A
E <*
«
*
Librarj
"f the
niverait] <•! I g
V
Sfc
COLLECTION
COMPLETE
DES ŒUVRES
D E
J. J. ROUSSEAU.
TOME NE UVIEME.
COLLECTION
COMPLETE
DES ŒUVRES
D E
J. J. ROUSSEAU,
Citoyen de Genève.
TOME NEUVIEME,
Contenant le Dictionnaire de
Mufique.
A GENEVE.
M, DCC. L X XX I I.
DICTIONNAIRE
D E
M U S I QUE
Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/1782collectionco09rous
A-//, /
DICTIONNAIRE
D E
MUSIQUE.
Par J. î. ROUSSEAU.
■ ' ' m ■ ' ■ ■■ — m———
Ut pfalLndl matcriem difcennc. Martian. Cap.
GENEVE.
M. D C C. LXXX1
PRÉFACE.
.1 j A JMufique eft , de tous les beaux Arts , celui dont
le Vocabulaire eft le plus étendu, & pour lequel un
Dictionnaire eft, par conféquent, le plus utile. Ainiî,
l'on ne doit pas mettre celui - ci au nombre de ces
compilations ridicules, que la mode ou plutôt la manie
des Dictionnaires multiplie de jour en jour. Si ce Livre
eft bien fait , il eft utile aux Artiftes. S'il eft mauvais ,
ce n'eft ni par le choix du fujet, ni par la forme de
l'ouvrage. Amfi l'on auroit tort de le rebuter fur fon
titre. Il faut le lire pour en juger.
L'utilité du fujet n'établit pas , j'en conviens , celle
du Livre ; elle me juftifie feulement de l'avoir entre-
pris, & c'eft auifi tout ce que je puis prétendre ; car ,
d'ailleurs, je fens bien ce qui manque à l'exécution. C'eft
ici moins un Dictionnaire en forme, qu'un recueil de
matériaux pour un Dictionnaire, qui n'attendent qu'une
meilleure main pour être employés. Les fondemens de
cet Ouvrage furent jettes fi à la hâte, il y a quinze
ans dans l'Encyclopédie, que, quand j'ai voulu le re-
prendre fous œuvre , je n'ai pu lui donner la ibliditp
qu'il auroit eue , fi j'avois eu plus de tems pour en
digérer le plan & pour l'exécuter.
17
PRÉFACE.
Je ne formai pas de moi- même cette entreprit ,
elle me fut propofée; on ajouta que le manuferit en-
tier de l'Encyclopédie devoit être complet avant qu'il
en fût imprimé une feule ligne ; on ne me donna que
trois mois pour remplir ma tâche , & trois ans pou-
voient me fu Rire à peine pour lire, extraire, comparer
& compiler les Auteurs dont j'avois be'foin : niais le
zèle de l'amitié m'aveugla fur l'impoflibilité du fuccès.
Fidèle à ma parole, aux dépens de ma réputation, je
fis vite & mal , ne pouvant bien faire en fi peu de
tems ; au bout de trois mois mon manuferit entier fut
écrit , mis au net & livré ; je ne l'ai pas revu depuis.
Si j'avois travaillé volume à volume comme les autres,
cet eflai , mieux digéré , eût pu relier dans l'état où je
l'aurois mis. Je ne me repens pas d'avoir -été exact ; mais
je me repens d'avoir été téméraire , & d'avoir plus pro-
mis que je ne pouvois exécuter.
I'ieffé de l'imperfection de mes articles, à mefure que
les volumes de l'Encj elopédie paroifibient , je réfolus de
refondre le tout fur mon brouillon, & d'en faire à loiiir
un ouvrage à part traité avec plus de foin. J'étois,en re-
commençant ce travail, à portée de tous les fecours né-
ceflàires. Vivant au milieu des Artilr.es & des (iens-de-
Lettres-, je pouvois confiilter les uns & les autres. M.
l'Abbé Sallier me fourniiïbit , de la Bibliothèque do
P R Ê F A C K. i
Roi, les livres & manufcrite dont pavois rjefôin, & 6 um
vent je tirois, de fes entretiens, des lumières plus Jures-
que de nies recherches. Je crois devoir à la mémoire
de cet honnête &. favant homme un tribut de recon-
noiflanec que tous les Gens-de-Lettrcs qu'il a pu fervii
partageront rarement avec moi.
Ma retraite à la campagne m'ôta toutes ces reiïo ur-
ées , au moment que je commençois d'en tirer parti-
Ce n'eft pas ici le lieu d'expliquer les raifons de cette
retraite : on conçoit que , dans ma façon de penfer ,-
Pefpoir de faire un bon Livre fur la Muiique n'en étoit
pas une pour me retenir. Eloigné des amufemens de
la Ville, je perdis bientôt les goûts, qui s'y rappor-
taient 5 privé des communications qui pouvoient m'é-
clairer fur mon ancien objet., j'en perdis auifi toutes
les vues ; & foit que depuis ce tems l'Art ou fa théorie
aient fait des progrès , n'étant pas même à portée d'en
rien lavoir, je ne fus plus en état, de les fuivre. Con-
vaincu , cependant , de l'utilité du travail que j'avois.
entrepris, je m'y remettais de tems à autre , mais tou-
jours avec moins de fuccès , & toujours éprouvant que
les difficultés d'un Livre de cette efpece demandent, pour
les vaincre , des lumières que je n'étois plus en état
d'acquérir , & une chaleur d'intérêt que j'avois celle d'y
.mettre. Enfin , défefpérant d'être jamais à portée de
1V l]
PRÉFACE.
mieux faire , & voulant quitter pour toujours des idées
dont mon efprit s'éloigne de plus en plus , je me fuis
occupé , dans ces Montagnes , à raffembler ce que j'a-
vois tait à Paris & à Montmorenci ; &, de cet amas
indigefte , cil forti l'efpece de Dictionnaire qu'on voit ici.
Cet hiftorique m'a paru nécefîaire pour expliquer com-
ment les circonftances m'ont forcé de donner en fi
main ais état un Livre que j'aurois pu mieux faire , avec
les fecours dont je fuis privé. Car j'ai toujours cru que
le refpect qu'on doit au Public n'eft pas de lui dire des
fadeurs, mais de ne lui rien dire que de vrai & d'utile,
ou du moins qu'on ne juge tel; de ne lui rien pré-
fenter fans y avoir donné tous les foins dont on eil ca-
pable, & de croire qu'en faifant de fon mieux, on ne
fait jamais allez bien pour lui.
Je n'ai pas cru , toutefois , que l'état d'imperfection
ou j'étais forcé de laiflèr cet ouvrage, dût m'empécher
de le publier , parce qu'un Livre de cette efpece étant*
utile à l'Art , il cft infiniment plus aifé d'en f;iire ufl bon
fur celui que je donne, que de commencer par tout
créer. Les connoiflîmees néceflaircs pour cela ne font
peut-être pas fort grandes, mais elles font fort variées,
& ïè trom eut rarement réunies dans la même tête. Ainlï,
mes compilations peuvent épargner beaucoup de travail
eu qui font en état d'y mettre Tordre necellairc ; ex.
tel,
P R 11 F si C E. }x
tel, marquant mes erreurs , peut faire un excellent Livre T
qui n'eût jamais rien fait de bon Tins le mien.
J'avertis donc ceux qui ne veulent fouffrir que des
livres bien faits , de ne pas entreprendre la lecture de
celui-ci; bientôt ils en feraient rebutés : mais pour
ceux que le mal ne détourne pas du bien ; ceux qui
ne font pas tellement occupés des fautes, qu'ils comptent
pour rien ce qui les racbette ; ceux , enfin , qui vou-
dront bien chercher ici de quoi compenfer les miennes ,
y trouveront peut-être afTez de bons articles pour to-
lérer les mauvais, &, dans les mauvais môme, afTez
d'obfervations neuves & vraies , pour valoir la peine
d'être triées & choifies parmi le refte. Les Muficicns
lifent peu , & cependant je connois peu d'Arts où la
lecture & la réflexion foient plus néceflàires. J'ai penfe
qu'un Ouvrage de la forme de celui-ci feroit précifément
celui qui leur convenait, & que pour le leur rendre aufli
profitable qu'il étoit poflible , il faloit moins y dire ce
qu'ils favent , que ce qu'ils auroient befoin d'apprendre.
Si les Manœuvres & les Croque-Notes relèvent fou-
vent ici des erreurs, j'cfpere que les vrais Artiiles &
les hommes de génie y trouveront des vues utiles dont
ils fauront bien tirer parti. Les meilleurs Livres font
ceux que le Vulgaire décrie, & dont les gens à talent
profitent fans en parler.
h
X PRÉFACE.
Après avoir expofé les raifons de la médiocrité dsr
FOiurage & celles de l'utilité que j'eftime qu'on en peut
tirer, j'aurois maintenant à entrer dans le détail de l'Ou-
vrage, même, à donner un précis du plan que je me fuis
tracé & de la manière dont j'ai tâché de le fuivre. Mais
à inclure que les idées qui s'y rapportent fe font effacées
de mon cfprit, le plan fur lequel je les arrangeois s'eft
de même eifacé de ma mémoire. Mon premier projet
etoit d'en traiter fi relativement les articles, d'en lier fi
bien les fuites par des renvois, que le tout, avec la
commodité d'un Dictionnaire , eiitl'avantage d'un Traité
firivi ; mais pour exécuter ce projet, il eût falu me ren-
dre fans cefie préfet1. tes toutes les parties de l'Art, & n'en
traiter aucune fans me rappeller les autres; ce que le.
Eaut de reflourecs & mon goût attiédi m'ont bientôt
rendu impollihle , & que j'eulie eu même bien de la peine
à faire, au milieu de mes premiers guides, & plein de
ma première ferveur; Livré à moi ieul , n'ayant plus
ni Savans ni Livres à confulter; forci, par conféquent,
de traiter chaque article en lui-même, & , fans égard
à ceux qui s'y çapportoient, pour éviter des lacunes,
j'ai du fi, i des redites. Mus j'ai cru que dans
un Livre de l'eipece de celui-ci, cïtoit encore un
rnoinrloi •■»•! de commettre des fentes, que de faire des,
Qmifll ••
P R Ë F A C L.
Je me fuis donc attaché fur -tout à bien compléter
le Vocabulaire , & non -feulement à n'omettre au
terme technique, mais à palier plutôt quelquefois les
limites de l'Ait, que de n'y pas toujours atteindre : &
cela m'a mis dans la néceflité de parfemer Couvent ce
Dictionnaire de mots Italiens & de mots Grecs; les uns,
tellement confines par 1'ufage, qu'il faut les ci't ndre
même dans la pratique; les autres, adoptés de même
par les Savans, auxquels, 'vii la déiuétude de ce qu'ils
expriment , on n'a pas donné de fynonymes en François.
J'ai taché, cependant, de me renfermer dans ma règle,
& d'éviter l'excès de BroŒird, qui, donnant un Dic-
tionnaire François, en fait le Vocabulaire tout Italien,
& l'enfle de mots absolument étrangers à l'Art qu'il traita.
Car, qui s'imaginera jamais que la lrierge , les Apôtres,
la Mejfe, les Morts , foient des termes de Mufique , parce
qu'il y a des Muliqucs relatives à ce qu'ils expriment ;
que ces autres mots , Pa^e , Feuillet , Quatre , Cinq ,
G'ojîer , Raifitt , Déjà , foient aufli des termes techniques i
parce qu'on s'en fert quelquefois en parlant de l'Art ?
Quant aux parties qui tiennent à l'Art fans lui i :
effentielles , & qui ne font pas ajjfolument nécefTaires
à l'intelligence du relie, j'ai évitjç, autant que j'ai pur,
d'y entrer. TJle eit celle des Inftru n.r,\ ds Mufique,
partie valle & qui rempîiroit feule un Difl ■ ■
xu
PRÉFACE.
fur-tout par rapport aux Inflrumens des Anciens. M.
Diderot s'étoit chargé de cette partie dans l'Encyclo-
pédie, & comme elle n'entroit pas dans mon premier
plan , je n'ai eu garde de l'y ajouter dans la fiùte ,
après avoir fi bien fenti la difficulté d'exécuter ce plan
tel qu'il étoit.
J'ai traité la partie Harmonique dans le fyftême de
la Baffe-fondamentale , quoique ce fyftême , imparfait
& défectueux à tant d'égards , ne foit point , fclon
moi , celui de la Nature & de la vérité , & qu'il en
réfulte un rempliïïage fourd Se confus , plutôt qu'une
bonne Harmonie. Mais c'eft un fyftéme, enfin; c'eft
le premier, & c'étoit le feul, jufqu'à celui de M. Tar-
tini , où l'on ait lié , par des principes , ces multitu-
des de rcgles ifolées qui fombloient toutes arbitraires ,
& qui faifoient , de l'Art Harmonique , une étude de
mémoire plutôt que de raifonnement. Le fyftême de
M. Tartini , quoique meilleur , à mon avis , n'étant
pas encore aufU généralement connu , & d'ayant pas»
du moins en France , la même autorité que celui de iU.
Rameau , n'a pas dû lui être fubftitué dans un Livre
dclHné principalement pour la Nation Krançoife. Je
me fuis donc contenté cPexpofer de mon mieux' les prin-
cipes de ce fyftême dans un article de mon Diction-
naire ; & .lu refte , j'ai cru devoir cette déférence à la
P R Ê F A C E. xuj
Nation pour laquelle j'écrivois , de préférer fon fenti-
ment au mien fur le fond de la doctrine Harmonique.
Je n'ai pas dû cependant m'abitenir , dans l'occafion ,
des objections néceflaires à l'intelligence des articles que
j'av ois à traiter ; c'eût été facrifier l'utilité du Livre au
préjugé des Lecteurs ; c'eût été flatter fans inftruiro ,
& changer la déférence en lâcheté.
J'exhorte les Artilr.es & les Amateurs de lire ce Livre
fins défiance , & de le juger avec autant d'impartialité
que j'en ai nùs à l'écrire. Je les prie de confidérer que
ne profeffant pas , je n'ai d'autre intérêt ici que celui de
l'Art, & quand j'en aurois, je devrois naturellement ap-
puyer en faveur de la Mufique Françoife, où je puis
tenir une place, contre l'Italienne où je ne puis être
rien. Mais cherchant fincérement le progrès d'un Art
que j'aimois paflionnément, mon plailir a fait taire ma
vanité. Les premières habitudes m'ont long-tems attaché
à la Mufique Françoife, & j'en étois enthoufiaiïe ouverte-
ment. Des companiifons attentives & impartiales m'ont
entraîné vers la Mufique Italienne, Se je m'y fuis livré
avec la même bonne-foi. Si quelquefois j'ai plaifanté,
c'étoit pour répondre aux autres fur leur propre ton ;
mais je n'ai pas , comme eux , donné des bons-mots pour
toute preuve, & je n'ai plaifanté qu'après avoir raifonné.
Maintenant que les malheurs & les maux m'ont enfin
XTV
PRÉFACE.
détaché d'un goût qui n'avoit pris fur moi que trop d'em-
pire, je periifte, par le feul amour de la vérité, dans les
jugemens que le feul amour de l'Art m'avoit fait porter.
jVi.ils, dans un Ouvrage comme celui-ci, coniacré à la
Muiique on général, je n'en connols qu'une, qui n'étant
d'aucun pays, efl celle de tous; & je n'y fuis jamais en-
tré dans la querelle des deux Mufiques, que quand il
s'en: agi d'éclaircir quelque point important au progrès
commun. J'ai fait bien des fautes , fans doute ; mais je
fuis aflùrc que la partialité ne m'en a pas fait commettre
une feule. Si elle m'en fait imputer à tort par les Lec-
teurs , qu'y puis-je foire ? Ce font eux alors qui ne veu-
lent pas que mon Livre leur foit bon.
Si l'on a vu , dans d'autres Ouvrages , quelques arti-
cles peu importons qui font auiii dans celui-ci, ceux qui
pourront faire cette remarque, voudront bien fe rap-
pelle? que, dès l'année i7>~o, le manuferit elt forti de
pies mains fans que je fâche ce qu'il ell devenu depuis
ce tems-là. Je n'aceufe personne d'avoir pris mes arti-
cle ; i;- lis il n'eft pas juilc que d'autres m'aceufciit d\i-
pris le§ leurs,
A Motiers-Trwoers le %o Vieembrt 1764.
«=«=:
-£,;•<*=
AVERTISSEMENT.
\J Uaud Cefpece grammaticale des mots ponvoit emborroffer
quelque LeBeur , on Va déjiguée par les abbréviatious ujitées.
V. n. verbe neutre, f. ni. fubilantif mafeulin , gefe. On
ne s* ejî pits ajfervi à cette Jpécificaticu pour chaque article ,
parce que ce rtejl pas ici un DiSionnaire de Langue. On a
pris un foin plus uécejfaire pour des mets qui ont plujteurs
feus , en les dijlinguaut par une lettre majujcule quand on
les prend dans le feus technique , £f par une petite lettre
quand on les prend dans le feus du difeours. Aiuf. , ces
mots : air £f Air , médire £f Médire , note £f Note ,
tems £f Tems , portée £f Portée , ne fout jamais équi-
voques , & le feus en ejî toujours déterminé par la manière
de les écrire. Quelques autres fout plus etnbarrajjans , connut
Ton , qui a dans V Art deux acceptions toutes différentes.
Ou a pris le parti de récrire eu italique pour dijiingui
..-;: intervalle , £-f en romain pour défigner une Modulation.
Au moyeu de cette précaution , la phrafe Jhivaute , par
exemple , s'a plus rien d'équivoque.
" Dans les Tous majeurs, l'Intervalle de la Tmicp
, la Médiante ejî compoje d\m Ton majeur £j' rf'«w Ton
.. mineur. „
niCTIOXNAÎRE
DICTIONNAIRE
D E
MUSIQUE.
A.
A
n.i la , A la mi re, ou fïmplement A , fixieme fon de
la Gamme diatonique & naturelle ; lequel s'appelle autre-
ment la. ( Voyez Gamme. )
A battuta. ( Voyez Mesuré*. )
A Livre ouvert , ou A l'ouverture du Livre. ( Voyez
Livre. )
A Tempo. ( Voyez Mesuré. )
ACADÉMIE de MUSIQUE. C'eft ainfi qu'on appelloit
autrefois en France , & qu'on appelle encore en Italie , une
alTemblée de Muficiens ou d'Amateurs, h laquelle les Fran-
çois ont depuis donné le nom de Concert. ( Voyez Concert. )
ACADÉMIE ROYALE de MUSIQUE. C'eft le titre que
porte encore aujourd'hui l'Opéra de Paris. Je ne dirai rien
ici de cet établiiïement célèbre , finon que de toutes les Aca-
démies du Royaume & du Monde, c'eft apurement celle qui
fait le plus de bruit. ( Voyez Opéra. )
ACCENT. On appelle ainfi , félon l'acception la plus
générale , toute modification de la voix parlante , dans la
durée , ou dans le ton des fyllabes & des mots dont le
Dictionnaire de Mujique. A
i A C C
difcours eft compofé ; ce qui montre un rapport très-exaft
encre les deux ufages des Accens 6c les deux parties de la
Mélodie, (avoir le Rhythme & l'Intonation. Accentus , dit
le Grammairien Sergius dans Donat , quafi ad cantus. 11 y
a autant cV Accens différens qu'il y a de manières de modi-
fier ainfi la voix; & il y a autant de genres d* Accens qu'il
y a de caufes générales de ces modifications.
On diftingue trois de ces genres dans le fimple difcours ;
favoir , Y Accent grammatical qui renferme la règle des Ac-
cent proprement dits , par lefquels le fon des fyllabes eft
grave ou aigu , 6c celle de la quantité , par laquelle chaque
fyllabe eft brève ou longue : l' Accent logique ou rationel ,
que plufieurs confondent mal-à-propos avec le précédent ;
cette féconde forte d'Accent , indiquant le rapport , la con-
nexion plus ou moins grande que les proportions &. les
idées ont entr'elles , fe marque en partie par la ponctuation :
enfin Y Accent pathétique ou oratoire, qui, par diverfes in-
flexions de voix, par un ton plus ou moins élevé, par un
parler plus vif ou plus lent , exprime les fentimens dont celui
qui parle eft agiec , & les communique à ceux qui Técoutenc.
L'étude de ces divers Accens 6c de leurs effets dans la langue
doit être la grande affaire du Muficieo , 6c Denis d'Halicar-
mffe regarde avec raifon ['Accent en général comme la
femenec de toute Mufique. Auffi devons-nous admettre pour
une maxime inconteftable que le plus ou moins cV Accent eft
U vraie caufe qui rend les langues plus ou moins mufica-
les : car quel feroit le rapport de la Mufique au difcours, G
l*s tfins d' la \. i\ chantante n'imitoient les Acceas de la
A C C
J
parole ? D'où il fuit que , moins une langue a de pareils
Accens , plus la Mélodie y doit être monotone , languiffante
6c fade; à moins qu'elle ne cherche dans le bruit & la force
des fons le charme qu'elle ne peut trouver dans leur variété.
Quant à V Accent pathétique 6c oratoire , qui eft l'objet le
plus immédiat de la Mufique imitative du théâtre, on ne doit
pas oppofer à la maxime que je viens d'établir , que tous les
hommes étant fujets aux mêmes paflîons doivent en avoir
également le langage : car autre chofe eft [accent univerfel
de la Nature qui arrache à tout homme des cris inarticu-
lés , & autre chofe V Accent de la langue qui engendre la
Mélodie particulière à une Nation. La feule différence du plus
ou moins d'imagination & de fenflbilité qu'on remarque d'un
peuple à l'autre en doit introduire une infinie dans l'idiome
accentué , fi j'ofe parler ainfi. L'Allemand , par exemple ,
hauffe également 6c fortement la voix dans la colère ; il crie
toujours fur le même ton : l'Italien , que mille mouvemens
divers agitent rapidement & fucceflivement dans le même
cas , modifie fa voix de mille manières. Le même fond de
paflïon règne dans fon ame : mais quelle variété d'expref-
fions dans fes Accens 6c dans fon langage! Or, c'eit à cette
feule variété , quand le Muficien fait l'imiter , qu'il doit
l'énergie 6c la grâce de fon chant.
Malheureufement tous ces Accens divers, qui s'accordent
parfaitement dans la bouche de l'Orateur, ne font pas fi faci-
les à concilier fous la plume du Muficien déjà fi gêné par
les règles particulières de fon Art. On ne peut douter que !a
Mufîque lu plus parfaite ou du moins la plus exprellive, ne
A i
4 A C C
foie celle où tous les Accens font le plus exactement obTer>-
vés ; mais ce qui rend ce concours fi difficile eft que trop
de règles dans cet Art font fujectes à fe contrarier mutuel-
lement , & fe contrarient d'autant plus que la langue eft
moins muficale ; car nulle ne l'eft parfaitemen: : autrement
ceux qui s'en fervent chanteraient au lieu de parler.
Cette extrême difficulté de fuivre à la fois les règles de
tous les Accens oblige donc fouvent le Compofiteur à don-
ner la préférence à l'une ou à l'autre, feloa les divers genres
de Mufique qu'il traite. Ainfi , les Airs de Dante exigent
fur-tout un Accent rhythmique & cadencé , dont en chaque
Nation le caractère eit déterminé par la langue. L'Accent
grammatical doit être le premier confulté dans le Récitatif,
pour rendre plus fenfible l'articulation des mots , fujerte à fe
perdre par la rapidité du débit, dans la réfonnance harmo"
nique : mais V Accent paflïonné l'emporte à fon tour dans les
Airs dramatiques ; & tous deux y font fubordonnés , fur-tout
dans la Symphonie, à une troifieme forte d'Accent, qu'oa
pourrait appeller mufical , & qui elt en quelque forte déter-
miné par l'efpece de Mélodie que le Muficien veut approprier
aux paroles.
En effet, le premier & le principal objet de toute Mufique
eft de plaire à l'oreille , ainfi tout Air doit avoir un chant
agréable : voila la première loi , qu'il u'elr. jamais permis
d'enfreindre. L'on doit donc premièrement confulter la Mélo-
die & V Accent mufical dans le deffein d'un Air quelconque.
Enfuite, s'il cil question c\\m chant dramatique & imitant",
U faut chercher VAccent pathétique qui donne au fentiment
A C C 5
Ton cxprefTion , & V Accent rationel par lequel le Mufîcien
rend avec JLilteïîe les idées du Poëce ; car pour infpirer aux
autres la chaleur dont nous fommes animés en leur pariant,
il faut leur faire entendre ce que nous difons. U Accent gram-
matical eft néceflaire par la même raifon ; & cette règle ,
pour être ici la dernière en ordre, n'eit pas moins indiipen-
fable que les deux précédentes, puifque le fens des rropoii-
tions & des phrafes dépend abfolument de celui des mots :
mais le Mufîcien qui fait fa langue a rarement befoin de
fonger à cet Accent; il ne fauroit chanter fon Air fans s'ap-
percevoir s'il parle bien ou mal, & il lui furrit de lavoir qui!
doit toujours bien parler. Heureux , toutefois , quand une
Mélodie flexible & coulante ne celle jamais de fe prêter à
ce qu'exige la langue ! Les Muficiens François ont en par-
ticulier des fecours qui rendent fur ce point leurs erreurs
impardonnables , & fur-tout le traité de la Profodie Fran-
çoife de M. l'Abbé d'Olivet , qu'ils devroient tous confultep.
Ceux qui feront en état de s'élever plus haut , pourront étu-
dier la Grammaire de Port-royal & les favantes notes du
Philofophe qui l'a commentée. Alors en appuyant l'ufaggr
fur les règles , & les règles fur les principes , ils feront tou-
jours fûrs de ce qu'ils doivent faire dans l'emploi de V Accent
grammatical de toute efpece.
Quant aux deux autres fortes dAccens , on peut moins
les réduire en règles, & la pratique en demande moins d'étudt
& plus de talent. On ne trouve point de fang - froid le
langage des partions, & c'eit une vérité rebattue qu'il faut
être ému foi-même pour émouvoir les autres, Iliea ne peut
6 A C C
donc fuppléer dans la recherche de V Accent pathétique à ce
génie qui réveille à volonté tous les fentimens; & il n'y a
d'autre Art en cette partie que d'allumer en fon propre cœur
le feu qu'on veut porter dans celui des autres. ( Voyez
Génie. ) Eit-il queftion de Y Accent rationel : l"Art a tout
auili-peu de prife pour le faifir, par la raifon qu'on n'ap-
prend point à entendre à des fourds. Il faut avouer auffi que
cet Accent eft , moins que les autres , du refTort de la
Mufique , parce qu'elle eft bien plus le langage des fens
que celui de l'efprit. Donnez donc au Muficien beaucoup
d'images ou de fentimens & peu de (impies idées à rendre :
car il n'y a que les pallions qui chantent, l'entendement ne
fait que parler.
ACCENT. Sorte d'agrément du Chant François qui fe
notoit autrefois avec la Mufique , mais que les Maîtres de
Goût - du - Chant marquent aujourd'hui feulement avec du
crayon, jufqu'à ce que les Ecoliers fâchent le placer d'eux-
mêmes. U Accent ne fe pratique que fur une fyllabe lon-
gue, & fert de pafTage d'une Note appuyée à une autre
Note non appuyée, placée fur le même Degré ; il confifte
en un coup de golîer qui cleve le fon d'un Degré, pour
reprendre à Pinltant fur la Note fuivante le même fon d'où
l'on eft parti. Flufieurs donnoient le nom de Plainte a
V Accent. ( Voyez le figne & l'effet de Y Accent, Planche II
Figure 13. )
AC( ENS. Les Poètes emploient fouvent ce mot au plu-
riel pour fignilicr le Chant même , & l'accompagnent ordi-
nuircmui d'une épichete, comme doux, tendres , triftes
A C C f
'Accens. Alors ce mot reprend exactement !e fer. s de fa
racine ; car il vient de cancre , cantus , d'oa l'on a fuit
Accentus-, comme Concertais.
ACCIDENT. ACCIDENTEL. On appelle Accidcns ou
Signes Accidentels les Bémols , Dicfls ou Béquarres qui fe
trouvent , par accident , dans le courant d'un Air , & qui ,
par conféquent, n'étant pas à la Clef, ne fe rapportent pas
au Mode ou Ton principal. ( Voyez Dièse , Bémol , Ton ,
Mode , Clef Transposée. )
On appelle auili Lignes Accidentelles , celles qu'on ajoute
au-deïîus ou au-delîbus de la Portée pour placer les Notes qui
patient fon étendue. (Voyez Ligne, Portée.)
ACCOLADE. Trait perpendiculaire aux Lignes , tiré à la
marge d'une Partition , & par lequel on joint enfemble les
Portées de toutes les Parties. Comme toutes ces Parties
doivent s'exécuter en même tems , on compte les Lignes
d'une Partition , non par les Portées , mais par les Accolades,
& tout ce qui e't compris fous une Accolade , ne forme
qu'une feule Ligne. (Voyez Partition.)
ACCOMPAGNATEUR. Celui qui dans un Concert ac-
compagne de l'Orgue , du Clavecin , ou de tout autre Lif-
trument d'accompagnement. (Voyez Accompacnemen : . )
Il faut qu'un bon Accompagnateur foit grand Mufkien,
qu'il fâche à fond l'Harmonie , qu'il connoille bien fon
Clavier , qu'il ait l'oreille fenûble , les doigts fouples A: le
goût fur.
C'eft à V Accompagnateur de donner le ton aux Voix & !e
mouvement à l'Ortheltre. La première de ces ibnib
i A C C
exige qu'il ait toujours fous un doigt la Note du Chant pour
la refrapper au befoin & foutenir ou remettre la Voix ,
quand elle foiblit ou s'égare. La féconde exige qu'il mar-
que la Baffe & fon Accompagnement par des coups fermes,
égaux, détachés & bien réglés à tous égards, afin de bien
faire fentir la Mefure aux Concertans , fur-tout au commen-
cement des Airs.
On trouvera dans les trois Articles fuivans , les détails qui
peuvent manquer à celui-ci.
ACCOMPAGNEMENT. C'eft l'exécution d'une Harmonie
complète & régulière fur un Infiniment propre à la rendre ,
tel que l'Orgue, le Clavecin, le Théor'oe, la Guitare, &c.
Nous prendrons ici le Clavecin pour exemple ; d'autant plus
qu'il e(t prefque le feul In/trument qui foit demeuré en
ufage pour Y Accompagnement.
On y a pour guide une des Parties de la Mufique , qui
efr. ordinairement la Baffe. On touche cette Baffe de la main
gauche , &c de la droite l'Harmonie indiquée par la marche
de la Baffe , par le chant des autres Parties qui marchent
111 même rems, par la Partition qu'on a devant les yeux,
ou par les chiffres qu'on trouve ajoutés a la Baffe. Les Ita-
liens méprifent les chiffres; la Partition même leur elt peu
néceflàire : la prompti:udc & la fineffe de leur oreille y fup-
plée , & ils accompagnent fort bien fans tout cet appareil.
J\ï is ce nYft qu'à leur difpofîtion naturelle qu'ils font rede-
vables de (.eue facilité, & les autres Peuples, qui ne font
pas nés comme eux pour la Mufique , trouvent à la pratique
<k- 1' h wipagnemcnt des obftacles prefque infurmontables.
Il
A C C P
Il faut des huit à dix années pour y réuiïir paffablement.
Quelles font donc les caufes qui retardent ainfi l'avancement
des élevés & embarraffent Ci long-tems les Maîtres , (i la
feule difficulté de l'Art ne fait point cela ?
Il y en a deux principales : l'une dans la manière de chiffrer
les Baffes : l'autre dans la méthode de Y Accompagnement.
Parlons d'abord de la première.
Les Signes dont on fe fert pour chiffrer les Baff.'S font
en trop grand nombre : il y a li peu d'Accords fondamen-
taux 1 Pourquoi faut-il tant de chiffres pour les exprimer ?
Ces mêmes Signes font équivoques, obfcurs, infumfans. Par
exemple , ils ne déterminent prefque jamais l'efpece des In-
tervalles qu'ils expriment, ou, qui pis eft , ils en indiquent d'une
autre efpece. On barre les uns pour marquer des Dièfes;
on en barre d'autres pour marquer des Bémols : les In-
tervalles Majeurs & les Superflus , même les Diminués ,
s'expriment fouvent de la même manière : quand les chiffres
font doubles , ils font trop confus; quand ils font iïmples,
ils n'offrent prefque jamais que l'idée d'un feul Intervalle ;
de forte qu'on en a toujours plufieurs à fous-entendre &
à déterminer.
Comment remédier a ces inconvéniens ? Faudra-t-il mul-
tiplier les Signes pour tout exprimer ? Mais on fe plaint
qu'il y en a déjà trop. Faudra-t-il les réduire ? On laiffera
plus de chofes à deviner à l'Accompagnateur , qui n'efl
déjà que trop occupé ; & dès qu'on fait tant que d'em-
ployer des chiffres , il faut qu'ils puiffent tout dire. Que
faire donc ? Inventer de nouveaux Signes , perfectionner
Dicl. de Mufique. B
■le
A C C
le Doigter , & taire , des Signes & du Doigter , deux
moyens combinés qui concourent à foulagcr l'Accompa-
gnateur. C'eft ce que M. Rameau a tenté avec beaucoup
de fagacité , dans fa Differtation fur les différentes mé-
thodes d'Accompagnement. Nous expoferons aux mots
Chiffres & Doigter les moyens qu'il propofe. Panons aux
méthodes.
Comme l'ancienne Mufique n'étoit pas fi compofée que
la nôtre , ni pour le Chant , ni pour l'Harmonie , & qu'il
n'y avoit gueres d'autre Baffe que la fondamentale , tout
Y Accompagnement ne confiftoit qu'en une fuite d'Accords
parfaits, dans lefquels l'Accompagnateur fubftiruoit de tems
en tems quelque Sixte à la Quinte , félon que l'oreille le
conduifoit : ils n'en favoient pas davantage. Aujourd'hui qu'on
a varié les Modulations , renverfé les Parties , furchurgé ,
peut-être gâté l'Harmonie par des foules de Diffonances,
on eft contraint de fuivre d'autres règles. Campion imagina,
dit-on , celle qu'on appelle Règle de l'Octave : ( Voyez
Règle de l'Octave.) & c'eft par cette méthode que la
plupart des Maîtres enfeignent encore aujourd'hui W-hcom-
lement.
Les Accords font déterminés par la Règle de l'Octave ,
lavement au rang qu'occupent les Notes de ta Baffe, &
à ! i marche qu'elles Auvent dans un Ton donné. Ainfi le
i m étant connu , la Note de la Baffe-continue aufli con-
n '• , le rang de cette Note dans le Ton , le rang de la Note
qui lt précède immédiatement, & le rang de la Noitj qui
Li fuit , on tic le trompera pas beaucoup, en accompagnant
A C C
par la Règle de l'Octave , fi le Compofircur a fuivi l'I
monie la plus fimple & la plus naturelle ; mais c'eft ce
qu'on ne doit gueres attendre Jde la Mufique d'aujourd'hui ,
fi. ce n'eft peut-être en Italie où l'Harmonie paroît fe Am-
plifier à mefure qu'elle s'altère ailleurs. De plus, le moyen
d'avoir toutes ces chofes inceflamment préfentes, & tandis
que l'Accompagnateur s'en inftruit, que deviennent les doigts?
A peine atteint-on un Accord, qu'il s'en offre un autre, & le
moment de la reflexion eft précifément celui de l'exécution.
Il n'y a qu'une habitude confomméc de Mufique, une ex-
périence réfléchie , la facilité de lire une ligne de Mufique d'un
coup-d'œil , qui puilTent aider en ce moment. Encore les plus
habiles fe trompent-ils avec ce fecours. Que de fautes échap-
pent , durant l'exécution , à l'Accompagnateur le mieux exercé !
Attcndra-t-on , même pour accompagner, que l'oreille foit
formée ; qu'on fâche lire aifément &c rapidement toute
Mufique ; qu'on puiiïe débrouiller , à livre ouvert , une
Partition ? Mais , en fût - on là , on auroit encore befoin
d'une habitude du Doigter fondée fur d'autres principes
d' 'Accompagnement que ceux qu'on a donnés jufqu'à M.
Rameau.
Les Maîtres zélés ont bien fend l'infuffifance de leurs
Règles. Pour y fuppléer , ils ont eu recours à l'énumération
& à la defeription des Confonnances , dont chaque Difîb-
nance fe prépare, s'accompagne & fe fauve dans tous les
dilTérens cas : détail prodigieux que la multitude des Dif-
fonances & de leurs combinaifons fait affez fentir, & dont
la mémoire demeure accablée.
Il
A C C
Plufîeurs confeillent d'apprendre la Compofition avant
de paffer à V Accompagnement : comme fi Y Accompagne-
ment n'étoit pas la Compofition même, à l'invention près,
qu'il faut de plus au Compofiteur. C'eft comme fi l'on
propofoit de commencer par fe faire Orateur pour ap-
prendre à lire. Combien de gens , au contraire , veulent
qu'on commence par Y Accompagnement à apprendre la
Compofition? & cet ordre eft apurement plus raifonnable &
plus naturel.
La marche de la Bafle , la Règle de l'Oiftave , la ma-
nière de préparer & fauver les Diflbnances , la Compo-
fition en général , tout cela ne concourt gueres qu'à mon-
trer la fucceflion d'un Accord à un autre ; de forte qu'à cha-
que Accord , nouvel objet , nouveau fujet de réflexion. Quel
travail continuel ! Quand l'efprit fcra-t-il affez inftruit ? Quand
l'oreille fera-t-elle aflez exercée , pour que les doigts ne
foient plus arrêtés ?
Telles font les difficultés que M. Rameau s'eft propofé
d'applanir par fes nouveaux Chiffres , & par fes nouvelles
Règles d* Accompagnement.
Je tâcherai d'expofer en peu de mots les principes fur
lefqucls fa méthode eft fondée.
11 n'y a dans l'Harmonie que des Confonnances & des
Diiïonances. Il n'y a donc que des Accords confonnans ce
accords diflbnans.
Chacun de ces Accords cft fondamentalement ilivifé par
ces. ( C'eft le fyflême de M. Rameau. ) L'Accord
confonnant eft compofé de trois Notes, comme ut mi fol ;
A C C tj
& le diflbnant de quatre , comme fol fi rc fa : Iaifïant a
part la fuppoficion & la fufpenfion , qui , à la place des
Notes dont elles exigent le retranchement , en introduifent
d'autres comme par licence : mais X Accompagnement n'en
porte toujours que quatre. ( Voyez Supposition & Sus-
pension. )
Ou des Accords confonnans fe fuccedent , ou des Ac-
cords diffonans font fuivîs d'autres Accords difîbnans ,
ou les confonnans & les difîbnans font entrelaces.
L'Accord confonnant parfait ne convenant qu'à la To-
nique , la fucccfîicn des Accords confonnans fournit autant
de Toniques , 6c par conféquent autant de changemens de
Ton.
Les Accords difîbnans fe fuccedent ordinairement dans
un même Ton , fi les Sons n'y font point altérés. La
DifTonance lie le fens harmonique : un Accord y fait de-
firer l'autre , 6c fentir que la phrafe n'eit pas tinie. Si le
Ton change dans cette fuccefTion , ce changement eft tou-
jours annonce par un Dièfe ou par un Ik'mol. Quant à la
rroiileme fuccefTion , fa voir l'entrelacement des Accords con-
fonnans 6c difîbnans , M. Rameau la réduit à deux cas
feulement ; 6c il prononce en général , qu'un Accord con-
fonnant ne peut être immédiatement précédé d'aucun autre
Accord diiTonant , que celui de fepticme de la Dominante-
Tonique , ou de celui de Sixte-Quinte de la fous-Domi-
nante ; excepte dans la Cadence rompue 6c dans les fuf-
penfions : encore prétend-il qu'il n'y a pas d'exception quant
au fond, Il me fcmble que l'Accord parfait peut encore
i4 A C C
être précédé de l'Accord de Septième diminuée , & même
de celui de Sixte-fuperflue ; deux Accords originaux , dont
le dernier ne fe renverfe point.
Voilà donc trois textures différentes des phrafes harmo-
niques, i. Des Toniques qui fe fuccedent & forment autant
de nouvelles Modulations, z. Des Dilfonances qui fe fuc-
cedent ordinairement dans le même Ton. 3. Enfin des
Confonnances & des Diffonances qui s'entrelacent , &
où la Confonnance eit , félon M. Rameau ? néceiTairement
précédée de la Septième de la Dominante , ou de la Sixte-
Quinte de la Sous - Dominante. Qae reîte - t - il donc à
faire pour la facilité de V Accompagnement , fmon d'indi-
quer à l'Accompagnateur quelle eft celle de ces textures qui
règne dans ce qu'il accompagne ? Or c'eft ce que M. Rameau
veut qu'on exécute avec des caractères de fon invention.
Un feul Signe peut aifément indiquer le Ton , la Toni-
que & fon Accord.
De-là fe tire la connoiffance des Dièfes & des Bémols
qui doivent entrer dans la compofition des Accords d'une
Tonique à une autre.
La fucccfîïon fondamentale par Tierces , ou par Quin-
tes, tant en montant qu'en defeendant , donne la première
texture des phrafes harmoniques , toute compofée d'Ac-
cords confonnans.
La fijcceflîon fondamentale par Quintes , ou par Tierces,
en defeendant donne la féconde texture , coi 1 d' ac-
cords difTonans , favoir , des Accords de Septième} Ci:
cette fucceiEon donne une Harmonie defcendantC
A C C *5
L'Harmonie afcendante eft fournie par une fucceflion de
Quintes en montant ou de Quartes en defeendant, accom-
pagnées de la Dilîbnance propre à cette fuccellion , qui
eit la Sixte-ajoutce ; & c'eft la troifieme texture des phra-
fes harmoniques. Cette dernière n'avoir, jufqu'ici été obfer-
vée par perfonne , pas même par M. Rameau , quoiqu'il
en ait découvert le principe dans la Cadence qu'il ap-
pelle Irréguliere. Ainfi , par les Règles ordinaires , l'Har-
monie qui naît d'une fuccellion de Diflbnances , defeend.
toujours , quoique félon les vrais principes , & félon la rai-
fon , elle doive avoir , en montant , une progrellion touç
aufli régulière qu'en defeendant.
Les Cadences fondamentales donnent la quatrième Tex-
ture de phrafes harmoniques , où les Confonnances & les
Diffonances s'entrelacent.
Toutes ces textures peuvent être indiquées par des ca-
ractères fimples , clairs , peu nombreux , qui puiifent , en
même tems , indiquer , quand il le faut , la Dilfonance en
général ; car l'efpece en eft toujours déterminée par la
texture même. On commence par s'exercer fur ces tex-
tures prifes féparément ; puis on les fait fuccéder les unes
aux autres fur chaque Ton & fur chaque Mode fucceili-
vemenr.
Avec ces précautions , M. Rameau prétend qu'on apprend
plus d' Accompagnement en fix mois qu'on n'en apprenoit
auparavant en fix ans , & il a l'expérience pour lui. ( Voyez
Chiffrhs & Doigter.)
A l'égard de. la manière d'accompagner avec intelligence,'
iô A C C
comme elle dépend plus de l'ufage «5c du goût que des
Règles qu'on en peut donner , je me contenterai de faire
ici quelques obfervations générales que ne doit ignorer au-
cun Accompagnateur.
1. Quoique dans les Principes de M. Rameau , l'on doi-
ve toucher tous les Sons de chaque Accord , il faut bien fe
garder de prendre toujours cette Règle à la lettre. Il y a
des Accords qui feraient infupportables avec tout ce rem-
pliffage. Dans la plupart des Accords difibnans , fur-tout
dans les Accords par fuppofition , il y a quelque Son à re-
trancher pour en diminuer la dureté : ce Son efr. quelque-
fois la Septième , quelquefois la Quinte ; quelquefois l'une
& l'autre fe retranchent. On retranche encore aû*ez fouvent
la Quinte ou l'Oclave de la Dalfe dans les Accords diffo-
nans , pour éviter des Oitaves ou des Quintes de fuite qui
peuvent faire un mauvais effet , fur-tout aux extrémités.
Far la même raifon , quand la Note fenfible eft dans la
Baffe , on ne la met pas dans V Accompagnement ; &c l'on
double , au lieu de cela , la Tierce ou la Sixte , de la main
droite. On doit éviter auflï les Intervalles de Seconde , &
d'avoir deux doigts joints ; car cela fait une Diifonance
fort dure , qu'il faut garder pour quelques occafions où
l'exprefTîon la demande. En général on doit penfer , en
accompagnant , que quand M. Rameau veut qu'on rem-
plie tous les Accords , il a bien plus d'égard à la mécha-
nique des doigts & à fon fyitôme particulier d'Accompa-
gnement y qu'à la pureté de l' Harmonie. Au lieu du bruit con-
fus que fait un pareil Accompagnement , il faut chercher à
le
A C C .7
le rendre agréable 6c fonorc , & faire qu'il nourriîTe 6c ren-
force la Batte , au lieu de la couvrir 6c de l'étouffer.
Que fi l'on demande comment ce retranchement de Sons
s'accorde avec la définition de V Accompagnement par une
Harmonie complète , je réponds que ces retranchemens
ne font , dans le vrai , qu'hypothétiques 6c feulement dans
le fyftéme de M. Rameau ; que , fuivant la Nature , ces
Accords , en apparence ainfi mutilés , ne font pas moins
complets que les autres , puifque les Sons qu'on y fup-
pofe ici retranchés les rendraient choquans 6c fouvent in-
fupportahles ; qu'en effet les Accords diffonans ne font
point remplis dans le fyltême de M. Tartini comme dans
celui de M. Rameau ; que par conséquent des Accords dé-
fectueux dans celui-ci font complets dans l'autre ; qu'enfin
le bon goût dans l'exécution demandant qu'on s'écarte fou-
vent de la règle générale , 6c Y Accompagnement le plus
régulier n'étant pas toujours le plus agréable , la définition
doit dire la règle , 6c l'ufage apprendre quand on s'en doit
écarter.
II. On doit toujours proportionner le bruit de Y Accom-
pagnement au caractère de la Mufique 6c à celui des Inltru-
mens ou des Voix que l'on doit accompagner. Ainfi dans
un Chœur on frappe de la main droite les Accords pleins ;
de la gauche on redouble l'Octave ou la Quinte ; quelque-
fois tout l'Accord. On en doit faire autant dans le Récita-
tif Italien ; car les fons de la Baffe n'y étant pas foutenrs
ne doivent fe faire entendre qu'avec toute leur Harmonie,.
& de manière à rappeller fortement 6c pour long -teins
Dicl. de Mufique. C
i8 A C C
l'idée de la Modulation. Au contraire dans un Air lent &
doux , quand on n'a qu'une voix foible ou un feul Inftru-
ment à accompagner , on retranche des Sons , on arpège
doucement , on prend le petit Clavier. En un mot , on a
toujours arrention que Y Accompagnement , qui n'eii fait
que pour fourenir &c embellir le Chant , ne le gâte & ne le
couvre pas.
III. Quand on frappe les mêmes touches pour prolonger
le Son dans une Note longue ou une Tenue , que ce foie
plutôt au commencement de la Mefure ou du Tems fort,,
que dans un autre moment : on ne doit rebattre qu'en mar-
quant bien la Mefure. Dans le Récitatif Italien , quelque
durée que puiffe avoir une Note de Baffe, il ne faut jamais
la frapper qu'une fois & fortement avec tout fon Accord ;
on refrappe feulement l'Accord quand il change fur la même
Note : mais quand un Accompagnement de Violons règne
fur le Récitatif, alors il faut fourenir la Baffe &. en arpéger
l'Accord.
IV. Quand on accompagne de la Mufique vocale, on
doit par Y Accompagnement foutenir la Voix , la guider , lui
donner le Ton à toutes les rentrées , & l'y remettre quand
elle détonne : l'Accompagnateur ayant toujours le Chant
fous les yeux & l'Harmonie préfente à L'efprit , e(t chargé
fpécialemenc d'empêcher que la Voix ne s'égare. (Voye?.
Accompagnateur, )
V. On ne doit pas accompagner de ta même manière la
Mufique Italienne & la Françoife. Dans celle-ci, il faut
foutenir les Sous , les arpéger gracieufemcnt <5c continuelle-
A C C 19
ment de bas en haut , remplir toujours l'Harmonie , autant
qu'il fepcut; jouer proprement la BalTc ; en un mot, fe prêter
à tout ce qu'exige le genre. Au contraire , en accompagnant
de l'Italien , il faut frapper Amplement & détacher les Notes
de la Baffe ; n'y faire ni Trills ni Agrémens , lui conferver
la marche égale &c fimplc qui lui convient ; X Accompagne-
ment doit être plein, Çtc 6c fans arpéger, excepté le cas
dont j'ai parlé numéro 3 , 6c quelques Tenues ou Points-
d'Orgue. On y peut , fans fcrupule , retrancher des Sons :
mais alors il faut bien choifir ceux qu'on fait entendre ; en
forte qu'ils fe fondent dans l'Harmonie 6c fe marient bien
avec la Voix. Les Italiens ne veulent pas qu'on entende rien
dans Y Accompagnement , ni dans la Baffe , qui puifTe diflrairc
un moment l'oreille du Chant ; 6c leurs Accompagnemens
font toujours dirigés fur ce principe , que le plaifir 6c l'atten-
tion s'évaporent en fc partageant.
VI. Quoique V Accompagnement de l'Orgue foit le même
que celui du Clavecin, le goût en eft très-différent. Comme
les Sons de l'Orgue font foutenus, la marche en doit être
plus liée 6c moins fautillante : il faut lever la main entière
le moins qu'il fe peut; gliffer les doigts d'une touche à l'autre,
fans ôrer ceux qui , dans la place où ils font , peuvent fcr\ ir
à l'Accord où l'on pafle. Rien n'efl fi défagréablé que d'en-
tendre hacher fur l'Orgue cette efpece cV Accompagnement
ftc , arpégé , qu'on eft forcé de pratiquer fur le Clavecin.
( Voyez le mot Doigter. ) En général l'Orgue , cet Inftru-
ment fi fonore &: fi majeftueux , ne s'affocie avec aucun
autre, 6c ne fait qu'un mauvais effet dans Vu4ccompagnCm.
C »
20
A C C
ment , fî ce n'efi tout au plus pour fortifier les Rippienes &
les Chœurs.
M. Rameau , dans fes Erreurs fur la Mujique , vient d'éta-
blir ou du moins d'avancer un nouveau Principe , dont il ffie
cenfure fort de n'avoir pas parle dans l'Encyclopédie ; favoir,
que V Accompagnement représente le Corps Sonore. Comme
j'examine ce Principe dans un autre écrit , je me difpenferai
d'en parler dans cet article qui n'eft déjà que trop long. Mes
difputes avec M. Rameau font les chofes du monde les plus
inutiles au progrès de l'Art , & par conféquent au but de ce
Dictionnaire.
ACCOMPAGNEMENT , eft encore toute Partie de BafTe
ou d'autre Inf bruinent, qui eft compofée fous un Chant pour
y faire Harmonie. Ainfi un Solo de Violon s'accompagne
du Violoncelle ou du Clavecin , & un Accompagnement de
Flûte fe marie fort bien avec la voix. L'Harmonie de l'^c-
co-mpagnement ajoute à l'agrément du Chant en rendant les
Sons plus fûrs , leur effet plus doux , la Modulation plus feu-
fible , & portant à l'oreille un témoignage de juftefTe qui la
flatte. Il y a même , par rapport aux Voix , une forte raifon
de les faire toujours accompagner de quelque Infiniment ,
foit en Partie , foit à l'Unilïbn. Car , quoique plufieurs pré-
tendent qu'en chantant la Voix fe modiiie naturellement
félon les loix du tempérament , ( voyez TEMPERAMENT.) ce-
pendant l'expérience nous dit que les Voix les plus juftes &
les mieux exercées ont bien de la peine à fe maintenir long-
IS dans la juitelle du Ton , quand rien ne les y tou-
tienr, A force de chanter on mon:e ou l'on defeend infen-
A C C
ii
fiblement , & il eft très-rare qu'on fe trouve exactement en
finiflant dans le Ton d'où l'on étoit parti. C'eft pour empê-
cher ces variations que l'Harmonie d'un Infiniment eft em-
ployée ; elle maintient la Voix dans le même Diapafon , ou
l'y rappelle aufïï-tôt, quand elle s'égare. La Baffe eft, de
toutes les Parties , la plus propre à Y Accompagnement , celle
qui foutient le mieux la Voix , & fatisfait le plus l'oreille ;
parce qu'il n'y en a point dont les vibrations foient fi fortes,
fi déterminantes , ni qui laiiïe moins d'équivoque dans le
jugement de l'Harmonie fondamentale.
ACCOMPAGNER , v. a. 6c n. C'eft en général jouer les
Parties d'Accompagnement dans l'exécution d'un morceau de
Mufique ; c'eft plus particulièrement, fur un Inftrument con-
venable , frapper avec chaque Note de la Balfe les Accords
qu'elle doit porcer , & qui s'appellent l'Accompagnement.
J'ai fuffifamment expliqué dans les précédens articles en
quoi confifle cet Accompagnement. J'ajouterai feulement
que ce mot même avertit celui qui accompagne dans un
concert qu'il n'eft chargé que d'une partie accefToire , qu'il
ne doit s'attacher qu'à en faire valoir d'autres , que fitôt
qu'il a la moindre prétention pour lui-même , il gâte T.xc-
cution & impatiente à la fois les Concertans & les A.di-
teurs : plus il croit fe faire admirer, plus il fe rend di-
cule ; & fitôt qu'à force de bruit ou d'ornemens déplacés
il détourne à foi l'attention due à la partie principale , tout
ce qu'il montre de raltnt & d'exécution , montre à la fois
fa vanité &: fon mauvais goût. Pour Accompagner avec intelli-
gence &. avec applaudilament , il ne faut fonger qu'à fou-
U A C C
tenir & faire valoir les Parties efTentielles, & c'eft exécuter
fort habilement la fienne que d'en faire fentir l'effet fans la
lailTer remarquer.
ACCORD,/ m. Union de deux ou plufieurs Sons rendu»
à la fch , & formant enfemble un tout harmonique.
L'Harmonie naturelle produite par la réfonnance d'un
Corps fonore eit compofée de trois Sons diffcrens , fans
compter leurs Octaves ; lefquels forment entre eux V Accord
le plus agréable & le plus parfait que l'on puiire entendre:
d'où on l'appelle par excellence Accord parfait. Ainfi pour
rendre complète l'Harmonie , il faut que chaque Accord
foit au moins compofé de trois Sons. Auilî les Muficiens
trouvent - ils dans le Trio la perfection harmonique , foit
parce qu'ils y emploient les Ascords en entier , foit par. e
que dans les occasions où ils ne les emploient pas en
entier , ils ont l'art de donner le change à l'oreille , &
de lui perfuader le contraire , en lui présentant les Sons
principaux des Accords de manière a lui faire oublier les
autres. ( Voyez Trio. ) Cependant l'Oitave du Son prin-
cipal produifant de nouveaux rapports 6c de nouvelles Con-
fonnances par les complémens des Intervalles , ( voyez
Complément. ) on ajoute ordinairement cette Oclave pour
avoir l'enfemble de toutes les Confonnanccs dans un même
/tecordt (Voyez Consonnance. ) De plus, l'addition de
J.i DifTonance, (voyez Dissonance.) produifant un qua-
trième Son ajouré à [' Accord parfait , c'eft une néccfTité ,
fi Ton veut remplir 1' Accord , d'avoir une quatrième Par-
tie pour exprimer cette DifTonance, Ainii la fuite des
A C C 2j
Accords ne peut erre complète & lice qu'au moyen de
quatre Parties.
On divife les Ascordt en parfaits & imparfaits. L' 'Accord
parfait eft celui dont nous venons de parler , lequel eft
compofé du Son fondamental au grave , de Cd Tierce , de
fa Quinte , & de fon Octave ; il fe fubdivife en Majeur ou
Mineur , félon l'efpece de fa Tierce. ( Voyez Majeur ,
Mineur. ) Quelques Auteurs donnent aufïi le nom de par-
faits a tous les Accords , même DifTonans , dont le Son
fondamental eft au grave. Les Accords imparfaits font ceux
où règne la Sixte au lieu de la Quinte , & en général tous
ceux où le Son grave n'eft pas le fondamental. Ces dénomi-
nations , qui ont été données avant que l'on connût la Baffe-
fondamentale , font fort mal appliquées : celles & Accords
directs ou renverfés font beaucoup plus convenables dans le
même fens. ( Voyez Renversement. )
Les Accords fe divifent encore en Confonnans & Dif-
fonans. Les Accords Confonnans font Y Accord parfait
& fes dérivés : tout autre Accord eft Diffamant. Je vais
donner une Table des uns & des autres, félon le fyftém»
de M. Rameau,
*4
A C C
=â^*-
•*
TABLE
De tous les Accords reçus dans l'Harmonie;
m '
ACCORDS FONDAMENTAUX.
ACCCORD PARFAIT, ET SES DÉRIVÉS.
Le Son fondamental, au grave. Sa Tierce, au grave. Sa Quinte, au grave.
o
Jt
■e-
-e-
o
n
-e-
-e-
-e-
-9-
Accord Parfait.
Accord de Sixte. Accord de Sixte-Quarte.
Cet accord conltitue le Ton , & ne fe fait que fur la
Tonique : fa Tierce peut être majeure ou mineure , & c'eft
celle qui confticue le Mode.
ACCORD SENSIBLE OU DOMINANT,
ET SES DÉRIVES.
Le Son fondamental ,
au grave.
Sa Tierce , Sa Quinte , Sa Septième ,
au grave. au grave. au grave.
-e-
-e-
■e-
â
J.
-O-
=\ -8-
Accord Scnfiblc. De Fauflc-Quinte. De Petite-Sixte De Triton
majeure.
Aucun des Sons de cet Accord ne peut s'altérer.
\CCO RD
A C C a5
ACCORD DE SEPTIEME, ET SES DÉRIVÉS.
Le Son fondamental, Sa Tierce, Sa Quinte,
au grave. au grave. au grave.
Sa Septième ,
au grave.
&-
m
±=3
O
Accord de Septième. De Grande-Sixte. De Petite-Sixte
mineure.
De Seconde.
La Tierce, la Quinte & la Septième, peuvent s'altérer
dans cet accord.
ACCORD DE SEPTIEME DIMINUEE,
ET SES DÉRIVES.
Le Son fondamental , Sa Tierce , Sa Quinte , Sa Septième ,
au grave. au grave. au grave. au grave.
A
?
£8-
(S
J&:
Accord de Septième De Sixte majeure De Tierce mineure De Seconde
diminuée. & Faufle-Quinte. & Triton. fuperflue.
Aucun des Sons de cet accord ne peut s'altérer.
ACCORD DE SIXTE AJOUTÉE, ET SES DÉRIVÉS.
Le Son fondamental,
au grave.
Sa Tierce ,
au grave.
Sa Quinte ,
au grave.
i
m
o
o
¥
Sa Sixte ,
au grave.
a
o
ç>
Accord de Sixte Ee Petite-Sixte
ajoutée. ajoutée.
Dicl. de Mujiqui,
De Seconde De Septième
ajoutée. ajoutée,
D
Z6
A C C
Je joins ici par-tout le mot ajouté pour diftinguer cer
'Accord & fes renverfés des productions femblables de VAc-
*
cord deSe ptieme.
Ce dernier renverfement de Septième ajoutée n'eit pas
admis par M. Rameau , parce que ce renverfement forme un
Accord de Septième , & que l' Accord de Septième eft fon-
damental. Cette raifon paroît peu folide. Il ne faudroit donc
pas non plus admettre la Grande-Sixte comme un renver-
fement; puifque dans les propres principes de M. Rameau
ce même Accord eÛ fouvent fondamental. Mais la pratique
des plus grands Muficiens , ce la fienne même dément
l'exclufîon qu'il voudroit établir..
ACCORD DE SIXTE SUPERFLUE.
^
Cet Accord ne fe renverfe point , & aucun de fes Sons ne
peut s'altérer. Ce n'eft proprement qu'un Accord de Petite-
Sixte majeure , diéfée par accident , & dans lequel on fubf-
tkue la Quinte à la Quarte..
*wa
A C C
17
ACCORDS PAR SUPPOSITION.
(Voyez SUPPOSITION).
ACCORD DE NEUVIEME, ET SES DÉRIVÉS.
Le Son fuppofé , Le Son fondamental , Sa Tierce ,
au grave. au grave. au grave.
Sa Septième ,
au grave.
â
I
♦
-O-
g
B
-O-
XL
Accord de Neuvième» de Septième De Sixte-Quarte De Septième
& Sixte, & Quinte. & Seconde.
C'dt un Accord de Septième auquel on ajoute un cin-
quième Son à la Tierce au-detîbus du fondamental.
On retranche ordinairement la Septième , c'eiè-à-dire , la
Quinte du Son fondamental , qui eiè ici la Note marquée en
noir ; dans cet état Y Accord de Neuvième peut fe renverfer
en retranchant encore de l'Accompagnement l'O&ave de la
Note qu'on porte à la Balle.
ACCORD DE QUINTE SUPERFLUE.
-M
e-
■e-
C'eft Y Accord fenfible d'un Ton Mineur, au-deflbus du-
quel on fait entendre la Médiante : ainfî c'eft un véritable
D z
18
A C C
Accord de Neuvième. Mais il ne fe renverfe point, a caufe
de la Quarte diminuée que donneroit avec la Note fenfible le
Son fuppofé porté à l'aigu , laquelle Quarte efr. un Intervalle
banni de l'Harmonie.
ACCORD D'ONZIEME OU QUARTE.
Le Son fuppofc, Idem , en retranchant Le Son fondamental, Sa Septième,'
au grave. deux Sons. au grave. au grave.
G û O
-9-
-e-
-e-
<
O
m
o
-vor
-75 ~G
Accord de Neuvième Accord de Quarte. De Septième De Seconde.
& Quarte. & Quarte. Quinte.
C'eft un Accord de Septième, au-de flous duquel on ajoute
un cinquième Son a la Quinte du fondamental. On ne trappe
gueres cet Accord plein , à caufe de fa dureté : on en retran-
che ordinairement la Neuvième 6c la Septième ; ôi pour le
renverfer , ce retranchement eft indifpenfuble.
ACCORD DE SEPTIEME SUPERFLUE
^
m
m e-
C7«fl Y Accord dominant fous lequel la Bade fait la Tonique.
A C C
*0
ACCORD DE SEPTIEME SUPERFLUE
et SIXTE MINEURE.
-e-
C'eft V Accord de Septième diminuée fur la Note fenfible,
fous lequel la Baffe fait la Tonique.
Ces deux derniers Accords ne fe renverfent point , parce
que la Note fenfii ■'.' \ la Tonique s'entendroient enfemble
dans les Parties fupérieures; ce qui ne peut fe tolérer.
(Quoique tous les Accords foient pleins & complets dans
cette Table , comme il le faloit pour montrer tous leurs
Elcmens , ce n'e/t pas à dire qu'il faille les employer tek.
On ne le peut pas toujours , & on le doit très -rare ment.
Quant aux Sons qui doivent être préférés félon la place &
l'ufage des Accords ; c'eft dans ce choix exquis & néceffaire
que confilte le plus grand art du Compofiteur. ( Voye2
Composition, Mélodie, Effet , Expression, &c.)
Fin de la Table des Accords.
Nous parlerons aux mots Harmonie , Basse-Fondamen-
tale , Composition, &c. de la manière d'employer tous ces
Accords pour en former une Harmonie régulière. J'ajouterai
feulement ici les obfervations fuivantes,
3o A C C
I. C'eft une grande erreur de penfer que le choix des ren-
verfemens d'un même Accord foie indifférent pour l'Har-
monie ou pour l'expreflion. 11 n'y a pas un de ces renver-
femens qui n'aie fon caractère propre. Tout le monde fent
l'oppofîtion qui fe trouve entre la douceur de la Fauffe-
Quinte & l'aigreur du Triton , & cependant l'un de ces
Intervalles eft renverfé de l'autre. Il en eft de même de la
Septième diminuée & de la Seconde fuperflue , de la Se-
conde ordinaire & de la Septième. Qui ne fait combien. la
Quinte eft plus fonore que la Quarte ? L'Accord de Grande-
Sixte & celui de Petite-Sixte mineure , font deux faces du
même Accord fondamental ; mais de combien l'une n'eft-
elle pas plus harmonieufe que l'autre ? U Accord de Petite-
Sixte majeure , au contraire , n'eft-il pas plus brillant que
celui de fauffe Quinte ? Et pour ne parler que du plus fimple
de tous les Accords , confidérez la majefté de Y Accord par-
fait , la douceur de Y Accord de Sixte , & la fadeur de celui
de Sixte-Quarte ; tous cependant compofés des mêmes Sons.
En général les Intervalles fuperflus, les Dièfes dans le haut,
font propres par leur dureté a exprimer l'emportement , la
colère & les paflîons aiguës. Au contraire , les Bémols à
l'aigu & les Intervalles diminués forment une Harmonie plain-
tive , qui attendrit le cœur. C'eft une multitude d'obferva-
tions femblableS , qui , lorfqu'un habile Muficicn fait s'en
prévaloir , le rendent maître des affections de ceux qui
l'écourent.
II. Le choix des Intervalles fimples n'eft gueres moins
important que celui des Accords pour la place où l'on doit
A C C ii
les employer. C'efl, par exemple, dans le bas qu'il faut
placer les Quintes & les Oâaves par préférence , dans le
haut les Tierces & les Sixtes. Tranfpofez cet ordre , vous
gâterez l'Harmonie en lanTant les mêmes Accords.
III. Enfin l'on rend les Accords plus harmonieux encore,
en les rapprochant par de petits Intervalles , plus convena-
bles que les grands à la capacité de l'oreille. C'eft ce qu'on
appelle relferrer l'Harmonie , & que fi peu de Muficiens favent
pratiquer. Les bornes du Diapafon des voix font une raifon de
plus pour refTerrer les Chœurs. On peut affurer qu'un Chœur eft
mal fait , lorfque les Accords divergent , lorfque les Parties
crient , fortent de leur Diapafon , & font fi éloignées les unes
des autres qu'elles femblent n'avoir plus de rapport entre elles;
On appelle encore Accord l'état d'un Inftrument dont les
Sons fixes font entre eux dans toute la juftefie qu'ils doivent
avoir. On dit en ce fens qu'un Infiniment eft d'Accord , qu'il
n'eft pas d'Accord , qu'il garde ou ne garde pas fon Accord.
La même expreffion s'emploie pour deux Voix qui chantent
enfemble , pour deux Sons qui fe font entendre à la fois v
foit à l'Uniflbn , foit en Contre-parties.
ACCORD DISSONANT , FAUX ACCORD , AC-
CORD FAUX , font autant de différentes chofes qu'il ne
faut pas confondre. Accord dijjbnant eft celui qui contient
quelque DiiTonance ; Accord j'aux , celui dont les Sons font
mal accordes , & ne gardent pas entre eux la jufteife des
Intervalles ; faux Accord , celui qui choque l'oreille , parce
qu'il eft mal compofé , & que les Sons , quoiques juftes ,,
n'y forment pas un tout harmonique,.
jr A C C
ACCORDER des Inflrumens , c'eft tendre ou lâcher les
cordes , alonger ou raccourcir les tuyaux , augmenter ou
diminuer la malle du Corps fonore , jufqu'à ce que toutes
les parties de l'Inftrument foient au Ton qu'elles doivent
avoir.
Pour Accorder un Infiniment , il faut d'abord fixer un Son
qui ferve aux autres de terme de comparaifon. C'eft ce qu'on
appelle, prendre ou donner le Ton. (Voyez Ton.) Ce Son
eft ordinairement Vut pour l'Orgue & le Clavecin , le la pour
le Violon & la Baffe , qui ont ce la fur une corde à vuide &
dans un Médium propre à être aifément faifi par l'oreille.
A l'égard des Flûtes , Hautbois, Baffons, & autres Inftru-
mens à vent , ils ont leur Ton à-peu-près fixé , qu'on ne
peut gueres changer qu'en changeant quelque pièce de l'Inf-
trument. On peut encore les alonger un peu à l'emboîture
des pièces , ce qui baiffe le Ton de quelque chofe ; mais il
doit néceffairement réfulter des tons faux de ces variations,
parce que la julte proportion eft rompue entre la longueur
totale de l'Inftrument & les diftances d'un trou à l'autre.
Quand le ton eft déterminé , on y fait rapporter tous les
autres Sons de l'Inftrument , lefquels doivent être fixés par
l'Accord félon les Intervalles qui leur conviennent. L'Orgue
& le Clavecin s'accordent par Quintes , jufqu'à ce que la Par-
tition foit faire , & par Octaves pour le refte du Clavier ; la
Baffe & le Violon par Quintes ; la Viole & la Guitare par
Quartes ôc par Tierces , &c. En général on choifit toujours
des Intervalles confonnans & harmonieux , afin que l'oreille
en faififfe plus aifément la juiUffe.
Ccue
A C C
J3
Cette juftefle des Intervalles ne peut , dans la pratique ,
s'obferver à toute rigueur , & pour qu'ils puillent tous s' 'Ac-
corder entre eux, il faut que chacun en particulier fouffre
quelque altération. Chaque efpece d'Inltrument a pour cela
fes règles particulières & fa méthode d'Accorder. (Voyez
TEMPÉRAMENT.)
On obferve que les Inftrumens dont on tire le Son par
Infpiration , comme la Flûte & le Hautbois , montent infen-
fiblement quand on a joué quelque tems ; ce qui vient, félon
quelques-uns , de l'humidité qui , fortant de la bouche avec
l'air , les renfle & les raccourcit ; ou plutôt , fuivant la Doc-
trine de M Euler , c'eft que la chaleur & la réfraction que
l'air reçoit pendant l'infpiration rendent fès vibrations plus
fréquentes , diminuent fon poids , & augmentant ainfi le poids
relatif de l'Atmofpliere , rendent le Son un peu plus aigu.
Quoi qu'il en foit de la caufe , il faut , en accordant ,
avoir égard à l'effet prochain , & forcer un peu le vent
quand on donne ou reçoit le Ton fur ces Inftrumens ; car
pour relter d'Accord durant le Concert , ils doivent être un
peu trop bas en commençant.
ACCORDEUR , / m. On appelle Accordeurs d'Orgue ou
de Clavecin , ceux qui vont dans les Eglifes ou dans les mai-
fons accommoder & accorder ces Inftrumens , & qui , pour
l'ordinaire , en font aufïï les Fadeurs.
ACOUSTIQUE , f. f. Doctrine ou Théorie des Sons.
(Voyez Son.) Ce mot elt de l'invention de M. Sauveur, &
vient du Grec «ùtcvw , j'entends.
IJAcouftique eiè proprement la Partie théorique de la Mu-
Dicl. de Mujique. E
34 A C T
fique : c'eft elle qui donne ou doit donner les raifons du
plaifîr que nous font l'Harmonie & le Chant, qui détermine
les rapports des Intervalles harmoniques , qui découvre les
affe&ions ou propriétés des cordes vibrantes , ckc. ( Voyea
Cordes , Harmonie. )
Acoujîiquc eft aulli quelquefois adjectif; on dit : l'Organe
Acoujliqut ; un Phénomène Acouftique , &c.
ACTE,/! m. Partie d'un Opéra féparée d'une autre dans
la repréfentation par un efpace appelle Entr'Acle. ( Voyez
Entr'Acte. )
L'unité de tems & de lieu doit être auffi rigoureufement
obfervée dans un Acle d'Opéra que dans une Tragédie en-
tière au genre ordinaire , & même plus , à certains égards ;.
car le Poète ne doit point donner à un Acte d'Opéra une
durée hypothétique plus longue que celle qu'il a réellement r
parce qu'on ne peut fuppofer que ce qui fe parle fous nos
yeux dure plus long-tems que nous ne le voyons durer en
effet : mais il dépend du Muficien de précipiter ou ralentir
l'action jufqu'à un certain point , pour augmenter la vrai-
femblance ou l'intérêt ; liberté qui l'oblige à bien étudier la
gradation des parlions théâtrales, le tems qu'il faut pour les
développer, celui où le progrès eli au plus haut point, &
celui où il convient de s'arrêter pour prévenir l'inattention ,
la langueur, l'épuifement du- Spectateur. Il n'elt pas non plus
permis de changer de décoration & de faire fauter le théâtre
d'un lieu à un autre , au milieu d'un A3t , même dans le
genre merveilleux; parce qu'un pareil faut choqut la raifun , la
I 'té , la vrajfumblance , & détruit l'illuiion, que la prcnni'
A c t ;•;
toi du Théâtre eft de ravorïfer en tout. Quand donc l'action eft
interrompue par de tels changemcns , le Muficien ne peut
lavoir ni comment il les doit marquer, ni ce qu'il doit faire
de fon Orcheftre pendant qu'ils durent, à moins d'y repré-
fenter le même cahos qui règne alors fur la Scène.
Quelquefois le premier Acit d'un Opéra rre tient point à
l'action principale & ne lui fert que d'introduction. Alors il
s'appelle Prologue. ( Voye\ ce mot. ) Comme le Prologue
ne fait pas partie de la Pièce , on ne le compte point dans
îe nombre des Actes qu'elle contient & qui eft fouvent de
cinq dans les Opéra François , mais toujours de trois dans
les Italiens. ( Voyez Opéra. )
ACTE DE CADENCE, eft un mouvement dans une des
Parties , & fur-tout dans la Baûe , qui oblige toutes les autres
Parties à concourir a former une Cadence , ou à l'éviter expreC-
fément. (Voyez Cadence, Eviter.)
ACTEUR , f. m. Chanteur qui fait un rôle dans la reprc-
fentation d'un Opéra. Outre toutes les qualités qui doivent
lui être communes avec VAcleur dramatique, il doit en avoir
beaucoup de particulières pour réufïîr dans fon Art. Ainfi , il
ne fuffit pas qu'il ait un bel organe pour la parole , s'il ne l'a
tout aufli beau pour le Chant; car il n'y a pas une telle liaifon
entre la voix parlante & la voix chantante , que la beauté
de l'une fuppofe toujours celle de l'autre. Si l'on pardonne à
un Acteur le défaut de quelque qualité qu'il a pu fe flatter
d'acquérir, on ne peut lui pardonner d'ofer fe deftmer au
Théâtre, deftitué des qualités naturelles qui y font nccef-
Jfaires, telles entre autres que la voix dans un Chanteur. Mais
E a
3* A C T
par ce mot voix , j'entends moins la force du timbre , que
l'étendue , la juilefTe & la flexibilité. Je penfe qu'un Théâ-
tre dont l'objet efl d'émouvoir le cœur par les Chants, doit
être interdit à ces voix dures & bruyantes qui ne font qu'é-
tourdir les oreilles ; & que , quelque peu de voix que puifTe
avoir un Acteur , s'il l'a jafte , touchante , facile , & fufli-
famment étendue , il en a tout autant qu'il faut ; il faura tou-
jours bien fe faire entendre , s'il fait fe faire écouter.
Avec une voix convenable , Y Acteur doit l'avoir cultivée
par l'Art , & quand fa voix n'en auroit pas befoiu , il en
auroit befoin lui-même pour faifir & rendre avec intelli-
gence la partie muficale de fes rôles. Rien n'e/t plus infup-
portable & plus dégoûtant que de voir un Héros dans les
tranfports des parlions les plus vives, contraint & gêné dans
fon rôle , peiner & s'aiïujettir en écolier qui répète mal fa
leçon ; montrer , au lieu des combats de l'Amour & de la
Vertu , ceux d'un mauvais Chanteur avec la Mefure & l'Or-
cheltre, & plus incertain fur le Ton que fur le parti qu'il
doit prendre. Il n'y a ni chaleur ni grâce fans facilité , &
Y Acteur dont le rôle lui coûte, ne le rendra jamais bien.
Il ne fufrit pas à Y Acteur d'Opéra d'être un excellent Chan-
teur, s'il n'eft encore un excellent Pantomime; car il ne
doit pas feulement faire fentir ce qu'il dit lui-même , mais
aum" ce qu'il laifie dire à la Symphonie. L'Orchcflrc ne rend
pas un fentiment qui ne doive forrir de fon ame ; fts pas,
fes regards, fon gefte , tout doit s'accorder fans cefle avec
la Mufique , fans pourtant qu'il paroifle y fonger; il doit inu-
icILt toujours , morne en gardant le lilence , & quoiqu'occupd
A D A i?
«Tun rôle difficile , s'il laiffe un infiant oublier le Perfonnage
pour s'occuper du Chanteur, ce n'eft qu'un Mufkien fur la
Scène ; il n'eft plus Acleur. Tel excella dans les autres Par-
tics , qui s'eft fait fiffler pour avoir négligé celle-ci. Il n'y
a point 8 Acleur à qui l'on ne puiffe , à cet égard , donner
le célèbre ChaJJë pour modèle. Cet excellent Pantomime, en
mettant toujours fon Art au-deffus de lui , & s'efforçant tou-
jours d'y exceller, s'eft ainfi mis lui-même fort au-deffus de
fes Confrères : Acteur unique & homme eftimable , il laif-
fera l'admiration & le regret de fes talens aux Amateurs de
fon Théâtre , & un fouvenir honorable de Ci perfonne à tous
les honnêtes gens.
ADAGIO, adv. Ce mot écrit à la tête d'un Air défigne
le fécond , du lent au vite , des cinq principaux degrés de
Mouvement diftingués dans la Mufique Italienne. ( Voyez
Mouvement. ) Adagio efl un adverbe Italien qui figniiîe , à
Vaife , pofément , & c'eft aufîï de cette manière qu'il faut battre
la Mefure des Airs auxquels il s'applique.
Le mot Adagio fè prend quelquefois fubflantivernent , &
s'applique par métaphore aux morceaux de Mufique dont il
détermine le mouvement: il en efl de même des autres mots
femblables. Ainfi, l'on dira: un Adagio de Tartini, un An-
dante de S. Martino , un Allegro de Locatclli , &c.
AFFETTUOSO , adj. pris adverbialement. Ce mot écrit
à la tête d'un Air indique un mouvement moyen entre Y An-
dante & Y Adagio , & dans le caractère du Chant une expref-
iion affèétueufe &c douce.
L AGQGE. Conduite. Une des fubdiviflons de l'ancienne Mi-
3S A G R
iopée , laquelle donne les règles de la marche du Chant par
degrés alternativement conjoints ou disjoints , foit en mon-
tant , foit en defcendant. ( Voyez Mélopée. )
Martianus Cappella donne , après Ariftide Quintilien , au
mot Agogé , un autre fens que j'expofe au mot Tirade.
AGRÉMENS DU CHANT. On appelle ainfi dans la Mu Pi-
que Françoife certains tours de gofier & autres ornemens
affectés aux Notes qui font dans telle ou telle pofition, felon
les règles prefcrites par le goût du Chant. (Voyez Goût du
Chant. )
Les principaux de ces Agrémens font : 1' Accent , le Coulé,
le Flatté, le Martellement, la Cadence pleine, la Ca-
dence brisée, & le Port de Voix. ( Voyez ces articles
chacun en fon lieu; & la Planche B. Figure 13. )
AIGU , adj. Se dit d'un Son perçant ou élevé par rapport
à quelque autre Son. ( Voyez Son. )
En ce fens , le mot Aigu eft oppofé au mot Grave. Plus
les vibrations du corps fonore font fréquentes, plus k Son
elt Aigu.
Les Sons confidérés fous les rapports tV Aigus & de Graves
font le fujet de l'Harmonie. ( Voyez Harmonie , Accord. )
AJOUTEE , ou Acqùife , ou Surnuméraire , adj. pris fuhf-
tantivement. C'étoit dans la Mufique Grecque la Corde ou
le Son qu'ils appelloient Proslambanom&nos. ( Voyc\ ce
mot. )
Sixte ajoutée eft une Sixte qu'on ajoute à l'Accord par-
fait, & de laquelle cet Accord ainli augmente prend le nom.
( Voyez Accord <5c Sixte. )
A I K
AIR. Chant qu'on adapte aux paroles d'une Chanfon , ou
d'une petite Pièce de Poéfie propre à être chantée , & par
extenfion l'on appelle Air la Chanfon même.
Dans les Opéra l'on donne le nom d'Airs à tous les Chant3
mefurés pour les diftinguer du Récitatif, & généralement on
appelle Air tout morceau complet de Mufique vocale ou
inftrumentale formant un. Chant , foit que ce morceau fafTe
lui feul une Pièce entière , foit qu'on puiife le détacher du
tout dont il fait partie , & l'exécuter féparémenr.
Si le fujet ou le Chant eit partage en deux Parties , Y Air
s'appelle Duo ; fi en trois , Trio , &c
Saumaife croit que ce mot vient du Latin œra ; 6c Burette
eft de fon fentiment , quoique Ménage le combatte dans fes
étymologies de la Langue Françoife.
Les Romains avoient leurs lignes pour le Rhythme ainfi
que les Grecs avoient les leurs ; 6c ces lignes , tirés auiTi de
leurs caractères, fe nommoient non-feulement mime rus , mais
encore <zra , c'eit-à-dire , nombre , ou la marque du nombre ,.
numeri nota , ditNonnius Marcellus. C'eit en ce fens que le mot
ara fe trouve employé dans ce Vers de Lucile :
Hccc ejl ratio ? Perverfa ara ! Summa fubducla improbl !■
Et Sextus Rufus s'en elt fervi de même,
Or quoique ce mot ne fe prit originairement que pour Ib
nombre ou la Mefure du Chant, dans la fuite on en fit le
même ufage qu'on avoit fait du mot numéros ,, & l'on fe
fervit du mot œra pour déiigner le Chant même ; d'où efi
venu , félon les deux Auteurs cités , le mot François Air ,
& L'Italien Aria pris dans le même feris,.
43 AIR
Les Grecs avoient plufîeurs fortes d'Airs qu'ils appelloient
Nomes ou Chanfons. (Voyez Chanson.) Les Nomes
avoienc chacun leur caractère & leur ufage , & plufîeurs
écoient propres à quelque Inftrument particulier , à - peu-
près comme ce que nous appelions aujourd'hui Pièces ou
Sonates.
La Mufique moderne a diverfes efpeces à' Airs qui con-
viennent chacune à quelque efpece de Danfe dont ces Airs
portent le nom. ( Voyez Menuet , Gavotte , Musette ,
Passe-pied , ôcc. )
Les Airs de nos Opéra font , pour ainfî dire , la toile ou
le fond fur quoi fe peignent les tableaux de la Mufique imi-
tative ; la Mélodie eft le deflein , l'Harmonie eft le coloris ;
tous les objets pittorefques de la belle Nature, tous les fen-
timens réfléchis du cœur humain font les modèles que l'Ar-
tifle imite ; l'attention , l'intérêt , le charme de l'oreille , &
l'émotion du cœur , font la fin de ces imitations. ( Voyez
Imitation. ) Un Air favant & agréable , un Air trouvé par
le Génie & compofé par le Goût , eft le chef-d'œuvre de la
Mufique ; c'eft-la que fe développe une belle voix , que brille
une belle Symphonie ; c'eft - là que la pafïion vient infenfi-
blement émouvoir l'ame par le fens. Après un bel Air , on
eft farisfait, l'oreille ne defire plus rien; il refte dans l'ima-
gination , on l'emporte avec foi , on le répète à volonté ;
fans pouvoir en rendre une feule Note, on l'exécute dans fon
cerveau tel qu'on l'entend ir au fpectacle ; on voit la Scène ,
i'Acleur , le Théâtre ; ou entend l'accompagnement , l\îpplan-
diflèment , le véritable Amateur ne perd jamais les beaux
Airs
AIR 4i
Airs qu'il entendit en fa vie ; il fait recommencer l'Opéra
quand il veut.
Les paroles des ylirs ne vont point toujours de fuite , ne
fe débitent point comme celles du Récitatifs quoiqu'une?,
courtes pour l'ordinaire , elles fe coupent , fe répètent , fc
tranfpofent au gré du Compofiteur : elles ne font pas une
narration qui puffe ; elles peignera , ou un tableau qu'il faut
voir fous divers points de vue , ou un fentiment dans lequel
le cœur fe complaît , duquel il ne peut , pour ainfi dire , fc
détacher , & les différentes phrafes de VAir ne font qu'autant
de manières d'envifager la même image. Voila pourquoi le
fujet doit être un. C'eft par ces répétitions bien entendues ,
c'elt par ces coups redoublés qu'une expreflïon qui d'abord
n'a pu vous émouvoir , vous ébranle enfin , vous agite ,
vous tranfporce hors de vous , &c c'eit encore par le même
principe q :e les Roulades , qui , dans les Airs pathétiques
paroi'îéu: ii déplacées, ne le font pourtant pas toujours : le
cœur preffé d'un fentiment très- vif l'exprime fouvent par des
Sens inarticulés plus vivement que par des paroles. (Voyez
NsuttE. )
La {orne des Airs eft de deux efpcces. Les petits Airs
font ordinairement compofés de deux Rcprifes qu'on chante
chacune deux; fois ; mais les grands Airs d'Opéra font le plus
fbuvcnr en Rondeau. (Voyez Rondeau.)
AL SEGNO. Ces mots écrits a la tin d\n -lir en Ron-
deau , m: ;::ic qu'il faut reprendre la première Partie, non
tout-à-fa;; au commencement , mais à l'endroit où eit mar-
qué le renvoi.
Dicl. de Mujigue. F
4i A L L
ALLA BREVE. Terme Italien qui marque une forte de
Mefure à deux Tems fort vite , & qui fe note pourtant avec
une Ronde ou femi-breve par Tems. Elle n'eft plus gueres
d'ufage qu'en Italie , & feulement dans la Mufique d'E-
glife. Elle répond allez à ce qu'on appelloit en France du
Gros -fa.
ALLA ZOPPA. Terme Italien qui annonce un mouve-
ment contraint , & fyncopant entre deux Tems , fans fyn-
coper entre deux Mefures ; ce qui donne aux Notes une mar-
che inégale & comme boîteufe. C'ert un avertiffement que
cette même marche continue ainfi jufqu'à la fin de l'Air.
ALLEGRO, adj. pris adverbialement. Ce mot Italien
écrit à la tête d'un Air indique , du vite au lent , le fécond
des cinq principaux degrés de Mouvement diftingués dans la
Mufique Italienne. Allegro , fignifie gai ; & c'eft aufïî l'indi-
cation d'un mouvement gai , le plus vif de tous après le
prefto. Mais il ne faut pas croire pour cela que ce mouve-
ment ne foit propre qu'a des fujets gais ; il s'applique fou-
vent à des tranfports de fureur , d'emportement , & de dé-
fefpoir , qui n'ont rien moins que de la gaieté. ( Voyez Mou-
vement. )
Le diminutif Allegretto indique une gaieté plus modérée,
un peu moins de vivacité dans la Mefure.
ALLEMANDE, f. f. Sorte d'Air ou de Pièce de Mufi-
que dont la Mufique cft à quatre Tems & fe bat gravement.
Il paroit par fon nom que ce caractère d'Air nous c(t venu
d'Allemagne , quoiqu'il n'y foit point connu du tout. L." Alle-
mande en Sonate efl par -tout vieillie , & à peine les Mufi-
A L L
43
ciens s'en fervent - ils aujourd'hui : ceux qui s'en fervent en-
core , lui donnent un mouvement plus gai.
ALLEMANDE , e(t aufli l'air d'une Danfe fort commune
en SuiïTe & en Allemagne. Cet Air , ainfi que la Danfe , a
beaucoup de gaieté : il fe bat à deux tems.
ALTUS. Voyez Haute-Contre.
AMATEUR , Celui qui , fans être Muficien de profeiïïon ,
fait fa Partie dans un Concert pour fon plaifir & par amour
pour la Mufique.
On appelle encore amateurs ceux qui , fars favoir la Mu-
fique , ou du moins fans l'exercer , s'y connurent , ou pré-
tendent s'y connoître , & fréquentent les Concerts.
Ce mot eit traduit de l'Italien Dilettante.
AMI3ITUS,y? m. Nom qu'on donnoit autrefois a l'éten-
due de chaque Ton ou Mode du grave a l'aigu : car quoi-
que l'étendue d'un Mode fût en quelque manière f/xée à deux
Octaves , il y avoit des Modes irréguliers dont VAmbitus
excédoit cette étendue , & d'autres imparfaits où il n'y arri-
voit pas.
Dans le Plain- Chant, ce met eft encore ufité : mais
YAmbitus des Modes parfaits n'y elt que d'une Oclave :
ceux qui la pafTcnt s'appellent Modes fuperjlus ; ceux qui n'y
arrivent pas , Modes diminués. ( Voyez Modes , Tons de
l'Eglise. )
AMOROSO. Voyez Tendrement.
ANACAMPTOS, Terme de la Mufique Grecque , qui
fignifie une fuite de Notes rétrogrades , ou procédant de
l'aigu au grave ; c'eit le contraire de YEuthia, Une des parties
F z
44 AND
<3e l'ancienne Mélopée portoit auffi le nom à'Anacamptofa,
( Voyez Mélopée.
ANDANTE , ad}, pris fubjiantivement. Ce mot écrit à la
tête d'un Air défigne, du lent au vite , le croifieme des cinq
principaux degrés de Mouvement distingués dans la Mufique
Italienne. Andante eft le Participe du verbe Italien Andarc 7
aller. Il caraétérife un mouvement marqué fans drre gai , 6c
qui répond à-peu-près à celui qu'on défigne en François par
le mot Gracieufèment. (Voyez Mouvement.)
Le diminutif Andajvtino , indique un peu moins de gaieté
dans la Mefure : ce qu'il faut bien remarquer , le diminutif
Larghetto lignifiant tout le contraire. ( Voyez Larco. )
ANONNER , v. n. C'eft déchiffrer avec peine & en héfi-
tant la Mufique qu'on a fous les yeux.
ANTIENNE , f. /. En Latin , Antïphona. Sorte de Chant
ufité dans l'Eglife Catholique.
Les Antiennes ont été ainiî nommées parce que dans leur
origine on les chantoit à deux chœurs qui fe répondoient alter-
nativement , & l'on comprenoit fous ce titre les Pfeaumcs
& les Hymnes que l'ork chantoit dans l'Eglife. Ignace, Dif-
ciple des Apôtres , a été , félon Socrate , l'Auteur de cette
manière de chanter parmi les Grecs , & Ambroife l'a intro-
duire dans l'Eglife Latine. Théodoret en attribue l'invention
à Diodore & à Flavien.
Aujourd'hui la lignification de ce terme eft reftreinte à
certains partages courts tirés de l'Ecriture , qui conviennent
à la Fête qu'on célèbre , & qui précédant les Pfeaumcs &
Cantiques , ca règlent Tiinotution.
A N T
4$
L'on a aufli confervé le nom d'Antiennes à quelques Hym-
nes qu'on chante en l'honneur de la Vierge , telles que Regina
cœ!i ; Salve Regina , &c*
ANTIPHONIE , / f. Nom que donnoient les Grecs à
cette cfpece de Symphonie qui s'exécutoit par diverfes Voix
ou par divers Initrumens à l'Octave ou à la double Oclave ,
par oppofition à celle qui s'exccutoit au (impie UnhTon , <5c
qu'ils appelloient Homopkonie. ( Voyez , Symphonie , Ho-
mophonie. )
Ce mot vient d'A'm , contre , & de Çuvq , voix , comme qui
diroit , oppojition de voix.
ANTIPHONIER ou ANTIPHONAIRE , / m. Livre
qui contient en Notes les Antiennes & autres Chants dont
on tife dans l'Eglife Catholique.
A POTHET US. Sorte de Nom propre aux Flûtes dans
l'ancienne Mufique des Grecs.
APOTOME,y? m. Ce qui refte d'un Ton majeur après
qu'on en a retranché un Limma , qui elt un Intervalle
moindre d'un Comma que le fe mi-Ton majeur. Par con-
fcquent , VApotome eft d'un Comma plus grand que le
femi-Ton moyen. ( Voyez Comma, Semi-Ton-. )
Les Grecs , qui n'ignoroient pas que le Ton majeur ne
peut , par des divifions rationelles , fe partager en deux
parties égales , le partageoient inégalement de plufieurs
manières. (Voyez Intervalle. )
De l'une de ces divilions , inventée par Pythagore , ou
plutôt , par Philolaiis fon Difciple , réfultoit le Dicfe ou
Limma d'un côté , & de l'autre YAfocome , dont la raifou
cit de 2048 à 2187.
46 A P P
La génération de cet Apotome fe trouve à la Septième
Quinte ut Dièfe en commençant par ut naturel : car la
quantité dont cet ut Dièfe furpaffe Vut naturel le plus rap-
proché , eft précifément le rapport que je viens de marquer.
Les Anciens donnoient encore le même nom à d'autres
Intervalles. Ils appelloient Apotome majeur un petit In-
tervalle que M. Rameau appelle Quart-de-Ton enharmo-
nique , lequel eit formé de deux Sons en raifon de 125
a 128.
Et ils appelloient Apotome mineur l'Intervalle de deux
Sons en raifon de 2025 à 2048 : Intervalle encore moins
fenfible à l'oreille que le précédent.
Jean de Mûris & fes Contemporains , donnent par-tout
le nom à! Apotome au femi-Ton mineur , & celui de Dièfe
au femi-Ton majeur.
APPRECIABLE , adj. Les Sons Appréciables font ceux
dont on peut trouver ou fentir l'Unilîbn & calculer les In-
tervalles. M. Euler donne un efpace de huit Octaves de-
puis le Son le plus aigu jufqu'au Son le plus grave appré-
ciables a notre oreille : mais ces Sons extrêmes n'étant gueres
agréables , on ne palTe pas communément dans la pratique
les bornes de cinq Oclaves , telles que les donne le Cla-
vier à Ravalement. Il y a auffi un degré de force au-dcli
duquel le Son ne peut plus s'Apprécier. On ne fuiroit Ap-
précier le Son d'une groffe cloche dans le clocher même ;
il faut en diminuer la force en s'eloignant , pour le diftin-
guer. De même les Sons d'une voix qui crie , cèdent d'être
Appréciables ; c'eit pourquoi ceux qui cluurcnt fort font
A P Y 47
fujets à chanter faux. A l'égard du bruit, il ne s'Apprécie
jamais ; & c'eft ce qui fait fa différence d'avec le Son.
( Voyez Bruit & Son. )
APYCNI , adj. plur. Les Anciens appelloient ainfi dans
les Genres épais trois des huit Sons ftables de leur fyftcme
ou Diagramme , lefquels ne touchoient d'aucun côté les
Intervalles ferrés ; favoir , la Prollambanomene , la Néte
Synnéménon , 6c la Néte Hyperboléon.
Ils appelloient aufïi Apycnos ou non épais le Genre Dia-
tonique , parce que dans les Tétracordes de ce Genre la
fomme des deux premiers Intervalles étoit plus grande
que le troifieme. ( Voyez Epais , Genre , Son , Tétra-
c.ordh. )
ARBITRIO. Voyez Cadenza.
ARCO , Archet , f. m. Ces mots Italiens Con PArco ,
marquent qu'après avoir pincé les cordes , il faut reprendre
Y Archet à l'endroit où ils font écrits.
ARIETTE , / f. Ce diminutif , venu de l'Italien , fîgnifie
proprement petit Air ; mais le fens de ce mot eft changé
en France , & l'on y donne le nom d'Ariettes à de grands
morceaux de Mufique d'un mouvement pour l'ordinaire
affez gai & marqué , qui fe chantent avec des Accompa-
gnemens de Symphonie , & qui font communément en Ron-
deau. ( Voyez Air, Rondeau. )
ARIOSO , adj. pris adverbialement. Ce mot Italien l\ la
tête d'un Air , indique une manière de Chant foutenue ,
développée , & affectée aux grands Airs.
ARJSTOXÉNIENS. Secle gui eut pour Chef Arillc
4S ARM
de Tarente , Difcipîe d'Ariftote, & qui étoit oppofc'e aine
Pythagoriciens fur la Mefure des Intervalles & fur la ma-
nière de déterminer les rapports des Sons ; de forte que
les Arïfloxin'uns s'en rapportoient uniquement au jugement
de l'oreille , &c les Pythagoriciens à la précifioa du calcul.
( Voyez Pyth\goiuciens. )
ARMER LA CLEF. C'eit y mettre le nombre de Diè-
fes ou de Bémols convenables au Ton & au Mode dans
lequel on veut écrire de la Musique. ( Voyez Blmoi ,
Clef , PJièse. )
ARPÉGER , v. n. C'efr, faire une fuite d'Arpèges. ( Voye\
Varùch fuivant. )
ARPEGGIO , ARPÈGE , ou ARPEGEMENT , f. m.
Manière de faire entendre fuccelfivemcnt & rapidement les
divers Sons d'un Accord , au lieu de les frapper tous à
la fois.
Il y a des Inibrumens fur lefqucls on ne peut former un
Accord plein qu'en Arpégeant ; tels font le Violon , le
Violoncelle , la Viole , & tous ceux dont on joue avec
l'Archet ; car la convexité du Chevalet empêche que l'Ar-
chet ne puifle appuyer à la fois fur toutes les cordes. Pour
former donc des Accords fur ces Inflrumens , on eft con-
traint d'Arpéger , & comme on ne peut tirer qu'autant de
OS qu'il y a de cordes , V/lrp'ge du Violoncelle ou du
\ iolan ne f.wiroit Ocre compofé de plus de quatre Sons. Il
faut pour er que ; fuient arrangés eha<
fur f.i corde , & que F. le rire d'un feu] ck grand
ce fortement fur la plus grolîc
co:
A R S 4*
corde , & vienne finir en tournant & adouciinint fur la
Chanterelle. Si les doigts ne s'arrangeoient fur les cordes
que fucceffivement , ou qu'on donnât plulieurs coups d'Ar-
chet , ce ne feroit plu* Arpéger ; ce feroit pafTer tres-vîte
-plufieurs Notes de fuite.
Ce qu'on fait fur le Violon par ncceflité , on le pratique
par goût fur le Clavecin. Comme on ne peut tirer de cet
Initrumcnt que des Sons qui ne tiennent pas, on ei[ obligé
de les refrapper fur des Notes de longue durée. Pour faire
durer un Accord plus long-tems , on le frappe en Arpé-
geant , commençant par les Sons bas , & obfervant que les
doigts qui ont frappé les premiers ne quittent point leurs
touches que tout V Arpège ne foit achevé , afin que l'on
puilî'e entendre à la fois tous les Sons de l'Accord. ( Voyez
Accompagnement. )
Arpeggio eft un mot Italien qu'on a francifé dans celui
à? Arpège. Il vient du mot Arpa , à caufe que c'eft du jeu de
la Harpe qu'on a tiré l'idée de Y Arpégeaient.
ARSIS & THESIS. Termes de Mufique & de Profodie.
Ces deux mots font Grecs. Arfis vient du Verbe *</>&> , tollo ,
j'élève , & marque l'élévation de la voix ou de la main ,
l'ûbaiirement qui fuit cette élévation eft ce qu'on appelle
eîrif , depojhio , remijjio.
Par rapport donc à la Mefure , per Arfin fignifie , en
levant , ou durant le premier terns i pet l'hejin , en ôaiffant,
ou durant le dernier tems. Sur quoi l'on doit obferver que
notre manière de marquer 1* Mefure eft contraire à celle
des Anciens ; car nous frappons le premier tems & levons
Dicl. d» Mufique. G
5«
A S S
le dernier. Pour ôter toute équivoque , on peut dire qu'Arfîs
indique le tems fort , & Thefis le teins foïbk. ( Voyez
Mesure, Tems , Battre la Mesure. )
Par rapport à la voix , on dit qu'un Chant , un Contre-
Point , une Fugue , font per Thejin , quand les Notes
montent du grave à l'aigu ; per Arjin , quand elles defcen-
dent de l'aigu au grave. Fugue per Arjin & Thefin , eft celle
qu'on appelle aujourd'hui Fugue renverfée ou Contre-fugue ,
dans laquelle la réponfe fe fait en fens contraire ; c'eft-à-
dire , en defcendant fi la Guide a monté , & en montant
fi la Guide a defcendu. ( Voyez Fugue. )
ASSAI. Adverbe augmentatif qu'on trouve allez fouvent
joint au mot qui indique le mouvement d'un Air. Ainfï
prefto Ajjhi , largo AjJ'ai , fignifient fort rue , fort lent.
L'Abbé BrofTard a fait fur ce mot une de fes bévues ordi-
naires , en fubflicuant à fon vrai & unique fens celui d'une
fage médiocrité de lenteur ou de xîteffe. Il a cru qu'AJTai figni-
fioit affe\. Sur quoi l'on doit admirer la finguliere idée qu'a
eu cet Auteur de préférer , pour fon vocabulaire , à fa langue
maternelle, une langue étrangère qu'il n'entendoit pa<;.
AUBADE , f. f. Concert de nuit en plein air fous les
fenêtres de quelqu'un. ( Voyez Sérénade. )
AUTHENTIQUE ou AUTHENTE , adj. Quand l'Oc-
tave fe trouve divifée harmoniquement , comme dans cette
proportion 6. 4. 3. c'eft - à - dire , quand la Quinte eft au
grave , & la Quarte à l'aigu , le Mode ou le Ton s'appelle
Authentique ou Authente ; a la différence du Ton Pbgal
où l'Oclave eft divifée arithmétiquement , comme dans cette
A U T Sf
proportion 4. 3. z : ce qui met la Quarte au grave & la
Quinte à l'aigu.
A cette explication adoptée par tous les Auteurs , mais
qui ne dit rien , j'ajouterai la fuivante ; le Lecteur pourra
choifir.
Quand la Finale d'un Chant en eft au m" la Tonique , &
que le Chant ne defeend pas jufqu'à la Dominante au-def-
fous , le Ton s'appelle authentique : mais fi le Chant def-
eend ou finit à la Dominante, le Ton eft Plagal. Je prends
ici ces mots de Tonique & de Dominante dans l'acception
muficale.
Ces différences cTAuthente & de Plagal ne s'obfervent plus
que dans le Plain-Chant ; &, foit qu'on place la Finale au
bas du Diapafon , ce qui rend le Ton Authentique ; foit qu'on
la place au milieu, ce qui le rend Plagal ; pourvu qu'au fur-
plus la Modulation foit régulière , la Mufique moderne admet
tous les Chants comme Authentiques également, en quelque
lieu du Diapafon que puhTe tomber la Finale. ( Voyez Modh. )
Il y a dans les huit Tons de TEglife Romaine quatre Tons
Authentiques ; favoir, le premier, le troifieme , le cinquième
& le feptieme. ( Voyez Tons de L'Eglise. )
On appelloit autrefois Fugue Authentique celle dont le
fujet procédoit en montant; mais cette dénomination n'eft
plus d'ufage.
52 BAL
m - tt ii
B
fa fi , ou B fa b mi, ou Amplement B. Nom du fep-
tieme Son de la Gamme de l'Arérin , pour lequel les Ita-
liens & les autres Peuples de l'Europe répètent le B , difanc
B mi quand il eft naturel , B fa quand il eft Bémol ; mais
les François l'appellent Si. ( Voyez Si. )
B Mol. ( Voyez Biîmol. )
B Qitarre. ( Voyez BrQUARRK. )
BALLET , f. m. Action théâtrale qui fe repréfenre par la
Danfe guidée par la Mufique. Ce mot vient du vieux Fran-
çois Baflkr; danfer , chanter, fe réjouir.
La Mufique d'un BalUt doit avoir encore plus de cadence
& d'accent que la Mufique vocale , parce qu'elle eft chargée
de fignifier plus de chofes , que c'dt à elle feule d'infpirtr
au Danfeur la chaleur & l'exprelîion que le Chanteur peut
tirer des paroles , 6c qu'il faut , de plus , qu'elle fupplée , dan?
le langage de l'ame 6c des paffions , tout ce que la Danfe
ne peut dire aux yeux du Spectateur.
Ba/L't eft encore le nom qu'on donne en France à u~ie
bizarre forte d'Opéra, où la Danfe n'eft g ne es mieux placée
que dans les autres, 6c n'y fait pas un r. ei leur effet. Dans
la plupart de ces Ballets les Actes forme; t ; utant de fujtts
différera liés feulement entre eux par quclqv.es rapports géneV
ers a l'action, 6: que le Spectateur n'appercevroit
G l'Auteur n'avoir foia de l'en avertir da s le Prologue.
Ballets contiennent (..'autres Ballets qu'on appelle autre-
BAL 53
ment Divertiffïmens ou Fêtes. Ce font des fuites de Dar.fcs
qui fe fuccedent fans fujet , ni liatfon entre elles , ni avec
l'avion principale , & où les meilleurs Danfeurs ne favenr
vous dire autre chofe finon qu'ils danfent bien. Cette Ordon-
nance peu théâtrale fuflit pour un Bal où chaque Acteur a
rempli fon objet lorfqu'il s'eft arnufé lui-même, & où l'in-
térêt que le Spectateur prend aux perfonnes le difpenfe d'en
donner à la chofe ; mais ce défaut de fujet & de liaifon ne
doit jamais être fouffert fur la Scène, pas même dans la repré-
fentation d'un Bal , où le tout doit être lié par quelque action
fecrete qui foutienne l'attention & donne de l'intérêt au Spec-
tateur. Cette adrefle d'Auteur n'eft pas fans exemple , même
à l'Opéra François , 6c l'on en peut voir un très-agréable
dans les Fêtes Vénitiennes , Aéte du Bal.
En général, toute Danfe qui ne peint rien qu'elle même,
& tout BalL-t qui n'eft qu'un Bal , doivent être bannis du
Théâtre lyrique. En effet , l'aétion de la Scène eft toujours
la repréfentation d'une autre action , 6c ce qu'on y voit n'eft
que l'image de ce qu'on y fuppofe ; de forte que ce ne doit
jamais être un tel ou un tel Danfeur qui fe prefente à vous,
mais le perfonnage dont il eft revêtu. Ainfi, quoique L Danfe
de Société puiffe ne rien repréfenter qu'elle-même, la Danfe
théâtrale doit néceffairement être l'imitation de quelque autre
chofe, de même que l'Acteur chantant repréfente un homme
qui parle , & la décoration d'autres lieux que ceux qu'elle
occupe.
La pire forte de Ballets eft celle qui roule fjr des fuj^rs
allégoriques 6c où par conféquent iJ n'y a qu'imitation d'uni-
54 BAR
<
ration. Tout l'art de ces fortes de Drames confifte à pré-
fenter fous des images fenfibles des rapports purement intel-
lectuels, & à faire penfer au Spectateur toute autre chofe que
ce qu'il voit , comme fi , loin de l'attacher à la Scène ,
c'étoit un mérite de l'en éloigner. Ce genre exige , d'ailleurs ,
tant de fubtilité dans le Dialogue , que le Muficien fe trouve
dans un Pays perdu parmi les pointes , les allufions , &* les
épigrammcs , tandis que le Spectateur ne s'oublie pas un
moment : comme qu'on fane , il n'y aura jamais que le fen-
timent qui puifîe amener celui-ci fur la Scène & l'identifier,
pour ainfi dire , avec les Acteurs ; tout ce qui n'eft qu'intel-
lectuel l'arrache à la Pièce , & le rend à lui-même. Auflî
voit-on que les Peuples qui veulent & mettent le plus d'ef-
prit au Théâtre font ceux qui fe foucient le moins de l'illu-
fion. Que fera donc le Muficien fur des Drames qui ne
donnent aucune prife à fon Art ? Si la Mufique ne peint que
des fentimens ou des images, comment rendra-t-elle des
idées purement métaphysiques , telles que les allégories, où
l'efprit e(l fans cefie occupé du rapport des objets qu'on lui
préfente avec ceux qu'on veut lui rappeller?
Qunnd les Compofueurs voudront réfléchir fur les vrais
principes de leur Ait, ils mettront avec plus de difccrnement
dans le choix des Drames dont ils fe chargent , plus de
vérité dans l'expreflion de leurs fujets ; & quand les paroles
des Opéra diront quelque chofe , la Mufique apprendra bien-
tôt à parler.
BARBARE , adj. Mode Barbare. ( Voyez Lydif.n. )
BARGAROIXES , /: f. Sorte de Clunfons en Langue
BAR 55
Vénitienne que chantent les Gondoliers à Veniie. Quoique
les Airs des Barcarolks foient faits pour le Peuple , & fou-
vent compofés par les Gondoliers mêmes , ils ont tant de
mélodie & un accent fi agréable, qu'il n'y a pas de Muficien
dans toute l'Italie qui ne fe pique d'en favoir & d'en chanter.
L'entrée gratuite qu'ont les Gondoliers à tous les Théâtres,
les met à portée de fe former fans frais l'oreille & le goût;
de forte qu'ils compofent & chantent leurs Airs en gens qui ,
fans ignorer les flnelfes de la Mufique , ne veulent point altérer
le genre fimple & naturel de leurs Barcarolks. Les paroles
de ces Chanfons font communément plus que naturelles,
comme les converfations de ceux qui les chantent : mais
ceux à qui les peintures ridelles des mœurs du Peuple peu-
vent plaire, & qui aiment d'ailleurs le Diaîeite Vénitien,
s'en paflïonnent facilement , féduits par la beauté des Airs ;
de forte que plufieurs Curieux en ont de trcs-amplcs recueils.
N'oublions pas de remarquer a la gloire du Taiïe , que la
plupart des Gondoliers favent par cœur une grande p irtie de
fon Poème de la Jérufakm délivrée , que plufieurs le favent
tout entier, qurils pafTent les nuits d'été fur leurs barques â
le chanter alternativement d'une barque à l'autre , que c'eft
aflurément une belle Earcarolk que le Poème du Taffe ,
qu'Homère feul eut avant lui l'honneur d'être ainfi chanté ,
& que nul autre Poème Epique n'en a eu depuis un pareil.
BARDES. Sorte d'hommes très-finguliers , & rrès-refpedés
jadis dans les Gaules , lefquels étoitnt a la fois Prêtres , Pro-
phètes, Poètes & Muficiens.
Bochard fait dériver ce nom de Parât , chanter ; & Cam-
5* B A R
den convient avec Feftus que Barde fignifie un Chanteur,
en Celtique Bard.
BARIPYCNI , adj. Les Anciens appelloient ainfi cinq des
huit Sons ou cordes (tables de leur fyitême ou Diagramme;
favoir , l'Hypaté-Hypaton , l'Hypaté Méfon , la Mèfe , la Pa-
ramèfe , & la Neté-Dièzeugménon. (Voyez Pycni, Son,
Thtracorde. )
BARYTON. Sorte de voix entre la Taille &c la Baffe.
(Voyez Concordant.)
BAROQUE. Une Mufique Baroque eft celle dont l'Har-
monie e(t confufe , chargée de Modulations & Diilbnances,
le Chant dur & peu naturel , l'Intonation difficile , 6c le
Mouvement contraint.
Il y a bien de l'apparence que ce terme vient du Baroco
des Logiciens.
BARRE, C barré, forte de Mefure. (Voyez C.)
BARRES. Traits tirés perpendiculairement à la fin de
chaque Mefure , fur les cinq lignes de la Fortée , pour fépa-
rer la Mefure qui finit de celle qui recommence. Ainfi les
Notes contenues entre deux Barres forment toujours une
Mefure complète , égale en valeur & en durée à chacune
des autres Mefures comprifes entre deux autres Barres , tant
que le Mouvement ne change pas : mais comme il y a plu-
fieurs fortes de Mefures qui différent considérablement en
durée , les mêmes différences fc trouvent dans les valeurs
contenues entre deux Barres de chacune de ces cfptces de
Mefures. Ainfi dans le grand Triple qui fe marque par ce
figue i &c qui fe bat lentement , la fomme des Notes com-
prifes
BAS
prifes enrre deux Barres doit faire une Fonde & demie; 5c
dans le petit triple \, qui fe bat vite , les deux Barres n'en-
ferment que trois Croches ou leur valeur : de forte que huit
fois la valeur contenue entre deux Barres de cette dernière
Mefure , ne font qu'une fois la valeur contenue entre deux
Barres de l'autre.
Le principal ufage des Barres eft de distinguer les Mefures
& d'en indiquer le Frappé , lequel fe fait toujours fur la
Note qui fuit immédiatement la Barre. Elles fervent auflî dans
les Partitions à montrer les Mefures correfpondantes dans
chaque Portée. (Voyez Partition. )
Il n'y a pas plus de cent ans qu'on s'eit avifé de tirer
des Barres de Mefure en Mefure. Auparavant la Mufique ctoit
fimple; on n'y voyoit gueres que des Rondes, des Blan-
ches & des Noires , peu de Croches , prefque jamais de
Doubles-croches. Avec des divifïons moins inégales , la Me-
fure en étoit plus aifée à fuivre. Cependant j'ai vu nos meil-
leurs Muficiens embarraifés à bien exécuter l'ancienne Mufique
d'Orlande & de Claudin. Ils fe perdoient dans la Mefure,
faute des Barres auxquelles ils étoient accoutumés , & ne
fuivoienr qu'avec peine des Parties chantées autrefois cou-
ramment par les Muficiens de Henri III & de Charles IX.
BAS , en Mufique , fignilîe la même chofe que Gravs ,
& ce terme elt oppofé à haut ou aigu. On dit ainfî que le
Ton eft trop bas , qu'on chante trop bas, qu'il faut ren-
forcer les Sons dans le bas. Bas (ignihe aufli quelquefois
doucement, h demi -voix ; & en ce fens il eft oppofé à
fort. On dit parler bas, chanter ou pfalmodier à Bal/è-\o'w.
Dicl. de Mufique, H
58 BAS
Il chantoit ou parloit fi bas qu'on avoir peine à l'entendre.
Coulez fi lentement & murmurez fi bas ,
Qu'IfTé ne vous entende pas.
La Motte.
Bas fe dit encore, dans la fubdivifion des Deflus chanrans,
de celui des deux qui eft au-deflbus de l'autre ; ou , pour
mieux dire , 2ta.y-Deflus eft un Deflus dont le Diapafon eft
au-deflbus du Médium ordinaire. ( Voyez Dessus. )
BASSE. Celle de quatre Parties de la Mufîque qui eft au-
deflbus des autres , la plus bafle de toutes , d'où lui vient le
nom de Baffe. (Voyez Partition. )
La Baffe eft la plus importante des Parties , c'eft fur elle
que s'établit le corps de l'Harmonie ; aufli eft -ce une
maxime chez les Muficiens que , quand la Baffe eft bonne»
rarement l'Harmonie eft mauvaife.
Il y a plufieurs fortes de Baffes. Baffe-fondamentale , donc
nous ferons un Article ci-après.
Baffe-continue : ainfi appellce, parce qu'elle dure pendant
toute la Pièce. Son principal ufage , outre celui de régler
l'Harmonie , eft de foutenir la Voix & de conferver le Ton.
On prétend que c'eft un Ludovico Viana , dont il en refte
un Traité , qui , vers le commencement du dernier fiecle , la
mit le premier en ufage.
Baffe -figurée , qui , au lieu d'une feule Note , en part.ige la
valeur en plufieurs autres Notes fous un même Accord. (Voy.
Harmonie-figurhe. )
Baffe -contrainte , dont le fujet ou le Chant , borné à un
petit nombre de Mefures, comme quatre ou huit , recom-
BAS 59
mence fans ceiïe , tandis que les Parties fupérieures pour-
fuivent leur Chant & leur Harmonie , & les varient de dif-
férentes manières. Cette Baffe appartient originairement aux
Couplets de la Chaconne ; mais on ne s'y affervit plus au-
jourd'hui. La -Baffe -contrainte defcendant diatoniquement ou
chromatiquement & avec lenteur de la Tonique ou de la
Dominante dans les Tons mineurs , eft admirable pour les
morceaux pathétiques. Ces retours fréquens & périodiques
afférent infenfiblement l'ame , & la difpofent à la langueur
& à la trifteffe. On en voit des exemples dans plufieurs Scè-
nes des Opéra François. Mais fi ces Baffes font un bon
effet à l'oreille , il en eft rarement de même des Chants
qu'on leur adapte , & qui ne font , pour l'ordinaire , qu'un
véritable accompagnement. Outre les modulations dures 6c
mal amenées qu'on y évite avec peine , ces Chants , retournés
de mille manières & cependant monotones , produifent des
renverfemens peu harmonieux ôc font eux-mêmes allez peu
chantans, en forte que le Deffus s'y reffent beaucoup de la
contrainte de la Baffe.
Baffe -chantante eft l'efpece de Voix qui chante la Partie
de la Baffe. Il y a des Baffes-récitantes & des Baffes-de-
Chœur ; des Concordans ou Baffe-tailles qui tiennent le mi-
lieu entre la Taille & la BajJ'e ; des Baffes proprement dites ,
que l'ufage fait encore appeller Baffe-tailles , &c enfin des
Baffe-contres les plus graves de toutes les Voix , qui chan-
tent la Baffe fous la Baffe même , & qu'il ne faut pas con-
fondre avec les Contre-baffes , qui font des Inftrumens.
BASSE-FONDAMENTALE , eft celle qui n'eft formée
H i
6o BAS
»
que des Sons fondamentaux de l'Harmonie ; de forte qu'au-
delfous de chaque Accord elle fait entendre le vrai Son fon-
damental de cet Accord , c'eft-à-dire , celui duquel il dérive
par les règles de l'Harmonie. Par où l'on voit que la Baffe-
fondamentale ne peut avoir d'autre contexture que celle d'une
fucceflion régulière & fondamentale , fans quoi la marche des
Parties fupérieures feroir mauvaife.
Pour bien entendre ceci , il faut favoir que , félon le fyf-
tême de M. Rameau qtie j'ai fuivi dans cet Ouvrage , tout
Accord , quoique formé de plufieurs Sons , n'en a qu'un qui
lui foit fondamental; favoir, celui qui a produit cet Accord
& qui lui fert de Baffe dans l'ordre direct & naturel. Or , la
Baffe qui règne fous toutes les autres Parties n'exprime pas
toujours les Sons fondamentaux des Accords : car entre tous
les Sons qui forment un Accord , le Compofiteur peut porter
à la Baffe celui qu'il croit préférable , eu égard à la marche
de cette BaJJ'e , au beau Chant , & fur-tout à l'expreflion ,
comme je l'expliquerai dans la fuite. Alors le vrai Son fon-
damental, au lieu d'être à ù place naturelle qui eft la Baffe,
fe tranfporte dans les autres Parties , ou même ne s'exprime
point du tout ; & un tel Accord s'appelle Accord renverl'e.
Dans le fond un Accord renverfé ne diffère point de l'Accord
direir. qui l'a produit ; car ce font toujours les menus Sons :
mais ces Sons formant des combinaifons différentes , on a long-
tern? pris routes ces combinaifons pourautant d'Accords fonda-
mentaux , & on leur a donné différens noms qu'on peut voir an
mot Accord^ & qui ont achevé de les dillinguer, comme fi
la différence des noms en produifoit réellement dui.s l'elj
BAS 0i
M. Rameau a montre , dans fon Traite de l'Harmonie , &
M. d'Alembert, dans fts Elémens de Mu fi que , a fait voir
encore plus clairement, que plufieurs de ces prétendus Accords
n'étoient que des renverfemens d'un feul. Ainfi l'Accord de
Sixte n'eft qu'un Accord parfait dont la Tierce elt tranfportce
à la Baffe ; en y portant la Quinte on aura l'Accord de Sixte-
Quarte. Voilà donc trois combinaifons d'un Accord qui n'a
que trois Sons ; ceux qui en ont quatre font fufceptibles de
quatre combinaifons, chaque Son pouvant être porté à la
Baffe. Mais en portant au-deflous de celle-ci une autre Baffe
qui , fous toutes les combinaifons d'un même Accord , pré-
fente toujours le Son fondamental , il cil évident qu'on ré-
duit au tiers le nombre des Accords confonnans , & au quart
le nombre des diflbnans. Ajoutez à cela tous les Accords
par fuppofition qui fe réduifent encore aux mêmes fonda-
mentaux , vous trouverez l'Harmonie Amplifiée à un point
qu'on n'eût jamais efpéré dans l'état de confufion où étoient
fes règles avant M. Rameau. C'eft certainement, comme
l'obferve cet Auteur , une chofe étonnante qu'on ait pu poulîèr
la pratique de cet Art au point où elle eit parvenue fans
en connoître le fondement , & qu'on ait exactement trouvé
toutes les règles , fans avoir découvert Je principe qui les
donne.
Après avoir dit ce qu'eft la Baffe -fondamentale fous les
Accords , parlons maintenant de fa marche & de la ma-
ciere dont elle lie ces Accords entre eux. Les préceptes de
l'Art fur ce point peuvent fe réduire aux iïx règles. I
vantes.
6i BAS
I. La Baffe -fondamentale ne doit jamais Tonner d'autres
Notes que celles de la Gamme du Ton où l'on eft , ou de
celui où l'on veut pafTer. C'eft la première & la plus in-
difpenfablc de toutes fes règles.
II. Par la féconde , fa marche doit être tellement fou-
mife aux loix de la modulation , qu'elle ne laiffe jamais
perdre l'idée d'un Ton qu'en prenant celle d'un autre ; c'eft-
à-dire que la Baffe -fondamentale ne doit jamais être errante
ni laiiïer oublier un moment dans quel Ton l'on eft.
III. Par la troifieme , elle eft aiîujettie à la liaifon des
Accords & à la préparation âçs DifTonances : préparation
qui n'eft , comme je le ferai voir , qu'un des cas de la liai-
fon , & qui , par conféquent , n'eft jamais néceiïaire quand
la liaifon peut exifter fans elle. ( Voyez Liaison , Pré-
parer. )
IV. Par la quatrième , elle doit , après toute Diflb-
nance , fuivre le progrès qui lui eft prefcrit par la néceflïté
de la fauver. ( Voyez Sauver. )
V. Par la cinquième, qui n'eft qu'une fuite des précéden-
tes , la Baffe-fondamentale ne doit marcher que par Inter-
valles confonnans , fi ce n'eft feulement dans un acte de
Cadence rompue , ou après un Accord de Septième dimi-
nuée , qu'elle monte diatoniquement. Toute autre marche
de la Baffe-fondamentale eft mauvaife.
VI. Enfin , 'par la fixieme , la EajJ'e -fondamentale ou
l'Harmonie ne doit pas fyncoper, mais marquer la Mefure
& les Tems par des change mens d'Accords bien cadencés ;
en forte , par exemple , que les Dillbnanccs qui doivcur être
BAS 61
préparées le foient fur le Tems foible , mais fur-tout que
tous les repos fe trouvent fur le Tems fort. Cette fixieme
règle fouffre une infinité d'exceptions : mais le Compofi-
teur doit pourtant y fonger , s'il veut faire une Mufique où
le mouvement foit bien marque , & dont la Mefure tombe
avec grâce.
Par-tout où ces règles feront obfervées , l'Harmonie fera
régulière & fans faute ; ce qui n'empêchera pas que la
Mufique n'en puiffe être détectable. ( Voyez Composi-
tion, )
Un mot d'éclairciffement fur la cinquième règle ne fera
peut-être pas inutile. Qu'on retourne comme on voudra une
Baffe-fondamentale , fi elle eft bien faite , on n'y trouvera
jamais que ces deux chofes : ou des Accords parfaits fur
des mouvemens confonnans , fans lefquels ces Accords n'au-
roient point de liaifon , ou des Accords diffonans dans
des actes de Cadence ; en tout autre cas la Difionance ne
fauroit être ni bien placée , ni bien fauvée.
Il fuit de-là que la Baffe-fondamentale ne peut marcher
régulièrement que d'une de ces trois manières. i°. Monter
ou defeendre de Tierce ou de Sixte. i°. De Quarte ou de
Quinte. 30. Monter diatoniquement au moyen de la Dif-
fonance qui forme la liaifon , ou par b'cence fur un Accord
parfait. Quant à la defeente diatonique , c'elt une marche
abfolument interdire à la Baffe-fondamentale , ou tout au
plus tolérée dans le cas de deux Accords parfaits confé-
cutifs, feparés par un repos exprimé ou fouç-entendu : cette
règle n'a point d'autre exception , & c'elt pour n'avoir p.is
64 BAS
démêlé le vrai fondement de certains partages , que M. Ra-
meau a fait 'defcendre diatoniquement la Baffe-fondamentale
fous des Accords de Septième ; ce qui ne fe peut en bonne
Harmonie. ( Voyez Cadench , Dissonance. )
La \Baffe -fondamentale qu'on n'ajoute que pour fervir de
preuve à l'Harmonie , fe retranche dans l'exécution , & fou-
vent elle y feroit un fort mauvais effet ; car elle eit , comme
dit très-bien M. Rameau , pour le jugement & non pour
l'oreille. Elle produirait tout au moins une monotonie très-
ennuyeufe par les retours frcquens du même Accord qu'on
déguife & qu'on varie plus agréablement en le combinant
en différentes manières fur la BalTe-contîhue ; fans comp-
ter que les divers renverfemens d'Harmonie fournilîent mille
moyens de prêter de nouvelles beautés au Chant , & une
nouvelle énergie à l'expreffion. ( Voyez Accord , Renver-
sement.)
Si la Baffe -fondamentale ne fert pas à compofer de bonne
Mufique , me dira-t-on ; f\ même on doit la retrancher
dans l'exécution , à quoi donc eft-elle utile ? Je réponds
qu'en premier lieu elle fert de règle aux Ecoliers pour ap-
prendre a former une Harmonie régulière & a donner à tou-
tes les parties la marche diatonique & élémentaire qui leur
cft preferite par cette Baffe -fondamentale. Elle fert, de plus,
comme je l'ai déjà dit , à prouver <i une Harmonie déjà
faite eit bonne & régulière ; car toute H irmonie qui ne
peut être foumife à une Bife -fondamentale eft régulière-
ment mauvaifc. Elle fert enfin à trouver une Riffc-conri-
nue fous un Chant donné ; quoiqu'à la vérité celui qui ne
(aura
BAS
fâura pas faire directement une Baffe-continue, ne fera gue-
res mieux une Baffe-fondamentale , & bien moins encore
faura-t-il transformer cette Baffe-fondamentale en une bonne
Baffe-continue. Voici toutefois les principales règles que
donne M. Rameau pour trouver la BaJJ'e-fondamentale d'un
Chant donné.
I. S'affurer du Ton & du Mode par lefqucls-on commen-
ce, & de tous ceux par où l'on paffe. Il y a aufiî des règles
pour cette recherche des Tons, mais fi longues, fi vagues,
fi incomplètes , que l'oreille eft formée , à cet égard ,
long-tems avant que les règles foient apprifes , & que le
ltupide qui voudra tenter de les employer , n'y gagnera que
l'habitude d'aller toujours Note à Note , fans jamais (avoir
où il elh
II. Effayer fuccefTivcment fous chaque Note les cordes prin-
cipales du Ton , commençant par les plus analogues , & paf-
fant jufqu'aux plus éloignées , lorfque l'on s'y voit forcé.
III. Confidérer fi la corde choifie peut cadrer avec le
Deffus dans ce qui précède 6c dans ce qui fuit par une bonne
fucceffion fondamentale , & quand cela ne fe peut , revenir
fur fes pas.
IV. Ne changer la Note de BaJJ'e-fondamentale que lorf-
qu'on a épuifé toutes les Nores confécutives du Deffus qui
peuvent entrer dans fon Accord , ou que quelque Note fyn-
copant dans le Chant peut recevoir deux ou plufieurs Notes
de Baffe , pour préparer des Diffonances fauvées enfuitc
régulièrement.
V. Etudier l'entrelacement des Phrafes, les fucccllîons pof-
Dicl. de Mufique. I
tS6 BAS
fibles de Cadences , foie pleines , foit évitées , & fur-touc
les repos qui viennent ordinairement de quatre en quatre
IVÎefures ou de deux en deux , afin de les faire tomber tou-
jours far les Cadences parfaites ou irrégulieres.
VI. Enfin , obfervcr toutes les règles données ci - devant
po.;r la compoficion de la Baffe-fondamentale. Voilà les prin-
cipales obfervations à faire pour en trouver une fous un Chant
donné ; car il y en a quelquefois plufieurs de trouvables :
mais , quoiqu'on en puiffe dire , fi le Chant a de l'Accent
& du Caraétere , il n'y a qu'une bonne Baffe -fondamentale
qu'on lui puiflè adapter.
Après avoir expofé fommairement la manière de compo-
fer une Baffe-fondamentale , il refteroit à donner les moyens
de la transformer en Baffe - continue ; & cela feroit facile ,
s'il ne faloit regarder qu'à la marche diatonique & au beau
Chant de cette Baffe : mais ne croyons pas que la Baffe
qui eft le guide & le foutien de l'Harmonie, l'ame &, pour
ainfi dire , l'interprète du Chant , fe borne à des règles û
fimples ; il y en a d'autres qui naiffent d'un principe plus fur
& plus radical ; principe fécond , mais caché , qui a été fend
par tous les Arriflcs de génie , fans avoir été développé par
perfonne. Je penfe en avoir jette le germe dans ma Lettre
fur la Mufiqae Françoife. J'en ai dit affez pour ceux qui m'en-
tendent ; je n'en dirois jamais affez pour les autres. ( Voyez
toutefois Un)T:;. DB Mki.odie. )
Je ne parle point ici du Syftéme ingénieux de M. Serre
de Genève, ni de fi douMe Baje 'fondamentale «parce que
les principes qu'il avoit entrevus avec une f.igacké digne
BAT Cj
d'éloges, ont été depuis développes par M. Tartini dans un
Ouvrage donc je rendrai compee a\ant la fin de celui-ci.
Voyez Système. )
BATARD. Nothus. C'eit l'épithete donnée par quelques-
uns au Mode Hypophrygien , qui a fa finale en fi , & con-
fequemmenc fa Quinte fauffe ; ce qui le retranche des Mo-
des authentiques : & au Mode Eolien , dont la finale eit, en
fa , & la Quarte fuperflue ; ce qui l'ôte du nombre des Mo-
des plagaux.
BATON. Sorte de barre épaiffe qui Craverfe perpendicu-
lairement une ou plufieurs lignes de la Portée , & qui , félon
le nombre des lignes qu'il embraffe , exprime une plus
grande ou moindre quantité de Mefures qu'on doit palier
en iîlence.
Anciennement il y avoit autant de fortes de Bâtons que
de différentes valeurs de Notes , depuis la Ronde qui vaut
une Mefure , jufqu'à la Maxime qui en valoit huit , & donc
la durée en filence s'évaluoit par un Bâton, qui , partant d'une
ligne , craverfoit crois efpaces & aîloic joindre la quatrième
ligne.
Aujourd'hui le plus grand Bâton eft de quatre Mefures :
ce B.iton , partant d'une ligne , craverfe la fuivance & va
■joindre la croifieme. {Flanche A. figure n.) On le répece
une fois, deux fois, aucanc de fois qu'il fauc pour c\rvi-
mer huic Mefures , ou douze , ou rout autre multiple de
quatre , & l'on ajoute ordinairement au - dcilus un chiffre
qui difpenfe de calculer la valeur de cous ces Bâtons. Ainii
les lignes couverts du chiffre \6 dans la même ligure n ,
I z
«58 BAT
indiquent un filence de feize Mefures. Je ne vois pas trop
à quoi bon ce double figne d'une même chofe. Aufli les
Italiens , à qui une plus grande pratique de la Mufique
fuggere toujours les premiers moyens d'en abréger les lignes ,
commencent-ils à fupprimer les Bâtons , auxquels ils fubiti-
tuent le chiffre qui marque le nombre de Mefures à compter.
Mais une attention qu'il faut avoir alors, eft de ne pas
confondre ces chiffres dans la Portée avec d'autres chiffres
femblables qui peuvent marquer l'efpece de la Mefure em-
ployée. Ain fi dans la figure 13 , il faut bien ditlinguer le
figne du trois Terns d'avec le nombre des Paufes à comp-
ter , de peur qu'au lieu de 3 1 Mefures ou Paufes , on n'en
comptât 3 3 r.
Le plus petit Bâton eft: de deux Mefures , & traverfant un
feul efpace , il s'étend feulement d'une ligne à fa voifine.
( Même Planche , figure 12. )
Les autres moindres filences , comme d'une Mefure , d'une
denii-Mefure , d'un Tems , d'un demi-Tems, Grc. s'evpri-
ment par les mots de Pauf-, de deini-Paufe , de Soupir , de
demi -Soupir y &c. (Voyez ces mots.) Il eft aile de com-
prendre qu'en combinant tous ces fignes , on peut exprimer
à volonté des filences d'une durée quelconque.
Il ne faut pas confondre avec les Bâtons des filences, d'au»
très BdtOns précifemenr de même figure, qui, fous le nom de
Paufes , initiales fcrvoicr.t dans nos anciennes Mufiqucs â
annoncer le Mode, c'eft-à-dire Li Mefure, & dont nous
parlerons au mot Morn-,
UATON DE MESURE , eft un Bâton fort court , ou
BAT *jr
même un rouleau de papier dont le Maître de Mufique fe
fert dans un Concert pour régler le mouvement & marquer
la Mefure & le Tems. ( Voyez Battre la Mesure. )
A l'Opéra de Paris il n'eft pas quefèion d'un rouleau de
papier , mais d'un bon gros Bâton de bois bien dur , dont
le Maître frappe avec force pour être entendu de loin.
BATTEMENT,/ m. Agrément du Chant François, qui
confifte à élever & battre un Trill fur une Note qu'on a
commencée uniment. Il y a cette différence de la Cadence
au Battement , que la Cadence commence par la Note fupe-
rieure à celle fur laquelle elle eft marquée ; après quoi l'on
bat alternativement cette Note fupérieure & la véritable : au
lieu que le Battement commence par le fon même de la
Note qui le porte ; après quoi l'on bat alternativement cette
Note 6c celle qui eft au-deffus. Ainfi ces coups de goder,
mi re mi re mi re ut ut font une Cadence ; & ceux-ci , re mi
re mi re mi re ut re mi , font un Battement.
BATTEMENS au pluriel. Lorfque deux Sons forts 6c
foi.tenus , comme ceux de l'Orgue, font mal d'accord &
diffonent entre eux à l'approche d'un Intervalle confonnant ,
ils forment , par fecouffes plus ou moins fréquentes , des
renflerons de fon qui font, à-peu-près , à l'oreille, l'effet
des bactemens du pouls au toucher; c'eft pourquoi M. Sau-
veur leur a aufli donné le nom de Battemens. Ces Battemens
deviennent d'autant plus fréquens que l'Intervalle approche
plus de la juïteffe , 6c lorfqu'il y parvient , ils fe confondent
avec les vibrations du Son.
M. Serre prétend , dans ks EJJ'ais fur les Principes de
7o BAT
PHarmonie , que ces Battemens produits par la concurrence
de deux Sons , ne font qu'une apparence acouitique , occa-
fionnée par les vibrations coincidentes de ces deux Sons.
Ces Battemens , félon lui , n'ont pas moins lieu lorfque
VInterva'le efr. confonnant; mais la rapidité avec laquelle ils
fe confondent alors , ne permettant point à l'oreille de les
distinguer, il en doit réfulter, non la ceffation abfolue de
ces Battemens , mais une apparence de Son grave & con-
tinu , une efpece de foible Bourdon , tel précifément que
celui qui réfulte , dans les expériences citées par M. Serre,
& depuis détaillées par M. Tartini , du concours de deux
Sons aigus ce confonnans. ( On peut voir au mot Syflême ,
que des Diiîbnances les donnent aufïi. ) « Ce qu'il y a de
« bien certain , continue M. Serre , c'eit que ces Bat-
» temens , ces vibrations coincidentes qui fe fuivent avec
» plus ou moins de rapidité , font exactement ifochrones aux
» vibrations que feroit réellement le Son fondamental , fi ,
» par le moyen d'un troifieme Corps fonore , on le fui-
»» foit actuellement réfonner ».
Cette explication, très - fpécieufe , n'eft peut-être pas
fans difficulté ; car le rapport de deux Sons n'elt jamais
plus compofé que quand il approche de la (implicite qui
en fait une confonnance , & jamais les vibrations ne doi-
vent coïncider plus rarement que quand elles touchent prei-
que ù l'Ifochronifne. D'où il fuivroit , ce me fenible , que
les IL: devraient fe ralentir à meflire qu'ils
lerent , puis fe réunir tout d'un coup à l'inftant que l'A»
cord çfi jula.
BAT 7»
L'obfervation des Battement eft une bonne règle à con-
fuker fur le meilleur fyftême de Tempérament : ( Voyez,
Tempérament. ) Car il eft clair que de tous les Tempéra-
mens poffibles celui qui laide le moins de Battement dans
l'Orgue , eft celui que l'oreille & la Nature préfèrent. Or ,
c'eft une expérience confiante & reconnue de tous les Fac-
teurs , que les altérations des Tierces majeures produifent
des Battemens plus fenfibles & plus défagréables que celles
des Quintes. Ainfi la Nature elle-même a choifi.
BATTERIE,//. Manière de frapper & répéter fuccefïi-
vement fur diverfes cordes d'un Infiniment les divers Sons
qui compofent un Accord , & de pafTer ainfi d'Accord en
Accord par un même mouvement de Notes. La Batterie
n'eft qu'un Arpège continué , mais dont toutes les Notes
font détachées , au lieu d'être liées comme dans l'Arpège.
BATTEUR DE MESURE. Celui qui bat la Mefure dans
un Concert. ( Voyez l'Article fuivant. )
BATTRE LA MESURE. C'eft en marquer les Tems par
des mouvemens de la main ou du pied , qui en règlent la
durée , & par lefquels toutes les Mefures femblables font
rendues parfaitement égales en valeur chronique ou en Tems,
dans l'exécution.
11 y a des Mefures qui ne fe battent qu'à un Tems , d'au-
tres à deux, à trois ou à quatre, ce qui efl le plus grand
nombre de Tems marqués que puifle renfermer une Mefure:
encore une iM-efure à quatre Tems peut-elle toujours fe réfou-
dre en deux Mefures à deux Tems. Dans toutes ces dilîc-
rentes Mefures le Tems frappé eft toujours fur la Note'
HAT
qui fuit la barre immédiatement ; le Tems levé eft tou-
jours celui qui la précède , à moins que la Mcfure ne
(bit à un feul Tems ; & même , alors , il faut toujours
fuppofer le Tems foible , puifqu'on ne fauroit frapper fans
avoir levé.
Le degré de lenteur ou de vîtefTe qu'on donne à la Mefure
dépend de plufieurs chofes. i°. De la valeur des Notes qui
compofent la Mefure. On voit bien qu'une Mefure qui con-
tient une Ronde doit fe battre plus pofément & durer davan-
tage que celle qui ne contient qu'une Noire. i\ Du Mou-
vement indiqué par le mot François ou Italien qu'on trouve
ordinairement à la tête de l'Air ; Gai , Vite , Lent , &c.
Tous ces mots indiquent autant de modifications dans le
Mouvement d'une même forte de Mefure. 30. Enfin du carac-
tère de l'Air même , qui , s'il eft bien fait , en fera nécef-
fairement fentir le vrai Mouvement.
Les Muficiens François ne battent pas la Mefure comme
les Italiens. Ceux-ci , dans la Mefure à quatre Tems , frap-
pent fucceflïvement les deux premiers Tems & lèvent les
deux autres ; ils frappent aufli les deux premiers dans la
Mefure à trois Tems , & lèvent le troifieme. Les François
ne frappent jamais que le premier Tems , & marquent les
autres par difterens mouvemens de la main à droite &c h
gauche. Cependant la Mufique Françoife auroit beaucoup
plus befoin que l'Italienne d'une Mefure bien ni.uquce ; car
elle ne porte point fa cadence en elle-même ; les Mou\e-
mens n'ont aucune précifion naturelle : ou prciTc , on ralentit
la Mefure au gré du Chanteur. Combien les oreilles ne fonr-
el!es
BAT 71
elles pas choquées a l'Opéra de Paris du bruit défagréable
& continuel que fait , avec fon bâton , celui qui bat la Me-
fure , & que le petit Prophète compare plaifamment à un
Bûcheron qui coupe du bois ! Mais c'eft un mal inévitable ;
fans ce bruit on ne pourroit fentir la Mefure ; la Mufique
par elle-même ne la marque pas : aufïï les Etrangers n'ap-
perçoivent - ils point le Mouvement de nos Airs. Si l'on y
fait attention , l'on trouvera que c'eft ici l'une des différen-
ces fpéciriques de la Mufique Françoife à l'Italienne. En
Italie la Mefure eft l'ame de la Mufique ; c'eft la Mefure
bien fentie qui lui donne cet accent qui la rend fi char-
mante ; c'eft la Mefure aufïi qui gouverne le Muficien dans
l'exécution. En France , au contraire , c'eft le Muficien qui
gouverne la Mefure ; il Ténerve & la défigure fans fcru-
pulc. Que dis-je ? Le bon goût même confifte à ne la pas
lailfer fentir ; précaution dont , au refte , elle n'a pas grand
befoin. L'Opéra de Paris eft le feul Théâtre de l'Europe où
l'on batte la Mefure fans la fuivre ; par-tout ailleurs on la
fuit fans la battre.
Il règne là-deflus une erreur populaire qu'un peu de réflexion
détruit aifément. On s'imagine qu'un Auditeur ne bat par
inftinit la Mefure d'un Air qu'il entend , que parce qu'il la
fent vivement ; & c'eft , au contraire , parce qu'elle n'eft pas
affez fenfible ou qu'il ne la fent pas aflèz , qu'il tâche , à
force de mouvemens des mains &c des pieds , de fuppléer
ce qui manque en ce point a fon oreille. Pour peu qu'une
Mufique donne prife à la cadence , on voit la plupart des
François qui l'écoutent faire mille contorfions & un bruit tcr-
Dicl. de Mufique. K
74 BAT
rible pour aider la Mefure à marcher ou leur oreille à la
fentir. Subftituez des Italiens ou des Allemands , vous n'en-
tendrez pas le moindre bruit & ne verrez pas le moindre
gelte qui s'accorde avec la Mefure. Seroit-ce peut-être que
les Allemands , les Italiens font moins fenfibles à la Mefure
que les François ? Il y a tel de mes Lecteurs qui ne fe feroit
gueres preiTer pour le dire; mais, dira- 1- il uufTi , que les
Muficiens les plus habiles font ceux qui fentent le moins la
Mefure ? 11 eft incontestable que ce font ceux qui la battent
le moins ; & quand , à force d'exercice , ils ont acquis l'ha-
bitude de la fentir continuellement, ils ne la battent plus du
tout ; c'eft un fait d'expérience qui eft fous les yeux de tout
le monde. L'on pourra dire encore que les mêmes gens a.
qui je reproche de ne battre la Aljfure que parce qu'ils ne
la fentent pas affez , ne la battent plus dans les Airs où elle
n'eft point fenfïble ; & je répondrai que c'elt parce qu'alors
ils ne la fentent point du tout. Il faut que l'oreille foit frappée
au moins d'un foible fentiment de Mefure pour que i'inltinct
cherche à le renforcer.
Les Anciens, dit M. Burette, battoient la Mefure en
plufieurs façons. La plus ordinaire confilloit dans le mou-
vement du pied qui s'élevoit de terre & h frappoit alterna-
tivement , félon la mefure des deux Tems égaux ou iné-
gaux. (Voyez Rhvth.me. ) C'étoit ordinairement la fonc-
tion du Mai re de Mufique appelle Coryphée , Kepi
parce qu'il étoit placé au milieu du Chœur des Mu.kiens &
dans une fituation élevée pour être plus facilement vu & en-
tendu de toute la troupe. Ces Batteurs de Mefure fe nom-
B A 1 75
moient en Grec ToJcx,7V7rai , & 7ro^ô^et , a caufe du bruic de
leurs pieds , çwroveLpni , à caufe de l'uniformité du gefie , & ,
fi Ton peut parler ainfi , de la monotonie du Ilhythme qu'ils
battoient toujours à deux Tems. Ils s'appelloient en Latin
pedarii , poJarii , pedicularii. Ils garniflbient ordinairement
leurs pieds de certaines chaufïures ou fandales de bois ou de
fer , defiinées à rendre la percuiïion rhythmiquc plus écla-
tante , nommées en Grec KfWJTriCj.0. , xpcv7ra,Act , kçcvttito. ; 6c en
Latin , pedicida , fcabella ou fcabilla , à caufe qu'elles ref-
fembloient à de petits marche-pieds ou de petites efcabelles.
Ils battoient la Mefurê , -non -feulement du pied, mais
aufli de la main droite dont ils réuniflbient tous les doigts
pour frapper dans le creux de la main gauche , 6c celui qui
marquoit ainfi le Rhythme s'appelloit ManuJuclor. Outre ce
claquement de mains 6c le bruit des fandales , les Anciens
avoient encore , pour battre la Me/are , celui des coquilles ,
des écailles d'huîtres , 6c des olfemens d'animaux , qu'on frap-
poit l'un contre l'autre , comme on fait aujourd'hui les Caf-
tagnertes , le Triangle 6c autres pareils Infrxumens.
Tout ce bruit fi défagréable 6c il fuperflu parmi nous , à
caufe de l'égalité confiante de la Mefure , ne l'étoit pas de
même chez eux , où les fréquens changemens de pieds &
de Rhythmes exigeoient un Accord plus difficile 6c donnoient
bruit même une variété plus harmonieufe «Se plus piquante.
Encore peut-on dire que l'ufage de battre ainfi ne s'introduifit
qu'à Mefure que la Mélodie devint plus languiffante , 6c perdit
de fon accent 6c de fon énergie. Plus on remonte , moins
on trouve d'exemples de ces Batteurs de Mefure , 6c dans
K i
7«s B E M
la Mufique de la plus haute antiquité Ton n'en trouve plus
du tout.
BÉMOL ou B MOL , / m. Caradere de Mufique auquel
on donne à-peu-près la figure d'un b , & qui fait abailfer
d'un femi-Ton mineur la Note à laquelle il elt joint. (Voyez
Semi-Ton.)
Guy d'Arezzo ayant autrefois donné des noms à fix des
Notes de l'Oclave , defquelles il fit fon célèbre Hexacorde ,
Lutta la feptieme fans autre nom que celui de la lettre B
qui lui eit propre , comme le C à Y ut , le D au re , &x. Or ce
B fe chantoit de deux manières ; favoir , à un ton au-deiïus
du la , félon l'ordre naturel de la Gamme , ou feulement a
un femi-Ton du même la , lorfqu'on vouloit conjoindre les
Tctracordes ; car il n'étoit pas encore queftion de nos Modes
ou Tons modernes. Dans le premier cas , le fi fonnant afTez
durement , à caufe des trois Tons confécutifs , on jugea qu'il
faifoit à l'oreille un effet femblable à celui que les corps an-
guleux & durs font à la main : c'eft pourquoi on l'appella B
dur ou B quatre , en Italien B quadro. Dans le fécond cas t
au contraire , on trouva que le fi était extrêmement doux ;
c'eft pourquoi on l'appella B mol; par la même analogie on
auroit pu l'appcller aufli B rond , & en effet les Italiens le
nomment quelquefois B tondok
Il y a deux manières d'employer le Bémol ; l'une acciden-
telle , quand dans le cours du Chant on le place a la gauche
d'une Note. Cette Note eft prefque toujours la Note- fend-
ble dans les Tons majeurs , & quelquefois la fixie^me Note
dans les Tons mineurs , quand la Clef n'elt pas correde-
B E M 77
ment armée. Le Bémol accidentel n'aîtcrc que la Note qu'il
touche ôc celles qui la rebattent immédiatement , ou tout au
plus , celles qui , dans la même Mefure , fe trouvent fur le
mtme degré fans aucun fîgne contraire.
L'autre manière efr. d'employer le Bémol à la Clef, & alors
il la modifie , il agit dans toute la fuite de l'Air & fur toutes
les Notes placées fur le même degré , à moins que ce Bémol
ne fcit détruit accidentellement par quelque Dièfe ou Béquarre,
ou que la Clef ne vienne à changer.
La pofition des Bémols à la Clef n'eft pas arbitraire ; en
voici la raifon. Ils font deftinés a changer le lieu des femi-
Tons de l'Echelle : or ces deux femi -Tons doivent toujours
garder entre eux des Intervalles prefcrits ; favoir , celui d'une
Quarte d'un côté , & celui d'une Quinte de l'autre. Ainli
la Note mi inférieure de fon femi - Ton fait au grave la
Quinte du fi qui eft fon homologue dans l'autre femi-Ton ,
& a l'aigu la Quarte du même fi , & réciproquement la
Note fi fait au grave la Quarte du mi , & à l'aigu la Quinte
du même mi.
Si donc lailîant , par exemple , le fi. naturel , on donnoir
un Bémol au mi , le femi-Ton changerait de lieu 6c fe trou-
verait defcendu d'un degré entre le re 6c le mi Bémol. Or ,
dans cette pofition , l'on voit que les deux femi - Tons ne
garderaient plus entre eux la diftance prefcrite ; car le re ,
qui ferait la Note inférieure de l'un , ferait au grave la
Sixte du //" fon homologue dans l'autre ; 6c à l'aigu , la
Tierce du même fi ; 6c ce fi ferait au grave la Tierce du
r.c , 6c à l'aigu , la Sixte du même re. Ainfi les deux ferai-
7S 13 E M
Tons feroient trop voifins d'un côté & trop éloignés de
l'autre.
L'ordre des Bémols ne doit donc pas commencer par m/*,
ni par aucune autre Note de l'Oilave que par// , la feule qui
n'a pas le mime inconvénient ; car bien que le femi-Ton y
change de place , & , ceffant d'être entre le fi & Vut defcende
entre le// Bémol ôc le la , toutefois l'ordre prefcric n'eit point
détruit ; le la , dans ce nouvel arrangement , fe trouvant d'un
côté à la Quarte , l< de l'autre à la Quinte du mi fon homo-
logue , & réciproquement.
La même raifon qui fait placer le premier Bémol fur le//,
fait mettre le fécond fur le mi , & ainfi de fuite , en mon-
tant de Quarte ou defcendant de Quinte jufqu'au fol, auquel
on s'arrête ordinairement , parce que le Bémol de Y ut , qu'on
trouveroit enfuite n~ diffère point du fi dans la pratique. Cela
fait donc une fuite de cinq Bémols dans cet ordre :
Si Mi La Re Sol.
Toujours , par la même raifon , l'on ne fauroit employer
les derniers Bémols à la Clef, fans employer aulïi ceux qui
les précèdent : ainfî le Bémol du mi ne fe pofe qu'avec celui
du fi , celui du la qu'avec les deux précédons , & chacun des
fuivans qu'avec tous ceux qui le précèdent.
Ou trouvera dans l'Article Clef une formule pour favoir
tout liu'n coup fi un Ton ou un Mode donné doit porter
des Bémols à la Clef, & combien.
B] ViOLISEfi , v. a. Marquer une Note d'un Bémol, ou
B E Q 75-
armer la Clef par Bémol. Bémolife\ ce mi. Il faut bimolifer
la Clef pour le Ton de fa.
BEQUARRE ou B QUARRE ,/m. Caraôere de Mufî-
que qui s'écrit ainfi [^. , & qui , place à la gauche d'une Note,
marque que cette Note , ayant été précédemment hauffée par
un Dièfe ou baillée par un Bémol , doit être remife à fon
élévation naturelle ou diatonique.
Le Bêquarre fat inventé par Guy d'Arezzo. Cet Auteur , qui
donna des noms aux fix premières Notes de l'Octave , n'en
laiffa point d'autre que la lettre B pour exprimer le fi natu-
rel. Car chaque Note avoit , dès-lors , fa lettre correfpon-
dante ; & comme le Chant diatonique de ce fi eft dur quand
on y monte depuis le fa , il l'appella Amplement b dur ,
b quarté, ou b quarre , par une allufion dont j'ai parle dans
l'Article précédent.
Le Bêquarre fervir dans la fuite à détruire l'effet du Bémol
antérieur fur la Note qui fuivoit le Bêquarre : c'eft que le
Bémol fe plaçant ordinairement fur le fi, le Bêquarre qui
venoit enfuite , ne produifoit , en détruifant ce Bémol , que
fon effet naturel, qui étoit de repréfenter la Note fi fans alté-
ration. A la fin on s'en fervit par extenfion, & faute d'autre
figne, pour détruire aufïi l'effet du Dicfe, & c'eït ainfi qu'il
s'emploie encore aujourd'hui. Le Bêquarre efface également
le Dièfe ou le Bémol qui l'ont précédé.
B y a cependant une diftîn&iori à faire. Si le Dicfe ou le
Bémol étoienr accidentels, ils font derruirs fins ri tour par
le Bêquarre dans toutes les Notes qui le fuivent médiate-
ment ou immédiatement fur le même degré, jufqi^a-ce qu'il
9o BIS
s'y préfente un nouveau Bémol ou un nouveau Dièfe. Mais
fi le Bémol ou le Dièfe font à la Clef, le Béquarre ne les
efface que pour la Note qu'il précède immédiatement , ou
tout au plus pour toutes celles qui fuivent dans la même
Mefure & fur le même degré ; & à chaque Note altérée à
la Clef dont on veut détruire l'altération , il faut autant de
nouveaux Béquarres. Tout cela eft affez mal entendu ; mais
tel eft l'ufage.
Quelques - uns donnoient un autre fens au Béquarre , &
lui accordant feulement le droit d'effacer les Dièfes ou Bémols
accidentels , lui ôtoient celui de rien changer à l'état de la
Clef : de forte qu'en ce fens fur un fa dièfé , ou fur un fi
bémolifé à la Clef, le Béquarre ne ferviroit qu'à détruire un
Dicfe accidentel fur ce //, ou un Bémol fur ce fa, & figni-
rleroit toujours le fa Dièfe ou le fi Bémol tel qu'il eft, à
la Clef.
* D'autres, enfin, fe fervoient bien du Béquarre pour effacer
le Bémol, même celui de la Clef, mais jamais pour effacer
le Dièfe : c'eft le Bémol feulement qu'ils employoient dans
ce dernier cas.
Le premier ufage a rout-à-fait prévalu; ceux-ci deviennent
plus rares, & s'abolilfent de jour en jour; mais il eft bon d'y
faire attention en lifant d'anciennes Muliques , fans quoi l'on
fe tromperoit fouvent.
BI. Syllabe dont quelques Muficiens étrangers fe fervoient
autrefois pour prononcer le Son de la Gamme que les Fran-
çois appellent Si. ( Voyez Si. )
BISCROME , f. f. Mot Italien qui fignifie Triples-croches.
Quand
R O U 8x
Qi-and ce mot eit écrit fous une fuicc de Notes égales 6c
de plus grande valeur que des Triples-croches , il marque
qu'il faut divifer en Triples-croches les valeurs de toutes ces
Notes , félon la divifion réelle qui fe trouve ordinairement
faite au premier Tems. C'efl une invention des Auteurs adop-
tée par les copifles , fur-tout dans les Partitions , pour épar-
gner le papier & la peine. ( Voyez Crochet. )
BLANCHE , / / C'eit le nom d'une Note qui vaut deux
Noires ou la moitié d'une Ronde. ( Voyez l'Article Notes,
& la valeur de la Blanche , PI. D. Fig. 9. )
BOURDON. Baffe-continue qui réfonne toujours fur le
même Ton , comme font communément celles des Airs
appelles Mufettes. ( Voyez Point d'Orgue. )
BOURREE,//! Sorte d'Air propre à une Danfc de même
nom , que l'on croit venir d'Auvergne , & qui eft encore en
11 fa ge dans cette Province. La Bourrée eit à deux Tems gais,
& commence par une Noire avant le frappé. Elle doit avoir ,
comme la plupart des autres Danfes , deux Parties 6c quatre
Mefures, ou un multiple de quatre à chacune. Dans ce carac-
tère d'Air on lie allez fréquemment la féconde moitié du
premier Tems 6c la première du fécond , par une Blanche
fyncopée.
BOUTADE,//. Ancienne forte de petit Ballet qu'on exé-
cutoit ou qu'on paroiffoit exécuter impromptu. Les Muliciens
ont aulTi quelquefois donné ce nom aux Pièces ou Idées qu'ils
exécutoient de même fur leurs Inftxumcns , & qu'on appel-
loit autrement Caprice , Fantaisie. ( Voye\ ces mots. )
BRAILLER, v. n. C'cft excéder le volume de fa voix 6c
Dicl. de Mujlque. L
82 B R A
chanter tant qu'on a de force, comme font au Lutrin les
Marguilliers de Village , & certains Muficiens ailleurs.
BRANLE, f. m. Sorte de Danfe fort gaie qui fc danfe en
rond fur un Air court & en Rondeau ; c'eft-à-dire , avec un
même refrain à la fin de chaque Couplet.
BREF , Adverbe qu'on trouve quelquefois écrit dans d'an-
ciennes Mufiques au-deflus de la Note qui finit une phrafe ou
un Air, pour marquer que cette Finale doit être coupée par
un fon bref & fec , au lieu de durer toute fa valeur. ( Voyez
Couper. ) Ce mot elt maintenant inutile , depuis qu'on a
un ligne pour l'exprimer.
BREVE,//. Note qui parte deux fois plus vite que celle
qui la précède : ainfi la Noire elt Brève après une Blanche
pointée , la Croche après une Noire pointée. On ne pourroit
pas de même appeîler Brève , une Note qui vaudroit la moitié
de la précédente : ainfi, la Noire n'elt pas une Brève après
la Blanche fimple , ni la Croche après la Noire , a moins
qu'il ne foit queltion de fyncope.
C'eft autre chofe dans le Plain-Chant. Pour répondre exac-
tement à la quantité des fyllabes, la Brève y vaut la moitié
de la Longue. De plus , la Longue a quelquefois une queue
pour la diltinguer de la Brève qui n'en a jamais; ce qui elt
précifément l'oppofé de la Mufique, où la Ronde, qui n'a
point de queue, elt double de la Blanche qui en aune. (Voyez
Mi surf. , Valeur des Notes. )
BREVE elt aufîî le nom que donnoient nos anciens Mufî-
ciens , & que donnent encore aujourd'hui les Italiens à cette
vieille figure de Note que nous appelions Ouarree. il y «voit
B R O 83
deux fortes de Brèves; favoir, la droite ou parfaite, qui fe
divife en trois parties égales & vaut trois Rondes ou Semi-
brèves dans la Mefure triple , & la Brève altérée ou impar-
faite , qui fe divife en deux parties égales , & ne vaut que
deux Semi-brevcs dans la Mefure double. Cette dernière forte
de Brève elt celle qui s'indique par le figne du C barré, &
les Italiens nomment encore alla Brève la Mefure à deux
Tems fort vîtes , dont ils fe fervent dans les Mufiqucs da
Capella. ( Voyez Alla Brève. )
BRODERIES, DOUBLES, FLEURTIS. Tout cela fe
dit en Mufique de plufieurs Notes de goût que le Mulicien
ajoute à fa Partie dans l'exécution , pour varier un Chant
fouvent répété , pour orner des Paiïages trop fimples , ou
pour faire briller la légèreté de fon gofier ou de fes doigts.
Rien ne montre mieux le bon ou le mauvais goût d'un Mufi-
cien , que le choix & l'ufage qu'il fait de ces ornemens. La
vocale Françoife eit fort retenue fur les Broderies ; elle le
devient même davantage de jour en jour, &, fi l'on excepte
le célèbre Jélyote & Mademoifelle Fel , aucun Acteur Fran-
çois ne fe hazarde plus au Théâtre à faire des Doubles; car
le Chant François ayant pris un ton plus traînant & plus
lamentable encore depuis quelques années, ne les comporte
plus. Les Italiens s'y donnent carrière : c'elt chez eux à qui
en fera davantage ; émulation qui mené toujours à en faire
trop. Cependant l'accent de leur Mélodie étant trcs-fenfible ,
ils n'ont pas a craindre que le vrai Chant difparoitfè fous ces
ornemens que l'Auteur même y a fouvent fuppofés.
A l'égard des Inltrumens , on fait ce qu'on veut dans un
L •
?4 BRU
Solo , mais jamais Symphonif te qui brode ne fut fouifert dans
un bon Orcheftre.
BRUIT,/ m. C'eft , en général, toute émotion de l'air
qui fe rend fenfible à l'organe auditif. Mais en Mufique le
mot Bruit eft oppofé au mot Son , & s'entend de toute fen-
fation de l'ouïe qui n'eft pas fonore & appréciable. On peut
fuppofer, pour expliquer la différence qui fe trouve à cet égarcT,
entre le Bruit & le Son , que ce dernier n'eft appréciable
que par le concours de fes Harmoniques , & que le Bruit
ne l'eft point , parce qu'il en eft dépourvu. Mais outre que
cette manière d'appréciation n'eft pas facile à concevoir , fï
l'émotion de l'air , caufce par le Son , fait vibrer , avec une
corde , les aliquotes de cette corde , on ne voit pas pourquoi
l'émotion de l'air, caufée par le Bruit, ébranlant cette môme
corde , n'ébranleroit pas de même fes aliquotes. Je ne fâche
pas qu'on ait obfervé aucune propriété de l'air qui puifTe faire
foupçonner que l'agitation qui produit le Son , & celle qui
produit le Bruit prolongé , ne foient pas de même nature ,,
& que l'action & réaction de l'air & du corps fonore , ou
de l'air & du corps bruyant, fe fartent par des loix diffé-
rentes dans l'un & dans l'autre effet.
Ne pourroit-on pas conjecturer que le Bruit n'eft point
d'une autre nature que le Son ; qu'il n'eft lui-même que la
fomme d'une multitude confufe de Sons divers , qui fe font
entendre à la fois & contrarient, en quelque forte, mutuel-
lement leurs ondulations? Tous les corps élaftiques femblenc
être plus fonorcs à mefure que leur matière eft plus homo-
gène , que le degré de cohéfiou cit plus égal par-cour, & que
BRU 85
le corps n'eft pas , pour ainfi dire , partage en une multitude
de petites malFes qui , ayant des folidités différentes , réfon-
nent conféquemment à différens Tons.
Pourquoi le Bruit ne feroit-il pas du Son , puifqu'il en
excite? Car tout Bruit raie refonner les cordes d'un Clave-
cin , non quelques-unes , comme fait un Son , mais toutes
enfemble ,. parce qu'il n'y en a pas une qui ne trouve fon
unitïbn ou fes harmoniques. Pourquoi le Bruit ne feroit-il
pas du Son, puifqu'avec des Sons on fait du Bruit? Tou-
chez à la fois toutes les touches d'un Clavier, vous pro-
duirez une fenfation totale qui ne fera que du Bruit , & qui
ne prolongera fon effet , par la réfonnance des cordes , que
comme tout autre Bruit qui feroit refonner les mêmes cor-
des. Pourquoi le Bruit ne feroit-il pas du Son , puifqu'un Son
trop fort n'eit plus qu'un véritable Bruit , comme une Voix
qui crie à pleine tête , & fur-tout comme le Son d'une groffe
cloche qu'on entend dans le clocher même ? Car il eft im-
poffible de l'apprécier , fi , fortant du clocher , on n'adoucit le
Son par l'éloignement.
Mais , me dira-t-on , d'où vient ce changement d'un Son
excefîif en Bruit ? C'eft que la violence des vibrations rend
fenfible la réfonnance d'un fi grand nombre d'aliquotes, que
le mélange de tant de Sons divers fait alors fon effet ordinaire
& n'eft plus que du Bruit. Ainfi les aliquotes qui réforment
ne font pas feulement la moitié , le tiers , le quart & coûtes
les confonnances ; mais la feptieme partie, la neuvième, la
centième , & plus encore. Tout cela fait enfemble un effet
Umbkble à celui de toutes les touches d'un Clavecn. frap-
$6
B U C
pées à la fois : & voilà comment le Son devient Bruit.
On donne aufïi , par mépris , le nom de Bruit à une Mu-
fique étourdiiïante & confufe , où l'on entend plus de fracas
que d'Harmonie , & plus de clameurs que de Chant. Ce
îi'ejl que du Bruit. Cet Opéra fait beaucoup de Bruit & peu
d'effet.
BUCOLIASME, Ancienne Chanfon des Bergers. (Voyez
Chanson.)
C A C 87
C.
C
Cette lettre ctoit , dans nos anciennes Mufiques , le
fignc de la Prolation mineure imparfaite , d'où la même let-
tre eft reltée parmi nous celui de la Mefure à quatre Tems,
laquelle renferme exactement les mêmes valeurs de Notes.
( Voyez Mode , Prolation. )
C BARRÉ. Signe de la Mefure à quatre Tems vîtes , ou à
deux Tems pofés. Il fe marque en traverfant le C de haut
en bas par une ligne perpendiculaire à la Portée.
C fol ut , C fol fa ut , ou fimplement C. Caractère ou
terme de Mufique qui indique la première Note de la Gamme
que nous appelions ut. (Voyez Gamme. ) C'elt aufïi l'an-
cien figne d'une des trois Clefs de la Mufique. (Voyez Clef.)
CACOPHONIE,// Union difeordante de pluiieurs Sons
mal choifis ou mal accordes. Ce mot vient de kuhôç mauvais,
& de (puvn Son. Ainfi c'elt mal-à-propos que la plupart des
Muficiens prononcent Cacaphonie. Peut-être feront-ils , à la
fin , palier cette prononciation , comme ils ont déjà fait palier
celle de Colophane.
CADENCE , / f. Tcrminaifon d'une phrafe harmonique
fur un repos ou fur un Accord parfait : ou , pour parler plus
généralement , c'elt tout p a liage d'un Accord diflbnant à
un Accord quelconque ; car on ne peut jamais fortir d'un
Accord diflbnant que par un Acte de Cadence. Or , comme
toute phrafe harmonique eft néceflairtment lice par des Dif-i
88 CAD
fonances exprimées ou fous-entendues , il s'enfuit que toute
l'Harmonie n'eit proprement qu'une fuite de Cadences.
Ce qu'on appelle Acle de Cadence , réfulce toujours de
deux Sons fondamentaux , dont l'un annonce la Cadence &
l'autre la termine.
Comme il n'y a point de Diiïbnance fans Cadence, il n'y
a point non plus de Cadence fins Diiïbnance exprimée ou
fous-entendue : car pour faire fentir le repos , il faut que quel-
que chofe d'antérieur le fufpende , & ce quelque chofe ne
peut être que la Diiïbnance , ou le fentiment implicite de
la Diiïbnance. Autrement les deux Accords étant également
parfaits , on pourrait fe repofer fur le premier ; le fécond
ne s'annonceroit point & ne feroit pas néceiïaire. L'accord
formé fur le premier Son d'une Cadence doit donc tou-
jours être diflbnant , c'eft-à-dire , porter ou fuppofer une
Diiïbnance.
A l'égard du fécond, il peut être confonnant ou diiïbnant,
félon qu'on veut établir ou éluder le repos. S'il elt confon-
nant, la Cadence eft pleine; s'il eft diiïbnant, la Cadence eft
évitée ou imitée.
On compte ordinairement quafre efpeces de Cadences ;
favoir , Cadence parfaite , Cadence imparfaite ou i-ré^uliere ,
Cadence interrompue &c Cadence rompue. Ce fout les déno-
minations que leur a donné M. Rameau , ôc dont on verra
ci-après les raifons.
I. Toutes les fois qu'après un Accord de Septième la
Baiïl-fondamentale defeend de Quinte fur un Accord par-
fait , c'eft une Cadence parfaite pleine , qui procède tou-
jours
CAD t9
jours d'une Dominante- tonique à la Tonique: mais fi la
Cadence parfaite eiè évitée par une Dilfonance ajoutée à la
féconde Note , on peut commencer une féconde Cadence en
évitant la première fur cette féconde Note , éviter derechef
cette féconde Cadence & en commencer une troifieme fur
la troifieme Note ; enfin continuer ainfi tant qu'on veut , en
ttiDiitant de Quarte ou defeendant de Quinte fur toutes les
cordes du Ton , 6c cela forme une fuccefTion de Cadences
parfaites évitées. Dans cette fuccefTion , qui cft fans contredit
la plus harmonique, deux Parties, favoir, celles qui font la
Septième & la Quinte , defeendent fur la Tierce 6c l'Octave
de l'Accord fuivant , tandis que deux autres Parties, favoir,
celles qui font la Tierce & l'Octave , reftent pour faire , à
leur tour , la Septième 6c la Quinte , & defeendent enfuite
alternativement avec les deux autres. Ainfi une telle fuccif-
fion donne une harmonie defeendante. Elle ne doit jamais
s'arrêter qu'à une Dominante - tonique pour tomber enfuite
fur la Tonique par une Cadence pleine. ( Planche A. Fig. t.)
II. Si la Baffe -fondamentale , au lieu de defeendre de
Quinte après un Accord de Septième , defeend feulement de
Tierce , la Cadence s'appelle interrompue : celle-ci ne peut
jamais être pleine , mais il faut nécellairemcnt que la féconde
Note de cette Cadence porte un autre Accord diffonant. On
peut de même continuer a defeendre de Tierce ou mon-
ter de Sixte par des Accords de Septième ; ce qui fait une
deuxième fuccefTion de Cadences évitées , mais bien moins par-
faite que la précédente : car la Septième , qui fe fauve fur la
Tierce dans la Cadence parfaite , fe fauve ici fur l'Octave ,
Dic7. de Mujîgue. M
»o CAD
ce qui rend moins d'Harmonie & fait même fous-entendre
deux Ofhves ; de forte que pour les éviter , il faut retran-
cher la DifTonance ou renverfer l'Harmonie.
Puifque la Cadence interrompue ne peut jamais être pleine ,
il s'enfuit qu'une phrafe ne peut finir par elle ; mais il faut
recourir à la Cadence parfaite pour faire entendre l'Accord
dominant. (Fig. i.)
La Cadence interrompue forme encore , par fa fuccefîion ,
une Harmonie defcendante; mais il n'y a qu'un feul Son qui def-
cende. Les trois autres reftent en place pour defcendre , cha-
cun à fon tour , dans une marche femblable. ( Même Figure. )
Quelques-uns prennent mal -à- propos pour une Cadence
interrompue un renverfement de la Cadence parfaite , où la
Baffe, après un Accord de Septième, defcend de Tierce por-
tant un Accord de Sixte : mais chacun voit qu'une telle mar-
che , n'étant point fondamentale , ne peut constituer une
Cadence particulière.
III. Cadence rompue efl celle où la Baffe-fondamentale ,
au lieu de monter de Quarte après un Accord de Septième ,
comme dans la Cadence parfaite , monte feulement d'un
degré. Cette Cadence s'évite le plus fouvent par une Septième
fur la féconde Note. Il eit certain qu'on ne peut la faire
pleine que par licence; car alors il y a néceffairement défaut
de liaifon. ( Voyez Fig. 3.)
Une fucceffion de Cadences rompues évitées efl encore
defcendante ; trois Sons y defcendent & l'Oclavc refle feule
pour préparer la DifTonance ; mais une telle fucceffion efl
dure , mal modulée , & fe pratique rarement.
CAD
9r
IV. Quand la Baffe defcend , par un Intervalle de Quinte ,
de la Dominante fur la Tonique, c'clt, comme je l'ai die ,
un Acte de Cadence parfaite. Si au contraire la Baffe monte
par Quinte de la Tonique à la Dominante , c'efr. un Acle de
Cadence hréguliere ou imparfaite. Pour l'annoncer on ajoute
une Sixte majeure à l'Accord de la Tonique ; d'où cet Accord
prend le nom de Sixte-ajoutée. (Voyez Accord.) Cette Sixte
qui fait Diffonance fur la Quinte , eft aufli traitée comme
Diffonance fur la Baffe - fondamentale , & , comme telle ,
obligée de fe fauver en montant diatoniquement fur la Tierce
de l'Accord fuivanr.
La Cadence imparfaite forme une oppofition prefque en-
tière à la Cadence parfaite. Dans le premier Accord de l'une
& de l'autre on divife la Quarte qui fe trouve entre la Quinte
& l'Oilave par une Diffonance qui y produit une nouvelle
Tierce, & cette Diffonance doit aller fe refoudre fur l'Ac-
cord fuivant, par une marche fondamentale de Quinte. Voilà
ce que ces deux Cadenas ont de commun : voici maintenant
ce qu'elles ont d'oppofé.
Dans la Cadence parfaite , le Son ajouté fe prend au hauc
de l'Intervalle de Quarte, auprès de l'Octave, formant Tierce
avec la Quinte , & produit une Diffonance mineure qui fe
fauve en defeendant ; tandis que la Baffe-fondamentale monte
de Quarte ou defcend de Quinte de la Dominante à la To-
nique , pour établir un repos parfait. Dans la Cadence ifn-<
parfait: y le Son ajouté fe prend au bas de l'Intervalle de
Quarte auprès du la Qviiure , & formant Tierce avec l'Oc-
tave il produit une DiffonaïKc majeure qui fe fauve en nion-
M 2
yz
CAD
tant , tandis que la Baffe - fondamentale defcend de Quarte
ou monte de Quinte de la Tonique à la Dominante pour
établir un repos imparfait.
M. Rameau, qui a le premier parlé de cette Cadence, ôc
qui en admet plufieurs renverfemens , nous défend, dans fon
Traité de l'Harmonie , pag. 117, d'admettre celui où le Son
ajouté eft au grave portant un Accord de Septième , & cela,
par une raifon peu folide dont j'ai parlé au mot Accord. Il
a pris cet Accord de Septième pour fondamental ; de forte
qu'il fait fauver une Septième par une autre Septième , \\\\g
Diffonance par une Diiïbnance pareille , par un mouvement
femblable fur la Baffe-fondamentale. Si une telle manière de
Traiter les Diffonances pouvoir fe tolérer, il faudroit fe bou-
cher les oreilles & jetter les règles au feu. Mais l'Harmo-
nie fous laquelle cet Auteur a mis une fi étrange Baffe-
fondamentale , eft visiblement renverfée d'une Cadence im-
parfaite , évitée par une Septième ajourée fur la féconde Note.
(Voyez PL A. Fig. 4.) Et cela eft fi vrai, que la Baffe-
continue qui frappe la Diiïbnance , eft néceffairement obligée
de monter djatoniquement pour la fauver, fans quoi le paf-
fage ne vaudrait rien. J'avoue que dans le même ouvrage ,
pag. 171, M. Rameau donne un exemple femblable avec la
vraie Baffe-fondamentale ; mais puifqu'il improuve , en ter
formels, le renverfemenr qui réfulte de cette Baffe 1 un tel p«f-
fage ne fert qu'à montrer dans fon Livre une ci 1
de plus; e\-. bien <;':e dans un ouvrage poftérieur» ' Gêner.
. /-. il le même Auteur femblc re lot k
nem de 1 .;. , 1! en parle li obfcurc' ru
CAD 93
& dit encore fi nettement que la Septième efl fauvée par
une autre , qu'on voir bien qu'il ne fait ici qu'entrevoir , &
qu'au fond il n'a pas change d'opinion : de fuite qu'on eft
en droit de rétorquer contre lui le reproche qu'il fait à Maffon
de n'avoir pas fù voir la Cadence imparfaite dans un de ks
Renverfemens.
La même Cadence imparfaite fe prend encore de la fous-
Dominante à la Tonique. On peut aufll l'éviter &l lui donner ,
de cette manière , une fuccefîîon de plufieurs Notes , dont
les Accords formeront une Harmonie afcendanre , dans la-
quelle la Sixte & l'Octave montent fur la Tierce & la Quinte
de l'Accord , tandis que la Tierce & la Quinte relient pour
faire l'Octave & préparer la Sixte.
Nul Auteur, que je fâche, n'a parlé, jufqu'à M. Rameau,
de cette afcenfion harmonique; lui-même ne la fait qu'entre-
voir, & il eft vrai qu'on ne pourroit ni pratiquer une longue
faite de pareilles Cadences , à caufe des Sixtes majeures qui
eloigncroient la Modulation, ni même en remplir, fans pré-
caution , toute l'Hajmonic.
Après avoir expofé les Règles oc la coinlirution des diverfes
Cadences, pafîbns aux raiibus que M, d'Àlemberc donne,
d'après M. Rameau , de leurs dénomination;.
La Cadence parfaite confifte dans une mai e Quinte
en dépendant; & au contraire, 1. aite t une
marche Je Quinte ... montant : eu voici la raij ... Quand je
, utfci,folti\ déjà renfei n < i< Fut. \ ut Son,
comme ut, porte avec lui ù douzième, dont fa Quinte .'
eit l'Octave; ainfi, quand on vad'i/i a./ô/, cVit le Sonj
54 CAD
nérareur qui patte à fon produit, de manière pourtant que
l'oreille defire toujours de revenir à ce premier générateur ;
au contraire , quand on dit fol ut , c'eft le produit qui re-
tourne au générateur ; l'oreille ef t fatisfaite & ne defire plus
rien. De plus , dans cette marche fol ut , le fol fe fait encore
entendre dans ut ; ainfi , l'oreille entend à la fois le géné-
rateur ék fon produit : au lieu que dans la marche ut fol ,
l'oreille qui , dans le premier Son , avoit entendu ut & fol,
n'entend plus , dans le fécond , que fol fans ut. Ainfi le repos
ou la Cadence de fol à ut a plus de perfection que la Ca-
dence ou le repos d'//f à fol.
Il femble , continue M. d'Alember: , que dans les Frincipes
de M. Rameau on peut encore expliquer l'effet de la Cadence
rompue & de la Cadence interrompue. Imaginons , pour cet
effet , qu'après un Accord de Septième , fol Ji re fa , on
monte diatoniquement par une Cadence rompue à l'Accord
la ut mi fol ; il eft viable que cet Accord eft renverfé de
l'Accord de fous-Dominante ut mi fol la : ainfi la mar-
che de Cadence rompue équivaut à cette fuccefllon fol fi re
II: , ut mi fol la , qui n'eft autre chofe qu'une Cadence par-
faite , dans laquelle ut , au lieu d'être traitée comme To-
nique, eft rendue fous- Dominante. Or toute Tonique, dit
JY1. d'Alembert , peut toujours être rendue fous-Dominante ,
en changeant de Mode ; j'ajouterai qu'elle peut même porter
l'Accord de Sixte - ajoutée , fans en changer,
A I de la Cadetu e interro ; m
cendre d'une Dominante far une autre par l'Intervalle de
Tierce en cette forte, fol fi n t.: . ■ rcy il femblq
Cad $5
qu'on peur encore l'expliquer. En efTer , le fécond Accord
mi fol fi re eft renverfé de l'Accord de finis-Dominante foi
fi re mi : ainfi la Cadence interrompue équivaut à cette fu. -
celïion , fol Ji re fa , fol fi re mi , où la Note fol, après
avoir été traitée comme Dominante , eft rendue fous - Do-
minante en changeant de Mode ; ce qui eft permis & dépend
du Compofiteur.
Ces explications font ingénieufes & montrent quel uf.;ge
on peut faire du Double-emploi dans les partages qui fem-
blent s'y rapporter le moins. Cependant l'intention" de M.
d'Alembert n'eft furement pas qu'on s'en ferve réellement
dans ceux-ci pour la pratique , mais feulement pour l'intel-
ligence du Renverfement. Par exemple , le Double-emploi de
la Cadence interrompue fauveroit la DiîFonance fa par la
Dilîbnance mi , ce qui eft contraire aux règles , à l'efprir.
des règles , & fur -tout au jugement de l'oreille : car dans
la fenfation du fécond Accord , fol fi re mi , à la fuite du
premier fol fi re fa , l'oreille s'obfline plutôt à rejetter le re
du nombre des Confonnances , que d'admettre le mi pour
Difîbnant. En général , les Commençans doivent favoir que
le Double-emploi peut être admis fur un Accord de Septième
à la fuite d'un Accord confonnant ; mais que fi-tôt qu'un
Accord de Septième en fuit un femblable , le Double-emploi
ne peut avoir lieu. Il eft bon qu'ils fâchent encore qu'on ne
doit changer de Ton par nul autre Accord dilTonant que le
fenfible ; d'où il fuit que dans la Cadence rompue on ne peut
fuppofer aucun changement de Ton.
Il y a une autre cfpece de Cadence que les Mufkims
06 CAD
ne regardent point comme telle , & qui , félon la défini-
tion , en eft pourtant une véritable : c'eit le paifage de l'Ac-
cord de Septième diminuée fur la Note fenfible à l'Accord
de la Tonique. Dans ce pafTage , il ne fe trouve aucune
liaifon harmonique , & c'eft le fécond exemple de ce défaut
dans ce qu'on appelle Cadence. On pourroit regarder les tran-
fitions enharmoniques , comme des manières d'éviter cette
même Cadence , de même qu'on évite la Cadence parfaite
d'une Dominante à fa Tonique par une tranfition chroma-
tique : mais je me borne à expliquer ici les dénominations
établies.
CADENCE eft , en terme de Chant , ce battement de
gofîcr que les Italiens appellent Trillo , que nous appelions
autrement Tremblement , & qui fe fait ordinairement fur la
pénultième Note d'une phrafe Muficale , d'où , fans doute y
il, a pris le nom de Cadence. On dit : Cette Actrice a une
belle Cadence; ce Chanteur bat mal la Cadence, &c.
Il y a deux fortes de Cadences : l'une eft la Cadence
pleine. Elle confide à ne commencer le battement de voix
qu'après en avoir appuyé la Note fupérieurc : l'autre s'ap-
pelle Cadence brifée , & l'on y fait le battement de voix fans
aucune préparation. Voyez l'exemple de Tune & de l'autre,
PI. B. Fig. 13.
CADENCE (la) eft une qualité de la bonne Mufiquc,
qui donne à ceux qui l'exécutent ou qui Nécoutent un \'cn-
timent vif de la Mefure, en forte qu'ils la marquent & la
fentent tomber à propos , fins qu'ils y penfent & tomme
par initinâ. Cette qualité eft fur-tout requife dans les Airs
a
CAD 97
à danfer. Le Menuet marque bien la Cadence , cette Cha-
conne manque de Cadence. La Cadence , en ce fens étant
une qualité , porte ordinairement l'Article défini la ; au lieu
que la Cadence harmonique porte, comme individuelle , l'Ar-
ticle numérique. Une Cadence parfaite. Trois Cadences
évitées , &c.
Cadence fignifie encore la conformité des pas du Danflur
avec la Mefure marquée par l'Infirument. Il fort de Cadence;
il efl bien en Cadence. Mais il faut obferver que la Ca-
dence ne fe marque pas toujours comme fe bat la Mefure.
Ainfï , le Maître de Mufique marque le mouvement du
Menuet en frappant au commencement de chaque Mefure ;
au lieu que le Maître à danfer ne bat que de deux en deux
Mefures, parce qu'il en faut autant pour former les quatre
pas du Menuet.
CADENCE, ad). Une Mufique bien Cadencée eft celle
où la Cadence elt fenfible , où le Rhythme & l'Harmonie
concourent le plus parfaitement qu'il eit pofllble a faire fentir
le mouvement : car le choix des Accords n'eit pas indiffé-
rent pour marquer les Tems de la Mefure , 6c l'on ne doit
pis pratiquer indifféremment la même Harmonie fur le
Frappé & fur le Levé. De même il ne fuffit pas de parta-
ger les Mefures en valeurs égales , pour en faire fentir les
retours égaux ; mais le Rhythme ne dépend pas moins de
1' Vccent qu'on donne a la Mélodie que des valeurs qu'on
donne aux Notes ; car on peut avoir des Tems très-égaux
en valeurs, «5c toutefois très-mal Cadencés; ce n'eft pas airez
«que l'égalité y fuit , il faut encore qu'on la fente.
Dicl. de Mufique. N
P8 CAD
CADENZA , / /. Mot Italien, par lequel on indique un
Point d'Orgue non écrit , &c que l'Auteur laifle à h volonté
de celui qui exécute la Partie principale , à fin qu'il y fine ,
relativement au caractère de l'Air , les paffages les plus con-
venables à fa Voix , à fon Infiniment , eu à fon goût.
Ce Point d'Orgue s'appelle Caden\a , parce qu'il fe fait
ordinairement fur la première Note d'une Cadence finale ,
&. il s'appelle aufli Arbïtrh , à caufe de la liberté qu'on y
laide a l'Exécutant de fe livrer à fes idées , & de fuivre fon
propre goût. La Mufique Françoife , fur - tout la vocale ,
qui eft extrêmement fervile , ne lailfe au Chanteur aucune
pareille liberté , dont même il feroit fort embarraiïé de
faire ufage.
CANARDER, v. n. C'eft, en jouant du Hautbois, tirer
un Son nafillard & rauque , approchant du cri du Canard :
c'eft ce qui arrive aux Commençans , & fur-tout dans le
bas , pour ne pas ferrer aiïez l'anche des lèvres. Il eft aufïï
très - ordinaire à ceux qui chantent la Haute -Contre de
Carnarder; parce que la Haute-Contre cft une Voix fu^ice
& forcée , qui fe fent toujours de la contrainte avec laquelle
elle fort.
CANARIE , f. f. Efpece de Gigue dont l'Air eft d'un
mouvement encore plus vif que celui de la Gigue ordinaire :
c'eft pourquoi l'on le marque quelquefois par & : cette Danfe
n'eft plus en ufage aujourd'hui. (Voyez Gjgub.)
CANEVAS, /. m. C'elt ainfi qu'on appelle a l'Opéra de
Paris des paroles que le Muûcieo ajufte au\ h .in Air
à parodier. Sûr ces paroles, qui ne figiuïienc rien, le Po<
C A N 99
en ajufte d'autres qui ne fignifient pas grand'chofe , où l'on
ne trouve pour l'ordinaire pas plus d'efprk que de fens , où
la Profodie Françoifc e(t ridiculement eftropiée , & qu'on
appelle encore , avec grande raifon , des Canevas.
CANON, f. m. C'étoit dans la Mufique ancienne une
règle ou méthode pour déterminer les rapports des Inter-
valles. L'on donnoit auiïi le nom de Canon à l'Inflrumenc
par lequel on trouvoit ces rapports , & Ptolomée a donné
le même nom au Livre que nous avons de lui fur les rap-
ports de tous les Intervalles harmoniques. En général on
appelloit Seclio Canonis , la divifion du Monocorde par
tous ces Intervalles , & Canon univerfalis , le Monocorde
ainfi divifé , ou la Table qui le repréfentoit. ( Voyez Mono-
corde. )
CANON , en Mufique moderne , eft une forte de Fugue
qu'on appelle perpétuelle , parce que ks Parties , partant l'une
après l'autre , répètent fans ceiïe le même Chant.
Autrefois , dit Zarlin , on mettoit à la tète des Fugues
perpétuelles , qu'il appelle Fughe in confeçuen\a , certains
avertiflemens qui marquoient comment il faloit chanter ces
fortes de Fugues , & ces avertiffemens étant proprement les
Tegles de ces Fugues, s'intituloient Canonï , règles, Canons.
De-là prenant le titre pour la chofe , on a , par métonymie,
nommé Canon , cette efpece de Fugue.
Les Canons les plus aifés à faire & les plus communs ,
fe prennent à l'Unifibn ou à l'O&ave ; c'eft- à -dire , que
chaque Partie répète fur le même ton le Chant de celle qui
la précède. Pour compofer cette efpece de Canon , il ne
N i
IOO
C A N
faut qu'imaginer un Chant à fon gré ; y ajouter en Partition ,
autant de Parties qu'on veut , à voix égales : puis , de toutes
ces Parties chantées fucceflivement , former un feul Air:
tâchant que cette fucceffion produife un tout agréable , foit
àins l'Harmonie , foit dans le Chanr.
Pour exécuter un tel Canon , celui qui doit chanter le
premier, part feul , chantant de fuite l'Air entier, & le recom-
mençant aufli-tôt fans interrompre la Mefure. Dès que celui*
ci a fini le premier couplet , qui doit fervir de fujet perpétuel ,
& fur lequel le Canon entier a été compofé, le fécond entre,
& commence ce même premier couplet , tandis que le pre-
mier entré pourfuit le fécond : les autres partent de même
fucceflivement , dès que celui qui les précède cft à la fin du
même premier couplet: en recommençant ainfi, fans celfe,
on ne trouve jamais de fin générale , & l'on pourfuit le
Canon aufli long-tems qu'on veut.
L'on peut encore prendre une Fugue perpétuelle à la
Quinte, ou à la Quarte; ceft-à-dire , que chaque Partie
répétera le Chant de la précédente , une Quinte ou une
Quarte plus haut ou plus bas. Il faut alors que le Canon
foit imaginé tout entier, di prima inîsn\ione , comme difene
les Italiens, & que l'on ajoute des Hémols ou des Dièfes
aux Notes, dont les degrés naturels ne rend r oient pas exaÔe*
ment , à la Quinte ou à la Quarte , le Chant de la Partie
précédente. On ne doit avoir égard ici à aucune modula-
tion, mais feulement à l'identité du Chaht; ce qui rend la
composition du Canon plus difficile : car à ( uae
farde reprend la Fugue elle entre dans un nouveau Ton:
C A N toi
elle en change prefque à chaque Note , & qui pis eft , nulle
Partie ne fe trouve à la fois dans le même Ton qu'une
autre; ce qui fait que ces fortes de Canons, d'ailleurs peu
faciles à fuivre , ne font jamais un effet agréable , quelque
bonne qu'en foit l'Harmonie , & quelque bien chantes qu'ils
fuient.
Il y a une troifieme forte de Canons très -rares, tant à
caufe de l'exceffive difficulté , que parce qu'ordinairement
dénués d'agrémens , ils n'ont d'autre mérite que d'avoir
coûté beaucoup de peine a faire. C'eft ce qu'on pourroit
appeller double Canon renverfé , tant par ï'inverûon qu'on y
met , dans le Chant des Parties , que par celle qui fe trouve
entre les Parties mêmes , en les chantant. Il y a un tel arti-
fice dans cette efpece de Canons , que , foit qu'on chante
les Parties dans l'ordre naturel , foit qu'on renverfé le papier
pour les chanter dans un ordre rétrograde , en forte que
l'on commence par la fin , & que la Baffe devienne le
Delfus , on a toujours une bonne Harmonie & un Canon
régulier. (Voyez PI. D. Fig. n.) deux exemples de cette
efpece de Canons tirés de Bontempi, lequel donne auffi des
règles pour les cornpofer. Mais on trouvera le vrai principe
de ces règles au mot SYSTÈME , dans l'expoficion de celui
de M. Tartini.
Pour faire un Canon dont l'Harmonie foit un peu variée ,
il faut que les Pairies ne fe fuivent pas trop promptement,
que l'une n'entre que long-tems après l'autre. Quand elles
fe fuivent fi rapidement, comme a la Paufe ou demi-Paufê,
on n'a pas le tems d'y faire palier pluûeurs Accords, 6c le
ici C AkN
Canon ne peut manquer d'être monotone ; mais c'efl un moyen
de faire , fuis beaucoup de peine, des Canons à tant de Par-
ties qu'on veut : car un Canin de quatre Mefures feulement,
fera déjà à huit Parties li elles fe fuivent à la demi-Paufe ,
& à chaque Mefure qu'on ajoutera , l'on gagnera encore deux
Parties.
L'Empereur Charles Vf, qui étoit grand Muficien & corn-
pofoit très-bien , fe plaifoit beaucoup à faire & chanter des
Canons. L'Italie efr. encore pleine de fort beaux Canons qui
ont été faits pour ce Prince , par les meilleurs Maîtres de
ce pays - là.
CANTABILE. Adjectif Italien , qui lignifie Chantable ,
commode à chanter. Il fe dit de tous les Chants dont , en
quelque Mefure que ce foit , les Intervalles ne font pas trop
grands , ni les Notes trop précipitées , de forte qu'on peut
les chanter aifément fans forcer ni gêner la Voix. Le mot
Cantabile palfe auflî peu-à-peu dans l'ufage François. On dit,
parle\-moi du Cantabile ; un beau Cantabile me plaît plus que
tous vos Airs d'exécution.
CANTATE, f. f. Sorte de petit Poème Lyrique qui fe
chante avec des Accompagnemens , & qui , bien que fait pour
la chambre , doit recevoir du Muficiui la chaleur & les
grâces de la Mufiquc imitative &. théâtrale. Les Cantates
font ordinairement compofées de trois Récitatifs, & d'au-
tant d'Airs. Celles qui font en récit , & les Airs en maximes,
font toujours froides & mauvaifes ; le Muiicien doit les rebu-
ter. Les meilleures font celles où, dans une (ituation \ive cV
touchante , le priucipul perfonnage parle lui-même ; car nos
C A N ioj
Cantates font communément à Voix feule. Il y en a .
tanc quelques unes à deux Voix en forme de Dialogue , &
celles-là (ont encore agréables , quand on y fait introduire de
l'intérêt. Mais comme il faut toujours un peu d'échafaudage,
pour (aire une forte d'expofition , & mettre l'auditeur au fait,
ce n'eft pas fans railbn que les Cantates ont palTé de Mode,
& qu'on leur a fubltitué , même dans les Concerts , des
Scènes d'Opéra.
La Mode des Cantates nous eft venue d'Italie , comme
on le voit par leur nom qui eft Italien, & c'e/t l'Jtalie aufîî
qui les a proferites la première. Les Cantates qu'on y fait
aujourd'hui , font de véritables Pièces dramatiques à plufieurs
Acteurs , qui ne différent des Opéra , qu'en ce que ceux-ci
fe repréfenrent au Théâtre , & que les Cantates ne s'exé-
cutent qu'en Concert : de forte que la Cantate eft fur un
fujer profine , ce qu'eft l'Oratorio fur un fujec facré.
CANTAT1LLE J[ /. Diminutif de Cantate , n'elt en ef-
fet qu'une Cantate fort courte , dont le fujer eft lié par
quelques vers de Récitatif, en deux ou trois Airs en Ron-
deau pour l'ordinaire , avec des Accompag.iemens de Sym-
phonie. Le genre de là Cantatille \àux. moins encore que'
celui de la Cantate , auquel on l'a fubftitué parmi nous.
Mais comme on n'y peut développer ni pa (fions ni tableaux,
& qu'elle n'elt fufceptible que de gentillette , c'eft une ref-
fource pour les petits faifeurs de vers , & pour ks Mufioienl
fans gc'nie.
CANTIQUE,/ m. Hymne que l'on chante en l'honneur
de la Divinité1
io4 C A N
Les premiers & les plus anciens Cantiques furent compofés
à l'occalïon de quelque événement mémorable , & doivent
être comptés entre les plus anciens monumens hiftoriques.
Ces Cantiques étoient chantés par des Chœurs de Mufi-
que , & Couvent accompagnés de danfes , comme il paroît
par l'Ecriture. La plus grande Pièce qu'elle nous offre , en
ce genre , eit le Cantique des Cantiques , Ouvrage attribué
à Salomon , & que quelques Auteurs prétendent n'être que
l'Epithalame de fon mariage avec la fille du Roi d'Egypte.
Mais les Théologiens montrent , fous cet emblème , l'union
de Jéfus-Chrift & de l'Eglife. Le fieur de Cahufac ne voyoit,
dans le Cantique des Cantiques , qu'un Opéra très-bien fait '
les Scènes , les Récits , les Duo , les Chœurs , rien n'y
manquoit , félon lui ; & il ne doutoit pas même que cet
Opéra n'eût été repréfenté.
Je ne fâche pas qu'on ait confervé le nom de Cantique à
aucun des chants de l'Eglife Romaine , fi ce n'eft le Can-
tique de Siméon , celui de Zacharie , & le Magnificat ap-
pelle le Cantique de la Vierge. Mais parmi nous on appelle
Cantique tout ce qui fe chante dans nos Temples , excepté
les Pièaumes qui confinent leur nom.
Les Grecs donnoient encore le nom de Cantiques à cer-
tains Monologues pafîîonnés de leurs Tragédies, qu'on chan-
toit fur le Mode Hypodorien , ou fur l'Hypophrygien ; comme
nous l'apprend Arifiote au dix-neuvieme de fis Problèmes;
CANTO. Ce mot Italien, écrit dans une Partition fur la
Portée vuide du premier Violon , marque qu'il doit jouer à
l'unhTon fur la Partie chantante.
CAPRICE ,
C A 1J i»5
CAPRICE,/ m. Sorte de Pièce de Mufique libre, dans
laquelle l'Auteur , fans s'afïiijettir à aucun fujet , donne car-
rière à fon génie & fe livre a tout le feu de la Compofition.
Le Caprice de Rebel ctoit efiimé dans fon tems. Aujour-
d'hui les Caprices de Locatelli donnent de l'exercice à nos
Violons.
CARACTERES DE MUSIQUE. Ce font les divers fi.
gnes qu'on emploie pour repréfenter tous les Sons de la Mé-
lodie , ôc toutes les valeurs des Tems & de la Mefure ; de
forte qu'à l'aide de ces Caractères on puiffe lire & exécuter
la Mufique exactement comme elle a été compofée , & cette
manière d'écrire s'appelle Noter. (Voyez Notes.)
Il n'y a que les Nations de l'Europe qui fâchent écrire
leur Mufique. Quoique dans les autres parties du Monde cha-
que Peuple ait auflï la fienne , il ne paroît pas qu'aucun
d'eux ait pouffé fes recherches jufqu'à des Caractères pour
la noter. Au moins eft-il fur que les Arabes ni les Chinois,
les deux Peuples étrangers qui ont le plus cultivé les Let-
tres , n'ont , ni l'un ni l'autre , de pareils Caractères. A la
vérité les Perfans donnent des noms de Villes de leur pays
ou des parties du corps humain aux quarante-huit Sons de
leur Mufique. Ils difent , par exemple , pour donner l'into-
nation d'un Air : Alk\ de cette Ville à celle-là ; ou alle\ du
dngt au coude : mais ils n'ont aucun figne propre pour ex-
primer fur le papier ces mêmes Sons ; & , quant aux Chi-
nois , on trouve dans le P. du Halde , qu'ils furent étran-
gement furpris de voir les Jéfuircs noter ôc lire fur cette
même Note tous les Airs Chinois qu'on leur faifoit entendre.
Dict. de Mufique. O
io<$ CAR
Les anciens Grecs fe fervoient pour Caractères dans leur
Mufique , ainfi que dans leur Arihmétique , des lettres de
leur Alphabet : mais au lieu de leur donner , dans la Mufi-
que , une valeur numéraire qui marquât les Intervalles , ils
fe contentoient de les employer comme Signes , les com-
binant en diverfes manières , les mutilant , les accouplant ,
les couchant , les retournant différemment , félon les Gen-
res & les Modes , comme on peut voir dans le Recueil
d'Alypius. Les Latins les imitèrent , en fe fervant , à leur
exemple , des lettres de l'Alphabet , & il nous en refte en-
core la lettre jointe au nom de chaque Note de notre Echelle
diatonique & naturelle.
Gui Arétin imagina les Lignes , les Portées , les Signes
particuliers qui nous font demeurés fous le nom de Aro te s ,
& qui font aujourd'hui la Langue Muficale & univerfelle de
toute l'Europe. Comme ces derniers Signes , quoiqu'admis
unanimement & perfectionnés depuis l' Arétin , ont encore
de grands défauts , plufieurs ont tenté de leur fubfbtuer
d'autres Notes : de ce nombre ont été Parran , Souhaita ,
Sauveur, Dumas, & moi-même. Mais comme, au fond,
tous ces fyftêmes , en corrigeant d'anciens défauts auxquels
on efr. tout accoutumé , ne faifoient qu'en fubftituer d'autres
dont l'habitude eft encore à prendre ; je penfe que le Public
a trés-figement fait de laifTer les chofes comme elles font ,
& de nous renvoyer , nous & nos fyflêmcs , au pays des
vaincs fpéculations.
CAHRILLON. Sorte d'Air fait pour être exécuté par plu-
fieurs CLches accordées à différens Tons. Comme on fait
C A K
107
plutôt le Carriïïon pour les Cloches que les Cloches pour
le Carrillon , l'on n'y fait entrer qu'autant de Sons divers
qu'il y a de Cloches. Il faut obferver de plus , que tous leurs
Sons ayant quelque permanence , chacun de ceux qu'on
frappe doit faire Harmonie avec celui qui le précède & avec
celui qui le fuit ; afiujettifTement qui , dans un mouvement
gai , doit s'étendre à toute une Mefure & même au-delà ,
afin que les Sons qui durent enfemble ne difïbnent point à
l'oreille. Il y a beaucoup d'autres obfervations à faire pour
compofer un bon Carrillon , & qui rendent ce travail plus
pénible que fatisfaifant : car c'eit toujours une fotte Mu-
fique que celle des Cloches , quand même tous les Sons
en feroient exactement judes ; ce qui n'arrive jamais. On
trouvera , ( Planche , A. Fig. 14 , ) l'exemple d'un Carrillon
confonnant , compofé pour être exécuté fur une Pendule à
neuf timbres , faite par M. Romilly , célèbre Horloger. On
conçoit que l'extrême gêne à laquelle aflujettiffent le con-
cours harmonique des Sons voifins , & le petit nombre des
timbres , ne permet gueres de mettre du Chant dans un
femblable Air.
CARTELLES. Grandes feuilles de peau d'âne préparées,
fur Iefquelles on entaille les traits des Portées , pour pou-
voir y noter tout ce qu'on veut en compofant , 6c l'effacer
en fuite avec une éponge ; l'autre côté qui n'a point de Por-
tées peut fervir à écrire 6c barbouiller, 6c s'efface de même,
pourvu qu'on n'y laifTe pas trop vieillir l'encre. Avec une
Candie un Compofiteur foigneux en a pour fa vie , 6c épar-
gne bien des rames de papier réglé : mais il y a ceci d'in-
O z
ÎO*
CAR
commode , que la plume parlant continuellement fur les
lignes entaillées , gratte & s'émouffe facilement. Les Cand-
ies viennent toutes de Rome ou de Naples.
CASTRATO,/! m. Muficien qu'on a privé, dans Ton en*
fance , des organes de la génération , pour lui conferver la
veix aiguë qui chante la Partie appellée Dejfus ou Soprano.
Quelque peu de rapport qu'on apperçoive entre deux or-
ganes fi différens , il eft certain que la mutilation de l'un
prévient & empêche dans l'autre cette mutation qui furvient
aux hommes à l'âge nubile , & qui baille tout-à-coup leur
voix d'une Oétave. Il fe trouve , en Italie , des pères bar-
bares qui , facrifiant la Nature à la fortune , livrent leurs
enfans à cette opération , pour le plaifir des gens voluptueux
& cruels , qui ofent rechercher le Chant de ces malheureux.
Laiflbns aux honnêtes femmes des grandes Villes les ris
modeltes , l'air dédaigneux , & les propos plaifans dont ils
font l'éternel objet ; mais faifons entendre , s'il fe peut , la
voix de la pudeur & de l'humanité qui crie &i s'élève contre
cet infâme ufage ; & que les Princes qui l'encouragent par
leurs recherches , rougiifent une fois de nuire , en rant de
façons , à la confervation de l'efpece humaine.
Au relie , l'avantage de la voix fe compenfe dans les Caf-
trati par beaucoup d'autres perte.";. Ces hommes qui chantent
li l ietr, mais fans chaleur & fans paflîon , font, fur le Théâ-
tre , les plus maulîades Acteurs du monde ; ils perdent leur
; de très-bonne heure & prennent un embonpoint dégoû-
tant. Ils parlent & prononcent plus mal que les vrais hom-
mes , ce il y a même des lettres telles que Pr, qu'ils ne
peuvent point prononcer du tout.
C A T 109
Quoique le mot Caftrato ne puiffe offenfer les plus délicates
oreilles , il n'en e(t pas de même de fon fynonyme François ;
preuve évidente que ce qui rend les mots indécens ou des-
honnctes dépend moins des idées qu'on leur attache , que de
l'ufage de la bonne compagnie , qui les tolère ou les prof-
crit à fon gré.
On pourrait dire , cependant , que le mot Italien s'admer
comme repréfentant une profeffion; au lieu que le mot Fran-
çois ne repréfente que la privation qui y eft jointe.
C AT ABAUC ALÈSE. Chanfon des Nourrices chez les
Anciens. (Voyez Chanson.)
C AT ACOUSTIQUE , f. f. Science qui a pour objet les
Sons réfléchis , ou cette partie de l'Acouftique qui confidere
les propriétés des Echos. Ainfi la Catacouftique efè à l'Acouf-
tique ce que la Catoptrique elt à l'Optique.
CATAPHON1QUE, f.f. Science des Sons réfléchis qu'on
appelle aufîî Catacouflique. ( Voyez V Article précédent. )
CAVATINE,/ f. Sorte d'Air pour l'ordinaire affez court,
qui n'a ni Reprife , ni féconde Partie , & qui fe trouve fou-
vent dans des Récitatifs obligés. Ce changement fubit du
Récitatif au Chant mefuré , & le retour inattendu du Chant
mefuré au Récitatif, produifent un effet admirable dans les
grandes cxprefîîons , comme font toujours celles du Récitatif
obligé.
Le mot Cavatïna eft Italien , & quoique je ne veuille pas,
comme Droffard , expliquer dans un Didionnaire François
tons les mots techniques Italiens , fur-tout lorfque ces mers
ont des fynonym.es dajis noue Langue ; je rue crois pour-
lis C H A
tant obligé d'expliquer ceux de ces mêmes mots qu'on em-
ploie dans la Mufique notée ; parce qu'en exécutant cette
Mufique , il convient d'entendre les termes qui s'y trouvent,
& que l'Auteur n'y a pas mis pour rien.
CKNTONISER, V. n. Terme de Plain-Chant. C'eft corn-
pofer un Chant de traits recueillis & arrangés pour la Mé-
lodie qu'on a en vue. Cette manière de compofer n'eft pas
de l'invention des Symphoniaftes modernes ; puifque , félon
l'Abbé Le Beuf , Saint Grégoire lui-même a Centonifé.
CHACONNE,/: /! Sorte de Pièce de Mufique faite pour
la Danfe , dont la Mefure eit bien marquée & le Mouvement
modéré. Autrefois il y avoit des Chaconnes à deux tems & à
trois ; mais on n'en fait plus qu'à trois. Ce font , pour l'or-
dinaire , des Chants qu'on appelle Couplets , compofcs &
variés en diverfes manières , fur une Baiïe - contrainte , de
quatre en quatre Mefures , commençant prefque toujours par
le fécond tems pour prévenir l'interruption. On s'eft affranchi
peu-à-peu de cette contrainte de la Baife , & l'on n'y a pref-
que plus aucun égard.
La beauté de la Chaconne confille à trouver des Chants
qui marquent bien le Mouvement , & comme elle eft fouvent
fort longue , à varier tellement les Couplets qu'ils contraf-
tent bien enfemble , & qu'ils réveillent fans cent l'jttention
de l'auditeur. Pour cela , on palfc & repalfe à volonté du
Majeur au Mineur , fans quitter pourtant beaucoup le Ton
principal, & du grave au gai, ou du tendre au vif, f.ns
preffer ni ralentir jamais la Mefure.
La Chaconne e(t née en Italie, &: elle y étoit autrefois
C H A
m
fort en ufage , de même qu'en Efpagne. On ne la connoîc
plus aujourd'hui qu'en France dans nos Opéra.
CHANSON. Efpece de petit Poëme lyrique fort court , qui
roule ordinairement fur des fujets agréables , auquel on ajoute
un Air pour être chanté dans des occafions familières , comme
à table , avec fes amis , avec fa maîtreife , & même feul ,
pour éloigner , quelques inftans , l'ennui fi l'on eft riche ; éc
pour fupporter plus doucement la mifere 6c le travail, fi l'on
eft pauvre.
L'ufige des Chanfons femble être une fuite naturelle de
celai de la parole , & n'eft en effet pas moins général ; car
par-tout où l'on parle , on chante. Il n'a falu , pour les ima-
giner , que déployer fes organes , donner un tour agréable
aux idées dont on aimoit à s'occuper , & fortifier par l'expref
fion dont la voix eft capable , le fentiment qu'on vouloit ren-
dre , ou l'image qu'on vouloit peindre. AufTi les Anciens n'a-
voient-ils point encore l'art d'écrire , qu'ils avoient déjà des
Chanfons. Leurs Loix & leurs hiftoires , les louanges des
Dieux & des Héros , furent chantées avant d'être écrites. Et
de-là vient, félon Ariftote , que le même nom Grec fur.
donné aux Loix & aux Chanfons,
Toute la Poëûe lyrique n'étoit proprement que des Chan-
fons ; mais je dois me borner ici à parler de celle qui portoic
plus particulièrement ce nom, & qui en avoit mieux le carac»
tere félon nos idées.
Commençons par les Airs de table. Dans les premiers
tems , dit M. de la Nauze , tous les Convives , au rapport
de Ditéarque , de Plutarque & d'Artémon , chantoient en-
in C H Â
femble , & d'une feule voix , les louanges de la Divinité.
Ainfi ces Chanfons étoient de véritables Péans ou Canti-
ques facrés. Les Dieux n'étoient point pour eux des trouble-
fêtes ; & ils ne dédaignoient pas de les admettre dans leurs
plaifirs.
Dans la fuite les Convives chantoient fuccefïïvement , cha-
cun à fon tour, tenant une branche de Myrthe , qui parfait
de la main de celui qui venoit de chanter , à celui qui chan-
toit après lui. Enfin quand la Mufique fe perfectionna dans
la Grèce , & qu'on employa la Lyre dans les feitins , il n'y
eut plus , difent les Auteurs déjà cités , que les habiles gens
qui fuffent en état de chanter à table du moins en s'accom-
pagnant de la Lyre. Les autres , contraints de s'en tenir à
la branche de Myrthe , donnèrent lieu à un proverbe Grec ,
par lequel on difoit qu'un homme chantoit au Myrthe ,
quand on vouloit le taxer d'ignorance.
Ces Chanfons accompagnées de la Lyre , & dont Ter-
pandre fut l'inventeur , s'appellent Scoiies , mot qui lignifie
oblique ou tortueux , pour marquer , félon Plutarque ; la
difficulté de la Chanfon ; ou comme le veut Artémon , la
fituation irréguliere de ceux qui chantoient : car , comme il
faloit être habile pour chanter ainfi , chacun ne chantoit pas
à fon rang ; mais feulement ceux qui favoicnt la Mufique ,
lefquels fe trouvoient dilperfés çà & là , & placés obliquement
l'un par rapport à l'autre.
Lis Sujets des Scoiies fe tiroient non-feulement de l\i-
mour & du vin, ou du plaifir en général, comme aujour-
d'hui ; mais encore de l'Hifloire , de la Guerre , & même
de
C H A
de la Morale. Telle efr. la Chanfon d'Ariftote fur la mort
d'Hermias fon ami & fon allié , laquelle fie acculer ion
Auteur d'impiété.
•« O vertu, qui, malgré les difficultés que vous prefen-
» rez aux foibles mortels , êtes l'objet charmant de leurs
» recherches ! Vertu pure & aimable ! ce fut toujours aux
n Grecs un deftin digne d'envie de mourir pour vous , &
»» de fouffrir avec confiance les maux les plus affreux. Telles
» font les femenecs d'immortalité que vous répandez dans
» tous les cœurs. Les fruits en font plus précieux que l'or,
»> que l'amitié des parens , que le fommeil le plus tranquille.
n Pour vous le divin Hercule & les fils de Léda fuppor-
>» terent mille travaux, & le fuccès de leurs exploits annonça
»» votre puiirance. C'eit par amour pour vous qu'Achille
»» & Ajax defeendirent dans l'Empire de Pluton , & c'eft
u en vue de votre célefle beauté , que le Prince d'Atarne
» s'efè aufîi privé de la lumière du Soleil. Prince à jamais
» célèbre par fes actions , les filles de Mémoire chanteront
t» ù gloire toutes les fois qu'elles chanteront le culte de
ii Jupiter Hofpitalier , & le prix d'une amitié durable &
»> fincere ».
Toutes leurs Qumfons morales n'étoient pas fi graves que
celle-là. En voici une d'un goût différent , tirée d'Athénée.
« Le premier de tous les biens eft la fanté , le fécond la
» beauté , le troifieme les richeffes amaflecs fans fraude , &
» le quatrième la jeuneiTe qu'on paffe avec fes amis ».
Quant aux Scolies qui roulent fur l'amour & le vin , on
en peut juger par les foixante 6c dix Odes d'Anacréon , qui
Dicl. de Muftquc. P
C H A
nous reftent. Mais dans ces forces de Chanfons mêmes , on
voyoic encore briller cet amour de la Patrie &. de la liberté
dont tous les Grecs étoient tranfportés.
« Du vin & de la fanté , dit une de ces Chanfons , pour
» ma Cliragora & pour moi , avec le fecours des Thefla-
n liens ». C'elt qu'outre que Clitagora étoit Theflalienne ,
les Athéniens avoient autrefois reçu du fecours des Theflk-
liens, contre la tyrannie des Pififiratides.
Ils avoient auiïî des Chanfons pour les diverfes proférions.
Telles étoient les Chanfons des Bergerr , dont une efpece
appellée BucoUafms , étoit le véritable Chant de ceux qui
conduifoient le bétail ; & l'autre , qui eit proprement la
Pafloraièy en étoit l'agréibie imitation : la Chanfon des Moif-
fonneurs, appellée h Lytierf , du nom d'un fils de Midas,
qui s'occupoit par goût à faire la moiifon : la Chanfon dts
Meuniers appellée Hymée , ou Epiaulie ; comme celle-ci tirée
de Pkuf.rque ; NLouïe\ , meule , moulc\ : car Pittacus qui
règne J.:::.-; fàûgufte Mityhne , aime à moudre ; parce que
Pittacus étoit grand mangeur : la Chanfon des Ti.Terands,
qui s*appelloît ERne : la Chanfon YuU des Ouvriers en laitier
celle des Nourrices, qui s'appelloit Catabau * .. lie:
1 1 Chanfon des Amans , appellée Nomion : celle des fem-
mes , appellée Catyce ; Harpalice , celle des filles. Ces
; dernières, attendu le (exe, étoient *u.:Ti des Chanfb
u\,
Pour des occaïïons particulières, ils av< ent la Cht
/• s i |ui s' ppelloit //'. . ' : la Ch.
1 . '. . occafrons joyeuit
<: h a
TTaL'me 6c le Lïnas pour des occafions funèbres oc tiiîl
Linos fe chantoit auflî chez les Egyptiens , & s'appelle;': ;
eux Montres t du nom d'un de leurs Princes-, au deuil auquel
il avoic été chanté. Par un partage d'Euripide, cité par Ad
née, on voit que le Lines pouvoit auffi marquer la joie.
Enfin, il y avoic encore des Hymnes ou Chanfons en l'hon-
neur des Dieux & des Héros. Telles étoient les hdes de
Cérés 6c Proferpine , la Phiklie d'Apollon., les Upuiges de
Diane , 6cc.
-Ce genre paffa des Grecs aux Latins , 5c plufieurs Od
d'Horace , font des Chanjhns galantes ou bachiques. Mais
cette Nation, plus guerrière que fenfuelle, fir, durant très-
'ieng-tems , un médiocre ufage de la Mufique 6c des Ckan-
fons , 6c n'a jamais approché , fur ce point , des grâces de
1a volupté Grecque. 11 paroît que le Chant refta toujours rude
& greffier chez les Romains. Ce qu'ils chantoient aux noces,
étoit plutôt des clameurs que des Chanfons , 6c il n'ef t gueres
à préfumer que les Chanfons faryriques des Soldats , aux triom-
phes de leurs Généraux , euflent une Mélodie fort agréable.
Les Modernes ont au Mi leurs Chanfons de différentes espè-
ces , félon le génie 6c le goût de chaque Nation. Mais les
François l'emportent fur toute l'Europe, dans l'art de les
-compof-T , fînon pour le tour 6c la Mélodie des Airs , au
moins pour le fel, la grâce & la fineffe des paroles; quoi-
que pour l'ordinaire l'efprit 6c la fatyre s'y montrent bien
-mieux encore que le fentiment & la volupté. Ils fe font p
à cet amufement 6c y ont excellé dans tous les tems, témoin
4es anciens Troubadours. Cet heureux peuple efi toujours g
P i
n6 C H A
tournant tout en plaifanterie : les femmes y font fort galan-
tes , les hommes fort diffipés , & le pays produit d'excellent
vin ; le moyen de n'y pas chanter fans celte ? Nous avons
encore d'anciennes Chanfons de Thibault , Comte de Cham-
pagne , l'homme le plus galant de fon fîecle , mifes en JVIulî-
que par Guillaume de Machault. Marot en fit beaucoup qui
nous relient, & grâce aux Airs d'Orlande & de Claudin,.
nous en avons aufli plufieurs de la Pléiade de Charles IX.
Je ne parlerai point des Chanfons plus modernes , par lef-
quelles les Muficiens Lambert % du Boi-ifet, la Garde «Se autres,
ont acquis un nom , & dont on trouve autant de Poètes, qu'il
y a de gens de phifir parmi le Peuple du monde qui s'y
livre le plus , quoique non pas tous aum célèbres que le
Comte de Coulange & l'Abbé de Lattaignanr. La Provence
& le Languedoc n'ont point non plus dégénéré de leur pre-
mier talent. On voit toujours régner dans ces Provinces un
air de gaieté qui porte fans ceffe leurs habirans au Chant &
à la Danfe. Un Provençal menace , dit-on , fon ennemi
d'une Ca.infon , comme un Italien menaceroit le fien d"un
coup de ftiïec ; chacun a fes armes. Les autres Pays ont aufTl
leurs Provinces Chanlbnnieres ; en Angleterre , eVft l'EcolIe ;
en Italie, c'eft Venife. ( Voyez Barcarolles. )
Nos Chanfons font de plufieurs fortes ; mais en général
elles roulent ou fur l'amour , ou fur le vin , ou f ir la faryre.
Les C/ur/f>;ii d'amour font ; les Airs tendres qu'on appelle
encore Airs férieux ; les Romances , dont le caractère elè
d'c'mouvoir l'a me infenliblc-meut par le récit tendre & nnf
de quelque hitloire amoureufe & tragique; les Chanfons paf-
C H A 117
torales & nitriques , don: plaûeurs font faites pour danfer ;
comme les Mufettes , les Gavottes , les Branles , &c.
Les Chanfons à boire font allez communément des Airs
de Baifc ou des Rondes de table : c'elt avec beaucoup de
raifon qu'on en fait peu pour ks Defllis ; car il n'y a pas
une idée de débauche plus crapuleufe ce plus vile que celle
d'une femme ivre.
A l'égard des Chanfons fatyriques , elles font comprifes
fous le nom de Vaudevilles , & lancent indifféremment leurs
traits fur le vice 6c fur la vertu , en les rendant également
ridicules , ce qui doit profenre le Vaudeville de la bouche
des gens de bien.
Nous avons encore une efpece de Chanfon qu'on appelle
Parodie. Ce font des paroles qu'on ajufte comme on peut
fJr des Airs de Violon , ou d'autres Inftrumens , ik qu'on
fait rimer un: bien que ma! , fans avoir égard à la mefurc
des vers , ni au caractère de l'Air , ni au fens des paroles , ni
le plus fouvent a l'honnêteté. (Voyez Parodie.)
CHANT,/ m. Sorte de modification de la voix humaine,
par laquelle on forme des Sons variés & appréciables. Obfer-
vons que pour donner à cette définition toute L'utuver&Iicé
qu'elle doit avoir , il ne faut pas feulement entendre par Sons
Appréciables, ceux qu'on peut alfigner par les Notes de
notre Muûque , & rendre par les touches de notre Clavier ;
mais tous ceux dont on peut trouver ou fentir l'Unillbn &
calculer les Intervalles de quelque manière que ce foit.
Il ett très-difficile de déterminer en quoi la voix qui forme
la parole , difière de la voix qui forme le Chant. Cette diffé-
m* C H A
xence efè fenfible , mais on ne voit pas bien clairement en
quoi elle confiée , & quand on veut le chercher , on ne le
trouve pas. M. Dodart a fait des obfervations anatomiques ,
à la faveur defquelles il croit, à la vérité , trouver dans les
différentes fîtuations du Larynx , la caufe de ces deux fortes
de voix. Mais je ne fais fi ces obfetvations , ou les confé-
quences qu'il en tire, font bien certaines. (Voyez Voix.) Il
fcmble ne manquer aux Sjns qui forment la parole, que la
permanence , pour former un véritable Chant : il paroît auflî
que les diverfes inflexions qu'on donne à la voix en parlant,
forment des Intervalles qui ne font point harmoniques , qui
ne font pas partie de nos fyftêmes de Mufique , & qui , par
conféquent , ne pouvant -être exprimés en Note , ne font pas
proprement du Chant pour nous.
Le Chant ne fcmble pas naturel à l'homme. Quoique les
Sauvages de l'Amérique chantent , parce qu'ils parlent , le
vrai Sauvage ne chanta jamais. Les Muets ne chantent point;
ils ne forment que des voix fans permanence , des mugifîe-
mens fourds que le befoin leur arrache. Je douterais que le
fieur Pereyre , avec tout fon talent , pût jamais tirer d'eux
aucun Chant mufical. Les enfans crient , pleurent , & ne
chantent point. Les premières exprelTîons de la nature n'ont
rien en eux de mélodieux ni de fonore , & ils apprennent à
Chanter comme à parler, à notre exemple. Le Chant mélo-
dieux & appréciable n'eft qu'une imitation paifîble & artifi-
cielle des accens de la Voix parlante ou p lée ; on crie
éc l'on fe plaint fans chanter : mais on imite en chantant
îes cris ik kr» plaintes i & comme, de toi:tc:-> les imitations,
C H A nj
la plus intérefTanre efi celle des paiïîons humaines, de tou:<_s
les manières d'imiter , la plus agréable efl: le Chant.
Chant , appliqué plus particulièrement à notre Mufique ,
en cil la partie mélodieufe , celle qui» rcfulte de la durée &
de la fucceilîon des Sons , celle d'où dépend toute l'expref-
fion, & a laquelle tout le refte elt fubordonné. (Voyez Mu-
sique, MÉLODIE. ) Les Chants agréables frappent d'abord, ils
fe gravent facilement dans la mémoire; mais ils font fou<
fécueil des Compoiiteurs , parce qu'il ne faut que du (avoir
pour cntaûer des Accords, & qu'il faut du talent pour ima-
giner des Chants gracieux. Il y a dans chaque Nation des
tours de Chant triviaux & ufés , dans lefquels les mauvais
ns retDmbent fans ceffe ; il y en a de baroques qu'on
n'ufe jamais , parce que le Public les rebute toujours. Inven-
ter des Chants nouveaux , appartient à l'homme de génie :
trouver de beaux Chants , appartient à l'homme de goûr.
Enfin , dans fon fens le plus refllrrc , Chant fe dit feule-
ment de la Mufique vocale , 5c dans celle qui efc mêlée de
Symphonie , en appelle Parties de Chant , celles qui font dtÇ-
tinées pour les Voix.
CHANT AMBROSEEN. Sorte de Plain-Chant dont l'in-
vention e(t attribuée à Saint Ambrc-ife, Archevêque de Mil; D.
(Voyez Pl A in- Ci' A NT.)
CHANT GREGORIEN. Sorte de Plain-Chanr dont l'in-
vention eft attribuée à Saint Grégoire Pape , & qui a
fubllitué ou préféré dans la plupart des Eglifes, au Ci
Ambrofîen. (V«. yez Plain-Chant. )
CHANT en 1 »ON ou CM ï ÉGAL. On appelle a
izo C H A
un Chant ou une Pfalmodie qui ne roule que fur deux Sons y
& ne forme , par conféquent , qu'un feul larervalJe. Quel-
ques Ordres Religieux n'ont dans leurs Eglifes d'autre
Chant que le Chant en Jfon.
CHANT SUR LE LIVRE. Plain-Chant ou Contre-point
a quatre Parties , que les Muficiens compofent & chantent
impromptu fur une feule ; favoir , le Livre de Chœur qui
eft au Lutrin : en forte , qu'excepté la Partie notée , qu'on
met ordinairement à la Taille , les Muficiens affeclés aux
trois autres Parties, n'ont que celle-là pour guide , 6c com-
pofent chacun la leur en chantant.
Le Chant fur le Livre demande beaucoup de feience , d'ha-
bitude & d'oreille dans ceux qui l'exécutent , d'autant plus
qu'il n'eft pas toujours aifé de rapporter les Tons du Plain-
Chant à ceux de notre Mufique. Cependant il y a des Mufi-
ciens d'Eglife , fi verfés dans cette forte de Chant , qu'ils
y commencent & pourfuivent même des Fugues , quand le
fjjet en peut comporter , fans confondre & croifer les Par-
ties , ni faire de faute dans l'Harmonie.
Cl IANTER , v. n. C'eft. , dans l'acception la plus générale ,
former avec la voix des Sons variés & appréciables. (Voyez
Chant. ) Mais c'eft plus communément faire diverfes in-
flexions de voix , fonores, agréables à l'oreille , par des In-
tervalles admis dans la Mufique , & dans les règles de la
Modulation.
On Chante plus ou moins agréablement, à proportion
q l'on a la \oix plus ou moins agréable & fonore , l'oreille
plus ou moins jufte , l'organe plus ou moins flexible , k
goût
C H A ii,
goût plus ou moins forme , & plus ou moins de pratique
de l'Arc du Chant. A quoi l'on doit ajouter , dans la Mufique
imitative te théâtrale , le degré de fenfibilité qui nous af-
fecte plus ou moins des fentimens que nous avons à rendre.
On a au/fi plus ou moins de difpofition a Chanter félon le
climat fous lequel on eit né , & félon le plus ou moins
d'accent de fa langue naturelle ; car plus la langue eft ac-
centuée , & par conféquent mélodieufe & chantante , plus
auffi ceux qui la parlent ont naturellement de facilité à Chanter.
On a fait un Art du Chant, c'eft-à-dire que , des obfer-
yations fur les Voix qui chantoient le mieux , on a compofé
des règles pour faciliter & perfectionner l'ufage de ce don
naturel. ( Voyez Maître a Chantkr. ) Mais il refte bien
des découvertes à faîre fur la manière la plus facile , la plus
courte & la plus fùre d'acquérir cet Art.
CHANTERELLE,//; Celle des cordes du Violon, Se
des Inftrumens femblables , qui a le Son le plus aigu. On
dit d'une Symphonie qu'elle ne quitte pas la Chanterelle ,
lorfqu'elle ne roule qu'entre les Sons de cette Corde &
ceux qui lui font les plus voifins , comme font prefque tou-
tes les Parties de Violon des Opéra de Lully & des Sym-
phonies de fon tems.
CHANTEUR, Mufïcien qui chante dans un Concert.
CHANTRE ,/. m. Ceux qui chantent au Chœur àdns les
Eglifes Catholiques , s'appellent Chantres. On ne dit point
Chanteur à l'Eglife , ni Chantre dans un Concert.
.Chez les Réformés on appelle Chantre celui qui entonne
& foutient le Chant dos Pfeaumcs dans le Temple ; il eft
DiJ. de Mujique. Q
111
C H A
affis au-deflbus de la Chaire du Minière fur le devant. Sa
fônftion exige une voix tres-forte , capable de dominer far
celle de tout le peuple , & de fe faire entendre jufqu'aux
extrémités du Temple. Quoiqu'il n'y ait ni Profodie ni Me-
fure dans notre manière de chanter les Pfeaumes , & que
le Chant en foit fi lent qu'il eft facile à chacun de le fuivre ,
il me femble qu'il feroit nécefTaire que le Chantre marquât
une forte de Mefure. La raifon en eft , que le Chantre fe
trouvant fort éloigné de certaines parties de l'Eglife , & le
Son parcourant aflez lentement ces grands intervalles , fa
voix fe fait à peine entendre aux extrémités , qu'il a déjà
pris un autre Ton , & commencé d'autres Notes ; ce qui
devient d'autant plus fenfible en certains lieux , que le Son
arrivant encore beaucoup plus lentement d'une extrémité à
l'autre , que du milieu où eft le Chantre , la mafTe d'air
qui remplit le Temple , fe trouve partagée à la fois en di-
vers Sons fort difeordans qui enjambent fans cerTe les uns
fur les autres & choquent fortement une oreille exercée ;
défaut que l'Orgue même ne fait qu'augmenter , parce qu'au
lieu d'être au milieu de l'édifice , comme le Chantre , il ne
donne le Ton que d'une extrémité.
Or le remède à cet inconvénient me paroît rrès-fimple ;
car comme les rayons vifuels fe communiquent à l'initant de
l'objet à l'œil , ou du moins avec une vîtelïe incomparable-
ment plus grande que celle avec laquelle le Son ft tranfmet
du corps fonore à l'oreille , il fuffit de fubfiituer l'un à l'au-
tre , pour avoir , dans toute l'étendue du Temple, un ('liant
bien fimultané & parfaitement d'Accord. 11 ne faut pour
C H A iz<
cela que placer le Chantre , ou quelqu'un charge de cette
partie de fa fon&ion , de manière qu'il (bit à la vue de tout
le monde , & qu'il fe ferve d'un bacon de Mefure donc
le mouvement s'apperçoive aifément de loin , comme , par
exemple , un rouleau de papier : car alors , avec la précau-
tion de prolonger affez la première Note , pour que l'in-
tonation en foit par-tout entendue avant qu'on pourfuive ,
tout le reite du Chant marchera bien enfemble , & la dif-
cordance dont je parle difparoîcra infailliblement. On pour-
rait même , au lieu d'un homme , employer un Chrono-
mètre dont le mouvement feroit encore plus égal dans une
Mefure fi lente.
Il réfulteroit de-là deux autres avantages ; l'un que , fans
prefque altérer le Chant des Pfeaumes , il feroit aifé d'y in-
troduire un peu de Profodie , & d'y obferver du moins les
longues & les brèves les plus fenfibles ; l'autre , que ce qu'il
y a de monotonie & de langueur dans ce Chant , pourroit ,
félon la première intention de l'Auteur , être effacé par la
Baffe & les autres Parties , dont l'Harmonie eit certaine-
ment la plus majeltueufe & la plus fonore qu'il foit poftible
d'entendre.
CHAPEAU,/ m. Trait demi -circulaire, dont on cou-
vre deux ou plufieurs Notes , & qu'on appelle plus com-
munément liaifon. ( Voyez Liaison. )
CHASSE , f. f. On donne ce nom a certains Airs ou a
certaines Fanfares de Cors ou d'autres Inftrumens qui ré-
veillent , à ce qu'on dit , l'idée des Tons que ces mêmes
Cors donnent à la Cluffe.
O i
ti4 C H E
CHEVROTTER , v. n. C'eft , au lieu de battre nettement
& alternativement du gofier les deux Sons qui forment la
Cadence ou le Trill ( Voye\ ces mots ) , en battre un feul
à coups précipités , comme plufieurs doubles croches déta-
chées ôc à Punition; ce qui le fait en forçant du poumon
l'air contre la glotte fermée , qui fort alors de foupape : en
forte qu'elle s'ouvre par fecoulTes pour livrer paffage à cet
air, & fe referme à chaque inftant par un« méchanique fem-
blable à celle du Tremblant de l'Orgue. Le Chevrottement
eft la défagréable reffource de ceux qui n'ayant aucun Trill
en cherchent l'imitation grofïiere ; mais l'oreille ne peut fup-
porrer cette fubftitution , & un feul Chevrottement au milieu
du plus beau Chant du monde , fulKt pour le rendre infup-
portable & ridicule.
CHIFFRER. C'eft écrire fur les Notes de la Baffe des
Chiffres ou autres caractères indiquant les Accords que ces
Notes doivent porter, pour fervir de guide à l'Accompa-
gnateur. ( Voyez Chiffr.es, AccoiiD. )
CHIFFRES. Caractères qu'on place au-delfus ou au-def-
fous des Notes de la Baffe , pour indiquer les Accords
qu'elles doivent porter. Quoique parmi ces caractères il y en
ait plufieurs qui ne font pas des Chiffres , on leur en a gé-
néralement donné le nom, parce que c'eft la forte de fignes
qui s'y préfente le plus fréquemment.
Comme chaque Accord eft compofé de plufieurs Sons ,
s'il avoit falu exprimer chacun de ces Sons par un Chiffre ,
oy aurait tellement multiplie & embrouillé les t iffres, que
l'Accompagnateur n'aurait jamais eu le tems de les hxe ajj
C H I u4
moment de l'exécution. On s'eit donc applique, autant qu'on
a pu , à caracTxrifer chaque Accord par un feul Chiffre ; de
forte que ce Chiffre peut fufh'rc pour indiquer , relativement
à la Baffe , l'efpece de l'Accord , & par confisquent tous les
Sons qui dojvcnt le compofer. Il y a même un Accord qui
ft trouve chiiïré en ne le chiffrant point ; car félon la pré-
cision des Chiffres toute Note qui n'eft point chiffrée, ou ne
porte aucun Accord , ou porte l'Accord pai fait.
Le Chiffre qui indique chaque Accord , eit ordinairement
celui qui répond au nom de l'Accord : ainfi l'Accord de
féconde , fe Chiffre i ; celui de Septième 7 ; celui de Sixte
6 , &c. il y a des Accords qui portent un double nom , &
qu'on exprime auiTi par un double Chiffre : tels font les
Accords de Sixte-Quarte , de Sixte-Quinte , de Septieme-
&-Sixte , &c. Quelquefois même on en met trois , ce qui
rentre dans l'inconvénient qu'on vouloir éviter ; mais comme
la composition des Chiffres eit venue du tems & du hazard,
plutôt que d'une étude réfléchie , il n'eft pas étonnant qu'il
s'y trouve des fautes & des contradictions.
Voici une Table de tous les Chiffres pratiqués dans l'Ac-
compagnement , fur quoi l'on obfervera qu'il y a plufieurs
Accords qui fe chiffrent diverfement en différens Pays , ou
dans le même Pays par différens Auteurs , ou quelquefois
p?.r le même. Nous donnons toutes ces manières , afin que
chacun , pour chiffrer, puiffe choifir celle qui lui paroîtra la
plus claire ; & , pour Accompagner, rapporter chaque Chiffre
à l'Accord qui lui convient , félon la manière de chiffrer de
l'Auteur.
12(5
C H 1
TABLE GENERALE
De tous les Chiffres de V Accompagnement.
N. B. On a ajouté une étoile à ceux qui font plus ufités en France
aujourd'hui.
Chiffres. Noms des Accords.
S
5
3
5
3
3 il
}
k 3
3 £
^ 3
5 l
3 t
ft 3
. Accord parfait.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Accord parfait ,
Tierce mineure.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Acccord parfait ,
Tierce majeure.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Accord parfait ,
Tierce naturelle.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
Chiffres. Noms des Accords.
Accord de Sixte.
*6 Idem.
Les différentes
Sixtes dans cet
Accord fe mar-
quent par un acci-
dent au Chiffre,
comme les Tier-
ces dans l'Accord
parfait.
Accord de Six-
te-Quarte.
6 Idem.
7 / Accord de
S \ Septième.
7 } Idem.
| Idem.
* 7 Idem.
* 7 ") Septième avec
£ J Tierce ni ijeure.
c
-. Noms des Accords.
* j 1 Avec Tierce
£ f mineure.
*7 -j Avec Tierce na-
£ j ru relie.
7 £ Accord de Sep-
tième mineure.
*te 7 Idem.
7 S Accord de Sep-
tième majeure.
*Z? 7 Idem.
7 fi: De Septième na-
turelle.
*£ 7 Idem.
*7 i Septième avec
■* f la Quinte faufle.
,[•.... Idem.
* ? Septième dimi-
nuée.
7 te Idem.
te 7 Idem.
^ j- . . . . Idem.
, j- . . . . Idem.
r } . . . . Idem.
. 't f . . . . Idem.
5 te r • • • • Idem.
&c.
*S 7 Septième fuper-
flue.
fi I
Chiffres. Noir" des Accords.
7ï Idem.
? Idem.
ï}
4 J....
îv •••
S 7
5
4
Idem.
Idem.
Idem.
&c.
Septième fuper-
Hue , avec Sixte
mineure.
Idem.
Idem.
Idem.
Septième & Se-
conde.
Grande Sixte,
Idem.
*■* FaufTe-Quinte.
5 te Idem.
te 5 Idem.
. j- ... Idem.
izS
C H I
Chiffre?. Noms des Accords.
}
6
5
;>
*x*} Idem.
x 6
tes
E} Idem.
Idem.
FaufTe-Quinte &
Sixte majeure.
} Id
em.
ste
4 X Petite Sixte.
Idem.
3
6
4
3
*g Idem.
6 Idem.
2é g Idem , majeure.
4 £■ . . . Idem.
&c.
*x c ... . Petite Sixte fuper-
flue.
x 6 \
4 > . . Idem.
"S 6 ... . Idem.
X 6 -\
5 > . . Id. avec la Quinte.
ç • • • •
Chiffres
3
X 6
\ . . Idem.
il
6
*4
3
}
x
X4
3
4
i
6
1
}
}
}
}
}
}
si
}
4 X .
* 5
2
6
4
(5
4X
6
x4
6
6
4
i
4
2
4
Noms des Accords.'
Petite - Sixte avec
. la Quarte fuper-
flue.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Accord de Secon-
de.
. Idem.
. Idem.
. Seconde & Quinte.
. Triton.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. Idem.
. idem.
C H T
"9
Chiffres.
Noms des
Accords.
Chiffres.
Noms des Accords.
*X4..
. . Idem.
* 9 \
7 S
Neuvième avec la
Septième.
4x 7
3 feJ
Triton avec Tier-
ce mineure.
\\
. . Idem.
6 "\
. . . Idem.
4 • • •
. . Quarte ou Onziè-
me.
4 Î
?k>
*x4->
*X 2 . .
. . . Idem.
. . Idem.
. . Seconde
Hue.
fuper-
•n-
. . Idem.
. . Quarte & Neu-
vième.
Septième & Quar-
' ' te.
ïî}-
. . Idem.
. . Idem.
*X5 . . .
5 X. .
. . Quinte fuperflue.
. . Idem.
. . Idem.
. . IJcm.
*ll.
. . Idem.
- J
&c.
de Neu-
7 J
**5 ?
k4i *
Quinte fuperflue &
Quarte.
;>■
vieme.
. . Idem.
SX 1
4 fa J
•a-
. . . Idem.
. . Septième & Sixte.
?}•
. . Idem.
9 £ .
1 6i"
. . Neuvième & Sixte.
Fin de la Table des Chipes.
Did. de Mufique.
R
tgd C H I
Quelques Auteurs avoienr introduit l'ufage de couvrir d'un
trait toutes les Notes de la Baffe qui paffoient fous un même
Accord ; c'cit ainfi que les jolies Cantates de M. Clerambaulc
font chiffrées : mais cette invention étoit trop commode
pour durer ; elle montroit auffi trop clairement à l'œil toutes
les fyncopes d'Harmonie. Aujourd'hui quand on foutient le
même Accord fous quatre différentes Notes de Baffe , ce
font quatre Chiffres différens qu'on leur fait porter , de forte
que l'Accompagnateur , induit en erreur , fe hâte de chercher
l'Accord même qu'il a fous la main. Mais c'eii la mode en
France de charger les Baffes d'une confufion de Chiffras inu-
tiles : on chiffre tout , jufqu'aux Accords les plus évidens ,
& celui qui met le plus de Chiffres croit être le plus fuvant.
Une Baffe ainfî hériffée de Chiffres triviaux rebute l'Accom-
pagnateur & lui fait fouvent négliger les Chiffres néceffaires.
L'Auteur doit fuppofer , ce me fenible , que l'Accompagna-
teur fait les élémens de l'Accompagnement , qu'il fait placer
une Sixte fur une Médiante , une Fauffe - Quinte fur une
Note fenfible , une Septième fur une Dominante , &c. Il ne
doit donc pas chiffrer des Accords de cette évidence , à
moins qu'il ne faille annoncer un changement de Ton. Les
Chiffres ne font faits que pour déterminer le choix de l'Har-
monie dans les cas douteux , ou le choix des Sons dans les
Accords qu'on ne doit pas remplir. Du relie, c'efl t.
bien fait d'avoir des Baffes chiffrées exprès pour les Eco-
liers. Il faut que les Chiffres montrent a ceux-ci l'appli-
cation des Règles \ pour les Maîtres il furfit d'indiquer les
exceptions.
C II I T3r
M. Rameau , dans fa DifTertarion fixr les différentes Mé-
thodes d'Accompagnement , a trouve- un grand nombre de
défauts dan* les Chiffres établis. Il a f..it voir qu'ils font
trop nombreux & pourtant infuffifàns , obfcurs, équivoques;
qu'ils multiplient inutilement les AccorJs , & qu'ils n'en
montrent en aucune manière la liaifoo.
Tous ces défauts viennent d'avoir voulu rapporter les
Chiffres aux Notes arbitraires de la Baffe -continue , au lieu
de les rapporter immédiatement à l'Harmonie fondamentale.
La Baffe-continue fait , fans doute , une partie de l'Harmo-
nie ; mais elle n'en fait pas le fondement , cette Harmonie
efi indépendante des Notes de cette Biffe , 6c elle a fon
progrès déterminé auquel la Baffe même doit affujettir ù
marche. En faifant dépendre les Accords & les Chiffres qui
ks annoncent des Notes de la Biffe 6: de leurs différentes
marches , on ne montre que des combinaifons de l'Harmonie
au lieu d'en montrer la bafe f on multiplie à l'infini le petit
nombre des Accords fondamentaux , 6c l'on force en quel-
que forte l'Accompagnateur de perdre de vue à chaque inf-
tant la véritable fucceffion harmonique.
Après avoir fait de très-bonnes obfervations fur la mécha-
nique des doigts dans la pratique de l'Accompagnement ,
M. Rameau propofe de fubftitucr a nos Chiffres d'autres
Chiffres beaucoup plus fimples , qui rendent cet Accompa-
gnement tout-à-fait indépendant de la Baffe-continue ; de
forte que , fans égard à cette Baffe & même fans la voir ,
on accompagneroit fur les Chiffres feuls avec plus de préci-
R x
ï3z C H I
fion qu'on ne peut faire par la méthode établie avec le con-
cours de la Baffe & des Chiffres.
Les Chiffres inventés par M. Rameau indiquent deux chofes.
i°. l'Harmonie fondamentale dans les Accords parfaits, qui
n'ont aucune fucceiïion néceffaire , mais qui conftatent tou-
jours le Ton. 20. la fucceffion harmonique déterminée par
la marche régulière des doigts dans les Accords diffonans.
Tout cela fe fait au moyen de fept Chiffres feulement.
I. Une lettre de la Gamme indique le Ton , la Tonique &
fon Accord : fi l'on palTe d'un Accord parfait à un autre , on
change de Ton ; c'eit l'affaire d'une nouvelle lettre. II. Pour
paffer de la Tonique à un Accord diffonant , M. Rameau
n'admet que fix manières , à chacune defquelles il afiigne
un caractère particulier, favoir :
i. Un X pour l'Accord fcnfible : pour la Septième dimi-
nuée il fuffit d'ajouter un Bémol fous cet X.
i. Un 2. pour l'Accord de Seconde fur la Tonique.
3. Un 7 pour fon Accord de Septième.
4. Cette abréviation aj. pour fa Sixte ajoutée.
5. Ces deux Chiffres \ relatifs à cette Tonique pour l'Accord
qu'il appelle de Tierce-Quarte , & qui revient à l'Accord de
Neuvième fur la féconde Note.
6. Enfin ce Chiffre 4 pour l'Accord de Quarte & Quinte
fur la Dominante.
III. Un Accord diffonant efr fuivi d'un Accord parfait ou
d'un autre Accord diffonant : dans le premier cas , l'Accord
s'indique par une lettre ; le fécond fe rapporte à la méchani-
que des doiges : ( voyez Doigter. ) C'eit un doigt qui doit
C H I
*33
defcendre diatoniquemcnt , ou deux , ou trois. On indique
cela par autant de points l'un fur l'autre , qu'il faut defcendre
de doigts. Les doigts qui doivent defcendre par préférence
font indiques par la méchanique , les Dièfes ou Bémols qu'ils
doivent faire font connus par le Ton ou fubftitucs dans les
Chiffres aux points correfpondans : ou bien , dans le Chro-
matique ce l'Enharmonique , on marque une petite ligne in-
clinée en defeendant ou en montant depuis la ligne d'une
Note connue pour marquer qu'elle doit defcendre ou monter
d'un femi - Ton. x^infi tout eit prévu , & ce petit nombre
de Signes fiiftit pour exprimer toute bonne Harmonie poiïible.
On fent bien qu'il faut fuppofer ici que toute DiiTonance
fe fauve en defeendant ; car s'il y en avoit qui fe duflent fauver
en montant , s'il y avoit des marches de doigts afeendantes
dans des Accords dilfonans, les points de M. Rameau feroienc
infiiffifkns pour exprimer cela.
Quelque (impie que foit cette méthode , quelque favorable
qu'elle paroiile pour la pratique , elle n'a point eu de cours ;
peut-être a-t-on cru que les Chiffres de M. Rameau ne cor-
rigeoient un défaut que pour en fubitituer un autre : car s'il
fimplirie les Signes , s'il diminue le nombre des Accords ,
non -feulement il n'exprime point encore la véritable Har-
monie fondamentale ; mais il rend , de plus , ces Signes tel-
lement dépendans les uns des autres , que fi Ton vient a
s'égarer ou à fe distraire un inftant , à prendre un doigt
pour un autre , on eit perdu fans relfource , les points ne
lignifient plus rien , plus de moyen de le remettre juiqu'i
un nouvel Accord parfait. Mais avec tant de raifons de pré-
IM C H O
ference n'a -t- il peine falu d'autres objections encore pour
faire rejetter la méthode de M. Rameau ? Elle étoit nou-
velle ; elle étoit propofée par un homme fupérieur en génie
à tous Ces rivaux; voilà fa condamnation.
CHfltUR , f. m. Morceau d'Harmonie complète à quatre
Parties ou plus , chante à la fois par toutes les Voix & joué
par tout l'Orcheftre. On cherche dans les Chœurs un bruit
agréable &: harmonieux qui charme & remplifle l'oreille, lin
beau Chœur eft le chef-d'œuvre d'un commençant , & c'eft
par ce genre d'ouvrage qu'il fe montre fufhfamment inftrui:
de toutes les Règles de l'Harmonie. Les François paffent,
'en France , pour réufïir mieux dans cette Partie , qu'aucune
autre Nation de l'Europe.
Le Chœur , dans la Mufique Françoife , s'appelle quelque-
fois Grand-Chœur , par oppofitien au P eût-Chœur qui eft
feulement compofé de trois Parties , favoir deux DefTus &
la Haute-contre qui leur fert de Baffe. Cn fait de tems en
tems entendre féparément ce Petit-Chœur , dont la douceur
contraire agréablement avec la bruyante Harmonie du grand.
On appelle encore Petit-Chœur , à l'Opéra de Paris , un
certain nombre de meilleurs Inflrumens de chaque genre qui
forment comme un petit Orcheftre particulier autour du Cla-
vecin & de celui qui bat la Mefurc. Ce Petit-Chœur eft
deftinc pour les Accompagncmens qui demandent le plus
de dclicatefTe & de précifion.
Il y a des Mufiques à deux ou plufieurs Chœurs qui fe
répondent & chantent quelquefois tous enfemble. On en peut
voix un exemple dans l'Opéra de Jephté. Mais cette pluralité
C H O i3J
de Choeurs fimultanés qui fe pratique aflez fcuver.t en Italie ^
efè peu ufitée en France : on trouve qu'elle ne fait pas un
bien grand effet , que la eompofition n'en efc pas fert fa-
cile, 6c qu'il faut un trop grand nombre de Mufitiens pour
^exécuter.
CHORION. Nome de la Mufique Grecque , qui fe chan-»
toit en l'honneur de la mère des Dieux , & qui , dit-on ,
fut inventé par Olympe Phrygien.
CHORISTE , f. m. Chanteur non récitant & qui ne chante
que dans les Choeurs.
On appelle auiîi Choriftes les Chantres d'Egîife qui chan-
tent au Chœur. Une Antienne à deux Choriftes.
Quelques Muficiens étrangers donnent encore le nom de
Chorifte à un petit Instrument deftiné à donner le Ton pour
accorder les autres. ( Voyez Ton. )
CHORUS. Faire Chorus , c'eft répéter en Chœur , à l'Unie
fon , ce qui vient d'être chanté à voix feule.
CHRESES ou CHRESIS. Une des Parties de l'ancienne
Mélopée, qui apprend au Ccmpofiteur à mettre un tel arran-
gement dans la fuite diatonique des Sons , qu'il en réfulte
une bonne Modulation 6c une Mélodie agréable. Cette Partie
s'applique à différentes fucceflions de Sons sppellccs par les
Anciens , Agoge* Euthia , Anacamptos, (Voyez Tiradf. )
CHROMATIQUE, adj. pri< quelquefois fubjîantivemcnt.
Genre de Mufique qui procède par plufieurs femi-Tons con-
fécutifs. Ce mot vient du Grec xfiàfjut , qui lignifie couleur ,
foit parce que les Grecs marquoient ce genre par des carac-
tères rouges ou diversement colorés; foi:, diient les Auteurs,
i3<ï C H R
parce que le genre Chromatique eft moyen entre les deux
autres, comme la couleur eft moyenne entre le blanc & le
noir ; ou , félon d'autres , parce que ce Genre varie & em-
bellit le Diatonique par fes femi-Tons , qui font , dans la
Mufique , le même effet que la variété des couleurs fait dans
la Peinture.
Boëce attribue à Timothée de Milet l'invention du Genre
Chromatique ; mais Athénée la donne à Epigonus.
Ariftoxène divife ce Genre en trois efpeces qu'il appelle
Alolle , Hemiolion & Tonicum , dont on trouvera les rap-
ports, {PL M. Fig. 5. A^0. A.) le Tétracorde étant fup-
pofé divifé en 60 parties égales.
Ptolomée ne divife ce même Genre qu'en deux efpeces ,
Alolle ou Anticum , qui procède par de plus petits Inter-
valles , & lntenfum , dont les Intervalles font plus grands.
Même Fig. N°. B.
Aujourd'hui le Genre Chromatique confifte à donner une
telle marche à la Baffe fondamentale , que les Parties de
l'Harmonie, ou du moins quelques-unes, puiffent procéder
par femi-Tons, tant en montant qu'en defcendant ; ce qui
fe trouve plus fréquemment dans le Mode mineur , à caufe
des altérations auxquelles la Sixième & la Septième Note y
font fujettes par la Nature même du Mode.
Les femi-Tons fucccfTîfs pratiqués dans le Chromatique ne
font pas tous du même Genre , mais prefque alternativement
Mineurs & Majeurs , c'eft-à-dire , Chromatiques & '
niques : car l'Intervalle d'un Ton mineur contient un femi-
Ton mineur ou Chromatique , Cv 11:1 femi-Ton m.ijeur ou
Diatonique ,
C II R t37
Diatonique ; mefure que le Tempérament rend commune à
tous les Tons : de forte qu'on ne peut procéder par deux
femi-Tons mineurs conjoints & fuccefiifs , fans entrer dans
l'Enharmonique ; mais deux femi-Tons majeurs fe fuivcnt
deux fois dans l'ordre Chromatique de la Gamme.
La route élémentaire de la Baffe-fondamentale pour engen-
drer le Chromatique afeendant , eft de defeendre de Tierce
& remonter de Quarte alternativement , tous les Accords
portant la Tierce majeure. Si la Baffe-fondamentale procède
de Domiaante en Dominante par des Cadences parfaites
évitées, elle engendre le Chromatique defeendanr. Pour pro-
duire à la fois l'un & l'autre , on entrelace la Cadence par-
faite , & l'interrompue en les évitant.
Comme à chaque Note on change de Ton dans le Chro-
matique , il faut borner «Se régler ces Succefïîons de peur de
s'égarer. On fe fouviendra , pour cela , que l'efpace le plus
convenable pour les mouvemens Chromatiques , eft entre la
Dominante & la Tonique en montant , & entre la Toni-
que & la Dominante en defeendant. Dans le mode majeur
on peut encore defeendre chromatiquement de la Domi-
nante fur la féconde Note. Ce partage eft fort commun en
Italie , & , malgré fa beauté , commence à l'être un peu
trop parmi nous.
Le Genre Chromatique eft admirable pour exprimer la
douleur & l'affliction : fes Sons renforcés, en montant, arra-
chent Pâme. Il n'eft pas moins énergique en defeendant ; on
croit alors entendre de vrais gémiffemens. Chargé de fou
Harmonie , ce même Genre devient propre a tout ; mais fon
Did. de Mujique. S
i38 C H R
rempliffage , en étouffant le Chant , lui ôte une partie de
fon exprefiion ; & c'eft alors au caractère du Mouvement
à lui rendre ce dont le prive la plénitude de fon Harmonie.
Au relie , plus ce Genre a d'énergie , moins il doit être pro-
digué. Semblable à ces mets délicats dont l'abondance dégoûte
bientôt , autant il charme fobrement ménagé , autant devient-
il rebutant quand on le prodigue.
CHRONOMETRE , f. m. Nom générique des Inftrumens
qui fervent à mefurer le Tems. Ce mot eft compofé de %/wos
Tains , & de ptTpov , Mefure.
On dit , en ce fens , que les montres , les horloges font
des Chronomètres.
Il y a néanmoins quelques Infbrumens qu'on a appelles
en particulier Chronomètres , & nommément un que M. Sau-
veur décrit dans fes principes d'Acouftique. C'étoit un Pen-
dule particulier , qu'il deftinoit à déterminer exactement les
Mouvcmens en Mufique. L'Affilard , dans fes Principes dédiés
aux Dames Religieufes, avoit mis à la tête de tous les Airs,
■des Chiffres qui exprimoient le nombre des vibrations de ce
Pendule , pendant la durée de chaque Mefure,
Il y a une trentaine d'années qu'on vit paroître le projet
d'un Inftrument femblable, fous le nom de Métrometre , qui
bartoit la Mefure tout feul ; mais il n'a réufTi ni dans un tems,
ni dans l'autre. Plufieurs prétendent , cependant , qu'il feroit
fort à fouhaiter qu'on eût un tel Inftrument pour fixer avec
précifion le Tems de chaque Mefure dans une Pièce de
Mufique : on conferveroit par ce moyen plus facilement le
vrai Mouvement des Airs , fans lequel ils perdent leur carac-
C H R |j$
rcre , & qu'on ne peut connoître , après la mort des Auteurs,
que par une efpece de tradition fort fujctte à s'éteindre ou à
s'altérer. CM fe plaint déjà que nous avons oublié les Mou-
vemens d'un grand nombre d'Airs , & il eft à croire qu'on
les a ralentis tous. Si l'on eût pris la précaution dont je parle
& à laquelle on ne voit pas d'inconvénient, on auroit aujour-
d'hui le plaifir d'entendre ces mêmes Airs tels que l'Auteur
les faifoit exécuter.
A cela les Connoiflèurs en Mufique ne demeurent pas
fans réponfe. Ils objecteront , dit M. Diderot , ( Mémoire*
fur différais fujets de Mathématiques ) contre tout Chrono-
mètre en général , qu'il n'y a peut-être pas dans un Air deux
Mefures qui foient exactement de la même durée ; deux
chofes contribuant nécelîairement a ralentir les unes , & à
précipiter les autres , le goût & l'Harmonie dans les Pie-
ces à plufieurs Parties; le goût & le preiïentiment de l'Har-
monie dans les folo. Un Muilcien qui fait fon Art, n'a pas
joué quatre Mefures d'un Air , qu'il en faifit le caraétere ,
& qu'il s'y abandonne ; il n'y a que le plaifir de l'Har-
monie qui le fufpende. Il veut ici que les Accords foient
frappés , la qu'ils foient dérobés ; c'ef t-à-dire , qu'il chante
ou joue plus ou moins lentement d'une Mefure à l'autre ,
& même d'un Tems & d'un quart- de -Tems à celui qui
le fuit.
A la vérité , cette objection qui eft d'une grande force
pour la Mufique Françoife , n'en auroit aucune pour l'Ita-
lienne , foumife irrémilliblement à la plus exaéte Mefure :
rien même ne montre mieux l'oppolition parfaite de ces
S i
i4» C H R
deux Mufiques; puifque ce qui eit beauté dans l'une, ferait
dans l'autre le plus grand défaut. Si la Mufique Italienne
tire fon énergie de cet aflervi lie ment à la rigueur de la Me-
fure , la Françoife cherche la Tienne à maîtrifcr à fon gré
cette même Mefure , à la prefler , à la ralentir félon que
l'exige le goût du Chant ou le degré de flexibilité des orga-
nes du Chanteur.
Mais quand on admettrait l'utilité d'un Chronomètre , i!
faut toujours, continue M. Diderot, commencer par rejetter
tous ceux qu'on a propofcs jufqu'à préfent , parce qu'on y
a fait, du Muficien & du Chronomètre, deux machines dif-
tinctes, dont l'une ne peut jamais bien aflbjettir l'autre : cela
n'a prefque pas befoin d'être prouve ; il n'eft pas poflible
que le Muficien ait , pendant toute fa Pièce , l'œil au mouve-
ment , & l'oreille r/a bruit du Pendule , & s'il s'oublie un
infiant , adieu le frein qu'on a prétendu lui donner.
J'ajouterai que , quelque Inftrument qu'on pût trouver pour
régler la durée de la Mefure , il ferait impofTïble , quand
même l'exécution en ferait de la dernière facilité , qu'il eût
jamais lieu dans la pratique. Les Muficiens, gens conrians,
& faifant , comme bien d'autres, de leur propre goût la règle
du bon, ne l'adopteraient jamais; ils Jailliraient le Chrono-
mètre, & ne s'en rapporteroient qu'a eux du vrai carauere
& du vrai mouvement des Airs. Ainfi le fui bon Chronomètre
que l'on puifTe avoir, c'eft un habile Muficien qui ait du goût,
qui ait bien lu la Mufique qu'il doit faire exécuter , & qui
\. . !ie en battre la Mefure. Machine pour machine , il •-
mieux s'en tenir à celle-ci.
C I K 141
CIRCONVOLUTION , f. f. Terme de Plain - Chanr.
CV'it une force de Périélefe, qui fe fait en inférant entre la
pénultième & la dernière Note de l'intonation d'une Pièce
de Chant, trois autres Notes; favoir, une au-deiïiis &
deux au-deffous de la dernière Note , lefquelles fe lient avec
elle , & forment un contour de Tierce avant que d'y arri-
ver; comme fi vous avez ces trois Notes mi fa mi pour ter-
miner l'Intonation , vous y interpolerez par Circonvolution
ces trois autres, Ja rc rc , & vous aurez alors votre Intona-
tion terminée de cette forte, mi fa fa rc rc mi, &c. (Voyez
Péiuf.i.ese. )
CITHAIUSTIQUE,//. Genre de Mufique <5c de Poéfie,
approprié à l'Accompagnement de la Cithare. Ce Genre ,
dont Amphion , fils de Jupiter & d'Antiope , fut l'inventeur,
prit depuis le nom de Lyrique.
CLAVIER , f. m. Portée générale ou fomme des Sons de
tout le fyftême qui réfulte de la pofition relative des trois
Clefs. Cette pofition donne une étendue de douze Lignes,
& par conféquent de vingt-quatre Degrés ou de trois Octa-
ves & une Quarte. Tout ce qui excède en haut ou en bas
cet efpace , ne peut fe noter qu'à l'aide d'une ou plulieurs
Lignes pofiiehes ou accidentelles , ajoutées aux cinq qui com-
posent la Portée d'une Clef. Voyez (PL A. Fig* 5.) l'étendue
générale du Clavier.
Les Notes ou touches diatoniques du Clavier , lefquel-
les font toujours confiantes , s'expriment par des Lettres
de l'Alphabet, à la différence des Notes de la Gamme, qui
étant mobiles & relatives à la Modulation , portent
14^
CLE
noms qui expriment ces rapports. (Voyez Gamme & Solfier.)
Chaque Octave du Clavier comprend treize Sons. , fepe
diatoniques & cinq chromatiques , repréfentés fur le Clavier
inltrumental par autant de touches. (Voyez PL I. Fig. i.)
Autrefois ces treize touches répondoient à quinze cordes ;
favoir , une de plus entre le re Dièfe & le mi naturel ,
l'autre entre le fol Dicfe & le la , &c ces deux cordes qui
formoient des Intervalles enharmoniques , 6c qu'on faifoit
fonner à volonté au moyen de deux touches brifées, furent
regardées alors comme la perfection du fyftême ; mais , en
vertu de nos règles de Modulation , ces deux ont été retran-
chées, parce qu'il en auroit falu mettre par -tout. (Voyez
Clef , Portée. )
CLEF, f. f. Caractère de Mufique qui fe met au com-
mencement d'une Portée , pour déterminer le Uegré d'élé-
vation de cette Portée dans le Clavier général , & indiquer
les noms de toutes les Notes qu'elle contient dans la ligne
de cette Clef,
Anciennement on appelloit Clefs les lettres par lefquelles
on déflgnoit les Sons de la Gamme. Ainfî la lettre A étoit
la Clef de la Note la, C la Clef d'ut, E la Clef de mi, &c.
A mefure que le fyftême s'étendit, on fentit l'embarras &
l'inutilité de cette multitude de Clefs. Gui d' Arezzo , qui les
avoit inventées , marquoit une lettre ou Clef au commence-
ment de chacune des lignes de la Portée ; car il ne plaçoit
point encore de Notes dans les cfpaces. Dans la fuite on ne
marqua plus qu'une des f.pt Clefs au commencement d'une
des lignes feulement ; & celle-là iufîifan: pour fixer la pofuioa
CLE r43
<îe toutes les autres , félon l'ordre naturel. Enfin de ces fept
lignes ou Clefs, on en choifit quatre qu'on nomma Claves
fignata ou Clefs marquées y parce qu'on fe contentoit d'en
marquer une fur une des lignes, pour donner l'intelligence de
toutes les autres ; encore en retraneha-t-on bientôt une des
quatre; favoir , le Gamma dont on s'étoit fervi pour défigner
le fol d'en bas; c'elè-à-dire , l'Hypoproflambanomene ajou-
rée au fyftême des Grecs.
En effet Kircher prétend que fi l'on eft au fait des anciennes
écritures , & qu'on examine bien la figure de nos Clefs on
trouvera qu'elles fe rapportent chacune à la lettre un peu dé-
figurée de la Noce qu'elle repréfente. Ainfi la CleJ de fol étoic
originairement un G; la Clef d'ut un C, & la Clef de fa une F.
Nous avons donc trois Clefs à la Quinte l'une de l'autre.
La Clef d'F ut fa , ou de fa , qui eft la plus baffe ; la Clef
d'ut ou de C/b/wt, qui eft une Quinte au-deffus de la pre-
mière ; & la Clef de fol ou de G re fol, qui eft une Quinte
au-defius de celle d'//r, dans l'ordre marqué PL A. Fig. 5.
fur quoi l'on doit remarquer que , par un refte de l'ancien
ufige, la Clef Ce pofe toujours fur une ligne & jamais dans
un efpace. On doit favoir aufTi que la Clef de fa fe fait de
trois manières différentes; l'une dans la Mufique imprimée;
une autre dans la Mufique écrite ou gravée , & la dernière
dans le Plain- Chant. Voyez ces trois Figures , ( Pi. M. Fig. 8. )
En ajoutant quatre lignes au-deffus de la Clef de fol , &
trois lignes au-deffous de la Clef de fa , ce qui donne , de
l rt & d'autre , la plus grande étendue de lignes ftables ,
ou voit que le fyfléme total des Notes qu'on peut placer fi»
i44
CLE
les Degrés relatifs à ces Clefs fe monte à vingt-quaTe ; c'efr-
à-dire , trois Octaves & une Quarte , depuis le fa qui fe trouve
au-delîus de la première ligne , jufqu'au ft qui fe trouve au-
deflbus de la dernière , & tout cela forme enfemble ce qu'on
appelle le Clavier gênerai; par où l'on peut juger que cette
étendue a fait long-tems celle du fyftême. Aujourd'hui qu'il
acquiert fans cède de nouveaux Degrés , tant a l'aigu qu'au
grave , on marque ces Degrés fur des lignes poltiches qu'on
ajoute en haut ou en bas , félon le befoin.
Au lieu de joindre enfemble toutes les lignes, comme j'ai
fait , ( PL A. Fig. 5 ) pour marquer le rapport des Clefs , on les
fépare de cinq en cinq , parce que c'elt à-peu-près aux Degrés
compris dans cet efpace qu'elt bornée l'étendue d'une voix
commune. Cette collection de cinq lignes s'appelle Portée,
& l'on y met une Clef pour déterminer le nom des Notes , le
lieu des femi-Tons , & montrer quelle place la Portée occupe
dans le Clavier.
De quelque manière qu'on prenne , dans le Clavier , cinq
lignes confécutives , on y trouve une Clef comprife , & quel-
quefois deux ; auquel cas on en retranche une comme inu-
tile. L'ufage a même preferit celle des deux qu'il faut retran-
cher, & celle qu'il faut pofer; ce qui a fixé aulli le nombre
des pofitions affignées h chaque Clef.
Si je fais une Portée des cinq premières lignes du Clavier,
en commençant par le bas , j'y trouve la Clef de fa fur la qua-
trième ligne : voilà donc une pofition de Clef, & cette poli-
tion appartient évidemment aux Notes les plus graves ; aufli
tft-elk celle de la C /<:/' de fi
bi
CLE 145
Si je veux gagner une Tierce dans le haut , il faut ajourer
une ligne au-deffus ; il en faut donc retrancher une au-def-
fous , autrement la Portée auroit plus de cinq lignes. Alors
la Ckf de fa fe trouve • tranfportée de la quatrième ligne à
la troifieme , & la Ckf d'ut fe trouve auffi fur la cinquième ;
mais comme deux Clefs font inutiles , on retranche ;cj ce|]e
d'ut. On voit que la Portée de cette Ckf eft d'une Tierce
plus élevée que la précédente.
En abandonnant encore une ligne en bas pour en gagne?
une en haut , on a une troifieme Portée où la Ckf de fa
fe trouverait fur la deuxième ligne , & celle d'ut fur la q -
trieme. Ici l'on abandonne la Ckf de fa , & l'on prend celle
d'ut. On a encore gagné une Tierce à l'aigu , & on l'a perdue
au grave.
En continuant ainfi de ligne en ligne , on paffe fuccei
ment par quatre pofitions différentes de la Ckf d'ut. Arrivant
à celle de fol y on la trouve pofée fur. la deuxième ligne, &
puis fur la première ; cette pofition embraffe les cinq plus
hautes lignes , «Se donne le Diapafon le plus aigu que Ton
puiffe établir par les Clefs.
On peut voir (FI. A. Fig. 6) cette fuccefîîon des Clefs
du grave à l'aigu ; ce qui fait en tout huit Portées , Clefs ,
ou Pofitions de Clefs différentes.
De quelque cara&ere que puiffe être une Voix ou un
Infiniment , pourvu que fon étendue n'excède pas à l'aigu
ou au grave celle du Clavier général, on peut, dans ce nom-
bre, lui trouver une Portée & une Ckf convenables, & il. y
en a en effet de déterminées pour toutes les Parties de la
Did, de Mufque, T
i.;.^ CLE
Mufique. ( Voyez Parties. ) Si l'étendue d'une Partie efr.
fort grande , que le nombre de lignes qu'il faudrait ajouter
au - deffus ou au - delîous devienne incommode , alors on
change la Clef dans le courant de l'Air. On voit clairement
par la figure, quelle Clef il faudrait prendre pour élever ou
bai (Ter la Portée , de quelque Clef qu'elle foit aimée ac-
tuellement.
On voit aufii que , pour rapporter une Clef à l'autre , il
faut les rapporter toutes deux fur le Clavier général , au
moyen duquel on voit ce que chaque Note de l'une des
Clefs ei't à l'égard de l'autre. C'eft par cet exercice réitéré
qu'on prend l'habitude de lire aifement les Partitions.
Il fuit de cette méchanique qu'on peut placer telle Note
qu'on voudra de la Gamme fur une ligne ou fur un efpace
quelconque de la Portée , puifqu'on a le choix de huit dif-
férentes Pofitions , nombre des Notes de l'Octave. Ainfi
l'on pourrait Noter un Air entier fur la même ligne , en
changeant la Clef h chaque Degré. La Figure 7 montre par
la fuite des Clefs la fuite des Notes re fa la ut mi fol fi re ,
montant de Tierce en Tierce , & toutes placées fur la même
ligne. La Figure fuivante 8 repréfente fur la fuite des mêmes
Clefs la Note ut qui paraît defeendre de Tierce en Tierce
fur toutes les lignes de la Portée , & au - delà , & qui
cependant, au moyen des changemens de Clef, garde tou-
jours l'Uniffon. C'e(t fur des exemples femblablcs qu'on dois
s'exercer pour connoitre au premier coup- d'oeil le jeu de
toutes les Clefs.
11 y a deux de leurs pofitions, favoir, la Clef de fol fur
■>.
CLE '4?
la première ligne & la CLj àe fa fur la rroifiemc , donc l'u-
fage paroîc s'abolir de jour en jour. La première peut fembler
moins néceffairc puifqu'elle ne rend qu'une poficion toute
Semblable à telle de fa fur la quatrième ligne , dont elle
diffère pourtant de deux Octaves. Pour la CL'f de fa , il eft
évident qu'en l'ôtant tout-à-fait de la troifieme ligne , on
n'aura plus de poiîtion équivalente , & que Ja compofition
du Clavier , qui elt complète aujourd'hui , deviendra par-là
défectueufe.
CLEF TRANSPOSÉE. On appelle ainfi toute Clef
armée de Dièfes ou de Bémols. Ces fignes y fervent à
changer le lieu des deux femi - Tons de l'Octave , comme
je l'ai expliqué au mot Bémol , & à établir l'ordre naturel
de la Gamme , fur quelque Degré de l'Echelle qu'on veuille
choifir.
La nécefTité de ces altérations naît de la fimilitude des
Modes dans tous les Tons : car comme il n'y a qu'une for-
mule pour le Mode majeur, il faut que tous les Degrés de
ce Mode fe trouvent ordonnés de la même façon fur leur
Tonique ; ce qui ne peut fe faire qu'à l'aide des Dièfes ou
des Bémols. Il en eft de même du Mode mineur ; mais
comme la même combinaifon qui donne la formule pour un
Ton majeur, la donne aura* pour un Ton mineur fur une
autre Tonique , ( Voyez Modl'. ) il s'enfuit que pour les
vingt -quitre Modes il fufîit de douze combinaifons : or fi
avec la Gamme naturelle on compte fix modifications par
Dicfes , & cinq par Bémols , ou fix par Bémols & cinq par
Dicfjs , oq trouvera ces douze combinaifons auxquelles fc
T r
iVs CLE
bornent toutes les Variétés pofïïbles de Tons & de Modes
dans le Syitême établi.
J'explique , aux mots Dièfe & Bémol , Tordre félon lequel
ils doivent être placés à la Clef. Mais pour tranfpofer tout
d'un coup la Clef convenablement à un Ton ou Mode quelcon-
que , voici une formule générale trouvée par M. de Boifgelou ,
Confeiller au Grand - Confeil , & qu'il a bien voulu me
communiquer.
Prenant Y ut naturel pour terme de comparaifon , nous
appellerons Intervalles mineurs la Quarte ut fa , & tous les
Intervalles du même ut à une Note bémolifée quelconque ;
tout autre Intervalle elt majeur. Remarquez qu'on ne doit
pas prendre par Diéfe la Note fupérieure d'un Intervalle
majeur , parce qu'alors on feroit un Intervalle fuperflu : mais
il faut chercher la même chofe par Bémol ; ce qui donnera
un Intervalle mineur. Ainfi l'on ne compofera pas en la Dièfe.,
parce que la Sixte ut la étant majeure naturellement , devien-
drait fuperflue par ce Dièfe ; mais on prendra la Note fi
Bémol, qui donne la même touche par un Intervalle mineur;
ce qui rentre dans la règle.
On trouvera (PI. N. T'ig. 5.) une Table des douze Sons
de l'Octave divifée par Intervalles majeurs «Se mineurs , fur
laquelle on tranfpofera la Clef de la manière fuivante , ftlou
le Ton & le Mode où l'on veut compofer.
Ayant pris une de ces douze Notes pour Tonique ou fon-
damentale , il faut voir d'abord Ci l'Jntervalle qu'elle f'.'.it
avec ut e(t majeur ou mineur : s'il elt majeur, il faut des
D.èfcs; s'il elt mineur, il faut des Bémols. Si cette Note cil
CLE 149
Vut lui-même, l'Intervalle eft nul, & il ne faut ni Bémol ni Dicfe.
Pour déterminer à préfent combien il faut de Diefes ou
de Bémols , foit a le nombre qui exprime l'Intervalle d'ut
à la Note en queftion. La formule par Diefes fera —
1 x x
7
& le refte donnera le nombre des Diefes qu'il faut met-
tre à la Clef. La formule par Bémols fera a ~ ' ?_^ ,& le refte
fera le nombre des Bémols qu'il faut mettre à la Clef.
Je veux , par exemple , compofer en la Mode majeur. Je
vois d'abord qu'il faut des Diefes , parce que la fait un In-
tervalle majeur avec ut. L'Intervalle eft une Sixte dont le
nombre elt 6 ; j'en retranche 1 ; je multiplie le refte 5 par
z , & du produit 10 rejettant 7 autant de fois qu'il fe peut,
j'ai le relie 3 qui marque le nombre de Diefes dont il faut
armer la Clef pour le Ton majeur de la.
Que fi je veux prendre fa Mode majeur , je vois , par la
Table , que l'Intervalle eft mineur , & qu'il faut par co.i-
fequent des Bémols. Je retranche donc 1 du nombre 4 de
l'Intervalle; je multiplie par 5 le refte 3 , & du produit 15
rejettant 7 autant de fois qu'il fe peut, j'ai 1 de refte : dtiï
un Bémol qu'il faut mettre à la Clef.
On voit par-là que le nombre des Diefes ou des Bémols
de la Clef ne peut jamais palier lix , puifqu'ils doivent être
le relte d'une divifîon par fept.
Pour les Tons mineurs il faut appliquer la même formule
des Tons majeurs , non fur la Tonique , nuis fur la Note
qui ett une Tierce mineure uu-defïus de cette, même Toni-
que, fur fa Médiante.
iso C O M
Ainfî pour compofcr en fi Mode mineur, je trans-
férai la Clef comme pour le Ton majeur de re. Pour fa
Dicfe mineur, je la tranfppferai comme pour la majeur, &c.
Les Muficiens ne déterminent les Tranfpofitions qu'à force
de pratique , ou en tâtonnant; mais la règle que je donne
eft démontrée générale & fans exception.
COiMARCHIOS. Sorte de Nome pour les Flûtes dans
.l'ancienne Mufique des Grecs.
COMMA ,f. m. Petit Intervalle qui fe trouve , dans quel-
ques cas , entre deux Sons produits fous le même nom par
des progreflions différences.
On diftingue crois efpeces de Comma. i°. Le mineur,
donc la raifon eft de 2015 à 2048 ; ce qui eft la quantité
dont le fi Dièfe, quatrième Quinte de/o/Dièfe pris comme
Tierce majeure de mi, eft furpafle par Voit naturel qui lui
correfpond. Ce Comma eft la différence du femi-Ton ma-
jeur au femi-Ton moyen.
2°. Le Comma majeur eft celui qui fe trouve entre le mi
produic par la progreffion triple comme quacrieme Quinte
en commençant par ut , & le même mi > ou fa réplique ,
confidéré comme Tierce majeur de ce même ut. La raifon
en eft de 80 à 81. C'eft le Comma ordinaire, & il eft la
différence du Ton majeur au Ton mineur.
30. Enfin le Comma maxime , qu'on appelle Comma de
Pythagore , a fon rapport de 524288 à 53144J , & il elt
l'excès du fi Dicfe produit par la progrellîon rriplc comme
douzième Quinte de Vut fur le niêmc ut élève* par fes Oc-
raves au Degré correfr.ondant.
C O M r5i
Les Muficiens entendent par Commet la huitième ou lu
neuvième partie d'un Ton , la moitié de ce qu'ils appellent
un quart-de-Ton. Mais on peut afîlirer qu'ils ne favent ce
qu'ils veulent dire en s'exprimant ainfi , puifque pour des
orvilles comme les nôtres un fi petit Intervalle n'eft appré-
ciable que par le calcul. ( Voyez Intervalle. )
COMPAIR , adj. corrélatif de lui-même. Les Tons Corn-
pairs dans le Plain-Chant , font l'authente & le plagal qui
lui correfpond. Ainfi le premier Ton eft Compair avec le
fécond ; le troifieme avec le quatrième , & ainfi de fuite :
chaque Ton pair eft Compair avec l'impair qui le précède.
( Voyez Tons de l'Eglise. )
COMPLÉMENT d'un Intervalle eft la quantité qui lui
manque pour arriver à l'Octave : ainfi la Seconde & la Sep-
tième , la Tierce & la Sixte , la Quarte & la Quinte font
Cùmptémens l'une de l'autre. Quand il n'eft queition que
d'un Intervalle , Complément & Renverfement font la même
chofe. Quant aux efpeces , le jufle efè Complément du jufte r
le majeur du mineur , le fuperflu du diminué , 6c récipro-
quement. ( Voyez Intervalle. )
COMPOSE , adj. Ce mot a trois fèns en Mufîque ; deux
par rapport aux Intervalles & un par rapport à la Mefure.
I. Tout Intervalle qui pafle l'étendue de l'Octave eft un
Intervalle Compofé , parce qu'en retranchant l'Octave on fim-
plifîe l'Intervalle fans le changer. Ainfi la Neuvième ,1a Dixième,
la Douzième font des Intervalles Compnfés ; le premier , de la
Seconde & de l'Octave ; le deuxième , de la Tierce 6c de
l'Octave j le troifieme , de la Quinte & de l'Octave , &c
,5* C O M
IL Tout Intervalle qu'on peut divifer mufîcalement en
deux Intervalles peut encore être confidéré comme Com-
pofe. Ainfi la Quinte eft compofée de deux Tierces, la Tierce
de deux Secondes ; la Seconde majeure de deux femi-Tons ;
mais le femi-Ton n'eft point Compofé , parce qu'on ne
peut plus le divifer ni fur le Clavier ni par Notes. C'eft le
fens du difcours qui , des deux précédentes acceptions , doit
déterminer celle félon laquelle un Intervalle eft dit Compofé,
III. On appelle Mefures compofées toutes celles qui font
défignées par deux chiffres. ( Voyez Mesure. )
COMPOSER , v. a. Inventer de la Mufique nouvelle , félon
les règles de l'Art.
COMPOSITEUR,/ m. Celui qui compofe delà Mufique
ou qui fait les règles de la Compofition. Voyez , au mot
Composition , l'expofé des connoiffances néceffaires pour
favoir compofer. Ce n'eft pas encore aficz pour former un
vrai Compofiteur. Toute la fcience pofiïble ne fuffit point
fans le génie qui la met en œuvre. Quelque effort que Ton
puiffe faire , quelque acquis que l'on puiffe avoir , il faut être
né pour cet Art ; autrement on n'y fera jamais rien que de
médiocre. Il en eft du Compojiteur comme du Potite : fi
la Nature en naiffant ne l'a formé tel ;
S'il n'a reçu du Ciel t influence fecrct'e ,
Pour ha Phébui çjljbui ajk ij} rétif.
Ce que j'entends par génie n'e/t point ce goût bifurc &
capricieux qui feme par-tout le baroque & le difficile , qui ne
fait orner l'Harmonie qu'à force de Dillbnances , de con-
traftes
C O M xs3
trdcs 5c de bruit. C'eft ce feu intérieur qui brûle , qui tour-
mente le Compofitcur maigre lui , qui lui infpire inceff.ni-
ment des Chants nouveaux & toujours agréables des ex-
preilîons vives , naturelles & qui vont au cœur ; une Har-
monie pure , touchante , majeitueufe , qui renforce & pare
k Chant fans l'étouffer. C'elt ce divin guide qui a conduit
Correlli , Vinci , Perez , Rinaldo , Jomelii , Durante plus
favant qu'eux tous , dans le fanétuaire de l'Harmonie ; Léo»
Pergolèfe, rlaffe, Terradc'glias , Galuppi dans celui du boa
goût 6c de l'exprcflîon.
COMPOSITION ,f. f. C'eft l'Art d'inventer 6c d'écrire
des Chants , de les accompagner d'une Harmonie convena-
ble , de faire , en un mot , une Pièce complète de Mufique
avec toutes fts Parties.
La connoiffance de l'Harmonie 6c de fes règles efr. le fon-
dement de la Compojîtion. Sans doute il faut favoir remplir
des Accords , préparer , fauver des DilTonances , trouver des
Bdffes - fondamentales 6c pofféder toutes les autres petites
connoiffanecs élémentaires ; mais avec les feules règles de
l'Harmonie , on n'eit pas plus près de favoir la Compojiùon %
qu'on ne l'eft d'être un Orateur avec celles de la Gram-
maire. Je ne dirai point qu'il faut , outre cela , bien con-
noître la portée 6c le caractère des Voix 6c des Inflrumens ,
les Criants qui font de facile ou difficile exécution , ce qui
fait de l'effet 6c ce qui n'en fait pas ; fentir le caractère
des différentes Mefures , celui des différentes Modulations
pour appliquer toujours l'une 6c l'autre a propos ; favoir
coûtes les règles particulières établies par convention , par
Dicl. de Mujiqut. V
t54 C O M
goût, par caprice ou par pédanterie , comme les Fugue?,
les Imitations , les fujets contraints , &c. Toutes ces chofes
ne font encore que des préparatifs à la Compofuion : mais
il faut trouver en foi-même la fource des beaux Chants , de
la grande Harmonie , les Tableaux , l'expre/Iion ; être enfin
capable de faifir ou de former l'ordonnance de tout un ou-
vrage , d'en fuivre les convenances de toute efpece , & de
fe remplir de l'efprit du Poète fans s'amufer à courir après
les mots. C'eft avec raifon que nos Muficiens ont donné
le nom de paroles aux Poèmes qu'ils mettent en Chant.
On voit bien , par leur manière de les rendre , que ce ne
font en effet , pour eux , que des paroles. Il femble , fur-
tout depuis quelques années , que les règles des Accords
aient fait oublier ou négliger toutes les autres , & que l'Har-
monie n'ait acquis plus de facilité qu'aux dépens de l'Art
en général. Tous nos Artiftes favent le rempliffage , à peine
en avons-nous qui fâchent la Compofuion.
Au velte , quoique les règles fondamentales du Contre-
point foient toujours les mêmes , elles ont plus ou moins
de rigueur félon le nombre des Parties; car à mefure qu'il
y a plus de Parties , la Compofuion devient plus difficile ,
& les règles font moins féveres. La Compofuion à deux Par-
ties s'appelle Duo , quand les deux Parties chantent égale-
ment , c'efl-à-dire , quand le fujet fe trouve partagé entr'ellcs.
One fi le fujet e(t dans une Partie feulement, & que l'autre
ne fa (Te qu'accompagner, on appelle alors la première Récit
ou Solo ; èv l'autre , Accompagnement ou BafTt-continue , û
cYft une Batfe. 11 en elt de même du Trio ou de la Cor.~
C O M 155
pofition à trois Parties , du Quatuor , du Quinque , &c.
( Voyez ces mots. )
On donne aufli le nom de Comportions aux Pièces mêmes
de Mufique faites dans les règles de la Compojition : c'tft
pourquoi les Duo , Trio , Quatuor dont je viens de parler ,
s'appellent des Comportions.
On compofe ou pour les Voix feulement , ou pour les
Inftrumens , ou pour les Inftrumens 6c les Voix. Le Plain-
Chant & les Chanfons font les feules Comportions qui ne
foient que pour les Voix ; encore y joint-on fouvent quelque
Infiniment pour les foutenir. Les Comportions inftrumen-
tales font pour un Chœur d'Ortheftre , & alors elles s'ap-
pellent i>) mphonies , Concerts ; ou pour quelque efpece par-
ticulière d'Inftrument , & elles s'appellent Pinces , Sonates.
( Voyez ces mots. )
Quant aux Comportions deftinées pour les Voix & pour
les Inftrumens , elles fe divifent communément en deux efpo-
ces principales; favoir , Mufique Latine ou Muilque d'Eglife,
& Mufique Françoife. Les Mufiques deftinées pour l'Eglife,
foit Pfeaumes , Hymnes , Antiennes , Répons , portent en
général le nom de Mottets. ( Voyez Mottet. ) La Mufi-
que Françoife fe divife encore en Mufique de Théâtre ,
comme nos Opéra , & en Mufique de Chambre , comme
nos Cantates ou Cantatilles. ( Voyez Cantate , Opéra. )
. Généralement la Compojition Latine parle pour demander
plus de feience & de règles , & la Françoife plus de génie
& de goûr.
Dans une Compofition l'Auteur a pour fujet le Son phyfi-
V i
iS6 C O N
quement confidéré , ôc pour objet le feul plaifir de l'oreille ;
ou bien il s'élève à la Mufique imitative & cherche à émou-
voir fes Auditeurs par des effets moraux. Au premier égard
il fuffit qu'il cherche de beaux Sons & des Accords agréa-
bles ; mais au fécond il doit confidérer la Mufique par fes
rapports aux accens de la voix humaine, & par les confor-
mités pofîibles entre les Sons harmoniquement combir. :s
& les objets imitables. On trouvera dans l'article Opéra
quelques idées fur les moyens d'élever Ôc d'ennoblir l'Art ,
en faifant , de la Mufique , une langue plus éloquente que
le difeours même.
CONCERT ,yi m. Anemblée de Muficiens qui exécutent
des Pièces de Mufique Vocale & Inftrumentale. On ne fe
fert gueres du mot de Concert que pour une alllmblte d'au-
moins fept ou huit Muficiens , & pour une Mufique à plu-
sieurs Parties. Quant aux Anciens , comme ils ne connoif-
foient pas le Contre-point , leurs Concerts ne s'exécuteienc
qu'à l'Unifïbn ou à l'Odave ; ôc ils en avoient rarement ail-
leurs qu'aux Théâtres ôc dans les Temples.
CONCERT SPIRITUEL. Concert qui tient lieu de Spec-
tacle public à Paris, durant les tems où les autres Spectacles
font fermés. Il efi établi au Château des Tuileries; les Con-
certons y font très-nombreux ôc la Salle eft fort bien déco-
rée. On y exécute des Mottets , des Symphonies, Ôc l'on fe
donne aufli le plaiûr d'y défigurer de teins en unis quelques
Airs Italien?.
CONCERTANT , aJj. Parties Corn font , fi
l'Abbé BroHard , celles qui ont quelque chofe à réciter dm
C O N ,57
une Pièce ou dans un Concert , & ce mor fert à les distin-
guer des Parties qui ne font que de Chœur.
Il eft vieilli dans ce ù:ns , s'il l'a jamais eu. L'on dit au-
jourd'hui Parties Récitantes : mais on fe fort de celui de
Concertant en parlant du nombre de Mufîciens qui exécu-
tent dans un Concert , 6c l'on dira : Nous étions vingt-cinq
Concertant Une aJJ'emblée de huit à dix Concertans.
CONCERTO , / m. Mot Italien francifé , qui lignifie
généralement une Symphonie faire pour être exécutée par
tout un Orchefire ; mais on appelle plus particulièrement
Concerto une Pièce faite pour quelque Infiniment particu-
lier , qui joue feul de tems en tems avec un fimple Accom-
pagnement , après un commencement en grand Orcheltre ;
& la Pièce continue ainfi toujours alternativement entre le
même Inltrumcnt récitant , & fOrcheftre en Chœur. Quant
aux Concerto où tout fe joue en Rippiéno, & où nul Inf-
trument ne récite , les François les appellent quelquefois
Trio , &c les Italiens Sinfonie.
CONCORDANT , ou Baffe - Taille , ou Bary ton ; celle
des Parties de la Mufique qui tient le milieu entre la Taiile
6c la Baffe. Le nom de Concordant n'eft gueres en ufage que
dans les Mufiqnes d'Eglife, non plus que la Partie qu'il dé-
(îgne. Par-tout ailleurs cette Pâme s'appelle Baffe-Taille &
fe confond avec la Baffe. Le Concordant eft proprement la
Parre qu'en Italie on appelle Ténor. ( Voyez Parties. )
CONCOURS,/ m. Affembléc de Mufîciens & de con-
noiueurs autorifés , dans laquelle une place vacante de M -
tre de Mufique ou d'Orgunilte elt emportée , à la' pi
,58 C O N
des fuflrages , par celui qui a fait le meilleur Mottet , Ou qui
s'eft diftingué par la meilleure exécution.
Le Concours étoit en ufage autrefois dans la plupart des
Cathédrales ; mais dans ces tems malheureux où l'efprit
d'intrigue s'eft emparé de tous les états, il eft naturel que
le Concours s'abolifle infenfiblement , & qu'on lui fubftitue
des moyens plus aifés de donner à la faveur ou à l'intérêt ,
le prix qu'on doit au talent & au mérite.
'CONJOINT , adj. Tétracorde Conjoint efè , dans l'an-
cienne Mufiquc , celui dont la corde la plus grave eft à
l'uniïïbn de la corde la plus aiguë du Tétracorde qui efl
immédiatement au-deiïbus de lui, ou dont la corde la plus
aiguë e(c à l'unitîbn de la plus grave du Tétracorde qui elt
immédiatement au-deflus de lui. Ainfi , dans le fyflême des
Grecs , tous les cinq Tétracordes font conjoints par quel-
que côté ; fa voir, i". le Tétracorde Méfon conjoint au Té-
tracorde Hypaton ; i°. le Tétracorde Synnéménon conjoint
au Tétracorde Méfon ; 30. le Tétracorde Hyperboléon con-
joint au Tétracorde Diezeugménon : & comme le Tétra-
corde auquel un autre étoit conjoint lui étoit conjoint réci-
proquement , cela eût fait en tout fix Tétracordes ; c'eft-à-
dire , plus qu'il n'y en avoit dans le fyftême , ii le Tétra-
corde IVléfon étant conjoint par fes deux extrémités , n'eue
été pris deux fois pour une.
mi nous , Conjoint fe dit d'un Intervalle ou Degré.
On applle Degrés conjoints ceux qui font tellement difpo-
fés cnrrVux , que le Son le plus aigu du Do?;ré Inférieur, fe
trouve à l'uniflbn du Son le plus grave du Degré fupéricur.
e o n 159
11 faut de plus qu'aucun des Degrés conjoints ne puiiïe être
partagé en d'autres Degrés plus petits , niais qu'ils foient
eux-mêmes les plus petits qu'il foit pofïiblc ; faveur , ceux
d'une féconde. Ainfi ces deux Intervalles ut re , & re mi
font conjoints ; mais ut re & fa fol ne le font pas , faute
de la première condition ; ut mi & mi Jol ne le font pas
non plus , faute de la féconde.
Marche par Degrés conjoints figniîie la même chofe que
Marche Diatonique. ( Voyez Degré Diatonique. )
CONJOINTES,/ f. Tétracorde des Conjointes. ( Voyez
SvNNtMI'NON. )
CONNEXE, adj. Terme de Plain-Chant. ( Voy. Mixte. )
CONSONNANCE,/ f. C'eft , félon l'étymologie du
mot, l'effet de deux ou plufieurs Sons entendus a la fois ;
mais on reftreint communément la lignification de ce terme
aux Intervalles formés par deux Sons , dont l'Accord plaît
à l'oreille , & c'eft en ce fens que j'en parlerai dans cet
article.
De cette infinité d'Intervalles qui peuvent divifer les Sons ,
il n'y en a qu'un très-petit nombre qui fafTcnt des Confon-
nances ; tous les autres choquent l'oreille & font appelles
pour cela Dijfonances. Ce n'efè pas que plufieurs de celles-
ci ne foient employées dans l'Harmonie ; mais elles ne le
font qu'avec des précautions dont les Confonnances , tou-
jours agréables par elles - mêmes , n'ont pas également
befoin.
Les Grecs n'admettoient que cinq Confonnances ; favoir ,
l'Octave, la Quinte , la Douzième qui dl Ïà réplique de
160 C O N
la Quinte , la Quarte , & l'Onzième qui eft fa réplique,'
Nous y ajoutons les Tierces & les Sixtes majeures & mi-
neures , les Octaves doubles &c triples , & en un mot , les
diverfes répliques de tout cela fans exception , félon toute
l'étendue du fyitême.
On diftingue les Confonnances en parfaites ou juftes , dont
l'Intervalle ne varie point , & en imparfaites , qui peuvent
être majeures ou -mineures. Les Confonnances parfaites ,
font l'Octave , la Quinte & la Quarte ; les imparfaites font
les Tierces & les Sixtes.
Les Confonnances fe divifent encore en fimples & com-
pofées. Il n'y a de Confonnances fimples que la Tierce ôc
la Quarte : car la Quinte , par exemple , e(t compofée de
deux Tierces ; la Sixte eft compofée de Tierce & de
Quarte , «Sec.
Le caractère phyfique des Confonnances fe tire de leur
production dans un même Son ; ou , fi l'on veut , du fré-
milfement des cordes. De deux cordes bien d'accord for-
mant entr'elles un Intervalle d'Octave ou de Douzième qui
eft l'Octave de la Quinte , ou de Dix-fepticme majeure qui
eit la double Octave de la Tierce majeure , Ci l'on fait fon-
ner la plus grave , l'autr« frémit & réfonne. A l'égard de
la Sixte majeure ôc mineure , de la Tierce mineure , de la
Quinte & de la Tierce majeure fimples , qui toutes font
des combinaifons & des renverfemens des précédentes Con-
fonnances , elles fe trouvent non directement , mais entre
les diverfes cordes qui frémifTent au même Son.
Si je touche la corde ut , les cordes montées à fon Oc-
tave
C O N rr„
tave z/r, à la Quinte foi de cette Octave, à la Tierce nu
de la double Octave , même aux Octaves de tout cela , fré-
miront toutes & reformeront à la fois ; & quand la première
corde feroit feule , on dilLingueroit encore tous ces Sons
dans fa réfonnance. Voila donc l'Oétave , la Tierce ma-
jeure , & la Quinte directes. Les autres Confonnances fe
trouvent auflï par combinaifons ; fivoir, la Tierce mineure»
du mi au fol ; la Sixte mineure , du même mi à Yut d'en
haut ; la Quarte , du fol à ce même ut ; & la Sixte ma-
jeure , du même fol au mi qui eft au-delîus de lui.
Telle eft la génération de toutes les Confonnances. Il
s'agiroit de rendre raifon des Phénomènes.
Premièrement , le frémiffement des cordes s'explique pai
l'action de l'air & le concours des vibrations. ( Voyez Unis-
son. ) 20. Que le fon d'une corde foit toujours accompagné
de fes Harmoniques ( voyez ce mot. ) , cela paroît une
propriété du Son qui dépend de fa nature , qui en eft in-
(eparable , ôc qu'on ne fauroit expliquer qu'avec des hypo-
rhefes qui ne font pas fans difficulté. La plus ingénieufe
qu'on ait jufqu'à préfent imaginée fur cette matière eft ,
fans contredit , celle de M. de Mairan , dont M. Rameau
dit avoir fait fon profit.
3°. A l'égard du plaifîr que les Confonnances font à l'oreille,
à l'exclufion de tout autre Intervalle , on en voit clairement
la fource dans leur génération. Les Confonnances Baillent
toutes de f Accord parfait , produit par un Son unique , &
réciproquement l'Accord parfait fe forme par l'j >
des Confonnances. Il eft donc naturel que l'Harmonie de
Dicl. de Mujîque, X
i6x C O N
cet Accord fe communique à fes Parties ; que chacune d'elles
y participe , & que tout autre Intervalle qui ne fait pas
partie de cet Accord n'y participe pas. Or , la Nature qui a
doué les objets de chaque fens de qualités propres à le flat-
ter , a voulu qu'un Son quelconque fût toujours accom-
pagné d'autres Sons agréables , comme elle a voulu qu'un
rayon de lumière fût toujours formé des plus belles couleurs.
Que fi l'on prefTe la queftion , & qu'on demande encore
d'où naît le plaifïr que caufe l'Accord parfait à l'oreille ,
tandis qu'elle eft choquée du concours de tout autre Son ,
que pourroit-on répondre à cela , finon de demander à fon
tour pourquoi le verd plutôt que le gris réjouit la vue , &
pourquoi le parfum de la rofe enchante, tandis que l'odeur
du pavot déplaît ?
Ce n'eft pas que les Phyficiens n'aient expliqué tout cela ;
& que n'expliquent-ils point ? Mais que toutes ces explica-
tions font conjecturales , & qu'on leur trouve peu de foli-
dité quand on les examine de près ! Le Lecteur en jugera
par l'expofé des principales , que je vais tâcher de faire en
peu de mots.
Ils difent donc que , la fenfuion du Son étant produite
par les vibrations du corps fonore propagées jufqu'au tym-
pan par celles que l'air reçoit de ce même corps , lorfque
deux Sons fe font entendre enfemblc , l'oreille cft affectée
a la fois de leurs diverfes vibrations. Si ces vibrations font
ifochroncs , c'efl-à-dire , qu'elles s'accordent a commence*
& finir en mime tems , ce concours forme lVnilIon , &
l'oreille , qui faifit l'Accord de ces retours égaux & bien
C O N M*
concordans , en eft agréablement affectée. Si les vibrations
d'un des deux Sons font doubles en durée de celles de
l'autre , durant chaque vibration du plus grave , l'aigu en fera
précifément deux , oc à la troifieme ils partiront enfemble.
Ainfi , de deux en deux , chaque vibration impaire de l'aigu
concourra avec chaque vibration du grafe , & cette fré-
quente concordance qui conltitue l'Octave , félon eux moins
douce que l'Unilfon , le fera plus qu'aucune autre Confon-
nance. Après vient la Quinte dont l'un des Sons fait deux
vibrations , tandis que l'autre en fait trois ; de forte qu'ils
ne s'accordent qu'à chaque troifieme vibration de l'aigu ;
enfuite la double Octave , dont l'un des Sons fait quatre
vibrations pendant que l'autre n'en fait qu'une , s'accordant
feulement à chaque quatrième vibration de l'aigu : pour la
Quarte , les vibrations fe répondent de quatre en quatre à
l'aigu , & de trois en trois au grave : celles de la Tierce
majeure font comme 4 & s , de la Sixte majeure comme
3 & s , de la Tierce mineure comme s & 6 , & de la Sixte
mineure comme s & 8. Au-delà de ces nombres il n'y a
plus que leurs multiples qui produifent des Confonnances ,
c'eft-à-dire des Octaves de celles-ci ; tout le refte elt
diiîonanr.
D'autres trouvant l'Octave plus agréable que l'Uniiîbn ,
& la Quinte plus agréable que l'Octave , en donnent pour
raifon que les retours égaux des vibrations dans l'Unifibn
& leur concours trop fréquent dans l'Octave confondent ,
identifient les Sons & empêchent l'oreille d'en appercevoir
la diverfité. Pour qu'elle puilFe , avec plaifir , comparer les
i<54 C O N
Sons , il faut bien , difent-ils , que les vibrations s'accor-
dent par Intervalles , mais non pas qu'elles fe confondent
trop fouvent ; autrement au lieu de deux Sons on croiroit
n'en entendre qu'un, & l'oreille perdroit le plaifir de la com-
paraifon. C'eft ainli que du même principe on déduit à fon
gré le pour & le contre , félon qu'on juge que les expériences
l'exigent.
Mais premièrement toute cette explication n'eft , comme
on voit , fondée que fur le plaifir qu'on prétend que reçoit
l'ame par l'organe de l'ouïe du concours des vibrations ; ce
qui , dans le fond , n'eft déjà qu'une pure fuppofiticn. De
plus , il faut fuppofcr encore , pour autorifer ce fyfiéme ,
que la première vibration de chacun des deux corps fono-
res commence exactement avec celle de l'autre ; car de
quelque peu que l'une précédât , elles ne concourroient plus
dans le rapport déterminé, peut-être même ne concour-
roient - elles jamais , & par conféquent l'Intervalle fenfible
devroit changer ; la Confonnance n'exilteroit plus ou ne fe-
roit plus Ta même. Enfin il faut fuppofer que les diverfes
vibrations des deux Sons d'une Confonnance frappent l'or-
gane fans confufion , & tranfmettent au cerveau la fenfation
de l'Accord fans fe nuire mutuellement : chofe difficile a con-
cevoir & dont j'aurai occalion de parler ailleurs.
Mais fans difputer fur tant de fuppofîtions , voyons ce qui
doit s'enfuivre de ce fyitême. Les vibrations ou les Sons
de la dernière Confonnance , qui efl la Tierce mineure ,
font comme s & 6 , & l'Accord en elt fort agréable. Que
doit-il naturellement réfuker de deux autres Sons dont les
C O N jtfS
vibrations (croient entre elles comme C & 7 ? Une Côqfon-
namc un peu moins harmonieufe , à la vérité , mais encore
affez agréable , a caufe de la petite différence des raifons ;
car elles ne différent que d'un trente - fixieme. Mais qu'on
me dife comment il fe peut faire que deux Sons , dont
l'un fait cinq vibrations pendant que l'autre en fait 6 , pio-
duifent une Confonnance agréable, & que deux Sons, dont
l'un fait 6 vibrations pendant que l'autre en fait 7 , pro-
duifent une Diffonance aufîi dure. Quoi ! dans l'un de ces
rapports les vibrations s'accordent de fix en fix , & mon
oreille eft charmée ; dans l'autre elles s'accordent de fepe
en fept , & mon oreille eft écorchée ! Je demande encore
comment il fe fait qu'après cette première Diffonance la
dureté des autres n'augmente pas en raifon de la corn por-
tion des rapports ? Pourquoi , par exemple , la Diffonance
qui réfulte du rapport de 89 à «>o , n'eft pas beaucoup plus
choquante que celle qui réfulte du rapport de n à 13 ? Si
le retour plus ou moins fréquent du concours des vibrations
étoit la caufe du degré de plaifir ou de peine que me font
les Accords, l'effet feroit proportionné à cette caufe, & je
n'y trouve aucune proportion. Donc ce plaifir & cette peine
ne viennent point de-là.
Il refte encore à faire attention aux altérations dont une
Confonnance eft fufceptible fans ceffer d'être agréable à l'o-
reille , quoique ces altérations dérangent entièrement le con-
cours périodique des vibrations , & que ce concours même
devienne plus rare à mefure que l'altération eft moindre. Il
nefte à confidérer que l'Accord de l'Orgue ou du Clavecin :..
tes C O N
devroit offrir à l'oreille qu'une cacophonie d'autant plus hor-
rible que ces Inftrumens feroient accordes avec plus de foin,
puifqu'excepté l'Octave il ne s'y trouve aucune Confonnancc
dans fon rapport exacL
Dira-t-on qu'un rapport approché eft fuppofé tout-à-fait
exact, qu'il eft reçu pour tel par l'oreille, & qu'elle fup-
plée par inftinct ce qui manque à la jufteife de l'Accord ? Je
demande alors pourquoi cette inégalité de jugement & d'ap-
préciation , par laquelle elle admet des rapports plus ou moins
rapprochés & en rejette d'autres félon la diverfe nature des
Confonnances ? Dans l'Uniffon , par exemple , l'oreille ne
fupplée rien ; il eft jufte ou faux , peint de milieu. De même
encore dans l'Octave , fi l'Intervalle n'eft exact , l'oreille efè
choquée -, elle n'admet point d'approximation. Pourquoi en
admet-elle plus dans la Quinte , & moins dans la Tierce
majeure ? Une explication vague , fans preuve , & contraire
au principe qu'on veut établir , ne rend point raifon de ces
différence?.
Le Philofophc qui nous a donné des principes d'Acouf-
tique , laiffant à part tous ces concours de vibrations , Se
renouvellant fur ce point le fyftcme de Defcartes , rend rai-
fon du plaifir que les Confonnam\s font à l'oreille par la
fimplicité des rapports qui font entre les Sons qui les for-
ment. Selon cet Auteur, & félon Defcartes, le'plaifir dimi-
nue à mefure que ces rapports deviennent plus compofes ,
& quant l'efprit ne les faifit plus , ce font de véritables Dif-
fonances ; ainfi c'eft une opération de l'efprit qu'ils pren-
nent pour le principe | du fc miment de l'Harmonie. D
C O N i6j
leurs , quoique cette hypothefe s'accorde avec le reluirai:
des premières divifions harmoniques, & qu'elle s'étende même
à d'autres phénomènes qu'on remarque dans les beaux Arts,
comme elle eft fujette aux mêmes objections que la précé-
dente , il n'eft pas pofïible à la raifon de s'en contenter.
Celle de toutes qui paroît la plus fatisfaifante a pour Auteur
M. Efteve , de la Société Royale de Montpellier. Y'oici là-
deffus comment il raifonne.
Le fentiment du Son eft inféparable de celui de fes Har-
moniques , & puifque tout Son porte avec foi fes Harmo-
niques ou plutôt fon Accompagnement , ce même Accom-
pagnement eft dans l'ordre de nos organes. Il y a dans le
Son le plus fimple une gradation de Sons qui font 6c plus
foibles & plus aigus , qui adouciffent , par nuances , le
Son principal , & le font perdre dans la grande vîteffe des
Sons les plus hauts. Voilà ce que c'eft qu'un Son ; l'Accom-
pagnement lui eft eiïentiel , en fait la douceur & la mélo-
die. Ainfî toutes les fois que cet adouciffement , cet Accom-
pagnement , ces Harmoniques feront renforcés & mieux
développés , les Sons feront plus mélodieux , les nuances
mieux foutenues. C'eft une perfection, & l'ame y doit être
fenfible.
Or , les Confonnances ont cette propriété que les Harmo-
niques de chacun des deux Sons concourant avec les Har»
moniques ,de l'autre , ces Harmoniques fe foutiennent mu-
tuellement , deviennent plus fenfibles , durent plus long-
tems , & rendent aiu.fi plus agréable l'Accord des Sons qui
les djnneou
168 C O N
Pour rendre plus claire l'application de ce principe, M. Efleve
a dreiïc deux Tables, l'une des Confonnances & l'autre des
DifTonances qui font dans Tordre de la Gamme ; & ces Tables
font tellement difpofées , qu'on voit dans chacune le concours
ou l'oppofition des Harmoniques des deux Sons qui forment
chaque Intervalle.
Par la Table des Confonnances on voit que l'Accord de
l'Octave conferve prefque tous fes Harmoniques , & c'eft la
raifon de l'identité qu'on fuppofe, dans la pratique de l'Har-
monie , entre les deux Sons de l'Oâave ; on voit que l'Ac-
cord de la Quinte ne conferve que trois Harmoniques , que
la Quarte n'en conferve que deux, qu'enfin les Confonnances
imparfaites n'en confervenc qu'un , excepté la Sixte majeure
qui en porte deux.
Par la Table des DifTonances on voit qu'elles ne fe con-
fervent aucun Harmonique , excepté 1a feule Septième mineure
qui conferve fon quatrième Harmonique; favoir, la Tierce
majeure de la troiileme Oclave du Son aigu.
De ces obfervations , l^uteur conclud que , plus entre
deux Sons il y aura d'Harmoniques concourans , plus l'Ac-
cord en fera agréable , & voilà les Confonnances parfaites.
Plus il y aura d'Harmoniques détruits , moins l'ame fera fa-
tisfaite de ces Accords ; voilà les Confonnances imparfaites.
Que s'il arrive enfin qu'aucun Harmonique ne foit conferve ,
les Sons feront privés de leur douceur & de leur mélodie ;
ils feront aigres & comme décharnés, l'ame s'y rcfufera , &
au lieu de Padoucirîemcnc qu'elle éprouvoit dans les Confm-
ttances , ne trouvant par - tout qu'une rudelîe foutcnue , elle
éprouver»
C O N iffj
éprouvera un fentiment d'inquiétude , défagréable , qui cft
l'effet de la Diffonance.
Cette hypothefe efr. , fans contredit , la plus fimple , la
plus naturelle , la plus heureufe de toutes : mais elle laiffe
pourtant encore quelque chofe à deiirer pour le contente-
ment de Pefprit , puifque les caufes qu'elle aflîgne ne font
pas toujours proportionnelles aux différences des effets ; que ,
par exemple , elle confond dans la même cathégorie la Tierce
mineure & la Septième mineure , comme réduites égale-
ment à un feul Harmonique , quoique l'une foit Conformante ,
l'autre Diffonante , & que l'effet , à l'oreille , en foit très-
différent.
A l'égard du principe d'Harmonie imaginé par M. Sau-
veur , & qu'il faifoit confUter dans les Battemens , comme
il n'elt en nulle façon foutcnable , & qu'il n'a été adopté de
perfonne , je ne m'y arrêterai pas ici , & il furfira de ren-
voyer le Lecteur à ce que j'en ai dit au mot Battemens.
CONSONNANT , ad}. Un Intervalle Confonnant eft celui
qui donne une Confonnance ou qui en produit l'effet , ce
qui arrive , en certains cas , aux Diffonances par la force de
la modulation. Un Accord Confonnant eit celui qui n'ult
compofé que de Confonnances.
CONTRA,/ m. Nom qu'on donnoit autrefois à la Par-
tie qu'on appelloit plus communément Altus &c qu'aujour-
d'hui nous nommons Haute-Contre. ( Voyez Havte- Con-
tre. )
CONTRAINT , fl^/y. Ce mot s'applique , foit à l'Harmo-
nie , foit au Chant , foit à la valeur des Notes , quand par
Dicl. de Mufiquà, Y
i7o C O N
la nature du deflein on s'eft aflujetti à une loi d'uniformité
dans quelqu'une de ces trois Parties. ( Voyez Basse-Con-
trainte. )
CONTRASTE,/: m. Oppofition de caractères. Il y a Con-
trafle dans une Pièce de Mufique , lorfque le Mouvement
pafle du lent au vite , ou du vite au lent ; lorfque le Dia-
pafon de la Mélodie paffe du grave à l'aigu , ou de l'aigu
au grave ; lorfque le Chant pafle du doux au fort , ou du
fort au doux; lorfque l'Accompagnement pafle du fi m pie
au figuré , ou du figuré au fimple ; enfin lorfque l'Harmo-
nie a des jours & des pleins alternatifs : & le Contrafle le
plus parfait eft celui qui réunit à la fois toutes ces oppolicions.
Il efè très-ordinaire aux Compofiteurs qui manquent d'in-
vention d'abufer du Contrafle, & d'y chercher , pour nourrir
l'attention , les rcflburces que leur génie ne leur fournit pas.
Mais le Contrafle , employé à propos & fobrement ménagé ,
produit des effets admirables.
CONTRA - TENOR. Nom donné dans les commence-
mens du Contre-point à la Partie qu'on a depuis nommée
Ténor ou 1 aille. ( Voyez Taille. )
CONTRE - CHANT, f. m. Nom donné par Gerïon Se
par d'autres à ce qu'on appelloit alors plus communément
Déchant , ou Contre-point. ( Voyez ces mots. )
CONTRE -DANSE. Air d'une forte de Danfe de même
nom , qui s'exécute à quatre , à fix & a huit perfonnes , &.
qu'on danfe ordinairement dans les Bals après les :s ,
comme étant plus gaie & occupant plus de monde, i
v s des Contre-Danjcs font le plus fouvent à deux tcnis ;
C O N ,7,
ils doivent erre bien cadences , brillans & gais , & avoir ce-
pendant beaucoup de {implicite ; car comme on les reprend
très-fouvent , ils deviendraient infupportables , s'ils étoient
chargés. En tout genre les chofes les plus (Impies font celles
dont on fe la(fe le moins.
CONTRE - FUGUE ou FUGUE RENVERSÉE,/: /
forte de Fugue dont la marche eit contraire à celle d'une
autre Fugue qu'on a établie auparavant dans le même mor-
ceau. Ainfi quand la Fugue s'efè fait entendre en montant de
la Tonique à la Dominante , ou de la Dominante à la To-
nique , la Contre-Fugue doit fe faire entendre en defeendanc
de la Dominante à la Tonique , ou de la Tonique à la Do-
minante , & vice versa. Du refie tes règles font entièrement
femblables à celles de la Fugue. ( Voyez Fugue. )
CONTRE - HARMONIQUE , adj. Nom d'une forte de
proportion. ( Voyez Proportion. )
CONTRE - PARTIE. / /. Ce terme ne s'emploie en
Mufique que pour fignifier, une des deux Parties d'un Duo
confidérée relativement à l'autre.
CONTRE -POINT,/ m. C'eft à -peu -près la même
chofe que Compofition ; fi ce n'elt que Composition peut fe
dire des Chants , & d'une feule Partie , & que Contre-point
ne fe dit que de l'Harmonie , & d'une Compojition à deux
ou plufieurs Parties différentes.
Ce mot de Contre -point vient de ce qu'anciennement les
Notes ou fignes des Sons étoient de fimples points , &
qu'en compofant à pluiïeurs Parties , on plaçoit ainfi ces
points l'un fur l'autre , ou l'un contre l'autre.
Y 1
I?a C O N
Aujourd'hui le nom de Contre-point s'applique fpéciale*
ment aux Parties ajoutées fur un fujet donné , pris ordinai-
rement du Plain-Chant. Le fujet peut être à la Taille ou a
quelqu'autre Partie fupcrieure , & l'on dit alors que le Con~
ire -point eft fous le fujet ; mais il ef b ordinairement à la
Baffe , ce qui met le fujet fous le Contre - point. Quand le
Contre point eit fyllabique , ou Note fur Note , on l'appelle
Contre-point [impie ; Centre-point figuré , quand il s'y trouve
différentes figures ou valeurs de Notes , & qu'on y fait des
Deffeins , des Fugues , des Imitations : on fent bien que tout
cela ne peut fe faire qu'à l'aide de la Mefure , & que ce
Plaint- Chant devient alors de véritable Mufique. Une Corn-
pofition faite & exécutée ainfi fur-le-champ & fans prépara-
tion fur un fujet donné , s'appelle Chant fur le Livre , parce
qu'alors chacun compofe impromptu fa Partie ou fon Chant
fur le Livre du Chœur. ( Voyez Chant sur le Livre. )
On a long-tems difputé fi les Anciens avoient connu le
Contre-point ; mais par tout ce qui nous relie de leur Mu-
fique & de leurs écrits , principalement par les règles de pra-
tique d'Ariltoxène, Livre troifieme , on voit clairement qu'ils
n'en eurent jamais la moindre notion.
CONTRE - SENS ,£ m. Vice dans lequel tombe le Mu-
ficien quand il rend une autre penfée que celle qu'il doit
rendre. La Mufique , dit M. d'Alcmbert , n'étant & ne de-
vant être qu'une traduélion des paroles qu'on met en Chant ,
il cft vifible qu'on y peut tomber dans des Contre-fins , &
ils n'y font gueres plus faciles a éviter que dans une vériiable
rrjdu&iou. Contre -fan dans l'expreifion , quand la Muiique
C O N ,7Î
eft trille au lieu d'être gaie , gaie au lieu d'être fritte , lé-
gère au lieu d'ecre grave , grave au lieu d'êrre légère , &c,
Contre-fens dans la Profodie , lorfqu'on eft bref fur des fyl-
labes longues, long fur des fyllabes brèves, qu'on n'obferve
pas l'accent de la Langue , &c. Contre -fens dans la Décla*
marion , lorfqu'on y exprime par les mêmes {Modulations
des fentimens oppofés ou différens , lorfqu'on y rend moins
les fentimens que les mots , lorfqu'on s'y appefantit fur des
détails fur lefquels on doit gliffer , lorfque les répétitions
font entarTées hors de propos. Contre-fens dans la ponctua-
tion , lorfque la phrafe de Mufîque fe termine par une Ca-
dence parfaite dans les endroits où le fens eft fufpendu , ou
forme un repos imparfait quand le fens eft achevé. Je parle
ici des Contre-fens pris dans la rigueur du mot ; mais le
manque d'expreflion eft peut-être le plus énorme de tous.
J'aime encore mieux que la Mufique dife autre chofe que
ce qu'elle doit dire , que de parler & ne rien dire du tout.
CONTRE - TEMS,/ m. Mefure à Contre-tems eft celle
où l'on paufe fur le Terris foible , où l'on glifle fur le Tems
fort , & où le Chant femble être en Contre-fens avec la
Mefure. ( Voyez Syncope. )
COPISTE , / m. Celui qui fait profeflion de copier de
la Mufique.
Quelque progrès qu'ait fait l'Art Typographique , on n'a
jamais pu l'appliquer à la Mufique avec autant de fuccès qu'à
l'écriture , foit parce que les goûts de Ttfprit étant plus
conftans que ceux de l'oreille , on s'ennuie moins vite des
mêmes livres que des mêmes chanfons ; foie par les diili-
174 HC O P
cultes particulières que la combinaifon des Notes & des Li-
gnes ajoute à l'impreiïîon de la Mufique : car fi l'on impri ne
premièrement les Portées &c enfuite les Notes , il eft im-
poiïïble de donner à leurs pofitions relatives , la jufteife né-
celfaire ; & fi le cara&ere de chaque Note tient à une por-
tion de la Portée , comme dans notre Mufique imprimée ,
les lignes s'ajuftent fi mal entr'clles , il faut une fi prodi-
gieufe quantité de caractères , & le tout fait un fi ' vilain
effet à l'œil, qu'on a quitté cette manière avec raifon pour
lui fubftituer la gravure. Mais outre que la gravure elle-
même n'eft pas exempte d'inconvéniens , elle a toujours celui
de multiplier trop ou trop peu les exemplaires ou les Par-
ties ; de mettre en Partition ce que les uns voudroient en
Parties féparées , ou en Parties féparées ce que d'autres vou-
droient en Partition , & de n'offrir gueres aux curieux que
de la Mufique déjà vieille qui court dans les mains de tout
le monde. Enfin il eft fur qu'en Italie , le pays de la terre
où l'on fait le plus de Mufique , on a proferit depuis long-
tems la Note imprimée fans que l'ufage de la gravure ait
pu s'y établir ; d'où je concluds qu'au jugement des Experts
celui de la fimple Copie eft le plus commode.
Il eft plus important que la Mufique foit nettement &
correctement copiée que la fimple écriture ; parce que celui
qui lit & médite dans fon cabinet, apperçoit, corrige aifé-
ment les fautes qui font dans fon livre , & que rien ne
l'empêche de fufpendre h lecture ou de la recommencer :
mais dans un Concert où chacun ne voit que la Partie , &
où la rapidité & la continuité de l'exécution ne lailfent le
C O P r7S
rems de revenir fur aucune faute , elles font toutes irrépara-
bles : fouvent un morceau fublime eft eftropié , l'exécution
eft interrompue ou même arrêtée, tout va de travers, par-
tout manque l'enfemble ôc l'effet , l'Auditeur cfl rebuté ôc
l'Auteur déshonoré , par la feule faute du Copifte.
De plus , l'intelligence d'une Mufique difficile dépend beau-
coup de la manière dont elle eft copiée ; car outre la netteté
de la Note , il y a divers moyens de préil-nrer plus claire-
ment au Leiteur les idées qu'on veut lui peindre & qu'il doit
rendre. On trouve fouvent la copie d'un homme plus lifible
que celle d'un autre qui pourtant note plus agréablement ;
c'eft que l'un ne veut que plaire aux yeux , & que l'autre
eft plus attentif aux foins utiles. Le plus habile Copiflt eft
celui dont la Mufique s'exécute avec le plus de facilité , fans
que le Muficien même devine pourquoi. Tout cela m'a per-
fuadé que ce n'étoit pas faire un Article inutile que d'expofer
un peu en détail le devoir & les foins d'un bon Coyïfle :
tout ce qui tend à faciliter l'exécution n'eft point indifférent
à la perfection d'un Art dont elle eft toujours le plus grand
écueil. Je fens combien je vais me nuire à moi-même fi l'on
compare mon travail à mes règles : mais je n'ignore pas que
celui qui cherche l'utilité publique doit avoir oublié la fîenne.
Homme de Lettres , j'ai dit de mon érat tout le mal que
j'en penfe ; je n'ai fait que de la Mufique Françoife , & n'aime
que l'Italienne; j'ai montré toutes les miferes de la Société
quand j'écois heureux par elle : mauvais Copifte , j expofe ici
ce que font les bons. C) vérité ! mon intérêt ne iuis
rien devant toi ; qu'il ne fouille en rien le culte que j^ t'ai
voué.
i76 C O P
Je fuppofe d'abord que le Copifte eft pourvu de toutes les
connoiiîances nécefiaires à fa profefîîon. Je lui fuppofe , de
plus , les talens qu'elle exige pour être exercée fupérieure-
ment. Quels font ces talens, cV quelles font ces connoiffan-
ces ? Sans en parler expreffément , c'eft de quoi cet Article
pourra donner une fuffifante idée. Tout ce que j'oferai dire
ici , c'eft que tel Compofiteur qui fe croit un fort habile
homme , eft bien loin d'en favoir affez pour copier correc-
tement la compofition d'autrui.
Comme la Muiique écrite , fur- tout en Partition , eft faite
pour être lue de loin par les Concertans , la première chofe
que dok faire le Copifte eft d'employer les matériaux les plus
convenables pour rendre fa Note bien lifible & bien nette.
Ainfi il doit choifir de beau papier fort , blanc , médiocre-
ment fin , & qui ne perce point : on préfère celui qui n'a
pas befoin de laver , parce que le lavage avec l'alun lui ôte
un peu de fa blancheur. L'encre doit être très-noire , fans
être luifante ni gommée ; la Réglure fine , égale & bien mar-
quée , mais non pas noire comme la Note : il faut au con-
traire que les lignes foient un peu pâles , afin que les Croches,
Doubles-croches , les Soupirs , Demi-foupirs ôc autres petits
lignes ne fc confondent pas avec elles , & que la Note forte
mieux. Loin que la pâleur des Lignes empêche de lire la
Mufique à une certaine diftance , elle aide, au contraire, à
la netteté ; & quand même la Ligne éJuippcroir un moment
à la vie , la pofition des Notes l'indique alfe? le plus fou-
vent. Les Régleurs ne rendeir I fi .1: , 'i le Copifte
veut fe faire honneur, il doit régler (on papier lui - même.
II
C O P 177
Il y a deux formats de parier réglé ; l'un pour la Mufiquc
Françoife, dont la longueur eft de bas en haut; l'autre pour
la Mufique Italienne , dont la longueur eft dans le fuis des
Lignes. On peut employer pour les deux le même papier ,
en le coupant & réglant en fens contraire : mais quand on
Tachette réglé , il faut renvcrfer les noms chez les Papetiers
de Paris , demander du Papier à l'Italienne quand on le
veut à la Françoife , & à la Françoife quand on le veut a l'Ita-
lienne ; ce quï-pro-quo importe peu , dés qu'on en eft prévenu.
Pour copier une Partition il faut compter les Portées qu'en-
ferme l'Accolade , & choiiir du Papier qui ait , par page , le
même nombre de Portées , ou un multiple de ce nombre ,
afin de ne perdre aucune portée , ou d'en perdre le moins qu'il
eft pofïïble quand le multiple n'eft pas exact.
Le Papier à l'Italienne e/t ordinairement à dix Portées ,
ce qui divife chaque page en deux Accolades de cinq Portées
chacune pour les Airs ordinaires ; favoir , deux Portées pour
les deux Defïïis de Violon , une pour la Quinte , une pour
le Chant , & une pour la Balle. Quand on a des Duo ou des
Parties de Flûtes , de Hautbois , de Cors , de Trompettes ;
alors , à ce nombre de Portées on ne peut plus mettre qu'une
Accolade par page , a moins qu'on ne trouve le moyen de
fupprîmer quelque Portée inutile , comme celle de la Quinte,
quand elle marche fans celte avec la JLffe.
Voici maintenant les obftrvations qu'on doit faire pour
bien didribuer la Partition. i°. Quelque nombre de Parties de
fymphonie qu'on puilfe avoir , il faut toujours que les Parties
de Violon , comme principales , occupent le haut de l'Acco-
Dicl. de Mujîque. Z
17'
cor
lade où les yeux fe portent plus aifément ; ceux qui les met-
tent au-dcffous de toutes les autres & immédiatement fur la
Quinte pour la commodité de l'Accompagnateur , fe trom-
pent ; fans compter qu'il eft ridicule de voir dans une Par-
tition les Parties de Violon au - deffous , par exemple , de
celles des Cors qui font beaucoup plus baffes. .2°. Dans toute
la longueur de chaque morceau l'on ne doit jamais rien chan-
ger au nombre des Portées , afin que chaque Partie ait tou-
jours la Tienne au même lieu. Il vaut mieux laiffer des Portées
vides , ou , s'il le taut abfolument , en charger quelqu'une de
deux Parties , que d'étendre ou refferrer l'Accolade inégale-
ment. Cette règle n'ef r. que pour la Mufique Italienne ; car
l'ufige de la gravure a rendu les Compoiiteurs François plus
attentifs à i'écenomie de l'tfpace qu'à la commodité de l'exé-
cution. 3°. Ce n'eft qu'à toute extrémité qu'on doit mettre
deux Parties fur une même Portée; c'eft, fur- tout, ce quon
(bit éviter pour les Parties de Violon ; car, outre que la con-
f'ufion y feroit à craindre , il y auroit équivoque a\;ec la Dou-
ble-corde : il faut aufîi regarder fi jamais les Parties ne fc
croifent ; ce qu'on ne pourroit gueres écrire fur la même Port ce
d'une manière nette & lilible. 4°. Les Clefs une fois écrites
& correctement armées ne doivent plus fe répéter non plus
que le ligne de la Mefure , fi ce n'elr. dans la MufiqiM Trin-
çoii'e , quand, les Accolades étant inégales, chacun ne p:
roit plus reconnoitre fa Partie; mais dans les Parties fép.i;
on doir répète» la Clef au commencement de chique Portée,
m fut-ce y v pqui marquer le commencement de U L.gn»
au défaut d'Ace >Udc.
C O P r79
T.e nombre des Portées ainfi fixé , il faut faire la divifion
des Mefures , & ces Mefures doivent erre routes égales en
efpace comme en durée , pour mefure/ en quelque forte le
tems au compas & guider la voix par les yeux. Cet efpace
doit être aiïez étendu dans chaque Mefure pour recevoir toutes
les Notes qui peuvent y entrer, félon fa plus grande fubdi-
vifion. On ne fauroit croire combien ce foin jette de clarté
fur une Partition , & dans quel embarras on fe jette en le
négligeant. Si l'on ferre une Mefure fur une Ronde , com-
ment placer les feize Doubles-croches que contient peut-être
une autre Partie dans la même Mefure ? Si l'on fe règle fur
la Partie Vocale , comment tker l'efpace des Ritournelles ?
En un mot , fi l'on ne regarde qu'aux divifions d'une des
Parties , comment y rapporter les divifions fouvent contraires
des autres Parties ?
Ce n'eft pas aifez de divifer I" Air en Mefures égales , il
faat aufii divifer les Mefures en Tems égaux. Si dans cha-
que Partie on proportionne ainfi l'efpace à la durée , toutes
les Parties & toutes les Notes fimultanécs de chaque Partie
fe correfpondront avec une juftciTe qui fera plaifir aux yeux
& facilitera beaucoup la lefltare d'une Partition. Si , par
exemple , on partage une Mefure à quatre Tems , en quatre
efpaces bien égaux entr'eux ôc dans chaque Partie , qu'on
étende les Noires , qu'on rapproche les Croches , qu'on ref-
ferre les Doubles-croches à proportion & chacune dans fon
«fpace , fans qu'on ait befoin de regarder une Partie en copiant
l'autre , routes les Notes corrcfpondantes fe trouveront plus
«xactemenr. perpendiculaires , que fi on les eût confrontées
Z i
i*c C O P
en les écrivant ; & l'on remarquera dans le tout la plus
exacte proportion , foit entre les diverfes Mefures d'une
mûrie Partie , foit entre les diverfes parties d'une même
Mefure.
A l'exactitude des rapports il faut joindre autant qu'il fe
peut la netteté des fignes. Par exemple , on n'écrira jamais
de Notes inutiles , mais fî-tôt qu'on s'apperçoit que deux Par-
ties fe réunifient & marchent à l'Unifïbn , l'on doit renvoyer
de l'une à l'autre lorfqu'elles font voifines & fur la même Clef.
A l'égard de la Quinte , fi-tôt qu'elle marche à l'Octave de
la Baffe , il faut aufîi l'y renvoyer. La même attention de ne
pas inutilement multiplier les fignes , doit empêcher d'écrire
pour la Symphonie les Piano aux entrées du Chant , & les
Forte quand il cefTe : par-tout ailleurs, il les faut écrire exac-
tement fous le premier Violon & fous la Baffe ; & cela fuffic
dans une Partition , où toutes les Parties peuvent & doivent
fe régler fur ces deux-là.
Enfin le devoir du CopiJIe écrivant une Partition effc de
corriger toutes les fauffes Notes qui peuvent fe trouver dans
fon original. Je n'entends pas par fauffes Notes les fautes de
l'ouvrage, mais celles de la Copie qui lui fert d'original. La
perfection de la lienne eft de rendre fidèlement les idées de
l'Auteur, bonnes ou mauvaifes : ce n'eït pas fon affaire; car
il n'eft pas Auteur ni Corrtcleur , mais Copijîc. Il elt bien
vrai que fi l'Auteur a mis par mégarde une Note pour une
autre, il doit la corriger; mais fi ce même Auteur a fait
par ignorance une faute de Composition , il la doit lailTer.
Qu'il cc-mpofe mieux lui-même, s'il veut ou s'il peut, à la
cor
T ',
bonne heure; irais fi-tôt qu'il copie, il doit refpecier fen
original. On voit par-là qu'il ne fufrit pas au Copijle d'être
bon Harmonille, & de bien ravoir la Composition ; mais
qu'il doit , de plus , être exercé dans les divers (lyles , re-
connoître un Auteur par fa manière, &c (avoir bien diftin-
guer ce qu'il a fait de ce qu'il n'a pas fait. Il y a, de plus,
une forte de critique propre à reftiruer un paffage par la com-
paraifon d'un autre, a remettre un Fort ou un Doux où il
a été oublie , à détacher des phrafes liées mal-à-propos , à
rcliituer même des Mefures omifes ; ce qui n'eft pas fi
exemple , même dans des Partitions. Sans doute il faut du
favoir & du goût peur rétablir un texte dans toute fa pureté :
l'on me dira que peu de Copiftcs le font; je répondrai que
tous le devraient faire.
Avant de firfir ce qui regarde les Partirions, je dois dire
comment on y raffemble dus Parties féparées; travail embar-
raffant oui bien des Copifles , mais facile ôc fimple quand
on s'y prend avec méthode.
Pour cela il faut d'abord compter avec foin les Mefures
dans toutes les Parties, pour s'aflurer qu'elles font correc-
tes. Enfuite on pofe toutes les Parties l'une ft.r l'autre en
commençant par la Baffe & la couvrant fuccelTivement des
autres Parties dans le même ordre qu'elles doivent avoir
fur la Partition. On fait l'Accolade d'autant de Portées qu'on
a de Parties ; on la divife en Mefures égales , puis mettant
toutes ces Parties ainfi rangées devant foi & à fa gauche .
on copie d'abord la première ligne de la première Partie ,
que je fuprofe être le premier Violon ; on y fait une lègue
i8i C O P
marque en crayon à l'endroit où l'on s'arrête ; puis on la
tnnfporte renverfée à fa droite. On copie de même la pre-
mière ligne du fécond Violon , renvoyant au premier par-,
tout où ils marchent à l'Uniflbn ; puis faifant une marque
comme ci-devant , on renverfe la Partie fur la précédente
à fa droite ; & ainfi de toutes les Parties l'une après l'autre.
Quand on eft à la Baffe , on parcourt des yeux toute l'Ac-
colade pour vérifier fi l'Harmonie eft bonne , fi le tout eft
bien d'accord, & fi l'on ne s'eft point trompé. Cette pre-
mière ligne faite , on prend enfcmble toutes les Parties qu'on
a renverfées l'une fur l'autre à fa droite , on les renverfe dere-
chef à (d gauche, & elles fe retrouvent ainfi dans le même
ordre & dans la même fituation où elles étoient quand on
a commencé ; on recommence la féconde Accolade à la
petite marque en crayon ; l'on fait une autre marque à la fin
de la féconde Ligne, «Se l'on pourfuit comme ci - devant »
jufqu'à ce que le tout foit fait.
J'aurai peu de chofes à dire fur la manière de tirer une
Partition en Parties féparées ; car c'efr. l'opération la plus
fimple de l'Art , & il fuffira d'y faire les obfervations fui-
vanrc.ç. i°. Il faut tellement comparer la longueur des mor-
ceaux à ce que peut contenir une page , qu'on ne foit ja-
mais obligé de tourner fur un même morceau dans les Par-
tics Inftrumentalcs, à moins qu'il n'y ait beaucoup de Me-
f Tes à compter , qui en Lillcnt le tem>. ('être règle oblige
de commencer a la page vjr/o tous les morceaux qui rcm-
plifTent plus d'une page; ex il n'y en a guetta qui en rem-
plirent plus de deux, i ". Les Dent & les Forts doiveot
C O P |g3
cfre ccrirs avec la plus grande exactitude- fur routes les Par-
tics , même ceux où rentre & celle le Chant, qui ne font
pas pour l'ordinaire écrits fur la Partition. j°. On ne doit
point couper une Mefure d'une ligne à l'autre ; nuis tâcher
qu'il y ait toujours une Barre à la fin de chaque JV,;,l-.
4°. Toutes les lignes poitiches qui excédent, en haut ou en
bas, les cinq de la Portée, ne doivent point être continues,
mais féparées a chaque Note , de peur q^:e le Muficien ,
venant à les confondre avec celles de la Portée , ne fe trompe
de Note & ne fâche plus où il e(t. Cette règle n'elt p.. s
moins néceiïaire dans les Partitions 6V n'elt fuivie p:.r aucun
Copijîd François. 50. Les Parties de Hautbois qu'on tire
Car les Parties de Violon pour un grand Orchestre , ne doi-
vent pas être exactement copiées comme elles font dans l'o-
riginal : mais, outre l'étendue que cet Infiniment a de moins
que le Violon ; outre les Doux qu'il ne peut faire de même ;
outre l'agilité qui lui manque ou qui lui va mal dans cer-
taines vîteiïes , la force du Hautbois doit être ménagée pour
marquer mieux les Notes principales , & donner plus d'ac-
cent à la Mufîque. Si j'avois à juger du goût d'un Sym-
phonilte fans l'entendre , je lui donnerois à tirer fur la Partie
de Violon , la Partie de Hautbois ; tout Copifte doit fàvoii
le faire. 6°. Quelquefois les Parties de Cors & de Trompettes
ne font pas notées fur le même Ton que le relte de l'Air;
il faut les tranfpofer au Ton ; ou bien , fi on les copie telles
qu'elles font, il faut écrire au haut le nom de la vérital
Tonique. Çorni in D fol re , Coi ni in h la fa , &c. 70. Il
ne faut point big.irrcr la Partie de Quinte ou de Viola
i84 C O P
lu Clef de Baffe & de la fienne , mais tranfporter à la Clef
de Viola tous les endroits où elle maiche avec la Baffe ; &
il y a là - defllis encore une autre attention à faire : c'eit
de ne jamais laiifer monter la Viola au-delfus des Parties
de Violon; de forte que, quand la Balle monte trop haut,
il n'en faut pas prendre l'Octave , mais l'UnilTon , afin que
la Viole ne forte jamais du Médium qui lui convient. 8°.
La Partie vocale ne fe doit copier qu'en Partition avec la
Baife, afin que le Chanteur fe pui'Ie accompagner lui-même,
& n'ait pas la peine ni de tenir fa Partie à la main , ni de
compter fes Paufes : dans les Duo ou Trio , chaque Partie
de Chant doit contenir, outre la Baffe , fa Contre-Partie;
& quand on copie un Récitatif obligé , il faut pour cha-
que Partie d'Infiniment ajouter la Partie du Chant à la
fienne , pour le guider au défaut de la Mcfure. p°. Enfin
dans les Parties vocales il faut avoir foin de lier ou déta-
cher les Croches, afin que le Chanteur voye clairement celles
qui appartiennent à chaque fyllabc. Les Partitions qui for-
tent des mains des Compofitcurs font , fur ce point , très-
équivoques , & le Chanteur ne fait, la plupart du tems, corn-
ment di/iribucr la Note fur la parole. Le Copifle verfé dans
la Profodic, & qui connoît également l'accent du difeours
& celui du Chant, détermine le partage des Notes & pré-
vient l'indécilion du Chanteur. Les paroles doivent erre
écrites bien exactement fous les Notes, cV corrccter, quint
aux accens & à l'orthographe : mais on n'y doit même ni
points ni virgules, l< rJ rions fréquentes & u ères
rendant la ponctuation grammaticale impofîibk , c'efl à la
Muûqut
COR ,*5
Mufi que 11 pon&uer les paroles ; le Copifle ne doit pas s'en
mêler : car ce feroit ajouter des lignes que le Compoficeur
s'eft charge de rendre inuriles.
Je m'arrête pour ne pas étendre à l'excès cet article : j'en
ai dit trop pour tout Copifle inftruit qui a une bonne main
& le goût de fon métier ; je n'en dirois jamais affez pour
les autres. J'ajouterai feulement un mot en vinifiant : il y
a bien des intermédiaires entre ce que le Compofitcur ima-
gine & ce qu'entendent les Auditeurs. C'efr. au Copifle de
rapprocher ces deux termes le plus qu'il elt poflible, d'indi-
quer avec clarté tout ce qu'on doit faire pour que la Mufi-
que exécutée rende exa&ement à l'oreille du Compofitcur ce
qui s'elt peint dans fa tête en la compofant.
CORDE SONORE. Toute Corde tendue dont on peut
tirer du Son. De peur de m'égarer dans cet article , j'y tranf-
crirai en partie celui de M. d'Alembert , & n'y ajouterai du
mien que ce qui lui donne un rapport plus immédiat au Son
& à la Mufique.
" Si une Corde tendue eft frappée en quelqu'un de fes
n points par une puiiîance quelconque, elle s'éloignera juf-
» qu'à une certaine diltance de la fituation qu'elle avoit
J5 étant en repos , reviendra enfuite 6c fera des vibrations
« en vertu de l'élaflicité que fa tenfion lui donne, comme
» en fait un Tendule qu'on tire de fon à-plomb. Que fi ,
» de plus, la matière de cette Corde elt elle-même allez
>5 élaftique Olj aiïez homogène pour que le même riiouve-
îi ment fe communique à toutes fes parties , en frénùlTant
» elle rendra du Son , 6c ù téfonnance accompagnera tou-
JJicl. de Muflque. A a
iM COR
»• jours fes vibrations. Les Géomètres ont trouvé les Job?
»> de ces vibrations, & les Muficiens celles des Sons qui ea
j> réfultenr.
j> On favoit depuis long - tems , par l'expérience & par
» des raifonnemens afTez vagues que , toutes cl.ofes d'ail-
» leurs égales , plus une Corde étoit tendue , plus tes vibra-
is tions étoient promptes; qu'à tendon égale les Cordes fai-
» foient leurs vibrations plus ou moins promptement en
» même raifon qu'elles étoient moins ou plus longues ;
»» c'elt-à-dire , que la raifon des longueurs étoit toujours
■» inverfe de celle du nombre des vibrations. M. Taylor ,
« célèbre Géomètre Anglois, elt le premier qui ait démon-
» tré les loix des vibrations des Cordes avec quelque exasfti-
»> tude , dans fan fa van r ouvrage intitulé : Alethodus incre-
17 mentorum direcla & inverfa , 1715; & ces mêmes loix ont
»» été démontrées encore depuis par M. Jean Bernouilli ,
»> dans le fécond tome des Alemoires de r Académie Jmpé-
» riale de Pétersbourg î5. De la formule qui réfulte de ces
loix , & qu'on peut trouver dans l'Encyclopédie , Article
Corde , je tire les trois Corollaires fuivans qui fervent de
principes à la théorie de la Muiîque.
I. Si deux Cordes de même matière font égales en lon-
gueur & en groffeur , les nombres de leurs vibrations en
tems égaux feront comme les racines des nombres qui ex-
priment le rapport des tenfions des Cordes.
II. Si les tenfions & les longueurs font égales , les nom-
bres des vibrations en tems égaux feront en raifon invcrll
de la grollcur ou du diamètre des Cordes.
COR 187
HT. Si les renflons & les groffeurs font égales , les nom-
bres des vibrations en tems égaux feront en raifon inverfe
des longueurs.
Pour l'intelligence de ces Théorèmes , je crois devoir
avertir que la tenfion des Cordes ne fe repréfente pas par
les poids tendans , mais par les racines de ces mômes poids ;
ainfi les vibrations étant entr'elles comme les racines quar-
rées des tenfions , les poids tendans font entr'eux comme
les cubes des vibrations , &c.
Des Ioix des vibrations des Cordes fe déduifent celles
des Sons qui réfultent de ces mêmes vibrations dans la
Corde fonore. Plus une Corde fait de vibrations dans un tems
donné , plus le Son qu'elle rend eft aigu ; moins elle fait
de vibrations , plus le Son eft grave : en forte que , les Sons
fuivant entr'eux les rapports des vibrations , leurs Inter-
valles s'expriment par les mêmes rapports; ce qui foumet
coûte la Mufique au calcul.
On voit par les Théorèmes précédens qu'il y a trois
moyens de changer le Son d'une Corde ; favoir, en chan-
geant le Diamètre; c'eft-à-dire, la groffeur de la Corde, ou
fa longueur , ou (a tenfion. Ce que ces altérations produi-
fent fucceffivement fur une même Corde , on peut le pro-
duire à la fois fur diverfes Cordes , en leur donnant diffé-
rens degrés de grofleur , de longueur ou de tenfion. Cette
méthode combinée eft celle qu'on met en ufage dans la fa-
brique , l'Accord & le jeu du Clavecin , du Violon , de la
Baffe , de la Guitare & autres pareils Inftrumens , corn-
pofés de Cordes de différentes groiléurs & différemment cen-
Aa z
m COR
dues, lesquelles ont par conséquent des Sons différées. De
plus , dans les uns , comme le Clavecin , ces Cordes ont
différentes longueurs fixes par lesquelles les Sons fe varient
encore; & dans les autres, comme le Violon, les Cordes,
quoiqu'égales en longueur fixe , fe racourciffent ou s'aloa-
gent à volonté fous les doigts du Joueur , & ces doigts
avancés ou reculés fur le manche font alors la fonction de
chevalets mobiles qui donnent à la Corde ébranlée par l'ar-
chet, autant de Sons divers que de diverfcs longueurs. A
l'égard des rapports des Sons & de leurs Intervalles , relati-
vement aux longueurs des Cordes & à leurs vibrations ,
voyez Son , Intervalle , Consonnance.
La Corde fonore , outre le Son priucipal qui réfulte de
toute fa longueur , rend d'autres fons accelToires moins
fenfibles , & ces Sons femblent prouver que cette Cord:
ne vibre pas feulement dans toute fo longueur , mais fait
vibrer auffi Ses aîiquotes chacune en particulier, félon la loi
de leurs dimenfions. A quoi je dois ajouter que cette pro-
priété , qui fert ou doit fervir de fondement à toute l'Har-
monie, & que plufieurs attribuent, non à la Corde fonore ,
mais à l'air frappé du Son , n'eft pas particulière aux Cordes
feulement , mais fe trouve dans tous les Corps fonores. )
(Voyez Coiirs Sonore , Harmonique.)
Une autre propriété non moins Surprenante de la Corde
fonore, Se qui tient à la précédente, tir que G le chevalet
qui la divife n'appuie que 1 .nt ii; lailîé un peu de
communication aux vibrations d'une partie à l'autre , alors
jiu lieu du Son cotai de chaque Partie ou de l'une des deux ,
COR ix<>
on n'emcndia que le Son tic la plus grande aliquoce corn-
mune aux deux Parties. ( Voyez Sons Harmoniques. )
Le mot de Corde fe prend figurément en Compoficion
pour les Sons fondamentaux du Mode , & l'on appelle fou-
vent Corde d'Harmonie les Notes de Baffe qui , à la faveur
de certaines Diifonances , prolongent la phrafe , varient
6c entrelacent h Modulation.
CORDE-AJOUR ou CORDE-A-VIDE. ( Voyez Vide. )
CORDES MOBILES. ( Voyez Mobile. )
CORDES STABLES. ( Voyez Stable. ;
CORPS-DE-VOiX,/.' m. Les Voix ont divers degrés de
force ainfi que d'étendue. Le nombre de ces degrés que
içune cmbraiTe porte le nom de Corps-de-Voix quand il
s'agit de force ; «5c de Volume , quand il s'agit d'étendue.
( Voyez Volume. ) Ainfi , de deux Voix femblables for-
mant le même Son , celle qui remplit le mieux l'oreille &
fe fait entendre de plus loin, efè dite avoir plus de Corps,
En Italie , les premières qualités qu'on recherche dans les
Voix , font la juiteffe 6c la flexibilité : mais en France on
exige fur-tout un bon Corps-dc-l'oix.
CORPS SONORE , / m. On appelle ainfi tout Corps qui
rend ou peut rendre immédiatement du Son. Il ne fuit pas de
cette définition que tout Inftrument de Mulique foit un Corps
fonore ; on ne doit donner ce nom qu'à la partie de riiiftiv-
ment qui Tonne elle-même , 6c fins laquelle il n'y aurait
point de Son. Ainfi dans un Violoncelle ou dans un Violon
chaque Corde elt un Corps fonore , mais la calife de l'Inf-
trument, qui ne fait que répercuter 6c réfléchir le Son, a'eii
\
ipo COR
point le Corps fonore & n'en fuir point partie. On doit avoir
cet article préfent à l'efprit toutes les fois qu'il fera parlé du
Corps fonore dans cet ouvrage.
CORYPHÉE , f. m. Celui qui conduifoit le Chœur daus
les Spe&acles des Grecs , & battoit la mefure dans leur Mu-
fique. ( Voyez B\ttre la Mesure.)
COULÉ , Participe pris fubflantivement. Le Coulé fe fait
lorfqu'au lieu de marquer en Chantant chaque Note d'un coup
de gofier, ou d'un coup d'archet fur les Inltrumens à corde,
ou d'un coup de langue fur les Inflrumens à vent , on paiTe
deux ou plufieurs Notes fous la même articulation en pro-
longeant la même inspiration , ou en continuant de tirer ou
de pouffer le même coup d'archet fur toutes les Notes cou-
vertes d'un Coulé. Il y a des Inflrumens, tels que le Clave-
cin , le Tympanon , &c. fur lcfquels le Coulé paroît prefque
impoffible à pratiquer ; & cependant on vient à bout de l'y
faire fentir par un toucher doux & lié , très-difficile à dé-
crire , & que l'Ecolier apprend plus aifement de l'exemple du
maître que de fes difeours. Le Coulé fe marque par une Liai-
fon qui couvre toutes les Notes qu'il doit ernbraûer.
COUPER , v. a. On coupe une Note lorfqu'au lieu de la
foutenir durant toute fa valeur, on fe contente de la frapper
au moment qu'elle commence , partant en filence le reflc de
fa durée. Ce mot ne s'emploie que pour les Noies qui ont
une certaine longueur ; on fe fert du mot Détacher pour celles
qui partent plus vite.
COUPLET. Nom qu'on donne dans les Vaudevilles &
autres Chanfons a cette partie du Pofeie qu'on appelle Strc-
COU j9i
plie dans les Odes. Comme cous les Couplets font compofés
fur la même mel'ure de vers , on les chante auffi fur le même
Air ; ce qui taie ef Iropitr iuuvent l'Accent & la Profodie ,
parce que deux vers François n'en font pas moins dans la
même mefure, quoique les longues & brèves n'y foient pas
dans les mêmes endroit?.
COUPLETS , fe dit auffi des Doubles & Variations qu'on
fait fur un même Air, en le reprenant plufieurs fois avec de
nouveaux changemens ; mais toujours fins défigurer le fond
de l'Air , comme dans les Folies d'Efpagne ik dans de vieilles
Chaconnes. Chaque fois qu'on reprend ainfi l'Air en le va-
riant différemment, on fait un nouveau Couplet. ( Voyiez Va-
riations. )
COURANTE , / f. Air propre à une efpece de Danfc
ainfi. nommée à caufe des allées & des venues dont elle eit
remplie plus qu'aucune autre. Cet Air eft ordinairement d'une
Mefure à trois Tems graves , & fe note en Triple de Man-
ches avec deux Reprifes. Il n'eft plus en ufage , non plus que
la Danfe dont il porte le nom.
COURONNE , / /. Efpece de C renverfé avec un point
dans le milieu qui fe fait ainfi : C->.
Quand la Couronne , qu'on appelle auffi Point de repos , efè
à la fois dans toutes les Parties fur la Note correspondante ,
c'eft le figne d'un repos général : on doit y fufpendre la Me-
fure , & fouvent même on peut finir par cette Note. Ordinai-
rement la Partie principale y fait , à fa volonté , quelque paA
fige que les Italiens appellent Cuden\a , pendant que toutes
les autres prolongent & foutiennent le Son qui leur cit niar-
i9i C R I
que , ou même s'arrêtent tout-à-fait. Mais fi la Couronne
e(t fur la Note finale d'une feule Partie , alors on l'appelle
en François Point d'Orgue , &c elle marque qu'il faut conti-
nuer le Son de cette Note , jufqu'à ce que les autres Parties
arrivent à leur conclufion naturelle. On s'en fert suffi dans les
Canons pour marquer l'endroit où toutes les Parties peu-
vent s'arrêter quand on veut finir. ( Voyez Repos , Canon ,
Point d'Orgue.)
CRIER. C'e/f. forcer tellement la voix en chantant , que
les Sons n'en foient plus appréciables , & rcffemblent plus à
des cris qu'à du Chant. La Mufique Françoi.fe veut être criée ;
c'eit en cela que confide ù plus grande exprefîîon.
CROCHE , f. f. Note de Mufique qui ne vaut en durée
que le quart d'une Blanche ou la moitié d'une Noire. Il
faut par confiquent huit Croches pour une Ronde ou pour
une Mefure à quatre Tems. (Voyez Mesure, Valeur, des
Notes. )
On peut voir PI. D. Fig. 9. ) comment fe fait la Croche ,
foit feule ou chantée feule fur une fyllabc , foit liée avec
d'autres Croches quand on en parte plufieurs dans un même
tems en jouant , eu fur une même fyilabe en chantant. Elles
fe lient ordinairement de quatre en quatre dans les Mefures
à quatre Tems & à deux , de trois en trois dans la Mefure
à fix-huit , félon la divifion des Tems ; ck de fix en Cbe dans
la Mefure à trois Tems , félon la divition des Médire .
Le nom de Croche a été donné à cette efpecc de Note , à
caufe de l'efpece de Crochet qui la diiiingue.
CROCHET. Signe d'abréviation dans la Note. C'eit ua
petit
C R O uji
petit trait en travers , fur la queue d'une Blanche ou d'une
Noire, pour marquer fa divifion en Croches, gagner de la
place & prévenir la confufion. Ce Crochet défigne par con-
féquent quatre Croches au lieu d'une Blanche , ou deux au
lieu d'une Noire , comme on voit Planche D. à l'exemple A.
de la Fig. 10 , où les rrois portées accolées fignifient exac-
tement la même chofe. La Ronde n'ayant point de queue ,
ne peut porter de Crochet ; mais on en peut cependant faire
aufll huit Croches par abréviation , en la divifant en deux
Blanches ou quatre Noires , auxquelles on ajoute des Cro-
chets. Le Copifie doic foigneufement diltinguer la figure du
Crochet , qui n'elè qu'une abréviation, de celle de la Croche,
qui marque une valeur réelle.
CROME , / /. Ce pluriel Italien fignifie Croches. Quand
ce mot fe trouve écrit fous des Notes noires , blanches ou
rondes , il fignifie la même chofe que fignirîeroit le Crochet,
& marque qu'il faut divifer chaque Note en Croches , félon
fa valeur. ( Voj'ez Crochet.)
CROQUE-NOTE ou CROQUE-SOL , / m. Nom qu'on
donne par dérifion à ces Muficiens ineptes , qui , verfés dans
la combinaifon des Notes , & en état de rendre à livre ouvert
les Compofitions les plus difficiles , exécutent au furplus fans
fentiment , fans exprefiïon , fans goût. Un Croque-Sol rendant
plutôt les Sons que les phrafes , lit la Mufique la plus éner-
gique fans y rien comprendre , comme un Maître d'école
pourrait lire un chef-d'œuvre d'éloquence , écrit avec les
caractères de fa langue , dans une langue qu'il n'entendrait
pas.
Diil. de Mufique. Bb
19*
D A C
*-„ , ' *rfc=
D.
D
Cette lettre fignifie la même chofe dans la Muflque
Françoife que P. dans l'Italienne ; c'efr-à-dire , Doux. Les
Italiens l'emploient aufli quelquefois de même pour le mot
Do/ce , & ce mot Dolce n'eft pas feulement oppofé à Fort ,
mais à Rude.
D. C. ( Voyez Da Capo. )
D la rt , Dyo/ re , ou Amplement D. Deuxième Note de
la Gamme naturelle ou Diatonique , laquelle s'appelle au-
trement Re. ( Voyez Gamme. )
DA CAPO. Ces deux mots Italiens fe trouvent fréquem*
ment écrits à la fin des Airs en Rondeau , quelquefois coût
au long , & fouvent en abrégé par ces deux lettres , D. C.
Us marquent qu'ayant fini la féconde partie de l'Air, il en
faut reprendre le commencement jufqu'au Point final. Quel-
quefois il ne faut pas reprendre tout - à - fait au commen-
cement , mais à un lieu marqué d'un Renvoi. Alors , au
lieu de ces mots Da Capo, on trouve écrits ceux-ci, Al
Sepno.
DACTYL1QUE , ad/. Nom qu'on donnoit , dans l'an-
cienne Mufiquc , à cette efpece de Rhythmc dont la Mtfure
fe partageoit en deux Tems égaux. ( Voyez Rhythmc. )
On appciloit aufli Daclylique une forte de -Norv.e où ce
rlmic étoit fréquemment employé , tel que le Nonjc
Harfnathias & le Nome Onlucn.
D E B ï9s
Julius Pollux révoque en doute fi le Daclylique étoit une
force d'Infiniment , ou une forme de Chant ; doute qui fe
confirme par ce qu'en dit Ariftide 0_uintilien dans fon fé-
cond Livre , & qu'on ne peut réfoudre qu'en fuppofant que
le mot Daclylique fignifioit à la fois un Infiniment & un
Air, comme parmi nous les mors Mujètte 6c Tambourin,
DEBIT , f. m. Récitation précipitée. Voyez l'Article
fuivanr.
DEBITER,!', a. pris en fens neutre. C'eft prefTer à deffein
le Mouvement du Chant , & le rendre d'une manière appro-
chante de la rapidité de la parole ; fens qui n'a lieu , non
plus que le mot , que dans la Mufique Françoife. On dé-
figure toujours les Airs en les Débitant , parce que la Mé-
lodie , l'Expreflion , la Grâce y dépendent toujours de la
prccifion du Mouvement , & que prefTer le Mouvement ,
c'eft le détruire. On défigure encore le Récitatif François
en le Débitant , parce qu'alors il en devient plus rude , &
fait mieux fentir l'oppofition choquante qu'il y a parmi nous
entre l'Accent Mufical & celui du Difcours. A l'égard du
Récitatif Italien , qui n'eft qu'un parler harmonieux , vou-
loir le Débiter , ce feroit vouloir parler plus vite que la pa-
role, 6c par conféquent bredouiller : de forte qu'en quelque
fans que ce foit, le mot Débit ne fignifie qu'une chofe bar-
bare , qui doit être profcrite de la Mufique.
DECAMERJDE , f. f. C'eft le nom de l'un des Elémens
du Syfiéme de M. Sauveur , qu'on peut voir dans les Mé-
moires de l'Académie des Sciences , anné>c 1701.
Pour former un fyftéme général qui fournifle le meilleur
Bb •
lj><
DEC
Tempérament , & qu'on puiffe ajulter a tous les fy/ têmes,
cet Auteur , après avoir divifé l'Octave en 43 parties , qu'il
appelle Mérides , & fubdivifé chaque Méride en 7 parties ,
qu'il appelle Eptamérides , divife encore chaque Eptarnéridc
en 10 autres parties , auxquelles il donne le nom de Déca-
mérides. L'Octave fe trouve ainfi divifée en 3010 parties
égales , par lefquelles on peut exprimer , fans erreur fenfible *
les rapports de tous les Intervalles de la Mufîque.
Ce mot eft formé de SU* , dix , & de juepu , partie.
DÉCHANT ou DISCANT,/ m. Terme ancien par le-
quel on défignoic ce qu'on a depuis appelle Contre - poinr*
( Voyez Contre -point. )
DÉCLAMATION,/ fi C'eft , en" Mufique , l'art de ren-
dre , par les inflexions & le nombre de la Mélodie , l'Accent
grammatical & l'Accent oratoire. ( Voyez Accent , Ré-
citatif. )
DEDUCTION,/ j\ Suite de Notes montant diatoni-
quemcnt ou par Degrés conjoints. Ce terme n'elt gueres en
ufage que dans le Plain - Chant.
DEGRE ,/ m. Différence de pofition ou d'élévation qui
fe trouve entre deux Notes placées dans une même Portée.
Sur la même Ligne ou dans le même efpace , elles font au
même Degré ; & elles y feroient encore, quand même l'uni.
des deux feroit hauffée ou baiffée d'un femi-Ton par un
Dièfe ou par un Bémol. Au contraire , elles pourraient être
à l'Uniffon , quoique pofées fur différens Degrés ; comme
Put Bémol & le fi naturel ; le/j Dièfe & k Jbf Bcmol, i'r.
Si deux Notes fe fuivtnt diatoniquemeut , de forte qut
DEM
197
Tune étant fur une Ligne , l'autre foit dans l'efpace voifin ,
l'Intervalle eit d'un Degré ; de deux , fi elles font à la Tier-
ce ; de trois , fi elles font à la Quarte ; de fept , fi elles fonc
à l'Octave , &c.
Ainfi , en ôtant 1 du nombre exprime par le nom de
l'Intervalle , on a toujours le nombre des Degrés diatoni-
ques qui féparent les deux Notes.
Ces Degrés diatoniques ou fimplement Degrés , font en-
core appelles Degrés conjoints , par oppofition aux Degrés
disjoints , qui font compofés de plufieurs Degrés conjoints.
Par exemple , l'Intervalle de Seconde eft un Degré con-
joint ; mais celui de Tierce eft un Degré disjoint , compofé
de deux Degrés conjoints ; & ainfi des autres. ( Voyez
Conjoint , Disjoint , Intervalle. )
DÉMANCHER, v. ». C'eft , fur les Inftrumens à man-
che , tels que le Violoncelle , le Violon , &c. ôter la main
gauche de ù pofition naturelle pour l'avancer fur une pofi-
tion plus haute ou plus à l'aigu. ( Voyez Position. ) Le
Compofiteur doit connoître l'étendue qu'a l'Inftrument fans
Démancher , afin que , quand il palTe cette étendue & qu'il
Démanche , cela fe falTe d'une manière praticable.
DEMI -JEU, A -DEMI- JEU, ou fimplement A DEMI.
Terme de Mufique inftrumentale qui repond h l'Italien
S otto voce , ou Ale\\a voce , ou Me\\o forte , & qui indique
une manière de jouer qui tienne le milieu entre le lort &
le Doux.
DEMI -MESURE,//! Efpace de tems qui dure la moi-
tic d'une Mefure. Il n'y a proprement de Demi-Alefurcs que:
x9% DEM
dans les Mefures dont les Tems font en nombre pair : car
dans la Mefure à trois Tems , la première Demi - A te jre
commence avec le tems fort , & la féconde à contre - tems ;
ce qui les rend inégales.
DEMI - PAUSE , / /. Caradere de Mufique qui fe fait
comme il eft marqué dans la Fig. 9. de la PL D. & qui
marque un filence dont la durée doit être égale à celle d'une
Demi -Mefure à quatre Tems , ou d'une Blanche. Comme
il y a des Mefures de différentes valeurs , & que celle de
la Demi - Paufe ne varie point , elle n'équivaut à la moitié
d'une Mefure , que quand la Mefure entière vaut une Ron-
de ; à la différence de la Paufe entière qui vaut toujours
exactement une Mefure grande ou petite. ( Voy. Pause. )
DEMI-SOUPIR. Caractère de Mufique qui fe fait comme
il eft marqué dans la Fig. 9. de la PL D. & qui marque un
filence dont la durée eft égale à celle d'une Croche ou de
la moitié d'un Soupir. ( Voyez Soupir. )
DEMI- TEMS. Valeur qui dure exactement la moiric d'un
Tems. Il faut appliquer au Demi - Tems , par rapport au
Tems , ce que j'ai dit ci -devant de la Demi -Mefure par
rapport à la Mtfure.
DEMI -TON. Intervalle de Mufique valant à-peu-près la
moitié d'un Ton, & qu'on appelle plus communément Se-
mi - Ton ( Voyez Semi-Ton*. )
DESCENDRE, v. n. C'eft bahtfer la voix , vocem rtmit-
tere ; c'eft faire fuccéder les Sons de l'aigu au grave , ou
du h.iur au bas. Cela fc pré/fente a l'œil par notre manière
de Noter.
DES
DESSEIN ,/ m. C'efr l'invention & la conduire du fiijet .
la difpofition de chaque Partie , & l'ordonnance générale du
tour.
Ce n'efr. pas atTez de faire de beaux Chanrs & une bonne
Harmonie ; il faut lier tour cela par un fujet principal , au-
quel fe rapporrenc toutes les parties de l'ouvrage , & par le-
quel il foit un. Cette unité doit régner dans le Chant , dans
le Mouvement , dans le Caractère , dans l'Harmonie , dans
la Modulation. Il faut que tout cela fe rapporte à une idée
commune qui le réunifle. La difficulté eft d'aiîbcier cts pré-
ceptes avec une élégante variété , fans laquelle tout devient
ennuyeux. Sans doute le Mullcien , aufïi - bien que le Poète
& le Peintre , peut tout ofer en faveur de cette variété char-
mante , pourvu que , fous prétexte de contra/ter , on ne nous
donne pas pour des ouvrages bien delTinés , des Mufiques
toures hachées , compofées de perirs morceaux étranglés ,
cV de caractères fi oppofés , que l'affemblage en fdiTc un tout
monitrueux.
Non ut placidis cotant immitia , non ut
Serpentes avibus geminentur , tigribus agni.
C'efl donc dans une diflribution bien entendue , dans une
jufte proportion entre toutes les parties , que conflfle la per-
fection du Defiin , & c'eft fur-tout en ce point que l'im-
mortel Pergolèfe a montré fon jugement , fon goût , & a
laifTé fi loin derrière lui tous fes rivaux. Son Stabal Mater ,
fon Grfto , fa Sema Fadrona font , dans trois genres dim>
icus , trois chef-d'œuvres de Défi in également parfaits.
Î.OO
DES
Cette idée du Deffein général d'un ouvrage , s'applique
auiïi en particulier à chaque morceau qui le compofe. Ainfî
l'on defline un Air , un Duo , un Chœur , ècc. Pour cela ,
après avoir imaginé fon fujet , on le distribue , félon les
règles d'une bonne Modulation , dans toutes les Parties où
il doit être entendu , avec une telle proportion qu'il ne s'ef-
face point de l'efprit des Auditeurs , & qu'il ne fe repré-
fente pourtant jamais à leur oreille qu'avec les grâces de la
nouveauté. C'efr. une faute de Dejfein de laifTer oublie-r fon
fujet ; c'en eft une plus grande de le pourfuivre jufqu'à
l'ennui.
DESSINER , v. a. Faire le DefTein d'une Pièce ou d'un
morceau de Mufique. ( Voyez Dessein. ) Ce Compojiteur
Defîine bien fes ouvrages. Voila un choeur fort mal Defïiné.
DESSUS,/ m. .La plus aiguë des Parties de la Mufi-
que ; celle qui règne au-delîus de toutes les autres. C'eft dans
ce fens qu'on dit dans la Mufique infirumentale , Dejfus de
Violon , Dejfus de Flûte ou de Hautbois , & en général
Dejfus de Symphonie.
Dans la Mufique vocale , le Dejfus s'exécute par des voix
de femmes , d'enfans , & encore par des Caftrati dont la
voix , par des rapports difficiles à concevoir , gagne une
( >&ave en haut , & en perd une en bas , au moyen de cette
mutilation.
Le Deffus fe divife ordinairement en premier & fécond ,
& quelquefois même en trois. La Partie vocale qui exécute
le fécond DeJJ'u s , s'appelle Bas-Dejfus, & Ton fait aufii des
Récits è voix feule 1 L ., Ikùu l^s-JJsfus
D E T
i . »
plein & fonore, n'eft pas moins eftimé en Italie que les \
claires & aiguës ; mais on n'en faic aucun cas en i rance.
Cependant, par un caprice de la mode, j'ai vu fort applaudir,
à l'Opéra de Paris, une Mlle. Gondré, qui , en effet , avoil
fort beau Bjs-DcJJus.
DETACHE , partie, pris fubjluntivement. Genre d'exécu-
tion par lequel , au lieu de fourenir les Notes durant tour?
leur valeur, on les fépare par des filences pris fur cette mène
valeur. Le Détaché, tout-à-fait bref & fec, fe marque fur les
Notes par des points alongés.
DETONNER, v. n. C'e/t forcir de l'Intonation; c'eft
altérer mal -à-propos la jufteffe des Intervalles , & par corifé-
quen: Chanter faux. Il y a des Muficiens dont l'oreille ef t
fi jufte qu'ils ne détonnent jamais ; mais ceux-là font rares.
"Beaucoup d'autres ne détonnent point par une raifon con-
traire ; car, pour forcir du Ton, il faudrait y être entré.
Chanter fins Clavecin , crier , forcer fa voix en haut ou en
bas , & avoir plus d'égard au volume qu'à la jufteffe , font
des moyens prefque fùrs de fe gâter l'oreille , 6c de Détonner.
DIACOMMATIQUE , adj. Nom donné par M. Serre à
une efpece de quatrième Genre , qui confifte en certaines
Tranfitions harmoniques , par lefquelles la même Note
reliant en apparence fur le même Degré , monte ou def-
cend d'un Gomma, en pafTant d'un Accord à un autre,
avec lequel elle paroît faire liaifon.
\- "1
far exemple , fur ce paffage de Baffe Ju rc dans le Mode
majeur cYut , Je D , Tierce majeure de la première Note ,
Dict. Je Mufiqu&. Ce
*ot D I A
27
refte pour devenir Quinte de re : or la Quinte jufle de re
<Î4 80 _ 81
ou de te , n'eft pas la , mais la : ainfi le Muûcien qui en-
tonne le la doit naturellement lui donner les deux Intona-
So 81
rions conficutives la la , lefquelles différera d un Comn1!.
De même dans la Folie d'Efpagne , au troifieme Tems
de la troifieme Mefure : on peut y concevoir que la Tc-
So 81
niq ie re monte d'un Gomma pour former la féconde re du
Mode majeur dW , lequel fe déclare dans la Mefure fui-
vante, & fe trouve ainii fubitement amené par ce paralo-
gifme Mufical , par ce Double-emploi du re.
Lors encore que , pour pavTer brufqucmenr du Mode mi-
neur de la en celui dW majeur , on change l'Accord de
Septième diminuée fol Dièfe , Ji , re 9fa , en Accord de fim-
ple Septième fol , fi , re , fa , le Mouvement chromatique
du fol Dièfe au fol naturel cft bien le plus fenfible , mais
il n'eft pas le feul ; le re monte aufli d'un Mouvement dia-
80 Si
commatique de re à re ; quoique la Nore le fuppofe per-
manent fur le même Degré.
On trouvera quantité d'exemples de ce Genre Dîat
matique , particulièrement Ibrfque la Modulation pafTe f..bi-
rement du Majeur au Mineur, ou du Mineur au Majeur.
C'eft, fur-tout d.:ns l'Adagio, ajoute M. Serre, que les
grands Maîtres , quoique guidés uniquement par le fL
ment, font ufage de ce genre de Tranfitions , ii propre à
donner à la Modulation une apparence d'indécifion , d
le fenrimerit éprouvent fouveut des effets qui hc
font Pj!,.: c luivoques.
D I A
DIACOUSTIQUE , f. f. C'efl la recherche des proprié-
tés du Sou réfracté en pavane à travers différens milieux ;
c'elt-a-dire , d'un plus denfe dans un plus rare , & au con-
traire. Comme les rayons vifuels fe dirigent plus aifément
que les Sons par des Lignes far certains points, auflî les
expériences de la DLicouflique font -elles infiniment plus
difficiles que celles de la Dioptrique. ( Voyez Son. )
Ce mot eft formé du Grec J»à, pir , & d'eùtouo»» f entends.
DIAGRAMME , f. m. C'étoit , dans la Mufique an-
cienne , la Table ou le modèle qui préfentoit à l'oeil l'éten-
due générale de tous les Sons d'un fyftême , ou ce que nous
appelions aujourd'hui , Echelle , Gamme , Clavier. ( Voyez
ces mots. )
DIALOGUE,/! m. Composition à deux voix ou deux
Inflrumens qui le répondent l'un à l'autre, & qui fouvent
fe réunifient. La plupart des Scènes d'Opéra font , en ce
fens , des Dialogues , & les Duo Italiens en font toujours :
mais ce mot s'applique plus précifément à l'Orgue ; c'efl
fur cet Infiniment qu'un Organifte joue des Dialogues , en
fe répondant avec différens jeux , ou fur différens Claviers.
DIAPASON , f. m. Terme de l'ancienne Mufique , par
lequel les Grecs exprimoient l'Intervalle ou la Confonnance
de l'Octave. ( Voyez Octave. )
Les Fadeurs d'Inftrumcns de Mufique nomment aujour-
d'hui Diapafons certaines Tables où font marquées les
Mefures de ces Inftrumens & de toutes leurs parties.
Ou appelle encore Diapafon fétendue convenable à une
Voix ou à un Infiniment. Ainli , quand une Voix fe force ,
Ce -
i34 D I A.
on dit qu'elle fort du Diapafon , & l'on dit la même chofe
d'un Inftrument dont les cordes font trop lâches ou trop
tendues, qui ne rend que peu de Son, ou qui rend un Son
dé (agréable r parce que le Ton en eft trop haut ou trop
bas.
Ce mot e(t fermé de J<«, par , & ttuc-ov, toutes ; parce
que l'Oitave embrafle toutes les Notes du fyltême parfait.
DIAPENTE , f. f. Nom donné par les Grecs à l'Intervalle
que nous appelions Quinte , & qui eft la féconde des Con-
fonnances. ( Voyez Consonnanc-* , Intervalle , Quinte. )
Ce mot eit formé de om , par , & de inm , cinq , parce
qu'en parcourant cet Intervalle diatoniquernent on prononc*
cinq diffère n s Sons.
DI APENTER, en latin D1APENTISSARE , v. n. Mot
barbare employé par Mûris & par nos anciens Muficiens.
f Voyez Quinier.)
DIAPHONIE , fïf. Nom donné par les Grecs à tout In-
tervalle ou A'ccord diiîonant, parce que les deux Sons fe cho-
quant mutuellement', fe dfviféht, pour air.fi dire , & font
fenttr désagréablement leur différence. Gui Arérin donne auflî
le nom de Diaphonie à ce qu'on a depuis appelle Dîfcant^
à oeufè des deux Parties qu'on y diftingue.
DIAPTOSE, Intercidence , ou petite Chute,/ f. C'èfl
dans le PLin-Chan: une forte de Périétèfe, ou de partage
qui <e fait fur la dernière Note d\ m Cl nr, ord lairemeot
après un grand Intervalle en montant. "' rs, pi
la juftefie àt cette finale, on la mai ■ fois en fépa-
r.nr cette - ion par une en ifieme I e q l'on
D I A
d'un Degré en manière de Note fénfîblc , comme m fi ui
ou mi rc mi.
D1ASCH1SMÀ,/ m: C'cft, dans laMafîque ancienne,
un Inrerv.ille faifant la moitié du femi-Ton mineur. I.e rap-
port en cft de 14 à y/600, & par confequent irrationnel.
DIASTEME,/ m. Ce mot, dans la Muflque ancienne ,
lignine proprement Intervalle , & c'eft le nom que don-
noient les Grecs à l'Intervalle fimple , par oppofition à l'In-
tervalle compofe qu'ils appelloient Syjlème. ( Voyez Imkr-
vallb , Système. )
DIATESSARON. Nom que donnoienr les Grecs à I:In-
tervalle que nous appelions Quarte , ck qui eM la treificme
des Confdnnances. ( Voyez Consonnancb , Intervalle ,
Quarte. )
Ce mot efl compefé de Jj« , f.ir ,"&c du génitif de no-r
quatre ; parce qu'en parcourant diatoniquemerit cet Inter*
vulle , on prononce quatre difFérens Sons.
DIATESSERONER , tn latin DIATESSERONARE ,
V. n. Mot barbare employé par Mûris & par nos anciens
Muficiens. ( Voyez Quarter. )
DIATONIQUE, aaj. Le Genre Diatonique efl celui des
rrois qui procède par Tons & femi-Tons majeurs , félon 1 1
divifîon naturelle de là Gamme ; c'elt-à-dire , celui donc le
moindre Intervalle eit d'un Degré conjoint : lc qui n'em-
pêche pa~ que les Parties ne puilfent procéder par de plus
grands Intervalle: , pourvu qu'ils fuient tous pris fur des
Degrés Diato ûqut x.
Ce mot vient du Grec fut, par t & deroicç , Ton ; c'efl- .v -
dire , paflLuit d'un Ton à un autre.
ic6 D I A
Le genre Diatonique des Grecs ré fui toit de l'une des
trois règles principales qu'ils avoienc établies pour l'Accord
des Técracordes. Ce Genre fe divifoit en plulieurs efpeces ,
félon les divers rapports dans lefquels fe pouvoit divifer
l'Intervalle qui le déterminoit ; car cet Intervalle ne pou-
voit fe reiïerrer au-delà d'un certain point fans changer de
Genre. Ces diverfes efpeces du même Genre font appellées
zpéxs , couleurs , par Ptolomée qui en diftingue fix ; mais
la feule en ufage dans la pratique étoit celle qu'il appelle
Diatonique -Ditonique , dont le Tétracorde étoit compofé
d'un femi-Ton fuible & de deux Tons majeurs. Ariito::ène
divife ce même Genre en deux efpeces feulement ; favoir ,
le Diatonique tendre ou mo/, & le Syn tonique ou dur. Ce
dernier revient au Diatonique de Ptolomée. ( Voyez les rap-
ports de l'un & de l'autre , Pi. M. Fig. 5. )
Le Genre Diatonique moderne refaite de la marche
conformante de la I3a(Te fur les Cordes d'un même Mode ,
comme on peut le voir par la Figure 7 de la Flanche K. Les
rapports en ont été fixés par Pufage des mêmes Cordes en
divers Tons; de forte que , G l'Harmonie a d'abord engen-
dré l'Echelle Diatonique , c'elt la Modulation qui l'a mo-
difiée ; & cette Echelle , telle que nous l'avons aujour-
d'hui , n'eft exacte ni quant au Chant , ni quant a l'Har-
monie , mais feulement quant au moyen d'employer les
mêmes Sons à divers ufkgi
Le (.'unie Diatonique eit , fins contredit, le plus naturel
des trois, puifqu'il eft le feul qu'on peut employer fans
changer de Ton. Aulli L'Intonation en eft -elle incompara-
D I A
blcmcnt pais aifée que telle des deux autres , & Ton ne
peut gueres douter que les premiers C tants n'aient été
trouvés dans ce Genre : mais il faut remarquer que , fej m
le; loix de la Modulation, qui permet & qui preiuit
même le paflage d'u 1 Ton & d'un Mode à l'autre , i.ous
n'avons prefque point, dans notre Mulique , de Diatonique
bien pur. Chaque Ton particulier cil bien , Ci l'on veut ,
dans le Genre Diatonique ; mais on ne fauroit palier de
l'un à l'autre fans quelque Tranfition chromatique , au
moins fous-entendue dans l'Harmonie. Le Diatonique pur,
dans lequel aucun des Sons n'eft altéré ni par la Clef, ni
ï.ccidenrelîement , efr. appelle par Zarlin Diatono - diatoni-
ç ue , & il en donne pour exemple le Plain-Crunt cle PEglife.
Si la C!i f eit armée d'un Bémol, pour -lors c'eft , félon
lai , le Diatonique mol , qu'il ne faut pas confondre avec
celui d'Ariltoxène. (Vpyez Mol.) A l'égard du la Tranf-
pofition par Diè/e , cet Auteur n'en parle point , & l'on
ne la pratiquoit pas encore de fon tems. Sans doute , il
lui auroit donné le nom de Diatonique dur , quand même
il en auroit refaite un Mode mineur, comme celui d'£ la
mi : car dans ces tems où l'o.i n'avoic point encore les no-
tions Harmoniques de ce que nous appelions Tons & Mo-
des, & où l'on avoit déjà perdu les autres notions que le >
Anciens attachoienr aux mêmes mots, on regardoit plus aux
altérations particulières des Noies qu'aux rapports génér
qui en rcfiiu-ient. (Voyez Tkansi'CSHiON. )
Sons ou Cordes Diatoniques. Eue! iingue fous
ce nom, parmi les Sons mobiles, ce. x partiel]
ic3 D I A
point du Genre épais , même dans le Chromatique & l'En-
harmonique. Ces Sons , dans chaque Genre , font au nombre
de cinq ; favoir , le troiiïemc de chaque Tctracorde ; & ce
font les mêmes que d'autres Auteurs appellent Ap) chu
( Voyez Apycni , Genre, TiîtracoPvBe. )
DIAZEUXIS,//: Mot Grec qui fignifie divifwn , fépa-
ration , disjonction. C'eft ainfî qu'on appelloit , dans l'an-
cienne Mufiquc , le Ton qui féparoic deux Tétracordes
disjoints , & qui , ajouré à l'un des deux , en formoit la
Diupente. C'eft notre Ton majeur , dont le rapport eft de
8 à 9 , & qui eft -en effet la différence de la Quinte à la
Quarte.
La Diû\euxis fe trouvoit , dans leur Mullque , entre la
Mèfe & la Paramèfe, c'eft -à- dire , entre le San le plus
aigu du fécond Tctracorde & le plus grave du troifieme ;
ou bien entre la Nete Synnéménon & la Paramèfe hyper-
boléon , c'eft- à -dire , entre le troisième & le quatrième
Tétracorde; félon que la Disjonction fe faifoit dans l'un ou
dans l'autre lieu : car elle ne pouvoit fe pratiquer à la fois
dans tous les deux.
Les Cordes homologues des deux Tétracordes , entre les-
quels il y avoit Diayuxis , fonnoient la Quinte , au lieu qu'elles
fonnoient la Quarte quand ils étoienr conjoints.
DIESER, v. a. Ceft armer la Clef de Dièfes , pour chan-
ger l'ordre & le lieu des femi-Tons majeurs, ou donner 5
quelque Note un Dièfe accidentel , foit pour le Chant , foir
pour la Modulation. (Voyez DlgSB.)
DLLSIS , f. nu C'eft , félon le vieux B-cchius , le plus
perjf
D I E
petit Intervalle de l'ancienne Mufique. Zarlin dit que Phi-
lolaiis Pythagoricien, donna le nom de Diéfis au Limm;i ;
mais il ajoute peu après que le Diéfis de Pythagore eft la
différence du Limma & de l'Apotome. Pour Arif loxène , il
divifoit fans beaucoup de façons le Ton en deux parties éga-
les ; ou en trois , ou en quatre. De cette dernière divifîon
réfultoit le Dièfe enharmonique mineur ou Quart-de-Ton ; de
la féconde , le Dièfe mineur chromatique ou le tiers d'un
Ton ; & de la troiiîeme , le Dièfe majeur qui faifoit jufte un
demi-Ton.
DIESE ou DIESIS , chez les Modernes , n'efr. pas pro-
prement , comme chez les Anciens , un Intervalle de Mu-
fique ; mais un figne de cet Intervalle , qui marque qu'il
faut élever le Son de la Note devant laquelle il fe trouve ,
au-deû*us de celui qu'elle devrait avoir naturellement; (ans
cependant la faire changer de Degré ni même de nom.
Or comme cette élévation fe peut faire du moins de trois
manières dans les Genres établis, il y a trois fortes de Dièjjs ;
favoir ,
i°. Le Dièfe enharmonique mineur ou fimr'e Dièfe ,
qui fe figure par une croix de Saint André , ainf. à£" . Selon
tous nos Muficiens , qui fuivent la pratique d Ariitoxène ,
il élevé la Note d'un Quart-de-Ton ; mais il n'ell propre-
ment que l'excès du fe mi-Ton majeur fur le femi-Ton mineur.
Ainfi du mi naturel au fa Bémol , il y a un Dièfe enharmo-
nique dont le rapport eft de 125 à 128.
2°. Le Dièfe chromatique , double Dièfe ou Dièfe ordi-
naire , marqué par une double croix -$£ élevé la Note d'un
Dicl. de Mufique. Dd
HO-
D I S
femi-Ton mineur. Cet Intervalle eft égal à celui du Bémol ;
c'eft-à-dire ; la différence du femi-Ton majeur au Ton mi-
neur : ainfi , pour monter d'un Ton depuis le mi naturel , il
faut paffer au fa Dièfe. Le rapport de ce Dièfe eft de 14 a.
15. Voyez fur cet Article une remarque effentielle au mot
femi-Ton.
3°. Le Dièfe enharmonique majeur ou triple Dièfe , mar-
qué par une croix triple -W- élevé , félon les AriihoxénienS ,
la Note d'environ trois quarts de Ton. Zarlin dit qu'il l'élevé
d'un femi-Ton mineur; ce qui ne fauroit s'entendre de notre
femi-Ton , puifqu'alors ce Dièfe ne différerait en rien de notre
Dièfe chromatique.
De ces trois Dièfes, dont les Intervalles étoient tous pra-
tiqués dans la Mufîque ancienne , il n'y a plus que le chro-
matique qui foit en ufage dans la nôtre , l'Intonation des
Dièfes enharmoniques étant pour nous d'une difficulté prefque
infurmontable , & leur ufage étant d'ailleurs aboli par notre
fyftême tempéré.
Le Dièfe , de même que le Bémol , fe place toujours
a gauche , devant la Note qui le doit porter; & devant ou
après le chiffre, il fignitïe la même chofe que devant une
Note. ( Voyez Chiffres. ) Les Dièfes qu'on mêle parmi
les Chiffres de la Baffe -continue , ne font fouvent que de
fimples croix comme le Dièfe enharmonique : mais cela ne
fauroit caufer d'équivoque, puifque celui-ci n'elt plus en
ufage.
Il y a deux manières d'employer le Dièfe : l'une acciden-
telle , quand dans le cours du Chant on le place à la gauche
D I E
il r
d'une Note. Cette Note dans les Modes majeurs fe trouve
le plus communément la quatrième du Ton ; dans les
Modes mineurs , il faut le plus Couvent deux Dïèfts acci-
dentels , fur - tout en montant ; favoir , un fur la fixieme
Note , & un autre fur la feptieme. Le Dïèfc accidentel
n'altère que la Note qui le fuit immédiatement ; ou , tout
au plus , celles qui dans la même Mefure fc trouvent fur le
même Degré , & quelquefois à l'Octave , fans aucun ligne
contraire.
L'autre manière eft d'employer le Dièfe à la Clef, & alors
il agit dans toute la fuite de l'Air & fur toutes les Notes qui
font placées fur le même Degré où eft le Dièfe , à moins
qu'il ne foit contrarié par quelque Bémol ou Béquarrc , ou
bien que la Clef ne change.
La pofition des Diêfes à la Clef n'eft pas arbitraire , non
plus que celle des Bémols; autrement les deux femi-Tons
de l'Octave feroient fujets à fe trouver entr'eux hors des
Intervalles preferits. Il faut donc appliquer aux Dièfcs un
raifonnement femblable à celui que nous avons fait au mot
Bémol , ôc l'on trouvera que l'ordre des Dufes qui con-
vient à la Clef eft celui des Notes fuivances , en commen-
çant par fa & montant fuccefïïvement de Quinte , ou def-
cendant de Quarte jufqu'au la , auquel on s'arrête ordinaire-
ment, parce que le Dièfe du mi, qui le fuivroit, ne diffère
point du fa fur nos Claviers.
Vd
m DIE
Ordre des Dièses a la Clef,
Fa , Ut t Sol , Re , La , &c.
Il faut remarquer qu'on ne fauroit employer un Dièfe à la
Clef fans employer aulfi ceux qui le précèdent ; ainfî le
Dièfe de Yut ne fe pofe qu'avec celui du fa ; celui du fol
qu'avec les deux précédens , &c.
J'ai donné , à\i mot Ckf tranfpofée , une formule pour
trouver tout d'un coup fi un Ton ou Mode doit porter des
Dièfes à la Clef, & combien.
Voilà l'acception du mot Dièfe , & fon ufage , dans la
pratique. Le plus ancien manufcrit où j'en aie vu le figne
employé , efr. celui de Jean de Mûris ; ce qui me fait croire
qu'il pourroit bien être de fon invention. Mais il ne paroît
avoir , dans fes exemples , que l'effet du Béquarre : aufTi cet
Auteur donne-t-il toujours le nom de Diéjis au femi-Ton
majeur.
On appelle Dièfe s , dans les calculs harmoniques, certains
Intervalles plus grands qu'un Comma & moindres qu'un ftmi-
Ton, qui font la différence d'autres Intervalles engendres par
les progrefTions & rapports des Confonnances. II y a trois
de ces Dièfes. i°. le Dièfe majeur , qui elt la différence du
femi-Ton majeur au femi-Ton mineur, & dont le rapport
elt de us à 118. z°. le Dièfe mineur, qui e(t la différence
du femi - Ton mineur au Dièfe majeur , & en rapport de
3071 à 3115. 30. & le Dièfe maxime , en rapport de 243 à
250, qui elt la différence du Ton mineur au femi-Ton maxifl
( Voyez Semi-Ton. )
D I M 213
Il faut avouer que tant d'acceptions diverfes du même
mot dans le même Arc, ne font gueres propres qu'à caufer
de fréquentes équivoques , & à produire un embrouillement
continuel.
DIEZEUGMENON , génit.fém. plur. Tétracorde Die\eug-
menon ou des Séparées , eft le nom que donnoient les Grecs
à leur troifieme Tétracorde , quand il étoit disjoint d'avec le
fécond. ( Voyez Tétracorde. )
DIMINUE , adj. Intervalle diminué eft tout Intervalle
mineur dont on retranche un femi-Ton par un Dièfe à la
Note inférieure , ou par un Bémol à la fupérieure. A l'égard
des Intervalles juftes que forment les Confonnances par-
faites, lorfqu'on les diminue d'un femi-Ton l'on ne doit
point les appeller Diminués , mais Faux ; quoiqu'on dife
quelquefois mal-a-propos Quarte diminuée , au lieu de dire
FaufTe -Quarte, cV Oclave Diminuée, au lieu de dire Faufle-
Octave.
DIMINUTION , f. f. Vieux mot , qui fignifioit la divi-
sion d'une Note longue , comme une Ronde ou une Blan-
che , en plufieurs autres Notes de moindre valeur. On en-
lendoit encore par ce mot tous les Fredons & autres paifa-
ges qu'on a depuis appelles Koulemens ou Roulades. (Voyez
ces mots. )
DIOXIE , f. f. C'eft , au rapport de Nicomaque , un nom
que les Anciens donnoient quelquefois à la Confonnance de
la Quinte , qu'ils appelloient plus communément Diapentc.
(Voyez Diapente. )
DIRECT, adj. Un Intervalle direct eft celui qui fait un
2i4 - DIS
Harmonique quelconque fur le Son fondamental qui le pro-
duit. Ainfi la Quinte , la Tierce majeure , l'Octave , & leurs
Répliques font rigoureufement les feuls Intervalles directs :
mais par extenfion l'on appelle encore Intervalles directs
tous les autres , tant confonnans que diffonans , que fait
chaque Partie avec le Son fondamental pratique , qui eft ou
doit être au-deffous d'elle ; ainfi la Tierce mineure eft un
Intervalle direct fur un Accord en Tierce mineure , & de
même la Septième ou la Sixte-ajoutée fur les Accords qui
portent leur nom.
Accord direct eft celui qui a le Son fondamental au grave
& dont les Parties font diftribuées , non pas félon leur or-
dre le plus naturel , mais félon leur ordre le plus rapproché.
Ainfi l'Accord parfait direct n'eft pas Octave , Quinte &
Tierce , mais Tierce , Quinte & Octave.
DISCANT ou DECHANT ,f.m. C'écoic, dans nos an-
ciennes Mufiques , cette efpece de Contre-point que com-
pofoient fur-le-champ les Parties fupcrieures en chantant im-
promptu fur le Ténor ou la Baffe ; ce qui fait juger de la
lenteur avec laquelle devoir marcher la Mufique , pour pou-
voir être exécutée de cette manière par des Muficiens aufîi
ptu habiles que ceux de ce tems-là. Difcantat , dit Jean de
Maris , qui fimul cuin uno vc.l plurilms dukiter cantat , ut
ex dijiinctis Sortis Sonus unusfiat, non unitate Jîmpticiutis t
fed dulcis concordifque mixtionis unione. Après avoir expli-
qué ce qu'il entend par Confonnancts , <5>: le choix qu'il con-
vient de faire entr'cllcs , il reprend aigrement les Chanteurs
de fon tems qui les pratiqaoient prefqtic indilléremmcnt,
DIS 5r2
« De quel front , dir-il , fi nos Re°,les font bonnes , ofent
» Déchanter ou compofer le Difcant , ceux qui n'entendent
» rien au choix des Accords , qui ne fe doutent pas même
» de ceux qui font plus ou moins concordans , qui ne fa-
» vent ni desquels il faut s'abftenir, ni defquels on doit ufer
» le pi .s fréquemment, ni dans quels lieux il les fiut em-
m ployer , ni rien de ce qu'exige la pratique de l'Art bien
» entendu ? S'ils rencontrent , c'eit par hafard ; leurs Voix
» errent fans règle fur le Ténor : qu'elles s'accordent , fi
» Dieu le veut ; ils jettent leurs Sons à l'aventure , comme
» la pierre que lance au but une main mal-adroite , & qui
» de cent fois le touche à peine une ». Le bon Magiltcr
Mûris apostrophe enfuite ces corrupteurs de la pure & {im-
pie Harmonie , dont fon fiecle abondoit ainfi que le nôtre.
Heu ! p ro h dolor ! His temporibus aliqui fuum deftelum inepto
proverbio colorare moliuntur. Ifie eft , inqitiunt , noms difi-
cantandi modus , novis Jcilicet uti confonantiis. OJfindunt il
intelleclum eorum qui taies defeclûs agnofeunt , qff'endunt fen-
fuin ; nain inducere cuin deberent dekclationem , adducunt
triflitiam. 0 incongruum proverbium ! 6 maïa coloratio ! ir-
rationabilis exeufatio ! ô magnus abufus , magna ruditas ,
magna beflialitas , ut a fi nus fumatur pro homme , capra pro
leone , ovis pro pifee , ferpens pro falmone ! Sic enirn con-
cordiœ confunduntur cum difeordiis , ut nullatenus una dij-
tinguatur ab alià. O ! fi antiqui periti Muficct doclores taies
audiJJ'ent Dif.antatores , quid dixifient ? Cuid fecijfent ? Sic
difeantantem increparent , & dicerent : Non hune difcaniuni
quo uteris de me fuinis, A'on twim cantum unum & conçois
iio DIS
dantem cum me facis. De quo te intromïttis ? Mihi non
congruis , trahi adverfarius , fcandalum tu mihi es ; ô utinam
tacerjs ! Non concordas , fd déliras & difcordas.
DISCORDANT , adj. On appelle ainfi tout Infiniment
dont on joue & qui n'elt pas d'accord , toute voix qui chante
faux , toute Partie qui ne s'accorde pas avec les autres. Une
Intonation qui n'eit pas jufle fait un Ton faux. Une fuite
de Tons faux fait un Chant difcordant ; c'eft la différence
de ces deux mots.
DISDIAPASON , / m. Nom que donnoient les Grecs à
lTntervalle que nous appelions double OcIav£.
Le Difdiapafon elt à-peu-près la plus grande étendue que
puiffent parcourir les voix humaines fans fe forcer ; il y en a
même affez peu qui l'entonnent bien pleinement. C'eft pour-
quoi les Grecs avoient borné chacun de leurs Modes a cette
étendue & lui donnoient le nom de Syftéme parfait. ( Voy.
Mode , Genre , Système. )
DISJOINT , adj. Les Grecs donnoient le nom relatif de
Disjoints à deux Tétracordes qui fe fuivoient immédiate-
ment , lorfque la corde la plus grave de l'aigu étoit un Ton
au-deffus de la plus aiguë du grave , au lieu d'être la même.
Ainfi les deux Tétracordes Hypaton & Diezeugménon
étoient Disjoints , & les deux Tétracordes Synnéménon 6c
Hyperboléon Tétoient aufli. ( Voyez Tktracorde. )
On donne , parmi nous , le nom de Disjoins aux Inter-
valles qui ne fe fuivent pas immédiatement , mais font fé-
parés par un autre Intervalle. Ainfi ces deux Intervalles ut
mi tk fol Ji font Di joints. Les Degrés qui ne font p.-î ton-
us.
DIS «7
joints , mais qui font compotes de deux ou plufieurs De-
grés conjoints, s'appellent auiïi Degrés Disjoints. Ajnfi cha-
cun des deux Intervalles dont je viens de parler forme un
Degré Disjoint.
DISJONCTION. C'étoit , dans l'ancienne Mufique , l'ef-
pace qui féparoit la Mcfe de la Paramèfe , ou en général
un Tétracorde du Tétracorde voilin , lorfqu'tls n'étoienr pas
conjoints. Cet efpace étoit d'uu Ton , oc s'appelloit en Grec
Dia\euxis.
DISSONANCE , / f. Tout Son qui forme avec un au-
tre , un Accord défagréable à l'oreille , ou mieux , tout Inter-
valle qui n'eft pas confonnant. Or , comme il n'y a point
d'autres Confonnances que celles que forment entr'eux &.
avec le fondamental les Sons de l'Accord parfait , il s'enfuit
que tout autre Intervalle efl une véritable DiJJonance : même
les Anciens comptaient pour telles les Tierces & les Sixtes,
qu'ils retranchaient des Accords confonnans.
Le terme de DiJJbnance vient de deux mots , l'un Grec,
l'autre Latin , qui lignifient fonner à double. En effet , ce
qui rend la Diffbnance défagréable , eit que les Sons qui la
forment , loin de s'unir à l'oreille , fe repoulfent , pour ainfï
dire , & font entendus par elle comme deux Sons diftinéts ,
quoique frappés a la fois.
On donne le nom de JJiffbnance , tantôt à l'Intervalle &
tantôt à chacun des deux Sons qui le forment. Mais quoi-
que deux Sons diflbnent entr'eux , le nom de Diff'onancc fe
donne plus fpécialement à celui des deux qui eft étranger à
l'Accord.
DLL de Mufique» Ec
218 DIS
Il y a une infinité de Diffbnances poflibles ; mais comme
dans la Mufique on exclud cous les Intervalles que le Syltc-
me reçu ne fournit pas , elles fe réduifent à un petit nombre ;
encore pour la pratique ne doit-on choifir parmi celles-là
que celles qui conviennent au Genre & au Mode , & enfin
exclure même de ces dernières celles qui ne peuvent s'em-
ployer félon les règles prefcrires. Quelles font ces règles ?
Ont-elles quelque fondement naturel , ou font-elles purement
arbitraires ? Voilà ce que je me propofe d'examiner dans cet
Article.
Le principe phyfique de l'Harmonie fe tire de la produc-
tion de l'Accord parfait par la réfonnance d'un Son quel-
conque : toutes les Confonnances en nahTent , & c'elt la
Nature même qui les fournit. Il n'en va pas ainfi de la Dif~
fonance , du moins telle que nous la pratiquons. Nous trou-
vons bien , fi l'on veut , fa génération dans les progrefïions
des Intervalles confonnans & dans leurs différences ; mais
nous n'appercevons pas de raifon phyfique qui nous autorifë
à l'introduire dans le corps même de l'Harmonie. Le P.
JvL'rfenne fe contente de montrer la génération par le calcul
& les divers rapports des Diffbnances , tant de celles qui font
rejettécs , que de celles qui font admifes ; mais il ne dit rien
du droit de les employer. M. Rameau dix en termes for-
mels , que la Dijffbnance n'eft pas naturelle à l'Harmonie ,
& qu'elle n'y peut être employée que par le fecours de l'Art.
Cependant , dans un autre Ouvrage , il efTaye d'en trouver
le principe dans les rapports des nombres & les proportions
harmonique & arithmétique , comme s'il y avoit quelque
DIS m-,
identité entre les propriétés de la quantité abftraite & les
fenfations de l'ouïe. Mais après avoir bien épuifé des analogies ,
après bien des métamorphofes de ces diverfes proportions
les unes dans les autres , après bien des opérations & d'inu-
tiles calculs, il iinit par établir, fur de légères convenances,
la Diffonance qu'il s'efr. tant donné de peine à chercher*
Ainii , parce que dans l'ordre des Sons harmoniques la pro-
portion arithmétique lui donne , par les longueurs des cor-
des , une Tierce mineure au grave , ( remarquez qu'elle U
donne à l'aigu par le calcul des vibrations ) il ajoute au
grave de la fous-Dominante une nouvelle Tierce mineure.
La proportion harmonique lui donne une Tierce mineure à
l'aigu , ( elle la donnerait au grave par les vibrations ) &
il ajoute à l'aigu de la Dominante une nouvelle Tierce mi-
neure. Ces Tierces ainfi ajoutées ne font point , il efl vrai ,
de proportions avec les rapports précédens ; les rapports
mêmes qu'elles devraient avoir fe trouvent altérés ; mais
n'importe : M. Rameau fait tout valoir pour le mieux ; la
proportion lui fert pour introduire la Diffbnance , & le défaut
de proportion pour la faire fenrir.
L'illuitre Géomètre qui a daigné interpréter au Public le
Syftême de M. Rameau , ayant fupprimé tous ces vains cal-
culs , je fuivrai fon exemple , ou plutôt je tranferirai ce qu'il
dit de la DiJTonance , & M. Rameau me devra des rcmer-
cîmens d'avoir tiré cette explication , des Elément de Alu*
Jique , plutôt que de fes propres écrits.
Suppofant qu'on connoifle les cordes effentielles du Ton
félon le Syftême de M. Rameau ; favoir , dans le Ton d'uf,
Ee x,
ZIQ
D I S
la Tonique ut , la Dominante fol & la fous-Dominante fa\
on doit favoir aufii que ce même Ton d'ut a les deux cor-
des ut & fol communes avec le Ton de fol , & les deux
cordes ut & fa communes avec le Ton de fa. Par conféquenî
cette marche de Baffe ut fil peut appartenir au Ton d'ut
ou au Ton de fol , comme la marche de Balle fa ut ou ut
fa , peut appartenir au Ton d'ut ou au Ton de fa. Donc ,
quand on palTe d'ut k fa ou à fol dans une BafTe-fbndamen-
tale , on ignore encore jufques-là dans quel Ton l'on elt. Il
feroit pourtant avantageux de le favoir & de pouvoir , par
quelque moyen , difHnguer le générateur de fes Quintes.
On obriendra cet avantage en joignant enfemble les Sons
fol ôc fa dans une même Harmonie; c'eft-à-dire, en joi-
gnant à l'Harmonie fol fi re de la Quinte fol l'autre Quinte
fa , en cette manière fol fi rt fa : ce fa ajoute étant la Sep-
tième de fol fait Dijfonance : c'eit pour cette raifon que
l'Accord fol fi re fa eft appelle Accord dilîbnant ou Accord
de Septième. Il fert à diftinguer la Quinte fol du générateur
ut , qui porte toujours , fans mélange & fans altération ,
l'Accord parfait ut mi fol ut , donné par la nature même.
( Voyez Accord, Consonnance , Harmonie. ) Par-là on
voit que , quand on parle d'ut a fol , on pane en même tems
d'ut à fa , parce que le fa fe trouve compris dans l'Accord
de fol , & le Ton d'ut fe trouve , par ce moyen , entiére-
me;it déterminé , parce qu'il n'y a que ce Ton feul auquel
les Sois fa & Jbl appartiennent à la fois.
Voyons maintenant , continue M. d'Alerubcrt , ce que
nous ajouterons à l'Harmonie fa la ut de la Qi:ir.:c fa au-
DIS tisr
defîbus du générateur, pour diitinguer cette Harmonie de
celle de ce même générateur. Il femble d'abord que l'on
doive y ajouter l'autre Quinte fol , afin que le générateur
ut partant. \ fa , parte en même tems i/o/, & que le Ton
foit déterminé par-l'j : mais cette introduction de fol dans
l'Accord fa la ut , donnerait deux Secondes de fuite , fa fol,
Jnl la, c'elt - à-dire , deux DilTonances dont l'union feroic
trop défagréable à l'oreille ; inconvénient qu'il faut éviter :
car fi , pour diftinguer le Ton, nous altérons l'Harmonie
de cette Quinte fa , il ne faut l'altérer que le moins qu'il
ei\ poflible,
C'e/t pourquoi, au lieu de fol, nous prendrons fe Quints
re , qui eft le Son qui en approche le plus ; 6c nous aurons
pour la fous-Dominante fa l'Accord /h la ut re , qu'on appelle
Accord de Grande-Sixte , ou Sixte-ajoutée.
On peut remarquer ici l'analogie qui s'obferve entrs
l'Accord de la Dominante fol, & celui de la fous -Domi-
nante fa.
La Dominante fol, en montant au-dcfîiis du générateur»
a un Accord tout compofé de Tierces en montant depuis
fol ; fol Ji re fa. Or la fous- Dominante fa étant au-dertbi.s
du générateur ut, on trouvera, en defeendant d\it vers fa
par Tierces , ut la fa re , qui contient les mêmes Sons que
l'Accord fa la ut re donne à la fous-Dominante fa.
On voit de plus, que l'altération de l'Harmonie des deux
Quintes ne confifle que dans la Tierce mineure r: fa , ou
fa re , ajoutée de part & d'autre h FI larmonie de ces deuK
Quintes.
111
D I S
Cette explication efl d'autant plus ingénieufe , qu'elle montre
à là fois l'origine , l'ufage , la marche de la Dijjbnancz , fon
rapport intime avec le Ton, & le moyen de déterminer
réciproquement l'un par l'autre. Le défaut que j'y trouve , '
mais défaut efientiel qui fait tout crouler , c'eft l'emploi
d'une corde étrangère au Ton , comme corde effentielle
du Ton; & cela par une faufle analogie qui , fervant de
bnfe au Syftême de M. Rameau, le détruit en s'évanouiiïant.
Je parle de cette Quinte au - defïbus de la Tonique , de
cette fous-Dominante entre laquelle & la Tonique on n'ap-
perçoit pas la moindre liaifon qui puilTe autorifer l'emploi
de cette fous-Dominante , non-feulement comme corde ef-
fentielle du Ton, mais même en quelque qualité que ce puilTe
être. En effet, qu'y a-t-il de commun entre la réfonnance,
le frémiffement des Uniifons d'ur, & le Son de fa Quinte en
deifous ? Ce n'eit point parce que la corde entière eft un fa ,
que fes aliquotes réforment au Son d'ut , mais parce qu'elle
elt un multiple de la corde ut , ôc il n'y a aucun des mul-
tiples de ce même ut qui ne donne un femblable phéno-
mène. Prenez le feptuple , il frémira & réfonnera dans fes
Parties ainfi que le triple ; ell-ce à dire que le Son de ce
feptuple ou Cgs Octaves foient des cordes eflenrielles du
Ton ? Tant s'en faut , puifqu'il ne forme pas même avec la
Tonique un rapport commenfurable en Notes.
Je fais que M Rameau a prétendu qu'au Son d'une corde
quelconque, une autre corde h Cd douzième en defTous fie-
miiïbit fans réformer; mais, outre que c'eir un étrange phé-
nomène en acoulhque qu'une corde fonore qui vibre &. ne
DIS
Téfonne pas , il eft maintenant reconnu que cette prétendue
expérience eft une erreur , que la corde grave frémit parce
qu'elle fe partage , & qu'elle paroît ne pas réformer parce
qu'elle ne rend dans fes Parties que l'UnilIbn de l'aigu , qui
ne fe distingue pas aifément.
Que M. Rameau nous dife donc qu'il prend la Quinte en
defTous , parce qu'il trouve la Quinte en delfus , & que ce jeu
des Quintes lui paroît commode pour établir fon Syf tême ;
on pourra le féliciter d'une ingénieufe invention : mais qu'il
ne l'autorife point d'une expérience chimérique , qu'il ne fe
tourmente point à chercher dans les renverfemens des pro-
portions harmonique & arithmétique les fondemens de l'Har-
monie , ni à prendre les propriétés des nombres pour celles
des Sons.
Remarquée encore que Ci la contre -génération qu'il fup-
pofe pouvoit avoir lieu , l'Accord de la fous-Dominante fa
ne devroit point porter une Tierce majeure , mais mineure ,
parce que le la Bémol elt l'Harmonique véritable qui lui
« » ?
eft. afïigné par ce renverfement ut Ja la b. De forte qu'à ce
compte la Gamme du Mode majeur devroit avoir naturelle-
ment la Sixte mineure; mais elle l'a majeure, comme qua-
trième Quinte, ou comme Quinte de la féconde Note : ainfi
voilà encore une contradiction.
Enfin, remarquez que la quatrième Note donnée parla férié
des aliquotes, d'où naît le vrai Diatonique naturel, n'eft point
l'Octave de la prétendue fous-Dominante dans le rapport de
4 à 3 » mais une autre quatrième Note toute différente d-jQS
Z24 DIS
le rapport de 1 1 à 8 , ainfi que tout Théoricien doit l'apper-
cevoir au premier coup - d'oeil.
J'en appelle maintenant à l'expérience & à l'oreille des Mu-
ficiens. Qu'on écoute combien la Cadence imparfaite de la
fous- Dominante à la Tonique eft dure & fauvage, en compa-
raifon de cette même Cadence dans fa place naturelle , qui eft de
la Tonique à la Dominante. Dans le premier cas, peut -on
dire que l'oreille ne defire plus rien après l'Accord de la To-
nique ? N'attend-on pas, malgré qu'on en ait, une fuite ou
une fin? Or, qu'eft-ce qu'une Tonique après laquelle l'o-
reille defire quelque chofe ? Peut -on la regarder comme une
véritable Tonique, Se n'eft-on pas alors réellement dans le
Ton de fa, tandis qu'on penfc être dans celui cVut? Qu'on
obferve combien l'Intonation diatonique & fucceflïve de la
quatrième Note & de la Note fenfible , tant en montant qu'en
defeendant , paroît étrangère au Mode , & même pénible à
la Voix. Si la longue habitude y accoutume l'oreille & la Voix
du Muficien , la difficulté des Commençons à entonner cette
Note doit lui montrer afiez combien elle eit peu naturelle.
On attribue cette difficulté aux trois Tons confécutifs : ne
devroit-on pas voir que ces trois Tons confécutifs, de même
que la Note qui les introduit , donnent une Modulation bar-
bare qui n'a nul fondement dans la Nature ? Elle avoit apu-
rement mieux guidé les Grecs , lorfqu'ellc leur fit ara
leur Tétracordc précifément au mi de notre Echelle; c'eft-
à-dire , à la Note qui précède cette quao k tnej ils aimèrent mieux
prendre cette quatrième eo d< I , & ils trouva
feur feule oreille, ce que toute notre théorie harmonique .n'a pà
encore dous faire appercevoir.
DIS ti$
Si le témoignage de l'oreille & celui de la raifon fc réu-
nifient} au moins dans le Syitéme donné pour rejetter 1*
prétendue fous - Dominante , non-feulement du nombre des
cordes efïentielles du Ton, mais du nombre des Sons qui
peuvent entrer dans l'Echelle du Mode , que devient toute
cette théorie des Diffbnances ? que devient l'explication
du Mode mineur ? que devient tout le Syltéme de M.
Rameau ?
N'appcrcevant donc , ni dans la phyfique , ni dans le cal-
cul ., la véritable génération de la DiJJonance , je lui cher-
chois une origine purement mécanique , & c'eit de la ma-
nière fuivante que je tâchois de l'expliquer dans l'Encyclo-
pédie , fans m'écarter du Syitéme pratique de M. Rameau.
Je fuppofe la néceffité de la DiJ/ônancc reconnue. ( Voyez
Harmonie & Cadence. ) Il s'agit de voir où Ton doit
prendre cette Difibnance &c comment il faut remployer.
Si l'on compare fucceffivement tous les Sons de l'Echelle
Diatonique avec le Son fondamental dans chacun des deux-
Modes , on n'y trouvera pour toute DiJJbnancc que la Se-
conde , & la Septième , qui n'eft qu'une Seconde rcnvei -
fée , & qui fait réellement Seconde avec l'Octave. Que ta
Septième foit renverfée de la Seconde , èc non la Seconde
de la Septième , c'eft ce qui eft évident par Texpreflion
des rapports : car celui de la Seconde 8. 9. étant plus
fimple que celui de la Septième 9. 16. l'Intervalle qu'il
repréfente n'eft pas, par confequent, l'engendré, mais le
générateur.
Je fais bien que d'autres Intervalles altérés peuvent deve-
Dicï. de Mufiquc. Ff
130 DIS
II faut remarquer encore que ces deux Dijjbnances ; favoir,
la Sixre majeure & la Septième mineure , ne différent que
d'un femi-Ton , & différeroient encore moins fi les Intervalles
étoient bien juftes. A l'aide de cette obfervation l'on peut
tirer du principe de la réfonnance une origine très-approchée
de l'une & de l'autre , comme je vais le montrer.
Les Harmoniques qui accompagnent un Son quelconque
ne fe bornent pas à ceux qui compofent l'Accord parfait. U
y en a une infinité d'autres moins fenfibles à mefure qu'ils
deviennent plus aigus & leurs rapports plus compofés , &
ces rapports font exprimes par là férié naturelle des aliquo-
tes îjîfsf» &c. Les fix premiers termes de cette férié
donnent les Sons qui compofent l'Accord parfait & fes Ré-
pliques , le feptieme en eft exclus ; cependant ce feptieme
terme entre comme eux dans la réfonnaHce totale du Son
générateur , quoique moins fenfiblement : mais il n'y encre
point comme Confonnance ; il y entre donc comme Dijfo-
nance , & cette Diffonance eft donnée par la Nature. Relie
à voir fon rapport avec celles dont je viens de parler.
Or ce rapport eft intermédiaire entre l'un & l'autre & fort
rapproché de tous deux ; car le rapport de la Sixte majeure
eft }, & celui de la Septième mineure &. Ces deux rapports
réduits aux mêmes termes font |* ce *£•
Le rapport de l'aliquote y rapproché au fimplc par fes
O&aves eft ^, & ce rapport réduit au même terme avec les
précédera fe trouve intermédiaire entre les deux , de cette
manière i'-j \\% \l\; où l'on voit que ce rapport moyen lie
diffère de la S ure que d'un ,'< , ou à-peu-près deux
DIS »„
Commi , & de la Septième mineure que d'un — s qui eft
beaucoup moins qu'un Comma. Pour employer les mêmes
Sons dans le genre Diatonique & dans divers Modes, il a
falu les altérer; mais cette altération n'elt pas aflez grande
pour nous faire perdre la trace de leur origine.
J'ai fait voir , au mot Cadence , comment l'introduftion de
ces deux principales DiJJbnances , la Septième & la Sixte -
ajoutée , donne le moyen de lier une fuite d'Harmonie en la
faifant monter ou defeendre à volonté par l'entrelacement des
UiJJ'onances.
Je ne parle point ici de la préparation de la DiJJbnance ,
moins parce qu'elle a trop d'exceptions pour en faire une
règle générale , que parce que ce n'en eft pas ici le lieu»
( Voyez Préparer. ) A l'égard des Dijjbnances par fup-
pofition ou par fufpenfion , voyez aufli ces deux mots. En-
fin , je ne dis rien non plus de la Septième diminuée ; Ac-
cord fingulier dont j'aurai occafion de parler au mot Enhar-
monique.
Quoique cette manière de concevoir la Diffbnance en donne
une idée alfez nette , comme cette idée n'eft point tirée
du fond de l'Harmonie , mais de certaines convenances en-
tre les Parties, je fuis bien éloigné d'en faire plus de cas
qu'elle ne mérite , & je ne l'ai jamais donnée que pour ce
qu'elle valoit ; mais on avoit jufqu'ici raifonné fi mal fur
la DiJJbnance , que je ne crois pas avoir fait en cela pis que
les autres. M. Tartini eft le premier , & jufqu'a présent le
feul qui ait déduit une Théorie des Dijfonancts des vrais
principes de l'Harmonie. Pour éviter d'inutiles répétitions
zi8 DIS
doit faire liaifon dans l'Accord fuivanr. L'Intervalle que doit
former la BafTe - fondamentale en quittant l'Accord , doit
donc être déterminé fur ces deux conditions ; i°. que l'Oc-
tave du Son fondamental précédent puiffe refter en place
après l'Accord de Septième , la Quinte après l'Accord de
Sixte-ajoutée ; i°. que le Son fur lequel fe réfout la DiJJb-
nance foit un des Harmoniques de celui auquel palTe la BafTe-
fondamentale. Or le meilleur mouvement de la Baffe étant
par Intervalles de Quinte , fi elle defcend de Quinte dans
le premier cas , eu qu'elle monte de Quinte dans le fé-
cond , toutes les conditions feront parfaitement remplies ,
comme il eft évident , par la feule infpeclion de l'exemple ,
n a. Fïg. 9.
De- là on tire un moyen de connoître à quelle corde du
Ton chacun de ces deux Accords convient le mieux. Quel-
les fent dans chaque Ton les deux cordes les plus efTen-
tielles ? C'eft la Tonique & la Dominante. Comment la
Balte peut-elle marcher en defeendant de Quinte fur deux
cordes eflentielles du Ton ? C'eft en paifant de la Domi-
nante a la Tonique : donc la Dominante eft la corde à la-
quelle convient le mieux l'Accord de Septième. Comment
la BafTe en montant de Quinte peut-elle marcher fur deux
cordes eflentielles du Ton ? C'eli en pafiant de la Tonique
à la Dominante : donc la Tonique eft la corde à laquelle
convient l'Accord de Sixte -ajoutée. Voilà pourquoi , dans
l'exemple, j'ai donné un Dièfe au fa de l'Accord qui fuit
celui-14 : car le re étant Dominante-Tonique doit porter la
Tierce majeure. La Bj(H' peut avoir d'auttes mari. lies ; mats
DIS
ce font-là les plus parfaites, & les deux principales Cadences
( Voyez Cadknce. )
Si l'on compare ces deux DiJJ'onances avec le Son fon-
damental , on trouve que celle qui defeend elt une Septième
mineure , & celle qui monte une Sixte majeure , d'où l'on
tire cette nouvelle règle que les DiJJ'onances majeures doivent
monter , & les mineures defeendre : car en général un
Intervalle majeur a moins de chemin à faire en montant ,
& un Intervalle mineur en defeendant ; 6c en général auiïï ,
dans les marches Diatoniques , les moindres Intervalles font à
préférer.
Quand l'Accord de Septième porte Tierce majeure , cette
Tierce fait, avec la Septième , une autre DiJJbnance qui elt
la Fauiïe - Quinte , ou , par renverfement , le Triton. Cette
Tierce, vis-à-vis de la Septième, s'appelle encore Dijfo-
nanec majeure , 6c il lui eft preferit de monter , mais c'efè
en qualité de Note fenfible ; 6c fans la Seconde , cette préten-
due Dijfonana n'exiiteroit point ou ne feroit point traitée
comme telle.
Une obfervation qu'il ne faut pas oublier eft , que les
deux feules Notes de l'Echelle qui ne fe trouvent point dans
les Harmoniques des deux cordes principales ut 6c fol , font
précifément celles qui s'y trouvent introduites par la Diffb-
nance , 6c achèvent, par ce moyen, la Gamme Diatonique,
qui , fans cela , feroit imparfaite : ce qui explique comment
le fa 6c le lu , quoiqu'étrangers au Mode, fc trouvent dai.s
fon Echelle , 6c pourquoi leur Intonation , toujours rude
malgré l'habitude , éloigne l'idée du Ton principal-
%z6 DIS
nir difîbnans ; mais fi la Seconde ne s'y trouve pas exprimée
ou fous-entendue , ce font feulement des accidens de Modu-
lation auxquels l'Harmonie n'a aucun égard, & ces Diffbnances
ne font point alors traitées comme telles. Ainfi c'efr, une
chofe certaine qu'où il n'y a point de Seconde il n'y a poinc
de Dijfonance ; & la Seconde eit proprement la feule DiJTo-
nonce qu'on puiiïe employer.
Pour réduire toutes les Confbnnances à leur moindre ef-
pace , ne fortons point des bornes de l'Octave , elles y fonc
toutes contenues dans l'Accord parfait. Prenons donc cet
Accord parfait , fotfi refol, & voyons en quel lieu de cet
Accord , que je ne fuppofe encore dans aucun Ton , nous
pourrions placer une DiJJbnancs ; c'eft-i-dire, une Seconde,
pour la rendre le moins choquante à l'oreille qu'il efè pof-
fible. Sur le la entre le fol & le Ji , elle feroit une Seconde
avec l'un & avec l'autre , & par conféquent dilToneroit dou-
blement. Il en feroit de même entre le // & le re , comme
entre tout Intervalle de Tierce : refte l'Intervalle de Quarte
entre le re & le fol. Ici Ton peut introduire un Son de deux
manières ; i°. on peut ajouter la Note fa qui fera Seconde
avec le fol & Tierce avec le re ; i°. ou la Note mi qui
fera Seconde avec le re & Tierce avec le fol. 11 elt évident
qu'on aura de chacune de ces deux manières la DiJJhna
la moins dure qu'on puiffe trouver, car elle ne ditîb.nera
qu'avec un feul Son , & elle engendrera une nouvelle Tierce
qui , aufli-bien que les deux précédentes , contribuera à la
douceur de l'Accord total. D'un côté nous aurons l'Accord
de Septième, & de l'autre celui de Sixte -ajoutée, les deux
DIS iî7
fculs Accords diflbnans admis dans le Syflémc de la Daiïc-
fondamentale.
Il ne fuffit pas de faire entendre la Difitnance , il fur
la réfoudre ; vous ne choquez d'abord ['oreille que pour la
flatter enfuite plus agréablement. Voilà deux Sons joints :
d'un côté la Quinte & la Sixte , de l'autre la Septième &
J'Oclave ; tant qu'ils feront ainfi la Seconde , ils relieront
diflbnans : mais que les Parties qui les font entendre s'é-
loignent d'un Degré ; que l'une monte ou que l'autre des-
cende diatoniquement , votre Seconde , de part & d'autre ,
fera devenue une Tierce ; c'efi-à-dire , une des plus agréa-
bles Confonnances. Ainfi après fol fa , vous aurez fol mi ,
ou fa la y &c après re mi , mi ut , ou rt fa ; c'eft ce qu'on
appelle fauver la Diffcnance.
Refte h déterminer lequel des deux Sons joints doit mon-
ter ou defeendre , & lequel doit refter en place : mais le
motif de détermination faute aux yeux. Que la Quinte ou
l'Octave reftent comme cordes principales , que la Sixte
monte , & que la Septième defeende , comme Sons accef-
foires , comme Dijfonances. De plus , fi , des deux Sons
joints , c'efr. à celui qui a le moins de chemin à faire de
marcher par préférence , le fa defeendra encore fur le mi ,
après la Septième , & le mi de l'Accord de Sixte-ajoutée
montera fur le fa : car il n'y a point d'autre marche plus
courte pour fauver la Ditf'onance.
Voyons maintenant quelle marche doit faire le Son fon-
damental relativement au mouvement afïigné à la Diffb-
n.iricc, Puifquc l'un des deux Sons joints relie en place, il
M*
D I S
je renvoie là-defTus au mot Syflême , ou j'ai fait l'expofition
du fien. Je m'abitiendrai de juger s'il a trouvé ou non celui
de la Nature : mais je dois remarquer au moins que les
principes de cet Auteur paroiiïent avoir dans leurs confé-
quences cette univerfalité & cette connexion qu'on ne trouve
gueres que dans ceux qui mènent à la vérité.
Encore une obfervation avant de finir cet Article. Tout
Intervalle commenfurable eit réellement confonnant : il n'y
a de vraiment difibnans que ceux dont les rapports font ir-
rationnels ; car il n'y a que ceux-là auxquels on ne puiiïe
afligner aucun Son fondamental commun. Mais pa(Té le point
où les Harmoniques naturels font encore fenfibles, cette con-
fonnance des Intervalles commenfurables ne s'admet plus
que par induction. Alors ces Intervalles font bien partie du
Sy'tcme Harmonique , puifqu'ils font dans l'ordre de fa gé-
nération naturelle & fe rapportent au Son fondamental com-
mun ; mais ils ne peuvent être admis comme Confonnans
p.;r l'oreille, parce qu'elle ne les apperçoit point dans l'Har-
monie naturelle du corps fonore. D'ailleurs, plus l'Intervalle fe
compofe , plus il s'élève h l'aigu du Son fondamental ; ce qui
fc prouve par la génération réciproque du Son fondamental
& des Intervalles fupérieurs. ( Voyez le Syftême de M. Tar-
tini. ) Or , quand la diftance du Son fondamental au plus
aigu de l'Intervalle générateur ou engendré , excède l'éten-
due du Sydcme Muficul ou appréciable , tout ce qui efl
au-delà de cette étendue devant être cenfé nul , un tel In-
tervalle n'a point de fondement fenfible & doit être n jette
rie la pratique ou feulement admis comme Diflbnant. Voilà,
non
DIS 23J
non le Syftéme de M. Rameau , ni celui de M. Tartini , ni
le mien , mais le texte de la Nature , qu'au relie je n'en-
treprends pas d'expliquer.
DISSONANCE MAJEURE , cft celle qui fe fauve en
mourant. Cette DiJJ'onanee n'eft telle que relativement à la
Dijf'onance mineure ; car elle fait Tierce ou Sixte majeure
fur le vrai Son fondamental , & n'eft autre que la Note fèn-
iîble , dans un Accord Dominant , ou la Sixte - ajoutée dans
fon Accord.
DISSONANCE MINEURE , cft celle qui fc fauve en
defeendant : c'eft toujours la Diffbnance proprement dite ;
c'elt-i-dire , la Septième du vrai Son fondamental.
La Diflonance majeure eft aufii celle qui fe forme par
un Intervalle fuperflu , & la DiJ/onance mineure eft celle qui
fe forme par un Intervalle diminué. Ces diverfes acceptions
viennent de ce que le mot même de Dijjbnance eft équi-
voque ck fignifie quelquefois un Intervalle & quelquefois
un fimple Son.
DISSONANT , partie. ( Voyez Dissoner. )
DISSONER , v. n. Il n'y a que les Sons qui dijfonent ,
& un Son dijfone quand il forme Difîbnance avec un autre
Son. On ne dit pas qu'un Intervalle dijjbne , on dit qu'il eft
Diffamant.
DITHYRAMBE,/ m. Sorte de Chanfon Grecque en
l'honneur de Hacchus, laquelle fe chantoit fur le Mode Phry-
gien, & fe fentoit du feu & de la gaieté qu'infpire le Dieu
auquel elle étoit confacrée. Il ne faut pas demander fi nos
Littérateurs modernes , toujours fages & comparés , fe font
Oui. de Mujiguc, Gj
■S
*34 OIT
lui- la fougue & le défordre des Dithyrambes. C7ei1
foit mal fait , fans doute , de s'enivrer , fur-tout en l'honneur
de la Divinité ; mais j'aimerois mieux encore être ivre moi-
même , que de n'avoir que ce for bon-fens qui mefure fur la
froiie raifon tous les difeours d'un homme échauffé par
le vin.
DITON,/. m. C'eft dans la Mufique Grecque, un Inter-
valle compofé de deux Tons ; c'eft-à-dire , une Tierce ma-
jeure. ( Voyez Intervalle , Tierce. )
DIVERTISSEMENT , f. m. C'elt le nom qu'on donne
à certains recueils de Danfes & de Chanfons qu'il elt de rè-
gle à Paris d'inférer dans chaque Acte d'un Opéra , foit Bal-
let , foit Tragédie : Divertitf'ement importun dont l'Auteur
a foin de couper l'action dans quelque moment intéreifant ,
& que les Acteurs aflis & les Spectateurs debout ont la pa-
tience de voir & d'entendre.
DIX-HUITIEME , / f. Intervalle qui comprend dix-fept
Degrés conjoints , & par conféquent dix-huit Sons Diatoni-
s en comrtant les deux extrêmes. C'elt la double Oftave
de la Quart*. ( Voyez Quarte. )
DIXIEME,/ f. Intervalle qui comprend neuf Degrés
conjoints , ôc par conféquent dix Sons Diatoniques en comp-
tant les deux qui le forment. C'eft l'Octave de la Tierce
OU la Tierce de l'Oitavc, & la Dixième elt majeure ou
mineure , comme l'Intervalle fimple dont elle elt la Ré-
. ( Voyez Tierce. )
DIX-NEUVIEME , f.f. Intervalle qui comprend dix-huit
Degrés conjoints, & par conféquent dût-oeuf S^iis Diato*
DIX i35
niques en comptant les deux extrêmes. C'eft la double -Oc-
tave de la Quinte. ( Voyez Quinte. )
DIX-SEPTIEME,//; Intervalle qui comprend feize De-
grés conjoints, &c par conféquent dix-fept Sons Diatoniques
en comptant les deux extrêmes. C'eft la double-Octave de
la Tierce , & la Dix - feptieme eft majeure ou mineure
comme elle.
Toute corde fonore rend avec le Son principal celui de
fa Dix -feptieme majeure , plutôt que celui de fa Tierce
(impie ou de fa Dixième , parce que cette Dix-feptieme eft
produite par une aliquote de la corde entière ; favoir , la
cinquième partie : au lieu que les f que donneroit la Tierce,
ni les y que donneroit la Dixième , ne font pas une aliquote
de cette même corde, ( Voyez Son , Intervalle , Har-
monie. )
DO. Syllabe que les Italiens fubftituent , en folnant , à
celle àyut dont ils trouvent le Son trop fouid. Le même mo-
tif a fait entreprendre à plufîeurs perfonnes , & entr'autres à
M. Sauveur , de changer les noms de toutes les fyîlabes de
notre Gamme; mais l'ancien ufage a toujours prévalu parmi
nous. C'eft peut-être un avantage : il elt bon de s'accou-
tumer a folfier par des fyîlabes fourdes , quand on n'en a
gueres de plus fonores à leur fubltituer dans le Chant.
DODECACORDE. C'eft le titre donné par Henri Gla-
réan à un gros livre de fa compofition , dans lequel , ajou-
tant quatre nouveaux Tons aux huit ufités de fon tems, ik
qui reftent encore aujourd'hui dans le Chant Ecclé fia (tique
Romain , il penfe avoir rétabli dans leur pureté les douze
G g ; x
i35 D O I
Modes d'Ariftoxène , qui cependant en avoit treize ; mais
cette prétention a été réfutée par J. B. Doni , dans fon
Traité des Genres & des Modes.
DOIGTER , v. n. C'ef t faire marcher d'une manière con-
venable & régulière les doigts fur quelque Infiniment , &:
principalement fur l'Orgue ou le Clavecin , pour en jouer
le plus facilement & le plus nettement qu'il efl poffible.
Sur les Inltrumens à manche , tels que le Violon & le
Violoncelle , la plus grande règle du Doigter confifte dans
les diverfes pofitions de la main gauche fur le manche ;
c'elt par-là que les mêmes paffages peuvent devenir faciles
ou difficiles , félon les pofitions & félon les cordes fur les-
quelles on peut prendre ces paffages : c'efl quand un Sym-
phonifle e/l parvenu à paiïer rapidement , avec juftefle &
précifion , par toutes ces différentes pofitions , qu'on dit
qu'il pofîeJe bien fon manche. ( Voyez Position. )
Sur l'Orgue ou le Clavecin , le Doigter eft autre chofe.
Il y a deux manières de jouer fur ces Inflrumens ; fa voir,
l'Accompagnement & les Pièces. Pour jouer des Pièces on
a égard à la facilité de l'exécution & à la bonne grâce de
la main. Comme il y a un nombre excefïïf de pafTages pof-
fibles dont la plupart demandent une manière particulière
de faire marcher les doigts , & que d'ailleurs chaque Pays
& chaque Maître a C^ règle , il faudroit fur cette Partie des
détails que cet Ouvrage ne comporte pas , & fur lefquels
l'habitude & la commodité tiennent lieu de règles s quand
une fois on a la main bien pofée. Les précej i \
qu'on peut donner font , i'\ de placer les di:u\ fut
D O I z37
le Clavier, de manière qu'on n'ait rien de gêné dans l'atti-
tude ; ce qui oblige d'exclure communément le pouce de la
main droite , parce que les deux pouces pofés fur le Cla-
vier & principalement fur les touches blanches donneraient
aux bras une fituation contrainte & de mauvaife grâce. II
faut obferver aulfi que les coudes foient un peu plus élevés
que le niveau du Clavier , afin que la main tombe comme
d'elle-même fur les touches ; ce qui dépend de la hauteur
du fiege. i°. De tenir le poignet à-peu-pres à la hauteur du
Clavier ; c'eli-à-dire , au niveau du coude , les doigts écar-
tes de la largeur des touches & un peu recourbés fur elles
pour être prêts à tomber fur des touches différentes. 30. De
ne point porter fucceiïïvemcnt le même doigt fur deux tou-
ches confécutives , mais d'employer tous les doigts de cha-
que main. Ajoutez à ces obfervations les règles fuivanres que
je donne avec confiance , parce que je les tiens de M. Du-
phli , excellent Maitre de Clavecin & qui poffede fur -tout
la perfection du Doigter.
Cette perfection coniKte en général dans un mouvement
doux , léger & régulier.
Le mouvement des doigts fe prend à leur racine ; c'eft-a-
dire , à la jointure qui les attache à la main.
Il faut que les doigts foient courbés naturellement, & que
chaque doigt ait fon mouvement propre indépendant des au-
tres doigts. Il faut que les doigts tombent fur les touches 6:
non qu'ils les frappent, & de plus qu'ils coulent de l'une à
l'autre en fe fuccédant ; ceft-à-dire , qu'il ne faut quitter une
touche qu'après en avoir pris une autre. Ceci regarde pjrci-,
culiérement le jeu François.
«3* D O I
Pour continuer un roulement , il faut s'accoutumer à pafler
le pouce par-deiïbus tel doigt que ce foie , & à paiïer tel
autre doigt par-deflbus le pouce. Cette manière eft excel-
lente, fur -tout quand il fe rencontre des Dièfes ou des Bé-
mols ; alors faites en forte que le pouce fe trouve fur la touche
qui précède le Dièfe ou le Bémol , ou placez-le immédiate-
ment après : par ce moyen vous vous procurerez autant de
doigts de fuite que vous aurez de Notes à faire.
Evitez , autant qu'il fe pourra , de toucher du pouce ou
du cinquième doigt une touche blanche, fur- tout dans les
roulemens de vîtefle.
Souvent on exécute un même roulement avec les deux
mains dont les doigts fe fuccedent pour lors confécutivement.
Dans ces roulemens les mains patient Tune fur l'autre; mais
il faut obferver que le Son de la première touche fur laquelle
pafle une des mains foit aufli lié au Son précédent, que s'ils
étoient touchés de la même main.
Dans le genre de Mufique harmonieux & lié , il eft bon
de s'accoutumer à fubitituer un doigt à la place d'un autre
fans relever la touche ; cette manière donne des facilités pour
l'exécution & prolonge la durée des Sons.
Pour l'Accompagnement , le Doigter de la moin gauche
eft le même que pour les Pièces , parce qu'il faut toujours
que cette main joue les Baffes qu'on doit accompagner; ainfi
les règles de M. Duphli y fervent également pour cette partie,
excepté dans les occasions où l'on veut augmenter !
au moyen de l'Octave qu'on embrafle du pouce & du p.
doigt : car alors au lieu de Doigter, la main entière fe transporte
D O I xio
d'une touche a l'autre. Quant à la main droite , fcn Doigter
confiite dans l'arrangement des doigts & dans les marches"
qu'on leur donne pour faire entendre les Accords & leur fuc-
cefïîon ; de forte que quiconque entend bien la mécanique
àcs doigts en cette partie , polTede l'art de l' Accompagne-
ment. M. Rameau a fort bien expliqué cette mécanique dans
fa Differtation fur l'Accompagnement , & je crois ne pouvoir
mieux faire que de donner ici un précis de la partie de cette
DiiTertation qui regarde le Doigter.
Tout Accord peut s'arranger par Tierces. L'Accord par-
fait , c'elt-à-dire , l'Accord d'une Tonique ainfî arrangé fur
le Clavier, elt formé par trois touches qui doivent être fri-
pées du fécond , du quatrième & du cinquième doigt. Dans
cette fituation c'efl le doigt le plus bas , c'elt - à - dire ,
le fécond qui touche la Tonique ; dans les deux autres
faces , il fe trouve toujours un doigt au moins au - def-
fous de cette même Tonique ; il faut le placer à la Quarte.
Quant au troifieme doigt , qui fe trouve au - deflus ou
au-deflbus des deux autres, il faut le placera la Tierce de
fon voifin.
Une règle générale pour la fucceflïon des Accords efl: qu'il
doit y avoir liaifon entr'eux ; c'elt-à-dire , que quelqu'un des
Sons de l'Accord précédent doit être prolongé fur l'Accord
fuivant & entrer dans fon Harmonie. C'elt de cette règle que
fe tire toute la mécanique du Doigter.
Puifque pour pafler régulièrement d'un Accord à un autre ,
il faut que quelque doigt relie en place, il elt évident qu'il
n'y a que quatre manières de fucccilion régulière entre deux
240 D O I
Accords parfaits ; favoir , la Baffe-fondamentale montant ou
dcfcendant de Tierce ou de Quinte.
Quand la Baffe procède par Tierces , deux doigts relient
en place ; en montant , ceux qui formoient la Tierce & la
Quinte reftent pour former l'Octave &c la Tierce , tandis que
celui qui formoit l'Octave defcend fur la Quinte ; en dépen-
dant , les doigts qui formoient l'Octave ce la Tierce refient
pour former la Tierce ôc la Quinte , tandis que celui qui fai-
foit la Quinte monte fur l'Octave.
Quand la Baffe procède par Quintes , un doigt feul rcfle
en place , & les deux autres marchent ; en montant , c'eft
la Quinte qui refte pour faire l'Octave , tandis que l'Octave
& la Tierce defeendent fur la Tierce & fur la Quinte ; en
defeendant , l'Octave refte pour faire la Quinte , tandis que
la Tierce & la Quinte montent fur l'Octave & fur la Tierce.
Dans toutes ces fucceflions les deux mains ont toujours un
mouvement contraire.
En s'exerçant ainfï fur divers endroits du Clavier , on fe
familiarife bientôt au jeu des doigts fur chacune de ces
marches , & les fuites d'Accords parfaits ne peuvent plus
embarraffer.
Pour les Diffonanccs , il faut d'abord remarquer que tout
Accord diffonant complet , occupe les quatre doigts , lcf-
quels peuvent être arranges tous par Tierces , ou trois par
Tierces , & l'autre joint a quelqu'un des premiers , faifant
avec lui un Intervalle de Seconde. Dans le premier cas, c'eft
le plus bas des doigts; c'eft à-dire , l'index qui lounc le Son
fondamental de l'Accord ; dans le fécond cas , c'eft le fu-
p .icur
D O I Ui
périeur des deux doigts joints. Sur cette obfervation l'on
Connoît aifément le doigt qui fait la diffonance , & qui ,
par conféquent, doit defeendre pour la fauver.
Selon les differens Accords confonnans ou difTonans qui
fuivent un Accord diffonant , il faut taire defeendre un doigt
feul , ou deux , ou trois. A la fuite d'un Accord diflbnant ,
l'Accord parfait qui le fauve fe trouve aifément fous les
doigts. Dans une fuite d'Accords dilîbnans quand un doigt
feul defeend , comme dans la Cadence interrompue , c'eft
toujours celui qui a fait la DifTonance ; c'eft-à-dire , l'infé-
rieur des deux joints , ou le fupérieur de tous , s'ils font
arrangés par Tierces. Faut-il faire defeendre deux doigts ,
comme dans la Cadence parfaite : ajoutez , à celui dont je
viens de parler , fon voilîn au-deiïbus , & s'il n'en a point ,
le fupérieur de tous : ce font les deux doigts qui doivent
defeendre. Faut - il en faire defeendre trois , comme dans
la Cadence rompue : confervez le fondamental fur fa tou-
che , & faites defeendre les trois autres.
La fuite de toutes ces différentes fuccefTions , bien étu-
diée , vous montre le jeu des doigts dans toutes les phrafes
pofTibles ; & comme c'eft des Cadences parfaites que fe tire
la fuccefTion la plus commune des phrafes harmoniques ,
c'eft auffi à celle-là qu'il faut s'exercer davantage : On y
trouvera toujours deux doigts marchant & s'arrêtant alterna-
tivement. Si les deux doigts d'en haut defeendent fur un
Accord où les deux inférieurs reftent en place , dans l'Ac-
cord fuivant les deux fupérieurs refient , & les deux infé-
rieurs defeendent à leur tour ; ou bien ce font les deux
Dicl. d* Mufiquc, H h
"M? D O I
doigts extrêmes qui font le même jeu avec les deux moyens.
On peut trouver encore une fucceflion harmonique amen-
dante par Dilïbnances , à la faveur de la Sixte-ajoutéc ; mais
cette fuccefîîon , moins commune que celle dont je viens
de parler , eft plus difficile à ménager , moins prolongée ,
& les Accords fe remplirent rarement de tous leurs Sons.
Toutefois la marche des doigts auroit encore ici fes règles ;
& en fuppofant un entrelacement de Cadences imparfaites ,
on y trouveroit toujours, ou les quatre doigts par Tierces,
ou deux doigts joints : dans le premier cas , ce feroit aux
deux inférieurs à monter , & enfuite aux deux fupérieurs al-
ternativement : dans le fécond , le fupérieur des deux doigts
joints doit monter avec celui qui eft au-deiïïis de lui, &
s'il n'y en a point , avec le plus bas de tous , &cc.
On n'imagine pas jufqu'à quel point l'étude du Doigter y
prife de cette manière , peut faciliter la pratique de l'Ac-
compagnement. Après un peu d'exercice les doigts prennent
infenfiblement l'habitude de marcher comme d'eux-mêmes;
ils préviennent l'efprit & accompagnent avec une facilité qui
a de quoi furprendre. Mais il faut convenir que l'avantage
de cette méthode n'efr pas fans inconvénient ; car fans par-
ler des Oilaves &c des Quintes de fuite qu'on y rencontre à
tout moment , il réfulte de tout ce rempliiTage une Har-
monie brute & dure dont l'oreille eft étrangement choquée,
fur-tout dans les Accords par fuppofition.
Las Maîtres enfeignent d'autres manières de Doiçur t
fondées fur les mêmes principes, fujettes, il eft vrai , à plus
d'exceptions ; mais par lcfquelles retranchant des fons , on
D O L *43
gêne moins la main par trop d'extenfion , l'on évite les Oc-
taves èc les Quintes de fuite , & l'on rend une Harmonie ,
non pas aufli pleine , mais plus pure Se plus agréable.
DOLCE. ( Voyez D. )
DOMINANT , ad/. Accord Dominant ou fenfible eft
celui qui fe pratique fur la Dominante du Ton , «Se qui
annonce la Cadence parfaite. Tout Accord parfait majeur
devient Dominant, fi-tôt qu'on lui ajoute la Septième mineure.
DOMINANTE , f. f. C'eft , des trois Notes effenrielles
du Ton , celle qui eft. une Quinte au-defïus de la Tonique.
La Tonique &z la Dominante déterminent le Ton ; elles y
font chacune la fondamentale d'un Accord particulier ; au
lieu que la Médiante , qui conflitue le Mode , n'a point
d'Accord à elle , & fait feulement partie de celui de la
Tonique.
M. Rameau donne généralement le nom de Dominante
à toute Note qui perte un Accord de Septième , & diflin-
gue celle qui porte l'Accord fenfible par le nom de Domi-
nante-Tonique ; mais à caufe de la longueur du mot cette
addition n'eft pas adoptée des Artiftes , ils continuent d'ap-
pellcr fimplement Dominante la Quinte de la Tonique , &
ils n'appellent pas Dominantes , mais Fondamentales , les
autres Notes portant Accord de Septième ; ce qui fuffit
pour s'expliquer, «Se prévient la confufion.
DOMINANTE. Dans le Plain-Chant , eft la Note que
l'on rebat le plus fouvent, à quelque Degré que l'on foit
de la Tonique. JI y a dans le Plain-Chant Dominante &c
Tonique , mais point de Médiante.
H h x
M4 D O R
DORIEN , adj. Le Mode Dorien étoit un des plus an-
ciens de la Mufïque des Grecs , & c'étoit le plus grave ou
le plus bas de ceux qu'on a depuis appelles authentiques.
Le cara&ere de ce Mode étoit férieux 6c grave , mais
d'une gravité tempérée ; ce qui le rendoit propre pour la
guerre 6c pour les fujets de Religion.
Platon regarde la majefté du Mode Dorien comme très-
propre à conferver les bonnes mœurs , 6c c'efr. pour cela
qu'il en permet l'ufage dans (à République.
Il s'appelloit Dorien , parce que c'étoit chez les Peuples
de ce nom qu'il avoit été d'abord en ufage. On attribue
l'invention de ce Mode à Thamiris de Thrace , qui , ayant
eu le malheur de défier les Mufes 6c d'être vaincu, fut
privé par elles de la Lyre 6c des yeux.
DOUBLE , adj. Intervalles Doubles ou redoublés font
tous ceux qui excédent l'étendue de l'Octave. En ce fens la
Dixième cil double de la Tierce, 6c la Douzième double
de la Quinte. Quelques-uns donnent auffi le nom d'Inter-
valles doubles à ceux qui font compofés de deux Intervalles
égaux , comme la Faillie -Quinte qui eft compofée de deux
Tierces mineures.
DOUBLE ,/ra. On appelle Doubles , des Airs d'un Chant
fimple en lui-même , qu'on figure 6c qu'on double par l'ad-
dition de plufieurs Notes qui varient 6c ornent le Chant
fans le gâter. C'efl ce que les Italiens appellent Voriec&nu
(Voyez Variations. )
Il y a cette différence des Doubles aux broderies oa
Fleurtis , que ceux-ci font a la liberté du Muficien , qu'il
D O U 24S
peut les faire ou les quitter quand il lui plair,pour repren-
dre le finiple. Mais le Double ne fe quitte point, & fi-tôt
qu'on l'a commence , il faut le pourluivre jufqu'à la fin
de l'Air.
DOUBLE eft encore un mot employé à l'Opéra de Paris
pour défigner les Acteurs en fous-ordre , qui remplacent
les premiers Aéteurs dans les rôles que ceux-ci quittent par
maladie ou par air , ou lorfqu'un Opéra eft fur fes fins &
qu'on en prépare un autre. Il faut avoir entendu un Opéra
en Doubles pour concevoir ce que c'eft qu'un tel Spectacle
& quelle doit être la patience de ceux qui veulent bien le
fréquenter en cet état. Tout le zèle des bons Citoyens
François , bien pourvus d'oreilles à l'épreuve , fuffit à peine
pour tenir à ce déteftable charivari.
DOUBLER, v. a. Doubler un Air , c'eft y faire des Dou-
bles , Doubler un rôle , c'eit y remplacer l'Acleur principaL
( Voyez Double. )
DOUBLE -CORDE, / f. Manière de jeu fur le Violon,
laquelle confifte à toucher deux cordes à la fois faifant
deux Parties différentes. La Double - corde faitfouvent beau-
coup d'effet. Il efl difficile de jouer très-jufte fur la Dou-
ble - corde.
DOUBLE-CROCHE , / f. Note de Mufique qui ne vaut
que le quart d'une Noire , ou la moitié d'une Croche. Il
faut par conféquent feize Doubles-croches pour une Ronde
ou pour une Mefure à quatre Tems. ( Voyez Mesure , va-
leur des Notes. )
On peut voir la figure de la Double-croche liée ou deta-
146 D O U
chée dans la Figure 9. de la Planche D. Elle s'appelle Dou*
ble-croche , à caufe du Double - crochet qu'elle porte à fa
queue , & qu'il faut pourtant bien difiringuer du Double -cro-
chet proprement dit , qui fait le fujet de l'Article fuivant.
DOUBLE -CROCHET, f. m. Signe d'abréviation qui
marque la divifion des Notes en Doubles-croches , comme
le fimnlc Crochet marque leur divifion en Croches fimples.
( Voyez Crochet. ) Voyez aufîi la figure & l'effet du Dou-
bla-crochet , Figure 10. de la Planche D. à l'exemple B.
DOUBLE-EMPLOI ,/ m. Nom donné par M. Rameau aux
deux différentes manières dont on peut confidérer & traiter
l'Accord de fous-Dominante ; favoir , comme Accord fon-
damental de Sixte-ajoutée , ou comme Accord de grande
Sixte , renverfé d'un Accord fondamental de Septième. En
effet , ces deux Accords portent exactement les mêmes No-
tes , fe chiffrent de même , s'emploient fur les mêmes cor-
des du Ton; de forte que fouvent on ne peut difeerner celui
que F Auteur a voulu employer qu'à l'aide de l'Accord fui-
vant qui le fauve , & qui efè différent dans l'un & dans
l'autre cas.
Pour faire ce difeernement on confidere le progrès dia-
tonique des deux Notes qui font la Quinte & la Sixte , &
qui , formant entr'elles un Intervalle de Seconde , font l'une
ou l'autre la Diffonance de l'Accord. Or ce progrès eft dé-
terminé par le mouvement de la Baffe. Si donc, de ces dei.x
Notes , la fupérieure eft difTonante , elle montera d'un De»
gré dans l'Accord fuivant , l'inférieure reliera en place , Qg
l'Accord fera une Sixte ajoutée. Si c'cfl l'inférieure 1
D O U M7
diffamante , elle deffcendra dans l'Accord fiûvaot , la fupé-
ricure réitéra en place , & L'Accord fera celui de grande
Sixre. Voyez les deux cas du Double - emploi , Planche I ).
Fig. ii.
A l'égard du Compofiteur , Pufage qu'il peut faire du
Double - emploi eft de confidérer l'Accord qui le comporte
fous une face pour y entrer & fous l'autre pour en forcir ;
de forte qu'y étant arrivé comme à un Accord de Sixte-
ajoutee , il le fauve comme un Accord de grande-Sixte , &
réciproquement.
M. d'Alembert a fait voir qu'un des principaux ufages du
Double-emphi eft de pouvoir porter la fuccelîion diatonique
de la Gamme jufqu'à l'Octave , fans changer de Mode , du
moins en montant ; car en defeendant on en change. On
trouvera, ( Planche D. Fig. 13. ) l'exemple de cette Gamme
& de fa Baffe-fondamentale. Il eft_ évident, félon le Syftûne
de M. Kameau , que toute la fucceflion harmonique qui en
réfulte eft dans le même Ton ; car on n'y emploie , a la
rigueur , que les trois Accords , de la Tonique , de la Do-
minante , (5c de la fous-Dominante ;ïce dernier donnant par
le Double -emploi celui de Septième de la féconde Note ,
qui s'emploie fur la Sixième.
A l'égard de ce qu'ajoute M. d'Alembert dans fes Elé-
mens de Mufîque , page 80. & qu'il répète dans l'Encyclo-
pédie, Article Double -emploi ; favoir, que l'Accord de Sep-
tième re fa la ut , quand même on le regarderait comme
renverfé de fa la ut re , ne peut être fuivi de l'Accord ut
mi fol ut , je ne puis être de fon avis fur ce point.
24§ D O U
La preuve qu'il en donne eft que la Diffonance ut du pre-
mier Accord ne peut être fauvce dans le fécond ; & cela
eft vrai , puifqu'elle refte en place : mais dans cet Accord
de Septième re fa la ut renverfé de cet Accord fa la ut re
de. Sixte-ajoutée , ce n'eft point ut , mais re qui eft la Dif-
fonance ; laquelle , par conféquent, doit être fauvce en mon-
tant far mi, comme elle fait réellement dans l'Accord fui-
vant ; tellement que cette marche eft forcée dans la Baffe
même , qui de re ne pourroit fans faute retourner à ut , mais
doit monter à mi pour fauver la Diffonance.
M. d'Alembert fait voir enfuite que cet Accord re fa la
ut , précédé & fuivi de celui de la Tonique , ne peut s'au-
torifer par le Double-emploi ; & cela eft encore trcs-vrai ,
puifque cet Accord , quoique chiffré d'un 7. n'eft traité comme
Accord de Septième , ni quand on y entre , ni quand on en
fort, ou du moins qu'il n'eft point néceffaire de le traiter
comme tel , mais fimplement comme un renverfement de la
Sixte-ajoutée , dont la Diffonance eft à la Baffe ; fur quoi
l'on ne doit pas oublier que cette Dilfonance ne fc prépare
jamais. Ainfi , quoique dans un tel pafTage il ne foit pas ques-
tion du Double-emploi , que l'Accord de Septième n'y foit
qu'apparent & impofTîble à fauver dans les règles , cela n'em-
pêche pas que le pafTage ne foit bon & régulier , comme
je viens de le prouver aux Théoriciens , & comme je vais
le prouver aux Artiftes , par un exemple de ce paffage , qui
fùrement ne fera condamné d'aucun d'eux , ni juflific par au-
cune autre Balle-fondamentale que la mienne. ( Voyez Plan-
che D. //,;r. 14- )
J'avoue
D O U 245
J'avoue que ce renverfemcnc de l' Accord de Sixte-ajoutée,
qui tranfporte la Diffonance à la Baire , a été blâmé par M.
Rameau : cet Auteur , prenant pour Fondamental l'Accord
de Septième qui en réfulte , a mieux aime faire defeendre
Diatoniquement la Balle-fondamentale , & fauver une Sep-
tième par une autre Septième , que d'expliquer cette Sep-
tième par un renverfement. J'avois relevé cette erreur ck beau-
coup d'autres dans des papiers qui depuis long-tems avoient
parle dans les mains de M. d'Alembert , quand il fit fes
Elémens de Mufique ; de forte que ce n'eft pas fon fenti-
ment que j'attaque , c'efr. le mien que je défends.
Au refie , on ne fauroit ufer avec trop de réferve du Dou-
ble - emploi , & les plus grands Maîtres font les plus fobres
à s'en fervir.
DOUBLE-FUGUE , f.f. On fait une Double-Fugue , lorf-
qu'à la fuite d'une Fugue déjà annoncée , on annonce une
autre Fugue d'un delTein tout différent ; & il faut que cette
féconde Fugue ait fa réponfe & fes rentrées ainfî que la
première ; ce qui ne peut gueres fe pratiquer qu'à quatre
Parties. ( Voyez Fugue. ) On peut , avec plus de Parties ,
faire entendre à la fois un plus grand nombre encore de
différentes Fugues : mais la confufion elt toujours à crain-
dre , &. c'eft alors le chef-d'œuvre de l'art de les bien trai-
ter. Pour cela il faut, dit M. Rameau, obferver autant qu'il
efr. poifible , de ne les faire entrer que Tune après l'autre ;
fur-tout la première fois , que leur progrellion foit renver-
fée , qu'elles foient caractérifées différemment , & que fi tilts
ne peuvent être entendues enfemble , au moins une portion
Dut. Je Mufique. Ii
z$o D O U
de l'une s'entende avec une portion de l'autre. Mais ces
exercices pénibles font plus faits pour les écoliers que pour
les maîtres ; ce font les femelles de plomb qu'on attache
aux pieds des jeunes Coureurs pour les faire courir plus lé-
gèrement quand ils en font délivrés.
DOUBLE-OCTAVE , f. f. Intervalle compofé de deux
Octaves , qu'on appelle autrement Quinzième , & que les
Grecs appel loient Difdiapafon.
La Double-Oclave cit en raifon doublée de l'Octave fim«
ple , & c'eft le feul Intervalle qui ne change pas de nom ea
fe compofant avec lui-même.
DOUBLE-TRIPLE. Ancien nom de la Triple de Blan-
ches ou de la Mefure à trois pour deux , laquelle fe bat à
trois Tems , 6c contient une Blanche pour chaque Tems.
Cette Mefure n'eit plus en ufage qu'en France , où même
elle commence à s'abolir.
DOUX., adj. pris adverbialement. Ce mot en Mufique cft
oppofé à Fort , & s'écrit au-delTus des Portées pour la Mu-
fique Françoife , & au-deflbus pour l'Italienne , dans les en-
droits où l'on veut faire diminuer le bruit , tempérer &
radoucir l'éclat & la véhémence du Son , comme dans les
Echos , 6c dans les Parties d'Accompagnement. Les Italiens
écrivent Dolce & plus communément Piano dans le même
fens ; mais leurs Puriftcs en Mufique foutiennent que ces
deux mots ne font pas fynonymes , 6c que c'eft par abus
que plufieurs Auteurs les emploient comme tels. Ils difent
que Piano lignifie fimplcmcnt une modération de Son , une
diminution de bruit ; mais que Dolce indique , outre cela »
D O U *5,
une manière de jouer piu /bave , plus cîcuce , plus lice , &
répondant î;-peu-prcs au mot Louré des François.
Le Doux a trois nuances qu'il faut bien distinguer; favoir,
le Demi-jeu , le Doux & le très-Doux. Quelque voifines
que paroilfent erre ces trois nuances , un Orcheitre entendu
Jes rend tres-fenfibles & très-diftinctes.
DOUZIEME, f.f. Intervalle compofé de onze Degrés con-
joints ; c'e(t-à-dire, de Douze Sons diatoniques en comptant
les deux extrêmes : c'eft l'Octave de la Quinte. ( Voy. Quinte. )
Toute corde fonore rend , avec le Son principal , celui
de la Douzième , plutôt que celui de la Quinte , parce que
cette Dou\itme eit produite par une aliquote de la corde
entière qui eft le tiers ; au lieu que les deux tiers , qui don-
neraient la Quinte , ne font pas une aliquote de cette
même corde.
DRAMATIQUE , adj. Cette épithete fe donne a la Mu-
fique imitative, propre aux Pièces de Théâtre qui fe chan-
tent , comme les Opéra. On l'appelle auiïi Mufique Lyrique.
( Voyez Imitation.)
DUO , /.' m. Ce nom fe donne en général à toute Mufique
à deux Parties; mais on en restreint aujourd'hui le fens à
deux Parties récitantes , vocales ou inltrumentales , à l'exclu-
fion des (impies Accompagnemcns qui ne font comptés
pour rien. Ainfi Ton appelle Duo une Mufique à deux Voix,
quoiqu'il y ait une troifieme Partie pour la Baffe-continue ,
& d'autres pour la Symphonie. En un mot, pour conllituer
un Duo il faut deux Parties principales, entre lefquelles le
Chant foit également diitribué.
I, i
i$i DUO
Les règles du Duo & en général de la Mufique à deux
Parties , font les plus rigoureufes pour l'Harmonie ; on y
défend plufieurs pafTages, plufieurs mouvemens qui feraient
permis à un plus grand nombre de Parties : car tel
pafTuge ou tel Accord qui plaît à la faveur d'un troifieme ou
d'un quatrième Son j fans eux choquerait l'oreille. D'ailleurs,
on ne ferait pas pardonnable de mal choifir, n'ayant que
deux Sons à prendre dans chaque Accord. Ces règles étoient
encore bien plus féveres autrefois ; mais on s'eft relâché fur
tout cela dans ces derniers tems où tout le monde s'cft mis
à compofer.
On peut envifager le Duo fous deux afpe&s; favoir, Am-
plement comme un Chant à deux Parties, tel, par exemple,
que le premier verfet du Stabat de Pergolèfe , Duo le plus
parfait & le plus touchant qui foit forti de la plume d'au-
cun Muficien; ou comme partie de la Mufique imitative &
théâtrale, tels que font les Duo des Scènes d'Opéra. Dans
l'un & dans l'autre cas, le Duo eft de toutes les fortes de
Mufique celle qui demande le plus de goût, de choix, & la
plus difficile â traiter fans fortir de l'unité de Mélodie. On
me permettra de faire ici quelques obfervations fur le Duo
Dramatique , dont ks difficultés particulières le joignent à
celles qui font communes à tous les Duo.
L'Auteur de la Lettre fur l'Opéra à'Omphalè a fenfément
remarqué que les Duo font hors de la nature dans la Mu-
fique imitative : car rien n'efl moins naturel que de voir
deux perfonnes fe parler à la fois durant un certain tems ,
fo'.t pour dire la même choie, foit pour fe contredire} fans
DUO 15J
jamais s'écouter ni fe répondre; & quand cette fuppofition
pourrait s'admettre en certains cas, ce ne ferait pas du
moins dans la Tragédie , où cette indécence n'eft convena-
ble ni à la dignité des perfonnages qu'on y fait parler, ni
à l'éducation qu'on leur fuppofe. Il n'y a donc que les trans-
ports d'une pafïîon violente qui puilfent porter deux Inter-
locuteurs héroïques à s'interrompre l'un & l'autre , à parler
tous deux à la fois ; &z même , en pareil cas , il eft très-
ridicule que ces difeours limultanés foient prolongés de ma-
nière à faire une fuite chacun de leur côté.
Le premier moyen de fauver cette abfurdité eft donc de
ne placer les Duo que dans des Situations vives & touchantes,
où l'agitation des Interlocuteurs les jette dans une forte de
délire capable de faire oublier aux Speétateurs & à eux-mêmes
ces bienféances théâtrales qui renforcent Tillulion dans les
feenes froides, & la détruifent dans la chaleur des parlions.
Le fécond moyen eft de traiter le plus qu'il eft pofTïble le
Duo en Dialogue. Ce Dialogue ne doit pas être phrafé &.
divifé en grandes périodes comme celui du Récitatif, mais
formé d'interrogations, de réponfes, d'exclamations vives &
courtes, qui donnent occafion à la Mélodie de palier alter-
nativement & rapidement d'une Partie à l'autre, fans ceffer
de former une fuite que l'oreille puifîe ftifir. Une troifïeme
attention eft de ne pas prendre indifféremment pour fujets
toutes les pafïions violentes; mais feulement celles qui font
fufccptibles de la Mélodie douce & un peu contraftéc con-
venable au Duo , pour en rendre le chant accentué & l'Har-
monie agréable. La fureur , l'emportement marchent trop
Z54 DUO
vite; on ne diftingue rien, on n'entend qu'un aboiement
confus , & le Duo ne fait point d'effet. D'ailleurs , ce re-
tour perpétuel d'injures, d'infultes conviendroit mieux à des
Bouviers qu'à des Héros, ôc cela reiïemble tout-à-fait aux
lànfaronades de gens qui veulent fe faire plus de peur que
de mal. Bien moins encore faut-il employer ces propos
doucereux d'appas , de chaînes, de fiâmes; jargon plat ôc
froid que la paMIon ne connut jamais, & dont la bonne
Mafique n'a pas plus befoin que la bonne Poéfie. L'inftant
d'une féparation , celui où l'un des deux Amans va à la
mort ou dans les bras d'un autre, le retour fincere d'un
infidèle , le touchant combat d'une mère ôc d'un iils vou-
lant mourir l'un pour l'autre; tous ces momens d'affliction
où l'on ne laiiïe pas de verfer des larmes délicieufes : voilà
les vrais fujcts qu'il faut traiter en Duo avec cette fimplicir*.
de paroles qui convient au langage du cœur. Tous ceux qui
ont fréquenté les Théâtres Lyriques favont combien ce
feul mot adJ'n peut exciter d'attendrûfement & d'émotion
dans tout un Spectacle. Mais ll-tôt qu'un trait d'efprit ou
un tour phrafé fe lailTe appercevoir, à l'inftant le charme
cft détruit , & il faut s'ennuyer ou rire.
Voilà quelques-unes des obfervations qui regardent le
Poète. A l'égard du Mu'.icien, c'elt à lui de trouver un
chant convenable au fujct , & dtftribué de telle forte que,
chacun des Interlocuteurs parlant à fon tour, toute la fuite
du Dialogue ne forme qu'une Mélodie , qui , fans changer
<!* fajer, ou du moins (an H le mouvement, pal le
dans fon progrès d'une Partie à l'autre, ùrs ceflèr d'
DUO î?5
une & fans enjamber. Les Duo qui font le plus d'effet font
ceux des Voix égales , parce que l'Harmonie en efi plus
rapprochée ; & entre les Voix égales , celles qui font le plus
d'effet font les Deflus, parce que leur Diapafon plus aigu
fe rend plus diftinct, & que le Son en efè plus touchant.
Aufli les Duo de cette efpece font - ils les feuls employés
par les italiens dans leurs Tragédies, & je ne doute pas
que l'ufage des Caflrati dans les rôles d'hommes ne foit dû
en partie à cette obfervation. Mais quoiqu'il doive y avoir
égalité entre les Voix, & unité dans la Mélodie, ce n'eiè
pas à dire que les deux Parties doivent être exactement
fc-mblables dans leur tour de chant : car outre la diverfité
des (tylcs qui leur convient, il eft très-rare que la fituation
des deux Acteurs foit fi parfaitement la même qu'ils doi-
vent exprimer leurs fentimens de la même manière : ainfi
le Muficien doit varier leur accent & donner à chacun des
deux le caractère qui peint le mieux l'état de. fon ame, fur-
tout dans le Récit alternatif.
Quand on joint enfcmble les deux Parties, (ce qui doit
fe faire rarement & durer peu ) , il faut trouver un Chant
fufceptible d'une marche par Tierces ou par Sixtes , dans
lequel la féconde Partie fine fon effet fans diftraire de la
première. (Voyez Unité de Mélodie.) Il faut garder la
dureté des Diilbnances , les Sons perçans & renforcés, le
Fortijfimo de l'Orcheftre pour des in! tans de défordre &. de
tranfports où les Acteurs, fcmblant s'oublier eux-mêmes,
portent leur égarement dans l'a me de tout fpectatcur fenfi-
ble, & lui font éprouver le pouvoir de l'Harmonie fobre-
i56 DUO
ment ménagée; mais ces inftans doivent être rares, courts
& amenés avec art. Il faut, par une Mufique douce & af-
fectueufe, avoir déjà difpofé l'oreille & le cœur à l'émotion,
pour que l'une & l'autre fe prêtent à ces ébranlemens vio-
lens , & il faut qu'ils paffent avec la rapidité qui convient
à notre foibleffe; car quand l'agitation eft trop forte, elle
ne peut durer , &c tout ce qui eit au-delà de la nature ne
touche plus.
Comme je ne me flatte pas d'avoir pu me faire enten-
dre par- tout a fiez clairement dans cet article, je crois devoir
y joindre un exemple fur lequel le Lecteur , comparant mes
idées, pourra les concevoir plus aifément. 11 eft tiré de
l'Olympiade de M. Métaftafio ; les curieux feront bien de
chercher dans la Mufique du même Opéra, par Pergolèfe,
comment ce premier Muficien de fon tems & du nôtre a
traité ce Duo dont voici le fujet.
Mégaclcs s'étant engagé à combattre pour fon ami dans
des jeux où le prix du vainqueur doit être la belle Arill.ce,
retrouve dans cette même Ariitée la maîcreiïe qu'il adore.
Charmée du combat qu'il va foutenir & qu'elle attribue à
fon amour pour elle , Ariftée lui dit à ce fujet les chofes les
plus tendres, auxquelles il répond non moins tendrement;
mais avec le défefpoir fecret de ne pouvoir retirer fd pa-
role, ni fe diipenfer de faire, aux dépens de tout fon bon-
heur, celui d'un ami auquel il doit la vie. Arillée , alar-
mée de la douleur qu'elle lit dans fes yeux , & que con-
firment Ils difeours équivoques & interrompus, lui témoi-
gne fon inquiétude, & Mégaclès ne pouvant plus fuppor-
ter ,
DUO t5r
ter, à la fois, Ton défefpoir & le trouble de fa mai trèfle,
parc fans s'expliquer & la laiiïe en proie aux plus vives
craintes. C'elt dans cette fituation qu'ils chantent le Duo
fijivant.
MEGACLÈS.
'AU a vit a addio.
Ne* giorni tuoi felici
Ricordati di me.
ARISTEE,
Perché enfi mi dici9
Anima mia, perché ?
MEGACLÈS,
Taci , belF Idol mio.
ARISTEE.
Varia , mio dolce amor.
ENSEMBLE,
M v. g a c l k s. Ah ! che parlando , ? , ^ . ,
> oh Dio !
Aristeb. Ah ! che tacendo , 3
Tu mi traffigi il cor !
A R I S T E E,à part.
Veggio languir çhi adoro ,
Bid. de Mufique, Kk
25x DUO
Ne intendo il fuo languir!
M É G A C L È S, à part.
Di gelofia mi moro ,
E non lo pojjb dir !
ENSEMBLE.
Chi mai provà di quejïo
Affanno pïii funejlo ,
Piu barbaro dolor?
Bien que tout ce Dialogue femble n'être qu'une fuite de
la Scène , ce qui le raffemble en un feul Duo , c'eft l'unité
de Deffein par laquelle le Muficien en réunit toutes les
Parties , félon l'intention du Poète.
A l'égard des Duo Bouffons qu'on emploie dans les In-
termèdes & autres Opéra comiques , ils ne font pas com-
munément à Voix égales , mais entre Baffe & Deffus. S'ils
n'ont pas le pathétique des Duo tragiques , en revanche ils
font fufceptibles d'une variété plus piquante , d'accens plus
différens & de caractères plus marqués. Toute la gcntil-
kffe de la coquetterie , toute la charge des rôles à man-
teaux , tout le contrafte des fottifes de notre fexe & de la
rufe de l'autre , enfin toutes les idées acceffoires dont le
fujet eft fufceptible ; ces chofes peuvent concourir toutes
à jetter de l'agrément & de l'intérêt dans ces Duo , dont
les règles font d'ailleurs les mêmes que des précédais» en
ce qui regarde le Dialogue & l'unité de Mélodie. Pour
D U P 159
trouver un Duo comique parfait à mon gré dans toutes fes
Parties , je ne quitterai point l'Auteur immortel qui m'a
fourni les deux autres exemples , mais je citerai le premier
Duo de la Serva Padrona : lo conofco a quegP occhietti , &c.
& je le citerai hardiment comme un modèle de Chant agréa-
ble , d'unité de Mélodie , d'Harmonie fimple , brillante &
pure , d'accent , de dialogue & de goût ; auquel rien ne
peut manquer , quand il fera bien rendu , que des Audi-
teurs qui fâchent l'entendre & l'eftimer ce qu'il vaut.
DUPLICATION,//. Terme de Plain Chant. L'Into-
nation par Duplication fe fait par une forte de Périélèfe,
en doublant la pénultième Note du mot qui termine l'In-
tonation; ce qui n'a lieu que lorfque cette pénultième
Note efi immédiatement au - defîbus de la dernière. Alors
la Duplication fert à la marquer davantage , en manière de
Note fenfîble.
DUR , ad/. On appelle air.fi tout ce qui blefTe l'oreille par
fon âpreté. Il y a des Voix Dures & glapiiïlintes , des Inf-
trumens aigres & Durs , des compofitions Dures. La Dureté
du Béquarre lui rit donner autrefois le nom de B Dur. Il y
a des Intervalles Durs dans la Mélodie ; tel efr. le progrès
Diatonique des trois Tons , foit en montant , foit en def-
cendant; & telles font en général toutes les FaufTes-Rela-
tions. Il y a dans l'Harmonie des Accords Durs ; tels que
font le Triton , la Quinte fuperflue , & en général toutes les
Difïbnances majeures. La Dureté prodiguée révolte l'oreille
& rend une Mufiquc défagréable ; mais ménagée avec art ,
elle fert au clair -obfcur, & ajoute à l'exprelïion.
Kk 2
L6« E C 3
E
fi mi , E la mi , ou Amplement E. Troifieme Son de
la Gamme de l'Arétin , que l'on appelle autrement Mi. (Voy.
Gamme.)
ECBOLE , ou Elévation. C'étoit dans les plus anciennes
Mufiques Grecques, une altération du Genre Enharmoni-
que , lorfqu'une corde étoit accidentellement élevée de cinq
Dicfes au-deilus de fon Accord ordinaire.
ECHELLE ,f. f. C'eft le nom qu'on a donné à la fuc-
ceflïon Diatonique des fept Notes , ut re mi fa fol la fi ,
de la Gamme notée , parce que ces Notes fe trouvent ran-
gées en manière d'Echelons fur les Portées de notre Mu-
fique.
Cette énumération de tous les Sons Diatoniques de no*rre
Syftême , rangés par ordre , que nous appelions Echelle ,
les Grecs dans le leur l'appeUoient Térracorde , parce qu'en
effet leur Echelle n'étoit compofée que de quatre Sons qu'ils
répéroient de Tétracorde en Tétracorde, comme nous fai-
fons d'Octave en Octave. ( Voyez Tétracorde. )
Saint Grégoire fut, dit-on, le premier qui changea les
Tétracordes des Anciens en un Eptacorde ou Syftême de
fept Notes ; au bout defquelles , commençant une autre
Octave , on trouve des Sons femblables répétés *.!ans le même
ordre. Cette découverte eft très-belle , & il fcmblera lingu-
îier que les Grecs, qui voyoïent fort bien les iropiictcs dv
E C H vit
FOctave , aient cru , maigre cela, devoir refier attachés à
leurs Tétracordes. Grégoire exprima ces fept Notes avec les
fept premières lettres de l'Alphabet Latin. Gui Arétin donna
des noms aux fix premières; mais il négligea d'en donner un
à la feptieme , qu'en France on a depuis appelle fi , & qui
n'a point encore Qu'autre nom que B mi , chez la plupart
des Peuples de l'Europe.
Il ne faut pas croire que les rapports des Tons & lemi-
Tons dont VEckelle eft compofée, foient des chofes pure-
ment arbitraires , & qu'on eût pu , pai d'autres divifions
tout auffi bonnes r donner aux Sons de cette Echelle un
ordre & des rapports différens. Notre Syflcme Diatonique
eft le meilleur à cerrains égards , parce qu'il eft engendré
par les Confonnances & par les différences qui font entre
elles. " Que l'on ait entendu plufieurs fois , dit M. Sau-
n veur, l'Accord de la Quinte ik celui de la Quarte, on
» eft porté naturellement a imaginer la différence qui eft
» entr'eux ; elle s'unit & fe lie avec eux dans notre efprit
» & participe à leur agrément : voilà le Ton majeur. Il en
» va de même du Ton mineur , qui eft la différence de la
»> Tierce mineure à la Quarte ; & du femi-Ton majeur ,
r> qui eft celle de la même Quarte à la Tierce majeure»».
Or le Ton majeur, le Ton mineur & le femi-Ton majeur;
voilà les Degrés Diatoniques dont notre Echelle eifc corn*
Bofée félon les rapports fuivans.
i6i E C H
■g g
5 3 § « . ,« g 3 ,o« g 3 .3
S H. g S G c E g S
/v>^\ p\^^-> rVA^O r^A*^ r^A^^ /^j^-\ r^A^\
^ Ae Mi Fa Sol La Si Ut.
%. _9_ _I1 A 9 9 il
9 lo 16 9 io 8 lô
Pour faire la preuve de ce calcul , il faut compofer tous
les rapports compris entre deux termes confonnans, & l'on
trouvera que leur produit donne exactement le rapport de
la Confonnance; & fi l'on réunit tous les termes de Y 'Echelle ,
on trouvera le rapport total en raifon fous-double; c'eft-à-
dire , comme i eft à i : ce qui eft en effet le rapport exact:
des deux termes extrêmes; c'eft-à-dire, de Yut à fon Octave.
L'Echelle qu'on vient de voir eft celle qu'on nomme na-
turelle ou Diatonique; mais les modernes, divifant fes De-
grés en d'autres Intervalles plus petits, en ont tiré une autre
Echelle qu'ils ont appellée Echelle femi-Tonique ou Chro-
matique, parce qu'elle procède par femi-Tons.
Pour former cette Echelle , on n'a fait que partager en
deux Intervalles, égaux ou fappofés tels , chacun des cinq
Tons entiers de l'Octave ; fans distinguer le Ton majeur
du Ton mineur; ce qui, avec les deux femi-Tons majeurs
qui s'y trouvoient déjà, fait une fucceflion de douze femi-
Tons fur treize Sons confecutifs d'une Octave a l'autre.
L'ufagc de cette Echelle eft de donner les moyens de
Moduler fur telle Note qu'on veut choifir pour fondamen-
tale, & de pouvoir, non-feulement faire fur cette Note un
E C H 2*3
Intervalle quelconque, mais y établir une Echelle Diato-
nique, femblable à V Echelle Diatonique de Y ut. Tant qu'on
s'elt contente d'avoir pour Tonique une Note de la Gamme
prife à volonté, fans s'embarralfer fi les Sons par lefquels
devoir paifer la Modulation , étoient avec cette Note , 6c
entr'eux , dans les rapports convenables , Y Echelle femi-To-
nique étoit peu nécelTaire ; quelque ja Dièfe , quelque Ji
Bémol compofoient ce qu'on appelloic les Feintes de la Mu-
fique : c'étoient feulement deux touches à ajouter au Cla-
vier Diatonique. Mais depuis qu'on a cm fentir la nécefTité
d'établir entre les divers Tons une fimilitude parfaite, il à
falu trouver des moyens de rranfporter les mêmes Chants
& les mêmes Intervalles plus haut ou plus bas , félon le Ton
que l'on choififfoir. JJ Echelle Chromatique cft donc deve-
nue d'une nécefïïté indifpenfable ; & c'eft par fon moyen
qu'on porte un Chant fur tel Degré du Clavier que l'on
veut choifîr , & qu'on le rend exactement fur cette nou-
velle pofition , tel qu'il peut avoir été imaginé pour un autre.
Ces cinq Sons ajoutés ne forment pas dans la Mufique
de nouveaux Degrés : mais ils fe marquent tous fur le De-
gré le plus voifin , par un I3émol fi le Degré eit plus haut ;
par un Dièfe s'il cft plus bas : & la Note prend toujours
le nom du Degré fur lequel elle eit placée. (Voyez Bémol
& Dièse.)
Pour afhgner maintenant les rapports de ces nouveaux In-
tervalles, il faut favoir que les deux Parties ou femi-Tons
qui compofent le Ton majeur, font dans les rapports de 15
à 16 & de n8 à 135; & que les deux qui compofent aulfi
i64 E C H
le Ton mineur font dans les rapports de 15 à 16 & de 24
à 25 : de forte qu'en divifant toute l'Octave félon Y Echelle
femi-Tonique, on en a tous les termes dans les rapports
exprimés dans la PL L. Fig. 1.
Mais il faut remarquer que cette divifion , tirée de M.
Malcolm , paroît à bien des égards manquer de jufteffe. Pre-
mièrement, les femi-Tons qui doivent être mineurs y font
majeurs, & celui du fol Dicfe au la , qui doit être majeur,
y eft mineur. En fécond lieu, plufieurs Tierces majeures,
comme celle du la à Yut Dièfe, & du mi au fol Dicfe,
y font trop fortes d'un Comma ; ce qui doit les rendre in-
fupportables. Enfin le femi-Ton moyen y étant fubftitué
au femi-Ton maxime , donne des Intervalles faux par-tout où
il eft employé. Sur quoi l'on ne doit pas oublier que ce
femi-Ton moyen elè plus grand que le majeur même; c'eft-
à-dire, moyen entre le maxime & le majeur, f Voyez Semi-
Ton. ;
Une divifion meilleure & plus naturelle feioit donc de par-
tager le Ton majeur en deux femi-Tons , l'un mineur de
14 à 25 , & l'autre maxime de 25 à 27 , laifîant le Ton
mineur divifé en deux femi-Tons, l'un majeur & l'autre
mineur , comme dans la Table ci-delîiis.
Il y a encore deux autres Echelles femi-Toniqucs , qui
viennent de deux autres manières de divifer l'Octave par fe-
mi-Tons.
La première fe fait en prenant une moyenne Harmoni-
que ou Arithmétique entre les deux termes du Ton ma-
jeur, & une autre entre ceux du Ton mineur, qui divife
l'un
E C H i6$
l'un & l'autre Ton en deux femi-Tons prefque égaux : ainfi
le Ton majeur * eft divifé en îf & {\ arithmétiquement ,
les nombres repréfcntant les longueurs des cordes ; mais
quand ils repréfentent les vibrations , les longueurs des Cor*
des font réciproques & en proportion harmonique, comme
i {- \\ ce qui met le plus grand femi-Ton au grave.
De la même manière le Ton mineur £ fe divife arith-
métiquement en deux femi-Tons \\ & îf, ou réciproque-
ment i ï|. & : mais cette dernière divifion n'eft pas har-
monique.
Toute l'Octave ainfi calculée donne les rapports exprimés
dans la Planche L. Fig. i.
M. Salmon rapporte , dans les Tranfa&ions Philofophi-
ques, qu'il a fait devant la Société Royale une expérience
de cette Echelle fur des cordes divifées exactement ftlon ces
proportions, & qu'elles furent parfaitement d'accord avec
d'autres Inftrumens touchés par les meilleures mains. M.
Malcolm ajoute qu'ayant calculé & comparé ces rap-
ports, il en trouva un plus grand nombre de faux dans
cette Echelle , que dans la précédente ; mais que les erreurs
étoient confidérablement moindres; ce qui fait compenfa-
tion.
Enfin l'autre Echelle femi-Tonique eft celle des Aridoxé-
niens, dont le P. Merfenne a traité fort au long, & que
M. Rameau a tenté de renouveller dans ces derniers tems.
Elle confilte à divifer géométriquement l'Octave par onze
moyennes proportionnelles en douze femi-Tons parfaitement
égaux. Comme les rapports n'en font pas rationnels , je ne
Dicl. de Mujique. L 1
i66 £ C H
donnerai point ici ces rapports qu'on ne peut exprimer que
par la formule même, ou par les logarithmes des termes de
la progrefïion entre les extrêmes i & 2. ( Voyez Tempé-
rament.)
Comme au Genre Diatonique 6c au Chromatique , les
Harmoniir.es en ajoutent un troiileme , favoir l'Enharmo-
nique , ce troifîeme Genre doit avoir aufît fon Echelle , du
moins par fuppoikion : car quoique les Intervalles vraiment
Enharmoniques n'exifîent point dans notre Clavier, il eft
certain que tout paflage Enharmonique les fuppofe , & que
l'efprit corrigeant fur ce point la fenfation de l'oreille , ne
paire alors d'une idée à l'autre qu'à la faveur de cet Inter-
valle fous-entendu. Si chaque Ton étoit exaclement compofé
de deux femi-Tons mineurs, tout Intervalle Enharmonique
feroit nul , &c ce Genre n'exifteroit pas. Mais comme un.
Ton mineur même contient plus de deux femi - Tons mi-
neurs, le complément de la femme de ces deux femi-Tons
au Ton ; c'ef t-à-dire , l'efpace qui relie entre le Dicfe de la
Note inférieure, «Se le Bémol de la fuperieure, eft précifé-
ment FInrervalle Enharmonique , appelle communément
Quart - de - Ton. Ce Quart - de - Ton eft de deux efpcces ,
favoir l'Enharmonique majeur & l'Enharmonique mineur ,
dont on trouvera les rapports au mot Quakt-de-Ton.
Cette explication doit fu frire à tout Lecteur pour conce-
voir aifément l' Echelle Enharmonique que j'ai calculée &
inférée dans la Planche L. Fig. 3. Ceux qui chercheront de
plus grands écLiruiicmens fur ce point pourront lire le mot
Enharmonique.
E C H itf7
ECHO yf. m. Son renvoyé ou réfléchi par un corps folide,
& qui pur -la fe repère & fe renouvelle à l'oreille. Ce mot
vient du Grec nyjç Son.
On appelle auifi Echo le lieu où la répétition fe fait en-
tendre.
On distingue les Echos pris en ce fens , en deux efpeces;
favoir :
i°. UEcho fimple qui ne répète la voix qu'une fois , &
i°. YEcho double ou multïpk qui répète les mêmes Sons
deux ou plufieurs fois.
Dans les Echos fimples il y en a de Toniques ; c'eft-a-
dire, qui ne répètent que le Son mufical 6c foutenu ; 6c d'au-
tres Syllabiques, qui répètent auflî la voix parlante.
On peut tirer parti des Echos multiples , pour former des
Accords & de l'Harmonie avec une feule Voix , en faifant
entre la Voix & l'£c/to une efpece de Canon dont la Mefure
doit être réglée fur le tems qui s'écoule entre les Sons pro-
noncés & les mêmes Sons répétés. Cette manière de faire
un Concert à foi tout feul, devroit, fi le Chanteur étoit
h;;bile , <5c YEcho vigoureux , paroître étonnante & prefque
magique aux Auditeurs non prévenus.
Le nom d'Echo fe tranfporte en Mufique à ces fortes
d'Airs ou de Pièces dans lefquelles, à l'imitation de YEcho ,
l'on répète de tems en tems , & fort doux , un certain nom-
bre de Notes. C'eit fur l'Orgue qu'on emploie le plus com-
munément cette manière de jouer , à caufe de la facilité
qu'on a de faire des Echos fur le Pofitif; on peut faire auflî
des Echos fur le Clavecin, au moyen du petit Clavier.
Ll x
xd E C H
L'Abbé Broffard dit qu'on fe fert quelquefois du mot
Echo en la place de celui de Doux ou Piano , pour marquer
qu'il faut adoucir la Voix ou le Son de l'Inftrument , comme
pour faire un Echo. Cet ufage ne fubfifte plus.
ECHOMETRE,/ m. Efpece d'Echelle graduée, ou de
Règle divifée en plufieurs parties, dont on fe fert pour me-
furer la durée ou longueur des Sons , pour déterminer leurs
valeurs diverfes , & même les rapports de leurs Intervalles.
Ce mot vient du Grec nxflç» fort , & de ^ît^ov, Mejhre,
Je n'entreprendrai pas la defeription de cette machine ,
parce qu'on n'en fera jamais aucun ufage , & qu'il n'y a de
bon Echometre qu'une oreille fenfible & une longue habi-
tude de la Muûque. Ceux qui voudront en favoir la-delîus
davantage , peuvent confulter le Mémoire de M. Sau-
veur, inféré dans ceux de l'Académie des Sciences , année
1701. Ils y trouveront deux Echelles de cette Efpece; l'une
de M. Sauveur , & l'autre de M. Loulié. ( Voyez aufîi l'ar-
ticle Chronomètre. )
ECLYSE , / /. Abaiflement. C'étoit , dans les plus an-
ciennes Mufiques Grecques , une altération dans le Genre
Enharmonique , lorfqu'une corde étoit accidentellement
abaifiee de trois Dièfes au-delîus de fon Accord ordinaire.
Ainfi VEcfyfe étoit le contraire du SponJéafme.
ECMELE , ad). Les Sons Ecméies étoient , chez les
Grecs , ceux de la voix inappréciable ou parlante , qui ne
peut fournir de Mélodie , par oppwfition aux Sons Emmêles
ou Muficaux.
EFFET , f. m. Imprcfïion agréable & forte que produit
EGA iG9
une excellente Mufique fur l'oreille &c l'efprit des écoutans :
ainfi le feul mot Effet fignilie en Mufique un grand &: bel
Effet. Et non- feulement on dira d'un ouvrage qu'il fait de
Y Effet', mais on y diftinguera , fous le nom de chofes d'Ef-
fet , toutes celles où la fenfation produite paroît fupérieure
aux moyens employés pour l'exciter.
Une longue pratique peut apprendre a connoître fur le
papier les chofes d'Effet ; mais il n'y a que le Génie qui les
trouve. C'eft. le défaut des mauvais Compofiteurs & de tous
les Commençans , d'entafTer Parties fur Parties , Inftrumens
fur Infixumens , pour trouver Y Effet qui les fuit, & d'ouvrir Y
comme difoit un Ancien , une grande bouche pour fourrier
dans une petite Flûte. Vous diriez , à voir leurs Partitions fi
chargées , fi hériffées , qu'ils vont vous furprendre par des
Effets prodigieux , & fi vous êtes furpris en écoutant tout
cela , c'eft d'entendre une petite Mufique maigre , chérive ,
confufe , fans Effet , & plus propre à étourdir les oreilles
qu'à les remplir. Au contraire l'œil cherche fur les Partitions
des grands Maîtres ces Effets fublimes & raviffans que pro-
duit leur Mufique exécutée. C'eft que les menus détails font
ignorés ou dédaignés du vrai génie , qu'il ne vous amufe
point par des foules d'objets petits & puériles , mais qu'il
vous émeut par de grands Effets , & que la force & la fim-
plicité réunies forment toujours fon caraétere.
EGAL , adj. Nom donné par les Grecs au Syftême d'Arif-
toxene , parce que cet Auteur divifoit généralement chacun
de fes Tétracordes en trente parties égales , dont il aflignoic
enfuite un certain nombre à chacune dçs trois divifions du
27»
E L E
Tétracorde , félon le Genre & l'efpece du Genre qu'il vouloir
établir. ( Voyez Genre , Système. )
ELEGIE. Sorte de Nome pour les Flûtes , inventé , dit-
on , par Sacadas Argien.
ÉLÉVATION , f. f. Arfis. VElévation de la main ou du
pied , en battant la Mefure , fert à marquer le Tems fai-
ble &c s'appelle proprement Levé : c'étoit le contraire chez les
Anciens. JJElévation de la voix en chantant , c'eft le mou-
vement par lequel on la porte a l'aigu.
ÉLINE. Nom donné par les Grecs à la Chanfon des Tif-
ferands. (Voyez Chanson.)
EMMELE , adj. Les Sons Emmêles étoient chez les Grecs
ceux de la voix diftin&e , chantante & appréciable , qui peu-
vent donner une Mélodie.
ENDEMATIE , f. f. C'étoit l'Air d'une forte de Danfe
particulière aux Argiens.
ENHARMONIQUE, adj. pris fubjî. Un des trois Genres
de la Mufique des Grecs, appelle aufri très -fréquemment
Harmonie par Ariltoxène & fes Sectateurs.
Ce Genre réfultoit d'une divifion particulière du Tétracorde,
félon laquelle l'Intervalle qui fe trouve entre le Lichanos ou
la troifieme corde , & la Mèfe ou la quatrième , étant d'un
Diton ou d'une Tierce majeure , il ne reltoit , pour achever
le Tétracorde au grave , qu'un femi-Ton à partager en deux
Intervalles ; favoir , de Y) lypate à la Parhypare , & de la
Parhypate au Lichanos. Nous expliquerons au mot Genre
comment fe faifoit cette divifion.
Le Genre Enharmonique étoit le plus doux des trois , au
E N H
»7»
rapport d'Ariftide Quintilien. Il paifoit pour très-ancien , &
la plupart des Auteurs en attribuaient l'invention à Olympe
Phrygien. Mais fon Tétracorde , ou plutôt fon Diateffaron
de ce Genre , ne contenoit que trois cordes qui formoicnt
entr'elles deux Intervalles incompofés ; le premier d'un femi-
Ton, & l'autre d'une Tierce majeure ; & de ces deux feuls
Intervalles répétés de Tétracorde en Tétracorde, réfultoit
alors tout le Genre Enharmonique. Ce ne fut qu'après Olympe
qu'on s'avifa d'inférer , à l'imitation des autres Genres , une
quatrième corde entre les deux premières , pour faire la di-
vifion dont je viens de parler. On en trouvera les rapports,
félon les Syftêmes de Ptolomée & d'Ariitoxène. ( Planche
M. Fig. 5. )
Ce Genre fi merveilleux , fi admiré des Anciens, & , félon
quelques-uns, le premier trouvé des trois, ne demeura pas
long-tems en vigueur. Son extrême difficulté le fit bientôt
abandonner à mefure que l'Art gagnoit des combinaifons en
perdant de l'énergie , & qu'on fuppléoit à la finefTe de l'o-
reille par l'agilité des doigts. Aufli Plutarque reprend -il
vivement les Muficiens de fon tems d'avoir perdu le plus
beau des trois Genres , & d'ofer dire que les Intervalles n'en
font pas fenfibles ; comme fi tout ce qui échappe à leurs
fens groffiers , ajoute ce Philofophe , devoit être hors de la
Nature.
Nous avons aujourd'hui une forte de Genre Enharmonique
entièrement différent de celui des Grecs. 11 confifte, comme
les deux autres , dans une progreilïon particulière de l'Har-
monie , qui engendre , dans la marche des Parties , des In-
z7{ E N H
tervalles Enharmoniques , en employant à la fois ou fuccef-
fivemenc entre deux Notes qui font à un Ton l'une de l'autre
le Bémol de l'inférieure & le Dièfe de la fupérieure. Mais
quoique , félon la rigueur des rapports , ce Dièfe & ce Bémol
duifent former un Intervalle entr'eux , (Voyez Echelle &
Quart -de-Ton ) cet Intervalle fe trouve nul , au moyen
du Tempérament , qui dans le Syftême établi fait fervir le
même Son à deux ufages : ce qui n'empêche pas qu'un tel
paffage ne produife , par la force de la Modulation & de
l'Harmonie , une partie de l'effet qu'on cherche dans les Tran-
fitions Enharmoniques.
Comme ce Genre efl: affez peu connu , & que nos Au-
teurs fe font contentés d'en donner quelques notions trop
fuccincles, je crois devoir l'expliquer ici un peu plus au long.
Il faut remarquer d'abord que l'Accord de Septième dimi-
nuée eft le feul fur lequel on puiffe pratiquer des paffages
vraiment Enharmoniques ; & cela en vertu de cette propriété
finguliere qu'il a de divifer l'Octave entière en quatre Inter-
valles égaux. Qu'on prenne dans les quatre Sons qui com-
pofent cet Accord , celui qu'on voudra pour fondamental ,
on trouvera toujours également que les trois autres Sons
forment fur celui-ci un Accord de Septième diminuée. Or
le Son fondamental de l'Accord de Septième diminuée eft
toujours une Note fenfible ; de forte que , fans rien changer
à cet Accord , on peut , par une manière de double ou de
quadruple emploi , le faire fervir fucceffivement fur quatre
différentes fondamentales ; c'e(t-a-dire , fur quatre différentes
Notes ftnfibles.
Il
E N H 27J
Il fuie de-là que ce même Accord , fans rien changer ni
à l'Accompagnement , ni à la Baflè , peut porter quatre noms
différens , & par confequent fe chiffrer de quatre différentes
manières : favoir, d'un 7 h fous le nom de Septième dimi-
nuée; d'un ■ x fous le nom de Sixte majeure & faufle-Quint© ;
d'un * t fous le nom de Tierce mineure & Triton , & enfin
b
d'un x 1 fous le nom de Seconde fuperflue. Bien entendu que
la Clef doit être cenfée armée différemment , félon les Tons
où l'on eft fuppofé être.
Voilà donc quatre manières de fortir d'un Accord de Sep-
tième diminuée , en fe fuppofant fucceffivement dans quatre
Accords différens : car la marche fondamentale & naturelle
du Son qui porte un Accord de Septième diminuée eft de
fe réfoudre fur la Tonique du Mode mineur , donc il elt la
Note fenfible.
Imaginons maintenant l'Accord de Septième diminuée fur
ut Dièfe Note fenfible , fi je prends la Tierce mi pour fon-
damentale , elle deviendra Note fenlîble à fon tour , & an-
noncera par confequent le Mode mineur de fa ; or cet ut
Dièfe refte bien dans l'Accord de mi Note fenfible : mais
c'efr. en qualité de rc Bémol ; ceft-à-dire , de fixieme Note
du Ton , & de feptieme diminuée de la Note fenfible : ainfi
cet ut Dièfe qui , comme Note fenfible , étoit obligé de
monter dans le Ton de re , devenu rc Bémol dans le Ton
de fa , eft obligé de defeendre comme Septième diminuée :
voilà une tranfition Enharmonique. Si au lieu de la Tierce ,
on prend, dans le même Accord (Tut Dicfe, la fauffe Quinte
Dicl. <U Mujiquc. Mm
i74 E N H
fol pour nouvelle Note fenfible , Yut Dièfe deviendra encore
re Bémol , en qualité de quatrième Note : autre paffage En-
harmonique. Enfin fi l'on prend pour Note fenfible la Sep-
tième diminuée elle-même , au lieu de fi Bémol il faudra
néceffairement la confidérer comme la Dicfe ; ce qui fait un
troifieme paffage Enharmonique fur le même Accord.
A la faveur de ces quatre différentes manières d'envifager
fucceffivement le même Accord , on paffe d'un Ton à un
autre qui en paroîc fort éloigné ; on donne aux Parties des
progrès différens de celui qu'elles auroient dû avoir en pre-
mier lieu, & ces paffages ménagés à propos, font capables,
non-feulement de furprendre , mais de ravir L'Auditeur quand
ils font bien rendus.
Une autre fource de variété , dans le même Genre , fe tire
des différentes manières dont on peut réfoudre l'Accord qui
l'annonce ; car quoique la Modulation la plus naturelle foie
de paffer de l'Accord de Septième diminuée fur la Note fen-
fible , a celui de la Tonique en Mode mineur , on peut ,
en fubiHtuaat la Tierce majeure à la mineure , rendre le
Mode majeur & même y ajouter la Septième pour chan-
ger cette Tonique en Dominante , & paffer ainfi dans un
autre Ton. A la faveur de ces diverfes combinaifons réunies r
on peut fortrr de l'Accord en douze manières. Mais, de cet
douze , il n'y en a que neuf qui , donnant la converfion da
Dicfe en Bémol ou réciproquement , (oient véritablement
Enharmoniques ) parce que dans les trois autres on ne change
point de Note fenfible: encore dans ces neuf diverfes Modu-
lations n'y a-t-il que trois diverfes Notes fcnlibles , chacune
E N H 27s
defqueïïes fe réfout par trois partages diffcrens : de forte qu'à
bien prendre la chofe on ne trouve fur chaque Note fenfible
que trois vrais partages Enharmoniques poffibles , tous les
autres n'étant point réellement Enharmoniques , ou fe rap-
portant à quelqu'un des trois premiers. ( Voyez , Planche
L. Fig. 4. un exemple de tous ces partages. )
A l'imitation des Modulations du Genre Diatonique , on
a plufieurs fois eflayé de faire des morceaux entiers dans le
Genre Enharmonique , & pour donner une forte de regk
aux marches fondamentales de ce Genre , on l'a divifé en Dia-
tonique - Enharmonique qui procède par une fucceffion de
femi-Tons majeurs , 6c en Chromatique- Enharmonique qui
procède par une fucceflîon de femi-Tons mineurs.
Le Chant de la première efpece eft Diatonique , parce
que les femi-Tons y font majeurs; &c il elt Enharmonique ,
parce que deux feini - Tons majeurs de fuite forment un Ton.
trop fort d'un Intervalle Enharmonique. Pour former cette
efpece de Chant , il faut faire une Barte qui defeende de
Quarte & monte de Tierce majeure alternativement. Une
partie du Trio des Parques de FOpcra d'Hippolite , elt dans
ce Genre ; mais il n'a jamais pu être exécuté à l'Opéra de
Paris, quoique M. Rameau artlire qu'il l'avoit été ailleurs par
des Muficiens de bonne volonté, & que l'effet en futfurprenant.
Le Chant de la féconde efpece eft Chromatique , parce
qu'il procède par femi-Tons mineurs; il elt Enharmonique ,
parce que les deux femi-Tons mineurs confécutifs forment
un Ton trop foible d'un Intervalle Enharmonique. Pour for-
mer cette efpece de Chant , il faut faire une Baflè-fbnda-
M m *
i7* E N H
mentale qui defcende de Tierce mineure & monte de Tierce
majeure alternativement. M. Rameau nous apprend qu'il
avoit fait dans ce Genre de Mufique un tremblement de
terre dans l'Opéra des Indes galantes ; mais qu'il fut fi mal
fervi qu'il fut obligé de le changer en une Mufique com-
mune. ( Voyez les Elémens de Mufique de M. d'Alembert ,
pages 91 , 92 , 93 & 166. )
Malgré les exemples cités & l'autorité de M. Rameau ,
je crois devoir avertir les jeunes Artiftes que Y Enharmoni-
que - Diatonique &c Y Enharmonique - Chromatique me pa-
roifTent tous deux à rejettcr comme Genres , & je ne puis
croire qu'une Mufique modulée de cette manière , même avec
la plus parfaite exécution , puiiïe jamais rien valoir. Mes
raifons font que les paiîages brufques d'une idée à une autre
idée extrêmement éloignée , y font fi fréquens , qu'il n'eft
pas pofTible à l'efprit de fiiivre ces tranfitions avec autant
de rapidité que la Mufique les préfente ; que l'oreille n'a
pas le tems d'appercevoir le rapport très-fecret 6c très-com-
pofé des Modulations , ni de fous - entendre les Intervalles
fuppofés ; qu'on ne trouve plus dans de pareilles fucceffions
ombre de Ton ni de Mode ; qu'il eft également impofîible
de retenir celui d'où l'on fort, ni de prévoir celui où l'on
va; 6c qu'au milieu de tout cela, l'on ne fart plus du tout
où l'on cft. V Enharmonique n'elr. qu'un pafTage inattendu
dont l'étonnante imprefiion fe fait fortement & dure long-
tems ; palfige que par conféquent on ne doit pas trop bruf-
quement ni trop fouvent répéter , de peur que l'idée de la
Modulation ne fe trouble & ne fe perde entièrement : c.r
E N H 277
fi-côt qu'on n'entend que des Accords ifolés qui n'ont plus
de rapport fenfible & de fondement commun, l'Harmonie
n'a plus aufïi d'union ni de fuite apparente , & l'effet qui
en réfulte n'eft qu'un vain bruit fans liaifon & fans agré-
ment. Si M. Rameau , moins occupé de calculs inutiles ,
eût mieux étudié la Métaphyfique de fon Art, il e't à croire
que le feu naturel de ce favant Artille eût produit des pro-
diges , dont le germe étoit dans fon génie ; mais que fes
préjugés ont toujours étouffé.
Je ne crois pas même que les (impies Transitions Enhar-
moniques puiffent jamais bien réufïir , ni dans les Chœurs ,
ni dans les Airs , parce que chacun de ces morceaux forme
un tout où doit régner l'unité , & donc les Parties doivent
avoir entr'elles une liaifon plus fenfible que ce Genre ne
peut la marquer.
Quel efr. donc le vrai lieu de l' Enharmonique ? C'elt ,
félon moi , le Récitatif obligé. C'elt dans une fcene fu-
blime & pathétique où la Voix doit multiplier & varier les
indexions Mulicales à l'imitation de l'accent grammatical ,
oratoire & fouvent inappréciable ; c'elt , dis-je , dans une
telle fcene que les Transitions Enharmoniques font bien
placées , quand on fait les ménager pour les grandes ex-
preffions, & les affermir, pour ainfi dire, par des traits de
fymphonie qui fufpendent la parole & renforcent l'ex-
pnJÎion. Les Italiens, qui font un ufage admirable de ce
Genre , ne l'emploient que de cette manière. On peut
voir dans le premier Récitatif de l'Orphée de Pergolcfe un
exemple frappant & ûmple des effets que ce grand Mufi-
i73 E N S
cien fut tirer de V Enharmonique , & comment , loin de
faire une Modulation dure , ces Tranfitions , devenues na-
turelles & faciles à entonner , donnent une douceur éner-
gique à toute la déclamation.
J'ai déjà dit que notre Genre Enharmonique efl entière-
ment différent de celui des Anciens. J'ajouterai que , quoi-
que nous n'ayons point comme eux d'Intervalles Enharmo-
niju^s à entonner , cela n'empêche pas que C Enharmonique
moderne ne foie d'une exécution plus difficile que le leur.
Chez les Grecs les Intervalles Enharmoniques , purement
Mélodieux , ne demandoient , ni dans le Chanteur ni dans
l'écoutant , aucun changement d'idées , mais feulement une
grande délicatefTe d'organe ; au lieu qu'à cette même déli-
cateffe , il faut joindre encore , dans notre Mufique , une
connoilîance exacte & un fentiment exquis des métamorpho-
fes Harmoniques les plus brufques éc les moins naturelles :
car fi l'on n'entend pas la phrafè , on ne fauroit donner aux
mots le Ton qui leur convient; ni chanter jufte dans un
fyltôme Harmonieux, fi l'on ne fent l'Harmonie.
ENSEMBLE, adv. fouvent pris fubjlantivement. Je ne
m'arrêterai pas à l'explication de ce mot , pris pour le rap-
port convenable de toutes les parties d'un Ouvrage entre
elles «Se avec le tout , parce que c'elè un fens qu'on lui donne
rarement en Mufique. Ce n'cli guercs qu'à l'exécution que ce
terme s'applique , lorfquc les Conccrrans font fi parfaitement
d'accord, foit pour l'Intonation, foit pour la Mefure , qu'ils
femblent être tous animés d'un même elprit , & que l'exé-
cution rend fidèlement à l'oreille tout ce que l'ail voit fur la
l'artition.
E N S 179
UEnfembk ne dépend pas feulement de l'habileté avec
laquelle chacun lit fu Partie , mais de l'intelligence avec
laquelle il en fent le caractère particulier , & la liaifon
avec le tout ; foit pour phrafer avec exactitude , foit pour
fuivre la précifion des Mouvcmens , foit pour fa i fi r le mo-
ment & les nuances des Fort & des Doux \ foit enfin pour
ajouter aux ornemens marqués , ceux qui font fi nécelfai-
rement fuppofés par l'Auteur, qu'il n'eft permis à perfonne
de les omettre. Les Muficiens ont beau être habiles , il
n'y a ftEnfanbk qu'autant qu'ils ont l'intelligence de la
Mufîque qu'ils exécutent , &c qu'ils s'entendent entr'eux :
car il feroit impoflible de mettre un parfait Enfemble dans
un Concert de fourds , ni dans une Mufîque dont le ftyle
feroit parfaitement étranger à ceux qui l'exécutent. Ce
font fur-tout les Maîtres de Mufîque , Conducteurs & Chefs
d'Orcheftre , qui doivent guider , ou retenir ou prefer
les Muficiens pour mettre par-tout YEnfembU ; & c'eft ce
que fait toujours un bon premier Violon par une certaine
charge d'exécution qui en imprime fortement le caractère
dans toutes les oreilles. La Voix récitante eft afTujettie à la
Baffe & h. la Mefure ; le premier Violon doit écouter &
fuivre la Voix ; la Symphonie doit écouter & fuivre le pre-
mier Violon : enfin le Clavecin , qu'on fuppôfe tenu par-
le Compofiteur, doit être le véritable &c premier guide de-
tout.
En général, plus le Style, les Périodes, les Phrafes , la
Mélodie & l'Harmonie ont de caractère, plus l'enfemble eft
facile à faifir ; parce que la même idée imprimée vivement
>Xo E N T
dans tous les efprits préfide à toute l'exécution. Au con-
traire, quand la Mufique ne dit rien, & qu'on n'y fent qu'une
fuite de Notes fans liaifon , il n'y a point de tout auquel cha-
cun rapporte fa Partie , & l'exécution va toujours mal. Voilà
pourquoi la Mufique Françoife n'eft jamais enfemble.
ENTONNER,!-, a. C'eft, àms l'exécution d'un Chant,
former avec jufteiïe les Sons & les Intervalles qui font mar-
qués. Ce qui ne peut gueres fe faire qu'à l'aide d'une idée
commune à laquelle doivent fe rapporter ces Sons & ces
Intervalles ; favoir , celle du Ton & du Mode où ils font
employés , d'où vient peut-être le mot Entonner. On peut
auffi l'attribuer à la marche Diatonique ; marche qui pa-
roît la plus commode & la plus naturelle à la Voix. Il y a
plus de difficulté à Entonner des Intervalles plus grands ou
plus petits , parce qu'alors la Glotte fe modifie par des rap-
ports trop grands dans le premier cas , ou trop compofés
dans le fécond.
Entonner eft encore commencer le Chant d'une Hymne,
d'un Pfeaume , d'une Antienne , pour donner le Ton à tout
le Chœur. Dans l'Eglife Catholique , c'eft, par exemple ,
l'Officiant qui entonne le Te Daim ; dans nos Temples , c'eft
le Chantre qui entonne les Pfeaumes.
ENTR'ACTE , /.' m. Efpace de tems qui s'écoule entre
la fin d'un Acte d'Opéra & le commencement de l'Acte
fuivant , & durant lequel la repréfentation eft fiiipendlW ,
tandis que l'action eft fuppoféc fe continuer ailleurs. L'Or-
cheftre remplit cet efpace en France par l'exécution d'une
Symphonie qui porte auffi le nom (TE/ui\
II
E N T 1S1
Il ne parole pas que les Grecs aient jamais divife leurs
Drames par Ades, ni par conséquent connu les Entractes.
La représentation n'étoit point fufpendue fur leurs Théâtres
depuis le commencement de la Pièce jufqu'à la fin. Ce furent
les Romains qui , moins épris du fpecTacie , commencèrent
les premiers à le partager en plufieurs parties , dont les In-
tervalles oflfroient du relâche à l'attention des Spectateurs ,
& cet ufage s'eir. continue parmi nous.
Puifque XEntfaclt eft fait pour fufpendre l'attention &
repofer l'efprit du Speclateur , le Théâtre doit relier vide y
ôc les Intermèdes dont on le rempliifoit autrefois formoient
une interruption de très-mauvais goût , qui ne pouvoit man-
quer de nuire à la Pièce en faifant perdre le fil de l'action.
Cependant Molière lui-même ne vit point cette vérité fi fim-
ple, & les Entr*acles de fa dernière Pièce croient remplis
par des Intermèdes. Les François , dont les Spectacles ont
plus de raifon que de chaleur , & qui n'aiment pas qu'on
les tienne long-tems en filence , ont depuis lors réduit les
Entr'acles à la ûmplické qu'ils doivent avoir, & il eit à de-
firer pour la perfection des Théâtres qu'en cela leur exemple
foit fuivi par-tout.
Les Italiens qu'un fentiment exquis guide fouvent mieux
que le raifonnement, ont proferit la Danfe de l'action Dra-
matique. ( Voyez Opéra. ) Mais par une inconféquence qui
naît de la trop grande durée qu'ils veulent donner au Spec-
tacle , ils remplirent leurs Entr1 actes des Ballets qu'ils ban-
nirTent de la Pièce , & s'ils évitent l'abfurdité de la double
imitation , ils donnent dans celle de la tranfpofition de
D/c7. de Mufique. Nn
2§i E N T
Scène , & promenant ainfi le Spectateur d'objet en objet ,
lui font oublier l'action principale , perdre l'intérêt , 6c pour
lui donner le plaifir des yeux lui ôrent celui du cœur. Ils
commencent pourtant à fentir le défaut de ce monstrueux
affemblage , & après avoir déjà prefque chafle les Inter-
mèdes des Entractes , fans doute ils ne tarderont pas d'en
chaifer encore la Danfe, & de la réferver , comme il con-
vient , pour en faire un Spectacle brillant & ifolé à la fin de
la grande Pièce.
Mais quoique le Théâtre refte vide dans YEntr\iât , ce
n'elt pas à dire que la Mufique doive être interrompue ;
car à l'Opéra où elle fait une partie de l'exillence des chc-
fes , le fens de l'ouïe doit avoir une telle liaifon avec celai
de la vue, que tant qu'on voit le lieu de la Scène on en-
tende l'Harmonie qui en e(t fuppofée inféparable, afin que
fon concours ne paroiife enfuite étranger ni nouveau fous
le chant des Acteurs.
La difficulté qui fe préfente à ce fujet eft de l'avoir ce
que le Muficien doit dicter à l'Orcheftre quand il ne 11- p;
plus rien far la Scène : car fi la Symphonie , ainfi que toute
la Mufique Dramatique , n'eft qu'une imitation continuelle ,
que doit-elle dire quand perfonne ne parle? Que doit-ell-j
faire quand il ny a plus d'action ? Je réponds à cela , que ,
quoique le Théâtre foit vide , le cœur des Spectateurs ne
lVft pas ; il a dû leur refter une forte imprcfîion de ce qu'ils
viennent de voir & d'entendre. C'clt à TOrchedre à nourrir
& foutenir cette imprefTîon durant YE'iîr\ic{c , afin que le
Spectateur ne fe trouve pas au début de l'Aàc fuivan: , aullï
E N T zîs
froid qu'il l'étoit au commencement de la Pièce , & que
l'intérêt foit, pour ainfi dire, lié dans Ton ame comme les
événement le font dans l'action repréfentée. Voila com-
ment le Muficien ne ceiîe jamais d'avoir un objet d'imi-
tation , ou dans la firuation des perfonnages, ou dans celle
des Spectateurs. Ceux-ci n'entendant jamais fortir de l'Or-
cheftre que l'expreflîon des fentimens qu'ils éprouvent ,
s'identifient , pour ainfi dire , avec ce qu'ils entendent , &
leur état efl d'autant plus délicieux qu'il règne un Accord
plus parfait entre ce qui frappe leurs fens & ce qui touche
leur cœur.
L'habile Muficien tire encore de fon Orcheftre un autre
avantage pour donner à la représentation tout l'effet qu'elle
peut avoir , en amenant par degrés le Spectateur oifif à la
fituation d'ame la plus favorable à l'effet des Scènes qu'il va
voir dans l'Acte fuivant,
La durée de VEnt^acle n'a pas de mefure fixe ; mais elle
eft fuppofée plus ou moins grande , à proportion du tems
qu'exige la partie de l'action qui fe pafTe derrière le Thtàrre.
Cependant cette durée doit avoir des bornes de fuppolition,
relativement à la durée hypothétique de l'action totale y
& des bornes réelles , relatives à la durée de la repré-
Tentation.
Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner fi la règle des vingt-
quatre heures a un fondement fuftifant & s'il n'eft jamais
permis de l'enfreindre. Mais fi l'on veut donner à la durée
fuppofée d'un Entracte des bornes cirées de la nature dçs
chofes, je ne veux point qu'on en puiîfe trouver d'autres que
Nn i
i«4 E N T
celles du tems durant lequel il ne fe fait aucun changement
fenfible 6c régulier dans la Nature , comme il ne s'en fait
point d'apparent fur la Scène durant YEntr'acle. Or ce tems
eft, dans fa plus grande étendue, à-peu-près de douze heures,
qui font la durée moyenne d'un jour ou d'une nuit. Palle
cet efpace , il n'y a plus de poflibilité ni d'illuûon dans la
durée fuppofée de YEntr'acle.
Quant à la durée réelle , elle doit être , comme je l'ai
dit, proportionnée & à la durée totale de la repréfentation,
& à la durée partielle & relative de ce qui fe palfe derrière
le Théâtre. Mais il y a d'autres bornes tirées de la fin géné-
rale qu'on fe propofe ; favoir , la mefure de l'attention : car
on doit bien fe garder de faire durer YEntr'acle jufqu'à lailfer
le Spectateur tomber dans l'engourdhrement & approcher de
l'ennui. Cette mefure n'a pas, au refte, une telle précilion
par elle-même , que le Muficien qui a du feu , du génie ce
de l'ame , ne puifle , à l'aide de fon Orchefire , l'étendre
beaucoup plus qu'un autre.
Je ne doute pas même qu'il n'y ait des moyens d\ibufer
le Spectateur fur la durée eftécHve de YEntr'acle , en la lui
faifant eftimer plus ou moins grande par la manière d'entre-
lacer les caractères de la Symphonie : mais il elt tems de
finir cet article qui n'eft déjà que trop long.
ENTREE , /.' f. Air de Symphonie par lequel débute un
Ballet.
Entrée fe dit encore à l'Opéra, d'un Acte entier, dans les
Opéri-Halkts donc chaque Acte forme un fujet féparé. L'En-
trée de l ertumne Jans les Elcmens. L'Entrée des Incas dans
les Indes Galantes.
E O L 1S5
Enfin , Entrée fe dit aufïi du moment où chaque Partie
qui en fuit une autre commence a fe faire entendre.
EOLIEN , adj. Le Ton ou Mode Eolien croit un des cinq
Modes moyens ou principaux de la Mufique Grecque, & fa
corde fondamentale étoit immédiatement au-deiîus de celle
du Mode Phrygien. ( Voyez Mode. )
Le Mode Eolien étoit grave , au rapport de Lafus. Je
chante , dit-il , Cérès & fa fille Mêlibée , époufe de Pluton ,
fur le Mode Eolien , rempli de gravité.
Le nom (T Eolien que portoit ce Mode ne lui venoit pas
des Mes Eoliennes mais de l'Eolie , contrée de l'Afie Mi-
neure, où il fut premièrement en ufage.
EPAIS, adj. Genre Epais , denfe , ou ferré , twsvo? , eft , félon
la définition d'Ariftoxcne , celui où, dans chaque Tétra-
corde, la fomme des deux premiers Intervalles eft moindre
que le troifieme. Ainfi le Genre Enharmonique eft épais ,
parce que les deux premiers Intervalles , qui font chacun
d'un Quart-de-Ton , ne forment enfemble qu'un femi-Ton ;
fomme beaucoup moindre que le troifieme Intervalle , qui
elt une Tierce majeure. Le Chromatique eft aufïi un Genre
Epais ; car fes deux premiers Intervalles ne forment qu'un
Ton , moindre encore que la Tierce mineure qui fuit. Mais
le Genre Diatonique n'eft point Epais, puifque fes deux
premiers Intervalles forment un Ton & demi , fomme plus
grande que le Ton qui fuie. (Voyez Genre, Tétracordi .)
De ce mot a-waeV , comme radical, font compofés les ter-
mes Apyaù , Baripycni , Mefopycni , Oxipycni% dont on
trouvera les articles chacun à fa place.
i*3 ■ EPI
Cette dénomination n'efl point en ufage dans la Mufique
moderne.
EFIAULIE. Nom que donnoient les Grecs à la Chan-
fon des Meuniers , appcllée autrement Hymée. ( Voyez
Chanson.)
Le mot burlefque piauler ne tireroit-il point d'ici Ton cty-
moîogie? Le piaulement d'une femme ou d'un enfant, qui
pleure & fe lamente long-tems fur le même Ton , refTemble
aflez à la Chanfon d'un moulin, & par métaphore, à celle
d'un Meunier.
EPILENE. Chanfon des Vendangeurs , laquelle s'accom-
pagnoit de la Flûte. ( Voyez Athénée , Livre V. )
EPINICION. Chant de victoire , par lequel on célébrait chez
les Grecs le triomphe des Vainqueurs.
EPISYNAPHE , f. f. C'eft, au rapport de Bacchius, la
conjonction des trois Tétracordes confécutifs, comme font
les Tétracordes Hypaton , Méfon & S} nnéménon. ( Voyez
Système , Tktracor.de. )
EPITHALAME, f. m. Chant nuptial qui fe chantoit au-
trefois à la poire des nouveaux Epoux, pour leur fouhaiter
une heuseufê union. De Celles Chanfons ne font gueres en
ufage parmi nous; car on fait bien que c'eft peine perdue.
Quand on en fait pour Ht, amis & familiers, on fubftitue
ordinairement a ces vœux honnêtes & fimples quelques 1 1
. équivoques cV obfcenes, plus conformes au goilr
ÉP1TRTFE. Nom d'un des Rhythmes de la RMiqw
Grecque, les Tems croient en raifon (èfij ou
E P O iS7
de 3 à 4. Ce Rhythme étoit représenté par le pied que les
Poètes & Grammairiens appellent auili Epitrite; pied com-
pofé de quatre fyllabes, donc les deux premières font en
effet aux deux dernières dans la raifon de 3 à 4. ( Voyez
Rhythme.)
EEODE,f.f. Chant du troifîeme Coupler, qui, dans les
Odes, terminoit ce que les Grecs appeîloient la Période , la-
quelle étoit compefée de trois Couplets; (avoir, la Strophe,
VAntiflrophe &c YEpode. On attribue à Archiloque l'inven-
tion de VEpode.
EPTACORDE , f. m. Lyre ou Cyrhare à fept cordes ,
comme, au dire de plufieurs, étoit celle de Mercure.
Les Grecs donnoient aufïi le nom CCEptacorde à un fyf-
teme de Mufîque forme de fept Sons, tel qu'eft aujourd'hui
notre Gamme. UEptacorde Synnéménon, qu'on appclloit au-
trement Lyre de Terpandre , étoit compofé des Sons ex-
primes par ces lettres de la Gamme , E, F, G,a ,6 ,c, d.
\JEptacorde de Philolaiis fubfHtuoit le Béquarre au Bcmol ,
&c peut s'exprimer ainfi, E , F, G, a , ^ c , d. Il en rappor-
toit chaque corde à une des Planètes, THypate à Saturne,
la Parhypate a Jupiter, & ainfi de fuite.
EPTAIUÉPJDES,/: f. Nom donné par M. Sauveur à l'un
des Intervalles de fon Syftême expofé dans les Mémoires
de l'Académie, année 1701.
Cet Auteur divife d'abord l'Octave en 43 parties ou Mé~
rides \ puis chacune de celles-ci en 7 Eptamérides ; de forte
que l'O&ave entière comprend 301 Eptamérides qu'il fubdi-
vife encore. ( Voyez Dhcamuudl..)
2.SS E P T
Ce mot ert formé de t7rrà, fept, & de pifa, parrie.
• EPTAPHONE , f. m. Nom d'un Porrique de la Ville d'O-
lympie , dans lequel on avoic ménage un écho qui répécoic
la Voix fept fois de fuite. Il y a grande apparence que l'E-
cho fe trouva là par hafard, &c qu'enfuite les Grecs, grands
charlatans , en firent honneur à l'art de F Architecte.
EQUISONNANCE,/ f. Nom par lequel les Anciens
diftinguoient des autres Confonnances celles de l'Octave &
de la double Octave, les feules qui faflent Paraphonie. Comme
on a auili quelquefois befoin de la même diftinction dans
la Muilque moderne, on peut l'employer avec d'autant moins
de fcrupule, que la fenfation de FOclave fe confond très-
fouvent à l'oreille avec celle de FUniilbn.
ESPACE , / m. Intervalle blanc , ou diftance qui fe trouve
dans la Portée entre une Ligne & celle qui la fuit immé-
diatement au-deffus ou au-deifous. Il y a quatre Efpaces dans
les cinq Lignes , & il y a de plus deux Efpaces , l'un au-
deifus, l'autre au-deflbus de la Portée entière; l'on borne,
quand il le faut, ces deux Efpaces indéfinis par des Lignes
poftiches ajoutées en haut ou en bas, lefquelles augmentent
l'étendue de la Portée & fournilfent de nouveaux Efpaces.
Chacun de ces Efpaces divife l'Intervalle des deux Lignes
qui le terminent, en deux Degrés Diatoniques; favoir, un
de la Ligne inférieure à VEJpace , & l'autre de Vlfpace à la
Ligne fupérieure. (Voyez Porti'i:.)
ETENDUE,/../! différence de deux Sons donnés qui en
ont d'intermédiaires, ou fomme de tous les Intervalles com-
pris entre les deux extrêmes. Ainfi la plus grande Etendue
polîiblc
h U 13 2S9
pofïlble ou celle qui comprend toutes les autres, eft celle du
plus grave au plus aigu de tous les Sons fenfibles ou appré-
ciables. Selon les expériences de M. Euler, toute cette Eten-
due forme un Intervalle d'environ huit Octaves , entre un
Son qui fait 30 vibrations par Seconde , Cv un autre qui en
fait 7551 dans le même tems.
Il n'y a point d'Etendue en Mufique entre les deux ter-
mes de laquelle on ne puilfe inférer une infinité de Sons in-
termédiaires qui le partagent en une infinité d'Intervalles ,
d'où il fuit que V Etendue fonore ou Muficale eiè divilible à
l'infini , comme celles du tems & du lieu. ( Voyez In-
tervalle.)
EUDROME. Nom de l'Air que jouoient les Hautbois aux
Jeux Sthcniens , inltitués dans Argos en l'honneur de Jupiter.
Hiérax, Argien , ctoit l'Inventeur de cet Air.
EVITER, v. a. Eviter une Cadence, c'eft ajouter une
Difiona.ice à l'Accord final , pour changer le Mode ou pro-
longer la phrafe. ( Voyez Cadence. )
EVITE, participe. Cadence Evitée. (Voyez Cadence.)
EVOVAE, / m. Mot barbare formé des fix voyelles qui
marquent les Syllabes des deux mots , feculorum amen , 6c
qui n'eft d'ufage que dans le Plain-Chant. C'eft fur les
lettres de ce mot qu'on trouve indiquées dans les Pfeautiers
& Antiphonaires des Eglifes Catholiques les Notes par lef-
quelles, dans chaque Ton & dans les diverfes modifications
du Ton , il faut terminer les verfets des Pfeaumes ou des
Cantiques.
UEvovaé commence toujours par la Dominante du Ton
Dicl. de Mufique, Oo
.9<> EUT
de l'Antienne qui le précède , & finie toujours par la finale;
EUTHIA , f. f. Terme de la Mufique Grecque , qui figni-
fie une fuite de Notes procédant du grave à l'aigu. UEuthia
étoit une des Parties de l'ancienne Mélopée.
EXACORDE , /. m. Inltrument à fix cordes , ou fyitême
compofé de fix Sons , tel que YExacorde de Gui d'Arezzo.
EXÉCUTANT, partie, pris fubjt. Muficien qui exécute
ù Partie dans un Concert ; c'eit la même choie que Con-
certant. ( Voyez Concertant. ) Voyez auiTi les deux mots
qui fuivent.
EXECUTER, v. a. Exécuter une Pièce de Mufique, c'efl
chanter & jouer toutes les Parties qu'elle contient , tant
vocales qu'inf brume utales , dans PEnfemble qu'elles doivent
avoir , & la rendre telle qu'elle e£t notée fur la Partition.
Comme la Mufique eit faite pour être entendue, on n'ea
peut bien juger que par l'exécution. Telle Partition paroic
admirable fur le papier , qu'on ne peut entendre Exécuter
fans dégoût , & telle autre n'offre aux yeux qu'une apparence
fimple & commune , dont l'exécution ravit par des effets
inattendus. Les petits Compofiteurs , attentifs à donner de
la fymétrie & du jeu a toutes leurs Pairies , paroiffent ordi-
nairement les plus habiles gens du monde , tant qu'on ne
juge de leurs ouvrages que par les yeux. \uJfi ont -ils fou-
vent l'adreffe de mettre tant d'Infirumens divers , tant de
Parties dans leur Mufique , qu'on ne puiffe ralfcmblcr que
trés-dilîîcilement tous les Sujets néceffaires pour V Exécuter»
EXECUTION , f. f. L'Aclion d'exécuter une Pièce de
Mufique»
EXE rot
Comme la Mufique cft ordinairement compofée de plu-
fieurs Parties, dont le rapport cxacl, foit pour l'Intonation,
foit pour la Mefure , eft extrêmement difficile a obfervcr ,
& dont l'efprit dépend plus du goût que des lignes , rien
n'efè fi rare qu'une bonne Exécution. C'efr. peu de lire la
Mufique exactement fur la Note ; il faut entrer dans toutes
les idées du Ccmpofitcur , fentir & rendre le feu de l'expreiP-
fion , avoir fur-tout l'oreille julte & toujours attentive peur
écouter & firivre l'Enfemble. Il faut , en particulier dans la
Mufique Françoife, que la Partie principale fâche prcfTer ou
ralentir le mouvement, félon que l'exigent le goût du Chant,
le volume de Voix & le développement des bras du Chan-
teur ; il faut , par conféquent , que toutes les autres Parties
fuient fuis relâche , attentives à bien fuivre celle-là. Aufïï
PEnfemble de l'Opéra de Paris, où la Mufique n'a point d'autre
Mefure que celle du gelle , fcroit-il, à mon avis, ce qu'il
y a de plus admirable en fait d'Exécution.
" Si les François , dit Saint-Evremont , par leur commerce
»> avec les Italiens , font parvenus à compofer plus hardi-
»> ment, les Italiens ont auiTi gagné au commerce des Fran-
»j çois , en ce qu'ils ont appris d'eux à rendre leur Exécu-
»> tion plus agréable , plus touchante & plus parfaite >?. Le
Le&eur fe parlera bien , je crois , de mon commentaire fur
ce partage. Je dirai feulement que les François croient toute
la terre occupée de leur Mufique , & qu'au contraire , dans
les trois quarts de l'Italie , les Muficiens ne favent pas même
qu'il exifte une Mufique Françoife différente de la leur.
On appelle encore Exécution la facilité de lire & d'exé-
Oo i
i9i. E X F
cuter une Partie In'trumentale , & l'on dit , par exemple ,
d'un Symphonilte , qu'il a beaucoup d'Exécution , lorfqu'il
exécute correctement , fans héi'iter , & à la première vue ,
les chofes les plus difficiles : V Exécution prife en ce fens
dépend fur-tout de deux chofes ; premièrement , d'une habi-
tude parfaite de la touche & du doigter de fon Inflrument ;
en fécond lieu , d'une grande habitude de lire la Mufique
& de phrafer en la regardant : car tant qu'on ne voit que
des Notes ifolées , on héfite toujours à les prononcer : on
n'acquiert la grande facilité de Y Exécution , qu'en les unif-
fant par le fens commun qu'elles doivent former , &. en met-
tant la chofe à la place du figne. C'e/r. ainfi que la mémoire
du Lecteur ne l'aide pas moins que fes yeux, & qu'il liroit
avec peine une langue inconnue , quoiqu'écrite avec les mêmes
caractères , & compofée des mêmes mots qu'il lit couram-
ment dans la fienne.
EXPRESSION ,f.f. Qualité par laquelle le Muficien fent
vivement & rend avec énergie toutes les idées qu'il doit
rendre , & tous les fentimens qu'il doit exprimer. Il y a
une ExpreJJion de Compofition & une d'exécution , & c'clt
de leur concours que réfulte l'effet mufical le plus puilfant
& le plus agréable.
Pour donner de VExpreJfion a fes ouvrages , le Compo-
fitcur doit faifir & comparer tous les rapports qui peuvent
fe trouver entre les traits de fon objet & les productions de
fon Art : il doit connoître ou fentir l'effet de tous les ca-
ractères , afin de porter exactement celui qu'il choifit au de-
gré qui lui convient : car comme un bon Peintre ne donne
E X P 2pj
pas la même lumière à tous (es objets , l'habile Muficien
ne donnera pas non plus la même énergie à tous fes fcnti-
mens , ni la même force à tous fes tableaux , & placera cha-
que Partie au lieu qui convient , moins pour la faire valoir
feule , que pour donner un plus grand effet au tout.
Après avoir bien vu Ce qu'il doit dire, il cherche comment
il le dira , & voici où commence l'application des préceptes
de l'Art , qui eft comme la langue particulière dans laquelle
le Muficien veut fe faire entendre.
La Mélodie , l'Harmonie , le Mouvement , le choix des
Inilrumens ôc des Voix font les élémens du langage mu-
fical ; 6c la Mélodie , par fon rapport immédiat avec l'Ac-
cent grammatical & oratoire , eft celui qui donne le ca-
ractère à tous les autres. Ainfi c'eft toujours du Chant que
fe doit tirer la principale Exprejfwn , tant dans la Mufique
lnftrumentale que dans la Vocale.
Ce qu'on cherche donc à rendre par la Mélodie , c'eft le
Ton dont s'expriment les fentimens qu'on veut repréfenter ,
6c l'on doit bien fe garder d'imiter en cela la déclamation
théâtrale qui n'eft elle-même qu'une imitation , mais la voix
de la Nature parlant fans affectation 6c fans art. Ainfi le
Muficien cherchera d'abord un Genre de Mélodie qui lui
fourniffe les inflexions Muficales les plus convenables au fens
des paroles , en fubordonnant toujours VExpreffîon des mors ;\
celle de la penfée , 6c celle - ci même à la fituation de
l'ame de l'Interlocuteur : car quand on eft fortement af-
fecté , tous les difeours que l'on tient prennent , pour ainfi
dire , la teinte du fendaient général qui domine en nous ,
*94
E X P
& l'on ne querelle poinc ce qu'on aime du ton dont on
querelle un indifférent,
La parole cft diverfement accentuée filon les diverfcs paf-
fions qui l'iafpirent , tantôt aiguë & véhémente , tantôt re-
mise 6c lâche , tantôt variée 6c impétueufe , tantôt égale 6c
tranquille dans fes inflexions. De-là le Muficien tire les dif-
férences des Modes de Chant qu'il emploie & des lieux
divers dans lefquels il maintient la Voix , la faifant pro-
céder dans le bas par de petits Intervalles pour exprimer
les langueurs de la triftefîe 6c de l'abattement , lui arra-
chant dans le haut les Sons aigus de l'emportement 6c de
la douleur ; 6c l'entraînant rapidement par tous les Inter-
valles de fon Diapafon dans l'agitation du défefpoir ou l'éga-
rement des pafïions contraftées. Sur-tout il faut bien obéèr*
ver que le charme de la Mufîque ne confifte pas feulement
dans l'imitation , mais dans une imitation agréable ; 6c que
la déclamation même , pour faire un fi grand effet , doit
être fubordonnée à la Mélodie : de forte qu'on ne peut peindre
le fentiment fans lui donner ce charme fecret qui en eft
inféparable , ni toucher le cœur fi l'on ne plaît à l'oreille.
Et ceci eft encore très - conforme à la Nature , qui donne
au ton des perfonnes fenfibles , je ne fais quelles inflexions
touchantes 6c délicieufes que n'eut jamais celui des gens
qui ne fentent rien. N'allez donc pas prendre le baroque
pour l'exprefTif , ni la dureté pour de l'énergie , ni donner
un tableau hideux des pallions que vous voulez rendre , ni
faire et) un mot comme à l'Opéra François , où le ton p.if-
fionné rclfemble aux cris de la colique , bien plus qu'aux
tianfports de l'amour.
E X P î95<
Le plaifir phyfiquc qui rcfulre de l'Harmonie , augmente
à fon tour le plaifir moral de l'imitation , en joignant les
fcnfations agréables des Accords a X Exprejjlon de la Mélo-
die , par le même principe dont je viens de parler. Mais
l'Harmonie fait plus encore; elle renforce FExpreffïon même,
en donnant plus de julteffe & de précifion aux Intervalles
mélodieux ; elle anime leur caractère , & marquant exacte-
ment leur place dans l'ordre de la Modulation , elle rap-
pelle ce qui précède , annonce ce qui doit fuivre , & lie
ainfi les phrafes dans le Chant comme les idées (e lient
dans le difeours. L'Harmonie , envifagée de cette manière ,
fournit au Coinpofiteur de grands moyens d'Expre/fion, qui
lui échappent quand il ne cherche VExpreffîon que dans la
feule Harmonie ; car alors , au lieu d'animer l'Accent , il
l'étouffé par fes Accords , & tous les Intervalles , confondus
dans un continuel rempliffage , n'offrent à l'oreille qu'une
fuite de Sons fondamentaux qui n'ont rien de touchant ni
d'agréable , & dont l'effet s'arrête au cerveau.
Que fera donc l'Harmoni/te pour concourir à YExpreffton
de la Mélodie & lui donner plus d'effet ? Il évitera foigneu-
fl-mcnt "de couvrir le Son principal dans la combinaifon des
Accords ; il fubordonnera tous fes Accompagnemens à la
Partie chantante ; il en aiguifera l'énergie par le concours
des autres Parties ; il renforcera l'effet de certains paffages
par des Accords fenfiblcs ; il en dérobera d'autres par fup-
pofition ou par fufpenfion , en les comptant pour rien fur h
Baffe ; il fera forcir les Expnffions fortes par des Diffcnan-
ces majeures ; il réfèrvera les mineures pour des fentienena
uj6 E X P
plus doux. Tantôt il liera toutes fes Parties par des Sons
continus & coulés ; tantôt il les fera contrafter fur le Chant
par des Notes piquées. Tantôt il frappera l'oreille par des
Accords pleins ; tantôt il renforcera l'Accent par le choix
d'un feul Intervalle. Par-tout il rendra préfent & fenfible
l'enchaînement des Modulations , & fera fervir la Baffe
& fon Harmonie à déterminer le lieu de chaque païTage
dans de Mode , afin qu'on n'entende jamais un Intervalle
ou un trait de Chant , fans fentir en même tems fon rap-
port avec le tout.
A l'égard du Rhythme , jadis fi puiiïant pour donner de
la force , de la variété , de l'agrément à l'Harmonie Poéti-
que ; fi nos Langues , moins accentuées & moins profodi-
ques , ont perdu le charme qui en réfultoit , notre Mufique
en fubititue un autre plus indépendant du difcours , dans
l'égalité de la Mefure , & dans les diverfes combinaifons de
fes Tems, foit à la fois dans le tout, foit féparément dans
chaque Partie. Les quantités de la Langue font prefque per-
dues fous celles des Notes ; & la Mufique , au lieu de
parler avec la parole , emprunte , en quelque forte , de la
Mefure , un langage à part. La force de VExprcfflbn con-
fiée , en cette partie , à réunir ces deux langages le plus
qu'il elt poffible, & à faire que, fi la Mefure & le Rhythme
ne parlent pas de la même manière , ils difent au moii.s
les mêmes ebofes.
La gaieté qui donne de la vivacité à tous nos mouve-
mens , en doit donner de même à la Mefure ; la trifteflè
re lierre le cœur, ralentit les mouvemens , & la même lan-
gueur
E X P i97
gueur fe fait fentir dans les Chants qu'elle infpire : mais
quand la douleur eft vive ou qu'il fe pa(Te dans l'a me de
grands combats , la parole eft inégale ; elle marche alter-
nativement avec la lenteur du Spondée & avec la rapidité
du Pyrrique , & fouvent s'arrête tout court comme dans le
RéciVtif obligé : c'eft pour cela que les Mufiques les plus
exprefTives , ou du moins les plus parfionnées , font commu-
nément celles où les Tems , quoiqu'égaux entr'eux , font le
plus inégalement divifés ; au lieu que l'image du fommeil ,
du repos , de la paix de l'ame , fe peint volontiers avec des
Notes égales , qui ne marchent ni vite , ni lentement.
Une obfervation que le Compofiteur ne doit pas négliger ,
c'eft que plus l'Harmonie eft recherchée , moins le mouve-
ment doit être vif, afin que l'efprit ait le tems de faifir la
marche des Diiïbnances & le rapide enchaînement àcs Mo-
dulations ; il n'y a que le dernier emportement des pallions
qui permette d'allier la rapidité de la Mefure & la dureté des
Accords. Alors quand la tête eft perdue & qu'à force d'a-
giration l' Acteur femble ne favoir plus ce qu'il dit , ce dé-
fordre énergique & terrible peut fe porter ainfi jufqu'à l'ame
du Speitareur & le mettre de même hors de lui. Mais fi vous
n'êtes bouillant & fublime , vous ne ferez que baroque «Se
froid ; jettez vos Auditeurs dans le délire , ou gardez-vous
d'y tomber : car celui qui 'perd la raifon n'eft jamais qu'un
infenfé aux yeux de ceux qui la confervent, & les foux n'in-
téreffent plus.
Quoique la plus grande force de YExpreffion fe tire de
la combinaifon des Sons , la qualité de leur timbre n'eft pas
Dut. de Mujique. F p
298 E X P
indifférente pour le même effet. Il y a des Voix fortes Se
fonores qui en impofent par leur étoffe ; d'autres légères &
flexibles , bonnes pour les chofes d'exécution ; d'autres fenfi-
bles & délicates , qui vont au cœur par des Chants doux &c
pathétiques. En général les Deffus & toutes les Voix aiguës
font plus propres pour exprimer la tendreffe &c la douceur,
les Baffes & Concordans pour l'emportement ce la colère :
mais les Italiens ont banni les Baffes de leurs Tragédies ,
comme une Partie dont le Chant eft trop rude pour le genre
Héroïque , & leur ont fubftitué les Tailles eu Ténor , dont le
Chant a le même caractère avec un effet plus agréable. Ils
emploient ces mêmes Baffes plus convenablement dans le
Comique pour les rôles à manteaux , & généralement pour
tous les caractères de charge.
Les Inrcrumens ont Hufïi des Exprsjfions très-différentes
félon que le Son en eft fort ou foible , que le timbre en eft
aigre ou doux, que le Diapafon en elt ^rave ou aigu , 6c
qu'on en peut cirer des Sons en plus grande ou moindre
quantité. La Flûte elt tendre , le Hautbois gai , la Trom-
petee guerrier? , le Cor fonore , majeftueux , propre aux gran-
des Exprcjpons. Mais il n'y a point d'Initrument dont on tire
une Exprcjjion plas variée & plus univerfelle que du Violon.
Cet infiniment admirable fait le fond de tous les Orchci'tres,
& ïuffit au grand Compoiiteur pour en tirer tous les effets
que » M i Liens cherchent inutilement dans l'alliage
d'une multitude d'Ioftrumens divers. Le Compo(i:cur doit
connaître le manche du Violon pour Doigter les Airs, pour
dupofer fes Arpèges , pour favoir l'effet des Cordes à vide , &.
E X P 19,
pour employer 5c choifir Tes Tons félon les divers cara itères
qu'ils ont fur cet Infiniment.
Vainement le Compofiteur faura-t-il animer fon Ou-
vrage , fi la chaleur qui doit y régner ne pafTe à ceux qui
l'exécutent. Le Chanteur qui ne voit que des Notes dans
fa Partie , n'eft point en état de faifir VExpreffion d.i Com-
pofiteur , ni d'en donner une à ce qu'il chante , s'il n'en a
bie.i faiii le fens. Il faut entendre ce qu'on lit pour le faire
entendre aux autres , & il ne fuffit pas d'être fenfible en
général, fi l'on ne l'eft en particulier à l'énergie de la Lan-
gue qu'on parle. Commencez donc par bien connoître le
caractère du Chant que vous avez à rendre , fon rapport
au fens des paroles, la distinction de fes phrafes , l'Accent
qu'il a par lui-même , celui qu'il fuppofe dans la voix de
l'Exécutant , l'énergie que le Compofiteur a donnée au Poëte ,
& celle que vous pouvez donner à votre tour au Compofi-
teur. Alors livrez vos organes à toute la chaleur que ces
confidérations vous auront ir.fpirée ; frites ce que vous feriez
ii vous étiez à la fois le Poëte , le Compofiteur , l'Acteur 6c
le Chanteur : & vous aurez toute YExrreJJion qu'il vous eft
pofîîbîe de donner à l'Ouvrage que vous avez à rendre. De
cette manière , il arrivera naturellement que vous mettrez
de la délicateffe & des ornemens dans les Chants qui ne
font qu'élégans & gracieux , du piquant 6c du feu dans ceux
qai font animés 6c gais , des gémifTemens & des plaintes
dans ceux qui font tendres 6c pathétiques , 6c toute l'agita-
tion du Forte-piano dans l'emportement des pâmons violen-
tes. Par-tout où l'on réunira fortement l'Accent mufical a
Pp *
3oo EXT
l'Accent oratoire; par- tout où la Mefure fe fera vivement
fentir & fervira de guide aux Accens du Chant; par -tout
où l'Accompagnement & la Voix (auront tellement accor-
der & unir leurs effets , qu'il n'en réfulte qu'une Mélodie ,
& que l'Auditeur trompé attribue à la Voix les paifages dont
l'Orcheftre l'embellit; enfin par-tout où les ornemens fcbre-
ment ménagés porteront témoignage de la facilité du Chan-
teur , fans couvrir & défigurer le Chant , YExpreflio/i fera
douce 7 agréable 6c forte , l'oreille fera charmée & le cœur
ému ; le phyflque 6c le moral concourront à la fois au plaifir
des écoutans , &c il régnera un tel Accord entre la parole 6c
le Chant , que le tout femblera n'être qu'une langue délicieufe
qui fait tout dire & plaît toujours.
EXTENSION,//! eft, félon Arifloxène , une des quatre
parties de la Mélopée qui coniîfte à foutenir long-tems cer-
tains Sons 6c au-de-là même de leur quantité grammaticale.
Nous appelions aujourd'hui Tenues les Sons ainli foutenus.
( Voyez Tenue. )
F A C 301
F.
Jl ut fa , F fa ut , ou fimplement F. Quatrième Son de
la Gamme Diatonique (Se naturelle, lequel s'appelle autrement
Fa. (Voyez Gamme.)
C'eit aulli le nom de la plus baffe des trois Clefs de la
Mufique. (Voyez Clef.)
FACE , f. f. Combina ifon , ou des Sons d'un Accord en
commençant par un de ces Sons & prenant les autres félon
leur fuite naturelle , ou des touches du Clavier qui forment
le même Accord. D'où il fuit qu'un Accord peut avoir autant
de Faces qu'il y a de Sons qui le compofent ; car chacun
peut être le premier à fon tour.
L'Accord parfait ut mi fol a trois Faces. Par la première,
tous les doigts font rangés par Tierces , & la Tonique eft
fous l'index : par la féconde mi fol ut , il y a une Quarte
entre les deux derniers doigts , & la Tonique eft fous le der-
nier : par la troilîeme fol ut mi, la Quarte eft entre l'index
& le quatrième , & la Tonique eft fous celui - ci. ( Voyez
Renversement. )
Comme les Accords DhTonans ont ordinairement quatre
Sens, ils ont auflï quatre Faces, qu'on peut trouver avec la
même facilité. ( Voyez Doigter. )
FACTEUR , f. m. Ouvrier qui fait des Orgues ou des
Clavecins.
FANFARE , /. /. Sorte d'Air militaire , pour l'ordinaire
302 F A N
court & brillant , qui s'exécute par des Trompettes , & qu'on
imite fur d'autres Inftrumens. La Fanfare efl communément
à deux deffus de Trompettes accompagnées de Tymbales j
& , bien exécutée , elle a quelque chofe de martial & de
gai qui convient fort à fon ufage. De toutes les Troupes de
l'Europe , les Allemandes font celles qui ont les meilleurs
Inltrumens militaires ; aufïi leurs Marches & Fanfares font-
elles un effet admirable. C'eft. une chofe à remarquer que
daas tout le Royaume de France il n'y a pas un feul Trom-
pette qui tonne jufte, & la Nation la plus guerrière de l'Eu-
rope a les Inltrumens militaires les plus difeordans ; ce qui
è pas fans inconvénient. Durant les dernières guerres,
les Payfans de Bohême , d'Autriche & de Bavière , tous
Mi iciens nés, ne pouvant croire que des Troupes réglées
enflent des Inftrumens Ci faux & Ci détef tables , prirent tous
ces vieux Corps pour de nouvelles levées qu'ils commencè-
rent à méprifer, & l'on ne fauroit dire à combien de braves
gens des Tons faux ont coûté la vie. Tant il eft vrai que ,
dans l'appareil de la guerre, il ne faut rien négliger de ce
qui frappe les fens î
FANTAISIE,//; Pièce de Mufique Initrumcntale qu'on
exécute en la compofant. II y a cette différence du Caprice
a la tantaifie , que le caprice eft un recueil d'idées fingu-
lieres & difparates que ralfemble une imagination échauffée ,
& qu'on peut même compoP-T a loilir ; au lieu que la Fan-
peut erre une Pièce très-régulière , qui ne diffère des
autres qu'en ce qu'on L'invente en l'exécutant , & qu'elle
rfeKiiie plus fi-tôt qu'elle eft achevée. Ainii Le Caprice cil
F A U
3=>3
(fans l'efpece & l'afïbrtiment des idées , & la Fantaifie dans
leur promptitude à fe préfenter. Il fuit de-là qu'un Caprice
peut fort bien s'écrire, mais jamais une Fantaifie ; car fi-tôt
qu'elle eit écrite ou répétée , ce n'eft plus une Fantaifie , c'eft
une pièce ordinaire.
FAUCET. (Voyez Fausset.)
FAUSSE-QUARTE. (Voyez Quarte.)
FAUSSE-QUINTE,//. Intervalle diflbnant appelle par
les Grecs hémi-Diapente ,dont les deux termes font dif tans de
quatre Degrés Diatoniques , ainfi que ceux de la Quinte
jufte, mais dont l'Intervalle eit moindre d'un femi-Ton;
celui de la Quinte étant de deux Tons majeurs , d'un Ton
mineur & d'un femi-Ton majeur , ôc celui de la Tauffe-Quintc
feulement d'un Ton majeur , d'un Ton mineur & de deux
femi-Tcns majeurs. Si, fur nos Claviers ordinaires, ondivife
l'Octave en deux parties égales , on aura d'un côté la Faufifie-
Quinte comme fi fia , & de l'autre le Triton comme fia fi :
mais ces deux Intervalles , égaux en ce fens , ne le font ni
quant au nombre des Degrés , puifque le Triton n'en a que
crois ; ni dans la préciiion des rapports , celui de la Faufile-
Quint; étant de 45 à 64 , & celui du Triton de 31 à 45.
L'Accord de Fauffè -Quinte eit renverfé de l'Accord Domi-
nant , en mettant la Note fenfible au grave. Voyez au moc
Accord comment celui-là s'accompagne.
Il faut bien distinguer la FauJJe-Quinte DifTonance , de la
Quinte-Fauffe . réputée Confonnance , & qui n'eft altérée
que par accident. (Voyez Quinte.)
FAUSSE-RELATION,^/; Intervalle diminué ou fuperflu.
C Voyez Relation.)
jo4 F A U
FAUSSET , / m. C'eft cette efpece de voix par laquelle
un homme , fortant à l'aigu du Diapafon de fa voix natu-
relle , imite celle de la femme. Un homme fait , à-peu-près ,
quand il chante le Faujfct , ce que fait un tuyau d'Orgue
quand il o&avie. (Voyez Octavier.)
Si ce mot vient du François faux oppofé à ju/Ie , il faut
l'écrire comme je fais ici , en fuivant l'orthographe de l'En-
cyclopédie : mais s'il vient , comme je le crois , du Latin
fauXyfaucîs, la gorge, il faloit, au lieu des deux s s qu'on
a fubftituées , laifler le c que j'y avois mis : Faucet.
FAUX , adj. & adv. Ce mot eft oppofé à ju/Ie. On chante
Faux quand on n'entonne pas les Intervalles dans leur juf-
teiïe , qu'on forme des Sons trop hauts ou trop bas.
Il y a des voix faujfes , des Cordes faujfes , des Inftru-
mens faux. Quant aux voix , on prétend que le défaut eft
dans l'oreille Ôc non dans la glotte. Cependant j'ai vu des
gens qui chantoient trcs-Faux &c qui accordoient un Inf-
trument très-jufte. La fauiïeté de leur voix n'avoit donc pas
fa caufe dans leur oreille. Pour les Inftrumens , quand les
Tons en font Faux , c'eft que l'Inftrument eft mal conftruit,
que les tuyaux en font mal proportionnés , ou les Cordes
futiles , ou qu'elles ne font pas d'accord ; que celui qui en
joue touche Faux, ou qu'il modifie mal le vent ou les lèvres.
FAUX -ACCORD. Accord difeordant , foit parce qu'.l
contient des DifTonances proprement dites , foit parce que
les Confonnances n'eu font pas juftes. ( Voyez Accord
FAUX. )
FAUX-BOURDON , y: m. Mufiquc a phiCeun Parties ,
mais
F E 1 305
mais fimple & fans Mcfure , donc les Notes font prcfque
toutes égales & dont l'Harmonie eft toujours fyllabique. C'eit
la Pfalmodie des Catholiques Romains chantée à plusieurs
Parties. Le Chant de nos Pfeaumes à quatre Parties peut
auflï paffer pour une efpece de Faux-Bourdon ; mais qui
procède avec beaucoup de lenteur & de gravité.
FEINTE , f. f. Altération d'une Note ou d'un Intervalle
par un Dièfe ou par un Bémol. C'eft proprement le nom
commun & générique du Dièfe & du Bémol accidentels. Ce
mot n'eft plus en ufage ; mais on ne lui en a point fubftitué.
La crainte d'employer des tours furannés énerve tous les
jours notre Langue , la crainte d'employer de vieux mots
l'appauvrit tous les jours : fes plus grands ennemis feront
toujours les purifies.
On appelloit aufïï Feintes les touches Chromatiques du
Clavier , que nous appelions aujourd'hui touches blanches ,
& qu'autrefois on faifoit noires , parce que nos greffiers
ancêtres n'avoient pas fongé à faire le Clavier noir , pour
donner de l'éclat à la main des femmes. On appelle encore
aujourd'hui Feintes coupées celles de ces touches qui font
brifees pour fuppléer au Ravalement.
FETE,//. DiverthTement de Chant & de Danfe qu'on
introduit dans un Acte d'Opéra , & qui interrompt ou fuf-
pend toujours l'action.
Ces Fêtes ne font amufantes qu'autant que l'Opéra même
cft. ennuyeux. Dans un Drame intérefîant & bien conduit, il
feroit impoflible de'les fupporter.
La différence qu'on aflïgne à l'Opéra entre les mots de
Dicl. de Mujique. (^ q
3o5 F I G .
Fête & de Divertijfcment , elt que le premier s'applique plus
particulièrement aux Tragédies , & le fécond aux Ballets.
FI. Syllabe avec laquelle quelques Muficiens folrient le fa
Dièfe , comme ils folfïent par ma le mi Bémol ; ce qui
paroît afTcz bien entendu. ( Voyez Solfier. )
FIGURE. Cet adje&if s'applique aux Notes ou à l'Har-
monie : aux Notes , comme dans ce mot , BaJJ'e-Figurée ,
pour exprimer une Baffe dont les Notes portant Accord ,
font fubdivifées en plufieurs autres Notes de moindre valeur
(Voyez Basse-Figurée. ): à l'Harmonie, quand on emploie
par Suppofirion & dans une marche Diatonique d'autres Notes
que celles qui forment l'Accord. (Voyez Harmonie-Figu-
rée , & Supposition. )
FIGURER , v. a. C'eft paffer plufieurs Notes pour une ;
c'eft faire des Doubles , des Variations ; c'eft ajouter des
Notes au Chant de quelque manière que ce foit : enfin c'eft
donner aux Sons harmonieux une Figure de Mélodie , en les
liant par d'autres Sons intermédiaires. ( Voyez Double ,
Fleurtis , Harmonie-Figurée. )
FILER un Son , c'eft en chantant ménager ù voix , en
forte qu'on puifTe le prolonger long - tems fans reprendre
haleine. Il y a deux manières de Filer un Son : la première
en le foutenant toujours également ; ce qui fe fait pour l'or-
dinaire fur les Tenues où l'Accompagnement travaille : la
féconde en le renforçant ; ce qui cil plus ufité dans les Paf-
fages 6c Roulades. La première manière demande plus de
juftefle, & les Italiens la préfèrent; la féconde a plus d'éclat
& plait davantage aux François.
FIN 307
FIN , / /. Ce mot fe place quelquefois fur la Finale de
la première partie d'un Rondeau , pour marquer qu'ayant
repris cette première partie , c'elt fur cette Finale qu'on
doit s'arrêter & finir. (Voyez Rondeau.)
On n'emploie plus gueres ce mot à cet ufige , les Fran-
çois lui ayant fubftitué le Point-Final à l'exemple des Ita-
lien';. ( Voyez Point-Final. )
FINALE , f. f. Principale corde du Mode qu'on appelle
aufïï Tonique , & fur laquelle TAir ou la Pièce doit finir.
(Voyez Mode.)
Quand on compofe à plufieurs Parties , & fur-tout des
Chœurs , il faut toujours que la Baffe tombe en finiffant fur
la Note même de la Finale. Les autres Parties peuvent s'ar-
rêter fur fa Tierce ou fur fa Quinte. Autrefois c'étoit une
règle de donner toujours , à la fin d'une Pièce , la Tierce
majeure à la Finale , même en Mode mineur ; mais cet ufage
a été trouvé de mauvais goût & tout-à-fait abandonné.
FIXE , adj. Cordes ou Sons Fixes ou {tables. (Voyez Son ,
Stable. )
FLATTE , f. m. Agrément du Chant François , difficile
à définir ; mais dont on comprendra fufTifamment l'effet par
un exemple. (Voyez PL B. Fiff. 13. au mot Flatté.)
FLEURTIS ,/! m. Sorte de Contre -point figuré , lequel
n'eft point fyllabiquc ou Note fur Note. C'eit auffi l'affem-
blage des divers agrémens dont ou orne un Chant trop fim-
ple. Ce mot a vieilli en tout fens. ( Voyez Broderies ,
Doubles , Variations , Passages. )
FOIBLE , adj. Tcms foiùle. ( Voyez Te.ms.)
Qq 1
?o8 F O N
FONDAMENTAL , ad}. Son fondamental eft celui qui
fert de fondement à l'Accord , (Voyez Accord.) ou au Ton,
(Voyez Tonique. ) BilTc-Fondamentale eft celle qui fert de
fondement à l'Harmonie. ( Voyez Basse-Fondamentale. )
Accord Fondamental eft celui dont la Baffe eft Fonda-
mentale , & dont les Sons font arrangés félon l'ordre de leur
génération : mais comme cet ordre écarte extrêmement les
Parties , on les rapproche par des combinaifons ou Renver-
femens , & pourvu que la Baffe refte la même , l'Accord ne
laiffe pas pour cela de porter le nom de Fondamental. Tel
eft , par exemple , cet Accord ut mi fol , renfermé dans un
Intervalle de Quinte : au lieu que dans l'ordre de fa généra-
tion ut fol mi , il comprend une Dixième & même une Dix-
Septième ; puifque Vut fondamental n'eft pas 1a Quinte de
fol , mais l'Octave de cette Quinte.
FORCE , f. f. Qualité du Son appellée aufïï quelquefois
Intenfité , qui le rend plus fenfible & le fait entendre de plus
loin. Les vibrations plus ou moins fréquentes du corps fonore t
font ce qui rend le Son aigu ou grave ; leur plus grand ou
moindre écart de la ligne de repos , eft ce qui le rend fore
ou foible. Quand cet écart eft trop grand & qu'on force l'Inf-
trument ou la voix , ( Voyez Forcer. ) le Son devient bruit
& ceffe d'être appréciable.
FORCER la voix , c'eft excéder en haut ou en bas fon
Diapafon , ou fon volume à force d'iialeine ; c'eft crier au
lieu de chanter. Toute voix qu'on fbree perd fa jufteilt .
Cela arrive même aux Inftrumens où l'on force l'arc ht t OU le
vent ; & voilà pourquoi les François chantent rarement ju
FOR 309
FORLANE , / f. Air d'une Danfe de même nom com-
mune à Venife , fur- tout parmi les Gondoliers. Sa Mefure
eft à £; elle fe bat gaiement, & la Danfe eft aufTi fort gaie.
On l'appelle Forlane parce qu'elle a pris naiifance dans le
Frioul , dont les habitans s'appellent Forlans.
FORT , adj. Ce mot s'écrit dans les Parties , pour mar-
quer qu'il faut forcer le Son avec véhémence , mais fans
le hauffer ; chanter à pleine voix , tirer de l'Iniirument beau-
coup de Son : ou bien il s'emploie pour détruire l'effet du
mot Doux employé précédemment.
Les Italiens ont encore le fuperlatif Fortijfimo , dont on
n'a gueres befoin dans la Mufique Françoife ; car on y chante
ordinairement très-fort.
FORT , adj. Tems fort. ( Voyez Tems. )
FORTE-PIANO. Subftantif Italien compofé , & que les
Muficiens devraient francillr, comme les Peintres ont fran-
cifé celui de Chiaro-Jiuro , en adoptant l'idée qu'il exprime.
Le Forte-piano eft l'art d'adoucir & renforcer les Sons dans
la Mélodie imitative, comme on fait dans la parole qu'elle
doit imiter. Non-feulement quand on parle avec chaleur on
ne s'exprime point toujours fur le même Ton ; mais on ne
parle pas toujours avec le même degré de force. La Mufi-
que , en imitant la variété des Accens 6c des Tons , ■ doit
donc imiter aufli les degrés intenfes ou remiiles de la parole,
& parler tantôt doux, tantôt fort, tantôt à demi-voix; &
voilà ce qu'indique en général le mot Forte-piano.
FRAGiMENS. On appelle ainfi à l'Opéra de Paris le choix
de trois ou quatre Actes de Ballet , qu'on tire de du
3i3 F R A
Opéra , & qu'on ranembîe , quoiqu'ils n'aient aucun rapport
entr'eux , pour être repréfentés fuccefTivement le même jour,
& remplir , avec leurs Entr'actes , la durée d'un Spectacle
ordinaire. Il n'y a qu'un homme fans goût qui puifTe ima-
giner un pareil ramafîîs , & qu'un Théâtre fans intérêt où
l'on puifTe le fupporter.
FRAPPÉ , ad), pris fubfl. C'eft le Tems où l'on baifle la
main ou le pied , & où l'on frappe pour marquer la Mefurc.
(Voyez Thésis. ) On ne frappe ordinairement du pied que
le premier Tems de chaque Mefure ; mais ceux qui coupent
en deux la Mefure à quatre frappent aufïi le troifieme. En
battant de la main la Mefure , les François ne frappent jamais
que le premier Tems & marquent les autres par divers mou-
vemens de main : mais les Italiens frappent les deux pre-
miers de la Mefure a trois , & lèvent le troifieme ; ils frap-
pent de même les deux premiers de la Mefure à quatre &
lèvent les deux autres. Ces mouvemens font plus {Impies &
femblent plus commodes.
FREUON , f. m. Vieux mot qui figniiîe un PufTage rapide
&c prefque toujours Diatonique de plufieurs Notes fur la même
fyllabe ; c'eft à-peu-près ce que l'on a depuis appelle Rouhde ,
avec cette différence que la Roulade dure davantage & s'écrit,
au lieu que le Fredon n'eft qu'une courte addition de goût;
ou , comme on difoit autrefois , une Diminution que le Chan-
teur fait fur quelque Note.
FREDONNER, v. n. £ a. Faire des Frcdons. Ce mot eft
vieux £c ne s'emploie plus qu'en dériûon.
F\JL*\JE , f.J. Pièce ou morceau de Mufiquc où Ton traire ,
F U G 3i,
fclon certaines règles d'Harmonie & de Modulation , un Chant
appelle fujet , en le faifunt paffer fucceffivement & alternati-
vement d'une Partie à une autre.
Voici .les principales règles de la Fugue , dont les unes lui
font propres, & les autres communes avec l'Imitation.
I. Le fujet procède de la Tonique à la Dominante ou de
la Dominante à la Tonique, en montant ou en defeendant.
II. Toute Fugue a fa réponfe dans la Partie qui fuit im-
médiatement celle qui a commencé.
III. Cette réponfe doit rendre le fujet à la Quarte ou à
la Quinte, & par mouvement femblable, le plus exactement
qu'il elt pofïible ; procédant de la Dominante à la Tonique
quand le fujet s'eft annoncé de la Tonique à la Dominante,
&. vice-versâ. Une Partie peut auflî reprendre le même fujet
à l'Octave ou à l'Uniiïbn de la précédente : mais alors c'eft
répétition plutôt qu'une véritable réponfe.
IV. Comme PO&ave fe divife en deux Parties inégales dont
l'une comprend quatre Degrés en montant de la Tonique à
la Dominante , & l'autre feulement trois en continuant de
monter de la Dominante à la Tonique ; cela oblige d'avoir
égard à cette différence dans l'exprefîion du fujet , & de faire
quelque changement dans la réponfe , pour ne pas quitter les
cordes effentielles du Mode. C'eit autre chofe quand on fe
propofe de changer de Ton ; alors l'exactitude même de la
réponfe prife fur une autre corde , produit les altérations pro-
pres à ce changement.
V. Il faut que la Fugue (bit di Minée de telle forte que la
réponfe piaffe entrer avant la fin du premier Chant , afin qu'où
3ii F U G
entende en partie l'une & l'autre à la fois , que par cette
anticipation le fujet fe lie pour ainfi dire à lui-même , & que
l'ait du Compofiteur fe montre dans ce concours. C'eft fe
moquer que de donner pour Fugue un Chant qu'on ne fait
que promener d'une Partie à l'autre , fans autre gêne que de
l'accompagner enfuite à fa volonté. Cela mérite tout au plus
le nom d'Imitation. (Voyez Imitation.)
Outre ces règles , qui font fondamentales , pour réufFir dans
ce genre de Compoiition , il y en a d'autres qui , pour n'être
que de goût , n'en font pas moins effentielles. Les Fugues, en
général , rendent la Mufique plus bruyante qu'agréable ; c'eft
pourquoi elles conviennent mieux dans les Chœurs que par-tout
ailleurs. Or comme leur principal mérite eft de fixer toujours
l'oreille fur le Chant principal ou fujet , qu'on fait pour cela
paffer inceifamment de Partie en Partie , & de Modulation
en Modulation ; le Compofiteur doit mettre tous fes foins à
rendre toujours ce Chant bien diftinct , ou à empêcher qu'il
ne foit étouffé ou confondu parmi les autres Parties. Il y a
pour cela deux moyens ; l'un dans le mouvement qu'il faut
fans ceffe contrafter ; de forte que fi la marche de la Fugue
eft précipitée , les autres Parties procèdent pofément par des
Notes longues ; & au contraire , fi la Fugue marche gra-
vement , que les Accompagncmens travaillent davantage.
Le fécond moyen eft d'écarter l'Harmonie , de peur que les
autres Parties , s'approchant trop de celle qui chante le fujet,
ne fe confondent avec elle , & ne l'empêchent de fe faire
entendre aifez nettement; en forte que ce qui feroit un vice
par-tout ailleurs , devient ici une beauté.
i niti
F U G 5«j
Unité Je Mélodie ; voilà la grande règle commune qu'il
■faut fouvent pratiquer par des moyens différais. 11 faut choi-
fir les Accords , les Intervalles , afin qu'un certain Son , 6c
non pas un autre , fafle l'effet principal ; unité Je Mélodie. Il
faut quelquefois mettre en jeu des Inftrumens ou des Voix
d'efpece différente , afin que la Partie qui doit dominer fe
di (lingue plus aifément ; unité Je Mélodie. Une autre atten-
tion non moins néceffaire , ell , dans les divers enchaînemens
de Modulations qu'amené la marche & îe progrès de la Fu-
gue , de faire que toutes ces" Modulations fe correfpondent à
la fois dans toutes les Parties , de lier le tout dans fon pro-
grès par une exacle conformité de Ton ; de peur qu'une
Partie étant dans un Ton & l'autre dans un autre , l'Har-
monie entière ne foit dans aucun , & ne préfente plus d'effet
finiple a l'oreille , ni d'idée fimple a l'efprit ; unité Je Mé-
lodie. En un mot , dans toute Fuguz , la confufion de Mélodie
& de Modulation eff. en même tems ce qu'il y a de plus à
craindre 6c de plus difficile à éviter ; & le plaifir que donne ce
genre de Mutique étant toujours médiocre , on peut dire qu'une
belle Fugue elt l'ingrat chef-d'œuvre d'un bon Harmonide.
II y a encore plufieurs autres manières de Fugues ; com-
me les Fugues perpétuelles appellces Canons , les JoubLs Fu-
gues , les Contre - Fugues , ou Fugues renverfées , qu'on peut
voir chacune à fon mot , & qui fervent plus à étaler l'art
des Compofiteurs qu'à flatter l'oreille des Ecoutans.
Fugue , du Latin fuga , fuite ; parce que les Parties , par-
tant ainfî fucceflïvement , femblent fe fuir &c fe pourfuivre
l'une l'autre.
Dict. de Mujique, Ri
V4
T U G
FUGUE RENVERSEE. C'cffc une Fagot dont la réponft
fe fait par Mouvement contraire à celui du fjjct. ( V05 cz
Contre-Fugue.)
FUSEE , f. f. Trait rapide & continu qui monte ou def-
cend pour joindre diatoniquement deux Notes à un grand
Intervalle l'une de l'autre. ( Voyez PL C. Fig. 4. ) A moins
que la Fuféa ne foit Notée , il faut , pour l'exécuter , qu'une
des deux Notes extrêmes ait une durée fur laquelle on pui:Iu
palier là Fufée fans altérer la Mefure.
G A I fii
G.
G
re fol, G foi re ut, ou fimplemer.t G. Cinquième Son
de la Gamme Diatonique , lequel s'appelle autrement fol.
(Voyez Gamme.)
C'e/t aufli le nom de la plus haute des trois Clefs de la
Mufique. (Voyez Clef.)
GAI , adv. Ce mot , écrit au-deiïlis d'un Air ou d'un mor-
ceau de Mufique , indique un mouvement moyen entre le
vite & le modéré : il répond au mot Italien Allegro employé
pour le même ufage. (Voyez Allegro.)
Ce mot peut s'entendre aufli du caractère d'une Mufique ,y
indépendamment du Mouvement.
GAILLARDE , f. f. Air à trois Tcms gais d'une Danfe
de même nom. On la nommoit autrefois Romanefque , parce
qu'elle nous eft , dit -on, venue de Rome, ou du moins
d'Italie.
Cette Danfe eft: hors d'ufage depuis long-tems. II en efl
refté feulement un Pas appelle , Pas de Gaillarde.
GAMME, GAMM'UT , ou GAMMA -UT. Table ou
Echelle inventée par Gui Arétin , fur laquelle on apprend
à nommer & a entonner jufle les Degrés de TOétavc par les
fix Notes de Mufique , ut re mi fa fol la , fuivant toutes les
difpofitions qu'on peut leur donner; ce qui s'appelle folfier.
(Voyez ce mor. )
La Gamme a aufli été nommée Main harmonique , parce
Rr *
3»* G A M
que Gui employa d'abord la figure d'une main, fur les doigts
de laquelle il rangea fes Noces , pour montrer les rapports
de fes Hexacordes avec les cinq. Tétracordes des Grecs. Cette
main a été en ufage pour apprendre à nommer les Notes
jufqu'à. l'invention du fi qui a aboli chez nous les Muan-
ces , & par conféquen: la Main harmonique qui fert à les.
expliquer.
Gui Arétin ayant , félon l'opinion commune , ajouté au
Diagramme des Grecs un Tétracorde à l'aigu » cV une corde
au grave, ou plutôt , félon. Meibomius , ayant, par ces addi-
tions , rétabli ce Diagramme dans fon ancienne étendue , il
appeJla cette corde grave Hypoprqflambanomcnos , & la mar-
qua par le r des Grecs ; & comme cette lettre fe trouva ainft
à la tête de l'Echelle , en plaçant dans le haut les Sons gra-
ves , félon la méthode des Anciens r elle a fait donner à cette.
Echelle le nom barbare de Gamme...
Cette Gamme donc , dans toute fon étendue r étoit cotu-
pofée de vingt cordes ou Notes ; c'elt-à-dire , de deux Octa-
ves &c d'une Sixte majeure. Ces cordes étoient repréfentées
par des lettres & par des fylbbes. Les lettres, défignoient
invariablement chacune une corde déterminée de l'Echelle ,.
comme elles font encore aujourd'hui ; mais comme il n'y
avoit d'abord que fix lettres , enfin que fept ,. & qu'il faloit
recommencer d'Octave en Octave, on diftinguoit ces Octa-
ves par les figures des lettres. La première Octave fe mar-
quoit par des lettres capitales de cette manière : r. A.
B. &c. la féconde , par des caractères courans g. a. b. ; &
pour la Sixte furnuméraire , on employoit des lettres doubles,
gg , aa, bb, &c.
I
Quant aux fyllabes , elles ne repréfentoienr que les noms
qu'il faloit donner aux Notes en les chantant. Or , commr
il n'y avoit que fix noms pour fept Notes , c'étoit une
nécefiité qu'au moins lui même nom fût donné à deux diffé-
rentes Notes ; ce qui fe fit de manière que ces deux Notes
mi fa t ou la fa , combattent fur les femi-Tons. Par con-
féquent dès qu'il fe préfentoit un Dièfe ou un Bémol qui
amenoit un nouveau femi-Ton , c'étoient encore des noms
à changer ; ce qui faifoit donner le même nom à diffé-
rences Noces , & différens noms à la même Noce , félon le
progrès du Chanc ; & ces changemens de nom s'appelloieni
Alliances,
On apprenoic donc ces Muances par la Gamme. A la gau-
che de chaque Degré on voyoic une leccre qui indiquoic la
corde prccife apparcenanc à ce Degré. A la droire , dans les
cafés , on crouvoic les différens noms que cette même Note
devoit porter en montant ou en defcendant par Béquarre ou
par Bémol , félon le progrès.
Les difficultés de cette méthode ont fait faire , en divers-
tems , plufieurs changemens à la Gamme. La Figure io,.
Plandie A,repréfente cette Gamme, telle qu'elle eft actuel-
lement ufitce en Italie. C'eft à -peu -près la même chofe
en Efpagne & en Portugal, fi ce n'eft qu'on trouve quel-
quefois à la dernière place la colonne du Béquarre , qui
elt ici la première , ou quelqu'autre différence auiïi peu im-
portante.
Pour fe fervir de cetee Echelle , fi l'on veut chanter au
ûaturel , on applique ut à r de la première colonne , le long
318 G A M
de laquelle on monte jufqu'au la ; après quoi , paflant \
droite dans la colonne du b naturel , on nomme fa ; on
monte au la de la même colonne , puis on retourne dans la
précédente à mi, & ainfi de fuite. Ou bien , on peut com-
mencer par ut au C de la féconde colonne ; arrivé au la
paffer à mi dans la première colonne , puis rcpaffer dans
l'autre colonne au ja. Par ce moyen l'une de ces tranlîtions
forme toujours un femi - Ton ; favoir , la fa : &c l'autre
toujours un Ton; favoir, la mi. Par Bémol, on peut com-
mençai- à Yut en c ou fy 6c faire les tranfitions de la même
manière , &c.
En defcendant par Béquarre on quitte Yut de la colonne
du milieu , pour paiTer au mi de celle par Béquarre , ou au
fa de celle par Bémol ; puis defcendant jufqu'à Yut de cette
nouvelle colonne , on en fort par fa de gauche à droite , par
mi de droite à gauche , &c.
Les Anglois n'emploient pas toutes ces fyllabes, mais feu-
lement les quatre premières ut re mi Ja ; changeant ainfi de
colonne de quatre en quatre Notes , ou de trois en trois par
une méthode femblable a celle que je viens d'expliquer , fi
ce n'elt qu'au lieu de la fa & de la mi , il faut muer par
fa ut , & par mi ut.
Les Allemands n'ont point d'autre Gamme que les lettres
initiales qui marquent les Sons fixes dans les autres Gammes ,
& ils (binent même avec ces lettres de la manière qv
pourra voir au mot Soir. >..
La Gamme Françoifè , autrement dite Gamme du fi ,
levé les uiùurras de toutes ces uanfitions. Elle coniiîic en
C A V 319
une fimplc Echelle de fix Degrés fur deux colonnes , c
celle des lettres. (Voyez PL A. Fig. n.) La première co-
lonne h gauche eft pour chanter par Bémol ; c'ef L-^i-dirc ,
avec un Bémol à la Clef; la féconde, pour chanter au natu-
rel. Voilà tout le myllerc de la Gamme Françoife qui n'a
gueres plus de difficulté que d'utilité , attendu que roi:te
autre altération qu'un Bémol la met a l'inftant hors d'uf. - .
Les autres Gammes n'ont par defius celle-là, que l'avan-
tage d'avoir auffi une colonne pour le Béquarre ; c'cll-à-
cire , pour un Dièfe à la Clef; mais fi -tôt qu'on y met
pluî d'un Dicfe ou d'un Bémol , ( ce qui ne fe faifoir. ja-
mais autrefois , ) toutes ces Gammes font également inutiles.
Aujourd'hui que les Muficiens François chantent tout au
naturel, ils n'ont que faire de Gamme. C fol ut , ut, & C
ne font , pour eux , que la même chofe. Mais dans le fyf-
téme de Gui, ut eft une chofe, & C en eft une autre fort
différente; & quand il a donné à chaque Note une f/llabc
& une lettre , il n'a pas prétendu en faire des fynonymes ;
ce qui eût été doubler inutilement les noms & les em-
barras.
GAVOTTE , / /: Sorte de Danfc dont l'Air eft a deux
Tems, c: fe coupe en deux reprifes; dont chacune com-
mence avec le fécond Tems ôc finit fur le premier. Le mou-
vement de la Gavotte eft ordinairement gracieux, iouvent
gai, quel fois auffi tendre & fent. Elle marque fes phra-
fes êc Ils repos de de:::: en deux Mefures.
IE j f. m. Ne efrererte point , jeune Artific , ce que
c'eftque le Gé,ùe, En as-tu : tu le fens en toi- même. 2-
3» G E N
as-tu pas : tu ne le connoîtras jamais. Le Génie du Mufi-
çien foumet l'Univers entier à fon Art. Il peint tous les ta-
bleaux par des Sons ; il fait parler le filence même ; il rend
les idées par des fentimens, les fentimens par des accens;
ôc les pafïions qu'il exprime , il les excite au fond des cœurs.
La volupté , par lui , prend de nouveaux charmes ; la dou-
leur qu'il fait gémir arrache des cris; il brûle fans cette ôc
ne fe confume jamais. Il exprime avec chaleur les frimats
ôc les glaces ; même en peignant les horreurs de la mort ,
il porte dans l'ame ce fentiment de vie qui ne l'abandonne
point , & qu'il communique aux cœurs faits pour le fentir.
Mais hélas ! il ne fait rien dire à ceux où fon germe n'eft
pas, Ôc fes prodiges font peu fenfibles à qui ne les peut
imiter. Veux-tu donc favoir fi quelque étincelle de ce feu
dévorant t'anime? Cours, vole à Naples écouter les chef-
d'œuvres de Léo , de Durante , de Jommelli, de Pergolèf:.
Si tes yeux s'empliffent de larmes, fi. tu fens ton cœur pal-
piter, fi des trefTaillemens t'agitent, fi l'oppreihon te fuffo-
que dans tes tranfports , prends le Métaftafe & travaille; fon
Génie échauffera le tien ; tu créeras à fon exemple : c'cft-là(
ce que fait le Génie , & d'autres yeux te rendront bientôt
les pleurs que les Maîtres t'ont fait verfer. Mais fi les char-
mes de ce grand Art te lailfent tranquille, Ci tu n'as ni
délire ni raviffement, ii tu ne trouve que beau ce qui tranf-
porte , ofes-tu demander ce qu'eft le Génie? Homme vul-
gaire, ne profane point ce nom fublime. Que t'importeroit
ck le connoître ? tu ne fuurois le fentir : fais de la Muii-
que Françoife.
GENRE ,
G E N 3ii
GÎTNRE,/ m. Divifîon & difpofition du Tétracorde con-
fidéré dans les Intervalles des quatre Sons qui le comro-
fent. On conçoit que cette définition , qui eft celle d'Eucli-
de , n'eft applicable qu'à la Mufique Grecque , dont j'ai à par-
ler en premier lieu.
La bonne conftitution de l'Accord du Tétracorde ; c'eft-
i-dire , Tétabliffement d'un Genre; régulier, dépendoit des
trois règles fuivantes , que je tire d'Ariftoxène.
La première étoit que les deux cordes extrêmes du Té-
tracorde dévoient toujours refter immobiles , afin que leur
Intervalle fut toujours celui d'une Quarte jufte ou du Dia-
teflaron. Quant aux deux cordes moyennes , elles varioienc
à la vérité ; mais l'Intervalle du Lichanos à la Mèfe ne de-
voit jamais paflèr deux Tons, ni diminuer au-de-là d'un Ton;
de forte qu'on avoit précifément l'efpace d'un Ton pour va-
rier l'Accord du Lichanos , & c'efè la féconde règle. La
troifieme étoit que l'Intervalle de la Parhypate, ou féconde
corde à l'Hypate, n'excédât jamais celui de la même Par-
hypate au Lichanos.
Comme en général cet Accord pouvoir fe diversifier de
trois façons , cela conftituoit trois principaux Genres ; favoir,
le Diatonique , le Chromatique & l'Enharmonique. Ces deux
derniers Genres , où les deux premiers Intervalles faifoienc
toujours enfemble une fomme moindre que le troifleme In-
tervalle, s'appelloient à caufe de cela Genres épais ou fer-
rés. (Voyez Epais.)
Dans le Diatonique , la Modulation proecdoit par un femi-
Ton , un Ton , & un autre Ton , Ji ut rc mi ; & comme
Dicl. de Mufiqu:, S s
312 G E N
on y paiïbit par deux Tons confl'cutifs , de-la lui venoit le
nom de Diatonique. Le Chromatique procédoit fuccefîive-
ment par deux femi-Tons & un hémi-Diton ou une Tierce
mineure, 7?, uty ut Dièfe , mi; cette Modulation tenoit le
milieu entre celles du Diatonique & de l'Enharmonique, y
faifant, pour ainfi dire, fentir diverfcs nuances de Sons, de
même qu'entre deux couleurs principales on introduit pluiieurs
nuances intermédiaires, & de-la vient qu'on appelloit ce Genre
Chromatique ou coloré. Dans l'Enharmonique, la Modulation
procédoit par deux Quarrs-de-Xb/2 , en divifant, félon la doc-
trine d'ArifLoxène, le femi-Ton majeur en deux parties éga-
les, & un Diton ou une Tierce majeure, comme fi, fi Dièfe
Enharmonique, ut, 6c mi : ou bien, félon les Pythagori-
ciens, en divifant le femi-Ton majeur en deux Intervalles
inégaux , qui formoient , l'un le femi-Ton mineur ; c'eir-à-
dire , notre Dièfe ordinaire , 6c l'autre le complément de ce
même femi-Ton mineur au femi-Ton majeur, & enfuite
le Diton, comme ci-devant, fi, fi Dicfe ordinaire, ut , mi.
Dans le premier cas, les deux Intervalles égaux du fi a Vut
étoient tous deux Enharmoniques ou d'un Quart-de-7bfl ;
dans le fécond cas, il n'y avoit d'Enharmonique que le paf-
fige du /? Dièfe à Vut; c'c!l-a-dirc , la différence du femi-
Ton mineur au femi-Ton majeur, laquelle eit le Dièfe ap-
pelle </-• Pythagore 6c le véritable Intervalle Enharmonique
;j par la Nature.
Comme donc cette Modulation , dit M. Burette , Ce te-
noit d'abord très-ferrée, ne parcourant que de petits Inter-
valles, des Intervalles prefque inilnhblcs, on la nommoil
G E N
Enharmonique , comme qui diroic bien jointe , bien aûembl
probe coagmentata.
Outre ces Genres principaux, i! y en avoit d'autres qui ré-
fultoient tous des divers partages du Tctracorde, ou de
çons de l'accorder différentes de celles dont je viens de
parler. Ariftoxcne fubdivifé le Genre Diatonique en Synto-
nique 6c Diatonique mol; (Voyez Diatonique.) 6c le Genre
Chromatique en mol , Htmiolien 6c Tonique , ( Voyez
Chromatique:) dont il donne les différences comme je les
rapporte à leurs articles. AriirJde Quintilien fait mention de
plufieurs autres Genres particuliers , 6c il en compte fix qu'il
donne pour très-anciens; favoir, le Lydien, le Dorien , le
Phrygien , l'Ionien , le Mixolydien , 6c le Syntonolydien. Ces
fix Genr'es , qu'il ne faut pas confondre avec les Tons ou
Modes de mêmes noms, différaient par leurs Degrés ainfi
que par leur Accord ; les uns n'arrivoient pas à FOitave ,
les autres l'atteignoient , les autres la paiïoient; en forte qu'ils
participoient à la fois du Genre & du Mode. On en peut
voir le détail dans le AJuficien Grec.
En général le Diatonique fe divife en autant d'efpeces qu'on
peut afligner d'Intervalles différens entre le femi - Ton 6c
le Ton.
Le Chromatique en autant d'cfpcces qu'on peut afligner
d'Intervalles entre le femi-Ton 6c le Dièfe Enharmonique.
Quant à l'Enharmonique , il ne fe fubdivifé point.
Indépendamment de toutes ces fubdivifions , il y avoit en-
core un Genre commun dans lequel on ivcmployoit que de<i
Sons itables qui appartiennent à tous les Genres , & un Genre
bs 2.
324 G E N
mixte qui participent du cara&ere de deux Genres Ou d«r
tous les trois. Or il faut bien remarquer que dans ce mé-
lange de Genres , qui étoit très-rare , on n'employoit pas
pour cela plus de quatre cordes ; mais on les tendoit ou re-
lâchoit diverfement durant une même Pièce; ce qui ne pa-
roît pas trop facile à pratiquer. Je foupçonne que peut-être
un Tétracorde étoit accordé dans un Genre , & un autre dans
un autre ; mais les Auteurs ne s'expliquent pas clairement
là-deflus.
On lit dans Ariftoxène , (I. /. Part. II.) que jufqu'au
tems d'Alexandre, le Diatonique & le Chromatique étoient
négligés des anciens Muficiens , & qu'ils ne s'exerçoient que
dans le Genre Enharmonique , comme le feul digne de leur
habileté ; mais ce Genre étoit entièrement abandonné du
tems de Plutarque* & le Chromatique auffi fut oublié, même
avant Macrobe..
L'étude des écrits des Anciens, plus que le progrès de
notre Mufîque, nous a rendu ces idées, perdues chez leurs
fucceneurs. Nous avons comme eux le Genre Diatonique ,
le Chromatique & l'Enharmonique , mais fans aucunes divi-
fions; & nous confidérons ces Genres fous des idées fort
différentes de celles qu'ils en avoient. C'étoient pour eux
autant de manières particulières de conduire le Chant fur
certaines cordes preferites. Pour nous , ce font autant de
manières de conduire le corps entier de l'Harmonie, qui
forcent les Parties à fuivre les Intervalles preferits par ces
( i wci ; de forte que le Genre appartient encore plus a
rilormonie qui l'engendre , qu'à h Mélodie qui le fait fentir.
G I G |ij
Il faut encore obfcrvcr que , dans notre Mufique , les
Genres font prefque toujours mixtes ; c'elt-à-dire , que le
Diatonique entre pour beaucoup dans le Chromatique , &
que l'un & l'autre font néceflairement mêlés a l'Enharmo-
nique. Une Pièce de Mufique toute entière dans un feul
Genre , feroit très-difficile à conduire & ne feroit pas fup-
porrable ; car dans le Diatonique il feroit impoffible de chan-
ger de Ton : dans le Chromatique on feroit forcé de chan-
ger de Ton à chaque Note , & dans l'Enharmonique il n'y
auroit abfolument aucune forte de liaifon. Tout cela vient
encore des règles de l'Harmonie , qui affujettiffent la fuccef-
fion des Accords à certaines règles incompatibles avec "une
continuelle fuccefiion Enharmonique ou Chromatique ; &
auffi de celles de la Mélodie , qui n'en fauroit tirer de beaux
Chants. Il n'en étoit pas de même des Genres des Anciens.
Comme les Tétracordes étoient également complets , quoi-
que divifés différemment dans chacun des trois fyflcmes ;
fi dans la Mélodie ordinaire un Genre eût emprunté d'un
autre d'autres Sons que ceux qui fe trouvoient nécelfairement
communs entr'eux , le Tétracorde auroit eu plus de quatre
cordes , & toutes les règles de leur Mufique auraient été
confondues.
M. Serre de Genève a fait la difrinction d'un quatrième
Genre duquel j'ai parlé dans fon article. ( Voyez Diacom-
MATIQUE. )
GIGUE,/./. Air d'une Danfe de même nom, dont la
Mefure eft à fix-huit & d'un Mouvement afTez gai. Lts
Opéra François contiennent beaucoup de Gigues , & les Gi-
y„6 G O U
gués de Corrcili ont été long-tems célèbres : mais ces Airs
font entièrement paffés de Mode ; on n'en fait plus du tout
en Italie, & l'on n'en fait plus gueres en France.
GOUT ,/! m. De tous les dons naturels le Goût eft celui
qui fe fent le mieux & qui s'explique le moins ; il ne feroit
pas ce qu'il eft , fi l'on pouvoit le définir : car il juge des
objets fur lefquels le jugement n'a plus de prife , & fert ,
fi j'ofe parler ainfi , de lunettes à la raifon.
Il y a , dans la Mélodie , des Chants plus agréables que
d'autres , quoiqu'également bien Modulés ; il y a , dans
l'Harmonie , des chofes d'effet & des chofts fans effet, tou-
tes également régulières ; il y a dans l'entrelacement des
morceaux un art exquis de faire valoir les uns par les au-
tres , qui tient à quelque chofe de plus fin que la loi des con-
traftes. Il y a dans l'exécution du même morceau des ma-
nières différentes de le rendre , fans jamais fortir de fon
caractère : de ces manières , les unes plaifent plus que les
autres , & loin de les pouvoir foumettre aux règles , on ne
peut pas même les déterminer. Lecteur , rendez - moi rai-
fon de ces différences , &c je vous dirai ce que c'eft que le
Goût.
Chaque homme a un Goût particulier, par lequel il donne
aux chofes qu'il appelle belles & bonnes , un ordre qui
n'appartient qu'à lui. L'un eft plus touché des morceaux
pathétiques , l'autre aime mieux les Airs gais. Une Voix
douce & flexible chargera fes Chants d'ornemens agféâfaks;
une Voix fenfiblc & forte animera les fîcns des accens de
la paffion. L'un cherchera la fimplicité dans la Mélodie :
G O V ?27
l'aurre fera cas des traies recherchés : & tous deux appelle-
ront élégance le Goût qu'ils auront préféré. Cette diverfîté
vient tantôt de la différente difpofition des organes , dont
le Goût enfeigne a tirer parti ; tantôt du caractère particulier
de chaque homme , qui le rend plus fenfible à un plaifir ou
à un défaut qu'a un autre ; tantôt de la diverfîté d'âge ou
de fexe , qui tourne les defirs vers des objets différens.
Dans tous ces cas , chacun n'ayant que fon Goût h. oppo-
fer à celui d'un autre , il efr, évident qu'il n'en faut point
difputer.
Mais il y a auffi un Goût général fur lequel tous les gens
bien organifés s'accordent ; & c'elt celui - ci feulement au-
quel on peut donner abfolument le nom de Goût. Faites
entendre un Concert à des oreilles fuffifamment exercées &
à des hommes fufhfamment inftruits , le plus grand nom-
bre s'accordera , pour l'ordinaire , fur le jugement des mor-
ceaux & fur l'ordre de préférence qui leur convient. De-
mandez à chacun raifon de fon jugement , il y a des chc-
fes fur lèfquelles ils la rendront d'un avis prefque unanime :
ces chofes font celles qui fe trouvent foumifes aux règles ;
& ce jugement commun eit alors celui de l'Artifte ou du
ConnottTeur. Mais de ces chofes qu'ils s'accordent a trouver
bonnes ou mauvaifes , il y en a fur lèfquelles ils ne pour-
ront autorifer leur jugement par aucune raifon folide &
commune à tous; & ce dernier jugement appartient à l'hom-
me de Goût. Que fi l'unanimité parfaire ne s'y trouve pas,
c'elt que tous ne font pas également bien organifés ; que
tous ne font pas gens de Goût , & que les préjuges de l'ha-
3z3 G O U
birude ou de l'éducation changent fbuvenc , par des con*
vendons arbitraires, l'ordre des beautés naturelles. Quant à
ce Goût y on en peut difputer , parce qu'il n'y en a qu'un qui
foit le vrai : mais je ne vois gueres d'autre moyen de ter-
miner la difpute que celui de compter les voix , quand on
ne convient pas même de celle de la Nature. Voilà donc
ce qui doit décider de la préférence entre la Mufique Fran-
çoife & l'Italienne.
Au refte , le Génie crée , mais le Goût choifit : & fou-
vent un Génie trop abondant a befoin d'un Cenfeur févere
qui l'empêche d'abufer de fes richefles. Sans Goût on peut
faire de grandes chofes ; mais c'eft lui qui les rend intéref-
fantes. C'eft le Goût qui fait faifîr au Compoflteur les idées
du Poëte ; c'eft le Goût qui fait faifîr à l'Exécutant les idées
du Compoflteur; c'eft le Goût qui fournit a l'un & à l'au-
tre tout ce qui peut orner & faire valoir leur fujet ; & c'eft
le Goût qui donne à l'Auditeur le fentiment de toutes ces
convenances. Cependant le Goût n'eft point la fenfibilité.
On peut avoir beaucoiap de Goût avec une ame froide , &
tel homme tranfporté des chofes vraiment paflionnées eft peu
touché des gracieufes. Il femble que le Goût s'attache plus
volontiers aux petites expre fiions, & la fenflbilité aux grandes.
GOUT - DU - CHANT. C'eft ainfi qu'on appelle en
France l'Art de Chanter ou de jouer les Notes avec les
mens qui leur conviennent , pour couvrir un peu la
fadeur du Chant François. On trouve à Paris pluficurs
res de Goût - de - Chant , & ce Goût a plufieurs termes
' font propres ; on trouvera les principaux au mot
AoJih.iENS. Le
G R A ii )
Le Goût-du-Chant confifte auffi beaucoup à donner arti-
ficiellement à la voix du Chanteur le timbre , bon ou mau-
vais , de quelque Aéteur ou A&rice à la mode. Tantôt il
confiée à nazillonner, tantôt à canarder , tantôt à chevrotter ,
tantôt à glapir : mais tout cela font des grâces pafiageres qui
changent fans cefle avec leurs Auteurs.
GRAVE ou GRAVEMENT. Adverbe qui marque lenteur
dans le mouvement , & de plus , une certaine gravité dans
l'exécution.
GRAVE , adj. eft oppofé a aigu. Plus les vibrations du
corps fonore font lentes , plus le Son eft Grave. ( Voyez
Son , Gravité. )
GRAVITE,//. C'efr. cette modification du Son paria-
quelle on le confidere comme Grave ou Bas par rapport à
d'autres Sons qu'on appelle Hauts ou Aigus. Il n'y a point
dans la Langue Françoife de corrélatif à ce mot ; car celui
d1 'Acuité n'a pu pafler.
La G avité des Sons dépend de la grofTeur , longueur ,
tenfien des cordes , de la longueur & du diamètre des
ru/aux , ce en général du volume & de la maffe des corps Ço-
nores. Plus ils ont de tout cela, plus leur Gravité eft grande ;
mais il n'y a point de Gravité abiblue , 6c nul Son n\'A
grave ou aigu que par comparaifon.
GROS-FA. Certaines vieilles MuGques d'Eg!ifc , en No-
tes Quarrées , Rondes ou Blanches , s'appdloient jadis du
Gros-fa,
GROUPE , f. m. Selon l'Abbé RrofTard , quatre Notes
égales & Diatoniques , doru la première ce la troifîei
Dul. de lue. T r
333 GUI
fur le même Degré , forment un Groupe. Quand la deuxième
dcfcend & que la quatrième monte, c'eft Groupe a/tendant;
quand la deuxième monte & que la quatrième defcend , c'eft
Groupe defceruiant : & il ajoute que ce nom a été donné à
ces Notes à caufe de la figure qu'elles forment enfemble.
Je ne me fouviens pas d'avoir jamais ouï employer ce mot
en parlant , dans le fens que lui donne l'Abbé Broifard , ni
même de l'avoir lu dans le même fens ailleurs que dans fon
Dictionnaire.
GUIDE ,f. f. C'eft la Partie qui entre la première dans
une Fugue & annonce le fujet. ( Voyez Fugue. ) Ce mot ,
commun en Italie, eft peu ufité en France dans le même fens.
GUIDON , f. m. Petit figne de Mufîque , lequel fe mec
à l'extrémité de chaque Portée fur le Degré où fera placée
la Note qui doit commencer la Portée fuivante. Si cette pre-
mière Note eft accompagnée accidentellement d'un Dièfe ,
d'un Bémol ou d'un Béquarre , il convient d'en accompa-
gner auflj le Guidon.
On ne fe fert plus de Guidons en Italie , fur-tout dans les
Partitions où , chaque Portée ayant toujours dans l'Accolade
fa place fixe , on ne fauroit gueres fe tromper en partant
de l'une à l'autre. Mais les Guidons font nécctlaires dans les
Partitions Françoifes , parce que , d'une ligne a l'autre , lc3
Accolade; , embraifint plus ou moins de Portées , vous îaif-
Lnt dans une continuelle incertitude de la Portée corref-
pondante à celle que vous avez quittée.
GYMNOPÉDIE,/:/. Air ou Nome fur lequel danfoic
à nud les jeunes Latédémoniumcs..
H A R 331
«c ~afcœ- a»
H.
H
-ARMATIAS. Nom d'un Nome dactylique de la Muil-
qiie Grecque , invente par le premier Olympe Phrygien.
HARMONIE , f. f. Le fens que donnoient les Grecs a ce
mot , dans leur Mufique , e(t d'autant moins facile a dé-
terminer , qu'étant originairement un nom propre , il n'a
point de racines par lefquelles on puiffe le décompofer pour
en tirer l'étymologie. Dans les anciens traités qui nous
refèent, l' Harmonie paroît être la Partie qui a pour objet
la fuccefiion convenable des Sons , en tant qu'ils font aigus
ou graves , par oppofition aux deux autres Parties appellées
Rh) thmica 6c Aîetrica , qui fe rapportent au Tcms 6c à la
Mefure : ce qui laiffe à cette convenance une idée vague 6c
indéterminée qu'on ne peut fixer que par une étude ex-
preffe de toutes les règles de l'Art ; 6c encore , après cela ,
l'Harmonie fera- 1- elle fort difrkile à diltinguer de la Mélo-
die , à moins qu'on n'ajoute à cette dernière les idées de
Rhythme & de Mefure , fans lefquelles , en effet , nulle
Mélodie ne peut avoir un caraftere déterminé , au lieu que
Y Harmonie a le fien par elle - même , indépendamment de
toute autre quantité. ( Voyez MÉLODIE. )
On voit , par un paTage de Nicomaque 6c par d'autres ,
qu'ils donnaient aufïî quelquefois le nom d'Harmonie à la
Confor.nance de l'Oclave , & aux Concerts de Voix &
d'Infbrumens qui s'exécutoient a l'Octave , 6c qu'ils appel-
loiv-nt plus communément Antiphoniss.
Tt »
?3i H A R
Harmonie , félon les Modernes, eit une fLcc.Tion d'Ac-
cords félon les loix de la Modulation. Long - tems cette
Harmonie n'eut d'autres principes que des règles prefque
arbitraires ou fondées uniquement fur l'approbation d'une
oreille exercée qui jugeoic de la bonne ou mauvaife fuc-
ceiïion des Confonnances &c dont on mettoit enfuite les
dédiions en calcul. Mais le P. Merfenne & M. Sauveur
ayant trouvé que tout Son , bien que fimple en apparence ,
étoit toujours accompagné d'autres Sons moins feaûbtes qui
formoient avec lui l'Accord parfait majeur , M. Rameau eiè
parti de cette expérience , & en a fait la bafe de fon fyitéme
Harmonique dont il a rempli beaucoup de livres , & qu'enfin
M. d'Alembert a pris la peine d'expliquer au Public.
M. Tartini partant d'une autre expérience plus neuve y
plus délicate & non moins certaine , elt parvenu à des con-
clurions afTez femblables par un chemin tout oppofe. M. Ra-
meau fait engendrer les Deifus par la Uaffe ; M. Tartini
fait engendrer la Balte par les Deuus : celui-ci tire VHar-
ik de la Mélodie. , & le premier fait tout le contraire.
Pour décider de laquelle des deux Ecoles doivent fortir les
meilleurs ouvrages , il ne faut que favoir lequel doit être fait
pour l'autre, du Chant ou de l'Accompagnement. On trou-
vera au mot Syflème un court expofé de celui de M. Tartini.
Je continue à parler ici dans celui de M. Rameau, que j'ai
fuivi dans tout cet ouvrage , comme le ftul admis dans le
pays où j'écris.
Je dois pourtant déclarer que ce SyflènK- , quelque r
nieux qu'il foit , o'elt rien moins que fondé fur la Nature ,
H A II 333
comme il le répète fans ct^e ; qu'il n'eft établi que fur des
analogies & des convenances qu'un homme inventif peut
renverfer demain par d'autres plus naturelles ; qu'enfin , des
expériences dont il le déduit, l'une e/t recornue faufîe, ôc
l'autre ne fournit point les confiquences qu'il en tire. En
effet , quand cet Auteur a voulu décorer du titre de Démonf-
tration les rai fonne mens fur lefquels il établit fa théorie, tout
le monde s'elè moqué de lui; l'Académie a hautement défap-
prouvé cette qualification ohreprice , & M. Elïivc , de la
Société Royale de Montpellier, lui a fait voir qu'à commen-
cer par cette propofition , que , dans la loi de la Nature , les
Octaves des Sons les représentent ôc peuvent fe prendre pour
eux , il n'y avoit rien du tout qui fût démontre , ni même
foliJement établi dans fa prétendue Démonflration. Je reviens
à fon fyftême.
Le principe phyfique de la réfonnence nous offre les Ac-
cords ifolés ôc folitaires ; il n'en établit pas la fucceflion. Une
fuccefhon régulière eft pourtant néceffaire. Un Dictionnaire
de mots choifîs n'eft pas une harangue , ni un recueil de
bons Accords une Pièce de Mufique : il faut un fens , il faut
de la liaifon dans la Mufique ainfi que dans le langage ; il
faut que quelque chofe de ce qui précède fe tranfmette à ce
qui fuit , pour que le tout falfe un enfemble & puiffe être
appelle véritablement un.
Or la fenfation compofée qui réfulte d'un Accord parfait,
fe réfout dans la fenfation abfolue de chacun des Sors qui
le compofent , & dans la fenfation comparée de chacun des
Intervalles que ces mêmes Sons forment enti'tux ; il i:
334 H A R
rien au de-là de fenfible dans cet Accord ; d'où il fuit que
ce n'eir que par le rapport des Sons & par l'analogie des
Intervalles qu'on peut établir la liaifon dont il s'agit , & c'eft-
là le vrai 6c l'unique principe d'où découlent toutes les loix
de V Harmonie 6c de la Modulation. Si donc toute Y Har-
monie n'étoit formée que par une fucceiïion d'Accords par-
faits majeurs, il fuiTiroit d'y procéder par Intervalles femblables
à ceux qui compofent un tel Accord ; car alors quelque Son
de l'Accord précédent fe prolongeant néceffairement dans le
fuivant, tous les Accords fe trouveroient fufhfamment liés
& YHarmonie feroit une , au moins en ce fens.
Mais outre que de telles fuccefïîons excluroient toute Mélo-
die en excluant le Genre Diatonique qui en fait la bafe ,
elles n'iroient point au vrai but de l'Art , puifque la Mufî-
que , étant un difcours , doit avoir comme lui fes périodes ,
fes phrafes , fes fufpenfions , fes repos , fa ponctuation de
toute efpece , & que l'uniformité des marches Harmoniques
n'offriroit rien de tout cela. Les marches Diatoniques exi-
geoient que les Accords majeurs & mineurs fuflent entre-
mêlés , & l'on a fenti la néceflité des Diffonances pour mar-
quer les phrafes 6c les repos. Or , la fucccllion liée des
Accords parfaits majeurs ne donne ni l'Accord parfait mi-
neur, ni la DifTonance , ni aucune efpece de phrafe , & la
ponctuation s'y trouve tour-a-fait en défaut.
M. Rameau voulant abfolumcnt, dans fon Syltcrae, tirer
de la Nature toute notre Harmonie, a eu recours, pour cet
eflfet , à une autre expérience >le fon invention , de laquelle
j'ai parlé ci-devant, 6c qui elt re.ivcrfce de la première. Il a
H A R 335
prétendu qu'un Son quelconque fourniflbit clans fes rr.ulti,
un Accord parfait mineur au grave , dont il étoit la Domi-
nante ou Quinte , comme il en fournit un majeur dans fes
aliquotes , dont il cit. la Tonique ou Fondamentale. Il a
avancé comme un fait allure , qu'une corde ibnore faifoit
vibrer dans leur totalité' , fans pourtant les faire réfenner ,
deux autres cordes plus graves , l'une a fa Douzième ma-
jeure & l'autre à fa Dix-feptieme ; & de ce fait , joint au
précédent, il a déduit fort ingénieufement , non - feulement
l'introduction du Mode mineur & de la Dilïbnance dans
Y Harmonie , mais les règles de la phrafe harmonique &
de toute la Modulation , telles qu'on les trouve aux mots
Accord , Accompagnement , Basse - Fondamentale ,
Cadence , Dissonance , Modulation.
Mais premièrement, l'expérience eft faufie. Il eft reconnu
que les cordes accordées au-defîbus du Son fondamental, ne
frémiirent peint en entier à ce Son fondamental , mais qu'el-
les fe divifent pour en rendre feulement l'unifTon , lequel,
conféquemment , n'a point d'Harmoniques en - defTous. Il eft
reconnu de plus que la propriété qu'ont les cordes de fe
divifer, n'elt point particulière à celles qui font accordées
à la Douzième & a la Dix-feptieme en-defîbus du Son prin-
cipal; mais qu'elle eft commune à tous fes multiples; d'où
il fuit que , les Intervalles de Douzième & de Dix-feptieme
en-deflbus n'étant pas uniques en leur manière , en n'en peut
rien conclure en faveur de l'Accord parfait mineur qu'ils
repréfentent.
Quand on fuppoferoit la vérité de cette expérience , cela.
::6 H A K
ne leveroit pas, à beaucoup près, les difficultés. Si, comme
le prétend M. Kameau , toute YHarmonie eft dérivée de la
réfonnance du corps fonore, il n'en dérive donc point des feules
vibrations du corps fonore qui ne réfonne pas. En effet, c'eit. une
cirange théorie de tirer de ce qui ne réfonne pas, les principes
de YHarmonie \ & c'eft une étrange phyfique de faire vibrer &
non réfonner le corps fonore , comme Ci le Son lui-même étoit
autre chofe que l'air ébranlé par ces vibrations. D'ailleurs, le
corps fonore ne donne pas feulement , outre le Son principal,
les Sons qui compofent avec lui l'Accord parfait, mais une infi-
nité d'autres Sons, formés par toutes les aliquotes du corps fo-
nore, lefqucls n'entrent point dans cet Accord parfait. Pourquoi
les premiers font-ils confonnans, & pourquoi les autres ne le font-
ils pas, puifquMs font tous également donnés par la Nature?
Tout Son donne un Accord vraiment parfait, puiiqu'i]
eit formé de tous fes Harmoniques , & que c'eit par eux
qu'il eit un Son. Cependant ces Harmoniques ne s'enten-
dent pas, & l'on ne diiLingue qu'un Son fimple , a moins
qu'il ne foit extrêmement fort ; d'où il fuit que la feuk bonne
Harmonie eiï l'UniiTon, & qu'aufTi-côt qu'on diftingue les
Confonnances , la proportion naturelle étant altérée, YHar-
monie a perdu fa pureté.
Cette altération fe fait alors de deux manières. Premiè-
rement en faiûnt fonner certains Harmoniques, & non pas
les autres , en change le rapport de force qui doit
«ntr'eux tous , pour produire la fenfation d'un Son unique ,
& l'unité de la Nature eit détruire. On produit, en ci'
bla. , Harmoniques, un efl ' ble à cckii qu'
. ..it
H A R 337
produiront en étouffant tous les autres; car alors il ne faut
pas clouter qu'avec le Son générateur, on n'entendît ceux
des Harmoniques qu'on auroit laiifés : au lieu qu'en les bif-
fant tous, ils s'entre-détruifent & concourent cnfemble à
produire &c renforcer la fenfation unique du Son principal.
C'eft le même effet que donne le plein jeu de l'Orgue , lorf-
qu'ûtant fucceflivement les régiftres , on laiffe avec le prin-
cipal la doublette & la Quinte : car alors cette Quinte &
cette Tierce, qui rcfloient confondues, fe distinguent fépa-
rément & défagréablement.
De plus, les Harmoniques qu'on fait fonner ont eux-
mêmes d'autres Harmoniques, lefquels ne le font pas du
Son fondamental : c'eft par ces Harmoniques ajoutés que
celui qui les produit fe diftingue encore plus durement ; &
ces mêmes Harmoniques qui font ainfi fentir l'Accord n'en-
trent point dans fon Harmonie. Voila pourquoi les Confon-
nances les plus parfaites déplaifent naturellement aux oreil-
les peu faites à les entendre , & je ne doute pas que l'Oc-
tave elle-même ne déplût , comme les autres , fi le mélan-
ge des voix d'hommes & de femmes n'en donnoit l'habitude
dès l'enfance.
C'eft encore pis dans la Dilîbnance, puifque, non-feule-
ment les Harmoniques du Son qui la donnent, mais ce Son
lui-même n'entre point dans le fyftême harmonieux du Son
fondamental : ce qui fait que la Difîbnance fe diltingue
toujours d'une manière choquante parmi tous les autres
Sons.
Chaque touche d'un Orgue, dans le plein-jeu, donne un
Dicl. de Mufique. V v
333 , H A B.
Accord parfait Tierce majeure , qh'on ne diftingue pas du
Son fondamental , à moins qu'on ne foie d'une attention
extrême & qu'on ne tire fucceiïîvement les jeux; mais ces
Sons Harmoniques ne fe confondent avec le principal, qu'à
la faveur du grand bruit & d'un arrangement de régiftres
par lequel les tuyaux qui font réfonner le Son fondamental,
couvrent de leur force ceux qui donnent Ces Harmoniques.
Or, on n'obftrve point & l'on ne fauroit obfervcr cette
proportion continuelle dans un Concert , puifqu'attendu le
renverfement de Y Harmonie^ il faudrait que cette plus grande
force pafTàt a chaque inftant d'une Partie a une autre ; ce
qui n'eft pas praticable , & défigurerait toute la Mélodie.
Quand on joue de l'Orgue , chaque touche de la Balfe
fait fonner l'Accord parfait majeur; mais parce que cette
Baffe n'eft pas toujours fondamentale , & qu'on module fou-
vent en Accord parfait mineur, cet Accord parfait majeuv
eft rarement celui que frappe la main droite ; de forte qu'on
entend la Tierce mineure avec la majeure , la Quinte avec
le Triton , la Septième fuperflue avec l'Octave ; & mille au-
tres cacophonies dont nos oreilles font peu choquées, parce
que l'habitude les rend accommodantes ; mais il n'ef \ poinc
à préfumer qu'il en fût ainii d'une oreille naturellement juf-
te, & qu'on mettrait, pour la première fois, à L'épreuve de
cette Harmonie.
M. Rameau prétend que les DelTus d'une cci raine (impli-
cite fuggeren: naturellement leur Bade, 6c qu'un homme ayant
l'oreille jufte & non exercée, entonnera d nenc cotte
liaife. CVU.-la un préjuge de Muficien i i par toute
H A K ft*
expérience. Non-feulcmcnt celui qui n'aura jamais entendu
ni Baffe ni Harmonie, ne trouvera, de lui-même, ni cette
Harmonie ni cette Butte ; mais elles lui déplairont fi on les lui
fait entendre , ôc il aimera beaucoup mieux le fimple Uniflbn,
Quand on fonge que , de tous les peuples de la terre ,
qui tous ont une Mufique & un Chant, les Européens font
les feuls qui aient une Harmonie , des Accords , & qui
trouvent ce mélange agréable ; quand on fonge que le monde
a duré tant de fiecles, fans que, de toutes les Nations qui
ont cultivé les Beaux-Arts, aucune ait connu cette //.//•-
monij ; qu'aucun animal, qu'aucun oifeau , qu'aucun ùtre
dans la Nature ne produit d'autre Accord que l'Uni.Ton , ni
d'autre Mufique que la Mélodie; que les langues orientales,
fi fonorc% fi muficales; que les oreilles Grecques, fi déli-
cates, ii fenfibles, exercées avec tant d'Art, n'ont jamais
guidé ces peuples voluptueux & paffionnés vers notre Har-
monie ; que, fans elle, leur Mufique avoit des effets fi pro-
digieux ; qu'avec elle la nôtre en a de fi foibles ; qu'enfin
il étoit réfervé à des Peuples du Nord , dont les organes durs
& groffiers font plus touchés de l'éclat & du bruit des Voix ,
que de la douceur des accens &c de la Mélodie des infle-
xions , de faire cette grande découverte &. de la donner pour
principe à toutes les règles de l'Art; quand, dis-je , on fait
attention à tout cela, il eft bien difficile de ne pas foupçon-
ner que toute notre Harmonie n'ell qu'une invention gothi-
que &c barbare, dont nous ne nous fuflions jamais avifés,
fi nous euffions été plus fenfibles aux véritables beautés de
V \xt , & a la Mufique vraiment naturelle.
Vv »
540 H A R
M. Rameau prétend cependant que l'Harmonie eft la
fource des plus grandes beautés de la Muiique ; mais ce fen-
timent eft contredit par les faits & par la raifon. Par les
faits puifque tous les grands effets de la Muiique ont ceffé,
& qu'elle a perdu fon énergie & fa force depuis l'invention du
Contre-point : à quoi j'ajoute que les beautés purement har-
moniques font des beautés favantes , qui ne tranfportent que
êxs gens verfés dans l'Art ; au lieu que les véritables beautés
de la Muiique étant de la Nature , font & doivent être éga-
lement fenlibles à tous les hommes favans & ignorans.
Par la raifon; puifque YHarmonie ne fournit aucun prin-
cipe d'imitation par lequel la Muiique formant des images
ou exprimant des fentimens , fe puifTe élever au genre Dra-
matique ou imitatif, qui elt la partie de l'Art la plus noble,
& la feule énergique ; tout ce qui ne tient qu'au phylique des
Sons , étant très-borné dans le plaifir qu'il nous donne , &
n'ayant que très-peu de pouvoir fur le cœur humain. (Voy.
MitOME.)
HARMONIE. Genre de Mufique. Les Anciens ont fouvent
donné ce nom au Genre appelle plus communément Genre
Enharmonique* ( Voyez Enharmonique.)
HARMONIE DIRECTE, eft celle où la Baffe eft fon-
damentale, & où les Parties fupérieures confervenc l'ordre
direct entre elles <Sc avec cette Baffe. HARMONIE kinvfrsf ,
eft celle où le Son générateur ou fondamental eft dans quel-
qu'une des Parties fupérieures , & où quelqu'autre Son de
l'Accord eft tranfrorté à la Baffe au-deffous des autres. (, Y.
! . ! , R] :a i ri'.)
HARMONIE FIGURÉE, eft celle où l'on fait pa::
H A K 34,
plufieurs Notes fur un Accord. On figure VHarmonie par
Degrés conjoints ou disjoints. Lorfi]u'on figure par Degrés
conjoints , on emploie néceffairement d'autres Notes que
celles qui forment l'Accord , des Notes qui ne fonnent point.
fur la JJafle & font comptées pour rien dans VHarmonie :
ces Notes intermédiaires ne doivent pas fe montrer au com-
mencement des Tems , principalement des Tems forts , fi
ce n'eft comme coulés , ports-de-voix , ou lorsqu'on fait la
première Note du Tems brève pour appuyer la féconde. Mais
quand on figure par Degrés disjoints , on ne peut abfolument
employer que les Notes qui formenc l'Accord , foit confon-
nant , foit dilîonant. UHarmonie fe figure encore par des .Sons
fufpendus ou fuppofés. ( Voyez Supposition , Suspension. )
HARMONIEUX , adj. Tout ce qui fait de l'effet dans l'Har-
monie, & même quelquefois tout ce qui eft fonore & remplit
l'oreille dans les Voix, dans les Initrumens, dans la fïmple
Mélodie.
H/VRMONIQUES , adj. Ce qui appartient à l'Harmonie ;
comme les diviilons Harmoniques du Monocorde , la Pro-
portion Harmonique, le Canon Harmonique, &c.
HARMONIQUE,/ des deux genres. On appelle ainfi tous
les Sons concomitans ou acceflbires qui , par le principe de
la réfonnance, accompagnent un Son quelconque & le rendent
appréciai)!'.'. Ainfi toutes les aliquotes d'une corde fonore en
donnent les Harmoniques. Ce mot s'emploie au r.iaiculin
quand on fous-entend le mot Son , & au féminin quand on
fous-entenJ le mot Corde.
SOSS HARMONIQUES. ( Voyez SonJ
$4* H A II
HARMONISTE , f. m. Mufîckn favant dans l'Harmonie.
Ccfl un bon Harmonifte. Durante efl le plus grand Har-
monise de r Italie ; c'efl-à-dire , du Monde.
HARMONOMETRE./ttz. Infiniment propre à mefurer
les rapports Harmoniques. Si l'on pouvoir obferver & fuivre
à l'oreille & à l'œil les ventres , les nœuds & toutes les di-
vifions d'une corde fonore en vibration , l'on auroit un Har-
monometre naturel très-exa^t ; mais nos fens trop greffiers
ne pouvant fj'fire à ces obfervations , on y fupplée par un
Monocorde que l'on divife à volonté par des chevalets mo-
biles , & c'eft le meilleur Hannonometre naturel que l'on aie
trouvé jufqu'ici. ( Voyez Monocorde. )
HARPALICE. Sorte de Chanfon propre aux filles par-
mi les anciens Grecs. ( Voyez Chanson. )
HAUT, adj. Ce mot figniiie la même chofe qu'X/.Ti/, &
ce terme efl oppofé à bas. C'eft ainfi qu'on dira que le Ton
efl trop Haut , qu'il faut monter l'Inftrumcnt plus Haut.
Haut , s'emploie aufïi quelquefois improprement pour
Fort. Chante\ plus Haut ; on ne vous entend pas.
Les Anciens donnoient à l'ordre des Sons une dénomi-
nation toute oppofée à la nôtre ; ils plaçoient en Haut les
Sons graves , tu en bas les Sons aigus : ce qu'il importe de
remarquer pour entendre plufîeurs de leurs :vs.
Haut , elt encore , dans celles des quatre Parties de la
Mufique qui fe fubdivifent, l'épithete qui difHngue la plus
élevée ou la plus a , Hautb-Contrh, Hautb-Tailj .
. ( Voyi iiors. )
HAUT-DESSUS,/ m, C'eft, quand les Deffus c
H A U
tans fe fubdivifent, la Partie fapérieure. Dans les Parties
inftrumentales on die toujours premier Deffus & ficond Dcf-
Jh< ; mais dans le vocal on dit quelquefois Haut-deJJus &
Bas-diffus.
HAUTE-CONTRE, ALTUS ou CONTRA. Celle des
quatre Parties de laMuiîquequi appartient aux Voix d'hommes
les plus aiguës ou les plus hautes ; par oppofition à la Baffe-
contre qui e(t pour les plus graves ou les plus baffes. ( Voyez
Parties. )
Dans la Mufique Italienne , cette Partie , qu'ils appellent
Contralto , ôc qui répond a la Haute-contre , elt prcfque
toujours chantée par des Bas-deffui , foit femmes , foit Caf-
trati. En effet, la Haute-contre en Voix d'homme n'e/t point
naturelle; il faut la forcer pour la porter à ce Diapafon :
quoi qu'on faffe , elle a toujours de l'aigreur, 8c rarement
de la ju( le (Te.
HAUTE-TAILLE, TENOR, eft eme Partie de la Mu-
fique qu'on appelle auflî fimplement Taille. Quand la Taille
fe fubdivife en deux autres Parties, l'inférieure prend le nom
de Baffe -taille ou Concordant , 8c la fupérieure s'appelle
Haute- taille.
HEMI. Mo: Grec fort ufité dans la Muiîque, 6c qui
fignifie Demi ou moitié. ( Voyez\S'EMi. )
HÉMID1TON. C'étoit, dans la Mufique Grecque, l'In-
tervalle de Tierce majeure, diminuée d'un femi-Ton; c'eft»
à-dire, la Tierce mineure. UHémidlton n'ell point, comme
on pourrait croire , la moitié du Diton ou le Ton : mais
c'clt le Diton moins la moitié d'un Ton ; ce qui eft tout
différent.
#4 H E M
HÉMIOLE. Mot Grec qui fignifie Yentier & demi , &
qu'on a confacré en quelque forte à la Mufique. Il exprime
le rapport de deux quantités dont l'une eiè à l'autre comme
iS à 10, ou comme 3 à 2 : on l'appelle autrement rapport
fefquialtere.
C'eft de ce rapport que naît la Confonnance appellée
Diapente ou Quinte; & l'ancien Rhythme fefquialtere en
naifïbit aufïï.
Les Anciens Auteurs Italiens donnent encore le nom
d'Hémiole ou Hémiolie à cette efpece de Mefure triple donc
chaque Tems eit une Noire. Si cette Noire eiè fans queue ,
la Mefure s'appelle Hemiolia maggiore , parce qu'elle fe bat
plus lentement & qu'il faut deux Noires à queue pour cha-
que Tems. Si chaque Tems ne contient qu'une Noire à
queue , la Mefure fe bat du double plus vite , & s'appelle
Hemiolia minore.
HÉMIOLIEN, adj. C'efè le nom que donne Arilcoxcnc
à l'une des trois efpeces du Genre Chromatique , dont il
explique les diviiions. Le Tétracorde 30 y eft partagé en
crois Intervalles , donc les deux premiers , i-^.ux entreux ,
font chacun la lixieme partie , & dont le croifieme elt les
deux tiers. 5 + 5-4-10 = 30.
HEPTACORDE, HEPTAMER1DE, HEPT APHONE,
HEXACORDE, &c. (Voyez Eptacorde, En >e ,
Eptaphoot , &C. )
Il NON. (Voyez Mœurs.)
I!!- K)NIEN, adj. Nome,ouChâni d*unc- Mélodie
minée <?: lâche, comme Aiillophanc le reproche à Phi-
bne fon Auteur. HOMOPHONIE ,
H O M 34S
HOMOPHONIE , / f. C'étoit, dans la Mufique Grecque
cette efpece de Symphonie qui fe faifoit à l'UnhTon , p-r
oppofition a l'Antiphonie qui s'exécutoit à l'Octave. Ce mot
vient de èp-oç, pareil , & de C&v>?, Son.
HYMEE. Chanfon des Meuniers chez les anciens Grecs,
autrement dite Epiaulie. ( Voyez ce mot. )
HYMENEE. Chanfon des noces chez les anciens Grecs-,
autrement dite Epithalame. ( Voyez Epithalame. )
HYMNE ,//. Chant en l'honneur des Dieux ou des Héros.
Il y a cette différence entre Ylïynine & le Cantique, que
celui-ci fe rapporte plus communément aux actions & VHymnt
aux perfonnes. Les premiers Chants de toutes les Nations
ont été des Cantiques ou des Hymnes. Orphée & Linus
paffoienc, chez les Grecs , pour Auteurs des premières Hymn
&. il nous refte parmi les Poéfies d'Homère un recueil
d'Hymnes en l'honneur des Dieux.
HYPATE , adj. Epithete par laquelle les Grecs diftitt-
guoient le Tétracorde le plus bas , & la "plus baffe corde
de chacun des deux plus bas Tétracordes; ce qui , pour
eux , étoit tout le contraire : car ils fuivoient dans leurs
nominations un ordre rétrograde au nôtre, & plaçoient en
haut le grave que nous plaçons en bas. Ce choix eft arbi»
traire, puifque les idées attachées aux mots Aigu & Grave,
n'ont aucune liaifon naturelle avec les idées attachées aux
mots Haut & Bas.
On appelloit donc Tétracorde Hypaton, ou des 1 typâtes,
celui qui étoit le plus grave de tous , & immédiatement au»
deffus de la ?roJlambanomene ou plus baffe corde du Mode;
DicL de Mujique. Xx
346 H Y P
& l.i première corde du Tétracorde qui fuivoit immédiate-
ment celle-là, s'appelloit Hypate-Hypaton ; c'eft - à -dire,
comme le traduifoient les Latins , la Principale du Tétra-
corde des Principales. Le Tétracorde immédiatement fuivant
du grave à l'aigu s'appelloit Tétracorde Méfon , ou des
moyennes, & la plus grave corde s'appelloit Hypate-Méfon\
c'e(t-à-dire , la principale des moyennes.
Nicomaque le Gérafénien prétend que ce mot àCHypate ,
Principale, Elevée ou Suprême, a été donné à la plus grave
des cordes du Diapafon , par allufion à Saturne , qui des
fept Planètes eft la plus éloignée de nous. On fe doutera
bien par-là que ce Nicomaque étoit Pythagoricien.
HYPATE-HYPATON. C'étoit la plus baffe corde du
plus bas Tétracorde des Grecs , & d'un Ton plus haut que
la Proflambanomene. (Voyez l'Article précédent. )
HYPATE-MESON. C'étoit la plus balTe corde du fécond
Tétracorde , laquelle étoit au Ai la plus aiguë du premier ,
parce que ces deux Tétracordes étoient conjoints. ( Voyez
Hypatb. )
HYPATOIDES. Sons graves. ( Voyez Lefsis. )
HYPERBOLE1EN , ad}. Nome ou Chant de même ca-
ractère que l'Hexarmonien. (Voyi7 I !i\ arménien. )
HYPERDOLÉON. Le Tétracorde Hyperboléon étoit le plus
aigu dïs cinq Tétracordes du Syftéme des Grecs.
Ce mot eft le génitif du fubftantif pluriel xnnfîità, Som-
mets y Extrémité* ; les Sons les plus aigus ùiant à l'extré-
mité des autres.
HYPER- DIAZEUXLS. Disjonction de deux Tétracordes
II Y P 547
féparés par l'Intervalle d'une Octave , comme étoient le Té-
tracorde des Hypates & celui des Hyperbolées.
HYPER-DORIEN. Mode de la Mufique Grecque, autre-
ment appelle Mixo-Lydien , duquel la fondamentale ou To-
nique étoit une Quarte au-dellus de celle du Mode Dorien.
( Voyez Mode. )
On attribue à Pythoclide l'invention du Mode Hyper-
Dorien.
HYPER -EOL1EN. Le pénultième à l'aigu des quinze
Modes de la Mufique des Grecs, & duquel la fondamentale
ou Tonique étoit une Quarte au- déifias de celle du Mode
Eolien. ( Voyez Mode. )
Le Mode Hyper-Eolien , non plus que l'Hyper - Lydien
qui le fuit , n'étoient pas il anciens que les autres. Ai ifrovène
n'en fait aucune mention , & Ptolomée , qui n'en admetcoit
que ftpt , n'y comprenoit pas ces deux-la.
HYPER-IASTIEN , ou Mixo-Ly dieu aigu. C'eft le nom
qu'Euclide ôc plufieurs Anciens donnent au Mode appelle
plus communément Hyper-lonicn.
HYPER-IONIEN. Mode de la Mufique Grecque , appelle
aufli par quelques-uns Hyper-laftien , ou Mixo-LyJicn aigu ;
lequel avoit fa fondamentale une Quarte au-dedus de celle
du Mode Ionien. Le Mode Ionien eft le douzième en ordre
du grave à l'aigu , félon le dénombrement d'Alypius. ( Voy.
Mode.)
HYPER -LYDIEN. Le plus aigu des quinze Modes de
la Mufique des Grecs , duquel la fondamentale étoit une
Qu;.rte au-deinis de celle du Mode Lydien. Ce Mode , non
Xx z
34? H Y P
plus que Ton voifin l'Hyper-Eolien , n'éteit pas fi ancien que
les treize autres ; & Ariff.oxe.ne qui les nomme tous , ne fait
aucune mention de ces deux-là. (Voyez Mode.)
HYPER -MiXO- LYDIEN. Un des Me. ces de la Mufi-
que Grecque, autrement appelle Hyper -Phrygien, (Voyez
ce mot. )
HYPER -PHRYGIEN, appelle auffi par Euclide, Hyper*
mixo-Lydien , eft le plus aigu des treize Modes d'Ariftoxène,
faifant le Diapafon ou l'Octave avec l'Hypo-Dorien le plus
grave de tous. (Voyez Mode.)
HYPO-DIAZEUXIS , eft , félon le vieux Bacchius , l'In-
tervalle de Quinte qui fe trouve entre deux Tétracordes fé-
parés par une disjonction , & de plus par un troisième Té-
tracorde intermédiaire. Ainfi il y a fïypo-Dya\cuxïs entre les
Tétracordes Hypaton & Diézeugménon , & entre les Tetra*
cordes Synnéménon & Hyperboléon. (Voyez Tetracorde.)
HYPO-DOR1EN. Le plus grave de tous les Modes (
l'ancienne Mufique. Euclide dit que c'eft le plus élevé ; mais
Es vrai fens de cette exprefîion eft expliqué au mot llypate*
Le Mode Hypo-Dorien a fa fondamentale une Quarte au-
deffous de celle du Mode Dorien. Il fut inventé, dit -on,
par Philoxène ; ce Mode eft affectueux, mais gai, alliant la
douceur a la majefté.
HYPO-EOLIEN. Mode de l'ancienne Mufique, appelle auffi
par Euclide , Hypo- Lydien grave. Ce Mode a ù fonda-
mentale une Quarte au-deffous de celle du Mode Eolicn.
' MODH. )
HYPO-JASTIKN. (Voyez Hypo-Ioniin. )
II Y P
11 Y PO-IONIEN. Le fécond des Modes de l'antienne Mu-
fique , en commençant par le grave. Euclide l'appelle auflî
Hypo-Iajlien & Hypo-Phrygien grave. Sa fondamentale efr
une Quarte au-deiïbus de celle du Mode Ionien. (Voyez
Mode. )
HYPO-LYDIEN. Le cinquième Mode de l'ancienne Mu-
fique , en commençant par le grave. Euclide l'appelle auili
Hypo-îaflien & Hypo-Phrygien grave. Sa fondamentale eft
une Quarte au - de flous de celle du Mode Lydien. ( Vo .
ModbJ
Euclide diftingue deux Modes Hypo-Lydiens ; favoir, 1"
qui eit celui de cet Article , & le grave qui eït le même que
l'Hypo-Eolien.
Le Mode Hypo-Lydien étoit propre aux Chants funèbres ,
aux méditations fublimes & divines : quelques-uns en attri-
buent l'invention à Polymnefie de Colophon, d'autres à Da-
mon l'Athénien.
HYPO-MIXO-LYDIEN. Mode ajouté par Gui d'Arezzo
à ceux de l'ancienne Mufique : c'eit proprement le Plagal du
Mode Mixo -Lydien , & fa fondamentale eft la même que
celle du Mode Dorien. (Voyez Mode.)
HYPO-PHRYGIEN. Un des Modes de l'ancienne Mufi-
que dérivé du Mode Phrygien dont la fondamentale étoit une
Quarte au-defllis de la fienne.
Euclide parle encore d'un autre Mode Hypo-Phrygien au
grave de celui-ci : c'eft celui qu'on appelle plus corre&emc
Hypo-Ionien. ( Voyez ce mot. )
Le caraftere du Xio^k Hypo-Phrygien étoit calme, y.
?5* H Y P
ble & propre à tempérer la véhémence du Phrygien. Il fut
inventé , dit-on , par Damon , l'ami de Pythias & l'élevé de
Socrate.
mTO-PROSLAMBANOMÉNOS. Nom d'une corde
ajoutée, à ce qu'on prétend , par Gui d'Arezzo un Ton plus
bas que la Proflambanomene des Grecs ; c'elt-a-dire , au-
deflbus de tout le fyftcme. L'Auteur de cette nouvelle corde
l'exprima par la lettre r de l'Alphabet Grec, & de-là ncas
eit venu le nom de la Gamme.
HYPORCHEMA. Sorte de Cantique fur lequel on danfoit
aux fêtes des Dieux.
HYPO-SYNAPHE eft , dans la Mufique des Grecs , la
disjonction des deux Tétracordes féparés par rinterpofition
d'un troifieme Tétracorde conjoint avec chacun des deux ;
en forte que les cordes homologues de deux Tétracordes
disjoints par Hypo -Synaphe , ont entr'elles cinq Tons ou
une Septième mineure d'Intervalle. Tels font les deux Té-
tracordes Hypaton &c Synnéménon.
I A L J5i
I.
I
ALÉME. Sorte de Client funcbrc jadis en ufage parmi les
Grecs , comme le Linos chez le même Peuple , & le Ma-
naos chez les Egyptiens. (Voyez Chanson.)
I A MB I QUE , adj. Il y avoir dans la Muîîque des Anciens
deux fortes de vers Iambiques , dont on ne faifoit que réciter
les uns au fon des Inftrumens, au lieu que les autres fe chan-
taient. On ne comprend pas bien quel effet devoit produire
l'Accompagnement des Inftrumens fur une fimple récitation,
& tout ce qu'on en peut conclure raifonnablement , c'eft que
la plus fimple manière de prononcer la Poéfie Grecque , ou
du moins Vlamùique , fe faifoit par des Sons appréciables ,
harmoniques , &c tenoit encore beaucoup de l'intonation
du Chant.
IASTIEN. Nom donné par Ariftoxène & Alypius au Mode
que les autres Auteurs appellent plus communément Ionien.
(Voyez Mode. )
JEU , / m. L'action de jouer d'un Infiniment. ( Voyez
Jouer.) On dit Plein -Jeu 9 Demi- Jeu , félon la manière
plus forte ou plus douce de tirer les Sons de l'Infcrument.
IMITATION , f. f. La Mufique dramatique ou théâtrale
concourt à l'Imitation , ainfi que la Poéfie & la Peinture:
c'eft à ce principe commun que fe rapportent tous les Beaux*
Arts , comme l'a montré M. le Batteux. Mais cette Imitation
n"a pas pour tous la même étendue. Tout ce que l'imagina-
?5Î I M I
tioQ peut fe rcpréfeiiter eft du reffort de la Poéfie. La Pein-
ture , qui n'offre point fes tableaux à l'imagination , mais au
fens à à un feul fens , ne peint que les objets fournis à la
vue. La Mufique fembleroit avoir les mêmes bornes par rap-
port à l'ouïe ; cependant elle peint tout , même les objets qui
ne font que vifibles : par un preftige prefque inconcevable ,
elle femble mettre l'œil dans l'oreille , & la plus grande mer-
veille d'un Art qui n'agit que par le mouvement , eft d'en
pouvoir former jufqu'à l'image du repos. La nuit, le fommeil,
la folitude & le filence entrent dans le nombre des grands
tableaux de la Mufique. On fait que le bruit peut produire
l'effet du filence , & le filence Tenet du bruit ; comme quand
on s'endort à une lecture égale & monotone , & qu'on s'é-
veille à Tinftant qu'elle ceffe. Mais la Mufique agit plus inti-
mement fur nous en excitant, par un fens , des affections
femblables à celles qu'on peut exciter par un autre ; & ,
comme le rapport ne peut être le.ifible que l'imprefTion ne
foit forte , la Peinture dénuée de cette force ne peut rendre
à la Mufique les Imitations que celle-ci tire d'elle. Que
toute la Nature foit endormie , celui qui la contemple ne
dort pas, & l'art du Muficien confifte à fubltituer à Pin
infenfible de l'objet celle des mouvemens que fi préftnct
excite dans le cœur du Contemplateur. Non - feulement il
agitera la Mer, animera la flamme d'un incendie , fera couler
les ruiffeaux , tomber la pluie & groilir les torrens ; mais il
peindra l'horreur d'un défért affreux , rembrunira les murs
d'une prifon fouterraine , calmera la tempête , rendra Paif
tranquille & ferein , & répandra, de TOrcheltre, une fraîcheur
noi.
I M I 3Si
nouvelle fur les bocages. Il ne représentera pas directement
ces chofes ; mais il excitera dans l'ame les mêmes mouve-
mens qu'on éprouve en les voyant.
J'ai dit au mot Harmonie qu'on ne tire d'elle aucun prin-
cipe qui mené à ['Imitation muficale , puifqu'il n'y a aucun
rapport entre des Accords & les objets qu'on veut peindre ,
ou les pallions qu'on veut exprimer. Je ferai voir au mot
Mélodie quel eft ce principe que l'Harmonie ne fournit
pas , & quels traits donnés par la Nature font employés par
la Mufïque pour repréfenter ces objets & ces parlions.
IMITATION, dans fon fens technique , eft l'emploi d'un
même Chant, ou d'un Chant femblable, dans plufieurs Par-
ties qui fe font entendre l'une après l'autre , à l'Unilîbn , à
la Quinte , à la Quarte , à la Tierce , ou à quelqu'autre Inter-
valle que ce foit. U Imitation eft toujours bien prife , même
en changeant plufieurs Notes ; pourvu que ce même Clia:,t
fe reconnoiilé toujours & qu'on ne s'écarte point des loix
d'une bonne Modulation. Souvent , pour rendre ['Imitation
plus fcnfible , on la fait précéder de filences ou de Nutes
longues qui femblent laiffer éteindre le Chant au moment
que ['Imitation le ranime. On traite l'Imitation comme on
veut; on l'abandonne, on la reprend , on en commence une
autre à volonté ; en un mot , les règles en font auflî reb-
ellées , que celles de la Fugue font féveres : c'eft pourquoi
les grands Maures la dédaignent, & toute Imitation irop
affectée décelé prcfque toujours un Ecolier en compofition.
IMPARFAIT, ad/. Ce mot a plufieurs fens en Mufîque.
Un Accord Imparfait efl , par oppolition à l'Accord par-
Dicl. de Mujique. Y y
fait , celui qui porte une Sixte ou une Diflbnance ; «Se , pat
oppofition à l'Accord plein , c'eft celui qui n'a pas tous les
Sons qui lui conviennent & qui doivent le rendre complet.
( Voyez Accord.)
Le Tems ou Mode Imparfait étoit , dans nos anciennes
Mufîques, celui de la divifion double. (Voyez Mode. )
Une Cadence Imparfaite e(t celle qu'on appelle autremenc
Cadence irréguliere. (Voyez Cadence.)
Une Confonnance Imparfaite elt celle qui peut être ma-
jeure ou mineure , comme la Tierce ou la Sixte. (Voyez
CONSONNANCE. )
On appelle , dans le Plain-Chant , Modes Imparfaits ceux
qui font défeLtueux en haut ou en bas , ôc relient en-deça
d'un dès deux termes qu'ils doivent atteindre..
IMPROVISER , v. n. C'eft faire & chanter impromptu
des Chanfons , Airs 6c paroles , qu'on accompagne commu-
nément d'une Guitare ou autre pareil Infiniment. Il n'y a
rien de plus commun en Italie , que de voir deux Mafques
fe rencontrer; fe défier, s'attaquer, fe ripolter ainfi par des
couplets fur le même Air, avec une vivacité de Dialogue,
de Chant , d'Accompagnement dont il faut avoir été témoin
pour la comprendre.
Le mot Tmprovijhr eft purement Italien : mais comme il
fe rapporte à la Mulique , j'ai été contraint de le francillr
pour faire entendre ce qu'il fignifie.
INCOMPOSÉ , aàj. Mn Intervalle bicompojë eft celui
qui ne peut \c réfôudre en Intervalles plus petits , & n'a
point d'autre élément que lui -mette; tel , par exemple, que
I N H 3SS
le Diéfe Enharmonique , le Comnia , même le femi - Ton.
Chez les Grecs , les Intervalles Incompofés croient dirTé-
rens dans les trois Genres , félon la manière d'accorder les
Tétxacordes. Dans le Diatonique le femi-Ton & chacun
des deux Tons qui le fuivent étoient des Intervalles Incom-
pofè's. La Tierce mineure qui fe trouve entre la troifieme &
la quatrième corde dans le Genre Chromatique , ôc la
Tierce majeure qui fe trouve entre les mêmes cordes dans
le Genre Enharmonique , étoient auflï des Intervalles Incom-
pofés. En ce fens , il n'y a dans le fyitême moderne qu'un feul
Intervalle Incompofé ; favoir, le femi-Ton. (Voyez semi-Ton.)
INHARMONIQUE , adj. Relation Inharmonique, effc ,
félon M. Savérien , un terme de Mufique ; & il renvoie , pour
l'expliquer , au mot Relation , auquel il n'en parle pas. Ce
terme de Mufique ne m'eft point connu.
INSTRUMENT , f. m. Terme générique fous lequel on
comprend tous les corps artificiels qui peuvent rendre &
varier les Sons , à l'imitation de la Voix. Tous les corps
capables d'agiter l'air par quelque choc , & d'exciter en-
fuite , par leurs vibrations , dans cet air agité , des ondula-
tions affez fréquentes , peuvent donner du Son ; & tous les
corps capables d'accélérer ou retarder ces ondulations peu-
vent varier les Sons. (Voyez Son.)
Il y a trois manières de rendre des Sons fur des Inflru-
mens ; favoir , par les vibrations des cordes , par celles de
certains corps élaftiques , &c par la collifion de l'air enfermé
d.uis des tuyaux. J°ai parlé , au mot Mufique , de l'invention
de ces Injl rumens.
Yy *
35* 1 N S
Ils Te divifent généralement en Injïrumens à cordes »
Injirumens à vent , Injïrumens de percuflîon. Les Infiniment
à cordes , chez les Anciens , étoient en grand nombre ; les
plus connus font les fuivans: Lyra , Pfaherium , Trïgoniumy
Sambuca , Cithara , Pcclis , Magas , Barbiton , Tejludo ,
Epiginrum , Sïmmicium , Epandoron , &c. On touchoit tous
ces Injïrumens avec les doigts ou avec le Pleclrum , efpece
d'archet.
Pour leurs principaux Injïrumens à vent, ils avoient ceux
appelles , 77£i# , Tijlula , 7u£û , Cor/zu , Lituus , c<c.
Les Injîrumsns de percuiTion étoient ceux qu'ils nom-
moient , Tympanum , Cymbalum , Crepitaculum , Tintinna-
bulum , Crotalum , &c. Mais plufieurs de ceux-ci ne varioient
point les Sons.
On ne trouvera point ici des articles pour ces Injïrumens
ni pour ceux de la Mufique moderne , dont le nombre elt
exceflîf. La Partie Inftrumentale , dont un autre s'étoit
chargé , n'étant pas d'abord entrée dans le Plan de mon
travail pour l'Encyclopédie , m'a rebuté , par l'étendue des
connoiffances qu'elle exige , de la remettre dans celui-ci.
INSTRUMENTAL. Qui appartient au jeu des Inftru-
mens. Tour de Chant Inftrumental ; Mufique Inltrumenrale.
INTENSE , adj. Les Sons Jntenfes font ceux qui ont le
plus de force , qui s'entendent de plus loin : ce font aufTi ceux
qui , étant rendus par des cordes fort tendues , vibrent p
même plus fortement. Ce mot eft Latin , ainfi que celui de
Remifle qui lui ell oppofé : mais dans les écrits de Mufique
théorique on cil obligé de fiancifer l'un de l'autre.
I N T 357
INTERCIDENCE , f. f. Terme de Plain-Chanr. (Voyez
DlAPTOSR. )
IN rERMEDE , f. m. Pièce de Mufique & de Danfe qu'on
infère à l'Opéra , & quelquefois à la Comédie , entre les
Actes d'une grande Pièce , pour égayer & repofer , en quel-
que forte , l'efprit du Spectateur attrilté par le tragique &
tendu fur les grands intérêts.
Il y a des Intermèdes qui font de véritables Drames co-
miques ou burlefques , lefquels , coupant ainfi l'intérêt par un
intérêt tout différent , balottent & tiraillent , pour ainfi dire ,
l'attention du Spectateur en fens contraire , & d'une manière
très-oppofée au bon goût & à la raifon. Comme la Danfe ,
en Italie , n'entre point & ne doit point entrer dans la confti-
tution du Drame Lyrique, on eit forcé, pour l'admettre fur
le Théâtre , de l'employer hors d'œuvre & détachée de la
Pièce. Ce n'eft pas cela que je blâme ; au contraire , je penfe
qu'il convient d'effacer , par un Ballet agréable , les impref-
fions triftes laiffées par la repréfentation d'un grand Opéra,
& j'approuve fort que ce Ballet faffe un fujet particulier qui
n'appartienne point à la Pièce : mais ce que je n'approuve pas,
c'elt qu'on coupe les Actes par de femblables Ballets qui ,
divifaut ainfi l'a.tion & décruifant l'intérêt, font, pour ainfi
dire, de chaque A&e une Pièce nouvelle.
INTERVALLE , / m. Différence d'un Son à un autre
entre le grave & l'aigu; c'efr tout l'efpace que l'un des deux
auroit à parcourir pour arriver à l'UniiTon de l'autre. La diffé-
rence qu'il y a de Y Intervalle à V Etendue , eft. que ^Inter-
valle eft conûdéré comme indivifé , & l'Etendue comme
*?5S I N T
divifce. Dans l'Intervalle , on ne confidere que les deux ter-
mes ; dans l'Etendue , on en fuppofe d'intermédiaires. l'Eten-
due forme un fyftême ; mais ^Intervalle peut être incompofé.
A prendre ce mot dans fon fens le plus général , il eft évi-
dent qu'il y a une infinité ^Intervalles : mais comme en
Mufique on borne le nombre des Sons à ceux qui compofent
un certain fyllême , on borne auffi par-là le nombre des In-
tervalles à ceux que ces Sons peuvent former entr'eux. De
forte qu'en combinant deux à deux tous les Sons d'un fyftc—
me quelconque , on aura tous les Intervalles poflibles dans ce
même fyitême ; fur quoi il reftera a réduire fous la même cf-
pece tous ceux qui fe trouveront égaux.
Les Anciens divifoient les Intervalles de leur Mufique en
Intervalles {Impies ou incompofés , qu'ils appelloient Dixiè-
mes , & en Intervalles compofés , qu'ils appelloient Syflernes.
(Voyez ces mots.) Les Intervalles, dit Ariftoxcne , différent
entr'eux en cinq manières. i°. En étendue; un grand Inter-
valle diffère ainfï d'un plus petit. 20. En réfonnance ou en Ac-
cord ; c'eft ainû qu'un Intervalle confonnant diffère d'un dif-
fonant. 30. En quantité; comme un Intervalle fimple dif-
fère d'un Intervalle compofé. 40. En Genre ; c'eft ainll que
les Intervalles Diatoniques , Chromatiques , Enharmoniques
différent entr'eux. 5". En nature de rapport ; comme Ylnter-
valle dont la raifon peut s'exprimer en nombres , diffi
d'un Intervalle irrationnel. Difons quelques mots de toutes
ces différences.
I. Le moindre de tous les Intervalles , felpn Bacchius &c
Gaudence , elt le Dïei'c Enharmonique* Le pljs grand, à le
T N T *$
prendre à l'extrémité grave du Mode Hypo-Dorien , jufqi
l'extrémité aiguë de rHypo-mixo-Lydien , feroit de trois Oc-
taves complètes; niais comme il y a une Quinte à retran-
cher , ou même une Sixte , félon un paflage d'Adrafte , cité
par Meibomius , refte la Quarte par-deflus le Dis-Diapafon ;
c'e(t-à-dire, la Dix-huitieme , pour le plus grand Intervalle
du Diagramme des Grecs.
II. Les Grecs divifoient comme nous les Intervalles en
Confonnans & DiiTonans : mais leurs diviiions n'étoient pas
les mêmes que les nôtres. (Voyez Co.vsonxance. ) Ils fub-
divifoienc encore les Intervalles confonnans en deux efpc-
ces , fans y compter l'Unilfon, qu'ils appelloient Homophonk,
ou parité de Sons , & dont Y Intervalle eit nul. La première
efpece étoit Y Antiphonie , ou oppofition des Sons , qui fe
faifoit a l'Octave ou a h double Octave , & qui n'étoit pro-
prement qurune Réplique du même Son; mais pourtant avec
oppofition du grave à l'aigu. La féconde efpece étoit la lJa>-
raphonie , ou diftinction de Sons , fous laquelle on corr.prc-
noit toute Confonnance autre- que l'Octave & fes Répliques ;
tous les Intervalles, dit Théon de Smyrne, qui ne font tri.
Dilfonans , ni Uniffon.
III. Quand les Grecs parlent de leurs Diadèmes eu Tnter-
valles fimples, il ne faut pas prendre ce terme à toute ri-
gueur: car le Diéfis même n'étoit pas , félon eux , exempt
compofition; mais il faut toujours le rapporter au Genre
auquel V IntervalU s'applique. Par exemple, le (èmi-Ton eft
un Intervalle (impie dans le Genre Chiomatique ! 19 le
Diatonique , compofé dans l'Enharmonique, Le Ton eii com-
!*» I N T
pofé dans le Chromatique , & fimple dans le Diatonique ; 6c
le Diton même , ou la Tierce majeure , qui eft un Inter-
valle compofé dans le Diatonique , elt incompofé dans l'En-
harmonique. Ainfî , ce qui elt fyftême dans un Genre , peut
être Dialtème dans un autre , & réciproquement.
IV. Sur les Genres , divifez fucceflivement le même Té-
tracorde, félon le Genre Diatonique, félon le Chromatique,
&c ftlon l'Enharmonique, vous aurez trois Accords différens,
lefquels , comparés entre eux, au lieu de trois Intervalles ,
vous en donneront neuf, outre les combinaifons &c compor-
tions qu'on en peut faire , & les différences de tous ces In-
tervalles qui en produiront des multitudes d'autres. Si vous
comparez, par exemple, le premier Intervalle de chaque
Tétracorde 'dans l'Enharmonique & dans le Chromatique
mol d'Ariftoxène , vous aurez d'un côté un quart ou ^ de
Ton, de l'autre un tiers oujî,& les deux cordes aiguës fe-
ront entr'elles un Intervalle qui fera la différence des deux
précédens , ou la douzième partie d'un Ton.
V. Paffant maintenant aux rapports, cet Article me mené
à une petite digreflion.
Les Ariltoxéniens prétendoient avoir bien fimpliiîé la Mu-
fique par leurs divi fions égales des Intervalles , & fe mo-
quoient fort de tous les calculs de Pythagore. Il me femble
cependant que cette prérendue /implicite n'étoit guéris que
dans les mots , & que fi les Pythagoriciens avoieot un peu
mieux entendu leur Maître &. la Muûque » ils auroient bien-
tôt fermé la bouche à leurs adverfaires.
Pythagore n'avoit pas imaginé le rapport des Soir» qi M
c< cula
I N T 3<3i
calcula le premier. Guidé par L'expérience , il ne fie que pren-
dre note de fes obfervations. Ari/toxène , incommode de
tous ces calculs , bâtie dans fa têre un fyitéme tout diffé-
rent ; & comme s'il eût pu changer la Nature à fon gré ,
pour avoir Amplifié les mots , il crut avoir fimplifié les
chofes, au lieu qu'il fit réellement le contraire.
Comme les rapports des Confonnances étoient (Impies &
faciles à exprimer , ces deux Philofophes étoient d'accord là-
deffus : ils l'étoient même fur les premières Diffonances ;
car ils convenoient également que le Ton étoit la différence
de la Quarte à la Quinte ; mais comment déterminer déjà
cette différence autrement que par le calcul ? Ariitoxène par-
toit pourtant de-là pour n'en point vouloir , & fur ce Ton ,
dont il fe vantoit d'ignorer le rapport , il bàtiffoit toute Çd
doctrine muficale. Qu'y avoit-il de plus aifé que de lui montrer
la fauiïetéde fes opérations & la jufteffé de celles de Pythagore?
Mais , auroit-il dit , je prends toujours des doubles , ou des
moitiés , ou des tiers; cela eil plus (impie & plutôt fait que
vos Gomma , vos Limma , vos Aporomes. Je l'avoue, eût
répondu Pythagore ; mais , dites-moi , je vous prie , comment
vous les prenez, ces doubles, ces moitiés, ces tiers ? L'au-
tre eût répliqué qu'il les entônnoit naturellement, ou qu'il les
prenoit fur fon Monocorde. Eh bien ! eût dit Pythagore,
entonnez-moi juite le quart d'un Ton. Si l'autre eût été allez
charlatan pour le faire, Pythagore eût ajouté : mais e(t-il bien
divifé votre Monocorde ? Montrez - moi , je vous prie , de
quelle méthode vous vous êtes fervi pour y prendre le quart
ou le tiers d'un Ton? Je ne (aurais voir , en pareil cas , ce
Dici. de Mufique. Z z
3';> TNT
q .* \r\ loxène cûr pu ré . Car, de dire que Plnftirument
a voit cté accorde fur la \ oix , outre que c'eût été tomber
dans le cercle , cela ne pouvoit convenir aux x^rirtoxéniens,
puifqu'ils avouoient tous avec leur Chef qu'il faloit exercer
long-tems la Voix fur un Infiniment de la dernière judefTe,
pour venir à bout de bien entonner les Intervalles du Chro-
matique mol & du Genre Enharmonique.
Or , puifqu'il faut des calculs non moins compofés & même
des opérations géométriques plus difficiles pour mefurer les
tiers c< les quarts de Ton d'Ariftoxène , que pour afligner
les rapports de Pythagore , c'eft avec raifon que Nicoma-
que , Doè'ce & plufieurs autres Théoriciens préféraient les
rapports jultes & harmoniques de leur Maître aux divifions
du fyftême Anftoxénien , qui n'étoient pas plus fimples, «Se q.ii
ne donnoient aucun Intervalle dans la juttefTe de fa génération.
Il faut remarquer que ces raifonnemens qui convenoient
à la Mufique des Grecs ne conviendroient pas également à la
nôtre , parce que tous les Sons de notre fyftéme s'accordent
par des Confonnances ; ce qui ne pouvoit fe faire dans le
leur que pour le feul Genre Diatonique.
Il s'enfuit de tout ceci , qu'Ariftoxcne diftinguoit avec
raifon les Intervalles en rationnels & irrationnels; puifque,
bien qu'ils fu.Tent tous rationnels dans le fyftcme de l'ythago-
re, la plupart des DifTonances étoient irrationnelles dans le fien.
Dans la Mufique moderne on confidere aufil les Inter-
valles de plufieurs manières ; (avoir, ou généralement comme
l'efpacc ou la dtftance quelconque de deux S.>ns donnés ,
pu feulement comme celles de ces diflances qui peuvent fe
i N T &
noter , ou enfin comme celles qui fe marquent fur des De-
grés dirférens. Selon le premier fens , toute raifon numéri-
que , comme eft le Comma , ou fourde , comme eft le DiiCc
d'Ariftoxène , peut exprimer un Intervalle. Le fécond fens
s'applique aux feuls Intervalles reçus dans le fyftême de
notre Mufique , dont le moindre cft le femi-Ton mineur
exprimé fur le même Degré par un Dièfe ou par un Bémol.
(Voyez semi-Ton.) La troifieme acception fuppofe quelque
différence de poficion ; c'eft- à-dire ,un ou plusieurs Degrés
encre les deux Sons qui forment ^Intervalle. C'eft à cette
dernière acception que le mot eft fixé dans la pratique : de
forte que deux Intervalles égaux, tels que font la faune;
Quinte & le Triton, portent pourtant des noms diftérens, fi
l'un a plus de Degrés que l'autre.
Nous divifons , comme faifoient les Anciens , les Inter-
valles en Confonnans & DiiTonans. Les Confonnances font
parfaites ou imparfaites. (Voyez Consonnance. ) Les Dif-
fonances font telles par leur nature , ou le deviennent par
accident. Il n'y a que deux Intervalles difïbnans par leur na-
ture ; favoir , la féconde & la feptieme en y comprenant
leurs Octaves ou Répliques : encore ces deux peuvent -ils
fe réduire à un feul ; mais toutes les Confonnances peuvent
devenir diflbnantes par accident. ("Voyez Dissonance.)
De plus, tout Intervalle eft (impie ou redoul . UInter»
valh (impie eft celui qui cft contenu dans les bornes de
l'Octave. Tout Intervalle qui excède cette étendue elt re-
doublé ; c'eft-à-dire , compofé d'une ou plusieurs Octaves,
& de ^Intervalle fimple dont il elt la Réplique.
Z z z.
,«4 1 N X
Les Intervalles (impies fe divifent encore en directs & ren-
verfés. Prenez pour direàt un Intervalle (impie quelconque ,
fon complément à l'Octave eft toujours renverfé de celui-là ,
& réciproquement.
11 n'y a que fix efpeces iïlnterxalks fimples , dont trois
font complémens des trois autres à l'Octave , & par confé-
quent aufli leurs renverfés. Si vous prenez d'abord les moin-
dres Intervalles , vous aurez pour directs , la Seconde , la
Tierce & la Quarte ; pour renverfés , la Septième , la Sixte
& la Quinte. Que ceux-ci fuient directs , les autres feront
renverfés : tout eft réciproque.
Pour trouver le nom d'un Intervalle quelconque , il ne
faut qu'ajouter l'unité au nombre des Degrés qu'il contient.
Ainfi {'Intervalle d'un Degré donnera la Seconde ; de deux ,
la Tierce ; de trois , la Quarte ; de fept , l'O&ave ; de neuf,
la Dixième , &c. Mais ce n'eft pas affez pour bien déter-
miner un Intervalle : car fous le même nom il peut ctre
majeur ou mineur , jufte ou faux , diminué ou fuperflu.
Les Confonnances imparfaites & les deux Diffonances na-
turelles peuvent être majeures ou mineures : ce qui , fans
changer le D^gré , fait dans V Intervalle la différence d'un
femi-Ton. Que fi d'un Intervalle mineur on ôte encore un
femi-Ton , cet Intervalle devient diminué. Si Ton augmente
d'un femi-Ton un Intervalle majeur , il devient fuperflu.
Les Confonnances parfaites font invariables par leur na-
ture. Quand leur Intervalle eft ce qu'il doit être , elles s'ap-
pellent Juftes. Que fi l'on altère cet Intervalle d'un fi mi-
Ton , la Conlbnnancc s'appelle Taujjt ôc devient Diffonancc ;
* N T 3^5
fuperflue , fi le femi-Ton eft ajouré ; diminuée , s'il eft re-
tranche. On donne mal-a-propos le nom de faufiè-Quince à
la Quinte diminuée ; c'eit prendre le Genre pour l'efpece :
la Quinte fuperflue elt tout auflî fau(Te que la diminuée , &
l'eft même davantage à tous égirds.
On trouvera , ( Planche C. Fig. II ) une Table de tous
les Intervalles fimples praticables dans la Mufique , avec
leurs noms , leurs Degrés , leurs valeurs & leurs rapports.
Il faut remarquer fur cette Table que V Intervalle appelle
par les Harmonises Septième fuperflue , n'eft qu'une Sep-
tième majeure avec un Accompagnement particulier ; la vé-
ritable Septième fuperflue , telle qu'elle eft marquée dans la
Table , n'ayant pas lieu dans l'Harmonie , ou n'y ayant lieu
que fuccefïivemenr , comme tranfiticn Enharmonique , jamais
rigoureufement dans le même Accord.
On obfervera aufïî que la plupart de ces rapports peuvent
fe déterminer de plufieurs manières ; j'ai préféré la plus fim-
ple , & celle qui donne les moindres nombre?.
Pour compofer ou redoubler un de ces Inten'alles fim-
ples , il fufrk d'y ajouter l'Octave autant de fois que l'on
veut ; & pour avoir le nom de ce nouvel Intervalle , il fau c
au nom de Ylntervalle fimple ajouter autant de fois fept
qu'il contient d'O&aves. Réciproquement , pour connoître
le fimple d'un Intervalle redoublé dont on a le nom , il ne
faut qu'en rejetter fept autant de fois qu'on le peut ; le relte
donnera le nom de Ylntervalle fimple qui Ta produit. Vou-
lez-vous une Quinte redoublée ; c'eii- à-dire , l'Octave de la
Quiote , ou la Quinte de l'Oclave ? A 5 ajoutez 7 , vous au-
î*6 I N T
Tez ii. La Quinte redoublée eft donc une Douzième. Pou»
trouver le fimple d'une Douzième, rejettez 7 du nombre iz
autanc de fois que vous le pourrez , le refte 5 vous indique
une Quinte. A l'égard du rapport , il ne faut que doubler
le conféquent , ou prendre la moitié de l'antécédent de la
raifon fîmple autant de fois qu'on ajoute d'Octaves , &c l'on
aura la raifon de ^Intervalle redoublé. Ainfi 2,3, étant la
raifon de la Quinte , 1 , 3 , ou 2 , 6 , fera celle de la Dou-
zième , &:c. Sur quoi l'on obfervera qu'en terme de Mufl-
que , compofer ou redoubler un Intervalle , ce n'efl: pas
l'ajouter à lui-même, c'eft. y ajouter une Octave; le tripler,
c'eft en ajouter deux , &c»
Je dois avertir ici que tous les Intervalles exprimés dans
ce Dictionnaire par les noms des Notes , doivent toujours
fe compter du grave à l'aigu ; en forte que cet Intervalle ,
ut fi, n'eit pas une Seconde, mais une Septième; &cji ut,
n'eit pas une Septième , mais une Seconde.
INTONATION , f. f. Action d'entonner. ( Voyez Ex-
TONNER. ) L'Intonation peut être jufte ou faufle , trop haute
ou trop baiïe , trop forte ou trop foible , & alors le mot
Intonation , accompagné d'une épithete , s'entend de la ma-
nière d'entonner.
INVERSE. ( Voyez Renversa )
IONIEN ou IONIQUE , ad,. Le Mode Ionien étoit , en
comptant du grave à l'aigu , le fécond des cinq Modes
moyens de la Mufique des Grecs. Ce »it uulfi
I Tien , & Euçlide l'appelle 1 1 ve. | V<
Mode. )
J O U 3«7
JOUER des Initrumens , c'elt exécuter fur ces Inftrumens
des Airs de Mulique , fur-tout ceux qui leur font propres ,
ou les Chants notés pour eux. On dit, jouer du I "iolon , de
la Balle, du Hautbois, de la Flûte] toucher le Clavecin ,
l'Orgue ; former de la Trompette ; donner du Cor ; pincer
la Guitare , &c. Mais l'affectation de ces termes propres
tient de la pédanterie. Le mot Jouer devient générique &
gagne infenfiblement pour toutes fortes d'Inltrumens.
JOUR. Corde à jour. ( Voyez Vide. )
IRRÉGULIER, adj. On appelle dans le Plain - Chant
Modes Irréguliers ceux dont l'étendue eit trop grande , ou
qui ont quelqu'autre irrégularité.
On nommoit autrefois Cadence îrréguliere celle qui ne
tomboit pas fur une des cordes effentielles du Ton ; mais
3VÏ. Rameau a donné ce nom a une Cadence particulière
dans laquelle la Baffe - fondamentale monte de Quinte ou
defeend de Quarte après un Accord de Sixte - ajoutée*
(Voyez Cadence. )
ISON. Chant en Jfon. ( Voyez Chant. )
JULE ,/.'/; Nom d'une forte d'Hymne ou Chanfon parmi
les Grecs , en l'honneur de Cércs ou de Profcrpine. ( Voyez
Chanson. )
JUSTE > adj. Cette épithete fe donne généralement aux
Intervalles dont les Sons font exactement dans le rapport
qu'ils doivent avoir , & aux Voix qui entonnent toujours
ces Intervalles dans leur jufteffe : mais elle s'applique fpé-
cialement aux Confonnances parfaites. Les imparfaites peu-
vent être majeures ou mineures , les parfaites ne fout que
\6%
JUS
juftes : dès qu'on les akere d'un femi - Ton elles devien-
nent faufies , & par conféquenc Difïbnances. ( Voyez In-
tervalle. )
JUSTE eft aufli quelquefois adverbe. Chanter jufte , Jouer
jufte.
L A.
tXl 36,
L.
A. Nom de la fixieme Note de notre Gamme, inventée
par Guy Arétin. ( Voyez Gamme, Solfier.)
LARGE , adj. Nom d'une forte de Note dans nos vieilles
Muliques , de laquelle on augmentait la valeur en tirant plu-
sieurs traits non-feulement par les côtés , mais par le milieu
de la Note; ce que Mûris blâme avec force comme une hor-
rible innovation.
LARGHETTO. (Voyez La^go.J
LARGO, adv. Ce mot écrit à la tete d'un Air indique
un mouvement plus lent que V Adagio , & le dernier de tous
en lenteur. Il marque qu'il faut filer de longs Sons, étendre
les Tems & la Mcfure , &c.
Le diminutif Larghetto annonce un mouvement un peu
moins îenr que le Largo, plus que YAndante, & très-appro-
chant de Y Andantino.
LEGEREMENT , adv. Ce mot indique un mouvement
encore plus vif que le Gai, un mouvement moyen entre le
gai & le vire. Il répond à-peu-près à l'Italien Vivace.
LEMME , J\ m. Silence ou Paufe d'un Tems bref dans le
Rhythme Cataleptique. (Voyez Rhythme. )
LENTEMENT , adv. Ce mot répond à l'Italien Largo Se
marque un mouvement lent. Son fuperlatif, très - Lentement y
marque le plus tardif de tous les mouvemens.
LEPSIS. Nom Grec d'une des trois parties de l'ancienne
Dicl. de Mufiaue, A a a
$7° L E V
Mélopée , appellée aufli quelquefois Euthia , par laquelle
le Compofiteur difcerne s'il doit placer fon Chant dans le
fy/téme des Sons bas qu'ils appellent Hypatoidcs ; dans celui
des Sons aigus , qu'ils appellent Nétoïdes, ou dans celui des
Sons moyens, qu'ils appellent Méfoïdes. (Voyez Mélopée.)
LEVE , adj. pris fubflantivcment. C'eft le Tems de la
Mefure où on levé la main ou le pied ; c'eft un Tems qui
fuit & précède le frappé; c'eft par conféquent toujours un
Tems foible. Les Tems levés font , à deux Tems , le fé-
cond ; à trois , le troifieme ; à quatre , le fécond & le qua-
trième. (Voyez Arsis. )
LIAISON 9f.f.l\ya. Liaifon d'Harmonie & Liaifon de
Chant.
La Liaifon a lieu dans l'Harmonie , lorfque cette Harmonie
procède par un tel progrès de Sons fondamentaux , que
quelques-uns des Sons qui accompagnoient celui qu'on quitte,
demeurent & accompagnent encore celui où l'on palTc. Il
y a Liaifon dans les Accords de la Tonique & de la Domi-
nante, puifque le même Son fait la Quinte de la première,
& l'Octave de la féconde : il y a Liaifon dans les Accords
de la Tonique & de la fous -Dominante , attendu que le
même Son fert de Quinte à l'une & d'O&ave à l'autre :
enfin, il y a Liaifon dans les Accords diifonans toutes les
fois que la Dilfonance elt préparée, puifque cette prépara-
tion elle-même n'eft autre chofe que la Liaifon. ( Voyez
Préparer.)
La Liaifon dans le Chant a lieu toutes les fois qu'on pafTc
dcu.v ou plufleurs Notes fous un feul coup d'archet ou de
L I C
371
goficr, & fe marque par un trait recourbé dont on couvre
les Notes qui doivent être lices cnfemble.
Dans le Plain - Chant on appelle Liaifon une fuite de
plufieurs Notes parTées fur la même fyllabe , parce que fur
le papier elles {ont ordinairement attachées ou lices enfcmble.
Quelques-uns nomment aulli Liaifon ce qu'on nomme
plus proprement Syncope. (Voyez Syncope. )
LICENCE , f. f. Liberté que prend le Compofiteur &
qui femble contraire aux règles , quoiqu'elle foit dans le
principe des règles ; car voilà ce qui diftingue les Licences
des fautes. Par exemple , c'eft une règle en Compofition de
ne point monter de la Tierce mineure ou de la Sixte mi-
neure à l'Octave. Cette règle dérive de la loi de la liaifon
harmonique , & de celle de la préparation. Quand donc on
monte de la Tierce mineure ou de la Sixte mineure à l'Oc-
tave , en forte qu'il y ait pourtant liaifon entre les deux
Accords , ou que la Diifonance y foit préparée , on prend
une Licence ; mais s'il n'y a ni liaifon ni préparation , l'on
fait une faute. De même , c'eft une règle de ne pas faire
deux Quintes juftes de fuite entre les mêmes Parties , fur-
tout par mouvement femblable ; le principe de cette règle
cft dans la loi de l'unité du Mode. Toutes les fois donc
qu'on peut faire ces deux Quintes fans faire fentir deux
Modes à la fois , il y a Licence : mais il n'y a point de faute.
Cette explication étoit néceflaire , parce que les Muficiens
n'ont aucune idée bien nette de ce mot de Licence.
Comme la plupart des règles de l'Harmonie font fondées
fur des principes arbitraires & changent par Pillage & le goût:
A aa »
37* L I C
des Compolîteurs , il arrive de - là que ces règles varient ,*
font fujettes à la Mode , & que ce qui eft Licence en un
Tems , ne l'eft pas dans un autre. 11 y a deux ou trois fie-
cles qu'il n'étoit pas permis de faire deux Tierces de fuite ,
fur-tout de la même efpece : maintenant on fait des mor-
ceaux entiers tout par Tierces. Nos Anciens ne permettoienc
pas d'entonner diatonique ment trois Tons confécutifs. Aujour-
d'hui nous en entonnons , fans fcrupule t$c fans peine , au-
tant: que la Modulation le permet. Il en elt de même des
fauffes Relations , de l'Harmonie fyncopée , & de mille au-
tres accidens de compofition , qui d'abord furent des fau-
tes , puis des Licences , & n'ont plus rien d'irrégulier au-
jourd'hui*.
LICHANOS , / m. C'elt le nom que portoit , parmi les
Grecs , la troifieme corde de chacun de leurs deux premiers
Tétracordes, parce que cette troifieme corde fe touchoit de
l'index, qu'ils appelloient Lichanos.
La. troifieme corde à l'aigu du plus bas Tétracorde qui:
étoit celui des Hypates , s'appelloit autrefois Lichanos-H} pa-
lon , quelquefois Hypaton - Diutonos , Enkarmonhs » ou
Chromatiké , félon le Genre. Celle du fécond Tétracorde ou
du Tétracorde des moyennes , s'appelloit Lichanos- Méfon r
ou Méfon-Diatonos , &c.
LIEES , adj. On appelle Notes L:Jjs deux ou pîufieurs
Notes qu'on pafTe d'un feul coup d'archet fur le Violon Se
le Violoncelle, ou d'un fcul coup de langue fur la Flûte & le
Hautbois ; en un mot , toutes les Notes qui font fous une
même liaifon.
L I G 373
LIGATURE,//! C'éroit, dans nos anciennes Mufiques ,
l'union par un traie de deux ou plufieurs Notes pallées , ou
diaroniquement, ou par Digrés disjoints fur une même fyl-
Iabe. La figure de ces Notes , qui étoit quarrée , donnoic
beaucoup de facilite pour les lier ainfi ; ce qu'on ne fauroit
faire aujourd'hui qu'au moyen du chapeau , à caufe de la
rondeur de nos Notes.
La valeur des Notes qui compofoient la Ligature varioit
beaucoup félon qu'elles montoient ou defeendoient , félon
qu'elles croient différemment liées, félon qu'elles étoient à
queue ou fans queue , félon que ces queues étoient placées a
droite ou à gauche , afeendantes ou defeendantes ; enfin ,
ftlon un nombre infini de règles fi parfaitement oubliées à
préfeot , qu'il n'y a peut-être pas en Europe un feul Mufi-
cien qui foit en état de déchiffrer des Mufiques de quelque
antiquité,
LIGNE ,f. f. Les Lignes de Mufique font ces traits horî-
fonraux & parallèles qui compofent la Portée, & fur lefquels,
ou dans les efpaces qui les féparent , on place les Notes
félon leurs Degrés. La Portée du Plain- Chant n'eft, que de
quatre Lignes , celle de la Mufique a cinq Lignes fiables
& continues, outre les Lignes pofiiehes qu'on ajoute de tems
en tems au-deffus ou au-deffous de la Porcée pour les Noces
qui paffent fon étendue.
Les Lignes , fuit dans le Plain-Chant , foit dans la Mu-
fique , fe comptent en commençant par la plus baffe. Cette
plus baffe eft la première, la plus haute eft la quatiieme
dans le Phin- Chant, la cinquième dans la Mufique. (Yoy.
Poatliï. )
'374 L I M
LIMMA , / m. Intervalle de la Mufique Grecque , le-
quel eft moindre d'un Comma que le femi-Ton majeur ,
& , retranché d'un Ton majeur , laiiTe pour refte l'Apotome.
Le rapport du Limma eft de 243 à 256, & (d génération
fe trouve , en commençant par ut , à la cinquième Quinte
fi : car alors la quantité dont ce fi eit ftirpaffé par Y ut voifin,
eft précifément dans le rapport que je viens d'établir.
Philolaiïs & tous les Pythagoriciens faifoient du Limma
un Intervalle Diatonique , qui répondoit à notre femi-Ton
majeur. Car , mettant deux Tons majeurs confécutifs , il ne
leur reftoit que cet Intervalle pour achever la Quarte julte
ou le Tétracorde : en forte que , félon eux , l'Intervalle du
mi au fa eût été moindre que celui du fa à fon Dièfe. Notre
Echelle Chromatique donne tout le contraire.
LINOS , f. m. Sorte de Chant rultique chez les anciens
Grecs ; ils avoient auflï un Chant funèbre du même nom ,
qui revient à ce que les Latins ont appelle Nxnia. Les uns
difent que le Linos fut inventé en Egypte ; d'autres en attri-
buoient l'invention à Linus Eubéen.
LIVRE OUVERT. A Livre ouvert, ou A l'ouver-
ture du Livre , adv. Chanter ou jouer à Livre ouvert ,
c'eft exécuter toute Mufique qu'on vous préfente , en jectant
les yeux defTus. Tous les Muficiens fe piquent d'exécuter j
Livre ouvert', nais il y en a peu qui dans cette exécution
prennent bien l'efprit de l'ouvrage , & qui , s'ils ne font pas
des fautes fur la Nore , ne faiient pas du moins des COU
fens dans Pexprdlïon. ( Voyez I H. )
LONG LE, f.f. (Ail «Uns nos anciennes Mufiqwes une
L O U 37S
Norc quarrée avec une queue à droite , ainfi H. Elle vaut
ordinairement quatre Mefures a deux Tems ; c'eft-à-dirc ,
deux Brèves ; quelquefois elle en vaut trois félon le Mode.
( Voyez Mode. )
Mûris & fes contemporains avoient des Longues de trois
efpeces; favoir, la parfaite, l'imparfaite & la double. La
Longue parfaite a, du côte droit, une queue dépendante, U
ou H. Elle vaut trois Tems parfaits , & s'appelle parfaite
elle-même , à caufe , dit Mûris , de fon rapport numérique
avec la Trinité. La Longue imparfaite fe figure comme la
parfaite & ne fe diftingue que par le Mode : on l'appelle
imparfaite , parce qu'elle ne peut marcher feule &c qu'elle doit
toujours être précédée ou fuivie d'une Brève. La Longue
double contient deux Tems égaux imparfaits : elle fe figure
comme la Longue fimple , mais avec une double largeur,
WM. Mûris cite Ariflote pour prouver que cette Note n'efi
pas du Plain-Chant.
Aujourd'hui le mot Longue eft le corrélatif du mot Brève.
(Voyez Brève.) Ainfi toute Note qui précède une Brève
eft une Longue.
LOURE, f.f. Sorte de Danfe dont l'Air eft afTcz lent,
& fe marque ordinairement par la Mefure à f. Quand cha-
que Tems porte trois Notes , on pointe la première , & l'on
fait brève celle du milieu. Lour- eft le nom d'un ancien
Inftrument fembbble à une Mufette , fur lequel on jouoic
l'Air de la Danfe dont il s'agit.
LOURER , v. a. & a. C'efr. nourrir les Sons avec dou-
W6 LUT
ceur & marquer la première Note de chaque Tems plus
fenfiblcment que la féconde , quoique de même valeur.
LUTHIER, y] m. Ouvrier qui fait des Vioions, des Vio-
loncelles , & autres Inflrumens femblables. Ce nom , qui
fignifie Facteur de Luths , eft demeuré par fynecdoque à
cette forte d'Ouvriers ; parce qu'autrefois le Luth étoit l'Inf-
trument le plus commun &c dont il fe faifoit le plus.
LUTRIN,/ m. Pupitre de Chœur fur lequel on met les
Livres de Chant dans les Eglifes Catholiques.
LYCHANOS. ( Voyez LichanosJ
LYDIEN , adj. Nom d'un des Modes de la Mufique des
Grecs , lequel occupoit le milieu entre l'Eolien &c l'Hyper-
Dorien. On l'appejloit au/Ii quelquefois Mode Barbare, parce
qu'il portoit le nom d'un Peuple Adatique.
Euclide diftingue deux Modes Lydiens. Celui-ci propre-
ment dit , & un autre qu'il appelle Lydien ^rave , & qui
ell le même que le Mode Eolien , du moins quant à fa fon-
damentale. ( Voyez Mode. )
Le caractère du Mode Lydien croit animé , piquant , triRe
cependant , pathétique & propre à la moileile ; c'eft pour-
quoi Platon le bannit de ùi République. C'eît fur ce Mode
qu'Orphée apprivoifoit, dit-on , les bétes mêmes , &. qu'Am-
phion bâtit les murs de Thebes. Il fut inventé, les uns dillnt ,
par cet Amphion, fils de Jupiter & d'Antiope; d'autres, par
Olympe, Myfien , difdple de Marfîas; d'autres enfin,
M s : & Pindare dit qu'il fut employé pour la pie-
mitre fois aux tic Nlobé.
LYRIQI E, iiJJ. Oui ap] à !a Lyre. Cette
fe
L Y T
?77
fe donnoic autrefois à la Poéfie faite pour être chantée &
accompagnée de la Lyre ou Cithare par le Chanteur, comme
les Odes & autres Chanfons , à la différence de la Poéfie
dramatique ou théâtrale , qui s'accompagnoit avec des Flûtes
par d'autres que le Chanteur; mais aujourd'hui elle s'appli-
que au contraire à la fade Pocfie de nos Opéra, & par t ■ -
tenfion , h la Mufique dramatique oc imitative da Théâtre.
( Voyez Imitation. )
LYTIERSE. Chanfon des Moiffonneurs chez les anciens
Grecs. ( Voyez Chanson. )
Dicl. de Mufique.
Bbb
37S MAC
te; . ■ - j-^a^-i. ■
M.
M
A. Syllabe avec laquelle quelques Muficiens folfient
le mi Bémol comme ils folfient par fi le ja Dièfe. ( Voyez
Solfier.)
MACHICOTAGE , f. m. C'eft ainfi qu'on appelle, dan*
le Plain - Chant , certaines additions & compofitions de
Notes qui remplirent , par une marche Diatonique , les
Intervalles de Tierces & autres. Le nom de cette manière
de Chant vient de celui des Eccléfiaftiques appelles Ma-
chicots , qui l'exécutoient autrefois après les Enfans de
Chœur.
MADRIGAL. Sorte de Pièce de Mufique travaillée &
favante , qui étoit fort à la mode en Italie au feizieme fiecle ,
& même au commencement du précèdent. Les Madrigaux
fe compofoient ordinairement , pour la vocale , à cinq ou
fix Parties , toutes obligées , à caufe des Fugues & Def-
feins dont ces Pièces étoient remplies : mais les Organises
compofoient & exécutoient auMi des Madrigaux fur l'Orgue,
& Ton prétend même que ce fut fur cet Infiniment que
le Madrigal î\Xl inventé. Ce genre de Contre-point, qui étoit
affujetti à des loix très-rigoureufes , portoit le nom de Jlyk
Madrigalçfque. Plusieurs x^uteurs , pour y avoir excellé , ont
immortalifé leurs noms dans les fafres de l'Art. Tels furent,
enn'autres , Luca Marcntin , Luigi Prcnejlino , Pompi
Nenna , Tommafo Pccci , & fur - tout le fameux Prince dit
M A G 379
Venofa , dont les Madrigaux, pleins de feience & de goût,
étoient admirés par tous les Maîtres , & chantes par toutes
les Dames.
MAGADISER , v. n. C'étoit dans la Mufîque Grecque ,
chanter à l'Octave , comme faifoient naturellement les voix
de femmes & d'hommes mêlées enfemble ; ainfi les Chants
Alagadife's étoient toujours des Antiphonies. Ce mot vient
de Alagas , Chevalet d'infiniment , £c , par extenfion ,
Infiniment à cordes doubles , montées à l'Octave l'une de
l'autre , au moyen d'un Chevalet , comme aujourd'hui nos
Clavecins.
MAGASIN. Hôtel de la dépendance de l'Opéra de Paris,
où logent les Directeurs & d'autres perfonnes attachées à
l'Opéra , & dans lequel efè un petit Théâtre appelle aufïï
Alagafin , ou , Théâtre du Magajin , fur lequel fe font les
premières répétitions. C'eft YOdéum de la Mufîque Françoife.
( Voyez Odeum. )
MAJEUR , adj. Les Intervalles fufceptibles de variations
font appelles Majeurs, quand ils font auffi grands qu'ils
peuvent l'être fans devenir faux.
Les Intervalles appelles parfaits , tels que l'Octave , la
Quinte & la Quarte , ne varient point &: ne font que Jujles j
fi-tôt qu'on les altère ils font faux. Les autres Intervalles
peuvent, fans changer de nom, & fans cefTer d'être juftes,
varier d'une certaine différence : quand cette différence peut
être ôtet- , ils font Majeurs; Mineurs, quand elle peut être
ajoutée.
Ces Intervalles variables font au nombre de cinq : fi-
13bb z
3*o M A I"
voir , le femi - Ton , le Ton , la Tierce , la Sixte 6c la
Septième. A l'égard du Ton & du femi - Ton , leur diffé-
rence du Majeur au Mineur ne fauroit s'exprimer en Notes ,
mais en nombres feulement. Le femi-Ton Majeur eft l'In-
tervalle d'une Seconde mineure, comme de Ji à ut, ou de
mi h fa, 6c fon rapport eft de 15 à \6. Le Ton Majeur elt
la différence de la Quarte à la Quinte, 6c fon rapport eft
de 8 à 9.
Les trois autres Intervalles ; favoir , la Tierce , la Sixte
& la Septième , différent toujours d'un femi-Ton du .\'..:~
jeur au Mineur, & ces différences peuvent fe noter. Ainfi
la Tierce mineure a un Ton 6c demi, 6c la Tierce Majeure
deux Tons.
Il y a quelques autres plus petits Intervalles , comme le
Dièfe 6c le Gomma, qu'on diftingue en Moindres, Mineurs,
Moyens , Majeurs 6c Maximes ; mais comme ces Intervalles
ne peuvent s'exprimer qu'en nombres, ces diflinctions font
inutiles dans la pratique.
Majeur fe dit auffi du Mode , lorfque la Tierce de la
Tonique eft Majeure , 6c alors fouvent le mot Mode ne fait
que fe fous-entendre. Préluder en Majeur , pajj'er du Majeur
au Mineur, 6cc. (Voyez Modk.)
MAIN HARMONIQUE. C'eft le nom que donna 1"
tin a la Gamme qu'il inventa pour montivr !e rapport de
fts Hexacordcs, de fes fix lettres 6c de Tes iîv fy lianes , ftve*
les cinq Tétracordes des Grecs. Il repre l'enta cçttt Gamme
foLS la figure d'une main gauche , fur les doigts de Uq
étoient marqués tous les fons de la Gamme , tant paj
M A I 3S,
lettres correfc.ondnntes , que par les fyllabes qu'il y avoit
jointes, en pafTant , par la règle des Muances , d'un Té-
tracorde ou d'un doigt à l'autre , félon le lieu où fe trou-
voient les deux ferai - Tons de l'Octave par le Béquarre
ou par le Bémol; c'eit -à- dire, félon que les Tétracordes
ctoient conjoints ou disjoints. ( Voyez Gamme , Muangjbs ,
Solfier. )
MAITRE A CHANTER. Muficien qui enfeigne à lire la
ÎVlufique vocale & à chanter fur la Note.
Les fonctions du Mauve à Chanter fe rapportent à deux
objets principaux. Le premier , qui regarde la culture de la
voix , elt d'en tirer tout ce qu'elle peut donner en fait de
Chant , foit par l'étendue-, foit par la juftefle , foit par le
timbre , foit par la légèreté , foit par l'art de renforcer &
radoucir les Sons , & d'apprendre à les ménager & modifier
avec tout l'art poflîble. (Voyez Chant, Vojx. )
Le fécond objet regarde l'étude des figues ; c'eit-à-dire ,
l'art de lire la Note fur le papier , & l'habitude de la déchif-
frer avec tant de facilité , qu'à l'ouverture du livre on foit
en état de chanter toute forte de Mufique. ( Voyez Note ,
Solfier. )
Une troifïeme partie des fonctions du Maître à Chanter
regarde la connoifTance de la Langue , fur-tout des Accens,
de la quantité 6c de la meilleure manière de prononcer ;
parce que les défauts de la prononciation font beaucoup plus
fenT les dans le Chant que dans la parole, & qu'une Vo-
cale bien faite ne doit être qu'une manière plus énergique 6c
plus agréable de marquer la Profodie 6c les Accens. ( Voyez
Accent.)
jSt MAI
MAITRE DE CHAPELLE. ( Voyez Maître de Mu-
sique. )
MAITRE DE MUSIQUE. Muficien gagé pour compofer
de la Mufique ôc la faire exécuter. C'eft le Maître de Mu-
fique qui bat la Mefure & dirige les Muficiens. Il doit favoir
la compofition, quoiqu'il ne compofe pas toujours la Mufique
qu'il fait exécuter. A l'Opéra de Pans , par exemple , l'em-
ploi de battre la Mefure eft un office particulier ; au lieu que
la Mufîque des Opéra eft compofce par quiconque en a le
talent & la volonté. En Italie , celui qui a compofé un Opéra
en dirige toujours l'exécution , non en battant la Mefure ,
mais au Clavecin. Ainfi l'emploi de Maître de Mufique n'a
gueres lieu que dans les Eglifes ; aufïi ne dit-on point en Ita-
lie , Maître de Mufique , mais Maître de Ch.ipelle : déno-
mination qui commence à parler auffi en France.
MARCHE , f. f. Air militaire qui fe joue par des Inftru-
mens de guerre & marque le Mètre & la cadence des Tam-
bours , laquelle eft proprement la Marche.
Chardin dit qu'en Perfe, quand on veut abattre des mai-
fons , applanir un terrein , ou faire quelqu'aurre ouvrage expé-
ditif qui demande une multitude de bras , on afTemble les
habitans de tout un quartier; qu'ils travaillent au fon des Inf-
trumens , & qu'ainfi l'ouvrage fe fait avec beaucoup plus de
zelc & de promptitude que fi les Inftnimcns n'y croient pas.
Le Maréchal de Saxe a montré , dans fes Rêveries- , que
l'dk-t des Tambours ne fe bornoit pas non plus a un vain
bruit fans utilité , mais que , fclon que le mouvement en étoit
plus vif ou plus lent , ils portoient naturellement le foklat à
M A R 383
prefTer ou ralentir fon pas : on peur dire aufTi que les Airs
des Marches doivent avoir différens caractères , félon les occa-
fions où on les emploie; & c'eft ce qu'on a dû fentir jiifqu'a
certain point , quand on les a diflingués & diverfifiés ; l'un
pour la Générale , l'autre pour la Marche , l'autre pour la
Charge , &c. Mais il s'en faut bien qu'on ait mis à profit ce
principe autant qu'il auroit pu l'être. On s'eft borné jufqu'ici
à compofer des Airs qui fi fient bien fentir le Mètre 6c h
batterie des Tambours. Encore fort fouvent les Airs des Mar-
ches rempliffent-ils a fiez mal cet objet. Les troupes Françoifes
ayant peu d'Inftrumens militaires pour l'Infanterie , hors les
Fifres & les Tambours , ont auffi fort peu de Marches , 6c
la plupart très-mal faites ; mais il y en a d'admirables dans
les troupes Allemandes.
Pour exemple de l'accord de l'Air & de la Marche , Je
donnerai ( PL C. Fig. 3. ) la première partie de celle des
Moufquetaires du Roi de France.
Il n'y a dans les troupes que l'Infanterie & la Cavalerie
légère qui aient des Marches. Les Timbales de la Cavalerie
n'ont point de Marche réglée ; les Trompettes n'ont qu'un
Ton prefque uniforme, 6c des Fanfares. (Voyez Fanfarl.)
MARCHER, v. n. Ce terme s'emploie figurcment en Mu-
fîque , & fe dit de la fuccefllon des Sons ou des Accords
qui fe fuivent dans certain ordre. La BaJJe & le DeJJ'us Mar-
chent par mouvemens contraires. Marche de BaU'e. Marcher à
contre-tems.
MARTELLEMENT , / m. Sorte d'agrément du Çhanc
François. Lorfque defeendant diatoniquement d'une Note fut
334 MAX
une autre par un Trill , on appuie avec force le Son de la
première Noce fur la féconde , tombant enfuite fur cette
féconde Note par un feul coup de gofier ; on appelle cela
faire un Martdkment. (Voyez PL B. Fig. 13. )
MAXIME , adj. On appelle Intervalle Maxime celui qui
eft plus grand que le Majeur de la même efpece & qui ne
peut fe noter : car s'il pouvoir, fe noter , il ne s'appellerait
„pas Maxime , mais fuperflu.
Le femi-Ton Maxime fait la différence du femi-Ton mi-
neur au Ton majeur, & fon rapport eft de 25 à 27. Il y auroit
entre Vut Dièfe & le re un femi-Ton de cette efpece , fi tous
les femi-Tons n'étoient pas rendus égaux ou fuppofés tels
par le Tempérament.
Le Dièfe Maxime cft la différence du Ton mineur au
femi-Ton Maxime , en rapport de 243 à 250.
Enfin le Comma Maxime ou Comma de Pythagftre , eft
la quantité dont différent entr'eux les deux- termes les plus
voifins d'une progreflion par Quintes, & d'une progrefTion
par Oiflaves; c'cft-à-dhe , l'excès de la douzième Quinte fi
Dièfe fur la fiptieme Octave ut ; ck cet excès , dans le rap-
port de 5241X8 à 531441 , eft la différence que le Tempé-
rament fait évanouir.
MAXIME , /.' f. C'eft une Note faite en quarré-long ho*i-
.fontal avec une queue au côté droit , de cette manière I — | ,
laquelle vaut huit Mcfurcs à deux Tems ; c'eft-à-dire , deux
longues , & quelquefois trois, félon le Mode. (Vojrea Modk.)
Cette forte de Note n'eft plu»; d'ufagc depuis qu'on fépare les
Mefures par des barres , & qu'on marque avec âcs liaifons
les
MED its
les tenues ou continuités des Sons. ( Voyez Barres , Me-
sure. )
MEDIANTE, / /. C'eft la corde ou la Noce qui partage
en deux Tierces l'Intervalle de Quinze qui fe trouve entre la
Tonique & la Dominante. L'une de ces Tierces eft majeure,
l'autre mineure , & c'efr. leur pofition relative qui détermine
le Mode. Quand la Tierce majeure eft au grave; c'eft-à-dire,
entre la Médiante 6c la Tonique, le Mode eft majeur; quand
la Tierce majeure eft à l'aigu & la mineure au grave , le
Mode eft mineur. (Voyez Mode, Tonique , Dominante. )
MÉDIATION,/:/. Partage de chaque verfetd'un Pfeaume
en deux parties , l'une pfalmodiée ou chantée par un côte
du Chœur, 6c l'autre par l'autre , dans les Eglifes Catholiques.
MEDIUM , / m. Lieu de la Voix également diftant de
fes deux extrémités au grave & à l'aigu. Le haut eft plus
éclatant ; mais ii eft prefque toujours forcé : le bus eft grave
& majeftueux ; mais il eft plus fourd. Un beau Médium ,
auquel on fuppofe une certaine latitude donne les Sons les
mieux nourris, les plus mélodieux, & remplit le plus agréa-
blement l'oreille. (Voyez Son. )
M i'XANGE , / m. Une des Parties de l'ancienne Mélo-
pée , appellée Agogé par les Grecs, laquelle confifte à favoir
entrelacer 6c mêler à propos les Modes 6c les Genres. (Voyez
• ■■ )
.LODÏE9f. /. Succefïion de Sons tellement ordonnés
Jèlon les loix du Rhythme & de la Modulation , qu'elle
forme un fens agréable a l'oreille ; la Mélodie vocale s'ap-
pelle Chant ; 6c Finftrumentale , Symphonie.
D'ici, de Aliijlquc. C c c
i%6 m e r,
L'idée du Rhythme entre néceflairement d'ans celle de \û
'Mélodie •' un Chant n'eit un Chant qu'autant qu'il eft, me-
furé ; la même fucceffion de Sons peut recevoir autant de
caractères , autant de Mélodie différentes , qu'on peut la
{bander différemment ; & le feul changement de valeur des
Notes peut défigurer cette même fuccefFon au point de la
rendre méeonnoiffable. Ainfi. la Mélodie n'eft rien par elle-
même; c'efr. la Médire qui la détermine , ce il n'y a point de
Chant fans le Tems. On ne doit donc pas comparer la
Mélodie avec l'Harmonie , abibradion faite de la Mefure dans
toutes les deux : car elle eft effentielle à l'une & non pas à
l'autre.
La Mélodie fe rapporte à deux principes différens , félon la
manière dont on la confukre. Frife par les rapports des Sons
& par les règles du Mode , elle a fen principe dans l'Har-
monie ; puifque c'eiè une analyfe harmonique qui donne les
Degrés de la Gamme, le3 cordes du Mode , & les loix de
la Modulation , uniques élémens du Chant. Selon ce prin-
cipe ,. toute la force de la Mélodie fe borne à flatter l'oreille
par des Sons agréables , comme on peut flatter la vue par
d'agréables accords de couleur : mais prife pour un art d'imi-
tation par lequel on pe.it affeder Pefprjt de divertis images»
émouvoir le cœur de divers fentimens , exciter & calmer les
pallions , opérer, en un mot, des effets moraux qui paU
L'empire immédiat des fens , il lui faut chercher un autre
principe : car on ne voit aucune prife par laqucll
Harmonie , & tout ce qui vient d'elle , puûTc nous a
aiiu'i,.
M E L 3S;
t^uel eft ce fécond principe ? Il eit dans la Nature ainiî
que le premier ; mais pour IV découvrir il faut imc obfer-
varion plus fine , quoique plus fîmple , & plus de fenfibilité
dans l'obfervateur. Ce principe elt le même qui fait varier
le Ton de la Voix, quand on parle, félon les chofts qu'on
die & les mouvemens qu'on éprouve en les difanr. C'ell l'Ac-
cent des Langues qui détermine la Mélodie de chaque Na-
tion ; c'eft l'Accent qui fait qu'on parle en chantant , & qu'on
parle avec plus ou moins d'énergie , félon que la Langue a
plus ou moins d'Accent. Celle dont l'Accent eir plus mar-
qué doi: donner une Mélodie plus vive & plus paffionnée ;
celle qui n'a que peu ou point d'Accent ne peut avoir qu'une
Mélodie Ianguiffanre & froide , fans caractère & fans expre£
fion. Voilà les vrais principes ; tant qu'on en fortira 6c qu'on
voudra parler du pouvoir de la Mufique fur le cœur humain ,
on parlera fans s'entendre ; on ne faura ce qu'on dira.
Si la Mufique ne peint que par la Mélodie , 6c tire d\!!c
toute fa force , il s'enfuit que toute Mufique qui ne chante
pas , quelque harmonieuiê qu'elle puiffe être , n'eit point une
Mufique imitative, 6c , ne pouvant ni toucher ni peindre avec
fes beaux Accords , lafTe bientôt les oreilles , & lailTe tou-
jours le cœur froid. Il fuit encore que, malgré la diverfité
des Parties que l'Harmonie a introduites , & dont On abufe
tant aujourd'hui , fi-tôt que deux Mélodies fe font entendre
h la fois, elles s'effacent Tune l'autre 6c demeurent de nul effet,
quelque belles qu'elles puiflènt erre chacune féparément : d'où
l'on peut juger avec quel goût les Compofiteurs François
ont introduit à leur Opéra l'ufage de faire fervir un Air d'Ac-
Ccc \
j8* M E L
compagnement à un Chœur ou à un autre Air ; ce qui efr,
comme fi on s'avifoit de récirer deux difcours à la fois ,
pour donner plus de force à leur éloquence. ( Voyez Unit^
DE MELODIE.)
MÉLODIEUX , adj. Qui donne de la Mélodie. Mélo-
dieux , dans Tufage , fe dit des Sons agréables , des Voix
fonores , des Chants doux & gracieux , &c,
MELOPEE , / f. C'étoit , dans l'ancienne Mufique , ru-
fage régulier de toutes les Parties harmoniques; c'eft-à-dire ,
l'Art ou les règles de la compoficion du Chant , desquelles
la pratique & l'effet s'appelloit Mélodie.
Les Anciens avoient diverfes règles pour la manière de
conduire le Chant par Degrés conjoints , disjoints ou mêlés ,
en montant ou en defeendant. On en trouve plufîeurs dans
Arifloxène , lefquelles dépendent toutes de ce principe ; que ,
dans tout fyftême harmonique , le troifieme ou le qua-
trième Son après le fondamental en doit toujours frapper la
Quarte ou la Quir.re , félon que les Tétracordes font con-
joints ou disjoints ; différence qui rend un Mode authentique
ou plagal , au gré du Compofiteur. C'elt le recueil de toutes
ces règles qui s'appelle Alélopée.
La Mélopée eiè compofée de trois Parties ; favoir , la
Prifi , Ljepfis , qui enfeigne au Muficien en quel lieu de la
Voix il doit établir fon Diapafon ; le Mélange , Mixis , fé-
lon lequel il entrelace ou me le à propos les Genres &
Modes; £: VUfage , Chrefès , qui fe fiibdivifc en t:
rres Parties. La première , appellée Euthia, guide la marche
du Chant, laquelle e!l , o e du gi .ou
M E L 3S5
renverfée de l'aigu au grave ; ou mixte ; c'eft-à-dire , com-
pofée de l'une &. de l'autre. La deuxième, appellée Agogê y
marche akernativement par Degrés disjoints en montant ,
& conjoints en defeendant , ou au contraire. La troifieme ,
appellce Petteïa , par laquelle il difeerne & choifit les Sons
qu'il fuit rejetrer , ceux qu'il faut admettre , & ceux qu'il fauE
employer le plus fréquemment.
Ariftide Quinrilien divife toute la Mélopée en trois efpeccs
qui fe rapportent a autant de Modes , en prenant ce demie?
nom dans un nouveau fens. La première efpece étoit VHj -
patoïde , appellée ainii de la corde Hypate , la principale ou
la plus baffe, parce que le Chant régnant feulement fur les
Sons graves ne s'éloignoit pas de cette corde , &: ce Chant
étoit approprié au Mode tragique. La féconde efpece étoit h
Méfoide , de Alèfi , la corde du milieu , parce que le Chant
régnoit fur les Sons moyens , & celle-ci repondoit au Mode
Nomique , confacré à Apollon. La troifieme s'appelloit AV-
tdïdc , de Netc , la dernière corde ou la plus haute ; fon
Chant ne s'étendoit que fur les Sons aigus & conitituoit le
Mode Dithyrambique ou Bachique. Ces Modes en avoient
d'autres qui leur étoient fubordonnés & varioient L
tels que l'Erotique ou amoureux , le Comique , l'Encômia-
que dcltiné aux louanges.
Tous ces Modes étant propres à exciter ou calmer certai-
nes panions, inHuoient beaucoup fur les mœurs; & par rap-
port 1 cette influence , la . . fc part.igcoi: encore
trois Genres; favoir. j". Le '<?«* 1 ou celui qui infpiroit
les pallSoiis tendres & atîl^ueufes , les palliorû; triites ..
?9« M E N
capables de reiïerrer le cœur , fuivant le fens du mot Grec*.
2°. Le Diaflaltique , ou celui qui étoit propre à l'épanouir y
en excitant la joie , le courage , la magnanimité , les grands
fentimens : 30. UEuchaflique qui tenoit le milieu entre les
deux autres , qui ramenoit l'ame à un état tranquille. La
première efpece de Mélopée convenoit aux Poéfies amou-
reufts , aux plaintes , aux regrets & autres exprefîions fem-
fcî.iblc'. La féconde étoit propre aux Tragédies , aux Chants
de guerre , aux fujets héroïques. La troifieme aux Hymnes ,
aux louanges , aux initruLtàons.
MELOS , f. m. Douceur du Chant. Il eft difficile de dif-
tinguer dans les Auteurs Grecs le fens du mot Mélos du fen»
du mot Mélodie. Platon , dans fon Protagoras , met le Mélos
dans le fimple difcours , & femble entendre par-là le Chant
de la parole. Le Mélos paroît être ce par quoi la Mélodie eft
agréable. Ce mot vient de pu M, miel.
MENUET , f. m. Air d'une Danfe de même nom, que
l'Abbé BroïTard dit nous venir du Poitou. Selon lui cecte
Danfe e(L fort gaie & fon mouvement eft fort vite. Mais au
contraire le caractère du Menuet eft une élégante & noble
fiiTipHcicc ; le mouvement en eft plus modéré que vire, & l'on
peut dire que le moins gai de tous les Genres de Danfls
ufites dans nos bals eft le Menuet. C'efè autre chofe fur le
Théâtre.
La Mefure du Menuet eft à trois Tcms légers qu'on mar-
que par le 3 fimple , ou par le \ , ou par le i. Le nombre
des Mefures de l'Air dans chacune de fes reprifes, doit ètTt
quatre ou un multiple de quatre ; parce qu'il en fout autant
MES m
pour achever le pas du Menuet ; & le foin du Muficien doit
être de faire fentir cette divifion par des chûtes bien mar-
quées , pour aider l'oreille du Danfeur & le maintenir eu
cadence.
MESE , / J. Nom de la corde la plus aiguv.' du fécond
Tctracorde des Grecs. ( Voyez M^son. )
Mèfe fignifle Moyenne, & ce nom fut donné à cette corde;
non, comme die l'Abbé Brolîard , parce qu'e I com-
mune ou mitoyenne encre les deux Octaves de l'ancien fyf-
teme ; car elle portoit ce nom bien avant que le fyiiéme eue
acquis cette étendue : mais parce qu'elle formoit précifement
le milieu entre les deux premiers Tétracordes dont lc ; , lléme
avoir d'abord été compofé.
MESOiDE , / f. Sorte de Mélopée dont les ('liants rcu-
loicnt fur des cordes moyennes, lefquelles s'appellolent aulîl
Méfoides de la Mèfe ou du Tctracorde Méfon.
MEbOIDES. Sons moyens , ou pris dans ie Médium .
f/ftéme. ( Voyez Mélopi-'k. )
MESON. Nom donné par les Grecs à leur fécond T.
corde , en commençant à compter du grave ; & c"dt ;.uiîx
le nom par lequel on diftingue chacune de Ces quatre cordes ,
de celles qui leur correfpondent dans les autres T< les.
Ainlï, dans celui dont je parle, la première corde s'ap,
Mypate- Méfon ; la féconde , Parhypate-Mejbn ; la tr
Z-.c m ou AlJfon-Diatonos ; &c la quatrième t
( Voyez Sys? I mb. )
fon eft le génitif pluriel de moyennt , p
que le Tétiv.cordc Méfon occupe le milieu entre le premier
'391 MES
& le troifîeme , ou plutôt parce que la corde AVfs donne
fon nom à ce Tétracorde dont elle forme l'extrémité aiguë.
(Voyez PI. H. Fig. 12. )
MESOPYCNI , adj. Les Anciens appelloient ainfi , dans
les Genres épais , le fécond Son de chaque Tétracorde. Ainfi
les Sons Aîéfopycni étoient cinq en nombre. (Voyez Son,
SVSTÈ.ME , TÉTRACORDE. )
MESURE , / f. Divilion de la durée ou du tems eh plu-
fieurs parties égales , allez longues pour que l'oreille en puiîfe
faifîr & fubdivifer la quantité , &. allez courtes peur que l'idée
de l'une ne s'efface pas avant le retour de l'autre , & qu'on
en fente l'égalité.
Chacune de ces parties égales s'appelle auffi Mefurc ;
elles fe fubdivifent en d'autres aliquotes qu'on appelle Tems,
& qui fe marquent par des mouvemens égaux de la main
ou du pied. (Voyez Battre la Mesure. ) La durée ég.:le
de chaque Tems ou de chaque Msfure eft remplie par
plufïeurs Notes qui palfent plus ou moins vite en propor-
tion de leur nombre , & auxquelles on donne diverfes figu-
res poir marquer leurs différentes durées. ( Voyez Valeur
dis Notes. )
Plufkurs . confidérant le progrès de notre Mufîque, pen-
Çca: que la Mefure eft de nouvelle invention , parce qu'un
is elle a été négligée. Mais au contraire, non-feulement
les Anciens prariquoient la MsJUn \ ils lui avoient nu' me
des règles crès-féveres ce fbndé< ;cs
la nôtre n'a plus. En effet, r fins Al. cft
: , & le fentimenc Je i a'écaat pas mo;r.<:
naturel
MES 393
naturel que celui de l'Inronation , l'invention de ces deux
chofes n'a pu fe faire féparément.
La Mefure des Grecs tenoic à leur Langue; c'étoit la Poé-
fie qui l'avoit donnée à la Mufique; les Mefures de l'une ré-
pondoienc aux pieds de l'autre : on n'auroit pas pu mefurer
de la profe en Mufique. Chez nous, c'eft, le contraire : le peu
de profodie de ncs Langues fait que dans nos Chants la va-
leur des Notes détermine la quantité des fyllabes ; c'eft fur
la Mélodie qu'on eît forcé de feander le difeours ; on n'ap-
perçoit pas même fi ce qu'on chante eft vers ou profe : nos
Poéfies n'ayant plus de pieds , nos Vocales n'ont plus de
Mefures\ le Chant guide & la parole obéir.
La Mefure tomba dans l'oubli , quoique l'Intonation fût
toujours cultivée , lorfqu'après les victoires des Barbares
les Langues changèrent de caractère & perdirent leur Har-
monie. Il n'eft pas étonnant que le Mètre , qui fervoit à
exprimer la Mefure de la Poéfie , fût négligé dans des tems
où on ne la fentoit plus, & où l'on chantoit moins de vers
que de profe. Les Peuples ne connoifïbient gueres alors
d'autre amufement que les cérémonies de l'Eglife , ni d'au-
tre Mufique que celle de l'Office, & comme cette Mufi-
que n'exigeoit pas la régularité du Rhythme , cette partie
fut enfin tout-à-fait oubliée. Gui nota fa Mufique avec des
points qui n'exprimoient pas des quantités différentes , &
l'invention des Notes fut certainement poftérieure à cet
Auteur.
On attribue communément cette invention des diverfes
valeurs des Notes à Jean de Mûris, vers l'an 1330. Mais le
Dia. de Mupque. Ddd
î9+ MES
P. Merfenne le nie avec raifon, & il faut n'avoir jamais lu les
écrits de ce Chanoine pour foutenir une opinion qu'ils dé-
mentent fi clairement. Non-feulement il compare les valeurs
que les Notes avoient avant lui à celles qu'on leur donnoic
de fon tems , & dont il ne fe donne point pour l'Auteur ;
mais même il parle de la Mefure, & dit que les Modernes;
c'ef t- a-dire , {ts contemporains, la ralentirent beaucoup, &
modérai mine morofà multitm utunîur menfuni : ce qui fup-
pofe évidemment que la Mefure , & par conféquent les va-
leurs des Notes , étoient connues & ufitées avant lui. Ceux
qui voudront rechercher plus en détail l'état où étoit cette
partie de la Mufique du tems de cet Auteur , pourront con-
fulter fon Traité manuferit, intitulé : Spéculum Muficx, qui
eft à la Bibliothèque du Roi de France , numéro 7*07 , page
280, & fuivantes.
Les premiers qui donnèrent aux Notes quelques règles
de quantité , s'attachèrent plus aux valeurs ou durées re-
latives de ces Notes qu'à la Mefure même ou au caractère
du Mouvement; de forte qu'avant la diftinction des diffé-
rentes Mefures , il y avoit des Notes au moins de cinq va-
leurs différentes; favoir , la Maxime, la Longue, la Brève*
la femi- Brève & la Minime , que Ton peut voir à leurs
mots. Ce qu'il y a de certain, c'eft qu'on trouve toutes ces
différentes valeurs, & même davantage, dans les manuf-
crits de Machault, fans y trouver jamais aucun Ggne de
Mefure.
Dans la fuite les rapports en valeur d'une de ces Notes à
l'autre dépendirent du Tems, de la Prolation, du Mode. Par
MES 395
le Mode on déterminoit le rapport de la Maxime à la Longue ,
ou de la Longue à la Brève; par le Tems , celui de la Lon-
gue a la Brève , ou de la Brève à la femi-Breve ; & par la
Prolation, celui de la Brève à la femi-Breve, ou de la femi-
Breve à la Minime. ( Voyez Mode , Prolation , Tems. )
En général , toutes ces différentes modifications fe peuvent
rapporter à la Mefure double ou à la Mefure triple ; c'elt-
à-dire , à la divifion de chaque valeur entière en deux ou en
trois Tems égaux.
Cette manière d'exprimer le Tems ou la Mefure des Notes
changea entièrement durant le cours du dernier fiecle. D^.s
qu'on eut pris l'habitude de renfermer chaque Mefure entre
deux barres , il falut néceîfairement proferire routes les
efpeces de Notes qui renfermoient plufieurs Mefure s. La
Mefure en devint plus claire , les Partitions mieux ordon-
nées, & l'exécution plus facile; ce qui étoit fort néceffaire
pour compenfer les difficultés que la Mufique acquéroit en
devenant chaque jour plus compofée. J'ai vu d'excellens
Muficiens fort embarraffés d'exécuter bien en Mefure des
Trio d'Orlande & de Claudin , Compofiteurs du tems de
Henri III.
Jufques-la la raifon triple avoit paffé pour la plus parfaire :
mais la double prit enfin l'afcendant , 6c le C , ou la Mefure
à quatre Tems , fut prifè pour la bafe de toutes les autres.
Or , la Mefure à quatre Tems fe réfout toujours en Mefure
à deux Tems ; ainfi c'elt. proprement à la Mefure double
qu'on fait rapporter toutes les autres , du moins quant aux
valeurs des Notes & aux lignes des Mefure s.
Ddd i
39* MES
Au lieu donc des Maximes , Longues , Brèves , femi-
Breves , &c. on fubftitua les Rondes , Blanches , Noires ,
Croches , doubles & triples - Croches , &c. qui toutes fu-
rent prifes en divifion fous-double. De forte que chaque
efpece de Note valoit précifément la moitié de la pré-
cédente. Divifion manifeltement infufîifante ; puifqu'ayanc
confervé la Akfure triple auiïi-bien que la double ou qua-
druple , 6c chaque Tems pouvant être divifé comme cha-
que Mefiire en raifon fous-double ou fous-triple, à la vo-
lonté du Compofiteur , il faloit afîigner , ou plutôt con-
ferver aux Notes des diviiions répondantes à ces deux
raifons.
Les Muficiens fentirent bientôt le défaut ; mais au lieu
d'établir une nouvelle divifion , ils tâchèrent de fupplcer à
cela par quelque figne étranger : ainfi ne pouvant divilér
une Blanche en trois parties égales, ils fe font contentés
d'écrire trois Noires , ajoutant le chiffre 3 fur celle du mi-
lieu. Ce chiffre même leur a enfin paru trop incommode,
& pour tendre des pièges plus fûrs à ceux qui ont a lire kur
Mufique , ils prennent le parti de fupprimer le 3 ou même
le 6 ; en forte que , pour favoir fi la divifion elt double ou
triple , on n'a d'autre parti à prendre que celui de compter
les Notes ou de deviner.
Quoiqu'il n'y ait dans notre Mufique que deux fortes de
Mefurest on y a fait tant de diviiions, qu'on en peut comp-
ter au moins de feize efpcces , dont voici les lignes :
MES 397
, nnrS 2 6 6 rt , ? 3 9 ? 9 3 /- ii ii ii
1 uu<~ 4- .}• 8* iô- '" i ' 4' 4' 8* 8 * K> 4" 8 * i<S*
(Voyez les exemples. Plancha B. F/g'. i.
Du toutes ces Mefures^ il y en a trois qu'on appelle (im-
pies , parce qu'elles n'ont qu'un fini chiffre ou ligne ; fa-
voir , le i ou Ç , le 3 , & le C ou quatre Tems. Toutes lus
autres qu'on appelle doubles, tirent leur dénomination & leurs
figues de cette dernière ou de la Note ronde qui la remplit;
en voici la règle :
Le chiffre inférieur marque un nombre de Notes de va-
leur égale , f "aifant enfemble la durée d'une Ronde ou d'une
Mefure à quatre Tems.
Le chiffre fupérieur montre combien il faut de ces mê-
mes Notes pour remplir chaque AUfurc de l'Air qu'on va
noter.
Par cette règle on voit qu'il faut trois Blanches pour rem-
plir une Mifure au fîgne \\ deux Noires pour celle au figne |;
trois Croches pour celle au fîgne j, &c. tout cet embarras
de chiffres eft mal entendu; car pourquoi ce rapport de tant
de différentes Mefures à celle de quatre Tems, qui kur eff.
fi peu femblable ? ou pourquoi ce rapport de tant de diverfes
Notes à une Ronde , dont la durée eft fi peu déterminée ?
Si tous ces fignes font inftitués pour marquer autant de dif-
férentes fortes de Mzfurts , il y en a beaucoup trop; & s'ils
le font pour exprimer les divers degrés de Mouvement, il
n'y en a pas afTez; puifque, indépendamment de l'efpece de
Alcfurc & de la divilion des Tems , on eft prefque toujours
398 MES
contraint d'ajouter un mot au commencement de l'Air pour
déterminer le Tems.
Il n'y a réellement que deux fortes de Mefures dans notre
Mufique; (avoir, à deux & trois Tems égaux. Mais comme
chaque Tems , ainfi que chaque Mefure , peut fe divifer en
deux ou en trois parties égales , cela fait une fubdivifion qui
donne quatre efpeces de Mefures en tout ; nous n'en avons
pas davantage.
On pourroit cependant en ajouter une cinquième , en com-
binant les deux prenveres en une Mefure a deux Tems iné-
gaux, l'un compofé de deux Notes & l'autre de trois. On
peut trouver , dans cette Mefure , des Chants très-bien ca-
dencés, qu'il feroit impolfible de noter par les Mefures ufî-
tées. J'en donne un exemple dans la Planche B. Fig. X. Le
Sieur Adolphati fit à Gènes, en 1750, un effai de cette
Mefure en grand Orcheftre dans l'Air fe la forte mi con-
dinna de fon Opéra d'Ariane. Ce morceau fit de l'effet &
fut applaudi. Malgré cela , je n'apprends pas que cet exem-
ple ait été fuivL
MESURE, part. Ce mot répond à l'Italien à Tempo
ou à Batuta, & s'emploie, forçant d'un Récitatif, pour
marquer le lieu où l'on doit commencer à chanter en
Mefure.
METRIQUE , adj. La Mufique Métrique , félon Ariilidc
Quinrilien , e(t la partie de la Mufique en général qui a
pour objet les Lettres , les Syllabes , les Pieds , les Vers ,
& le Poème ; & il y a cette différence entre la Métrique
&i la Rhythmiquc, que la première ne s'occupe que de la
M E Z î99
forme des Vers ; & la féconde , de celle des Pieds qui les
compofuit : ce qui peut même s'appliquer à la Profe. D'où
il fuit que les Langues modernes peuvent encore avoir une
Mufique Métrique , puifqu'elles ont une Poe fie ; mais non
pas une Mufique Rhythmique , puifque leur Pocfie n'a plus
de Pieds. (Voyez Rhythme.)
MEZZA-VOCE. ( Voyez Sotto-Voce.)
IYIEZZO-FORTE. (Voyez Sotto-Voce.)
MI. La troifieme des fix fyllabes inventées par Gui Aré-
tin, pour nommer ou follier les Notes, lorfqu'on ne joint
pas la parole au Chant. (Voyez E Si Mi, Gamme.)
MINEUR , adj. Nom que portent certains Intervalles,
quand ils font aufli petits qu'ils peuvent l'être fans devenir
faux. (Voyez Majeur, Intervalle. )
Mineur fe dit aufli du Mode , lorfque la Tierce de la To-
nique eft Mineurs. (Voyez Mode.)
MINIME, adj. On appelle Intervalle Minime ou Moin-
dre , celui qui eft plus petit que le Mineur de même efpe-
ce, & qui ne peut fe noter; car s'il pouvoit fe noter, il ne
s'appelleroit pas Minime , mais Diminue'.
Le femi-Ton Minime eft la différence du femi-Ton Ma-
xime au femi-Ton moyen, dans le rapport de 125 à 118.
( Voyez Semi-Ton. )
Minime, fubfl. fem. par rapport a la durée ou au Tems,
eft dans nos anciennes Mufiques la Note qu'aujourd'hui
nous appelions Blanche. ( Voyez Valeur des Notes.)
MIXLS , f. f. Mélange. Une des Parties de l'ancienne
Mélopée , par laquelle le Compofiteur apprend à bien com-
4co M I X
biner les Intervalles & à bien diflribuer les Genres & les
Modes félon le caractère du Chant qu'il s'elt propofé de faire.
( Voyez Mflopée. )
MIXO-LYDIEN , adj. Nom d'un des Modes de l'an-
cienne Mufique appelle autrement Hypcr-Dorkn. ( Voyez
ce mot.) Le Mode Mixo-Lydien croit le plus aigu des fept
auxquels Ptolomce avoit réduit tous ceux de la Mufique
des Grecs. ( Voyez Mode. )
Ce Mode eft affectueux, paflionné, convenable aux grands
mouvemens, ce par cela même à la Tragédie. Ariftoxène
affure que Sapho en fut l'inventrice; mais Plutarque dit que
d'anciennes Tables attribuent cette invention à Pytoclide : il
dit auffi que les Argiens mirent à l'amende le premier qui s'en
étoit fervi , & qui avoit introduit dans la Mufique l'ufage de
fept cordes; c'ef t-à-dire , une Tonique fur la feptieme corde.
MIXTE, adj. On appelle Modes Mixtes ou Connexes
dans le Plain-Chant, les Chants dont l'étendue excède leur
Octave & entre d'un Mode dans l'autre, participant ainfi de
l'Authente & du Plagal. Ce méhnge ne fe fait que des Mo-
des compairs , comme du premier Ton avec le fécond , du
troifieme avec le quatrième; en un mot, du Plagal avec l'on
Authente , & réciproquement.
MOBILE , adj. On appelloit Cord Vfobiks ou Son*
Aiobiles dans la Mufique Grecque les deux cordes moyen-
nes de chaque Tétracorde, parce qu'elles s'accoidoient dit*
fércmmer.t félon les Genres, à la d e des deux cordes
extrêmes, qui, ne variant jamais , s'appelaient cordes fiables.
(Voyez Ilikacorde, Clniih, Son. )
MODE ,
IM O D %o»
1
MODE, y: m. Difpofition régulière du Chant & de l'Ac-
compagnement , relativement à certains Sons principaux fur
lefqucls une Pièce de Mufiqne efè constituée , 6c qui s'ap-
pellent les cordes enenticiles du Mode.
Le Mode diffère du Ton , en ce que celui - ci n'indique
que la corde oj le lieu du fydême qui doit fervir de bafe
au Chant, 6c le Mode détermine la Tierce & modifie toute
l'Echelle fur ce Son fondamental.
Nos Modes ne font fondes fur aucun caractère de fenti-
ment comme ceux des Anciens , mais uniquement fur notre
fyltême Harmonique. Les cordes effentielles au Mode font
au nombre de trois, & forment enfemble un Accord parfait.
i°. La Tonique, qui elt la corde fondamentale du Ton &
du Mode. (Voyez Ton & Toniqce.) i°. La Dominante à
la Quinte de la Tonique. (Voyez Dominante.) 30. Enfin la
Médiante qui conftitue proprement le Mode , & qui eit à
la Tierce de cette même Tonique. (Voyez Médiante.)
Comme cette Tierce peut être de deux efpeces, il y a aufli
deux Modes diiférens. Quand la Médiante fait Tierce ma-
jeure avec la Tonique, le Mode elt majeur; il elt mineur,
quand la Tierce elt mineure.
Le Mode majeur eft engendré immédiatement par la ré-
fonnance du corps fonore qui rend la Tierce majeure du Son
fondamental : mais le Mode mineur n'eit point donné par
la Nature ; il ne fe trouve que par analogie 6c renverfemenr.
Cela elt vrai dans le fyflême de M. Tartini, ainli que dans
celui de M. Rameau.
Ce dernier Auteur dans fes divers ouvrages fucccfTïfs a ex-
Diïï. de Mufique, Lee
4oz M O D
pliquc cette origine du Mode mineur de différentes maniè-
res, dont aucune n'a contente fon Interprète M. d'Altmberr.
C'eit pourquoi M. d'Alembert fonde cette même origine fur
un autre principe que je ne puis mieux expofer qu'en tranf-
crivant les propres termes de ce grand Géomètre.
" Dans le Chant ut mi fol qui conftitue le Mode majeur^
« les Sons mi & fol font tels que le Son principal ut les fait
« réformer tous deux; mais le fécond Son mi ne fait point
u réfonner fol qui n'efr. que fa Tierce mineure.
» Or , imaginons qu'au lieu de ce Son mi on place entre
»» les Sons ut & fol un autre Son qui ait, ainfi que le Son
>j ut, la propriété de faire réfonner fol, & qui foit pour-
i> tant différent d'/;f ; ce Son qu'on cherche doit être tel
*> qu'il ait pour Dix-feptieme majeure le Son fol ou l'une
d des Octaves de fol: par conféquent le Son cherché doit
r> être à la Dix-feptieme majeure au-deflbus de fol , ou ,
» ce qui revient au même, a la Tierce majeure au-deîïbus
« de ce même Son fol. Or, le Son mi étant à la Tierce
» mineure au-deffous de fol, & la Tierce majeure étant
» d'un femi-Ton plus grande que la Tierce mineure, il
» s'enfuit que le Son qu'on cherche fera d'un femi-Ton plus
s» bas que le mi , & fera par conféquent mi Bémol.
« Ce nouvel arrangement , ut , mi Bémol , fol, dans le-
« quel les Sons ut & mi Bémol font l'un & l'autre réfon-
»j ner fol, fans que ut faffe réfonner mi Bémol, n'eft p.
>» à la vérité , au (fi parfait que le premier arrangement ut,
m mi , fal; parce que dans celui-ci les deux Sons mi &. fol
m font l'un <Sc l'autre engendrés par le Son principal ut , 411
M O D 4c3
ïj lieu que dans l'autre le Son mi Bc'niol n'elt pas engendré
» par le Son ut : mais cet arrangement ut, mi Bémol, /o/,
m elt aufTi dicté par la Nature, quoique moins immédiate-
» ment que le premier; & en effet l'expérience prouve que
d l'oreille s'en accommode à-peu-prcs aurTi-bien.
» Dans ce Chant ut, mi Bémol, fol, ut, il e(t évident
h que la Tierce d'ut à mi Bémol elt mineure ; & telle eft
»» l'origine du genre ou Mode appelle Mineur.» Elément
de Mufique,pag. zi.
Le Mode une fois déterminé, tous les Sons de la Gamme
prennent un nom relatif au fondamental , & propre à la
place qu'ils occupent dans ce Mode -là. Voici les noms de
coûtes les Notes relativement à leur Mode , en prenant l'Oc-
tave d'ut pour exemple du Mode majeur , &. celle de h pour
exemple du Mode mineur.
Majeur. Ut Re Mi Fa Sol La Si Ut.
Mineur. La Si Ut Re Mi Fa Sol La.
S1 îf g g § ? F » J? °
=> o es;»
1 r s: ■?. s*
o «S03»0_33 P
c o 3 c c n r»
S! 5 e n p 5 e _ 2,
â p ? » 2. "
5 S 5 S C»
<î »» o
Il faut remarquer que quand la feptieme Note n'efr qu'a
un femi-Ton de l'Octave; c'eft -à-dire , quand elle fait la
Tierce majeure de la Dominante, comme le// naturel en
majeur, ou le fol Dicfe en mineur, alors cette feptieme
E ce i
Ao4 M O S
Note s'appelle Note fenfible , parce qu'elle annonce la Tom'i
que & fait fentir le Ton.
Non-feulement chaque Degré prend le nom qui lui con-
vient , mais chaque Intervalle eft déterminé relativement au
Mode. Voici les règles établies pour cela-
i°. La féconde Note doit faire fur la Tonique une Se~
conde majeure , la quatrième & la Dominante une Quart»
& une Quinte juites ; & cela également dans les deux
Modes.
2°. Dans le Mode majeur , la Médiante ou Tierce , la
Sixte & la Septième de la Tonique doivent toujours être
majeures ; c'eft, le caractère du Mode. Par la même raifon
ces trois Intervalles doivent être mineurs dans le Mode mi-
neur ; cependant , comme il faut qu'on y apperçoive aufii
la Note fenfible, ce qui ne peut fe faire fans fauffe relation,
candis que la fixieme Note refte mineure ; cela caufe des
exceptions" auxquelles on a égard dans le Cours de l'Har-
monie & du Chant : mais il faut toujours que la Clef avec
fes tranfpofitions donne tous les Intervalles déterminés par
rapport à la Tonique félon l'efpece du Mode : on trouvera
au mot Clef une règle générale pour cela.
Comme toutes les cordes naturelles de l'Octave d'//r don-
nent relativement h cette Tonique tous les Intervalles pref-
crits pour le Mode majeur , & qu'il en eft de même de
l'Octave de la pour le Mode mineur , l'exemple précédent ;
que je n'ai propofé que pour les noms des Notes, doit fn-
vir aufft de formule pour la règle des Intervalles daoa chaque.
Modd
M 0 D a'î
Cette regîe n'elt point , comme on pourroit le croire ,
établie fur des Principes purement arbitraires : elle a fou
fondement dans la génération harmonique , au moins juf-
qu'à certain point. Si vous donnez l'Accord parfait majeur
à la Tonique , à la Dominante , ex à la fous-Dominante ,
vous aurez tous les Sons de l'Echelle Diatonique pour le
Mode majeur : pour avoir celle du Mode mineur , taillant
toujours la Tierce majeure à la Dominante , donnez la
Tierce mineure aux deux autres Accords. Telle eii l'ana-
logie du Mode.
Comme ce mélange d'Accords majeurs & mineurs intro-
duit en Mode mineur une faufle relation entre la fixieme
Note & ta Note fenfible , on donne quelquefois , pour évi-
ter cette faufie relation , ta Tierce majeure à ta quatrième
Note en montant , ou ta Tierce mineure à la Dominante
en defeendant , fur-tout par renverfement ; mais ce font alors
des exceptions.
Il n'y a proprement que deux Modes , comme on vient
de le voir : mais comme il y a douze Sons fondamentaux
qui donnent autant de Tons dans le fyflême , & que cha-
cun de ces Tons eft fufceptible du Mode majeur & du Modi
mineur , on peut compofer en vingt-quatre Modes ou ma-
nières ; Maneries , difoient nos vieux Auteurs en leur Latin.
Il y en a même trente-quatre pofilbles dans ta manière de
Noter : mais dans ta pratique on en éxclùd dix , qui ne font
au fond que la répétition de dix autres , fous des relations
beaucoup plus difficiles , où toutes les cordes changeroient
de. noms , & où l'on auroit peine à fe reconnoitre. Tels
4o6 M O D
font les Modes majeurs fur les Notes diefées , & les Modes
mineurs fur les Bémols. Ainfî , au lieu de compofer en fol
Di^fe Tierce majeure , vous compoferez en la Bémol qui
donne les mêmes touches ; & au lieu de compofer en re
Bémol mineur , vous prendrez ut Dièfe par la même raifon ;
favoir , pour éviter d'un côté un F double Dièfe , qui de-
viendrait un G naturel ; & de l'autre , un B double Bémol ,
qui deviendrait un A naturel.
On ne refte pas toujours dans le Ton ni dans le Mode
par lequel on a commencé un Air ; mais , foit pour l'ex-
preiïïon , foit pour la variété , on change de Ton & de
Mois , félon l'analogie harmonique ; revenant pourtant tou-
jours à celui qu'on a fait entendre le premier, ce qui s'appelle
Moduler,
De-la naît une nouvelle diftinction du Mode en principal
& relatif ; le principal elt celui par lequel commence &
finit la Pièce -t les relatifs font ceux qu'on entrelace avec le
principal dans le courant de la Modulation. ( Voyez Mo-
dulation. )
Le Sieur Blainville , favant Muficien de Paris , propofa
en 1751 > l'eflai d'un troificme Mode qu'il appelle Mode
mixte , parce qu'il participe à la Modulation des deux autres ,
ou plutôt qu'il en elt compofé ; mélange que l'Auteur ne
regarde point comme un inconvénient , mais plutôt comme
un avantage & une fource de variété & de liberté dans les
('.liants &l dans l'Harmonie,
Ce nouveau Mode n'étant point donné par l'jnalyfe de
trois Accords comme les deux autres , ne fe détermine pas
M O D <o7
comme eux par des Harmoniques effentiels au Mode, mais
par une Gamme entière qui lui eit propre , tant en montant
qu'en descendant ; en forte que dans nos ceux Modes la
Gamme eft donnée par les Accords , «Se que dans le Mode:
mixte les Accords font donnes par la Gamme.
La formule de cette Gamme eft dans la fucctflion amen-
dante & defeendante des Notes fuivantes :
Mi Fa Sol La Si Ut Re Mi ;
dont la différence efTentielle eft , quant à la Mélodie , dans
la pofition des deux fcmi-Tons , dont le premier fe trouve
entre la Tonique & la féconde Note , ck l'autre entre la
cinquième & la fîxieme; & , quant à l'Harmonie, en ce qu'il
porte fur ù. Tonique la Tierce mineure, en commençant,
& majeure en ftnitfant , comme on peut le voir , ( PI. L.
Fig. 5. ) dans l'Accompagnement de cette Gamme , tant
en montant qu'en defeendant , tel qu'il a été donné p>:r
l' Auteur, & exécute au Concert Spirituel le 30 Mai 1751.
On objecte au Sieur de Blainville que foft Mode n'a ni
Accord , ni corde elTentielle , ni cadence qui lui foit pro-
pre , ce le diftingue fuffifamment des Modes majeur ou mi-
neur. Il répond à cela que la différence de fon Alode eft
moins dans l'Harmonie que dans la Mélodie , & moins
dans le Mode même que dans la Modulation; qu'il elt dis-
tingué dans fon commencement du Mode majeur, par fa
Tierce mineure , & dans fa fin du Mode mineur par fa
Cadence plagale. A quoi l'on réplique qu'une Modulation
qui u'eft pas exclusive ne fufEt pas pour ûablir un Mode -y
408 M O D
que la fienne eft inévitable dans les deux autres Modes , fur-
tout dans le mineur ;&, quant à fa Cadence plagale, qu'elle
a lieu néceffairement dans le même Mode mineur toutes les
fois qu'on paffede l'Accord de la Tonique à celui de la Domi-
nante , comme cela fe pratiquoit jadis , même fur les finales
dans les Modes plagaux 6c dans le Ton du Quart. D'où l'on
conclut que fon Mode mixte eft moins une efpece parti-
culière qu'une dénomination nouvelle à des manières d'en-
trelacer 6c combiner les Modes majeur 6c mineur , aufli
anciennes que l'Harmonie, pratiquées de tous les teins :
& cela paroît fi vrai , que même en commençant ù Gam-
me , l'Auteur n'ofe donner ni la Quinte ni la Sixte à fa
Tonique , de peur de déterminer une Tonique en Mode
mineur par la première , ou une Médiante en Mode ma-
jeur par la féconde. Il laiffe l'équivoque en ne rempliifant
pas fon Accord.
Mais quelque objection qu'on puifie faire contre le Mode
mixte dont on rejette plutôt le nom que la pratique, cela
n'empêchera pas que la manière dont l'Auteur l'établit & le
traite , ne le faiTe connoître pour un homme d'efprit & pour
un Muficicn très-verfé dans les principes de fon Art.
Les Anciens différent prodigieufement entr'eux fur les dé-
finitions , les divifions , & les noms de leurs Tons ou
Obfcurs fur toutes les parties de leur Mufique , ils font
prefquc inintelligibles fur celle - ci. Tous conviennent à la
Vérité qu'un Mode eft. un certain fy/téme ou une confti-
tution de Sons, & il paroît que cette constitution n'uè
autre chofe en elle-même qu'une certaine Oàave remplie
de
M O D 4.,
<fc tous les Sons intermédiaires, filon le Genre. Euclide &
Ptolomée femblent la faire conliller dans les diverfes poli-
rions des deux femi-Tons de l'Octave , relativement à la
corde principale du Mode , Comme on le voir encore au-
jourd'hui dans les huit Tons du Plain-Chanr : mais le plus
grand nombre paroît mettre cette différence uniquement
dans le lieu qu'occupe le Di;ipafon du Mode dans le fy dénie
général ; c'elt-à-dire , en ce que la Baie ou corde princi-
pale du Mode eft plus aigué ou plus grave , étant priie en
divers lieux du fyftême , toutes les cordes de la Série gar-
dant toujours un même rapport avec la fondamentale, & par
conféquent changeant d'Accord à chaque Mode pour con-
ferver l'analogie de ce .rapport : telle eit la différence des Tons
-de notre Mufique.
Selon le premier fens , il n'y auroit que fept Modes pof-
fiblcs dans le fyitême Diatonique; Zl en effet , Ptoloniée
n'en admet pas davantage : car il n'y a que fept manières
de varier la polition des deux femi - Tons relativement au
Son fondamental, en gardant toujours entre ces deux femi-
Tons l'Intervalle prefent. Selon le fécond fens , il y auroic
autant de Modes pojjibles que de Sons ; c'elt-à-dire , une
infinité ; mais (i l'on fe renferme de même dans le Alterne
Diatonique , on n'y en trouvera non plus que fept , à moins
qu'on ne veuille prendre pour de nouveaux Aîodes ceux qu'on
établirait à l'Q&ave des premiers.
En combinant cnfcmble ces deux manières , on n'a encore
befoin que de fepi - ; car fi l'on prend ces Modes en
divers lieux du Fyftême , on trouve en même rems les Sons
Vicl. de Mufique Fff
4i3 M O D
fondamentaux diftingués du grave à l'aigu , & les deux femi-
Tons différemment fitués relativement au Son principal.
Mais outre ces Modes on en peut former plufieurs autres ,
en prenant dans la même Série & fur le même Son fonda-
mental différens Sons pour les cordes elfentielles du Mode :
par exemple , quand on prend pour Dominante la Quinte
du Son principal , le Mode elt Authentique : il eft Plagal ,
fi l'on choifit la Quarte ; & ce font proprement deux Modes
différens fur la même fondamentale. Or , comme pour cenf-
tituer un Mode agréable , il faut , difent les Grecs , que la
Quarte & la Quinte foient julr.es , ou du moins une des
deux , il eft, évident qu'on n'a dans l'étendue de l'Octave
que cinq Sons fondamentaux fur chacun defquels on puifle
établir un Mode Authentique & un Plagal. Outre ces dix
Modes on en trouve encore deux , l'un Authentique , qui
ne peut fournir de Plagal , parce que fa Quarte fait le Tri-
ton ; l'autre Plagal, qui ne peut fournir d'Authentique, parce
que Çà Quinte eft fauffe. C'eft peut-être ainfi qu'il faut en-
tendre un paffage de Plutarque où la Mufique fe plaint que
Phrynis Ta corrompne en voulant tirer de cinq cordes ou
plutôt de fept, douze Harmonies différentes.
Voilà donc douze Modes pofTiblts dans l'étendue d'une
Octave ou de deux Tétracordes disjoints : que fi l'on vient
à conjoindre les deux Tétracordes ; c'efr-a-dire , à donner
un Bémol à la Septième en retranchant POÔave ; ou fl Ton
divife les Tons entiers par les Intervalles Chromatiques , pour
y introduire de nouveaux Modes intermédiaires; ou fi , ayant
feulement égard aux différences du grave à l'aigu , on place
M O D 4"
d'autres Modes à l'Q&ave des précédais; tout cela fournira
divers moyens de multiplier le nombre des Modes beaucoup
au-delà de douze. Et ce font-là les feules manières d'expli-
quer les divers nombres de Modes admis ou rejettes par les
Anciens en divers tems.
L'ancienne Mufique ayant d'abord été renfermée dans les
bornes étroites du Tétracorde , du Pentacorde ., de l'Hexa-
corde , de l'Eptacorde & de l'Q&acorde, on n'y admit pre-
mièrement que trois Modes dont les fondamentales étoient
à un Ton de diftance l'une de l'autre. Le plus grave des
trois s'appelloit le Dorien ; le Phrygien tenoit le milieu ; le
plus aigu étoit le Lydien. En partageant chacun de ces Tons
en deux Intervalles , on fit place à deux autres Modes , l'Io-
nien 6c l'Eolien , dont le premier fut inféré entre le Dorien
6: le Phrygien , & le fécond entre le Phrygien 6c le Lydien.
Dans la fuite le fyftéme s'étant étendu à l'aigu & au
grave , les Muficiens établirent , de part & d'autre , de nou-
veaux Modes qui tiroient leur dénomination des cinq pre-
miers, en y joignant la prépoiltion Hyper , fur , pour ceux
d'en-haut, & la prépolition Hypo ,fous, pour ceux d'en-bas.
Ainfi le Mode Lydien étoit fuivi de l'Hyper-Dorien , de
l'Hyper-Ionien, de l'Hyper- Phrygien , de l'Hyper-Eolicn , &
de l'Hyper-Lydien en montant ; &c après le Mode Dorien
venoient l'IIypo-Lydien , l'Hypo-Eolien , l'IIypo-Phrygien ,
THypo-Ionien , & l'Hypo-Dorien en defeendant. On trouve
le dénombrement <k ces quinze Modes dans Alypius , Au-
teur Grec. N'oyez (Pl.inche E. ) leur ordre & leurs Intervalles
exprimes par les noms des Notes de notre Mufique. Mais il
Fff %
4ti M O Î5
fuit remarquer que PH/po-Dorien étoit le feul 'Mode qu'cr
exécutoit dans toute fon étendue : à mefure que les autres
s'clevoient , on en retranchoit des Sons h l'aigu pour ne pas
excéder la portée de la Voix. Cette obfervation fert à l'in-
telligence de quelques partages des Anciens , par lcfquels ils
femblent dire que les Modes les plus graves avoient un Chant
plus aigu; ce qui étoit vrai, en ce que ces Chants s'en-
voient davantage au-dertus de la Tonique. Pour n'avoir pas
connu cela , le Doni s'eft furieufement embarrarte dans ces
apparentes contradictions. .
De tous ces Modes , Platon en rejettoit plufieurs , comme
Capables d'altérer les mœurs. Ariftoxène , au rapport d'Eu--
clide , en admettoit feulement treize , (opprimant les deux .
plus élevés ; favoir , l'Hyper-Eolien & l'Hyper-Lydien. Mais
dans l'ouvrage qui nous refte d'Ariltoxène il en nomme feule--
ment fix , fur lefquels il rapporte Jes divers fentimens qui
régnoient déjà de fon tems. .
Enfin Ptolomée réduifoit le nombre de ces .Modes l\ fepr;
difant que les Modes n'étoient pas introduits dans le def-
fein de varier les Citants félon le grave «5c l'aigu ; car il eff.
évident qu'on auroit pu les multiplier fort au-delà de quinze :
mais plutôt afin de faciliter le partage d'un Mode à l'autre •
par des Intervalles confonnans & faciles à entonner.
Il renfermoit donc tous les Modes dans l'efpuce d'une
O.Eive dont le Mode Dorien faifoit comme le centre : en
forte que le Mixo-Lydien étoit une Quarte au-dertus, &
riiypo- Dorien une Quarte au - défions ; le Phrygien, une
Qui.ue au-deflus de l'IIypo-Uoricn ; l'Hypo-Phry^ieiu une
M O D
413
(Ouarte au-dcfTous du Phrygien; & le Lydien, une Quinte
au-delïus de l'Hypo- Phrygien : d'où il paroit, qu'a compter
de l'Hypo-Dorien , qui cft le Mode le plus bas , il y avoit juf-
qu'à rHypo-Phrygien l'Intervalle d'un To/;;de l'Hypo-Phry-
gien à l'Hypo-Lydien, un autre Ton ; de l'Hypc-Lydicn au
Doricn , un kmi-Ton ; de celui-ci au Phrygien , un Ton ;
du Phrygien au Lydien encore un Ton ; & du Lydien au
Mixo-Lydien un kmï-Ton : ce qui fait l'étendue d'une fep--
ticme , en cet ordre : :
o
o
o
•t
r>
3
CN'
M
R
X
"3
•o
o
I
3-
qg.
3
Od
X
o.
I
K
3
C
o
S'
3
3-
o'
3
a.
S'
3
S
o
n
3
Ptolomée retranchoit tous les autres Modes , prétendant '
qu'on n'en pouvoir placer un plus grand nombre dans le
fylléme diatonique d'une Oirave , toutes les cordes qui la
compofoient fe trouvant employées. Ce font ces fept Modes
de Ptoloméc, qui, en y joignant l'Hypo-mixo- Lydien, ajouté, 1
dit-on, par PArécin, font aujourd'hui les huit Tons du Plain--
Chant. (Voyez Tons de l'Église. ).
#4 M O D
Telle eft la notion la plus claire qu'on peut tirer des Tons
ou Modes de l'ancienne Mufique , en tant qu'on les regardoit
comme ne différant entr'eux que du grave à l'aigu : mais ils
avoient encore d'autres différences qui les caractérifoient plus
particulièrement, quanta l'expreflion. Elles fe tiroientdu genre
de Poéfie qu'on mettoit en Mufique, de l'efpece d'Inftrument
qui devoit l'accompagner, du Rhythme ou de la Cadence
qu'on y obfervoit , de l'ufage où étoient certains Chants
parmi certains Peuples, & d'où font venus originairement
les noms des principaux Modes , le Doricn , le Phrygien , le
Lydien , l'Ionien , FEolien.
11 y avoir encore d'autres fortes de Modes qu'on auroit
pu mieux appeller Styks ou genres de compofition : tels étoient
le Mode tragique dettiné pour le Théâtre, le A Inde: Nomi-
que confacré à Apollon , le Dithyrambique à Bacchus , &c.
( Voyez Style & M^lopke. )
Dans nos anciennes Mufiques, en appelloit aufTi Modes,
par rapport à la Mefure ou au Tems, certaines manières de
fixer la valeur relative de toutes les Notes par un iigne
lérah k {Iode émit à-peu-près alors ce qu'eft aujourd'hui
la Mefure; il fe marquoit de même après la Clef, d'abord
par des cercles ou demi-cercles ponctués ou fans points
fuivis des chiffres i ou 3 différemment combinés, à quoi Ton
ajouta ou fubititua dans la fuite des lignes perpendiculaires
différentes félon le Mode, en nombre & en longueur; cV
p'ell de ce: ant; âge que nous efi relié celui du C &
du C barré. C \ P 1 LOW.)
Il y avoit en ce fens deux '~o<rx^ de Modes : le majeur,
M OU 4i5
qui fe rapportoic à la Note Maxime; & le mineur, qui
croit pour la Longue. L'un ik l'autre fe divifoir en parfait
& imparfait.
Le Mode majeur parfait fe marquoit avec trois lignes ou
bâtons qui rempliffoienr chacun trois efpaces de la Portée ,
& trois autres qui n'en rcmplhîoient que deux. Sous ce
Mode la Maxime valoic trois Longues. ( Voyez PL 13.
Fig. r.)
Le Mode majeur imparfait étoir marqué par deux lignes
qui traverfoient chacune trois efpaces , & deux autres qui
n'en traverfoient que deux ; & alors la Maxime ne valoit que-
deux Longues. ( Fig. 3. )
Le Mode mineur parfait étoit marqué par une feule ligne
qni traverfoit trois efpaces ; & la Longue valoit trois Brèves.
( Fig. 4. )
Le Mode mineur imparfait étoit marqué par une ligne qui
ne traverfoit que deux efpaces ; 6c ja Longue n'y valoit que
deux Brèves. ( Fig. 5. )
L'Abbé Brofiard a mêlé mal-à-piopos les Cercles & demi-
Cercles avec les figures de ces Modes. Ces fignes réunis
n'avoient jamais lieu dans les Alodes fimples, mais feule-
ment quand les Mefures croient doubles ou conjointes.
Tout cela n'eft plus en ufage depuis long-tems ; mais il
faur nécefTairement entendre ces fignes pour favoir déchiffrer
les anciennes Mufiques , en quoi les plus favans Muficiens
font fouvent fort embarraffés.
MOUERE, adv. Ce mot indique un mouvement moyen
entre le lent & le gai ; il répond à l'Italien Aidante. (Yoy.
An DANTE.)
4itf TVI O D
MODULATION , f.f. C'eft proprement la manière d'état
blir & rraicer le Mode ; mais ce mot fe prend plus commu-
nément aujourd'hui pour llart de conduire l'Harmonie & le
Chant fucceffivement dans plufieurs Modes d'une manière
agréable à l'oreille & conforme aux règles.
Si le Mode elt produit par l'Harmonie , c'eft d'elle aufli
que naiilent les loix de la Modulation. Ces loix font /Im-
pies à concevoir, mais difficiles à bien obferver. Voici ea
quoi elles confident.
Pour bien moduler dans un même Ton , il faut i°. en par-
courir tous les Sons avec un beau Chant, en rebattant plus
Couvent les cordes efTentielles & s'y appuyant davantage ;
c'eit-à-dire , que l'Accord fenfible , &. l'Accord de la Toni-
que doivent s'y remontrer fréquemment, mais fous diffé-
rentes faces & par différentes routes pour prévenir la mono-
tonie.. z°. N'établir de Cadences ou de repos que fur ces
deux Accords, eu . tout au plus fur celui de la fous-Do-
jniuante. 30. Enfin n'altérer jamais aucun des Sons du Mo-
.de; car on ne peut, fans le quitter, faire entendre un Diéfe
ou un Bémol qui ne lui appartienne pas, ou en retrancher
quelqu'un qui lui appartienne.
M lis pour pafler d'un Ton à un autre, il faut confulter
nie, avoir égard au rapport des Toniques; &. à la
quantité des cordes communes aux deux Tons.
Partons d'abord du Mode majeur. Soit que Ton confiderc
la Quinte de la Tonique , comme ayanr avec elle le plus
•iimple de tous les rapports après celui île l'Odave , l'oit quV n
h eonûderc comme le premier des Sons qui encrent dans
U
M O D 4T7
îa réfonnancc de cette même Tonique , on Trouvera tou-
jours que cette Quinte , qui eft la Dominante du Ton, eft
la corde fur laquelle on peut établir la Modulation la plus
analogue a celle du Ton principal.
Cette Dominante, qui faifoit partie de l'Accord parfait de
cette première Tonique , fait aufïi partie du fien propre , donc
elle eft le Son fondamental. Il y a donc liaifon entre ces
deux Accords. De plus , cette même Dominante portant ,
ainfi que la Tonique , un Accord parfait majeur par le prin-
cipe de la réfonnance, ces deux Accords ne différent en-
rr'eux que par la Dilîbnance , qui de la Tonique paffant à la
Dominante , eft la Sixte ajoutée , & de la Dominante re-
paffant à la Tonique , eft la Septième. Or ces deux Accords
ainfi diltingués par la Dilîbnance qui convient à chacun ,
forment, par les Sons qui les compofent rangés en ordre,
précifémen* l'Octave ou Echelle Diatonique que nous appel-
Ions Gamme , laquelle détermine le Ton.
Cette même Gamme de la Tonique , forme , altérée feu-
lement par un Dicfe , la Gamme du Ton de la Dominante;
ce qui montre la grande analogie de ces deux Tons , 6c
donne la facilité de paûer de l'un à l'autre au moyen d'une
feule altération. Le Ton de la Dominante elt donc le pre-
mier qui fe préfente après celui de la Tonique dans l'ordre
des Modulations.
La même (Implicite de rapport que nous trouvons entre
une Tonique 6c ù Dominante , fe trouve aufïi entre la
même Tonique & ù fous-Dominanrc ; car la Quinte que la
Dominante fait à l'aigu avec cette Tonique, la fous-Domi-
Dici. de Mujîçue. Ggg
4iS M O D
liante la fait au grave : mais cette fous -Dominante n'eft
Quinte de la Tonique que par renverfement ; elle eft directe-
ment Quarte en plaçant cette Tonique au grave , comme elle
doit être ; ce qui établit la gradation des rapports : car en ce
ifcns la Quarte , dont le rapport eft de 3 à 4 , fuit immédia-
tement la Quinte , dont le rapport eft de i à 3. Que fi cette
fous - Dominante n'entre pas de même dans l'Accord de la
Tonique , en revanche la Tonique entre dans le fien. Car
fait ut mi fol l'Accord de la Tonique, celui de la fous-Do-
minante fera fa la ut ; ainfi c'efè Y ut qui fait ici liaifon , &
les deux autres Sons de ce nouvel Accord font précifément
les deux Dilfonances des précédens. D'ailleurs , il ne faut pas
altérer plus de Sons pour ce nouveau Ton que pour celui de
la Dominante ; ce font dans l'une & dans l'autre toutes les
mêmes cordes du Ton principal , à un près. Donnez un Bé-
mol à la Note fenfible fi , & toutes les Notes du Ton d'uf
ferviront à celui de fa. Le Ton de la foas-Dominante n'eft
donc gueres moins analogue au To:i principal que celui de
la Dominante.
On doit remarquer encore qu'après s'être fervi de la pre-
mière Modulation pour pafTer d'un Ton principal /// à celui
de fa Dominante fol , on eft obligé d'employer la Seconde
pour revenir au Ton principal : car fi fol eft Dominante du
Ton dW , ut eft fous- Dominante du Ton de fol; ainfi
l'une de ces Modulations n'eft pas moins néceilairc que
l'autre.
Le rroifîemc Son qui entre dans l'Accord de la Tonique
eft celui de fa Tierce OU McJiante , & c'elt aulli le plus
M O D 419
liniple des rapports après les deux précédens. \ \ ± . Voilà donc
une nouvelle Modulation qui fe préfente 6c d'aurant plus ana-
logue que deux des Sons de la Tonique principale entrent
auiïî dans l'Accord mineur de fa Médiante; car le premier
Accord étant ut mi fol, celui-ci fera mi fol Ji , où l'on voit
que mi 6c fol font communs.
Mais ce qui éloigne un peu cette Modulation , c'eit la
quantité de Sons qu'il y faut altérer, même pour le Mode
mineur, qui convient le mieux à ce mi. J'ai donné ci-devant
la formule de l'Echelle pour les deux Modes : or appliquant
cette formule à mi Mode mineur , on n'y trouve à la vérité
que le quatrième Son fa altéré par un Dièfe en defeendant ;
mais en montant , on en trouve encore deux autres ; fa-
voir , la principale Tonique ut, 6c fa féconde Note re qui
devient ici Note fenfible : il elt certain que l'altération de
tant de Sons , 6c fur-tout de la Tonique , éloigne le Mode
6c affaiblit l'analogie.
Si l'on renverfe la Tierce comme on a renverfé la Quinte ,
6c qu'on prenne cette Tierce au-deffous de la Tonique fur
la (ixieme Note la, qu'on devroit appeller auffi fous-Médiante
ou Médiante en delfous , on formera fur ce la une Modu-
lation plus analogue au Ton principal que n'étoit celle de
mi ; car l'Accord parfait de cette fous-Médiante étant la ut
mi , on y retrouve , comme dans celui de la Médiante , deux
des Sons qui entrent dans l'Accord de la Tonique; (avoir,
ut 6c mi; 6c de plus, l'Echelle de ce nouveau Ton étant
compofee , du moins en defeendant , des mêmes Sons que
celle du Ton principal , 6c n'ayant que deux Sons alun*
410 M O D
en montant , c'ef i-à-dire , un de moins que l'Echelle de Ta?
Médiante, il s'enfuit que la Modulation de la fixicme Note-
cft préférable à celle de cette Médiante ; d'autant plus que
la Tonique principale y fait une des cordes efTentielles du,
Mode ; ce qui eft plus propre à rapprocher l'idée de la A/o-
dulation. Le mi peut venir enfuite.
Voilà donc quatre cordes mi fa fol la , fur chacune des-
quelles on peut moduler en forçant du Ton majeur d'ur-
lieftent le re &c le fi , les deux Harmoniques de la Domi—
nante. Ce dernier, comme Note fenfible, ne peut devenir
Tonique par aucune bonne Modulation , du moins immédia-
tement : ce feroit appliquer brufquement au même Son des-
idées trop oppofées & lui donner une Harmonie trop éloi-
gnée de la principale. Pour la féconde Note re , on peut
encore , à la faveur d'une marche confonnante de la Balle—
fondamentale , y moduler en Tierce mineure , pourvu qu'on
n'y refte qu'un inftant , afin qu'on n'ait pas le rems d'ou-
blier la Modulation de Vut qui lui-même y eft altéré ; autre-
ment il faudroit , au lieu de revenir immédiatement en ut r
palier par d'autres Tons intermédiaires , où il feroic dange-
reux de s'égarer.
En fuivant les mêmes analogies , on modulera dans l'or-
dre fuivant pour fortir d'un Ton mineur; la Médiante pre-
mièrement, enfuite la Dominante, la fous-Dominante & la
fous-Médiante ou fixieme Noce. Le Mode de chacun de ces-
Tons accefibires eft déterminé par fa Médianes ûrift dans
l'Echelle du Ton principal. Par exemple, fortant d'un l'on
majeur ut pour moduler fur la Médiante , on fait mineur le-
M O D 42 r
Mode de ectre Médiante, parce que la Dominante fol du
Ton principal fait Tierce mineure far cette Médiante mi.
Au contraire , fortanc d'un Ton mineur /:: , on module fur
fa Médiante ut en Mode majeur , parce que la Dominante mi
du Ton d'où Ton fort fait Tierce majeure fur la Tonique
de celui où l'on entre , &c.
Ces règles, renfermées dans une formule générale, font,
que les Modes de la Dominante & de la fous -Dominante
foient femblables à celui de la Tonique , & que h Médiante
& la fixieme Note portent le Mode oppefé. Il faut remar-
quer cependant qu'en vertu du droit qu'on a de parTer du
majeur au mineur , & réciproquement , dans un même Ton ,
on peut aufli changer Tordre du Mode d'un Ton a l'autre ;
mais en s'éloignant ainfi de la .Modulation naturelle , il faut
fonger au retour : car c'efr, une règle générale que tout
morceau de Mufique doit finir dans le Ton par lequel il a
commencé.
J'ai rafTemblé dans deux exemples fort courts tous les
Tons dans lefquels on peut paffer immédiatement ; le pre-
mier , en fortant du Mode majeur , & l'autre , en for-
rant du Mode mineur. Chaque Note indique une Aiodula-
tion , & la valeur des Notes dans chaque exemple indique
aufïi la durée relative convenable a chacun de ces Modes
félon fon rapport avec le Ton principal. ( Voyez PL Bt
tï?. 6 ce 7.)
Ces Modulations immédiates fcurniiTent les moyens de
paffer par les mêmes règles dans des Tons plus éloignes ,
&c de revenir enfuite au l'on principal qu'il ne faut jamais
4« M O D
perdre de vue. Mais il ne fuffit pas de connoîcre les routes
qu'on doit fuivre ; il faut favoir aufii comment y entrer.
Voici le fommaire des préceptes qu'on peut donner en
cette Partie.
Dans la Mélodie , il ne faut , pour annoncer la Mo-
dulation qu'on a choifie , que faire entendre les altéra-
tions qu'elle produit dans les Sons du Ton d'où l'on
fort , pour les rendre propres au Ton où l'on entre. Eit-
on en ut majeur , il ne faut que fonner un fa Dièfe pour
annoncer le Ton de la Dominante , ou un // Bémol pour
annoncer le Ton de la fous - Dominante. Parcourez en-
fuite les cordes effentielles du Ton où vous entrez ; s'il eft
bien choifi votre Modulation fera toujours bonne &c régulière.
Dans l'Harmonie , il y a un peu plus de difficulté : car
comme il faut que le changement de Ton fe faffe en même
tems dans toutes les Parties , on doit prendre garde à l'Har-
monie & au Chant , pour éviter de fuivre à la fois deux
différentes Modulations. Huyghens a fort bien remarqué que
la profcription des deux Quintes confécutives a cette règle
pour principe : en effet , on ne peut gueies former entre
deux Parties plufieurs Quintes juftes de fuite fans moduler
en deux Tons différens.
Pour annoncer un Ton , plufieurs prétendent qu'il fuffit
de former l'Accord parfait de fa Tonique, & cela eft indif-
penfable pour donner le Mode ; mais il eft certain que le
Ton ne peut être bien déterminé que par l'Accord fenfiblc
ou dominant : il faut donc faire entendre cet Accord en
commençant la nouvelle Modulation, La bonne règle feroie
M O D 413
que la Septième ou DifTonance mineure y fût toujours pré-
parée , au moins la première fois qu'on la fait entendre ;
mais cette règle n'eft pas praticable dans toutes les Modu-
lations permifes, & pourvu que la Balle-fondamentale mar-
che par Intervalles confonnans , qu'on obferve la liaifon har-
monique , l'analogie du Mode , & qu'on évite les faufles
Relations, la Modulation eiï toujours bonne. Les Compo-
fiteurs donnent pour une autre règle de ne changer de Ton
qu'après une Cadence parfaite ; mais cette règle eft inutile ,
& perfonne ne s'y afllijettit.
Toutes les manières pofïïbles de parler d'un Ton dans un
autre fe réduifent à cinq pour le Mode majeur , & à quatre
pour le Mode mineur ; lefquelles on trouvera énoncées par
une BarTe - fondamentale pour chaque Modulation dans la
Planche B. Figure 8. S'il y a quelqu'autre Modulation qui
ne revienne à aucune de ces neuf, à moins que cette Modu~
lation ne foit Enharmonique, elle efè mauvaife infailliblement.
( Voyez Enharmonique. )
MODULER , v. n. C'eft compofer ou préluder , foit par
écrit , foit fur un Infiniment , foit avec la Voix , en fuivant
les règles de la Modulation. (Voyez Modulation.)
MŒURS , f. f. Partie confidérable de la Mufique des
Grecs appellée par eux Hermofmenon , laquelle confiftoit à
connoître & choifîr le bienféant en chaque Genre , & ne
leur permettoit pas de donner à chaque fentiment , à cha-
que objet, a chaque caractère toutes les formes dont il étoit
fufceptible ; mais les obligeoit de fe borner à ce qui étoic
convenable au fujet , à l'occafîoa , aux perfonnes , aux cir-
4i* MOI
conftances. Les Mœurs confiftoient encore a tellement ac-
corder & proportionner dans une Pièce toutes les Parties
de la Mufique , le Mode , le Tems , le Rhythme , la Mé-
lodie , «5c même les çhangemens , qu'on fentk dans le tout
une certaine conformité qui n'y lailiat point de difparate ,
& le rendît parfaitement un. Cette feule Partie , dont l'idée
n'eft pas même connue dans notre Mufique , montre à quel
point de perfection devoit erre porté un Art où l'on avoir,
même réduit en règles ce qui eft honnête , convenable &
bienféanr.
MOINDRE, adj. (Voyez Minime.)
MOL , adj. Epithete que donnent Ariftox^ne & Prolomée
à une efpece du Genre Diatonique & a une cfpcce du Genre
Chromatique dont j'ai parlé au met Genrk.
Pour la Mufique moderne, le mot Mol n'y eft, employé
que dans la compofition du mot Bémol ou B. mol , par
oppofition au mot Bcquarrc , qui jadis s'appelloit auifi B. dur,
Zarlin cependant appelle Diatonique Mol une efpece du
Genre Diatonique dont j'ai parlé ci-devant. (Voyez Diato-
nique. )
MONOCORDE , f. m. Infiniment ayant une feule corde
qu'on divife à volonté par des Chevalets mobiles , lequel
fort à trouver les rapports des Intervalles & toutes les divi-
fions du Canon Harmonique. Comme la Partie des Infiru-
mens n'entre point dans mon plan , je ne parlerai pas plus
long-tcms de celui-ci.
MONODIE,/! f. Chant à voix feule, par oppofition a ce
que les Anciens appellojent Çhorodies,Q\i Mufiques execu ^r.
par Je Chœur, ONOLOGl
MON <z5
MONOLOGUE -, / m. Scène d'Opéra où l'AJreur eu
feul & ne parle qu'avec lui-même. Celt dans les Monolo-
gues que fe déploient to^res les forces de la Mufiquc ; le
Muficien pouvant s'y livrer a toute l'ardeur du fon génie, fans
être gêné dans la longueur de fes morceaux par la préfence
d'un Interlocuteur. Ces Récitatifs obligés , qui font un Ci
grand effet dans les Opéra Italiens , n'ont lieu que dans les
Alonolo°ues.
MONOTONIE , / /: G'eft , au propre , une Pfalmodie
ou un Chant qui marche toujours fur le même Ton ; mais
ce mot ne s'-emploie gueres que dans le figuré.
MONTEE , v. ru C'elt faire fuccéder les Sons du bas en
haut ; c'eit-à-dire , du grave à l'aigu. Cela fe prélente à l'œil
par notre manière de noter.
MOTIF , f. m. Ce mot francifé de l'Italien motivo n'eit
gueres employé dans le fens technique que par les Compo-
ftteurs. Il figaiùe l'idée primitive & principale fur laquelle
le Compofiteur détermine ion fujet & arrange fon deiïein.
C'ef-è le Motif qui, pour aiofi dire, lui met la plume à
la main pour jetter fur le papier telle chofe & non pas telle
autre. Dans ce fens le Motif principal doit être toujours
préfent a l'efprit du Compofiteur, & il doit faire en forte
qu'il le foit aulH toujours à l\fprit des Auditeurs. On dit
qu'un Auteur bat la campagne lorsqu'il perd fon Motif de
vue , & qu'il coud des Accords ou des Chants qu'aucun fens
commun n'unit entr'eux.
Outre ce Motif, qui n'-eit que l'idée principale de la
Pièce , il y a des Motifs particuliers, qui font les idées dé-
Dict. <U Mufiquc H h h
4i5 MOT
terminantes de la Modulation , des entrelacement , des ten-
tures harmoniques ; 6c fur ces idées, que l'on preflent dans
l'exécution , l'on juge fi l'Auteur a bien fuivi les Motifs ,
ou s'il a pris le change , comme il arrive fouvent à ceux
qui procèdent Note apres Note , 6c qui manquent de favoir
ou d'invention. C'efi dans cette acception qu'on dit Motif
de Fugue , Motif de Cadence , Motij de changement de
Mode , 6cc.
MOTTET , f. m. Ce mot fignifioit anciennement une
compofition fort recherchée , enrichie de toutes les beaurés
de l'Art; 6c cela fur une période fort courte : d'où lui vient,
félon quelques-uns , le nom de Mottet , comme fi ce n'étoic
qu'un mot.
Aujourd'hui l'on donne le nom de Mottet à toute Pièce
de Mufique faite fur des paroles Latines à l'ufage de l'E-
glife Romaine, comme Pfeaumes , Hymnes, Antiennes,
Répons , &c. Et tout cela s'appelle , en général , Mufique
Latine.
Les François réunifient mieux dans ce genre de Mufique
que dans la Frànçoife , la langue étant moins le ;
mais ils y recherchent trop de travail , 6c comme le leur a
reproché l'Abbé du Bos , ils jouent trop fur le mot. .
général , la Mufique Latine n'a pas affez de gravité p
l'ufage auquel elle eft deftinée. On n'y doit point rech>
cher l'imitation comme dans la Mufique théâtrale : ks Chants
facrés ne doivent point représenter le tumulte des pallions
humaines, mais feulement la Majifié de celui à qui ils <
dniïent, 6c L'égalité d'unie de ceux qui les pronom ' oi
M O V 4i7
que \ jiflent dire les paroles , route autre expreflïon dans le
Chant eft un contre-fens. Il faut n'avoir, je ne dis pas aucune
piété, mais je dis aucun goût, pour préférer dans les Egli-
fes la Mufique au Flain - Chant.
Les Muficiens du treizième & du quatorzième fiecle don-
naient le nom de Mottetus à la Partie que nous nommons
aujourd'hui Haute-Contre. Ce nom , & d'autres aufli étranges,
caulent Couvent bien de l'embarras à ceux qui s'appliquent à
déchiffrer les anciens manuferits de Mufique , laquelle ne s'é-
crivoit pas en Partition comme à préfent.
MOUVEMENT, / m. Degré de viteffe ou de lenteur que
donne à la Mefure le caractère de la Pièce qu'on exécute.
Chaque efpece de Mefure a un Mouvement qui lui elt le plus
propre , & qu'on défigne en Italien par ces mots , Tempo
giuflo. Mais outre celui -là il y a cinq principales modifica-
tions de Mouvement qui , dans l'ordre du lent au vite , s'ex-
priment par les mots Largo , Adagio , Andante , Allegro ,
Prejlo ; & ces mots fe rendent en François par les fuivans ,
Lent, Modéré, Gracieux t Gai, Vue. Il faut cependant
obferver que , le Mouvement ayant toujours beaucoup moins
de précifion dans la Mufique Françoife , les mots qui le dési-
gnent y ont un fens beaucoup plus vague que dans la Mufi-
que Italienne.
Chacun de ces Degrés fe fubdivife & fe modifie encore
en d'autres , dans lefquels il faut difiinguer ceux qui n'indi-
quent que le Degré de vîteffe ou de lenteur , comme Lar-
ghetto , And.intino , Allegretto , PreJiiJJimo , & ceux qui
marquent , de plus , le caractère & l'exprclfion de l'Air ;
Hhh i
4iS MOU
comme Agitato , Vivace , Cu/Tofu , Conbrio , &c. Les pre^-'
miers peuvent être faifis & rendus par tous les Muficiens-;
mais il n'y a que ceux qui ont du fentiment & du goût qui
fentent & rendent les autres-.
Quoique généralement les Mouvemens lents conviennent
aux parlions trilles , & les Mouvemens animés aux paiTiotB
gaies, il y a pourtant Couvent des modifications par lefquelles
une paffion parle fur le ton d'une autre : il eit vrai, toutes-
fois, que la gaieté ne s'exprime gueres avec lenteur ; mais
fouvent les douleurs les plus, vives ont le langage le plus
emporté..
MOUVEMENT effr. -encore la marche ou le progrès des
Sons du grave à l'aigu, ou de 1 aigu au grave : ainrt quand
on dit qu'il faut , autant qu'on le peut, faire marcher la BalTe
& le Deiîus par Mouvemens contraires , cela fignifie que l'une
des Parties doit monter , tandis que l'autre defeend. Mou-
vement femblable , c'eft quand les deux Parties marchent en
même fens. Quelques-uns appellent Mouvement oblique celui
où l'une des Parties refle en place , tandis que l'autre monts
ou dtfcend..
Le favant Jérôme. Mei, à l'imitation d'Ari/toxène , dis-
tingue généralement , dans la, Voix- humaine , deux fortes
de Mouvement ; favoir , celui de la Voix parlante , qi/i)
appelle Mi>u\-ement continu r & qui ne le fixe qu'au moment
qu'on fc tait; & celui de la Voix chantante , qui marche pap
Intervalles déterminés , & qu'il appelle Mom
'lue ou Jntervallàtif.
MIJ VNCES , f, f. On appelle ainû les diverfes manières
M 0 S 4ïy
Rappliquer aux Notes les fy llabes de la Gamme , félon k$
diverfes poficions des deux femi-Tons de l'Octave , & félon
les différentes routes pour y arriver. Comme l'Are tin n'in-
venta que fix de ces fyllabes , & qu'il y a fept Notes à nom-
mer dans une Octave, il falloit néceffairement répéter le nom
de quelque Note ; cela fit qu'on nomma toujours mi fa ou
fa la les deux Notes entre lefquelles fe trouvoit un des fcmi-
Tbns. Ces noms détermmoient; en même tems ceux des
Notes les plus voifines , foit en montant, foit en defeendanr.'
Or comme les deux femi-Tons lbnt fujets à changer de place
dans la Modulation , ce qu'il y a dans la Mufique une mt:^
ritude de manières différentes de leur appliquer les fix mêmes
iyllabes , c^s manières s'appelloient Muances , parce que les*
mêmes Notes y changeoient inceflamment de noms. (Vbyed
Ci A. M M k. )
Dans le fiecle dernier on ajouta en France la fyllabe fi aux'
fix premières de la Gamme de l'Arétin. Par ce moyen la fep-
rieme Note de l'Echelle fir trouvant nommée , les Muances
devinrent inutiles , & furent proferites de la Mufique Fran-
çoife ; mais chez toutes- les autres Nations , où , félon l'efpric
du métier , les Muficiens prennent toujours leur vieille rou-
tine pour la perfection- de l'Art , on n'a point adopté le fi ;.
& il y a apparence qu'en Italie, en Efpagne , en Allemagne,
en Angleterre , les Muances fervhoirt long-tems encore à la*
défolation des commençans.
MUANCES, dans lu Mufique ancienne. (Voyez Muta--
TlONSw)
MUSETTE , f. f. Sorte d'Air convenable à PlnlfcrurcenC
\
430 MUS
de ce nom , dont la Mefure eft à deux ou trois Tems , le
caractère naïf ôc doux , le mouvement un peu lent, portant
une Baffe pour l'ordinaire en Tenue ou Peint d'Orgue , telle
que la peut faire une Mufttte , ce qu'on appelle à caufe de
cela Baffe de Mufette. Sar ces Airs on forme des Danics
d'un car .itère convenable , & qui portent aufli le nom de
Jldu/eues*
MUSICAL , adj. Appartenant à la Mufique. ( Voyez Mu-
sique. )
MUSICALEMENT , adv. D'une manière Muficale , dans
les règles de la Mufique. ( Voyez Musique. )
MUSICIEN , f. m. Ce nom fe donne également à celui qui
compofe h Mufique ôc à celui qui l'exécute. Le premier s'ap-
pelle aulfi Compofiteur. (Voyez ce mor.J
Les anciens Muficiens étoient des Poètes , des Philofo-
phes , des Orateurs du premier ordre. Tels étoier.t Orphée ,
Terpandre, Stéfkhore, &c. Auffi Bocce ne veut-il pas ho-
norer du nom de Mujiciai celui qui pratique feulement la
Mufique par le miniflcre fervile des doigts ôc de la voix ;
mais celui qui poffede cette feience par le raifonnement ôc
la fpéculation. Et il femble , de plus, que pour s'élever aux
grandes exprcflions de la Mufique oratoire ôc imirative , il
faudrait avoir fait une étude particulière des pallions humai-
nes ôc du langage de la Nature. Cependant les Alujidens
de nos jours, bornés, pour la plupart, à la pratique dis
Notes ôc de quelques tours de Chant ne feront gueres of-
fenfés , je penfe , quand on ne les tiendra pas pour de grands
Phijofophes,
Il US 43,
MUSIQUE, f f. Art de combiner les Sons d'une ma-
nière agréable à l'oreille. Cet Art devient une feience & mê-
me très-profonde, quand on veut trouver les principes de
ces combinaifons & les raifons des affections qu'elles nous
caufent. Ariitide Quintilien définit la Mufique , I"Artdubeau&
de la décence dans les Voix & dans les Mouvemens. Il n'eit
pas étonnant qu'avec des définitions fi vagues & fi générales
les Anciens aient donné une étendue predigieufe à l'Art qu'ils
définiffoient ainfi.
On fuppofe communément que le mot de Mufique vient
de Alufa , parce qu'on croit que les Mufes ont inventé cet
Art : mais Kircher, d'après Diocîore, fait venir ce nom d'un
mot Egyptien , prétendant que c'eft en Egypte que la Mu-
fique a commencé à fe rétablir après le déluge , & qu'on
en reçut la première idée du Son que rendoient les rofeaux
qui croilîent fur les bords du Nil , quand le vent fouffloit
dans leurs tuyaux. Quoi qu'il en foit de l'ctymolcgie du nom ,
l'origine de l'Art eit certainement plus près de l'homme,
& fi la parole n'a pas commencé par du Chant, il efl fur,
au moins, qu'on chante par-tout où l'on parle.
La Mufique fe divife naturellement en Mufique théotique
ou Jpéculative , & en Mufique pratique.
La Mufique fpécularive e(t, Ci l'on peut parler ainfi, la
connoiffance delà matière muficale ; c'eft-à-dire, des diffé-
rens rapports du grave h l'aigu, du vite au lent, de Paij
au doux, du fort au foible, dont les Sons font fufceptibles ;
rapports qui , comprenant toute! ombinaifons poflîbles
de la Mufique & des Sons, femhlent comprendre auiïi tou-
Ali MUS
les les çaufes des imprefïions que peut faire leur fucceflîofi
.fur l'oreille & fur l'ame.
La Alufique pratique eft l'Art d'appliquer & mettre en
.ufage les principes de la fpéculative ; c'eft-à-dire , de con-
-duire & difpofer les Sons par rapport à la confonnance , à
Ja durée, à la fucceffion, de telle forte que le tout produife
fur l'oreille l'effet qu'on s'eft propofé ; c'eft cet Art qu'on
gppelle Çompofition. ( Voyez ce mot.) A l'égard de la pro-
duction actuelle des Sons par les Voix ou par les Initru-
<nens , qu'on appelle Exécution , c'elt la partie purement
mécanique & opérative, qui, fuppofant feulemejit la faculté
d'entonner jufte les Intervalles, de marquer julte les durées,
de donner aux Sons le degré preferit dans le Ton, & la
pâleur preferite dans le Tcms , ne demande en rigueur d'au-
tre connohTance que celle des caractères de la Mufique , &
l'habitude de les exprimer.
La Mufique. fpéculative fe divife en deux parties; favoir, la
çonnouTance du rapport des Sons ou de leurs Intervalles,
fc celle de leurs durées relatives; c'eil-à-dire , de luMefure
& du Te m s.
La première elt proprement celle que les Anciens ont ap-
pelles Mufique harmonique. Elle enfeigne en quoi confiite
L1 nature du Chant & marque ce qui eft confonnant, dif-
fonanr, i:^réabîe ou déplaifant dans la Modulation, Elle fait
connoîrre , en un mor, les djftierfts manières dont les Sons
lent l'oreille par leur timbre, par leur force , par leurs
i ; ce qui s'applique également a leur Accord & à
'. ' | un.
La
MUS
La féconde a été appellée Rhythmique, parce qu'elle traire
des Sons eu égard au Tems & à la quantité. Elle contient
l'explication du Rhythme , du Mètre , des Mefures longues
6c courtes, vives 6c lentes, des Tems 6c des diverfes parties
dans lefquelles on les divife, pour y appliquer la fuccellion
des Sons.
La Mujique pratique fe divife auiïî en deux Parties, qui ré-
pondent aux deux précédentes.
Celle qui répond à la Mujique harmonique , 6c que les An-
ciens appelloient Mélopée , contient les règles pour corn,
ner & varier les Intervalles confonnans 6c diffonans d'une ma-
nière agréable 6c harmonieufe. (Voyez Mélopée.)
La féconde, qui répond à la Mujique Rliythmique , 6c qu'ils
appelloient BJiythmopée , contient les règles pour l'applica-
tion des Tems, des Pieds, des Mefures; en un mot, pour
la pratique du Rhythme. (Voyez Rhythme. )
Porphyre donne une autre divifion de la Mujique , en tanc
qu'elle a pour objet le Mouvement muet ou fonore, 6c, fans
la diftinguer en fpéculative 6c pratique , il y trouve les fix
Parties fuivantes ; la Rhythmique , pour les mouvemens de la
Danfe; la Métrique , pour la Cadence & le nombre des Vers;
X Organique , pour la pratique des Inftrumens; la Poétique ,
pour les Tons 6c l'Accent de la Poélie ; YHypocritique ,
pour les attitudes des Pantomimes; 6c Y Harmonique , pour
le Chant.
La Mujique fe divife aujourd'hui plus fimplement en Mé-
lodie 6c en Harmonie ; car la Rhythmique n'eft plus rien
pour nous, 6c la Mérrique eft trés-peu de chofe, attendu que
Dicl. de Mujique. I î i
434 * U S
nos Vers , dans le Chant , prennent presque uniquement leur
Mefure de la Mujique , & perdent le peu qu'ils en ont par
eux-mêmes.
Par la Mélodie, on dirige la fuccefïion des Sons de ma-
nière à produire des Cliants agréables. (Voyez Mélodie y
Chant, Modulation.)
L'Harmonie confiée à unir à chacun des Sons d'une fuc-
cefïion régulière deux ou plufieurs autres Sons , qui frap-
pant l'oreille en même tems, la flattent par leur concours.
( Voyez Harmonie. )
On pourroit & l'on devroit peut-être encore divifer la Mu-
figue en naturelle & imitative. La première , bornée au feul
phyfique des Sons & n'agiffant que fur le fens, ne porte point
fes impreiîions jufqu'au cœur, & ne peut donner que des
fenfations plus ou moins agréables. Telle eft la Mufique des
Chanfons , des Hymnes, des Cantiques, de tous les Chants
qui ne font que des combinaisons de Sons Mélodieux , &c
en général toute Mufique qui n'eit qu'Harmonieufe.
La féconde , par des inflexions vives accentuées , & , pour
ainfi dire, parlantes, exprime toutes les paflions, peint tous
les tableaux , rend tous les objets , foumet la Nature entière
à fes favantes imitations, & porte ainfi jufqu'au cœur de
l'homme des fvntimens propres à l'émouvoir. Cette Mufique
vraiment lyrique & théâtrale éroit celle des anciens Poè-
mes, & c'efr. de nos jours celle qu'on s'efforce d'appliquer
aux Drames qu'on exécute en Chant fur nos Tl , Ce
tf eft que dans cette Mufique , & son dans l'Harmonique ou
naturelle, qu'on doit chercher la raifbn des effet
MUS 43.
qu'elle a produits autrefois. Tant qu'on cherchera dvs effets
moraux dans le fcul phyfique des Sons, on ne les y trouvera
point & l'on raifonnera fans s'entendre.
Les anciens Ecrivains différent beaucoup entr'eux fur la na-
ture, l'objet, l'étendue & les parties de la Mufique. En gé-
néral , ils donnoient à ce mot un fens beaucoup plus étendu
que celui qui lui refte aujourd'hui. Non-feu!e ment fous le nom
de Mufique ils comprenoient , comme on vient de le voir ,
la Danfe , le Gefte, la Poéfie, mais même la collection de
toutes les feiences. Hermès définit la Mufique , la connoif-
fance de l'ordre de toutes chofes. C'étoit aufli la doctrine de
l'Ecole de Pythagore & de celle de Platon, qui enfeignoient
que tout dans l'Univers étoit Mufique. Selon Héfythius, les
Athéniens donnoient à tous les Arts le nom de Mufique \ &
tout cela n'eft plus étonnant depuis qu'un Muficien moderne
a trouvé dans la Mufique le principe de tous les rapports &
le fondement de toutes les feiences.
De-là toutes ces Mufique s fublimes dont nous parlent les
Philofophes : Mufique divine , Mufique des hommes , Mufi-
que célefte , Mufique terreftre , Mufique aclive , Mufique con-
templative, Mufique énonciative, intellecHve , oratoire, Stc,
C'efr. fous ces vaftes idées qu'il faut entendre plufieurs paf-
fages des Anciens fur la Mufique, qui feraient inintelligibles
dans le fens que nous donnons aujourd'hui à ce mot.
Il paroît que la Mufique a été l'un des premiers Arts : on
le trouve mêlé parmi les plus anciens monumens du Gcare
Humain. Il elt trcs-vraifemblable aufli que la Mufique Vo-
cale a été trouvée avant l'Ialtrumencale , fi même il y a
Iii >
43* MUS
jamais eu parmi les Anciens une Mufique vraiment Inftru-
mentale ; c'eft-à-dire, faite uniquement pour les Inftrumens.
Non-feulement les hommes, avant d'avoir trouvé aucun Inf-
trument , ont dû faire des obfervations fur les difTérens Tons
de leur Voix; mais ils ont dû apprendre de bonne heure
par le concert naturel des oiflaux, h modifier leur Voix &
leur gofier d'une manière agréable &c mélodieufe. Après cela,
les Infhumens à vent ont dû être les premiers inventés.
Diodore & d'autres Auteurs en attribuent l'invention à l'ob-
fervation du fifflement des vents dans les rofeaux ou autres
tuyaux des plantes. C'eft aufli le fentiment de Lucrèce.
At liquidas avium voce s imitarier ore
Antè fuit multo , quàm levia carmina cantu
Concelebrçre homines pqffint , aureifque juvare ;
Et Zephyri cava per calamorum fibila primum
Agreftds docuêrc cavas inflare cicutas.
A l'égard des autres fortes d'Initrumens , les Cordes fo-
norcs font fi communes que les hommes en ont dû obfer-
ver de bonne heure les diflérens Tons ; ce qui a donne naif-
fance aux Inftrumens à Corde. (Voyez Cordi. )
Les Inftrumens qu'on bat pour en tirer du Son , comme
les Tambours & les Tymbales , doivent leur origine au
bru': fourd que rendent les corps creux quand on les
Il eft difficile de fortir de ces généralités pour conlhitcr
quelque fait fur l'invention de la Mufique réduiçc eu Arc.
MUS
Sans remonter au-delà du déluge, plufieurs Anciens attri-
buent cette invention à Mercure, auiïî-bien que celle de la
Lyre. D'autres veulent que les Grecs en foient redevables à
Cadmus, qui, en fe fauvant de la Cour du Roi de Phé-
nicie , amena en Grèce la Muficienne Hermione ou Harmo-
nie; d'où il s'cnfuivroit que cet Art étoit connu en Phé-
nicie avant Cadmus. Dans un endroit du Dialogue de PJu-
tarque fur la Mujiquc , Lyiias dit que c'eft Amphion qui l'a
inventée ; dans un autre , Sorérique dit que c'eft. Apollon ;
dans un autre encore , il femble en faire honneur à Olym-
pe : on ne s'accorde gueres fur tout cela, & c'efè ce qui n'im-
porte pas beaucoup, non plus. A ces premiers inventeurs
fuccéderent Chiron, Dcmodocus, Hermès, Orphée, qui,
félon quelques-uns, inventa la Lyre. Après ceux-là vint Phœ-
mius, puis Tcrpandre , contemporain de Lycurgue , îk qui
donna des règles à la Mufique. Quelques perfonnes lui attri-
buent l'invention des premiers Modes. Enfin l'on ajoute
Thaïes, & Thamiris qu'on dit avoir été l'inventeur de la jfu-
fiquc inltrumentale.
Ces grands Muficiens vivoient la plupart avant Homère.
D'autres plus modernes font Lafus d'rîermione , Melnippi-
des, Philoxène, Timothée, Phrynnis, Epigonius, Lyfandrc,
Simmicus & Diodore , qui tous ont confidérablement per-
fectionné la Mufique.
Lafus eft, à ce qu'on prérend, le premier qui ait écrit
fur cet Art , du tems de Darius Hyltafpes. Epigonius inventa
l'Inftrument de quarante cordes qui portoit fon nom. Sim-
micus inventa aufli un Initrumenc de trente-cinq cordes, ap-
pelle Simmicium,
43S MUS
Diodore perfectionna la Flûte & y ajouta de nouveaux trous,
& Timothée la Lyre , en y ajoutant une nouvelle corde ; ce
qui le fit mettre à l'amende par les Lacédémoniens.
Comme les anciens Auteurs s'expliquent fort obfcurément
fur les inventeurs des Inflrumens de Mujique , ils font aufïi
fort obfcurs fur les Inftrumens mêmes. A peine en con-
noiffons - nous autre chofe que les noms. ( Voyez Ins-
trument. )
La Mujique étoit dans la plus grande eftime chez divers
Peuples de l'Antiquité , & principalement chez les Grecs ,
& cette eitime étoit proportionnée à la puifiance & aux ef-
fets firprenans qu'ils attribuoient à cet Art. Leurs Auteurs
ne croient pas nous en donner une trop grande idée , en
nous difant qu'elle étoit en uf3ge dans le Ciel , & qu'elle
faifoit l'amufement principal des Dieux & des âmes des
Bienheureux. Platon ne craint pas de dire qu'on ne peut
faire de changement dans la Mujique qui n'en foit un dans
la con'titution de l'Etat ; & il prétend qu'on peut afTigner
les Sons capables de faire naître la bafleflb de l'ame , l'in-
foîence & les vertus contraires. Ariftote , qui femble n'avoir
écrit ù politique que pour oppofer fes fenrimens à ceux de
Platon , efr. pourtant d'accord avec lui touchant la puiiLnce
de la Mujique fur les mœurs. Le judicieux Polybe nous
dit que la Mujique étoit néceffaire pour adoucir les mœurs
des Arcades qui habiroient un pays où l'air cft trille & froid;
que ceux de Gynete , qui négligèrent la Mujique , furp.if-
ftrent en cruauté tous les Crées , & qu'il n'y a point de
Ville où l'on ait tant vu de crimes. Athénée nous allure
MUS 43<>
qu'autrefois toutes les loix divines & humaines , les exhor-
tations à la vertu , la connoiffance de ce qui concernoit les
Dieux 6c les Héros , les vies & les actions des hommes
illuftres croient écrites en vers & chantées publiquement par
des Choeurs au fon des Im'lrumens ; & nous voyons , pai
nos Livres facres , que tels croient , d'Ls les premiers tems ,
les ufages dus liVaclices. Cn n'avoir point trouvé de moyen
pi ;s efficace pour graver dans l'efprit des hommes les prin-
cipes de la morale cv l'amour de la vertu ; ou plurôr rout
cela n'écoit point l'effet d'un moyen prémédité , mais de la
grandeur des fenrimens , & de l'élévation des idées qui cher-
choient par des accens proportionnés à fe faire un langage
digne d'elles.
La Mufique faifoit partie de l'étude des anciens Pytha-
goriciens. Ils s'en fervoient pour exciter le cœur à des ac-
tions louables , & pour s'enflammer de l'amour de la vertu,
Selon ces Philofophes , notre ame n'étoit , pour ainii dire ,
formée que d'Harmonie , & ils croyoienr rétablir , par le.
moyen de l'Harmonie fenfuelle , l'Harmonie intellectuelle &
primitive des facultés de l'ame ; c'efi-à-dire , celle qui, félon*
eux , exiitoit en- elle avant qu'elle animât nos corps , ce lors-
qu'elle habiroit les Cieux.
La Mufique tlï déchue aujourd'hui de ce degré de puif-
fance & de majefte , au point de nous faire douter de lu
vérité des merveilles qu'elle opéroit autrefois, quoiqu'artef-
tées par les plus judicieux Hiltoriens & par les plus graves
Philofophes de l'Antiquité. Cependant on retrouve dans
li-uitoire moderne quelques faits femblables. Si Tirr.o;
44o MUS
excitoit les fureurs d'Alexandre par le Mode Phrygien , &
les calmoic par le Mode Lydien , une Mujique plus moderne
renchériffoit encore en excitant , dit - on , dans Erric , Roi.
de Dannemarck , une telle fureur qu'il tuoit fes meilleurs
domeftiques. Sans doute ces malheureux étoient moins fen-
fibles que leur Prince à la Mujique ; autrement il eût pu
courir la moitié du danger. D'Aubigny rapporte une autre
hiltoire toute pareille à celle de Timothée. Il dit que , fous
Henri III , le Muficien Claùdin jouant aux noces du Duc
de Joyeufe fur le Mode Phrygien, anima, non le Roi , mais un
Courtifan qui s'oublia jufqu'à mettre la main aux armes en
préfence de fon Souverain ; mais le Muficien fe hâta de le
calmer en prenant le Mode Hypo - Phrygien. Cela elt dit
avec autant d'afïiirance que fi le Muficien Claudin avoir pu
favoir exactement en quoi confiltoit le Mode Phrygien &
le Mode Hypo-Phrygien.
Si notre Mujique a peu de pouvoir fur les affections de
l'a me , en revanche elle elt capable d'agir phyfiquemcnt fur
les corps , témoin Thiltoire de la Tarentule , trop connue
•pour en parler ici ; témoin ce Chevalier C-afcon dont parle
Uoyle , lequel , au fon d'une Cornemufe , ne pouvoit retenir
fon urine ; à quoi il faut ajouter ce que raconte le même
Auteur de ces femmes qui fondoient en larmes lorfquMlcs
entendoient un certain Ton dont le refte des Auditeurs
n'étoit point affecté : & je connois à Paris une femme de
condition, laquelle ne peut écouter quelque Mujique que ce
foit (ans être un tue involontaire & convullif. Un lit
aufii dans l'Hiffcoiré de l'Académie e'es Sciences de Pi
qu'un
MUS 44*
qu'un Muficien fut guéri d'une violente fièvre par un Concert
qu'on fit dans fa chambre.
Les Sons agifient même fur les corps inanimés , comme
on le voit par le frémiffement & la réfonnance d'un corps
fonore au Ton d'un autre avec lequel il eft accorde dans cer-
tain rapport. MorhorT fait mention d'un certain Petter 1 lol-
landois, qui brifoit un verre au fon de Cd voix. Kircher parle
d'une grande pierre qui frémiiibit au fon d'un certain tuyau
d'Orgue. Le P. Merfinne parle auffi d'une forte de carreau
que le Jeu d'Orgue ebranloit comme auroit pu taire un trem-
blement de terre. Boyle ajoute que les Halles tremblent fou-
vent au fon des Orgues ; qu'il les a fenti frémir fous fa main
au fon de l'Orgue ou de la voix , & qu'on l'a afiuré que
celles qui étoient bien faites trembloient toutes à quelque
Ton détermine. Tout le monde a ouï parler du fameux pilier
d'une Eglife de Reims qui s'ébranle fenfiblement au fon
d'une certaine cloche , tandis que les autres piliers relient
immobiles ; mais ce qui ravit au fon l'honneur du merveil-
leux, eft que ce même pilier s'ébranle également quand on
a ôté le batail de la cloche.
Tous ces exemples , dont la plupart appartiennent plus au
fon qu'à la Mufique , & dont la Phyfique peut donner quel-
que explication , ne nous rendent point plus intelligibles ni
plus croyables les effets merveilleux & prefque divins que les
Anciens attribuent à la Mufiqu . I lufieurs Auteurs fe font
tourmentés pour tâcher d'en rendre raifon. Wallis les attribue
en partie à la nouveauté de l'Art , é'c les rejette c;i partie
fiir l'exagération des Auteurs. D'autres en fin: honneur feu-
Di^ '■ lujïque, K k k
A4i M u s
letnent à la Poéfie. D'autres fuppofent que les Grecs , plus
fen/ibles que nous par la constitution de leur climat ou par
leur manière de vivre , pouvoient être émus de chofes qui
ne nous auraient nullement touches. M. Burette , même en
adoptant tous ces faits , prétend qu'ils ne prouvent point
la perfection de la Alujique qui les a produits : il n'y voie
rien que de mauvais racleurs de Village n'aient pu faire ,
félon lui , tout autfî-bien que les premiers Muficiens du
monde.
La plupart de ces fentimens font fondés fur la perfua-
fio.i où nous fommes de l'excellence de notre Muf.que , &
fur le mépris que nous avons pour celle des Anciens. Mais
ce mépris elt-il lui-même aulli-bien fondé que nous le pré-
tendons ? C'eft ce qui a été examiné bien des fois, & qui,
vu l'obfcurité de la matière & l'infufhfance des juges , au-
rait grand befoin de l'être mieux. De tous ceux qui fe font
mêlés jufqu'ici de cet examen , Vofïius , dans fon Traité
de virïbns cantâs & rhythmi , paraît être celui qui a le mieux
difecté la question & le plus approché de la vérité. J'ai jette
là-deflus quelques idées dans un aune écrit non public en-
core , où mes idées feront mieux placées que dans cet ou-
vrage , qui n'eit pas fait pour arrêter le Lecteur a difeuter
mes opinions.
On a beaucoup fouhaité de voir quelques fragmens de
tfiqltc ancienne. Le P. Kirchcr & M. Purette ont travaillé
la-deflus à contenter la curioliré du Public. Pour le met-
tre plus à portée de profiter de leurs foins, j'ai tranferit &m\%
la Planche C deux morceaux de Mufiqut Grecque , traduits
M U S 443
en Note moderne par ces Auteurs. Mais qui ofera juger de
l'ancienne Mu figue fur de tels échantillons ? Je les fu; pofe
fidèles. Je veux même que ceux qui voudraient en juger co:i-
noiuent fuffifamment le génie & l'accent de la langue Grec-
que : qu'ils réfléchirent qu'un Italien efr. juge incompétent
d'un Air françois , qu'un François n'entend rien du tout à
la Mélodie Italienne ; puis qu'il compare les tems & les lieux,
& qu'il prononce s'il l'ofe.
Pour mettre le Leileur à portée de juger des divers Ac-
cens muficaux des Peuples , j'ai tranferit aufli dans la Plan-
che un Air Chinois tiré du P. du Halde, un Air Perfan tiré
du Chevalier Chardin , & deux Chanfons des Sauvages de
l'Amérique tirées du P. Merfenne. On trouvera dans tous
ces morceaux une conformité de Modulation avec notre Mu-
fiqùe , qui pourra faire admirer aux uns la bonté & l'uni-
verfalité de nos règles , & peut - être rendre fufpede à d'au-
tres l'intelligence ou la fidélité de ceux qui nous ont trans-
mis ces Airs.
J'ai ajouté dans la même Planche le célèbre Rans-des-
Vachts , cet Air fi chéri des SuiiTes qu'il fut défendu fous
peine de mort de le jouer dans leurs Troupes, parce qu'il
fiiifoit fondre en larmes , déferter ou mourir ceux qui l'en-
tendoient , tant il excitoit en eux l'ardent defir de revoit
leur pays. On chercherait en vain dans cet Air les accens
énergiques capables de produire de (î étonnans efiéts. Ces
effets , qui n'ont a i lieu ll.r les étrangers , ne viennent
que de l'habitude , des fouvenirs , de mille circonltances qui ,
retracées par cet Air a ceux qui l'entendent , & leur rap-
Kkk î
444 MUS
pellant leur pays , leurs anciens plaifirs , leur jeunefle , Ôc
toutes leurs façons de vivre , excitent en eux une douleur
amere d'avoir perdu tout cela. La Mufique alors n'agit
point précifément comme Mujique , mais comme figne mé-
morarif. Cet Air , quoique toujours le même , ne produit
plus aujourd'hui les mêmes effets qu'il produifoit ci -devant
fur les Suiffes ; parce qu'ayant perdu le goût de leur pre-
mière {implicite , ils ne la regrettent plus quand on la leur
rappelle. Tant il eft vrai que ce n'eit pas dans leur action
phyfique qu'il faut chercher les plus grands effets des Sons
fur le cœur humain..
La manière dont les Anciens notoient leur Mufique étoit
établie fur un fondement très-fimple, qui étoit le rapport
des chiffres ; c'eft-à-dire , par les lettres de leur Alphabet :
mais au lieu de fe borner, fur cette idée, à un petit nom-
bre de caractères faciles à retenir , ils fe perdirent dans des
multitudes de fïgnes différens dont ils embrouillèrent gratui-
tement leur Mupque; en forte qu'ils avoient autant de ma-
nières de noter que de Genres & de Modes. Boéce prit d.uis
l'Alphabet Latin des caractères correfpondans à ceux des Grecs..
Le Pape Grégoire perfectionna fa méthode. En 1024, Gui
d'Arczzo , Bénédictin, introduifit Tufage des Portées; (voy..
Portée.) fur les Lignes defquelles il marqua les Notes en
forme de points; (voyez Notes.) délignant par leur po-
fition, l'élévation ou l'abaùTement de la voix. Kircher , ce-
pendant, prétend que cette invention eftantérieu i;
& en ciïct, je n'ai pas vu dans les écrits de ce Moine qu'il.
fc l'attribue : mais il inventa la Gamme, «1 appliqua aux;
MUS 445
Notes de (on Hcxacorde les noms rires de l'Hymne de Saine
Jean-Baptiltc, qu'elles confervenc encore aujourd'hui. (Voyez
PL G. Fig. 2.) Enfin cet homme né pour la Mujiqtte in-
venta difïérens Inftrumcns appelles PolypleSra , tels que le
Clavecin, l'Epinette , la Vielle, &e. (Voyez Gamme.)
Les caractères de la Mujique ont, félon l'opinion com-
mune , reçu leur dernière augmentation confidérable en 1330;
rems où l'on dit que Jean de Mûris , appelle mal-à-propos
par quelques-uns Jean de Meurs ou de Murià , Doileur de
Paris, quoique Gefner le faiTe Anglois, inventa les ditTérentes
figures des Notes qui délîgnent la durée ou la quantité , &c
que nous appelions aujourd'hui Rondes, Blanches, Noires,
&c. ?*iais ce fentiment , bien que très-commun , me paroic
peu fondé, à en juger par fon Traité de Mujique, intitulé:
Speculun Mujhcct , que j'ai eu le courage de lire prefque en-
tier, pour y conllater l'invention que l'on attribue à cet Au-
teur. Au refte ce grand Muficien a eu , comme le Roi des
Poètes, Thonneur d'être réclamé par divers Peuples; caries
Italiens le prétendent auiTi de leur Nation , trompés appa-
remment par une fraude ou une erreur de Bontempi qui le
dit Perugino au lieu de Parigino.
Lafus eft, ou parcît être, comme il eft dit ci-defTus , le
premier qui ait écrit fur la Mujique : mais fon ouvrage eft
perdu, auffi-bien que plusieurs autres livres des Grecs & des
Romains fur la même matière. Ariftoxène, difciple d'Arif-
tote èk chef de fede en Mujique, eft le plus ancien Auteur
qui nous rette fur cette feience. Après lui vient Euclide
Jexandrie. Ariiliue Qiûntilien écrivoic après Ciccron. Aly-
AA6 M U T
pius vient enfuite; puis Gaudentius, Nicomaque & Bacchius.
Marc Meibomius nous a donné une belle édition de ces
fcpt Auteurs Grecs avec la traduction Latine & des Notes.
Plutarque a écrit un Dialogue fur la Mufique. Ptolomée,
célèbre Mathématicien , écrivit en Grec les principes de
l'Harmonie vers le tems de l'Empereur Antonin. cet Auteur
garde un milieu entre les Pythagoriciens & les Arifloxéniens.
Long - tems après , Manuel Bryennius écrivit auiïi fur le
même fujet.
Parmi les Latins , Boëce a écrit du tems de Théodoric ;
& non loin du même tems , Martianus, Cafliodore & Saint
Augultin.
Les Modernes font en grand nombre. Les plus connus
font, Zarlin, Salinas, Valgulio, Galilée, Mei, Doni, Kir-
cher, Merfenne, Parran, Perrault, Wallis, Dcfcartes, Hol-
der, Mengcli , Maîcolm , Burette, Valloti; enfin M. Tar-
tini, dont le livre eit plein de profondeur, de génie, de
longueurs & d'obfcurité ; &i M. Rameau , dont les écrits ont
ceci de fingulier, qu'ils ont fait une grande fortune fans
avoir été lus de perfonne. Cette lecture eff. d'ailleurs deve-
nue abfolument fupcrflue depuis que M. d'Alembert a pris la
peine d'expliquer au Public le fyltême de la BafTe- fonda men-
tale , la feule chofe utile & intelligible qu'on trouve d.u\s
tes écrits de ce Muficicn.
MUTATIONS ou MUANCES , Mi-c&xc,). On aj
loir ainfi, dans la Ai ancienne, généralement tous les
âges d'un ordre ou d'un fujet de Chant à i ' ;if-
(oxènc définit la Mutation une efpece de paillon dansl'oi
M U T
44;
de la Mélodie; Bacchius, un changement de fujet, ou la tr.
polirion du femblable dans ua lieu difiemblable ; Ariilice
Quintilien , une variation dans le fyilême propofc , & dans
le caractère de la voix; Martianus Cappella, une traniirion
de la voix dans un autre ordre de Sons.
Toutes ces définitions, obfcures «Se trop générales, ont be-
foin d'être éclaircies par les divi fions; mais les Auteurs ne
s'accordent pas mieux fur ces diviiions que fur la définition
même. Cependant on recueille à-peu-près que toutes ces M ■•
tdtions pouvoient fe réduire à cinq efpeces principales. i°.
Mutation dans le Genre, lorfque le Chant pafToit, par exem-
ple, du Diatonique au Chromatique ou à l'Enharmonique,
& réciproquement. • 20. Dans le fyltême, lorfque la Modula-
tion unifient deux Tétracordcs disjoints ou en féparoit deux
conjoints ; ce qui revient au pafTage du Béquarre au Bémol ,
& réciproquement. 30. Dans le Mode, quand on pafibit ,
par exemple, du Dorien au Phrygien ou au Lydien, & ré-
ciproquement , &c. 40. Dans le Rhythme , quand on parToi:
du vite au lent, ou d'une Mefure à une autre. 50. Enfin
dans la Mélopée , lorfqu'on interrompoit un Chant grave ,
féricux, magnifique, par un Chant enjoué, gai, impétueux, &c.
448 N A T
*= ■ fa — =ayg=
N.
N
A T U R E L , adj. Ce mot en Mufique a plufieurs fens.
i°. Mufique Naturelle eft celle que forme la voix humaine
par oppofition à la Mufique artificielle qui s'exécute ai
des Inftrumens. 20. On dit qu'un Chant eiè Naturel^ quand
il efi aifé, doux, gracieux, facile : qu'une Harmonie e(t
Naturelh , quand elle a peu de renverfemcns, de DûTo-
nances ; qu'elle efr, produite par les cordes cfientiellcs &
Naturelles du Mode. 30. Naturel fe dit encore de tout Chant
qui n'e/t ni force ni baroque , qui ne va ni trop haut ni
trop bas, ni trop vite ni trop lentement. 40. Enfin la ligni-
fication la plus communs de ce mot, ex la feule dcr.t l'Abbé
BroiTard n'a point parle , s'applique aux Tons ou Modes
dont les Sons fe tirent de la Gamme ordinaire fans auci
altération : de forte qu'un Mode Naturel clt celui où Ton
n'emploie ni Dièfe a\ J?émol. Dans le fens exact, il n'y au-
roit qu'un feul Ton Naturel, qui feroit c< 1 ' .r ou de C
Tierce majeure; mais on étend le nom de N..:- eh à tous
les Tons dont les cordes efTentielJes, ne portant ni |
ni llémoîs, permettent qu'on n'arme la Clef ni de l'un ni
de l'autre : tels font les Modes majeurs de (; & de /•',
les Modes mineurs du.' & de P. &c. (Vqyes Clefs rH -
> , Transpositions.)
I 1 . liens notent toujours leur Récitatif au Naturel
ppangçmcps de Tons y étape lî I Modula*
tii
NET 44*
tions fi ferrées que, de quelque manière qu'on armât la Clef
pour un Mode , on n'épargnerait ni Dièfes ni Bémols poul-
ies autres, & l'on fe jetteroit, pour la fuite de la Modula-
tion , dans des confufions de fignes très-embarradanres , lorf-
que les Notes altérées à la Clef par un figne fe trouveraient
altérées par le figne contraire accidentellement. ( Voyez Ré-
citatif. )
Solfier au Naturel, c'eft folfler par les noms Naturels des
Sons de la Gamme ordinaire, fins égard au Ton où l'on
eft. ( Voyez Solfikr. )
NETE , f. J. C'étoit, dans la Mufîque Grecque, la qua-
trième corde ou la plus aiguë de chacun des trois Tétra-
cordes qui fuivoient les deux premiers du grave à l'aigu.
Quand le troifieme Tétracorde étoit conjoint avec le fé-
cond , c'étoit le Tétracorde Synnéménon , & fa Nete s'ap-
pelloit Nete-Synnéménon.
Ce troifieme Tétracorde portoit le nom de Diézeugménon
quand il étoit disjoint ou féparé du fécond par l'Intervalle
d'un Ton , & fa Nete s'appel'oit Nete-Dié\eugménon.
Enfin le quatrième Tétracorde portant toujours le nom
d'Hypeiboléon, fa Nete s'appelloit aulfi toujours Nete-
H) perboléon.
A Tégard des deux premiers Tétracordes , comme ils
étoient toujours conjoints, ils n'avoient point de Nete ni
l'un ni l'autre : la quatrième corde du premier, étant tou-
jours la première du fécond, s'appelloit Hypate-Méfon; & la
quatrième corde du lecond , formant le milieu du fyftémc,
s'appelloit Mcfe.
Dicl. de Mufîque. L 1 1
450 NET
Nete , dit Boé'ce , quafi neate , id efl , inferlor ; car les An-
ciens dans leurs Diagrammes mettoient en haut les Sons gra-
ves , & en bas les Sons aigus.
NETOIDES. Sons aigus. ( Voyez Lepsis. )
NECJME,/ /. Terme de Plain-Chanr. La Neume eft une
efpece de courre récapitulation du Chant d'un Mode , la-
quelle fe fait à la fin d'une Antienne par une (impie variété;
de Sons & fans y joindre aucunes paroles. Les Catholiques
autorifent ce fingulier ufage fur un paffage de Saint Auguf-
tin , qui dit , que ne pouvant trouver des paroles dignes de
plaire à Dieu , l'on fait bien de lui adreffer des Chants
confus de jubilation. « Car à qui convient une telle jubila—
»3 tion fans paroles, fi ce n'eft a l'Etre ineffable ? & com-
jj ment célébrer cet Etre ineffable , lorfqu'on ne peut ni fe
»» taire , ni rien trouver dans Ces tranfporcs qui les exprime ,
» fi ce n'eft des Sons inarticulés j> ?
NEUVIEME,//. OJtave de la Seconde. Cet Intcr
porte le nom de Neuvième , parce qu'il faut former neuf
Sons confécutifs pour arriver Diatoniquement d'un de fis
deux termes à l'autre. La Neuvième eft majeure ou mineure,
comme la Seconde dont elle eft la Réplique. ( Voy. SecohdE. )
Il y a un Accord par fuppofition qui s'appelle Accord de
Neuvième , pour le diftinguer de l'Accord de Seconde , qui
fe prépare , s'accompagne & fe fauve différemment. L'Accord
de Neuvième eft formé par un Son mis à la Baflè . une
Tierce au-deffous de l'Accord de Septième; ce qui fait que
la Septième elle-même fait Neuvième fur ce nouveau S
La Neuvième s'accompagne , par ( eut , de Tierce ,
N I G 4SI
de Quinte , & quelquefois de Septième. La quatrième Note
du Ton eit généralement celle fur laquelle cet Accord con-
vient le mieux ; mais on la peut placer par-tout dans des en-
trelacemens Harmoniques. La Batte doit toujours arriver en
montant à la Note qui porte Neuvième ; la Partie qui fait la
Neuvième doit fyncoper , & fauve cette Neuvième comme
une Septième en defeendant Diatoniquement d'un Degré fur
l'Octave , fi la Balle refle en place , ou fur la Tierce , fi la
Baffe defeend de Tierce. (Voye* Accord, Supposition,
Syncope.)
En Mode mineur l'Accord fenfible fur la Médiante perd
le nom d'Accord de Neuvième & prend celui de Quinte fu-
perflue. (Voyez Quinte Superflue.)
NJGLAR1EN , ad}. Nom d'un Nome ou Chant d'une
Mélodie efféminée & molle , comme Arutophane le repro-
che a Philoxène fon Auteur.
NOELS. Sortes d'Airs deftinés à certains Cantiques que
le peuple chante aux Fêtes de Noël. Les Airs des Noe'/s
doivent avoir un caraclere champêtre & pafioral convenable
à la {implicite des paroles , & à celle des Bergers qu'on fup-
pofe les avoir chantés en allant rendre hommage à l'Enfant
Jéfus dans la Crèche.
NŒUDS. On appelle NcemU les points fixes dans lefquels
une corde fonore mife en vibration fe divife en aliquotes
vibrantes , qui rendent un autre Son que celui de la corde
entière. Par exemple , fi de deux cordes dont Tune fera tri-
ple de l'autre , on fait fonner la plus petite , la grande ré-
pondra , non par le Scn qu'elle a comme corde entière , mais
LU »
45i N O E
par l'uniiïbn de la plus petite ; parce qu'alors cette grande
corde, au lieu de vibrer dans fa totalité , fe divife, & ne vi-
bre que par chacun de fcs tiers. Les points immobiles qui
font les divifions & qui tiennent en quelque forte lieu de
Chevalets font ce que M. Sauveur a nommé les Noeuds , &
il a nommé Ventres les points milieux de chaque aliquote
où la vibration eit la plus grande & où la corde s'écarte le
plus de la ligne de repos.
Si , au lieu de faire fonner une autre corde plus petite ,
on divife la grande au point d'une de fes aliquores par un
obftacle léger qui la gêne fans l'aifujettir , le même cas ar-
rivera encore en faifant fonner une des deux parties ; car alors
les deux réfonneront à l'uniffon de la petite , & l'on verra les
mêmes Nœuds & les mêmes Ventres que ci-devant.
Si la petite partie n'eft pas aliquote immédiate de la
grande, mais qu'elles aient feulement une aliquote commune;
alors elles fe diviferont toutes deux félon cette aliquote
commune, & Ton verra des Nœuds & des Ventres, même
dans la petite partie.
Si les deux parties font incommenfurables , c'eft-à-dire ,
qu'elles n'aient aucune aliquote commune ; alors il n'y aura
aucune réfonnance ; ou il n'y aura que celle de la petite par-
tie, à moins qu'on ne frappe allez fort pour forcer l'oblU-
cle, &. faire réfonner la corde entière.
AI. Sauveur trouva le moyen de montrer ces [\
ces Nceuds à l'Académie, d'une manière très-fenfible , en
mettant fur la corde des papiers de l • lleurs , Tune
divifions des Nœuds , & l'autre au milieu
N O I 4?3
car alors au Son de l'aliquote on voyoit toujours tomber les
papiers des Ventres & ceux des Noeuds refter en pluie. ( Voy.
PL M. Fig. 6.)
NOIRE, f.f. Note de Mufique qui fe fait ainfi "Y" ou
ainii _ , & qui vaut deux Croches ou la moitié d'une Blan-
che. Dans nos anciennes Muiïques on fe fervoit de plusieurs
fortes de Noires ; Noire à queue , Noire quarrée , Noire en
lofange. Ces deux dernières efpeces font demeurées dans le
Plain-Chant; mais dans la Mufique on ne fe fert plus que
de la Noire à queue. ( Voyez Valeur des Notes. )
NOME, f. m. Tout Chant déterminé par des règles qu'il
n'étoit pas permis d'enfreindre , portoit chez les Grecs le
nom de Nome.
Les Nomes empruntaient leur dénomination ; i°. ou de
certains peuples ; Nome Eolien , Nome Lydien : i°. ou de
la Nature du Rhythme ; Nome Orthien, Nome Dactylique ,
Nome Trochaïque : 30. ou de leurs inventeurs ; Nome Hié-
racien , Nome Polymneftan : 40. ou de leurs fujets ; Nome
Pythien , Nome Comique : 50. eu enfin de leur Mode ; Nome
Hypatoïde ou grave, Nome Nétoïde ou aigu, &c.
Il y avoit des Nomes Bipartites qui fe chantoient fur deux
Modes ; il y avoit même un Nome appelle Tripartitc , du-
quel Sacadus ou Clonas fut l'inventeur, & qui fe chantoit h.ï
trois Modes , favoir le Dorien , le Phrygien , & le Lydien.
(Voyez Chanson, Mode.)
NOMION. Sorte de Chanfon d'amour chez les Grecs.
(Voyez Chanson. )
NOMIQUE, adj. Le Mode No.nijue ou le genre de Ilyle
454 NOM
Mufical qui portoit ce nom , éroit confàcré, chez les Grecs,
à Apollon Dieu des Vers & des Chanfons, & l'on tâchoit
d'en rendre les Chants brillans & dignes du Dieu auquel
ils étoient confacrés. ( V. Mode , Mélopée, Style. )
NOMS des Notes. ( Voyez Solfier. )
NOTES,//. Signes ou caractères dont on fe fert pour
Noter , c'eft-à-dire , pour écrire la Mufique.
Les Grecs fe fervoient des lettres de leur Alphabet pour
noter leur Mufique. Or comme ils avoient vingt-quatre let-
tres, & que leur plus grand fyftême , qui dans un même
Mode n'étoi: que de deux Ochves , n'excédoit pas le nom-
bre de feize Sons , il fembleroit que l'Alphabet devoit être
plus que fsffifant pour les exprimer , puifquc leur Mufique
n'étant autre chofe que leur Poéfie notée, le Rhytlime étoit
fufhfamment déterminé par le Mètre , fans qu'il fût befoin
pour cela de valeurs abfolues & de figues propres à la Mufi-
que; car, bien que par furabondance ils euïïent auffi des ca-
ractères pour marquer les divers piecîs , il eit certain que la
Mufique vocale n'en avoit aucun befoin, & la Mufique inf-
trumcntale n'étant qu'une Mufique vocale jouée par des Inf-
trumens , n'en avoit pas befoin non plus , lorfquc les paroles
étoient écrites ou que le Symphonifte les favoit par cceur.
Mais il faut remarquer, en premier lieu, que les deux
mêmes Sons étant tantôt à l'extrémité & tantôt au milieu
du troifieme Tétracordc félon le lieu où fe faifbit la Dis-
jonction , ( voyez ce mot , ) on donnoit a chacun de ces Sa
des noms & des fignes qui marquaient ces diferfts limi-
tions ; feçoademeot que ces feize Sons ifctoient pas tous les
N O T 45*
mêmes dans les trois Genres, qu'il y en avoir de communs
aux crois & de propres à chacun, & qu'il faloit , par con-
fequent , des Notes pour exprimer ces différences; troifiéme-
menc , que la Mufique fe notoit pour les Initrumens autre-
ment que pour les Voix , comme nous avons encore aujour-
d'hui pour certains Inilrumens à cordes une tablature qui ne
reffemble en rien à celle de la Mufique ordinaire ; enfin, que
les Anciens ayant jufqtfà quinze Modes differens, félon le
dénombrement d'Alypius , (voyez Mode.) il falut appro-
prier des caractères à chaque Mode , comme on le voit dans
les Tables du même Auteur. Toutes ces modifications exi-
geoient des multitudes de lignes auxquels les vingt- quatre
lettres étoient bien éloignées de fufhre. De-là la néceflité
d'employer les mêmes lettres pour plufïeurs fortes de Notes;
ce qui les obligea de donner à ces lettres différentes fîtua-
tions , de les accoupler , de les mutiler , de les alonger en
divers fens. Par exemple , la lettre Pi écrite de toutes ces
manières n, u, 3 , r , T, exprimoit cinq différentes Notes.
En combinant toutes les modifications qifexigeoient ces di-
verfes circonstances , on trouve jufqu'à 1620 différentes No-
tes : nombre prodigieux , qui devoit rendre l'étude de la Mu-
fique de la plus grande difficulté. AulTi l'étoic-elle félon Pla-
ton, qui veut que les jeunes gens fe contentent de donner
deux ou trois ans à la Mufique , feulement pour en appren-
dre les rudimens. Cependant les Grecs n'avoient pas un il
grand nombre de caractères , mais la même Note avoit qq« 1-
quefois différentes lignifications félon les occafions : ainli le
même caractère qui marque la Prollambanomene du Mo
45<ï N O T
Lydien, marque la Parhypate-Mcfon du Mode Hypo-Taftien ,"
PHypate-Méfon de l'Hypo-P hrygien , le Lychauos-Hypaton
de l'Hypo - Lydien , la Parhypate - hypaton de l'ia/lien , &
PHypate-Hypaton du Phrygien. Quelquefois aufli la Note chan-
ge , quoique le Son refte le même ; comme , par exemple ,
la Proflambanomene de l'Hypo- Phrygien , laquelle a un
même ligne dans les Modes Hyper - Phrygien , Hyper -Do-
rien , Phrygien, Dorien , Hypo-Phygien , & Hypo-Dorien,
& un autre même figne dans les Modes Lydien ôc Hypo-
Lydien.
On trouvera (PI. H. Fig. r. ) la Table des Notes du
Genre Diatonique dans le Mode Lydien , qui étoit le plus
ufitc ; ces Notes ayant été préférées à celles des autres Mo-
des par Bacchius , fuffifent pour entendre tous les exemples
qu'il donne dans fon ouvrage ; & la Mufique des Grecs
n'étant plus en ufige , cette Table fuffit aufîï pour défabu-
fer le Public , qui croit leur manière de noter tellement
perdue que cette Mufique nous feroit maintenant impoiîî-
ble h déchiffrer. Nous la pourrions déchiffrer tout auffi exac-
tement que les Grecs mêmes auroient pu faire : mais la
phrafer , l'accentuer , l'entendre , la juger ; voilà ce qui
n'elt plus pofTïble à perfonne & qui ne le deviendra jamais.
En toute Mufique , ainfi qu'en toute Langue , déchiffrer Ôc
lire font deux chofes très-différentes.
Les Latins, qui, a l'imitation des Grecs, notèrent auffi la
Mufique avec les lettres de kur Alphabet, retranchèrent ht
coup de cette quantité de ? le Genre Enharmonique ayi
tout-à-fait ceffé d'être pratiqué , Ôc plulit> >.s n'étant r I
en
N O T 457
en ufage. Il paroît que Boéce établie l'ufjge de quinze lettres
feulement, & Grégoire Evcque de Rome , confidérant que les
rapports des Sons font les mêmes dans chaque Octave , réduifir.
encore ces quinze Notes aux fept premières lettres de l'Alphabet ,
que l'on répétoit en diverfes formes d'une Octave a l'autre.
Enfin dans l'onzième fîecle un Bénédictin d'Arezzo ,
nommé Gui , fubfHtua à ces lettres des points pofés fur
différentes lignes parallèles , à chacune defquelles une lettre
fervoit de Clef. Dans la fuite on groiïit ces points, on s'aviia
d'en pofer aufli dans les efpaces compris entre ces lignes ,
& l'on multiplia , félon le befoin , ces lignes & ces efpaces.
( Voyez Portée. ) A l'égard des noms donnés aux Notes ,
voyez Solfier.
Les Notes n'eurent, durant un certain tems, d'autre ufage
que de marquer les Degrés & les différences de l'Intonation.
Elles étoient toutes , quant à la durée , d'égale valeur , &
ne recevoient à cet égard d'autres différences que celles des
fyllabes longues & brèves fur lefquelles on les chantoit :
c'eft à-peu-près dans cet état qu'eft demeuré le Plain-Chant
des Catholiques jufqu'à ce jour ; & la Mufîque des Pfeau-
mes , chez les Protcftans , eft plus imparfaite encore ; puif-
qu'on n'y diftingue pas même dans l'ufage, les Longues des
Brèves ou les Rondes des Blanches , quoiqu'on y ait confervé
ces deux figures.
Cette indiitinciion de figures dura , fdon l'opinion com-
mune , jufqu'en 1338 , que Jean de Mûris Docteur & Cha- ,
noine de Paris , donna , à ce qu'on prétend , différentes
figures aux Notes, pour marquer les rapports de durée qu'elles
Dicl. de Mufîque. Mm m
45-3 N O X
dévoient avoir entr'elles : il inventa aufïi certains fignes de.
Mefure appelles Modes ou Prolations , pour déterminer ,
dans le cours d'un Chant , fi le rapport des Longues aux
Brèves ferait double ou triple , &c. Plufieurs de ces figu-
res ne fubfiitenc plus ; on leur en a fubflitué d'autres en
difrérens tems. ( Voyv Mesura, Tems, Valeur des Notes.)
Voyez aufïi au mot Mufique , ce que j'ai dit de cette opinion.
Pour lire la Mufique écrite par nos Notes r & la rendre
exa£feement,il y a huit chofes àconfidérer: favoir; t. La Clef
&fu pofition. 2. Les Dièfes ou Bémols qui peuvent l'accom-
pagner. 3. Le lieu ou la polition de chaque Noce. 4. Son
Intervalle , c'eit-à-dire , fbn rapport à celle qui précède , ou
à la Tonique , ou à quelque Non fixe dont on ait le Ton.
5. Sa figure , qui détermine fa valeur. 6. Le Tems où elle
fe trouve & la place qu'elle y occupe. 7. Le Dièfe , Bémol
ou Béquarre accidentel qui peut la précéder. 8. L'efpece de
la M-jfure & le caractère du Mouvement. Et tout cela, fins
compter ni la parole ou la fyllabe a laquelle appartient chaque
Nof: , ai l'Accent ou l'expreflion convenable au fentimeat ou
à la penfee. Une feule de ces huit obfervations omife peut
faire détonner ou chanter hors de Mefure.
La Mufique a eu le fort des Arts qui ne fe perfectionnera
que lentement. Les inventeurs des Notes n'ont fongt- qu'a
I'écat où elle fe trouvoit de leur tems , fins longer à celui
où elle pouvoir, parvenir, & dans la Cuite leurs fignes fe font
trouvés d'autant pius défectueux que l'Art s'eft plus perfec-
tionné. A mefure qu'on avançoit, on établifToit de nouvelles
règles pour remédier aux inconveniens prekus; en multipliaot
N Ô T *?<>
les fignes, on a multiplie les difficultés, & à force d'additions
& de chevilles , on a tiré d'un principe allez {impie un fyf-
téme fort embrouillé & fort mal afTorti.
On peut en réduire les défauts à trois principaux. Le pre-
mier eft dans la multitude des lignes 6c de leurs combinai-
fons , qui furchargent tellement l'efprit 6c la mémoire des
commençans , que l'oreille eft formée , 6c les organes ont
acquis l'habitude 6c la facilité néceflaires , long-tems avant
qu'on foit en état de chanter à Livre ouvert ; d'où il fuit
que la difficulté e(t toute dans l'attention aux règles & nul-
lement dans l'exécution du Chant. Le fécond eft le peu
d'évidence dans l'efpece des Intervalles, majeurs, mineurs,
diminués , f iperflus , tous indiftinftement confondus dans les
mêmes polirions : défaut d'une telle influence, que non-feu-
lement il eft la principale caufe de la lenteur du progrès des
Ecoliers; mais encore qu'il n'eft aucun Muficien formé , qui
n'en foit incommodé dans l'exécution. Le troifieme eft l'ex-
trême dirTufion des caractères 6c le trop grand volume qu'ils
occupent; ce qui , joint à ces Lignes , à ces Portées fi incom-
modes à tracer , devient une fource d'embarras de plus d'une
cfpece. Si le premier avantage des fignes d'inftirution eft
d'être clairs , le fécond eft d'être concis , quel jugement
doit -on porter d'un ordre de fignes à qui l'un 6c l'autre
manquent ?
Les Muficicns , il eft vrai , ne voient point tout cela.
L'ufage habitue à tout. La Mufique pour eux n'eit pas la
feience des Sons ; c'eft celle des Noires, des Blanches, des
Croches , &c. Dès que ces figures cefleroient de frapper
M m m 2
4&a N O T
leurs yeux , ils ne croiraient plus voir de la Mufique. D'ail-
leurs , ce qu'ils ont appris difficilement , pourquoi le ren-
droient-ils facile aux autres ? Ce n'eft donc pas le Mufkien
qu'il faut confulter ici ; mais l'homme qui fait la Muiîque &
qui a réfléchi fur cet Art.
Il n'y a pas deux avis dans cette dernière Clarfe fur les
défauts de notre Note ; mais ces défauts font plus aifés à
connoître qu'à corriger. Plufieurs ont tenté jufqu'à préfent
cette correction fans fuccès. Le Public , fans difeuter beau-
coup l'avantage des fignes qu'on lui propofe , s'en rient à
ceux qu'il trouve établis , & préférera toujours une mauvaife
manière de favoir à une meilleure d'apprendre.
Ainfî de ce qu'un nouveau fyftême eft rebuté , cela ne
prouve autre chofe , finon que l'Auteur eft venu trop tard ;
&: l'on peut toujours difeuter & comparer les deux fyltêmes ,
fans égard en ce point au jugement du Public.
Toutes les manières de Noter qui n'ont pas eu pour pre-
mière loi l'évidence des Intervalles , ne me paroifTent pas va-
loir la peine d'être relevées. Je ne m'arrêterai donc point
à celle de M. Sauveur qu'on peut voir dans les Mémoires
de l'Académie des Sciences , année 171 1 , ni à celle de
M. Demaux donnée quelques années après. Dans ces deux
fyilémes, les Intervalles étant exprimés par des (ignés tout-
à-fait arbitraires , & fans aucun vrai rapport à la chofe repré-
fentée , échappent aux yeux les plus attentifs & ne peuvent
fe placer que dans la mémoire ; car que font des têtes diffé-
remment figurées , Cv des queues différemment dirigées aux
Intervalles qu'elles doivent exprimer? De tels figues n'ont
N O T 461
rien en eux qui doive les faire préférer a d'autres ; la net-
teté de la rigure & le peu de place qu'elle occupe font des
avantages qu'on peut trouver dans un fyltcmc tout différent;
le hafard a pu donner les premiers fignes , mais il faut un
choix plus propre à la chofe dans ceux qu'on leur veut fubiti-
tuer. Ceux qu'on a propofés en 1743 dans un petit ouvrage
intitulé, D'iihrtutïon fur la Mujïqut moderne , ayant cet
avantage , leur fimplicité m'invite à en expofer le fylléme
abrégé dans cet article.
Les caractères de la Muftque ont un double objet; favoir,"
de repréfenter les Sons, i°. félon leurs divers Intervalles du
grave à l'aigu; ce qui conftitue le Chant & l'Harmonie. i°.
Et félon leurs durées relatives du vite au lent ; ce qui dé-
termine le Tems & la Mefure.
Pour le premier point, de quelque manière que l'on re-
tourne & combine la Mjfique écrite & régulière , on n'y
trouvera jamais que des combinaiibns des fept Notes de la
Gamme portées à diverfes Octaves ou rranfpofées fur dit*—
férens Degrés félon le Ton & le Mode qu'on aura choill.
L'Auteur exprime ces fept Sons par les fept premiers chif-
fres; de forte que le chiffre 1 forme la A'ote ut,\c 1 la Note
re , le 3 la Note mi , &c. & il les traverfe d'une ligne hori-
fontale comme on voit dans la Planche F. Fig. 1.
Il écrit au - deffus de la Ligne les Notes qui , continuant
de monter , fe trouveraient dans l'Octave fupérieure : ainfï
Vut qui fuivroit immédiatement le fi en montant d'un femi-
Ton doit être au -deffus de la Ligne de cette manière +J ;
& de même , les Notes qui appartiennent à L'Oâave aiguë
46i N o T
donc cet ut eft le commencement, doivent toutes être au-
deiïus de la même Ligne. Si l'on entroit dans une troifieme
Octave à l'aigu , il ne faudroit qu'en traverfer les Notes par
une féconde ligne accidentelle au - défais de la première.
Voulez - vous , au contraire , defcendre dans les Octaves in-
férieures à celle de la ligne principale ? Ecrivez immédiate-
ment au - deifous de cette ligne les Notes de l'Octave qui
la fuit en defcendant : Il vous defcendez encore d'une Oc-
tave , ajoutez une ligne au - deffous , comme vous en avez
mis une au - deffus pour monter , &c. Au moyen de trois
lig.ies feulement vous pouvez parcourir l'étendue de cinq Oc-
taves ; ce qu'on ne fauroit faire dans la Mufique ordinaire
à moins de 18 lignes.
On peut même fe pafTer de tirer aucune ligne. On place
toutes les Notes horifontalement fur le même rang. Si l'on
trouve une Note qui pafTe , en montant , le fi de l'Octave où
l'on elt , c'eft-à-dire , qui entre dans l'Octave fupérieure , on
met un point fur cette Note. Ce point fuffit pour toutes les
Notis fuivantes qui demeurent fans interruption dans l'Oc-
tave où l'on elt entré. Que fi Ton rcdefcend d'une Oclave
à l'autre , c'eft l'affaire d'un autre point fous la Note par
laquelle on y rentre , &c. On voit dans l'exemple fuivant le
progrès de deux Octaves tant en montant qu'en defcendant,
notées de cette manière.
11345671154567 1765431x7 6 543* z<
La première manière de Noter avec des lignes convient
pour les Mufiqucs fort travaillées & fort difficiles , pour les
N O T 4*3
grandes Partitions , &c. La féconde avec des points eft pro-
pre aux Mufiques plus fimples & aux petits Airs : mais rien
n'empêche qu'on nepuiffe à fa volonté l'employer à la place
de l'autre , & l'Auteur s'en eft fervi pour tranferire la fameufc
Ariette YObjet qui règne dans mon ame , qu'on trouve Notée en
Partition par les Chiffres de cet Auteur à la fin de fon ouvrage.
Par cette méthode tous les Intervalles deviennent d'une
évidence dont rien n'approche ; les Octaves portent toujours
le même chiffre , les Intervalles fimples fe reconnoilfent
toujours dans leurs doubles eu compofés : on reconnoît
d'abord dans la dixième -h ou 13 que c'elt l'Octave de lu
Tierce majeure : les Intervalles majeurs ne peuvent jamais
fe confondre avec les mineurs > 24 fera éternellement une
Tierce mineure T 46 éternellement une Tierce majeure ; la
pofition ne fuit rien à cela-
Après avoir ainii réduit toute retendue du Clavier fous un
beaucoup moindre volume avec des lignes beaucoup plus
clairs , on parfe aux tranfpofitions.
Il rfy a que deux Modes dans notre Mufique. Qu'eft - ce
que chanter ou jouer en re majeur ? C'elt tranfporter l'E-
ehelle ou la Gamme d'ut un Ton plus haut , &. la placer fur
re comme Tonique ou Fondamentale. Tous les rapports qui
appartenoient a Y ut paffent au re par cette tranfpofition.
C'elt pour exprimer ce fyftême de rapports hauifé ou baille,
qu'il a tant falu d'altérations de Dicfes ou de Bémols a la
Clef. L'Auteur du nouveau fyltême fupprime tout d'un coup
tous ces embarras : le fcul mot re mis en tête & à la
marge , avertit que la pièce elt en re majeur , & comme
46+ N O T
alors le n prend tous les rapports qu'avoir Yut , il en prend
aufli le figne & le nom ; il fe marque avec le chiffre i , &
toute fon Octave fuit par les chiffres 2, , 3 , 4 , &c. comme
ci - devant. Le re de la marge lui fert de Clef ; c'eft la
touche re ou D du Clavier naturel : mais ce même re de-
venu Tonique fous le nom dW devient auffi la Fondamen-
tale du Mode.
Mais cette Fondamentale , qui eft Tonique dans les Tons
majeurs , n'eft que Médiante dans les Tons mineurs ; la
Tonique , qui prend le nom de la , fe trouvant alors une
Tierce mineure au - deffous de cette Fondamentale. Cette
diftinétion fe fait par une petite ligne horifontale qu'on tire
fous la Clef. Re fans cette ligne défïgne le Mode majeur
de re ; mais Re fous - ligné défïgne le Mode mineur de fi
dont ce Re eft Médiante. Au refte , cette diftinclion , qui
ne fert qu'a déterminer nettement le Ton par la Clef , n'eft
pas plus néceffaire dans le nouveau fyftême que dans la Note
ordinaire où elle n'a pas lieu. Ainli quand on n'y auroit au-
cun égard , on n'en folrieroit pas moins exactement.
Au lieu des noms mêmes des Not<?s on pourroit fe fervir
pour Clefs des lettres de la Gamine qui leur répondent ; C
pour ut , D pour re , &c. ( Voyez Gamme. )
Les Muficiens affectent beaucoup de mépris pour la mé-
thode des Tranfpofitions , fans doute , parce qu'elle rend
l'Art trop facile. L'Auteur fait voir que ce mépris eft mal
fondé; que c'eft leur méthode qu'il faut méprifer, puifqu'ellc
eft pénible en pure perte , & que les Tranfpofitions , dont
il montre les avantages , font , même fans qu'ils y fongent ,
h
N O T 4*s
la véritable règle que fuivent rous les grands Muficiens & les
bons Compofitcurs. ( Voyez Transposition. )
Le Ton , le Mode & tous leurs rapports bien déterminés,
il ne fuffit pas de faire connoicre toutes les Notes de cha-
que Octave | ni le paffage d'une Octave à l'autre par des
fignes précis & clairs ; il faut encore indiquer le lieu du
Clavier qu'occupent ces Octaves. Si j'ai d'abord un fol à en-
tonner , il faut favoir lequel ; car il y en a cinq dans le
Clavier , les uns hauts , les aunes moyens , les autres bas ,
félon les différentes Octaves. Ces Octaves ont chacune leur
lertre , & l'une de ces lettres mife fur la ligne qui fert de
Portée marque à quelle Octave appartient cette ligne , &
conféquemment les Octaves qui font au-deiïus & au-deffous.
II faut voir la figure qui eft à la fin du Livre & l'explica-
tion qu'en donne l'Auteur , pour fe mettre en cette partie
au fait de fon fyitcme , qui eft des plus fimples.
Il relte , pour l'expreflion de tous les Sons poffibles dans
notre fyftême mufical , à rendre les altérations accidentelles
amenées par la Modulation ; ce qui fe fait bien aifément.
Le Dièfe fe forme en traverfant la Note d'un trait mon-
tant de gauche à droite de cette manière ; fa Dicfe 4 : ut
Dièfe r. On marque le Bémol par un femblable trait def-
cendant;/f Bémol , =7* :mi Bémol , ^*. A l'égard du Béqtiarre,
l'Auteur le fuppnme , comme un figue inutile dans fon fyf-
1e.
* Ces deux chiffres 7 & j doivent du haut à gauche , paffer [\ la droit*
ttre croifés en fens contraire; c'eft-à- en defeendant 11 faudrait Jju\ p
dire que la iiyne qui les cruife doit , rjOIU «près pour cela.
Dicl. Je Mlijîqiie. N P D
466 N O ï
Cette partie ainfi remplie, il faut venir au Tems ou à la
Mefure. D'abord l'Auteur fait main-baffe fur cette foule de
différentes Mefures dont on a fi mal-à-propos chargé la
Mufique. Il n'en connoît que deux , comme les Anciens ;
favoir , Mefure à deux Tems , &c Mefure à trois Tems. Les
Tems de chacune de ces Mefures peuvent , à leur tour ,
être divifés en deux parties égales ou en trois. De ces deux
règles combinées il tire des exprefiions exacles pour tous les
Mouvemens poffibles.
On rapporte dans la Mufique ordinaire les diverfes valeurs
des Notes à celle d'une Note particulière, qui elt la Ronde;
ce qui fait que la valeur de cette Ronde variant continuel-
lement , les Notes qu'on lui compare n'ont point de va-
leur fixe. L'Auteur s'y prend autrement : il ne détermine
les valeurs des Notes que fur la forte de Mefure dans la-
quelle elles font employées & fur le Tems qu'elles y oc-
cupent ; ce qui le difpenfe d'avoir , pour ces valeurs , au-
cun figne particulier autre que la place qu'elles tiennent. Une
Note feule entre deux barres remplit toute une Mefure. Dans
la Mefure à deux Tems , deux Notes remplilfant la Mefure ,
forment chacune un Tems. Trois Notes font la même
chofe dans la Mefure à trois Tems. S'il y a quatre Notes
dans une Mefure a deux Tems , ou fix dans une Mefure à
trois , c'eft que chaque Tems elt diviié en deux parties
égales ; on paffe donc deux Notes pour un Tems ; on en
pa'fe trois quand il y a fix Notes dans l'une & neuf
dans l'autre. En un mot , quand il n'y a nul (igné d'iiu
lité , les Notes font égales , leur nombre fe dillribuc dans
N O T 4<7
une Mefure félon le nombre des Tems & l'tfpece de la Me-
fure : pour rendre cette difiribution plus aifée , on fépare ii
l'on veut les Tcms par des virgules ; de forte qu'en lifant
la Mufique , on voit clairement la valeur des Notes, fins
qu'il faille pour cela leur donner aucune figure particulière.
(Voyez PL F. lig.i. )
Les divifions inégales fe marquent avec la même facilité.
Ces inégalités ne font jamais que des fubdivifions qu'on ra-
mené à l'égalité par un trait dont on couvre deux ou plusieurs
Notes. Par exemple , fi un Tems contient une Croche &
deux doubles-Croches , un trait en ligne droite au-deflus ou
au-deflbus des deux doubles-Croches montrera qu'elles ne font
enfemble qu'une quantité égale à la précédente, ck par con-
féquent qu'une Croche. Ainfi le Tems entier fe retrouve di-
vifé en deux parties égales; favoir, la Note feule & le trait
qui en comprend deux. Il y a encore des fubdivifions d'iné-
galité qui peuvent exiger deux traits; comme, fi une Croche
pointée étoit fuivie de. deux triples - Croches , alors il fau-
droit premièrement un trait fur les deux Notes qui repréfen-
tent les triples-Croches, ce qui les rendroit enfemble égales
au Point ; puis un fécond trait qui , couvrant le trait pré-
cédent & le Point , rendroit tout ce qu'il couvre égal à la
Croche. Mais quelque vîtelfe que puilfent avoir les Notes ,
ces traits ne font jamais néceifaires que quand les valeurs
font inégales, & quelque inégalité qu'il puilfe y avoir, on
n'aura jamais befoin de plus de deux traits, fur-tout en fé-
parant les Tems par des virgules, comme on verra dans
l'exemple ci-apiès.
N n n a
4^S N O T
L'Auteur du nouveau fyftême emploie auiu" le Peint, au
autrement que dans la Mufique ordinaire; dans celle-ci , le
Point vaut la moitié de k Note qui le précède; dans la,
fienne , le Point , qui marque auffi le prolongement de la
Note précédente, n'a point d'autre valeur que celle de la
place qu'il occupe : Ci le Point remplit un Tems, il vaut un
Tems; s'il remplit uneMcfure, il vaut une Mefure; s'il eft
dans un Tems avec une autre Note , il vaut la moitié de ce
Tems. En un mot, le Point fe compte pour une Note, fe
mefure comme les Notes , & pour marquer des Tenues ou
des Syncopes on peut employer plulîeurs Points de fuite de
valeurs égales ou inégales r félon celles des Tems ou des
Mefures que ces Points ont a remplir.
Tous les filences n'ont befoin que d'un feul caractère; c'efi
le Zéro. Le Zéro s'emploie comme les Notes, & comme
le Point; le Point fe marque après un Zéro pour prolonger
un filence, comme après um Note pour prolonger un Son,
Voyez un exemple de tout cela (PL F. Fig. 3.)
Tel efi le précis de ce nouveau fyftême. Nous ne faivrons
point l'Auteur dans le détail de fes règles ni dans la corn-
paraifon qu'il fuit des caractères en ufage avec les liens : on
s'attend bien qu'il met tout l'avantage de fon côté; m.iis
ce préjugé ne détournera point tout Lecteur impartial dV
minrr les raifons de cet Auteur dans fon livre mén.e : com-
me cet Auteur eft. celui de ce Dictionnaire, il n'en peut di
davantage dans cet article fans s'écarter de la fonction qu'il
doit faire ici. Voyez {PL F. Fig. 4.) un Air noté par
nouveaux caractères : mais il fera difficile de tout du
N O T 469
bien exaâement fùns recourir au livre marrie, parce qu'un
article de ce Dictionnaire ne doit pas être un livre, & que
d.'.ns l'explication des caractères d'un Art auiîi compliqué , il
elt impofïible de tout dire en peu de mots.
NOTE SENSIBLE, elt celle qui cft une Tierce majeure
au-deiïus de la Dominante, ou un femi-Ton au-deiîbus de
la Tonique. Le fi elt Note fenfible dons le Ton d'ut , le fol
Dièfe dans le Ton de la.
On l'appelle Note fenfible , parce qu'elle fait fentir le Ton
& la Tonique, fur laquelle, après l'Accord dominant, la
Note fcnfiblt prenant le chemin le plus court , elt obligée
de monter : ce qui fait que quelques-uns traitent cette Note
fenfible de Diiîbnance majeure, faute de voir que la Dif-
fonance , étant un rapport , ne peut être conltituée que par
deux Notes.
Je ne dis pas que la Note fenfible elt la feptieme Note du
Ton ; parce qu'en Mode mineur cette feptieme Note n'elt
Note fenfible qu'en montant; car en defeendant elle elt à
un Ton de la Tonique & à une Tierce mineure de la Do-
minante. (Voyez Mode, Tonique , Dominante. )
NOTES DE GOUT. Il y en a de deux efpeces; les
unes qui appartiennent à la Mélodie , mais non pas à l'Har-
monie, en forte que, quoiqu'elles entrent dans la Mefure,
elles n'entrent pas dans l'Accord : celles-là fe notent en plein
Les autres Notes de goût, n'entrant ni dans l'Harmonie ni
dans la Mélodie, fe marquent feulement avec de petites
Notes qui ne fe comptent pas dans la Mefure , & dont la
durée très-rapide fe prend fur la Note qui précède ou
470 N O T
celle qui fuir. Voyez dans la PI. F. Fig. 5. un exemple des
Notes de goût des deux efpeces.
NOTER, v. a. C'efr. écrire de la Mufique avec les ca-
ractères deftinés à cet ufage , & appelles Nous. ( Voyez
Notes. )
Il y a dans la manière de Noter la Mufique une élégance
de copie , qui confifte moins dans la beauté de la Note ,
que dans une certaine exactitude à placer convenablement tous
les lignes, & qui rend la Mufique ainli notée bien plus fa-
cile à exécuter ; c'eit ce qui a été expliqué au mot Copiste.
NOURRIR les Sons , c'eft non-feulement leur donner du
timbre fur l'Inftrument , mais auffi les foutenir exactement
durant toute leur valeur , au lieu de les laiflër éteindre
avant que cette valeur foit écoulée , comme on fait fou-
vent. Il y a des Mufiques qui veulent des Sons Nourris ,
d'autres les veulent détachés, & marqués feulement du bout
de l'Archet.
NUNNIE,/ /. C'étoit chez les Grecs la Chanfon par-
ticulière aux Nourrices. ( Voyez Chanson.)
o y l 471
O-
V_y. Cette lettre capitale formée en cercle ou double CD
eit , dans nos Mufiques anciennes , le ligne de ce qu'on ap-
pelloit Tems parfait ; c'elt-à-dire , de la Mefure triple ou à
trois Tems, à la différence du Tems imparfait ou de la
Mefure double , qu'on marquoit par un C fimple , ou un O
tronqué à droite ou à gauche , C ou 3.
Le tems parfait fe marquoit quelquefois par un O fim-
ple, quelquefois par un O pointé en dedans de cette ma-
nière O, ou par un O barré, ainll ♦. (Voyez Tems.)
OBLIGE, adj. On appelle Partie Obligée, celle qui ré-
cite quelquefois, celle qu'on ne fauroit retrancher fans gâ-
ter l'Harmonie ou le Chant; ce qui la dif lingue des Parties
de RemplhTage , qui ne font ajoutées que pour une plus
grande perfeJHon d'Harmonie, mais par le retranchement
defquelles la Pièce n'eft point mutilée. Ceux qui font aux
Parties de Rempliffage peuvent s'arrêter quand ils veulent,
& la Musique n'en va pas moins; mais celui qui eit char-
gé d'une Partie Obligée ne peut la qukter un moment
fans faire manquer l'exécution.
Brofiard dit ç\\£ Obligé fe prend aufTï pour contraint ou
afTujctti. Je ne fiche pas que ce mot ait aujourd'hui un pa-
reil feus en Mufique. (Voyez Contraint.)
OCTACORDE, f, m. Initrument ou fyfîémc de Mufi-
que compofé de huit Sons ou de fept Degrés. UOclatorde
471 O C T
ou la Lyre de Pythagore comprenoit les huit Sons expri-
mes par ces lettres E. F. G. a. ^r c. d. e. : c'eft-à-dire , deux
Tétracordes disjoints.
OCTAVE , / f. La première des Confonnances dans l'or-
dre de leur génération. U Oclave eft la plus parfaite des Con-
fonnances; elle eft, après l'Unilîbn, celui de tous les Ac-
cords dont le rapport eft le plus fimple : l'Unilîbn eft en
raifon d'égalité ; c'eft-à-dire , comme i eft à i : YOclave
eft en raifon double ; c'ef t-à-dire , comme i eft à i ; les
Harmoniques des deux Sons dans l'un & dans l'autre s'ac-
cordent tous fans exception , ce qui n'a lieu dans aucun au-
tre Intervalle. Enfin ces deux Accords ont tant de confor-
mité qu'ils fe confondent fouvent dans la Mélodie , & que
dans l'Harmonie même on les prend prefque indifférem-
ment l'un pour l'autre.
Cet Intervalle s'appelle Oclave , parce que pour marcher
diatoniqusment d'un de ces termes a l'autre , il faut paffer
par fept Degrés , & faire entendre huit Sons différtns.
Voici les propriétés qui diftinguent fi fmguliérement
Y Oclave de tous les autres Intervalles.
I. UOciave renferme entre Ces bornes tous les Sons pri-
mitifs & originaux ; ainfi après avoir établi un fyftcme ou
une fuite de Sons dans l'étendue d'une Oclave, Ci l'on veut
prolonger cette fuite , il faut néceffairement reprendre le
même ordre dans une féconde Oclave par une férié (bail
ble , & de même pour une troifieme & pour une qua-
trième Oclave , où l'on ne trouvera jamais aucun Son q
ne fuie la Réplique de quelqu'un des premiers. \ n
f rie
0 C T '47i
féric eft appelles Echelle de Mufique dans fa première
Octave , & Réplique dans toutes les autres. (Voyez EfiRflMJE ,
Il i'; clique. ) C'eft en vertu de cette propriété de VOc-
tavt qu'elle a été appeilée Diapafon par les Grecs. (Voyez
Dl M'ASON.
II. L'Octave embraffe encore toutes les Confonnances &
toutes leurs différences, c'eft-à-dire , tous les Intervalles
(impies tant Confonnans que Diffonans , & par confé-
quent toute l'Harmonie. Etablirons toutes les Confonnances
fur un même Son fondamental ; nous aurons la Table
fui vante ,
120
IOO
96m
no
90
IZO
— •
120
75
12.0
110
60
1ZO
no
110
Qui revient à celle - ci :
5. 4" 3 * S 3 1
1. — • — • — • — • ■ — • — • — •
6543 8 5 *
Où l'on trouve routes les Confonnances dans cet ordre : la
Tierce mineure, la Tierce majeure, la Quarte, la Quinte,
la Sixte mineure, la Sixte majeure, & enfin YOclavc. Par
cette Table on voie que les Confonnances fimples font toutes
contenues entre l'Octave & FUniffon. Elles peuvent même
être entendues toutes à la fois dans l'étendue d'une Oclavc
fins mélange de Diflbnances. Frappez à la fois ces quatre
«Sons ut mi fol ut , en montant du premier ut à ton Octavt\
ils formeront entr'eux toutes les Confonnances, excepté la
Sixte majeure, qui eit compofée; tk ne formeront nul autre
JSicl. di Mujîguc, Uuo
474 O C T
Intervalle. Prenez deux de ces mêmes Sons comme il vous
plaira , l'Intervalle en fera toujours confonnant. C'elt de cette
union de toutes les Confonnances que l'Accord qui les pro-
duit s'appelle accord parfait.
U Octave donnant toutes les Confonnances donne par
conséquent aufïi toutes leurs différences , & par elles tous
les Intervalles fimples de notre fyltcme mufical , lefquels
ne font que ces différences mêmes. La différence de la
Tierce majeure à la Tierce mineure donne le femi-Ton
mineur ; la différence de la Tierce majeure à la Quarte
donne le femi-Ton majeur; la différence de la Quarte à la
Quinte donne le Ton majeur; & la différence de la Quinte
à la Sixte majeure donne le Ton mineur. Or le femi-Ton
mineur, le femi-Ton majeur, le Ton mineur, & le Ion
majeur font les feuls élémens de tous les Intervalles de no-
tre Mufique.
III. Tout Son confonnant avec un des termes de Y Octave
confonne auffi avec l'autre; par conlequent tout Son qui
diffonc avec l'un diffone avec l'autre.
IV. Enfin Y Octave a encore cette propriété, la plus fia-
guliere de toutes , de pouvoir être ajoutée à elle - même %
triplée & multipliée à volonté, fans changer de nature, &
fans que le produit ceffe d'être une Confonnance.
Cette multiplication de Y Octave , de même que ù divi-
fion , cil cependant bornée à notre égard par la capacité de
l'organe auditif; ik un Intervalle de huit Octaves excède
déjà cette capacité. (Voyez Etendue.) Les Octave* mêmes
perdent quelque thofe de leur Harmonie en lé multipliant i
O C T 475
&, pai?é une certaine mefure, tous les Intervalles dcvienr.enc
pour l'oreille moins faciles à faifir : une double OCLne com-
mence déjà d'être moins agréable qu'une Octave fimple ;
une triple qu'une double ; enfin à la cinquième Octave l'ex-
trême diitance des Sons 6ce a la Confonnance prcfqac tout
fon agrément.
C'eil de YOaavc qu'on tire la génération ordonnée de
tous ies Intervalles par des diviûons & fubdivifîons Har-
moniques. Divifez harmoniquement VOciave 3. 6. par le
nombre 4. vous aurez d'un côté la Quarte 3. 4. & de l'au-
tre la Qainte 4. 6.
Divifez de même la Quinte ro. 15. harmoniquement par
le nombre 11, vous aurez la Tierce mineure 10. 11. & la
Tierce majeure 12. 15. Eniin divifez la Tierce majeure 71.
90. encore harmoniquement par le nombre 80 , vous aurez
le ton mineur 71. 80. ou 9. 10 ce le ton majeur 80. 90.
ou 8. 9. &c.
Il faut remarquer que ces divifiom Harmoniques donnent
toujours deux Intervalles inégaux , dont le moindre eft au
grave & le grand à l'aigu. Que fi l'on fait les mêmes divi-
fions félon la proportion Arithmétique , on aura le moindre
Intervalle à l'aigu & le plus grand au grave. Ainfi VOclavc
2. 4. partagée arithmétiquement, donnera d'abord la Quinte
2. 3. au grave , puis la Quarte 3. 4. à l'aigu. La Quinte
4. 6. donnera premièrement la Tierce majeure 4. 5. puis la
Tierce mineure 5. 0. & ainfi des autres. On auroic les mêmes
rapports en fens contraires , fi , au lieu de les prendre ,
tomme je fais ici, par les vibrations, on les prenoit par
OOQ i
'47* O C T
les longueurs des cor;!;-. Ces connôiflances, au refle, font
pea utiles en elles-mêfi • -, mais elles font néceUàires pour
entendre les vieux Auteurs.
Le fyfiême complet & rigoureux de YOcTave eft compoie
de trois Tons majeurs, deux Tons miûeurs-, & ceux femi-
Tons majeurs. Le Cyiiême tempéré clt ce cinq Tons égaux
& deux fémi-Tons formant entr'eux autant de Degrés Dia-
toniques fur les fepu Sons de la Gamme jufqu'à l'0:tave
du premier. Mais comme chaque Ton peut fe partager ea
deux femi-To::s, la même Octave fe divile aum" chronati-
quement en douze Intervalles d'un femi-Ton chacun , dont
les fèpt précédens gardent leur nom, £: h-s cinq autres prennent
chacun le nom dd Son Diatonique le plus voifîrJ , au-deûous
par Dicfe & au-deifus par Bémol. ( Voyez Echelle. )
Je ne parle point ici des Octaves diminuées ou fuperflues,
parce que cet Intervalle ne s'altère gueres dans la Mélodie y
& jamais dans l'Harmonie.
Il eft défendu, en compofïrïon , de faire deux Oc!.
de fuite , entre différentes Parties , fur - tout par Mouve-
ment femblable : mais cela eit permis, & même élégant y
fait à deifein & à propos dans toute la fuite d'un Air ou
d'une Période : c'eft ainfi que dans plulieurs Concerto toutes
les Parties reprennent par Intervalles le Rippiéno à VOâam
eu a rUnilfon.
Sur la Jlegle de YOclave , voyez Reglf.
OCTAViER, v. n. Quand on force !e vent dans un
Jnïh-amcut à vent, le Son monte aufli-tôt à POÔave ; <-'
te qu'on appelle UçUvur, En renforçant aiaii l i^fuiratiou»
ODE 477
fair renfermé dans le tuyau & contraint par Pair extérieur,
elt obligé, pour céder à la \ . les ofcillations , de fe par-
tager en deux colonnes égales, ayant chacune la me
la longueur du tuyau; & c'eft- ainfi que chacune de ces
moiciés fcnr.e l'Oâave du tour. Une corde de \
Ociavie par un principe femplable, quand le coup d'Archet
elt trop„brufque Ou trop voifin du Chevalet. C'efi, un i
dans l'Orgue quand un tuyau Ociavie ; cela vient de ce
qu'il prend trop de \-ei\i.
ODE , f. f. Mot Grec qui fignïfie Chant ou Chanfo t.
ODEUM,/ m. C'étoit, chez ks Anciens, un lieu àeC-
tiné à la répétition de la Mufique qui devoit c;rc chantée
fur le Théâtre; comme eft, à l'Opéra de Paris, le petit
Théâtre du Magafin. (Voyez Magasin.)
On donnoit quelquefois le nom d'Odéùm â des bâtimens
qui n'avoient point de rapport au Théâtre. On lit dans Yi-
truve que Périclcs fit bâtir à Athcr.es un Odéum où l'on
difputcit des prix de Mufique, & dans Paufànias qu'Hérode
l'Athénien fit confbruire un magnilique Odéum pour le tom-
beau de fa femme.
Les Ecrivains Eccléfiafliques défignent aum* quelquefois le
Chœur d'une Eglife par le mot Odéum.
(£UVTRE. Ce mot elt mafeulin pour désigner un des Ou-
vrages de Mufique d'un Auteur. On dit le troifieir.e Œuvre
de Gorelli, le cinquième Œuvre de Vivaldi, & c. mais ces
titres ne font plus gueres en ufage. A mefure que la Mufi-
que fe perfectionne , elle perd ces noms pompeux par !cf-
quels nos Anciens s'imaginoient la glorifier,
47* O N Z
ONZIEME , / f. Réplique ou Octave de la Quarte.'
Cet Intervalle s'appelle On\lemc , parce qu'il faut former
On\c Sons Diatoniques pour paiTer de l'un de ces termes à
l'autre.
M. Rameau a voulu donner le nom (TGn\ieme à l'Accord
qu'on appelle ordinairement Quarte ; mais comme cette
dénomination n'efl pas fuivie , & que M. Rameau lui-même
a continué de chiffrer le même Accord d'un 4 &c non pas
d'un 11 , il faut fe conformer à l'ufcge. ) Voyez Accord,
Quarte, SvrrosiTiON.)
OPERA, f. m. Spectacle dramatique &. lyrique où l'on
s'efforce de réunir tous les charmes des beaux Arts , dans la
repréfentation d'un: action paflïonnée , pour exciter, a l'aide
des fenfations agréables , l'intérêt &. l'ilîulion.
Les parties conilitutives d'un Opéra for.t , le Pcëmc , la
Miifîque , & la Décoration. Par la Poéfic on parle à l'ef-
prit , par la Mufique à l'oreille , par la Peinture aux yeux ;
& le tout doit fc réunir pour émouvoir le cœur & y porter
-à la fois la même imprelîion par divers organcî. De ces
trots parties , mon ûijet ne me permet de confidérer la pre-.
niiere & la dernière que par le rapport qu'elles peuvent
avoir avec la féconde ; ainfi je paffe immédiatement a
celle-ci.
L'Art de combiner agréablement les Sons peut être envi-
fagé fous deux afpc&s tres-differens. Confidéréc comme une
inîlitution de la Nature, la Muliquc borne {on effet à la fm-
facion & au plaifir phyfique qui refaire de î.i Mélodie , de
l'Harmonie, cv du Rhythmc : telle c(t ordinairement la Mu-
OPE 47>
flque d'Eglife ; tels font les Airs à danfcr , & ceux des Chau-
lons. Mais comme partie cffentielle de la Scène lyrique, dont
l'objet principal eir. l'imitation , la Mufique devient un des
beaux Arts, capable de peindre tous les Tableaux, d'exciter
tous los (èmimens , de lutter avec 1a Poe fie , de lai donner
une force nouvelle , de l'embellir de nouveaux charmes , 6c
d'en triompher en la couronnant.
Les Sons de la voix parlante n'étant ni foutenus ni Har-
moniques font inappréciables, & ne peuvent, par cor.féqutnt,
s'allier agréablement avec ceux de la voix chantante 6c des
lnf trumens , au moins dans nos Langues , trop éloignées du
caractère mufical ; car on ne fauroit entendre les paffages des
Grecs fur leur manière de réciter, qu'en fappofant leur Lan-
gue tellement accentuée que les inflexions du difeours dans
la déclamation foutenue , formafllnt entr'elles des Intervalles
muficaux 6c appréciables : ainfi l'on peut dire que leurs Pièces
de Théâtre éioient des efpeces d'Opéra ; 6c c'eft pour cela
même qu'il ne pouvoit y avoir d'Opéra proprement die
parmi eux.
Par la difficulté d'unir le Chant au difeours dans nos Lan-
gues , il eft aifé de fentir que l'intervention de la Mufique
comme partie eiîentielle doit donner au Poëme lyrique un
caractère différent de celui de la Tragédie 6c de la Comédie ,
& en faire une troifieme efpece de Drame , qui a fes rerjes
particulières : mais fes différences ne peuvent fe déterminer
fans une parfaite connoiffance de la partie ajoutée , des
moyens de l'unir à la parole , & de Ils relations naturelles
avec le coeur humain ; détails qui appartiennent moins à
4So OPE
rArcîfte qu'au Philofcphe , & qu'il faut laiïTer a une plume
faite peur éclairer tous les Arts , pour montrer à ceux qui
hs profeifent les principes de leurs règles , & aux hommes
de gcût les fources de leurs plaifirs.
En me bornant donc , fur ce fujet, à quelques obfervaticns
plus historiques que rationnées , je remarquerai d'abord que
les Grecs n'avoient pas au Théâtre un genre lyrique ainfi
que nous, & que ce qu'ils appelloicnt de ce nom ne refTem-
bloit point au nôtre : comme ils avoient beaucoup d'accent
dans leur Langue & peu de fracas dans leurs Concerts, toute
J ir Foéfie étoit Muficale & toute leur Mufique déclamatoire:
de forte que leur Chant n'étoit prefquc qu'un difeours fou-
teau , & qu'ils chantoient réellement leurs vers , comme ils l'an-
noncent a la tête de leurs Poëmes ; ce qui par imitation a donné
au-: Latins, puis à nous , le ridicule ufage de direyV chante ,
quand on ne chante point. Quant à ce qu'ils appelloient
genre lyrique en particulier , c'étoit une Poéfîe héroïque dont
Je ftyle étoit pompeux & figuré , laquelle s'accompagnoit de
la Lyre ou Cithare préférablement a tout autre Infiniment.
Jl eft certain que les Tragédies Grecques fe récitoient d'une
manière très-fc-mblable au Chant , qu'elles s'accompagnoient
d'Inftrumens & qu'il y entroit des Chœurs.
Mais fi l'on veut pour cela que ce fuffent des Opéra fem-
b! ables auK nôtres , il faut donc imaginer des Opéra fans
Airs : car il me paroît prouvé que la M Grecque,
Qms en excepter mêrne l'Inflrumcntalc , n Y-toit qu*un véri-
table R . Il eft vrai que ce Récitatif, qui réunitîbit
lejhar.iu des Sjos I à toute l'Harmonie de la Pc.
ce
OPE 481
& à toute la force de la déclamation , devoit avoir beaucoup
plus d'énergie que le Récitatif moderne , qui ne peut gueres
ménager un de ces avantages qu'aux dépens des autres. Dans
nos Langues vivantes , qui fe refTentent , pour la plupart ,
de la rudelTe du climat dont elles font originaires , l'appli-
cation de la Mufique à la parole eft beaucoup moins natu-
relle. Une profodie incertaine s'accorde mal avec la régularité
de la Mefure ; des fyllabes muettes & fourdes , des articula-
tions dures, des Sons peu éclatans & moins variés fe prê-
tent difficilement à la Mélodie ; & une Poéfie cadencée uni-
quement par le nombre des fyllabes prend une Harmonie peu
fenfible dans le Rhythme mufical , & s'oppofe fans cette à
la diverfité des valeurs & des mouvemens. Voilà des diffi-
cultés qu'il falut vaincre ou éluder dans l'invention du Pocme
lyrique. On tâcha donc , par un choix de mots , de tours &c
de vers , de fe faire une Langue propre ; & cette Langue ,
qu'on appella lyrique , fut riche ou pauvre , à proportion de
la douceur ou de la rudefTe de celle dont elle étoit tirée.
Ayant , en quelque forte , préparé la parole pour la Mufi-
que, il fut enfuite queftion d'appliquer la Mufique à la parole,
& de la lui rendre tellement propre fur la Scène lyrique ,
que le tout pût être pris pour un feul & même idiome ; ce>
qui produifit la néceilicé de chanter toujours, pour paroître
toujours parler ; néceffité qui croit en raifon de ce qu'
Langue eft peu muficale ; car moins la Langue a de dou-
ceur & d'accent , plus le paifige alternatif de la parole au
Chant &. du Chant a la parole , y devient dur & choquant
pour l'oreille. De -là le befuin de fubftituer au difeours en
DiCl. de Mufiçu?, P p p
482 OPE
récit un difcours en Chant , qui pût l'imiter de fi près qu'il
n'y eût que la juilerTe des Accords qui le diftinguât de la
parole. (Voyez Récitatif.)
Cette manière d'unir au Théâtre la Mufique a la Poéfie ,
qui, chez les Grecs , fufrifoit pour l'intérêt & l'illuiion, parce
qu'elle étoit naturelle , par la raifon contraire , ne pouvoir
fufrire chez nous pour la même fin. En écoutant un langage
hypothétique & contraint, nous avons peine à concevoir ce
qu'on veut nous dire ; avec beaucoup de bruit on nous donne
peu d'émotion : de-là naît la nécefiité d'amener le plaifir
phyfique au fetours du moral , & de fuppléer par l'attrait
de l'Harmonie à l'énergie de l'exprefiion. Ainfi moins on
fait toucher le cœur , plus il faut favoir flatter l'oreille , &
nous fommes forcés de chercher dans la fenfation le plaifir
que le fentiment nous refufe. Voilà l'origine des Airs , des
Chœurs , de la Symphonie , & de cette Mélodie enchanre-
relfe dont la Mufique moderne s'embellit fouvent aux dépens
de la Poéfie, mais que l'homme de goût rebute au Théâtre,
quand on le flatte fans l'émouvoir.
A la naiflanec de VOpéra , fes inventeurs voulant éluder ce
qu'avoit de peu naturel l'union de la Mufique au difcours
dans l'imitation de la vie humaine, s'aviferent de tranfporter
la Scène aux Cieux & dans les Enfers , & faute de favoir
faire parler les hommes , ils aimèrent mieux faire chanter
les Dieux & les Diables, que les Héros & les Bergers. Bientôt
la magie & le merveilleux devinrent les fondemens du Théâtre
lyrique , & content de s\nrichir d'un nouveau genre on
ne fongea pas même à rechercher îi c'uoit bien celui-là
OPE #3
qu'on avoit dû choifir. Pour foutenir une fi forte illufion ,
il faluc épuifer tout ce que l'art humain pouvoit imagi-
ner de plus feduifant chez un Peuple où le goût du plaifir
& celui des beaux Arts régnoient à l'envi. Cette Nation
célèbre à laquelle il ne refte de fon ancienne grandeur que
celle des idées dans les beaux Arts, prodigua fon goût, fes
lumières pour donner à ce nouveau Spectacle tout l'éclat
dont il avoit befoin. On vit s'élever par toute l'Italie des
Théâtres égaux en étendue aux Palais des Rois, Ôc en >.
gance aux monumens de l'antiquité dont elle étoit remplie.
On inventa , pour les orner , l'Art de la PerfpecTiive ôc de la
Décoration. Les Artiites dans chaque genre y firent à l'envi
briller leurs talens. Les machines les plus ingénieufes , les
vols les plus hardis, les tempêtes, la foudre, l'éclair, ôc
tous les prestiges de la baguette furent employés à fafeiner
les yeux , tandis que des multitudes d'inltrumens ôc de voix
étonnoient les oreilles.
Avec tout cela l'action reftoit toujours froide , ôc toutes
les fîtuations manquoient d'intérêt. Comme il n'y avoit point
d'intrigue qu'on ne dénouât facilement â l'aide de quelque
Dieu, le Spectateur, qui connoilfoit tout le pouvoir duPocte,
fe repofoit tranquillement fur lui du foin de tirer fes Héros
des plus grands dangers. Ainfi l'appareil étoit immenfe ôc pro-
duisit peu d'effet, parce que l'imitation étoit toujours impar-
faite & grofTiere , que l'action prife hors de la Nature étoit fans
intérêt pour nous , ôc que les fens fe prêtent mal à l'illufion
quand le cœur ne s'en mêle pas; de forte qu'à tout compter
il eût été difficile d'ennuyer une alTemblée à plus grands frais.
Ppp i
4S4 OPE
Ce Spe&acle , tout imparfait qu'il étoit , fit long-teffiS
l'admiration des contemporains , qui n'en connoifibient point
de meilleur. Ils fe félicitoient même de la découverte d'un
fi beau genre : voilà , difoient-ils, un nouveau principe joinc
à ceux d'Ariftote ; voilà l'admiration ajoutée à la terreur ôc
à la pitié. Ils ne voyoient pas que cette richeile apparente
n'écoit au fond qu'un figne de (térilité , comme les fleurs qui
couvrent les champs avant la moifTon. C'étoit faute de fa-
voir toucher qu'ils vouloient furprendre , de cette admiration
prétendue n'étoit en effet qu'un étonnement puérile dont ils
auraient dû rougir. Un faux air de magnificence , de féerie
& d'enchantement, leur en impofoit au point qu'ils ne par-
taient qu'avec enthoufiafme & refptér. d'un Théâtre qui ne
mériroit que des huées ; ils avoient , de la meilleure foi du
monde , autant de vénération pour la Scène même que pour
les chimériques objets qu'on tâchoit d'y repréfenrer : comme
s'il y avoit plus de mérite à faire parler platement le Rci
des Dieux que le dernier des mortels, & que les Valets de
Molière ne fuffent pas préférables aux Héros de Pradon.
Quoique les Auteurs de ces premiers Opéra n'euffent gue-
res d'autre but que d'éblouir les yeux & d'étourdir les oit
les , il étoit dilîicile que le Muficien ne fût jamais tenté de
chercher à tirer de fon Art l'exprefTïon des fèntimens répan-
dus dans le Pocme. Les Chanfons des Nymphes , les H;,
nés des Prêtres , les cris des Guerriers , les hurlemens in!
naux ne rempliffbient pas tellement ces Drames grofl
qu'il ne s'y trouvât quelqu'un de ces inftans d'intérêt &
fituation où le Spectateur ne denvaide qu'à s'attendrir I
OPE 4»S
toron commença de fentir qu'indépendamment delà déV -
marion muficale, que fouvent la Langue comporroit mal, le
choix du Mouvement, de l'Harmonie & des Chants n'étoit
pas indifférent aux choies qu'on avoit a dire , & que , par
conféquent , l'effet de la feule Mu Tique borné jufqu'alors au
fens , pouvoit aller jufqu'au creur. La Mélodie , qui ne s'éroic
d'abord féparée de la Poéfie que par néceilité, tira parti do
cette indépendance pour fe donner des beautés abfolues
& purement muficales : l'Harmonie découverte ou pcrfc;lion-
née lui ouvrit de nouvelles routes pour plaire 6c pour émou-
voir ; & la Mefure , affranchie de la gêne du Rhythme poé-
tique , acquit au/fi une forte de cadence à part , qu'elle ne
tenoit que d'elle feule.
La Mufique , étant ainfi devenue un troifieme Art d'imi-
tation , eut bientôt fon langage, fon exprefîion, ks tableaux
tout-à-fait indépendans de la Poéfie. La Symphonie même
apprit à parler fans le fecours des paroles, & fouvent il ne
fortoit pas des fentimens moins vifs de l'Orchefixe que de
la bouche des Acteurs. C'eit alors que , commençant à fe
dégoûter de tout le clinquant de la féerie , du puérile fracas
des machines , & de la fantafque image des chofes qu'on
n'a jamais vues , on chercha dans l'imitation de la Nature
des tableaux plus intéreffans & plus vrais. Jufques-la YOpéra
avoit été conltirué comme il pouvoit l'être ; car quel meil-
leur ufage pouvoir-on faire au Théâtre d'une Mufique qui ne
favoit rien peindre , que de l'employer à la représentation
des chofes qui ne pouvoient exifier, 6c fur lefquelles perfonne
n'étoit en état de comparer l'image à l'objet? 11 cft impoi-
■AU OPE
fible de favoir fi l'on eft affecte par la peinture du merveil-
leux comme on le feroit par fa préfence ; au lieu que tout
homme peut juger par lui-même fi l'Artifte a bien fu faire
parler aux pafïïons leur langage , & fi les objets de la Na-
ture font bien imités. Aufli dès que la Mufique eut appris à
peindre & à parler , les charmes du fentiment firent-ils bien-
tôt négliger ceux de la baguette, le Théâtre fut purgé du
jargon de la Mythologie , l'intérêt fut fubltitué au merveil-
leux , les machines des Poètes & des Charpentiers furent
détruites , 6c le Drame lyrique prit une forme plus noble
&c moins gigantefque. Tout ce qui pouvoit émouvoir le
cœur y fut employé avec fuccès, on n'eut plus befoin d'en
impofer par des êtres de raifon , ou plutôt de folie , & les
Dieux furent chaffés de la Scène quand on y fut repréiènter
des hommes. Cette forme plus fage Ôc plus régulière fe
trouva encore la plus propre à l'illufion ; l'on fentit que le
chef-d'œuvre de la Mufique étoit de fe faire oublier i
même , qu'en jettant le défordre 6c le trouble dans famé
du Spectateur elle l'empêchoit de diftinguer les Chants ten-
dres 6c pathétiques d'une Héroïne gémiirante , des vrais ac-
cens de la douleur; & qu'Achille en fureur pouvoit nous
glacer d'effroi avec le même langage qui nous eût choqués
dans fa bouche en tout autre tems.
Ces obfcrvations donnèrent lieu a une féconde réforme
non moins importante que la première. On fentit qu'il ne
f doit à ['Opéra rien de froid 6c de raifonné , lien que le
Spectateur pût écouter aflèz tranquillement pour réfléchir
fur l'abfurdité de ce qu'il tntendoit j 6c c'efl en cela , ù;r-
OPE
tour, que confifte la différence elTentîclle du Drame lyi
à la limple Tragédie. Toutes les délibérations politiques ,
tous les projets de confpiration , les expoiitions , les récits,
ks maximes fêntencieufes ; en un mot , tout ce qui ne pi
qu'à la raifon fut banni du langage du cœur , avec les jeux
d'efprit , les Madrigaux & tout ce qui n'eft que des p«
fées. Le ton même de la fimple galanterie , qui cadre mal
avec les grandes paillons , fut à peine admis dans le rem-
pli ff.ige des Situations tragiques, dont il gâte prcfque toujours
l'effet : car jamais on ne fent mieux que l'Acteur chante ,
que lorfqu'il dit une Chanfon.
L'énergie de tous les ftntimens, la violence de toutes les
pallions font donc l'objet principal du Drame lyrique ; &c
l'illufion , qui en fait le charme , elt toujours détruite auiTî-
tôt que l'Auteur & l'Acteur laiifent un moment le Spectateur
h lui-même. Tels font les principes fur lefquels YOptra mo-
derne elt établi. Apoftolo Zéno , le Corneille de l'Italie ,
fon tendre élevé , qui en elt le Racine , ont ouvert & per-
fectionné cette nouvelle carrière. Ils ont ofc mettre les Héros
de l'Hiltoire fur un Théâtre qui fembloit ne convenir qu'aux
fantômes de la Fable. Cyrus , Ce far , Caton même , ont
paru fur la Scène avec fuccès , ck les Spectateurs les plus
révoltés d'entendre chanter de tels hommes , ont bientôc
oublié qu'ils chantoient , fubjugués & ravis par l'éclat d'une
Mufique auffi pleine de nobleffe & de dignité que d'enthou-
fiafme & de feu. L'on fuppofe aifément que des fenti-
mens fi diilérens des nôtres doivent s'exprimer auili fur un
autre ton.
OPE
Ces nouveaux Poëmes que le génie avoic créés , & que
lui feu! pouvok foutenir , écartèrent fans effort les mauvais
Muficiens qui n'avoient que la mécanique de leur Art , & ,
privés du feu de l'invention & du don de l'imitation , faifoient
des Opéra comme ils auraient fait des fabots. A peine les
cris des Bacchantes , les conjurations des Sorciers & tous les
Chants qui n'étoient qu'un vain bruit , furent-ils bannis du
Théâtre ; à peine eut - on tenté de fubftituer à ce barbare
fracas les accens de la colère, de la douleur, des menaces,
de la tendreffe , des pleurs , des gémillemens , & tous les
mouvemens d'une ame agitée , que , forcés de donner des
fentimens aux Héros & un langage au cœur humain , les
Vinci , les Léo , les Fergolèfe , dédaignant la fervile imita-
tion de leurs prédéceffeurs , &c s'ouvrant une nouvelle car-
rière, la franchirent fur l'aile du Génie, & fe trouvèrent au but
prefque dès les premiers pas. Mais on ne peut marcher long-
tems dans la route du bon goût fans monter ou defcendre ,
& la perfection efr un point où il elt difficile de fe main-
tenir. Après avoir effayé & fenti fes forces , la Mufiquc en
état de marcher feule , commence à dédaigner la Poéfie
qu'elle doit accompagner , & croit en valoir mieux en tirant
d'elle-même les beautés qu'elle partageoit avec façon:
gne. Elle fe propofe encore, il elt vrai , de rendre les îd
& les fentimens du Pocte ; mais elle prend , en quelque
forte , un autre langage , & quoique l'objet foit le même ,
Le Ppëce & le Muûcien, trop fi. parés dans leur travail , en
offrent à la fois deux images nlkmblantcs , mais (
qui fe nuifuit mutuellement. L'efprit forcé de fe pai
cl
OPE
choifit & fe iixe h. une image plutôt qu'a l'autre. Alors le
Muûcien , s'il a plus d'art que le Pouce, l'efface & le fait
oublier : l'Acteur voyant que le Spectateur facrilie les paroles
à la Mufique , facrilie à fon tour le gefte & l'action thé -
traie au chant & au brillant de la voix ; ce qui fait tout-à-
fait oublier la Pièce , & change le Spectacle en un véritable
Concert. Que fi l'avantage, au contraire, fe trouve duc
du Poète , la Muûque , à fon tour , deviendra prefque indif-
férente , & le Spectateur , trompé par le bruit , pourra
prendre le change au point d'attribuer à un mauvais Mufi-
cien le mérite d'un excellent Poète , & de croire admirer
des chef-d'œuvres d'Harmonie, en admirant des Pocmes
bien compofés.
Tels font les défauts que la perfection abfolue de la Mu-
fique (Se fon défaut d'application à la Langue peuvent intro-
duire dans les Opéra à proportion du concours de ces deux
caufes. Sur quoi l'on doit remarquer que les Langues les
plus propres à fléchir fous les loix de la Me fuie <5c de la
Mélodie font celles où la duplicité dont je viens de perler
eit le moins apparente , parce que la Mufique fe prêtant
feulement aux idées de la Poéfie , celle-ci fe prête à fon
tour aux inflexions de la Mélodie ; 6c que , quand la Mufi-
que celle d'obferver le Rhythme , l'accent & l'Harmonie du
▼ers , le vers fe plie & s'uilervi: à la cadence de la Mëfure
& à l'accent mufical. Mais lorfque la Langue n'a ni dou<
ni flexibilité , l'âpretc de la Poéfie l'empêche de s'affervir au
Chant, la douceur même de la Mélodie l'empêche de fe
prêter à la bonne récitation des vers, & l'on lent dans l'u-
DIS. de Mufique. Q q q
4oc OPE
nion forcée de ces deux Arts une contrainte perpétuelle qui
choque l'oreille & détruit à la fois l'attrait de la Mélodie 6c
l'effet de la Déclamation. Ce défaut elè fans remède , &
vouloir à toute force appliquer la Mulîque à une Langue qui
n'eft pas muficale , c'eft lui donner plus de rudefTe qu'elle
n'en auroit fans cela.
Par ce que j'ai dit jufqu'ici , l'on a pu voir qu'il y a plus
de rapport entre l'appareil des yeux ou la décoration , & la
Mufique ou l'appareil des oreilles , qu'il n'en paraît entre
deux fens qui femblent n'avoir rien de commun ; & qu'a
certains égards l'Opéra conflitué comme il eft , n'efr, pas un
tout aufli monitrueux qu'il paraît l'être. Nous avons vu que T
voulant offrir aux regards l'intérêt & les mouvemens qui
manquoient à la Mufique , on avoit imaginé les groffiers pref-
tiges des machines & des vols , 6c que jufqu'à ce qu'on fût
nous émouvoir, on s'étoit contenté de nous furprendre. Il
eft donc très-naturel que la Mufique , devenue paffionnée &
pathétique , ait renvoyé fur les Théâtres des Foires ces mau-
vais fupplémens dont elle n'avoit plus befoin fur le fien.
Alors ÏOpèra , purgé de tout ce merveilleux qui l'aviliffoit,
devint un Spectacle également touchant & majeftueux , digne
de plaire aux gens de goût 6c d'intéreffer les cœurs fenfibles.
11 eft certain qu'on aurait pu retrancher de la pompe du
Spectacle autant qu'on ajoutoit à l'intérêt de l'action :
plus on s'occupe des perfonnages , moins on eft occupé des
objets qui les entourent : nuis il faut , cependant , qn
lieu de la Scène foit convenable aux Aâetirs qu'on y
parler ; êv l'imitation de la I , fouvent plus diflicile 6c
OPE 4î,r
Toujours plus agréable que celle des erres imaginaires , n'en
devient que plus intéreflante en devenant plus vraifemblal île.
Un beau Palais , des Jardins délicieux , de (avances ruines
plaifent encore plus a l'œil que la fantafque image du Tar-
tarc , de l'Olympe , du Char du Soleil ; image d'autant plus
inférieure à celle que chacun fe trace en lui même , que
dans les objets chimériques , il n'en coûte rien à Pefprit
d'aller au-delà du pofïible , & de fe faire des modèles au*
deiïlis de toute imitation. De -là vient que le merveilleux,
quoique déplacé dans la Tragédie , ne l'eit pas dans le Poème
épique , où l'imagination toujours induftrieufe & dépenfiere
fe charge de l'exécution , & en tire un tout autre parti que
ne peut faire fur nos Théâtres le talent du meilleur Machinille,
& la magnificence du plus piaffant Roi.
Quoique la Mufique prife pour un Art d'imitation ait en-
core phis de rapport à la Poéfie qu'à la Peinture ; celle-ci ,
de la manière qu'on l'emploie au Théâtre , n'eft pas aufli
fujette que la Poéfie à faire avec la Mufique une double re-
présentation du même objet ; parce que l'une rend les fen-
timens des hommes , & l'autre feulement l'image du lieu
où ils fe trouvent, image qui renforce Tillufion & tranfporte
le Spectateur par -tout où l'Acteur eft fuppofé être. Mais ce
tranfport d'un lieu à un autre doit avoir des règles & des
bornes : il n'eft permis de fe prévaloir , à cet égard , de l'agi-
lité de l'imagination qu'en confultant la loi de la vraifem-
blance , & , quoique le Speétateur ne cherche qu'à fe prêter
à des fictions dont il tire tout fon plaifir , il ne faut pas
abufer de fa crédulité au point de lui en faire honte. En un
Qqq i
491 OPE
mot , on doit fonger qu'on parle à des cœurs fenfiMes fans
oublier qu'on parle à des gens raifonnables. Ce n'elt pas que
je voulufTe tranfporter à VOpéra cette rigoureufe unité de lieu
qu'on exige dans la Tragédie , & à laquelle on ne peur gueres
s'afTervir qu'aux dépens de l'action , de forte qu'on n'eit exact
à quelque égard que pour être abfurde à mille autres. Ce
feroit d'ailleurs s'ôter l'avantage des changemens de Scènes ,
lefquelles fe font valoir mutuellement : ce feroit s'expofer par
une vicieufe uniformité à des oppofitions mal conçues entre
la Scène qui reite toujours & les fituations qui changent ;
ce feroit gâ:er , l'un par l'autre , reflet de la Muiïque &
celui de la décoration , comme de faire entendre des Sym-
phonies voluptueufes parmi des rochers , ou des airs gais
dans les Palais des Rois.
C'eft donc avec raifon qu'on a laiflé fubfiiter d'Aile en
A fie les changemens de Scène , & pour qu'ils fuient régu-
liers & admiflîbles , il fufTït qu'on ait pu naturellement fe
rendre du lieu d'où l'on fort au lieu où l'on parle, dans l'In-
tervalle de tems qui s'écoule ou que l'action fuppofe entre
les deux Acles : de forte que , comme l'unité de tems doit
fe renfermer à-peu-prcs dans la durée de vingt-quatre heures ,
l'unité de lieu doit fe renfermer a-peu-prcs dans Pefpace d'une
journée de chemin. A l'égard des changemens de Scène
pratiqués quelquefois dans un même Acte , ils me paroilfcnt
également contraires à l'illufion &. à la railbn, & devoir être
abfolument profcrits du Théâtre.
Voila comment le concours de l'Acouflique & de la
Perfpeâive peut perfectionner l'illufion , flatter les fens par
OPE 49?
des impreffions diverfes , mais analogues , & porter à Pâme
un même intérêt avec un double plaifir. Ainfî ce feroit une
grande erreur de penfer que i i i ance du Théâtre n'a rien
de commun avec celle de la Mufique , fi ce n'eft la conve-
n.ince générale qu'elles tirent du Poëme. C'eft à l'imagination
des deux Artiftcs a déterminer entr'eux ce que celle du Poète '
a lailîé à leur difpofirion , & a s'accorder fi bien en cela
que le Spectateur fente toujours l'accord parfait de ce qu'il
voit & de ce qu'il entend. M us il faut avouer que la tâche
du Muficien eft la plus grande. L'imitation de la peinture
eft toujours froide ., parce qu'elle manque de cette fuccefîion
d'idées & d'impreilïons qui échauffe l'ame par degrés , &
que tout eft dit au premier coup-d'œil. La puiffance imita-
tive de cet Art , avec beaucoup d'objets apparens , fe borne
en effet a de très-foibles représentations. C'eft un des grands
avantages du Muficien de pouvoir peindre les chofes qu'on
ne fauroit entendre , tandis qu'il eft impefîible au Peintre
de peindre celles qu'on ne fauroit voir ; & le plus grand
prodige d'un Art qui n'a d'activité que par fes mouvemens ,
elt d'en pouvoir former jufqu'à l'image du repos. Le fem-
me il , le calme de la nuit, la folitude & le filence même
entrent dans le nombre des tableaux de la Mufique. Quel-
quefois le bruit proJ.iit l'effet du filence , & le filence l'effet
du bruit; comme quand un homme s'endort à une lecture
égale & monotone , 6c s'éveille à l'inftant qu'on fe tait ;
& il en eft de même pour d'autres effets. Mais l'Art a des
filbftitutions plus fertiles 6c bien plus fines que celle-ci ; il
fuit exciter par un fens des émotions femblables à celles qu'on
4<H OPE
peut exciter par un autre ; & , comme le rapport ne peut
être fenfible que l'imprelîion ne foit forte , la peinture , dé-
nuée de cette force , rend difficilement a la Mufique les imi-
tations que celle-ci tire d'elle. Que toute la Nature foit
endormie , celui qui la contemple ne dort pas , & l'art du
Muficien confiée à fubffituer à l'image infenfible de l'objet ,
celle des mouvemens que fa préfence excite dans l'efprit du
Spectateur : il ne repréfente pas directement la chofe ; mais il
réveille dans notre ame le même fentiment qu'on éprouve ea
la voyant.
Ain fi , bien que le Peintre n'ait rien à tirer de la Parti-
tion du Muficien , l'habile Muficien ne fortira point fans fruit
de î'atcelicr du Peintre. Non - feulement il agitera la mer a
fon gré , excitera les flammes d'un incendie , fera couler les
ruiucaux , tomber la pluie & groffir les torrens ; mais il aug-
mentera l'horreur d'un défert affreux , rembrunira les murs
d'une prifen fouterraine , calmera l'orage, rendra l'air tran-
quille, le Ciel ferein, & répandra, de l'Orchefire , une fraî-
cheur nouvelle fur les bocages.
Nous venons de voir comment l'union des trois Arts qui
condiment la Scène lyrique, forme entr'eux un tout très-bien
lié. On a tenté d'y en introduire un quatrième , dont il me
refte à parler.
Tous les mouvemens du corps , ordonnés félon certaines
loix pour affecter les regards par quelque action , prennent
en général le nom de geftes. Le gefte fe divife en deux
. , dont l'une fert d'accorapagnefl ent 6c
l'autre de fupplcment. Le premier , naturel à tout homme
O P 493
qui parle , fe modifie différemment, félon les hommes, les
Langues & les caractères. Le fécond e(t l'Arc de parler aux
yeux fans le fecours de l'écriture , par des mouvemens du
corps devenus fignes de convention. Comme ce gefte e(t
plus pénible , moins naturel pour nous que l'ufage de la
parole , & qu'elle le rend inutile , il l'exclud , & même en
fuppofe la privation ; c'eft ce qu'on appelle Art des Pantomimes.
A cet Art ajoutez un choix d'attitudes agréables & de mouve-
mens cadencés , vous aurez ce que nous appelions la Dardé , qui
ne mérite gueres le nom d'Art quand elle ne dit rien à l'efpriti
Ceci pofé , il s'agit de favoir fi, la Danfe étant un lan-
gage , ôc par conféquent pouvant être un Art d'imitation ,
peut entrer avec les trois autres dans la marche de l'Action
lyrique , ou bien fi elle peut interrompre & fufpendre cette
action fans gâter l'effet & l'unité de la Pièce.
Or , je ne vois pas que ce dernier cas puîffe même faire
une queltion. Car chacun fent que tout l'intérêt d'une Action
fuivie dépend de l'impreffion continue & redoublée que fa
repréfentation fait fur nous ; que tous les objets qui fufpen-
dent ou partagent l'attention font autant de contre-charmes
qui détruifent celui de l'intérêt ; qu'en coupant le Spectacle
par d'autres Spectacles qui lui font étrangers , on divife le
fujet principal en parties indépendantes qui n'ont rien, de
commun entr'elles que le rapport général de la matière qui
les compofe; & qu'enfin plus les Spectacles inférés feroient
agréables , plus la mutilation du tout feroit difforme. De
forte qu'en fuppofant un Opéra coupé par quelques Divertif-
femens qu'on pûc imaginer, s'ils laiûoient oublier le i".
A96 OPE
principal , le Spectateur , à la fin de chaque Fête , fe trou-
vèrent auffi peu ému qu'au commencement de la Pièce ; &.
pour l'émouvoir de nouveau & ranimer l'intérêt , ce feroit
toujours à recommencer. Voilà pourquoi les Italiens ont enfin
banni des Entr'actes de leurs Opéra ces Intermèdes comi-
ques qu'ils y avoient inférés ; genre de Spectacle agréable ,
piquant & bien pris dans la Nature , mais fi déplacé dans le
milieu d'une action tragique , que les deux Pièces fe nuifoient
mutuellement , & que l'une des deux ne peuvoit jamais in-
térefier qu'aux dépens de l'autre.
Relie donc à voir fi , la Danfe ne pouvant entrer dans la
componcion du genre lyrique comme ornement étranger ,
on ne l'y pourrait pas faire entrer comme partie conlutu-
ti ce , & faire concourir à l'action un Art qai ne doit pas
la fufpendre. Mais comment admettre à la fois deux lan-
gages qui s'excluent mutuellement , & joindre l'Art Pan-
tomime à la parole qui le rend furollu ? Le langage du
geite étant la reilburce des muets ou des gens qui ne peu-
vent s'entendre , devient ridicule entre ceux qui parlent. On
ne répond point à des mots par des gambades, ni au geite
par des difeours ; autrement je ne vtis point pourquoi celui
qui entend le langage de l'autre ne lui répond pas fur le
même ton. Supprimez donc la parole fi vous voulez em-
ployer la Danfe : fi-tôt que vous introduirez la Pantomime
dans V Opéra , vous en devez bannir la Poé ;-- ; parce que de
toutes les unités la plus oéceflaire i du lang . &
qu'il eft abfurde & ridicule de dire à la fois la m C >!'e
a la même perfonne , & de bouche c\
1 . i
OPE
497
Les deux raifons que je viens d'alléguer fe réuniffent dans
toute leur force pour bannir du Drame lyrique les Fêtes
Se les DivertùTemens qui non-feulement en fofpendent l'ac-
tion, mais, ou ne difent rien, ou fubilituent brufqucmenc
au langage adopte un autre langage oppofé dont le con-
traite détruit la vraifemblance , afFoiblit l'intérêt , & foit
dans la même aàioa pourfuivie , foit dans un épifode inféré,
blette également la raifoa Ce feroit bien pis , fi ces Fêtes
n'offroient au Spectateur que des fauts fans liaifon , & des
Danfes fans objet, tirTu gothique & barbare dans un genre
d'ouvrage où tout doit être peinture ôc imitation.
Il fout avouer , cependant , que la Danfe eft fi avanta-
geufement placée au Théâtre , que ce feroit le priver d'un
de fes plus grands agrémens que de l'en retrancher tout-à-
fait. Au/fi , quoiqu'on ne doive point avilir une aclion tra-
gique par des fours & des entrechats , c'eft terminer tres-
agréablement le Spectacle , que de donner un Ballet après
VOpéra , comme une petite Pièce après la Tragédie. Dans
ce nouveau Spectacle , qui ne tient point au précédent , on
peut auPï foire choix d'une autre Langue ; c'eft une autre
Nation qui paroît fur la Scène. L'Art Pantomime ou la
Danfe devenant alors la Langue de convention , la parole
en doit être bannie à fon tour, & la Mufique , reftant le
moyen de liaifon , s'applique a la Danfe dans la petite Pièce ,
comme elle s'appliquoit dans la gran.ie à la Poéfie. Mais
avant d'employer cette langue nouvelle, il fout la créer.
Commencer par donner des Ballets en action , fans avoir
préalablement établi la convention des geftes ; c'elt parler
Du!. J: Muf/quç, Rrr
49* OPE
une Langue à gens qui n'en ont pas le Dictionnaire , & qui
par conféquent , ne l'entendront poinr.
OPERA , f. m. Elt aufii un mot confacré pour diftingiier-
les différens ouvrages d'un même Auteur , félon l'ordre dans
lequel ils ont été imprimés ou gravés , & qu'il marque or-
dinairement lui-même fur les titres par des chiffre?. ( Vo}rez
(Euvre. ) Ces deux mots font principalement" en ufage pour
les comportions de Symphonie.
ORATOIRE. De l'Italien Oratorio. Efpece de Drame en
Latin ou en Langue vulgaire, divifé par Scènes, à l'imitation
des Pièces de Théâtre , mais qui roule toujours fur des fu-
jets facrés & qu'on met en Mufique pour être exécuté dans
quelque Eglife durant le Carême ou en d'autres tems. Cet:
ufage , aflez commun en Italie , n'efr, point admis en Fran-
ce. La Mufique Françoife elt fi peu propre au genre Dra-
matique , que c'eft bien affez qu'elle y montre fon infum-?
fance au Théâtre, fans l'y montrer encore à PEglifê.
ORCHESTRE, f. m. On prononce Orqueflrc. CY-roir,
chez les Grecs , la partie inférieure du Théâtre ; elle étoir
faite en demi-cercle & garnie de fieges tout autour. On
pelloit Orchefln , parce que cYcoic-là que s'exécutaient les
Danfes.
Chez eux YOrchcftre faifoit une partie du Théâtre ; à Rome
il en étoit féparé & rempli de fieges deitinés pour les s
nateurs, les Magiflrats, les Veftales, & les autres personnes
<le diftinction. A Paris YOrche/lre des Comédies Fran ,
& Italienne, & ce qu'on appelle ailleurs le Parquet, tlk
deftmé en partie à un ufigc fembluble.
O R C
495
Aujourd'hui ce rnot s'applique plus particulièrement à la
Mufique , & s'cnrend , tantôt du lieu où fe tiennent ceux
qui jouent des Inftrumcns , comme YOrchcflre de L'Opéra,
tantôt du lieu où fe tiennent tous les Muficiens en général,
comme YOrcheflre du Concert Spirituel au Château des
Tuileries, & tantôt de la collection de tous les Sympho-
nifles : c'eft dans ce dernier fens que l'on dit de l'exécution
de Mufique que YOrcheflre étoit bon ou mauvais , pour dire
que les Inftrumens étoient bien ou mal joués.
Dans les Mufiques nombreufes en Symphonifies, telles que
celle d'un Opéra, c'eft un foin qui n'eft pas à négliger que
la bonne diftrihution de YOrcheflre. On doit en grande par-
tie à ce foin l'effet étonnant de la Symphonie dans les Opéra
d'Italie. On porte la première attention fur la fabrique même
de ÏOrcheftre\ c'eft-à-dire , de l'enceinte qui le contient. Ou
lui donne les proportions convenables pour que les Sympho-
nistes y foient le plus raffemblés 6c le mieux dittribués qu'il
efl pofiible. On a foin d'en faire la caiffe d'un bois léger &c
réfoenant comme le fàpin , de rétablir fur un vide avec des
arcs-boutans , d'en écarter les Spectateurs par un râteau placé
dans le parterre h un pied ou deux de diftance. De forte
que le corps même de YOrcheflre portant pour ainfi dire,
en l'air, 6c ne touchant prefquc à rien , vibre 6c Lvibnne
fans obftaclc, 6c forme comme un grand Infiniment qui ré-
pond à tous les autres 6c en augmente l'effet.
A l'égard de la diftribution intérieure, on a foin: i°. que
le nombre de chaque efpcce d'Infiniment fe proportionne à
l'effet qu'ils doivent produire tous enfcmble; que, par exem-
Rrr i
Soo O R C
pie, les Baffes n'étouffent pas les Deffus & n'en foient pa*
étouffées; que les Hautbois ne dominent pas fur les Violons,
ni les féconds fur les premiers : i°. que les Infbrumens de
chaque efpece , excepté les Baffes, fbient raffemblés entr'eux,
pour qu'ils s'accordent mieux & marchent enfemble avec
plus d'exaclitude : 30. que les Baffes foient difperfées autour
des deux Clavecins & par tout VOrchejlrc , parce que c'eil
3a Baffe qui doit régler & foutenir toutes les autres Parties ,
6c que tous les Muiiciens doivent l'entendre également : 40..
que tous les Symphoniftes aient l'œil fur le Maître à fon~
Clavecin , &c le Maître fur chacun d'eux ; que de même:
chaque Violon foit vu de fon premier ce le voye : c'eiè pour-
quoi cet înftxument étant 6c devant être le plus nombreux.,
doit être diiixibuc fur deux lignes qui le regardent; favoir .
les premiers aiïïs en face du Théâtre, le dos tourné vers les
Spectateurs , les féconds vis-à-vis d'eux le dos tourné vers
le Théâtre , &c.
Le premier Orchejlre. de l'Europe pour le nombre & I'ii>
telligence des Symphoiiiftes eft celui de Naples : mais celui
qui eft le mieux diftribué & furme l'enfemble le plus parfait
elt Y Orchejlre de l'Opéra du Roi de Pologne à Drefde, di-
rigé par l'illultre Hiffc. (Ceci s\'crivoit en 1754.) ('Voyez
PL G. Fig. 1.) la repréfentation de cet Orchejlre , où, ùaa
s'attacher aux mefures, qu'on n'a p.is pritl-s fur les lieux, on
pourra mieux juger à l'œil de la diltribution totale, qu'on ne
pourrojt faire fur une longue defeription. .
On a remarque que , de tous les Orcheflrcs de l'Europe
celui de l'Opéra dt Paris, quoiqu'un des plus nombxçi
o R c ri
étoit celui qui Fuifbit le moins d'effet. Les raifons en font
faciles a comprendre. Premièrement la mauvaife conftruction
de ÎOrchefirc , enfoncé dans la terre, & clos d'une enceinte
de bois lourd, mafiif & charge de fer, étouffe toute réfon-
nanec : 20. le mauvais choix des Symphoniites, dont le plus
grand nombre reçu par faveur fait a peine la Mufique, &
n'a nulle intelligence de l'enfemble : 30. leur affommante ha-
bitude de racler, s'accorder, préluder continuellement à grand
bruit r fans jamais pouvoir être d'accord : 40. le génie Fran-
çois, qui eit en général de négliger & dédaigner tout ce qui
devient devoir journalier : 50. les mauvais Inftrumens des
Symphoniftes , lefquels reftant fur le lieu font toujours des
In/brumens de rebut, defUnés à mugir durant les repréfen-
rations , & à pourrir dans les Intervalles : 6°. le mauvais
emplacement du Maître qui , fur le devant du Théâtre &
tout occupé des Acteurs , ne peut veiller fuffifamment for
fou Orchtflre & l'a derrière lui, au lieu de l'avoir fous fes
yeux : 70. le bruit infupportable de fon bâton qui couvre 6c
amortit tout l'effet de la Symphonie : 8°. la mauvaife Har-
monie de leurs compofuions, cru, n'étant jamais pure 6c
choilie , na fait entendre , au. lieu de chofes d'effet , qu'un
rempliifage fourd 6c confus : 90. pas affez de Contrebaffes
6c trop de Violoncelles, dont les Sons, traînés à leur ma-
nière, étouffent la Mélodie 6c affomment le Spectateur: io°.
enfin le défaut de Mefure, 6c le caractère indéterminé de la
Mufique Françoife, où c'elt toujours l'Aéteur qui règle YOr-
flre , au lieu que YOrchcftre doit régler l'Acteur, 6c
les Deffus mènent la Baffe, au lieu que la Balle doit mener.
les DciTus.
5cî 0 R £
OREILLE , / /. Ce mot s'emploie figurcment en terme
de Mufique. Avoir de YOreille , c'eft avoir l'ouïe fenfible ,
fine & jufte; en forte que, foie pour l'intonation, foit pour
la Mefure, on foit choque du moindre défaut, 6c qu'auffi
l'on foit frappé des beautés de l'Art , quand on les entend.
On a YOreilk faufTe lorfqu'on chante conftamment faux ,
lorfqu'on ne distingue point les Intonations ràuffes des In-
tonations jaft.es, ou lorfqu'on n'eft point fenfible à la pré-
cifion de la Mefure , qu'on la bat inégale ou à contre-tems.
Ainfi le mot Oreille fe prend toujours pour la fineffe de la
fenfation ou pour le jugement du fens. Dans cette accep-
tion le mot Oreille ne fe prend jamais qu'au fingulier &
avec l'article partitif. Avoir de FOrcillt ; il a peu d'Oreille.
ORGANIQUE, adu pris fubfl. au fémin. C'étoit chez
les Grecs cette partie de la Mufique qui s'exécutoit fur les
Inftrumens , & cette partie avoit fes cara&eres , fes Notes
particulières, comme on le voit dans les Tables de Bacchius
& d'Alypius. (Voyez Musique, Notes.)
ORGANISER le Chant , v. a, C'étoit , dans le commen-
cement de l'invention du Contre-point , inférer quelques Tier-
ces dans une fuite de Plain-Chant à l'uniffon : de forte,'
par exemple , qu'une partie du Chœur chantant ces quatre
Notes, ut re Ji ut, l'autre partie chantoit en même tems
ces quatre-ci ut re re ut. Il paroît par les exemples cités
par l'Abbé le Beuf & par d'autres, que VOrgan{fation ne
fe prariquoit gueres que fur la Note fenfible à l'approche
de la finale; d'où il fuit qu'on tforgattifbU prefque jamais
gue par une Tierce mineure, Tour un Accord li facile cv
O R T 503
fi peu varie , les Chantres qui organifoient ne laifîbient pas
d'être payes plus cher que les autres.
A l'égard de YOrganum triplum , ou quadruplum , qui
s'appellent aufli Triplum ou Quadruplant tout fimplemenr,
ce n'étoit autre chofe que le même Chant des Parties orga-
nifantes entonné par des Hautes-Contres à POâave des Baf-
fes, & par dts DefTus à fOchve des Tailles.
ORTHIEN, adj. Le Nome Orthkn dans la Mufique Grec-
que étoit un Nome Daclylique , invente , félon les uns , par
l'ancien Olympus le Phrygien, 6c félon d'autres par le My-
fien. C'eit fur ce Nome Orthkn, difent Hérodote & Aulu-
gellc, que <:hantoii Arion quand il fe précipita dans la mer.
OUVERTURE, / f. Pièce de Symphonie qu'on s'efforce
de rendre éclatante, impofante , harmonieufe, & qui fert de
début aux Opéra & autres Drames lyriques d'une certaine
étendue.
Les Ouvertures des Opéra François font prefque routes
calquées fur celles de Lully. Elles font compofées d'un mor-
ceau traînant appelle grave qu'on joue ordinairement deux
fois, & d'une Reprife faqrillante appellée gaie, laquelle eft
communément fuguée : plufieurs de ces Reprifes rentrent en-
core dans le grave en iinillanr.
Il a été un tems où les Ouvertures Françoifes fervoient
de modèle dans toute l'Europe. 11 n'y a pas foixante ans
qu'on faifoit venir en Italie des Ouvertures de France pour
mettre à la tête des Opéra. J'ai vu même plufieurs anciens
Opéra Italiens notés avec une Ouverture de Lully à la tête.
C'elt de quoi les Italiens ne conviennent pas aujourd'hui
5c4 O V V
que tout a fi fort change ; mais le fait ne laifTe pas créer*
très-certain.
La Mufique infini-mentale ayant fait un progrès étonnant
depuis une quarantaine d'années, les vieilles Ouvertures faites
po.ir des Symphoniftes qui favoient peu tirer parti de leurs
Infiruraens, ont bientôt é:é laifTées aux François, & l'on
s'eit d'abord contenté d'en garder à-peu-près la difpo(ition.
Les Italiens n'ont pas même tardé de s'affranchir de cette
gêne , & ils diftribuent aujourd'hui leurs Ouvertures d'une
autre manière. Ils débutent par un morceau faillant &c vif,
à deux ou à quatre tems ; puis ils donnent un Andante à
demi-jeu, dans lequel ils tâchent de déployer toutes les grâces
du beau Chant , & ils nnifTent par un brillant Allegro , or-
dinairement à trois Tems.
La raifon qu'ils donnent de cette difiribution efl , que
dans un Spectacle nombreux où les Spectateurs font beau-
coup de bruit , il faut d'abord les porter au filence & fixer
leur attention par un début éclatant qui les frappe. Ils difenc
que le grave de nos Ouvertures n'eft entendu ni écouté de
p.erfonne , & que notre premier coup d'archet , que nous
yantons avec tant d'emphafe , moins bruyant que l'Accord
des Inftrumens qui les précède, & avec lequel il fe confond,
efjt plus propre à préparer l'Auditeur à l'ennui qu'à l'atten-
tion. Ils ajourent qu'après avoir rendu le Speilateur attentif,
il convient de l'intéreflèr avec moins de bruit par un Chant
ible & flatteur q li le difpofe à l'atteodrnTement qu'on
lâchera bientôt de lui infpirerj & de déterminer enfin VOu-
iv/.v/v ,ur ua morceau d'un autre caradere, qui, tranchant
avec
O U V s«s
avec le commencement du Drame, marque, en finiffant a-. -
bruit, le Qlence que l'Auteur arrive fur la Scène exige du
Spectateur.
Notre vieille routine d'Ouvertures a fait naître en France
une plaifante idée. Plufieurs fe font imagines qu'il y avoit
une telle convenance entre la forme des Ouvertures de
Luily & un Opéra quelconque , qu'on ne fauroit la changée
fans rompre l'Accord du tout : de forte que , d'un début de
Symphonie qui feroit dans un autre goût , tel , par exem-
ple, qu'une Ouverture Italienne, ils diront avec mépris , que
c'eft une Sonate, & non pas une Ouverture; comme fi toute
Ouverture n'étoit pas une Sonate.
Je fais bien qu'il feroit à délirer qu'il y eût un rapport
propre & fenfible entre le caractère d'une Ouverture & celui
de L'ouvrage qu'elle annonce ; mais au lieu de dire que
toutes les Ouvertures doivent être jettées au même moule ,
cela dit précifément le contraire. D'ailleurs , Ci nos Mufi-
ciens manquent fî fouvent de faifir le vrai rapport d. la Mu-
fique aux paroles dans chaque morceau, comment faifiront-
ils les rapports plus éloignés & plus fins entre l'ordonnance
d'une Ouverture , & celle du corps entier de l'ouvrage ? Quel-
ques M anciens fe font imaginés bien faifir ces rapports en raf-
femblant d'avance dans ^Ouverture tous les caractères expri-
més dans la Pièce, comme s'ils vouloient exprimer deux
fois la même action , & que ce qui eft à venir fût déjà
patlc. Ce n'eft pas cela. h'Ouverture la mieux entendue eft
celle qui difpofe tellement les cœurs des Spectateurs, qu'ils
s'ouvrent fans effort à l'intérêt qu'on veut leur donner des
Dicl. de A lujîque. S s s
So<5
O U V
le commencement de la Pièce. Voilà le véritable effet que
doit produire une bonne Ouverture : voilà le plan fur lequel
il la faut traiter.
OUVERTURE DU LIVRE , A L'OUVERTURE DU
LIVRE. ( Voyez Livre. )
OXIPYCNI, adj. plur. C'eit le nom que donnoient les
Anciens dans le Genre épais au troilieme Son en montant
de chaque Tétracorde. Ainfi les Sons Oxipycni étoient cinq
en nombre. ( Voyez Apvcni , Epais , Système , Tétra-
corde. )
PAN so?
p.
A . Par abréviation , fignifie Piano , c'eft - à - dire , Doux.
( Voyez Doux. )
Le double PP. fignifie , Pianijfimo , c'eft-à-dire , très-
Doux.
PANTOMIME , f. f. Air fur lequel deux ou plufieurs
Danfeurs exécutent en Danfe une A&ion qui porte aufli
le nom de Pantomime. Les Airs des Pantomimes ont pour
l'ordinaire un couplet principal qui revient fouvent dans le
cours de la Pièce, & qui doit être (impie, par la raifou
dite au mot Contre-Danfe : mais ce couplet eit entremêlé
d'autres plus faillans , qui parlent , pour ainfi dire , & font
image dans les fituations où le Danfeur doit mettre une
expreffion déterminée.
PAPIER REGLE. On appelle ainfi le papier préparé
avec les Portées toutes tracées , pour y noter la Mufique.
( Voyez Portfk. )
Il y a du Papier réglé de deux efpeces ; favoir, celui dont
le format elt plus long que large , tel qu'on l'emploie com-
munément en France ; & celui dont le format efi plus large
que long ; ce dernier eft le feu! dont on fe ferve en Italie.
Cependant par une bifirrerie dont j'ignore la caufe , les Pa-
petiers de Paris appellent Papier réglé à la Françoife , celui
dont on fe fert en Italie, & Papier réglé à /' Italienne, celui
qu'on préfère en France.
Sss i
• 5eS f A R
Le format plus large que long paroît plus commode ,
foie parce qu'un livre de cette forme fe tient mieux ouvert
fur un pupitre , foit parce que les Portées étant plus lon-
gues on en change moins fréquemment : or, c'eft dans ces
changemens que les Muficiens font fujets à prendre une
Portée pour l'autre , fur-tout dans les Partitions. ( Voyez
Partition. )
Le Papier réglé en ufage en Italie eft toujours de dix Por-
tées , ni plus ni moins ; 6c cela fait julte deux Lignes ou
Accolades dans les Partitions ordinaires , où l'on a toujours
cinq Parties ; fivoir , deux Deffus de Violons , la Viola ,
1a Partie chantante , 6c la Baffe. Cette divifion étant tou-
jours la même & chacun trouvant dans toutes les Parti-
tions fa Partie femblablement placée, paife toujours d'une
Accolade à l'autre fans embarras 6c fins rifque de fc mé-
prendre. Mais dans les Partitions Françoifes où le nom-
bre des Portées n'efr. fixe 6c déterminé , ni dans les Pages
ni dans les Accolades , il faut toujours héfiter à la fin de
chaque Portée pour trouver , dans l'Accolade qui fuir , la
Portée correfpondante à celle où l'on eft ; ce qui rend
le Moficien moins fur , 6c l'exécution plus fu jette a man-
quer.
PA'IADIAZEUXIS ou Disjonction prochaine ,/ /.
C'éroit , dans la Mufique Grecque , au rapport du vieux
Ricchius , l'Intervalle d'un Ton feulement entre les cordes
de deux Tctracordcs, & telle eft l'elpcce de disjonction qui
.- encre le Técracorde Synnéméaon , & le 1 aucord*
Diézeugménon. ( Voye\ ces mois. )
P A R 5o9
PARAMESE,// Cétoit, dans la Mufique Grecque, te
nom de la première corde du Tétracorde Diézcugménon.
Il faut fe fouvenir que le troilîeme Tétracorde pouvoic être
conjoint avec le fécond ; alors fa première corde étoit la
Mèfe ou la quatrième corde du fécond ; c'eft-à-dire , que
cette Mèfe ctoit commune aux deux.
Mais quand ce troilîeme Tétracorde ctoit disjoint, il com-
jnençoit par la corde appellée Paramèjè , laquelle au lieu de
fe confondre avec la Mèfe , fe trouvoit alors un Ton plus
haut , 6c ce Ton faifoit la disjonction ou diftance entre la
quatrième corde ou la plus aiguc du Tétracorde Méfon , ck
la première ou la plus grave du Tétracorde Diczeugménon.
( Voyez Système , Tétracorde. )
Paramèfc fignirie proche de la Mèfe ; parce qu'en effet
la Paramèfe n'en étoit qu'à un Ton de diftance , quoiqu'il
y eût quelquefois une corde entre deux. ( Voyez Trite. )
PARANETE , f. f. C'eit , dans la Mufique ancienne ,
]e nom donné par plufieurs Auteurs a la troisième corde de
chacun des trois Tétracordes Synnéménon , Diézeugménon,
& Hyperboléon ; corde que quelques-uns ne diftinguoient
que par le nom du Genre où ces Tétracordes étoient em-
ployés. Ainfi la troilîeme corde du Tétracorde Hyperboléon ,
laquelle eft appellée Hyperboléon - Diatonos par Arifto-
xène & Alypius, eft appellée Taranèu - Hyperboléon par
Euclkte , &rc.
PARAPHONIE, /.'/: C'eft, dans la Mufique ancienne,
cette efpece de Confonnance qui ne rcfulte pas des menus
Sons , comme l'Uniflbn qu'on appelle Homophonk ; ni de la
5io PAR
Réplique des mêmes Sons , comme l'O&ave qu'on appelle
Antiphonie ; mais des Sons réellement différens , comme la
Quinte & la Quarte , feules Paraphonies admifes dans cette
Mufique : car pour la Sixte & la Tierce , les Grecs ne les
mettoienr. pas au rang des Paraphonies ; ne les admettant
pas même pour Confonnances.
PARFAIT , adj. Ce mot , dans la Mufique , a plufieurs
fens. Joint au mot Accord , il fignifie un Accord qui com-
prend toutes les Confonnances fans aucune Diitonance; joint
au mot Cadence , il exprime celle qui porte la Note fenfiblc,
& de la Dominante tombe fur la Finale; joint au mot Con-
fonnance , il exprime un Intervalle juite & déterminé , qui
ne peut être ni majeur ni mineur : ainfi. l'Octave , la Quinte
& la Quarte font des Confonnances parfaites , & ce font les
feules ; joint au mot Mode , il s'applique à la Mefure par une
acception qui n'efè plus connue & qu'il faut expliquer pour
l'intelligence des anciens Auteurs.
Ils divifoient le Tems ou le Mode , par rapport a la Me-
fure , en Parfait ou Imparfait, & prétendant que le nombre
ternaire étoit plus parfait que le binaire , ce qu'ils prouvoient
par la Trinité , ils appelloient Tems ou Mode Parfait , celui
dont la Mefure étoit à trois Tems, & ils le marquoient par
un O ou cercle , quelquefois feul , & quelquefois barré , <t>.
Le Tems ou Mode Imparfait tbrmoit une Mefure à d<
Tems , & fe marquoit par un O tronqué ou un C , tantôt fini
& tantôt barré. ( Voyez Mesure , Mode , PrOIATIOH,
Tems. )
PARHYPATE , fi f Nom de la corde qui fuit mimé-
PAR 511
diarcment l'Hypatt du grave à l'aigu. Il y avoit deux Pathy»
pâtes dans le Diagramme des Grecs; favoir, la Parl.ypate-
Hypaton , & la Parhypate-Méfon. Ce mot Parhypate lignifie
Sous-principale ou proche la principale, ( Voyiz Wyiwïv..)
PARODIE , / f. Air de Symphonie dont on fait un Aie
chantant en y ajultant des paroles. Dans une Mufique bien
faite le Chant eft fait fur les paroles -, & dans la Parodie
les paroles font faites fur le Chant : tous les couplets d'une
Chanfon , excepté le premier , font des efpeces de Paro-
dies ; & c'eft , pour l'ordinaire , ce que l'on ne fent que
trop à la manière dont la Profodie y eil eftropiée. (Voyez
Chanson. )
PAROLES yf.f. plur. C'eft le nom qu'on donne au Poème
que le Compofiteur met en Mufique ; foit que ce Poème
foit petit ou grand , foit que ce foit un Drame ou une Chan-
fon. La mode eft de dire d'un nouvel Opéra que la Mufi-
que en eft paflable ou bonne , mais que les Paroles en fonc
dcteftables : on pourroit dire le contraire des vieux Opéra
de Lully.
PARTIE,//. C'eft le nom de chaque Voix ou Mélodie
féparée , dont la réunion forme le Concert. Pour conftituer
un Accord , il faut que deux Sons au moins fe fafTent en-
tendre à la fois ; ce qu'une feule Voix ne fiwioit faire. Pour
former , en chantant , une Harmonie ou une fuite d'Accords ,
il faut donc plufieurs Voix : le Chant qui appartient à cha-
cune de ces Voix s'appelle Partie, & la collection de toutes
les Parties d'un même ouvrage , écrites l'une au-deffous de
l'autre , s'appelle Partition. ( Voyez Partition. )
Sir PAR
Comme un Accord complet eft compofé de quatre Sons ,
il y a auiïi , dans la Mufique , quatre Parties principales dont
la plus aiguë s'appelle DeJJ'us , 6c fe chante par des Voix de
femmes , d'enfuis ou de Mufici : les trois autres font , la
Hauts-Contre , la Taille & la Baffe , qui toutes appartiennent
à des Voix d'hommes. On peut voir , ( PL F. Fig. 6. ) l'é-
tendue de Voix de chacune de ces Parties , 6c la Clef qui
lui appartient. Les Notes blanches montrent les Sons pleins
où chaque Partie peut arriver tant en haut qu'en bas , 6c
les Croches qui fuivent montrent les Sons où la Voix com-
menceroit à fe forcer , & qu'elle ne doit former qu'en paf-
fant. Les Voix Italiennes excédent prefque toujours cette
étendue dans le haut , fur-tout les Deflus ; mais la Voix de-
vient alors une efpece de Faucet , 6c avec quelqu'art que ce
défaut fe déguife , c'en eft certainement un.
Quelqu'une ou chacune de ces Parties fe fubdivife quand
on compofe a plus de quatre Parties ( Voyez Dessus ,
Taille , Basse.)
Dans la première invention du Contre-point, il n'eut d'abord
que deux Parties , dont l'une s'appelloit Ténor , & l'autre
Difcant. Enfuite on en ajouta une troifieme qui prit le nom
de Triplum ; 6c enhn une quatrième , qu'on appella quel-
quefois Quadrupium , 6c plus communément Motetus. Ces
Parties fe confondoient 6c enjamboient très- fréquemment
les unes fur les autres : ce n'elt que peu-a-peu qu'en s'éten-
dant à l'aigu 6c au grave , elles ont pris , avec des Diapa-
funs plus féparés 6c plus rixes , les noms qu'elles ont au-
jourd'hui.
Il
PAR 5«i
Il y a aufli des Parties inltru mentales. Il y a même des
Inflrumens, comme l'Orgue, le Clavecin, la Viole, qui peu-
vent faire plufieurs Parties à la fois. On divife aufli la Mufique
Inftrumentale en quatre Parties , qui répondent à celles de la
Mufique Vocale , & qui s'appellent DeJJ'us , Quinte , Taille &c
BaJJ'e ; mais ordinairement le DeiTus fe fépare en deux , & la
Quinte s'unit avec la Taille , fous le nom commun de / ïole.
On trouvera aufïi (PI. F. Fig. 7.) les Clefs & l'étendue des
quatre Parties Inftru mentales : mais il faut remarquer que la
plupart des Inftrumens n'ont pas dans le haut des bornes pré-
cifes , & qu'on les peut faire démancher autant qu'on veut
aux dépens des oreilles des Auditeurs ; au lieu que dans \»
bas ils ont un terme fixe qu'ils ne fauroient paffer : ce terme
eft à la Note que j'ai marquée ; mais je n'ai marqué dans le
haut que celle où l'on peut atteindre fans démancher.
11 y a des Parties qui ne doivent être chantées que par
une feule Voix , ou jouées que par un feul Infiniment , &
celles-là s'appellent Parties récitantes. D'autres Parties s'exé-
cutent par plufieurs perfonnes chantant ou jouant à l'Unif-
fon , & on les appelle Parties concertantes ou Parties de,
Chœur.
On appelle encore Partie , le papier de Mufique fur lequel
eft écrite la Partie féparée de chaque Muficien ; quelquefois
plufieurs chantent ou jouent fur le même papier : mais quand
ils ont chacun le leur, comme cela fe pratique ordinairement
dans les grandes Mufiques , alors , quoiqu'en ce fens chaque
Concertant ait ù Partie , ce n'eft pas à dire dans l'autre fens
qu'il y ait autant de Parties de Concertons , attendu que la
Dicl. de Mufique, T 1 1
514 PAR
même Partie efl fouvent doublée , triplée & multipliée à
proportion du nombre total des exécutans.
PARTITION,/ /. Collection de toutes les Parties d'une
Pièce de Mufîque , où l'on voit, par la réunion des Portées
correfpondantes , l'Harmonie qu'elles forment entr'elles. On
écrit pour cela toutes les Parties Portée à Portée , l'une
au - defîbus de l'autre avec la Clef qui convient a chacune ,
commençant par les plus aiguës , & plaçant la BaiTe au-deffous
du tout; on les arrange, comme j'ai dit au mot Copiste,
de manière que chaque Mefure d'une Portée foit placée per-
pendiculairement au-deflus ou au-deîfous de la Mefure cor-
refpondante des autres Parties , & enfermée dans les mêmes
Barres prolongées de l'une à l'autre , afin que l'on puiiïe
voir d'un coup-d'œil tout ce qui doit s'entendre a la fois.
Comme dans cette difpofition une feule ligne de Mufîque
comprend autant de Portées qu'il y a de Parties , on cm-
braiîe toutes ces Portées par un trait de plume qu'on appelle
Accolade, & qui fe tire à la marge au commencement de
cette ligne ainfi compofée ; puis on recommence , pour une
nouvelle Ligne , a tracer une nouvelle Accolade qu'on rem-
plit de la fuite des mêmes Portées écrites dans le même
ordre.
Ainfi , quand on veut fuivre une Partie , après avoir par-
c iutu la Portée jufqu'au bout , on ne paire pas h celle qui
tfr immédiatement au-deffous : mais on regarde quel rang
la Portée que l'on quitte occupe dans fon Accolade , on \.i
chercher dans l'Accolade qui fuit la Portée correfpondante ,
& l'on y trouve la fuite de la même Parue.
r a r $IS
L'ufage des Partitions eft indifpenfable pour compofer. Il
faut aulîi que celui qui conduit un Concert ait la Partition
fous les yeux pour voir fi chacun fuit fa Partie , & remettre
ceux qui peuvent manquer : elle efr. même utile à l'Accom-
pagnateur pour bien fuivre l'Harmonie ; mais quant aux
autres Muficiens , on donne ordinairement à chacun fa Par-
tie féparée , étant inutile pour lui de voir celle qu'il n'exé-
cute pas.
Il y a pourtant quelques cas où l'on joint dans une Partie
féparée d'autres Parties en Partition partielle , pour la com-
modité des exécutans. i°. Dans les Parties Vocales , on
note ordinairement la Baffe continue en Partition avec cha-
que Partie récitante , foit pour éviter au Chanteur la peine
de compter fes Paufes en fuivant la Baffe , foit pour qu'il fe
puiffe accompagner lui-même en répétant ou récitant fa Par-
tie. i°. Les deux Parties d'un Duo chantant fe notent en
Partition dans chaque Partie féparée, afin qie chaque Chan-
teur , ayant fous les yeux tout le Dialogue , en faififfe mieux
l'efprit , & s'accorde plus aifément avec fa contre - Partie.
3°. Dans les Parties Inftrumentales , on a foin , pour les
Récitatifs obligés , de noter toujours la Partie chantante en
Partition avec celle de l'Inftrument , afin que dans ces alter-
natives de Chant non mefuré & de Symphonie mefurée , le
Symphonifte prenne jufte le tems des Ritournelles fans en-
jamber & fans retarder.
PARTITION eft encore , chez les Fadeurs d'Orgue &c
de Clavecin , une règle pour accorder l'Inftrument , en com-
mençant par une Corde ou un Tuyau de chaque Touche
Ttt i
■5iô PAR
dans l'étendue d'une Octave ou un peu plus , prife vers lé
milieu du Clavier ; & fur cette Octave ou Partition l'on ac-
corde , après , tout le refte. Voici comment. on s'y prend pour
former la Partition.
Sur un Son donné par un Infiniment dont je parlerai au
mot Ton , l'on accorde à l'Uniflbn ou à l'Octave le Cfol ut
qui appartient à la Clef de ce nom , & qui fe trouve au mi-
lieu du Clavier ou à-peu-près. On accorde enfuite le fol ,
Quinte aiguë de cet ut ; puis le rt , Quinte aiguë de ce fol;
après quoi l'on redefcend à l'Octave de ce rc , à côté du pre-
mier ut. On remonte à la Quinte la , puis encore à la Quinte
mi. On redefcend à l'Octave de ce mi, & Ton continue de
même , montant de Quinte en Quinte , & redefcendant à
l'Octave lorfqu'on avance trop à l'aigu. Quand on eft par-
venu au fol Dièfe , on s'arrête.
Alors on reprend le premier ut , & l'on accorde fon Oc-
tave aiguë ; puis la Quinte grave de cette Octave fa ; l'Oc-
tave aiguë de ce fa ; enfuite le fi Bémol , Quinte de cette
Octave ; enfin le mi Bémol , Quinte grave de ce fi Bémol :
l'Octave aiguë duquel mi Bémol doit faire Quinte julte ou
à-peu-près avec le la Bémol ou fol Dièfe précédemment
accordé. Quand cela arrive , la Partition elt julte ; autre-
ment elle eit fauffe , & cela vient de n'avoir pas bien fuivi
les règles expliquées au mot Tempérament. Voyez ( PI. F»
T/tf. 8. ) la fucccflïon d'Accords qui forme la Partition.
La Partition bien faire , l'accord du relie elt très-facile ,
pwiiqu'il n'eft plus queition que d'Unilîbns & d'Octaves pour
achever, d'accorder tout le Clavi
PAS ji}
PASSAC AILLE,//: Efpece de Chaconne dont le Chant
eft plus tendre & le mouvement plus lent que dans les Cha-
connes ordinaires. ( Voyez ChacovkB. ) Les PaJJacailks
d'Armide & d'IrTé font célèbres dans l'Opéra François.
PASSAGE y f. m. Ornement dont on charge un trait de
Chant, pour l'ordinaire allez court; lequel eft compofé de
plufieurs Notes ou Diminutions qui fe chantent ou fe jouenn
très-légèrement. C'eft ce que les Italiens appellent cufîï
Faffb. Mais tout Chanteur en Italie eft oblige de favoir
compofer des Paffi , au lieu que la plupart des Chanteurs
François ne s'écartent jamais de la Note & ne font de Piif-
fages que ceux qui font écrits.
PASSE-PIED , f. m. Air d'une Danfe de même nom y
fort commune, dont la mefure eft triple, fe marque |, &
fe bat à un Tems. Le mouvement en eft plus vif que celui
du Menuet , le caraftere de l'Air à-peu-près femblable ; ex-
cepté que le PaJ[e-pkd admet la fyncope , & que le Menuet
ne l'admet pas. Les Mefures de chaque Reprife y doivent
entrer de même en nombre pairement pair. Mais l'Air du
Pajfe-pied au lieu de commencer fur le Frappé de la Me-
fure , doit dans chaque Reprife commencer fur la croche
qui le précède.
PASTORALE,/ f. Opéra champêtre dont les Perfon-
nages font des Bergers , & dont la Mufique doit être afTor-
tie à la (implicite de goût & de mœurs qu'on leur fwppofe.
Une Paftorale eft aufîi une Pièce de Mufique faite fur
des paroles relatives à l'état Paftarcl , ou un Chant qi r
imite celui des Bergers , qui ça a la douceur , la tendra lie
5i8 PAS
& le naturel ; l'Air d'une Danfe compofée dans le même
caraclere s'appelle aufïi Paftorale.
PASTORELLE , / f. Air Italien dans le genre paftoral.
1-ts Airs François appelles Paftorales , font ordinairement
à deux Tems , & dans le caractère de Mufette. Les Paflo-
re/L's Italiennes ont plus d'accent , plus de grâce , autant
de douceur & moins de fadeur. Leur Mefure eft toujours le
fix-huit.
PATHETIQUE , adj. Genre de Mufique dramatique &
théâtral , qui tend a peindre & à émouvoir les grandes
pallions , ôc plus particulièrement la douleur & la trilteiïe.
Toute l'exprefïïon de la Mufique Françoife , dans le genre
Pathétique , confifte dans les Sons traînés , renforcés , gla-
piiTans , ôc dans une telle lenteur de mouvement , que tout
fentiment de la Mefure y foit effacé. De - là vient que les
François croient que tout ce qui eft lent eft Pathétique , &
que tout ce qui eft Pathétique doit être lent. Ils ont même
des Airs qui deviennent gais ôc badins, ou tendres ôc Pa-
thétiques , félon qu'on les chante vite ou lentement. Tel eft
un Air fi connu dans tout Paris , auquel on donne le pre-
mier caraclere fur ces paroles : II y a trente ans que mon
cotillon traîne , &c. ôc le fécond fur celles-ci : Quoi ! vous
parte\ fans que rien vous arrête , ôcc. C'elt l'avantage de la
Mélodie Françoife; elle fert atout ce qu'on veut. Fiet avis,
Çr , cuni volet , arùor.
Mais la Mufique Italienne n'a pas le même avantage :
chaque Chant , chaque Mélodie a fou caraclere allèrent
propre , qu'il elt impoflible de l'en dépouiller. Son Pat
P AT 519
tique d'Accent & de Mélodie fe fait fentir en toute forte
de Mefure , ce même dans les Mouvemens les plus \
Les Airs François changent de caractère félon qu'on pn
ou qu'on ralentit le Mouvement : chaque Air Italien a fon
Mouvement tellement déterminé , qu'on ne peut l'altérer fans
anéantir la Mélodie. L'Air ainfi défiguré ne change pas
fon caractère , il le perd ; ce n'eft plus du Chant , ce n'eft
rien.
Si le caractère du Pathétique n'eft pas dans le Mouve-
ment , on ne peut pas dire non plus qu'il foit dans le Genre ,
ni dans le Mode , ni dans l'Harmonie ; puifqu'il y a des
morceaux également Pathétiques dans les trois Genres, dans
les deux Modes , & dans toutes les Harmonies imaginables.
Le vrai Pathétique eft dans l'Accent paflionné , qui ne fe
détermine point par les règles ; mais que le génie trouve &
que le cœur fent , fans que l'Art puiffe , en aucune manière ,
en donner la loi.
PATTE A RÉGLER,//: On appelle ainfi un petit inf-
iniment de cuivre , compofé de cinq petites rainures éga-
lement cfpacées , attachées à un manche commun , par les-
quelles on trace à la fois fur le papier , & le long d'une rè-
gle , cinq lignes parallèles qui forment une Portée. ( Voyez
Portée. )
PAVANE,//! Air d'une Danfe ancienne du même nom,
laquelle depuis long -teins n'eft plus en ufage. Ce nom de
Pavane lui fut donné parce que les figurans taifoient , eu
fe regardant , une efpece de roue à la manière des Paons.
L'Homme fe fervoit , pour cette roue , de ta cape ce de fon
5io
PAU
épée qu'il gardoit dans cette Danfe , & c'eft par allufion \
la vanité de cette attitude qu'on a fait le verbe réciproque
Je pavaner,
PAUSE , f. f. Intervalle de tems qui , dans l'exécution ,
doit fe pafTer en fîlence par la Partie où la Pau je elt mar-
quée. ( Voyez Tacet , Silence. )
Le nom de Pauje peut s'appliquer à des Silences de dif-
férentes durées ; mais communément il s'entend d'une Me-
fure pleine. Cette Pauje fe marque par un demi-Bâton qui ,
partant d'une des lignes intérieures de la Portée , defeend
jufqu'à la moitié de l'efpace compris entre cette ligne &
la ligne qui eft immédiatement au - defibus. Quand on a
plusieurs ?aujes à marquer , alors on doit fe fervir des figu-
res dont j'ai parlé au mot Bâton, & qu'on trouve marquées
PL D. Fig. 9.
A l'égard de la demi - Pauje , qui vaut une Blanche , ou
la moitié d'une Mefure à quatre Tems , elle fe marque
comme la Pauje entière , avec cette différence que la Pauje
tient à une ligne par le haut , & que la demi - Pauje y tient
par le bas. Voyez , dans la même Figure 9 , la diltindion
de l'une & de l'autre.
Il faut remarquer que la Pauje vaut toujours une Mefure
jufte , dans quelque efpece de Mefure qu'on foit ; au lieu
que la demi'PauJi a une valeur fixe & invariable: de forte
que , dans toute Mefure qui vaut plus ou moins d'une Ronde
ou de deux Blanches , on ne doit point fe fervir de la demi~
Tau je pour marquer une demi- Mefure, mais des autres Si-
lences qui en expriment la jufte valeur.
Quant
V A V sir
Çjuant à cette autre efpece de Paufes connues dans nos
anciennes Mufiques fous le nom de Paufes initiales , parce
qu'elles fe placoient après la Clef, & qui fervoient , non à
exprimer des Silences , mais à déterminer le Mode ; ce nom
de Paufes ne leur fut donne qu'abufivement : c'efl pour-
quoi je renvoie fur cet article aux mots Bâtons & Modes.
PAUSER , v. n. Appuyer fur une fyllabe en chantant.
On ne doit Paufer que fur les fyllabes longues , & l'on ne
Paufe jamars fur les e muets.
PEAN, / m. Chant de victoire parmi les Grecs , en l'hon-
neur des Dieux , & fur-tout d'Apollon.
PENTACORDE , f. m. C'étoit chez les Grecs tantôt un
Infiniment à cinq cordes, & tantôt un ordre ou fyftême
formé de cinq Sons : c'efi en ce dernier fens que la Quinte
ou Diapente s'appelloit quelquefois Pentacorde.
PENTATONON,/ m. C'étoit , dans la Mufique an-
cienne le nom d'un Intervalle que 'nous appelions aujourd'hui
Sixtc-fuperflue. ( Voyez Sixte. ) 11 elt compofé de quatre
Tons , d'un femi-Ton majeur & d'un femi-Ton mineur ;
xl'où lui vient le nom de Pentatonon , qui lignine cinq
tons.
PERFIDIE , / f. Terme emprunté de la Mufique Ita-
lienne , & qui fignihe une certaine affectation de faire tou-
jours la même chofe , de pourfuivre toujours le même defTein ,
de conferver le même Mouvement , le même caractère de
Chant , les mêmes PafTages, les mêmes figures de Notes.
( Voyez Dessein, Chant, Mouvement. ) Telles four
les Baffes-contraintes ; comme celles des anciennes Cha»
Dict. de Mujique. Y vv
■$i* P E R
connes, & une infinité de manières d'Accompagnement con-
traint ou Perfidie , Perfuiiato , qui dépend du caprice des
Compofiteurs.
Ce terme n'eft point ufité en France , & je ne fais s'il a
jamais été écrit en ce fens ailleurs que dans le Diftionnaire
de Broffard.
PER1ELÈSES/: /. Terme de Plain-Chant. C'eft Tinter-
pofition d'une ou pkifieurs Notes dans l'intonation de cer-
taines pièces de Chant, pour en afiV.rcr la Finale, & aver-
tir le Chœur que c'eft a lui de reprendre & pourfuivre ce
qui fuit.
La Periêlefe s'appelle autrement Cadence ou petite Neume,
& fe fait de trois manières ; fiivoir , i°. Par Circonvolu~
tion. 2°. Par ïntercidence ou Diaptofe. 30. Ou par (impie
Duplication. ( Voyez ces mots.)
PERIPHERÈS, / f. Terme de la Mufique Grecque, qui
fignifie une fuite de Notes tant amendantes que dépen-
dantes , & qui reviennent , pour ainii dire , fur eJ1 -
mêmes. La Peripherês écoit formée de VAhdcamptdê ôc
de Y Eut hia.
PETTEIA , f. f. Mo: Grec qui n'a point de corref/>on-
dant dans notre Langue, & qui eit le nom de la demi
des trois parties dans lëfquelks on fubdivife la Mélopée,
(Voyez Mm.opi-k. )
La Petteïa éft , félon Arillide Quintilien, l'art de difeer-
ner les Sons dont on doit faire ou ne pas faire ufage, ceux
qui doivent être plus ou moins fréquens, ceux par où l'on
doit commencer & ceux par où Ton doit finir.
PHI 52j
C'efr. la Petteia qui conftitue les Modes de la Mufiquc;
elle détermine le Compofiteur dans le choix du genre de
Mélodie relatif au mouvement qu'il veut peindre ou exci-
ter dans l'ame , fclon les perfonnes & félon les occafions.
En un mot la Petteia , partie de l'Hermofménon qui re-
garde la Mélodie , clt à cet égard ce que les Mœurs font
en Pot fie.
On ne voit pas ce qui a porté les Anciens à lui donner
ce nom , a moins qu'ils ne l'aient pris de srtrrùa, leur jeu
d'Echecs ; la Petteia dans la Mufique étant une règle pour
combiner & arranger les Sons , comme le jeu d'Echecs
en eft une autre pour arranger les Pièces appellées -orrre»
Calculé,
P H I L E L I E , / /. C'étoit chez les Grecs une forte
d'Hymne ou de Chanfon en l'honneur d'Apollon. ( Voyez
Chanson-. )
PHONIQUE , f. f. Art de traiter & combiner les Sons
fur les principes de l'Acouflique. (Voyez Acoustique.)
PHRASE , f. f. Suite de Chant ou d'Harmonie qui forme
fans interruption un fens plus eu moins achevé , & qui
fe termine fur un repos par une Cadence plus ou moins
parfaite.
Il y a deux efpeccs de Parafes muficales. En Mélodie la
Parafe elt conitkuee par le Chant , c'eft- à-dire , par une
faite de Sons tellement difpofés , foit par rapport au Ton,
foit par rapport au Mouvement, qu'ils fa lient un tout bien
lié , lequel aille fe réfoudre fur une corde eifentielle du Mode
où l'on efi.
Vvv i
•524 P H R
Dans l'Harmonie, la Phrafe eft une fuite régulière d'Ac-
cords tous liés entr'eux par des Dilîbnances exprimées ou
fous-entendues ; laquelle fe réfout fur une Cadence abfolue ,
& félon l'efpece de cette Cadence : félon que le fens en
eft plus ou moins achevé , le repos eft auflï plus ou moins
parfait.
C'eft dans l'invention des Phrafes muficales , dans leurs
proportions , dans leur entrelacement , que conûftent les
véritables beautés de la MuMque. Un Compofiteur qui ponc»
tue &C phrafe bien , eft un homme d'efprit : un Chanteur q::i
fent, marque bien les Phrafes & leur accent, efl un homme
de goût: mais celui qui ne fait voir & rendre que les Notes,
les Tons , les Tems , les Intervalles , fans entrer dans 1é
fens des Phrafes , quelque fur , quelque exait d'ailleurs qu'il
puilTe être , n'eft qu'un Croque-fol.
PHRYGIEN , adj. Le Mode Phrygien eft un des quatre
principaux: & pius anciens Modes de la Mu/ique des Grecs.
Le caractère en éroit ardent, fier, impétueux, véhément ,
terrible. Auffi étoit-ce, félon Athénée, fur le Ton ou Mode
Phrygien que l'on fonnoit les Trompettes & autres Infiru»
mens- militaires.
Ce Mode inventé, dit-on, par Marfyas Phrygien, occupa
le milieu entre le Lydien & le Dorien ; 6c h Finale efl à
un Ton de diltance de celles de l'un & de l'autre.
PIECE , f. f. Ouvrage de Mufique d'une certaine
due , quelquefois d'un fc-ul morceau, & quelquefois de plu*
tiiiirs, formant un enfemble & un tout fait pour être t ■
cuté de fuite. Ainfi une Ouverture eit une Pièce, quoiqui
F r m v*
ccmpofée de trois morceaux , & un Opéra même cft une
Pièce , quoique divifé par Actes. Mais outre cette accep-
tion générique , le mot Pièce en a une plus particulière,
dans la Mufique Infirumentale , 6c feulement pour certains
Inftrumens , tels que la Viole & le Clavecin. Par exemple T
on ne dit point une Pièce de Violon \ l'on dit une Sonate :
& l'on ne dit guercs une Sonate de Clavecin, l'on dit une
Pièce.
PIED, f. m. Mefure de Tems ou de quantité, diftri-
buée en deux ou plufieurs valeurs égales ou inégales. Il y
a^oit dans l'ancienne Mufique cette différence des Tems aux
Pieds , que les Tems étoient comme les Points ou élémens.
indivifibles , 6c les Pieds les premiers compofés de ces élé-
mens. Les Pieds, à leur tour, étaient les élémens du Mètre.
ou du Rhythme. ,
Il y avoit des Pieds fimples, qui pouvaient feulement fe-
divifer en Tems , & de compofés , qui pouvoient fe divi-
fer en d'autres Pieds , comme le Choriambe , qui pouvoit
fe réfoudre en un- Trochée & un ïambe: l'Ionique en un
Pyrrique 6c un Spondée , &c.
Il y avoit des Pieds Rhythmiques , dont les quantités re-
latives & déterminées étoient propres à établir des rapports
agréables-, comme égales , doubles , fefquialteres , fefqui-
tierces , &c. 6c de non Rliythmiques , entre lefquels les-
rapports étoient vagues, incertains, peu fenfibles; tels, par.
exemple , qu'on en pourroit former de mots François, qui,
pour quelques fyllabes brèves ou longues , en ont une infi—
BÎté d'autres fans valeur déterminée, ou qui, brèves eu
ti6 vin
longues , feulement dans les règles des Grammairiens , ne
font fenties comme telles , ni par l'oreille des Poètes , ni
dans la pratique du Peuple.
PINCE , f. m. Sorte d'agrément propre à certains Inft.ru-
mens , & fur-tout au Clavecin : il fe fait , en battant alter-
nativement le Son de la Note écrite avec le Son de la Note
inférieure, & obfervant de commencer & finir par la Note
qui porte le Pincé. Il y a cette différence du Pincé au Trem-
blement ou Trill que celui - ci fe bat avec la Note fupé-
ricure , & le Pincé avec la Note inférieure. Ainfi le Trill
fur ut fe bat fur Yut & fur le rs , ôc le Pincé fur le même
u_, fe bat fur Yut & fur le y?. Le Pincé eft marqué, dans
Jcs Pièces de Ccupcrin , avec une petite croix fort fembla-
ble à celle avec laquelle on marque le Triil dans la Mufi-
que ordinaire. Voyez les fignes de l'un & de l'autre à la
tête des Pièces de cet Auteur,
PINCER, v. a. C'eft employer les doigts au lieu de l'Ar-
chet pour faire fonner les cordes d'un Infiniment. Il y a
des Inflrumens à cordes qui n'ont point d'Archet, & donc
on ne joue qu'en les pinçant \ tels font le Siftre, le Luth,
la Guitare : mais on pince aufli quelquefois ceux où l'on fe
fert ordinairement de l'Archet , comme le Violon & le
Violoncelle ; & cette manière de jouer , prefque inconnue
dans la Mufique Françoife , fe marque dans l'Italienne par
le mot Pi\\ic\ito.
PIQUE, ..'.,'.. pris adverbi '. Manier* de jouer en
pointant lus Notes & marquant fortement le Point .
Notes ;-.•'/ . (1 • des fuites de v montant ou def.
P 1 Z 5>7
ctndant diatoniquement, ou rebattues fur le même Degré ,
fur chacune defquclles on met un l'oint, quelquefois un peu
iilongé pour indiquer qu'elles doivent être marquées égales
Par des coups de langue ou d'Archet fecs & détachés, fans
retirer ou repouîfer l'Archet, mais en le faifant partir en
frappant & fautant fur la corde autant de fois qu'il y a de
Notes, dans le même fens qu'on a commencé.
PIZZICATO. Ce mot écrit dans les Mufiques Italiennes
avertit qu'il faut Pincer. (Voyez PiNCBR.)
PLAGAL, aJi. Ton ou Mode Pîagal. Quand POftavê
fe trouve divifée arirhmétiquement , fuivant le langage ordi-
naire; c'eît-à-dire, quand la Quarte e.'t au grave 6c la Quinte
:\ l'aigu , on dit que le Ton eft Plagal , pour le diftinguer
de l'authentique cù la Quinte eft au grave & la Quarte à
l'aigu.
Suppofons TOilave A a divifée en deux parties par la
Dominante E. Si vous modulez entre les deux la , dans l'ef-
pace d'une Oitave , & que vous faffiez votre Finale fur l'un
de ces la , votre Mode eft Authentique. Mais fi , modulant
de même entre ces deux la , vous faites votre Finale fur h
Dominante mi, qui eft intermédiaire , ou que, modulant de
la Dominante à fon OJIave, vous fafliez la Finale fur la
Tonique intermédiaire, dans ces deux cas le Mode eft Plaçai.
Voilà route la différence , par laquelle on voit que tous
les Tons font réellement Authentiques, & que la di'tinclion
n'eft que dans le Diopafbn du Chant & dans le choix de la
Note fur laquelle on s'arrête , qui eft toujours la Tonique dans
l'Authentique , & le plus fouvent la Dominante dans le
PiagaK
■52S -P L A
L'étendue des Voix , & la divifion des Parties a fait dii*-
paroitre ces diftinclions dans la Mufique; & on ne les con-
.noît plus que dans le Plain-Chant. On y compte quatre
Tons PlagaUx ou Collatéraux ; favoir , le fécond , le qua-
trième , le fixieme & le huitième ; tous ceux dont le nombre
fit pair. (Voyez Tons de l'Eglise. )
.PLAIN-CHANT , f. m. C'eft le nom qu'on donne dans
l'Eglife Romaine au Chant Eccléfiaftique. Ce Chant , tel
qu'il fubfifte encore aujourd'hui , eft un refte bien défiguré,
mais bien précieux , de l'ancienne Mufique Grecque , laquelle ,
après avoir paffé par les mains des barbares , n'a pu perdre
encore toutes fes premières beautés. Il lui en refte arTez pour
4tre de beaucoup préférable , même dans l'état où il eft
actuellement , & pour l'ufage auquel il eft deftiné à ces Mu-
fiques efféminées & théâtrales , ou mauflades & plates , qu'on
y fubftitue en quelques Eglifes , fans gravité, fans goût,
fans convenance , & fans refpecl pour le lieu qu'on ofe ainû
profaner.
Le tems où les Chrétiens commencèrent d'avoir des Egli-
fes & d'y chanter des Pfeaumes & d'autres Hymnes , fut
celui où la Mufique avoit déjà perdu prefque toute fon an-
cienne énergie par un progrès dont j'ai expofé ailleurs les
çaufes. Les Chrétiens s'étant failis de la Mufique dans l'état
pu ils la trouvèrent , lui ôterent encore la plus grande force
qui lui étoit reliée; favoir, celle du Rhythmc & du Mètre,
lorfque, des vers auxquels elle avoit toujours été appliquée ,
jls la tranfportercnt a la Profe des Livres Sacrés , ou a je ne
£us quelle barbare Poéfie, pire pour la Mufique que la Profil
mémCé
P t A 5^9
même. Alors l'une des deux parties conftitutives s'évanouit,
& le Chant fe traînant, uniformément & fans aucune cfpece
de Mefure, de Notes en Notes prefque égales, perdic avec
fa marche rhythmique & cadencée toute l'énergie qu'il en
recevoir. Il n'y eut plus que quelques Hymnes dans lef-
quelles, avec la Profodie & la quantité des Pieds, con-
fervés , on fentît encore un peu la cadence du vers ; mais
ce ne fut plus - là le caractère général du Plain - Chant ,
dégénéré le plus fouvent en une Pialmodie toujours mono-
tone & quelquefois ridicule , fur une Langue telle que la
Latine , beaucoup moins harmonieufe ôç accentuée que la
Langue Grecque.
Malgré ces pertes Ci grandes , fi effentielles , le Plain-Chant
ronfervé d'ailleurs par les Prêtres dans fon caractère pri-
mitif, ainfi que tout ce qui eft extérieur & cérémonie dans
leur Eglife , offre encore aux connoiffeurs de précieux frag-
mens de l'ancienne Mélodie & de ks divers Modes , autant
qu'elle peut fe faire fentir fans Mefure & fans Rhyrhme , 6c
dans le feul Genre Diatonique qu'on peut dire n'être, dans
fa pureté , que le Plain-Chant. Les divers Modes y confer-
vent leurs deux diftinclions principales ; l'une par la diffé-
rence des Fondamentales ou Toniques, & l'autre par la diffé-
rente pofition des deux femi-Tons , félon le Degré du fyf-
tême Diatonique naturel où fe trouve la Fondamentale , &
félon que le Mode Authentique ou Plagal représente les deux
Tctracordes conjoints ou disjoints, ( Voyez SYSTÈMES , Tii~
TRacordes , Tons du l'Eclisi;. )
Ces Modes , tels qu'ils nous ont été rranfmis dans les
Dicl. de Mujique. X x \
s 30 ? L A
anciens Chants Eccléfiaf tiques , y confcrvenc une beauté de
caractère & une variété d'affections bien fenfibles aux con-
Boiflèurs non prévenus , & qui ont confervé quelque jugement
d'oreille pour les fyftimes mélodieux établis fur des principes
différais des nôtres : mais on peut dire qu'il n'y a rien de
plus ridicule & de plus plat que ces Plains- Chants accom-
modés à la moderne , pretintailiés des ornemens de notre
Mufique, &. modulés fur les Cordes de nos Modes : comme
fi l'on pouvoit jamais marier notre fyMême harmonique avec
celui des Modes anciens , qui efir établi fur des principes tout
différais. On doit favoir gré aux Evêques , Prévôts & Chan-
tres qui s'oppofent à ce barbare mélange , & defirer , pour
le progrès & la perfection d'un Art, qui n'eft pas , à beau-
coup près , au point où l'on croit l'avoir mis ,. que ces pré-
cieux reltes de l'antiquité foient fidèlement tranfmis à ceux
qui auront affez de talent & d'autorité pour en enrichir le
fyftême moderne. Loin qu'on doive porter notre Mufique
dans le Plain-C liant , je fuis perfuadé qu'on gagnerait a trans-
porter le Plain-Ckant dans notre Mufique ; mais il faudrait
avoir pour cela beaucoup de goût , encore plus de favoir ,
& fur-tout être exempt de préjugés.
Le PLiin-Chant ne fe Note que fur quatre lignes , & Ton
n'y emploie que deux Clefs, favoir la Clef d'ut & !a Clef de
fa ; qu'une feule Tranfpofition , favoir un Bémol ; & que
deux figures de Notes , favoir la Longue ou Quarrée à laquelle
on ajoute quelquefois une queue , & la Brève qui e(r en
lofange.
Ambroife , Archevêque de Milan , fut , à ce qu'on pré-
1» L A 53'
tend , l'inventeur du Plain-Chant ; c'eft-a-dire qu'il donna
le premier une forme & des règles au Chant eccléliaftique
pour l'approprier mieux a fon objet, & le garantir de la bar-
barie & du dépériâèment où tomboit de fon tems la Mufi-
que. Grégoire , Pape , le perfectionna 6c lui donna la forme
qu'il conferve encore aujourd'hui à Rome & dans les autres
Eglifes où fe pratique le Chant Romain. L'Eglife Gallicane
n'admit qu'en partie avec beaucoup de peine 6c prefque par
force le Chant Grégorien. L'extrait fuivant d'un Ouvrage du
tems même , imprimé à Francfort en 1 594 , contient le détail
d'une ancienne querelle fur le Plain-Chant , qui s'eft renou-
vellée de nos jours fur la Mufique , mais qui n'a pas eu la
même iffue. Dieu faife paix au grand Charlemagne.
" Le très -pieux Roi Charles étant retourné célébrer la
j> Pâque a Rome avec le Seigneur Apoftolique , il s'émut ,
15 durant les fêtes , une querelle entre les Chantres Romains
»> & les Chantres François. Les François prétendoient chan-
» ter mieux & plus agréablement que les Romains. Les
» Romains , fe difant les plus favans dans le Chant ecclé-
» fiaftique , qu'ils avoient appris du Pape Saint Grégoire ,
>» aceufoient les François de corrompre , écorcher & déii-
55 gurer le vrai Chant. La difpute ayant été portée devant le
'> Seigneur Roi , les François qui fe tenoient forts de fon
55 appui , infultoient aux Chantres Romains. Les Romains,
55 iiers de leur grand favoir , 6c comparant la Doctrine de
55 Saint Grégoire à la rufticiré des autres , les traitoient
55 d'ignorans , de mitres , de fors , 6c de grolfcs bêtes.
55 Comme cette altercation ne iinilîbit point, le très -pieux
X \x 1
53i P L A
» Roi Charles dit à fee Chantres : déclarez-nous quelle eft
» l'eau la plus pure & la meilleure , celle qu'on prend à la
» fource vive d'une fontaine , ou celle des rigoles qui n'en
» découlent que de bien loin ? Ils dirent tous que l'eau de la
» fource étoit la plus pure & celle des rigoles d'autant plus
» altérée & fale qu'elle venoit de plus loin.. Remontez donc,
» reprit le Seigneur Roi Charles , à la fontaine de Saint
» Grégoire dont vous avez évidemment corrompu le Chant.
» Enfuite le Seigneur Roi demanda au Pape Adrien des
» Chantres pour corriger le Chant François , & le Pape lui
j> donna Théodore & Benoît , deux Chantres très-favans &
» inftruits par Saint Grégoire même : il lui donna aufïï des
» Antiphoniers de Saint Grégoire qu'il avoit notés lui-même
» en Note Romaine. De ces deux Chantres , le Seigneur
»> Roi Charles , de retour en France , en envoya un a Metz
j> & l'autre à Soiiîons , ordonnant à tous les Maîtres de
»» Chant des Villes de France de leur donner à corriger les
»> Antiphoniers, & d'apprendre d'eux à Chanter. Ainfi furent
» corrigés les Antiphoniers François que chacun avoit altérés
» par des additions & retranchemens à fa mode, & tous les
» Chantres de France apprirent le Chant Romain , qu'ils
»j appellent maintenant Chant François ; mais quant aux Sons
» tremblans , flattés , battus , coupés dans le Chant , les
j5 François ne purent jamais bien les rendre , faifant pi a tôt
j> des chevrottemens que des roulemens , à caufe de la ru-
« dciïe naturelle & barbare de, leur goficr. Du refte , U
» principale école de (-liant demeura toujours à Met! , &
» autant le Chant Romain furpalTe celui de Metz , autant le
P L A sjj
» Chant de Metz flirpnfTe celui des autres écoles Françoifes.
» Les Chantres Romains apprirent de même aux Chantres
« François h s'accompagner des Inftrumens ; & le Seigneur
» Roi Charles , ayant derechef amené avec foi en France des
#» Maîtres de Grammaire & de calcul , ordonna qu'on établie
»> par-tout l'étude des Lettres; car avant ledit Seigneur Roi
>j l'on n'avoit en France aucune connoiiïance des Arts libé-
» raux. ?»
Ce pafTage eft fi curieux que les Lecteurs me fauront gré,
fans doute , d'en tranferire ici l'original.
Et reve-rfus eft Rex piijfimus Carolus , & cekbravit Romz
Pafcha cum Domno Apoflolico. Ecce orta eft contentio per
dies feftos Pafchx inter Cantores Romanorum & Gallorum,
Dicebant fe Galli melius cantare & pulchriiis quàm Romani.
Dicebant fe Romani doclijfimè cantilenas ecclefiafticas pro-
ferre , ficut docli fuerant à Sanclo Gregorio Papa, Gallos
corruptè cantare , & cantilenam fanam deflruendo dilacerare.
Ouce contentio ante Domnum Regem Carolum pervenit. Galli
vero propter fecuritatem Domni Régis Caroli vàldè exprobra-
bant Cantoribus Romanis, Romani veto propter aucloritatem.
magnx doclrinx eos ftultos , ruflicos & indoclos relut bruta
animalia affirmabant , & doclrinam Sancli Gregorii profére-
ront rufticitati eorum : 6'* cum altercatio de neutrà parte fini-
ret , ait Domnus piijfimus Rex Carolus ad fuos Cantores :
Dicite palà/n guis purior eft , & cuis melior , autfons virus- ,
aut rivuli ejus longe decurrentes ? Refponderunt otnnes ///;,.-
voce , fontem , velut caput & originem , puriorem effe ; rivu-
/os autem ejus quanta longius à fonte recefjerhit , tanto tur-
S34 P L A
bulen-tos & fordibus ac immundiùis corruptos ; & ait Domnus
Rex Carolus : Revertimini vos ad fontem Sancli Gregorïi ,
quia manifeflè corrupiftis cantilenam ecclefiajlicam. Mox pe-
tiit Doninus Rex Carolus ab Adriano Papa Cantores qui
Franciam corrigèrent de Cantu. At Me dédit ei Theodorum.
& Ben.edid.um doclijjimos Cantores qui à Sanclo Gregorio
eruditi fuerant , tribuitqut Antiphonarios Sancli Gregorïi ,
quos ipfe notaverat nota Romand : Domnus verô Rex Carolus
revertens in Franciam mijit unum Cantorem in Aletis Civi-
tate , alterum in Sue.jfen.is Civitate , prxcipiens de omnibus
Civitatibus Francix Magijlros fchoie Antiphonarios eis ad
corrigendum tradere , & ab eis difcere cantare. Corrccli funt
ergo Antiphonarii Francorum , quos unujquifque pro fuo arbi-
trio vitiaverat , addens vel minuens ; & omnes Francix Can-
tores didicerunt notam Romanam quam nunc vocant notant
Francifcam : excepto quod tremulas vel vinnulas , fivè colli-
Jibiles vel fecabiles voces in Cantu non poterant perfeclè
exprimere Franci , naturali race barbaricâ frangentes in
gutture voces , quam potïus expriment e<. Majus autem Ma-
gi/lerium Cantandi in Aletis remanjit ; quantumque Magif-
terium Romanum fuperat Aletenfe in arte Cantandi, tantà
fuperat Aletenjis Cantitena c.vteras Jiholas Gallorum. Simi-
liter erudierunt Romani Cantores fupradiclos Cantores Fran-
corum in arte organandi ; ^' Doninus Rex Carolus iterum
à Româ artis grammaticx & cnmputatorix Alagijlros J'ecuri
adduxit in Franciam , & ubïqut fiudium liiicrarum exp.
dert jufl'u. Ante ipfum enim Donuuan Regem Càroium
■n G allia nullum ftudium fucrat liberaïium . . Vide
P L E
S.v
Annal. «5c Hift. Francor. ab an. 708. ad. an. 990. Scrip-
tores coœtaneos. impr. Francofurti 1594. fub vitâ Caroli
magm.
PLAINTE , /. /. ( Voyez Accent. )
PLEIN-CHANT. ( Voyez Plain-Chant. )
PLEIN-JEU, fe dit du Jeu de l'Orgue, lorfqu'on a mis
tous les rcgillres, & auffi lorfqu'on remplit toute l'Harmonie;
il fe dit encore des Inftrumens d'archet , lorfqu'on en tire
tout le Son qu'ils peuvent donner.
PLIQUE , / /. Plica , forte de Ligature dans nos ancien-
nes Mufiqucs. La Plique étoit un figne de retardement ou
de lenteur ( fignum morojitatis , dit Mûris. ) Elle fe faifoit
en pafTant d'un Son à un autre , depuis le femi-Ton jufqu'à
la Quime , foit en montant , fuit en defeendant ; & il y
en avoit de quatre fortes. 1. La Plique longue afeendante
eft une figure quadrangulaire avec un feul trait afeendant à
droite , ou avec deux traits dont celui de la droite eft le
plus grand p. 2. La Plique longue defeendante a deux traits
defeendans dont celui de la droite eft le plus grand M. 3. La
Plique brève afeendante a le trait montant de la gauche
plus long que celui de la droite Q. 4. Et la defeendante a
le trait defeendant de la gauche plus grand que celui de la
droite H.
POINCT ou POINT,"/ m. Ce mot en Mufîquc lignifie
plufieurs choies différentes.
11 y a dans nos vieilles Mufiques fix fortes de Points ; fa-
voir , Point de perfection , Point d'imperfection , Point d'ac-
Sic P O I
croiffement, Point de divifion, Point de tranflation, & Point
d'altération.
I. Le Point de perfection appartient à la divifion ternaire.
Il rend parfaite toute Note fuivie d'une autre Note moiiiJre
de la moitié par fa figure : alors , par la force du Point inter-
médiaire , la Note précédente vaut le triple au lieu du double
de celle qui fuit.
II. Le Point d'imperfection placé à la gauche de la Lon-
gue , diminue fa valeur , quelquefois d'une Ronde ou femi-
Breve, quelquefois de deux. Dans le premier cas, on met
une Ronde entre la Longue & le Point; dans le fécond, on
met deux Rondes à la droite de la Longue.
III. Le Point d'accroiffement appartient à la divifion bi-
naire, ôc entre deux Notes égales, il fait valoir celle qui pré-
cède le double de celle qui fuit.
IV. Le Point de divifion fe met avant une femi-Breve fui-
vie d'une Brève dans le Tems parfait. Il ôte un Tems à cette
Brève ; & fait qu'elle ne vaut plus que deux Rondes au lieu
de trois.
V. Si une Ronde entre deux Points fe trouve fuivie de
deux ou plufieurs Brèves en Tems imparfait, le fécond Point
transfère fà fignification à la dernière de ces Brèves , la
rend parfaite & la fait valoir trois Tems. C'eft le Point de
tranflation.
VI. Un Point entre deux Rondes , placées elles - mêmes
entre deux Brèves ou Quarrées dans le Tems parfait , ôte
un Tems a chacune de ces deux Brèves ; de forte que cha-
que Brève ne vaut plus que deux Rondes, au lieu de trois.
C'eit le Point d'altération. Ce
r o I 537
Ce meme Point devant une Ronde fuivie de deux autres
Rondes entre deux Brèves ou Quarrées , double la valeur de
la dernière de ces Rondes.
Comme ces anciennes divifions du Tems en parfait &
imparfait ne font phs d'ufage dans la Mufique , toutes ces
lignifications du Point, qui, à dire vrai, font fort embrouil-
lées , fe font abolies depuis long-tems.
Aujourd'hui le Point , pris comme valeur de Note , vaut
toujours la moitié de celle qui le précède. Ainfi après la
Ronde le Point vjut une Blanche , après la Blanche une
Noire , après la Noire une Croche , &c. Mais cette manière
de fixer la valeur du Point n'eft fûrement pas la meilleure
qu'on eût pu imaginer, & caufe fouvent bien des embarras
inutiles.
POINT -D'ORGUE ou POINT-DE-REPOS, eft une
efpece de Point dont j'ai parlé au mot Couronne. C'eft rela-
tivement à cette efpece de Point qu'on appelle généralement
Poiit-iV Orgue ces fortes de Chants , mefurcs ou non mefu-
rés , écrits ou non écrits , & toutes ces fuccefïions harmoni-
ques qu'on fait pafTer fur une feule Note de Baife toujours
prolongée. ('Voyez Cadbnza.J
Quand ce même Point furmonté d'une Couronne s'écrit
fur la dernière Note d'un Air ou d'un morceau de Mufique ,
il s'appelle alors Point final.
Enfin il y a encore une autre efpece de Points , appelles
Points détachés, lefquels fe placent immédiatement au-defibs
ou au-defibus de la tête des Notes ; on en met prefque tou-
jours plufieurs de fuite , & cela avertit que les Notes aiuii
DiCl. d< Mufique. Y y y
'5** F O I
ponctuées doivent être marquées par des coups de langue ou
d'Archet égaux , fecs & détachés.
POINTER , v. a. C'cft , au moyen du Point , rendre
alternativement longues & brèves des fuites de Notes natu-
rellement égales , telles , par exemple , qu'une fuite de Cro-
ches. Pour les Pointer fur la Note , on ajoute un Point après
la première , une double Croche fur la féconde , un Point
après la troifieme , puis une double Croche, 6c ainfi de fuite-.
De cette manière elles gardent de deux en deux la même
valeur qu'elles avoient auparavant; mais cette valeur fe dif-
tribue inégalement entre les deux Croches ; de forte que la
première ou Longue en a les trois quarts , & la féconde ou
Brève l'autre quart. Pour les pointer dans l'exécution, on les
pafTe inégales félon ces mêmes proportions , quand même
elles feraient notées égales.
Dans la Mufique Italienne toutes les Croches font tou-
jours égales , à moins qu'elles ne foient marquées Pointées.
Mais dans la Mufique Françoife on ne fait les Croches
exactement égales que dans la Mefure à quatre Tems ; dans
toutes les autres , on les pointe toujours un peu , à moins
qu'il ne foit écrit Croches égales.
POLYCÉPHALE,<2</y. Sorte de Nome pour les Flûtes
en l'honneur d'Apollon. Le Nome Polycéphale fut inventé,
félon les uns , par le fécond Olympe Phrygien, defeendanf
du fils de Marfyas , 6c félon d'autres , par dates difeipk de
ce même Olympe.
POLYMNASTIE ou POLYMNASTIQUK , adh Nome
pour les Flûtes, inventé, félon les uns, par une femme nom-
P O N s:.»
ince Polymnelte , & félon d'autres , par Polymncftus , fils
de Mêles Colophonien.
PONCTUER , v. a. Ç'efl , en terme de compofition ,
marquer les repos plus ou moins parfaits , & divifer telle-
ment les Phrafes qu'on fente par la Modulation & par les
Cadences leurs commencemens , leurs chûtes, & leurs liai-
sons plus ou moins grandes , comme on fent tout cela dans
le difeours a l'aide de la ponctuation.
PORT-DE- VOIX , f. m. Agrément du Chant , lequel fe
marque par une petite Note appellée en Italien Appoggia-
tura , 6c fe pratique en montant diatoniquement d'une Note
a celle qui la fuit par un coup de gofier dont l'effet elt mar-
qué dans la Planche 13. Fig. 13.
PORT -DE- VOIX JETTE , fe fait , lorfque montant
diatoniquement d'une Note à Cd Tierce on appuie la rroi-
fieme Note fur le fon de la féconde , pour faire fentir feu-
lement cette troifieme Note par un coup de goiier redoublé,
,tel qu'il elt marqué Planche 13. Fig. 13.
PORTEE,//; La Portée ou Ligne de Mufique elt com-
pofée' de cinq Lignes parallèles , fur lefquelles ou entre les-
quelles les diverfes Pofitions des Notes en marquent les In-
tervalles ou Degrés. La Portée du Plain-Chant n'a que qua-
tre Lignes : elle en avoit d'abord huit, félon Kircher , mar-
quées chacune d'une lettre de la Gamme , de forte qu'il n'y
avoit qu'un Degré conjoint d'une Ligne à l'autre. Lorfqu'on
doubla les Degrés en plaçant aufli des Notes dans les In-
tervalles , la Portée de huit Lignes réduites à quatre , fe
trouva.de la même étendue qu'auparavant.
Yyy t
mc VOS
A ce nombre de cinq Lignes dans la Mufique & de qua-
tre dans le Plain - Chant , on en ajoute de potiches ou ac-
cidentelles quand cela efr, néceiïaire & que les Notes paffenc
en haut ou en bas l'étendue de la Portée. Cette étendue ,
dans une Portée de Mufîque , eit en tout d'onze Notes for-
mant dix Degrés diatoniques ; & dans le Plain - Chant , de
neuf Notes formant huit Degrés. ( Voyez Clef , Notes ,
Lignes. )
POSITION , f. f. Lieu de la Portée où eft placée une
Note pour fixer le Degré d'élévation du Son qu'elle repréfente.
Les Notes n'ont , par rapport aux Lignes , que deux dif-
férentes Pofuions ; favoir , fur une Ligne ou dans un ef-
• pace , & ces Pofuions font toujours alternatives lorfqu'on
marche diatoniquement. C'eit enfuite le lieu qu'occupe la
Ligne même ou l'tfpace dans la Portée & par rapport à la
Clef qui détermine la véritable Pofition de la Note dans un
Clavier général.
On appelle aufïi Pofition dans la Mefure le Tcms qui fe
marque en frappant , en baillant ou pofant la main , &
qu'on nomme plus communément le Frappé. ( Voyez
Thésis. )
Enfin l'on appelle Pofition clans le jeu des Infirumens à
manche , le lieu où la main fe pofe fur le manche , fclon
le Ton dans lequel on veut jouer. Quand on a la main tout
au haut du manche contre le Sillet , en forte que l'index
pofe à un Ton de h Corde-à-jour , c'e/t la PoJ.'tion natu-
relle. Qaand on démanche, on compte les Pofition* par les
Degrés diatoniques dont U main s'éloigne du Sillet,
PRE 541
PRELUDE , f. m. Morceau de Symphonie qui fert d'in-
trodiution & de préparation à une Pièce de Mufique. Ainfi
les Ouvertures d'Opéra font des Prélude* ; comme aufîi les
Rirournelles qui font alTez fou vent au commencement des
Scènes ou Monologues.
Prélude e(t encore un tra»t de Cliant qui pafTe par les
principales Cordes du Ton , pour l'annoncer , pour vérifier
Ci l'inftrument eft d'accord , &c. (Voyez l'Article fuivanr. )
PRELUDER , v. n. C'eft en général chanter ou jouer
quelque trait de fantaifie irregulier & allez court, mais paf-
fant par les cordes eiïentielles du Ton, foit pour l'érablir ,
foit pour difpofer fa Voix ou bien pofer fa main fur un Inf-
iniment, avant de commencer une Pièce de Mufiquc.
Mais fur l'Orgue & fur le Clavecin l'Art de Préluder eft
plus confidérable. C'eft compofer & jouer impromptu des
Pièces chargées de tout ce que la Composition a de plus
favant en Deflein , en Fugue, en Imitation, en Modulation,
& en Harmonie. C'eft fur-tout en Préludant , que les grands
Muficiens, exempts de cet extrême afferviiTement aux règles
que l'œil des critiques leur impofe fur le papier, font briller
ces Tranfirions favantes qui raviifent les Auditeurs. C'cf'i-la
qu'il ne fuffit pas d'être bon Compofiteur ni de bien pofTéder
fon Clavier ni d'avoir la main bonne & bien exercée, mais
qu'il faut encore abonder de ce feu de génie & de cet efl rit
) iventif qui font trouver & traiter fur-le-dv.mp les f ijets les
plus favorables à l'Harmonie & les plus flatteurs à l'oreille.
C'efl par ce grand Art de Préluder que brillent en France
les excellens Organifles, tels que font maintenant les Sieurs
54i PRE
Calviere & Daquin , furpaffés toutefois l'un & l'autre par
M. le Prince d'Ardore , AmbafTadeur de Naples , lequel ,
pour la vivacité de l'invention & la force de l'exécution ,
efface les plus illuftres Artiftes , & fait à Paris l'admiration
des connoiffeurs.
PRÉPARATION , / f. Acte de préparer la DifTonance.
( Voyez Préparer. )
PREPARER , v. a. Préparer la DifTonance , c'eft la trai-
ter dans l'Harmonie de manière qu'à la faveur de ce qui
précède , elle foit moins dure à l'oreille qu'elle ne feroit fans
cette précaution : félon cette définition toute Diffonance veut
être préparée. Mais lorfque pour Préparer une Dilfonance ,
on exige que le Son qui la forme, ait fait confonnance au-
paravant, alors il n'y a fondamentalement qu'une feule Dif-
fonance qui fe Prépare ; favoir , la Septième : encore cette
Préparation n'cft-elle point nécelfaire dans l'Accord fenfible,
parce qu'alors la Dillbnance étant caraâérii tique, & dans
l'Accord & dans le Mode, eft fuffifamment annoncée; que
l'oreille s'y attend, la reconnoît, & ne fe trompe ni fur
l'Accord ni fur fon progrès naturel. Mais lorfque la Septième fe
fait entendre fur un Son fondamental qui n'eft pas elfentiel au
Mode, on doit la Préparer pour prévenir toute équivoque, pour
empêcher que l'oreille de l'écoutant ne s'égare ; & comme
ter Accord de Septième fe renverfe 6c le combine de plu-
fieurs manières, de-là naillént auffi diverfes manières ap;
rentes de Préparer , qui, dans le fond, reviennent pour:.
toujours à la même.
il faut considérer trois chofes dans la pratique des DilTb-
PRE ?43
nances ; favoir , l'Accord qui précède la DifTbr.ancc, c«
où elle fe trouve, èv celui qui la fuir. La Préparation ne
regarde que les deux premiers ; pour le troifleme , voyez
Sauver.
Quand on veut Préparer régulièrement une Diifonance ,
il faut choifir pour arriver à fon Accord une telle marche de
BafTe-fondamentale , que le Son qui forme la Diifonance ,
foit un prolongement dans le Tems fort d'une Confonnance
frappée fur le Tems faible dans l'Accord précédent; c'eft ce
qu'on appelle Syncoper. (Voyez Syncope. )
De cette Préparation réfultent deux avantages ; favoir , i.
Qu'il y a nécellairement liaifoa harmonique entre les deux
Accords, puifque la Diifonance elle-même forme cette
liaifon ; & i. Que cette Diifonance n'étant que le prolon-
gement d'un Son confonnant, devient beaucoup moins dure
à l'oreille , qu'elle ne le feroit fur un Son nouvellement frap-
pé. Or c'eft-là tout ce qu'on cherche dans la Préparation.
(Voyez Cadence, Dissonance, Harmonie.)
On voit par ce que je viens de dire , qu'il n'y a aucune
Partie deltinée fpécialement à Préparer la Diifonance , que
celle même qui la fait entendre : de forte que fi le De.Tus
fonne la Diifonance, c'eft à lui de fyr.coper; mais fi la
Diifonance elt à la Balle , il faut que la Baffe fyncope. Quoi-
qu'il n'y ait rien là que de très-iîmple , les Maîtres de Com-
pofition ont furieusement embrouillé tout cela.
Il y a des DùTonances qui ne fe préparent jamais; telle
eft la Sixte-ajoiuéc; d'autres qui fe préparent fort rarement;
telle eft la Scptieme-diminuee.
544 PRB
PRESTO, adv. Ce mot, écrit à la tête d'un morceau
de Mufique, indique le plus prompt & le plus animé des
cinq principaux Mouvemens établis dans la Mufique Italien-
ne. Prcfio lignifie Vite. Quelquefois on marque un Mou-
vement encore plus preffé par le fuperlatif PrefliJJimo.
PRIMA INTENZIONE. Mot technique Italien , qui n'a
point de correfpondant en François , & qui n'en a pas be-
soin , puifqoe l'idée que ce mot exprime n'eft pas connue dans
la Mufique Françoife. Un Air , un morceau di Prima inten-
\ione , efb celui qui s'eft formé , tout d'un coup , tout entier
& avec toutes fes Parties dans l'efprit dû Compofiteur ,
comme Pallas fortit toute armée du cerveau de Jupiter. Les
morceaux di Prima intcn\ione font de ces rares coups de
génie , dont toutes les idées font Ci étroitement liées qu'elles
n'en font , pour ainfi dire , qu'une feule , & n'ont pu fe
préfenter à l'efprit l'une fans l'autre. Ils font femblables à
ces périodes de Cicéron longues , mais éloquentes , dont le
fens fufpendu pendant toute leur durée , n'eft déterminé qu'au
dernier mot, & qui, par conféquent , n'ont formé qu'une
feule penféc dans l'efprit de l'Auteur, Il y a dans les Arts
des inventions produites par de pareils efforts de génie , &
dont tous les raifonnemeus , intimement unis l'un à l'autre ,
n'ont pu fe faire fucceflivement ; mais fe font néceffairement
offerts à l'efprit tout à la fois , puifque le premier fans le
dernier n'auroit eu aucun feo& Telle eft , par exemple , l'in-
vention de cette prodigieufe machine du Métier a bas , qu'on
peut regarder , dit le Philofophe qui l'a décrite dans l'En-
cyclopédie , comme un fcul Ck unique raifonnement dor:
fabrication
P R I 545
fabrication de l'ouvrage eit la conclufion. Ces fortes d'ope-
rations de l'entendement , qu'on explique à peine , même par
l'analyfe , font des prodiges pour la raifon , & ne fe con-
çoivent que par les génies capables de les produire : l'effet en
elt toujours proportionne à l'effort de tête qu'ils ont coûté,
&. dans la Mufique les morceaux di Prima inten\ione font
les feuls qui puiffent caufer ces extafes , ces raviffemens , ces
clans de l'ame qui tranfportent les auditeurs hors d'eux-mêmes:
on les fent , on les devine à l'infiant , les connoiffeurs ne s'y
trompent jamais. A la fuite d'un de ces morceaux fublimts ,
faites paffer un de ces Airs découfus , dont toutes les Phra-
fes ont été compofées l'une après l'autre , ou ne font qu'une
même phrafe promenée en différens Tons , & dont lAc-
compagnement n'efr. qu'un rempliffage fait après coup ; avec
quelque goût que ce dernier morceau foit compofé , fi le fou-
venir de l'autre vous laiffe quelque attention à lui donner, ce
ne fera que pour en être glacés, tranfis , impatientés. Après
un Air di Prima intenyone , toute autre Mufique eft fans
effet.
PRISE. Lepfis. Une des parties de l'ancienne Mélopée,
(Voyez Mélopée. )
PROGRESSION , / f. Proportion continue , prolongée
au-delà de trois termes. (Voyez Proportion. ) Les fuites
d'Intervalles égaux font toutes en Progreffions , & c'eft en
identifiant les termes voifins de différentes Progreffions ,
qu'on parvient à compléter l'Echelle Diatonique & Chro-
matique , au moyen du Tempérament. ( Voyez Tempiîra-
mi-.nt.)
Dict. dt Mufique, Z z z
54Ô P R O
PROLATION , /. f. C'eft , dans nos anciennes Mufiques
une manière de déterminer la valeur des Notes femi-Breves
f.ir celle de la Brève , ou des Minimes fur celle de la femi-
B eve. Cette Prolation fe marquoit après la Clef, & quel-
quefois après le figne du Mode , par un cercle ou un demi-
cercle , ponctué ou non pondue , félon les règles fuivantes»
Confidérant toujours la divifion fous-triple comme la plus
excellente , ils divifoient la Prolation en parfaite & impar-
faite , & l'une & l'autre en majeure & mineure , de même
que pour le Mode.
La Prolation parfaite étoit pour la Mefure ternaire , & fe
marquoit par un Point dans le cercle , quand elle étoit ma-
jeure ; c'eft - à - dire , quand elle indiquoit le rapport de la
Brève à la femi-Breve ; ou par un Point dans un demi-cercle ,
quand elle étoit mineure; c'efl-a-dire , quand elle indiquoit
le rapport de la femi-Breve à la Minime. ( Voyez PL B. Fig.
9 & ii.)
La Prolation imparfaite étoit pour la Mefure binaire , &
fe marquoit comme le Tems par un fimple cercle , quand
elle étoit majeure; ou par un demi-cercle , quand elle étoit
mineure ; même PI. Fig. 10 & 12.
Depuis on ajouta quelques autres lignes à la Prolation par-
faire ; outre le cercle & le demi-cercle on fe ftrvit du Chif-
fre I pour exprimer la valeur de trois Rondes ou femi-Breu ,
pour celle de la Brève ou Quarré ; & du Chiffre \ pour
exprimer la valeur de trois Minimes ou Blanches, pour la
Ronde ou femi-Breve.
Aujourd'hui toutes les Prolations font abolies ; la divùion
F R O sw
fous-double l'a emporte fur la fous-ternaire ; & il faut avoir
recours à des exceptions Ôc à des figues particuliers , pour
exprimer le partage d'une Note quelconque en trois autres
Notes . (Voyez Valeur des Notes.)
On lit dans le Dictionnaire de l'Académie que Prolation
figniae Roulement. Je n'ai point lu ailleurs ni ouï dire que
ce mot ait jamais eu ce fer.s-là.
PROLOGUE , f. m. Sorte de petit Opéra qui précède le
grand , l'annonce ôc lui fert d'introduction. Comme le fujet
des Prologues e(t ordinairement élevé, merveilleux, ampoulé,
magnifique & plein de louanges , la Muiique en doit être
brillante , harmonieufe , & plus impofante que tendre ôc
pathétique. On ne doit point épuifer fur le Prologue les grands
mouvemens qu'on veut exciter dans la Pièce , ôc il faut que
le Mulicien , fans être mauflade & plat dans le début ,
fâche pourtant s'y ménager de manière à fe montrer encore
intérelïant & neuf dans le corps de l'ouvrage. Cette grada-
tion n'eft ni fentie , ni rendue par la plupart des Compofi-
teurs ; mais elle eft pourtant nécelfaire , quoique difficile.
Le mieux feroit de n'en avoir pas befoin , & de fupprimer
tout-à-fait les Prologues qui ne font gueres qu'ennuyer ôc
impatienter les Spectateurs , ou nuire à l'intérêt de la Pièce ,
en ufant d'avance les moyens de plaire ôc d'intérefler, Aulli
les Opéra François font -ils les feuls où l'on ait confervé des
Prologues ; encore ne les y fouflVe-t-on que parce qu'on n'ofe
murmurer contre les fadeurs dont ils font pleins.
PROPORTION ,/ f. Égalité entre deux rapports. Il y a
quatre fortes de Proportion ; favoir , la Proportion Arithmé-
Z zz i
5 A* lJ II O.
nqûe , la Géométrique , l'Harmonique , & la Contre -Har^
monique. Il faut avoir l'idée de ces diverfes Proportions r.
pour entendre les calculs dont, les Auteurs ont chargé la>
théorie de la Mufique.
Soient quatre termes ou quantités a b c d ; fi la différence
du premier terme a au fécond b eft égale à la différence du
troifieme c au quatrième d> ces quatre termes font en Pro-
portion Arithmétique. Tels font , par exemple , les nombres
fuivans , 2 , 4 : : 8 , ro.
Que fi , au lieu d'avoir égard à la différence , on com-
pare ces termes par la manière de contenir ou d'être conte-
nus ; iî , par exemple , le premier a elt au fécond b comme
le troifieme c elt au quatrième J, la Proportion elt Géomé-
trique.. Telle eft celle que forment ces quatre nombres 2 ,
4 : : S , 16..
Dans le premier exemple , l'excès dont le premier terme
2 eft furpaffé par le fécond 4 eft 2 ; & l'excès dont le troi-
fieme 8 eft furpaffé par le quatrième 10 eft auflî 2. Ces quatre
termes font donc en Proportion Arithmétique.
Dans le fécond exemple , le premier terme 2 eft la moitié
du fécond 4 , & le troifieme terme 8 eft auffi la moitié du
quatrième i<5. Ces quatre termes font donc en Proportion
(jLométrique.
Une Proportion foit Arithmétique , foit Géométrique , eft
dite, inverfe ou réciproque , lorfqu'après avoir comparé le
premier terme au fécond , l'on compare non le troiiieme au
quatrième , comme dans la Proportion directe , mais à rc-
; . qyatrieme. au ooificme , & que ks rapports ai
P R O fe>
pris fe trouvent égaux. Ces quatre nombres i , 4 : S , 6 ,
fbnt en Proportion Arithmétique réciproque ; & ces quatre
2 , 4 : : 6 , 3 , font en Proportion Géométrique réciproque.
Lorfque dans une Proportion directe , le fécond terme ou
le conféquent du premier rapport eft égal au premier terme
ou à l'antécédent du fécond rapport ; ces deux termes étant
égaux , font pris pour le même , & ne s'écrivent qu'une
fois au lieu de deux. Ainfi dans cette Proportion Arithmé-
tique 2 , 4:4,6; au lieu d'écrire deux fois le nombre 4 ,
on ne l'écrit qu'une fois , & la Proportion fe pofe ainfi -r
2 , 4 , 6.
De même , dans cette Proportion Géométrique 2,4::
4,8, au lieu d'écrire 4 deux fois, on ne l'écrit qu'une , de
cette manière -h- 2 , 4 , 8.
Lorfque le conféquent du premier rapport fert ainfi d'an-
técédent au fécond rapport , & que la Proportion fe pofe
avec trois termes , cette Proportion s'appelle continue , parce
qu'il n'y a plus, entre les deux rapports qui la forment, l'inter-
ruption qui s'y trouve quand on la pofe en quatre termes.
Ces trois termes ■*- 2,4, 6 , font donc en Proportion Arith-
métique continue ; & ces trois ci, -~ 2 , 4,8, font en Pro*
portion Géométrique continue.
Lorfqu'une Proportion continue fe prolonge ; c'eft-a-dire ,-
lorfqu'elle a plus de trois ternies , ou de deux rapports égaux ,
plie s'appelle Progrejfion.
Ainfi ces quatre termes 2,4, 6 , 8, forment une Pro-
grefiion Arithmétique, qu'on peur prolonger autant qu'on
veut en ajoutant la différence au dernier terme..
,53 P R O
Et ces quatre termes 1,4, 8 , i<5, forment une Progref-
fion Géométrique , qu'on peut de même prolonger autant
qu'on veut en doublant le dernier terme, ou en général , en
le multipliant par le quotient du fécond terme divifé par le
premier , lequel quotient s'appelle VExpofant du rapport , ou
de la Progrelfion.
Lorfque trois termes font tels que le premier eft au troi-
fieme, comme la différence du premier au fécond eit à la
différence du fécond au troifieme , ces trois termes forment
une forte de Proportion appellée Harmonique. Tels font y
par exemple , ces trois nombres 3 , 4 , 6 : car comme le
premier 3 eft la moitié du troifieme 6 , de même l'excès r
du fteond fur le premier, eft la moitié de l'excès 2 du troi-
fieme fur le fécond.
Enfin , lorfque trois termes font tels que la différence du
premier au fécond eft à la différence du fécond au troifieme,
non comme le premier elt au troifieme , ainfi que dans la
Proportion Harmonique ; mais au contraire comme le troi-
fieme eft au premier, alors ces trois termes forment entre
eux une forte de Proportion appellée Proportion Contre -Har-
monique. Ainfi ces trois nombres 3 , 5 , 6 , font en Propor-
tion Contre-harmonique.
[/'expérience a fait connoître que les rapports de trois
Cordes fonnant enfemble l'Accord parfiiit Tierce majeure ,
formoient entr'elles la forte de Proportion qu'à caufe de cela
on a nommée Harmonique : mais c'e(t-là une pure propriété
de nombres qui n\i nulle .ifliniré avec les Sons, ni avec leur
effet fur l'organe auditif; ainfi la Proportion Harmonique &
P R O
S "r
la Proportion Contre - harmonique n'appartiennent pas plus
à l'Art que la Proportion Arithmétique , & la Proportion
Géométrique , qui même y font beaucoup plus utiles. Il
faut toujours penfer que les propriétés des quantités abffrai-
tes ne font point des propriétés des Sons , & ne pas cher-
cher, à l'exemple des Pythagoriciens , je ne fais quelles chi-
mériques analogies entre choies de différente nature , qui
n'ont entrelles que des rapports de convention.
PROPREMENT , adv. Chanter ou jouer Proprement ,
c'eft exécuter la Mélodie Françoife avec les ornemens qui
lui conviennent. Cette Mélodie n'étant rien par la feule force
des Sons , & n'ayant par elle-même aucun caraélere , n'en
prend un que par les tournures affectées qu'on lui donne en
l'exécutant. Ces tournures , enfeignées par les Maîtres de
Goût du Chant , font ce qu'on appelle les agrémens du
Chant François. ( Voyez Agrément. )
PROPRETE , / /. Exécution du Chant François avec
les ornemens qui lui font propres , & qu'on appelle agré-
mens du Chant. ( Voyez Agrément. )
PROSLAMBANOMENOS. C'étoit,dans la Mufique an-
cienne , le Son le plus grave de tout le Syflême , un Ton
au-deflbus de l'Hypate - Hypaton.
Son nom fignifie Surnuméraire , Acquife , ou Ajoutée ,
parce que la Corde qui rend ce fon-la , fut ajoutée au-def-
fous de tous les Tétracordes pour achever le Diapafon ou
l'Octave avec la Mèfe ; & le Diapafon ou la Double Octave
avec la Nete - hyperboléon , qui étoit la corde la plus aiguë
de tout le Syftéme. ( Voyez Système. )
55* *J H O
PROSODTAQUE , ad}. Le Nome Profodiague fe chantoit
en l'honneur de Mars , & fut , dit - on , invente par
Olympus.
PROSODIE , /.' /. Sorte de Nome pour les Flûtes , &
propre aux Cantiques que l'on chantoit chez les Grecs , à
l'entrée des facrifices. Plutarque attribue l'invention des Pro~
Jbdies à Clonas, de Tégée félon les Arcadiens, & de The-
bes félon les Béotiens.
PROTESIS ,/ /. Paufe d'un Tems long dans la Mufique
ancienne , à la différence du Lcmme , qui étoit la Paufe d'un
Tems bref.
PSALMODIER , v. n. C'eft chez les Catholiques chan-
ter ou réciter les Pfeaumes & l'Office d'une manière parti-
culière , qui tient le milieu entre le Chant & la parole :
c'eft du Chant , parce que la voix eft foutenue ; c'efè de la
parole , parce qu'on garde prefque toujours le même Ton.
PYCNI , PYCNOI. ( Voyez Epais. )
PYTHAGORICIENS , fub. maf. plur. Nom d'une des
deux Seules dans lefquelles fe divifoient les Théoriciens dans
la Mufique Grecque ; elle portoit le nom de Pythagore ,
{o i chef , comme l'autre Secte portoit le nom d'Ariitoxène.
( Voyez Aristoxkniens. )
Les Pythagoriciens hxoicnt tous les Intervalles tant Con-
fonnans que Dilîonans par le Calcul des rapports. Les Arif-
toxéniens , au contraire , difoient s'en tenir au jugement de
l'oreille. Mais au fond , leur difpute ifétoit qu'une difpute
de mots , & fous des dénominations plus fimples ; les moi-
tiés ou les quarts de Ton des Ariitoxcniens , ou ne figni-
noient
p Y T SS3
fîoient rien , ou n'exigoient pas de calculs moins compofés
que ceux des Limma , des Comma , des Apotomes fixes
par les Pythagoriciens. En propofanr, par exemple, de pren-
dre la moitié d'un Ton , que propofoit un Arifloxénitn ?
Rien fur quoi l'oreille pût porter un jugement fixe. Ou il
ne favoit ce qu'il vouloit dire , ou il propofoit de tromer
une moyenne proportionnelle entre 8 & 9. Or cette moyenne
proportionnelle e/l la racine quarrée de 71 , & ectre racine
quarrée eft un nombre irrationnel : il n'y avoit aucun autre
moyen poflible d'afligner cette moitié de Ton que par la
Géométrie , & cette méthode Géométrique n'étoit pas plus
iimple que les rapports de nombre à nombre calculés par
les Pythagoriciens. La {implicite des Ariftoxéniens n'étoic
donc qu'apparente ; c'étoit une Ilmplické femblable à celle
du Syltéme de M. de Eoifgelou , dont il fera parlé ci ^près.
(Voy. Intervalle, Système. )
Dicl. dt Mufique. A a a a
ss4 Q U A
te- sas =i*2£=
Q:
V^UADRUPLE - CROCHE , f. /: Noce de Mufîque va-
lant le quart d'une Croche , ou la moitié d'une double-Cro-
che. Il faut foixante - quatre Quadruples - Croches pour une
Mefure à quatre Terns ; mais on remplit rarement une Me-
fure & même un Tems de cette efpece de Notes. (Voyez
Valeur des Notes. )
La Quadruple - Croche eft prcfque toujours liée avec d'au-
tres Notes de pareille ou de différente, valeur, & fe figure
ainfî =M— J — g ou -4— 4— 4— V. Elle tire fon nom des quatre
traits ou Crochets qu'elle porte.
QUANTITE. Ce mot, en Mufique de même qu'en Pro-
fodie , ne fignifie pas le nombre des Notes ou des Sylla-
bes , mais la durée relative qu'elles doivent avoir. La ( quan-
tité produit le Rhythme , comme l'Accent produit l'Into-
nation. Du Rhythme & de l'Intonation réfulte la Mélodie.
( Voyez Mélodie. )
QUARRE , ad}. On appelloit autrefois B Ouarré ou B
Dur, le figne qu'on appelle aujourd'hui Béquarre, ( Voy. B. )
QUARRÈE ou BREVE, adj. pris fubftantiv. Sorte de
Note faite ainfi xz , & qui tire fon nom de fa figure. Dans
nos anciennes Mufiqucs , elle valoit tantôt trois Rondes ou
femi - Brèves , & tantôt deux , félon que la Prolatioo doit
parfaite ou imparfaite. (Voyez Prolatiqm. )
Q U A "îçs
Maintenant la Ouarrée vaut toujours deux Rondes, mais
on l'emploie fort rarement.
QUART - DE - SOUPIR , J\ m. Valeur de filencc qui ,
dans la Mufîque Italienne , fe ligure ainii V ; dans la Fran-
çoife , aiufî ^ & qui marque , comme le porte fon nom ,
la quatrième partie d'un foupir ; c'eft-à-dire , l'équivalent
d'une double - Croche. ( Voyez Soupir , Valeur des
Notes. )
QUART-DE-TON , /.' m. Intervalle introduit dans le
Genre Enharmonique par Ariftoxène , & duquel la raifon
elr. lourde. ( Voyez Echelle , Enharmonique , Ixter-
wlle, Pythagoriciens. )
Nous n'avons ni dans l'oreille, ni dans les calculs har-
moniques aucun principe qui nous puiffe fournir l'Intervalle
exact d'un Quart-de-Ton ; & quand on confidere quelles
opérations Géométriques font néceluires pour le déterminer
fur le Moiocorde , on eit bien tenté de foupçonner qu'on
n'a peut-être jamais entonné & qu'on n'entonnera peut-être
jamais de Quart-cU-Ton julbe, ni par la Voix, ni fur aucun
Inftrumcnt.
Les Muficiens appellent aufli Quart-de-Ton l'Intervalle qui,
de deux Notes à un Ton Tune de l'autre , fe trouve entre
le Bémol de la fupéricure & le Dièfe de l'inférieure; Inter-
valle que le Tempérament fait évanouir, mai; que le calcul
peut déterminer.
Ce Ou irt-de-Ton cfr de deux efpeces; favoir, lTnharmo-
nlque majeur, dans le rapport de 576 à ^15, qui clt le
A a a a z
3$6 Q V A
complément de deux femi-Tons mineurs au Ton majeur, &
l'Enharmonique mineur, dans la raifon de 115 à 118, qui eit
le complément des deux mêmes femi-Tons mineurs au Ton
mineur.
QUARTE , f. f. La troifiieme des Confonnances dans l'or-
dre de leur génération. La Quarte eit une Confonnance
parfaite ; fon rapport eft de 3 à 4 ; elle eit compofée de
trois Degrés diatoniques formés par quatre Sons ; d'où lui
vient le nom de Quarte. Son Intervalle eit de deux Tons &
demi; favoir, un Ton majeur, un Ton mineur, & un femi-
Ton majeur.
La Quarte peut s'altérer de deux manières ; favoir , en
diminuant fon Intervalle d'un femi-Ton , & alors elle s'ap-
pelle Ouarte diminuée ou faaj]é-Quarte ; ou en augmentant
d'un femi-Ton ce même Intervalle , & alors elle s'appelle
Quarte-Jhperflue ou Triton, parce que l'Intervalle en eit de
trois Tons pleins : il n'eit que de deux Tons; c'eit-a-dire,
d'un Ton , & deux femi-Tons dans la Ouarte -diminuée ;
mais ce dernier Intervalle eit banni de l'Harmonie, & pra-
tiqué feulement dans le Chant.
Il y a un Accord qui porte le nom de Quarte , ou Quarte
& Quinte. Quelques-uns l'appellent Accord de Onzième :
c'eft celui où fous un Accord de Septième on fuppofe h la
lLlfe un cinquième Son , une Quinte au-defïbus du Fon-
damental : car alors ce Fondamental fait QJnte , & ù
Septième fait Onzième avec le Son fuppofe. ( Voyez Suppo-
sition. )
Un autre Accord s'appelle Quartc-fuperflue ou Triton.
Q U A 557
C'efl: un Accord fenfible dont la Dirtonance eft portée à la
Baffe : car alors la Note fenfible fait Triton fur cette Dif-
fonance. ( Voyez Accord. )
Deux Quartes juftes de fuire font permifes en compofi-
tion , même par Mouvement femblable , pourvu qu'on y
ajoute la Sixte : mais ce font des partages dont on ne doit
pas abufer , & que la Baffe - fondamentale n'autorife pas
extrêmement.
QUARTER , v. n. C'étoit, chez nos anciens Muficicns,
une manière de procéder dans le Déchant ou Contre-point
plutôt par Quartes que par Quintes : c'étoit ce qu'ils appel-
aient aufli par un mot Latin plus barbare encore que le
François , Diatefferonare.
QUATORZIEME , f. f. Réplique ou Oftave de la Sep-
tième. Cet Intervalle s'appelle Guator\ieme , parce qu'il faut
former quatorze Sons pour palier diatoniquement d'un de
fes termes à l'autre.
QUATUOR,/ m. C'efr. le nom qu'on donne aux mor-
ceaux de Mufique vocale ou inftrumentale qui font à quatre
Parties récitantes. ( Voyez Parties. ) Il n'y a point de
vrais Quatuor , ou ils ne valent rien. Il faut que dans un
bon Quatuor les Parties foient prefque toujours alterna-
tives , parce que dans tout Accord il n'y a que deux Par-
ties tout au plus qui fartent Chant & que l'oreille puirte
diflinguer à la fois; les deux autres ne font qu'un pur rem-
plilfage , & l'on ne doit point mettre de remplirtage dans un
Quatuor.
QUEUE , f. f. On dillingue dans les Notes la tête & la
55* Q U I
Queue. La tête eft le corps même de la Note ; la Queue eft
ce trait perpendiculaire qui tient à la tête & qui monte ou
defeend indifféremment à travers la Portée. Dans le Plain-
Chant la plupart des Notes n'ont pas de Queue ; mais dans
la Mufique il n'y a que la Ronde qui n'en aie point. Autre-
fois la Brève ou Quarrée n'en avoit pas non plus \ mais les
différentes pofitions de la Queue fervoient à diftinguer les
valeurs des autres Notes , & fur-tout de la Plique. ( Voye7
Pli que. )
Aujourd'hui la Queue ajoutée aux Notes du Plain-Chant
prolonge leur durée ; elle l'abrège , au contraire , dans la
Mufique , puifqu'une Blanche ne vaut que la moitié d'une
Ronde.
QUINQUE, f. m. Nom qu'on donne aux morceaux de
Mufique vocale ou inftrumentale qui font a cinq Parties ré-
citantes. Puifqu'il n'y a pas de vrai Quatuor, a plus forte
raifon n'y a-t-il pas de véritable Cubique. L'un &: l'autre
de ces mots , quoique pafTés de la Langue Latine dans la
Françoife , fe prononce comme en Latin.
QUINTE , / f. La féconde des Confonnances dars l'or-
dre de leur génération. La Quinte eft une Confonnancc par-
faire ; ( N'oyez Consonnancf. ) fon rapport eft de 1 à j.
Elle eft compofée de quatre Degrés diatoniques , arrivant
au cinquième Son , d'où lui vient le nom de Quinte. Son
Intervalle eft de trois Tons & demi; fivoir, deux 7
rmjeurs , un Ton mineur, & un femi-Ton majeur.
La Qu ■ ut s'altérer de deux manierez; favoïr, en
diminuant fon Intervalle d'un femi - Ton , & alors i
QUI 559
s'appelle fauffe-Oubtte , & dévroit s'appcller Quinte climi-
nuée ; ou en augmentant d'un femi-Ton le même lnter-
vafle , ce alors elle s'appelle Quintc-fuptrflue, De forte que
la Quïnte-Juperflue a quatre Tons, & la Faufle-Quintc trois
feulement , comme le Triton , dont elle ne diffère dans
nos fyftêmes que par le nombre des Degrés. (Voyez Faussb-
Quinte. )'
Il y a deux Accords qui portent le nom de Quinte ; fa-
voir , l'Accord de Quint? & Sixte , qu'on appelle aufii
grande-Sixte ou Sixte ajoutée , & l'Accord de Quinte-fu-
perflue.
Le premier de ces deux Accords fe confidere en deux
manières ; (avoir , comme un Renversement de l'Accord
de Septième , la Tierce du Son fondamental étant portée
au grave ; c'efr. l'Accord de grande-Sixte ; ( Voyez Sixte. )
ou bien comme un Accord dired dont le Son fondamental
ef{ au grave, & c'eft alors l'Accord de Sixte-ajoutée. (Voy.
DoUBLE-tMPLOI. )
Le fécond fe confidere aulli de deux manières , l'une
par les François , l'autre par les Italiens. Dans l'Harmonie
Françoife la Quinte-fuperflue eft l'Accord dominant en
Mode mineur , au-deffous duquel on fait entendre la Mé-
diante qui fait Quinte-fuperflue avec la Note fenlible. Dans
H Earmonie Italienne , la Quinte-fuperflue ne fe pratique que
fur la Tonique en Mode majeur, lorfque , par accident,
fa Quinte eft diéfée , faifànt alors Tierce majeure fur la
Médiante & par confequent Quinte-fuperflue fur la Toni-
que. Le principe de cet Accord, qui paroit fortir du Mod(
5<îo Q U I
fe trouvera dans l'expofkion du Syftême de M. Tartini.
( Voyez Système. )
Il elt défendu , en compofition , de faire deux Quintes
de fuite par mouvement femblable entre les mêmes Par-
ties : cela choqueroit l'oreille en formant une double Mo-
dulation.
M. Rameau prétend rendre raifon de cette règle par le
défaut de liaifon entre les Accords. Il fe trompe. Première-
ment on peut former ces deux Quintes & conferver la
liaifon harmonique. Secondement , avec cette liaifon , les
deux Quintes font encore mauvaifes. Troifiémement , il
faudrait , par le même principe , étendre , comme autre-
fois , la règle aux Tierces majeures; ce qui n'elt pas & ne
doit pas être. Il n'appartient pas à nos hypothefes de con-
trarier le jugement de l'oreille , mais feulement d'en ren-
dre raifon.
Quinte-fauJJe , efl une Quinte réputée jufte dans l'Harmo-
nie , mais qui , par la force de la Modulation , fe trouve
affoiblie d'un fe mi-Ton : telle elt ordinairement la Quinte de
l'Accord de Septième fur la féconde Note du Ton en Mode
majeur.
La faujfe - Quinte- eit une dilfonance qu'il faut fauver :
mais la Quinte -fauffe peut parler pour Confonnance & être
traitée comme telle quand on compofe a quatre Parties.
( Voyez Faussh-Quintiï. )
QUINTE , elt aufli le nom qu'on donne en Fran'
cette Partie indrumentale de remplilfage qu'en Italie on
appelle Viola. Le nom de cette Partie a palîc à l'Inftrumem
qui la joue. (JUINTLR .
Q U I 5<5,
QUINTER, v. 11. CV-roit , chez nos anciens Mufîciens,
une manière de procéder dans le Déchant ou Contre-point
plutôt par Quintes que par Quartes. C'efr. ce qu'ils appel-
aient auiTi dans leur Latin Diapentïjfare. Mûris s'étend
fort au long fur les règles convenables pour Ouinter ou
Quarter à propos.
QUINZIEME , f. f. Intervalle de deux Octaves. ( Voyez
Double-Octave. )
Vicl. de Mujique.
I3bbl>
<6z R A N
R.
R
.ANZ- DES -VACHES. Air célèbre parmi les Suiffés,
& que leurs jeunes Bouviers jouent fur la Cornemufe en
gardant le bétail dans les montagnes. Voy. l'Air noté , PL
N. Voyez auffi l'article Musique où il eti fait mention des
étranges effets de cet Air.
RAVALEMENT. Le Clavier ou Syftême à Ravalement
cft celui qui, au lieu de fe borner à quatre Octaves comme
le Clavier ordinaire , s'étend à cinq , ajoutant une Quinte au-
deflbus de Vut d'en-bas , une Quarte au-deffus de Vut d'en-
haut , & embraffant ainfi cinq Octaves entre deux fa. Le
mot Ra\akm:nt vient des Facteurs d'Orgue & de Clavecin,
& il n'y a gueres que ces Inftrumens fur lefquels on puiffe
embraffer cinq Oclaves. Les Inftrumens aigus pairent même
rarement Vut d'en-haut fans jouer faux , & l'Accord des
Baffes ne leur permet point de paffer Vut d'en-bas.
RE. Syllabe par laquelle on foliîe la féconde Note de la
Gamme. Cette Note , au naturel , s'exprime par la lettre D.
(Voyez D. & Gamme.)
RECHERCHE , / f. Efpece de Prélude ou de Fantaifîe
fur fOrgue ou fur le Clavecin, dans laquelle le Muficien
affecte de rechercher & de raffembler les principaux traits
d'Harmonie & de Chant qui viennent d'être exécutes, ou
qui vont Tétre dans un Concert. Cela fe fait ordinairement
-le-champ fans préparation, & demande, par conféquent ,
beaucoup d'habileté.
R E C y-i
Les Italiens appellent encore Recherches ou Cadences, ces
Arbitrii ou Points d'Orgue que le Chanteur fe donne la
liberté de faire fur certaines Notes de fi Partie , fufpeadanc
la Mefure , parcourant les diverfes cordes du Mode, & même
en fortant quelquefois , félon les idées de fon génie & ks
routes de fon gofier , tandis que tout l'Accompagnement
s'arrête jufqu'à ce qu'il lui plaife de finir.
RECIT , /.* m. Nom générique de tout ce qui fe chante
à voix feule. On dit, un Récit de Baffe , un Rc^it de Haute-
Contre. Ce mot s'applique même en ce fens aux In(trumenc;
On dit un Récit de Violon , de Flûte , de Hautbois. En
un mot Réciter cetr. chanter ou jouer feul une Partie
quelconque , par oppofition au Chœur & à la Symphonie en
général, où plufieurs chantent ou jouent la même Partie à
Punition.
On peut encore appeller Récit la Partie où règne le Sujet
principal , & dont toutes les autres ne font que l' Accom-
pagnement-. On a mis dans le Dictionnaire de l'Académie
Françoife , les Récits ne font point ajfujettis à la Mefure
comme les Airs. Un Récit eit fouvent un Air , & par con-
féquent Mefuré. L'Académie auroit-elle confondu le Récit
avec le Récitatif?
RECITANT. Partie. Partie Récitante eft celle qui fe
chante par une feule Voix, ou fe joue par un feul Inltrumenr;
par oppofition aux Parties de Symphonie & de Chœur qui
font exécutées à l'uniifon par plufieurs Concertons. ( V. Ri'c it. )
INCITATION,/."/; Action de Réciter la Mufique. O'oy.
iTHl. )
Bbbb i
554 R E C
RECITATIF , / m. Difcours récité d'un ton mufical &
harmonieux. C'eit une manière de Chant qui approche beau-
coup de la parole , une déclamation en Mufique , dans la-
quelle le Muficien doit imiter, autant qu'il cft pofTible, les
inflexions de voix du Dcclamateur. Ce Chant eft nommé
Récitatif, parce qu'il s'applique à la narration, au récit, ôc
qu'on s'en iert dans le Dialogue dramatique. On a mis dans
le Dictionnaire de l'Académie , que le Récitatif doit être
débité : il y a des Récitatifs qui doivent être débités , d'au-
tres qui doivent être fourenus.
La perfeébion du Récitatif dépend beaucoup du caractère
de la Langue ; plus la Langue cft accentuée & mélodieufe ,
plus le Récitatif eft naturel , & approche du vrai difcours ;
il n'eft que l'Accent noté dans une Langue vraiment mufr-
cale ; mais dans une Langue pefante , fourde & fans accent,
le Récitatif n'eft que du chant , des cris , de la Pfulmodie :
on n'y reconnoît plus la parole. Aiofi le meilleur Récitatif
elt celui où Ton chante le moins. Voilà , ce me femble , le
feul vrai principe tiré de la nature de la chofe , fur lequel
on doive fe fonder pour juger du Récitatif , & comparer
celui d'une Langue à celui d'une autre.
Chez les Grecs , toute la Poéfie étoit en Récitatif, parce
que la Langue étant mélodieufe, il fufllfoit d'y ajouter la
Cadence du Mitre & la Récitation Soutenue 9 pour rendre
cette Récitation tout-à-fait muficale; d'uù vient que ci
qui verlilioient appelloient cela chanter. Cet ufige , pafTci
ri liculement dans les autres Langues , fait dire encore auv
PoéCCS , je chante , lorfqu'ils ne t'ont aucune forte de Chaut.
R E C 555
Les Grecs pouvoient chanter en parlant ; mais chez nous il
faut parler ou chanter ; on ne fauroit faire à la fois l'un 6c
l'autre. C'eit cette diltinJlion même qui nous a rendu le Ré-
citatif nécelFairc. La Mulique domine trop dans nos Airs ,
la Poéfie y eft prefque oubliée. Nos Drames lyriques font
trop chantes pour pouvoir l'être toujours. Un Opéra qui ne
feroit qu'une fuite d'Airs ennuieroit prefque autant qu'un feu!
Air de la même étendue. 11 faut couper 6c féparer les Chants
par de la parole ; mais il faut que cette parole foit modifiée
par la Mulique. Les idées doivent changer, mais la Langue
doit relier la même. Cette Langue une fois donnée , en
changer dans le cours d'une. Pièce , feroit vouloir parler
moitié François , moitié Allemand. Le pailage du difeours
au Chant , & réciproquement , eft trop difparate ; il choque
à la fois l'oreille 6c la vraifemMance : deux interlocuteurs
doivent parler ou chanter ; ils ne fauroient faire alternative-
ment l'un & l'autre. Or le Récitatif eft le moyen d'union
du Chant & de la parole; c'eft lui qui fépare 6c diftingue
les Airs , qui repofe l'oreille étonnée de celui qui précède , 6c
la difpofe à goûter celui qui fuit : enfin c'eit à l'aide du Réci-
tatif que ce qui n'elt que dialogue , récit , narration dans le
Drame, peut fe rendre fins fortir de la Langue donnée, &
fans déplacer l'éloquence des Airs.
O.i ne mefure point le Récitatif en chantant. Cette Me-
fure , qui caradéiife les Airs, gâterait la déclamation récr-
tative. C'eft l'Accent , foit grammatical , f< it oratoire , qui
doit feu! diriger la lenteur ou la rapidité des Sons , de même
qac leur élévation ou leur abaifleraent, Le Compoûceur ,
5^6 R E C
en notant le Récitatif fur quelque Mefure déterminée , n'a
en vue que de fixer la correfpondance de la Baffe - continue
& du Chant , & d'indiquer , à-peu-près , comment on doit
marquer la quantité des fyllabes , cadencer & fcander les
vers. Les Italiens ne fe fervent jamais pour leur Récitatif
que de la Mefure à quatre Tems ; mais les François entre-
mêlent le leur de toutes fortes de Mefures.
Ces derniers arment aufli la Clef de toutes fortes de Tranf-
pofitions , tant pour le Récitatif que pour les Airs : ce que
ne font pas les Italiens ; mais ils notent toujours le Récita-
tif au naturel : la quantité de Modulations dont ils le char-
gent, & la promptitude des Tranfitions, faifant que la Tranf-
pofition convenable à un Ton ne l'elt plus à ceux dans les-
quels on parte , multiplierait trop les Accidens fur les mêmes
Notes , & rendrait le Récitatif prefque impoflible à fuivre ,
6c très-difficile à noter.
En effet, c'eft dans le Récitatif qu'on doit faire ufage
des Tranfitions harmoniques les plus recherchées, & des plus
favantes Modulations. Les Airs n'offrant qu'un fentiment ,
qu'une image, renfermés enfin dans quelque unité d'exprtf-
(ion , ne permettent gueres au Compofiteur de s'éloigner du
Ton principal ; & s'il vouloit moduler beaucoup dans un fi
court efpace , il n'offrirait que des Fhrafes étranglées, en-
taffées , & qui n'auraient ni liaifon , ni goût, ni Chant. Dé-
faut très-ordinaire dans la Mufique Françoife, & même dans
l'Allemande.
Mais dans le Récitatif, où les exprefTions , les fentimens,
les idées varient à chaque inilant, on doit employer des
R E C 5^7
Modulation"; également varices qui puiiîenr. repréfenrer par
leurs contextures , les fucceffions exprimées par le difcours
du Récitant. Les inflexions de la Voix parlante ne font pas
bornées aux Intervalles muficaux; elles font infinies & impof-
fiblcs a déterminer. Ne pouvant donc les fixer avec une cer-
taine précifion , le Muficien , pour fuivre la parole , doit au
moins les imiter le plus qu'il elt pofTible; & afin de porter
dans l'efprit des Auditeurs l'idée des Intervalles & des Ac-
cens qu'il ne peut exprimer en Notes , il a recours à des
Tranfitions qui les fuppofent : fi , par exemple , L'Intervalle
du femi-Ton majeur au mineur lui elt néceffaire , il ne les
notera pas, il ne fauroit; mais il vous en donnera l'idée à
l'aide d'un paffage enharmonique. Une marche de Balle fuffit
fouvent pour changer toutes les idées , 6c donner au Ré-
citatif l'Accent 6c l'inflexion que l'Acteur ne peut exécuter.
Au refte, comme il importe que l'Auditeur foit attentif
au Récitatif, 6c non pas à la Balfe , qui doit faire fon effet
fans être écoutée , il fuit de-là que la Baffe doit refier
fur la même Note autant qu'il eft poilîble ; car c'eir. au mo-
ment» qu'elle change de Note 6c frappe une autre corde ,
qu'elle fe fait écouter. Ces momens étant rares & bien choi-
fis, n'ufent point les grands effets ; ils diftraifent moins fré-
quemment le Spectateur 6c le lailfent plus aifément dans la
perfuafion qu'il n'entend que parler , quoique l'Harmonie
agiffe continuellement fur fon oreille. Rien ne marque un
plus mauvais Récitatif que ces Baffes perpétuellement fau-
tillantes , qui courent de Croche en Croche après la fuc-
ceflion harmonique, 6c font, fous la Mélodie de la Voix,
•568 R E C
une autre manière de Mélodie fort plate & fort ennuycufc.
Le Compofïteur doit favoir prolonger & varier Ces Accords
fur la même Note de Baffe, & n'en changer qu'au moment
où l'inflexion du Récitatif devenant plus vive reçoit plus
d'effet par ce changement de Baffe , & empêche l'Auditeur de
le remarquer.
Le Récitatif ne doit fervir qu'à lier la contexture du Dra-
me , à féparer & faire valoir les Airs , à prévenir l'étour-
diffement que donneroit la continuité du grand bruit ; mais
quelqu'éloquent que foit le Dialogue, quelqu'énergique ôc
favant que puiffe être le Récitatif, il ne doit durer qu'autant
qu'il eft nécefTaire à fon objet ; parce que ce n'ert point
dans le Récitatif qu'agit le charme de la Mufique , & que
ce n'erè cependant que pour déployer ce charme qu'eft inf-
titué l'Opéra. Or, c'eft en ceci qu'eft le tort des Italiens,
qui, par l'extrême longueur de leurs feenes, abufent du Ré-
citatif. Quelque beau qu'il foit en lui-même , il ennuie parce
qu'il dure trop, & que ce n'eft pas pour entendre du Réci-
tatif que l'on va à l'Opéra. Démofthènc parlant tout le jour
ennuieroit à la fin ; mais il ne s'enfuivroit pas de - là que
Démofthene fût un Orateur ennuyeux. Ceux qui difent que
les Italiens eux-mêmes trouvent leur Récitatif mauvais , le
difent bien gratuitement; puifqu'au contraire il n'y a point
de partie dans la Mufique dont les Connoilfeurs faifent tant
de cas & fur laquelle ils foient auffi difficiles. 11 fufnt même
d'exceller dans cette feule partie, fût- on médiocre dans
toutes les autres , pour s'élever chez eux au rang des plus
illufhes Artiltes, & le célèbre Porpora ne s'eft immorrallfc
que par-là. J'ajoute
R E C 56,
J'ajoure que , quoiqu'on ne cherche pas communément dans
le Récitatif la même énergie d'expreflion que dans les Airs,
elle s'y trouve pourtant quelquefois; & quand elle s'y trouve,
elle y fait plus d'effet que dans les Airs mêmes. Il y a peu
de bons Opéra , où quelque grand morceau de Récitatif
n'excite l'admiration des Connoiffeurs , & l'intérêt dans tout
le Spectacle; l'effet de ces morceaux montre affez que le
défaut qu'on impuce au genre n'eft que dans la manière de
le traiter.
M. Tartini rapporte avoir entendu en 17 14, à l'Opéra
d'Ancone , un morceau de Récitatif d'une feule ligne, &
fans autre Accompagnement que la Baffe , faire un effet pro-
digieux non-feulement fur les Profeffeurs de l'Art , mais fur
tous les Spectateurs." C'étoit, dit-il, au commencement du
>j troifieme A&e. A chaque repréfenration un filence pro-
» fond dans tout le Spectacle annonçoit les approches de ce
m terrible morceau. On voyoit les vifages pâlir , on fe fen-
» toit friffonner, & l'on fe regardoit l'un l'autre avec une
r> forte d'effroi : car ce n'étoient ni des pleurs , ni des plain-
»> tes; c'étoit un certain fentiment de rigueur âpre &. dédai-
« gneufe qui troubloit l'ame , ferroir le cœur & glaçoit le
» fangjj. Il faut tranferire le paffage original; ces effets font
fi peu connus fur nos théâtres que notre Langue eft peu
exercée à les exprimer.
Vanno quatordecimo del fecolo prefente nel Dramma che
fi raprefentava in Ancona , v'era Jiil principio deW Atto ter\o
una riga di Rccitativo non accompagnato da altri flromenti
çhc dal Baffb ; per cui, tanto in noi profcjjbri , quanta ncgli af~
Dicl. de Mujique. Ce ce
570 R E C
cokanti ffi dèflàva una toi e tanta commo\ione di animo, eue
tutti Ji guardavano in faccia Pua Vahro , per la évidente mu-
ta\ione di colore che fi factva in ciafJieduno di noi. L'effetto
non era di pianto (mi ricordo benijjimo che le parole erano di
fdegno,) ma di un certo rigore e freddo nelfangue , che di fatto
turbava Vanimo. Tredecivolte fi récita il Dramma, e fempre.-
fegui l'effetto fiejjb univerfalmente ; di che erafegno palpabile
il fommo previo filen\io , ton cui P Uditorio tutto fi apparec-
chiava à goderne Peffetto. .
RÉCITATIF ACCOMPAGNÉ eft celui auquel, outre
la B^ffe- continue, on ajoute un Accompagnement de Vio-
lons. Cet Accompagnement,- qui ne peut gueres être fylla-
bique , va la rapidité du débit , eft ordinairement formé de
longues Notes foutenues fur des Mefures entières, & l'on
écrit pour cela fur toutes les Parties de Symphonie le mot
Sofienuto , principalement à la Baffe, qui, fans cela, ne frap-
perait que des coups fecs & détachés à chaque changement
de Note , comme dans le Récitatif ordinaire ; au lieu qu'il
faut alors filer & foutenir les Sons félon toute la valeur des
Notes. Quand l'Accompagnement eft mefuré , cela force de
mefirer aufïi le Récitatif, lequel alors fuit Ck. accompagne
en quelque forte l'Accompagnement.
RÉCITATIF MESURE. Ces deux mots font contradic-
toires* Tout Récitatif où l'on fent quelqu'autre Mefure que
celle des vers n'eft plus du Récitatif Mais fouvent un Vv. -
eil ittf' ordinaire fe change tout-d'un-coup en Chant, & prend
delà Mefure 6c de la Mélodie; ce qui fe marque en écri»
"Vint . ûr, les Parties, à 'Jfempo ou à Bûttuta. Ce coiurafte ,,
R E C 57.1
ce changement bien ménage produit des effets 'furprenans.
Dans le cours d'un Récitatif débité , une réflexion tendre
& plaintive prend l'Accent mufical & fe développe a l'ins-
tant par les plus douces inflexions du Chant; puis, coupée
de la même manière par quelqu'autre réflexion vive & im-
pétueufe , elle s'interrompt brufquemcnt pour reprendre à
l'inftanc tout le débit de la parole. Ces morceaux courts &
mefurés , accompagnés, pour l'ordinaire, de Flûtes & de
Cors de chaut, ne font pas rares dans les grands Récitatij's
Italiens.
On mefure encore le Récitatif, lorfque l'Accompagnement
dont on le charge étant chantant & mefuré lui-même, oblige
le Récitant d'y conformer fon débit. C'eft moins alors un
JRécitatif mefuré que , comme je l'ai dit plus haut, un Récitatif
-accompagnant l'Accompagnement.
RECITATIF OBLIGÉ. C'eft celui qui, entremêlé de Ri-
tournelles & de traits de Symphonie , oblige pour ainfi dire
le Récitant & l'Orcheltre l'un envers l'autre , en forte qu'ils
doivent être attentifs & s'attendre mutuellement. Ces paffa-
ges alternatifs de Récitatif & de Mélodie revêtue de tout l'é-
clat de l'Orcheltre, font ce qu'il y a déplus touchant, de
plus ravivant, de plus énergique dans toute la Mufique mo-
derne. L' Acteur agité, tranfporté d'une palîion qui ne lui per-
met pas de tout dire, s'interrompt, s'arrête, fait des réticen-
ces , durant lefquelles l'Orcheltre parle pour lui; & ces fi-
lences , ainfi remplis , affectent infiniment plus l'Auditeur que
fi l'Acteur difoit lui-même tout ce que la Mufique fait en-
tendre. Jufqu'ici la Mufique Françoife n'a fu faire aucun ufage
Cccc z
571 R E C
du Récitatif obligé. L'on a tâche d'en donner quelque idée
dans une fcene du Devin du Village , & il paroît que le
Public a trouve qu'une fituation vive , ainfi traitée , en de-
venoit plus intéreffante. Que ne feroit point le Récitatif obli-
gé dans des feenes grandes & pathétiques , fi l'on en peut ti-
rer ce parti dans un genre ruftique & badin ?
RECITER , v. a. & n. C'eft chanter ou jouer feul dans
une Mufique, c'eft exécuter un Récit. (Voyez Rkcit. )
RÉCLAME , //: C'eft dans le Plain-Chant la partie du
Répons que l'on reprend après le verfet. (Voyez Rkpons.)
REDOUBLE , adj. On appelle Intervalle redoublé tout
Intervalle fimple porté à fon OcLive. Ainfi la Treizième , com-
pofée d'une Sixte & de l'Octave , eft une Sixte redoublée ; & la
Quinzième , qui eft une Octave ajoutée à l'Octave, eft une Octave
redoublée. Quand , au lieu d'une Oitave , on en ajoute deux ,
l'Intervalle eft triplé ; quadruplé, quand on ajoute trois Octaves.
Tout Intervalle dont le nom pan*e fept en nombre , eft
tout au moins redoublé. Pour trouver le fimple d'un Inter-
valle redoublé quelconque , rejettez fept autant de fois que
vous le pourrez du nom de cet Intervalle , & le refte fera
le nom de l'Intervalle fimple : de treize rejettez fept, il refte
fix ; ainfi le Treizième eft une Sixte redoublée. De quinze
ôtez deux fois fept ou quatorze , il refte un : ainfi la Quin-
zième eft un Uniifon triplé, ou une Octave redoublée.
Réciproquement, pour redoubler un Intervalle fimple quel-
conque , ajourez-y fept , & vous aurez le nom du même
Intervalle redoublé. Pour tripler un Intervalle fimple . . -y
quatorze , &c. (Voyez IlTTERVAILH. )
RED S7?
RÉDUCTION , / f. Suite de Notes defeendant diatoni-
quement. Ce terme , non plus que fon oppofé , Déduction ,
n'cfr gueres en ufage que dans le Plain-Chant.
REFRAIN. Terminailbn de tous les Couplets d'une Chan-
fon par les mêmes paroles & par le même Chant , qui le
dit ordinairement deux fois.
REGLE DE L'OCTAVE. Formule harmonique publiée
la première fois par le fieur Delaire en 1700, laquelle déter-
mine , fur la marche diatonique de la Baffe , l'Accord con-
venable à chaque degré du Ton , tant en Mode majeur qu'en
Mode mineur , & tant en montant qu'en defeendant.
On trouve , PL L. Fig. 6 , cette formule chiffrée fur l'Oc-
tave du Mode majeur , 6c Fig. 7 , fur l'Octave du Mode
mineur.
Pourvu que le Ton foit bien déterminé , on ne fe trom-
pera pas en accompagnant fur cette Règle , tant que l'Au-
teur fera refré dans l'Harmonie fimple & naturelle que com-
porte le Mode. S'il fort de cette {implicite par des Accords
par fuppofition ou d'autres licences , c'eft à lui d'en avertir
par des Chiffres convenables ; ce qu'il doit faire aufli à cha-
que changement de Ton : mais tout ce qui n'eit point chiffré
doit s'accompagner félon la Règle de l'Oclave , 61 cette Ktgle
doit s'étudier fur la Baffe - fondamentale pour en bien com-
prendre le fens.
Il eft cependant fâcheux qu'une formule dellinée à la pra-
tique des Règles élémentaires de l'Harmonie , contienne une
faute contre ces mêmes Règles ; c'eft apprendre de bonne
heure aux commençans à tranfgrefftr les loix qu'on leur
574 U E G
donne. Cette faute efl dans l'Accompagnement de la fixieme1
Note dont l'Accord chiffré d'un 6 , pèche contre les règles.;
car il ne s'y trouve aucune liaifon , & la Baffe-fondamen-
tale defeend diatoniquement d'un Accord parfait fur un autre
Accord parfait ; licence trop grande pour pouvoir faire Règle,
On pourrait faire qu'il y eût liaifon , en ajoutant une Sep-
tième à l'Accord parfait de la Dominante ; mais alors cette
Septième , devenue Octave fur la Note fuivante , ne feroit
point fauvée , &c la 13affe-fondamentale , defeendant diatoni-
quement fur un Accord parfait , après un Accord de Sep-
tième , feroit une marche entièrement intolérable.
On pourrait auffi donner à cette fixieme Note l'Accord de
petite Sixte , dont la Quarte feroit liaifon ; mais ce feroit
fondamentalement un Accord de Septième avec Tierce mi-
neure , où la Diironance ne feroit pas préparée ; ce qui ett
encore contre les Règles. (Voyez Préparer.)
On pourrait chiffrer Sixte-Quarte fur cette fixieme Note,"
ôc ce ferait alors l'Accord parfait de la Seconde ; mais je
doute que les Muficiens approuvaffent un Renverfement at:ffi
mal entendu que celui-là ; Renverfement que l'oreille rfadopte
point , & fur un Accord qui éloigne trop l'idée de la Modu-
lation principale.
On pourrait changer l'Accord de la Dominante , en lui
donnant la Sixte-Quarte au lieu de la Septième , &. alors la
Sixte (impie irait très-bien fur la fixieme Note qui fuit; mais
la Sixte-Quarte irait très-mal fur la Dominante , à moins
qu'elle n'y fui fuivie de l'Accord parfait ou de la Septième;
<ce qui ramènerait la difficulté. Une Reg/e qui fut non-fculc-
R E G c-;
ment dans la pratique, mais de modèle pour la pratique, ne
doit point fe tirer de ces combinaifons théoriques rejetrées
par l'oreille; & chaque Note , fur-tout la Dominante, y doit
porter fon Accord propre , lorfqu'cllc peut en avoir un.
Je tiens donc pour une chofe certaine , que nos Régies
font mauvaifes , ou que l'Accord de Sixte , dont on Accom-
pagne la fîxieme Note en montant, eit une faute qu'on doit
corriger, & que pour Accompagner régulièrement cette Note,
comme il convient dans une formule , il n'y a qu'un feul
Accord à lui donner, favoir" celui de Septième; non une
Septième fondamentale , qui , ne pouvant dans cette marche
fe fauver que d'une autre Septième, feroit une faute; mais
une Septième renverfee d'un Accord de Sixte-ajoutéc fur h
Tonique. Il eft clair que l'Accord de la Tonique eft le feul
qu'on puille inférer régulièrement entre l'Accord parfait ou
de Septième fur la Dominante , & le même Accord fur la
Note fenfible qui fuit immédiatement. Je fouhaite que les
gens de l'Art trouvent cette correction bonne ; je fuis fur au
moins qu'ils la trouveront régulière..
RÉGLER LE PAPIER. C'eft marquer fur un papier
blanc les Portées pour y noter la Mufique. (Voyez Papier
"RÉGLÉ. )
REGLEUR, f. m. Ouvrier qui fait profe/fion de régler les
papiers de Mufique. (Voyez Copiste. )
RÉGLURE , f. j: Manière dont eft réglé le papier. Cette
Réglure efl trop noire. Il y a pLiijir de. Noter fur une Réglure
vien nette. ( Voyez Papier règle, )-
.RELATION , f. f. Rapport qu'ont entr'eux les àxux Sons •
57<S R E L
qui forment un Intervalle , confidéré par le genre de cet
Intervalle. La Relation eft jufte , quand l'Intervalle eft jufte ,
majeur ou mineur ; elle eft faujfe , quand il eft fuperrlu ou
diminué. (Voyez Intervalle.)
Parmi les faujfes Relations , on ne confidere comme telles
dans l'Harmonie , que celles dont les deux Sons ne peuvent
entrer dans le même Mode. Ainfi le Triton , qui dans la Mé-
lodie eft une faujfe Relation , n'en eft une dans l'Harmonie
que lorfqu'un des deux Sons qui le forment , eft une corde
étrangère au Mode. La Quarte diminuée , quoique bannie de
1 Harmonie , n'eft pas toujours une fauffe Relation. Les
Octaves diminuée & fuperflue , étant non-feulement des In-
tervalles bannis de l'Harmonie , mais impraticables dans le
même Mode , font toujours de faujfes Relations. Il en eft de
même des Tierces & des Sixtes diminuée & fuperflue , quoi-
que la dernière foit admife aujourd'hui.
Autrefois les fauJJ'es Relations étoient toutes défendues.
A préfent elles font prefque toutes permifes dans la Mélodie,
mais non dans l'Harmonie. On peut pourtant les y faire en-
tendre , pourvu qu'un des deux Sons qui forment la faujfè
Relation , ne foit admis que comme Note de goût , & non
comme partie conftitutive de l'Accord.
On appelle encore Relation enharmonique , entre deux
cordes qui font à un Ton d'Intervalle , le rapport qui fc
trouve entre le Dièfe de l'inférieure & le Hémol de la Supé-
rieure. C'eft , par le Tempérament , la même touche fur
l'Orgue 6c fur le Clavecin; mais en rigueur ce n'eft pas le
me nie Son , 6c il y a entr'eux un Intervalle enharmonique.
(Voyez Enhar.monio.ll. ) REMISSE.
REM Î77
REMISSE , ad}. Les Sons Remiffes font ceux qui ont peu
de force, ceux qui étant fort graves ne peuvent être rendus
que par des Cordes extrêmement lâches , ni entendus que de
fort près. RemiJTe eft l'oppofé cVIntenfe , & il y a cette dif-
férence entre RemiJTe &c bas ou foible , de même qu'entre
Jntenfe & haut ou fort , que bas & haut fe difent de la fen-
fation que le Son porte à l'oreille ; au lieu qu'Intenfe & Re-
mise fe rapportent plutôt à la caufe qui le produit.
RENFORCER, v. a. pris en fins neutre. C'eit pafTer du
Doux au Fort , ou du Fort au trks-Fort , non tout d'un coup,
mais par une gradation continue en enflant & augmentant les
Sons , foit fur une Tenue , foit fur une fuite de Notes , juf-
qu'à ce qu'ayant atteint celle qui fert de terme au Renforcé,
l'on reprenne enfuite le jeu ordinaire. Les Italiens indiquent
le Renforcé dans leur Mufique par le mot Crefcendo , ou par
le mot Rinjbr\2ndo indifféremment.
RENTREE , f. f. Retour du fujet , fur -tout après quel-
ques Paufes de filence , dans une Fugue , une Imitation ,
ou dans quelque autre DefTein.
RENVERSÉ. En fait d'Intervalles , Renverfé ell oppofe
à Direct. (Voyez Direct. ) Et en fait d'Accords, il eit op-
pofe à Fondamental. ( Voyez Fondamental. )
RENVERSEMENT , / m. Changement d'ordre dans les
Sons qui compofent les Accords , & dans les Parties qui
compofent l'Harmonie : ce qui fe fait en fubitituant à la
Rifle , par des Oâaves , les Sons qui doivent être au Defîus,
ou aux extrémités ceux qui doivent occuper le milieu , &
réciproquement.
Dïcl. de Mujiçue, D d d d
$7* R E N
Il eft certain que dans tour Accord il 7 a un ordre fonda-
mental & naturel , qui eft celui de la génération de l'Accord
même : mais les circonftances d'une fuccefTîon , le goût ,
l'expreflion , le beau Chant, la variété, le rapprochement
de l'Harmonie , obligent Couvent le Compofiteur de changer
cet ordre en renverfant les Accords , &c par conféquent la
difpofîtion des Parties.
Comme trois chofes peuvent être ordonnées en fix ma-
nières , & quatre chofes en vingt-quatre manières , il fem-
ble d'abord qu'un Accord parfait devroit être fufceptible de
fix Rtnverfemens , & un Accord diffonant de vingt-quatre ;
puifque celui-ci eft compofé de quatre Sons, l'autre de trois,
& que le Renverfcmcnt ne confifte qu'en des tranfpofitions
d'Octaves. Mais il faut obferver que dans l'Harmonie on ne
compte point pour des Renverfmens toutes les difpofitions
différentes des Sons fupérieurs , tant que le même Son de-
meure au grave. Ainfi ces deux ordres de l'Accord parfait
ut mi fol , ce ut fol mi , ne font pris que pour un même
Rmvtrfement , & ne portent qu'un même nom ; ce qui
réduit à trois tous les Renverftmcns de l'Accord parfait , &
à quatre tous ceux de l'Accord diffonant ; c'eft-a-dire , à
autant de Renverfcmens qu'il entre de différens Sons dans
l'Accord : car les Répliques des mêmes Sons ne font ici
comptées pour rien.
Toutes les fois donc que la Baffe-fondamentale fe fait en-
tendre dans la Partie la plus grave , ou , fi la Baffe-fonda-
mentale eft retranchée , toutes les fois que l'ordre n.iturel
tlt gardé dans les Accords, l'Harmonie eft directe. Dés que
R E N jt,
cet ordre eft change , ou que les Sons fondamentaux , fans
être au grave , le font entendre dans quelque autre Partie ,
l'Harmonie eft renverfëe. Renverfement de l'Accord , quand
le Son fondamental elt tranfpofé ; Renverfement de l'Harmo-
nie , quand le Déifias ou quelque autre Partie marche comme
devroit faire la Dalle.
Par-tout où un Accord direct fera bien place , fes /ùvz-
verfemens feront bien places aulïï , quant à l'Harmonie ; car
c'eft toujours la même fucceflîon fondamentale. Ainfi à cha-
que Note de Balle - fondamentale , on eft maître de difpo-
fer l'Accord à Cj. volonté , & par conféquent de faire à tout
moment des Renverfemens différens ; pourvu qu'on ne change
point la fucceflîon régulière & fondamentale , que les Diffo-
nances foient toujours préparées & fauvées par les Parties
qui les font entendre , que la Note fenfible monte toujours ,
& qu'on évite les faulTes Relations trop dures dans une même
Partie. Voilà la Clef de ces dilïérences myftérieufes que
mettent les Compofiteurs entre les Accords où le Déifias
fyncope , & ceux où la Balle doit fyncoper ; comme , par
exemple , entre la Neuvième & la Seconde : c'eft que dans
les premiers l'Accord eft direct & la Diffonance dans le Dt£-
fus; dans les autres l'Accord eft renverfe\ & la Diffonance
eit \ la Baffe.
A l'égard des Accords par fuppofition , il faut plus de
précautions pour les Renverfer, Comme le Son qu'on ajoute
à la Baffe eft entièrement étranger à l'Harmonie , fouvent
il n'y eft fouffert qu'à caufe de l'on grand éloignement des
autres Sons , qui rend la Diffonance moins dure. Que û
Dddd i
1M R E N
ce Son ajouté vient à être tranfpofé dans les Parties fupé-
ricures , comme il l'eft quelquefois ; fi cette tranfpofition
n'eft fliice avec beaucoup d'art , elle y peut produire un
très- mauvais effet,. & jamais cela ne fauroit fe pratiquer
hcurtufement fans retrancher quelque autre Son de l'Accord,
V. au mot Accord les cas & le choix de ces retranchemens.
L'intelligence parfaite du Renverftment ne dépend que de
l'étude & de l'art : le choix eft autre choie ; il faut de l'o-
reille & du goût ; il y faut de l'expérience des effets divers , ôc
quoique le choix du Renverfenicnt foit indifférent pour le
fond de l'Harmonie , il ne l'eft pas pour l'effet ôc l'expreflion.
Il eft certain que la Baffe-fondamentale eft faite pour foutenir
l'Harmonie & régner au-deffous d'elle. Toutes les fois donc
qu'on change l'ordre ôc qu'on rsnverfe l'Harmonie , on doit
avoir de bonnes raifons pour cela ; fans quoi , l'on tombera
dans le défaut de nos Mufiques récentes , où les DefTus chan-
tent quelquefois comme des Balfes , & les Baffes toujours
comme des DeiTus , où tout eft confus , renverfé , mal or-
donné , fans autre raifon que de pervertir l'ordre établi & de
gâter l'Harmonie.
Sur l'Orgue & le Clavecin les divers Renverfcmens d'un
Accord , autant qu'une feule main peut les faire , s'appel
faces. (Voyez Face.)
RENVOI , / m. Signe figuré à volonté , placé commu-
nément au-deffus de la Portée , lequel correfpondant ï
autre figne femblable , marque qu'il faut , d'où eft le feiom! ,
retourner où eft le premier, & dc-!à iwivre jufqu'à ce q^.
trouve le Point final. (Voyez Point.)
R E P 58r
RÉPERCUSSION,//: Répétition fréquente des mêmes
Sons. C'eft ce qui arrive dans roure Modulation bien déter-
minée, où les cordes effentielles du Mode , celles qui com-
pofent la Triade harmonique, doivent être rebattues plus
fou vent qu'aucune des autres. Entre ks trois cordes de cette
Triade, les deux extrêmes; c'eft-a-dirc, la Finale & la Do-
minante, qui CortZ proprement la RéperculLon du Tcn , doivent
être plus fouvent rebattues que celle du mvh'eii qui n'elt que
la Réperculïion du Mode. (Voyez Ton & Modh. )
REPETITION, / /. Effai que l'on fait en particulier
d'une Pièce de Mufique que l'on veut exécuter en public. Les
Répétitions font néceffaires pour s'affurer que les copies fonc
exactes , pour que les Acteurs puiffent prévoir leurs Parties ,
pour qu'ils fe concertent & s'accordent bien enfemble, pour
qu'ils faififlent l'efprit de l'ouvrage, & rendent fidèlement ce
qu'ils ont à exprimer. Les Répétitions fervent au Compofiteur
même pour juger de l'effet de fa Pièce , & faire ks chan»
gemens dont elle peut avoir befoin.
RÉPLIQUE yf.f.Ce terme en Mufique figniiïe la même
chofe qu'Octave. ( Voyez Octave. ) Quelquefois en compo-
fition l'on appelle aufli Réplique l'Uniffon de la même Note
dans deux Parties différentes. Il y a néceffairement des Ré-
pliques a chaque Accord dans toute Mufique à plus de quatre
Parties. (Voyez Unisson.)
REPONS,/ m. Efpece d'Antienne redoublée qu'on chante
dans l'Eglife Romaine après les- leçons de Matines ou les
Capitules , & qui finit en manière de Rondeau par une Re-
prife appellée Réclame*
5Si R E P
Le Chant du Répons doit être plus orné que celui d'une
Antienne ordinaire, fans forrir pourtant d'une Mélodie maie
& grave, ni de celle qa'exige le Mode qu'on a choiii. Il
n'eit cependant pas néceffaire que le Verfet d'un Répons fe
termine par la Note finale du Mode ; il fuffit que cette Finale
termine le Répons même.
REPONSE , f. f. C'eft , dans une Fugue , la rentrée du
fujet par une autre Partie, après que la première l'a fait entendre ;
mais c'efè fur -tout dans une Contre - Fugue , la rentrée du
fujet renverfé de celui qu'on vient d'entendre. ( Voyez Fugue i
Contre-Fugue. )
REPOS , f. m. C'eft la terminaifon de la phrafe , fur la-
quelle terminaifon le Chant fe repofe plus ou moins par-
faitement. Le Repos ne peut s'établir que par une Cadence
pleine : fi la Cadence eft. évitée , il ne peut y avoir de vrai
Repos; car il eft impofîible à l'oreille de fe repofer fur une
Dilfonance. On voit par-là qu'il y a précifément aurant d'ef-
peces de Repos que de fortes de Cadences pleines; (Voyez
Cadence.) & ces difFércns Repos produifent dans la Mufi-
que l'effet de la ponctuation dans le difeours.
Quelques-uns confondent mal- à-propos les Repos avec les
Silences, quoique ces chofes foient fort différentes. (Voyez
Silence.,)
REPRISE,//. Toute Partie d'un Air, laquelle fe répète
deux fois, fins erre écrite deux fois, s'appelle Rcprife. C'elt
en ce lins qu'on dit que la première Reprifc d'une Ouver-
ture eft gr;i\e, cv la féconde gaie, Quelquefois aufli Ton n'en-
tend par Reprijc que la féconde Partie d'un Air. On dit ainû
R E P 5Sj
que la Reprife du joli Menuet de Dardanus ne vaut rien
du tour. Enfin Reprife eft encore chacune des Parties d'un
Rondeau qui fouvent en a trois , & quelquefois davantage ,
dont on ne répète que la première.
Dans la Note on appelle Reprife un figne qui marque que
Ton doit répéter la Partie de l'Air qui le précède ; ce qui évite
la peine de la noter deux fois. En ce fens on diftingue deux
Reprifes, la grande & la petite. La grande Reprife fe figure
à l'Italienne par une double barre perpendiculaire avec deux
points en dehors de chaque côté , ou à la Françoife par deux
barres perpendiculaires un peu plus écartées, qui traversent
toute la Portée, & entre lefquelles on infère un point dans
chaque efpace : mais cette féconde manière s'abolit peu-à-peu ;
car ne pouvant imiter tout-à-fait la Mufîque Italienne , nous en
prenons du moins les mots & les fignes; comme ces jeunes
gens qui croient prendre le ftyle de M. de Voltaire en fuivant
fon orthographe.
Cette Reprife y ainfi ponctuée à droite & à gauche, mar-
que ordinairement qu'il faut recommencer deux fois, tant la
Partie qui précède que celle qui fuit ; c'eft pourquoi on la
trouve ordinairement vers le milieu des PafTe-pieds, Menuets,
Gavottes, &c.
Lorfque la Reprife a feulement des points à fa gauche ,
c'eft pour la répétition de ce qui précède , & lorfqu'elle a
des points à fa droite , c'eft pour la répétition de ce qui fuir.
Il feroit du moins à fouhaiter que cette convention , adoptée
par quelques-uns , fût tout-à-fait établie; car elle me paroît
fort commode. (Voyez PI. L. Fig. 8.) la figure de ces diffé-
rentes Reprifes,
5S4 R E P
La petite Reprifi eft , lorfqu'après une grande Rtprtfi on
recommence encore quelques - unes des dernières Merlires
avant de finir. Il n'y a point de fignes particuliers pour la
petite Reprifi , mais on fe fert ordinairement de quelque
fïgne de Renvoi figuré au - defïus de la Portée. ( Voyez
Renvoi. )
Il faut obferver que ceux qui notent correctement ont
toujours foin que la dernière Note d'une Reprifi fe rapporte
exactement , pour la Mefure , & à celle qui commence la
même Reprifi , & à celle qui commence la Reprifi qui fuit ,
quand il y en a une. Que fi le rapport de ces Notes ne
remplit pas exactement la Mefure , après la Note qui ter-
mine une Reprifi , on ajoute deux ou trois Notes de ce qui
doit être recommencé, jufqu'à ce qu'on ait fumTamment indi-
qué comment il faut remplir la Mefure. Or , comme à la
fin d'une première Partie on a premièrement la première
Partie h reprendre , puis la féconde Partie à commencer ,
ck que cela ne fe fait pas toujours dans des Tems ou
parties de Tems femblables , on eft fouvent obligé de noter
deux fois la finale de la première Repfijc , Tune avant le ligne
de Reprifi avec les premières Notes de la première Partie;
l'autre apris le même figne pour commencer la féconde
Partie. Alors on trace un demi-cercle ou chapeau depuis
cette première finale jufqu'à fa répétition , pour marquer
qu'à la féconde fois il faut pafièr , comme nul , tout ce
qui elt compris fous le demi- cercle. 11 m'eft impofiiblc de
cendre cette explication plus courte, plus claire, ni plus (
nais la Figure 9 de la Flanche L. fuffira pour la faire enta
.ment. Kl N >' CE,
R E S 585
RESONNANCE , f. f. Prolongement ou reflexion du Son ,
foie par les vibrations continuées des Cordes d'un Infiniment,
foit par les parois d'un corps fonore , foit par la collifion de
l'air renfermé dans un Inftrument à vent. ( Voyez Son ,
Musique , Instrument. )
Les voûtes elliptiques & paraboliques réfonnent , c'eft-a-
dire , réfléchiirent le Son. ( Voyez Echo. )
Selon M. Dodart , le nez , la bouche , ni fes parties ,
comme le palais , la langue , les dents , les lèvres ne con-
tribuent en rien au Ton de la Voix; mais leur effet eft bien
grand pour la Réfonnance. (Voyez Voix.) Un exemple bien
fenfible de cela fe tire d'un Inftrument d'acier appelle Trompe
de Béarn ou Guimbarde ; lequel , fi on le tient avec les
doigts & qu'on frappe fur la languette , ne rendra aucun
Son ; mais fi le tenant entre les dents on frappe de même,
il rendra un Son qu'on varie en ferrant plus ou moins , &
qu'on entend d'arTez loin , fur-tout dans le bas.
Dans les Inftrumens à Cordes , tels que le Clavecin ,
le Violon , le Violoncelle , le Son vient uniquement de la
Corde ; mais la Réfonnance dépend de la caille de l'InC-
trument.
RESSERRER L'HARMONIE. C'eft rapprocher les Par-
ties les unes des autres dans les moindres Intervalles qu'il
eft poflïblc. Ainfi pour refTerrer cet Accord ut fol mi , qui
comprend une Dixième , il faut renverfer ainfi ut mi fol , &
alors il ne comprend qu'une Quinte. ( Voyez Accord ,
Renversement. )
RESTER, v. n. Rejler fur une fyllabe, c'eft la prolonger
Dicl. de Mujiquï. E e e e
SÎ6 K H Y
plus que n'exige la Profodic , comme on fait feus les Rou-
lades ; & Refltr fur une Note , c'eft y faire une Tenue, ou la
prolonger jufqu'à ce que le fentiment de la Mefure foit oublié.
RHYTHME , f. m. C'eiè , dans fa définition la plus géné-
rale , la proportion qu'ont entr'elles les parties d'un même
tout. C'eft , en Mufique , la différence du mouvement qui
réfulte de la vîteffè ou de la lenteur , de la longueur ou de
la brièveté des Tems.
Ariftide Quintilien divife le Rhythme en trois efpeces ;
lavoir , le Rhythme des corps immobiles , lequel réfulte de
la jufle proportion de leurs Parties, comme dans une flatue
bien faite ; le Rhythme du Mouvement local , comme dans
la Danfe , la démarche bien compofée , les attirudes des
Pantomimes, & le Rhythme des Mouvemens de la Voix
ou de la durée relative des Sons , dans une telle proportion r
que foit qu'on frappe toujours la même Corde , foit qu'on
varie les Sons du grave à l'aigu , l'on faffè toujours refuker
de leur fuccefïion des effets agréables par la durée «Se la quan-
tité. Cette dernière efpcce de Rhythme clt la feule dont j'ai
à parler ici.
Le Rhythme appliqué à la Voix peut encore s'entendre
de la parole ou du Chant. Dans le premier fens ,. c'efl du
Rhythme que nairTent le nombre & l'Harmonie dans l'élo-
quence ; la Mefure «5c la Cadence dans la Poéfle : dans le
fécond , le Rhythme s'applique proprement a la valeur des
Notes , & s'appel;e aujourd'hui Mefure. (Voyei Misi-rk)
C'efl encore a cette féconde acception que doit fe borner ce
que j'ai à dire ici fur le RJiythme des Anciens,
R H Y '5s7
Comme les fyllabes de la Langue Grecque avoient une
quantité & des valeurs plus fenfibles , plus déterminées que
celles de notre Langue , & que les vers qu'on chantoic
étoient compofés d'un certain nombre de pieds que for-
moient ces fyllabes , longues ou brèves , différemment com-
binées , le Rhythme du Chant fuivoit régulièrement la mar-
che de ces pieds , & n'en étoit proprement que l'expreflion.
Il fe divifoir. , ainfî qu'eux , en deux Tems , l'un frappé ,
l'autre levé ; l'on en comptoit trois Genres , même quatre
& plus , félon les divers rapports de ces Tems. Ces Genres
étoient Y Egal , qu'ils appelaient aufii Daclylique , où le
Rhythme étoit divifé en deux Tems égaux; le Double , Tro-
chaïque ou Iambique , dans lequel la durée de l'un des deux
Tems étoir double de celle de l'autre ; le Sefquialtère , qu'ils
appelloient auflî Péonique , dont la durée de l'un des deux
Tems étoit à celle de l'autre en r-ppert de 3 à 2 ; 6c enfin
VEpitrite , moins ufité , où le rapport des deux Tems étoic
de 3 à 4.
Les Tems de ces Rhythmes étoient fufceptibles de plus
ou moins de lenteur , par un plus grand ou moindre nom-
bre de fyllabes ou de Notes longues ou brèves , félon le
Mouvement , de dans ce fens , un Tems pouvoir recevoir
jufqu'à huit degrés différens de Mouvement par le nombre
des fyllabes qui le compofoient : mais les deux Tems confer-
voient toujours entr'eux le rapport déterminé par le Genre du
Rhythme.
Outre cela , le Mouvement & la marche des fyllabes ,
& par conféquent des Tems ce du Rhythme qui en réful-
c I
S8S R H Y
coit , étoit fufceptible d'accélération & de ralenriffement ,
à la volonté du Poète , félon l'expreflion des paroles &c le
caractère des partions qu'il faloit exprimer. Ainfi de ces
deux moyens combinés naifToient des foules de modifica-
tions porïibles dans le mouvement d'un même R/iythme ;
qui n'avoient d'autres bornes que celles au - deçà ou au-
delà desquelles l'oreille n'eft plus à portée d'appercevoir les
proportions.
Le Rhythme , par rapport aux pieds qui entroient dans
la Pocfie , fe partageoit en trois autres Genres. Le Simple >
qui n'admertoit qu'une forte de pieds; le Compofé , qui réful-
toit de deux ou plufieurs efpeces de pieds ; & le Mixte , qui
pouvoir fe réfoudre en deux ou plufieurs Rhythme s , égaux
ou inégaux , félon les diverfes combinaifons dont il étoit
fufceptible.
Une autre fource de variété dans le Rhythme étoit la
différence des marches ou fuccefïions de ce même Rhythme ,
félon l'entrelacement des différens vers. Le Rhythme pou-
voit être toujours uniforme ; c'eft-à-dire , fe battre à deux
Tems toujours égaux , comme dans les vers Hexamètres ,
Pentamètres , Adoniens , Anapcltiques , &c: ou toujours
inégaux , comme dans les vers purs Iambiques : ou di-
verfifié , c'eft-à-dire, mêlé de pieds égaux & d'inégaux,
comme dans les Scazons , les Choriambiques , &c. Mais
dans tous ces cas les Rhythmes , même fimbLibles ou
égaux, pouvoient , comme je l'ai dit , être fort différens en
vîteffe félon la nature des pieds. Ainfi de deux Rhythmes de
même Genre , refilions l'un de deux Spondées , l'autre de
K H Y
deux Pyrriques , le premier auroic été double de l'autre en
durée.
Les filences fe trouvoient auiïi dans le Rhythme ancien ;
non pas, à la vérité , comme les nôtres, pour faire taire
feulement quelqu'une des Parties , ou pour donner certains
caractères au Chant : mais feulement pour remplir la mefurc
de ces vers appelles Cataleptiques , qui manquoient d'une fyl-
labe : ainfi le filence ne pouvoit jamais fe trouver qu'à la
fin du vers pour fuppléer à cette fyllabe.
A l'égard des Tenues , ils les connoiflbient fans doute ,
puifqu'ils avoient un mot pour les exprimer. La pratique
en devoit cependant être fort rare parmi eux ; du moins
cela peut - il s'inférer de la nature de leur Rhythme, qui
n'étoit que l'expreflion de la Mefure & de l'Harmonie des
vers. Il ne paroît pas non plus qu'ils pratiquaient les Rou-
lades , les Syncopes , ni les Points , à moins que les Inftru-
mens ne fiffent quelque chofe de femblablc en accompagnant:
la Voix ; de quoi nous n'avons nul indice.
Voilais dans fon Livre de Poëmatum cantu , & viribus
Rhythmi , relevé beaucoup le Rhythme ancien, & il lui
attribue toute la force de l'ancienne Mufique. Il dit qu'un
Rhythme détaché comme le nôtre , qui ne représente au-
cune image des chofes , ne peut avoir aucun effet , & que
les anciens nombres poétiques n'avoient été inventés que
pour cette fin que nous négligeons. Il ajoute que le langage
& la Poéfie modernes font peu propres pour la Mufique :
& que nous n'aurons jamais de bonne Mufique vocale juf-
qu'à ce que nous failions des vers favorables pour le Chaut ;
590 R H Y
c'eft-à-dire , jufqu'i ce que nous réformions notre langage ;
ôc que nous lui donnions, à l'exemple des Anciens, la quan-
tité & les Pieds mefurés , en proferivant pour jamais l'in-
vention barbare de la rime.
Nos vers , dit - il , font précifément comme s'ils n'avoient
qu'un feul Pied : de forte que nous n'avons dans notre
Poéfie aucun Rhythme véritable , & qu'en fabriquant nos
vers nous ne penfons qu'à y faire entrer un certain nombre
de fyllabes , fans prefque nous embarraûer de quelle na-
ture elles font. Ce n'eft fûrement pas-là de l'étoffe pour la
Mu fi que.
Le BJiythme e'r. une partie effentielle de la Mufique , &
fur-tout de l'imitative. Sans lui la Mélodie n'eft rien , & par
lui - même il eft quelque chofe , comme on le fent par
l'eue- des tambours. Mais d'où vient l'imprefTion que font
fur nous la Mefure & la Cadence ? Quel cii le principe par
lequel ces retours tantôt égaux & tantôt variés ancéïcnt
nos âmes , & peuvent y porter le fentiment des paiïïons ?
Demandez - le au Métaphyficien. Tout ce que nous pouvons
dire ici efr. que, comme la Mélodie tire fon caractère dis
accens de la Langue , le Kkythme tire le flcn du caraétere
de la Profodie ; ôc alors il agit comme imngc de la parole :
à quoi nous ajouterons que certaines pallions ont dans la
nature un caraétere rîiythmique aufïî bien qu'un caractère
mélodieux , abfolu & indépendant de la Langue ; com
la triftefie , qui marche par Tems égaux & lents, de même
que par Tons remifles & bas ; la jnie par Teins fautilli
& vîtes , de môme que par Tons aigus <5c incenfès : d'où
R H Y 591
je préfume qu'on pourroit obfervcr dans toutes les autres
payions un caraclere propre , mais plus difficile à fàifir , a
caufe que la plupart de ces autres paillons étant compofées.,
participent , plus ou moins , tant des précédentes que l'une
de l'autre.
RHYTHMIQUE , f. f. Partie de l'Art mufîcal qui
cr.feignoit a pratiquer les règles du Mouvement & du Rhy-
thme , félon les loix de la Rhythmopée.
La Rhythmique , pour le dire un peu plus en détail , con-
filtoit à favoir choiiir , entre les trois Modes établis par la
Rhythmopée , le plus propre au caraclere dont il s'aguToit ,
à connoître & poiféder à fond toutes les fortes de Rhy-
thmes , a difeerner & employer les plus convenables en
chaque occafion , à les entrelacer de la manière à la fois
la plus expreffive & la plus agréable , & enfin à diftinguer
YArfis & la Thefis, par la marche la plus feniible & la mieux
Cadencée.
RHYTHMOPÉE , fvSfuarotÙt. f. f. Partie de la Science
Muficale qui preferivoit à l'Art Rhythmique les loix du
Rhythme & de tout ce qui lui appartient. ( Voyez Rhy-
THME. ) La Rhythmopée étoit à la Rhythmique , ce qu'étoic
la Mélopée à la Mélodie.
La Rhythmopée avoit pour objet le Mouvement ou le
Tems , dont elle marquoit la mefure , les diviiions , l'ordre
& le mélange , foit pour émouvoir les pallions , foit pour
les changer , foit pour les calmer. Elle renfermoit auffi la
feienec des Mouvemens muets , appelles Orchefis , & en gé-
nésal de tous les Mouvemeos réguliers. Mais elle fe rappor-
5?i R I G
toit principalement à la Poéfîe ; parce qu'alors la Poéfie
régloit feule les Mouvemens de la Mufique , & qu'il n'y avoit
point de Mufique purement infèrumentale , qui eût un Rhy-
thme indépendant.
On fait que la Rhythmopée fe partageoit en trois Modes
ou Tropes principaux , l'un bas & ferré , un autre élevé &
grand , & le moyen paifible & tranquille ; mais du refte les
Anciens ne nous ont laiffé que des préceptes fort généraux
fur cette partie de leur Mufique , & ce qu'ils en ont dit fe
rapporte toujours aux vers ou aux paroles deltinées pour le
Chant.
RIGAUDON , / m. Sorte de Danfe dont l'Air fe bat à
deux Tems , d'un Mouvement gai , & fe divife ordinaire-
ment en deux Reprifes phrafées de quatre en quatre Me-
fures , & commençant par la dernière Note du fécond
Tems.
On trouve Rigodon dans le Dictionnaire de l'Académie ;
mais cette orthographe n'eft pas ufirée. J'ai ouï dire à un
Maître a Danfer , que le nom de cette Danfe venoit de celui
de l'inventeur , lequel s'appelloit Rîgaud.
RIPPIENO , f. m. Mot Italien qui fe trouve aflez fré-
quemment dans les Mufiques d'Eglile , & qui équivaut au
mot Chœur ou Tous.
RITOURNELLE,//. Trait de Symphonie qui s'emploie
en manière de Prélude à la tète d'un Air , donc ordinai-
rement il annonce le Chant ; ou a la fin , pour imiter &
affuref la fin du meme Chant ; ou dans le milieu , pour
repofer la Voix , pour renforcer l'exprcfiion ou fimplement
poi:r tmbelhr la Pièce. Dans
R O L s.î
Dans les Recueils ou Partitions de vieille Mufique Ita-
lienne , les Ritournelle* font fouvent défignées par les mots
fifuona,qm Lignifient que l'inltrument qui accompagne doit
repérer ce que la voix a chante.
Ritournelle , vient de l'Italien Ritornello , & fignilie petit
retour. Aujourd'hui que la Symphonie a pris un caractère
plus brillant , & prefque indépendant de la vocale , on ne
s'en tient plus gueres à de iimples repétitions; aufli le mot
Ritournelle a-t-il vieilli.
ROLLE , f. m. Le papier féparé qui contient la Mufique
que doit exécuter un Concertant , & qui s'appelle Partie
dans un Concert , s'appelle Rolle à l'Opéra. Ainfi l'on doit
diitribuer une Partie à chaque Muficien , & un Rolle à
chaque Acteur.
ROÎUANCE , f. f. Air fur lequel on chante un petit
Pocme du même nom , divifé par couplets , duquel le fujet
eit pour l'ordinaire quelque hiitoire amoureufe & feuvent
tragique. Comme la Romance doit être écrite d'un flyle
{impie , touchant , & d'un goût un peu antique , l'Air doit
répondre au caraclere des paroles ; point d'ornemens , rien
de maniéré , une mélodie douce , naturelle , champêtre , &
qui produife fon effet par elle - même , indépendamment de
la manière de la Chanter. 11 n'eft pas né ce (Taire que le Chant
foit piquant, il fufht qu'il foit naïf, qu'il n'offufque peint
la parole , qu'il la fafTe bien entendre , & qu'il n'exige pas
une grande étendue, de voix. Une Romance bien faite ,
n'ayant rien de faillant , n'affecte pas d'abord ; mais cha-
que couplet ajoute quelque chofe à l'effet des prétédens ,
Dici. de Mujique. Ffff
594 * O M'
l'intcrèc augmente infenfiblement , & quelquefois on Te trouve
attendri jufqu'aux larmes, fans pouvoir dire où efl: le charme
qui a produit cet effet. C'eft une expérience certaine que
tout accompagnement d'inftrument affaiblit cette impref-
fion. Il ne faut , pour le Chant de la Romance , qu'une
Voix jufie , nette , qui prononce bien , & qui chante Am-
plement. .
ROMANESQUE, Jl f. Air à danfer. f Voyez,-.
Gaillarde. )
RONDE , adj. pris fubfl. Note blanche & ronde , fans
queue , laquelle vaut uac •Vkfure entière à quatre Tems ,v
c'eft-à-dire , deux I lai ches ou quatre Noires. La Ronde eft
de toutes les Notes reitées en auge celle qui a le plus de-
valeur. Autrefois , au contraire , elle étoit celle qui en avoic
le moins, & elle s'appelloit femi .- Brève. . ( Voyez Semi--
Breve & Valeur des Notes. )
RONDE DE TABLE. Sorte de Chanfon à boire , &
pour l'ordinaire mêlée de galanterie , compofée de divers
complets qu'on chante à table chacun à fon tour , & fur
le (quels tous les Convives font Chorus en reprenant le
Refrain.
RONDEAU, f. m. Sorte d'Air a deux ou pluficurs Rc-
prifes, & dont la forme elt telle qu'après avoir fini la fé-
conde Reprife on reprend la première, & ainii de fuite ,.
revenant toujours ôc fini/Tant par cette même première Re-
prife par laquelle on a commencé. Pour cela , on doit tellc-
ic conduire la Modulation , que la fin de la première
Rcprifc convienne au commencement de toutes les autres;,
R O N 595
•2c que la fin de toutes les autres convienne au commence-
ment de la première.
Les grands Airs Italiens & toutes nos Ariettes font en
'.Rondeau , de même que la plus grande partie des Pièces de
Clavecin Françoifes.
Les routines font des magafins de contre-fens pour ceux
qui les fuivent fans réflexion. Telle elt pour les Muficiens
celle des Rondeaux. Il faut bien du difeernement pour faire
un choix de paroles qui leur foient propres. Il elt ridicule
de mettre en Rondeau une penfée complète, divifée en deux
membres, en reprenant la première incife & finiifant par-là.
Il elt ridicule de mettre en Rondeau une comparaison dont
l'application ne fe fait que dans le fécond membre , en re-
prenant le premier & finifiant par-là. Enfin il elt ridicule de
mettre en R videau une penfée générale limitée par une
exception relative à l'état de celui qui parle ; en forte qu'ou-
bliant derechef l'exception qui fe rapporte à lui , il finitfe en
.reprenant la penfee générale.
Mais toutes les ibis qu'un fentiment exprimé dans le pre-
mier membre, amené une réflexion qui le renforce & l'ap-
puie dans le fécond ; toutes les fois qu'une defeription de
l'état de celui qui parle , emplilTant le «premier membre ,
éclaircit une comparaifon dans le fécond ; toutes les fois
•qu'une affirmation dans le premier membre contient fa preuve
& fa conlirnution dans le fécond ; toutes les fois , enfin «
que le premier membre contient la proportion de faire une
chofe , & le fécond la raifon de la propofition , dans ces
divers cas & dans les femblables le Rondeau elt toujours
bien placé. F f f f i
596 R O U
ROULADE , / f. PalTage dans le Chant de plufieurs
Nores fur une même fyllabe.
La Roulade n'eit qu'une imitation de la Mélodie instru-
mentale dans les occafions où, foit pour les grâces du Chant,
foit pour la vérité de l'image, foit pour la force de l'ex-
preffion, il eft à propos de fufpendre le difcours & de pro-
longer la Mélodie : mais il faut, de plus, que la fyllabe
foit longue , que la voix en foit éclatante & propre a biffer
au gofîer la facilité d'entonner nettement & légèrement les
Notes de la Roulade fans fatiguer l'organe du Chanteur ,
ni, par conféquent, l'oreille des écoutans.
Les voyelles les plus favorables pour faire fortir la voix,
font les a; enfuite les o, les è ouverts : l'i & Vu font peu
fonores; encore moins les diphthongues. Quant aux voyelles
nazales , on n'y doit jamais faire de Roulades. La Langue
Italienne pleine d'o & d'à eft beaucoup plus propre pour les
inflexions de voix que n'eft la Françoife ; aufïi les Muficiens
Italiens ne les épargnent-ils pas. Au contraire , les François,
obligés de compofer prefque toute leur Mufique fyllabique ,
à caufe des voyelles peu favorables font contraints de don-
ner aux Notes une marche lente & pofée , ou de faire heur-
ter les confondes en faifant courir les fyllabes ; ce qui rend
néce flaire ment le Chant languilTanr ou dur. Je ne vois pas
comment la Mufique Françoife pourroit jamais furmonter
cet inconvénient.
C'efl un préjugé populaire de penfer qu'une Roulade foit
toujours hors de place dans un Chant trifte & pathétique.
Au Contraire, quand le cœur eft le plus vivement ému, la
R O U 597
voix trouve plus aifément des Accens , que l'efprit ne peut trou-
ver des paroles, 6c de-là vient l'ufage des Interjections dans
toutes les Langues. ( Voyez Neume. ) Ce n'ef r, pas une moin-
dre erreur de croire qu'une Roulade e(t toujours bien placée
fur une fyllabe ou dans un mot qui la comporte , fans con-
fîdérer fi la fituation du Chanteur , fi le fentiment qu'il doit
éprouver la comporte aufiï.
La Roulade eft une invention de la Mufique moderne.
Il ne paroît pas que les Anciens en aient fait aucun ufage,
ni jamais battu plus de deux Notes fur la même fyllabe.
Cette différence eft un effet de celle des deux Mufiques ,
dont l'une étoit affervie à la Langue , & dont l'autre lui
donne la loi.
ROULEMENT , f. m. ( Voyez Roulade. )
59& S A K
i - tx i i ; i
S.
S
Cette lettre écrite feule dans la Partie récitante d'un
Concerto fignifie Solo ; & alors elle eft alternative avec le
T, qui fignifie Tutti.
SARABANDE , f. f. Air d'une Danfe grave , portant le
même nom , laquelle paroît nous être venue d'Efpagne , &
fe danfoit autrefois avec des Caftagnettes. Cette Danfe n'efi
plus en ufage , fi ce n'eft dans quelques vieux Opéra Fran-
çois. L'Air de la Sarabande eft à trois Tems lents.
SAUT,/! m. Tout partage d'un Son à un autre par Degrés
disjoints elt un Saut. Il y a Saut régulier qui fe fait toujours
fur un Intervalle confonnant, & Saut irrégulier , qui fe fait
fur un Intervalle diiîbnant. Cette diftinction vient de ce que
toutes les DilTonances., excepté la Seconde qui n'eft pas Ufl
Saut, font plus difficiles à entonner que les Confonnances.
Obfcrvation nécertaire dans la Mélodie pour compoftr des
Chants faciles & agréables.
SAUTER , v. n. On fait Sauter le Ton , lorfquc don-
nant trop de vent dans une Flûte, ou dans un tuyau d'un
Infiniment à vent, on force l'air à fe divifer & à faire rc-
fonner, au lieu du Ton plein de la Flûte ou du tuyau ,
quelqu'un feulement de fes Harmoniques. Quant le Saut
•tlt d'une 0;tave entière, cela s'appelle OëLavier* ( Voyez
DQctàvibb.. ) Il elt clair que pour varier les Sons de la
Uronipettc & du Cor de charte, il faut nctellairement Sou-,
S A U -59$
ter , & ce n'eft encore qu'en Sautant qu'on fait des Octaves
fur la Flûte.
SAUVER , v. a. Sauver une Diffbnance , c'efi: la ré-
foudre , félon les règles , fur une Confonnance de l'Accord
fuivant. Il y a fur cela une marche prefcrite , & à la B.ïiïe-
fbndamentale de l'Accord diiïbnant , & à la Partie qui forme
la Dilfonance.
Il n'y a aucune manière de Sauver qui ne dérive d'un
Acte de Cadence : c'eft donc par l'efpece de la Cadence
qu'on veut taire, qu'eft détermine le Mouvement de la
BalTe-fondamentale. ( Voyez Cadence. ) A l'égard de la
Partie qui forme la Dilfonance ,- elle ne doit, ni refter
en place,, ni marcher par Degrés disjoints, mais elle doit
monter ou defeendre diatoniquement félon la nature de la
Dilïbnance. Les Maîtres difent que les Dilfonances majeures
doivent monter , & les mineures defeendre ; ce qui n'eft pas
fans exception, puifque dans certaines cordes d'Harmonie ?-
une Septième, bien que majeure, ne doit pas monter 3-
mais defeendre , fi ce n'eft dans l'Accord appelle , fort in-
correctement, Accord de Septième fuperflue. Il vaut donc
mieux dire que la Septième, & toute Dilfonance qui en
dérive , doit defeendre ; & que la Sixte ajoutée , & toute
Dilfonance qui en dérive, doit monter. C'e/t-là une règle
vraiment générale & fans aucune exception. Il en cft de
même de la loi de Sauver la Dilfonance. Il y a des Dif-
fonances qu'on ne peut préparer ; mais il n'y en a aucune
qu'on ne doive Sauver.
A. l'égard de. la Note fenfiblc appellée improprement Dit-
ûoo S C E
fonance majeure , fi elle doit monter , c'efr. moins par la
règle de Sauver la DilTonance , que par celle de la marche
Diatonique , & de préférer le plus court chemin ; & en effet
il y a des cas , comme celui de la Cadence interrompue ,
où cette Note fenfible ne monte point.
Dans les Accords par fuppofition , un même Accord
fournit fouvent deux Diifonances , comme la Septième &
la Neuvième , la Neuvième & la Quarte , &c. Alors ces
Diifonances ont dû fe préparer & doivent fe Sauver toutes
deux : c'eit qu'il faut avoir égard à tout ce qui diffbne ,
non-feulement fur la Baffe-fondamentale, mais aufîi fur la
Baffe -continue.
SCENE , f. f. On diftingue en Mufique lyrique la Scène
du Monologue , en ce qu'il n'y a qu'un feul ASeur dans le
Monologue , & qu'il y a dans la Scène au moins deux Inter-
locuteurs. Par conféquent dans le Monologue le caractère
du Chant doit être un , du moins quant à la perfonne ;
mais dans les Scènes le Chant doit avoir autant dj caractè-
res différens qu'il y a d'Interlocuteurs. En effet , comme en
parlant chacun garde toujours la même voix , le même ac-
cent, le même timbre, & communément le même ftyle,
dans toutes les choies qu'il dit ; chaque Acleur , dans les
diverfes parlions qu'il exprime , doit toujours garder un ca-
ractère qui lui foit propre 6c qui le diflinguc d'un autre
Acteur. La douleur d'un vieillard n'a pas le même ton que
celle d'un jeune homme , la colère d'une femme a d'autres
Acccns que celle d'un guerrier ; un barbare ne dira point
je vous aime comme un galant de profedion. Il faut donc
rendre
S C H 1,1
tendre dons" les Scènes, non-feulement le cararlere de !a
pafhon qu'on veut peindre , mais celui de la perfonn'.- qu'on
f.iit parler. Ce caractère s'indique en partie par la f irte ce
voix qu'on approprie à chaque rollt; car le tour de Chant
d'une Haute - Contre elt différent de celui d'uue Baffe -
Taille ; on met plus de gravité dans les Chants des Bas-
Deffus , & plus de légèreté dans ceux des Voix plus ai-
guCs. Mais outre ces différences, l'habile Compoficeur en
trouve d'individuelles qui caraclérifent fes perfbnnagts ; efl
forte qu'on connoîtra bientôt à l'Accent particulier du Ré-
citatif & du Chant, 11 c'eft Mandane ou Emire , fi c'eft
Olinte ou Alcefte qu'on entend. Je conviens qu'il n'y a que
les hommes de génie qui fentent & marquent ces différen-
ces ; mais >e dis cependant que ce n'efi qu'en les obfi r-
vant , ck d'autres femblables , qu'on parvient à produire
l'jllufion.
SCHÎSMA , f. m. Petit intervalle qui vaut la moitié du
Comma, & dont, par conféquent, la raifon eft fourde,puif-
que, pour l'exprimer en nombres, il faudroit trouver une
r.ioj'enne proportionnelle entre 80 «Se 81.
SCHOENION. Sorte de Nome pour les Flûtes dans l'an-
cienne Mufique des Grecs.
SCHOLIE ou SCOL1E, f. f. Sorte de Chanfons chez
les anciens Grecs , dont les caractères étaient extrêmement
diverfirics félon les fujets & les perfonnes. f Yoy. Ciianm:::.)
SECONDE, adj. pris Jhbftantiv. Intervalle d'un Degré
conjoint. Ainfi les marches diatoniques fe font tomes fur les
Intervalles de Seconde.
Dicl. de Mujique, Gggfc
6oi SEC
Il y a quatre fortes de Secondes. La première , appeîlée
Seconde diminuée , fe fait fur un Ton majeur , dont la Note
inférieure eft rapprochée par un Dièfe, & la fupérieure par
un Bémol. Tel eft, par exemple, l'Intervalle du re Bémol
à Yut Dièfe. Le rapport de cette Seconde eft de 375 à 384.
Mais elle n'eft d'aucun ufage, fi ce n'eft dans le Genre En-
harmonique ; encore l'Intervalle s'y trouve-t-il nul en vertu
du Tempérament. A l'égard de l'Intervalle d'une Note à fon
Dièfe , que Broifard appelle Seconde diminuée , ce n'eft pas
une Seconde , c'eft un UnifTon altéré.
La deuxième, qu'on appelle Seconde mineure , eft confti-
tuée par le femi-Ton majeur , comme duji à Yut ou du mi
au fa. Son rapport eft de 15 à 16.
La troificme eft la Seconde majeure , laquelle forme l'In-
tervalle d'un Ton. Comme ce Ton peut être majeur ou me-
neur, le rapport de cette féconde eft de 8 à 9 dans le pre-
mier cas, & de 9 à 10 dans le fécond : mais cette diffé-
rence s'évanouit dans notre Mufique.
Enfin la quatrième eft la Seconde fuperflue , compofée
d'un Ton majeur & d'un femi-Ton mineur, comme du fa
au fol Dièfe : fon rapport eft de 64 à 75.
Il y a dans l'Harmonie deux Accords qui portent le nom
de Seconde, Le premier s'appelle Amplement Accord de
Seconde : c'eft un Accord de Septième rcnvcrft'e , dont la
DifTbnance eft ;\ la Bdfe; d'où il s'enfuit bien clairement
•qu'il fuit q e h P.iffe fyncope pour la préparer. ( Voy. Pki-
^kiii.) Qtîflhâ r Accord de Septième eft dominant; c'eft-
à-dire, quand la Tierce efl majeure, l'Accord de Seconde
S h M foj
s'appelle Accord de Triton, & la fyncope n'efl pas nccef-
ftire, parce que la Préparation ne l'eft pas.
L'autre s'appelle Accord de Secande-fuperjiue ; c'eft un
Accord renverfc de celui de Septième diminuée , dont la Sep-
tième elle-même eft portée à la Baffe. Cet Accord c'.i éga-
lement bon avec ou fans fyncope. (Voyez Syncope.)
SI'.MI. Mot emprunté du Latin & qui lignifie Demi. On
s'en fert en Mufique au lieu du Hé/ni des Grecs, pour corn-
pofer très-barbarement plufieurs mots techniques, moitié
Grecs & moitié Latins.
Ce mot , au-devant du nom Grec de quelque Intervalle
que ce foit, figniiie toujours une diminution, non pas de la
moitié de cet Intervalle, mais feulement d'un Semi-Ton mi-
neur. Ain(i Semi-Diton eft la Tierce mineure, Semi-Dia-
pente eft la FaufTe-Quinte , Semi-Diatejfaron la Quarte di-
minuée , &c.
SEMI-BREVE,//. C'eft, dans nos arciennes Mufiques,
une valeur de Note ou une Mefure de Tems qui comprend
l'efpace de deux Minimes ou Blanches; c'eft-à-dire , la moitié
d'une Brève. La Semi-Brève s'appelle maintenant Ronde ,
parce qu'elle a cette figure : mais autrefois elle étoit en lofange.
Anciennement la Semi-Brève fe divifoit en majeure & mi-
neure. La majeure vaut deux tiers de la Brève parfaite , & la
mineure vaut l'autre tiers de la même Brève : ainfi la Semi-
Brève majeure en contient deux mineures.
La Semi-Brève, avant qu'on eût inventé la Minime, étant
la Note de moindre valeur, ne fe fubdivifoit plus. Cette in-
divifibilité , difoit-on, eit, en quelque manière , indiquée par
Gggg *
'6o4- S E M
fa figure en lofange terminée en haut, en bas & des deu3
côtés par des Points. Or, Mûris prouve, par l'autorité d'Arif-
tote & d'Euclide ,. que le point eft indivifîble ; d'où il con-
clut que la Semi-Brève enfermée entre quatre Points eft in-
divifible comme eux.
SEMI-TON,/ m. C'eft le moindre de tous les Intervalles
admis dans la Mulique moderne ; il vaut à-peu-près la moitié
d'un Ton*
Il y a plufieurs efpeces de Semi-Tons. On en peut diftir.~
guer deux dans la pratique. Le Semi-Ton majeur & le Semi-
Ton mineur. Trois autres font connus dans les calculs har-
moniques; favoir, le Semi-Ton maxime, le minime &. le
moyen..
Le Semi-Ton majeur eft la différence de la Tierce ma-
jeure à la Quarte, comme mi fa. Son rapport eft de 15 \
j6,& il forme le plus petit de tous les Intervalles diatoniques.
Le Semi-Ton mineur eft' la différence de la Tierce ma-
jeure à la Tierce mineure : il fe marque fur le même Degré
par un Dièfe ou par un BémoL II ne forme qu'un Intervalle
chromatique, & fon rapport eft de 14 à 15..
Quoiqu'on mette de la différence entre ces deux Semi-
Tons par la manière de les noter, il n'y en a pourtant aucune
fur l'Orgue & le Clavecin, & le même Semi-Ton eft tantôt
majeur & tantôt mineur, tantôt diatonique & tantôt chroma-
tique, félon le Mode où l'on eft. Cependant on appelle, dairs
la pratique, Semi-Tons mineurs, ceux qui fe marquant par
Bémol ou par Dièfe, ne changent point le Degré*; & &
Tons majeurs, ceux qui forment un Intervalle de Seconde*
6' E M r,c]
Quant aux trois autres Semi-Tons admis feulement dans
la théorie , le Semi-Ton maxime eft la différence du Ton ma-
jeur au Semi-Ton mineur, & fon rapport eft de 15 à 27. Lq
Semi-Ton moyen eft la différence du Semi-Ton majeur ad
Ton majeur, & fon rapport eft de 118 à 1^5. Enf.n le Semi-
Ton minime eft la différence du Semi-Ton maxime au Semi-
Ton moyen, & fon rapport eft de 125 à 12?.
De tous ces Intervalles il n'y a que le Semi-Ton ma jeu»
qui , en qualité de Seconde , foit quelquefois admis dans
PHarmonie.
SEMI-TONIQUE, adj. Echelle Semi-Tonique ou Chra-
viatique. (Voyez Echelle.)
SENSIBILITE, f.f. Difpofition de l'ame qui infpire au
Ccmpofiteur les idées vives dont il a befoin , à l'Exécutant la
vive exprefïïon de ces mêmes idées , & a l'Auditeur la viv<j
imprefîion des beautés & des défauts de la Mufique qu'on lui
fait entendre. (Voyez Goût. )
SENSIBLE, adj. Accord Senfible eft celui qu'on appelle
autrement Accord dominant. (Voyez Accord.) Il fe pratique
uniquement fur la Dominante du Ton ; de-là lui vient la
nom cY Accord dominant, & il porte toujours la Note Senfibli
pour Tierce de cette Dominante; d'où lui vient le nom
& Accord Senfible. (Voyez Accord.) A l'égard de la Note
Senfible , (voyez Note.)
SEPTIEME, adj. pris fui fi. Intervalle diflbnant renverfé
de la Seconde, 6c appelle, par les Grecs, Heptqckordon^
parce qu'il eft formé de fept Sons ou de iîx Degrés diato-
niques. Il y en a de quatre foi tes,
tfç>6 SEP
La première eft la Septième mineure , compofée de quatre
Tons, trois majeurs & un mineur, & de deux femi-Tons
majeurs, comme de mi a re\ ôc chromatiquement de dix
femi-Tons , dont fix majeurs ôc quatre mineurs. Son rapport
eft de 5 à 9.
La deuxième eft la Septième majeure , compofée diatoni-
quement de cinq Tons, trois majeurs & deux mineurs, ôc
d'un femi-Ton majeur; de forte qu'il ne faut plus qu'un femi-
Ton majeur pour faire une 0<5tave , comme d'ut à fi\ ôc
chromatiquement d'onze femi-Tons , dont fix majeurs & cinq
mineurs. Son rapport eft de 8 à 15.
La troifîeme , eft la Septième diminuée : elle eft compofée
de trois Tons, deux mineurs & un majeur, ôc de trois femi-
Tons majeurs , comme de Yut Dièfe au fi Bémol. Son rap-
port eft de 75 à 118.
La quatrième eft la Septième fuperfiue. Elle eft compofée
de cinq Tons , trois mineurs & deux majeurs , un femi-Ton
majeur & un femi-Ton mineur, comme du fi Bémol au la
Dièfe; de forte qu'il ne lui manque qu'un Comma pour faire
une Octave. Son rapport eft de 81 à 160. Mais cette dernière
efpece n'eft point ufitée en Mufique , fi ce n'eft dans quel-
ques tranfitions enharmoniques.
Il y a trois Accords de Septième.
Le premier eft fondamental , & porte fimplement le nom
de Septième : mais quand la Tierce eft majeure ôc la Septième
mineure , il s'appelle Accord Scniîble ou Dominant. Il fê
compofe de la Tierce , de la Quinte ôc de la Septième.
Le fécond cit encore fondamental , «5c s'appelle Accord de
S E R 6oT
Septième diminuée. Il eft compofé de la Tierce mineure , de
la fautll-Quinte & de la Septième diminuée dont il prend le
nom ; c'ef t-a-dire , de trois Tierces mineures confécurives ,
& c'eit le feul Accord qui foit ainfi forme d'Intervalles égaux ;
il ne fe fait que fur la Note fenfible. (Voy. Enharmonique.)
Le troifieme s'appelle Accord de Septième fuperfiue. C'effc
un Accord par fuppoficion formé par l'Accord dominant,
au-deflbus duquel la Baffe fait entendre la Tonique.
Il y a encore un Accord de Septieme-&-Si\te , qui n'eft
qu'un renverfement de l'Accord de Neuvième. 11 ne fe pra-
tique guercs que dans les Points d'Orgue à caufe de fa dureté.
(Voyez Accord.)
SERENADE , f. f. Concert qui fe donne la nuit fous les
fenêtres de quelqu'un. Il n'eit ordinairement compofé que de
Mufique Initrumentale; quelquefois cependant on y ajoute
des voix. On appelle aufli Sérénades les Pièces que l'on com-
pofé ou que l'on exécute .dans ces occafions. La mode des
Sérénades elt paflee depuis long-tems , ou ne dure plus que
parmi le Peuple , & c'eiè grand dommage. Le filence de
la nuit , qui bannit toute diftradion , fait mieux valoir la
Mufique & la rend plus delicieufe.
Ce mot, Italien d'origine, vient fans doute de Sereno , on
du Latin Sérum , le foir. Quand le Concert fe fait fur le
matin, ou à l'aube du jour, il s'appelle Aubade.
SERRE, ad). Les Intervalles Serrés dans les Genres c'p >is
4e la Mufique Grecque font le premier & Je fécond de cha-
que Tctracorde. ( N'oyez Epais.,)
SESOL1!. Particule fouvenc employée par nos anciens Mot-
ôot S E X
ficiens dans la compcfition des mots fervans à exprimer diffé-
rentes fortes de Mefures.
Ils appelloient donc Sefqui-alteres les Mefures dont la prin-
cipale Note valoit une moitié en Mis de plus que fa valeur
ordinaire ; c'eft-à-dire , trois des Notes dont elle n'auroit
autrement valu que deux ; ce qui avoit lieu dans toutes les
Mefures triples , foit dans les majeures , où la Brève même
fans Points valoit trois femi-Breves; foit dans les mineures,
où la femi-Breve valoit trois Minimes, &c.
Ils appelloient encore Sefqui-OClave le Triple, marqué
par ce figne C f.
Double Sefqui-Ouarte , le Triple marqué C |, & ainfi des
autres. Scfqui-Diton ou Hémi-Diton , dans la Mufique Grec-
que , eft l'Intervalle d'une Tierce majeure diminuée d'un femi-
Ton; c'eit-à-dire , une Tierce mineure.
SEXTUPLE , ad). Nom donné affez improprement aux
Mefures à deux Tems, compofées de fix Notes égales , trois
pour chaque Tems. Ces fortes de Mefures ont été appellées
encore plus mal-a-propos par quelques-uns, Mefures à Jix
Tems.
Oii peut compter cinq efpeces de ces Mefures Sextuple < ;
c'eit-à-dire, autant qu'il y a de différentes valeurs de Notes,
depuis celle qui efl compofée de fix Rondes ou femi-Breves,
appellée en France Triple de Jix pour un , & qui s'exprime
parce chiffre ', jufqu'à celle appellée Triple de fix pour J'ei\e %
compofée de fix doubles-Croclivs feulement, & qui le n
que ainfi : {?.
La plupart de ces diflinctions font abolies, ce en effet efl I
fonc
S I 6o(j
font aflbz inutiles, puifque toutes ces dii7érentcs figures de
Notes font moins des Mefures différentes que des modifi-
cations de Mouvement dans la même cfpece de Mcfure; ce
qui fe marque encore mieux avec un feul mot écrit à la tête
de l'Air, qu'avec tous ce fatras de chiffres & de Notes qui
ne fervent qu'a embrouiller un Art déjà afiez difficile en lui-
même. (Voyez Double, Triple, Tems, Mesure, Valeur.
des Notes.)
SI. Une des fept fyllabes dont on fe fert en France pour
folfier les Notes. Guy Arétin, en compofant fj Gamme, n'in-
venta que fix de ces fyllabes, parce qu'il ne fit que changer
en Hexacordes les Tétracordcs des Grecs , quoiqu'au fond fa
Gamme fût, ainfi que la nôtre, compofée de fept Notes. Il
arriva de-là que , pour nommer la feptieme , il faloit à chaque
infiant changer les noms des autres & les nommer de diver-
fes manières : embarras que nous n'avons plus depuis l'inven-
tion du 6i, fur la Gamme duquel un Muficien nommé de
Nivcrs fit, au commencement du fiecle, un ouvrage exprès.
Brcfiard , & ceux qui l'ont fuivi, attribuent l'invention du
Si à un autre Muficien nommé Le Main , entre le milieu
& la fin du dernier fiecle ; d'autres en font honneur à un
certain V"an-der-Puttcn\ d'autres remontent jufqu'à Jean de
Mûris, vers l'an 1330; 6c le Cardinal lîona dit que des l'on-
zième fiecle, qui étoit celui de l'Arétin, Ericius Dupuis ajouta
une Note aux fix de Guy , pour éviter les difficultés des Muan-
ces 6c faciliter l'étude du Chant.
Mais, fans s'arrêter à l'invention d'Ericius Dupuis , morte
fans doute avec lui, ou fur laquelle Bona , plus récent de
Dicl. de Mu tj/, jue. H h h h
£io S I
cinq fïecles, a pu fe tromper; il eft même aifé de prouver
que l'invention du Si eft de beaucoup poftérieure à Jean de
Mûris , dans les écrits duquel on ne voit rien de femblable,
A l'égard de Van-der-Putten , je n'en puis rien dire, parce que
je ne le corrnois point. Refte Le Maire , en faveur duquel les
voix femblent fe réunir. Si l'invention confifte à avoir intro-
duit dans la pratique l'ufage de cette fyllabe Si, je ne vois
pas beaucoup de raifons pour lui en difputer l'honneur. Mar3
fi le véritable inventeur eft celui qui a vu le premier la nécef-
fité d'une feptieme fyllabe, & qui en a ajouté une en con-
séquence, il ne faut pas avoir fait beaucoup de recherches
pour voir que Le Maire ne mérite nullement ce titre : car
on trouve en plufieurs endroits des écrits du P. Merfenne la
nécefïité de cette feptieme fyllabe, pour éviter les Muanccs;
& il témoigne que plufieurs avoient inventé ou mis en pra-
tique cette feptieme fyllabe à-peu-prcs dans le même tems"
& entr'autres Gilles Grand-Jean , Maître Ecrivain de Sens ;
mais que les uns nommoient cette fyllabe Ci , d'autres Dir
d'autres Ni , d'autres Si , d'autres Za , cxc. Même avant le-
P. Merfenne , on trouve , dans un ouvrage de Banchiéri r
Moine Olivétan, imprimé en i6i4,& intitulé, Carte/la
Mufica , l'addition de la même feptieme fyllabe \ il l'appelle
Bi par Béquarre , Ba par Bémol , & il alfurc que cette addi-
tion a été fort approuvée à Home. De forte que toute la pré-
tendue invention de Le Maire confifte, tout au plus, a avoir
écrit ou prononcé Si , au lieu d'écrire ou prononcer Bi ou
Bci , Ni ou Di\ & voila avec quoi un homme elt immor-
taiifé. Du refte, l'ufage du Si n'elt connu qu'en France, vie
S I (
J 1
malgré ce qu'en dit le Moine Banchiéri , il ne s'clt pas même
confervé en Italie.
SICILIENNE,/ f. Sorte d'Air à danfer , dans la Mefure
ù fix-quatre ou fix-huit, d'un Mouvement beaucoup plus lent,
mais encore plus marqué que celui de la Gigue.
SIGNES,/ m. Ce font, en général, tous ks divers carac-
tères dont on fe fert pour noter la Mufique. Mais ce mot
s'entend plus particulièrement des Dièfcs , Bémols, fiéquar-
res, Points, Reprifes, Paufes, Guidons & autres petits carac-
tères détachés, qui, fans être de véritables Notes, font
des modifications des Notes & de la manière de les exécuter.
SILENCES, /.' m. Signes répondans aux diverfes valeurs
des Notes, lefquels, mis à la place de ces Notes, marquent
que tout le tems de leur valeur doit être pafle en filence.
Quoiqu'il y ait dix valeurs de Notes différentes, depuis
la Maxime jufqu'à la quadruple-Croche , il n'y a cependant
que neuf caractères différens pour les Silences; car celui qui
doit correfpondre à la Maxime a toujours manqué, & pour
en exprimer la durée, on double le Bâton de quatre Mefures
équivalant à la Longue.
Ces divers Silences font donc : i. le Bâton de quatre"
Mefures, qui vaut une Longue : 2. le Bâton de deux Mefii-
res, qui vaut une Brève ou Quarrée : 3. la Paufe, qui vaut
une femi-Breve ou Ronde: 4. la demi- Paufe, qui vaut une
Minime ou Blanche : 5. le Soupir, qui vaut une Noire : 6.
le demi-Soupir , qui vaut une Croche : 7. le quart-de-Sou-
pir, qui vaut une double-Croche : 8. le demi-quart-dc-Soupir,
qui vaut une triple-Croche : 9. & enfin le (èizieme-de-Soupir,
Hhhh 1
6n SIM
qui vaut une quadruple-Croche. Voyez les figures de tous
ces Silences PL D. Fig. 9.
Il faut remarquer que le Point n'a pas lieu parmi les
Silences comme parmi les Notes; car bien qu'une Noire &
un Soupir foient d'égale valeur , il n'elt pas d'ufage de pointer
le Soupir pour exprimer la valeur d'une Noire pointée : mais
on doit, après le Soupir, écrire encore un demi-Soupir. Ce-
pendant, comme quelques-uns pointent auffi les Silences, il
faut que l'Exécutant foit prêt a tout.
SIMPLE , f. f. Dans les Doubles & dans les Varia-
tions , le premier Couplet ou l'Air original , tel qu'il eft
d'abord noté , s'appelle le Simple. (Voyez Double, Varia-
tions. )
SIXTE , / f. La féconde des deux Confonnances impar-
faites , appellée , par les Grecs , Hexacorde , parce que fon
Intervalle eft formé de fix Sons ou de cinq Degrés Diato-
niques. La Sixte eft bien une Confonnance naturelle , mais
feulement par combinaifon; car il n'y a point dans l'ordre
des Confonnances de Sixte fimple & directe.
A ne confidérer les Sixtes que par leurs Intervalles , on
en trouve de quatre fortes ; deux conformantes & deux dif-
fonantes.
Les Confonnantes font : i°. la Sixte mineure , compofee
de trois Tons & deux femi-Tons majeurs , comme mi ut :
fon rapport eft de 5 a 8. z". la Sixte nui/cure , compofee
de quatre Tons & un femi-Too majeur, comme fol nu :
fon rapport eft de ; à s-
Les Sixtes diflbiunccs font : i°. la Sixte diminuée , corn-
SIX 6ii
pofée de deux Tons & trois femi-Tons majeurs ; comme ut
Dièfe,/d Bémol, & dont le rapport eft de 125 à 191. i°. la
Sixte fuperflue , compofée de quatre Tons , un femi-Ton
majeur 6c un femi - Ton mineur , comme fi Bémol & fol
Dièfe. Le rapport de cette Sixte eft de 71 à 115.
Ces deux derniers Intervalles ne s'emploient jamais dans
la Mélodie , & la Sixte diminuée ne s'emploie point non plus
dans l'Harmonie.
Il y a fept Accords qui portent le nom de Sixte. Le pre-
mier s'appelle fimplement Accord de Sixte. C'eft l'Accord
parfait dont la Tierce eft portée à la Baffe. Sa place elt fur
la Médiante du Ton , ou fur la Note fenfible , ou fur la
fixieme Note.
Le fécond s'appelle Accord de Sixte-Ouarte. C'eft encore
l'Accord parfait dont la Quinte eft portée à la Baffe : il ne
fe fait gueres que fur la Dominante ou fur la Tonique.
Le troilieme eft appelle Accord de petite-Sixte. C'eft un
Accord de Septième , dont la Quinte elt portée à la Balle.
La petite-Sixte fe met ordinairement fur la féconde Note
du Ton , ou fur la fixieme.
Le quatrième eft l'Accord de Sixte-&-Ouinte ou grande-
Sixte. C'eit encore un Accord de Septième , mais dont la
Tierce eft portée à la Baffe. Si l'Accord fondamental eft do-
minant , alors l'Accord de grande-Sixte perd ce nom & s'ap-
pelle Accord de Faujfe-Ouinte. (Voyez Fausse - Qui mk )
La grande-Sixte ne fe met communément que fur la qua-
trième Note du Ton.
Le cinquième eft l'Accord de Sixtc-ajoutée : Accord fou-
614 SIX
damental , compofé , ainfi que celui de grande - Sixte l de
Tierce , de Quinte , Sixte majeure , & qui fe place de même
fur la Tonique ou fur la quatrième Note. On ne peut donc
diftinguer ces deux Accords que par la manière de les fau-
ver ; car fi la Quinte defcend & que la Sixte refte , c'eft
l'Accord de grande-Sixte , & la Baffe fait une cadence par-
faite ; mais fi la Quinte refte & que la Sixte monte , c'eft
l'Accord de Sixte-ajoutêe , & la Baffe-fondamentale fait une
cadence irréguliere. Or, comme, après avoir frappé cet Ac-
cord , on eft maître de le fauver de l'une de ces deux maniè-
res , cela tient l'Auditeur en fufpens fur le vrai fondement
de l'Accord , jufqu'à ce que la fuite l'ait détermine ; & c'eft
cette liberté de choifir que M. Rameau appelle Douple-empln.
f Voyez Double-Emploi.)
Le fixieme Accord eft celui de Sixte-majeure &c Fauflè-
Quinte , lequel n'eft autre chofe qu'un Accord de petite-
Sixte en Mode mineur , dans lequel la FauJJ'e - Ouinte eft
fubfliruée à la Quarte : c'eft , pour m'exprimer autrement ,
un Accord de Septième diminuée , dans lequel la Tierce
eft portée à la Baffe. Il ne fe place que fur la féconde Note
du Ton.
Enfin , le fepticme Accord de Sixte eft celui de Sixte
fuperflue. C'eft une efpece de petite-Sixte qui ne fe pratique
jamais que fur la fixieme Note d'un Ton mineur defeendunt
fur la Dominante ; comme alors la Sixte de cette (ixieme
Note eft naturellement majeure, on la rend quelquefois fu-
perflue en y ajoutant encore un Dièfe. Alors cette
fuperflue devient un Accord original, lequel ne fe renveife
point. (Voyez Aicord. )
SOL 615
SOL. La cinquième des fix fyllabes inventées par l'Arc tin,
pour prononcer les Notes de la Gamme. Le Sol naturel
répond à la lettre G. (Voyez Gamme.)
SOLFIER , v. n. C'eft , en entonnant des Sons , pro-
noncer en même rems les fyllabes de la Gamme qui leur
correfpondenr. Cet exercice cft celui par lequel on fait tou-
jours commencer ceux qui apprennent la Mufique, afin que
Tidée de ces différentes fyllabes s'unilfant dans leur efprit à
celle des Intervalles qui s'y rapportent, ces fyllabes leur aident
à fe rappcller ces Intervalles.
Ariltide Quintilien nous apprend que les Grecs avoienc
pour Jblfier quatre fyllabes ou dénominations des Notes ,
qu'ils répétoient à chaque Tétracorde, comme nous en ré-
pétons fept à chaque Octave. Ces quatre fyllabes étoient les
fuivantes : Te , Ta , Thè , Tho. La première répondoit au
premier Son ou à l'Hypate du premier Tétracorde & des
fuivans ; la féconde , à la Parhypate ; la troifieme , au Li-
chanos ; la quatrième , à la Nete ; & ainfi de fuite en recom-
mençant : manière de folfier qui , nous montrant clairement
que leur modulation étoit renfermée dans l'étendue du Tétra-
corde , & que les Sons homologues , gardant & les mêmes
rapports & les mêmes noms d'un Tétracorde a l'autre, étoient
eenfés répétés de Quarte en Quarte , comme chez nous d'Oc-
tave en Octave , prouve en même tems que leur génération
harmonique n'avoit aucun rapport à la nôtre , & s'établilfoit
fur des principes tout difTérens..
Guy d'Arezzo ayant fubftitué fon Hexacorde au Tétracorde
ancien , fubftitua aulli , pour le Solfier , fix autres fyllabes
616 SOL
aux quatre que les Grecs employaient autrefois. Ces fix fyl-
labes font les fuivantes : ut te mi fa fol la , tirées, comme
chacun fait , de l'Hymne de Saint Jean-Bapti(te. Mais cha-
cun ne fût pas que l'Air de cette Hymne tel qu'on le chante
aujourd'hui dans l'Eglife Romaine, n'elt pas exactement celui
dont l'Arétin tira fes fyllabes , puifque les Sons qui les por-
tent dans cette Hymne ne font pas ceux qui les portent dans
fa Gamme. On trouve dans un ancien manufcrit confervé
dans la Bibliothèque du Chapitre de Sens , cette Hymne ,
telle, probablement, qu'on la chantoit du tems de l'Arétin j
ôc dans laquelle chacune des fix fyllabes eft exactement appli-
quée au Son correfpondant de la Gamme , comme on peut
le voir ( PL G. Fig. i. ) où }'ai tranfcrit cette Hymne en
Notes de Plain-Chant.
Il paroît que l'ufage des fix fyllabes de Guy ne s'étendit
pas bien promptement hors de l'Italie , puifque Mûris té-
moigne avoir entendu employer dans Paris les fyllabes Pro
to do no tu a , au lieu de celles - la. Mais enfin celles de
Guy l'emportèrent & furent admifes généralement en France
comme dans le refte de l'Europe. Il n'y a plus aujour-
d'hui que l'Allemagne où l'on folfie feulement par les let-
tres de la Gamme , & non par les fyllabes : en forte que
la Note qu'en folfiatU nous appelions la , ils l'appellent A;
celle que nous appelions ut , ils l'appellent G Pour les
Notes diefées ils ajoutent un t à la lettre &: prononcent
cet .9, is ; en forte , par exemple , que pour folf.cr re Dièft ,
ils prononcent Dis. Ils ont auffi ajouté la lettre H pour
6tcr l'équivoque du fi , qui n'elt 13 qu'étant Bémo! ; lorfqu'il
dt
SOL *rr
eft' Béquarre , il eft H : ils ne connoiiïent , en folfunt , de
Bémol que celui-là feul ; au lieu du Bémol de touce autre
Noce , ils prennent le Dièfe de celle qui eft au-delîbus ; ainfi
pour la Bémol ïïsfolfient G sy pour mi Bémol D s , &c. Cette
manière de Solfier eft fi dure & fi embrouillée , qu'il faut
être Allemand pour s'en fervir , & devenir toutefois grand
Muficien.
Depuis l'ctabliiTement de la Gamme de l'Arétin , on a
efiayé en différens tems de fubftituer d'autres fyllabes aux
fiennes. Comme la voix des trois premières eft aiïez fourde ,
M. Sauveur , en changeant la manière de noter , avoit auflï
changé celle de folfier , & il nommoit les huit Notes de
l'Octave par les huit fyllabes fuivantes : Pa ra ga da fo bo
lo do. Ces noms n'ont pas plus parlé que les Notes ; mais
pour la fyllabe do , elle étoit antérieure à M. Sauveur : les
Italiens l'ont toujours employée au lieu d'«f pour folfier ,
quoiqu'ils nomment ut & non pas do , dans la Gamme.
Quant à l'addition du fi, ( Voyez Si. )
A l'égard des Notes altérées par Dièfe ou par Bémol ,
elles portent le nom de la. Note au naturel , & cela caufe ,
dans la manière de folfier , bien des embarras auxquels
M. de Boifgelou s'eft propofé de remédier en ajoutant cinq
Notes pour compléter le fyftême chromatique & donnant
un nom particulier a chaque Note. Ces noms avec les
anciens font , en tout , au nombre de douze , autant qu'il y
a de Cordes dans ce fyftcme ; favoir , ut de re ma mi fa fi
fol be la fa fi. Au moyen de ces cinq Notes ajoutées , & des
noms qu'elles portent , tous les Bémols & les Dicfcs font
Dicl. de Mufioue. I i 1 i
6iS S O D
anéantis , comme on le pourra voir au mot Syftcme dans
Fexpofition de celui de M. de Boifgelou.
Il y a diverfes manières de folfkr ; favoir , par Muances ,
par tranfpofition ôc au naturel. ( Voyez Muances , Na-
turel ôc Transposition. ) La première méthode ef-t la
plus ancienne , la féconde eft la meilleure , la troifieme eft
la plus commune, en France. Plulleurs Nations ont gardé
dans les Muances l'ancienne nomenclature des fix fyllabes
de l'Arétin. D'autres en ont encore retranché , comme les
Anglois , qui folfuit fur ces quatre fyllabes feulement , mi
fa fol la. Les François , au contraire , ont ajouté une fyU
labe pour renfermer fous des noms différens tous les fept
Sons diatoniques de l'Octave.
Les inconvéniens de la Méthode de l'Arétin font confî-
dérables ; car faute d'avoir rendu complète la Gamme de
l'Octave , les fyllabes de cette Gamme ne fignifient ni des
touches fixes du Clavier, ni des Degrés du Ton, ni même
des Intervalles déterminés. Par les Muances , la fa peut for-
mer un Intervalle dé Tierce majeure en defeendant , ou de
Tierce mineure en montant, ou d'un femi-Ton encore en
montant, comme.il eft aifê de voir par la Gamme, &c.
( Voyez Gamme , Muances. ) C'elt encore pis par la mé-
thode Angloife : on trouve à chaque mitant dinvrens In-
tervalles qu'on ne peut exprimer que par les mêmes fyllabes, ,
& les mêmes noms de Notes y reviennent à toutes les
Quartes, comme parmi les Grecs; au lieu de n'y revenir
qu'à toutes les Octaves , félon le fylléme moderne.
La manière de folÇicr établie en France par l'addition du
SOL 6r>
fi , vaut apurement mieux que tout cela ; c:tr !.i Gamme fe
trouvant complète , les Muances deviennent inutiles , &
l'analogie des Octaves cft parfaitement obfervée. Mais les
Muficiens ont encore gâté cette méthode par la bizarre ima-
gination de rendre les noms des Notes toujours fixes &
déterminés fur les touches du Clavier ; en forte que ces
touches ont toutes un double nom , tandis que les Degrés
d'un Ton tranfpofé n'en ont point. Défaut qui charge inu-
tilement la mémoire de tous les Diètes ou Bémols de la
Clef, qui ôte aux noms des Notes l'exprcffion des Inter-
valles qui leur font propres , 6c qui efface enfin , autant qu'il
eft poiïible , toutes les traces de la modulation.
Ut ou « ne font point ou ne doivent point être telle ou
■ telle touche du Clavier ; mais telle ou telle Corde du Ton.
Quant aux touches fixes, c'eit par des lettres de l'Alphabet
qu'elles s'expriment. La touche que vous appeliez ut , je
l'appelle C ; celle que vous appeliez ve , je l'appelle D. Ce
ne font pas des figues que j'invente , ce font des fignes
tout établis , par lefquels je détermine très - nettement lu
Fondamentale d'un Ton. Mais ce Ton une fois déterminé,
dites- moi de grâce à votre tour, comment vous nommez
la Tonique que je nomme ut , & la féconde Note que je
nomme rc , & la Médiante que je nomme mi ? Car ces
noms relatifs au Ton & au Mode font effentiels pour la
détermination des idées 6c pour la Juliette des Intonations.
Qu'on y réHcchiire bien , 6c l'on trouvera que ce que les
Muficiens François appellent fo/fier au naturel elt tout-à-
fait hors de la nature. Cette méthode elt inconnue chez
I iii i
6io SOL
toute autre Nation , & fûrement ne fera jamais fortune dans
aucune : chacun doit fentir au contraire , que rien n'eft
plus naturel que de Solfier par tranfpoiition lorfque le Mode
eft tranfpofé.
On a , en Italie , un Recueil de leçons à Solfier , appellées
Solfeggi. Ce Recueil , compofé par le célèbre Léo , pour
l'ufage des commençans , eft très - eftimé.
SOLO , ad), pris fubflantiv. Ce mot Italien s'eft francifé
dans la Mufique , & s'applique à une Pièce ou à un mor-
ceau qui fe chante à Voix feule , ou qui fe joue fur un feul
Instrument avec un firnple Accompagnement de Bafle ou
de Clavecin ; Ôc c'eft ce qui diftingue le Solo du Récit , qui
peut être accompagné de tout l'Orcheftre. Dans les Pièces
appellées Concerto , on écrit toujours le mot Solo fur la
Partie principale , quand elle récite.
SON , f. m. Quand l'agitation communiquée à l'air par
la collifion d'un corps frappé par un autre , parvient jufqu'à
l'organe auditif, elle y produit une fenfation qu'on appelle
Bruit. ( Voyez Bruit. ) Mais il y a un Bruit réfonnvint &z
appréciable qu'on appelle Son. Les recherches fur le Son
abfolu appartiennent au Phyficien. Le Muficien n'examine
que le Son relatif; il l'examine feulement par {es modifica-
tions fenlîbles , & c'eft félon cette dernière idée , que nous
l'envifageons dans cet Article.
Il y a trois objets principaux à confidérer dans le Son ;
le Ton , la force & le timbre. Sous chacun de ces rap-
ports le Son fe conçoit comme modifiable : i°. du grave à
l'aigu : 2°. du fort au foible : j°, de l'aigre au doux , ou
du fourd à l'éclatant , & réciproquement.
SON 5zi
Je fuppofe d'abord , quelle que foir la nature du Son , que
fon véhicule n'eft autre choie que l'air même : première-
ment ) parce que l'air eft le feul corps intermédiaire de
l'exif tente duquel on foit parfaitement allure , entre le corps
fonore & l'organe auditif ; qu'il ne faut pas multiplier les
êtres fans néceffité ; que l'air fufBc pour expliquer la for-
mation du Son ; & de plus , parce que l'expérience nous ap-
prend qu'un corps fonore ne rend pas de Son dans un lieu
tout-à-fait prive d'air. Si l'on veut imaginer un autre fluide ,
on peut aifément lui appliquer tout ce que je dis de l'air
dans cet Article.
La réfonnance du Son , ou , pour mieux dire , fa perma-
nence & fon prolongement ne peut naître que de la durée
de l'agitation de l'air. Tant que cette agitation dure , l'air
ébranlé vient fans ceiïe frapper l'organe auditif & prolonge
ainfi la fenfation du Son. Mais il n'y a point de manière
plus fimple de concevoir cette durée , qu'en fuppofant dans
l'air 'des vibrations qui fe fuccedent , & qui renouvellent
ainfi à chaque inftant l'imprefllon. De plus , cette agitation
de l'air , de quelque efpece qu'elle foit , ne peut être pro-
duite que par une agitation fermSlable dans les parties du
corps fonore : or , c'elt un fait certain que les parties du
corps fonore éprouvent de telles vibrations. Si l'on touche
le corps d'un Violoncelle dans le rems qu'on en tire du Son ,
on le fent frémir fous la main & l'on voit bien fcnfiblement
durer les vibrations de la Corde jufqu'à ce que le Son s'étei-
gne. Il en eft de même d'une cloche qu'on fait fonner en
Ja frappant du batail ; on la fent, on la voit même frémir,
,6u SON
& l'on voit fautiller les grains de fable qu'on ]ette fur ta
furface. Si la Corde fe dérend , ou que la cloche fe fende ,
plus de frémifTement , plus de Son. Si donc cette cloche ni
cette Corde ne peuvent communiquer à l'air que les mouve-
mens qu'elles ont elles-mêmes , on ne fauroit douter que le
Sjn produit par les vibrations du corps fonore, ne fe pro-
page par des vibrations femblables que ce corps communi-
que à l'air.
Tout ceci fuppofé , examinons premièrement ce qui conf>
•tkue le rapport des Sons du grave à l'aigu.
I. Théon de Smyrne dit que Lafus d'Hermione, de même
que le Pythagoricien Hyppafe de Métapont , pour calculer
les rapports des Confonnances , s'étoient fcrvis de deux va-
fes femblables & réfonnan.s à l'UnifTon ; que biffant vide
l'un des deux , & remplkTanr. l'autre jufqu'au quart , la
percuffion de l'un & de l'autre avoit fait entendre la Con-
rfonnance de la Quarte ; que , remplilTant enfuitc le fécond
jufqu'au tiers , puis jufqu'à la moitié , la percufifion des
deux avoit produit la Confonnance de la Quinte puis de
l'Ofcve.
Pythagore , au rapport de Nicomaque «Se de Ccnforin ,
s'y étoit pris d'une autre manière pour calculer les mêmes
rapports. Il fufpendit , difent - ils , aux mêmes Cordes fo-
nores différens poids , & détermina les rapports à^s divers
fo/w far ceux qu'il trouva entre les poids tendans : mais les
calculs de Pythagore font trop jufles pour avoir été faits de
Cette manière ; puifque chacun fait aujourd'hui , fur les ex-
iences de Vincent Galilée , que les Sans font cntrYux *
SON 6i}
non comme les poids tcndans , mais en raifon fous - double
de ces mêmes poids.
Enfin Ton inventa le Monocorde , appelle par les An-
ciens , Canon Harmonicas , parce qu'il donnoic la règle des
divifions Harmoniques. Il faut en expliquer le principe.
Deux Cordes du même métal égales & également tendues
forment un Uniffon parfait en tout fens : fi les longueur;
font inégales , la plus courte donnera un Son plus aigu , ôc
fera auffi plus de vibrations dans un tems donné ; d'où l'on
conclud que la différence des Sons du grave à l'aigu ne
procède que de celle des vibrations faites dans un même
elpace de tems par les Cordes ou corps fonores qui les font
entendre ; ainfi l'on exprime les rapports des Sons par les
nombres des vibrations qui les donnent, -
On fait encore , par des expériences non moins certaines ,
que les vibrations des Cordes, toutes choies d'ailleurs égales,
font toujours réciproques aux longueurs. Ainfi , une Corde
double d'une autre ne fera , dans le même tems , que la
moitié du nombre des vibrations de celle - ci ; & le rapport
des Sons qu'elles feront entendre s'appelle Octave. Si les
Cordes font comme 3 & 2. , les vibrations feront comme z
& 3 ; & le rapport des Sons s'appellera Ouintc , &c. ( Voy,
Intervalle. )
On voit par-là qu'avec des Chevalets mobiles il eft aife
de former fur une feule Corde des divifions qui donnent des
Sons dans tous les rapports pofliblcs, foit entr'eux , foit avec
la Corde entière. C'cft le Monocorde dont je viens de parler,
(Voyez Monocor.de.
6i4 SON
On peut rendre des Sons aigus ou graves par d'autres
moyens. Deux Cordes de longueur égale ne forment pas
toujours l'UnilTon ; car fi l'une efi plus grorte ou moins ten-
due que l'autre , elle fera moins de vibrations en tems égaux,
& conféquemment donnera un Son plus grave. ( Voyez
Corde. )
Il eft aifé d'expliquer fur ces principes la conftruction des
Inftrumens à Cordes , tels que le Clavecin > le Tympanon ,
& le jeu des Violons & J3a(Tes , qui , par différens accour-
ciflemens des Cordes fous les doigts ou chevalets mobiles ,
produit la diverfité des Sons qu'on tire de ces Inftrumens.
Il faut raifonner de même pour les Inlrrumens à vent : les
plus longs forment des Sons plus graves , fi le vent efr. égal.
Les trous , comme dans les Flûtes & Hautbois , fervent
à les raccourcir pour rendre les Sons plus aigus. En don-
nant plus de vent on les fait oitavier , & les Sons devien-
nent plus aigus encore. La colonne d'air forme alors le
corps fonore , & les divers Tons de la Trompette & du
Cor-de-charte ont les mêmes principes que les Sons harmo-
niques du Violoncelle & du Violon, &c. ( Voyez Sons
Harmoniques. )
Si l'on fait réfonner avec quelque force une des groïïes
Cordes d'une Viole ou d'un Violoncelle , en partant l'archet
un peu plus près du chevalet qu'à l'ordinaire , on entendra
diflinctement , pour peu qu'on ait l'oreille exercée & atten-
tive , outre le Son de la Corde entière , au moins celui de
la double-Octave de ù Tierce : on verra même frémir &
l'on entendra réfonner toutes les Cordes moi tec , à l'UnilIbn
de
SON cii
de ces Sons-Và. Ces Sons acceffoircs accompagnent toujours
un Son principal quelconque , mais quand ce Son principal
eft aigu , les autres y font moins fenfibles. On appelle ceux-
ci les Harmoniques du Son principal : c'eft par eux , félon
M. Rameau, que tout Son eft appréciable , & c'eft en eux
que lui & M. Tartini ont cherche le principe de toute Har-
monie, mais par des routes directement contraires. ( Voyej
Harmonie, Système. )
Une difficulté qui relie à expliquer dans la théorie du
Son , eft de favoir comment deux ou plufieurs Sons peu-
vent fe faire entendre à la fois. Lorfqu'on entend , par
exemple , les deux Sons de la Quinte dont l'un fait deux
vibrations , tandis que l'autre en fait trois , on ne conçoit
pas bien comment la même maffe d'air peut fournir dans
un même tems ces différens nombres de vibrations diitinâs
l'un de l'autre, & bien moins encore lorfqu'il fe fait enfem-
ble plus de deux Sons & qu'ils font tous diffonans entr'eux.
Mengoli & les autres fe tirent d'affaire par des comparaifons.
Il en eft, difent-ils, comme de deux pierres qu'on jette à
la fois dans l'eau , & dont les différens cercles qu'elles pro-
duifent fe croifent fans fe confondre. M. de Mairan donne
une explication plus philofophique. L'air , félon lui , eft
divifé en particules de diverfes grandeurs , dont chacune eft
capable d'un Ton particulier & n'eft fufceptible d'aucun autre :
de forte qu'à chaque Son qui fe forme , les particules d'air
qui lui font analogues s'ébranlent feules , elles & leurs Har-
moniques , tandis que toutes les autres relient tranquilles juf-
qu'à ce qu'elles foient émues à leur tour par les Sons qui leur
Dia. de Mujiquc. Kkkk
6i6 SON
correfpondent. De forte qu'on entend à la fois deux Sons ,
comme on voit à la fois deux couleurs , parce qu'étant
produits par différentes parties ils affectent l'organe en diffé-
rens points.
Ce fy'tême efr. ingénieux, mais l'imagination fe prête avec
peine à l'infinité de particules d'air différentes en grandeur
6c en mobilité , qui devroient être répandues dans chaque
point de l'efpace , pour être toujours prêtes , au befoin , à
rendre en tout lieu l'infinité de tous les Sons pofïîbles. Quand
elles font une fois arrivées au timpan de l'oreille , on con-
çoit encore moins comment , en le frappant , plufieurs enfem-
ble , elles peuvent y produire un ébranlement capable d'en-
voyer au cerveau la fenfation de chacune en particulier. Il
femble qu'on a éloigné la difficulté plutôt que de la réfou-
dre : on allègue en vain l'exemple de la lumière dont les
rayons fe croifent dans un point fans confondre les objets :
car , outre qu'une difficulté n'en réfout pas une autre , la
parité n'efr. pas exaile , puifque l'objet efr. vu fans excita
dans l'air un mouvement femblable à celui qu'y doit exciter
le corps fonore pour être ouï. Mengoli fembloit vouloir pré-
venir cette objection , en difant que les maffes d'air char-
gées, pour ainfi dire, de différens Sons , ne frappent le
timpan que fucceffivement , alternativement , & chacune a
fon tour; fans trop fonger à quoi il occuperait celles qui font
obligées d'attendre que les premières aient achevé leur ofl
ou fans expliquer comment l'oreille , frappée de tant de
coups fuccellifs , peut diltinguer ceux qui appartiennent à cha-
que Soil
SON r>n
A l'égard des Harmoniques qui accompagnent un Son
quelconque , ils offrent moins une nouvelle difficulté qu'un
nouveau cas de la précédente ; car fi - tôt qu'on expliquera
comment plusieurs Sons peuvent être entendus à la fois , on
expliquera facilement le phénomène des Harmoniques. In
effet , fuppofons qu'un Son mette en mouvement les parti-
cules d'air fufceptibles du même Son , & les particules fuf-
ccptibles de Sons plus aigus à l'infini ; de ces diverfes par-
ticules , il y en aura dont les vibrations commençant &c
finiffant exactement avec celles du corps fonore , feront fans
ceffe aidées & renouvellées par les fiennes : ces parcicules
feront celles qui donneront l'Uniffon. Vient enfuite l'Octave,
dont deux vibrations s'accordant avec une du Son prin-
cipal , en font aidées & renforcées feulement de deux en
deux; par conféquent l'Octave fera fenfible , mais moins que
l'Uniffon : vient enfuite la Douzième ou l'Oclave de la Quinte,
qui fait trois vibrations précifes pendant que le Son fonda-
mental en fait une ; ainfi ne recevant un nouveau coup qu'à
chaque troifieme vibration , la Douzième fera moins fenfible
que l'Octave , qui reçoit ce nouveau coup dès la féconde.
En fuivant cette même gradation , l'on trouve le concours
des vibrations plus tardif, les coups moins renouvelles, &
par conféquent les Harmoniques toujours moins fenfibles ;
jufqu'à ce que les rapports fe compofent au point que l'idée
du concours trop rare s'efface , & que les vibrations ayant
le cems île s'éteindre avant d'être renouvellées , l'Harmo-
nique ne s'entend plus du tout. Enfin quand le rapport ceffe
d'être rationnel , les vibrations ne concourent jamais ; celles
Kkkk »
'6x1 SON
du Son plus aigu, toujours contrariées, font bientôt étouf-
fées par celles de la Corde , & ce Son aigu eit abfolument
diffonant & nul. Telle elt la raifon pourquoi les premiers
Harmoniques s'entendent , & pourquoi tous les autres Sons
ne s'entendent pas. Mais en voilà trop fur la première qua-
lité du Son ; palfons aux deux autres.
IL La force du Son dépend de celle des vibrations du
corps fonore ; plus ces vibrations font grandes & fortes ,
plus le Son elt fort & vigoureux &. s'entend de loin. Quand
la Corde elt alfez tendue , & qu'on ne force pas trop la
voix ou l'Inllrument , les vibrations relient toujours ifochro-
nes ; & , par conféquent , le Ton demeure le même ; foit
qu'on renfle ou qu'on affoiblifle le Son : mais en raclant
trop fort l'archet , en relâchant trop la Corde , en fouillant
ou criant trop , on peut faire perdre aux vibrations fifo-
chronifme nécefTaire pour l'identité du Ton ; & c'elt une
des raifons pourquoi , dans la Mufique Françoife où le pre-
mier mérite elt de bien crier , on elt plus f jet à chanter
faux que dans l'Italienne où la Voix fe modère avec plus de
douceur.
La vîtefle du Son qui fembleroir dépendre de fa force ,
n'en dépend point. Cette vîtelfe elt toujours égale & conf-
tante , fi elle n'elt accélérée ou retardée par le vent : c'eft-
à-dire que le Son , fort ou foible , s'étendra toujours uni-
formément , & qu'il fera toujours dans deux fécondes le
double du chemin qu'il aura fait dans une. Au rapport de
Halley & de Flamltéade , le Son parcourt en :re
1070 pieds de France en une féconde, «5c au Pérou 174
SON cî9
toifes , félon M. de la ConcLminc. Le P. Merfenne &
Gaffendi ont affuré que le vent favorable ou contraire n'accé-
léroit ni ne retardoit le Son : depuis les expériences que
I ' :rham & l'Académie des Sciences ont faites fur ce fujet ,
cela paffe pour une erreur.
Sans ralentir fi marche , le Son s'affaiblit en s'étendant ,
ce cet affoibliffement , fi la propagation eft libre , qu'ejje
ne foit gênée par aucun obftaclc ni ralentie par le vent, fait
ordinairement la raifon du quarré des diftances.
LU. Quant à la différence qui fe trouve encore entre les
Sons par la qualité du timbre , il eit évident qu'elle ne tient
ni au degré d'élévation, ni même à celui de force. Un Haut-
bois aura beau fe mettre à fUniffon d'une Flûte , il aura beau
radoucir le Son au même degré , le Son de la Flûte aura
toujours je ne fais quoi de moelleux & de doux ; celui du
Hautbois je ne fais quoi de rude & d'aigre , qui empêchera
que l'oreille ne les confonde ; fans parler de la diverfîté du
timbre des voix. (Voyez Voix.) Il n'y a pas un Inftru-
ment qui n'ait le fien particulier , qui n'eft point celui de
l'autre , & l'Orgue feul a une vingtaine de jeux tcus de
timbre différent. Cependant perfonne que je fâche n'a exa-
miné le Son dans cette partie; laquelle, auffî-bien que les
autres , fe trouvera peut - être avoir fes difficultés : car la
qualité du timbre ne peut dépendre , ni du nombre des
vibrations , qui fait le degré du grave a l'aigu , ni de la gran-
deur ou de la force de ces mêmes vibrations , qui fait le
degré du fort au foible. II. faudra donc trouver dans le corps
foaore une troilieme caufe différente de ces deux , pour cxpli-
6i0 SON
quer cette troifieme qualité du Son & Tes différences; ce qui,
peut-être , n'eft pas trop aifé.
Les trois qualités principales donc je viens de parler en-
trent toutes , quoiqu'en différentes proportions , dans l'objet
de la Mufique , qui eft le Son en général. .
En effet , le Compofîceur ne confidere pas feulement fi
les Sons qu'il emploie doivent être hauts ou bas , graves ou
aigus ; mais s'ils doivent être forts ou foibles , aigres ou
doux , fourds ou éclatans ; & il les diftribue à différens Inf-
trumens , à diverfes Voix , en Récits ou en Chœurs , aux
extrémités ou dans le Médium des Inftrumens ou des Voix,
avec des Doux ou des Forts , félon les convenances de
tout cela.
Mais il eft vrai que c'eft uniquement dans la comparai-
fon des Sons du grave à Paigu que confifte toute la fcience
Harmonique : de forte que , comme le nombre des Sons
eft infini , l'on peut dire dans le même fens que cette fcience
eft infinie dans fon objet. On ne conçoit point de bornes
précifes à l'étendue des Sons du grave à l'aigu , & quelque
petit que puiffe être l'Intervalle qui eft entre deux Sons , or\
le concevra toujours divifïble par un troifieme Son : r.
la nature & l'art ont limité cette infinité dans la pratique
de la Mufique. On trouve bientôt dans les Inftrumens les
bornes des Sons praticables , tant au grave qu'a Paigu.
Alongcz ou raccourciriez julqu'a un certain point une Corde
fonore , elle n'aura plus de Son. L'on ne peut ras non p
augmenter ou diminuer a volonté la capacité d'une 1 lûtt ou
d'un tuyau d'Orgue ni ù longueur ; il y a des bon.
SON 61 x
parte lefquclles ni l'un ni l'autre ne réfonne plus. L'infpira-
rion a auffi fa mefure & fes loix. Trop foible , elle ne rend
point de Son ; trop forte , elle ne produit qu'un cri perçant
qu'il eft impoflible d'apprécier. Enfui il efl conftaté par mille
expériences que tous les Sons fenfibles font 'renfermés dans
une certaine latitude , parte laquelle , ou trop graves ou trop
aigus , ils ne font plus apperçus ou deviennent inappréciables
à l'oreille. M. Euler en a même en quelque forte fixé les
limites , & félon fes obfervarions rapportées par M. Diderot
dans fes principes d'Acoullique , tous les Sons fenfibles font
compris entre les nombres $o & 7551 : c'eft-à-dire que ,
félon ce grand Géomètre , le Son le plus grave 'appréciable
à notre oreille fait 30 vibrations par féconde, &c le plus
aigu 7551 vibrations dans le même tems : Intervalle qui
renferme à-peu-près 8 O&aves.
D'un autre côté l'on voit , par la génération harmonique
des Sons , qu'il n'y en a dans leur infinité poiïïble qu'un très-
petit nombre qui puiffent être admis dans le fyflême harmo-
nieux. Car tous ceux qui ne forment pas des Confonnances
avec les Sons fondamentaux , ou qui ne nairtent pas , média-
tement ou immédiatement , des différences de ces Confon-
nances , doivent être proferits du fyltême. Voilà pourquoi ,
quelque parfait qu'on fuppofe aujourd'hui le nôtre , il c(t
pourtant borné a douze Sons feulement dans l'étendue d'une
Octave , defquels douze toutes les autres Octaves ne con-
tiennent que des Répliques. Que fi l'on veut compter toutes
ces Répliques pour autant de Sons différens ; en les multi-
pliant par le nombre des Octaves auquel eft bornée l'étendue
S3i SON
des Sons appréciables , on trouvera 96 en tout , pour le plus
grand nombre des Sons praticables dans notre Mufique fur
un même Son fondamental.
On ne pourroit pas évaluer avec la même précifion le
nombre des Sons praticables dans l'ancienne Mufique. Car
les Grecs formoient , pour ainfi dire , autant de fyitémes
de Mufique , qu'ils avoient de manières différentes d'accorder
leurs Tctracordes. Il paroît , par la lecture de leurs traités
de Mufique , que le nombre de ces manières étoit grand &c
peut-être indéterminé. Or chaque Accord particulier chan-
geoit les Sons de la moitié du fyitême , c'elt-à-dire, des
deux Cordes mobiles de chaque Tétracorde. Ainfi, Ton voie
bien ce qu'ils avoient de Sons dans une feule manière d'Ac-
cord ; mais on ne peut calculer au jufte combien ce nombre
fe multiplioit dans tous les changemens de Genre & de
Mode qui introduifoient de nouveaux Sons.
Par rapport à leurs Tétracordes , ils diitinguoient les Sons
en deux clafTes générales; favoir, les Sons { tables «Se rixes
dont l'Accord ne changeoit jamais , «Se les Sons mobiles donc
l'Accord changeoit avec l'efpece du Genre. Les premiers
étoient huit en tout , favoir les deux extrêmes de chaque
Tétracorde «5c la Corde Prollambanomene ; les féconds
étoient auffi tout au moins au nombre de huit , quelquefois
de neuf ou de dix , parce que deux Sons voifins quelquefois
fe confondoient en un , «Se quelquefois fe féparoient.
Ils divifoient derechef, dans les Genres épais , les Sons
ftables en deux efpeces , dont l'une contenoit trois Sans
appelles A?) eni ou non-ferrés , parce qu'ils ne formoient au
grave
SON 0;)
grave ni femi-Tons ni moindres Intervalles ; ces trois Sont
slpyaii étoient la Proflambanomcne , la Nete-Synnéménon,
& la Nete-Hyperboléon. L'autre elpece portoic le nom de
Sons Barypycni ou /bus-Jèrrés'l parce qu'ils formoicnt le
grave des petits Intervalles : les Sons Barypycni étaient au
nombre de cinq; lavoir, l'Hypate-Hypaton , l'IIypace-Méfon ,
la Mèfe , la Paramèfe & la Nete-Diézeugménon.
Les Sons mobiles fe fubdivifoient pareillement en Sons
l 'jl-.pycni ou moyens dans le ferré , lefquels étoient auffi
cinq en nombre ; (avoir, le fécond , en montant, de chaque
Tcrracorde ; & en cinq autres S m ■ appelles Oxypycni ou
fur-aigus, qui croient le troi fie me , en montant, de chaque
Tcrracorde. (Voyez Ti'tracorde. )
A l'égard des douze Sans du Syffcéme moderne, l'Accord
n'en change jamais & ils font tous immobiles. BrolTard pré-
tend qu'ils font tous mobiles , fondé fur ce qu'ils peuvent erre
akérés par DicTe ou Bémol : mais autre chofe efr de changer
de Corde , ce autre chofe de changer l'Accord d'une Corde.
SON FIXE , f. m. Pour avoir ce qu'on appelle un Son
fixe , il faudrait s'attirer que ce Son feroit toujours le
même dans tous les tems & dans tous les lieux. Or il ne faut
pas croire qu'il fufïife pour cela d'avoir un tuyau , par exem-
ple , d'une longueur déterminée : car, premièrement , le
tuyau reliant toujours le même , la pefanteur de Pair ne
refiera pas pour cela toujours la même ; le Son changera ce
deviendra plus grave ou plus aigu , félon que l'air deviendra
plus léger ou plus pcfanr. Par la même raifon le Son du
même tuyau changera encore avec la colonne de l'atmof-
Dicl. de Mufique. LUI
<ri4 SON
phere , félon que ce même tuyau fera porte plus haut ou plus
bas , dans les montagnes ou dans les vallées.
En fécond lieu , ce même tuyau , quelle qu'en foit la
matière , fera fujet aux variations que le chaud ou le froid
caufe dans les dimenfions de tous les corps : le tuyau fe
raccourciffant ou s'alongeant deviendra proportionnellement
plus aigu ou plus grave ; & de ces deux caufes combinées ,
vient la difficulté d'avoir un Son fixe , & prefque l'impofli-
bilité de s'aifurer du même Son dans deux lieux en même
tems , ni dans deux tems en même lieu.
Si l'on pouvoit compter exactement les vibrations que fait
un Son dans un tems donné , l'on pourrait , par le même
nombre des vibrations , s'aifurer de l'identité du Son ; mais
ce calcul étant impoffible, on ne peut s'aifurer de cette iden-
tité du Son que par celle des Inflrumens qui le donnent ;
favoir , le tuyau , quant à fes dimenfions , & l'air, quant à fa
pefanteur. M. Sauveur propofa pour cela des moyens qui ne
rendirent pas à l'expérience. M. Diderot en a propofé depuis
de plus praticables , &c qui coniiitent à graduer un tuyau
d'une longueur fuffifante pour que les diviiions y (oient juftes
& fenfibles , en le compofant de deux parties mobiles par
lefquelles on puiffe l'alongcr & raccourcir félon les dimen-
fions proportionnelles aux altérations de Pair, indiquées par
le Thermomètre quant à la température , & par le Baro-
mètre quant à la pefanteur. Voyez là-deifus les principes
d'Acoultique de cet Auteur.
SON FONDAMENTAL. (Voyez Fonds ,r..)
i>ONS FLUTES. (Voyez Sons Harmoniques.)
S O M
SONS HARMONIQUES ou SONS FLUTES. I
finguliere de Sons qu'on tire de certains Inftrumens , u!s
que le Violon & le Violoncelle , par un mouvement par-
ticulier de l'archet, qu'on approche davantage du Chevaléc,
6c en pofant légèrement le doigt fur certaines diviiîons de
la Corde. Ces Sons font fort diftérens pour le timbre 6c
pour le Ton de ce qu'ils feroient , ii l'on appuyoic tout-à-
fait le doigt. Quant au Ton , par exemple , ils donneront la
Quinte quand ils donneraient la Tierce , la Tierce quand
ils donneraient la Sixte , &c. Quant aux timbres , ils
font beaucoup plus doux que ceux qu'on tire pleins de la
même divifion , en faifant porter la Corde fur le manche ;
& c'eft à caufe de cette douceur qu'on les appelle Sons
flûtes. Il faut , pour en bien juger , avoir entendu M. Mon-
donville tirer fur fon Violon , ou M. Bertaud fur fon Vio-
loncelle , des fuites de ces beaux Sons. En g liftant légère-
ment le doigt de l'aigu au grave deruis le milieu d'une
Corde qu'on touche en même tems de l'archet en la manière
fufdite , on entend diftin&ement une fuccelïîon de Sorts
harmoniques du grave à l'aigu , qui étonne fort ceux qui n'en
connoiïTent pas la Théorie.
Le principe fur lequel cette Théorie eft fondée , eft qu'une
Corde étant divifée en deux parties commenfurables en-
tr'elles, & par conféquent avec la Corde entière, fi l'obllacle
qu'on met au point de divifion n'empêche qu'imparfaitement
la communication des vibrations d'une parrie à l'autre , toutes
les fois qu'on fera fonner la Corde dans cet état, elle rendra
non le Sort de la Corde entière , ni celui de fa grande pi
LUI i
.,jtf SON
tie , mais celui de la plus perite partie ii elle mefure exa&e--
men: l'autre; ou , fi elle ne la mefure pas, le Son de la plus
grande aliquote commune à ces deux parties.
Qu'on divife une Corde 6 en deux parties 4 & 2 , le
Son harmonique refonnera par la longueur de la petite par-
tie 2 , qui eft aliquote de la grande partie 4 : mais fi la
Corde 5 e(t divifée par 2. & 3 ; alors , comme la petite partie
ne mefure pas la grande , le Son harmonique ne refonnera
que félon la moitié 1 de cette même petite partie , laquelle
moitié eft la plus grande commune mefure des deux parties
3 &: 1 y 6c de toute la Corde 5.
Au moyen de cette loi tirée de l'obfervation , & conforme
aux expériences faites par M. Sauveur à l'Académie des
Sciences, tout le merveilleux difparoîr. Avec un. calcul très-
fimple on afTigne pour chaque degré le Son harmonique qui
lui répond. Quant au doigt glifTé le long de la Corde , il ne
donne qu'une fuite de Sons harmoniques qui fe fuccedent rapi-
dement dans l'ordre qu'ils doivent avoir félon celui des divi-
sons fur lefquelles on pafle fucceffivement le doigt, & les
points qui ne forment pas des divifions exactes , ou qui en
forment de trop compofées , ne donnent aucun Sm fenfible.
ou appréciable.
On trouvera PL G. Fig, j-, une Table des Sons harmonie
quest qui peut en faciliter U recherche à ceux qui défirent
de les pratiquer. La première colonne indique h que
rendroient les divifions de l'Inflniment touchées en plein . &
la féconde colonne montre les Sons flûtes corrcl^onJans v
quand la Corde cil touchée harmoniquement.
SON Ci7
Après la première Oftave , c'eft-à-dire , depuis le milieu
de la Corde en avançant vers le ChevaJet , on retrouve les
mêmes Sons harmoniques dans le même ordre , fur les
mcn.es divifions de l'O&ave aiguë; c'eit-à-dire , la IJ)ix-
neuvîeme fur la Dixième mineure, la Dix-ièprieme fur la
Dixième majeure , &c
Je n'ai fait , dans cette Table , aucune mention des Svis
harmoniques relatifs à la Seconde ce à la Septième : premiè-
rement , parce que les divifions qui les forment n'ayant
tntr'elles que des aliquotes fort petites, en rendraient les
Sons trop aigus pour erre agréables, & trop difficiles à tirer
par le coup d'archet , & de plus , parce qu'il faudrait entrer
dans des fous-divifions trop étendues, qui ne peuvent s'ad-
mettre dans la pratique : car le Son harmonique du Ton
majeur ferait la vingt-troifîeme , ou la triple Octave de la
Seconde , & l'Harmonique du Ton mineur ferait la vingt-
quatrième , ou la triple Octave de la Tierce mineure : mais
quelle cft l'oreille alfez fine & la main allez juite pour dis-
tinguer & toucher à ù volonté un Ton majeur ou un Ton
mineur ?
Tout le jeu de la Trompette marine cfl en Sons harmo-
niques ; ce qui fait qu'on n'en tire pas aifément toute forte
de Sons.
SONATE,//] Pièce de Mufique inftrumcntale compofée
de trois ou quatre morceaux confécutifs de caractères diffé-
rens. La Sonate eft à-peu-près pour les Inflrumeus ce qu'eft
La Cantate pour les Voix.
La Sonate clt faite ordinairement pour un fcul Inftrumcnt
638 SON
qui récire accompagné d'une Baffe -continue ; & dans une
telle compofition l'on s'attache à tout ce qu'il y a de plus
favorable pour faire briller l'Inftrument pour lequel on tra-
vaille , foit par le tour des chants , foit par le choix des Sons
qui conviennent le mieux à cette efpece d'Inftrument , foit
par la hardieffe de l'exécution. Il y a aufTi des Sonates en
Trio , que les Italiens appellent plus communément Sinfonie ;
mais quand elles paffent trois Parties , ou qu'il y en a quel-
qu'une récitante , elles prennent le nom de Concerto. ( Voy.
Concerto. )
Il y a plufieurs fortes de Sonates. Les Italiens les réduifent
à deux efpeces principales. L'une qu'ils appellent Sonate da
Caméra , Sonates de Chambre , lefquelles font compofées
de plufieurs Airs familiers ou à danfer , tels à-peu-près que
ces recueils qu'on appelle en France des Ouïtes. L'autre
efpece eft appellée Sonate da Chiefa , Sonates d'Eglife, dans
la compofition defquellcs il doit entrer plus de recherche , de
travail , d'Harmonie , & des Chants plus convenables à la
dignité du lieu. De quelque efpece que foient les Sonates ,
elles commencent d'ordinaire par un Adagio ; & , après avoir
pafTé par deux ou trois mouvemens diftxrens , fîniircnt par
un Allegro ou un Prefro.
Aujourd'hui que les Inlrrumens font la partie la plus im-
portante de la Mufique, les Sonates fuit extrêmement à la
mode , de même que toute efpece de Symphonie ; le Vocal
n'en eft gueres que Pacceflbirt , & le Chaut accompagne
l'accompagnement. Nous tenons ce mauvais goût de ceux
qui , voulant introduire le tour de la M Italienne dans
SON 639
une Langue qui n'en eft pas fufceptible , nous ont obligés cie
chercher a taire avec les Inftrumens ce qu'il nous eft impof-
fible de faire avec nos Voix. J'ofe prédire qu'un goût fi peu
naturel ne durera pas. La Mufique purement Harmonique eft
peu de chofe; pour plaire conftamment, tk prévenir l'ennui,
elle doit s'élever au rang des Arts d'imitation ; mais fon
imitation n'eft pas toujours immédiate comme celles de la
Poéfie 6c de la Peinture ; la parole eft le moyen par lequel
la Mufique détermine le plus fouvent l'objet dont elle nous
offre l'image , & c'eft par les Sons touchans de la voix hu-
maine que cette image éveille au fond du cœur le fenriment
qu'elle y doit produire. Qui ne fent combien la pure Sym-
phonie dans laquelle on ne cherche qu'à faire briller l'Inf-
trument , eft loin de cette énergie ? Toutes les folies du
Violon de M. Mondonville m'attendriront-elles comme deux
Sons de la voix de Mademoifelle le Maure ? La Symphonie
anime le Chant , 6c ajoute à fon expreffion , mais elle n'y
fupplée pas. Pour favoir ce que veulent dire tous ces fatras
de Sonates dont on eft accablé, il faudroit faire comme ce
Peintre grofïîer , qui étoit obligé d'écrire au-delTous de fes
figures ; c'eft un arbre , c'eft un homme , c'eft un cheval. Je
n'oublierai jamais la faillie du célèbre Iontenelle , qui fe trou-
vant excédé de ces éternelles Symphonies , s'écria tout haut
dans un rranfport d'impatience : Sonate , que me veux-tu ?
SONNER , v. a. & n. On dit en compofition qu'une Note
Sonne fur la Baffe , lorfqu'elle entre dans l'Accord & fi.it
Harmonie j à la différence des Notes qui ne font que de
goût, 6c ne fervent qu'à figurer, lefquelles ne Sonnent point.
640 SON
On dit aufîi Sonner une Note , un Accord , pour dire , frapper
ou faire entendre le Son , l'Harmonie de cette Note ou de
cet Accord.
SONORE, ad}, qui rend du Son. Un métal fanon. De-là ,
Corps Jbnorc. ( Voyez Corps sonore. )
Sonore fe dit particulièrement & par excellence de tout
ce qui rend des Sons moelleux , forts , nets , juft.es , & bien
timbrés. Une Cloche Sonore : une Voix Sonore , &c.
SOT TO- VOCE , adv. Ce mot Italien marque, dans les
lieux où il eft écrit, qu'il ne faut chanter qu'à demi - voix ,
ou jouer qu'à demi -jeu. Me\\o-Forte &c Me\\a-Voce figni-
fient la même chofe,
SOUPIR. Silence équivalant à une Noire , & qui fe mar-
que par un trait courbe approchant de la figure du 7 de chiffre ,
mais tourné en fens contraire, en cette forte t. (Yoyc?.
Silence , Notes. )
SOURDINE , f. f. Petit Infiniment de cuivre ou d'ar-
gent, qu'on applique au chevalet du Violon ou du Violon-
celle, pour rendre les Sons plus fourds & plus foibles , en
interceptant & gênant les vibrations du corps entier de l'Inf-
trument. La Sourdine , en affoibliffant les Sons , change
leur timbre &c leur donne un caractère extrêmement atren-
driûant & triflc. Les Mufîciens François , qui penfent qu'un
jeu doux produit le même effet que la e , & qui
n'aimenr pas l'embarras de la placer & déplacer, ne s1
fervent point. Mais on en ftit ufage avec un grand eflèt dans
tous les O) ïs d'Italie , & c'efl parce qu'on trouve fou-
vent ce mot Sordini écrit dans les Symphonies , que j
ai du faire un article, Il
S O U cAl
Il y a des Sourdines auiïi pour les Cors-de-chaTe , poi.r
le Clavecin , cxc.
SOUS - DOMINANTE ou SOUDOMINANTE. r-
donné par M. Rameau à la quatrième Nj:c du Ton, la*
quelle cit , par conféquent , au même Intervalle de la Io-
nique en defeendant , qu'elt la Dominante en montant.
Cetce dénomination vient de l'affinité que cet Auteur trouve
par ren ver il ment entre le Mode mineur de la Sous-Domi*-
nante , & le Mode majeur de la Tonique. ( Voyez Har-
monie. ) Voyez auiïi l'Article qui fuit.
SOUS-MÉDIANTE ou SOUMÉDIANTE. C'eft auffi ,
dans le Vocabulaire de M. Hameau , le nom de la fixieme
Note du Ton. Mais cette Sous-Médiante devant écre au
même Intervalle de la Tonique en deffous , qu'en e(t la
Méchante en de (Tu s , doit taire Tierce majeure fous cette
Tonique ; & par conféquent Tierce mineure fur la fous-
Dominante , & c'eft fur cette analogie que le même M.
Rameau établit le principe du Mode mineur; mais il s'en-
fuivroit de-là que le Mode majeur d'une Tonique , & le
Mode mineur de fa fous - Dominante devroienr avoir une
grande afHniré ; ce qui n'eft pas : puifqu'au contraire il eit
très -rare qu'on palfe d'un de ces deux Modts à l'autre ,
ce que l'Echelle prefqae entière eit altérée par une telle
Modulation.
Je puis me tromper dans l'acception des deux mots pre-
cédens , n'ayant pas fous les yeux , en écrivant cet Article ,
les écrits de M. Rameau. Peut-être entend il Gmplement ,
par Sous -Dominante , la Note qui eit un Degré au-dellbus
Dicl. de Muftquc. M m m m
64i SOU
de la Dominante ; ôc , par Sous - Médiante , la Note qui
eft un Degré au-deflbus de la Médiante. Ce qui me tient
en fufpens entre ces deux fens , eft que , dans l'un 6c dans
l'autre , la fous -Dominante eft la même Note fa pour le
Ton d'ut : mais il n'en feroic pas ainfi de la Sous - Mé-
diante ; elle feroit la dans le premier fens , &c re dans le
fécond. Le Lecteur pourra vériiier lequel des deux eft celui,
de M. Rameau ; ce qu'il y a de fi":r eft qi:e celui que je
donne eft préférable pour l'ufage de la compofition.
SOUTENIR , v. a. pris en fins neuf. C'eft faire exacte-
ment durer les Sons toute leur valeur fuis les biffer étein-
dre avant la fin , comme font très-fouvent les Muficiens ,.
6i fur - tout les Sym; hor.iftes. .
SPICCATO , aàh Mot Italien , lequel , écrit fur la Mu-
fique , indique des Sons fecs 6c bien détachés.
SPONDAULA , f. m. C'étoit , chez les Anciens , un-
Joueur de Flûte ou autre femblable Inftrument , qui , pen-
dant qu'on oflroit le ficrifke , jouoit à l'oreille du Prêtre-
quelque Air convenable pour l'empêcher de rien écouter qui
pût le diflraire.
Ce mot eft formé du Grec tr-ûrovfcl ibation , & «VaW, Flûte. .
SPONDEASME , f. m. C'étoit , dans les plus anciennes
Mufiques Grecques , une altération dans le Genre har-
monique , lorfqu'une Corde étoit accidentellement élevée
de trois Dièfes au - defllis de fon Accord ordinaire ; de
forte que le Spond^ajine étoit précifément le contraire de
Uclyfe.
ST ARLES , aJj. Sons ou Cordes fiables : c'étoient, ou:-
S T Y 643
Va Corde Profhmbanomcne , les deux extrêmes de chaque
Tétracordc , defquels extrcrr.es formant cnfemblc le Diatef-
faron ou la Quarte , l'Accord ne changeoit jamais , comme
fàifoit celui des Cordes du milieu, qu'on rendoit ourelàchoic
■fuivunt les Genres , & qu'on appelloit pour cela Sons ou
Cordes mobiles.
STYLE , f. m. Caractère diftinclif de compofition ou
d'exécution. Ce caractère varie beaucoup félon les pays , le
goût des Peuples , le génie des Auteurs : félon les matières ,
■hs lieux , -tes tems , les fujets , les exprefiîons , &c.
On dit en France le Style de Lully , de Rameau , de
Mondonville , &c En Allemagne, on dit le Style de Hafîe ,
<k Gluck , de Graun. En Italie , on dit le Sty le de Léo ,
de Pergolcfe , de Jomelli , de Buranello. Le Style des Mu-
fiques d'Eglile n'elt pas k même que celui des Mufiques
pour le Théâtre ou pour la Chambre. Le Style des com-
pofitions Allemandes elt fautillant, coupé, mais harmonieux.
Le Style des Compofitions Françoifes eft fade , plat ou
dur , mal cadencé , monotone ; celui des compofitions Ita-
liennes eft fleuri , piquant , énergique.
Style dramatique ou imitatif, e(i un Style propre à exciter
-ou peindre les paffîons. Style d'Eglife , e(t un Style ferieux,
•majeftucux , grave, fifj le de Mottet , où l'Artifte affecte de
fe montrer tel , elt plutôt claiïîque & (avant qu'énergique ou
affectueux. Style Hyporchématique , propre a la joie , au
plaifir , à la danfe , & plein de mouvemens vifs , gais 6c
bien marqués. Style fymphonique ou inttrumental. Comme
chaque Initrumcnt a fa touche , fon doigter , fon caractère
Mm mm 2.
644 S U J
particulier, il a auili fon Style. Style Mélifmatique ou naturel,
& qui fe préfente le premier aux gens qui n'ont point appris.
Style de Fantaifie , peu lié , plein d'idées , libre de toute
contrainte. Style Choraïque ou danfant , lequel fe divife en
autant de branches différentes qu'il y a de caractères dans
la danfe , &c.
Les Anciens avoient aufïi leurs Styles différens. ( Voyez
MODE & Mélopée. ;
SUJET , f. m. Terme de compofition : c'eft la partie
principale du Deffein , l'idée qui fert de fondement à toutes
les autres. ( Voyez Dessein. ) Toutes les autres parties
ne demandent que de l'arc & du travail ; celle-ci feule
dépend du génie , & c'eft, en elle que confifte l'invention.
Les principaux Sujets en Mufique produifent des Ron-
deaux, des imitations , des Fugues, &c. ( Voyez ces mots. )
Un Compofiteur ftérile & froid , après avoir avec peine
trouvé quelque mince Sujet , ne fait que le retourner , &
le promener de Modulation en Modulation , mais l'Artifle
qui a de la chaleur & de l'imagination fait , fans laitier
oublier fon Sujet , lui donner un air neuf chaque fois qu'il
le repréfente.
SUITE ,/./.( Voyez Sonate. )
SUPER-SUS ,/ m. Nom qu'on donnoit jadis aux DefTus
quaid ils étoient tres - aigus.
SUPPOSITION],/:/ Ce mot a deux fens en
Mufique.
i°. Lorfque plufieurs Notes montent ou (kfcendeAt diato-
niquement dans une Partie fur une même Note d'une autic
S U P c4S
Partie ; alors ces Notes diatoniques ne (auraient routes faire
Harmonie, ni entrer à la Ibis dans le même Accord : il y
en a donc qu'on y compte pour rien , (k ce font ces Notes
étrangères à l'Harmonie, qu'on appelle Notes par fuppofttion.
La règle générale eft, quand les Notes font égaies, que
toutes telles qui frappent far le Tems fort portent I
morne ; celles qui pafîènr fur le Tems foible font des Notes
de Suppojition qui ne font mifes que pour le Chant & pour
former des Degrés conjoints. Remarquez que par Tems fort
& Tems foihle, j'entends moins ici les principaux Tems de
la Mefure que les Parties mêmes de chaque Tems. Ainfi ,
s'il y a deux Notes égales dans un même Tems , c'efl la
première qui porte Harmonie ; la féconde eit, de Suppojition.
Si le Tems eft cempefé de quatre Notes égales , la pre-
mière & la croiûeme portent Harmonie , la féconde & la
quatrième font les Notes de Suppojition , &c.
Quelquefois on pervertit cet ordre ; on paiïe la première
Note par Suppojition , & l'on fait porter la féconde ; mais
alors la valeur de cette féconde Note eit ordinairement
augmentée par un point aux dépens de la première.
Tout ceci fuppofe toujours une marche diatonique p.r
Degrés conjoints : car quand les Degrés font disjoints , il
n'y a point de Suppojition , & toutes les Notes doivent
entrer dans l'Accord.
2°. On appelle Accords par Suppojition ceux où la Bafie-
continue ajoute ou fuppofe un nouveau Son au-delîous de-
là Bade-fondamentale ; ce qui fait que de tels Accords excé-
dent toujours l'étendue de l'O&ave.
CA6 S U P
Les Diffbnances des Accords par Supposition doivent tou-
jours erre préparées par des fyncopes , & fauvées en defeer.-
dant diatoniquement fur des Sons d'un Accord fous lequel
Ja même Baffe fuppofée puiffe tenir comme Baffe - fonda-
mentale , ou du moins comme Baffe - continue. C'eft ce
gui fait que les Accords par Suppofuion. , bien examinés ,
peuvent tous paffer pour de pures fufpenfions. ( Voyez
Suspension. )
Il y a trois fortes d'Accords par Suppojition ; tous font
.des Accords de Septième. La première , quand le Son ajouté
elt une Tierce au - deffbus du Son fondamental ; tel eft
l'Accord de Neuvième : fi l'Accord de Neuvième eft formé
par la Médiante ajoutée au - deffbus de l'Accord fenfible en
Mode mineur , alors l'Accord prend le nom de Quinte
fuperflue, La féconde cfpece eft quand le Son fuppofé eft
une Quinte au - deffbus du fondamental , comme dans
l'Accord de Quarte ou Onzième : fi l'Accord eft ftnfiblc &
qu'on fuppcfe la Tonique , l'Accord prend le nom de Sep-
ne fuperflue. La troifieme efpece cfi celle où le Son
f.ippofé eft au - deffbus d'un Accord de Septième diminuée j
s'il eft une Tierce au - deffbus , c'eft-i-dire , que le Son
fuppofé foit la Dominante , l'Accord s'appelle Accord de
onde mineure &c Tierce majeure ; il eft fort peu ufité :
fi le Son ajouté eft une Quinte au -deffbus, ou que ce Son
foit la Médiante , l'Accord s'appelle Accord de Quarte &
Quinte fuperflue , & s'il eft une Septième au - deffbus ,
c'eft -à- dire la Tonique elle -même , l'Accord prend le
.nom de Sixte mineure & Septième fuperflue. A l'égard des
SUR ^47
renverfemens de ces divers Accords , où le Son fuppofé fe
tranfporte dans les Parties fupérieures ; n'étant admis que
par licence , ils ne doivent être pratiques qu'avec choix &
circonfpe&ion. L'on trouvera au mot Accord tous ceux
é qui peuvent fe tolérer.
SUJIAIGUES. Tétracorde des Suraiguës ajouté par l'Arétin,
(Voyez Systèmes)
SURNUMÉRAIRE ou AJOUTÉE, y: y; C'étoit le nom
dfela plus baffe Corde du Syftême des Grecs; ils l'jppelloicnt
en leur langue Proflambanoménos. ( Voyez ce mot. )
SUSPENSION, / /: Il y a Sufpenfion dans tout Accord
fur la Biffe duquel on foutient un ou plufieurs Sons de l'Ac-
cord précédent, avant que de paffer à ceux qui lui appar-
tiennent : comme fi, la Baffe partant de la Tonique à la Do-
minante , je prolonge encore quelques inltans fur cette Do-
minante l'Accord de la Tonique qui là précède avant de le
réfoudre fur le fien, c'elt une Sufpenfion.
Il y a des Sufptnjions qui fe chiffrent & entrent dans l'Har- ■
monie. . Quand, elles font Diffonantes, ce font toujours des
Accords par Suppofition. ( Voyez Supposition. ) D'autres
Sufpenjions ne font que de goût; mais de quelque nature-
qu'elles foient , on doit toujours les affujettir aux trois règles
faivantes.
I. La Sufpenfion doit toujours fe faire fur le frappé de la
Mefure, ou du moins fur un Tems fort.
II. Elle doit toujours fe refondre diatoniquement , foit en
montant, foit en defeendant; c'elt-a-dirc, que chaque Partie
qui a fufpcndu, ne doit enfui ce monter ou defeendre que d'un
d48 S Y L
Degré pour arriver à l'Accord naturel de la Note de BaiTe qui
a porté la Sufpenjion.
III. Toute Safpenfion chiffrée doit fe fauver en dcfi.cn-
dant, excepté la (feule Noce fenlible qui Ce fauve en montant.
Moyennant ces précautions il n'y a point de Sufpenfian
qu'on ne puiffe pratiquer avec fucecs , parce qu'alors l'oreille ,
présentant fur la Baffe la marche d;s Parties, fuppofe d'avance
l'Accord qui fuit. Mais c'eit au goût feul qu'il appartient de
choiilr & distribuer à propos les Sufpenfions dans le Chant
& dans l'Harmonie.
SYLLABE,//. Ce nom a été donné par quelques An-
ciens , & earr'autres par Nicomaque , à la Confonnance de
la Quarte qu'ils appelloient communément Diatetfaron. Ce
qui prouve encore par l'étymolcgie , qu'ils regardoient le Té-
tracorde , ainfi que nous regardons l'Octave, comme com-
prenant tous les Sons radicaux ou compofans.
SYMPHONIASTE , / m. Compofiteur de Plain-Chanr.
Ce terme çf t devenu technique depuis qu'il a été employé
par M. l'Abbé le Beuf.
SYMPHONIE, / /. Ce mot , formé du Grec <r^ , avec ,
& Ouvii , Son , fignifie , dans la Mufique ancienne , cette union
des Sons qui forme un Concert. C'elè un fentiment reçu ,
& je crois, démontré, que les Grecs ne connoiifoicnt pas
l'Harmonie dans le fens que nous donnons aujourd'hui a ce
mot. Ainfi, leur Symphonie ne formait pas des Accords,
mais elle réfultoit du concours de plufieurs Voix ou de plu-
ficurs Inllrumens, ou d'Inftrumcns mêlés aux Voix chair
ou jouant la même Partie. Cela fe faifoit de deux manières:
ou
S Y N cA7
bu tout concertoit à l'uniffon , & alors h Symphonie s'ap-
pclloit plus particulièrement Homophonie ; ou la moitié des
Concertans étoit a l'Octave ou même a la double Octave de
l'autre, Se cela fe nommoit Antiyhonie. On trouve la preuve
de ces diftinclions dans les Problêmes d'Ariltote, Section 19.
Aujourd'hui le mot de Symphonie s'applique à toute Mufi-
que Inftrumentale, tant des Pièces qui ne fout deftinées que
pour les Inftrumens , comme les Sonates & les Concerto ,
que de celles où les Inftrumens fe trouvent mêles avec les
Voix, comme dans nos Opéra & dans plufïeurs autres fortes
de Mufiques. On diftingue la Mufique vocale en Mufique fans
Symphonie , qui n'a d'autre accompagnement que la Baffe-
continue; & Mufique avec Symphonie , qui a au moins un
Deffus d'Inf trumens , Violons , Flûtes ou Hautbois. On die
d'une Pièce qu'elle eit en grande Symphonie , quand, outre
la Baffe & les Deffus, elle a encore deux autres Parties Inf-
trumentales ; favoir, Taille & Quinte de Violon. La Mufique
de la Chapelle du Roi, celle de plufieurs Eglifes, & celle
des Opéra font prefque toujours en grande S\ niphonie.
SYNAPHE, f.f. Conjonction de deux Tétracordes , ou,
plus précifément, réfonnance de Quarte ou Diateffaron, qui
fe fait entre les Cordes homologues de deux Tétracordes
conjoints. Ainfi , il y a trois Synaphes dans le Syftême des
Grecs : l'une entre le Tétracorde des Hypates & celui des
Mcfes; l'autre, entre le Tétracorde des Mèfes & celui des
Conjointes; èv la troifieme, entre le Tétracorde des Dis-
jointes & celui des Hyperbolées. (Voyez Svsti.ml, 1 I -
XRACORDE.J
Dicl, de Mujîgifç, Nuiiii
6So S Y N
SYNAULIE , f. f. Concert de plufieurs Muficiens , qui ,
dans la Mufîque ancienne, jouoient & fe répondoient alter-
nativement fur des Flûtes, fans aucun mélange de Voix.
M. Malcolm , qui doute que les Anciens eulfent une Mu-
fîque compoféc uniquement pour les Initrumens, ne laifle
pas de citer cette Synaulie après Athénée , & il a raifon :
car ces Synaulies n'étoient autre chofe qu'une Mufîque vocale
jouée par des Initrumens.
SYNCOPE , f. f. Prolongement fur le Tems fort d'un
Son commencé fur le Tems foible; ainfi, toute Note ./)//-
cope'e elt à contre-tems, & toute fuite de Notes fyncopees
eit une marche à contre-tems.
Il faut remarquer que la Syncope n'exifte pas moins dans
l'Harmonie , quoique le Son qui la forme, au lieu d'être con-
tinu , foit refrappé par deux ou plufieurs Notes , pourvu que
la difpofition de ces Notes qui répètent le même Son, foie
conforme à la définition.
La Syncope a fes ufages dans la Mélodie pour l'expreffion
& le goût du Chant; mais ù principale utilité eft dans l'Har-
monie pour la pratique des Dilïbnances. La première partie
de la Syncope fert à la préparation : la Diiïbnance fe frappe
fur la Seconde ; & dans une fuccefïïon de Dilïbnances ,
la première partie de la Syncope fuivante fert en même
tems à fauver la Diiïbnance qui précède , & a préparer celle
qui fuir.
Syncope, de <w, avec , & de wmu , je coupe , je bars;
parce que la Syncope retranche de chaque Tems, heurtant,
pour ainfi due , l'un avec l'autre. M. Hameau veut que te
S Y N S51
mot vienne du choc des Sons qui s'entre-heurtcnt en quel-
que force dans la DifTonance; mais les Syncopes font anté-
rieures à notre Harmonie, & il y a fouvent des Syncopes : fans
Dillbnances.
SYNNEMENON, gén.plur, fini. Tétracorde Synnéménon
Ou des Conjointes. C'eft le nom que donnoient les Grecs
à leur troifieme Tctracorde, quand il étoit conjoint avec le
fécond, & divifé d'avec le quatrième. Quand au contraire il
étoit conjoint au quatrième & divifé du fécond , ce même
Tctracorde prenoit le nom de Dié\eugménon ou des Divifées.
Voyez ce mot. (Voyez aufii Tétr acorde , Système.)
SYNNÉMÉNON DIATONOS étoit, dans l'ancienne
Mufique , la troifleme Corde du Tctracorde Synnéménon dans
le genre Diatonique ; & comme cette troifleme Corde étoit
la même que la féconde Corde du Tétracorde des Disjoin-
tes, elle portoit aufii dans ce Tétracorde le nom de Dire
Dié\eugménon. (Voyez Trite , Système, Tétracorde. )
Cette même Corde, dans les deux autres Genres, portoit
le nom du Genre où elle étoit employée ; mais alors elle
ne fe confondoit pas avec la Trite Diézeugménon. ( Voyez
Genre. )
SYNTONIQUE ou DUR, ad}. C'eft l'épitiiete par laquelle
AriUoxcne dtftingue celle des deux efpeces du Genre Diato-
nique ordinaire, dont le Tétracorde eft divifé en un femi-To/!
& deux Tons égaux : au lieu que dans le Diatonique mol,
après le femi-Ton, le premier Intervalle eft de trois quarts-
dc - Ton , &. le fécond de cinq. ( Voyez Genres , Te tra-
cordes. )
Nnnn 1
65i S Y N
Outre le Genre Syntonique d'Arifroxène , appelle aufîï
Diatono-Diatonique , Ptolomée en établit un autre par le-
quel il divife le Tétracorde en trois Intervalles : le premier,
d'un femi-Ton majeur ; le fécond , d'un Ton majeur ; & le
troifîeme, d'un Ton mineur. Ce Diatonique dur ou Syn-
tonique de Ptolomée nous eft relié , & c'eft aufïï le Dia-
tonique unique de Dydime; à cette différence près, que,
Dydime ayant mis ce Ton mineur au grave , & le Ton.
majeur à l'aigu, Ptolomée renverfa ctt ordre.
On verra d'un coup-d'œil la différence de ces deux Genres
Syntoniques par les rapports des Intervalles qui compofenc
le Tétracorde dans l'un & dans l'autre.
Syntonique d'Ariftoxène ,
i ç S 9 *
Syntonique de Ptolomée , — —H 1 =— —
io 9 io 4
Il y avoit d'autres Syntoniques encore , & l'on en comp-
toit quatre efpeces principales; favoir, l'Ancien, le Réformé,
le Tempéré , & l'Egal. Mais c'eft perdre fon tems , &
abufer de celui du Lecleur, que de le promener par toutes
ces divifions.
SYNTONO-LYDIEN , aJj. Nom d'un des Modes de l'an-
cienne Mufique. Platon dit que les Modes Mixo-Lydicn ,
&. Syntono-Lydien font propres aux larmes.
On voir dans le premier livre d'Arilride Quintilien une
lilte des divers Modes qu'il ne faut pas confondre avec ks
SYS £55
Tons qui portent le même nom, & dont j'ai parlé fous le
mot Mode pour me conformer a l'ufage Moderne introduit
fort mal-à-propos par Glaréan. Les Modes étoient des ma-
nières différentes de varier Tordre des Intervalles. Les Tons
différaient, comme aujourd'hui, par leurs Cordes fondamen-
tales. C'efè dans le premier fens qu'il faut entendre le Mode
Syntono-Lydien dont parle Platon, & duquel nous n'avons,
au relie , aucune explication.
SYSTÈME,/ m. Ce mot ayant plufieurs acceptions dont
je ne puis parler que fucceffivement , me forcera d'en faire
un très-long article.
Pour commencer par le fens propre & technique, je dirai
d'abord qu'on donne le nom de Syflème à tout Intervalle
compofé ou conçu comme compofé d'autres Intervalles plus
petits, lefquels , confïdérés comme les élémens du Syflème ,
s'appellent Diaflème. ( Voyez Diastème. )
Il y a une infinité d'Intervalles différens , & par confé-
quent auffi une infinité de Syflèmes poffibles. Pour me bor-
ner ici à quelque chofe de réel , je parlerai feulement des
Syflèmes harmoniques , c'eft-à-dire , de ceux dont les élé-
mens font ou des Confonnances , ou des différences des
Confonnances , ou des différences de ces différences. ( Voyez
Intervalles.)
Les Anciens divifoient les Syflèmes en généraux & par-
ticuliers. Ils appelloient Syflème particulier tout compofé
d'au moins deux Intervalles ; tels que font ou peuvent être
conçues l'Octave , la Quinte , la Quarte , la Sixte , &
même la Tierce. J'ai parlé des Syflèmes particuliers au mot
Intervalle,
<t$4 SYS
Les Syflèmes généraux , qu'ils appelloient plus communé-
ment Diagrammes , étoient formés par la fomme de tous
les Syflèmes particuliers, &c comprenoient, par conféquent,
tous les Sons employés dans la Mufique. Je me borne ici
à l'examen de leur Syflème dans le Genre Diatonique; les
différences du Chromatique & de l'Enharmonique étant fuf-
fifamment expliquées ;\ leurs mots.
On doit juger de l'état des progrès de l'ancien Syflème
par ceux des Inftrumens deftinés à l'exécution : car ces Inf-
trumens accompagnant à l'unifïbn les Voix , & jouant tout
ce qu'elles chantoient, dévoient former autant de Sons dif-
férens qu'il en entroit dans le Syflême. Or les Cordes de ces
premiers Inftrumens fe touchoient toujours à vide ; il y faloit
donc autant de Cordes que le Syflême renfermoit de Sons ;
& c'eft ainfi que, dès l'origine de la Mufique, on peut, fur
le nombre des Cordes de l'Inftrument , déterminer le nom-
bre des Sons du Syflème.
Tout le Syflème des Grecs ne fut donc d'abord compofé
que de quatre Sons tout au plus, qui formoient l'Accord de
leur Lyre ou Cythare. Ces quatre Sons , félon" quelques-uns ,
étoient par Degrés conjoints : félon d'autres ils n'étoient
pas Diatoniques; mais les deux extrêmes fonnoient l'Octave,
& les deux moyens la parrageoient en une Quarte de chaque
côté 6c un Ton dans le milieu , de la manière faisante.
Ut Trite Diézcugménon.
Sa/ — Lichanos McTon.
/'./ — Pa hj pâte Méfon.
Ut — Parhypate Hypaton.
SYS
C'efè ce que Boècc appelle le Tétracorde de Mercure, quoi-
que Diodore avance que la Lyre de Mercure n'avoit que trois
Cordes. Ce Syftèmt ne demeura pas long-tems borné a ii
peu de Sons : Chorebe, fils d'Athis Roi de Lydie, y ajouta
une cinquième Corde; Hyagnis , une fixieme ; Terpandre ,
une feptieme pour égaler le nombre des planètes ; & enlin
Lychaon de Samos , la huitième.
Voilà ce que dit Boèce : mais Pline dit que Terpandre ,
ayant ajouté trois Cordes aux quatre anciennes , joua le
premier de la Cythare à fept Cordes ; que Simonide y en
joignit une huitième , & Thimothée une neuvième. Nico-
maque le Gérafénien attribue cette huitième Corde à Pytha-
gore, la neuvième à Théophralte de Piérie, puis une dixième
à Hyitiée de Colophon , & une onzième à Timothée de
Milet. Phérécrate dans Plutarque fait faire au Syjltme un
progrès plus rapide ; il donne douze Cordes à la Cythare
de Ménalippide , & autant à celle de Timothée. Et comme
Phérécrate étoit contemporain de ces Muficiens , en fup-
pofant qu'il a dit en effet ce que Plutarque lui fait dire,
fon témoignage eit d'un grand poids fur un fait qu'il avoit
fous les yeux.
Mais comment s'aiTurer de la vérité parmi tant de con-
tradictions , foit dans la doctrine des Auteurs , foit dans
l'ordre des faits qu'ils rapportent ? Par exemple le Tétra-
corde de Mercure donne évidemment l'Octave ou le Dia-
pafon. Comment donc sYlt-il pu faire qu'après l'addition
de trois Cordes, tout le Diagramme fe foit trouvé dimi-
nué d'un Degré cV réduit à un Intervalle de Septième ?
6S6 SYS
C'eft pourtant ce que font entendre la plupart des Au-
teurs , & entr'autres Nicomaque , qui dit que Pythagore
trouvant tout le Syjlême compofé feulement de deux Té-
tracordes conjoints , qui formoient entre leurs extrémités
un Intervalle diiïbnant, il le rendit confonnant en divifant
ces deux Tétracordes par l'Intervalle d'un Ton , ce qui
produifit l'Octave.
Quoi qu'il en foit , c'eft du moins une chofe certaine
que le Syjlême des Grecs s'étendit infenfiblement tant en
haut qu'en bas , & qu'il atteignit & paiïa même l'étendue
du Dis-Diapafon ou de la double Octave : étendue qu'ils
appelèrent Syjlema perjcclum , maximum , immutatum ;
le grand Syfléme , le Syjlême parfait , immuable par ex-
cellence : à caufe qu'entre fes extrémités , qui formoient
entr'elles une Confonnance parfaite , étoient contenues tou-
tes les Confonnances fimples , doubles , directes & ren-
verfées , tous les Syjlême s particuliers , & félon eux , les
plus grands Intervalles qui puiffent avoir lieu dans la Mélodie.
Ce Syjlême entier étoit compofé de quatre Tétracordes ,
trois conjoints & un disjoint , & d'un Ton de plus , qui
fut ajouté au-deîTous du tout pour achever la double OcL
d'où la Corde qui le formoit prit le nom de Projlumbano-
tnene ou ft Ajoutée. Cela n'auroit dû , ce femblc , produire
que quinze Sons dans le Genre Diatonique : il y en avoit
pourtant feize. C'eft que la disjonction fe faifant fentir ,
tantôt entre le fécond & le troificme Tétracorde , tantôt
entre le troificme & le quatrième , il arrivent dans le pre-
mier cas , qu'après le bon la , le plus aigu du fécond
Tétracoruc ,
SYS *57
Tétracorde, ravoir en montant \c fi nature! qui comme r.ç oit
Je troiûcme Téoracorde ; ou bien , dans le fécond cas ,
que ce même Son h commençant lui - même le troi-
sième Tétracorde . étoit imm u-.cnt fuivi du fi Ûémol :
car le premier Degré* de chaque Jctracordc dans le Genre
Diatonique, c'roi: toujours d'un femi-Ton. Cette différence
produifoit donc un feizierne Son à caufe du fi qu'on r.voit
naturel d'u i ( té U Bémol de l'autre. Les fcizc Sons
étaient repréfentés par dix-huit noms : c'cU-L-dire que ïut
& le ;v étant: eu les Sens aigus eu les Sons moyens du
troifieme Tétracorde , feien ces deux cas de disjonction ,
Ton donnoit à chacun de ces deux Sons un non; qui dé-
terminait Cd pofkioa.
Mais comme le Son fondamental varioit félon le Mode,
il s'enfuivoit pour le lieu qu'occupait chaque Mode dans
le Syjiéme total une différence dii £"ù\'-j à l'aigu qui r.-.ulti-
piioit beaucoup les Sons ; car ii les divers Modes avoient
plusieurs Sons communs, ils en avoient aufli de particuliers
a chacun ou à quelques-uns feulement. A in fi , dans le feul
Genre Diatonique , l'étendue de tous les Sons admis dans
les quinze Modes dénombres par Alypius eft de trois Oc-
taves ,■ Se, comme la différence du Son fondamental de ciia-
qus à celui de fou voiiln croit feulement d'un femi-
Ton, il cft évident que tout cet efpace gradué de femi-
Ton en femi-Ton produifoit, dans le Diagramme général,
la quantité de 34 Sons prari q es dans la Mufique ancienne.
Qae (I , déduifant toutes les Répliques des mêmes Sons ,
on fe renferme dans les bornes d'une Octave . on la trou-
Dicl. dt Mufique, Oooo
<55» SYS
vera divifée chromatiquement en douze Sons dififérens ,
comme dans la Mufîque moderne. Ce qui eft manifefte
par l'infpection des Tables mifes par Meibomius à la tête
de l'ouvrage d'Alypius. Ces remarques font nécelTaires pour
guérir l'erreur de ceux qui croient, fur la foi de quelques
Modernes , que la Mulique ancienne n'étoit compofce en tout
que de feize Sons.
On trouvera ( PL H. Fig. i.) une Table du Syflême gé-
néral des Grecs pris dans un feul Mode & dans le Genre
Diatonique. A l'égard des Genres Enharmonique 6c Chro-
matique , les Tétracordcs s'y trouvoient bien divifés félon
d'autres proportions ; mais comme ils contenoient toujours
également quatre Sons & trois Intervalles confécutifs , de
même que le Genre Diatonique , ces Sons portoient chacun
dans leur Genre le même nom qui leur correfpondoit
dans celui - ci : c'eit pourquoi je ne donne point de Tables
particulières pour chacun de ces Genres. Les Curieux pour-
ront confulter celles que Meibomius a mifes à la tête de
l'ouvrage d'Ariiloxène. On y en trouvera fix ; une pour le
Genre Enharmonique, trois pour le Chromatique, & d^x
pour le Diatonique, félon les diipoiiticns de chacun de us
Genres dans le Syflèmc Ariftoxénien.
Tel fit, dans fa perfection, le Syjfême général des Grecs;
lequel demeura à -peu -près dans cet état jufqu'à l'onzième
Gecîe ; tems où Guy d'Arezzo y lit des changemens confi-
dérables. Il ajouta dans le bas une nouvelle Corde qu'il ap-
pella Hypoproflambanvnene , ou Sous - ajoutée , & dans le
haut un cinquième Tétracorde, qu'il appela le rétracorde
S Y S c,$9
des Sur -aiguës. Outre cela, il inventa, dir-on , le BJmoI ,
nécefl'aire pour diïtinguer la deuxième Corde d'un Tetra corde
conjoint d'avec la première Corde du même Tétracorde
disjoint : c'eft-à-dire qu'il fixa cette double lignification de
la lettre 13, que Saint Grégoire, avant lui , avoit déjà afhgnée
à la Note//. Car puifqu'il eit certain que les Grecs avoienr,
depuis long - tems , ces mêmes conjonctions & disjonclions
de Tétracordes , & , par conféquent, des fignes pour en
exprimer chaque Degré dans ces deux diflerens cas, il s'en-
fuit que ce n'étoit pas un nouveau Son introduit dans le
Syflème par Guy , mais feulement un nouveau nom qu'il
donnoit à ce Son, réduifant ainfi à un même Degré ce qui
en faifoit deux chez les Grecs. Il faut dire auiïî de ces Hexa-
cordes fubftjtués à leurs Tétracordes , que ce fut moins un
changement au Syftéme qu'a la méthode , & que tcut celui
qui en réfultoit, étoit une autre manière de folfer les mêmes
Sons. ( Voyez Gamme, Muances, Solfier. )
On conçoit aifément que l'invention du Contre - point ,
à quelque Auteur qu'elle foit due , dut bientôt reculer encore
les bornes de ce Syflême. Quatre Parties doivent avoir plus
d'étendue qu'une feule. Le Syfiéme fut fixé à quatre O&aves ,
& c'eit l'étendue du Clavier de toutes les anciennes Orgues.
Mais on s'efè enfin trouvé gêné par des limites , quelque
elpace qu'elles pufient contenir; on les a franchies, on s'eft
étendu en haut & en bas; on a fait des Claviers à ravale-
ment; on a démanché fans Céffe ; on a forcé les Voix,
& enfin l'on s'eît tant donné de carrière à cet égard , que
le Syflème moderne n'a plus d'autres bornes dans le haut
Oooo i
66o SYS
que le chevalet du Violon. Comme on ne peut pas de thêSBM
démancher pour defcendre , la plus baffe Corde des Baffes
ordinaires ne paffe pas encore le C fol ut : mais on trouvera
également le moyen de gagner de ce côté -la en baiffant
le Ton dû Syjtéme général : c'eft même ce qu'on a deji
commencé de faire , éc je tiens pour certain qu'en France
le Ton de l'Opéra eft plus bas aujourd'hui qu'il ne fétoic
du tems de Lully. Au contraire , ceki de la Mufique inflru-
mentale eft monté comme en Italie , & ces différences com-
mencent même à devenir affez fenfibles pour qu'on s'en apper-
çoive dans la pratique.
Voyez {Pianchc I. Figi i.) une Table générale du grand
Clavier à ravalement, & de tous les Sons qui y font con-
tenus dans l'étendue de cinq Octaves.
SYSTÈME eft encore, ou une méthode de calcul peur
déterminer les rapports des Sons admis dans la Mufique ,
ou un ordre de fignes établis pour les exprimer. C'eft dans
le premier fens que les Anciens diftinguoient le Syfiémt
Pythagoricien & le Syfléim Ariiloxénien. ( Voyez ces me: .
C'eft dans le fécond que nous difiinguens aujo le
Sjjlcme de Guy, le S}Jîé;ne de Sauveur, de Démos, du i\
Souhaitti , &c. defquels il a été parlé au mot Note.
Il faut remarquer que quelques-uns de ces Sjfîcmes portent
ce nom dans l'une Ce dans l'autre acception : comme ctlui
de M. Sauveur, qui donne, a la fois, des règles pour dé-
terminer les rapports des Sons, & des Notes pour les t •>-
primer ; comme on peut le voir dans les Mémoires de cec
Auteur, répandus daus ceux de l'Académie d^z Science^
SYS 661
(V. auiTi les mots Mi&ios, Eptam^ridi , Di'.cAMEiunn.)
Tel efr, encore un autre fyjlane plus nouveau , lequel
étant demeure manuferit & deviné peut-être a n'être jamais
vu du Public en entier, vaut la peine que nous en donnions
ici l'extrait , qui nous a été communiqué par l'Auteur M.
Roualîe de Boifgelou , Confeiller au Grand - Conl'eil , déjà
cité dans quelque; articles de ce Dictionnaire.
Il s'agit premièrement de déterminer le rapport exact, des
Sons dans le Genre Diatonique & dans le Chromatique ;
ce qui fe faifant d'mw: manière uniforme pour tous les Tons,
fait par conlequent évanouir le tempérament.
Tout le Vi ftérne de M. de Boifgelou cil fommairement
renfermé dans les quatre formules que je vais tranferire ,
après avoir rappelle au Lecteur les règles établies en divers
endroits de ce Dictionnaire fur la manière de comparer ck
compofer les Intervalles ou les rapports qui les expriment.
On fe fouviendra donc :
i. Que pour ajourer un Intervalle à un autre, il faut en
compofer les rapport:. Ainfî , par exemple , ajoutant la Quinte
;\ , à la Quarte \ , on a /5 , ou i ; favoir TOclave.
2. Que pour ajouter un Intervalle à lui-même, il ne faut
qu'en doubler le rapport. Ainfi, pour ajouter une Quinre a
une autre Quinte , il ne faut qu'élever le rapport de la Quinte
à ù féconde pui (Tance -, = *§>
3. Que pour rapprocher ou fimplifïer un Intervalle redoublé
tel que celui-ci $, il fuffit d'ajourer le petit nombre a lui-
même une ou plufieurs fois; c"efi.-à-dire , d'abaifle* les
66i SYS
Oâaves jufqu'à ce que les deux termes , étant auiïî rappro-
chés qu'il eit poffible , donnent un Intervalle (impie. Ainfi ,
de | faifant f , on a pour le produit de la Quinte redoublée
le rapport du Ton majeur.
J'ajouterai que dans ce Dictionnaire j'ai toujours exprimé
les rapports des Intervalles par ceux des vibrations , au lieu
que M. de Boifgelou les exprime par les longueurs des Cordes,
ce qui rend fes expreilions inverfes des miennes. Ainfi , le
rapport de la Quinte par les vibrations étant J, eft \ par les
longueurs des Cordes. Mais on va voir que ce rapport n'elt
qu'approché dans le Syfîëme de M. de Boifgelou.
Voici maintenant les quatre formules de cet Auteur avec
leur explication.
FORMULES.
\ A. 11/ 7r±t=o.
y B. iz.v — 5^ + /-=o.
S
C. 7/ — 4/ + X =0.
D. 7.y — 4f ± f=o.
EXPLICATION.
Rapport de l'Oclave. . . z : 1 .
Rapport de la Quinte. . . n:x.
Rapport de la Quarte. . . 1 : n.
Rapport de l'Intervalle qui vient de Quinte, rr. 1'.
Rapport de l'Intervalle qui vient de Quarte. i\ n' .
SYS
r. Nombre de Quintes ou de Quartes de l'Intervalle,
fi Nombre d'Octaves combinées tic l'Intervalle.
t. Nombre de fcmi-Tons de l'Intervalle.
x. Gradation diatonique de l'Intervalle; c'eft-à-dire, nombre
des Secondes diatoniques majeures &c mineures de l'In-
tervalle.
ï.+ i. Gradation des termes d'où l'Intervalle tire fon nom.
0
Le premier cas de chaque formule a lieu , lorfque l'Inter-
valle vient de Quintes.
Le fécond cas de chaque formule a lieu, lorfque l'Inter-
valle vient de Quartes.
Pour rendre ceci plus clair par des exemples, commen-
çons par donner des noms à chacune des douze touches du
Clavier.
Ces noms , dans l'arrangement du Clavier propofé par
M. de Boifgclou , ( PL I. Fig. 3. ) font ks fuivans.
Ut de re ma mi j'a fi Jol be la fa fi.
Tout Intervalle cft forme par la progreffion de Quintes
ou par celle de Quartes , ramenées à l'Octave. Par exemple ,
l'Intervalle fi ut eit forme par cette progrefïîon de 5 Quartes
fi mi la re fol ut , ou par cette progrellion de 7 Quintes
fi fi de be ma fa J'a ut.
De même l'Intervalle fa la elt formé par cette progref-
664 S Y S
fion de 4 Quintes ./à .:: fol re la , ou par cette progrcflîon
de 8 Quartes /^ .A fi?rt />f de fi fi mi h.
De ce que le rapport de tout Intervalle qui vient de Quintes
eil m. z'. , <k que celui qui vient de Quartes efi i' : n\ , il s'en-
fuit qu'on a pour le rapport de l'Intervalle jî «£ , quand i!
vient de Quartes , cette proportion z' : n\ :; 25:/z,< Et fi.
rintcrvallc fi ut vient ce Quintes-, on a cette proportion /.":
z' : : n 7. i*. Voici comment on prouve cette analogie.
Le nombre de Quartes , d'où vient l'Intervalle fi ut , étant
de 5 , le rapport de cet Intervalle eit de z^ : n\, puifque le.
rapport de la Quarre efc 2 : /?.
Mais ce rapport i< : «', cicfigneroi: un Intervalle de i'. Semi-
Tons, puifque chaque Quarte a 5 femi-Tons, & que cet
Intervalle a 5 Quartes. Ainfi, POÔave û'ayant que 12 femk
Tons , l'Intervalle fi. ut paierait deux Oâaves.
Donc pour que l'Intervalle fi ut foit moindre que l'Q&ave ,
il faut diminuer ce rapport z^ : n\ de deux Octaves; c'efl-
à-dire, du rapport de z- : 1. Ce qui fe fait par un rapport
compofé du rapport direct *i : «% & au rapport 1 : 22 inverfe
de celui i1 : 1 , en cette forte : z* x 1 : rf y. iz . : il: i* /1* :
î? : n\
Or, l'Intervalle 77 //* venant de Quartes, fon rapport, ce
il a été dit ci -devant, cft i,:n\ Donc 2':;/'. :; 2' : /;*.
Donc .î=3, & /=5.
Ainfi, reduifant les lettres du fécond cas de chaque for-
mule aux nombres corrcfpondans , on a pour C, ys — 4^
— ■ X =^ 1 1 — 20 — 1=0, & pour D , JX — 4' — •s' = 7 — 4
— 5=0.
Lorfque
SYS 66$
Lorfque le même Intervalle fi ut vient de Quintes, il donne
cette proportion n' : z' :: n1 : z4. Ainfi, l'on a rr= 7,4=54,
& par conféquent, pour A de la première formule, 121 — -r
— f= 48 — 49 4-1=0; & pour B, izx— 5/±r=ii — 5
.— 7 = 0.
De même l'Intervalle /à la venant de Quintes donne cette
proportion n' : 1' : : n* : z' , & par conféquent on a /== 4
& s =5 z. Le même Intervalle venant de Quartes donne cette
proportion z' : nr :: 15 : n% > &c. Il feroit trop long d'ex-
pliquer ici comment on peut trouver les rapports <Sc tout ce
qui regarde les Intervalles par le moyen des formules. Ce
fera mettre un Lecteur attentif fur la route que de lui donner
les valeurs de n & de fes puilTances.
Valeurs des Puiffances de rc-
r24= 5 , c'eft un fait d'expérience.
Donc n\ = is. rc,J=iz5, &c.
Valeurs précifes des trois premières PuilTances de n,
n = \/ 5 , /z = v/5> « = 1/ » * 5.
Valeurs approchées des trois premières Puiflances de n.
m=j»m*=^ij mï = ;1.
Donc le rapport { , qu'on a cru jufqu'ici être celui de la
Quinte juite , n'eft qu'un rapport d'approximation , & donne
une Quinte trop forte, & de-là le véritable principe du Tem-
pérament qu'on ne peut appeller ainiï que par abus , puifque
la Quinte doit être foible pour être Julie,
D'ici, di Mujique. P p p p
666 SYS
REMARQUES SUR LES INTERVALLES..
Un Intervalle d'un nombre donne de fcmi-Tons , a tou-
jours deux rapports différens; l'un comme venant de Quin-
tes , & l'autre comme venant de Quartes. La fomme des
deux valeurs de r dans ces deux rapports égale 12, & la
fomme dss deux valeurs de s égale 7. Celui des deux rap-
ports de Quintes ou de Quartes dans lequel r eft le plus petit, .
eft l'Intervalle diatonique , l'autre eft l'Intervalle chromatique. .
Ainfi , l'Intervalle fi ut , qui a ces deux rapports z5 : /j5 &c n7 : .
2(, eft un Intervalle diatonique comme venant de Quartes,
& fon rapport eft z3 : n* ; mais ce mime Intervalle fi ut eit
chromatique comme venant de Quintes , & fon rapport eft
n7 : i£. parce que dans le premier cas r = 5 eft moindre
que r = 7 du fécond cas, .
Au contraire , l'Intervalle fa là qui a ces deux rapports
n4 : 2Z & 2S : «8 , eft diatonique dans le premier cas où il
vient de Quintes , & chromatique dans le fécond où il vient
de Quartes
L'Intei valle fi ut , diatonique , eft une féconde mineure ;
l'Intervalle fi ut , chromatique , ou plutôt l'Intervalle fi fi Dièll
car alors ut eft pris pour fi Dicfe ) eft un Unilfon fuperflu. .
L'Intervalle fa la , diatonique , eft une Tierce majeure ;
l'Intervalle fa la , chromatique , ou plutôt l'Intervalle mi
'Dicfe la , (car alors J a eft pris comme mi Dièfe) eft une
Quarte diminuée. Ainfi des autres.
Il eft évident, i°. Qu'a chaque Intervalle diatonique cor-
refpond un Intervalle chromatique d'un même nombre de
SYS 66j
Terni -Tons & vice virsà. Ces deux Intervalles de même
nombre de femi-Tons, l'un diatonique 6c l'autre chromati-
que , font appelles Intervalles correfpondans.
z°. Que quand la valeur de r eft égale à un de ces nom-
bres o, i, 2, 3, 4, 5, <5, l'Intervalle eft diatonique ;
foit que cet Intervalle vienne de Quintes ou de Quartes ;
mais que fi r elt égal à un de ces nombres ,6,7,8,9,
no, 11, 11 , l'Intervalle eft chromatique.
3°. Que lorfqu'r = 6 , l'Intervalle eft en même tems dia-
tonique & chromatique , foit qu'il vienne de Quintes ou de
-Quartes ; tels font les deux Intervalles fa fi , appelle Triton ,
6c fi fii> appelle FaïuTe-Quinte ; le Triton fa fi eft dans le
rapport n6 : z'. 6c vient de fîx Quintes ; la FaufTe - Quinte
fi fa eft dans le rapport 1* : n6. 6c vient de flx Quartes :
où l'on voit que dans les deux cas on a r = 6. Ainfi le
Triton, comme Intervalle diatonique, eft une Quarte majeure ;
& , comme Intervalle chromatique , une Quarte fuperflue :
la Fauiïe-Quinte fi fa , comme Intervalle diatonique, eft une
Quinte mineure ; comme Intervalle chromatique , une Quinte
diminuée. 11 n'y a que ces deux Intervalles 6c leurs Répliques
qui foient dans le cas d'être en même tems diatoniques &
chromatiques.
Les Intervalles diatoniques de même nom , 6c conféquem-
ment de même gradation, fe divifent en majeurs 6c mineurs.
Les Intervalles chromatiques fe divifent en diminués &
fuperflus. A chaque Intervalle diatonique mineur corrcfpond
un Intervalle chromatique fupertfu , 6c à chaque Intervalle dia-
tonique majeur correfpond un Intervalle chromatique diminue,
l'ppp »
66% SYS
Tout Intervalle en montant , qui vient de Quintes , eft
majeur ou diminué , félon que cet Intervalle eii diatonique
ou chromatique ; & réciproquement tout Intervalle majeur
ou diminué vient de Quintes.
Tout Intervalle en montant , qui vient de Quartes , efl
mineur ou fuperflu , félon que cet Intervalle eft diatonique
ou chromatique ; & vice versa tout Intervalle mineur ou
fuperflu vient de Quartes.
Ce feroit le contraire fi l'Intervalle étoit pris en defcendant.
De deux Intervalles correfpondans , c'eft - à - dire , l'un
diatonique & l'autre chromatique , & qui , par conféquent,
viennent l'un de Quintes & l'autre de Quartes , le plus grand
eft celui qui vient de Quartes , & il furpaffe celui qui vient
de Quintes , quant a la gradation , d'une unité ; & , quant
à l'intonation , d'un Intervalle , dont le rapport eft i7 : n";
c'cft-à-dire , 118, 125. Cet Intervalle elt la Seconde dimi-
nuée , appellée communément grand Comma ou Quart-de-
Ton ; & voilà la porte ouverte au Genre Enharmonique.
Pour achever de mettre les Lecteurs fur la voie des for-
mules propres à perfectionner la théorie de la Mufique , je
rranfcrirai , ( /-Y. I. Fig. 4. ) les deux Tables de progreiïions
drcffées par M. de Iîoifgelou , par lefquclles on voit d'un coup
d'oeil les rapports de chaque Intervalle & les puifTances des
termes de ces rapports félon le nombre de Quartes ou de
Quintes qui les compofenr.
On voit, dans ces formules, que les femi-Tons font
réellement les Intervalles primitifs & élémentaires qui com-
pofent tous les autres ; ce qui a engagé l'Auteur à faire , pour
S Y S '669
ce même fyftênu , un changement confidérable dans les
caractères , en divifant chromatiquement la Portée par Inter-
valles ou Degrés égaux & tous d'un femi-Ton , au lieu que
dans la Mufiquc ordinaire chacun de ces Degrés e(t tantôt
un Comma , tantôt un femi-Ton, tantôt un Ton , &:
tantôt un Ton 6c demi ; ce qui laiffe à l'ail l'équivoque
& à l'efprit le doute de l'Intervalle , puifque les Degrés
étant les mêmes , les Intervalles font tantôt les mêmes &
tantôt différens.
Pour cette réforme , il fuffit de faire la Portée de dix
Lignes au lieu de cinq , & d'affigner à chaque Pofition une
des douze Notes du Clavier chromatique , ci-devant indiqué ,
félon l'ordre de ces Notes , lefquelles reliant ainfï toujours
les mêmes , déterminent leurs Intervalles avec la dernière
précision , 6c rendent abfolument inutiles tous les Dièfes ,
Bémols ou Béquarres , dans quelque Ton qu'on puiiîe être ,
& tant a la Clef qu'accidentellement. Voyez la Planche I,
où vous trouverez , Figure 6 , l'Echelle chromatique fans
Dièfe ni Bémol ; & , Figure 7 , l'Echelle diatonique. Pour
peu qu'on s'exerce fur cette nouvelle manière de noter 6c de
lire la Mufique , on fera furpris de la netteté , de la fini-
plicité qu'elle donne à la Note , 6c de la facilité qu'elle
apporte dans l'exécution , fans qu'il foit pofhble d'y voir
aucun autre inconvénient que de remplir un peu plus d'ef-
pace fur le papier, 6c peut-être de papilloter un peu aux yeux
dans les vîteffes par la multitude des Lignes , fur-tout dans
la Symphonie.
Mais comme çç Syjleme de Noces çll abfolumcnc tlin>
67o 'S Y S
manque , il me paroîc que c'eft un inconvénient d'y laifler
fubfifter les dénominations des Degrés diatoniques; & que,
félon M. de Boifgelou , ut re ne devrait pas être une Se-
conde , mais une Tierce ; ni ut mi une Tierce , mais une
Quinte ; ni ut ut une Octave , mais une Douzième : puis-
que chaque femi-Ton formant réellement un Degré fur la
Note , devrait en prendre aufli la dénomination ; alors x + i
étant toujours égal à t dans ks formules de cet Auteur , ces
formules fe trouveraient extrêmement fimplifiées. Du refte,
.ce Syfléme -me paraît également profond & avantageux : il
ferait à délirer qu'il fût développé 6c publié par l'Auteur , ou
par quelque habile Théoricien.
SYSTÈME , enfin , eft l'affemblage des règles de l'Har-
monie , tirées de quelques principes communs qui les raïlem-
blent , qui forment leur liaifon , dpfquels elles découlent , ce
par lesquels on en rend raifon.
Jufqu'à notre fiecle l'Harmonie , née fuccefïïvement ôc
comme par hazard , n'a eu que des règles éparfes , établies
par l'oreille , confirmées par l'ufage , & qui paroùToicnt abfo-
lument arbitraires. M, Rameau elè le premier qui , par le
Syfléme de la Baffe - fondamentale , a donné des principes
à ces règles. Son Syflême , fur lequel ce Dictionnaire a été
compofé , s'y trouvant fuffifamment développé dans les prin-
cipaux Articles , ne fera point expofé dans celui - ci , qui
n'eit uejà que trop long , & que ces répétitions fuperflues
alongernicnt encore a l'excès. D'ailleurs , l'objet de cet
Ouvrage ne m'oblige pas d'expofer tous les Syfléme s , mais
llement de bien expliquer ce que c'elt qu'un S) flanc , &
SYS «7,
d'éclaircir au bcfoin cette explication par des exemples. Ceux
qui voudront voir le Syflème de M. Rameau fi obfcur , li
diffus dans fes écrits , expofé avec une clarté dont on ne
l'auroit pas cru fufceptible , pourront recourir aux élémens
de Mufique de M. d'Alemberr.
M. Serre de Genève , ayant trouvé les principes de M.
Rameau infufnfans à bien des égards , imagina un autre
Syflème fur le lien , dans lequel il prétend montrer que toute
l'Harmonie porte, fur une double Baffe - fondamentale ; &
comme cet Auteur , ayant voyagé en Italie , n'ignoroit pas
les expériences de M. Tartini , il en compofa , en ks joi-
gnant avec celles de M. Rameau, un S) flâne mixte, qu'il
fit imprimer à Paris en 1753 , fous ce titre : Ejjais fur les
principes de VHarmonie , &c. La facilité que chacun a de
confulter cet ouvrage , & l'avantage qu'on trouve à le lire en
entier , me difpenfent aufîi d'en rendre compte au public.
Il n'en efl pas de même de celui de l'illuftre M. Tartini
dont il me refte à parler ; lequel étant écrit en langue étran-
gère, fouvent profond & toujours diffus, n'eit à portée d'être
confulté que de peu de gens , dont même la plupart font
rebutés par l'obfcurité du Livre , avant d'en pouvoir l'entir les
beautés. Je ferai , le plus brièvement qu'il me fera poflîble ,
l'extrait de ce nouveau Syflème , qui , s'il n'eft pas celui de
la Nature , e(t au moins , de tous ceux qu'on a publics
jufqu'ici , celui dont le principe eft le plus fimple , & duquel
toutes les loix de l'Harmonie paroiffent naître le moins arbi-
trairement.
67î SYS
SYSTÈME DE M. TARTINI.
Il y a trois manières de calculer les rapports des Sons.
I. En coupant fur le Monocorde la Corde entière en fes
parties par des chevalets mobiles , les vibrations ou les Sons
feront en raifon inverfe des longueurs de la Corde & de fes
parties.
II. En tendant , par des poids inégaux , des Cordes
égales , les Sons feront comme les racines quarrées des poids.
III. En tendant , par des poids égaux , des Cordes éga-
les en groffeur & inégales en longueur , ou égales en lon-
gueur & inégales en groffeur , les Sons feront en raifon
inverfe des racines quarrées. de la dimenfion où fe trouve la
différence.
En général les Sons font toujours entr'eux en raifon inverfe
des racines cubiques des corps fonores. Or , les Sons des
Cordes s'altèrent de trois manières : favoir , en altérant , ou
la groffeur, c'eft-à-dire le diamètre de la groffeur; ou la
longueur ; ou la tendon. Si tout cela c(t égal , les Cordes
font à rUniffon. Si l'une de ces chofes feulement e(t alcén ,
les Sons fui vent , en raifon inverfe, les rapports des altc di-
rions. Si deux ou toutes les trois font altérées , les Sons
font , en raifon inverfe , comme les racines des rapports
compofes des altérations. Tels font les principes de tous les
phénomènes qu'on obferve en comparant les rapports des
Sons & ceux des dimenfions des corps fonorc?.
Ceci compris ; ayant mis les regîrres convenables , tou-
chez fur l'Orgue la pédale qui rend la plus balle Note mar-
quée
S Y S
•7\
quée dans la Planche I. Figure 7 , toutes les autres Notes
marquées au-defïus réformeront en même teins , & cepen-
dant vous n'entendrez que le Son le plus grave.
Les Sons de cette Série confondus dans le Son grave ,
formeront dans leurs rapports la fuite naturelle des frac-
tions ï £ \ 5 y l ■> &c. , laquelle fuite eit en progreffion har-
monique.
Cette même Série fera celle de Cordes égales tendues par
des poids qui feroient comme les quarrés ; | l & ,'-,• ,'.; , &C.
des mêmes fractions fufdites.
Et les Sons que rendroient ces Cordes font les mêmes
exprimés en Notes dans l'exemple.
Ainfi donc , cous les Sons qui font en progreffion harmo-
nique depuis l'unité , fe réunùTent pour n'en former qu'un
fenfible à l'oreille, & tout le Syflème harmonique fe trouve
dans l'unité.
Il n'y a , dans un Son quelconque , que fes aliquotes
qu'il falfe réfonner , parce que dans toute autre fraction ,
comme feroit celle-ci \ , il fe trouve , après la divifion de
la Corde en parties égales , un rrfte dont les vibrations
heurtent , anétenc les vibrations des parties égales , & en
font réciproquement heurtées ; de forte que des deux Sons
qui en réfulteroient , le plus foible elt détruit par le choc de
tous les autres.
Or , les aliquotes étant toutes comprifes dans la Série des
fractions \ { \ 5 , &c. ci-devant donnée , chacune de ces ali-
quotes eft ce que M. Tartini appelle Unité ou Monade har-
monique, du concours desquelles réfulte un Son. Ainfi, tout»
Dicf. de Aiujiijue. Qqqq
C74 SYS
l'Harmonie étant néceflairement comprife entre la Monade
ou l'Unité compofante & le Son plein ou l'Unité compofée ,
il s'enfuit que l'Harmonie a , des deux côtés , l'Unité pour
terme, & confiée efTentiellement dans l'Unité.
L'expérience fuivante , qui fert de principe a toute l'Har-
monie artificielle , met encore cette vérité dans un plus
grand jour.
Toutes les fois que deux Sons forts , juftes & foutenus
fe font entendre au même infiant , il refaite de leur choc
un troifieme Son , plus ou moins fenfible , à proportion de
la /implicite du rapport des deux premiers ôc de la nneffe
d'oreille des écoutans.
Pour rendre cette expérience auflî fenfible qu'il efr. pofîî-
ble , il faut placer deux Hautbois bien d'accord à quelques
pas d'Intervalle , & fe mettre entre deux , à égale difiance
de l'un & de l'autre. A défaut de Hautbois , on peut prendre
deux Violons , qui , bien que le Son en foit moins fort ,
peuvent , en touchant avec force & jufieffe , fuffire pour faire
diflingaer le troifieme Son.
La production de ce troifieme Son , par chacune de nos
Confonnances , efr. telle que la montre la T.ible , ( VI. 1.
Fig. 8. ) & l'on peut la pourfuivrc au-delà des Confonnan-
ces , par tous les Intervalles repréientés par les aliquotes de
l'Unité.
L'OJhve n'en donne aucun , & c'eit le feul Intervalle
excepté.
La Quinte donne l'Uniffon du Son grave , Uniflbo qu'avec
de l'atter.tion l'on ne laifiè pas de diltinguer.
SYS 67S
Les troisièmes Sons produits par les autres Intervalles ,
font tous au grave.
La Quarte donne l'Octave du Son aigu.
La Tierce majeure donne l'Octave du Son grave , & la
Sixte mineure, qui en clt renverfée, donne la double Octave
du Son aigu.
La Tierce mineure donne la Dixième majeure du Son
grave ; mais la Sixte majeure , qui en elt renverfée, ne don. e
que la Dixième majeure du Son aigu.
Le Ton majeur donne la Quinzième ou double-Octave c'u
Son grave.
Le Ton mineur donne la Dix-feptieme , ou la double Octave
de la Tierce majeure du Son aigu.
Le fcmi-Ton majeur donne la Vingt-deuxième , ou triple
Octave du Son aigu.
Enfin , le fcnii-Ton mineur donne la Vingt- fixieme du
Son grave.
On voit , par la comparaifon des quatre derniers Inter-
valles, qu'un changement peu fer.fible dans l'Intervalle change
très-fenfiblement le Son produit ou fondamental. Ainfi, dans
le Ton majeur , rapprochez l'Intervalle en abaifTant le Son
fupérieur ou élevant l'inférieur feulement d'un |f : aufTï-tôt le
Son produit montera d'un Ton. Faites la même opération
fur le femi-Ton majeur, & le Son produit defeendra d'une
Quinte.
Quoique la production du troifieme Son ne fe borne pas
à ces Intervalles , nos Notes n'en pouvant exprimer de plus
compofé , il eft , pour le préfent , inutile d'aller au-delà de
ceux-ci. Qqqq i
676 SYS
On voit dans la fuite régulière des Confonnances qui
compofent cette Table , qu'elles fe rapportent toutes à une
bafe commune & produifent toutes exactement le même troi-
sième Son.
Voilà donc , par ce nouveau phénomène , une démonstra-
tion phyfique de l'Unité du principe de l'Harmonie.
Dans les fciences Phyfico - Mathématiques , telles que la
Mufique , les démonstrations doivent bien être géométriques ;
mais déduites physiquement de la chofe démontrée. C'eSt
alors feulement que l'union du calcul à la Phyfique fournit,
dans les vérités établies fur l'expérience & démontrées géo-
métriquement , les vrais principes de l'Art. Autrement la
Géométrie feule donnera des Théorèmes certains, mais fans
ufage dans la pratique ; la Phyfique donnera des faits parti-
culiers , mais ifolés , fans liaifon entr'eux & fans aucune loi
générale.
Le principe phyfique de l'Harmonie eft un , comme nous
venons de le voir , & fe réfout dans la proportion harmo-
nique. Or , ces deux propriétés conviennent au cercle ; car
nous verrons bientôt qu'on y retrouve les deux Unités extrê-
mes de la Monade ôc du Son ; Se , quant à la proportion
harmonique , elle s'y trouve aulïi ; puifque dans quelque
point C , ( PI. I. Fig. 9. ) que l'on coupe inégalement !e
Diamètre A B , le quarré de l'Ordonnée C D fera moyen
proportionnel harmonique entre les deux rectangles des par-
tics AC & CD du Diamètre par le rayon : propriété qui
fuffit pour établir la nature harmonique du ( ( lar ,
l ien que les Ordonnées fuient moyennes géométriques entra
S Y S c77
les parties du Diamètre , les quarrés de ces Ordonnées
étant moyens harmoniques entre les rectangles, leurs rap-
ports repréfentent d'autant plus exactement ceux des Cordes
fonores , que les rapports de ces Cordes ou des poids ten-
dans font aulli comme les quarrcs, tandis que les Sons font
comme les racines.
Maintenant , du Diamètre AB , ( PL I. Fig. ro. ) divifé
félon la Série des fractions 4 \ \ } \ , lefquelles font en pro-
greffion harmonique , foient tirées les Ordonnées C , C C ;
G,GG; c, cc;q, ee; & g , g g.
Le Diamètre repréfente une Corde fonore , qui , divifée en
mêmes raifons , donne les Sons indiqués dans l'exemple O
de la même Planche, Figure n.
Pour éviter les fractions , donnons 60 parties au Diamètre ,
les Sections contiendront ces nombres entiers BC=j= 30;
BG = f=2o; Bc=i= is;Be=i==ïz; Bg=| = io.
Des points où les Ordonnées coupent le Cercle , tirons
de part & d'autre des Cordes aux deux extrémités du Dia-
mètre. La fomme du quarré de chaque Corde & du quarré
de la Corde correfpondante , que j'appelle fon complément ,
fera toujours égnle au quarré du Diamètre. Les quarrcs des
Cordes feront entr'eux comme les AbfcirTes correfpondantes ,
par conféquenc aufli en progreflïon harmonique , & repré-
fenterontde même l'exemple O, a l'exception du premier Son.
Les quarrés des Complémens de ces mêmes Cordes feront
entr'eux comme les Complémens des AbfcirTes au Diamètre ,
par conféquent dans les raifons fuivames :
6y%
SYS
Â~C = |=3o.
Â~G = | = 40.
Ac =5 = 45.
Ae =1 = 48.
A g =1=50.
& repréfenteront les Sons de l'exemple P ; fur lequel on
doic remarquer en paffant , que cet exemple , comparé au
fuivant Q & au précédent O , donne le fondement naturel
de la règle des mouvemens contraires.
Les quarrés des Ordonnées feront au quarré 3600 du
Diamètre dans les raifons fuivantes :
= 1 = 3600.
i = 900.
A
13
c,
ce
G,
GG
c,
c c
e ,
e e
= I = 80c.
= ïV= 675.
= z4î= 57-5-
,V= 500.
& repréfenteront les Sons de l'exemple O.
SYS
Or, cette dernière Série , qui n'a point d'homologue dans
les divifions du Diamètre , & fans laquelle on ne fauroit
pourtant compléter le Syftême harmonique , montre la né-
cefïité de chercher dans les propriétés du Cercle les vrais
fondemens du Syflême , qu'on ne peut trouver , ni dans la
ligne droite , ni dans les finis nombres abltraits.
Je paf!é à deffein toutes les autres propcfiticns de M.
Tartini fur la nature arithmétique , harmonique 6c géométri-
que du Cercle , de même que fur les bornes de la Série har-
monique donnée par la raifon fextuple ; parce que fes preu-
ves , énoncées feulement en chiffres , n'étaLliflent aucune
démonftration générale ; que , de plus , comparant fouvent
des grandeurs hétérogènes , il trouve des proportions où l'on
ne fauroit même voir de rapport. Ainfi , quand il croit prou-
ver que le quarré d'une ligne efl moyen proportionnel d'une
telle raifon , il ne prouve autre chofe , finon que tel nombre
efè moyen proportionnel entre deux tels autres nombres :
car les furfaces & les nombres abitraits n'étant point de
même nature, ne peuvent fe comparer. M. Tartini fent cette
difficulté , & s'efforce de la prévenir ; on peut voir fes rai-
fonnemens dans fon L*ttc.
Cette théorie établie , il s'agit maintenant d'en déduire les
faits donnés , & les règles de l'Art Harmonique.
L'O.lave , qui n'engendre aucun Son fondamental , n'étant
point elfentielle à l'Harmonie , peut être retranchée des
parties conditurives de l'Accord. Ainfi , l'Accord , réduit à
fa plus grande fimplicité, doit être conlidéré fans elle. Alors
il eft compofé feulement de ces trois termes i f \ , lefqucls
«8o S Y S
fonc en proportion harmonique , & où les deux Monades \ \
fonr les feuls vrais élémens de l'Unité fonore , qui porte le
nom d'Accord parfait : car , la fraction { eft élément de l'Oc-
tave î , & la fraction £ eft Octave de la Monade \.
Cet Accord parfait, i ff, produit par une feule Corde
& dont les termes font en proportion harmonique , eft la
loi générale de la Nature , qui fert de bafe à toute la fcience
des Sons , loi que la Phyfique peut tenter d'expliquer , mais
dont l'explication eft inutile aux règles de l'Harmonie.
Les calculs des Cordes & des poids tendans fervent à
donner en nombre les rapports des Sons qu'on ne peut con-
fidérer comme des quantités qu'à la faveur de ces calculs.
Le troifieme Son , engendré par le concours de deux
autres , eft comme le produit de leurs quantités ; & quand ,
dans une cathégorie commune , ce troifieme Son fe trouve
toujours le même , qùoiqu'engendré par des Intervalles
différens, c'eft que les produits des générateurs font égaux
entr'eux.
Ceci fe déduit manifeftement des propofitions précédentes.
Quel eft , par exemple , le troifieme Son qui réfulte de
CB & de GB ? ( PI. I. Fig. iô. ) C'eft l'UniflTon de C B.
Pourquoi? Parce que , dans les deux proportions harmoniques
dont les quarrés des deux Ordonnées C, CC,& G,GG,
font moyens proportionnels , les fommes des extrêmes font
égales entr'elles , ik par conféquent produifent le même Son
commun CB, ou C, CC.
En effet, la fomme des deux rectangles de 13 C par C,
C C , Cv de A C par C, CC eft égale à la fomme des deux
-ianglcs
S V S at
I tangles de BG par C, CC , &c de G A par C, CC :
car chacune de ces deux fommes eft égale a deux fois le
quarré du rayon. D'où il fuit que le Son C, CC ou CB ,
doit être commun aux deux Cordes : or , ce Son tft préci-
fément la Note Q de l'exemple O.
Quelques Ordonnées que vous puiflïez prendre dans le
Cercle pour les comparer deux à deux , ou même trois à
trois , elles engendreront toujours le même troificme Son
repréfenté par la Note Q ; parce que les rectangles des deux
parties du Diamètre par le rayon donneront toujours des
fommes égales.
Mais l'Octave X Q n'engendre que des Harmoniques à
l'aigu , & point de Son fondamental , parce qu'on ne peut
élever d'Ordonnée fur l'extrémité du Diamètre , & que par
conséquent le Diamètre & le rayon ne fauroient , dans leurs
proportions harmoniques , avoir aucun produit commun.
Au lieu de divifer harmoniquement le Diamètre par les
fractions £{ s ï ? i qui donnent le SyPènze naturel de l'Ac-
cord majeur ; fi on le divife arithrnétiquement en flx parties
égales , on aura le Syftêmt de l'Accord majeur renverfc , &
ce renverfement donne exactement l'Accord mineur : car ( PI.
I. Fig. it. ) une de ces parties donnera la Dix-neuvieme ,
c'elt-a-dire , la double Octave de la Quinte; deux don-
neront la Douzième , ou l'Octave de la Quinte ; trois don-
neront l'Octave , quatre la Quinte &: cinq la Tierce mineure-
Mais , fi-tôt qu'unifiant deux de ces Sons, on cherchera
le troifieme Son qu'ils engendrent , ces deux Sons fimul-
tanées , au lieu du Son C , ( Figure 13. ) ne produiront
Dicl. de Mufîque. Rrrr
tu a Y S
jamais pour Fondamentale , que le Son E b ; ce qui prouve
que , ni l'Accord mineur , ni fon Mode , ne font donnés
par la Nature. Que fi l'on fait confonner deux ou plufieurs
Intervalles de l'Accord mineur , les Sons fondamentaux
Çé multiplieront ; & , relativement à ces Sons , on entendra
plufieurs Accords majeurs à la fois , fans aucun Accord,
mineur.
Ainii , par expérience faite en préfence de huit célèbres
ProfefTeurs de Mufique , deux Hautbois & un Violon for>
nant enfemble les Notes blanches marquées dans la Portét
A , (PI. G. Fig. 5. ) on entendoit diftin&ement les Sors
marqués en noir dans la même Figure ; favoir , ceux qui
font marques à part dans la Portée B pour les Intervalles
qui font au - delîus , & ceux marqués dans la Portée C,
auïïi pour les Intervalles qui font au - deflus».
En jugeant de l'horrible cacophonie qui devoit réfulter
de cet enfemble , on doit conclure que toute Mufique en
Mode mineur feroit infupportable a l'oreille , fi les Inter-
valles étoient aifez juftes & les Inftrumens a(fez forts pour
rendre les Sons engendrés aufll fenfibles que les générateurs.
On me permettra de remarquer en paflant , que l'inverfe
de deux Modes , marquée dans la Figure 1 3 y ne fe borne
pas à l'Accord fondamental qui les conllitue , mais qu'on
peut l'étendre à route la fuite d'un Chant & d'une Harmone
qui , notée en fens direct dans le Mode majeur , lorfqu'on
renverfe le papier & qu'on met des clefs à la fin des Lignes
devenues le commencement , prefente à rebours une au;re
fuite de Chaut & d'Harmonie en Mode mineur , exactement
SYS nx
inverfe de la première où les Battes deviennent les Deffus ,
& vice ver/à. C'eft ici la Clef de la manière de compofer ces
doubles Canons dont j'ai parle au mot Canon. M. Serre ,'
ci-devant cité , lequel a très-bien expofé dans fon Livre cette
curiofité harmonique, annonce une Symphonie de cette efpece»
compofée par M. de Morambert, qui avoir dû la faire graver:
c'étoit mieux fait apurement que de la faire exécuter. Une
compofition de cette nature doit être meilleure à préfencer
aux yeux qu'aux' oreilles.
Nous venons de voir que de la divifion harmonique du
Diamètre réfulte le Mode majeur , & de la divifion arith-
métique le Mode mineur. C'eft, d'ailleurs un fait connu de
tous les Théoriciens , que les rapports de l'Accord mineur
fe trouvent dans la divifion arithmétique de la Quinte. Pour
trouver le premier fondement du Mode mineur dans le Syf-
téme harmonique , il fuffit donc de montrer dans ce Syftéme
la divifion arithmétique dans la Quinte.
Tout le Syftéme harmonique elt fondé fur la raifon dou-
ble , rapport de la Corde entière à fon Octave , ou du Dia-
mètre au rayon ; & fur la raifon fefqui-altere qui donne le
premier Son harmonique ou fondamental auquel fe rappor-
tent tous les autres.
Or , fi , {PL I. Fig. n.J dans la raifon double on com-
pare fucceffivement la deuxième Note G , & la troilieme F
de la Série P au Son fondamental Q , & à fon O&ave grave
qui eft la Corde entière , on trouvera que la première eit
moyenne harmonique , & la. féconde moyenne arithmétique
entre ces deux termes.
Rrrr i
684 SYS
De même , fi dans la raifon fefqui-akere on compare fuc-
cefïïvement la quatrième Note e , & la cinquième e b de la
même Série à la Corde entière & à fa Quinte G , on trou-
vera que la quatrième e eft moyenne harmonique , & la cin-
quième eb moyenne arithmétique entre les deux termes de
cette Quinte. Donc le Mode mineur étant fondé fur la divi-
fion arithmétique de la Quinte , & la Note e b , prife dans la
Série des Complémcns du Syjlème harmonique donnant cette
divifion , le Mode mineur efc fonde fur cette Note dans le
Syjiême harmonique.
Après avoir trouvé toutes les Confonnances dans la divi-
fion harmonique du Diamètre donnée par l'exemple O , le
Mode majeur dans l'ordre direct de fes Confonnances , le Mods
mineur dans leur ordre rétrograde , & dans leurs Complé-
mens repréfentés par l'exemple P , il nous relie à examiner
le troifieme exemple Q , qui exprime en Notes les rapports
des quarrés des Ordonnées , ik qui donne le Syjîéme des
Di.Tonances.
Si l'on joint, par Accords fimultanées , c'eft-à-dire par
Confonnances, les Intervalles fucceJifs de l'exemple O,
comme on a fait dans la ligure 8. mtmc Planche , Ton trou-
vera que quarrer les Ordonnées c'elt doubler l'Intervalle qu'elles
représentent. Ainfi , ajoutant un troifieme Son qui repre-
fente le quatre , ce Son ajouté doublera toujours l'Inter-
valle de la Confonnance , comme on le voit Figura 4. de la
Planche G.
Ainfi, (PI. I. Fig. 11.) la première Note K de l'exemple
Q double l'Octave , premier Intervalle Uc l'exemple O i la
SYS 68S
deuxième Note L double la Quinte , fécond Intervalle ; la
troifieme Note M double la Quarte, troifieme Intervalle ,
&c. & c'elt ce doublement d'Intervalles qu'exprime la ligure
4. de la Planche G.
Lai'îant à parc l'OJtave du premier Intervalle, qui, n'en-
gendrant aucun Son fondamental , ne doit point palier pour
harmonique , la Note ajoutée L forme , avec les deux qui
font au-deifous d'elle , une proportion continue géométrique
en raifon fefqui-altere ; & les fuivantes , doublant toujours
les Intervalles , forment aulli toujours des proportions géo-
métriques.
Mais les proportions & progrefïions harmonique & arith-
métique qui conlrituent le Syjlême Confonnanc majeur &
mineur font oppofées , par leur nature , à la progreflîon géo-
métrique ; puifque celle-ci réfulte elTentiellemenc des mêmes
rapports , & les autres de rapports toujours différera. Donc ,
fi les deux proportions harmonique & arithmétique font
Confonnantes , la proportion géométrique fera DhTonante
nécessairement , & , par conféquent , le Syjlême qui réfulte
de l'exemple Q , fera le Syjlême des Diflbnances. Mais ce
Syjlême tiré des quarrés des Ordonnées eft lié aux deux pré-
cédens tirés des quarrés des Cordes. Donc le Syjlême diflb-
nant eft lié de même au Syjlême univerfel harmonique.
Il fuit de-Ià , i°. Que tout Accord fera Dilïbnant lorfqu'il
contiendra deux Intervalles fcmblables , autres que l'Oohn e ;
foit que ces deux Intervalles fe trouvent conjoints ou féparcs
dans l'Accord. i°. Que de ces deux Intervalles , celui qui
appartiendra au Syjlême harmonique ou arithmétique fera
63<5 SYS
Conformant , & l'autre DifTonant. Ainfi , dans les deux exem-'
pics S. T. d'Accords DilTonans , (PL G. Fig. 6.) les Inter-
valles G C & c e font Confonnans , & les Intervalles C F
6c e g DilTonans.
En rapportant maintenant chaque terme de la Série Dif-
fonante au Son fondamental ou engendré C de la Série har-
monique , on trouvera que les DilTonances qui résulteront de
ce rapport feront les fuivantes , & les feules directes qu'on
punie établir fur le Syjîême harmonique.
I. La première elt la Neuvième ou double Quinte L. (Fig. 4.)
II. La féconde eft l'Onzième qu'il ne faut pas confondre
avec la (impie Quarte , attendu que la première Quarte ou
Quarte fimple G C , étant dans le Syjlême harmonique parti-
culier , elt Confonnante ; ce que n'eft pas la deuxième Quarte
ou Onzième C M , étrangère à ce même Syjîême.
III. La troifieme elt la Douzième ou Quinte fuperflue que
M. Tartini appelle Accord de nouvelle invention , ou parce
qu'il en a le premier trouvé le principe, ou parce que l'Ac-
cord fenfiblc fur la Médiante en Mode mineur , que nous
appelions Quinte fuperflue , n'a jamais été admis en Italie à
caufe de fon horrible dureté. (Voyez Pi. K. Fig. 5.) la pra-
tique de cet Accord à la Françoife , & ( Figure 5. ) la pra-
tique du même Accord à l'Italienne.
Avant que d'achever l'énumération commencée , je dois
remarquer que la même diltinction des deux Quartes, Con-
fonnante & Dilîbnante , que j'ai faite ci -devant, fe doit
entendre de même des deux Tierces majeures de cet Accord
& des deux Tierces mineures de l'Accord fuivanc.
SYS c?,7
IV. La quatrième & dernière Diflbnancc donnée par la
Série eft: la Quatorzième H, (PL G. Iig. 4.) c'eft-a-dire ,
l'O&ave de la Septième ; Quatorzième qu'on ne réduit au
fimple que par licence & félon le droit qu'on s'eft attribué
dans l'ufage de confondre indifféremment les Octaves.
Si le Syjlëmc diffonant fe déduit du Syflcmc harmonique-^
les règles de préparer 6c fauver les Diffonances ne s'en dé-
duifent pas moins , & l'on voit , dans la Série harmonique
& conformante , la préparation de tous les Sons de la Série
arithmétique. En effet , comparant les trois Séries O. P. Q.
on trouve toujours dans la progrefïîon fuccefïïve des Sens
de la Série O, non - feulement , comme on vient de voir,
les raifons (impies , qui , doublées r donnent les Sons de la
Série Q , mais encore les mêmes Intervalles que forment
entr'eux les Sons des deux P &c Q. De forte que la Série
O prépare toujours antérieurement ce que donnent enfuite les
deux Séries P & Q.
Ainfi , le premier Intervalle de la Série O , eft celui de la
Corde à vide à fon Octave , & l'Octave efr, aufïi l'Intervalle
ou Accord que donne le premier Son de la Série Q , com-
paré au premier Son de la Série P.
De même, le fécond Intervalle de la Série O , (comptant
toujours de la Corde entière ) eft une Douzième ; l'Intervalle
ou Accord du fécond Son de la Série Q , comparé au fécond
Son de la Série P , eft aufïi une Douzième. Le troifieme ,.
de part & d'autre, eft une double Octave ; & ainfi de fuite, -
De plus, fi l'on compare la Série P à la Corde enric:<
PL K. Fig. 6.) on trouvera exactement les mêmes IûO
6*2 S Y S
valles que donne antérieurement la Strie O , favoir Octave ,
Quinte , Quarte , Tierce majeure , & Tierce mineure.
D'où il fuit que la Série harmonique particulière donne
avec préciiion , non-feulement l'exemplaire & le modèle des
deux Séries arithmétique & géométrique , qu'elle engendre ,
& qui complètent avec elle le Syftême harmonique univerfel;
mais auffi preferit à l'une l'ordre de fes Sons, & prépare à
l'autre l'emploi de Ces Dillbnances.
Cette préparation , donnée par la Série harmonique , eft
exactement la même qui eft établie dans la pratique : car la
Neuvième, doublée de la Quinte, fe prépare aufli par un
mouvement de Quinte ; l'Onzième , doublée de la Quarte , fe
prépare par un mouvement de Quarte; la Douzième ou Quinte
fupcrflue , doublée de la Tierce majeure, fe prépare par un
mouvement de Tierce majeure ; enfin la Quatorzième ou la
FaufTe - Quinte , doublée de la Tierce mineure , fe prépare
aufii par un mouvement de Tierce mineure.
Il eft vrai qu'il ne faut pas chercher ces préparations dans
des marches appellées fondamentales dans le Syftême de M.
Rameau, mais qui ne font pas telles dans celui de M. Tartini ;
2c il eft vrai encore qu'on prépare les mêmes DhTonances
de beaucoup d'autres manières, foit par des Rcnverfemcns
d'Harmonie, foit par des Baffes fubftituécs; mais tout découle
toujours du même principe , & ce n'eft pas ici le lieu d'en-
trer dans le détail des règles.
Celle de réfoudre ce fauver les Diffonances naît du même
principe que leur préparation: car comme chaque DifTonaïuc
eft préparée par le rapport antécédent du Sjjïcme harmoni-
que,
S Y S *s9
que , de même elle cit fauvée par le rapport conféquent du
même Syjîéme.
Àinfi , dans la Série harmonique le rapport \ ou le progrès
de Quinte étant celui dont la Neuvième eft préparée & dou-
blée , le rapport fuivant \ ou progrès de Quarte , eft celui
dont cette même Neuvième doit être fauvée : la Neuvième
doit donc defeendre d'un degré pour venir chercher dans la
Série harmonique TUniflon de ce deuxième progrès, & par
conféquent l'Octave du Son fondamental. (PI. G. I'ig. 7.) ■
En fuivant la même méthode , on trouvera que l'Onzième
F doit defeendre de même d'un Degré fur l'Uniiïbn E de
la Série harmonique félon le rapport correfpondant \ , que
la Douzième ou Quinte fuperflue G Dièfe doit redefeendre
fur le même G naturel félon le rapport \\ où l'on voit la
raifon jufqu'ici tout -à- fait ignorée, pourquoi la BafTe doit
monter pour préparer les Dilïbnances, & pourquoi le Defïïis
doit defeendre pour les fauver. On peut remarquer aufli que
la Septième qui , dans le Syltéme de M. Rameau , eft la
première &c prefquc l'unique Diiîbnance, eft la dernière en
rang dans celui de M. Ta rein i; tant il faut que ces deux
Auteurs foiene oppofes en toute chofe !
Si for. a bien compris les générations & analogies des
trois Ordres ou Syftémes, tous fondés fur le premier, donné
par la nature, & tous repréfentés per les parties du cercle ou
l~ar leurs puifTances , on trouvera r°. Que le Syftême harmo-
le particulier, qui donne le Mode majeur, eft produit
par la divifion fextuple en progreiîïon harmonique du Dia-
mètre ou de la Corde entière , confidérée comme l'unité.
Dicl, de Mujique. Ssss
69o SYS
i°. Que le SyJIéme arithmétique, d'où refaite le Mode mi-
neur, eft produit par la Série arithmétique des Complémens,
prenant le moindre terme pour l'unité , & l'élevant de terme
en terme jufqu'à la raifon fextuple , qui donne enfin le Dia-
mètre ou la Corde entière. 30. Que le Syflême géométrique
ou diiïbnant eit aufli tiré du Syftème harmonique particulier,
en doublant la raifon de chaque Intervalle; d'où il fuit que
le SyJlême harmonique du Mode majeur, le feul immédia-
tement donné par la nature , fert de principe & de fonde-
ment aux deux autres»
Par ce qui a été dit jufqu'ici , on voit que le Syftême har-
monique n'eft point compofé de parties qui fe réunifient pour
former un tout ; mais qu'au contraire , c'eft de la divifion
du tout ou de l'unité intégrale que fe tirent les parties ; que
l'Accord ne fe forme point des Sons, mais qu'il les donne;
& qu'enfin par-tout où le Sylicme harmonique a lieu , l'Har-
monie ne dérive point de la Mélodie , mais la Mélodie de
l'Harmonie.
Les élémens de la Mélodie diatonique font contenus dans
lies Degrés fucceffifs de l'Echelle ou Octave commune du
Mode majeur commençant par C, de laquelle fe tire auffî
l'Echelle du Mode mineur commençant par A.
Cette Echelle n'étant pas exactement dans Tordre des ali-
quotes, n'elt pas non plus celle que donne les divifions natu-
relles des Cors , Trompettes marines & autres Inftrumcns
femblables; comme on peut le voir dans la Figure 1. de la
Planche K. par la comparaifon de ces deux Echelles; corn-
parailbn qui montre en même tems hx caulê des Tons faux
SYS 69t
donnes par ces Inftrumens. Cependant l'Echelle commune,
pour n'être pas d'accord avec la Série des aliquotes, n'en a
pas moins une origine phyfique & naturelle qu'il faut développer.
La portion de la première Série O, (PI. I. l'ig. ioj qui
détermine le Syflême harmonique eft la fefquialteie ou Quinte
C G; c'eft-à-dire l'Octave harmoniquement divifée. Or, les
deux termes qui correfpondcnt à ceux-là dans la Série P des
Complémens , ( Fig. 1 1.) font les Notes G F. Ces deux Cordes
font moyennes, l'une harmonique, 6c l'autre arithmétique
entre la Corde entière & fa moitié , ou entre le Diamètre 6c
le rayon , 6c ces deux moyennes G & F fe rapportant toutes
deux à la même Fondamentale, déterminent le Ton 6c même
le Mode, puifque la proportion harmonique y domine 6c
qu'elles paroi fient avant la génération du Mode mineur: n'ayant
donc d'autre loi que celle qui eit déterminée par la Série
harmonique dont elles dérivent , elles doivent en porter l'une
& l'autre le caractère; fa voir, l'Accord parfait majeur corn-
pofé de Tierce majeure 6c de Quinte.
Si donc on rapporte 6c range fucceflivement , félon l'ordre
le plus rapproché , les Notes qui conf tituent ces trois Ac-
cords, on aura très-exactement, tant en Notes muficales qu'en
rapports numériques, l'Octave ou Echelle diatonique ordinaire
rigoureufement établie.
En Notes , la chofe eft évidente par la feule opération.
En rapports numériques, cela fe prouve prefque anfîi fa-
cilement : car fuppofant 3^0 pour la longueur de la Corde
entière, ces trois Notes C, G, F, feront comme 180, 140,
270; leurs Accords feront comme dans la Figure 8. Planche
Ssss z
69i SYS
G, & l'Echelle entière qui s'en déduit, fera dans les rapports
marqués Planche K. Figure i ; où l'on voit que tous les
Intervalles font juftes , excepté l'Accord parfait D F A, dans
lequel la Quinte D A eft foible d'un Comma de même que
la Tierce mineure D F, à caufe du Ton mineur D E; mais
dans tout Syflême ce défaut ou l'équivalent eft inévitable.
Quant aux autres altérations que la nécefïité d'employer
les mêmes touches en divers Tons introduit dans notre
Echelle, voyez Tempérament.
L'Echelle une fois établie , le principal ufage des trois
Notes C , G , F , dont elle eft tirée , eft la formation des
Cadences qui , donnant un progrès de Notes fondamentales
de l'une à l'autre, font la Bailé de toute la Modulation. G,
étant moyen harmonique , & F moyen arithmétique entre
les deux termes de l'Oétave , le paffage du moyen à l'extrême
forme une Cadence qui tire fon nom du moyen qui la pro-
duit. G C eft donc une Cadence harmonique, F C une Ca-
dence arithmétique , & l'on appelle Cadence mixte celle qui ,
du moyen arithmétique paffant au moyen harmonique , fe
compofe des deux avant de fe réfoudre fur l'extrême. ( PC
K. Tig. 4. )
De ces trois Cadences , l'harmonique eft la principale &
la première en ordre : fon effet eft d'une Harmonie mâle ,
forte &. terminant un fens abfolu. L'arithmétique eft foible ,
douce , & laifTe encore quelque chofe à defirer. La Cadence
mixte fifpend le fens & produit à-peu-près l'effet du point inter-
rogatif & admiratif.
De la fucceflîon naturelle de ces trois Cadences telle qu'on
SYS
la voir même Planche, Figure 7, rcfulte exactement laBaffe-
fondamentale de l'Echelle; ik de leurs divers entrelacement
fe tire la manière de traiter un Ton quelconque , & d'y
moduler une fuite de Chants ; car chaque Note de la Cadence
cl t fuppoice porter l'Accord parfait, comme il a été dit ci-
devant.
A l'égard de ce qu'on appelle la Règle Je FOclave, (voy.
ce mot), il eft évident que, quand même on admettroit l'Har-
monie qu'elle indique pour pure & régulière , comme on ne
la trouve qu'à force d'art & de déductions , elle ne peut
jamais être propofée en qualité de principe & de loi génér
Les Compofiteurs du quinzième fiecle , excellens Harmo-
nises pour la plupart, employoient toute l'Echelle comme
Baffe-fondamentale d'autant d'Accords parfaits qu'elle avoir,
de Notes, excepté la Septième, à caufe de la Quinte fauffe ;
& cette Harmonie bien conduite eûr fair un fort grand effet,
fi l'Accord parfait fur la Médianre n'eûr été rendu rrop dur
par fes deux fauffes Relirions avec l'Accord qui le précède
& avec celui qui le fuir. Pour rendre cette fuite d'Accords
parfaits aufli pure & douce qu'il eft polïible , il faut la ré-
duire a cette autre liaffe-fondamenrale , {Fig. 2.) qui four-
nir, avec la précédente, une nouvelle fource de variétés.
Comme on trouve dans cette formule deux Accords par-
faits en Tierce mineure, favoir, D & A , il eft bon de
c' ereber l'analogie que doivent avoir entr'eux les Tons ma-
jeurs & mineurs dans une Modulation régulière.
Confluerons {PL I. Fig. M.) la Note e b de l'exemple P
unie aux deux Notes correspondances des exemples O & Q :
4,4 SYS
prife pour fondamentale , elle fe trouve ainfi bafe ou fon-
dement d'un Accord en Tierce majeure ; mais prife pour
moyen arithmétique entre la Corde entière 6c fa Quinte,
comme dans l'exemple X, (Fig. 13. ) elle fe trouve alors Mé«
diante ou féconde bafe du Mode mineur; ainfi cette même
Note confidérée fous deux rapports différens, & tous deux
déduits du Syfîème , donne deux Harmonies : d'où il fuit que
l'Echelle du Mode majeur eit d'une Tierce mineure au-
deffus de l'Echelle analogue du Mode mineur. Ainfi le Mode
mineur analogue à l'Echelle tVut eit celui de la, 6c le Mode
mineur analogue à celui de fa eit celui de re. Or, fa & re
donnent exactement, dans la Baffe-fondamentale de l'Echelle
diatonique , les deux Accords mineurs analogues aux deux
Tons d'ut 6c de fa déterminés par les deux Cadences har-
moniques d'ut à fa 6c de fol à ut. La Baffe-fondamentale
où l'on fait entrer ces deux Accords eit donc aulïî régulière
6c plus variée que la précédente, qui ne renferme que l'Har-
monie du Mode majeur.
A l'égard des deux dernières Diffonnnces N & R de
l'exemple Q, comme elles forcent du Genre Diatonique ,
nous n'en parlerons que ci-aprôs.
L'origine de la Mefure , des Périodes , des Phrafcs 6c de
tout Rhythme mufical, fe trouve aufli dans la génération
des Cadences, dans leur fuite naturelle , & dans leurs diverfes
combinaifons, Premièrement, le moyen étant homogène à
fon extrême, les deux membres d'une Cadence doivent, dans
leur première (implicite, être de même nature & de valeurs
égales : par conféquent les huit Notes qui forment les
SYS r95
quatre Cadences , Baffe - fondamentale de l'Echelle , font
égales cntr'elles , & formant auflî quatre Mefures égales ,
une pour chaque Cadence , le tout donne un fens complet
& une période harmonique. De plus , comme tout le Syftéme
harmonique eit fonde fur la raifon double & fur la fefquial-
tere , qui , à caufe de l'Octave , fe confond avec la raifon
triple ; de même toute Mefure bonne & fenfible fe réfouC
en celle à deux Tems ou en celle à trois : tout ce qui eft
au-delà , fouvent tente &c toujours fans fuccès , ne pouvant
produire aucun bon effet.
Des divers fondemens d'Harmonie donnés par les trois
fortes de Cadences, & des diverfes manières de les entre-
lacer , naît la variété des fens, des phrafes & de toute la
Mélodie dont l'habile Muficien exprime toute celle des
phrafes du difeours , ôc ponctue les Sons auflï corrccle-
ment que le Grammairien les paroles. De la Mefure don-
née par les Cadences réfulte aufli l'exacte exprelïïon de la
profodie & du Rhythme : car comme la fyllabe brève
s'appuie fur la longue, de même la Note qui prépare la ca-
dence en levant s'appuie & pofe fur la Note qui la réfout
en frappant; ce qui dàvift les Tems en forts & en foibles,
comme les fyllabes en longues & en brèves : cela montre
comment on peut , même en obfervant les quantités, renverfer
la rrofjlie & tout mefurer a contre-tems, lorfqu'on frappe les
fyllabes brèves & qu'on levé les longues , quoiqu'on croye
obfervcr leurs durées relatives & leurs valeurs muficales.
L'ufage des Notes diffonantes par Degrés conjoints
dans les Tems foibles de la Mefure , fe déduit aufli des
496 SYS
principes établis ci-defîus : car fuppofons l'Echelle diatonique
& meilirée , marquée Fig. 9 PL K. il eft évident que la Note
foutenue ou rebattue dans la BafTe X , au lieu des Notes de la
BaiFe Z , n'elt ainfi tolérée que parce que , revenant toujours
dans les Tems forts , elle échappe aifément à notre attention
dans les Tems foibles , & que les Cadences dont elle tient lieu
n'en font pas moins fuppofécs ; ce qui ne pourroit être fi les
Notes diiïbnantes changeoient de lieu & fe frappoient fur
les Tems forts.
Voyons maintenant quels Sons peuvent être ajoutés ou
fubititués à ceux de l'Echelle diatonique , pour la formation
des Genres Chromatique & Enharmonique.
En inférant dans leur ordre naturel les Sons donnés par
la Série des DiiTonances , on aura premièrement la Note
fol Dièfe N. ( PL I. Fig. n. ) qui donne le Genre Chro-
matique & le pafTage régulier du Ton majeur d'ut à fon
mineur correfpondant la. (Voyez PL K. Fig. 10.)
Puis on a la Note R ou fi Bémol , laquelle , avec celle dont
je viens de parler , donne le Genre Enharmonique. {F/g. 11.)
Quoique , eu égard au Diatonique , tout le Syfième har-
monique foit , comme on a vu , renfermé dans la raifon
fextuple ; cependant les divifions ne font pas tellement bor-
nées à cette étendue qu'entre la Dix - neuvième ou triple
Quinte i, & la Vingt-deuxième ou quadruple Octave ï, on ne
puilfe encore inférer une moyenne harmonique $ prife dans
l'ordre des aliquoees , donnée d'ailleurs par la Nature dans
les Cors-de-chafle & Trompettes marines, ce d'une into-
nation très-facile fur le Violon.
Ce
SYS
Ce terme ?, qui divife harmoniqucmcnt l'Intervalle de
la Quarte fol ut ou | , ne forme pas avec le fol une
Tierce mineure julte , donc le rapport feroit \ , mais un
Intervalle un peu moindre, dont le rapport eft f ; de forte
qu'on ne fauroit exactement l'exprimer en Note ; car le la
Dièfe eft déjà trop fort : nous le représenterons par la
Note fi précédée du ligne la, un peu différent du .Bémol
ordinaire.
L'Echelle augmentée, ou, comme difoient les Grecs,
le Genre épaifTi de ces trois nouveaux Sons placés dans leur
rang, fera donc comme l'exemple 12, Planch: K. Le tout
pour le même Ton , ou du moins pour les Tons naturel-
lement analogues.
De ces trois Sons ajoutés , dont , comme le fait voir
M. Tartini, le premier conftirue le Genre Chromatique, &
le troilieme l'Enharmonique , le fol Dièfe & le fi Bémol
font dans l'ordre des Dilïbnances : mais le fi |0 ne laiflè
pas d'être Confonnant, quoiqu'il n'appartienne pas au Genre
Diatonique , étant hors de la progrefïion fextuple qui ren-
ferme & détermine ce Genre : car puifqu'il eft immédiate-
ment donné parla Série harmonique des aliquotes , puifqu'il
eft moyen harmonique entre la Çjuinte & l'Octave du Son
fondamental , il s'enfuit qu'il eft Confonnant comme eux ,
& n'a pas befbin d'être ni préparé ni fauve ; c'eft aufïi ce
que l'oreille confirme parfaitement dans l'emploi régulier de
cette efpece de Septième.
A l'aide de ce nouveau Son , la BalTe de l'Echelle diato-
nique retourne exactement fur clk-m.Ome , en defeendant ,
Dicl. de Mufiqut. Tttt
tf98 SYS
félon la nature du cercle qui la repréfente ; & la Qua-
torzième ou Septième redoublée fe trouve alors fauvée régu-
lièrement par cette Note fur la Baffe-tonique ou fondamen-
tale , comme toutes les autres Diffonances.
Voulez-vous , des principes ci-devant pofés , déduire les
règles de la Modulation , prenez les trois Tons majeurs
relatifs, ut, fol, fa, & les trois Tons mineurs analogues,
la , mi , re ; vous aurez fix Toniques , & ce font les feules
fur lefquelles on puiffe moduler en fortant du Ton princi-
pal ; Modulations qu'on entrelace à fon choix , félon le ca-
ractère du Chant & l'cxprefïion des paroles : non, cependant,
qu'entre ces Modulations il n'y en ait de préférables à d'au-
tres ; même ces préférences , trouvées d'abord par le Ctn-
timent , ont aufïi leurs raifons dans les principes , & leurs
exceptions , foit dans les impreflions diverfes que veut faire
le Compoiîteur , foit dans la liaifon plus ou moins grande
qu'il veut donner à fes phrafes. Par exemple, la plus natu-
relle & la plus agréable de toutes les Modulations en Mode
majeur, eit celle qui paffe de la Tonique ut au Ton de fa
Dominante fol ; parce que le Mode majeur étant fondé fur
des divifions harmoniques , & la Dominancc divifant l'Oc-
tave harmoniquement , le paffage du premier terme au moyen
elt le plus naturel. Au contraire, dans le Mode mineur ta ,
fondé fur la proportion arithmétique , le paffage au Ton
de la quatrième Note re , qui divife l'Octave arithméti-
quement , eft beaucoup plus naturel que le paffage au Ton
mi de la Dominante, qui divife harmoniquement la même
Odave ; & fi l'on y regarde attentivement , on trouvera
SYS 69)
que les Modulations plus ou moins agréables dépendent
toutes des plus -grands ou moindres rapports établis dans
ce S) fié me.
Examinons maintenant les Accords ou Intervalles parti-
culiers au Mode mineur, qui fe déduifent des Sons ajoutes
à l'Echelle. ( PI. I. Fig. tu)
L'analogie entre les deux Modes donne les trois Accords
marqués Fig. 14. de la Planche K. dont tous les Sons ont
été trouvés Confonnans dans l'établiffement du Mode ma-
jeur. Il n'y a que le Son ajouté g % dont la Confonnance
puiffe être difputée.
Il faut remarquer d'abord que cet Accord ne fe réfout
point en l'Accord diffonant de Septième diminuée qui au-
rait fol Dièfe pour Baffe, parce qu'outre la Septième dimi-
nuée fol Dièfe & fa naturel , il s'y trouve encore une Tierce
diminuée fol Dièfe & fi Bémol , qui rompt toute proportion;
ce que l'expérience confirme par l'infurmontable rudefîè de
cet Accord. Au contraire , outre que cet arrangement de
Sixte fuperflue plaît à l'oreille & fe réfout très-harmonieufe-
ment, M. Tartini prétend que l'Intervalle efl réellement bon,
régulier &c même confonnant. i°. Parce que cette Sixte efl;
à très-peu près Quatrième harmonique aux trois Notes Bl>t
d y /', repréfentées par les fractions £ \ ?, dont f cfè la Qua-
trième proportionnelle harmonique exafle. z°. Parce que cette
même Sixte eft à très-peu-près moyenne harmonique de la
Quarte fa , fi Bémol , formée par la Quinte du Son fonda-
mental & par fon O&ave. Que fi 1 on emploie en cette oc-
caiion la Note marquée/o/ Dièfe plutôt que la Note marquée
Tttt >
7c>© 5 Y b
la Béaiol , qui femble être le vrai moyen harmonique ; c'eft
non -feulement que cette divifion nous rejetteroit fort loin
du Mode, mais encore que cette même Note la Bémol n'elt
moyenne harmonique qu'en apparence ; attendu que la Quarte
fa , fi Bémol , elt altérée & trop foible d'un Comma ; de
Jorte que fol Dièfe , qui a un moindre rapport h fa , appro-
che plus du vrai moyen harmonique que la Bémol , qui a
un plus grand rapport au même fa.
Au ref te , on doit obferver que tous les Sons de cet Accord
qui fe réunifient ainfi. en une Harmonie régulière & fimultance ,
font exactement les quatre mêmes Sons fournis ci - devant
dans la Série diflonante Q par les complémens des divifions
de la Sextuple harmonique : ce qui ferme , en quelque ma-
nière , le cercle harmonieux , & confirme la liaifon de toutes
les parties du Syflàne.
A l'aide de cette Sixte & de tous les autres Sons que la
proportion harmonique & l'analogie fournirent dans le Mode
mineur , on a un moyen facile de prolonger & varier alTez
long-tems l'Harmonie fans fortir du Mode , ni même em-
ployer aucune véritable Ditïbnance ; comme on peut le voir
dans l'exemple de Contre -point donné par M. Tartini &
dans lequel il prétend n'avoir employé aucune Diiîbnance ,
fi ce n'elt la Quarte - & - Quinte finale.
Cette même Sixte fuperflue a encore des ufages plus im-
porrans & plus fins dans les Modulations détournées par des
paTages enharmoniques , en ce qu'elle peut le prendre indif-
féremment dans la pratique pour la Septième bémolifee par
le ligne h , de laquelle cette SuOC diéf&e diffère tics -peu
SYS ycr
dans le calcul & point du tout fur le Clavier. Alors cette
Septième ou cette Sixte, toujours confonnante, mais mar-
quée tantôt par Dicfe & tantôt par Bémol, félon le Ton
d'où l'on fort , & celui où l'on entre , produit dans l'Har-
monie d'apparentes & fubites métamorphofes , dont , quoique
régulières dans ce Syftéme, le Compofiteur auroit bien de la
peine à rendre raifon dans tout autre ; comme on peut le
voir dans les exemples I, II, III, de la PLmchc M, fur-
tout dans celui marqué -+- , où le fa pris pour naturel , &
formant une Septième apparente qu'on ne fauve point , n'eft
au fond qu'une Sixte fuperflue formée par un mi Diefe fur
le fol de la Baffe ; ce qui rentre dans la rigueur des règles.
Mais il eft fuperflu de s'étendre fur ces fineffes de l'Art y
qui n'échappent pas aux grands Harmonises , & dont les
autres ne feroient qu'abufer en les employant mal-à-propos.
Il fuffit d'avoir montré que tout fe tient par quelque côiù ,
& que le vrai Syfléme de la Nature mené aux plus caches
détours de l'Art.
?ol T A B
=^SÏ£=
T.
. Cette lettre s'écrit quelquefois dans les Partitions pour
défigner la Partie de la Taille , lorfque cette Taille prend la
place de la Baffe 6c qu'elle eft écrite fur la même Portée,
la Baffe gardant le Tacet.
Quelquefois dans les Parties de Symphonie le T lignifie
Tous ou Tutti , & eft oppofé à la lettre S , ou au mot Seul
ou Solo , qui alors doit néceffairement avoir été écrit aupara-
vant dans la même Partie.
TA. L'une des quatre fyllabes avec lefquelles les Grecs
folfioient la Mufîque. ( Voyez Solfier. )
TABLATURE. Ce mot fignifioit autrefois la totalité des
fignes de la Mufique ; de forte que , qui connoiffoit bien
la Note & pouvoit chanter à livre ouvert , étoit dit favoir la
Tablature.
Aujourd'hui le mot Tablature fe reftreint à une certaine
manière de noter par lettres , qu'on emploie pour les Inf-
trumens à Cordes qui fe touchent avec les doigts , tels que le
Luth , la Guitare , le Ciftre , <5c autrefois le Théorbe 6c la Viole.
Pour noter en Tablature , on tire autant de lignes paral-
lèles que rinftrument a de Cordes. On écrit enfuit* fur ces
lignes des lettres de l'alphabet , qui indiquent les diverfes
pofitions des doigts fur la Corde de femi-Ton en femi-Ton.
La lettre a indique la Corde à vide , b indique la première
Pofition , c la féconde , d la troifieme , &c.
T A D
A l'égard des valeurs des Notes, on les marque par d. .
Notes ordinaires de valeurs femblables , toutes placées fur une
même ligne , parce que ces Notes ne fervent qu'à marquer
la valeur & non le Degré. Quand les valeurs font toujours
femblables , c'eft-à-dire, que la manière de feander les
Notes eft la même dans toutes les Mefures , on fe contente
de la marquer dans la première , & l'on fuit.
Voilà tout le myftere de la Tablature , lequel achèvera
de s'éclaircir par l'infpection de la Figure 4 Planche M. où.
j'ai noté le premier couplet des jolies cPEfpagne en Tablature
pour la Guitare.
Comme les Inftrumens pour lefquels on employoit la
Tablature font la plupart hors d'ufage , & que , pour ceux
donc on joue encore , on a trouvé la Note ordinaire plus
commode , la Tablature eft prefque entièrement abandonnée,
ou ne fert qu'aux premières leçons des écoliers.
TABLEAU. Ce mot s'emploie fouvent en Mufique pour
défigner la réunion de plufieurs objets formant un tout peint
par la Mufique imitative. Le Tableau de cet Air eft bien
dejfiné ; ce Chœur fait Tableau ; cet Qpéra eft plein de Ta-
bleaux admirables.
TACET. Mot latin qu'on emploie dans la Mufique pour
indiquer le fîlence d'une Partie. Quand , dans le cours d'un
morceau de Mufique , on veut marquer un fîlence d'un cer-
tain tems , on l'écrit avec des Bâtons ou des Paufis : (\ oy.
ces mots.) Mais quand quelque Partie doit garder le fîlence
durant un morceau entier , on exprime cela par le mot '1
écrit dans cette Partie au - deflilS du nom de lAir ou des
premières Notes du Chant.
704 X A J
TAILLE anciennement TENOR. La féconde des quatre
Parties de la Mufique , en comptant du grave à l'aigu. C'eft
la Partie qui convient le mieux à la voix d'homme la plus
commune ; ce qui fait qu'on l'appelle auffi Voix humaine par
excellence.
La Taille fe divife quelquefois en deux autres Parties i
l'une plus élevée , qu'on appelle Première ou haute-Taille ;
l'autre plus baffe , qu'on appelle Seconde ou baffe - Taille.
Cette dernière eft en quelque manière une Partie mitoyenne
ou commune entre la Taille & la Baffe & s'appelle auffi, à.
caufe de cela , Concordant. (Voyez Parties.)
On n'emploie prefqu'aucun rolle de Taille dans les Opéra
François : au contraire les Italiens préfèrent dans les leurs le
Ténor à la Balle, comme une Voix plus flexible, auffi fonore,
& beaucoup moins dure.
TAMBOURIN. Sorte de Danfe fort à la mode aujour-
d'hui fur les Théâtres François. L'air en eft rr^-gai & fe
bat à deux Tems vifs. Il doit être fautillanr & bien ca-
dence , à l'imitation du Flutct des Provençaux ; & la Balfe
doit refrapper lu meme Note , â l'imitation du Tambourin.
ou Galoubé , dont celui qui joue du Flutct s'accompagne
ordinairement.
TASTO SOLO. Ces deux mots Italiens écrits dans une
Balfe-conrinue , & d'ordinaire fous quelque Point-cfOrgue ,
marquent que l'Accompagnateur ne doit Eure aucun Accord
de la main droite , mais feulement frapper de la gauche la
Note marquée, & tout au plus fon O.hve , fins y rien
ajouter , attendu qu'il lui feroit prcfque impoflible île deviner
T F. M 70S
&: fuivre la tournure d'Harmonie ou les Notes de goût
que le Compofiteur fait paffer fur la Baffe durant ce tems-la.
TE. L'une des quatre fyllabes par lefquelles les Grecs fol-
fient la Mufique. ( Voyez Solfier, )
TEMPERAMENT. Opération par laquelle , au moyen
d'une légère altération dans les Intervalles , faifant évanouir
la différence de deux Sons voifîns, on les confond en un,
qui , fans choquer l'oreille , forme les Intervalles refpeétifs de
l'un &: de l'autre. Par cette opération l'on amplifie l'Echelle
en diminuant le nombre des Sons néceffiires. Sans le Tem-
pérament , au lieu de douze Sons feulement que contient
l'Octave , il en faudroit plus de foixante pour moduler dans
tous les Tons.
Sur l'Orgue , fur le Clavecin , fur tout autre Infiniment
à Clavier, il n'y a , & il ne peut gueres y avoir d'Intervalle
parfaitement d'Accord que la feule Octave, La raifon en
eft que trois Tierces majeures ou quatre Tierces mineures
devant faire une Octave jufte , celles-ci la paffent & les
autres n'y arrivent pas. Car 5 x £ x £ = VV < 'H ~ t » ^
f x 1 x f = ty£ > '0 = |, Ainfi l'on eft contraint de ren-
forcer les Tierces majeures 6: d'affoiblir les mineures pour
que les Octaves & tous les autres Intervalles fe correfpondent
exactement, 6c que les mêmes touches puiffent erre employées
fous leurs divers rapports. Dans un moment je dirai comment
cela fe fait,
Cette nécefîïté ne fe fit pas fentir tout - d'un - coup , on
ne la reconnut qu'en perfectionnant le fyflême mufiçal. Pytha-
gore , qui trouva le premier les rapports des Intervalles har-
Dicl. de Mujlqu:, Vvvv
7oS T K M
moniques, prétendoit que ces rapports fufTent obfervés dans
toute la rigueur mathématique , fans rien accorder a la tolé-
rance de l'oreille. Cette févérité pouvoit être bonne pour fon
tems où toute l'étendue du fyftême fe bornoit encore à un
fi petit nombre de Cordes. Mais comme la plupart des
Inftrumens des Anciens étoient compofés de Cordes qui fe
touchoient à vide , & qu'il leur faloit , par conféquent ,
une Corde pour chaque Son , à mefure que le fyftême s'é-
tendit, ils s'apperçurent que la règle de Pythagore , en trop
multipliant les Cordes, empêchoit d'en tirer les ufages con-
venables.
Ariftoxène , difciple d'Ariftote , voyant combien l'exacri-
tude des calculs nuifoit aux progrès de la Mufîque & à la
facilité de l'exécution , prie tout-d'un-coup l'autre extrémité ;
abandonnant prefque entièrement le calcul , il s'en remit au,
feul jugement de l'oreille , & rejetta comme inutile tout ce
que Pythagore avoit établi.
Cela forma dans la Mufique deux fectes qui ont long-tcms
divifé les Grecs , l'une des Ariftoxéniens , qui étoient les
Muficiens de pratique ; l'autre des Pythagoriciens , qui étoient
les Philofophes. (Voyez Aristoxfnihns & Pythagori-
ciens. )
Dans la fuite , Ptolomée & Dydjrme, trouvant avec raifort,
que Pythagore & Ariftoxène avoient donné dans deux excès
également vicieux , èc consultant à la fois les fens èv: la raifon,
travaillèrent chacun de leur côte à la reforme de l'ancien
fyftême diatonique. Mais comme ils ne s'éioig
des principes établis pour la divilion du ï
T E M yo7
<jue reconnoilfant enfin la différence du Tvi majeur au Ton
mineur, ils n'oferent toucher à celui-ci pour le partager
comme l'autre par une Corde chromatique en deux Parties
réputées égales ; le fyftême demeura encore long-tcms dans
un état d'imperfeclion qui ne permettoit pas d'appercevoir le
vrai principe du Tempérament.
Enfin vint Guy d'Arezzo qui refondit en quelque ma-
nière la Mufique & inventa , dit-on , le Clavecin. Or , il
eft certain que cet Infiniment n'a pu exifter , non plus que
l'Orgue , que l'on n'ait en même tems trouvé le Tempéra-
ment , fans lequel il eft impoflible de les accorder , & il eft
impoflîble au moins que la première invention ait de beau-
coup précédé la féconde ; c'eft à-peu-près tout ce que nous
en favons.
Mais quoique la néceflîté du Tempérament foit connue
depuis long-tems , il n'en eft pas de même de la meilleure
règle a fuivre pour le déterminer. Le fiecle dernier, qui fur.
le fiecle des découvertes en tout genre , eft le premier qui
nous ait donné des lumières bien nettes fur ce chapitre.
Le P. Merfenne & M. Loulié ont fait des calculs ; M.
Sauveur a trouvé des divifions qui fourniffent tous les Tem-
pérament pofTibles; enfin, M. Rameau, après tous les autres,
a cru développer le premier la véritable théorie du Tempé-
rament , & a même prétendu , fur cette théorie, établir comme
neuve une pratique très -ancienne dont je parlerai dans un
moment.
J'ai dit qu'il s'agifToh pour tempérer les Sons du Clavier,
de renforcer les Tierces majeures , d'affoiblir les mineures ,
V v v v z
-7oS T E M
& de difrribuer ces altérations de manière à les rendre le
moins fenfibles qu'il étoit poflible. Il faut pour cela répartir
fur l'Accord de l'Inftrument , & cet Accord fe fait ordinai-
rement par Quintes ; c'eft donc par fon effet fur les Quintes
que nous avons à coniîdérer le Tempérament.
Si l'on accorde biert jufte quatre Quintes de fuite , comme
ut fol re la mi , on trouvera que cette quatrième Quinte mi
fera , avec Vut d'où l'on eft parti , une Tierce majeure dis-
cordante , & de beaucoup trop forte ; & en effet ce mi ,
produit comme Quinte de la , n'eft pas le même Son qui
doit faire la Tierce majeure d'ut. En voici la preuve.
Le rapport de la Quinte eft § ou f , à caufe des Octaves
i & 2 prifes l'une pour l'autre indifféremment. Ainfi la fuc-
cefTion des Quintes formant une progreflzon triple , donnera
ut i , fol 3 , re 9 , la 27 , & mi 81.
Confidérons à préfent ce mi comme Tierce majeure d'ut ;
fon rapport eft f ou {, 4 n'étant que la double Oclave d'r.
Si d'Octave en Octave nous rapprochons ce mi du précèdent,
nous trouverons mi 5, mi 10, mi 20, mi 40, 6c //:/ 80.
Ainfi la Quinte de la étant mi 81 , & la Tierce majeure dut
étant mi 80 ; ces deux mi ne font pas le même , & leur rap-
port eft ïï , qui fait précifément le Comma majeur.
Que fi nous pourfuivons la progreffion des Quintes jufqu'a
la douzième puilfance qui arrive au fi Dièfe , nous trouverons
que ce // excède Vut dont il devroit faire l'uiùifon , & qu'il
eft avec lui dans le rapport de 531441 à 5i4-ss , rapport
qui donne le Comma de Pythagore. De forte que par le
calcul précédent le Ji Dièfe devroit excéder Vut de trois
T E M 7oo
Comma majeurs ; & par celui-ci il l'excedc feulement du
Comma de Pythagore.
Mais il faut que le même Son mi, qui rail la Quinte de
A; , ferve encore à faire la Tierce majeure à" ut ; il faut que
le même fi Dièfe , qui forme la douzième Quinte de ce
même ut , en farte aufli l'Octave , & il faut enfin que ces
différens Accords concourent à conltituer le fyftême général
fans multiplier les Cordes. Voilà ce qui s'exécute au moyeu
du Tempérament.
Pour cela i°. on commence par Y ut du milieu du Cla-
vier, & l'on affoiblit les quatre premières Quintes en mon-
tant , jufqu'à ce que la quatrième mi fafie la Tierce majeure
bien julte avec le premier Son ut ; ce qu'on appelle la pre-
mière preuve. 20. En continuant d'accorder par Quintes , dès
qu'on elt arrivé fur les Dièfes , on renforce un peu les Quin-
tes , quoique les Tierces en fou firent , & quand on eft arri\ é
au fol Dièfe , on s'arrête. Ce fol Dièfe doit faire , avec le
mi, une Tierce majeure julte ou du moins foufirable ; c'clt
la féconde preuve. 30. On reprend Y ut & l'on accorde les
Quintes au grave ; favoir , fa , fi Bémol , &c. foibles d'abord ;
puis les renforçant par Degrés , c*eft-à-dire , affbibliiïànt les
Sons jufqu'à ce qu'on foit parvenu au re Bémol, lequel, pris
comme ut Dièfe , doit fe trouver d'accord & faire Quinte
avec le fol Dièfe , auquel on s'étoit ci-devant arrêté ; c'elt
la rroilieme preuve. Les dernières Quintes fe trouveront un
peu fortes , de même que les Tierces majeures ; c'eft ce
qui rend les Tons majeurs de fi Bémol & de mi Bémol
fombres (Se même un peu durs. Mais cette dureté fera fup-
7to T E M
portable fi la Partition eft bien faite , & d'ailleurs ces Tier-
ces , par Ie jr filiation , font moins employées que les pre-
mières , oc ne doivent l'être que par choix.
Les Organises & les Facleurs regardent ce Tempérament
comme le plus parfait que l'on puilfe employer. En effet ,
les Tons naturels jouiffent par cette méthode de toute la
pureté de l'Harmonie , & les Tons tranfpofés , qui forment
des modulations moins fréquentes , offrent de grandes ref-
fources au Muficien quand il a befoin d'exprefïîons plus mar-
quées : car il eft bon d'obferver , dit M. Rameau, que nous
recevons des impreflicns différentes des Intervalles à pro-
portion de leurs différentes altérations. Par exemple , la
Tierce majeure , qui nous excite naturellement à la joie ,
nous imprime jufqu'à des idées de fureur quand elle eft trop
forte ; & la Tierce mineure , qui nous porte a la tendrefie
& à la douceur, nous attrifte lorfqu'elle eft trop foible.
Les habiles Muficiens , continue le même Auteur, ùveiit
profiter à propos de ces différens effets des Intervalles , 6c
font valoir , par l'exprcfïïon qu'ils en tirent , l'ahcration qu'on
y pourroit condamner.
Mais , dans fa Génération harmonique , le même M. Ra-
merai tient un tout autre langage. Il fe reproche ù condef-
cendance pour l'ufage actuel , 6c détruifant tout ce qu'il avoit
é:;tbli auparavant , il donne une formule d'onze moyennes
proportionnelles entre les deux termes de l'Octave , fur la-
quelle formule, il veut qu'on règle toute la fucccflion du
té. ne chromatique ; de forte que ce fyf'éme réfutant de
douze femi-Tons parfaitement égaux, c'eft une néceflké
T E M 7II
que tous les Intervalles femblables qui en feront formes (oient
aufli parfaitement égaux entr'eux.
Pour la pratique prenez, dit-il, telle touche du Clavecin
qu'il vous plaira ; accordez-en d'abord la Quinte julle , puis
diminuez-la fi peu que rien : procédez ainfi d'une Quinte à
l'autre, toujours en montant, c'elt- à-dire , du grave à
l'aigu , jufqu'à la dernière dont le Son aigu aura été le grave
de la première ; vous pouvez être certain que le Clavecin fera
bien d'accord.
Cette méthode que nous propofe aujourd'hui M. Rameau,
avoit déjà été propofée & abandonnée par le fameux Cou-
perin. On la trouve auiïi tout au long dans le P. Merfenne ,
qui en fait Auteur un nommé Galle , & qui a même pris la
peine de calculer les onze moyennes proportionnelles dont
M. Rameau nous donne la formule algébrique.
Malgré l'air feientirique de cette formule , il ne paroît pas
que la pratique qui en réfulte ait été jufqu'ici goûtée des
Muficiens ni des Facteurs. Les premiers ne peuvent fe réfou-
dre à fe priver de l'énergique variété qu'ils trouvent dans les
diverfes affe&ions des Tons qVoccafionne le Tempérament
établi. M. Rameau leur dit en vain qu'ils fe trompent , que
la variété fe trouve dans l'entrelacement des Modes ou
dans les divers Degrés des Toniques, & nullement dans l'al-
tération des Intervalles; le Muficien répond que l'un n'exclut
pas l'autre , qu'il ne fe tient pas convaincu par une afler-
tio:i , 6c que les diverfes affections des Tons ne font nulle-
ment proportionnelles aux différens Degrés de leurs finales.
Car , difent-ils , quoiqu'il n'y ait qu'un ftmi-Ton de i
7ii T E M
tance entre la finale de re & celle de mi Bémol , comme
enrre la finale de la & celle défi Bémol ; cependant la même
Mufique nous affectera très - différemment en A la mi re
qu'en B fa , & en D fol re qu'en E la fa ; & l'oreille atten-
tive du Muficien ne s'y trompera jamais , quand même le
Ton général feroit hauffé ou baiffé d'un femi-Ton & plus;
preuve évidente que la variété vient d'ailleurs que de la fimple
différente élévation de la Tonique.
A l'égard des Facteurs , ils trouvent qu'un Clavecin accordé
de cette manière n'eft point aufli bien d'accord que l'affure
M. Rameau. Les Tierces majeures leur paronTent dures &
choquantes , & quand on leur dit qu'ils n'ont qu'a fe faire à
l'altération des Tierces comme ils s'étoient faits ci -devant à
ceile des Quintes , ils répliquent qu'ils ne conçoivent pas com-
ment l'Orgue pourra fe faire à fupprimer les battemens qu'on
y entend par cette manière de l'accorder, ou comment l'oreille
ceffera d'en être offenfée. Puifque par la nature des Confonnan-
ces la Quinte peut être plus altérée que la Tierce fans choquer
l'oreille & fans faire des battemens , n'e/t-il pas convenable
de jetter l'altération du côté où elle eft le moins choquante ,
& de laiffer plus juftes , par préférence , les Intervalles qu'on
ne peut altérer fans les rendre difeordans?
Le P. Merfenne affuroit qu'on difoit de fon tems que les
premiers qui pratiquèrent fur le Clavier les femi-Tons , qu'il
appelle feintes , accordèrent d'abord toutes les Quintes a-peu-
prùs félon l'Accord égal propofé par M. Rameau ; mais que
leur oreille ne pouvant fouffrir la diicordance des Tierces
majeures néceffuirement trop fortes , ils tempérèrent l'Ac-
cord
T E M
cord en afToibliilint les premières Quintes pour bailler les
Tierces majeures. Il paroît donc que s'accoutumer à cette
manière d'Accord n'eft pas, pour une oreille exercée & fcr.-
fîble , une habitude uifée à prendre.
Au refte , je ne puis m'empécher de rappeller ici ce que
j'ai dit au mot Consonnanck , fur la raifon du plaiiir que
les Confonnances font à l'oreille , tirée de la (implicite des
rapports. Le rapport d'une Quinte tempérée félon la méthode
4 3 4
de M. Rameau eft celui-ci y/ 8o + y/ Ri. Ce rapport cependant
plaît à l'oreille ; je demande fi c'eft par fa (implicite ?
TEMS. Mefure du Son , quant à la durée.
Une fucceMion de Sons, quelque bien dirigée qu'elle puilfe
être dans fa marche , dans fes Degrés du grave à l'aigu
ou de l'aigu au grave, ne produit, pour ainfî dire, que des
effets indéterminés. Ce font les durées relatives & propor-
tionnelles de ces mêmes Sons qui fixent le vrai caractère
d'une Mufique, cklui donnent fa plus grande énergie. Le Teins
eft l'ame du Chant ; les Airs dont la mefure eft lente , nous
attriftent naturellement ; mais un Air gai , vif & bien cadencé
nous excite a La joie, &c à peine les pieds peuvent-ils fe retenir
de danfer. Otez la Mefure , détruifez la proportion des Tems ,
les mêmes Airs que cette proportion vous rendoit agréables ,
reftés fans charme & fans force, deviendront incapables déplaire
& d'intéreifer. Le Tems , au contraire, a fa force en lui-même ;
elle dépend de lui feul, &peut fubfifter fans la diverlité des Sons.
Le Tambour nous en orïre un exemple , groflier toutefois &
très-imparfait , parce que le Son ne s'y peut foutenir, •
Dicl. de Mufique, X \
7^4
T E M
On confîdere le Tems en Mufique , ou par rapport au
mouvement général d'un Air , & , dans ce fens , on dit
qu'il eft lent ou vite ; ( Voyez Mesure , Mouvement. )
ou, félon les parties aliquotes de chaque Mefure , parties qui
fe marquent par des mouvemens de la main ou du pied &
qu'on appelle particulièrement àes Tems ; ou enfin félon
la valeur propre de chaque Note. ( Voyez Valeur des
Notes. )
J'ai fuffifamment parlé , au mot Rhytkme , des Tems d«
la Mufique Grecque ; il me relte à parler ici des Teins de.
la Mufique moderne.
Nos anciens Muficiens ne reconnoiffoient que deux efpeces
de Mefure ou de Tems ; l'une à trois Tems , qu'ils appel-
aient Mefure parfaite ; l'autre à deux , qu'ils traitoient de
Mefure imparfaite , &c ils appelloient Tems , Alodes ou Pro-
fanons , les fignes qu'ils ajoutoient à la Clef pour déter-
miner l'une ou l'autre de ces Mefures. Ces fignes ne fer-
voient pas à cet unique ufage comme ils font aujourd'hui ;
mais ils fixoient auffi la valeur relative des Notes , comme
on a déjà pu voir aux mots Mode Se Prolation , par rap-
port à la Maxime , à la Longue & à la femi - Brève; A
l'égard de la Brève , la manière de la divifer écoit ce qu'ils
appelloient plus précifemenr Tems , &z ce Tems étoit parfait
ou imparfait.
Quand le Tems étoit parfait , la Brève ou Qu.irrce valoir,
trois Rondes ou femi- Brèves ; & ils iudiquoienr cela p.ir
un cercle entier , barré ou non barré , & quelquefois cnccrc
par ce chiffre tompofé t
T E M 7li
Quand le Tems croit imparfait , la Brève ne valoir que
deux Rondes; &. cela fe marquoit par un demi -cercle ou
C. Quelquefois ils rournoienr le C à rebours; & cela mar-
quoit une diminution de moitié fur la valeur de chaque
Note. Nous indiquons aujourd'hui la même chofe en barrant
le C. Quelques - uns ont auffi appelle Tems mineur cette
Mefure du C barré où les Notes ne durent que la moitié
de leur valeur ordinaire , & Tems majeur celle du C plein
ou de la Mefure ordinaire à quatre Tems.
Nous avons bien retenu la Mefure triple des Anciens de
même que la double ; mais par la plus étrange bizarrerie
de leurs deux manières de divifer les Notes , nous n'avons
retenu que la fous - double , quoique nous n'ayons pas moins
befoin de l'autre ; de forte que , pour divifer une Mefure
ou un Tems en trois parties égales , les fignes nous man-
quent , & à peine fait - on comment s'y prendre. Il fdut
recourir au chiffre 3 & à d'autres expédiens qui montrent
l'infuffifance des fignes. ( Voyez Triple. )
Nous avons ajouté aux anciennes Mufiques une combi-
naifon de Tems, qui efi la Mefure à quatre; mais comme
elle fc peut toujours réfoudre en deux Mefures a deux , on
peut dire que nous n'avons abfolument que deux Tems Se
trois Tems pour parties aliquotes de coûtes nos différentes
Mefures.
11 y a autant de différentes valeurs de Tems qu'il y a de
fortes de Mefures & de modifications de Mouvement. Mais
quand une fois la Mefure & le Mouvement font déterminés ,
toutes les Mefures doivent être parfaitement égales, & tous
Xxxx 1
7,6 T E M
les Teins de chaque Mefure parfaitement égaux entPeux. Or f
pour rendre fenfible cette égalité , on frappe chaque Mefure
& l'on marque chaque Tems par un mouvement de la main
ou du pied , & fur ces mouvemens on règle exactement
les différentes valeurs des Notes , félon le caractère de la
Mefure. C'efr. une chofe étonnante de voir avec quelle pré-
cifion l'on vient à bout , à l'aide d'un peu d'habitude , de
marquer & de fuivre tous les Tems avec une fi parfaite
égalité , qu'il n'y a point de pendule qui furpaîTe en jultelfe
la main ou le pied d'un bon Muficien , & qu'enfin le fen-
timent feul de cette égalité ÇaPÀt pour le guider & fupplée
à tout mouvement fenfible ; en forte que dans un Concert
chacun fuit la même Mefure avec la dernière précifîon r
fans qu'un autre la marque & fans la marquer foi - même.
Des divers Tems d'une Mefure , il y en a de plus fenfi-
bles , de plus marqués que d'autres , quoique de valeurs
égales. Le Tems qui marque davantage s'appelle Tems fort >
celui qui marque moins s'appelle Tems foible : c'elt ce que
M. Rameau , dans fbn Traité d'Harmonie , appelle Tems bon
& Tems mauvais. Les Tems forts font , le premier dans la
Mefure à deux Tems ; le premier ôc le troiiieme dans les
Mefures a trois & quatre. A l'égard du fécond Tems , il tiï
toujours foible dans toutes les Mefures, & il en elt de mcniu
du quatrième dans la Mefure à quatre Tems.
Si l'on fubdivife chaque Tems en deux autres parties éga-
les , qu'on peut encore appeller Tems ou demi - Tems , on
aura derechef Tems fort pour la première moitié, Tems foible
pour la féconde , & il n'y a point de partie d'un Tems
T E M 7I7
qu'on ne puilîe fubdivifer de la même manière. Toute Noce
qui commence fur le Tems foibk & finit fur le Ttms fort
elt une Note à contre - Tans ; & parce qu'elle heurte &
choque en quelque façon la Mefure , on l'appelle Syncope,
( Voyez Svncopk )
Ces obfervations font néceflaires pour apprendre à bien
traiter les Dilfonances. Car toute Dilibnance bien préparée
doit l'être fur le Tems foible , & frappée fur le Tems fort ;
excepté cependant dans des fuites de Cadences évitées où
cette règle , quoiqu'applicable à la première Dilibnance »
ne l'eit pas également aux autres. ( Voyez Dissonance y
Préparer. )
TENDREMENT. Cet adverbe écrit à la tête d'un Air
indique un Mouvement lent ôc doux , des Sons filés gra-
cieufement & animés d'une exprefïïon tendre & touchante.
Les Italiens fe fervent du mot Amorofo pour exprimer à-
peu-près la même chofe : mais le caractère de V Amorofo a
plus d'accent , & refpire je ne fais quoi de moins fade & de
plus pafïionné.
TENEDIUS. Sorte de Nome pour les Flûtes dans l'an-
cienne Mufique des Grecs.
TENEUR,//^ Terme de Plain -Chant qui marque dans
la Pfalmodie la partie qui règne depuis la fin de l'Intona-
tion jufqu'à la Médiation , Ôc depuis la Médiation jufqu'à
la Terminaifon. Cette Teneur , qu'on peut appeller la Do-
minante de la Pfalmodie , elt prefque toujours fur le
même Ton.
TENOR. ( Voyez Taille. ) Dans les commencemens
7i8 T E N
du Contre - point , on donnoit le nom de Ténor à la Partie
la plus bafle.
TENUE , f.f. Son foutenu par une Partie durant deux ou
plufieurs Mefjres , tandis que d'autres Parties travaillent.
( Voyez Mesure , Travailler. ) Il arrive quelquefois, mais
rarement, que toutes les Parties font des Ténues à la fois ;
& alors il ne faut pas que la Tenue foit fi longue que le
fentiment de la Mefure s'y laiiTe oublier.
TETE. La Tête ou le corps d'une Note eft cette partie
qui en détermine la poficion , & à laquelle tient la Queue
quand elle en a une. ( Voyez Queue. )
Avant l'invention de l'imprimerie les Notes n'avoient que
des Têtes noires : car la plupart des Notes étant quarrées ,
il eût été trop long de les faire blanches en écrivant. Dans
l'impreflion l'on forma des Têtes de Notes blanches, c'efè-à-
dire , vides dans le milieu. Aujourd'hui les unes & les autres
font en ufage , & , tout le refte égal , une Tête blanche
marque toujours une valeur double de celle d'une Tête noire.
( Voyez Notes , Valeur des Notes. )
TETRACORDE , f. m. C'étoit , dans la Mufique an-
cienne , un ordre ou fyftcme particulier de Sons dont les
Cordes extrêmes fonnoient la Quarte. Ce fyflcme s'appelloit
Têtracorde , parce que les Sons qui le compoibient , étoient
ordinairement au nombre de quatre ; ce qui pourtant n'étoit
pas toujours vrai.
Nicomaque , au rapport de Boëce , dit que la Mufique
dans fa première Gmplicité n'avoit que quatre Sons ou Cordes
dont les deux extrêmes fonnoient le Diapafon cntr'ellcs ,
TET 7:9
tandis que les deux moyennes disantes d'un Ton l'une de
l'autre , fonnoient chacune la (Quarte avec l'extrême dont elle
étoit la plus proche , & la Quinte avec celle don: cil? droit
la plus éloignée. Il appelle cela le Tétracorde de Mercure, du
nom de celui qu'on en difoit l'inventeur.
Bocce dit encore qu'après l'addition de trois Cordes f
par différens Auteurs , Lychaon Samien en ajouta une hui-
tième qu'il plaça entre la Trice cv la Paramèfe , qui eteient
auparavant la même Corde ; ce qui rendit TOctacorde conv-
plet & compofe de deux Tétracordes disjoints , de conjoints
qu'ils étoient auparavant dans l'Eptacorde.
J'ai confultc l'ouvrage de Nicomaque , «Se il me femble
qu'il ne dit point cela. Il dit au contraire que Pythagore
ayant remarqué que bien que le Son moyen des deux 2e-
tracordes conjoints fonnât la Confonnance de la Quarte avec
chacun des extrêmes, ces extrêmes comparés entr'eux étoient
toutefois dilfonans : il inféra entre les deux Tétracordes une
huitième Corde , qui , les divifant par un Ton d'Intervalle r
fuMtitua le Diapafon ou l'Oclave à la Septième entre leurs
extrêmes, & produifit encore une nouvelle Confonnance entre
chacune des deux Cordes moyennes & l'extrême qui lui étoic
c-ppo fée-
Sur la manière dont fê fit cette addition , Nicomaque &
Bocce font tous deux également embrouilLs , ce non contens
de fe contredire entr'euv, chacun d'eux fe contredit encore
lui-même. (Voyez Système, Trite , ParàMÈSE. )
Si l'on avoit égard à ce que difent Bocce ce d'autres plus
anciens écrivains , on ne pourroit donner de bornes îixes b.
7zo TET
l'étendue du Tétracorde : mais foit que l'on compte ou que
l'on pefe les voix , on trouvera que la définition la plus
exacte eit celle du vieux Bacchius , & c'eft aufïi celle que j'ai
préférée.
En effet , cet Intervalle de Quarte eft effentiel au Tetra-
corde ; c'eft pourquoi les Sons extrêmes qui forment cet
Intervalle font appelles immuables ou fixes par les Anciens ,
au lieu qu'ils appellent mobiles ou changeans les Sons moyens,
parce qu'ils peuvent s'accorder de pluficurs manières.
Au contraire le nombre de quatre Cordes d'où le Tétra-
corde a pris fon nom , lui eft fi peu effentiel , qu'on voit ,
dans l'ancienne Mufique , des Tétracordes qui n'en avoient
que trois. Tels furent , durant un tems , les Tétracordes en-
harmoniques. Tel étoit , félon Meibomius , le fécond Tetra-
corde du fyltéme ancien , avant qu'on y eût inféré une nou-
velle Corde.
Quant au premier Têtracorde , il étoit certainement com-
plet avant Pythagore , ainfi qu'on le voit dans le Pythagori-
cien Nicomaque ; ce qui n'empêche pas M. Rameau d'affir-
mer que , félon le rapport unanime , Pythagore trouva le Ton ,
le Diton , le femi-Ton , & que du tout il forma le Tetra-
corde diatonique; (notez que cela feroit un Pentacorde : ) au
lieu de dire que Pythagore trouva feulement les raifons de
ces Intervalles , lefqucls , félon un rapport plus unanime ,
étoient connus long-tems avant lui.
Les Tétracordes ne relièrent pas long-tems bornés au
nombre de deux ; il s'en forma bientôt un rroificme , puis
un quatrième ; nombre auquel le fyltéme des Grecs de-
meura fixé. Tous
TET 7iT
Tous ces Tétracordes étoient conjoints ; c'eft-à-dire , que
la dernière Corde du premier fervoit toujours de première
Corde au fécond , & ainfi de fuite , excepté un feul lieu à
l'aigu ou au grave du troifieme Tétracorde , où il y avoit
Disjonction , laquelle ( voyez ce mot) mettoit un Ton d'In-
tervalle entre la plus haute Corde du Tétracorde inférieur ik la
plus baffe du Tétracorde fupérieur. (Voyez Svn.M'hi: , Dia.-
zeuxis. ) Or, comme cette Disjonction du troifieme Tira-
corde fe faifoit tantôt avec le fécond, tantôt avec le quatrième,
cela fit approprier à ce troifieme Tétracorde un nom parti-
culier pour chacun de ces deux cas. De forte que , quoiqu'il
n'y eût proprement que quatre Tétracordes , il y avoit pour-
tant cinq dénominations. ( Voyez PL H. Fig. i. )
Voici les noms de ces Tétracordes. Le plus grave des
quatre , & qui fe trouvoit place un Ton au-deffus de la Corde
Prollambanomene , s'appelloit le Tétracorde -Hypaton , ou
des principales ; le fécond en montant , lequel étoit toujours
conjoint au premier, s'appelloit le Tétracorde - Méfbn , ou
des moyennes ; le troifieme , quand il étoit conjoint au fécond
& féparé du quatrième, s'appelloit le Tétracorde Synnéménon%
ou des Conjointes ; mais quand il étoit féparé du fécond «5c
conjoint au quatrième , alors ce troifieme Tétracorde pre-
noit le nom de Dié\cugménon , ou des Divifées. Enfin , le
quatrième s'appelloit le Tétracorde - Hyperboléon , ou des
excellentes. L'Arétin ajouta à ce fyltémc un cinquième Té*
tracorde que Meibomius prétend qu'il ne lit que rétablir.
Quoi qu'il en foit , les fyltêmes particuliers des Tétracordes
firent enfin place à celui de l'Octave qui les fournit tous.
Dicl. de Mufiauc, Y y y y
7n TET
Les deux Cordes extrêmes de chacun de ces Tétracordes
étoient appellées immuables , parce que leur Accord ne chan-
geoit jamais ; mais ils contenoienc aufli chacun deux Cordes
moyennes , qui , bien qu'accordées femblablement dans tous
les Tétracordes , étoient pourtant fujettes , comme je l'ai
dit, à être haufTces ou baiffées félon le Genre & même félon
l'efpece du Genre ; ce qui fe faifoit dans tous les Tétracordes
également : c'eit pour cela que ces Cordes étoient appellées
moèiles.
Il y avoit fix efpeces principales d'Accord , félon les Arif-
toxéniens ; favoir , deux pour le Genre Diatonique , trois pour
le Chromatique, & une feulement pour l'Enharmonique. (Voy.
ces mots. ) Ptolomée réduit ces fix efpeces à cinq. ( Voyez
PL M. Fig. 5. )
Ces diverfes efpeces , ramenées à la pratique la plus com-
mune , n'en formoient que trois , une par Genre.
I. L'Accord diatonique ordinaire du Tétracorde formoit
trois Intervalles , dont le premier étoit toujours d'un femi-
Ton , & les deux autres d'un Ton chacun , de cette manière :
mi , fa , fol , la.
Pour le Genre Chromatique , il faloit bairti-r d'un femi-
Ton la troifieme Corde , & l'on avoit deux fcmi-Tons con-
fécutifs , puis une Tierce mineure : mi , j'a , fa Dièfe , la.
Enfin pour le Genre Enharmonique , il faloit baifler les
deux Cordes du milieu jufcju'à ce qu'on eût deux quarts-de-
/ n confécurifs , puis une Tierce majeure : Mi , mi demi-
Dicfe , /.'; , la ; ce qui donnoit entre le mi Dièfe êv le fa un
véritable Intervalle enharmonique.
TET ?H
Les Cordes femblablcs , quoiqu'elles fc folriaffent par les
mêmes fyllabes , ne portoient pas les mêmes noms dans tous
les Tétracordcs , mais elles avoient dans les Tétracordt s graves
des dénominations différentes de telles qu'elles avoient dans
les Tétracordcs aigus. On trouvera toutes ces différentes dé-
nominations dans la Fig. i. de la PL H.
Les Cordes homologues , confidérées comme telles , por-
toient des noms génériques qui exprimoient le nippon
leur pofition dans leurs Tétracordcs refpectifs : ainfi l'on
donnoit le nom de Barypycni aux premiers Sons de l'Inter-
valle ferré, c'elt-à-dire , au Son le plus grave de chaque
Tétracorde ; de Méfopycni aux féconds ou moyens, àCOxypy cni
aux troifiemes ou aigus ; 6c dV//1} cni à ceux qui ne touchoient
d'aucun côté aux Intervalles ferrés. ( Voyez Système. )
Cette divilion du fyltême des Grecs par Tétracordcs fem-
blables , comme nous diviibns le nôtre par Octaves fem-
blablement divifées , prouve , ce me femble , que ce fyltême
n'avoit été produit par aucun fentiment d'Harmonie , mais
qu'ils avoient tâché d'y rendre par des Intervalles plus ferrés
les inflexions de voix que leur tangue fonore 6c harmonieuiè
donnoic à leur récitation foutenue , 6c fur -tout à celle <'e
leur Poéfie , qui d'abord fut un véritable Chant ; de forte
que la Mufique n'étoit alors que l'Accent de la parole c\: ne
devint un Art féparé qu'après un long trait de tems. Quoi
qu'il en foit , il e(t certain qu'ils bornoient leurs divifions
primitives à quatre Cordes , dont toutes les autres n'étoient
que les Répliques , 6c qu'ils ne regardoient tous les autres
Tétracordcs que comme autant de répétitions du premier,
Yyyy a
7z4 TET
D'où je conclus qu'il n'y a pas plus d'analogie entre leur
fyf terne & le nôtre qu'entre un Tétracorde & une Octave ,
& que la marche .fondamentale à notre mode , que nous
donnons pour bafe à leur fyftême , ne s'y rapporte en aucune
façon.
i. Parce qu'un Tétracorde formoit pour eux un tout aufïï
complet que le forme pour nous une Octave.
2. Parce qu'ils n'avoient que quatre fyllabes pour folfier,'
au lieu que nous en avons fept.
3. Parce que leurs Tétracorde? étoient conjoints ou d'\C-
îoints à volonté ; ce qui marquoit leur entière indépendance
refpective.
4. Enfin , parce que les divifions y étoient exactement
femblables dans chaque Genre , & fe pratiquoient dans le
même Mode; ce qui ne pouvoit fe faire dans nos idées
par aucune Modulation véritablement harmonique.
TËTRADIAPASON. C'eft le nom Grec de la qua-
druple Octave , qu'on appelle aufîi Vingt - neuvième. Les
Grecs ne connoifToient que le nom de cet Intervalle ; car
leur fyftême de Mufique n'y arrivent pas. ( Voyez SYSTÈME»)
TÉTRATONON. C'eft le nom Grec d'un Intervalle de
quatre Tons , qu'on appelle aujourd'hui Qiiinre -fuperflue*
( Voyez Quinti-. )
TEXTE. C'eft le Pocme, ou ce font les paroles qu'on
met en Mufique. Mais ce mot eft vieilli dans ce lins, &
l'on ne dit plus le Texte chez les Muiïciens ; on dit les
paroles. ( Voyez Parolss. )
THE. L'une des quatre fyllabes dont les Grecs fe (èrvoi
pour foliier. ( Voyez Souu.r. )
THE 7î,
THESIS , / / Abaiilement ou pofuicn. C'eft ainfi qu'on
appelloit autrefois le Teins fort ou le frappé de la Mcfure.
THO. L'une des quatre fyllabes dont les Grecs fc fer-
voient pour follier. ( Voyez Solfikr. )
TIERCE. La dernière des Confonnances fimples &
directes dans Tordre de leur génération , ik la première des
deux Confonnances imparfaites. ( Voyez Consonnanck. )
Comme les Grecs ne l'admettoient pas pour Confonnante,
elle n'avoit point , parmi eux , de nom générique ; mais
elle prenoit feulement le nom de l'Intervalle plus ou moins
grand t dont elle étoit formée. Nous l'appelions Tiercz parce
que fon Intervalle eft toujours compofé de deux Degrés ou
de trois Sons diatoniques. A ne confidérer les Tierces que
dans ce dernier fens, c'eft-à-dire , par leurs Degrés, on en
trouve de quatre fortes ; deux Conformantes &c deux Dif-
fonantes.
Les Confonnantes font ; i°. La Tierce majeure que les
Grecs appelloient Diton , compofée de deux Tons , comme
dW à mi. Son rapport eft de 4 à 5. z°. La Tierce mineure
appellée par les Grecs HémiJit»n , & compofce d'un Ton ëc
demi , comme mi fol. Son rapport eft de 5 à 6.
Les Tierces diiïbnantes font : i°. La Tierce diminuée ,
compofée de deux femi-Tons majeurs, comme// re Bémol,
dont le rapport eft de 115 a 144. i°. La Tierce fuperflue ,
compofée de deux Tons & demi , comme fa la Dicfe :
fon rapport eft 96 a 115.
Ce dernier Intervalle ne pouvant avoir lieu dans un même
Mode ne s'emploie jamais, ni dans l'Harmonie, ni dans
7z6 r i e
la Mélodie. Les Italiens pratiquent quelquefois , dans le
Chant , la Tierce diminuée , mais elle n'a lieu dans aucune
Harmonie , & voilà pourquoi lA.ccord de Sixte fuperflue
ne fe renverfe pas.
Les Tierces confonnantes font l'ame de l'Harmonie , fur-
tout la Tierce majeure , qui eft fonore & brillante : la Tierce
mineure eft plus tendre & plus trille ; elle a beaucoup de
douceur quand l'Intervalle en eft redoublé ; c'eft - à - dire ,
qu'elle fait la Dixième. En général les Tierces veulent être
portées dans le haut ; dans le bas elles font fourdes & peu
harmonieufes : c'eft pourquoi jamais Duo de Baffes n'a fait
un bon effet.
Nos anciens Muficiens avoient , fur les Tierces , des loix
prefqu'auffi féveres que fur les Quintes. Il étoit défendu d'en
faire deux de fuite , même d'efpeces différentes , fur-tout
par mouvemens femblables. Aujourd'hui qu'on a généra-
lifé par les bonnes Loix du Mode les règles particulières
des Accords , on fait fans faute , par mouvemens fem-
blables ou contraires , par Degrés conjoints ou disjoints ,
autant de Tierces majeures ou mineures confécutives que
la Modulation en peut comporter, & l'on a des Duo fort
agréables qui, du commencement à la lin , ne procèdent
que par Tierces.
Quoique la Tierce entre dans la plupart des Accords, elle
ne donne fon nom à aucun , fi ce n'eft à celui que quel-
ques-uns appellent Accord de Tierce-^ uartt , & que nous
connoiffons plus communément fous le nom de Petite-Sixte.
(Voyez Acco&d, Sixte.)
T I E
TIERCE de Picardie. Les Muficiens appellent ainfi, pat
plaifancerie la Tierce majeure donnée , au lieu de la mineure,
à la finale d'un morceau compofé en Mode mineur. Comme
l'Accord parfait majeur eft. plus harmonieux que le mineur,
on fe faifoit autrefois une loi de finir toujours fur ce pre-
mier ; mais cette finale , bien qu'harmonieufe avoit quel-
que chofe de niais & de mal-chantant qui l'a fait aban-
donner. On finit toujours aujourd'hui par l'Accord qui
convient au Mode de la Pièce, fi ce n'eft lorfqu'on veut
palier du mineur au majeur : car alors la finale du premier
Mode porte élégamment la Tierce majeure pour annoncer
le fécond.
Tierce de Picardie ; parce que l'ufage de cette finale eft
refté plus long-tems dans la Mufique d'Eglife , 6c, par con-
féquent en Picardie , où il y a Mufique dans un grand nom-
bre de Cathédrales , & d'autres Eglifes.
TIRADE, f.f. Lorfque deux Notes font féparées par un
Intervalle disjoint, & qu'on remplit cet Intervalle de tou-
tes fes Notes diatoniques , cela s'appelle une Tirade. La
Tirade diffère de la Fufée, en ce que les Sons intermédiaires
qui lient les deux extrémités de la Fufée font très-rapides,
& ne font pas fenfibles dans la Mefure , au lieu que ceux
de la Tirade , ayant une valeur fenfible, peuvent être lents
& même inégaux.
Les anciens nommoient en Grec àyuy)ç , & en latin duc-
tus, ce que nous appelions aujourd'hui Tirade; & ils en dif-
tinguoient de trois fortes. î". Si les Sons fe fuivoient en
montant, ils appelloieut cela iv6ùtt ductus reclus, i°. S'ils il
7i8 • T I E
fuivoient en defcendant , c'étoit ànax.x'fA,7TToira , duclus rever-
tens. 30. Que fi après avoir monté par Bémol, ils redefcen-
doient par Béquarre , ou réciproquement , cela s'appelloit
TrtptQtm, duclus circumcurrens. (Voyez Euthia , Anacamp-
tos , Péripheres. )
On auroit beaucoup à faire aujourd'hui que la Mufique eft
fi travaillée, fi l'on vouloit donner des noms à tous fes
différens paflages.
TON. Ce mot a plufieurs fens en Mufique.
i°. Il fe prend d'abord pour un Intervalle qui cara&érife
le fyftême & le Genre Diatonique. Dans cette acception il
y a deux fortes de Tons ; favoir , le Ton majeur , dont le
rapport eft de 8 à 9 , & qui réfulte de la différence de la
Quarte à la Quinte; &c le Ton mineur, dont le rapport eft
de 9 à 10, &c qui réfulte de la différence de la Tierce
mineure à la Quarte.
La génération du Ton majeur & celle du Ton mineur fe
trouvent également à la deuxième Quinte re commençant
par ut : car la quantité dont ce re furpaife l'Octave du pre-
mier ut eft juflemcnc «.Lins le rapport de 8 à 9 , &c celle
dont ce même re eft furpaffé par mi , Tierce majeure de
cette Oitavc , eft dans le rapport de 9 a 10.
i°. On appelle Ton le degré d'élévation que prennent les
Voix ou fur lequel font montés les Inftrumcns , pour exé-
cuter la Mufique. C'eft en ce fens qu'on dit, dans un Con-
cert , que le Ton eft trop haut ou trop bas. Dans les Eglifls
il y a le Ton du Chaur pour le Plain-Chant. Jl y a pour
la Muiique , Ton de Chapelle & Ton d'Opéra, Ce dernier
n'a
TON
7*9
n'a rien de fixe ; mais en France il eft ordinairement plus
b.is que l'autre.
3". On donne encore le même nom à un Inftrument
qui fert à donner le Ton de l'Accord à tout un Orcheftre.
C.t Inftrument, que quelques-uns appellent auffi Chorifte ,
eft un ûfflet , qui , au moyen d'une efpeçe de pifton gra-
dué, par lequel on alonge ou raccourcit le tuyau à voloi
donne toujours à-peu-près le même Son fous la même di-
vifion. Mais cet à-peu-pres , qui dépend des variations de
l'air , empêche qu'on ne puiffe s'affurer d'un Son fixe
qui foit toujours exactement le même. Peut-être , depuis
qu'il exifte de la Mufique, n'a-t-on jamais concerté deux
fois fur le même Ton. M. Diderot a donné , dans fes prin-
cipes d' Acoustique , les moyens de fixer le Ton avec beau-
coup plus de précifion , en remédiant aux effets des varia-
tions de l'air.
4°. Enfin, Ton fe prend pour une règle de Modulation
relative à une Note ou Corde principale qu'on appelle Tout'
que. (Voyez Tonique. )
Sur les Tons des anciens , voyez Mode.
Comme notre Syftcme moderne elt compofé de douze
Cordes ou Son différens, chacun de ces Sons peut lervir
de fondement à un Ton, c'eft-à-dire , en être la Tonique.
Ce font déjà douze Tons ; & comme le Mode majeur &
U Mode mineur font applicables à chaque Ton , ce font
^t-quatre Modulations dont notre Mufique elt fufcepcible
fur ces douze Tons. (Voyez Modulation.)
Ces Tons différent entr'eux par ks divers degrés ds
Dicî. de Mufique» Zzzz
73o TON
vation entre le grave & l'aigu qu'occupent les Toniques.
Us différent encore par les diverfes altérations des Sons &
des Intervalles , produites en chaque Ton par le Tempéra-
ment ; de forte que , fur un Clavecin bien d'accord , une
oreille exercée reconnoît fans peine un Ton quelconque
dont on lui fait entendre la Modulation ; & ces Tons fe
reconnoiiTent également fur des Clavecins accordés plus haut
ou plus bas les uns que les autres : ce qui montre que
cette connoiiïance vient du moins autant des diverfes mo-
difications que chaque Ton reçoit de l'Accord total , que du
degré d'élévation que la Tonique occupe dans le Clavier.
De-là naît une fource de variétés & de beautés dans la
Modulation. De-là naît une diverfîté & une énergie admi-
rable dans l'exprefïîon. De-là naît enfin la faculté d'exciter
des fentimens différens avec des Accords femblables frappés
en différens Tons. Faut-il du majcftueux , du grave ? L'F ut
fa,ôc les Tons majeurs par Bémol l'exprimeront noblement.
Faut-il du gai , du brillant ? Prenez A mi la , D la re , les
Tons majeurs par Dièfe. Faut-il du touchant, du tendre?
Prenez les Tons mineurs par Bémol. C fol ut mineur porte
la tendreffe dans l'ame ; F ut j'a mineur va jufqu'au lugubre
& à la douleur. En un mot , chaque Ton , chaque Mode y
a fon expreffion propre qu'il fcut favoir connoirre, & c'efr-
là un des moyens qui rendent un habile Compoficeur maitre,
en quelque manière, des affections de ceux qui recourent:
c'eft une efpece d'équivalent aux Modes anciens , quoique
fort éloigné de leur variété &: de leur énergie.
Cvit pourtant de cette agréable & riche diverfîté que M..
TON lV
Rameau voudroîc priver la Mufiquc , en ramenant une éga-
lité & une monotonie entière dans l'Harmonie de chaque
Mode , par fa règle du Tempérament ; règle déjà Ci fouvent
propofee & abandonnée avant lui. Selon cet Auteur, toute
l'Harmonie en feroic plus parfaite. Il elt certain , cependant ,
qu'on ne peut rien gagner en ceci d'un côté, qu'on ne perde
autant de l'autre; & quand on fuppoferoit (ce qui n'eft pas)
que l'Harmonie en général- en feroit plus pure; cela dédom-
mageroit-il de ce qu'on y perdrait du côté de l'expreflion ?
( Voyez Tempérament.)
TON DU QUART. C'eft ainfi que les Organiftes &
Muficiens d'Eglife ont appelle le Plagal du Mode mineur qui
s'arrête & finit fur la Dominante au lieu de tomber fur la
Tonique. Ce nom de Ton du Quart lui vient de ce que
telle eft fpécialement la Modulation du quatrième Ton dans
le Plain-Chant.
TONS DE L'EGLISE. Ce font des manières de Moduler
le Plain-Chant fur telle ou telle finale prife dans le nombre
preferit, en fuivant certaines règles admifes dans toutes les
Eglifes où l'on pratique le Chant Grégorien.
On compte huit Tons réguliers , dont quatre authentiques
ou principaux, & quatre Plagaux ou Collatéraux. On appelle
Tons authentiques ceux où la Tonique occupe à-peu prés le
plus bas Degré du Chant ; mais fi le Chant deLend jufqu'à
trois Degrés plus bas que la Tonique , alors le Ton eft
Plagal.
Les quatre Tons authentiques ont leurs finales à un Degré
l'une de l'autre félon l'ordre de ces quatre Notes, rc mi fa
7 ■'. Y. 7. ï.
73? TON
fol. Ainfi le premier de ces Tons répondant au Mode Do-
rien des Grecs , le fécond répond au Phrygien , le troifieme
à rfJolien (oc non pas au Lydien, comme difent les Sym-
phoniuftes), & le dernier au Mixo-Lydien. C'eft Saint Miroclet
Evcque de Milan , ou , félon d'autres , Saint Ambroife , qui
vers l'an 370, choiiît ces quatre Tons pour en compofer le
Chant de l'Eglife de Milan; & c'eft, à ce qu'on dit, le choix
& l'approbation de ces deux Evêques, qui ont fait donner
à ces quatre Tons le nom d'Authentiques.
Comme les Sons, employés dans ces quatre Tons, n'occu-
poient pas tout le Difdiapafon ou les quinze Cordes de l'an-
cien Syftême , Saint Grégoire forma le projet de les employer
tous par l'addition de quatre nouveaux Tons qu'on appelle
Plagaux , lefquels ayant les mêmes Diapafons que les précé-
dons , mais leur finale plus élevée d'une Quarte , reviennent
proprement , à l'Hyper-Dorien , à l'Hyper-Phrygien , à l'Hy-
per-EoIien, & à l'Hyper-Mixo-Lydien. D'autres attribuent à
Guy d'Arezzo l'invention de ce dernier.
C'eft de-là que les quatre Tons Authentiques ont chacun
un Plagal pour collatéral ou fupplément ; de forte qu'après
le premier Ton , qui eft authentique , vient le fécond Ton ,
qui eft fon Plagal ; le troifieme Authentique , le quatrième
Plagal, & ainfi de fuite. Ce qui fait que les Modes ou Tons
Authentiques s'appellent auflî impairs, & les Plagaux pairs,
eu égard à leur place dans l'ordre des Tons*
Le difeernement des Tons Authentiques ou Plagaux eft
indifpcnfable à celui qui donne le Ton du Chœur; car C\ le
Chant eft dans un Ton Plagal, il doit prendre la finale à-
TON 733
peu-près dans le Médium de la Voix ; & fi le Ton efl Au-
thentique , il doit la prendre dans le bas. Faute de cette ob-
fervarion, on expofe les voix à le forcer ou à n'être pas en-
rendues.
Il y a encore des Tons qu'on appelle Mixtes; c'eft-a-dire,
mêles de l'Authente & du Plagal, ou qui font en partie prin-
cipaux & en partie collatéraux ; on les appelle auffi Tons ou
Modes communs. En ces cas , le nom numéral ou la déno-
mination du Ton fe prend de celui des deux qui domine ,
ou qui fe fait fentir le plus , fur-tout à la tin de la Pièce.
Quelquefois on fait dans un Ton des tranfpofitions à la
Quinte : ainfi au lieu de re dans le premier Ton , l'on aura
la pour finale , fi pour mi , ut pour fa ; & ainfi de fuite.
Mais fi l'ordre & la Modulation ne changent pas , le Ton
ne change pas non plus, quoique pour la commodité des
Voix la finale foit tranfpofée. Ce font des obfervations à
faire pour le Chantre ou l'Organise qui donne l'Intonation.
Pour approprier , autant qu'il eft poffible , l'étendue de tous
ces Tons à celle d'une feule Voix , les Organises ont cher-
ché les Tons de la Mufique les plus correfpondans à ceux-
là. Voici ceux qu'ils ont établis.
Premier Ton Re mineur.
Second Ton Sol mineur.
Troifieme Ton. . . . La mineur ou Sol.
_ . _, 5 La mineur , finiflant fur la
Quatrième Ton. . . .£ Dominante.
Cinquième Ton. . . . Ut majeur ou Re,
734 TON
Sixième Ton Fa majeur.
Septième Ton Re majeur.
Huitième Ton I So1 maJeur > en *»&* fenrir
\ le Ton d'ut.
On auroit pu réduire ces huit Tons encore à une moin-
dre étendue en mettant à l'Unifîbn la plus haute Note de
chaque Ton , ou, fi l'on veut, celle qu'on rebat le plus, &
qui s'appelle, en terme de Plain-Chant , Dominante : mais
comme on n'a pas trouvé que l'étendue de tous ces Tons
ainfi réglés excédât celle de la voix humaine , on n'a pas
jugé à propos de diminuer encore cette étendue par des Tranf-
pofitions plus difficiles & moins harmonieufes que celles qui
font en ufage.
Au refte, les Tons de PEglif: ne font point afferis aux
loix des Tons de la Mufique ; il n'y eft point queflion de Mé-
diante ni de Note fenfible , le Mode y eft peu déterminé,
& on y laifTe les femi-Tons où ils fe trouvent dans l'ordre
naturel de l'Echelle ; pourvu feulement qu'ils ne produifent
ni Triton ni FaiifTe-Quinte fur la Tonique.
TONIQUE , f. f. Nom de la Corde principale fur laquelle
le Ton eft établi. Tous les Airs finiuent communément par
cette Note, fur-tout à la Baffe. C'eft l'efpece de Tierce que
porte la Tonique , qui détermine le Mode. Ainfi l'on peut
compofer dans les deux Modes fur la même Tonique. Enfin,
les Muficiens reconnoifient cette propriété dans la Tonique ,
que l'Accord parfait n'appartient rigoureufement qu'à <
feule. Lorfqu'on frappe cet Accord fur Une autn Note; ou
T O U 755
quelque DifTonance eft fous-entendue , ou cette Note devient
Tonique pour le moment.
Par la méthode des Tranfpoficions, la Tonique porte le
nom d'ut en Mode majeur, 6c de la en Mode mineur. (V.
Ton , Mode , Gamme, Solfier, Transposition, Clefs
transposees. )
Tonique eft aufli le nom donné par Arifloxène à Tune des
trois efpeces de Genre Chromatique dont il explique les divi-
sons , & qui eft le Chromatique ordinaire des Grecs , pro-
cédant par deux femi-Tons confécurifs, puis une Tierce mineure.
( Voyez Genres.)
Tonique eft quelquefois adjectif. On dit Corde tonique ,
Note tonique, Accord tonique, Echo tonique , &c.
TOUS & en Italien TUTTI. Ce mot s'écrit fouvenc
dans les parties de Symphonie d'un Concerto , après cet autre
mot Seul ou Solo , qui marque un Récit. Le mot Tous indi-
que le lieu où finit ce Récit, & où reprend tout l'Orcheftre.
TRAIT. Terme de Plain-Chant , marquant la Pfalmodie
d'un Pfeaume ou de quelques verfets de Pfeaume , traînée ou
alongée fur un Air lugubre qu'on fubfticue en quelques occa-
fions aux Chants joyeux de VAileluya 6c des Profes. Le Chant
des Traits doit être compofé dans le fécond ou dans le hui-
tième Ton ; les autres n'y font pas propres.
TRAIT , traclus , eft aufli le nom d'une ancienne figure
de Note appellée autrement Pliçue. ( Voyez Pliqi'e. )
TRANSITION, / / C'eft , dans le Chant, une manière
d'adoucir le faut d'un Intervalle disjoint en inférant des Sons
diatoniques entre ceux qui forment cet Intervalle.
7i6
T R A
La Tranjiùon eft proprement une Tirade non notée ; quel-
quefois aufli elle n'eft qu'un Port-de- Voix , quand il s'agit
feulement de rendre plus doux le partage d'un Degré diato-
nique. Ainfï , pour parter de Yut au re avec plus de douceur ,
la Tranfuion fe prend fur Vut.
Tranjiùon , dans l'Harmonie , eft une marche fondamen-
tale propre à changer de Genre ou de Ton d'une manière
fenfible , régulière , &c quelquefois par des intermédiaires.
Ainfi , dans le Genre Diatonique , quand la Balfe marche
de manière à exiger, dans les Parties, le partage d'un fe mi-
Ton mineur , c'eft une Tranfuion chromatique. ( Voyez
Chromatique. ) Que û l'on parte d'un Ton dans un autre
à la faveur d'un Accord de Septième diminuée , c'eft une
Tranfuion enharmonique. ( Voyez Enharmonique. )
TRANSLATION. C'eft , dans nos vieilles Mufiques , le
rranfport de la lignification d'un Point à une Note féparée
par d'autres Notes de ce même Point. ( Voyez Point. )
TRANSPOSER , v. a. & n. Ce mot a plufieurs fens en
Mufique.
Ou Tranfpofe en cxccutant , lorfqu'on rranfpofe une Pièce
de Mufique dans un autre Ton que celui où elle eft écrite.
(Voyez Transposition.)
On Tranfpofe en écrivant, lorfqu'on Note une Pièce de
Mufique dans un autre Ton que celui où elle a été com-
pofée. Ce qui oblige non-feulement à changer la polition de
toutes les Notes dans le même rapport, mais encore a armer
la Clef diiiéremmtnt félonies règles preferues à l'article CUf
tranj
Enfin
T R A
73;
Enfin l'on Tranfpofc en (binant lorfque , fans avoir égard
au nom naturel des Notes , on leur en donne de relatifs au
Ton, au Mode dans lequel on chante. ( Voyez Solfier. )
TRANSPOSITION. Changement par lequel on tranfporte
un Air ou une Pièce de Mufique d'un Ton à un autre.
Comme il n'y a que deux Modes dans notre Mufique ,
Compofer en tel ou tel Ton , n'eft autre chofe que fixer
fur telle ou telle Tonique , celui de ces deux Modes qu'on a
choifî. Mais comme l'ordre des Sons ne fe trouve pas natu-
rellement difpofé fur toutes les Toniques , comme il devroit
l'être pour y pouvoir établir un même Mode , on corrige
ces différences par le moyen des Diéfes ou des Bémols
dont on arme la Clef, & qui tranfporte les deux femi-
Tons de la place où ils étoient , à celle où ils doivent être
pour le Mode & le Ton dont il s'agit. ( Voyez Clef
TRANSPOSÉE. )
Quand on veut donc tranfpofer dans un Ton un Air corn-
pofé dans un autre , il s'agit premièrement d'en élever ou
abaiiTer la Tonique & toutes les Notes d'un ou de plufieurs
Degrés , félon le Ton que l'on a choifî , puis d'armer la
Clef comme l'exige l'analogie de ce nouveau Ton. Tout
cela elt égal pour les Voix : car en appellant toujours ut
la Tonique du Mode majeur & la celle du Mode mineur ,
elles fuivent toutes les affections du Mode , fans même y
fonger. (Voyez Solfier.) Mais ce n'elt pas pour un Sym-
phonifte une attention légère de jouer dans un Ton ce qui
e(t noté dans un autre ; car , quoiqu'il fe guide par les
Notes qu'il a fous les yeux , il faut que fes doigts en ion-
Dicl. de Mufique, Aaaau
73S T R A
nent de toutes différentes , & qu'il les altère tout diflerem-
ment félon la différente manière dont la Clef doit être armée
pour le Ton noté , & pour le Ton tranfpofé ; de forte que
fouvent il doit faire des Dièfes où il voit des Bémols , &
vice verfà , &c.
C'eft , ce me femble , un grand avantage du Syftême de
l'Auteur de ce Dictionnaire de rendre la Mufique notée éga-
lement propre à tous les Tons en changeant une feule lettre.
Cela fait qu'en quelque Ton qu'on tranfpofé , les Inftru-
mens qui exécutent , n'ont d'autre difficulté que celle de jouer
la Note , fans avoir jamais l'embarras de la Tranfpojition.
( Voyez Notes. )
TRAVAILLER , v. n. On dit qu'une Partie travaille
quand elle fait beaucoup de Notes & de Diminutions , tan-
dis que d'autres Parties font des Tenues & marchent plus
pofément.
TREIZIEME. Intervalle qui forme l'Octave de la Sixte
ou la Sixte de l'Octave. Cet Intervalle s'appelle Trei\icme ,
parce qu'il efr. formé de douze Degrés diatoniques , c'eft-à-
dirc de treize Sons.
TREMBLEiMENT , f. m. Agrément du Chant que les
Italiens appellent Trillo , & qu'on défigne plus fouvent en
François par le mot Cadence. ( Voyez Cadbhcb. )
On employoit auffi jadis le terme de Tremblement , en
Italien Trémolo, pour avertir ceux qui jouoient des Inftrumens
à Archet, de battre plufieurs fois la Note du même coup
d'Archet, comme pour imiter le Tremblant de l'Orgue. Le
nom ni la chofc ne fout plus en ufige aujourd'hui.
T R I 739
TRIADE HARMONIQUE , f. f. Ce terme en Mufiquc
a deux fens différens. Dans le calcul , c'eft la proportion
harmonique ; dans la pratique , c'eft l'Accord parfait majeur
qui réfulte de cette même proportion , & qui eft compofc
d'un Son fondamental , de fa Tierce majeure & de ù Quinte.
Triade , parce qu'elle eft compofée de trois termes.
Harmonique , parce qu'elle eft dans la proportion harmo-
nique , & qu'elle eft la fource de toute Harmonie.
TRIHEM1TON. C'eft le nom que donnoient les Grecs
a l'Intervalle que nous appelions Tierce mineure ; ils l'ap-
pelloient aufïi quelquefois HémiJiton. (Voy. Hemi ou Semi.)
TRILL ou Tremblement. (Voyez Cadence.)
TRIMELES. Sorte de Nome pour les Flûtes dans l'an-
cienne Mufique des Grecs.
TRIME RES. Nome qui s'exécutoit en trois Modes con-
fécutifs ; favoir, le Phrygien, le Dorien , & le Lydien. Les
uns attribuent l'invention de ce Nome compofé à Sacadas
Argien , & d'autres à Clonas Thégcate.
TRIO. En Italien Ter\stto. Mufique à trois Parties prin-
cipales ou récitantes. Cette efpece de Composition pafie pour
la plus excellente , & doit être aufïi la plus régulière de toutes.
Outre les règles générales du Contre -Point, il y en a pour
le Trio de plus rigoureufes dont la parfaite obfcrvatioa
tend à produire la plus agréable de toutes les Harmonies.
Ces règles découlent toutes de ce principe , que l'Accord
parfait étant compofc de trois Sons différens , il faut dais
chaque Accord , pour remplir l'Harmonie , diftribuer ces
trois Sons , autant qu'il fe peut , aux trois Parties du Trio,
Aaaa a i
74o TRI
A l'égard des Diffonanccs , comme on ne les doit jamais
doubler , & que leur Accord eit compofé de plus de trois
Son?} c'eft encore une plus grande néceffité de les diverfifier,
& de bien choifir, outre la Diffonance , les Sons qui doivent,
par préférence, l'accompagner.
De - là , ces diverfes règles, de ne pafler aucun Accord
fans y faire entendre la Tierce ou la Sixte , par conféquenr
d'éviter de frapper à la fois la Quinte & l'Octave , ou la
Quarte & la Quinte; de ne pratiquer l'Octave qu'avec beau-
coup de précaution , & de n'en jamais fonner deux de
fuite , même entre différentes Parties ; d'éviter la Quarte
autant qu'il fe peut : car toutes les Parties d'un Trio , pri-
fes deux à deux , doivent former des Duo parfaits. De-là ,
en un mot , toutes ces petites règles de détail qu'on pra-
tique même fans les avoir apprifes , quand on en fait bien
le Principe.
Comme routes ces règles font incompatibles avec l'unité
de Mélodie , & qu'on n'entendit jamais Trio régulier &
harmonieux avoir un Chant déterminé & fenfible dans l'exé-
cution , il s'enfuit que le Trio rigoureux clt un mauvais genre
de Mufique. Auffi ces règles fi féveres font- elles depuis long-
tems abolies en Italie , où l'on ne reconnoît jamais pour
bonne une Mufique qui ne chante point , quelque harmo-
nieufe d'ailleurs qu'elle puiffe être , êv quelque peine qu'elle
ait coûtée à compofer.
On doit fe rappeller ici ce que j'ai dit au mot Duo. Cet
termes Duo & Trio s'entendent feulement des P. unes prin-
cipales & obligées , & Ton n'y comprend ni les Accompa*
TRI ,4I
gnemens ni les remplill'ages. De forre qu'une Muiique à
quatre ou cinq Parties , peut n'être pourtant qu'un Trio.
Les François , qui aiment beaucoup la multiplication des
Parties , attendu* qu'ils trouvent plus aifément des Accords
que des Chants , non concens des dirHcultés du Trio ordi-
naire , ont encore imaginé ce qu'ils appellent Double- Ti -. i ,
dont les Parties font doublées & toutes obligées ; ils ont
un Double- Trio du fieur Duché, qui paile pour un Chef-
d'œuvre d'Harmonie.
TRIPLE, ad/. Genre de Mefure dans laquelle les Mefu-
res , les Tems , ou les aliquotes des Tems fe divifent en
trois parties égales.
On peut réduire à deux clafles générales ce nombre infini
de Mefures Triples dont Bononcini , Lorenzo , Penna & flrolfard
après eux , ont furchargé , l'un fon Alujico pratico , l'autre
fes Albert Aluficdli , &. le troifieme fon Dictionnaire. Ces
deux Claires font la Mefure ternaire ou à trois Tems , & la
Mefure binaire dont les Tems font divifés en raifon fous-
triple.
Nos anciens Muficiens regardoient la Mefure à trois Tems
comme beaucoup plus excellente que la binaire , & lui don-
uoient , à caufe de cela , le nom de Mode parfait. Nous
avons expliqué aux mots Modes , Tems , P rotation , les dif-
fierens fignes dont ils fe fervoient pour indiquer ces Mefures,
félon les divtrfes valeurs des Notes qui les remphllbienr ;
mais quelles que fufTent ces Notes , des que la Mefure étoit
T/iple ou parfaite , il y avoit toujours une efpece de Note
qui , même fans Point , rempliiioit exactement une Mefure ,
74i TRI
& fe fubdivifoic en trois autres Notes égales , une pour cha-
que Tems. Ainfi dans la Triple parfaite , la Brève ou Quarrée
valoit , non deux, mais trois femi- Brèves ou Rondes; &
ainfi des autres efpeces de Mefures Triples. Il y avoit pour-
tant un cas d'exception ; c'étoit lorfque cette Brève étoit
immédiatement précédée ou fuivie d'une femi -Brève; car
alors les deux enfemble ne faifant qu'une Mefure jufle , dont
la femi-Breve valoit un Tems, c'étoit une nécefîité que la
Brève n'en valût que deux ; & ainfi des autres Mefures.
C'eft ainii que fe formoient les Tems de la Mefure Triple:
mais quant aux fubdivifions de ces mêmes Tems , elles fe
faifoient toujours félon la raifon fous -double, & je ne con-
nois point d'ancienne Mulique où les Tems foient divifés en
raifon fous-Triple.
Les Modernes ont aufïï plufieurs Mefures à trois Tems ,
de différentes valeurs , dont la plus fimple fe marque par
un trois , & fe remplit d'une Blanche pointée , faifant une
Noire pour chaque Tems. Toutes les autres font des Mefures
appellécs doubles , à caufe que leur ligne eiè compofé de
deux Chiffres. ( Voyez Mksukk. )
La féconde efpece de Triple eft ceile qui fe rapporte , non
au nombre des Tems de la Mefure , mais à la divrfion de
chaque Tems en raifon fous-Triple. Cette Mefure eft, comme
je viens de le dire , de moderne invention & fe fubdivife en
deux efpeces, Mefure a deux Tems & Mefure à trois Tems,
dont celles-ci peuvent être coniidérées comme des Mefures
doublement Triples; favoir i". par les trois tems de la Me-
fure, & i". par les trois parties égales de chaque Tems. Les
TRI 74î
Triples de cette dernière efpece s'expriment toutes en Mefures
doubles.
Voici une récapitulation de toutes les Mefures Triples en
ufage aujourd'hui. Celles que j'ai marquées d'une étoile ne
font plus gueres ufitées.
I. Triples de la première efpece; c'eft-i-dire , dont la
Mefure eft à trois Tems , & chaque Tems divife en raiibn
fous - double.
* - *
3 5 3 3 3
3. 1 2 4 8 16
II. Triples de la deuxième efpece ; c'eft-à- dire , dont la
Mefure eit à deux Tems, & chaque Tems divife en raifon
fous - Triple.
*6 6 S 12 *i2
248 8 16
Ces deux dernières Mefures fe battent à quatre Tems.
III. Triples compofées ; c'ef t-a-dire , dont la Mefure eft ;\
trois Tems , & chaque Tems encore divife en trois parles
égales.
9 9 9
4 8 16
Toutes ces Mefures Triples fe réduifent encore plus fim-
plcment à trois efpeces , en ne comptant pour telles que
celles qui fe battent a trois Tems ; fivoir, la Triple de
131anch.es , qui contient une Blanche par Tems & fe mar-
que ainû î.
744
TRI
La Triple de Noires , qui contient une Noire par Tems
& fe marque ainfi \.
Et la Triple de Croches , qui contient une Croche par
Tems ou une Noire pointée par Mcfure & fe marque ainfi \.
Voyez au commencement de la Planche B des exemples
de ces diverfes Mefures Triples.
TRIPLE, adj. Un Intervalle Triplé efr. celui qui efè porté
à la triple-Octave. ( Voyez Intervalle. )
TRIP^UiM. C'elt le nom qu'on donnoit à la Partie la
plus aiguë dans les commencemens du Contre-Point.
TRITE , f. j. C'étoit , en comptant de l'aigu au grave ,
comme faifoient les Anciens , la troisième Corde du Tétra-
corde, c'eit-à-dire, la féconde, en comptant du grave à l'aigu.
Comme il y avoit cinq différens Tétracordes , il auroit dû
y avoir autant de Trites ; mais ce nom n'étoit en ufage que
dans les trois Tétracordes aigus. Pour les deux graves , yoyez
Parhvpate.
Ainfi il y avoit Trite Hyperboléon , Trite Diézcugménon,
& Trite Synncménon. (Voyez SYSTÈME , 1 1 TRACORDii. )
Bocce dit que , le Syllcmc n'étant encore compofé que de
deux Tétracordes conjoints, on donna le nom de Trite a la
cinquième Corde qu'on appelloit auffi Paramèfe ; c'eft-à-dire,
à la féconde Corde en montant du fécond Tétracorde: mais que
Lychaon Samien ayant inféré une nouvelle Corde entre la
Sixième ou Paranete , ce la Trite, celle tÇÎ garda le feul nom
de Trite & perdit celui de Parai . qui fut donné à cetee
nouvelle Corde. Ce n'clt pas-là toi.; ce que dit H> î
mais c'eft ainli qu'il faut l'expliquer pour l'entendre.
TRIT
T R I 7<5
TRITON. Intervalle diffonant compofé de trois Tons ,
deux majeurs & un mineur, & qu'on peut appcller Oiiarte-
Juperflue. ( Voyez Quarte. ) Cet Intervalle eit égal , fur le
Clavier, a celui de la faufle-Quinte : cependant les rapports
numériques n'en font pas égaux , celui du Triton n'étant
que de 31 à 45 ; ce qui vient de ce qu'aux Intervalles égaux,
de part & d'autre, le Triton n'a de plus qu'un Ton majeur, au
lieu de deux femi-Tons majeurs qu'a la faude -Quinte. ( Voy.
Fausse -Quinte. )
Mais la plus confidérable différence de la famTe-Quince &
du Triton eit que celui-ci eit une Dillbnance majeure que
les Parties fauvent en s'éloignant ; & l'autre une Difïbnance
mineure que les Parties fauvent en s'approchant.
L'Accord du Triton n'eit qu'un renverfement de l'Accord
fenfible dont la Difïbnance eit portée à la Bdffe. D'où il fuit
que cet Accord ne doit fe placer que fur la quatrième Note
du Ton , qu'il doit s'accompagner de Seconde & de Sixte ,
& fe fauver de la Sixte. (Voyez Sauver.)
TIMBRE. On appelle ainfi , par métaphore , cette qua-
lité du Son par laquelle il eft aigre ou doux , fourd ou écla-
tant , fec ou moelleux. Les Sons doux ont ordinairement peu
d'éclat , comme ceux de la Flûte &c du Luth ; les Sons écia-
tans font fujets à l'aigreur , comme ceux de la Vielle ou du
Hautbois. Il y a même des Initrumens , tels que le Clavecin ,
qui font à la fois fourds & aigres ; & c'eit le plus mauvais
Timbre. Le beau Timbre eit celui qui réunit la douceur à
l'éclat. Tel eit le Timbre du Violon. ( Voyez Son. )
Dicl. de Mu/igue. Bbbbb
74<î VAL
h r- ====aag== — ■ . »
V.
V
. Cette lettre majufcule fert à indiquer les parties du
Violon; & quand elle elt double VV, elle marque que le pre-
mier & le fécond font à l'Uniffon.
VALEUR DES NOTES. Outre la pofition des Notes , qui
en marque le Ton , elles ont toutes quelque figure déterminée
qui en marque la durée ou le Tems ; c'efi-à-dire , qui déter-
mine la Valeur de la Note.
C'eft à Jean de Mûris qu'on attribue l'invention de ces figu-
res vers l'an 1330 : car les Grecs n'avoient point d'autre Va-
leur de Notes que la quantité des fyllabes; ce qui feul prou-
veroit qu'ils n'avoient pas de Mulique purement inftrumcn-
tale. Cependant le P. Merfenne , qui avoit lu les ouvrages de
Mûris , affure n'y avoir rien vu qui pût confirmer cette opi-
nion, &, après en avoir lu moi-même la plus grande partie,
je n'ai pas été plus heureux que lui. De plus , l'examen des
manufcrks du quatorzième fiecie , qui font a la Bibliothè-
que du Roi , ne porte point à juger que les diverfes figures
de Notes qu'on y trouve flirtent de fi nouvelle inflirution.
Enfin, c'efl une chofe difficile à croire, que durant trois
cents ans & plus , qui fe font écoulés entre Guy Arétin &
Jean de Mûris , la Mulique ait été totalement prrvée du
Rhythme & de la Mcfure , qui en font Pâme <5c le principal
agrément.
Quoi qu'il en foit , il elt certain que les différentes / 'alcurs
VAL 74?
des Notes font de fort ancienne invention. J'en trouve, dés
les premiers tems , de cinq fortes de figures , fans compter
la Ligature & le Point. Ces cinq font , la Maxime , la Lon-
gue , la Brève , la femi-Breve , & la Minime. ( PL D. Fig.
8. ) Toutes ces différentes Notes font noires dans le ma-
nuferit de Guillaume de Machault ; ce n'elt que depuis l'in-
vention de l'imprimerie qu'on s'efr. avifé de les faire Man-
ches , & , ajoutant de nouvelles Notes , de diftinguer les / 'a~
leurs , par la couleur aufli-bien que par la figure.
Les Notes , quoique figurées de même , n'avoienr pas tou-
jours la même l'aleur. Quelquefois la Maxime valoit deux
Longues , ou la Longue deux Brèves ; quelquefois elle en
valoit trois : cela dépendoit du Mode ( voyez Mode ) : il
en étoit de même de la Brève , par rapport a la femi-Brcve,
& cela dépendoit du Tems ( voyez Tems ) ; de même
enfin de la femi-Breve , par rapport à la Minime ; & cela
dépendoit de la Prolation. ( Voyez Prolation. )
Il y avoit donc Longue double , Longue parfaite , Longue
imparfaite , Brève parfaite , Brève altérée , femi-Breve ma-
jeure , & femi-Breve mineure : fept différentes Valeurs aux-
quelles répondenc quatre figures feulement , fans compter la
Maxime ni la Minime , Notes de plus moderne invention.
( Voye\ ces divers mots. ) Il y avoit encore beaucoup d'au-
tres manières de modifier les différentes / 'aïeurs de ces
Notes , par le Point , par la Ligature , & par la pofition de
la Queue. ( Voyez Ligature, Plique, Point. )
Les figures qu'on ajouta dans la fuite a ces cinq ou fix
premières , furent la Noire , la Croche , la double-Croche ,
Bbbbb i
748 VAL
la triple & même la quadruple - Croche ; ce qui ferok onze
figures en tout : mais dès qu'on eut pris l'ufage de féparer
les Mefures par des Barres , on abandonna toutes les figures
de Notes qui valoient plufieurs Mefures , comme la Ma-
xime, qui en valoit huit; la Longue, qui en valoit quatre;
& la Brève ou quarrée , qui en valoit deux.
La femi-Breve ou Ronde , qui vaut une Mefure entière , eft
la plus longue Valeur de Notes demeurée en ufage , & fur
laquelle on a déterminé les Valeurs de toutes les autres
No es , & comme la Mefure binaire , qui avoit parle long-
tems pour moins parfaite que la ternaire , prit enfin le deflus
ôc fervit de bafe à toutes les autres Mefures ; de même la
divifion fous -double l'emporta fur la fous -triple qui avoit
auflî pafTé pour plus parfaite ; la Ronde ne valut plus quel-
quefois trois Blanches , mais deux feulement ; la Blanche deux
Noires , la Noire deux Croches , ôc ainfi de fuite jufqu'à la
auadruple - Croche , fi ce n'eft dans les cas d'exception où
la divifion fous - triple fut confervée , & indiquée par le chif-
fre 3 placé au-defTus ou au-deffous des Notes. (Voyez
PL F. Fïg. 8 & 9. les Valeurs & les figures Je toutes ces
différentes efpeces de Notes. )
Les Ligatures furent aufli abolies en même tems , du
moins quant aux changemens qu'elles produifoient dans les
/ 'leurs des Notes. Les Queues, de quelque manière qu'elles
fuflcffl placées , n'eurent plus qu'un fens fixe & toujours le
même ; & enfin la fignificarion du Point fut aufli toujours
bonite à la moitié de la Note qui ctt immédiatement avant
lui. Tel clt l'état où les figures des Notes ont été miles ,
V A R Vvj
quant à la Valeur , & où elles font actuellement. Les Si-
lences équivalens font expliques a l'article Silence.
L'Auteur de la Differtation fur la Musique moderne trouve
tout cela fort mal imaginé. J'ai dit, au mot Noix- , queU
ques-unes des raifons qu'il allègue.
VARIATIONS. On entend fous ce nom toutes les ma-
nières de broder ëc doubler un Air , foit par des diminu-
tions , foit par des paffages ou autres agrémens qui ornent
& figurent cet Air. A quelque degré qu'on multiplie & charge
les Variations , il faut toujours qu'à travers ces broderies on
reconnoiffe le fond de l'Air que l'on appelle le Jimplc , & il
faut en même tems que le caractère de chaque Variation.
foit marqué par des différences qui foutieiuient l'attenriun
& préviennent l'ennui.
Les Symphoniites font fouvent des Variations impromptu
ou fuppofées telles ; mais plus fouvent on les note. Les di-
vers Couplets des Folies d'Efpagne , font autant de Varia-
tions notées ; on en trouve fouvent aufli dans les Chaconnes
Françoifes , & dans de petits Airs Italiens pour le Violon
ou le Violoncelle. Tout Paris e(t aile- admirer, au Concerc
Ipirituel , les / 'ariations des fieurs Guignon & Mondonville n
& plus récemmenr des fieurs Guignon & Gaviniès , fur des
Airs du Pont -neuf qui n'avoient d'autre mérite que d'être
ainfi varies par les plus habiles Violons de France.
\ AUDEV1LLE. Sorte de Chanfon à Couplets, qui roule
ordinairement fur des Sujets badins ou fatyriques. On fait
remonter l'origine de ce petit Poème jufqu'au règne de
Charlemagne : mais , félon k plus commune opinion, il .(iir
75o V E N
inventé par un certain Baflelin , Foulon de Vire en Norman-
die , ôc comme , pour danfer fur ces Chants , on s'aflem-
bloit dans le Val-de-Vire , ils furent appelles , dit-on , Vaux-
de-Vire , puis par corruption Vaudevilles.
L'Air des Vaudevilles eft communément peu MuïïcaL
Comme on n'y fait attention qu'aux paroles , l'Air ne fert
qu'à rendre la récitation un peu plus appuyée ; du refte on
n'y fent pour l'ordinaire ni goût , ni Chant , ni Mefure. Le
Vaudeville appartient exclufivement aux François , & ils en
ont de très-piquans & de très-plaifans.
VENTRE\ Point du milieu de la vibration d'une Corde
fonore , où , par cette vibration , .elle s'écarte le plus de la
ligne de repos. ( Voyez N<hud. )
VIBRATION ,f.f.Le corps fonore en aétion fort de
fon état de repos , par des cbranlemens légers , mais fenfi-
fcles , fréquens & fucceflifs , dont chacun s'appelle une Vi-
bration. Ces Vibrations , communiquées à l'Air , portent à
l'oreille , par ce véhicule , la fenfation du Son ; & ce Son
eft grave ou aigu , félon que les Vibrations font plus ou moins
fréquentes dans le même tems. ( Voyez Son. )
V1CARIER , v. n. Mot familier par lequel les Muficiens
d'Eglife expriment ce que font ceux d'entr'eux qui courent
de Ville en Ville , & de Cathédrale en Cathédrale , pour at-
traper quelques rétributions , & vivre aux dépens des Maîtres
de Mufique qui font fur leur route.
VIDE, Corde-à-r/i/d , ou Cordc-h-jour ; c'efr , fur les
Jndrumcns a manche , tels que la Viole ou le Violon , le
Son qu'on tire de la Corde .dans toute ù longueur , de-
V 1 F 75I
puis le fillet jufqu'au chevalet, fins y placer aucun doigt.
Le Son des Cordes-à-vide elt non-feulement plus grave ,
mais plus réfonnant & plus plein que quand on y pofe quel-
que doigt ; ce qui vient de la mollette du doigt qui gêne
& intercepte le jeu des vibrations. Cette différence fait que
les bons joueurs de Violon évitent de toucher les Cordes-à-
xi Je pour ôter cette inégalité de Timbre qui fait un mauvais
effet , quand elle n'ef t pas difpenfée à propos. Cette manière
d'exécuter exige des polîtions recherchées , qui augmentent
la difficulté du jeu. Mais aufïi quand on en a une fois ac-
quis l'habitude , on eft vraiment maître de fon Infiniment ,
& dans les Tons les plus difficiles , l'exécution marche alors
comme dans les plus aifés.
VIF , vivement. En Italien vivace : ce mot marque un
mouvement gai , prompt , animé ; une exécution hardie &
pleine de feu.
VILLANELLE , f. f. Sorte de Danfe ruftique dont l'Air
doit être gai , marqué , d'une Mefure très-fenfible. Le fond
de cet Air eft ordinairement un Couplet affez fimple , fur
lequel on fait enfuite des Doubles ou Variations. ( Voyez
Double , Variations. )
VIOLE ,/ f. C'efr. ainfi qu'on appelle, dans la Mufiquc
Italienne , cette Partie de rempliffage qu'on appelle , dans la
Mufique Françoife , Quinte ou Taille ; car les François dou-
blent fouvent cette Partie , c'eft-à-dire , en font deux pour
une ; ce que ne font jamais les Italiens. La Viole fert à lier
les Deffus aux Baffes , & à remplir , d'une manière harmo-
nieufe , le trop grand vide qui refteroit entre deux. C'tfi
75* V I °
pourquoi la Viole eft toujours néceflaire pour l'Accord du
tout , même quand elle ne fait que jouer la Baffe à l'Oitave ,
comme il arrive fouvent dans la Mufique Italienne.
VIOLON. Symphonifte qui joue du Violon dans un Or-
cheftre. Les Violons fe divifent ordinairement en premiers,
qui jouent le premier Deffus ; & féconds , qui jouent le fé-
cond Deffus. Chacune des deux Parties a fon chef ou guide
qui s'appelle aufli le premier ; favoir , le premier des pre-
miers , & le premier des féconds. Le premier des premiers
Violons , s'appelle aufli premier Violon tout court ; il eft le
Chef de tout l'Orchefixe : c'eft lui qui donne l'Accord , qui
guide tous les Symphoniftes , qui les remet quand ils man-
quent , & fur lequel ils doivent tous fe régler.
VIRGULE. C'eft. ainfi que nos anciens Muficiens appel-
loient cette partie de la Note , qu'on a depuis appelléc la Queue.
( Voyez Queue. )
VITE. En Italien Vreflo. Ce mot , à la tête d'un Air ,
indique le plus prompt de tous les Mouvemens ; & il n'a ,
après lui , que fon fuperlatif Prejliflimo , ou Vreflo affai ,
tr es- Vite.
VIVACE. (Voyez Vif. )
UNISSON,/] m. Union de deux Sons qui font au même
Degré, dont l'un n'eft ni plus grave ni plus aigu que l'au-
tre , & dont l'Intervalle étant nul , ne donne qu'un rapport
d'égalité.
Si deux Cordes font de même matière , égales en lon-
gueur, en groffeur , & également tendues, elles feront à
YUniJfbn. Mais il eft faux de dire que deux Sons à YUniflbn
a
0 N T m
fe confondent fi parfaitement , & aient une telle identité que
l'oreille ne puiffe les diftinguer : car ils peuvent différer de
beaucoup quant au Timbre & quant au degré de force.
Une Cloche peut être à VUniffbn d'une Corde de Guitare ,
une Vielle à VUniffbn d'une Flûte , & l'on n'en confondra
point les Sons.
Le zéro n'eit pas un nombre , ni VUniffbn un Intervalle ;
mais VUniJfon eft à la férié des Intervalles, ce qu'eft le zéro
à la férié des nombres ; c'eft le terme d'où ils partent , c'eft
le point de leur commencement.
Ce qui conftitue VUniffbn , c'eft l'égalité du nombre des
Vibrations faites en tems égaux par deux Sons. Dès qu'il
y a inégalité entre les nombres de ces Vibrations , il y a
Intervalle entre les Sons qui les donnent. ( Voyez Corde ,
Vibration. )
On s'eft beaucoup tourmenté pour favoir fi VUniffbn étoit
une Confonnance. Ariftote prétend que non , Mûris affure
que fi , & le P. Merfenne fe range à ce dernier avis. Comme
cela dépend de la définition du mot Confonnance , je ne vois
pas quelle difpute il peut y avoir là-dciîus. Si l'on n'entend
par ce mot Confonnance qu'une union de deux Sons
agréables à loreille , VUniJfon fera Confonnance alîurément;
mais fi l'on y ajoute de plus une différence du grave à l'aigu ,
il efè clair qu'il ne le fera pas.
Une queftion plus importante , eft de favoir quel eft le
plus agréable à l'oreille de VUniffbn ou d'un Intervalle con-
fonnant, tel, par exemple, que l'Octave ou la Quinte. Tous
ceux qui ont l'oreille exercée à l'Harmonie , préfèrent l'Ac-
Dict. de Mujique. C c c c c
m u N »
cord des Confonnances à l'identité de VUnijJbn ; mais tous
ceux qui , fans habitude de l'Harmonie , n'ont, fi j'ofe parier
ainfi , nul préjugé dans l'oreille , portent un jugement con-
traire : YUniJJbn feul plaît , ou tout au plus l'Octave ; tout
autre Intervalle leur paroît difcordant : d'où il s'enfuivroic ,
ce me femble , que l'Harmonie la plus naturelle , & par co.;-
féquent la meilleure , eft à ïUniffbn. ( Voyez Harmonie. )
C'eft une obfervation connue de tous les Muliciena , que
celle du frémifTement & de la réfonnance d'une Corde , au
Son d'une autre Corde montée à ÏUniffbn de' la pre-
mière , ou même à fon Octave , ou même à TOcbve de fa
Quinte , &c.
Voici comme on explique ce phénomène.
Le Son d'une Corde A met l'air en mouvement. Si une
autre Corde B fe trouve dans la fphere du mouvement de
cet air , il agira fur elle. Chaque Corde n'eft fufceptible ,
dans un Tems donné , que d'un certain nombre de Vibra-
tions. Si les Vibrations , dont la Corde B eft fufceptible , font
égales en nombre à celles de la Corde A , l'air ébranle'
l'une agifllmc fur l'autre , & la trouvant difpofée à un mou-
vement femblable à celui qu'il a reçu , le lui communique.
Les deux Cordes marchant ainfi de pas égal , toutes les
impulfions que l'air reçoit de la Corde A , & qu'il com-
munique à la Corde B , font coincidentes avec les Vibrations
de cette Corde , & par conféquent augmenteront fon mou-
vement loin de le contrarier : ce mouvement , air.fi fuccef-
(ivement augmenté , ira bientôt jufqu'à un frémilRinent (ln-
fible. Alors la Corde B rendra du Son ; car toute Corde
U N I 7SS
fbnore qui frémic , fonne ; & ce Ton fera néceflaircment à
YUniffbn de celui de la Corde A.
Par la même raifon, l'Octave aiguë frémira & réformera
aufîî , mais moins fortement que YUniffbn ; parce que la
coïncidence des Vibrations , & par conféquent l'impulfion
de l'air , y eft moins fréquente de la moitié : elle l'eft encore
moins dans la Douzième ou Quinte redoublée , & moins
dans la Dix-fcptieme ou Tierce majeure triplée , dernière
des Confonnances qui frémiiTe & réfonne fenfiblement &
directement : car quant à la Tierce mineure & aux Sixtes ,
elles ne réfonnent que par combinaifon.
Toutes les fois que les nombres des Vibrations dont
deux Cordes font njfceptibles en tems égal font commen-
furables , on ne peut douter que le Son de l'une ne com-
munique à l'autre quelque ébranlement par l'aliquote com-
mune ; mais cet ébranlement n'étant plus fenfible au-delà
des quatre Accords précèdent , il eft. compté pour rien dans
tout le refre. ( Voyez Consonnance. )
Il paroîr, par cette explication , qu'un Son n'en fait jamais
réfonner un autre qu'en vertu de quelque Uniffbn ; car un
Son quelconque donne toujours YUniffbn de fes aliquotes ;
mais comme il ne fauroit donner YUniJbn de fes multiples,
il s'enfuit qu'une Corde fonore en mouvement n'en peut
jamais faire réfonner ni frémir une plus grave qu'elle. Sur
quoi l'on peut juger de la vérité de l'expérience dont M.
Rameau tire l'origine du Mode mineur.
UN1SSONI. Ce mot Italien , écrit tout au long ou en
abrégé dans une Partition fur la Portée vide du fécond
Ccccc i
7!r<s U N I
Violon , marque qu'il doit jouer à rUniffon fur la Partie
du premier ; & ce même mot , écrit for la Portée vide du
premier Violon , marque qu'il doit jouer à l'Uniffon fur la
Partie du Chant.
UNITÉ DE MÉLODIE. Tous les beaux Arts ont quel-
que Unité d'objet , fource du plaifir qu'ils donnent à l'efprit :
car l'attention partagée ne fe repofe nulle part , & quand
deux objets nous occupent , c'eft une preuve qu'aucun des
deux ne nous fatisfait. Il y a , dans la Mufique , une Unité
fuccefîive qui fe rapporte au fujet, & par laquelle toutes les
Parties , bien liées ,. compofent un feul tout , dont on apper-
çoit l'enfemble & tous les rapports.
Mais il y a une autre Unité d'objet plus fine , plus fimu^-
tanée , Se d'où naît , fans qu'on y fonge , l'énergie de la
Mufique & la force de fes expreflions.
Lorfque j'entends chanter nos Pfeaumes à quatre Parties,
je commence toujours par être faifi , ravi de cette Harmonie
pleine & nerveufe ; & les premiers accords , quand ils font
entonnés bien jufte , m'émeuvent jufqu'à fri (Tonner. Mais à
peine en ai-je écouté la fuite , peiidant quelques minutes r
que mon attention fe relâche , le bruit m'étourdit peu-à-peu;
bientôt il me la(Te , & je fuis enfin ennuyé de n'entendre
que des Accords.
Cet effet ne m'arrive point , quand j'entends de bonne
Mufique moderne, quoique l'Harmonie en foit moins vigou-
reufe , & je me fouviens qu'à l'Opéra de Venife , loin qu'un
bel Air bien exécuté m'ait jamais ennuyé, je lui donnois ,
quelque long qu'il fût , une attention toujours nouvelle , (3c
UNI 757
l'écoutois avec plus d'intérêt a la fin qu'au commencement.
Cette différence vient de celle du caractère des deux Mu-
fiques , dont l'une n'elt feulement qu'une fuite d'Accords, &
l'autre e(t une fuite de Chant. Or le plaifir de l'Harmonie
n'eft qu'un plaifir de pure fenfation , & la jouiffance des fens
eit toujours courte , la fatiété & l'ennui la fuivent de prés :
mais le plaifir de la Mélodie & du Chant , eft un plaifir
d'intérêt & de fentiment qui parle au cœur , & que l'Artilte
peut toujours foutenir & renouveller à force de génie.
La Mufique doit donc néceffairement chanter pour tou-
cher, pour plaire , pour foutenir l'intérêt & l'attention.
Mais comment dans nos Syftêmes d'Accords & d'Harmonie,
la Mufique s'y prendra-t-elle pour chanter ? Si chaque Partie
a fon Chant propre , tous ces Chants , entendus à la fois T
fe détruiront mutuellement , & ne feront plus de Chant :
fi toutes les Parties font le même Chant , l'on n'aura plus
d'Harmonie , & le Concert fera tout à l'Uniffon.
La manière , dont un initincr. mufical , un certain fen-
timent fourd du génie , a levé cette difficulté {ans la voir ,
& en a même tiré avantage, eit bien remarquable. L'Har-
monie , qui devroit étouffer la Mélodie , l'anime , la ren-
force, la détermine : les diverfts Parties, fans fe confondre,
concourent au même effet ; & quoique chacune d'elles paroiffe
avoir fon Chant propre , de toutes ces Parties réunies on
n'entend fortir qu'un foui & même Chant. C'elt-la ce que
j'appelle Unité de Mélodie.
Voici comment l'Harmonie concourt elle-même à cette
Unité , loin d'y nuire. Ce font nos Modes qui caracléritenc
758
UNI
nos Chants , & nos Modes font fondes fur notre Harmo-
nie. Toutes les fois donc que l'Harmonie renforce ou dé-
termine le fentiment du Mode & de la Modulation , elle
ajoute à Pc::preffion du Chant , pourvu qu'elle ne le cou-
vre pas.
L'Art du Compofiteur ert donc , relativement à Y Unité
de Mélodie , i°. Quand le Mode n'eiè pas a(Tez déterminé
par le Chant , de le déterminer mieux par l'Harmonie. 20.
De choifïr & tourner fes Accords de manière que le Son
le plus faillant foit toujours celui qui chante, & que celui
qui le fait le mieux fortir foit à la Baffe. 30. D'ajouter à l'é-
nergie de chaque paffage par des Accords durs fi l'expref-
fion elt dure , & doux fi l'exprefïion eft douce. 40. D'avoir
égard dans la tournure de l'Accompagnement au Forte-
piano de la Mélodie, s0. Enfin , de faire en forte que le
Chant des autres Parties, loin de contrarier celui de la Par-
tie principale , le foutienne , le féconde , & lui donne un
plus vif accent.
M. Rameau , pour prouver que l'énergie de la Mufique
vient toute de l'Harmonie, donne l'exemple d'un même In-
tervalle qu'il appelle un même Chant , lequel prend des
caractères tout différens , félon les diverfes manières de l'ac-
compagner. M. Rameau n'a pis vu qu'il prouvok tout le
contraire de ce qu'il vouloit prouver ; car dans tous les
exemples qu'il donne , l'Accompagnement de la Baffe ne
fert qu'à déterminer le Chant. Un fimple Intervalle n'eft point
un Chant, il ne devient Chant que quand il a fa place al-
fignée dans le Mode; & la Baffe, en dettrminant le Mode
UNI K 7S,
& le lieu du Mode qu'occupe cet Intervalle, détermine ulois
cet Intervalle à être tel ou tel Chant : de forte que fi , par
ce qui précède L'Intervalle dans la même Partie, on duer-
mine bien le lieu qu'il a dans h Modulation, je fouiiens
qu'il aura fon effet fans aucune Balle : ainfi l'Harmonie
n'agit , dans cette occafion , qu'en déterminant la Mélodie
à être telle ou telle, ce c'eft purement comme Mélodie que
l'Intervalle a différentes expreflions félon le lieu du M*
où il eft employé.
V Unité de Mélodie exige bien qu'on n'entende jamais
deux Mélodies à la fois , mais non pas que la Mélodie ne
paife jamais d'une Partie à l'autre ; au contraire , il y a
fouvent de l'élégance vc du goût à ménager h propos ce
pafTage , même du Chant à l'Accompagnement , pourvu
que la parole foit toujours entendue. Il y a même des
Harmonies favantes & bien ménagées, où la Mélodie, fans
être dans aucune Partie , réfulte feulement de l'effet du
tout. On en trouvera ( PL M. Fig. 7. ) un exemple , qui ,
bien que gioilier , fuffit pour faire entendre ce que je
veux dire.
Il faudroit un Traité pour montrer en détail l'applica-
tion de ce principe aux Duo, Trio , Quatuor, aux Chœurs,
aux Pièces de fymphonie. Les hommes de génie en dé-
couvriront furhfamment l'étendue & l'ufage , & leurs ou-
vrages en instruiront les autres. Je concluds donc , & je
dis , que du principe que je viens d'établir , il s'enfuit :
premièrement, que toute Mufique qui ne chante point eft
ennuyeufe , quelqu'Harmonie qu'elle puiile avoir : féconde-
766 UNI
ment , que toute Mufique où l'on diftingue plufieurs Chants
fimultanés eft mauvaife , & qu'il en réfulte le même effet
que de deux ou plufîeurs difcours prononcés à la fois fur
le même Ton. Par ce jugement, qui n'admet nulle excep-
tion , l'on voit ce qu'on doit penfer de ces merveilleufes
Mufiques où un Air fert d'Accompagnement à un autre Air.
C'eft dans ce principe de l' Unité de Mélodie, que les
Italiens ont fenti & fuivi fans le connoître , mais que les
François n'ont ni connu ni fuivi ; c'eft , dis-je , dans ce
grand principe que confifte la différence eflentielle des deux
Mufiques : &c c'eft, je crois, ce qu'en dira tout juge im-
partial qui voudra donner à l'une & à l'autre la même at-
tention ; fï toutefois la chofe eft pofïible.
Lorfque j'eus découvert ce principe , je voulus , avant de
le propofer , en effayer l'application par moi-même : cet
effai produifît le Devin du Village; après le fuccès, j'en
parlai dans ma Lettre fur la Mujique Françoifc. C'eft aux
Maîtres de l'Art a juger Ci le principe eft bon, & fi j'ai
bien fuivi les règles qui en découlent.
UNIVOQUE , ad/. Les Confonnances Univoques font
l'Octave & fes Répliques, parce que toutes portent le même
nom. Ptolomée fut le premier qui les appella uinfi.
VOCAL , adj. Qui appartient au Chant des Voix. Tour
de Chant Vocal ; Mufique Vocale.
VOCALE. On prend quelquefois fubftantivement cet adjec-
tif pour exprimer la partie de la Mufique qui s'exécute par
des Voix. Les Symphonies d'un tel Opéra font afj'e\ bien
faites \ mais la Vocale ejl mauvaife.
VOIX,
V ô )
VOIX , / f. La fommc de tous les Sons qu\in homme
peut, en parlant, en chantant, en criant, tirer de Ton or-
gane, forme ce qu'on appelle fa / 'oix , & les qualités de
Cette / 'oix dépendent auflî de celles des Sons qui la for-
ment. Ainfi, l'on doit d'abord appliquer à la l 'oix tout ce
que j'ai dit du Son en gênerai. ( Voyez Son. )
Les Physiciens difiinguent dans l'homme différentes fortes
de l/'oix; ou, fi l'on veut, ils confiderent la même / 'oix
fous différentes faces.
i. Comme un fimple Son , tel que le cri des er.fans.
2. Comme un Son articule , tel qu'il cfi dans la parole.
3. Dans le Chaut, qui ajoute à la parole la Modulation
& la variété des Tons.
4. Dans la déclamation , qui paroît dépendre d'une nou-
velle modification dans le Son & dans la fubfiar.ee même
de la /oix- Modification différente de celle du Chant &
de celle e ? la parole , puifqu'el'e peut s'unir à l'une & à
l'aurre , ou en être retranchée.
Ci peut voir, dans l'Encyclopédie, à l'article D.
motion des Ancien* , d'où ces di\ iflons font tirées, l'expli-
cation que donne M. Duclos de ces différentes fortes de
/ six. Je me contenterai de tranferire ici ce qu'il dit de
la l 'oix chantante ou muficale , la feule qui fe rapporte a
mon fujer.
" Les anciens Muficiens ont établi , après Arifioxène :
« i°. Que la / 'oix de Chant paffe d'un degré d'élévation
s» ou d'abaiffement à un autre degré; c'efi- à-dire , c\\m
j» Ton à l'autre , par faut , fans parcourir l'Intervalle qui
Diâ. de Mufique. Ddddd
7^ V O I
> les fépare : au lieu que celle du difcours s'élcve & s'a-
, baiûe par un mouvement continu. 20. Que la Voix de
s Chant fe foutient fur le même Ton , confidéré comme
» un point indivifible ; ce qui n'arrive pas dans la fimple
3 prononciation.
îj Cette marche par fauts & avec des repos, eft en effet
3 celle de la Voix de Chant : mais n'y a-t-il rien de plus
5 dans le Chant ? Il y a eu une Déclamation tragique qui
5 admettoit le pafiage par faut d'un Ton à l'autre, & le
5 repos fur un Ton. On remarque la même chofe dans
> certains Orateurs. Cependant cette Déclamation e(t encore
j différente de la Voix de Chant.
J3 M. Dodart , qui joignoit a l'efprit de difcuiïion & de
3 recherche la plus grande connoiffance de la Phyfique ,
» de l'Anatomie , & du jeu des parties du corps humain ,
» avoit particulièrement porté fon attention fur les orga-
5 nés de la Voix. Il obferve , i°. que tel homme, dont la
> Voix de parole eft déplaçante, a le Chant très-agréable,
3 Se au contraire : 20. que fi nous n'avons pas entendu
3 chanter quelqu'un, quelque connoiiîlince que nous ayons
3 de (li Voix de parole , nous ne le reconnoîtrons pas à fa
» Voix de Chant.
53 M. Dodart, en continuant fes recherches , découvrit
s que , dans la / 'oix de Chant , il y a de plus que dans
3 celle de la parole, un mouvement de tout le larynx; c'eft-
3 à -dire , de la partie de la trachée - ancre qui forme
3 comme un nouveau canal qui ié termine à la g]
j qui en enveloppe &. foutient les mufcles. Ljl différence
V 0 I jtfj
•» entre les deux foix vient donc de celle qu'il y a entre
>» le larynx aiïîs & en repos fur lis attaches , dans la pa-
» rôle, 6c ce morne larynx fufpendu fut fes attaches, en
h action & mû par un balancement de haut en bas & de
» bas en haut. Ce balancement peut fe comparer au mou-
») vement des oifeaux qui planent , ou des poilfons qui fe
>j foutiennent à la même place contre le fil de l'eau. Quoi-
>j que les aîles des uns & les nageoires des autres pa-
>3 roiffent immobiles a l'œil, elles font de continuelles vi-
n brations ; mais fi courtes & fi promptes qu'elles font im-
» perceptibles.
>j Le balancement du larynx produit, dans la Voix de
» Chant, une efpcce d'ondulation qui n'elt pas dans la fimple
)> paro'e. L'ondulation foutenue Ôc modérée dans les belles
» foix fe fait trop fentir dans les foix chevrotantes ou
» foibles. Cette ondulation ne doit pas fe confondre avec
» les Cadences & les Roulemens qui fe font par des mou-
» vcmens très -prompts 6c très -délicats de l'ouverture de la
>> glotte , & qui font compofes de l'Intervalle d'un Ton ou
» d'un demi-Ton.
>j La foix , foit du Chant , foit de la parole , vient toute
» entière de la glotte pour le Son & pour le Ton ; mais
» l'ondulation vient entièrement du balancement de tout le
n larynx ; elle ne fait point partie de la foix , mais elle en
» affecte la totalité.
»? Il refaite de ce qui vient d'être expofé , que la / <>.v de
n ("liant conlilte dans la marche par fauts d'un Ton à un
» autre , dans le il jour fur les Tons , 6c dans cette ondulation
Ddddd i
7u V O I
» du larynx qui affecte la totalité & la fubf lance même du Son>».*
Quoique cette explication foit très-nette & très-philofo-
phique , elle lai!ïe , à mon avis , quelque chofe à defirer ,
& ce caractère d'ondulation , donné par le balancement du
larynx, à la Voix de Chant, ne n;e parcît pas lui être plus
effetniel que la marche par faut», &: le fé)our.fur les Tons,
qui , de l'aveu de M. Duclos , ne font pas pour cette Voix
des caractères fpécifiques.
Car , premièrement , on peut , à volontc . donner ou ôter
à la Voix cette ondulation quand on chance, & l'on n'en
chante pas moins quand on file un S-jn tout uni fans aucune
efpece d'ondulation. Secondement , les Sens des InUrumens
ne différent en aucune forte de ceux de la Voix chantante >
quant à leur nature de Sons mulicaux , & n'ont rien par
eux-mêmes de cette ondulation. Troifîémemenr, cette ondu-
:i ft forme dans le Ton 6c non dans le Timbre ; la
preuve en e:t que , fur le Violon 6c fur d'autres Inllrumens ,
on imite cette ondulation , non par aucun balancement fem-
blable au mouvement fjppofé du larynx , mais par un balan-
cement du d^i^c fur l.i Corde, Laquelle, ainli raccourcie 6c
>;i£ce alternativement & prefquc imperccptiblcmenr , rend
deux Sons alternatifs à mefure que le doi^r fe recule ou
s'avance. Ainli , l'ondulation, quoi qu'en dife M. Dodert ,
ne confiée pas dans un balancement rrè^-lcger du même Son,
mais diw, l'alcernation plus ou moins fréquente de deux Sons
voiius, 6c quand les Sons font trop s, & que
les fecoufTes alternatives font trop rudes, alors r«jndulatioa
devient chev roteemeot*
y o i
Je pcnfcrois que le vrai Ci 2 diitinflif de la /
Chant eit de former des Sons appréciables don: en peui pren-
dre ou fentir l'Uni (Ton , & de palier de j'un à l'autre par
des Intervalles harmoniques & commenfurables , au lieu que,
dans la Voix parlante , ou les Sons ne font p. foute-
nus , 6c , pour ainfi dire , allez uns pour pouvoir être appré-
ciés , ou les Intervalles qui les féparent ne font point allez
harmoniques , ni leurs rapports aiïez hmples.
Les obfervations qu'a fait M. Dodart fur les différences
de la Voix de parole, & de la Voix de Chant dans le même
homme, loin de coqtraner.cer.ee explication, la coniïrment;
car, comme il y a des Langues plus ou moins harmonieufes,
dont les Accens font plus ou moins Muficaux , on remarque
aulîi , dans ces Langues , que les Voix de parole & de Chant
fe rapprochent ou s'éloignent dans la même proportion. Ainfi,
comme la Langue Italienne eit plus Muficale que la Fran-
çoife , la parole s'y éloigne moins du Chant; oc il eft plus
ailé d'y reconnoître , au Chant, l'homme qu'on a entendu
parler. Dans une Langue qui feroit toute harmonieufe , comme
étoit au commencement la Langue Grecque , la différence
de la Voix de parole à la / oix de Chant feroit nulle ; on
n'auroit que la même / 'oix pour parler & pour chanter :
peut-être elt-cc encore aujourd'hui le cas des Chinois.
En voilà trop , peut-être , fur les différens genres de / oix;
je reviens à la / oix de Chant , 6c je m'y bornerai dans k
reltc de cet article.
Chaque Individu a fd Voix particulière qui fe di'lingue de
toute autre Voix par quelque différence propre , comme un
766 V O I
vifage fe distingue d'un autre ; mais il y a aufTï de ces dif-
férences qui font communes à plufieurs , & qui , formant
autant d'efpeces de Voix , demandent pour chacune une dé-
nomination particulière.
Le caractère le plus général qui didingue les Voix , n'eft
pas celui qui fe tire de leur Timbre ou de leur Volume ;
mais du Degré qu'occupe ce Volume dans le Syitême géné-
ral àts Sons.
On diftingue donc généralement les Voix en deux Gaffes ;
favoir , les Voix aiguës &. les Voix graves. La différence
commune des unes aux autres , elè à-peu-près d'une Octave ;
ce qui fait que les Voix aiguës chantent réellement à l'Octave
des Voix graves , quand elles femblent chanter à TUnilfon.
Les Voix graves font les plus ordinaires aux hommes faits ;
les Voix aiguës font celles des femmes : les Eunuques ôc
les enfans ont aum" à-peu-près le même Diapafon de l roix
que les femmes ; tous les hommes en peuvent même appro-
cher en chantant le Faucet. Mais de toutes les Voix aiguës,
il faut convenir , malgré la prévention des Italiens pour les
Caftrati , qu'il n'y en a point d'efpccc comparable à celle
des femmes , ni pour l'étendue ni pour la beauté du Timbre.
La Voix des enfans a peu de conlifrance & n'a point de
bas ; celle des Eunuques, au contraire , n'a dYclat que dans
le haut; & pour le Faucet , c'eft le plus défi gré; ble de tous
les Timbres de la Voix humaine : il fufrir, pour en con-
venir, d'écouter à Paris les Chœurs du Concert Spirituel,
&: d'en comparer les Deflus avec ceux de POp<
Tous ces différais Diapafons, réunis & mis en ordre,
V O 1 76f
forment une étendue générale d'à-peu-près fioi=; ( )&aves, qu'on
a divifées en quatre Parties, Jonc trois, appelk ute-
Co/itrc , Taille & Uaf}'c , appartiennent aux / i ix ;
la quatrième feulement qu'on appelle Deffus , ilt aflîgnéê
aux J^bix aiguës. Sur quoi voici quelques remarques qui fe
préfentent.
I. Selon la portée des Voix ordinaires , qu'on peut fixer
u-pcu-près à une Dixième majeure, en mettant deux Degrés
d'Intervalle entre chaque efpece de Voix & celle qui la fuie >
ce qui eff. toute la différence qu'on peut leur donner , le Syf-
ténie général des Voix humaines dans les deux fexes , qu'on
fait paffer trois Octaves, ne devroit enfermer que deux Oc-
taves & deux Tons. C'étoit en effet a cette étendue que fe
bornèrent les quatre Parties de la Mufique , long-tems après
l'invention du Contre-Point , comme on le voit dans les Com-
pofitions du quatorzième fiecle , où la même Clef, fur quatre
pofitions fucceffives de Ligne en Ligne , fert pour la Baffe
qu'ils appelloient Ténor , pour la Taille qu'ils appelloient
Çontratenor , pour la Haute - Contre qu'ils appelloient .' ' ■*-
têtus y & pour le DcfTus qu'Us appelloient Triplum. C<
diftribution devroit rendre , à la vérité , 1- -n plus
difficile : mais en même rems l'Harmonie plus ferrée èx: plus
agréable.
II. Pour pouffer le Syftéme vocal à l'étendue de trois
Octaves avec la gradation dont je \iens de parler, il fau-
droit fix Parties au lieu de quatre ; .& rien ne feroit plus
naturel que cette divifion , non p::r rapport à l'Harmonie ,
qui ne comporte pas tant de Sons difiërens ; mais par rap-
j6% v o r
port aux Voix qui font actuellement affez mal diftribuées.
En «ffet, pourquoi trois Parties dans les Voix d'hommes t
& une feulement dans les Voix de femmes , fi la totalité
de celles-ci renferme une auffi grande étendue que la tota-
lité des autres ? Qu'on mefure l'Intervalle des Sons les plus
aigus ces Voix féminines les plus aiguës eux Sons les plus
graves des Voix féminines les plus graves ; qu'on f :ffe la
même chofe pour les Voix cPhommes ; & non - feulement
on n'y trouvera pas une différence (ufEfante pour établir
trois Parties d'un côté & une feule de l'autre : mais cette
différence même , s'il y en a , fe réduira a très-rcu de chofe.
Pour juger (aisément de cela , il ne faut cas fe borner à
l'examen des chofes telles qu'elles font ; mais voir encore
ce qu'elles pourroient être , & confidérer que l'ufage con-
tribue beaucoup à former les Voix fur le caractère qu'on
veut leur donner. En France , où Ton veut des Baffes , des
Haute -Contres, & cù l'on ne fait aucun cas des Bus-Def-
fus , les Voix d'hommes prennent différera caraâéres , &
les Voix de femmes n'en gardent qu'un feul : mais en Ita-
lie , où l'on fait autant de cas d'un beau JLs-Dcffas *
de la Voix la plus aiguë, il fe trouve parmi les femmes de
très-belles Voix graves qu'ils appellent ( 'alti , & de
très-belles Voix aiguës qu'ils appellent Soprani ; au con-
traire , en Voix d'hommes récitantes , ils n\ nt que des
Tjnnri : de forte que s'il n'y a qu'un ci: de / "oix de
femmes dans v.or. , dans tes leurs il n'y a qu'un
(ère de V
A l'égard dts Chœurs , fi généralement les Parties eri
font
V O • I 769
font diflribuées en Italie comme en France , c'eft un ufage
univerfel, mais arbitraire, qui n'a point de fondement nature!.
D'ailleurs n'admirc-r-on pas en plufieurs lieux, & fingulié-
rement à Venife , de très-belles Mufiques à grand Chœur ,
exécutées uniquement par de jeunes filles ?
III. Le trop grand éloignement des Voix entr'elles , qui
leur fait à toutes excéder leur portée , oLlige fouvent d'en
fubdivifer plufieurs. C'eft ainfi qu'on divife les BaïTes en
BafTe-Contres & Baffe-Tailles , les Tailles en Haute-Tailles
& Concordans , les DefTus en premiers & féconds : mais
dans tout cela on n'apperçoit rien de fixe , rien de réglé
fur quelque principe. L'efprit général des Compofitcurs Fran-
çois elt toujours de forcer les Voix pour les faire crier plutôt
que chanter : c'eft pour cela qu'on paroît aujourd'hui fe
borner aux Baffes & Haute - Contres qui font dans les deux
extrêmes. A l'égard de la Taille , Partie fi naturelle a l'homme
qu'on l'appelle Voix humaine par excellence, elle efè déjà
bannie de nos Opéra où l'on ne veut rien de naturel ; Ck
par la même raifon elle ne tardera pas à l'être de toute la
Mufique Françoife.
On diltingue encore les Voix par beaucoup d'autres dif-
férences que celles du grave a l'aigu. Il y a des Voix fortes
dont les Sons font forts & bruyans ; des Voix douces dont
les Sons font doux & flûtes ; de grandes / 'oix qui ont
beaucoup d'étendue ; de belles / 'oix dont les Sons font pleins,
juftes & harmonieux ; il y a aufli les contraires de tout cela.
Il y a des Voix dures & pefantes ; il y a des Voix flexibles
6c légères ; il y en a dont les beaux Sons font inégalement
Dicl. de Mufique. E e e e e
77o V O I
diftribués, aux unes dans le haut, à d'autres dans le Médium ,
à d'autres dans le bas ; il y a aufli des Voix égales , qui
font fentir le même Timbre dans toute leur étendue. C'eft
au Compofiteur à tirer parti de chaque Voix , par ce que
fon caractère a de plus avantageux. En Italie , où chaque
fois qu'on remet au Théâtre un Opéra , c'eft toujours de
nouvelle Mufique , les Compofiteurs ont toujours grand foin
d'approprier tous les rolles aux Voix qui les doivent chanter.
Mais en France , où la même Mufique dure des fiecles , il
faut que chaque rôle ferve toujours à toutes les Voix de
même efpece , & c'eft peut-être une des raifons pourquoi le
Chant François , loin d'acquérir aucune perfection , devient
de jour en jour plus traînant & plus lourd.
La Voix la plus étendue, la plus flexible, la plus douce ,
la plus harmonieufe qui peut-être ait jamais exifté , paroît
avoir été celle du Chevalier Balthafar Ferri , Péroufîn , dans
le fiecle dernier. Chanteur unique & prodigieux , que s'ar-
rachoient tour- à- tour les Souverains de l'Europe , qui fut
comblé de biens «Se d'honneurs durant fd vie , & dont tou-
tes les Mufcs d'Italie célébrèrent à lVnvi les talens «Se la
gloire après ù mort. Tous les écrits faits à la louange de
ce Muficien célèbre refpirent le ravinement, renrhoufiafme,
& l'accord de tous fes contemporains montre qu'un talent
Ci parfait ck fi rare étoit même au-dcfïus de l'envie. Rien,
difent-ils , ne peut exprimer l'éclat de ù Voix ni les grâces
de fo.i Cliant ; il avoit , au plus haut degré , tous les carac-
tères de perfection dans tous les genres ; il étoit gai , tkr,
grave , tendre à Çd volonté , & les cœurs fe fondoient à fon
v o i 7fl
pathérique, Parmi l'infinité de tours de force qu'il faifoic de
fa Voix , je n'en citerai qu'un feul. Jl montoit & redefeen-
doit tout d'une haleine deux Octaves pleines par un Tiill
continuel marqué fur tous les Degrés chromatiques avec
tant de jufteffe , quoique fans Accompagnement, que fi l'on
venoit à frapper brufqucment cet Accompagnement fous la
Note où il fe trouvoit , foit Bémol , foit Dièfe , on hn-
toit à l'inftant l'Accord d'une jufteife a furprendre tous les
Auditeurs.
On appelle encore Voix les parties vocales & récitantes
pour lesquelles une Pièce de Mufîque eft compofée ; ainfi
l'on dit un Mottet à Voix feule , au lieu de dire un Mottet
en récit ; une Cantate à deux Voix , au lieu de dire une
Cantate en Duo ou à deux Parties , &c. ( Voyez Duo ,
Trio , &c. )
VOLTE , / /. Sorte d'Air à trois Tems propre à une
Danfe de même nom, laquelle eft compofée de beaucoup de
tours & retours , d'où lui eft venu le nom de Volte. Cette
Danfe étoit une cfpece de Gaillarde , & n'eft plus en ufage
depuis long- tems.
VOLUME. Le Volume d'une Voix eft l'étendue ou l'In-
tervalle qui eft entre le Son le plus aigu & le Son le plus
grave qu'elle peut rendre. Le Volume des Voix les plus ordi-
naires eft d'environ huit à neuf Tons; les plus grandes Voix
ne partent gueres les deux Oitaves en Sons bien juftes &
bien pleins.
UPINGE. Sorte de Clianfon confit rée à Diane parmi Ils
Grecs. (Voyez Chanson. )
77> V T
UT. La première des fix fyllabes de la Gamme de l'Aré-
tin , laquelle répond à la lettre C.
Par la méthode des Tranfpofitions , on appelle toujours Ut
la Tonique des Modes majeurs & la Médiante des Modes
mineurs. ( Voyez Gamme , Transposition. )
Les Italiens trouvant cette fyllabe Ut trop fourde , lui
fubftituent , en folfiant , la fyllabe Do.
h- : <*iïP-
z
<A. Syllabe par laquelle on diftingue , dans le Plain-
Chant , le Si Bémol du Si naturel auquel on laùTe le nom
de Si.
FIN.
Clef de Fa
de Mi
de Mi B
de R.ë
d'Yï D
d'Vl
de Si
de Si B
de la
de JaB
de Sol
de Fa D V\
i.dwe/nple t71<yc 2-74
TABLE GENERALE
A D C
*? .7
*.<&-. 2«
ope 274
3.(5r. dcsû/itcri>a/lej d,
3i.Og~J4.32i J4(,--27J.3>S4J37 ^î^'^lf j4<)-Vj V.? '27 J
]ireajx^ -dayc 270.
-i-do:. de.JsJn.terv- rerutniéj _£^e 176
? (for. ()cj ù lit d//tl/jlC(L Jfaye 27b
G.Ox. dea Unt. redoubler Î2^e%76 t2
7 ùx.fSfoar le \-sKjo3c ^ )C a/eur de J'ol Sta^c %8g.
iCar.yoour/c^yyLode HZ ineur de Jol ^P<^,a8j, Si ]j f
9-ù>c dit pajj(iye> d'un <Jon d iciv autre CEaytigo . °
}J ^z. s 7 \ , a 3-^-3 f
llllll""-
10. C.cdt,
4. 3>«o, Sl
f- y1 7 à1
papaye du ///apurera c W. lueur «o vtce veruû £%9i l M^aif4^i V W W<*> 2 4^ 3 âé^?6^7^fip\\ >*
n.ur. j_i9s
nchc.de. laZi . tra/uicru par lap"' ilTJétkode JHzu
d I7l23 i54^^^17^-^4? 34 ;^/43 4^ji
Flanche A .
Cadences paç/iules évitées
Fvg.
%
w
m
é
m
-A
7 { 7 7
Cadencef interrompues évitées.
%4M
Cadence rompue
Pleine sans liaison A
Evitée, avec liaison B .
Renversement de la sixte a/oidee
Fia. 2
ï
■e-
W
ééèm
3*
7 7 7 7
m
Fia. 3
« — t—n —
" 19 Vj~
-f — H—
7 7
hrr~i
V 1 1
-i —
Fl.
i0 -T
^^
g=rff
-2=^
^
7 7
M
ëaëg
1
^-*^
Clavier
0
m
Fia. S.
(S>
tt~
H-
*J-
Positions et raports des Cà'ts.
-B.-F.de JI. Banwau . Fcntaèle B.-F
Notes ascendantes de tierce en derce .
Ctefde soi. ou, de 0. rc, sol Fia ■ b ■
Cfet'dut.ou de C. sol. ut.
.Clef de jk . ou d'F.ut ,^fa-
*■ 1 i
— -y— M y y *>-$-
bjufHfHfeh:::::::::
Fig.y.
Fiai.
L,:r ^):r h
oies à Ihinucs-t^ on ^
Pr"rftrRrR'KJ^
ï
Gamme Italiciuie
Fia\9
Accord par/dit ■ Septième \ Siste - a/oùtee \
Gamme
Françoise
\G
Fia. i3 ■
Fi
'/"■
u
ï
S
S
3E
Jiatons de mutfre mesuras -Bafons de deux mesuras Trente une mesurera compter
CarrilloTt Cûrhforwant à j} Tvnbr&r.
Fiif.
K
F
j-ol
SI
la
sol
/a
FlCJ . ÎO.-
<*
-9'-
-Jà-
-M-
tb.
E.
A
beauarre
...la.
— xm~-
sol
xd*-
nn
.ut
roi
re
-rttt-
naturei
nu
la
Soi
Ja
-!**-
.sot .
. ./ni
— f=er-
sol
nu
fV
td
sel
liuefiomme Jhtupsii
Phnche B
J)i'it.v - lem.c
Data: — quatre
.Sta* — quatre
a afeu.r tems a t£eua> tenu? à i/tw/.r Ami.c
Trt us — Aiut
/un/
lZ aeu. v tems a t {eu*v tenu?
Siu- — seize Trois — /e/fis
^ ^ 7..., mi.
Trois — deuœ
z u/i tems ou à trots
-à^eti/^^ tnnitrv
à Têtue tems
JVèuf- Ami .
' a i/eu.r lemo: a ùotj- lems. à Irais lem.r . ,7 lm/.r Urne à /raie A-m.r
a /rots tems. « ' a an tems. à quatre tems a quatre te/ns. à quatre tems. à quatre tems
Fyx
Teiuv tem^
Trois — t7iu?û\>
a â'oxj- tems,
Trois - setzt
a trois tems
Quatre — tems
-Doute — attatrt
a trois tems.
Jhntte — Autt.
a trois tems
J^ouxe - seize.
quatre lems a quatre tems. à </uatrt
J^a-emp/e dune mesure Sesqta — a//ere 7 a deucc tïv/hr tneçaita
m®W^'^W^
quaù\'
^jjgMgJi^Mai
yj|,riff|f;j^ff
FF*N^hf^F!riJflTJ ^^^
^
m
*-p-
■&
^.*g§
^Énœcmr çaracâsretr âe auànàt&
*7ToTe ma/eur par/ai/.^JfoTe ma/eur imptzr/att Jloi/e mmezir par/ài/ ^Jloae mineur impar/azt.Tho/ation ma/re par tinte TTem. impar/uiteTro/aaon minrfpar/ai/e.Jaem, unpar/aitc,
^^
Œ
S
s
E
ï
S
□ a rc
_ — - . _ .. — _ ,._ u j_i u i_i — u ^ l_i u g, <y 1> ■■ e> fc« — 6> 6> p— u p p
Fii/ 3 F Fie; -4. Fu?ô Fu? . £. Fiq.jo. Fia. 11. Fiç. ri
Fat/e F lotîtes /es moFi/alions wim&c&tzôeer. Transitions e/' Fa/Je -/oiuùmen/a/e jvoar tous /es c/ta/u/enwns i/e Fm .
J'Jn soràz/if ,/a Jloi/e ^Jfa/eur JSn joràml i/u JUode ..lîmeztr 7 7 t7i_t _777 kr-L
y^« joreane au liloae -/Majeur J!,n sorâml au Mode ^limeur 7 7_7|7 ? 7 7 L
^ >,-' l I"-" A.1 H.l C*J D. E. f1 a*" ir I. .
Fiç
^Jcirémcns i/n Chanù pymeôù
frrrf^rtrtyw^-nirriir'riir
.# Jp ]
I£n sortant du ^Jjfcnze ^Ifa/ear
Jftz/e//T
Uorni/ia/ue -A.
J£n sorâmF t/u - Jfoae ^ fÉheur
yj/ftnet/r
J UJ J.Y I, élèvent ( aderuse p/euie CaTenee êrwe& ( ou/e TIfar{e//eme/il T'/attè-Port </e vouvTbrtae vouyeTà
U£r imnmfrv0' U ïyWfïïr^m
j JL-WianA- -F.
fàazème m'A' - - . -B. I J )amina/ite vr.
Ton (/(' /il \jM*/um6t C Fo/l de /(l lSoutre&mBumàà...S.
Souattominanfe ]) I <IV.jv.wic m'/e .1
Seconda note . . . -E- ( laem . . - . -K. -
Planche C.
>t/tw ■wtc -sy— isms T/7,~ /r -
Ode de Ptndare ■ P: Morceau, de J/usuiite Jneienne
Fia. i
W
g^p
ZXE»
s
?
w
t
satj
W-
^
a*
«Uii
Zpv-af. - <? f°P 'fjP'Z' ■d-7rô\ A C-i-i'oç,£a/ i - op-koKauajr Hvr dneoi" .Uoi
S
xct
*
g *£
I
«a»» ?cré-a-vov Taç a-?câ' - & #/ii 3tzâz$, <z-}/\iz - tac. ap-?ea ,
Le Choeur qui suit
se chante au son de
la Cithare .
p O 5
Table
2*L/e tous tes wt&rvatt&r simples, praticabk
Fia 2 dans la Musique .
Intervalle J
eacprime en
Notes .
Nom
de l intervalle
Dee/res
au il
contient
Valeur
en tons et
Semi-tons
Rapport
en
nombres
Z8ZL
=SEZ
zo
■é-ç-
Hti^Jav - rai o a - oi-ooi on-ueurw. J'jn en -""/pçoor ojrorai' rejr yiooi-u
Ut X reV
Si ut...
3=3K
^
M() I
wm
*
rt a a >nt
£7 /V.
U/yJû-Xao, rsv-fyç. è-X/-X/ - Jo-ud-va Kaj rài- ai-\jia-rdi'K£-p a l'oi* ot3 eivÙ£ - l<l,
/II/ unie a Xemesis. 2e. Morceau de Musique Jneienne ,
fi
* 7) m
3P*Q^-
rr r r.'rrrr
*m
rrrirrr |'ifr
l6> ?
i
Ut-
JÏ-
Mi-
Uf-
La-
Ns/ie in - rrfeço e tï ffa,6wi'pop^cil£v>avcj/7i de-à^tv^arep A heas, Jx. ov m ci <ppv-
Or
r w f
É=i£
r r nr rr r 1 r ~ ~i r r r r-rrr
Hé
=açr
aj fiara J/varcji< Ene\i.ii, a oa ucw « ?ea\i -l'ej , E"%ûoioa rjvâpw o\o av ôpariv.
,■. y J/arche des Mousquetaires du Roi de France .
■re%.
-rep..
-sût .
-mi ..
-la.%.
Ut% Jet,-.
Ut z/a . .
Ut zfa%.
Fa X ut . .
^rmrfrmrFWrrt^
Ë
ut-
ut-
9 (.
<S^-
*)'L~> |JrJr| J7 JJibfai= -^ij^^A—^À^i^^É^rÉ^i^ààzrÉi-à^iÈÀz^A^^.
Tambours
Fig.4.
l'ILU
- sol - . -
-sol%.
La% u/â....
Jfi U/.-.
ifol mi . . -
Re P *n-- - -
Jîe% ut....
Mi re...
Ut si.-.
Sol)> Ja%-
m ut...
Seconde dmwwefl,
Seconde mmewe
Seconde majeure
Seconde superflue
Tierce diminuée
Tierce mineure
Tierce majeure
lïerce superflue
Quarte diminuée
Quarte t nwte
Quarte super/hie
diie Triton .
Quinte dùnmuee
dite^ fausse quinte
Quinte ^/usle
Quinte superflue
Siœte diminuée
Surfe mineure
Sucte majeure
State super/aie
Septième diminuée
Septième mineure
Septième majeure
Septième super-fàie1,
Octave
.1 1 1 Jemi-Ton
.1 \i Ton
.i ! i f Ton
,2....\j Ton
t
.2 1^ j Ton
,2 ! 2 Tons
.2. . . -! 2 -ï Tons
* ■■■■
f.. ...
s....
s...
fi .
0 s
fi
fi
fi...
fi...
7—-
..|3
J3
\-f
\4 i
r
T.
T..
T
T.
T..
T
T..
77.
T.
T .
T.
T
T
3„< — 30/
OQ-
4-
j,e-
—ib
— S
— yô
-i44
— fi
— S
-12Ô
— 4
—4l
^ S —
2
jfi
125 h
10-
8-
&-
5^
Fia. S A
J*a/ **I$rén<
\ (tet&c Are/riz - 6rez?(\r S
; \y,<z , '.r
./y/-,
-&-
-#r
X// -Uwzziie ne ,re i/wi.re poiziA-)
ifi/encea* Correjnoni/a/ié
A. Crochet .
P/miehe. D.
B. J)aul>le - CrocAet
£a-P<zuse yia remplit foaâr espaces,
van/ raie ^TZaarane .
C *e& aui remplit seulement tleua- Otpace^j
l'tutt tait? Jjonçrue
C elle aia ne re/npùt au'iai espace ,
vaut rené Jire've .
t eue ,pu fte/itpar en Aatu% et ne remplit aj/e
et moihe ,f?m esptiee, Utiuttaie se/m -Jire.
(eue >pa ' âe/il 'par te las,iYne rempli/ aue ta
moilu*' tl'tme espttceri>aa/ une SJ/tnane
-^
l'iajo.
3=
C rocAets .
gfie
m
r r r r
*
JXwMe — C rocAel
&&
\ r r r r r r r
JSœemple i/u jDouôle -emploi/.
JTzfeitrs moJer/ies Si'Aeziees corresiH»i</ans. .Ft/J2^: y- |
JJizton valazié *~*f mesurer
Jidlv/ï de 2 mefiered"
Cl.
Uh&Jtonîm cslA/tzle lz
T <U.r Jitan.-Aes f~
1*
i/l/atre JToirw \
rff à f) » g ,y..ft.-/U T f f P
J\mse valant taie mesure-
J)enu -pawtî.iHUtzn/ r/ne filaicAe
Saupzr uaÂmt une 2\ozre
Ffemi - soimrr valant taie i roelie
(tuart tù- soupir valait taw/kyttol'~ir\H^e
Fy.â
r -mi- \\\ r
5 5
Cnanme foule aZznj' le même Ion a /tz/izvetwt/u/XutA/e enw/oy.
W
zm
-G-
^
"S S"
7
-o-
5 4
-6-
i
J^eiztfe ae\ /a j^Yezmerjêe^ae 6z \rarfo -<z/twfoé
5£
i/e I la " . yeznyerjw\
^
ytwlee .
^^
Doitolc Canon rem>e/\re' .
Fl(/M.
n — ^~
fe££
♦-# ^V
ww
^
S^^f^
» r »
Haute - contre
P-Ï
■^-
'»"^
S»
^^
~h:
y;^/^
?
zee:
» )1p :
v y?^^ ' — ' H — I—
M
eç;
.duâre Dcnt/f/c' (h/ ion renverse '■
m
JWZ'ff
pEg
^
~TT
ZZizz/fc -conlre
J'UlJcJ
''^"i/
-n-»
Hii
fe
< ' ^ J J U j-4* J J 1 J ^f^rJ J J J I J .
>j/m>.> - jj>a>jf
zJ
Tm/A
Planche .E.
Iable Générale
De tous les Modes de la Musique Ancienne.
AU. Com/ne les jÉuteiaw ont donne divers noms a la pluspart de ces
les noms moins luntes ont etc mis en vins -petiàf caractères .
G r av c s . M ov en s .
f
h
R
^
5 S1
b
I I <5
>
4?
I
*È
a
0)
5s ,
%
ï
^
a
feï
r-1
„ Vi
<i
l «
5! K,
r«3
!
■te
rS
7
i
ni
I
■S
S-
r
Sa
8
p={
Sh
9
&
10
I
&
12
s
Ci
^
b
rr'
r\i
^ s
<î
H
1
s s*
n^
S
(-Ç. ,
^
*^
f^
i—j
Os
Wodi
es
Aicrus
i3
&
Ss
SfrJ
*4
Çs
3
Si
<£
&-
•fc i7e place /ci le Jlodc Hl/per- ??iLvo - Ll/ dien , le trouvant ainsi note dans mes cahiers Sous la citation diE uclide : Jlais la
véritable place de ce Mode doit éù~e ce me sembla, un semi ton au dessus de l&i/per-Zj/di'en.ains{/e pense (jiiEuckae sert trornpe,ou aueje l'ai mal transcrit.
Planche F.
Nouveaux Caractères de .Musique
j-, ■ Exemple de valeurs égales.
Fig.l. L'Octave en montant. * 19 2 '
-i — S — 3—* — S, 6 7 — —
Ut, re,mi,Jà,^'Vt,/a.tri,utl
Irieiii ,en séparant lesTenhrpar des T'iratuW
2 | 1 7 1 2[3 8 1 l]5 4 5 6 \ 7 6 7 5 | * 4 5 — g— j — *-— 1| 1 1 1 7> 1 2 | 3 2, 3 l\ S 4 *, &
i?V . 3 .
2k
1 3 1 S 5 7
Exemple pour les Taleitrs inégales, Points, ^Q/ncoper, et Silences.
12 3 4 | 5 , | ^ 4 3 2~TT
15 5 6 7
g. 0 * tf i 5, 05314231
4 ' 3 • 2 • 1
3 I Quando
Air a chanter avec la 3
asse
rpunta l
-S — * — 3-
2 3 4 3
ciel., l'an
3 2 0
rora
•5342
5 5432
6~T~4 3 2
cie. ..la al
7 • 1
,/fo ra il
-5— i 3 —
5 4 3
va i/o
tr
3 2 0
5 1 7
r en. île al
S 32
Jî..ne
5 4. 5
«>/ SUO
3 2 0
viso
4-6 24
il... bel
3-513
rt...so al
Basse
■ tr
6_2 7 •
<rie lo al
4 5
7 (S
1 • 0 \4-6 2 4
ma/' \û. . . bel
7 •
3 ~ n
ri...so al
7 7
1 "•' 0 || 3 ■ 5 4. 6
; I û». ... si
5 2 3
vuo spe
4 5 4 3
. . . . rar an
: — : — i-
f~2 5
jjior. ...no
tr
3 2 0
cil 10
rf-2-
3-^5 4.5 6
die ri
~S~~6 7~
s"^2 3
sor jja
'■ 2 1 7
..nel mio
co.re
5 '3Q 6 6 7 * i
0 I- 2~7 i 6 I % ■ 5 «~7
I & & a \ina...re
-2— l
2 l
1 7
c ' Z pianto
tr
7 6 0
mi . . o
43 2
P-"~3 6 i
deb. la un
17 6 6
con.. . so.
5
lar
6 7
5 3 *~2
Quart . . do
1 ~T^ 5
tr . «
7 ■ 1 *
spun.ta inM.
S 4 3
7 0
7 4. -5 2 2
Noter de J/out de la première espèce .
jgPfelgggËj^p *-*fpËp
5 <5- " * ~2 5tf 5432 1
Etendue des guatre Parties Tocal&r,
f~f mu O ii U t
d.c .
&
ini ? i;-i; r ♦
j in ;
S&
7 *p p
m
^
Fia.
Fia. S.
Notes de j/oitt de la Seconde espèce .
D&rj-uj-. Haub-c conire Taille
K tendue d&r quatre Parties Instrumentales.
f ... f ... =£
S
é "n ..i
rëfe
3curj-e
ê=
Darius de Fiolvri TailU
r 'Jirr?jriu
Quuitû <-*0u Viola
c'aré le même In+rfrurnent
que la Titille, et accorde de
^
Partition pour l accord de l ' Or^gue et du Clavecin .
ZJ3
^*n.y r
^
i^'<7. <9.
■B-
-e- &■*■
zza
•&
xec
*o
*&
/'(i^ Quinùxr en motttttnt
*G^&
■&■
¥3
|>0ll,"|k,»0|
Par Qwntar en d&rcendant
JPla/ic/ie G.
JJijfri/n/àon </e /'Orr/iesv-e (/e /'Opéra (te JJresc/e ,
Fini. Xhrigépar le S' Haj^re .
Renvois des Chiffres.
1 (Vtuyrcvi i/it ^lltu/re e/e C/ituieffe .
2 l Vmn*ci/i d'accompagnement' .
3 T'iolonee/Zes
4 ( outre - 6a/ie ■
5 7}/e//uers flo/ons .
6 Secorui Vxoloruf} ai/ans /e t/o,r
■ tourne vers /e 'l'Ae<t//-e
7 l£zu/>ois) ae même
8 l''ttttcsf Je même
a ■ Hautes t eu* même,
b JBa/ioTit
c. Cors i/f C liasse .
à ■ Une Jreoune t/e Cnayue côte pour /es
T'i/tiithrt/es et Trompettes ■
IIi//?i/w t/e S'. , Fean
Te/A- </tty//e o-e c/ian/ott a/icic/i7iement
âree tut 7rtanuffcrtâde Sens .
Utqueantla-xisReibnare iil>ris,jMi-ra pviVo-runi
Fainidi hi-o-riirn, Sol-ve polln-ti Labi-i -re - a- hun
m
Fu7 j
k^ ^a ffê
F i ■ , r ■ »
,H
-g-ç-
-fr
^. (Teiiera//ivi des Duso/umces.
~ Jat.
Sane-te Jo-an-nes .
Ta/?/e </e<r ^o/ur jEHu^/fio/iu/ue^
Je/i.ri/>/(\r etaprrréaaèletrsur /e TwHenceue .
F{9.
A
y. n
&
9 8 o d=»
-g- b#
&
3^
m
Ft<j. 5.
5P=£
=g=
JL.ii (ort/e tt ott/e
La Tieree muieure...
JZa Tieree mu/eiae.
-La Qmi/'te
Z.a Quuite
Z.a Si.ete mtneitre . .
JZ<i . farte mineure. .
L'Oct<nu>
\Donm\
/frtf.R-ft-R-^ Fy.j
« Si/sfeme aetierai ties Dissona/u tes.,
-^ E l -
Lu/itj-j'on .
l*ti Jh.v- neuvième , ou ùt t/ou/ue
Oc/mu* </e /ii {)ut*ite .
L<i J)i. r - .^y/urne, ou /a douÀlê
Oean>e t/e Ai même Tieree /ii,i/eitre
Jai t/t>ii/*/e Oe/ave .
Lo Douo-ieme, ou l'OcâZffé </e /o
metne Qituiâ?
Ltt 6'tp/e Oebrre
jLo J)t.r-se/>aeme mo/eure, ou //
i/ou/Ze Of'àwe Je /<r Tieree
VOeâwe
V
«
])
5E
'^^m
-e
-e- —
Fl<7.8. l^ïï ffî rj^
^
-?^ft
Planche H .
Notes de l'Ancienne Musique Grecque .
J7\g j Genre Diatonique , Mode. L^ydten .
N.B. La première note est pour la Jlusique vocale , ut seconde pour l instrumentale- '
Noms Noms anciens ■ Notes . Explication ,
Modernes I
La..
Si. . .
Ut..
Ré..
Ml. . .
Fa...
éol..
La...
Sl\>
&\
* Ul...
+ Ré...
* FI...
+ Ré. . .
Ail. . .
Fa...
Sol..
La...
Proslambanomene
K\ipatc' nypalon
Parhvpatc hypalon . .
Eypaton dtalonos
Hx/palc meson
Farm/pale' meson ....
.Meson alatonos
Mcsc
Trile Jji/i/iemenon .
Paramese
SSjnnemenon Diatonos
JVele iTj/nnemenon ....
Trlte Die^cugmcnon .
Diei.euqmenon dialonoj\co/;>,-<
JVele Dieicugmenon . .
Tritc hyperbo/eon ...
Ryperbo/eon Diatonos
Nete hyperboleon ....
7
n
R
0
c
p
M
i
r
L
F
c
o
q
<
0 Y
Z S
r n
\T Z
E
■W y
M 4
I (t
Zêta imparfait , et Tau couche .
Gamma a rebours , et Gamma droit .
Beta ùnparfàit , et Gammk renverse .
Phi , et Dlgamma .
S[gma , et Sigma ■ ' .
liho , et Sigma couche .
.Un , et Pi prolonge ■
Iota , et L^ainoda couche .
F/ie/a , et Laino da renverse ■
/.eta , et Pi couche ■
Gamma , et Ail .
Oméga , renversé et '/.eta .
Eta, , et Pi renverse' et prolonge .
Nete Synnemenon , gui est la même corde ,
P/il couché ' , et Eta coura/it prolonge .
Upsilon renverse , cl Alpha trongue a droite ■
-Vu, et PI prolonge surmonte' d'un accent ■
Iota , et Lambda couche surmonte dun accent
R,
emarques .
Quoique ta corde diatonos du Tetraeorde synnemenon et la 'frite du Teiracorde Bie^euymenon
aient des notes- différentes , elles ne sont que ta même corde , ou deu.v cordes a l'unisson
Il en est de même des deu<v corde Xeté O^x/nnemenon et Die^etiijmenon Diatonos; aussi ces
deus-cl portent - elles les mêmes notes, il Jaut remarquer aussi que la niese' et ta nete
lu/perboleon portent la même note pour le vocal , quoiqu' elles soient d l'octave l'une de
l autre ; apparemment qu'on avait dans la pratique quelque autre moyen de les distinguer.
Les canotai qui voudront connaître les notes de tous tes Genres et de tous les Modes,
pourront consulter dans J/eilomi'us les Tables d'Alx/plus et de Tiaccluus .
LJ
lagrammc
<e ^gênerai du Système des Grèce pour le
J7lC, 2 âl si Genre d la ton ta ne .
W 11 II
Ltz î .\ ele hxiperboleon
Hyperboleon diatonos- . .
True hyperboleon
Neté diexeuymenon . Jjytiaphc ou coç/oncâm
Tèiracûrde kijperboleon.
1
e
/£|e . . {Dtezeucjnicnon dta/onc^p.]
1 Ne te ' J\/nn em en on \
U{ ASyruiemenon diaiono*r\
YTrite jn/nnemenon . . - - J
ParamcJ'è ^
Ji b
4«~ .
i
r\a
Ai
4
Teiracorde die-zeinjmenon
Trite <rynnemenon — '.jDuLzeuxw ou dis jonction
Mewe.
""\
lleson dîaionoj*.
^•Jefrxzconfe meson
Par fn/ pâte ' m e<ron
Hx/na/e meson •LjynapAe ou conjonction
ffyp nton diaton os .
''Teiracorde fnjpaton
Par hy pâté nypaton
Hypale /tu pal on . s
Proslamb
nuio/nenos-
-J
Planche I ,
Echelle générale du Système moderne, sur le yrand Clavier à ravallemènL^D .
Fiq.
SE
-e%o
oxo:
jfoip
WpiQ.Wo"*"0*"
iUfe
rsm
^.^mo™^-
VnMô^S^
f>*f>
|,.,^'^; °- =
rl.n^-e»>-a>^tef:
Arrangement du Clavier f Selon Arrangement du Clavier t
le 0\steme établi . Selon le Système de AT. de Hots^gelou
Progression
par
Quintes
en
commençant
par
Fa
ut
de
re
ma.
mi
J'«
j
sot
te
ta
sa
si
ut
2
2 5
% 3
* 6
2 '
I
2 *
2
zJ
i '
2 '
2 >
l
n n " n " n " n
Ficf.i
ut%
re %■
./a*
sol%
'"ï*
1
OU
re 6.
ou
mi t.
ou
sol b.
ou
ta. b.
ou
si b.
1
V
t
re
nu
J<
;
sol
la
<
I
ut
Fig. 3.
de
ma
Jà
SO
l
la
si
Ut
re mi L/z
te
sa
ut
Fia. + .
n n 2 n & n * n " n ° îz
Progression par Quartes en commençant par Si .
fa
iA
sol
Portée de Jlusujue a Sept lignes
contenant l ecliellc cÀremaaaue de l'oetave . Sans aiezes ni Semoir .
23ZSZ'ZJ 2 2
Fïff. S.
M o nz
n rt Je
Consommée .
O <T~
-0-
-I) O
-O-
-6-
~o — rr
Fiq. 6
l ceAelte diatonique sur la même Portée ? . -
Fie,. 8.
re nia mi ^/à ^/î sol bc la sa si ut
A
■:-;
n
\â O °
-e — cri
^■7F ;; 1
Ut re nu ^fa so>
t la si ut
Turm^f
77
Fu).ii,\
Son produit „„- — -«,
Parties épates.
F\9-3~
Fiq. io
-i 1 1 H
V^.jE^^^
- K^-g.
O
Fiq.u.
P
9
m
t> nut
G.I.. ,. ci
:ec
"fer
' ' l-*o ^
¥^^-
PtanJie K.
Fie
lll 1
JEc/ielle i uafornefue
JE'pfeeuç <l<\r aUmiottés
A
o o
re — ra-
ie
in
Fl9.3.
n * 1 J- i- ± -h -i-
1 S S 10 u ii i-> 14
Fmnloi de ni Quin-le superflue
a ut liimcoi.re,. 1 I + •' l Italienne . raifort
1* A
IO l(>
7
15 fi
m-n
e
*M
.Ocrm ton 1
r . f . I f I Tî" I j%3 nuyeitr \
Ton \ Ion | . I .-m< <W< I 7^n j^ mineur mtifour q •
m.ucur l mawiir ' l'Ui/eur "UHCif q
> L-wi — ; x, u — 1
oz.
JBa/oe fondamentale et re'çidie/e de l'Echelle diatonique
ascendante par la Succession naturelle des trois cadences .
\>l)
180 x6o u/.if. i3S 110 ioti ( i/f 1)0 177 ■
KM^~^~^^
i'/7
(ht/r/ire harmonique. Cadence arittimôlupie . (adttice dlFia'le
<> o
n O-
o riz.
m
Jia/oe londamenlule îles Harmonistes ilic là? Siècle, eoiu/cc
Fùj.6^^jÊ
srr
-e-
-0-
-0-
~W-
Jia/oe ronaamenaiie aes Harmonistes au u>. oiecte,coi
77T- Q H' J o <> ° CE.
{</
F'M&
z
Echelle dialoniaue mesurée .
Cretirc evatJvk
W=£
P^
zuz.
œ
zrr.
Fu/n «u = „ *-^ o *o <> *° "° *°
Èa/oe fond
Fiq.iA
yôe fondamentale ijia retourne ea-actement.ru/' elle même
au moyen de la sep heme aliifuofe a/outee a l'Ecnelle diatonique
—77-ïo^O <> ( <> o\o n c ,
n o
H: " o o ° Il - w o o °
t> i) n n n — 11 [I n n u a u
Te'lracorde l Viromalii/uc
Fnj.xo.
û^r *i* f~H~f'*rîr Y ?
Fi
llJ
n/M.
Ti'lJi icori le Enhi u •nu y nui
r \>p kp
K
:e
^
^^
Ft
içay.
r^
&
tJ: o
^^
Ie™ Echelle Chromatique tirée de M. ' Malcobn
Manche L ,
Gamme et ^dccompaifiiement au Afode tnuvte
de AT. Blatn ville .
fe" S S S Sa' Si' S ^J !a S
*-' Ut, ut,*re, nu ,\> nu, fa, fa*, sol, soi*, la, sib, d£, ut.
UliM^rW
j5_ 13$ i5_ 2£ i5_ 12$ là" îô, a_£ 1J_ 12$ i£.
i(> i3ô il> 35 16 i3S il> u> 25 16 i3â ib
2f Echelle Chroma hcjue are'e dit même .
% 5
j£- iZ- J§~ i2- 3^- i!i- iZ- jê- *9 ^- ji2- jé-
17 lS la 20 l(> ly 18 la 20 17 1$ lu
si. ut ■
*=F
*F
3=
Pppi
^
3?
¥?=
mjrlj.Uj^lj^
^î'^rrMi^W
îr
w
mi
s
Fia. 2. ---*-..-
^ Z7f, î^ftlK, tv, /«ib, 7'», fa, fa*, sol, sol*, la, si\>,
Echelle Enharmonique .
■tnpqnr
s?
^
fc»
3^
mroy
£?£ z//,* nel^ TV, /vX, nub, nu, n
Fia 3. 2« I .|zfi
^ 5T 6a6
24 34 I Z3^"
25 25 128
Doute manière de j-orlzr d'un ace
b7 . I>7 _ * 1.7 ~»
-•-/
/?«'*, /rr, Vte*, sol\>, •roi, sol*, la\>, la, la*,
24 iqô 24 I 576 2^ -'-/ I ^3^ I 2^1 3^1 I j5V/i
35
12$ 25 &âS
25
25 12$ ~2~5
25 62a
J1 ,\> si, si*, ut.
24, \ oq I 125^
~2~5 2~5 12$
III II I II
Il a,,-) I <i II «m I bo II us) I tjo II
kt/ïj? Je je diminuée, où sonteomprisea, les 3 Transitions £/i/iarmonuutes et leitrs
h H \>7 j I.T g b7 g 1.7 ^ , br % l>7 "|
1
et leurs combinaisons
1)7 +6 \>7 Jr
1 *vo Uoll .n U^.11 *r> ml Kio \mA
p
32:
O * t^O H -H80 I t|0 " *0 < \o » *0 ' \o
bo " *o 'Ijo11 *o ^o11 *o ! (/ n *o l*f''11 *o l)l£Z
^4
-*«-
n
b *
vu
7t.
III
IV
VI
7b , 7b
vin
_zi
X
XI
7b
^_ zk-, „ 7l> , * „ 7J> , » „, zL, ^ 7b ■ 7b zb 7J> , _, 7\> , b ,., zi b 7b , „ ^ Zb , a, „
p,; \, Ci,. l i ■■ nC i " n^° wv' ft^ i':K \:m{° \m \yÇ \jÇ 0
xir
7b 7
If* I *
liasse fondamentale
„ J , Rcqle de l'Octave
Mn ^noae inaieur . l7
_^__ <-' _ ^, -0- r,
Fuj£^
W
M
*&■
Reprises .
oJrr
ui
-e-
6 w
^Fuj.8.
m
En JHode mineur
-d. l'Italienne . ^i la Françoise
Jllanii're de répondre ■
Euf/.m
•"S « «
*e-
« s-
-o-
te
w
■» *
■e-
~g ^«^
I ^"A9 ■ g^^f^WfJ^^J J'WjJJljfjPf
<Œ
Chiffres équivoques, et modulations de tournées
âËE
^
r p iifcJ r
**- *
T
T^
II
Corriçe
W
o %nz
4*
2*
P
*Q *L'
5?
III
Corrige
m
4*
2X
^j' o
S
"lY
J '/anche. M
7rois dwerves Piqûres
de la C(epde Fa .
dans la - Vu*riaue ^ -
Imprimée
F\g.8
dans la Jlusique ZZi
F\Q- 4 ■¥=&
Premier Couplet des Folies d'Kspaq ne , note en Tablature pour la Gidtarre
d — 14 — e- — 1 ** — I — *- — 1 4 — I — & 1 * — I S — I — J— ■ ■ e ■*
* * ' *
Kcritc ou Gravée
dans le '
Plein Chant
&=
£
Genres de la Musique Ancienne .
N° A. <Selon Jrùrtoœe'ne . vV''B. Selon Ptoloinee .
Fia , 5 . Le Te'tracorde étant suppose divise' en t>o parties égales . J,e Tétraeorde étant représente par le raport de ses deux termes
Diatonique. } Chromatique^ Enharmonique^ Diatonique^ Chromatique enharmonique
2. tf, o ^
30 ■£ *"* 0
Tendre ou mol 22+j8+So~6o
iÇyntonique ou dur 12 +2j.+ 24,=ôo
Jlol 8+ 8+ 4.4 = 6
Hemiolim t<? + j? + 42= £0
Tonique 22 + 22 + S6*~ 60
6"+ iP + 4,8 = bo !
* ") Intense, ou 23 J3 3, à. [ 46
J'uUoruque 32 u * *tT= * 1
Corde Jonore en vibration par ses Alignâtes au son de l'une d'entre elles.
Fiq.61. %
:;::::**■■
F (g , 7 .
A - Nœuds où etoient tes petits papiers d'une couleur.
B. Tentres ou étaient les petits papiers d'une autre couleur.
Cha/j^ lire de l'Harmonie
P-
m
-F— p-
?
P
SfrfTfT^
^m.
f&trifMttâ&tfifomfljrtfiït^
/l» o»' ,-/> t*/»H r>/> r-n m ,J& mime.. IFc ne ne ne ne non ra heu ra onci
Air Ch
iinois ■
Planche "N
Crtaruron Persane .
2>e/" des le </a /-< tchoub nar ■■ - es toit mia et bouy ar-
Chanson des sauvages du Canada
Cani. de /ou ve, ca m dejoime- Ile he ne Àe hc heu ra heu ra once oe .
Danse Canadienne .
W
fiiYri^ll'irrriiri)flTin%irfîrri
p-p-
-&
4ir Suisse appelle le Rans des lâches,
Adagio .
xppt
0tf^ WrnJ . iijJiflfriflfrifrTn
Cornemuse . -tdagio .
Dun ta ne dared al/i elar scmboul bi'ar — berai cliaemen
Traduction des paroles Persanes.
Jotre teui art vermed comme la. L/leur de Grenade .
I btre parler un parfum dont Je suis l'inséparable ami .
Le monde n'a rien de stable , /oui y passe ■
Refrain . Apportez des^/leurs de senteur pour ranimer le
cœur de mon Roi .
Table de*r Intervalles* .
pour la ^formule, des Clejs transposées
[Espèce de
I l'Intervalle -
Fia. 6
À
f- s f 'f f * 4r f* f r ■ f !
1 ce 1 s. s, s «s f . I
Ut, re\>, re, nii\?,mi,^/a,JciMsol, lab,/a, si'V,si. ut,
oui le dorment .
r-s « t t *3. & «■& *S> *à
^^riLrrTrlL^^N^^s^
No ms de % 3
/ 'Intervalle • g ^ ^
? y 5- 5"
^ ^ § - 5 ■
r \
fr/L
ï * " s
'-',
: ^?à.-;
* *•/■*.
*
.