'El Djezaïr béni Mezrenna, devenue leur capitale, se
transforma en un grand port qui abrita les flottes nombreuses
des premiers Barberousse. Une grande jetée fut élevée par
Kheir Ed Dîn entre le Penon et le rivage, brisant les vagues
soulevées par les vents dangereux du nord-ouest. Les défenses
de la ville considérablement accrues devinrent redoutables
était connue sous ie nom de qalet el khadem, «la plajje des négressesn, parce
que ces femmes esclaves des familles riches y venaient laver le linge. Elles se
servaient de l'eau douce d'un ruisseau qui descendait des contreforts au sommet
desquels s'élève le bordj Mouley Hassen et se jetait à la mer à cet endroit du
rivaf'e.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 189
même pour les flottes et les armées européennes. Un arsenal
fut bâti sur la partie du rivage englobée aujourd'hui dans les
fondations de la place du Gouvernement. Avec les ressources
abondantes de la piraterie, les reïs édifièrent ces luxueuses
demeures auxquelles les maîtres andalous donnèrent ce cachet
d'originalité qui fait aujourd'hui notre admiration. Puissions-
nous les admirer longtemps encore, et mes concitoyens com-
prendre que l'exécution intégrale d'un plan de nivellement
qui, je le reconnais, améhorerait les conditions d'existence
d'une partie intéressante de la population algéroise, ferait en
même temps disparaître ce qui constitue l'attrait le plus réel
de notre ville. Nombreux sont ceux qui désirent conserver le
plus longtemps possible les spécimens d'un art architectural,
moins parfait, il est vrai, que celui de l'Espagne musulmane,
mais d'un intérêt incontestable. Ce que nous avons tenté jus-
qu'ici pour les imiter n'est pas fait pour diminuer les appré-
hensions que nous cause le projet d'un bouleversement complet
des plus anciens quartiers d'Alger, ceux dits «de la marine w.
A l'arrivée des Turcs, des espaces vides immenses existaient
encore à l'intérieur de la ceinture d'épaisses murailles d'El-
Djezaïr béni Mezrenna démesurément étendues. Les Berbères
avaient conservé l'enceinte du vaste camp romain qui se pliait
aux accidents du sol et l'utilisaient pour leur défense. Des
chèvres paissaient là où s'élève la cathédrale actuelle qui est
une ancienne mosquée peu modifiée, et dont le nom de Ket-
chaoua, «champ aux chèvres 5) rappelle l'état primitif des
lieux.
Les maisons, de plus en plus nombreuses, ne tardaient pas
à s'élever, constituant de nouveaux quartiers avec des marchés
aux légumes, aux grains, au charbon de bois, aux marchan-
dises d'importation étrangère, sans parler, bien entendu, de
celui aux esclaves installé au Badestan et dont la place Mahon
actuelle marque assez exactement l'emplacement. Des souq
iOO AVRIL-JUIN 1922.
abritent les cor|jorations d'artisans de tous les métiers existant
alors en Europe, avec des Amin à leur tête au nombre de qua-
rante environ. Cent soixante seize édifices consacrés au culte
étaient encore debout à notre arrivée en i83o. Cité tout à la
fois commerçante et guerrière, car plus d'un de ces artisans
ne craignait pas de risquer quelques capitaux pour comman-
diter une croisière fructueuse sur les côtes d'Espagne, ou
même plus loin, s'intéressant ainsi à la campagne en mer d'un
reïs connu; s'il n'avait pas de fonds, il s'enrôlait lui-même et
était admis au partage des bénéfices. De retour à son souq,
il reprenait tranquillement l'aiguille ou la navette.
Les jardins maraîcbers qui s'étendaient au bord de la mer
entre la colline et ie rivage durent également faire place aux
nouvelles constructions. Ils émigrèrent à l'Est, toujours plus à
l'Est. Nous les avons encore vus à i'Agha et à Hussein Dey. Il
y a quelques années encore, ils s'étalaient le long des rives de
l'Harrache. De là, ils «ont aujourd'hui chassés un à un par les
grandes usines. Ces champs toujours verts, aux produits remar-
quablement beaux, ont définitivement abandonné les environs
immédiats de la ville. Les faubourgs d'Alger ne ressemblent
plus qu'à ceux d'une grande cité industrielle.
IN'ayant sur le fils du mufti Hosseïn ben Redjeb Cbaouch
d'autres indications biographiques que celles que nous relevons
dans les ouvrages de Devoulx qui eut entre les mains le manu-
scrit complet, je reproduirai ici ces extraits qui nous révéleront
quelques traits de la physionomie de l'écrivain et nous rensei-
gneront sur l'origine de sa famille, la carrière de son père et
de son grand-père. Voici en quels termes Devoulx s'exprime
dans l'un de ces passages '^^ :
On li'ouvera ci-après celle liste en ce qui concerne le rite maleki : je
l'ai complétée an moyen d'extraits empiuntés à un manuscrit arabe.
HISTOIRE DES PACHAS D*ALGER DE 1515 A 17'i5. 191
rédigé vers l'année 1 153 (17/40-17/11) par an Algérien couiongliqui ne
se nomme pas, se contentant de décliner les noms et qualités de ses as-
cendants, jusqu'au troisième degré. Comme l'auteur se dit fils d'un
mu[)liti, il m'a semMé que ces renseignements piésentaient quelques
garanties de véracité, et je n'ai pas hésité à les employer par exception
à la règle que je me suis imposée de ne puiser que dans les documents
otTiciels. Ce manuscrit renferme, d'ailleurs, des détails qui ne sauraient
avoir été inventés et qui sont des peintures de mœurs d'autant plus
utiles à enregistrer que les matériaux de cette nature n'a fondent pas.
Dans une khotba (ou invocation) qui sert d'introduction à son oeuvre,
cet écrivain nous apprend qu'étant arrivé près du terme de sa carrière
et se trouvant seul et allligé dans ce monde, par la perte de ses enfants,
il a entrepris, bien cju'il ne soit pas doué d'une science éminente, de
recueillir les faits historiques parvenus à sa connaissance et cela avec sin-
cérité et dans le l)ut fie remédier flans les limites de ses forces à l'absenc;'
d'ouvrages de cette nature. ffMon père, dit-il ensuite, était, que Dieu lui
fasse miséricorde, le cheikh, l'imam, le vertueux, l'accompli, le savant,
le théologien, le docteur profond, Hossaïn fils de RefljebChaouch, ainsi
connu, fils de Mohammed. Il naquit à Mézerennet el Djézaïr (Alger) y
vécut et y a son tombeau. Son père el son aïeul naquirent dans une bour-
gade de Malaman appelée Haza Hissar. Malaman est une vaste contré<3
sise en face de la ville de Smyrne : je l'ai visitée en iiq8. Mon père,
(|ue Dieu lui fasse miséricorde, a rempli les fonctions de muphli à Alger,
la bien gardée.
Un second passage que je citerai en entier malgré sa lon-
gueur, car il nous éclaire sur la méthode de notre auteur^
nous le dépeint comme un homme de hon sens, de caractère
indépendant, n'acceptant pas les yeu\ fermés n'importe quelle
information. 11 en discute la vraisem])lance et sait s'élever
contre les légendes injustifiées, cherchant à réhabiliter un
homme injustement accusé. Il s'agit d'une imputation grave à
l'enconlre d'un personnage qui n'est pas un inconnu pour
nous, Sidi Mohammed ben Sidi Saïd, qui fut mufti de i65o
à 109G.
Voici en quels termes il rapporte cet événement :
Une dizaine d'années avant 1090. Sidi Mohammed ben Sidi Saiid fut
192 AVRIL-JUIN 1922.
révoqué, mais pour un moment et sans être remplacé. Cette destitution
e'tait due à une lettre qui avait été adressée au Prince alors au pouvoir
et dans laquelle on l'accusait d'actions honteuses et de manque de
dignité. Bien loin de là, il était vertueux et noble. Cette accusation
n'était que mensonges et inventions dictées par la méchanceté. Il fut
réintégré dans ses fonctions avant le vendredi suivant. J'ai trouvé la
mention de ce fait dans un écrit en prose et en vers , rédigé par ses amis
[)lusieurs années après l'événement, et qui est encore en ma possession.
Mon père, ainsi que mes professeurs Mustaj)lia el Annabi et Sidi Mo-
hammed ben Nigrou , m'ont fait de nombreux récits , mais ils ne m'ont
jamais parlé du fait que je viens de citer. Il en est de même de mes
frères et bous amis ci-après nommés, qui avaient une connaissance
approfondie des hommes (ki passé et avec lesquels je me suis souvent
entretenu de matières de cette nature, savoir : Sidi Mohammed i)en Mo-
hammed Ettsériri , savant fds de savant ; Sidi Mohammed, adel du Beït-
el-mal: Ben Sidi Mohammed el cadi ben el Manguelati; Sidi Mohammed
ben Ali ben Sidi el Mehdi ben Sidi Bamdan ben ïoussef el-Oldj, Sidi
Ahmed ben el-Ilim, adel (greffier) du tribunal hanéfi; Sidi Mustapha ben
Ettaleb l'andalou, l'un des notables de Blidah; Sidi Mohammed ben
Kanit, cheikh de la hadera des Soufis, etc, tous ignoraient cette destitu-
tion. Ils avaient été tous contemporains de mon père qui exerça les
fonctions de mufti pendant huit ans.
(Son père fut nommé mufti hanéfite au commencement de djoumada
el ouel 1102 [du 3i janvier au 9 février 1691] après la destitution
de Sidi Mohammed Khodja, fds de Mouslim effendi ''l)
Son fils, notre auteur, écrit à ce sujet :
Après lui fut nommé mon père Hossaïn ben Redjeb chaouch. Il aug-
mente la considération et la puissance de cet emploi. Il était aimé par
les gouvernants et avait beaucoup d'influence et de crédit. Il se dévouait
à faire réussir ceux qui s'adressaient à lui, sans jamais s'occuper de ses
propres intérêts. Il avait coutume de me dire : rrSois la tête d'une sar-
dine et ne sois pas la queue d'un thon^ (Il vaut mieux être le premier
dans un village que le second dans Rome; note de Devoulx). Il médisait
aussi : tr Resserre ton ventre, ta tête en grossira '-'Kv II fut le premier cou-
(^) Edifices religiptix, p. 106.
^■1 En d'autres termes : «Modère tes appétits, sois patient, garde-toi de
laisser percer ton ambition, tu atteindras tous les iioiineurs.n
Dans i'odjak des janissaires en Turquie, les {jTades se distinguaient par la
HISTOIRE.DES PACHAS D'ALGEH DE I3I5 A 1745. 193
lougli appelé aux fonctions de niuphti. Lorsque mon père i-erut sa
nomination, il était âgé d'environ trente ans. Il occupa cet emploi
douze années et tut révoqué par le doulatli Ahtchi Mustapha "'.
On vient de lire que son grand-père occupa l'emploi de
chaouch sous plusieurs chefs de la Régence ; il en parle égale-
ment dans son Histoire des pachas. Je reviendrai dans mes
notes sur les prérogatives de cet emploi, qu'il ne faut pas
confondre avec les humbles fonctions de l'employé indigène
attaché aujourd'hui à la plupart de nos administrations algé-
riennes.
Autant par les extraits qu'en a donnés Dcvoulx que par la
traduction que je publie ici, on jugera combien la disparition
du manuscrit original est à déplorer. Durant plusieurs années
et metlant à profit mes relations constantes avec les lettrés
musulmans, j'ai multiplié mes recherches en tous sens; elles
n'ont pas abouti. A un moment donné, je crus être sur sa
trace : on m'avait dit qu'il avait été acheté à une vente pu-
])lique après décès, par un négociant indigène et transporté
au Mzab, avec beaucoup d'autres ouvrages manuscrits. Mon
regretté collègue et ami, M. Motylinski y effectuait alors une
mission d'études; il connaissait admirablement la région. Jl
voulut bien s'en occuper activement. Ce fut en vain, le livre
était totalement inconnu. Néanmoins, je n'ai pas abandonné
Inrme du vêlement et l'ampleur de la roifluro. Dans les ffrades supérieurs, le
luriian [irenait des proportions énormes. Au sommet de la liiérarcliie niiiilaii-e
était ra{;ha des janissaires. Sa coiffure en drap rouge était démesurément
haute et large. On peut voir la reprcisentation des diflV'rents insignes des grades
dans les planches très curieuses qui accompagnent le texte de l'ouvrage de
Djévad Bey : Elnl militaire oltoman. dojmis la fondation de l'Empire jusqu'à nos
jdurs, par Ahmed Dji;vad-bey, traduit du turc par Georges Macridio; t. I. Le
corps des Janissaires depuis sa création jusqu'à sa suppression, Constanlinople
et Paris, i88:î, avec un alhum de figures et des dessins mentionnés dans le
premier volume.
^'' Edifices reliijieux , p. i/i5.
XIX. i3
tlATIOMLB
lO'i AVRIL-JUIN 1922.
l'espoir qu'il tombera un jour entre les mains d'un arabisant
plus heureux que moi qui en donnera une édition complète.
J'ai eu à ma disposition quelques autres chronologies ma-
nuscrites, les unes que j'ai recopiées dans ditïérents ouvrages
arabes , conservés à la bibliothèque du musée d'Alger, rue de
l'État- Major, les autres qui me furent communiquées par des
indigènes de mes amis. Bien qu'elles me parussent dès ma
première lecture peu intéressantes, parce que sans caractère
d'authenticité, je les ai toutes traduites. Elles ne méritent pas
que j'en fasse ici la description ; elles ne m'ont été à peu près
d'aucun secours.
Par contre, un manuscrit de ma collection personnelle mé-
rite de retenir l'attention; on peut lui accorder un certain
crédit, car il est incontestablement ancien. II m'est impossible
d'en préciser aujourd'hui la provenance; ma mémoire me sert
mal à ce sujet. Je crois cependant l'avoir acquis durant mon
séjour en Oranie. A cette époque déjà, je réunissais des docu-
ments que je pensais pouvoir être utilisés dans la publication
que je projetais. C'est un seul cahier de la dimension de
G m. 1 9 de hauteur sur cm. i 3 de largeur, vraisemblable-
ment détaché d'une copie en cours d'exécution d'un ouvrage
historique ou d'un recueil de chroniques sur Alger. Il se com-
pose de douze feuillets écrits au recto et au verso, à quatorze
lignes à la page. L'écriture est du maghrébin cursif élégant.
Toutes les dates sont écrites à l'encre rouge et le nom des pa-
chas avec cette formule : »»x«j ^^ Jjj '^ qui se répète unifor-
mément pour chacun, alternativement à l'encre rouge et
verte.
Ce cahier commence par ces mots :
Dieu, qu il soit exalté, les en délivra et les habitants d'Alger se ré-
jouirent de celte victoire éclatante.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1315 A 1745. 195
Il s'agit là de l'expédition de Charles -Quint contre Alger
en i5/ii, qui aboutit au désastre que l'on sait.
Ce récit se termine au milieu du verso de cette première
page par cette phrase :
/wJsJî pî«X-fiî LJyÀ-i ^^ y.A,^^k**JLÎ <.^-»-Cj ^3 '^î'^^ (J^5^5 CJjtiL^
^jLi! dlUi (^L» u'^y (:J^ **^*^
Alger ressembla à une llance'e qui s'avance gracieusement, parée de
bijoux et (le riches atours; et cela gi'âce au bon marché des vivres et à la
sécurité qui régnait dans la contrée. Cette cilé n'eut plus à craindre
personne. Le bruit de cet événement se répandit à l'Oinent et à l'Occi-
dent. Le terreur des Musulmans régna dans le cœur des ennemis de
notre religion durant de longues années par la grâce de Dieu qui nous
prodigue ses faveurs.
Le texte qui vient immédiatement après a pour titre :
Relation de rex[)édilion de la llotte des chrétiens, également contre
Alger.
Nous avons donc une seconde relation du même événement,
et l'auteur reprend en entier le récit de la tragique aventure
de l'invincible Armada.
A la cinquième ligne, p. i a , il se termine par ces mots :
(^jx^^ai JoU^I J^ aJU! ^^3 Â)olb Jl^l
Le maudit laissa un butin immense entre les mains des habi(anls
d'Alger dont les richesses furent considérablement accrues. Dieu délivra
ses amis les Musulmans.
i3.
196 AVRIL-JUIN 1922.
Puis, il continue l'histoire du glorieux vainqueur de Charles-
Quint, Hnssen Agha , qui, dit-il, jouit ensuite d'un repos com-
plet jusqu'à son départ en ^jàS. Il relate quelques faits sail-
lants de son règne; prise de Mostoganem en 9^5, celle de
Biskra en 9/17 et enfin il mentionne la date de la mort de ce
prince en 961. Il passe ensuite à son successeur :
Après lui fut investi du pouvoir notre maître Hasseu pacha , fils de
Kheir ed-din, en 962.
Suivent, après cela, quelques maigres renseignements sur
son règne et l'auteur continue la série des souverains en em-
ployant les mêmes formules, d'une façon abrégée et mono-
tone, jusqu'à l'avènement d'Ibrahim el Kheznadji en rabia el
ouel 11^5 (du 22 août au 20 septembre 1732).
Là s'arrête brusquement, en haut d'une page blanche, la
suite du récit.
L'expédition de Charles-Quint contre Alger a déjà fait l'objet
de nombreuses publications tant en France qu'en Espagne.
M. René Basset les cite pour la pluj)art dans un article paru
dans le Bulletin de la Société de géographie et daixliéologie d'Oran
en 1890"^. Il donne le texte arabe et la traduction de trois
versions de cet événement. La première est un extrait du Meh-
kémé dont deux copies existent à la bibliothèque du musée de
la rue de l'Etat-Major à Alger, la seconde est empruntée à
^'' Documents rnusulmans sur le siège d^ Alger par Charles- Quint (laâi), par
M. René Ras.si;t (Bulletin trimestriel de géographie et d'archéologie d'Oran, t. X,
p. 171-21/1 , avril-juin 1890), Oran, 1890.
M. l*atorni rcprcuant cos deux textes on a donné une nouvelle traduction
avec des notes critiques dans la Revue africaine, Aljjer, 1891, p. 177-206, sous
le titre : L'Expédition espagnole de i5ùi contre Alger.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17A5. 197
l'ouvrage bien connu d'iladji Khalfa, le Tohfat-el-kibar et enCm
la troisième est un extrait du Ghazaouat, dont le manuscrit est
également à la bibliothèque de la rue de TEtat-Major.
Bien que les deux chapitres de mon manuscrit acéphale me
paraissent identiques quant au fond au premier et au dernier
des documents ci-dessus cités, dont je ne connais d'ailleurs
le texte que par la publication de M. Basset, j'ai relevé cepen-
dant, entre mes deux textes et ceux de M. Basset, des diffé-
rences suffisantes pour conclure qu'ils n'ont pas la même
origine.
Ceci n'est point pour nous étonner, car la victoire des Algé-
riens sur le souverain qui régnait en maître sur la moitié de
l'Europe eut un retentissement considérable et inspira nombre
d'écrivains musulmans. Je m'explique moins que deux versions
du même fait historique se trouvent réunies dans le même
ouvrage. S'il n'est pas rare qu'un auteur arabe reprenne un
texte pour le commenter une seconde fois et même davantage,
il en fait toujours l'objet d'autant de livres différents. Je me
contente de consigner ici cette observation en passant, sans y
attacher une plus grande importance qu'elle n'en comporte.
Parmi les éditions européennes de la chronologie des sou-
verains d'Alger, la plus ancienne, à ma connaissance, est celle
qu'Alphonse Rousseau a imprimée en annexe de sa traduc-
tion du Zohrat En-Nnyyerat, dite k chronique de la Régence
d'Alger».
Malgré la confiance que l'on peut accorder, a priori, à un
orientaliste qui a occupé le poste important de drogman du
consulat de France à Tunis à une époque où certainement les
manuscrits de ce genre étaient moins rares qu'aujourd'hui,
on ne saurait cependant se servir de cette chronologie sans
quelque réserve. Certains noms sont tellement défigurés qu'on
se demande si ce n'est pas l'impression typographi{[ue qui est
fautive, mais comme le lecteur n'en est pas averti, il est ex-
198 AVRIL^JUIN 1922.
posée commettre des erreurs. Autre grief: Rousseau ne si-
gnale pas ceux des pachas qui ont été nommés deux ou plu-
sieurs fois. Bien plus, il reproduit le nom du même souverain
avec une orthographe différente, conime s'il s'agissait de deux
personnages différents ! Très vraisemblablement, il ne s'est pas
douté que c'était le même individu qui revenait au pouvoir.
Cette confusion s'explique mal, car aucun chroniqueur indi-
gène ne manque de signaler ce retour d'un pacha au poste
qu'il avait occupé précédemment. Rousseau n'aurait-il pas
travaillé sur des sources originales? Et pourquoi encore omet^
il de nous faire connaître sur quels documents il a établi cette
chronologie ? On ne se rend pas compte non plus quelle est la
source des quelques renseignements qui accompagnent cer-
taines de ces dates. D'une façon générale, on a l'impression
d'avoir à faire à un pastiche d'ouvrage indigène.
En revanche, les chronologies publiées récemment dans les
ouvrages de iMercier '^' et du général Faure-Biguet ^'^^, l'un et
l'autre arabisants de grande valeur, constituent une base sé-
rieuse d'étude et de comparaisons. M. de Grammont n'a pas
cru devoir en rédiger une à la suite de son Histoire d'Alger. Au
cours de son livre, il signale les incertitudes de ses informa-
tions. Peut-être n'a-t-il pas voulu donner une précision plus
grande à ce qu'il entendait laisser dons le vague de sa première
rédaction. Je crois, néanmoins, qu'il eut pu éviter cet écueil en
soulignant ses hésitations au moyen de quelques brèves indi-
cations, ainsi que l'a très heureusement réahsé Mercier. Dans
un recueil qui embrasse l'histoire d'une période de plusieurs
siècles durant lesquels se succèdent un nombre élevé de sour-
(') Histoire de l'Afrique septentrionale (Berberie) depuis les temps les plus
reculés jusqu'à la conquête Jraiiçaise {i83o), par Eriicsl Miiiiciiii;, Paris, iHgi.
t. m, p. 55i ot suiv.
'■^) Histoire de l'Afrique septentrionale sous la domination musulmane , par le
gcccral G. FAiiitii-Bi<;iJKT, l^aris, igoS, p. 365 ot suiv. el p. HS et suiv.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17'i5. 199
verains, dont quelques-uns n'ont fait qu'une apparition ou re-
viennent au pouvoir après en avoir été éloignés plusieurs an-
nées, un index chronologique constitue un point de repère
précieux que l'on aime consulter à chaque instant. Cela évite
au lecteur de faire lui-même ce travail que je juge indispensable.
J'aurai garde d'omettre la chronologie qui se trouve à la fin
du second volume de M. Plantet: elles sont le fait des secré-
taires-interprètes de la Cour de France. Il n'appartenait pas à
M. Plantet, qui éditait leur traduction, de la moditier même
dans l'orthographe des noms; l'inconvénient disparaît en par-
tie, car au moyen des dates il est aisé de rétablir les noms
altérés.
Je n'ai pas cherché à concilier les dates adoptées par les
auteurs que je viens de citer avec celles mentionnées par mon
chroniqueur indigène, les différences sont assez nombreuses et
ne doivent pas nous surprendre : je m'en explique ici une fois
pour toutes. Le fils du mufti relate généralement pour l'avè-
nement d'un pacha la date de sa reconnaissance officielle noti-
fiée à rOdjak d'Alger par la Sublime Porte; les auteurs euro-
péens indiquent plutôt celle de la prise effective du pouvoir
qui marquait en réalité pour eux la fin d'un règne et le com-
mencement d'un autre. Cette dernière date est le plus souvent
antérieure à l'envoi du firman, qui consacre un état de choses
établi.
J'ai tenu à conserver au texte du livre du mufti son carac-
tère d'information indigène. Le discuter pas à pas, le com-
menter, c'était refaire l'histoire d'Alger durant trois siècles,
travail bien inutile depuis que d'excellentes publications l'ont
vulgarisée. Tel quel, il satisfait notre curiosité, car c'est une
œuvre très personnelle, celle d'un lettré dont la modestie est
le garant de la véracité. Il a cru bon de recueillir les événe-
ments historiques de sa pairie d'adoption, parce ([ue d'autres
200 AVRIL-JUIN 1922.
ne l'avaient pas fait avant lui. H voit, il écoute, puis il inter-
roge les siens : son père, son grand-père qui, tous Jeux, ont
occupé une situation élevée dans l'adminislration du pays et
enfin son arrière-grand'mère paternelle. De tout cela, il com-
pose un livre dont nous sommes à même d'apprécier l'utilité,
d'autant plus que nous n'en connaissons pas d'autres aussi
précis écrits par un indigène , pour une période particulière-
ment obscure.
Sans chercher à exagérer la valeur de l'œuvre, on peut
cependant conclure par les extraits qu'en a publiés Devoulx, et
par la traduction que je donne moi-même ici, qu'elle assure à
son auteur une place honorable parmi les eulema d'Alger
turc.
TRADUCTION.
Sachez que io nombre des pachas qui furent investis du Gouvernement
d'Alger d'Occident est de cinquante-quatre, en ne tes comptant qu'une
fois chacun.
Le premier est Ishaq pacha.
Aroudj exerça le pouvoir en 991 (inc. i5 février i5i5), et Kheir-ed-
din pacha en 928 (inc. 2^1 janvier iSiy).
Hassen Agha, Khahfa de Kheir-ed-din fut nommé en 964 (inc.
10 juin lôSy). H prit Mostaganem en 9A6 (inc. 19 mai iSSg) et Biskra
en 9A7 (inc. 8 mai i5/io). Ce fut durant son gouvernement qu'une
flotte chrétienne attaqua Alger, 9/18 (inc. 27 avril i54i). Ce prince
mourut au mois de Ramadan gSa (0 novemhre-5 décembre i5/j5).
Ilassen pacha, fils de Kheir-ed-din, lui succéda en Djouraad el ouel
982 (11 juillot-9 août i545). Il prit Tlemceu en 9.52 (inc. i5 mars
i5i5), puis il résilia le pouvoir en 968 (inc. 9 janvier i55i)
Saiah pacha fut nommé en 969 (inc. 29 décembre i55i). Il s'empara
de Fez en glji (inc. 7 décembre i553). 11 fil également la conquête de
Bougie en 962 (inc. 26 novembre i554) et mourut en Redjeb 968
(11 mai-g juin i556).
Mohammed pacha Teka-ourli prit le pouvoir la même année.
Puis Hassen pacha, fils do Kheir-ed-din fut nommé une deuxième fois
en 964 (inc. h novembre i556). Ce fut sous son gouvernement qu'un
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 À 1745. 201
chef arabe nommé 'Abd el Aziz eut la têle tranchée 067 (inc. 3 octobre
.559).
Après hii le pouvoir fut transmis à Ahmed pacha Bostandji-bachi,
Moharrem 969 (inc. 1 1 se|)tembre i56i). H mourut la mrme année.
Hassen pacha, fils de Kheir-ed-cHn fut nommé pour la troisième fois
en 969 (inc. 1 1 septembre 1 56 1). 11 fit une expédition contre Fez égale-
ment en 9G9, et il y retourna encore en 970 (inc. 3i août loGii).
Après lui Mohammed pacha, fils de Salah pacha, reçut l'investiture
en Hiddja 974 (inc. 9 juin 1567). La révolte de Constanline, lorsque
Haïder Kahia s'en empara, eut lieu en 976 (inc. 8 juillet 1567).
Son successeur fut Ali pacha, en 976 (inc. 26 juin i568). Il s'em-
para de Tunis en 977 (inc. 16 juin 1669). Ali pacha retourna eu Tur-
quie, et il y fut nommé Qobtàn pacha 979 (inc. 26 mai 1571).
Arab Ahmed pacha lui succéda en Hiddja 979 (i5 avril-i3 mai 1572).
Puis Ramdàn prit le pouvoir en 982 (inc. 23 avril 167/1). 11 fit une
expédition contre la Goulette en 982 (inc. 23 avril 1576).
11 porta la guerre au Maroc, et s'empara de Fez. Il y installa Mouley
Abd el Malek en 983 (inc. 19 avril 1576).
Après lui fut nommé Hassen pacha affranchi d'Ali Qobtân pacha, en
Rebia et-tsani 986 (18 juin-16 juillet 1577).
Djafar pacha ancien captif chrétien lui succéda, en Redjeb 988
(12 août- 10 septembre i58o). Ce fut lui qui fit trancher la tète à Mo-
hammed ben Dali Ali cette même année.
Au mois de Redjeb , arriva à Alger Ali pacha , Qobtân pacha , à la tête
d'une flotte de soixante galères. Il se fit aussitôt remettre le pouvoir,
comme l'usage le voulait; car il était établi dans toute l'étendue du terri-
toire ottoman que lorsqu'un Qobtân pacha débarquait dans un port,
l'administration de la ville était remise entre ses mains.
Ramdân pacha revint au pouvoir en 990 (inc. 26 janvier t582).
Hassen pacha, affranchi d'Ali Qobtàn pacha, le remplaça en Rebia et-
Isani 990 (25 avril-23 mai i582).
Mohammed pacha, affranchi de Qardja Ali, fut nommé en Ghabàn 993
(29 juillet-96 août i585).
Ahmed pacha lui succéda en 996 (inc. 12 décembre i586).
Kliider pacha prit le pouvoir au mois de Ramadan 997 (1/1 juillet-
12 août 1.589).
Ghabân pacha fils de Yahia pacha fut nommé en Qada 999 (21 août-
19 septembre 1591).
Mouslafa pacha ben Qaïa pacha en Rebia el ouol ioo3 (i4 novcmbre-
i3 décembre iSgi).
202 AVRIL-JUIN 1922.
Khider pacha fut nommé une seconde fois en Hiddja ioo3 (7 août-
5 septembre iBgô).
Après lui reçurent successivement l'investiture :
Hassen pacha connu sous ie nom de Boudjaqardji-bachi 1007 (iuc.
h août 1598).
Soleïmân pacha, affranchi de Qetania; Safar 1009 (la aoûl-9 sep-
tembre 1600).
Khider pacha occupai le pouvoir pour la troisième fois en Djoumad
el ouel 101 3 (aS septemltre-'j/i octobre i6oi).
Moustafa pacha El Koussa, ancien fonctionnaire de la Sublime Porte,
fut nommé en Hiddja 101 3 (20 avriUiS mai i6o5).
Et Redouân pacha , affranchi de Ramdân pacha , en Safar 1016 (28 raai-
90 juin 1607).
Moustafa pacha El Koussa fut nommé une seconde fois en Djoumad
et-tsani 1019(21 aoùlri8 septembre 1610).
Son neveu par son frère, IMouslafa pacha lui succéda, le 16 Djoumad
el ouel loâo (âS juillet iGii).
Hosseïn pacha, lieutenant de Moustafa pacha, fut nommé en Djoumad
et-tsani ioâ3 (gjuillet-G août 161 /J). Il partit avec la colonne de l'Ouest,
en 1020 (inc. 90 janvier 161 G. Mais le 99 Ramadàu de la même année,
011 l'emprisonna, et on installa à sa place, au siège du gouvernement,
le Cadi Moula-Ali.
Puis fut nommé Moustafa pacha , secrétaire de Soleiraân pacha , le 9
de Choual 109 5 (i3 octobre 161 (i).
Soleïmân pacha , affranchi de Qetania, occupa le pouvoir une seconde
fois le 2 de Ramadan 1026 (3 septembre 1617). Il mourut le mercredi
et fut enterré le jeudi 6 Djoumad et-tsani 1097 (3i mai 1618).
Hosseïn pacha descendit de prison , et rentra en fonctions le mercredi
29 Ramadan 1027 (19 septembre 1618) après l'acer. Les fondations de
Bordj el djezira furent commencées squs son règne. A ce moment le pou-
voir était assuré par Israf Khodja et Hamouda Tabadji 1027 (inc. 99 dé-
cembre 1617).
Puis furent nommés :
Kliesraf pacha , le 96 Chabân 1028 (8 aoïît 1O19).
Hosseïn pacha, gouverneur de Sousse affranchi de Qaya pacha, le
9 Choual io3o (90 août 1621). Il arrivait de Tripoli, tandis que Klies-
raf s'embarquait pour Tunis permutant avec lui. La colonne du caïd
Youssef fut mise en pièces par Khaled le i5 de Ramadan 1002 (lo juil-
let 1693).
Mourad pacha El Ama fut nommé le 2 9 Ramadan iqoq (90Juillet lôaS).
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 À 1745. 203
Ibrahim pacha lui succéda ie i4 Djoumad et-tsani io33 (3 avril
iGai). Khesraf paclia reprit le pouvoir pour la seconde fois, le a>2 Hid-
dja io33 (5 octobre iGâ/i). On termina les travaux de consh'uclion de
Bordj el djezira, le 29 Rebia et-tsani io3^i (8 février lôaS). Les Turcs
pénétrèrent daqs les montagnes de Kouico, grâce aux Oulad Yahia; ils y
établirent une garnison, le 22 Choual io34 (28 juillet 1620). Khesraf
mourut le 22 Redjeb io35 (19 avril 1626), La mort de Ferhat bey sur-
vint le 22 de Ramadan loST) (17 juin 1636).
Hosseïn pacha Ech- Cheikh rej)rit le pouvoir une seconde fois le
1" Chabân io36 (17 avril 1627). Le 92 Ramadan 1087 (26 mai 1628)
les Tunisiens furent défaits par les Algériens qui s'emparèrent de vingt
canons. Avec une colonne partie d'Alger, Ben Souri prit Tlemcen que
venait d'occuper le prétendant marocain, 8 Ramadan io38 (1" mai
1629). Il lapporta à Alger la peau du prétendant et celle de son lieute^
tenant Ej Mehander, bourrées de paille , le i5 Ramadan io38 (8 mai
1699).
Younes pacha fut nommé le 4 de Hiddja 1089 (i5 juillet i63o), Le
début de l'exode des Koulouglis lorsqu'ils furent bannis d'Alger par les
Turcs eut lieu le dernier jour du mois de Ramadan io38 (28 mai 1 629);
les derniers d'entre eux ne quittèrent la villa qu'en Redjeb 1009 (i4 fé-
vrier-1 5 mars i63o). On jeta les fondations de la citadelle de Constan-
tineenChabàn 1089 (16 mars-i3 avril i63o), et les travaux se termi-
nèrent en Safar 10/10 (9 septembre- 8 octobre î63o). Les Koulouglis
commencèrent à revenir de Tunis chez les Zouaoua en Ramadan lohi
(22 niars-20 avril 1632).
Hosseïn pacha Ech-Cheikh monta au pouvoir pour la troisième fois
le 22 Rebia et-lsani 10/12 (6 novemijre i<î32). La Qaçba fut détruite,
durant la révolte des Koulouglis le ah de Hiddja 10/12 (2 juillet i633).
Furent ensuite nommés :
Youssef pacha ; 21 Mohafrem lohk (17 juillet i034).
Ali pacha : 1 Safar 10/17 (^^ j"^" 1687).
Dans le milieu de Djoumad el ouel io/i8 (20-5^9 septembre i638),
les Ilanancha et les Douaouda réunis sous le commandement de \loham-
mcd ben Ali mettent en déroute l'aimée deMourad bey, It; piemier.
Les Vénitiens enlevèrent aux Algériens huit galioles et le même nomi»re
aux Tunisiens à Valona, port de l'empire turc; cette nouvelle parvint à
Alger le 27 Djoumada el ouel io/i8 (26 septembre 1 038), Aji pacha
partit poiM' l'Ksl avec une colonne pour lenter un coup de main contre
Kjialed ou (lila de) Ahmed ben Ali le samedi 26 Hiddja 10/18 (3o avril
1639). Le caïd Mourad (pii s'était éloigné de ja colonqe perdU la vie :
204 AVRIL-JUIN 1922,
il fut traîtreusement assassiné par Kbaled ou Ahmed ben Ali en Safar
10/19 (3 juin- 1" juillet 1639). Hamza Kliodja fut étrangle' à ladite
colonne le aa Safar 10/19 (a/f juin 1639).
Youssef pacha surnommé Serheouche-Youssef prit le pouvoir le 21 de
Moharrem io5o (i3 mai 16/10), Il gouverna quarante jours puis se
démit de ses fonctions.
Youssef pacha fut nommé une deuxième fois, le 11 Safar io5o
(9 juin i6/io). 11 l^s'embarqua avec une colonne pour soumettre Mo-
hammed ben Ali Cheikh des Douaouda, le 17 Moharrem io5i (28 avril
16/n). Il revint d'expédition au milieu de Moharrem loSa,
Mohammed pacha Bouricha, le samedi 1 h Ramadan 1062 (6 décembre
1 6/t9 ), fut appelé à remplacer Youssef pacha mis en prison pour relard
apporté à la paye des troupes. 11 descendit du fort le samedi 7 Ghoual
io53 (19 décembre i6/i3).
Ahmed pacha Derandji-bachi lui succéda le i/i Djoumad el ouel io5/i
(19 juillet 16/1/1).
Youssef pacha recouvra le pouvoir une troisième fois, le 2 3 Rebia
et-tsani 1067 (28 mai 16/17), ^^ Chabâu 1067 (1 septembre-29 sep-
tembre 16/17) i^ sortit avec une colonne du côté de l'Est pour occuper
le territoire des Douaouda et autres.
Puis furent successivement nommés :
Mourad pacha affranchi d'Arabadji l'Algérois , le 1 Rebia el ouel 1060
(/» mars i65o).
Mohammed pacha le Bosniaque, le 22 Djoumad el ouel 1061 (i3 mai
i65i).
Tobal, qui fut élevé à la dignité de pacha le 17 Moharrem io6/i
(8 décembre i653).
Avec lui est close la série de quarante huit investitures en énumérant
chaque pacha individuellement. Notez-le : je les recompterai quand
j'aurai fini d'exposer d'un bout à l'autre tout ce que j'ai appris.
Viennent ensuite :
El Hadj Ahmed pacha, connu sous le nom de Touchân pacha, le
29 Ramadan io65 (26 juillet i655).
Ibrahim pacha le Bosniaque, le 12 Rebia et-tsani 1066 (8 février
i656). Il fut lévoqué et l'on nomma à sa place, pour la seconde fois,
El Hadj Ahmed pacha qui était en prison. Ceci se passait après l'acer,
le ùk Redjeb 1066 (18 mai i656).
Ibrahim pacha revint au pouvoir une seconde fois le samedi après
l'acer, 22 Qada 1067 (1" septembre 1657),
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 205
La paye des troupes fut officieHement confiée à Khelii Beloukbachi
en Qada 1070 (9 juiIlet-8 août 1660). Il fut massacré dans les derniers
jours (le Moharrem 1071 (26 septembre-5 octobre i66o).
Le jour même de la mort de Khelii, ses fonctions furent confiées
à Ranidân Beloukbachi connu sous le non de Yourk-Ramdâii.
En Ramadan 1071 (3o avril-2() mai 1661) on commença la construc-
tion du fort de Ras-Tafoura.
Les Janissaires se soulèvent contre Yourk-Ramdân, et le tuent avec
ses gardes au milieu du Badestan, le samedi i5 Moharrem 1072
(10 septembre 1661).
Ismaïl pacha fut nommé le 17 Ramadan 1072 (6 mai 1662).
El Hadj Ali agha fut chargé tout à la fois du gouvernement d'Alger et
de la paye des troupes, le jour de la mort de Yourk-Ramdân. Cette règle
a été observée jusqu'à nos jours. Puis les Youldach se soulevèrent contre
Ali Agha, et lui tranchèrent la tête le i4 Djoumad et-tsani 1082 (18 oc-
tobre 1671)- Il fut enterré auprès du bordj Ras-Tafoura.
Après lui on éleva au pouvoir Hosseïn Qobtàn El-Triki, doulath. Au
bout de quelques jours on lui associa son gendre Hassan Chaouch. Puis
peu de temps après les Youldach lui retirèrent son associé Hassen
Chaouch qui fut révoqué. On nomma à sa place Tabaq pour que El-
Triki fut dey suprême, et lui Tabaq son subordonné.
Quatre mois s'écoulèrent ainsi, et la bonne gestion des affaii-es pu-
bliques par le Dey s'étant affirmée, Tabaq fut exilé, et on renomma le
gendre d'El-Triki, Hassen Chaouch. Ce fut pour lui le premier que l'on
employa l'appellation de ffBaban. Puis il eut la tête tranchée, et El-
Triki fut exilé à Tripoh 1096 (inc. 11 décembre 1682). 11 y demeura
plusieurs années jusqu'à un âge avancé, et fut atteint de paralysie. On
le ramena alors à Alger : on l'inst'dla dans une maison (ju'il y possédait;
il y demeura juscpi'à sa mort. Il fut enterré à côté de son gendre.
Quand il fut exilé on nomma doulatli, Hosseïn reïs Qobtân Mezzo-
Morto. Celui-ci exerça le pouvoir avec les deux fonctions réunies entre
ses mains : celles de dey et celle de pacha , 1 096 (inc. 8 décembre 1 G8A ).
Puis il abandonna sa charge et se sauva sur une frégate avec laquelle
il prit la mer à Cherchel. H gagna la Turquie, 1 101 (inc. i5 octobre
1689). A Consfantinople, il moula en {«rade. 11 mit à la voile avec un
bâtiment de guerre et enleva Chio aux Chrétiens. Il fut nonuné Qobtàn
pacha, emploi qu'il conserva jusqu'à sa mort. Il fut enterré à Chio, et
j'ai visité sou tombeau dans cette ville, que Dieu l'ait en sa miséricorde.
Puis El Hadj Cbabàn Khodja fut nommé doulatli, le ai de Iliddja
1101 (ii8 septembre 1690).
206 AVRIL-JUIN 1022.
Celle nu^me année fut investi de la dignité de pacha El Hadj Moustafa
Ech-Cheikh.
Amer pacha remjilaça ce dernier en i loa (inc. 5 octobre 1690).
El Hadj Moustafa Ech-Cheikh pacha fut nommé une seconde fois en
1109 (inc. 5 octobre 1690). Il mourut en 1106 (inc. 12 septembre
1693).
Moussa pacha lui succéda en Qada iioG (i3 juin-i q juillet 1696).
Sur ces entrefaites, les Janissaires se révoltèrent à la colonne de l'Est,
et décidèrent d'enlever le pouvoir à Chabàn Khodja. Déjà avant lui ils
avaient tramé un complot semblable contre Mezzo-Morto, et c'est lorsque
ce dernier l'apprit, qu'il abandonna le gouvernement d'Alger et s'enfuit
en Turquie.
Voici ce qui advint à Chabâo Khodja. Quand il sut que la colonne
était sur le point d'arriver, il dépêcha au devant des soldats le pacha
d'alors et qui n'élait autre que Moussa pacha susnommé. 11 les lit accom-
pagner par les personnages suivants : les deux muftis dont l'un était le
mufti hanéfite, mon père, que Dieu Tait en sa miséricorde, et l'autre
le Cheikh Sidi Mohammed ben Sidi Saïd mufti malékite et les deux cadis ,
savoir : Sidi Mohammed ben t^l Hadj, cadi Malékite, et le Cheikh Sidi
Mohammed Zitoiin El-Tounsi, cadi hanéfite. Mais cela ne servit à rien,
car tandis qu'ils arrivaient au camp, parvenait en même temps à Alger,
adressée aux Janissaires , une letti'e éciite au nom des soldats de la
colonne contenant l'approbation des eulema, par laquelle ils les enga-
geaient à enlever le pouvoir à Chabàn Khodja. Au reçu de la lettre, les
membres du divan furent convoqués, ils s'assemblèrent au Palais,
prirent connaissance de la lettre et du désir exprimé par les soldats,
à savoir que Chabàn Khodja fut emprisonné. On le conduisit à la maison
de l'Agha, et il y fut enfermé dans le local servant de prison publique.
Ceci se passait après la prière du vendredi. Le lendemain ou nomma
doulath El Hadj Ahmed, ancien Agha, connu sous le nom de Ladj Ahmed
28 Hiddja 1106 [k janvier 1696). Aussitôt nommé, il donna l'ordre
d'étrangler Chabàn Khodja, que Dieu l'ait en sa miséricorde. Ahmed
Ladj mourut en 1109 (inc. qo juillet 1697). Il est enterré à droite en
entrant dans la qoubba du saint vertueux. Sidi Abderrahraan Et-Tsaa-
libi.
Après lui fut ])rociamé doulatli Hosseïn bach-chaouch qaraberli,
26 Hiddja 1109 (5 juillet 1698).
Puis reçut l'investiture Ali pacha qui était doulatli à Tunis en 1111
(inc. 29 juin 1699). ^
Hosseïn bach-Chaouch se démit de ses fonctions et se retira eu Egypte.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 À 1745. 207
Après lui furent successivement nommés :
Atclii Mustat"a,'le vendredi 6 Safar 1112 (2.3 juillet 1700).
Moustafa pacha le 10 de Rebia et-tsani 1116 (12 août 170/1).
Hasseii Khodja Chei'if, Celui-ci obtint le pouvoir grâce à ses intrigues
qui firent (pie Atclii Musfafa jugea prudent de s'enfuir, bien qu'il fut au
milieu de ses troujies. 11 arrivait avec Ja colonne de l'Est, et se trouvait
auprès de Ras Tafoura. Il cheicha à gagner Kolëa; mais oq l'atteignit,
et il fut égorgé. Il y fut enterré. Hassen Khodja précité fut élu avant le
lever du soleil 26 Redjeb 1117 (i3 novembre 1705).
Après lui reçut le litre de doulatli Mohammed Baktach Khodja ; 28 Qada
1118 (3 mars 1707). Il fit embarquer Hassen Khodja sur une saetleet
l'envoya à Bougie qu'il n'atteignit pas. Mais le détail de cet événement
viendra à sa place.
Ibrahim pacha le Bosniaque lui succéda comme pacha en Djoumad
el ouel 1119 (3i juiHet-29 août 1707).
Ensuite fut nommé à sa place Ahmed pacha le a 3 Rebia et-tsani 1 1 s 1
(2 juillet 1709). Baktach Khodja envoya son gendre le sariasker qui
s'empara dOran le 2/1 Choual 1121 (27 décembre 1709).
Il fut tué dans son palais , tandis que son gendre le sariasker était à
la Colonne de l'Est, le samedi 21 Moharrem 1122 (22 mars 1710).
Deli-lbrahim bey qui ce jour là avait porté les premiers coups à Bak-
tach, que Dieu l'ait en sa miséricorde, fut nommé doulatli. Ouzoun
Hassen arrivait sur ces entrefaites avec la Colonne de l'Est. On dépêcha
à sa rencontre des cavaliers qui le rejoignirent au lieu dit Drâ el Kelekh;
et regorgèrent. Sa tête fut rapportée à Alger et on l'enterra à côté de
son beau-père Baktach, près de la fabrique de poteries, en dehors de
Bab el oued le 18 Safar 1122 (18 avril 1710).
Deli-Ibrahira bey le doulatli fut tué à son tour dans le haut de son
palais après une résistance acharnée. 11 fut enterré près de Sidi Moham-
med El Keltâni, dans la partie qui est du côté de Sidi Yaqonb, à pou de
dislance des Sept hommes vertueux. Peu de jours après sa stèle fut mise
en pièces; aujourd'hui , il n'en subsiste plus aucun vestigi;; que Dieu
ell'ace sa mémoiie , comme il égara sa raison durant sa vie.
Ali Chaouch fut nommé doulatli après lui, le jeudi 18 Djoumad el-
tsani 1129 {ik août 1710).
Ali Chaouch était doulatli depuis sept jours quand il fil embarquer
Ahmed pacha pour l'Europe dans une saclte. Puis arriva le fiiman du
sultan victorieux accordant à Ali Chaouch l'investiture du pacha d'Alger.
11 mourut do la dysenterie, que Dieu tout puissant l'ait en sa niiséri-
corde. On l'enterra dans l'intérieur de la ville , derrière ie palais.
208 AVRIL-JUIN 1922.
Mohammed Kheznadji fut nommé douiatii ie mercredi 5 Djoumad el
ouel 1 i3o (6 avril 1718). 11 reçut également le firmaft lui conférant le
tilre de pacha d'Alger. II fui, par ce fait, et comme l'avait été avant lui
Ali Chaouch, tout à la fois douiatii et pacha.
Mohammed |)acha fut tué d'un coup de feu qui fut tiré sur lui de la
caserne des janissaires d'Ousta Moussa.
Il fut remplacé comme douiatii par Abdi Agha, qui était agha des
spahis arabes el administrait le beylik de Titteri (Médéa), 20 Djoumad
el-lsani 11 36 (16 mars 172^).
Abdi reçut également du sultan Ahmed le titre de pacha , comme cela
avait eu lieu précédemment. Il fut eu même temps dey et pacha 1187
(inc. 20 septembre 172/»).
Sous son gouvernement un pacha arriva à Alger, mais on lui fit
reprendre le lai-ge, sans qu'il pût débarquer: et cela à la suite d'une
entente entre les Janissaires poussés par Abdi. On raconte que le pacha
qui fut traité de la sorte se nommait Ali Dernaoui ; suivant d'autres per-
sonnes, il se nommait Hassen; 22 Qada ii/ii (19 juin 1729).
La ville d'Oran fut occupée par les Espagnols. Les Musulmans l'aban-
donnèrent sans attendre d'être assiégés; car dès qu'ils virent les Espa-
gnols débarquer non loin de la ville , ils la quittèrent. Les Infidèles firent
leur entrée le 2 2 Qada.
Abdi pacha mourut le vendredi 1 1 Moharrem iiliS (4 juillet 1782).
Ibrahim Kheznadji fut nommé douiatii le 12 Rebia el ouel 11 /i5
(27 septembre 1782). 11 reçut l'investiture de pacha comme ceux qui
l'avaient précédé 1 1 h^ (inc. 22 mai 1786). Cette dignité lui fut renou-
velée quatre fois avant la rédaction de ces notes, et il l'obtiendra encore
certainement à l'avenir.
Avec lui le nombre des |iachas qui ont exercé le pouvoir à Alger, énu-
mérés individuellement, sans tenir compte des nominations, deux ou
plusieurs fois renouvelées, comme cela eut lieu ])our certains de nos
gouvernants, les douiatii qui occupèrent à plusieurs reprises diflérentes
le pachalité d'Alger, est de cinquante-quatre, dont cinq reçurent l'inves-
titure alors qu'ils administraient déjà la ville. Ce sont, nous l'avons vu :
Mezzo-Morto, Ali Chaouch, Mohammed le Kheznadji, Abdi bey et
Ibrahim bey qui était le Kheznadji d'Abdi. Quant aux autres, ils vinrent
tous de Constantiuople avec un firman d'investiture. Certains furent
nommés deux fois et même davantage, ainsi que je l'ai raconté au fur
et à mesure des événements.
Ismaïl pacha, deuxième du nom , arriva également de Constantinople ,
mais Mezzo-Morto l'exila au Maioc, et il y mourut. La même aventure
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. -209
advint à Ali pacha Dernaoui; Abdi j)ey le renvoya ainsi que je l'ai rapporté.
Depuis que j'ai rédi^ré les notes qui précèdent Ibrahim pacha a été
atteint de dysenleiic. H a résilié le pouvoir qu'il a confié à son neveu
Ibrahim Khodja le Kheznadji. Ce qui le détermina à prendre cette
décision, ce furent les désordres continuels qui troublèrent son palais.
Ibrahim Khodja resta seul exerçant le pouvoir suprême à Alger, pre-
nant toutes les décisions et mesures nécessaires, attendant du sultan
Mahmoud Khan sa nomination officielle de pacha. Il la reçut le mercredi
a/i Ramadan ii58 (20 octobre 17^5).
Ibrahim pacha qui s'était démis du pouvoir suprême mourut le 22
Ghoual de l'année susdite ( 1 7 novembre 17^0).
Entre son abdication et sa mort il s'écoula un espace de vingt-neuf
jours. Il fut enterré à côté d'Abdi pacha, dans le cimetière qui est près
du palais.
Quant à mon grand-père il occupa l'emploi de Chaouch avec Tobal
Moharrem, celui dont il a été parlé précédemment, puis avec El Hadj
Ahmed surnommé Touchan, et successivement avec Ibrahim le Bos-
niaque, quelque temps avec Ismaïl pacha, et ceux qui furent chargés
de la paye, savoir : Khelil Beloukbachi et Ramdân Beloukbachi. Puis
encore avec El Hadj Ali Agha, investi en même temps de l'administration
et de la paye.
A l'expiration de ses fondions de chaouch il fut nommé Beloukbachi.
Il demeurait dans une maison qui est au dessus de la rue d'Es-Soiiïqa
qui aboutit à la mosquée d'Ali Bilchnin, et que l'on nommait autrefois
la maison de Kah Moussa. Il y tomba malade d'une rétention d'urine, et
il mourut que Dieu lui accorde sa miséricorde. On l'enterra dans le
cimetière qui se trouve près de la poterie en dehors de la poite Bab el
Oued, entre le mausolée du Saint, vertueux, source de bénédictions,
Sidi Abd Er-Rahman El-Tsaalibi, et celle de Sidi Mohammed Es-Sadi,
que Dieu nous fasse bénéficier de leurs mérites. Ainsi soit-il.
Je vais raconter maintenant les raisons qui firent qu'on enleva aux
pachas la prérogative de faire la paye. Voici : tant qu'ils en furent
chargés, ils en profilèrent pour piller sans retenue les fonds apportés
au palais de différents côtés. A cette époque ils se succédaient au pouvoir
à des intervalles rapprochés, et les habitants d'Alger étaient victimes
de leur rapacité. Parfois même, ils imposaient le paiement d'une
somme déterminée aux savants et aux notaires de la Mahakma.
Nos soldats victorieux avec l'aide de Dieu s'en aperçurent et ils
décidèrent d'enlever aux pachas le paiement de la solde, ainsi que la
XIX. 1 h
^10 AVRIL-JUIN 1922.
perception des impôts, le règlement des dépenses, et cela d'une façon
absolue.
Ils en chargèrent ime autre personne, et le premier à cpii fut confiée
celte mission fut Khelil Beloukbachi dont il est parlé ci-dessus. 11 en est
encore ainsi aujourd'hui. Le pacha a été maintenu seulement à la tête
du gouvernement de la ville et de son territoire. Quant à Khehl Belouk-
bachi, il jouissait de toutes les autres prérogatives du pouvoir, et se
tenait sous le péristyle du palais. Ramdôn Beloukbachi siégeait au milieu
du Badestan, et son autorité s'exerçait parles ordres qu'il donnait, les
mesures de clémence ou de rigueur qu'il prenait.
Lorsque El Hadj Ali Agha fut chargé de la paye, on lui remit en
même temps l'administration générale du pays. Ce fut le premier qui, à
Alger, porta le titre de ffHâkemfl parce qu'il détenait le pouvoir sans
aucun partage, que ses ordres étaient souverains et qu'il siégeait là où
résident aujourd'hui les chefs du pouvoir. 11 exigea qu'auprès de lui se
tinssent les Khodjas et les secrétaires qui étaient avec les pachas, ainsi que
l'interprète et les Chaouch arabes. Toute l'organisation qui existe aujour-
d'hui est son œuvre; c'est lui qui en régla les détails, que Dieu lui fasse
miséricorde. 11 faut en excepter toutefois les noubadjia qui montent la
garde devant le trésor, et qui dépendent de la garnison de la Qaçba,
ceux-ci furent organisés par Et-Triki et par Baba Hasseu. Ceux de garde
au palais se tenaient, au début, en dedans de la porte dans le vestibule
et lorsque Deli Ibrahim bey le doulatli prit ie pouvoir, il les divisa en
deux sections qui se tinrent au dehors, ainsi que tu les vois encoie
aujourd'hui.
El Hadj Ali Agha édicta des règlements d'une sagesse parfaite. Les
négociants s'enrichirent. Tout le monde vécut dans l'abondance. On se
mit avec ardeur à armer dos vaisseaux de guerre, à équiper des bâti-
ments en vue des croisières, et l'on fit du butin. Les habitants en reti-
rèrent beaucoup de richesses, de l'oi", de l'argent et quantité d'objets
dont ils firent usage. Ils bàlii'ent des maisons, les ornèrent magnifi-
quement. Ils cultivèrent des jardins au milieu desquels s'élevaient des
palais somptueux. On ne vit partout que vergers et parterres lleuris. I^s
champs furent ensemencés. Us montèrent des chevaux et des mules de
prix. Ce n'était que bijoux et pierres précieuses aux brillants éclats; le
plus grand luxe l'égna partout. Les gens se mirent à rechercher les
vêtements en drap de couleurs diverses, les tuniques sombres et les tur-
bans de différentes sortes. De nouvelles industries aux produits mer-
veilleux se créèrent, bien différentes de ce qui existait jusqu'alors. La
garde d'El lladj Ali Agha l'escortait chaque soii- jusqu';; son domicile
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17/i5. 211
particulier, et revenait le chercher de bon matin. Cette maison est connue;
elle est située dans le quartier de Bab Azoun.
Ce prince se divertissait avec quelques citadins qu'il avait choisis
comme confidents, au nombre desquels étaient Qen Tobal et Ben el
Malidi , lorsque des misérables l'atteignirent d'un coup de feu au souq
d'Et-temniaqîn. Il s'élança à leur pouisuite, fit qn dques pas, perdit
connaissance et tomba à terre. Us se jetèrent sur lui, et lui tranchèrent
la tête. Quant à ses gardes, ils s'enfuirent dans le plus grand désordre.
Que Dieu l'ait en sa miséricorde.
Quand après lui fut nommé Hossein reis Et-Triki, on donna à celui-ci
le titre de doulatli: et lorsque le pouvoir échut à Baba Hassen on le
désigna sous la double appellation de El Ildkem et de doulalU.
Il en fut ainsi jusqu'à l'époque d'Ali Chaouch. Quant à Ouzoun Aii,
on ajouta à ses titres celui de rr pacha". Et c'est cette appellation qui a
prévalu, et que nous employons encore aujourd'hui.
La joie, les plaisirs, les gaies réunions et les profits ne firent que
croître dans la ville d'Alger, dépassant tout ce que l'on avait vu jus-
qu'alors, à tel point que l'on put comparer Alger à la Syrie. Ajoutez à
cela que tout était bon marché et d'excellente qualité. On citait en pro-
verbe la prospérité de cette ville; mais l'impie la guettait jalousement
et je rappellerai ici ces vers du poète :
(r Je ne suis pas à l'abii des méchants ; mais je ne suis pas non plus
un aveugle qui étant prévenu ne se tient pas sur ses gardes.
ffJe me dirige dans la voie de Dieu, et celui qui en fait le but de ses
pensées ne peut aller à sa perte.»
Alger avait atteint ce degré de prospérité et ses maisons s'élevaient à
l'envi, lorsque les Européens c'est-à-dire les Français, vinrent l'attaquer
avec une flotte, et la bombardèrent 1098 (inc. lo janvier 1682), y
jetant trois cents bombes. Elle fut dévastée, et un certain nombre de
moscjuées s'écroulèrent. Les chrétiens s'éloignèrent, et l'année suivante
ils revinrent et lancèrent sur la ville sept cents bombes 109^ (inc.
3i décembre 1682).
Ils réclamèrent les esclaves de leur nation qu'on trouverait à Alger.
L'on décida de les leur remettre pour obtenir leur départ. Baba-llassen
réunit tous ceux qui étaient eu ville; leur nombre atteignit cent cin-
quante. Il les remit. Quand ou les eut Uvrés, les clm'tiens rcconuucii-
cèreiit le bombardement de la ville comme auparavant. Les soldats
eulrèrent dans une violente colère, et ils reprochèrent sa conduite à
1/1.
212 AVhiL-JUiN 1922.
Baba-Hassen. Us le guettèrent un soir, lorsqu'il descendait vers le port,
et lui tirèrent un coup de feu. II mourut, que Dieu l'ait en sa miséri-
corde. Le surlendemain les chrétiens s'éloignèrent.
Sous le gouvernement d'Hossein reis Mezzo-Morto ils revinrent et lan-
cèrent sur la ville douze mille bombes. Mezzo-Morto récupéra le prix des
esclaves que Baba Hassen avait livrés, en imposant tous les propriétaires
de maisons en ville. C'est ainsi que nous dûmes payer pour la nôtre onze
réaux petite monnaie. Voilà ce que je sais sur ces événements.
Notre maison fut très endommagée à ce dernier bombardement, et
nous dépensâmes en réparations une somme de cent quarante réaux.
Bien rares furent ceux qui n'éprouvèrent aucun dommage dans ces
trois attaques. La situation des musulmans devint mauvaise, et ils furent
éprouvés par l'adversité, lis perdirent la plus grande partie de ce qu'ils
possédaient pendant leur déménagement au dehors de la ville, en raison
de la précipitation de leur fuite. La plupart des marchands quittèrent la
ville à cause de la baisse du prix des denrées et de l'extrême abondance
des fruits ces années-là. La situation continua à être critique, la misère
et le dénùment se firent sentir. Quand Atchi Moustafa fut nommé doula-
lli, il se mit à dépouiller les habitants, et combien furent exilés pieds
nus et sans vêlements! Le prix des denrées à cette époque atteignit des
prix excessifs. Le blé se vendit jusqu'à douze réaux le saa d'Alger.
Ce fut sous son gouvernement que Mourad bey l'aveugle s'avança
avec une colonne composée de six cents tentes et défit les Algériens qui
n'avaient que soixante tentes. 11 mit le siège devant Gonstantine durant
six mois. Atchi Moustala vint l'attaquer et le battit, faisant de ses troupes
un grand carnage. Mourad bey s'enfuit jusqu'à Tunis avec ce qui lui
restait de cavaliers. Ceci se passait le i8 de Rebia et-tsani 1112 (9 oc-
tobre 1700) vers le milieu du jour, et le moment n'était pas encore
venu de faire la pi-ière de l'acer que l'affaire était terminée. Périt qui
périt, et les vivants furent ramenés prisonniers.
A son tour Atchi Moustafa envahit la Tunisie, et attaqua les troupes
ennemies commandées par Cherif bey. II les mit en déroute, fil Cherif
bey prisonnier et le chargea de fers. Une autre colonne sortit de Tunis
sous les ordres d'Hossein bey ben Ali qui avait pris le pouvoir après que
Cherif bey eut été fait prisonnier. 11 noua des intrigues avec le Cheikh
des Arabes Bon Aziz. Ce dernier prêtait son appui aux Algériens, car il
avait eu des démêlés avec Tunis. Dès le début, il était devenu le con-
seiller d'Atchi Moustafa. Il alla donc trouver celui-ci le soir venu, et se
mit à l'entrejMcndre lui disant : ffSi lu restes ici jusqu'à demain matin,
tes troupes sont perdues. 1 Atchi Moustafa s'enfuit avant le jour, aban-
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 213
donnant les tentes des troupes et les grandes tentes encore debout ,
ainsi que quantité de matériel, et il reprit la route d'Alger.
En arrivant près de Ras Tafoura, il apprit qu'llassen Khodja Cherif
avait été nommé doulatli le matin même, avant le lever du soleil. Il s'en-
fuit jusqu'à Koléa.
Voici comment Hassen Khodja, dont je viens de parler, fut élevé au
pouvoir suprême. Ses amis répandirent la nouvelle qu'Atchi Mouslafa
en arrivant à l'Harrache (Maison Carrée) avait pris la fuite. Les Janis-
saires et les membres du divan s'en émurent et ajoutèrent foi à cette
nouvelle. Ils désignèrent alors Hassen Khodja comme doulatli. Puis l'évé-
nement fut démenti, c'est alors que le nouvel élu dépêcha quelques-uns
de ses partisans à la rencontre d'Atchi Moustafa. Quand celui-ci les vit
arriver, il tourna bride et se dirigea sur Koléa en compagnie de Kour
Ali chaouch du corps des spahis turcs. Hassen Khodja lança des cavaliers
à ses trousses, ceux-ci l'atteignirent alors qu'il était sur le seuil de la
porte du sanctuaire du vertueux, du saint Sidi Ali Embarek, que Dieu
nous fasse bénéficier de ses mérites. Or Atchi Moustafa s'était mal
comporté autrefois à l'égard des descendants de ce saint personnage.
Apercevant le pacha, ils se rendirent compte aussitôt de ce qui lui arri-
vait, ils fermèrent la porte de l'édifice et le laissèrent dehors. 11 fut
étranglé sur place. On l'enterra dans celte localité.
Ce que je sais fort bien, c'est que les colonnes d'Alger attaquèrent
les Tunisiens huit fois,
La première fois Tunis fut conquise par l'armée d'Ali pacha : ceci a
déjà été raconté.
La seconde, les Tunisiens furent défaits et leur artillerie prise : j'en ai
parlé plus haut également.
Le troisième, Mohammed bey tils de Mourad bey, vint à Alger et
demanda à être secouru. Baba Hassen prit sa cause en mains, et amena
une entente entre lui et son frère Ramdân bey, io8() (inc. 28 mars
1678). Notre émir reçut à cette occasion des présents que l'on ne sau-
rait compter ni évaluer.
La quatrième fut l'expédition dirigée par Ibrahim Khodja Sariasker,
sur l'ordre d'Hosseïn Mezzo-Morto. Tunis l'ut assiégée dix-sept mois, et
il ne put la réduire.
La cinquième et sixième furent les expéditions de Ben Chakour et
d'El Hadj Chabàn Khodja le doulatli. Celui-ci s'empara de Tunis et y
exerça le pouvoir près d'un mois. Puis il y laissa ses rejjrésenlants et
rentra à Alger avec un riche butin. Après son départ la ville reprit son
aspect accoutumé.
214 AVRIL-JUIN 1922.
La septième exptîdition fut celle d'Atclii Moustafa qui la première fois
dëtit Mourad bey, puis après s'être emparé d'Ali Gherif bey se laissa
jouer le lendemain, et plein de crainte battit en retraite abandonnant
les tentes de ses soldats et les gi'andes lentes encore dressées.
Enfin la huitième guerre est celle qui eut lieu à l'occasion de la
révolte d'Ali bey ben Mohammed bey ben AH Et-Turki, contre son
oncle qui avait mis fin à la grande sédition, le défunt Hossein bey ben
Ali El-Turki. Les hostilités durèrent cinq ans, et l'on désigne cette
période sous le nom de rr l'année d'Ouslatr). Quand Ali bev épuisé ne
put continuer la lutte, il se réfîigia à Alger alors gouverné par Abdi bey
le Doulalli, que Dieu lui fasse miséricorde. Quelques jours après, on
l'enferma dans une maison occupée par les pachas, dans l'enceinte
même du palais.
Son emprisonnement consistait en ce qu'il ne pouvait aller et venir,
ni recevoir personne. 11 ne lui était pas permis non plus d'assister à la
prière du vendredi à la Mosquée, non plus qu'aux grandes fêtes. Il i-esta
ainsi prisonnier cinq ans et même davantage. Puis à son avènement au
trône, notre prince actuel, le bien dirigé par la protection divine, Ibra-
him pacha, usa de clémence à son égard et mit à sa disposition cent
quatre vingts tentes pour marcher contre son oncle. Voici quelle fut la
raison de celte décision : des suggestions haineuses excitèrent profondé-
ment Ibrahim pacha contre Hossein bey, et au fond il n'y avait rien de
vrai.
Les troupes étaient commandées par le neveu du pacha susnommé
Ibrahim Khodja le Kheznadji, par Hossein bey de Gonstantine. Un
autre personnage dénommé Kour Hossein fit route avec eux. Ils quit-
tèrent Alger le 2 2 Hiddja 11^7 (i5 mai 17 35), et arrivèrent au Kef
après soixante-deux jours de marche. Ils y séjournèrent vingt-deux jours,
puis le 5 de Rebia el ouel 1148 (26 juillet 1735) ils firent encore trois
étapes et s'arrêtèrent non loin de Tunis. Ils campèrent sur le bord dune
rivière. Hossein bey ben Ali s'établit en face d'eux avec cinq cents tentes.
Ils restèrent ainsi face à face sans engager de combat : ils se contentaient
de s'approcher les ims des autres et de s'interpeller mutuellement.
Il en fut ainsi jusqu'au 26 Rebia et-tsani 11 48 (jeudi i5 septembre
1735). Ge jour-là, à peine le soleil fut-il levé, que les Algériens fon-
dirent à l'improviste sur les Tunisiens qui n'étaient pas sur leurs gardes:
les uns dormaient encore , les autres s'habillaient ou allumaient le feu.
Ils en massacrèrent le plus grand nombre et poursuivirent les autres
qu'ils ramenèrent prisonniers dans leur camp.
Quant à Hossein bey, ses enfants et ceux qui se trouvaient près de
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A I7/i5. 215
lui, en tout une trentaine de personnes, réussirent à s'enfuir. Tous ceux
qui craiguaienl le ressentiment d'Ali bey le rejoignirent. Younes bey
ben Ali bey hàla sa marche sur Tunis, et la nouvelle de ces événements
se répandit. Le mercredi suivant, c'esl-à-dire quatre jours après la ba-
taille, Ali bey entra à Tunis et fut proclamé à la Qaçba. C'est ainsi qu'il
s'empara du pouvoir. Il continua plusieurs années à se battre contre
son oncle Hosseïn bey, car après l'arrivée des Algériens, le royaume
s'élait divisé en deux : Qairouân et ses environs. Sousse, Monastir,
Mahdia, les deux Qalaa et les tribus environnantes obéirent à Hosseïn
bey ben Ali, et l'Ouest comme le Kef, Tilache, Testour, etc., ainsi que
les Arabes résidant dans cette ivgion reconnurent l'autoiité d'Ali bey, et
la guerre fut tantôt favorable tantôt défavorable aux uns et aux autres.
Qairouân fut assiégé et on ne put l'approvisionner en bié à tel point qu'il
atteignit le prix de soixante réaux boudjou (108 francs) le sàa. On en
vint à vendre le sang des bêtes égorgées. Les habitants mangèrent des
spathes de palmier piles. Les riches vendirent ce qu'ils possédaient, et
les pauvres moururent. Il n'était pas rare de voir des personnes qui
depuis deux ou trois jours n'avaient pas goûté au moindre aliment.
Ceci dura jus(pi'au mardi 22 Safar 11 53 (19 mai 17/10). Des musul-
mans ne purent surmonter cette détresse et tirent secrètement des ouver-
tures à Younes bey ben Ali bey. Us lui ménagèrent un passage pour
pénétrer en ville. C'est ainsi que la ti'ahison se glissa parmi les habitants
de Qairouân. Hosseïn bey quitta la ville avec les Zouaoua et ses parti-
sans. Celle-ci fut occupée. Les vainqueurs attaquèrent les Zouaoua et les
exterminèrent. Hosseïn bey ben Ali, le martyr, fut pris; ce fut Ben
Melouk le perfide qui s'en empara et qui rejoignit ensuite Younes bey.
Il ne cessa un seul instant d'être résigné et confiant en Dieu. Il eut la
tête tranchée.
Quelque temps avant ces événements, Mohammed fils d'Hossein bey
dont je viens de parler était allé à Alp;er pour demander qu'il lui fut
accordé aide et protection. Mais il n'obtint pas de réponse favorable.
Son frère Mahmoud qu'il avait laissé à sa place en Tunisie et qui gou-
vernait Sousse resta encore quelques jours après la mort de son père,
puis il s'emhanpia et vint à Alger. Il y retrouva son frère, et tous deux
attendirent des jours meilleurs. Quant à leur frère qui était entre eux
deux, Ali bey, il était lixé depuis longtemps déjà en Algérie aux envi-
rons de Conslantine, entouré des Cheikhs arabes et de personnages
influents et sages qui étaient au nombre des partisans les plus puissants
de son défunt pèn; Hosseïn bey.
Ce qui précède relativenicut aux événements dont la Tunisie lut le
216 AVRIL-JUIN 1922.
liu'Atre, el des succès que les Algériens y remportèrent ne peut être nié.
J'ai recueilli autrefois de la bouche de Sidi Mohammed ben Ali beu Sidi
el Mahdi ces paroles : rrj'ai lu dans les ouvrages d'histoire que lorsque
la guerre éclate entre Orientaux el Occidentaux, ces derniers rempor-
tent toujours la victoire. Cela est un fait d'expérience. Voyez ce qui
s'est passé quand Tlemcen fit la guerre avec ses voisins. 55 Ainsi s'expri-
mait ce saint personnage.
Il y eut autrefois, ce que je n'ai pas raconté, une attaque contre la
Goulette, à l'époque de Ramdân pacha qui s'en empara.
Avant les pachas je n'ai rien appris à ce sujet, sinon qu'il y eut une
bataille à l'époque des Hafsides quand les infidèles s'emparèrent de
Tunis el la gouvernèrent après s'être concertés avec les musulmans.
Une flotte fut envoyée par le sultan victorieux, en même temps qu'une
colonne arrivait d'Alger. Ceci se passait à l'époque de Kheir-ed-din.
On arrive ainsi au chiffre de dix expéditions. Cette dernière est rap-
portée par Er Rouaini (El-Qairouâni) dans son histoire de Tunis.
Alger, boulevard de l'Islamisme, se nommait Mezrenna. C'était en l'an
^00 (inc. q5 août 1009) une ville entourée de murs qui n'avait pas
encore été conquise: el jamais l'infidèle avec sa fausse religion, non
plus que le musulman malgré la force de ses armes ne l'avaient réduite.
Elle ne formait au début qu'un petit groupe d'habitations. Elle s'étendait
de la porte Bab ei-oued jusqu'à l'endroit où s'élève aujourd'hui la rési-
dence du pacha.
L'emplacement du palais actuel avec Ketchaoua n'était qu'un même
quartier. Quant à Souq el-Kebir jusqu'à Bab-Azoun, c'était un vaste
terrain de culture. La Haret el-djenân, aujourd'hui Sidi Helal, avec la
partie inférieure, et l'emplacement qu'occupe Hammam el-malah ne
comprenail que des jardins maraîchers.
A l'endroit où s'élèvent aujourd'hui la grande mosquée et Sidi 'Ali
el-fassi s'étendaient les entrepôts des potiers. La colline en face était
couverte de broussailles.
Quant au nom d'El-Djezaïr ffles îlesn, qui a prévalu aujourd'hui, il
lui a été donné à cause des rochers qui émei-geaient en mer en face même
du port. A cette époque ses chefs étaient de race arabe.
Alger fut dévastée une fois par les fuurmis, et une autre fois par la
peste. C'est du moins ce que l'on rapporte. El-Bi-echki raconte dans sa
relation de voyage, qu'elle fut déliante par un tremblement de terre en
7GC (inc, 38 septembre i3C4). Il se fil sentir dans la nuit du lo Rebia
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 217
et-tsani (4 janvier i365) après la prière du coucher du soleil. La plus
grande partie de la ville fut démolie, et un nombre si élevé d'habitants
périt que les Berbères purent s'y installer. Ils s'emparèrent de toutes
les constructions. Leur domination s'étendit, et ils finirent par sou-
mettre tous les habitants à leur domination. Que soit proclamée la puis-
sance de Celui qui fait ce qu'il veut I
El-Brechki rapporte ceci : rrJe me trouvai la nuit du tremblement de
terre dans une maison sise à Haret el-djenàn, du côté de la porte Bab
el-oued; je fus témoin de choses effrayantes que nul n'a relatées avant
moi. J'entendis une femme qu'un habitant interrogeait sur les dangers
qu'elle avait courus. Elle lui ré()ondit : «J'étais en compagnie de ma
ffsœur, et je portais ma fille dans mes bras. Je courais dans la maison
frde place en place, jusqu'au moment où une partie s'écroula sur moi.
«Ma sœur fut ensevelie et j'échappai; puis une autre partie tomba sans
«m'atteindre. Je jetai ma fille à terre pour être plus légère et je me
«sauvai sans elle, cherchant le salut dans la fuite. Ainsi quand je me vis
«sur le point de succomber, j'abandonnai ma fille au milieu des dé-
«combres.»
Je me rappelai à ce sujet l'histoire de cette femme qui, au déluge, se
sauvait avec son enfant. L'eau montait toujours. Elle le mit sous ses
pieds, j)our se hausser un peu plus. Le flot les submergea l'un et
l'autre; tandis que la femme dont je parle plus haut se sauva, et ce
furent ses compagnons qui périrent.
On m'a rapporté qu'un homme instruit, digne de foi, affirme avoir
compté, cette nuit seulement, quatre cent quatre-vingt-seize secousses.
Durant quelques années ces tremblements de terre se succédèrent, mais
sans occasionner d'autres dégâts.
Un tremblement de terre se produisit encore à Alger en 99/1 (inc.
28 décembre i585). En 10/12 (inc. 19 juillet 1682), il fut assez vio-
lent pour renverser les maisons de Médéa. Une année auparavant Dellys
avait été détruit de la même façon.
L'auteur de ces lignes ajoute : nous avons ressenti, à Alger où nous
habitions, d'autres secousses qui occasionnèrent des fentes dans l'ancien
rempart, sans causer de dégâts plus graves, ni de mort d'habitants. Le
lundi 9 Safar 1128 (3 février 17 lO), au mdieu de la matinée, Alger
fut secoué par un tremblement de terre ell'royable. La plupart de ses
maisons s'écroulèrent, la grande mosquée se lézarda; mais ce fut sur-
tout dans les villas des environs que les dégâts furent 1res impor-
tants. Partout se firent sentir ses redoutables effets. On était pour ainsi
dire emporté par la poussière qui s'élevait du sol. Une partie du terrain
218 AVRIL-JUIN 1922.
sur lequel ces maisons étaient édifiées put être cultivé au bout de
quelque temps. Nous appartenons à Dieu, et c'est à liji que nous ferons
retour.
Les habitants abandonnèrent la ville et dressèrent des tentes, les uns
dans le cimetière, les autres dans la campagne où il n'y avait aucune
construction. Cet événement coïncida avec le mois étranger de janvier.
Ne cherche pas à connaître ce que ces pauvres gens durent éprouver
de souffrances par suite des orages continuels et du froid intense. Les
secousses ne discontinuèrent pas tout ce jour et la nuit qui lui succéda;
elles se renouvelèrent vingt-quatre fois de suite. Gomme le froid faisait
cruellement souffrir les habitants, et qu'ils risquaient d'être submergés
par la pluie, ils se décidèrent à regagner la ville, implorant le secours
de l'Unique, du Puissant.
Après ces événements, on était au milieu de la nuit du troisième jour
de Rebia el-ouel de l'année susdite (26 février 1716), une secousse se
produisit glaçant les coeurs d'effroi , jetant l'épouvante parmi les habi-
tants. Deux autres la suivirent, et avant que les premières lueurs du
jour eussent dissipé les ténèbres, les habitants avaient déjà fait leurs
préparatifs pour fuir une seconde fois. Durant vingt jours les secousses
se succédèrent sans interruption, notamment dans la nuit. Dieu est tout
puissant, sa volonté ne rencontre pas d'obstacle.
En 11 'i8 (inc. qA mai 1785), quatre secousses se produisirent, mais
sans causer aucun dégât. En revanche, Cherchel qui est une localité à
deux journées de marche d'Alger eut la majeure partie de ses maisons
renversées. Ceci se passa la nuit du samedi 17 Redjeb qui correspond au
mois étranger de novembre. Beaucoup d'habitants de Cherchel périrent :
on en compta deux cent cinquante. Les Berbères en profitèrent pour
s'emparer de la ville.
Je parlerai plus loin d'un autre tremblement de terre, mais seule-
ment quand je mentionnerai les autres événements, d'après leur ordre
chronologique, si Dieu veut.
La ville d'Alger a été occupée par les Arabes , et leur chef était de
race arabe : le siège de son gonverneinent était la maison qui sort aujour-
d'hui de caserne aux canouniers près de la porte Bab el-oued; mais il
logeait à Dar el-hamra, près du saint vertueux, Sidi Ali El-Fassi. Les
revenus de celte maison sont aujourd'hui constitués en habous pour
acheter les bougies (pie l'on allume à la Grande Mosquée la nuit du 97
Ramadan de chaque année.
Le port d'Alger servait de refuge à tout venant, musulman ou infi-
dèle, jusqu'à lépoque où les Chrétiens occupèrent le grand fort (Peûon).
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1755. 219
Ce port ëtait alors bien moins important qu'aujourd'hui. Or il advint
qu'un jour une frégate montée par des combattants pour la foi arriva de
Turquie. Ils se rendirent compte de ce que les habitants avaient à souf-
frir des entreprises des infidèles qui occupaient la forteresse, se livraient
à des démonstrations contre la ville, et y prélevaient du butin. Tout
cela par suite de l'insouciance des Arabes et leur manque de perspicacité.
Ils assiégèrent les infidèles une semaine durant; ceux-ci ripostèrent par
des coups de canon qui démolirent une partie de la ville. Mais ils durent
néanmoins se rendre par suite de la disette des vivres et de l'eau. Ils
étaient au nombre de cinq cents. Ainsi on ne put les réduire que par la
force.
Le sultan victorieux Bayazid Khan, fils du sultan Mohammed Khan,
avait été informé de ces événements en gaS (inc. 3 janvier 1619). Il
envoya à Alger Ishaq pacha avec un certain nombre de soldats, puis
d'autres et encore d'autres, si bien que la garnison d'Alger fut très
importante. Ishaq pacha fixa sa résidence sur la pente du Mont dans une
redoute qui se trouvait à l'intérieur de l'ancienne Qaçba. Geile-ci com-
prenait encore dans son enceinte : la mosquée de Sidi Ramdan oii ce
saint est enterré, un bain du même nom, un moulin à blé, deux fours
banaux, et des boutiques de marchands de légumes, de fabricants de
haïks; tout cela formait le quartier de l'ancienne Qaçba. Le chef de race
arabe conserva le pouvoir quelque temps , puis il fut tué et l'adminis-
tration de la ville passa entre les mains des pachas; le commandement
(les s(tldats appartint à leur agha.
Alors le pacha fixa sa résidence au milieu de la ville. On édicta les
règlements qui sont en vigueur aujourd'hui, notamment en ce qui con-
cerne les costumes qui doivent être différents suivant le rang et la qua-
lité des personnes qui les portent, les degrés de la hiérarchie avec les
prérogatives et obligations de chacun ; le tout aboutissant à un conseil
composé d'un certain nombre de personnes désignées pour en faire
partie.
On bâtit le palais du gouvernement et le local des Kahias. La nouvelle
Qaçba fut édifiée et le divan s'y réunit, 1006 (inc. 1 h août 1697).
Le pacha fut spécialement chargé du gouvernement de la ville d'Al-
ger et des territoires en dépendant. On confia la surveillance des poids,
mesures et marchés à l'Amin el oumana, et chaque corporation eùl à
sa tête un amin qui agissait au nom du Pacha. Tout cela fut réglé d'un
commun accord, entre les amins, les notables de la ville et l'amin el
oumana.
Tout ce qui concernait les troupes était dans ies attributions du pacha.
220 AVRIL-JUIN 1922.
Mais pour l'organisation spéciaie des janissaires, ceux-ci conservaient un
certain nombre de règlements particuliers, à l'observation desquels cha-
cun d'eux veillait. Quand il y avait lieu de punir un janissaire pour une
faute commise, on en référait au kahia ou bien on attendait le jour où
le divan se réunissait à la Qaçba.
Les de'cisions judiciaires étaient prises par les deux cadis : i° le cadi
malékite, indépendant au temps de la domination arabe, et qui sous les
Turcs ne fut plus qu'un fonctionnaire en sous-ordre, jusqu'à l'époque
de Sidi Ali Ech-Ghalibi, comme tu le verras; a" le cadi hanéfite qui ne
fut nommé que lorsque les Turcs s'établirent à Alger. En général , les
affaires importantes étaient remises au jeudi. Ce jour là il y avait réunion
des eulema savoir : les deux cadis et les muftis hanélîte et malékite. Au
début ils étaient assistés d'un certain nombre de peisonnages de marque
comme Sidi Ranidân, et après lui son fils Sidi El Mahdi, et après lui
son fils Sidi Mohammed Cherif.
Ce dernier s'abstint de s'y rendre parce que un jour, se trouvant en
compagnie des autres euléma, et en présence de Mezzo-Morto, on donna
la bastonnade à un homme pour un crime quelconque. Il en éprouva
une telle émotion qu'il jura de ne plus jamais assister à un spectacle
pareil ; et il en fut effectivement ainsi. Les euléma du rite malékite le
suivirent dans sa retraite, et la réunion ne comptait plus que les cadis et
les muftis. Un bach Yayabachi remplaçant le kabia du palais s'y ren-
dait pour assister au prononcé du jugement et lui conférer ainsi, par sa
présence, un caractère solennel. Il avait pour mission également lors-
qu'un plaideur faisait preuve de mauvais vouloir d'en prévenir le kahia;
il lui rapportait ce qui s'était passé sous ses yeux. Le récalcitrant rece-
vait le châtiment que sa faute comportait.
Mais à l'époque dont j'ai parlé plus haut, c'est-à-dire celle où
l'on enleva aux pachas leurs prérogatives, et au temps de Baba
Hassen le doulatli, on affecta l'immeuble dit Dar Selkadji ourli à la
résidence de ceux qui étaient investis de la charge d'agha des janis-
saires. On y installa en même temps la prison réservée à ces derniers,
et sous les arcades, comme tu le vois encore aujourd'hui. La Qaçba cessa
donc de servir de résidence à l'agha et de prison aux janissaires, comme
cela avait lieu jusqu'à ce jour. Le divan se transporta au palais du gou-
vernement et se tint en présence du Doulatli ; et le j)ouvoir ne fut plus
aux mains que d'une seule personne, contrairement à ce qui se passait
auparavant. Ce fut une organisation toute nouvelle, et les janissaires y
trouvèrent une IriuKpiillilé inconnue juscju'alors, car ils n'avaient cessé
jusque là d'être en but à la violence et à l'arbitraire, la proie des impu-
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1745. 221
dents, les victimes des manœuvres criminelles, d'insinuations menson-
gères qui troublaient la vie, tantôt au faîte de la fortune, tantôt dans
la situation la plus précaire.
Tout ce (lacune) était très dur pour eux; mais ils étaient bien
plus à plaindre encore quand une sédition venait à éclater.
Le première est celle d'El-Hamaïmi qui éclata à Alger en 996 avec
l'appui d'un grand nombre de rebelles. Ils violèrent le domicile des chefs
qu'ils détestaient, ainsi que de ceux qui avaient un rang élevé dans le
gouvernement et l'administration delà ville, qu'ils fussent membres du
Divan ou non. Durant ces révolutions il se formait deux partis qui en
venaient aux mains et se battaient jusqu'à ce que l'un d'eux l'eût em-
porté. Les vainqueurs poursuivaient leurs adversaires jusque dans leurs
retraites les plus cachées.
Je tiens de la grand'mère de mon père, nommée Aziza, le récit
suivant :
ffUs firent irruption dans notre maison sise rue Es-Sebbagh près de
Sidi Ali El-Fassi. Ils découvrirent un de leurs ennemis qui s'était caché
sous un matelas de laine, sans que nous l'eussions aperçu. Ils le firent
sortir et vouluient l'égorger surplace. Nous nous mîmes à les adjurer de
n'en rien faire, car nous redoutions que les choses ne vinssent à tourner
encore plus mal pour nous. Ils le traînèrent dans la rue et l'égorgé rent.i
Celte dernière révolte qui eut lieu au temps des Beloukbachi fut peu
grave. La grand' mère de mon père en vit une autre du même genre.
D'autres révoltes s'étaient produites en l'an 1000 (inc. 19 octobre
1591), puis à Biskra en ioo4 (inc. 6 septembre 1695). Enfin celle
dite d'EI-Qlaïdji éclata au palais en 1006 (inc. i4 août iSgy).
C'est postérieurement à ces dernières que se déroulèrent les événe-
ments qui m'ont été contés par la grand' mère de mon père.
Mais aujourd'hui les janissaires sont parfaitement tranquilles et
mènent l'existence la plus agréable qu'ils aient jamais connue. Je ne fais
qu'une exception pour le différend qui s'éleva entre les Turcs et les
Koulouglis. Ils en vinrent aux mains ainsi que je l'ai raconté plus haut,
le 19 Ramadan (12 mai 1629), tandis que l'expulsion [des Koulouglis]
eut lieu le 99 du même mois io38 (22 mai 1629), je veux dire le der-
nier jour de Ramadan.
NOTE.
El Hadj Ali n'est autre que El Euldj Ali , connu dans les chroniques
du temps sous les aonis de Ochali, Oucholi, Lochiali, Lucciali, Olu-
•222 AVRlL-JUiN 1922.
chali, etc., appellations que reproduisent encore certaines compilations
modernes. Par sa longue et glorieuse carrière, il se présente à nous
comme la plus grande figure de l'histoire d'Alger sous la domination
turque, l'émule de Kbeir ed-Din.
Le qualificatif rrEuldji était donné aux hommes que nous appelons
renégats, c'est-à-dire aux chrétiens qui embiassaient l'islamisme. Les
Turcs n'avaient aucune prévention contre ces néo-musulmans; en Algé-
rie, Us pouvaient aspirer à tous les emplois, même à la dignité suprême,
dont l'accès était refusé aux Arabes et aux Kourouglis.
El Euldj Ali était Calabrais; il exerçait très jeune le métier de marin.
Il fut pris avec sa barque par un corsaire algérien qui fit de lui un
rameur de sa chiourme. Il accomplit ainsi de nombreuses croisières en
compagnie d'autres chrétiens, esclaves comme lui, qui ne lui ména-
geaient pas les railleries , parce qu'il était teigneux. Us allèrent jusqu'à
lui refuser de manger à ses côlés et l'empêcher de s'asseoir à leur banc.
Toutes ces avanies ne purent le décider à apostasier, ce qui l'eût débvi-é
de ses persécuteurs. Mais un jour, un Levantin l'ayant frappé, il se fil
musulman pour pouvoir en tirer vengeance. Distingué pai' son chef,
il fut nommé comité, c'est-à-dire officier de galère. Ayant amassé quelque
argent dans cet emploi, il fît la course pour son projn-e compte. Sou
nom devint célèbre et il partagea, sous les ordres de Hassen fils de Kheir
ed-Din, et de Dragut, la fortune de ces grands capitaines.
Mis à la tête du gouvernement d'Alger, ses démêlés avec les janis-
saires furent fréquents et le décidèrent à quitter la Djeuina, beaucoup
trop exposée à un coup de main de soldats toujours prêts à se révolter,
quand le souverain montrait quelque indépendance à leur égard. Il fixa
sa résidence dans un fort nouvellement construit au nord du rempart
Bab el Oued. Ce fort dominait la mer de ce côté et tenait sous son canon
une petite rade où étaient ancrées des galères gardées par des réis tout
dévoués. Devoulx nous eu a conservé la description ; les indigènes l'appe-
laient eu deruier lieu «Bordj Selti Taklill- (Fort de dame négresse),
d'une maraboute kabyle qui y aurait été iidmmée'''. Auparavant, il était
désigné par eux sous les noms de ffBordj el Hadj Ali'^ et crBordj Bab el
Ouedi. Les Européens le connaissaient sous cette dernière dénomination
''^ Revue africaine, mars-avril 1878 : Alger, étude archéologique et topogra-
phique sur celte ville, p. i l\g. D'autre part des indijjèncs qui se rappelaient
foit bien les travaux exécutés en i853 m'ont ra])porté qu'à leur connaissance
il a'y avait eu personne d'enterré dans ce local, négresse ou autre; c'était une
simple kheloua ^eiunlagav qui recevait la visile de dévotes musuhnanes.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17Zi5. 223
et sous celle de rrCort de 2/1 heures r , dont l'origine est obscure. Sa démo-
lition fut entreprise par nous en iS5'2.
El Euldj Ali abandonna volontairement le gouvernement d'Alger eu
avril 1671 et, escorte de vingt galères et de trente navires monlés par
ses fidèles marins, il fit route vers Gonstantinople.il sut se couvrir de
gloire au désastre de Lépante, en dégageant quarante galères par une
manœuvre habile et hardie. Ce fait d'armes lui valut, avec le surnom de
cKilidjfl (glaive de l'Empire) le titre de Beglerbeg, et le poste de Capi-
tan pacha qui lui donnait des pouvoirs presque souverains avec d'im-
menses revenus. Son œuvre fut importante; le fait qu'il entreprit les
travaux de percement de l'isthme de Suez suflit pour donner la mesure
de ses vastes conceptions et sauver son nom de l'oubli.
Les historiens s'étendent longuement sur la mélancolie qui ne l'aban-
donnait pas au milieu de ses richesses et des honneurs dont il était
comblé. Ils y voient non seulement le chagrin que cause toujours une
infirmité incurable et considérée par beaucoup comme honteuse, mais
ils l'attribuaient plus encore au remords qu'il éprouvait d'avoir renié la
religion de ses pères. Ils s'en réfèrent pour cela au témoignage de l'am-
bassadeur de Charles IX à Constantinople, François de Noailles, arche-
vêque de Dax, <jui était admis dans lin limité ilu Capitan Pacha. Notre
ambassadeur ailirme qu'el Euldj Ali n'avait jamais cessé de pratiquer la
religion chrétienne. Les démarches que tirent les janissaires auprès du
Padishah, à l'effet d'obtenir pour cette raison le rappel de sou représen-
tant à Alger, donnent à penser que sa conversion à l'islamisme manquait
de sincérité. Malgré cette grave accusation, le sultan se garda bien de
sacrifier à des soldats indisciplinés un homme qui lui avait rendu les
services les plus signalés , et les janissaires furent éconduits. Si le pape
Pie V conseilla à Philippe II de chercher à le gagner à sa cause, c'est
qu'il pensait qu'une réconciliation avec l'ancien pêcheur calabrais n é(ait
pas chose impossible. Ces avances, il est vrai, furent assez mal accueillies.
La mansuétude d'el Euldj Ali à l'égard des prisonniers de guen-e se
manifesta maintes fois; il ne les mettait pas en vente et ne leur imposait
point des travaux trop rudes. Quand il mourut, trois mille d'entre eux
étaient occupés à coloniser une des îles de l'Archipel.
Par ces détails qui appartiennent à l'histoire, on estimera combien
semble peu justifiée la grave accusation dont Ilaëdo est l'auteur et qui
pèse sur la miiinoire du Capitan pacha en le représentant comme un
tyran sans j)itié, faisant péj'ir sous ses yeux du supplice de l'empiee/iieat
un prisonnier espagnol qui refusait d'abjurer.
Le bénédictin Haëdo, abbé de Fromesta, avait raconté en iGia le
224 AVRIL-JUIN 1922.
supplice d'un Arabe devenu chrëtien sous le nom de Geronimo et empisé
dans le mur du fort Bab el Oued en septembre 1669. Un squelette fut
en effet trouvé dans un mur de ce fort, lors de sa démolition en i863.
D'abord, et au risque d'aller à l'eucontre des idées reçues, nous devons
reconnaître que ce supplice théâtral était beaucoup moins cruel (jue ceux
de l'écartèlement, du feu et de la roue, usités chez les chrétiens.
L'homme placé dans un endroit étroit, face contre terre, pieds et poings
liés, puis couvert d'une masse de terre éuergiquement foulée devait être
étouffé rapidement. Ce suppHce était surtout impressionnant, parce
que le corps restait enfermé dans un mur à une place exposée à tous
les regards.
Cette découverte n'est pas en elle-même un fait extraordinaire.
D'autres du même genre ont été faites depuis. Devoulx qui suivit en
1870 la démolition des fortifications de l'angle sud -est de la ville
constata dans le pisé la présence de plusieurs cavités contenant des osse-
ments humains. La tradition prétend que lorsqu'on démolira les murs
de la qaçba, on en mettra d'autres à jour.
Quant à la responsabilité d'el Euldj Ali , elle doit être complètement
dégagée. Il ressort, en effet, d'une inscription datée de 976 (juillet 1667
à juin i568) qui était placée au-dessus de la porte du fort, que celui-ci
fut bâti par le pacha Mohammed , prédécesseur d'el Euldj Ali. Pour
expliquer l'absence du iiom de ce dernier, Berbrugger a supposé qu'elle
était due à l'animosité drs janissaires. C'est une supposition gratuite,
absolument invraisemblable, imaginée jiour les besoins de la cause : les
janissaires n'avaient aucun moyen de s'immiscer dans une construction,
cela leur était égal d'ailleurs. Le seul objet qui les intéressât était la
régularité dans le payement de leur solde. Quand ils n'étaient pas satis-
faits d'un pacha, c'est par d'autres moyens plus violents qu'ils cherchaient
à s'en venger. Admettant même qu'el Eiddj AH ait terminé le fort, ce
que rien ne prouve, on ne saurait lui im|)uler le supplice du malheu-
reux dont le squelette a été retrouvé, car celui-ci était dans la partie
inférieure du mur; l'empisement remonte, par conséquent, au commen-
cement des travaux.
M. de Grammont qui était doué d'un sens critique très avisé a mis eu
relief dans une brochure presque introuvable ''' les contradictions et les
erreurs matérielles du récit de Haëdo. Je ne reprendrai pas en entier
(') Geronimo, surnommé le martyr du fort des vingt-quatre heures, at-il
existé? Ses restes ont-ils été découverts? Etuile crilifiiic par Kf.-Zi)\M (pseudo-
nyme de H. UK Ghammont), in-8°, 'Jtj pi';;ea, Aijfor, 1882.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 1765. 225
l'argumentatioQ du savant historien d'Alger, mais après lui j'examinerai
si une autre raison que le refus d'abjurer n'ëtail pas suffisante pour mo-
tiver le supplice de Geronimo.
Je résume d'abord le récit d'Haëdo :
ffDans une des razzias que la garnison d'Oran exécutait sur les tribus
voir.ines, un enfant aral)e fut pris et acheté par le licencié Juan Caro.
Comme cet enfîuit était de jolie taille et de gentilles manières {de gentil
gcslo }j tnlle), son maître lui fit donner une bonne éducation et la doc-
trine, si bien que, peu de temps après, il put être baptisé sous le nom
de (Jeronimo. Quand l'enfant eut huit ans, des Arabes captifs profilant
d'un relâchement de surveillance, causé par une épidémie, s'enfuirent
en emmenant l'enfant et le rendirent à ses parents. Dix-sept ans plus
tard, en iSbçj, après avoir vécu tout ce temps avec les siens et confor-
mément à leur loi, Geronimo poussé par le Saint-Esprit, dit Haëdo,
revint à Oran chez son ancien maître. Celui-ci l'accueillit très bien , le
maria avec une de ses esclaves d'origine arabe et le fit entrer dans un
escadron de campagne [cuadvilla del campo), sous les ordres de l'adalid
Anton, originaire de Palma. habitant Oran et chef de partisans dans
celte ville. Après dix ans passés à remplir ce service, en 1669, l'adalid
ayant été informé que l'occasion se présentait de tenler un coup de main
sur un douar campé tout près du rivage, non loin de la ville et de le
razzier, choisit neuf hommes de son escadron au nombre desquels était
Geronimo. Ils s'embarquèrent à Oran dans la nuit. Arrivés au malin
à l'endroit désigné, ils se mettaient en mesure de déi)arquer, quand
ils furent surpris par deux brigantins turcs allant de Tetouan à Alger.
L'adalid seul put prendre la fuite, mais il ne tarda pas à être fait pri-
sonnier par un douar voisin. Quant aux autres captifs, les Turcs les em-
menèrent avec eux à Alger comme butin de guerre."
Quel était donc le rôle de ces escadrons de campagne où servait Gero-
nimo ?
Suai'ez Montanes, ce vétéran des guerres d'Afrique, qui servit plus de
trente ans dans la province d'Oran, nous a laissé dans son histoire
d'Afrique la peinture la plus sincère et la plus pittoresque de Toccupa-
lion espagnole durant un siècle, de i5o5 à 1609. Nous y voyons le parti
que les conquérants tiraient de ces auxiliaires indigènes '*>.
C Mejs el Kéhir cl. Oran de i5o() à tf!o8, d'uprh Dipgn Suave:. Mouliuies.
La razia espagnole à Oran, par A. BKiiiiiiuuoEU {Revue Africaine, 18G6, p. 197
•4 'iiiiv.).
XIX. i5
226 AVRIL-JUIN 1922.
J/'s nmîlros d'Orau n'nnt jamais cherché à procéder par une progres-
sion lenle et conlimie de manière à asseoir méthodiquement et détini-
livemejit leur domination. Ils se contentaient d'asslirer la séciurilé de k
ville par de puissants remparts et d'en garantir les approches eii tenant
en haleine les tribus voisines par des attaques inopinées dans lesquelles
ils razziaient tout ce qu'ils pouvaient prendre. Les cuadrilla del campo
étaient destinées à ces coups de main.
Ces escadrons avaient avec eux des éclaireurs ou esj)ions qui les ren-
seignaient sui- les razzia à opérer, sans courir le risque d'être repoussés
ou coupés au retour. Connaissant parfaitement le pays, ayant conservé
leur costume, ces espions traversaient la contrée sans éveiller de méfiance
et rapportaient leurs renseignements parfois de fort loin. Avaient-ils
aperçu un campement riche, mais mal gardé et facile à aborder?
ils revenaient en hâte, et rendaient compte à leurs chefs de leur décou-
verte. Une colonne d'organisation spéciale était aussitôt formée et dirigée
sur le point indiqué. Elle marchait la nuit, dans le phis profond silence,
en bon ordre et à vive allure, de manière à arriver avant le jour.
A quelque dislance du douar à surprendre, elle s'arrêtait et envoyait
une reconnaissance s'assurer que les victimes n'étaient pas gardées, puis
la troupe se jetait sur les tentes, massacrait les uns. capturait les autres
et réunissait tout le butin. Après quoi, on battait rapidement en retraite
sur Oran de peur que les tribus voisines n'accourussent pour reprendre
le hulin et venger le sang versé. L'indicateur recevait une récompense
proportionnée à l'impoitance de la prise et qui allait à un doublon par
captif ramené.
Voici en quels termes le cheikh Abou Ras en Nasri dépeint l'état des
malheureuses tribus d'Oran, et le rôle perfide des espions indicateurs:
r rr Quand les Musulmans s'écartaient de ce Duc maudit, il leur envoyait
des espions connus sous le nom de Moghatasin rr baptisés ^i (^doù le mot
espagnol Ahnogataz) afin de les observer, puis il les écrasait sous ses
cavaliers et ses fantassins. Ils pillaient les biens, tuaient les hommes et
emmenaient en esclavage les femmes et les enfants. « On lit dans le com-
mentaire d'Abd el qader el Djamaï : irPeu de temps après la conquête,
rrj'arrivai chez le savant Mohammed el Uoumassi. Je le trouvai campé
fravec sa famille près d'uil bois au sommet de la flioùtâgnê. 11 y passait
fia nuit, tandis que, dans le jour, il était dans sa maison ou sa mosquée,
tr occupé à lire ses livres ou à enseigner le Coran. Je lui en demandai le
frmolif. Nous sommes dans cet état, me dit-il, à cause de la frayeur
(rque nmis inspirent les chrétiens. Dans nos maisons, nous ne sommes
frpas à l'abri des attaques de nuit. C'est pour cela que nous sommes
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17^5. 227
rrsoiis des lentes, îifîn fie pouvoir fuir plus facilement jusqu'au l)ois, au
ff sommet de la montagne. Celui l;i seul qui a éprouvé l'amertume de
rrrelfroi. apprécie la douceur de la sécurité. «
ffCos malheureux ne pouvaient dormir paisiblement dans leur pays
qu'à la condition de mettre quelqu'un en faction. Encore, quand l'un
d'eux s'endormait, les attaques des chrétiens hantaient son sommeil et
on l'entendait crier en dormant. Les chrétiens razzièrent Tessala et lirent
prisonnier le saint Sidi Claha et ses trois (illes qui restèrent un an à
Oran. Ce cheikh fut ensuite racheté, puis successivement deux de ses
filles. La troisième resta prisonnière et sa mère ne cessait de la pleu-
rer (''.«
On comprend la haine des Arabes contre ceux de leurs compatriotes,
qui, moyennant salaire, attiraient sur eux de pareils malheurs. On ne
peut s'étonner de l'accueil que ces indicateurs recevaient à Alger quand
prisonniers ils étaient reconnus. Les préventions des musuhiians à
l'égard des indigènes qui entraient en relation avec les Espagnols étaient
telles que Venture de Paradis a pu écrire : rrll suflit même qu'un Maure
ait resté à Oran, pour perdre la vie dans le cas qu'il retourne sur les
terres d'Alger ''^n
Dans ces conditions , il n'était pas douteux que s'il était reconnu à
Alger, Geronimo était irrémédiablement perdu.
Mais, indé[)endamment de toutes ces considérations historiques qui
infirment déjà grandement la relation d'Ha('do, examinons quel degré de
confiance ce récit mérite en lui-même, en pesant la valeur des témoi-
gnages sur lesquels il repose , et eu cherchant à nous rendre compte
quelle fut l'intention de l'auteur en publiant lé dialogue des martyrs. ,
<•' Celte cilation m'a été obligeamment communiquée par M. le général
Faure-Biguel qui l'a relevée au commentaire du vers 26 de la Qacîda du
Cheikh Bou Ras sur la prise d''Oran par les Musulmans en 179I. ('et ouvrage,
qui porte à là Bibliothèque nationale le n" /i6i() des manuscrits arabes, est
croit-on, de ia main même du Cheikh. M. le général Faure-Biguel, qui a
dOnn«^ une excellente édition critique de celte poésie, a utilisé le manuscrit de
la Bibliothèque nationale dans sa traduction et ses notes.
L'ouvrage a paru sous le titre : 6~jyJlf ylj-^^ O^--^ i x-^-u-JvJL-*Jl J^X-Â
t^yoLJI ^!, ^-s! J^ g-û-U *^~Jjoill wLes vêtements de soie fine au sujet
(l'Oran (;t de la péninsule espagnole'-! , poésie du Cheikh Mohammed Abou-Ras
Eii-Nasri, traduction par le général Fauiuî-Biguet, iîi-ia, Fontaua, Alg*'*-,
190.3.
("^ Ai^rii' mi \<cin iiicki tédilé par M. Fu^nan (Row- njricainci iS^d, p. 30
«t suiv. ).
i5.
228 AVRIL-JUIN 1922.
Le béiieiliclin Haëdo, neveu de rarchevèque de Païenne du même
nom, séjourna à Alger de 1578 à i58i. C'est alors qu'il recueillit les
renseignements qui lui permirent de composer plus tard la Topografa
de Avgel. Après son rachat, il revint auprès de son oncle, lequel, s'inlé-
ressant beaucoup aux captifs chrétiens, en avait racheté plusieurs et
avait pris des notes d'après leurs récits. Ces notes furent confiées au
neveu qui en fit une œuvre susceptible d'être publiée. On y trouvait des
récits faits par l'abbé vSosa. Celui-ci, capturé en 1077, avait séjourné à
Alger de 1677 à i58i, époque où il fut racheté, très probablement,
par l'archevêque. H avait été l'esclave d'un juif devenu musulman sous le
nom de Mohammed, d'une cupidité extrême et qui, pour l'obliger à se
faire envoyer sa rançon, le tenait emprisonné dans un cachot. Cepen-
dant, au fond de sa prison, Sosa i-ecueiHait les bruits de la ville qui lui
étaient apportés par d'autres captifs. C'est donc par cette unique source
que l'histoire de Geronimo a été connue. Tout ceci résulte du texte de la
dédicace que le bénédictin fit de son œuvre au cardinal de Palerme.
Ainsi, l'histoire de Geronimo et tous les détails de sa mort furent
rapportés par des captifs qui n'avaient peut-être pas été présents à son
supplice à Sosa qui n'y avait certainement pas assisté. Celui-ci signale un
seul témoin auriculaire qui avait entendu un des propos tenus par Gero-
nimo au bagne. 11 rapporta le tout à l'archevêque qui le consigna dans
des notes à l'état de brouillon, et enfin celles-ci servirent au béuédictin
à composer son histoire. On comprendra qu'après un tel circuit, le récit
ne présente plus de garanties sullisantes [)our être accepté sans con-
trôle.
Si on examine l'ouvrage lui-même, on voit qu'il se compose de cinq
parties :
1° La topographie d'Alger, dont il a été parlé plus haut;
2° Une chronologie des rois d'Alger. Ici, les éléments de contrôle
abondent. Toute la partie antérieure à i58i, année du retour de Haëdo
en Europe, c'est-à-dire celle dont il a pu recueillir les cléments à Alger,
est exacte. Mais, à partir de cette date, elle renl'erme de nombieuses er-
reurs. Ceci nous met en garde sur tout ce qu'il a rapporté de seconde
main d<'puis son l'elour en Euiope.
3° Trois auties parties présenlérs sous forme de dialogues, dans les-
quels Sosa est toujours le principal interlocuteur. Le second de ces dia-
logues, intitulé rr Dialogue des Martyrs^, contient l'histoire de Gero-
nimo. Cps (h-rnieis chapitres ayant été rédigés, ainsi que je l'ai indiqué .
très postéri(!uremeul à sou reloui' d'Algei-, sur des notes dont il n'est pas
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17^5. 229
l'auteur, nous sommes tenus, pour ces derniers chapitres de son oeuvre ,
à la plus grande réserve ''^
Passons à l'examen de cette histoire.
Toute la partie s'étendant depuis la capture de l'enfant par les Espa-
gnols vers i5A2 jusqu'à son arrivée au bagne d'Alger en 1669 peut
être admise. Il y a bien quelques points obscurs. Par exemple, l'enfant
fut baptisé peu de temps après avoir été capturé, mais non sans voir reçu
une bonne éducation et la doctrine qui durent lui être données dans sa
langue maternelle ; il avait donc 1 âge de raison , cinq ou six ans au mi-
nimum. Comme il fut ramené dans son douar à huit ans, il resta seule-
ment deux ou trois ans chez les Espagnols. Il est évident que ce n'est
pas l'impression qu'il reçut de la religion chrétienne pendant un temps
aussi court et à cet âge, qui lui fit quitter les siens dix-sept ans plus
tard, pour revenir à Oran. Mais il put y avoir d'autres motifs que nous
ignorons.
Constatons seulement qu'à Oran, Geronimo servit pendant dix ans
dans un de ces escadi'ons de campagne dont j'ai rappelé plus haut la
perGde et redoutable tactique contre leurs coreligionnaires sans mé-
fiance. Il fut pris dans un coup de main qui tourna mal pour lui et ses
compagnons. Emmené à Alger et emprisonné au bagne du pacha, il de-
vait fatalement être reconnu et identifié, car il ne pouvait dissimuler
qu'il fût Arabe. 11 n'est pas nécessaire pour cela de faire intervenir le
diable, comme l'écrit Haëdo. Or, Geronimo avait trahi les siens; de
plus, il était renégat, crime qui entraîne la mort. La loi coranique est
formelle : aucun pardon ne peut être accordé au musulman qui, sans
contrainte, a renié sa foi^^'. Ce fait dûment constaté par les euléma, il
(') La topographie d'Alger a été traduite par MM. Monnereau et Bcrbrujj-
per et pid)llée dans la Bévue africaine, t. XIV, 1870 et t. XV, 1871. M. de
Grammont a traduit l" Epitome des rois d'Alger dans le même recueil, t. XXIV,
1870 et XXV, 1881. Enfin la traduction de la 3° partie de l'œuvre d'Haedo,
c'est-à-dire les Dialogues, a été publiée par M. Moliner-Violle également dans
la Revue africaine, t. XXXIX, 1896 et XLl, 1897.
(^J Cf. sourate xti, verset 108. C'est bien dans le sens d'une répression
inexorable que la tradition a interprété la parole du Prophète (Sidi Khelil ,
p. 999, 1. 3 de l'édition de la Société asiatique, Paris, 1900).
Les comm(!ntaires de ce passa[[e sont analysés daiis PriinoN, Précis de juris-
prudence mu subnane , yo\. V de l'Exploration scientifi(jue de l'Algérie, Paris,
i853, section XII, p. 5i/i-5i5. L'un d'eux s'exprime en ces termes : «Nous
laissons agir à sa guise et sans la moindre opposition ou médiation de notre
part l'infidèle qui de sa croyance ou religion passera à la religion ou croyance
230 AVRIL-JUIN 1922.
n'ëtait plus possible à personne, même au souverain le plus puissant,
de sauver Geronimo, fut-ce au prix d'une nouvelle apostasie. Il manque
au martyre de Geronimo la condition essentielle : avoir préféré la mort à
Taposlasifi, c'est-à-dii'e avoir de propos délihéré subi le dernier supplice
avec la possibilité de s'y soustraire au moyen d'une nouvelle abjura-
tion.
Examinons maintenant à quelles conclusions logiques nous condui-
sent les constatations matérielles relativement à la date du supplice, à
l'emplacement où furent mis à jour, en i853, les restes de la victime,
et touchant les caractères physiques de son corps comparés au signale-
ment de Gei'onimo donné par l'auteur des Dialogues des martijrs.
Haëdo attribue l'empisement dans les murg du fort Bab ei oued à El
Euldj Ali. C'est, nous le répétons, une erreur manifeste. On ne saurait
opposer un témoignage oral à un texte épigraphique authentique. Il est
vrai que le fort s'est appelé fort El Euldj Ali, mais cela tient, comme je
l'ai dit , à ce que ce pacha y fixa sa résidence pour être plus eq sûreté et
à très peu de distance de ses équipages de mer, toujours prêts à lui
porter secours. M. de Grammont a commis une erreur en prétendant
qu'il fut dénommé fort d'El Hadj Ali ''' du nom d'un autre personnage
dont l'histoire ne parle pas. En réalité, ffEl Hadj« n'est qu'une corrup-
tion populaire d'ffEl Euldj «, ce dernier qualificatif étant moins connu
que le premier. D'autre part, il y a lieu de remarquer que, lorsqu'il est
employé, il accompagne plutôt le uom ^u lieu de le précéder comme
dans le cas présent; ceci a certainement contribué à généraliser la confu-
sion parmi les indigènes.
Une erreur du même genre s'est produite plus tard au sujet de Ladj
Ahmed qui gouverna Alger de lOgS à 1698; il est à peu près unique-
ment connu sous le nom d'El Hadj Ahmed; Mercier, cependant si bien
informé, ne le cite pas autrement '"', De Grammont non plus '^'.
Nous sommes donc eu présence de ce dilemne ; ou bien Geronimo a
été eiiécuté en 1669, comme le dit Haëdo, et alors ce fut bien sous le
d'autres mécréants. Car mécréants de telle espèce et mécréiants de telle ou telle
autre espèce, c'est loul un. Et la parole du Prophète « Quiconque change de
«religiou tuez-len ne s'applifpie qu'à la religion dijpie de ce nom, digne d'être
hautement a\ouée, la relijjion de l'iblani; c'est la seule dont la loi puisse se
soucier, la seule qu'elle doive sauvegarder. Par conséquent la loi et nous, nous
oe iaisserous poùil en repos le musulman qui renie sa loi.»
''J Ilisloire d'Alger^ p. toa, note 3.
('^ Hifloire de l'Afrique seiilenlrionale , p. 3 16.
'^^ Hittoire d'Alger, p. a60.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17A5. 231
règne de El Euldj Ali, mais il ne fut pas empisé dans les murs du fort
Babel Oued qui existait déjà, ou bien il fut mis à mort avant iBGg
sous le règne de Moliammed. Haëdo s'est donc gravement trompé.
En admettant que l'emmurement ait eu réellement lieu, on aurait dû
retrouver le corps dans la face du fort qui regarde le Nord [que mira la
Iramonia o norlc), comme l'indique Haëdo. Il sullit de regarche le plan
pour voir qu'il n'y a pas de doute sur la face ainsi désignée. Or' on n'y
a rien trouvé, tandis qu'un corps a été découvert dans la face qui re-
garde i'O. S. 0. Deuxième erreur grave. Pour tâcher de l'explicjuer, Ber-
brugger épilogue sur le sens du mot rtramontanen ; son argument ne
peut être pris au sérieux. La tramontane désigne tellement bien le Nord
que le sens primitif de ce mot est l'étoile polaire.
On peut remarquer ici que si Hai'do avait recueilli ces détails pendant
son séjour à Alger, de la bouche de Sosa ou de tout autre, il n'aurait
pas manqué de corriger cette erreur dans l'orientation, lui toujours si
exact dans ses descriptions topographiques.
Enfln, le corps qui a été retrouvé peut-il être celui de Geronimo?
Haëdo nous donne quatre caractéristiques : l'homme avait les pieds et
les mains attachés, il était petit, maigre (di pocas carnes) et avait le vi-
sage allongé (caridelgado).
La ligature des pieds et des mains ne prouve rien ; pour la facilité de
l'exécution, le condamné devait être Ugoté, sans cela, il se serait dé-
battu et il aurait été diÛîcile de le couvrir de terre. Le squelette avait
t m. 68 de long; c'est la taijle d'un homme petit. Mais l'examen du
moulage et des ligures jointes au livre de Berbrugger montrent que
l'homme était bien musclé et que sa figure, loin d'être allongée, était de
type tout opposé , aussi large que longue.
Nous arrivons ainsi à celte conclusion : le squelette trouvé n'était pas
celui de Geronimo , parce qu'il a été trouvé dans une autre face que
celle indiquée et parce que la majorité des caractères [)bysiqnes man-
quent.
N'est-il pas viaisemblabie même que le corps de Geronimo a disparu
parce que le fort a été reconstruit ou remanié à la suite de divers bom-
bardements dont son front de mer souffrit beaucoup, et suiiout à la
suite de l'explosion terrible de sa poudrière en i68i, qui détruisit
quatre cents maisons en ville ? Certains indices prouvent ces remanie-
ments : le nombi'c des embrasures de la plate-forme, celui des casemates
et l'absence de ce bloc désagrégé dans lequel, suivant Haëdo, se trou-
vait le corps du supplicié. On en a également une preuve dans la Gom-
paraison des croijuis publiés dans la brochure de De Granmiont avec un
232 AVRIL-Jlll^ 1922.
plan cavalier d'Alger édité en 1 570-1 579 par Bruyne '', où ce fort
(igurc avec l'inscription suivante: Castrum novum anno ii)6g perfeclum.
La face nord fut considérablement augmentée et reçut une forme bas-
tionnée, tandis que, auparavant, elle était rectiiigne. Donc, le squelette
découvert en i853 n'était pas celui de Geronimo, si tant est que celui-
ci ait été empisé quelque part. C'était celui d'un de ces malheureux qui
avaient subi ce supplice cruel, et dont les Européens ne soupçonnaient
pas le nombre à cette époque.
Comment une pareille erreur a-t-elle pu se produire? Haëdo écrivait
avec une parfaite loyauté. Tout au plus peut-on dire que, dans cette
dernière partie de son grand ouvrage, il se proposait en même temps
i'édidcation des fidèles. Il écrivait chez son oncle , le haut prélat sicilien.
Il appartenait lui-même à l'église, il a le désir de faire tout à la fois
œuvre d'historien et de missionnaire. Il cherche à exciter la compassion
de ses concitoyens par le tableau des traitements cruels infligés aux
malheureux captifs en Berbérie, en faisant connaître à quels dangers
leur foi est sans cesse exposée, II provoque ainsi un élan de charité
chrétienne et prépare les voies à une Rédemption. M. Yver, l'érudit pro-
fesseur d'histoire de la Faculté des Lettres d'Alger, a fait une obsex'va-
tion du même genre dans sou édition d'une rr Rédemption à Alger, en
1718:, '^>.
Puis Haëdo ne savait pas le turc. II ignorait très certainement l'in-
sci'iption du fort de Bab el Oued et ne soupçonnait par l'erreur signalée
plus haut sur la date de l'exécution. Trompé également de bonne foi sur
les lieux de l'emmurement, il avait annoncé avec une conviction sincère
les signes caractéristiques du corps et l'endroit où on le retrouverait . . .
En i853, on ne savait pas qu'il y eût d'autres squelettes emmurés,
comme l'ont montré les démolitions ultérieures. Aussi , quand on mit au
jour celui du fort des Vingt-quatre heures, et bien qu'il n'eût pas été
trouvé à la place annoncée par Haëdo , on ne douta pas que ce fût celui
de Geronimo. La responsabilité de cette erreur incombe tout entière
à Berbrugger '^K II en imposa à l'opinion par l'autorité qui s'attachait à
son nom et que lui valaient d'autres découvertes archéologiques à l'abri
(') G. BnLïNE, Civitates orbis tcrraritm. Coionia,' 1572-81, /i vol. en a gros
tomes in-foi.; Paris, I^e Glievalier.
(") Annales universitaires de l'Algérie, mars 1916, p. 197-235, cher Jour-
dan, Alger.
(') Geronimo, le martyr du fort des Vin^ri-qmilre heures à Al<>er : 1° La décou-
verte de son corps: 2" Sa vie de i542 à 1569. Pièces ù l'appui, par A. Bi;r.-
uituiiGKr. , Alger, 1859.
HISTOIRE DES PACHAS D'ALGER DE 1515 A 17^15. 233
de toute critique. Le pius grave, c'est qu'il entraîna la conviction de
M"' Pavy, évêque d'Alger, qui procéda en grande pompe à l'enlèvement
du squelette et le fit transporter le 28 mai i854 à la cathédrale, où,
quelques années après, un monument fut élevé pour en perpétuer le
souvenir. Le clergé français fut ainsi engagé dans une voie opposée à sa
prudence habituelle.
Au moment oii j'écris ces lignes, il me revient que la Cour de Rome
a ordonné d'instruire le procès de Geronimo aux fins de canonisation.
J'émets le vœu que les personnes qui en ont été chargées et dont la
bonne foi est indiscutable soient mises sur leurs gardes et évitent de
provoquer une décision qui rendrait l'erreur plus difficile à réparer et
risquerait de soulever une polémique fâcheuse à tous les points de vue.
L'ETUDE
DES LANGUES NÉGRO-AFRICAINES'^'
DE 182^2 À 1922,
PAR
IVI. MAURICE DELAFOSSE.
Tl est permis de dire qu'au moment où s'est fondée la
Société AsKit/ijue, la connaissance des langues négro-africaines
était à peu près nulle. On cite un dictionnaire k français-gui-
néen» de ibMi, qui se trouve dans un manuscrit de la Biblio-
thèque nationale. De très rares ouvrages avaient été publiés
dans la seconde moitié du xvn" siècle sur quelques parlers des
côtes de Guinée, tels qu'une grammaire en latin de la langue
du bas Congo par le Père Brusciotto en lôBcj, un vocabulaire
en allemand du dialecte fétou (Côte d'Or) par W. Mùller en
iGyO , une grammaire en portugais de la langue d'Angola par
le Père Pedro de Dias en 1697. Quelques autres travaux,
datant de la même période, étaient restés à l'état de manu-
scrits, tels qu'un vocabulaire en français des langues ouolove,
mandingue, peule, sérère, sarakollé, bagnoun et lloupe,
recueilli pour le compte de la Compagnie Royale du Sénégal
<') Il n'esl pas (juesliou ici des langues sémiliques jiarlt''cs en Afrique ni des
langues liaiiiititjucs (|[r()ii)i(' liliyro-liorb^re cl «jrotipe (iricnlal ou koucliilique).
L'ETUDE DES LANGUES NEGRO-AFRIGAINES DE 1822 A 1922. 235
vers i65o et publié seulement en i8/i5 par la Société ethno-
logique de Paris ; un dictionnaire congo-français sans nom d'au-
teur et sans date; un dictionnaire italien-nubien composé en
iGoo par Carradori di Pistoia.
Au siècle suivant parurent quelques récits de voyageurs
renfermant de courtes listes de mots, puis des nomenclatures
de toutes les lanjjues alors connues ou simplement soupçon-
nées, dont la première ayant mentionné quelques parlers négro-
africains paraît être le Glossarium comparalum linguarum totius
orhis, publié en lyS'y à Saint-Pétersbourg.
Les débuts du xix'' siècle virent apparaître quelques explora-
teurs qui, au cours de leurs voyages en Afrique, glanèrent
des mots appartenant à des idiomes jusqu'alors ignorés, et ces
bribes de vocabulaires, sans grande valeur en général, furent
incorporées dans le fameux Mithriilates , dont le premier volume
fut publié à Leipzig en i8o6 par Adelung l'aîné, le deuxième
en i8oc) par Vater, le troisième eii i8i6 et le quatriènie en
i8i8 par Vater et Adelung le jeune. Tout ce que l'on savait
on Europe en 182a concernant les langues des noirs de
l'Afrique se trouvait renfermé dans cette compilation, bien
oubliée de nos jours, mais qui présentait à l'époque un intérêt
réel et qui, quelques années plus tard, en i8u6, fut utilisée
par Baibi pour l'établissement des cinij cartes africaines de son.
Atlas ethnologique.
Eii réalité, et abstraction faite des travaux du xvif siècle
mentionnés plus baut, mais demeurés à peu près inconnue,
ainsi que de quelques grammaires datant du début du xiv" siècle
(grammaire bounda de Cannecattim de i8o4 et grammaire
boulom de jNylander de 181/1), tout se résumait à une qua-
ranlaine de noms de langues ou dialectes et, pour quelques-uns
de ces parlers , à de courtes listes de mots plus ou moins cor-
rects et plus ou moins bien transcrits, sans qu'aucune tenta-
tive eût été faite pour l'étude proprement dile de ces parlers
236 AVRIL-JUIN 1922.
ni, à plus forte raison, pour une élude d'ensemble offrant des
analogies même lointaines avec la grammaire comparée.
A partir de 1892, les contributions à la connaissance des
langues nègres vont se multiplier et s'élargir peu à peu. En
182 'y, Mrs. Hannali Kilbam publiait un assez médiocre recueil
de mots en un certain nombre d'idiomes ouest-africains, dont
une seconde édition, augmentée de quelques phrases simples,
parut en 1821. En 18/11, un vrai savant, Norris, faisait
paraître à son tour une collection de vocabulaires plus étendus
et mieux contrôlés et faisait réaliser un progrès sensible à la
linguistique africaine.
L'état des connaissances européennes en la matière a été
fort bien résumé en 18/1 y, au congrès d'Oxford de l'Associa-
tion Britannique , par un rapport de Latbam intitulé : On the
présent state and récent progress of ethnographical philolngij as
relating to Africa alone. La même année, Julg donnait une
seconde édition de la bibliographie linguistique de Vater.
En 18/19 paraissait un petit volume publié par le mission-
naire Clarke sous le titre un peu long de Spécimens ofdialects,
short vocahularies of Janguages and notes of countnes and customs
in Africa, où se trouvent accumulés sans ordre dix mots en
deux cent quatre-vingt-quatorze langues ou dialectes, les
nombres de 1 à 1 0 en trois cent trente-huit idiomes, vingt et
un mots en trente-six langues et quelques mots et expressions
en vingt autres langues, avec un index alphabétique des con-
trées ou villages où sont parlées ces langues et une liste des
parlers africains connus de l'auteur. Il est certain que cette
compilation a dû donner bien du mal au Rév. John Clarke,
mais elle n'a rendu que bien peu de services. Les langues y
figurent sous des noms souvent erronés, le même nom étant
apphqué à des parlers très différents et le même idiome étant
mentionné à diverses reprises sous des appellations dissem-
blables. La localisation des langues est vague et généralement
L'ÉTUDE DES LANGUES NEGHO-AFRICAINES DE 1822 A 1922. 237
incompréhensible. Les mots cités sont orthographiés sans
méthode et ne répondent pas toujours à la traduction anglaise
au-dessous de laquelle ils sont inscrits.
Un travail du même genre, mais bien supérieur à tous
égards et d'une autre envergure, parut cinq ans plus tard
(i85A) : la célèbre Polyghltd africnna du Rév. S. W. Koelle,
immense in-folio de i88 pages, véritable œuvre de bénédictin,
donnant environ trois cents mots ou locutions en anglais, avec
leurs correspondants en plus de cent langues ou dialectes afri-
cains que l'auteur a essayé de classer d'après leurs alïlnités
respectives. Des noies très consciencieuses exposent la façon
dont chaque vocabulaire a été recueilli, précise le degré de
créance qui peut être accordé aux informateurs et indique la
région d'où provenaient ces derniers. Une carte linguistique
termine l'ouvrage; elle fut, à l'époque oii elle parut, une révé-
lation, et, même aujourd'hui, elle peut être considérée, dans
son ensemble, comme approximativement exacte. Le système
de transcription, unique pour toutes les langues étudiées, est
d'une très grande précision. Les mots dont Koelle n'était pas
sûr sont marqués d'un point d'interrogation. L'œuvre tout
entière porte le sceau de la conscience la plus scrupuleuse.
Malheureusement, elle a été faite dans des conditions très
défavorables : c'est à Sierra-Leone, auprès d'esclaves libérés
dont la plupart avaient quitté leur pays d'origine depuis de
longues années, que l'auteur a recueilli ses cent vocabulaires;
aussi n'est-il pas possible de leur accorder une confiance abso-
lue. Néanmoins, cette publication réalisait, comparativement
aux compilations antérieures, un immense progrès, parce
qu'elle avait été faite par un linguiste averti. Elle fournissait
des matériaux, imparfaits sans doute, mais utilisables cepen-
dant pour un premier essai de comparaison entre elles des
langues négru-africaines, et surtout une base pour les cher-
cheurs de i)oniie volonté qui se trouvaient en situation de pous-
2â8 AVÏ^IL-JUIN 1922.
ser plus à fond l'étude de l'un ou l'autre des parlers révélés
par Koelle. De nos jours encore, il est bien des idiomes afri-
cains sur lesquels nous ne possédons pas d'autres renseigne-
ments que ceux qu'à fourrtis, dès i856, à force de patience,
fcë remarquable travailleur. En matière de lexicographie afrî'
caitiê. koelle fut un initiateur et un maître.
Il fut d'ailleurs autre chose. Dès 1869, il avait, sur les
indications de Forbes et de Norris, étudié et publié le système
d'écriture syllabique inventé et employé, pour écrire leur
langue, peir les Vaï de la région dé Gape-Mount (Libéria et
Sierra-Leone) et, l'année même où paraissait sa Pohjglotla
nfricana, il donnait une grammaire et un dictionnaife de la
langue vaï et montrait la voie à suivre pour l'étude raisonnée
des langues dépourvues de littérature écrite, en publiant toute
Une série de fables, contes, proverbes et récits en langue
kartouri (Bornou), recueillis de la bouche d'indigènes, accom-
pagnés d'une Iraduclion anglaise, d'un lexique et d'une gram-
maire.
Tandis que Koelle inaugurait ainsi, de façon magistrale,
une été nouvelle j le docteur Barth, qui fui, lui, un initiateur
et un maître en fait d'exploration africaine, recueillait au Sou-
dan les éléments d'un monument linguistique d'un autre ordre,
qui parut à Gotha de 186a à 1 80 6, en allemand et en anglais,
souS le titre de Sdmmhng und Bearbeittntg Central- Afrikûnischer
Vohûhulnrien ou Collection of vocabuinriés of Centml^AJrican lan-
g^tagcs. Avec Barth, nous quittons le domaine des listes de
mots pour entrer dans celui de l'étude systématique des langues.
A vfai dire, ce dertiier domaine n'était pas entièrement nou-
veau. Sans remonter jusqu'aux grammaires congolaise et ango-
laise du \vU' siècle, des travaux de valeur avaient été publiés
déjà antérieurement à i8(J2 : la grammaire bounda de Can-
necattitrt (1806) et la grammaire boulom de Nylànder (iSi'i)
ont été hientiotitiées plus haut; il convient de signaler en outre
L'ÉTUDE DES LANGUES NÉGRO-AFIUCAINÉS DK 18-22 À 1922. 230
la gratnnifiifë oubloVe de Dard (iSaB), les remarquables
Recherches philosophKjues sur la langue ouolofe du baron Pioger
(i8y()) et laciirieusé, quoique un peu fantaisiste, Grammaire
(le la langue ivoloffe de l'abbé Boilal (i858), les publications
de Klaprotli (i 8^6) et surtout de Koclle (i 85 /j), déjà nommé,
sur le kanouri, de l'Américain Wilson sur le grébo (i8'i)3 à
i8/i3) et sur le mandingue comparé âU gfébo et au pongoué
(1867), de Macbrair sur le tiiandingué (iSS-y) et sur le peul
(i85/i), de d'Avezac sur le yébou (i8/i4), de Glarke, déjà
nommé aussi, sUr la langue de Fernando-Po (1868), de
Kôhler sur l'idjo de Borirly (t 848), de Crowther siifle yoi'ouba
(1853), de Schlenker sur le tininé (i85/i), de Riis sur le
Iclii (i85/i), de Krapf (i85/i) et d'Erbardt (1867) siir le
kouafi et le massai, de Schlegel sur l'éhoué (i856), de Ziw^
mermann sur le gan d'Accra (i858), dé C. J* Réichardt sUr
le peul (18 5 9), de Schoeh tûv l'ibo (i86i), etc., etj en de
qui Concerne les langues du groupe bantou, dont l'étude était
déjà fort en avance à cette époque sur celle des autres Ifcmgues
nègres, lés grammaii^es tchduarlà d'Arcbbcll (1807), sOUto de
Casalis (18/11), kahlba d'Ewald (1876), pongoiié dé Wilson
(18/17), zoulou de Scbreuder (i85o), khossa-kalir d'Apple-
yard (i85oj, souahiii de krapf (i85o), isoubou de Merrick
(i85/i), douala de Saker (i855), benga de Mackèy (i8B5)',
héféro de Hahn (1867), zoulou de Grout (l85()) et de
Colenso (nlême anHée)^ eliiih, relativement aux bmgues des
Hottentots et Busbmen, les travaux de Wallmann (1856-1857)
dtdeTindall(i857).
Ce qui distingue Barth de ses devanciers en liilglùstique
africaine, c'est d'une part (pi'il a étudié côte Ô ('/»te plusieurs
langues importantes — le kanouri, le téda, le haoussa, le
peuli lé songoïj lé logohe, le Wandala ou mandara, le baguir-
mien et le màba du Oiiadaï — et a fait entre elles des rappro-
ch(!nients ingénieux et utib's, d'autre part qu'il a conduit ses
2A0 AVRIL-JUIN 1922.
enquêtes ot ses travaux avec une méthode scientifique dont
manquaient beaucoup de ses prédécesseurs. Toutefois l'on a
peut-être professé pour son Snmmlung une admiration exagérée.
Comme explorateur, Barth fut incontestablement un maître.
Comme linguiste, il fut loin d'être à l'abri de tout reproche et
le nombre des erreurs qu'il a commises se révèle de plus en
plus considérable au fur et à mesure que les langues dont il a
abordé l'étude sont mieux connues. Encore a-t-il eu l'indéniable
mérite d'avoir été un précurseur pour cinq au moins d'entre
elles et, pour toutes, d'avoir tracé une voie dans laquelle ceux
qui sont venus après lui n'ont eu qu'à le suivre.
11 avait, au cours de ses voyages, récolté un grand nombre
de vocabulaires que la mort l'empêcha de publier; on les
croyait perdus et l'on pensait généralement que leur dispari-
tion était une grande perte pour la science. Cependant, ils ont
été retrouvés et publiés en 1912 par P. Askell Benton : leur
importance et leur valeur sont loin de répondre à ce qu'on
avait imaginé.
Quoi qu'il en soil et quelque mérite qu'il convienne de
reconnaître à l'œuvre de Barth, ce n'était pas encore de la
grammaire comparée. C'est à son contemporain, l'Anglais
Bleek, qu'il faut se reporter pour l'entrée en scène de ce
troisième et nouvel aspect des études de linguistique négro-
africaine. En 1862 paraissait la première partie de sa Compa-
rative Grammav of ihe Soufh-Afncan languages, qui a posé les
principes de l'important groupe bantou; la seconde partie
voyait le jour en 1869. Deux ans auparavant, en 1867, l'Alle-
mand Steinthal avait fixé les bases d'un groupe soudanais, celui
des langues dites mandé.
Un autre nom, dans cette féconde période de la seconde
moitié du xix* siècle, est à associer à ceux de Koelle, de
Barth, de Bleek et de Steinthal : c'est celui du missionnaire
anglais Schocn. Donnant un nouvel essor au procédé inauguré
L'ÉTUDE DES LANGUES NÉGUO-AFRICAlNES DE 1822 À 1922. 241
•par Koelle en i854 dans ses (ravaux sur le kanouri, procédé
sans lequel les meilleurs etTorls sont condamnés à demeurer
stériles, Schoen recueillit et publia des textes en abondance.
Sa grammaire haoussa, parue en i86ii, n'est sans doute pas
la meilleure qui ait été donnée de cette langue, mais elle a
l'avantage de renfermer des textes; il en publia de nouveaux
dans son Hausn reading-hook de 1877 ^^ dans son Appendix
lo the dictwnary 0/ the Hausa language de 1888, mais surtout
dans son admirable Magana Hausn de i885, qui a permis
aux linguistes professionnels de tous les pays d'acquérir et de
communiquer de la langue haoussa une connaissance qui n'a
plus aujourd'hui beaucoup de progrès à réaliser et à laquelle
nous ne serions jamais parvenus sans les copieux et excellents
matériaux mis à notre disposition par Schoen et, bien après
lui, par les Anglais Robinson, Harris, Charlton, Miller,
G. Merrick, Brooks et Nott, Fletcher, Tremearne, Raltray,
Edgar et Burdon, King, les Allemands Prietze, Marré, Lip-
perl, Mischlich, les Français Landeroin et Tilho.
Avec Schoen, la linguistique négro-africaine entre décidé-
ment dans une voie nouvelle. Le règne trompeur des simples
vocabulaires est terminé, comme ceux des grammaires sque-
lettiques et des généralisations hâtives. L'on s'aperçoit que des
textes sont nécessaires et, puisqu'il s'agit de langues parlées,
chacun fait de son mieux pour recueillir oralement ou pour
faire écrire par quelques indigènes lettrés des récits, des
contes, des fables, des proverbes, qui vont enrichir de plus
en plus nos bibliothèques et fournir des matériaux sohdes pour
l'étude raisonnée de chaque langue comme pour l'étude com-
parée des groupes.
Quel écart entre la connaissance des langues africaines à
l'époque des dernières publications de Schoen et celle que nous
constatons à l'époque actuelle! En trente-cinq ans, ce domaine
de la linguistique, si négligé naguère, a fait au moins dix fois
xi\. 1 6
2/it) AVRIL-JUIN 1922.
plus de progrès qu'il n'en avait fait en deux siècles. Il suffit,
pour s'en rendre compte, de se reporter à un ouvrage qui a
fait date dans l'histoire de la linguistique africaine et qui,
aujourd'hui, nous apparaît bien vieilli et bien désuet, le livre
de Cust sur les Modem languages ofAfrica, paru en i883.
La partie bibliographique de cette publication oflVe un
intérêt rétrospectif et, en quelque sorte, archéologique, du fait
qu'elle présente le tableau, à peu près complet, de toute la
documentation réunie, antérieurement à i883,surles langues
de l'Afrique : les listes de mots, les numérotations en divers
idiomes, les simples notes jetées en passant par les voyageurs,
les compilations faites sans esprit scientifique en constituent la
majeure partie, avec les références à la PohjghUa de Koelle ou
au très médiocre recueil de Clarke. Quelques collections de
vocabulaires d'une réelle valeur y apparaissent cependant,
telles que celles de Koenig (182/1 et 1889), de Krapf (i85o
et 1860), de Baikie {i85(j), de Schweinfurth (1873), de
Halévy (1875]. Les grammaires sont relativement nombreuses;
en plus de celles, citées plus haut, antérieures à l'ouvrage de
Barth, on y voit mentionnés les travaux de Payne sur le grébo
(i8()0 à i8()7), de Growther sur le noupé (i5G/i),~de
Fr. MuUer (i8(j/i) et de Mitterulzner (1867) sur lu bari, du
même Mitterulzner (i86(>) et de Beltrame (1880) sur le
dinka, de Goldic (18G8 et 187A) sur l'éfik, de M"'" Kobès
sur le ouolof (18G9), du Père Lamoise sur le sérère (1870),
de Léo Ueinisch sur le baria (187/1), ^^ nouba (187(1) ^^ ^^
kounama (1881), de Faidherbe (1876) et de C.-A. L. Rei-
chardt (187G) sur le peul, de Gbristaller sur le tchi (1876),
de Lepsius sur le nouba (1880), de l'abbé Bouche sur le
yorouba (1880), du Père Courdioux sur le dahoméen (1881).
On y relève aussi, à côté des ouvrages de Barth et de Stcin-
thai, les publications de Munzinger sur les langues de l'Afrique
Orientale (i8G/»)el de Fr. Miiller sur les langues krou (1877)
L'ETUDE DES LANGUES NEGRO-AFIUGAINES DE 1822 A 1922. 2/13
et sur les langues du haut Nil (1877 ^^ ^^79)' I^nfi"^ ^^i biblio-
graphie du groupe hantou s'enrichit, en dehors des ouvrages
de Bleek, des travaux d'ensemble de Fr. Millier (1877) et de
Bûttner (1881) et des études spéciales de Steere sur le chani-
bala(i8G7), le souahili (1870, 1876 et 18812 ), le yao (1871)
et le kondé ( 1 8 7 6 ) , du Père Le Berre sur le pongoué (1876),
de Procter et Blair ( 1 8 7 5 ) et de Riddei (1880) sur le nganga ,
d'Enderaann sur le souto (i87()), de Maples sur le lomoué
(1880), de C. T. Wilson sur le ganda (1882), de Woodward
sur le bondeï (1882), auxquelles il faut ajouter les grammaires
hottentotes du comte de Gharencey(i86i^») et de Hahn (1871).
Cette liste, dont ne sont reproduits ici que les noms les plus
saillants, est lein d'être négligeable; mais combien elle est
courte, comparée à celle qui pourrait être étabhe des ouvrages
publiés de i883 à nos jours! Dès 1898, d'ailleurs, Cust était
obligé de donner à son livre un fort supplément.
Sa classification offre beaucoup moins d'intérêt que sa
bibliographie. A Tépoque où elle parut, il sembla qu'elle réa-
lisait un progrès sensible sur les tentatives antérieures, mais,
à la lumière de la science actuelle , elle apparaît remplie d'er-
reurs dont certaines sont imputables à l'insuffisance delà docu-
mentation que possédait Cust et dont d'autres sont moins aisé-
ment explicables. C'est ainsi qu'il range parmi les langues
hamitiques, avec le saho et l'agaou, le baria et le kounama,
sur lesquels il avait pourtant les travaux de Reinisch et qui
sont des langues nègres du même groupe que le nouba. 11 a
inventé le fameux groupe w nouba-foula ?5 , qui peut se soutenir
peut-être du point de vue anthropologique — bien que ce ne
soit pas certam — mais qui n'a absolument aucune consistance
au pojot de vue linguistique; on y trouve appariées des langues
n'ayant pas entre elles d'autre ben que d'appartenir à la grande
famille négro-africainc — dont il les exclut, du reste, — et
il n'y a nulle raison de ranger dans un même groupe le nouba,
iG.
"ïlxix AVRIL-JUIN 1922.
le massaï, le berla (dialecte dinka), le nyamnyam ou zandé et
le peul, qui sont les prototypes de cinq groupes tout à fait
distincts, tandis qu'il aurait convenu de placer sous une même
étiquette le nouba et le kanouri, sous une autre le massai' et
le bari, sous une Iroisième le berta et le chilouk, sous une
quatrième le zandé et le banda, sous une cinquième le peul
et le sérère. On se demande également pourquoi il a classé
cette dernière langue et ses parentes pêle-mêle avec les langues
mandé, qui en diffèrent essentiellement; pourquoi il n'a pas
distingué les langues krou du groupe renfermant le tchi et
l'éhoué, ni de celui si spécial des langues voltaïques, ni de
celui que représente le yorouba. Il a d'ailleurs scindé en trois
ce dernier groupe, mettant dans une section k yorouba, dans
une autre Tizékiri ou dyékri (qui n'est qu'une variété du
yorouba et qu'il place avec l'idjo, lequel constitue un groupe
à part) et dans une troisième l'éfik et d'autres parlers proches
du yorouba. Le songoï, le haoussa, le kanouri, le baguir-
mien, qui relèvent de quatre groupes distincts, sont rangés
ensemble dans un même sous-groupe, comme le bari, le chi-
louk et le bongo, qu'il aurait fallu classer sous trois étiquettes
différentes. L'ensemble forme une mosaïque plus confuse
encore que celle de Koelle, que, comme Barth, Cust critique
avec trop d'âpreté. Seul, son groupe bantou — dont il fait à
tort une «famille 55 qu'il oppose au «groupe nègre 55 — est
à peu près irréprochable, encore qu'il y ait fait entrer des
langues de l'Est Africain et des langues du Cameroun qui ne
sont point bantou.
Cependant, c'est cette classification plus que médiocre qui
a fait autorité en bien des milieux jus(ju'en ces dernières années.
A vrai dire, de 188A à 1910, on s'est surtout préoccupé de
combler les lacunes considérables qui existaient dans la con-
naissance des langues négro-africaines considérées chacune en
elle-même. La plupart de ces vides ont été remplis par des
LETUDE DES LANGUES NEGRO-AFRICAINES DE 1822 À 1922. 245
{grammaires, des dictionnaires et surtout des textes nombreux,
colligés et transcrits avec soin, ainsi que par des notes et des
vocabulaires se rapportant à des idiomes dont, auparavant,
on ne soupçonnait pas l'existence. Il ne se passe guère d'année,
à présent encore, qui ne nous révèle une langue négro-afri-
caine jusque là inconnue. De plus, l'on s'est mis à traiter, soit
pour un parler particulier, soit pour un ensemble d'idiomes,
des questions spéciales d'ordre phonétique ou grammatical,
telles que les mutations de certains phonèmes, le rôle des pro-
noms, la formation du pluriel, etc.
Il est matériellement impossible de relater ici les titres ou
seulement les noms des auteurs des innombrables publications
en toutes langues qui ont tellement accru nos connaissances en
matière ih linguistique négro-africaine depuis l'apparition du
travail de Cust. Anglais, Allemands et Français, aidés de quel-
ques Belges, Italiens, Portugais et même de quelques indigènes
africains, ont rivalisé de zèle. L'œuvre de nos compatriotes,
qui, au début, semblait noyée dans celle des Anglais, s'est
manifestée l'une des plus abondantes et des meilleures, quoique
la plus élémentaire justice nous oblige à signaler l'elTort vrai-
ment remarquable et fécond accompli en Allemagne durant la
même période.
C'est à des Anglais que nous sommes redevables des prin-
cipaux matériaux concernant le massai et les parlers voisins,
les nombreux idiomes du bas Niger, de la Bénoué et du Cala-
bar, plusieurs langues proches parentes du haoussa et parais-
sant être demeurées à un stade plus ancien, puis letimné, le
mendé et d'autres parlers du Sierra-Leone, quelques langues
du groupe voltaïque et de nombreux dialectes bantou.
Ce sont des Allemands qui nous ont révélé le groupe des
langues à classes nominales du Kordofan et qui ont étudié le
plus à fond l'éhoué et plusieurs autres parlers du Togo, le chi-
louk et divers idiomes du haut Nil, ainsi ([ue beaucoup de
2Afi AVRIL-JUIN 1922.
langues ot dialectes bantoii du Cameroun, du Sud-Ouest Afri-
cain et de l'Afrique Orientale. L'étude du zandé a été parache-
vée par des Italiens et surtout des Belges.
C'est un Français, Henri Gaden, qui, d'abord dans une
note publiée en 1908 par le Journal Asinlifjue, puis surtout
dans deux remarquables volumes parus en 1 9 1 3 et 1 9 i /i , a
fixé définitivement le système grammatical, si longtemps con-
troversé, de la langue peule. Ce sont deux Français, Lande-
roin et Tilho, qui ont donné en 1 9 09- 1910 ce qui a été fait
de mieux sur la langue baoussa. Ce sont deux Français encore,
le Père Hacquard et Dupuis qui, ensemble en 1897, le second
en 1 91 1 et 191 7, ont déterminé les principes de la langue
songoï. Ce sont des missionnaires français - — le Père Abiven,
M*^" Bazin et surtout le Père Sauvant — qui nous ont donné
les meilleurs traités de la langue mandingue. Ce sont des Fran-
çais aussi qui ont les premiers révélé l'existence du très impor-
tant groupe des langues voltaïques et qui ont publié les tra-
vaux les mieux faits et les plus complets sur le ouolof, lesérère,
le diola, le soussou, le néouolé et l'ensemble des langues krou,
l'agni, le dahoméen, le mossi, le sénoufo, le baguirmien, le
banda, le mandjia, le banziri, le sango, le fang, le pongoué,
le loango, le téké et plusieurs langues de l'AfrKjue du Sud et
de l'Afrique Orientale. C'est une Française enfin, iVl'^" Hom-
burger, qui a reconstitué la phonétique historique du bantou
(1913) et qui a posé les premiers jalons de la voie conduisant
à reconnaître l'unité de toutes les langues nègres : soudanaises,
guinéennes et bantou.
Le domaine de la grammaire comparée, qui, au début du
xx' siècle, était encore à peu près vierge, sauf pour ce qui est
du groupe bantou, a été sérieusement exploré et défriché au
cours dos vingt dernières années. Ueprenanl les travaux déjà
anciens de Bleek (iSfia-iHfig) et ceux plus récents de Kolbe
(1888) et de Torrend (1891), l'Anglais Madan (de 190/1 à
L'ÉTUDE DES LANGUES NÉGRO-AFP.ICAINKS DE 1822 À 1922. 247
i()i5) et les AHemands Meinliof (de 1899 '^ *9^^0' ^^^^^^
(1908), Endemann (1911) et von der Velden (191/1) ont
achevé la grammaire comparée des langues bantou qui, après
le travail déjà mentionné de M"'' Homburger, peut être consi-
dérée comme acquise. Il convient de signaler, à ce propos , les
services rendus en la matière par la Pohjglotta nfn'cana ormitahs
de Last(i885) et surtout par les très abondantes contributions
fournies à diverses reprises depuis 1886 et tout récemment
encore (1919, 1920 et 1921) par Sir Harry Johnston.
Nous sommes beaucoup moins avancés en ce qui concerne
les langues nègres non-bantou. Tandis que les Français se
contentaient pour la plupart d'accumuler des matériaux et de
suggérer de timides hypothèses, estimant les allirmalions pré-
maturées, de savants linguistes allemands se montrèrent plus
hardis. En 1911, Westermann , auteur de travaux de premier
ordre sur plusieurs parlers de la Guinée, du Soudan et de
l'Afrique Orientale, entreprenait une étude comparée des lan-
gues qu'il appelle «soudanaises 55 et cherchait à démontrer
l'unité d'origine de l'ensemble des idiomes parlés des côtes de
la Guinée jusqu'au Nil et au delà, par une comparaison métho-
dique de huit de ces idiomes : l'éhoué, le tchi, le gan, le
yorouba, l'éfilv;, le kounama, le nouba et le dinka. Il est pei*-
mis de lui reprocher de n'avoir fait porter son enquête que sur
quatre groupes (l'éhoué, le tchi et le gan appartenant à un
môme groupe, le yorouba et l'éfik à un autre, le kounama et
le nouba à un troisième) et d'avoir laissé de côté les douze autres
groupes du Soudan et de la Guinée ou de n'y avoir fait que
des allusions fragmentaires. Dans ces conditions, on peut trou-
ver exagérée sa prétention d'avoir voulu reconstituer un ancien
soudanais commun, d'autant plus que Ton se demande pour-
quoi il exclut de sa iamille «soudanaise» le peul, le haoussa
et le massai'.
L'explication de ce triple rejet fut fournie l'année suivante
248 AVRIL-JUIN 192 2.
(î () t a) par l'ouvrage do Meinhof sur les langues des Hnmites.
L'(''(ol(' allemande, dont Meinhof est le chef justement estimé
et dont Westermann est l'un des principaux représentants,
range le peul, le haoussa et le massai — avec le hottentot —
dans une famille qualifiée de «hamitiquè» et comprenant
d'autre part le berbère, le bédja, le bilin, le somali, etc. Or,
si quelques particularités du haoussa (notamment ses pronoms
de la 2^ personne et son pronom féminin de la 3* personne
du singulier) ont pu conduire à le rapprocher de certaines lan-
gues dites hamitiques, il se trouve que ces particularités sont
communes à des langues incontestablement nègres, comme le
bola ou bolantchi entre autres, et le fait que, par ailleurs, ces
langues forment avec le haoussa un groupe à caractères lin-
guistiques franchement nègres doit faire écarter le haoussa du
groupe dit hamilique. Quant au peul et au massai, langues à
classes nominales bien nettes, rien absolument n'autorise à les
distraire de l'ensemble des langues négro-africaines, compre-
nant les parlers du groupe bantou. Des réserves sont à faire
en ce qui concerne le hottentot. Toujours est-il qu'il n'est pas
possible de suivre Meinhof et Westermann dans leur essai de
classification, bien aue leurs travaux aient un réel mérite et
que, en suscitant la discussion, ils aient fait réaliser à la science
un indéniable progrès.
Du côté anglais, F. W. H. Migeod a réuni en 191 1-1918
un grand nombre de matériaux se rapportant à l'étude com-
parée des parlers ouest-africains , Miss Alice Werner a entre-
pris en 1 9 1 5 un classement de toutes les langues africaines et
Sir Harry Johnston (1919-1921) tend à ramener au groupe
bantou (juantifé de langues qui s'en rapprochent assurément,
mais seulement dans la mesure où la plupart des langues négro-
africaines non-banlou se rapprochent des langues négro-afri-
caines bantou.
L'école française, s'inspirant à la fois des découvertes et des
L'ÉTUDE DES LANGUES NÉGRO-AFRICAINES DE 1822 À 1922. 2^9
erreurs de l'école allemande et des linguistes anglais, s'est déci-
dée à dire son mot à son tour. Elle prépare en ce moment les
éléments d'une étude d'ensemble de toutes les langues qu'elle
appelle «négro-africaines??. L'auteur de ces lignes, à la suite
d'un examen attentif portant à la fois sur le vocabulaire, la
phonéticnie, la morphologie et la syntaxe de quatre cent vingt-
cinq langues non-bantou et de l'ensemble des parlers bantou,
est arrivé à conclure à la parenté de toutes les langues qui
sont parlées en Afrique par des populations nègres ou négroïdes
et qui lui paraissent constituer une famille linguistique unique,
se divisant en dix-sept groupes dont l'un est le groupe bantou,
déjà isolé et bien connu, et dont les seize autres se partagent
les quatre cent vingt- cinq langues parlées du Sahara aux abords
de l'Equateur, les parlers des Hottentots, des Bushmen et des
divers groupements de négrilles étant provisoirement laissés
à part. Les premiers résultats de cette enquête, qui n'est pas
encore complètement terminée dans ses détails, seront publiés
dans un ouvrage sur Les langues du 7nonde, qui paraîtra pro-
chainement sous la direction du professeur Antoine Meillet.
Ces résultats ne prétendent pas à être définitifs et doivent
être considérés seulement comme une indication, ou comme
un canevas, sur lequel une grosse besogne de mise au point
est réservée aux travailleurs de l'avenir.
Il ne faut pas oublier en effet qu'à de très rares exceptions
près, notre documentation sur les langues négro-africaines est
uniquement contemporaine, qu'elle est douteuse en bien des
cas et qu'elle est de toute manière incomplète, puisqu'il est
encore un nombre appréciable de ces langues dont nous ne
savons guère autre chose que le nom et qu'il en est certaine-
ment dont nous ignorons même l'existence. Dans ces conditions ,
la meilleure des grammaires comparées, si elle se pi([ue d'être
consciencieuse, est condamnée à se cantonner longtemps encore
dans le domaine des probabilités ou des simples hypothèses.
ALPHABETS MAGIQUES ARABES
(DEUXIÈME ARTICLE),
PAR
M. CASANOVA.
Dans un niinn^ro précédent du Journal (isiatique (juillet-sep-
tembre 1991, p. 5/1), je terminais un premier article en pro-
posant une interprétation de deux formules cryptographiques
attribuées au fameux soufi al Ilalladj et je demandais que
M. Massignon, le savant éditeur des œuvres de ce personnage,
donnât son avis autorisé sur ce point. Voici la lettre qu'il a
bien voulu m'adresser h ce sujet :
Paris, 3o décembre igaj.
Lorsque vous m'avez communiqué en juin votre déchiffrement de ia
formule chiffrée des Tnwdsin (chap. x, 8 91), je vous avais écrit tout de
suile qu'il me paraissait hien que vous aviez Uouvé la clef.
Votre article exposant plus en détail la méthode inductivc employée
(p. /I18-A9, 53-5/J) me permet de vous confirmer ma première impres-
sion.
L'analyse indéterminée des deux formules ne pouvait rien donner, le
calcul monti'ant que le nombre des combinaisons possibles dépassait
toute pioportion raisonnable. La solution devait donc se trouver par
induction, au moyen de la seconde foimule, la moins altérée, J'avaig
(înti'cvu tthihnqq TaJia-n et je m'étais arrêté là, pensant que la fin de la
formule reproduisait ces trois mots h l'envers, bizarrerie qui m'avait fait
suspendre \h mon essai de déchiffrement. Vous avez montré qu'il fallait
ALPHABETS MAGIQUES ARABES. 251
lire cette (în «wa Ta Sin-n et le sens s'éclaircit. Par une seconde induc-
tion vous avez suppose' que la première formule devait contenir tout
simplement la basiiialah.
En fait v(»lre déchiffrement coïncide si rigoureusement avec l'inten-
tion maîtresse de l'ensemble des Taxvâsîn que je n'hësite pas à le consi-
dérer comme exact. Biharjq Talia ira Ta Sin — f par la réalité (= le sens
réel) des lettres Taha et TdSlny). L'expression liihaqq est spécifiquement
hallagienne (voir Quatre Textes, p. ai, aS, a6 et n. 2; et Passion,
p. ao2, n. 3, pour la critique qu'en firent des banéfites); elle vise la
valeur réelle, la signification spirituelle de la chose, par opposition à
isjn, le nom apparent, la silhouette externe. Dans cette partie des Tawà-
s{7i, al llallâj veut montrer que l'union mystique n'est réalisable que
grâce à une intervention divine transcendante et que, ni la prédication
de Satan [s'attachant, devant les Anges, à adorer Dieu seul, au point de
lui désobéir en refusant de se prosterner devant Adam], ni la prédica-
tion de Mobammad [affirmant, devant les hommes, que Dieu seul est
adorable], ne nous permettent d'accéder à l'union mystiijue. Or Taha,
dans l'exégèse commune, désigne Mobammad, et Td-Sin, je l'ai montré,
est l'anagramme de Si-tdn, Satan. On peut donc traduire rrpar la réalité
[restreinte] qu'atteignent l'apostolat de Mobammad et celui de Satann;
et, comme vous le verrez dans ma traduction in extenso des Taxvâsîn
[Passion, p. 88/i), votre déchiffrement du paragraphe 21 s'intercale
exactement dans le développement de la pensée.
Pour la première formule, j'admets, comme vous, qu'il faut y cher-
cher la basmalah. Mais au moyen de quel alphabet? Je ne suis pas assez
familiarisé avec les conventions des alphabets magiques arabes pour pro-
poser une solution. Il n'est évidemment pas impossible a priori que la
première formule soit chiffrée dans un autre alphabet que la seconde.
A cette lettre si intéressante, je voudrais ajouter quelques
mots :
1° L'alphabet que j'attribue à la première formule n'est
autre, en réalité, que celui de l'écriture arabe ordinaire, pré-
senté seulement sous une forme un peu déroutante par la
ligne horizontale qui réunit tous les caractères, par l'absence
de toute ligature entre les lettres et de toute séparation entre
les mots, par la sécheresse des traits, etc. Il peut donc y avoir
252 AVRIL-JUIN 1922.
eu intention particulière de l'adopter pour représenter la for-
mule musulmane urâinmrc. Au contraire, pour la formule sy>e-
ciale, r(^servée aux initiés, un autre alphabet plus mystérieux
.devait paraître mieux indiqué. Mais il y a là des nuances peut-
être trop subtiles, et on peut admettre que, dans les manuscrits
des Tawâshi, ce sont des altérations dues aux copistes qui ont
défiguré les traits de la première formule et que , dans l'origi-
nal, ces traits appartenaient à l'alphabet en chiffres.
9° M. Massignon a eu l'amabilité de me signaler dans la
compilation intitulée al kachkoûl^^^ d'autres exemples de cryp-
tographie arabe avec leurs clefs. Je voudrais profiter de cette
occasion pour les signaler, à mon tour, aux lecteurs du Journal
avec quelques observations.
P. 9/1 , le texte est ainsi conçu :
a3j X^S'JXÎ^ iùo!^' Xxj^i^ ^^T^ ^^^) ^)^ ^^ (*i^' c:jI.I^)
(»-*; J-*^^ '4*?-^^ •y.j^'i ^j\ LgJ^ij:^ j'*y^ ^^^ ^T^ *^-waï ^ji Juaj
y^ù\J^ />.'i-J^ Lj^Xii\ l^~s^j.Ay ^UaJO» t^xXfi iJÎ:> «^0 j5^_jX»
o
'^ ' " o * o o ^
o ) o
(') Éd. du Caire, 1829 Ilt'ïg., p. 9^, i35, aSS-aSg, 353. Sur l'auteur
Batià ad dîn Mouliarauiad al 'Amouli (953-io3o), voir Bi.ockelmann, Gesch.
aval). Lit., H, Ai 5. M. Massijjnon a eu ranial)iiité de me jirèler son propre
cxt'iiijilaire pour me porineltre celle étude.
ALPHABETS MAGIQUES ARABES. 253
Ce texte ayant des parties un peu obscures et les exemples
donnés étant évidemment altérés pour quelques caractères qui
ne répondent pas à la théorie énoncée, je crois devoir, avant
d'en donner la traduction, présenter le tableau des valeurs de
l'alphabet arabe conformément à la théorie telle que je l'ai
comprise. Ce lableau comprend les lettres arabes distribuées
en huit groupes factices, suivant le système dit de Vaboudjad
(conforme à l'ordre de l'alphabet hébraïque complété par les
lettres spéciales de l'alphabet arabe) ^'^ A chaque lettre répond
une colonne verticale marquée des majuscules de l'alphabet
européen et une colonne horizontale marquée d'un de nos
chiifres usuels, que nous appelons arabes et que les Arabes
appellent indiens. Ainsi Yalif î sera représenté par A, \e bâ lj
par B, le djîni ^ par C, le ddl :> par 1), le hâ s par Ai, le ivâiy
^ par Bi, le zâ ^ par Cj et ainsi de suite. L'auteur nous
explique que le zéro n'est pas tracé et que le n" i est donné
au second groupe, le n° 2 au troisième, etc. Les quatre pre-
mières lettres n'ont donc (ju'un zéro virtuel, si je puis dire, et
se réduisent à A, B, C,D; la numérotation réelle ne com-
mence qu'avec le second groupe. Ces préliminaires étaient
nécessaires, je crois, pour rendre possible une traduction.
(!) itx«> Ooc'' c>-i>J» jaJLii-w ;j-i^ d^'^ \^ «^^-S"' • Voir s. DE Sacï, Gram-
maire arabe, i" éd., Paris, iKio, 1, p. 10; •2" éd., Paris, i83i, I. p. 8.
254
AVRIL-JUIN 1922.
D C B A
0
i ^^ f
Lo ! LuL»
J ô ^
1 L j L î
1
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r to JL r
2
U f J^
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4
•^^J3
d <3 d <d
1 Lo J Luu û
5
* * *
6 ^c^
Lu LuL» '
o vj
6
T T^ Jf Xuu V
7
Mois de Vahoudjad. — lis sont liuil : quatre de quatre lettres, quatre
de trois lettres, A chaque mot est un cbiffre indieu suivant Tordre (au-
rnéral) ot à chaque lettre un sigie y^ sindi. Ce sont : poiu- la première
lettre L-, ]K)ur la seconde J, pour la Iroisiènu; Lo, pour la quatrième I .
Mais nous nous contenterons, pour le cliiiTre du premier mot, de o, par
rapport h la lettre du mot suivant et du sigle de ses lettres par rapport
à sa prej'/re lettre'''. Le si|j-ne de Valif sera donc L., du dni 1 . du miw
o
'" En d'autres termes, le [iromicr mot n'aura pas de cliiffre et ses lettres
seront représentées i>ar leurs sigles respectifs. Il n'y aura de chifl're que pour
les mots suivants.
!
ALPHABETS MAGIQUES ARABES. 255
j , du kdj L_; le sigle de chacune de ces lettres se joignant au cliiiïrc du
mot suivant. De même, le signe du fd sera, comme tu le sais, I-js. Tu
o
écriras donc Alimad ainsi : ! r __ L«, 'Ali : r Ju. Jlc, Dja'far : J]^ S^Li,
00 '^ _ o o
Ghànim : r r L» "i parce que le mot qui précède celui où est le ghaïn
o
est le septième [donc le irlunn comporte le chiffre sept v].
Il est évident d'après cela que l'on n'a pas besoin du cliiiïre du hui-
tième mot, de même qu'on n'a nul besoin de celui du premier mot par
rapport à sa lettre; en effet le huitième n'a pas de suivant, comme le
premier n'a pas de précédent.
Le mot achevé, sa dernière lettre prolonge le [sigle] sindi de façon
à arriver jusqu'à la fin du mot et à ne pas se mêler à ce qui est après,
ô mon Dieu ! si ce n'est à la fin de la ligne. C'est ainsi que tu tran-
scriras Zeïd (i)bn KhMid : I Ju, U J r J I ^ i .
o o o o
J'avoue que je ne m'explique pas très bien la dernière
phrase et que l'exemple, tel qu'il est donné dans l'édition, n'y
répond en rien. En effet, pour être probant, il devrait offrir
une séparation entre les trois mots qui forment le groupe tran-
scrit en cbiffres et sigles, et rien ne permet de reconnaître
cette séparation. D'autre part, comment prolonger un sigle
comme î, et comment les sigles indiqués pourraient-ils se
ô
mêler aux autres, puisque, par leur nature, ils ne se prêtent
à aucune ligature? Contentons-nous de savoir qu'il y a une
manière de distinguer la fin des mots.
Si l'on compare les exemples donnés avec le tableau que j'ai
dressé, on verra qu'il y a des divergences assez marquées. Je
vais essayer de les expliquer, en me servant pour plus de clarté
des notations par majuscules latines jointes aux chiffres euro-
péens qui résultent du tableau.
Les quatre sigles qui répondent à A, B, G, D me paraissent
dérivés du syriaque nestorien. D en effet répond tout à fait à
la lettre j, caractérisée par le point en-dessous. Quant a A, je
crois que sa véritable forme est L et non L*; on la retrouve en
effet dans le A «y qui s'écrit L, dans lequel le maddâ me paraît
256 AVRiL-JUlN 1922.
une altération du haut du chifFre f*'; voir dans le tableau : A 3.
Cette forme L appartient au nestorien archaïque ^^l Quant au
B, il répond au nestorien 3, ramené au J arabe, par une alté-
ration assez compréhensible. Il y a, j'en conviens, plus d'écart
entre L* et ,^^"'.
Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, il faut remarquer que
C et D peuvent se confondre, si on néghge dans C la ligature
entre le petit cercle et le trait vertical. C'est ainsi que, dans
les précédents exemples, nous voyons le - de *x^i représenté
par D3 au lieu de C3; de même dans ^jià. Dans ce même
mot, le y est représenté par K' sans petit cercle au-dessous, con-
trairement à la théorie (t)3). Le sigle de ^ est représenté par
J surmonté d'une petite croix qui représente le chiffre 1 . J'ai
conjecturé que la vraie forme était celle du chiffre 1 couché
horizontalement. Nous retrouverons la même petite croix pour
le signe de 3, mais ce dernier (C 1) a été confondu avec D 1
qui, d'ailleurs, n'existe pas, le groupe n° 1 ne comportant que
trois lettres. C'est encore un exemple de la confusion des
sigles C et D. Il est possible cependant que, dans les groupes
de trois lettres, la colonne D soit réservée à la dernière lettre
et que ce soit la colonne G qui doive être supprimée. Ci, C2 ,
C 6 et C 7 n'auraient pas de lettre correspondante.
Dans *Xî*l , le ^ a été transcrit sous sa forme arabe précédée
d'un petit trait horizontal. C'est évidemment une distraction
de Tauteur ou du copiste, car cette forme ne répond en rien
à celle du tableau (A 9). Le petit trait horizontal semble con-
firmer mon point de vue que le sigle de A est l'ancien nesto-
rien L et la forme rectihée de A 9 serait ti_. Nous manquons,
pour fortiher cette conjecture, d'autres exemples de ce sigle.
Le o isolé ou celui deyixs^ est mis, non sans incorrection,
('^ Fr. Lenormant, Essai sur la propagation de l'alphabet phénicien, II,
Paris, 187a, pi. 5.
('-' Id., ibid., 3' coionne, forme intermédiairo.
ALPHABETS MAGIQUES AHABËS. ^ Ûb1
sous la forme D /i alors qu'il réjDond li C à. C'est encore une
confusion de D et de G. De même le ^ de ^oili devrait ré-
pondre à Cy; il est traité comme D y, dans lequel le petit
cercle inférieur ferait corps avec le chiffre v, d'où la forme ^
qui appartient à l'écriture arabe.
Pour le groupe 5, nous ne disposons que de j (B 5) qui
est représenté par J surmonté d'une croix, ce qui le fait con-
fondre avec ^ (B i). Je pense que cette croix est une altération
du chiffre <> placé au-dessus des sigles comme le chiffre i .
Malgré les incertitudes causées par ces incorrections et l'ab-
sence de près de la moitié des lettres, je crois que mon tableau
concorde suffisamment avec les exemples donnés et les expli-
cations du texte.
Le même ouvrage contient également à la page i35 des
groupes cryptographiques qui répondent aux douze mois syriens.
Le texte y est très embrouillé et la liste des mois est mal à
propos coupée par un texte obscur qui ne m'a pas paru s'y rap-
porter. Je reproduis seulement le tableau des mois, leur valeur
chiffrée et l'explication qui s'y rapporte.
«c-j^j ^yi^i) ^c_vyi) v^^^J 'J^^ y>^\sj ^kJLiJ
^y-i t^' (i ^-îj' i ^JM-vw^J! ijy-^ J^^^^ ^-^l-r!^ i JotJ Jjilî Ajy !
('' Le texte porte : yl lts^yù\^ .
XIX. 1 rj
258
AVRIL-JUIN 1922.
Les (quelques mots d'explication (|ui suivent ce tableau per-
mettent de l'établir ainsi, en corrigeant les fautes évidentes
qui se sont glissées dans les nombres des degrés des signes
du zodiaque.
> 0 M
DU MOIS.
=3 â
DEGRÉS
ot
MINUTES.
SIGNES
du
ZODIAQUE.
\ 0 M
DU AIOIS.
i i
DEGKÉS
et
MINUTES.
SIGNES
du
ZODIAOLE.
Ticbrîu i".
Ticbrin 2°.
Kànoùn 1"'.
Kànoùn a''.
Ghabàt . . .
Adàr
3i
3o
3i
3i
28
3i
17° /|'
ig" h'
20''il'
29°38'
ii°39'
Balance.
Scorpion.
Sagittaire.
Capricorne.
Verseau.
i^oissons.
Nizàn ....
Ayàr
Hazîràn. . .
Tamoùz.. .
Ab
lloùl
3o
3i
3o
3i
3i
3o
ai'-aB'
i8°3o'
80°12'
17*12'
i8°37'
i8°3a'
Bélier.
Taureau.
Gémeaux.
Ecre visse.
Lion.
Vierge.
Les premiers cliifFres indiquent le nombre de jours, les derniers dans
quel signe du Zodiaque est le soleil au commencement du mois; les deux
groupes du centre donnent les degrés et les minutes. Et Dieu est le plus
savant! Le premier de Tichrin i"^' est le premier jour de leur année et
c'est à notre époque , au début de la moitié de la Balance.
J'ai dû rectifier les cbiiïres des degrés : ainsi, pour Tich-
rin i""", au lieu de : y^ ^107, il faut évidemment :j.j 1 7 ; pour
Ticbrîn a*" et pour Kanoûn 1"'', Laj doit être lu kj; pour Kà-
noùn 2% J 00 doit être remplacé par dJ 20 , un signe ne pou-
vant avoir plus de 3o°; pour Ghabàt, il faut supprimer i et
remplacer J par dJ comme plus baut; pour Adâr, écrire b au
lieu de U ^^\ Pour Ayâr, Ab et lloùl, le nombre des degrés est
représenté par c. 70, ce qui est impossible; je propose de lire :
Les lettres qui représentent les signes du Zodiaque me
paraissent avoir été toutes plus^ ou moins altérées. Je crois en
effet qu'elles doivent en principe être les lettres terminales du
C' Comme ce nombre est beaucoup plus faible que les autres , il vaudrait
peut-être mieux lire : Lj ai.
ALPHABETS MAGIQUES ARABES.
^59
nom arabe. Or cela ne se vérifie que deux fois, comme cela
résuite du petit tableau suivant :
NOM ARABE
LETTRE
LETTRE
NOM ARABE
LETTRE
LETTRE
DU TEXTE.
TERMINALE.
DU TABLEAU.
DU TEXTE.
TERMINALE.
DU TABLEAU.
u'r^i
U
S
J^
J
u
vyixJI
t_>
;
;iiJl
;
)
O-yiJl
u-
z
';>^
1
<_>
<S^
<^
y
ylbj-Ji
u
s:
yjJ!
s
<s
Cs^ill
3
j
c^
c:>
t
xL:^J!
S
s
Remarquons d'autre part, que si nous partons du Taureau,
les lettres du tableau paraissent suivre l'ordre numérique : çj î
«-rS?'^c5^r).5*^S '^v^^ l^s altérations suivantes : un second
» au lieu de ^, ^ pour L et U pour <_^. Même, dans cette
hypothèse, il faudrait, je pense, décaler d'un rang toutes les
lettres, ie n" i devant être reporté au Bélier J^ qui com-
mence la série des signes dans le Zodiaque arabe identique au
Zodiaque grec.
Je laisse au lecteur le soin de décider, en l'état d'incorrec-
tion de ce texte, quelle est la meilleure interprétation..
P. 238 et 239, le Aor/tAou/ donne, en transcription chiffrée,
la valeur de quelques mots arabes : ^jwJIi'^rr, dlyc^i fM«rF»*'(,
idâJuJ! ô^iiiri, *^l iciôi^i, pUll FlûFf^i , ^Ic FiK'v (qu'il faut
écrire : Friv), «jjyoj ôt-i-iK.
Comme on le voit, ces transcriptions sont conformes à l'al-
phabet chiffré que j'ai présenté dans mon article précédent ('^.
H n'y a pas lieu de s'arrêter.
'') Journal asiatique, hic. cit., p. i^-So. Je profite de roccasioii pour signa-
ler que cet alpliabct, ce qui m'avait échappé, lijjure dans la liste de Ilauinier
{Ancicnt alphabets, p. 6,7 et 8).
%0
AVRIL-JUIN 1922.
P. 353 figurent encore quatre transcriptions du même genre :
«oUw» <M*' 1 1 1 (qu'il faut corriger en : or'iiip), «x^viFf-r,
Des quatre passages du Kachkoûl que nous avons analysés,
le premier seul nous apporte quelque chose de nouveau. Le
second ne paraît pas comporter de cryptographie proprement
dite; les troisième et quatrième ne font que confirmer les résul-
tats déjà acquis.
M. Massignon me signale encore un texte fort curieux, qui
contient, je crois, la véritable clef de la cryptographie chiffrée.
Il esl tiré d'un livre intitulé : Les di^cullés des sciences,
*ykx}\ .oli^SCi^, commencé par Mollà Mahdî ibn Aboù Dharr
an Nahrâkî et terminé par son fds MoHâ Mouhammad ibn Aboû
Mouhanimad Mahdi. Cet ouvrage a été lithographie à Téhéran
le 2 0 Chawvvâl iSai (=io janvier lyo/i). Le passage sui-
vant se trouve p. 2 65-266 :
( en marge : ) Xr-; jj-^y» I^ i
U.
\^
^) t^L^-Ji '-^^^*?^*' t^JjWI \<><^
Sur une cryptographie. Utilité.
Sache que quelques-uns ont in-
venté un procédé d'écriture dont
ils se servent quand ils ne veulent
pas être compris de toul le monde.
Notre cheikh al Bahâï l'a employé
dans le Kachkoûl pour quelques
mots. Voici ce procédé.
On trace une ligne horizon-
tale et au-dessus, les chiffres de
géométrie*'', chaque lettre ayant
un chiffre correspondant à sa
''* li faudniil : iL^.yj^\ ou, peul-étrc, ^jO^à^JI rrles chiffres indiensn.
ALPHABETS MAGIQUES ARABES. 261
L5:>Uw! iL<)%xs iJsjJ! ^ «J^l"-*.-^ valeur numérique. Les unilës
>. . ont pour caraclère que le chiffre
■^ '^ J n atteint pas la ligne horizon-
«j^V^lsKjil^xJlJuajyU^'lyikfi taie; les dizaines, qu'il l'atteint
.. , P sans la dépasser; les centaines,
Frenvoien m. : AjLfiV»_WL> UjU I ,., i i , /-> -n
■■ ^^ ■ qu nia dépasse. Quant au mille,
«, Aj Js-ùi,!^ ci», ^ <>di oi)i Lo!^ il n'a qu'une lettre et il est égale-
^ , ment écrit en dépassant. On le
•■ • \^j ••> >^ . . •• distingue des centaines par le
-LUî «jijjV *Uî (jAjj contexte'''.
Le texte donne en exemple la transcription de quelques
noms propres arabes : elle n'est pas rigoureusement conforme
à la théorie; je la rétablis dans le petit tableau suivant :
^AX2>.
r A Y •*"
«XJIa. /o «Xj>
L
r •
^ô'' J'i "^
c>Lfi
fi ' • 1
(en marge) ù^
F K ^ K
Comme on le voit, ce système, qui est une ébauche de celui
qui a servi en Occident pour la notation musicale, permet de
distinguer les unités, dizaines et centaines. S'il était respecté
par les copistes, nous aurions la clef définitive de la crypto-
graphie chiffrée arabe. Malheureusement, il n'en est pas ainsi;
outre les confusions de chiffres, très fréquentes, la règle de
position, dans les textes que je connais, est complètement
méconnue. Qu'on imagine une partition où les notes ne seraient
<*' Littéralement : «par l'accesfîoirc du lieim. Sur le sens de «Kijjj», cf, D021
Supplément aux Diclioiuiaires arabes, sub verbo.
262 AVRIL-JUIN 1922.
pas à lour place sur les lignes! Dans le texte même de notre
auteur, malgré l'explication très claire qui précède, il n'y a
pas un seul mot correctement transcrit en ce qui regarde la
règle de position; de plus, Joj est écrit avec confusion de v et
^; les deux premières lettres de *X4^ sont correctement chif-
frées, mais les deux dernières manquent^''. On conçoit a for-
tiori que les copistes, privés de toute clef, doivent commettre
d'innombrables erreurs.
Ce texte ne nous aide donc pas beaucoup à décbiftVer cette
cryptographie arabe, mais il est précieux, car il en complète
la théorie, qui est désormais, je crois, tout à fait mise au
point.
Ld tableau que j'ai présenté dans le premier article (p- ^7)
doit donc être modifié ainsi :
1
1
±
(£
- ■»-
v5
c
V
I
J
*
;
r
S
jf
J
^
cr
F
^
j?
r
4P
(^
6
»
£.
u
■6-
<A)
1
s
a.
u-
*
t
V
;
X
e
V
!>
A
c
\
cj
A-
J^
4
1»
L
o«
4.
là
Il no me reste plus qu'à offrir, une fois de plus, à M. Mas-
signon, mes vifs remerciements et mes sincères compliments.
(1) Pcul-élrc âoat'elles rûol vdUues à la gr&vura.
MELANGES.
LE ROMAN TURC DE HAIQAR.
(/oMnm/ asia^'^Me^ janvier-mars 1921, p. ii3-i92»)
Depuis l'édition de Cambridge (iS()8) — qui comprend
surtout les textes syriaque (C), arabe, arménien, et la traduc-
tion d'un texte slave - — de nombreuses éditions 'i' ont levé bien
des difficultés et nous permettent d'ajouter quelques notes h
l'édition de M. Danon :
I. P. 1 20, dernières lignes. Les papyrus nous ont donné la
forme originale du nom dubourretiu, c'est ^^.rv^vi^fligoaAJ qu'on
peut lire : NnhonsoumishoUn. La plupart des versions l'ont
abrégé en Yabousemak ou Abousemik, Nabousemak, cf. His-
loire et sagesse, p. 196; Leroy, p. S^ô ^'-^; quelques manuscrits
''' Citons noire compilation : Histoire et sagesse d'Ahikar rAss>jrieii, Paris,
Letouzey, 1909, 8°, 3o8 pages, qui tient compte de l'édition de Cambridge
(C), du néo-syriaque (NS) édité par M. Lidzbarski, d'un texte atahe (S) édité
par Salhani, d'une version roumaine traduite par M. Gasler, etc., et donne eu
plus la traduction d'un manuscrit syriaque de Berlin, Sachau , 336, (B) qui
semble provenir d'un manuscrit syriaque fragmentaire complété par une tra-
duction syriacpie d'un texte arabe (cf. Th. Noldbke, U alersuchunjren zum Achi-
kur-Ilvmaii , Berlin, 1913, p. 5i). — Voir aussi l'édilion et la traduction, par
L. Leroy, de deux manuscrits arabes de Paris (n"' 3637 '^' -^656) dans la [tenie
(le rOrient chrétien, l. XIII (1908), p. 3()7-388; t. XIV (1909), p. rio-70 et
ili^-iôd , elles papyrus aràméens du v' siècle avdfit notre ère, édités et traduits
par M. Sachau, Leipzig, 1911. — M. Noldeke (cité plus haut), en sus d'autres
textes connus, a utilisé des manuscrits arabes de Gotha (n" aôSa), de Leyde
(n" laga'"), de Go|)OnhagUe (ii° a36). — Entiu nous avons édité et traduit
dans la Uevui' de l'Orient chrétien, t. XXI, trois manuscrits syriaques : de Berlin
(Sachau 162), de M^'' Graffm (G), de M. H. Pognou (P). Nous renverrons
au tirage à part : Documents relatifs à AIjikar, Paris, Picard, 1920, 96 pages.
— On peut ajouter (|ue L. Leroy a édité et traduit, comme documents de
comparaison, La vie, les précepteà et le testament de Lolrtnan , d&na la Hevue de
l'Orient chrétien, t. XIV (190g), p. 925.
*'-> Nos renvois sont à compléter d'après la note précédchtc.
264 AVRIL-JUIN 1922.
l'ont allongé en Yabousimi(kma)skin(at) et Yabousmi(kma)ski'
n(akti) (P et G, Documents^ p. 5 7). Ces diverses formes ex-
pliquent la leçon de C (p. 52,1. 1) : Yebousmak Meskîn Knotî
(^J^xû ^«r>rr»ao »*,'iûroaA* ) ; c'est le même nom propre, coupé
en trois, avec la finale un peu modifiée pour lui donner un sens.
Il faut traduire: «Yabousmakmeskin, mon ami», Yabousmak-
nieskin''^ correspond suffisamment à l'original Nabousoumis-
koun et la traduction de Rnoti (-J^*iû] par «mon ami» semble
certaine parce qu'on trouve plus loin (C, p. 55,1. 6) le même
mot avec ce sens. Il n'y a donc plus rien de mystérieux et les
meilleurs manuscrits sont ceux qui ont conservé la forme la
plus apparentée au Nabousoumiskoun des papyrus.
IL P. 121-122. La finale du turc qui mentionne la bas-
tonnade et la pendaison de Nadan aux latrines n'est pas
opposée à celle du conteur arabe , car toutes les versions ren-
ferment plus ou moins explicitement tous ces détails , mais
elles les placent avant les dernières instructions à Nadan. Le
turc a simplement transposé, mais n'a rien inventé. Voir édition
de Cambridge ,p. 21, 5i,79,ii3.
Le manuscrit B porte :
Je pris Nadan et allai à ma maison , je l'attachai avec des liens et des
cliaînes de fer; je lui mis des liens de fer aux mains et aux pieds et je
mis du fer sur ses épaides, puis je commençai à ie flageller de verges et
(à ie frapper) de coups violents.
Le néo-syriaque et l'arabe correspondant sont plus expli-
cites :
(Je le frappai) de mille coups entre les épaules, de mille sur le dos,
de mille sur les pieds et de mille sur le cœur. Cf. Histoire et sagesse,
p. 235.
C) MesJiin siffiiifie tfpauvren; aussi M. Leroy, p. 376, a traduit : «Le bour-
reau s'appelait Abou Saraiic et c'était un homme -pauvre. r) Il faut lire en un mot,
p. 386-387 ' ^^Joii Saniikmçskin,
MELANGES. 265
G porte :
Je le conduisis à la maison. Je commençai par le flageller fortement,
je le frappai de mille soixante-dix coups sur son dos, de mille sur son
(épaule, de mille sur son ventre, de mille sur son derrière et de mille sur
ses pieds et chaque jour je le frappai. Quand il voulait reposer, je le fai-
sais étendre sur le fumier pour qu'il respirât une odeur puante et je lui
donnai pour nourriture du pain et de l'eau avec mesure. Cf. Doruinputs ,
p. 68.
L'arabe Leroy, p. i/i5, porte aussi :
Haïkar s'en empara, lui lia les mains et les pieds, le prit dans sa mai-
son , lui mit aux pieds une lourde chaîne et le frappa durement sur les
pieds, sur le dos et sur le ventre, sous les aisselles et sur les jambes, ie
couvrant de plaies. Après l'avoir frappé, il le jeta dans un lieu obscuj^
près des latrines.
Les différences entre les versions et môme les transcriptions
ne doivent pas trop nous étonner, car Haïkar faisait partie de ces
contes populaires envers lesquels toutes libertés semblent per-
mises. Nous avons cité dans notre compilation Histoire et sagesse
d'Aliikar^^\ de nombreux passages de la traduction (?) d'Agoub
et de celle qui a été éditée dans les Mille et une nuits, pour
montrer comment les traductions deviennent facilement des
adaptations.
Il faut cependant remarquer, à la louange des scribes
syriens, que les transcripteurs des manuscrits B et P ne se sont
pas permis d'uniformiser la filiation de Sennacbérib et de
Sarhédom. Dans la partie ancienne, ils ont trouvé qu'Ahikar
avait servi Sarhédom, fils du roi Sennacbérib (^'; dans la par-
tie nouvelle, au contraire, ils ont trouvé qu'Ahikar était l'écri-
vain de Sennacbérib, fils du roi Sarhédom, et ils ont transcrit
f On devrait écrire Ahiqar ou Achiqar. — Nous avons écrit Ahikar pour
nous conformer à la graphie de l'édition de Cambridjje.
C C'est la bonne leçon, conforme à l'histoire et aux papyrus. On la trouve
aus?i dans le manuscrit G.
266 AVRIL-JUÏN 1922.
fidèlement ces phrases contradictoires. Cf. Documents^ p. 1 5 ,
p. 56, note 5.
m. P. ii-y. La version turque, comnae les manuscrits B,
G, P, etc. « suppose qu'Aljikar s'adresse d'abord aux idoles.
Elle porte : «Si Vous m'accordez un fils, je (m'engage à) vous
consacrer (par testament), à partir (du jour) de ma propre
mort jusqu'au décès de mon fils, un quintal d'or par jour.» Il
est dilficde de donner, de ce passage, une traduction qui le
rende vraisemblable. La bonne leçon figure en BP :
Alors, moi, Ahikar, j'allai offrir des sacrifices et des dons aux dieux
et je leur fis brûler des aromates et des paifums et je leur dis : ffSi vous
êtes dieux, donnez-moi un fils pour que je me réjouisse en lui et qu'il
soit mon héritier quand je mourrai , car si depuis le jour de ma mort jus-
qu'au jour où il mourra, il diminuait mon bien chaque jour d'un talent
d'or, mon argent ûe manquerait pas et ne cesserait pas t. Documents,
p. 74.
La mention du talent d'or par jour a seulement pour but de
montrer combien il a besoin d'un héritier qui puisse recueillir
ses immenses richesses.
t
On peut encofe faire remarquer ici que les pîipyfus portent
tiné autobiographie comme le syriaque ci-dessus. Tous les
textes — comme le turc — qui emploient la troisième per-
sonne sont des remaniements.
IV> P. 1 18 (1). La leçon du turc : «Bien que tu deviennes
grand et puissant j que de (fois) un âne a construit deux mai-
sons en un seul jour?) est certainement mauvaise. Il faut lire,
par exemple , avec B :
N'élevé pas ta voix avec jactance et tumulte, car s'il suflisait d'une voix
puissante pour construire une maison, t'âne en bâtirait deux en un joiu".
Histoire et sagesse , p. i5q; Documents, p. 5o-5i et Leroy, p. 371.
V. P. 1 1 () ( 3 ). Le turc porte , comme presque toutes les tra-
ductions, que c'est le mûrier qui produit dcS fouilles après tous
MÉLANGES. 267
(les arbres) et fait manger ses fruits avant tous (ies autres);
mais le syriaque )tol (^toutâ) mûrier, ressemble assez à jlL
(titâ) figuier, pour que nous avons cru devoir traduire :
Ressemble au figuier qui (porte) des Heurs à la fin et dont le fruit est
mangé d'abord. Histoire el sagesse^ p. i58.
Car nous ne savons pas si cette propriété convient au mû-
rier, mais nous savons que le figuier peut porter des fruits
même avant d'avoir des feuilles. C'est donc bien lui tr qui pro-
duit des fruits avant tous les arbres ?5. Ibid.
VI. P. 1 19-120(5). Cette maxime signifie seulement que le
même acte prête à deux interprétations bien différentes sui-
vant qu'il provient d'un pauvre ou d'un riche. Il ne faut donc
pas trop l'alambiquer. Le texte de PC est très suffisant :
Mon fils, si un riche mange un serpent, on dit qu'il lô mange pour
guérir sa maladie, et si un pauvre le mange, on dit qu'il le mange par
faim. Documents, p. 53. CL Histoire et sagesse, p. 161 et Leroy, p. 871.
Ce sens est d'ailleurs confirmé par une autre sentence :
Mon fils, celui dont la main est pleine est appelé sage et honorable,
et celui dont la main est vide est appelé méchant, pauvre, besogneux et
indigent, et personne ne l'honore. Histoire et sagesse, p. 17-3.
•t
VIL P. 1 2 0(6). Cette sentence manque dans un bon nombre
de versions et de manuscrits. Le texte primitif semble être :
«Mon fils, si tu trouves quelque chose devant une idole, offre-
lui sa pari, w Noldeke, p. /i/i , n" 70 ; Documents, p. 62 ; Histoire
et sagesse, p. i83. Certains manuscrits arabes ont cherché un
sens plus obvie, qui a encore été accentué dans le turc.
VIII. P. 120, au bas. Le nom du roi de Perse el d'Elam
manque en général dans les manuscrits; on trouve dans G :
Akîs bar Semahlin, Documents, p. 55. Le néo-syriaque porte
en somme le même nom. Histoire et sagesse, p. 190. L'arabe
268 AVRIL-JUIN 1922.
Leroy porte : Akhîs Ibna-Chah Hakim, p. 87/1 et provient
donc de ia même source. Le turc : Khîs Ibn Selim provient
aussi de Akîs bar Semahlin.
IX. P. 121, ligne b-'j, il n'y a que deux garçons (et non
trois) qui cbevaucbent sur les aigles. Cf. Histoire et sagesse,
p. 2 1 3 ; Documents, p. 63 ; arabe Leroy, p. 53.
La publication de M. Danon, qui fait connaître une rédac-
tion turque de la légende d'Ahikar d'après un manuscrit de
1769, fournira matière à un nouveau paragraphe dans l'his-
toire littéraire de ce célèbre roman ^^'.
F. Nau.
'') Nous regrettons de n'avoir pu traiter ce sujet ici qu'assez superficielle-
ment. Nos amis savent comment on nous a contraint à consacrer tout notre
temps aux mathématiques. Cf. Documents , p. 96, et Revue de l'Orient chrétien,
t. XXII (1920-1921), p. 109.
MÉLANGES. 269
NOTE SUR L'ACCEPTION,
À TRAVERS LA CIVILISATION INDIENNE,
DU MOT DHARMA.
La signification de l'idée de dhnrma, vraiment centrale
dans la pensée indienne, est multiple et diverse comme la
civilisation qui l'a conçue; aussi est-il usuel dans les ouvrages
d'indianisme d'indiquer que ce mot a, selon les cas, divers
sens : loi, religion, ordre social, vertu, devoir, droit, justice,
mœurs, convenances, être, phénomène, essence, existence,
(jualité. Ceci dit, on choisit dans un cas tel sens, dans un
autre tel autre, ou l'on renonce à traduire. Nous craignons
que cette affectation de scrupule atteste quelquefois un manque
de courage. Certes un concept riche de contenu a du voir
constamment sa signification évoluer au cours d'une histoire
d'au moins trois millénaires; niais cette évolution même
doit avoir sa raison , comme l'apparent caprice d'une courbe
obéit à une loi. Il faut se demander résolument pourquoi et
comment le même mot peut avoir signifié tantôt, comme dans
la Bhngavad-gitâ , le devoir et le droit de caste; tantôt, comme
dans l'enseignement du muni des Çâkyas, l'idée même de
religion; comment il peut désigner tantôt la loi morale ou
juridique, tantôt l'objectivité; comment il en vint a exprimer
le premier et le dernier mot du Bouddhisme, et à ne présen-
ter pour ainsi dire aucune valeur spéculative aux yeux des
adeptes d'un Brahmanisme tardif.
I. Le sanscrit védique emploie le mot de dharmmi, un de
ces termes nenlres fort anciens, qui nous introduisent dans
270 AVRIL-JUIN 1922.
rari'ièro-foiul (Je la pensée indienne : dhâninn, karman , hrah-
man. Le Rgreda appelle dharman l'acte sacrificiel par lequel
dieux ou prêtres «maintiennent^ l'ordre du monde. Il nous
explicjue expressément (v, 63) que Mitra et Varuna sont les
gardiens des lois (^liasya gopâvadhi; vratâ rnksethe'j par l'effi-
cace de leur diiarman (mol constamment usité au moyen :
dfiarmanây, et ce dharman est comme un sortilège d'être sur-
naturel i^asurasya mâyayây
II. Les plus anciennes wpanisads, puis, à un stade ulté-
rieur, les fâsirrts juridiques ou politiques i^dhanna-, nltiçâstra)^
montrent dans la puissance temporelle du monarque l'héri-
tière de la souveraineté que confère l'acte pie : le roi a pour
fonction de « maintenir >5 cet ordre social qu'expriment collec-
tivement la loi et individuellement la vertu. La Brhadâranya-
kopanisad (i, /i, i/i) salue déjà dans le dharma {devenu terme
masculin) un principe supérieur aux quatre castes, supérieur
au démiurge même : la souveraineté de la souveraineté (^ksa-
trnsya ksatram^ cette puissance qui est vérité {^saiyani)^ mais
aussi celte vérité qui est puissance et en laquelle ix le faible en
lutte contre le fort met son recours comme en un roi??. Effecti-
vement, au sacre des rois, on proclame qu'il est né un et gar-
dien du dharma » , — en termes analogues à ceux qui faisaient
tout à l'heure des dieux les et gardiens jj du rta ou des vrala.
Le roi en personne déclare : et Le dharma doit entrer en vi-
gueur dans mon pays. ?) Le dharma n'exprime plus la puissance
du sacré, mais la puissance de la souveraineté temporelle;
quoiqu'il ait passé des dieux aux prêtres, puis des prêtres aux
rois, le dharma consiste toujours à maintenir un ordre. Ce
despotisme éclairé qui fait le fond de la politique indienne
voit dans le peuple, matière sociale sans initiative {^prakHÏ, —
on voudra bien remarquer le mot), mais dont la sauvegarde
est la raison d'être du monarque lui-même, un troupeau à
MELANGES. 271
prolé{j[er, conformément à l'antique raétajahore pastorale selon
laquelle s'exprimait dans les Védas la sollicitude divine.
III. Voilà dans quelle ambiance s'édifie le Bouddhisme. Le
(Ih/irniacahraprniuirt/inti du Bouddha coïncide à bien des égards
avec la conception du monarque mkravartiu : la roue solaire,
emblème de la royauté, ainsi que cette roue dialectique, inhé-
rente à l'existence comme sa structure même, le pratïtijasauiut-
pdda, figurent par l'insertion des rais dans le moyeu le « main-
tien?) d'un ordre, la convergente adaptation d'une pluralité.
C'est aussi bien comme roi que comme bouddhiste, qu'Açoky
prône le dharma. Et son maître spirituel, le Bouddha, non
seulement passe pour avoir été prince de famille royale, mais
lit en vérité, dans l'ordre métaphysique, c'est-à-dire indisso-
lublement intellectuel et moral, ce que fait un roi dans son
royaume. Le dharma qui est sa religion consiste à comprendre
que le donné est fait de phénomènes (dharma au sens de
samskâra)^ mais de phénomènes en connexion, ajustés en une
insurmontable relativité par la loi de causalité, — de sorte
ipi'il suffit de dissocier méthodiquement leur contexture pour
trouver dans le nirvana qui n'est ni être, ni non-être, la déli-
vrance. Reconnaître le conditionné pour du conditionné, c'est
la tâche de l'intelligence et la voie du salut. Pareillement, dans
un Etat régi par un prince juste, se conformer à la loi est le
plus sûr moyen d'en éviter les rigueurs.
IV. Le Mdhmjàna, peut-être sous l'influence de théories
créationnistes d'inspiration gnostique, cherche dans le Boud-
dha lui-même le principe qui donne l'être aux phénomènes.
Il les suscite par une puissance d'illusion qui lui appartient en
propre, comparable à ïasurnsya mâyâ de Mitra ou de Varuna,
ainsi qu'à la Maya de Krsiia reconnue par les Bbâgavatas.
Mais ces phénomènes qu'il suscite, il les proclame illusoires :
272 AVRIL-JUIN 1922.
il ne pourrait sauver s'il ne savait tromper. L'ordre fallacieux
de l'illusion, comme l'ordre salutaire de l'affranchissement, se
fondent également dans le Tathâgata. La Prajnapâramitâ ,
Açvaghosa, l'école Mâdhyamika, enfin et surtout les Yogâcâras
élaborent, de plus en plus complexe, une doctrine des corps
du Bouddha {^trikâija; cf. /. As., mai-juin 191 3), par la-
quelle se précise la notion d'un Bienheureux faiseur de cette
fantasmagorie, le monde, mais dénonciateur de cette fantas-
magorie et prêchant lui-même la vacuité de sa loi. Ne nous
étonnons donc pas que le même mot désigne à la fois la reli-
gion bouddhique (^Dhammapada; Dharmnsamgraha) et l'être;
comme aussi, pour parler à la façon des Alexandrins, l'essence
intelligible et idéale (par exemple dans Dharmaknya, «agré-
gat des dharmasîî), ou encore, si l'on s'en tient au point de
vue de la conscience subjective, ces manières d'être qui sont
nos états d'àme {^Dhammasangmiiy Pour des esprits convain-
cus d'avance que tout n'est que phénomène et relativité, la loi
consiste à comprendre que tout n'est que loi. Cette loi n'a ni
plus ni moins d'existence que les Bouddhas qui la conçoivent;
et l'ordre qu'elle implique, ce sont eux qui en exorcisent le
prestige, mais ce sont eux aussi qui le maintiennent.
V. Nous allons saisir à présent pourquoi le Brahmanisme
médiéval, qui prête au mot de dharma des acceptions tech-
ni(|ues variables selon les darçanas (par exemple : l'objet du
sens interne ou manus^, fait en somme à cette idée si peu
de place. C'est peut-être parce que le mot est devenu presque
synonyme de Bouddhisme, nom d'une hérésie que l'on com-
bat. Mais c'est surtout parce que le Brahman védantique, le
Purusa (lu Samkliya et autres premiers principes admis par
les écoles orthodoxes n'ont cure de justifier l'existence d'un
ordre quelconque dans la diversité du donné empirique. En
contraste avec l'erreur absolue, l'identité pure du vrai suffit
MÉLANGES. 273
désormais aux esprits spéculatifs, que cesse d'intéresser le
monde sensible. Le Bouddhisme faisait figure d'un Védisme
sans dieux, sans prêtres, mais avec un monarque spirituel,
dont la pensée jouait le rôle que remplissait naguère l'acte
sacrificiel. Or le Vedânta nous apparaît comme un Bouddhisme
sans Bouddha, où culmine un Atman sans pensée, véritable
hypostase du nirvana (cf. l'expression de Brahmanirvânay
Entre ces deux pôles, l'erreur infiniment diverse, et l'unité
seule vraie, il ne saurait v avoir aucun ordre ni moral, ni lo-
gique, ni ontologique à maintenir : le dharma ne peut plus
jouer aucun rôle métaphysique.
Nous conclurons qu'à travers son évolution l'idée de dharma
demeura fidèle à sa signification fondamentale, exprimée
dans la valeur constante de la racine indo-européenne dont
procède ce mot : tenir ferme, maintenir. D'où l'aspect 'spé-
cifiquement indien de cette idée, aspect que ne présentent
ni l'idée juive de loi, pourtant identique en Israël à celle de
religion; — ni l'idée grecque de v6(xos, qui cependant atteste,
par son contraste avec (pvcris, un artificialisme très accusé; —
ni l'idée chinoise de fa y^, traduction consacrée de dharma,
mais dont le sens originaire est voie, méthode, et non loi.
Il nous sera permis de schématiser dans le tableau suivant
les principales étapes de l'évolution du concept de dharma :
Sens acli{ (dlinniKm) :
Puissance de l'acte sacrilicuil , ordonnateur et conservateur du
monde.
Sens passif (dharma) :
Le résultat de la puissance du souverain; l'ordre qu'il fonde en
établissant et conservant la justice.
Le résultai de la puissance de la relalivitf?^ qui dans notre igno-
rance constitue le monde et qui, une fois comprise, le dissout.
MX. 18
•274 AVRIL-JUIN 1922.
Le résultat de la puissance du Bouddha, mystificateur et sauveur.
Le résultat de Tactivité des cinq sens, objet propre du marias,
reconnu comme sorte de ffseusorium commune n par les Vaiçe-
sikas.
Le dhai-ma pouvant de la sorte se définir ; ie fait d'être
maintenu, par l'efficace d'un pouvoir qui maintient, — dieu,
prêtre, roi ou Bouddha, — on ne saurait s'étonner que tout
ce qui fut conçu par la pensée indienne comme pourvu de
quelque stabilité ait mérité le nom de dliarma : l'ordre cos-
mique; — la justice sociale, le régime des castes; — l'objec-
tivité de l'être, fut-il phénomène et vacuité universelle; — la
vérité de la religion; — les mœurs et convenances.
Mais peut-être trouvera-t-on étrange ique le Bouddhisme,
pour lequel, comme pour Heraclite, -nâvroi psï, tout est per-
pétuellement instable, ait précisément désigné sa doctrine par
le même mot de dharnia, qui implique stabilité. — A cette
objection, nous répondrons que les Bouddhistes admettent
une stabilité : celle du vide. rrTout est relatif, il n'y a que cela
d'absolu. V Ainsi s'exprimait A. Comte dans l'une de ses pre-
mières lettres à d'Ëichthal. Mais l'absolue relativité est encore
un absolu.
Au surplus, notre interprétation se trouve, à quelque degré
tout au moins, corroborée par deux faits qui nous serviront
comme de contre-épreuve.
Le premier atteste ([ue le vieux Brahmanisme concevait
bien le dbarma comme un ordre stable*: c'est le fait que la
plus ancienne génération des sophistes indiens, dialecticiens
négateurs de toute vérité comme de toute moralité, c'est-à-dire
de tout ordre, ont décoché contre le dbarma leurs traits les
plus acérés. Le véliénient immoralisme de ces «libertins?'
s'exprime en des diatribes aussi nietzschéennes que celles de
ce Calliclès qui scandalisait les Athéniens de bonne famille,
amis du jeune Platon, les Glaucon et les Adimanthe; ces bou-
MÉLANGES. 2?5
tades d'un relativisme effréné, le Mahâbhârata nous les a con-
servées en de saisissantes formules : «Le juste prend les appa-
rences de l'injuste; l'injuste, celles du juste» (^ad/iarmarûpo
dharmo lii kaçcid (isti , dharmaçcâdharmarûpo' stiy «Le droit
d'une époque est l'illégalité d'une autre époque.» «La mora-
lité n'est qu'un bavardage insensé» [dharmo bhavati pralâpahy,
c'est la force, ou l'argent, qui font loi. — La seule réfutation
qu'ont comportée ces sarcasmes, c'est celle à laquelle faisait
allusion le texte cité de la Brhadârnnyakopnnimd : l'affirmation
d'une V vérité en laquelle le fîiible met son recours comme en
un roi»; de même qu'en Grèce Platon réfutait Gallidès en éta-
blissant l'existence, sinon dans l'ordre de la réalité sensible,
du moins dans l'ordre du vrai, de lois non écrites (^v6(xoi àypd-
Enfin l'autre fait qui nous paraît montrer, celui-là, que le
Bouddhisme concevait aussi, à sa façon, le dharma comme
une stabilité, c'est cette simple glose donnée par un traduc-
teur chinois du mot de dharma, et rapportée par E. Chavannes
dans sa traduction des Cinq cents contes (11, 9 5(j) : tchou tch'eu
fÈ^î le premier de ces termes signifiant c^ arrêter», le
second «tenir ferme, gouverner, maintenir w.
P. Masson-Ourskl.
iX.
276 AVRIL JUIN 1921
LA PLUS ANCIENNE TOMBE CHRÉTIENNE
DE riADE SEPTENTRIONALE".
On ne sait peut-être pas que Agra, qui possède le plus beau
mausolée qui existe au monde, renferme en même temps le
plus ancien tombeau chrétien du Nord de l'Inde, un tombeau
beaucoup plus vieux que celui qui est enchâssé dans le fameux
Taj. Mais où peut-on voir celte tombe si intéressante?
Il y avait dans le vieux et beau cimetière arménien d'Agra
innommé mamtenant le R. C. Gimetery)^^' un mausolée octogo-
nal, sans prétention aucune, si on le compare à ceux qui
furent érigés parla suite dans le même cimetière, à la mémoire
de Hessing, le fameux Sumru, et d'autres aventuriers mili^-
taires du xvni" siècle.
Dans cet édifice, qui est la plus ancienne construction chré-
tienne d'Agra et qui est connue sous le nom de rt chapelle du
martyr 71, se trouve la tombe d'un marchand arménien, riche
et très pieux, nommé Martyros, et qui mourut à Agra en l'an
i6i 1 de J.-G.
Mais, avant de décrire la tombe et de transcrire l'inscrip-
tion bilingue qui est gravée dessus, il sera bon de noter que le
nom arménien Martyros [|]^/w^»i/i/»^//f/] signifie httéralement
un jnartyr, d'où la dénomination actuelle de cette chapelle mor-
tuaire; bien ([ue quelques auteurs et archéologues catholiques
trop zélés aient vainement tenté d'établir une corrélation entre
cette chapelle et le martyre de deux Pères Jésuites qui mou-
'') Rédiyi' (Ml arijrlais par M. Sclli, ct'l article a été obligeamment traduit
on français par M. Macler, professeur d'arménien à i'KcoIe nationale des langues
orientales vivantes.
(^) Cimetière caliiolinuc romain.
MELANGES. 277
rurent en prison sous le règne du Chah Jahan et furent trans-
portés et enterrés dans la Chapelle de Martijros, parce qu'en ce
temps-là il n'y avait pas d'autre terre bénite à Agra.
Lorsqu'on pénètre dans cette chapelle mortuaire, on trouve
dans la niche placée à droite deux tablettes murales en grès,
l'une recouverte d'une inscription arménienne et placée à la
tête du tombeau, l'autre portant une inscription persane pla-
cée au pied du même monument.
J'ai cependant le regret de faire observer que les mains
impies des vandales n'ont pas épargné ces tablettes; on y dis-
tingue nettement des traces de plâtre, ce qui prouve à l'évi-
dence que ces tablettes ont été recouvertes de plâtre, puis,
plus tard, badigeonnées à un moment où, dans l'intérêt de
l'archéologie, le plâtre blanc avait été enlevé par quelques
ouvriers malhabiles, évidemment à l'aide d'un pic trop gros-
sier. Plusieurs lettres de l'inscription arménienne ont élé très
écornées, et ce n'est pas sans de grandes difficultés que je par-
vins à déchiffrer l'inscription, et ce, à l'aide d'ui/e forte loupe.
Après ce qui était arrivé aux deux tablettes murales dont il
vient d'être question, je supposai aussitôt que d'autres tablettes
commémoratives devaient également avoir été traitées pareille-
ment, je veux dire avec la même brutalité expéditive par des
mains vandales; depuis lors, j'ai découvert que mes soupçons
et mes craintes étaient parfaitement fondés , car, à ma grande
stupéfaction, je trouve les lignes de mauvais augure suivantes
dans l'ouvrage de Blunt, Christian Tombs and Monuments in the
United Provinces, à la page 38 : «Toutes les inscriptions armé-
niennes (sauf celle de Hwaja Morlenepus) étaient sur les mu-
railles et sont maintenant cachées par une couche de badigeon
dont j'espère qu'un jour elles finiront par être débarrassées, n
Depuis cette navrante découverte, j'ai demandé au Service
archéologi(jue d'Agra d'enlever le plâtre ([ui recouvre les murs
de la chapelle mortuaire et d'exposer à la lumière du jour les
278 AVRIL-JUIN 1922.
trésors qu'il cache. J'ose espérer que les honorables conserva-
teurs des K anciens tombeaux et monuments» donneront satis-
faction à mon humble demande et sauveront de l'oubli ces
appréciables monuments de mes compatriotes, dans cette an-
cienne et glorieuse capitale de la puissance mongole.
Arrivons à cette inscription bihngue, dont voici la transcrip-
tion correcte :
ARMÉNIEN.
^u/batMJL h UJju inujuuuiLu ihhpnuÊ
yjuj nnijnh i/niniruft ULunmhnnu Ont-
niujh Jiun^iinjirquJL. n uibn^iui
OUI nui oh irL. ujuinu/bou trtn uïT jTî fit-p
PERSAN.
Différentes traductions de l'inscription persane ont été pro-
posées depuis iS-yô, mais aucune n'a été rendue correctement
en anglais, comme on s'en apercevra dans un instant. Quant à
l'inscription arménienne, elle est traduite ici pour la première
lois, comme suit :
Dans celte tombe reposa le pèlerin (mablési)
Martiros, fils de Piihasi, de Jiilfa.
Il mourut dans la ville
d'A||r;i et donna ses biens à Dieu pour [le
salut de] son âme. Ère arménienne totio {— i6i i de J.-C).
MÉLANGES. 279
Il ne pouvait pas v avoir eu de plaque sur la tombe de l'Ar-
ménien Marliros, étant donné que le Service archéologique a
récemment placé une plaque en marbre blanc sur la tombe,
avec l'inscription suivante, qui est plutôt une traduction, com-
bien incorrecte, de l'inscription persane placée au pied du
tombeau , et qui porte :
Ici repose le saint Hawaja Mortenepus, Arménien, qui professa le
Christ et qui fut un homme juste; tout ce qu'il avait, il ie donna par
charité aux pauvres, en ga^^e de fldélité à son Maître adoré. Dans l'an-
née mille six cent et onze de la naissance du Christ.
Tout d'abord, le nom de la personne enterrée là, qui est la
partie essentielle de l'épitaphe, a été inexactement traduit. Car,
au lieu du persan Martinus (^jmàajj.»), qui est le mot latin
pour Martin, ou Martyrose, les savants traducteurs ont lu —
je ne peux comprendre comment, ni d'où ils l'ont tiré — Mor-
tenepus, qui n'est certainement pas un nom arménien.
En outre, le mot Mohdeû (,^<XjLo), qui, en arménien,
signiiie un pèlerin (^Juj^Çtnbult^ — celui qui a visité le saint
sépulcre à Jérusalem — a été fautivement traduit comme
signifiant «Mokaddasnj, dans le sens de «un saint homme jj;
de la même manière, trop arbitraire, le mot persan golânt
(-liA^ = un esclave) a été fautivement traduit par «un dis-
ciple».
Gomme il y a pas mal de fautes manifestes dans la traduc-
tion mentionnée ci-dessus, je crois devoir donner une traduc-
tion correcte de l'inscription persane originale; elle présentera
ce texte :
Ici gît enterré l'Arménien Ilwajeh Martinus, le pèlerin, qui se nom-
mail lui-m(^ine l'esclave du Christ; et comiiie il avait un caractère ciiari-
tahle, tout ce qu'il possédait il le donna par charité aux pauvres, par
respect pour son Maître. An mille six cent et onze de la naissance de
Jésus.
Une personne qui se nomme humblement «l'esclave du
280 AVRIL-JUIN 1922.
Christ» (^^fiftutnnu'j se retournerait dans son tombeau si elle
était appelée «saint homme w; de sorte que les traducteurs ont
commis une injustice envers sa mémoire, en le qualifiant de
« saint w. A celte occasion, je me permets de suggérer au Ser-
vice archéologique d'Agra de remplacer l'inscription fautive de
la plaque actuelle, et de la remplacer par une autre qui repro-
duirait l'inscription correcte telle que je l'ai donnée ci-dessus.
Examinons maintenant qui était ce marchand arménien,
pieux et charitable, et d'où il venait.
Mon excellent ami, le docte Père Jésuite H. Hosten, du
collège de Saint-Joseph à Darjihng, a publié, dans son inté-
ressante note sur Mirza Zul-Karnayn (un haut fonctionnaire
arménien de la cour de Akbar, Jehangir et Chah Jahan), la
lettre suivante écrite d'Agra en 1612 ''', et qui jette un Ilot de
lumière sur l'objet de cet article.
Le Père Jésuite Joâo de Velasco, écrivant son rapport
annuel d'Agra, à la date du 2 0 décembre 1 6 1 2 , dit :
Le roi nous concéda, ponr enterrer les Chrétiens, nn terrain conve-*
nable et vaste, où les restes des Chrétiens furent transportés, au milieu
de prières solennelles, le '2 novembre (Fête des morts) : les présents
offerts par les Chrétiens pour les morts furent distribués aux pauvres,
fussent-ils chrétiens ou païens; tout ce qui resta fut transporté à la
prison pour réconforter les prisonniers; cet acte de charité ne contribua
]jas peu à étonner et à édifier les Musulmans. Plus tard, cet endroit fut
orné d'une chapelle {leînpium) , érigée avec les aumônes d'un pieux
Arménien qui, dégagé des liens du mariage par la mort de sa femme,
se rendit eu pèlerinage à Rome et à Jérusalem, les lieux saints de la
Rcdemptiou. De là, il retourna dans son pays [patria) et donna aux
deux fils qui lui restaient, après la mort de sa femme, tout ce à quoi ils
avaient droit. Après quoi, il se consacra si complètement à Dieu qu'il
(^) [La version anglaise de cette lettre a été publiée par \o P. Hosten dans
ses Jcsuil lettevs and allied papers on Mogor, Tibet , Brngid and Burma, part II :
MînzÀ zl-l-Qarnain, A (lltrislian jp-andpc 0/ tliir-c grvul Mogltuls, willt notes on
Akbar s Christian wife and tlie fndian Bourbons, dans Memoirs oj ihe Asial. Soc.
of Bengal, vol. V, n° f\ , p. i83-i8^i, 1916.]
MELANGES. 281
s'appelait lui-nif*nie le petit esclave (mancipioluin) du Seigneur Jésus, et
il ne permettait pas qu'on le nommât d'un autre nom.
Cependant, il voyagea dans divers pays, comme négociant, achetant
et vendant des marchandises, et re'alisant des bénéfices qui montèrent à
plusieurs milliers de pièces d'or (««j-eî = mohui's d'or?). Tous les gains
qu'il réalisait, il les abandonnait aux pauvres ou il les employait à des
oeuvres de piété et de charité, et ce, si fidèlement, (|ue ce n'était qu'à
contre-cœur qu'il en soustrayait quelque chose pour sa subsistance. Il
avait en effet l'habitude de répéter que ces biens n'étaient plus à lui,
mais au Seigneur Jésus, à qui il s'était consacré. Une fois, après de
longs délais, cinq mille pièces d'or lui furent enfin adjugées à la suite
d'un procès ; quel ne fut pas l'élonnement des juges quand ils le virent
distribuer sur l'heure aux pauvres l'argent qu'il avait reçu.
H racheta de très nombreux captifs, de sa propre bourse; il en sou-
lagea plusieurs dans leurs besoins; il donna des dots aux femmes ver-
tueuses pauvres; puis, comme le 1res fidèle serviteur du Seigneur Jésus,
il donna ses biens et sa vie. Sans aucun doute, il mérita d'entrer dans
la joie de son Seigneur.
Il fut enterré dans la chapelle (m templo) qu'il avait construite et il
demanda au Père Xavier d'écriie sur sa tombe : «flci repose Martin
(Martinus), l'esclave du Seigneur Jésus.»
Il fut ainsi fait; et, après sa mort, tous les biens qui restaient de lui
furent en partie employés à construiie et à orner la chapelle, comme il
l'avait ordonné; en partie distribués aux pauvres qu'il avait désignés
comme ses héritiers.
Le témoignage ci-dessus, dû à la plume du Père Jésuite,
qui, évidemment, connut personnellement le pieux Arménien,
est une preuve éloquente de la bonté de mon noble compa-
triote.
Mon excellent ami, le Père Jésuite H. Hosten, qui apporta
ses lumières sur un sujet aussi intéressant, et auquel je suis
personnellement reconnaissant pour son importante décou-
verte, la commente en ces termes :
N'est-il pas émouvant que l'inscriplion gravée sur la tombe de ce
brave homme ait été si longtenq)s une énigme pour les archéologues ou
que ses bonnes œuvres reviennent à la connaissance du public après un
oubli de trois siècles? Les insciiptions (h; sa tombe, en arménien et eu
282 AVRIL-JUIN 1922.
persan, sont placées en retrait, à main droite de la chapelle octogo-
nale, lorsque l'on entre. Ces ligues, les pltis vieilles du cimetière, auront
été lues autrefois avec incrédulité , comme un morceau de vaine ostenta-
tion. Mais elles sont au contraire l'expression modeste de grandes réalités
et de la gratitude des pauvres 1
L'histoire de ce vieux cimetière arménien d'Agra reste
encore à écrire. Il y a aujourd'hui, en déjùt des ravages du
temps et des éléments, environ lao tombes avec des inscrip-
tions arméniennes; on peut les voir dans ce cimetière; plusieurs
d'entre elles ont une valeur historique, datant des premières
années du xvif siècle, jusqu'au milieu du siècle dernier. Des
Arméniens de toutes les parties de l'Orient sont enterrés là,
avec quelques prêtres. Il y a parmi eux des hommes de lettres,
d'éminents négociants, des artisans habiles, de braves soldats
et des officiers renommés.
Lorsque cette histoire aura été écrite, elle montrera claire-
ment que la colonie arménienne d'Agra doit avoir été très pros-
père aux jours glorieux de l'Empire mongol '^l
Mesrovb J. Setii.
(^) Pour un récit détaillé des premiers établissements arméniens dans ce
pays, voir Historij of the Armemans itt Iiidia, par l'auteur de ces lignes. [La
référence exacte du livre auquel renvoie M. Seth est : History uf the Anne-
niaiis in India, frum the earliest times tu the présent daij, by JMesrovb J. Skth.. .
( Calcutta, 1896), in-16, xxn -f- 190 P^S^s.]
COMPTES RENDUS.
Professeur Jaddnath Sarkar. History of Avra:igzib mainly basbd ou Pebsuhi
SOURCES, t. I, 1919, règne de Chah Jahan, xxvi-376 pages; t. II, 1913,
guerre de succession, 3ao pages; t. III, 1921, Inde septentrionale, i658-
1G61, 2' éd. revue et corrigée, Sgi pages; t. IV, 1919, Inde méridionale,
16/15-1689, «based on original sources». — Calcutta, M. G. Sarkar and
Sons, in-19.
— ÂHKAM-i-ÀLAMGiBr (Auecdotes of Aurengzib), texte persan avec traduction
anglaise, des notes et une l)iographie de Aurengzib. — Calcutta, même édi-
teur, 1912; in-18, lit à pages -|- 72 pages de texte.
— Studies in Mughal hùiA, 2* édit. — Calcutta, même éditeur, 1919;
in-12 , 3i3 pages.
— MvGHAL Administration. — Calcutta, même éditeur, 1990; in-12,
1 59 pages.
— Later Mughals by William Irvine, édité par — , t. I, 1707-1720. —
Calcutta (même éditeur) et Londres (Luzac and C°), sans date [1929];
in-S", xwii -{- li'is pages.
Muhï ad-dïn Muhammad Aureng-zeb, sixième, fils de l'empereur Sâh
Jahân et de l'impératrice Miimtaz Malial, naquit le ah octobre 1G18. A
quatoi'ze ans, le 28 mai i633, en présence de son père et de la cour,
le jeune prince est chargé par un éléphant furieux et soutient bravement
l'attaque. Son courage lui vaut le titre de bahadur cr héros n et le rend
célèbre dans l'Inde entière. Il est nommé dix-huit mois après rr comman-
dant de 10,000 cavaliersT) et entreprend l'année suivante sa première
expédition militaire. Sa carrière ollioielle, commencée alors qu'il n'avait
pas encore seize ans, se continue |)ar le gouvernement du Guzerate, la
vice-royauté de Balh, le gouveinement du Multân et du Sind, la cam-
pagne de Kandahâr, la vice-royauté du Dekkan, l'invasion de Golkonde,
la guerre contre Bijapur. En 1667, Sâh Jahân est gravement malade
et la succession de l'empereur est ainsi virtuellement ouverte. Dara est
désigné comme son successeur; mais un autre fils, Murad Bahs, se
28A AVRIL-JUIN 1922.
proclame empereur, et Aurengzeb fait également valoir ses droits. Une
guerre de succession entre les prétendants s'ouvre, qui se termine au
bénéfice de celui-ci : Aurengzeb est solennellement couronné empereur
le 5 juin 1609, pendant que Sâb Jahân, tenu en stricte surveillance,
mène une vie misérable qui prendra fin en janvier 1 666 seulement.
Dans les tomes III et IV, le règne du nouvel empereur est décrit dans
le délail jusqu'à l'année 1690. A celte époque, Aurengzeb est le souve-
rain incontesté du Nord de l'Inde et du Dekkan. ffll semblait, conclut le
professeur J. S., que tout avait été gagné par l'empereur: mais, en réa-
lité, tout était perdu. Alors s'ouvrit la période la plus triste et la plus
désespérée de sa vie. L'empire mongol de l'Inde était devenu trop étendu
pour être gouverné par un homme, du centre du pays... Les ennemis
se soulevèrent de tous les côtés: il put les battre, mais non les écraser
définitivement. L'illégalité prévalait dans de nombreuses parties de l'Inde
septentrionale et centrale. Les fonctionnaires devenaient négligents et
corrompus. L'interminable guerre du Dekkan avait épuisé le Trésor.
Napoléon I" disait : ff C'est l'ulcère espagnol qui m'a perdu.'' L'idcère
du Dekkan perdit Aurengzeb 1 (t. IV, p. ^07).
Ce xvif siècle mongol nous est connu par les témoignages de voya-
geurs européens; mais les sources persanes et les documents de la
chancellerie impériale n'avaient pas été utilisés encore dans une étude
d'ensemble. C'est le grand mérite de l'auteur d'avoir patiemment
recherché et mis à contribution toutes les informations persanes et
indiennes, qui lui ont ainsi permis de faire œuvre d'historien dans les
moindres détails et de nous donner une narration vivante et fidèle des
règnes de Sâh Jahân et d'Aurengzeb.
Le i^ySxls. JX^\ Ahkam-i-Alauigiri est un petit volume d'anecdotes
sur Aurengzeb, qui illustre de façon intéressante le caractère du sou-
verain. C'est une utile addition aux quatre volumes précédents.
Les Stiidies in Mughal India contiennent vingt-deux chapitres (dont
dix seulement figuraient dans la première édition), qui traitent des
sujets suivants : La vie journalière de Sâh Jahân; La richesse de l'Inde
en i65o; Les compagnons de l'impératrice; Qui a construit le Taj
Mahal?; Aurengzeb; La vie jouinalière d'Aurengzeb; L'éducation d'un
prince mongol; La princesse Zeb-un-nissa (le dernier enfant d'Aureng-
zeb et de sa femme persane Dilras Banu Begam); La Néraésis d'Au-
rengzeb; Une héroïne musulmane; Les pirates européens de Chatgaon;
La concjuèle de Chatgaon; Saista Hân au Bengal (1666-1666); Le
règlement d'A(uengzeb pour la perception des impôts; Orissa au
xvu' siècle; Un grand mémorialiste hindou (Bhimsen); Un ancien his-
COMPTES RENDUS. 285
lorien hindou d'Aurengzeb (Iswar-das du Guzerale); William Irvine
(riiistorien des derniers empereurs mongols); lluda Bahs, le Bodley
indien (fondateur de la riche bibliothèque qui porte son nom); L'art
dans l'Inde musulmane; L'instruction dans llude musulmane; Monar-
chies orientales.
Mughal Administration [Palna University readership lectures, i()2o)
comprend six chapitres qui traitent respectivement de : I. Le gouver-
nement, son caractère et ses buts; II. Le souverain et ses ministres;
III. Les ministères du Trésor et de la Maison impériale, et leur fonc-
tionnement; IV. L'administration provinciale; V. Les impôts; VI. Le
gouvernement mongol : son œuvre et son insuccès.
Comme les précédents, ces deux derniers volumes sont pleins d'in-
formations puisées à des sources orientales inédites: et c'est ce qui
donne une valeur particulière aux travaux de M. J. S. Ecrits dans un
anglais clair et agréable, ces volumes fourniront aux historiens euro-
péens la documentation qui leur manquait sur cette période de la
domination mongole dans l'Inde.
William Irvine, mort en 1911, est surtout connu par sa jnagistrale
édition de la Storia do Mogor de Niccolao Manucci {Indian texts séries,
k vol., 1907-1908); mais ce n'est qu'une partie de son œuvre, qui
comprend notamment une collaboration assidue à des périodiques [Cal-
cutta Ileview, Journ. of the Asiat. Soc. of Bengal, Indian Magazine,
Indian Antiquary, Asiat. Quarterly lieview, Journ. of the Moslem Institutc,
Journ. oj R. Asiat. Society) de 1869 à 1911. On en. trouvera la bibho-
grapbie dans l'introduction du lome I des Later Mughals, qui vient de
paraître. M. J. S. remplit le pieux devoir de publier le dernier travail
de celui qui fut son maître et ami.
Le présent volume s'étend sur une période de treize ans : 1707-
1720, qui comprend : le règne de Balladur Sâh, décédé le 27 février
1712; le court interrègne qui précéda l'avènement de Jahandar Sàh,
couronné le 3o mars de la même année; en février 1718, celui-ci est
battu, décapité et remplacé par Farruh-siyar, qui fut exécuté à son
tour en avril 1719. Kaliu'd-darjat lui succède, mais il est déposé au
début de juin de la même année. Uafiu'd-dawla est couronné ensuite
et meurt de maladie le 17 ou 18 septembre 1719, apiès un règne de
quelques semaines. L'histoire de chacun de ces souverains se termine
par une appréciation de son caraclèie et par des renseignements détail-
lés sur sa famille et les monnaies frappées sous son règne. On retrouve
dans ce travail toutes les qualités dont Irvine a fait preuve dans les
ouvrages qu'il publia lui-même. On admirera l'étendue de sou informa-
'286 AVRIL-JUIN 1922.
tion. qui comprend, en réalité, tous les documents orientaux actuelle-
ment accessibles, que cet infatigable chercheur de textes avait patiem-
ment réunis et qu'il était certainement seul en état de se procurer en
aussi grand nombre. L'œuvre est d'un ouvrier de premier ordre dont
on ne saurait trop regretter la perte.
Gabriel Ferrakd.
Publications de l'École supérieure de langue arabe et de dialectes berbères
DE Rabat. — Editions Ernest Leroux, 28, rue Ronaparte, Paris.
Les Publications de l'Ecole supérieure de Rabat , inaugurées en 1918.
en sont au moment où j'écris à leur septième volume. Ces travaux
témoignent d'une activité féconde qui mérite d'être mise en lumière et
hautement louée. Rien ne peut mieux servir les intérêts généraux de
notre protectorat que cette enquête scientifique permanente menée avec
tant de zèle au Maroc, à l'exemple de ce qui fut fait et se continue en
Algérie.
I. Emile Laoust. Etude svr le vialecte berbère des Ntifa. Grammaire,
textes. — • 1918, p. XTi--'j/i6, in-8°.
Dans une courte préface, AL L. indique la situation des Ntifa, qui
habitent une partie importante de rr l'angle largement ouvert vers l'Océan
que forment le Grand et le Moyen Atlas à leur point de suture encore
mal connu fl (p. vu). Suivent un tableau des signes de transcription et
la liste des ouvrages consultés.
La grammaire comprend deux parties : la phonétique (consonan-
tisme, vocalisme et structure syllabique), p. i-liS; la morphologie et
la syntaxe divisées en six chapitres (nom, verbe, pronom, numération,
de l'idée qualificative, mots invariables), auxquels s'ajoute un appen-
dice intitulé : le temps et ses divisions, les fêtes saisonnières et agraires
(le jour, les divisions du jour, heures des repas, heures des prières,
mesure du temps, noms des jours [les Ntifa emploient les noms arabes
des jours de la semaine], superstitions relatives aux jours; le calendrier,
les mois, les saisons, fêtes saisonnières), p. ^g-SsS. Les trente-trois
textes qui terminent le volume, accompagnés de leur traduction (p. 3-35-
A37), com|)rennent vingt-quatre textes ntifa, quatre textes infedouaq,
quati-e textes imeghran et un texte des Ait hou OuUi.
La phonéli(p]e et la morphologie du htifi sont clairement exposées;
l'auteur s'est sagement borné à l'élude de ce dialecte, et cette [)rudente
restiitilibn s'impose. Le berbèie marocain n'en est encore qu'à la période
COMPTES RENDUS. 28?
des monographies dialectales: ce n'est que plus tard qu'on pourra songer
au comparatisme des dialectes marocains entre eux, puis avec les ault-es
dialectes et parlers de la famille tout entière. Cette première étude du
ntifi y trouvera la place qu'elle mérite et on doit féliciter M. Laoust
d'avoir entrepris ses recherches alors que le tei-ritoire des Ntifa n'était
pas encore occupé par nos troupes. Ces enquêtes scientifiques en pays
insoumis exigent des quahtés nombreuses qui n'apparaissent pas dans
l'exposé des résultats linguistiques; il convient de marquer qu'on ne
l'ignore pas et d'ajouter que les travaux de ce genre font grand honneur
à leurs auteurs.
II. Louis MiLLioT. DÉMEMBREMENTS DU H.iBous : Meiifa'â, Gzâ , Guelsd,
Zînd, Istighrdq. — 1918, p. i85, avec la reproduction photographique de
i3 pièces.
ff Aussitôt entrepris, dit l'auteur dans son introduction , le travail de
leconstitution du patrimoine des Hahous Publics mettait l'Administra-
tion en présence de la difficulté suivante : un grand nombre d'immeubles
se trouvaient depuis un temps immémorial àiix mains d'individus qui
prétendaient avoir acquis sur eux , à divers titres . un droit perpétuel de
jouissance. Les occupants ne contestaient point, d'ailleurs, aux im-
meubles qu'ils détenaient le caractère de biens habous; mais, à les
entendre, les droits des Fondations se réduisaient à la perception d'une
redevance perpétuelle. Outre le bénéfice de la situation acquise, ils pou-
vaient invoquer des usages séculaires, dont il fallait nécessairement
tenir compte. De nombreux étrangers ou protégés étrangers s'étant fait
céder les di'oits des indigènes, la question se compliquait encore d'un
aspect international, -n
Ainsi se pose ce problème extrêmement compliqué. Docteur es sciences
juridiques et diplômé d'arabe, M. L. M. a pu l'étudier en sa double qua-
lité de juriste et d'islamisant, tr L'étude des textes du dira, dit-il (p. 5),
puis du milieu historique où elle a pris naissance et s'est développée,
nous pcrmellra de dégager les traits caractéristiques de l'institution.
L'étude des Dahirs nous la montrera au terme de son évolution. n De
cet exposé est née la division du livre en trois parties : étude des textes
arabes régissant la matière (p. fi-By), le milieu historique (p. 38-66),
la législation du protectorat (p. t)7-7<j). Six annexes donnent en texte
arabe jihotographié et en traduction intégrale ou résumée : deux extraits
du 'Amal al-Fdsi (chap. du louage, du jugement, du seimeht et du
témoignage); une /e^fra autographe de 'Abd al-Qâdir al-Fàsî, les Pio-
cès-verbaux de la Commission des droits de gz,d, guelsd, clé, etc.; la
28S AVRIL-JUIN 192!>.
Législutiou rlu Protectorat (textes) et des pliotograpliies d'actes (p. 84-
181).
Ce livre bien documenté est appelé à rendre de signalés services à
l'Adminislration du Protectorat lorsque ffdu domaine de la spéculation
pure et de l'efTort législatif, le problème va passer dans celui de la pra-
tique juridiques. Plus et mieux que tout antre, M. L. M. lui a fourni
les éléments nécessaires pour le traiter en pleine connaissance de cause.
III-IV. Louis j\Iii,L!OT. Recveil de jurisprudence CHÉRiFiEyNE. Tribunal
du Miuistre chérifien de la Justice et Conseil supérieur d'Ouléma [Medjlès
al-Istimif). T. 1, /io() pages, avec une table de classement des affaires, une
table chronologique des décisions , une table alphabétique des noms des
parties , une table alphabétique des auteurs et des ouvrages musulmans
cités, un vocabulaire arabe-français, une table alphabétique des matières et
une table générale analytique des matières; t. II, 3^3 pages, avec les mêmes
tables et vocabulaire qu'au tome I. Un très grand nombre de pièces arabes,
toutes inédites, sont reproduites en photographie (aSi chchés pour les
deux volumes).
Le oUJLuvill ^vJLs: Medjlès al-Istinàf ou juridiction d'appel, créé par
un dahiren date du ao décembre iQiS, a rendu déjà un certain nombre
d'arrêts qui peuvent constituer jurisprudence. Chargé pendant un an
des fonctions de commissaire du Gouvernement près les juridictions
chériGennes, et, comme tel, délégué du Protectorat auprès du Conseil
supérieur d'Ouléma et du Miuistre chérifien de la Justice, M. L. M.,
l'auteur du volume II [vide supra), a assisté au travail de préparation
des dossiers de procédure. rLes arrêts, dit-il. ont été rendus sous notre
contrôle. Nous les hvrons à la publicité comme des documents à la fois
importants et auxquels nous croyons pouvoir assigner toute leur impor-
tance» (p. a 1-2 2).
Dans son introduction (p. 3 et suiv.), l'auteur expose les raisons
juridiques et politiques qui ont rendu nécessaire la création de ce tri-
bunal (et non cour) d'appel, la compétence du juge unique, les délais
dappel, la procédure et l'issue possible : confirmation du jugement
rendu par le kâdï, réforme, cassation et renvoi, ou revision. Suit, à
titre d'exemple, un procès dont le dossier se décompose en quatre
instances différentes : une instance engagée devant le kàdî de Keuitra,
une deuxième instance engagée devant le même juge, une instance
devant le Tribunal \ iziriel d up])el et une nouvelle instance engagée
devant le kàdi de Salé, après cassation et renvoi par le Tribunal \ iziriel
devant ce dernier juge. ffLe dossier de la procédure, dont le texte est
photographié dans les 3i clichés ci-après, se préseule matériellement
COMPTES RENDUS. 289
sous la forme d'une bande de papier longue de 5 à 6 mètres, large de
9 0 à 95 centimètres, écrite au recto et au verso, obtenue en collant
bout à bout, sans aucun ordre, les actes de la procédure. La bande est
d'ordinaire repliée sur elle-même dans le sens de la largeur, de façon à
former un rouleau commode à transporter. Quand on veut consulter le
dossier, on la dérouler (p. 5i). Suivent une soixantaine d'affaires dont
les pièces de procédure sont reproduites en photographies et traduites
ou résumées par M. L. M. Des commentaires appropriés rendent ce
recueil précieux. Ainsi, à propos de la propriété d'une esclave dépen-
dant d'une succession (appel n° 83, t. 1, p. 902 et suiv.), ou trouvera
une très intéressante note sur l'esclavage dans l'Islam [ihid., p. -2 13-
218; cf. également t. II, appel 0° i5, p. 978-279).
Dans ces deux volumes et dans le précédent [vide supra, II), l'auteur
a précisé le sens exact d'un grand nombre de termes juridiques. Ses tra-
vaux, qu'il faut louer sans réserve, intéressent au même degré juriscon-
sultes, sociologues et arabisants. 11 y a lieu d'ajouter que de nombreuses
tables, un glossaire arabe et un index analytique des matières pour
chaque volume permettent de retrouver rapidement les renseignements
recherchés.
V. Louis Bronot. La mer dans les traditioxs et les industries indi-
gènes À Rabat et Salé. - 1921, xiv-358 paj^es, avec hd figures daus le texte
et ti cartes et plans.
VI. Louis Brunot. Notes lexicologiqves sur le vocabulaire siaritime
DE Rabat et Sale. - igao.xvi-iôi pages.
Pour ces deux volumes, je renvoie aux comptes rendus de M. Huart
parus dans le Journal asiatique, XI" série, t. XIX, 1922, p. io5-iii.
VIL Edward Westeumarck. Les cérémonies du mariage au Maroc, tra-
duit de l'anglais par M"" J. Arin. - 1921, 894 pages, avec un index des
mois arabes et des mots berbères, un index générai et une table analy-
tique des matières.
L'ouvrage de A\ esteimai-ck est trop connu pour y insister. On doit
savoir gré à M""" Arin d'en avoir donné une traduction élégante et fidèle.
Gabriel Ferramd.
Henri Basset. Essai sor la littérature des Berbères. — Alger, igao; in-8°,
Ziiô pages, avec index (librairie Jules Carbonel).
ff Qu'est-ce que cette langue berbère, qui, aujourd'hui encore, après
tant de siècles écoulés, après tant de successives dominations étrangères,
19
•i<JO AVRIL-JUIN 1922.
est parI('o par plusieurs millions d'êlres humains, sur une aire qui
s'dlend des confins (.'gyptiens à l'Atlantique, du Sénégal et du Niger à la
Méditerranée? Et d'où vient-elle în Telle est la question posée au début
du livre; et i'auteui' répond sagement: tr Question obscure entre toutes ^ ;
autrement dit : nous n'en savons rien. Toutes les recherches scientifiques
entreprises dans le' but de retrouver l'origine des Berbères et de leur
langue sont restées stériles : le berbère est étranger au sémitique — la
seule concordance de ia marque du féminin : t final en sémitique, t ini-
tiai et final en berbère, ne conslitue pas une preuve décisive de parenté
— et au khuniitique. Quant à l'égyptien ancien , sa parenté avec le ber-
bère n'est point établie non plus et elle ne pourra l'être que par un
comparatiste ayant préalablement étudié les deux langues, ce qui ne
s'est pas rencontré encore.
Même incertitude en ce qui concerne l'origine de l'alphabet libyque :
ffil parait impossible de formuler la moindre hypothèse^i, en l'étal lacu-
naire de nos connaissances (p. 18-19).
Quelques traditions indigènes font venir certaines tribus berbères de
l'Arabie méridionale. M. H. B. est disposé à n'en pas tenir compte.
crNous verrons en effet, dit-il p. 17. que ces traditions sont récentes et
n'ont eu pour point de départ que la vanité de tribus désireuses d'être
apparentées aux Arabes. 1 II y a là une indication qu'il serait impru-
dent, je crois, d'écai-ter délibérément. A priori, un tel événement a pu
se produire, car les Abyssins, par exemple, sont venus d'Arabie et une
migration subséquente vers le Nord n'est pas impossible. Cet argument
est évidemment fragile pour des populations stationnées à très haute
époque dans rAfri(]ue centrale et septentrionale; mais il y a mieux
encore : le nom de l'ancienne ville tunisienne de Hadrumète a été jiiste-
meut rapproché, à mon avis, de celui du .-j^^.^^, Hadramût de l'Arabie
méridionale (cf. René Basset, Mélanges africains et orientaux, Paris,
1915, in-S" p. 78). Une telle rencontre est sans doute insufTisanîe pour
justifier les prétentions de quelques tribus à la descendance d'ancêtres
arabes; mais notre pénurie d'informations est telle, que des indications
de ce genre doivent être notées à l'appui des traditions indigènes.
Le chapitre premier, qui est consacré au Berbère et à sa langue,
traite en réalité de la psychologie des Berbères. L'analyse est parfaite,
poussée à fond, remarquablement exposée et la conclusion décisive : sous
son bilinguisme, sous sa plasticité apparente, rrsous le vernis de culture
étrangère (jui le recouvre, il reste en réalité le vieux Berbère inchangé,
avec toutes ses tendances et toute son individualité i: (p. 33). Les Ber-
bères ont subi successivement l'influence de leurs maîtres ou voisins,
COMPTES RENDUS. 291
Egyptiens, Grecs, Romains, Arabes; ils subissent actueliement la nôtre;
mais cette docilité ne doit pas donner le change : les témoins linguis-
tiques de la longue occupation romaine se réduisent à très peu de chose
et rien n'est plus significatif que cette constatation. Sans doute, Tlslâm
et sa langue véhicuiaire, l'arabe, ont profondément marqué leur em-
preinte en Berbérie; mais il s'agit, en ce cas, d'une occupation plus
que millénaire, au début de laquelle les Berbères ont été convertis par
force à la rehgion des envahisseurs. Le Berbère en est même arrivé
à s'exprimer de préférence en arabe qu'en sa langue maternelle, dans
ses rapports avec les étrangers. Nous avons contribué à consacrer ce
bilinguisme en ne lui parlant qu'arabe, lors de nos installations succes-
sives dans l'Afrique du Nord. On revient heureusement à une plus exacte
notion de nos devoirs vis-à-vis de ce peuple, et l'enseignement du ber-
bère, tant en Algérie qu'au Maroc, va bientôt fournir à notre adminis-
tration les berbérisants nécessaires. Il va de soi que nous n'avons aucun
intérêt, politique ou scientifique, à laisser se poursuivre et s'accentuer
l'arabisation des Berbères.
Je ne puis que signaler les chapitres suivants, consacrés à la littéra-
ture écrite, la littérature juridique et la littérature orale. Celle-ci traite
des contes et légendes (contes merveilleux, plaisants, d'animaux; lé-
gendes historiques, religieuses, hagiographiques, explicatives); de la
poésie (caractères de la poésie berbère; poésie des Berbères marocains,
des Touaregs, des Kabyles) et de son avenir.
Grâce à sa riche documentation, son information si complète puisée
en nombre de cas auprès des Berbères marocains eux-mêmes, M. H. B.
a pu nous donner un livre clair, précis et qui témoigne d'une compié-
hension parfaite de toutes les données du problème berbère. Berbéri-
sants, socioh)gues et admiuistialeurs de l'Afiique du Nord devront éga-
lement le lire ; et c'est le plus bel éloge qu'on puisse faire de cette thèse
de doctorat. Elle est dédiée au père de l'auteur, mon maître René Basset.
Qualis pater. . .''*.
Gabriel Ferrand.
Henri Basset. />b cvlte des ghottes au Maroc. — Alger, librairie Jules Car-
bone!, 1920-, in-8°, 12() pages, avec index.
ffLe cidte des grottes au Maroc est un culte essentiellement populaire
(') Cf., du même auteur, un excellent article intitule ; Lrs in/lue»ci.i pu-
niques chez les Berbères, dans Rumie AJricaine, n"" 3o8 et 809 , 3° et W tri-
mestres 1921.
«9
292 AVRIL-JUIN 1922.
dans toutes les acceptions du terme. li est suivi surtout par les campa-
gnards et les petites gens. En vain le chérif Si Abd-el-Haï el-Kittani a
pu sanctionner un jour de sa très haute autorité, en affirmant que le
prophète Daniel y avait son tombeau, le culte rendu au kehj'l ihoud
[Utt. la grotte du juif] de Sefrou, les docteurs de l'Islam voient d'un
mauvais œil, comme toute chose où ils sentent les restes de l'antique
paganisme, la vénération de la foule pour de tels sanctuaires. Seuls, les
plus avisés d'entre eux, à l'exemple d'el-Kittani , comprenant qu'ils ne
les pourraient supprimer, ont tenté de les ramener à l'orthodoxie. Les
citadins lettrés rougiraient de telles dévotions» (p. 7). A ces grottes
sacrées, le peuple rend un culte célébré chaque année, à date fixe, par
de grandes fêles religieuses qui durent plusieurs jours : ce sont les
mûsem de l'Afrique du Nord. Le mot, qui est arabe (j<wjj« mawsim, de
la racine j^w^ wasm, ainsi que l'a montré GAUDEFROV-DEMOMByNES , J. As.,
t. XX, 1909, p. 35o), imphque l'idée de périodicité annuelle (cf. les
vents périodiques de l'océan Indien appelés mawsim, dont nous avons
fait mousson); le sens du mûsem nord-africain est identique à celui de
l'expression nautique orientale.
L'ouvrage est divisé en 9 chapitres : l'extension du culte des grotles
au Maroc; les grottes dans la littérature populaire et les contaminations
littéraires et orientales; les grottes et les trésors; les cultes solaires et
rites agraires dans les grotles; les grottes à oracles; les grottes guéris-
seuses; les grottes et l'expulsion du mal; les génies dans les grottes; les
saints successeurs des dieux locaux antérieurs à l'Islam.
Bien que l'auteur s'en défende, il s'agit ici d'un véritable Corpus des
grottes sacrées marocaines dont il a constilué les bases et que les explo-
rations folkloristes ultérieures viendront compléter. Le plan adopté est
excellent; la répartition des grottes d'après leur caractère propre est très
heureuse. Nos fonctionnaires et officiers en service au Maroc ont en cette
monographie un guide parfait pour étendre l'enquête nécessaire au pays
tout entier. M. H. B. leur a montré la voie oii il faut s'engager sans
retard; car, si le fond de ces cultes est immuable, leurs aspects chan-
geants doivent être notés dès maintenant, au stade où ils se trouvent
actuellement, })our fournir de points de repère les folk-loristes qui en
étudieront plus tard l'évolution.
Gabriel Ferrand.
G. K. Narimav. LiTF.nART HisTORY oF Saxskrit BuDDHisM. — Bombay, Tarapo-
rovala , 19^0-, in-8" fie mii-383 pages.
Il est arrivé à M. Nariman que son zèle de vidgarisateur rendît des
COMPTES RENDUS. 293
services non seulement aux Hindous, mais aux Occidentaux ; ainsi lors-
qu'il entreprit de puhliei' à bas prix une traduction anglaise de l'ouvrage
d'inostranzew, sous ce titre : Iranian hijluence on Moslem Literalure
(Bombay, ibid., 1918, t. I). En la pre'sente occurrence, il ne parait avoir
voulu se montrer utile qu'à ses compatriotes, en compilant à leur usage
les résultats de récents travaux euiopéeiis sur le Bouddhisme sanscrit :
tels le tome II de la Gcschichte der indisciten Litteratur de Winternitz, le
Divyâvadana de Huber, nombre de publications ou d'articles de M. Syl-
vain Lévi. La haute culture indigène, souvent si peu ou si mal informée
du Bouddhisme, y trouvera des notions précises, de nature à dissiper
bien des préjugés. Malheureusement, ce répertoire de l'indianisme con-
temporain juxtapose, sans aucune critique, les avis les plus hétéroclites
et introduit beaucoup d'inexactitudes dans les renseignements qu'il
fournit. Les termes sanscrits et chinois, les noms européens fourmillent
d'incorrections. Cette publication n'est pas un livi'e, mais un zibaldone.
P. Masson-Oursel.
Raymond Weill. Là cité de David, compte rendu des fouilles exécutées à
Jérusalem, sur le site de la ville primitive. — Paris, Geuthner, 1920 ; 1 vol.
in-8°, de viii -{- 20(j pages et allas gr. in-4° de XXVI planches.
Les fouilles de M. B. Weill, sur le site de Jérusalem, datent de la fin
de 1918 et du printemps de 191^. Elles ont été conduites sur la colline
d'Ophel qui faisait partie de la Jérusalem antique, et qui se trouve au-
jourd'hui peu habitée. En effet, la colline d'Ophel, qui est située au
sud de Jérusalem, était comprise dans l'enceinte primitive, tandis que
l'enceinte actuelle passe au nord de la colline. Celle-ci , bornée à l'est
par la vallée du Cédron et à l'ouest par celle du Tyropaeon, à peu près
comblée au cours des siècles, se termine au sud en promontoire; c'était
le site typique des établissements cananéens, d'autant que sur la face
est, dans la vallée, prenait naissance une source capable d'alimenter
cette acropole. Cet aménagement primitif d'Ophel en forteresse nous est
attesté par la Bible. 11 était donc naturel qu'on entreprit des fouilles sur
ce point, un des endroits les plus anciennement habités de Jérusalem.
C'est ce qui eut lieu au cours du xix° siècle lors des recherches de Guth,
Warren, Hliss et Dickie, et, en 1909, Parker. Mais ces missions ne
firent que des sondages, ou travaillèrent en puits et en galeries souter-
raines. Ces conditions incommodes l(!s privèrent d'une partie des résul-
tats qu'elles étaient en droit d'espérer.
29a AVRIL-JUIN 1922.
Les fouilles de M. R. Weiii ont eu un point de départ bien défini. On
sait que If canal souterrain d'Ezéchias, qui conduit les eaux de la source
h la piscine de Siloé où elles servaient aux besoins de la ville, décrit, en
atteignant la pointe de la colline, une boucle que rien ne justifie; il
semble que les anciens ingénieurs se soient effoicés de contourner un
obstacle. M. Clermont-Ganueau a conjecturé que cet obstacle était la
nécropole des Rois de Juda, que nous savons, par les textes, avoir été
enterrés près de la pointe d'Ophel. M. R. Weill s'est proposé de vérifier
cette hypothèse. Grâce à l'achat des tei-rains, il a pu ti"availler à ciel ou-
vert, déblayant tout le sol jusqu'au roc. La première campagne n'a pu
explorer qu'une petite partie de la pointe d'Ophel.
M. R. Weill, au début de son livre (p. 1-87), expose l'état de la
question au moment oîi il commença ses recherches; le compte rendu de
ses travaux va des pages 92 à 200, fin du volume. Un atlas de photo-
graphies et de plans accompagne le volume; en raison de l'enchevêtre-
ment des constructions successives, quelques coupes schématiques sup-
plémentaires auraient été les bienvenues.
Comme il fallait s'y attendre, en allant de la plaie-forme jusqu'au
roc, M. R. Weill a trouvé des traces d'installations d'époques extrême-
ment différentes. Tout d'abord, les restes d'une synagogue et d'un bal-
néaire y attenanl. Une inscription grecque nous donne le nom de son
fondateur : Théodotos. Comme cette inscription a fait l'objet de nom-
breux travaux et comptes rendus, je ne fais que la signaler à mon tour,
pour insister davantage siir les remarquables résultats des fouilles pro-
fondes.
Nous connaissons par elles les fortifications d'Ophel à l'époque davi-
dique; sous le mur de crête, un système défensif en gradins avec es-
carpes descend jusqu'au pied de la colline. Ces gradins sont renforcés
de bastions; en bas, se voient encore les restes d'une tour de 7 mètres
de diamètre, témoignant du souci de rendre plus solides les lignes
basses du sylème de défense. Nous voyons ainsi que l'antique Jérusalem
fut une citadelle comparable aux sites cananéens que les fouilles de
Gézer et de Mageddo nous ont restitilés. Les anciennes cités orientales
déversent volontiers du haut des murs les détritus de la ville; c'est ce
qui s'est produit à Jérusalem où , sous une couche de décombres que
datent les débris des poteries, on a trouvé des tombes cananéennes ex-
trêmement simjdes, en l'orme de caves creusées dans le roc. L'examen
des travaux hydraulicjues de la colline amena la découverte d'autres
tombeaux remaniés, mais dont les travaux d'aménagement successifs
montrent un tel souci de remettre tout en état, que M. R. Weill conclut
COMPTES RENDUS. 295
à des tombes princières. Elles pourraient faire partie des sépulcres de
David qui devaient être au nnmbie de treize; ici nous avons les traces
de quatre sépultures; ce serait donc au nord et à l'ouest de cette place
qu'il conviendrait de faire des replierclies ultérieures en partant de la
surface du soi , dans i'espoir de trouver le complément de la nécropole.
Ces sépulcres se présentent, contrairement à ce qu'on pouvait imaginer,
comme des chambres indépendantes, à ouverture peu dissimulée. Cette
situation rendait fatale la violation qui a dû avoir lieu. Par ailleuis,
M. R. VVeili rappelle que les tombes des Rois, quelque auguste que fût
le caractère de leurs occupants, étaient devenues aux yeux de la Loi une
souillure pour la vHle qui les contenait. Bien que les textes soient muets
à cet égard, il reste une hypothèse, bien fragile, à laquelle ne s'arrête
d'ailleurs pas M. R. Weill: c'est que la sépulture royale ait été vidée
pour celte raison, et son contenu transporté en un endroit que nous
ignorons.
Toutes ces recherches ont été rendues extrêmement difficiles par le
bouleversement qu'a lait subir à cette partie du terrain l'édification du
balnéaire de Théodotos. Ce n'est point tout ; l'exploitation de cette ré-
gion en carrière est venue, peu après, ravager une partie de ces diffé-
rents travaux. On voit par ce résumé rapide, à quel point les résultats
obtenus par M. R. Weill sont intéressants; ils font souhaiter la reprise de
ces fouilles à bref délai.
G. CONTENAU.
Les Psaomes. Extrait de la Bible du Ccntonairo. Traduction nouvelle, d'après
les meilleurs textes, avec introductions et notes. ■ — Paris, Société biblique^
de Paris, Kjao; gr. in-8", 188 pages.
La Société biblique de Paris poursuit, malgré les difficultés de
l'heure, l'impression de la Bible du Cenlenaire. Elle donnait lécemment
un fascicule renfermant la traduction annotée des Psaumes. Mais ce fas-
cicule ne saui'ait être vendu séparément, et le Comité de cette Société
décida d'en faire un extrait que l'on pût mettre dans le commerce, avant
l'achèvement définitif et encore lointain de la iilhh du Cmtena'ire.
C'est ce tiré à part que nous signalons au public savant.
Le volume débute par une note renseignant le lecteur sur le texte
suivi par- les traducteurs. A côté du texte hébreu, dit massorétique, on
a tenu un {;raiid compte des versions, nolanmient des versions jjrecques ,
des versions latines et des versions syriaques. On a attaché moins d'im-
portance aux versions secondaires, arabe, aiTnénienne, copte, éthio-
296 AVRIL-JUIN 1922.
pienue. parce que postéi'ieures et reposant généralement sur le texte
des Septante.
On a ensuite pris en considération des variantes Iiél)raïques, qui ne
sont pas incorporées dans le texte niassorétique, mais qui ont leur im-
portance, surtout dans les leçous où le texte reçu est manifestement en
mauvais état. On a enfin consulté le Targotim, écrit en araméen, et don-
nant parfois de bonnes leçons.
Après un tableau des signes et des abréviations employés dans le
corps de l'ouvrage, on aborde la traduction elle-même, où les notes en
bas de page, abondantes et concises, facilitent la lecture de passages
réputés obscurs.
Le volume se termine par une note générale sur les indications musi-
cales, littéraires et liturgiques que Ton rencontre fréquemment dans les
Psaumes, et dont une grande partie reste encore énigmatique.
Une telle publication, d'une érudition de si bon aloi, fait vivement
souhaiter l'achèvement prochain de l'oeuvre complète.
Frédéric Macler.
Aiiff. Cour , professeur à ia chaire publique d'arabe de Constantine. f/jv poète
ahabe D'AnDALovsiE : Ibn Zaïdovn. Etude d'après le diwan de ce poète et
les principales sources arabes. — Imprimerie M. Boet, 1990; 1 vol. in-8°,
a3i pages, dont 66 pages de textes arabes.
Il y a bien longtemps que Silvestre de Sacy faisait connaître aux lec-
teurs du Journal asiatique la personnalité d'Ibn-Zaïdoùn , poète arabe
d'Espagne, secrétaire et ministre (11° sér., t. XII, p. 609); il valait la
peine de reprendre cette étude sur de nouvelles bases, en utilisant les
sources, aujourd'hui accessibles, auxquelles n'avait pu atteindre le grand
promoteur des études orientales en Europe. C'est à cette tâche que s'est
consacré M. A. Cour, qui a présenté son travail, sous forme de thèse
pour le doctorat es lettres, à l'Université d'Alger; eu le lisant, nous
nous transporterons par la pensée dans cette brillante cour des khalifes
de Cordoue, que tant de souvenirs rappellent à notre mémoire.
Ibn-Zaïdoiui naquit à Cordoue même en 89/1 hég. (ioo3 J.-C); il
était un véritable Arabe, descendant d'immigrés de la tribu de Makh-
zoûm. La terminaison de son nom, semblable à celle que l'on rencontre
chez Ibn-Khaldoùn, Ibn-'Abdoùn, Ibn-Badi-oùii, indique une origine
yéménite : M. Kampffmeyer, Sudarabisches [Zcitschr. cl. cleutscli. morg.
Gesellsch., t. LIV, 1900, p. 633 et suiv. ) a, en effet, montré que ce
suiïïxe n'est pas l'augmentatif néo-latin on, comme l'ont cru Dozy et de
COMPTES RENDUS. 297
Slane, mais une nounnation de i'arabe du Sud correspondant aux suflixes
an, in. Malgré sa prospérité et ses richesses, la ville de Gordoue n'était
pas heureuse : en moins de quinze ans, elle eut à subir dix révoltes
militaires, fut pillée par les Berbères, devint victime de la peste; enfin,
sous Tautorilé nominale de rOniéyyade Hicluun III, elle constitua une
sorte de sénat qui confia le pouvoir exécutif à l'un des principaux bour-
geois do la cité, Abou'l-llazm ben Djahwar, en 628 (io3i). C'est au
milieu de cette agitation politique qu'lbn-Zaïdoûn s'éprit d'une j)rincesse
oméyyade, fille du khahfe el-Moslakfi, qui, après la mort de son père,
mena une vie assez libre et fréquenta la société des lettrés. Les amours
du poète et de Wallâda sont devenues célèbres.
L'intimité des deux amants ne dura pas fort longtemps; ils avaient à
se l'eprocher l'un à l'autre des infidélités. Ils se séparèrent, et Wallàda
trouva bientôt chez Ibn-'Abdoûs, riche notable , un protecteur généreux.
Celui-ci fit accuser le poète d'avoir détourné la succession d'un de ses
affranchis; Ibn-Zaïdoûn fut jeté en prison, d'où il réussit à s'évader. Il
se rendit d'abord à Badajoz, puis à Séville, où régnait l'émir el-Mo'ta-
did, ami des letties et des arts, qui le prit comme secrétaire, puis lui
confia la charge de ministre. Son fils et successeur el-Mo'tamid lui con-
tinua la confiance que son père avait eue dans les éminentes qualités de
son secrétaire d'Etat. Ibn-Zaïdoûn ne retouina à Cordoue qu'après la
prise de cette ville par el-Mo'tamid en /162 (1069); mais, atteint de
la fièvre et n'ayant pas voulu différer son retour dans sa ville natale,
il y dépérit et finit par y mourir le i5 l'édjeb 463 (18 avril 1071).
Les poésies d'Ibn-Zaidoùn sont d'inspiration classique; il est nourri
de la lecture des anciens poètes arabes ainsi que de Motanabbi et d'Abou'l-
'Alâ el-Ma'arrî; c'est dire tout ce qu'il y a d'artificiel dans la composition
de ses vers, qui sentent l'école, malgré la fougue avec laquelle il décrit
les passions qui l'agitent. La langue dont il se servait était celle des
Bédouins, ce qui parut ridicule à de bons esprits, frappés de ce fait
qu'un citadin chantât les chameaux du désert et les plaines sans eau,
quand il se trouvait au milieu d'une ville où le rr navire du déserta était
rare et dont les environs étaient formés de jardins et de bosquets. Il y
avait à cela encore un inconvénient plus grave : c'est que la poésie , se
servant d'un langage désuet, «■ tendait à ne plus être à la j)orlée du
grand publia (p. 187) et qu'il fallait avoir fait de longues éludes pour
comprendre le langage dans lequel le poète exprimait ses pensées;
défaut qui persiste encore dans la presse périodique de nos jours, où,
par pédanlismo, les rédacteurs se servent de termes rares, que les lec-
teurs, pour les comprendre, doivent aller rechercher dans les pages du
298 AVRIL-JUIN 1922.
Qàmoûs ou du Ltsdn. Toutefois Ibn-Zaïdoûn a cherché à sortir de la
forme de la qaçida classique ; il a composé une ordjouza et deux takhmîs
qui figurent dans le recueil de ses poésies. Ce n'est qu'au siècle suivant
que l'on verra apparaître les poésies vraiment populaires, les mowach-
chaha et les zadjal.
M. A. Cour donne en appendice le texte arabe des pièces qu'il a tra-
duites intégralement au cours de son ouvrage. Ce qui frappe les yeux au
premier abord , c'est l'absence totale de signes orthographiques , voyelles
et autres; or l'on sait comme il est ditîîciie de lire un texte poétique arabe
s'il n'offre pas, tout au moins, les principaux de ces signes orthogra-
phiques. On en est réduit à reconstituer la phrase au moyen des mètres
prosodiques, qui heureusement sont indiqués en tête de chaque mor-
ceau. Ce travail délicat n'est pas à la portée de tous les arabisants. Un
exemple entre mille : à la page 3 des textes, vers 43, on a imprimé JL«
qu'il faut lire JLi ff refuge n, comme le montrent le mètre et le con-
texte, mais, pour restituer la véritable leçon, il faut un double travail
de scansion et d'interprétation. On aurait pu éviter cette peine aux lec-
teurs, si peu nombreux que doivent être ceux-ci.
Des inconséquences se rencontrent dans la transcription, en dépit de
la table spéciale figurant en tête du volume; ainsi, p. 20 , 1. 92 , D'aqwdn
devrait être écrit D'akwdn; p. 108, asil, lire açil. Cette transcription est
aussi fâcheusement influencée par le milieu ambiant des lettrés indi-
gènes; ainsi ffMâlik, fils de Nouîra» (p. 37) est pour frMâlik, fils de
Nowaïra 1 ; même page , Samawâl rend insuffisamment compte du nom
de Samau^al.
D'autres remarques s'imposent au cours de la lecture. Page 19,
vers 9,8, la traduction : wEn ta personne la troupe musulmane a été
frappée dans son chef -5 ne rend pas compte de la métaphore du texte :
ffLa meule de l'islamisme est pleine de douleur parce qu'elle a perdu
son pivot». — P. ao, n. 1. cfLe mot mathouak signifie : ff . . . le tom-
beau.» Le texte porte ji\^ malhwà~ka ffta demeure, ton tombeau*). —
P. 96, 1. h. ffUn œil dont tu es le nafhV pleure ta séparation. « Et en
note : ffLe nadir est le nom donné anciennement au point du ciel opposé
à celui qu'occupait le centre du soleil. n Le texte, p. 5, porte : SS\j> JL^
UiliU oJl (^ ffUn œil dont lu es la glande lacrymale (=la cause des
larmes) pleure ton absence. n Nadir, en astronomie, est wJàJ. Cf. Lisdn,
VII, p. 73. — P. 28, n. 2. Mochtari ne peut signifier ffcelui qui a été
acheté à l'encan n; il faudrait viochtarà; mais l'allusion à l'astrologie est
certaine. — P. 3i, n. 1. n-Miçr, surnom de rÉgvpte" ; c'est son nom,
non son surnom; quant au sens de rr vaste étendue- .-iltribué gratuite-
COMPTES RENDUS. 299
ment à ce mot, je ne le connais pas. — P. 35. hadkadh, sorte (h médi-
cament; lire liodad. — P. 36, n. 6. ffKosroès {sic), roi de Perse. n
Kesrà du lexte est un terme générique désignant les rois de Perse de la
dynastie des Sâsànides, comme César pour les empereurs de Byzance
(n. 7). Note 9 : les Taouaifne sont pas des fr sortes de bandes militaires n ,
mais les satrapies des Achéménides correspondant aux anciens peuples
soumis par Gyrus et vivant, sous les Arsacides [moloûk et-tawdïf), d'une
vie propre sous les liens assez lâches de vassalité qui les rattachaient au
pouvoir central. — P. 87, n. 1. La légende de Dahhâk est purement
iranienne; peu importe la forme qu'elle revêt dans les traditions arabes.
Ajdihaka (sic) correspond ditficilement à kalviyrjs.
P. 38. ff Al Mahalabi , qui combattit les Azâriqa, est el-Mohallab ben
Abi-Çafra ; cf. Ghahrastâni, p. 90; trad. Haarbriicker, t. I,p. i3/i. —
P. /ji, n. 6. ffDomesticus (l'anibassadeur byzantin)." Le Domestique
était le général en chef des troupes d'Asie. — P. 62, n. 7. r Al-Ma'idi.n
Lire el-ÀIo'aïdî et consulter, sur celte sorte de monstre ou d'être funeste,
Et. Qualremère dans le Journal asiatique, nov. 1808, p. ôaS; Caussin
dePerceval, Hist. des Arabes ,i.\\ ,^. Ma; A. Fischer, dans la Z.D.M. G.,
t. LXIII, 1909, p. 39/1 et suiv. — P. /i3, n. 1. ffLes Ghoiuuii (lire
ghavodni) étaient des femmes qui, après s'être mariées, trouvaient un
moyen d'obliger leurs maris à divorcer n et conservaient ainsi la posses-
sion de leurs douaires. La lexicographie ne nous apprend rien de pareiL
La ghàniya est la femme qui est contente de son mari {Lisdn, XIX,
p. 376); plus tard ce mot, en poésie, a servi à désigner toutes les
femmes, mariées ou non. — N. 6. Sohaïi est l'étoile Ganopus; souhaiter
qu'elle épouse les Pléiades, c'est un événement qui ne se réalisera ja-
mais.
P. 5o, note. ffLes Ababils sont des oiseaux fabuleux mentionnés dans
le Coran, n En effet, la poétesse dont on cite les vers dit : min at-tatri 7-
ahàhili, ce qui prouve que cette signiGcation était admise de son temps;
mais les anciens commentateurs du Qoràn affirment que cette expression
énigmatique veut dire simplement ffen troupesn et que ce n'est pas un
nom d'oiseau. Gf. Tabarî, Tafsir, t. XXX, p. 161; Béïdâwî, éd. FIcischer,
t. II, p. /j 17. — P. 6/t, n. 1. Mosaïlama, lire Mosaïlima. — P. 65,
n. 1. 'Adhad ad Daoula, lire 'Adhod. — P. 67, 1. a et n. 1. ^^\ n'est
pas le lys, mais le myrte, dont les fleurs durent plus longtemps que les
pétales de la rose; d'où l'antithèse. — P. 73, n. 9. En présentant
Manès comme un rf réformateiu- religieux du christianisme primitifs,
l'auteur n'a envisagé (ju'un des as|)ects de ce fondateur d'mip religion
nouvelle, qui devait avoir tant de succès en Europe et dans l'Asie cen-
300 AVRIL-JUIN 1922.
traie. — P. ii/i. Abou al-Ma'ala, surnom d'un vizir. Le texte porte
Abou'l-Maali. — P. 117. ffFirqadn; lire Farqad.
P. 118, n. 5. ffLe qad'af qs\ la constellation delà Balance. ^ Cette
afllrniation est déconcertanle pour les astronomes. ooOJ! -^ ne peut
guère désigner que les étoiles filantes, lancées par les anges pour se
débarrasser des démons qui viennent écouter aux portes du paradis. — "
P. 167, note. Cbahr n'est pas une rr région du littoral du golfe Persique
entre l'Oman et Adenn ; cette définition géographique, inexacte d'ailleurs,
paraît tirée du Mérdçid el-ùiild, qui dit en eiïet que le Chili r est sur
l'océan Indien, comme il n'y a pas à en douter, puisqu'il y a encore
aujourd'hui une ville du lladramaut qui porte ce nom. — P. 1 5 1 , note.
(?)ovxJl J^l doit être lu jJlJ! Juâl cries critiques^i. A la même page,
w«Ï3 n'est pas le chacal, ^^jT^jjI, mais le loup; le sens de chacal est par-
ticulier à l'Afrique du Nord. — P. i53. Al-Bana, quartier de Cordoue.
Le texte porte (J~J\, que le mètre exige de lire ^^1. Al-Aqhouan, lire
al-Oqhowân rr jardin de la camomille''. Même page. rrUn jeune faon nous
y abreuvait du salafde son vin.n Le texte porte suldfa; comparer p. 55,
vers 5 : ffdu Salâf céleste r» , et note 6 : rrLe Saldf est la boisson du
Paradis, faite avec l'eau de Tasnîm'î , tandis que le texte a : ^çsjljJ] Ct^kL
ffle vin pur des déhcesTi; cf. Lisnn, XI, p. 60 : le suldf est la première
cuvée, ou même le jus des raisins coulant sans qu'on les presse.
Les traductions de M. A. Cour sont agréables à lire. Je souhaite
qu'elles appellent l'attention des lettrés snr cette brillante littérature
de l'Espagne musulmane, si peu connue en dehors d'un petit cercle de
spécialistes.
CL Hdart.
CHRONIQUE
ET NOTES BIBLIOGRAPHIOUES,
PERIODIQUES.
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L, Metson. The Siluation in India. — H. Graik. Britain's Responsibi-
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Near Eastern Seulement. — R. de Belleval. The Empire of Annam and
France. — G. Bower. Peace in the East.
E. A. CoTTON. Castes and Gusloms in Malabar. [Article très docu-
mente et très instructif, rédigé avec beaucoup de méthode : Le Malabar,
situation géographique, organisation administrative, richesse écono-
mique; résumé d'histoire; religion; les castes : les Nayars, les Izhuvans,
les Mukkavans, les castes inférieures; la famille; le vêtement; coutumes
diverses. ]
M. Frewen. The Export Trades of the United Kingdom and the United
States to Asia. — G. Pollock. The VVealth of the Netherlands East
Indies. — St. Rice. Wit and Humour of the Hindus.
J. A. Sandbrook. a hundred years of Journalism in India. [Courtes
notices sur divers journaux iiindous,]
The School of Oriental Studies : A five y cars' Survey. [Notice sur
l'Ecole de Langues orientales annexée en 1916a l'Université de Londres;
l'organisation; les divers enseignements : plus d'une cinquantaine de
langues orientales font l'objet des cours et leçons.]
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ancient Sumerian Name of Babyion. — H. R. Hall. The Egypl Explor-
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D. A. WiLso-s. Two songs for VVidows. | Traduit (hi chinois.]
302 AVRIL-JUIN 1922.
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\ estiges de Vihâr Thoni. — L. Finot. Le tricùla inscrit de Pn'ili Vihâr
Thom. — G. CoEDÈs. Note sur une statuette cambodgienne de la Prajnà
Pciramità ; - A propos des meules de pierre appele'es rasuh batau.
G.-C. Toussaint. Le Padma than yig.
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Journal of the American Oriental Society, vol. à\, fasc. 5 :
In memoriam, Morris Jaslrow, Jr. — J. Morgenstern. Morris Jastrow,
Jr. , as a Biljlical Critic. — G. A. Barton. The Contributions of Morris
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CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 305
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P. Martv. Nécrologie saharienne : Kaossen, Moussa ag Amastane, Ti-
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— Documents sur la situation sociale dans l'Inde et sur les projets de
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Vol. 48 (décembre 1921) :
J. Castagne. Notes sur la politique extérieure de l'Afghanistan depuis
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T'oungPao, 1920-1921, n°' 3-6 :
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Nécrologie. Jules Harmand , par Henri Cordier.
N"5:
A. C. MonLE. A smail contribution to the study of the bibliography
of Odoric. — P. Pelliot. Note sur les T'ou-yu-houen et les Sou-p'i. —
A. Stein. La traversée du désert par Hiuan-tsang en 600 ap. J.-C. —
C. Mathieu. Le système musical.
Note. L. DE Saossdre. L'étymologie du nom des monts K'ouen louen.
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G. Brockelmaniv. Die morgenlàndischen Studien in Deutschland. — r
G. H. Becker. Der Islatn im Bahraen einer allgemeinen Kulturgeschichte.
— H. ZiMMERN. Babylonische Vorstufen der vorderasiatischen Myslerien-
religionen? — H. Gunkel. Die Komposition der Joseph-Geschichten. —
A. Erman. Das Wôrterhuch der agyptischen Sprache. — Br. Meissner.
Die gegenwiirtigen Hauptprobleme der assyiiologischen Forschung. —
Fr. RosEN. Der Einfluss geistigor Stromungen auf die poHtische Ge-
schichle Persiens. — Fr. Babinger. Der Islam in Klcinasien.
Hespéris, t. I, 199.1, 3° trimestre :
H. DE Castries. Les signes de validation des (^.hérifs saadiens, avec
16 figures et 7 planches (l'auteur a pu déchiffrer le *^Uc 'alâma ou
SOfi AVRIL-JUIN 192 2.
seing des Saadiens, (|iii n'est autre que la formule pieuse : 'siJL^ *ij o^JiÂ
tria louange à Allah seulement^i, c'est-à-dire : Allah seul est digne
d'être loué), p. aSi-aÔQ.
E. Laoust. Noms et cérémonies des feux de joie chez les Berbères du
Haut et de l'Anli-Atlas (suite), p. 253-3i6, avec i5 planches.
J. GouLVEN. Notes sur les origines anciennes des Israélites au Maroc,
p. 3i7-33G.
HoccEiN Kaci. Les cérémonies du mariage à Bahlil, p. 'do']-dliQ.
J. HuGUET. Le diplomate Ghéuier au Maroc, p. SliS-'dUj.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
SEANCE DU 12 AVRIL 1922.
La séance est ouveite à 5 heures, sous la présidence de M. Senart.
Etaient présents :
M. HiAitT, oice-prcsidenl ; M"" Gisabowska; M"' Lalod; MM. Basma-
DJiAN, Blocii, Bouudais, Bodvat, Danon, Dklaportk, Ferrand, Graffin,
Lacrentie, h. Maspkro, (j. Maspero, Masson-Oursel, de Maydell, Pel-
LiOT, PuzvLUSKi, Bavaisse , SiDERSKY, Stern, membres; Thuueau-Dangin,
secrétaire.
Le procés-verbal de la séance du i o mars est lu et adopté.
Sont élus membres de la Société :
MM. M. DuNAN, présenté par MM. Clermont-Ganneau et Diissaud.
J. ViAU, présenté par MM, Clermoxt-Ganneau et Dussaud.
D. B. Hadjibekli, présenté par MM. Huart et Bouvat.
H. Laijrentie, présenté par MM. Meillet et Macler.
Gustave Mercier , présenté par MM. Galdefrov-Demombv.nes et
Louis Mercier.
Charles Boreux, présenté par MM. Bénédite et Thureau-Dangin.
M. Stern offre à la Société le premier fascicule de la revue Arts et
A rclu'otoffie khmers.
M. lluART lait une comininiicalion sur la valeur histori(|ue dos mé-
moires des derviches tourneurs (voir IMnnexe au procès-verbal).
Ubservatioas de M. Pelliot.
308 AVniL-JtJIN Î9âl
M. Pelliot Aùt connaître la nalure et le contenu de quatre documents
qui lui ont été récemment envoyés de la Bibliothèque du Vatican pour
identification, et dont il a déjà dit quelques mots à l'Académie des
Inscriptions. Ces quatre documents sont : i" L'original persan , jusqu'ici
inconnu, de la réponse du grand khan Guyuk au pape Innocent IV.
Cette réponse, datée de 1266, fut rapportée par Plan Carpin; on ne la
connaissait jusqu'ici que par trois versions latines assez divergentes
entre elles. -2° Une lettre mongole du khan mongol de Perse Arghun ,
écrite en 1290, et répondant à une lettre où le pape l'avait exhorté à
se faire chrétien. 3° Un laissez-passer en mongol, adressé au pape par
Arghun en 1291 en faveur d'une mission d'évêques dont le chef devait
s'appeler Gérard. k° Une lettre mongole du khan mongol Ghazan,
écrite au printemps de i3o2, rappelant des missions antérieures, entre
autres celle de Bisqart (qui doit être le Guiscardus connu dans les
archives vaticanes sous l'année 1 Sot), et exhortant le pape à ne pas man-
quer au rendez-vous pour une action commune contre le sultan mam-
louk d'Egypte. Le texte et la traduction de ces documents paraîtront
dans la Revue de l'Orient chrétien.
La séance est levée à 6 heures et demie.
ANNEXE AU PROCES-VERBAL.
DE LA VALEUR HISTORIQUE DES MEMOIRES
DES DERVICHES TOURNEURS.
En publiant, il y a quatre ans, le premier volume de ma traduction
du Ménâqib el-'Àrifin d'Aflùkî, sous le titre de ffLes saints des derviches
tourneursii, j'écrivais ceci dans la préface : rrCelte traduction n'est
point destinée à éclaircir des points historiques obscurs; le côté histo-
rique est même laissé complètement de côté; il s'agit bien plutôt de
faire connaître le milieu intellectuel et moral dans lequel a pris nais-
sance et s'est développé un des grands ordres religieux musulmans. «
S'il est vrai qu'il n'y a point d'histoire à proprement parler dans l'ou-
vrage d'Allâkî, il est non moins certain qu'étant donné l'obscurité qui
règne sur les événements dont l'Asie Mineure a été le théâtre au xiii" et
surtout au xiv' siècle — nous n'avons pour cette dernière période que
SOCIETE ASIATIQUE. 309
les renseignemenls épars dans Ibn-Batoùta et le Mésdlik el-Ahçàr — les
récils recueillis par ce derviche côloient par endroits des phénomènes
historiques et complètent, par certains détails, la prose officielle des
chroniqueurs attitrés.
Le père du poète persan Djélâl-ed-Dîn Roûmî, fondateur de l'ordre,
qui se nommait Béhâ-ed-din Wéled, avait dû quitter Balkh sous le
règne du Khàiezm-châh 'Alâ-ed-din Mohammed , lils de Takach et père
du valeureux et infortune- Djélâl-ed-din Mango-hirti. Son exil volontaire
était dû à la pression exercée sur l'esprit du souverain par les docteurs
de la loi, jaloux du succès de ses prédications, qui n'hésitèrent pas à
l'accuser de comploter le renversement du Sultan. 11 se rend d'abord
à Bagdad, puis accomplit le pèlerinage de la Mecque; à son retour, il
passe par Damas, où régnait, non El-Mélik el-Achraf, comme le dit
l'auteur, mais el-Mélik el-Mo'azhzham , son frère. Béhâ-ed-din ne s'ar-
rêta pas dans celte ville; une volonté supérieure le poussait vers l'Asie
Mineure, possédée alors par les Seldjouqides de Roùm. Le Seldjouqide
'Alâ-ed-dîn Kaï-Qobâd 1" avait été inironisé à Siwàs en 1219.
Béha-ed-din Wéled passe à Erzindjàu et refuse d'entrer dans la ville.
Celle-ci était alors gouvei-née par un prince de la dynastie des Mengoû-
djékides étudiée par M. Houtsma dans le Keleti Stemle (t. Y, p. 277),
Fakhr-ed-din Behrâm-Châh, qui, en présence du refus du voyageur
d'entrer dans sa capitale, lui construisit, dans le village d'Aq-chéhir, un
collège où le derviche séjourna quatre ans. Le fait intéressant, c'est la
part prise à cette détermination par la femme de ce prince, 'Içmèti-
khâtoûn. Plus d'une fois notre chroniqueur, loin d'imiter la réserve des
historiographes, n'hésite pas à divulguer la part prise par les femmes
aux résolutions des gouvernants d'alors.
Après la mort de son protecteur et de sa femme, Béhà-ed-dîn entre
sur le territoire de Kaï-Qobâd I" et descend dans la ville de Larenda,
aujourd'hui Qaramân, où il est reçu par le gouverneur, nommé Emir
Moûsà. Au bout de quelque temps, le Sultan lui-même veut voirie der-
viche étranger et l'invite à venir s'établir à Qonya , sa capitale. C'est là
qu'il mourut en 1 âSi.
Un an après la mort de son père, Djélàl-ed-dîn entreprend le voyage
de Syrie et descend à Alep dans le collège llalàwiyya, voisin de la
grande mosquée et probablement une transformation de l'ancienne
cathédrale chrétienne. Il rencontre dans cette ville Kémàl-ed-din Ibn-cl-
'Adhu, l'hislorien, ffhomme démérite, 1res savant, au cœur éclairé et
croyante. Au bout de quelques mois, le prince de Qonya, 'Izz-ed-dhi
Kaï-kâoûs II, petit-fils de Kaï-Qobâd, fait rechercher le derviche et
310 AVRIL-JUIN 1922.
réclame son relour dans sa capitale, (lomnio ce prince a n-gné à partir
(le 644 (i24G), cela fixe Tépoque où ce voyage aurait eu lieu.
En GSy (1269), Houlagou qui, Tannée précédente, s'était emparé
de Bagdad, dirige une expédition contre la Syrie, s'empare d'Alep et
investit Damas; ses troupes étaient commandées par Kîtou-bogba. Cette
expédition fut inl'ructueuse, non |)as en ce sens que la ville de Damas
ne tut pas prise, au contraire; elle capitula, mais K<tou-bogha fut tué à
la bataille d'Aïn-Djàloùt.
Un ministre des Seldjouqides dont le nom revient fréquemment sous
la plume d'Aflâkî, c'est le Perwànè Mo'in-ed-din Soléïman, qui paraît
avoir été le grand protecteur de l'ordre. On appelait pei^dnè, à Qonya,
le cbef de la cbancellerie du palais, qui semble avoir exercé en même
temps les fonctions de grand chambellan, maître des cérémonies de la
cour. C'était un personnage considérable. Mo'în-ed-din fut le ministre
de Ghiyâth-ed-dîn Kai-Khosrau H; Qylydj-Arslan IV lui avait donné en
fief la ville et le territoire de Sinope, dont son fils, marié à une fille de
Léon III, roi de la Petite-Arménie, hérita après lui. Il se rendit ensuite
à la cour des princes mongols; plus tard, convaincu de trahison, il fut
condamné à mort et exécuté, par oidre d'Abaqa, à Alataq, le 98 juillet
1278; rril le fist trancher j)ar min, dit l'histoi'ien arménien Haylou.
D'après Mîrkhond , il était originaire de la ville de Kàchàu en Perse.
'Izz-ed-dîn Kaî-Kàoùs H, petit-fils d"Alà-ed-dîn Kaï-Qobàd, ne parta-
geait pas les idées de son grand-père au sujet des services qu'on pouvait
attendi'e des derviches tourneurs. Il fit des objections à son ministre
Gheras-ed-dîn Içfahânî : ;>• Pourquoi vas-tu continuellement voir le supé-
rieur de ces religieux, lui manifester de ramiti(', alors que tu te tiens à
l'écart des autres grands personnages ?n Le ministre, en faisant allusion
aux miracles attribués à Djélàl-ed-dîn, inspira au Sultan le désir
d'éprouver le talent de divination des derviches; celui-ci mit dans une boîte
d'or, à i'insu de tous, un petit seipent qu'il avait trouvé dans ses pro-
menades autour du kiosque de Filou bàd; le cheikh Çaiàh-ed-dîn, sur-
nommé Zerkoiib parce qu'avant sa vocation il avait été batteur d'or,
devina immédiatement ce que contenait cette boîte.
Un miiiistre du sultan 'Izz-ed-din Kaï-Kâoùs II, ce fut le qàdî Izz-ed-
dîn de Qonya, qui fit élever la mosquée cathédrale de cette ville.
Un autre ministre du même prince, Fakhr-ed-dîn 'Ali ben el-lloséïn,
a laissé à Qonya des souvenirs encore vivaces aujourd'hui; car son mau-
solée, encore debout, est connu sous le nom de çàhib-'atd rrle bienfai-
teur n, appellation qui coriespond exactement à celle d'Abou'l-Khaïràt
qui lui est donnée par notre auteur. J'ai relevé à Qonya l'inscription
SOCIETE ASIATIQUE. 311
de sa pierre lombale, qui e'tablit que sa mort eut lieu en décembre
1985.
Le sultan Rokn-ed-dîn Qylydj-Arslan IV assistait aux exercices des
derviches. Il eut limprudeuce de se rendre' également à une séance du
même genre tenue par le chéïkh Bàbà de Mérend, ce qui faisait concur-
rence aux Mau}a\Yis. Djélàl-ed-dîn sortit furieux , et l'on ne manqua pas
d'attribuer à TefTet de sa colère la tragédie qui termina la vie de ce sou-
verain. Les émirs, chefs des troupes, tinrent conseil à Aq-Chéhir sur la
"manière de repousser l'invasion mongole. Le sultan s'y rendit, fut attiré
dans un lieu solitaire et étranglé au moyen d'une corde. Cela se passait
en 663 (i96i).
Kémàl-ed-dîn Kàbî, un des grands juges de l'Asie Mineure, se rendit
en 19 58 à Qonya pour y voir le sultan 'Izz-ed-din Kaï-Kàoùs, terminer
les affaires de la province des Dànichmendides (Sîwas) et rapporter des
firmans et des diplômes. Nous apprenons à cette occasion le nom de la
femme du sultan Rokn-ed-dîn Qylydj-Arslan IV; elle se nommait Koi\-
màdj-khàtoùn de Toqat.
En 19 55, une armée mongole sous les ordres de Bâdjoû, proprement
Baïgou , mit le siège devant Qonya. Djélàl-eJ-dîn pratique les rites de
la prière canonique sur une colline en dehors de la ville; les Mongols
l'aperçoivent et le couvrent d'une pluie de flèches, sans résultat. Baïgou
lui-même lance un trait qui revient sur sa trajectoire et retombe au milieu
de l'armée; il veut pousser son cheval en avant, celui-ci reste pétrifié
sur place. Le chef mongol sécrie alors : rrCet homme appartient au
^aratghàn (en turc oriental, le Créateur); il faut s'abstenir de le mettre
en colère." Finalement la ville fait acte de soumission, et les Mongols la
démantèlent, à l'exception de la citadelle, parce que celle-ci renfermait
les tombeaux des anciens sultans.
L'atabek Arsian-Doghmouch est encore un personnage historique; il
fit élever à Qonya un medresé qui fut appelé, d'après son titre, le col-
lège Atàbékiyyé. 11 avait stipulé, dans l'acte de fondation, que le pro-
fesseur qui y donnerait des leçons appartiendrait au rite hanéfite, et de
plus serait allilié au mysticisme. Ces conditions déplurent aux derviches,
qui prétendaient qu'aucune condition ne pouvait être posée à l'occasion
d'une œuvre charitable.
'Alam-ed-dîn Qaïçar était un des généraux du sultan Ghiyâth-ed-dîn
Kaï-Khosrau III, fils de Rokn-ed-din Qylydj-Arslan IV. On nous le repré-
sente comme vendant tous ses biens [lour j)ayer le prix du sang d'un
individu qu'un [tn'dicaleur, favorable aux derviches, avait assommé
d'un coup de poing en descendant de la chaire.
312 AVRIL-JUIN 1922.
Ciaïklialou envahit l'Asie Mineure à la tête d'une arme'e nombreuse et
vient (•;im|)er devant Qonya. C'était en 1291; il s'agissait d'y étouffer
une révoile. L'ilkhan entra sans difllculté dans la ville avec deux ou
trois niiiio hommes de troupes, et descendit dans le palais royal. On lui
apporta des présents qui parurent le satisfaire. Naturellement les der-
viches attribuèrent la mansuétude de rilklian à l'intervention de DjéhU-
cd-dîn, ou plutôt de son ombre, car il était déjà mort.
Une sérieuse concurrence se présenta aux deiviches tourneurs lors
de l'arrivée à Qonya de Tàdj-ed-din, qui était le propre fds d'Ahmed
er-Rifâ'î, fondateur de l'ordre des Rifà'iyya ou derviches hurleurs. On le
logea, ainsi que sa suite, ses adeptes et ses élèves, dans le collège de
Qarataï, monument connu depuis que j'en ai donné la description. Tout
le monde voulut aller voir ces gens qui passaient à travers le feu, se
mettaient dans la bouche des fers rouges, mangeaient des serpents,
avaient des sueurs sanguinolentes , se lavaient avec de l'huile bouillante ,
et se livraient à la prestidigitation, toutes choses que ne pratiquent
point les Maulawis. Les fenmies, encore plus curieuses que les hommes,
y entraînèrent la femme même de Djélàl-ed-dîn, Kirà-khàtoiin, sans
l'autorisation de son mari, ce qui lui valut une punition : saisie par le
froid , elle ne put plus jamais se réchauffer.
Sultan Wéled, fds de Djélàl-ed-dîn, reçut un jour la visite du noijan
Irendjin, oncle maternel d'Euldjaïtou , gouverneur de l'Asie Mineure
en 71/1 (i3i/i) [d'Ohsson, IV, 076], qui lui posa cette question : rrNos
bahhchi affirment que les dieux sont au nombre de quarante. Cette doc-
trine a-t-elle une réalité?" Le derviche se tii-e d'affaire en expliquant que
sur ces quarante dieux, il y en a un qui est le Dieu suprême auquel
obéissent les trente-neuf autres, ce qui sauve l'idée de l'unité de Dieu;
et il lui donne comme exemple les serviteurs de sa propre maison, qui
le reconnaissent comme leur maître, tandis que lui-même est le servi-
teur de l'ilkhan régnant en Perse, soumis lui-même au grand Khàqàn,
l'empereur mongol.
Du leni[)s de Ghazan, le gouverneur mongol de l'Asie Mineure était
le noyan Apichqà, que notre auteur représente comme extrêmement
bienveillant pour les sujets de l'empire et équitable; on l'appelait,
paraît-il, rrlo prophète glabre n, par allusion à la rareté des poils carac-
térisant la physionomie des Mongols. 11 était, d'ailleurs, musulman
orthodoxe.
A l'époque où Ghazan-khan venait de monter sur le trône de Perse,
le Tchélébi 'Arif, fils de Suilàu-Wéled et petit-fils de Djélàl-ed-dîn
Hoùmî, éprouva le désir de visiter T'Iràq-'Adjéinî et de se mettre en rela-
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 313
lions avec les mystiques de ces contrées. A Erzeroiim , il rencontre le
grand-fiiuconnier de 1 llklian, qui était le fils d'un des émirs des Scldjou-
qides de Roum et s'appelait Touman-beg, fils de Qilàwoùz; il lui rend
le service de lui ramener un Aiucon échappé. Ce fauconnier parla de lui
à Ghazan, et la femme de celui-ci, Iltirmîcli-khàtoùn, organisa une
séance de danse rituelle qui fut l'occasion de gialifications somptueuses.
Les derviches avaient d'ailleurs un prolecteur dans la personne de
Medjd-ed-dîn Atàbéki, qui obtint la nomination, en qualité de roi de
l'Asie Mineure, de 'Alà-ed-dîn Kaï-Qobàd 111, intronisé en 1297 et des-
titué en i3oo.
Le biuil s'était répandu en Asie Mineure qu'Euldjaïtou avait embrassé
le parti des Chi'ïtes et avait envoyé à Médiue des gens chargés d'enlever
de son tombeau le corps d'Abou-Bekr. Sultan Wéled envoie son fils
'Arif pour tacher de ramener l'ilkhau à l'orthodoxie; il part en i3i5,
mais, arrivé à Baïbourt, il y apprend, en i3i6, la mort d'Euldjaïtou.
Continuant son voyage , il trouve la ville de Sultàniyyé en deuil ; néan-
moins, il y donne une séance. Les ministres, Rachîd-ed-dîn , 'Ali-chàh
et autres , sont scandalisés ; ils envoient demander ce que cela veut dire :
ffSi voire souverain est mort, répondit 'Arif, le nôtre est toujours vivant,
car il est éternel, -n
Nous rencontrons des noms de gouverneurs de villes : Ghodjà'-ed-din
Inandj-beg à Lâdiq, Mohammed-beg, fils de Torontàï, à Qonya.
La domination mongole s'affaiblit; des velléités d'indépendance se
manifestent de toutes parts. En ce qui concerne Qonya , on nous parle
d'un certain Mohammed-beg, fils du Khàdjè Çadr-ed-din Balifidhoimî,
ethnique étrange qui paraît se rattacher au nom de la ville de Bolivvadin,
Polybotum des Byzantins, près d'Afyoun-Qara-Hiçàr. Ce personnage
était devenu roi de la capitale et jouissait d'une grande considération. 11
n'hésita pas à poursuivre dans la maison même de Sultan Wéled un
individu auquel il en voulait. La punition ne se fit pas attendre : cfMo-
hammed-beg fut pris par la colère des hommes; en dix jours, de la tota-
lité de cette famille et de ce clan, il ne resta personne; tous moururent
de mort subite, tant hommes que femmes, à tel point qu'il ne resta
même pas un chat dans leur maison, n
Le pouvoir des Mongols s'estompe et disparait. Masoûd-beg, fils de
Mentéché, dont le nom ne se retrouve pas dans les historiens, paraît
avoir été indépendant; on note aussi le nom de son fils Chodjà'-cd-dîu
Orkhan.
La dynastie de Qaramàn s'installe à Larenda; le gouverneur qu'elle
avait nommé à Qonya , Djélàl Koiilchek , profitant de l'absence du Tché-
3U AVRIL-JUIN 1922.
\é\n 'Arif, fait enlever un bassin de marbre envoyé jadis de Kutabia à
Sullân Wéled. Au retour de son voyage, le chef de la confrérie s'aper-
çoit de la disparition du bassin; il le réclame, et Bedr-ed-din Ibràliim-
beg le lui fait restituer incontinent.
Nos derviches, préoccupés de leur vie mystique, ne songeaient pas à
la politique. Toutefois, au début du xiv' siècle, ils prennent parti entre
les deux pouvoirs qui se partageaient l'ancienne Lycaonie, et, chose
inattendue , ils se tournent du côté des Mongols. Voici le passage d'Aflàki
relatif à cette question :
Du temps de la dynastie de Qaramnn qui régnait à Qonya, le Tchélébi ' Arif
[pelit-flls et successeur de Djéiàl-pd-din Roùmi] était partisan des Mongols,
ce qui attristait ces princes; ils étaient d'un avis contraire au sien et lui di-
saient : «Tu ne veux pas de nous, qui sommes tes voisins et les amis du
grand Maître; tu préfères les Mongols, qui sont des étrangers. — Nous sommes
dos derviches , répondit le Tchélébî ; nos regards sont dirigés vers la volonté
de Dieu, pour voir qui il préfère et à qui il confie le gouvernement de son
empire; nous sommes de son côté, et c'est lui que nous cherchons. Actuelle-
ment, Dieu ne veut pas de vous; il est puur raruiét' mongole; il a enlevé
l'empire aux Seldjouqides pour le confier aux descendants de Tchinggiz-khan.
Nous voulons ce que Dieu veut. 75 Cependant les fils de Qaramân, bien qu'amis
sincères et disciples de cet ordre religieux, étaient fâchés et se tenaient sur
leurs gardes par rapport au Tchélé])i.
Cette situation n'eut d'ailleurs d'autre suite que de causer indirecte-
ment la mort du gouverneur de la citadelle de Qonya, un borgne nommé
Qilidji Béhàdour; ayant eu l'imprudence de hive frapper à coups de
fouet la croupe du cheval que montait le Tchélébî 'Arif, il sentit bientôt
au ventre une tumeur qui l'emporta promptement.
Dans la ville de Bey-Chébri, nous trouvons un émir, Mobài'iz-ed-din
Moliammed-beg, lils d'Achraf, protecteur de nos derviches. Son fils
Soléïmàmdiùh , qui lui succéda, vit sa capitale conquise par Témur-
lach et fut noyé dans le lac qui avoisine cette localité.
Ce Téuujr-tach était le fils du général mongol Tcbobau; désigné
comme gouverneur de l'Asie Mineure, il se révolta en i329 contre
Abou-Sa'îd, et fut ensuite pardonné; plus tard il se réfugia en Egypte
et y fut exécuté en 1898. D'après notre auteur, c'est en i.'5«^o qu'il avait
expulsé de Qonya la dynastie de Qarauuui, réduite à la possession de
Larenda. On le représente comme fort généreux et juste, religieux et
jirobe. Pour j-amencr à l'obéissance la tribu turque des Oûdj, il choisit
le d(;rviche 'Aiif comme ambassadeur; celui-ci. au retour de sa mission,
ne retrouva plus j)ersonne; tous étaient j)artis pour la Syrie, c'est-à-dire
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 315
qu'ils avaient suivi Téniur-tach lorsque celui-ci jugea à propos, à son
grand dam, de se r(^fugier auprès des Mamlouks.
A Kutahia, Yaqoiib-beg, arrière-petit-fils de Germiyàn, avait installa
un pouvoir indépendant. Le derviche Arif eut une entrevue avec lui à
Làdiq. Mohainnied-beg, fils d'Aïdin, n'avait pas encore conquis la région
de Bourgi et était un simple officier, souharin, au service de ce même
Ya'qoùb-beg. Un de ses successeurs, Oumour-[)acha, que les historiens
ottomans appellent Ouinour-beg, s'était signalé par des expéditions
maritimes et s'était même emparé de l'île de Chio, qu'U avait constituée
en fief à son bénéfice particulier; il mourut d'un coup de flèche devant
Smyrne, qu'il essayait d'enlever aux Latins.
Les femmes avaient aussi leurs réunions particulières. Chaque nuit
précédant le vendredi, toutes les grandes dames se réunissaient chez la
femme d'Amîn-ed-dîn Mik;Vd, lieutenant particulier du sultan, qui jouis-
sait de la faveur de Djélàl-ed-din; celui-ci l'appelait chcïkh el-kltawdtîn
ffla directrice spirituelle des dames 55. Sans qu'on eût besoin de l'en pré-
venir, il se rendait à la demeure de cette dame, après la prièie de la
nuit close; il s'asseyait au milieu du cercle formé par les assistantes et,
jusqu'à minuit, prononçait un sermon mystique entremêlé de conseils
moraux, pendant qu'on jetait sur lui de l'eau de i-ose et des pétales de
rose que l'on conservait ensuite comme amulettes. Puis de jeunes es-
claves récitaient des poésies, des joueuses de tambour de basque et de
flûtes préludaient, et le derviche se mettait alors à danser la danse
rituelle jusqu'au matin; après avoir accompli la prière canonique, il s'en
allait.
Gurdjî-khâtoùn nous est représentée comme une grande bienfaitrice
des derviches; on l'appelait la sultane, et Aflàkî lui concède même le
titre d'ft épouse du sultan n. C'est une erreur; Curdji-khâtoûn était la
femme du Perw^ânè Mo'in-ed-dîn. On l'appelait sultane parce qu'elle était
de race royale, étant fille de Ghiyâth-ed-din, prince d'Eizeroum, et
d'une princesse de Géoi'gie. Au rapport de Nowaïri, elle mourut à
quatre journées de distance de Césarée de Cappadoce, quand elle dut
abandonner cette ville au moment où les troupes des Mamlouks, con-
duites par Béïbars, l'occupèrent à la suite de la bataille (rLlhislan en
676 (-1277). où les Mongols avaient été défaits par les l']{>yptiens. Sa
lille, 'Aïn-el-llayât, habitait Krzcroiun et enlreteuait des rapports ami-
caux avec nos derviches.
Deux sultanes moujjoles sont cilées dans les M('moires. La première
est Pacha-khàtoûn, ipie les hisloriens persans appelhîut IVulichâh-kha-
loûn: elle avait été l'épouse d'Abatia; devenue veuve, le fils de ce sou-
316 AVRIL-JUIN 1922.
verain, Gaïkhatou, avait, suivant l'usage mongol, épousé sa belle-
mère et, en 1293, il lui avait attribué la principauté du Kirmân, dont
son père Qolb-ed-dln avait été souverain. Il parait qu'après l'assassinat
de Gaïkhatou elle s'était j'etirée à Erzeroum; elle était, nous apprennent
les Mémoires, une des amies de la famille du Grand Maître; elle aimait
beaucoup le Tchélébî 'Arif , qui apprit sa mort par une révélation mys-
térieuse et la pleura. Une allusion à sa principauté du Kirmàn se
retrouve dans un vers composé à cette occasion : ffCe roi qui dévore le
royaume du Kirmân, aujourd'hui ce sont les vers [hirmdn) qui le dévo-
rent à son tour."
La seconde est Utirmich-khâtoûn , une des huit femmes de Ghazan.
Elle profita de la présence du même 'Arif à la cour du souverain mon-
gol pour donner une séance de derviches tourneurs, qu'elle récompensa
libéralement, et devint même, dit l'auteur, ffune des élèves sincèresn.
Koûmàdj-khàtoùn était la femme du Seldjouqide de Roura Rokn-ed-
dîn Qylydj-Arslan IV; elle était originaire de Toqat; elle fit cadeau à
Djélâl-ed-din Roùmi de dix paniers de sucre candi ; c'est elle que le der-
viche vint prévenir qu'une voûte du palais allait s'effondrer. Après la
mort du sultan, elle paraît s'être retirée dans la ville de Toqat où elle
était née.
Une autre élève du Maître était Nizhâm-khfttoûn , que les Mémoires
qualifient de sainte et qui ne possédait pour toute fortune qu'un voile
tissé à Boûra, en Egypte; elle voulait le vendre pour payer les frais d'un
concert; mais Djélàl-ed-dîn Roûmî, ayant connu sou intention, le lui
défendit et vint chez elle donner un concert rituel sans l'obliger à des
dépenses.
Fakhr-en-Nisà tria gloire des femmes 1 était une sainte de la ville de
Qonya; ff c'était une dame pieuse et sincère; elle était la Rabî'a 'Ada-
wiyya de son temps. Elle était parfaite, et elle accomplit des miracles
évidents. 7) Elle voulait faire le pèlerinage de la Mecque; Djélàl-ed-din
lui montra, dans une vision, la Ka'ba elle-même faisant des tournées
rituelles autour de sa propre personne. Un jour que des voyageurs
étaient arrivés de Bokhara , elle leur apporta un plat de halwd foit à la
mai.son. Un quartier de la ville de Qonya avait conservé son nom.
Il y avait, dans cette même Qonya, une dame très belle qu'on appe-
lait la (ille d'Avériyà; elle était foit à Taise. Elle devint éprise d'Arif et
sacrifia toute sa fortune [jour les derviches; mais 'Arif ne répondit pas à
ses avances et se tint sur la réserve. Elle fut assassinée par ses esclaves.
Dans la ville de Toqat déjà citée, 'Arif avait un représentant dans la
personne de la dame Khoch-Liqâ, savante mystique, qui eut pour dis-
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 317
ci|)los les ferames de la région. G elait d'ailleurs ud des centres du fémi-
nisme, car nous y trouvons un cercle de femmes s'intéressant aux der-
viches; en dehors de la sultane Koùmndj-khàtoiin , on y rencontre Khà-
wend-Zâdè, ûile du Perwânè Mo'in-ed-din , la fille du Ghéràb-Sâlàr dont
on ne nous communique pas le nom , et une autre dame appelée Mos-
taufîL Enfin, la conversion de la harpiste Tà'oûs forme un agréable
intermède : elle habitait, à Qonya, dans le caravansérail du ministre
Divà-ed-din; sous l'influence de Djélàl-ed-dîn Roûmi, elle renonce à sa
vie aventureuse et épouse Chéref-ed-din, le trésorier du sultan.
Comme on le voit, ce sont surtout des noms propres que nous a con-
servés le recueil de biographies d'Aflâki; les uns sont connus par
ailleurs, les autres sont nouveaux. En tout cas, les mémoires des der-
viches tourneurs présentent un certain nombre de renseignements qui
viennent compléter ceux des historiens, et des appréciations sur le rôle
de plusieurs personnages, qu'il ne convient pas de dédaigner. L'ouvrage
d'Aflâkî, composé d'après des témoignages oraux un siècle et demi
après les plus anciens incidents qu'il relate, peut être considéré, une
fois dégagé des légendes hagiographiques qui l'encombrent, comme un
tableau fidèle des premiers temps de l'existence des deiviches Maulawîs
sur le sol de l'Asie Mineure.
Cl. HUÀRT.
SEANCE DU 12 MAI 1922.
La séance est ouverte à 5 heures sous la présidence de M. Senart.
Etaient présents :
M. HnART, vice-président; M'"" Grabowska; M"° Lalou; MM. Basma-
DJiAN, Bigaré, Bouedx, Bohrdais, Bouvat, Casanova, Danon, Ferrand,
Mayer Lambert, Lecerf, Maduolle, Maspero, Masson-Oursel, Meillet,
MiNORSKY, MoRET, Ort, Pelhot, Polain , Przyluski, Sidersky, Stern,
Weill, Zalitzky, membres; Thureau-Dangin, secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du i-.>. avril est lu et adopté.
Est élu membre de la Société :
M. Jarl Charpentier, présenté [)ar MM. Senart et Ferrand.
318 AVRIL-JOIN 1922.
Les ouvrages suivants sont offerts à la Société :
Les Saints des Derviches tourneurs (2 volumes), par M. Clément
Hdart ;
Notes sur la Secte des Ahlé-Haqq ^ ipar M. V. Minorsky.
M. Masson-Oursel fait une communication sur la physiologie mystique
de l'Inde , c'est-à-dire l'examen des fonctions organiques imaginées en ce
pays pour transcender les conditions normales de la vie en vue de l'ob-
tention d'une fin absolue. M. Masson-Oursel croit pouvoir restituer, à
travers l'influence continue du Yoga, trois types ou pbases de physio-
logie mystique. Le système pneumatique àe.s fvânas, cii'culant dans les
artères , ayant pour centre le cœur et ne sortant pas du corps tant que
dure la vie, lui paraît la plus ancienne conception. — crMais le Brah-
manisme y opposa, puis y mêla une doctrine inspirée du symbolisme
igné : la nécessité, mais aussi la difficulté d'identifier les éléments
prâna et tejas expliquent la plupart des incohéj-ences de la psychologie
des Brâhmunas et des llpanisads. Avec le symbolisme igné, une artère
particulière, la summnâ, prenait une importance exceptionnelle, et
l'idée apparaissait, d'une évasion de l'âme par une fente ciânienne. —
La théorie des cakras, vers l'époque tantrique, s'empai'a de cette con-
ception; cependant, cessant de tenir le cœur pour foyer unique de la
vie, elle remplaça la considération des artères par celle du canal médul-
laire, aussi vertical que la susumnà, mais partant de la base du tronc;
les notions de souille ou de feu céilèrenl la place à l'idée d'une çahli qui
coïncide en droit avec l'absolu, seigneur des âmes, mais qui, en fait,
tant que l'aspiration vers le salut suscite un dur effort, n'est que la hié-
rarchie des fonctions plus ou moins grossières de notre organisme, ten-
dant à délaisser le corps. ?)
Cette communication provoque des observations de la part de MM. Se-
NAiiT, Pelliot, Masi'euo, Gasanova et Danon.
M. Przyluski signale que le Majjhima-nikâya pâli comprend 1 5 sec-
tions et 162 sutta, tandis que le Madhi/amn-a<jama traduit en chinois est
beaucoup plus long. Toutefois, si on retranche de ce dernier les varga
de longueur anormale, il leste i5 sections sensiblement égah's et qui
contiennent au total i52 sfilra, soit exactement le même nombre que
dans le Majjhima-nihmja pâli.
La séance est levée à 6 heures et demie.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS LE TOME XIX, XP SÉRIE.
MEMOIRES ET TRADUCTIONS.
Payes.
Etudes assyriennes [sMî7e] (M. G. Fossey) i
Le gouvernement de la République chinoise et sa représentation diplo-
matique (M. A. Vissière) < li(j
Notes épigraphiques (M. Noël Giron) <)->
Histoire des pachas d'Alger de i5i5 à 17^15 (M. G. Delphin) 161
L'étude des langues négro-africaines de 1822 à 192a (M. M. Delafosse). y3i
Alphabets magiques arabes [deuxième article] (M. Casanova) 3 5o
MÉLANGES.
Sur la lecture du nom de | ' O \ ^ (M. Worms) 9/,
Le roman turc de Haiqar (M. F. Nau) t!<)3
Note sur l'acception, à travers la civilisation indienne, du mot dharnia
(M. P. Masson-Oursel) 269
La plus ancienne tombe chrétienne de l'Inde septentrionale (Mesrovb
J. Seth) 276
COMPTES RENDUS.
Janvier-mars 1922 : Aug. Gour, La dynastie marocaine des Bcui WuUas
(i420-i55/l); - J. Denv, Grammaire de la langue turque (dialecte
osmanli); - L. Brunot, La Mer dans les traditions et les industries
indigènes à lUibat et Salé; - L. Iîhunot, Notes lexicologiques sur le
vocabulaire maritimes de Rabat et Salé (M. Cl. Huart). — i*rof. Dr.
A. Grïnwedel, Alt-Kutscha, archaologische und Reiigiousgeschicht-
320 AVRIL-JUIIN 1922.
licho Forsclunifjcn an Tcmpera-{;omaldcn aus huddhislischen Hohien
(Ipr orstcn aclit iahrlniiulortc nacli Christi Gebiirt (M. P. Pelliot).
- Champat Haï Jain, The koy of Knowledge; - The Practical J'alli;
- Sélections from ttAtma-Dharmaîi of Brahmachari Silal Prasadji
(M. A. Guéiiinot). — - Les Classiques de rOrient: - Volkeukundijje
Opslelien (M. Gabriel FKiinAND) 9O
Avril-juin 1992 : Professeur Jadunath Sahivau, History of Auranjjzib
mainiv based on Persian sources; Ahkam-i-Alamgiri; Studies in Mu-
jjlial India: Muyhal Administration-, Later Mujjhals by William Irvine;
- Publications de TEcole supérieure de langue arabe et de dialectes
berbères de Rabat; - Henri Basskt, Essai sur la littérature des Ber-
bères; - Henri Basset, Le culte des grottes au Maroc (M. Gabriel
Ferhand). — G. K. Nariman, Literary History of Sanskrit Buddhisra
(M. P. Masson-Oursel). — Raymond \Veill, La cité de David (M. G.
CoNTENAu). — Les Psaumes (M. F. Macler). — Aug. Cour, Un poète
arabe d'Andalousie : Ibn Zaidoùn (M. Cl. Huart) 288
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRA^PHIQUES.
Janvier-mars 1922 118
Avril-juin 1922 3oi
SOCIETE ASIATIQUE.
Procès-verbal de la séance du 9 décembre 1921 122
Procès-verbal de la séance du i3 janvier 1922 i23
Procès-verbal de la séance du 1 0 février 1929 196
Annexe au procès-verbal : Un nouveau mamiscrit de la secte des Assas-
sins (M. Casanova) ia6
Procès-verbal de la séance du 1 o mars 1999 1 36
Correspondance i37
Annexe au procès-verbal de la séance du i3 mai 1991 (M. R. Weiel). . l'ii
Nouvelles acquisitions de la Bibliothèque 1 ^^
Procès-verbal de la séance du 1 9 avril 1922 807
Annexe au procès-verbal : De la valeur historique des mémoires des der-
viches tourneurs (M. Cl. Huart) 3o8
Procès-verbal de la séance du 12 mai 1922 817
Le ijéranl :
Gabriel Ferrand.
a
JOURNAL ASIATIQUE
ONZIÈME SÉRIE
TOME XX
/
K'
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL DE MÉMOIRES
ET DE NOTICES
RELATIFS AUX ÉTUDES ORIENTALES
PUBLIÉ PAR LA SOCIETE ASIATIQUE
ONZIÈME SÉRIE
TOME XX
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
ÉDITIONS ERNEST LEROUX, IlLE BONAPARTE, 28
MDCCCCXXII
JOURNAL ASIATIQUE.
JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
L'EMPIRE SUMATRANAIS
DE CKÎVIJAYA,
PAR
GABRIEL FERRAND,
MINISTRE PLKMPOTEiNTIAIRE.
4 la mémoire de Hexdrik KERN.
On chercherait vainement le nom de l'ancien empire de
(Invijaya dans les dictionnaires et manuels de géographie ou
d'histoire : il est encore inconnu. Des textes orientaux qu'on
trouvera plus loin, permettent, cependant, d'en reconstituer
huit siècles d'histoire. Colonisé par l'Inde à haute époque,
comme le Camhodge et le Campa, l'empire, le premier em-
pire de l'Indonésie, est en plein développement culturel dès
II! vif siècle de notre ère : nous en avons pour témoignage le
récit d'un étranger, le grand pèlerin Yi-tsing.
La hibliographie du sujet peut tenir en ([uelques lignes :
Kikih ajàïb al-llind, Livre des Merveilles de l'Inde, par le capilaine
BozoRii BiN Saiiriyàr dc Râmhormoz, trad. par Marcel Devic, texte arabe
et noies par P. A. van der Lith, Leyde, i883-i886, in-A", p. a^iy-
2 53, avec uue note de Beal.
Les relijyieu.v émincnts qui allèrent chercher la loi dans les jaijs d'Occi-
dent, Mémoire composé ii l'époque de la grande dynastie T'anfr par I-tsing,
trad. K(\. CiHAVANiMEs, Paris, i8()^i, iii-8'.
2 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
J. Takaklsi , A Record oj the Buddimt veligion as piaclised in Indta
aiid the Malay Archipclago (A. D. 6yi-ljy5) by I-tsing, Oxford, 1896,
pet. in-h".
Paul Pelliot, Deur ititii-raires de Chine en Inde à la Jin du riii' siècle,
ihns B.É.F.E.-O., t. IV, içfoli.
Gabriel Ferrand , Jielations de voijages et textes géographiques arabes ,
persans et turks relatifs à l' Extrême-Orient, Paris, in-8°, t. 1, 191 3:
t. II, 1916.
N. J. Krom , Een Sumatraansche Inscriptie van Koning Krtanagara,
dans Verslagen en Med. der K. Ahademie v. Wetenschapen, Afdeeling
Letterhunde , 5e Reeks, Deel II, p. Soô-SSg, 1916.
Georges Coedès, Xe royaume de Çrîvijaija, dans B.E.F.E.-O., t. XVIII,
1918, n° 6, 3(î pages avec 3 planches.
Gabriel Ferrand, Compte-rendu du mémoire précédent dans /. .4s.,
juillet-août 1919, p. 169-200.
N. J. Krom, De Sumatraansche période der Javaansche geschiedenis ,
Leyde, 1919, 33 pages in-S"; traduit en français dans le B.E.F.E.-O.,
t. XIX, 1919, n° 5, p. 127-135.
J. Ph. VoGEL, Het koninhrijk Çrivijaya, dans Bijdragen tôt de Taal,
Land- en ■Volkenkunde van Nederlandsch-Indië , deel 76, 1919, p. 6a6-
607 (l'auteur analyse le mémoire précité de CoEdî:s, Le royaume de
Crlvijaya, et donne des renseignements peu connus sur l'entrée, à la
bibliothèque de l'Université, de la rfgrande charte de Leyde» , vide inj'ra,
XXXll,p. 46).
(j. 0. Blagdkn, The Empire of ihe Mahnrdja, King 0} the Monnlains
and Lord of the Isles, dans Journ. Slraits Brunch oj /». tI. iï. , n" 81,
1920.
Ou a réuni dans les pages suivantes, les textes chinois, indo-
nésiens, sanskrits, palis, tamouls, arabes, persans, cambod-
giens et siamois qui, sous des noms divers, mentionnent l'em-
j)ire de Çnvijjiya et ses dépendances. Ces textes s'éclairent les
uns par les autres et permettent heureusement d'arriver à des
précisions. Les résultats obtenus à la suite d'une enquête nou-
velle portant sur un |)lus grand nombre de documents, modi-
fient dans une certaine mesure, infirment quelquefois telle
L'EMPIRE SUMATIUNAIS DE ÇRÏVIJAV\. 3
opinion exprimée dans mon compte rendu du mémoire de
CoËDÈs (supra, p. 2). Mais il ne s'agit pas ici de simples
rectifications personnelles qui auraient pu tenir en quelques
pages; la question est plus haute et vaut qu'on y revienne,
d'est presque une opinion courante que Java a été le foyer et
le centre d'expansion de la civilisation indienne dans l'Insu-
linde. Il semble, au contraire, qu'il faille en faire lionneur à
l'empire sumatranais de Çrivijaya, dont les textes et l'épigra-
phie nous montrent la haute culture et l'incontestable supré-
matie poHtique, militaire et navale pendant le premier millé-
naire de notre ère. Maître encore d'un immense territoire
au xui" siècle, l'empire s'effondre sous les défaites que lui
infligent les Javanais dans la métropole, les Thaïs de Sukho-
daya dans ses possessions de la péninsule malaise, et à la suite
des revers éprouvés dans les deux expéditions contre Ceylan.
TEXTES CHINOIS.
Yi-tsing'^*, Ta t'ang siyu k'ieou fa kao seng tchouan, Les Reli-
gieux éminents qui allèrent chercher la Loi dans les pays d'Occident,
Mémoire composé n l'époque de la grande dynastie T'ang, trad.
Ed. CuAVANNES, Paris, iSq/i, in-8".
1. (P. 03-64.) Maître Yux-k'i est originaire de la province de ^
kiao I autrement dit du ^l^jt Kiao-tclie, le Tonkin]. . . Il est revenu
[de Chine] dans les niers du sud depuis plus de dix ans. Il s'entend
parlailciinenl au parler ^ -^ h'auen-loiien^'^^; il connaît bien la langue
'■' Dans quelques cas où l;i préseule version française dillère d<'s tiaduc-
lions de textes cljinnis que j'ai utilisées, les corrections dont il s'agit m'ont été
indiquées par M. Pelliot, qui a bien voulu lire une épreuve de ce mémoire.
Il s'en faut cependant que toutes les eJMuurs aient été rectifiées; il n'entrait
pas dans le cadre de ce travail de le faire. Il serait désirable qu'un sinolojjue
voulût bien se cbai'ger de cette nécessaire i-cvision des li'xtes en question.
(^) «L'appellation k'ouen-louen, dit en note CiiAviN>K8, peut être prise pour
synonyme de Malais.» Dans un mémoire postérieur à la traduction du présent
Ix JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
sauskrile. Dans la suite, il jug'ea convenable de rentrer dans le monde
et se lixa dans le pays de ^ ^\\ f^ i|| Che-li-fo-yeon [{graphie fautive
pour I j 1 j^ Che-li-fo-clie]. C'est là qu'il vit encore aujourd'hui
[vers 695?]. . .
II. (P. 76-77.) . . . Les ouvrages chinois quils (les Maîtres de la
Loi Pei-ngan et Tche-ngan) avaient pris, le Yôga-çàstra (alias Yôgàca-
rijùlhûmi-çàsira) et d'autres sidra?. et castras se trouvent tous dans le
pays de Che-li-fo-che.
IIL (P. 119.) ... Avant que vingt jours se fussent écoulés [depuis
notre départ de Canton], nous arrivâmes au pays de Fo-che'^^; je m'y
arrêtai pendant six mois [, en 671]; j'y étudiai par degrés la science
des sons [çabda ridi/d). Le roi me donna des secours grâce auxquels
je parvins au pays de ^ j^ j^ Mo-lo-yu [=Malâyu]; j'y séjournai
derechef pendant deux mois. Je changeai de direction pour aller dans
le pays de |^ ^ kie-lch'a [=Këdah, sur la côte occidentale de la
péninsule malaise]. Lorsque arriva la douzième lune [de l'année 67-2],
on hissa la voile; je remontai sur un bateau du roi et je me dirigeai
petit à petit vers l'Inde orientale [à destination de Tâmralipti, l'actuelle
Tamluk, en faisant escale au pays des Hommes nus ou îles Nicobar] . . .
I\ . (P. 125.) . . . [Après un séjour dans l'Inde, Yi-tsing revient
ouvrage de M-tsing (Sylvain Lévi et Edouard Chavannes, Les seize Arhai pro-
tecteurs de la Loi, J. As., XI" série, t. VIII, 1916, p. ig), Chavannes a inter-
prété le texte : « Amoghavajra partit de (fanion sur un bateau k'oucn-louen-i
par rr . . . sur un bateau malaisw. L'équivalence k'ouen-louen = malais n'est
sûre que dans le premier cas où il s'agit du Che-U-fo-che = Çrîvijaya — em-
ipire de Palemban. Pour la seconde citation , la même interprétation est dou-
euse, car le texte ne dit pas expressément qu'il saglt d'un bateau du même
pays. On sait, en efl'et, que les Gbinois out indiqué comme |Il^ -^ , i!!, "ro"
k'iiiien louen, variantes |{jS ^ hiiie-loiieii . »a» -^ hou-luuen , des indigènes
de l'Indonésie et de l'Inde transgangétiqne voisine. Cf. G. Feuuand. Le K'ouen-
louen et les anciennes navigations interocéaniques dans les mers du Sud, J. As.,
XP série, t. XIII, p. Hig el suiv. , en rectiliant ainsi Tavant-dernièrc phrase :
ff . . .Par langue k'ouen-louen à Java, au vii° siècle, il faut entendre le kawi
ou vieux-javanais; c'est le vieux-malais qu'on parlait à Palemban à la même
épo ne, ainsi qu'en témoigne linscriplion de liaùka. . . •'. Pour cette inscrip-
tion, vide inj'ra , \\\ 11.
<-) Forme abrégée de Clie-li-Jh-chc. Yi-tsing emploie tantôt lun, iantot
l'autre.
L'EMPIRE SUMVTRANMS DE ÇRÏVIJAYA. 5
à Tâmralipti.] Après cela, je m'embarquai; je passai par le royaume de
Kie-tch'a: les textes sanskrits du Tripitaka que je rapportais formaient
plus de cinq cent mille stances qui , dans la traduction chinoise, rempli-
raient bien mille rouleaux; je les pris avec moi et m'arrêtai dans le pays
de Fo-che.
V. (P. 126.) . , . [Maître Ghan-hing ëtait un de mes disciples. A ma
suite il vint dans le pays de Che-li-fo-che . . . (cf. également p. i36).
VI. ( P. 1^4.) ... Le maître du dhyâna Wou-hing prit le maître de
la discipline Tche-hong pour compagnon, et au temps du vent d'est,
ils s'embarquèrent; en un mois ils arrivèrent au pays de Che-li-fo-che.
Le roi de ce pays les honora fort et les distingua du vulgaire. II leur
distribua des fleurs d'or; — il répandit pour eux du millet d'or ^'' —
H leur fournit les quatre choses nécessaires à l'entretien (le manger et
le boire, les vêtements, la literie, les médecines); — il se prosterna de
tout son corps (pancnng(t) pour leur dévoiler son cœur. Lorsqu'il apprit
qu'ils venaient du pays du Fils du ciel de la grande dynastie T'ang,
il redoubla pour eux d'honneurs.
Puis Wou-HiNG s'embarqua sur un bateau du roi; au bout de quinze
jours il aborda dans l'île de Mo-lo-yu; au bout de quinze antres jours
il arriva au pays de |^ ^ Kie-tch'a [=Këdah, sur la côte occidentale de
la j)éninsule malaise]. Lorsque le dernier mois d'hiver fut venu, il chan-
gea de route dans sa navigation et se dirigea vers l'ouest. Au bout de
trente jours, il parvint au pays de Na-kia-po-tan-na [= Negapatam dans
le sud-est de l'Inde]; à partir de ce lieu, il arriva, après deux jours de
navigation sur mer, dans l'île du Lion (Simhala, Geylan).
VIL (P. 159.) ... La deuxième année ijong-choiien (==683 de
notre ère), le maître de la Loi Ta-tsîn entreprit de partir- pour les mers
(lu sud. . . il suivit un ambassadeur impérial; après une navigation de
plus d'un mois, il aborda dans l'île de Che-li-fo-che. II demeura là |)lu-
sieurs années; il s'initia à la langue k'ouen-louen'^^^; il étudia un grand
nombre de livres sanskrits . . .
(1) «Les fleurs d'or et lé millet d'or avaient une signification symbolique
dans la religion bouddhique. Ainsi l'expression "^ JH -^^ ^ propr. : l'ombre
du millet d'or, signifie l'ombre du bouddha (St. .1i;i.ikn, lliupii-lcJioonfr, t. II,
p. w). D'apn's un renseignement oral (jui m'a été donné par un lettré cliiuois
on appellerait miliet d'or les graines de cannelier (Cbavannes)?).
'-' Vide supra, p. 1^, noie y.
6 JUILLET-SEPTEMBRR 1922.
VIII. [V. 170 et siiiv.) Pour moi, Yi-tsing, je m'embarquai à l'em-
boucliure du fleuve de l''o-che ... Ce que j'ai rëuni des trois Recueils,
à savoir plus de cinq cent mille stances ',, se trouve en entier dans le
pays de Fo-cbe. . . . Puis, le premier jour de la 1 1" lune de cette année
(G8()), nous nous embarquâmes sur un baleau marchand et nous nous
éloijO'nàmes de Cianlon. Nous nous dirigeâmes vers le (5 ^ Tcban-po
[^ Campa, TAnnam actuel] en hissant nos voiles; — nous nous pro-
posions d'arriver dans le pays de Fo-che par une longue course, —
... (cf. également p. 182, i83, 187, 188, 189, 190).
Yi-TsiNG, Non hni hi kouei nei fa Ichouan, A record 0/ ihe
Biiddhist i^eligion as pracUsed m India and the Mahy Arcinpelago ,
trad. par J. Takakusu, Oxford, 1896, 'm-à°,
IX. (P. 10.) ... Dans les îles de la nier du sud où il y a plus de
dix royaumes, le Mitlasarvâstivûdunikâyd a e'té à peu près généi'alemenl
adopté ... En les comptant d'ouest [en est], la première de toutes est
^ '^ iiti '^'l'I 1 '1^ *'6 P'o-lou-che [=Baros, sur la côte occidentale de
Sumatra]: pms. ^ # ît ^'1 (var. j']]) SP 4* >P M f* M (gra-
phie fautive ^yeoit) ^ -^ l'ile de Mo-lo-yu [^Malâyu], c'est main-
tenant [vers 692] le pays de Che-li-fo-cbe . . . '^'.
HouEi-jE (né en 680).
X. Ce moine chinois ell'ectua un voyage de Chine en Inde
et passa par Fo-che. «Les royaumes maritimes du sud-est, dit
le Sonf hao seng uhouaii (éd. de Tokyo, XXXV, 5, io3";
chap. 99) : lllS -TO K'ouen-louen , % % Fo-che, l'ile de Geylan
et d'autres, il [Houei-je] les traversa, les parcourut, et il attei-
gnit l'Inde 11 (cf. mon mémoire sur Le Kouen-huen et les
aniiennnes rtarignt'wns interocéantqurs dans les mers du Sud,
J. As., XI" série, t. XIII, 1919, p. 2/16, Ylllbis).
(') GiiiVANNKS a ici trcinq roiit miWe phrases^ , mais U faut liro stances, comme
dans l'extrait précédent dp la pajji' ia5 do sa tradurlinn {^vide supra).
(«) Tvipit. de Tôkyô . boîte XXW, voi. Vil , p. 68 , coi. a. Cf. 1'. Pklliot , Detu:
ilinéraires, p. 828. il faut évidemment entendre par cette phrase concise que
le Malâyu est passé sous la •suzeraineté du Clie-li-fo-clie.
L'EMPIRR SUMATnWMS DE CRÏVUVW.
Vajrabodhi (717).
XI. Ce moine, qui s'embarqua à (ieylan pour la Chine, rr traversa vers
l'est plus de 20 royaumes, dont ceux de f^ ^ Fo-che et des ^ \
Hommes nus {Son^ hao seng ichotian, dans Trlpilaka de Tôkvô, ^, IV,
p. 70 v")'!. Selon un autre texte, parti de Geylan avec 35 navires per-
sans, ffcn un mois de route il arriva au royaume de f^ j^ Fo-che.
Le roi du royaume de Fo-che vint au-devant du maître avec des parasols
et dais d'or et un lit d'or. A cause du vent contraire, [le maître] s'arrêta
là cinq mois. Quand le vent fut fixe', alors il put se mettre en routes.
II rencontra d'ailleurs des tempêtes terribles et erra de royaume en
royaume pendant trois ans avant de parvenir en Chine dans le courant
de l'année 790 [Tcheng yuan siii ting che Mao mou loii, dans Tripit. Tôk. ,'
^,VI,p. 78v»)C). • ..
..A
Ambassades de P ^ij f^ ^ che-li-fo-che
ET DE fj^ ® rO-CHE À LA COUR DE CHINE '-'.
XII. D'après le Sin l'ang chou (k. 992 "f , p. a r°), le Che-li-fo-che
envoya des ambassades de la période /(«en-Ae/tg- (670-678) à la période
k'ni-yuan (71 8-7 4 1 ).
XIII. La 1" année tcheng-cheng (696), au 9' mois, le 5" jour, une
décision impériale ordonne de distribuer des vivres aux envovés de cer-
tains pays étrangers qui viendraient à la cour, dont ceux du Che-li-fo-
che (T'ang houeiyno, k. 100 , p. 22 v°).
XIV. Au 12° mois de la 1" année (ch'ang-ngan (début de 702) et en
716, ambassades du Fo-che (Ts'o fou yuan koiiei, k. 970, p. 18 r",
pour la première ambassade, et k. 971, p. 9 r°, pour la seconde).
XV. En 79/1 , au 7° mois de l'année chinoise, rfle roi du royaume de
Che-li-fo-che envoie en ambassade fil 0. ^ Kiu-mo-lo (peut-être
humâra r:le pi'ince hérilierfl) pour offrir [|deux nains, une fdle ff" )\^
seiig-k'i [ c'esl-à-dire une négresse de l'Afrique orientale |, une troupe
de musiciens et des perroquets aux cin(j couleurs; [ l'empereur] conféra
('' Apud Paul Pelliot, Deux ilinéraires , p. 336.
^'^ Apud Paul Pri.mot, Deux itinéraires, p. 33'i-335.
8 JUILLET-SEPTEMBRE 192-2.
à [Kiu-]mo-lo [ie litre] de ^ f|j tcho ich'o:)';- (odnëral). lui accorda
cent pit'ccs de soie, et le renvoya dans son pays (7a'o fou yuan l.viici ,
k. 971, p. 6 j°; cf. aussi Sin t'ang chou, k. 222 Ij* , p. A r")n. An
huitième mois chinois de la même année, l'empereur confe'ra à }^ y^l]
PS M ^ 1^ Che-ii-l'o-lo-pa-mo ((liïndravaiman ?), roi du Che-li-fo-
che, le titre de /5: J^ fif ^C 'M -^V'- Iso-nri-trci-la-t.sianii-J.iiin [Ts'd fou
yuan kouei , k. 9G/1, p. i5 v°; k. 976, p, h v° ; cf. Sin t'nng chou,
k, 222 f , p. li i").
XVI. En 728, le roi du Fo-clie fait de nouveaux dons de jierroquets
bigarrés (Ts'ô fou yuan kouei, k. 971. p. 7 v").
XML Au 12'' mois de la 29"^ année h'ai-yuan (au début de 7A2),
le roi du Fo-che envoie son fils à la cour chinoise pour offrir le tribut
{Ts'ô fou yuan kouei, k. 971, p. 1 A r"). C'est à cette occasion sans doute
qu'en celle même année ']'^'i, le roi du Fo-che, ap'jelé §\\ ^^ tJc ^
Lieou-t'eng-wei-kong, fut nommé '^ ^ J Prince Pin-yi et reçut le
titre de tso-kiH-ivou-irei-tii-tsidng-liiun [Ts'ô Juu yuan kouei, k. 965,
p. 1 T").
TCHOD FAN TCHE DE TcHAO JoU-KOUA (l225).
Chau Ju-kua, Hîs irork on the CJinieso and Aral) tnuk in the
tivelfth and tfurteenth centuries, entuled Cuu-F.w-Tcnï, traduit du
chinois et annoté par Friedrich Hihth et W . \\ . Rocruill. Saint-
Pétersbourg, \n-l\°, 1912. Le texte chinois en a été posté-
rieurement pubHé par Rockhill à Tôkyô (Kokumin shimbun
Press) avec une postface en anglais datée du i*^"^ avril 191/j.
La date exacte du Tchou fan tche a été indiquée par Pelliot
dans son compte rendu de la traduction Hirth-Rockhill {T'oung
paOj t. XIIl, 1912 , p. lih6-liSi).
H f^ ^ Sa.\-fu-ts'i.
XVIII. (P. 60.) San-fo-ts'i gît entre l.> ^ Il Tchen-la (le Cam-
bodge) et le fHI ^ Ch(')-p'o (Java). Sa suzeraineté s'étend sur (juinze
provinces ( ^l'I"! ). Ce pays se trouve droit an sud de Ts'iuan-tcheon | (hi
Fou-kien ].
Pendant Tliivei'. avec la mousson. ( en partant de ce dernier porl,|
t;k\ipire suaf\tr\nais de ÇRÎVIJAYA. 0
vous naviguez pendant un |)eu plus d'un mois et vous arrivez alors au }^
^ P^ détroit de Ling-ya^'>, oii un tiers des marchands qui eflectuent
ce voyage [font escale?] avant de pénétrer dans ce pays [de San-lo-ts'i].
Un grand nombre des gens de ce pays ont pour nom de famille /ff
y' ou ^'^
Le mur de la ville (la capitale) est construit en briques et mesure
plusieurs dizaines de li de tour.
Lorsque le roi sort, il est assis dans une embarcation; il est recou-
vert par un pagne enroulé autour du corps. Il est abrité [du soleil] par
un parasol en soie et gardé par des hommes portant des lances d'or.
Les habitants [de la capitale] vivent soit disséminés hors de la ville,
soit sur le fleuve dans des maisons flottantes [l'dt. : des radeaux) cou-
vertes avec des roseaux. Ils ne paient pas d'impôts.
Les gens du pays sont habiles à combattre sur terre et sur l'eau.
Loisqu'ils sont sur le point de faire la guerre contre un autre état, ils
réunissent et expédient le corps de troupes que réclament les circon-
stances. Us nomment [alors] les chefs et commandants; chacun fournit
son propre é(|uipement militaire et les approvisionnements nécessaires.
Pour afl'ronter l'ennemi et braver la mort, ils n'ont pas leurs égaux chez
les autres peuples.
''' Le détroit de Lii){fa.
'-' Les traducteurs disent en note (p. (îA, n. 3) : «Fit stands for Bû , an
al)breviali()n of MiR «fatliorw , whicli précèdes so many Arabie names. Theplu'ase
^ fêc. '^ffl ''"^'^'^y ^^^ surnamed Fun, occurring hore and Ihere in Chincso
elhnugraphical literature may safoly be taken to indicate Arab settlements.
HiRTH, Die Insel Hainan, kS'], note.» Si cette interprétation était exacte,- il
en résulterait que ie San-fo-ts'i = Palembai'i du commencement du xui° siècle
possédait une très importante colonie musulmane, arabe ou d'origine arabe;
mais il n'en est rien : le sens de la pbrasc est tout autre. Par «Un grand
nombre [de gens de ce pays] ont pour nom de famille Fou-n , le texte veut
faire entendre, à la chinoise, que beaucoup de noms de gens du San-fo-ts'i
commencent par Fou. Ce Fou n'a rien à voir avec l'arabe Ahû ; il s'agit ici
du titre nobiliaire indonésien Pu, ou Mpu (cf. cam Pô), correctement rendu
par f^ . Les «Arab settlements» du San-fo-ts'i au début du xm' siècle n'ont
donc pas plus de réaliti- historique que «ces marchands sabépus que la fertile
imagination de Bk.u. avait fait venir à Ceyian au temps de F\-Hn:N et (pie
LK(i(;E n'en sut pas chasser» (Pei.liot, bulletin criticpie du T'ouiig pan, t. XIII,
1912 , p. 'i56); que le «Tigre des Thais» de r<''|iigraphie siamoise (cf. G. (Iokdks,
Docuini'nU sur la dynastie de Sukluidaijti , dans H.K.F.E.-O. , t. XVII, 1917,
n" 'J , p. .')-()) et autres idida lihri.
10 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
lis n'ont pas de monnaie de cuivre enfilées à une corde [comme les
dhindis], mais ils se servent de morceaux d'argent coupé pour les
transactions commerciales.
Pendant ia plus grande partie de l'année, la température est chaude
et il n'y a que peu de temps froid. Leurs animaux domestiques sont très
semblables à ceux de la Chine.
On trouve chez eux du vin fait avec des fleurs, du vin de coco, du
vin fabriqué avec des noix d'arec et du miel; tous ces vins ont fermenté,
bien qu'on n'ait employé aucun levain de quelque sorte que ce soit. Ces
vins enivrent quand on en boit.
Pour la rédaction des documents officiels , ils se servent de caractères
étrangers (^) '''• La bague du roi est employée comme sceau. Ils con-
naissent également les caractères chinois et ils les utilisent quand ils
envoient un mémoire à la cour [de Chine].
(P. 61.) Les lois du pays sont très rigoureuses. L'adultère expose
l'homme et la femme [qui le commettent] à la peine la plus rigoui'euse
[, c'est-à-dii-e : à la raoït].
Quand le roi mem-t, le peuple prend le deuil en se rasant ia tête.
Cependant, les gens de la cour attachés à sa personne se donnent volon-
tairement la mort en se jetant dans un bûcher funèbre ardent; cet acte
est appelé s vivre et mourir ensemble^ ''''.
Il y a [à San-fo-ts'i,] une [sorte de] Buddha [, c'est-à-dire : une sta-
tue] appelée ^ iS llj ff Montagne d'or et d'argent-" , qui est fondue
en or. Chaque nouveau roi, avant de monter sur le ti'ône, fait fondre
une statue d'or représentant sa personne. Les gens du pays ont grand
soin d'apporter en offrande des vases d'or à ces statues. Les statues d'or
et les vases d'or portent tous une inscription destinée à prévenir les
générations futures de ne pas les fondre '^^K
(') Commo à Java, les anciennes inscriptions de Sumatra sont tantôt n'di-
gées en sanskrit, tantôt en indonésien éciit au moyen d'un système }[ia|iliiijue
emprunté à l'Inde.
('-) Sur cotte pratique, cl. JÀvir dus meiv>eilles de l'hide., au glossaire, s.
^° 7=-^^' P- *9^-
C Ce passage n'est pas clair dans le texte. M. I^elliot en propose l'inter-
prétation suivante : «Il y a un Buddlia qu'on appelle le Buddlia de la Mon-
tagne d'Or et d'Argent. Sa statue est fondue en or. Chaque roi, [juste] avant
de monter sur le trône, [fait] fondre sa [propre] image en or pour remplacer
celte sUitue. On lait des vases et de la vaisselle en or, et on rend [à cette
image] des lioiiiinages solennels. Les statues d'or et les vases et vaisselle
portent tous des inscriptions gravées pour que les générations futures ne les
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJVYA. 11
Dans ce pays, lorsijue quelqu'un est giavemenl malade, il distribue
aux pauvres du pays [une somme équivalente à] son poids en arguent.
[Cette pratique] est considérée comme un moyen de retarder la mort.
Ils donnent à leur roi le titre de f| fn lonfr-ising "'. Il ne doit pas
détruisent pas.» Pour ces statues royales, cf. une coutume identique chez des
tribus turkes dont parie Pelliot dans un compte rendu de Les pays d'Occident
d'après /e Wei-lio, de Chavannes {B.E.F.E.-O., t. VI, p. 892, n. 3; et dans
un autre compte-rendu , ibid. , p. liio).
(') HuiTii et RocKHiLL ont cru à lorL que long-tsinn transcrivait un terme
protocolaire (cf. p. 65, note 12). «The titie arun [auquel avaient son,o'é les
traducteurs du T chou fan ic/ie], dit C. 0. Blagden {Somc remarks on GiiAU
Ju-kua's Chu fan chi, dans J.R.A.S., 1918, p. 166), is used in Celebes
and is not Malay at ail. ^V^liat Malay word is transcribed by the very un-Malay-
looking long-tsing I cannot imagine. Possibly thèse are simply Cliinese words
intended for a translation of some Indian title beginning with nâ/ja^tho équi-
valent of long. Tsing is given in Giles as meaning inter alia «f essence, spiritn.
But long appears there aiso in phrases where it merely means «impérial <i.'
Cannot the words represent some conventional expression like «His Majestyw ï^?
La remarque est fort intéressante, mais partiellement inexacte. M. Pelliot
m'a fait savoir que long-lsing (et non lung-ts'ing, comme transcrivent Hirtu et
Rockhill) n'est pas une transcription d'un nom étranger et que les deux
caractères doivent être interprétés avec leur valeur sémantique : «esprit,
sperme de dragonn, c'est-à-dire aesprit, sperme de nâgan. Cette constatation
a une haute importance, car elle rattache l'origine de la dynastie de San-fo-
ts'i à un nâga. Dans son important mémoire : The yupa inscriptions of leing
Mrdavarman , from Koelei [EasL Bornéo] {Bijdragen tôt de T., L. en Volken-
kiinde van Nederlandsch-Indië , deel 7^1, 1918, p. 179),!. Ph. Vogel dit:
«Il y a une curieuse légende que nous a conservée la poésie tamoule, qui
rattache l'origine des Pallavas aux anciens souverains du Coromandel. Cetto
légende rapporte que le premier Tomlaimân (=Pallava) était le fils d'un roi
cola et d'une nSgi ou démonne-serpent.n Et l'auteur ajoute en note : «Le
poème tamoul Mariimegalai , dans lequel se trouve cette légende, mentionne
éjialement une ville appelée Nâgapuram [=skr. Nàgapura «la ville du nàgan]
située dans le Çâvaka-nàdu [-—pays de Çavaka] qui, comme le dit M. Ven-
kayïa, semble être le nom tamoul de l'île de Java [lire : Sumatra; Çavaka est
la forme tamoule du malais Jàvaka^- Zàhag, ainsi qu'on le montrera plus
loin]. Deux rois de Nâgapuram sont mentionnés : Bhilniicandra et PuMyarâ|a
qui prétendaient descendre d'Indran. (Arclil. Siu-veif Annual Bnport for if)o6-
IQOJ, p. ^31, n. 1.) D'auhe part, la tr.adilion d'après laqmfllc la première
dynastie du Fou-nan remonte au mariage d'uiK! nâgi avec un prince indien
a été étudiée par Finot (.S'mj- fjut'lqurs Iradilions indochinoises , dans Bull, de la
Commission arrhéid. de l'Indochine, 191 ), |i. ^io et suiv.). CcenÈs a étudié
12 . lUILLET-SEPTEMBRI- 1922.
mauger de céi'énles, mais on le nourril de sagoii. S'ii ftiisait autrement,
l'année serait une année de sécheresse et les cën'ales seraient chères. Il
prend des bains d'eau de i-ose: s'il se baignait dans de l'eau ordinaire,
il y aurait une grande inondation.
[Le roi] poite une haute coiffure dans laquelle sont enchâssés des
centaines de joyaux el qui est très lourde. Dans les grandes cérémonies
de cour, le roi seul est capable de la porter; aucune autre personne ne
le peut. Lorsque le trône devient vacant, tous les fils du roi se réunis-
sent, la coiffure leur est présentée et celui qui peut [en supporter le
poids] succède au souverain défunt.
Il y a, dans ce pays, une ancienne tradition d'après laquelle le sol
s'est une l'ois entr'ouvert subitement -.(le la crevasse, sortirent plusieurs
myriades de bœufs qui se précipitèrent en troupeaux dans les montagnes:
les habitants s'en emparèrent à l'envi et les mangèrent. Ensuite, la cre-
vasse fut bouchée avec des bambous et des arbres, et il n'en resta plus
ti'ace.
En dehors des produits du pays qui comprennent l'écaillé de tortue,
le camphre; le tch'en, sou, tchan et le cheou comnum (quatre variétés de
bois d'aloès); le kiang-tchen '■^\ le girofle, le sandal, le cardamome; on
trouve encore des perles, de l'encens, de l'eau de rose, des fleurs de
gardénia, de la civette, de la myrrhe, de l'aloès, de l'assa-foetida ,
du putchuk, du storax liquide, des défenses d'éléphant, du corail, des
œils-de-chat, de l'ambre, des étoffes de coton étrangères el des lames
de sabre. Tous ces [derniers] sont des produits des pays étrangers,
J^ ^ Tache (Arabes)'"' et autres, rassemblés dans ces pays, et que
les marchands étrangers viennent vendre en les échangeant contre de
l'or, de l'argent, des objets en porcelaine, de la soie brochée, des éche-
égaloment la Légonrlp de la Vâg-? dans ses Etudes Ç.amhodffpnnes [B.E.F.E.-O.,
t. M, 191 1, p. 3()i-.393) et conclut ainsi : trl)e quelque façon que nous l'en-
visafjions, la légende cambodgienne [de la nàgl] nous ramène à la cour des
Pallavas ..." L'interprétation nouvelle du long-tsing du Tchmi fan tche et le
Nâfrapurayn du poème tamoul montrent que le cycle légendaire du tiâga ou
de la ndgî s'étend à Tlnsulinde occidentale : comme l'ancien Cambodge,
Sumatra a du son hindouisation à des immigrants venus de l'Inde sud-oiien-
tale. Le fait n'a rnm d'inattendu; mais des infiii'inalions dans ce sens ne
peuvent être ijue les bienvenues et on \ reviendra uUérieuremenl.
(') C'est ie parfum désigné en anglais sous le nom de laha-wond.
'^' Les produits d'importation dont il s'agit soiil ceux qui Sdiil iiuuuérés
après : on trouve encore des perles, . . ,
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAVA. 13
veaux de soie, des e'ioffes en soie, du sucre, du fer, du via [de graiusj,
du riz, du gaianga se'ché, de la rhubarbe et du camphre.
(P. 62.) Ce pays gît dans l'océan et est maître des détroits par leqnel
le trafic étranger par mer et par terre, dans l'une et l'autre direction'"',
doit passer. Autrefois, on utilisait une chafne de fer, comme barrière,
pour se garer des pirates des autres pays. Cette chaîne pouvait être
maintenue haute ou abaissée, grâce à un ingénieux dispositif. Si un
navire marchand airivait, on l'abaissait. Après un certain nombre d'an-
nées de paix, pendant lesquelles elle ne fut pas utilisée, on l'enleva et
[maintenant] elle gît lovée sur le rivage. Les indigènes la vénèrent
comme le Buddha et les navires qui arrivent lui offrent des sacrifices.
Lorsqu'elle est frottée d'huile, elle brille comme une chaîne neuve. Les
caïmans n'osent pas passer sur la chaîne pour [aller] faire du mal.
Si un navire marchand passe devant [San-fo-ts'i] sans y faire escale,
les bateaux [du pays] sorteut poui' l'attaquer d'après une niano'uvre
prévue; ils sont prêts à mourir [pour réaliser leur entreprise]. C'est
pour cette raison que ce pays est devenu un important centre mari-,
time'"'.
Les dépendances [de San-fo-ts'i] sont les suivantes :
^ ® P'eng-fong[=:Pahan],
^ ^ iM Teng-ya-nong [=Trënganu],
^ ^ Sif ^P Ling-ya-sseu-kia [=Lënkasuka],
PI
]^ j^ Ki-lan-tan [=Kôlautan]('\
i^m^ Fo-lo-an(?),
B il ^ Je-lo-ting (?)('',
'') Des pays de l'Ouest en Chine et inversement.
'-' L'escale de San-fo-ts'i était ainsi rendue obligatoire pour tous les bâti-
ments qui passaient à proximité.
^•'' Ces quatre dépendances sont situées sur la côte orientale de la péninsule
malaise. La suivante, Fo-lo-an, se situe également sur la même côte, mais
n'est pas localisée.
('"' Jfl-lo-ting repn'sente un ancien *iSit-la-ihn ou '^'iMl-ra-din, c'est-à-dire
^Ni-ra-dih ou * JM -la-dih =-- * Niladinga ou *I\ii'adinga, qui n'est pas attesté
par ailleurs. Peut-être est-ce du même pays qu'il s'agit dans ce passage du
Song che où il est dit : ff . . . puis, en quinze jours, [de ^ j^j^ l''o-ni (Bor-
néo)] on arrive au royaume de San-fo-ts'i; puis, on sept jours, on arrive au
royaumiî do "j^' ^ Kou-lo; puis, en sept jours, on arrive au royaume de ^
^ ^ Tch'ai-li-ting; ou parvient au Kiao-lclic (Tonkin) et on gagne Kouang-
tchcou (Canton)'! [Pr:r,i,ioT, Dcii.v itinéraires, p. a()() et .'?o6|; ce ipii situerait
également le .le-ln liti;; eu Tciral-li-ting sur la côte orientale de la péninsule
l'i JUILLKT-SEPTEMBHE !9-2l'.
i^ j^ Ts'ien-mai(V),
^^Pa-t'a'",
^. ,11^ /]^ Tan-ma-ling | ^ Tâmbralinga]^"',
i/P il # Kia-io-bi [= Grain -Jaya]('',
G IfCiî Pa-lin-fong [- Palembaiï],
<îî ^ Sin-l'o [variante ^ ftll Soweu-ZV/ -^ Sinifla, partie occiden-
liilo de Java ] ,
^«t Kien-pi[^Kampe](%
^ H M i-an-wou-li [=Lamim]t'',
i^B M Si-lau | = (leylan"
Ce pays commença à avoir des relations avec ia Chine pendant la
période t'ien-yeou (90 '1-907) des T'ang. Pendant la période hien-long
(960-963) de la présente dynastie [des seconds Song], il a envoyé trois
fois ie tribut [d'allégeance]. La troisième année de la période choncn-hoiia
(992), il fit savoir qu'il avait été envahi par Chô-p'o (Java) et suppliait
qu'un édit impérial fût envoyé à leur pays; cela fut accordé.
Dans la sixième année de la période hieii-p'ing (ioo3), on lit savoir
au Trône [impérial de Chine] qu'un temple bnddhiste avait été construit
dans ce pays afin d'y prier pour [la prolongation de] la vie de l'empe-
reur; et on exprima le désir que ce temple reçût son nom et une cloche
[de la cour de Chine]. L'empereur donna son approbation à cette
requête, oi'donna que le temple porterait le nom de ^ ^^ ^
malaise. Mais ce n'est là qu'une conjecture, car l'identité du Jc-lo-ting de
Tchao Jou-koua et du Tch'ai-li-ting du Sotig che n'est pas certaine.
''' Il s'agit peut-être ici des Bataks de Sumatra, comme l'ont indiqué les
traducteurs (p. 66, n. 8).
'■-) Sur Ja côte nord-orienlai(> de la péninsule malaise, au sud de la liaic de
Bandon. Cf. Coedks, Le royaitiue de Çrivijaijd, p. 16-iS.
(■^) Ibid.
(*) Sur la côte orientale de Sumatra.
('') Dans le nord de Sumatra.
(6) Pr,\j. Jg ^,.Qig siècles avant la publication du Tchou J'an Ichi; , Mas'Cdî
écrivait déjà dans les Praiiies d'or (t. I, p. 170) : «... Iv. Maharaja roi des
des du Zàbag, de Kalah (=Kra de la péninsule malaise), de Sirandili
(=Ceylan), etc. : ...Lô^^j i_^>J~»«^ *J.5j g:lJL5'^^!j4I J.l« ^l^^ii'?. La ren-
contre est curieuse, mais aucun témoignage historique n'allesle par ailleuis
(jue Ccylan ait été une dépendance de Sumatra vers le milieu du ,\° siècle
Mas'udï) et le pr(!n)ier <juurf du un' (Tchao Jou-koua).
tfA jtartir de la dynastie Ming, et encore de nos jours, ou écrit ^ ^
Si-lam (PicLi.Krr, Driix ilim'truiras , jj. 3,58).
L'EMPHIK SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 15
Tch'eng-t'ien-wan-chou «Dix miile années h recevoii' du Ciel n et fit cadeau
d'une cloche.
Jusqu'aux périodes king-to, siang-fou et t'ien-lii (iooA-1022) et piMi-
dant les périodes i/uun-yeou et yuan-Jong (1 078-1 0()/i ), ce pays envoya
un certain nomltre d'ambassades apportant le tribut, et des messages
impériaux lui furent adi-essés à titre de louange et de réconfort.
Dans l'est, ce pays [de San-fo-ts'i] est limitrophe de J-^^ 'i^ Jong-
ya-iou [= Jéngâlâ, à Java]. [Mote : appelé aussi S ^ iî Tchong-kia-
lou.]
SoNG GUE OU Histoire des seconds Song (960-1979),
chap. ccccLxxxix'".
Sâx-fo-ts'i.
XIX. Le'"' royaume de San-fo-ls'i ' ' est l'un des l'oyaumes des Bar-
bares méridionaux. 11 git entre le Tchen-la ((>ambodge) et le (Ihô-p'o
(Java) et étend son autorité sur quinze pays différents.
''' D'après W. P. Grokneveldt, fioles on the Mulmj ai-chij>(da(>o and Malacca,
dans Miscellaneous papcrs rcluling to Indo-China and. ihc Indian urchipelagti ,
socnnd séries, t. I, Londres, 1887. in-S", p. 187 et suiv.
Le Song che, qni a été compilé au xir" siècle, a fait de très nombreux
emprunts à la notice sur le San-fo-ts'i de Tchao Jon-KOOA. On s'en convaincra
facilement en comparant les deux textes.
("-) H y a une qviestion du ^ p^ ^ij Knn-fo-li du Leang chou (var. du
Sang chou : Jj- [^ ^|J Kin-l'o-li) que je ne trailcrai pas ici pour ne pas
allonge^' déuiesuréineut ce mémoire. Cf. sur le sujet, Giîoknevkldt, Noies,
p. 185-187; G. Fkriîanu, Le K'ouen-loiien el, les anciennes mivigalions Irons-
tici'anùfues dans les mers du sud, J. As., XI" série, t. XIV, 1919, a])p('iidic(' III ,
p. •2'6H-2hi.
(') Dans un commentaire de ses Notes, Groenevjeldt dit (loc. cil., p. nja) :
«in transcribing the names of the différent kings [mentionnés dans hî Song
che,] the old Mandarin pronunciation bas bcen Aillowed, because thèse
names were written down at court and uot carried to China hy morcbanls
from soutliern Ciiina-, wc are bowever t)ut very insufliciently ac((uainted witli
the pronunciation of that period, and so our transcription niay oftcn nol b(^
quite correct. . . n Ln fait, presque toutes les restitutions de Ghokneveldt sont
fautives. Son San-ùo-Uai, par exemple , à côté de la graphie .^ f ^ ^ ^ est
un pur barbarisme. La prononciation de ces trois caractères sous les seconds
Song devait être à peu près *Sam-hud-ls'ai (l'afiriquée du troisième caractère
pouvant repr('s<'ntei' les palatales sourde el sonore, soit *ls'ai <Cjiiy ou caii)
1(i JUILLET-SFJPTEMRRK l<.)-2l).
Ses piodails sont le rotin, io hino roii^jc. le hnis daloès. les noix
«rjii-ec et les cocos. On ne s'y sert pas de monnaie de cuivre, mais on a
riialiitnde de traiter toutes les transactions commerciales avec de l'or et
de l'argent. Pendant toute l'année, la température est ordinairement
chaude et rarement froide: en hiver, il n'y a ni gelée ni neige. Les gens
se Irictionnenl le coi-ps avec de l'huile parfumée. Le pays ne produit pas
d'orge, mais il y a du riz et des pois verts et jaunes. La volaille, les
oies et les canards y sont à peu près les mêmes qu'en C-hine.
On y fait du vin avec des fleurs, des noix de cocos, des noix d'arec
ou du miel: et tous ces vins enivrent, quoiqu'ils soient fabriqués sans
levain ni levure'''.
Pour faire de la musique, ils ont une petite guitare el un petit tam-
bour; les esclaves provenant du K'ouen-louen <-' font de la musique pour
les gens du pays, en sautant sur le sol et en chantant.
Ils écrivent avec les caractères sanskrits; le roi se sert de sa bague en
guise de sceau. Ils connaissent également les caractères chinois et ils en
usent lorsqu'ils présentent des lettres avec le tribut [à la cour de tihine].
Ils ont construit une ville fortifiée, entourée d'un mur en briques
superposées qui a plusieurs dizaines de H de tour: leurs maisons sont
recouvertes avec des feuilles de palmier. Les habitants vivent disséminés
hors de la ville et ne payent pas d'impôts. Eu temps de guerre, ils choi-
sissent immédiatement un chef pour les commander: chacun fournil
ses propres armes et approvisionnements. Avec un vent favorable, on se
rend de San-fo-ts'i à Canton en vingt jours.
On donne au roi le titre de § ^ tchan-pei'^K Dans ce pays, il y a
beaucoup de gens dont le nom de famille est f^ p'ou '''.
et permet do remonter à un original tel que *Sartibujayn. En dehors de
quelques cas spéciaux, je ne reviendrai pas sur les restitutions inexactes de
l'auteur des Notes; elles ont été corrigées vn partie par Pelliot dans ses Deux
itinéraires.
C' Le Sang che ou Histoire des seconds Son g a été compilé par T'o-t'o au
xiv' siècle (Pklliot, Deux itinéraires, p. Soi). A peine est-il besoin de faire
remarcpier que de nombreux emprunts ont été faits au Tchoufan tcho (XVIil,
^■'^ Il s'agit icirde nègres de la côte orientale d'Afrique.
(3-/i) (3) (Je titre royal est énigmali(iue et inconnu par ailleurs, k D'après le Lin<r
wai tni la [de Tr.iiKor K'n;-FKi , ((ui a été rédige'" en 1178 et dont le Tckou
fan Iclir re})roduit textuellement de 1res nombreux passages,] (k. -j , p. 12 r"),
en I 171) |liie : 117S] le ro}aunie de San-fo-ts'i envoya <Tun ambassadeur du
L'EMPIRE SUMATRAÎSVIS DE (:iU\I.IU\. 17
Vei's la fm de la dynastie des T'ang, eu l'aimée 906, ils ont envoyé
le tribut, et l'ambassadeur''* qui était le gouverneur de leur capitale,
reçut de l'empereur de Chine le titre de fGénéral ([ui pacifie les pays
éloignés''.
Dans le 9*^ mois île l'année 960, [le roi | ^, ^Ij (§ij :^ ^ M 11
Si-li lion-ta Hia-li-tan [= malais : Sëri kuda Haridana?J envoya un
andjassadeur pour apporter le tribut ''': ce (pi'il fit encore pendant l'été
de l'année suivante. Pendant riiiver de 961, le tribut fut présenté [»ar
un roi appelé ^ ^ij ^ JfP Che-li Wou-ye [= Çrï Wuja?] "'.
Au printemps de l'année 969. '\ le roi (Ihe-li Wou-ye envoya une
ambassade composée de trois ambassadeurs, pour apporter le tribut.
Ils rapportèrent [de leur visite à la cour de Chine] des queues de yak,
royaume de Tdian-pei pour apporter le tribut-^. Or il semblorail que ce nom
(In Tchan-poi fût les deux fois [, dans le Ling wai lai ta et le Soiig che,] celui
du pays mnme de San-fo-ts'i , qui dans un cas aurait été faussement pris pour
le nom du souverain. Plus tard, ÏHistoirc des Ming (k. "iih , p. 1 1 v°; Groe>e-
VELDT, Notes, p. 196; ScuLEOEL, dans T'uung pao, 11, u, p. laS) nous dira
encore que le royaume de Jambi [sur la côte orientale de Sumatra, au nord
de Palemban] tire son nom de tchan-pei qui, dans la lanjjue du San-fo-ts'i ,
siffnifie "souvorain-i (P. Pelliot, Deux ilinéraives , p. 2>'-lC))v. D'après plusieui-s
textes arabes : fl'ilc do kilali [=Kra] appartient au royaume de Jâba l'In-
dien'i (Icn Houdâ^iieh); EdrIsï s'exprime dans les mêmes termes. Iiîn AL-W.uiDï
(lil que Tie roi de la ville (sic) [de Jâba] s'appelle [aussi] Jâl)a'i (pour ces
citations, cf. mes Relations de voyages, t. I, p. 27, i84, i85; t. II, p. Z121).
Il \ a , je cidis bien, une parenté étroite entre ce nom royal de Jâba et le titre
de Tcliaii-pei ; mais je ne sais quel terme protocolaire ils recouvrent et laquelle
(.le ces deux transcriptions, arabe ou cliinoise, reproduit le moms inexacte-
ment l'expression indonésienne. On verra plus loin que les conclusions de ce
mémoire autorisent un tel rapprochement. — ''' Vide supra, p. 9, n. 2.
' D'apr(''s le Wen liien l'oiig kan , l'ambassade arriva à la cour en 90/1;
1 ambassadeur s'appelait ^(^j gji]' Jj^ Pou Ho-sou; :l/ér((i/o«aMX, trad. d'Heiueï
DE Saiîjt-Denïs, Genève, i883, in-^", p. 56 1.
'-' D'après le Wen hien t'ong k'ao (Méridionaux , p. 56 1), cet ambassadeur
s'appelait ^ y^ ^ Li-tchc-ti.
''' Le Wen liien t'ong k'ao [Méridionaux , p. 56-j) ajoute ici : ffOn apprit
par ces ambassades ([ue le royaume de San-fo-ts'i était appelé aussi royaume
de -^ -^ Sien-lieou.?î J'ai proposé d('jà de corriger ^ -^ Sien-lieou en
5^ ^ Mo-lieou = Malâyu (cf. J. As., juillet-août 1919, p. i05).
'''' D'après Ma Touan-lin {Méridionaux, p. 569), cette ambassade aurait été
envoyée par le roi ^ ^ ^" ^ j^jc 0 ^ Li-si-lin-nan-mi-je-lai [/iVc
ffMi-je-lai, fds de Li-si-lin-'|.
i8 JUILLET-SEPTEMBRE 192îi.
(le la polx^ela^Ile blanche, des ustensiles en argent, du lii de soie et deux
jeux de selles et de ])rides.
En l'année 971, l'un des précédents ambassadeurs fut renvoyé \h la
cour de Chine] pour y olfrir du cristal et du naphte. 11 revint h la cour
en 972. En 974, on apporta comme tribut de l'ivoire, de l'encens, de
l'eau de rose, des dattes, des pêches plates {sic)^^\ du sucre blanc, des
bagues en cristal, des bouteilles en verre et du corail. En 976, de
nouveaux ambassadeurs vinrent [à la cour], oh on leur fît présent de
coilîures et de ceintures.
En 980. le ixii de San-fo-ts'i ^ f^ Hia-tch'e [= vieux malais Haji
rroi'^ ^''] envoya un embassadenr. La même année, on apprit de Tch'ao-
tcheou ( Swatow du Fou-kien ) , qu'un mai*chaud étranger venu de San-
fo-ts'i était anivé dans ce port avec un chargement de parfums, de
médicaments, drogues, cornes de rhinocéros et d'ivoire. Par suite de
vent contraire, il avait mis soixante jours pour la traversée de San-fo-ts'i
à Tch'ao-tcheou.
En 983, le roi j^ ^ Hia-tch'e [= vieux malais Ha/ji rrroi'"] envoya
un ambassadeur qui apporta en tribut du cristal, des étoffes de coton,
des cornes'^* de rhinocéros, des parfums et des drogues'''.
En 985, le capitaine d'un navire arriva et offrit en présent des pro-
duits de son pays.
En 988, un ambassadeur arriva avec l'intention d'apporter le tribut.
Pendant l'hiver de 992, on apprit de (lanton que cet ambassadeur '^
qui avait quitté la capitale de la Chine deux ans auparavant, avait appris
dans le sud que son pays avait été envahi par le Chii-p'o (Java) et que,
en conséquence de cet événement, il était resté pendant un an [à Can-
ton]. Au printemps de 995 , l'ambassadeur était allé au Campa avec son
(') Ma Touan-lin [Méridionaux, p. 562) a : des confitures de pêches.
<-) L'/i initial est tombé en malais moderne.
(') Le texte a ^ , litt. des dents, des délciises.
''') CiiAVANNES (Les Inscriptions cliinoisos (h- Undli-Gayô , dans Rfiriin hist. des
reliifions, t. XXXI V, u° 1, 1896, p. 5-!, note, du tirage à part) donne le texte
et la traduction de ce passajje du So»j>- du; (cliap. hbQ, p. 5 v") où il est dit :
rLa huitième année [t'ai-p'inir-hing-kouo ■-== <j83], le roi de ce .pays [de San-
fo-ts'i], ifi'a-tc/i'e, envoya l'ambassadeur ^ ^I|l |5^ ^ Pou Yà-t^o-lo [=Pu
Ya-du-ra ou -ht] apporter eh tribiit. . .n
(^) D'api-ès le Wen bien t'nng Ic'ao [Méndionaux , p. 662), cet ambassadeur
s'ap|).'lnit '}\\\ ^î'p [5'^ ^ /*'oH ïi-fn-li -=Pn Yi-d(M'i ou -/('. 'C'est prolnihlo-
menl le même ijur irlui de rauibasï-ade de 988. Voir la note précédente.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DK (;|{Î\IJA^\. 19
navire, mais comme il n'y recueillit pas de bonnes nouvelles, il revint
[en Cihine] et demanda [à la cour] qu'un décret impérial fût promulgué
mettant le San-fo-ts'i sous le protectorat de la Chine.
Eu ioo3, le roi ,g B :^% M M iÈ B M ^^ Sseu-li-tchou-
lo-\vou-ni-fo-ma-tiao-houa [= skr. Çiîculaniai.iivai-madeva] ''' envoya
deux ambassadeurs pour apporter le tiihut. Ils racontèrent que, dans
leur pays . un temple buddhiqiie avait été érigé afin d'y prier pour la
prolongation de la vie de l'empereur; ils demandaient que l'empereur
lui donnât un nom et [fit présent] de cloches pour le temple; l'empe-
reur montrerait ainsi qu'il faisait cas de leurs bonnes intentions. Ou
pi-omulgua un décret par lequel le temple jeçut le nom de Tch'eng-t'ien-
ivan-chou et des cloches furent fondues pour être données aux ambassa-
deurs'"'. En outre, l'un des ambassadeurs reçut le titre de rr Général
qui est attiré |)ar la vertu t) et l'autre, celui de ff Général qui aime ardem-
ment l'influence civilisatrice r.
En 1008, le roi ,g, ^É IB ^l È. i^ic) Sseu-li Ma-lo-p'i [--=Çrïmâ-
ra\ijai/oUiiiigavarman] envoya trois ambassadeurs pour offrir le tribut.
On leur permit de se rendre au ï'ai-chan (l'une des montagnes saintes
de la Chine, dans ie€han-tong) et de se trouver en même temps que
l'empereur dans la salle d'audience. Finalement, ils furent n^nvoyés
[dans leur pays, après avoir reçu ] de généreux cadeaux.
En 1017, le roi ^ jM ^ ^ P-6 M 'M Hia-tch'e Sou-wou-lch'a-
p'ou-rai [=^Haji Sumalrabhûnii «le roi de la terre de Sumatra-''^']
(') Go nom royal et le suivant ont été restitués par Coedès, Le royaume de
ÇHvijaya, p. 7.
'^' Vide svpra, p. l'i— 15.
'' l*our cotte restitution, cf. ma noio : La plus ancienne wcnlion du nom de
l'ile de Suinuira, dans /. As., W sorio, t. JX, 1917, p. 33 1-335 ot la cor-
roi-lion, au suji'l du raractoro ^ wou, dans Le K'ouen-hiuen et les anciennes
navigations inli'focmnifjuen dans les mers du sud [ibid., t. XJll , 1919, p. 977-
••^78).
fQue Sainudra, Sumulra, sijfuifio i'ile de ÏOcéan, dit RouFFAEn, et soit à
ido.nlifior avec la vUlc de Saniudia sur la livièro de Pasoi de la côte orionlalo
de Aôeh, c'est (•(_' dont presijuo por'sonno, ne; douto" (Oudhcikundige opmer-
kingvn , dans liijdrajrm I. T., L. en I olkvnlmnde i\ Nederlaiidscli-Indie , dool 7^,
1918, p. i38j. .I'inia;{ine, au conlrairo, (pio oollo intorprétalion ne doit pas
avoir beaucoup de partisans. Le skr. sanmdra sijjuific liion crmer, océan n; mais
on n'a pas encore, à ma conn;iissanco , apporté le témoignage qu'une île délcir-
minéc a é.l<; janutis appelée *samudvadnpa et île i\i^ la nior-i et quo cet ôtiangc
toponymo a dosij;né file entière ou la partie soplonhioiialo do Suuiatra. Dans
20 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
envoya des ambassadeurs avec une ieltre écrite en iellies dorées el un
tribut sous forme [de présents comprenant] des perles, des livres san-
skrits plies entre des planchettes et des esclaves. Par édit impérial, ils
furent autorisés à voir l'emiiereur et à visiter quelques édilices impé-
l'iaux. Lorsqu'ils retournèrent [dans leur pays], on promulgua un édit
adressé à leur roi et on leur remit dilTéreiits présents dans le but de lui
être agréable.
En iOîî8, au 8' mois, le roi ^ ^^ ^ ^ Che-li-tie-lioua [--Çrl-
deva] envoya des ambassadeurs pour porter le tribut. Habituellement,
les ambassadeurs venant de jiays éloignés recevaient une ceinture ornée
d'or; mais, cette fois, on donna aux ambassadeurs de San-fo-ts'i des
ceintures entièrement en or.
En 1 067, arriva en Chine un ambassadeur qui était l'un des plus
haut dignitaires de San-fo-ts'i et s'appelait j^ ^ ^\i ^ Ti-houa k'ie lo
[=^Devakala]. On lui conféra le litre de Grand (Jénéral qui maintient
l'obéissance et qui aime ardemment le renouvellement. On lui accorda
un édit impérial conçu en ces termes : tr Notre réputation et Nos ensei-
un travail postériour (un impcirlant mémoire également publié dans les
Bijdragen , que je u'ai pas encore eu le temps de lire à loisir), Rolffaek y
revient à propos du présent roi de San-fo-ts'i : Haji Sumatrabliûmi. L'auleur
rappelle rinterprétalion que j'en ai donnée et ajoute : trd'après moi, [ce com-
plexe désigne] plus exactement un Roi du pays de Samudra, c'est-à-dire du
pays de la mer, c'est-à-dire du pays de Tasilc [en malais «mern], Tènmsik,
Tumasik [formes infixées de Tasik^, autrement dit de l'île de Singapour''
( IFrt* M(d(tka cmpoi-niin voor ihoo A. D. geimanid Midajoer ? dans Bijdrogcn,
deel 77, 1921, p. 75). L'objection est la même que dans le premier cas :
comment l'ile de Singapour pourrait-elle être appelée wpays de l'oct-an'^ ? (le
ioponyme est aussi impossible que le précédent : une île déterminée ne peut
pas plus être dénommée ttOcéanw que «Terre de l'océan??, surtout (juand
ffOcéann s'applique au nord-est de Sumatra et tr Terre de l'océan*? à l'île de
Singapour. Le iSàgurahertâgama (a* édit., p. 5i) a bien Tutnasik , (pu a (Hé
identilié à Singapour et .lolior [iOld., p. -jlïo) et qui est sans doute le JS ,!&
^ Tan-ma-si du Tuo iji Iclie lia (notice consacrée au jfj Sien, pron. anc.
^Siiaiit, l'ancien ro\aume de Sukotbaï, dans Rockiiill, J\oli's un the relations
and I rade (if China, Toung pao , t. XV, 191 G, p. 100); mais il n'est aucune-
ment démontré qu'il s'agisse ici d'une île qui aurait élé appelée initialement
Samudra «la mer, l'océan??. Je ferai reDnar(pier, enfin, que le premier carac-
tiVe du toponyme en question est sou = su, comme celui de toutes les autres
notations chinoises el arabes qui transcri\('nt le nom de l'île et de l'état sunia-
Iranais de la ci'ile nord-est (vide infra, LXXIX, extrait du m<. '.!a();!, la note
ù propos du nom de l'île de Sumuira, p. 81 ).
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE çnïVIJAVA. 21
g-nemenls projettent ienr ombre sur tons les pays, proches ou lointains;
si les représentants de ces pays sont seulement loyaux et soumis, Nous
leur donnons toujours des titres chinois, eu leur accordant des noms
distiujfjués daus le but de marquer notre estime pour leur pays. Vous
vous êtes joyeusement soumis à Notre haute intluence et vous êtes venus
à travers la mer. pour apporter en tribut des objets pre'cieux. Nous vous
louons de cela et Nous vous avons élevé en dignité pour vous encourager
à être loyal et soumis."
Pendant la ^yéviode yuan- fong (i 078-1 o85), des ambassadeurs vin-
rent de San-fo-ls"i apportant encore de l'argent, des perles, de Ihuile
de camphi-e, de l'encens et d'autres produits du pays. La lettre qu'ils
aj)portaient fut d'abord envoyée à la cour, de GantoQ où ils attendaient
que [l'ordre vînt] de les faire escorter jusqu'à la capitale. L'empereur
se rappelant qu'ils venaient de très loin, leur donna de généreux pré-
sents et les autorisa ensuite à s'en retourner. L'année suivante, il leur
donna 6/j.ooo ligatures de monnaie de cuivre, iS.ooo taels d'argent et
il accorda aux deux ambassadeurs des titres honoritîques. L'un d'eux
demanda la ])ermission d'acheter des ceintures d'or, dillerenls objets en
argent, des vêtements de pourpre pour moines buddhistes et des tablettes
officielles'^* : tout cela lui fut donné comme il le désirait'"'.
En 1080, un étranger du sud arriva à Canton. Il dit qu'il avait la
direction des affaires dans son pays. La fille du roi envoya [par son
intermédiaire] une lettre en caractères chinois au surintendant du com-
merce avec [, en présent,] du camphre de Baros et des cotonnades. Le
surintendant n'osa recevoir ni lettre ni présent et il fit un rapport au
Trône; sur quoi il reçut l'ordre de payer ces marchandises à leur valeur.
Le surintendant acheta alors de la soie pour une valeur égale à celle des
objets donnés en présent , et la remit à l'étranger en question.
En 1082, trois ambassadeurs vinrent de San-fo-ts'i pour obtenir
audience de l'empereur; ils apportaient des tleurs de lotus en or ornées
de perles, du camphre de Baros et [ils accomplirent la cérémonie appe-
'•'*^] ^ IS sn-lien '^^K On leur conféra des titres honorifiques d'après leur
grade personnel. Le troisième ambassadeur mourut en Chine, après
''^ ^ÏJj )^ ■ Le sens de ces mots n'est pas clairw (Ghokneveldt).
'■-' Sans (|u'il eût rien à payer, ajoute 1(! If Vh hicn l'onn k'ao (Méndùmaux ,
p. 565).
W Groknkvkldt n'a pas compiis cepussaije, qui est plus explicite dans le
Wpn hie.n l'oiig k'ao ( McriditiiKni.r , p. 5(15 et n. 90). (-elle cérémonie consiste
a rcpaiidn' du canipliic cl des pcilcs siii' 1rs (Icjjic's du Irône do l'empereur.
22 JUILLET-SEPTEMBRE 192-2.
.'ivoii' (jiiillé la rapilale. Le gouvernement chinois fit présent tle cinf|uanlo
pièces (le soie pour ses ol)sèques.
En io83, trois autres ambassadeurs arrivèrent; il leur fui conféré à
tous des titres honorifiques d'après leur grade personnel.
Pendant la période clmo-cheug (109/1-1097), une ambassade vint
encore.
En ii5G, le roi ^ ^ij JmM%§:^ Si-li raa-hia-lo-chë [- skr.
Çrïmaliâraja > malais Sëri Maharaja] envoya des ambassadeurs pour
apporter le tribut. L'empereur dit : ff Lorsque des gens éloignés se sen-
tent attirés par Notre intluence civilisatrice, on doit louer leur discci'ne-
ment. C'est de cela que Je me réjouis, mais non pas parce (jue Je veux
tirer bénéfice des produits de leur pays.ii A cette occasion, le roi de
San-fo-ts'i avait également envoyé des perles pour être remises en pré-
sent à l'im des ministres chinois qui moui'ut à ce moment. L'empereur
donna l'ordre de recevoir les perles et de remettre une somme égale à
leur valeur ''l
En 1 178. on envoya encore des ambassadeurs pour apporter en tri-
but , des produits du pays. A cette occasion , l'empereur promulgua un
édit prescrivant que [les envoyés de San-fo-ts'i] ne viendraient plus à la
cour et s'installeraient à Ts'iuan-tcheou du Fou-kien ^'K
SoNG cuE ou Histoire des seconds Song, chap. ccccxc, dans
Ed. Chavannes, Les inscriptions chinoises de Bodh-Gaijd i^îicvne
de Vhstoire des religions, t. XXXIV, 1896, p. Sa).
XX. La huitième année t'ai-p'ing-lnn^-l.niio ^ gSti , le religieux ^^
i^ Fa-yu, revenant de l'Inde où il avait été chercher des livres sacrés,
('^ Le Wcu liiou t'i»tg k'ao nienlionne entre l'ambassade do 11 56 et celle
de 1178 une amljussade dont ne parie pas le Song chc : «La 8° année kien-lao
(117a), le roi [de San-fo-ls'i] sollicita l'autorisation d'acheter du cuivre, d'en
faire charger un bateau et d'engager aussi à son service un certain nombre
d'ouvriers chinois sachant fabricjuer des tuiles avec ce métal. L'emporeui'
donna son consentement, mais sous la condilion (|ii(' (•clic demande ne serait
pas renouvelée. -5
^'' Le goiivcineur de Ts'inan-tcheou les recevrait désormais et leur servi-
rait d'intermédiaire {Weii-Iiien l'ong k'ao, Méridionaux, p. .566). ^Ia Touan-
i.is ajoute (ibid.) : «Le roi de San-fo-ts'i fit connaître [par l'ambassade de
1 17B] (ju'il avait succédé à son père depuis la ti" année kien-lao (1 169). Aus-
sitôt i'inveslilnrc lui fut donnée, avec I,i confirmalion de liuis les titres dent
|;K\|IMRK SI\(ATR\N\1S l)K (_:i;i\ i.l \n. -23
arriva à iïi 1^ ^ San-fo-ls'i et y rencontra le religieux binilou 5^ |^
j^ ^ ^ Mi-mo-lo-che-U (= Vimalaçrî), qui, après un court entre-
lieu, le chargea d'une requête clans laquelle il exprimait son désir de se
rendre dans le Royaume du Milieu"' et d'y traduire les livres saints.
L'empereur eut la bonté de rendre un édit pour l'appeler auprès de lui.
Fa-yu quêta ensuite des aumônes pour fabriquer un dais précieux et un
kasâija. Gomme il se proposait de retourner en Inde, il demanda qu'on
lui remît des lettres officielles pour les royaumes qu'il devait traverser.
[L'empereur] lui donna donc des lelties pour i|| ^ Hia-tche [:= vieux
malais //«/« nToi^^], roi du pays de H f^ ^ San-fo-ts'i: pour ^ ,^
fo S Sseu-ma-ki-mang ^^^ souverain du pays de ^ "é' ^ Ko-kou-
ses ancêtres avaient joui et avec les présents consistant en liabits do cérémo-
nie , ceinture d'or, chevaux , selles , soieries , traditionnellement accordés aux
princes de son rang à l'occasion de leur avènement. 3)
(1) La Chine.
'^1 Dans la nulicc ih consacrée ^u Chô-p'o — .lava , Tciivo Jou-koi;a dit :
<f Comme mandarins, il y a [dans ce pays] des pïj ,Ç^ It)! ^ f p 1^ ssvn-
ma-hie-lo-ki-licn qui administrent ensemble les aQ'aires du royaume; ils sont
comme les ministres en Chine" (Pklliot, Deiix itinéraires, p. 3i}; cf. Chan
Ju-kua, p. 76). Le Si yang tch'ao honji tien Ion de Hocvng Sing-ts'eng (i.5âo)
contient une notice sur Pahan (côte orientale de la péninsule malaise), où
une note au texte dit : «En l'année 1879, P'en<j-henj;- (Pahaù) envoya à la
cour de Chine une ambassade avec une requête [gravée] sur une feuille d'or
et un présent d'esclaves et de divers objets. En l'année 1 /i 1 ^1 , il envoya le
haut fonctionnaire j^ ^ ^ P^ Ô^ M Sou-mt-kou-men-ti-li et d'autres avec
le tribut" (Rockiiu.l, ISotes on llio relations and tradc oj China witk tlie eastern
Arcliijjclairo and ihe coast of tlie Indian Océan during the fourteenth ceiiturif,
dans Tounir jxtn , t. XVI, J9i5, p. 121, note). De ces dpux titres, la seconde
partie du premier : lo-li-licn a été correctement restituée en yrtlr^rt» ( 1'i;j.i,iot,
Deux itinéraires, p. 3ii-3i2), qqi est bien ponnu en vieux-javanais et vieux-
malais (^vide infra l'inscription de Baiika); les trois dernier^ caractères du
second : men-ti-U représentent le titre malais mëntëri < skr. mantri anjiuistre».
Dans les deux cas , les trois premiers caractères
f^eu-ma-kie lo-hi-lien = rakryan
snu-t)ia-k(iK wen-ti-li -- mënlëri
sont évidemment apparentés, niais je ne sais quel terme protocolaire indoné-
sien ils transcrivent. IIirtii et Rockhili, ont traduit le passage précité du Tchou
fan telle : «Of otTicials they bave Sfi-rna-kié (and) Lo-ki-lien . . ^ '" (p- 76),
mais cette interprétation ne se justifie pas. Pi;li,iot [ibid., p. 3>i) avait
remarqué dt-jà (pie le Song cJw el le TT'c/( liicn t'iinfr k'ao (cf. Méridionaux
n JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
lo; pour 1^ iS j^ Tsan-tan-lo [=== (landra] du pays de ^ g^ Ko-lan
[=Kfdam (les textes arabes, le Quilou de uos cartes], et pour ^ S|i^
Jllj Mou-fo-sien [=^ Mudiasena], (ils du roi de l'Inde de l'Ouest: on le
fil |»aitir muni de ces lettres,
MiNG CHE OU Histoire des Ming ( i 3 6 8- i 6 /i 3 ) ,
livre CCCXXIV ('l
SAy-FO-Ts'l.
XXI, San-fo-ts'i, appelé autrefois -f- lî^ ^ij Kan-to-li '^', envoya
pour la première fois des ambassadeui's apporter le tribut sous le règne
de l'empereur Hiao-wou de ia dynastie des premiers Soug (6o4-/iGA).
Pendant le règne de l'empereur Wou de la dynastie des Leang (5oq-
5/19), ils revinrent à plusieurs reprises; et à l'époque de la dynastie
des seconds Song (960-1279), ils apportèrent le tribut sans arrêt.
En 1870, l'empereur de Chine envoya un ambassadeur [au roi de
San-fo-ts'i J pour enjoindre à celui-ci de se faire représenter [à la cour
chinoise par une ambassade]. L'année suivante, le roi qui était appelé ^^^
•^ "p M -^L A M h Ma-ha-la-lcha pa-la-pou [= indonésien Maha-
raja Prabhu], envoya des ambassadeurs portant une lettre écrite sur
une feuille d'or et apportant en tribut des ours noirs, des casoars, des
paons, des perroquets de différentes couleurs, plusieurs sorles de par-
p. ^97) ont seulement lo-ki-lien au lieu de sspu-itia-kie lo-ki-liri} ; le passajje
parallèle du .SV i/rt»g" tch'ao koug tlri> Ion vient heureusement résoudre une par-
tie de l'énigme : c'est sseu-ma-kie qu'il faut lire; les deux premiers caractères
iseu-ma, complexe chinois signifiant «chef militaire, général", sont hors de
cause.
Le Ko-kûu-lo du Sang che qui est, sous une autre graphie, identi(|ue au
'W ^ W- '^""l^'J""!" de KiA Tan et qu'il ne faut pas confondre a\ec son
homonyme le xlïU Kakula de Ibn Bâti ta, est à situer sur la côte occidentale
(le la p(''iunsiile malaise. Le nom du souverain de ce pays : Sseu-ma-ki-mang,
semble bien devoir être lu : Sseu-ma-ki .\laug, le premier terme de ce nom
ou titre royal étant à rapprocher du Sscu-iiia-kii' du Te Itou fan tche et du Sau-
vin-kou du Si yang tch'ao kang lieu lnti.
'') D'après Gkoenkvkldt, Notes, Inc. cit.. p. 192 et suiv.
(■') Pour le Kan-t'd-li, cf. l'appendice 111 de mon mémoire sur Le K'niieii-
louen et les anciennes navigations interocèani<iues dans les mei's du Sud. dans
J. As., XI" série, t. XIV, 1919, p. 23H-a4i, et siipra, p. i5, n. 2.
'■ Il l'aul cnlriKlic : (iiii [lorlail le tilrc de Mnliaraja Prahhii.
L'KMPlRt; SllMATPiVNAIS DE ÇHÎVIJAW. 25
fums, (le l'étoffe ',^ pi, des couvertures en laine et beaucoup d'autres
objets. L'empereur ordoinia de leur donner une copie de l'almanach
impérial et des pièces de soie [en nombre vaiiable] suivant leur grade.
En même temps, le ministère des Finances fit savoir (ju'un navire avec
des marchandises leur appartenant, était arrivé à Ts'iuan-tcheou [du
Fou-kien] et voulait leur faire payer des droits; mais l'empereur pres-
crivit de ne lùen leur l'aire payer.
En 1873, le roi '\^ B f^ M f^l ^ Ta-ma-clia-na-a-tch(i ''
envoya des ambassadetiis pour porter le tribut, avec une lettre spéciale
de félicitation pour le nouvel an suivant.
A cette époque, il y avait tiois i-ois dans ce pays.
En 1874, le roi ^ M ^^è ^ ^^ ^ Ma-na-ha Pao-lin-pang [-Ma-
haraja de Palembai'i | envo\a des ambassadeurs pour apporter le tribut,
ce qu'on fit également le 1" mois de l'année suivante.
Au 9° mois de l'année 1875. le roi appelé fW {fHI ^1 ^ M ^^^^g-
h'ia-lie-yii-lan ''' envoya des ambassadeurs pour apporter le tribut. Ces
ambassadeurs vinrent à la cour en suivant un envoyé impérial qui reve-
nait de mission dans un autre pays.
En 1876, le roi Ta-ma-cha-na-a-tchô mourut et son fils, ^ ^f) ^
3a ^ Ma-na-tcho Mou-li [= Maharaja VVuli ou Wuni?] lui succéda.
L'année suivante, ce dernier envoya en tribut des cornes de rhinocéros,
des casoars, des singes blancs, des perroquets noirs et verts, de l'écaillé
de tortue, du girolle, du camphre de Baros et d'autres objets. Les
ambassadeurs dirent que le fils n'osait pas monter sur le trône de sa
propre autorité, c'est pourquoi il en demandait la permission à la cour
impériale. L'empereur fit l'éloge de son sentiment du devoir et ordonna
à des envoyés impériaux de lui poiter un sceau H un brevet de roi de
San-fo-ls'i.
Cependant, à celte époque, San-fo-ts'i avait été déjà conquis par )^
f') GiiOKNKVELDT a lu inexactement Td-ma-cha-na-a.
•*) D'après le Yuan cke (XXIX, aa"; XXX, p,*, 90°), le loi de Ja\a cnvova
en i325, en ambassade en Chine, un ministre appelé ^ ]|i|J f^ jjjff ^ .{{f^
Si-la iSeng--A;ù(-/î-î/fi = javanais Sira San kaUija (1). Kn i332, unt- autre ambas-
sade avait à sa tète un ministre du ni)ni de f^ ^\\ ]^|J >SV///; k'ia-la, lill. Saii
Gala (ou Kala) (Yuan clio , XXX, ai'; XXXVl, ^1''). Comme l'a conjecturé
WocKHUA. [Notes on the velalions and Irade , dans T'ouitjr pao, t. XV, 191 '1,
p. yiti-Viy), il s'a{jit 1res vraisemblablement du même personnage. Le nom
fie I ambassadeur javanais est sans doute le même ([ne celui du roi flu San-fo-
is I . niais i(> iTmi pas n'iissi à les res[iluer.
20 JUILLKT-SEPTEMBRE 1922.
P^ Tchao-wa^''. Le roi de ce dernier pays apprenant que l'empereur
de Chine avait nommé un roi de San-fo-ts'i, en fut extrêmement irrité;
il envoya des gens qui guettèrent au passage et assassinèrent les envoyés
impériaux. L'empereur ne pensa pas qu'il fut juste de punir le roi de
Java pour cela.
Après cet incident, San-fo-ts'i devint de plus en plus pauvre el on
n'apporta plus le tribut de ce pays.
En 1897, ^^^ fonctionnaires du ministère des Rites adressèrent un
mémoire à l'empereur, disant que différents Barbares n'avaient |i.as
apporté le tribut depuis longtemps.
L'empereur répondit en ces termes : ffAu commencement de mon
règne, les différents Barbares envoyaient sans cesse des ambassadeurs
avec le tribut; parmi ces Barbares étaient les pays d'Annani , du Campa,
du Cambodge, du Siam, de Java, de Lieou-k'ieou '"', de San-fo-ts'i, de
[la côte septentrionale de] Bornéo, de Pahan, de [l'état de] Sumatra
[sur la côte nord-est de Tile du même nom] et de beaucoup d'autres
pays; mais, récemment, San-fo-ts'i se prévalut de la révolte de Hou
W'ei-yong et induisit en erreur nos envoyés dans ce pays par de faux
rapports. En apprenant cela, le roi de Java envoya des gens pour ftùre
remarquer aux envoyés impériaux qu'ils avaient été trompés et on les
renvoya [en Chine] avec la plus grande courtoisie. Depuis cette époque,
les relations commerciales ont cessé.
') Le Trio iji Icltc lio de \\ ma Ta-tuan (i^'ig) contient une notice consa-
crée ù Tchao-wa = Java — Hockhill (ISoli'S on the re](iti(»m and Uaile , dans
Toun^ ■pan, t. XYI, 191 5, p. fl36) a iniprimô la leçon fantive hal)ilnello f^
pi Koua-wa ponr J^ \ Tchao-tra qni est sans donle celle du texte chinois
— on il est dit : r C'est le royaunu> do [^ ^ (Jië-p'o d'autrefois. 75 La gra-
phie [^ ^ so prononçait sons les T'ang *Z'a-h'^a 'CZ.Jawa; au xiu° siècle,
ces deux caractères avaient nnc prononciation à peu près identique à celle du
chinois mandarin moderne : Chô-p'o, qui n'avait plus qu'une lointaine relation
phonétique avec le nom de la grande ile indonésienne. Par un louahle souci
de rendre aussi fidèlement que possible le loponynie étranger, les Chinois
adoptèrent une nouvelle transcription : Tchau-wa, phonétiquement Cao-wa,
qui représente exactement Jnwa , au timbre do la palatale près, sonore eii
indonésien , sourde en chinois. L'entiploi du caractère ^ Ichag < indonésien
ja , répond à une particularité de l'euphonie chinoise d'après laquelle on choi-
sit de prélV-rence un mot dont le phonème final soit en harmonie avec l'ini-
tiale de la s\Uahe suivante, soit Iclia-n -\- tva — jaiva.
(') Sur ce pays, cf. l'appendice I de mon mémoire Malaha , Iv. Malâiju et
Ahiiâiiiir. dans ./. I.v. . Xi' s(''rie, t. XII, 191B, p. lofi i!<!j.
i;kmpihe slimatranais dk (;rïvi.i\y\. 27
ffLes (liiïdieiils [)ays u'out pas la même menlalitë : rAnuam, le Campa,
le Cambodge, le Siam cl le Lieou-k'ieou se rendent à la cour et apportent
le tribut comme par le passe; mieu.v encore, le Lieou-k'ieou a envoyé
des jeunes gens qui viennent s'instruire ici. Toutes les fois que les pays
barbares envoient des ambassadeurs, ceux-ci sont toujours traités avec
courtoisie et Je ne suis eu aucune façon indinereiit à leur égard; mais,
actuellement, Je ne connais pas leur mentalité. Si Nous envoyons actuelle-
ment des porteurs de message à Java, il est à craindre que San-fo-ts'i
ne les arrête en route. Je suis informé que ce San-fo-ts'i était initiale-
ment un pays appartenant à Java. Prenez donc note de ma manière de
voir et faites-en part au Siam, en lui enjoignaul de la faii'e connaître à
Java. y
Sur ce, le ministère des Rites envoya une lettre ainsi conçue :
ff Depuis que le ciel et la terre existent, la différence entre souverain et
sujet, entre baut et bas, a toujours existé. Les pays qui se trouvent
autour de la Cbine sont réunis en un seul par notre gouvernement et
autrefois les différents Barbares d'au delà de la mer, venaient régulière-
ment jouir de son indiience. Actuellement, le San-fo-ts'i a eu de mau-
vaises intentions, il a trompé nos fidèles envoyés impériaux et s'est
rendu coupable de trahison. Notre saint Empereur traite tous les Bar-
bares avec la même bienveillance et justice; comment osent-ils être
ingrats pour ces hautes faveurs et oublier les devoirs d'un sujet envers
son prince? Si la colère de l'empereur est éveillée, il peut envoyer une
armée de cent mille hommes pour mettre à exécution la punition flu
ciel, ce qui lui est aussi facile que de retourner la main. Pourquoi les
Barbares ne se rappellent-ils pas de cela? Notre saint Empereur a dit
que l'Annam, le Campa, le Cambodge, le Siam et le Lieou-k'ieou rem-
plissent leurs devoirs de sujets, mais le San-fo-ts'i seul se retourne
contre les saintes instructions de rËm|)ereur. Quoiqu'il soit plus petit
que les autres pays précités, il se risque à être rebelle : il sera aiusi la
cause de sa propre ruine. Mais vous, Siam, comme vous remplissez
respectueusement vos devoirs de sujet; comme le gouvernement prescrit
parle Ciel vous a en grande estime, il vous confie le soin d'informer
Java que ce derniei' pays doil parler au San-fo-ts'i de ses devoirs [envers
l'empereur] et de lui faire savoir que si celui-ci modifie ses mauvais pro-
cédés, il seia aimablement reçu à la cour comme par le passé. i^
A celte époque, Java avait conquis le San-fo-ts'i tout entier et changé
son nom en celui de ^ f^ Kieou-kiang ''\ Lorsque le San-fo-ts'i fut
(') l,il(. -le \i('il csliiaircj) , le vieux pciil.
'2^ jriLLRT-SEPTEMBRE 1922.
batln, il y eut (Ips troubles dans tout le pays et les Javanais ne purent
pas l'occuper enlièrenient. En raison de cela, les Chinois qui étaient
établis là. se révollèrent pour leur propre compte, et un Cantonnais de
Nan-liai, appelé ^ y^ \])] Lean^ Tao-ming, qui avait vécu pendant
longtemps et erré sur la mer, et qui avait l'appui de plusieurs milliers
d'hommes du Fou-kien et de Canton, fui choisi par eux comme chef.
11 régna comme maiire d'une partie du pays, et son (ils tjui rencontra,
une fois, un anibassadeui- impérial envoyé en mission hors de Chine,
fut amené par celui-ci à la cour.
En iAo5, l'empereur envoya un porteur de message qui était origi-
naire de la même ville que Leang Tao-ming, invitant le chef chinois de
San-fo-ts'i à se présenter à la cour. Tao-ming et son allié §5 f 0 Pf
Tcheng Po-k'o suivirent l'envoyé impérial et apportèrent en tribut, des
produits du pays à la cour. Ils revinrent ensuite [dans leur pays] après
avoir reçu de nom])reux présents.
En i4o6, le chef [chinois] de Kieou-kiang, appelé f^ )p£ ^ Tch'en
Tsou-yi. envoya son lils: Tao-ming envoya son neven qui se rendirent
ensemble à la cour. Tsou-yi était également un Cantonnais et quoiqu'il
envoyât le tribut ;i la cour, il se livrait en même temps à la piraterie;
les ambassadeurs d'autres pays qui ap])oitaient le tribut en Chine en
souflfrirenl beaucoup.
En 1/107. 1 envoyé impérial Tcheng Ho''^ qui revenait d'Occident,
le convoqua par un porteur de message. Tsou-yi feignit d'obéir à cet
ordre, mais il se prépara secrètement à dévaliser aussi Tcheng Ho.
Celui-ci en fut prévenu par un autre Chinois aj)pelé f^ j^ j^^ Che
Tsin-k'ing, et lorsque Tsou-yi l'attaqua, il le lit |)risonnier, l'amena
à la capitale oii il fut exécuté. En même temps, Tsin-k'ing envoyait
son gendre apporter le tribut; sur quoi l'empereur donna l'ordre de
créer un bureau de Pacificateur de Kieou-kiang et nomma Tsin-k'ing
à ces t'onctions. Par ordre impérial, on remit à ce dernier un sceau, un
chapeau et une ceinture [comme insignes de ses fonctions], et depuis
lors le tribut fut apporté à la cour à plusieurs reprises. Quoique Tsin-
k'ing ait reçu une commission de l'empereur, il était en même temps
soumis à Java. Le teriitoire de son gouvernement n'était pas étendu et
n'était en rien comparable à celui de l'ancien San fo-ts'i.
En ilmh, le (ils de Tsin-k'ing. appelé '^ ^ ^^, Che Tsi-souen,
fit savoir que son père ('tait mort <'t demandait l'autoiisation de lui suc-
'•' Sur ce réldirc ('unii(|U(' et imiliassiidi'iir iiii|i(Mi;ii, cf. llix.kini.i., Ae/cs <>»
l'iC )cl(ilii)iis (nul Ifdih' . T'iiuiiir 1)1111. I. \\[, KtlT), |). <Si.
1;KM1MI{K SU\l\Tli\NVI.S l)K (;hi\ijv^\. 29
cëder : elle lui luL accurdec. ivi i^i-).ô, il envoya des anil»asHi;l('ui'.s
pour apporter le tribut. Ceux-ci dirent que l'ancien sceau avait été dé-
truit dans un incendie; sur quoi l'empereur ordonna d'en donner un
nouveau. Depuis lors, le tribut fut graduellement apporté plus rare-
ment.
Vers la fin de la |)ériode lia-ising (iSaa-iSôC)), le fameux bandit
cantonnais, i^^ 1^^. Tcliang Lien, causa des troubles; mais, au bout de
quelque temps, les officiers de l'armée firent savoir cju'ils l'avaient cap-
turé. En 1577. ^^^ marcliands venus à Kieou-kiang- virent que cet
bomme y avait une rangée de boutiques et était le maître de navires
indigènes; un grand nombre de Cbinois du Fou-kien lui étaient attacbés
et il était une sorte de surintendant du commerce avec la Chine.
Ce pays est un endroit de grande importance pour le commerce des
Barbares. Il est situé à l'ouest de .lava d'où on y arrive, avec vent favo-
rable, eu huit jours de voyage environ. Le pays est divisé en quinze
districts; le sol est fertile et propre à l'agriculture; d'après un dicton
local : frSi vous plantez du riz une année, vous avez de l'or pour trois
ansfl , ce cjui veut dire que la récolle est abondante et peut être vendue
pour beaucoup d'argent.
Les gens riches sont très adonnés à la débauche.
Les habitants de ce pays sont habiles à combattre sur l'eau : aussi
leurs voisins les craignent-ils.
Le pays est abondamment fourni de [cours d'Jeau. Les chefs vivent à
terre; le peuple habite sur la rivière; dans ce but, on construit les mai-
sons sur des radeaux qui sont attachés à des pieux de telle façon que
lorsque la marée monte, les radeaux s'élèvent sans être submergés
Lorsqu'on veut changer de place, on arrache les pieux, ce qui ne coûte
pas beaucoup d'argent ni de travail.
Les basses classes donnent à leiu's supérieuis le titre de @ ^.
tclmn-pei'', ce qui a le même sens (jue cr souverain "du pays-'. Postérieu-
rement, l'endroit oii le premier chef vécut fut appelé également Tchan-
pei ■'.
L'ancienne capitale du pays a été changée en [l'actuel | Kieou-kiang.
Autrefois, le pays était riche; mais dc|)uis sa con(|uéte par Java, il est
devenu de [)lus on plus pauvre et peu de navires marchands s'y rendent.
(') Vide xupni , p. i() , 11. 3.
(■-) G'csl-à-dirc .lamhi, au nord di\ Palonilian, qui rorrospoiul j;<''((j;ra[ilii-
qucniciil au Maiàui de Yi-lsiujf. VA', mon iiK'moIre Malalm, le Mulaija cl Mata-
yur, dans ./. As., mai-juin et juillcl-aoril i<)iS.
;{0 J U I L L K T- s E P T K M B RE ;1 U '2 2.
Ses coiitiiines et ses produits ont été décrus dans rilisloiie des
[seconds j Song''^.
TaO 17 TCIIE Lin (le W ANG Ta-^ L'AN ( iS/l^ ).
^'.'1 \-/'o-r.s'/.
X\ll. Eu"' jiailaiil du détroit de Long-ya f| ^ P^ ' , on arrive
dans ce pays après un voyage de cinq jours el cinq nuits.
Beaucoup de gens ont pour nom de famille ^ pou '", Ils aiment à
se battre, sur mer et sur terre. Les combattants avalent une drogue qui
empécbe les épées de les blesser. Ce sont ainsi les gens les plus auda-
cieux du monde.
Le pays a une population dense; la terre est fertile et splendide; le
climat est chaud. Au printemps et pendant l'été, il pleut continuelle-
ment.
Les coutumes y sont bienséantes et pures. Hommes et femmes coiffent
leurs cheveux en chignon et portent une courte chemise bleue en coton ;
ils s'enveloppent dans une pièce d'('toffe de coton [provenant (?)] de
Tong-tch'ong ^ /'l' ^ • Comme ils aiment la propreté, ils mettent leurs
maison sur des charpentes [llottaut] sur l'eau *^'. Ils recueillent les
huîtres pour en faire du S^ tcha '-^K Ils font bouillir l'eau de mer pour
faire du sel et font feimenter le riz giutineux f)ft poui' f^ùre du vin. Us
ont un souverain.
Les produits indigènes sont la fleur de prunici-. les morceaux de
'■) Vide supra, p. i5 el sulv.
(-) D'après W. W. Rgckhill, ]\(iles ou ihe rdalinus und Intdc o/' CJdim ivilli
tke Eustt-iii Arckipelugo and tlie coasl of ike Indian Océan duruig ihf fourlmitli
ceidurij, dans T'ou7ig pao, t. XVI, 1916 , p. 1 3 A- 1/10.
(^i \insl (jut! Ta moulré Rockuill (/oc. cit., p. 129, n. 2), ii s'agit ici du
détroit de Singapour, alors que le ^ :^ P^ Ling-ya men du Tchou fan tche
{vide supra, p. 9) «le détroit de Ling-ya 5), désigne le détroit de linga. Le
Long-jin-nicn dn Tao yi tche lio signifie littéralement ^détroit de la dent du
dragon". Rockuill situe inexactement San-fo-ts'i à Jamhi; c'est Palemban
qu'il faut lire.
(*) Vide supra, p. 16, n. !i.
(^) Vide supra, p. 99 et 9.
(*) Sorte de condiment colonial appelé en anglais chulney. Cl. 11ouso.n-Joi!-
8ON, s. v° Chtiinf.
L'EMPÏUE SUMATIIVNAIS DE ÇUÎVIJAVA. .'51
camphre de qualité moyenne, le bois de la(]iie, la uoix d'arec, les
étoffes de colon et du bois artistiquement sculpté.
Les marchandises qu'emploient [les Chinois] pour faire du com-
mei*ce sont : les taffetas de couleur, les perles rouges, les châles, les
étoffes de coton de couleur, les marmites en cuivre et en ter el d'autres
encore.
D'après une ancienne tradition, [une i"ois,J la terre s'ouvrit subite-
ment et plusieurs myriades de bœufs en sortirent. Les gens s'en empii-
rèrent et les mangèrent; puis, ils prirent des bambous et comblèrent
[la crevasse] pour toujours '''.
^ f^ KlEUU-KlA.\G.
XXllI. [En partant] de ]'^î f^ Tan-kiang, on pénètre dans le ^
^ P^ détroit de P'eng-kia [=Banka]'''. Les habitants se servent de
[radeaux en] bambous au lieu de bateaux. Le long des routes, il y a
beaucoup de pagodes en briques. Le profit qu'ils retirent de leurs
champs est le double de celui des autres pays. C'est un dicton populaii'e
que si du grain est planté une année , la troisième année il pousse de
i'oj'; ceci veut dire que le grain a été changé en or. Au bout d'un cer-
tain temps, des gens de l'Océan occidental ayant entendu parler de la
fertilité du sol, vinrent dans des navires et prirent dans les champs un
morceau de l'os de la terre (i^ 09 1^ /2 ifc *M') pour le transporter
dans leurs propres champs et établir ainsi des relations entre eux et ce
pays ( JLU B§ {^ ffl ^ ^ W<)'-> niais, quoi qu'ils aient planté du
grain, l'or des champs de Kicou-kiang ne poussa pas. Ceci est une
étrange chose *^' 1
Le climat est plutôt cliaud. Hommes et femmes coiffent leurs cheveux
en chignon et portent un pagne de coton blanc. Ils font bouillir l'eau de
'') Vide supra, p. 12.
Î-) tr C'est-à-dire : :tQuan(i on quitte l'embouchure de la rivière de JaiiiLi
trou Suni Sunsan (appelé ici «l'estuaire à i'oau douce» ou Tan-kiang), on entre
firabord (en se rendant dans la mer do Tava) dans le di-lioit do Banka.-^
(HoCKniLL.)
W «Le Toiig si yaiig k'ao (3, l'i") dit : «Kicou-kiang ('lait appelé |^ -j^
«îrto t'ou «le pays fertile, parce que, trapros le dicton, si on sème du grain
une année, la troisième année [suivante], il pousse de Tor; ce qui veut dire
«que les n'coltcs y étaient si abondantes ([u'on en retirai! beaucoup d'or en les
«vendant.-' (Ivocmmll.) Vide miprn , j). 99.
32 JUILLET-SËPTKMBRE 19!>-i.
mer pour en laii-e du sel et font fernienlorle jus de la noix de coco pour
en faire du vin. Ils ont un souverain.
Les produits indigènes sont : le bois d'aloès. le parfum ^ |^ Lin-
(//«'', du coton supérieur à celui de tous les autres pays élrangers, de
la cire d'abeille, du hiang-tchen de qualité inférieure, de très grands
buceros'"' et du bois d'aloès de qualité moyenne.
Les marcbandises qu'emploient [les Chinois] pour faii-e du commeice
sont : de petites perles colorées de f^ ^ X. i'k Men-pang (?) , des ||ft
J^ fJ£ noyaux de hi-lin (?), des objets en porcelaine de Tch'ou-[tcheou-
fou], des chaudrons de cuivre, des étoffes de coton de couleur, de
grands et petits récipients pour l'eau, des pots et d'autres choses encoie.
YiyG Y Al CHEXG LAN de Ma HoiAN ( 1 /| 9 5-1 â 3 2 ?).
KlEOU-KIANG.
XXIV. On l'appelait anciennement San-fo-ts'i, On l'appelle également
î'$ '/H^ ^ Po-bn-pang [— Palemban] et il est sous la dépendance de
Tcbao-wa (Java). A l'est, [ce pays] est contigu à Tchao-wa; à l'ouest,
à f^ $lj ijli Man-la-kia [=Malaka] '^'; au sud, se trouvent de hautes
montagnes et au nord-ouest, il s'étend jusqu'au bord de la mer. Les
navires (venant de Kieou-kiang) entrent dans le \'^ f§ Tan-kiang
fTestuaire à l'eau douce "; puis à ^^ P'eng-kia [=Banka|. lis
doivent transborder sur de petits bateaux pour remonter le [Tan-]kiang
et atteindre la capitale ''^\
'' «Lo kin-yin hiaiig, litt. «encens d'argent et d'or», en malais kcmanjan,
[Hre : këininan, cf. Favhe, Dict. mnhiis-fraurais , sub verbis^^y^, ^Jir^, (j;>-^J>
est le benjoin doux; voir Hiuth et Rockuill {Chati Ju-ktia. p. 198 [où il est
appelé ^ il^ ^ klii-iicii-hiaiig ftcucons do couleur d'or^]; le Tong si ymg
k'ao (3, 17 a] monlionnc le nnphte ^^ >/^ ^ parmi les produits de Kicou-
kian|j.r> (RockiiiLi.. j
'-' Pour la description de cet oiseau, vide inj'ra, X\l\, p. 3'i.
'^) Ma HoiAN oriente Sumatra de lesta l'ouest, alors que l'orienlaliou de
l'ilc est du nord au sud. Une erreur idenlicpic a été commise par le mu'aUim
arabe Ibn Majid (ms. 2292 de la Bibliothèque Nationale), qui a rédigé ses
Instructions nautiques dans la seconde nioilié du \V' siècle et par SdlaymAn al-
Mahiiî, autre auteur iV Instructions nautiques dr la première moitié du xvi° siècle
(ms. 2559 du môme fonds).
'•''> Telle est riiilerprétation de R'Xkim.i, , mais elle doit être recliliée ainsi :
Le>i navires \eniml de Kieou-kiauj; = Palembaù doivent suivre le détroit de
L'EMiniu-: s(i\i\'i'iî\NAis dk ciîivuwa. 33
Un grand nomhro dos habilanls sont des immigrants de Canton, de
Tdiang-tcheou et de Ts'iuan-tclieou [, ces deux derniers au Fou-kien|.
Le pays est fertile et la population dense. Le sol est bon pour la
cullure. D'après nn dicton populaire, si on cnllive le sol une saison, la
troisième saison on récolte du riz ij^ IfJ ; le mot 1(^ clioii signifie ff mois-
sonner lin grand espace i '''.
Il y a [dans ce pays] beaucoup plus d'eau que de terre. Les liabilanis
sont adonnés au combat sur l'eau. Les maisons des hauts fonctionnaires
sont seules sur les berges de la rivièi-e; le peuple vit disséminé sur des
radeaux en bambous attachés à des racines d'arbres ou à des pieux; ces
ladeaux suivent le mouvement de la marée, du flot et du jusant'''.
Les mœurs et coutumes ''' et la langue sont les mêmes qu'à Tchao-wa
(Java).
Sous le règne de l'empereur Hong-wou (des Ming, iSôS-iSgS), il y
Bai'ika, puis, culrer diius le Tan-kiang ou ostuaire de la rivière de Jamhi. Là,
ils transbordent sur de pclils bateaux pour remonter la rivière de Jambi cl
atteindre la capitale. Le texte du Yivif yai cheng lan traduit par Groeneveldt
(i\o/rs, p. 197), précise que le transbordement s'eflectue «près d'un endroit
où se trouvent de nombreuses pagodes construites on briques^?.
"' frTout le sel de l'histoire a dispara dans celte version [vidn f:upraf
p. !!()]. Au lieu de «on récolte de rizn on devrait avoir nalurcllemonl rron
récolte de Vqw, Ralph Fiit.h qui écrivait dans le dernier quart du \vi° siècle,
dit en j)arlant de Jambi : ^Jamba is an Island among the Javao also, from
wlience corne diamants. And Ihe king hath a masse of earth which is golde;
if growclh in Ibe middie of a river : and wben the king doth lacke gold, they
eut part of the earth and mell il, wbereof coramelh golde. This masse of earth
dolh appeare but once in a yeare; which is wlien the water is low : and this
is in the month of Aprili (Hvklijvt, Principal iSavigalions, V, ^99; Hakluijl
Soc. édit.). Ceci, conclut Hockhill, est évidemment une autre version de cette
tradition. '1 (IIockiiii.i,.) Le texte traduit par Groeneveldt {Notes, p. 197) a,
plus correctement : frLes gens de ce pays sont très riches, car le sol est très
fertile. Un dicton populaire dit, en effet : (? Quand quelqu'un sème pour une
(tonnée, il peut récolter pendant trois ans<i, ce qui n'est pas exagéré du tout.'>5
'-) S'élevant avec le flot, s"a!)aissant avec le jusant. Le texte traduit par
Gr.oKNKVKt.DT {\ole.i, p. 197) ajoute ici : rrljorsque les habitants de ces mai-
sons llotlanles veulent s'en aller cl aller vivre dans un autre endroit, ils
nri'achent les poteaux [auxquels elles sont attachées] et se déplacent avec leur
maison tout entière, ce (pii est très commode. La rivière a deux marées par
jour.i Vide supra, p. •J9.
''* Le texte traduit par Ghoenevei.dt [ihid.) ajoute ici • «les cérémonies du
mariage et des funcVailIcs-.
3/1 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
avîiit à Canton un homme appelé TchVn Tsou-yi. qui, étant proscrit,
s'enfuit dans ce pays dont il devint le chef, pillant impitoyablement les
voyageurs de passage. Sous le règne de l'empereur Yong-lo ( 1 6o3-i 4 2 i),
l'empereur ordonna à l'eunuque Tcheng Ho de prendre le commande-
ment de la flotte chinoise. Lorsqu'il arriva à [ Kieou-kiang ] , il y avait
à Canton un homme appelé f^ jg Che Tsin qui adressa à Tcheng
Ho une plainte contre [Tch'en] Tsou-yi. Tcheng Ho ordonna à ses
soldats d'arrêter celui-ci et [Tch'en] Tsou-yi fut décapité. Tcheng Ho
donna à [Che] Tsin des fonctions officielles et là-dessus celui-ci retourna
à Kieou-kiang dont il devint le chef. A sa mort, sa fille lui succéda
et eut ie pouvoir de promouvoir en dignité [les gens utiles] et de
punir ceux qui ne servent à rien, comme son père l'avait fait.
Ils sont passionnément adonnés aux jeux d'argent, tels que le ^G, ^
pa-kouei, les échecs, les combats de coqs, pour lesquels ils engagent
des enjeux en argent.
Dans les transactions commerciales, ils font usage de monnaie de
cuivre [chinoise], de [pièces] de cotonnade, de soie et d'autres mar-
chandises de ce genre.
Les produits du pays sont : les buceros, le hoimug-lien (rhizome du
coptis iecta), le kiang-fchcn, le bois d'aloès, la cire d'abeille, le j)arfum
de l.in-y'ni'^' qui a l'air d'un objet avec incrustations d'argent; il est
(le couleur noire avec des parties blanches. La meilleure espèce est
celle dans laquelle le l)lanc prédomine sur ie noir; la plus médiocre,
celle qui est presque noire. Lorsqu'on le brûle, ce parhim impressionne
l'odorat d'une manière irrésistible. Les Occidentaux appelés ^' H
So-li [=Cola] l'apprécient fort.
Le buceros t| ]j^ ,^ est |)lus grand que le canard. Ses plumes sont
noires et il a un long cou. L'os de sa tète a environ un pouce d'épais-
seur; à l'intérieur il est jaune, et à l'extérieur rouge; il est très joli et
très estimé.
L'[oiseau appelé] >A^ ^^ liouo-hi^'- (litt. = poule de feu) est plus
grand qu'une grue. Son cou est aussi très long. 11 a une crête charnue
rouge , un bec eu pointe , des plumes de la couleur d'un mouton noir
(^ ^ ?), de longues jambes noires avec des ergots si effilés que s'il
blesse quelqu'un à la poitrine celui-ci en meurt. Il mange des chaibons
ardents. Il ne meurt [ms eu captivité.
/'' Ville supra, p. ^\-'., n, 1.
'- C'est le casoar.
L'EMPIRE StJMATRANAIS DE ÇRÏVIJAVA. 35
Le f cerf des fe'es?)''' (ff^ >^) est de la taille d'un grand porc, envi-
ron trois pieds de haut, et a le poil ras, un groin de porc, et comme
le porc, le sabot trifide (sic). Il est herijivore et n'approche pas des
choses qui ont une odeur forte.
Leur bétail se compose de moulons, porcs, chiens, poules, canards;
leurs comestibles et leurs fruits sont les mêmes que ceux de Tchao-\va
(Java).
SiNG TCfl'.l CUENG LU de FeI SiN.
KlEOU-KlANG.
W\. L'ancien nom était royaume de San-fo-ts'i. On peut s'y rendre
de Tchao-wa (Java) en huit jours, avec vent favorable. On y parvient
après avoir pénétré dans l'embouchure de la rivière.
La terre est très riche, deux fois plus riche qu'ailleurs. D'apiès un
vieux dicton, si on plante du grain une année, trois ans après, il
pousse de l'or; ce qui veut dire que le grain est récolté en telle abon-
dance, qu'on relire beaucoup d'or'"'. Aussi les habitants sont-Us à leur
aise.
Ils sont habitueilemenl bruyants et très débauchés. lis sont adonnés
au combat sur l'eau.
Il y a là beaucoup deau et peu de terre non immergée. Tous les chefs
construisent leurs maisons sur les berges; les personnes de leur suite et
leurs domestiques sont logés dans leur entourage. Le bas peuple con-
struit ses maisons sur des radeaux en bambous qu'on relie à des pieux;
quand l'eau monte, les radeaux flottent sans danger d'être sidmiergés. ,
Les habitanls de ces maisons llottantes veulent-ils aller ailleurs, ils ar-
rachent les pieux et s'en vont avec leur maison , sans peine ni dépense.
Actuellement, ce pays est sous la souveraineté de Tchao-wa (Java).
Les produits naturels sont : le bois d'aloès des espèces houang-chou
et son, le bois de laque, le bois d'aloès de l'espèce ich'en, la cire
d'abeille, les buceros. Les marchandises [étrangères qu'on y vend]
îont : les perles de couleur, la porcelaine bleue et blanche, les chau-
drons de cuivre, les étoflbs en coton de couleur et en soie, le salin de
couleur, les grandes et petites jarres en porcelaine et la monnaie de
cuivre | chinoise].
En la 1.3" ann«'e du règne de l'emporeur Yong-lo (iii5), Tcheng Ho
*'' Ta|)ir de Suinalra.
(-' \i(U' Hitpvu, p. '.\'.\ ^ n. I.
36 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
et d'autres personnes se rendaient avec une (lotte [chinoise | à l'étranger.
Le pirate Tcli'en Tsou-yi et d'autres qui |)illaient les marchands étran-
gers à San-fo-ts'i projetèrent de les attaquer; mais tes commandants de
notre Hotte leur tendirent un piège, les battirent, prirent les pirates
vivants et emmenèrent les chefs à l'empereur. Depuis lors, du nord au
id et de l'est à l'ouest des mers intéiieures et extérieures, la tranquil-
le régna partout.
ToXG SI YAXG k'aO ( l 6 1 8 ).
XXVÏ. (Livre m.) Lorsqu'un navire ai'rive à Kieou-kiang, on offre
en présent au roi, des fruits et de la soie, en quantité déterminée^
Lorsque les gens de .lamhi tiaitent l'achat de marchandises, le ])rix
convenu est indiqué en or, mais ils ne payent qu'avec du poivre; par
exenq)le, si quelque chose conte deux laels en or, ils payent celle somme
avec 100 piknls de poivre ou à peu près. Ils achètent volontiers des
femmes du dehors; des filles provenant de pays étrangers sont fré-
quemment amenées à Kieou-kiang et y sont vendues contre du poivre.
Ils se serveul de monnaie en plomb.
San-fo-ts'i était anli-efois connu connue un endroit riche; mais, depuis
qu'il a été conquis par Java, la capitale a été abandonnée cl peu de
marchands s'y rendent maintenant.
INSCRIPTIONS MALAISES, SANSKRITES ET TA VI OU LES.
Inscription, en vieux-malais, de Kota Kapur dans l'ilo de
Banka (côte sud-est de Sumatra), dans H. Ivern, Verspreide
geschriflen , t. \II, 1917? I^a Haye, in-S", p. 2o5 et suiv.
XX\ II. (L. 9.). . . Il çiilcactir^iillln 608 dih iinilipudit çuhlitpdJ.sn ciiltiii
Vdiçaliha. talhâlâùn (1. \o) ijitii nuiiiiiuni siiinpiili ini. iiipaliiil di vcliiHâ i/tih
valu cri vijaija ladwat manfipik ijaii bhfiiui jârii tidu bluihii lui çrl vijmjii.
ff L'année çaka révolue 608 [= 686 de notre ère], le premier jour de la
quinzaine claire du mois de vaiçâkha , [telle est] la date à laquelle cette
imprécation a été giavée. C'est à celle | même] époque que l'armée de
Cri Vijaya vient de partir en expédition [contre] le pays de Java [qni]
ne [reconnaissait] pas la suzeraineté de Cri Vijaya '''.n
'■' Pour i'iulcrprétalion de ce passade, cf. mon compte rendu de Le royaume
de Çrinjaya de (À):;i>î;s, dans J. A»., jiiillot-aonl 1 f) 1 y , p. 1 5:2-1 53. Çrl-
L'I'MPIHE Sl\I\TinNAIS DK cr.lVIJVVA. 37
D'aprrs le Sin l'ang chou ou iSouveUi; histoire des Tatig ( G i 8
()oG), ralans la ^év'ioâo chang-yuan (GyZi-G'jB), les gens du
royaume de f^ (J^ Ho-ling, nppelé également f^I ^ Cho-p'o
[^=Jawa, Ja\a central], élevèrent à la royauté une femme nom-
mée ^^ Si-mo [pron. anc. ^SieJ'-mak = *Sira Maka ou
Maga]'' ., dont le gouvernement plia tout à la règle; sur les
roules, on ne ramassait pas ce qui était tombé. Le prince des
y^ ^ Ta-che [ pron. anc. *Tâzï ou *Tâjik'''^^] l'entendit dire; il
fit don d'un sac d'or qui fut placé dans une avenue; tous ceux
qui passaient l'évitaient immédiatement. Il en fut ainsi pen-
dant trois ans. [Puis,] le prince héritier, en passant, foula du
pied cet or. Si-mo, furieuse, voulut le faire décapiter. Les mi-
nistres intercédèrent avec insistance, et Si-mo dit : k Puisque
«la faute se trouve originairement dans les pieds, on peut lui
K couper les doigts de pied.?) Les ministres intercédèrent à
nouveau , mais on lui coupa les doigts pour l'exemple. Les
vijaya est menlionne deux autres l'ois daus la même inscription (1. a et /i-5).
Cf. éjjalctiient ^. J. Krom, Epigraphische Aaiiteekeningen. XVI. De inscriptie
vaii Karanir Hralii, dans Tijdschrift voor Indi.icliii T., L. en Volkenkunde ,
deel IJX, t(j-20, p. h-26-lx'di.
'•' GiiOENEVKLDT {Notss, p. iSq) a inexactement restihK' Snnn. Les rappro-
clicnicnls (le IJoifkaem avec le vieux-javanais shna {OiKlIieidkitiidige opwer-
laiijrfii , dans Uijdragex , deel ^h, 1918, p. \hZ et suiv.) sont donc à écarter.
'"-' rii y a dans les Histoires des Tang, comme dans le Toiig lien, dit Pia- .
MOT {Deux itinéraires, p. 297), de longues notices sur les Ta-clie, doii il
ressort avec la pijis grande netteté que les Arabes et les Arabes seuls sont
dési{fnés par ce nom.:^ 11 est au moins inattendu de voir les Arabes mentionnés
dans un texte cbinois à propos de Java, en 07^1-675. A cette époque, le prince
des Arabes ne ])eut être que Mu'âwiya, le kbalife omeyyade do Damas, qui
mourut en O80. 11 est surprenant ([ue cctti; dyuasiie ait été connue en
Indoni'sii^ du vivant mrnie de son fondateur. Dans les textes chinois, la
grapliii; -^IJJ ffij Pa-sseu transcrit tantôt le nom de la I^erse; tantôt le nom d'un
état indonésien presque homophone de celui-ci (cf. Sino-irnniea de D. Laufku
et mon compte-rendu de ce travail dans J. As., XI" série, t. XVIll, 19:11,
p. 379-993); Ta-che désigne sûrement les Arabes, mais désigne vraisembla-
blement aussi im pays et un peuple dExtrème-Orient de la région de llnsu-
linde ou do llnde transgangélicpjo. La (|uestion est d importance et j y re-
viendrai.
38 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
Ta-che apprirent cela et craignirent [Si-rao]; ils n'osèrent
pas lever de troupes [contre elle] » ^^\
Par Ho-ling également appelé Gho-p'o ou Jawa, il faut en-
tendre le centre de Tile de Java, ainsi que l'atteste l'inscription
de Kalasan (m/ra, p. 89). C'est ià que se situe en toute certi-
tude le royaume de Si-mo. On conçoit aisément par la descrip-
tion qu'en fait le Siti t'ang chou, qu'un tel royaume ait été
tout à fait indépendant vers la fin du vif siècle. L'inscription
de Banka précise, en effet, que ijoh bhûmi jâva uda hlialdi ka
çrlvijaija, «le pays de Java \^=Chô-po du Sm ùing chou\ ne
[reconnaissait] pas la suzeraineté de (Irï Vijaya??. C'est cepen-
dant contre cette redoutable Si - mo ou son successeur que
l'empire sumatranais voisin dirige, en 686 de notre ère, l'ex-
pédition mentionnée dans la dernière ligne de la même inscrip-
tion. De la confrontation de ces textes, on doit conclure que
l'empire de Çrï Vijaya était plus puissant et plus redoutable
encore que celui de la reine javanaise , car l'expédition attei-
gnit son but : on verra plus loin que le royaume javanais fut
occupé jusque dans la seconde moitié du ix'' siècle par les (iai-
lendra de Sumatra.
Inscription sanscrite de Kalasan, près de Yogyakarta (Java
central), de 701 çaka = '7'79 (cf. J. Brandes, Een nâgari-op-
schrift frovondcn tiisschen Kalasan en Pramhanan , dans Tafjdschnft
voor Indische Tanl-, Land- en Volkenkunde , Batavia, deelXXXI,
1886, p. 2/10-260; B. G. Bhandarkar, a Sanskrit Inscriplion
froni central Java, dans Journ. Bomba ij Branch of B. A. S.,
t. XVII, 1887-1889, part II, p. 1-10; N. J. Kroji, De Sunia-
iraanschi' veriode der Javaansche geschiedems (leçon inaugurale à
l'Université de Leyde), 3 décembre 1919, p- i3 etsuiv. *-'.
XXVIII. ... (5). Dans le florissant royaume du roi qui est l'orne-
(') Dans Pelliot, Deux itinéraire», p. 297.
('-" Vide supra , p. 9.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏMJAVA. 39
menl de la dynastie des Çailendra , un temple de Tara a été construit par
le guru du roi de la dynastie des Çailendra . . .
(6). C'est lorsque sept siècles de l'ère çaka furent révolus (701 çaka
~770) ^^'^ ^'^ Maharaja fît construire le temple de Tara pour honorer
le guru.
(7). Le village appelé Kâlasan est donn<^ à la communauté [du
temple]: en sont témoins les notables chefs du pays : paiikur, Uwan et
lirip,
(8). Celte incomparable donation en terre, faite à la communauté
par le Lion Royal sera maintenue par les rois de la race des Çailendra, . .
Cette interprétation n'est exactement ni celle de Brandes ni
celle de Bhandarkar, mais on a utilisé l'une et l'autre. «Le
(lailendra, dit Krom en résumant ce passage, qui a fait con-
struire kalasan, dit expressément qu'il agit dans son propre
royaume, donne des terrains au sanctuaire, bref apparaît
absolument comme le roi du pays {landsvorst , loc. cit.,
p. i6)(iU
Le même auteur ajoute :
Un demi-siècle environ avant l'inscription [ci- dessus] de Çailendra
I , vers 7.30], nous trouvons dans cette même région centrale de l'ile de
Java, un document émanant d'nn tout autre prince, un prince çivaïte
([ui se donne ex[>ressément comme le roi de Java et cpii sait qu'il descend
d'un courant d'immigrants venus du sud de l'Inde. Cette contrée est connue
comme étant le berceau du culte du prophète Agastya; aussi a-t-on eU'
raison d'établir un rapprochement ■'' entre ce roi de Java central et un
autre prince qui, trente ans plus tard [, en 683 çaka = 760], fît ériger
une image de ce prophète, mais dans une toute autre région, dans l'Est
de Java [, à Dinaya]. En revanche, on constate dans le centre de Java
un phénomène remarquable : après ladite inscription çivaïte, et durant
une péi'iode d'un siècle et demi [, de 7,30 à 880 de notre ère), on ne
trouve plus dans le centre de Java aucune charte royale authentique, à
l'exception justement des inscriptions des Çailendra. On connaît un
(» li.É.F.E.-O., t. XI\, 1919, n"r), p. i3o.
'^' F. D. K. Bosch, De Sansbril-inscriplif: op dcn Siee» van Diitaja {G8a çaka),
clans ïijdschrifl voov hdische T., L en Volkenkunde , doel LVII, 1916, p. /i4i-
khh.
/jO JLMLLET-SEPTKMBRK 192-2.
nombre assez cousidt^rable de chartes, mais les céfémoiiies cons&ia-
foires ne sont jamais accomplies par un roi : elles le sont par un haut
dijpiitaiie. Durant cette même période les t('moignag'es chinois rap-
portent bien cpielques ambassades de Java central , mais ne disent nulle
pari qu'elles aient été envoyées par un roi, et ne donnent plus aucun
nom de loi, comme ils le font d'ordinaire si volontiers. La première
explication qui se préseule provisoirement est que, durant cette période,
les anciens rois de Java central s'étaient retirés dans l'Est, Java central
étant tombé sous la domination des Çailendra de Sumatra, qui firent
ériger quelques monuments inq)ortants en leur propre nom, mais s'en
remirent pour le reste à leurs représentants et aux autorités locales. Le
témoignage des inscriptions favorise donc l'hypothèse d'après laquelle
Java central aurait été' positivement vassal du royaume de [Çrï Vijaya
ou] Paieraban. Environ cent ans après la fondation de Kalasan [, c'est-à-
dire vers 880 de notre ère], se manifeslenl les signes que la période,
que nous pouvons appeler la période sumatranaise, a pris fin. De nou-
veau se montrent des chartes royales d'un caractère indigène, et il app£i-
raît bientôt que les mêmes princes gouvernaient à la fois l'est et le centre
de Java. La disparition de l'influence sumatranaise semble coïncider avec
la reprise de Java central par les anciens rois de Java établis alors dans
l'Est (/èù/., p. i6-i8)'').
Deux textes chinois permettent d'apporter quelque précision
en ce qui concerne le transfert de la capitale de Java, du
centre de l'île à la partie orientale. Le Sin fang cliou ou Nou-
velle histoire des Tang (61 8-906) dit (k. *2 2f> Y, P- ^ »'°) :
3E ^ Fi ^ :^ ix m~^m% m^ M m m ii m m- «Le roi
habitait la ville de Cho-p'o [=Jawa]; son ancêtre Ki-ycn a
transporté [la capitale] vers l'est, à la ville de P'o-lou-kia-
sseu 75 Ipron. anc. *Ba-ru-ga-si, litt. t^la plage de sable 55 =
Grise ou Grisse, le port de la Résidence de Surabaya]'-'.
(') B.E.F.E.-(K, t. XIX, 1919, n° 5, p. i3o. M. Krom a eu l'obligeance de
me faire savoir que le roi Çailendra est également mentionné dans l'iuscrip-
lion de KIocrak de 70^ ralca {vide Brandes apiid Groenkveldt, Calal()j>iis lia
tavia, 1887, p. 389).
'-) Pour ccttL' restitution, cf. mon mémoire Le K'ouen-louen et les anciennes
vaviii^ations interocéaniques dans les mers du Sud , dans /. As., W série, t. XIII,
1()1(), p. .'{o'i.
L"K\il»llil<: S(\UTIi\N\lS i)K <:iii\i.l\'l \. /il
A propos (lu même événement, l'aulcur du \ uan clic Ici pieu
(k. li'î, p. S'y r") rapporte (pie, clans la période l'icn-ptio
(7/12-755) : i il ^ il M -MMiU M m «on déplaça [la
capitale] de Clio-p'o à la ville de P'o-lou-kia-sscu ?? (dans Pkl-
LiOT, Dcu.r ihm'raires . p. 225)''*.
En confrontant ces indications avec les renseignements
fournis par l'inscription de Banka et le passage du Sin ùinn- chou
ayant trait à la reine Si-mo i^vido supra, p. 37), on peut en
déduire que l'expédition sumatranaise de (]o8 çaka = 686
n'atteignit son but ([u'à la longue, car il fallut plus d'un demi-
siècle aux envahisseurs pour occuper la capitale et provocjuer
ainsi la fuite dans l'est, à Grise, de la famille régnante, repré-
sentée alors par un successeur de Si-mo, le roi Ki-yen. Ce que
nous savons parla Nourclle hislo/rc des TaiHjàu. royaume java-
nais, montre que la victoire finale dut être chèrement achetée.
Mais elle allirme, d'autre part, la puissance incontestable des
(iailendra de Sumatra qui opéraient loin de leur pays et de-
vaient avoir une remarquable organisation militaire et navale
pour mener à bonne fin une telle entreprise coloniale, suivie
bientôt par l'occupation d'une partie de la péninsule malaise
et la campagne contre le Cambodge.
Inscriptiom sanskrite de Vien Sa de G()7 çaka=775 (c()te
orientale de la péninsule malaise, au sud de la baie de Ban-
don), dans G. Cœuks, Le roi/auiiic de Çncljaipt iB.E.V.E.-O.,
I. XVJII, 1918, n" G , p. 29-32). Je n'en reproduis que les
passages utiles.
XXIX . . . Vicloi'ioiix est \c roi d(î Çrïvijaya, dont la (lil a son si(''otî
cchaulVé par les rayons (imaiiés dos rois voisins, et cpii a él(' (liligcmincnt
ci-éé [>ar Brahmâ comme si ce Dieu n'avait on en viu; (juc la durée du
Dharnia lenommé.
''' /!/»/(/ PlJ.l.KiT, DriLv iliiii'ritircs , |i. •.>.:>,î'>, ii. ;> , cl |). /| i M , et ma cniiiiiui-
uicalion à la Sociél(5 Asiatique, dans/. As., XI' scrio, t. XIX, i()t>'. , [i. i •>;").
42 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
Le roi seigneur de Çrîvijaya , seul roi supr(>me de tous les rois de la
terre enliôre, a élevé ces trois beaux édifices de briques, séjour de Kaja-
kara (= Padniapâni) , du Destructeur de Mâra (=le Buddha) et de Vaj-
rin (= Vajrapâni).
. . . Ensuite le chapelain royal nommé Jayanta ayant reçu du roi cet
ordre excellent : rFais trois strqyasn , il les fit.
Quand ce (Jayanta) fut mort, son disciple le stimmra Adhimukti fit
deux cailyas de briques près des trois caityas (élevés pai* le roi).
(L'année) eâkarâja (désignée par les (six) saveurs, le nombre neuf
et les (sept) munis étant révolue (697 çaka-= yyS), lo onzième jour de
la quinzaine claire du mois de Mâdhava , le Soleil se levant en compa-
gnie de Vénus dans le Cancer, le roi de Çrîvijaya semblable au roi des
Devas, supérieur aux autres rois, ayant l'aspect du cintâmani, attentif
aux trois mondes a élevé ici ... stûpa . . .
Ce roi suprême des rois [râjâdhirâja) , le seul qui par son éclat soit
comparable au soleil (dissipant) cette nuit qu'est la troupe de tous ses
ennemis, ressemblant par sa beauté charmante à la lune d'automne sans
tache, ayant l'aspect de Kâma incarné, ayant l'aspect de Visnu . . . chef
de la famille des Çailendra ''■', nommé Grï Maharaja [çailendravahçaprn-
bh[ii] nigadalah çrimahârâjanâmà) . . . (la suite manque).
Manuscrit népalais r» miniatures datant au plus tard du
début du xi" siècle, rédigé dans le couvent nommé (irï Hlam
(manuscrit sanskrit /lY/'////o/m/ 1 6â3 de la bibliothèque de l'uni-
versité de Cambridge), dans A. Foucher, Etude sur l'iconogra-
phie bouddhique de l'Inde, Bibliothèque de l'Ecole des Hautes
Études, t. XIII, Paris, 1900, in-8°.
XXX. La miniature 28 du manuscrit précité est ainsi décrite
par Foucher : «Bodhisattva blanc, debout, à quatre bras :
1" bras inférieurs : main droite en charité, main gauche re-
f'' CoedÈs (Le rojiainiip de Çi-lnjayn, p. 3îî) a traduit çdili'ndiarfinrapraliltu
par «chef de la famille du roi dos monts». Je préfère lire : «chef de la famille
des Çailendraî5 , c"est-ù-dire «chef de la famille du roi de la montaiinc"', et
j'en ai donné les raisons dans mon compte rendu {Joudi. Aniat., juiliet-aoûl
1919, p. 198-199). Cette nouvelle interprétation est conforme à une légende
historique bien connue.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DK CRÎVIJAYA. fi'à
pliée tenant le lotus; -2" bras supérieurs : main droite tenant
le rosaire, main gauche, le livre; à sa droite, autre lotus. —
Deux assistants : à droite, Bodhisattva féminin, verte (Tara);
à gauche : [assistant] terrible, sexe indécis, rouge, coiffé d'une
tête de cheval (lAIarïci ou Hayagriva). — Halo, w La miniature
porte l'inscription suivante : Siwarnnapure Çrï-Vijaijapure Loka-
nâtha « Avalokiteçvara à Çri-Vijayapura dans Suvarnapura»
(p. 193, n^ 2.3).
Foi CHER ne se prononce pas entre les identifications possibles
de Suvarnapura à Karnasuvarna au sud-ouest du Bengale,
Suvarnabhumi en Birmanie et Suvarnadvïpa des îles de la
Sonde (^ihid., p. 1 o5). Pour Goedf.s, «Suvarnapura peut aussi
bien désigner la Birmanie (Suvarnabhumi) que Sumatra (Su-
varnadvïpa) [Le royaume de Çrivijaya, p. /i] 55. .l'ai dit déjà que,
isolément, Suvarnapura ne prête pas \\ une identification déci-
sive, car on peut, en effet, hésiter entre la Birmanie et Suma-
tra; mais quand le texte précise qu'il s'agit de Çrïvijayapura
«ville de (irïvijaya?? situé dans Suvarnapura «la ville de l'or??
ou «la ville [du pays] de l'or», la localisation s'impose : il s'agit
de Çrivijaya = Palemban, et la Birmanie est hors de cause.
En dernière analyse, l'inscription me semble devoir être tra-
duite par : <:^Avalokiteçvara à Çri-Vijayapura (ville de Çri Vi-
jaya) dans Suvarnapura (la ville [du pays] de l'or^Pa-
lemban). »
La mention de Çrivijayapiu^a dans un manuscrit népalais
du x^-xf siècle témoigne que la connaissance de l'empire suma-
tranais s'étendait à cette époque jusque dans le nord-est do
l'Inde, et celte constatation a son prix. La première miniature
du même manuscrit porte cette inscription : Yavadvipe Dipan-
kara, « Dq)ankara à Yavadvipa w (Fouciii<:k, dnd., p. 79 et 189;
cf. également la miniature 1 2 du manuscrit A. 1 f) de Calcutta,
avec une inscription identique, ihuL, p. 209, n" 12), et
il s'agit ici de Sumatra ou de Java. Or, un important article
/i/i JfMLLKT-SEPTE.MlJRi' 19-2 2.
|)ubli(3 en i ()0 i par G. A. J. HAZKudaiis la Tijdsvlnifl ooov Iiidisclic
Taal-, Ltnid- en \o1Lenl,uiuh' (t. XLIV, p. âSy-SB'y), sous
le titre de Het oial-javaamche Adipariva en zijn Sanskrit-Orignieel ,
nous montre la littérature javanaise en relations étroites avec
le nord-ouest de l'Inde.
L'auteur s'est assigné comme tâche la reclierche de l'origine du Mahà-
hhârata en kawi. Dans son présent article, il compare le chapitre Âdipai-
ra)i du poème vieux-javanais avec la partie correspondante des rédactions
sanskrites et avec la Bhâratanuinjaiï de Ksemendra. Voici ses conclusions :
On peut admettre que dans la période des ix", x" et xi' siècles , il a existé
plusieurs rédactions ou même plusieurs écoles du Mahàhhlmla. Une de
ces rédactions, celle qui au milieu du \\' siècle était répandue au Kaç-
mir, nous est suffisamment connue par l'extrait qu'en donne Ksemendra.
Etant donnée l'étroite parenté qui existe entre celte rédaclion kaçmi-
rienne et l'original de la traduction faite un siècle auparavant à Java ,
on est autorisé à conclure que l'original du manuscrit vieux-javanais
était lui-même venu du Kaçmir ou d'une région limitrophe, tout au moins
du nord-ouest de l'Inde [B.É.F.E.-O., t. II, 1902, p. 000).
Ainsi aux x'-xi' siècles, l'empire de Çrïvijaya est connu au
Népal et on traduit à Java une version kaçmirienne du Maliâ-
hhnrnta; le contact est donc établi entre le nord de l'Inde et
l'Indonésie occidentale depuis au moins quelque dix siècles.
Inscription taboulé dk Tanjoue (io3oj.
Elle a été éditée, traduite et commentée par E. Hri/rzscu
dans Arcltaeologiml Surrri/ of Indm , South-Indunt inscriplions :
Tannl imcnptwm 0/ liajavaja, Bajeiidiacltoln, and othcvs vi ihe
Rajarajesvara temple al Tanjarur (vol. II, parti, Madras, i8()î,
in-/i°, p. 108) et Epigraphm Indica (vol. I.\ , part \, jan-
vier 1908 : n° 3i, Tint ma lai rock itiscrmhomi 0/ Hajctulra-
Chola I, j). 9 0 0-2 3 1).
XXXI. Le deux ccnl quarante-deuxième jour de. la dix-ueiivièine an-
née [du règne] de Ko-Parakesarivarmau, (dias le Seigneur Çrï-Kâjëndra-
coradcva[l", 1 01 -2 -ioA:î |. qui ... ooiupiil avec sa grande cl hclli-
I;E\!IM!IE SUM.VT!{\NVi8 DE ÇiaVlJWV. 4b
qiieuse armée . . . Jra-iiiai.H.lalam (Gcyhin) ou entier [sitiiéj sur la iner
Iransparenle; . . . Odda-visayain (province d'Orissa) qu'il était diflicile
d'appioclïer; ... le bon Kâç.ilai-nâflu (?), où les Bralimanes s'assem-
blaient: Tandabutli (c'est-à-dire Danda-bhukti [?]), dans les jardins du-
quel abondent les abeilles; . . . Vangâladeçam (le Bengale) oîi il ne cesse
de pleuvoir ... ; la Gangâ (le Gange) ... ; et [qui], ayant envoyé de
nombreux navires au milieu de la mer ondulante et s'étant emparé
de Sariigrâmavijayottungavarman , rôi de Kadâram, avec les élépbauts
en rut qui lui servaient de montures et qui dans les batailles [étaient
aussi impétueux] que la mer, [prit aussi] une immense quantité de tré-
sors que [ce roi de Kadâram] avait justement accumulés; le Vidyâdlia-
ratorâna, la rr Porte de la gueiren de la graude cité ennemie, la rr Porte
des joyaux 1 splendidement ornée, la «Porte des grands joyaux ^ , le pro-
spère Grïvijayam: Pannai (Pane, sur la côte nord-orientale de Sumatra),
arrosé par la rivière; l'ancien Malaiyûr"' [avec] un fort situé sur une
haute colline: Mâyirudiiigam '"' entouré paria mer profonde [comme]
un fossé plein d'eau entoui-e un château-fort; llangaçogam (Lënkasuka<
sur la côte orientale de la péninsule malaise), intrépide dans de terribles
batailles: Mâppapâlam (le grand Pappâjam) '\ défendu i)ar d'abondantes
eaux piofondes; Mevilimbaùgam (!) défendu par de beaux murs; Valaip-
pandûru (?) possédant [à la fois] des terres cultivées et des terres
incultes; Talaittakkolam (le Takkola du MiliiuJapanha, le Tâ;^«oAa de
Ptolémée), loué par de gi'ands hommes [versés dans] les sciences;
le grand Damâlingain (^1^ 0j '^ Tan-ma-ling de Tchao Jou-koua,
Tâmbralinga de l'inscription de Vieù Sa), inébranlable dans les grandes
et terribles batailles; Ilânuu-i-deçam (le Lâinuri des textes arabes, au
nord de Sumatra) dont la terrible force fut vaincue par une impétueuse
[attaque]; Mâuakkavâram (le grand Aakkavâram — les Nicobar) dont
les jardins de fleurs [ressemblaient] à la ceinture [de la nymphe | de la
l'égion méiidionale, et Kadâram [= ville ou état du Gi'Ivijaya] à la force
terrible qui était protégé par la mer voisine . . . '"'.
(') Cf. mon uit'iiiuii'o sur Malal.ci , le Mulà\iu et Maldyiir, dans Journ, AniaU,
Xl° scrio, t. XII, p. 83 et suiv.
(■-' Ville siipia , p. i3 et n. /i.
'■'' T.'iinoul Mâpjxippàlam —M.ahh-Piip^ïi\dm. Pappalani est soit le f^i-xs Foja'
lam de Sulavman AL-MAniû (manuscrit -.ibhç) , fdl. 33 v". I. m) = J.*^"» lùnv-
Jal (te Ibn Sa'id = ^ ^ ^^ Pno-p'a-lai de Tchao .Ioi-koua d(! la côte nord-
orientale (le rinde; soit le Papplinla du l/r(/i«r«//(.s« an Péjmn; mais la [)i'emièrc
ideutiiicalion est plus vi'aiserablaliie.
'''^ l'ouï' ce texte, cl. Cokdks, Le yntjnitiiie de. Çrtàj(uj<( , p. .') et suiw. et
46 JUILLET-SEPTEMBRE l9-2'2.
Inschiption sanskrite et tamoule dont la partie sanskritc est
datée de lolili et la partie tamoule de ioh6 de notre ère
(Archaeological Survey of Southern Inclia, vol. IV : Tamil and
Sanskrit inscriptions ivitli some notes on village antiquities collectcd
chiejly in the soiith oftlw Madras Presidencij, par Jas. Burgess,
trad. de S. M. Natesa Sâstrï, pandit, Madras, i886,in-/i",
p. 2o5 et 218). C'est la charte appelée «grande charte de
Leyde:^ où. elle est conservée dans le musée de l'université
de cette ville.
XXXII. Partie sanskrite : ... En la 21° année du règne [du roi
colaj Râjarâja Râjakësarivarman <'' ..., à Nâgïpattana (Negapatam),
par Çrï Mâravijayotlungavarman, fils de Cudâmanivarman . . ., issu de
la famille de (lailëndra (Çallendraraiiiça) , roi de Kalâha (Kalâhâdhipati)
et de Cri Visaya [Çrï ] isaimdhlpati) , a été donné au Buddha cpii se
trouve dans le très beau Ciîdâmanivarman-vihara -'' — ainsi nommé
d'après son père — le village de Anaimaiigalam situé dans le même
populeux district appelé Pa|tanakkûiTu , dont les quatre limites-fron-
tières ont été nettement marquées par le parcom's d'un éléphant
femelle . . .
Partie tamoule : Salut 1 Prospérité! — Nous, [Râjarâja Râjakêsari-
varma] Kônerinamaikonçlan , le 92" jour de la 21° année de notre règne
. . . nous témoignons que le don [xle ce village] a été fait par le roi de
Kiflâra [Kidûratlaraiijun) pour le charitable entretien du Çûlâmanipad-
moii compte rendu de ce travail dans Jotini. Asial., juillef-aoi\t 1919. p. 173
et suiv. Ln rapport épigraphique (Government of Madras, G. 0. 961, a août
1918, p. 100, n" a6) mentionne trois inscriptions consacrées à Râjâdlii-
râja 1" (n° 70 de 1895, n° 96 cte 1896 et u" 34a de 1913) dans lesquelles
on rappelle que ce roi est fils de Râjêndracôradeva I"' (dont il est question
dans XXXI, supra) et que ce dernier souverain tfs'était emparé de Ganga, au
nord; Laiika (Ceylan), au sud; Mahôdaya (= Granganore; cf. Ep. Ind., vol. VII,
p. 97), à l'ouest, et Kidâram [identifié inexactement par fauteur du rap-
port à la Basse Birmanie] (= Çrîvijaya), à Test''. Je reviendrai plus loin sur
ces identifications do Kadâram. Kidâram à Çrîvijaya.
'') Râjarâja 1" ré^'ua de 980 à 10 13 de notre ère. La ai*^ année de ^on
règne tombe donc en ioo5 ou looG.
'■-^ Monastère [fondé] par Gûdâmauivarman (vide supra, p. 19. pour ce
souverain de Çrîvijaya dont le nom est mentionné dans le Song che).
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE (;IUV1JV\.\. 47
ma-viliâra coustrujt à Nâgapaltana (Negapatam) par Çûlamânipadnia
... Le village de Anaimangalarn ... a clé donné par nous, le roi de
Kadâra {Kadàrattarmijan) . . . pour le charitable entretien du Çûlâma-
nipadnia-vihâra de la ville de Nâgapattaija . . .
En d'autres termes, la présente charte du roi cola Ràjaraja
a pour but de commémorer la donation du village de Anai-
mangalarn à un temple buddhique de Negapatam. La construc-
tion de ce temple a été commencée par l'empereur sumatranais
Cùjâmanivarman et achevée par son fils et successeur Mâravi-
jayottungavarman. Le temple est appelé Çùlâmanipadma-
vihara, du nom de son fondateur. Dans la partie sanskrite,
Maravijayottufigavarman est titré «roi de Kataha et de Çrï
Visaya = Çri Vijaya^?; dans la partie tamoule, r^roi de Kidâra ??
(1. 117), « roi de Kadra-a ?? (1. 1 2 1 ).
XXXIII. Inscription TAMOULE de 108/1 environ (^Archaeological
Survey of Southern India, vol. IV, lac. cit., p. :2 2 6-2 a 7).
Cette charte du roi cola Kôviràjakesaripanma, le calmvarù
Cri Kulôttuiigaçoladeva, a pour but d'exempter de certaines
taxes le village donné au temple buddbique dont il est question
dans la grande charte de Leyde [cide supra, p. /iB) et d'auto-
riser un échange de terrains. Cette mesure gracieuse fut prise
à la requête du roi de Kidâra {^Kùldraltaraiynr) représentée par
ses envoyés Râjavidyadhara Sâmanta et Ahhimanôttunga Sa-
manla)5 (1. 10-11). Dans cette inscription, le temple bud-
dhique dont il a été question ci-dessus (p. /i6), est appelé Cri
Çailëndracûdàmanivarma-vihâra «monastère de S. M. Cûdâma-
nivarma [de la famille] des Çailéndra):.
Pendant la correction des épreuves de ce mémoire , M. G. Jou-
Vkai-Dlijp.euil m'a aimablement signalé l'existence dans l'épi-
grapliie de l'Inde d'inscriptions qui ont trait à l'histoire du Çrï-
48 JLIILLET-SKPTEMBnK 1U!>2.
vijava. La ioUoctioii des rappoiis ('pijjrapliicjuos du Gouverne-
ment de Madras que possède la bibliothèque de la Sociélé nsin-
tiquc est malheureusement incomplète. Dans les fascicules que
j'ai consultés, on relève les textes suivants :
Inscuh'TION n" 588 de 1917, datée de la 10" année du
règne de Jatavarman Vïra-Pan(jya= 196^.
XXXIII hk. [Tlio pîinfiya kiiigj Jolavarniaii Nïra-Païujya is rcjuc-
scnled by a dozen inscriptions in ihe collection. Three of ihese, viz.,
n°' 609, 689 and 657 supply détails of date which bave been discussed
hy Mr. L. D. Swamikannu Pillai in Appendiv F. But as ibe citations are
lecbnically wrong in certain respects ibe records do not hclp us to
identify tbe king. N° 588 of 1916 is doted in ihe tenlli year of Jata-
varman Vïra-Pàndya, rwlio was pleased to take tbe Gliôla country,
Ceylon, and tlie crown and the crowned head of the (Irivaka [= jâvaka]''.
To identify ihis king witb Vira-Pândya tbe conqueror of Kongu Avhose
initial date bas been iixed as i254 A. D. , we llnd ihat the record under
review omits rfKongni among tbe conquesis of Vïra-Pândya. If bowever
he is to be identified wilh the conqueror of Kongu as tbe paleographical
évidence tends to prove, it is iuteresting to note tbat tbe epitbet ffwlio
took tlic crown and crowned bead of the ÇâYaka^i is found for tbe flrst
tinie among bis records . . . *' The phrase as it stands nieans rrone who
cul oir the crown and tbe crowned bead of tbe Çàvaka (king)". Pro-
bahly the land of Çâvaka (i. e. Java? [sîV] " ) or a king of nanie Çâvaka
might hâve been inlended . . . (Government of Madras, G. 0. n° io35,
1 G août 1917. Epigraphy, p. ho cl 1 1 il
Inscuiitu» n" 1)01] de lyoG, datée de la 11'' année du
règne de Jala\ai-nian Vn"a-Pandya= t -jdS.
XXXlIl lo'. To rcliu'n lo the records of Jatûvarman Vîra-Pandya,
est-il dit dans un autre l'ajtporl, the conqueror of Kongu, liani. etc.,
'') Dans le.- Iijjiu's (jiii siiivoiit, le rii|ij)oi'tciir déclare (louteux (jiie Çnvaka
soil ici pour Ç.râviikn.
('-) Çavdim n'esl aiilrc (jiie la liaiisniptiou régulière en laiiiuiil de Javttlm^
X-diaji = (jiivijaya.
L'E-MPIRK SL. MATRA. NAIS DK ÇRlMJA^A. /i9
llic kiKJuniiyâmalai inscription n° 356 of 1906, must be altribuled lo
liim, because there, ihe chief adviser of ihe king in making the graiil
was Kâiingarayaij who lias been alreadj referred to as one of Vlra-
l'aïKJya's ollicers. This epigraph is a parliculaily interesting one and
supplies for Jalâvarman Vîra-Pândya a hislorical introduction in poct-
ical prose beginning with ihe words tirumagal valar. \Ve learn from tlic
iiilroduction that Vîra-Pândya conquered llie kiugs of Gangam"', Gaii-
dani ■ , Kadàram'^-, Kâsi ' , Kongam ' , Kudiram, KoUam "', Çôna-
gam, Çïnam''', Avanti'*', karunadara (karnàla), llam " , kalingam,
Telingam ''"', Pundram'"\ etc., foiight with the Ghôja king a batlle at
Kâvikkalam, killed one of the two kiugs of Ceylou, caplured his army,
chariols, treasures, throne, crovvn, necklaces, bracelets, parasols, chau-
ris""' and other royal possessions, planted the Pâudya llag with the
double fish on kônamalai and the high peaks of the Trikulagiri moun-
lain, received éléphants as tribute from the other king of Ceylou ( whoni,
perhaps, he raised to the throne) aud subdued the Kêrala. Trikulagiri
is , vcry probably, the nanie applied to a three-peaked mouulain in ihc
kandyan hill country (Parker's Ceijlon, p. 9) and Kônamalai is ihc
Tirukkônaraâmalai mentionued in the Devarain. This high eulogy bes-
lowed on Vïra-Pâudya in the kudunuyâmalai record justifies at least
his more modesl boast of having conquered Koiigu , llam and the Çola-
mandalam. N" i3i of 1907 from kodumbâltir, in a shorter poelical
iiilioductiou, aiso states that Vîra-Pândya took konganam, dcvaslalcd
llie land of \adugu, (captured) Gangai-nàdu and was crowned al Puli-
'' Les Gaiigas orieulaux et occideutaux.
'-' Bengale orientai.
'•^^ Çrivijaya.
'■^' Benares.
'^'•'' Salem dislricl.
"^ Le Kûiam des géographes arabes, le Quilon de nos cartes, sur la cole
sud-ouest de ITnde.
''' Il ne s'agit pas de la Chine, comme Ta cru le rapporteur, mais des
Çmas alliés des Kurus, des Kiràtas et du roi de Prâgjyotisa (d'après un article
de M. JoivEAU-DiiiiiKiiiL destiné à VAsiatic Review, qui m'a été obligeamment
communi(jué en manuscrit).
f*' Ijjain.
'') Ceylan.
''*> Le pays lelugu.
^") Cliotà-nâgpur.
''"> Chasse-mouches.
50 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
yûr (i. e. , Gliidarabaram). The lai ter record makes référence to the
coins palam-ÇoIjyan-lifiçu and Vmi-PâiuliyaiilMçu (Government of Ma-
dras, G. 0. n° 919, 39 juillet 1913, Epigrapliy, p. 72, n° 89; cf. éga-
lement p- 71, n° 87).
D'après ia première inscription précitée (n" 588 de 1^17),
le roi pànclya conquit le pays des Colas, Geyian et tr s'empara
de la couronne et de la tête couronnée (c'est-à-dire : du roi)
de Gâvaka (=Çrivijaya)». La seconde inscription (n" 356 de
1906) nous apprend que, entre autres rois, Jatàvarman vain-
quit les rois des Colas, de Geyian et de Kadâram. Ce dfU'nicr
texte épigraplîique est daté de lallo; le précédent, de laG/i.
11 faut donc poser : Kadâram = Jiicak(i et identifier également
celui-là à Çrîvijaya.
le ne sais dans quelle partie de Sumatra situer cette ville
ou état de Kadâram, dont le nom varie d'une inscription à
l'autre (je supprime la désinence tamoule -m) :
Manuscrit népalais (cf. XXX) Katâlio
Inscription de Tanjore (XXXI) Kadâra
^, j , , ,1 1 /vvvîi; ( Partie sanskrite. Katalia
Grande charte de Levae ( AAAll .< ,. . . , ,..*,
•' ^ ^ ( rarlie tamoule . Kidam
Inscription de 108/i (XXXIII) Kiddra
Inscription de 126/1 (XXXIII his) Jâiaka
Insciiption de i26o*(XX\Ill 1er) Kadâra
Kathâsarilsâgara Katâha
Poème tamoul Paddiuappalui Kâlaga
Poème tamoul kaluigalluparaiji Kadâra
Skr. Katâha et tamoul Ka<jârom sont séaiantiquemenl appa-
rentés, comme l'a indicjué Coedks (Le royanme de Çrïvijni/n,
p. 90), et signifient également r, poêle, chaudron de cuivre ?i;
tamoul fJiddâram a aussi le sens de «couleur brune tirant sur
le noir"; or Lâlngam a précisément le sens de r? noirceur», et
c'est p(Mit-élre uniquement cette synonymie qui a incité le
L'EMPII^R SU.MATRVNAIS DE ÇUIVIJAI A. 51
commentateur du PacUinappalai et les lexicographes à gloser
Kâlagam, par Kadâramn (^ihid.y Sans qu'on puisse explitpier les
variations vocaliques de la syllabe initiale, Kadâram et Kidâ-
ram sont évidemment les leçons différentes d'un même topo-
nyme; mais ils n'ont aucune parenté phonétique avec katâhn ,
ni avec Kâlagam. Ceux-ci et ceux-là ne peuvent pas, ù mon
avis, représenter malais Këddh de la côte occidentale de la
péninsule malaise (cf. .7. As., juillel-aoïU i cj i c| , p. i y (S- 183),
auquel avait songé Coedès. Géographiquemenl, Kadâram et ^V-
(jâram sont à situer à Sumatra, d'après les textes tamouls
(notamment d'après XXXIII bis et XXXIII ter). Les seuls noms
sumatranais (|ui s'en rapprochent sont le -p ^ ^ij kan-t'o-h
(lu Leang chou et du Ming\che i^vide supra, XXI, p. a/i], le ^
^ ^Ij Kin-to-li du Songe hou; elle ^^Jt-y^jS kamlâri à^Xà Hâwhjii
de Irn Mâjid, ce dernier désignant incontestablement Sumatra
(cf. mon mémoire Le K'ouen-louen et les anciennes navigations
interocéaniques dans les mers du Sud, J. As., XP série, t. XIV,
icjif), p. '238-y/ii). Le seul nom inchgène qui réponde
d'assez loin aux transcriptions chinoises {^Kan-{o~li=^*Kandal,
*Kandar, *kandali, *kandari) et arabe (^Kandârî^, est le topo-
nyme Andalus. VAndaloz de Barhos, qui se situe dans le sud de
la grande île indonésienne (cf. mon mémoire Malaha, le Ma-
huju et Malmjur, J. As., XP série, t. XII, 1 918, p. 62 et 72)^
Quant à Katâha, qui figure dans la tilulalure du souverain de
(Irïvijaya {^supra, XXXII), un passage du Kathâsaritsâgara sem-
ble le placer à l'est de Suvarnadvipa = Sumatra (cf. J. As.j
juillet-août 1919, p- 182 et suiv.). La question reste donc
ouverte et ne sera résolue de façon décisive que si on découvre
des textes plus explicites que les précédents.
.'I.
52 JUILLET-SEPTEMBUK iyJ2.
TEXTES ARABES ET PERSANS,
Ibn Hordà^beu (8/1/4-8/18).
Kitâh al-niasâlik wal-mamàhk, éd. et trad. M. J. De Gueje,
Leyde, 1889, in-S^H).
XXXIV. (P. i3.) . . . Le roi de Zâbag ^lyi s'appelle o^îl (var.
ci\^viîl )*""'; ... le roi des îles de la mer orientale, le Maharaja''' . . .
(') Tous ces textes, à l'exception des extraits du ISuthal ul-kulûb de Ham-
DULLAH MusTAWFï ct des uiss 239'j et 9.559, ont été étudiés déjà dans les
tomes I et II de mes Relations de voyages et te.rles géographiques aiahes,
persans et lurks relatifs à F Extrême-Orient, auxquels je renvoie une fois pour
toutes.
(2-3) (2) Litt. Al'K...liJ, var. Al-Filj .t. Ces deux leçons sont fautives. D'après
une suggestion de Kern, De Goeje a restitué i-^faiX-iJI Al-Fatijab = Pati-Ja/ja
trie prince de Java?'. J'ai dit déjà [Relations de voyages, t. 1, p. 28, note 7)
que cette restitution est impossible : le Jaba des géographes arabes est toujours
écrit âjU.. Jàba. Pour le même tiire royal, EdrïsI {vide infra, XLVI, in fine,
p. 66) a ^T-v^, litt. F.n.j.b ou F.n.g.b. En adoptant cette dernière leçon,
vocalisée ^r-^^-à *Fangaba, on aurait *Pungaba , forme arabisée de *Piiiigaba
<iskr puiigava «taureau, héros, chef" > javanais, malais, sundanais, etc.
puiigâa'a ou pniigawa rpremier ministre, officier, héros, grand de la cour'î
(cf. Favre, Dictionnaire malais-français , ^is^ij). Un passage du .\àgarakèrlâ-
gama mentionne les pungavai^ avec d'autres dignitaires. Le poète décrivant
les environs de Majapahit (chant Xll, strophe 1, trad. Kern, éd. Krom , p. l\-j-
i8; cf. également R. NG. Poerbatjaraka, Z)e in^o/^j/îc van het Mahàksobhya-
heeld te Simpang [ Soerabaya ] , dans Bijdragen tôt de T. , L. en V. l'an Neder-
landsch-Indié , deel 78, 1922, p. /i5o-/i5i), dit : n . . . A l'est, [habitent] les
Bralimanes çivaites dont le plus notable est le Très Révérend Rrahmarâja.
Au sud, [habitent] les Ruddhistes; le plus notable de la congrégalion est le
stliavira Rënkannadi. A l'ouest, [habitent] les Ksati-iya^, les Mantris, les
Puiigaras et les parents de S. M. le roi 55 [kulvan ksalriya njantri pungava
sagotra nnnarcndrâdkipa). Dans cette hypothèse, pungava, haut dignitaire de
la cour, aurait été inexactement pris, par le géographe arabe, pour un titre
royal. I/erreur est manifeste, car Ibn HordA<îbeh dit plus loin (vide infra) que
trie roi du Zâbag est nommé le Mahârâja'5. Une autre conjecture possible est
que, dans le premier cas, il s'agisse du nom personnel du souverain régnant
au i.\° siècle; mais notre documentation actueMe est alors trnp fragmentaire
L'KMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 53
(P. fiS.) . . . Dans les montagnes du Zâbag, ii y a d'énormes serpents
qui dévorent les hommes et les bulTles; on en trouve même qui dévorent
les éléphants. Ce pays produit des camphriers gigantesques; il y en a
qui peuvent étendre l'ombre de leur feuillage sur environ cent per-
sonnes. Pour obtenir le camphre, on pratique, au sommet de l'arbre,
une incision par laquelle l'eau de camphre s'échappe en assez gi'ande
(piantilé pour qu'on puisse en remplir plusieurs jarres. Après l'avoir
recueillie, on fait une autre incision au-dessous, vers le milieu de
l'arbre, d'oii découlent les morceaux de camphre; c'est la gomme de cet
arbre, mais elle se trouve dans le bois même. Après celte opération,
l'arbre devient inutile et se dessèche.
(P. AS.) ... Le roi du Zâbag est nommé le Maharaja ... Le Maha-
raja perçoit chaque jour un revenu de deux cents matin d'or; il fait
fondre cet argent en une seule brique et le jette dans l'eau en disant :
Voili^ mon Trésor. Une partie de ce revenu, soit cinquante iiiann par
jour, lui vient des combats de coqs. Une des cuisses du coq vainqueur
appartenant de droit au roi, le possesseur la rachète à prix d'or.
Sdlaymân (85 i).
Voyage du marchand arabe Sulaymân en Inde et en Chine
rédigé en 85 i, suivi de remarques par Abu Zayd Hasan (vers
()i6),trad. G. Ferrand, Paris, 1992 , in-8'' (t. VII des Clas-
sujites fh> rOrienty
XXXV. (P. Al.) ... De Lahgabâlûs (les Nicobar), les navires appa-
reillent ensuite pour se rendre à un endroit appelé Kalâh-bâr^'^ On dé-'
signe également sous le nom de bâr, un royaume et une côte. Le Kalâh-
bâr [fait partie dej l'empire du Zâbag qui est situé au sud du pays de
l'Inde. Le Kalâh-bâr et le Zâbag sont gouvernés par un même roi''' ...
jiour nous permettre de corriger avec cerlitud»! les leçons fautives des manu-
srrits arabes. — (^) Les textes arabes, comme les textes malais, ont -1*4^
lilt. inaltràj. J'ai rétabli partout la forme initiale sanskrile maharaja.
'' ^U sio, litt. le pays maritime de Kalâh = Këra ou Kra, sur la côte occi-
dentale de la péninsule malaise, d'après lequel est nommé l'islhme de Kra de
nos cartes. Pour celte identification , cf. mon mémoire fjf K'oupii-Louen et les
(indcnni'ii navijraiions inlprocé<(iù<jui'ii daitu Ips mers du Sud, J. Ah., W" série,
l. XIV, I () 1 j) . appendice I, p. 9.if{-->.'.V.^.
*'-) Ou a vu déjà [supra, \\1\. p. Ai-'i-i) par Pinscription sanskrile do
54 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
(P. fiô.) On rapporte que pivs du Zâbaf»''^ il y ^ ^n^G montagne
a|i|>el('e montugtie de fou dont il est impossible de s'approclier. On en voit
sortir de la ['nmée pendani le jour et des flammes pendant la nnit. Au
lias de la montagne soiu'donl une source d'eau froide potable et une
source d'eau chaude potable.
IbN AL-FaKÏH (f)09).
Compendium lil)i'i Kitâh nl-hohifin auctore Ibn al-Fakîh al-
Hamadhânï quod odidit, indicibus et glossario instruYit M. J. de
GoEjE, Leyde, i885,in-8°.
XXXVI. ( P. ••)... Au Zabag , il y a des perroquets blancs , rouges
et jaunes qui, quand on le leur apprend, parlent couramment arabe,
persan, grec et hindou '"^^; il y a [également] des paons verts et tachetés
de blanc et de noir; des faucons blancs à huppe rouge; de grands
singes blancs de la taille d'un buffle. On y trouve des êtres à forme
humaine qui parlent un langage incompréhensible; ils mangent et
boivent [comme les hommes]. U y a des chats de différentes espèces,
ailés comme les chauves souris ; [leurs ailes] vont de la naissance de
l'oreille (p. Il) à la queue . . .
(P. If) ... Le navire se dirige ensuite vers un endroit appelé
Kalah-bâr^'l Celui-ci fait partie de l'empire du Zâbag qui est situé au
sud du pays de l'Inde. Un roi les réunit [=Kalali-bâr et Zâbag sont
gouvernés par un mémo souverain] '^' . . .
(P. \V^) . . . Dans le voisinage du Zâbag se trouve une montagne
qu'on appelle la muniagne de feu et dont on ne peut pas s'approcher. On
Vien Sa, qu'au viii° siècle, le roi de Çrïvijaya étendait sa souveraineté jusqu'à
la baie de Bandon, où elle se maintenait encore, en I9s5 (gupra, XVIFI,
extrait du Tcliuii fan (clie , p. i4).
'■' Ma traduction de ce texte arabe a : Zâbag < 1 âwaga = île de Java. J'ai
dû maintenir rideutilication trudilionuelle , le caractère de cette jiulilicatiou ue
nie pernieltanl pas de présenter, avec arguments à l'appui , la tiièsc nouvelle
exposée ici. Ceci s'applique également à l'extrait XX^XIX, infra, p. .')(>.
(-1 Â.>j^jLi6j iU<»}>) iJ.^AMjlij *^y^ ^V^ c^^ owJlI L« Jlc *JX;c. Ce passage
montre que la langue grecijue était connue en Indonésie occidentale à la lin
du ix° siècle.
W rL? i^lS. Ou remarquera })lus loin d'autres variantes de ce toponyme.
W Vi(h supra, p. ôa, XXXV.
I
L'EMPir.K SlJM\Tn\N\lS DK CRÏM.KU. 55
en voil sorlir de la fumée pendant le jour, et, pendant la nuit, de la
flamme. Du pied de celte monta^j-ne, soin-dent une source d'eau froide
potable et i\no source d'eau chaude potable (vide supra, p. 54).
(P. i<î) ... On va ensuite au pays du Zâbag dont le grand roi s'ap-
pelle Maliârâja, ce qui veut dire rrroi des rois''^-. 11 n'y a personne
derrière lui [dans la direction du sud], car il est dans la dernière des
Iles. C'est un roi très riche. . . .
(P. m) ... Le girofle, le bois de sandal, le camphre, la noix mus-
cade proviennent du Zflbag — pays situé du coté du sud, dans le voisi-
nage de la Chine — d'un pays [du Zâbag] appelé Faneur''' [--Iku'os^
sur la côte occidentale de Sumatra] . . .
Ibn Rosteh (vers 908 ).
Kitffh al-aJah (in-nnflsn VU auctore Abu 'Alî Ahmed ibn 'Omar
IBN Rosteh, éd. DeGoeje, Leydo, 18(^3, in-8°.
XXXVII. (P. irv) ... Le grand roi [du Zâbag] s'appelle Maha-
raja, ce cpii veut dire rrroi des lois'*'^. On n'en compte pas de plus
grand parmi les rois de l'Inde; car il habile dans des îles. On ne connaît
pas de roi plus riche, plus fort et ayant plus (p. IK'^) de revenus.
IsHAK BiN 'Imrân (moi't vei's 907).
Cité par Ibn al-Baytâr (1197?-! 2 AS) dans son Traité des
simples, t. \l\ ^= Notices et Extraits, t. XXVI, i883, trad.
L. Leclerc, n" 1868, p. 127.
XXXVIII. Le camphre est apporté de Sofâla et du pays de Kalâ'*', du
Zâbag et de Haranj (ou Harang)'"'. Or Haranj est la petite Chine et
c'est de là qu'on en exporte le plus . . .
Ce passage a été reproduit presque littéralement par Ibn
Skraimon (cf. mes RclalioNS de voyages el textes géographiques
'') Le sens exact de ce le. me sanskrit est «j^rand roi«.
'^' ^^jLaJL», qui l'eprésenle malais Pcniciir.
'•'*> [ i de supra , noie 1.
''' jfV*- ^'f*'". ^^ Ifaiîj 011 Jtfin'r, Ce pays ii'i'st pas identilié.
56 JUILLKT-SKPTEMBRE M>-22.
arabes, persans et turks relatifs à fExlrème-Oricut , t. l, i () i 3 ,
in"8°, p. 113).
Abu Zayd Hasan (vers 916).
Voyage du marchand arabe Silaymân en Inde et en Chine
rédigé en 85 1, suivi de remarques par Abîi Zavd IJ\sa> (vers
()i6), trad. G. Ferranu, Paris, 1932, iu-8° (t. MI des Clas-
siques (le lOrienty
XXXIX. (P. 95.) Description de la ville {sic) de Zâbag. Nous com-
mençons [ce chapitre] par l'histoire de la ville de Zâbag parce qu'elle
est située en face de la Chine. La distance entre l'une et l'autre est d'un
mois de route par mer, et même moins si les vents sont favorables.
Le roi de cette ville est connu sous le titre [sanskrit] de maharaja
(ffgrand roi->). On dit que la superficie [du territoire dont cette ville est
la capitale] est de 900 parasauges [carrées]. Ce roi est en même temps
souverain d'un grand nombre d'iles qui s'étendent sur 1.000 para-
sauges de dislance et plus encore. Parmi les états sur lesquels il lègne,
est l'ile appelée Sribuza''', dont la superficie est, dit-on, de /ioo para-
sauges [carrées], et l'île appelée Râmï '■', dont la superficie est de
800 parasanges [carrées]. Dans celle-ci, on trouve des j)lanlations de
bois du Brésil, le camphrier et d'autres essences. Fait également partie
des possessions du Maharaja, le pays maritime de Kalah ^'' qui est situé
à rai-chemin entre la Chine et l'Arabie. La superficie du pays de Kalah
est, dit-on, de 80 parasanges [carrées]. La ville de Kalah est (p. 96)
le marché où se centralise le commerce de l'aloès, du camphre, du
sandal, de l'ivoire, de l'étain, de l'ébène, du bois du Brésil, de toutes
les épices et aromates et d'autres produits dont la mention détaillée
serait trop longue. C'est dans ce port que se rendent actuellement [, au
'■' Le texte a »vj^ S.n.o.za, var. Sj-.-?**» S.r'n-a, qui sont à reclilier en
iyiy^- *j^.r^ est la leçon fautive hahiluolle (les manuscrits arabes.
'■) t^IJI, |)liis exactement ^yJL«!Jl que Ibn al-Fakîh vocalise ^yJL«lJl Ar-
Râmini (cf. mes Relations de voyages, t. I, p. 56 et n. 0). C'est un des noms
de l'île de Sumatra. Abu Zavd, ni les géographes antérieurs et postérieurs ne
se sont rendu compte que Zâbag, Sribuza , R;in>inT désignaient un seul et
mètne pays insulaire.
(•'') Ou Kra , sur la |i<''niiisiil(' malaise. Vide xujini , p. '>'A . note i.
L'EiVlPlllE SU.MVTUANAIS DE ÇRÎVIJAW. 57
commencement du x° siècle,] les navires de l"Omrin et c'est de ce port
que partent les navires à destination de T'Omân.
L'autorité du Maharaja s'exerce sur ces îles. Son ile à lui , dans laquelle
il réside, est aussi fertile qu'une terre peut l'être et les endroits peuples
s'y suivent sans interruption. Quelqu'un, dont le témoignage est digne
de foi, a rapporté que lorsque les coqs de ce pays se mettent à chanter
à l'aube, comme ils le font en Arabie, ils se répondent les uns aux
autres [sur une étendue de pays qui atteint] jusqu'à loo parasanges
et plus encore; [il en est ainsi | parce que les villages sont contigus l'un
à l'autre et se succèdent sans interruption, car il n'y a ni déserts, ni
ruines. Celui qui se déplace dans ce pays en voyageant à pied où à
cheval peut aller où il lui plaira; s'il lui arrive de s'ennuyer ou (p. 97)
que son cheval soit fatigué, il peut s'arrêter où il voudra [, il trouvera
toujours un gîte].
Parmi les choses extraordinaires qui sont venues à notre connais-
sance, en ce qui concerne les traditions de cette île appelée Zàbag- [, je
vais rapporter la suivante]. Un ancien roi de cette île qui portait le titre
de Maharaja, avait son palais qui faisait face à un talâg^^^ communi-
quant avec la mer — par lalâg, on désigne un estuaire comme celui du
Tigre, le fleuve de Bagdad et de Basra, où pénètre l'eau de la mer avec
le flot et où l'eau est douce au moment du jusant. — De ce tatàg, se
formait un petit lac contigu au palais du roi. Chaque matin, l'intendant
se présentait devant le roi et lui apportait un lingot d'or en forme de
brique, pesant un certain nombre de mahn dont la valeur m'est
inconnue. Puis, devant le roi, l'intendant jetait ce lingot dans le lac.
Au moment du flot, l'eau recouvrait entièrement ce lingot et les lingots
identiques qui se trouvaient déjà dans le talâg; au moment du jusant,,
quand la mer se retirait, les lingots reparaissaient et brillaient au soleil.
''' Le texte a la leçon fautive ^XS pour ^i*.j'. «Les Indiens, dit Mutahhar
BiN Tâhir al-Makdisï ( Lfi livre de la création el de l'histoire, texte arabe et Irad.
par Ci. Huaut, t. IV, Paris, 1908, in-8°, p. 09), se nourrissent habilueliemenl
d«i riz el de sorgho; ils boivent l'eau des mares où se rassemblent les eaux de
pluie, el qu'ils appellent ~!^:' talàjn [lire : talàjç avec ^ en fonction de jfultu-
rale sonore]. «C'est, ajoule en note le traducteur, le sanskrit (â(/ag-rt, liindou-
slani Jljo' tàdâg.n Le rapprochement est exact, sons celte réserve que 1'/ de
la transcription arabe ^!5A.j doit remonter à une forme prâkrite *tàlàg. Pour
l'équivalence régulière des cérébrales indiennes et indonésiennes en transcrip-
tion arabe, cf. fappendice I de mon mémoire sur Ije k'oueii-louen et les aii-
ctennes uaviijalions interocéaniques dans les mers du Sud, J. As., XI* série,
t. XIV, p. 91/1-9H:?.
58 JUILLET-SEPTEMBRE 1922
Le roi les examinait quand il siégeait dans sa grande salle dominant le
lac. Cette coutume se maintenait invariable : on jetait tous les jours un
lingot d'or dans le lac. Tant que le roi vivait, on ne touchait pas au\
lingots. A sa mort, son successeur faisait retirer tous les lingots sans en
excepter un seul. On les comptait, on les faisait fondre; puis, on en
parlageait [une certaine quantité] entre les membres de la famille royale,
hommes, femmes et enfants, les généraux, les esclaves royaux, en tenant
compte de leurs rang et prérogatives respectifs. L'excédent était ensuite
distribué aux pauvres et aux malheureux. Puis, on inscrit officiellement
le nombre des lingots d'or et leur poids. [Dans le procès-verbal réfligé
à cette occasion,] (p. 98) il était mentionné que tel roi ayant régné à
telle époque, pendant tant d'années, avait laissé, après sa mort, tant de
lingots d'or dans le lac royal et que ses lingots avaient été partagés,
après sa mort, entre les princes et les fonctionnaires royaux ^^\ Chez les
gens du Zâbag, c'était une gloire pour un roi qu'eussent été longs les
jours de règne et que fût plus grand le nombre des lingots d'or qu'il
laissait en héritage '"''.
D'après les annales du pays de Zâbag, il y avait autrefois un roi
^') Mas'ûdï (Les Prairies d'or, t. I,p. 175-177) fournit des renseignements
identiques. D'après Ibn Sa'Id (rideinfra, LX), on laisse dans l'étang une brique
d'or par règne et le nombre des briques isolées représente ainsi le nombre des
rois qui ont régné sur le pays. Cette coutume existait également au Campa.
Ma ToDAN-LiN {Méridionaux, Y>. /i.3o; cf. également G. Maspero, Lp roijanme
de Clinmpa, T'ounjr pao, t. XI, 1910, p. 5i4) rapporte que le premier em-
pereur de la dynastie des Soiiei (Ô18-617), Wen-ti, lit envahir le Lin-yi
(Campa) par une armée chinoise commandée par le général Lieou-fang.
Celui-ci s'empara de la capitale et wy prit dix-huit tablettes d'or massif, dans
la salle oîi le roi [cam] honorait la mémoire de ses ancêtres. Ces tablettes
étaient au nombre de dix huit parce que ^ ^ Fan-tcbe [ , le roi cam
vaincu, ] était le dix-neuvième roi du Lin-yi ... ».
'-) ffCe lac aux biiques d'or, dit Millies {Rtcherehê* sur les monnaies i)tdi-
frènes dp l'arcliipel uidii-n et de la pénmsule malaise, La Haye , 1 87 1, in-4°, p. 2 1),
rappelle tout de suite plusieurs noms géogpaphi([ues de Java, comme le Kali-
mas «la rivière d'or» qui passe par Surabaya; le nom do }iantfOu-mas (Hre :
BaUti-mas) «rTeau d'or» , etc.; soit que ce conte soit un mythe étymologique, soit
que la mémoire de l'usage ancien ait été conservée par le nom géographiques.
C'est celte dernière hypothèse qui est à retenir. «Il est bien connu, dit
RoupPAER [Eneyclopaedie van ISederlandsch-fndië, i"éd. , t. 1\, p. 38a, 3*col. ,
fin de la note 2), que les princes de Java et de Bali avaient l'habitude de
mettre leurs trésors à l'abri sur une Pulo gëdoA — une ile du Trésor (een
Srhatkamer Eiland), ronstruclion en maçonnerie enleiirée d'eau. -i
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇUÎVIJ.W \. 59
(le khmèr [dont il va être question plus loin]. Le Kbmèr est le pays
d'où on exporte Tabès kliraèr. (^e pays n'est pas une ile, mais |il est
situé J sur la partie [du continent asiatique] qui confine au pays des
Arabes ( sic) '''. Il n'y a pas de royaume qui possède une plus nombreuse
population que celui de Kbmèr. Tous les Khmèrs vont à pied. La
débaucbe et toutes les boissons fermentées leur sont interdites; dans les
villes et dans l'empire, on ne trouverait pas une seule personne prati-
quant la débauche ou usant de boissons fermentées. Le Kbmèr est situé
sur la même longitude que le royaume du Maharaja, c'est-à-dire file
qui est appelée Zâbag. Entre ces deux pays, la distance est de dix à vingt
jours [de route) par mer, en faisant route dans la direction nord-sud ou
inversement; [dix jours avec bon vent et vingt jours] avec un vent
moyen.
On raconte que, autrefois, un roi de Khmèr fut investi du pouvoir;
il était jeune et prompt à agir. Un jour, il était assis dans son palais qui
dominait un fleuve d'eau douce semblable au Tigre de l'Irak — entre
le palais et la mer, la distance était d'un jour de route [par le fleuve] —
il avait son ministre devant lui. 11 s'entretenait avec son ministre et il
était question dans la conversation du (p. 99) royaume du Maharaja,
do l'éclat qu'il jetait, de sa nombreuse population et des iles qui lui
étaient soumises. crJ'ai un désir [, dit alors le roi,] que j'aimerais à satis-
faire. » Le ministre, qui était sincèrement dévoué à son souverain et qui
connaissait sa promptitude à prendre des décisions, lui demanda : a Quel
est ce désir, ô voi'h Celui-ci reprit : rfJe désire voir devant moi, sur un
plat, la tête du Maharaja, roi du Zâbag. « Le ministre comprit que c'était
la jalousie qui avait suggéré cette pensée à son souverain et il lui re-
pondit : rrJe n'aimerais pas, ô roi, que mon souverain exprimât un tel
désir. Les peuples du Khmèr et du Zâbag n'ont jamais manifesté de
haine l'un pour l'autre, ni en paroles, ni en actes. Le Zâbag ne nous a
jamais fait de mal. C'est une île lointaine qui n'est pas dans le voisinage
de notre pays. [Son gouvernement) n'a jamais manifesté un vif désir de
s'emparer du Khmèr. Il ne faudrait pas que qui que ce soit eût connais-
sance de ce que le roi vient de dire ni que le roi répétât ce propos. « Le
roi du Khmèr se fâcha [contre son ministre), n'écouta pas l'axis que lui
(') Mas'OdI (jui mentionne également, presque dans les même» termes, la
campagne du Zabâg contre le Khmèr ou ancien Cambodge, dit plus correcle-
pays [du Klian'-r] n'e>it pas une ile do la mw; il est soulemenl situé sur le
bord de lu mer; et [il y a dune ce pav"" ) des montagnes".
no JDILLET-SKPTEMBRE l'.)22.
donnait son sage et loyal conseiller et il répéta le propos devant ses
généraux el devant des grands de sa cour qui étaient présents. Le pro-
pos passa de Ijouche en Itouche au point qu'il se répandit partout et
qu'il parvint à la connaissance du Maharaja. Celui-ci était un souverain
énergique, actif el expérimenté; il était alors arrivé à l'âge mûr. Il fit
appeler son ministre et l'informa de ce qu'il venait d'apprendre; puis, il
ajouta : rr Après le propos que ce fou [de roi kbmèr] a rendu public,
devant le désir [de voir ma tête sur un plat] qu'il a exprimé parce qu'il
est jeune et léger, après la divulgation du propos qu'il a tenu, il est né-
cessaii'e que je m'occupe de lui. | Mépriser ses insultes,] serait me faire
tort à moi- (p. loo) même, me diminuer et m'abaisser devant lui. ti
Le roi prescrivit ensuite à sou minisire de garder secrète la conversation
qu'ils venaient d'avoir et de faire préparer mille navires de moyenne
grandeur, de les équiper, de mettre à bord de chacun d'eux des armes
et des troupes vaillantes en aussi grande quantité que possible. [Pour
expliquer ces armements,] il déclara ouvertement qu'il désirait faire un
voyage d'agrément dans les îles de son royaume; et il écrivit aux gou-
verneurs de ces iles qui lui étaient soumises, pour les prévenir qu'il
allait leur faire visite en effectuant un voyage d'agrément dans les îles.
La nouvelle se répandit partout et le gouverneur de chaque île se pré-
para à recevoir le Maharaja comme il convenait.
Lorsque les ordres du roi furent exécutés et que les préparatifs étaient
terminés, celui-ci s'embarqua et avec sa flotte et ses troupes Ht roule à
destination du royaume de Khmèr. Le roi et ses compagnons se servaient
du cure-dent ; chacun d'eux s'en servait plusieurs fois par jour. Chacun
emportait un cure-dent et ne s'en séparait pas ou le donnait à garder ii
son domestique.
Le roi du Khmèr n'eut soupçon de ces événements que lorsque le
Mahâi'âja se fut emparé du fleuve conduisant à sa capitale et eut lancé
en avant ses troupes. Celles-ci cernèrent la capitale à l'improviste, elles
s'emparèrent du roi et entourèrent son palais. Les khmèrs avaient fui
devant l'ennemi. Le Maharaja fit déclarer par des crieurs publics qu'il
garantissait la sécurité de tout le monde; juiis il s'assit sur le trône du
roi du khmèr qui avait été fait prisonnier et le fit comparaître devant
lui ainsi que son ministre. Il dit au roi du Khmèr : cfQn'est-ce qui t'a
poussé à formuler un désir qu'il n'était pas en ton pouvoir de satisfaire,
qui (p. loi) ne t'aurait pas donné de bonheur s'il avait été réalisé et
qui même n'aurait pas été justifié s'il avait été facilement réalisable?'"
[Le roi khmèr] ne r(''|)ondit pas. Le Maharaja reprit : ffTu as manifesté
le désir de voir devant toi ma fêle sur un plat ; mais si tu avais égale-
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJA^A. (ii
ment voulu t'eniparer de mon pays et de mon royaume ou seulcmenl eu
lavager une partie, j'en aurais fait autant au Klimèr. Gomme tu n'as
exprimé cpie le premier de ces désirs, je vais l'appliquer le traitement
que lu voulais me faire subir et je retournerai ensuite dans mon pays,
sans m'emparer de quoi que ce soit du Khmèr. qu'il s'agisse de choses
de grande ou d'inllme valeur. iMa victoire [seivira de leçon J à tes suc-
cesseurs ; personne ne sera plus tenté d'entreprendre une tâche au-dessus
de ses forces, et de désirer plus qu'il ne lui est échu en partage par la
destinée; on s'eslimera heureux d'avoir la santé, quand on en jouira. t'
11 lit alors couper la tête au roi du Khmèr. Puis il s'approcha du ministre
khmèr et lui dit : crJe vais te récompenser pour le bien [que lu as
essayé de faire] en agissant en [bon] ministre; car je sais bien comment
tu avais sagement conseillé ton maître : [quel dommage pour lui] qu'il
ne t'ait pas écouté. Cherche maintenant quelqu'un qui puisse faire un
bon l'oi après ce fou, et mets-le à la place de celui-ci. i
Le Maharaja partit sur l'heure pour retourner dans son pays, sans
que lui ni aucun de ceux qui l'accompagnaient enq)ortassent quoi que ce
soit du pays de Khmèr. Lorsqu'il fut de retour dans son royaume, il
s'assit sur son trône qui dominait le lac [aux lingots d'or] et il fît mettre
devant lui le plat contenant la tête du roi du Khmèr. Puis il fit con-
voquer les hauts fonctionnaires de sou royaume et les mil au (p. io!î)
courant de ce qui s'était passé et des motifs qui l'avaient poussé à entre-
prendre cette expédition contre le roi du Khmèr. [En apprenant cela],
le peuple du Zàbag pria pour son roi et lui souhaita toutes sortes de
bonheur. Le Maharaja fit ensuite laver et embaumer la tête du roi du
Khmèr; on la mit dans un vase et on l'envoya au roi qui avait remplacé
sur le trône du Khmèr le souverain décapité. Le Maharaja fit parvenir
en même temps une lettre ainsi conçue : (rJ'ai été poussé à agir comme
je l'ai fait vis-à-vis de ton prédécesseur à cause de la haine qu'il avait
manifestée contre nous et nous l'avons châtié [pour donner une leçon] à
ceux qui voudraient l'imiter. Nous lui avons appliqué le traitement qu'il
voulait nous faire subir. Nous jugeons bon de le renvoyer sa tête, car
il n'est maintenant pas nécessaire de la retenir ici. Nous ne tirons aucune
gloire de la victoire que nous avons remportée contre lui.i Quand la
nouvelle [de ces événements] parvint aux rois de l'Inde cl de la Chine,
le Maharaja grandit à leurs yeux. I)e[)uis ce moment, les rois du
Khmèr, tous les malins, en se levant, tournent le visage dans la direction
du pays de Zâbag, s'inclinent jusqu'à terre et s'humilient devant le Ma-
haraja pour lui rendre hommage.
0'2 JUlLLET-SEPTEMbRIi 1922.
Mas'ûdï (9^3).
Les Prairies d'or, texte el tiad. par C. Barbier de Meynard et
Pavet de Gourteille, t. {, i86t , in-8°; t. II, i863, in-8°.
XL. (Tome I, p. iGq, injine.) L'Inde est un vasie pays qui s'étend
sur la mer, le continent (p. i63) et au milieu des montagnes; ce
royaume est limitrophe de celui du Zâbag, qui est l'empiie du Maha-
raja, roi des Iles. Le Zâbag, qui sépare la Chine de l'Inde, est compris
dans cette dernière contrée.
(P. 207, injine.) . . . Les crocodiles abondent . . . dans la baie du
Zâbag, [qui se trouve] dans les états du Maliârâja . . .
(P. a/ia.) . . . Aux environs de Kalah et de Sribuza, on trouve des
mines d'or el d'argent
(P. 3/J3.) . . . Dans l'empire du Maharaja est lile de Sribuza qui est
située à enviion 4oo parasanges du continent et entièrement cultivée.
Ce prince possède aussi les îles de Zâbag '"' el de Ràranï et bien d'autres
encore que nous ne mentionnerons pas; au surplus, sa domination
s'étend sur toute la sixième mer ou mer de Campa (l'Annam actuel).
(P. 394.) Nous avons déjà parlé . . . dans nos Annales historiques et
notre Histoire moyenne ^'^'> ... du Maharaja , roi des lies , ainsi que des
[jarfuras et des plantes aromatiques, et des autres princes de l'Inde. ...
ce pays [Mandùra-patan '^', la capitale du Madura,] est situé vis-à-vis
de Ceylan, comme le pays de Khmèr l'est des iles du Maharaja, telles
que le Zâbag et les autres . . .
(Tome If, p. 5i.) ... Ou rencontre une ti-oisième espèce de singes
dans les nombreuses criques que forme la mer de Chine sur les côtes du
Zâbag et de l'empire du Maharaja , roi de ces iles. Les possessions de ce
dernier, comme nous l'avons (p. 62) déjà fait remarquer dans cet
ou\iage, font face à la Chine et occupent une position intermédiaire
entre ce royaume el celui du Ballahiâ [de l'Inde] . . . Les marins de
Sii'àf et de l"Oraân qui font coulinuellemeut le voyage de Kalah el du
Zâbag, connaissent parfaitement les singes de celte espèce . . .
(') Les éditeurs ont lu fautivement g' vJl Zandj.
('^) Ia*i,3i)lj yUJi %Là>I. Ces ouvrages ne uous soiil uialheureusemenl pas
parvenus.
'■^) Les éditeurs ont adopté la leçon fautive ^^^î,>a,« Mandùrafîn, qu'il faut
corriger en ^^,jj^i>«.
L'EMPIRE SUlVJATRVNAlS DE (.ilUMJWA. 63
Mas'ûdï (955).
Kitâb al-tanblh wal-isràf, éd. M. J. De Goeje, Leycle, 1 8()/i ,
in-8°; Le livre de l'avertissement et de la révision, trad. Garha de
Vaux, Paris, 1896, in-8°.
XLI. (P. 90, influe.) . . . Nous avons donné dans le livre des Prai-
ries d'or et des mines de pierres précieuaes, des renseignements sur tous
les volcans qui se trouvent dans la partie haintée de la terre, comme . . .
(p. 91) ... le grand volcan qui est dans le royaume du Maharaja, loi
des îles du Zâbag et d'autres îles dans la mer de Chine, parmi lesquelles
sont Kalah et Sribuza. On désigne tous leurs rois par le titre de Maha-
raja. Cet empire [du Maharaja] a une population énorme et des armées
innombrables; personne ne peut en deux ans, avec le vaisseau le plus
rapide , parcourir ces îles , qui toutes sont habitées. Le roi [ de ces îles ]
possède plus de variétés de parfums et d'aromates que n'en possède
aucun autre roi. vSes terres produisent le camphre, l'aloès, le girolle, le
sandal, la muscade, le cardamome, le cubèbe, etc. Quant au volcan, il
est situé dans les montagnes ''' qui se trouvent à (p. 92) l'extrémité
d'une des îles. Il paraît noir le jour à cause de la clarté du soleil, et
rouge la nuit; sa flamme rejoint les nuages du ciel tant elle est haute
et tant elle monte dans l'air . . .
Ibrahim bin Wâsif-Sâh (vers 1000).
L'Abrégé des Merveilles, trad. de l'arabe d'après les manu-
scrits de la Bibliothècjue Nationale de Paris, par Carra de Vaux,
Paris, i8y8, in-S".
XLII. (P. 61.) . . . Une île proche du Zâbag; il s'y dresse une mon-
tagne dite nionlaipie du Jeu, d'où sort, le jour, de la fumée; la nuit, de
la flamme; personne ne [)ent en approcher.
(P. 69.) Les îles du Zâbag. C'est un grand arclii|)el, fort i)enplé,
riche en mojssons et en denrées diverses. On dit que lorsque les habi-
tants de la Chine étaient ruinés par les invasions ou les guerres civiles ,
(') Il semble qu'il s'agisse ici du fameux Bërâpi de Sumatra (litt. [1^ mon-
tagne] qui est en feu), Barapi en dialecte miuaàkabaw (cf. J. As., juiilct-
aoùt 1919, p. 198-199).
(k'i JUILLET- sept embue 19 '2 -2.
ils vciiaiciil piller Tune des îles du Zâba^j et que Ici fui le soil de loules
les îles de cet archipel et de toutes leurs villes . . .
Les îles du Zâbag' sont nombreuses : Tune d'elles, connue sous le
nom de Sribuza ' , a une superficie de ^oo parasanges [carrées]. Elle
pioduit des denrées et des parfums . . .
L'ile du Maharaja; c'est le nom du roi de 1 ile. Cest une grande ile
li'ès prospère et très fertile. Des commerçants dignes de foi ont rapporté
que les coqs chantant dans les arbres s'y répondent à cent parasanges
(p. 63) à cause de la continuité des terrains cultivés et du bel arrange-
ment des campagnes, que n'interrompent ni déserts ni ruines. Les voya-
geurs s'y déplacent sans provisions et descendent où ils veulent '•''>.
BîRÛNï (vers 1 o3o).
Albemm's India, an account of the religion, pliilosophy,
lilleralure, clironology, astronomy, customs, law and aslro-
logy, about A. D. io3o, edited in ihe Arabie original by
E. Sacuau, Londres, 1887, in-Zi^'^l
XLllI. (P. l'h*) Les iles orientales de cette mer [l'Océan Indien] qui
sont plus ]aj)[)rochées de la Chine que de l'Inde , sont les îles du Zâbag
appelées dans l'Inde sûivarndib'''', c'est-à-dire ffiles de l'orr, . . .
(P. f<?F) . . . L'épithète d'or (ou de l'or) appliquée à la forteresse,
peut être de pure convention. II est, cependant, possible qu'il faille l'en-
tendre au sens propre du mot, car les îles du Zâbag sont appelées ffla
terre de l'or-^, parce qu'on retire beaucoup d'or en lavant un peu de
terre [de ces îles].
Du même auteur : kllâl> al-ldflmn h âwail siintfat at-taujim
«Livre de l'instruction sur les principes de l'astrologie 5?, dans
^'' Les niss ont ».Xj)0^au Sadîda, »jJ..w Surira; Caura i>e Vaux a restitué Ser-
bozah.
(-) Vidi' sttpra, p- •'37.
W Traduit en aiifjlais par Sachau sous ic (itre de : Ai.iinitLM's India, etc.,
au English édition, willi notes and indices, 9 vol., in-8", Londres, 1910,
2° éd .
''') c_o3 ij^y^. C'est la forme arabisée du complexe sanskrit suvanjadrlp
(file de l'or».
L^KMPIHE StlMATRANAIS DE (JRIVIJAYA. (5
mes Rcidt/otis (le roi/ages et textes géographiques arabes, persa: s
et lurks relatifs à l'Extrême-Orient, t. II, Paris, iQi'i, in-S",
p. G 0 0-6 0 1.
XLIV. . . . Plus loin (au delà de Ceylau), sont l'Ile de Kalah d'où
on exporte l'ëtain et l'île de Sribuza d'où on exporte le camphre.
Des pays ipù se trouvent dans les climats . . . Nous disons que
lequateur commence dans la mer au sud de la (îhine: passe à l'ile de
Zâbag qui renferme de l'or, entre les îles de Kalah et de Sribuza . . .
Habakî (vers 1 182).
Al-Batlanï sive Albatenii opus astronomicum, éd. et trad.
C. A. Nallino, pars prima, Milan, 1908, in-Zi", p. lxvii.
\LV. Parmi les îles de cette mer de l'Inde, sont l'île de Zâbag . . .,
l'île de Kalah d'où l'on exporte i'étain, l'île de Sribuza d'où l'on exporte
le camphre.
Edrïsï (1 i54).
Kitâl) nuzhat al-mustakfi ihtirâk al-afâh «Livre de la rëcroa-
lion pour l'homme désireux de connaître les paysw, trad, par
Amédée Jaubert sous le titre de Géographie d'Edrisi, Paris,
t. I, i83(i, m~k" (t. V du Recued de voyages et de mémoires
publié par la Société de Géographie de Paris).
XLVl. (T. 1, p. 58.) . . . Les habitants des îles du Zâbag vont au
pays du Za ng' dans de grands et de petits navires, et ils s'en servent
poin- le commerce de leurs marchandises, attendu qu'ils comprennent le
langage les uns des autres *^'.
I P. 59.) ... Au nombre des îles du Zâbag est celle de Sribuza ^^'
dont la circonférence est, à ce qu'on dit, de 1.200 milles et où l'on
tiouve des pêcheries de perles et diverses sortes d'aromates et de par-
fums, ce qui y attire les marchands.
'"' Côte orienlaU; d'Afri(ju»' au sud du cap Guardafui.
■^ I.«! leile iiialx' a »^^j-i Sarhiiïva; la carie aflerento à cette section, Syjj.^
Sdiiia , qui sont à corriger on »vij-i Srilju'-u.
6« JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
(P. Go.) ... On dit que lorsque l'étal des affaires de la Chine fut
troublé par les rébellions et que la tyrauuie et la confusion devinrent
excessives dans l'Inde, les habitants de la Chine transportèrent leur
commerce au Zâbag et dans les autres îles qui en dépendent, entrèrent
en relations et se familiarisèrent avec ses habitants, à cause de leur
équité, de la bonté de leur conduite , de raménitë de leurs mœurs et de
leur facilité dans les aiïaires. C'est pour cela que cette île [de Zâbag] est
si peuplée et qu elle est si fréquentée j>ar les étrangers.
AjLiprès de cette île [du Zâbag], il en existe une autre peu considé-
rable, dominée par une haute montagne dont le sommet et les flancs
sont inaccessibles, parce qu'elle brûle tout ce qui s'en approche.
Dunanl le jour, il s'en élève une épaisse fumée, et durant la nuit, un
feu ardent. De sa base coulent des sources, les unes d'eau froide et
douce, les autres chaudes cl salées.
(P. 65.) ... Les habitants des îles du Zâbag et des autres îles envi-
ronnantes viennent chercher ici [à Sofâla de la côte sud-orientale
d'Afrique] du fer pour le transporter sur le continent et dans les îles de
rinde, où ils le vendent à bon prix, car c'est un objet de grand com-
merce et de grande consommation dans l'Inde . . .
(P. 78 hifra.) . . . Les gens de Komr (= Madagascar) et les mar-
chands du pays du Maliârâja viennent chez eux [les Nègres de la côte
sud-orientale d'Afrique], on sont bien accueillis et trafiquent avec eux ...
(P. 178.) . . . Au Zâbag, les rois s'ai)pellent(_,<^i''' ...
Yâkût (122/1).
Yacut's geographischcs Wôrterbuch . . . herausgegeben von
Ferdinand WïiSTENFELD, Leipzig, 6 V0l.,in-8°, 1866-1870.
XLVII. (T. I, p. f'i) ... Dans les régions de l'est, se trouvent les
îles du Zâbag; puis, . . . Srilniza'"' d'où on tire le camphre.
(T. II, p. 4- f) Az-Zâbag est une île située aux contins [orientaux] du
pays de l'Inde, derrière la mer de Harkand [^ golfe du Bengale], et
aux confins [occidentaux] de la Chine.
(T. III, p. ^a) Srihuza est une île dans la terre de l'Inde dont la
(') Vide supra, p. h^., n. a.
'-) On a imprimi'' ^'jiy^, erreur lypojvrapliiijuc pour ï'-r^t^ Saibuza, qui est
à conijfcr on s^-'..^.
. L'EMPIRE SIMATRANAIS DE ÇlîIVlJV^ \. 67
[wsition dans le monde habité est sur réquateur. On en exporte le
camphre.
Kazwînî (1208-1283).
Kitâb ajôïl) al-mahlûhlt wa yarnib al-mawjûdftt «Livre dés
merveilles des créatures et des curiosités de l'univers ?5, dans
ZaKAHUA BEN MuHAMMED Ui:\ MaIIMVD EL-CAZ}yiM's KoSMUgVa-
■phic, éd. WiJsTENFELD, Gotlingen, 18^9, in-8% Erster Theil.
XLVIII. (P. I*a) Les îles de la mer de Chine. . . . L'île de Zâbag^'^
C'est une grande île sur les frontières de la Chine, à l'extrémité du pays
de l'Inde. Elle est gouvernée par un roi appelé le Maharaja.
XLIX. Mliiammad Bm Zakariyâ ar-Râzî [mort en 928 ou <)3aJ dit :
(fLe Maharaja reçoit un trihut qui s'élève à deux cents mann d'or par
jour; le mann vaut 600 dirhams. 11 fait faire des briques [avec cet or],
et les jette dans l'eau [d'un étang], et cet étang lui sert de maison du
Trésor, -n
L. Ib\ al-Fakïh [909] dit: ffDans cette [île] hahilenf des êtres sem-
blables aux hommes, mais leur caractère ressemble ])lulôt à celui des
bétes sauvages; ils parient une langue que personne ne comprend. Il y
a dans cette [ile] des arbres et ses [habitants] sautent d'un arbre à
l'autre.'^ Le même auteur dit ensuite: rfll y a dans cette [île] une
espèce particulière de chats avec des ailes comme celles des chauves-
souris qui partent de la naissance de l'oreille et vont jusqu'à la queue ;
il y a aussi des antilopes semblables aux bœufs de montagne, dont la
couleur est rouge à points blancs, leur queue est semblable à celle des-
gazelles et leur chair est d'un goût désagréable. Il y a encore la civette
qui ressemble au chat et dont on tire le parfum du même nom ; le rat
nuisqué: la montagne appelée Nasbân''' où se trouvent de giands ser-
pents dont quelques-uns peuvent avaler des hommes, des bœufs et des
buffles, d'autres [même] des éléphants; des singes blancs qui ressem-
blent en partie aux buffles, en partie aux béliers, et d'autres [singes]
avec la poitrine blanche et le dos noir ''.»
'') Ici et »«//■«, le texte a faulivcincnt glj Z(itia[r pour gh .
''^) yLj,a.jJ!, var, yUiJJi, jjjUijJI . yL-y.a-Jl; je Hc sals quelle est la bonne
lefoa du nom de cette monta^juc, qui n'est pas identiliéc
(■^) Ces deux passajjes ne se retrouvent pas intégralciricnt dans le le\le ([iii
nous est jiarvenu et qui a été édité par Dk (ioEJi; {vida supra, p. ij/i).
08 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
LI. Zakariyâ bin YahyI bin Hâkân''' dit : rrDans l'île de Zâbag, il y a
une espèce de perroquets blancs, rouges et jaunes, qui parle toutes les
langues possibles; il y a également des paons noirs, tachetés de blanc,
et verts; une espèce d'oiseau appelé (il-lunrân, plus grand que celui du
Soudan, plus petit que le pigeon à collier, à bec jaune, ailes noires,
ventre blanc et ['attes rouges, qui parle mieux encore que les perro-
quets. Il y a également dans [cette] ile des créatures à forme humaine qui
parlent une langue incompréhensible; ils mangent comme les hommes;
il y en a de blancs, de noirs et de verts, avec des ailes au moyen des-
quelles ils volent '^'.T5
LU, MâhÂn bin Bahr'^' de Sïrâf dit : ff J'étais sur l'une des îles du Zâbag
et je vis de nombreuses roses rouges, jaunes, bleues et d'autres cou-
leurs. Je pris un morceau d'étoffe rouge et mis dedans quelques roses
bleues. Lorsque je voulus les emporter, je vis du feu dans l'étoffe qui
consuma toutes les roses qui s'y trouvaient, mais l'étoffe ne brûla pas.
Je questionnai les gens du pays à ce sujet et ils me dirent : ffCes roses
ffont beaucoup de propriétés utiles, mais il est impossible de les em-
ff porter hors de la roseraie."
LUI. MoHAMMAD BIN Zakariyâ [ar-RâzI] dit : «Parmi les merveilles de
cette île [de Zâbag], il faut compter l'arbre à camphre. Il est extrême-
ment grand et couvre de son ombre cent hommes et même davantage.
L'arbre étant percé dans sa partie la plus élevée, il en coule Veau de
camphre de quoi remplir une quantité de cruches. [Quand la récolte de
la partie supérieure est terminée,] on perce un peu plus bas, au milieu
de l'arbre, et on en fait sortir des morceaux de camphre: car c'est dans
cette paitie que se trouve la résine de l'arbre et il n'y en a qu'à l'inté-
rieur du camphrier. Quand on l'a récolté, l'arbre se dessèche. ^^
LUI. (P, i<î>i) ... La montagne de Jâba, dans l'Inde. C'est une
montagne au sommet de laquelle se trouve un feu qui brûle [sur un
espace de] 500 coudées carrées. Pendant le jour, [il en sort] de la
fumée. Il y a là des collines qui produisent des parfums qu'on trans-
porte dans les [autres] pays et dans l'univers entier.
(') Ci't autour ne m'est connu quo par la présente cltalion.
'-' Vidfi supra, p. ô^i, le passajfe de IiiN al-Fakîh qui est vraisemblablement
à la base de ces iiilormations.
^^' Inconnu par .lilleurs.
L'KMPIRE SIMATIWNAIS DE ÇUiVIJAYA. 69
Kitâb àOâv al-htlàd wa nhhâr al-ibâd « Livre des monuments
des pays et des renseignements sm* les hommes w, dans Zaka-
RIJA BEN MuBAMMED BEN MaUMUD EL-CaZU'I.m's KosmOgraphlC ,
éd. WûsTENFELD, Zwoiter Theil, Gôltingen, 18^8, in-8''.
LIV. (P. 1'^) Jâwa est un pays [situé] sur le rivage de la mer de
Chine, limitrophe du pays de l'Inde. De notre temps, les marchands
[voulant trafiquer avec la Chine] n'arrivent que jusqu'à ce pays; toute
aulre région de la Chine leur est inaccessible à cause de la grande dis-
lance et de la différence des religions. Lés marchands exportent de ce
pays l'aloès [ appelé ]y«ît;i (ou aloès sumatranais), le camphre, le nard ,
le girofle, le macis, les vases chinois. On exporte [ces dei-niers] dans le
monde entier.
LV. (P. h) L'ile de Zâbag. C'est une grande île à la frontière de la
Chine, limitrophe du pays de l'Inde, Elle contient des choses extra-
ordinaires. C'est un royaume étendu, Son roi est puissant; il s'appelle
le Maharaja.
LVI. MuHAMMAD BiN Zakariyâ dit: rfLe Maharaja perçoit chaque jour
un impôt qui s'élève à 200 mnnn d'or; il fait [avec cet or] des briques
et les jette dans l'eau. C'est l'eau qui lui sert de maison du Trésor. n
11 dit aussi que parmi les merveilles de cette île est l'arbre à camphre.
Il est très grand et couvre de son ombre cent hommes et plus. L'arbre
dans sa partie la plus élevée, étant percé, il en coule l'edu de camphre,
de quoi remplir une quantité de cruches. [Quand la récolte de la partie
haute est terminée,] on perce un peu plus bas, au milieu de l'arbre, et
on en fait sortir des morceaux de camphre; car c'est dans cette partie
que se trouve la résine de l'arbre et il n'y en a (|ue dans l'intérieur du
camphrier. Quand on l'a récoltée, l'arbre se dessèche '*'.
LVII. Mâhân BIX Bahr de Sïrâf raconte ceci : ff J'étais, dit-il, sur l'une
des îles du Zâbag et je vis de nombreuses roses rouges, jaunes, bleues
et d'autres couleurs . . . [vide supra, LU, p. 68),n
LVIII. 1b\ al-Fakîh dit (p. \") : rrll y a dans cette île, un peuple
semblable aux hommes, si ce n'est que leur caractère ressemble à celui
des bêtes féroces. Ils parlent une langue qu'on ne comprend jias.
Ils sautent d'arbre en arbre . . . (vide supra, L, p. 67).
") Vùlr ««/«•«, \\A\ cl Mil, p. (".7 A ()8.
70 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
LI\, Zak.muvâ BIX MuiiAMMAD BIS IIâkân^'^ dit." «Dans Tile de Zâbag,
il y a des peiioquets blancs, jaunes et rouges (|ui parlent toutes les-
langues possibles. Il y a également des paons noirs, tachetés de blanc,
et verts; un oiseau appelé (d-haivân, plus petit que le pigeon à collier,
à ventre blanc, aux ailes noires, aux pattes rouges et k bec jaune.
Il pa;'le mieux encore que le pei"roquet, Allah seul sait la vérité ! r,
Ibn Sa'îd (1208 ou iQiA-127/i ou 1286).
Extraits du ms. 2a3/i du fonds arabe de ia Bibliothèque
nationale de Paris qui est intitulé : «Livre qu'a réuni et résumé
'Alï bin Sa'îd le Maghrébin l'Espagnol — qu'Allah l'ait en sa
miséricorde! — du Livre de la Géographie [de Ptolémiîe],
en sept climats; et il y a ajouté les longitudes et les latitudes
exactes d'après le Livre de Ibn Fâtima'^^ — qu'Albh l'ait en
sa miséricorde ! v
. LX. (Fol. -ik v°). r" climat, ... Les îles du Zâbag sont célèbres
chez les voyageurs. La plus grande est l'île de Sribuza, dont la lon-
gueur, du nord au sud, est de hoo milles, et dont la largeur, soit au
nord, soit au sud, est de 160 milles. On y accède facilement de la mer^^^
Sa ville [appelée aussi] Sribuza, jusqu'où pénèti'e un golfe de Tile, est
située au centre de l'île. Elle est [située] slm- un llenve. Sa longitude est
de 88° 3o' et m latitude de 3° Ao'. Dans cette île, se trouvent d'autres
villes dont nous ignorons les noms. ... Au sud-est de Sribuza, se
trouvent un nombre infini d'îles qui font partie de l'archipel du Zâbag.
Le plus grand nombre de ces îles sont habitées par des noirs. . ..
LXI. (Fol. 97 v\) . . . Les îles du Maharaja sont nombreuses et on
en parle dans les livres. On y trouve de l'or excellent. Leur souverain
compte parmi les rois les plus riches de l'Inde et e'est celui qui possède
le plus d'éléphants. (Fol. 37 v°.) La plus grande des îles de cet archipel
qui contient la ville du Maharaja, a 200 milles de long et environ
100 milles de large. La ville est située sur son côté occidental et est par
(') C'est évidemment io même personnage qui est appelé précédemment
(Ll,p. (y%) bin Yahyâ.
(^) Inconnu par ailleurs.
W Litt. elle a des entrées dans la nior.
i;EMPIHE SUMATRANAIS de ÇRÎVIJAYA. 7;1;
iSi" de longitude et i a" 3o' de latitude. A l'est de la ville, se trouve uui
estuaire qui vient de la montagne qui est au nord. On raconte que le
palais de ce loi se trouve sur un vaste canal dont il a tapissé le fond avec
de l'argent. Il l'a clos aux deux extrémités poui* que ce qu'on y dépose
ne puisse pas sortir. Depuis qu'ils gouvernent ces îles, la coutume de
chacun des rois de celte dynastie est de jeter une Inique d'or, chaque
année, [dans le canal]. Après la mort [du roi], on compte les briques
et on connaît [ainsi] la durée de son règne. On remet [dans le canal]
une des briques et on distribue le reste aux soldats, en l'honneur dùj
nouveau roi. Les briques isolées [représentant chacune un règne,] sont
mises d'un côté, et les briques [annuelles mises daiis le canal par lé;
souverain régnant, ] sont mises d'un autre côté. Quand pu veut indiquer
combien de leurs rois ont régné, on compte les briques isolées [qui
représentent chacune un règne *'^]. On sait quelle est la durée du règne
du roi régnant au moyen d'une baguette [graduée comme un maréo-
mètre]. On ne la sort pas de sa place, car elle se trouve dans ua endroit
exposé au soleil levant; et, dans la matinée, cet .or brille au milieu de
l'eau. On trouve des corindons, des émeraudes, de graudes perles dont
il [le Maharaja | dispute la possession aux autres rois et dont il s'en-
orgueillit. Cet endroit (fol. 98 r°) est le Trésor des richesses [du ror^?' ]a
On dit , sans le prouver, que cette île a été enlevée à une race pout'-
passer à une autre. Pour cela, ils montrent de la fierté à leurs voisins.
Le titre de Maharaja est un surnom [lire : titre] que [les rois] se trànsn
mettent héréditairement.
\
LXII. Au sud des îles du Maharaja est l'île, de Jâwa' , gjande,'
célèbre, où les navires se rendent à cause des nombreuses drogues
indiennes qui s'y trouvent et parce que ses habitants sont bien connus
par leur façon de traiter les voyageurs. Son extrémité occidentale est
par ifik" de longitude et dans ce coin [nord-occidental], parmi sps
villes, est celle qui est célèbre parmi les voyageurs, Làmurr^*^ Celte
O Vide supra, p. 58, n. 1.
'-' Vide supra, p. 58, n. 2. ;
'■^) «3U.I = Sumatra.
'*' c5jv«il, que je lis ^^-ii) d'après les notations chinoises. C'est le ^
^ {sic ) Laii-li du Lini!i ivui lai la, le ^ ^ ^ Lan-wmUi du 7t7i(>« fnu
Uilie (cf. lliiiiU-bocKHiM., (^Iiau Ju-lcua, p, ()2, 00, 7a et 78); le P||j jlAl n||
^an-^vou-U du Tao yi Iche lia, le j^ '^^ J| Nan-po-li du Yinp; ijai citeng laii
( cl. UocKHiu. : Notes on ihe relalimis atitl Irade, dans Toung pao, t. XVI , lyiô ,
72 JUILLET-SEPTEMBRE 1<J22.
dernière est par 5° de latitude. Dans le sud de l'ile, dans le coin sud-
onest, se trouve la ville de Pancûr ' qui donne son nom au camphre
[appelé] /JflMCMrJ. Elle se trouve sur le même méridien que l'aulre [Lâ-
muri] en ce qui concerne sa longitude. Sa latitude est de i° 3o'. Les
Montagnes du Camphre s'étendent de la ville [de Pancûr] jusqu'à peu
près à l'extrémité de l'ile, de l'ouest à l'est. Au milieu de l'ile [de Jâwa],
sur les Montagnes du Camphre, se trouve sa capitale, la ville de Jâwa.
Là, réside le roi de celte ile et des iles qui l'entourent et qui se rattachent
[à l'ile de Jâwa]. De cette ville tire son nom l'aloès [appelé] jâirî; il est
noir, lourd, plonge dans l'eau comme s'il était une pierre. Ou dit que
l'aloès, c'est la racine de l'arbre. (Foi. â8 v°.) Cette ville [de Jâwa] est
par lit)" 20' de longitude et 3° de latitude.
KuTB AD-Dïis As-SîRÂzi (mort en i3i 1).
Nihâyat al-idrah fi dirayat al-ajlûk « La plus parfaite compré-
hension de la connaissance des sphères ?5, d'après le ms. 1 106
p. 1^8 et 1/19; cf. également Pelliot, Deux itinéraires, p. 827, note 3); le
Lamuri du Nàgarakërtâgama (chant XIII, strophe 2, édit. Krom . p. r)o), etc.
(') God. ;>Maîr* pour ^^oJj, iilt. Faneur avec ij^ — ('• C'est le fameux port
du camphre de la côte ocrideutale de Sumatra , l'actuel Baros ou Barus. Les
Chinois l'ont connu sous ce dernier nom : ^ «^ §ip P<>-l(ni-che Cii-TsiNo),
fîP M ^ ^ Lang-p'o-lou-sseu [Sin l'ang chou); c'est aussi Baros qu'il faut
restituer dans le complexe ^ f^ ^ signifiant w onguent de P'olui et dési-
gnant le camphre, qui remonte au plus tard au temps des Leang (5oa-
556) (Pelliot, Deux itinéraires, p. 3io-3ii). Quant au ^ ^ Pin-sou du
xiii° siècle, au îJE ^ Pan-tsuu du Tao yi tche lio (cf. Rockhill, Noies on the
relations and trade, Toung pao, t. XVI, igiS, p. i33); au ^ 2Çt Pan-tsou ,
ou îff 2fe 53 Pan-tsou-eul du xv" (cf. Pelliot, Deux itinéraires, p. 3'ii),
il faut évidemment restituer également Pancûr; mais si j'en juge d'après le
passage du Ming che (apud Groeneveldt, Notes, p. i64) et la notice l\^ du
Tao yi tche lio, il ne peut s'agir dans ces deux cas du Pancur-Baros de la côte
orcidentate de Sumatra que son exportation de camphre avait rendu célèbre.
liC passage du Ming che dit : (rAbout that time (i'ii5), some followers of the
impérial envoys (envoyés à Java) had bcen driven by a storm to the country
Pan-lsou-eul'i (Giïoeneveldt, Notes, p. i64). L'itinéraire des missions chinoises
se rendant à Java n'a pu, en aucun cas, passer au large de la côte occidentale
de Sumatra; ce Pan-tsou-eul = Pancur n'est donc pas le Pancur-Baros d'où
s'exporte le camphre. La notice 4i du Tao yi tche lio, traduite par Rockhill,
dit : fr Pan-tsou. This locnlity is the liill back of ^ :^ P^ Long-ya-menn
L'EMPIIŒ SU\I\TR\\\IS DK ÇRlMJ\V\. 73
de Leyde et le ms. 0682 de Berlin, dans Eilhard Wiedkmann,
Reitidge :ur Geschichie der .^aturwissenschnften, XX Vil, tirage
à part des Sitznngsherichte fier plii/.nlcalisch-mef(i(l)imfien SocicUU
in Erlangon , t. kh ^ ' 'j ^ 2 •
LXIIl. (P. 3^.) L'équateur commence à l'est de la Chine et passe
par une île que les Indiens appellent Jamkût; |)uis, par les parties
méridionales de la Cliine; puis par Dizkank [ouKankdiz]; — ' pai*
l'ile de Zâwa ^- , nom qui signifie (fie pays de l 'or^^ ; ensuite, par le suri
de l'île de Sirandïb (Ceylan); entre les îles de Kalah et de Sribuza; ...
DiMASKï (vers i32o ).
Cosmographie de Ciiems ed-din Abov Abdallah Mohammed
ED-DiMicuQi, texte arabe, éd. Mehren, Saint-Pétersbourg,
1866, in- h"; Manuel de cosmographie du moyen âge, truH.
Mehren du texte précédent, Paris, 187/1, in-S".
LXIV. (P. 9 de la trad.) , . . [L'équateur] passe aux îles Dïbajât (les
Maldives), entre les côtes méridionales de l'île de Sirandïb (Ceylan) et
l'île de Sribuza; après Tîle de Zâbag, il touche la côte méridionale de la
Chine et aboutit à l'extrême frontière de l'Orient . . .
(P. 92.). . . . D'après Abu'l-Fahaj bin Kodâma [, mort en 922,] . . .
parmi les fleuves situés au-delà de l'équateur, nous trouvons . , .
deux fleuves de l'île de Sribuza.
(P. 199.) L'île de Sribuza, d'une circonférence de 1.200 milles,
contient beaucoup de villes, parmi lesquelles Sribuza est la plus célèbre,
on y trouve la meilleure espèce de camphre.
(P. 206.) L'île de Maharaja est la plus considérable '^j ; sa longueur
flilt. : ffdétroit de la dent du dragou (/ong-t/a), vide supra, p. 3o, note]
...» Ces indications permettent de situer le Pan-tsou ou Pan-tsou-eul du Tao
yi tche lia et du Minij che sur la côte orientale de Sumatra où il existe, en
effet, une île Faneur, homonyme et liomojjraphe du port du camphre de
la côte occidentale de la même île.
'') Ce qui suit est une addition marginale au manuscrit de Leyde (Wibde-
mann).
<') Le texte a donc Hj!^ .
(•^) Le texte a p. (op : *'l^lj4il -f^'y^^'^^ <,A ^\j^\ Vr^*' '^*'- *^''''*^ ^"
Mnhârâja est la môre dfs ilo'^ miihârrtjionnos-^ (appartenant au Maharaja).
74 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
est de 1 9 journées fde marche] sur une largeur de 5; à son extrémité,
est (p. 907) situé uu grand volcan qui lance des étincelles comme des
|)ierres, avec un bruit de tonnerre et des échiirs; à cause du feu, il n'y a
ni lieu d'habitation, ni passage juscju'à une distance d'une parasauge.
(",e volcan est le plus grand du monde, et il n'y en a pas de pareil : la
])lace qu'il occupe s'appelle Ile du volcan, et, comparée avec le reste de
l'île, elle ressem])le au pied en proportion de la jambe . . .
Abùlpidâ {1973-1 33 1).
Géographie d'ABOULFÉDA, t. II, a'' part., tracl. St»GuvARD,
Paris, i883, m-li".
(P. 126.) Iles delà mer orientale.
LXV. ... On lit chez Ibn Sa'ïd : Les îles du Zâbag sont célèbres par
les récits des marchands et des voyageurs ' . La ])lus grande est l'ile
de Sribuza qui a /loo milles de longueur du nord au sud et environ
160 milles de largeur sur toute son étendue'^''. Des bras de mer y pé-
nètrent. Sa capitale Sribuza est située en son milieu , sur un estuaire et
sur un fleuve. Sa longitude est 108° 3o' et sa latitude 3" ûo'.
LXM. (^P. 127.) Le même auteur rapporte que parmi les Iles delà
mer de l'Inde, il faut citer celle de Jâwa, grande 'île célèbre par l'abon-
dance de ses drogues '"'. La côte [nord-] occidentale de cette île a pour
longitude 1 AS" et pour latitude 5°. Au sud de l'île de Jâwa on remarque
la ville de Pancûr, d'où le camphre [appelé] pançwt tire sou nom. La
longitude de Pancûr est i45° et sa latitude 1° 3o'.
LXVII. (P. i3o.) ... Ile de Zâbag. D'après YAtwàï [= Livre des lon-
gitudes et des latitudes attribué à Al-Faris, x° siècle], 11 5° de longitude.
Au sud du 1" climat. Dans la mer Verte.
On lit dans VAtivâl : il y a dans les îles du Zâbag des serpents ca-
pables d'engloutir un homme et même un bullle, et des montagnes en
ignition perpétuelle. Les feux de ces montagnes se voient snr la mer
à plusieurs jours ...
<') Vide supra, LX , p. 70.
'^) Les cliifl'rcs donnés par le manuscrit de Ib^ Sa'ïd s'accordent ayec
ceux-ci. Vide »upra , i^\ ., p. 70.
'') Vide supra, LXII, p. 71.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 75
LXVIII. Uedu Maharaja ou de Siihuza", D'après le AV7nHH| de Bîrûnî]
i4o° de longitude et i" de latitude. Au sud du premier climat. Grande
île tle la mer Verte,
On lit chez Ibn Sâ'ïd ; Les iles du Maharaja sont de nombreuses îles.
Leur souverain est un des plus riches rois de l'Inde et celui qui pos-
sède le plus d'or et d'élépliants. La plus grande de ces iles est le siège
de sa royauté. D'après le Kttâb aî-Ahvâl, l'île de Sribuza, c'est l'île du
Maharaja ^'K
LXIX. MuH.\LLABï [fin du x° siècle] dit que i île de Sribuza est une
des dépendances de la Chine. 11 ajoute qu'elle est prospère et peuplée,
et que lorsqu'un vaisseau en part pour se rendre en Chine il trouve en
face de lui, dans la mer, des montagnes étendues et qui pénètrent dans
la mer, cela pendant dix jours. Quand les voyageurs s'approchent de ces
montagnes, ils y trouvent des passages et des chenaux qui aboutissent
chacun à une contrée quelconque de la Chine '■^K
HaMDULLAH MUSTAWFÏ (l3/lo).
The geograpluail part of the Nuzliat ai-Qiilub composed by
Hamd-Allâu Mustawfî of Qnzwin m jâo [iSâo^, tfxte persan
et trad. anglaise par G. Le Strange, E. J. W. Gibb mémorial
.séries, n" XXIII, 2 vol., iiî-8°, parti, 1916 (texte); part. II,
1 y 18 (trad. et notes).
LXX. (P. 22ï? de la trad.) Iles de Jâba et de Zâbag'''-. Elles sont
situées sur la frontière de l'Inde et leur roi est appelé Maliârâja. Iiin
IJubdâSbeh assure qu'il est le souverain d'un si grand nombre d'îles (îl
si peuplées que son revenu quotidien s'élève à 300 munn d'or ^'^ Dans
'') Le texte a : [sic) iyjyw •ji^t?' ir^s (I't*^' 'Vir?- "lî'c du Maharaja,
c'est l'île de Srihuza'i, c'est-à-dire : île tUi Maliârâja et île de Sribuza sont les
deux noms d'une même île. IjC texte a, en plus, cette phrase que Guvaiu) n"a
pas traduite ; ~l>4il s'^jj-a- ^j (sic) »jJj.»" »>tî=~=>- Jly^i)! ^1x5 ^ JU^ ad'après
le Livrn des langiliules :, l'île de Sribuza, c'est l'île du Mahârâja-i.
^'' Cf. la note précédente et vûle supra, I.XI, p. 70.
^'' Ces passages sont gén(''nilemenl appelés : Portes de la (lliine. Cf. mes
Relations de voyages, à l'index du tome 11, sous : Chine (Portos de la -- ).
^'J Le texte a gk que Le Sthange a fautivement rendu en traiislittération
anglaise par Zàbij.
(^) Vida supra, XXXIV,^. r)3.
76 JLIILLKT-SEPTEMBRE 19-Ji'.
l'île de Jâba, il y a une montagne au sommet de laquelle se trouve un
endroit de loo aunes carn'es de superficie, qui est entièrement éclairé
par le feu. Pendant la nuit, on voit ce feu s'élevant à la hauteur de deux
longueurs de lance et [se développant sur] loo aunes de long; |>endant
le jour, on aperçoit comme de la fumée; il ne s'éteint jamais. Sur celle
île il y a des hommes ailés qui peuvent voler.
Ibn al-Wardî (vers i3/io).
Haridnt al-ajàib ira farldat al-yaràih «La perle des mer-
veilles et le joyau des choses extraordinaires 55. J'ai utilisé l'édi-
tion du Caire de i98o-=t863 et l'édition Tornberg (2 vol.,
in-8",Upsal, 1835-1839).
LXXI. (P. II.) . . . Parmi les îles de la mer de Chine, est l'île de
Zâbag qui comprend de nombreuses îles cultivées et fertiles, situées a>ix
confins extrêmes de la (Ihine 'ai des régions les plus éloignées de l'Inde.
On n'y voit pas de ruines: on peut y voyager sans [emporter] ni eau ni
provisions en raison de la fertilité [du pays]. Elle a environ 100 para-
sanges.
LXXil. MuHAMMAD BiN Zakarivâ [ ar-Râzï] dit quc le roi de cette île
s'appelle le Maharaja. H perçoit chaque jour un tribut de 3oo mann
d'or — le mann est de 600 dirhams. — Sou produit net quotidien est
de plus de 1 26.000 tniOkâl qu'on [fond et qu'on] transforme en briques
et qu'on jette [ensuite] dans la mer qui [sert ainsi] de Trésor^''.
LXXIII. Ibn al-Fakïh dit : «rDans cette île habitent des [êtres] qui
ressemblent aux hommes, mais ils ont le caractère des bêtes sauvages et
parlent un langage incompréhensible. [Dans cette île, | se trouvent des
arbres et ses habitants sautent (litt. volent) d'un arbre à l'autre. Il y a
aussi une espèce de chat sauvage [de couleur] rouge, tacheté de blanc,
qui a une queue comme celle des lézards. Une autre espèce de chat est
pourvue d'ailes comme la chauve-souris. Il y a également des bœufs sau-
vages rouges, (achetés de blanc; leur chair est acide; des civettes qui
sont une espèce de chat et des rats musqués. Sur une montagne connue
de i'îie, appelée An-Nasân<"\ se trouvent des serpents d'une telle gran-
(•' Vide supra, p. ;">;?, ,07, 67, 69 et 70.
LEMl'lRK SUiMATHANAlS DK Ç1\I\1JA\A. 77
tleur qu'ils peuvent avaler un éléphant; des singes de la taille d'un
buffle et de grands béliers. Parmi les singes , les uns sont blancs comme
du papier; d'autres ont le dos blanc et le ventre noir; d'autres, au con-
traire, ont le dos noir et le ventre blanc; d'autres, enfin, sont noirs
comme les rats (sic). Il y a (p. m) des perroquets en grand nombre,
blancs, rouges, jaunes, verts, qui parlent toutes les langues qu'ils
entendent. Il y a des créatures à forme humaine, blanches, noires,
rousses, vertes, qui mangent, boivent et parlent un langage incompré-
hensible. Elles ont des ailes avec lesquelles elles volent ' .n
LXXIV. Ibn as-Sïrâfï '" dit : ff Je fus dans une des lies du Zâbag et
je vis des roses en grand nombre , rouges , blanches , bleues , jaunes et
multicolores. Je pris un manteau et j'y mis des roses bleues. Lorsque
les roses furent [ dans le manteau J , je vis du feu , dans le manteau ,
qui brûla toutes [les roses] qu'il contenait sans que le manteau fût
brûlé '\^
J'ai questionné des gens à ce sujet qui m'ont répondu que ces roses
sont très utiles , mais que jamais personne n'a pu les sortir de cette rose-
raie.
On trouve dans celte île l'arbre à camphre qui est si extraordinairc-
ment granfl qu'un seul camphrier peut couvrir de son ombre cent
hommes ou même davantage . . .
LXXV. L'île de Jâba est (p. iVf) grande. On y trouve la banane, le
coco, le riz, d'excellentes cannes à sucre et l'aloès ... Il y a [dans cette
ilej, une grande montagne. La nuit, il en sort un grand feu visible
à i5 parasanges; et le jour, de la fumée. Il est impossible de s'approcher
de la montagne, [même] à 5 parasanges, sans en mourir [, tant la cha-
leur est intense]. Le roi de cette ville (sic) [de Jâba] s'appelle [également]
Jâba'''. Il est revêtu de vêtements en or et [coiffé] d'une couronne en
or, ornée de perles, de corindons et de pierres précieuses de grand prix.
Ses (lirlKmis et ses dinars sont frappés à son effigie. 11 adore les idoles.
Le culte des gens de cette île consiste en chants et mélodies [accompa-
gnés] de battements de mains. Les jeunes filles les plus jolies se réu-
'') Vide supra , p. .^4 et 68.
'') Il s'agit sans d(tute de iMâhÀn bin Bah» as-Siuui (do Sîrâf) dont il a été
question prérédemmont [supra, p. 68).
(') Vide supra, j). 68 et 69.
'*' Vide supi-n, p. 7-i.
78 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
nissent et dausent en variant ies mouvements du corps et en balançant
le cor|)s devant l'idole. Dans le temple où se trouve l'idole , il y a de
belles jeunes filles qui dansent en faisant de nombreuses inclinaisons du
corps. Lorsqu'une femme met au monde une belle Bile et que celle-ci
est devenue adulte, sa mère la revêt de vêtements splendides, [la pare]
de bijoux et, accompagnée de ses parents, hommes et femmes, conduit
sa iille à l'idole et la lui olTre en hommage. Ensuite, les serviteurs [de
l'idole) remettent [la jeune fille] à des maîtres qui enseignent à danser
et à faire des mouvements de corps harmonieux '^K
Bàkuwi (commencement du xv" siècle).
Kitdb talhls alâOâr wa ^ajâih al-nialik al-kalihâr « Livre de l'exa-
men des monuments et des merveilles du roi lout-puissant»,
trad. DE Guignes, dans Notices et Extraits, t. II, i 789.
LXWl. (P. 397.) liâwa. Pays sur le bord de la mer de Chine, du
côté de l'Inde: les marchands en tirent le bois d'aloès nommé yVnr», le
camphre . le nard , le girofle , le macis et les vases de la ( ihine dont on
fait commerce.
LXXVII. L'île de Zâbag. Cette île, qui est grande, est située sur les
liontières de la Chine, du coté de l'Inde. Ses productions sont étonnantes;
c'est un royaume fort étendu: on y trouve le camphre qui est un arbre
si grand que 100 hommes peuvent y être h l'ombre, et qui rend beau-
coup de liqueur; on fait une ouverture au tronc et on en tire des mor-
ceaux de camphre qui est nne sorte de gomme. Il y a dans ce pays une
espèce de chat qui a des ailes comme celle de la chauve-souris, qui
s'étendent d'une oreille à l'autre [sic); des chèvres qui ressemblent à des
bœufs de montagne, elles sont rouges marquées de blanc; la civette;
dans une montagne appelée Nasbân *'*, de grands seqjents qui attaquent
les bœufs et les buffles: des singes; des perroquets, les uns blancs,
d'autres rouges ou jaunes, qui pailent très bien, et de beaux paons.
LXXVllI. (P. Aïo.) . . . L'île de Jâba. Ile de l'Inde dont les habi-
tants sont roux. On y voit une haute montagne qui pendant la nuit jette
(') Cf. mes Relations de voijages, t. 11 , p. iaa, n. 1.
'*) Vido Hupia . y. 7('>, n. 9.
LEMI'IHE SUMVTRANAIS DK OUIVIJAVA. 79
du feu, et de la fumée pendant le jour. H y a du bois d'aloès, des cocos,
des bananiers et des cannes à sucre.
Ibn Mâjid (i/i8()).
LXXIX. Le muallim^^^ ou maître de navigation Siiiâb ad-uhv
Ahmad bin Mâjid '-^ est l'auteur d' Instructions nautiques sur les
mers du Sud (Océan Indien, mer de Chine occidentale et
mers du jjrand archipel d'Asie) que nous ont conservées les
niss 2292 et 2559 du fonds ^rabe d(^ la Bibliothèque Natio-
nale de Paris.
Le passage suivant est extrait d'un traité nauti([ue (hi
ms. 3999, intitulé : <S-&\yi^\^ ^^Ji h'-s- J_ya^ ^i *>v!yL)l c_jIaS
« Livre des renseignements utiles sur les bases et les principes
de la science nautique w, daté de 8 9 5 de l'hégire = 1 ^89-1/190.
Au chapitre consacré à la description des dix plus grandes
îles des mers du Sud, qui sont, d'après Ibn Mâjid : la pres-
qu'île arabique, j^î Al-Komr= Madagascar, Sumatra, s^U^
Ja\va== Java, ^^t Al-yùr==Formose, Ceyian, Zanzibar; liah-
'■' i)4i*- Au sens classique : «précepteur, maître, professeur, instUuloun;
celui ([ui est arrive à la maîtrise dans son art ou son métiers. En terniino-
lojjie nautique, le mu'alliin répond à rofTicier do navigation de l'ancienne
marine à voiles qui était spécialement cliaiyé de la conduite du navire. Dans
son Ayn-i-Alif)ari , Abû'l-Fazl en donne la définition suivante : «Le nm'allim
<iu capitaine. Il doit être informé des endroits profonds et peu prol'ouds de
Toci'an et doit connaître l'astronomie. C'est lui cpu {jiiidc le navire vers sa
destination et l'écarfe des dangers'? (The Ain i ALbari \)\j Ar.uL I*\\zl 'Vll.uii.
tracl. Bi.ocHMANN, Calcutta, 1878, in-S", p. -iSo). Cf. éjjalement mes lielatioiis
de voyages, t. II, iQi'i, in-8°, p. 5/18, et llobson-Jobxon , a'' ('dit., s. v' maluin.
Sur Ibn Mâjid et le mu'allim suivant, Sdlaîmân AL-BlArmï, c[. mes Rclalions de
voyagea, ihid., p. /i85 et les auteurs cités.
" '*> Sur [m MajIid, cf. mon article Le 'pilote arabe de Vanco de Gaina et (es
instructions nautiques des Arabex au \v° siècle, dans Annales de géographie,
XXX° année, 11" 172, i5 juillet lyas, p. 2Stj-3o7.
80 JUILLET-SEPTEMBnE 1922.
rayii et Ibn GâwAn, dans le golfe Persique, et Socoloru; l'au-
teur décrit ainsi Sumatra :
^ ^1 iy^y^ ^^ (''»^14^ ïyj^ AxJUJî ïyj ... (Fol. 68 v.)
J^iLJLiUw! <Xa£.^ ijy'-*»^' (j'* UyJ^*>*J^' ^^^^^ ^^^ sj^m^ *Xj»Ljb i)';-i'_5
ltX-5^^^ UyjuO )y^^ {J^ cui^ iWi^ib ioU ^ <\a.mJ»^ AfiUjVl iblfi
■' Sans doute pour bCLii, qui désigne ici l'ile de Sumatra tout entière.
L'i'fat du même nom sur la côte nord-est de Tile est appelé par Ibn BatLxa
»jla.fj Suniutra , var. »Jai<i Sumutra.
'-) Cod. t_o0^j~»i;. Je corrige la vocalisation de l'initiale d'après les nota-
lions chinoises : ^ "^ Si-lan du Ling wai tai la (CJtau Ju-kua, p. 7/1, n. a),
^ B^ •SV-/n?i et surtout ^ ^ § Si-louen-tie , pron. anc. *Si-lun-dep, qui
est la transcription correcte du toponyme arabe Siratulib (cf. Pelliot, Deux
itinéraires, p. 358-359: Chau Ju-hia, p. 7a, 78 et 7/i, n. 8).
('' Cod. yyJi-L. Voir la note précédente.
L'EMPIRE SLMATRA.NAIS DE ÇRÏVlJAYA. 81
jj_A_x.^l ^i (fol. 69 r") ijy-t^JiJ] (jo;iJ!^j~i-5l^ uo.XJ^ (_^il^
^-tfi^ »-ÂJj (jxLrIiiiw »«Xfi l^ iLLaswj aui idài^ Lg.ili ^l^iJ! /j^ o^^*^^
yj)_j,.j ^La.a.«!]I ,^1^ ^W'^ ''iU-lxA-j^ j^lXJl^ (^a*-!^' JL*J^i y*>s)M
(^c^ xj^ill iuiU" OoîyiJI AaX* L^Uij »Câ6 l^U^ (J^^ ca^û JJ!
La troisième ile est l'ile de Sumutra '''. C'est l'île où passe i'équateur.
Un ifjnorant a dit qu'il passe au nord de l'île; mais nous disons qu'il
passe au sud. La position exacte [de I'équateur] est par 5 isba (litt.
doigts) des Farâkid''', au moment de leur passage au méridien vers
Test et au moment de la culmination de l'Epi (la Vierge du zodiaque)
au-dessus du cap'''. Là, les deux pôles sont à la même distance'*'. [Les
pôles] ne sont pas deux astres, mais ce sont deux endi-oits qui séparent
les régions de l'est de celles de l'ouest '"'.
[L'île de Sumutra] est la résidence de Al-Hâtî, le sultan de tout le
'') God. j--~»^.
'-^ Cette vocalisation est on accord avec les transcriptions chinoises du nom
de l'état de Sumutra, homonyme de celui de i'iie tout entière, que donnent le
Tao yi Iclie tio : ^ ^ ^ ^l] Siu-wen-ta-ln ; i(! JV/fg- yai cheng lan et le
Sivg tch'a cheng lan : j^ p^ j^ ]^|J Sou-men-ta-la (cf. Rockhill, Notes on
the relations and traile, T'oting pao, t. XVI, 1916, p. 1 5 1-1 57; et Pelliot,
Deux itinéraires, p. .Say, n. ^1). Je reprendrai la question prochainement. Vide
êujna, p. 80 , n. 1.
''j i) isba des Faràkid((3 et y ou les Gardes de la Petite Ourse) = environ
0° 5a' Nord. Pour ces calculs, cf. mes Relations de voyages, t. Il, p. 696 et les
auteurs cités.
'*' Cet essai de traduction n'est en rien certain. Les textes nautiques des
mss 9399 et 9559 contiennent un très grand nombre d'expressions techniques
tout à fait inconnues par ailleurs. Je n'ai pas réussi encore à les interpréter
toutes.
'*' Là = I'équateur, qui est à éjjale distance des deux pôles.
'") Il y a ici confusion entre iiôlr el nirriitien,
x.\. ()
«2 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
pays d'Abyssiuie^''. Certains sultans sout en lutte contre lui; mais il^sl
le plus grand de tous.
On diffère d'opinion en ce qui concerne le nom de Sirandih. Les uns
disent que c'est le nom de l'île de Silân: d'autres, celui de [l'ile de]
Sumutra'"^'. Ce qui est certain, c'est que l'équateur se confond avec la
vallée, [c'est-à-dire] la vallée de Sirandîb -. [Cette dernière île] est égale-
(*) Cette phrase et la suivante n'ont rien de commun avec la description de
Sumatra. Je ne sais par quelle confusion elles ont été interpok'es dans ce pas-
snjre. Ce titre royal éthiopien (en gé ëz <h2 Ijole) est mentionné dans ie tjU5
j^il) ^-ô de Kalçasandî, qui est du xiv' siècle (l'auteur est mort en iii8) :
«Rois d'Abyssinie de notre temps. Tous les rois d'Abyssinie s'appellent ^^|-i-C (sic)
ifxiilii c'est le litre qui est mentionné daus la correspondance à eux adressée
par la cour des sultans [mamiuks du Caire]'' (édit. du Caire, t. V, 191 5,
p, 1='^<>). Pour l'une des lettres auxquelles fait allusion ce passage, cf. Quatre-
MÈRE, HishÀrc des sallans mamluuks de l'Egypte , écrite eu arabe par Tàki-eddin
Abmed Màkrizi , t. I, 9° part., Paris, 1887, in-^i", p. laa, n. i5i : «En
1374, rapporte MakrïzT, on reçut une lettre adressée au sultan [Malik Zâhir
Bibars] par le roi d'Abyssinie qui prend le titre de ^^lai! al-hatî , c'est-à-dire
khalife. v Albuqcerqce (lettre XLI, en date du k décembre i5i3, dans Carta»
de Affonso de Albvqvbdqve, seguidas de documenlos que as elncidam , t. I,
i884, in-i", Lisbonne, p. 939) écrit : «Les Alaures et les Abyssins appellent
le souverain d'Abyssinie {généralement [connu sous ie nom de] Prêtre Jean,
Elaty, [ce qui répond] au titre d'empereur; ils ne l'appellent pas Prêtre Jean."
Dans une autre lettre non datée, adressée à Duarte Gtiai.dâo (sic), il dit
encore : «Le Prêtre Jean s'appelle [en réalité] elayre (sic, pour elaty) , ce
qui répond au titre d'empereur; son nom [personnel] est David, roi d'Israël?'
[ihid., p. 4oo). Une lettre adressée au roi de Portugal par Francisco d'Atiiu-
QiiERQUK (un juif converti qui avait sans doute pris le nom de son parrain, le
chef d'escadre cousin du grand Albuquorque), eu date du 20 octobre i5i3
{Carias do Affonso de Aim'QVEtiQUE , t. III, 1908, Lisbonne, in-i°, p. 879,
S/i4), porte ceci : rrSi \olre Majesté désire savoir comment s'appelle le roi
Prêtre [Jean, qu'Klle sache] qu'ils (les indigènes) l'appellent well hati danti-
«nellque {sic) ysracll" , ce qui signifie «David, roi d'Israël". î» Les Coinmeiir
larios do Grande Afonso Z)/JiBO(?t'jïnçt'B (réimpression de 177Û , *• IV, chap. vu,
p. 4i) disent également : «Les Abyssins n'appellent le Prêtre Jean que Eluti,
ce qui répond au litre d'empereur."
^*) C'était une erreur courante au moyen âge.
^^' Pour luN Majid , (]eylan est sur l'écpiateur. Sédiliot décrit dans ses
MatihiauT paur si-rvir à l'histoire comparée des sciences tnathémaliqnes chei les
Grecs et les Orientaux (Paris, 18^5-1869, in-8°, t. I, p. Sig), un astrolabe
en laiton acheté à Alep qui porte l'inscription suivante sur un côté du premier
disque : «Pour l'île de Sirandih (Ceylan), qui n'a pas de latitude puisqu'elle
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAW. 83
nienl appelée Siraadïd avec deux «?''' et [Sirandîb] avec un d et un b.
Dans les deux cas, elle est située par 4 i-^ba des Farâkid. Si lu ap-
pliques le mot irla valléei" , c*est-à-diie la vallée de Siraudib [au nom de]
celle ile, c'est exact. Les latitudes sont prises du pôle; elles ne sont pas
prises de l'étoile Al-Judayy '"', qui s'appelle également As-Sumiyyâ [en
arabe] et, en persan, Gâh '^'. Le pôle, les observateurs ne le voient pas
et cependant c'est du pôle qu'on prend les latitudes. On en a la direction
par une étoile toujours visible qui fait partie des étoiles boréales, telles
que Mïh '', Gâb et Farâkid'*. (Juand on observe la hauteur méridienne
et le maximum de déclinaison d'une étoile, on apprend que l'axe [de la
sphère] est entre les deux points observés et qu'elle [l'étoile] est à tant
de degrés de l'horizon d'après l'observa tion faite avec l'astrolabe. La ligne
de l'équateur [qui s'étend] à i'est et à l'ouest, est traversée parla ligne
du méridien et divise ainsi la terre en quatre parties. La ligne du méri-
dien est sur les deux bords des ténèbres f"*. La ligne de l'équatetu' [com-
mence] à l'est, aux îles de Silâ^'' et [se termine] à l'ouest, aux îles For-
tunées; et ces deux lignes [, c'est-à-dire le méridien et l'équateur,] se
e»( dans ht lij^ne équinoxiale , son heuro 12.?? l/autre côté porte : «Pour lati-
tude 66", heure 24n, c'est la durce du plus long jour de l'année sous ce paral-
lèle.
*'* Celte indication, inexacte d'ailleurs, ne se retrouve, à ma connaissance,
dans aucun aulre texte arabe.
'-) L'étoile polaire. Cette afiirmalion est inattendue, car presque toutes les
latitudes boréales sont déterminées par des observations de l'étoile polaire;
cf. mes Relalion.i île voyages, t. II, p. 5i.5-532.
'^'> Eu persan tl'Sgàh, lilt. fie lieun. Quelques pages avant, au fol. 37 r°,
I. i3 et suiv. , IiiN Majii) dit :
^^ c^.>A.;-: (^0^5 LJl jv^^x-i^i^^ *^fil Jl>x.tl ir^wij^ (o4 (^7? »^4 ^i ts-^
Lv-cwJi *jyia.tl ,L)^! Jub\ .XJt-C ^yfw.J^ 'r'î*^ (s^y^ (*^' *^5 Ljv*Jl «-:>^
«Al-judayy, c'est le gâli. Al-jadi [avec lequel il ne faut pas le confondre,]
est un signe du Zodiaque (le (Capricorne), qui [s'étend sur] deux niansions et
un tiers; c'est l'une des douze divisions du ciel. Gixh est un nom persan ara-
bisé; les Egyptiens rappellent ag-simiijyà («ic).
'*j Litl. «le clouTi, étoile voisine de la polaire.
^''^ Litt. «les Veauxw. Vide supra, p. 81, n. 3.
*"' 11 faut sans doute entendre que les extrémités nord et sud du méridien
sont plongi'es dans les ténèbres des deux pôles.
''' La Corée.
0.
84 JllLLEt-SEPTEMBRË 1922.
coupent à la vallée de Sirandîb. La plus grande partie de la terre habitée
(fol. 69 r°) se trouve dans les deux quarts boréaux et la plus grande
partie des deux [quarts] austraux est occupée par l'eau, sauf. . .''' de la
terre comme TAbyssinie et une partie de la Syrie, car l'eau pénètre très
avant [dans les terres].
Sumutra a un grand nombre de rois infidèles. C'est le pays par excel-
lence'"*' des éléphants blancs'^', du camphre, du macis, du musc excel-
lent de cette île qu'on vend au poids de l'or. Au nord [de l'île], les
Farâkid sont par 7 [/sert] 3//i ; au sud, les Farâkid sont par un peu
moins de h [isba \ '■''>.
Ibn Iyas (1 5 16).
Kilâb nasak al-aihâr fi "ajâih al-oktâr ç^ Livre de l'odeur des
parfums dans les merveilles des pays 55, éd. Arnold, dans sa
Chrestomathia arabica, Paris, i853, in-8".
LXXX. (P. 66.) ... Le royaume [de l'Inde] est voisin immédiat du
royaume de Zâbag"^"', la résidence du Maharaja, [qui est situé] entre
l'Inde et la Chine. . .
(P. 71, injra.) . . . La ville du Zâbag "' est grande; elle est située sur
une île aux confins de la Chine, du côté de l'Inde. Elle contient des mer-
veilles. Il y pousse (p. 72) l'arbre à camphre. Cet arbre est si grand
qu'un seul [camphrier] peut couvrir 100 hommes de sou ombre. Le
camphre coule du sommet de l'arbre [après l'avoir incisé] et on le met
'-) Je traduis par fpays par excellence" l'arabe y^Jt-«, qui a le seus de
«minen, tr endroit où quelque chose se trouve spécialement et en grand nombre".
'•'') On sait que réJépliant dit éléphant blanc est un simple albinos, d'où sa
rareté. On sait aussi la vénération qu'ont les bouddhistes pour l'éléphant blanc,
eu lequel se serait incarné Çâkyamuni pendant sa longue ascension vers le
nirvana. Autant que je sache, il n'a pas été trouvé de nombreux éléphants
blancs à Sumatra; il en existe actuellement quelques-uns à la cour de Bangkok
et au Cambodge.
W Pour les latitudes du noi'd et du sud de Sumatra, ride inj'ra les extraits
du ms. 2559.
'*) Le texte a la l(!çon fautive gjJl J-U; pour r^M' liU.*;.
C"*) Le texte afautivemont -^\\ pour -«îIv .
L'EMPIRE SUM\TRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 85
dans des jarres pour y être desséché et solidifié. C'est une résine de cet
arbre qui ne se trouve (ju'à l'intérieur [de l'arbre J. 11 y a dans cette
[ville], des chats ailés comme les chauves-souris. H y a aussi une espèce
de démon qui ressemble à une vache de montagne; il est de couleur
rouge, tacheté de blanc, ses chairs sont amères (sic). H y a également
un félin à musc, semblable au chat, dont le musc se trouve sous l'ais-
selle. 11 y a une montagne appelée An-Nasbân '^' où se trouvent de grands
serpents qui avalent éléphant, vache, veau et buffle. H y a des singes
blancs semblables aux buffles et aux grands béliers. 11 y a des oiseaux
blancs, rouges, jaunes qui parlent toutes les langues : on les appelle
des perroquets, 11 \ a des paons au plumage tacheté de blanc et de noir,
verts , aussi grands que les grandes autruches.
SuLAYMÂN al-Mahrî (i™ moitié du xvf siècle).
Les textes arabes qui suivent sont empruntés au ms. 2609
de ia Bibliothèque Nationale de Paris. lis ont pour auteur un
muaUini'^'^^ arabe nommé Sulavmân ibn Ahmau al-Mahrî Al-
MuHAMMADÏ, qui est inconnu par ailleurs. Nous savons seule-
ment par un passage du Mufût de Sïdî 'Ali, que ce muallim
était déjà mort en i553 ^^\
Le premier texte est extrait d'un traité nautique daté de
1 5 1 9 , intitulé : *jjï^î r,^^' laj^ ^ *:^j4l' ««XjJI ^t Le sou-
tien des Mahara (de l'Arabie méridionale; ce sur quoi s'ap-
puient les Mahara, en quoi ils ont confiance) et la fixation des
sciences nautiques».
Les variantes au texte arabe indiquées en note sont don-
nées : A, d'après le ms. 2299 du même fonds arabe de Paris
(^vide supra, p. -79); B, d'après un extrait du texte turk du
Mnlût de SîDÏ 'Alî (ms. de Naples) publié par Luigi Bonelli''^^;
'') Vide supra, p. 78 , n. 2.
'■'' Vide supra, p. 79, n. 1.
(■') Le Muhu n'esl eu réalité que la version turke des textes nautiques arabes
de Ihn AIâjIi) et Sulaymân al-.Mauiiï. Cf. mes Relatiuits de voyages, t. II,
p. 485, n. 9.
'*' Pel Muhif 0 rl)escri:iniie (Ici itioii délie Indie" dell'ummira^lio turco SÎdÎ
86 JUILLRT-SRPTEMBRE 1922.
C, d'après la traduction allemande du Midnt par Maximilien
BiTTNER ''^, qui a quelquefois corrigé les lectures de l'éditeur du
texte turk en utilisant le manuscrit de Vienne, plus correct
que celui de Naples.
L^^î (''(57c)^Ja^ ïj^yf^ (s/c)oô-*x( ^» JSJW15 (Fol. 27 v°, 1. 6.)
^^ i)| J-A.J»j ^JJi ))\ iuj'-fi"' -î^s^ ^jîOoyiJî t^i^ J^î?^ JUviJî (^y^*
/j-A-À-LjcJ^ aakIaï ^ (j*''"*^^^ *'' <>woyi ^jXaj ^^^w.j t_'^j-*4*' (^ '•^''î;"^^^
',4z./ </et/o Kiâtih-i-Rùni , dans Rendiconti dclla R. Acad. dei Lincei , Classe di
scienze tnorali, storiche e Jilologiche, Série quinta, vol. III, i8<)i, p. 751-777.
Le texte eu question se trouve aux pages 771-773.
^') Dans Die topop-aphischen Capilel des Indischen Seespiegels Mohit, trad.
W. BiTTNER, avec introduction et 3o caries par Wilhelm Tomaschek, Vienne,
1897, in-fol. La traduction du passage en question est aux pages 71-79.
W Cette graphie incorrecte : ts l'ual = » , se présente à plusieurs reprises
dans les mss 9â()3 et aSSg. B a »Jaii 't^t?*" y^-^' ^^ "*'™ de l'île n'est voca-
lisé que dans A et B. Les trois textes ont la siillante palatale. sJiLfi »jjj-=>- jj^
est à traduire par croules [maritimes] de l'ile de Sumutraw. L'arabe »>j^,
plur. -j.>, a, eu terminologie nautique, le sens de «route'?. Sîdï 'Alî le glose
par ^.■h' wroute, chemin". Le sens de ces deux mots est en efliet identique,
celui-ci étant emplo\é pour la terre et celui-là ponr la mer.
La phrase suivante du texte turk n'existe pas dans le ms. 2659 : elle a été
ajoutée par Sïdî 'Alï au texte arabe : ffSchilTswege (»j»>) au der Insel Sumulra.
Mit den Schiffswegen au der Insei Sumutra verhalt es sich folgenderraassen :
Zuerst sei kund, dass es daselbst Zibetli, namlich Moscbus-Galia (<^Uj ^b;
iiLû-« xJLc), in unermesslicher ^lenge gibt.'> Le gJmîiya est un parfum com-
posé de musc et d'ambre; c'est également un médicament. Cf. mes Relations
de voyages, t. I, p. aSG et t. H, p. OiA-ôao.
Ce texte sur Sumatra a été reproduit en traduction seulement dans le
t. 11 de mes Relations de voyages, p. 5oi-5ii, d'après B, C et le ms. qSôq.
(') B a o^^y^^Jo, que C a lu iVîA'M Tannid. Le ms. 95.59 avait ^^-f >J^",
sans points diacritiques. Ils ont été ajoutés par un correcteur inconnu. Les cor-
rections de cette nature et les additions en marge y sont nombreuses. Il semble
bien qu'après avoir été copié par un scribe quelconque, le 2559 a été coUa-
tioiiné avec le texte reprodin't, car quebju'un y a ajouté, d'une autre encre,
les points diacritiques , les passages sautés par le copiste et a rectifié les
L'EMPIRE SUMVrRAJVAI S DE GRlVIJAYA. 87
fc^Lfi A-xJuXj iX-s-ot ^^1 ^I^XiyUI ^J\ J^iJÎ JyCÎI Jty»I »jÔ3 ^^
Ljj-nJ\ A-xXfij j^ kxj^] iUfls. ylJvï^iJî ij ^UJî Jyiiîj ■'' i_^^5
^i cXwajj âuAj *jl ^jJU^I <x-»-U^ eJUJi Jyt!!^ "' ^jLJj-iJ! (jàhj^
erreurs de copie. Cette revision n'a été cependant que partiellement faite et
laisse à désirer. A, fol. 53 r°, 1. 8, a : o^^y ^l^ Tabâkû tai-rnad. Je suis la
leçon du ms. aûSg sans en garantir Toxactitude.
(') B a : ^^«JLj^ji^l J^! ,>jjuâ ji5l j^j>^^\ ^^j^ »o>Jl y!oo-i J^l J^.
W B a seulement : ^:>fJ^_y^^\ J_jJl vj^^^ ^'^J^-^ U•>«-^*=' '^;j-> o'-^' Jy>î que
C a traduit par trnacli Anjjabe der Araber niclit gauz 'i"^
W Ce passage a été mal rendu par Sidi 'Ali, qui, en outre, y a ajouté ce
(pii suit : B à>y-!'-^ y^\ yJw. Mi.f-:f p,>oi_:_«>! ^^ ^\ soUjL J..t^v «ÎJb- Jy»
tJ^Jjl j.^_Lx.^ ^jjj CPT* kiU.^ wfA idj! ^-^;^^ «^j L,»^ c-i^..tn«>»l *5 ^O^J)l u-^ovLl*
yLA_^l_j j_)lj^j r^^-»-^ «î^-Wr *-J J^-jJji ^Ao^ tjj-^ *5>^ »oJo ,Joj£ Lîj XJjl wOÛ
iuJf\ JjS 5jj5l5! v>^.i' *>>^jJ>'tt!i que c traduit par :«■... und nach der
Behauplung etlicher 3 i/a Finger hoch. Klinige haben sogar gesagt, er stiindc
auf dem Sildende der Insei Sumutra nur 3 Finger hoch. Nach meinem Dafiir-
Iiallen ist dies ailes richtig : Denn , wie schon friiher erwalnit , bevvegen sich
die Fixstorne mit dem achten Himmel. Dies beweist auf Folgendes : Bei der
Bcslimminig der Fingerhohe (des Kloinen Biiren) an jenem Punkte fandeu'
niimlich die Inder zu unserer Zeit den Kleiuen Baren A Finger hoch stehend ,
wiilircnd vor diesen die Araber den Kleiuen Baren 3 3/A Finger hoch stehend
gefunden hatten; einige sagten, er stiitide nur 3 ij-i Finger hoch, und wieder
einige fandon am Ende der Insel nur 3 P'inger. Es steht also fost, dass die
ll()h(Mil)cstimmuii|} immer strittig ist, doiui es ist évident, dass der Kleine
Bar sich mil der Bewegung dos aciitcu Himmels bewcgt. Man sollte also mit-
lelsl des Astroiab's odor «antwortenden Quadriinten?: die geograpliisciie Breite
eines jeden PJatzes bostimmen und verzeichueu, aber auch mit Berùcksichti-
gnng der gcographischen Breite cine Karte construiren, die aile Hohcn , Insein
und Weltgogendon je am riclitigcn Orle bringt, und sich nach dioser orien-
liren» (p. 7 ij. BittiNeu traduit ^^\ par et Finger" , ce qui est sou sens littéral,
(if. mes lli'latians de roya^p.s , t. 11, p. /197, n. G.
(*) j^ signifie littéralement cfdos'5. Appliqué à une grande île orientée
88 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
viJU._i6 yî«X_i^JI_5 '"' ^j*»)^L^Iju>« ^^<uo '"' »*>y^ h^y^ *r*^^' (:J^
(6)
nord-sud, «dosw désigne la côte qui fait face à la haute mer (la côte occiden-
tale de Sumatra et la côte orientale de Madagascar, par exemple). ^Jia^
trventre», désigne la côte opposée (orientale de Sumatra et occidentale de
Madagascar). On retrouve une terminologie à peu près identique et sans doute
empruntée aux Arabes dans les anciens routiers portugais. Cf. «Portos que ha
na ilha de Siîo Lourenço pela banda de dentro« = côte occidentale de Mada-
gascar = ffventrc" des instructions nautiques arabes (dans G. Pereira, Roteiros
Portuguezes da viagem de Liboa à Iiulia nos secuîos xri et ivii, Lisbonne, 1898,
in-B", p. 8i ); rr Viagem de Goa para 0 cabo de Boa Esperança por Moçambique
por dentro da iiha de Sào Lourençon [ibid., p. \ho)\ «Viagem de Goa para 0
cabo de Boa Esperança por fora [=«dosn] da ilha de Sào Lourenço jj [ibid.,
p. 168). Ces expressions parallèles sont courantes dans les textes arabes et les
routiers portugais.
^'' Le texte avait initialement »j,^jit grande n , qui a été corrigé en Sy^j
pour »^-JiJ« nombreux n.
(^) A a la même leçon dans ce vers, fol. io5 v', 1. 8 :
«et leur nom [de ces îles], ô ami, est Mikâmârûs; Mârùs, à Sumutra, est
une montagne qui no\is est familières.
^^) Le passage depuis yb^^ Jvxj ^.i jusqu'à y!,>J»jiJl j^^^LtiJU^ avait été
sauté par le copiste. H a été ajouté en marge par le correcteur.
'*' C a lu Andar-Sàbôr. Aucun des textes n'est vocalisé; mais, par analogie
avec ^^i^ool, qui est sûrement à lire ^^jool 7/irfra/û?-a = Indrapura , je voca-
lise >jjL.*^jo1 Indra-sâbûr.
(') B a la même leçon; C a ^^^UaJL» Mantàwi, qui est le nom des iles Men-
tawei, Mantawai ou INLintawei. t^^L^*-» est un complexe malais bien connu :
luata-hâri, litt. «l'œil du soleil, le soleil". Il s'agirait donc d'une île appelée
«lie du soleih. BrriNER, qui a adopté la correction ^^^IL-U, lit Mentâwi (p. 71);
ToMASCHEK inscrit Mantnwï sur la carte XXA . Graphiquement, la correction de
<^,lj:i^ en (^^ILj^ est diiïicilement acceptable, car le 4 médiat ne peut guère
être confondu avec la. médial. Au surplus, il serait extraordinaire que le
ms. '.!559 et le manuscrit turk fussent tous deux fautifs eu donnant une leçon
qui représente le complexe malais précité. Enfin, géographiquement , l'île de
Matahâri ou île du Soleil est située dans ces deux textes par 4° 43' nord et les
îles Mciitawci v.uwl par 1" à ?>° sud. Tomascjiek a donc été obligé d'inscrire une
L'EMPIRK Sn[\TRANAIS DE ÇRÎV1JAY\. 89
' o; (iT^y^ C:)^'^ çs*r^^ ;^ ;)jr^ '■«y-*-* "M^M^ ''(;5^!>**- ^->^^^
t5-» tP' (*''^) ■'' *-^^->;-J l^^-jy-s-io (SU.:ï^5Xj l^_^.fwu i_jji^î^ ,^^[i yk»
lie ^tanlâ\vi contre la côte nord-occidentale de Sumatra, alors qu'aucune rela-
tion de voyage, ancienne ou moderne, n'a signalé un nom de ce genre à cette
ialilude. Je ne suis pas en mesure d'identifier lile de Mataliâri; mais il me
parait plus prudent d'en maintenir provisoirement le nom sur la foi des textes
arabe et turk.
''' ^^!>^ >J<*aJ^, qui a été ajouté en marge, ne figure ni dans B ni dans G.
'-j ^3 ^ , en terminologie nautique, désigne un rbanc plat s'étendant devant
la terren (cf. Instructions nautiques sur la mer Rouge et le golfe d'Aden, Paris,
i885, in-8°, n° 68i, à l'index des mots arabes, p. xv, s. v" Rak).
'•^'i t;-jt_<i, plur. yLjiX — «récif de roches» (cf. Instructions nautiques , op.
luud., s. v" Shah).
'•'*> Manque dans B et G.
t^) G a : «Man nennt sie Fulô Bàniq: bei den Indern heissen sie Talâgih,
weil sie den zu Gùgaràt gehôrigen Talàgih iUinlich sind.»
'"^ Le texte a »^J^ .
(') A a aX» J--?'-?- Gâmis-fulah , fol. Sa v°, dernière ligne; M» J^^^ Gmnis-
fallah, fol. 109 r°, 1. 7; 109 v°, 1. 18; 111 r", 1. a ; ki» ij~>*^ (làniûs-faUali ,
fol. io5v°, 1. 1 1 et *i^ (j--y«Ui. Gdniûs't-fùlali , fol. 54 v° infra. Cette der-
nière leçon est un hybride composé de J'allah, déformation du malais ^^'i
pûlaw, ptilo «île», et du perso-arabe ij">«^>. «buffle». La syntaxe malaise et
arabe exigerait *fallah-gànais ; mais l'inversion gâniûs-fallah , dont on retrouve
d'autres exemplaires dans la loponomasliipie ancienne de l'Inde Iransgangé-
tiquc, a été faite sur le modèle de sanskrit Yaradvipa.
W J.J! al-burr a, dans certains textes géographiques, le sens de «conti-
nent, terre ferme», par opposition à la mer et aux terres insulaires. Ici, il est
employé avec son sens initial de «terre», par opposition à la mer. Cf. les
exemples classiques ^^1^ ^1 «la terre et la mer»; llirj lo «par terre et
par mer».
90 JUILLET-SBPTEMBRE 1922.
A-Xj j<*_^L^ ^^ iJa^ *j^j-^ >^ Hy?.^ l-<'^ ''"' ^^^^-^ ^••^^ C5^!>*'
^u Jî j^i '^^ vy^' (jJ^ J>^^ 4^*^' J'y^ *^' *^ '"'^'^^^i
^î J^-^y^Av (JtAia^ ij^ t^*^^^^ Jysô-»« t^Jai «i-JljJi J>*J'^ J^!^-**' (*^^a^
xJJa-» ^LU! JjJDI^ y*ji}] ^1^ J^ill Jjjtlî Jlyil ÀiÀj|*jiJb iJa-fi;
(jLJ^.*iJU ^UJî^ j;ii! JyiiU t_yuJ! ^ixo eJLJI J^iJt^ JJl^i)!
(jMk>oL^ ^wi l {(.À.ln.j iioâ Ul^ à^.;^!^ i-jjt\s^]^ (_>jaU (^]UJi JyDt^
XaJLÀ jLJiXfw ^*>OlJ t^**^ ^y«3 (fol. 98 V") LjJix]] fcUa.» (^y/«^U *Ai
is.\j..iî^ ^t>w-j O— *^ )HH^^ ^Aix« ^^^ij ^^)Ly^ A^lx« L^Ovsk.! (j^^
^ il Ja.^ ;*^^-^ &j^.«;i>Ii U^iUj Ut^ S^**^' (*^^ c^UJI lift-i».ii
t') A a la leçon fautive, fréqueûte dans les textes arabes, ^>*â^ Faifiûr,
fol. 53 r°, 1. 5; et la bonne leçon, ^>*iJ^, foi. 1 1 1 r°, 1. 5.
(-) Vide supra, p. 87, n. i.
'■'') Cest la bonne leçon qu'ont également A, B et C. Vide stiprn , p. 80,
n. a.
C') A a I^JLc, foi. 111 r", 1. 6-, B et C ont s^y^. Celte notation est tout à
fait inattendue, car le Nâ{iarahevtâg(nii(i (i365) a Harw (cf. G. FiiiiiiAND,
Uvlniinns de voyages, t. II, p. 65a), qui est passé à Uaru , puis à Avu, dans
la langue moderne. D'après le poème ka\vi précité, 8>^Lc et s^-^ sont à lire
»}>Lc '/l?-t7/t et i^~£. 'Arûh; 'jn'-c, 'tIj'm.
^•') A a jsîLiX^ Mahkajang , fol. 53 r°, 1. 1, et xsJil^ Mahhofing, fol. 1 1 1 r",
1. 3. U et C ont la même leçon que le ms. :!559. Bittnkr a lu Mdlilfdnag.
'•"> (^'esl l'un des 3 a ^^^i. hann (piur. yU^I aljnân) ou rumbs de vent de ia
boussole. L'expression arabe, litt. «lever du Scorpioun, a été rendue, en tra-
duction, par le terme ('quivaient usité dans les marines occidentales. Cette
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE (.H\ÎV1JAY\. 91
ooLa. ^j-A [ ^,A la-.i ^ y^J ''' ^ ^ ^«^^ iu*:^ ^ji Joyl)t cjy*)l
l.fl.A.» jj**ji^LoUi.A-« ^ys>. y! ^1^ (Vj^^ **o' (j^*^r*^' S->*^5 Ot**^^
X^^ ;ÔUt JS ;3^U <*) ^kJl «^ JUj Àl«ii)! y^lj l^Ulj
LXXXI. Le soutien des Mahara.
Section traitant de la connaissance de l'île de Sumatra.
EUe^^' commence, au nord-*', à la montagne de Lâmnrï où les Far-
question sera traitée en détail dans la traduction intégrale des mss 2-393 el
2559, qui sont actuellement en cours de publication.
'■> B a : j3^^fM>,« xbl Jo^ is^^i )^)»*^i ;^>>^'>s^ \^^ et C : «... ein
nouer uud bowolinler Hafen, dessen Gouverneur dujch Gerechtigkeit bekannt
ist . . . n.
(^) B a la même leçon; A a I^LïJli, fol. 53 r", 1. 7 et 111 r", 1. 9; G a
Menang-kdbù (sic), rectifié, entre parenthèses, en Manqâbôh, ce qui repré-
sente Sj-jUlL», comme dans le ms. 2 5 59. Le Nâgarakërtâgama a Mananhahwa
(cf. G. Feiîrano, Relations de voyages, \. II, p. ôSa), qui permet de corriger
les leçons précédentes et de rétablir s^liJj^ Manangkâbwa = Mananhabtva.
Dans un manuscrit malais daté du i3 safar 12/10 = octobre 182/1, le mémo
nom est écrit ^.JjLl» = Mënankabaw (H. H. Juïnboll, Catalogus van de Ma-
leische en Sitndanesche Jiandschrijten der Leidsche UniversUeits-biblioÛteek, Leydc,
1H99, in-8°, p. 2/1 5, CCLVI).
^^> B et G ont la même leçon fautive, que Tomaschek a identifiée à l'île do
Banka. Le ms. 2569 et B ont tous doux ^ j-U ^>>^ «le port de P'alu Bangv ;
il ne s'agit donc pas d'une île, mais d'un port de la côte sud-orientale de
Sumatra. ^ jJj est à corriger en ^ ^^. A a , en effet, jS ^^Ai au fol. 1 1 1 r",
1. 11, et jti-^s^Ji au fol. 53 r", 1. 8. L'un et l'autre et les leçons précédentes
sont, sans doute, pour ^^4^ Falivibaiig = Palembaii.
'") Même leçon dans G; B a fautivement ^^•
(5-<J) (5) J^^;s documents utilisés pour le conimeutaire de ce texte sont :
Ilinerario voyage afle schipvaert van /i.v III rcF.fi van LiftsciioTRN naer oosi
qfte Portugaels Irulien i5j()-i5ga , édit. H. Kkun, 's-Gravenhage, in-8°, 1910,
t. I, chap. 19 : Van 'l Eylandl Samatra, eertijts Tapnibana glieheeten , p. ']\-'ji]
et la carte de la page 70 du même volume-,
La carte do Sumatra do Valkntyn rcpioduilc dans le n° 22 du Journal of
92 JIILLET-SEPTEMBRE 1922.
kadayn (les (Jeux Gardes =^ (S et y de la Petite Ourse) sont par 7 i.^ba et
7/8 [— 5" 48' nord environ], d'après les uns; par 7 isba 3//i [=- 5° SV
//le Slraits brauch nf the Roijal Asiatic Society, décembre 1890, intitulée :
^iemve kaavt vaii liet pyland Sumatra verbelerd door François Yalentvn', J. van
BnAAM et {»ic) GOUDER DE LiNDEN;
Le Petit Atlas inm-itime , recueil de cartes et de plans des quatre parties du
monde, Tome III, coiilenattl : T l'Asie, II" F y'rifjue , avec les détails intêressam
de ces deux parties, 176'!. sans nom d'auteur ni de lieu d'impression (je n'ai
pas encore pu reirouvof ies deux premiers volumes de celte publication, dont
le présent volume m'est seul connu ) ;
A new directory for the East Indies conlainiiig gênerai and particalar charts
of the océans, seas , straits , coats, islands, capes, golfs, bays, harbours, rocks,
sands, suundings , etc., necessary to be knuivn in sailing to, from and throughoiit
the East Indies, the whule (oiiginally begun and carried on from the most
approved charts and plans, by M' W. Herbert, M' W. Nichelson and otliers)
niurh improved and augmenled ii/ Samuel Du.nn, Londres, 5* édition, 17H0;
The Oriental Pilot ; or a sélect collection of charts and plans, both gênerai and
parliculars ; calculated for the navigation of the country trade in the seas beyond
the cape of Good Hope : including the Indian sea, with the Arabie and Persian
golfs, the China sea, the eastern sea,. etc., etc., etc. Drawn chiefly from the last
édition of the Nepti^e OitiEyriL of Mons. d\iriit:s de MiNysyniETTE ; ^vith
important additions and seceral improvements , exiracted from numerous Journah
of ihe Hunourable the English East India Company; and from aclual surceys hy
officers in that service; as aho from the original drafts of the Diitch East India
Company tvith sailing directions. Londres, sans date (vraisemblablement des
dernières années du xviii' siècle).
Ce sont les seuls documents cartographiques que j'aie à ma disposition. —
W D'après le texte de Linschoten (p. 7^1 -7 5), la pointe nord de Sumatra
est par 5° nord et l'extrémité méridionale de l'ile par 6° sud. L'île aurait
170 milles de long et 60 milles de large. Sur la carte de Linschoten, la pointe
nord-ouest et la pointe sud de Sumatra dépassent respectivement de près d'un
quart de degré le cinquième parallèle septentrional et le sixième parallèle
méridional. La partie nord de Sumatra est à peu près parallèle à l'équateur et
divisée en trois états : Daia, au nord-ouest; Achem = Acin. commimément
Atchin, au centre; et Pedir, au nord-est.
Sur la carte de Valentvn , l'extrême pointe nord-ouest est par environ
.5° âo'. Tout le nord de l'de constitue l'état d'Atchin {Tryk van Atsjen), avec
la ville d'Atchin à la pointe nord-est, sur la rive droite et à l'embouchure
d'une rivière non dénommée.
D'après le Petit Atlas maritime, l'extrême pointe nord-ouest est par 5° et
quelques minutes, blêmes indications que dans Valentvn. La rivière est appelée
«rivière d'Achem».
La Cfirle XIII du \i'iv Directory (A particalar plan of Arheen riiad ivilli ihe
L'EMPIRE SUMAThAWIS DE (jlîïVIJVW. 93
environ], d'après d'autres. Elle finit, an sud, [avec le pays ou le cap
de] Tïkû Tarmad'"'. En ce qui concerne la latitude de ce dernier
endroit, les opinions diffèrent : il y en a trois. La première est que, en
cet endroit, les Farkadayn sont par h isha [= o° 62' sud environ]; c'est
l'opinion de la majorité des Indiens [de la côte occidentale de l'Inde].
La seconde est que, en cet endroit, les Farkadayn sont par un peu moins
de II isba [= un peu moins de 0° 62' sud]; c'est l'opinion des Arabes et
(les Colas"'. La troisième est celle de ceux qui l'ont vérifiée : [les Far-
kadayn sont en cet endroit] par 3 isha 1/3 [= 1° hd' sud environ]. Cer-
tains disent que l'extrémité méridionale de l'île de Sumutra est [même]
par 3 isba [= 1° 36' sud environ] '^'.
Sache que sur la côte occidentale, il y a de nombreuses îles appelées
hlands adjacent) désigne l'extrême pointe nord-ouest sous le nom de «Rings
l*oint75 , la ville d'Atchin est à o* jo' à l'est. Ce rrKings Point», la moderne
fftète d'Atchin?5 , est à peu près entre 5° 23' et 5" aV. VOriental Pilot (carte 4^ ,
A chart of the stvails of Malacca aixl Singapove) appelle également cette pointe
fftlie King's Point or Cape Ashim» et la situe par environ 5° 20'. La ville de
ffAchem or Ashim» est à un degré de longitude à l'est, sur le delta d'une
rivière non dénommée.
tf . . . the great Isiand Sumatra, which Extendeth from 05° Ao' Soufh
Latitude to o5' ûo' North Latitude, soe that the Equinoctiall Line dividelli
tliis Isiand into 2 Equall parts...» (.4 Geographical account nf couniries ruinid
the bay oj Bengal , iGGrj to i6jg, by Thomas BowBEy, édit. Sir Richard Carnai;
Temple, Halcltiyt Society, 2" série, t. XII, Londres, 1906, p. 285).
(') Vide supra, p. b6, n. 3.
^^' Le J^joi)! .>«-i4jë (^ J>siJI XjLsr ^y^ cjU5 de Sulaymân ibn Ahmad al-
-Mahrî, que contient également le ms. aSSg, a, au fol. 167 r", 1. 9 et suiv. :
"Les Sûliyan [=Cola] sont les gens du Sùiamandala [= Colamandalain=
(iororaandel ]. La plus célèbre de leurs \iHes est celle de Kâyâl. C'est la ville
de leurs savants. Kâyâl est un port célèbre depuis fantit^uité. H est situé dans
le pays de Karikara (ou Karaykara, le Kailukari de nos cartes).»
Kâyal est le Cail de Marco Poi.o (cf. édit. ^ilk-Cordier, t. Il, 1903,
p. 373-373). La notation arabe reproduit exactement le nom lamoul de cet
ancien port : Kâyal (cf. Impérial Gazetteer of ludia. Madras, t. II. Calcul la,
1908, p. 283).
^^> Toutes ces latitudes sont inexactes. L'extrémité méridionale de Sumatra
est aux enviions de 6".
94 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
Mikâmârûs'''; les Farkadayn sont là par 7 isba [=4° 18' nord eavirun].
Viennent ensuite deux îles appelées Indrasâbûr *"'l Entre ces îles et la
côte occidentale de l'ile de Suniutra, il y a 8 znm" [de distance]. En-
suite, au sud de ces iles, se trouve une ile appeje'e Matabâri '', là où les
Farkadayn sont par 7 isba i/A [=^ 4° 43' nord environ]. Après celle-ci,
au sud, il y a de nombreuses iles appelées Mïkâmârfls ^^\ là où les Far-
kadayn sont par 7 degrés de bauteur [^ k" 18' nord]. Là où les Farkadayn
sont par G isba xj-i [= 3° 2O' nord], se trouvent deux grandes îles : ce
sont des montagnes élevées. A mi-cberain de l'île septentrionale de ces
deux îles, il y a de petites îles. A l'est de ces deux îles, il y a peu de
fond, des récifs de roches et (fol. 28 r°) des barrages dans l'eau *'. On
appelle ces deux iles Pulaw Bânyak ' . Les Indiens les appellent Talâgïb
parce qu'elles ressemblent aux Talâgih [du Cnzerate]'*"^; car dans l'île
septentrionale, les montagnes qui s'y trouvent apparaissent semblables
aux Talagib. Les précautions, toutes les précautions, il faut que les
prenne en cet endroit, celui qui vient de Gâmis-fula ''\ cai- il ne peut
t*' Vide supm, p. 88. n. 2.
W Vide sup-a, p. 88. n. 4.
(^) 8 câwi = ai heures de route, à raison de 3 heures au zâm.
'*) Vide supa, p. 88, n. 5.
t^) Ce sont ies dernières îles méridionales de l'archipel dont il vient d'étr»
question.
'•) 11 s'agit vraisemiilablement , soit de hauts-fonds, soit de bancs de sable.
'') Ce sont les iles que nos cartes, reproduisant servilement la transcription
hollandaise, appellent Banjak , qui est à |)rononcer Banrtk. ^i^b. que Bittneu
a lu Bâmk- (p. 71), est donc à lire ,^li Bânyak. C'est un bon exemple de
transcription do la nasale palatale ■\- a.
(8) Vida supra, p. 89, n. 5.
(•' Vide supra, p. 89, n. 7. C'est la Gauenispolu de Marco Polo (édit. \ile-
CoRDiKR, t. II, p. 3oo et 307)', la Gomespola de Linschoten (édit. H. Kehn,
caitc de la p. 70. t. Ij; la Poulo Gomes du New Directory (carte XIII) et de
VOriciilal Pilot (carte '19). tt[Achin], rapporte Thomas BownEï (.1 gpofrraphical
account of countries round the bay of Bengal, iGGrj lo iGjQ, édit. Sir Rich.
Carnac Tkmple. Hakluyt Society, 1905, p. 286-987 ). hatb likewisc a vory
Excellent Roadc or ba\ in which there is roome Enough for many bundreds
of .Sliips and in j[reat Safety, where tbey may ride in 12 , 10, 8, 6, 'i fatbonis
de])lh, very clearc jjiound, and abnost land locked vvilh the liead of Sumatra
[= Tête d'Atchin], Puilo Way, and Pullo Gomus, and 2 or 3 Small Islands
and rocks. -î Sir Carnac Temple ajoute en note : cfCf. Dampier, William, A now
voyajje round Ihe worldn (Londres, 169G, t. II, p. laa) : rrPulo Gomez is
anolber larjje island about 20 miles Wesl froni Pulo Way. and about 3 leagaes
L'EMPIRE SUMVTRANAIS UE ÇHiVIJAlA. 95
se sauvej' que sur la côte, c'est-à-dire sur la côte occidentale de 1 ilc de
Sumuira , s'il veut arriver à Pancur ^'^
from the N. W. point of Sumatra». Cf. also (hc followinij JVoiii trAbstract of
Captaiii Aitkins Journal», 0. C. N" hol\5, «i5lh Apiii )67r)-'. As soou as wee
wcre shott williout the island Polo Gomos, wce moll wilh a slronjf stiram».
llorsburjjli , Easl hidia Direclorij, vol. Il, p. ia, éd. i8o5, lias «Pulo Gomcz,
where there are rogular soundin{;s and good anchoring ground. from lo lo
17 fathoms-i. Cf. Captain Alexander Hamilton (^4 new accouiit of the Eusl
Indie», Edinbourg, 17.57, vol. II, p. lia), «Between Atcheen Head an high
sleep Promontory, and the South End of Goraus Islands, there arc two Clia-
nols to corne from the Westward into the Road.»
O i^j»aii, litt. Fansîir = Fdiicfir <:z Pancûr. Vide supra, p. 90, n. 1. Dans
une note dt^ sou Account of the Malay Mss belougin{> lo the Royal Asialic Society
(^Miscallaneous papers relalm^r lo Indo-Chiiia aud ihe Indian urchipclago, •>," série,
t. II, 1887, p. 5i), H. JN. Van deu Ïlnk dit à propos de Hamzah de Baros
appelé Hamzah (^^ynJJJl parce que «Fantsur est l'ancien nom de Baros; d'où
le camphre de Baros est appelé en arabe ^^^^jaJUJI ^>it5^ t camphre de Panfur».
YuLE, qui a utilisé cette citation, ajoute {Marco Polo, éd. Gonoiicu, t. II,
p. 3o2) : cflt is higbiy probable that Fansûr and Buriis may be not only the
same iocality but mère variations of the sauie uame. Tlie place is called in
the Shijarat Malayu, Pasuri , a name whicli the Arabs rertainly made into
Funsûri in one direction, and which might easily in another, by a very com-
mon kiud of Oriental metathesis, pass into BavHsi.-n Yule, qui n'était pas ara-
bisant, n'a pas pris garde que Vs, en transcription, de Fansûr et de Bans,
sont deux lettres différentes. La première est un ^Jf> qui, dans le cas présent,
rend la palatale malaise c, transcrite par les Hollandais (/ ; la seconde, une
silllante dentale que les Arabes ont également rendue par j^ s. En réalité,
malais *Paiihir > arabe ^yoJ^ n'a absolument aucun rapport avec malais,
Barus ou Baios > arabe o^y^ Bâlus. Les deux noms désignent le même port
occidental de Sumatra , mais il n'y a aucune parenté phonétique de l'un à
l'autre. Sur Bàlîis et Faneur, cf. les deux premiers volumes de mes Relalinns
de voyaires et textes ftéoffraphiques arabes, turks et persans , passini . Le doublet
BarosPancur s'(!xpli(pie ainsi. Baros (]ui est situé par environ a" do latitud(!
Nord, en pays batak, est le port d'exportation et la tète de ligne de la route à
destination de la région du benjoin et de celle du camphre. Les premières
étapes sont : Kampoii Mudik, Lubuk Tuwa et Pansur, le long de la rive
gauche de la rivière Batu Garigis. Les Bataks écrivent Pansur, mais prononcent
Patsur, iWm la forme malaise Panâir qui a confondu l'un et Tautre et que les
Arabes ont rendu par ^y^J^ (cf. L. van Vluhen, De kandel van Baroes, als
oudule huri'ii op Sumalras ivcslLusl, rerklaard; eu voor de toekomsl beschouwd ,
dans Tijduclirift v. Kon. Nederlundsch aardrijicskundijr Genolsvhup, a" série,
t. \XV, i(jo8, ail. G, p. 1889 et suiv. , avec carte et plans).
96 JUlLLET-SEPTEMBllE 1922.
Sur l;i cùle orientale de Sumutra, ia mer a peu de loiul, par lieu lièie-
ineiit autour du port de Aru.
[VoiciJ la route [à suivre] sur la côte occidentale de l'île de Sumutra.
De Gâmis-pula à Mâkûtâug''*, il y a trois opinions : la première, [faire
roule] au sud-est: la seconde, au sud-sud-est; et la troisième, au sud.
D'après moi, c'est la route au sud qui est la meilleure. De Mâkùlâng —
c'est une montagne sur la côte occidentale de i'ile de Sumutra. Les Far-
kadayn sont là par 7 isba 1/9 [^5° 9' nord environ], d'après les uns;
7 isba i/li [^ 4° /i3' nord environ], d'après les autres — de Mâkiifang
à Pancitr, la route est, d'après les uns, au sud-est; d'après les autres,
au sud-est- i/4-sud : c'est la première qui est la meilleure. De Pancûr à
l'extrémité de I'ile de Sumujra, la route est, d'après les uns, à l'est-sud-
esl; d'après d'autres, au sud-est- i/4-est et d'après d'autres encore, au
sud-est. La première et la seconde opinion est celle des Colas; et la troi-
sième, celle des Arabes, des gens de Hormuz et des Indiens [de la côte
occidentale de l'Inde].
[Voici] la route [à suivre] sur la côte orientale. De Gâmis-fula à
Làmurî, au sud-est "'. De Lâmurï au port de Sumutra, les uns disent
[qu'il faut faire route] à l'est- i/à-sud: les autres, à l'est-sud-est ''. Du
port de Sumutra à l'extrémité de I'ile, l'opinion dominante est de faire
route au sud-est.
Les poits de I'ile les plus connus sont : le port de Sumutra sur la
côte orientale — les Farkadayn sont là par 7 isba 1/2 [= 5° 09' nord
environ]; le port de Mandara^*' qui est proche de Lâmurï, également
sur la côte orientale — c'est un port nouveau, célèbre par sa prospérité
et par le bon ordre qui y règne — ; le port de Pancur, sur la côte occi-
dentale— les Farkadayn sont là par 6 isba [= 2° 34' nord environ]; le
port de Manankâbwa • ', également sur la côte occidentale — les Far-
(') C'est le Manivpa de Barros {Da Asia, décade 111, liv. V, chap. i, Lis-
bonne, 1777, p. 5i 1).
''' La direction donnée à la route est inexacte , car la petite ile de Gâmis-
fula est au snd-Ouest de la pointe la plus sej)tentrionale de la Tête d'Atchin.
I ide infra le texte arabe sulvaul.
^'> Cette route indique nettement que Lâmurï est à l'est de la Tète d'Atchin,
donc sur ia côte orientale de Sumatra, en prenant comme point de séparation
entre les deux côtes la pointe la plus septentrionale de l'île.
''') Ce port est inconnu par ailleurs.
(^) Vide supin, p. ()i. n. •>. Lixs(;iioten l'a également inscrit sur sa carte
comme port de la côte occidentale : Maiiuiicabi). C'est aujourd'hui le nom d'une
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 97
kadaynsont là par 5 isba [=o°5>2' nord environ]; ie port de Pulaw
Bang''', sur la côte orientale — les Farkadayn sont là par 3 isba 3/4
[= 1° i8' sud environ]. x
Sache que dans les îles Mikâmârûs, se trouvent des gens semblables
aux bêtes féroces qui mangent les hommes. 11 en est de même des gens
de la côte occidentale de l'île de Sumutra : ce sout des brutes anthropo-
phages qu'on appelle Batang''^ [=Batak]. Prends garde, prends bien
garde !
Le texte suivant est extrait également du ms. 2 55g. C'est
une des sections du chapitre ni d'un autre ouvr;ige nautique
de SuLAYMÂN al-Maiirï, intitulé >^î ks. ^à^à^UJî ^l^ill <_>L>:^
js^h^^ w Livre de récits de voyages précieux ou science de la
mer en fureur??. Il n'est pas daté, mais il est postérieur au
texte précédent. C'est au Kttdh al-minliâj (lue Sîni ""Ali a em-
prunté les trois importantes sections : slil j-<Us ^ Juai Sec-
tion de la latitude d'après l'étoile polaire (du fol. ()/l v"à -70 r");
^sXi-iJï (j*''^9 (^ J*^* Section de la latitude d'après les Far-
kadayn ou les deux Veaux = /S et y de la Petite Ourse (du
fol. 'yO r" à '71 v") et (j;Ujt-lJi ^Li ^i J^ai Section de la latitude
d'après a, /S, 7, J de la Grande Ourse (du fol. y 1 v" à y 9 f).
On trouvera la traduction de ces trois sections d'après le Mnint
de SîDÎ '^k\A, dans mes Relations de voyages et. textes géographiques
arabes , persans et turks , t. Il, p. ."jiS-BSî),
Le chapitre n du ^-=wj_jLJi ^L^_il «jU:-^ commence ainsi'
(fol. ()/i r%l. 9 et suiv.) :
,^5_ii"^X-o^î ijJ^'i i^i V/*^'^ <XÀ^1 Jifc! ^^^.i lAàji o^Axà-t J*a2»>_5
peuplade de celle région, que les anciens marins avaient sans doute donné au
port par lequel on pénétrait dans le pays.
'') A corriger en Palembang — Palen)bai"i. Vide supra, p. gi, n. 3.
'-) Il s'agit sans doute des Bataks, dont le nom a été inexactement transcrit.
Cf. le texte arabe suivant, p. 100 cl 10:!.
98 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
LcXJiJ! J^J» oot-o L^bS.l\ \ù^ 1^^ jjUJ^.,iJJ \xi\yA 'ià^\ ^\'i^
J_j >_i_£ <>^_2wî^ »_**_£ l.^jtX2^^i *^^^33 ^i"*^^ (^'"^- ^^ ^'') y'^^Ji^J'
• • • (>*-^' '-«Y^J
Chapitre ii traitant de la iatitude [des ports situés] sur les côtes habi-
lées connues. Sache que, au sujet de la hauteur du Gâh (réloile polaire),
il y a des divergences entre les gens des pays sous le vent et ceux des
pays au venl'^', en ce qui concerne certains caps. Il en résulte également
des divergences entre les gens de l'Inde [occidentale] et les Arabes au
sujet de la hauteur fondamentale [, c'est-à-dire de la hauteur de la
polaire à tel ou tel endroit]. Dans mon livre intitulé Ai-'Umda {y'uh
supra, p. 85), [les latitudes données] sont conformes à celles des
[marins] Colas ^^^; dans le présent livre, j'ai reproduit l'opinion des
'') Dans ia terminolooie nautique de Ibn ^Iâjid et de Sulaymân al-Mahri , le
point de séparation entre les pays au vent et les pays sous le vent est le cap
Comorin. Cette expression, qui est sans doute empruntée au malais, a pris en
arabe, comme on vient de le voir, un sens géographique assez ditïérent. Poul-
ies Malais, le point de séparation des deux sortes de pays est, au contraire,
la pointe nord de Sumatra. Modifier dans ce sens la note 2, p. igô, de mes
Relalio7is de voyages, t. II.
TcHEon K'iu-FEi, dans son Ling wai tai In (II, 12^), indique une répartition
spéciale des pays de la mer de Chine et du grand archipel d'Asie eu trpays do
la haute côte et de la basse côte?' : «Le royaume de Chci-p'o, appelé égale-
ment f^ ^ |[-| P'ou-kia-long [= P'u-kia-lon <Z. Pëkalonan], git dans le
sud-est de ia mer. Sa position étant en bas (c'est-à-dire dans le sud par rap-
port à TAnnam, qui est au nord et qui est dit être «en haut»), fait qu'il est
appelé la côte basset' (dans Chnu Ju-kua , trad. Hirth-Rockuill, p. 79 infra).
Le Tchou fan tche contient des indications identiques, évidemment emprun-
tées au Ling ivai tai ta. trOn a l'habitude, dit Tchao Jou-koca (ibid., p. 20/1.
notice 11), de distinguer entre la «haute côte'' et la cr basse côte. Le Tchen-
ia (Cambodge) et le Tchan-tch'eng (Campa) sont appelés [pays de la] haute
côte: [le pays de] Ta-che, le San-1'o-ts'i (Palemban) et Chô-p'o (Java) sont
appelés [pays de la] basse côte.»
(-') 11 existait donc aux xv* et xvi° siècles des textes nautiques colas sur la
navigation dans l'Océan Indien, les mers de Chine et de l'Indonésie, assez
importants et utiles à connaître pour que les auteurs d'Instructions nautiques
arabes se soient crus obligés de les étudier et, dans certains cas, de les prendre
pour base de leurs propres publications. Je ne crois pas que cette littérature
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRIVIJAYA. 99
Anciens [qui oui rédige des Instructions nautiques,] pour toutes les côtes
parce que je les ai vérifiées pour certains caps que je supposais avoir
été situés au-dessous de leur latitude vraie, par exemple Midawwar et
Zagad. J'ai trouvé ces deux caps pai- lo et ii [isba]^ et même à un
peu moins [de i o et 1 1 isba] . . .
^v-« Lg.J^Î Swla^ iAs.^ ^y-T^ -^ii-x/o i^ ij^^^^ (Fol. 78r°, 1. lo.)
A ^ '^Ji^ kXJjj 8jjyi5 Ji^î Lg^o^ '-{^■M^ ^Y-* Svi^^ ^j^V^ T^^J y**^^
A-i-Lj (fol. 78 v") (ji*XJ-jiJi l^-à»>\ yl j.^^i)i JjJiJt jL*i «<XjJ! ^i
j^-la-lî jj A.L» (j*l-i aAj jww^Li. (v4 LgJkiaj ôvJ.:> i.«îj cJix)! xXla>o
>-aJî ij-LaJO) /jSj c_j~ï lyA ^i\^ »ji>M *\ïI-âj! citA^i. y^y=?- ^tUa.* /j5j
^ju^yjî iiX^ ^i j)_j..g./iK.o y^à '*'j)^ijtXjl ^»X>j iytJl^j wjJî ^«Jûi) j<>»^
spéciale ait été consultée; je n'ai mémo pas souvenir qu'on en ait signalé
l'existence.
'■' Le texte a fautivemcnl j-^-
'^) Cod. s^Uu^.
w Cod. i_^;^r.
100 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
yJb^ (fol. 79 r") »*Ja.^ )'^J^ jÀixîî ^*XÀi _^ift^ c^r«^ c)^^ ci\.^_j^_5
>«>v_jL_j •— ^^ CJ~^ _)*^^--*-^ i-^**^ ^^^-'^ ^^ ^ij^ •(«^Ài yj-?^ )'^^ ^i
«X-Jli jiljLxJî c:jI*»,Uï UL» ^_gafc.l_^À]î diX'i y..* *r*^^ t^^'^ _)^W (e>5~*^
^ UJsjo aj -^^3! iuiLf L<y^>o *imt^ '^' ^'liav^U 'sSÀxa ^^ J-*^
/jtOsJ»jJlJî^ ''"' fjM^y^\xjk.A ^fu»j 0L05 ^1*^' '^'•^ ^ytr^ ^"fj"^ V>'*^
j-xJi <_»j,ï ^i c:^ULà»._5 '''UAs^^Vi »,jyïs._5 ^_5J t^^ |^>jJ j.Ai_} (s/c) jU
iiXiLiu ^A^ *7^j^ C^^'- 79 ^' ) V>-M^ L5^' ;v4^ *^>^ •■^^^^î yU*ÀiJi
^î <^^'5 [sic) jji;^^ Ui.À./9 ,_g.tfwJ" -ï^^ *-^jU' _jl«>JCo l<yÀxj^ '''^^^Àa^a]
(') Cod. ^ Jo. — (-^i Cod. ;>^'L-- J-3! . — ''' Cod. ;<U^U. — W Cod.
^J«ll^ULiL^-o. — '^) Cod. lL;=J^j. — <") Cod. JX-i. — W Cod. ;>>û-U. —
(») Cod. ;>..^J-.. — '') Cod. Usxj.
L'EiMPIRE SUMATRANAIS DE ÇP.IVIJAYA. 101
Livre de récits de voyages précieux.
LXXXII. Section traitant de la connaissance de l'ile de Sumutra.
Sumutra commence, au nord-ouest, là où les Farkadayn sont par un
peu moins de 8 ishn \— G° nord environ]. Gâmis-fula est à l'ouest de ce
ca|) [noid-occidental]. Proche de ce cap, c'esl-à dii-e du cap [septen-
trinn;dl de Sumutra, gisent les îles de Mâs-fula^''. Ce sont des îles
grandes et petites. En ce qui concerne la latitude de l'extrémité méridio-
nale de l'île de Sumutra, il y a plusieurs opinions qne j'ai rapportées
dans [l'ouvrage intitulé] Al-'Umda '"^'. L'opinion la plus répandue est
qu'elle se termine là où les Farkadayn (fol. 78 v°) sont par 3 isba 1/2
[—1° Zi3' sud environ].
[Voici] la roule à suivre sur la côte occidentale : de Gâmis-fula à
Mâkûfâng-, au sud-sud-est; de Mâkûfâng à Pancûr, au sud-est- i/à-sud:
de Panètir à l'exlrémité méridionale de l'île, au sud-est.
[Voici] la route à suivre sur la côte orientale : de Gâmis-fula à Mâs-
fula, au plein ^est ''^' ; de Mâs-fula au port de Sumutra, à l'est- i//i-sud;
[du port] de Sumutra à PuLiav Barliala, au sud-est- i//i-est — les Far-
kadayn sont là par 7 isba [= 6° 18' nord environ]; — de [Pulaw] Bar-
liala à l'île de Jumur, au sud-est-i/A-esl également. Cette route est [dite
la route] du large'*'.
La route le long de la côte [orientale] est la suivante : [du port] de
Sumutra à Aru où les Farkadayn sout par 6 isba' 1/2 [— 3" 26' nord envi-
(') Mâs-fula est un complexe dont les mots sont malais et la construction
sanskrite, signifiant «île de i'orn. L'aire d'expansion de mâs, correctement
ëmàs, amas et mâs en malais, s'étend, en dehors de l'Indonésie, à la pénin-
sule malaise et ù l'Indochine. Cf. javanais émus; bisaya, dayak, tagal amas;
makassar amasa; batak ornas; khmèr 7nâs ; bahnar, jai'ai, halan mah; cam
ino'li; racle ma; péninsule malaise amas , mas, mâs (cf. Avmonieu-Cabaton, Dic-
tionnaire cam-franrais , p. 36.5, sub verbo, et G. Otto BLAfinioN, Comparalive
vocabularij aj aboriginal dialects, dans Pagan races qf the Maluy peninsula,
Londres, 190G, in-8°, t. II, p. 62 1, s. v° gold). La Lijst van de voornaamste
aardrijkskundige namen in den Nederlandsch-Indischen archipel (^Balayia, 1906)
mentionne trois îles du même nom : l'une dans l'archipel des îles Aru (Rési-
dence d'Amhoine); la seconde dans la résidence de Timor, et la troisième sur
la rôle orientale de Sumatra, dans la Résidence de Riouw et dépendances.
'*) Vide supra, p. 85.
'■'' Litt. «à l'est fondamental 71.
''*' C'est-à-dire la route par le milieu du détroit, opposée à la route du
cabotage le long de la côte. Pulaw Barhala est sans doute le petit groupe d'îles
à l'est de l'embouchure de la rivière do DcH, plus exactement Dfli, au sud
du li° degré de lalitmie nord, que VOriental Pilol (carte A 2) appelle «Pulo
Aarela, calld liv llie Sailors Pulaw Veruran. Pulaw Jumur, exactement Pulaw
102 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
ron], au sud-est; de Aru aux environs de Rakan''^ à l'est-i/i-sud —
les Forkadayn sont là par 6 isba \/li [= 3° oo' nord environ], A partir
des environs de Rakan, la terre s'avance dans la direction du pôle [sud]
et de ses environs, jusqu'à l'extrémité de l'ile. On dit cela et on dit aussi
autre chose.
Les ports connus de i'ile sur la cote occidentale, sont :
Le port de Panèûr: c'est le port du camphre. . J'\ de l'or et d'autres
produits ;
Le port de Pariyaman^^^, célèbre parmi les hommes [et qui est situé
dans le pays] de Manaiikabwa ; c'est le port de la poudre d'or et de
l'aloès;
Le pori de Indrapura'*', qui n'est plus connu h cette époque-ci, mais
qui était céièbi'e autrefois.
Les ports de la côte orientale sont :
Le port de Pedir^^^ sous la montagne de Lâmuri; c'est le port du
poivre ;
Le port de Sumutra; (fol. ygr") c'est le plus célèbre des ports de
l'île. C'est une grande ville. C'est le port du poivre, de la soie et de l'or.
C'est un port fréquenté;
Le port de Aru ; c'est un petit port :
Le port de Rakan: c'est un petit port;
Le port de Palemban'^'; c'est également un petit port. Parmi ces
|)olits ports sont les ports du benjoin^'' et d'autres produits de ces
régions.
En ce qui concerne la latitude '*' de ces ports, je l'ai indiquée au cha-
pitre des latitudes et il n'y a pas à y revenir.
Attention '''. Sache que sur la côte de l'ile de Sumutra qui fait face à
.Icniur, est l'une des îles de l'archipel des Aru. Cf. Tomaschek, carie XXV, et
mes Relations de voyages, t. 11, p. A89, note; igo, note; ^93, Agy, 533,
où 8j^ Gumj-ah, ^^ Gamar, etc.; Gumar, Gamar, doivent être rectifiés en
.57 Jumur < malais Jëmur.
(1) Malais Rëkan ou Rokan.
'^) Le texte a ^, qui peut signifier frcaraphre vivaul::, mais je n'ai trouvé
cette expression nulle part ailleurs.
(') Ou Pariaman , jfénéralemeut appelé Priaman.
^*) Indrapura, la ville d'Indra; exactement Indrôpurô et Indërôpurô.
(^) Litt. Fidir; en atchinais Pidië.
'*) Le texte a Fall-bang.
(') Le texte a ^^^Jl ^0^,.
W Le texte a i:aLwLjLJl, pluriel de ij-t-^ï, qui signifie simplement trmesuren
et, dans le cas présent, avec le sens de «mesure de hauteur d'étoile à tel
endroit pour en déterminer la latitude",
W *-><-!Lj signifie au propre «avertissement, admonition, avis". Je lai Ira
L'EMPIRE SUiMATRANAlS DE ÇRÎVUAYA. 103
la haute mer, du côté de l'ouest, il y a une séi-ie d'îles. [Voici quelle
est] la roule nu lar^o-e : de Gâmis-fula aux îles de Indrasâbûr qui soat
les premières ea commençant par le nord, au sud-sud-oiiest — elles
sont en face de Mâkiifâng; — la distance entre ces deux points est de
S zâni. Ensuite, au sud, une grande ile aux nombreux criques '"' et
ports, appelée Mïkâmfirûs où les P'arkadayn sont par 6 isba 3//i [— 3° 62'
nord environ]. C'est le pays dont sont originaires les Balak anlhro|io-
phages. — Nous implorons d'Allah le pardon et la sécurité ! — luilre
cette île et la côte occidentale de Sumutra, il y a également 8 zâm de
distance. Si, de celle île, tu fais route à l'est-i/Zi sud, tu arrives dans un
groupe d'îles parmi lesquelles sont : Pulaw Bânyak'-*, Pulaw Lumbû''',
Pulaw Lûiû''', l'île de Talâgîh *^' et des îles désertes '"^ jusque près de la
côte. Sur la côte, se trouve le port de Siukil''^, là où les Farkadayn sont
(luit par le terme nautique équivalent : ff attention 75 , qui est imprimé en
caractères gras dans les Insh-uclioiis nauliqups modornes. Les instructions qui
suivent ce titre mis ainsi en relief ont pour but de mettre en garde les marins
contre les dangers de la navigation en tel ou tel endroit.
t') D'après BïRÛNï , i_^ yubh, plur. vU'^' ayhàb , signifie tf golfe, baien et
rjj^ hïir, plur. \\^\ ahwâr, trestuaire de fleuve formant golfen [Alberuni's
India, édit. et trad. E. Sachau, p. /■►' du texte arabe et p. 208, t. I, de la
traduction anglaise). L'indication est exacte du point de vue géographique;
mais, en terme do marine, Ijûr a le sens de «lagune, crique». Cf. Instructions
nautiques sur la mer Rouge et le golfe d'Aden, n" 681, i885, p. xv, sub verbo.
(-) Pulo Banak. Vide supra, p. 9/1 et note 7. Le texte a ici la leçon fautive
^b Bànî pour ^^loLj Bànyah.
(^) Je n'ai pas à ma disposition de document cartographique me permettant
de situer exactement celte ile. 11 s'agit sans doute du groupe insulaire gisant
en face de Baros.
W Ibid.
(^) Ibid.
(*' Le texte a caLl-ii^, de la racine vj-^ «être ruiné, dévasté, dépeuplée.
(t[The Moorish pilot], rapporte TeixiîiraÎ though reputed the best in those
riarrow seas [il s'agit du golfe Persique], ncarly put us liigli and dry al a
pass vvliich the jMoors call Karab [hre v'r=^ haràb], that is, trljroken'i or
(fruinedn. They say that there was a great city, that was overflowed by reason
of ils iow positions ( The travels of Pedro Teixëika , trad. et annoté par William
V . Sinclair et Donald Ferguson, Hakluyt Society, 2° série, n" IX, 1902 , p. 26).
La traduction de loblji- par wdésertesn implique que les îles en question ont
été dévastées et dépeuplées.
'') Exactement Sinkil, mais communément appelé Sinkel. La notation arabe
Sinkil est fautive, car la sifflante palatale n'existe pas dans les langues de
Sumatra.
104 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
par 6 i?bn 1/2 [= 3° 26' nord environ]. C'est un eiulroit à récits de
roches. Après ces îles, en se dirigeant vers ie sud, (fol. 79 v°) se trouve
une île située en lace de Pancûr — entre ces deux points, il y a environ
8 zâm — appelée Mankâriis '"'. Sache que la roule de l'île de Mankârûs
à Pancûr est à Tesl-sud-esl; mais prends bien garde [aux parties] mal-
saines '"' dans ces endroits.
Parmi les lies connues [sont lés suivantes] : l'île Nihâ''' qui est située
au-dessus [=au sud'*^] du port de Pancûr; Pile Bâsalâr qui est au sud
et au large de Pancûr'^'. Il se trouve dans cette dernière. île un cours
d'eau qui ne tarit jamais "'. Mais combien il y en a encore d'îles non
mentionnées ici et de récifs de roches !
'') Dans le même traité du ms. 2659, au foL 70 v°, 1. li et suiv. , Silaym.is
cite les ports et iles suivants, qui sont situés à l'emlroit où les Farkadân sont
par 6 isba : >-^,U« s...jv^ «i" >^-»aJLi >>xJo aî' ï-Ia^ cj"^ cj^ u y j"^^ fi~^ *ïi^
K U f>. (^guoL» (j« tdrï^b ^ ^y^wj Jv^sj n^laiâka [sur ia côte occidentale de la
péninsule malaise]; puis ie port de R&kan sur la côte orientale de [i'île de]
Sumutra: puis ie port de Pancûr; puis i'îlo ^làrûs, qu'on dit s'appeler aussi
Fulo Bâbïk [et qui est située] à l'ouest de [l'iie de] Sumulra.55 Mankârûs
est , sans doute , une erreur de graphie pour Mârûs et i'ile en question est à
identilier à Pulaw Babi, au large de Fancûr-Baros. Vide supra, p. 88, n. 2.
'-) ^Im^ù] , pluriel de g^, signifie au propre tr saleté, malpropreté»; c'est le
contraire de iJ^-*^3 «propre». Ces deux mots répondent en terminologie nau-
tique française à tfsaiuîî et «malsain», avec ie sens de «endroit où la naviga-
tion est ou n'est pas dangereuse». Cf. les passages suivants des instructions
nautiques sur la mer Roufre et le golfe d'Aden, n° 681, i885 : p. 56 «Au sud
des îles Djilalin jusqu'à Kosseu', la côte a comme direction générale le S. S. E
et est assez saine»; p. 70 «le chenal en dedans de Makaoua ... est sain»;
p. 85 «Le passage entie Shah [=sa'b] Gousser et Siiab Touil parait sain»;
p. 65 «La BAIE MALSAINE ... est pleine de récifs et de roches sous l'eau»;
p. 86 «Approche de Saouakin par l'est. — Le chenal ... est malsain pour les
navigateurs qui ne sont pas pratiques de la localité ; on consedle donc de ne
pas le prendre jusqu'à nouvel ordre».
(') Le texte a l^^-•, que je lis Us^J. On sait que le nom indigène de l'île de
Nias est Niha.
W Les cartes arabes ont une disposition différente des nôtres. Le sud est en
haut de ia carte; le nord, en bas; l'est, à la gauche du lecteur et l'ouest, à sa
droite. Tel endroit au-dessus de tel autre est donc au sud de celui-ri. Pour des
expressions de ce genre, cf. Ibn Khaldûn, t. 11 de mes Relations de voyages,
p. i6i.
'■'■''> 11 s'agit d'une île Pancûr de la côte orientale de Sumatra, dont le nom
est homographe de celui du célèbre port du camphre de la côte occidentale :
Pancur-Baros.
(") Litt. qui coule toujours.
{A suivre.)
UNE INTERPOLATION DU CHE Kl.
LE TABLEAU GALENDERIQUE
DE 76 ANNÉES,
PAR
LÉOPOLD DE SAUSSURE.
On sait qu'à la fin du xxvf chapitre du Che ki, traitant du
calendrier, se trouve un tableau embrassant une nc'riode de
•76 années, c'est-à-dire une période luni-solaire jmu ^ ana-
logue à la période grecque de Callippe. Ce tableau comporte
d'abord six colonnes relatives à la répartition des mois et des
jours dans chacune des années successives; puis une colonne
indiquant la double appellation, dénaire et duodénaire (Yen-
fong Clto-t'i-lco, etc.) de l'année; puis une dernière colonne
affectée aux noms des périodes de règne, nien-hiao ^ ^, dont
la première, t'ai-tch'ou -j^ |/j (Grand commencement), fait
allusion à la réforme calendérique de l'an ^oà, suggérée par
les coïncidences exceptionnelles qui avaient marqué le solstice
d'hiver précédent.
Dans sa traduction des Mémoires historiques de Se-ma Ts'ien,
Ed. Chavannes a présenté ainsi ce document (t. III, p. 339,
n. Zi):
Après avoir rappelé le décret par lequel l'empereur Ou instituait le
nouveau calendrier t'ai-tch'ou, Se-ma Ts'ien va exposer ce qu'était
l'iincien calendrier t'ai tch'ou des Yn. L'eiieur dans la(|uelle sont tombés
106 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
la plupart des commentateurs a été de croire que le tableau qui va suivre
représentait le nouveau calendrier t'ai tch'ou de l'empereur Ou; les noms
des périodes d'anne'es sont vraisemblablement une interpolation de
Tch'ou Chao-suen, eiSe-nia Ts'ieii avait dû se borner à donner le scbéma
d'une période de 76 années comptée à partir d'une origine première
appelée t'ai tch'ou.
Dans l'appendice III du même tome, après avoir expliqué
io contenu des diverses colonnes, i'éminent sinologue conclut
(p. 665) :
Qu'est-ce que le calendrier qui nous a été conservé par Se-nia Ts'ien?
L'bypothèse qui paraît la plus naturelle consisterait à admettre que nous
sommes en présence du calendrier t'ai tch'ou qui fut institué eu io4
avant J.-G, et à la rédaction duquel Se-ma Ts'ien lui-même collabora.
En eiïet, les noms des périodes d'années qui se succédèrent à partir de
la période t'ai-tch'ou sont distribués régulièrement dans le tableau des
Mémoires historiques et ce tableau parait donc bien, à première vue,
prendre son point de départ, comme le calendrier t'ai-tch'ou, en l'année
io4 av. J.-G.
Il est à remarquer cependant que ces noms de périodes d'années son!
donnés jusqu'en l'an 39 av. J.-G. Ils sont donc une interpolation mani-
feste, car Se-ma Ts'ien dut mourir au commencement du règne de l'em-
pereur Tchao (86-76 av. J.-G.). Ils ont sans doute été introduits dans
le texte par Tch'ou Chao-suen (cf. t. I, p. ccui). Dès lors la présence
de ces noms de périodes n'a plus l'aulorité qu'elle aurait eue si nous la
devions à Se-ma Ts'ien lui-même.
D'autre part l'année yeu-fong cho-t'i-ko correspond dans la notation
moderne à une année ^ 'J|, Si" du cycle. Or, la première année t'ai-
tch'ou (lo/i av. J.-G.) est une année "X -B:! 1^° Ju cycle. Par consé-
quent l'année yen-fong cho-l'i-hv, par laquelle commence le calendrier
des Mémoires historiques, ne peut être identique à l'année 10/i av. J.-G.,
qui est le point de départ du calendrier t'ai-tch'ou.
Enfin le calendrier t'ai-tch'ou était fondé sur un rapport entre la
mesure du temps et les proportions musicales; comme 81 était le
nombre qui exprimait lés dimensions du tuyau sonore rendant la note
fondamentale kong, le jour était divisé «mi 81 j)arties '"' et on disait que
('^ La division du jour en 81 parties lut imaginée par Lo-hia Hong (dont
le nom de famille, d'après un commentaire, était ^ ~^ et le nom person-
UNE INTERPOLATION DU CHE Kl. 107
la lunaison se composait de îîq jours el ^ de jour. Nous ne trouvons pas
cette ëvalualion chez Se-ma Ts'ien, qui eslime la lunaison à 29 jours et
^ de jour ''^. Le calendrier des Mémoires hisioriques n'a donc rien de
commun avec le calendrier t'ai-tch'on.
Celte conclusion me paraît juste, car je crois que ce tableau
a é\é intercalé dans le Che ki sous les Han postérieurs. Mais
les deux dernières raisons sur lesquelles elle se fonde ne sont
j)as probantes; l'appellation }en-fong Clio-t'i-l,o est conférée à
Tannée t'ai tch'ou non seulement par le tableau calendérique,
mais piir le texte du cbapitre en cause el par le Ts'ien Han
(hou, comme on le verra plus bas. El la fraction g^, ramenée
au dénominateur 8 1 pour correspondre à la division du jour,
est éf|uivalente à la fraction |||, qui ne figure d'ailleurs pas
au Clic Jn\ sauf dans le tableau suspect dont il est ici question.
Celle remarque — continue Chavannes — avail ëlé déjà faite par le
malliématicien Mei Wen-tlng (1 633-1 721), qui disait : ffLe système
que donne Se-ma Ts'ien n'est pas celui qui avait cours à son époque;
c'est en effet le calcndi'ier des Yn et non celui des Ean. n
Celle affirmation eût été intéressante si ce mathématicien
l'avait appuyée par quelques arguments techniques. Tel n'est
malheureusement pas le cas; il émet une supposition gratuite,
suggérée simplement par le fait que, dans le Ts'ien Han chou,
nel ^ ). A la même page (I, 11), le Lu-li (che reproduit la fin d'uu passage
du Clic li que (Jliavanues traduit (j1/. H., III, p. 33o) : trQuand rcmpereur
actuel eut pris le pouvoir, il niauda aupics de lui le savant Tann Ion et lui
assigna le minislère du Ciel." Mais, d'après un commentateur du Ts'ien llan
chou, ^)* 5^ p15 signifierait «mesurer l'intervalle des sieoun. Cetle leçon
(confirmée par un autre passage où ^ rfï a le sens de «milieu des divl-
sionsîî) convient mieux au texte du Lu-li : «{Tang) lou délimita les secteurs
du ciel et (Lo-hia) Hong fit progresser les calculs du calendrier. Sa règle se
servait des tuyaux sonores comme base du calendrier, n
^'' Par inadvertance, Chavannes écrit ici ^ au lieu de ^°°; l'erreur s'ex-
plique quand on se reporte à la pagi; i\M), oit ces deux fractions ligni-cnl sur
une mémo ligne.
108 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
après avoir retracé les circonstances dans lesquelles le calen-
drier T'ai-tch'ou fut élaboré, Pan hou rappelle les critiques
(d'ordre métaphysique) dont ce calendrier fut l'objet de la
part de Tchang Cheou-ivang, qui succéda à Sseu-ma Ts'ien dans
la charge de grand astrologue, et ajoute que «le calendrier
préconisé par Cheoii-ivang était le calendrier des Yin tel que
s'en servaient les grands astrologues officiels».
Il est possible que Sseu-ma Ts'ien eût préféré l'adoption de
ce calendrier à celui dont il fut chargé, par décret, d'assurer
l'application. Mais il n'y a pas là une raison suffisante pour
identifier le tableau calendérique du Che ki au calendrier des
Yin. Tout calendrier chinois se composait alors de deux élé-
ments : de certaines données numériques tirées de l'observation
des faits et de théories cherchant à relier ces faits aux idées
métaphysiques en faveur. Nous ne voyons rien de tel dans ce
tableau. Par ailleurs, la seule caractéristique technique que
nous connaissions du calendrier de la dynastie Yin, c'est qu'il
faisait commencer l'année au mois ^ et non au mois H . Or
cette indication ne figure pas, et ne saurait figurer, dans le
tableau du Che ki, puisqu'on y trouve simplement six colonnes
consacrées au décompte numérique annuel du processus de la
période poii, une septième consacrée à la notation sexagési-
male usitée sous les Ts'in et une huitième qui, de l'aveu de
Chavannes, est interj)olée.
Pour rattacher la supposition, faite par le mathématicien
Met, au tableau du Che ki, il faudrait au moins y trouver un
élément astrologique. La seule colonne qui pourrait donner
une maigre satisfaction à ce desideratum est celle où figure la
notation Yen-fong Cho-l'i-ko; car ce cycle, originellement en
connexion avec la révolution de Jupiter, est exposé par Sseu-ma
Ts'ten dans le chapitre des Gouverneurs du ciel , avec son emploi
astrologique reproduit d'un document de la fin des Tcheou.
Mais Chavannes n'est guère fondé à la rattacher à un prétendu
UNE INTERPOLATION DU CHE KL 109
calendrier t'ai-tch'ou des Yin^ puisque, tant dans le texte du
Clie kl que dans celui du Ts'ien-Hon chou, cette appellation Yen-
fong Cho-t'i-ko est liée au calendrier t'ai-tch'ou impérial et à
l'année loh av. J.-C. '^l Le chapitre authentique se termine,
à mon sens, par la phrase qui suit le décret instituant la nou-
velle période (M. ^., III, p. 332) :
... Le onzième mois, au jour ^ ^ qui était le premier jour du
mois, au malin, est survenu eiïeclivement le solstice d'hiver. Je change
donc la septième année et j'en fais la première année t'ai-tch'ou.
Le nom de l'année est Yen-fong Cho-fi-ko; le nom du mois est Pi-
tsiu. Quand le jour ^ ^ est arrivé, au milieu delà nuit qui est le
matin du premier joiu' du mois, c'est le solstice d'hiver.
[Interpolation. ] Tableau de la méthode du calendrier disposé d'après
le cycle ^ -^ :
La première année t'ai-tch'ou, le nom de l'année est Yen-fong Cho-t'i-
ko ; le nom du mois est Pi-tsiu; quand le jour ^ ^ est arrivé, au
milieu de la nuit qui est le matin du premier mois, c'est le solstice
d'hiver.
En réalité, cette répétition de la phrase est de la main de
l'inlerpolateur, qui a cru devoir intercaler, à titre explicatif,
le tableau d'une période de 76 ans'^'.
('' Ces deux textes, qui se complèlcnl mutuellement, provienneiit d'ailleurs
avec évidence du calendrier Tai-tch'uu lui-même , rédigé par Teng P'ing.
Cette identification du tableau du Che ki à un calendrier des Yin a été
développée par Chavannes dans un article du Journ. as. de uov.-déc. i8go.
On n'y trouve aucun autre argument à l'appui de sa théorie.
Dans cet article, comme aussi dans son appendice 111, Chavannes a exposé
au sujet du cycle de Jupiter (mis en cause par l'expression Cho-t'i-ko) d'inté-
ressantes théories, critiquables du point de vue astronomique, mais qui ont
posé le problème et servi de base à la discussion (cf. Toung Pao, 1918 et
191 4 : Le cycle de Jupiter et 1911 : La règle des Cho-t'i; ainsi que la réponse
de Chavannes dans son mémoire 1/ instruction d'un futur empereur de Chine.
'^) Comme nous le verrons plus loin , les circonstances exceptionnelles du
solstice t'ai tch'ou, tombant sur le jour tp ^ et sur la conjoncticm luni-
solaire, en firent un point de départ prestigieux pour les computations astro-
Domiques et calendériques des temps suivants. Il était donc naturel d'inter-
110 Jl ILLET-SEPTEMBRE 1922.
Ij'asserlion d'après laquelle le terme Yen-fong Cho-t'i-ko ne
saurait désigner l'année lo/i av. J.-C. n'est d'ailleurs pas fon-
dée. Comme je l'ai montré dans le T'oung Pao (191/1, p. 682 ;
1913, p. 397), en discutant les données historiques réunies
par Chavannes, l'emploi, fort ancien, des positions sidérales de
Jupiter n'a donné lieu à un cycle continu qu'à partir des envi-
rons de l'an 38g av. J.-C, époque à laquelle la progression
annuelle de celte planète concorde effectivement avec les indi-
cations des prophéties apocryphes du Tso tcJiouan et avec l'ori-
gine du roulement duodénaire révélé par le texte relatif à
l'an 239. Mais, comme les positions duodénaires de Jupiter se
modifient d'une dodécalémorie en 86 ans, le cycle devait être
déjà fortement dérangé à l'époque de Lu Pou-wei et allait
atteindre une avance de deux dodécatémories aux environs de
l'an 208. Or, précisément, le deuxième texte, relatif à l'an 17/1,
montre un changement de 2 rangs.
Mais, après celle mise au j)oint, le roulement duodénaire du cycle
Clio-t'i-ko s'est perpétué sans plus tenir compte des positions de la pla-
nète. . .
11 faut mentionner, cependant, une tentative de réforme'*' en l'an lo/i
av. J.-C, à l'occasion de la promulgation du calendrier T'ai tch'ou. La
péiiode t'ai tch'ou prétendait inaugurer une ère nouvelle dont le point
de départ se tiouvait dans les merveilleuses circonstances qui entourèrent
le solstice d'hiver du début de celte année : ce solstice tomba (ou fut
censé tomber) à la fois sur un jour ^ ^ et sur le premier jour du
caler, à la suite du décret instituant le Graud-conmiencement t'm-lcU'ou, le
tableau-type d'une période de 76 ans.
Le caractère suspect de ce tableau se manifeste déjà d'après les diverses
constatations disséminées dans l'ouvrage de Chavannes : 1° la colonne des
noms de règne est interpolée (111, p. 665); 2° la postface du tableau est
fausse (111, p. 338): 3° le titre du tableau est interpolé (I, p. ccvui).
C Cette expression n'est pas adéquate. Sous le règne de Wuu ti , le roule-
mont duodénaire fictif était déjà entré dans les mœurs et on ne songeait plus
à ie réformer. Mais on savait que, récemment encore, le cycle était basé sur
le lieu vrai de la planète; il était donc d'un heureux augure que Jupiter se
trouvât au point de dépai-t de sa révolution en l'année t'ai-tch'ou.
UNE INTERPOLATION DU CHE Kl. 111
mois, Jupiter se trouvant en outre en Sing-Ici ^ ^Ë» ( l' Astérisme-
repère, point de départ anlii|ue de la révolution de cette planète). Ces
coïncidences Curent présentées à l'empereur comme terminant une pé-
riode de 4617 ans et inaugurant une ère nouvelle dont la première
année était Ngo-fon{;- Clto-t'i-Lo'^^ [Toung Pao, 191 4, p. 083).
fM^afi i^mmm^i^zm ^ ^ + - jî ^ =^m
g ^ ^ 0 J^^'^SMo Ainsi, en compulant rétrospectivement
depuis le T'ai tch'ou du Chang-ijuan (alla origo), /i()i7 années s'étant écou-
lées jusqu'à la 7° année de la période yuan Jung (loi av. J.-G. ), se retrouva
l'année Ngofong Cho-t'i-ko : au milieu de l'hiver, en la 1 1* lune , au jour hia-
Iseu, au matin de la nuit qui marque le 1" jour du mois, le solstice d'hiver
se produisit, le soleil et la lune se trouvant en Kien-sing (= Teou — Sing-ki,
cf. ToungPao, 191 i, p. (352).
La position de Jupiter est sous-entendue dans l'expression Cho-t'i-ho; car la
planète étant en Sing-ki = ^ , la Grande année se trouve en J^ = Cho t'i-ko
{M. H., 111, p. 357). Cette position ne concordait pas avec le roulement
calendérique légué par les Ts'in; mais, à cette époque, on se rendait déjà
compte qu'il ne fallait pas attrihuer à la planète une révolution moyenne de
1 a ans , comme on le croyait autrefois tout en constatant ses perturbations.
On s'abstenait de rectifier le cycle calendérique d'après le lieu vrai de Jupiter.
Un remarquera d'ailleurs que 4617 est divisible par 19, mais non par 19, ni
par 76, comme c'est le cas du Cliang yuan imaginé sous les Han postérieurs
(voir plus bas).
Le Ts'ien Han chou orthographie ïïM , comme le Eul ya , tandis que le Che
ki emploie la variante ^ [M. H., 111, p. 6.52).
Par ailleurs, j'ai montré que la série duodénaire Cho-t'i-ko équivaut à la
série des douze branches, laquelle représente les douze mois, ^ étant la
lune solsticiale. Cette équivalence ressort de la symétrie originelle de la liste
Cho-t'i-ko telle qu'elle a été retrouvée par Houai-nan tseu (où les mois cardi-
naux sont tris\llabiques), tandis que le cvcle légué par les Ts'in est déformé,
comme le sont aussi le cycle des douze animaux et la liste Pi-tsiu (cf. Toung
Pao, 1910, p. /169, ^76, 588). Yen f on g Cho-t'i-ko correspond donc origi-
nellement à ^ -^ . A l'époque où j'ai signalé ce fait, j'ignorais qu'il se trouve
confirmé par des textes du Che ki et du Ts'ien Han chou, qui reproduisent
évidemment ceux du calendrier Tai-tch'ou. On lit en effet dans le Lu-li tche ,
■X partie, p. 7 v°, que la période jj[^ de 6617 ans se subdivise en 3 i'ong ^
$J de 1539 •''"S; le premier est le t'ong du Ciel et commence en une année
^ -^ , le second est celui de la Terre et commence en une année ^ ^ i
le troisième, celui de l'Homme, commence en une année ^ ^ . — Ainsi
donc, d'après ie roulement cyclique actuel, commencé sous les Ts'in, l'année
io4 est marquée ~J" •J ; d'après l'équivalence admise sous les Ts'in ^ Yen-
112 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
Les circonstances remarquables de ce solstice étaient
d'ailleurs prévues, car l'empereur Wou se rendit en personne
au T'ai chan pour y accomplir un sacrifice, où l'officiant pro-
nonça les paroles suivantes (il/. //. , III, p. 5 i 2 ) :
Le Ciel a derechef donné à l'empereur les achillées magiques du -j^
■jÎ^ (— 3fc ^)' L3 période est révolue et elle recommence.
La remarque de Ghavannes, d'après laquelle l'année Yen-
fong Cho-fi-ko ne saurait correspondre à la 1™ année t'ai-tch'ou,
tout en étant exacte au point de vue purement calendérique du
roulement duodénaire actuel inauguré sous les Ts'in, n'est
donc pas conforme aux données astrologiques; elle est infirmée
par les textes du Ts'ien Bon chou et de deux chapitres du
Che kl.
Nous avons à examiner maintenant le dernier argument en
faveur de la thèse identifiant le tableau de 76 années à un
calendrier des Yin : le calendrier t'ai tch'ou de l'an loh éva-
luait la lunaison à 129 |^ jours, tandis que le tableau l'évalue à
29 IjI jours. Or ces deux fractions sont exactement équiva-
lentes. Si elles sont exprimées selon deux dénominateurs diffé-
rents, c'est qu'il s'agit dans le premier cas de spéculations mys-
tiques associant les lois de l'acoustique à celles de l'astronomie,
et dans le second cas du décompte arithmétique du processus
annuel d'une période luni-solaire de 76 ans. Comme cette
période comporte 27769 jours à répartir dans 9/10 lunaisons,
le dénominateur Cjlio s'impose; on ne voit, d'ailleurs, pas de
relation entre ce dénominateur 9^0, qui caractérise un calen-
Jon^ Chn-t'i-ko — B^ "^ et, d'après la symétrie du système cosmologique, la
correspondance originelle est Ç ^ •
Ce passage important démontre que, déjà au temps de Sseu-ma Ts'ien, on
appliquait aux années (mais non pour l'usage calendérique effectif) la notation
^ -^ . Au point de vue théorique, l'interpolateur n'a pas commis une erreur
en attribuant le signe ^ ^ h la 1" année t'ai-tch'ou.
UNE INTERPOLATION DU CUt: Kl. 113
di'ier astrononiiquo postérieur à la découverte du pou, et un pré-
tondu calendrier (iHlvologique de l'antique dynastit; des Yiit.
Si l'on convertit ces fractions en décimales, on obtient :
Evaluation de la lunaison en jours.
Tirée de la période de Méton : |^ = 29,58191
Tirée de la péiiode de 76 ans : ^= 29,53o85 )
Tirée du calendrier t'ai-fch'ou : 29 ^= 29,58086 )
Tirée de notie astronomie moderne^ 29,58069
1/identité entre l'évaluation tirée de la période de 76 ans
et celle du calendrier Tai-tchou est manifeste. Toutes deux
diffèrent en outre franchement de l'évaluation tirée de la période
imparfaite de Méton, comme aussi de la valeur vraie.
On voit donc que les divers indices par lesquels Chavanncs
a cru pouvoir conlirmer la supposition gratuite du mathémati-
cien Met sont illusoires. Le tableau du Che kl n'est pas un
calendrier astrologique ni un calendrier des }iii; il présente
simplement le décompte arithmétique du processus annuel
d'une ^riioAe pou.
\jH connaissance de cette période de 7 G ans paraissant être
impliquée dans l'évaluation de la lunaison à 29 ^j' au temps
de l'empereur Wou, rien n'empêche, semble-t-il, d'attribuer à
Sscu-ma Th'k'u lui même l'insertion de ce tableau dans le Che là.
Mais cette conclusion serait erronée, car ce tableau, comme
0:1 va le voir, a été, en réalité, interpolé au plus tôt sous les
lliin postérieurs.
I)K LV CO.^WISSANCE DES PÉRIODES LUNI-SOLAIRES
SOUS LES HAN ANTlhîlEURS.
Les Hdii antérieurs ont-ils connu et employé la période pou
de 7 G ans? Les arguments qu'on pourrait faire valoir en faveur
de cette thèse sont les suivants :
(ij (Ihavamics a aHii-nn' (pic cette période avait servi de
lU JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
base à ia constitution du calendrier des Tsin et des premiers
H an ;
b) L'évaluation de la lunaison, dans le calendrier T'ai-
tch'ou, équivaut, comme je l'ai montré plus haut, à l'évaluation
déduite de la période jî^om;
c) Les propos tenus, en l'an iio av. J.-C, par Kong-suen
K'ing, impliquent la connaissance d'une période luni-solaire ;
d) Le tableau du Che hi, considér('' comme authentique par
la critique chinoise, expose numériquement la théorie complète
de cette période.
Nous allons examiner successivement ces indices.
a) Prétendu emploi de la période ccdlippique sous les premiers
Han. — Dans l'appendice II du tome III de sa traduction,
Chavannes a montré que la brusque apparition, sous les Ts'in,
de la théorie des tuyaux sonores et de la progression harmo-
nique par quintes est vraisemblable?nent une importation des
nombres pythagoriciens par l'intermédiaire de la Bactriane. On
ne peut que souscrire à cette conclusion, car l'esprit d'obser-
vation et d'analyse exigé par une telle découverte n'est guère
l'apanage du génie chinois.
Aussitôt après Alexandre, riiypolhèse de relations entre la Chine et le
monde grec cesse d'être invraisemblable. Si Mégastliène put être envoyé
en ambassade à Pàtaliputra de 3i i à 3o-2 av. J.-C. . . ., ou ne voit pas
pourijuoi l'influence grecque n'aurait pas pu, vers la même époque,
trouver du côté de l'ouest sa voie jusqu'en Chine.
Mais cette judicieuse constatation a induit son auteur à faire
d'autres rapprochements :
Peul-êire l'aul-il \oir aussi une trace de l'influence hellénique dans
les notions aidiiiiiiques que nous trouvons exprimées en Chine dès
l'an i33 av. J.-C. avec une singulière précision. Entin la conslilulioii
UNE lNTKItl>OLATION DU UŒ KL tl5
du calendrier chinois rappelle à maint égard la constitution du calen-
di'ier grec.
En ce qui concerne l'historique des notions alchimiques, je
me déclare incompétent. Mais je crois hien savoir que le calen-
drier chinois n'a rien emprunté au calendrier grec. Ce n'est
pas ici le lieu de discuter à fond cette question, qui sera traitée
dans les articles ultérieurs des Ongiites de Fustroiiomie chinoise;
je me borne donc, pour la compréhension de ce qui va suivre,
à rappeler les caractéristiques du calendrier chinois — resté
essentiellement le même depuis la haute antiquité jusqu'à l'in-
tervention des Jésuites au xvif siècle — et la différence qui le
distingue du calendrier grec.
Ce dernier avait pour but de déterminer la date des jeux
olympiques, fixés tous les quatre ans à la pleine hme qui suit
le solstice d'été. Si les Grecs avaient pratiqué l'observation
du gnomon, comme les Chinois le faisaient alors depuis une
vingtaine de siècles, cette formule leur aurait fourni une règle
excellente. Mais, si géniales que fussent déjà les spéculations
de leurs philosophes, les Grecs ne se mirent pas à observer
méthodiquement avant la fondation de l'école d'Alexandrie. Le
calendrier des diverses cités était encore basé sur les levers
d'étoiles; la durée de l'année et de la lunaison restait incer-
taine, et l'on cherchait surtout à découvrir une période luni-
solaire permettant d'établir un calendrier perpétuel ('l
Ces souvenirs classiques ont inspiré à plus d'un auteur l'idée
(jue le calendrier chinois, lui aussi, devait être fondé sur la
''' l'^aule d'observations ancicmics de lu durée de l'anuée Iropicjue par le
[[iionion, la l)nsc de comparaison ne pouvait être trouvée que dans l'année
sidérale coufronlée avec l'erreur des di\ei'ses périodes luni-solaires essayées
depuis plusieurs siècles, parmi lesqueiles la nioins mauvaise était l'octaélé-
ride. Diodiu'e dit que Méton s'était consacré à la rectification des observations
de levers d'étoiles et qu'il déduisit sa péiiode de l'exauien des mois interca-
laires attiques (cf. GiNzut., Uanilbuch . Il, p. 389).
116 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
recherche de périodes porpétuelles. Mais c'est une erreur; ce
culen(h"ier, depuis la haute antiquité, est étahli sur l'observa-
tion du solstice d'hiver par le gnomon *'', qui en maintient la
concordance avec l'année iropique et désigne automatiquement
l'année embolismique.
Le rang du mois intercalaire parmi les douze lunaisons nor-
males n'a pas grande importance : on pourrait lui assigner
une place fixe, à la fin de l'année par exemple. Cependant,
dès la haute antiquité, les Chinois ont tenu à désigner le rang
qui revient au mois intercalaire d'après la symétrie des phases
cardinales ''■^'; le texte du Yao tien spécifie que les mois médians
de chaque saison, /tf* ^, i^ M^ i^ ^X, i'^ ^-t sont déter-
minés par les équinoxes et solstices; il ajoute que le mois inter-
calaire sert à régler ç^les quatre saisons 55. Tel est, en effet, le
principe du calendrier chinois et on peut constater, dans le Lu
/î'(IP partie, p. 1, 5, 8), que le rang des années intercalaires
dans la période tcliang est déduit de la répartition des lunes
dans les tcliong Iri.
Cette règle des tchong hi 4* M » (jui apparaît seulement
C' Cola ost dëmuntiT', coiumo ToiiL Lion vu Gaubil, J.-B. liiot ol Ideloi,
par le fait que les sioon cardinaux contenant les phases cardinales de l'année
tropique sont exactement indiqués par le Yao tien (cf. Le zodiaque lunaire,
dans le Toung Pao, 1922). Cela est confirmé en outre par la cosmologie chi-
noise, qui place l'origine des révolutions en -^ et par l'identité du calendrier
des Hia avec le système des palais célestes et des équivalences normales de la
cosmologie. Enlin, dès que les documents deviennent explicites, on y voit spé-
cifiée l'observation du solstice d'hiver par le gnomon {Tso Ichouan, Tcheou
li, etc.).
'-) La désignation de la lunaison solsliciale -^ par le gnomon assure une
concordance annuelle, mais non pas trimestrielle, entre l'année civile et
l'année tropique. Elle n'empêchera donc pas les phases carfUnales ^|5 , ^ ,
^ de sortir parfois des lunaisons cardinales ^|5, v^, ^.
La règle cardinale d'intercalatlon, spécifiée par le ïao tien, commcnce-l-elle
à être l'cconnuc; aussi dans les documents clialdéens? Cela semblerait résulter
d'un passage de (iinzel (llandliucli , 111, p. 306) relatif à l'existence d'une
l'èjjlc d'inleicalaliun, à l'c'poque de llainiiiu-rapi, ffum das Mondjahr in unge-
lalire t lii'rciiisl luniiim;; mit dcn Jalireszciton /ii briai'cii".
îi.
UNE INTERPOLATION DU UlE KL 117
sous les TclieouA^^ (quoique probablement bien plus ancienne),
fixe, non plus Irimestriellement, mais mensuellement, le rang
qu'il faut assigner au mois intercalaire, d'après la formule
lapidaire : ^ ^ ^ 4* ^ «le mois intercalaire est celui ([ui
ne contient pas de tchoiig Iri-n ^~\ dette formule, reconnaissable
dans un passage du Tso Ic/iouan, est indiquée dans le Che hun
kio du Tclteou cfioii , chapitre rédigé sous les Han et rappelant
les règles calendériques de la dynastie Tchcou.
La méthode chinoise, par cela même qu'elle maintient,
d'a])rès une règle fixe, la concordance de l'année lunaire avec
l'année tropique, détermine automatiquement une série d'inler-
calntions recommençant au bout de 19 ans, comme on le voit
dans le Lu h du Tsien Han chou; ce retour périodique des
années intercalaires doit avoir été connu 1res anciennement,
car il est peu croyable que les Chinois aient pratiqué, pendant
tant de siècles, leur méthode solsticiale sans le remarquer.
Mais cette période n'est pas rigoureuse et ne se reproduit pas
indéfiniment si l'on considère un point de départ invariable,
car elle est en rapport avec l'année fictive juh'enne et non pas
avec l'année tropique réelle '^'. On conçoit donc que la connais-
sance de la période tcliang n'ait joué en Chine qu'un rôle subsi-
diaire et non un rôle fondamental comme en Grèce, où le but
C' ^()^l• Jauni, /i.s., iivril-jiiin njai, |). 957 et 277, et janv.-mars Kjao,
p. 58-01.
- Si les mois liimiircs équivalaient aux mois solaires (/>:'«), le milieu de la
liuu'isdn (•(mcdidcrait avec le milieu du mois solaire. Comme la lunaison est
plus courte d'cnviion un jour, cet accord est vite rompu; mais, pour main-
tenir un niiniuuim de concordance, on spécilii' que chaque mois lunaire doit
au initins contenir le milieu d'un mois solaire. — Dans le Ts'icn llan chou ,
la ni(''ni(' rèjjle est exprimée sous cette forme équivalente : (Juand la distance
^^ liv la iK'omi'nie au préccklcnt Icliong k'i est ('{jale ou supc'iieure à la
lun,ii.,iii , retl(i lune est intercalaire. Car alors, en ell'et, elle ne saurait conte-
nir un Iclionjj-L'i.
' L'évaluation de l'année à 3G6 jours n'apparaît qu(^ dans le Yao tien et a
dû élre remplacée très anciennement jjar l'évaluation 365,35 sur laquelle sont
Itasé'i's li's inicicalaiions de la pc'iiodi' Tcli'dnrii-ls'irnii.
118 JriLLET-SKPTEMBRE 1922.
recliprch('' était de découvrir une règle perpétuelle. A côté de
leur calendrier luni-solaire, reposant sur une évaluation provi-
soire de la durée de l'année et de la lunaison, les Chinois ont
eu, dès la haute antiquité, le cycle sexagésimal des jours, qui
corrigeait l'inconvénient du calendrier empirique en enregis-
trant le nombre des jours écoulés. La date du solstice tombant
sur la néoménie et sur le i" jour ^ -^ du cycle attirait natu-
rellement l'attention ^^' et fixait un point de départ qui mettait
en évidence la série périodique des intercalations. Il est donc
vraisemblable (et certain passage du Tso (chouan semble le
confirmer) que les astronomes se confiaient plus ou moins à
la notion de la durée des révolutions, ou à la période tchang'^\
pour établir à l'avance le calendrier, jusqu'au jour où, l'erreur
s'étant accumulée, ils étaient rappelés à l'ordre par le résultat
de l'observation.
Ces exphcations préalables nous permettent d'examiner
maintenant la thèse de Chavannes, suivant laquelle le calen-
drier chinois serait basé, non pas subsidiairement, mais régu-
Hèrement, sur la connaissance d'une période luni-solaire; non
pas sur le cycle de i q ans, qui semble avoir été anciennement
eoiinu en Chine ^^J, mais sur la période de -y 6 ans, qui, en réa-
lité, n'y apparaît pas avant l'époque des Han postérieurs.
Comme la majeure partie des Mémoires historiques de Se-ina
Ts'teii se rapporte au siècle et demi qui s'écoula depuis l'époque
oij les Ts'in devinrent tout puissants jusqu'à la date de la mort
(') Le 7'«o tclioïKin nous montre, en l'an 655, le prince honoiant de sa
présence l'oltservalion du solstice d'hiver tombant sur le i" jour ^ ^ du
i"' mois.
'■'-' Les deux procédés reviennent au même, puisque le calcul de la règle
des tchong k'i comporte une évaluation des révolutions et indique à l'avance
la série ])ériodique des intercalations qui se reproduisent tous les nj ans.
'^) Ce l'ut l'opinion de Gaul)il; tout en constatant que Lo-hia Uuiig et Liroii
Iliii sont les premiers auteurs qu'on sache si'u'ement avoir parlé du Icltaug ,
il a admis, dans les Lettres édifiantes, que le cycle de 19 ans devait être connu
sous les Tchvou.
UNK INTERPOL\TION DU Cllf': KL 119
de l'fimpeivur Won . Chavannes avait à préciser le cadre dans
lequel so rangent les faits. Il a résumé ses recherches dans
l'article intitulé La rhronoloipc de Fan 238 à l'an 8 j avant J.-C,
puijlié dans le T'oiing Pao de mars i8(|G, et qui débute par
les affirmations suivantes :
Dès l'époque des Ts'in, et peut-être avant cette époque, les Chinois
ont connu la période de 76 années ou période pou ^. Celte période
se subdivise en quatre périodes de 19 ans, ou périodes tc/iang ^ , dont
l'une ne compte que 6989 jours, tandis que les trois autres en comptent
69^0. 11 est vraisemblable que les chronologistes chinois ne connurent
d'abord que la période tchang de 69/10 jours; on a dû introduire dans
le calendrier chinois, à une époque incertaine, mais assurément anté-
rieure au milieu du \if siècle avant notre ère, un perfectionnement iden-
tique à celui que Gailippe apporta en 33o av. J.-C. au calendrier g-rec
lorsque, au moyen de la période de 76 ans, plus courte «l'un jour que
h périodes de 19 ans, il loctitia l'usn^e de la période de Méton"'.
(' On voil iHJjKirailrc ici lu méprise de Chavannes. Les Grecs, n'étant pas
fixés sur ia durée de l'année et de la lunaison, la déduisirent de là période
e Méton, et la découverte de ce dernier portait efTectivement sur un inter-
valle de ôg'io jours, d'où l'on lira l'évaluation 365 -j^ de la durée de l'année
(Ginzel, lit, p. .388). Tout autre est le cas en Chine, où l'approximation
3(35.2.^ était depuis lonjjtemps connue et où l'évaluation de la lunaison tirée
du cycle de 19 ans ne fait pas intervenir le nombre d<ï jours 6yiio de ce
cycle, mais seulement le nombre de lunaisons compris(>s dans 19 années
lie 365.25 jours, ce qui a fourni au calendrier Tai-Ick'ou la même t'-valua-
(ion qui ressort de la période callippique.
Comme on le verra plus loin, le tchang fut, pour les Chinois, une période
déduite des Ichong-k'i et ramenant la même série d'inlercalalions; dans cette
constatation n'intervenait aucunement le nombre de 69/10 jours, dont l'erreur
s'accumulait en Grèce à chaque période. Cette erreur s'explique chez les
Grecs, puisqu'ils ne connaissaient pas l'évaluation 365.25 de l'année, mais
elle n'aurait aucune raison d'être en Chine, où la durée du tchang, si ou
venl l'exprimer en jours, ressort immédiatement à 69^9,75 jours.
EvaluHliiin dit l'dinu'e tropique.
Tirée de la période de Mc'lon 365.963
Tirée de la période de Callippe 365. a 5o
Tirée du {;nomon par les anciens Chinois 365. a5o
Tirée de notre astronomie moderne 365. a42
Lo comput pascal ecclésiastique est aussi basé sur la période de 19 ans,
120 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
Ces affirmations ne sont suivies explicitement (i'aiiriine
preuve. Mais, en étudiant l'exposé de la construction de ce
tableau, on s'aperçoit que, dans la pensée de l'auteur, la preuve
réside dans le fait que la période de 76 ans vérifie, d'une
manière systématique, les données cal^ndériques du Clie ki et
du Ts'ien H an cliou.
Il suffit de se reporter à ce qui a été dit des traits essentiels
de l'antique calendrier chinois, basé sur l'observation du solstice
d'hiver et du renouvellement do la lune, pour comprendre
qu'une telle induction est illusoire. L'observation directe de
l'aspect de la lune établit automatiquement la conformité des
mois lunaires avec les lunaisons réelles, de sorte que, au bout
de 'y 6 ans, à moms d'avoir mal regardé l'astre de la nuit, le
calendrier aura placé bout à bout ()lio mois et Q^ySg jours,
quand bien même les fonctionnaires préposés à ce soin n'au-
raient jamais entendu parler de la période callippique. D'autre
paît, l'observation du solstice d'hiver, régularisée bon an mal
an parla notion de la durée de l'année, évaluée à 3G5 1//1 jours
sous les Tclteuu, assure la conformité de l'année civile avec
l'année réelle en maintenant à la lune ^ son rang solsticial;
et cette règle produira automatiquement, dans Tintercalation,
une série semblable à celle que Chavannes déduit des docu-
ments, en la considérant, d'ailleurs, comme arbitraire. Avec
cette différence, toutefois, que le calendrier chinois étant basé
sur le solstice, c'est-à-dire sur l'année tropique, et non sur
l'année julienne (sauf à titre provisoire et subsidiaire], la série
des intercalations historiques ne pourra pas concorder bien
longtemps avec la série artificielle déduite d'une période de
•y 6 ans juliens''^
non pas mét<)ni(|U(', mais julienne et équivalente au tchang chinois, qu'on ne
doit pas confondre avec la période de Melon.
(') Chavannes écrit (p. 20) : «H est évident en outre que, les dates du
caU'ndricr julien qui correspondent aux dates danoises se reproduisant les
UNK INTRr.POLVTlON DU CUE Kl. 1-21
l ne |)( riode callippique comprenant '^7759 jours, la répar-
tition (le ces jours dans les 9/40 lunaisons se fera aulomalique-
Mient d'après l'aspect de la lune. Mais, ne se confiant qu'aux
loxtes sans on éclairer l'interprétation par l'examen des condi-
tions de la nature et des règles antiques, Chavannes, qui se
représente in\arial)lement le calendrier chinois comme appar-
tenant au type «perpétuel 55 et fondé sur des règles arbitraire-
ment conventionnelles, écrit (^p. 3) :
Enfin le quatrième et dernier problème est de savoir quels sont, dans
chaque année, les mois de 99 jours et quels sont les mois de 3o jours.
Pour les années de o54 jours antérieures à \oh av. J.-C. , les mois
de 29 et de 3o jours se succèdent de la manière suivante :
(formule II :) 99.99.30.30.29.30.30.30.29.99.29.30.
Cette formule, abstraite des contingences de la réalité,
laisse le lecteur incrédule. La durée de la lunaison étant de
99,53069 jours, tous les calendriers primitifs l'évaluent,
comme première approximation , à 29,5 , ce qui conduit à laire
alterner les mois de 29 et de 3o jours. Un peuple qui emploie
les mois lunaires réels n'aura donc jamais l'idée bizarre de
troubler cette réalité en faisant succéder trois mois consécutifs
de 29 jours.
Mais, après avoir fait alterner les mois de 29 et de 3o jours,
on constatera (au bout d'environ deux ans et demi) que le
m»''mes tous les 7G ans, on l'olioinfra le solstice d'Iiivcr [du a'i dt'comljre 1 13]
assijjiK' au a'i d<''cemljre i8(). clc.": oui, parce que, la correction gréfjo-
rienno, d'environ un jour pour i95 ans, ne s(v tait pus sentir sur ce failjle
intervalle. Mais comme Chavannes prolonge son tableau jusque sous les Ts'in
et coinnns par ailleins, il ne lient pas compte de la lègle fondamentale que
le mois -^ doit ètie solsticiai, on voit fréquemment, dans ce talileau, le
solstice tomber en dehors de la 11° lune, sans se trouver cependant en con-
tradiction avec les textes employés, trop peu nombreux potu' établir un
canevas continu, l'ar exemple, en l'an 169 et en l'an 191, il fait débuter la
1 1° lune {-^ ) en janvier, alors que le solstice oscille à cette époque (suivant
que l'année est bissextile on non) entre le 2/1 et le a.') décembre. I.e solstice
ne s'est plus |iiodiiit en janviei' depuis la lin de la dynastie )V/*.
122 JUILLET-SEPTEMBRE 1022.
mince croissant de la lune ne fait pas son apparition, au jour
prévu, dans les feux du crépuscule, et qu'il faut introduire un
jour supplémentaire dans le roulement des mois :
. . . 29.30.29.30.30.00.99.30 . . .
La deuxième décimale ("^^jBS) occasionne ainsi périodi-
quement une correction, imposée, sans calcul théorique, par
l'observation du disque"'; puis, dans un avenir plus éloigné,
la quatrième décimale (•<9,53o6) fera, à son tour, sentir son
effet; et, tant que les astronomes n'ont pas découvert la durée
exacte des révolutions, la succession des mois de iij et de
3o jours peut être troublée de temps à autre par une adjonc-
tion, mais non par une suppression, d'un jour.
Une première règle conventionnelle s'est alors imposée.
Comme la valeur discordante des lunaisons et de l'année solaire
conduit à l'intercalation d'un mois supplémentaire tous les
deux ou trois ans, et comme la seconde décimale conduit éga-
lejuent à introduire un jour supplémentaire tous les deux ans
et demi environ, on a attribué uniformément une durée de
3o jours aux mois intercalaires. Mais cet expédient, qui sim-
plifie le problème, ne le résout pas, car il n'ajoute en réalité
qu'un demi-jour en intercalant un mois de 3o jours dans le
roulement moyen de 29,0 jours. On sera donc amené à caser
^'' Dans tes contres primitifs de civilisation où des fonctionnaires sont pré-
posés — comme c'était le cas en Chine — à l'observation du ciel et à la con-
fection du calendrier, on n'attendait pas, naturellement, l'apparition du
croissant pour en constater ie retard. <*n en était prévenu auparavant par te
retard du dernier quartier observé avant l'aurore.
Cette impossibilité de prévoir lon[jtemps à l'avance le renouvellement de la
lune était bien propre à confirmer les anciens Cbinois dans leur idée que le
mouvement des astres n'était pas rigoureusement constant. L'évaluation 09.6
de la limaison devait être pour eux analogue à l'évaluation 366 (plus tard
.3(5.''). 95) de l'année; c'étaient là des évaluations de principe sous réserve du
contrôle de l'observation : au moyeu du gnomon en ce qui concerne le soleil
et :"i simiilc vue en ce (lui concerne la hmo.
UNE INTERPOL \TIO^ 1)1 ClIE Kl. 123
encore lô jours dans les lunaisons dune période de 7(1 ans,
comme on le verra plus loin.
Revenons maintenant aux années de t 9 lunaisons ordi-
naires, c'est-à-dire de 35/i jours, répartis alternativement en
mois de 99 et de 3o jours, années auxquelles Chavannes
attribue l'improbable formule II tout au long des 1 7 pages de
son taljleau.
Une revision des textes lui a révélé, après coup, l'incerti-
tude de cette formule, qui lui serait apparue d'emblée s'il avait
songé aux réalités qui conditionnent le calendrier lunaire.
Il écrit alors en note :
Cet ordre de succession est celui qui résulte mathématiquement des
données historiques sur lesquelles je me fonde. Rien ne prouve cepen-
dant que, dans toutes les années, ce soient les mêmes mois qui aient
eu 99 jours et les mêmes mois qui aient eu 3o jours. La chronologie
que je propose n'est donc crade qu'à un jour près, c'esl-à-tlire que le jour
que j'indique comme le dernier d'un certain mois peut avoir été en réa-
lité le premier du mois suivant et vice-vevsa. Mais l'accord se rétablit
ndcessairement à la fin de l'année.
Nous pouvons donc mettre de côté la formule II et rétablir
Talternance naturelle des lunaisons de 99 et de 3o jours. Mais
il reste à caser les i5 journées qui, dans un intervalle de
y () années, se trouvent réparties dans les différentes lunaisons '
pour maintenir l'accord entre le mois calendérique et la réalité
du mois lunaire.
La manière dont Chavannes conçoit ce problème, en attri-
buant aux fonctionnaires qui établissaient le calendrier une
intention inexistante, montre, mieux encore que la formule 11,
cond)ien son idée d'une période perpétuelle, arbitrairement
agencée, est éloignée de la réalité astronomique et des tradi-
tions chinoises. De même qu'il place les lunaisons consécu-
tives 29, 99, 99, sans examiner les nécessités imposées par
la lune, la répartition des jours supplémentaires lui apparaît
12'i JIULLET-SEPTEMBRE 192-2.
seulement dans .^cs rapports avec la durée de l'année, alors
qu'elle est, au contraire, purement d'ordre lunaire, et que la
confection du calendrier chinois n'a pas à s'occuper de la valeur
réelle de l'année"'.
Une période tchiing de 69/10 jours conijireiKint 7 années intercalaires,
il reste [eu dehors de ces 7 années de 384 jours] un eosemhle de
AaSa jours à répartir entie 8 années de 354 jours et h années de
355 jours. Le second prohlènie à résoudre est donc de savoir quelles
places occupent dans une période irlinng de G9A0 jours les années de
355 jours.
Le troisième problème consiste à déterminer rpielle est l'année qui
fait qu'une période tcliang- n'a que 6939 jours, c'est-à-dire qui ne
compte que 354 jours, tandis que l'année correspondante d'une période
tchiiitg de 69/10 en compte 355.
Enfin le quatrième et dernier pjcblème est de savoir quels sont dans
chaque année les mois de 29 jours et quels sont les mois de 00 jours.
Ce quatrième problème, placé en dernier lieu, est, au con-
■'' Lorsque ios jours ont été dislrilmés dans les mois do manière à bien
concorder avec la lunaison réelle, le calendrier chinois se trouve du mémo
cou|) réjjlé. Il ne reste plus qu'à indiquer, dans la série indéfinie des lunai-
sons , laquelle portera le sifjne -^ , c'est-à-dire laquelle contient le solstice.
La durée de l'année se trouve ainsi éliminée du prolilème calendénque (ou du
moins elle n'y joue qu'un rôle secondaire, celui de prévoir le détail du calen-
drier de l'année à venir, opération pour laquelle vme évaluation approxima-
tive suffît). C'est là un trait remarquable, fondamental et méconnu, du calen-
drier chinois, dont l'accord avec la réalité de l'année tropique est basé seule-
ment sur l'observation du solstice qui sert à marquer du sijjne -^ le mois
solslicial. Une erreur sur ia date du solstice n'amènera aucune modification
immt'diate si cette date ne se trouve pas fortuitement à la limite du mois,
au(juel cas elle pi'ovoquerait simplement une intercalation prématuï'(''e ou tar-
dive, ce qui n'entraînera aucune inexactitude consécutive. C'est seulement
par les limites extrêmes entre lesquelles oscille le mois -^ que l'accord est
maintenu avec l'année tropique, et cet accord, toujours suffisant, devient de
plus en plus impeccable avec les progrès de l'astronomie. Le calendrier chi-
nois, dont l'esprit est diamétralement opposé à celui que Cha\ aunes lui attri-
bue, ne peut donner lieu à une erreur cumulative, comme ce lut le cas du
calendrier grec fondé sur les périodes luni-solaires, ou du calendrier julien
fonde sur une (''\;ihialiori fixe de l'année.
UNE INTERPOL rriON DU CHE Kl. J25
trairt', primordial cl dépeiul, nous i'avoiis vu, de la seule
observation. Si Chavannes n'avait été circonvenu par une idée
préconçue, il se serait d'abord placé dans les conditions du
calendrier chinois antique, quitte à y renoncer si cet examen
lui en démontrait l'incompatibilité avec les textes. Ces condi-
tions supposant, en premier lieu, le maintien de visu du mois
limaire calendérique avec la lunaison réelle, il aurait compris
([ue la répartition de ^7751) jours et de g/to mois dans
^6 années est basée, avant tout, sur la répartition de ces
■^77^9 jours dans les ()/io mois, problème purement pra-
tique, résolu, sans théorie, au fur et à mesure des constata-
tions de l'âge de la lune'''. Or c'est là un problème que Cha-
vannes n'envisage pas. Il s'occupe de la répartition des mois
dans l'année et des jours dans l'année, mais non du problème
fondamental qui est la répartition totale des jours dans la
lunaison. S'il avait commencé par là, il aurait probablement
compris que le problème des années de 355 jours se trouve
résolu du même coup : une année civile compte 355 jours
quand l'état de la lune a imposé l'adjonction d'un jour dans
une des lunaisons, en substituant un mois de 3o jours à un
mois de a 9 jours dans la série alternante. Cette répartition
primordiale des jours dans la lunaison étant résolue, il ne
reste place à aucun autre problème, si ce n'est celui de Tinter-"
calation, déterminée par la date du solstice, date indiquée
'') Dans ce qui prt'cèclo , j';ii admis, |i()ur la clarté de l'exposition, le cas
{{éuf'ral du calendrier lunaire d'uu peuple piimilil" réylé, mois pur mois,
d'après l'aspect du croissant. Mais il va de soi que, si le calendrier est établi
un an à l'avance, l'accord du mois avec la lunaison est prévu empiriquement
et corrigé dans le calendrier suivant. L'inlercalation étant prévue d'après la
diu'ée des révolutions (résumé-e par la périocU^ Icluinij) et le mois inlercalaire
étant unilormémeut de '60 jours, les années embolismiqucs avaient nalurelle-
meut une durée uniforme de 38A jours : elles ne pouvaient avoir moins,
puisqu'on ne diminue jamais le roulement moven de 39,5 jours-, et elles ne
pouvaient avoir davantage, puisque deux augmentations ne s'imposent pas au
cours d'une même année.
126 JUILLET-SEPTEMBRE \\)'2-2.
par le ^;^i)omon ou déduite provisoirement d'un solstice anté-
rieur. Le nombre de jours contenu dans l'année civile est donc
un problème qui ne se pose en aucune façon dans la confec-
tion du calendrier cbinois, car ce n'est pas sur ce nombre de
jours qu'est fondé l'accord avec l'année astronomique, accord
maintenu simplement par la considération des mois, grâce à
l'adjonction du mois intercalaire.
Cette répartition fondamentale des jours dans les lunes est
basée, on vient de ie voir : i" sur l'approximation conven-
tionnelle 29,5 ; '2° sur une première correction convention-
nelle attribuant une valeur constante de 3o jours aux mois
intercalaires; 3" en rectifiant de visu le mois civil par l'adjonc-
tion d'un jour lorsque la nouvelle lune (déjà un peu déréglée
précédemment) anticipe par trop sur la date prévue.
Tout cela résulte automatiquement des règles du calendrier
chinois. Mais Ghavannes, qui ne mentionne nulle part ces
règles, croit avoir trouvé la preuve que ce calendrier était
fondé sur la période callippique et suppose que les Chinois
avaient élaboré des règles arbitraires et précises de réparti-
tion :
Voici les solutions que j'ai trouvées pour ces questions :
1 ° et 9". Dans la période tcliang- de 6960 jours comprise de 1 ^9 à 1 3o
av. J.-C. , les années de 384, de 355 et de 3o/i jours sont répartis de la
manière suivante ''^ ;
Foi'mule I : a b a a h a ù a h a a a b (i a b n b a.
(let ordre de succession sera le même [xmr toutes les périodes tchan^
de 6960 jours.
Cette alHrmation se trouvera sûrement infirmée si l'on
considère une époque un peu différente, car le Ichang étant
erroné par rapport à l'année tropitjue, les règles du calendi'icr
(•) « = 35A. a =355, è = 38/i.
LINK li\TKni>OL\Tl()^i l)L CUE KL 127
chinois ne larderont pas à produire une variante. Chavannes
s'en est aperçu et il a publié une Note rectificative dans le cou-
rant de la même année [T'oung Pao, décembre 1896). Mais il
ne voit pas la cause réelle de la variante, ne recherche pas si
elle s'explique par les règles antiques du calendrier chinois et
l'attribue à une décision arbitraire modifiant cda formule de
rintercalation?) :
A l'époque des Han postérieurs , la formule de rinlercalatioii sera la
suivante pour une période tchang que je pnmds de Tannée /ia à l'année
Go après J.-C. :
a b a a b a b a a b a a b a b a a b a.
On ne doit pas être surpris que la formule de l'intercalation ne soil
pas la même sous les Han postérieurs que sous les Han antérieurs; en
effet , celle Ibnnule a souvent varié ; en voici une nouvelle preuve qu'on
j)enl tirer des écrits de l'époque des Sang ; considérons une j)ériode de
1 9 années comprise de 1126 à 1 1 /»3 après J.-G. ; entre celte péinode et
celle que nous avons considérée, tant pour l'époque des Han antérieurs
(|ue pour celle des Han postmeurs, il s'est écoidé un nombre entier de
pi'riodes icliang^'; cependant la formule de l'intercalation pour cette
période se trouve être différente etc. 1 [voir le tableau, p. 5i5].
Ainsi la méthode du calendrier perpétuel et arbitraire se
serait prolongée jusque sous les Soiig ! A quelle époque Cha-
vannes attribue-t-il donc les règles du calendrier chinois que'
les Jésuites ont trouvées en vigueur?
Reste encore à examiner la solution du problème que Cha-
vannes appelle le troisième :
3° Ce senties années 99 et i(i8 av, J.-C. (pii, dans l'ensendjle de
i52 années dont j'ai établi la chronologie exacte, comptent 35/i jours
'*' Celle reniarquo montre à quel jidiiit Cliavannes méconnaissait que le
calendrier cliinois est fondé sur l'année solsticialc, tropique, dualisliquc,
réelle. Entre les premiers Han et les Song, la correction jjn'fjorionne est d'une
dizaine de jours, dont il ne lient aucun compte, quoicpielle lompe la conti'
nuilé cuir»! les ichaiig de ces deux dynasties.
128 JLULLET-SKPTRMUr.l': 192-2.
an lieu de i)ô5 (jueiks devraienl («voir si oJlos ;i|)|);iilci!i\i('iil à uik'
période tchang de 6960 jours.
Comme une période julienne de 76 ans si^ décompose
nécessairement en /i Ichnng, dont un, dans le calendrier c'uhI ,
sera inférieur d'une journée, il serait en effet possible, grâce
au calcul de la date et de l'heure, de déterminer (par exemple
dans une période arbitrairement choisie du calendrier russe)
où tombera le tchang \e plus court, en tenant compte des ano-
malies qui peuvent produire un écart de 1 0 heures en plus et
en moins dans l'heure de la conjonction luni-solaire. Mais
c'est pure illusion de croire qu'on puisse procédera cette déter-
mination, pour l'époque considérée, avec le petit nombre de
textes disponibles, alors surtout qu'on a reconnu une indéter-
mination d'un jour sur la date des mois. 11 est, en réalité, im-
possible de préciser quels sont les tcliang fictifs de G(|ào jours
et quel est celui de 6c)39 jours. Chavannes a cependant cru
pouvoir le faire et l'assertion semble se vérifier par le lait (juc
son tableau lui a fourni (solution du 3" problème) les dates (ja
et i()8, lesquelles sont précisément distantes de 7!) ans. Il
faut remarquer, cependant , qu'on a là deux moutures du même
blé, car ces deux dates sont déduites des mêmes données (en
tout vingt textes) transportées conventionnellement d'un pou à
l'autre (p. 5). C'est d'après ce transport cjue Chavannes a éta-
bli le tableau (p. 2o-36); et c'est après avoir composé ce
tableau qu'il s'est aperçu (n. ri de la p. 3) que «la chronologie
proposée n'est exacte qu'à un jour près, c'est-à-dire que le jour
indiqué comme le dernier d'un certain mois peut avoir été en
réalité le premier du mois suivant et ricc-vcrsnn , ce c[ui rend
illusoire la prétendue distinction entre les Icliang de 69 A 0 et
6989 jours. Illusoire est donc également la prétendue preuve
d'un emploi de la période callippique sous les Han antérieurs.
b) Le calendriei" T'ai-lclioii évalue la durée de la lunaison à
UNE INTERPOLATION DU ClIE KL 129
'^9 M jours, évaluation équivalente, nous l'avons vu, à celle
(le 29 m qui se déduit de la période de 76 ans. On pourrait
voir dans cette coïncidence la preuve que la période de 9/10 lu-
naisons était connue des premiers Hnu. iVIais le Tsic;) Ha» choit
montre clairement que cette évaluation 29 |j- est tirée de la
période trlintig de 1 9 ans, laquelle était probablement connue
depuis fort longtemps. Et la manière dont cette évaluation en
est tirée prouve justement que l'utilité de la période de 76 ans
n'avait pas encore été remarquée.
L'évaluation, par Méton, de la période de 19 années a
(i(j/io jours provient, comme il a été dit plus haut, de ce que
les Grecs ne connaissaient pas encore l'évaluation de l'année à
365 1//1 jours, évaluation qui fut déduite, un siècle plus tard,
(le la période callippique. Mais les Chinois, qui, depuis un
{jrand nombre de siècles, connaissaient l'évaluation 365 ijli
et avaient établi d'après elle leur division de l'équateur en
365 i/li degrés, n'avaient aucune raison d'attribuer 6 9/10 jours
à la période icimng, puisque 19 fois 365.25 font 6939.'75.
D'autre part, cette période tcliimg s'est révélée aux Chinois
comme découlant de la règle des tchong lî'i, laquelle déduit
le rang des années intercalaires du rang du mois intercalaire
dans l'année'''. Ce lien entre le tchang et les ts'ie-ki^-^ est exposé
■ ') I^oiir simplifuT les idées, prenons l'évaluation de l'année à 366 jours
(exprimée dans le Yao tien sous la forme 3oo -}- fio -f- 6, qui décèle une phi-
losophie des nombres), d'oîi résulte l'évaluation 3o.5 jours pour le mois
soiaiie, c'est-à-dire 1 jour de plus que le mois lunaire (3o.5 — 29.6 = 1).
Concevons maintenant deux règles, graduées l'une à des intervalles de
3o millim. 5 et l'autre de aQmillim. 5, représentant le roulement indélini
des tcliniig k'i et des lunaisons. Faisons coïncider le point de départ de ces
deux règles, ce qui roprisenle le solstice se produisant en même temps que la
néoménie-, puis cherchons, le long de la règle, quelles sont \ç^ lunaisons qui
tombent entre deux tcluniir l/i |^ J^ 1^ ^ ^ o ^" ohtiendra ainsi , à la
fois, le rang du mois intercalaire et le rang des années intercalaires.
'■-' Les 13 k'i sont divisés en a^i tsie k'i, dont 12 représentent le mi7i«tt
des dodécatémories et 1 a leur limite.
130 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
dans le T^'im Hait chou , où le détail numérique de la réparti-
tion est indiqué et d'où le rang des années dans le Ichang est
déduit de ce calcul *^^.
Dans ces conditions, l'évaluation de la durée de la lunaison
est la même, qu'elle soit déduite de la période de 19 fois
365.25 ou de la période de 76 fois 365.25. L'évaluation
29 gj qu'on trome dans le calendrier T'ai-tch'ou et dans le
calendrier San-t'ong ne suppose donc aucunement la considé-
ration particulière de -76 années et 9/10 lunaisons.
Non seulement cette période de -76 années n'est pas men-
tionnée dans les chapitres calendériques du Ts'ien Han chou,
mais encore la théorie numérique de cette époque l'en exclut.
Toute cette théorie, basée sur le système de Lo-hia Hong divi-
sant le jour en 81 parties, repose sur le chiilre 19, qui est
celui des années du tchang: 81 X 19=1539, période appelée
long ^^,et 3x i539 = /i6i7, période appelée yuan 7c, qui
est précisément la période de à&i'j ans présentée à l'empereur
Wou comme renou\ elée par son calendrier T'ai-tch'ou '^'.
'') Lu li tche, 2" partie, p. 1, 5, 8. — GauLil a résumé ce cliapitre dans
le recueil de Souciet , II , p. 6 et suiv.
(-' Dans l'énumération des notions numériques qui fait l'objet des premières
pages du deuxième chapitre Lu-li du IVien Ihvi chou, il est dit que û années
font i46i jours, ce qui est une manière d'exprimer l'évaluation julienne de
365.2.5. Comme le nombre iSSg des années du t'ong n'est pas divisible par
II, non plus que le nombre 19 des années du tchang, il eu résulte que ces
périodes tfne sont pas pleines'i ^ ^ . C'est uniquement à cause des théories
métaphysiques associant les tubes musicaux au calendrier (d'où le nom Lu li
du cliapitre) que Lo-hia Hong a institué ces périodes incommodes sur des
multiples impairs de 9 et de 19. Mais en faisant le décompte d'après l'évalua-
tion de l'année, on savait fort bien que le nombre des jours contenus dans
ces périodes ne s'exprimait pas par un nombre entier, comme eu témoigne
l'évaluation de la durée de la lunaison et l'application de la règle des tchong k'i.
Quand on renonça à la métaphysique du chiffre 9, le plus petit commun
multiple de U et de 19 (76) s'imposa comme base nouvelle. Mais cela ne
changea pas Tévaluation de la lunaison. L'assertion, admise par l'empereur'
Tchaiig lui-même {IJcou Hun Lu4i , II, p. 1 et a), que la nouvelle théorie
Sseu-fait expliquîiit les erreurs constatées, notamment en l'an 32 et 63 de'
LiNE INTERPOLATION DU CHE Kl. 131
Si maintenant nous nous reportons au chapitre analogue
(lu Hcou Han chou consacré aux notions des Hnn postérieurs
(Lm li tche, 3" partie, p. i v"), nous y trouvons la transforma-
tion (le cette règle de trois (H Jf^) en règle de quatre (P9
La règle du. yuan 7c est /i56o.
La règle du Ici ^ est i590.
La règle du pou ^ est 76.
La règle du Ichang "^ est 19.
... Le point de départ de l'aunce astronomique ^ '^ est le sol-
stice. Le point de départ de la lunaison est la conjonction. Quand le
solstice et la conjonction se produisent le même jour [mais non à la
même heure] , cela s'appelle un tchang. Quand ils se produisent au point
de départ de la jonrm^e (minuit), cela s'appelle un pou. Le pou qui se
termine avec le cycle sexagésimal des jours 5^ "h] s'appelle un Ici; et
s'il tombe en outre sur le renouvellement (du cycle sexagésimal) des
années *'', cela s'appelle un yuan.
notre ère, est une niaiserie. On soujtçonuait d'ailleurs que ces irréjjularités se
trouvaient aussi en rapport avec le déplacement, nouvellement constaté, du
solstice; hypothèse alors logique, puisque les tsie k'i, d'où découlait la règle
d'intercalation, étaient liés au solstice et à un point fixe du firmament.
En réalité les erreurs constatées provenaient : 1° de l'inexactitude des
périodes luui-solaires fondées sur une apj)roxiaiatiou insuffisante de l'année et
d(! la lunaison : 2° sur les anomalies de la lune. Ces deux causes furent bien-
tôt édaircics et reng(iu<'ment passager pour la période pou n(î dura que pen-
dant le court intervalle (lao ans] séparant la publication du traité K'ien
si(ui(j ^ ^ de celle du traité Sseu-fan. L'iiistorien Pan knti, qui écrivait à
la fin du 1" siècle de notre ère sous l'influence de la théorie Sseu-fan, croyait
avoir, dans la période pou, une règle absolue permettant de fixer le jour et
l'heure des néoménies et des solstices du plus lointain passe; à son époque,
la règle des Iclioiij^ k'i semblait se résumer dans le tableau d'une période de
76 ans indéliuiment renouvelée. Il fallut en raiiiitlre quand on découvrit
l'inexactitudfî de ce tableau: et la règle antique reprit ses droits jusqu'à Tiu-
tervention des Jésuites.
('> L'expression ^ ^ ^ seiait difficile à comprendre si elle n'était
éclairée par les chiffres. Le ~j^ est un commun multiple de 7G et 60 années,
tandis que le J^ est un conunun multiple de 7G et 80 années, la période do
80 anné'cs juliennes ramenant la même nnlatiou cyclique des joiu's. Cette der-
nière constatation a été attribuée à Gawbil par Kritsclie et Chavannes {M. IL,
132 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
Mais il y a plus. Les inductions tirées de ces données numé-
riques sont contirmées explicitement par le chapitre du Heou
Han chou {^Lu-h tche, 2* partie) consacré à l'historique des dis-
cussions calendériques ^ fj^ '^l Dès les premiers mots, il y est
spécifié que «à partir de la 1™ année t'ai-tch'ou (lo/i av. J.-C.)
commence l'application de la théorie San-tong § :ic ¥J 7C ^
§^ ^ H l^jt ')'-).
Cette fixation du yuan par un multiple de 19 sous les Han
antérieurs et de 76 sous les Han postérieurs est, en définitive,
la raison d'être du nom'^^ des deux calendriers San t'ong 3 M
et Sseu fan pQ ^ ^ qui représentent respectivement les notions
des Han antérieurs et des Han postérieurs.
Le chapitre du Ts'ien Han chou consacré aux notions àesHnn
antérieurs '^^ débute, en effet, par ces propositions fondamen-
tales :
La (théorie San-]t'ong est basée sur la division du jour en 81 par-
ties . . .
I, p. xcix); mais Gaiibil lui-mèmo la donne comme tirée du Ts'ien ïlan vhnu,
eu faisant proljabiement une confusion avec le Hmu Han chou (comp. T'oung
Pau, 1896, p. 17 et Lettres Edif., XIV, p. 3o5, éd. de Lyon).
(') L'élymologie du terme ^ est fort difl'érente de celle de notre mot
calendrier. Il signifie computation ; c'est pourquoi les expressions telles que
J-^ îf^ ® désignent dos ti-aités ou des théories plutôt que des calendriers.
Pour la même raison, j^ ^^ ne suppose pas ici des changements dans les
règles — à peu près immualilos — du calendrier chinois, mais seulement la
discussion de théoi'ies en rapport avec les computations calendériques.
f'^' CeUe indication est conqjlétée, à la page 18 du chapitre suivant, par
cet autre renseignement : rtLieou Hin fit le traité San-t'ong en prenant comme
Chang yuan _L T^ ^'origine i'ai-tch'ou de la précédente génération. Le calen-
drier t'ai-tch'ou resta en vigueur jusqu'à la période ^ ^p de l'empereur
Tchang (Si apr. J.-C.).^? On voit jiar là que le San-t'ong est une théorie,
puisque le principe en est aj)pliqué dès l'an 10/1 av. J.-C, longtemps avant la
naissance de Lieou Ilin, lequel mourut au début de notre èi'e.
(3-6) (.1) L,j mjm de San t'ong (Les trois principes) fait allusion à la trinilé
cric Ciel, la Terre et l'Hommen, qui figure dans la métaphysique de ce traité.
Mais, comme je l'ai dit plus haut, dans tous les calendriers de cette époque,
les notions numériques étaient mises en relation avec les théories métaphy-
UNE INTERPOLATION DU CHE Kl. 133
La règle de l'inlercalation est 19, ce qui donne lieu à la période
tchang . . .
La règle du t'ong -^^ est iSSg. . .
La règle du yuan "% est 6617; la règle des trois t'ong H t^ con-
duit à la règle du yuan. . .
On voit, en résumé, que la période pou ne fut pas prise en
considération avant les Han postérieurs, mais que, la période
frhnng étant déduite de la règle d'intercalation et de l'évalua-
tion 365,95 de l'année, les Chinois obtenaient la même éva-
luation de la durée de la lunaison par la période de 1 9 ans ou
par la période de 76 ans.
c) Le chapitre du Che ki sur les sacrifices Fong et Chnn con-
tient un passage relatif à une période luni-solaire.
Nous avons vu que les circonstances exceptionnelles du sol-
stice du 2 5 décembre de l'an io5 décidèrent l'empereur Wou
à opérer la réforme, depuis longtemps attendue, restaurant le
type normal du calendrier antique, réforme qui fut le point
de départ t'ai-tch'ou des temps nouveaux. Or un des person-
nages qui, à ce propos, exploitaient la crédulité du Fils du
ciel, un certain Kong-siien K'ùig, lui fit observer, en l'an 1 13,
que le solstice allait tomber, à la fin de l'année, au matin, sur
un jour ^ E< premier du mois, et en tirait la conclusion que
l'époque actuelle coïncidait avec celle de Houang ti ; car il pré-
tendait posséder un livre d'après lequel :
le solstice t'taiil tombé, au mafin, sur un jour £, ^ f[ui était le
premier du mois, Houang ti calcula d'avance les jours en supputant les
siques à la mode. — ''' Lu li tclw , n° partie. — C'est avec laison que Gaubil
appelle ce chapili'e ff L'astronomie de Lo-hia-liong et de Lii-au Hiur>, car les
données qu'on y trouve proviennent soit du traité de Licou llin , soit du calen-
drier T'ai-tch'ou (par exemjjlc la mesure des sieoti), soit de Lo-hia Hong (par
eieniple la division du joue en 81 parties). Il résume les idées d'astronomes
qui vécurent à un siècle de distance.
134 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
liges (l'acbilléc; après environ ao années, ie solstice d'hiver retoniliait
de nouveau sur le premier jour du mois au matin. Lorsqu'il eut tait
20 fois ce calcul, ce qui embrassait une période de 38o ans, Houang ti
devint un bienheureux et monta au ciel {M.ti., III, p. 485).
Dans ce texte, où ne figurent ni ie terme j)ou, ni le nombre
-jÇ^^ le solstice est représenté comme tombant, à la fin de
chaque période de i^ ans, sur la même partie du jour (le
matin), alors que la considération de la période pmi repose,
au contraire, sur le fait que chaque période tchnng s'achève
successivement sur les divers quarts de la journée, comme
l'indique la première colonne du tableau interpolé dans le Clœ
hi, conformément à la théorie P9 ^ exposée par Li fang ^
^^. Cet intéressant passage témoigne donc bien exactement
des connaissances de l'époque. La période de i 9 ans est en
effet impliquée dans le nombre (20 x 19 =) 3 80, énoncé par
Kong-suen K'ing; et son affirmation que la période se ter-
mine , chaque fois , le matin , montre qu'on n'avait pas encore
tiré au clair le fait, implicitement indiqué dans la théorie de
Lo-hia Hong, puis mis en lumière par la théorie Sseu-fan, que
cette période de 1 9 ans s'achève successivement à o'\ 1 8'\ 1 9''
et 6^
d) Il ne reste donc plus, comme indice d'une prétendue
connaissance de la période pou à l'époque de Sseu-ma Ts'ien,
que la présence du tableau de 76 années à la fin du cha-
pitre XXVI du Che ki. Or ce tableau est une évidente interpola-
tion.
Dès l'nbord, il frappe par sa sécheresse. Sseit-ma Tnien pré-
tendait faire une œuvre httéraire et non un traité d'arithmé-
tique. «Collectionneur de vieux documents 5), il se soucie fort
peu de transmettre des détails techniques et, précisément dans
ce chapitre sur le calendrier, on a lieu de regretter qu'il se
soit borné à juxtaposer les lieux conuuuns de la phraséologie
UNK INTERPOL \TION Dl (;///•; KL 135
classique concernant l'importance du calendrier. Il est invrai-
semblable qu'après s'être absteini de mentionner ni la période
tchang, ni la période pou, il eût ainsi déparé son ouvrage par
de fastidieuses pages de chiffres arides.
Cependant, puisque Chavannes ne mentionne aucune sus-
picion élevée parla critique chinoise à son sujet, et puisque le
mathématicien Mei, à la fin du xvif siècle, y voyait un calen-
drier des Yin, il faut admettre, chose étrange, qu'aucun lettré
n'a été frappé du contraste existant entre ce tableau et les
notions des Hau antérieurs. Puisque Mei a conçu sa bizarre
hypothèse en feuilletant le premier chapitre Lu-U du Ts'ien Han
chou, il lui eût cependant suffi de jeter un coup d'œil sur le
deuxième pour constater l'anachronisme.
D'autre part, les remarques déjà faites par Chavannes —
interpolation de la colonne des nien-hmo, inexactitude des
explications finales du tableau et anachronisme contenu dans
son titre — achèvent de le rendre suspect, avant même de
faire intervenir l'historique de l'astronomie. Or cet historique,
fort bien résumé par Gaubil, établit que la période de 76 ans
était inconnue avant le règne de l'empereur Tchang. Le tableau
porte donc la marque de l'époque (85-!2oG de notre ère) où
la période pOM fut en vogue. Pan kou, qui écrivait en ce temps-
là, ayant sous les yeux le Che ki, le calendrier T'ai-tch'ou et le
calendrier San-t'ong, a collationné les notions des Han anté-
rieurs et n'y a trouvé aucune mention de la période de 76 ans.
C'est donc postérieurement ù Li fang et à Pan kou que le tableau
en question a été interpolé dans l'œuvre de Sseu-ma Ts'ieu.
MÉLANGES.
QUELQUES OBSERVATIO\S
SUR LEZOUR-VKDAM KT SON AUTEUR.
Au cours des dernières années, plusieurs savants ont fait
mention de ÏEzour-Védajn : M. Julien Vinson, dans la Revue
de Imgw'stKjue, 35, 978 et suiv.; Windisch, dans le Gnmdriss
der indo-nrischen PliiL, I, ib, p. 8 et suiv.; M. Caland, dans
Verslngen en Medcdedingen der Kon. A Lad. van W' etcnscliappen ,
Afd. Letterkunde, 5, Reeks, vol. 111, p. 290 et suiv.; et
M. Zachariae dans une très importante revue de l'œuvre de
M. Caland, Gôtt. gel. Anzeigen, 1921, p. 167. Mais personne
n'a encore précisé qui a composé ce curieux ouvrage, auquel
naguère, grâce aux louanges de Voltaire et aux commentaires
de Sainte-Croix, s'est attachée une grande renommée; M. Vinson
a, sans nul doute, fourni un moyen de l'identifier et a même
mentionné son nom, mais il l'a fait seulement sous forme
d'hypothèse et n'a point poursuivi ses recherches dans la direc-
tion indiquée.
Ecartons en premier lieu l'opinion de l'éditeur, le haron de
Sainte-Croix, qui, dans ses Ohser rai ions pn'linunaires, p. 1/16
et suiv., présume qu'un te philosophe Ganigueul» — c'est-à-
dire un ascète du Sud de l'Inde — aurait été l'auteur du texte
original de YE:aui-Vi'd(im. Déjà Francis Eilis, (|ui a découvert
MELANGES. 137
et reproduit dans les Asiatic Researches, XIV, i-Sg, les origi-
naux écrits dans un sanscrit très incorrect de plusieurs de ces
Védams, a remarqué que ces textes ne sauraient avoir été com-
posés par des Hindous. Il me paraît tout à fait évident qu'ils
ne l'ont pas été : car un Hindou appartenant aux castes infé-
rieures, auxquelles s'est toujours appliqué avec le plus de pré-
dilection le zèle des missionnaires, ne saurait certainement pas
composer une seule ligne sanscrite et n'aurait pas assez de con-
naissances en mythologie brahmanique pour pouvoir écrire de
ces traités où abondent des allusions de cette sorte. D'antre
part un prosélyte appartenant à une haute caste — disons par
exemple un brahmane — possédant le sanscrit et sachant par
cœur les mythes et les dogmes de sa religion, n'eût jamais
composé en mauvais sanscrit des œuvres très incorrectes et
parfois totalement contraires aux conceptions indiennes. Remar-
quons seulement que la théorie de la métempsycose n'est
point admise par VEzour-Védam; elle est expressément désa-
vouée dans le volume II, p. 186-197,011 il est parlé de l'éter-
nité des peines de l'enfer et des récompenses du ciel, et où
«Chumontour dit qu'après la mort il n'y a point de nouvelle
naissance. Dans le même volume, p. 1 2^ , on lui fait dire que
les débauches et la vie de péché sont la véritable raison des
maladies; et les maladies causent la mort : cr voilà la vraie cause
de la différente durée de la vie des hommes». Mais cette con-
ception physiologique et naturaliste n'est point celle des Hin-
dous; pour eux la durée de la vie est déjà prédestinée par
l'amas du karman bon ou mauvais [punya ou papa) que l'indi-
vidu a ramassé dans des existences antérieures. Déjà Sainte-
Croix (vol. II, p. i85, note) a parlé de la possibilité d'une
influence chrétienne; il y a possibihté et plus encore. Nous
pouvons soutenir, sans craindre de nous trop éloigner de la
vérité, que VEzonr-Védam fut composé par un chrétien euro-
péen qui avait arquis uno certaine connaissance du sanscrit et
138 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
assez de théologie brahmanique pour discuter cette dernière,
mais en faisant des fautes parfois très graves.
Mentionnons encore le célèbre P. Roberto de'Nobih (1077-
i656), ce génial fondateur de la mission si fructueuse de Ma-
duré, auquel on a souvent attribué la composition de notre
texte. Dans les Asiatic Researches, XiV, 3o et suiv., Ellis a dis-
cuté la probabilité de cette hypothèse; il est arrivé à ce résultat
que le P. Nobili a pu être l'auteur de XEzour-Yédam, et, après
Ellis, on a beaucoup écrit pour ou contre cette possibilité ^^'.
Mais Nobili n'est certainement pas l'auteur de ce texte. Il a
passé toute sa vie de missionnaire dans l'extrême Sud de l'Inde ,
et XEzour-Yédam appartient — comme l'a prouvé Ellis lui-même
(et après lui M. Vinson) — - à la région du Bengale. Nous
aurons bientôt à parler de son pays d'origine. D'ailleurs, le
P. de' Nobili, connu encore dans le Sud sous son nom de
Tattvabodhasvâmî et fameux par ses compositions tant en sanscrit
qu'en langue tamoule, considérées comme de vrais chefs-
d'œuvre, n'eût jamais écrit un livre contenant tant de fautes et
prouvant une telle ignorance de la langue sacrée des brah-
manes.
Tous les mots sanscrits conservés dans YEzour-Védam, qui
sont parfois très difficiles à identifier, témoignent de la pro-
nonciation qui prédomine dans le Bengale et peut-être dans
rOrissa. ElHs t^* a discuté quelques détails de l'orthographe et
de la |>rononcialion qui mettent ce fait hors de conteste, et l'on
pourrait ajouter beaucoup à ses observations, si cela n'était
superflu. Il est aussi très remarquable que dans tout le livre le
dieu Siva ne joue pas un rôle important, ce qui atteste aussi
une origine non méridionale. Par contre le dieu suprême est
(') Daus MicHAUD, Biog)-aphie univ., XXXVIII, /109, note, on suppose que
Nobili est i'uuleiir de VEzour-Védam; daus le uièmu ouvrage, XXXIX, 5/i6,
il est dit : «aujourd'hui que l'on couuait l'auteur de ïEzuur-Védam-n,
*^' Atiatu' lifsfarches , \IV. i3. ,
MELANGES, 139
ici Visnu, ou plutôt Visnu manifesté en jeune Krsna, trait
caractéristique de la religion du Bengale '''. La figure de Krsna
prédomine à ce point que l'auteur dit (vol. II, p. 1 1 a et suiv.)
que Prahlâda, le fils du démon Hiranyakasipu, invoqua ce
dieu quand son père lui voulut faire injure; co qui est au point
de vue indien une absurdité, car Hiranyakasipu et Prahlâda
vivaient au temps de la quatrième incarnation de Visnu , alors
que Krsna était lui-même la huitième.
D'ailleurs , l'auteur montre une connaissance très exacte de
la province d'Orissa et du culte de Jagannâth à Purl. Il connaît
l'existence des trois idoles Jagannâth, Subhadrâ et Balarâma
dans le grand temple; il n'ignore pas que les prasâds de Ja-
gannâth peuvent être mangés par toutes les castes sans diffé-
rence (II, p. 1 /»7); il sait aussi qu'on adore, dans ÏUlknladesa ,
Krsna «sous la figure d'un tronc de ])ois» (II, p. i3o), et il
raconte conformément à cette notice une légende concernant
le roi Indradyumna, la construction du temple à l'emplace-
ment du vieux sanctuaire enseveli sous les flots et les sables et
la consécration de l'idole inachevée de Jagannâth — légende
qui a des rapports avec un épisode du Mahâbhârata (III, 199)
et qu'on raconte encore à Purï ^'-l Ensuite il parle longuement
('' Peut-être a-t-on supposé k VEtour-Védain une orîjjiue méridionale parce
que l'éditeur, Sainte-Croix, a apparemment fait usage de sources raéridio-
naios. Ce sont entre autres la traduction du Bhâgavata-Piiràiia par Maridas
PouLi.É, dont des manuscrits se trouvaient alors à Paris (voir Hihliothèque de
S. de Sary, I, 3f6); les livres trôs célèbres d'Alirabam Rojjer (trad. française
par La Grue, 1670) et de La Croze, et avant tout un manuscrit sur le paga-
nisme indien écrit par un missionnaire dans le Sud de l'Inde (voir sur ce
manuscrit les renseignements importants de M. Zachaule, GÔU. Nacltrichten,
1918, p. 9 et suiv.). Dans les observations préliminaires, il cite aussi une
géographie tamoule, Puvuana-Sahkaram {— Bhuvana-cakram), d'après Baïeh,
Hist. regni Grtecovum Bactriani, p. 9,
<*) Voir Ward, Tlie Hinduos, II, i()3; Tbohston, dûtes and Tnbei uf
S. hidia, \I, 1*19; CnooKi: dans l'Kncvdopédie de Haslings, Vil, At)4; E. 0.
Martin, The Goda oj India , y. \h\ et suiv.; etc.
UO JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
de la iégende de Gajâsura, dont il a confondu ie nom avec
celui du lieu sacré de Bodli-Gayâ, où se trouve l'empreinte du
pied de Visnu'^'; dans ce récit on trouve (II, p. i63) une
note très importante dans laquelle on lit : « Ce paya ('^' est à
l'ouest de Chaud einmgor, et en est éloijJtié d environ ia5 journées;
interpolation du traducteur, ^i Le et traducteur 55 (qui est certai-
nement aussi l'auteur de l'original qu'il a traduit) a par consé-
quent vécu à Chandernagor quand il a écrit son ouvrage.
Nous avons donc cru pouvoir constater que l'auteur était un
chrétien d'Europe, qui avait acquis dans le Bengale et l'Orissa
une certaine connaissance du sanscrit et de la théologie hindoue ,
et qui vécut à Chandernagor. Sans nul doute c'était un mis-
sionnaire, et, selon toute vraisemblance, un membre de la
Compagnie de Jésus. En effet, lorsqu'au dernier chapitre du
second volume il parle du mariage, il fait une allusion —
pourtant bien détournée — aux rites Malabares. qui consti-
tuaient depuis la mission du cardinal de Tournon un point de
discussion plus brûlant que jamais entre les Jésuites et leurs
adversaires, il déclare (II, p. 198-200) que l'on doit couvrir
les jeunes époux «de fleurs d'or 55, ce qui revient à dire qu'on
doit nouer le taly, signe du mariage admis par les Jésuites,
— et qu'on doit accompagner les nouveaux mariés en leur
maison au son d'instruments de musique, cérémonie caractéris-
tique des Hindous.
On sait que Sonnerat'^^ s'est gardé d'admetire l'opinion de
Voltaire et d'autres auteurs, qui tenaient VEzonr-Védnni pour
un texte très précieux. Il paraît évident que Sonnerat a appris
dans rinde quelque chose de positif sur la composition de cet
ouvrage; — seulement il crut qu'il avait <''té composé à Masu-
'') Voir Oslaxiatisclie Zeitichrifl , ^ll, 5 et siiiv.
''^^ H s';ij;it d'une ri''j;ioii a])peléo Maijnoilfclidii : (hms ce nom. jo no sais
identifier (|ue lo sccdiid nietnltrc, "ili-sa.
'■'■ I ()i/«/j'V'.s aii.r finies (hii'iilalen i-l à la CJunc (i'^i*i-i ) . I, p. aiâ.
MELANGES. ' 141
lipatam, ce qui ne saurait êlre. Mais sa notice est si détaillée
qu'on pourrait facilement croire que Sonnerat a eu des soup-
çons positifs sur la personne de l'auteur. Le P. Paulin de Saint-
Barthélémy, carme déchaussé et missionnaire du Malabar, qui
avait des connaissances profondes de la mythologie indienne
et qui avait étudié le sanscrit peut-être mieux que la plupart
de ses contemporains, en a parlé en plusieurs endroits de ses
ouvrages : dans le Si/stema Brachnatdcum , p. 3i5 et suiv. , et
dans son Examen kistorico-criticum codicuni Lidicorum S. Con-
gregatwnis de propagatula Jide, p. /ia et suiv., il a montré en
détail que YEzour-Védam contient des vues tout à fait chré-
tiennes et ne saurait avoir été composé par un brahmane; dans
ses Voyages aux Indes Orientales, I, 170^'^, il le nomme sim-
plement «livré composé par un Missionnaire, et faussement
attribué aux Brames 55. Il admet que Sonnerat ne savait pas les
langues indigènes de l'Inde, mais établit qu'il connaissait très
bien la côte de Goromandel et les traditions de cette région.
Le P. Paulin avait plusieurs fois critiqué Anquelil Duperron
et en particulier son insuflisante connaissance des langues hin-
doues. C'est pourquoi Anquetil, dans les observations qu'il a
ajoutées au troisième volume de l'édition française des Voyages
du savant missionnaire, a souvent saisi l'occasion de traiter
d'une façon assez amère les opinions de son adversaire. Dans
son commentaire sur le passage en question, il nous a donné
un résumé de ce qu'il prétend savoir concernant l'auteur de
ÏKzour-Védant — un précis de ce qu'il avait appris par sa cor-
respondance avec le P. Cœurdoux, Jésuite très habile, très
versé dans la religion hindoue, et dont il avait fait la connais-
sance à Pondichéry pendant son séjour dans Tlnde. Celte cor-
respondance datait déjà des années 1768-1771, mais ne fut
publiée que dans le lx(f volume des Mémoires de F Académie des
(') On trouve ce passage dans l'original italien, Viaggio aile Indir Orienlali,
p. 66.
142 ' JUILLET-SEPTEMBRK 19l>2.
IttscriphoiiK. qui parut la même année (1808) que la Irnduclion
française de l'ouvrage du P. Paulin.
Quand Anquctil Dupcrron visita Ghandernagor (en 1756),
le supérieur de la maison des Jésuites était un certain P. An-
toine Mosac (ou Mozac), de la vie duquel M. Vinson '^^ a donné
(d'après la Bibliothèque de Sommervogel) les principales dates.
M. Vinson a aussi relevé deux phrases tirées des lettres du
P. Goeurdoux imprimées dans les Mémoires de l'Académie des
IiiscriptioNs, où il est parlé de ses connaissances en sanscrit
(comme en bengali et en mythologie hindoue) et de ce qu'il
prétend avoir découvert ie Védam. Ce passage très important
se trouve dans les Mémoires, p. 685 , où on lit : «... le P. Mo-
sac, qui n'a pas moins étudié la langue samscroutane, prétend
a\ûir découvert le vrai Védam. Il le fait postérieur à la gentilité
Indienne ''-^, dont il est la réfutation détaillée. Get ouvrage a
pour auteur un vrai philosophe ennemi du polythéisme, tel que
toute la terre en eut long-temps après ie déluge. Ge vaste
ouvrage a été traduit par le P. Mosac; et quel trésor pour vous,
s'il vouloit vous le communiquer, ^i Anquetil Duperron, qui
ajoute dans une note ; « Get ouvrage sera YEzourvédnm n , exprime
dans sa réponse (voir Mémoires, p. 688) au P. Gœurdoux
l'espoir que le P. Mosac voudra bien envoyer à Paris, non seu-
lement sa traduction — on ignorait encore que ce document
a>ait été déjà remis, en 1761, par Voltaire à la Bibliothèque
du Roi — mais aussi l'original, «et accompagner ce préaeux
trésor. . . de discussions critiques sur la nature, l'auteur,
l'ancienneté de ce Védam, ie pays où il a été composé, et les
contrées où il fait loi, préférablement aux quatre Védas admis
aux côtes Malabare, du Goromandel, dans le Guzcrate, etc. w.
Mais le P. Mosac ne voulut pas consentir à faire connaître ses
(') Revue de linguistique , lib , ay'i, noto.
'*■• Telle «si aussi lopiniou de Sainte-Croix ( voir les otjservatious piéiinii-
naires, p. 17a).
MÉLANGES. U3
collections '" — peut-être avait-il des raisons (jui n'étaient
guère en ce temps-là compréhensibles, mais qui semblent
maintenant bien justifiées.
La correspondance publiée dans les Mémoires de rAcnrlétnie
ne nous permet pas de douter que le P. Mosac ne soit l'auteur
du livre imprimé sous le nom de ÏEzour-Védam. Anquetil Du-
perron et le P. Cœurdoux le savaient bien, et le premier l'a
encore relevé dans sa polémi([ue contre le P. Paubn à ce
sujet'-'. Après avoir cité les mots allégués ci-dessus du P. Cœur-
doux, il continue de la façon suivante : wLe P. Mosac, supé-
rieur, en 1766, des Jésuites de Gbandernagor, avait appris le
samscrétam sous les Brahmes de l'université ou école de Nou-
dia '^', sur le Gange. Je suis porté à croire que le Védam qu'il a
traduit est ÏEzour-Vcdam, et que sa traduction aura passé à
Pondichéry, d'où elle a été apportée en France, et est tombée
dans les mains du savant baron de Sainte-Croix, qui l'a donnée
au public, enrichie de notes curieuses et instructives. •« Et il
ajoute quelques explications sur la manière dont l'ouvrage a
pu être apporté en France, mais ce ne sont guère que des hypo-
thèses qu'il serait inutile de reproduire ici.
Le P. Mosac, qui, à en juger par les lettres du P. Cœur-
doux, serahle avoir vécu jusqu'à un âge avancé à Pondicbéry,
mourut vers 178/1. Alors son livre était déjà imprimé depuis
environ cuiq ans. Mais nous ignorons s'il a jamais eu connais-
sance du sort de son ouvrage et Anquetil Duperron '*' nous
apprend qu'après avoir reçu, au commencement de l'an 1770 ,
une nouvelle lettre du P. Cœurdoux, il ne reçut jamais de
lettres ni n'entendit parler de lui ou de soa confrère, le P. Mo-
sac.
(') Mémoires, p. 690 (lettre du P. Cœurdoux).
W Voir Voyages aux Indes Orientales (Paris, 1808), III, p. 120 et suiv.
(') Nadiya.
(*' Mémoires, p. 6f)6.
ï!ili JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
On liC |)ciil cloulor de l'eiitirre venté des ronsoignoiiienls
fournis par le P. Cœurdoux et par Anquetil Duperron. Le
P. Mosac avait donc appris le sanscrit au collège brahmanique
de Nadiya, il prétendait avoir découvert «le vrai Védamn et
avait traduit «ce vaste ouvrage îi *^'. Comme le P. Cœurdoux
n eût guère attribué à ï Ezoiu-\ édani seui i'épithète de «vaste r,
on doit supposer que toutes les traductions trouvées et énumé -
rées par Francis Ellis tiraient leur origine de la même source.
Eilis a aussi publié quelques fragments des textes originaux;
ils sont écrits en sanscrit avec l'orthographe du Bengale par
un homme qui possède de la langue ancienne une connaissance
assez approfondie pour être capable de composer en cet idiome
des slokas et de la prose assez simples, mais qui a commis des
fautes nombreuses et parfois graves. Nous ne saurions douti^r
que ces livres n'aient été composés dans l'intention de réfuter
la religion hindoue contenue dans les Pourânas et de guider
les missionnaires dans leurs discussions avec les brahmanes.
Le P. de' Nobili (et plusieurs de ses prédécesseurs) avait déjà
composé de semblables ouvrages, dont un bon nombre avaient
été imprimés dans l'Inde — surtout en langue tamoule. Mais
le P. Cœurdoux nous dit aussi que le P. Mosac ne voulut point
communiquer ses collections aux savants de l'Europe. Peut-
être faut-il conclure de là qu'il les avait composés lui-même
dans l'intention d'en faire usage pour ses travaux de mission-
naire, mais qu'il ne voulut pas. les présenter au public plus
exigeant des savants européens. Certes, il est impossible de
prouver la vérité de cette hypothèse; cependant, elle reste au
moins vraisemblable.
Le résultat de ces recherches est donc que le P. Antoine
Mosac, S. J., supérieur de la maison de Chandernagor, (îsI
l'auteur du manuscrit imprimé avec les commentaires du baron
Cj Méinoiiei, p. 685.
MÉLANGES. 145
(le Sainte-Croix sous le titre de YËzour-Védam, et que, ayant
vécu longtemps au Bengale et étudié le sanscrit chez les brah-
manes de Nadiya, il a vraisemblablement aussi composé les
originaux de ce même Véda et des autres textes pseudo-védiqiics
retrouvés par Francis Eilis.
Jarl Charpentier.
NOTE ADDITIONNELLE.
En composant, au début de 1929, le précédent article, j'ignorais
que ie savant père H. Hosteu, S. J. , avait déjà démontré, en 1921, dans
le Calliolic Herald of India du 29 juin, que les manuscrits des Védnms,
dont une partie an moins se trouve encore conservée à Pondichéry,
étaient de ia main du P. Mosac'^'. Le P. Hosten a comparé l'écriture
des manuscrits avec celle du P. Mosac dans des livres appartenant à la
cathédrale de Pondichéry et eu a constaté la conformité absolue. J'ai
grand plaisir à me trouver sur ce point en accord avec le P. Hosten ,
dont les excellentes recherches ont toujours suscité ma vive admira-
tion.
Le P. Hosten, naturellement, ne veut pas admettre que le P. Mosac
ait été aussi l'auteur des originaux sanscrits de ces œuvres. A ce sujet il
(lit : ffA hideous calumny, which has weighed on the Jesuits since 1822,
will now be silenced; it will be showu instead that, ever since lyia,
onc of their numbei" ought lo hâve been ranked in the fore front of the
|)ioneers of Sanskrit studies.« Je déplore vivement de ne pas pouvoir
suivre ici ro[)inion du savant Père; mais j'ai donné sur ce point des rai-
sons — à mon sens démonstratives — qui montrent l'impossibilité de
supposer pour ces Védams un auteur indigène. Quant à la crcalomnie
hideusen dont parle le P. Hosten, elle est certainement plus ancienne
que 1S29; mais seule l'époque où toute action des Pères Jésuites était
conilamnée prcs(pie comme un crime a pu voir ici — telle est du moins
mon o[)inion — (pielque chose de tout à fait impardonnable. Si ie
P. Mosac fut vraiment, comme je le crois encore, l'auteur des textes
t') Voir aussi le P. Hosten, Mij Jounwij ht Mylopon; , Poiiflichcirij and Tri-
chinopiiiij. Ilojjort subuiilted to llie hidiuu Hislorical llecords Coinuiissioii ,
(>alculta, iy2i!, p. 9 et suiv.
146 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
sanscrits, son zèle de missionnaire était fort expiicai)le. Quant à sa qua-
lité de frpioneer of Sanskrit studies«, ii a eu un grand nomi)re de pré-
curseurs dans la Compagnie de Jésus, dont les membres furent, aux
xvi' et xvn° siècles, presque les seuls Eiuopéens qui possédassent quelque
connaissance des langues et des religions de l'Inde.
J. C.
COMPTES RENDUS.
Rbyvs des Étodbs slaves ^ t. I, fasc. i-4, Sao pagres, Paris, 1991, Impri-
merie Nationale, Edouard Champiou éditeur; t. II, fasc. i-a, 17 A pages,
199a (abonnement aunuel, '10 francs; pour l'étranger, 43 francs.).
11 convient de signaler aux orientalistes un organe scientifique nouveau
de la première imporlance, et qui leur donnera des vues sur un vaste-
domaine voisin du leur : la Revue des Etudes slaves, publiée pai' l'Institut
d'Etudes slaves de l'Université de Paris sous la direction de MM. A. Meillet
et Paul Boyer. Le tome I (fasc. 1-/1) est déjà paru; les fascicules 1-9 du
tome II l'ont suivi de près. L'avanl-propos de M. A. Meillet, figurant en
tête du premier fascicule, définit le programme de la revue : formuler,
dans une langue accessible à l'ensemble des slavistes et des savants
d'autres disciplines, les résultats principaux acquis sur le terrain de la
slavislique au sens large du mot et, par l;\-mémc, tirer les études slaves
de leur isolement relatif pour en verser l'apport dans le patrimoine
scientifique commun. Le caractère synthétique (jue se propose d'avoir
la Revue des Eludes slaves, et qu'ont en elfet ses premiers numéros, la
rendra particulièrement précieuse aux non-slavistes, car ils y trouveront
des ensembles nets et solides en matière de linguistique, d'anti(piités,
de civilisation, d'histoire littéraire, d'ethnogra[)hie et de folklore slaves.
Les orientalistes relèveront notamment dès à présent : dans le |t. I,
fasc. 1-'.), un article admirablement lumineux et suggestif de M. Meillet
sur crl'anité slave»); — un article de M. St. Mladenov sur les ffvesligcs
do la langue des Protobulgares touraniens en bulgare moderne «; dans
les fasc. 1-2 et 3-4, un tableau général, avec une bibliographie nour-
rie, ffdes études ethnographiques en Tchéco-Slovaquie : littérature popu-
laire, coutumes et croyances, civilisation matéi'iellen, par M. Horàk; —
dans le t. II, fasc. 1-9, deux belles éludes où deux maîtres de l'archéo-
logie et de l'histoire traitent des influences orientales anciennes, ira-
niennes et njougoles, sur le monde sliive, l'ime de M. Rostovlzefl"(ffLes
origines de la lUissie kiévienne«) et l'autre de M. Lubor Niedeile (« Des
I/j8 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
théories nouvelles de Jan Peisker sur les anciens Slaves ri), — enfin un
travail riche de faits du savant commentateur des contes des frères Grimm ,
M. Poh'vka, sur rrle surnaturel dans les contes slovaques».
La Revue des Etudes slaves emhrasse aussi le domaine baltique : le
fascicule i-a du tome II offre un résumé de M. J. Eudzelin sur la ques-
tion des intonations lettonnes.
Une chronique bibhographicjue extrêmement détaillée accompagne
chaque fascicule. Cette chronique s'étend, pour l'indication des travaux
essentiels, aux domaines voisins de la slavistique, tels que ^ celui de
l'osmanli, du lurc oriental, du grec moderne, etc. Il me parait que la
Revue des Etudes slaves doit avoir sa place marquée dans toute biblio-
thèque d'orientalisme.
Gabriel Ferrand.
Augustin PÉrier, Yaijy een 'AdÎ, nn philosophe arabe chrétien du x' siècle.
Thèse pour le doctorat es lettres de l'Université de Paris. — Paris, J. Ga-
balda et P. Geuthner, 1920; 1 vol. in-12, 228 pages. — Petits TnAirÉs
APOLOGÉTIQUES DE Vahya bajv 'Adî , texte arabe édité pour la premièi-e fois
et traduit en français. Thèse complémentaire. — Paris, mêmes éditeurs,
1920; 1 vol. iu-12, i35 pages.
Yahyâ ben 'Adi, né à Tekrit en 898, était jacobite; il vécut à Bagdad,
où il avait reçu les leçons d' 'Abou-Bichr Mattâ et d'el-Fârâbî. C'était un
copiste infatigable; il avait copié deux fois le Tafslr de Tabarî, ce qui
n'est pas une mince besogne; en un jour et une nuit, il arrivait à trans-
crire une centaine de pages, au témoignage de l'auteur du Fihvist
(p. ^%h). Il paraît avoir été médecin, au témoignage d'Ibn-Abi-Oçaïbi'a,
mais il exerça peu son art, semble-t-ii, réservant ses forces pour écrire
des traités apologétiques en vue de défendre la croyance des Chi-étiens
contre les attaques des Musulmans. Il mourut à Bagdad le i3 aoiît 97^!,
à l'âge de quatre-vingt-un ans, et fiit enterré dans l'éghse de Saint-
Thomas, au quai'tier de Daqîq.
Tel fut l'homme dont M. l'abbé Augustin Périer a entrepris de faire
revivre la figure et connaître les œuvres. De celles-ci , il ne nous reste
guère que les traités chrétiens d'apologie, tandis que ses traités philoso-
pjjiipies et ses traductions d'auteurs grecs ont presque tous disparu.
C'est que les ])remiers ont été étudiés, recopiés et conservés par les
moines jacobites dans les monastères d'Kg} pie, tandis que les autres ont
été compris dans le naufrage de la littérature arabe qui a accompagné
les grandes destiiidioiis dont Bagdad a été victime. Plusieurs ont,
d'ailleuis, df'jà lait l'objet de publications, coiimie le Telidliih el-Ahhldq
COMPTES RENDUS. UO
imprimé à Beyrouth en 1866 et au Caire en 1891 et 191 3; le traité
sur la substance unique du Créateur, que le P. L. Cliéïkho a imj)rimc
en 1902 dans le Machriq, t. V, p. 368 et reproduit dans ses Vingt trai-
tés théohgiques (Beyrouth, 1920, p. 70); la défense de la Trinité,
traité publié et traduit par M. A. Périer dans la Bévue de l'Orient chré-
tien (3° sér. , t. II, 1990, n° 1).
Des manuscrits contenant ses ouvrages, on en connaît seize : six à la
Bibliothèque Nationale, neuf à la Vaticane, un à Munich, car celui qui
est catalogué sous son nom à la Bibliothèque Palatine de Florence est
une copie de sa main, non une traduction faile par lui. Parmi les pre-
miers, nous citerons crie magnifique in-folio, l'un des plus précieux
manuscrits arabes des bibliothèques d'Europe^ (p. 98), n" 882 a de
l'ancien fonds, aujourd'hui 93A6 du Catalogue de Slane, p. h\\, qui
renferme, entre autres, la traduction de la Sophistique faite sur la ver-
sion syriaque de Théophile d'Edesse.
L'auteur étudie successivement la philosophie de Yahyâ dans ses rap-
ports avec la cosmologie, la métaphysique, la lop,iqxie et la morale; sa
théologie dans ses traités de l'unité de Dieu et de la Trinité, où les per-
sonnes sont distinguées de la substance et distinctes entre elles, ainsi
que dans le trailé de l'incarnation ou de l'union, et la place qu'occupe
Yaliyà dans la philosophie arabe. Les témoignages concordants de
Mas'oûdi, d'en-Nadlm, l'auteur du Fihrist, d'Ibn-Abi-Oçaïbi'a et de Bar-
Hebrœus, indiquent à quel point la science du philosophe chrétien était
prisée par ses contemporains, même musulmans. Nous noterons en pas-
sant une légère inadvertance de la page 63, dernière ligne, oii nous
lisons Hichàm al-Jouhâï; ce sont deux personnes différentes; Hichâm
ben el-Hakam était un théologien chi'ïte et Abou-'.AIî el-Djobbâï un doc-
teur mo'ta/élite; h la note, halâm n'est pas rrla parole révélée", mais la
théologifi scholaslique, la science des molékallimin.
Les petits traites dont M. A. Périer publie à la fois le texte et la tra-
duction (sur une même page, ce qui est fort commode, ainsi qu'on l'a
déjà remai'qué pour les Voyages d'[hn-îi(ilj>i)(a et les Prairies d'Or), sont
au nombre de huit : pour démontrer que les Chrétiens ont raison de
croire que le Ciéateui' est une substance unique douée de trois attributs;
pour explicpier comment les Chrétiens comparent le Fils à l'intelligent
et iioii h l'intelligiitle, le Saint-Espi'il à l'intelligible, non h l'intelligent,
et solution de lu dithculté <^ ce sujet; pour l'épondre à plusieurs (]ues-
tions (ju'on lui a posées sur les trois personnes de la Trinité et l'unité
de Dieu; pour démontrer comment il est permis d'atlirmer du Créateur
qu'il est une sui)stance unique douée de trois propriétés a|)pelées per-
150 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
sonnes; pour répondre à une question soulevée devant le ministre 'Ail
ben 'Isa ei-DjaiTàh au sujet de lu ïriuitë; sur le mode de rincarnation;
pour répondre à une ol)jeclion des adversaires contre les attributs que
Ton donne au Christ considéré comme homme; sur l'erreur de ceux qui
disent que le Christ est un par accident. L'appendice I contient la tra-
duction, revue et améliorée, de la défense du dogme de la Trinité contre
les objections formulées par Abou-Yoùsouf el-Kiudi dans sa Réfutation
des Chrétiens, déjà parue dans la Revue de l'Orient chrétien (1920), et
l'appendice II est un glossaire de quelques termes philosophiques.
Malgré le soin apportée la correction des épreuves, il a subsisté,
dans le texte arabe, un certain nombre de fautes typographiques qui
n'ont pas toutes été relevées aux pages \Zk et i3/i'; mais il serait fasti-
dieux de les énumérer ici. Nous nous bornerons à noter quelques pas-
sages qui appellent des observations. Page 11. Jos^àU^-o signifie rrab-
surden; de même jLsïC^l, p. 78, dernière ligne. — P. i5. <xic est la
cause, non le principe, et JyLjL* l'effet. — P. 18. U^5 doit être écrit en
deux mots : U JS'. — P. 22, 1. 1. caljLo S^, plutôt iLLo S-^. — P. 38.
ffJ:.._M^\\ frqui éclaire'?, plutôt que ffqui brillei. — P. 89. »j^^! (.y» xa.^
tf d'aucune manière^, non ffà des points de vue différents55. — P. ^o.
»yi53! ttle nombre^?; plutôt : cria pluralité'?. ^^wUl ^ (vw^l «le nom ne
convient plus à la chose dénommée^; il faut traduire mot-à-mot : ffLe
nom est autre chose que la chose dénommée n; la question, débattue
dans les écoles de philosophie, est de savoir si le nom est identique à la
chose dénommée, si l'on et l'autre ne constituent qu'une seule entité.
— P. /i2. iLv<w*xJLj j^yiJLjLju (^j.^jsjs: ffdes êtres dont la définition est diffé-
rente" , traduire plus précisément rrdes êtres défiais dont la dénomina-
tion est différente^. — P. 65. En dépit de la note, le membre de phrase
visé se lie parfaitement à ce qui précède.
P. 53. ^!^j est une pure transcription du grec Iwivvris, à côté de
G^fcj, qui trahit son origine syriaque, et de <^5:^, qui figure dans le
Qorân. ^sJ^J! rrapôtre^, étant emprunté au syriaque saltho, doit être
vocalisé ^JLJl (cf. Dozv, SuppL), non ^JLJI, qui ne se trouve que dans
le Mohit d'el-Bislanî. — P. 5/j. Un membre de plu'ase a été oublié dans
la traduction; après : «Lorsqu'une chose est identiipie avec une autre en
quelquf chose de son essence^, ajouter : fret en dillère par quelque
chose de son essence^. — P. 60, dernière ligne, lire «^xjL^r ^- — P. 63,
avant-dernière ligne, Bahar, lire Bahr. — P. 6/1. yl^.oJl j.'Xîwb trdans
les conseils^, traduire plutôt ff règles de l'administration n; iybJl t_.'^^
«f secrétaires présents») serait mieux rendu j)ar n-secréUiiros de la cour, ou
de S. M. [le khalifejr), — P. 73. yj_>joo.«il ffqui lomnonl le dosn n'est
COMPTES RENDUS. 151
pas rendu dans la traduction; au lieu de : ffsi l'on est tourné comme les
objets •n , il faut traduire, en serrant de plus près le texte : «Si l'on tourne
le dos aux objets [et que, par conséquent, on ne puisse les voir directe-
ment], face aux miroirs, on y voit Timage de ces objets. . . ». — P. 76 ,
1. 1. yl^,s^ est traduit par r vivante et p. 78, 1. 3, par a animai»; la
seconde interprétation est la seule exacte.
P. 87. Younis, lire Yoûnous. — P. 9/i. Jy^j ffqu'il a grandi», com-
prendre : (T qu'il a été élevé, éduquén. — P. ()ç). iojJjLJ! n'est pas le dia-
mant, mais le corindon. — P. 101. Juci^ a disparu de la traduction :
fret on les amis à mort». — P. io3. ciUàK^I fr indifférence», plutôt
rmépris»; à la ligne 6, *Jlil n'est pas traduit : ff plein de mansuétude».
— P. io5. ff Différentes leurs habitudes», lire rf opinions» ^Kl. ■ —
P. 106. *.^>£^ lâLjvcil^ n'est pas traduit; en outre, la leçon du ms. 0
(Paris 178) me paraît meilleure, si on lit CiU^ou-l^ : «pour éprouver
les prédicateurs, examiner ce que valait leur prétention (45^3), et être
rassurés à l'endroit de leur mission (s^i)». — P. 108. (£^:> doit être
rendu par ff prétention» et non ffallirmation». — P. ii3. S entre cro-
chets doit être supprimé. — Dans le glossaire, j.5o ff éternité», f-lL
ffatome», -Svc méant», \jb^ cfaccident», ^««lï frpai'tie» ne sont pas
vocalises comme il est d'usage courant.
Ces légères imperfections de détail ne doivent rien enlever au mérite
de l'auteur, qui a eu le courage de s'attaquer à une matière difficile et
ingrate et a eu le talent de faire revivre les œuvres d'un défenseur du
christianisme resté trop longtemps dans l'oubli.
Cl. HUART.
Ibno'l-Balkhî. The FÂrsnÂma, edited by G. Le Strange and R. A. Nicholson
[Gihh Mémorial, new séries, t. I). — Cambridge, University Press, 1991;
1 vol. in-8°, xxxn-199 pages.
L'auteur du Fârs-nâma ou description géographique et historique de
la province du Fars, en Perse, ouvrage conservé en manuscrit au Bri-
tish Muséum, était inconnu avant M. Le Strange, qui a donné la tra-
duction de la partie géographique dans le Journal de la Royal Astalic
Society en 1912. Ce savant a établi que le nom d'Ibn-el-Balkhî lui vient
d'un ancêtre originaire de Balkli , que son grand-père avait été contrô-
leur des finances dans le Fars vers l'année de l'hégire ^9;? (1099), sous
les ordres de l'atabek Roku-ed-daula Khomàrtakin, gouverneur de la
province pour le sultan seldjouqide Barq-Yaioucp Ibn-el-Balkhi, qui
avait accompagné son grand-père, fut élevé dans la province dont
152 JUILLET-SEPTEMBRE 1022.
celui-ci contrôlait les revenus, et fut chaip;é d'c^crire le pressent livre par
le frère et successeur de Barq-Yarouq, Gliiyàlli-ed-din Moliammed, au-
quel il est dddié. Ce sultan ëtant mort en 5i i, et l'Atabek Tchàwoulî,
mort en 5io, étant fréquemment cité dans le texte comme encore vivant,
il s'ensuit que l'ouvrage a été écrit dans les dix premières années du
vi° siècle de l'hégire (xii* siècle de uolre ère), par conséquent deux cents
ans avant que IlamduHah Mustaufî compil<^t son No:hat-el-Qoloùh.
La disposi ion adoptée par l'auleur est peu méthodique. Après la pré-
face habituelle, il donne une descri|)lion sommaire de la province, cite
quelques traditions du prophète afférentes h sou sujet, puis trace un
résumé de l'histoire des anciens rois de Perse et de la conquête arabe,
jusqu'au règne du khalife 'Ali ; nous trouvons ensuite une liste des cadis
de la province, et la description géographique intégj-alemeut traduite
en 1912 par M. Le Strange. Nous revenons après cela à l'histoire du
Fais, comprenant une description des tribus Chabânkàrè et kurdes sui-
vie d'un sommaire des revenus de la région, et enlin d'une courte note
rappelant les derniers Boiiyides et l'avènement des Seldjouqides.
11 existe un second manuscrit de cet ouviage, c'est celui qui a fait
partie de la collection Schefer et se trouve maintenani à la Bibliothèque
Nationale, mais il est visiblement une copie, faite en 1806, de celui du
British Muséum, qui lui fut jadis présenté en feuilles détachées; celui de
Paris peut servir à compléter les lacunes de ce dernier. Non seulement
Hamdullah Mustaufî a utilisé le Fdrs-ndma, mais encore llàfîzh Abroù,
le secrétaire de Timour, en a inséré la plus grande partie dans le livre
qu'il a écrit en 820 (1/117).
On trouvera, p. xxvn et suivantes, une liste de formes archaïques et de
mots obsolètes que nous compléterons par les obser\atious que voici :
1^)^ en parlant d'une rivière, n'est pas tout à fait rrsweet and whole
somer, mais rrdont l'eau est aisée à digérer-r. les Orientaux prisent
beaucoup cette qualité, qui naturellement varie selon les sources. -LO
yS", p. i3/i, 1. 19, (rmeaning obscure" ; la phrase où se trouve celle
expression se traduit ainsi : rrC'est un chemin très ditficile, tout en
défilés et en montagnes; il est pénible et oblige à ])rendre les rênes des
montures (pour (pi'olles ne londjenl pas dans les précipices) 75. jJ dans
le sens d'otage doit être une graphie défectueuse pour \y (cf. p. 5,
1. 20, y!l^ au plur. ), qui est donné avec ce sens par le Borhdn-i qàiï.
Suivent deux pages de corrections et d'additions; ce n'est pas beaucoup;
ajouter toutefois : p. 117, 1. i4 »^1^ (^, lire s.\y (corrigé à la table);
p. i3^t , I. 11. c5>4-i. qu il faut lire ^^y^.
La j)arlic relative aux anciens rois de Perse est de quinze ans anlé-
COMPTES RENDUS. 153
Heure au Modjmcl et-Tairàrilih , écrit en Sao (i i 26); elle a pour base
Tabarî et llaniza Icfabànî, mais l'auteur a encore utilisé d'autres sources
qui ne nous sont plus accessibles. On trouvera, p. xxni-xxiv, l'énuméra-
tion des différences qui séparent le texte du Fdrs-ndina des autres
sources; par exemple, le mariage de la reine Bouràn-dokbt avec Cbalir-
baràz et le nieuilre qu'elle commet sur celui-ci sont ignorés des histo-
riens musulmans, mais non des Arméniens; les rois sâsànides Ki-^rà
Kburahân ben Arslàn (nom turc?) et Kisrà (ibn) Qobâd ben Hormuz,
qui ne se trouvent pas dans Tabarî , tandis que llamza connaît ce der-
nier. Rustem reçoit de Kaï-kàoûs un àzdd-nàinn, expression traduite par
ffletter of émancipations, mais qu'on peut comprendre aussi conmie
cf lettres de noblesse^.
On ne saurait trop féliciter les éditeurs d'avoir substitué la graphie
moderne à celle des anciens manuscrits , tracés par des copistes formés
à l'école de l'arabe, qui ne tiennent pas compte de la différence entre
b et p, dj et c, k et g.
Ainsi que l'explique M. Nicholson dans l'introduction, M. Le Strange
avait commencé à établir le texte, à la suite de la traduction de la partie
géographique qu'il en avait faite, lorsqu'en 1912 il a perdu prestpie
complètement la vue. Cela explique la collaboialion que lui a prêtée
M. Nicholson; grâce à son dévouement, ce texte, important par sa date
et son contenu, a pu voir enfin le jour et inaugurer une nouvelle série
de la collection du Gibb Mémorial.
Cl. HUART.
Joseph Carame, interprète. L.i DESCRipnofi de la Fjiaxce agricole, /jvdi/s-
TRIELLB , COMMERCIALE ET COLONIALE, A l'vSAGE DES MaROCAINS [ BU arabe].
— Rabat, Imprimerie officielle, 1921; 1 vol. in-8°, 192 pages.
M. Yoiisef Abou-Karam , Libanais de Broummâna, est un de ces Ma-
ronites (jui se sont attachés à la fortune de la France; il est actuellement
interprète à la Résidence générale à Rabat (Ribût-el-Fath, Maroc).
Ayant eu l'occasion, au cours de la dernière guerre, de publier dans le
journal arabe Sadda une série d'articles d'économie [)olilique destinés à
faire connaître aux Marocains ce qu'est la puissance protectrice de leur
pays, il a eu l'idée de les réunir en volume, et la Direction de l'instruc-
tion publique s'est intéressée à cette publication. Cesl surtout l'agricul-
ture qui a attiré l'attention de l'auteur, et le fait est que celte branche
du travail est de nature à préoccu|)er une population oîi cette science est
restée dans l'état le plus primitif; il est vriti que le trjeune Araben est nné
15/1 JUILLET-SEPTEMBRE 1922.
plutôt poète qu'agriculteur, plutôt littérateur fjue planteur d'arbres ! n
Un ouvrage de ce genre provoquera de sérieuses réflexions chez les Ma-
rocains instruits, et, s'ils sont propriétaires de terrains agricoles, ils se
demanderont pourquoi leur pays n'est pas aussi florissant que ceux de
l'Europe centrale; s'ils se posent celte question, ils seront tout pi'ès
de la résoudre.
L'auteur possède bien sa langue classique et ne tombe pas trop dans
ie travers de se servir d'expressions obsolètes dont il faut aller chercher
l'explication dans la poussière des bibliothèques, comme tant d'autres
qui, fiers de bien posséder leur Qdmoits, se préoccupent peu de savoir
s'ils seront aisément entendus de leurs lecteurs. Gela n'eût pas convenu
à un ouvrage de vulgarisation , et le rédacteur l'a bien compris ; mais il
a évité d'écrire trop platement, car son livre sera lu par des lettrés et
non par des paysans; notre style simple des traités didactiques n'eût pas
convenu en ce cas, puisque ce n'est pas un manuel technique. Le texte
en est imprimé en caractères orientaux et non maghrébins, comme
d'ailleurs le journal Sa'dda lui-même; il parail que la différence de ponc-
tuation du^a et du qdj ne gène pas les lecteurs marocains.
Cl. HUART.
CHRONIQUE
ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
PERIODIQUES.
Anthropos, vol. XIV-XV, juillet-décembre 1990 :
P. M. KïsTERS. Das Grab der Afrikaner, — V. Christian. Akkader
und Siidaraber als altère Semitensclàchte. — H. Pinard. L'étude com-
parée des religions, de l'appaiition du cbristianisme au moyen âge. —
P. ScHEBESTA. Eiue Bantugrammatik aus dem 17. Jahrhuiidert. — Fr. v,
d. Velden. Der Ursprung der nichtgemein-indogermaniscbe Beslandteile
der germanischen Sprachen. — M. Vanovkrbergh. Songs in Lejianto
Igorot as it is spoken at Bauco. — G. Schurhammer. Das Stadtbild Kyotos
zur Zeit des hl. Franz Xaver (i55i). — P. Bivet et P. Tastevin. Les
langues du Punis, du Jurua et des régions limitrophes. — G. PagÎîs.
Au Ruanda, sur les bords du lac Kivou (Congo belge). — N. Stam.
Bantu Kaviiondo of Mumias district (near Lake Victoria). — P. A. Witte.
Beitriige znr Ethnographie von Togo. — C. Nimuemdaju. Bruchstiicke
aus Religion und Uebeilieferung der Sipaia-Indianer. — K. Th. Preuss.
Forschungsreise zu den Kagaba-Indianern. — Fr. Bock. Die Gôttcr der
sieben Planeten in alten Mexiko. — Fr. Graebner. Thor und Maui. —
W. ScHMiDT. Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte in der Schule.
The Asiatic Revie-w, July 1922 :
Th. BfNiNktt. The Bef'orm in India. [Considérations rapides sur les
réformes politiques introduiles récemment dans ITnde.]
C, D. Bruce. Genoa and the Washington Conférence vvilh spécial
référence to ihe Inleresls of Ihe Lf. S. A. in China. [Sur l'action possible
du traité germano-russe en dehors de l'Europe.]
G. A. ORMSiîv-Gour;. The Situalion in the Near and Middle East.
Ib6 Jl ILLKT-SEPTEMBRE 1922.
K. N. SiTAK\M. Some Aspecls of Indian Architecture, chieny Hindiiistic.
[Revue des principales périodes de l'histoire de rarchilecture hindoue;
description succincte des monuments types.]
V. Chirol. India in the Lea{^>ue of Nations : what she gains. [Le béue'-
fice que retire l'Inde de faire partie de la Société des nations est de voir
sa législation s'améliorer. ]
J, A. Sandbrook. a Hnndred years of Journalisra in India (suite),
T. B. Partington. The Commercial Future of China. [Au point de vue
commercial, la Chine méi'itc de retenii' l'attention des capitalistes an-
glais.]
U. B. HoLME. The Burmese Craftsman and liis work.
Stanlev Rice. The frSihylline Books-^ of India.
D. A. WiLSON. Chinese Love Songs.
Epigraphica indica, Vol. XVI, Parts 3-4 :
F. E. Pargiter. The Inscriptions on the Rimaran Vase. — R. Sewell.
Tlie First Arya-Siddhanta : ffTruei System.
Hespéris, t. I, 'i" trimestre 1921 :
G. Marçais. La chaire de la Grande Mosqiiée d'Alger (avec 9 ligures
et 7 planches). — E. Laoust. Noms et cérémonies des feux de joie chez
les Berbères du Haut et de l'Anli-Atlas (lui, avec une carte du Maroc).
— P. Ricard. Poteries berbères à décor de personnages (avec 10 illus-
trations). — Actes du IP congrès de l'Institut des Hautes-Etudes maro-
caines. — Bibliographie marocaine eu 1931.
Indian Antiquary, April 1922 :
R. L. Turner. Furtlier Spécimens of Nepàlî. — T. W. Haig. The His-
lory of the Nizam Shàhî Kings of Ahmadnagar. — K. M. Gupta. Land
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India. — R. C. Tkmple. Faclor's coniplaint froiii l'oraki'id in 1 (')('),"). —
E. K. AvuToN. Note on oiie of tlic \niaràvati Scid|iliii('s in llic Colondio
Muséum.
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRA IMIIQ UES. 157
Jiine :
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Prof. A. Savcr. New liglit from Western Asia. — T. VV. Haig. The His-
tory of the Nizam Shàhî Kings of Ahmadnagar. — R. G. Temple. Notes
from old Factory Records.
Der Islam, vol. XII, fasc. 3-4 :
W. AiiRENS. Die ffmagischen Quadraten ai-Bûnî's. — J. IIorovitz.
Sahiiâu al-Fârisi; - Biblisclie Nachwirkungeu in der Sira. — J. H. Mordt-
MANN. Das Ei des Golombus. — I. Goldziuer. Zwei Schwerter.
Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ire-
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Obituary Notices. E. II. Whinfield, by H. Beveridge. — Dr. J. Nies.
Al-Machriq, Mai iQ'îQ :
A Salham. L'accord des généalogies de N.-S. dans saint Matthieu et
suint Luc. — L. Gheikho. Les Séances d'Elie de Nisibe; - La bibHogra-
pliic arabe chrétienne depuis rislaiii;- Le premier centenaire des Mis-
sions cathoii([ues. — J. Ghorevier. Un orientaliste jésuite américain : le
P. W. Drum.
uni
S. GiiEiKiio. Le troisième centenaire de la Gongr/galioii de la Pi-opa-
gande. — A. Gémavel. L'opinion et le purisme en arabe. — L. (îiu;ikiio.
La bibliograpliic arabe chrétienne depuis l'Islam. — P. Sahaii. Un ermite
français au LibcUi : M. Fiançcus de Ghastenil.
Juillet :
Fr. Krenkov. Les diwans des deux poètes Auu'on ibn kolthoum et
llarilli ibn Hilliza. — L. Gheikho. Le centenaire de la Société asiatique
158 JUILLET-SEPTKMBUE 1922.
de Paris. — R. Nakhlé. La nouvelle Allemagne. — L. Ciieikiio. La
bibliographie aiabo cbrélienne depuis ilslara. — P. Sàrah. Un ermite
français au Liban : M. François de Ghasteuil (jin).
The Moslem "World , July 19 2 a :
P. W. Harrison. The Arab Mind an ihe Gospel. — A. Jeffery, Eclect-
ism in Islam. — S. R. Harlow. Goramunity Life and Geremonies of the
Peasant Turk. — S. M. Zwemer. The so-caiied Hadith Qudsi. — Percy
Smith. The Ibadhites.
Le Muséon, vol. XXXIV, fasc. 2 :
A. Carnoy. L'idée du cr Royaume de Diem dans l'Iran. — J.-B. Cha-
bot. Mélanges épigraphiques et archéologiques. — G. Ryckmans. Un
sceau avec inscription sud-arabe. — P. Gruveilhier. Elude sur les frag-
ments d'un code pré - hammourabien en rédaction sumérienne. —
G. RvcKMANs. Relevé des inscriptions sud-arabes appartenant aux musées
et aux collections privées. — Th. Lefort. Analecta phiiologica. —
H. Devis. Homéhe cathédrale de Marc, patriarche d'Alexandrie. — E. de
Zacharko et W. Bang. La syntaxe kirghize de P. M. Melioranski. —
D' R. Pelissier. Alien Races of East Russia : Among the Wotjaks. —
E. DE Zacharko. Usage des Tatares de TAbakan. — B. Belpaire. Une
j'éceiite histoire de la Ghine [Henri Gordier, Histoire générale de la
Chine].
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d'Alger. — Voinot. Une phase curieuse des rapports des autorités algé-
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Provençal. Essai de léperloire chronologique des éditions de Fès.
Revue des Études slaves j)ubliée par l'Institut d'Etudes slaves. Direc-
teurs : A. Meillet et Paul Boyer. Librairie Ghampion. Tome I,
1921 :
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jiorls mutuels du serbo-croate et du slovèue. — N. van VVijk. Du dépla-
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES. 159
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Les études ethnographiques en Tche'co-Slovaquie ; littérature populaire;
coutumes et croyances. — André Lirondelle. La poésie de l'art pour
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toevskij à Turgenev. — Louis Eisenuann. Ernest Denis. — S. M. Kul'-
BAKm. L'œuvre de A. A. Sachmatov. — Prince N. Troubetzkoy. De la
valeur primitive des intonations du slave commun. — A. Meillet. Les
vues de Sachmatov sur la constitution de la nation russe et des dialectes
russes. — J. J. Mikkola. L'avance des Slaves vers la Baltique. —
Fr. Travim'cek. De la ijuantité en tchèque. — Jifî Horak. Les études
ethnographiques en Tchéco-Slovaquie : la civilisation matérielle. —
P. Cancel. a propos de l'origine des rrbugarsliceii. — Pierre Chasles.
La famille paysanne russe d'après le droit coutumier. — Louis Réau.
L'art français en Pologne sous Stanislas-Auguste. — (-hronique, par
A. Meillet, André Mazon, A. Vaillant.
T. II, fascicules i et 2 :
M. Rostovtzeff. Les origines de la Russie kiévienne. — Lubor Nie-
DERLE. Des théories nouvelles de Jan Peisker sui* les anciens Slaves. —
A. Meillet. Des innovations du verbe slave. — St. Romanski. Slave
commun et verbe ancien. — J. Endzelin. Des intonations leltones. —
A. Belic. Principes du classement des substantifs en serbo-croate. —
M. IvKovic. La chute du v dans les parlers de la Macédoine orientale. —
Jordan Ivanov. Un parler bulgare archaïque. — Jiïî Poli'vka. Du surna-
turel dans les contes slovaques : les êtres surnaturels. — Jules Patouillet.
L'histoire du théâtre russe : essai de bibliographie critique. — Chro-
nique.
Revue du Monde musulman, vol. XLIX (mars 1922) :
Colonel NiEGER. Choix de documents sur le territoire des Alaouites
(pays des Noseïris). — B. Nikitiîne, Les valis d'Ardelan. — IL BoiR-
geois. Le frLivre des Bektachisn de Naïm bey Frasheri, traduit de l'alba-
nais. — M. Delafosse. L'animisme nègre et sa résistance à l'islamisation
en Afrique occidentale. — L. Bouvat. Livres et Revues.
Vol. L (juin 1922) :
C. Snolck-Hurgronje. L'Islam et le problème des races. — J. Cas-
tagne. Le Turkestan depuis la révolution russe. — G. . . Textes liisto-
160 JUILLET-SEPTEMBRE ly-JJ.
riques sur le lévoil arabe au Hetljaz. — Yoîsoi f Bek Vezîuoff. IJii coup
rl'œil sur la lillëralure de rAzerbaidjan. — B. INikitine. Talecli. —
M. TcHOKAÏEv. Deux contes modernes du Turkrstaa, traduits du kirgliiz.
— Liste des ouvi'ages imprimes à Damas de 191^ à 1991, communi-
quée par l'Académie arabe. — Livres nouveaux concernant les études
islamiques. — Livios orientaux nouveaux. — Revue des revues.
T'oung Pao, 1922, fasc. 9-3 :
J. MuLLiE. Les anciennes villes de l'empire des grands Leao au royaume
mongol de Bârin.
Le {jCKIHl :
(J;il)riol Fkrrani).
JOURNAL ASIATIQUE.
OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
L'EMPIRE SUMATRANAIS
DE ÇRlVIJAYi,
PAR
GABRIEL FERRAND,
MINISTRE PLENIPOTENTIAIRE.
(SUITE.)
Abû'l-Fazl (1695).
The Aîn i Akbari hy Abul Fazl Allami, lexlc persan édité
par H. Blochmainn, 2 vol., in-/i°, Calciilt.), 1872 et 1877;
trad. anglaise : t. I, par Blochmann, in- 8", Calcutta, 1878;
t. II et III, par le colonel H. S. Jarret, Calcutta, 1891 et
189/1.
LXXXllI. (T. III, p. 46.) Table pour la détermination des iongiludes
et des latitudes des endroits situés dans le quart habité du globe. . .
Pays situés au sud de l'équateur.
L'île de Lâmurï, dans l'Inde,
qui produit le bois du
Brésil long. 1 3o° 00' lai. 9° 00'
L'Ile de Kalah , dans l'Inde. . 1 /io° 00' 8' 00'
L'île du Maharaja, dans l'Inde. 1 5o° 00' i' 00'
Premier climat.
L'île de Zâbag ioA°oo' 1 5° 00' [nord'"']
'') Tontes ros indications sont inexactes. Les pays situés dans le 1" climat
sont au nord de réquatéur. D'après les latitudes données par Abu'l-Fazl, le
162 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
Mille et uxe ivc/rs'^l
LXXXIV. Au cours de son premier voyage, Sindbâd arrive dans une
île inconnue. Il y rencontre des palefreniers qui lui dirent : cfNous
sommes les palefreniers du roi [appelé] le Mahâiâja à qui cette île
appartient . . .-r Dès que les juments du roi eurent été saillies par l'éta-
lon sorti de la mer, rrles gens, montés chacun sur une jument, formèrent
une troupe nombreuse et partirent, en m'amenanl de compagnie, pour
la ville du roi [appelé] le Maharaja, où nous arrivâmes tous ensemble.
Ils m'introduisirent vers ce roi et me présentèrent devant lui. Il me
demanda qui j'étais, et je lui racontai toilt ce qui m'était arrivé" (texte
et trad. de Lakglîîs, dans Savakv, Grammaire de la langue arabe, Paris,
181 3, m-h\ p. li']b-h-]6).
Livre des merveilles de l'L\de.
Kkàh "njâ'ih al-Hind, Livre des merveilles de l'Inde par le capi-
taine BozoRG BiN Sahriyàr dc Râmhormoz, trad. par iMarcel
Devic, texte arabe et notes par P. A. van der Lith, Leyde,
1883-1886, in-/» <'('^).
LXXXV. (P. 187.) Yûnus, fils de Mahrân, de Sïrâf, le marchand
qui a été au Zâbag, m'a dit : rrDans la ville où réside le Maharaja, roi
du Zâbag, j'ai vu une quantité innombrable de rues marchandes. Dans
[la rue] des Changeurs, j'ai compté jusqu'à 800 changeurs, outre ceux
qui sunt établis çà et là dans les autres rues.i- Il ajoutait bien d'autres
choses sur celte île du Zâbag, ses campagnes cultivées, la multitude de
ses villes et de ses villages, qui passent toute description.
LXXXVl. (P. 176.) Jai déjà parlé de Sribuza qui est située à l'ex-
trémité de l'île de LâmurI, à 1 20 zâm [=.360 heures de route] dc Kalah.
Zahâjj serait à 16° au nord de l'île du Maharaja, à 28° au nord de Kalah =
Kra de la péninsule malaise et à ai" au nord de Lâmurï ^= pointe nord de
Sumatra !
"^ Le texte des Mille et u»c nuits n'est pas daté, mais son ancienneté est
incontr-slable (cl. mes Relations de vutju^cs , t. Il, p. 56i).
'*) La date de ce lexle osl incertaine; j'en ai donné les raisons dans mes
HelatioDs (le voijaifes , t. II, p. 56^1 -56f).
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 163
Allah seui connaît la vérité I La baie de Sribuza pénètre, dit-on, de
5o parasanges dans l'île. (î'est un fleuve beaucoup plus large que le
Tigre à Basra, ses eaux sont douces comme celles du Tigre. Il n'y a
point de baie plus longue dans toute l'île. Le llux s'y fait sentir de
douze eu douze heures. On y trouve des crocodiles ; mais ceux qui sont
dans ia partie qui avoisine les habitations, ne font aucun mal, ayant
été enchantés, comme nous l'avons dit'*', tandis que les parties situées
en deliors des constructions sont inabordables, à cause de ces animaux.
Quelques maisons sont bâties sur terre; mais la plupart flottent sur
l'eau, soutenues sur des pièces de bois reliées ensemble, en forme de
radeaux, et d'une durée infinie. Ils font cela par crainte du feu; car
leuis habitations, construites en bois, sont fort sujettes à l'incendie;
que le feu prenne quelqiie part, tout brùIe. Placées sur l'eau, les mai-
sons sont mieux protégées; si le feu se déclare en un point, chaque
propriétaire peut couper ses amarres, déloger et s'aller fixer ailleurs,
loin de l'incendie. Lorsqu'il se déplaît quelque (p. 177) part, il peut
de même changer de quartier. Ces habitations de la baie sont rangées de
manière à former comme des rues. L'eau, entre les habitations, coule
avec abondance. C'est de Teau douce qui arrive du haut pays pour
pénétrer dans l'estuaire et se jeter dans la mer, de la même manière que
le Tigre.
ÇrÎVIJAYA > CuE-LI-FO-CUE = ZâBAG < JâVAKA.
L'empire de Çrlvijnya avait sa capitale à Paiemban même
ou aux environs de l'actuelle Paiemban. C'est ce qui résulte
des itinéraires de Yi-tsing (III et VI, p. k et 5). Celui-là, de
Chine en Inde, part de Canton, avec escales à Fo-che ou Che-
li-fo-che, Mo-lo-yu, Kie-lch'a, l'une des Nicobar, pour aboutir
à Tamralipti; autrement dit Canton-Palemban-Jambi-lvedah-
Nicohar et, enfin, Tamluk. Celui-ci, de Chine à Ceylan,
emprunte l'itinéraire suivant, le port chinois d'embarquement
n'étant pas explicitement indicpié : Canton, Che-li-lo-clie, Mo-
io-yu, Kie-tch'a, Na-kia-po-tan-na , Ceylan; c'est-à-dire : Can-
ton-Palembafi-Jambi-këdah-Negapatam-Ceylan. Dans ce der-
f Vide p. 1 58- 160 du même ouvrage.
164 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
nier cas, il est dit que la durée du voyage entre les deuxième,
troisième et quatrième escales, fut de quinze jours de Clie-li-
fo-che à Mo-io-yu et de quinze jours également de Mo-lo-yu à
Kie-tch'a''l Si le voyage paraît un peu long entre ces escales
qui sont relativement proches, on se rappellera que Palemban
et Jambi sont des ports fluviaux, situés, comme Bangkok,
Saigon et Canton, en amont, à (jueique cent milles de l'em-
bouchure, et que la navigation dans ces fleuves et rivières
d'Extrême-Orient est extrêmement lente, malgré l'assistance
des pilotes locaux. En fait, de Palemban à Jambi, près d'un
quart du voyage s'elïectue dans l'estuau'e et la partie basse du
fleuve où les apports d'alluvions et les déplacements constants
des bancs de sable et de vase sous l'influence du courant variable
avec les saisons (saison des pluies ou saison sèche), de la
mousson, des cyclones, rendent la pratique du fleuve extrême-
ment difficile et malaisée pour les bâtiments de haute mer. Je
n'ai navigué ni sur le bas fleuve de Palemban , ni sur celui de
Jambi, mais je connais assez bien le bas Menam; et je sais
combien la montée de la mer à Bangkok et la descente du
fleuve à la mer exigent de précautions, même de la part des
marins du commerce qui font régulièrement la navette entre
Saigon ou Singapour et la capitale siamoise, avec des vapeurs
de faible tonnage. On peut ainsi facilement imaginer combien
celte navigation était plus délicate encore pour les voiliers et
jonques de mer du vu'' siècle.
Çrivijaya et Che-li-fo-che ou Fo-che se situent donc à Pa-
lemban. D'après rinscription de Viei'i Sa (XXIX), le roi de
Çrivijaya est titré Maharaja; le texte épigraplii(pie dit en effet,
('^ Vide supra, LXXWI, p. lOa , lo passajje du Livre des merveilles de l'Inde
où il est (lit que kaiuli ou Kra de la pôniiisnle malaise est à 120 zàm de
route = 3Go lieui'cs= i5 jours de route île Srihuza ; mais il s'agit sans doute
ici d'un voya^je direct, sans escale inlermikliaire entre les deux ports de di'part
et d'arrivée.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 165
expressément : çrmali/lrâjandmn (^vide supra, p. àtî^ C'est
exactement le titre par le<|uel les textes arabes désignent le
souverain du Zabâg et nous en avons de nombreux témoi-
gnages : Ibn Horda<5"bei( (XXXIV), Ibn al-Fakïh (XXXVI,
p. lô), Ibn Rosteii (XXXVII), Abu Zayd (XXXIX, *§ 2), Mas^ûdî
(XL et XLI), Kazwlm- (XLVIII et LV), Ibn Sa w (LXI, infue),
Abûlfidâ (LXVlll et LXÏX), Ibn al-Wardï citant Muhammad
bin Zakariyâ ar-Râzï (LXXII), qui s'étendent du milieu du
i\^ siècle au milieu du xIv^
D'autre part, Abûlfidâ affirme que «l'île du Maharaja, c'est
l'île de Sribuza55, c'est-à-dire que cale du Maharaja» et cale
de Sribuza» sont les noms diff'érents d'une même île (LXVIII,
p. '76, et n. 1 ). Le même auteur rapporte également un pas-
sage du Livre des longiludes attribué à Al-Faris (x" siècle) dont
Abîjlfidâ ne fait sans doute que reproduire le témoignage
(p. 7^). DniASKï, qui fut contemporain du prince de Hamât,
s'exprime dans des termes équivalents : «L'île du Maharaja,
dit-il, est la mère des îles mahârâjiennesj) (LXIV, p. 78, et
n. 3), ce qu'il faut entendre par : l'île du Maharaja [=Sri-
buza] est la capitale de tous les pays dépendant de ce souve-
rain.
L'équation : île du Maliârâja = Zabag === Sribuza est du
reste attestée par ailleurs. Abij Zayd décrit en détail la ville (sic)
de Zâbag (XXXIX); Ibrahim bin Wâsif-Sâh (XLII) s'exprime
dans les mêmes termes en parlant de l'île du Maharaja. D'après
Abu Zayd, le palais du Maharaja du Zfdiag est situé sur un
fleuve dont l'estuaire est semblable à celui du Tigre (XXXIX,
p. 67); le Livre des merveilles de l'Inde en dit autant du fleuve
de Sribuza (LXXXVI), que l'auteur trouve «beaucoup plus
large que le Tigre à Basra??. Le même ouvrage arabe parle
des maisons flottantes ancrées dans le fleuve de Sribuza; le
Tchou fan tche en fait également mention dans la notice consa-
crée au San-fo-ls'i (XVIII, p. ()).
166 Or/rOBRE-DECKMRRE 19t>i>.
Ibn Sa'id (lécril lo l;ic ou élang aiiv briques (101' et le situe
dans la ville (.s/c) du Maharaja (LXI, p. ■yo); c'est ce même
lac ou étang dont parlent, à propos du Zâbag, Ibn Hordâ^beh
(XXXIV), Aev Zayd (XXXIX, p. 57; cf. également Les Prai-
ries itor de Mas'ïdî, t. I, p. 175-176), Kazvvini (XLIX) et
Ibn al-Wardï (LXXII), ces deux derniers d'après la même
source.
Ces conslatations sont décisives et on en peut conclure à
l'identité de Che-li-fo-clie ou San-fo-ls'i, Zrdiag, Sribuza, ile
du Maharaja et du Çrivijaya. Dans tous les cas et à partir de la
fin dq vif siècle (cf, IX), il s'agit d'un puissant empire dont la
capitale se trouvait dans la région de Palembaii; la dynastie
régnante des Çailendra se rendit maître de l'île de Sumatra
tout entière et étendit ses conquêtes coloniales à Java, d'une
part, et à la péninsule malaise, d'autre part. Le texte du Tchou
fan tclie (XVllI, p. 1 3 ) est suflisamment explicite à cet égard.
Les géographes arabes sont moins précis. Un seul, Ibn al-Fakih
(XXXVI, p. 5^1), rapporte que kaiah de la péninsule malaise
et le Zâbag font partie du même empire ''^; les autres se con-
tentent de vanter la puissance et la richesse du Maharaja : «roi
des îles du Zâbag et d'autres îles dans la mer de Chine 57, dit,
par exemple, Mas'ldi (XLlj, sans y apporter plus de précision.
Mais si on lit ces textes avec la préparation nécessaire, on
s'aperçoit aisémetit que Sumatra a été morcelée en plusieurs
îles qui ne sont en délinitive que des r(''gions différentes de ia
grande île indonésienne. Le nord de Sumatra est décrit comme
une île indépendante appelée Râmi, liâmni, llainini '-', Lâmun '^';
(') Eoiiîsï donne iinplicilcmcnl un rensci[fnoment identique en disant qtie,
dans l'ile de Kaiah, «demeure un roi qu'on appelle le Jaita [al-liindi] ou prince
indien') (cf. mes Helulioit» de voyaues, t. I, p. 18/1).
(^) Pour d'aulres mentions de l'ile de liâmi, cf. l'index du t. II de mes
Relations de voijaj'i'g , s. v" liàinl, llduiln, Râmnî.
(•''' Ibid., s. v° Làiniiri.
L'RMPIRE SUMA'rnVNAlS DE ÇRlVUAYA. 167
nie de Paiicur ou BûIlis désignent également Baros, le
port fameux du camptire de la côte occidentale; par l'ile de
Sribuza, il faut entendre plus particulièrement le sud-est de
Sumatra. De même, dans le Nâgarahertâgamn , le poète de cour
PrapaiS(:a donne comme «îles 75 (^nûm'j vingt-quatre villes ou
états du Malayu = Sumatra dont quelques-uns sont situés dans
l'intérieur de l'île (wV/e vifra, p. 180). Sans indiquer qu'ils
font partie d'une même île, Yi-tsing cite trois pays : P^O"
lou-che, Mo-lo-yu et Che-li-fo-che (IX, p. 6) dans son Nan
liai kl kouei nei fa tchouan, en indiquant que «le Mo-lo-yu,
c'est maintenant [==a été soumis par] le Che-lirfo-chej). Aussi,
dans son Ta i'ang si iju k'ieou fa kao seng tchouan, divise-t-il
Sumatra en deux pays ou royaumes. «Deux hommes du Sin-lo
(Corée) . . . partirent de Tch'ang-ngan (capitale de la Chine)
et, après une longue route, arrivèrent dans les mers du sud.
Ils se rendirent en bateau dans le royaume de P'o-lou-che
[^ Baros], à l'ouest du royaume de Che-li-fo-che» [Heligieuûp
éminents, p. 3 6-3 '7). Kia Tan, au contraire, n'a qu'un nom
pour Sumatra : i% ^ Fo-che : « , . . Puis, après cinq jours
de route, dit-il dans son itinéraire par voie de mer, on arrive
à un détroit que les barbares nomment ^ Tche (détroit de
Malaka). Du nord au sud, il a cent //. Sur la côte septentrio-
nale, c'est le royaume de H jH Lo-vue (pron. anc. *LavaS ou
*Lawa§y, sur la côte méridionale, c'est le royaume de Fo-che»
(Pelliot, Deux itinéraires j, p. 3 7 3).
Le Tao yi tche lio de Wang Ta-yian (13/19) contient 1 00 no-
tices dont gf) sont des notices géographiques. Les suivantes
sont consacrées à différentes parties de Sumatra. On verra par
leur numéro d'ordre que l'auteur n'a pas eu Iç sentiment qu'il
s'agissait d'une même terre insulaire : 2 9 . San-fo-ts'i ; 61 . Kieou-
kiang; kk. Pan-tsou[-eul] ^^^; 53. %i y\<, '^ Ki-chouei-wan Adi
(') Vide »up-a, p. 79, n. 1.
168 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
baie aux eaux furieuses w ^''; 5/i. ^M ^ Houa-mien houo c^le
pays des hommes au visage fleuri 55 [=^ tatoués] = pays des
Bataks; 55. \hW Tan-yang (l'embouchure de la rivière de
Tamian); ^^ - ^M '^ ^ M Sm-wen-ta-la (état de Sumatra de
la côte nord-est); 09. i}# # M T'o-fnn-U, peut-être Tapanuli
de la côte sud-ouest (?); G2. fj^ p^JÂ Pg^ IS an-wou-li -= Lâmurï^-l
Dans le Ying yaicheng lan de Ma Huan, sur 1 8 notices, 5 sont
consacrées à Sumatra (3 , 6,7,8 et 9). Le Sing tch'a cheng lan
de Fei SiN est divisé en k chapitres contenant ensemble
ko notices géographiques (1-12, i3-2i, 22-81, 82-/10). Les
5 notices suivantes, insérées au hasard dans les trois premiers
chapitres, sont consacrées à Sumatra : 10, 20, 21, 22 et 28.
Il en est de même dans le Siyang tcliao hong tien lou de Houang
Sing-ts'eng (^* et même dans le Tchoufnn tche (trad. Hihth-Rock-
HiLL, cf. la table de la page vii)(^'.
Les textes qui précèdent désignent successivement l'empire
sumalranais sous les noms de :
Chinois : Che-li Fo-che ou Fo-che, Che-li P'i-che, jusque
dans les premières années du x" siècle; à partir des dernières
années des T'ang, en 90/1, apparaît la leçon San Fo-lsi on
Fo-ls'i, qui se maintiendra sous les Song postérieurs (960-
1279) et jusqu'au début des Ming (fin du xiv* siècle);
Indonésien, sanskrit ettamoul : Çrî Vijaya (tamoul Çrl Visa-
yam, qui est l'exacte représentation phonétique, en tamoul, de
la leçon indonésienne);
Arabe : Sri Buza<z*Sri Buja (restitution des graphies fau-
''> A la poiiile nord de Sumatra.
(') Pour ces notices et les suivantes, cf. Rockhill, Notes on ihe relations
and Irade, T'oung pao, 1916, t. XV, p. 6/1 et suiv.
''> Dans Rockhill, Notes on the relations and trade, T'oung pao, t. XVI,
1916, p. 79.
''' Pour la conception qu'avaient les Chinois de la situation des îles de
rindonésie, cf. l'élranye carte à la (in du t. Il du Si iju ki, trad. St. Julien.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. • 169
tives »v^, »jjj.*C, »;J^— Sarbnza, Snrhuza , Sarîra^ et Zâ-
hag;
Javanais : Sam Boja, Sëm Boja^^l
Plusieurs de ces leçons sont étroitement apparentées. Le -^
M Wo 'M. Clie-Ii P'i-che du T'ai ping houan yu ki est incontes-
tablement une transcription chinoise parfaite du Çrî Vijaya de
l'inscription indonésienne de Kota Kapur (XXVII). A cette
notation correcte s'oppose celle de Yi-tsing et d'autres textes :
^ (ou pï) ^ij f^ j^ (ou ^) Che-li Fo-chr, qui représente
Che-U^c^Çrî et Fo-che < *BiC^-jaif, l'implosive dentale du carac-
tère f^yo<:: ancien ^hiul, étant en harmonie avec la palatale
sonore initiale du mot suivant f/<e< ancien *jay; c'est-à-dire
*Çri Bujay". Phonétiquement, Talternance vi:>hu est incon-
testablement fautive et d'autant plus inexplicable que Yi-tsing
a longuement séjourné dans le pays où il apprit le sanskrit et
la langue indigène; une erreur de ce genre de la part de ce
moine lettré et polyglotte échappe à tout commentaire. Force
nous est donc de constater une divergence pour laquelle on
n'entrevoit aucune justification. A partir de la fin des T'ang,
les transcriptions chinoises présentent la même difficulté et
une autre encore. H f^ ^ San Fo-tsi est la stricte notation
d'un ancien *Sam Bu''^-jay'\ H san, pron. anc. *sam avec im-
plosive nasale labiale, tient ici la place du che-li > çrî de Yi-
tsing et d'autres textes. De çrl a. *sam, on ne peut songer à une
alternance phonétique *sam<cçn que rien ne justifierait. La
seule explication possible est la suivante : des textes javanais
tardifs ont Samboja et Sëmboja, qui sont très voisins de San-fo-
tsi<:*Sam Bujaya. Ceci permet de conjecturer que la leçon
javanaise remonte peut-être au x" siècle, date de l'apparition
de cette nouvelle notation chinoise, qui aurait suivi une évolu-
(') J'ai déjà trailé la question ea détail dans lo J. /U., juillet-aoùl 1919,
p. 1 08-161, auquel je renvoie.
170 . OCTOI'.r.R-DECEMBRE 1922.
lion j3ar;illèle à celle du nom indigène : Çrl ViJai/n>-Saml>o/a,
Semboja. Mais cette hypothèse soulève des objections assez
graves. Tout d'abord, nous ne possédons aucun texte indoné-
sien du début du x*" siècle et l'épigraphie n'a révélé rien de
pareil; enfin et surtout, les inscriptions tamoules du xf siècle
ont toutes Çri V{smja = Çrï Vijaya, ce qui montre que le nom
de l'empire sumatranais attesté par l'inscription malaise de
Kota Kapur se maintenait intact et n'avait pas varié au mo-
ment où les Chinois commençaient à le rendre par San Fo-ti'i-<
*Sam Bujaya. Le désaccord phonéticpe de ces difTérentes
leçons du nom d'un même pays reste ainsi irréductible en
l'état de nos connaissances (^'.
Sous les réserves précédentes, on peut donc poser géogt^a-
phiquemenî^'^ : Çrï Vijaya = Çr'i Vimya = Che-U Fo-che ou Fo-che
= San Fo-ts'i ou Fo-ts'i = Sri Buza<<*Sri Buja = Sam Boja,
Sëm Boja.
L'autre nom sous lequel les Arabes désignent l'empire suma-
tranais : ^îjj Zâbag, est également la transcription d'un terme
indigène. Le jz transcrit la palatale sonore indonésienne y;, le
t_? peut représenter un v initial et le ^ en fonction de guttu-
rale sonore =g-. On conçoit que les premiers transcripteurs
f'' Ibid. La même éniffme phonétique se présente clans la loponoraaslique
du Campa. L'une des capitales du pays est appelée -j^ 1(Ê- Fn-cke == *Bu''-jay''
(sino-annamite Pâl-lhê) par les textes annamites; j^ ^ Fo-che =^ *Ba^-jmj'',
par le .SV/»*^; chc: le Tao iji Iche ko, dans la notice sur ï^in-l'ong-long = l'ându-
rai'iga, a [5jj^ "M- P'i-ls'i = *Vijay". «Or, dit Cokdès (Le roiimime de Çnvijaya,
p. a'i), on sait d'une façon certaine par l'épigrapliie qu'à cette époque la
capitale came était au Binli-dinli et s'appclail Vijaya. n Le cas est exactement
semblable à celui dos transcriptions du Çrivijaya sumati'anais et la divergence
vocaliqu^ est également inexplicable. [CL cependant skr. visâjifl > arabe bukàn,
dans mes Relalians de voyaiies, t. 11, p. 67,5, qui présentent une alternance
identique » '> u après v. Le procès est évidemment le môme dans Vijaya >
Fo-che ].
(-' Ihid., p. 1 52-1 55, où il est montré ([ue le Çvl Vijaya de l'ins<ription
de Kota Kapur ne peut se traduire que par «Sa Majesté Vijaya» et qu'il s'agit
donc d'un nom de souverain.
L'KMPinK SUMATRANAIS DR ÇPJVIJAYA. 171
dont le parier arabe avait conservé au ^ sa prorionriatioii giiltii-
ralc (qui s'est palatalisée en dehors de T'onianais et de l'égyp-
tien) et qui, par conséquent, ne possédaient pas de palatale
sonore, aient employé le; - pour rendre approximativement ie
/ indonésien. C'est ce que firent les Grecs, qui se trouvaient
dans le même cas (cf. skr. Ujjnyinî>-0^r]vt), Knnijakuhja:^'
^.avoyi^^-nY ^1) Zâbag a donc régulièrement à la base malais
*J(ivaga. Parfois, à la gutturale sourde d'un mot étranger,
l'arabe répond parla sonore. Ainsi, skr. çaka k teck 55 a donné
en arabe ^L-, litt. sâg; skr. nânhela «noix de coco 5? >■ J^a^-jL)
nârgll; et celte alternance se retrouve en grec : ^avoyil,n <:
skr. Knnynkuhja, le r^Cnnogen de nos cartes; Bapvya^a. ■< skr.
Bharukaccha, la ville maritime de «Broachw. D'après ces
exemples où l'alternance A:>-^-=g- est nettement attestée, on
peut également poser ^i) Zâbag <::*Jâvaka^^l Celte restitution
théorique est confirmée par un texte de basse époque, il est
vrai, \q Malulvamsa , où il est question (LXXXllI, 3G-/i8, et
LXXXVIII, 62-70) d'une armée de Javaka qui, à deux reprises,
envahit Ceyian dans la seconde moitié du xnf siècle. Les Jâ-
'^) L'alternance j étranger >^ z et ^ = gutturale sonore représentant une
sourde iiiitiiilo étrangère est attestée par le cas suivant. Le nom du cap nord-
occidental du Kalliiawar est Ov:^v Zogad d'après Sclaïmân al-Mauivî [vide
siiiivn, p. 98); mais la tradu<ti()n lurke de Sïnî 'Ai,ï (cf. mes Relations de
voifoi^es, t. 11, p. 5i5, n. 9, et 589, n. 5) a ^SLs^ jakad; et celui-ci est évi-
dcranient à la base de la transcription précédente pour un arabe dont le parler
ne connaît pas la palatûle sonore. o>j>.J) et .nJo». sont ainsi deux notations plio-
néti(juement égales. Le cap en question est désigné par Bahuos (/)« Asia,
dé(ad(^ IV, 1" part., liv. IV, diap. iv, p. 091 de la petite édition de la fin du
xviii' siècle) sous le nom de rru poiUa de Jiumela [ = .laket], fjue he (Ujuvlle
7101110(1(1(1 leiiij)l(j dos Resl/ulos, la pointe de .Iaket qui est appelée leniple des
/^(j/J(^^s•■'. Le major Hennkl (Hecucil de curies géoi>7-aj)lti(jues pour la description
de niido((sl(in, revues par le (litoyen BiiAciii:, l'aris, an vui [i8oo]) écrit
Jijrat = Jigal. On peut donc jjoser en toute certitude, coranic pour Zâbag,
Zagad '<i Jalind. l'our le cap en question, et". Instiuclions nautiques, u° 85:!,
Océan Indien, Mer d'Oman {partie Est), l'aris, igoS, in-8°, p. 890, sul)
Temitle de Dwarka.
172 OCTOnriE-DKCEMBRE 1922.
vaka étaient commandés par le roi Candrabhânu Qâvahurâjcho).
Lors de la seconde invasion, les troujDes qui débarquèrent à
Ceylan comprenaient une armée jâvaka et une «grande armées
levée t^dans les royaumes Pândya, Cola, etc., ainsi que des
soldats tamouls. . . ». Le roi jâvaka Candrabhânu et les troupes
jâvaka sont évidemment des roi et troupes du Zâbag, c'est-à-
dire de Sumatra. Jâvaka et Zâhagsonl les deux seuls noms géogra-
phiques de l'Océan Indien] qu'on puisse rapprocher avec certi-
tude; celui-ci désigne authentiquement l'île de Sumatra; celui-
là ne peut désigner que la même île et Candrabhânu est ainsi
un roi sumatranais^''.
«Dans le T'ongtien (k. i88, p. 9/1 v^-'iô r°) [encyclopédie
compilée à la fin du viii^ siècle par Tou Yeou (785-812)] et
le T'ai ping yn Jan (k. 788, p. 171'") [rédigé pendant la
période C)77-(j83], AûVeluoi i^Deux itinéraires , p. 276), il y
a des notices, à peu près semblables d'ailleurs, sur le pays de
i^ PI Tou po, qui se trouvait dans le Tchang-hai [litt. «la
mer immense » = mer de Chine occidentale], à l'est du Fou-
nan [=en gros, le Cambodge et le Siam actuels] ('^'. On y
arrive après avoir voyagé sur mer plusieurs dizaines de jours.
Les femmes y tissent des cotonnades à ramages. Sur l'île de
Tou-po, il y a plus de dix villes royales, ou du moins dont les
(') Vide infra, \). 228, pour ces deux expéditions à Ceylan. Kern {Tivee
kfijifstoclilen uit di'u Iiidischen Archipel tegen Ceilon, paru on 1896 dans les
Bijdrojren et réimprimé dans ses Versjoreide geschrijien , t. 111, 191 5, p. 29 et
suiv.) a traduit jâvaka par trjavanais». Ce mol considéré comme un complexe
java-\-ka, sur le modèle de romaka ^= roma -\- ka aromainn a, en ell'et, ce
sens dans les langues de tinde. Mais Jôvafca est inséparable des transcriptions
arabe Zâbag et chinoise Chô-po, pron. anc. *Ja-hak, qui désignent Sumatra.
11 est donc au moins inattendu de rencontrer, à côté de ) ava et Java, une
forme Jâvaka, dont la finale, attestée par trois sortes de textes ditlércuts,
est tout à fait inexplicable.
'') L'orientation est inexacte, mais les (finnois ont très fréfjuemment com-
mis des erreurs de ce genre {)our la situation des pays étrangers les uns par
rapport aux autres.
L'EMPIRE SUMATRANâIS DE ÇRIVIJAYA. 173
chefs prennent le titre de rois. On aurait entendu parler de ce
pays au temps des Souei (BSg-GiS).'? i^ tou, comme l'a
indiqué Pelliot i^ihid.^, se confond fréquemment avec fi cho;
on est donc autorisé, Tou-po ne répondant à rien de connu, à
restituer jjîj: fH Clio-po, représentant un ancien *Ja-hak^^\ *.Ja-
hak, il n'est pas nécessaire d'y insister, est une transcription
parfaite de Jâvaka> Zfibag; il s'agit donc encore de Sumatra.
Mais d'autres textes nous permettent de remonter plus haut,
ce Le nom de Tou-po [à corriger en Cfiô-po], dit Pelliot {^ihid.,
p. 2 ■y '7 et n. 2), nous est encore fourni par une citation du
Nan tcheou yi wou tchc [de Wan Tghen, qui vivait au uf siècle ^^*]
et par les fragments subsistants du Fou-nan tou sou tchouan de
K'ang Tap^' qui fut envoyé en mission au Fou-nan avec Tchou
Ying, vers 2/i5-2 5o de notre ère'^^. ??
La forme Yava du complexe Yavadvlpa qu'on interprète par
« lie de Java v , nous est connue de longue date. Elle apparaît
pour la première fois dans le Râmàijana. On la retrouve ensuite
dans le ^ pj Yie-titio, pron. anc. *Ynp-div= Yavadvlpa, dont
il est question au début de 182 de notre ère dans le Heou han
chou (25-220) et le Tong kouan kt ou Tong kouan han ki de la
seconde dynastie des Han'^'; le ïaSotSiov de Ptoléhée f'"'^, le §P
M ^ Yc-p'o-ti (pron. anc. *Ya-h"'a-dc, pratiquement *Yavadi)
de Fa-hien (/i 1 2-/i 1 3) qui sont encore des transcriptions cor-
rectes de Yavadvlpa. Or, les descriptions qu'en donnent le Râ-
mâyana et Ptole'mée sont heureusement assez précises : le texte
(') Dfiu.T itinéraires , p. 270-271 et i277-278. L'imploslve finale -i représente
éijalemonl une «jiitturale étrangère sourde ou sonore.
'-' Deux ilinéraires , p. 277.
'') IbicL, p. aO(j--J7o.
(") Ibid.
'■'' Cf. J*i;LLior, Deux ilinéraires, p. liGfi.
t") La (iiiale -Siov de ia noLalion de Ptolkmée est une prakritisatiou du skr.
dvîpa. Cf. KiiiiN, Java en liet Goudotland colj<eiis de oudsle herichten , article de
i^Oy, réimprimé dans les Verspreide ifescltriften, t. V, i<ji6, p. 3o5.
17'i OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
sanskrit qualifie Yava de «l'île de l'or et de l'argent, parée de
mines d'or 71 ; le texte grec s'exprime dans les mômes termes :
«elle produit beaucoup d'or». Cette indication dicte notre
choix entre «Java la mineure» et «Java la majeure» de Marco
Polo : c'est évidemment ici de Sumatra qu'il s'agit, dont la
richesse en or est bien connue, alors que la production d'or de
Java a toujours été nulle ou insignifiante. Je sais bien qu'il y a
une inscription sanskrile de Cangal (Këdu, à Java), datée de
()hà çaka = -ySa , où il est dit • «11 y avait (s/r) une île excel-
lente, incomparable, appelée Yava, fertile en céréales et en
autres grains, riche en mines d'or [kanakâkara) ...» Kern,
qui l'a éditée, traduite et commentée, a naturellement rap-
proché cette description de celle du Yavndvlpn du Ràmmjana
et rappelé ce qu'il avait déjà dit à cet égard : ?t Les expressions
du Rânulyam au sujet de l'île de l'or et de l'argent ne sont pas
exemptes d'ambiguité dans l'original, mais elles ne le sont pas
davantage dans la traduction. Ce serait donc, à mon avis, une
explication très forcée si nous vouUons conclure, soit du texte,
soit de la traduction, qu'il y est question d'une autre île que
Yavadvipa» [=Java de nos cartes] (*'. Quinze ans après (en
i885), Kern ajoutait : «Ce que j'ai dit alors (en 1869) a
actuellement une double force. Quoique, tant Ptolémée que les
informations chinoises nous aient appris que l'or fait partie des
produits de Java, le fait a été révoqué en doute. En face du
témoignage de notre inscription [de Cangal] tout doute rai-
sonnable doit disparaître'-^. »
J'avoue ne pas être convaincu. En face des indications four-
nies par le liâmfujuna et Ptolémék, oii manquent, cependant,
des précisions géographiques décisives, il y a lieu de recher-
'') Java en hel Goudeiland voli>euii de oudgle ùevitlileii , i8(h), r('mi|iriint'
dans Verspreide irnachriftcn, I. \, loifi, J). '^O'].
'^) De SdiixLiil-iiiscriplie van CaHijgul (Kèdu), ail GH'i ctiha, i885, réim-
[iriiiit' dans Verspreide ifcschriften, l. Vtl, 1917, |>. 128.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 17b
cher quelle est l'ile d'Extrême-Orient sumrnarûpyakadvipam
suvaniâkaramamldam, eù(popcoroiTTf Se "kéyercit >) vija-os sivat xai
ërt nXeîcrlov ^pvaov tsoisÎv. Le choix est aisé, car il n'existe
qu'une seule terre insulaire à laquelle s'appliquent ces textes :
c'est la ^ ^t| kin-tchcou «l'île de l'or 55 de Yi tsint,, qui en par-
lait en pleine connaissance de cause, la siivarnahhûiui «la terre
de l'or^j d'une inscription sumatranaise [^infra, XC, p. 179),
c'est-à-dire Sumalra ''^. Dans les textes sanskrit et grec, ia carac-
téristique principale du Yavndvïpn est d'être tr l'île de l'or, parée
de mines d'or», de ft produire beaucoup d'orw. Sumatra seule,
par sa richesse en or, peut entrer en ligne de compte. L'argu-
ment tiré des informations chinoises (^Chineesche berichteti) fait
sans doute allusion à ces passages du Sin {ang chou ou ^ovr-
velle liisloire (les Tang (6 i8-()o(), compilée en loGo) disant :
«Le pays de IrT ^ Ho-ling appelé également ^ ^ Cho-p'o
(=./rtu;a) produit de i'écaille de tortue, de l'or et de l'argent,
des cornes de rhinocéros et de l'ivoire 55; et du Soug che ou
Histoire des seconds Sang (960-1 279, compdée au xiv'' siècle)
où il est dit : «Le pays de ^ ^ Cho-p'o (=-= phonétiquement
Jawa) produit, en outre, de l'or, de l'argent, des cornes de
rhinocéros, de l'ivoire, le l)ois d'aloès, le sandal, l'anis, le
poivre, la noix d'arec, le soufre, le bois du Brésil (-^.» Mais
l'or n'a pas une place éminenle dans cette énumération de
produits javanais et ne justifierait en aucune façon la qualifica-
tion de siumrnàkaramamjilam. On a trouvé et on trouve sans
doute encore de l'or à Java, comme dans tous les pays du
monde. Nous avons, par exemple, nos orpailleurs du Rhône;
mais, de ce fait, la France n'a jamais été considérée comme
une suvarmhhûim . Enfin, le Tcliou fan tche, qui donne généra-
lement une liste étendue des produits des pays étrangers, ne
'') Pour Yi-TSiNU (_'l l'inscriplidii suiaulianaist',, cidu infru, ^. 178 et suiv.
'■'> Cf. GiioKNKVELUT, l\<jtes, \). i',W) et l'ia.
170 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
mentionne pas l'or parmi les produits énumérés dans les no-
tices là et i5, qui sont consacrées à Java''*.
Le cas de l'inscription de Cangal est beaucoup plus embar-
rassant; à dire vrai, le problème est insoluble. Ainsi que le
fait remarquer une note de Kern, la pbrase commence par àsU
«il était 75, au lieu de asti «il est 57, alors que le mètre n'est pas
en cause, et l'éditeur déclare ignorer pourquoi le poète emploie
le passé au lieu du présent '^^. D'autre part, le texte attribue
au Ynvadvlpa une richesse en or que Sumatra et Sumatra seule
possède. La seule explication qu'on entrevoit, c'est que les deux
grandes îles indonésiennes ont dû porter en même temps un
nom identique ^^^ et que les produits de l'une ont pu être ainsi
inexactement attribués à l'autre'^*'.
Les Arabes ont, en effet, connu la forme Yava>Java =
Sumatra. On la retrouve encore au début du xv* siècle dans
Bâkuwî, sous deux formes phonétiquement apparentées iijU.
Jàwa (LXXVI, p. 78) et U^ Jâba (LXXVIII, p. 78), dont
l'ignorance de l'auteur, qui reproduit des informations anté-
rieures, a fait deux îles distinctes, indépendantes du Zâbag-
Sumatra (cf. également Ibn Sa'id, LXII, p. 71, et Ibn al-
Wardî, LXXV, p. 77). Jâwa ou Jâba est devenu dans certains
textes arabes le nom d'une île ou pays maritime, de sa capi-
tale et même du roi du pays^^^. Dans Ibn Batùta, au contraire,
(^) Cf. Chau Ju-kua, Irad. Hiiiiu-RocKHiLL, p. 75-87.
(") Loc. cit., p. 122 , n. 9.
(^) Cf. ics deux Java de Mauco I^olo et infra^ les notations arabes.
<'') Au fond, je crois que le rédacteur de l'inscription de Cangal a tout sim-
plement mis au compte de Java, la description du ïavttdvîpa du Râmâyann,
sans se préoccuper du désaccord avec la réalité.
(^' Cf., par exemple, lim Sa'îd (LXII, p. 71-72), Ibn al-Waudi (LXXV,
P-77)-
L'identité do Jâba et Zâbag avait été signalée déjà par De Gokji: dans son
édition de 1«.n IJoiidâ^heu (p. lid et n. 2). On po.ul l'aire la même remanpie à
propos du volcan qui est situé à Jâba par Ibn HouuA^lseu, VAbréiié des Mer-
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 177
Jfhva désigne nettement l'île de Sumatra et il n'est plus ques-
tion de .hlha ni du Zdhag (cf. mes Relnlions de voyages, t. II,
p. A3/i et suiv.). Enfin , à partir de la fin du xv" siècle, les deux
muallim Ibn Mâjid (LXXIX) et Sllaymân al-Mahrî (LXXXI et
LXXXII) inaugurent la toponomastique moderne : Sumutra et
Jâiva, que feront définitivement prévaloir les marins et voya-
geurs européens des xvf , xvif et xvin" siècles.
En malais, la grande île indonésienne occidentale est géné-
ralement désignée dans les textes sous l'un des trois noms sui-
vants : Pûlaw Emds «l'île de l'orj), Pûlaiv Përca r l'île de la
gutta-perchajj et Pûlaw ou Tânah Amlalas «l'île 5? ou «pays de
Andalas?); en javanais, sous celui de Malayu (cf. Nâgarakërtà-
gama et Pararaton, infra , p. i83 et 326).
SvvAR
NADVIPA,
L'île de Sumatra a été quelquefois désignée sous les noms
sanskrits de SuvarnadvJpa «l'île de l'or 55, Suvarnahhûmi «la
terre de l'or 53, Suvarnapiira «la ville de l'or??. Dans les deux
derniers cas, ce complexe désigne plus spécialement la partie
méridionale de l'île. A l'inscription déjà reproduite du manu-
veilles, Kazwînï, Ibn ai.-Wardï et Râklwî; et au Zâbaj^; ou près du Zâbajj par
SulaymAn, IiiN Af^-FARiu, jMas'Cdï , ïAbi-éijé des Merveilles et Abulfidà. VAbvéfré
des Merveilles situe d'abord ce volcan «vis-à-vIs de l'ilc de Jâban et, quelques
pages plus loin, «dans une île proche du Zàbag» (cf. J. As., juillet-août 1919,
p. 188, n. 1). Il y a Heu de rappeler ici une très intéressante note de Dk Goeje
publiée on hollandais dans le Feestbundcl-\i:T\i (Leyde, 189'!) et traduite en
français, en appendice à son Mémoire sur les migrations des Tsiganes à travers
l'Asie (Leyde, 1903, pet. in-B", p. 86-91). Elle traite des Sayâbija, au sing.
Sâba] (qui est à lire Sàhag), et que Tauteur a rapproché du Zrdjag de Sumatra.
Ces descendants de Malais sumalranais vivaient au ix° siècle, au ténioifjnagc
de BelâdorI, dans le golfe Persique et en 'Irak. Je n'ai pas ici la place de re-
produire les textes arabes qui en font mention; on étudiera ailleurs cet autre
témoignage de l'aclivité des Sumatranais à l'étranger.
XX. l3
178 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
scrit in'palais à miniatures [siipm, XXX, p. /la), s'ajoutent
les inscriptions et les textes suivants :
Yi-TSING, Ta t'ang si yu, k'icoii fa kao seug tchouan, trad.
Ed. Ghavannes [vide supra, p. 3).
LXXXVII. (P. 179.) . . . Puis, le premier jour de la onzième lune
de cette année (689), nous [, maître Tcheng-koc et moi Yi-tsing,]
nous nous embarquâmes sur un bateau marchand et nous nous éloi-
gnâmes de P'an-yu ((^anton). Nous nous dirigeâmes vers le ^ '^
Tchan-po ((^ampa) en hissant nos voiles; — nous nous proposions
d'arriver dans le pays de Fo-che par une longue course, — ... (p. 181)
TciiEN'G-Kou fut mon excellent compagnon; — nous arrivâmes ensemble
à ^ ^\\ l'ile de Tor ^^K — Si nous pûmes accomplir notre voyage vers
les pays hindous , — ce fut grâce à notre parfoite amitié, — ...
LXXXVIII. (P. i85.) ... Lorsque Tao-hong apprit que moi, Yi-
tsing, j'étais arrivé | en Chine] , il se rendit à pied (au temple) Tchouang-
yen pour s'y informer où je demeurais; on lui dit que je m'étais établi
dans le temple Tche-lche. A peine se fut-il acquitté des salutations
d'usage qu'il s'éprit de l'idée du départ , . . (p. 186) . . . Alors il ne
songea plus qu'aux mers du sud, — au voyage que nous ferions
ensemble à l'île de l'oi- ... (p. 187) ... Lorsqu'il arriva au pays de
Fo-che , il s'appliqua de tout son cœur au recueil de la discipline . . .
Vie de Dîpamkaiu Atîça, en tibétain, résumée par Sarat
GnANDRA Das dans hiclian Pandits m ihe land of snoiv , Calcutta,
1893.
Atîça naquit au Bengale en 980 de notre ère.
LXXXIX. (P. 5o.) Ou account of thèse divers attainments which
moved his mind variously in différent directions, he resoived to go to
Achârya Chandrakïrti, the High Priest of Sinarnadvïpa ^^'. Accordingly
in the company of some merohanls lie embarked for SuvainadvTpa in a
large vessel. The voyage was 1om<; and tedious, extending over several
'') CiiAVANNKS II traduit cffilc d'or?) ici ol plus loin,
l'^) S. C. Das dit eu uoto : w Sudliarmanagara in Po{fU, now cailed Tlialon.55
La remarque est iiioxacti' : il s'ajjit ilc Sumatra.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 179
months du ring which the Iravellers were overlaken by terrible storms.
At this lime Suvarnadvïpa Avas ihe iiead quartei- of Biiddhism in tbe
East, and ils liigh Priest vvas considered as the greatesl scholar of bis
âge. DïPAMKAKA resided there for a perind of tweive years in order to
completely master the pure teachings of Buddha, of which the key Avas
possessed by ihe fligh Priest alone. He returned to India accompained
by some merchants in a saiiing vessel, visiting Tâmradvïpa (Ceyion) and
the island of forests in bis way.
Inscription en vieux-malais de 1208 faka=i28G trouvée
dans la plaine de Padan Roco, près de Sunav Lansat, sur la
rive gauche du Batan-Hari, dans la subdivision i^onderafdeeling)
des « Balan-Hari-districten )i de la résidence des «Padangsche
Bovenlandenj?, dans l'ouest de Sumatra, par environ i°3o'
Sud.
Cette inscription, découverte en 1911 par L. C. Westenenk,
a été publiée et traduite en hollandais par N. J. Krom dans sa
magistrale étude : Een sumnlraansche Inscriptie van Koning Krta-
tuigara, dans Verslagen en Medcdelingen der K. Akademie van
Weten., Afdeeling Letterkunde, 5" reeks, deel II, Amsterdam,
1 (ji6, p. 806-339.
XC. (1 ft) // srasti çakavary'iïita , iao8, bhâdravâda mâsa , ti
(b) thi pratipada çuJdapaksa, mavulu, vâge, vrhaspnti vâra, madahlcu-
iian, grahacdra nairitistha, viçâkà
(c) naksatra, calera [devatâ, majndala, çuhha
(2 a) yoga, huvera purheça , kihstugJma inuhûrtla, kanyâ râçî, i
(b) nan latkàla pâduka bharàla ârij ijâmoghapaça lokeçvara, caturdaçâ-
milkâ snpiaratnasaliita, diûnluk [
(c) dari blifimi jâva ka svarimabhûmi (sic) dipratistha di dharmmâ-
çraya, akan
(3 n) punya çrî viçvarfipa kumàra, prakâranah ditltah pâduka cri ma
(/^) hârâjadhiràja cri krtanugara vikraiiia dharmmottuhgadeva viahirik-
kan pâduka bharàla, rakryân maliâinantrt dyah
(c) advayabvahiud , rakn/ân sr'ikan. di/ah sugalabrakma , inûah
[h a) , minagul payànun liah dipaiikaradasa, rakrydn daniiih pu
vira,
j3.
180 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
(/>) liiiinit pumjcni yogija dianumodnnânjaleh sukapraja di hhûmi ina-
tàyû, hrâhmanah Lsatriya vaiçija sûdra, â
(c) ryi/âmaddijât, cri maharaja çrimat Iribhuvanarâja maulivarmmade
(d) va pratnukha //.
Salut! En çaka 1208, au mois de bhâdrapada, premier jour de la
quinzaine claire, jour de la semaine de six jours : Mavulu; de la se-
maine de 5 jours : Vâge; le jeudi; wukti (période de l'année civile) Ma-
dankunan; position de la planète, dans le sud-ouest: mansion lunaire,
Viçâkhà; sous la divinité çakra appartenant au cycle de . . .,yoga Çubha:
seigneur de la jonction (astronomique), Kuvera; heure, Kimstughna;
signe du zodiaque, la Vierge; c'est à cette date que (l'image) du Haut
Seigneur l'Aryya (le noble) Amoghapâçalokeçvara avec ses 1 3 compagnons,
accompagné des sept joyaux, venant du pays de Java'"' à destination
de Suvarnabhûmi (rrle pays de \'ov', = Sumatra), fut érigée à Dharm-
mâçraya '"\ en tant que don de Son Altesse le prince héritier Çrï Viçva-
rûpa. A cet effet, Sa Majesté Çrî Mahârâjadhirâja >^' Çrî Krtanagara
Vikrama Dharmmottuùgadeva donna l'ordre d'accompagner la sainte
image aux hauts fonctionnaires suivants : le Rakrijan^'''' Mahàman-
'') Le texte a hhûmi jàva construit à la malaise, et il s'agit ici de l'île de
Java (le nos cartes. C'est Tëquivalent exact de Tindonésien moderne tanah jâiva,
litt. ff terre, pays de Java'), où le caractère insulaire de Java n'est pas marqué.
Ce genre d'expression est commun à tout le domaine linguistique de l'indo-
nésien; cf., par exemple, en malgache : lani Madagastkara ala terre, le pays
de Madagascar:) ('^^%- ^^'" r(*pond à indonésien occidental tànah, avec le
même sens).
'-) Situé par Roukfaeh dans le haut pa^s du fleuve de Jambi (cf. mes liela
lions de voijagcs, t. 11, p. 602, u. 3 et h).
'■') On remarquera que le fameux souverain javanais Krtanagara est titré
ici Çn MahârdjadkirSja, litt. rrSa Majesté le grand roi des roisn, titre dont le
souverain du Zabag = Çrivijaya avait le privilège. Mais ce texte est daté de
1208 çaka = 128G de notre' ère et c'est l'époque où le Zâbag-Çrivijaya entre
on pleine décadence et succombe sous les coups de ses adversaires Javanais,
Tliais de Suklioda\a et Singaiais. A cette même époque les rois javanais sont
assez forts pour reponsser l'attaque prochaine des li-oupes chinoises de Hubiiai
Hân et c'est dans la même période que se fonde le puissant empire de Maja-
pahit, qui sera Théritier de la souveraineté exercée par le Çrivijaya depuis le
début de notre ère.
<*) C'est le titre javanais (pie le Tchmi fan Irhc et le Song che mentionnent
sous sa forme chinoise ^ fj'j j^ lu-Li-lwu (cl. Pelliot, Deux itinérains ,
p. 3ii, et ChauJu-kua, trad. Hiutu-Uockhill, p. 76).
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 181
<n'^'' Advayal)rahma , le /?a/.77/rtn sirikan dyah Sugatabrahraa ; puis, au
dyah Samgêt'-'^ paijânnn liak Dipaiikaradâsa et au RaJinjan dèmuh pu Vîra.
Ensuite, à cause de ce don convenable, tous les sujets du pays de
Maiâyu se réjouirent : brahmanes, itsatriya, vaicya et sudra et, au
milieu des Arya (nobles), Çrï Maharaja ^'' Çrimqt Tribhuvanarâja Mau-
livarmadeva s'en réjouit le premier.
Inscription cambodgienne gravée sur le piédestal d'une
grande statue de Buddha provenant du VatHuâ Vien, une des
pagodes de Grahi (le 'fjll ^ ^ Kia-lo-hi àw Tchoufan tche, vide
supra, p. i/i, et du Song che), du pays de Jaiya (siamois :
Xaya), qui est situé dans la partie septentrionale de la baie de
Bandon, sur la côte orientale de la péninsule malaise (cf. G. Coe-
DÈs, Le royaume de Çrïvijaya, loc. cit., p. 33-36). L'inscription
est incorrectement datée, mais «un fait semble certain, c'est
qu'elle ne saurait guère être postérieure au milieu du xiif siècle»
{^ihid., p. 36).
XCI. En 11006 [sic) çaka, année du Lièvre, par ordre de Kam-
rateii An Maharaja çrîmat Trailokyarâjamaulibhfisanavarniadeva, le
3" jour de la lune croissante de Jyeslha, mercredi, le Mahâsenâpati Ga-
lânai (?) qui gouverne le pays de Grahi, invita le Mraten Çrï Nâno à
faire cette statue. Le poids du samrit est 1 bhâm 2 tula et la valeur, de
l'or (employé pour la dorure) est 10 tamlih. (lelte image a été érigée
(') Litl. ttle grand manlri ou ministre».
(-^ D'après uni! heureuse suggestion de M. Pelliot, sam^^ët semble hien être
le titre indonésien qui est à la base de la transcription chinoise ssuu-ma-kie
{vide supra, p. u3, n. a), dont le troisième caraactère est à implosive finale
dentale.
(^) Le roi de Maiâyu n'est titré que Çn Maharaja «Sa Majesté le grand roi?'
à côté du Çrî Maliàràjadhiràja de Krtanagara {vide supra, p. 180, n. 3).
C'est que le Maiâyu a été envahi et vaincu en 1 197 çaka = 1275 et que l'am-
bassade de. Krtanagara est, en somme, envoyée à ini vassal (cf. Pararaton,
trad. RniNDEs, édit. Kiiom, p. ()•>,). Krtanagara fut le premier prince javanais
qui prit le titre de prabliu {ibiiL, p. 78 et 8/i), dont les (Jnilendra de Çrïvi-
jaya usaient depuis des siècles, car il figure dans Tinscriplion de Vieil Sa
{vide supra, XXIX, p. /ii).
182 OCTOBftË-DÉCËMBRE 1922.
afin (jlte Imis les (idèlos s'ott féjonissoiit, ia vénèrent ol l'adoi'cnt ici
obtiennent i'oniniscience '^'.
Met oud-jnvaamche lofdicht NâgarakrTâgàma van Prapanca
(i365 A. D.) [Le panégyrique en vieux-javanais intitulé A^iGi-
(') Une inscription sanskrite dt-couverlc sur le territoire du Minankabaw,
et qui se trouve actuellement à Paj^ar Ruyon, est au nom de : Çrimat çrï
A[ Jyâditvavarma . . . râjendramaulimanivarmadeva maliâràjâdliirtija, et datée
de 1278 çaka = i35G (cf. Cotiimissie in Nedevlandscli-Iitdië voor oudheikundig
onderzoek op Jaca en Madoera. Oudheikundig verslag iQiSi 2° trimestre,
p. 5 1-52 et ia-, le titre royal précédent est aux ligues 6-7; aux lij^'nes 18-19,
le même souverain est appelé : Adityavarmanrpatemanivarmadeva). Cet Âdi-
tyavarman hotis est connu par ailleurs. Sous le titre général de Hel zoogenaamde
rotinschnft van vBalu Bëragungn in Mënangkahau {taÔQ en iSQ'j çaka), dans
Verspreide gcschriften , t. VI, 1917, p. 249-268, Kern a réuni deux articles
intitulés : 't Opschrift t'an Batoe Beragong op Sumatra et Het opschiift van
Baloe Beiiigong optiieuiv onderzucht, publiés dans les Bijdragen tôt T., L. en l'.
V. N-I en 1872 et 1877, oîi il est question de ce souverain. Cf. également, du
même auteur, De ivij-inscriptie op het Amoghapaça-beeld van Padàng Cdndi
(Midden-Sumalra)\ ia6g çaka (dans Verspreide geschriften, t. VII, 1917,
p. 172), où ce roi est appelé : Çrimat çrl Udayâdityavarman râjendraroauli-
mâliVarmadeva mahârâjâdliirâja, et où il est fait mention de Maiaiiapura,
erreur de grapliie pour Mahuiujnna [ibid., p. 17^). Par une autre inscription
également publiée par Kkun ( Het sanskril-insclirift op den grafsteen van Vont
Adityamrntan te Kubur Haja, Mënangknbau ; ± i3oo çaka, dans Verspreide
geschiiften, t. VII, p. 210-221), nous savons que ce roi était fils de Advaya-
varman et titré Kanakamedinïndra (rsouverain de la terre de l'or». Nous savons,
enfin , que ce dernier souverain eut un fils , Anangavarman , qui fut probable-
ment son successeur (cf. N. J. Krom , Eine sumalraansche Inscriplie van Koning
Krlanagarai loc. cit., p. 338). D'après ces textes épigraplilques , on peut
établir la liste suivante des rois de MalQyu au xiii" siècle çaku :
Climat Tribuvàna râjamaillivarmadeva , qui règne en 1208 ç. — 1 286 [supra ,
XC, p. 179);
Advayavarman, père du roi suivant;
Çrimat çri A[ ]yâdil\îivar:na (\ar. Udauïdityavarman) râjendramaulimaiii-
rarmadeva ( var. r5jendrani;iuiiiuali\urniadeva), qui régnait en 12G9 (;.:=i3'i7
et rtlourut vers i3oo c.— l'A'jS.
Anangavarman.
Le Maliârâja çrimat Trailokya rajamauiibbusanavainiadeva de rinscriptiun
cambodgienne de Grabi était certainement un roi de Malâyu, car ses titres
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 183
RAKnTÂGÀMA de Prapanca, daté de i-j.S'j raka -^- i365 de notre
ère], texte en transcription, traduction et commentaires par
H. Kern, avec annotations et indices de N. J. Krom, La Haye,
i9i9,in-8% avec une carte des dépendances de l'empire de
Majapahit et un fac-similé de quelques feuilles du manuscrit
kawi.
XCII. L'île de Sumatra, l'une des dépendances de l'empire de Maja-
pahit, y est désignée sous le nom de fcpays de Malayu [tanah ri Malni/u)v
par le poète javanais rpii en mentionne les vingt-quatre villes ou étals
suivants : «Les principales iles [sic) qui sont sous la souveraineté (de
Majapahit) dans le pays de Malayu sont les suivantes : Jambi, Palemhaù,
Karitan,Tëba (Toba), Dharmniâçraya (Dharmâçraya), Kai.idis (Kandis),
Kahwas (Kawai), Manankabwa (Mënankabavv ou Minaiikabaw), Siyak
(Siak), Rëkàn (Rokan), Kâmpar, Pane (Paney), Kâmpe (PuIbav Kom-
pai), Haru (Aru), Mandahiliù (Mandailin), Tumihan pour Tamihan
(Tamiaiï), Parllâk (Përlak), Barat, Lwas lâwan (Padan Lwas ou Gayu
Luas), Samudra (l'ancien état de Sumutra, sur la côte nord-est de l'île
dont on retrouve encore les ruines près de Lho' SeumaAvé), Lamuri
(Grand-Aceh), Batan (peut-être l'île de Batam), Lampun (Lampon) et
Barus (Baros). Telles sont les plus importantes dépendances du pays de
Malayu tout entier; tous ces pays dépendent [de l'empire de Majapahit]. n
(Chant i3, p. 5o; cf. également chant hi, strophe 5, p. io5, et
chant hu , strophe 9, p. 107; pour les identifications précédentes, voir
p. 267-959, et mes Relations de voijages, t. II. p. 659, oij la note 8 :
ffPane ou Panei dans l'ouest de Sumatra « est à corriger en : rrsur la
côte orientale de Sumatra, en face de l'île de Jamar = Jumur de YOriental
Piloti [cartes k-i et 43], et p. 671.)
Les noms entre parenthèses représentent la forme malaise
moderne des notations du texte kawi.
Les deux complexes sanskrit et chinois sont parallèles au
double point de vue sémantique et syntaxique : :^ '^j hin-
tcheuii recouvre exactement suvama-dvîpa ; l'un et l'autre repré-
protocolaircs soûl riimnrqimhleincnt idontiques à coux des rois do celle
dyuaslie sumalranuise alleslés par les inscriplioiis que uuus possédous.
184 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
sentent lilléralemont oi^-ile, le premier terme étant, par anlé-
position , complément du second. CiiAVAMNes a traduit kiti-tcheou
par «île d'or», mais cette interprétation n'est pas à retenir :
c'est r^île de l'or» qu'on doit lire, et c'est ainsi qu'il faut éga-
lement traduire le suvarnadvlpa des textes sanskrits. En chinois
et en sanskrit, le sens du complexe est un peu flou : il peut
s'agir aussi bien d'une île riche en mines d'or que d'une île
dont le sol et la flore sont en or. Mais, dans le cas présent,
il n'y a pas place au doute; l'information s'appuie sur un fait
concret bien connu : la richesse aurifère de Sumatra, et nous
n'avons pas afl'aire à un thème de folk-lore. On vient de voir
i^supra, p. 177) que l'un des noms malais de la grande île
indonésienne est Pidaiv Enuîs «île de l'or» (cf. un toponyme
de formation parallèle : Pidaiv Bâtu et l'île de la pierre», ainsi
appelée parce qu'il s'y trouve une pierre remarquable et non
parce qu'elle est constituée par un bloc de rocher; Piihuv P'uiah
«île de l'aréquier», etc.). Pûlaw Emds répond à Kin-tcheou et
à Suvarnadvlpa, construit suivant les exigences de la syntaxe
indonésienne, à l'inverse du sanskrit et du chinois; et, comme
il vient d'être dit, le sens en est clair et ne comporte aucune
amphibologie (cf. également Bîrlni, XLIII, p. 6/1).
Pour Yi-TsiNG (LXXXVII et LXXXVIII, p. 178), l'île de l'or
^ Fo-che ou Che-li Fo-che , c'est-à-dire la partie méridionale
de Sumatra. Dans l'inscription malaise de 1208 çaka {^supra,
XC, p. 179), le pays où se rend la mission javanaise est
appelé Surarnahhûmi «la terre de l'or» (1 c) et il est dit expli-
citement plus loin que le pays en question est le Malâyu (/i i),
c'est-à-dire la partie de Sumatra également désignée sous le
nom de MinankabawC^. L'auteur du Kitâh aJ-minhâj , Sulaymân
al-Mahrî, compte parmi les ports de Sumatra (LXXXII,
^') Cf. mon mémoire Malaka, le Màlayu et Malayur, J. As., XI" série,
t. XII, p. 5i et suiv.
L'EMPIRE SUMATBANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 18b
p. 102), trois ports par lesquels s'exporte l'or : Pancûr, à
l'ouest; Pariyaman çr célèbre parmi les hoipmes [et qui est
situé clans le pays] de Manankabwa [=Minankabaw] ??, au
sud-ouest; et Sumutra, au nord-est '''. Les anciennes relations
portugaises sont plus explicites encore :
Arrivèrent également [à Malaka] , dit Gaspar Correa [Lendas da India,
t. 11, p. 2G6), quatre barques du royaume de Manancaho, qui ne pro-
duit pas d'autre marchandise que l'or en poudre et en barres, que les
gens du pays apportent [à Malaka].
L'or qui est importé à Malaka , disent les Commentaires d'Albuquerque
(^Commentarios do Grande Afonso Dalboquerqve, édit. de 177^, t. III,
chap. xxxn, p. 161), provient en majeure partie d'une mine [du pays]
de Menamcabo, qui se trouve à l'extrémité de l'île de Samatra, du
côté du sud , en face de Malaka , à six jours de mer . . .
A ce moment, arrivèrent trois pangajaoas (navires à rames et h voiles)
du royaume de Menamcabo , qui est situé à l'extrémité de l'ile de Çama-
tra, sur l'autre côte méridionale [que celle qui fait face] à Malaka
[= côte sud-ouest]. Ils apportaient une quantité d'or [ihid., chap. xxxvn,
p. 189). [ Pour d'autres témoignages portugais de la richesse en or du
Minaiikahaw, cf. mon mémoire Malaka, le Malmju el MaUujur, dans
J. As., XP série, t. XII, 1918, p. 80-81.]
Il est plusieurs fois question des fameuses «Iles de l'ôr??
{Ilhas do owo) dans les relations portugaises de la période des
(') M. Eilhard Wiedemann a récemment publié et a eu l'obligeance de me
faire parvenir un article sur les drogues employées par les Arabes, où iigure,
en traduction, un important extrait de rencyclopédie de Nuwavkî (mort
en i33a). A propos du camphre, l'auteur arabe dit : «En ce qui concerne son
habitat originel, il y a plusieurs opinions. Les uns disent (pie le camphre pro-
vient de Faneur [=Baros, sur la côte occidentale de Sumatra], une île de
700 parasanges de tour qui est connue comme le pays de l'or. . ,v {Beitruge
zur Geschichic dcr Nahirwissrnschaflen , XLIX. Vber von den Arabern henulztc
Drojren, dans Siizungsberichte der physikaliscit-inedizinkclien Sozietât tn
Ertangen, Band ^18, 1916, p. 17.) Cette information dont j'ai eu connais-
sance pendant l'impression du présent mémoire, confirme hein'eusement le
témoignage de ^i-tsing et de l'inscription malaise de 1208 çaka : l'île de
Sumatra est bien le pays ou l'île de l'or.
186 OCTOBHE-DÉCEMBRE 1<J^22.
(iécoiiverles. En fait, les dérouvrcurs étaient surtout préoccupés
de recueillir des informations sur l'Eldorado oriental pour pou-
voir s'y rendre et en rapporter les fabuleuses richesses qu'une
légende plus que millénaire situait dans des îles indétermi-
nées'^^. Joâo de Barros, l'historiographe royal du xvf siècle,
en parle à trois reprises dans la décade III :
. . . Diogo Pacheco, dit-il (liv. III, cliap. m, p. 26/1), peu de temps
après son arrivée de Malaka [à Sumatra], avait apporté d'importantes
informations sur les Iles de l'or qui, d'après un bruit général dans
rinde, gisaient au sud de Sumatra. C'est à l'effet de les découvrir que
Diogo Lopes [de Secpieira] envoyait Diogo Pacheco, parce que celui-ci
était très versé dans les choses de la mer et extrêmement habile décou-
vreur, étant, en outre, un parfait gentilhomme. Dans ce but, on lui
donna l'ordre d'armer un navire à bord duquel il serait, et un brigantin
dont serait capitaine Francisco de Sequeira . . .
Pacheco se met en route et touche à Daya, sur la côte
nord-ouest de Sumatra ^ oii le brigantin se met au plein et se
perd corps et biens, à l'exception d'un esclave canarin i^ihid.,
p. 966). Avec son seul navire, le marin portugais descend le
long de la côte et fait escale au port de Baros :
(P. 268.) . . . Tandis qu'il se trouvait là, il ne se préoccupait que
de deux choses : se tenir sur ses gardes de peur que, pendant la nuit, à
l'instigation des Maures [= musulmans] de Çambaya [qui se trouvaient
là] , il ne fût victime de quelque traîtrise; et s'informer auprès des gens
du pays de ce qu'ils savaient et disaient des Iles de l'or qui gisaient au
sud de l'ilc de Sumatra. D'autant que, à Malaka où se rendaient cer-
tains marchands de ce i-oyaume de Baros, l'opinion générale était que
ce pays de Baros ne produisait pas autant d'or qu'ils en apportaient,
mais que la plus grande partie était obtenue par échange dans les Iles
de l'or où ces marchands se rendaient pai- mer. Quoique les Maures cl
les gens du pays fussent très jaloux [de cons(;rver le secret] de ce com-
(') Sur ces ilcs léj^cndaiiTS , cf. l*omponius ÎMela, Pline rAncien, Sohn,
IsiDOUE de SùvUle, daus Cokuks, Textes d'auteurs ^rrecs et iatins relatifs à l'Ex
Iréme-OrioU , l*aiis, i()io, in-S".
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 187
merce, Diogn Pachoco pul copoiidanl aclieloi' deux on liois in(li{|ènes
qui s'y étaient rendus el (|ui finirent par lui dire ce qu'ils avaient vu et
ce qui s'était passé. (P. 269.) Ils racontèrent que, à peu près à 100 et
des lieues au sud-est du port de Baros, gisait une ligne de hauts-fonds
et de bancs de sable ^ au milieu desquels se trouvait une île, légèrement
accidentée, dont les côtes étaient couvertes de palmiers; à l'intériem*
de l'île, vivait une nombreuse population noire avec laquelle ils e'clian-
geaient de l'or sur le rivage, parce que ces gens ne permettaient à per-
sonne de se rendre où ils habitaient. Pour celte raison, [les commer-
çants de Baros] ne connaissaient ni l'intérieur de l'île, ni la façon de
vivre des insulaires. (îeux-ci donnaient nne grande quantité d'or en
échange de pièces d'étoffes de Cambaya, de la même sorte que celles
que Pacheco avait apportées : vespiclas (toiles), mantazes (draps) et
herUnigis (toiles) bleus et rouges'''. Quoiqu'on se procurât de i'or à
très bon marché en l'écliaiigeant pour des étoffes de qualité inférieure,
cependant, beaucoup de marchands qui s'y étaient rendus nne fois,
malgré la grande quantité d'or qu'ils en avaient rapporté, n'y retour-
naient plus de peur d'y perdi-e la vie. En général, de vingt navires qui
partaient pour les Iles de l'or, il n'en restait que le quart, ces voyages
étant extrêmement périlleux; on ne pouvait les efïectuer que pendant
une mousson qui durait trois mois et seulement avec des navires de très
faible tonnage à cause des nombreux hauts-fonds et bancs de sable qu'il
y a là, [entre lesquels] se trouvent de très étroits passages par où Ton
fait route. Ces passages changeaient de place chaque année par suite du
déplacement des sables (p. 970) sons l'action des courants marins pen-
dant la période d'hiver de cette région. Quand les marins étrangers
arrivaient Ji entrer ou sortir par ces passages, un jour où il ne faisait
pas très beau et calme, la mer furieuse engloutissait tout ce qu'elle ren-
contrait, dépendant, bien que les indigènes de Baros lui exposassent les
très grands dangers qu'on courait, jaloux [qu'ils étaient de se réserver]
ce commerce, comme il le comprit, Diogo Pacheco ne cessait de leur
poser de nonibieuses questions, autant pour son instruction pcrsoanelle
que pour se rendre compte s*il n'y avait pas (juelque contradiction dans
ce qu'ils racontaient. Après qu'il en eut tiré ce qu'il put, comme cette
enquête était la principale raison (pii l'avait fait s'arrêter à Baros pen-
dant qliel([ues jours, il prit congé du roi et de ses gouverneurs et fit
route en longeant la côte de l'ile. . .
"' Pour CCS étoU'os, cl", mon nnjnioiro Les poidii , inesures cl monnairs de«
tncis ilu Sud aux xvi' et xvn' siècles, J. As., déc. 1920, p. 202-'io3>
188 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
Pacheco contourna Sumatra par le sud et, remontant la
côte orientale de l'île, retourna à Malaka, sans avoir tenté de
découvrir les Iles de l'or.
En juin i52i, rapporte encore BaiTos (décade III, liv. IV, chap. m,
p. Al 2), arriva de Portugal un navire apportant des instructions du roi
D. Manuel, cr Entre autres choses, le roi invitait Diogo Lopes [de Se-
queira] ... à charger quelqu'un d'aller découvrir les Iles de l'or préci-
tées qui gisent par le travers (a través) de l'ile de Sumatra; car, plusieurs
personnes qui étaient allées dans cette région de l'Inde [naquellas partes
da India), avaient donné grand espoir qu'on pourrait les découvrir. . . n
Les Lendas da htdia «Les légendes de l'Inde?? ont trait à la
période comprise entre 1^97 et i55o. Nous savons par une
indication de l'auteur lui-même qu'il travaillait encore à la
rédaction de ses Lendas en i56i (cf. t. I, p. 266). Elles ont
été publiées par les soins de l'Académie des Sciences de Lis-
bonne , le t. III en 1 8 6 2 , le t. IV en 186/1; in-/i°.
(T. III, 1" partie, p, 208, chap. 11.) Des navires de France.
En l'année qui précéda iSay, trois navires armés en corsaires dont
l'un commandé par le Portugais Esteuào Dias Biigas, partirent de France
et firent roule à destination de l'Inde . . .
(P. 2/jo.) ... Le second navire se sépara du convoi au cap de Bonne-
Espérance, du côté du Sud, ne sachant plus où il allait. 11 prit le che-
min des côtes de l'ile de Sumatra et arriva à l'Ile de l'or dont le sable
du rivage, gros et petit, est tout en or. La végétation y est luxuriante;
il y a de grands bois (aruoredos), des rivières d'eau excellente, beaucoup
d'arbres fruitiers dont les fruits sont savoureux. Les habitants sont nus
et sauvages, ne se couxrant que d'étoffes fabriquées avec des feuilles
d'arbres [foUias d'henias). Ils ne mirent aucun obstacle à ce qu'on prit
ce qu'on voulut. Les [marins du navire français] embarquèrent autant
d'or qu'ils voulurent et s'en allèrent, faisant roule sans savoir dans
quelle direction le vent leur serait le plus utile. Ils arrivèrent ainsi sur
la côte de Sumatra en pleine détresse, la ])lupart d'entre eux étant
morts ou malades. Le navire faisait tant d'eau , qu'il était sur le point
de couler. Ils mirent le cap sur la terre pour s'y échouer; mais avant d'y
arriver, ils s'échouèrent sur un banc (de sable ou de roches) oii le
navire se perdit. Ceux qui pouvaient travailler, mirent la chaloupe en
L'EMPIRE SUxMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 189
état el vinrent à terre avec beaucoup d'or que chacun y avait rais. [En
arrivant] à terre, ils moururent. Des barques de pêcheurs qui les ren-
contrèrent par hasard, emportèrent l'or. On apprit cela à Malaka par
des marchands de Sumatra qui venaient y trafiquer, que partout on
parlait de cette chaloupe que des pêcheurs avaient trouvée pleine d'or
et que les hommes qui on parlaient (e que os homens que faîauâo
como bombardeiros?). On amena un de ces individus au roi d'un pays
{sic) qui le fit empaler parce qu'il disait qu'il ne saurait pas retrouver
l'Ile [de l'orj. On apprit également que ceux qui découvrirent cette
Ile de i'or n'appartenaient pas à l'équipage du navire commandé par le
Portugais Brigas.
(T. IV. p. 3o6.) [En i563] ... [le gouverneur Martim Afonso de
Sousa] donna l'ordre à Jeronymo de Figueiredo de partir avec un galion
et trois fustes , à la découverte de l'Ile de l'or qu'on disait être par le tra-
vers [alraués] de l'ile de Sumatra, au large de Sumatra, du côté de
l'Ouest ... Au moment de partir, le navire [ désigné pour cette expédi-
tion] faisait tant d'eau que, pendant la nuit, il coula dans la rivière [de
Goa où il était ancré ... On le remit à flot] et il fut réparé et prit
ensuite la mer. Le directeur des finances fit informer Diogo Cabrai qu'il
avait fait faire secrètement des trous au navire et celui-ci coula [en mer ] '''.
Il est question d'îles de l'or dans un curieux mémoire de
Godinho de Eredia (ou Heredia)'-^ intitulé : Declaraçani de
Malaca e India Méridional coin o Catlioy em III tract. Le texte
portugais avec traduction française, sans notes, a été publié
sous ce titre : Malaca, l'Inde Méridionale et le Catliay, édit. et
. trad. Léon Janssen d'après le manuscrit de la Bibliothèque
Royale de Bruxelles, avec une préface de Ch. Rlelens; Bru-
xelles, m-U°, 1889, XIV pages-]- 8 -.2 folios -f 100 pages, avec
lio cartes et plans et 19 illustrations de l'auteur. Ce mémoire
est adressé à Philippe III de Portugal el daté de Goa, le â/i no-
vembre 161 3 (la traduction porte par erreur : a 4 décembre).
Dans ce texte, Inde méridionale désigne une terre et des îles
'') Ce fonclionnaiic portugais avait uu intérêt, que nous ne soupçonnons
pas, à cmpiVlicr li; départ du galion.
^-) Sur ce personnage, cf. Hamy, Le dvscobridor Godinho de Eredia, dans
Bull. Soc. O'e'ogr. de Paris, juin 1878, p. 5 16.
190 OCTOBRK-DECEMBRE 1022.
imy^pnalres situées au sud du i o'' degré de latitude australe.
La seconde partie (p. 5/i et suiv.) est consacrée à celte Inde
méridionale. Il y est question de deux îles riches en or : Luca-
antara (lire : Luça Antara = pyanais Nusa Antara «l'île du
milieu 75, litt. «l'île entre [d'autres îles]??)'^' et Luca iy=Luça,
pour Nusa «île 51) Veacli= V^eak. Dans la première, où se
rendit un prince javanais, «il y vit beaucoup d'or, de girofle,
de noix muscade imassanos = massa nos^, de sandal Liane et
rouge, d'autres épices et aromates, et en prit des échantillons 55
(p-58).
La description de l'île de Luca Veach vaut d'être reproduite
intégralement :
Chapitre vu. De l'île de Ldca Veach.
(P. 63.) . . . La^'^ navigation était suivie entre les îles d'Ende (Flo-
rès) et Luca Veach ''^\ terre produisant de l"or en grande quantité : on
en tirait de nombreux lingots de ce métal par des échanges, ainsi que
le racontent les vieillards d'Ende. (les vieillards rapportent l'aventure de
cette barque d'Ende qui , faisant voile vers Luca Veach , fut prise , à la
hauteur de l'île de vSaho '*', par une violente tempête. Elle ne put eutrer
nia Saho, ni dans le port deRajoam*'*^ ni à Lucachancana ''^ rivages
qui sont en vue l'un de l'autre. La tourmente l'entiaîna et lui fil perdre
de vue toutes ces îles. Ensuite le temps se calma , les vents tombèrent.
Pendant trois jours, la barque égarée navigua de part et d'autre, puis
(') C'est l'ancion nom de Jladura, applique ici à une île imaginaire.
<"-' Je reproduis la traduclion de Janssen en la rectifiant par des notes.
'•'*) I^our celle île , vide injra.
'''' Cod. Sabbo. La carie du fol. 53 a Sabo. C est file appelée Sacu, ySawu ou
Rai Hawu, la Savoe de nos caries, entre Sumba et Timor.
(^' Cod. ilha Rajoam rr l'île de Rajoamn. La carie du fol. 59 a linjoan. C'est
l'île Kaiymva ou Rai Jua du groupe des îles Savu.
'"> Lttca est pour /(/««;= javanais misa rfîlen; Chancanu est vi'aiseniMable-
meul à covrïger i>i\*(Muclianu = Kancanu. Sur la chiite du fol. 5-j, ces trois
îles et une quatrième non déjionnnée sont situées par Godinlio au nord et à
peu de disUuice de file de l'etau el au Nord-iNord-Ouesl de la pointe de
Beacli.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 191
elle lut poHSsëe à Luca (p. 64) Veacli où les marins qui montaient i'eni-
barcalion, débarquèrent dans un village. Ils voulaient faire de l'eau et
des vivres car, pendant la tempête, ils avaient tout perdu sauf une cer-
taine quantité de fruits d'une espèce de palmier nommée Sioallas'^^^ qui
servaient de lest au bâtiment. Ces fruits du Sivallas étaient très estimés
à Luca Veach. Ils obtinrent en échange de leurs Sivallas ''' autant d'or
qu'ils en voulurent : ce métal est très commun à Luca \each où le gra-
vier qui se trouve au pied des arbres est du minerai d'or '■^\
Cette île de Luca Veach mesure environ 8 lieues espagnoles de circon-
férence. Sa terre, qui produit des minerais, est fraîche et en partie
boisée*'' : elle est très fertile en riz et en grains de toutes sortes, bien
plantée de palmiers, de cocotiers domestiques*'' et d'une grande variété
de cannes à sucre. De nombreuses et fraîches rivières on coule une eau
excellente et où se trouvent des rochers aurifères, arrosent le pays, et
les marins d'Ende y tirent de l'eau "'.
Une autre partie''' des habitants sont des blancs à cheveux blonds,
avec des yeux bleu clair, petits de taille, nus ou mal vêtus. Ils habi-
taient des maisons couvertes de paille et vivaient du fruit de leur tra-
vail, cultivant des jardins légumiers**'. Parmi eux se trouvent égale-
ment des hommes bruns, mais tous parlent la même langue qui est
celle de Sabo et de Rajoam *''. Ils emploient le fer pour fabriquer les
armes, les frondes, les dards et les lances dont ils munissent la pointe
de dents de poisson. C'est le plus riche et le plus puissant d'entre eux
qui gouverne le pays.
Le long de la côte, sur une largeur de loo pas géométriques, la mer
*') Cod. dajnicta sivallas.
'-) Cod. sivallas, fructa de palmas bravas csivallas, fruit de palmiers sau-
vages . . . n.
'■■') Cod. (ira de mcJlaes de imro , lilL. trëtait de métaux d'orn , était en or. Il
n'est pas du tout question do minerai.
'•^) Cod. eslava jrescu echca de bosqnes arvnredos ffolle était fraîche et cou-
verte de forêts [et] de bois».
*^) Cod. de cocos domeslicos, c'est-à-dire de cocotiers cultivés.
*^^ Cod. e tern muylas e fresca ribeijras de excelenle agoa de nichas de nurn ,
onde fizerâo affuada wet il y a de nombreuses et iraiches rivières d'eau excel-
lente [sourdant] de rochers en or, où [les marins élran,<i[ers] liront de l'oau».
") Cod. E a jjeiitv uluua rrqufîlcjiios-uns dos lialiilanls».
*"' Cod. cuiii iiranjrvvia de ortas , ils vivon( do leurs labours ol innauv [(iiii
consistent] fren culture do jardins-i ; ils vivent du produit de leurs jardins.
^•'' Cod. de liayiuo (sic, pour liajoâo) v Sabbo.
192 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
qui baigne celle île esl remplie cVime espèce de corail''' recouvert de
varech, ce qui gêne le débarquemenl dans le port de Luca Veach. Pour
que l'embarcation pût atterrir, il fallut couper les branches de ces varechs
et s'y frayer un passage. De cette façon, la barque toucha terre et revint
sans encombre, car il n'y avait pas d'autres récifs ni bancs de sable sur
la côte '""'.
Après que l'embarcation eut un chargement suffisant d'or, elle quitta
Luca Veach. Mais, assaillis par une nouvelle tempête, les marins furent
obligés de jeter leur or à la mer '*'. Ils n'en gardèrent que ce qui était
nécessaire pour lester la barque et regagnèrent Sabbo quand le temps
se calma. Ils y déchargèrent leur or dont il y avait encore une telle
quantité que tous les habitants de Sabbo en furent frappés (p. 65)
d'étonnement. La vue de ces richesses leur donna l'intention de faire
ime nouvelle expédition vers Luca Veach, mais ils ne donnèrent pas
suite à leur projet à cause de l'ignorance des habitants , qui ne savaient
ni la latitude ni la configuration de Luca Veach. Enfin cette île s'appelle
ainsi parce que, dans la langue de Sabbo et de Java'^\ Luca^^^ signifie
(fîle» et Veach veut dire ffd'or" ^^\
(') Cod. de certos contes faisos «rde certains faux corauxw.
*-' Cod. per nâo haver outras restingas «car il n'y avait pas d'autres récifsn.
(') Le jet de l'or à la mer a pour but d'apaiser la tempête. C'est un thème
de folklore bien connu, qui est généralement à trois motifs : I. Motif de
l'arrivée dans une île ou un pays inconnus; II. ^lotif de l'enlèvement par les
étrangers du produit caractéristique de l'ile; III. Jet obligatoire du produit
en question pour apaiser la tempête occasionnée par l'enlèvement de ce pro-
duit. Dans le cas présent, comme il s'agit d'un voyage de chercheurs d'or,
Godinho raconte qu'il en fut conservé une certaine partie à titre de lest , pour
montrer aux indigènes do Sabo que Luca Veach esl l'île de l'or qu'on recherche.
Sur un thème de folklore parallèle, cf. mes Relations de voyages, t. Il, p. 299,
3io et h\o. Dans ces trois passages, les roses magiques disparaissent par com-
bustion instantanée dès qu'elles sont portées hors de la roseraie {supra, LII,
p. G8;LVII,p. 69;LXXIV, p. 77).
'') Le texte a : chez les indigènes de Eude = Flores, de Sabbo et de Java.
(^) Luca est pour /«ça = javanais nusa n\lor>. Nusa n'est usité qu'à Java,
Madura et à Madagascar (nusi). Partout ailleurs, frîlen est généralement désigné
sous le nom de pulaw, pulo ou par une variante dialectale se rattachant à ce
thème.
W En indonésien, le nom de l'or se rattache aux types suivants :
I. Malais mas, ^>na«; javanais ëmas ; bisaya, dayak, tagal amas; batak ornas;
makassar umasaq; vieux-bugi mata; bësëmah ëmas, rëmas. Cf. khmèr mâs.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 193
Chapitre viii. Certificat relatif à l'île de Luca Veach.
Pendant que je commandais la forteresse d'Ende [ou Flores], les
habitants les plus honorables et les mieux placés de celte Chrétienté
rendirent compte, à moi, Pedro de Carvalhaes, comme il suit, du fait
de la découverte de l'Ile d'or [lire : lie de for] ou Luca Veach.
Une petite embarcation avec quelques marchands, chassés du port de
Sabbo par les vents, la tempête et de violents courants, s'égara, perdit
de vue la terre et, naviguant la proue au Sud, pendant environ
3o lieues ''', rencontra Pulo Carabin ^^\ une île dans laquelle il n'y a
que des chèvres. Puis continuant sa route au Sud, après avoir parcouru
environ la même distance encore, elle trouve Pulo Nliior^'', autre île
déserte dans laquelle croissaient des cocotiers. Plus avant, la barque en
question rencontra l'île Pulo Tambini'"', peuplée de femmes, et pais
après, apparut Luca Veach.
cam mo'h; bahnar, jaral (oliréai), lialaii do rindochiuo mah ; nias, màs , amas
dans les dialectes de la péninsule malaise, fforw, kawi //(/7s.
II. Dayak, katinan bulun; magindanao et bulaan-moi'iondu bulawan; bugi
ulawën; bontenan wulën vovn.
m. Vieux-bugi tanexjo ou taiikeyo <:Z.eiion «briller».
IV. Vieux-bugi ivara-wava <Cwara «charbon ardente.
V. Malgache vulamena, litt. argent rouge, sumba amas rara, litt. or rouge
= ffor».
VI. Vieux-bugi nipajati, magindanao kancana, dayak (mot religieux) 7-awia
«or:i, empruntés respectivement à skr. jàta râpa «or", kancana «odi, dramja
«objet, richesses».
Cf. R. BiiANDSTETTEii, Mala-Havi , Lucerne, igo8, in-S", p. 8-9-, Aymonirr-
Cabaton, Dictionnaire cam-français , s. v° mo'h; G. 0. Blagden, Comparative
vocabtilanj of abori^rinal dialects, dans Skeat et Blagden, Pagaii races of the
Malaij peninsula, Londres, 190G, in-8°, t. II, p. 6a 1, n° 62, s. v° gold. Veach
n'a donc rien de commun avec le nom de l'or en indonésien.
''' Cod. pouco menos de 3o logoas «un peu moins de 3o lieues».
'-) Cod. Pulo Caiiibim ( sic) de cabras «Pulo Camhim [ou île] des chèvres».
Pulo Canibim est la transcription portugaise de Pulaw Kambin, qui signifie en
effet «île des Chèvres». Cette île figure sur la carte de Godinho, du fol. 48 v" :
elle est située au Nord de la pointe orientale de Timor. Il existe en ciïet une
ile de ce nom dans la Résidence de Timor et dépendances. Elle est ('gaiement
appelée Hoogciland.
'^^ Cod. Pulonkior de cocos «l'ulonliior [ou ile | des cocos» =; Pw/((ir hiyur,
qui signifie «île des Cocos». Celle ile cl la précédente, où reparaît le terme
malais pulaw, au lieu du javanais nusa, ne figuri^nt pas sur la carte du fol. 5a.
'*' Cod. Pulo lambini de molkeres «Pulo Tambini [ou ile] des Femmes». La
IM OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
Les navigalcurs y aperçurent notamment l'heureuse montagne d'or,
et les gens de Sabbo qui montaient la barque mirent pied à terre dans
le port, où ils virent une telle quantité d'or qu'ils en demeurèrent
frappés d'étonnement. Ils en chargèrent autant qu'ils voulurent et tant
que le navire eu put supporter le poids. Puis, poussés par les vents du
Sud, la barque regagna le port de Sabbo. Cette expé(Htion enrichit cette
terre, qui n'était pas très riche par elle-même. Aujourd'hui encore, tout
l'or qui se trouve à Sabbo est celui qui provient de l'expédition de cette
dite barque à Luca \each.
(P. 66.) Les susdits navigateurs rapportent qu'il se trouve à Luca
Veach un pic élevé, qui est une montagne massive d'or. C'est-à-dire que
ce métal s'y trouve en telle quantité qu'il est répandu dans les pierres
eu gros filons et en veines considérables.
Sous l'action du temps, cet or a été mis à nu et fait resplendu' la
montagne à tel point que de loin, sous la réverbération du soleil, elle
apparaît comme un brasier en feu.
Sur ces infoimations , je fis apprêter de suite doux embarcations à
rames, bien approvisionnées, avec des pilotes et des marins d'Ende [ou
Flores] et d'autres officiers pour faire le voyage de Luca Veach. Alors
que les embarcations étaient déjà prèles à lever l'ancre et à faire voile,
les pères de l'ordre des Dominicains, comme vicaires de cette Chrétienté
et administrateurs des pays du Sud, me supplièrent avec la plus grande
insistance de ne pas effectuer ce voyage, disant que les Chrétiens qui
carte du foi. 62 a : Lucatambini = Nusa Tnmhiai, I. de Molhercs. C'est la
légendaire île des Femmes dont Kredia a voulu parler. Le javanais bini signifie
bien fr femelle, femme 'k, mais tambini n'a pas ce sens. La géographie légen-
daire tles Javanais à laqucftle l*]redia a fait cet emprunt maladroit connaît inie
Nusa Tambini. C'est la Nusa Tambini où Aji Çaka, l'hindou civilisateur des
Javanais, s'établil en Tan 10 de l'ère qui porte son nom [= 88 de notre ère]
(cf. Rafflks, llislory af Jura , liOndres, 1817, in-i", t. li, p. a3i), la Nusa
Tambina du C}clo légendaire de Panji où le brahmane Kanda (appelé aussi
Sakendo et Salirti), prolecteur du râ]a de Nusa Kancana «l'île de l'or», alla
faire pénitence au i\" siècle {ibtd., p. 90). Dans un manuscrit on javanais
moderne contenant un fragment du cycle de Panji, il est question de Wando,
princesse de T('mbini (iipud ms. cmmx [cod. 317;! |, dans H. H. JtvNBOLL,
Supplément op den catalogus van de Javaansclie en Madoei'eesche HnndscUriJten
der Lcidsche Universileils-Hibliolheek, t. II, Leyde, 1911, in-8°, p. 78). Et c'est
évidemment cette i\usa Tambini ou TC'mbini qui, par ua oontre-sens, est
devenue «l'île des Femmes') de Eredia.
L'EMPIRR SUMATRANAIS DK ÇRÏVIJAYA. 195
s'y aventureraient, ne connaissant pas la navigation de cette mer^'' et
la situation de Luca Vearh, courrai(3nl à une perte certaine et trouve-
raient la mort sur cet océan. Par respect pour la requête solennelle de
ces religieux, j'abandonnai mon dessein et le voyage vers celte lie si
riche de Luca Veach ou île d'or, n'eut pas lieu '"'.
Le descobridor Emanuel Godinlio de Eredia m'ayant demandé cette
déclaration pour le bien de son voyage et de son entreprise et pour
le service du Roi, je jure par les Saints Evangiles que tout ceci est la
vérité et j'ai scellé les présentes de mon sceau ci-dessous.
Malaca, le k octobre 1601.
Pedro de Carvalhaes.
Pedro de Carvalhaes était sans doute de bonne foi; mais il
va de soi que l'île de l'or en question est purement imaginaire;
imaginaire aussi le voyage de Eredia à Luca Veach. Tout cela
est du folk-lore transformé en réalité par un métis ambitieux à
la recherche de dupes. Le résultat final est décisif dans ce sens :
Godinho de Eredia ne retourna jamais dans l'île en question.
Les Portugais n'avaient naturellement pas découvert les
fameuses lies de l'or. Les Hollandais eurent sans doute vent
des projets d'expédition en Eldorado de leurs prédécesseurs et
mirent aussi la question à l'étude. Le Dagh-Register gehoiiden
uil Casicd Batacia vaut passeremk daer ter plaetse nls over te
geheel Neih'rl(ints-I)tdw anno i636 ^^ Journal tenu dans \e CAmleau
de Batavia de ce qui s'est passé à Batavia même ainsi que
dans les Indes néerlandaises tout entières pendant l'année 1 63 6 »
(édit. H. T. CoLENBiuxDER, 's-Gi'avenhage , i8(|(^, gr. in-8°,
p. 1 o/i) fait mention, au mois de juin, d'un projet de décou-
verte de l'Ile riche en or et argent i^hel goût ende siherrijck eij-
landl) ^^K On songe à charger de ce soin le commandant Ma-
(') Cod. cnmo ignorante» daquclla nnvijrarào.
'"-) l^a laisuu invoquée [)our empcVtior ce nouveau voyage à Luca Veach, est
ditficilcintMil, acccptabtc. 11 y a lieu de remarquer qu'il n'est pas question dans
ce procès-verljul de la tempiHc qui cildi'jea l(_'s marins de Sabbo à jeter à la
mer la plus jjrande partie de l'or re(n(>illi dans file merveilleuse.
'^) L'éditeur ajoute en note : «Cf. Lebpk, Ueiza van Maarten Gerrilz*, p. 3
196 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
ihijs QuAST avec les navires Grol et Waterloose Wei^ve. Suit ce
curieux renseignement : «On rapporte que l'île aurifère et
argentifère gît par S^" 1/2, à environ /loo milles à l'est {^bij
oosteii) du Japon. «
D'après les renseignements recueillis par Diogo Pacheco
sur la côte occidentale de Sumatra, les Iles de l'or devaient se
trouver «à peu près à cent et des lieues au sud-est du port de
Baros55 (^suprn, p. 187). Pendant les cent et quelques années
qui ont suivi l'mfructueux voyage du capitaine portugais, la
région au sud-est de Sumatra a été parcourue eu tous sens et
aucune île aurifère n'y a été découverte; mais la légende de
l'Ile ou des Iles de l'or, que justifient dans une certaine mesure
les arrivages de poudre et de lingots d'or à Malaka, conserve
ses fidèles parmi les gens de mer et les marchands eiu'opéens.
Les îles de l'Indonésie n'ont pas fourni encore de richesses com-
parables aux fabuleux trésors des Indes occidentales; mais
l'enthousiasme des découvreurs n'en est pas atteint : leur foi
reste entière et leur zèle ne se dément pas. Ceux qui, comme
le signataire de ces lignes, ont vu de près les prospecteurs du
Transval et de Madagascar, peuvent témoigner de la touchante
crédulité des chercheurs d'or; et leurs lointains prédécesseurs
des xv" et xvi^ siècles n'étaient pas moins crédules. L'insuccès
des expéditions portugaises n'a découragé personne. Leur
unique résultat pratique est d'avoir montré qu'il n'y a pas
d'Iles de l'or dans l'Insulinde; mais qu'à cela ne tienne; elles
et 35-io; Heeues, IJfe and labours of Abel Jansz. Tasman, p. i5-205'. Je n'ai
pas eu occasion de consulter ces deux ouvrages. M. Paul Pellioï a eu l'obli-
[jeiince de me signaler le mémoire de 0. Nachod, Ein unenidecktes Goldland
[ Mitthcilungen der Deulschen Gesell. fiir Noiur- uiid Volkerkuiide Oslasiens,
Tokyo, t. Vil, 3° part., p. Sj^i-^iSi), où on retrouvera l'historique des expédi-
tions envoyées à la recherche de la légeudaiie lie de lor, depuis le projet
hollandais de ViinsTEEriEN, en i()35, jus(praux voyages de La Pkuolse, A-sson,
BitouGiiTON, von KruiSF.NSTEBN, Joliu Meaues; ot la liste des documents et
cartes ayant trait à ITle de l'or, de 1 087 à 189.") ! La première des expéditions,
celle de Diogo Pacheco [supra, p. i8(i), n'y figure pas.
L'EMPIRE SUMÂTRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 197
n'en existent pas moins et la recherche continue. L'Ile de l'or
ne peut être que dilhcilenient accessible : la rumeur publique
la situera donc à /loo milles à l'est du Japon, dans quekjue
terre insulaire du Pacifique, où on ne la trouva pas davantage.
La vraie merveille de la légende, c'est que les Portugais et
Hollandais des x\f et xvn* siècles ne soupçonnaient pas encore
la richesse aurifère du sud de Sumatra, où tant de fois ils
firent escale. Le secret fut rigoureusement gardé, tant par les
Sumatranais que par les trafiquants musulmans avec lesquels
ils traitaient. En Indonésie comme en Afrique, l'européen est
considéré comme un ennemi; le musulman ou l'hindou ont
seuls la confiance de l'indigène. Ainsi ce trafic d'or qu'on cache
jalousement aux marins d'Europe, a été connu d'un moine
chinois dès la fin du vif siècle (LXXVII, LXXXVIII, p. 178)
et il est révélé aux marins arabes par Birûnï (XLIII, p. 6/1)
et surtout par les Instructions nautiques de Sulaymân al-Mahrî
(^supra, p. 102), quelque cent ans avant l'époque où le com-
mandant Mathijs QuAST est chargé d'aller rechercher l'Ile de
l'or à l'est du Japon.
Le Kùâh al-minhâj de Sulaymân al-Maharî a une courte section
(Jaa») consacrée aux distances entre certains ports de l'Océan
Indien (ms. 2669, fol. ^^ ^"°)- ^^^^ lignes G-7, il est dit ceci :
t-o*Xjî_5 (^^j^JLjoyfJi JjL«^ ll*tj ij^-^'^-^ Jj^î^_>*Jî_5 ^J^j^ ^j.^ JjO»
^b U^y*^ «comme [entre] les iles Zarïn et les Sawâhil (côte
orientale d'Afrique), il y a 60 zdm [= 180 heures de route]
de distance; comme entre [l'île de] Tayzam-turi et les Mal-
dives, il y a 20 zfmi [=60 heures de route] de distancer.
Dans la llâwiya de Ibn Mâjid qui est datée du i3 septembre
1/162, la même île est également mentionnée (ms. 2202,
fol. 107 v°, vers 1 0) :
^b u^/^ ^)y (^'0 p7^' (j^^ ^^r^i
Entre elle (riinc; des Maldives citée au vers précédent) et Tayzam-
lûrî, il y a 20 zâm.
1»8 OCTOBRE. DECEMBRE 1922.
En marge de ce vers, une main étrangère, très différente
do celle du copiste, a écrit : t^^xJ! »^.2^ = t_\iôJJi ^t^^t^ «l'île
de l'or 55. Sïdi 'Alï, dans son MuhU, nous a conservé la légende
de cette île de l'or :
[Le soi de] l'ile de Tayzam-tùrl est counu comme terrain aurifère,
comme il ne peut pas y en avoir un second au monde. On raconte qu'une
fois, un commerçant indien était allé pour affaires, du port de Surat de
la province de Guzerate, dans les districts du Bengale. Comme il reve-
nait du Bengale [à Surat] avec des marchandises, sa route le fit passer
devant l'ile de Tayzam-tûrï. Le marchand jeta l'ancre, vint sur l'île et
s'empressa de faire cuire son repas. La chaleur du feu fit entrer l'or en
fusion et il coula de tous les côtés. Lorsque celui-ci vit cela, il jeta par
dessus bord toutes les majchaudises qui se trouvaient sur le navire et
le chargea avec la terre de l'ile. Lorsque, avec l'aide d'Allah, il fut de
retour dans le port de Surat, il donna au Fadisâh du Guzerate une par-
tie [de la» terre rapportée] et fit construire dans le port de Surat un
talàw profond, c'est-à-dire un gigantesque bassin tout en pierre pour
lequel il avait dépensé sur la part qui lui restait un hulûr, c'est-à-dire
100 lah [= 10 millions de pièces de monnaie]. On n'avait jamais va
encore dans le monde entier une construction semblable (trad. Bittner,
dans mes Relations de voyages, t. II, p. 5/ii).
En fait, ni Ibn Mâjid, ni Sulaymân al-Mahrî ne men-
tionnent celle île de l'or purement légendaire; leurs Instruc-
tions nautiques sont des travaux scientifiques où la réalité seule
est enregistrée. L'amiral turk, au contraire, ne néglige pas
le folk-lore; il a intercalé cette disgression sur l'île de Tay-
zam-lûri dans le passage du Kilâh al-minhâj qu'il est censé tra-
duire, sans prévenir le lecteur qu'il s'agit d'une addition de
Fon cru.
Celle croyance en l'île de l'or était si fortement ancrée dans
l'esprit des découvreurs des xvu" et xvnf siècles, qu'on la trouve
portée sur des curies européennes et même sur des caries
marines. Godinlio, par exemple, inscrit près ^q la côt(; occi-
dentale de sa ^^ Sumatra moderne?) (fol. 12/1 v" de la Declaraçam)
L'EMPIRE SLIMATIUNAIS DE ÇRIVIJAYA. 1«9
un archipel situé enlni i" et -2° de latitude Nord et correspon-
dant à peu près à l'ile de Nias, au-dessous duquel est noté
crourow. Non loin de là, entre l'équateur et 1" Sud, une autre
île est appelée « Puloraâs 5) =^ malais Pûlaw mas, «île de l'or»
— c'est probablement la Tanah Masa de l'archipel des Batu.
Linschoten, qui a beaucoup emprunté aux Portugais, a inscrit
sur sa carte de l'Extrême-Orient une crBeach prouincia auri-
fera», située droit au sud de Java, entre 1 ()° et 20" de latitude
méridionale. C'est évidemment la Veach ou Beach de Go-
dinho; la partie méridionale de cette «province aurifère?) se
confond avec le cadre de la carie et l'on ne sait s'il s'agit d*une
île Q14 d'un continent. Cette hantise des îles de l'or se manifeste
encore à la fin du xviii" siècle dans les cartes marines de
ï Oriental Pilot. Elles figurent sur la carie Sa , entre i°et 2" Nord
et respectivement par 92° 3o', 87° et 83° de longitude :
«Ouro according to the Dutch. [Incertain 55, «Anolher Ouro
equally uncertainw, «Ouro or Owra. According to the English.
Its Situation and existence Uncerlain » (cf. également la carte h"]
du même atlas). La carte 1 7 est intitulée : A chartofthe Indian
hlands, witk the Coasts of the Continent from Cahninera Point to
Amoye m China, drawn from the Best Journals and Remark^ of
Navimtors, ascertained hy astronomical observations, and improved
from the last édition of the Neptune Oriental o/Mons'' D'après de
Mannevillettr. Sur cette carte, entre 82" et gS'^ de longitude
orientale de Londres, et o^Sq' et a" de latitude nord, gont
inscrits, de Test à l'ouest, trois îles ou groupes d'îles avec les
inscriptions suivantes : «Ouro [portugais «onî] according to
the Dutch", «another Ouro e([ually unçertain» et «Shoal of
Ouro uncerlain». C'est évidemment un s(uivenir, transmis par
les Hollandais (d'après le cartographe anglais), des lies de l'or,
que chercha vainement Diogo Pacheco.
Le «j^t iCs^W et le ■^iX\ cjU^ de Sulaymân al-Mahapî
consacrent chacun une section aux îles Zarln.
200 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
Le premier texte (ms. 3 55 9, fol. 22 v°, 1. 12)3:
itXfi ^Jl JUb^ yljtMol {sic) Kt^JiXs. ^ Js^jÀÎt^ ^^jj y^ iijUM ^ jJa^
v:3\^\^^ yj^s£\i pULÎ jaX) lii-Alfi *"6^r* «J^^^ (jV*^ JT^ £*'!'**' (:J^j3 ^T^
^) *^ jfji /jjtf c^x^vuj oeK /j-*Jù»< >■^J'^ Jii' • *^Jf^ (j^^ ^^T^^ it«5\)o
Jj-4^ t_^;^ (jiX* jS" yî jfc^î^ >»; 2H^ (^r^^ T'^ j»«^^»^? (j^^ }4^
Section traitant de la connaissance des îles Zarîn. Elles gisent par
3 khd des Farâkid [= environ h" 18' sud]. On dit qne ces îles Zarin
sont au nombre de 7. En ce qui concerne les abords de ces îles [, ils
sont les suivants] : quand on en approche, l'eau change [de couleur]
et elle devient verle. Comme [autre] abord des côtes [de ces îles], il y
a encore des jâijàt (algues). Entre ces îles et la côte [africaine], il y a
60 zàm. [= 180 heures de route]. J'ai entendu dire par des gens dignes
de foi que par 3, /i, 5 ishd des Farâkid, gisent des îles (fol. 28 r")
éparses, ëchelonnées depuis Talignement des îles ZarIn dans la direction
de la côte [d'Afrique]. Certains disent que ce sont des îles de sable.
Sache que toute région écartée est inconnue 1
Le second texte (ms. 2 55(), fol. 78 v° infra) est identique
au précédent :
(f-î^ (j.4J»X.c î_5^i^ {^"^ {^^*^ yt^Xi^î (^^;;;j^ 45* J-J^
cuL«!5\jtj| Xol /Y^jy\£ cjvS /vx^j Cols (M^*"*** r~' ^-^^ (J^**^^ >LH*"
yj)Z (^^3 "v^*** (j^ cjiJ\L«j»L>» djUs-xx.* ^y^ S'Mt^^ **jj)^
Section traitant des îles Zarïn. Elles gisent par 2 isba des Farâkid
[= environ h" 18' sud]. On dit (jue ces îles sont au nombre de 7. Entre
ces îles et la [côte africaine], il y a Go zàm [^ 180 heures de roule].
En approchant de ces îles, surviennent des abords comme l'abord des
terres. J'ai entendu dire à quicoimaissaitccs questions par expérience, que
par 3,4,5 i>jhd des Farai<id, gisent des îles r[)arses qui s'(T,helonnent
depuis l'alignement des îles Zarlii dans la direction de la côte [d'Afrique].
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 201
D'après la position de ces îles indiquée par Sulaymân al-
Mabrï, on ne peut guère les identifier qu'au groupe insulaire
des Seychelies, au nord de Madagascar. Leur nom de ^_j^ ^^
juzr Zarin est intéressant. Zarm n'est pas arabe, mais il est
aisé d'y retrouver le persan ;^ zer «or», ^^j zerin «d'or?j
iaureusY Les Instructions nautiques arabes sont, à ma connais-
sance, les seuls textes orientaux qui en fassent mention. Les
Seychelies n'ont, je crois, jamais livré un gramme d'or. Ce
toponyme injustifié est sans doute la localisation dernière de
la légende des Iles de l'or, qu'on a successivement situées au
sud-est de Sumatra, au sud de Java, à l'est du Japon, au sud
de l'Inde, entre Sumatra et Ceylan et enfin aux Seychelies,
l'événement montrant chaque fois que les indications fournies
par les indigènes étaient erronées : le secret était hien gardé.
Ce n'est que plus tard que fut révélée la richesse aurifère de
Sumatra : les marchands sumatranais, musulmans et hindous
avaient réussi à la cacher aux découvreurs européens en quête
de l'Eldorado oriental.
ESQUISSE HISTORIQUE.
D'après les textes qui précèdent et cjuelques autres qu'on
utilisera plus loin, il est possible de retracer dans ses grandes
Hgnes l'histoire de l'ancien empire sumatranais de la seconde
moitié du vu*" au xv'' siècle. La période antérieure, du début de
notre ère à 6/i/i, date de l'envoi de la première ambassade à
la cour de Chine par le Malâyu, est reconstituée grâce à une
interprétation nouvelle de documents sanskrits, grecs et chi-
nois. J'ai indiqué, pour chacun d'eux, lo cocllicient de certitude,
de presque certitude ou de vraisemblance que présentent les
solutions qu'on propose. Quant aux origines mêmes du Çrïvi-
jaya etduMalàyu, elles nous restent complètement inconnues,
faute de documentation à cet égard.
202 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
Le nom dé Çrwijaifa est adopté déjà en orientalisme pour
désigner l'empire sumatranais qui avait sa capitale dans le
sud-est de l'île, à Palemban même ou dans la région de Pa-
lemban : on l'a donc maintenu dans ce travail. Son histoire est
intimement liée à celle de l'ancien royaume voisin de Malàyu,
l'actuel Minaiikabaw, cjui fut tantôt suzerain, tantôt feudataire
de celui-là et dont la capitale se trouvait sur le haut Batan
Hari, à Pagar Ruyon ou aux environs de cette ville. Il sera
donc alternativement question de ces deux états qui furent en
permanente interdépendance mutuelle. On rappelle enfin que
l'île de Sumatra, le Çrïvijaya et le Malâyu ont été connus sous
des noms différents par les Chinois et les Arabes et notam-
ment sous celui de Java et ses variantes. Ce témoignage nous
permet de remonter à haute époque, jusqu'à Ptoléraée, au
Heou han chou et au Râmâyana.
Vers le début de notre ère, «notre Râmâyana, dit Syl-
vain Lévi (^Pour r histoire du Ràmâijana, J. As., XI' série, t. XI,
1918, p. i5o), composé à une époque encore indéterminée,
sort dans ses multiples recensions d'une édition publiée aux
environs de l'ère chrétienne, v
Le texte sanskrit dit : «De tous vos efforts gagnez l'île de
Yava, embellie de sept royaumes, l'île de l'or et de l'argent
(^suvarmrûpyakadvîpatn^ , parée de mines d'or (^suvamâkara-
mandiUnn); puis, par delà l'île de Yava est la montagne appe-
lée Çiçira (litt. : fraîche) dont le sommet (litt. : la corne,
ffiiga) louche le ciel et qui est visitée par les dieux et les dé-
mons, jj «Le mont Çiçira, dit Kern (^Jnva en het Goudeiland vol-
gens de oudste henchten, dans Vorsjyriude fjeschriflen, t. V, 1916,
p. 3 G ■y), est nettement fabuleux (^zulrof fahelachliiyj; il consti-
tue la limite extrême-orientale des connaissances géographiques
du poète, car, au delà, on ne cite ni terres ni mers légen-
daires. V
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE CRÎVIJAYA. 203
Yavadinpa a été identifié à Java et, autant que je sache, au-
cune objection n'a été élevée contre cette identification. Voyons
plutôt si l'examen du texte sanskrit la justifie autant qu'on le
croit. Le Râmâyana note deux particularités de l'île de Yava :
i" elle est embellie de sept royaumes; 2° c'est l'île de l'or et
de l'argent, parée de mines d'or. La première information
reste sans objet : il y manque les noms des sept royaumes.
D'autre part, nous ne savons pas s'il y eut sept royaumes à Java
ou ailleurs, il y a quelque vingt siècles'^'; la question ainsi
^'^ Sylvaip Lévi [ibid., p. 81-82) n'a pas manqué de citer ici la description
de Java par Odobic de Pordenone . qui rappelle de très près les indications
fournies par le Râmâyana. Le moine dit, en effet : «Rex hujus Jauae habet
benesubse septem reges corouœ» (sic), et l'emprunt au texte sanskrit est évident
ot indiscutable. Mais ni le texte latin ni la version française éditée par H. Cqr-
DiER, ne parlent explicitement de richesse aurifère du pays. Voici, par exemple,
la description du palais royal qui a de {jrands escaliers. « Graduum uuus est
aureus, aller vero argenteus. Pavimenlum autem ejus unum laterem habet de
ai\ro, alterum vero de argeuto. Murns vero istius palatii totus est lamatus
interius laminis aureis in quibus lamis sculpti sunt équités solum de auro
babentes circa caput unum magnum circulum aureum. . . Insuper teclum ejus
tolum est de auro puro.» C'est exactement ce que rapporte le Sin l'aiig chou
(k. 222 ~^ , p. h \") dans la notice sur le royaume de P'iao = Birmanie qui
contient un itinéraire finissant 'au Cho-p'o = Java : Le pays do ^ ^ 'ffm l#
P'o-houei-kia-lou [graphie fautive pour ^ ^ fÔll Sjf P'o-lou-kia-ssou, dans
l'est de Java, vide supra, p. lio] est chaud; aux carrefours et sur les routes on
a planté des cocotiers et (Jes aréquiers; en levant la tête, on ne voit pas le
soleil. A l'habitation du roi, les tuiles sont faites en or; les cuisines sont cou-
vertes de tuiles d'argent. On brûle des bois parfumés. Les salles sont ornées
de perles brillantes. 11 y a deux étangs dont les berges sont en or ; les rames
des l)ateaux sont entièrement garnies d'or et de joyaux [apud Peli.iot, Deux
itinéraires, p. 22'! ). ffCett's abondance de l'or et de l'argent, dit Sylvain LÉvi
en commentant la citation d'OpoEic de Pordenone, semble gloser suvarna-
rûpyakadvipan [ihid., p. 82). A nion ftvis, ia question n'est pas là; l'ancien
palais d'un llàrûu ar-Raàîd, d'un doge de Venise ou le Louvre d'un Louis XIV
aurait pu valoir daus la relation d'u|i voyageur hindou, l'épitliètc de i^uvarna-
rS/Ji/aAa appliquée à Bagdad, Venise et Paris. Ce (jui importe dans le passage
du Râmâyana , c'est |e syivarnâkarammdMa. Or, ni le Sin i'aug citou, ni Ouonic
ne parlent de mines d'or. La Java des Tang et d'Ououic était riche et. j)rospère;
le palais de ses princes, fastueux; cl c'est encore le cas. Mais sa richesse auri-
fère est à peu près nulle. Peut-être, la description d'Oumuc a-l-elle été inHu-
20/i OCTOBRE-t)ÉCEMBRE 1922.
posée reste donc ouverte et il est peu vraisemblable qu'on y
trouve réponse quelque jour. La seconde information est, au
contraire, précise et il est aisé d'en vérifier l'exactitude : la
seule île de l'Insulinde occidentale «parée de mines d'or»,
c'est Sumatra; sa richesse aurifère lui vaudra le nom de «île
de l'orw dans un grand nombre d'inscriptions (ît de textes qui
ne prêtent pas à discussion.
Sumatra est l'île la plus occidentale du grand archipel
d'Asie. Située à l'avancée des terres indonésiennes, voisine de
la péninsule malaise, c'est évidemment l'île qu'ont colonisée
d'abord les immigrants venus de l'Inde, quelques siècles avant
notre ère. Leur premier atterrissage en Indonésie est inscrit
sur la carte et aussi certain que si l'épigraphie nous en donnait
l'assurance explicite, qu'ils soient venus directement par mer
ou qu'ils aient longé, en cabotant, la côte occidentale de la
péninsule malaise. Les « sauvages v sumatranais de la période
antérieure à l'hindouisation de l'île, ne pouvaient ni ne de-
vaient faire mystère de l'abondance de l'or dans leur pays,
s'ils en exploitaient déjà les mines : avant que l'ère des
échanges internationaux ait pris naissance, l'or n'est qu'un
métal comme un autre, moins utile que le fer. Peut-être,
comme le rapporte Ibn Hordâ^beh des Wâkwâk orientaux,
étaient-ils «tellement riches en or, que les habitants fabriquent
avec ce métal, les chaînes de leurs chiens et les colliers de
leurs singes 55 (^\ Dans cette hypothèse, les Hindous immigrés
encée par celle de Vâlmïki; en tout cas, le moine voyageur reproduisait une
opinion courante, non dénuée d'exactitude, qui vantait la splendeur des palais
royaux de Java au xiv° siècle, en termes à peu près identiques à ceux de la
Nouvelle histoire des T'anjr. Et ceci n'infirme pas la localisation à Sumatra du
Yavadvlpa , aux environs de notre ère.
(') Cf. mes Relalions de voxja^rps , t. I, p. 3o-3i , et t. 11, p. ()7'i pour la rec-
tification à la p. 3i, 1. 3. C'est dans ce «pays de l'om que je compte situer les
Vâkwâk orientaux. 11 en sera longuement traité dans un cxcursus du t. III de
mes Relaliont de voyages.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 205
ne pouvaient pas ne pas être frappés de cette richesse qui
s'étalait en toute innocence, au grand jour. Si, au contraire,
les premières exploitations aurifères ont été inaugurées par
les immigrants hindous qui connaissaient la valeur de l'or,
le résultat reste le même. Je veux dire que dans l'une ou l'autre
hypothèse, les civilisateurs de l'Inde ont su de honne heure
qu'ils avaient découvert Vile, terre ou pays de l'or et c'est ainsi
qu'ils la désignèrent le plus souvent : suvarnadvîpa ou suvarna-
bhûmi^^K Et à ce propos, on doit ajouter ici que la date de
rédaction initiale du Râmây/nja serait la bienvenue pour cette
autre cause : elle tiendrait lieu d'une sorte de terminus a qiio
qui nous manque encore, pour fixer approximativement, mais
sur une base certaine, l'époque où fut colonisée l'Insulinde.
Enfin, Sumatra s'est appelée aussi Java<:Yava, nous le sa-
vons de source certaine; ce fut le pays des Jàvaka, ce qui est
également attesté sans conteste '-'. On conçoit donc que le
Râmâynmi puisse parler d'un Yavadvipa suvarnâhnnmandita et
qu'il s'agisse de Sumatra. Mais si nous continuons à situer Ya-
vadvipa à Java, le texte sanskrit est incompréhensible, parce
que matériellement inexact. Une tradition déjà longue a con-
sacré l'équivalence Yacadvlpa =^\[e. de Java de nos cartes. Il
semble que l'identification est définitive et inattaquable quand
un Kern et un Sylvain Lévi l'ont adoptée sans réserve. Reve-
nons, cependant, au Râmâyana et aux environs de notre ère,
alors que la tradition n'est pas encore établie. Les colons hin-
dous sont à Java, s'y élabhssent et constatent qu'il n'y a pas
d'or ou qu'on l'y trouve en petite quantité, ce que nous savons
par ailh^ns. C'(>?t ce qu'on [)eut conclure de la phrase du Sin
t'ang chou et du Song clie où sont énumérés les produits du
pays iySUfra, p. lyB). Or, l'épopée sanskrite parle d'un Ya-
C Pour colle dcrniore expression, cf. nolamraenl, l'inscription de laoS
çaka = ia86 trouvée clans le Minaùkabaw {supra, p. 179).
'^) Vide infra, p. ii-j8-2:i(j el supra, p. i^-iB.
206 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
vachnpn mvamàkaramandita , c'est-à-dire d'un suvnrnadvîpa ,
d'un ^ ^\ liin-tcheou , d'une «ile de l'or??; et «lile de l'or 75,
c'est Sumatra. Si on maintient Tidentification traditionnelle,
il faut admettre que Vavadvïpa= Java a été pourvue par erreur
d'une richesse en or que Sumatra seule possède. On voit im-
médiatement combien une telle explication manque de hase et
prèle à la critique. Car, enfin, de deux choses l'une : on con-
naissait sûrement Sumatra à l'époque où écrivait Vâlmîki :
c'est ce qu'autorise à poser son stwamâhanunnndita; peut-être,
sans doute même, connaissait-on aussi Java; mais le poète
hindou informé de la richesse en or de celle-là, n'a pas pu
l'attribuer à celle-ci parce qu'il n'avait aucune raison de le
faire. En dernière analyse, Yavadvlpa a désigné Sumatra; nous
en avons la certitude par des formes dérivées de Yava dont j'ai
parlé déjà'^^; mais la richesse aurifère de la Yava du Râmâ-
yana est, à mon sens, l'argument décisif pour rejeter l'identi-
fication traditionnelle et adopter celle qu'on propose ici '-'.
En utilisant les renseignements fournis par Edrisî {^snpra,
p. 65), Ibn Sa'Id, Diogo de Gouto, le Père Luiz Marianno,
Manuel Freire de Andrade , le Père Nacquart, Flagourt et les
témoignages linguistiques que fournissent les dialectes mal-
gaches anciens et modernes i^d. mon mémoire Le kOueii-louen
et les anciennes navigations interocéaniques dans les mers du Sud,
dans /. As. , XI* série, t. XIV, 1 9 1 9 , p. 62-68 , et les ouvrages
cités), je suis arrivé à la conclusion que -Madagascar a été
colonisé vers le début de notre ère par des Indonésiens occi-
dentaux hindouisésr (^ihid., p. 68). J'ai, depuis 1 q 1 (j , repris
l'étude de l'inscription en vieux-malais de kota-kapur, dans
l'île de Banka [supra ^ p. 36; cf. également J. As., juillet-
'') Vida gupfa, n. l'^li.
<"* Vida sufn'u, p. -.'.o.'î, n. 1.
L'EMPIRR SUMATRANAIS DE ÇRIVIJAYA. 207
août 19 19^ p. i53, note). Les affinités remarquables de ce
texte avec le malgache ancien et moderne, à l'exclusion de
toute autre langue du domaine, tant au point de vue de la
phonétique que de la morphologie et de la syntaxe, permettent
de préciser davantage. A «Indonésiens occidentaux hindoui-
sés5j, on peut substituer maintenant «Suinatranais hindoui-
sés 5? ^^K
La date de cette migration par la voie de mer est naturelle-
ment approximative; mais la migration d'est en ouest ne peut
se situer dans le temps qu'à très haute époque et il est, en
somme, de peu d'importance qu'il faille un jour la faire des-
cendre d'un siècle ou deux. JNous en connaissons les points de
départ et d'arrivée, et c'est un résultat appréciable en pareille
matière. Les Indonésiens occidentaux qui ont colonisé Mada-
gascar alors peuplé de nègres parlant une langue bantoue,
ont imposé aux anciens habitants de la grande île africaine
leurs langue, mœurs et coutumes, religion, et profondément
modifié leur type somatique. Le fait est incontestable, car
nous en avons des témoignages certains que l'anthropologie,
l'ethnographie et la Hnguistique ont enregistrés. Il restait à
retrouver le pays d'origine des immigrants et c'est en Indoné-
sie que devait s'effectuer l'enquête. La traversée de l'Océan In-
dien de bout en bout et à haute époque suppose chez les ma-
rins qui vont l'entreprendre, une connaissance parfaite de la
mer, un matériel navigant perfectionné par rapport à l'arme-
ment rudinientaire à la pèche ou au cal)otage; en bref, l'exis-
tence de tout ce qu'exige la navigation haulurière. Une telle
préparation ne peut se concevoir que chez un peuple de haute
culture, identique, par exemple, à celle des marins d'Hlram,
^') Ckjci roiilirmo finlerprëtation que j'avais iiuli<[uéc précédemment du
malfjache liamini , Hamima par «rie Sninatranais, la Siunalranaiso» (cf. mon
article Les iles Hdmity, Làmery, Waktvak., Kamtir de» (jéograplies arabes et
Madagascar, dans J. As., X" série, l. X, 1907, p. Mn et suiv.).
208 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
roi de Tyr, qui se rendaient à la mystérieuse Ophir pour le
compte de Salomon. Je pense avoir montré dans mon mémoire
sur Le K'ouen-loiien et les anciennes navigations interocéaniques
dans les mers du Sud, que les mers de Chine, du grand archipel
d'Asie et l'Océan Indien ont été parcourus aux environs de notre
ère par des navires de pays différents et notamment de l'In-
sulinde occidentale. Au fur et à mesure que progressent les
études entreprises dans ce domaine spécial de l'activité extrême-
orientale, des faits se précisent qui étaient ignorés ou restés
dans l'ombre. La révélation par les textes d'un puissant empire
sumatranais au vif siècle, nous est un précieux témoignage
permettant de remonter dans le passé et de retrouver dans le
glorieux Çrivijaya de Yi-tsing, la descendance des lointains
ancêtres qui colonisèrent Madagascar et l'Afrique orientale
(cf. le mémoire précité). C'est également à l'île de Sumatra
tout entière ou plutôt à une partie de l'île non expressément
indiquée, c|ue s'appliquent trois textes chinois (^Heou han chou,
k. 6, p. 3 v": Tong kouan là, k. 3, p. /i v°; Ts'ien han chou,
k. 1 1 6 , p. 3 \°-à r°) ayant trait à la même ambassade et qu'on
peut résumer ainsi :
1 32. a La sixième année jjong-kien de Y empereur j^ Chouen,
au 1 2" mois [=tout au début de i32 de notre ère], le roi du
^M Ye-tiao (pron. anc. * Yap-div = Yavadvîpa'j , fH Pien ,
envoya en ambassade Éi ^ Che-houei (phonétiquement Se-
hwi) pour se rendre à la cour de Chine et offrir le tribut. De
Ghe-houei, on fit un «maître de la ville de Ye-tiao soumis aux
«Han». L'empereur de Chine accorda au roi Pien un sceau
d'or et un ruban violet '^'.w
■'> Afud Pelliot, Deux itinéraires, p. 266. Le mi'me auteur dit plus loin
[ibid., p. 268, n, 2) : «r . . .En proposant de retrouver Yavadvïpa dans Ye-tiao,
je ne veux naturellement pas dire qu'il faille y voir Java même plutôt que
Sumatra ; c'est pour moi le pendant du nom donné par Ptolémée et rien de
plus. »
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRiVIJAYA. 209
2" moitié du if siècle. «Déjà même au if siècle, dit Syl-
vain Lévi (Pour ïhistoirc du Râmâi/ami , J. As., XP série, t. XI,
1918, p. 82), la notice de Ptolémce (VII, 2, 29) semble
traduire en langage positif les données du Râmâyana et du
Saddharmasmrlyupasthânasûtra f^- : «labadiou, ce qui signifie
«l'ile de l'Orge 11, est, dit-on, d'une fertilité extraordinaire, et
«produit beaucoup d'or; la capitale est Argyrë «[la ville] de
<d'argent5i située à l'extrémité occidentale par 167" de longi-
wtude], 8°3o' sud [de latitude], l'extrémité orientale de l'île
«étant par 169°, 8° 3 0' sud ''■^^î (cf. également G. Coedès, Textes
d'auteurs grecs cl latins relatifs à l'Extrême-Orient, Paris, 1910,
in-S", p. 6 1 ). Le Râmâyana et la Géographie de Ptolémée notent
également la richesse aurifère de Yavadvipa; il ne peut donc
s'agir que de Sumatra.
2/i5-25o. «Dans les fragments subsistants du Fou-nan t'ou
sou tchouan de K'ang T'ai (2/i5-25o), il est question à plu-
sieurs reprises du pays de îf v^ Tchou-po, pron, anc. *Cu-hak
(transcription fautive ^our *So-bali-<Jâvaka), à l'est duquel
on arrivait à l'île M) IL Ma-wou [?]. Selon le Wai kouo tchouan
(qui doit remonter au m*' siècle), les femmes de. Tchou-po
savent tisser des cotonnades à ramages. Ce pays de Tchou-po,
est-il dit dans d'autres textes qui remontent indirectement à la
mission de K'ang T'ai, se trouvait à l'est du Pou-nan, dans le
C Dans un article que ne connaissait pas Sylvain Lkvi, publié en t86(j
dans les llijdragen et qui a été réimprimé dans le tome V des Verspreide
gfischriften (Java an hel Goiideiland volgnns de nudsle berichieii, 1916, p. 807
de cette dernière publication), Kern dit également : «Quand on compare les
données du Râmâyana avec celles de Ptolémée, on peut poser avec une suffi-
sante certitude, ce qui jieut également s'entendre de YavadvTpa, que, dans
tous les cas, le Yavadvïpa riche en or des Hindous et la labadiu riclic en or du
géographe alexandrin ne sont qu'une seule et même ile.;? Kehn el Sylvain Lévi
la situent à Java; mais je l'identifie, au contraire, à Sumatra.
'-' Ce qui donne à l'ile ^mo longueur de a degrés eu longitude. Eu réalité,
Java s'étend sur près de 10 degrés en longitude.
210 OCTOBRE-DÉCEMBRE 192-2.
|S§ ^§ Tcliang hai, qui est noire mer de Cliine de Hainan
au détroit de Malaka. jj (Pelliot, Deux iliuéraires, p. 269-
970.) Vide supra, p. 17 9- 17 3.
892. Le Cite eut yeou king ou «Sûtra sur les Douze Etapes
du Buddha?3, traduit en 892 par le moine Kâlodaka, contient
une notice sur le Jambudvipa qui est insérée dans le King hu yi
siang compilé en 5 1 6 et où il est dit ceci : «Dans la mer, il v a
2.5 00 royaumes. . . Le premier roi a pour nom fifî ^ Sseu-li;
ce royaume ne sert que le Buddha et il ne sert point les héré-
tiques. . , Le (juatrième roi a nom [^ %^ Cho-ije; la terre y
produit le i^ ^ fi-pa c: poivre long?? et le ||j{ ^ hou-tsiao
«poivre 53... (Sylvain Lrvi, Pour l'histoire du Râmàyana ,
J. As., XP série, t. XI, 1 918, p. 83 ). c^Le glossaire Fan fan
yu, compilé au vf siècle, à la fin du livre IV, section 1 2, cite
trois de ces noms : «roi de Kia-lo, roi de Pou-lo, roi de Cho-
yé?) (mêmes caractères que ci-dessus) en se référant à un
«Sûtra sur les cinq Songes du Prince Royal?? [Tai tseii trou
mong hmg) qui ne se retrouve pas dans nos collections. Il
glose le nom de hia-lo par ® « noir?? (skr. liâla^, pou-lo par |^
cf ville?? (skr.pMr^), chô-ye par ^ «victoire?? (^skr.jaya^n (^ilnd.).
Sylvain Lévi a justement identifié Sseu-li à Cevlan, le Siele-
diba de Cosmas, dont «la dévotion au Buddlia est bien un des
traits traditionnels de l'île??. En ce qui concerne Cho-ye, le
maître indianiste considère que la notation chinoise est une
altération du nom de Java. Je renvoie au fascicule du Journal
de juillet-aoùl 1919 (p. 162-168) où j'ai donné les raisons
pour lesquelles l'identification de Clio-i/e, glosé par skr. jaya
«victoire??, à Vijaya (qui a également le sens de «victoire??)^
Çrîvijnya, me paraît préférable.
/ii/i. «Fa-hien [revenant de l'Inde, via Ceylan] arriva
I , en '1 1 A , I dans un pays appelé ^ |^ |e Ye-p'o-t'i[= Yava-
L'EMPIRE SUMATRANAIS DK ÇRÏVIJAYA. 211
dvipay^\ Dans ce pays, les brahmanes hérétiques sont fort
nombreux; quant à la religion buddhique, elle n'y a pus assez
d'importance pour qu'il vaille la peine d'en parler. Il s'arrêta
là pendant près de cinq mois et s'embarqua ensuite sur un
autre navire marchand qui avait un équipage d'environ deux
cents hommes. On prit à bord pour cinquante jours de vivres
et on mit à la voile le 16" jour du k" mois [chinois de k\.lx\
Fa-hien s'installa à bord du navire. On fit route au nord-est
pour se rendre à Kouang-tcheou (Canton) 57 (cf. Si yu ki, trad.
S. Beal, Londres, t. I, in-S", i(jo6, p. lxxxi).
De Ceylan à Canton la route habituelle passe par Che-li-fo-
che, c'est-à-dire le détroit de la Sonde et Palemban. Tcheou
K'iu-FEi l'indique nettement au xn" siècle [vide infra, p. y 16)
et il n'y a aucune raison de croire que tel n'était pas l'itiné-
raire des marms du v"* siècle. Yavadvïpa désigne donc ici Su-
matra et non Java.
«Dans le Kao seng Ichouan ou Biographie des religieux émi-
nents, compilé en 5 1 g ( Tripilaha de Tokyo , ^ , II , k. 3 , p. 1 5-
16], dit Pelliot [Deux itinéraires, p. ay/i-a^B), se trouve
entre autres la biographie de H^ M î^M J^ K'ieou-na-pa-mo,
Gunavarman. Gunavarman, petit-fils de Pi^ ^ J^ PÊ Ho-li-pa-
t'o, Haribhadra, et fils de fi' fljp ppf H Seng-kia-a-nan, San-
ghânanda, appartenait à la famille royale du Ki-pin (Cache-
mire]. Il se consacra de bonne heure à la vie religieuse. Quand
il eut trente ans, le roi du Cachemire étant mort sans enfant,
on voulut le mettre sur le trône, mais il refusa et partit pour
Ceylan, oii il habita un village appelé il] -^ ^ij Kie-po-li. En-
suite il se rendit dans le royaume de HJ ^ Cho-p'o. La nuit
qui précéda son arrivée, la mère du roi vit en songe un reli-
gieux qui entrait dans le royaume sur une jonque volante. Au
'') Rkal ajdute t'iilre parontlièsos : «Java or, perhaps , Suiiiulran. Cf. cga-
lomont I*i:Li,ior, Deux itinéraires, p. 271.
>212 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
matin, Gunavarraan arrivait, et la reine-raère, convaincue par
son rêve, se convertit au bouddhisme. Elle usa de son influence
sur son fils pour qu'il l'imitât; elle parvint à le persuader.
Des ennemis ayant envahi le royaume, le roi demanda à Gu-
navarman s'il n'était pas contraire à la loi religieuse de lutter
contre eux; Ciuiiavarman répondit qu'on devait châtier les bri-
gands; le roi partit alors en guerre et remporta la victoire. Peu
à peu le bouddhisme se répandit dans tout le royaume, et le
roi, qui voulait entrer en religion, ne renonça à ce projet sur
les instances de ses ministres qu'à la condition que dans le
royaume entier on cesserait de mettre à mort des êtres vivants.
La renommée de Gunavarman s'était répandue au loin; en
à'2k, des bonzes chinois demandèrent à l'empereur d'inviter
Gunavarman à se rendre en Chine; des messagers furent dépê-
chés à cet eiïet à Gunavarman et au roi de Cho-p'o, ^ ^ fijl
P'o-to-kia. A ce moment Gunavarman s'embarqua ou s'était
embarqué pour aller au Lin-yi (Campa) sur le navire du mar-
chand '—M^Èr Tchou Nan-t'i (l'Hindou Nandin); quand le
vent fut favorable, il gagna Canton, il arriva à Nankin en /i3i,
et dut mourir quelques mois après, Agé à la chinoise de 65 ans.
Voilà la version de l'hagiographie, ajoute Pelliot, et sans
doute elle a quelque peu déformé pour le bon motif la vérité
historique. Il n'en reste pas moins, si le Cho-p'o est bien Java,
qu'entre la visite de Fa-hien qui en à ^ Il trouve dans l'ile si
peu de bouddhistes que «ce n'est pas la peine d'en parlera et
l'arrivée de Gunavarman à Nankin en /loi, une active propa-
gande avait du s'exercer à Java en faveur de la Loi. n La locali-
sation du Ye-p'o-t'i de Fa-hien à Sumatra supprime toute diffi-
culté, car il s'agit alors de 'deux iles différentes.
v'' siècle (lin du — ) ou commencement du vi". L'astronome
AiivMiiiATA qui est né en li'jd de notre ère, dit dans son Ari/a-
lihnnijinii (IV, vers i .'5 j : « Lorsque le soleil se lève sur Ceylan,
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRiVIJAYA. 213
il se couche dans la ville des Bienheureux (aux îles Fortunées,
à 180" de longitude Ouest de Ceylan); il est midi à la pointe
de Yava (^Yavnkoti) et minuit dans le pays des Romains (^Rotna-
havmuje\n (^apud Kern, Java en het Goudeiland volgens de oudste
herichten dans Vesprcide geschriftcn, t. V, p. 3 08). Kern inter-
prète Yavakoti par «pointe de Yava 51 = Java. En l'absence
d'indication décisive, il peut tout aussi bien s'agir de Sumatra,
Cf., à l'appui de cette nouvelle identification, ce passage du
Sûrya-Siddliânta {\\\ ^ vers 38, de l'éd. Fitz-Edward Hall,
Calcutta, 1809, Bihliolheca Indien^ où il est dit : ce Sur un [des]
quarts de la circonférence de la terre, gît, à l'est, dans la
partie du monde des Bhadrâçvas, la ville fameuse de Yavakotï
dont les remparts et les portes sont en or?? (a'^/y/Kern, ihid.,
p. 309). Et Kern ajoute dans son commentaire (^ihid.) : «Ces
remparts et portes en or semblent être un ornement emprunté
à la description [du Ynvndmpa^^ du Ramàyanaw, et conclut que
nous manquons d'indications pour décider s'il s'agit de Java
ou de Sumatra.
Après ce qu'on vient de lire, il mo semble cjue la traduction
de Yavahotl par «pointe de Yava = Sumatra 5? , peut être,
tout au moins provisoirement, adoptée. A la date où écrivait
Aryabuata, nous ne sa\ons pas par ailleurs si la description du
Sin t'angchou [vide supra, p. 90 3, n. 1) était déjà applicable à
Java. Il est hors de doute, au contraire, que le Çrivijaya que
nous dépeindra Yi-tsing à la fin du vif siècle, était en puissance
dans celui de la fin du v", sans remonter jusqu'à Ptolémée ni
au Râmâijana.
6 h h. En 6/i/i ou tout au début de 6 A 5, le nom de Mo-lo-
yeou apparaît pour la première fois dans les textes chinois.
«La 18' année tcheng-kouan (6/i4), dit le Ts'ô fou ijiiaii kouei
(k. 177, p. i/i r°), au 15?" mois, le royaume de )^ f:{Ê 'M Mo-
lo-yeou (=-- Malayu) envoya un ambassadeur (à la cour de
2!/i nCTOBRE-DKGEiMBRR 1922.
(îhine) olïVIr des produits du pàys^i (^apud Phlliot, Deux itiné-
raires, p. 326).
D'après Hohson-Jobson (2* éd., s. v° Java, p. A55, co-
lonne 2), il faudrait rappeler ici l'inscription de Pagar Ruyon
datée de 678 çaka=656, publiée par R. H. Th. Friederich
dans les Verhandclingcn van het Bataviaasch Genootschap van K.
en W. (deelXXVI, iSS/j-Sy, p. 3 1-8 6) oîi il est question d'un
roi appelé Adityadharma, deva de la première Yava = Suma-
tra; mais il n'existe rien de pareil : nom royal, «première
Yava » et date proviennent de fausses lectures de Friederich.
Kern a, en effet, montré depuis longtemps que le véritable
nom du souverain en question est Adityavarman et que l'in-
scription est datée de 1278 çaka=i356 (cf. Vcrspreide
geschriften , t. VI, 1917, p. 252-276). Une transcription com-
plète de ce texte épigraphique a été publiée par N. J. Krom
dans Coniniissie in Ncderlandsch-Indië vour ondhnkundig onderzock
op Java en Madoera (Oudheikundig Verslag, 1912, 2' tri-
mestre, p. 5 1-52). J'y reviendrai plus loin i^infra, p. 209).
670-7/1 1 . Le Che-li-fo-cbe envoie des ambassades en Chine
de 67037/11 [supra, XII, p. 7).
686 = 608 çaka. L'armée de Çrîvijaya part en expédition
contre le pays de Java (=Java central) qui, à cette époque,
ne reconnaissait pas la suzeraineté de Çrîvijaya (s^^^a, XXVII,
p. 36).
?. Le poème tamoul Maniniepnlai cite le nom de deux rois :
Bhumirandra et Piiiiyaraja, qui régnèrent à Nagapura, capi-
tale du pays de ( lavaka == Javaka = Zabag [vide supra, p. 1 1,
n. 1
689-692. Le moine Yi-tsing voyagea de Chine en Inde et
d'Inde en Cliinc de 671 à 6^5 de notre ère. Il fit un premier
L'EMPIRE SriMATlUNAlS DE çnïVIJAYA. 215
séjour de six mois à Che-li-fo-cbe en 671-67^ ; un autre de
quatre ans en 686-689 et un troisième, h son retour de Can-
ton, à la fin de 689 qui fut également prolongé. Les deux ou-
vrages du pèlerin chinois dont il a été précédemment (pieslion
(I, p. 3, et IX, p. 6) ont été composés dans la période com-
prise entre 689 et 692 (c'est à cette dernière date que le
manuscrit en fut envoyé en Chine par l'auteur). Dans le ISan
liai ki kouei ne/ fa tchouan (^supra, IX, p. G), Yi-ïsing dit :
c L'île (ou l'étal) de Mo-lo-yu=Malâyu (alias le pays de Minaft-
kabavv), c'est maintenant (de 689 à 692) le pays de Chedi-
fo-che75, autrement dit : le Malâyu qui était antérieurement
l'état souverain de Sumatra, est passé, sans que nous sachions
pourquoi ni comment, sous la dépendance du Çrïvijaya. Yi-
TsiNG désigne le Fo-che== Çrïvijaya sous le nom de «Tile de
l'or», ce qui assure son identification au Yavadvîpa de Ptolé-
MÉE et du Râmâyana.
D'après certains renseignements que donne incidemment
Yi-TsiNCx (ils ont été relevés par Takakusu, dans l'introduction
de A Record, p. xl-xli), le Che-li-fo-che avait, atteint un haut
degré de culture dès la seconde moitié du vu* siècle. Ainsi „
le pèlerin chinois s'y arrête pendant six mois en 6 '71- 6-7 9;
«j'y étudiai par degré, dit-il, la science des sons?), c'est-à-dire
la grammaire sanskrite [mpra, III, p. k). «Dans la ville for-
tifiée de Fo-che, dit-il encore, il y a plus de mille prêtres bud-
dhistes dont l'esprit est tourné vers l'étude et les bonnes
actions. Ils scrutent et étudient tous les sujets possibles, exac-
tement comme dans le Madhyadeça («le pays du milieu»,
l'Inde); les règles et les cérémonies y sont identiques [à celles
de l'Inde]. Si un prêtre chinois veut se rendre en Occident
[==dans rindej pour y entendre (des leçons) et y lire (les
textes buddhiques originaux), il ferait mieux de séjourner
[d'abord] à Fo-che pendant un an ou deux et d'y pratiquer
les règles convenables; il pourrait se rendre ensuite dans l'Inde
216 OCTOBRK-DÉCEMBRE 1922.
centrale» [A Record, p. xxxiv). De tels conseils donnés par un
moine chinois qui parle en pleine connaissance de cause, ont
pour nous une signification évidente : l'enseignement du sans-
krit et l'interprétation des textes buddliiques étaient organisés
avec tant de soin, de méthode et de science que la réputation
des maîtres de Che-li-fo-che les faisait préférer à ceux de l'Inde
propre par un buddhiste chinois aussi éminent que Yi-tsing.
Celui-ci apprit également la langue indigène ; le vieux-malais,
et son exemple fut suivi par plusieurs religieux, notamment
par le tonkinois Yin-k'i (I, p. 3) et le chinois Ta-tsin
(VII, p. 5).^
Mais ce n'est pas tout. Cette maîtrise dans l'enseignement
du malais, du sanskrit et de la Loi qui est l'indice certain d'un
haut développement intellectuel, va de pair avec une égale
maîtrise dans l'armée et la marine dont témoignent incontes-
tablement les campagnes victorieuses à Java, sur la péninsule
malaise et au Cambodge. Le commerce et la marine marchande
ne sont pas moins florissants : Che-li-fo-che est l'escale en
quelque sorte obligatoire entre l'Inde et la Chine. Tchkou K'iu-
FEi dira en 1178, dans son Lingwai tai ta, que «le San-fo-ts'i
est l'escale maritime la plus importante pour les étrangers.
Qu'ils viennent de Java, dans l'Est, ou du pays des Ta-che
(Arabie) et de Kou-lin (Quilon du sud-ouest de l'Inde), dans
l'Ouest, tous passent par là en se rendant en Chine n i^Chau Ju-
hua, p. 63, n. 1). Enfin, si on en juge par l'attitude du Maha-
raja de Zâbag vis-à-vis des Cambodgiens vaincus i^supm,
XXXIX, p. 56-6 1), la noblesse morale et la sagesse pohtique
de ces souverains Çailendra ne sauraient être trop admirées.
Telle est la situation de l'empire sumatranais au vu'" siècle.
Cette prospérité éclatante dans tous les domaines est tellement
inattendue dans la Sumatra actuelle, qu'elle resterait insoup-
çonnée sans le témoignage décisif des historiens et géographes
étrangers. L'étude et la confrontation des textes nous a révélé
L'EMPIRE SUMATRANAIS DR ÇlVlVIJAVA. 217
l'existence d'un nouveau centre de civilisation dans les mers du
Sud. Gomme au Cambodge et au Campa, VAhna mater
indienne, à haute époque, y «avait apporté ses dieux, ses arts,
sa langue littéraire, enfin l'appareil complet de sa civilisa-
tion ^^^5. Et pendant plus d'un millénaire de notre ère, ces
disciples de l'Inde firent grand honneur à leurs éducateurs.
695. Une décision de l'empereur de Chine prescrit de
donner six mois de vivres aux envoyés du Che-li-fo-che qui
viendraient à la cour (XIII, p. 7).
709 et 716. Ambassades du Fo-che à la cour de Chine
(XIV, p. 7).
717. Fo-che est visité par le moine Vajiubodhi se rendant
en Chine (XI, p. 7). C'est peut-être vers cette époque que le
moine chinois Houei-je, se rendant de Chine en Inde, passa
également par Fo-che (X, p. G).
72/1. P ^ij ^ ^ t^ }^ Che-li-t'o-lo-pa-mo (Çrindravar-
man), roi du Che-li-fo-che, envoie une ambassade en Chine
(XV, p. 7).-
728. Nouvelle ambassade quatre ans après (XVI, p. 8).
739 = 65/1 çaka. C'est la date que porte l'inscription trou-
vée à Java et qui a été publiée en i885 dans les Bijdragen par
Kern (De sanskritinscriptie van Cnnggal (^Këduj, uii calca 65â
(dans Verspreide geschriften, t. VII, 1917, p. 11/1-128).
Le passage intéressant pour ce mémoire est le suivant dont
je reproduis le texte en transcription, d'après Kern :
âsiddvîpavaratn yavâkhyamaiulandhn[nyà) divîjâdhikam
sampannam kanakâlcaraistadamarai ...
Il était (sic) une île excellente, incomparable, appelée Yava, fertile
'') Sylvain Lkvi, /'owr l'hisloirc du Rdmâijana, J. As., XI° série, t. XI,
iyi8 , p. 153.
218 Or.TOBRK-DÉCEMBRE 1922.
en cëi'éalos et autres graines, riche en raines d'or; les immortels s'en
sont emparés par etc. (sic) ...
Après avoir noté que le texte devrait avoir asti au lieu de
âsîl (^ride supra, p. 176), Kern dit en note : «La traduction est
défectueuse et incertaine (gebrekkig en onzeker); ilmatique un
mot que je ne sais pas comment suppléer parce que je ne puis
pas deviner l'intention du poète. La première syllabe peut être
aussi bien a7/ji'7 questv?» i^ibtti., p. i2a,n. 2). Ce passage rap-
pelle singulièrement celui de Râmâyuna sur Yavadvîpa et Kern
n'a pas mancjué de signaler la concordance (^vùk supra^^. ^7^)*
Je n'ai rien à ajouter à ce que j'en ai dit déjà (supra , p. 176) :
il s'agit ici delà Yava = Java de nos cartes etl'épithète de kana-
kâkara «riche en mines d'or» est absolument injustifiée et inex-
plicable. La richessse en or est un fait spécifiquement satnatfa-
nais qui a été gratuitement transporté à Java sans qu'on puisse
entrevoir la raison qui a dicté de tels vers au poète.
7/12. Le roi de Fo-cbe, $\\ ^'^ ^ ^ Lieou-t'eng-wei-kong,
envoie son fils à la cour de Chine pour offrir le tribut (XVlI,
p. 8).
776. L'inscription sanskrite de Vien Sa (XXIX, p. ii)
commémore la construction de trois stfipas effectuée sur l'ordre
du roi de Çrïvijaya. Le texte épigraphique donne au souverain
les titres de : «roi suprême des roisw, «Crî Maharaja» et ajoute
quil est «le chef de h famille des Çailendfa [litléi\ : roi de la
montagne) ^^'». On a vu déjà (p. i65) que le second de ces
titres est celui sous lequel fut connu |)ar les Arabes, le foi du
Zâbag< Jâvaka qui est un autre nom de l'empire de (ll'ïvijaya.
? D'après l'inscription précédente, l'empire sumatranais
(') Pour ia Irailucfion «roi de la montagnes au lieu do fcroi des montsn,
cf. mon coiu|)l<! rendu de Le royaume de Crmjuija de CokuÈs dans J. As. .
juillel-aoùl Kjiy, p- n.jH-igtj.
L'EMPIRE SllMATRANAIS DE ÇP.ÏVI.IAYA. 210
s'étendait jusqu'à Vien Sa dans ia seconde moitié du viif siècle.
Le texte ne le dit pas expressément, mais le fait de la posses-
sion du pays par i'empereur sumatranais me paraît résulter
assez clairement des titres souverains qui lui sont attribués
dans ce document; un prince étranger indépendant ne s'en
serait certainement pas accommodé dans son propre pays (cf.,
par exemple, l'inscription cola, XXXII, p. /i6). Vien Sa est
donc sinon une colonie de Çrïvijaya, tout au moins un pays
de protectorat de l'empire sumatranais*
Si l'empire de Çrivijaya fait acte de pouvoir souverain dans
la baie de Bandon au viif siècle, c'est évidemment que ce terri-
toire alors cambodgien et de langue cambodgienne (cf. l'in-
scription de Grabi, supra, XCt, p. 181) a été conquis par
l'empereur sumatranais, qui s'est également emparé des autres
états ou provinces maritimes de la péninsule malaise. C'est
vraisemblablement vers cette époque qu'a du avoir lieu l'expé-
dition du Maharaja du Zâbag ou Çrivijaya contre le Cambodge.
La relation qu'en donne AiJÛ Zayd (\XXIX, p. ôg-bi) a été
rédigée au début du x*" siècle; Mas'îjdï rapporte les mêmes faits
dans ses Prairies d'or, qui ont été rédigées en ^kS i^supra,
p. 69). L'un et l'autre s'expriment dans les mêmes termes :
les faits dont il s'agit se sont passés Jj^\ «j,ù>j> ^ ^c dans les
temps anciens». L'expression est aussi vague que a jadis, au-
trefois 5? et ne peut se traduire chronologiquement par une
reculée diHerminée; des informations complémentaires per-
mettent seules de situer les faits dans le temps. L'inscription
de Vien Sa me Betnble en tenir lieu. C'est donc au viii^ siècle
qu'on peut placer l'expédition victorieuse du Maharaja contre le
Cambodge. A pr(Mi(h-e à bi leltre le récit de Mas'ûdî et de Ai$ù
Zayd ([ui sont identiques dans le fond et la forme, le Maharaja
avait pn'texté «un voyage d'agrément dans les îles de son
royaume 11, pour cacher le véritable but de ses armements
marilimes i^mpra , p. Go). Le terme arabe employé : jjK-=- litt.
220 OCTOBRE-DECEMBRE 1U22.
«îles» peut s'appliquer à des possessions de la péninsule
malaise qui est elle-même une «yy?- Riler ou «presqu'île».
Ce voyage d'agrément dans des possessions du Zâbag devait
s'effectuer dans la direction du Cambodge pour pouvoir servir
utilement les projets du Maharaja. Comme la seule terre con-
tinentale ou insulaire qui remplît ces conditions est la pénin-
sule malaise, on en est amené à conclure que le Zâbag était
déjà souverain d'une partie de la péninsule sinon de la pénin-
sule tout entière au moment où le Maharaja allait venger l'in-
sulte de ce « fou » de roi khmèr.
779 = 701 çaka. L'inscription sanskrite de Kalasan
(XXVIIÏ, p. 38-/ii) nous renseigne sur les résultats de l'ex-
pédition entreprise en 686 contre l'île de Java (XXVIl , p. 36),
plus exactement contre le roi javanais du centre de l'île. Qu'elle
ait précédé ou suivi l'expédition contre le Cambodge, cette
nouvelle campagne fut également victorieuse, car le texte épi-
graphique précité présente le roi «de la dynastie des Çailen-
dra», c'est-à-dire de la dynastie régnant à Çrïvijaya, comme
le véritable maître de Kalasan, faisant une donation à un temple
situé en son propre royaume. Celte situation de fait est impli-
citement confirmée par un passage du Sin t'ang chou (^ibid.^ qui
relate le transfert à Grise (Java oriental) de la capitale de Java
central, abandonnée au Çailendra victorieux dont l'occupation
se prolongea pendant environ un siècle.
802-869. L'inscription bilingue, sanskrite et khmère, de
Sdok kak thom qui contient la date de 97/1 çaka= 1062 —
«c'est sans doute en cette année même qu'elle fut rédigées? —
a été éditée, traduite et commentée par Finot {^B.E.F.E.-O.,
t. XV, 1915, II, p. 53 et suiv.). II. est dit dans la partie
khmère i^ibid. , p. 71 ; pour le texte, p. 6 1 et 68-78; pour la
traduction, p. 87 et 88): «Alors S. M. Parameçvara (= Jaya-
varman II, 'j'?.h-'](^\. çaka = 80 2 -869) vint de Java pour
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRIVIJAYA. 221
régner dans la cité d'Indrapura . . . Aiors un brahmane nom-
mé Hiranyadâma, savant dans la science magique, vint de
Janapada , parce que S. M. Parameçvara l'avait invité à faire
un rituel pour que le Kambujadeça ne fût plus dépendant de
Java et qu'il y eût [dans ce royaume de Kambuja] un souverain
cakravartin . . . t> L'identification de Çrîvijnya à Zâhng <c Jâ-
vaka = Yava = J('iba = Jdiva des textes arabes, entraîne auto-
matiquement, pour ainsi dire, l'interprétation de Java par
Java = Sumatra. C'est à la suite de la campagne du Maharaja
au Cambodge — l'expédition ayant eu lieu vers la fin du
vnf siècle, ce qu'autorisent à poser l'inscription de Vien Sa et
la relation de Mas'ùdî et Abu Zayd — que l'empereur sumatra-
nais vainqueur aurait imposé au Kambujadeça un souverain de
son choix. Le Zabag se situant à Sumatra, Java propre est
hors de cause , car ce que nous savons historiquement ne per-
met en aucune façon d'attribuer un tel rôle à l'un des souve-
rains javanais contemporains de Jayavarman IL
8/i/i-8/i6. Première mention du Maharaja du Zâbag dans
un texte arabe, par Ibn Hordâ<5'beh (^supra, XXV, p. 62).
85 1. Texte arabe du marchand Sulaymân (^supra, XXV,
p. 53).
ix" siècle (fin du — ). Ishâk bin Imrân, mort en 907, fait
mention du camphre du Zabag (^supra, XXVIII, p. 55).
(joj. Ibn al-Fakih donne quelques renseignements sur la
situation et les produits du Zâbag [supra, XXXVI, p. 5/i).
90.3 (vers — ). Ibn {{osteii décrit l'ordahe du feu en usage
dans le pays du Maharaja, à Pancur ou Baros de la côte occi-
dentale de Sumatra ( cf mes Belalions fie voyages , t. I , p. 7 9-8 0 ).
C'est, dit-il, ^^un pays de l'Inde [sic) bien connu» (XXXVIl).
222 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
ûo/i (ou f)o5). Envoi d'une ambassade en Chine par le
San-fo-l'si {snpra,j). iZi, l'yetn. i ).
()iC) (vers — ). Abu Zayd fait, pour la première fois, une
description un peu détaillée du Zâbag (^sitpra , XWIX, p. 5 G
et suiv.) et de la cour du Maharaja. Suit la très importante re-
lation de la campagne du Maharaja contre le Khmèr ou Cam-
bodge. Dans ce texte arabe apparaît le nom de la ville ou état
de Sribuza = Çrïvijaya.
9/1 3 et 955. Dans les Prairies d'or et le Lwre de J'uvertisse-
ment (XL et XLI, p. 62 et 63), Mas'ûdî donne des renseigne-
ments à peu près identiques.
9 6 0-9 <] 2. Le roi de San-fo-ts'i, ^. ^ij ^Jz^MW. Si-li
hou-ta hia-li-t'an^={^v\ Kuda Haridana (?), envoie une ambas-
sade en Chine. Autre ambassade envoyée pendant l'hiver de
la toême année par le roi ^ ^ij % ^ Che-li rFoM-ye = ÇrI
Wuja(?),etau printemps de 962. Le dernier ambassadeur dit
que le San-fo-ts'i s'appelait également 7^ ^ Sien-lieou, vrai-
semblablement pour '^ ^ Mo-//eoM = *M«'-//coM = Malâyu
(supra , p. l'y, n. 3).
971, 972, 97^, 975. Quaire ambassades envoyées par
un ou des rois non dénommés.
980 , 1)83. Ambassades envoyées par les rois ^ f^ Hla-kh'c
et jH M Hia-tcli'c (dans les deux cas il s'agit du litre indo-
nésien llaji «roiw).
983. Passage du religieux Fa-yu se rendant d'Inde en
Chine. Il s'y arrêta encore en retournant de Chine en Inde
(supra, XX, p. 22).
988-992. Autre ambassade en 988. A son retour de Chine
en 990, l'ambassadeur apprit «dans le Su(hj, en retournant à
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRiVIJAYA. 223
San-fo-ts'i , que son pays avait été envahi par les Javanais qui
l'occupaient encore au commencement de 992. Du (^ampa où
il recueillit ces fâcheus(?s nouvelles, l'ambassadeur revint à la
Cour et demanda à l'empereur de rendre un décret mettant
le San-fo-ts'i sous le protectorat de la Chine. L'invasion du San-
fo-ts'i par les Javanais est vraisemblablement la revanche de
l'invasion du centre de Java en 686 et de l'occupation de cette
partie de l'île par les Çailendra jusque vers 880 (supra, XXVIII,
p. 38-/n). Autant que nous sachions, l'occupation javanaise
du San-fo-ts'i fut de courte durée.
x*" siècle. Al-Faris affirme l'identité de Sribuza et de l'ile du
Maharaja (sujn-a , LXVII, p. 7^1).
1000 (vers l'an — ). U A brégr. des Merveilles (\L\\, ^. 63-
6/j ) fournit des informations sur le pays du Maharaja, Sribuza ,
Jâba et le Zâbag.
ioo3. Envoi d'une ambassade en Chine par le roi de San-
fo-ts'i Çriculamanivarman (supra, p. 19).
ioo5 ou 1006. La 91" année du règne de Râjarâja I"
(986-1012) une inscription est gravée commémorant la dota-
tion d'un village à un temple buddhique de Negapatam dont
la construction fut commencée par le roi de Çrivijaya (^ùlâma-
nivarman (le souverain précédent) et achevée par son fils et
successeur Çrïmâravijayottungavarman (supra, XXXll, p. A 6).
1007 = 929 çaka. La capitale de Java est détruite et son
roi tué. II s'agit vraisemblablement d'une campafjnc heureuse
du Çrïvijaya, en représailles de l'invasion du San-fo-ts'i par
les Javanais une quinzaine d'années auparavant (cf. P. V. van
Stein Callenfels, De verovcraar vuu Dliannmawangças kralon,
dans Oudheikundig verslag, 1919, p- i56 et suiv.).
1008. Envoi d'une ambassade en Chine par le roi Çnmà-
224 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
ravijayottuiigavarman, fils et successeur du précédent i^supra,
P- 19)-
1017. Haji Suniatrabhûrai «le roi de la terre de Sumatra »
envoie une ambassade en Chine i^supra, p. it)).
1028. Le roi Çrideva envoie en Chine une ambassade
i^supra, p. ao).
io3o. Le roi Râjendracola I" (10 1 2-10/19) au cours d'une
heureuse campagne s'empare des possessions métropolitaines
et coloniales de l'empire de Çrïvijaya {^supra, XXXI, p. kk).
io3o (vers — ). Bïrûnï rapporte que les iles du Zàbag
sont appelées dans l'Inde, suvarnadvïpa {\\A[{ , p. 6/i). Cf. éga-
lement les informations contenues dans son Kânûn i^supva,
p. 75).
1067. Devakala, l'un des plus hauts dignitaires de San-fo-
ts'i, se rend en ambassade en Chine (^supra, p. 20).
1068. Un des successeurs de Râjendracola P", son fils (?)
Virarâjendra V% prétend aussi, en 10G8, avoir conquis Kada-
ram et l'avoir ensuite rendu à son roi (le souverain de San-fo-
ts'i; cf. HuLTzscH, South- Indidn Inscriptions, t. III, p. i()2,
1^5, 202, dans CœoÈs, Le royaume de Çrwijaya , p. /i , n. h).
1 G G 8-1 D'y "y. D'après le Ile» hien l'ong k'no (Ma Touan-lin,
Méridionaux, p. 58G), le '/É ^ Tchou-lien (ou pays des Co-
las) était, à cette époque, vassal du San-fo-ts'i.
1078-1085. Pendant cette période, des ambassadeurs
sont envoyés en Chine (^supra, p. 21).
1080. Un étranger du Sud, qui avait la direction des
aiïaircs de son pays, apporte à Canton une lettre de la fille
du roi écrite en caractères chinois (^supra . p. 21).
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇliîVIJAYA. 225
1082. Arrivée en Chine de trois ambassadeurs du San-fo-ts'i
{^supra, p. ai).
io83. Nouvelle ambassade en Chine (^suprrf, p. s-j).
io8/i=i=. Le roi de Ki(Jâra==Çrivijaya envoie deux ambas-
sadeurs auprès du roi rola pour demander une exemption de
taxes au bénéfice du village donné au temple buddhicjue élevé
par les soins d'un de ses prédécesseurs, Çrïculamanivarman
(^supra, XXXIII, p. /i7).
1088= 1010 çaka. Une inscription tamoule de cette date
a été trouvée sur la côte occidentale de Sumatra, à LobuTawa,
près de Baros. Elle rappelle un don fait par un groupe de per-
sonnes qui y sont appelées des 100055. C'est tout ce que le
mauvais état de l'inscription a permis à Hultzsch de lire (cf. Jour.
yls.^ juiliet-aoïit 1919, p- 19''')-
1096-1097.' Autre ambassade pendant cette période (p. â-j).
1182. IJaraki cite l'île de Sribuza d'où l'on exporte le
camphre (^supra, p. (ÎS).
11 5/1. Vide supra, \L\l, p. 65-G6, les informations re-
cueillies et transmises par Edrïsî, notamment sur les relations
du Zâbag avec la côte orientale d'Afrique.
11 56. Ambassade envoyée en Chine par le roi du San-fo-
ts'i que le texte chinois désigne sous le titre de Çrîmahàrâja
(^supra, p. 22).
1178. Autre ambassade (^ibid.y C'est en cette année que
paraît le Ling ivai lai ta de Tcheou K'iu-fei dont le Tchou fan
telle de TcHAO Jou-koua reproduit textuellement le plupart des
informations (p. 8-1 5).
1 2 2/1. Le Mujam al-huldân de Yâkùt, qui a été terminé le
XX. 16
226 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
i3 mars de cette année, contient de brefs renseignements sur
Râmî, Zâbag et Sribuza [supra , p. ()(i).
1235. Description du royaume de San-fo-ts'i et de ses •
quinze dépendances dans le Tcliou fat uhc de Tciiao Jou-koua
{sujmi, \Ym,i^. 8-1 5).
laBozt. D'après l'inscription khmère de Jaya [supra,
p. i8i ) qui, dit CœoÈs {Le royaume de Çrlnjaya, p. 36), «ne
saurait être postérieure au milieu du xni" siècle tî, régnait à
cette époque un roi du Malâyu appelé Kamraten An Maharaja
çrimat Trailokyarâja Maulibhusana Varmadeva.
1908-1286. IiîN Sa'id fournit d'intéressantes informations
sur rinsulinde occidentale [supra, p. 'yo-yj).
126/1-1265. Conquête du Jâvaka = Çrïvijaya par le roi
Jatâvarman Vïra-Pandya [supra, XXXIII bis et XXXIII ter,
p. /i8 et suiv.), qui fit prisonnier le souverain sumatranais.
12 '7 5-1 298. «Quelques dix jours après [, en 1298], rap-
porte le Pararaton (irad. Brandes, éd. Krom, p. 92 ), les troupes
[javanaises de Tumapël] qui étaient allées conquérir le Malâ-
yu''*, revinrent avec deux princesses [du pays vaincu]. L'une
d'elles, Raden (la princesse) Dara pétak, devint la binthaji
(femme) de Raden Vijaya [alias (ïri (Sa Majesté) KèrtarajasaJ.
L'aînée, [la princesse] Dara jinga, épousa un dera [=roi] et
fut la mère du roi de Malâyu, Tuhan (le Seigneur) Janaka,
dont le nom [Jiasirl,asir = ravis'j était Çrî Marmadeva et dont
le nom de règne fut Aji Mantrolot. La campagne entreprise
contre le Malayu et la chute de Tumapél eurent heu dans la
même année çaka 1197 [= 1275] . . . ?5
Ce texte important demande quelques explications et recti-
fications. La date du début de l'expédition javanaise contre le
''* Le Malayu du Icxlc javanais désigne Sumalia. Vide nupra, |i. i^'^.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 227
Malâyu, 1 1 97 çaka= i 2^5 , est exacte. Celte guerre fut entre-
prise par le roi de Tumapël Cri Kertanagara (nom posthume :
Çivabuddha), le ^ P^ M M M M M Ha-tche Ko-ta-na-kia-la
du Yuan che (k. 162, p. 5 v") = Haji (le roi) Kertanagara.
Raden Vijaya (le i ?^ >^' ^ ^ T'ou-han P'i-chô-ye=Tuhan
(Seigneur) Vijaya du Yuan che \apud Groeneveldt, Notes,
p. 1/19]), nom de règne Çri Kertarajasa, entre en scène
l'année de la prise de Tumapel : 1 2 1 /i = 1 a 9 2 (cf. PararaUm,
éd. Krom, p. 92, n. 8). Mon savant confrère, le professeur
N. J. Krom a eu l'obligeance d'attirer mon attention sur le fait
que le NâgaraLërtâgama , dont l'auteur était mieux renseigné
que celui du Pararaton, contient des indications préférables
aux données de ce dernier ouvrage qui sont incontestablement
inexactes. Kertanagara , d'après Prapanca , est mort en 1 2 1 /j =
1292 , l'année même de la prise de Tumapël (cf. Nâgarahërtâ-
ganui, trad. Kern, éd. Krom, chant 43, strophe 5, p. 112).
C'est dans ce sens que doit être modifiée la note de Pelliot,
Deux itinéraires, p. 332 , et mon Malaha, le Malâyu et Malâyur
(J. As., XV série, i. XI, p. /i8i-/i83,ett. XII, p. 68-70).
«Les troupes javanaises, dit le Pararaton, étaient allées
conquérir le Malavu.w Que faut-il entendre ici par Malajju
(telle est la graphie du texte sans â long) ? S'agit-il du Malâyu
propre (avec Va long des Malais), c'est-à-dire du Minankabaw?
La réponse n'est pas douteuse : Malâyu, en javanais, désigne
l'île de Sumatra; nous en avons pour témoignage certain le
chant i3 du Nâgarakërtngama (2" éd. Krom, p. 5o et i 2-i3),
où Tanah ri Malâyu tdc pays de Malâyu 55 désigne incontesta-
blement l'îie de Sumatra tout entière. Il faut donc enteadr«
aitisi la phrase précédente : ^ f^es troupes javanaises étaient
allées conquérir le Malâyu = Sumatra, n H est, cependant, à
peu près certain que la campagne ne s'étendit pas à toute l'île,
mais fut dirigée contre la capitale de l'état souverain, en l'es-
pèce le San-fo-ts'i =Çrivijaya. (iette interprétation est confirmée
3.
228 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
par le passage du Miiig che où il est dit à propos du San-fo-ts'i :
«A cette époque (1376) le San-fo-ts'i avait été déjà conquis
par Java» i^supra, p. 25, etinfra, p. 287). Il s'agit ici du
même événement, c'est-à-dire de la conquête de layB-iayS,
enregistrée dans l'histoire javanaise sous le nom de conquête
du Malayu. Si le Nngnrahërtâgamn et le Pararaton s'expriment
ainsi, c'est que le Malâyu-Minankabaw, pays d'origine des Ma-
lais, a été autrefois l'état suzerain de l'île entière jusqu'au mo-
ment où (Yi-TSiNG le dit expressément [supra, p. 6]) la suze-
raineté est passée au Che-li-fo-che = Çrivijaya, dont on sait
l'éclatante fortune sous la dynastie des Gailendra qui étaient
eux-mêmes originaires du Minaiikabavv. On verra plus loin que
l'influence politique du Malâyu sur les anciennes colonies de
la péninsule malaise fut utilisée encore au xix'' siècle par les
administrateurs anglais des Etablissements des Détroits (^Slraits
setllemenlsy
12 55 et années suivantes. Le Maliâvamsn nous a conservé
le souvenir des faits suivants : « La 1 1" année du règne de Parâ-
kramabâhu II (roi de Ceylan qui régna de la/io à 1275 ■'') fut
celle où un certain \'o\ Jâvaka (^plvdluiràjeho [=roi de Zâbag]),
appelé Candrabhânu, débarqua avec une armée de Jâvaka à
Kakkhalâ, après avoir traîtreusement affirmé : «Nous aussi,
nous sommes buddhistes. » Les guerriers jâvaka , qui étaient
tous munis de flèches empoisonnées comme d'horribles ser-
pents, se rendirent maîtres de tous les passages de rivières,
tourmentèrent cruellement sans relâche tous ceux qu'ils ren-
contrèrent, se répandirent partout, parcourant en furieux l'île
entière de Lanka (Cevlan) qu'ils ruinèrent . . . Ayant obligé
les Javuka à prendre la fuite, le régent Vïrabahu libéra d'en-
nemis tout le territoire de Lanka.» Quelques années après,
*'' Pour celte reclificalion à l'atiiclc de Kiin.N, cf. Rolffaeu, Was Malaka
emporium . . ., dans Dijilvagen, deel 77, igai, p. 83, n. 1.
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÏVIJAYA. 229
rapporte encore le Mahâramsa, «ce fut à cette époque que le
roi Candrablulnu qui, précédemment, avait été contraint de
s'enfuir après une grande bataille, débarqua à Mahâlîrtlia avec
une armée deJâvaka, après avoir rassemblé une grande armée
dans les royaumes Pandya, Çoja, etc., ainsi que des soldats
tamouls . . . 11. Cette nouvelle armée fut encore battue par
Vïrabâhu i^apud Kern, Twee hrijgstochten uit des Indischen Archi-
pel tegen Ceilon, paru en 1896 dans le tome XLVI des Bijdra-
gen, dans Verspreidc geschriften, t. III, 191&, p. 2() et suiv.
Ces deux passages du Mahdvamsa sont dans LXXXIII, 36-/i8,
et LXXXVIII, 69-75 ; vide supra, p. 171). Comme nous savons
par les inscriptions des rois colas (^vide supra, p. lih), que le
Çrïvijaya a été en relations fréquentes avec la côte orientale
de l'Inde, que Jâvaka est à la base de la notation arabe Zâhag
{^supra, p. 1 7 1 ), il est permis de supposer que Colas et Suma-
tranais étaient alliés vers 1260 pour aller piller ensemble l'île
de Ceylan; cf. également le témoignage du Tchou fan tcJie qui
compte Ceylan comme l'une des 1 5 dépendances du San-fo-ts'i
{^supra, p. 1 ky^K
1286^1-308 çaka. Une statue de Amoghapâça Lokeçvara
est envoyée par le roi javanais Kertanagara à Suvarnabhûmî =
Malâyu = l'actuel pays de Minankabaw dont le souverain est
Çri maharaja çrïmat Tribuvanarâja Maulivarmadeva {vide
supra, p. 179).
On a groupé ensemble ci-dessous, des textes chinois et une
inscription siamoise portant sur les années laSi-iSoi qui
nécessitent un commentaire spécial :
1281. ç^La 17" année iclœ-yuan, au 12" mois (c'est-à-dire
tout au début de 1281), dit le Yuan chc (k. 11, p. k r"), au
'•^ Les inscriptions de .lalnvarnian Vira-Pâiulya {supra, WXllI bis et
XXXIIl 1er, j). fiH ) i'aj)[)f'laiil la ctinfiMi'lc de .la\aka par ce sonvcrain , peu-
230 OCTOBRE-DECEMBRE 192'J.
jour meou-ijln, de i^ $lj ^- Sou-la-man (Sulaymân), chargé
d'une mission au royaume de /fc "^Ij ^ Mou-la-yeou [= Ma-
layu], et d'autres, on fit des tchao-t'ao-che; ils portèrent à la
ceinture une tablette d'or» (^apud Pelliot, Deux itinéraires,
p. 826).
1281. r^La iS*" année tche-yuan, au ^^ mois (1281), quand
^ ,§L ~r Chan-sseu-ting (c'est-à-dire (j.j»xJI (j**<w Samsud-dm^,
chargé de mission pour le royaume de Mou-la-yeou, arriva au
Campa, son navire fut détruit; il envoya un messager demander
pour lui un navire, des approvisionnements et des soldes sup-
plémentaires; un ordre Impérial lui donna plus de i./i 00 pi-
culs de riz 55 (^Yuan che, k. 1 1, p. 6 r°, dans Deux itinéraires,
p. 826).
1 9^2 =h. A la fin de la fameuse inscription siamoise dite de
Râma Khamheng (cf. C. B. Bradley, The oldest known writing
in Siamese, the inscription of Phra Ram Khamaeng of Siikhothai
i2g3 A. D., The Journal of the Siam Soc, vol. VI, part. I,
ic^og, p. 3o ; pour la date : G. GœoÈs, Notes critiques sur l'in-
scription de Râma Khamheng, ihid., vol. XII, part. I, 1918,
p. i3-2 5), le texte épigraphi(|ue rappelle les conquêtes faites
par le roi aux quatre points cardinaux. «Dans la direction du
sud, il conquit . . . Sithammarat et le rivage de la mer
océane. 55 Sithammarat est la forme siamisée du skr. Çridhar-
marâja[nagara]^ c'est-à-dire de Ligor"', sur la côte orientale de
la péninsule malaise, par un peu plus de S° nord^'^l
vent donner à n-oiro (|uo Candr;ililiânu (HaiL un simple allié du roi [lâiiilya
dans les op<''i'ati(ins cnti'cjirisos contro Covlan. Tous cos textes épijjr'aphitjues
do rinde du Sud devront être (Uudiés comparalivcuient pour en tirer d;s ju'é-
cisions, tant au point de vue des faits liistoriques que de la chronoio{i[ie.
(1-3) (1) Le sanskrit nai^ara «villen a abouti en cambodgien et siamois aux
formes iwlior, Uj^or, lal.Itôn. On sait également que Aiihor, vulgairement Au^knr,
est également issu de na^rura. Cf. Pelliot, bulletin crili(jue du T'outtg pao ,
t. XIll, 191a, p. /i6G-.'i()7. Çrîdhaitnaràja [nagara] rla ville de sa Majesté
L'EMPIRE SLMATIUlNAIS DE ÇHÎVIJAYA. 231
1298. Yi-k'o-moii-sou, fl/ms Ye-hei-mi-che, l'un des géné-
raux chinois qui faisaient campagne à Java, «envoya Tcheng-
kouei notifier les ordres impériaux au /fv ^ ^ Mou-lai-yeou
|^=Malâyu] et à d'autres petits royaumes; tous (les rois de ces
pays) envoyèrent leurs fils ou leurs frères pour faire leur sou-
mission 55 (^Yuan che, k. i3i, p. 8 v°, apud Pelliot, Deux Uiné-
néraires, p. 3 9 6-3 27).
129/i. Le 10* mois, «au jour yi-sseu, on renvoya les am-
bassadeurs du ^ 3â M Nan-vvou-li (le Lâmurî des Arabes, au
nord de Sumatra), du 'M'^^M Sou-mou-tou-la (état de
Sumatra, sur la côte nord-est), du |^ îx $ij ^ Ki-mo-la-mao
(vraisemblable erreur de graphie pour \x. $'J "f" Mo-la-yu =
Malâyu) et du ^ P^ T'an-yang (sur la côte orientale de Suma-
tra) pour qu'ils retournassent dans leurs pays. On leur fit don
de tablettes au tigre avec double perle, de tablettes d'or et
d'argent, d'or, de soieries, de vêtements suivant le rang de
chacun. Antérieurement, lorsque Ye-hei-mi-che allait en cam-
pagne contre le Tchao-wa (Java), il avait appelé (à se sou-
mettre à l'empereur) les royaumes situés au bord de la mer.
Sur quoi, le Nan-wou-li et autres (pays) envoyèrent des gens
pour faire acte d'obédience. Comme on interdit (aux navires)
de commerce de prendre la mer, (ces gens) restèrent à la
capitale. A ce moment (c'est-à-dire en 129/1), on rapporta
l'embargo (mis) sur le commerce; c'est pourquoi on les ren-
voya tous» {Yuan che, k. 18, p. h r", apud Pelliot, Deux iti-
néraires, 327-828).
1 2 c)5. La i'^ année yuan-tcheng (1 2 96 ) -de Tch'eng-tsong,
Dharraarâja (pâli : Dhammarûja) wle Roi de la Loi-?, a été fondée ou plutôt
peut-(^tre simpli-ment nomm«'o par un roi siamois de ce nom (cf. CoEi)f;s, Docn-
menU sur la dynaslu; des Sakhoda ijd , daii9, ll.E.b\E.-0., t. XVll, 1917,1!,
p. hh-kii). — '^' Au mémoin! cilc dans la note précédeute, ajouter uu autre
article de Coedks, Les orijrincg de la dynastie de Sukhudaiju, dans 7. /!«., avril-
juin 1930, p. 233-2^5.
232 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
le royaume de j'S Sien [pron. anc. *Syam, khmèr Sijâm] pré-
senta une supplique en lettres d'or, priait la cour [chinoise]
d'envoyer une mission dans ce royaume. Or, avant que cette
supplique n'arrivât, on avait déjà envoyé une mission; c'est
sans doute que ceux-là (c'est-à-dire les gens du Sien) ne le sa-
vaient pas encore. On donna à l'envoyé une tablette en or uni
pour qu'il la portât à la ceinture. L'envoyé s'en retourna immé-
diatement; un ordre impérial envoya une mission pour partir
avec lui. Comme les -gens du Sien s'entreluaient depuis long-
temps avec les llî M "f* Si Ma-li-yu-eul [= Malâyur] , tous à
ce moment se soumirent. Il y eut un ordre impérial disant aux
gens du Sien : «Ne faites pas de mal aux xMa-li-yu-eul afin de
tenir votre promesse 55 ( Iwa/j che, k. 210, p. 5 v°, dans Deux
xtinéraires, p. 2/12).
1299. «La 3° année ta-tô (1299), au printemps, le
1" mois, au i^"" jour qui était houei-ivei , les royaumes barbares
Sien, des ^ %\\ é Mo-la-yeou et du f| f^ Lo-hou (sur le
bas Ménam) vinrent chacun apporter en tribut des produits du
pays. On accorda au prince héritier des barbares Sien une
tablette au tigres? (^Yuan che, k. 20, p. 1 r% dans Deux itiné-
raires, p. 26 3).
i3oi. «C'est encore du même pays [de Malâyu] qu'il doit
s'agir, dit Pelliot i^Deux itinéraires, p. 328), quand il est
àii [Yuan che, k. 20, p. 5 r°) que la 5° année yuan-tcheng
(i3oi), le 3" mois, «au jour meou-ivou, ,E| ^ j^, Ma-lai-hou
et d'autres îles de la mer envoyèrent des ambassadeurs à la
cour.»
Dans mon mémoire sur Malaka, le Maldiju et Malâyur
(/. As., XP série, t. XII, 1918, p. i3/i et suiv.), j'ai déjà
étudié ces textes et l'interprétation qui en a été donnée n'a pas
cessé de me paraître vraisemblable. En 1296, au témoignage
L'KMPIRE SUMATRANMS I)K ÇIIÏVIJAYA. 233
du Yuan che, les Ma-li-yu-eul «s'enlretuaient depuis long-
temps jj avec les gens du Sien, c'est-à-dire, à celte époque,
avec les Thaïs ou Siamois de l'empire de Sukhodaya. Or, ni
texte, ni inscription ou tradition d'où que ce soit, n'indique
explicitement ou implicitement que les gens du Sien aient
jamais fait campagne à Sumatra. L'argument est décisif et il
faut situer ces Ma-li-yu-eul ailleurs que dans la grande île
indonésienne. Gomme l'inscription siamoise de Râma Kham-
heng donne comme limites à l'empire de Sukhodaya == Sien ,
à la fin du xnf siècle : au nord , Luang Phrabang sur le haut
Mékong, et au sud, Ligor = Silhammarat, sur la côte orientale
de la péninsule malaise, c'est au sud de Ligor qu'il faut recher-
cher ces Ma-li-yu-eul = Malâyur (appelés également Mou-lai-
yeou, Mo-la-yu, Mo-la-yeou, Ma-lai-hou =Malâyu). La loca-
lisation de ces Ma-li-yu-eul ou Malâyu est précisée par les an-
ciennes relations portugaises et le Ming che. et Les navires du
Siam, rapportent les Commentaires d'ALCUQUERQUE i^Commenta-
rios, t. 111, chap. xviii, p. (jà), ne viennent phis à Malaka
avec leurs marcliandises parce que [les Siamois] ont été con-
stamment en guerre avec les Malaios (les Malayu de Malaka). w
Et plus loin (^ibiil., chap. xxxvi, p. 179): «Le roi [de Siam] a
toujours été en guerre avec celui de Malaka; à cause de cela
il ne fut pas fâché de voir [Malaka] détruit [par les Portugais]. »
Dans la notice que consacre à f^ JjjlJ jjn Man-la-kia == Ma-
laka , le Mmg-clie ou Histoire des Miiig, il est dit que « en iànj,
le roi de Malaka vint à la cour ... En s'en allant, il affirma
que le Siam paraissait disposé à attaquer son pays. En consé-
quence, l'empereur envoya l'ordre au Siam [de ne pas atta-
quer Malaka] et ce pays s'y conforma 55 (cf. Groeneveldt,
Notes, p. 20 0).
Les gens de Malaka sont donc des Malayo qui étaient «con-
stamment en guerre» avec le Siam. Leur pays est limitrophe
des possessions thaïs de Sukhodaya = Sien, que les Thaïs ont
234 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
conservées après leur descente sur le bas Ménam et que con-
servent encore leurs descendants, les Siamois modernes. Il me
parait hors de doute que ces Malai/o sont identiques aux Ma-
li-yu-eul du Yuan che qui, à la fin du \nf siècle, « s'entretuaient
depuis longtemps 5; avec les gens du Sien = Siam. La concor-
dance de ces informations de sources différentes me semble
décisive dans ce sens. Le passage du Yuan che a trait à la pé-
riode antérieure à 12^6; les deux extraits des Commentaires
font, au contraire, allusion à des faits postérieurs à la fin du
xni" siècle, à ceux que signale le Mmg che. Les textes chinois
et portugais témoignent ainsi que l'état d'hostilité entre le
Siam et ses voisins Malâyu de Malaka s'est maintenu pendant
des siècles, malgré les interventions répétées de la cour de
Chine pour le rétablissement de la paix entre les belligérants.
On sait, enfin, qu'à l'époque mongole, V Histoire des Yuan
(1 280-1868) ne fait aucune mention explicite de relations
entre la cour de Chine ^^^ et le Malâyu ou le San-fo-ts'i de Su-
matra.
En 1226, TcHAO Jou-KOUA éuumère dans son Tchou fan
tche, quinze dépendances du San-fo-ts'i ou Çrivijaya dont huit
sont situées sur la côte orientale de la péninsule malaise
{^supra, p. i3). Quelque cinquante ans après, les Thaïs de
Sukhodaya, autrement dit les Siamois, se rendent maîtres de
la basse vallée du Ménam et de la partie septentrionale de la
péninsule malaise jusqu'à Ligor. Cette dernière conquête en-
lève au Çru'ijaya ses possessions coloniales de la péninsule
qu'il occupe, au plus tard, depuis le vui" siècle^'* (cf. supra,
O Cf. mon im'^moire Malaka, le Malâyu et Malâijur, dans J. As., XI" série,
l. XII, iyi8, p. 83 et suiv.
'^^ L'ambassade chinoise envoyée au Cambodjje en lacjG, trouve la cam-
pagne dévastée par la guerre siamoise. «Dans la récente; [juerre avec les Sia-
mois, dit le Tclien-la foHjr tou ki, le pays u été entièrement dévastée (Mé-
moire» sur les coutume» du Cambodge par Tcueoij Ta-kouan, trad. et annoté par
L'EMPIRE SUMATUANAIS DE ÇRÎVIJAYA. 235
XXIX, p. /il, l'inscription de Vien Sa). La progression du
Siam vers le Sud ne s'arrêta pas là et se poursuivit jusqu'aux
détroits, car le Ming clie rapporte qu'en i/ioo, Malaka payait
au Siam un tribut annuel de quarante taels d'or (cf. Grokne-
VELDT, Notes, p. 968 et un renseignement identique dans le
Ying yai clieng lan, ibid., p. 2/10). Dans son *X_)|^jUI cjL:^
daté de 1 /i8(j-i/if)0, Ibn Mâjid dit également (ms. 9392,
folio 53 r", 1. 5-6) : -L<IJî y xkïjî^ iL^J^ *xSjî (s/c) ^^jl^^^
«Singapour est par plus de 5- yinha des Farkadayn] et c'est là
que se termine la côte du Siam 15. Sulaiman al-Maiirï, dans son
^Ig-Uî <_>b:^, qui est de la première moitié du \yf siècle, s'ex-
prime dans le même sens (ms. 2 5 09, folio 71 r", 1. 5-6],:
cjj.À.41 ^^ (•L*'>*^Î5 jj -awl ^<^ ^^il.s^-w <WÇ- (jî«>vi\jiJi c^[Là OÙ]
les Farkadayn sont par 5 \jsha, gît] Singapour; elle [est située]
à l'extrémité de la côte du Siam, dans le sud 55.
Pendant le dernier quart du xni" siècle, le glorieux empire
sumatranais s'écroule. La longue campagne des Javanais
(i9'75-i293) a mis fin à Tliégémonie politique, militaire et
navale du San-fo-ts'i en Insuliude et aboutit à une sorte de
protectorat, car Tuban Janaka, roi du Malâyu de Sumatra,
était fils de la princesse sumalranaise Dara Jinga ramenée par
les troupes victorieuses, qui épousa un roi non dénommé, sans
doute javanais^'l A la même époque (i2'76 et années sui-
vantes), Candrabbanu envahit deux fois Ceylan et éprouve
une double défaite'-*. Enfin, les Thaïs de Sukhodaya s'empa-
rent de toutes les possessions coloniales du San-fo-ts'i sur la
péninsule malaise. Les ambassades à la cour de Chine qu'on
trouvera mentionnées plus loin ne doivent pas donner le
Paul Pelmot, dans H.E.F.E.-O., t. II, njo;!, p. 178; cf. éjjaienicnt p. i3i).
(les faits do j;uerie soûl du la ituMue puriode que la couquèle des oolouies Kuma-
Iranaises de la péuinsule malaise.
"' Vide supra, p. :!•>,().
'-' Vide supra, p. •.!;>.8 et p. 17:'., n. 1.
•236 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
change : l'empire a vécu et la cour impériale recevra désormais
l'hommage d'un simple vassal de Java. Raden Vijaya dont le
nom de règne fut (iri Kerlarajasa, fonde en 1216 çaka =
lag/i l'empire de Majapahit dont il est le souverain (^prabhu,
cf. Pararalon, trad. Brandes, éd. Krom, p. 1 28). Il avait succes-
sivement épousé les quatre fdles de KCrtanagara et la princesse
sumatranaise Dara pëtak ramenée par les troupes javanaises
victorieuses (^supra, p. 226). Un second grand empire se lève
en Insulinde, héritier des possessions de l'ancien Çrivijaya.
Dans son Nâgarakërtâganui qui est daté de 1287 çaka = 1 365 ,
Prapanca les énumère complaisamment à la louange de son
maître Hayam Vuruk, alias Cri Râjasanagara et San hyan Vëkas
in sukha'^', dans les chants i3, là, i5, 16 (cf. Nâgarakër-
tàgama, éd. et trad. Kern, 1" éd. Krom, p. 5o et suiv.) et 83,
strophe h (^ibid., p. 186) : ce sont l'Insulinde et la péninsule
malaise à peu près tout entières; le Campa, le Camhodge et
d'autres pays de l'Inde transgangétique ^sont des amis con-
stants 55 (chant i5); «sans arrêt, venaient en foule toutes
sortes de gens des autres pays; du Jamhudvîpa (l'Inde), du
Camhodge, de la Chine, du Yavana, du Campa, du Karnâ-
taka, etc., du Gau(ja (l'actuel Gaur en Inde orientale) et du
Siam; ils venaient par des navires avec denomhreux marchands,
des moines et de distingués brahmanes; ceux qui vinrent furent
accueillis et restèrent volontiers [dans le pays]» (chant 83,
stropiic /j). Ce sont les termes mêmes du poème vieux-java-
nais. La réalité historique est naturellement un peu en deçà des
exagérations attendues d'un poète de cour. La ^^L» ^^1^ oolXs^
ou Histoire des rois de Pâsè (cf. mes Relations de voyages, t. II,
p. 666-669) donne, semblc-t-il, un tahleau plus exact de
l'expansion territoriale de l'empire javanais en Insulinde; mais,
cette rectification faite, il n'est pas douteux que les souverains
<') Pour ce nom, cf. N. J. Krom, De begraafplaats von Ilayam Wuruk, dans
Bijdragen tôt T., L. en V. van Nederlandsch-Indië , dcel 76, igiy, p. 25-i!7.
L'EMPIRK SUMATRÂNAIS DE ÇRÏVIJAYA. 237
de Majapahit fussent en relations avec tous les états de l'Ex-
trême-Orient à l'exception du Japon, et que de l'Inde à la
Chine, on tînt en juste considération le pays et les hommes
qui avaient victorieusement repoussé l'attaque des troupes de
Hubilaï Hàn.
1825. Information sur l'Insulinde occidentale dans la cos-
mographie de DmA^i (^suprn , p. 70).
1 9 78-1 33 1. Autres informations fournies par Abùlfidâ
{^supra, p. 7/4).
?. Récits consignés dans les Mille et une nuits (^siipra,
p. 16-2) et le Litrre des Merveilles de l'Inde (^supra, p. 62-63).
i365= 1287 çaka. Le Nâgarahërtàgania fournit des ren-
seignements détaillés sur l'île de Sumatra qu'il désigne sous le
nom de Tanah ri Malaiju «pays de Malayu» (^supra, p. i83).
1373. Le roi du San-fo-ts'i '[Ë B 7P MM ^ Ta-ma-sa-
na-a-tchô envoie une ambassade en Chine. Il y avait alors trois
rois dans le pays (^supra, p. 96). •
107/1 et 1875, au 1" ™"'^- ^^ ^'^^ ^M^ 9.W^ Ma-
na-ha Pao-hn-pang = Maharaja de Palemban envoie deux
ambassades (sMjora, p. 9 5).
1875, au 9" mois, ambassade envoyée par fi" f&ll ^| ^ ^
Seng-k'ie-lie-yu-lan, l'un des trois rois du San-fo-ts'i [supra,
p. 25 , et cf. /. yls., juillet-août 1919, p. 196, n. 2).
1876. Mort du roi Ta-ma-sa-na-a-tchô auquel succède son
iils BM-:i^ MË. Ma-na-tcho Wou-h - Maharaja Wuli (?)
qui envoie une ambassade à la cour de Chine l'année suivante
pour demander son exequatur à l'empereur. «A cette époque,
238 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
ajoute le texte, ie San-fo-ts'i avait été déjà conquis par Java.
Le roi de ce dernier pays [c'est-à-dire l'empereur de Maja-
paliit] apprenant que l'empereur de Chine avait nommé un roi
pour le San-fo-ts'i, devint très en colère et envoya des gens
qui tendirent une embuscade aux envoyés impériaux [appor-
tant l'exequatur de la cour de Chine] et les assassinèrent, w
Le Mi'ng elle ajoute ensuite cette curieuse phrase : « L'empereur
de Chine ne pensa pas qu'il eût le droit de punir le roi de Java
pour cela. Après cet événement, conclut V Histoire des Ming, le
San-fo-ts'i devint peu à peu de plus en plus pauvre et n'envoya
plus de tribut w {^siipra, p. 2 5-2 6).
xv^ siècle. A partir de i/io5, des désordres se produisent
et des Chinois établis dans le pays s'emparent du pouvoir avec
l'aide de compatriotes du Fou-kien et de Canton. L'ancienne
dynastie des Çailendra n'existe plus ou ses représentants dégé-
nérés passent complètement inaperçus et disparaissent, tels,
au xix^ siècle, les derniers successeurs des grands Mongols de
l'Inde.
Reste le Malâyu propre, je veux dire l'ancien suzerain du
Çrïvijaya au vii^ siècle , l'actuel pays de Minankabaw. L'épigra-
phie ne nous fournit (jue quelques noms de souverains aux xnf
et xiv" siècles. Les inscriptions sont généralement assez déve-
loppées, mais leur contenu est totalement dénué d'intérêt en
dehors du nom royal et de la date. Celle de 1208 çaka
i^supra, p. 179) est extrêmement importante; celle de j 960 db
est importante aussi, car elle est rédigée en cambodgien et a
été trouvée dans une ancienne possession de iempire suma-
tranais. Les autres textes épigraphiques n'ont de valeur que par
les noms des rois dont elles commémorent les règnes. En voici
la trop courte liste :
1 2 00 dz ? : T)ut'dohiinr(ljii-mmdiblmmna-varmadem le Var-
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇRÎVIJÂYA. 239
madeva — ornement du diadème — du roi des 3 mondes
{^supra, p. 181).
1208 ç. = 1286 : TnhiivaHdrâjd-wauli-varnuideva = le Var-
madeva — diadème — du roi des 3 mondes {^supra , p. 1 81).
?
Advayavarman, père du roi suivant.
1269 0=10/17: Adityavarman (ou Udayadityavarraan,
ou encore A[ jyâdityavai'ma) râjendra-mauliman/ (var. mauh-
mali]-varmadeva = le Varmadeva — joy<iiJ ^^ diadème de
rindra des rois. Il en est question dans les inscriptions de
12789.= i356, 1269 ç. = 13/17. L'inscription de sa pierre
tombale de Kubm* Raja (Minankabau) est datée de 1 3oo =h ç. =
1378 et il y est titré Kannkamedinîndra «souverain de la
terre de Torw = suvarmthhûmi du Malâyu de l'inscription de
1208 çaka ci-dessus i^supra, p. 182).
?. Anangavarman, fds du précédent; il fut probablement
son successeur {ihid. ).
1/1 8 9. Description de Sumatra par le muallim \m Mâjid
l^supra, p. 79-8/1).
xvf siècle (première moitié du — ). Description de Sumatra
d'après io^-glî «*xiJI et ^Ig^li iJ^i du muallim Sulaymân al-
Mahri i^mpra, p. 83-io/i).
Nous sommes redevables ù Newbold, l'auteur du Pollticnl
and statislical account 0/ tlie Brittsh settlements in the Straits ofMa-
laccn (2'' vol.. in-8", Lonch'es i8.u)), de la connaissance d'un
document de haute importance; appeb' Trumha piisaka «loi de
successions, Trumha piisaka Mimiiibihaw ce loi de succession du
Minankabaw 71 , ou encore Trumha Minahkahaiv «loi du Minafi-
kabaw», dont j'ai récemment donné une Iraduclion nouvelle
(dans Mnlaka. le Malni/u et Malài/ur. J. As., XI" série, t. XII,
240 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
1918, p. 5i et suiv.). Ce document a été rédigé vers 1826;
c'est une lettre d'intronisation de Raja Labu comme Yah di-
ptrluan (lilt. : «celui qui est fait maître, qui est reconnu
comme maîtres, le souverain suprême) des quatre états dissi-
dents de la péninsule malaise qui continuaient à reconnaître
l'autorité traditionnelle du Minankabaw. Le signataire du
Trumha pusaka est le Grand Sultan Maharaja di râja de Minan-
kabaw. Il affirme une suzeraineté purement nominale, mais
qui rappelle une ancienne suzeraineté effective, sur l'île de Su-
matra tout entière et sur l'état javanais de Bantën ou Bantam
qui faisaient partie de l'ancien Çrïvijaya. Si on se rappelle
qu'en 1826, le sultan de Minankabaw était un simple souve-
rain indigène soumis à la Hollande et qu'il intronisait un autre
souverain indigène résidant en territoire colonial anglais, on
pourra juger du prestige qu'avait conservé, longtemps après
la conquête étrangère, l'héritier des titres et prérogatives du
grand empire sumatranais disparu. Quatre Yah (h-përtuan de
la péninsule malaise furent successivement désignés et intro-
nisés par le sultan de Minankabaw : Adil qui mourut en 1795
ou 1796; Hîtam , mort en 1808; Lengafi Laut, mort en
182/1. Râja Lâbu intronisé en 1826, ne régna que six ans.
A partir de i83â, son successeur fut désigné dans le pays
même et on n'eut plus recours au sultan de Minankabaw. Les
exigences de la politique coloniale mirent fin à la pratique qui
consistait à demander à un souverain soumis à la Hollande, la
nomination du chef des sujets britanniques indigènes de la
péninsule malaise.
Tels sont les renseignements que nous fournissent les textes
sanskrits, palis, chinois, tamouls, arabes, persans, cam-
bodgiens, siamois et indonésiens pendant quelque quinze
siècles. Ces informations présentent de grandes lacunes que
l'avenir comblera peut-être; mais les faits parvenus à notre
L'EMPIRE SUMATRANAIS DE ÇHIVIJAYA. 241
connaissance^ ceux snrlout qu'a ra[)portés Yi-tsing, sont assez
nets et précis pour faire revivre ia grancieiir de l'ancien empire
sumatranais. Le (jrivijaya entre dans Thistoire générale de
l'Asie orientale au.monnent où régnent, en Chine, la grande
dynaslie des T'ang (618-906); à Bagdad, les illustres kha-
lifes abbassides Hârun ar-Rasïd (-786-809) et son fils Al-
iMamun (8 i 3-833), tous deux contemporains de Charlemagne.
L'Inde a accompli cet autre miracle insoupçonné : la création
à Sumatra d'un centre de civilisation indonésienne, qui dès
le vHi" siècle, avait pour roi un souverain cakravartin dont la
renommée s'étendra, au x% jusqu'au lointain Népal.
On aurait dû s'en douter plus tôt^''; mais nous avons tous
été victimes d'une illusion d'optique. Les relations occidentales
sur rinsulinde de la lin du xiii' et du xiv" siècles (Marco Polo,
Odoric de Pordenone) et des siècles des découvertes (relations
portugaises, hollandaises, anglaises et françaises), présentent
généralement Java comme une île riche, prospère et d'antique
civilisation; Sumatra, au contraire, est un pays de sauvages et
d'anthropophages. Cotte impression s'accentue et se précise au
fur et à mesure qu'on retrouve à Java des ruines de palais et
de temples d'une incontestable grandeur; elle s'établit défini-
tivement et s'impose par la découverte de ce splendide monu-
ment qu'est le Boro-Bodur, achevé dans le courant du ix" siècle *-l
*'' Dans une note à sa traduction du Ta t'auff si yn k'ieoii fa kao seng
tchouan de Yi-tsing, CiixwavKii {M(;ligieux éminents, 189/1, p. io5) avait mon
tré l'identité du Chc -li-fo-che et du Zaliedj (sic) et rappelé le passage de Bïrûni
sur le suvarnadvîpa {supra, p. 64). Ainsi présentée, Tidentification n'allait
pas de soi, car il n'y a aucun rapport phonétique entre les transcriptions chi-
noise et aralte-, elle ne fut pas adu|)tée. Quinze ans après, (iEiiiNi la reprit
dans ses Resnarches on Ptoleiiii/s j'otiirraphif <if Kasion Asio (Londres, 1909,
in-8°; voir à l'index, s. v" Znhpj) où il transcrit également Zàln'j. A son habi-
tude , l'auteur restitue toutes les formes imaginai)les sans s'arrêter à la seule
correcte avec ~ on fonction de gutturale sonore; et on n'en tint pas compte.
'-' (]f. Aichae<il<i^isch Onderzoek m .\ederlandsch-Inilié. 111. lieschriiring van
2A-2 OCTOBBE-DECEMBRE 1922.
Tout récemment encore, l'île voisine ne présentait rien de pareil.
Ses titres sur pierre à une ancienne culture étaient peu nom-
breux et inconnus, donc inexistants pour l'historien. Sa popu-
lation actuelle ne conserve pas de traces d'un glorieux passé :
Atchinais du Nord, Bataks de l'Ouest, Malais de l'Est, Minan-
kabaws et Ijampons du Sud ont tout à fait allure de barbares.
Les textes cliinois qui ont tant à nous apprendre sur Sumatra
n'avaient pas été traduits: les inscriptions tamoules et les géo-
graphes arabes étaient mal interprétés. Nous sommes enfin
mieux informés grâce aux recherches entreprises sur place et
à l'étude d'un grand nombre de documents orientaux. La
réunion de tous ces témoignages est singulièrement instructive
et il s'en dégage, presque automatiquement, un point de vue
nouveau qui est exposé dans ce mémoire.
Kern termine son article intitulé : Jcn'ci en het Goudeiland
volgens de oudste herkhten^^' par les conclusions suivantes :
R 1° D'après la conception dominante, Suvarnadvïpa et Yava-
dvïpa étaient une [seule et même île]; 2° deux îles initiale-
ment dilTérentes furent confondues l'une avec l'autre; 3° au
sens propre, Suvarnadvïpa est Sumatra, et Yavadvïpa, Java;
A° Sumatra (ou une partie de Sumatra) et Java ont été consi-
dérées comme un tout, peut-être parce que les deux îles fai-
saient partie d'un même groupement politique; 5° par Yavakoti
Barafjiulur, samengesleld doov N. J. KnoM en T. van Erp. I'° deel. Arcliaeolo-
giiclie Jîcsclirijvinif duor N. J. Kiiosi, s'Gravenhafje, 1920, gr. in-^°, viu-
7yi pa;jes, avec allas du 'l'ia planches in-l'ulio. Sur cette majjislrale publicalion,
cf. le compte-rendu do 1*inot, dans U.E.l\lù.-0., t. XX, 1920, 1\, p. iSS-iûg.
D'après i'élude paléograpliique des épigraphes, Kern fixait la date de construc-
tion du Boro-Budur vers 850; Kkom indique 760 à 800 do notre ère. Il est
à peu près certain que ce temple fameux a été achevé dans le courant du
ix' siècle (Finot). D'après une récente note de Coedbs [A propos de la date
d'édilicalion d'Anglwr Vut, dans J. /Is., janvier-mars 1920, p. 96-99), aAng-
kor Vat ne saurait être antérieur à 1 na A. D.;'.
O Publié en 18G9 dans les liijdragen, réimprimé en 1916 dans le t. V
d(!S Ic'ititreide ireêcbriften, \), 3i/i.
L'EMPIRE SCMATRANÂIS DE ÇRÏVIJÂYA. 243
«la pointe de Yava»^^', on a désigné proprement le cap orien-
tal de Java. 55 A mes yeux, ces conclusions ne sont pas entière-
ment justifiées. Sumatra et Java ont été, il est vrai, désignées
sous le même nom : Yava et ses dérivés; nous en avons l'as-
surance certaine pour Sumatra par Marco Polo et les textes
arabes jusqu'au xiv" sircle (voyage de Ibn Batûta). Mais, dans
les passages du Râmâi/rmu et de la Géogrqphie de Ptolémée
que j'ai reproduits (^siipra, p. 202 et 209), Yavadvïpa est
pour moi, Sumatra. Des environs de notre ère à la seconde
moitié du n" siècle, Java était vraisemblablement moins bien
connue que Sumatra dont la richesse en or est notée comme
un fait remarquable par Vâlmîki et par le géographe alexan-
drin. Ce n'est que beaucoup plus tard que cette richesse a été
inexactement attribuée à Java, grâce sans doute à l'identité de
nom des deux îles et parce que Yava > Jâwa désigna postérieu-
rement la seule île de Java. Enfin, Yavakoti me semble plutôt
devoir être interprété par «pointe de Yava = Sumatra 55.
Cet article a été écrit en pieux hommage à la mémoire de
Hendrik Kern f^'. Le maître regretté auquel l'Institut royal de
La Haye élève le beau monument, pereimius aère, que sont les
Verspreùk Geschriftcn, était un orientaliste illustre; mais il fut
aussi un grand citoyen épris de vérité et de justice, inflexible
en matière de droit et d'honneur, affectueux et tendre dans
son milieu familial, fidèle et dévoué à ses amis et ses élèves,
inlassablement obligeant à tous, ainsi qu'en peut témoigner,
avec bien d'autres, le signataire de ces lignes ^^'. Le savant était
chez lui, de nremier ordre; l'homme fut toujours égal au sa-
(') Vide supra, p. 21 3.
1-) Né le 8 avril i833, Kern est décédé le k juillet 1917. Cf. fartide nécro-
logique auqui'l il est fait allusion dans la note suivante.
<^' Cf. Tarticle nécrologique de Snouok IIuughonje, dans Bijdmgen loi de T.,
L. en V. van A.-/., deel 78, i()i7, notamuicul |(. vu.
17
244 OCTOBRE-DECEMBKE 1922.
vant. Tel parmi nous son souvenir demeure, admirable modèle
et perpétuel enseignement'".
'■' MiM. N. J. Krom et Ph. S. van Ronkkl, de rUiiiversitc de Lcyde; Gaiide-
kkoï-Demo.mbynes et Paul Pelliot m'ont obligeamment fourni de très utiles
indications. Je leur en exprime ici tries plus cordiaux remerciements.
L'EMPIRE SUMATRANATS DE CRÎVIJAYA.
245
TABLE DES MATIÈRES.
Introduction i
TEXTES CHINOIS.
Yi-tsing 3
Houei-je 6
Vajrabodhi. 7
Ambassades en Chine ( 7 1 3-
7^2) 7
Tchou fan tche 8
Sotig che 1 5
Ming che a^
Tao yi tche lio 3o
Ying y ai cheng lan 3 a
Sing tch'a cheng lan 35
Tong si yang k'ao 36
INSCRIPTIONS MALAISES,
SAN8KRITES ET TAMOULES.
Inscription de Ranka 36
La reine Si-mo de Java 37
Inscription de Kalasan 38
Les Çailendra à Java 39
Inscription de Vien Sa Ai
Manuscrit népalais Zia
Inscription cola de Tanjore.. . . /i4
Grande charte de Leyde 46
Inscription cola de io84 A7
Inscription de Jatâvarman de
1964 /i8
Inscription de Jatâvarman de
126.0 UH
TEXTES ARABES ET PERSANS.
Ibn Hordâ(îbeh Sa
Sulaymân 53
Ibn al-Fakïh 54
Ibn Rosteh 55
Isliak bin 'Imrân 55
Abfi Zayd Hasan 56
Mas'ûdi 69
Ibrahim bin Wâsif-Sâh 63
Rïrûnï 64
Haraki 65
Ëdrîsl 65
Yàkùt 66
Kazwinï 67
Ibn Sa'id 70
Kutb ad-dîn a§-Slrâzï 72
Dimaskî 73
Abûlfidâ 74
Hamdullah Mustawfl 75
Ibn al-Wardi 76
Ràkuwï 78
Ibn Mâjid 79
Ibn lyâs 84
Sulaymân al-Mahrî 85
Abul-Fazl 161
Mille et une nuits 162
Livre des Merveilles de l'Inde., 162
CRÎVIJAYA > CHE-LI-FO-CHE
== ZÂBAG < JÂVAKA = SU-
MATRA i63
SUVARNADVÏPA = SUMATRA. . 177
Yi-tsin{{ , . 178
Vie de Diparnkara Atîça 178
Inscription malaise de ia86. . 179
Inscription cambodgienne de
Grahi 181
2/16
OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922,
Nâjrarak-j-l(ij>(i)iia 1 8:î
Textes portugais i85
Les îles (le l'or i85
Voyajje de Parheeo 186
Leiulas (ht Iiidia 188
Godiiiho de Eredia. . . i . ; ; . . 189
Voyage de Quasi 1 gy
Sulaymâu al-Malirï 197
Ibn Mâjld 1 97
Le Muhu de Sîdi 'Alî 198
Les îles Zarlii .*..... 900
ESQUISSE HISTORIQUE.. . aoi
R&mâyana * . i 202
Heoii haii cJiou 208
Plolëmée 209
Mission de K'ang T'ai 209
Che eul ijenu king âio
Fa-hieu 210
Gunavaniian t! 1 1
Àryabhata . . i 9 1 'î
Le Malâyu en 6/1 A 9 1 3
Inscription de Pagar Ruyon de
656 i 9 1 '1
Ambassades en Chine au
vu" siècle siU
Poème tamoul Manimegalai. . . aiâ
Yi-tsing 9 1 A
Ambassades en Chine au
vui° siècle 917
Idscription de Gangal (Java). . 217
Inscription de Vie» Sa 918
Campagne contre !<; Cambodge, a j 8
Inscription de Sdok kak Ihom. 990
L<;s textes arabes. . , 291
Expédition contrtî Java en
1007 993
Ambassades eu Chine 9 93
Campagne victorieuse de Râ-
jendracola en io3o 99/4
Autre campagne victorieuse
des Colas en 1068 29a
Colonie tamoule à Baros 2 95
Ambassades en Cliine au
\u' siècle 9 25
Campagne victorieuse de Jatâ-
varman Vira-Pândya 296
Campagne victorieuse des Ja-
vanais en 1275-1293 396
Campagne contre Ceylan
d'après le Maltàvamsa 328
Envoi d'une statue au Malâyu
par Kërtanagara 229
Textes chinois sur le Malâyu
ou Malâyur 999
Inscription de Râma Kham-
heng 2 3o
Textes chinois sur le Malâyu. 201
Situation de ce Malâyu sur la
péninsule malaise. 2 32
Ambassades en Chine au
Mv'' siècle 287
Conquête du San-fo-ts'i par
Java 938
Le Malâyu = Minankahaw.. . . 938
Java et Sumatra i. 9^1
Les conclusions de Kern.. . . . âûa
Reclilications proposées 9^12
Hommage au maître hollan-
dais 9^3
DEUX INSCiRIPTIONS COUFÏQUES
DU CAMPA,
PAR
PAUL RAVAISSE.
Les deux inscriptions arabes qui font l'objet de cette tHude
ont été découvertes, il y a quinze ou vingt ans, ç^sur un point
non éloigné de la côte annamite, par un officier de la marino
françaises, qui en prit sur place les précieux estampages —
sans compter un croquis — dont on trouvera ici la reproduc-
tion.
• • • •
Ce sont, autant qu'il est permis de le croire en l'état actuel
de nos connaissances, les derniers vestiges subsistant d'une
colonie musulmane établie au moyen Age dans le royaume du
Campa, en un centre urbain dont les hautes herbes de la
brousse auraient depuis un temps inappréciable recouvert les
ruines, vraisemblablement quelque part dans la vallée de
Phan-ri et de Phan -rang, que les Cams regardent encore
aujourd'hui comme leur heu d'origine, tandis qu'on les voit
groupés au Binh Thuàn, le dernier refuge de leur nationalité
en Annam^'^.
(') Cf. E. Aymonikr, Ltis Tchanis cl leurs rcliifiuns , Paris, 1891; Lvgfimles
liisluriques des Tchams [K.rcKrs. et Herniiii., l. \1V, n" Sa); A. Cabaton, A'om-
248 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
A son retour d'Iiidocbiiie, cet olficier, dont on ne sait plus
le nom, crut bon de remettre sa petite moisson épigraphique
au savant indianiste A. Barth, lequel jugea meilleur, dès le
premier coup d'reil, de s'en dessaisir en faveur de son confrère
de l'Institut H. Derenbourg, tout à fait qualifié, en effet, pour
en faire profiter la science.
Mais H. Derenbourg, qui dédaignait de propos délibéré
cette menue monnaie de la civilisation musulmane et se déchar-
geait volontiers sur son ancien disciple du soin d'en tirer le
meilleur parti, me passa, peu de temps avant sa mort, les
trois feuilles vagabondes, en ne me donnant pour tout rensei-
gnement, sur ces inscriptions rarissimes, sur le lieu et la date
de leur découverte et sur leur inventeur, que la très sommaire
indication qu'on vient de lire. Il est probable qu'il n'en avait
pas appris davantage de la bouche de Barth.
Après avoir pris des deux inscriptions une connaissance plus
ou moins satisfaisante, à cause de certaines difficultés initiales
de lecture dont la solution n'avait rien à attendre de l'impa-
tience, je les gardai soigneusement par devers moi, les lais-
sant reposer en compagnie d'autres documents de même ordre,
quand d'amicales instances vinrent me décider à mettre mes
premières notes en état, à reviser complètement mon déchif-
frement et à en faire connaître le résultat à ceux qu'une épi-
graphie de provenance aussi exceptionnelle est capable d'inté-
resser, les sinologues et les arabisants.
velles recherches sur les Chams, Paris, 1901: le P. Durand, Les Chams Banis ;
- Note sur les Chams ( Bull, de l'Ecole fr. d' Extr. -Orient , 111 , 5/i-6a , kU^-h^h ,
597-608; V, 308-386)-, A. Cabaton, Notes sur l'Islam dam l'Indochine française
(Revue du Monde musulman , 1, 27-^7); Les Clianis musulmans de l'Indochine
française [ibid., p. 139-180)-, art. Clunns, dans VEnc^cl. of lieligion and Ethics ,
1, 34o-35o; art. Induchine , dans VEncycl. de l' Islam , 11, p. 537 *^^ suiv.;
Georges Maspero, Le Royaume de Chanipa, Leide, 191^ (extr. du T'oung Pao,
mars 1910-mai 1913).
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 249
Épitaphe d'Abù Kâmil Ahmad le Garde-chemins.
Celle de ces deux inscriptions qui est datée et complète (à
deux lignes près) est gravée en un relief assez accentué,
semble-t-il , sur le cippe qu'il est d'usage en Islam d'ériger au
chevet d'une tombe'''. Suivant les cotes qui accompagnent le
croquis pris sur place , ce cippe mesure d'une extrémité à l'autre
t m. G 5 5 de hauteur et présente une forme légèrement conique.
A cm. 88 de la base, dont le diamètre est de cm. i5, un
bandeau fruste, large de o m. o/i5 et donnant le diamètre
maximum o m. i g , ceinture le sommet du fût proprement dit,
sur lequel repose, par le raccord d'une gorge circulaire, une
espèce de sphère aplatie de moitié, mesurant, gorge comprise,
0 m. 1 3 de hauteur et , exactement comme le bandeau , o m. i y
(') Une tombe musulmane {qahi' jo) se compose en premier lieu d'une
fosse ou d'un caveau construit en briques [turba i^-p)- Tout ce qui se trouve
au-dessus : dalle, table, etc., même une cou[)ole (cf. Quatiîemkre, Sultans Mam-
louks, 11, '2° part., p. 79) s'appelle tarkîha IL^-H crce qui est assemblé, monté,
agencé». Au chevet de la larklbu est dressé le mltid j^Li, pilier, cippe ou
stèle, sur quoi est inscrite l'épitaphe, à tout le moins la saliâda s:>l^ du
défunt, c'est-à-dire l'acte par lequel il atteste o^4-i-> qu'il a fait en mourant sa
profession de foi, ce qui doit lui permettre de répondre sans crainte à l'inter-
rogatoire des deux anges Nakir et Munkar en vue de la rétribution des récom-
penses et des peines. Souvent, lui faisant vis-à-vis, une seconde pierre est
dressée au pied de la tombe. Le qabr est quelquefois renfermé dans un édifice
à coupole {(jubifa iLJi). Cf. Lank, Modem Ej^ijptiaiis , London, 1871, 11, p. 225
et suiv. et ligures. — Mahomet a formellement interdit la tarktba ; mais on
a de bonne heure passé outre à cette défense : son propre tombeau , à Médine ,
en fournit la preuve. Mû par un pieux scrupule. Sultan Murâd, tué à Kossovo
en i.38(), tourna ingénieusement la difficulté, quand il édifia le somptueux
lurheh destiné à abriter sa dépouille mortelle, à Brousse. Sa tombe consiste,
en effet, en une sorte de sarcophage de marbre sans fond ni couvercle, rempli
de terre et placé au centre d'un monument dont le dôme, percé d'une large
baie circulaire , est ouvert au ciel.
250 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
de diamètre. Ce genre de couronnement est, on ie sait, un
motif particulier à l'art funéraire islamique et n'exclut pas la
variété; c'est l'image stylisée d'un turban, ce qui revient à
dire qu'il s'agit ici d'un musulman, une femme musulmane
n'ayant droit qu'à une modeste colonnette ou à une simple
stèle, le plus souvent sans autre emblème révélateur, mais non
sans l'épitapbe due à sa mémoire '^l
Sur la matière dans laquelle a été taillé ce vestige d'une
tombe sans doute détruite, nous n'avons aucun renseignement.
C'est, du reste, une question secondaire en regard de l'impor-
tance de l'inscription en fort beaux caractères coufiques qui en
constitue le véritable décor.
Cette inscription, suivant une probabilité d'ordre épigra-
phique, compte quinze lignes, chacune marquant cm. o/i5
de hauteur. Mais, sur ce nombre, treize lignes pleines nous
sont seulement fournies par l'estampage, une feuille de papier
Whatman aux dimensions réduites à om. 6i5 sur om. 35,
qui s'est dès lors trouvée trop courte pour couvrir tout le champ
de l'inscription. L'existence de la quatorzième ligne est sûre,
attendu que l'extrémité des caractères coufiques à hampe est
nettement visible sur o m. oi au-dessous de la précédente. Et
il est , en outre , de toute vraisemblance qu'elle est suivie d'une
quinzième et dernière ligne, longue au plus de o m. qo, la
plus courte de toutes en raison de la place qu'elle occupe au
plus près (o m. 1 8) de la base du cippe en tronc de cône; par
là se continue et s'achève la profession de foi du défunt, for-
mule-type amorcée à la treizième ligne, avec, pour clore l'épi-
(') On ne connaît pas de iâliid datant du v" siècle llég. et coifré du turban.
Celui-ci serait une j)ièce peut-être uniijue. — Le sommet d'un sdhid de Aïmme
est ])arfais couromu! d'un réseau de guirlandes, (|ui ne sont (|ue des tresses
de cheveux stylisées. C'est toutelois d'un art n'-cent. VA. le (iHtaloguv du Musée
(la l'Art urabe au Cuire, jiar Heuz-Bey, Caire, 190(1, |i. 35, lig.
DEUX INSCRIPTIONS COUt^IQUKS DU CAMPA. 251
taphe, la brève parole tlu Coran attendue, puis les deux niOtB
lapidaires et sacramentels du Kyrie eleison musulman.
L'inscription se développe ainsi sUr une longueur de o m. 70,
verticale à droite, c'est-à-dire au commencer des lignes, et
siir une largeur variant de 0 m. 98 en haut à 0 m. 90 en bas,
dégression oblirpie en rapport avec la forme conique du monu-
ment. Elle occupe, immédiatement au-dessous du bandeau,
les quatre cinquièmes du fût dont elle contourne assez la courbe
pour que le regard du lecteur ne puisse embrasser qu'une
partie du texte à la fois.
L'estampage en a été levé sur l'original avec un soin qui
dénote une certaine expérience. Mais le manque de souplesse
d'un foi't papier à dessin et l'emploi du tampon d'étoffe frotté
de plombagine ont donné au pro61 des caractères gravés et
principalement des fleurons de remplage un aspect trop flou
pour que l'œil en puisse aisément deviner les épaisseurs. Ce
genre d'estampage, si l'on ne se hâte de passer l'épreuve au
fixatif, comme c'a été ici le cas, finit toujours par produire
l'effet d'un estompage. Ces inconvénients ne font le compte ni
de la paléographie ni de l'épigraphie. Quelque bonne épreuve
photographique est de beaucoup préférable pour la reproduc-
tion exacte des reliefs, ou encore un estampage obtenu au
moyen du classique et spécial papier de chiffon bien imbibé
d'eau, tamponné à la brosse et séché à fond sur l'original,
dont on obtient ainsi un véritable moulage, plus ou moins
épais, rigide et indélébile, suivant le nombre de feuilles sur-
estampées.
Estimons -nous heureux cependant en constatant que le
champ des intervalles, n'ayant été que légèrement touché par
le frottis, grAce sans doute à la saillie des caractères, sinon à
l'habilelé de l'opérateur, la plus grande partie de cette inscrip-
tion n'en paraît que plus sombrement teintée.
Soit à cause d'une détérioration accidentelle, âoit que le
252 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
tampon, promené tout d'abord de haut en bas sur la gauche,
se trouvât, pour commencer, mal imprégné de mine de plomb,
les deux derniers mots des lignes i et a et la dernière lettre
des lignes 5 et 6 ont pour ainsi dire complètement disparu.
Ce ne sont, au surplus, que des défectuosités sans conséquence
pour le bon déchiffrement de l'épigraphe, dont le texte, faci-
lement rétabli en ses points obscurs, est ainsi conçu :
[y\>^^ yû^ . JMI v^^ Jl/i)l 6
vXg-ifcj yi>^ . AjLy.jjî^ ^Aj!^'j^ j^ 11
J^*«; ) J^ y!^ ^i >iî ^J]^ i)l 19
[aMÎ a^^ _ L^ J^j i^ i5
1 Au nom du Dieu clément et miséricordieux l \Que Dieu hénissê\
2 le Prophète Mohammed et sa famille et leur donne le Salut !
[Il est]
\'S
, '\1l VStTiH y;
* .- t • ■ k .
l '
1. Epitaphe d'Abu Kàmil Alimad !•• Garde-chemins.
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 255
3 le Créateur de toule chose, le Maître de tout ce qui vit; Celui
qui use tout
k ce qui est nouveau '^' e^ fait rentrer dans le néant tout ce qui
est engendré^-^ \ le éeul dont l'Eternité soit l'essetice
o et qui demeurera après chacun (de nous); Celui qui compte
6 les actions et écrit les destinées (des hommes). // est le Grand;,
7 le Sublime. — Ceci est le tombeau d'AniUAD, fils d'Asv Ibrâ-
8 ni M, fils dAnû "^Arràda, le Garde-chemins ,
9 connu sous le nom d'AnC Kâmil, qui mourut dans la nuit du
Jeudi ,
10 la dernière, celle du vingt-neuf de Safar, l'an
1 1 quatre cent trente et m«'^', attestant lui-même »
1-2 quil nest pas d'autre dieu que Dieu, que Mohammed est l'En-
voyé
i3 de Dieu, que le Jardin (du Paradis), le Feu (de l'Enfer),
la Résurrection et la
ih \Jialance (du Jugement dernier) ^^^ sont la Vérité même.
«Certes, l'Heure viendra,
i5 il n'y a pas à en douter '^l» — Qu Allah lui fasse miséri-
corde !j
'■' Eulre autres choses, le jour et la uuit, c'est-à-dire les deux temps qui
se renouvellent sans cesse ylj^jj^.
<'^' Paraphrase de : trTout ce qui est sur celte terre passera dans le néantn,
yli I4lic ^ JJ^ {Coran, lv, 26).
(') Cette date répond au ai novembre 1089 de J.-Chr-, d'après les Ver-
jjleiclniiiirs-Tabcllen (1er inohniniiietbtiiiHcheii und chrisl.lichen Zeilrecknuiig de
F. VVusTENrKLi), Li'ipzijf, 185/4, p. 18.
''') Jannat el-Firdaus, cf. Coran, xviii, 107. Le Coran mentionne huit
paradis, chacun sous un nom difléreut. A«r el-Jahaimatn, cl. Coran, u, aa.
La llidance dans laquelle est pesée la valeur des (ouvres et même des pensées,
et, au figuré, rexamen et l'évaluation qui auront lieu au jour du Jugement-,
cf. Coran, xxi, l\q-lx%. Une balance figure comme symbole parmi les ornements
sculptés de quelques palais ou mausolées d'em[)ereurs Mongols de rindc. Voir
D' G. Le Bon, Les momimcnln de l'Inde, Paris, i8ij;i, p. i85, pi. •J79.
'■■'•''> Coran, xi, , 61. (ieLle annonce de Tlicure suprôme rovieuL plusieurs fois
dans le Coran : xvm, 20; xxu, 7; xlv, 3i-, uv, i. CI". P. Casanova, Mohammed
•2ô() OCTOBRK-DKCEMRRK 1922.
La paléographie de cette inscription est fàtimite; la date
ferait-elle défaut, qu'on ne pourrait s'y tromper. On retrouve
ici la plupart des trails pai liculiers au\ grandes et petites in-
scriptions, historiques et autres, d'une période brillante qui
s'étend du milieu du x" siècle à la fin du x^^ Ainsi, la queue
des lettres finales ou isolées ci, ,jj, - (deux fois sur quatre)
et ^J — mais non ^ et ), exception rare — se recourbe en
demi-orbe et se dresse en une hampe verticale épanouie au
sommet; en outre, le champ, au-dessus des lettres basses, est
semé par endroits du fleuron formé par le rapprochement de
deux palmettes accolées, qu'on pourrait prendre pour quelque
fleur de lis. Ces particularités, qui ne se manifestent que timi-
dement jusqu'alors, se généralisent à partir de cette époque,
constituant les premières caractéristiques de l'écriture si im-
proprement et si longtemps décorée depuis l'erreur de Golius
(1596 ti66()) du nom de coufique carmatliujue, désormais
dénommé fâtimhe. à juste titre, et qui n'est, en somme, qu'une
série de variétés du coufique primitif.
Cette jolie inscription offre d'autres traits significatifs dans
leur originalité. Par exemple, les hampes des lettres J^, d) et
le trait essentiel des signes en ^ aff'ectent la courbe gracieuse
d'un col de cygne, dessin que l'on remarque aussi dans le
corps du » initial ou médian (1. 6, '7, 8, 11), ce qui doime à
cette lettre un grand cachet d'élégance. Le b a sa boucle
ouverte, ainsi que le li), et la différence qu'il y a entre eux ne
consiste guère que dans le dessin du jambage supérieur (1. 10,
le quantième du mois). Au contraire, la boucle en retour du J
final est réduite la plupart du temps à sa plus simple expres-
sion, ce qui risque de le faire confondre avec 1 final. Le * est
un anneau placé au-dessus de la ligne. (îomme à l'accoutumée,
et lu fin du monde, l'aris, 1 1) i 1, pasmiii. — C'est d'aprùs imo inscription tumii-
lalre inédite, datée de l'an !!8i (897), et dont j<' possède un hou estampage,
que je reconstitue la tin de l'épitaphe d'Ahu kâniil.
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 257
le ^ OU i médian reste motif à décor; c'est une baie d'euca-
lyptus stylisée. Enfin le ^^ final, avec son appendice rectiligne
plus ou moins allongé sous le mot, semble calqué sur la même
lettre dans l'inscription du Miqyàs, tandis que, isolé, il affecte
une forme étirée peu commune, une sorte de crosse (1, 5 , i i ),
dont je trouve la réplique dans une inscription de pierre tom-
bale égyptienne datée de à'jo (1077), où le caractère fâtimite
est traité d'après une conception identique^".
On remarquera de quelle façon ingénieuse et décorative le
graveur a fait grimper le long de la marge la seconde moitié
du mot «x^j, parce qu'il manquait de place pour l'inscrire
tout au long en fin de ligne et qu'il n'avait pas la ressource de
le couper en deux comme pour les mots <Sj^\ (1. 4-5), r<\^î^î
et oj-*ii (1. 7-8-9), (^*x^l (I. 10-ii), Jjj.^Vi} [\. i3-i^). Ce
n'en sont pas moins des négligences, probablement dues à
une esquisse peu poussée et qu'on ne rencontre guère dans
l'épigraphie de haut style.
Parmi les accidents signalés tout à l'heure : mots ou lettres
manquant à l'appel, d'ailleurs restitués dans la transcription,
* . . . *
le mot ^AAa^î (1. 5 in fine) reste visiblement écrit Laaii.î. C'est
une de ces fautes contre l'usage établi que l'on relève assez
souvent datis les vieux textes funéraires et qui ont toutes les
apparences de graphies archaïques traditionnellement et spé-
cialement conservées dans le corps de métier des sculpteurs
calligra[)lies.
Au résumé, l'écriture de cette épilaphe est d'un bon ciseau
de brodeur sur pierre et d'une époque qui fait date dans l'his-
toire de la paléographie arabe : couficpie élégant dans ses
courbes, élancé dans ses hautes lignes, distingué dans son
allure, aussi éloigné de la sévérité du premier stade (pie des
(') Pit'cc irK'ilite de ma coilcdion : jjravuro 011 croux, stèle au nom de
Mosiim , allraiiclii de Runaiyu ibnal (sic) Moliammad beu Ij-^ji^.
XX. i^
•258 OGTOBHE-DECEMBRE 192-2.
afféteries du dernier, sans appendices superllus, sans autre
décor de fond que des motifs de reniplage tels que fleurons
de deux ou trois sortes, ou lettres évadées de leur groupe
comme i, ^ et ^ (1. à, i i, la). Si l'on cherche un point de
comparaison, il faut se reporter à l'inscription dédicatoire du
mihrâb offert par le calife el-Amir à la mosquée El-Azhar'^',
panneau de bois sculpté en i i 'j5 '^l (j'est, de part et d'autre,
à quatre-vingt-six ans d'intervalle, du pur coulique fàtimite,
conçu et exécuté d'après les traditions classiques.
Le texte de cette inscription donne matière à plusieurs
observations diversement intéressantes.
Si les deux pronuèrcs lignes n'olTrent rien que de commun
à toutes les inscriptions de celte espèce, le couplet doxologique
qui vient immédiatement après l'invocation liminaire mérite
du moins une mention. Il est, en effet, composé de huit à
neuf phrases brèves, en prose rnnée, en style lapidaire, sorte
de prière parfumée de littérature eulogique. Or, en pareil cas
et à cette époque, ce sont des clichés extraits du Coran qui font
tous les frais du libellé, et nous nous trouvons ici plus près de
la Chine que des terres métropolitaines de l'Islâm.
La colonie arabe du (iampa à laquelle appartenait notre Abu
Kâmil er-Rahdâr devait donc avoir une certaine importance,
à en juger par ce fait qu'on y trouvait, pour faire passer
d'humbles noms à la postérité, un lapicide habile et un rédac-
teur d'épitaphes congrument lettré, l'un complétant l'autre
avec bonheur, à moins que les deux talents ne fussent réunis
chez un seul et même artisan.
Les noms et filiation du défunt, un inconnu, ne nous disent
'') (lonsurvé au Musoc arabe du (Jairc. Cf. CaUdogue, p. 8i; P. Ravaisse,
Sur trois uiifiràbs en bois sculpté (^Mémoires de l'Inst. égyptien, t. II, Caire,
t888); M. VAN Bbuchrm, dorptu intcr. arab. (Mém. de la Mission archéol. fran-
i^aise au (Àtire, t. XIX, losc iv^ p. 032 et lasc. i, pi. aa).
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUKS DU CAMPA. 259
rien qui vaille. C'était sans doute un colon venu d'Occident,
de la Perse semble-t-il, pour chercher fortune à l'orée de
l'Extrême-Orient, plutôt qu'un fils d'émigrés installés là depuis
une ou. plusieurs générations. Le inoindre nom ethnique, si,
par un heureux hasard, il avait été mentionné à la suite, aurait
singulièrement satisfait notre besoin de savoir.
On voit toutefois que son aïeul est nommément désigné sous
le sobriquet inédit de »i.V^ jjl ou »it-fi^l ou encore àfitlfi^i,
car le coufique nous laisse le libre choix entre ces trois lec-
tures. C'est un de ces noms complexes si fréquents dans l'ono-
mastique arabe et qui doivent leur origine à une particularité
extérieure considérée comme caractéristique '^l Ghamda est
une espèce de champignon ou de truffe; 'Arâda, une sauterelle
pondeuse; Wrràdn , une baliste, machine de guerre plus petite
qu'un Mayyrtm^ ou mangonneau'-l De ces trois kunija, laquelle
fut appliquée au grand-père d'Abù Kàmd Ahmad?
L'embarras du choix n'imphque pas la liberté d'indiffé-
rence. On se rend aisément compte de ce que peut valoir la
combinaison du mot à tout faire Abu avec les deux premiers
de ces trois mots-charades. Pour rester dans la vraisemblance
en écartant l'absurde et le ridicule, supposons donc qu'au lieu
de s'être vu affligé, de son vivant, d'on ne sait quel travers,
quelle tare physique, quelle manie le particularisant, ce brave
musulman exerça un métier touchant de près ou de loin à l'art
d'assiéger les villes, places et châteaux forts qu'il ne fut peut-
être pas ingénieur, mais servant do pièce, et lisons Abu
'Arrâda, c'est-à-dire «l'homme à la baliste 75, un soldat.
Dans cette hypothèse, Abu KâmU aurait presque de qui
tenir : hii-même était gendarme ou, j)our ne pas trahir le sens
exact du mot rahdàr inscrit sur sa tond)e, il était «garde-che-
('' Cf. VV. AI.utçAis, Textes aruben de Tiuigi'i; Piiris, 1911, p. ii38-a39.
(^) Dans M. IIaiiï.m.vnn, Liedcr der lijbisclien Wûsle, 'Arràda est une K{ja-
zcllen. Cf. W. Mariiais, l. c, p. ;}78.
18.
260 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
mins». C'est un mot composé persan, mais arabisé au moyen
d'une suppression de lettre : ^!*xd>j au lieu de ^b Ȕ^(''.
Nous savons par Ibn el-Athir qu'il y avait à Bagdad, et, par
Edrïsï, à Lorca, un quartier dit des Rahâdira^'^K Cependant,
cette institution, empruntée par l'administration arabe à la
Perse, était née pour ne survivre qu'en Perse, Au xvif siècle,
le P. Raphaël du Mans et Chardin nous la représentent comme
très florissante. « Ces rahdars, dit le premier, constitués d'ordi-
naire aux lieux des passages nécessaires, aux anfractes des
montagnes, là où il faut passer par nécessité, ont été institués
pour garder les chemins ... Ils sont assez fréquens sur les
chemins qui, icy en Perse, sont des destroits par lesquels il
faut passer de nécessité, de sorte que la Perse est une très
grande prison d'où l'on ne peust pas eschapper et s'enfuir,
supposé qu'il y aie recommandation de vous arrester '^l ?? Et
Chardin, à propos d'une histoire de brigands, ne manque pas
de parler de ces préposés à la sûreté des pistes persanes : «Les
ralulms sont des gardes de grands chemins, comme des archers
de la prévôté. Il y en a par tout le royaume, dans les villages
et dans tous les caravansérails . . . Ces gardes de grands che-
mins donnent tous bonne caution en entrant en ofïice. Ils ont
un prévôt qui doit aussi répondre de leurs personnes, et comme
ils ne font qu'un 'corps en chaque canton, ils se connaissent
tous. Du reste, ils subsistent par la levée d'un petit droit sur
les marchandises '*l »
''^ \'ui.i,i;iis, LexicoH jH'rsictiHi : 'r,b »!, , \iam tenons, oocupans; met. l'ur,
lutro, vifc cuslos, s. put)licaniis ijiil vcclifjalia accipil». Gendarme et voleur
de jjrands chemins, ce cumul a été lunjjlctnps de rèjjle en Orient. Au Maghreb,
relidâr subsiste avec le sens de ffbri{jaii<l^. ( Ueiiseignemenl oral).
''-> Ci. Dozv, Supplément aux dictionnaires arabes, 1, p. '19G.
'•') Estai présent de la l'erse en iGOo, par le Père RAPiiAiii. du Mans, publié
et annoté par Ch. Schkfkii, Paris, i<S()0, p. a'iG {Pul/licalii)ns de l'Ecole des
L. 0. F., a' série, vol. XX).
'*' ^ oijujjes du Chevalier Cliardin en l'erse et autres lieux de l'Orient, édités
DEUX INSCRIPTIONS COI FIQUES DU CAMPA. 261
Aujourd'hui, l'institulion des râhdârs semble avoir subi
quelques modifications assez importantes : ils ne gardent plus
que certains passages , et c'est uniquement en qualité de péagers.
Ainsi la route ouverte par les Russes entre Recht et Téhéran
est jalonnée de postes de râhdârs chargés de percevoir au nom
du gouvernement un droit de passage par tête de voyageur et
d'animal de bat.
On est amené dès lors à se demander, d'ailleurs sans le
moindre espoir de solution, si cette institution florissait au
royaume des Cams au xf siècle, si Abu Kâmil mourut dans ce
pays comme il y remplissait la charge de garde-voies et com-
munications, ou s'il n'était pas un ancien râhdâr ayant servi,
non en Egypte — car là, autant qu'on sache, il n'a jamais été
question d'une police de ce genre, surtout sous cette appella-
tion — mais soit en 'Iraq, soit en Perse, d'où il serait venu au
Campa, où nous le retrouvons poussière, au pied d'un cippe
enturbané, marqué à son nom.
Quoi qu'il en ait été, on ne peut qu'être surpris de voir
mentionnée de la sorte et dans une contrée aussi excentrique
une institution dont il est si peu fait état chez les auteurs arabes
jusqu'à l'époque des Séfévis de Perse.
Il ne me reste plus qu'à examiner la date de la mort de
notre Râhdâr, et c'est vraiment à ce sujet que je puis parler
de surprise et d'excentricité.
(jette date est, comme d'habitude, écrite en toutes lettres
quant à l'année, soit /i3i de l'Hégire (du 28 sept. 1089 au
1 1 sept, lo/io). Mais le quantième du mois, qui est celui de
par Lanclks (Paris, 1811, 10 vol. et atlas), t. VI, p. i24 et 128. Cf. Théve-
NOT, Voiinges au Levant (Paris, 1 603 , H vol.), l. Il, p. ia/i; Taveknier,
Voyaires vit Turquie, vu Prise et aux Indes (Paris, 1679, 3 vol.), t. II,
p. ()8o-()80 : HiiHNiiAUEii, Méiniiire sur les iiislltiillons de pulice chez les Arabes,
les l'eisa)is et les Turcs, dans Journal Asiiiliijue. juin 1860, p. 507.
262 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
Safar, est indiqué, conirairement à l'habitude, par un sem-
blant de substantif fallacieusemenl précédé de l'article : iaX3l.
Or, il s'agit en l'espèce non d'un substantif, mais d'un nombre
en lettres à valeur numérique : el-Kâfiâ, c'est-à-dire cl le 9953
Ainsi, par une dérogation tout à fait exceptionnelle aux
usages en cours dans tous les pays d'Islam, le rédacteur de
l'épitaphe a chiffré son quantième d'après le système archi-
séculaire de YAhujed, au lieu de le faire en toutes lettres. Ce
n'est pas que la chose en elle-même soit tellement étrange,
puisque les astronomes, les mathématiciens, les savants (comme
Birùni, qui meurt en io/i8), les marchands et même, parfois,
les littérateurs ne se servaient pour leurs calculs, leurs comptes
ou leurs signatures d'auteurs et leurs hémistiches-devinettes
que de ces chiffres-lettres — les seuls d'ailleurs que les Arabes
eurent à leur disposition jusque vers la fin du x" siècle — et
puisqu'ils en tiraient un parti presque aussi avantageux que
nous-mêmes, à partir du \uf, des chiffres dits arabes 'i'. Mais
ce que l'on ne conçoit pas très bien, c'est la raison pour
laquelle il a cru devoir consacrer une ligne entière de quatre
mots à l'unique fm d'indiquer l'année, alors qu'il pouvait éco-
nomiser son temps ei sa peine en finissant avec liois lettres ce
qu'il avait commencé avec deux. Cela peut n'être qu'une fan-
taisie sans conséquences, un caprice sans lendemain, ou un
essai d'artiste hésitant entre les deux systèmes de notation : on
ce cas, cette inscription, spécimen unique en son genre, prend
une valeur inattendue. Mais on peut aussi imaginer que, dans
la corporation (h^s lapicides arabes installés au Campa, il y en
avait un, un seul, au v" siècle de l'Hégire, qui usait de ce
moyen orifjinal et anonyme pour distinguer son œuvre de
('^ Cf. B"" (iAiiiiA UK \aii.\, Les Penseurs de ri.shnii (l*uris, iQ:!!, 2 \i)l.
parus clicz CluiIIiiici', in-ia), t. Il, p. loy cl siiiv.
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU C\\\V\. "Jfi^
celui de ses compagnons; ou que, tout au contraire, celait un
usage établi parmi la corporation de dater les obituaires de
pierre en recourant à XAbujed. Quoi que l'on conjecture, des
rechercbes archéologiques s'imposent, qui peuvent cbnduire
dans un sens ou dans l'autre à quelque découverte d'un intérêt
capital à tous les égards.
Ce quantième, el-Kâftd, exprimé d'une façon si exception-
nelle, se trouve précédé, dans l'inscription, du mot l*Jt qui
l'annonce, en confirme l'exactitude et pourrait, à la rigueur,
suffire à fixer le jour de la mort d'Abû Kâmil. Ce mot sivr, pro-
prement «chose cachée, voilée, secrètes ( variantes ^t-l, ^--1),
d'un emploi courant dans les textes de droit, par exemple à
propos du jeûne, peut être considéré, dans le domaine épigra-
phique, comme un d7:a^ 'keyoïxevov.
Les Qâmûs nous apprennent que l'ensemble des trois der-
nières nuits sans lune d'un mois lunaire de 2 g ou de 3o jours
est désigné en arabe par le terme maJulq ^^t^^^' «obscurité
complètes. En outre, chacune de ces trois nuits porte un nom
particulier :
la première, ou troisième avant -dernière nuit, s'appelle
Leda dajà Jj^:> *LJ r nuit noire » ;
la seconde, ou avant-dernière nuit, s'appelle Lcilal es-Sarâr
jI^mJI xUÎ «nuit d'invisibilité 55 (nuit de lune cachée);
la troisième et dernière, LeUat el-Falta HjôJi}] àJUJ çcnuit de
soudaineté (?) v '-',
Sans doute parce qu'elle est un peu méticuleuse, cette clas-
sitication donne lieu chez les auteurs à quelque désaccord.
(') iVUs'ODi, L,e* Prairie» d'Or, publ. oL Irad. par Biiuiiiiii di; .AIkïnabd,
l. III, p. 43o. aLe terme mohàq s'appli(jue à la lune lorsuuclle nV-st pas
éclairée par le soleil.»
'^) Voir W. Lank, An Ànihic-l'jiiglisli Lo.vicon, s. v" = .
264 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
Ainsi, ce qu'on appelle jft->-J! ^tj*« ou a^i-w «le sarâr du mois 55,
serait pour les uns la dernière nuit du mois, celle du 29 ou
celle du 3o; pour les autres, l'avant-dernière, celle du 28 ou
celle du 29, selon le mois; ou bien encore c'est la nuit au
commencement ou à la fin de laquelle le croissant de la lune
est rendu invisible par la lumière du jour qui décline ou qui se
lève ^^\ Ces divergences d'opinions s'expliquent par le fait bien
connu pour être fréquent et que les lexicographes ont bien soin
de noter, que l'absence totale de lune ou sarâr peut durer aussi
bien une nuit que deux nuits, celles par conséquent qui pré-
cèdent Tapparition du croissant au premier jour d'un mois
lunaire, jour appelé J^^^-*-* mustahall , parce qu'il est témoin
de la première apparition du hllâl J>U> ou croissarit. On va
même jusqu'à dire que sirr et mustahall sont synonymes'-' :
c'est une question d'heures. Baïhâqi cependant dit formelle-
ment dans son Sahïh que aie sirr du mois ne désigne pas autre
chose que la fin du mois», entendant par là la journée ou les
deux journées au cours desquelles la lune reste invisible, est
cachée, uilasarrnr el-Qamar'^K
Ces renseignements sont d'autant plus intéressants qu'ils
vont nous aider à élucider un point cjui ne paraît pas très clair
au premier abord. Il s'agit des mots : «il mourut la nuit du
jeudi» (j*»^!-«.=i *XJ j,ys, par lesquels débute l'énoncé chrono-
logique de l'épitaphe, car ils constituent une donnée contre-
dite par les Tables de concordance de Wûstenfeld, qui, pour
fO Lisàn el-'Arab, VI, p. 21-32 : j,j.^CiJ] ^y^ Ji*V' 37***^ *^ r^' y*J*
(^) FïRCziBÂDl, QâmRs, II, p. !ii> et ^6 infne : — »^) ^1 *4^l J-^j:*»^ Z-vJl
W DuiT en-Nallûr (n'-sumô de la Ntliâijnl fi ghai-lb el-Hadîth d'Iim el-Athïii),
p. 157, s. V" j-u- : *-J J>l,) \J>\j ti-~L.) Sy^ y! .^ysis-Jl kJ^.1, i jL^^I J'o c^
DEUX INSCRIPTIONS COLFIQUES DU CAMPA. 265
nous, font autorité. Ils ont donc besoin, comme les mots qui
les suivent et qu'on vient (rexaminer, d'une courte explication,
qui sera d'ailleurs la dernière.
D'après ces Tables, le 99" jour du mois de Safar à'S i com-
mence le mardi soir 20 novembre io3c) au coucher du soleil
et s'achève vingt-quatre heures après, pour faire place au 1"
du mois suivant, Rabi' el-Awwal.
Or, le texte de notre inscription signifie : il mourut entre le
mercredi soir et le jeudi matin, dans la 2 g" et dernière journée
de Safar, soit le 2 1 novembre.
Il y a donc une différence d'un jour plein entre le comput
des Tables de Wiistenfeld et celui qui était en vigueur à cette
époque en Annam. D'où vient cette variation?
On sait que dans le calendrier musulman, qui suit unique-
ment le mouvement lunaire, le commencement de chaque
mois n'est pas fixé d'avance, mais déterminé par le témoignage
de deux personnes dignes de foi qui déclarent avoir aperçu des
premiers le croissant de la lune du mois nouveau. Rien n'est
plus arbitraire, rien de plus sujet à caution, puisque la lune
peut être vue un jour ou deux plus tôt ou plus tard, suivant
l'habileté de l'observateur, l'état du ciel, l'étendue de l'horizon
et la situation des localités. Voilà une première raison des
variations de dates que l'on remarque chez les auteurs musul-
mans. Il y en a une autre qui provient de ce que, selon plu-
sieurs, le i"" Moharrem An i de l'Hégire répond au vendredi
1 6 juillet 629, tandis que suivant d'autres, tels que Abu 1-Ha-
san 'Alï de Merrâkes (xnf siècle) et Ulùgh Beg (xv" s.), ce
jour répond au jeudi i5 juillet^^l Enfin, une troisième cause
de variation, et ce n'est pas la moins fréquente, réside dans le
('' Cf. Francoeur, Sur li> calcndrirv drs MalioinéluiiH, dans la <!uiiiiaissaiicfi
des temps pour i8âù, Paris, i8'iç), p. 1 1 1 et suiv.; H. Sauvuhk et J. dk Hey-
Pailhade, Sur une mère d'aslrolahi' arabe, du xiii' siècle partant, un calendrier
jjerpétuel arec concordance musulmane et chrétienne , d&us J. As., t8i)3, u" 5.
266 OOTOBRK-DEnRMHRE 1<)22.
fait que la nouvelle lune étant apparue aux premières lueurs
(le Taurore, donc la nuit terminée, le mois nouveau n'entre
en cours qu'au coucher du soleil qui suit, c'est-à-dire le lende-
main, par conséquent avec un retard très appréciable selon le
lieu et la saison; sans compter les erreurs dues à l'observation,
qu'elle soit naturelle ou astronomique. Or il faut distinguer
entre la nouvelle lune astronomique et celle fixée par l'obser-
vation pure et simple.
Dans le cas qui nous occupe, la néoménie de novembre
io3q répondant exactement à celle de Rabi' ?' /i3i, il y a à
tenir compte, avant tout, de la diflérence de temps qui existe
entre Paris, temps civil moyen, et l'Annam, longitude en
tenq)s de Hanoï- Batavia. Cette différence accuse un retard
de 6"' 55'". C'est à peu près sullisant pour expliquer Técart
que nous constatons entre le comput qui a servi à Wûstenfeld
et celui d'après lequel la date de l'inscription a été établie.
Ajoutons que si la mort d'Abii Kamil a précédé d'une demi-
heure seulement le lever du soleil, et si Tapparition de la nou-
velle lune a été officiellement observée au moment où le soleil
avait disparu à l'horizon du lieu, c'est autant d'heures gagnées
— c'est même plus qu'il n'en faut — sur le temps incriminé.
Au surplus, ce n'est certainement pas par basard que Texpres-
sion Jl.^1 i figure dans l'inscription : l'absence totale de lune,
Vimmhil'ilé, avant la néoménie, peut en effet durer de i9 à
68 heures, comme il a été dit.
Si l'on voulait pousser la curiosité plus loin afin d'arriver à
une solution vraiment scicntiliquc de ce petit problème d'astro-
nomie épigraphique, on pourrait s'en référer à la Table pour le
calcul des syzygîes éclip tiques , . . (Paris, 1 863) de Largeteau;
mais on aurait la déception de voir mis en échec tout le
système des TnhIeH de concordance connues''^. Il en serait de
Ci Ainsi, d'après les Tables de VViistenfeld, élabliee sur les donuées les
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CWIPA. -201
même avec les Tahlca plus récenles de Schraram et Oppolzer
(Soc. astron. de Vienne, 1896), pour peu que l'on veuille
entreprendre des séries de calculs interminables tels que ceux
auxquels se livre en toute patience et compétence le Bureau
des Longitudes.
En somme, cette date yX^ ^^ k53! JmJï i u^-fi-t-^^ *W , aussi
peu çxacte que possible au point de vue astronomique, n'a
qu'une valeur opportune, en tant que fixée par l'observation
naturelle, la plus arbitraire qui soit.
Mais c'est précisément à cause de cette notation bizarre, à
cause surtout de la région excentrique qui est à son origine,
que la seule inscription en caractères coufiques et datée qui
ait été jusqu'à présent trouvée au (lampa, acquiert, semble-t-il,
une valeur inappréciable.
Il
Un avis aux MEMBRKS de la colonie MlSrLMANE.
La seconde inscription a été, comme la précédente, estam-
pée au frottis de plombagine sur papier Whatnian et en exem-
plaire unique; et ce sont aussi les mêmes parages ignorés qui,
vraisemblablement, en recèlent l'original. . . ou ses débris.
A cela près, elles diffèrent l'une de l'autre d'une manière
absolue; mais le contraste est tout en faveur de la première.
meilleures de chaque système ancien, la N. L. de Rabï' I" aurait (ïu lieu le
mercredi soir 21 novcmhre 1089. A queilo lonj^itude? C'est ce que nous igno-
l'ûus, et c'est pourtaul un point d'ini[)oitance. D'après la Tahlr de Laryeteau,
où les calculs des phases lunaiies sont rapportées (sans répondre des minutes)
au méridien de Paris, temps civil moyen, la même néoménie a eu lieu le 1 8 no-
vembre à 91'' o"*, c'est-à-dire 3 jours moins 3 heures plus tôt. Il y a donc
entre le comput de Wiislenfeld et les données ri|joureuses de l'astronomie un
écart impressionnant, duquel il résulte que, la différence de temps entre Paris
et i'Annam étant de (j*" 55" iH', la N. L. de Uabi' I" 'i3i a (ui lieu en ce
pays le iç) novembre 1089 à 3'' 55'" i8\
268 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
Autant celle-ci est parlante jusqu'en ses détails et ne laisse
aucune prise à l'incertitude, autant celle-là revêt l'aspect déce-
vant des énigmes épigraphiques et déconcerte les plus labo-
rieuses conjectures.
Et d'abord, elle est incomplète, à tout le moins de moitié.
Les côtés, à gauche comme à droite, ne font que trop fâcheu-
sement défaut, et le haut, comme le bas, n'est pas en meilleur
état d'intégrité. En sorte que ce document est réduit, tel qu'il
nous est parvenu, à une surface de o m, 61 sur 0 m. 3o, avec
dix lignes ne contenant chacune que de deux à trois mots, les
uns plus ou moins tronqués à l'une ou à l'autre de leurs extré-
mités, les autres pleins et entiers, mais parfois si hétéroclites
d'apparence, à cause de l'ignorance et de l'impéritie de celui
qui les traça, qu'on a la crainte de les voir rester lettres mortes.
Dans un texte amputé et altéré, où l'enchaînement des idées
est tout à deviner, qu'est-ce que représentent en arabe des
groupes de lettres comme i)lj^,(jjA;tf,^^ J^,^5Ajki, et quelques
autres tout de même moins abstrus, plus transparents?
Ensuite, ce fragment d'inscription n'annonce rien qui rap-
pelle une épitaphe. L'indispensable invocation par laquelle
commence tout acte public ou privé, la hasmala, au cas où la
brisure du haut ne l'eût emportée, ne prouverait sans doute
pas grand'chose; mais on ne relève parmi les vingt-cinq ou
trente mots préservés en tout ou partie d'un plus grand dom-
mage, ni le plus mince indice de citation coranique, ni la
moindre de ces expressions qui relèvent du florilège funéraire
musulman, ni — ceci est plus grave — un vestige, un sem-
blant de date : férié, quantième, mois ou année. Il y a bien
des nombres, mais il s'agit de tout autre chose.
Enfin, nous nous trouvons en présence d'un coulique fort
laid et, ce qui est plus extraordinaire, tout à fait inusité, en
ce sens qu'il est mâtiné de nnshï. Mais je ne doute pas que ce
soit purement accidentel. Cette espèce de coufique cursif est
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 269
gravée en creux et à fleur de pierre au moyen d'un ciseau de
5 millimètres seulement au biseau, qu'un lapicide de fortune,
en tout cas très inexpert en l'art de la sculpture calligraphique,
promena à petits coups de mailloche sur une table fruste, nul-
lement préparée, par une judicieuse économie des mesures et
une mise au point préalable, à recevoir une longue inscription.
De là, dans les lignes et dans les caractères — dont la hauteur
moyenne est de o m. o3 — ^ un manque d'équilibre et d'égalité
qui n'est pas sans faire pièce au déchiffrement, par exemple à
la fin de la deuxième ligne, où l'on voit deux mots, que la bri-
sure de gauche écourta, chevauchant sans raison apparente.
Faute de date formellement énoncée, on a recours d'habi-
tude et l'on se fie à l'examen paléographique. Or, à première
vue, celte inscription réunit réellement quelques traits d'un
archaïsme d'assez bon aloi :
i final est souligné, suivant la règle, par une queue verti-
cale, mais souvent d'une longueur insolite, égale à la lettre
elle-même, au risque de se faire prendre pour un - ou un J
(1.^,3);
^ médian est représenté — une seule fois — par le simple
trait horizontal (1. 8);
(j*., trois petits bâtons légèrement en échelons, est con-
forme à l'ancien ;
p est annulaire, mais indifféremment placé au milieu ou
au-dessous de la hgne; il est ouvert et d'ailleurs manqué à la
1.5;
^^ médian , lettre caractéristique par excellence d'une époque ,
est ici figuré par deux demi-cercles concentriques reposant sur
le trait de jonction ; il esl par là d'un type nettement archaïque;
Enfin les hanqies des I et di^s J ne dépassent que rarement
lu liauleur des autres lettres, comme dans le coufiquc ancien
du genre trapu.
Ajoutons qu'il n'y a pas trace de fioriture inlerlinéairc ou
■270 OCTOBRE-DÉCEMBRE 192'J.
caliigraphiquo, sauf pourtant dans le triple groupe ^ (1. fi
et 6). où la hampe du J a Tair de sépanouir en palrne; groupe
si gauchement dessiné, d'ailleurs, qu'on y peut aussi hien voir
le »i) ou le ^ initial à la hampe en col de cygne du coufique
fat imite.
Au demeurant, c'est une inscription aussi peu artistique
(|ue possible : la lettre toute nue, primitive, maladroite,
pareille à un épais grallito. On écrivait encore ce coufique-là
au IV* siècle de l'Hégire, non certes dans les grands centres de
civilisation, mais au\ confins du désert de Svrie, dans l'Arabie
du Nord, oii on en a relevé des centaines de spécimens. Le
Bédouin qui gravait sur un pan de calcaire , avec la pointe de
sajnubît/a, un laconique «Allah ait pitié d'un tel ! » a souvent
fait mieux, rarement pire^^'.
Il existe en effet, entre les deux manières de traiter l'écri-
ture gravée, une différence essentielle et très significative : la
graphie du nomade, correctement angulaire, restait homo-
gène, sans disparates; ici . avec cette graphie sortie d'une région
excentrique et qu'on pourrait qualifier d'arabo-èame, nous
voyons mêlés aux éléments du coufique natif d'autres éléments
manifestement empruntés à l'écriture cursive, à l'usuel nashi.
Telles surtout les lettres à boucles : ^, la, (3 ou (^ (coufique
à la ligne 5) et y; ^ et i) d'un dessin grossier; ?• initial, s final
et (^ d'une ampleur exagérée; et, dans le groupe j.i (1. o et
lo), j, qui n'existe même plus pour la forme, donnant à
lire f*^.
Or, ce sont autant d'anomalies paléographiques qui , réunies
dans une seule et même inscription , enlèvent à celle-ci la plus
grande partie de l'originalité et de l'antiquité qu'on serait tenté
^'J Cf., entre autres spécimens, l'inscription do Lizdib, du m' ou iv* siècle
liég. , o m. 88 sur o in. /io, reproduite par Y;in Rercliom dans M. und A', des
Palaslina Veieiiis , 1908, 1. MuU'iluugeu , Arabisclw hmclirijïcii ans Syrien,
DEUX INSCRIPTIONS GOtJFiQUES DU CAMPA. 271
(le lui reconnaître. Il semble réellement que ce soit ici Touvrage
d'un lapicide d'occasion et non de profession, mieux encore,
d'un indigène du Campa, arabisé depuis peu et d'autant plus
malhabile qu'il ignore, assez pour les confondre, le coufique
qui se grave et le nnsln qui s'écrit , et qu'il est également novice
dans le maniement du ciseau et du qalam. Il n'est même pas
bien certain qu'il ait su lire comme il le faut la minute en
nashi ou le modèle en coufique qu'il s'est évertué à reproduire
sur la pierre, tant son texte est fautif. Tout cela est d'une main
non arabe. Ce n'est pas le naqqâs Au cimetière, quelc[ue émigré
de fraîche date, qui eût griffonné une pareille épigrapbie.
L'analyse du texte nous montrera, je crois, que, quel qu'il
fiil, Cam ou Arabe, il a dû faire son œuvre de mauvais éditeur
à peu près dans le même temps que l'on sculptait le beau
ènJiid du garde-chemins Abu Kiïmil.
Voici, transcrites en clair, au moyen des corrections et resti-
tutions que la simple logique est capable de suggérer, mais
que je me garde bien de présenter comme péremptoires et défi-
nitives, les trop courtes séries de mots sans cohérence appa-
rente qui composent ce tronçon d'inscription :
liJyljjlj *jL« o!5AJi 1
\ U=i »Jy£13 Aj a
. ii~«^ \ila*a.« 0
OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
^[IJ^,J[^[^:....... e
yWak'i i^X^ 7
i]_^ (jLlûX|^ 8
^^ i}^ J^ ^ 9
*»« lyJ y«-C L^^** 10
Ligne 1. — «Trois cents hâzâr-roh.v Je ne vois qu'un mol
qui puisse faire calque sur le groupe ^^b, c'est le persan ^t^U
«marché, bazar ?7, d'où dérive hâzargân canarchand j5, et qui
entre en composition avec le mot bâzâr-rok :>* bâzan'ûk signi-
fiant dans plusieurs idiomes de l'Hindoustan ^ argent de bazar 55 ,
pièce de monnaie de peu de valeur en un mélange de cuivre,
étain et plomb. Cette monnaie de billon avait cours dans tous
les territoires continentaux et insulaires des mers du Sud, depuis
la côte orientale d'Afrique juscju'en Extrême-Orient. Il en est
question dans le Lyvro doti pesos da Ymdia. e assy medidas e
moliedas escriplo em loâà par Antonio JNunez, dont M. Gabriel
Ferrand a donné une traduction savamment annotée dans son
mémoire sur Les poids, mesures et monnaies des mers du Sud aux
xvf et xvif siècles (^Journal asiatique, juill.-sept. et oct.-déc.
1020). «Il y a actuellement aux Moluqucs, dit Nunez, des
bazarucos qui viennent de l'Inde. . . 5o ba:an(cos représentent
en compte tioo caixan (p. 89; cf. p. 960). On trouve aussi
une référence intéressante au sujet de cette monnaie dans le
Ilobsun-Jobson, a glossary of culloqund AngJo-lndian a-ords (a^édit.,
par W. Crooke, Londres, igoS)'^^.
") ]*. iQi, s. y" Btidgrook <Z lK(jâia-rokka = hâ:(it-ruka, mol sur l'orijjino
duquel on n'est pas fixé; ou liésile cuire le maliratti et lo canara. — Je crois
?~
'r
XI.
II. Avis iiLix membres (l<' la colonie inusul
manu.
ul3
M)
DEUX INSCRIPTIONS COLFIQUES DU CAMPA. 275
La lecture «3oo jjiéceltes dénommées i)^^ ;b^" ^^ lieu de
k3oo marchands ^jLb^^Ljj et surtout de k3oo navires mar-
chands», sens attesté par Dombay et Marcel (cf. Dozy, Suppl.
aux dict. arabes, s. v°), semble préférable, vu la suite de l'in-
scription. Il est probable que ce terme hybride était nouveau
dans les pays baignés par les mers du Sud, car c'est au
xi" siècle de notre ère, précisément à l'époque où cette inscrip-
tion, si je ne me trompe pas, a été rédigée, que certaines
langues de l'Inde s'imprègnent d'éléments persans, notamment
l'hindoustani, auquel on donna aussi le nom turc d'ûrdû
«langue des camps ti5, et qui se forma sous l'influence de la
pénétration musulmane, un peu avant et particulièrement après
les expéditions de Sultan Malimùd Ghaznévï'^'.
Ligne 2. — k Vingt ^ammâ. . . » I^L^ faute pour t^U^, une
devoir compléter ici ot amendcïr rarticle du Hohsoii-.lohson en mettant à con-
tribution ramabiiité et le savoir de mon collègue M. Jules Blocli, qui a bien
voulu me fournir les éléments de la présente note. 1" En hindoustani, le mot
est Jjj rok, aussi rokar, rokrâ (passés en mahratte), avec deux sens : a «ar-
gent comptant, Iiquide?5, jS «or, argent, bijoux, etc.» (en tant que conver-
tibles en argent liquide); en canara, rokka (non *râka), tamoul et malayalam,
rukkam, «argent comptant, monnaie»; a" en niahralte, rii/.a et rukkd, «nion-
naic de biilon valant 1/19° d'anna»; en télougou, rakn , «monnaie équivalant au
faïuun tamoul (cl. Ilo/isoii-Jo/jgnn, s. v"). Ainsi, suivant les cas, deux sens:
1" monnaie en général; a" monnai(; de biilon de valeur connue. [D'où, cora-
munémenl; monnaie propre aux petites transactions, monnaie d'appoint, mon-
naie de, marclié, rok de bazar. l,e bazarucu de Nunez parait transcrit d'un liin-
doustani Jjnl^b < kiJ5^ ;'3'^" ^^ effet, *bâzaiTi)k ne se rencontre pas. Si la
grapliie de rinscriplion n'est pas fautive, si mon décbiffrement est exact,
ce •^i)\^ ne peut ('Xn\ ([u'une Iranscrifition arabe d'iui hindouslani lidzàr-rnk.^
(}uant à l'origine du mot, c'est l'erreur des dictionnaires liind. et mahr. de
lui attribuer l'ét^-mologic! sanskrite roka, mot qu'on trouve bien dans le Véda,
mais pas plus d'ime fois ou deux et avec le sens de «lustre, lumière». Mieux
vaudrait raukma «doré», de rukma «ornement d'or», quoique de là au rfikâ,
dont la valeur n'atteint môme pas un liard , le sens ait singulièrement déchu.
Enlin, quant aux composés imaginés par les auteurs cités dans le Hohson-Job-
son, on n'en trouve de trace nulle part.
'■' Cf. ll(j\Hi.AG()hii, La lin^uiHliquv, Paris, i<S8i, p. 273.
19-
276 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
variante de a^^ poids et mesure de capacité dont on faisait
usage en médecine et qui équivalait à () (firdt, soit i gr. io35,
d'après H. Sadvaire, Matériaux pour servir à Flitstoire de la nu-
mismatique Pl de la métrologie musulmanes (^Journal asiatique,
VHP série, t. IV, 188/1 , p. 278 k^j-i et 268 <J^y^)- f^'est un
doublet de <^i>i, qui représentait le même poids, et une tran-
scription parallèle de ypanixa.
Est-ce là un indice que la colonie comptait parmi ses
membres quelque droguiste, voire un médecin?
Au-dessus de UL.^ se trouve un mot d'autant plus difficile
à lire que le contexte est à peu près nul et qu'on ne sait, par
suite, à quoi il se rapporte. Est-ce un nom de poids ou de
mesure? Il se laisserait deviner sans peine, s'il était connu par
ailleurs. Il ne semble pas qu'il y ait de combinaison possible
en dehors de i)Lj c^un rien ?î ou de cuilb^ c'^des parcelles, des
rognures 55. On ne peut même pas proposer cette lecture comme
un pis-aller : la phrase, ainsi que le mot, est en suspens.
Pourtant à cette époque — xf siècle — un genre tout spé-
cial de monnaie divisionnaire avait cours à Bagdad et dans
r'Irâq, consistant en petits morceaux qu'au moyen d'une ci-
saille on retranchait de pièces d'or et d'argent. Les gens s'en
servaient journellement pour la vente et l'achat, parant de la
sorte, outil et balance en main, à la pénurie de numéraire.
(le procédé dura jusqu'en iq.'U), au dire do Maorizi i^Khitai,
H, p. 12G, injine, cf. S. de Sagv, Clirc.st. nr., ti'' éd., I,
p. 2/47-2^8; Sa^di , (ry///s/<7//. eh. II, hist. 20; Doz\, Suppl., II,
p. 321)). Il ne saurait nullement s'agir ici de ces rognures de
dirhams et de dinars, puisqu'on les désignait sous le nom ex-
pressif, et d'ailleurs consacré par l'usage, de qurâda [^y^ ««ci-
sailler»). Mais, d'autre part, si l'argent monnayé n'était pas
inconnu au (-ampa, l'emploi n'cMi était pas courant; on usait
dans les payements de commerce soit du troc, soit de petits
lingots d'or et d'argent susceptibles d'être augmentés ou dimi-
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 277
nués de poids dans le creuset. (Cf. Georges Maspero, Le royaume
de Champa, p. /»6.) Se pourrait-il que les Arabes, dans leurs
comptoirs du (îampa, eussent désigné d'un mot tout à fait dif-
férent : zuhâla, ce qui était non des rognures, mais des par-
celles provenant de la fonte de ces petits lingots du pays?
Ligne 3. — «Le ncuph 'Amr. » Le naqih était un marchand
ou un artisan chargé des affaires d'une communauté dont il
était membre. Chaque corps de métier, principalement les bar-
biers, les charpentiers, les relieurs, les tailleurs, les tourneurs
et quelques autres corporations, avait à sa tête un syndic
dénommé Seih cs-Stuj , lequel était assisté d'un adjoint ou Naqib
es-Sûq. Celui-ci, délégué par son chef, avait généralement pour
mission de présider, en la présence de maîtres-compagnons, à
la réception des candidats-apprentis. C'était une petite fête de
famille qui se passait chez le père du jeune garçon et n'allait
pas sans quelques pratiques rituelles, un bon repas, des
échanges de cadeaux et la récitation répétée de la sourate El-
Fâtilin. Cette cérémonie d'admission aux arts et métiers mineurs
subsiste encore dans les grandes villes et s'appelle Sadd el-
Walad ff-Vditle qui lie l'apprenti 55'".
Le nom du naifib de la colonie, 'Amr, était vraisemblable-
ment suivi de ses noms d'ascendance et surnoms.
Ligne h. — «Qu'alors le boulanger (un tel) en fasse le
change. T) o^, «changer la monnaies, a aussi — naturelle-
ment— le sens de «payer:? (cf. Dozv, SuppL, I, p. 899);
mais ce sens implique la réciproque : l'acheteur paie et le ven-
deur, en rendant la monnaie, paie à son tour. Vu la teneur
générale de l'inscription, il doit s'agir ici de l'opération qui
(') Cf. VV. Lane, Modem Egijpùam , éd. 1871, II, p. q/kj, et Dozv, SuppL
aux dict. arabes, I, p. 828. Au .Majflireb, un syndic de corporation est intitulé
amhi.
278 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
consiste ù |iaver en tenant compte de la tlitrércnce existant
entre les monnaies et les poids du pays et ceux des colons.
J'observerai que m1^ a le sens de «menue monnaies (cf. Dozy,
SuppL, loc. cit.), et que c'était aussi un poids de 9 gr. 981 5
(cf. H. Sautaire, op. laud., J. As., p. 2 55).
U se peut que le caractère imprécis qui se trouve gravé
au-dessus de Lil soit le ) de ce que je lis jjllXsI « le boulanger ».
Ligne 5. — « . . .Mnslafa et Murâd . . . w Quoique tracé
comme qui dirait de main de maître, le groupe de lettres ^JaXJ:
ne répond à rien qu'on sacbe dans aucune langue usant de
l'écriture arabe. Aussi bien, je n'hésite pas à y voir un nom
propre allant de pair avec le suivant ctMurad??, et à léparer
l'erreur du lapicide qui ne sut pas déchiffrer sur sa copie le
mot rtMustafâ" et qui mit, en s'embrouillant, .*. pour ^a, x
pour La et (ja pour j., sans compter quil fit la part égale au
coufique et au tuisJn.
Ligne 6. — «Le colon et le percepteur de redevances. «
Notre lapicide n'a pas eu la main plus heureuse en ce qui
concerne les deux mots J^il et ^ qu'il nous donne à identi-
fier. Le premier est équivoque, le second est impossible. Au
premier peuvent s'adapter deux combinaisons : <jlil «libre,
exempt de. . . ?? et jUi. «émigré, exilé = colon », en admettant
comme vraisemblable que nous avons affaire ici à des ism J/'nl
(ou participes présents) dont ïalif a été omis par erreur "l
C'est évidemment Jlil ({u'il faut retenir'-'.
Dans le second mot ^, (pii n'est qu'un groupe de lettres
déimé de signification, le soi-disant ^ est sans aucun doute
C' Cf. »uprn, I. 1, ^;b, pinir iiciil-iMi-o ^l)^.
1-) (;f. Do/ï, SuppL, I, j). 3 10, JU. (rémi'jréî) pI ffconlribual)l('" , (l'a|)rt's
JuJUfc, pi. J\y^ (tciiiiliiltiition, taxe, livraison fie doinrcs iiii|i()Si''0 |>ar l'oii-
ucmiw, dans (Ji Miii.Mi.iii; , llisl. des Siiltaim MaiiilmiLs , II, p. 182.
DEUX nNSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 279
une mauvaise graphie de J. ou de ^^ . Il y a des exemples de
graphies analogues dans le coufique primitif, notamment dans
une inscription du désert de Safâoii ^ju^UaJ! est pour y^Lalî'",
et, moins anciennement, dans un papyrus du f-n" siècle
de l'Hégire où ^^^i)! est pour i^i)!^^'. Parti de là, on aura le
choix entre les trois combinaisons suivantes affectant égale-
ment la forme de Vismfail : ^UL rr oppresseur 55, ^\Jl ctjuge»,
i^[Â I? protecteur 55. La dernière doit être la bonne, surtout si
on applique au mot la signification très intéressante qu'il avait
autrefois, particulièrement sous l'administration des Sultans
Mamlouks, et qui ne se trouve pas dans les dictionnaires arabes.
On désignait sous le nom de himâya <\jI^ l'ensemble des
droits que le souverain prélevait sur un canton mis a contri-
bution par lui et qu'il se réservait en propre; ce territoire
était ainsi interdit à toute spéculation du même genre, passait
sous sa protection nominale, devenait himâ ^^; celui qui levait
ces droits d'interdiction et de protection était dit hâmî <^Uw,
ism fa il du verbe luimâ ^^ ^^'.
Je suppose qu'il est question dans ce texte de quelque entre-
prise que le colon musulman prenait à ferme d'un hânn indi-
gène et des redevances himâyât, qu'il avait à lui payer ^^^.
Ligne -y. — «... parmi quoi un quintal de. . . v Le groupe
t'' iDscriptioa relevée par de VocCé, Syrie centrale, p. i/i3, n° 16 et
pi. XVIII.
'*' Pièce inédite de ma coHeclion. C'est un devoir d'écolier sur feuillet de
quatre pages recto et verso, 0 m. a 5 sur o m. 18.
W CI". QuATiiKMKUK, loc. Cit., 1, 1 '* partie, p. 261, et Dozv, Suppl., I,
p. S'U) : *jU-, droit (jue l'on percevait sur des terres ou des mardiandises.
Mais , d'après Amari , ^y^ sijjiiilierait tout au contraire «rne pas lever d'inipùlji.
'') (tLe roi ne payait aucune solde aux fonctionnaires, de qui>l(|ue ordre
qu'ils fussent; ils vivaient sur le pays et leurs administrés étaient tenus de
subvenir à leurs besoins." Georges Maspero, IjC rayavme de Champa, p. 34
et 87.
280 OCTOBRK-DECEMBRE 1922.
j^U» est dinicilc; il ne se prête à aucune combinaison satisfai-
sante, ne donne même pas à soupçonner qu'il cache un nom
propre, si rare soit-il dans l'onomastique musulmane. Quant
à un mot ou à un nom ram ou malais, il n'y faut pas songer,
tant il en a peu l'apparence.
Il y a certainement ici encore une grossière faute de gra-
phie, et elle ne peut aflfecter, dans ce groupe quadrihtère, que
le seul ^, les autres éléments étant simples et n priori parfaite-
ment clairs. Aussi ne suis-je pas éloigné de croire que ce ^
n'est pas autre chose que la combinaison des deux lettres Ha
trop étroitement soudées ensemble par le graveur décidément
ignare et maladroit, qui, prenant la hampe du I0 pour un des
deux jambages de la double lettre lâm-ahf, pensa écrire, sans
rien comprendre à ce qu'il venait de lire,^!!iUj> au lieu de^lkjLï,
ce qui a du moins une signification.
Au reste, cette faute ne constitue pas ici un cas isolé.
L'exemple le plus curieux, sinon exactement semblable, est
aussi le plus ancien qu'on connaisse : on le trouve dans l'inscrip-
tion bilingue de Harrân, au Lejja, qui remonte à l'année 5G8
de notre ère et où le mot ji^rl' est écrit de façon que le L» et
le ^ sont agglutinés au point de ne plus former qu'un signe
ressemblant au 0 grec^*'.
La lecture ^Lkju» se justifierait pleinement, si ce mot était
seulement accompagné de deux ou trois autres. Cependant, en
l'espèce, elle est plausible. Le contexte paraît, en effet, vou-
loir dire approximativement : « Il est entendu entre le jâh et
le hâmi que le premier paiera sa redevance en nature avec,
entre autres denrées, un quintal de (telle denrée), w Le qantâr^'^^
*') Inscription (k-couverte par Wetzstein el rolrouvée par Waddington,
publiée par de VociJÉ , Syrie centrale, p. 117-118, el reproduite par Ph. BER(iER
dans sou Ilisl. de l'écriture dans l'antiquité , l^aris, 1891, p. 288.
(2) .UajLJ» (> quintal) provient de xevTnivâpiov par l'araméen, cl. Khaenkel,
Arainiiische Freindtvorter ini Aivbischen , I^cyde, 1886.
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CWIPA. 281
valait cent ratl , mais la valeur du ratl varia souvent, selon les
choses, les lieux et les époques. Le rntl égyptien valait au
xi" siècle un peu plus de dàk grammes. (Cf. H. Sauvaire, /. c,
p. 261.)
Ligne 8. — « Sultan Malimûd. 5) Ce n'est pas sans perplexité
qu'on se demande d'où sort ce Mahmùd ainsi décoré d'un titre
souverain de cette importance et qu'on ne se serait guère
attendu à rencontrer dans un document en langue arabe,
publié — pour durer — de la façon et dans le pays qu'on
sait. Ce nom qui, pour être accolé au mot c^ sultan 77, cesse
d'être banal, ce titre surtout, qui n'était pas un vain mot au
moyen âge oriental, alors que les sultans Bûyides, Seljûqides
et Gbaznévides le portaient si haut, en vrais pâdmhân qu'ils
étaient, sont difficilement explicables, dans l'ignorance où nous
sommes de l'histoire des établissements arabes au Campa et
vu l'état de mutilation où se trouve l'inscription. Force nous
est de recourir aux conjectures, ce qui ne laisse pas d'être sou-
vent très hasardeux.
Une des premières qui se présentent à l'esprit est celle-ci :
un souverain de ce nom, musulman de religion et cam de
race, régnait sur le pays. Mais cette hypotbèse soulève deux
graves objections. Non seulement on sait (pventre io3o et
lokh le trône du Campa fut occupé par deux rois indigènes,
Vikrântavarman IV et Jaya Sinhavarman II, de la VIII" dy-
nastie; mais on ne connaît aucun texte autlientique apportant
la preuve que la conversion du peuple cam à l'islamisme ait
eu heu avant le grand fait historique de l'année 1/171: la prise
de la capitale du royaume, Vijaya (act. Binh Dinb), suivie de
la conquête du pays par l'empereur du Dai Viêt(act. Tonkin),
Tành Ton. On s'accorde par ailleurs, en dépit d'une grande
incertitude, à regarder cet événement, qui réduisit les rois
Cams, pour quelques siècles encore, à l'unique et précaire pos-
282 OCTOBRE-DKCEMBRE 1<.)22.
sossion du Binli Thuân, comme le point de départ des pre-
mières tentatives d'islamisation faites au Campa par les Musul-
mans du Khmèr ou par les Cams réfugiés sur leur territoire,
convertis à leur contact, puis revenus dans leur propre patrie,
où jusqu'alors la religion de Mahomet, en dehors des rares
colonies arabes, n'avait jamais compté qu'un petit nombre
d'adeptes'^'. Or, notre inscription est paléographiquement du
xf siècle, antérieure de plus de quatre cents ans à cet événe-
ment comme elle l'est de cent trente ans à l'époque où l'écriture
couiique tombe universellement en désuétude.
Autre hypothèse : ce sultan Mahmùd ne serait-il pas un
colon, un émigré, ayant audacieusement fait à son profit, de
la plus importante des colonies musulmanes du (lampa, une
sorte de domaine indépendant, éphémère sans doute, avec ou
sans l'accord du gouvernement local? Si cette seconde inscrip-
tion est contemporaine de la première , comme il y a lieu de le
penser, ce petit dynaste nommé Mahmùd serait donc, de son
côté, contemporain — prédécesseur, successeur ou rival —
du fameux Pô Ovlâh ccle seigneur Allah i' de la légende rame,
lequel serait le premier des Musulmans à régner à Çrï-Banôy, en
l'année du Rat, soit de looo à io36, mais dut passer trente-
sept ans en exil à Môkah (La Mecque), parce que le pays n'était
pas content de lui, puis, ayant ainsi confié son âme et son
corps au Seigneur du ciel, ce qui semble bien vouloir dire
qu'il embrassa le Soufisme, revint enfin au royaume cam^'-^ . .
<') Cf. Georges Maspeuo, Le royaume de Cliampa, p. xi, 17-18, 3&2 et suiv.
<*' Cf. A. Cabaton, art. Indochine, L'islam dans l'fndochine fi-ançaise, dans
V Encyclopédie de l'Islam, t. II, p. 538. Ay.monier, Ujrendes hislojiqnes des
Chams, Excurs. et Reconnaissances, XIV, p. i53. — Les Gains Bani, c est-à-
dire Musulmans |.5A.«y)^, n'ont rien imaginé de mieux que de faire remon-
ter à Allali en personne la souche de leurs rois. Leur Pô Oviah ou Uvlah,
cependant , pourrait bien n'avoir été qu'un ietlj plein de zèle i-eligieui qui poussa si
loin l'esprit de prosélytisme, que sa prédication, à la fin jugée subversive par
le roi indigène, contraignit celui-ci à y mettre un ti'rme en faisant rembarquer
DEUX INSCHIPTIONS COLFIQUES DU CAMPA. 283
Tout cela est possible, encore que bien étrange, car la coïnci-
dence est absolue.
A tout le moins, ce nom, ce titre pourraient avoir été ceux
d'un liant fonctionnaire indigène de l'endroit, qui, gagné à
l'Islam grâce à la propagande des émigrés, aurait naturelle-
ment troqué son nom cam contre un nom musulman; pour le
mot sultan au sens de «cbef du pouvoir exécutif», ce serait son
titre cam rendu en arabe par un vocable équivalent. Certes,
il y aurait témérité à lui attribuer l'ordre de rédiger l'rravis
au public» que semble être l'inscription où son nom figure
sans doute parmi plusieurs autres, et conséquemment l'idée
de confier à son drogman, comme lui indigène et converti, le
soin de le publier et de l'aificher au principal carrefour du
bazar, sous la sauvegarde du syndic des marchands étrangers,
'Amr, Naqlb es-Sïiq.
La vérité n'est pas encore de ce côté : l'imagination est à la
réabté ce que la légende est à l'histoire. Peut-être l'ellleurera-
t-on en ne sortant pas du domaine de l'histoire même, en con-
sidérant ce nom et ce titre comme représentant un personnage
vraiment historitpie. C'est nommer le plus illustre conquérant
du xf siècle, Sultan Mahmud Ghaznévi, qui régna de 998. à
io3o sur l'Iran presque tout entier et se couvrit de gloire en
soumettant aux lois de l'Islam les populations bouddhistes du
Bàmyân, dû Panjâb et du Gujrât, en détruisant les idoles
du Çivaïsme, en fondant \e royaume de Lahore, etc. Il est hors
de doute que, durant le premier tiers du xi" siècle, plus d'im
sujet, plus d'un client, et comhien de soldats des armées du
fanatique iconoclaste de Sômnal se fixèrent dans l'Inde, ou
passèrent de l'Inde au Campa , la plus proche étape sur la route
maritime de Chine, pour v faire fortune en se livrant, comme
|)(iiir la terre ualale ce faiuili(|ii(î scrvitt-ur du dieu de Malioniel, peut-être
sinipl(!ni(!iit Connu sous le nom de Es-Sriji/id ' Alid Ullah , proprement «le soi-
gneur ['Aitd] Ullûlin.
284 OCTORnR-OEnEMnRE 1022.
tant de coreligionnaires, au commerce de la canne à sucre,
de la gomme laque, des pierres précieuses, des bois de bam-
bou . . .
Dès lors, la 8' ligne de noire inscription, si regreltable-
ment incomplète, ne serait-elle pas à rétablir de la façon sui-
vante, à un terme près : is^yt^^ ^y^ ylioL»/ J^ (j>\i ^j y5X*
«Un tel, fils d\m tel, aflrancbi de Sultan Mahmûd le Ghazné-
vide w ?
Si cette dernière bypothèse, à défaut d'une autre plus
concluante, a quelque chance do paraître soutenable, il s'ensuit
que cette inscription est, de toute (Widence, contemporaine de
la première, datée de 1089. L'expédition du Ghaznévide en
Hindustân est de 1096. Or, cette déduction, qui s'appuie sur
le fait qu'en épigraphie un nom historique est représentatif
d'une date, se trouve entièrement corroborée par le résultat
de l'examen paléographique.
Ligne 9. — « . . .mi Bây 'Alï el-Ker. . . 5? Pour commencer,
un nom de personne dont il ne subsiste plus que la dernière
lettre : ^ ou ^, ou les deux dernières : J. ou J, ou (cf. ^^ de
la 1. 6) ^^, et qu'on ne saurait songer à restituer, parce que le
mot est trop écourté et le champ des hypothèses trop vaste; ce
nom et le suivant : Bâij, qui est une espèce de titre de noblesse
turc, n'en font nominalement qu'un seul. Ensuite le nom propre
du personnage : \ih , J^^t, dont le J est insulhsamment hampe.
Et pour finir, les quatre premières lettres de sa Lunija ou de
son nom ethnique.
Le mot Bâij, dans cette inscription, est tout à fait remar-
quable. D'une lecture certaine, il nous montre non moins cer-
tainement que cette colonie musulmane du Campa ne comp-
tait pas que des Arabes et des Persans dans son sein, mais
aussi des Turcs, descendants d'émigrés venus en masses trans-
humantes dans la Transoxiane, le Ilârizm, le Seistân, le Qan-
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 285
dahar, lors de la première tagkrïha ou «poussée vers l'Ouest r
des peuplades de l'Asie Centrale, à l'époque des Sâmânides.
Des noms comme Mmlafn , Muiûd, même ''Amr, qui, démodé
parmi les Arabes, trouva lui joiu- du legain avec les Saffàrides,
sont là gravés pour l'attester. Qui sait, pour le surplus, si ces
notables de la colonie ne touchaient pas par quelque endroit
au sultan de Ghazna, Mabmud, cet autre Turc de nom et d'ori-
gine?
Dans l'Asie Centrale, le mot Bdij était ajouté aux noms de
personnes pour désigner les gens ricbes et indépendants. En
regard de la masse du peuple, c'était une véritable aristocratie
de fortune qui n'avait qu'à voulou* commander pour être obéie.
Le bâij le plus influent pouvait alors s'intituler heg (kirguiz hl
ou èry>turc osm. hey^, c'est-à-dire «prince» d'une petite
tribu ou d'un groupement de tribus, ayant au-dessus de lui
le Qâghfm ou Bân, maître d'un domaine plus étendu '".
Comme nom épitbète avec le sens de «ricbé», ce mot est
attesté pour la première fois dans les inscriptions de l'Orhon '-*
puis dans le récit que fait Juweini à propos de IViabmud Bây,
vizir du Gùr-liân des Qàra-llitAy, dans son Tarih-i-Jihân Kumij
(vu" s, H. = xiif s. A. D.). Or, il se présente à nous dans une
inscription arabe du v' siècle de l'Hégire (xi^ s. A. D.), n'ayant
perdu sa signification d'origine que parce que ce titre n'avait
pas plus de valeur ni de raison d'être au (îampa qu'il n'en
devait avoir plus tard en Egypte, quand les mamlouks Bi-Bars,
"' (A. W. Buniioi.D, KncyvlojM'du! de l'hluin, 1, p. 699, S. v" liàti ; Mou-
UAUCEA d'Omsson, IUsI. (It's Mtnigols , I, {). 1 68 -, W. Baiitiioi.d, Tarkeslan,
\" pari., p. 1 i3; ■'/ part., p. .{S '1-385. Bày, en Asie Conlialc, a aussi le sens
(le rrmailre de maison". F^es Sailcs, nie dit notre confrère M. Miuorski, pro-
noncent ce mol l)()è el 1 eniploienl dans le sens de trmonsieurn. Comparer en
turc ottoman sullanhn. — BAiiitii;» dk Mkynaud, Suppl. aux dicl. litres: ^L?
cf riche, fortuné, puissant"; àLXw rr monsieur n, désuet.
(^) vin* siècle de notre ère, raraclères runiformes; déchitFrées par \. Tiiom-
SK\ , Mi'tiKHiPS (le 1.(1 Suc. lliiiKi-iiuiirii'ititr , HeJsinjjloi'S , 189A-1896.
286 OCTOBRE-DECEMBRE 19 22.
Bars-Bây et Yel et Qâït et Tûmân-Bâv v remplissaient le rôle de
sultans. Il est inutile d'insister sur l'inlérél qu'oHre ce texte,
si mutilé qu'il soit.
Ligne lo : « . . .si 'Omar, fils de S. . . r> Gomme précé-
demment, la fin d'un mot : ^^i ou ^^, qui ne peut être qu'un
titre, ne serait-ce que et-Taivâsî ^^\yh.l\ «l'Eunuque 75(1); puis
un nom propre suivi du mot (^ écrit ^; enfin le commence-
ment d'un autre : *« ou ^.
Dans ces dix lignes d'un texte fort amoindri, semé de fautes
d'orthographe, écrit à la hâte d'une écriture hybride et mal
venue, on relève trois noms de poids ou de monnaies; autant
de noms de nombre et de titres d'importance d'ailleurs inégale;
deux adjectifs verbaux; un nom de métier; un mot tronqué
d'identification douteuse; enfin, au milieu de tout cela, pas
moins de six noms propres et un seul verbe à un niode per-
sonnel. On voit par là dans quelles proportions incohérentes
les mots se sont off'erts au déchillrement. Le reste de l'inscrip-
tion n'est que déchet.
Ce bilan est si pauvre que c'est tout juste s'il nous permet
d'apercevoir les rares lueurs qui transpercent tant bien que
mal une obscurili; presque impénétrable où l'on ne peut mar-
cher qu'à tâtons. Il est sutfisant, toutefois, [)Our nous donner
à entendre ({u'il s'agit d'un acte public destiné à aviser les
membres d'une colonie d'Arabes, de Persans et de Turcs de la
façon dont ils doivent en user avec les gens du pays dans leurs
transactions, leurs opérations de change et le payement de
leurs contributions. On juge de l'imporlance de cette inscrip-
tion, si elle était intacte.
La date manque. Mais a-t-elie jamais été mentionnée? Du
'■' Cf. (JuATiiKMKiiK, lllul. dus Sulliuis Mnmlouks , I, 9° part., p. i39.
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. 287
moins diverses présomptions nous autorisent à placer ce curieux
document entre les années i 026, et io35 de notre ère.
Il semble qu'un document de cette sorte contienne l'indice
que là 011 il fut trouvé, il existait au xi* siècle une aggloméra-
tion urbaine dont nous ignorons tout, où des étrangers diffé-
rant en tout du peuple cam, par la race, par les croyances
et par les mœurs, étaient venus cbercber l'hospitalité et avaient
obtenu le droit de séjour. Ces étrangers, des marchands et
des artisans, issus pour beaucoup d'entre eux des premiers
immigrés — dont l'arrivée daterait, croit-on, d'une centaine
d'années auparavant — et de femmesdu pays, nous les y voyons
vivre en société parfaitement organisée, mêlés en nombre plus
ou moins imposant aux indigènes. Ils ont confié à un des leurs
le soin de les représenter et de défendre leurs intérêts auprès
des autorités du lieu : c'est le Seih es-Sûq, le «syndic du mar-
chés, qu'assiste un Naqîb. Avec ce «premier de la nation» les
notables, riches par le commerce, occupent une place prépon-
dérante : ce sont leurs noms qui figurent dans l'inscription.
Nul doute qu'à la tête de cette communauté de Musulmans
il n'y ait un Seih el-Islâm ou Mujtî^ qui est un chef uniquement
spirituel, mainteneur de la Religion et instigateur de la Pro-
pagande, laquelle ne doit pas s'endormir, lin hnâm-Hnlib pour
la célébration du culte, un Qfujl pour l'exercice de la justice
sont d'indispensables fonctionnaires ^^^; et si la colonie est im-
portante, un Muljlasib veille à son bon ordre, faisant la police
du quartier et de ses bazars, contrôlant les poids el les mesures,
réglant le cours des marchandises.
Us vivent, coude à coude en terre exotique, la vie musul-
'*' Cf. Ch. SciiEFKu, Noies sur tes relations des Musulmans avec les Chinois,
Paris, «4595, p. a3.
288 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
mane, qui leur est chère. Tout ce qu'ils ont quitté en y venant,
ils le retrouvent îiutour d'euv ; la mosquée — sans minaret
— qui les réunit, le sûq où ils traliquent, l'okel aJI^^ ^^' i'^
entreposent leurs marchandises, et le cimetière, leur dernier
lieu de rendez-AOus.
Tout ceci est comme inscrit sur les deux seuls monumcnls
qui attestent leur existence d'une façon singulièremenl plus
concrète que les récits monotones des globe-lrotters arabes.
D'ailleurs, ceux-ci ne paraissent pas s'intéresser outre mesure
à ces régions un peu sauvages de la péninsule indo-chinoise.
Ils nomment bien le pays khmèr ^U et le (lampa oïà*» dans
leurs relations, mais ils ne s'attardent pas à narrer le peu
qu'ils en savent par oui-dire; à peine songent-ils à le visiter.
Pourquoi?
Pourquoi aussi les colons musulmans viennent-ils s'installer
si tard (x" siècle) au (lampa? Pourquoi leurs établissements,
leurs comptoirs n'y jouissent-ils pas de la même solidité ni de
la même force d'expansion (pie les colonies similaires de Cbine,
si nombreuses, si longtemps prospèi-es et si agissantes au point
de vue de la Propagande? Pourtant les navires de Basra, de
Sîrafet de l'Oman doublent régulièrement la terre d'Indocliine
pour se rendre au pays de Sin. H faut vraisendîlablemeni attri-
buer ce dédain général des navigateurs et des marchands
musulmans pour le Campa h la rigueur du climat, à ladilliculté
de trafiquer librement f>l d'exploiter les produits du sol, à
i'inhospitalité des habitaiils violents et querelleurs, à la pira-
terie, à Tabsence de bons ports, et peut-être aussi aux révo-
lutions politiques (cf. Georges Maspero, loc. laud., p. 1-8, Sh,
38, /n).
Ce qui est certain, c'est que l'islamisme n'y a pénétré avec
succès et ne s'y est maintenu que grâce aux relations des Cams
avec l'Indonésie occidentale au cours des siècles suivants, par
conséquent bien après le temps où la principale colonie établie
DEUX INSCRIPTIONS COUFIQUES DU CAMPA. -289
dans le royaume cara comptait parmi ses membres le Rahdâr
Ahmad Abïi Kâmil, le Naqilj 'Amr, le Bav Turc'Alï, et d'autres
cjui se faisaient un titre d'avoir été esclaves au service du sultan
le plus fameux de ce siècle-là.
Lçs établissements musulmans du Campa n'ont pas d'his-
toire; tout au plus abritent-ils leurs débuts sous une légende.
Ils ont du moins laissé deux précieux monuments de leur passé
éphémère, deux inscriptions de portée tout à fait dissemblable,
mais également exceptionnelles, si l'on envisage l'expansion
civilisatrice du proche Orient dans l'extrême Orient. L'une est
remarquable par sa beauté paléographique et par son origina-
lité épigraphique. L'autre, au contraire, tout énigme, est l'im-
perfection même. Cependant, le peu qui subsiste de cette chose
que le temps et l'espace nous rendent si lointaine, laisse deviner
combien elle captiverait noire intérêt, si de trop nombreuses
et graves lacunes ne l'empêchiiiciit pas de livrer entièrement
son secret.
MELANGES.
LE SARCOPHAGE DU ROI MYKÉRI\OS
ET CELUI DE LA REINE.
Tout le monde sait que Mariette, pendant ses fouilles dans
les environs des grandes pyramides de Ghizeli, fit la décou-
verte de plusieurs sarcophages en pierre, ornés d'inscriptions
hiéroglyphiques, dans lesquels avaient reposé divers grands
personnages de la IV" dynastie. Les sarcophages des rois et
reines de cette époque sont, au
contraire, tous anépigraphes. Ce
n'esl (pie pendant la VL dynastie
qu'on commence à graver des in-
scriptions sur les sarcophages des
rois. Les sarcophages contenus
dans les deux grandes pyramides
sont encore (Mi place dans leurs
caveaux funéraires, sans couvercle et en mauvais état. Celui du
roi Mykérinos, qui élait sans inscriptions, mais décoré de sculp-
tures, fut découvert dans la 3" pyramide par l'architecte anglais
Perring, travailhmt pour le colonel Howard Vyse, mais le sar-
cophage fut perdu en mer, au cours du transport en Angleterre.
Le cercueil intérieur, une restauration datant sans doute de la
XXV* dynastie, arriva eu revanclie sans dilïiculté en Angle-
terre; il est exposé au Mus(''c Rritannupie. La forme est exac-
tement une de celles en usage pour les sarcophages en bois de
l'époque, et la formule (pi'on Ht sur le devant se rencontre
MELANGES. 291
également souvent sur les cercueils en bois datant des XXIP-
XXVP dynasties. Le sarcophage de la reine, épouse de Myké-
rinos, a été figuré par Nestor L'Hôte '^^, mais ni lui, ni aucun
autre, n'a dit de quel règne il date. A en juger d'après les
expressions de L'Hôte, on pourrait supposer qu'il se trouve
dans une des trois petites pyramides situées près de la grande.
Cependant tel n'est pas le cas. Aucune de ces pyramides ne
contient de sarcophage. En revanche, un sarcophage, celui
que nous reproduisons d'après L'Hôte , se trouve dans la pyra-
mide du milieu, près de la troisième. Voici ce qu'on lit chez
L'Hôte : «Plusieurs des petites pyramides construites aux alen-
tours de la grande ont aussi été rouvertes; leur intérieur ne
présente qu'un couloir incliné conduisant à la chambre funé-
raire. Leurs parois sont entièrement nues, et je n'ai vu que
dans l'une d'elles un sarcophage. La cuve est en granit rouge,
dépourvue de sculptures, mais remarquable par son exécution,
la vivacité de ses arêtes,» et par son système de clôture. . .
Cette fermeture consiste en une rainure en biseau, ménagée
aux deux côtés supérieurs et en dedans du sarcophage. Le
couvercle, introduit dans celte double rainure en manière de
tiroir, était scellé j)ar des boulons mobiles en métal qui, une
fois introduits, ne pouvaient plus être retirés. On devait briser
le couvercle pour avoir la momie '^'. » Le même système de fer-
meture était en usage dans le sarcophage du roi Khefren de la
2" grande pyramide'-^' et dans celui du roi Mykérinos'''.
Waldemar Schmidt.
C' Nestor L'Hôte, Lellres d'EifijpUt en ii'Jô' cl i83y, p. il\o (i84o).
(-) Nestor L'HoTE, loc. cit., p. lio-iAi.
'') L. JloLSCUEii, Grabdenkmal il. Koeiiiijs Clirfren , ]). 63 (i(jia).
''' VïSK, Opérations, 11, p. 85 (i8^oj.
COMPTES RENDUS.
Léon Rkallon. PitEMiEns éléments de LAficinE DOVAL.i. — Douala , 1919; iu-S"
carré, 56 pages.
Charles Mathieu. Petit vocidclaiiie FRiyçAis-nouLOU. — Paris, Geuthner,
1991; ia-18, 80 pages.
Les langues du Cameroun n'avaient élé l'objet que de travaux eu alle-
mand et en anglais jusqu'à ces dernières années; depuis l'occupation
française, nos compatriotes se sont mis à les étudier à leur tour et nous
avons déjà deux petits volumes dus à deux de nos administrateurs et
consacrés l'un au douala, l'autre au boolou, qui appartiennent tous
deux au groupe bantou.
Le douala est bien connu ; de nombreux ouvrages ont traité de cette
langue, parmi lesquels il faut citer surtout ceux de Meinhof et de Din-
ckelacker, que M. Réallon a utilisés, ainsi qu'il le mentionne dans son
iiitroduclion. Le boulon, qui fait partie du sous-groupe dont le type est
le fang ou pabouin et auquel se rattache également le yaouudé, est
parlé principalement dans la circonscription d'Ebolowa; Tronje von
Hagen en a donné, en 191 4, un Lehrbuch qui ne serait, dit-on, que la
traduction allemande d'une grammaire rédigée par les missionnaires
américains.
Les modestes publications de MM. Uéallon et Malliieii ne sont donc
pas (les révélations et leurs autmirs uoiit jamais eu la préteution d'être
des découvreurs en matière de linguistique africaine. Le seul but qu'ils
se sont proposé a été de mettre le public français en mesure de s'initier
à la coiuiaissance d'idiomes parlés au Cameroun. Ils auront pleinement
réalisé ce but, cpiand la {irammaire douala de M. Réallon sera complétée
par un vocabulaiie et quand le vocabulaire boulon de M. Mathieu sera
suivi d'une grammaire.
M. Delafosse.
COMPTES RENDUS. 293
F. W. TaYLOR, a FIItST Gn.iilMAR OF THE AdAMAWA DIALECT OF THF. FuLAM
LANavACE (Fulfvldb). — Oxford , Clarendon Prcss , i92i;in-i2, i3G pages.
Le dialecte peu! ou fulfulde, en usage dans i'Adamaoua et les régions
voisines, ne nous était connu jusqu'ici que grâce à quelques publi-
cations allemandes : une note de Schultze (1909), un rudiment gram-
matical de Steane et Sembritzki (1909), quelques textes recueillis par
Von Stephani (1909) et un petit manuel du même auteur (1911). Au-
cune de ces publications n'était satisfaisante. La grammaire que vient de
nous donner en anglais M. Taylor n'est assurément pas parfaite, mais
elle réalise un progrès très sensible sur l'œuvre de ses devanciers et nous
permet de nous faire une idée à peu près exacte de ce qu'est le dialecte
peul dont elle traite.
D'une façon générale, le peul de I'Adamaoua présente, par rapport
au peul du Foûta sénégalais ou ptilar, les mêmes différences que l'en-
semble des dialectes parlés à l'est du Niger : infinitif en {>o au lieu de de,,
futur afiîrmatif actif en an au lieu de at, parfait négatif actif en ai au
lieu de uni, parfait alïirmatif passif et réfléchi en ake et ike au lieu de
ama et iiiia; pronom nga au lieu de ba affecté à la classe des noms de
certains animaux , principalement herbivores. Il convient d'observer, en
outre, que cette même classe à pronom nga englobe, dans I'Adamaoua,
les augmentatifs et que ces derniers ont une classe de pluriel à pronom
ko et à initiale occlusive (nasalisée si elle est susceptible de nasalisa-
tion): ainsi la racine rew donne ndciva nga tria grande femme'', pi.
tideho ko tries grandes femmes n; hgesa i^champn a comme pluriel gpse
dans le sens de irchampsA et iigeso dans celui de ff grands champs 1.
Par ailleurs, le dialecte de I'Adamaoua ne semble pas présenter de
caractères bien originaux et, si l'on met à part les différences de vocabu-
laire, qui sont fatales entre deux dialectes parlés dans des régions aussi
éloignées l'une de l'autre , il se distingue très peu du peul du Massina.
Les phénomènes de modification et de nasalisation de la consonne ini-
tiale de la racine semblent être soumis aux mêmes règles dans i'Ada-
maoua qu'au Massina et au l^iita sénégalais et, à cet égard comme à
quelques autres, les dialectes de ces trois pays paraissent moins évolués
tpie celui du Foûta Diallon.
i'iusieurs des caractères communs aux divers dialectes du peul, qui
nous sont bien connus depuis le remarquable travail de M. Gaden (Le
poitlar, Paris, 2 vol. gr. in-8", 1919,-191^1), n'ont pas été notés par
M. Taylor, faute de préparation sullisant(î ii la connaissance des |)rincipes
généraux de la langue, mais ils se dégajicnl des exenqtles (|u'il cite.
C'est ainsi qu'il attribue au ii()nd>re, et au fait que les noms représentent
294 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
ou non des (Hres humains, les phénomènes d'alternance consonanlique
qui, en fait, sont dus à ia classe; c'est ainsi encore qu'il ne paraît pas
avoir saisi le mécanisme des diverses formes que revêt, selon les cas, le
sullixe d'une même classe nominale (par exemple: hgo, go, tvo, et o;
de, le, dye et e, etc.), bien que ces diverses formes apparaissent fré-
quemment dans son livre; il dit n'avoir pas rencontré l'emploi de la
voix réiléchie, et cependant il se trouve amené à en citei- plusieurs
formes ou temps, comme un intinilif en âgo, un aoriste en o et un
aoriste négatif en alâko (et non ako), dont il propose une interprétation
incorrecte.
Ces réserves faites, et ce sont surtout des réserves de doctrine, la
grammaire de M. Taylor, accompagnée de nombreux exercices de tra-
duction et de deux petits lexiques, rendra certainement des sei-vices.
L'auteur l'a complétée depuis par deux reading looks qui contiennent
une certaine quantité de textes recueilhs sur place. Son œuvre constitue
ainsi un instrument de travail qui pourj-a permettre aux linguistes de
dégager pleinement et méthodiquement les particularités dialectales du
peul de l'Adamaoua.
Il n'est pas inutile de signaler ici que M. Taylor a noté ces consonnes
spéciales {b, d et dij — qu'il transcrit par un »/ pointé — ) qui sont
appelées par les uns rraspirées^ et pai' les autres, dont M. Gaden, ff cla-
quantes •n. Tant de ceux qui ont écrit sur la langue peule les ont ignorées
qu'il faut savoir gré à M. Taylor de les avoir observées.
M. Delafosse.
Grobmann (Dr. Adolf). Aet iiiopisc.hr M.iniENHYMKEX {Ahhaudlun^i'ii dev PliiL
Hisl. Klasse dcr Sitchnischcn Akademif dur IMsseiiscliaflpn , XXXIII, 11° IV).
— Leipzig, Teubner, 1919; gr. in-S", xii-5o7 pages.
Ce gros travail a été entrepris en 1910, livré à l'impression à la fin
de igii. Dans l'intervalle, M. Grohmann s'est assimilé une quantité
considérable d'ouvrages et quelques enseignements verbaux (il a été en
relations à .lérusaloiu avec le savant abyssin Abba Takla Maryani) sur ia
langue et la littérature élhio[)iennos en général et en parliculier surtout
KB qui concoine les œuvres — elles sont nombreuses — consacrées à la
Vierge. Outre le présent livre, il annonce une édition (en collaboraliou
ave.c M. Kuring(!r) de ÏOrguc de la Vierge, (iMivr(! iniportnnie en i)r()se,
et, d'autre [)art, une étude sur l'art abyssin d'a|)rès l(!S miniatures.
Le présent livre est surtout une édition d'une lon{;ue suite de cou-
COMPTES RENDUS. 295
plets (i56 strophes de 5 vers), à la louange de Marie, connue sous le
nom de (lanùque de. la Fleur, très répandue en Al»yssinie en difTérentes
versions (où Tordre au moins des strophes est variahle). Ce cantique est
chanté pendant une période de l\o jours, dite Temps des /leurs ((Iuidi,
\ ocabolario amurico, col. 610), du a G Maskai'am au ^ Hedar, c'est-'i-
dire aux mois d'octobre-novembre, ce qui est le vrai piinteraps du haut
plateau abyssin, après la saison des pluies (et non du 26 juin au 96 sep-
tembre, comme le dit M. Grohmann, p. 62).
D'autres poe'sies moins considérables sont éditées à la suite. L'édition
est faite avec toutes les ressources de la critique de textes; les variantes
de plusieurs manuscrits sont citées, traduites, discutées; la traduction
parait très exacte: le ti-ès abondant commentaire pourra, joint à cette
traduction, intéresser tous les curieux de littérature religieuse.
Une introduction copieuse (avec répertoire des chants d'église consa-
crés à la Vierge par le rituel abyssin), un index de tous les noms et
verbes contenus dans les textes avec références exhaustives, un gros
index des noms et des clioses ( contenant entre autres un lépertoire de
toutes les qualifications de la Vierge), une riche bibliographie, et un
index des passages de la Bible cités complètent l'équipement du vo-
lunje.
Pour les éthiopisants , l'intérêt principal de cette pubhcation est
qu'aucune édition analogue de textes poétiques n'a été faite jusqu'à
présent : or la poésie a une place éminente dans le culte abyssin et dans
l'instruction et la vie du clergé.
Il y a encore beaucoup à dire sur cette poésie, même après M. Groh-
mann. Lui-même d'ailleurs reconnaît (pie les questions de métrique et
d'exécution musicale ne peuvent être bien étudiées qu'en Abyssinie. Il est
très désirable que des éludes de ce genre sur place puissent être faites
bientôt. La poésie et la musi(jue éthiopienne, outre leur intérêt propre,
peuvent aider à l'ésoudre certaines des questions qui intriguent les sa-
vants au sujet de la poésie hébraïque.
Les indications de M. Grohmann sont h compléter et à rectiher sur
certains points au moyen de l'élude, datant de iH.5o-i85A, faite par un
homme qui a vécu luugtenips en Abyssinie, le Père Juste d'Urbin ; elle
a été publiée en partie par M. Conti Ilossini, dans ce Journal asiatiquo,
XI" série, tome VI, 191 5 (a' semestre "), p. 239 et suivantes. De plus,
les Archires de la Parole h la Sojbonne possèdent maintenant en disques
phonographiques une {)etite série d'hymnes abyssins qui peut pernjetlre
de commencer une étude musicale.
Observations au sujet de la poésie : p. ^i , il est dit que la poésie en
296 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
guèze est toute religieuse, à part quelques proverbes; c'est vrai pour la
forme, mais non pour le fond; certains hymnes chante's au milieu du
service religieux ont partiellement un caractère profane (voir notam-
ment 7. As., 191 5, 11, p. 228). — P. 89, certaines formes de poésies sont
ënumére'es comme pouvant être consacrées à la Vierge; puis il est dit,
p. /io, que, outre ces types, il existe la sërie des hymnes (qënê), rare-
ment adresses à la Vierge : or les foj-mes citées à la page 89 sont précisé-
ment en majeure partie des formes connues de qénë; il est bon que les
lecteurs soient mis en garde contre cette manièie d'exposer les choses.
A la page 89, il est dit que la poésie de six vers qui porte le nom de
sëllâsë ffTrinitén (traduit faussement par frtercetn) a souvent deux rimes
(une pour le premier, l'autre pour le second tercet); ceci me paraît tout
à fait erroné ; l'erreur remonte à une note de Ludolf contenant la tra-
duction fausse ff tercet •«; mais l'exemple de poésie hHlâsê citée par lui-
même est monorime, de même que toutes celles du même type publiées
par M. Guidi (Rmdiconti Lincei, 1900). Le caractère monorime de la
sti'ophe guèze est encore méconnu p. /jo, où il est dit que le genre za-
'amlâkhja (à trois vers) a un premier vers blanc, les deux derniers ri-
mant entre eux {(ihh): ceci paraît reposer uniquement sur un exemple
cité dans la grammaire éthiopienne du P. Chaîne (p. aSo); M. Guidi,
commentant ce texte, dans l'article indiqué en note par M. Grohraann
lui-même, a observé que le premier vers devait être corrigé; or le même
tercet figure au J. As., 1915, II, p. 298, avec trois rimes pareilles, le
premier vers (qui paraît d'ailleurs altéré) rimant avec les deux autres.
Lexique. Une petite liste de mots et de sens inédits est donnée p. 43-
45 ; mais d'autres indications nouvelles sont noyées dans l'index qui se
trouve à la fin du livre; il est très regrettable qu'un signe particulier
n'y ait pas distingué tout ce qui n'est pas dans le dictionnaire de DUl-
mann.
Complément à la bibliographie : Jean Uuchesne-Fournet, Mission en
Ethiopie, 1909, t. I, p. 289 et suiv. : Note sur les manuscrits rapportés
d'Abjjssinie par la mission Duchesne-Fournet , par J. Rlanchart; voir pour
la littérature consacrée à la Vierge, p. 827, 882, 834 (où est donné le
début d'une version du Cantique de la fleur); Marcel Cohen, Rapport sur
une mission linguistique en Ahyssinie , 1912, p. 16, 18 et 20; M. Chaîne,
(!ataloi>ue des manuscrits éthiopiens, etc.. Revue de l'Orient chrétien,
19' vol., 191'!, second article (p. 247-268); (sur le P. Juste d'Urbin ,
voir plus haut).
Marcel Goiien.
COMPTES RENDUS. 297
NizÂMî. diioix DE rPB.s Tinh m: la Khamsa. Texte persan publii- par M. Th.
HoiiTSMA. — E. J. Brlll, Leydo, 1921; 1 vol. iii-8°, 80 pages, plus une pré-
face (le 3 pages non numérotées.
La bibliothèque de Leyde renferme un manuscrit persan (Dozv,
Catal., t. II, p. 109) dont le compilateur s'est occupé de réunir, sous
des rubriques variées , une anthologie de vers extraits du recueil des
cinq poèmes de Nizhâmî connu sous le nom de Khamsa. Gela forme
trente-sept chapitres, qui donnent une idée, non de la composition de
ces poèmes et des sujets qui y sont traités, mais de diverses pensées et
réflexions émises par l'auteur au cours de ses élucubrations. Les orienta-
listes qui ne se sentiraient pas le courage de s'absorber dans la lecture
de l'édition lithographiée à Bombay en 1278 hég. (1 856-1 Sôy) au-
ront, grâce aux extraits qui nous sont donnés, un moyen pratique de
se rendre compte aisément de la manière de ce poète du xn" siècle de
notre ère.
La copie de Leyde est médiocre, mais c'est celle qui contient le plus
grand nombre de vers. Ceux-ci ont été corrigés au moyen du manuscrit
de Berlin, qui ne contient pas moins de trois rédactions différentes de
ce texte, et de ceux d'Oxford, du British Muséum et de Tlndia Office,
sans compter les éditions imprimées et lithographiées. Une feuille
volante, qui est distrii)uée avec le volume, contient cinq corrections
qu'il est facile de reporter aux endi'oits indicpiés.
Un inconvénient de cette compilation , c'est que les cinq poèmes de
Nizhâmî, Makhzen el-Asrdr, Khbsvan 0 Cliirin, Léïlù 0 Madjnoiui, Hoff-
Péïher, Islioider-nàmè , ont été écrits sur des mètres prosodiques dillé-
rents, ce qui oblige le lecteur, en passant de l'un à l'autre des morceaux
choisis, à scander de façon diverse : or on sait que cette scansion est
indispensable pour l'intelligence des vers, dans une édition où les izdfet
ne sont pas indiqués. La gène qui en résulte n'est pas, d'ailleurs, impu-
table à l'éditeur, qui a apporté tout le soin possible à donner un texte
correct. Le savant orientaliste d'Utrecht réserve à Nizhâmî une estime
particulière, ainsi qu'il veut bien me le faire savoir par une communi-
cation personnelle; il n'hésite {»as à le préférer à Sa'di et à d'autres
poètes persans. L'édition qu'il nous donne de ces extraits aura au moins
le mérite d'attirer l'attention sur des œuvres qui semblent quelque peu
négligées en Europe. Cl. IIiaut.
Edward 0. Rhowne. Arabian Medicike. — Cambridge, Univcrsily Press,
i()2i; 1 vol. pet. in-8°, vni-i38 pages.
M. Brownea été élu en 1911 membre du Collège royal des médecins,
298 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
l'Académie de médecine de l'Angleterre. Il a raconté Ini-même , dans un
de ses premiers ouvrages, qu'il s'était d'abord destiné à la médecine
avant d'étudier le persan et de rapporter de Perse les documents rela-
tifs à la religion des Bàbîs qui ont attiré sur lui l'attention du monde
savant. C'est le couronnement de sa carrière d'orientaliste qui le ramène
ainsi à ses premières études. Le Collège royal lui a demandé d'exposer,
en quatre conférences, ses idées sur la médecine arabe; ces lectures ont
eu lieu en novembre 1919 et dans le même mois de 1930. Le présent
volume est le résultat des recherches auxquelles il s'est livré.
Comme la philosophie, la médecine est, chez les Arabes, d'origine
grecque; il a pu s'y mêler des éléments perses et indiens, à un moindre
degré. Le plus ancien médecin mentionné par Ibn-Abi-Oçaibi'a est un
certain el-Hâiith ben Qalada, contemporain de Chosroès 1", auquel il
aurait donné des conseils d'hygiène; mais il est difficile de déterminer
si ce renseignement contient rien d'historique. La seule chose h en
retenir, c'est qu'il avait étudié à l'école de Gondê-Ghâpoùr en Susiane,
à laquelle était annexé un hôpital; de là sortit également, au rapport
d'el-Qifti dans son Histoire des médecins, Djordjîs fds de Bôkht-Yichou
que le khalife el-Mançoùr enleva à ses fonctions de médecin-chef pour
le faire venir à la cour de Bagdad. Cette fondation des rois sassanides
fut pendant longtemps le seul centre scientifique de l'Asie antérieure.
A la cour des khalifes, les médecins avaient une situation extrêmement
délicate; dépositaires de redoutables secrets, connaissant l'efl'et des poi-
sons, ils pouvaient être solhcilés en haut lieu de mettre leur science au
service de rancunes personnelles. On comprend, à la rigueur, que les
docteurs sortis de l'école de Gondê-Châpoûr fussent peu tentés démettre
leurs connaissances à la portée d'autres gens que leurs compatriotes :
toujours est-il que Honéin ben Isliaq, chrétien de llira, fut chassé par
son maître Yohannâ ben Mâsawaïh (le Messuë des traducteurs latins du
moyen âge) pour les (piestions indiscrètes qu'il s'était permis de lui
poser. A côté des médecins officiels, une foule d'empiriques distribuaient
à tort et à travers les remèdes que leur suggérait la pratique de leurs
prédécesseurs : en 9.^1, le khalife el-Moqtadir, pour remédier en par-
tie à cet abus, institua des examens présidés par Sinân ben Thâbit de
llariân , (pii en retira de bons profils.
M. B. dis lingue deux périodes dans renseignement : la première est
celle des traductions du grec en arabe, souvent, mais non toujours,
|)ar un intermédiaire syriaque: la seconde est celle des travaux person-
nels de médecins "écrivant <'M ai-abe, bien qu'ils lussent Juifs, chrétiens,
Cabi(!ns de llarràn ou même Zoroastriens. Pour lui, lîhazès est supé-
COMPTES RENDUS. 299
rieur à A\icenne, malgié ia céléhrité de ce dernier, parce (ju'il nous a
transmis ses observations clinif|ues. Nombre d'anecdotes emprunle'es aux
œuvres d'Osània ben Monqldh. au Fnradj had ech-Cliidda d'et-Tanoù-
khî, au Tcliahàr-Mmjàla de Nizbàm 'Aroùdi, ont tenu eu éveil Tatlenlion
de l'audiloire. Plus intéressante pour nous est la mention de ce manu-
scrit du Britisb Muséum, le Firdaiis el-ÏIilana d'Ali ben l»abban du
Tabaiislân, qui peut être considéré comme unique, puisque celui de la
collection Landberg, aujourd'hui à Berlin, parait n'en être qu'un abrégé;
M. B. nous en promet la publication et peut-être même la traduction.
Du même intérêt sera la correspondance de Rachîd-ed-Din , de laquelle
l'auteur a déjà entretenu les orientalistes, et dont il possède un manu-
scrit provenant de la bibliothèque rapportée de Perse par Houtoum-
Schindler.
Le frontispice, tiré également à l'encre rose sur la couverture en
pa](ier entourant le cartonnage, rejjroduit une scène du Malih:en-el-
Asi'dr de Nizhàmî (p. 8g); la rivalité de deux médecins les avait poussés
à se défier de s'empoisonner mulueliement: l'un d'eux meurt, non par
l'effet d'un poison qui ne lui fut pas présenté, mais de peur et de sai-
sissement, à la vue d'une rose inoffensive sur laquelle son adversaire
avait simulé une incantation. Cette gracieuse miniature est extraite d'un
manuscrit persan sur lequel YArabian Medictne ne donne aucun rensei-
gnement.
L'auteur dit en passant quelques mots dédaigneux de la médecine de
Mahomet , dont les Musulmans font grand cas parce qu'ils lui attribuent
pour ox'igine une inspiration venue d'en haut. En dernière analyse, les
|)assages des traditions islamiques qui traitent de ce sujet se réduisent
à l'emploi de trois moyens thérapeuticpies : le miel, les ventouses, le
cautère actuel, dont l'usage est peu recommandé, probablement à cause
de son emploi fréquent chez les Arabes païens: on énumère encore
quelques médicaments sans inq)oitaiice. Notons, p. 119. que mi-ddj
ff teuqjérament'^ est proprement rf mélange j?; c'est donc sinq)lemenl la
traduction du grec av-^hpucrts^^K
Cl. IICART.
'"' Comparer, sur le mômo sujot, VElal do uns CDitiiaissances skv la médecine
aiicicmiii au Marne, par l(( (locleur ncjuuid, til \v* Congidi'nitlans sur la tnédc-
riiii' iiidi<>viic (irhiellc au Maroc, par le docteur Maurnri. dniX'^ le Hnllrtlu de
l'iinlilul (Ica Hautes Eludes Mariicaines , ^\v^•vn\hv^' i<)'Jii. p. 71-1(1.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
SEANCE GENERALE DU 15 JUIN 1922.
La séance est ouverte à 3 heures, sous la présidence de M. Senart,
Etaient présents :
MM. HuART et CoRDiER, vice-présidents; M™' Grarowska. MM. Allotte
DE LA FuVE, BÉNÉDITE, BeSSIÈRES, BlOCH , BouVAT, A. -M. BOYER, P. BoYER ,
Cabaton, Gontenau , Da>on, Deny, Ducrocq, Dussaud, Ferrand, Gaude-
froy-Demombynes , Graffin, Cb.-F. Jean, Macler, Madrolle, G. Mas-
PERO, de Mavdell, Meillet, Moret, Ort, a. Périer, J. Périer, Bceské,
SiDERSKY, SiNAPiAN, ViAU , membres; Tum\E\v-])A'SGm , secrétaire.
Le procès-verbai de la séance générale du 1 6 juin 1921 est lu et adopté.
En ouvrant cette séance qui clôt la centième année d'existence de la
Société, M. LE Président prononce l'allocution suivante :
ff Messieurs,
ffNous retrouvons aujourd'hui le cadre de notre simplicité coutu-
mière; rien n'y est changé: et cependant il n'est personne de nous qui
ue ressente le caractère exceptionnel de cette séance. Nous nous apprê-
tons à célébrer solennellement le centenaire de notre fondation; en atten-
dant, nous ne saurions l'oublier dans cette réunion qui, pour être toute
familiale, n'en évoque pas moins des impressions graves.
ffLa première d'un siècle nouveau d'activité, elle nous invite tout
d'abord à nous retourner vers nos illustres fondateurs, vers ceux qui,
après eux, nous ont tracé la voie, lis ont certes moins besoin de nos
SOCIETE ASIATIQUE. 301
louanges que nous n'avons de leurs exemples, et leurs découvertes,
leurs travaux sont pour le pays un patrimoine commun; mais nous
aimons ici, au foyer, à rappeler tout ce qu'ils ont fait pour notre Société
et, par elle, pour la science, ce que plusieurs de nos aines nous ont,
dans des relations familières, apporté d'encouragement, de lumière et
de réconfort. C'est à la vie intime de notre association qu'ici se reporte
plus particulièrement notre pensée pieuse. De notre histoire extérieure,
vous retrouverez avec plaisir une esquisse dans notre Livre du Centenaire.
Aucun de nous ne manquera de l'animei" par les souvenirs personnels
qui, surtout pour les anciens, font revivre tant de bonnes heures et
de mémoires chères.
rrMais, autant .qu'aux commémorations, cette journée nous invite
aux visions d'avenir.
ffCorabien je souhaiterais que nous nous assurions enfin une installa-
tion moins indigne de l'importance de nos études, plus favorable à
l'emploi de nos collections ! Vous le savez sans que j'y insiste. A aimer
notre maison, à nous y sentir à l'aise dans cette atmosphère de collabo-
ration amicale qui accroît la force de tous, nous serons mieux armés
pour la tâche immense qui s'offre à nous.
ff Serrons les langs, mes chers confrères, et, fidèles à nos traditions
modestes, mais fortes, espérons que, malgré les diflicultés que nous
connaissons trop bien, le siècle nouveau qui s'ouvre verra se lever un
bataillon de travailleurs qui ne soit pas indigne des premières généra-
tions." •
M. Meillet donne lecture du rapport de la Commission des censeurs.
Des remerciements sont votés à la Commission des fonds.
M. Ferrand signale le coût très élevé des corrections et invite les
auteurs à les réduire dans toute la mesure possible.
La Société donne ()leins pouvoirs à M. Gaudefroy-Demombynes, membre
(le la Commission des fonds, jtour toucher toutes sommes allouées à la
Société ou qui pourraient lui être allouées à l'avenir, et en donner
quittance.
Est élue membre de la Société :
M"° lIoMBURGEu, présentée par MM. Meillet et Gaudefrov-Dehom-
BYNES.
M. J. Périer offre à la Société un volume intitulé La Perle- précieuse
(t. XVI, fasc. li d(i h Palroloiriu orlentalis).
r,02 OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
iM. Fkbrand (Joune lectwe d'un mémoire de M, de Saussure sur
L'origine chiiioise de la Cosmologie iranienne. (Voir l'Annexe au procès-
verbal.)
Des observations sont présentées par MM. Senart, Meillet et Thu-
read-Dangin.
M. Ferrand fait une communication sur Une navigation européenne
sur la côte orientale d'Afrique au xiv' siècle. (Voir l'Annexe au procès-
verbal.)
Il est procédé au dépouillement des votes. Tous les membres sortants
sont réélus.
La séance est levée à k bem'es et demie.
AN!\EXES AU PROCES-VERBAL.
ORIGINE CHINOISE DE LA COSMOLOGIE IRANIENNE.
L'analogie entre le dualisme du Zend Avesta et celui de Ja théorie
chinoise du yin et du yang n'a — paraît-ii — pas été signalée. Elle est
cependant manifeste et cette constatation entraine d'importantes consé-
quences.
L'apparition de l'Avesta sur la scène du monde fut d'un grand poids
dans les destinées de la philosophie et de la morale humaines. La con-
ception d'un dieu suprême, immatériel, était née. L'empire iranien la
répandit ensuite vers Babyloue et l'Occident. Telle est, du moins, l'opi-
nion émise en ces dernières années et qu'il ne mappartient pas d'appré-
cier. Si je la rappelle ici, c'est simplement pour attirer l'alienlion sur
l'importance d'une fdiation directe entre la cosmologie chinoise et celle
de l'Avesta.
Grâce à sa symétrie, la cosmologie chinoise peut s'exposer facilement
en quelques lignes, comme j'ai eu l'occasion de le faire dans le Journal
asiatique de janvier 1920 à propos du Cijcle des douze aniniau.r.
Le firmament est divisé en cinq régions, d'une manière très logique:
d'aboid la région centrale (c'est-à-(hre la calotte circompolaire toujours
visible), puis les quatre régions périphériques correspondant aux quatre
saisons [ilnd., lig. 7 et 8),
SOCIETE ASIATIQUE. 303
Le miiieu do la région centrale est marqué par 1 étoile polaire,
appelée T'ai yi ffl'Uniqne supréraeTî ; et le miiieu des régions périphé-
riques est marqué par (juatre astérisraes cardinaux correspondant aux
solstices et aux équinoxes, c'est-à-dire aux quatre phases de la révolu-
tion dualistique du '^m et du yang. Ces deux principes antithétiques,
des ténèbres et de la lumière, du froid et de la chaleur, expliquent, aux
yeux des Chinois, l'alternance de toutes les révolutions : révolution
annuelle des saisons, révolution diurne, révolution azimutale; de telle
sorte que le Nord (maximum du yin sur l'horizon) équivaut au solstice
d'hiver dans la révolution annuelle et à l'heure de minuit dans la révo-
lution diurne.
Tous ces traits sont reproduits dans le Boundehesh et dans l'Avesta '''.
Le ciel iranien est marqué, comme le ciel chinois, par quatre asté-
rismes cardinaux qui président aux quartiers boréal, oriental, méridio-
nal, occidental du firmament. Au-dessus de ces quatre quartiers se trouve
l'étoile polaire Gâli, qui est appelée le Grand du milieu du ciel et pré-
sentée dans les termes mêmes de '.a description chinoise du firmament
traduite par Chavannes , où il est dit qu'au centre du ciel l'étoile Faite
du ciel est la résidence de ^ — ■ YUnité suprême {M. IL, III, p. SSg;
T'oung pao, 1920, p. 97).
L'identification de Gdli à l'étoile polaire, déjà évidente d'après l'ana-
logie chinoise, résultede 1 expression ffLe Grand au milieu du ciel«;
elle est, en outre, confirmée par un renseignement très intéressant que
me communique M. G. Ferrand. Dans les Instruciions nautiques des
marins arabes de l'Océan Indien '', l'étoile polaire est désignée sous le
nom de Gdh, mot d'origine persane signifiant aie lieun ''^
(') Boundelicsh, II, 7 et V, 1. — Yasl, Mil, la. — Siiozah, I, tS-i.').
Qu(ji([ue ayaut eu à prendre, connaissance, à propos du zodiacjue iunair'o,
des travaux relatifs aux tlivers systèmes astronomiques de l'Asie, je n'avais
rencontré aucune allusion à ces textes iraniens lorsque , en feuilletant derniè-
rement ï Histoire de l'astronomie ancienne de Bailly (177^*)' j*^ ^"^' ^^^"^ ^^^^
surprise, que «d'après M. Anquetil, les anciens Perses avaient quatre étoiles
préposées aux (jualre points cardinaux" (p. /i8o), trait caractéristique du sys-
tème chinois. Ce renseignement inaltendu venait conlirnier ce que j'avais
avancé en 1910 (T'ouiig puo, p. •2vt\) sur l'orijjine du myllio jjrec du pliénix
renaissant de ses cendi'es et siu' la propaj;alion des notions chinoises vers
l'Asie Occidentale.
(2-:5) (2) 1^11 f,jy Q^i notamment (pu;stion dans le passage suivant tlu ms. aaya
du fonds arabe de la l{ibliolhè<pie Nationale (fol. 37 r", I. i3 et suiv.) :
c(^ t-^*a..^ (>'>^> U^-" J^O^^i:..:-^ *J~«y-l' JljJI ^«^'j (fl-ii «Jjr S^i >-^i >S->^
.50/1 OCTOBRE-DEGKMBRE 19'it>.
-Mais les traducteurs, ignorant que le système du Boiindehesh repro-
duit celui des Chinois, n'ont pas eu, pour l'interpréter, le secours de la
lomparaison. Ils ont cru que Gdk de'signait ici une heure de la journée'''
et, dans leurs commentaires astronomiques sur les astérismes cardi-
naux, ont accumulé des erreurs dont on trouvera l'exposé dans une
élude plus détaillée.
Le même système se révèle dans l' Avesfa ( Sirozali , 1,8, 1 1 , i a , i 3 ) ,
011 il est décrit dans l'ordre que lui assigne le livre canonique Yi king
des Chinois :
D'abord la divinité suprême, Ahoura mazda, correspondant au Faîte
suprême -j^ ^ des Chinois.
Ensuite le Soleil et la Lune symbolisant les deux principes antithé-
tiques ^ ^ .
Puis les quatre astérismes cardinaux, l'eprésentant les quatre saisons
symbolisées par quatre emblèmes [Z3 ^ .
Ces emblèmes, comme on peut le voir dans ce même chapitre des
Gouverneurs du ciel de Chavannes, sont, notamment, la Tortue pour la
région nord et l'Oiseau pour la région sud. La raison du choix de ces
emblèmes a été exposée à propos du Cycle des douze animaux : la Tortue,
qui recherche l'obscurité, l'humidité et semble engourdie, a été désignée
pour symboliser le principe passif des ténèbres et de l'humidité. Comme
le système physique et cosmologique des Chinois est transposé, par
l'Avesta , dans le domaine moral et religieux , le principe des ténèbres
devient le principe du Mal et rinoffensive tortue se voit ainsi vouée h
l'exécration. Les iranisants peuvent-ils donner une explication du pas-
sage (Fargard, XIII) où Zoroastre consulte spécialement le Créateur de
Ls.{wJl iùyooil ,Lj.xJI J^l J^ÀX ^y<v*Jj Vt*^ is*"^^ f*^' '^5 Uv*-'!
«Al-ju(layy, c'est le gàh. Ai-jadi [avec lequel il ne faut pas le confondre] est
un sijjne tlu Zodiaque (lu Capricorne), qui [s'étend sur] deux mansions et un
tiers; c'est l'une des douze divisions du ciel. Gàh est un nom persan arabisé;
les Egyptiens l'appellent as-simiyyâ.n G. F.] — (^) [En persan, »Ij, qui a été
arabisé en »L=». ^â/t, avec ~ en fonction de gutturale sonore, représentant le
kàf-é 'ajémi ou g- persan. G. F. |
'') Divers chapitres de l'Avesta el du Ijoundeliesli nionlrenl qu'il ] a cinq
lj;àlt ; il est visible que ces gdk sont les astérismes centraux des cinq régions.
Ils correspondent aux jj fl^ el aux ^ ^ , dont la révolution est conçue
soit dans l'espace, soit dans le temps ( 7"o«;(^' |i((ri . 1910, p. 2^6 et (io5j.
SOCIETE ASIATIQUE. 305
l'univers au sujet de cet animal et oîi il lui est répondu que ffla tortue
est la mauvaise créature parmi les créatures de l'esprit du xMal qui, à
minuit, s'en va détruire les créatures de l'esprit du Bien^? Darmesteter
ne donne à ce sujet aucun éclaircissement. Par contre, dans son Intro-
duction, il décrit la répartition générale des animaux dans la catégorie
du bien et dans celle du mal, répartition qui transj)ose, de l'ordre phy-
sique dans l'ordre moral, celle que j'ai déjà eu l'occasion de résumer à
propos du symbolisme des douze animaux chinois.
Quant à l'emblème du sud, de Vc'ti' et du feu, <|ui était dans la haute
antiquité chinoise la caille, parce que cet oiseau, transformé plus tard
eu phénix, semble naître chaque année des feux de l'été, on ne le trouve
pas dans la littérature iranienne, dont (juehpies lambeaux seulement
nous sont parvenus. Mais l'origiue chinoise du système mazdéen per-
met de conq)rendre comment le niylhe du pliéiiix renaissant de ses
cendres a pu arriver aux Grecs. Elle pourrait aussi expliquer la vision,
de Zacharie, datée de la a*" année du règne de Darius, où un ange révèle
le mystère des chevaux symbolisant les vents des quatre points cardi-
naux, dont la couleur est celle des quatre points cardinaux dans la
théorie chinoise des cinq éléments '*'.
Cette théorie, très antique, des cinq éléments, n'est en efTet (ju'une
application du concept fondamental de la cosmologie chinoise, celui de
la région centrale entourée des quatre régions périphériques, qui s'étend
aussi bien au monde terrestre qu'au monde céleste^''.
Aux cinq régions correspond(;nt les cinq éléments, les cinq planètes
et les ciu({ couleurs. Parmi les cinq planètes, Saturne est associée à. la
couleur jaune, qui est celle du centre impérial, et à l'élément terre, qui
est logiquement l'élément central; Saturne est ainsi la planète du centre,
correspondant à l'empereur sur la Terre, donc à l'étoile polaire au Ciel
(M. H., III, p. 867; Toung pao, 1910, p. -iû^).
Or, dans le Boundehesh (V, 1), à la suite de la description du firma-
ment, se trouve la théorie des cinq planètes, dont (juatre sont mises en
C La concordance dos couleurs cardinales do ce texte avec les couleurs
cliinoises n'est cependant pas conaplèto : le nord est bien assimilé au noir, mais
c'est le gris (= bleu = vert, voir T'oung pao , njoy, p. ;î63; 1910, p. -i-^aj et
277) qui est mis en relation avec le sud (au lieu du rouge).
'^' Les cinq éléments chinois, mentionnés séparément dans la llturjfie de
l'Avesta, sont énumérés collectivement dans le texte pehlvi S.L., XV, ;") [S. ILE.,
vol. V), où l'élément central, la lerm , est placé, comme en Chine, au miheu
de la série. Cette théorie quinaire, inconnue du monde chaldéo-{jrcc , est spé-
ciliquement cliiuoisu.
306 OCTOBRE DECEMBRE 1922.
relation, comme en Chine, avec les astérismes cardinaux, et la cin-
quième (précisément Satm*ne) avec «le Grand du milieu du ciel 71 , c'est-
à-dire avec l'étoile polaire. Ce qui confirme la signification déjà évidente
du terme Gâh et l'origine chinoise du système.
Remarquons enfin que, dans la doctrine iranienne, on voit l'Etre
suprême, Ahoura mazda, tantôt assimilé au pôle placé au-dessus des
deux principes, au-dessus de Mithra (le yang solaire des Chinois) et
d'Anahila (le yin humide des Chinois), tantôt assimilé à l'un de ces
deux princi[)es. Or le même fait se retrouve en Chine où , à partir du
xn° siècle avant notre ère, une doctrine hétérodoxe consacrée par la
dynastie des Tcheou conçoit le Ciel en dualisme avec la Terre, ce qui
déforme l'ancienne religion cosmologique où le pôle trônait au-dessus
des deux principes : et , à propos du Ci/cle des douze anvnawv , bien avant
d'avoir lu i'Avesta, j'ai été amené à signaler dans le Journal asiatique
(p. 66-69) la juxtaposition de ces deux théories, qui subsistent côte à
côte jusqu'à nos jours ^''.
En attendant une étude plus complète, ces premières remarques
peuvent sulîu'e à montrer la connexion du système iranien et du système
chinois.
Léopold DE Saussure.
f Pourquoi ia religion de Zoroastre interdit-elle d'ensevelir les morts dans
la terre '? Darmesteter admet l'explication suivant laquelle cette prescription
aurait pour but d'empêcher de souiller l'élément terre. Mais alors pourquoi un
chapitre des Yendidad expose-t-il que l'enterremcnl des cadavres réjouit la
terre ?
L'orijjine chinoise fournit l'explication de cette crovaûce. Dans la doctrine
originelle et intt'grale, où le pôle engendre et domine les deux principes yin
et yang, c'est le zéro de la révolution duahstique, l'heure de minuit, qui est
le siège du principe des ténèbres, et c'est pourquoi, dans l'ordre moral ira-
nien, la tortue est vouée à l'exécration. Mais dans la doctrine hétérodoxe où
le couple Ciel-Terre se substitue au dualisme yin-ynng, l'antithèse haut et
bas, noble et vil, \ienl s'ajouter à l'opposition de la lumière et des ténèbres.
Le vil n'est alors plus représenté par la tortue (îNord), mais par l'élément
teiTc, placé à égale distance entre [eau (N.) et W jeu (S.), ce qui exphque pour-
(juoi l'Avesta presci'lt de placer le cadavre sur le sol , à égale distance de l'eau
et du feu (cl. Toung pao, 1910, p. 253). 11 est clair, dès lors, que la défense
d'enterrer les cadavres n'est pas destinée à préserver la terre de la souillure ,
mais bien d'empêcher l'élément impur de s'engraisser et de se réjouir.
Quoi(jue la doctrine chinoise se maintienni; plutôt dans le domaine pliy
sique et scientiliipie, on voit appaiaitre çà et là l'appréciation moiale. Dans le
C/ie Al ( M. IL, 111 , p. aSa ), il est dit que «le Ciel est noble , la Terre est vile».
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 307
UNE NAVIGATION EUROPEENNE DANS L'OCEAN INDIEN AU XIV° SIECLE.
Dans une note précédemment parue ici-même {A propos d'une carte
javanaise du xv' siècle, XI° série, t. XII, juillet-août 1918, p. 167),
j'avais reproduit ces deux vers d'une Instruction nautique de Ibn Mâjid
(ms. 9292 du fonds arabe de la Bibliothèque Nationale, fol. 100 v",
1.8-9):
y* i Jl ^'Li' ^'jj^l 'r^'r* JJÔ.X-!! *-J.x5 ^ yLj J^j
^^i)| (5ji ^J& !$A.jL5 JOLgJl^ Sj— " 7~^ i:)i-—'^-i ^ -^-.i^
Ou dil (juo, dans ios temps anciens, ies navires des Francs vinrent à Komr
[= Madagascar] et vinrent également sur la côte du Zang et de Tlnde [Occi-
dentale], d'après ce rpie rapportent les Francs.
Le texte dont sont extraits ces deux vers est daté, au fol. 1 16 v°, du
18 Sul-hijja 866= i3 septembre 1/162.
Cette information est extrêmement importante, mais je n'étais pas
alors en mesure d'apporter à son appui le témoignage d'un texte euro-
péen. M. Paul Pelliot a eu l'oldigeance de me signaler l'existence dans le
liecuril des Historiens des Croisades publié par les soins de l'Académie
des Inscriptions [Documents arméniens, t. II, 1906, in-folio), d'une
relation de voyages datée du xiv" siècle, qui vient heureusement confir-
mer l'indication fournie par l'auteur arabe.
ffLe Dircctorium ad passa pum Jaciendum, dit Gh. Kohier dans sa
magistrale introduction au l. Il des Documents arméniens, un des plus
dignes d'altenlion parmi les nombreux projets de croisade composés
dans la première moitié du xiv° siècle, fut adressé en iHSa k Phi-
lippe VI, roi de France, par un rehgieux dominicain, jadis missionnaire
dans l'Empire grec et dans les contrées lointaines de l'Orient asiatique
et de l'Afrique (p. cxLni).n Ainsi que le montre [dus loin Kolder, l'attri-
bution du Direclorium à licocardus ou Hrochard est purement gratuite
et ue saurait être maintenue; le véritable auteur de ce texte en est peut-
être le dominicain Guillaume Adam (ibid., p. cliv et suiv.).
Voici le passage où il est question d'une navigation du Pseudo-Hro-
cardus sur la côte orientale d'Afrique, juscpie [>ar ali" Sud, c'est-à-dire
308 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
jusqu'au tropique du Capricorne. Des marchands naviguaient alors
jusque par 34° Sud, latitude du cap de Bonne-Espérance :
[Pseddo-]Brocardus, Directorilm ad PASs.iGWM FAciENDDM, dtins RecusU des
Historiens des Croisades, Documents arméniens, t. II, Paris, 1906, in-folio.
(P. 383.) ff . . . Ego, pro meo proposito, unum per me visum adicio et
expertum. Cum cnim proficiscerer inter gcutes, causa fidei predicande, tran-
siens infallibiliter sub et ultra tropicuin estivalem, suIj cquinoctio me inveni,
quod probatur ex tribus demonslrativis evidencius argumcntis. Primo quod in
loco illo in quantitate diei ae noctis, nulle anni temporo, alicujus hore seu
ociam momcnli sonsibilis diffei'oncia notaliatur: secundo quod cxistente sole
in primo gradu Ai'ietis et Libre, eral, ibi (p. 38^1 ) in nieridie umbra rtn-ta:
tcicio (juoil slcllns [illas] (jue circumcunl propinquius polos muiidi videbam
in aliqua parte ntx'tis islas, scilicet ad aquilonem, illas autem ad meridiem
super circulum orizontis simul et equaliter elevatas. Obmitto, causa brevita-
tis, mulla alia argumenta, licet essent audiencium auribus curiosa. Processi
ultra versus meridiem ad locum ubi polum nostrum articum non videbam, et
videbam polum antarticum circa xxiii gradibus elevatum. Ab isto loco ulterius
non processi. Mercatores vero et bomiues iide digni passim ultra versus meri-
diem procedebant. usque ad loca ubi asscrebant polum antarticum quinqua-
ginta [lire : trigintaO] quatuor gradibus elevari. ConjuncLa autem minori
lalitudine climalum (}ue est xxii graduum , quibus primcipium primi climatis
vel circa ab equinoccio distat, cum illis quinquaginla [lire : triginta] quatuor
gradibus quibus polus antarticus elevabatur in loco ad quem mercatores supra
diximus pervenisse, constat quod patent quatuor conclusiones diHgencius
inluenti. Prima [est] quod plus sit extra climatus versus orientem atque
meridiem babitatum ipiam sit lotum spacium infra minorera et majorera lati-
liidinem cbmatum assigiiatum. Secunda quod major est pars Asie [asserenda]
quam communiter assignelur. Tercia quod non est frivolura neque falsura
antipodes assignare. Quarta, que raagis venit ad nostrura propositura, quod
nos qui veri Cbristiani suraus, non dicara deciraa sed et vigesima pars non
sumus.
Le De modo Sarracenos extirpandi du dominicain Guillaume Adam,
public dans le même volume de Bocumenla arinénicm, contient égale-
ment d'importants renseignements géographiques sur l'Océan Indien,
où ce religieux avait voyagé :
Nous savons, dit Kohler {Introduction, p. cxci, infra), qu'il se trouvait en
Perse du temps de GI(''menL V, à Tépoque oîi s'organisait en Occident un pas-
sage général, c'est-à-dire probablement en i3i3-i3i4, et qu'il s'était avancé
'') Cette correction, (|ui s'impose, est indiquée dans une note de Tisse-
rand.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 309
mémo dans les lointaines régions de Tana (près de Bombay), de Cambaeyt
(Cambaye) et de Colom (Quilon). . . D'ailleurs, suivant ses propres paroles,
il avait traversé dans toute sa longueur l'empire des Mongols de Perse et prê-
ché l'Evangile eh diverses réglons de l'Inde. Pendant près de vingt mois, il
avait navigué sur l'Océan Indien, dont il avait également exploré les rivages.
Il s'était arrêté neuf mois dans i'ile de Socotora. . . 11 connaissait, probable-
ment pour y avoir séjourné, les îles de Chyx (Kism) et de Hormutz (Uormuz)
à l'entrée du golfe Persique. Peut-être avait-il aussi fait escale dans l'archipel
des Dives (Laquedives ou Maldives), et il n'est guère douteux non plus qu'il
ait parcouru le golfe Persique et la mer Rouge et pénétré dans la ville d'Aden,
sur le commerce de laquelle il fournit de précieux renseignements. Enfin sou
zèle pour la prédication de la foi l'avait conduit jusqu'en Ethiopie.
Et plus loin (p, ce) :
Avec l'approbation et l'aide du souverain des Mongols [de la Perse], Ar-
goun-Khan [qui régna du ii août i'?8^i au 7 mars 1991], les Génois ont
construit à Bagdad deux galères (ju'iis se proposaient de conduire par l'Eu-
phrale dans la mer des ludes, dans le dessein de confisquer à leur profit tout
le commerce de celte mer. Nul doute que leur entreprise eût été couronnée
de succès si des divisions ne se fussent mises entre eux.
C'est évidemment à ces navigations que fait allusion Ibn Mâjid dans
les deux vers précités.
Gabriel Ferrand.
310 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
Nécrologie.
Un de mes amis de Pétrogi-ad m'adresse, sous ie titre significatif de
liussia orientnHs dolorosa, la liste des orientalistes russes morts dans la
période 1918-1922. J'ai pensé que nos confrères de la Société' asiatique
auraient quelque intérêt à connaître les perles douloureuses qu'a faites
l'orientalisme russe dans ces dernières années , d'autant que les commu-
nications sont loin d'être régulièrement établies. Les dates n'ont pu être
indiquées d'une faron précise pour les noms marqués d'un astérisque.
8 janvier 1918, Valentin Joukovski (iranisant).
19 avril 1918, Nicolas Vessélovsky (histoire de l'Orient).
19 mai 1918, Vilhelm Radlov (turcisant).
3 juin 1918, Oscar Lemm (coptisant).
28 octobre 1918, Jacques Smirnov (bistoire de l'art).
26 octobre 1918, ISicolas Médnikov (arabisant).
16 octobre 1919, Jean Volkov (égyptologue).
Octobre 1919, *Ollo Rosenberg (japonisant).
1919, *Abraliam Harkavv (bébraïsant).
1919, *Joseph RiPCHiDZE (langues du Caucase).
28 juillet 1920, Boris Toiraiev (éthiopisant et égyptologue).
1" août 1920, Alexis Markov (numismate).
*Alexis PozDMîJEv (mongolisant).
26 mai 1922, Basile Smirnov (turcisant).
28 mai 1922, Jean Rovzmine (arabisant). Agé de 28 ans seulement,
il avait donné une traduction l'usse du Haijyi ibn Yaqzhàn et travaillait
à un ouvrage sur le système philosophique d'Ibn Tofaïl et les sources de
ses théories, qui devait compléter l'étude de L. Gauthier. Il avait aussi
presque terminé la traduction russe du Kalilah et Dimnah, d'après la
recension publiée par le P. Cbeïkho , celle d'Altaï et Riabnine étant faite
sur le texte de De Sacy.
3 juillet 1922, P. Falev (turcisant). 11 avait travaillé dans le domaine
de la poésie épique liirke et avait recueilli un grand nombre de docu-
ments chez les Coumouques du Caucase.
René Basset,
Doyen de la Faculté des Lettres d'Alger.
RAPPORT
DE LA COMMISSION DES CENSEURS
SUR LES COMPTES DE L'ANNEE IQÛl.
L'exercice 1991 a encore été un exercice de liquidation des difficultés
(le l'après-guerre.
11 a fallu régler le reliquat dû pour les tirages à part de l'ancien
régime, soit 18,716 francs. Une partie s'est trouvée heureusement cou-
verte par la vente de livres que nous avions en double; celte vente,
réalisée par les soins du zélé rédacteur de notre Journal, a rapporté
8,5/48 francs.
Nos comptes se trouvent obscurcis par le fait que le compte de la
maison Leroux porte sur deux exercices : 1920 et 1921. Voici les faits
essentiels :
Outre 2,990 francs de cotisations arriérées, il a été reçu, pour 1990,
5,836 fr. 3o de cotisations annuelles, et, pour 1991, 6,699 fr, 20. On
peut donc esthner que nos cotisations annuelles rapportent environ
6,000 francs. Le recrutement des membres est satisfaisant, mais néces-
sairement limité.
Les abonnements au Journal ont rapporté, en 1920, 9,4i8fr. 90,
et, en 1921, 2,56o fr. 3o. 11 n'y a pas à espérer de grands progrès de
ce côté.
Les ventes de publications ont rapporté, en 1990, 1,727 fr. 55, et,
en 1991, 1,621 francs. On ne doit pas oublier que, depuis de longues
années, la Société n'a plus fait de [tublications nouvelles dont elle soit
propriétaire. Ce poste est donc appelé à diminuer progressivement.
Une cotisation perpétuelle de 600 francs, reçue en 1991, et un rem-
boursement d'obligation, montant à hSo francs, n'ont pas encore été
employés à acheter des titres.
La seule charge im|)ortanle de la Société est actuellement Timpression
du Journal : cinq fascicules ont coûté 98,799 fr. 3o. C'est dire que les
312 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
quatre fascicules annuels auxquels on a dû réduire la publication
reviennent à près de 96,000 francs.
11 a été fait environ 3, 000 francs de dépenses pour la mise en état
de la bibliothèque. Ces dépenses ne se renouvelleront pas.
Nos frais généraux sont réduits au minimum. Les honoraires versés
au bibliothécaire et au rédacteur du Journal sont demeurés au chiffre
d'avant guerre. La rétribution — déjà minime — des auteurs d'articles
est restée au même taux. 11 n'y a aucune économie possible.
Les cotisations annuelles et les intérêts des fonds placés ne suffisent
donc pas à couvrir nos dépenses régulières. Nous ne parvenons à y faire
face que grâce aux subventions qui comblent le déficit : 2,000 francs
de l'Instruction publique, 3, 000 francs d'un crédit ouvert par l'Impri-
merie nationale, 2,000 francs d'abonnements pris par le service des
OEtivres françaises à l'étranger, i,5oo francs de la Banque de l'Indo-
Chine, 5oo francs du Maroc et 5oo francs de l'Afrique Occidentale, soit
environ 10,000 francs.
La réimpression du quatrième volume d'Ibn Batoutah n'a été rendue
possible cette année que grâce à une subvention de la Caisse des recherches
scientifiques.
Notre situation financière est saine, grâce à la rigoureuse économie
de votre bureau et grâce à des dons généreux qu'il a obtenus. Il faut
souhaiter que ces dons se multiplient.
Car il est regrettable que nous ne puissions ni procéder à des achats
appréciables de livres et de périodiques, ni faire ou aider des publica-
tions nouvelles. Faute de ressources, notre vie est ralentie.
A. Meillet. R. Dussacd.
RAPPORT DE M. GAUDEFROY-DEMOMRYNES
AU NOM DE LA COMMISSION DES FONDS
ET COMPTES DE L'ANNEE 1921.
Les comptes de 1921 sont une liquidation : dépenses arriérées du
Journal asiatique et de tirages à part d'un prix imprévu (en tout
lib,(x']i fr. 25); frais de mise en état du matériel de la Bibliothèque
(menuiserie, etc., 1,89/1 fr.o5; reliure, 1,786 fr. 26). Elles ont été
couvertes par l'appoint du second versement de la maison Leroux pour
1920, retardé de quelques jours et porté au compte de 1921; par des
ventes de livres en double heureusement réalisées par le rédacteur du
Journal, et par diverses subventions. Il semble que Ton peut désormais
compter sur l'équilibre, mais en s'en tenant au format réduit du Journal
asiatique et en renonçant à faire, sans un secours étranger, aucune
publication ou réimpression.
31A OCTOBRE-DÉCEMBRE 1922.
COMPTES El
DÉPENSES.
Honoraires et frais de la maison Leroux ^^397' 80 >
Honoraires du bibliothécaire 1 ,800 00
Frais de la Société : service et étrennes Zi36 b(H
Chauffage, éclairage , frais de bureau 267 Bd,
Impressions h^k 7^
Mobilier 1,394 o5
Reliure 1,786 al
Classement de la bibliothèque 696 00
Correspondance et souscriptions i54 00 1
Impositions 486 60 1
Assurance 1^9 60 1
Imprimerie Nationale (Journal asiatique et tirages à part) 45,471 a
Indemnité du rédacteur 600 0
Honoraires 822 00
Société générale 944 o5
Reliquat au 3» décembre 1921 4,621 35
ToTAt 63,750 5o
SOCIETE ASIATIQUK. 315
ANNÉE 1921.
RECETTES.
Reliquat au 3i déceiiibre 1990 5. 689 92
Intérêts des valeurs de la Société 1 8,986 hj
Rerabourseinent d'une obli{fation P.-L.-M I180 3i
Intérêts des Bons 1 80 00
Intérêts des sommes en compte 59 o5
Versements Leroux pour 1920 et 1931 93,699 9*>
Cotisations versées au trésorier , . 970 00
Ventes de livres en double 8,548 65
Souscription da Ministère de l'Instruction publique 3,000 00
Crédit de l'Imprimerie nationale 3, 000 00
Souscription du Ministère des AlTaires Étrangères , , . 9,000 00
Souscri|)tions diverses (Banque Indo-Chine, i,5oo fr. ; Afrique Occidentale et
Maroc, 1,000 fr. ) 3,5oo 00
Avances du bibliothécaire 1,387 2»
Total 63,760 5o
316
OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
DEPENSES.
BUDGET Dl
Honoraires du libraire pour le recouvrement des cotisations et
remise sur les abonnements et ventes de publications
Frais de bureau du libraire
Honoraires du bibliothécaire
Service et étrennes
Chauffage, éclairage, frais de bureau
Impression et envoi des lettres de convocation .
Entretien du mobilier
Reliure et achat de livres nouveaux
Abonnements aux journaux et revues
Souscriptions et subventions
Contributions
Assurance contre l'incendie
Réserve statutaire
Frais d'impression du Journal asiatique
Indemnité au rédacteur
Honoraires des auteurs
Société générale , droits de garde, timbres, etc.
i,5oo'
1,000
i,8oo
5oo
6oo
300
200
317
5o
100
i36
i4C
i,4oo
24,000
6oo
i,5oo
i5o
00
00
00 \
00
00
00
00
8o
00
00
10
9,5oo' 00
3,767 8d(
582 a
27,650 od
Total des dépenses. 34,5oo
SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 317
/ANNÉE 1923.
RECETTES.
Cotisations 5,ooo' oo ) ^^^^^^ ^^
Abonnements cl vente des publications de la Société 5,ooo oo \
Intérêts des fonds placés i''-"°° "^^
Souscription du Ministère de llustriiclioii publiciue 2.000 00
(Crédit de l'Imprimerie nationale 3, 000 00
Souscription du Ministère des AlVaires Klrangères 2,000 00
Souscriptions diverses "^'^°° "°
Total des recettes 3/.,5oo 00
RAPPORT SUR LA RIRLIOTHÈQUE
POUR L'ANNÉE 1921-1922.
Pendant l'année écoulée, la bibliothèque a reçu, à titre de don ou
d'échange :
1° Environ quatre-vingts volumes et une quarantaine de plaquettes;
à citer, parmi les pubhcations les plus importantes , la magnifique édi-
tion hoUaudaise du Barabudur et The Thousand Buddhas de Sir Aurel
Stein :
2° 65 ouvrages en langue siamoise édités et envoyés par la Vajira-
ilana National Lihrary, de Bangkok ;
3° Le restant de la collection de manuscrits indochinois donnée par
M. Aymonier.
La bibliothèque doit à l'intervention de M. Ferrand de recevoir Tlie
Philippine Journal of Science, qu'il était à peu près impossible de trouver
à Paris. Par contre, The Hispauic Society ol' America n'a pas voulu con-
tinuer l'échange de la Revue hispanique avec le Journal asiatique.
En raison de notre situation financière, il n'y a pas eu d'achats de
hvies nouveaux, et la reliure des volumes reste suspendue.
Lucien Bouvat.
Vu:
Le présideni de la Commission de la Bibliothèque ,
H. CoHDIER.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME XX, XP SÉRIE.
MEMOIRES ET TRADUCTIONS.
Pages.
L'empire sumatranais de Çrlvija^a (M. Gabriel Feur.vnd) i
Une interpolation du Che ki (M, L. dk Saussure) io5
L'empire sumatranais de Çrîvijaya [«mie] (M. Gabriel KEnr.vND) t6i
Deux inscriptions coufiques du Campa (M. P. Ravaisse) 3'i7
MÉLANGES.
(Jui'l(|ii('S oiiservalious sur rEzour-Védam et son auteur (M. .1. (]uau-
l'ENTIEU j I 36
Le sarcophage du roi ^Mykeriuos et celui de la reine (M. W. Schmidt). . 290
COMPTES RENDUS.
Jiiilli'l-septembrc lya-J : llevue des Etudes slaves (M. Gabriel Keuuand).
— Aujjustin Péuieh, Saliva ben 'Adi, un pliiloso|)lie arabe clii'éticn du
.\' sii'cle; i'elils traités apoiojjétiques de ^ali\à ben 'Adi;- Ibnu'l-
Bai.kiiI. Tlie Kàrsnàma; - Joseph Gaiiame. interprète, La description
de la France ajjricole, industrielle, commerciale et coloniale, à l'usage
des Marocains [en arabe] (M. Cl. Hlabt) 1^7
Octobre-décembre itj9! : L. Iîém.i.on, Premiers éléments de langage
douaia; Ch. Matimei , Petit vocabulaire IVançais-boulou; - F. \V. Taï-
LOR, A first gramniar ol the Adamawa dialect of tlie Fulani language
(Fidfuide) (M. Dei.afosse). — Dr. A. Ghoiimann, Velliiopische Mai-ien-
li\inneii (M. M. Coiien). — >izâmï, Choix de vers tirés de la Khantsa ;
- E. G. Hiiowm;, \rahian Medicine (M. Ci. Ili act) aga
320 OCTOBRE-DECEMBRE 1922.
CHRONIQUE ET NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
Juillet-septembre 1922 i55
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
Procès-verbal de la séance générale du 1;") juin 1922 3oo
Annexe au procès-verbal : Orijjine cbinoise de la cosmologie iranienne
(M. L. DE Saussure) , 002
Annexe au procès-verbal : Une navigation européenne dans TOcéan In-
dieu au xiv' siècle (M. Gabriel Ferrand) 807
Nécrologie 3io
Rapport de la Commission des censeurs sur les comptes de Tannée 1921. 3 1 1
Rapport de M. Gaudefroy-Demombynes au nom de la Commission des
fonds , et Comptes de l'année 1 9 2 1 3 1 3
Budget de l'année 1928 3i6
Rapport sur la Bibliothèque pour l'année 1921-1922 (M. L. Bouvat). . . 3i8
Le iicmnl :
Gabriel Ferrand.
0
SOCIÉTÉ BELGE D'ÉTUDES ORIENTALES,
FONDATION DE LA SOCIETE.
Le 9 janvier 1921, sur l'invitaliou de M°' P. Ladeuze, recleur de
l'Université de Louvain, de MM. J. Capart, conservateur du Musée du
Cinquantenaire, Kugener, professeur à l'Université de Bruxelles, de la
Vallée Poussin, professeur à l'Université de Gaud, et du R. P. Peeters,
Bollandiste, se réunissaient au Musée de nombreux orientalistes et amis
de l'Orient. Après avoir entendu M''" Ladeuze et M. de la Vallée Poussin,
qui montrèrent combien il était utile aux orientalistes belges, dans
l'intérêt scientifique comme dans l'intérêt national, de concentrer leurs
efforts dans un esprit de fraternelle collaboration, l'assemblée décida de
constituer une société exclusivement consacrée à l'étude des philologies
et archéologies orientales.
M. E. Senart, président de la Société asiatique, et Lord Reay, prési-
dent de la Royal Asiatic Society, avaient adressé à la société naissante
les souhaits les plus sympathiques. M^' Casartelli, MM. Goblet d'Al-
viella, Fr. Gumont, le général R. Pontus et le R. P. Delehaye lui avaient
promis leur concours actif. M. Van Overloop, conservatem* en chef du
Musée, lui avait offert l'hospitalité la plus large.
Un projet est à l'étude (jui mettra à la disposition de la Société, pour
l'impression des procès-verbaux de ses séances, quelques feuilles du
Journal asiatique.
Le bureau de la Société est constitué : M. de la Vallée Poussin, pn;-
sident; MM. Capart et le général Pontus, vice-pri'sidenls; MM. iîonimer,
conservateur de la section d'Extrême-Orient du Musée, For{>el, de l'Uni-
versité de Louvain, Kugener, de l'Universilé de Bruxelles, Mansion, de
90G. UELGK. 1
l'Université de Liège, et le R. P. Peeters, membres du Conseil; M. Slrac-
mans, secrétaire et trésorier.
M. Gapart se charge de re'diger le pj-ojet de statut de la Société, en
tenant compte des observations présentées au cours d'une discussion
intéressante et animée.
La séance est levée à h heures.
Etaient présents ou ont adhéré :
M'"" Weynants, M"" Beaufais, Corbisier de Meaulsart, Werbrouck ,
MM. B. Belpaire. J. Bommer, Bricteux , Buckens, J. Capart, A. Carnoy,
M"^ CasailoUi, MM. Combaz, Fr. Cumout, FiR. PP. Dandoy, Delehaye.
MM. de la Vallée Poussin, Denis, H. de Vis, de Winiwarler, P. E. Dû-
ment, Englebert, J. Forget, Goblet d'Alviella. Collier, H. Grégoire,
M*'' Hebbelynck, MM. Heutze, H. Hirzel, Kiigener, Lebon, Lebrun,
Lechat, Lefort. J. Mansion. Ch. Michel, Mortier, P. Orgels, R. P. Pee-
ters, MM. R. Pontus, Prickaerlz, Ryckmans, Simonson. S. Speleers,
A. Stoclet, M. Stracmans, A. Van der Bnrch, B. Van de Walle. R. P.
L. Van Hée,M. ZechC).
SEANCE DU 6 FEVRIER 1921.
La séance est ouverte à 9 heures et demie, sous la présidence de
M. de la Vallée Poussin.
Etaient présents :
M. J. Capart, vice-président; M"" Weynants, W" Werbrouck, MM. Bel-
paire, Bommer, Buckens, Bxncteux, Carnoy, Dumonl, Forget, Hirtzel,
Mansion, Orgels, Peclers, Prickaerlz, Speleers. Zech, membres; Strac-
mans, tiecrclitiie.
Le piocès-\orl)al de la séance du <) janvier est lu et adopté.
M. Capart soumet un i)rojet de stnluts.
"' Oui adhéré depuis : .M"" Kl. do Mol, MM. .1. I.irlcni. Oisollc et Villcrs.
M. Capart donne la lisle des pul)licatioiis orientales périodiques que
la Bibliothèijue du Musëe met à la disposition de la Société.
M. de la Vallée Poussin lit de courtes notices sur Thistoire du drame
indien, par M. S. Konow; sur riiisloire de la philologie indienne de
E. Windisch; sur le deuxième volume de l'Art du Gandhâra, de M. Fou-
clier.
M. Capart décrit un mobilier funéraire récemment découvert à Thèbes
[)ar les explorateurs du iMusée de iMew-Vork (Moyen Empire).
La séance est levée à 4 heures.
SEANCE DU 6 MARS 1921.
La séance est ouverte à -i heures et demie, sous la présidence de;
M. de la Vallée Poussin.
Etaient présents :
M. Capart, vice-président; M"" Weynanls, M"'' Corbisier de Meaul-
sarl, Werbrouck; MM. Belpaire, Bricteux, Beaufais, Bommer, Buckens,
Caruoy, Combaz, Denis, de Winimarler, Dumont. Englebert, Kugener,
Mansion, Orgels, Peelers, Prickaertz, Speleers, Villers, membres; Strac-
mans, secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 6 février est lu et adopté.
M. A. Carnoy annonce la prochaine résurrection du Muséon, et en
ouvre largement les colonnes aux mémoires, notices et communications
des membres de la Société.
M. Prickaertz fait une communication sur les relations grammaticales
et de vocabulaire du Sumérien, du Proto-Sémitique et de l'Indo-Euro-
péen. Suit une discussion à laquelle prennent part MM. Mansion et
Peeters.
La séance est levée à U heures et demie.
— k —
SEANCE DU 3 AVRIL 1921.
La séance est ouverte à a heures et demie , sous la présidence de
M. de la Vallée Poussin.
Etaient présents :
M"' Gorbisier deMeaulsart, MM. Bommer, Buckens, Combaz, Deie-
haye , de Vis , Forget , Heutze , Hirtzel , Kugener, Orgels , Peeters , Spee-
1ers, Stocket, Villers, membres; Stracmans, secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 6 mars est lu et adopté.
Le projet de statuts de la Société est adopté à l'unanimité.
Son Excellence M. le ministre de Chine et Son Excellence M. le
ministre du Japon ont accepté le titre de membre d'honneur de la So-
ciété.
M. le docteur Buckens lit un travail sur les tombes chinoises qu'il a
explorées lors de son dernier séjour dans le Houan central , et sur de
nombreux monuments qui sont aujourd'hui déposés par lui dans les
collections du Musée.
La séance est levée à k heures et demie.
SEANCE DU 5 JUIN 1921.
La séance est ouverte à 2 heures et demie, sous la présidence de
M. Gapart.
Etaient présents :
M'"'^ Weynants, M"°' Gorbisier de Meaulsart, Werbrouck, MM. Bom-
mer, Combaz, Dumont, Denis, Kugener, Lebrun, Mansion, Peeters,
Orgels, Simonson, Speelers, Van de VValle, membres; Stracmans, secré-
taire.
Le procès-verbal de la séance du 3 avril est lu et adopté.
— 5 —
M. Speleers étudie tine stalnelle en bionze récemment acquise par le
Musée.
M. Kugener lil une noie sur le crporliait des Gothsn de Josué le Sty-
lile (passage des Goths à Édesse eu avril 5o6). Le (rportrailn est encore
d'actualité.
M. Capart étudie un fragment de vase en granit provenant de la col-
lection Ravenstein; l'ouvrage de Borchardt, Altaegijplische Zeitmessnng ,
permet d'identifier ce fragment, (jui est en fait un morceau d'une hor-
loge hydraulique.
La séance est levée à fi heures et demie.
SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1921.
La séance est ouverte à 9 heures et demie, sous la présidence de
M. de la Vallée Poussin.
Etaient présents :
M. Capart, vice-jjrésident ; M'"° Weynants, M"" VVerbrouck, MM. Bel-
paire, Buckens, Denis, Delehaye, Forget, Hirtzel, Mansion, Prickaertz,
Viilers, membres.
Le procès-verbal de la séance du 5 juin est lu et adopté.
M. de la Vallée Poussin annonce que M. Stracmans, secrétaire, appelé
sous les drapeaux, sera désormais empêché de remplir ses fonctions.
M"" Werbrouck veut bien le suppléer.
M. Capart étudie des instruments de musique égyptiens d'après
l'ouvrage récent de H. Sachs et analyse les travaux de recherches entre-
piis en Nubie et au Soudan au cours des vingt dernières années, et qui
apportent des renseignements nouveaux sur l'apparition des Nègres dans
la vallée du Nil; il commente les textes historiques mis au jour par
Reisner à Napata, ancienne capitale d'Ethiopie, et particulièrement la
stèle de Thoutmès III (campagnes en Asie, passage de l'Enphrate, siège
de Meggido).
La séance est levée h. k heures.
— (i
SEANCE DU 6 NOVEMBUE 1921.
La séance est ouverte à 9 heures et demie, sous la présidence de
M. de la Vallée Poussin.
Etaient présents :
M. Gapart, vice-président; MM. Belpaire, Bommer, Carnoy, Delehaye,
de Vis, Dumont, Hertzei, Lechat, Stracmans, Villers, membres;
M"' Werbrouck, secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 9 octobre est lu et adopté.
Sur la proposition de M. Speelers , la Société s'engage à verser une
cotisation annuelle de ao francs au Comité des Dames Amies de Car-
thage.
M. Speelers étudie deux statuettes syro-hiltites découvertes près de
Horas.
Le R. P. Peelers lit un travail sur les relations littéraires des anciennes
littératures chrétiennes d'Orient.
La séance est levée à li heures et demie.
ANNEXE AU PROCES-VERBAL.
Les anciennes littératures chrétiennes de l'Orient sont, pour une large
|)art, composées de traductions dont le fonds original a été le plus sou-
vent fourni par le grec. Outre ce qu'elles ont directement puisé à la
source commune, elles se sont abondamment copiées les unes les autres.
Ces emprunts de langue à langue sont liés à des causes plus complexes
qu'on ne le croit généralement, et, s'ils ont suivi une direction assez
constante, ils sont loin de présenter un enchaînement invariable. Dans
lu vallée du Nil , on trouve ordinairement échelonnés , en parlant du grec ,
le copte, l'arabe, l'éthiopien, et, hors série, le nubien; en pays ara-
mëen, le syriaipie, puis Taiabe: plus loin vers l'Est, l'arménien et le
géorgien. Mais cet ordre est traversé par beaucoup d'exceptions inatten-
dues, voire paradoxales. On connaît même un certain nombre de cas oii
le grec est tributaire du syriaque, de l'arabe et de l'arménien. Et pour
— 7 —
envisager la question dans toute son ampleur, il faudrait faire entrer en
ligne de compte le rôle d'intermédiaire que les langues du Proche-Orient
ont parfois joué entre l'hellénisme et les civilisations de i'Inde, de l'Iran
et peut-être de l'Asie Centrale.
P. Peeters.
SÉANCE on h DECEMBRK 1921.
La séance est ouverte à -2 heures et demie, sous la présidence de
M. de la Vallée Poussin.
Klaient présents :
M. Capart, vice-présidenl ; M""" Weynants, MM. Belpaire, Garnoy,
(îombaz, Dumont. Mansion, Orgels, Peeters , Speelers , Villers, membres;
M"" Werbrouck, secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 6 novembre est lu et adopté.
M. Mansion lit un travail intitulé : Où et par qui le sanscrit a-t-ii été
parlé?
M. Capart montre et explique un mobilier funéraire de la IX' dynas-
tie de l'Ancien Knipire, provenant d'Héracléopolis, récemment entré
dans les collections du Musée. Ce mobilier comprend un grenier, une
scène domestique el deux bateaux. Dans ces deux bateaux, dont l'un a
la voile déployée, se trouvent des armes : détail nouveau dans l'archéo-
logie funéraire et qui s'explique par les circonstances, invasions et
troubles, qui marquèrent celle épo(|ue. Ces intéressants documents pro-
viennent (les fouilles du professeur Flinders Pétrie à Héracléopolis.
La séance est levée à A heures et demie.
ANNEXE AU PROCBS-VEBBAL.
Le berceau de la civilisation aryenne dans l'Inde doit être cherché
dans l'angle nord-ouest de ce pays, qu'on appelle aujourd'hui le Pendjab.
Elle plus ancien monument ((ue l'Inde nous ait laissé, lo Rig-Véda,
doit être localisé dans celte légion. La langue en est le sanscrit archaïque,
— 8 —
ou la Jangue védique, qui ne diftère du sanscrit plus récent de l'époque
classique que comme l'ionien dllomère diffère de l'attique. L'ancienne
population du Pendjab a essaimé Aers lest et le sud; en même temps,
le sanscrit est devenu la langue sacrée, langue religieuse, littéraire,
scientifique de toute l'Inde du Nord, et cela pour des siècles. Car son
rôle n'était pas fini au xix" siècle et on ne peut pas dire que même
aujourd'hui il soit terminé.
Dès une date ancienne, le sanscrit a cessé d'être une langue mater-
nelle. Au ni' siècle avant notre ère, un monarque puissant, As'oka, fait
graver ses édils en des lieux publics dans toutes les provinces de l'Inde
aryenne. Ces édits sont dans une langue vulgaire dérivée du sanscrit,
très voisine encore de la source, mais nettement distincte. Des diffé-
rences dialectales montrent que le prâcrit (prdcril = langue vulgaire,
par opposition au sanscrit, langue pure ou parfaite) d'Asoka était une
langue vivante diverse selon les régions. Après As'oka, pendant de longs
siècles encore , tous les monuments épigrapbiques sont en prâcrit. De
plus , il y a toute une littérature en prâcrit. Mais on se tromperait en
voyant dans cette vitalité des langues vulgaires une preuve de la fai-
blesse de la langue sacrée. A mesure que l'on s'éloigne de l'époque
d'As'oka, le sanscrit prend de plus en plus d'importance. Si le drame
classique est un genre mixte où le sanscrit est parlé par une partie des
personnages, le prâcrit l'étant par les autres, la plupart des genres
littéraires sont cultivés principalement ou uniquement en sanscrit. Il y
a une véritable renaissance sanscrite, sans que du reste le sanscrit rede-
vienne langue vivante et maternelle. Il s'agit donc d'expliquer cette
énigme d'une langue conservée artificiellement, semble-l-il, pendant des
milliers d'années à côté et au-dessus des idiomes vulgaires. On obser-
vera d'abord que le sanscrit, langue d'un livre sacré, le Véda, livre qui
n'a jamais cessé d'être récité et appris par cœur, avait une importance
rituelle considérable. Ensuite, dans un pays de castes, où les castes ont
eu, à ce qu'il semble, une origine raciale [varna, caste, signifie pro-
prement couleur), il est probable que la, langue s'est conservée pure
dans les couches supérieures longtemps après que le peuple eut adopté
les pràcrits. Enfin le brahmanisme est une organisation savante, dont
l'école est un élément fondamental : tout brahmane est en principe novice
et écolier, plus tard maître et père s[)irituel. La grammaire de Pânini
atteste pour le iv" siècle avant notre ère l'aboutissement d'une tradition
d'école multiséculaire. Parlé d'abord par tous, puis restreint aux castes
supérieures, le sanscrit Unit par n'être plus qu'une langue d'église et
d'école. Il en était vraisoniblablemeul ainsi à l'époque d'As'oka. Reste à
— 9 —
expliquer la renaissance de l'époque classique, Max Millier, qui attri-
buait aux invasions des Indo-Scythes, vers l'ère chrétienne, une éclipse
delà culture nationale, croyait constater après l'expulsion des barbares
un renouveau des lettres et sciences; M. Sylvain Lévi veut au contraire
que ce soient des souverains barbares qui aient les premiers tiré le san-
scrit de la pénombre du sanctuaire pour l'introduire au grand jour de
la vie publique; aucune de ces explications ne satisfait entièrement.
Mais le fait est indéniable , et il faut probablement tenu* compte d'un
plus grand nombre de fîicteurs. D'autres difficultés viennent encore du
sanscrit épique, la littérature épique ayant pour public des castes de
langue prâcrite et non sanscrite; le jargon mêlé qu'on appelle sanscrit
bouddhique soulève aussi de multiples problèmes. Tout ceci nous
apprend que la situation linguistique de l'Inde ancienne ne le cédait
sans doute pas en complexité à l'Inde moderne, où se rencontrent quel-
quefois sous un seul loit des dizaines de langues et de dialectes. A toutes
les époques le sanscrit a sa place, tantôt plus en vue, tantôt relativement
elTacée, mais toujours très importante. S'il n'est pas une langue vivante,
vu qu'il n'est pas langue maternelle, sa vitalité extraordinaire ne permet
pas (le l'appeler une langue morte.
J. Mans[on.
SEANCE DU 8 JANVIER 1922.
La séance est ouverte à 9 heures et demie, sous la présidence de M. le
général Pontus.
Etaient présents :
M. M. Cji\ part, vice-président; Bommer, Gombaz, Denis, de Winiwarter,
(ioblet d'Alviella, Mansion, Peeters, Speleers, Stracmans, Van den Kei'-
cliove, P. L. Vaidya, membres; M"" Werbrouck, secrétaire.
Le procès-verbal de la s('ance du 'j décembre 1931 est lu et adopté.
M. Gombaz expose les origines, le développement et les caractères
distinctifs de l'art gréco-bouddhique du Gandhâra (projections).
La séance est levée à 4 heures et demie.
— 10 —
SKANCK DU 3 FEVRIER lS-22.
La séniice est ouverte à 9 heures et demie, sous la présidence de
M. de ia Vallée Poussin.
Etaient présents :
MM. Capart et Pontus, vire-présidents ; M"'" Weynants; MM. Belpaire,
Carnoy, Demarchi, Denis, Dumont, Hirtzel, Peeters, Speleers, Strac-
mans, membres: M"' Werbrouck, accrélairo.
Le procès-verbal de la séance du 8 janvier est lu et adopté.
M. A. Carnoy annonce la réapparition de la revue Le Muséon et fait
hommage à la Société du premier cahier de la nouvelle série (t. XXXIV
de la collection complète). Le Muséon ouvrira une large hospitalité aux
travaux des membres de la Société.
M. B. Belpaire donne un compte rendu détaillé et critique du savant
ouvrage de M. H. Cordier, Histoire générale de la Chine.
M. de la Vallée Poussin et M. le général Pontus présentent à leur tour
quelques remarques sur ce sujet.
M. Capart décrit les récentes fouilles des Américains à Deir-el-bahari,
Wadi natron, El-bercheh et leurs travaux dans les tombes thébaiues
(tombe de Neferhotep, de Tehuti hetep, etc.).
La séance est levée à h heures et demie.
SÉANCE DU 5 MARS 1922.
La séance est ouverte à a heures et demie, sous la présidence de
M. de la Vallée Poussin.
l'étaient présents :
MM. Ca|)arl et Pontus, vice-présidents ; M'"" Weynants; M"' Corbisier
de Meaulsart; MM. Belpaire, Carnoy, Denis, Dumont, Goblel d'Alviella ,
Kugeiier, Lofoi-l, Peeters, Speleers, Slracmans, membres; M"° Wer-
brouck, secrétaire.
I^ procès-verbal de la séance du 5 février est lu cl adoplé.
M. le Président fait pari de l'invitation adressée à la Société par la
Société asiatique, qui célébrera au mois de juillet le centenaire de sa
fondation et le centenaire de la découverte de Ghampollion.
M. Carnoy lit un travail sur l'idée du royaume de Dieu dans l'Iran.
La séance est levée à h heures et demie.
ANNEXE Ai: PROCÈS-VERBAL.
Dans le système religieux de Zoroaslre, Ahura Mazda, le dieu saint,
auteur de loul bien, occupe une place éminente. A ses côtés se trouvent
des sortes d'anges, les Amesha Spenla. rrêlres immortels et saints^i :
leurs noms prouvent que ce sont des hypostases; ils ont ce caractère
dans les Gâthâs, les plus anciens textes de l'Avesta. Plus tard au con-
traire, tout en gardant leur valeur morale, ces divinités deviennent des
génies présidant à diverses portions de la nature : par exemple, Vohu
Manah est la Bonne volonté, mais aussi 1(3 protecteur du bétail; Asha
Vahishta est la Justice, mais aussi l'esprit du feu; Spenta Armaiti est la
Pi'udcnce ou la Piété, mais aussi la patronne de la terre.
On j)eut, dans une large mesure, découvrir dans les Gâthâs les cir-
constances qui ont amené cet état de choses. La comparaison des divers
passages relatifs aux Amesha Sj)enla permet de dégager les différents
aspects de ces entités, et, partant, de déterminer le point de départ de
l'évolution qu'ils ont subie.
C'est une analyse de ce genre que M. Carnoy a entreprise sui- la per-
sonne de Khshalhra Vairya, le quatrième Amesha Sj)enta.
L'élude des versets des Gâthâs oii celle divinité intervient montre qu'il
s'agit d'une j)ersonnificalion du royaume de Mazda, c'est-à-dire de la
félicité qu(! Mazda accorde aux justes en cette vie et dans l'autre. Comme
ce royaufuc attendu suivi-a la grande épreuve finale par le métal fondu,
on l'a noiiiMié Royaume du métal, et khsliathra Vairya est, de la sorte,
devenu plus lard le génie des métaux.
Certains auteurs, notannnenl le P. Lagrange, frappés de la ressem-
blance de l'attente du Rovaume et chez les Iraniens et chez les Juifs, ont
— 12 —
cru que les Zoroastriens étaient ici Irilnilaii-es d'Israël : la date du pro-
phète doit donc être retardée. M. Carnoy soutient au contraire que le
royaume de Mazda a sa contre-partie dans le royaume de Varuna,
empvrée lumineux où séjourneront les justes après la mort. Pour Klisha-
thra Vairya, comme pour Asha, Armaiti. Haurvalât et d'autres entités
religieuses du Zoroastrisme, on peut démontrer que le Prophète n'a fait
qu'adapter à son système des notions indo-iraniennes. Donc les Perses
n'ont pas reçu des Juifs la croyance au royaume futur. D'ailleurs, dans
l'état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas non plus établir
que l'idée du royaume de Dieu, dont on peut très bien suivre le déve-
loppement dans Israël même, ait été par les Juifs empruntée à l'Iran
(voir Muséon, XXXIV, p. 81-106).
A. (JARNOV.
SEANCE DU 2 AVRIL 1922.
La séance est ouverte à 2 heures et demie, sous la présidence de
M. de la Vallée Poussin.
Etaient présents :
M. Capart, vice -président; M"" Caldweil, Lefrancq, Weynants;
M"" Corbisier de Meaulsart, de Mot; MM. Belpaire, Caldweil, Carnoy,
Combaz, de Vis, Dumont, Hirlzel, Laurent, Lefrancq, Peelers, Spe-
leers, Stracmans, V^aidya, \illers. Van de Walle, membres; M"' Wer-
brouck , secrétaire.
Le procès-verbal de la séance du 5 raai's est lu et adopté.
M. Capart expose les idées de Champollion sur l'art ég-yplien.
La séance est levée à Ix heures.
STATUTS
DE
LA SOCIÉTÉ BELGE D'ÉTUDES OlUENTALES.
Art. I. — Il est fondé une Société Belge d'Études Orientales. Elle a
son siège à Bruxelles.
Art. II. — Son but est :
1° De grouper les orientalistes et les personnes qui s'intéressent à
rOrient;
5° De faciliter leurs études et leurs recherches de toutes manières
que la Société jugera efficaces;
3° De les aider à publier leurs travaux.
Art. m. — La Société se compose :
i" De membres titulaires:
9° De membres honoraires ;
3° De membres protecteurs.
Les membres titulaires doivent être présentés par deux membres,
agréés par le Conseil et admis par l'assemblée.
Le titre de membre honoraire est décerné par l'assemblée, sur la
proposition du Conseil.
Le titre de membre protecteur, également décerné par l'assemblée,
est conféré à toute personne ayant bien mérité de la Société.
Art. IV. — La cotisation annuelle des membres titulaires est de
90 francs minimum; elle peut être rachetée en versant une somme
de 9 00 francs, soit en une fois, soit en deux annuités.
Art. V. — La qualité de membre se perd :
i" Par démission. — Est considéré comme démissionnaire le membre
qui n'a pas payé sa cotisation après avoir été prévenu par lettre recom-
mandée ;
— l'i —
3* Par la radiation, prononcée pour motif grave par le Conseil, le
membre ayant été préalablement appelé à fournir des explications et
ponvanl avoir l'ecours à l'assemblée générale.
LE CONSEIL.
Art. VI. — La Société est administrée par un Conseil élu par l'assem-
blée générale et choisi parmi les membres titulaires. 11 est composé
comme suit :
1° Un président;
•2° Un ou deux vice-présidents;
3" Six membres ordinaires, nommés poui- quatre ans;
V Un secrétaire-trésorier.
Le reuouvellement du Conseil a lieu tous les deux ans par moitié.
Il pourra être nommé un ou plusieurs présidents ou vice-présidents
à vie.
Art. VU. — Le Conseil se réunit eu séance ordinaiie au moins deux
fois par an.
Il se réunit extraordinairement chaque fois qu'il est convoqué par le
président ou sur la demande de la moitié de f.es membres adressée au
présiden t.
Si la moitié des membres sont absents, les décisions seront soumises
à une seconde réunion du Conseil, qui pourra statuer quel que soit le
nombre de conseillers présents.
11 est tenu procès-verbal des séances.
Les procès-verbaux seront transcrits dans un registre et signés par
le président et le secrétaire.
Art. vin. — Le Conseil est chargé de Tadmàiistration de la Société et
notamment il veille au recouvrement et à l'emploi des fonds; il dirige
les travaux littéraires qui rentrent dans l'objet de la Société, ordonne
l'impression des ouvrages qu'il reconnaît utiles, accorde des encourage-
ments et subsides, enfin propose, lorsqu'il le croit convenable, des
acquisitions de livres, do documents ou de manuscrits.
ASSEMBLÉES GÉNÉRALES.
Art. IX. — Les membres titulaires de la Société se réunissent quati-e
fois par an, entn' les mois de novembre et de juin, ainsi (|uc sur con-
— 15 —
vocalion du prësident ou sur h demande du tiers au moins des membres
adressée au président; dans ce cas, ces membres devront déterminer
robjet précis qu'ils désirent mettre à Tordre du jour.
Une assemblée, qui se tiendra en janvier, sera considérée comme
réunion statutaire. Le secrétaire-trésorier y fera rapport sur la situation
financière de la Société.
L'assemblée approuve les comptes de l'exercice clos, vote le budget
pour l'exercice suivant, décide, s'il y a lieu, du transfert de sommes à
la réserve, délibère sur les questions mises à l'ordre du jour et pi-ocède
aux élections statutaires.
Il est tenu procès-verbal des assemblées, tant ordinaires qu'extraordi-
naires.
Les procès-verbaux seront transcrits dans un registre et signés par
le président et le secrétaire.
LES FONDS.
Art. X. — Les ressources de la Société se composent :
1° Des cotisations et souscriptions de ses membres;
2° Des sommes versées pour le rachat des cotisations ;
3° Des subsides de l'Etat et des particuliers:
li° Du revenu des biens et valeurs.
Un fonds de réserve peut être constitué suivant les décisions de l'as-
semblée statutaire.
MODIFICATION DES STATUTS ET DISSOLUTION,
Art. XI. — Les statuts ne [)euvent être modifiés que sur la proposi-
tion du Conseil, en vertu d'une délibération prise à la majorité des deux
tiers des membres présents, ou sur la demande du quart des membres
titulaiT"es, soumise au bureau au moins un mois avant la séance.
Dans tous les cas, les statuts ne peuvent être modifiés cpià la majo-
rité des membres présents. *
Art. XII. — L'assemblée génihale appelée à se prononcer sur la disso-
lution de la Société et spécialement convo(juée à cet effet doit comprendre
au moins la moitié plus un des membres en exercice.
Si cette proportion n'est pas atteinte, l'assemblée est convoquée de
nouveau et, cette fois, elle peut valablement délibérei', quel que soit le
nombre de membres présents.
— 16 —
Dans tous les cas, ia dissolution ne peut être votée qu'à la majorité
des deux tiers des membres présents.
Art. XIII. — En cas de dissolution , l'assemblée désignera les membres
chargés de la liquidation. Les livres et collections seront remis en toute
propriété aux Musées Royaux du Cinquantenaire. Le reliquat des fonds
servira à des acquisitions de livres orientaux pour la bibliothèque des
dits Mnsées.
Art. XIV. — Les livres, les revues et documents appartenant à la
Société seront déposés à la bibliothèque des Musées Royaux du Cinquan-
tenaire, où un registre spécial en sera tenu.
Le Conseil élaborera un règlement spécial relatif à ia bibliothèque.
/
SOCIÉTÉ ASIATIQUE
(1922-1923)
LISTE DES MEMBRES
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
MDCCCCXXII
SOCIÉTÉ ASIATIQUE,
1
TABLEAU
DU CONSEIL D'ADMlNLSTRATlOiN
CONFORMÉMENT AUX NOMINATIONS FA1TF.S DANS L'ASSEMBLEE GÉNÉHALE
DU l5 JUIN 1922.
BUREAU.
PRÉSIDENT.
M. E. Senart.
VICE-PRÉSIDENTS.
MM. Clément Huart.
Henri Cordier.
SECRÉTAIRE.
M. Thuread-Dangin.
RBDAGTBUR-GBHANT DU JOURNAL ASIATIQL E.
M. Ferrand.
BIBLIOTHÉCAIRE.
M. L. Bouvat.
TRÉSORIER.
M. Allotte de la Fuye.
4 SOCIETE ASIATIQUE. 1Q22.
COMMISSAIRES DES FONDS.
MM. Glermont-Ganneau.
Gaudefroy-Demombynes.
Casanova.
MEMBRES ORDINAIRES DU CONSEIL ELUS POUR TROIS ANS.
MM. DussAUD, FiNOT, J. ViNsoN, J.-B. Ghabot,
Pelliot, Moret, Vernes, PaulBoYER, élus en 1920.
MM. Nau, Vissière, Gabaton, Sgheil, Dela-
FOSSE, Mayer Lambert, Macler , Bacot, élus en 1921.
MM. Aymonier Sylvain LÉvi, Garrâ de Vaux,
FoucHER, Meillet, Ferrand, a. -M. Boyer, prince
Roland Bonaparte, élus en 1922.
CENSEURS
éius par l'Assemblée générale pour 1922-1933.
MM. Meillet.
DuSSAUD.
COMMISSIONS.
COMMISSION DU JOURNAL ASIATIQUE.
MM. F. SeNART, IIUART, GORDIER, ThUREAuDaN-
GiN, Ferrand, membres de droit; — Sylvain Lévi,
Moret, Meillet, Sgeieil, Foucher, Pelliot, membres
élus par le Conseil parmi ses membres.
COMMISSION DE LA RIBLIOTHÈQUE
élne par l'Assemljléc générale parmi les membres de la Société.
MM. Gabaton, Gordier, Ferrand, Macler, Fe-
VRET, Mayer Ï.ambert.
LISTE DES MEMBRES. ^
II
LISTE DES MEMBRES SOUSCRIPTEURS,
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE,
À LA DATE DU l5 JUIN 1922.
Nota. Les noms niartiiiés d'un* sont ceux des Membres à vie.
M. Abddllah (Le R. P. Séraphin), Mékhitariste
de Venise, professeur à l'école Ozanam, cité
Barat, 2, à Asnières (Seine).
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
MM. Ahmed Zeo Pacha (Son Exe), ancien secré-
taire du Conseil des ministres, au Caire
(Egypte).
Alfaric (Prospcr), chargé de cours à la Faculté
des Lettres, Institut de l'histoire des reli-
gions, à l'Université de Strasbourg (Bas-
Rhin).
Allaoua BEN Yaiiia, interprète Judiciaire, à
Inkermaiin [département d'Oran] (Algérie).
Allotte DE LA FuYE , coloucl du génie en
retraite, correspondant de l'institut, rue
d'Anjou, 2 , h Versailles (Seine-ct-Oise),
Ammoun Bey Daoud, à Beyrouth (Syrie).
Arakelian (Hamhartzoum), Rédaction du
Mschak, ti 1'illis (Géorgie).
6 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
MM. AssiER DE PoMPiGNAN, lieutenant de vaisseau,
rue de Rennes, yS, à Paris (vf).
*Aymonier (Etienne), résident supérieur hono-
raire, membre du Conseil supérieur des
colonies, rue de Liège, lo, à Paris (ix*).
* Bacot (Jacques) , boulevard Saint-Antoine ,61,
à Versailles (Seine-et-Oise).
Baillet (Jules), agrégé des lettres, ancien
membre de l'Institut d'archéologie orien-
tale du Caire , rue d'IUiers , 3 5 , à Orléans
(Loiret).
Banerjee (Gauranga Nath), docteur en philo-
sophie, professeur d'histoire ancienne, se-
crétaire de l'Université, Mechua Bazar
Street, lOy/i, à Calcutta (Inde Britan-
nique).
Banerji Sastri (D'A. P.), rue Tournefort, k,
à Paris (v^).
Barrigue de Fontainieu (le marquis G. de),
boulevard de Clichy, 10, à Paris (xviii").
Barthélémy (Ad.), consul de France, profes-
seur à l'École des langues orientales vivantes ,
directeur adjoint à l'Ecole pratique des
Hautes Etudes, à Saint -Louis- sous -Poissy
(Seine-et-Oise).
Basmadjian (K. J. ) , directeur de la revue armé-
nienne Banasêr, rue Gazan , 9 , à Paris (xiv*).
Basset (André), rue d'Ulm, 2 , à Paris (v*j.
Basset (Henri), directeur-adjoint de l'Ecole
LISTE DES MEMBRES. 7
supérieure de langue arabe et de dialectes
berbères de Rabat, professeur-adjoint à la
Faculté des Lettres d'Alger, rue Denfert-
Rochereau. 20, Villa Louise, à Alger.
MM. Basset (René), doyen de la Faculté des Lettres
de l'Université d'Alger, rue Denfert-Roche-
reau, 20, villa Louise, à Alger.
Baston (A.), professeur au Lycée, rue Notre-
Dame, à Valence (Drame).
Baudouin (Robert), adjoint des Affaires indi-
gènes au Gouvernement du Sénégal, à Da-
kar.
Beauvais (Jean -Joseph), consul général de
France, à Canton (Chine).
Bel (Alfred), directeur de la Médersa, à
Tlemcen [département d'Oran] (Algérie).
*Belvalkar (Shripad Krishna), Assistant Pro-
fessor, Deccan Collège, à Poona (Inde Bri-
tannique).
Ben Cheneb (Mohammed), professeur à la
Médersa, k Alger.
BÉNÉDrrE (Georges), conservateur du Départe-
ment des antiquités égyptiennes au Musée
du Tjouvre, rue du \ al-de-Gràce, q , à Paris
Bentouhami (Touhami ben liarbi), interprète
judiciaire de première classe près la Cour
crinn'nclle el le 'J'ribunal de première
instance de Moslagancm [dé])arlement
d'Oran] (Algérie).
vS SOCIETE ASIATIQUE, 1922.
M. Ben VENiSTE (Emile), rue Uiomond, 2, à Paris
(v).
M"*' Berthet (Marie), rue Boileau, 5, à Paris
(xvf).
MM.*BESsii:RES (René), élève diplômé de TRcole du
liOuvre , rue du F'aubourg- Poissonnière , 1 5 .5 ,
à Paris (ix^).
Beye (François), avenue d'iéna , 46, à Paris
(xvf).
*Bézagd (Louis), cours d'Aquitaine , 61, à Bor-
deaux (Gironde),
Bibliothèque Ambrosienne, à Milan (Italie).
Bibliothèque de l'Université, à Utrecht (Hol-
lande).
Bibliothèque universitaire, à Alger.
Bibliothèque vaticane, à Rome.
MM. BiGAP.RÉ (René), rur de Bièvre, 28, à Paris
(V).
Blogh (Jules), professeur à l'Ecole des langues
orientales, directeur d'études à l'Ecole pra-
tique des Hautes Etudes, agrégé de l'Uni-
versité , rue Maurice-Berteaux , 1 6 , à Sèvres
(Seine-et-Oise).
Blonay (Godefroy de), château de Grandson
(Vaud) [Suisse].
B0BRINSK.1 (le comte), président de la Commis-
sion archéologique russe, promenade des
Anglais, 128, à Nice (Alpes-Maritimes).
*BoissiER (Alfred), Le Rivage, à Chambésy,
près Genève [Suisse).
LISTE DES MEMBRES. 9
MM. Bonaparte (le prince Roland), membre de
l'Institut, avenue d'Iéna, lo, à Paris
(xvr).
BoNiFACY (A.), lieutenant -colonel, à Valreas
(Vauciuse).
BoREUX (Charles), square Moncey, i i, à Paris
BouRDAis (iabbé), rue de Bellechasse, 3i, à
Paris (vif).
^BouRQUiN (D' A.), à Denver (Colorado) [F.tats-
Unis].
BouvAT (Lucien), rue de Seine, 63, à Paris
M-
BoYER (A. -M.), rue du Bac, i i /i , à Pans
(vnl.
BoYER (Paul), administrateur de l'Kcole des
langues orientales vivantes, rue de Lille, 2 ,
à Paris (vu").
Brunot (Louis), docteur es lettres, chef du
Service de l'enseignement des Indigènes,
à Rabat (Maroc).
BuDGE (E. A. Wallis), Litt. D.F.S.A., au Bri-
tish Muséum , à Londres.
M'"^' BuTENSGHŒN ( A.) , Vettakolleu , par Christiania
(Norvège).
M. Cabaton (Antoine), professeur à TKcole des
langues orientales vivantes et à Tl^cole colo-
niale, rue PVançois-Bonvin, 21, k Pans
(xv«).'
10 SOCIETE ASIATIQUE, 1922.
MM. Gadikrf. (L.), missionnaire, à Hué (Indo-
chine).
Casanova (Paul), professeur au Collège de
France, rue du Four, lio , à Paris (vi^).
Castries (le comte Henry de), rue du Bac, loi ,
à Paris (vii^).
* Chabot (l'abbé J.-B.), membre de l'Institut.
rue Claude-Lorrain, i5, à Paris (xvi^).
Chaîne (l'abbé Marius), aumônier au Quartier
" Général , So*" C. A., secteur postal 96.
Charpentier (Jarl), professeur à l'Université,
à Upsal (Suède).
Chatterji, c/o Kalidana Nag, rue Du Sommu-
rard, 1 y, à Paris (v").
ChattopÂdhyâya (Virendranâtlî), Grevturega-
tan, 'Î2, à Stockholm.
* CilliÈre (Alphonse) , consul général de France ,
à Constantinople.
* Clark (D"^ W. Eugen), Instructor in Sanskrit,
University of Chicago [Illinois] (Etats-
Unis).
Clermont-Ganneao (Ch.), membre de l'Institut,
ministre plénipotentiaire honoraire, pro-
fesseur au Collège de France, avenue du
Président-Wilson, 1, à Paris (viiT).
Coedès (George), conservateur de la Vajiranâna
National Library, à Bangkok (Siam).
ConKN (Marcel), directeur d'études à l'Ecole
pratique des Hautes i^^tudes, j)rofesseur ad-
joint ;i l'Ecole deslangues orientales vivantes.
LISTE DES MEMBRES. 11
rue des Marais, 17, à Viroflay (Seine-et-
Oise).
M. Colin (le D"" Gabriel), professeur d'arabe à la
Faculté des Lettres, rue d'isly, 67, à Alger.
Collège français de Zi-Ka-Weï, par Shanghaï
(Chine).
MM. Combe (Etienne), boîte postale 1737, à
Alexandrie (Egypte).
CoNTENAu (le D' Georges), place Vintimille,
18, à Paris (ix^).
* CoNTi RossiNi (Carlo), dott. comm., via Pa-
lestro, 78, à Rome.
*CoRDiER (Henri), membre de l'Institut,
professeur à l'Ecole des langues orientales
vivantes, rue de Siam, 8, à Paris (xvf).
CouLBER, commandant en retraite, rue de
l'Académie, à Bruges (Belgique).
Cour (Auguste) , professeur à la chaire d'arabe,
à Constantine (Algérie).
CouBANT (Maurice), consul de France, profes-
seur ])rès la Chambre de commerce de
Lyon, professeur à l'Université de Lyon,
chemin du Chancelier, 3, à Ecully
(Rhône).
* COWASMY,
*Croi/,ier (le marquis uii), à Rayonne (Basses
Pyrénées).
CuENUKT (Georges), rue d'Assas, 70, à Paris
3
12 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
MM. CuMONT (Franz), membre de l'Institut, boule-
vard deCourcelles, 3, à Paris (xvii*).
CuNY (A.), professeur à la Faculté des Lettres,
rue Raymond-Lartigue , y, à Bordeaux (Gi-
ronde).
* Dan ON (Abraham ) , square de Clignancourt , i ,
à Paris (xvm^).
* DarrigarrÈre (Théodore-Henri), numismate,
à Beyrouth (Syrie).
Dautremer (Joseph) , consul général de France ,
professeur à l'Ecole des langues orientales
vivantes, à Bièvres (Seine-et-Oise).
*Davies (T. Witton), B. A., Ph. D., D. D.,
Université de Genève , professeur de langues
sémitiques, University Collège, à Bangor
(North Wales) [Angleterre].
Delafosse (Maurice) , gouverneur des colonies,
professeur à f Ecole des langues orientales
vivantes et à l'Ecole coloniale, rue Vaneau,
5/i , à Paris (viif).
Delaporte (Louis), docteur es lettres, licencié
es sciences, rue du Cherche-Midi, ii8, à
Pans ( VI*).
Deloustal (R.), interprète principal des ser-
vices judiciaires, à Hanoï (Jndochine).
Demiéville (Paul), membre de l'Ecole fran-
çaise d'Extrême-Orient, à Hanoi (Tonkin).
Deny (Jean), professeur à TEcole des langues
orientales vivantes , rue d'Ulm, i , à Paris (v").
L[STE DES MEMBRES. 13
MM.*Dessus Lamare-Leenhoi'f (A,), chalet Alexan-
drine, rue Malakofï, 9-7, à Saint-Eugène,
près Alger.
Destaing (Edmond), professeur à j'Ecole des
langues orientales vivantes , route de Ghoisy,
2, à L'Hay-les-Roses (Seine).
DoRviLLE (G.), consul de France en retraite,
rue du Pavillon, 3o, à Bordeaux (Gironde).
DuGROCQ (le capitaine Georges), attaché mili-
taire à la Légation de France à Téhéran,
avenue de l'Observatoire, i3, à Paris (vf).
DuMON (Raoul), élève diplômé de l'Ecole du
Louvre, rue de la Chaise, »o, à Paris (vu*).
DuNAN (Maurice), rue du Cardinal-Lemoine,
Sg, à Paris (v").
Dupont (Maurice), bibliothécaire du Musée
Guimet, rue de Tournon, 29, à Paris (vi*).
* DuRIGHELLO ( J.-A. ).
DuROisELLE (C), x\ssistant Superintendent ,
Archaeological Survey, à Mandalay (Birma-
nie).
*DussAUD (René), conservateur adjoint au Mu-
sée du Louvre, professeur à l'Ecole du
Louvre, rue du Boccador, 3, à Paris (viii*).
Eliséieff (Serge), professeur à l'Université de
Petrograd et à l'Institut de l'histoire des
Beaux-Arts, rue Nouvelle, 1, à Paris (ix*).
Faueggon (Johan-Melchior), bibliothécaire de
3.
14 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
l'Union des Arts décoratifs, avenue de ia
République, 67, à Montrouge (Seine).
MM.*Fargues (F.), boulevard de Montmorency, 92,
à Deuil (Seine-et-Oise).
F'aure-Biguet (Général), avenue des Balives,
29, à Valence (Drôme).
*FAVRE(Léopold), rue des Granges, 6, à Genève.
Feghali (l'abbé M. -T.), docteur es lettres,
chargé de cours à la Faculté des Lettres,
■boulevard Wilson, 870, à Bordeaux (Gi-
ronde).
*Ferrand (Gabriel), ministre plénipotentiaire,
rue Racine, 28,3 Paris (vf ).
Ferrer (Orlando), consul de Cuba, à Sainl-
Nazaire (Loire -Inférieure).
Ferrieu (Th.), commissaire de la marine, à
l'Abbaye, à Moissac (Tarn-et-Garonne).
Fevret (André), bibliothécaire à la Biblio-
thèque nationale , rue Berthier, 3 6 , à Ver-
sailles (Seine-el-Oise).
*FiNOT (Louis), directeur de l'Ecole française
d'Extrême-Orient, professeur au Collège de
France, directeur d'études à l'Ecole pra-
tique des Hautes Etudes, h Hanoï (Tonkin).
FossEY (Ch.), professeur au Collège de France,
boulevard Raspail, 286, à Paris (xiv*).
FoLCHER (A.), ancien directeur de l'Ecole fran-
çaise d'ExIromc-Orient, ch;irgé de cours
i\ la Sorbonne, boulevard Raspail, 286, à
Paris (xiv*).
LISTE DES MEMBRES. 15
MiM. Gaudefroy-Demombynes (M.), professeur à
l'Ecole des langues orientales vivantes, rue
Joseph-Bara, g, à Paris (vi*).
Gauthier (Léon), professeur d'histoire de la
philosophie musulmane à l'Université, rue
Naudot, 4, à Mustapha (Alger).
Gautier (E.-F.), professeur de géographie à
la Faculté des Lettres, Institut géographique
de l'Université, à Alger.
* Gautier (Lucien), professeur de théologie, .
à Cologny, près Genève (Suisse).
M"^ Getty (Alice), avenue des Champs-Elysées,
•y 5, à Paris (viii*).
MM. Geuthner (Paul), éditeur, rue Jacob, i3, à
Paris (vi*).
Gieseler (le D"" G.), médecin à la Compagnie
des chemins de fer du Nord, rue de Cha-
brol, 3 I , à Paris (x*").
Goloubew (Victor de), rue Théodore-de-Ban-
ville, 1 I , à Paris (xyii").
*GoMPEL (Robert), diplômé de l'Ecole des
langues orientales vivantes, rue Charles-
Eloquet, 36, à Paris (vu").
Grafi'in (M^'), président de la Société anti-
esclavagiste de France, rue d'Assas, /ly, à
Paris (vi'").
(iRANET (Marcel) , chargé de cours à la Sorbonne,
avenue du Parc-de-Montsouris, 3(), «^ Paris
(xiv").
Greenup (Kev. A. W.), The Principal's
16 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
Lodge, Saint John's Hall, Highbury, à
Londres, N.
MM. Grenard (F.), consiul général de France.
Grimault (Paul), cour Saint-Laud, i li his , à
Angers (Maine-et-Loire).
Groslier (George), directeur des Arts Cam-
bodgiens, à Pnorltl Penh (Cambodge).
GuÉRiNOT (A.), docteur ès lettres, rue de Bou-
lainrilliers, 19, à Paris (XTf).
GuiGUES (le D' P.), professeur à la Faculté
française de Médecine, à Beyrouth (Syrie).
Guy (Arthur), vice-consul de France à Caïffa
(Syrie).
Hackin (Joseph), conservateur adjoint du Mu-
sée Guimet, rue Debrousse, 2, à Paris
(xvf).
Hadjibekli (Djeyhoun Bek) , membre de la Dé-
légation de paix de i' Azerbaïdjan ^ directeur
du journal «Azerbaïdjan», rue Henri-Mar-
tin, 6, à Paris (xvr).
Haguenauer (Charles), rue Gay-Lussac, 62.;»
Paris (v").
Hai.phen (Jules), avenue MalakofF, /i , à Paris
(xvf).
Hamel (G.), ingénieur, à Astillero [province
de Santander] (Espagne),
Hamet (Ismaël), officier interprète principal,
directeur de l'FiCole snpéiieure de langue
LISTE DBS MEMBRES. 17
arabe et de dialectes berbères, à Rabat
(Maroc).
MM. Hanoune (J.), Colonne-Voirol , à Alger.
Ha RIZ (le D"^ Joseph), rue du Jourdain, lo, à
Paris (xx'').
*Harkavy (Albert), bibliothécaire de la Biblio-
thèque publique, Pouchkarskaya , Ixq, à
Pétrograd.
Hebrelynck (M^ Adolphe), recteur honoraire
de l'Université de Louvain , à Meirelbeke ,
près Gand (Belgique).
* Hériot-Bdnoust (Louis).
Hérold (Ferdinand), licencié es lettres, ancien
élève de l'École des chartes, rue Nicolo , 48 ,
à Paris (xvf).
* HiLGENPELD (D' Heinrich), professeur à l'Uni-
versité, Fùrstengraben , y, à léna (Saxe-
Weimar).
M"' HoMBURGER (Lilias), avenue d'Eylau, 5, à Paris
(xvf).
MM. HuARï (Clément), membre de l'Institut, consul
général , professeur à l'Ecole des langues
orientales vivantes, directeur d'études à
l'Ecole pratique des Hautes Etudes, rue
Dupont-des-Loges, i 2 , à Paris (vif).
Hubert (Henry), conservateur adjoint du Musée
de Saint- Germain, directeur d'études à
l'Ecole prati([ue des Hautes Etudes.
18 SOCIETE ASIATIQUE, 1922.
MM.*HuGDET (le D'), chai^gé du cours des civilisa-
tions musulmanes à l'Institut colonial de
l'Université, à Nancy (Meurthe-et-Moselle).
HuMBERT (Paul), professeur à l'Université de
Lausanne, avenue Jean-Jacques Rousseau,
4, à Neufchàtel (Suisse).
*Hyde (James H.), Pavillon de l'Ermitage, -j,
rue de l'Ermitage, à Versailles (Seine-et-
Oise).
HvvERNAT (l'abbé Henry), professeur à l'Univer-
sité catholique d'Amérique, 34o5,Twelfth
Street (Brookland), à Washin^on.
Jean (le R.-P. Gharles-F.), lazariste, rue de-
Sèvres, gS , à Paris (vf ).
JoHNSTON (R. F.), précepteur de S. M. fempe-
reur Hsuan-lûng, Ville interdite, à Pékin.
JouvEAu-DuBREUiL (G.), docteur es lettres, pro-
fesseur au Collège, rue Dumas, 6, à Pon-
dichéry (Inde Française).
Julien (Gustave- Jacques-Henri), gouverneur
des colonies, chargé de cours à l'Ecole
coloniale, rue Lecourbe, j i 6, à Paris (xv*").
Karlgren (Bernard), professeur à l'Université,
k Gôteborg (Suède).
M"" Karpelès (Suzanne), rue du Docteur-Blanche,
2^,3 Paris (xvf ).
MM. Karst (Joseph), professeur à l'Université, à
Strasbourg (Bas-Rhin ].
LISTE DES MEMBRES. 19
MM.*Kemm. Ali, secrétaire d'ambassade, à Benha
(Egypte).
Keuprulu-Zadeh Mehmet Fouad, professeur
d'histoire de la littérature turque à l'Univer-
sité, à Conslanlinople.
Khaïrallah (K. t.), publiciste, rue Léopold-
Robert, k, à Paris (xiv^).
KoKOwzoFF (Paul de), professeur d'hébreu à
l'Université, 3, Rota Ismaïlowski , à Pétro-
grad.
Kraemer (H.), St-Walburg, i36, à Tiel (Hol-
lande).
Krom (le Dr. .1. N.), professeur à fUniversité,
Groenbovenstraat, 9, à Leyde (Hollande).
KuENTz (Charles), rue Pierre-Corneille, 6 1 , .^
Lyon (Rhône).
* Labodrt (l'abbé Jérôme), docteur es lettres,
directeur du Collège Stanislas, rue Nolre-
Dame-des-Champs, 22, à Paris (vi^).
LacÔte (Félix), professeur à l'Université,
cours Morand, 20, à Lyon (Rhône).
Lajonquière (LunetDE), chef de bataillon d'in-
fanterie coloniale, rue Saint-Genès, /i 1 , ;^
Bordeaux (Gironde).
M"* Lalou (Marcelle), boulevard Saint-Michel, 6,
à Paris (vi").
M. Lambert (Mayer), directeur d'études à l'Rcole
pratique des Hautes lùudes, avenue Tru-
daine, 2-7, à Paris (ix").
20 SOCIETE'ASIATIQUE, 1922.
MM.*Landherg (Carlo, comte de), docteur es
lettres , chambellan de S. M. le Roi de Suède ,
villa Kraft, avenue Désambrois, 2, à Nice
(Alpes-Maiùtimes).
Langlois (Pierre), place au Bois, 8, à Annecy
(Haute-Savoie).
Lartigue (J.), lieutenant de vaisseau, rue du
Rocher, 62,3 Paris (viif ).
Latif (Qazi Abdul), M. A., Colotoolia Street,
] 1 , à Calcutta (Inde Britannique).
Laufer (Berthold), conservateur du Field
Muséum, à Chicago [Illinois] (Ktats-Unis).
LAURENtiE (Henri), rue Guy-de-la-Brosse, 9,
à', Paris (v").
La Vallée Poussin (Louis de), professeur à
l'Université de Gand, avenue Molière, 66,
à Bruxelles.
Le Cerf (Georges), enseigne de vaisseau.
Lecerf (Jean), élève diplômé de l'Ecole des
Langues orientales vivantes, rue d'IJim, /|5,
à Paris (v").
Ledodlx (Alphonse), consul de France en re-
traite. Compagnie des Eaux, à Constan-
tinople.
LEpiiVRE-PoNTALis ( l^ierrc) , ministre plénipo-
tentiaire, rue Pierre -Charron, iZi, à Paris
(xvi").
Le Hardy deBeaulieu (Henri), avenue Marnix,
1 6 , à Bi'uxeiles.
LISTE DES MEMBRES. 21
M. liEHOT (Maurice), professeur au Lycée, à Aix-
eii-Provence (Bouches-du-Khone).
M'"" Le Lasseur (Denyse), rue de Greffulhc, y, à
Paris (viif).
MM.*Lehiche (Louis), consul de France, à Rabat
(Maroc).
* Le Strange ((juy), Panton Street, 63, à Cam-
bridge (Angleterre),
LÉvi (Sylvain ) , professeur au Collège de France ,
rue Guy-de-la-Brosse, 9, à Paris (v").
Lévy (Isidore), directeur d'études à l'Ecole
pratique des Hautes Etudes, rue Adolpbe-
Focillon, 4, à Paris (xiv*).
Liber (Maurice), professeur à l'Ecole rab-
binique, rue Saulnier, 1 4, Ji Paris (ix*).
*LoiSY (Alfred), profcsseui^ au Collège de
FVance, rue des Ecoles, k bis, à Paris (v*).
LoREY (P^ustache de), Mission archéologique, à
Damas (Syrie).
LoRGEOu (Edouard), professeur à l'Ecole des
langues orientales vivantes, rue Nolre-Dame-
des-Champs, -76, à Paris (vf).
Macleb (Frédéric), professeur à l'Ecole des
langues orientales vivantes, boulevard de
Montmorency, 1 bis , h Paris (xvi").
*MADKorj.E (C), avenue du Roule, gS, h
Neuilly-sur-Seine (Seine).
M"'' Magne (Louise), Ambassade de France, h
Tokyo.
22 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
MM. Maître (Cl.-E.), ancien direcleur de l'Kcole
française d'Extrême-Orient, rue Blanche,
45, à Paris ( IX*).
*Makhanoif (Michel), professeur au Séminaire
religieux, à Kazan (Russie).
Maksoudoff (Sadry), ancien député à la
Douma, rue Blaise-Desgoffe, 6, à Paris (vi*).
Mallon (P.), boulevard Flandrin , 58, à Paris
■ (xvf).
Marçais (William), directeur de l'Ecole supé-
rieure d'arabe, à Tunis, professeur à l'Ecole
des Langues orientales vivantes, avenue de
Tourville, 6, à Paris (vif).
Marestaing (Pierre), boulevard Flandrin, ly,
à Paris (xvf ).
*Margoliouth (David Samuel), professeur
d'arabe à l'Université, New -Collège, h
Oxford (Angleterre).
Marmorstein (A.), bibliothécaire, Ports-
down Road, 2 52, Maida Vale, à Lon-
dres, W.
Martin (A.-G.-P.), ofticiei -interprète principal
de l'armée territoriale, professeur à l'FiCole
supérieure de Commerce, cours d'Alsace,
23, à Bordeaux (Gironde).
Maspero (Georges), résident supérieur en Indo-
chine, avenue du Maréchal-Pétain, i(S, à
Versailles (Seine-et-Oise).
Maspero (Henri), professeur au Collège de
France, rue Guynemei-, 3o, à Paris (vr).
LISTE DES MEMBRES. 23
M. Massé (Henri), professeur à la Faculté des
Lettres, rue Michelel, à Alger.
M™" Massieu (Isabelle), rue de Prony, S/i, à Paris
(xvif ).
MM. Massignon (Louis) , ancien membre de l'Institut
d'archéologie orientale , rue Monsieur, 2 1 ,
à Paris (vii^)-
. Masson-Oursel (Paul), rue de Milan, i \ bis,
à Paris [if].
Mauss (Marcel), directeur d'études à l'Ecole
pratique des Hautes Etudes, rue Bruller,
2 , à Paris (xiv").
Mawas (Alfred), rue Fouad I", 82, à Alexan-
drie (Egypte).
Mawson (G. O. Sylvester), P. 0. Box 886, à
Springfield , Mass. (Etats-Unis).
Maybon (Charles), directeur de l'Ecole française,
avenue Paul-BiTinat , à Shanghaï (Chine).
Maydell (le baron Gérard de), place Saint-
Sulpice, 3 bis, à Paris (vi').
* Mazon (André), professeur à la Faculté des
Lettres, rue Twinger, 5 , à Strasbourg (Bas-
Rhin).
*Meillet (A.), professeur au Collège de
France, rue François -Coppée, 2, à Paris
(xv«).
M"" Menant (D.), rue Stanislas, 6, à Paris (vf).
M. Meucieu (Oustavc), avocat à la Cour d'appel,
délégué Hiiaiicier, Parc Gatlif, Mustapha-
Supérieur, à Alger.
24 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
MM. Mercier (Louis), consul de France.
Mestbe (Edmond), rue des Feuillantines, 3, à
Paris (v*).
Minorsky (Vladimir), premier secrétaire de la
Légation de Russie à Téhéran , rue Jacques-
Offenbach, i, à Paris (xvf).
Montet (Pierre), professeur à la Faculté, des
• Lettres, à Strasbourg (Bas-Rhin).
Moret (Alexandre), directeur d'études à l'Ecole
pratique des Hautes Etudes, conservateur
du Musée Guimet, rue Vaneau, 5/i,à Paris
(vii^). .
Morgan (Jacques de), Villa Les Sables, à
Saint-Raphaël ( Var ).
MziK (D"^ Hans von), bibliothécaire adjoint à
la Bibliothèque Nationale, Leopold MùUer-
gasse, i, à Vienne.
*Nau (l'abbé F.), docteur es sciences mathéma-
tiques, professeur d'analyse à l'Institut ca-
tholique, rue de Vaugirard ,7/1,3 Paris (vf ).
Nehlil.
New York. Public Library, à New York.
MM. Nicolas (A.-L.-M.), consul de France, à
Tillis (Caucase).
NoRDEMANN (Edmond), chef du service de
renseignement au Laos, à Vientiane (Indo-
chine).
LISTE DES MEMBRES. 25
MM. Ohsumi (S.), professeur à l'Université, à Tokyo.
Ollone (le général comte d'), commandant la
place de Soissons (Aisne).
Oltramare (Paul), professeur à l'Université,
La Pelouse, avenue des Bosquets, Servette,
à Genève (Suisse).
Ort (Georges), rue Jacob, i3, à Paris (vi*).
*OsTROROG (le comte Léon), rue d'Astorg, i i,
à Paris (viii*).
Parisot (Jean), rue du Brice, 6, à Nancy
(Meurthe-et-Moselle).
Paulhan (Jean), rue Boissonade, 16, à Paris
(x,v-).
* Pelliot (Paul), membre de l'institut, profes-
seur au Collège de France, rue de Varenne,
38, à Paris (vif).
Peltier (Frédéric), professeur à la Faculté de
Droit, rue Michelet, 1121, à Alger.
Pereira (Francisco Maria Estcves), colonel du
génie, rua das Damas, l\ , k Lisbonne.
Périer (l'abbé Augustin), rue de Furstenberg,
7, à Paris (vi*).
PÉRIER (l'abbé Jean), professeur de langues sé-
mitiques à l'Institut catliojifjue, rue de
r Abbé-Grégoire, 89, à Paris (yf).
Petithuguenin (Paul), conseiller du Gouverne-
ment siamois, à Bangkok (Siam).
Pé/.akd (Maurice), attaché aux Musées Natio
naij\, iiic du Commerce, 90, à Paris (xv").
26 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
M"^ Poirier (M.), agrégée de l'Université, rue
Montprofit, II, à Bourg-la-Reine (Seine).
MM. PoLAiN (Louis), rue Madame, 60, à Paris (vf).
PoLiGNAG (le comte Charles de), rue Le Sueur,
1 5, à Paris (xvf ).
PoPESCL-CiocANEL (Gheorghe), Medgidie Da-
broyel (Roumanie).
PoppER (William), University of California , à
Berkeley (Etats-Unis).
Pr-btorius (D"" Frantz), professeur à l'Uni-
versité, Hedwigstrasse , ko, à Breslau (Alle-
magne).
* Prym (D' E.), professeur à l'Université, Co-
blenzerstrasse , 89, à Bonn (Allemagne).
Przyluski (J.), professeur adjoint à l'Ecole des
langues orientales vivantes, rue de Luynes,
9, à Paris (vif).
Raggi (J. G.), professeur, à Bangkok (Siam).
Ramchandra Kak, Archaeological Survey of
India, à Simla (Inde Britannique).
Rapson (E. j.), professeur de sanscrit à l'Uni-
versité, 8, Mortimer Road, à Cambridge
(Angleterre).
* Ravaisse ( Paul) , professeur adjoint à l'Ecole des
langues orientales vivantes, rue Antoine-
Roucher, 6, à Paris (xvf).
RAVMOND-MoDENE-PKTiunvskv (lecomto liadislas
de), rue Marszalkowska, 3^2 3, à Varsovie
(Pologne).
LISTE DES MEMBRES. 27
MM. REizLÉR(Slani.slas), bihliollit'rairerle la Société
de Géographie, rue Boulard, 20, à Paris
(xiv*').
René-Lec.lerc (Ch.), directeur du Service des
Habous, à llabat (Maroc).
Reuter (D' J. N.), docent de sanscrit et de
philologie comparée .^1 l'Université, Boule-
vardsgaten, h Helsingfors (Finlande).
*RoESKÉ (J.), boulevard Pasteur, i3, à Paris
(xv*').
*RoNFLARD (Arsène), premier interprète de
l'Agence de France, h Tanger (Maroc).
Ross (Sir Denison), directeur de l'Fcole des
études orientales, London Institution , P^ins-
bury Circus, k Londres, E. G.
RoTiG (William), vice consul de France, à Go-
lombo (Geylan).
RoTOURs (R. des), à Pékin.
RouGiER (Virgile), rue Halle, 36 , à Paris (xtv").
*RoLSE (W. H. D.), Headmaster of Perse
School, à Gainbridge (Angleterre).
Roux (Jules), chef d'escadron d'artillerie co-
loniale, commissaire du Gouvernement près
le Gonseil de guerre de la 9" région, ru<>
Grécourt, 1, h Tours ([ndre-et-Loire).
Saiia (le[)'), Luchmikunda, ifi-iy. à Bénarès
(Inde J^ritnnni({ne).
Saint-Victor (Gabriel de) , avenue Mac-Malion ,
33, à Paris (xvii').
28 SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 1922.
M'"' Saisset ( L. ) , square Delambre , i , à Paris (xiv*).
MM. Sakaki (R.), professeur n l'Université, à Kyoto
(Japon).
Saleh Khan Loghman , rue Jacob , 2 2 , à Paris
M-
M™" San Mahtino (la comtesse de), place Vendôme,
i5, àParis (r).
MM. Saroukhan (Arakel), Société A. J. Mantacheff
»t C'^ rueZakharievskaya, 10, à Petrograd.
* Saussure (L. de), à Rossinière, canton de Vaud
(Suisse).
Sauvageot ( Aurélien) , élève de l'Ecole Normale
Supérieure, rue de Tolbiac, i45, k Paris
(xiif).
ScHEiL (V.), membre de l'Institut, directeur à
ri^^iCole pratique des Hautes Etudes, rue du
Cbercbe-Midi, 4 his , à Paris (vf).
ScHMiDT (Valdeniar), professeur h l'Université,
Musées Royaux, Frederiksholm Kanal 1 2 ,
à Copenhague.
Sémélas (Démétrios).
Senart (Emile), membre de l'Institut, rue
François P', 18, à Paris (vnf).
Seth (iVJesrovb J.), Armenian Examiner to
tbe University, Wollcsley Sfpiare, 12, East,
à Calcutta (Inde Jiritanriique).
SiDERSKY (I).), ingénieur, avenue Pasteur, 20,
à Bécon-les-Bruyères (Seine).
Simon (S.), directeur de la Ban{[ue de
LISTE DES MEMBRES. 29
riiido- Chine, rue La Fayette, 16 bis, à
Paris (ix").
MM.*SiMONSEN (David), grand rabbin, Skindergade,
28, à Copenhague.
SiNAPiAN (G.), avocat, rue Fsabey, 5, à Paris
(xvi"). ^ ^
SoTTAs (Henri), directeur d'études à i'Ecole
pratique des Hautes Études, boulevard de
Latour-Maubourg , 5o, à Paris (vu").
Stein (M. Aurel), Ph. D., D. Litt., D. Se,
Superintendent , Frontier Circie , Ar-
chseological Survey of India, c/o Post-
master, Srinagar, kashmir (Inde Britan-
nique).
Stern (Philippe), attaché au Musée Guimet,
boulevard Malesherbes, 90, à Paris (vin'').
Stouey (C. A.), professeur d'arabe au M. A. O.
Collège, à Aligarh [Unilcd Provinces] ([nde
Britannique).
Taha (Hussein), professeur à l'Université, au
Caire.
ÏAÏEij(A. M.), interprète judiciaire, à Mascara
[département d'Oran] (Algérie).
Tarazzi (ie vicomte Philippe de), fondateur-
conservateur de la Bibliotlièque Nationale,
à Beyrouth (Syrie).
Tciiou (Kia-Kien), répétiteur à l'Kcole des
langues orientales vivantes, rue Du Somme-
rard, 9, à Paris (y*).
30 SOCIÉTÉ ASIATIQUE, 1922.
MM. riiKii.i.ET, vice-consul de FVance.
Thomas (F. W.), India OfTice Library, White
hall, à Londres, S. W.
Thureau-Dangin (F.), membre de l'Institut,
conservateur adjoint des antiquités orientales
au Musée du Louvre, rue de Grenelle, 102,
à Paris (vif).
ToRU (Haneda), professeur à l'Université, à
Kyoto.
Toussaint (Gustave-Charles), président du tri-
bunal consulaire, à l'Ambassade de France,
à Pékin.
M"" Trognon (Odette), rue du Maréchal -Foch,
Ziy, à Versailles (Seine-et-Oise).
TuNELD (Ebbe), professeur à l'Université, à
Lund (Suède).
Vadala (Ramiro), vice-consul de France, à
Bombay (Inde Britannique).
Van der Leyden, professeur à la Médersa, à
Constantine (Algérie).
Vaux (le baron Carra de), professeur hono-
raire d'arabe à l'Jnstitut catholique, rue de
la Trémoille, 6, à Paris (viif).
Vehnes (Maurice), président de la section des
Sciences religieuses de l'Fcole pratique des
Hautes Ftudes, rue Notre - Dame - des-
Champs, io5, h Paris (vf).
ViAU (Jean), rue Souiîlot, 5, h Paris (v'').
LISTE DES MEMBRES. 31
MM. ViNsoN (Julien), professeur honoraire à l'Ecole
des langues orientales vivantes , rue de l'Uni-
versité, 86, à Paris (vii^).
ViROLi.EADD (Gh.), conseiller du Haut Com-
missariat de France, à Beyrouth (Syrie).
VrssiÈRE (Arnold), ministre plénipotentiaire,
professeur à l'Ecole des langues orientales
vivantes , rue du Ranelagh , 4/» , à Paris (xvi*).
* Weill (Raymond) , commandant du génie , rue
du Cardinai-Lemoine , 71, à Paris (v*).
WiET (Gaston), maître de conférences à la Fa-
culté des lettres de Lyon, Grande-Rue, Sy,
à Caiuire (Rhône).
WiLHELM (D"" Eugen), professeur à l'Univer-
sité, Lœbdergraben . 28, à léna (Saxe-Wei-
mar).
M""* Wilman-Grabowska (Hélène de), chargée de
conférences à la Sorbonne, rue Linné, 3,.
à Paris (y*).
MM. Woods (James Houghton), professeur de phi-
losophie à l'Université Harvard, Prescott
Hall, 16, à Cambridge [Massachusetts]
(États-Unis).
WoRMs(M.), rue Bonaparte , 28, à Paris (vi*).
Yanni (G.), à Tripoli de Syrie.
ZayAt (Habib), boîte postale, n" 435, à
Alexandrie (Egypte).
32 SOCIETE ASIATIQUE, 1922.
III
LISTE DES MEMBRES HONORAIRES.
MM. Delitzsch (D' Friedrich), Sùdslrasse, /ly/H,
à Leipzig.
Erman (D' Adolf), professeur à l'Université,
à Berlin.
GoLENiscHEF (W. S.), conservateur au Musée
de l'Ermitage, rue de la BufFa, 63, à Nice
( Alpes-Maritimes ) .
Grierson (Sir George A.), C. I. E., correspon-
dant de l'Institut, Rathfarnliam, Camberley
(Surrey) [Angleterre].
Griffith (F. Ll.), professeur à l'Université,
Norham Gardens, ii, à Oxford (Angle-
terre).
GuiDi (Ignazio), membre associé de l'Institut,
professeur ;'i l'Université, Botteghe oscure,
2/1 , à Rome.
HiRTH (D' Friedrich), professeur émérite à la
Columbia University, 5oi, West 11 3''', à
New York (Rtats-Unis).
HuLTZscH (D' E.), professeur à l'Université,
à Halle.
Lanman (Charles Rockwell), correspondant de
l'Institut, professeur à l'Université Harvard,
Farrar Street, 9, à Cambridge [Massachu-
setts] (l^tats-Unis).
LISTE DES MEMBRES HONORAIRES. 33
MM. MiJLLER (F. W. K.), membre de l'Académie
des sciences, directeur du Musée d'ethno-
graphie, à Berlin.
NAViLLE(F^douard), correspondant de l'Institut,
professeur à l'Université, à Maiagny, près
Genève (Suisse).
NôLDEKE (D' Theodor), 53, Ettlingerstrasse,
à Karlsruhe (Bade).
Oldenburg (Serge d'), secrétaire perpétuel de
l'Académie des Sciences, à Pétrograd.
PiNGHES (Theophilus Goldrige), conservateur
auBritish Muséum, Sippara, lo, Oxford
Road, Kilburn, N. W. (Angleterre).
Rhys Davids (Dr. T. W.), Ghipstead, Surrey
(Angleterre).
Sachau (D"" Ed.), directeur du Séminaire des
Langues orientales, à Berlin.
ScHiAPARELLi (Emesto), directeur du R. Museo
di antichità, à Turin (Italie).
Snouck Hurgronje (Christian), conseiller du
Gouvernement colonial néerlandais, profes-
seur à l'Université, Rapenburg, 61, à Leide
(Hollande).
Welliiaîjsen (l)' J.), professeur à l'Université,
à (jœltingen.
Wiedemann (D"" Alfred), professeur à l'Univer-
sité, à Bonn.
PJ
J5
ser.ll
t. 19-20
Journal asiatiqu«
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