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Full text of "Collection complete des oeuvres de J.J. Rousseau, citoyen de Geneve"

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COLLECTION 

COMPLETE 

DES  ŒUVRES 

D  E 

J.  J.  ROUSSEAU. 

TOME   NE  UVIEME. 


COLLECTION 

COMPLETE 

DES  ŒUVRES 

D  E 

J.  J.  ROUSSEAU, 

Citoyen    de  Genève. 


TOME    NEUVIEME, 


Contenant  le   Dictionnaire  de 
Mufique. 


A    GENEVE. 


M,   DCC.    L  X  XX  I  I. 


DICTIONNAIRE 


D  E 


M  U  S  I  QUE 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/1782collectionco09rous 


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DICTIONNAIRE 

D  E 

MUSIQUE. 

Par  J.  î.  ROUSSEAU. 

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Ut  pfalLndl    matcriem   difcennc.    Martian.    Cap. 


GENEVE. 


M.      D  C  C.      LXXX1 


PRÉFACE. 

.1  j  A  JMufique  eft ,  de  tous  les  beaux  Arts ,  celui  dont 
le  Vocabulaire  eft  le  plus  étendu,  &  pour  lequel  un 
Dictionnaire  eft,  par  conféquent,  le  plus  utile.  Ainiî, 
l'on  ne  doit  pas  mettre  celui  -  ci  au  nombre  de  ces 
compilations  ridicules,  que  la  mode  ou  plutôt  la  manie 
des  Dictionnaires  multiplie  de  jour  en  jour.  Si  ce  Livre 
eft  bien  fait ,  il  eft  utile  aux  Artiftes.  S'il  eft  mauvais , 
ce  n'eft  ni  par  le  choix  du  fujet,  ni  par  la  forme  de 
l'ouvrage.  Amfi  l'on  auroit  tort  de  le  rebuter  fur  fon 
titre.  Il  faut  le  lire  pour  en  juger. 

L'utilité  du  fujet  n'établit  pas ,  j'en  conviens ,  celle 
du  Livre  ;  elle  me  juftifie  feulement  de  l'avoir  entre- 
pris, &  c'eft  auifi  tout  ce  que  je  puis  prétendre  ;  car , 
d'ailleurs,  je  fens  bien  ce  qui  manque  à  l'exécution.  C'eft 
ici  moins  un  Dictionnaire  en  forme,  qu'un  recueil  de 
matériaux  pour  un  Dictionnaire,  qui  n'attendent  qu'une 
meilleure  main  pour  être  employés.  Les  fondemens  de 
cet  Ouvrage  furent  jettes  fi  à  la  hâte,  il  y  a  quinze 
ans  dans  l'Encyclopédie,  que,  quand  j'ai  voulu  le  re- 
prendre fous  œuvre  ,  je  n'ai  pu  lui  donner  la  ibliditp 
qu'il  auroit  eue  ,  fi  j'avois  eu  plus  de  tems  pour  en 
digérer  le  plan  &  pour  l'exécuter. 


17 


PRÉFACE. 


Je  ne  formai  pas  de  moi- même  cette  entreprit  , 
elle  me  fut  propofée;  on  ajouta  que  le  manuferit  en- 
tier de  l'Encyclopédie  devoit  être  complet  avant  qu'il 
en  fût  imprimé  une  feule  ligne  ;  on  ne  me  donna  que 
trois  mois  pour  remplir  ma  tâche  ,  &  trois  ans  pou- 
voient  me  fu Rire  à  peine  pour  lire,  extraire,  comparer 
&  compiler  les  Auteurs  dont  j'avois  be'foin  :  niais  le 
zèle  de  l'amitié  m'aveugla  fur  l'impoflibilité  du  fuccès. 
Fidèle  à  ma  parole,  aux  dépens  de  ma  réputation,  je 
fis  vite  &  mal  ,  ne  pouvant  bien  faire  en  fi  peu  de 
tems  ;  au  bout  de  trois  mois  mon  manuferit  entier  fut 
écrit ,  mis  au  net  &  livré  ;  je  ne  l'ai  pas  revu  depuis. 
Si  j'avois  travaillé  volume  à  volume  comme  les  autres, 
cet  eflai ,  mieux  digéré ,  eût  pu  relier  dans  l'état  où  je 
l'aurois  mis.  Je  ne  me  repens  pas  d'avoir  -été  exact  ;  mais 
je  me  repens  d'avoir  été  téméraire ,  &  d'avoir  plus  pro- 
mis que  je  ne  pouvois  exécuter. 

I'ieffé  de  l'imperfection  de  mes  articles,  à  mefure  que 
les  volumes  de  l'Encj  elopédie  paroifibient ,  je  réfolus  de 
refondre  le  tout  fur  mon  brouillon,  &  d'en  faire  à  loiiir 
un  ouvrage  à  part  traité  avec  plus  de  foin.  J'étois,en  re- 
commençant ce  travail,  à  portée  de  tous  les  fecours  né- 
ceflàires.  Vivant  au  milieu  des  Artilr.es  &  des  (iens-de- 
Lettres-,  je  pouvois  confiilter  les  uns  &  les  autres.  M. 
l'Abbé  Sallier  me  fourniiïbit  ,    de  la  Bibliothèque  do 


P    R    Ê    F    A    C    K.  i 

Roi,  les  livres  &  manufcrite  dont  pavois  rjefôin,  &  6  um 
vent  je  tirois,  de  fes  entretiens,  des  lumières  plus  Jures- 
que  de  nies  recherches.  Je  crois  devoir  à  la  mémoire 
de  cet  honnête  &.  favant  homme  un  tribut  de  recon- 
noiflanec  que  tous  les  Gens-de-Lettrcs  qu'il  a  pu  fervii 
partageront  rarement  avec  moi. 

Ma  retraite  à  la  campagne  m'ôta  toutes  ces  reiïo ur- 
ées ,  au  moment  que  je  commençois  d'en  tirer  parti- 
Ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  d'expliquer  les  raifons  de  cette 
retraite  :  on  conçoit  que ,  dans  ma  façon  de   penfer  ,- 
Pefpoir  de  faire  un  bon  Livre  fur  la  Muiique  n'en  étoit 
pas  une  pour  me  retenir.  Eloigné  des  amufemens  de 
la  Ville,  je  perdis   bientôt  les  goûts,   qui    s'y    rappor- 
taient 5  privé  des  communications  qui  pouvoient  m'é- 
clairer  fur  mon  ancien  objet.,  j'en  perdis  auifi  toutes 
les  vues  ;  &  foit  que  depuis  ce  tems  l'Art  ou  fa  théorie 
aient  fait  des  progrès ,  n'étant  pas  même  à  portée  d'en 
rien  lavoir,  je  ne  fus  plus  en  état,  de  les  fuivre.  Con- 
vaincu ,  cependant ,   de  l'utilité  du  travail  que  j'avois. 
entrepris,  je  m'y  remettais  de  tems  à  autre ,  mais  tou- 
jours avec  moins  de  fuccès ,  &  toujours  éprouvant  que 
les  difficultés  d'un  Livre  de  cette  efpece  demandent,  pour 
les  vaincre  ,  des  lumières  que  je  n'étois  plus   en  état 
d'acquérir ,  &  une  chaleur  d'intérêt  que  j'avois  celle  d'y 
.mettre.   Enfin  ,  défefpérant  d'être  jamais  à  portée  de 


1V  l] 


PRÉFACE. 


mieux  faire ,  &  voulant  quitter  pour  toujours  des  idées 
dont  mon  efprit  s'éloigne  de  plus  en  plus ,  je  me  fuis 
occupé ,  dans  ces  Montagnes ,  à  raffembler  ce  que  j'a- 
vois  tait  à  Paris  &  à  Montmorenci  ;  &,  de  cet  amas 
indigefte ,  cil  forti  l'efpece  de  Dictionnaire  qu'on  voit  ici. 

Cet  hiftorique  m'a  paru  nécefîaire  pour  expliquer  com- 
ment les  circonftances  m'ont  forcé  de  donner  en  fi 
main  ais  état  un  Livre  que  j'aurois  pu  mieux  faire ,  avec 
les  fecours  dont  je  fuis  privé.  Car  j'ai  toujours  cru  que 
le  refpect  qu'on  doit  au  Public  n'eft  pas  de  lui  dire  des 
fadeurs,  mais  de  ne  lui  rien  dire  que  de  vrai  &  d'utile, 
ou  du  moins  qu'on  ne  juge  tel;  de  ne  lui  rien  pré- 
fenter  fans  y  avoir  donné  tous  les  foins  dont  on  eil  ca- 
pable, &  de  croire  qu'en  faifant  de  fon  mieux,  on  ne 
fait  jamais  allez  bien  pour  lui. 

Je  n'ai  pas  cru ,  toutefois ,  que  l'état  d'imperfection 
ou  j'étais  forcé  de  laiflèr  cet  ouvrage,  dût  m'empécher 
de  le  publier ,  parce  qu'un  Livre  de  cette  efpece  étant* 
utile  à  l'Art ,  il  cft  infiniment  plus  aifé  d'en  f;iire  ufl  bon 
fur  celui  que  je  donne,  que  de  commencer  par  tout 
créer.  Les  connoiflîmees  néceflaircs  pour  cela  ne  font 
peut-être  pas  fort  grandes,  mais  elles  font  fort  variées, 
&  ïè  trom  eut  rarement  réunies  dans  la  même  tête.  Ainlï, 
mes  compilations  peuvent  épargner  beaucoup  de  travail 

eu  qui  font  en  état  d'y  mettre  Tordre  necellairc  ;  ex. 

tel, 


P    R    11    F    si    C    E.  }x 

tel,  marquant  mes  erreurs ,  peut  faire  un  excellent  Livre  T 
qui  n'eût  jamais  rien  fait  de  bon  Tins  le  mien. 

J'avertis  donc  ceux  qui  ne  veulent  fouffrir  que  des 
livres  bien  faits ,  de  ne  pas  entreprendre  la  lecture  de 
celui-ci;  bientôt  ils   en    feraient  rebutés  :   mais  pour 
ceux  que  le  mal  ne  détourne  pas  du  bien  ;  ceux  qui 
ne  font  pas  tellement  occupés  des  fautes,  qu'ils  comptent 
pour  rien  ce  qui  les  racbette  ;   ceux  ,  enfin ,  qui  vou- 
dront bien  chercher  ici  de  quoi  compenfer  les  miennes , 
y  trouveront  peut-être  afTez  de  bons  articles  pour  to- 
lérer les  mauvais,  &,  dans  les  mauvais  môme,  afTez 
d'obfervations  neuves  &  vraies  ,  pour  valoir  la   peine 
d'être  triées  &  choifies  parmi  le  refte.  Les  Muficicns 
lifent  peu ,  &  cependant  je  connois  peu  d'Arts   où    la 
lecture  &  la  réflexion  foient  plus  néceflàires.  J'ai  penfe 
qu'un  Ouvrage  de  la  forme  de  celui-ci  feroit  précifément 
celui  qui  leur  convenait,  &  que  pour  le  leur  rendre  aufli 
profitable  qu'il  étoit  poflible  ,  il  faloit  moins  y  dire  ce 
qu'ils  favent ,  que  ce  qu'ils  auroient  befoin  d'apprendre. 
Si  les  Manœuvres  &  les  Croque-Notes  relèvent  fou- 
vent  ici  des  erreurs,  j'cfpere  que  les  vrais  Artiiles   & 
les  hommes  de  génie  y  trouveront  des  vues  utiles  dont 
ils  fauront   bien  tirer  parti.  Les    meilleurs  Livres    font 
ceux  que  le  Vulgaire  décrie,  &  dont  les  gens  à  talent 
profitent  fans  en  parler. 

h 


X  PRÉFACE. 

Après  avoir  expofé  les  raifons  de  la  médiocrité  dsr 
FOiurage  &  celles  de  l'utilité  que  j'eftime  qu'on  en  peut 
tirer,  j'aurois  maintenant  à  entrer  dans  le  détail  de  l'Ou- 
vrage, même,  à  donner  un  précis  du  plan  que  je  me  fuis 
tracé  &  de  la  manière  dont  j'ai  tâché  de  le  fuivre.  Mais 
à  inclure  que  les  idées  qui  s'y  rapportent  fe  font  effacées 
de  mon  cfprit,  le  plan  fur  lequel  je  les  arrangeois  s'eft 
de  même  eifacé  de  ma  mémoire.  Mon  premier  projet 
etoit  d'en  traiter  fi  relativement  les  articles,  d'en  lier  fi 
bien  les  fuites  par  des  renvois,  que  le  tout,  avec  la 
commodité  d'un  Dictionnaire ,  eiitl'avantage  d'un  Traité 
firivi  ;  mais  pour  exécuter  ce  projet,  il  eût  falu  me  ren- 
dre fans  cefie  préfet1. tes  toutes  les  parties  de  l'Art,  &  n'en 
traiter  aucune  fans  me  rappeller  les  autres;  ce  que  le. 

Eaut  de  reflourecs  &  mon  goût  attiédi  m'ont  bientôt 
rendu  impollihle ,  &  que  j'eulie  eu  même  bien  de  la  peine 
à  faire,  au  milieu  de  mes  premiers  guides,  &  plein  de 
ma  première  ferveur;  Livré  à  moi  ieul  ,  n'ayant  plus 
ni  Savans  ni  Livres  à  confulter;  forci,  par  conféquent, 
de  traiter  chaque  article  en  lui-même,  & ,  fans  égard 
à  ceux  qui  s'y  çapportoient,  pour  éviter  des  lacunes, 
j'ai  du  fi,  i  des  redites.  Mus  j'ai  cru  que   dans 

un  Livre  de  l'eipece  de  celui-ci,  cïtoit  encore  un 
rnoinrloi  •■»•!  de  commettre  des  fentes,  que  de  faire  des, 
Qmifll  •• 


P    R    Ë    F    A    C    L. 


Je  me  fuis  donc  attaché  fur -tout  à  bien  compléter 
le  Vocabulaire  ,  &  non -feulement  à  n'omettre  au 
terme  technique,  mais  à  palier  plutôt  quelquefois  les 
limites  de  l'Ait,  que  de  n'y  pas  toujours  atteindre  :  & 
cela  m'a  mis  dans  la  néceflité  de  parfemer  Couvent  ce 
Dictionnaire  de  mots  Italiens  &  de  mots  Grecs;  les  uns, 
tellement  confines  par  1'ufage,  qu'il  faut  les  ci't  ndre 
même  dans  la  pratique;  les  autres,  adoptés  de  même 
par  les  Savans,  auxquels,  'vii  la  déiuétude  de  ce  qu'ils 
expriment ,  on  n'a  pas  donné  de  fynonymes  en  François. 
J'ai  taché,  cependant,  de  me  renfermer  dans  ma  règle, 
&  d'éviter  l'excès  de  BroŒird,  qui,  donnant  un  Dic- 
tionnaire François,  en  fait  le  Vocabulaire  tout  Italien, 
&  l'enfle  de  mots  absolument  étrangers  à  l'Art  qu'il  traita. 
Car,  qui  s'imaginera  jamais  que  la  lrierge ,  les  Apôtres, 
la  Mejfe,  les  Morts ,  foient  des  termes  de  Mufique  ,  parce 
qu'il  y  a  des  Muliqucs  relatives  à  ce  qu'ils  expriment  ; 
que  ces  autres  mots  ,  Pa^e  ,  Feuillet  ,  Quatre  ,  Cinq  , 
G'ojîer ,  Raifitt ,  Déjà ,  foient  aufli  des  termes  techniques  i 
parce  qu'on  s'en  fert  quelquefois  en  parlant  de  l'Art  ? 

Quant  aux  parties  qui  tiennent  à  l'Art  fans  lui  i  : 
effentielles ,  &  qui  ne  font  pas  ajjfolument  nécefTaires 
à  l'intelligence  du  relie,  j'ai  évitjç,  autant  que  j'ai  pur, 
d'y  entrer.  TJle  eit  celle  des  Inftru  n.r,\  ds  Mufique, 
partie    valle  &   qui  rempîiroit    feule   un    Difl  ■  ■ 


xu 


PRÉFACE. 


fur-tout  par  rapport  aux  Inflrumens  des  Anciens.  M. 
Diderot  s'étoit  chargé  de  cette  partie  dans  l'Encyclo- 
pédie, &  comme  elle  n'entroit  pas  dans  mon  premier 
plan  ,  je  n'ai  eu  garde  de  l'y  ajouter  dans  la  fiùte  , 
après  avoir  fi  bien  fenti  la  difficulté  d'exécuter  ce  plan 
tel  qu'il  étoit. 

J'ai  traité  la  partie  Harmonique  dans  le  fyftême  de 
la  Baffe-fondamentale  ,    quoique  ce  fyftême ,    imparfait 
&  défectueux  à  tant  d'égards  ,     ne  foit  point  ,    fclon 
moi ,    celui  de  la  Nature  &  de  la  vérité ,    &  qu'il  en 
réfulte  un    rempliïïage  fourd  Se  confus ,  plutôt  qu'une 
bonne  Harmonie.    Mais  c'eft  un  fyftéme,    enfin;   c'eft 
le  premier,  &  c'étoit  le  feul,  jufqu'à  celui  de  M.  Tar- 
tini  ,   où  l'on  ait  lié ,  par  des  principes ,    ces   multitu- 
des de   rcgles  ifolées  qui  fombloient  toutes  arbitraires , 
&  qui  faifoient ,    de  l'Art  Harmonique ,   une  étude  de 
mémoire  plutôt  que  de   raifonnement.    Le    fyftême   de 
M.   Tartini  ,    quoique  meilleur ,    à  mon  avis ,   n'étant 
pas  encore  aufU  généralement  connu  ,  &  d'ayant  pas» 
du  moins  en  France ,  la  même  autorité  que  celui  de  iU. 
Rameau  ,   n'a   pas  dû  lui  être  fubftitué  dans  un  Livre 
dclHné   principalement  pour   la   Nation  Krançoife.    Je 
me  fuis  donc  contenté  cPexpofer  de  mon  mieux'  les  prin- 
cipes   de  ce  fyftême   dans  un  article   de  mon    Diction- 
naire ;  &  .lu  refte  ,   j'ai  cru  devoir  cette  déférence  à  la 


P    R    Ê    F    A    C     E.  xuj 

Nation  pour  laquelle  j'écrivois ,  de  préférer  fon  fenti- 
ment  au  mien  fur  le  fond  de  la  doctrine  Harmonique. 
Je  n'ai  pas  dû  cependant  m'abitenir ,  dans  l'occafion  , 
des  objections  néceflaires  à  l'intelligence  des  articles  que 
j'av  ois  à  traiter  ;  c'eût  été  facrifier  l'utilité  du  Livre  au 
préjugé  des  Lecteurs  ;  c'eût  été  flatter  fans  inftruiro  , 
&  changer  la  déférence  en  lâcheté. 

J'exhorte  les  Artilr.es  &  les  Amateurs  de  lire  ce  Livre 
fins  défiance ,  &  de  le  juger  avec  autant  d'impartialité 
que  j'en  ai  nùs  à  l'écrire.  Je  les  prie  de  confidérer  que 
ne  profeffant  pas ,  je  n'ai  d'autre  intérêt  ici  que  celui  de 
l'Art,  &  quand  j'en  aurois,  je  devrois  naturellement  ap- 
puyer en  faveur  de  la  Mufique  Françoife,  où  je  puis 
tenir  une  place,  contre  l'Italienne  où  je  ne  puis  être 
rien.  Mais  cherchant  fincérement  le  progrès  d'un  Art 
que  j'aimois  paflionnément,  mon  plailir  a  fait  taire  ma 
vanité.  Les  premières  habitudes  m'ont  long-tems  attaché 
à  la  Mufique  Françoife,  &  j'en  étois  enthoufiaiïe  ouverte- 
ment. Des  companiifons  attentives  &  impartiales  m'ont 
entraîné  vers  la  Mufique  Italienne,  Se  je  m'y  fuis  livré 
avec  la  même  bonne-foi.  Si  quelquefois  j'ai  plaifanté, 
c'étoit  pour  répondre  aux  autres  fur  leur  propre  ton  ; 
mais  je  n'ai  pas ,  comme  eux ,  donné  des  bons-mots  pour 
toute  preuve,  &  je  n'ai  plaifanté  qu'après  avoir  raifonné. 
Maintenant  que  les  malheurs  &  les  maux  m'ont  enfin 


XTV 


PRÉFACE. 


détaché  d'un  goût  qui  n'avoit  pris  fur  moi  que  trop  d'em- 
pire, je  periifte,  par  le  feul  amour  de  la  vérité,  dans  les 
jugemens  que  le  feul  amour  de  l'Art  m'avoit  fait  porter. 
jVi.ils,  dans  un  Ouvrage  comme  celui-ci,  coniacré  à  la 
Muiique  on  général,  je  n'en  connols  qu'une,  qui  n'étant 
d'aucun  pays,  efl  celle  de  tous;  &  je  n'y  fuis  jamais  en- 
tré dans  la  querelle  des  deux  Mufiques,  que  quand  il 
s'en:  agi  d'éclaircir  quelque  point  important  au  progrès 
commun.  J'ai  fait  bien  des  fautes ,  fans  doute  ;  mais  je 
fuis  aflùrc  que  la  partialité  ne  m'en  a  pas  fait  commettre 
une  feule.  Si  elle  m'en  fait  imputer  à  tort  par  les  Lec- 
teurs ,  qu'y  puis-je  foire  ?  Ce  font  eux  alors  qui  ne  veu- 
lent pas  que  mon  Livre  leur  foit  bon. 

Si  l'on  a  vu ,  dans  d'autres  Ouvrages ,  quelques  arti- 
cles peu  importons  qui  font  auiii  dans  celui-ci,  ceux  qui 
pourront  faire  cette  remarque,  voudront  bien  fe  rap- 
pelle? que,  dès  l'année  i7>~o,  le  manuferit  elt  forti  de 
pies  mains  fans  que  je  fâche  ce  qu'il  ell  devenu  depuis 
ce  tems-là.  Je  n'aceufe  personne  d'avoir  pris  mes  arti- 
cle ;  i;-  lis  il  n'eft  pas  juilc  que  d'autres  m'aceufciit  d\i- 
pris  le§  leurs, 

A  Motiers-Trwoers  le  %o  Vieembrt  1764. 


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AVERTISSEMENT. 

\J  Uaud  Cefpece  grammaticale  des  mots  ponvoit  emborroffer 
quelque  LeBeur ,  on  Va  déjiguée  par  les  abbréviatious  ujitées. 
V.  n.   verbe  neutre,  f.  ni.  fubilantif  mafeulin  ,  gefe.    On 

ne  s*  ejî  pits  ajfervi  à  cette  Jpécificaticu  pour  chaque  article , 
parce  que  ce  rtejl  pas  ici  un  DiSionnaire  de  Langue.    On  a 
pris  un  foin  plus   uécejfaire  pour  des  mets   qui  ont  plujteurs 
feus  ,   en  les  dijlinguaut  par  une  lettre  majujcule  quand  on 
les  prend  dans   le  feus   technique  ,    £f  par  une  petite  lettre 
quand  on   les   prend  dans    le  feus   du  difeours.     Aiuf. ,    ces 
mots  :  air  £f  Air ,  médire  £f  Médire ,  note  £f  Note , 
tems  £f  Tems ,  portée  £f  Portée  ,  ne  fout  jamais  équi- 
voques ,    &  le  feus  en  ejî  toujours  déterminé  par  la  manière 
de   les  écrire.    Quelques  autres  fout  plus  etnbarrajjans ,  connut 
Ton  ,   qui  a  dans   V Art  deux   acceptions  toutes  différentes. 
Ou   a  pris   le  parti   de  récrire    eu   italique  pour  dijiingui 
..-;:  intervalle ,   £-f  en  romain  pour  défigner  une  Modulation. 
Au   moyeu    de  cette   précaution  ,     la  phrafe  Jhivaute ,   par 
exemple  ,   s'a  plus  rien  d'équivoque. 

"  Dans   les    Tous  majeurs,    l'Intervalle  de  la    Tmicp 
,  la  Médiante  ejî  compoje  d\m  Ton  majeur  £j'  rf'«w  Ton 

..   mineur.   „ 


niCTIOXNAÎRE 


DICTIONNAIRE 

D  E 

MUSIQUE. 


A. 


A 


n.i  la  ,  A  la  mi  re,  ou  fïmplement  A  ,  fixieme  fon  de 
la  Gamme  diatonique  &  naturelle  ;  lequel  s'appelle  autre- 
ment la.  (  Voyez  Gamme.  ) 

A  battuta.  (  Voyez  Mesuré*.  ) 

A  Livre  ouvert ,  ou  A  l'ouverture  du  Livre.  (  Voyez 
Livre.  ) 

A  Tempo.  (  Voyez  Mesuré.  ) 

ACADÉMIE  de  MUSIQUE.  C'eft  ainfi  qu'on  appelloit 
autrefois  en  France ,  &  qu'on  appelle  encore  en  Italie ,  une 
alTemblée  de  Muficiens  ou  d'Amateurs,  h  laquelle  les  Fran- 
çois ont  depuis  donné  le  nom  de  Concert.  (  Voyez  Concert.  ) 

ACADÉMIE  ROYALE  de  MUSIQUE.  C'eft  le  titre  que 
porte  encore  aujourd'hui  l'Opéra  de  Paris.  Je  ne  dirai  rien 
ici  de  cet  établiiïement  célèbre ,  finon  que  de  toutes  les  Aca- 
démies du  Royaume  &  du  Monde,  c'eft  apurement  celle  qui 
fait  le  plus  de  bruit.  (  Voyez   Opéra.  ) 

ACCENT.  On  appelle  ainfi  ,  félon  l'acception  la  plus 
générale  ,  toute  modification  de  la  voix  parlante ,  dans  la 
durée  ,  ou  dans  le  ton  des  fyllabes  &  des  mots  dont  le 
Dictionnaire  de  Mujique.  A 


i  A    C    C 

difcours  eft  compofé  ;  ce  qui  montre  un  rapport  très-exaft 
encre  les  deux  ufages  des  Accens  6c  les  deux  parties  de  la 
Mélodie,  (avoir  le  Rhythme  &  l'Intonation.  Accentus  ,  dit 
le  Grammairien  Sergius  dans  Donat ,  quafi  ad  cantus.  11  y 
a  autant  cV  Accens  différens  qu'il  y  a  de  manières  de  modi- 
fier ainfi  la  voix;  &  il  y  a  autant  de  genres  d*  Accens  qu'il 
y  a  de  caufes  générales  de  ces  modifications. 

On  diftingue  trois  de  ces  genres  dans  le  fimple  difcours  ; 
favoir  ,  Y  Accent  grammatical  qui  renferme  la  règle  des  Ac- 
cent  proprement  dits  ,  par  lefquels  le  fon  des  fyllabes  eft 
grave  ou  aigu ,  6c  celle  de  la  quantité  ,  par  laquelle  chaque 
fyllabe  eft  brève  ou  longue  :  l' Accent  logique  ou  rationel , 
que  plufieurs  confondent  mal-à-propos  avec  le  précédent  ; 
cette  féconde  forte  d'Accent ,  indiquant  le  rapport ,  la  con- 
nexion plus  ou  moins  grande  que  les  proportions  &.  les 
idées  ont  entr'elles ,  fe  marque  en  partie  par  la  ponctuation  : 
enfin  Y  Accent  pathétique  ou  oratoire,  qui,  par  diverfes  in- 
flexions de  voix,  par  un  ton  plus  ou  moins  élevé,  par  un 
parler  plus  vif  ou  plus  lent ,  exprime  les  fentimens  dont  celui 
qui  parle  eft  agiec ,  &  les  communique  à  ceux  qui  Técoutenc. 
L'étude  de  ces  divers  Accens  6c  de  leurs  effets  dans  la  langue 
doit  être  la  grande  affaire  du  Muficieo  ,  6c  Denis  d'Halicar- 
mffe  regarde  avec  raifon  ['Accent  en  général  comme  la 
femenec  de  toute  Mufique.  Auffi  devons-nous  admettre  pour 
une  maxime  inconteftable  que  le  plus  ou  moins  cV  Accent  eft 
U  vraie  caufe  qui  rend  les  langues  plus  ou  moins  mufica- 
les  :  car  quel  feroit  le  rapport  de  la  Mufique  au  difcours,  G 
l*s  tfins  d'    la    \.  i\   chantante   n'imitoient  les  Acceas  de  la 


A    C    C 


J 


parole  ?  D'où  il  fuit  que  ,  moins  une  langue  a  de  pareils 
Accens ,  plus  la  Mélodie  y  doit  être  monotone  ,  languiffante 
6c  fade;  à  moins  qu'elle  ne  cherche  dans  le  bruit  &  la  force 
des  fons  le  charme  qu'elle  ne  peut  trouver  dans  leur  variété. 

Quant  à  V Accent  pathétique  6c  oratoire ,  qui  eft  l'objet  le 
plus  immédiat  de  la  Mufique  imitative  du  théâtre,  on  ne  doit 
pas  oppofer  à  la  maxime  que  je  viens  d'établir ,  que  tous  les 
hommes  étant  fujets  aux  mêmes  paflîons  doivent  en  avoir 
également  le  langage  :  car  autre  chofe  eft  [accent  univerfel 
de  la  Nature  qui  arrache  à  tout  homme  des  cris  inarticu- 
lés ,  &  autre  chofe  V Accent  de  la  langue  qui  engendre  la 
Mélodie  particulière  à  une  Nation.  La  feule  différence  du  plus 
ou  moins  d'imagination  &  de  fenflbilité  qu'on  remarque  d'un 
peuple  à  l'autre  en  doit  introduire  une  infinie  dans  l'idiome 
accentué ,  fi  j'ofe  parler  ainfi.  L'Allemand ,  par  exemple  , 
hauffe  également  6c  fortement  la  voix  dans  la  colère  ;  il  crie 
toujours  fur  le  même  ton  :  l'Italien ,  que  mille  mouvemens 
divers  agitent  rapidement  &  fucceflivement  dans  le  même 
cas ,  modifie  fa  voix  de  mille  manières.  Le  même  fond  de 
paflïon  règne  dans  fon  ame  :  mais  quelle  variété  d'expref- 
fions  dans  fes  Accens  6c  dans  fon  langage!  Or,  c'eit  à  cette 
feule  variété ,  quand  le  Muficien  fait  l'imiter  ,  qu'il  doit 
l'énergie  6c  la  grâce  de  fon  chant. 

Malheureufement  tous  ces  Accens  divers,  qui  s'accordent 
parfaitement  dans  la  bouche  de  l'Orateur,  ne  font  pas  fi  faci- 
les à  concilier  fous  la  plume  du  Muficien  déjà  fi  gêné  par 
les  règles  particulières  de  fon  Art.  On  ne  peut  douter  que  !a 
Mufîque  lu  plus  parfaite  ou  du  moins  la  plus  exprellive,  ne 

A  i 


4  A    C    C 

foie  celle  où  tous  les  Accens  font  le  plus  exactement  obTer>- 
vés  ;  mais  ce  qui  rend  ce  concours  fi  difficile  eft  que  trop 
de  règles  dans  cet  Art  font  fujectes  à  fe  contrarier  mutuel- 
lement ,  &  fe  contrarient  d'autant  plus  que  la  langue  eft 
moins  muficale  ;  car  nulle  ne  l'eft  parfaitemen:  :  autrement 
ceux  qui  s'en  fervent  chanteraient  au  lieu  de  parler. 

Cette  extrême  difficulté  de  fuivre  à  la  fois  les  règles  de 
tous  les  Accens  oblige  donc  fouvent  le  Compofiteur  à  don- 
ner la  préférence  à  l'une  ou  à  l'autre,  feloa  les  divers  genres 
de  Mufique  qu'il  traite.  Ainfi ,  les  Airs  de  Dante  exigent 
fur-tout  un  Accent  rhythmique  &  cadencé  ,  dont  en  chaque 
Nation  le  caractère  eit  déterminé  par  la  langue.  L'Accent 
grammatical  doit  être  le  premier  confulté  dans  le  Récitatif, 
pour  rendre  plus  fenfible  l'articulation  des  mots ,  fujerte  à  fe 
perdre  par  la  rapidité  du  débit,  dans  la  réfonnance  harmo" 
nique  :  mais  V Accent  paflïonné  l'emporte  à  fon  tour  dans  les 
Airs  dramatiques  ;  &  tous  deux  y  font  fubordonnés ,  fur-tout 
dans  la  Symphonie,  à  une  troifieme  forte  d'Accent,  qu'oa 
pourrait  appeller  mufical ,  &  qui  elt  en  quelque  forte  déter- 
miné par  l'efpece  de  Mélodie  que  le  Muficien  veut  approprier 
aux  paroles. 

En  effet,  le  premier  &  le  principal  objet  de  toute  Mufique 
eft  de  plaire  à  l'oreille  ,  ainfi  tout  Air  doit  avoir  un  chant 
agréable  :  voila  la  première  loi ,  qu'il  u'elr.  jamais  permis 
d'enfreindre.  L'on  doit  donc  premièrement  confulter  la  Mélo- 
die &  V Accent  mufical  dans  le  deffein  d'un  Air  quelconque. 
Enfuite,  s'il  cil  question  c\\m  chant  dramatique  &  imitant", 
U  faut  chercher  VAccent  pathétique  qui  donne  au  fentiment 


A    C    C  5 

Ton  cxprefTion  ,  &  V Accent  rationel  par  lequel  le  Mufîcien 
rend  avec  JLilteïîe  les  idées  du  Poëce  ;  car  pour  infpirer  aux 
autres  la  chaleur  dont  nous  fommes  animés  en  leur  pariant, 
il  faut  leur  faire  entendre  ce  que  nous  difons.  U  Accent  gram- 
matical eft  néceflaire  par  la  même  raifon  ;  &  cette  règle  , 
pour  être  ici  la  dernière  en  ordre,  n'eit  pas  moins  indiipen- 
fable  que  les  deux  précédentes,  puifque  le  fens  des  rropoii- 
tions  &  des  phrafes  dépend  abfolument  de  celui  des  mots  : 
mais  le  Mufîcien  qui  fait  fa  langue  a  rarement  befoin  de 
fonger  à  cet  Accent;  il  ne  fauroit  chanter  fon  Air  fans  s'ap- 
percevoir  s'il  parle  bien  ou  mal,  &  il  lui  furrit  de  lavoir  qui! 
doit  toujours  bien  parler.  Heureux  ,  toutefois  ,  quand  une 
Mélodie  flexible  &  coulante  ne  celle  jamais  de  fe  prêter  à 
ce  qu'exige  la  langue  !  Les  Muficiens  François  ont  en  par- 
ticulier des  fecours  qui  rendent  fur  ce  point  leurs  erreurs 
impardonnables  ,  &  fur-tout  le  traité  de  la  Profodie  Fran- 
çoife  de  M.  l'Abbé  d'Olivet ,  qu'ils  devroient  tous  confultep. 
Ceux  qui  feront  en  état  de  s'élever  plus  haut ,  pourront  étu- 
dier la  Grammaire  de  Port-royal  &  les  favantes  notes  du 
Philofophe  qui  l'a  commentée.  Alors  en  appuyant  l'ufaggr 
fur  les  règles ,  &  les  règles  fur  les  principes ,  ils  feront  tou- 
jours fûrs  de  ce  qu'ils  doivent  faire  dans  l'emploi  de  V Accent 
grammatical  de  toute  efpece. 

Quant  aux  deux  autres  fortes  dAccens  ,  on  peut  moins 
les  réduire  en  règles,  &  la  pratique  en  demande  moins  d'étudt 
&  plus  de  talent.  On  ne  trouve  point  de  fang  -  froid  le 
langage  des  partions,  &  c'eit  une  vérité  rebattue  qu'il  faut 
être  ému  foi-même  pour  émouvoir  les  autres,  Iliea  ne  peut 


6  A    C    C 

donc  fuppléer  dans  la  recherche  de  V Accent  pathétique  à  ce 

génie  qui  réveille  à  volonté  tous  les  fentimens;  &  il  n'y  a 
d'autre  Art  en  cette  partie  que  d'allumer  en  fon  propre  cœur 
le  feu  qu'on  veut  porter  dans  celui  des  autres.  (  Voyez 
Génie.  )  Eit-il  queftion  de  Y  Accent  rationel  :  l"Art  a  tout 
auili-peu  de  prife  pour  le  faifir,  par  la  raifon  qu'on  n'ap- 
prend point  à  entendre  à  des  fourds.  Il  faut  avouer  auffi  que 
cet  Accent  eft  ,  moins  que  les  autres  ,  du  refTort  de  la 
Mufique ,  parce  qu'elle  eft  bien  plus  le  langage  des  fens 
que  celui  de  l'efprit.  Donnez  donc  au  Muficien  beaucoup 
d'images  ou  de  fentimens  &  peu  de  (impies  idées  à  rendre  : 
car  il  n'y  a  que  les  pallions  qui  chantent,  l'entendement  ne 
fait  que  parler. 

ACCENT.  Sorte  d'agrément  du  Chant  François  qui  fe 
notoit  autrefois  avec  la  Mufique  ,  mais  que  les  Maîtres  de 
Goût  -  du  -  Chant  marquent  aujourd'hui  feulement  avec  du 
crayon,  jufqu'à  ce  que  les  Ecoliers  fâchent  le  placer  d'eux- 
mêmes.  U  Accent  ne  fe  pratique  que  fur  une  fyllabe  lon- 
gue, &  fert  de  pafTage  d'une  Note  appuyée  à  une  autre 
Note  non  appuyée,  placée  fur  le  même  Degré  ;  il  confifte 
en  un  coup  de  golîer  qui  cleve  le  fon  d'un  Degré,  pour 
reprendre  à  Pinltant  fur  la  Note  fuivante  le  même  fon  d'où 
l'on  eft  parti.  Flufieurs  donnoient  le  nom  de  Plainte  a 
V Accent.  (  Voyez  le  figne  &  l'effet  de  Y  Accent,  Planche  II 
Figure   13.  ) 

AC(  ENS.  Les  Poètes  emploient  fouvent  ce  mot  au  plu- 
riel pour  fignilicr  le  Chant  même  ,  &  l'accompagnent  ordi- 
nuircmui     d'une  épichete,  comme   doux,  tendres  ,   triftes 


A    C    C  f 

'Accens.  Alors  ce  mot  reprend  exactement  !e  fer.  s  de  fa 
racine  ;  car  il  vient  de  cancre ,  cantus  ,  d'oa  l'on  a  fuit 
Accentus-,  comme  Concertais. 

ACCIDENT.  ACCIDENTEL.  On  appelle  Accidcns  ou 
Signes  Accidentels  les  Bémols  ,  Dicfls  ou  Béquarres  qui  fe 
trouvent ,  par  accident ,  dans  le  courant  d'un  Air ,  &  qui  , 
par  conféquent,  n'étant  pas  à  la  Clef,  ne  fe  rapportent  pas 
au  Mode  ou  Ton  principal.  (  Voyez  Dièse  ,  Bémol  ,  Ton  , 
Mode  ,  Clef  Transposée.  ) 

On  appelle  auili  Lignes  Accidentelles  ,  celles  qu'on  ajoute 
au-deïîus  ou  au-delîbus  de  la  Portée  pour  placer  les  Notes  qui 
patient  fon  étendue.   (Voyez  Ligne,  Portée.) 

ACCOLADE.  Trait  perpendiculaire  aux  Lignes ,  tiré  à  la 
marge  d'une  Partition  ,  &  par  lequel  on  joint  enfemble  les 
Portées  de  toutes  les  Parties.  Comme  toutes  ces  Parties 
doivent  s'exécuter  en  même  tems ,  on  compte  les  Lignes 
d'une  Partition  ,  non  par  les  Portées  ,  mais  par  les  Accolades, 
&  tout  ce  qui  e't  compris  fous  une  Accolade  ,  ne  forme 
qu'une  feule  Ligne.  (Voyez  Partition.) 

ACCOMPAGNATEUR.  Celui  qui  dans  un  Concert  ac- 
compagne de  l'Orgue ,  du  Clavecin  ,  ou  de  tout  autre  Lif- 
trument  d'accompagnement.  (Voyez  Accompacnemen  : .  ) 

Il  faut  qu'un  bon  Accompagnateur  foit  grand  Mufkien, 
qu'il  fâche  à  fond  l'Harmonie  ,  qu'il  connoille  bien  fon 
Clavier ,  qu'il  ait  l'oreille  fenûble ,  les  doigts  fouples  A:  le 
goût  fur. 

C'eft  à  V Accompagnateur  de  donner  le  ton  aux  Voix  &  !e 
mouvement  à  l'Ortheltre.   La    première    de   ces    ibnib 


i  A    C    C 

exige  qu'il  ait  toujours  fous  un  doigt  la  Note  du  Chant  pour 
la  refrapper  au  befoin  &  foutenir  ou  remettre  la  Voix  , 
quand  elle  foiblit  ou  s'égare.  La  féconde  exige  qu'il  mar- 
que la  Baffe  &  fon  Accompagnement  par  des  coups  fermes, 
égaux,  détachés  &  bien  réglés  à  tous  égards,  afin  de  bien 
faire  fentir  la  Mefure  aux  Concertans ,  fur-tout  au  commen- 
cement des  Airs. 

On  trouvera  dans  les  trois  Articles  fuivans ,  les  détails  qui 
peuvent  manquer  à  celui-ci. 

ACCOMPAGNEMENT.  C'eft  l'exécution  d'une  Harmonie 
complète  &  régulière  fur  un  Infiniment  propre  à  la  rendre  , 
tel  que  l'Orgue,  le  Clavecin,  le  Théor'oe,  la  Guitare,  &c. 
Nous  prendrons  ici  le  Clavecin  pour  exemple  ;  d'autant  plus 
qu'il  e(t  prefque  le  feul  In/trument  qui  foit  demeuré  en 
ufage  pour  Y  Accompagnement. 

On  y  a  pour  guide  une  des  Parties  de  la  Mufique  ,  qui 
efr.  ordinairement  la  Baffe.  On  touche  cette  Baffe  de  la  main 
gauche  ,  &c  de  la  droite  l'Harmonie  indiquée  par  la  marche 
de  la  Baffe ,  par  le  chant  des  autres  Parties  qui  marchent 
111  même  rems,  par  la  Partition  qu'on  a  devant  les  yeux, 
ou  par  les  chiffres  qu'on  trouve  ajoutés  a  la  Baffe.  Les  Ita- 
liens méprifent  les  chiffres;  la  Partition  même  leur  elt  peu 
néceflàire  :  la  prompti:udc  &  la  fineffe  de  leur  oreille  y  fup- 
plée  ,  &  ils  accompagnent  fort  bien  fans  tout  cet  appareil. 
J\ï  is  ce  nYft  qu'à  leur  difpofîtion  naturelle  qu'ils  font  rede- 
vables de  (.eue  facilité,  &  les  autres  Peuples,  qui  ne  font 
pas  nés  comme  eux  pour  la  Mufique ,  trouvent  à  la  pratique 
<k-   1'  h    wipagnemcnt  des  obftacles  prefque  infurmontables. 

Il 


A    C    C  P 

Il  faut  des  huit  à  dix  années  pour  y  réuiïir  paffablement. 
Quelles  font  donc  les  caufes  qui  retardent  ainfi  l'avancement 
des  élevés  &  embarraffent  Ci  long-tems  les  Maîtres  ,  (i  la 
feule  difficulté  de  l'Art   ne  fait  point  cela  ? 

Il  y  en  a  deux  principales  :  l'une  dans  la  manière  de  chiffrer 
les  Baffes  :  l'autre  dans  la  méthode  de  Y  Accompagnement. 
Parlons  d'abord  de  la  première. 

Les  Signes  dont  on  fe  fert  pour  chiffrer  les  Baff.'S  font 
en  trop  grand  nombre  :  il  y  a  li  peu  d'Accords  fondamen- 
taux 1  Pourquoi  faut-il  tant  de  chiffres  pour  les  exprimer  ? 
Ces  mêmes  Signes  font  équivoques,  obfcurs,  infumfans.  Par 
exemple ,  ils  ne  déterminent  prefque  jamais  l'efpece  des  In- 
tervalles qu'ils  expriment,  ou,  qui  pis  eft ,  ils  en  indiquent  d'une 
autre  efpece.  On  barre  les  uns  pour  marquer  des  Dièfes; 
on  en  barre  d'autres  pour  marquer  des  Bémols  :  les  In- 
tervalles Majeurs  &  les  Superflus ,  même  les  Diminués  , 
s'expriment  fouvent  de  la  même  manière  :  quand  les  chiffres 
font  doubles  ,  ils  font  trop  confus;  quand  ils  font  iïmples, 
ils  n'offrent  prefque  jamais  que  l'idée  d'un  feul  Intervalle  ; 
de  forte  qu'on  en  a  toujours  plufieurs  à  fous-entendre  & 
à  déterminer. 

Comment  remédier  a  ces  inconvéniens  ?  Faudra-t-il  mul- 
tiplier les  Signes  pour  tout  exprimer  ?  Mais  on  fe  plaint 
qu'il  y  en  a  déjà  trop.  Faudra-t-il  les  réduire  ?  On  laiffera 
plus  de  chofes  à  deviner  à  l'Accompagnateur ,  qui  n'efl 
déjà  que  trop  occupé  ;  &  dès  qu'on  fait  tant  que  d'em- 
ployer des  chiffres  ,  il  faut  qu'ils  puiffent  tout  dire.  Que 
faire  donc  ?  Inventer  de  nouveaux  Signes  ,  perfectionner 
Dicl.  de  Mufique.  B 


■le 


A    C    C 


le  Doigter ,  &  taire ,  des  Signes  &  du  Doigter  ,  deux 
moyens  combinés  qui  concourent  à  foulagcr  l'Accompa- 
gnateur. C'eft  ce  que  M.  Rameau  a  tenté  avec  beaucoup 
de  fagacité  ,  dans  fa  Differtation  fur  les  différentes  mé- 
thodes d'Accompagnement.  Nous  expoferons  aux  mots 
Chiffres  &  Doigter  les  moyens  qu'il  propofe.  Panons  aux 
méthodes. 

Comme  l'ancienne  Mufique  n'étoit  pas  fi  compofée  que 
la  nôtre  ,  ni  pour  le  Chant ,  ni  pour  l'Harmonie ,  &  qu'il 
n'y  avoit  gueres  d'autre  Baffe  que  la  fondamentale ,  tout 
Y  Accompagnement  ne  confiftoit  qu'en  une  fuite  d'Accords 
parfaits,  dans  lefquels  l'Accompagnateur  fubftiruoit  de  tems 
en  tems  quelque  Sixte  à  la  Quinte  ,  félon  que  l'oreille  le 
conduifoit  :  ils  n'en  favoient  pas  davantage.  Aujourd'hui  qu'on 
a  varié  les  Modulations ,  renverfé  les  Parties ,  furchurgé  , 
peut-être  gâté  l'Harmonie  par  des  foules  de  Diffonances, 
on  eft  contraint  de  fuivre  d'autres  règles.  Campion  imagina, 
dit-on  ,  celle  qu'on  appelle  Règle  de  l'Octave  :  (  Voyez 
Règle  de  l'Octave.)  &  c'eft  par  cette  méthode  que  la 
plupart  des  Maîtres  enfeignent  encore  aujourd'hui  W-hcom- 
lement. 
Les  Accords  font  déterminés  par  la  Règle  de  l'Octave , 
lavement  au  rang  qu'occupent  les  Notes  de  ta  Baffe,  & 
à  !  i  marche  qu'elles  Auvent  dans  un  Ton  donné.  Ainfi  le 
i  m  étant  connu  ,  la  Note  de  la  Baffe-continue  aufli  con- 
n  '• ,  le  rang  de  cette  Note  dans  le  Ton ,  le  rang  de  la  Note 
qui  lt  précède  immédiatement,  &  le  rang  de  la  Noitj  qui 
Li   fuit ,  on   tic  le  trompera  pas  beaucoup,  en  accompagnant 


A    C    C 

par  la  Règle  de  l'Octave  ,  fi  le  Compofircur   a  fuivi   l'I 
monie   la   plus  fimple   &   la  plus  naturelle  ;    mais    c'eft    ce 
qu'on  ne  doit  gueres  attendre  Jde  la  Mufique  d'aujourd'hui , 
fi.   ce   n'eft  peut-être  en  Italie  où  l'Harmonie  paroît  fe  Am- 
plifier à  mefure  qu'elle  s'altère  ailleurs.  De   plus,   le  moyen 
d'avoir  toutes  ces  chofes    inceflamment  préfentes,  &  tandis 
que  l'Accompagnateur  s'en  inftruit,  que  deviennent  les  doigts? 
A  peine  atteint-on  un  Accord,  qu'il  s'en  offre  un  autre,  &  le 
moment  de  la  reflexion  eft  précifément  celui  de  l'exécution. 
Il  n'y  a  qu'une  habitude   confomméc   de  Mufique,  une  ex- 
périence réfléchie  ,  la  facilité  de  lire  une  ligne  de  Mufique  d'un 
coup-d'œil ,  qui  puilTent  aider  en  ce  moment.  Encore  les  plus 
habiles  fe  trompent-ils  avec  ce  fecours.  Que  de  fautes  échap- 
pent ,  durant  l'exécution  ,  à  l'Accompagnateur  le  mieux  exercé  ! 
Attcndra-t-on  ,  même  pour  accompagner,  que  l'oreille  foit 
formée  ;    qu'on   fâche    lire    aifément    &c    rapidement  toute 
Mufique  ;    qu'on    puiiïe   débrouiller  ,   à   livre    ouvert  ,    une 
Partition  ?    Mais  ,  en  fût  -  on  là ,  on   auroit  encore  befoin 
d'une   habitude    du    Doigter    fondée    fur    d'autres  principes 
d' 'Accompagnement    que   ceux    qu'on    a  donnés    jufqu'à    M. 
Rameau. 

Les  Maîtres  zélés  ont  bien  fend  l'infuffifance  de  leurs 
Règles.  Pour  y  fuppléer  ,  ils  ont  eu  recours  à  l'énumération 
&  à  la  defeription  des  Confonnances  ,  dont  chaque  Difîb- 
nance  fe  prépare,  s'accompagne  &  fe  fauve  dans  tous  les 
dilTérens  cas  :  détail  prodigieux  que  la  multitude  des  Dif- 
fonances  &  de  leurs  combinaifons  fait  affez  fentir,  &  dont 
la  mémoire  demeure   accablée. 


Il 


A    C    C 


Plufîeurs  confeillent  d'apprendre  la  Compofition  avant 
de  paffer  à  V  Accompagnement  :  comme  fi  Y  Accompagne- 
ment n'étoit  pas  la  Compofition  même,  à  l'invention  près, 
qu'il  faut  de  plus  au  Compofiteur.  C'eft  comme  fi  l'on 
propofoit  de  commencer  par  fe  faire  Orateur  pour  ap- 
prendre à  lire.  Combien  de  gens  ,  au  contraire ,  veulent 
qu'on  commence  par  Y  Accompagnement  à  apprendre  la 
Compofition?  &  cet  ordre  eft  apurement  plus  raifonnable  & 
plus   naturel. 

La  marche  de  la  Bafle  ,  la  Règle  de  l'Oiftave  ,  la  ma- 
nière de  préparer  &  fauver  les  Diflbnances ,  la  Compo- 
fition en  général  ,  tout  cela  ne  concourt  gueres  qu'à  mon- 
trer la  fucceflion  d'un  Accord  à  un  autre  ;  de  forte  qu'à  cha- 
que Accord ,  nouvel  objet ,  nouveau  fujet  de  réflexion.  Quel 
travail  continuel  !  Quand  l'efprit  fcra-t-il  affez  inftruit  ?  Quand 
l'oreille  fera-t-elle  aflez  exercée  ,  pour  que  les  doigts  ne 
foient   plus  arrêtés  ? 

Telles  font  les  difficultés  que  M.  Rameau  s'eft  propofé 
d'applanir  par  fes  nouveaux  Chiffres  ,  &  par  fes  nouvelles 
Règles  d*  Accompagnement. 

Je  tâcherai  d'expofer  en  peu  de  mots  les  principes  fur 
lefqucls  fa  méthode   eft  fondée. 

11  n'y  a  dans  l'Harmonie  que  des  Confonnances  &  des 
Diiïonances.  Il  n'y  a  donc  que  des  Accords  confonnans  ce 
accords  diflbnans. 

Chacun   de  ces  Accords  cft  fondamentalement  ilivifé  par 

ces.    (   C'eft    le    fyflême    de   M.   Rameau.    )   L'Accord 

confonnant  eft  compofé  de  trois  Notes,  comme  ut  mi  fol  ; 


A    C    C  tj 

&  le  diflbnant  de  quatre ,  comme  fol  fi  rc  fa  :  Iaifïant  a 
part  la  fuppoficion  &  la  fufpenfion  ,  qui  ,  à  la  place  des 
Notes  dont  elles  exigent  le  retranchement ,  en  introduifent 
d'autres  comme  par  licence  :  mais  X Accompagnement  n'en 
porte  toujours  que  quatre.  (  Voyez  Supposition  &  Sus- 
pension. ) 

Ou  des  Accords  confonnans  fe  fuccedent ,  ou  des  Ac- 
cords diffonans  font  fuivîs  d'autres  Accords  difîbnans  , 
ou   les  confonnans  &  les  difîbnans    font   entrelaces. 

L'Accord  confonnant  parfait  ne  convenant  qu'à  la  To- 
nique ,  la  fucccfîicn  des  Accords  confonnans  fournit  autant 
de  Toniques  ,  6c  par  conféquent  autant  de  changemens  de 
Ton. 

Les  Accords  difîbnans   fe    fuccedent   ordinairement   dans 
un    même    Ton  ,  fi    les    Sons   n'y    font   point  altérés.   La 
DifTonance  lie   le   fens  harmonique  :   un    Accord  y  fait  de- 
firer   l'autre  ,  6c  fentir  que   la  phrafe   n'eit   pas    tinie.  Si  le 
Ton   change  dans  cette  fuccefTion  ,  ce   changement  eft  tou- 
jours annonce   par  un  Dièfe  ou  par  un  Ik'mol.   Quant   à  la 
rroiileme  fuccefTion  ,  fa  voir  l'entrelacement  des  Accords  con- 
fonnans 6c   difîbnans  ,   M.    Rameau    la    réduit    à   deux   cas 
feulement  ;  6c   il  prononce  en  général  ,  qu'un  Accord  con- 
fonnant ne  peut  être  immédiatement  précédé   d'aucun  autre 
Accord  diiTonant  ,  que  celui  de  fepticme  de  la    Dominante- 
Tonique  ,  ou   de  celui  de  Sixte-Quinte    de  la  fous-Domi- 
nante ;   excepte    dans  la    Cadence    rompue  6c  dans    les  fuf- 
penfions  :  encore  prétend-il  qu'il  n'y  a  pas  d'exception  quant 
au  fond,  Il  me    fcmble   que    l'Accord  parfait  peut  encore 


i4  A    C    C 

être  précédé  de  l'Accord  de  Septième  diminuée  ,  &  même 
de  celui  de  Sixte-fuperflue  ;  deux  Accords  originaux  ,  dont 
le  dernier  ne    fe  renverfe  point. 

Voilà  donc  trois  textures  différentes  des  phrafes  harmo- 
niques, i.  Des  Toniques  qui  fe  fuccedent  &  forment  autant 
de  nouvelles  Modulations,  z.  Des  Dilfonances  qui  fe  fuc- 
cedent ordinairement  dans  le  même  Ton.  3.  Enfin  des 
Confonnances  &  des  Diffonances  qui  s'entrelacent  ,  & 
où  la  Confonnance  eit  ,  félon  M.  Rameau  ?  néceiTairement 
précédée  de  la  Septième  de  la  Dominante  ,  ou  de  la  Sixte- 
Quinte  de  la  Sous  -  Dominante.  Qae  reîte  -  t  -  il  donc  à 
faire  pour  la  facilité  de  V Accompagnement ,  fmon  d'indi- 
quer à  l'Accompagnateur  quelle  eft  celle  de  ces  textures  qui 
règne  dans  ce  qu'il  accompagne  ?  Or  c'eft  ce  que  M.  Rameau 
veut  qu'on  exécute  avec  des  caractères  de  fon  invention. 

Un  feul  Signe  peut  aifément  indiquer  le  Ton  ,  la  Toni- 
que &  fon  Accord. 

De-là  fe  tire  la  connoiffance  des  Dièfes  &  des  Bémols 
qui  doivent  entrer  dans  la  compofition  des  Accords  d'une 
Tonique  à  une  autre. 

La  fucccfîïon  fondamentale  par  Tierces  ,  ou  par  Quin- 
tes,  tant  en  montant  qu'en  defeendant  ,  donne  la  première 
texture  des  phrafes  harmoniques  ,  toute  compofée  d'Ac- 
cords confonnans. 

La  fijcceflîon  fondamentale  par  Quintes ,  ou  par  Tierces, 
en  defeendant  donne  la   féconde    texture  ,  coi  1    d'  ac- 

cords   difTonans  ,    favoir  ,    des    Accords   de   Septième}  Ci: 
cette  fucceiEon  donne  une   Harmonie    defcendantC 


A     C     C  *5 

L'Harmonie  afcendante  eft  fournie  par  une  fucceflion  de 
Quintes  en  montant  ou  de  Quartes  en  defeendant,  accom- 
pagnées de  la  Dilîbnance  propre  à  cette  fuccellion  ,  qui 
eit  la  Sixte-ajoutce  ;  &  c'eft  la  troifieme  texture  des  phra- 
fes  harmoniques.  Cette  dernière  n'avoir,  jufqu'ici  été  obfer- 
vée  par  perfonne  ,  pas  même  par  M.  Rameau  ,  quoiqu'il 
en  ait  découvert  le  principe  dans  la  Cadence  qu'il  ap- 
pelle Irréguliere.  Ainfi ,  par  les  Règles  ordinaires  ,  l'Har- 
monie qui  naît  d'une  fuccellion  de  Diflbnances  ,  defeend. 
toujours  ,  quoique  félon  les  vrais  principes  ,  &  félon  la  rai- 
fon  ,  elle  doive  avoir  ,  en  montant ,  une  progrellion  touç 
aufli  régulière  qu'en   defeendant. 

Les  Cadences  fondamentales  donnent  la  quatrième  Tex- 
ture de  phrafes  harmoniques  ,  où  les  Confonnances  &  les 
Diffonances  s'entrelacent. 

Toutes  ces  textures  peuvent  être  indiquées  par  des  ca- 
ractères fimples  ,  clairs  ,  peu  nombreux  ,  qui  puiifent  ,  en 
même  tems ,  indiquer  ,  quand  il  le  faut  ,  la  Dilfonance  en 
général  ;  car  l'efpece  en  eft  toujours  déterminée  par  la 
texture  même.  On  commence  par  s'exercer  fur  ces  tex- 
tures prifes  féparément  ;  puis  on  les  fait  fuccéder  les  unes 
aux  autres  fur  chaque  Ton  &  fur  chaque  Mode  fucceili- 
vemenr. 

Avec  ces  précautions  ,  M.  Rameau  prétend  qu'on  apprend 
plus  d' Accompagnement  en  fix  mois  qu'on  n'en  apprenoit 
auparavant  en  fix  ans  ,  &  il  a  l'expérience  pour  lui.  (  Voyez 
Chiffrhs  &  Doigter.) 

A  l'égard  de.  la  manière  d'accompagner  avec  intelligence,' 


iô  A    C    C 

comme  elle  dépend  plus  de  l'ufage  «5c  du  goût  que  des 
Règles  qu'on  en  peut  donner  ,  je  me  contenterai  de  faire 
ici  quelques  obfervations  générales  que  ne  doit  ignorer  au- 
cun Accompagnateur. 

1.  Quoique  dans  les  Principes  de  M.  Rameau  ,  l'on  doi- 
ve toucher  tous  les  Sons  de  chaque  Accord  ,  il  faut  bien  fe 
garder  de  prendre  toujours  cette  Règle  à  la  lettre.  Il  y  a 
des  Accords  qui  feraient  infupportables  avec  tout  ce  rem- 
pliffage.  Dans  la  plupart  des  Accords  difibnans  ,  fur-tout 
dans  les  Accords  par  fuppofition  ,  il  y  a  quelque  Son  à  re- 
trancher pour  en  diminuer  la  dureté  :  ce  Son  efr.  quelque- 
fois la  Septième  ,  quelquefois  la  Quinte  ;  quelquefois  l'une 
&  l'autre  fe  retranchent.  On  retranche  encore  aû*ez  fouvent 
la  Quinte  ou  l'Oclave  de  la  Dalfe  dans  les  Accords  diffo- 
nans  ,  pour  éviter  des  Oitaves  ou  des  Quintes  de  fuite  qui 
peuvent  faire  un  mauvais  effet  ,  fur-tout  aux  extrémités. 
Far  la  même  raifon  ,  quand  la  Note  fenfible  eft  dans  la 
Baffe  ,  on  ne  la  met  pas  dans  V Accompagnement  ;  &c  l'on 
double  ,  au  lieu  de  cela ,  la  Tierce  ou  la  Sixte  ,  de  la  main 
droite.  On  doit  éviter  auflï  les  Intervalles  de  Seconde  ,  & 
d'avoir  deux  doigts  joints  ;  car  cela  fait  une  Diifonance 
fort  dure  ,  qu'il  faut  garder  pour  quelques  occafions  où 
l'exprefTîon  la  demande.  En  général  on  doit  penfer  ,  en 
accompagnant  ,  que  quand  M.  Rameau  veut  qu'on  rem- 
plie tous  les  Accords ,  il  a  bien  plus  d'égard  à  la  mécha- 
nique  des  doigts  &  à  fon  fyitôme  particulier  d'Accompa- 
gnement y  qu'à  la  pureté  de  l' Harmonie.  Au  lieu  du  bruit  con- 
fus que  fait  un  pareil  Accompagnement ,  il  faut  chercher  à 

le 


A    C    C  .7 

le   rendre    agréable  6c  fonorc  ,  &  faire  qu'il  nourriîTe  6c  ren- 
force  la  Batte  ,  au  lieu  de  la  couvrir  6c  de  l'étouffer. 

Que  fi  l'on  demande  comment  ce  retranchement  de  Sons 
s'accorde  avec  la  définition  de  V Accompagnement  par  une 
Harmonie  complète  ,  je  réponds  que  ces  retranchemens 
ne  font  ,  dans  le  vrai  ,  qu'hypothétiques  6c  feulement  dans 
le  fyftéme  de  M.  Rameau  ;  que  ,  fuivant  la  Nature  ,  ces 
Accords  ,  en  apparence  ainfi  mutilés  ,  ne  font  pas  moins 
complets  que  les  autres  ,  puifque  les  Sons  qu'on  y  fup- 
pofe  ici  retranchés  les  rendraient  choquans  6c  fouvent  in- 
fupportahles  ;  qu'en  effet  les  Accords  diffonans  ne  font 
point  remplis  dans  le  fyltême  de  M.  Tartini  comme  dans 
celui  de  M.  Rameau  ;  que  par  conséquent  des  Accords  dé- 
fectueux dans  celui-ci  font  complets  dans  l'autre  ;  qu'enfin 
le  bon  goût  dans  l'exécution  demandant  qu'on  s'écarte  fou- 
vent  de  la  règle  générale  ,  6c  Y  Accompagnement  le  plus 
régulier  n'étant  pas  toujours  le  plus  agréable  ,  la  définition 
doit  dire  la  règle  ,  6c  l'ufage  apprendre  quand  on  s'en  doit 
écarter. 

II.  On  doit  toujours  proportionner  le  bruit  de  Y  Accom- 
pagnement au  caractère  de  la  Mufique  6c  à  celui  des  Inltru- 
mens  ou  des  Voix  que  l'on  doit  accompagner.  Ainfi  dans 
un  Chœur  on  frappe  de  la  main  droite  les  Accords  pleins  ; 
de  la  gauche  on  redouble  l'Octave  ou  la  Quinte  ;  quelque- 
fois tout  l'Accord.  On  en  doit  faire  autant  dans  le  Récita- 
tif Italien  ;  car  les  fons  de  la  Baffe  n'y  étant  pas  foutenrs 
ne  doivent  fe  faire  entendre  qu'avec  toute  leur  Harmonie,. 
&  de  manière  à  rappeller  fortement  6c  pour  long -teins 
Dicl.  de  Mufique.  C 


i8  A    C    C 

l'idée  de  la  Modulation.  Au  contraire  dans  un  Air  lent  & 
doux  ,  quand  on  n'a  qu'une  voix  foible  ou  un  feul  Inftru- 
ment  à  accompagner  ,  on  retranche  des  Sons  ,  on  arpège 
doucement  ,  on  prend  le  petit  Clavier.  En  un  mot  ,  on  a 
toujours  arrention  que  Y  Accompagnement  ,  qui  n'eii  fait 
que  pour  fourenir  &c  embellir  le  Chant ,  ne  le  gâte  &  ne  le 
couvre  pas. 

III.  Quand  on  frappe  les  mêmes  touches  pour  prolonger 
le  Son  dans  une  Note  longue  ou  une  Tenue  ,  que  ce  foie 
plutôt  au  commencement  de  la  Mefure  ou  du  Tems  fort,, 
que  dans  un  autre  moment  :  on  ne  doit  rebattre  qu'en  mar- 
quant bien  la  Mefure.  Dans  le  Récitatif  Italien  ,  quelque 
durée  que  puiffe  avoir  une  Note  de  Baffe,  il  ne  faut  jamais 
la  frapper  qu'une  fois  &  fortement  avec  tout  fon  Accord  ; 
on  refrappe  feulement  l'Accord  quand  il  change  fur  la  même 
Note  :  mais  quand  un  Accompagnement  de  Violons  règne 
fur  le  Récitatif,  alors  il  faut  fourenir  la  Baffe  &.  en  arpéger 
l'Accord. 

IV.  Quand  on  accompagne  de  la  Mufique  vocale,  on 
doit  par  Y  Accompagnement  foutenir  la  Voix ,  la  guider ,  lui 
donner  le  Ton  à  toutes  les  rentrées ,  &  l'y  remettre  quand 
elle  détonne  :  l'Accompagnateur  ayant  toujours  le  Chant 
fous  les  yeux  &  l'Harmonie  préfente  à  L'efprit ,  e(t  chargé 
fpécialemenc  d'empêcher  que  la  Voix  ne  s'égare.  (Voye?. 
Accompagnateur,  ) 

V.  On  ne  doit  pas  accompagner  de  ta  même  manière  la 
Mufique  Italienne  &  la  Françoife.  Dans  celle-ci,  il  faut 
foutenir  les  Sous ,  les  arpéger  gracieufemcnt  <5c  continuelle- 


A    C    C  19 

ment  de  bas  en  haut ,  remplir  toujours  l'Harmonie ,  autant 
qu'il  fepcut;  jouer  proprement  la  BalTc  ;  en  un  mot,  fe  prêter 
à  tout  ce  qu'exige  le  genre.  Au  contraire  ,  en  accompagnant 
de  l'Italien ,  il  faut  frapper  Amplement  &  détacher  les  Notes 
de  la  Baffe  ;  n'y  faire  ni  Trills  ni  Agrémens  ,  lui  conferver 
la  marche  égale  &c  fimplc  qui  lui  convient  ;  X  Accompagne- 
ment doit  être  plein,  Çtc  6c  fans  arpéger,  excepté  le  cas 
dont  j'ai  parlé  numéro  3 ,  6c  quelques  Tenues  ou  Points- 
d'Orgue.  On  y  peut  ,  fans  fcrupule  ,  retrancher  des  Sons  : 
mais  alors  il  faut  bien  choifir  ceux  qu'on  fait  entendre  ;  en 
forte  qu'ils  fe  fondent  dans  l'Harmonie  6c  fe  marient  bien 
avec  la  Voix.  Les  Italiens  ne  veulent  pas  qu'on  entende  rien 
dans  Y  Accompagnement ,  ni  dans  la  Baffe  ,  qui  puifTe  diflrairc 
un  moment  l'oreille  du  Chant  ;  6c  leurs  Accompagnemens 
font  toujours  dirigés  fur  ce  principe  ,  que  le  plaifir  6c  l'atten- 
tion s'évaporent  en  fc  partageant. 

VI.  Quoique  V Accompagnement  de  l'Orgue  foit  le  même 
que  celui  du  Clavecin,  le  goût  en  eft  très-différent.  Comme 
les  Sons  de  l'Orgue  font  foutenus,  la  marche  en  doit  être 
plus  liée  6c  moins  fautillante  :  il  faut  lever  la  main  entière 
le  moins  qu'il  fe  peut;  gliffer  les  doigts  d'une  touche  à  l'autre, 
fans  ôrer  ceux  qui ,  dans  la  place  où  ils  font ,  peuvent  fcr\  ir 
à  l'Accord  où  l'on  pafle.  Rien  n'efl  fi  défagréablé  que  d'en- 
tendre hacher  fur  l'Orgue  cette  efpece  cV  Accompagnement 
ftc ,  arpégé ,  qu'on  eft  forcé  de  pratiquer  fur  le  Clavecin. 
(  Voyez  le  mot  Doigter.  )  En  général  l'Orgue  ,  cet  Inftru- 
ment  fi  fonore  &:  fi  majeftueux ,  ne  s'affocie  avec  aucun 
autre,  6c  ne  fait  qu'un  mauvais  effet   dans   Vu4ccompagnCm. 

C  » 


20 


A    C    C 


ment ,  fî  ce  n'efi  tout  au  plus  pour  fortifier  les  Rippienes  & 
les  Chœurs. 

M.  Rameau ,  dans  fes  Erreurs  fur  la  Mujique ,  vient  d'éta- 
blir ou  du  moins  d'avancer  un  nouveau  Principe  ,  dont  il  ffie 
cenfure  fort  de  n'avoir  pas  parle  dans  l'Encyclopédie  ;  favoir, 
que  V Accompagnement  représente  le  Corps  Sonore.  Comme 
j'examine  ce  Principe  dans  un  autre  écrit ,  je  me  difpenferai 
d'en  parler  dans  cet  article  qui  n'eft  déjà  que  trop  long.  Mes 
difputes  avec  M.  Rameau  font  les  chofes  du  monde  les  plus 
inutiles  au  progrès  de  l'Art ,  &  par  conféquent  au  but  de  ce 
Dictionnaire. 

ACCOMPAGNEMENT ,  eft  encore  toute  Partie  de  BafTe 
ou  d'autre  Inf  bruinent,  qui  eft  compofée  fous  un  Chant  pour 
y  faire  Harmonie.  Ainfi  un   Solo   de  Violon  s'accompagne 
du  Violoncelle  ou  du  Clavecin ,  &  un  Accompagnement  de 
Flûte  fe  marie  fort  bien  avec  la  voix.    L'Harmonie  de  l'^c- 
co-mpagnement  ajoute  à  l'agrément  du  Chant  en  rendant  les 
Sons  plus  fûrs ,  leur  effet  plus  doux ,  la  Modulation  plus  feu- 
fible  ,  &  portant  à  l'oreille  un  témoignage  de  juftefTe  qui  la 
flatte.  Il  y  a  même ,  par  rapport  aux  Voix  ,  une  forte  raifon 
de  les   faire  toujours  accompagner  de  quelque   Infiniment , 
foit  en  Partie ,  foit  à  l'Unilïbn.  Car  ,  quoique  plufieurs  pré- 
tendent qu'en    chantant    la    Voix    fe    modiiie    naturellement 
félon  les  loix  du  tempérament ,  (  voyez  TEMPERAMENT.)  ce- 
pendant l'expérience  nous  dit  que  les  Voix  les  plus   juftes  & 
les  mieux  exercées  ont  bien  de  la  peine  à  fe  maintenir  long- 
IS   dans    la    juitelle   du   Ton  ,  quand    rien   ne    les   y   tou- 
tienr,  A  force  de  chanter  on  mon:e  ou  l'on  defeend  infen- 


A    C    C 


ii 


fiblement ,  &  il  eft  très-rare  qu'on  fe  trouve  exactement  en 
finiflant  dans  le  Ton  d'où  l'on  étoit  parti.  C'eft  pour  empê- 
cher ces  variations  que  l'Harmonie  d'un  Infiniment  eft  em- 
ployée ;  elle  maintient  la  Voix  dans  le  même  Diapafon ,  ou 
l'y  rappelle  aufïï-tôt,  quand  elle  s'égare.  La  Baffe  eft,  de 
toutes  les  Parties ,  la  plus  propre  à  Y  Accompagnement ,  celle 
qui  foutient  le  mieux  la  Voix ,  &  fatisfait  le  plus  l'oreille  ; 
parce  qu'il  n'y  en  a  point  dont  les  vibrations  foient  fi  fortes, 
fi  déterminantes ,  ni  qui  laiiïe  moins  d'équivoque  dans  le 
jugement  de  l'Harmonie  fondamentale. 

ACCOMPAGNER ,  v.  a.  6c  n.  C'eft  en  général  jouer  les 
Parties  d'Accompagnement  dans  l'exécution  d'un  morceau  de 
Mufique  ;  c'eft  plus  particulièrement,  fur  un  Inftrument  con- 
venable ,  frapper  avec  chaque  Note  de  la  Balfe  les  Accords 
qu'elle  doit  porcer ,  &  qui  s'appellent  l'Accompagnement. 
J'ai  fuffifamment  expliqué  dans  les  précédens  articles  en 
quoi  confifle  cet  Accompagnement.  J'ajouterai  feulement 
que  ce  mot  même  avertit  celui  qui  accompagne  dans  un 
concert  qu'il  n'eft  chargé  que  d'une  partie  accefToire ,  qu'il 
ne  doit  s'attacher  qu'à  en  faire  valoir  d'autres ,  que  fitôt 
qu'il  a  la  moindre  prétention  pour  lui-même  ,  il  gâte  T.xc- 
cution  &  impatiente  à  la  fois  les  Concertans  &  les  A.di- 
teurs  :  plus  il  croit  fe  faire  admirer,  plus  il  fe  rend  di- 
cule  ;  &  fitôt  qu'à  force  de  bruit  ou  d'ornemens  déplacés 
il  détourne  à  foi  l'attention  due  à  la  partie  principale  ,  tout 
ce  qu'il  montre  de  raltnt  &  d'exécution  ,  montre  à  la  fois 
fa  vanité  &:  fon  mauvais  goût.  Pour  Accompagner  avec  intelli- 
gence &.  avec  applaudilament ,  il  ne  faut  fonger  qu'à  fou- 


U  A    C    C 

tenir  &  faire  valoir  les  Parties  efTentielles,  &  c'eft  exécuter 
fort  habilement  la  fienne  que  d'en  faire  fentir  l'effet  fans  la 
lailTer  remarquer. 

ACCORD,/  m.  Union  de  deux  ou  plufieurs  Sons  rendu» 
à  la  fch ,  &  formant  enfemble  un  tout  harmonique. 

L'Harmonie  naturelle  produite  par  la  réfonnance  d'un 
Corps  fonore  eit  compofée  de  trois  Sons  diffcrens  ,  fans 
compter  leurs  Octaves  ;  lefquels  forment  entre  eux  V  Accord 
le  plus  agréable  &  le  plus  parfait  que  l'on  puiire  entendre: 
d'où  on  l'appelle  par  excellence  Accord  parfait.  Ainfi  pour 
rendre  complète  l'Harmonie  ,  il  faut  que  chaque  Accord 
foit  au  moins  compofé  de  trois  Sons.  Auilî  les  Muficiens 
trouvent  -  ils  dans  le  Trio  la  perfection  harmonique ,  foit 
parce  qu'ils  y  emploient  les  Ascords  en  entier  ,  foit  par.  e 
que  dans  les  occasions  où  ils  ne  les  emploient  pas  en 
entier ,  ils  ont  l'art  de  donner  le  change  à  l'oreille  ,  & 
de  lui  perfuader  le  contraire ,  en  lui  présentant  les  Sons 
principaux  des  Accords  de  manière  a  lui  faire  oublier  les 
autres.  (  Voyez  Trio.  )  Cependant  l'Oitave  du  Son  prin- 
cipal produifant  de  nouveaux  rapports  6c  de  nouvelles  Con- 
fonnances  par  les  complémens  des  Intervalles  ,  (  voyez 
Complément.  )  on  ajoute  ordinairement  cette  Oclave  pour 
avoir  l'enfemble  de  toutes  les  Confonnanccs  dans  un  même 
/tecordt  (Voyez  Consonnance.  )  De  plus,  l'addition  de 
J.i  DifTonance,  (voyez  Dissonance.)  produifant  un  qua- 
trième Son  ajouré  à  [' Accord  parfait ,  c'eft  une  néccfTité  , 
fi  Ton  veut  remplir  1' Accord ,  d'avoir  une  quatrième  Par- 
tie   pour   exprimer   cette    DifTonance,    Ainii   la    fuite    des 


A    C    C  2j 

Accords   ne  peut   erre  complète  &  lice   qu'au    moyen    de 
quatre    Parties. 

On  divife  les  Ascordt  en  parfaits  &  imparfaits.  L' 'Accord 
parfait  eft  celui  dont  nous  venons  de  parler ,  lequel  eft 
compofé  du  Son  fondamental  au  grave  ,  de  Cd  Tierce ,  de 
fa  Quinte ,  &  de  fon  Octave  ;  il  fe  fubdivife  en  Majeur  ou 
Mineur ,  félon  l'efpece  de  fa  Tierce.  (  Voyez  Majeur  , 
Mineur.  )  Quelques  Auteurs  donnent  aufïi  le  nom  de  par- 
faits a  tous  les  Accords  ,  même  DifTonans ,  dont  le  Son 
fondamental  eft  au  grave.  Les  Accords  imparfaits  font  ceux 
où  règne  la  Sixte  au  lieu  de  la  Quinte  ,  &  en  général  tous 
ceux  où  le  Son  grave  n'eft  pas  le  fondamental.  Ces  dénomi- 
nations ,  qui  ont  été  données  avant  que  l'on  connût  la  Baffe- 
fondamentale  ,  font  fort  mal  appliquées  :  celles  &  Accords 
directs  ou  renverfés  font  beaucoup  plus  convenables  dans  le 
même  fens.  (  Voyez  Renversement.  ) 

Les  Accords  fe  divifent  encore  en  Confonnans  &  Dif- 
fonans.  Les  Accords  Confonnans  font  Y  Accord  parfait 
&  fes  dérivés  :  tout  autre  Accord  eft  Diffamant.  Je  vais 
donner  une  Table  des  uns  &  des  autres,  félon  le  fyftém» 
de  M.  Rameau, 


*4 


A    C    C 


=â^*- 


•* 


TABLE 

De  tous  les  Accords  reçus  dans  l'Harmonie; 

m  ' 

ACCORDS    FONDAMENTAUX. 
ACCCORD   PARFAIT,     ET     SES     DÉRIVÉS. 

Le  Son  fondamental,  au  grave.     Sa  Tierce,  au  grave.  Sa  Quinte,  au  grave. 

o 


Jt 


■e- 


-e- 


o 


n 


-e- 


-e- 
-e- 


-9- 


Accord  Parfait. 


Accord  de  Sixte.      Accord  de  Sixte-Quarte. 


Cet  accord  conltitue  le  Ton  ,  &  ne  fe  fait  que  fur  la 
Tonique  :  fa  Tierce  peut  être  majeure  ou  mineure ,  &  c'eft 
celle  qui  confticue  le  Mode. 

ACCORD    SENSIBLE    OU    DOMINANT, 
ET    SES    DÉRIVES. 


Le  Son  fondamental , 
au  grave. 


Sa    Tierce  ,        Sa    Quinte  ,         Sa   Septième  , 
au    grave.  au  grave.  au  grave. 


-e- 
-e- 


■e- 


â 


J. 


-O- 


=\      -8- 

Accord  Scnfiblc.        De  Fauflc-Quinte.     De  Petite-Sixte       De  Triton 

majeure. 

Aucun  des  Sons  de  cet  Accord  ne  peut  s'altérer. 

\CCO  RD 


A    C    C  a5 

ACCORD    DE     SEPTIEME,    ET    SES    DÉRIVÉS. 


Le  Son  fondamental,       Sa   Tierce,  Sa    Quinte, 

au   grave.  au  grave.  au  grave. 


Sa  Septième  , 
au  grave. 


&- 


m 


±=3 


O 

Accord  de  Septième.     De  Grande-Sixte.     De  Petite-Sixte 

mineure. 


De  Seconde. 


La  Tierce,  la  Quinte  &  la  Septième,   peuvent   s'altérer 
dans  cet  accord. 

ACCORD    DE    SEPTIEME    DIMINUEE, 
ET    SES    DÉRIVES. 

Le  Son  fondamental ,        Sa  Tierce  ,  Sa  Quinte  ,  Sa  Septième  , 

au  grave.  au  grave.  au  grave.  au  grave. 


A 


? 


£8- 


(S 


J&: 


Accord  de  Septième  De  Sixte  majeure  De  Tierce  mineure      De  Seconde 
diminuée.  &  Faufle-Quinte.  &  Triton.  fuperflue. 

Aucun  des  Sons  de  cet  accord  ne  peut  s'altérer. 
ACCORD  DE   SIXTE     AJOUTÉE,  ET     SES     DÉRIVÉS. 


Le  Son  fondamental, 
au  grave. 


Sa  Tierce  , 
au  grave. 


Sa  Quinte , 
au  grave. 


i 


m 


o 


o 


¥ 


Sa    Sixte , 
au    grave. 

a 


o 


ç> 


Accord   de  Sixte        Ee  Petite-Sixte 
ajoutée.  ajoutée. 

Dicl.  de  Mujiqui, 


De   Seconde         De  Septième 

ajoutée.  ajoutée, 

D 


Z6 


A    C    C 


Je  joins  ici  par-tout  le  mot  ajouté  pour  diftinguer  cer 
'Accord  &  fes  renverfés  des  productions  femblables  de  VAc- 

* 

cord  deSe  ptieme. 

Ce  dernier  renverfement  de  Septième  ajoutée  n'eit  pas 
admis  par  M.  Rameau  ,  parce  que  ce  renverfement  forme  un 
Accord  de  Septième  ,  &  que  l' Accord  de  Septième  eft  fon- 
damental. Cette  raifon  paroît  peu  folide.  Il  ne  faudroit  donc 
pas  non  plus  admettre  la  Grande-Sixte  comme  un  renver- 
fement; puifque  dans  les  propres  principes  de  M.  Rameau 
ce  même  Accord  eÛ  fouvent  fondamental.  Mais  la  pratique 
des  plus  grands  Muficiens  ,  ce  la  fienne  même  dément 
l'exclufîon  qu'il  voudroit  établir.. 

ACCORD    DE    SIXTE    SUPERFLUE. 


^ 


Cet  Accord  ne  fe  renverfe  point  ,  &  aucun  de  fes  Sons  ne 
peut  s'altérer.  Ce  n'eft  proprement  qu'un  Accord  de  Petite- 
Sixte  majeure ,  diéfée  par  accident ,  &  dans  lequel  on  fubf- 
tkue   la  Quinte  à  la  Quarte.. 


*wa 


A    C    C 


17 


ACCORDS    PAR    SUPPOSITION. 

(Voyez    SUPPOSITION). 

ACCORD     DE     NEUVIEME,     ET     SES     DÉRIVÉS. 


Le  Son  fuppofé  ,     Le  Son  fondamental ,        Sa  Tierce  , 
au  grave.  au   grave.  au  grave. 


Sa  Septième , 
au  grave. 


â 


I 


♦ 


-O- 


g 


B 


-O- 


XL 


Accord  de  Neuvième»      de   Septième        De    Sixte-Quarte    De    Septième 

&  Sixte,  &  Quinte.  &  Seconde. 

C'dt  un  Accord  de  Septième  auquel  on  ajoute  un  cin- 
quième Son  à  la  Tierce  au-detîbus  du  fondamental. 

On  retranche  ordinairement  la  Septième  ,  c'eiè-à-dire  ,  la 
Quinte  du  Son  fondamental ,  qui  eiè  ici  la  Note  marquée  en 
noir  ;  dans  cet  état  Y  Accord  de  Neuvième  peut  fe  renverfer 
en  retranchant  encore  de  l'Accompagnement  l'O&ave  de  la 
Note  qu'on  porte  à  la  Balle. 

ACCORD  DE  QUINTE  SUPERFLUE. 


-M 


e- 


■e- 


C'eft  Y  Accord  fenfible  d'un  Ton  Mineur,  au-deflbus  du- 
quel  on  fait   entendre  la  Médiante  :  ainfî  c'eft  un  véritable 

D  z 


18 


A    C    C 


Accord  de  Neuvième.  Mais  il  ne  fe  renverfe  point,  a  caufe 
de  la  Quarte  diminuée  que  donneroit  avec  la  Note  fenfible  le 
Son  fuppofé  porté  à  l'aigu ,  laquelle  Quarte  efr.  un  Intervalle 
banni  de  l'Harmonie. 

ACCORD    D'ONZIEME    OU    QUARTE. 

Le  Son  fuppofc,     Idem  ,  en  retranchant  Le  Son  fondamental,  Sa  Septième,' 
au  grave.  deux  Sons.  au  grave.  au  grave. 

G û O 


-9- 


-e- 


-e- 


< 


O 


m 


o 


-vor 


-75 ~G 

Accord  de  Neuvième      Accord  de  Quarte.   De  Septième        De  Seconde. 
&  Quarte.  &   Quarte.  Quinte. 

C'eft  un  Accord  de  Septième,  au-de flous  duquel  on  ajoute 
un  cinquième  Son  a  la  Quinte  du  fondamental.  On  ne  trappe 
gueres  cet  Accord  plein ,  à  caufe  de  fa  dureté  :  on  en  retran- 
che ordinairement  la  Neuvième  6c  la  Septième  ;  ôi  pour  le 
renverfer  ,  ce  retranchement  eft  indifpenfuble. 

ACCORD    DE    SEPTIEME    SUPERFLUE 


^ 


m 


m e- 

C7«fl  Y  Accord  dominant  fous  lequel  la  Bade  fait  la  Tonique. 


A    C    C 


*0 


ACCORD    DE    SEPTIEME    SUPERFLUE 
et    SIXTE    MINEURE. 


-e- 


C'eft  V Accord  de  Septième  diminuée  fur  la  Note  fenfible, 
fous  lequel  la  Baffe  fait  la  Tonique. 

Ces  deux  derniers  Accords  ne  fe  renverfent  point  ,  parce 
que  la  Note  fenfii ■'.'  \  la  Tonique  s'entendroient  enfemble 
dans  les  Parties  fupérieures;  ce  qui  ne  peut  fe  tolérer. 

(Quoique  tous  les  Accords  foient  pleins  &  complets  dans 
cette  Table ,  comme  il  le  faloit  pour  montrer  tous  leurs 
Elcmens  ,  ce  n'e/t  pas  à  dire  qu'il  faille  les  employer  tek. 
On  ne  le  peut  pas  toujours  ,  &  on  le  doit  très -rare  ment. 
Quant  aux  Sons  qui  doivent  être  préférés  félon  la  place  & 
l'ufage  des  Accords  ;  c'eft  dans  ce  choix  exquis  &  néceffaire 
que  confilte  le  plus  grand  art  du  Compofiteur.  (  Voye2 
Composition,  Mélodie,  Effet  ,  Expression,  &c.) 

Fin  de  la  Table  des  Accords. 


Nous  parlerons  aux  mots  Harmonie  ,  Basse-Fondamen- 
tale ,  Composition,  &c.  de  la  manière  d'employer  tous  ces 
Accords  pour  en  former  une  Harmonie  régulière.  J'ajouterai 
feulement  ici  les  obfervations  fuivantes, 


3o  A    C    C 

I.  C'eft  une  grande  erreur  de  penfer  que  le  choix  des  ren- 
verfemens  d'un  même  Accord   foie    indifférent    pour  l'Har- 
monie ou  pour  l'expreflion.  11  n'y  a  pas  un  de  ces   renver- 
femens   qui  n'aie  fon   caractère  propre.  Tout  le  monde  fent 
l'oppofîtion   qui   fe  trouve   entre   la    douceur   de    la  Fauffe- 
Quinte   &   l'aigreur   du  Triton  ,   &   cependant   l'un  de  ces 
Intervalles  eft  renverfé  de  l'autre.   Il  en  eft  de  même  de   la 
Septième   diminuée    &   de  la  Seconde   fuperflue  ,  de  la  Se- 
conde ordinaire   &  de  la  Septième.   Qui  ne  fait  combien. la 
Quinte  eft  plus  fonore  que  la  Quarte  ?  L'Accord  de  Grande- 
Sixte  &  celui  de  Petite-Sixte  mineure  ,  font  deux  faces  du 
même  Accord  fondamental  ;   mais  de  combien  l'une  n'eft- 
elle  pas  plus  harmonieufe  que   l'autre  ?  U  Accord  de  Petite- 
Sixte  majeure  ,  au  contraire  ,    n'eft-il  pas  plus  brillant  que 
celui  de  fauffe  Quinte  ?  Et  pour  ne  parler  que  du  plus  fimple 
de  tous   les  Accords ,  confidérez  la  majefté  de  Y  Accord  par- 
fait ,   la  douceur  de  Y  Accord  de  Sixte  ,  &  la  fadeur  de  celui 
de  Sixte-Quarte  ;  tous  cependant  compofés  des  mêmes  Sons. 
En  général  les  Intervalles   fuperflus,  les  Dièfes  dans  le  haut, 
font   propres  par   leur  dureté  a  exprimer  l'emportement  ,  la 
colère   &  les  paflîons  aiguës.    Au   contraire  ,  les  Bémols  à 
l'aigu  &  les  Intervalles  diminués  forment  une  Harmonie  plain- 
tive ,  qui  attendrit  le  cœur.  C'eft  une   multitude  d'obferva- 
tions    femblableS ,    qui  ,   lorfqu'un    habile    Muficicn   fait  s'en 
prévaloir  ,   le    rendent    maître    des    affections    de    ceux    qui 
l'écourent. 

II.    Le    choix    des    Intervalles  fimples   n'eft  gueres  moins 
important  que  celui  des  Accords  pour  la  place  où  l'on  doit 


A    C    C  ii 

les  employer.  C'efl,  par  exemple,  dans  le  bas  qu'il  faut 
placer  les  Quintes  &  les  Oâaves  par  préférence ,  dans  le 
haut  les  Tierces  &  les  Sixtes.  Tranfpofez  cet  ordre  ,  vous 
gâterez  l'Harmonie  en  lanTant  les  mêmes  Accords. 

III.  Enfin  l'on  rend  les  Accords  plus  harmonieux  encore, 
en  les  rapprochant  par  de  petits  Intervalles  ,  plus  convena- 
bles que  les  grands  à  la  capacité  de  l'oreille.  C'eft  ce  qu'on 
appelle  relferrer  l'Harmonie  ,  &  que  fi  peu  de  Muficiens  favent 
pratiquer.  Les  bornes  du  Diapafon  des  voix  font  une  raifon  de 
plus  pour  refTerrer  les  Chœurs.  On  peut  affurer  qu'un  Chœur  eft 
mal  fait ,  lorfque  les  Accords  divergent  ,  lorfque  les  Parties 
crient  ,  fortent  de  leur  Diapafon  ,  &  font  fi  éloignées  les  unes 
des  autres  qu'elles  femblent  n'avoir  plus  de  rapport  entre  elles; 

On  appelle  encore  Accord  l'état  d'un  Inftrument  dont  les 
Sons  fixes  font  entre  eux  dans  toute  la  juftefie  qu'ils  doivent 
avoir.  On  dit  en  ce  fens  qu'un  Infiniment  eft  d'Accord ,  qu'il 
n'eft  pas  d'Accord  ,  qu'il  garde  ou  ne  garde  pas  fon  Accord. 
La  même  expreffion  s'emploie  pour  deux  Voix  qui  chantent 
enfemble  ,  pour  deux  Sons  qui  fe  font  entendre  à  la  fois  v 
foit  à  l'Uniflbn  ,  foit  en  Contre-parties. 

ACCORD  DISSONANT  ,  FAUX  ACCORD  ,  AC- 
CORD FAUX  ,  font  autant  de  différentes  chofes  qu'il  ne 
faut  pas  confondre.  Accord  dijjbnant  eft  celui  qui  contient 
quelque  DiiTonance  ;  Accord  j'aux ,  celui  dont  les  Sons  font 
mal  accordes  ,  &  ne  gardent  pas  entre  eux  la  jufteife  des 
Intervalles  ;  faux  Accord ,  celui  qui  choque  l'oreille  ,  parce 
qu'il  eft  mal  compofé  ,  &  que  les  Sons  ,  quoiques  juftes  ,, 
n'y  forment  pas  un  tout  harmonique,. 


jr  A     C     C 

ACCORDER  des  Inflrumens  ,  c'eft  tendre  ou  lâcher  les 
cordes  ,  alonger  ou  raccourcir  les  tuyaux  ,  augmenter  ou 
diminuer  la  malle  du  Corps  fonore  ,  jufqu'à  ce  que  toutes 
les  parties  de  l'Inftrument  foient  au  Ton  qu'elles  doivent 
avoir. 

Pour  Accorder  un  Infiniment ,  il  faut  d'abord  fixer  un  Son 
qui  ferve  aux  autres  de  terme  de  comparaifon.  C'eft  ce  qu'on 
appelle,  prendre  ou  donner  le  Ton.  (Voyez  Ton.)  Ce  Son 
eft  ordinairement  Vut  pour  l'Orgue  &  le  Clavecin ,  le  la  pour 
le  Violon  &  la  Baffe  ,  qui  ont  ce  la  fur  une  corde  à  vuide  & 
dans  un  Médium  propre  à  être  aifément  faifi  par  l'oreille. 

A  l'égard  des  Flûtes  ,  Hautbois,  Baffons,  &  autres  Inftru- 
mens  à  vent ,  ils  ont  leur  Ton  à-peu-près  fixé  ,  qu'on  ne 
peut  gueres  changer  qu'en  changeant  quelque  pièce  de  l'Inf- 
trument. On  peut  encore  les  alonger  un  peu  à  l'emboîture 
des  pièces  ,  ce  qui  baiffe  le  Ton  de  quelque  chofe  ;  mais  il 
doit  néceffairement  réfulter  des  tons  faux  de  ces  variations, 
parce  que  la  julte  proportion  eft  rompue  entre  la  longueur 
totale  de  l'Inftrument  &  les  diftances  d'un  trou  à  l'autre. 

Quand  le  ton  eft  déterminé  ,  on  y  fait  rapporter  tous  les 
autres  Sons  de  l'Inftrument  ,  lefquels  doivent  être  fixés  par 
l'Accord  félon  les  Intervalles  qui  leur  conviennent.  L'Orgue 
&  le  Clavecin  s'accordent  par  Quintes ,  jufqu'à  ce  que  la  Par- 
tition foit  faire  ,  &  par  Octaves  pour  le  refte  du  Clavier  ;  la 
Baffe  &  le  Violon  par  Quintes  ;  la  Viole  &  la  Guitare  par 
Quartes  ôc  par  Tierces  ,  &c.  En  général  on  choifit  toujours 
des  Intervalles  confonnans  &  harmonieux  ,  afin  que  l'oreille 
en  faififfe  plus  aifément  la  juiUffe. 

Ccue 


A    C    C 


J3 


Cette  juftefle  des  Intervalles  ne  peut ,  dans  la  pratique , 
s'obferver  à  toute  rigueur ,  &  pour  qu'ils  puillent  tous  s' 'Ac- 
corder entre  eux,  il  faut  que  chacun  en  particulier  fouffre 
quelque  altération.  Chaque  efpece  d'Inltrument  a  pour  cela 
fes   règles  particulières  &   fa  méthode   d'Accorder.  (Voyez 

TEMPÉRAMENT.) 

On  obferve  que  les  Inftrumens  dont  on  tire  le  Son  par 
Infpiration ,  comme  la  Flûte  &  le  Hautbois  ,  montent  infen- 
fiblement  quand  on  a  joué  quelque  tems  ;  ce  qui  vient,  félon 
quelques-uns  ,  de  l'humidité  qui  ,  fortant  de  la  bouche  avec 
l'air  ,  les  renfle  &  les  raccourcit  ;  ou  plutôt ,  fuivant  la  Doc- 
trine de  M  Euler  ,  c'eft  que  la  chaleur  &  la  réfraction  que 
l'air  reçoit  pendant  l'infpiration  rendent  fès  vibrations  plus 
fréquentes ,  diminuent  fon  poids  ,  &  augmentant  ainfi  le  poids 
relatif  de  l'Atmofpliere ,  rendent  le  Son  un  peu  plus  aigu. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  la  caufe  ,  il  faut ,  en  accordant , 
avoir  égard  à  l'effet  prochain  ,  &  forcer  un  peu  le  vent 
quand  on  donne  ou  reçoit  le  Ton  fur  ces  Inftrumens  ;  car 
pour  relter  d'Accord  durant  le  Concert ,  ils  doivent  être  un 
peu  trop  bas  en  commençant. 

ACCORDEUR ,  /  m.  On  appelle  Accordeurs  d'Orgue  ou 
de  Clavecin ,  ceux  qui  vont  dans  les  Eglifes  ou  dans  les  mai- 
fons  accommoder  &  accorder  ces  Inftrumens ,  &  qui ,  pour 
l'ordinaire  ,  en  font  aufïï  les  Fadeurs. 

ACOUSTIQUE  ,  f.  f.  Doctrine  ou  Théorie  des  Sons. 
(Voyez  Son.)  Ce  mot  elt  de  l'invention  de  M.  Sauveur,  & 
vient  du  Grec  «ùtcvw ,  j'entends. 

IJAcouftique  eiè  proprement  la  Partie  théorique  de  la  Mu- 
Dicl.  de  Mujique.  E 


34  A    C     T 

fique  :  c'eft  elle  qui  donne  ou  doit  donner  les  raifons  du 
plaifîr  que  nous  font  l'Harmonie  &  le  Chant,  qui  détermine 
les  rapports  des  Intervalles  harmoniques  ,  qui  découvre  les 
affe&ions  ou  propriétés  des  cordes  vibrantes ,  ckc.  (  Voyea 
Cordes  ,  Harmonie.  ) 

Acoujîiquc  eft  aulli  quelquefois  adjectif;  on  dit  :  l'Organe 
Acoujliqut  ;  un  Phénomène  Acouftique ,  &c. 

ACTE,/!  m.  Partie  d'un  Opéra  féparée  d'une  autre  dans 
la  repréfentation  par  un  efpace  appelle  Entr'Acle.  (  Voyez 
Entr'Acte.  ) 

L'unité  de  tems  &  de  lieu  doit  être  auffi  rigoureufement 
obfervée  dans  un  Acle  d'Opéra  que  dans  une  Tragédie  en- 
tière au  genre  ordinaire  ,  &  même  plus ,  à  certains  égards  ;. 
car  le  Poète  ne  doit  point  donner  à  un  Acte  d'Opéra  une 
durée  hypothétique  plus  longue  que  celle  qu'il  a  réellement  r 
parce  qu'on  ne  peut  fuppofer  que  ce  qui  fe  parle  fous  nos 
yeux  dure  plus  long-tems  que  nous  ne  le  voyons  durer  en 
effet  :  mais  il  dépend  du  Muficien  de  précipiter  ou  ralentir 
l'action  jufqu'à  un  certain  point  ,  pour  augmenter  la  vrai- 
femblance  ou  l'intérêt  ;  liberté  qui  l'oblige  à  bien  étudier  la 
gradation  des  parlions  théâtrales,  le  tems  qu'il  faut  pour  les 
développer,  celui  où  le  progrès  eli  au  plus  haut  point,  & 
celui  où  il  convient  de  s'arrêter  pour  prévenir  l'inattention  , 
la  langueur,  l'épuifement  du-  Spectateur.  Il  n'elt  pas  non  plus 
permis  de  changer  de  décoration  &  de  faire  fauter  le  théâtre 
d'un  lieu  à  un  autre  ,  au  milieu  d'un  A3t ,  même  dans  le 
genre  merveilleux;  parce  qu'un  pareil  faut  choqut  la  raifun  ,  la 

I   'té  ,  la  vrajfumblance ,  &  détruit  l'illuiion,  que  la  prcnni' 


A  c  t  ;•; 

toi  du  Théâtre  eft  de  ravorïfer  en  tout.  Quand  donc  l'action  eft 
interrompue  par  de  tels  changemcns ,  le  Muficien  ne  peut 
lavoir  ni  comment  il  les  doit  marquer,  ni  ce  qu'il  doit  faire 
de  fon  Orcheftre  pendant  qu'ils  durent,  à  moins  d'y  repré- 
fenter  le   même  cahos  qui  règne  alors  fur  la  Scène. 

Quelquefois  le  premier  Acit  d'un  Opéra  rre  tient  point  à 
l'action  principale  &  ne  lui  fert  que  d'introduction.  Alors  il 
s'appelle  Prologue.  (  Voye\  ce  mot.  )  Comme  le  Prologue 
ne  fait  pas  partie  de  la  Pièce  ,  on  ne  le  compte  point  dans 
îe  nombre  des  Actes  qu'elle  contient  &  qui  eft  fouvent  de 
cinq  dans  les  Opéra  François ,  mais  toujours  de  trois  dans 
les  Italiens.    (  Voyez  Opéra.  ) 

ACTE  DE  CADENCE,  eft  un  mouvement  dans  une  des 
Parties ,  &  fur-tout  dans  la  Baûe  ,  qui  oblige  toutes  les  autres 
Parties  à  concourir  a  former  une  Cadence ,  ou  à  l'éviter  expreC- 
fément.  (Voyez  Cadence,  Eviter.) 

ACTEUR ,  f.  m.  Chanteur  qui  fait  un  rôle  dans  la  reprc- 
fentation  d'un  Opéra.  Outre  toutes  les  qualités  qui  doivent 
lui  être  communes  avec  VAcleur  dramatique,  il  doit  en  avoir 
beaucoup  de  particulières  pour  réufïîr  dans  fon  Art.  Ainfi ,  il 
ne  fuffit  pas  qu'il  ait  un  bel  organe  pour  la  parole ,  s'il  ne  l'a 
tout  aufli  beau  pour  le  Chant;  car  il  n'y  a  pas  une  telle  liaifon 
entre  la  voix  parlante  &  la  voix  chantante  ,  que  la  beauté 
de  l'une  fuppofe  toujours  celle  de  l'autre.  Si  l'on  pardonne  à 
un  Acteur  le  défaut  de  quelque  qualité  qu'il  a  pu  fe  flatter 
d'acquérir,  on  ne  peut  lui  pardonner  d'ofer  fe  deftmer  au 
Théâtre,  deftitué  des  qualités  naturelles  qui  y  font  nccef- 
Jfaires,  telles  entre  autres  que  la  voix  dans  un  Chanteur.  Mais 

E  a 


3*  A    C    T 

par  ce  mot  voix  ,  j'entends  moins  la  force  du  timbre ,  que 
l'étendue  ,  la  juilefTe  &  la  flexibilité.  Je  penfe  qu'un  Théâ- 
tre dont  l'objet  efl  d'émouvoir  le  cœur  par  les  Chants,  doit 
être  interdit  à  ces  voix  dures  &  bruyantes  qui  ne  font  qu'é- 
tourdir les  oreilles  ;  &  que ,  quelque  peu  de  voix  que  puifTe 
avoir  un  Acteur  ,  s'il  l'a  jafte  ,  touchante  ,  facile  ,  &  fufli- 
famment  étendue  ,  il  en  a  tout  autant  qu'il  faut  ;  il  faura  tou- 
jours bien   fe  faire  entendre  ,  s'il  fait  fe  faire  écouter. 

Avec  une  voix  convenable ,  Y  Acteur  doit  l'avoir  cultivée 
par  l'Art ,  &  quand  fa  voix  n'en  auroit  pas  befoiu ,  il  en 
auroit  befoin  lui-même  pour  faifir  &  rendre  avec  intelli- 
gence la  partie  muficale  de  fes  rôles.  Rien  n'e/t  plus  infup- 
portable  &  plus  dégoûtant  que  de  voir  un  Héros  dans  les 
tranfports  des  parlions  les  plus  vives,  contraint  &  gêné  dans 
fon  rôle ,  peiner  &  s'aiïujettir  en  écolier  qui  répète  mal  fa 
leçon  ;  montrer ,  au  lieu  des  combats  de  l'Amour  &  de  la 
Vertu ,  ceux  d'un  mauvais  Chanteur  avec  la  Mefure  &  l'Or- 
cheltre,  &  plus  incertain  fur  le  Ton  que  fur  le  parti  qu'il 
doit  prendre.  Il  n'y  a  ni  chaleur  ni  grâce  fans  facilité ,  & 
Y  Acteur  dont  le  rôle  lui  coûte,  ne  le  rendra  jamais  bien. 

Il  ne  fufrit  pas  à  Y  Acteur  d'Opéra  d'être  un  excellent  Chan- 
teur,  s'il  n'eft  encore  un  excellent  Pantomime;  car  il  ne 
doit  pas  feulement  faire  fentir  ce  qu'il  dit  lui-même  ,  mais 
aum"  ce  qu'il  laifie  dire  à  la  Symphonie.  L'Orchcflrc  ne  rend 
pas  un  fentiment  qui  ne  doive  forrir  de  fon  ame  ;  fts  pas, 
fes  regards,  fon  gefte  ,  tout  doit  s'accorder  fans  cefle  avec 
la  Mufique ,  fans  pourtant  qu'il  paroifle  y  fonger;  il  doit  inu- 
icILt  toujours ,  morne  en  gardant  le  lilence ,  &  quoiqu'occupd 


A    D    A  i? 

«Tun  rôle  difficile ,  s'il  laiffe  un  infiant  oublier  le  Perfonnage 
pour  s'occuper  du  Chanteur,  ce  n'eft  qu'un  Mufkien  fur  la 
Scène  ;  il  n'eft  plus  Acleur.  Tel  excella  dans  les  autres  Par- 
tics  ,  qui  s'eft  fait  fiffler  pour  avoir  négligé  celle-ci.  Il  n'y 
a  point  8  Acleur  à  qui  l'on  ne  puiffe  ,  à  cet  égard ,  donner 
le  célèbre  ChaJJë  pour  modèle.  Cet  excellent  Pantomime,  en 
mettant  toujours  fon  Art  au-deffus  de  lui ,  &  s'efforçant  tou- 
jours d'y  exceller,  s'eft  ainfi  mis  lui-même  fort  au-deffus  de 
fes  Confrères  :  Acteur  unique  &  homme  eftimable ,  il  laif- 
fera  l'admiration  &  le  regret  de  fes  talens  aux  Amateurs  de 
fon  Théâtre ,  &  un  fouvenir  honorable  de  Ci  perfonne  à  tous 
les  honnêtes  gens. 

ADAGIO,  adv.  Ce  mot  écrit  à  la  tête  d'un  Air  défigne 
le  fécond  ,  du  lent  au  vite ,  des  cinq  principaux  degrés  de 
Mouvement  diftingués  dans  la  Mufique  Italienne.  (  Voyez 
Mouvement.  )  Adagio  efl  un  adverbe  Italien  qui  figniiîe ,  à 
Vaife ,  pofément ,  &  c'eft  aufîï  de  cette  manière  qu'il  faut  battre 
la  Mefure  des  Airs  auxquels  il  s'applique. 

Le  mot  Adagio  fè  prend  quelquefois  fubflantivernent  ,  & 
s'applique  par  métaphore  aux  morceaux  de  Mufique  dont  il 
détermine  le  mouvement:  il  en  efl  de  même  des  autres  mots 
femblables.  Ainfi,  l'on  dira:  un  Adagio  de  Tartini,  un  An- 
dante  de  S.  Martino ,  un  Allegro  de  Locatclli ,  &c. 

AFFETTUOSO ,  adj.  pris  adverbialement.   Ce  mot  écrit 
à  la  tête  d'un  Air  indique  un  mouvement  moyen  entre  Y  An- 
dante  &  Y  Adagio ,  &  dans  le  caractère  du  Chant  une  expref- 
iion  affèétueufe  &c  douce. 
L  AGQGE.  Conduite.  Une  des  fubdiviflons  de  l'ancienne  Mi- 


3S  A    G    R 

iopée ,  laquelle  donne  les  règles  de  la  marche  du  Chant  par 
degrés  alternativement  conjoints  ou  disjoints ,  foit  en  mon- 
tant ,  foit  en  defcendant.  (  Voyez  Mélopée.  ) 

Martianus  Cappella  donne  ,  après  Ariftide  Quintilien ,  au 
mot  Agogé ,  un  autre  fens  que  j'expofe  au  mot  Tirade. 

AGRÉMENS  DU  CHANT.  On  appelle  ainfi  dans  la  Mu  Pi- 
que Françoife  certains  tours  de  gofier  &  autres  ornemens 
affectés  aux  Notes  qui  font  dans  telle  ou  telle  pofition,  felon 
les  règles  prefcrites  par  le  goût  du  Chant.  (Voyez  Goût  du 
Chant.  ) 

Les  principaux  de  ces  Agrémens  font  :  1' Accent  ,  le  Coulé, 
le  Flatté,  le  Martellement,  la  Cadence  pleine,  la  Ca- 
dence brisée,  &  le  Port  de  Voix.  (  Voyez  ces  articles 
chacun  en  fon  lieu;  &  la  Planche  B.   Figure  13.  ) 

AIGU  ,  adj.  Se  dit  d'un  Son  perçant  ou  élevé  par  rapport 
à  quelque  autre  Son.  (  Voyez  Son.  ) 

En  ce  fens ,  le  mot  Aigu  eft  oppofé  au  mot  Grave.  Plus 
les  vibrations  du  corps  fonore  font  fréquentes,  plus  k  Son 
elt  Aigu. 

Les  Sons  confidérés  fous  les  rapports  tV  Aigus  &  de  Graves 
font  le  fujet  de  l'Harmonie.  (  Voyez  Harmonie  ,  Accord.  ) 

AJOUTEE ,  ou  Acqùife  ,  ou  Surnuméraire  ,  adj.  pris  fuhf- 
tantivement.  C'étoit  dans  la  Mufique  Grecque  la  Corde  ou 
le  Son  qu'ils  appelloient  Proslambanom&nos.  (  Voyc\  ce 
mot.  ) 

Sixte  ajoutée  eft  une  Sixte  qu'on  ajoute  à  l'Accord  par- 
fait, &  de  laquelle  cet  Accord  ainli  augmente  prend  le  nom. 
(  Voyez  Accord  <5c  Sixte.  ) 


A    I    K 

AIR.  Chant  qu'on  adapte  aux  paroles  d'une  Chanfon  ,  ou 
d'une  petite  Pièce  de  Poéfie  propre  à  être  chantée ,  &  par 
extenfion  l'on  appelle  Air  la  Chanfon  même. 

Dans  les  Opéra  l'on  donne  le  nom  d'Airs  à  tous  les  Chant3 
mefurés  pour  les  diftinguer  du  Récitatif,  &  généralement  on 
appelle  Air  tout  morceau  complet  de  Mufique  vocale  ou 
inftrumentale  formant  un.  Chant ,  foit  que  ce  morceau  fafTe 
lui  feul  une  Pièce  entière  ,  foit  qu'on  puiife  le  détacher  du 
tout  dont  il  fait  partie  ,  &  l'exécuter  féparémenr. 

Si  le  fujet  ou  le  Chant  eit  partage  en  deux  Parties ,  Y  Air 
s'appelle  Duo  ;  fi  en  trois ,   Trio ,  &c 

Saumaife  croit  que  ce  mot  vient  du  Latin  œra  ;  6c  Burette 
eft  de  fon  fentiment ,  quoique  Ménage  le  combatte  dans  fes 
étymologies  de  la  Langue  Françoife. 

Les  Romains  avoient  leurs  lignes  pour  le  Rhythme  ainfi 
que  les  Grecs  avoient  les  leurs  ;  6c  ces  lignes ,  tirés  auiTi  de 
leurs  caractères,  fe  nommoient  non-feulement  mime  rus  ,  mais 
encore  <zra  ,  c'eit-à-dire  ,  nombre ,  ou  la  marque  du  nombre ,. 
numeri  nota ,  ditNonnius  Marcellus.  C'eit  en  ce  fens  que  le  mot 
ara  fe  trouve  employé  dans  ce  Vers  de  Lucile  : 

Hccc  ejl  ratio  ?  Perverfa  ara  !   Summa   fubducla  improbl  !■ 

Et  Sextus  Rufus  s'en  elt  fervi  de  même, 

Or  quoique  ce  mot  ne  fe  prit  originairement  que  pour  Ib 
nombre  ou  la  Mefure  du  Chant,  dans  la  fuite  on  en  fit  le 
même  ufage  qu'on  avoit  fait  du  mot  numéros  ,,  &  l'on  fe 
fervit  du  mot  œra  pour  déiigner  le  Chant  même  ;  d'où  efi 
venu ,  félon  les  deux  Auteurs  cités  ,  le  mot  François  Air  , 
&  L'Italien  Aria  pris  dans  le  même  feris,. 


43  AIR 

Les  Grecs  avoient  plufîeurs  fortes  d'Airs  qu'ils  appelloient 
Nomes  ou  Chanfons.  (Voyez  Chanson.)  Les  Nomes 
avoienc  chacun  leur  caractère  &  leur  ufage ,  &  plufîeurs 
écoient  propres  à  quelque  Inftrument  particulier  ,  à  -  peu- 
près  comme  ce  que  nous  appelions  aujourd'hui  Pièces  ou 
Sonates. 

La  Mufique  moderne  a  diverfes  efpeces  à' Airs  qui  con- 
viennent chacune  à  quelque  efpece  de  Danfe  dont  ces  Airs 
portent  le  nom.  (  Voyez  Menuet  ,  Gavotte  ,  Musette  , 
Passe-pied  ,  ôcc.  ) 

Les  Airs  de  nos  Opéra  font ,  pour  ainfî  dire ,  la  toile  ou 
le  fond  fur  quoi  fe  peignent  les  tableaux  de  la  Mufique  imi- 
tative  ;  la  Mélodie  eft  le  deflein  ,  l'Harmonie  eft  le  coloris  ; 
tous  les  objets  pittorefques  de  la  belle  Nature,  tous  les  fen- 
timens  réfléchis  du  cœur  humain  font  les  modèles  que  l'Ar- 
tifle  imite  ;  l'attention  ,  l'intérêt ,  le  charme  de  l'oreille  ,  & 
l'émotion  du  cœur ,  font  la  fin  de  ces  imitations.  (  Voyez 
Imitation.  )  Un  Air  favant  &  agréable  ,  un  Air  trouvé  par 
le  Génie  &  compofé  par  le  Goût ,  eft  le  chef-d'œuvre  de  la 
Mufique  ;  c'eft-la  que  fe  développe  une  belle  voix  ,  que  brille 
une  belle  Symphonie  ;  c'eft  -  là  que  la  pafïion  vient  infenfi- 
blement  émouvoir  l'ame  par  le  fens.  Après  un  bel  Air ,  on 
eft  farisfait,  l'oreille  ne  defire  plus  rien;  il  refte  dans  l'ima- 
gination ,  on  l'emporte  avec  foi ,  on  le  répète  à  volonté  ; 
fans  pouvoir  en  rendre  une  feule  Note,  on  l'exécute  dans  fon 
cerveau  tel  qu'on  l'entend ir  au  fpectacle  ;  on  voit  la  Scène  , 
i'Acleur  ,  le  Théâtre  ;  ou  entend  l'accompagnement ,  l\îpplan- 
diflèment  ,    le   véritable   Amateur   ne  perd    jamais    les   beaux 

Airs 


AIR  4i 

Airs  qu'il  entendit  en  fa  vie  ;    il  fait  recommencer  l'Opéra 
quand  il  veut. 

Les  paroles  des  ylirs  ne  vont  point  toujours  de  fuite  ,  ne 
fe  débitent  point  comme  celles  du  Récitatifs  quoiqu'une?, 
courtes  pour  l'ordinaire  ,  elles  fe  coupent ,  fe  répètent ,  fc 
tranfpofent  au  gré  du  Compofiteur  :  elles  ne  font  pas  une 
narration  qui  puffe  ;  elles  peignera ,  ou  un  tableau  qu'il  faut 
voir  fous  divers  points  de  vue  ,  ou  un  fentiment  dans  lequel 
le  cœur  fe  complaît ,  duquel  il  ne  peut  ,  pour  ainfi  dire  ,  fc 
détacher ,  &  les  différentes  phrafes  de  VAir  ne  font  qu'autant 
de  manières  d'envifager  la  même  image.  Voila  pourquoi  le 
fujet  doit  être  un.  C'eft  par  ces  répétitions  bien  entendues  , 
c'elt  par  ces  coups  redoublés  qu'une  expreflïon  qui  d'abord 
n'a  pu  vous  émouvoir ,  vous  ébranle  enfin ,  vous  agite  , 
vous  tranfporce  hors  de  vous ,  &c  c'eit  encore  par  le  même 
principe  q  :e  les  Roulades  ,  qui  ,  dans  les  Airs  pathétiques 
paroi'îéu:  ii  déplacées,  ne  le  font  pourtant  pas  toujours  :  le 
cœur  preffé  d'un  fentiment  très- vif  l'exprime  fouvent  par  des 
Sens  inarticulés  plus  vivement  que  par  des  paroles.  (Voyez 
NsuttE.  ) 

La  {orne  des  Airs  eft  de  deux  efpcces.  Les  petits  Airs 
font  ordinairement  compofés  de  deux  Rcprifes  qu'on  chante 
chacune  deux;  fois  ;  mais  les  grands  Airs  d'Opéra  font  le  plus 
fbuvcnr  en  Rondeau.  (Voyez  Rondeau.) 

AL  SEGNO.  Ces  mots  écrits  a  la  tin  d\n  -lir  en  Ron- 
deau ,  m:  ;::ic  qu'il  faut  reprendre  la  première  Partie,  non 
tout-à-fa;;  au  commencement  ,  mais  à  l'endroit  où  eit  mar- 
qué le  renvoi. 

Dicl.  de  Mujigue.  F 


4i  A    L    L 

ALLA  BREVE.  Terme  Italien  qui  marque  une  forte  de 
Mefure  à  deux  Tems  fort  vite  ,  &  qui  fe  note  pourtant  avec 
une  Ronde  ou  femi-breve  par  Tems.  Elle  n'eft  plus  gueres 
d'ufage  qu'en  Italie  ,  &  feulement  dans  la  Mufique  d'E- 
glife.  Elle  répond  allez  à  ce  qu'on  appelloit  en  France  du 
Gros  -fa. 

ALLA  ZOPPA.  Terme  Italien  qui  annonce  un  mouve- 
ment contraint  ,  &  fyncopant  entre  deux  Tems  ,  fans  fyn- 
coper  entre  deux  Mefures  ;  ce  qui  donne  aux  Notes  une  mar- 
che inégale  &  comme  boîteufe.  C'ert  un  avertiffement  que 
cette  même  marche  continue  ainfi  jufqu'à  la  fin  de  l'Air. 

ALLEGRO,  adj.  pris  adverbialement.  Ce  mot  Italien 
écrit  à  la  tête  d'un  Air  indique  ,  du  vite  au  lent  ,  le  fécond 
des  cinq  principaux  degrés  de  Mouvement  diftingués  dans  la 
Mufique  Italienne.  Allegro  ,  fignifie  gai  ;  &  c'eft  aufïî  l'indi- 
cation d'un  mouvement  gai  ,  le  plus  vif  de  tous  après  le 
prefto.  Mais  il  ne  faut  pas  croire  pour  cela  que  ce  mouve- 
ment ne  foit  propre  qu'a  des  fujets  gais  ;  il  s'applique  fou- 
vent  à  des  tranfports  de  fureur ,  d'emportement ,  &  de  dé- 
fefpoir ,  qui  n'ont  rien  moins  que  de  la  gaieté.  (  Voyez  Mou- 
vement. ) 

Le  diminutif  Allegretto  indique  une  gaieté  plus  modérée, 
un  peu  moins  de  vivacité  dans  la  Mefure. 

ALLEMANDE,  f.  f.  Sorte  d'Air  ou  de  Pièce  de  Mufi- 
que dont  la  Mufique  cft  à  quatre  Tems  &  fe  bat  gravement. 
Il  paroit  par  fon  nom  que  ce  caractère  d'Air  nous  c(t  venu 
d'Allemagne  ,  quoiqu'il  n'y  foit  point  connu  du  tout.  L." Alle- 
mande en  Sonate  efl  par -tout  vieillie  ,  &  à  peine  les  Mufi- 


A    L    L 


43 


ciens  s'en  fervent  -  ils  aujourd'hui  :  ceux  qui  s'en  fervent  en- 
core ,  lui  donnent  un  mouvement  plus  gai. 

ALLEMANDE  ,  e(t  aufli  l'air  d'une  Danfe  fort  commune 
en  SuiïTe  &  en  Allemagne.  Cet  Air  ,  ainfi  que  la  Danfe ,  a 
beaucoup  de  gaieté  :  il  fe  bat  à  deux  tems. 

ALTUS.  Voyez  Haute-Contre. 

AMATEUR  ,  Celui  qui  ,  fans  être  Muficien  de  profeiïïon , 
fait  fa  Partie  dans  un  Concert  pour  fon  plaifir  &  par  amour 
pour  la  Mufique. 

On  appelle  encore  amateurs  ceux  qui ,  fars  favoir  la  Mu- 
fique ,  ou  du  moins  fans  l'exercer ,  s'y  connurent  ,  ou  pré- 
tendent s'y  connoître  ,  &  fréquentent  les  Concerts. 

Ce  mot  eit  traduit  de  l'Italien  Dilettante. 

AMI3ITUS,y?  m.  Nom  qu'on  donnoit  autrefois  a  l'éten- 
due de  chaque  Ton  ou  Mode  du  grave  a  l'aigu  :  car  quoi- 
que l'étendue  d'un  Mode  fût  en  quelque  manière  f/xée  à  deux 
Octaves  ,  il  y  avoit  des  Modes  irréguliers  dont  VAmbitus 
excédoit  cette  étendue  ,  &  d'autres  imparfaits  où  il  n'y  arri- 
voit  pas. 

Dans  le  Plain- Chant,  ce  met  eft  encore  ufité  :  mais 
YAmbitus  des  Modes  parfaits  n'y  elt  que  d'une  Oclave  : 
ceux  qui  la  pafTcnt  s'appellent  Modes  fuperjlus  ;  ceux  qui  n'y 
arrivent  pas ,  Modes  diminués.  (  Voyez  Modes  ,  Tons  de 
l'Eglise.  ) 

AMOROSO.  Voyez  Tendrement. 

ANACAMPTOS,  Terme  de  la  Mufique  Grecque  ,  qui 
fignifie  une  fuite  de  Notes  rétrogrades  ,  ou  procédant  de 
l'aigu  au  grave  ;  c'eit  le  contraire  de  YEuthia,  Une  des  parties 

F  z 


44  AND 

<3e  l'ancienne  Mélopée  portoit  auffi  le  nom  à'Anacamptofa, 
(  Voyez  Mélopée. 

ANDANTE ,  ad},  pris  fubjiantivement.  Ce  mot  écrit  à  la 
tête  d'un  Air  défigne,  du  lent  au  vite  ,  le  croifieme  des  cinq 
principaux  degrés  de  Mouvement  distingués  dans  la  Mufique 
Italienne.  Andante  eft  le  Participe  du  verbe  Italien  Andarc  7 
aller.  Il  caraétérife  un  mouvement  marqué  fans  drre  gai  ,  6c 
qui  répond  à-peu-près  à  celui  qu'on  défigne  en  François  par 
le  mot  Gracieufèment.  (Voyez  Mouvement.) 

Le  diminutif  Andajvtino  ,  indique  un  peu  moins  de  gaieté 
dans  la  Mefure  :  ce  qu'il  faut  bien  remarquer  ,  le  diminutif 
Larghetto  lignifiant  tout  le  contraire.  (  Voyez  Larco.  ) 

ANONNER  ,  v.  n.  C'eft  déchiffrer  avec  peine  &  en  héfi- 
tant  la  Mufique  qu'on  a  fous  les  yeux. 

ANTIENNE ,  f.  /.  En  Latin ,  Antïphona.  Sorte  de  Chant 
ufité  dans  l'Eglife  Catholique. 

Les  Antiennes  ont  été  ainiî  nommées  parce  que  dans  leur 
origine  on  les  chantoit  à  deux  chœurs  qui  fe  répondoient  alter- 
nativement ,  &  l'on  comprenoit  fous  ce  titre  les  Pfeaumcs 
&  les  Hymnes  que  l'ork  chantoit  dans  l'Eglife.  Ignace,  Dif- 
ciple  des  Apôtres  ,  a  été ,  félon  Socrate  ,  l'Auteur  de  cette 
manière  de  chanter  parmi  les  Grecs ,  &  Ambroife  l'a  intro- 
duire dans  l'Eglife  Latine.  Théodoret  en  attribue  l'invention 
à  Diodore  &  à  Flavien. 

Aujourd'hui  la  lignification  de  ce  terme  eft  reftreinte  à 
certains  partages  courts  tirés  de  l'Ecriture  ,  qui  conviennent 
à  la  Fête  qu'on  célèbre ,  &  qui  précédant  les  Pfeaumcs  & 
Cantiques  ,  ca  règlent  Tiinotution. 


A    N    T 


4$ 


L'on  a  aufli  confervé  le  nom  d'Antiennes  à  quelques  Hym- 
nes qu'on  chante  en  l'honneur  de  la  Vierge  ,  telles  que  Regina 
cœ!i  ;  Salve  Regina  ,  &c* 

ANTIPHONIE  ,  /  f.  Nom  que  donnoient  les  Grecs  à 
cette  cfpece  de  Symphonie  qui  s'exécutoit  par  diverfes  Voix 
ou  par  divers  Initrumens  à  l'Octave  ou  à  la  double  Oclave  , 
par  oppofition  à  celle  qui  s'exccutoit  au  (impie  UnhTon ,  <5c 
qu'ils  appelloient  Homopkonie.  (  Voyez  ,  Symphonie  ,  Ho- 
mophonie.  ) 

Ce  mot  vient  d'A'm ,  contre  ,  &  de  Çuvq ,  voix  ,  comme  qui 
diroit  ,  oppojition  de  voix. 

ANTIPHONIER  ou  ANTIPHONAIRE  ,  /  m.  Livre 
qui  contient  en  Notes  les  Antiennes  &  autres  Chants  dont 
on  tife    dans  l'Eglife  Catholique. 

A POTHET US.  Sorte  de  Nom  propre  aux  Flûtes  dans 
l'ancienne  Mufique  des  Grecs. 

APOTOME,y?  m.  Ce  qui  refte  d'un  Ton  majeur  après 
qu'on  en  a  retranché  un  Limma  ,  qui  elt  un  Intervalle 
moindre  d'un  Comma  que  le  fe mi-Ton  majeur.  Par  con- 
fcquent  ,  VApotome  eft  d'un  Comma  plus  grand  que  le 
femi-Ton  moyen.  (  Voyez  Comma,  Semi-Ton-.  ) 

Les  Grecs  ,  qui  n'ignoroient  pas  que  le  Ton  majeur  ne 
peut  ,  par  des  divifions  rationelles  ,  fe  partager  en  deux 
parties  égales  ,  le  partageoient  inégalement  de  plufieurs 
manières.  (Voyez  Intervalle.  ) 

De  l'une  de  ces  divilions  ,  inventée  par  Pythagore  ,  ou 
plutôt ,  par  Philolaiis  fon  Difciple  ,  réfultoit  le  Dicfe  ou 
Limma  d'un  côté ,  &  de  l'autre  YAfocome  ,  dont  la  raifou 
cit  de  2048  à  2187. 


46  A    P     P 

La  génération  de  cet  Apotome  fe  trouve  à  la  Septième 
Quinte  ut  Dièfe  en  commençant  par  ut  naturel  :  car  la 
quantité  dont  cet  ut  Dièfe  furpaffe  Vut  naturel  le  plus  rap- 
proché ,  eft  précifément  le  rapport  que  je  viens  de  marquer. 

Les  Anciens  donnoient  encore  le  même  nom  à  d'autres 
Intervalles.  Ils  appelloient  Apotome  majeur  un  petit  In- 
tervalle que  M.  Rameau  appelle  Quart-de-Ton  enharmo- 
nique ,  lequel  eit  formé  de  deux  Sons  en  raifon  de  125 
a  128. 

Et  ils  appelloient  Apotome  mineur  l'Intervalle  de  deux 
Sons  en  raifon  de  2025  à  2048  :  Intervalle  encore  moins 
fenfible  à  l'oreille   que   le   précédent. 

Jean  de  Mûris  &  fes  Contemporains  ,  donnent  par-tout 
le  nom  à! Apotome  au  femi-Ton  mineur ,  &  celui  de  Dièfe 
au  femi-Ton  majeur. 

APPRECIABLE  ,  adj.  Les  Sons  Appréciables  font  ceux 
dont  on  peut  trouver  ou  fentir  l'Unilîbn  &  calculer  les  In- 
tervalles. M.  Euler  donne  un  efpace  de  huit  Octaves  de- 
puis le  Son  le  plus  aigu  jufqu'au  Son  le  plus  grave  appré- 
ciables a  notre  oreille  :  mais  ces  Sons  extrêmes  n'étant  gueres 
agréables  ,  on  ne  palTe  pas  communément  dans  la  pratique 
les  bornes  de  cinq  Oclaves  ,  telles  que  les  donne  le  Cla- 
vier à  Ravalement.  Il  y  a  auffi  un  degré  de  force  au-dcli 
duquel  le  Son  ne  peut  plus  s'Apprécier.  On  ne  fuiroit  Ap- 
précier le  Son  d'une  groffe  cloche  dans  le  clocher  même  ; 
il  faut  en  diminuer  la  force  en  s'eloignant  ,  pour  le  diftin- 
guer.  De  même  les  Sons  d'une  voix  qui  crie  ,  cèdent  d'être 
Appréciables  ;  c'eit  pourquoi  ceux  qui  cluurcnt  fort   font 


A    P    Y  47 

fujets  à  chanter  faux.  A  l'égard  du  bruit,  il  ne  s'Apprécie 
jamais  ;  &  c'eft  ce  qui  fait  fa  différence  d'avec  le  Son. 
(  Voyez  Bruit  &  Son.  ) 

APYCNI ,  adj.  plur.  Les  Anciens  appelloient  ainfi  dans 
les  Genres  épais  trois  des  huit  Sons  ftables  de  leur  fyftcme 
ou  Diagramme  ,  lefquels  ne  touchoient  d'aucun  côté  les 
Intervalles  ferrés  ;  favoir  ,  la  Prollambanomene  ,  la  Néte 
Synnéménon  ,  6c  la  Néte  Hyperboléon. 

Ils  appelloient  aufïi  Apycnos  ou  non  épais  le  Genre  Dia- 
tonique ,  parce  que  dans  les  Tétracordes  de  ce  Genre  la 
fomme  des  deux  premiers  Intervalles  étoit  plus  grande 
que  le  troifieme.  (  Voyez  Epais  ,  Genre  ,  Son  ,  Tétra- 
c.ordh.  ) 

ARBITRIO.  Voyez  Cadenza. 

ARCO  ,  Archet  ,  f.  m.  Ces  mots  Italiens  Con  PArco  , 
marquent  qu'après  avoir  pincé  les  cordes  ,  il  faut  reprendre 
Y  Archet  à  l'endroit  où  ils  font  écrits. 

ARIETTE  ,  /  f.  Ce  diminutif ,  venu  de  l'Italien  ,  fîgnifie 
proprement  petit  Air  ;  mais  le  fens  de  ce  mot  eft  changé 
en  France ,  &  l'on  y  donne  le  nom  d'Ariettes  à  de  grands 
morceaux  de  Mufique  d'un  mouvement  pour  l'ordinaire 
affez  gai  &  marqué  ,  qui  fe  chantent  avec  des  Accompa- 
gnemens  de  Symphonie ,  &  qui  font  communément  en  Ron- 
deau. (  Voyez  Air,  Rondeau.  ) 

ARIOSO  ,  adj.  pris  adverbialement.  Ce  mot  Italien  l\  la 
tête  d'un  Air ,  indique  une  manière  de  Chant  foutenue  , 
développée  ,  &  affectée  aux  grands  Airs. 

ARJSTOXÉNIENS.  Secle  gui  eut  pour  Chef  Arillc 


4S  ARM 

de  Tarente  ,  Difcipîe  d'Ariftote,  &  qui  étoit  oppofc'e  aine 
Pythagoriciens  fur  la  Mefure  des  Intervalles  &  fur  la  ma- 
nière de  déterminer  les  rapports  des  Sons  ;  de  forte  que 
les  Arïfloxin'uns  s'en  rapportoient  uniquement  au  jugement 
de  l'oreille  ,  &c  les  Pythagoriciens  à  la  précifioa  du  calcul. 
(  Voyez   Pyth\goiuciens.  ) 

ARMER  LA  CLEF.  C'eit  y  mettre  le  nombre  de  Diè- 
fes  ou  de  Bémols  convenables  au  Ton  &  au  Mode  dans 
lequel  on  veut  écrire  de  la  Musique.  (  Voyez  Blmoi  , 
Clef  ,  PJièse.  ) 

ARPÉGER ,  v.  n.  C'efr,  faire  une  fuite  d'Arpèges.  (  Voye\ 
Varùch  fuivant.  ) 

ARPEGGIO ,  ARPÈGE  ,  ou  ARPEGEMENT  ,  f.  m. 
Manière  de  faire  entendre  fuccelfivemcnt  &  rapidement  les 
divers  Sons  d'un  Accord  ,  au  lieu  de  les  frapper  tous  à 
la  fois. 

Il  y  a  des  Inibrumens  fur  lefqucls  on  ne  peut  former  un 
Accord  plein  qu'en  Arpégeant  ;  tels  font  le  Violon  ,  le 
Violoncelle  ,  la  Viole  ,  &  tous  ceux  dont  on  joue  avec 
l'Archet  ;  car  la  convexité  du  Chevalet  empêche  que  l'Ar- 
chet ne  puifle  appuyer  à  la  fois  fur  toutes  les  cordes.  Pour 
former  donc  des  Accords  fur  ces  Inflrumens  ,  on  eft  con- 
traint d'Arpéger  ,  &   comme  on  ne  peut    tirer  qu'autant  de 

OS  qu'il  y  a  de  cordes  ,  V/lrp'ge  du  Violoncelle  ou  du 
\  iolan  ne  f.wiroit  Ocre  compofé  de  plus  de  quatre  Sons.  Il 
faut   pour  er   que  ;    fuient    arrangés  eha< 

fur   f.i    corde  ,  &   que  F.  le    rire  d'un    feu]   ck   grand 

ce  fortement  fur    la  plus   grolîc 

co: 


A    R    S  4* 

corde  ,  &  vienne  finir  en  tournant  &  adouciinint  fur  la 
Chanterelle.  Si  les  doigts  ne  s'arrangeoient  fur  les  cordes 
que  fucceffivement  ,  ou  qu'on  donnât  plulieurs  coups  d'Ar- 
chet ,  ce  ne  feroit  plu*  Arpéger  ;  ce  feroit  pafTer  tres-vîte 
-plufieurs  Notes  de  fuite. 

Ce  qu'on  fait  fur  le  Violon  par  ncceflité  ,  on  le  pratique 
par  goût  fur  le  Clavecin.  Comme  on  ne  peut  tirer  de  cet 
Initrumcnt  que  des  Sons  qui  ne  tiennent  pas,  on  ei[  obligé 
de  les  refrapper  fur  des  Notes  de  longue  durée.  Pour  faire 
durer  un  Accord  plus  long-tems  ,  on  le  frappe  en  Arpé- 
geant ,  commençant  par  les  Sons  bas ,  &  obfervant  que  les 
doigts  qui  ont  frappé  les  premiers  ne  quittent  point  leurs 
touches  que  tout  V Arpège  ne  foit  achevé  ,  afin  que  l'on 
puilî'e  entendre  à  la  fois  tous  les  Sons  de  l'Accord.  (  Voyez 
Accompagnement.  ) 

Arpeggio  eft  un  mot  Italien  qu'on  a  francifé  dans  celui 
à? Arpège.  Il  vient  du  mot  Arpa  ,  à  caufe  que  c'eft  du  jeu  de 
la   Harpe  qu'on  a  tiré  l'idée  de  Y  Arpégeaient. 

ARSIS  &  THESIS.  Termes  de  Mufique  &  de  Profodie. 
Ces  deux  mots  font  Grecs.  Arfis  vient  du  Verbe  *</>&> ,  tollo  , 
j'élève  ,  &  marque  l'élévation  de  la  voix  ou  de  la  main  , 
l'ûbaiirement  qui  fuit  cette  élévation  eft  ce  qu'on  appelle 
eîrif  ,  depojhio  ,  remijjio. 

Par  rapport  donc  à  la  Mefure  ,  per  Arfin  fignifie  ,  en 
levant  ,  ou  durant  le  premier  terns  i  pet  l'hejin  ,  en  ôaiffant, 
ou  durant  le  dernier  tems.  Sur  quoi  l'on  doit  obferver  que 
notre  manière  de  marquer  1*  Mefure  eft  contraire  à  celle 
des  Anciens  ;  car  nous  frappons  le  premier  tems  &  levons 
Dicl.  d»  Mufique.  G 


5« 


A    S     S 


le  dernier.  Pour  ôter  toute  équivoque ,  on  peut  dire  qu'Arfîs 
indique  le  tems  fort  ,  &  Thefis  le  teins  foïbk.  (  Voyez 
Mesure,  Tems  ,  Battre  la  Mesure.  ) 

Par  rapport  à  la  voix  ,  on  dit  qu'un  Chant ,  un  Contre- 
Point  ,  une  Fugue  ,  font  per  Thejin  ,  quand  les  Notes 
montent  du  grave  à  l'aigu  ;  per  Arjin  ,  quand  elles  defcen- 
dent  de  l'aigu  au  grave.  Fugue  per  Arjin  &  Thefin  ,  eft  celle 
qu'on  appelle  aujourd'hui  Fugue  renverfée  ou  Contre-fugue  , 
dans  laquelle  la  réponfe  fe  fait  en  fens  contraire  ;  c'eft-à- 
dire  ,  en  defcendant  fi  la  Guide  a  monté  ,  &  en  montant 
fi  la  Guide  a  defcendu.  (  Voyez  Fugue.  ) 

ASSAI.  Adverbe  augmentatif  qu'on  trouve  allez  fouvent 
joint  au  mot  qui  indique  le  mouvement  d'un  Air.  Ainfï 
prefto  Ajjhi  ,  largo  AjJ'ai  ,  fignifient  fort  rue  ,  fort  lent. 
L'Abbé  BrofTard  a  fait  fur  ce  mot  une  de  fes  bévues  ordi- 
naires ,  en  fubflicuant  à  fon  vrai  &  unique  fens  celui  d'une 
fage  médiocrité  de  lenteur  ou  de  xîteffe.  Il  a  cru  qu'AJTai  figni- 
fioit  affe\.  Sur  quoi  l'on  doit  admirer  la  finguliere  idée  qu'a 
eu  cet  Auteur  de  préférer ,  pour  fon  vocabulaire  ,  à  fa  langue 
maternelle,  une  langue  étrangère  qu'il  n'entendoit  pa<;. 

AUBADE  ,  f.  f.  Concert  de  nuit  en  plein  air  fous  les 
fenêtres  de  quelqu'un.  (  Voyez  Sérénade.  ) 

AUTHENTIQUE  ou  AUTHENTE ,  adj.  Quand  l'Oc- 
tave fe  trouve  divifée  harmoniquement ,  comme  dans  cette 
proportion  6.  4.  3.  c'eft  -  à  -  dire  ,  quand  la  Quinte  eft  au 
grave ,  &  la  Quarte  à  l'aigu  ,  le  Mode  ou  le  Ton  s'appelle 
Authentique  ou  Authente  ;  a  la  différence  du  Ton  Pbgal 
où  l'Oclave  eft  divifée  arithmétiquement  ,  comme  dans  cette 


A    U    T  Sf 

proportion  4.  3.  z  :  ce  qui  met  la  Quarte  au  grave  &  la 
Quinte  à  l'aigu. 

A  cette  explication  adoptée  par  tous  les  Auteurs  ,  mais 
qui  ne  dit  rien  ,  j'ajouterai  la  fuivante  ;  le  Lecteur  pourra 
choifir. 

Quand  la  Finale  d'un  Chant  en  eft  au  m"  la  Tonique ,  & 
que  le  Chant  ne  defeend  pas  jufqu'à  la  Dominante  au-def- 
fous  ,  le  Ton  s'appelle  authentique  :  mais  fi  le  Chant  def- 
eend ou  finit  à  la  Dominante,  le  Ton  eft  Plagal.  Je  prends 
ici  ces  mots  de  Tonique  &  de  Dominante  dans  l'acception 
muficale. 

Ces  différences  cTAuthente  &  de  Plagal  ne  s'obfervent  plus 
que  dans  le  Plain-Chant  ;  &,  foit  qu'on  place  la  Finale  au 
bas  du  Diapafon ,  ce  qui  rend  le  Ton  Authentique  ;  foit  qu'on 
la  place  au  milieu,  ce  qui  le  rend  Plagal ;  pourvu  qu'au  fur- 
plus  la  Modulation  foit  régulière ,  la  Mufique  moderne  admet 
tous  les  Chants  comme  Authentiques  également,  en  quelque 
lieu  du  Diapafon  que  puhTe  tomber  la  Finale.  (  Voyez  Modh.  ) 

Il  y  a  dans  les  huit  Tons  de  TEglife  Romaine  quatre  Tons 
Authentiques  ;  favoir,  le  premier,  le  troifieme ,  le  cinquième 
&  le  feptieme.  (  Voyez  Tons  de  L'Eglise.  ) 

On  appelloit  autrefois  Fugue  Authentique  celle  dont  le 
fujet  procédoit  en  montant;  mais  cette  dénomination  n'eft 
plus  d'ufage. 


52  BAL 

m  -  tt  ii 


B 


fa  fi ,  ou  B  fa  b  mi,  ou  Amplement  B.  Nom  du  fep- 
tieme  Son  de  la  Gamme  de  l'Arérin  ,  pour  lequel  les  Ita- 
liens &  les  autres  Peuples  de  l'Europe  répètent  le  B  ,  difanc 
B  mi  quand  il  eft  naturel ,  B  fa  quand  il  eft  Bémol  ;  mais 
les  François  l'appellent  Si.  (  Voyez  Si.  ) 

B  Mol.  (  Voyez  Biîmol.  ) 

B  Qitarre.  (  Voyez  BrQUARRK.  ) 

BALLET  ,  f.  m.  Action  théâtrale  qui  fe  repréfenre  par  la 
Danfe  guidée  par  la  Mufique.  Ce  mot  vient  du  vieux  Fran- 
çois Baflkr;  danfer ,  chanter,  fe  réjouir. 

La  Mufique  d'un  BalUt  doit  avoir  encore  plus  de  cadence 
&  d'accent  que  la  Mufique  vocale ,  parce  qu'elle  eft  chargée 
de  fignifier  plus  de  chofes  ,  que  c'dt  à  elle  feule  d'infpirtr 
au  Danfeur  la  chaleur  &  l'exprelîion  que  le  Chanteur  peut 
tirer  des  paroles ,  6c  qu'il  faut ,  de  plus ,  qu'elle  fupplée  ,  dan? 
le  langage  de  l'ame  6c  des  paffions ,  tout  ce  que  la  Danfe 
ne  peut  dire  aux  yeux  du  Spectateur. 

Ba/L't  eft  encore  le   nom   qu'on   donne  en  France  à  u~ie 

bizarre  forte  d'Opéra,  où  la  Danfe  n'eft  g  ne  es  mieux  placée 

que  dans  les  autres,  6c  n'y  fait  pas  un  r.  ei  leur  effet.  Dans 

la  plupart  de  ces  Ballets    les  Actes  forme;  t  ;  utant  de   fujtts 

différera  liés  feulement  entre  eux  par  quclqv.es  rapports  géneV 

ers  a  l'action,  6:  que  le  Spectateur  n'appercevroit 

G  l'Auteur  n'avoir  foia  de  l'en  avertir  da  s  le  Prologue. 

Ballets  contiennent  (..'autres  Ballets  qu'on  appelle  autre- 


BAL  53 

ment  Divertiffïmens  ou  Fêtes.  Ce  font  des  fuites  de  Dar.fcs 
qui  fe  fuccedent  fans  fujet  ,  ni  liatfon  entre  elles ,  ni  avec 
l'avion  principale ,  &  où  les  meilleurs  Danfeurs  ne  favenr 
vous  dire  autre  chofe  finon  qu'ils  danfent  bien.  Cette  Ordon- 
nance peu  théâtrale  fuflit  pour  un  Bal  où  chaque  Acteur  a 
rempli  fon  objet  lorfqu'il  s'eft  arnufé  lui-même,  &  où  l'in- 
térêt que  le  Spectateur  prend  aux  perfonnes  le  difpenfe  d'en 
donner  à  la  chofe  ;  mais  ce  défaut  de  fujet  &  de  liaifon  ne 
doit  jamais  être  fouffert  fur  la  Scène,  pas  même  dans  la  repré- 
fentation  d'un  Bal ,  où  le  tout  doit  être  lié  par  quelque  action 
fecrete  qui  foutienne  l'attention  &  donne  de  l'intérêt  au  Spec- 
tateur. Cette  adrefle  d'Auteur  n'eft  pas  fans  exemple  ,  même 
à  l'Opéra  François  ,  6c  l'on  en  peut  voir  un  très-agréable 
dans  les  Fêtes  Vénitiennes ,  Aéte  du  Bal. 

En  général,  toute  Danfe  qui  ne  peint  rien  qu'elle  même, 
&  tout  BalL-t  qui  n'eft  qu'un  Bal ,  doivent  être  bannis  du 
Théâtre  lyrique.  En  effet ,  l'aétion  de  la  Scène  eft  toujours 
la  repréfentation  d'une  autre  action ,  6c  ce  qu'on  y  voit  n'eft 
que  l'image  de  ce  qu'on  y  fuppofe  ;  de  forte  que  ce  ne  doit 
jamais  être  un  tel  ou  un  tel  Danfeur  qui  fe  prefente  à  vous, 
mais  le  perfonnage  dont  il  eft  revêtu.  Ainfi,  quoique  L  Danfe 
de  Société  puiffe  ne  rien  repréfenter  qu'elle-même,  la  Danfe 
théâtrale  doit  néceffairement  être  l'imitation  de  quelque  autre 
chofe,  de  même  que  l'Acteur  chantant  repréfente  un  homme 
qui  parle ,  &  la  décoration  d'autres  lieux  que  ceux  qu'elle 
occupe. 

La  pire  forte  de  Ballets  eft  celle  qui  roule  fjr  des  fuj^rs 
allégoriques  6c  où  par  conféquent  iJ  n'y  a  qu'imitation  d'uni- 


54  BAR 


< 


ration.  Tout  l'art  de  ces  fortes  de  Drames  confifte  à  pré- 
fenter  fous  des  images  fenfibles  des  rapports  purement  intel- 
lectuels, &  à  faire  penfer  au  Spectateur  toute  autre  chofe  que 
ce  qu'il  voit  ,  comme  fi ,  loin  de  l'attacher  à  la  Scène , 
c'étoit  un  mérite  de  l'en  éloigner.  Ce  genre  exige ,  d'ailleurs , 
tant  de  fubtilité  dans  le  Dialogue ,  que  le  Muficien  fe  trouve 
dans  un  Pays  perdu  parmi  les  pointes ,  les  allufions ,  &*  les 
épigrammcs  ,  tandis  que  le  Spectateur  ne  s'oublie  pas  un 
moment  :  comme  qu'on  fane ,  il  n'y  aura  jamais  que  le  fen- 
timent  qui  puifîe  amener  celui-ci  fur  la  Scène  &  l'identifier, 
pour  ainfi  dire  ,  avec  les  Acteurs  ;  tout  ce  qui  n'eft  qu'intel- 
lectuel l'arrache  à  la  Pièce ,  &  le  rend  à  lui-même.  Auflî 
voit-on  que  les  Peuples  qui  veulent  &  mettent  le  plus  d'ef- 
prit  au  Théâtre  font  ceux  qui  fe  foucient  le  moins  de  l'illu- 
fion.  Que  fera  donc  le  Muficien  fur  des  Drames  qui  ne 
donnent  aucune  prife  à  fon  Art  ?  Si  la  Mufique  ne  peint  que 
des  fentimens  ou  des  images,  comment  rendra-t-elle  des 
idées  purement  métaphysiques ,  telles  que  les  allégories,  où 
l'efprit  e(l  fans  cefie  occupé  du  rapport  des  objets  qu'on  lui 
préfente  avec  ceux  qu'on  veut  lui  rappeller? 

Qunnd  les  Compofueurs  voudront  réfléchir  fur  les  vrais 
principes  de  leur  Ait,  ils  mettront  avec  plus  de  difccrnement 
dans  le  choix  des  Drames  dont  ils  fe  chargent ,  plus  de 
vérité  dans  l'expreflion  de  leurs  fujets  ;  &  quand  les  paroles 
des  Opéra  diront  quelque  chofe ,  la  Mufique  apprendra  bien- 
tôt à  parler. 
BARBARE  ,  adj.  Mode  Barbare.  (  Voyez  Lydif.n.  ) 
BARGAROIXES ,  /:  f.  Sorte  de   Clunfons    en   Langue 


BAR  55 

Vénitienne   que  chantent  les  Gondoliers  à  Veniie.    Quoique 
les  Airs  des  Barcarolks  foient  faits  pour  le  Peuple  ,  &  fou- 
vent  compofés  par  les  Gondoliers  mêmes  ,  ils  ont  tant  de 
mélodie  &  un  accent  fi  agréable,  qu'il  n'y  a  pas  de  Muficien 
dans  toute  l'Italie  qui  ne  fe  pique  d'en  favoir  &  d'en  chanter. 
L'entrée  gratuite  qu'ont  les  Gondoliers  à  tous  les  Théâtres, 
les  met  à  portée  de  fe  former  fans  frais  l'oreille  &  le  goût; 
de  forte  qu'ils  compofent  &  chantent  leurs  Airs  en  gens  qui , 
fans  ignorer  les  flnelfes  de  la  Mufique ,  ne  veulent  point  altérer 
le  genre  fimple  &  naturel  de  leurs  Barcarolks.  Les  paroles 
de  ces   Chanfons    font   communément   plus   que   naturelles, 
comme  les  converfations  de   ceux  qui   les  chantent  :   mais 
ceux  à  qui  les  peintures  ridelles  des  mœurs  du  Peuple  peu- 
vent plaire,   &  qui   aiment  d'ailleurs  le   Diaîeite  Vénitien, 
s'en  paflïonnent  facilement ,  féduits  par  la  beauté  des  Airs  ; 
de  forte  que  plufieurs  Curieux  en  ont  de  trcs-amplcs  recueils. 

N'oublions  pas  de  remarquer  a  la  gloire  du  Taiïe ,  que  la 
plupart  des  Gondoliers  favent  par  cœur  une  grande  p  irtie  de 
fon  Poème  de  la  Jérufakm  délivrée  ,  que  plufieurs  le  favent 
tout  entier,  qurils  pafTent  les  nuits  d'été  fur  leurs  barques  â 
le  chanter  alternativement  d'une  barque  à  l'autre  ,  que  c'eft 
aflurément  une  belle  Earcarolk  que  le  Poème  du  Taffe  , 
qu'Homère  feul  eut  avant  lui  l'honneur  d'être  ainfi  chanté , 
&  que  nul  autre  Poème  Epique  n'en  a  eu  depuis  un  pareil. 

BARDES.  Sorte  d'hommes  très-finguliers  ,  &  rrès-refpedés 
jadis  dans  les  Gaules ,  lefquels  étoitnt  a  la  fois  Prêtres ,  Pro- 
phètes, Poètes  &  Muficiens. 

Bochard  fait  dériver  ce  nom  de  Parât ,  chanter  ;  &  Cam- 


5*  B    A    R 

den  convient  avec  Feftus  que  Barde  fignifie  un   Chanteur, 
en  Celtique   Bard. 

BARIPYCNI ,  adj.  Les  Anciens  appelloient  ainfi  cinq  des 
huit  Sons  ou  cordes  (tables  de  leur  fyitême  ou  Diagramme; 
favoir ,  l'Hypaté-Hypaton ,  l'Hypaté  Méfon ,  la  Mèfe ,  la  Pa- 
ramèfe ,  &  la  Neté-Dièzeugménon.  (Voyez  Pycni,  Son, 
Thtracorde.  ) 

BARYTON.  Sorte  de  voix  entre  la  Taille  &c  la  Baffe. 
(Voyez  Concordant.) 

BAROQUE.  Une  Mufique  Baroque  eft  celle  dont  l'Har- 
monie e(t  confufe  ,  chargée  de  Modulations  &  Diilbnances, 
le  Chant  dur  &  peu  naturel ,  l'Intonation  difficile  ,  6c  le 
Mouvement  contraint. 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  ce  terme  vient  du  Baroco 
des  Logiciens. 

BARRE,  C  barré,  forte  de  Mefure.  (Voyez  C.) 

BARRES.  Traits  tirés  perpendiculairement  à  la  fin  de 
chaque  Mefure ,  fur  les  cinq  lignes  de  la  Fortée ,  pour  fépa- 
rer  la  Mefure  qui  finit  de  celle  qui  recommence.  Ainfi  les 
Notes  contenues  entre  deux  Barres  forment  toujours  une 
Mefure  complète  ,  égale  en  valeur  &  en  durée  à  chacune 
des  autres  Mefures  comprifes  entre  deux  autres  Barres ,  tant 
que  le  Mouvement  ne  change  pas  :  mais  comme  il  y  a  plu- 
fieurs  fortes  de  Mefures  qui  différent  considérablement  en 
durée  ,  les  mêmes  différences  fc  trouvent  dans  les  valeurs 
contenues  entre  deux  Barres  de  chacune  de  ces  cfptces  de 
Mefures.  Ainfi  dans  le  grand  Triple  qui  fe  marque  par  ce 
figue  i  &c  qui  fe  bat  lentement ,  la  fomme  des  Notes  com- 
prifes 


BAS 

prifes  enrre  deux  Barres  doit  faire  une  Fonde  &  demie;  5c 
dans  le  petit  triple  \,  qui  fe  bat  vite  ,  les  deux  Barres  n'en- 
ferment que  trois  Croches  ou  leur  valeur  :  de  forte  que  huit 
fois  la  valeur  contenue  entre  deux  Barres  de  cette  dernière 
Mefure ,  ne  font  qu'une  fois  la  valeur  contenue  entre  deux 
Barres  de  l'autre. 

Le  principal  ufage  des  Barres  eft  de  distinguer  les  Mefures 
&  d'en  indiquer  le  Frappé  ,  lequel  fe  fait  toujours  fur  la 
Note  qui  fuit  immédiatement  la  Barre.  Elles  fervent  auflî  dans 
les  Partitions  à  montrer  les  Mefures  correfpondantes  dans 
chaque  Portée.  (Voyez  Partition.  ) 

Il  n'y  a  pas  plus  de  cent  ans  qu'on  s'eit  avifé  de  tirer 
des  Barres  de  Mefure  en  Mefure.  Auparavant  la  Mufique  ctoit 
fimple;  on  n'y  voyoit  gueres  que  des  Rondes,  des  Blan- 
ches &  des  Noires  ,  peu  de  Croches  ,  prefque  jamais  de 
Doubles-croches.  Avec  des  divifïons  moins  inégales  ,  la  Me- 
fure en  étoit  plus  aifée  à  fuivre.  Cependant  j'ai  vu  nos  meil- 
leurs Muficiens  embarraifés  à  bien  exécuter  l'ancienne  Mufique 
d'Orlande  &  de  Claudin.  Ils  fe  perdoient  dans  la  Mefure, 
faute  des  Barres  auxquelles  ils  étoient  accoutumés  ,  &  ne 
fuivoienr  qu'avec  peine  des  Parties  chantées  autrefois  cou- 
ramment par  les  Muficiens  de  Henri  III  &  de  Charles  IX. 

BAS  ,  en  Mufique  ,  fignilîe  la  même  chofe  que  Gravs  , 
&  ce  terme  elt  oppofé  à  haut  ou  aigu.  On  dit  ainfî  que  le 
Ton  eft  trop  bas ,  qu'on  chante  trop  bas,  qu'il  faut  ren- 
forcer les  Sons  dans  le  bas.  Bas  (ignihe  aufli  quelquefois 
doucement,  h  demi -voix  ;  &  en  ce  fens  il  eft  oppofé  à 
fort.  On  dit  parler  bas,  chanter  ou  pfalmodier  à  Bal/è-\o'w. 
Dicl.  de  Mufique,  H 


58  BAS 

Il  chantoit  ou  parloit  fi  bas  qu'on  avoir  peine  à  l'entendre. 

Coulez  fi  lentement  &   murmurez  fi  bas , 
Qu'IfTé  ne  vous  entende  pas. 

La  Motte. 

Bas  fe  dit  encore,  dans  la  fubdivifion  des  Deflus  chanrans, 
de  celui  des  deux  qui  eft  au-deflbus  de  l'autre  ;  ou ,  pour 
mieux  dire ,  2ta.y-Deflus  eft  un  Deflus  dont  le  Diapafon  eft 
au-deflbus  du  Médium  ordinaire.  (  Voyez  Dessus.  ) 

BASSE.  Celle  de  quatre  Parties  de  la  Mufîque  qui  eft  au- 
deflbus  des  autres  ,  la  plus  bafle  de  toutes ,  d'où  lui  vient  le 
nom  de  Baffe.  (Voyez  Partition.  ) 

La  Baffe  eft  la  plus  importante  des  Parties  ,  c'eft  fur  elle 
que  s'établit  le  corps  de  l'Harmonie  ;  aufli  eft -ce  une 
maxime  chez  les  Muficiens  que  ,  quand  la  Baffe  eft  bonne» 
rarement   l'Harmonie  eft  mauvaife. 

Il  y  a  plufieurs  fortes  de  Baffes.  Baffe-fondamentale  ,  donc 
nous  ferons  un  Article  ci-après. 

Baffe-continue  :  ainfi  appellce,  parce  qu'elle  dure  pendant 
toute  la  Pièce.  Son  principal  ufage  ,  outre  celui  de  régler 
l'Harmonie  ,  eft  de  foutenir  la  Voix  &  de  conferver  le  Ton. 
On  prétend  que  c'eft  un  Ludovico  Viana  ,  dont  il  en  refte 
un  Traité  ,  qui ,  vers  le  commencement  du  dernier  fiecle ,  la 
mit  le  premier  en  ufage. 

Baffe -figurée  ,  qui ,  au  lieu  d'une  feule  Note ,  en  part.ige  la 
valeur  en  plufieurs  autres  Notes  fous  un  même  Accord.  (Voy. 
Harmonie-figurhe.  ) 

Baffe -contrainte  ,  dont  le  fujet  ou  le  Chant ,  borné  à  un 
petit   nombre  de  Mefures,  comme  quatre  ou  huit  ,  recom- 


BAS  59 

mence  fans  ceiïe  ,  tandis  que  les  Parties  fupérieures  pour- 
fuivent  leur  Chant  &  leur  Harmonie  ,  &  les  varient  de  dif- 
férentes manières.  Cette  Baffe  appartient  originairement  aux 
Couplets  de  la  Chaconne  ;  mais  on  ne  s'y  affervit  plus  au- 
jourd'hui. La  -Baffe -contrainte  defcendant  diatoniquement  ou 
chromatiquement  &  avec  lenteur  de  la  Tonique  ou  de  la 
Dominante  dans  les  Tons  mineurs  ,  eft  admirable  pour  les 
morceaux  pathétiques.  Ces  retours  fréquens  &  périodiques 
afférent  infenfiblement  l'ame  ,  &  la  difpofent  à  la  langueur 
&  à  la  trifteffe.  On  en  voit  des  exemples  dans  plufieurs  Scè- 
nes des  Opéra  François.  Mais  fi  ces  Baffes  font  un  bon 
effet  à  l'oreille  ,  il  en  eft  rarement  de  même  des  Chants 
qu'on  leur  adapte  ,  &  qui  ne  font ,  pour  l'ordinaire  ,  qu'un 
véritable  accompagnement.  Outre  les  modulations  dures  6c 
mal  amenées  qu'on  y  évite  avec  peine ,  ces  Chants ,  retournés 
de  mille  manières  &  cependant  monotones  ,  produifent  des 
renverfemens  peu  harmonieux  ôc  font  eux-mêmes  allez  peu 
chantans,  en  forte  que  le  Deffus  s'y  reffent  beaucoup  de  la 
contrainte  de  la  Baffe. 

Baffe -chantante  eft  l'efpece  de  Voix  qui  chante  la  Partie 
de  la  Baffe.  Il  y  a  des  Baffes-récitantes  &  des  Baffes-de- 
Chœur  ;  des  Concordans  ou  Baffe-tailles  qui  tiennent  le  mi- 
lieu entre  la  Taille  &  la  BajJ'e  ;  des  Baffes  proprement  dites  , 
que  l'ufage  fait  encore  appeller  Baffe-tailles  ,  &c  enfin  des 
Baffe-contres  les  plus  graves  de  toutes  les  Voix  ,  qui  chan- 
tent la  Baffe  fous  la  Baffe  même  ,  &  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  les  Contre-baffes ,  qui  font  des  Inftrumens. 

BASSE-FONDAMENTALE ,  eft  celle  qui  n'eft  formée 

H  i 


6o  BAS 

» 

que  des  Sons  fondamentaux  de  l'Harmonie  ;  de  forte  qu'au- 
delfous  de  chaque  Accord  elle  fait  entendre  le  vrai  Son  fon- 
damental de  cet  Accord ,  c'eft-à-dire  ,  celui  duquel  il  dérive 
par  les  règles  de  l'Harmonie.  Par  où  l'on  voit  que  la  Baffe- 
fondamentale  ne  peut  avoir  d'autre  contexture  que  celle  d'une 
fucceflion  régulière  &  fondamentale ,  fans  quoi  la  marche  des 
Parties  fupérieures  feroir  mauvaife. 

Pour  bien  entendre  ceci ,  il  faut  favoir  que ,  félon  le  fyf- 
tême  de  M.  Rameau  qtie  j'ai  fuivi  dans  cet  Ouvrage  ,  tout 
Accord  ,  quoique  formé  de  plufieurs  Sons  ,  n'en  a  qu'un  qui 
lui  foit  fondamental;  favoir,  celui  qui  a  produit  cet  Accord 
&  qui  lui  fert  de  Baffe  dans  l'ordre  direct  &  naturel.  Or ,  la 
Baffe  qui  règne  fous  toutes  les  autres  Parties  n'exprime  pas 
toujours  les  Sons  fondamentaux  des  Accords  :  car  entre  tous 
les  Sons  qui  forment  un  Accord  ,  le  Compofiteur  peut  porter 
à  la  Baffe  celui  qu'il  croit  préférable ,  eu  égard  à  la  marche 
de  cette  BaJJ'e  ,  au  beau  Chant ,  &  fur-tout  à  l'expreflion , 
comme  je  l'expliquerai  dans  la  fuite.  Alors  le  vrai  Son  fon- 
damental, au  lieu  d'être  à  ù  place  naturelle  qui  eft  la  Baffe, 
fe  tranfporte  dans  les  autres  Parties  ,  ou  même  ne  s'exprime 
point  du  tout  ;  &  un  tel  Accord  s'appelle  Accord  renverl'e. 
Dans  le  fond  un  Accord  renverfé  ne  diffère  point  de  l'Accord 
direir.  qui  l'a  produit  ;  car  ce  font  toujours  les  menus  Sons  : 
mais  ces  Sons  formant  des  combinaifons  différentes ,  on  a  long- 
tern?  pris  routes  ces  combinaifons  pourautant  d'Accords  fonda- 
mentaux ,  &  on  leur  a  donné  différens  noms  qu'on  peut  voir  an 
mot  Accord^  &  qui  ont  achevé  de  les  dillinguer,  comme  fi 
la  différence  des  noms  en  produifoit  réellement  dui.s  l'elj 


BAS  0i 

M.  Rameau  a  montre ,  dans  fon  Traite  de  l'Harmonie ,  & 
M.  d'Alembert,  dans  fts  Elémens  de  Mu  fi  que  ,  a  fait  voir 
encore  plus  clairement,  que  plufieurs  de  ces  prétendus  Accords 
n'étoient  que  des  renverfemens  d'un  feul.  Ainfi  l'Accord  de 
Sixte  n'eft  qu'un  Accord  parfait  dont  la  Tierce  elt  tranfportce 
à  la  Baffe  ;  en  y  portant  la  Quinte  on  aura  l'Accord  de  Sixte- 
Quarte.  Voilà  donc  trois  combinaifons  d'un  Accord  qui  n'a 
que  trois  Sons  ;  ceux  qui  en  ont  quatre  font  fufceptibles  de 
quatre  combinaifons,  chaque  Son  pouvant  être  porté  à  la 
Baffe.  Mais  en  portant  au-deflous  de  celle-ci  une  autre  Baffe 
qui ,  fous  toutes  les  combinaifons  d'un  même  Accord  ,  pré- 
fente toujours  le  Son  fondamental  ,  il  cil  évident  qu'on  ré- 
duit au  tiers  le  nombre  des  Accords  confonnans ,  &  au  quart 
le  nombre  des  diflbnans.  Ajoutez  à  cela  tous  les  Accords 
par  fuppofition  qui  fe  réduifent  encore  aux  mêmes  fonda- 
mentaux ,  vous  trouverez  l'Harmonie  Amplifiée  à  un  point 
qu'on  n'eût  jamais  efpéré  dans  l'état  de  confufion  où  étoient 
fes  règles  avant  M.  Rameau.  C'eft  certainement,  comme 
l'obferve  cet  Auteur ,  une  chofe  étonnante  qu'on  ait  pu  poulîèr 
la  pratique  de  cet  Art  au  point  où  elle  eit  parvenue  fans 
en  connoître  le  fondement ,  &  qu'on  ait  exactement  trouvé 
toutes  les  règles  ,  fans  avoir  découvert  Je  principe  qui  les 
donne. 

Après  avoir  dit  ce  qu'eft  la    Baffe -fondamentale   fous  les 
Accords  ,  parlons  maintenant  de  fa    marche  &  de   la  ma- 
ciere  dont  elle  lie   ces  Accords  entre  eux.   Les  préceptes  de 
l'Art  fur    ce    point    peuvent  fe   réduire   aux  iïx  règles.    I 
vantes. 


6i  BAS 

I.  La  Baffe -fondamentale  ne  doit  jamais  Tonner  d'autres 
Notes  que  celles  de  la  Gamme  du  Ton  où  l'on  eft ,  ou  de 
celui  où  l'on  veut  pafTer.  C'eft  la  première  &  la  plus  in- 
difpenfablc  de  toutes  fes  règles. 

II.  Par  la  féconde  ,  fa  marche  doit  être  tellement  fou- 
mife  aux  loix  de  la  modulation  ,  qu'elle  ne  laiffe  jamais 
perdre  l'idée  d'un  Ton  qu'en  prenant  celle  d'un  autre  ;  c'eft- 
à-dire  que  la  Baffe -fondamentale  ne  doit  jamais  être  errante 
ni  laiiïer  oublier  un  moment   dans  quel  Ton  l'on  eft. 

III.  Par  la  troifieme  ,  elle  eft  aiîujettie  à  la  liaifon  des 
Accords  &  à  la  préparation  âçs  DifTonances  :  préparation 
qui  n'eft ,  comme  je  le  ferai  voir  ,  qu'un  des  cas  de  la  liai- 
fon ,  &  qui ,  par  conféquent ,  n'eft  jamais  néceiïaire  quand 
la  liaifon  peut  exifter  fans  elle.  (  Voyez  Liaison  ,  Pré- 
parer. ) 

IV.  Par  la  quatrième  ,  elle  doit  ,  après  toute  Diflb- 
nance  ,  fuivre  le  progrès  qui  lui  eft  prefcrit  par  la  néceflïté 
de  la  fauver.  (  Voyez  Sauver.  ) 

V.  Par  la  cinquième,  qui  n'eft  qu'une  fuite  des  précéden- 
tes ,  la  Baffe-fondamentale  ne  doit  marcher  que  par  Inter- 
valles confonnans  ,  fi  ce  n'eft  feulement  dans  un  acte  de 
Cadence  rompue  ,  ou  après  un  Accord  de  Septième  dimi- 
nuée ,  qu'elle  monte  diatoniquement.  Toute  autre  marche 
de  la  Baffe-fondamentale  eft  mauvaife. 

VI.  Enfin  ,  'par  la  fixieme  ,  la  EajJ'e -fondamentale  ou 
l'Harmonie  ne  doit  pas  fyncoper,  mais  marquer  la  Mefure 
&  les  Tems  par  des  change  mens  d'Accords  bien  cadencés  ; 
en  forte  ,  par  exemple ,  que  les  Dillbnanccs  qui  doivcur  être 


BAS  61 

préparées  le  foient  fur  le  Tems  foible  ,  mais  fur-tout  que 
tous  les  repos  fe  trouvent  fur  le  Tems  fort.  Cette  fixieme 
règle  fouffre  une  infinité  d'exceptions  :  mais  le  Compofi- 
teur  doit  pourtant  y  fonger  ,  s'il  veut  faire  une  Mufique  où 
le  mouvement  foit  bien  marque  ,  &  dont  la  Mefure  tombe 
avec  grâce. 

Par-tout  où  ces  règles  feront  obfervées  ,  l'Harmonie  fera 
régulière  &  fans  faute  ;  ce  qui  n'empêchera  pas  que  la 
Mufique  n'en  puiffe  être  détectable.  (  Voyez  Composi- 
tion, ) 

Un  mot  d'éclairciffement  fur  la  cinquième  règle  ne  fera 
peut-être  pas  inutile.  Qu'on  retourne  comme  on  voudra  une 
Baffe-fondamentale  ,  fi  elle  eft  bien  faite  ,  on  n'y  trouvera 
jamais  que  ces  deux  chofes  :  ou  des  Accords  parfaits  fur 
des  mouvemens  confonnans ,  fans  lefquels  ces  Accords  n'au- 
roient  point  de  liaifon  ,  ou  des  Accords  diffonans  dans 
des  actes  de  Cadence  ;  en  tout  autre  cas  la  Difionance  ne 
fauroit  être  ni  bien   placée  ,  ni  bien  fauvée. 

Il  fuit  de-là  que  la  Baffe-fondamentale  ne  peut  marcher 
régulièrement  que  d'une  de  ces  trois  manières.  i°.  Monter 
ou  defeendre  de  Tierce  ou  de  Sixte.  i°.  De  Quarte  ou  de 
Quinte.  30.  Monter  diatoniquement  au  moyen  de  la  Dif- 
fonance  qui  forme  la  liaifon  ,  ou  par  b'cence  fur  un  Accord 
parfait.  Quant  à  la  defeente  diatonique  ,  c'elt  une  marche 
abfolument  interdire  à  la  Baffe-fondamentale  ,  ou  tout  au 
plus  tolérée  dans  le  cas  de  deux  Accords  parfaits  confé- 
cutifs,  feparés  par  un  repos  exprimé  ou  fouç-entendu  :  cette 
règle  n'a  point  d'autre  exception ,  &  c'elt  pour  n'avoir  p.is 


64  BAS 

démêlé  le  vrai  fondement  de  certains  partages  ,  que  M.  Ra- 
meau a  fait  'defcendre  diatoniquement  la  Baffe-fondamentale 
fous  des  Accords  de  Septième  ;  ce  qui  ne  fe  peut  en  bonne 
Harmonie.  (  Voyez  Cadench  ,  Dissonance.  ) 

La  \Baffe -fondamentale  qu'on  n'ajoute  que  pour  fervir  de 
preuve  à  l'Harmonie ,  fe  retranche  dans  l'exécution  ,  &  fou- 
vent  elle  y  feroit  un  fort  mauvais  effet  ;  car  elle  eit ,  comme 
dit  très-bien  M.  Rameau  ,  pour  le  jugement  &  non  pour 
l'oreille.  Elle  produirait  tout  au  moins  une  monotonie  très- 
ennuyeufe  par  les  retours  frcquens  du  même  Accord  qu'on 
déguife  &  qu'on  varie  plus  agréablement  en  le  combinant 
en  différentes  manières  fur  la  BalTe-contîhue  ;  fans  comp- 
ter que  les  divers  renverfemens  d'Harmonie  fournilîent  mille 
moyens  de  prêter  de  nouvelles  beautés  au  Chant  ,  &  une 
nouvelle  énergie  à  l'expreffion.  (  Voyez  Accord  ,  Renver- 
sement.) 

Si  la  Baffe -fondamentale  ne  fert  pas  à  compofer  de  bonne 
Mufique  ,  me  dira-t-on  ;  f\  même  on  doit  la  retrancher 
dans  l'exécution  ,  à  quoi  donc  eft-elle  utile  ?  Je  réponds 
qu'en  premier  lieu  elle  fert  de  règle  aux  Ecoliers  pour  ap- 
prendre a  former  une  Harmonie  régulière  &  a  donner  à  tou- 
tes les  parties  la  marche  diatonique  &  élémentaire  qui  leur 
cft  preferite  par  cette  Baffe -fondamentale.  Elle  fert,  de  plus, 
comme  je  l'ai  déjà  dit  ,  à  prouver  <i  une  Harmonie  déjà 
faite  eit  bonne  &  régulière  ;  car  toute  H  irmonie  qui  ne 
peut  être  foumife  à  une  Bife -fondamentale  eft  régulière- 
ment mauvaifc.  Elle  fert  enfin  à  trouver  une  Riffc-conri- 
nue    fous    un  Chant  donné  ;  quoiqu'à  la  vérité  celui  qui   ne 

(aura 


BAS 

fâura  pas  faire  directement  une  Baffe-continue,  ne  fera  gue- 
res  mieux  une  Baffe-fondamentale  ,  &  bien  moins  encore 
faura-t-il  transformer  cette  Baffe-fondamentale  en  une  bonne 
Baffe-continue.  Voici  toutefois  les  principales  règles  que 
donne  M.  Rameau  pour  trouver  la  BaJJ'e-fondamentale  d'un 
Chant  donné. 

I.  S'affurer  du  Ton  &  du  Mode  par  lefqucls-on  commen- 
ce, &  de  tous  ceux  par  où  l'on  paffe.  Il  y  a  aufiî  des  règles 
pour  cette  recherche  des  Tons,  mais  fi  longues,  fi  vagues, 
fi  incomplètes  ,  que  l'oreille  eft  formée  ,  à  cet  égard  , 
long-tems  avant  que  les  règles  foient  apprifes  ,  &  que  le 
ltupide  qui  voudra  tenter  de  les  employer  ,  n'y  gagnera  que 
l'habitude  d'aller  toujours  Note  à  Note  ,  fans  jamais  (avoir 
où  il  elh 

II.  Effayer  fuccefTivcment  fous  chaque  Note  les  cordes  prin- 
cipales du  Ton ,  commençant  par  les  plus  analogues ,  &  paf- 
fant  jufqu'aux  plus  éloignées  ,  lorfque  l'on  s'y  voit  forcé. 

III.  Confidérer  fi  la  corde  choifie  peut  cadrer  avec  le 
Deffus  dans  ce  qui  précède  6c  dans  ce  qui  fuit  par  une  bonne 
fucceffion  fondamentale  ,  &  quand  cela  ne  fe  peut ,  revenir 
fur  fes  pas. 

IV.  Ne  changer  la  Note  de  BaJJ'e-fondamentale  que  lorf- 
qu'on  a  épuifé  toutes  les  Nores  confécutives  du  Deffus  qui 
peuvent  entrer  dans  fon  Accord ,  ou  que  quelque  Note  fyn- 
copant  dans  le  Chant  peut  recevoir  deux  ou  plufieurs  Notes 
de  Baffe  ,  pour  préparer  des  Diffonances  fauvées  enfuitc 
régulièrement. 

V.  Etudier  l'entrelacement  des  Phrafes,  les  fucccllîons  pof- 
Dicl.  de  Mufique.  I 


tS6  BAS 

fibles  de  Cadences  ,  foie  pleines  ,  foit  évitées ,  &  fur-touc 
les    repos    qui  viennent   ordinairement  de  quatre  en   quatre 
IVÎefures  ou  de  deux  en  deux  ,  afin  de  les  faire  tomber  tou- 
jours far  les  Cadences  parfaites  ou  irrégulieres. 

VI.  Enfin  ,  obfervcr  toutes  les  règles  données  ci  -  devant 
po.;r  la  compoficion  de  la  Baffe-fondamentale.  Voilà  les  prin- 
cipales obfervations  à  faire  pour  en  trouver  une  fous  un  Chant 
donné  ;  car  il  y  en  a  quelquefois  plufieurs  de  trouvables  : 
mais  ,  quoiqu'on  en  puiffe  dire ,  fi  le  Chant  a  de  l'Accent 
&  du  Caraétere  ,  il  n'y  a  qu'une  bonne  Baffe -fondamentale 
qu'on  lui  puiflè  adapter. 

Après  avoir  expofé  fommairement  la  manière  de  compo- 
fer  une  Baffe-fondamentale ,  il  refteroit  à  donner  les  moyens 
de  la  transformer  en  Baffe  -  continue  ;  &  cela  feroit  facile  , 
s'il  ne  faloit  regarder  qu'à  la  marche  diatonique  &  au  beau 
Chant  de  cette  Baffe  :  mais  ne  croyons  pas  que  la  Baffe 
qui  eft  le  guide  &  le  foutien  de  l'Harmonie,  l'ame  &,  pour 
ainfi  dire  ,  l'interprète  du  Chant ,  fe  borne  à  des  règles  û 
fimples  ;  il  y  en  a  d'autres  qui  naiffent  d'un  principe  plus  fur 
&  plus  radical  ;  principe  fécond  ,  mais  caché  ,  qui  a  été  fend 
par  tous  les  Arriflcs  de  génie  ,  fans  avoir  été  développé  par 
perfonne.  Je  penfe  en  avoir  jette  le  germe  dans  ma  Lettre 
fur  la  Mufiqae  Françoife.  J'en  ai  dit  affez  pour  ceux  qui  m'en- 
tendent ;  je  n'en  dirois  jamais  affez  pour  les  autres.  (  Voyez 
toutefois  Un)T:;.   DB   Mki.odie.  ) 

Je  ne  parle  point  ici  du  Syftéme  ingénieux  de  M.  Serre 
de  Genève,  ni  de  fi  douMe  Baje 'fondamentale «parce  que 
les    principes  qu'il   avoit   entrevus   avec   une  f.igacké   digne 


BAT  Cj 

d'éloges,  ont  été  depuis  développes  par  M.  Tartini  dans  un 
Ouvrage  donc  je   rendrai  compee    a\ant  la  fin   de  celui-ci. 

Voyez  Système.  ) 

BATARD.  Nothus.  C'eit  l'épithete  donnée  par  quelques- 
uns  au  Mode  Hypophrygien  ,  qui  a  fa  finale  en  fi ,  &  con- 
fequemmenc  fa  Quinte  fauffe  ;  ce  qui  le  retranche  des  Mo- 
des authentiques  :  &  au  Mode  Eolien  ,  dont  la  finale  eit,  en 
fa  ,  &  la  Quarte  fuperflue  ;  ce  qui  l'ôte  du  nombre  des  Mo- 
des plagaux. 

BATON.  Sorte  de  barre  épaiffe  qui  Craverfe  perpendicu- 
lairement une  ou  plufieurs  lignes  de  la  Portée  ,  &  qui  ,  félon 
le  nombre  des  lignes  qu'il  embraffe  ,  exprime  une  plus 
grande  ou  moindre  quantité  de  Mefures  qu'on  doit  palier 
en  iîlence. 

Anciennement  il  y  avoit  autant  de  fortes  de  Bâtons  que 
de  différentes  valeurs  de  Notes  ,  depuis  la  Ronde  qui  vaut 
une  Mefure ,  jufqu'à  la  Maxime  qui  en  valoit  huit ,  &  donc 
la  durée  en  filence  s'évaluoit  par  un  Bâton,  qui ,  partant  d'une 
ligne  ,  craverfoit  crois  efpaces  &  aîloic  joindre  la  quatrième 
ligne. 

Aujourd'hui  le  plus  grand  Bâton  eft  de  quatre  Mefures  : 
ce  B.iton  ,  partant  d'une  ligne  ,  craverfe  la  fuivance  &  va 
■joindre  la  croifieme.  {Flanche  A.  figure  n.)  On  le  répece 
une  fois,  deux  fois,  aucanc  de  fois  qu'il  fauc  pour  c\rvi- 
mer  huic  Mefures ,  ou  douze ,  ou  rout  autre  multiple  de 
quatre ,  &  l'on  ajoute  ordinairement  au  -  dcilus  un  chiffre 
qui  difpenfe  de  calculer  la  valeur  de  cous  ces  Bâtons.  Ainii 
les  lignes  couverts  du  chiffre  \6  dans  la  même   ligure    n  , 

I  z 


«58  BAT 

indiquent  un  filence  de  feize  Mefures.  Je  ne  vois  pas  trop 
à  quoi  bon  ce  double  figne  d'une  même  chofe.  Aufli  les 
Italiens  ,  à  qui  une  plus  grande  pratique  de  la  Mufique 
fuggere  toujours  les  premiers  moyens  d'en  abréger  les  lignes  , 
commencent-ils  à  fupprimer  les  Bâtons ,  auxquels  ils  fubiti- 
tuent  le  chiffre  qui  marque  le  nombre  de  Mefures  à  compter. 
Mais  une  attention  qu'il  faut  avoir  alors,  eft  de  ne  pas 
confondre  ces  chiffres  dans  la  Portée  avec  d'autres  chiffres 
femblables  qui  peuvent  marquer  l'efpece  de  la  Mefure  em- 
ployée. Ain  fi  dans  la  figure  13  ,  il  faut  bien  ditlinguer  le 
figne  du  trois  Terns  d'avec  le  nombre  des  Paufes  à  comp- 
ter ,  de  peur  qu'au  lieu  de  3 1  Mefures  ou  Paufes ,  on  n'en 
comptât   3  3  r. 

Le  plus  petit  Bâton  eft:  de  deux  Mefures ,  &  traverfant  un 
feul  efpace  ,  il  s'étend  feulement  d'une  ligne  à  fa  voifine. 
(  Même  Planche  ,  figure  12.  ) 

Les  autres  moindres  filences ,  comme  d'une  Mefure ,  d'une 
denii-Mefure ,  d'un  Tems  ,  d'un  demi-Tems,  Grc.  s'evpri- 
ment  par  les  mots  de  Pauf-,  de  deini-Paufe ,  de  Soupir ,  de 
demi -Soupir  y  &c.  (Voyez  ces  mots.)  Il  eft  aile  de  com- 
prendre qu'en  combinant  tous  ces  fignes ,  on  peut  exprimer 
à  volonté  des  filences  d'une  durée  quelconque. 

Il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  Bâtons  des  filences,  d'au» 
très  BdtOns  précifemenr  de  même  figure,  qui,  fous  le  nom  de 
Paufes ,  initiales  fcrvoicr.t  dans  nos  anciennes  Mufiqucs  â 
annoncer  le  Mode,  c'eft-à-dire  Li  Mefure,  &  dont  nous 
parlerons  au  mot   Morn-, 

UATON   DE   MESURE  ,  eft  un   Bâton  fort  court ,   ou 


BAT  *jr 

même  un  rouleau  de  papier  dont  le  Maître  de  Mufique  fe 
fert  dans  un  Concert  pour  régler  le  mouvement  &  marquer 
la  Mefure  &  le  Tems.  (  Voyez  Battre  la  Mesure.  ) 

A  l'Opéra  de  Paris  il  n'eft  pas  quefèion  d'un  rouleau  de 
papier  ,  mais  d'un  bon  gros  Bâton  de  bois  bien  dur  ,  dont 
le  Maître  frappe  avec  force  pour  être  entendu  de  loin. 

BATTEMENT,/  m.  Agrément  du  Chant  François,  qui 
confifte  à  élever  &  battre  un  Trill  fur  une  Note  qu'on  a 
commencée  uniment.  Il  y  a  cette  différence  de  la  Cadence 
au  Battement ,  que  la  Cadence  commence  par  la  Note  fupe- 
rieure  à  celle  fur  laquelle  elle  eft  marquée  ;  après  quoi  l'on 
bat  alternativement  cette  Note  fupérieure  &  la  véritable  :  au 
lieu  que  le  Battement  commence  par  le  fon  même  de  la 
Note  qui  le  porte  ;  après  quoi  l'on  bat  alternativement  cette 
Note  6c  celle  qui  eft  au-deffus.  Ainfi  ces  coups  de  goder, 
mi  re  mi  re  mi  re  ut  ut  font  une  Cadence  ;  &  ceux-ci ,  re  mi 
re  mi  re  mi  re  ut  re  mi  ,  font  un  Battement. 

BATTEMENS  au  pluriel.  Lorfque  deux  Sons  forts  6c 
foi.tenus ,  comme  ceux  de  l'Orgue,  font  mal  d'accord  & 
diffonent  entre  eux  à  l'approche  d'un  Intervalle  confonnant , 
ils  forment ,  par  fecouffes  plus  ou  moins  fréquentes ,  des 
renflerons  de  fon  qui  font,  à-peu-près ,  à  l'oreille,  l'effet 
des  bactemens  du  pouls  au  toucher;  c'eft  pourquoi  M.  Sau- 
veur leur  a  aufli  donné  le  nom  de  Battemens.  Ces  Battemens 
deviennent  d'autant  plus  fréquens  que  l'Intervalle  approche 
plus  de  la  juïteffe ,  6c  lorfqu'il  y  parvient ,  ils  fe  confondent 
avec  les  vibrations  du  Son. 

M.    Serre  prétend ,   dans  ks   EJJ'ais  fur  les  Principes  de 


7o  BAT 

PHarmonie ,  que  ces  Battemens  produits  par  la  concurrence 
de  deux  Sons ,  ne  font  qu'une  apparence  acouitique  ,  occa- 
fionnée  par  les  vibrations  coincidentes  de  ces  deux  Sons. 
Ces  Battemens  ,  félon  lui  ,  n'ont  pas  moins  lieu  lorfque 
VInterva'le  efr.  confonnant;  mais  la  rapidité  avec  laquelle  ils 
fe  confondent  alors ,  ne  permettant  point  à  l'oreille  de  les 
distinguer,  il  en  doit  réfulter,  non  la  ceffation  abfolue  de 
ces  Battemens  ,  mais  une  apparence  de  Son  grave  &  con- 
tinu ,  une  efpece  de  foible  Bourdon  ,  tel  précifément  que 
celui  qui  réfulte  ,  dans  les  expériences  citées  par  M.  Serre, 
&  depuis  détaillées  par  M.  Tartini ,  du  concours  de  deux 
Sons  aigus  ce  confonnans.  (  On  peut  voir  au  mot  Syflême , 
que  des  Diiîbnances  les  donnent  aufïi.  )  «  Ce  qu'il  y  a  de 
«  bien  certain ,  continue  M.  Serre ,  c'eit  que  ces  Bat- 
»  temens  ,  ces  vibrations  coincidentes  qui  fe  fuivent  avec 
»  plus  ou  moins  de  rapidité ,  font  exactement  ifochrones  aux 
»  vibrations  que  feroit  réellement  le  Son  fondamental ,  fi  , 
»  par  le  moyen  d'un  troifieme  Corps  fonore  ,  on  le  fui- 
»»  foit  actuellement  réfonner  ». 

Cette  explication,  très  -  fpécieufe  ,  n'eft  peut-être  pas 
fans  difficulté  ;  car  le  rapport  de  deux  Sons  n'elt  jamais 
plus  compofé  que  quand  il  approche  de  la  (implicite  qui 
en  fait  une  confonnance  ,  &  jamais  les  vibrations  ne  doi- 
vent coïncider  plus  rarement  que  quand  elles  touchent  prei- 
que  ù  l'Ifochronifne.  D'où  il  fuivroit  ,  ce  me  fenible  ,  que 
les    IL:  devraient  fe  ralentir  à  meflire   qu'ils 

lerent  ,  puis  fe  réunir  tout   d'un  coup  à  l'inftant  que  l'A» 
cord  çfi  jula. 


BAT  7» 

L'obfervation  des  Battement  eft  une  bonne  règle  à  con- 
fuker  fur  le  meilleur  fyftême  de  Tempérament  :  (  Voyez, 
Tempérament.  )  Car  il  eft  clair  que  de  tous  les  Tempéra- 
mens  poffibles  celui  qui  laide  le  moins  de  Battement  dans 
l'Orgue  ,  eft  celui  que  l'oreille  &  la  Nature  préfèrent.  Or  , 
c'eft  une  expérience  confiante  &  reconnue  de  tous  les  Fac- 
teurs ,  que  les  altérations  des  Tierces  majeures  produifent 
des  Battemens  plus  fenfibles  &  plus  défagréables  que  celles 
des  Quintes.  Ainfi  la  Nature  elle-même  a  choifi. 

BATTERIE,//.  Manière  de  frapper  &  répéter  fuccefïi- 
vement  fur  diverfes  cordes  d'un  Infiniment  les  divers  Sons 
qui  compofent  un  Accord  ,  &  de  pafTer  ainfi  d'Accord  en 
Accord  par  un  même  mouvement  de  Notes.  La  Batterie 
n'eft  qu'un  Arpège  continué  ,  mais  dont  toutes  les  Notes 
font  détachées ,  au  lieu  d'être  liées  comme  dans  l'Arpège. 

BATTEUR  DE  MESURE.  Celui  qui  bat  la  Mefure  dans 
un  Concert.  (  Voyez  l'Article  fuivant.  ) 

BATTRE  LA  MESURE.  C'eft  en  marquer  les  Tems  par 
des  mouvemens  de  la  main  ou  du  pied ,  qui  en  règlent  la 
durée  ,  &  par  lefquels  toutes  les  Mefures  femblables  font 
rendues  parfaitement  égales  en  valeur  chronique  ou  en  Tems, 
dans  l'exécution. 

11  y  a  des  Mefures  qui  ne  fe  battent  qu'à  un  Tems  ,  d'au- 
tres à  deux,  à  trois  ou  à  quatre,  ce  qui  efl  le  plus  grand 
nombre  de  Tems  marqués  que  puifle  renfermer  une  Mefure: 
encore  une  iM-efure  à  quatre  Tems  peut-elle  toujours  fe  réfou- 
dre en  deux  Mefures  à  deux  Tems.  Dans  toutes  ces  dilîc- 
rentes    Mefures  le    Tems   frappé    eft    toujours   fur  la  Note' 


HAT 

qui  fuit  la  barre  immédiatement  ;  le  Tems  levé  eft  tou- 
jours celui  qui  la  précède  ,  à  moins  que  la  Mcfure  ne 
(bit  à  un  feul  Tems  ;  &  même  ,  alors  ,  il  faut  toujours 
fuppofer  le  Tems  foible  ,  puifqu'on  ne  fauroit  frapper  fans 
avoir  levé. 

Le  degré  de  lenteur  ou  de  vîtefTe  qu'on  donne  à  la  Mefure 
dépend  de  plufieurs  chofes.  i°.  De  la  valeur  des  Notes  qui 
compofent  la  Mefure.  On  voit  bien  qu'une  Mefure  qui  con- 
tient une  Ronde  doit  fe  battre  plus  pofément  &  durer  davan- 
tage que  celle  qui  ne  contient  qu'une  Noire.  i\  Du  Mou- 
vement indiqué  par  le  mot  François  ou  Italien  qu'on  trouve 
ordinairement  à  la  tête  de  l'Air  ;  Gai ,  Vite ,  Lent  ,  &c. 
Tous  ces  mots  indiquent  autant  de  modifications  dans  le 
Mouvement  d'une  même  forte  de  Mefure.  30.  Enfin  du  carac- 
tère de  l'Air  même  ,  qui  ,  s'il  eft  bien  fait ,  en  fera  nécef- 
fairement  fentir  le  vrai  Mouvement. 

Les  Muficiens  François  ne  battent  pas  la  Mefure  comme 
les  Italiens.  Ceux-ci ,  dans  la  Mefure  à  quatre  Tems ,  frap- 
pent fucceflïvement  les  deux  premiers  Tems  &  lèvent  les 
deux  autres  ;  ils  frappent  aufli  les  deux  premiers  dans  la 
Mefure  à  trois  Tems  ,  &  lèvent  le  troifieme.  Les  François 
ne  frappent  jamais  que  le  premier  Tems ,  &  marquent  les 
autres  par  difterens  mouvemens  de  la  main  à  droite  &c  h 
gauche.  Cependant  la  Mufique  Françoife  auroit  beaucoup 
plus  befoin  que  l'Italienne  d'une  Mefure  bien  ni.uquce  ;  car 
elle  ne  porte  point  fa  cadence  en  elle-même  ;  les  Mou\e- 
mens  n'ont  aucune  précifion  naturelle  :  ou  prciTc  ,  on  ralentit 
la  Mefure  au  gré  du  Chanteur.  Combien  les  oreilles  ne  fonr- 

el!es 


BAT  71 

elles  pas  choquées  a  l'Opéra  de  Paris  du  bruit  défagréable 
&  continuel  que  fait ,  avec  fon  bâton  ,  celui  qui  bat  la  Me- 
fure ,  &  que  le  petit  Prophète  compare  plaifamment  à  un 
Bûcheron  qui  coupe  du  bois  !  Mais  c'eft  un  mal  inévitable  ; 
fans  ce  bruit  on  ne  pourroit  fentir  la  Mefure  ;  la  Mufique 
par  elle-même  ne  la  marque  pas  :  aufïï  les  Etrangers  n'ap- 
perçoivent  -  ils  point  le  Mouvement  de  nos  Airs.  Si  l'on  y 
fait  attention  ,  l'on  trouvera  que  c'eft  ici  l'une  des  différen- 
ces fpéciriques  de  la  Mufique  Françoife  à  l'Italienne.  En 
Italie  la  Mefure  eft  l'ame  de  la  Mufique  ;  c'eft  la  Mefure 
bien  fentie  qui  lui  donne  cet  accent  qui  la  rend  fi  char- 
mante ;  c'eft  la  Mefure  aufïi  qui  gouverne  le  Muficien  dans 
l'exécution.  En  France  ,  au  contraire  ,  c'eft  le  Muficien  qui 
gouverne  la  Mefure  ;  il  Ténerve  &  la  défigure  fans  fcru- 
pulc.  Que  dis-je  ?  Le  bon  goût  même  confifte  à  ne  la  pas 
lailfer  fentir  ;  précaution  dont ,  au  refte  ,  elle  n'a  pas  grand 
befoin.  L'Opéra  de  Paris  eft  le  feul  Théâtre  de  l'Europe  où 
l'on  batte  la  Mefure  fans  la  fuivre  ;  par-tout  ailleurs  on  la 
fuit  fans  la  battre. 

Il  règne  là-deflus  une  erreur  populaire  qu'un  peu  de  réflexion 
détruit  aifément.  On  s'imagine  qu'un  Auditeur  ne  bat  par 
inftinit  la  Mefure  d'un  Air  qu'il  entend  ,  que  parce  qu'il  la 
fent  vivement  ;  &  c'eft ,  au  contraire  ,  parce  qu'elle  n'eft  pas 
affez  fenfible  ou  qu'il  ne  la  fent  pas  aflèz  ,  qu'il  tâche  ,  à 
force  de  mouvemens  des  mains  &c  des  pieds  ,  de  fuppléer 
ce  qui  manque  en  ce  point  a  fon  oreille.  Pour  peu  qu'une 
Mufique  donne  prife  à  la  cadence  ,  on  voit  la  plupart  des 
François  qui  l'écoutent  faire  mille  contorfions  &  un  bruit  tcr- 
Dicl.  de  Mufique.  K 


74  BAT 

rible   pour   aider  la  Mefure  à  marcher  ou  leur  oreille  à  la 
fentir.    Subftituez  des  Italiens  ou  des  Allemands ,  vous  n'en- 
tendrez  pas  le   moindre   bruit  &  ne   verrez  pas  le  moindre 
gelte  qui  s'accorde  avec  la  Mefure.   Seroit-ce  peut-être  que 
les  Allemands  ,  les  Italiens  font  moins  fenfibles  à  la  Mefure 
que  les  François  ?  Il  y  a  tel  de  mes  Lecteurs  qui  ne  fe  feroit 
gueres  preiTer  pour  le  dire;   mais,   dira- 1- il  uufTi ,  que  les 
Muficiens  les  plus  habiles  font  ceux  qui  fentent  le  moins  la 
Mefure  ?  11  eft  incontestable  que  ce  font  ceux  qui  la  battent 
le  moins  ;  &  quand  ,  à  force  d'exercice  ,  ils  ont  acquis  l'ha- 
bitude de  la  fentir  continuellement,  ils  ne  la  battent  plus  du 
tout  ;  c'eft  un  fait  d'expérience  qui  eft  fous  les  yeux  de  tout 
le  monde.   L'on  pourra  dire  encore  que  les  mêmes  gens  a. 
qui  je  reproche  de  ne  battre  la  Aljfure  que  parce  qu'ils  ne 
la  fentent  pas  affez  ,  ne  la  battent  plus  dans  les  Airs  où  elle 
n'eft  point  fenfïble  ;  &  je  répondrai  que  c'elt  parce  qu'alors 
ils  ne  la  fentent  point  du  tout.   Il  faut  que  l'oreille  foit  frappée 
au  moins  d'un  foible  fentiment  de  Mefure  pour  que  i'inltinct 
cherche  à  le  renforcer. 

Les   Anciens,    dit   M.   Burette,   battoient  la  Mefure  en 

plufieurs  façons.  La  plus  ordinaire  confilloit  dans  le  mou- 
vement du  pied  qui  s'élevoit  de  terre  &  h  frappoit  alterna- 
tivement ,  félon  la  mefure  des  deux  Tems  égaux  ou  iné- 
gaux. (Voyez  Rhvth.me. )  C'étoit  ordinairement  la  fonc- 
tion du  Mai  re  de  Mufique  appelle  Coryphée  ,  Kepi 
parce  qu'il  étoit  placé  au  milieu  du  Chœur  des  Mu.kiens  & 
dans  une  fituation  élevée  pour  être  plus  facilement  vu  &  en- 
tendu de  toute  la  troupe.   Ces  Batteurs  de  Mefure  fe  nom- 


B     A     1  75 

moient  en  Grec  ToJcx,7V7rai ,  &  7ro^ô^et ,  a  caufe  du  bruic  de 
leurs  pieds  ,  çwroveLpni ,  à  caufe  de  l'uniformité  du  gefie  ,  &  , 
fi  Ton  peut  parler  ainfi ,  de  la  monotonie  du  Ilhythme  qu'ils 
battoient  toujours  à  deux  Tems.  Ils  s'appelloient  en  Latin 
pedarii  ,  poJarii ,  pedicularii.  Ils  garniflbient  ordinairement 
leurs  pieds  de  certaines  chaufïures  ou  fandales  de  bois  ou  de 
fer  ,  defiinées  à  rendre  la  percuiïion  rhythmiquc  plus  écla- 
tante ,  nommées  en  Grec  KfWJTriCj.0. ,  xpcv7ra,Act ,  kçcvttito.  ;  6c  en 
Latin  ,  pedicida  ,  fcabella  ou  fcabilla  ,  à  caufe  qu'elles  ref- 
fembloient  à  de  petits  marche-pieds  ou  de  petites  efcabelles. 

Ils  battoient  la  Mefurê  ,  -non -feulement  du  pied,  mais 
aufli  de  la  main  droite  dont  ils  réuniflbient  tous  les  doigts 
pour  frapper  dans  le  creux  de  la  main  gauche  ,  6c  celui  qui 
marquoit  ainfi  le  Rhythme  s'appelloit  ManuJuclor.  Outre  ce 
claquement  de  mains  6c  le  bruit  des  fandales ,  les  Anciens 
avoient  encore  ,  pour  battre  la  Me/are  ,  celui  des  coquilles , 
des  écailles  d'huîtres  ,  6c  des  olfemens  d'animaux  ,  qu'on  frap- 
poit  l'un  contre  l'autre  ,  comme  on  fait  aujourd'hui  les  Caf- 
tagnertes  ,  le  Triangle  6c  autres  pareils  Infrxumens. 

Tout  ce  bruit  fi  défagréable  6c  il  fuperflu  parmi  nous  ,  à 
caufe  de  l'égalité  confiante  de  la  Mefure  ,  ne  l'étoit  pas  de 
même  chez  eux  ,  où  les  fréquens  changemens  de  pieds  & 
de  Rhythmes  exigeoient  un  Accord  plus  difficile  6c  donnoient 
bruit  même  une  variété  plus  harmonieufe  «Se  plus  piquante. 
Encore  peut-on  dire  que  l'ufage  de  battre  ainfi  ne  s'introduifit 
qu'à  Mefure  que  la  Mélodie  devint  plus  languiffante ,  6c  perdit 
de  fon  accent  6c  de  fon  énergie.  Plus  on  remonte  ,  moins 
on  trouve  d'exemples  de  ces  Batteurs  de   Mefure  ,    6c  dans 

K  i 


7«s  B    E    M 

la  Mufique  de  la  plus  haute  antiquité  Ton  n'en  trouve  plus 
du  tout. 

BÉMOL  ou  B  MOL ,  /  m.  Caradere  de  Mufique  auquel 
on  donne  à-peu-près  la  figure  d'un  b  ,  &  qui  fait  abailfer 
d'un  femi-Ton  mineur  la  Note  à  laquelle  il  elt  joint.  (Voyez 
Semi-Ton.) 

Guy  d'Arezzo   ayant  autrefois  donné   des  noms  à   fix  des 
Notes  de  l'Oclave  ,   defquelles  il  fit  fon  célèbre  Hexacorde , 
Lutta   la   feptieme  fans  autre  nom  que  celui  de   la  lettre  B 
qui  lui  eit  propre  ,  comme  le  C  à  Y  ut ,  le  D  au  re ,  &x.  Or  ce 
B  fe  chantoit  de  deux  manières  ;  favoir  ,  à  un  ton  au-deiïus 
du  la ,  félon  l'ordre  naturel  de  la  Gamme  ,  ou  feulement  a 
un  femi-Ton  du  même  la  ,  lorfqu'on  vouloit  conjoindre  les 
Tctracordes  ;  car  il  n'étoit  pas  encore  queftion  de  nos  Modes 
ou  Tons  modernes.  Dans  le  premier  cas ,  le  fi  fonnant  afTez 
durement ,  à  caufe  des  trois  Tons  confécutifs ,  on  jugea  qu'il 
faifoit  à  l'oreille  un  effet  femblable  à  celui  que  les  corps  an- 
guleux &  durs  font  à  la  main  :  c'eft  pourquoi  on  l'appella  B 
dur  ou  B  quatre ,  en  Italien  B  quadro.  Dans  le  fécond  cas  t 
au  contraire  ,  on  trouva  que  le  fi  était  extrêmement  doux  ; 
c'eft  pourquoi  on  l'appella  B  mol;  par  la  même  analogie  on 
auroit  pu  l'appcller  aufli  B  rond  ,   &  en  effet  les  Italiens  le 
nomment  quelquefois  B  tondok 

Il  y  a  deux  manières  d'employer  le  Bémol  ;  l'une  acciden- 
telle ,  quand  dans  le  cours  du  Chant  on  le  place  a  la  gauche 
d'une  Note.  Cette  Note  eft  prefque  toujours  la  Note- fend- 
ble  dans  les  Tons  majeurs  ,  &  quelquefois  la  fixie^me  Note 
dans   les   Tons  mineurs  ,    quand  la  Clef  n'elt  pas  correde- 


B    E    M  77 

ment  armée.  Le  Bémol  accidentel  n'aîtcrc  que  la  Note  qu'il 
touche  ôc  celles  qui  la  rebattent  immédiatement  ,  ou  tout  au 
plus  ,  celles  qui ,  dans  la  même  Mefure  ,  fe  trouvent  fur  le 
mtme  degré  fans  aucun  fîgne  contraire. 

L'autre  manière  efr.  d'employer  le  Bémol  à  la  Clef,  &  alors 
il  la  modifie  ,  il  agit  dans  toute  la  fuite  de  l'Air  &  fur  toutes 
les  Notes  placées  fur  le  même  degré  ,  à  moins  que  ce  Bémol 
ne  fcit  détruit  accidentellement  par  quelque  Dièfe  ou  Béquarre, 
ou  que  la  Clef  ne  vienne  à  changer. 

La  pofition  des  Bémols  à  la  Clef  n'eft  pas  arbitraire  ;  en 
voici  la  raifon.  Ils  font  deftinés  a  changer  le  lieu  des  femi- 
Tons  de  l'Echelle  :  or  ces  deux  femi -Tons  doivent  toujours 
garder  entre  eux  des  Intervalles  prefcrits  ;  favoir ,  celui  d'une 
Quarte  d'un  côté  ,  &  celui  d'une  Quinte  de  l'autre.  Ainli 
la  Note  mi  inférieure  de  fon  femi  -  Ton  fait  au  grave  la 
Quinte  du  fi  qui  eft  fon  homologue  dans  l'autre  femi-Ton , 
&  a  l'aigu  la  Quarte  du  même  fi  ,  &  réciproquement  la 
Note  fi  fait  au  grave  la  Quarte  du  mi ,  &  à  l'aigu  la  Quinte 
du  même  mi. 

Si  donc  lailîant ,  par  exemple  ,  le  fi.  naturel ,  on  donnoir 
un  Bémol  au  mi  ,  le  femi-Ton  changerait  de  lieu  6c  fe  trou- 
verait defcendu  d'un  degré  entre  le  re  6c  le  mi  Bémol.  Or  , 
dans  cette  pofition  ,  l'on  voit  que  les  deux  femi  -  Tons  ne 
garderaient  plus  entre  eux  la  diftance  prefcrite  ;  car  le  re , 
qui  ferait  la  Note  inférieure  de  l'un  ,  ferait  au  grave  la 
Sixte  du  //"  fon  homologue  dans  l'autre  ;  6c  à  l'aigu  ,  la 
Tierce  du  même  fi  ;  6c  ce  fi  ferait  au  grave  la  Tierce  du 
r.c  ,  6c  à  l'aigu ,  la  Sixte  du  même  re.  Ainfi  les  deux  ferai- 


7S  13    E    M 

Tons  feroient  trop  voifins  d'un  côté  &  trop  éloignés  de 
l'autre. 

L'ordre  des  Bémols  ne  doit  donc  pas  commencer  par  m/*, 
ni  par  aucune  autre  Note  de  l'Oilave  que  par//  ,  la  feule  qui 
n'a  pas  le  mime  inconvénient  ;  car  bien  que  le  femi-Ton  y 
change  de  place  ,  &  ,  ceffant  d'être  entre  le  fi  &  Vut  defcende 
entre  le//  Bémol  ôc  le  la  ,  toutefois  l'ordre  prefcric  n'eit  point 
détruit  ;  le  la  ,  dans  ce  nouvel  arrangement ,  fe  trouvant  d'un 
côté  à  la  Quarte  ,  l<  de  l'autre  à  la  Quinte  du  mi  fon  homo- 
logue ,  &  réciproquement. 

La  même  raifon  qui  fait  placer  le  premier  Bémol  fur  le//, 
fait  mettre  le  fécond  fur  le  mi ,  &  ainfi  de  fuite  ,  en  mon- 
tant de  Quarte  ou  defcendant  de  Quinte  jufqu'au  fol,  auquel 
on  s'arrête  ordinairement ,  parce  que  le  Bémol  de  Y  ut ,  qu'on 
trouveroit  enfuite  n~  diffère  point  du  fi  dans  la  pratique.  Cela 
fait  donc  une  fuite  de  cinq  Bémols  dans  cet  ordre  : 

Si    Mi    La    Re    Sol. 

Toujours  ,  par  la  même  raifon  ,  l'on  ne  fauroit  employer 
les  derniers  Bémols  à  la  Clef,  fans  employer  aulïi  ceux  qui 
les  précèdent  :  ainfî  le  Bémol  du  mi  ne  fe  pofe  qu'avec  celui 
du  fi ,  celui  du  la  qu'avec  les  deux  précédons ,  &  chacun  des 
fuivans  qu'avec  tous  ceux  qui  le  précèdent. 

Ou  trouvera  dans  l'Article  Clef  une  formule  pour  favoir 
tout  liu'n  coup  fi  un  Ton  ou  un  Mode  donné  doit  porter 
des  Bémols  à  la  Clef,  &  combien. 

B]  ViOLISEfi  ,  v.  a.  Marquer  une  Note  d'un  Bémol,  ou 


B    E    Q  75- 

armer  la  Clef  par  Bémol.  Bémolife\  ce  mi.  Il  faut  bimolifer 
la  Clef  pour  le  Ton  de  fa. 
BEQUARRE  ou  B  QUARRE  ,/m.  Caraôere  de  Mufî- 

que  qui  s'écrit  ainfi  [^. ,  &  qui  ,  place  à  la  gauche  d'une  Note, 
marque  que  cette  Note  ,  ayant  été  précédemment  hauffée  par 
un  Dièfe  ou  baillée  par  un  Bémol ,  doit  être  remife  à  fon 
élévation  naturelle  ou  diatonique. 

Le  Bêquarre  fat  inventé  par  Guy  d'Arezzo.  Cet  Auteur ,  qui 
donna  des  noms  aux  fix  premières  Notes  de  l'Octave  ,  n'en 
laiffa  point  d'autre  que  la  lettre  B  pour  exprimer  le  fi  natu- 
rel. Car  chaque  Note  avoit ,  dès-lors ,  fa  lettre  correfpon- 
dante  ;  &  comme  le  Chant  diatonique  de  ce  fi  eft  dur  quand 
on  y  monte  depuis  le  fa  ,  il  l'appella  Amplement  b  dur  , 
b  quarté,  ou  b  quarre  ,  par  une  allufion  dont  j'ai  parle  dans 
l'Article  précédent. 

Le  Bêquarre  fervir  dans  la  fuite  à  détruire  l'effet  du  Bémol 
antérieur  fur  la  Note  qui  fuivoit  le  Bêquarre  :  c'eft  que  le 
Bémol  fe  plaçant  ordinairement  fur  le  fi,  le  Bêquarre  qui 
venoit  enfuite ,  ne  produifoit ,  en  détruifant  ce  Bémol  ,  que 
fon  effet  naturel,  qui  étoit  de  repréfenter  la  Note  fi  fans  alté- 
ration. A  la  fin  on  s'en  fervit  par  extenfion,  &  faute  d'autre 
figne,  pour  détruire  aufïi  l'effet  du  Dicfe,  &  c'eït  ainfi  qu'il 
s'emploie  encore  aujourd'hui.  Le  Bêquarre  efface  également 
le  Dièfe   ou   le  Bémol   qui   l'ont  précédé. 

B  y  a  cependant  une  diftîn&iori  à  faire.  Si  le  Dicfe  ou  le 
Bémol  étoienr  accidentels,  ils  font  derruirs  fins  ri  tour  par 
le  Bêquarre  dans  toutes  les  Notes  qui  le  fuivent  médiate- 
ment  ou  immédiatement  fur  le  même  degré,  jufqi^a-ce  qu'il 


9o  BIS 

s'y  préfente  un  nouveau  Bémol  ou  un  nouveau  Dièfe.  Mais 
fi  le  Bémol  ou  le  Dièfe  font  à  la  Clef,  le  Béquarre  ne  les 
efface  que  pour  la  Note  qu'il  précède  immédiatement ,  ou 
tout  au  plus  pour  toutes  celles  qui  fuivent  dans  la  même 
Mefure  &  fur  le  même  degré  ;  &  à  chaque  Note  altérée  à 
la  Clef  dont  on  veut  détruire  l'altération ,  il  faut  autant  de 
nouveaux  Béquarres.  Tout  cela  eft  affez  mal  entendu  ;  mais 
tel  eft  l'ufage. 

Quelques  -  uns  donnoient  un  autre  fens  au  Béquarre ,  & 
lui  accordant  feulement  le  droit  d'effacer  les  Dièfes  ou  Bémols 
accidentels ,  lui  ôtoient  celui  de  rien  changer  à  l'état  de  la 
Clef  :  de  forte  qu'en  ce  fens  fur  un  fa  dièfé  ,  ou  fur  un  fi 
bémolifé  à  la  Clef,  le  Béquarre  ne  ferviroit  qu'à  détruire  un 
Dicfe  accidentel  fur  ce  //,  ou  un  Bémol  fur  ce  fa,  &  figni- 
rleroit  toujours  le  fa  Dièfe  ou  le  fi  Bémol  tel  qu'il  eft,  à 
la  Clef. 

*  D'autres,  enfin,  fe  fervoient  bien  du  Béquarre  pour  effacer 
le  Bémol,  même  celui  de  la  Clef,  mais  jamais  pour  effacer 
le  Dièfe  :  c'eft  le  Bémol  feulement  qu'ils  employoient  dans 
ce  dernier  cas. 

Le  premier  ufage  a  rout-à-fait  prévalu;  ceux-ci  deviennent 
plus  rares,  &  s'abolilfent  de  jour  en  jour;  mais  il  eft  bon  d'y 
faire  attention  en  lifant  d'anciennes  Muliques ,  fans  quoi  l'on 
fe  tromperoit  fouvent. 

BI.  Syllabe  dont  quelques  Muficiens  étrangers  fe  fervoient 
autrefois  pour  prononcer  le  Son  de  la  Gamme  que  les  Fran- 
çois appellent  Si.  (  Voyez  Si.  ) 

BISCROME  ,  f.  f.  Mot  Italien  qui  fignifie  Triples-croches. 

Quand 


R    O    U  8x 

Qi-and  ce  mot  eit  écrit  fous  une  fuicc  de  Notes  égales  6c 
de  plus  grande  valeur  que  des  Triples-croches ,  il  marque 
qu'il  faut  divifer  en  Triples-croches  les  valeurs  de  toutes  ces 
Notes ,  félon  la  divifion  réelle  qui  fe  trouve  ordinairement 
faite  au  premier  Tems.  C'efl  une  invention  des  Auteurs  adop- 
tée par  les  copifles ,  fur-tout  dans  les  Partitions ,  pour  épar- 
gner le  papier  &  la  peine.  (  Voyez  Crochet.  ) 

BLANCHE ,  /  /  C'eit  le  nom  d'une  Note  qui  vaut  deux 
Noires  ou  la  moitié  d'une  Ronde.  (  Voyez  l'Article  Notes, 
&  la  valeur  de  la  Blanche ,  PI.  D.  Fig.  9.  ) 

BOURDON.  Baffe-continue  qui  réfonne  toujours  fur  le 
même  Ton ,  comme  font  communément  celles  des  Airs 
appelles  Mufettes.  (  Voyez  Point  d'Orgue.  ) 

BOURREE,//!  Sorte  d'Air  propre  à  une  Danfc  de  même 
nom  ,  que  l'on  croit  venir  d'Auvergne ,  &  qui  eft  encore  en 
11  fa ge  dans  cette  Province.  La  Bourrée  eit  à  deux  Tems  gais, 
&  commence  par  une  Noire  avant  le  frappé.  Elle  doit  avoir  , 
comme  la  plupart  des  autres  Danfes  ,  deux  Parties  6c  quatre 
Mefures,  ou  un  multiple  de  quatre  à  chacune.  Dans  ce  carac- 
tère d'Air  on  lie  allez  fréquemment  la  féconde  moitié  du 
premier  Tems  6c  la  première  du  fécond  ,  par  une  Blanche 
fyncopée. 

BOUTADE,//.  Ancienne  forte  de  petit  Ballet  qu'on  exé- 
cutoit  ou  qu'on  paroiffoit  exécuter  impromptu.  Les  Muliciens 
ont  aulTi  quelquefois  donné  ce  nom  aux  Pièces  ou  Idées  qu'ils 
exécutoient  de  même  fur  leurs  Inftxumcns ,  &  qu'on  appel- 
loit  autrement  Caprice  ,  Fantaisie.  (  Voye\  ces  mots.  ) 
BRAILLER,  v.  n.  C'cft  excéder  le  volume  de  fa  voix  6c 
Dicl.  de  Mujlque.  L 


82  B    R    A 

chanter  tant  qu'on  a  de  force,  comme  font  au  Lutrin  les 
Marguilliers  de  Village ,  &  certains  Muficiens  ailleurs. 

BRANLE,  f.  m.  Sorte  de  Danfe  fort  gaie  qui  fc  danfe  en 
rond  fur  un  Air  court  &  en  Rondeau  ;  c'eft-à-dire ,  avec  un 
même  refrain  à  la  fin  de  chaque  Couplet. 

BREF ,  Adverbe  qu'on  trouve  quelquefois  écrit  dans  d'an- 
ciennes Mufiques  au-deflus  de  la  Note  qui  finit  une  phrafe  ou 
un  Air,  pour  marquer  que  cette  Finale  doit  être  coupée  par 
un  fon  bref  &  fec ,  au  lieu  de  durer  toute  fa  valeur.  (  Voyez 
Couper.  )  Ce  mot  elt  maintenant  inutile  ,  depuis  qu'on  a 
un  ligne  pour  l'exprimer. 

BREVE,//.  Note  qui  parte  deux  fois  plus  vite  que  celle 
qui  la  précède  :  ainfi  la  Noire  elt  Brève  après  une  Blanche 
pointée ,  la  Croche  après  une  Noire  pointée.  On  ne  pourroit 
pas  de  même  appeîler  Brève ,  une  Note  qui  vaudroit  la  moitié 
de  la  précédente  :  ainfi,  la  Noire  n'elt  pas  une  Brève  après 
la  Blanche  fimple ,  ni  la  Croche  après  la  Noire  ,  a  moins 
qu'il  ne  foit  queltion  de  fyncope. 

C'eft  autre  chofe  dans  le  Plain-Chant.  Pour  répondre  exac- 
tement à  la  quantité  des  fyllabes,  la  Brève  y  vaut  la  moitié 
de  la  Longue.  De  plus ,  la  Longue  a  quelquefois  une  queue 
pour  la  diltinguer  de  la  Brève  qui  n'en  a  jamais;  ce  qui  elt 
précifément  l'oppofé  de  la  Mufique,  où  la  Ronde,  qui  n'a 
point  de  queue,  elt  double  de  la  Blanche  qui  en  aune.  (Voyez 
Mi  surf.  ,  Valeur  des  Notes.  ) 

BREVE  elt  aufîî  le  nom  que  donnoient  nos  anciens  Mufî- 
ciens ,  &  que  donnent  encore  aujourd'hui  les  Italiens  à  cette 
vieille  figure  de  Note  que  nous  appelions  Ouarree.  il  y  «voit 


B    R    O  83 

deux  fortes  de  Brèves;  favoir,  la  droite  ou  parfaite,  qui  fe 
divife  en  trois  parties  égales  &  vaut  trois  Rondes  ou  Semi- 
brèves  dans  la  Mefure  triple ,  &  la  Brève  altérée  ou  impar- 
faite ,  qui  fe  divife  en  deux  parties  égales ,  &  ne  vaut  que 
deux  Semi-brevcs  dans  la  Mefure  double.  Cette  dernière  forte 
de  Brève  elt  celle  qui  s'indique  par  le  figne  du  C  barré,  & 
les  Italiens  nomment  encore  alla  Brève  la  Mefure  à  deux 
Tems  fort  vîtes ,  dont  ils  fe  fervent  dans  les  Mufiqucs  da 
Capella.  (  Voyez  Alla  Brève.  ) 

BRODERIES,  DOUBLES,  FLEURTIS.  Tout  cela  fe 
dit  en  Mufique  de  plufieurs  Notes  de  goût  que  le  Mulicien 
ajoute  à   fa  Partie  dans  l'exécution  ,  pour  varier  un  Chant 
fouvent  répété  ,  pour   orner   des   Paiïages   trop  fimples ,  ou 
pour  faire  briller  la  légèreté  de  fon  gofier  ou  de  fes  doigts. 
Rien  ne  montre  mieux  le  bon  ou  le  mauvais  goût  d'un  Mufi- 
cien  ,  que  le  choix  &  l'ufage  qu'il  fait  de  ces  ornemens.  La 
vocale  Françoife  eit  fort  retenue  fur  les   Broderies  ;  elle  le 
devient  même  davantage  de  jour  en  jour,  &,  fi  l'on  excepte 
le  célèbre  Jélyote  &  Mademoifelle  Fel ,  aucun  Acteur  Fran- 
çois ne  fe  hazarde  plus  au  Théâtre  à  faire  des  Doubles;  car 
le  Chant  François  ayant  pris  un  ton  plus  traînant  &  plus 
lamentable  encore  depuis  quelques  années,  ne  les  comporte 
plus.  Les  Italiens  s'y  donnent  carrière  :  c'elt  chez  eux  à  qui 
en  fera  davantage  ;  émulation  qui  mené  toujours  à  en  faire 
trop.  Cependant  l'accent  de  leur  Mélodie  étant  trcs-fenfible , 
ils  n'ont  pas  a  craindre  que  le  vrai  Chant  difparoitfè  fous  ces 
ornemens  que  l'Auteur  même  y  a  fouvent  fuppofés. 

A  l'égard  des  Inltrumens ,  on  fait  ce  qu'on  veut  dans  un 

L  • 


?4  BRU 

Solo ,  mais  jamais  Symphonif  te  qui  brode  ne  fut  fouifert  dans 
un  bon  Orcheftre. 

BRUIT,/  m.  C'eft ,  en  général,  toute  émotion  de  l'air 
qui  fe  rend  fenfible  à  l'organe  auditif.  Mais  en  Mufique  le 
mot  Bruit  eft  oppofé  au  mot  Son ,  &  s'entend  de  toute  fen- 
fation  de  l'ouïe  qui  n'eft  pas  fonore  &  appréciable.  On  peut 
fuppofer,  pour  expliquer  la  différence  qui  fe  trouve  à  cet  égarcT, 
entre  le  Bruit  &  le  Son  ,  que  ce  dernier  n'eft  appréciable 
que  par  le  concours  de  fes  Harmoniques  ,  &  que  le  Bruit 
ne  l'eft  point ,  parce  qu'il  en  eft  dépourvu.  Mais  outre  que 
cette  manière  d'appréciation  n'eft  pas  facile  à  concevoir ,  fï 
l'émotion  de  l'air ,  caufce  par  le  Son ,  fait  vibrer ,  avec  une 
corde ,  les  aliquotes  de  cette  corde  ,  on  ne  voit  pas  pourquoi 
l'émotion  de  l'air,  caufée  par  le  Bruit,  ébranlant  cette  môme 
corde  ,  n'ébranleroit  pas  de  même  fes  aliquotes.  Je  ne  fâche 
pas  qu'on  ait  obfervé  aucune  propriété  de  l'air  qui  puifTe  faire 
foupçonner  que  l'agitation  qui  produit  le  Son ,  &  celle  qui 
produit  le  Bruit  prolongé ,  ne  foient  pas  de  même  nature ,, 
&  que  l'action  &  réaction  de  l'air  &  du  corps  fonore  ,  ou 
de  l'air  &  du  corps  bruyant,  fe  fartent  par  des  loix  diffé- 
rentes dans  l'un  &  dans  l'autre  effet. 

Ne  pourroit-on  pas  conjecturer  que  le  Bruit  n'eft  point 
d'une  autre  nature  que  le  Son  ;  qu'il  n'eft  lui-même  que  la 
fomme  d'une  multitude  confufe  de  Sons  divers ,  qui  fe  font 
entendre  à  la  fois  &  contrarient,  en  quelque  forte,  mutuel- 
lement leurs  ondulations?  Tous  les  corps  élaftiques  femblenc 
être  plus  fonorcs  à  mefure  que  leur  matière  eft  plus  homo- 
gène ,  que  le  degré  de  cohéfiou  cit  plus  égal  par-cour,  &  que 


BRU  85 

le  corps  n'eft  pas  ,  pour  ainfi  dire ,  partage  en  une  multitude 
de  petites  malFes  qui ,  ayant  des  folidités  différentes ,  réfon- 
nent  conféquemment  à  différens  Tons. 

Pourquoi  le  Bruit  ne  feroit-il  pas  du  Son  ,  puifqu'il  en 
excite?  Car  tout  Bruit  raie  refonner  les  cordes  d'un  Clave- 
cin ,  non  quelques-unes ,  comme  fait  un  Son  ,  mais  toutes 
enfemble  ,.  parce  qu'il  n'y  en  a  pas  une  qui  ne  trouve  fon 
unitïbn  ou  fes  harmoniques.  Pourquoi  le  Bruit  ne  feroit-il 
pas  du  Son,  puifqu'avec  des  Sons  on  fait  du  Bruit?  Tou- 
chez à  la  fois  toutes  les  touches  d'un  Clavier,  vous  pro- 
duirez une  fenfation  totale  qui  ne  fera  que  du  Bruit ,  &  qui 
ne  prolongera  fon  effet ,  par  la  réfonnance  des  cordes  ,  que 
comme  tout  autre  Bruit  qui  feroit  refonner  les  mêmes  cor- 
des. Pourquoi  le  Bruit  ne  feroit-il  pas  du  Son ,  puifqu'un  Son 
trop  fort  n'eit  plus  qu'un  véritable  Bruit ,  comme  une  Voix 
qui  crie  à  pleine  tête  ,  &  fur-tout  comme  le  Son  d'une  groffe 
cloche  qu'on  entend  dans  le  clocher  même  ?  Car  il  eft  im- 
poffible  de  l'apprécier ,  fi ,  fortant  du  clocher ,  on  n'adoucit  le 
Son  par  l'éloignement. 

Mais ,  me  dira-t-on  ,  d'où  vient  ce  changement  d'un  Son 
excefîif  en  Bruit  ?  C'eft  que  la  violence  des  vibrations  rend 
fenfible  la  réfonnance  d'un  fi  grand  nombre  d'aliquotes,  que 
le  mélange  de  tant  de  Sons  divers  fait  alors  fon  effet  ordinaire 
&  n'eft  plus  que  du  Bruit.  Ainfi  les  aliquotes  qui  réforment 
ne  font  pas  feulement  la  moitié ,  le  tiers ,  le  quart  &  coûtes 
les  confonnances  ;  mais  la  feptieme  partie,  la  neuvième,  la 
centième  ,  &  plus  encore.  Tout  cela  fait  enfemble  un  effet 
Umbkble  à   celui  de  toutes  les  touches  d'un  Clavecn.  frap- 


$6 


B    U    C 


pées  à  la   fois  :   &   voilà  comment  le    Son  devient    Bruit. 

On  donne  aufïi ,  par  mépris ,  le  nom  de  Bruit  à  une  Mu- 
fique  étourdiiïante  &  confufe ,  où  l'on  entend  plus  de  fracas 
que  d'Harmonie  ,  &  plus  de  clameurs  que  de  Chant.  Ce 
îi'ejl  que  du  Bruit.  Cet  Opéra  fait  beaucoup  de  Bruit  &  peu 
d'effet. 

BUCOLIASME,  Ancienne  Chanfon  des  Bergers.  (Voyez 
Chanson.) 


C    A    C  87 

C. 


C 


Cette  lettre  ctoit ,  dans  nos  anciennes  Mufiques  ,  le 
fignc  de  la  Prolation  mineure  imparfaite  ,  d'où  la  même  let- 
tre eft  reltée  parmi  nous  celui  de  la  Mefure  à  quatre  Tems, 
laquelle  renferme  exactement  les  mêmes  valeurs  de  Notes. 
(  Voyez  Mode  ,  Prolation.  ) 

C  BARRÉ.  Signe  de  la  Mefure  à  quatre  Tems  vîtes ,  ou  à 
deux  Tems  pofés.  Il  fe  marque  en  traverfant  le  C  de  haut 
en  bas  par  une  ligne  perpendiculaire  à  la  Portée. 

C  fol  ut ,  C  fol  fa  ut ,  ou  fimplement  C.  Caractère  ou 
terme  de  Mufique  qui  indique  la  première  Note  de  la  Gamme 
que  nous  appelions  ut.  (Voyez  Gamme.  )  C'elt  aufïi  l'an- 
cien figne  d'une  des  trois  Clefs  de  la  Mufique.  (Voyez  Clef.) 

CACOPHONIE,//  Union  difeordante  de  pluiieurs  Sons 
mal  choifis  ou  mal  accordes.  Ce  mot  vient  de  kuhôç  mauvais, 
&  de  (puvn  Son.  Ainfi  c'elt  mal-à-propos  que  la  plupart  des 
Muficiens  prononcent  Cacaphonie.  Peut-être  feront-ils  ,  à  la 
fin ,  palier  cette  prononciation ,  comme  ils  ont  déjà  fait  palier 
celle  de  Colophane. 

CADENCE ,  /  f.  Tcrminaifon  d'une  phrafe  harmonique 
fur  un  repos  ou  fur  un  Accord  parfait  :  ou  ,  pour  parler  plus 
généralement  ,  c'elt  tout  p  a  liage  d'un  Accord  diflbnant  à 
un  Accord  quelconque  ;  car  on  ne  peut  jamais  fortir  d'un 
Accord  diflbnant  que  par  un  Acte  de  Cadence.  Or  ,  comme 
toute  phrafe  harmonique  eft  néceflairtment  lice  par  des  Dif-i 


88  CAD 

fonances  exprimées  ou  fous-entendues ,    il  s'enfuit  que  toute 
l'Harmonie  n'eit  proprement  qu'une  fuite  de  Cadences. 

Ce  qu'on  appelle  Acle  de  Cadence  ,  réfulce  toujours  de 
deux  Sons  fondamentaux  ,  dont  l'un  annonce  la  Cadence  & 
l'autre  la  termine. 

Comme  il  n'y  a  point  de  Diiïbnance  fans  Cadence,  il  n'y 
a  point  non  plus  de  Cadence  fins  Diiïbnance  exprimée  ou 
fous-entendue  :  car  pour  faire  fentir  le  repos ,  il  faut  que  quel- 
que chofe  d'antérieur  le  fufpende ,  &  ce  quelque  chofe  ne 
peut  être  que  la  Diiïbnance  ,  ou  le  fentiment  implicite  de 
la  Diiïbnance.  Autrement  les  deux  Accords  étant  également 
parfaits  ,  on  pourrait  fe  repofer  fur  le  premier  ;  le  fécond 
ne  s'annonceroit  point  &  ne  feroit  pas  néceiïaire.  L'accord 
formé  fur  le  premier  Son  d'une  Cadence  doit  donc  tou- 
jours être  diflbnant ,  c'eft-à-dire  ,  porter  ou  fuppofer  une 
Diiïbnance. 

A  l'égard  du  fécond,  il  peut  être  confonnant  ou  diiïbnant, 
félon  qu'on  veut  établir  ou  éluder  le  repos.  S'il  elt  confon- 
nant,  la  Cadence  eft  pleine;  s'il  eft  diiïbnant,  la  Cadence  eft 
évitée  ou  imitée. 

On  compte  ordinairement  quafre  efpeces  de  Cadences  ; 
favoir ,  Cadence  parfaite  ,  Cadence  imparfaite  ou  i-ré^uliere , 
Cadence  interrompue  &c  Cadence  rompue.  Ce  fout  les  déno- 
minations que  leur  a  donné  M.  Rameau  ,  ôc  dont  on  verra 
ci-après  les  raifons. 

I.    Toutes    les    fois   qu'après   un    Accord    de   Septième  la 
Baiïl-fondamentale   defeend   de  Quinte    fur    un  Accord  par- 
fait ,   c'eft  une   Cadence  parfaite  pleine  ,    qui    procède  tou- 
jours 


CAD  t9 

jours  d'une   Dominante- tonique   à    la  Tonique:   mais  fi  la 
Cadence  parfaite  eiè  évitée  par  une  Dilfonance  ajoutée  à  la 
féconde  Note ,   on  peut  commencer  une  féconde  Cadence  en 
évitant  la  première  fur  cette  féconde  Note  ,  éviter   derechef 
cette  féconde   Cadence  &  en  commencer  une  troifieme  fur 
la  troifieme  Note  ;  enfin  continuer  ainfi  tant  qu'on  veut ,  en 
ttiDiitant  de  Quarte   ou  defeendant  de  Quinte  fur  toutes  les 
cordes  du  Ton  ,  6c  cela  forme  une  fuccefTion  de  Cadences 
parfaites  évitées.  Dans  cette  fuccefTion ,  qui  cft  fans  contredit 
la  plus  harmonique,  deux  Parties,  favoir,  celles  qui  font  la 
Septième  &  la  Quinte  ,  defeendent  fur  la  Tierce  6c  l'Octave 
de  l'Accord  fuivant ,   tandis  que  deux  autres  Parties,  favoir, 
celles  qui  font  la  Tierce  &  l'Octave  ,  reftent  pour  faire  ,  à 
leur  tour ,  la  Septième  6c  la  Quinte  ,    &  defeendent  enfuite 
alternativement  avec  les  deux  autres.  Ainfi  une  telle  fuccif- 
fion  donne   une  harmonie  defeendante.   Elle    ne   doit   jamais 
s'arrêter  qu'à   une   Dominante  -  tonique  pour  tomber  enfuite 
fur  la  Tonique  par  une  Cadence  pleine.  (  Planche  A.  Fig.  t.) 
II.    Si  la  Baffe -fondamentale  ,    au    lieu  de   defeendre    de 
Quinte  après  un  Accord  de  Septième  ,  defeend  feulement  de 
Tierce  ,  la  Cadence  s'appelle  interrompue  :   celle-ci    ne   peut 
jamais  être  pleine  ,  mais  il  faut  nécellairemcnt  que  la  féconde 
Note  de  cette  Cadence  porte  un  autre  Accord  diffonant.  On 
peut  de  même  continuer  a  defeendre  de   Tierce    ou   mon- 
ter de   Sixte  par  des  Accords  de  Septième  ;  ce  qui  fait  une 
deuxième  fuccefTion  de  Cadences  évitées  ,  mais  bien  moins  par- 
faite que  la  précédente  :  car  la  Septième  ,  qui  fe  fauve  fur  la 
Tierce  dans  la  Cadence  parfaite  ,   fe    fauve  ici  fur  l'Octave , 
Dic7.  de  Mujîgue.  M 


»o  CAD 

ce  qui  rend  moins  d'Harmonie  &  fait  même  fous-entendre 
deux  Ofhves  ;  de  forte  que  pour  les  éviter ,  il  faut  retran- 
cher la  DifTonance  ou  renverfer  l'Harmonie. 

Puifque  la  Cadence  interrompue  ne  peut  jamais  être  pleine , 
il  s'enfuit  qu'une  phrafe  ne  peut  finir  par  elle  ;  mais  il  faut 
recourir  à  la  Cadence  parfaite  pour  faire  entendre  l'Accord 
dominant.  (Fig.  i.) 

La  Cadence  interrompue  forme  encore  ,  par  fa  fuccefîion  , 
une  Harmonie  defcendante;  mais  il  n'y  a  qu'un  feul  Son  qui  def- 
cende.  Les  trois  autres  reftent  en  place  pour  defcendre  ,  cha- 
cun à  fon  tour ,  dans  une  marche  femblable.  (  Même  Figure.  ) 

Quelques-uns  prennent  mal -à- propos  pour  une  Cadence 
interrompue  un  renverfement  de  la  Cadence  parfaite  ,  où  la 
Baffe,  après  un  Accord  de  Septième,  defcend  de  Tierce  por- 
tant un  Accord  de  Sixte  :  mais  chacun  voit  qu'une  telle  mar- 
che ,  n'étant  point  fondamentale ,  ne  peut  constituer  une 
Cadence  particulière. 

III.  Cadence  rompue  efl  celle  où  la  Baffe-fondamentale  , 
au  lieu  de  monter  de  Quarte  après  un  Accord  de  Septième , 
comme  dans  la  Cadence  parfaite  ,  monte  feulement  d'un 
degré.  Cette  Cadence  s'évite  le  plus  fouvent  par  une  Septième 
fur  la  féconde  Note.  Il  eit  certain  qu'on  ne  peut  la  faire 
pleine  que  par  licence;  car  alors  il  y  a  néceffairement  défaut 
de  liaifon.  (  Voyez  Fig.  3.) 

Une  fucceffion  de  Cadences  rompues  évitées  efl  encore 
defcendante  ;  trois  Sons  y  defcendent  &  l'Oclavc  refle  feule 
pour  préparer  la  DifTonance  ;  mais  une  telle  fucceffion  efl 
dure  ,  mal  modulée  ,  &  fe  pratique  rarement. 


CAD 


9r 


IV.  Quand  la  Baffe  defcend  ,  par  un  Intervalle  de  Quinte , 
de  la  Dominante  fur  la  Tonique,  c'clt,  comme  je  l'ai  die  , 
un  Acte  de  Cadence  parfaite.  Si  au  contraire  la  Baffe  monte 
par  Quinte  de  la  Tonique  à  la  Dominante  ,  c'efr.  un  Acle  de 
Cadence  hréguliere  ou  imparfaite.  Pour  l'annoncer  on  ajoute 
une  Sixte  majeure  à  l'Accord  de  la  Tonique  ;  d'où  cet  Accord 
prend  le  nom  de  Sixte-ajoutée.  (Voyez  Accord.) Cette  Sixte 
qui  fait  Diffonance  fur  la  Quinte  ,  eft  aufli  traitée  comme 
Diffonance  fur  la  Baffe  -  fondamentale  ,  &  ,  comme  telle  , 
obligée  de  fe  fauver  en  montant  diatoniquement  fur  la  Tierce 
de  l'Accord  fuivanr. 

La  Cadence  imparfaite  forme  une  oppofition  prefque  en- 
tière à  la  Cadence  parfaite.  Dans  le  premier  Accord  de  l'une 
&  de  l'autre  on  divife  la  Quarte  qui  fe  trouve  entre  la  Quinte 
&  l'Oilave  par  une  Diffonance  qui  y  produit  une  nouvelle 
Tierce,  &  cette  Diffonance  doit  aller  fe  refoudre  fur  l'Ac- 
cord fuivant,  par  une  marche  fondamentale  de  Quinte.  Voilà 
ce  que  ces  deux  Cadenas  ont  de  commun  :  voici  maintenant 
ce  qu'elles  ont  d'oppofé. 

Dans  la  Cadence  parfaite ,  le  Son  ajouté  fe  prend  au  hauc 
de  l'Intervalle  de  Quarte,  auprès  de  l'Octave,  formant  Tierce 
avec  la  Quinte ,  &  produit  une  Diffonance  mineure  qui  fe 
fauve  en  defeendant  ;  tandis  que  la  Baffe-fondamentale  monte 
de  Quarte  ou  defcend  de  Quinte  de  la  Dominante  à  la  To- 
nique ,  pour  établir  un  repos  parfait.  Dans  la  Cadence  ifn-< 
parfait:  y  le  Son  ajouté  fe  prend  au  bas  de  l'Intervalle  de 
Quarte  auprès  du  la  Qviiure  ,  &  formant  Tierce  avec  l'Oc- 
tave il  produit  une  DiffonaïKc  majeure  qui  fe  fauve  en  nion- 

M     2 


yz 


CAD 


tant  ,  tandis  que  la  Baffe  -  fondamentale  defcend  de  Quarte 
ou  monte  de  Quinte  de  la  Tonique  à  la  Dominante  pour 
établir  un  repos  imparfait. 

M.  Rameau,  qui  a  le  premier  parlé  de  cette  Cadence,  ôc 
qui  en  admet  plufieurs  renverfemens ,  nous  défend,  dans  fon 
Traité  de  l'Harmonie  ,  pag.  117,  d'admettre  celui  où  le  Son 
ajouté  eft  au  grave  portant  un  Accord  de  Septième ,  &  cela, 
par  une  raifon  peu  folide  dont  j'ai  parlé  au  mot  Accord.  Il 
a  pris  cet  Accord  de  Septième  pour  fondamental  ;  de  forte 
qu'il  fait  fauver  une  Septième  par  une  autre  Septième ,  \\\\g 
Diffonance  par  une  Diiïbnance  pareille ,  par  un  mouvement 
femblable  fur  la  Baffe-fondamentale.  Si  une  telle  manière  de 
Traiter  les  Diffonances  pouvoir  fe  tolérer,  il  faudroit  fe  bou- 
cher les  oreilles  &  jetter  les  règles  au  feu.  Mais  l'Harmo- 
nie fous  laquelle  cet  Auteur  a  mis  une  fi  étrange  Baffe- 
fondamentale  ,  eft  visiblement  renverfée  d'une  Cadence  im- 
parfaite ,  évitée  par  une  Septième  ajourée  fur  la  féconde  Note. 
(Voyez  PL  A.  Fig.  4.)  Et  cela  eft  fi  vrai,  que  la  Baffe- 
continue  qui  frappe  la  Diiïbnance  ,  eft  néceffairement  obligée 
de  monter  djatoniquement  pour  la  fauver,  fans  quoi  le  paf- 
fage  ne  vaudrait  rien.  J'avoue  que  dans  le  même  ouvrage  , 
pag.  171,  M.  Rameau  donne  un  exemple  femblable  avec  la 
vraie  Baffe-fondamentale  ;  mais  puifqu'il  improuve  ,  en  ter 
formels,  le  renverfemenr  qui  réfulte  de  cette  Baffe  1  un  tel  p«f- 
fage  ne  fert  qu'à  montrer  dans  fon  Livre  une  ci  1 
de  plus;  e\-.  bien  <;':e  dans  un  ouvrage  poftérieur»  '  Gêner. 
.  /-.    il  le  même    Auteur  femblc   re  lot  k 

nem  de  1  .;.  ,  1!  en  parle  li  obfcurc'  ru 


CAD  93 

&  dit  encore  fi  nettement  que  la  Septième  efl  fauvée  par 
une  autre ,  qu'on  voir  bien  qu'il  ne  fait  ici  qu'entrevoir ,  & 
qu'au  fond  il  n'a  pas  change  d'opinion  :  de  fuite  qu'on  eft 
en  droit  de  rétorquer  contre  lui  le  reproche  qu'il  fait  à  Maffon 
de  n'avoir  pas  fù  voir  la  Cadence  imparfaite  dans  un  de  ks 
Renverfemens. 

La  même  Cadence  imparfaite  fe  prend  encore  de  la  fous- 
Dominante  à  la  Tonique.  On  peut  aufll  l'éviter  &l  lui  donner , 
de  cette  manière ,  une  fuccefîîon  de  plufieurs  Notes ,  dont 
les  Accords  formeront  une  Harmonie  afcendanre ,  dans  la- 
quelle la  Sixte  &  l'Octave  montent  fur  la  Tierce  &  la  Quinte 
de  l'Accord  ,  tandis  que  la  Tierce  &  la  Quinte  relient  pour 
faire  l'Octave  &  préparer   la  Sixte. 

Nul  Auteur,  que  je  fâche,  n'a  parlé,  jufqu'à  M.  Rameau, 
de  cette  afcenfion  harmonique;  lui-même  ne  la  fait  qu'entre- 
voir, &  il  eft  vrai  qu'on  ne  pourroit  ni  pratiquer  une  longue 
faite  de  pareilles  Cadences ,  à  caufe  des  Sixtes  majeures  qui 
eloigncroient  la  Modulation,  ni  même  en  remplir,  fans  pré- 
caution ,   toute   l'Hajmonic. 

Après  avoir  expofé  les  Règles  oc  la  coinlirution  des  diverfes 
Cadences,  pafîbns  aux  raiibus  que  M,  d'Àlemberc  donne, 
d'après  M.  Rameau  ,  de   leurs   dénomination;. 

La  Cadence  parfaite  confifte  dans  une  mai  e   Quinte 

en  dépendant;  &  au  contraire,  1.  aite  t  une 

marche  Je  Quinte  ...  montant  :  eu  voici  la  raij  ...  Quand  je 
,  utfci,folti\  déjà  renfei  n    <     i<  Fut.  \  ut  Son, 

comme  ut,  porte  avec  lui  ù  douzième,  dont  fa  Quinte  .' 
eit  l'Octave;  ainfi,  quand  on  vad'i/i  a./ô/,  cVit  le  Sonj 


54  CAD 

nérareur  qui  patte  à  fon  produit,  de  manière  pourtant  que 
l'oreille  defire  toujours  de  revenir  à  ce  premier  générateur  ; 
au  contraire  ,  quand  on  dit  fol  ut  ,  c'eft  le  produit  qui  re- 
tourne au  générateur  ;  l'oreille  ef  t  fatisfaite  &  ne  defire  plus 
rien.  De  plus  ,  dans  cette  marche  fol  ut ,  le  fol  fe  fait  encore 
entendre  dans  ut  ;  ainfi ,  l'oreille  entend  à  la  fois  le  géné- 
rateur ék  fon  produit  :  au  lieu  que  dans  la  marche  ut  fol , 
l'oreille  qui ,  dans  le  premier  Son  ,  avoit  entendu  ut  &  fol, 
n'entend  plus ,  dans  le  fécond ,  que  fol  fans  ut.  Ainfi  le  repos 
ou  la  Cadence  de  fol  à  ut  a  plus  de  perfection  que  la  Ca- 
dence ou  le  repos  d'//f  à  fol. 

Il  femble  ,  continue  M.  d'Alember: ,  que  dans  les  Frincipes 
de  M.  Rameau  on  peut  encore  expliquer  l'effet  de  la  Cadence 
rompue  &  de  la  Cadence  interrompue.  Imaginons ,  pour  cet 
effet  ,  qu'après  un  Accord  de  Septième ,  fol  Ji  re  fa  ,  on 
monte  diatoniquement  par  une  Cadence  rompue  à  l'Accord 
la  ut  mi fol ;  il  eft  viable  que  cet  Accord  eft  renverfé  de 
l'Accord  de  fous-Dominante  ut  mi  fol  la  :  ainfi  la  mar- 
che de  Cadence  rompue  équivaut  à  cette  fuccefllon  fol  fi  re 
II: ,  ut  mi  fol  la  ,  qui  n'eft  autre  chofe  qu'une  Cadence  par- 
faite ,  dans  laquelle  ut  ,  au  lieu  d'être  traitée  comme  To- 
nique, eft  rendue  fous- Dominante.  Or  toute  Tonique,  dit 
JY1.  d'Alembert ,  peut  toujours  être  rendue  fous-Dominante  , 
en  changeant  de  Mode  ;  j'ajouterai  qu'elle  peut  même  porter 
l'Accord  de  Sixte  -  ajoutée ,  fans  en  changer, 

A  I  de  la  Cadetu  e  interro  ;  m 

cendre   d'une    Dominante    far   une    autre    par    l'Intervalle  de 

Tierce  en  cette  forte,  fol  fi  n   t.: .  ■  rcy  il  femblq 


Cad  $5 

qu'on  peur  encore  l'expliquer.  En  efTer ,  le  fécond  Accord 
mi  fol  fi  re  eft  renverfé  de  l'Accord  de  finis-Dominante  foi 

fi  re  mi  :  ainfi  la  Cadence  interrompue  équivaut  à  cette  fu.  - 
celïion  ,  fol  Ji  re  fa  ,  fol  fi  re  mi  ,  où  la  Note  fol,  après 
avoir  été  traitée  comme  Dominante  ,  eft  rendue  fous  -  Do- 
minante en  changeant  de  Mode  ;  ce  qui  eft  permis  &  dépend 
du   Compofiteur. 

Ces  explications  font  ingénieufes  &  montrent  quel  uf.;ge 
on  peut  faire  du  Double-emploi  dans  les  partages  qui  fem- 
blent  s'y  rapporter  le  moins.  Cependant  l'intention"  de  M. 
d'Alembert  n'eft  furement  pas  qu'on  s'en  ferve  réellement 
dans  ceux-ci  pour  la  pratique  ,  mais  feulement  pour  l'intel- 
ligence du  Renverfement.  Par  exemple ,  le  Double-emploi  de 
la  Cadence  interrompue  fauveroit  la  DiîFonance  fa  par  la 
Dilîbnance  mi ,  ce  qui  eft  contraire  aux  règles  ,  à  l'efprir. 
des  règles  ,  &  fur -tout  au  jugement  de  l'oreille  :  car  dans 
la  fenfation  du  fécond  Accord  ,  fol  fi  re  mi ,  à  la  fuite  du 
premier  fol  fi  re  fa  ,  l'oreille  s'obfline  plutôt  à  rejetter  le  re 
du  nombre  des  Confonnances  ,  que  d'admettre  le  mi  pour 
Difîbnant.  En  général ,  les  Commençans  doivent  favoir  que 
le  Double-emploi  peut  être  admis  fur  un  Accord  de  Septième 
à  la  fuite  d'un  Accord  confonnant  ;  mais  que  fi-tôt  qu'un 
Accord  de  Septième  en  fuit  un  femblable ,  le  Double-emploi 
ne  peut  avoir  lieu.  Il  eft  bon  qu'ils  fâchent  encore  qu'on  ne 
doit  changer  de  Ton  par  nul  autre  Accord  dilTonant  que  le 
fenfible  ;  d'où  il  fuit  que  dans  la  Cadence  rompue  on  ne  peut 
fuppofer  aucun  changement  de  Ton. 

Il  y  a  une  autre   cfpece  de    Cadence   que    les    Mufkims 


06  CAD 

ne  regardent  point  comme  telle  ,  &  qui ,  félon  la  défini- 
tion ,  en  eft  pourtant  une  véritable  :  c'eit  le  paifage  de  l'Ac- 
cord de  Septième  diminuée  fur  la  Note  fenfible  à  l'Accord 
de  la  Tonique.  Dans  ce  pafTage  ,  il  ne  fe  trouve  aucune 
liaifon  harmonique  ,  &  c'eft  le  fécond  exemple  de  ce  défaut 
dans  ce  qu'on  appelle  Cadence.  On  pourroit  regarder  les  tran- 
fitions  enharmoniques  ,  comme  des  manières  d'éviter  cette 
même  Cadence ,  de  même  qu'on  évite  la  Cadence  parfaite 
d'une  Dominante  à  fa  Tonique  par  une  tranfition  chroma- 
tique :  mais  je  me  borne  à  expliquer  ici  les  dénominations 
établies. 

CADENCE  eft ,  en  terme  de  Chant ,  ce  battement  de 
gofîcr  que  les  Italiens  appellent  Trillo  ,  que  nous  appelions 
autrement  Tremblement ,  &  qui  fe  fait  ordinairement  fur  la 
pénultième  Note  d'une  phrafe  Muficale ,  d'où  ,  fans  doute  y 
il, a  pris  le  nom  de  Cadence.  On  dit  :  Cette  Actrice  a  une 
belle  Cadence;  ce  Chanteur  bat  mal  la  Cadence,  &c. 

Il  y  a  deux  fortes  de  Cadences  :  l'une  eft  la  Cadence 
pleine.  Elle  confide  à  ne  commencer  le  battement  de  voix 
qu'après  en  avoir  appuyé  la  Note  fupérieurc  :  l'autre  s'ap- 
pelle Cadence  brifée  ,  &  l'on  y  fait  le  battement  de  voix  fans 
aucune  préparation.  Voyez  l'exemple  de  Tune  &  de  l'autre, 
PI.  B.  Fig.  13. 

CADENCE  (la)  eft  une  qualité  de  la  bonne  Mufiquc, 
qui  donne  à  ceux  qui  l'exécutent  ou  qui  Nécoutent  un  \'cn- 
timent  vif  de  la  Mefure,  en  forte  qu'ils  la  marquent  &  la 
fentent  tomber  à  propos  ,  fins  qu'ils  y  penfent  &  tomme 
par  initinâ.  Cette  qualité  eft  fur-tout  requife  dans  les  Airs 

a 


CAD  97 

à  danfer.  Le  Menuet  marque  bien  la  Cadence  ,  cette  Cha- 
conne  manque  de  Cadence.  La  Cadence  ,  en  ce  fens  étant 
une  qualité  ,  porte  ordinairement  l'Article  défini  la  ;  au  lieu 
que  la  Cadence  harmonique  porte,  comme  individuelle  ,  l'Ar- 
ticle numérique.  Une  Cadence  parfaite.  Trois  Cadences 
évitées  ,  &c. 

Cadence  fignifie  encore  la  conformité  des  pas  du  Danflur 
avec  la  Mefure  marquée  par  l'Infirument.  Il  fort  de  Cadence; 
il  efl  bien  en  Cadence.  Mais  il  faut  obferver  que  la  Ca- 
dence ne  fe  marque  pas  toujours  comme  fe  bat  la  Mefure. 
Ainfï  ,  le  Maître  de  Mufique  marque  le  mouvement  du 
Menuet  en  frappant  au  commencement  de  chaque  Mefure  ; 
au  lieu  que  le  Maître  à  danfer  ne  bat  que  de  deux  en  deux 
Mefures,  parce  qu'il  en  faut  autant  pour  former  les  quatre 
pas  du  Menuet. 

CADENCE,  ad).  Une  Mufique  bien  Cadencée  eft  celle 
où  la  Cadence  elt  fenfible  ,  où  le  Rhythme  &  l'Harmonie 
concourent  le  plus  parfaitement  qu'il  eit  pofllble  a  faire  fentir 
le  mouvement  :  car  le  choix  des  Accords  n'eit  pas  indiffé- 
rent pour  marquer  les  Tems  de  la  Mefure  ,  6c  l'on  ne  doit 
pis  pratiquer  indifféremment  la  même  Harmonie  fur  le 
Frappé  &  fur  le  Levé.  De  même  il  ne  fuffit  pas  de  parta- 
ger les  Mefures  en  valeurs  égales  ,  pour  en  faire  fentir  les 
retours  égaux  ;  mais  le  Rhythme  ne  dépend  pas  moins  de 
1'  Vccent  qu'on  donne  a  la  Mélodie  que  des  valeurs  qu'on 
donne  aux  Notes  ;  car  on  peut  avoir  des  Tems  très-égaux 
en  valeurs,  «5c  toutefois  très-mal  Cadencés;  ce  n'eft  pas  airez 
«que  l'égalité  y  fuit  ,  il  faut  encore  qu'on  la  fente. 
Dicl.  de  Mufique.  N 


P8  CAD 

CADENZA ,  / /.  Mot  Italien,  par  lequel  on  indique  un 
Point  d'Orgue  non  écrit ,  &c  que  l'Auteur  laifle  à  h  volonté 
de  celui  qui  exécute  la  Partie  principale ,  à  fin  qu'il  y  fine  , 
relativement  au  caractère  de  l'Air ,  les  paffages  les  plus  con- 
venables à  fa  Voix ,  à  fon  Infiniment ,  eu  à  fon  goût. 

Ce  Point  d'Orgue  s'appelle  Caden\a  ,  parce  qu'il  fe  fait 
ordinairement  fur  la  première  Note  d'une  Cadence  finale  , 
&.  il  s'appelle  aufli  Arbïtrh ,  à  caufe  de  la  liberté  qu'on  y 
laide  a  l'Exécutant  de  fe  livrer  à  fes  idées  ,  &  de  fuivre  fon 
propre  goût.  La  Mufique  Françoife  ,  fur  -  tout  la  vocale  , 
qui  eft  extrêmement  fervile  ,  ne  lailfe  au  Chanteur  aucune 
pareille  liberté  ,  dont  même  il  feroit  fort  embarraiïé  de 
faire  ufage. 

CANARDER,  v.  n.  C'eft,  en  jouant  du  Hautbois,  tirer 
un  Son  nafillard  &  rauque  ,  approchant  du  cri  du  Canard  : 
c'eft  ce  qui  arrive  aux  Commençans  ,  &  fur-tout  dans  le 
bas  ,  pour  ne  pas  ferrer  aiïez  l'anche  des  lèvres.  Il  eft  aufïï 
très  -  ordinaire  à  ceux  qui  chantent  la  Haute -Contre  de 
Carnarder;  parce  que  la  Haute-Contre  cft  une  Voix  fu^ice 
&  forcée ,  qui  fe  fent  toujours  de  la  contrainte  avec  laquelle 
elle  fort. 

CANARIE  ,  f.  f.  Efpece  de  Gigue  dont  l'Air  eft  d'un 
mouvement  encore  plus  vif  que  celui  de  la  Gigue  ordinaire  : 
c'eft  pourquoi  l'on  le  marque  quelquefois  par  &  :  cette  Danfe 
n'eft  plus  en  ufage  aujourd'hui.  (Voyez  Gjgub.) 

CANEVAS,  /.  m.  C'elt  ainfi  qu'on  appelle  a  l'Opéra  de 
Paris  des  paroles  que  le   Muûcieo  ajufte  au\  h  .in  Air 

à  parodier.  Sûr  ces  paroles,  qui  ne  figiuïienc  rien,  le  Po< 


C    A    N  99 

en  ajufte  d'autres  qui  ne  fignifient  pas  grand'chofe  ,  où  l'on 
ne  trouve  pour  l'ordinaire  pas  plus  d'efprk  que  de  fens  ,  où 
la  Profodie  Françoifc  e(t  ridiculement  eftropiée ,  &  qu'on 
appelle  encore ,  avec  grande  raifon ,  des  Canevas. 

CANON,  f.  m.  C'étoit  dans  la  Mufique  ancienne  une 
règle  ou  méthode  pour  déterminer  les  rapports  des  Inter- 
valles. L'on  donnoit  auiïi  le  nom  de  Canon  à  l'Inflrumenc 
par  lequel  on  trouvoit  ces  rapports  ,  &  Ptolomée  a  donné 
le  même  nom  au  Livre  que  nous  avons  de  lui  fur  les  rap- 
ports de  tous  les  Intervalles  harmoniques.  En  général  on 
appelloit  Seclio  Canonis  ,  la  divifion  du  Monocorde  par 
tous  ces  Intervalles ,  &  Canon  univerfalis  ,  le  Monocorde 
ainfi  divifé  ,  ou  la  Table  qui  le  repréfentoit.  (  Voyez  Mono- 
corde. ) 

CANON ,  en  Mufique  moderne ,  eft  une  forte  de  Fugue 
qu'on  appelle  perpétuelle  ,  parce  que  ks  Parties ,  partant  l'une 
après  l'autre ,  répètent  fans  ceiïe  le  même  Chant. 

Autrefois ,  dit  Zarlin  ,  on  mettoit  à  la  tète  des  Fugues 
perpétuelles  ,  qu'il  appelle  Fughe  in  confeçuen\a  ,  certains 
avertiflemens  qui  marquoient  comment  il  faloit  chanter  ces 
fortes  de  Fugues ,  &  ces  avertiffemens  étant  proprement  les 
Tegles  de  ces  Fugues,  s'intituloient  Canonï ,  règles,  Canons. 
De-là  prenant  le  titre  pour  la  chofe  ,  on  a  ,  par  métonymie, 
nommé  Canon  ,  cette  efpece  de  Fugue. 

Les  Canons  les  plus  aifés  à  faire  &  les  plus  communs  , 
fe  prennent  à  l'Unifibn  ou  à  l'O&ave  ;  c'eft-  à -dire  ,  que 
chaque  Partie  répète  fur  le  même  ton  le  Chant  de  celle  qui 
la  précède.  Pour  compofer  cette  efpece   de    Canon  ,    il  ne 

N  i 


IOO 


C    A    N 


faut  qu'imaginer  un  Chant  à  fon  gré  ;  y  ajouter  en  Partition , 
autant  de  Parties  qu'on  veut ,  à  voix  égales  :  puis ,  de  toutes 
ces  Parties  chantées  fucceflivement ,  former  un  feul  Air: 
tâchant  que  cette  fucceffion  produife  un  tout  agréable  ,  foit 
àins  l'Harmonie ,  foit  dans  le  Chanr. 

Pour  exécuter  un  tel  Canon  ,  celui  qui  doit  chanter  le 
premier,  part  feul ,  chantant  de  fuite  l'Air  entier,  &  le  recom- 
mençant aufli-tôt  fans  interrompre  la  Mefure.  Dès  que  celui* 
ci  a  fini  le  premier  couplet ,  qui  doit  fervir  de  fujet  perpétuel , 
&  fur  lequel  le  Canon  entier  a  été  compofé,  le  fécond  entre, 
&  commence  ce  même  premier  couplet ,  tandis  que  le  pre- 
mier entré  pourfuit  le  fécond  :  les  autres  partent  de  même 
fucceflivement ,  dès  que  celui  qui  les  précède  cft  à  la  fin  du 
même  premier  couplet:  en  recommençant  ainfi,  fans  celfe, 
on  ne  trouve  jamais  de  fin  générale  ,  &  l'on  pourfuit  le 
Canon  aufli  long-tems  qu'on  veut. 

L'on  peut  encore  prendre  une  Fugue  perpétuelle  à  la 
Quinte,  ou  à  la  Quarte;  ceft-à-dire ,  que  chaque  Partie 
répétera  le  Chant  de  la  précédente  ,  une  Quinte  ou  une 
Quarte  plus  haut  ou  plus  bas.  Il  faut  alors  que  le  Canon 
foit  imaginé  tout  entier,  di  prima  inîsn\ione ,  comme  difene 
les  Italiens,  &  que  l'on  ajoute  des  Hémols  ou  des  Dièfes 
aux  Notes,  dont  les  degrés  naturels  ne  rend r oient  pas  exaÔe* 
ment ,  à  la  Quinte  ou  à  la  Quarte  ,  le  Chant  de  la  Partie 
précédente.  On  ne  doit  avoir  égard  ici  à  aucune  modula- 
tion, mais  feulement  à  l'identité  du  Chaht;  ce  qui  rend  la 
composition  du  Canon  plus  difficile  :  car  à  (  uae 

farde  reprend  la  Fugue  elle  entre  dans  un  nouveau  Ton: 


C    A    N  toi 

elle  en  change  prefque  à  chaque  Note ,  &  qui  pis  eft ,  nulle 
Partie  ne  fe  trouve  à  la  fois  dans  le  même  Ton  qu'une 
autre;  ce  qui  fait  que  ces  fortes  de  Canons,  d'ailleurs  peu 
faciles  à  fuivre  ,  ne  font  jamais  un  effet  agréable  ,  quelque 
bonne  qu'en  foit  l'Harmonie ,  &  quelque  bien  chantes  qu'ils 
fuient. 

Il  y  a  une  troifieme  forte  de  Canons  très -rares,  tant  à 
caufe  de  l'exceffive  difficulté  ,  que  parce  qu'ordinairement 
dénués  d'agrémens  ,  ils  n'ont  d'autre  mérite  que  d'avoir 
coûté  beaucoup  de  peine  a  faire.  C'eft  ce  qu'on  pourroit 
appeller  double  Canon  renverfé  ,  tant  par  ï'inverûon  qu'on  y 
met ,  dans  le  Chant  des  Parties  ,  que  par  celle  qui  fe  trouve 
entre  les  Parties  mêmes  ,  en  les  chantant.  Il  y  a  un  tel  arti- 
fice dans  cette  efpece  de  Canons  ,  que  ,  foit  qu'on  chante 
les  Parties  dans  l'ordre  naturel ,  foit  qu'on  renverfé  le  papier 
pour  les  chanter  dans  un  ordre  rétrograde  ,  en  forte  que 
l'on  commence  par  la  fin  ,  &  que  la  Baffe  devienne  le 
Delfus  ,  on  a  toujours  une  bonne  Harmonie  &  un  Canon 
régulier.  (Voyez  PI.  D.  Fig.  n.)  deux  exemples  de  cette 
efpece  de  Canons  tirés  de  Bontempi,  lequel  donne  auffi  des 
règles  pour  les  cornpofer.  Mais  on  trouvera  le  vrai  principe 
de  ces  règles  au  mot  SYSTÈME  ,  dans  l'expoficion  de  celui 
de  M.  Tartini. 

Pour  faire  un  Canon  dont  l'Harmonie  foit  un  peu  variée  , 
il  faut  que  les  Pairies  ne  fe  fuivent  pas  trop  promptement, 
que  l'une  n'entre  que  long-tems  après  l'autre.  Quand  elles 
fe  fuivent  fi  rapidement,  comme  a  la  Paufe  ou  demi-Paufê, 
on  n'a  pas  le  tems  d'y  faire  palier  pluûeurs  Accords,  6c  le 


ici  C    AkN 

Canon  ne  peut  manquer  d'être  monotone  ;  mais  c'efl  un  moyen 
de  faire  ,  fuis  beaucoup  de  peine,  des  Canons  à  tant  de  Par- 
ties qu'on  veut  :  car  un  Canin  de  quatre  Mefures  feulement, 
fera  déjà  à  huit  Parties  li  elles  fe  fuivent  à  la  demi-Paufe  , 
&  à  chaque  Mefure  qu'on  ajoutera ,  l'on  gagnera  encore  deux 
Parties. 

L'Empereur  Charles  Vf,  qui  étoit  grand  Muficien  &  corn- 
pofoit  très-bien  ,  fe  plaifoit  beaucoup  à  faire  &  chanter  des 
Canons.  L'Italie  efr.  encore  pleine  de  fort  beaux  Canons  qui 
ont  été  faits  pour  ce  Prince  ,  par  les  meilleurs  Maîtres  de 
ce   pays  -  là. 

CANTABILE.  Adjectif  Italien ,  qui  lignifie  Chantable , 
commode  à  chanter.  Il  fe  dit  de  tous  les  Chants  dont ,  en 
quelque  Mefure  que  ce  foit ,  les  Intervalles  ne  font  pas  trop 
grands ,  ni  les  Notes  trop  précipitées ,  de  forte  qu'on  peut 
les  chanter  aifément  fans  forcer  ni  gêner  la  Voix.  Le  mot 
Cantabile  palfe  auflî  peu-à-peu  dans  l'ufage  François.  On  dit, 
parle\-moi  du  Cantabile  ;  un  beau  Cantabile  me  plaît  plus  que 
tous  vos  Airs  d'exécution. 

CANTATE,  f.  f.  Sorte  de  petit  Poème  Lyrique  qui  fe 
chante  avec  des  Accompagnemens  ,  &  qui ,  bien  que  fait  pour 
la  chambre  ,  doit  recevoir  du  Muficiui  la  chaleur  &  les 
grâces  de  la  Mufiquc  imitative  &.  théâtrale.  Les  Cantates 
font  ordinairement  compofées  de  trois  Récitatifs,  &  d'au- 
tant d'Airs.  Celles  qui  font  en  récit ,  &  les  Airs  en  maximes, 
font  toujours  froides  &  mauvaifes  ;  le  Muiicien  doit  les  rebu- 
ter. Les  meilleures  font  celles  où,  dans  une  (ituation  \ive  cV 
touchante  ,  le  priucipul  perfonnage  parle  lui-même  ;  car  nos 


C    A    N  ioj 

Cantates  font  communément  à  Voix  feule.  Il  y  en  a  . 
tanc  quelques  unes  à  deux  Voix  en  forme  de  Dialogue  ,  & 
celles-là  (ont  encore  agréables ,  quand  on  y  fait  introduire  de 
l'intérêt.  Mais  comme  il  faut  toujours  un  peu  d'échafaudage, 
pour  (aire  une  forte  d'expofition ,  &  mettre  l'auditeur  au  fait, 
ce  n'eft  pas  fans  railbn  que  les  Cantates  ont  palTé  de  Mode, 
&  qu'on  leur  a  fubltitué  ,  même  dans  les  Concerts  ,  des 
Scènes  d'Opéra. 

La  Mode  des  Cantates  nous  eft  venue  d'Italie  ,  comme 
on  le  voit  par  leur  nom  qui  eft  Italien,  &  c'e/t  l'Jtalie  aufîî 
qui  les  a  proferites  la  première.  Les  Cantates  qu'on  y  fait 
aujourd'hui ,  font  de  véritables  Pièces  dramatiques  à  plufieurs 
Acteurs  ,  qui  ne  différent  des  Opéra  ,  qu'en  ce  que  ceux-ci 
fe  repréfenrent  au  Théâtre ,  &  que  les  Cantates  ne  s'exé- 
cutent qu'en  Concert  :  de  forte  que  la  Cantate  eft  fur  un 
fujer  profine  ,  ce  qu'eft  l'Oratorio  fur  un   fujec  facré. 

CANTAT1LLE  J[  /.  Diminutif  de  Cantate  ,  n'elt  en  ef- 
fet qu'une  Cantate  fort  courte  ,  dont  le  fujer  eft  lié  par 
quelques  vers  de  Récitatif,  en  deux  ou  trois  Airs  en  Ron- 
deau pour  l'ordinaire  ,  avec  des  Accompag.iemens  de  Sym- 
phonie. Le  genre  de  là  Cantatille  \àux.  moins  encore  que' 
celui  de  la  Cantate  ,  auquel  on  l'a  fubftitué  parmi  nous. 
Mais  comme  on  n'y  peut  développer  ni  pa  (fions  ni  tableaux, 
&  qu'elle  n'elt  fufceptible  que  de  gentillette  ,  c'eft  une  ref- 
fource  pour  les  petits  faifeurs  de  vers  ,  &  pour  ks  Mufioienl 
fans  gc'nie. 

CANTIQUE,/  m.  Hymne  que  l'on  chante  en  l'honneur 
de  la  Divinité1 


io4  C    A    N 

Les  premiers  &  les  plus  anciens  Cantiques  furent  compofés 
à  l'occalïon  de  quelque  événement  mémorable  ,  &  doivent 
être  comptés  entre   les  plus  anciens    monumens  hiftoriques. 

Ces  Cantiques  étoient  chantés  par  des  Chœurs  de  Mufi- 
que ,  &  Couvent  accompagnés  de  danfes  ,  comme  il  paroît 
par  l'Ecriture.  La  plus  grande  Pièce  qu'elle  nous  offre  ,  en 
ce  genre  ,  eit  le  Cantique  des  Cantiques ,  Ouvrage  attribué 
à  Salomon ,  &  que  quelques  Auteurs  prétendent  n'être  que 
l'Epithalame  de  fon  mariage  avec  la  fille  du  Roi  d'Egypte. 
Mais  les  Théologiens  montrent ,  fous  cet  emblème  ,  l'union 
de  Jéfus-Chrift  &  de  l'Eglife.  Le  fieur  de  Cahufac  ne  voyoit, 
dans  le  Cantique  des  Cantiques ,  qu'un  Opéra  très-bien  fait  ' 
les  Scènes  ,  les  Récits  ,  les  Duo  ,  les  Chœurs  ,  rien  n'y 
manquoit  ,  félon  lui  ;  &  il  ne  doutoit  pas  même  que  cet 
Opéra  n'eût  été   repréfenté. 

Je  ne  fâche  pas  qu'on  ait  confervé  le  nom  de  Cantique  à 
aucun  des  chants  de  l'Eglife  Romaine  ,  fi  ce  n'eft  le  Can- 
tique de  Siméon  ,  celui  de  Zacharie  ,  &  le  Magnificat  ap- 
pelle le  Cantique  de  la  Vierge.  Mais  parmi  nous  on  appelle 
Cantique  tout  ce  qui  fe  chante  dans  nos  Temples  ,  excepté 
les  Pièaumes  qui  confinent  leur  nom. 

Les  Grecs  donnoient  encore  le  nom  de  Cantiques  à  cer- 
tains Monologues  pafîîonnés  de  leurs  Tragédies,  qu'on  chan- 
toit  fur  le  Mode  Hypodorien  ,  ou  fur  l'Hypophrygien  ;  comme 
nous  l'apprend  Arifiote  au  dix-neuvieme  de  fis  Problèmes; 
CANTO.  Ce  mot  Italien,  écrit  dans  une  Partition  fur  la 
Portée  vuide  du  premier  Violon  ,  marque  qu'il  doit  jouer  à 
l'unhTon  fur  la  Partie   chantante. 

CAPRICE  , 


C    A    1J  i»5 

CAPRICE,/  m.  Sorte  de  Pièce  de  Mufique  libre,  dans 
laquelle  l'Auteur  ,  fans  s'afïiijettir  à  aucun  fujet ,  donne  car- 
rière à  fon  génie  &  fe  livre  a  tout  le  feu  de  la  Compofition. 
Le  Caprice  de  Rebel  ctoit  efiimé  dans  fon  tems.  Aujour- 
d'hui les  Caprices  de  Locatelli  donnent  de  l'exercice  à  nos 
Violons. 

CARACTERES  DE  MUSIQUE.  Ce  font  les  divers  fi. 
gnes  qu'on  emploie  pour  repréfenter  tous  les  Sons  de  la  Mé- 
lodie ,  ôc  toutes  les  valeurs  des  Tems  &  de  la  Mefure  ;  de 
forte  qu'à  l'aide  de  ces  Caractères  on  puiffe  lire  &  exécuter 
la  Mufique  exactement  comme  elle  a  été  compofée  ,  &  cette 
manière  d'écrire  s'appelle    Noter.  (Voyez  Notes.) 

Il  n'y  a  que  les  Nations  de  l'Europe  qui  fâchent  écrire 
leur  Mufique.  Quoique  dans  les  autres  parties  du  Monde  cha- 
que Peuple  ait  auflï  la  fienne  ,  il  ne  paroît  pas  qu'aucun 
d'eux  ait  pouffé  fes  recherches  jufqu'à  des  Caractères  pour 
la  noter.  Au  moins  eft-il  fur  que  les  Arabes  ni  les  Chinois, 
les  deux  Peuples  étrangers  qui  ont  le  plus  cultivé  les  Let- 
tres ,  n'ont ,  ni  l'un  ni  l'autre  ,  de  pareils  Caractères.  A  la 
vérité  les  Perfans  donnent  des  noms  de  Villes  de  leur  pays 
ou  des  parties  du  corps  humain  aux  quarante-huit  Sons  de 
leur  Mufique.  Ils  difent ,  par  exemple ,  pour  donner  l'into- 
nation d'un  Air  :  Alk\  de  cette  Ville  à  celle-là  ;  ou  alle\  du 
dngt  au  coude  :  mais  ils  n'ont  aucun  figne  propre  pour  ex- 
primer fur  le  papier  ces  mêmes  Sons  ;  &  ,  quant  aux  Chi- 
nois ,  on  trouve  dans  le  P.  du  Halde ,  qu'ils  furent  étran- 
gement furpris  de  voir  les  Jéfuircs  noter  ôc  lire  fur  cette 
même  Note  tous  les  Airs  Chinois  qu'on  leur  faifoit  entendre. 
Dict.  de  Mufique.  O 


io<$  CAR 

Les  anciens  Grecs  fe  fervoient  pour  Caractères  dans  leur 
Mufique  ,  ainfi  que  dans  leur  Arihmétique  ,  des  lettres  de 
leur  Alphabet  :  mais  au  lieu  de  leur  donner  ,  dans  la  Mufi- 
que ,  une  valeur  numéraire  qui  marquât  les  Intervalles  ,  ils 
fe  contentoient  de  les  employer  comme  Signes  ,  les  com- 
binant en  diverfes  manières  ,  les  mutilant ,  les  accouplant , 
les  couchant  ,  les  retournant  différemment ,  félon  les  Gen- 
res &  les  Modes  ,  comme  on  peut  voir  dans  le  Recueil 
d'Alypius.  Les  Latins  les  imitèrent ,  en  fe  fervant  ,  à  leur 
exemple  ,  des  lettres  de  l'Alphabet ,  &  il  nous  en  refte  en- 
core la  lettre  jointe  au  nom  de  chaque  Note  de  notre  Echelle 
diatonique  &  naturelle. 

Gui  Arétin  imagina  les  Lignes  ,  les  Portées  ,  les  Signes 
particuliers  qui  nous  font  demeurés  fous  le  nom  de  Aro te s , 
&  qui  font  aujourd'hui  la  Langue  Muficale  &  univerfelle  de 
toute  l'Europe.  Comme  ces  derniers  Signes  ,  quoiqu'admis 
unanimement  &  perfectionnés  depuis  l' Arétin  ,  ont  encore 
de  grands  défauts  ,  plufieurs  ont  tenté  de  leur  fubfbtuer 
d'autres  Notes  :  de  ce  nombre  ont  été  Parran  ,  Souhaita , 
Sauveur,  Dumas,  &  moi-même.  Mais  comme,  au  fond, 
tous  ces  fyftêmes  ,  en  corrigeant  d'anciens  défauts  auxquels 
on  efr.  tout  accoutumé ,  ne  faifoient  qu'en  fubftituer  d'autres 
dont  l'habitude  eft  encore  à  prendre  ;  je  penfe  que  le  Public 
a  trés-figement  fait  de  laifTer  les  chofes  comme  elles  font  , 
&  de  nous  renvoyer  ,  nous  &  nos  fyflêmcs  ,  au  pays  des 
vaincs  fpéculations. 

CAHRILLON.  Sorte  d'Air  fait  pour  être  exécuté  par  plu- 
fieurs CLches  accordées  à  différens  Tons.  Comme  on  fait 


C    A    K 


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plutôt  le  Carriïïon  pour  les  Cloches  que  les  Cloches  pour 
le  Carrillon  ,  l'on  n'y  fait  entrer  qu'autant  de  Sons  divers 
qu'il  y  a  de  Cloches.  Il  faut  obferver  de  plus ,  que  tous  leurs 
Sons  ayant  quelque  permanence  ,  chacun  de  ceux  qu'on 
frappe  doit  faire  Harmonie  avec  celui  qui  le  précède  &  avec 
celui  qui  le  fuit  ;  afiujettifTement  qui  ,  dans  un  mouvement 
gai  ,  doit  s'étendre  à  toute  une  Mefure  &  même  au-delà  , 
afin  que  les  Sons  qui  durent  enfemble  ne  difïbnent  point  à 
l'oreille.  Il  y  a  beaucoup  d'autres  obfervations  à  faire  pour 
compofer  un  bon  Carrillon  ,  &  qui  rendent  ce  travail  plus 
pénible  que  fatisfaifant  :  car  c'eit  toujours  une  fotte  Mu- 
fique  que  celle  des  Cloches  ,  quand  même  tous  les  Sons 
en  feroient  exactement  judes  ;  ce  qui  n'arrive  jamais.  On 
trouvera  ,  (  Planche  ,  A.  Fig.  14  ,  )  l'exemple  d'un  Carrillon 
confonnant ,  compofé  pour  être  exécuté  fur  une  Pendule  à 
neuf  timbres ,  faite  par  M.  Romilly  ,  célèbre  Horloger.  On 
conçoit  que  l'extrême  gêne  à  laquelle  aflujettiffent  le  con- 
cours harmonique  des  Sons  voifins  ,  &  le  petit  nombre  des 
timbres  ,  ne  permet  gueres  de  mettre  du  Chant  dans  un 
femblable   Air. 

CARTELLES.  Grandes  feuilles  de  peau  d'âne  préparées, 
fur  Iefquelles  on  entaille  les  traits  des  Portées ,  pour  pou- 
voir y  noter  tout  ce  qu'on  veut  en  compofant ,  6c  l'effacer 
en  fuite  avec  une  éponge  ;  l'autre  côté  qui  n'a  point  de  Por- 
tées peut  fervir  à  écrire  6c  barbouiller,  6c  s'efface  de  même, 
pourvu  qu'on  n'y  laifTe  pas  trop  vieillir  l'encre.  Avec  une 
Candie  un  Compofiteur  foigneux  en  a  pour  fa  vie  ,  6c  épar- 
gne bien  des  rames  de  papier  réglé  :  mais  il  y  a  ceci  d'in- 

O  z 


ÎO* 


CAR 


commode  ,  que  la  plume  parlant  continuellement  fur  les 
lignes  entaillées  ,  gratte  &  s'émouffe  facilement.  Les  Cand- 
ies viennent  toutes  de  Rome  ou  de  Naples. 

CASTRATO,/!  m.  Muficien  qu'on  a  privé,  dans  Ton  en* 
fance  ,  des  organes  de  la  génération  ,  pour  lui  conferver  la 
veix  aiguë  qui  chante  la  Partie  appellée  Dejfus  ou  Soprano. 
Quelque  peu  de  rapport  qu'on  apperçoive  entre  deux  or- 
ganes fi  différens  ,  il  eft  certain  que  la  mutilation  de  l'un 
prévient  &  empêche  dans  l'autre  cette  mutation  qui  furvient 
aux  hommes  à  l'âge  nubile  ,  &  qui  baille  tout-à-coup  leur 
voix  d'une  Oétave.  Il  fe  trouve ,  en  Italie  ,  des  pères  bar- 
bares qui  ,  facrifiant  la  Nature  à  la  fortune  ,  livrent  leurs 
enfans  à  cette  opération ,  pour  le  plaifir  des  gens  voluptueux 
&  cruels  ,  qui  ofent  rechercher  le  Chant  de  ces  malheureux. 
Laiflbns  aux  honnêtes  femmes  des  grandes  Villes  les  ris 
modeltes  ,  l'air  dédaigneux  ,  &  les  propos  plaifans  dont  ils 
font  l'éternel  objet  ;  mais  faifons  entendre  ,  s'il  fe  peut ,  la 
voix  de  la  pudeur  &  de  l'humanité  qui  crie  &i  s'élève  contre 
cet  infâme  ufage  ;  &  que  les  Princes  qui  l'encouragent  par 
leurs  recherches  ,  rougiifent  une  fois  de  nuire  ,  en  rant  de 
façons  ,  à  la  confervation  de  l'efpece   humaine. 

Au  relie ,  l'avantage  de  la  voix  fe  compenfe  dans  les  Caf- 
trati  par  beaucoup  d'autres  perte.";.  Ces  hommes  qui  chantent 
li  l  ietr,  mais  fans  chaleur  &  fans  paflîon ,  font,  fur  le  Théâ- 
tre ,  les  plus  maulîades  Acteurs  du  monde  ;  ils  perdent  leur 
;  de  très-bonne  heure  &  prennent  un  embonpoint  dégoû- 
tant. Ils  parlent  &  prononcent  plus  mal  que  les  vrais  hom- 
mes ,  ce  il  y  a  même  des  lettres  telles  que  Pr,  qu'ils  ne 
peuvent  point  prononcer  du  tout. 


C    A    T  109 

Quoique  le  mot  Caftrato  ne  puiffe  offenfer  les  plus  délicates 
oreilles ,  il  n'en  e(t  pas  de  même  de  fon  fynonyme  François  ; 
preuve  évidente  que  ce  qui  rend  les  mots  indécens  ou  des- 
honnctes  dépend  moins  des  idées  qu'on  leur  attache ,  que  de 
l'ufage  de  la  bonne  compagnie ,  qui  les  tolère  ou  les  prof- 
crit  à  fon  gré. 

On  pourrait  dire  ,  cependant ,  que  le  mot  Italien  s'admer 
comme  repréfentant  une  profeffion;  au  lieu  que  le  mot  Fran- 
çois ne  repréfente  que  la  privation  qui  y  eft  jointe. 

C  AT  ABAUC  ALÈSE.  Chanfon  des  Nourrices  chez  les 
Anciens.  (Voyez  Chanson.) 

C  AT  ACOUSTIQUE ,  f.  f.  Science  qui  a  pour  objet  les 
Sons  réfléchis  ,  ou  cette  partie  de  l'Acouftique  qui  confidere 
les  propriétés  des  Echos.  Ainfi  la  Catacouftique  efè  à  l'Acouf- 
tique ce  que  la  Catoptrique  elt  à  l'Optique. 

CATAPHON1QUE,  f.f.  Science  des  Sons  réfléchis  qu'on 
appelle  aufîî  Catacouflique.   (  Voyez  V Article  précédent.  ) 

CAVATINE,/  f.  Sorte  d'Air  pour  l'ordinaire  affez  court, 
qui  n'a  ni  Reprife ,  ni  féconde  Partie  ,  &  qui  fe  trouve  fou- 
vent  dans  des  Récitatifs  obligés.  Ce  changement  fubit  du 
Récitatif  au  Chant  mefuré  ,  &  le  retour  inattendu  du  Chant 
mefuré  au  Récitatif,  produifent  un  effet  admirable  dans  les 
grandes  cxprefîîons ,  comme  font  toujours  celles  du  Récitatif 
obligé. 

Le  mot  Cavatïna  eft  Italien  ,  &  quoique  je  ne  veuille  pas, 
comme  Droffard ,  expliquer  dans  un  Didionnaire  François 
tons  les  mots  techniques  Italiens  ,  fur-tout  lorfque  ces  mers 
ont  des  fynonym.es  dajis  noue  Langue  ;  je  rue  crois  pour- 


lis  C    H    A 

tant  obligé  d'expliquer  ceux  de  ces  mêmes  mots  qu'on  em- 
ploie dans  la  Mufique  notée  ;  parce  qu'en  exécutant  cette 
Mufique  ,  il  convient  d'entendre  les  termes  qui  s'y  trouvent, 
&  que  l'Auteur  n'y  a  pas  mis  pour  rien. 

CKNTONISER,  V.  n.  Terme  de  Plain-Chant.  C'eft  corn- 
pofer  un  Chant  de  traits  recueillis  &  arrangés  pour  la  Mé- 
lodie qu'on  a  en  vue.  Cette  manière  de  compofer  n'eft  pas 
de  l'invention  des  Symphoniaftes  modernes  ;  puifque  ,  félon 
l'Abbé  Le  Beuf ,  Saint  Grégoire  lui-même  a  Centonifé. 

CHACONNE,/: /!  Sorte  de  Pièce  de  Mufique  faite  pour 
la  Danfe  ,  dont  la  Mefure  eit  bien  marquée  &  le  Mouvement 
modéré.  Autrefois  il  y  avoit  des  Chaconnes  à  deux  tems  &  à 
trois  ;  mais  on  n'en  fait  plus  qu'à  trois.  Ce  font ,  pour  l'or- 
dinaire ,  des  Chants  qu'on  appelle  Couplets  ,  compofcs  & 
variés  en  diverfes  manières ,  fur  une  Baiïe  -  contrainte ,  de 
quatre  en  quatre  Mefures ,  commençant  prefque  toujours  par 
le  fécond  tems  pour  prévenir  l'interruption.  On  s'eft  affranchi 
peu-à-peu  de  cette  contrainte  de  la  Baife ,  &  l'on  n'y  a  pref- 
que plus  aucun  égard. 

La  beauté  de  la  Chaconne  confille  à  trouver  des  Chants 
qui  marquent  bien  le  Mouvement ,  &  comme  elle  eft  fouvent 
fort  longue ,  à  varier  tellement  les  Couplets  qu'ils  contraf- 
tent  bien  enfemble ,  &  qu'ils  réveillent  fans  cent  l'jttention 
de  l'auditeur.  Pour  cela  ,  on  palfc  &  repalfe  à  volonté  du 
Majeur  au  Mineur  ,  fans  quitter  pourtant  beaucoup  le  Ton 
principal,  &  du  grave  au  gai,  ou  du  tendre  au  vif,  f.ns 
preffer  ni  ralentir  jamais  la  Mefure. 

La  Chaconne  e(t  née  en  Italie,    &:  elle  y  étoit  autrefois 


C    H    A 


m 


fort  en  ufage  ,  de  même  qu'en   Efpagne.   On  ne  la  connoîc 
plus  aujourd'hui  qu'en  France  dans  nos  Opéra. 

CHANSON.  Efpece  de  petit  Poëme  lyrique  fort  court ,  qui 
roule  ordinairement  fur  des  fujets  agréables  ,  auquel  on  ajoute 
un  Air  pour  être  chanté  dans  des  occafions  familières  ,  comme 
à  table ,  avec  fes  amis ,  avec  fa  maîtreife ,  &  même  feul  , 
pour  éloigner ,  quelques  inftans ,  l'ennui  fi  l'on  eft  riche  ;  éc 
pour  fupporter  plus  doucement  la  mifere  6c  le  travail,  fi  l'on 
eft  pauvre. 

L'ufige  des  Chanfons  femble  être  une  fuite  naturelle  de 
celai  de  la  parole  ,  &  n'eft  en  effet  pas  moins  général  ;  car 
par-tout  où  l'on  parle  ,  on  chante.  Il  n'a  falu ,  pour  les  ima- 
giner ,  que  déployer  fes  organes  ,  donner  un  tour  agréable 
aux  idées  dont  on  aimoit  à  s'occuper ,  &  fortifier  par  l'expref 
fion  dont  la  voix  eft  capable ,  le  fentiment  qu'on  vouloit  ren- 
dre ,  ou  l'image  qu'on  vouloit  peindre.  AufTi  les  Anciens  n'a- 
voient-ils  point  encore  l'art  d'écrire ,  qu'ils  avoient  déjà  des 
Chanfons.  Leurs  Loix  &  leurs  hiftoires  ,  les  louanges  des 
Dieux  &  des  Héros  ,  furent  chantées  avant  d'être  écrites.  Et 
de-là  vient,  félon  Ariftote  ,  que  le  même  nom  Grec  fur. 
donné  aux  Loix  &  aux  Chanfons, 

Toute  la  Poëûe  lyrique  n'étoit  proprement  que  des  Chan- 
fons ;  mais  je  dois  me  borner  ici  à  parler  de  celle  qui  portoic 
plus  particulièrement  ce  nom,  &  qui  en  avoit  mieux  le  carac» 
tere  félon  nos  idées. 

Commençons  par  les  Airs  de  table.  Dans  les  premiers 
tems ,  dit  M.  de  la  Nauze  ,  tous  les  Convives ,  au  rapport 
de  Ditéarque  ,  de  Plutarque  &  d'Artémon ,  chantoient  en- 


in  C    H    Â 

femble  ,  &  d'une  feule  voix  ,  les  louanges  de  la  Divinité. 
Ainfi  ces  Chanfons  étoient  de  véritables  Péans  ou  Canti- 
ques facrés.  Les  Dieux  n'étoient  point  pour  eux  des  trouble- 
fêtes  ;  &  ils  ne  dédaignoient  pas  de  les  admettre  dans  leurs 
plaifirs. 

Dans  la  fuite  les  Convives  chantoient  fuccefïïvement ,  cha- 
cun à  fon  tour,  tenant  une  branche  de  Myrthe  ,  qui  parfait 
de  la  main  de  celui  qui  venoit  de  chanter ,  à  celui  qui  chan- 
toit  après  lui.  Enfin  quand  la  Mufique  fe  perfectionna  dans 
la  Grèce ,  &  qu'on  employa  la  Lyre  dans  les  feitins ,  il  n'y 
eut  plus ,  difent  les  Auteurs  déjà  cités ,  que  les  habiles  gens 
qui  fuffent  en  état  de  chanter  à  table  du  moins  en  s'accom- 
pagnant  de  la  Lyre.  Les  autres  ,  contraints  de  s'en  tenir  à 
la  branche  de  Myrthe ,  donnèrent  lieu  à  un  proverbe  Grec , 
par  lequel  on  difoit  qu'un  homme  chantoit  au  Myrthe  , 
quand  on  vouloit  le  taxer  d'ignorance. 

Ces  Chanfons  accompagnées  de  la  Lyre  ,  &  dont  Ter- 
pandre  fut  l'inventeur ,  s'appellent  Scoiies  ,  mot  qui  lignifie 
oblique  ou  tortueux  ,  pour  marquer ,  félon  Plutarque  ;  la 
difficulté  de  la  Chanfon  ;  ou  comme  le  veut  Artémon  ,  la 
fituation  irréguliere  de  ceux  qui  chantoient  :  car  ,  comme  il 
faloit  être  habile  pour  chanter  ainfi ,  chacun  ne  chantoit  pas 
à  fon  rang  ;  mais  feulement  ceux  qui  favoicnt  la  Mufique , 
lefquels  fe  trouvoient  dilperfés  çà  &  là  ,  &  placés  obliquement 
l'un  par  rapport  à  l'autre. 

Lis  Sujets  des  Scoiies  fe  tiroient  non-feulement  de  l\i- 
mour  &  du  vin,  ou  du  plaifir  en  général,  comme  aujour- 
d'hui ;  mais  encore  de   l'Hifloire  ,  de  la  Guerre  ,   &   même 

de 


C    H    A 

de  la  Morale.  Telle  efr.  la  Chanfon  d'Ariftote  fur  la  mort 
d'Hermias  fon  ami  &  fon  allié  ,  laquelle  fie  acculer  ion 
Auteur  d'impiété. 

•«  O  vertu,  qui,  malgré  les  difficultés  que  vous  prefen- 
»  rez  aux  foibles  mortels  ,  êtes  l'objet  charmant  de  leurs 
»  recherches  !  Vertu  pure  &  aimable  !  ce  fut  toujours  aux 
n  Grecs  un  deftin  digne  d'envie  de  mourir  pour  vous  ,  & 
»»  de  fouffrir  avec  confiance  les  maux  les  plus  affreux.  Telles 
»  font  les  femenecs  d'immortalité  que  vous  répandez  dans 
»  tous  les  cœurs.  Les  fruits  en  font  plus  précieux  que  l'or, 
»>  que  l'amitié  des  parens ,  que  le  fommeil  le  plus  tranquille. 
n  Pour  vous  le  divin  Hercule  &  les  fils  de  Léda  fuppor- 
>»  terent  mille  travaux,  &  le  fuccès  de  leurs  exploits  annonça 
»»  votre  puiirance.  C'eit  par  amour  pour  vous  qu'Achille 
»»  &  Ajax  defeendirent  dans  l'Empire  de  Pluton  ,  &  c'eft 
u  en  vue  de  votre  célefle  beauté  ,  que  le  Prince  d'Atarne 
»  s'efè  aufîi  privé  de  la  lumière  du  Soleil.  Prince  à  jamais 
»  célèbre  par  fes  actions ,  les  filles  de  Mémoire  chanteront 
t»  ù  gloire  toutes  les  fois  qu'elles  chanteront  le  culte  de 
ii  Jupiter  Hofpitalier  ,  &  le  prix  d'une  amitié  durable  & 
»>  fincere  ». 

Toutes  leurs  Qumfons  morales  n'étoient  pas  fi  graves  que 
celle-là.  En  voici  une  d'un  goût  différent ,   tirée  d'Athénée. 

«  Le  premier  de  tous  les  biens  eft  la  fanté ,  le  fécond  la 
»  beauté ,  le  troifieme  les  richeffes  amaflecs  fans  fraude ,  & 
»   le  quatrième  la  jeuneiTe  qu'on  paffe  avec  fes  amis  ». 

Quant  aux  Scolies  qui  roulent  fur  l'amour  &  le  vin  ,  on 
en  peut  juger  par  les  foixante  6c  dix  Odes  d'Anacréon ,  qui 
Dicl.  de  Muftquc.  P 


C    H    A 

nous  reftent.  Mais  dans  ces  forces  de  Chanfons  mêmes ,  on 
voyoic  encore  briller  cet  amour  de  la  Patrie  &.  de  la  liberté 
dont  tous  les  Grecs  étoient  tranfportés. 

«  Du  vin  &  de  la  fanté  ,  dit  une  de  ces  Chanfons ,  pour 
»  ma  Cliragora  &  pour  moi  ,  avec  le  fecours  des  Thefla- 
n  liens  ».  C'elt  qu'outre  que  Clitagora  étoit  Theflalienne , 
les  Athéniens  avoient  autrefois  reçu  du  fecours  des  Theflk- 
liens,  contre  la  tyrannie  des  Pififiratides. 

Ils  avoient  auiïî  des  Chanfons  pour  les  diverfes  proférions. 
Telles  étoient  les  Chanfons  des  Bergerr  ,  dont  une  efpece 
appellée  BucoUafms  ,  étoit  le  véritable  Chant  de  ceux  qui 
conduifoient  le  bétail  ;  &  l'autre  ,  qui  eit  proprement  la 
Pafloraièy  en  étoit  l'agréibie  imitation  :  la  Chanfon  des  Moif- 
fonneurs,  appellée  h  Lytierf ,  du  nom  d'un  fils  de  Midas, 
qui  s'occupoit  par  goût  à  faire  la  moiifon  :  la  Chanfon  dts 
Meuniers  appellée  Hymée ,  ou  Epiaulie  ;  comme  celle-ci  tirée 
de  Pkuf.rque  ;  NLouïe\  ,  meule ,  moulc\  :  car  Pittacus  qui 
règne  J.:::.-;  fàûgufte  Mityhne ,  aime  à  moudre  ;  parce  que 
Pittacus  étoit  grand  mangeur  :  la  Chanfon  des  Ti.Terands, 
qui  s*appelloît  ERne  :  la  Chanfon  YuU  des  Ouvriers  en  laitier 
celle  des  Nourrices,  qui  s'appelloit  Catabau  *  ..    lie: 

1 1  Chanfon  des  Amans  ,  appellée  Nomion  :  celle  des    fem- 
mes ,   appellée   Catyce  ;   Harpalice  ,   celle   des    filles.    Ces 

;  dernières,  attendu  le  (exe,  étoient  *u.:Ti  des   Chanfb 
u\, 

Pour  des   occaïïons   particulières,  ils  av<   ent   la  Cht 
/•  s  i    |ui   s'  ppelloit  //'.  .    '  :  la  Ch. 

1   .    '.  .  occafrons  joyeuit 


<:   h  a 

TTaL'me  6c  le  Lïnas  pour  des  occafions  funèbres  oc  tiiîl 
Linos  fe  chantoit  auflî  chez  les  Egyptiens ,  &  s'appelle;':  ; 
eux  Montres t  du  nom  d'un  de  leurs  Princes-,  au  deuil  auquel 
il  avoic  été  chanté.  Par  un  partage  d'Euripide,  cité  par  Ad 
née,  on  voit  que  le  Lines  pouvoit  auffi  marquer  la  joie. 

Enfin,  il  y  avoic  encore  des  Hymnes  ou  Chanfons  en  l'hon- 
neur des  Dieux  &  des  Héros.  Telles  étoient  les  hdes  de 
Cérés  6c  Proferpine ,  la  Phiklie  d'Apollon.,  les  Upuiges  de 
Diane ,  6cc. 

-Ce  genre  paffa  des  Grecs  aux  Latins  ,  5c  plufieurs  Od 
d'Horace  ,  font  des  Chanjhns  galantes  ou  bachiques.  Mais 
cette  Nation,  plus  guerrière  que  fenfuelle,  fir,  durant  très- 
'ieng-tems ,  un  médiocre  ufage  de  la  Mufique  6c  des  Ckan- 
fons ,  6c  n'a  jamais  approché  ,  fur  ce  point ,  des  grâces  de 
1a  volupté  Grecque.  11  paroît  que  le  Chant  refta  toujours  rude 
&  greffier  chez  les  Romains.  Ce  qu'ils  chantoient  aux  noces, 
étoit  plutôt  des  clameurs  que  des  Chanfons  ,  6c  il  n'ef  t  gueres 
à  préfumer  que  les  Chanfons  faryriques  des  Soldats ,  aux  triom- 
phes de  leurs  Généraux ,  euflent  une  Mélodie  fort  agréable. 

Les  Modernes  ont  au  Mi  leurs  Chanfons  de  différentes  espè- 
ces ,  félon  le  génie  6c  le  goût  de  chaque  Nation.  Mais  les 
François  l'emportent  fur  toute  l'Europe,  dans  l'art  de  les 
-compof-T ,  fînon  pour  le  tour  6c  la  Mélodie  des  Airs ,  au 
moins  pour  le  fel,  la  grâce  &  la  fineffe  des  paroles;  quoi- 
que pour  l'ordinaire  l'efprit  6c  la  fatyre  s'y  montrent  bien 
-mieux  encore  que  le  fentiment  &  la  volupté.  Ils  fe  font  p 
à  cet  amufement  6c  y  ont  excellé  dans  tous  les  tems,  témoin 
4es  anciens  Troubadours.  Cet  heureux  peuple  efi  toujours  g 

P  i 


n6  C    H     A 

tournant  tout  en  plaifanterie  :  les  femmes  y  font  fort  galan- 
tes ,  les  hommes  fort  diffipés ,  &  le  pays  produit  d'excellent 
vin  ;  le  moyen  de  n'y  pas  chanter  fans  celte  ?  Nous  avons 
encore  d'anciennes  Chanfons  de  Thibault ,  Comte  de  Cham- 
pagne ,  l'homme  le  plus  galant  de  fon  fîecle ,  mifes  en  JVIulî- 
que  par  Guillaume  de  Machault.  Marot  en  fit  beaucoup  qui 
nous  relient,  &  grâce  aux  Airs  d'Orlande  &  de  Claudin,. 
nous  en  avons  aufli  plufieurs  de  la  Pléiade  de  Charles  IX. 
Je  ne  parlerai  point  des  Chanfons  plus  modernes  ,  par  lef- 
quelles  les  Muficiens  Lambert  %  du  Boi-ifet,  la  Garde  «Se  autres, 
ont  acquis  un  nom  ,  &  dont  on  trouve  autant  de  Poètes,  qu'il 
y  a  de  gens  de  phifir  parmi  le  Peuple  du  monde  qui  s'y 
livre  le  plus  ,  quoique  non  pas  tous  aum  célèbres  que  le 
Comte  de  Coulange  &  l'Abbé  de  Lattaignanr.  La  Provence 
&  le  Languedoc  n'ont  point  non  plus  dégénéré  de  leur  pre- 
mier talent.  On  voit  toujours  régner  dans  ces  Provinces  un 
air  de  gaieté  qui  porte  fans  ceffe  leurs  habirans  au  Chant  & 
à  la  Danfe.  Un  Provençal  menace  ,  dit-on  ,  fon  ennemi 
d'une  Ca.infon  ,  comme  un  Italien  menaceroit  le  fien  d"un 
coup  de  ftiïec  ;  chacun  a  fes  armes.  Les  autres  Pays  ont  aufTl 
leurs  Provinces  Chanlbnnieres  ;  en  Angleterre  ,  eVft  l'EcolIe  ; 
en  Italie,    c'eft  Venife.  (  Voyez  Barcarolles.  ) 

Nos  Chanfons  font  de  plufieurs  fortes  ;  mais  en  général 
elles  roulent  ou  fur  l'amour  ,  ou  fur  le  vin  ,  ou  f ir  la  faryre. 
Les  C/ur/f>;ii  d'amour  font  ;  les  Airs  tendres  qu'on  appelle 
encore  Airs  férieux  ;  les  Romances ,  dont  le  caractère  elè 
d'c'mouvoir  l'a  me  infenliblc-meut  par  le  récit  tendre  &  nnf 
de  quelque  hitloire  amoureufe  &  tragique;  les  Chanfons  paf- 


C    H    A  117 

torales  &  nitriques  ,  don:  plaûeurs  font  faites  pour  danfer  ; 
comme  les  Mufettes ,  les  Gavottes ,  les  Branles  ,  &c. 

Les  Chanfons  à  boire  font  allez  communément  des  Airs 
de  Baifc  ou  des  Rondes  de  table  :  c'elt  avec  beaucoup  de 
raifon  qu'on  en  fait  peu  pour  ks  Defllis  ;  car  il  n'y  a  pas 
une  idée  de  débauche  plus  crapuleufe  ce  plus  vile  que  celle 
d'une  femme  ivre. 

A  l'égard  des  Chanfons  fatyriques  ,  elles  font  comprifes 
fous  le  nom  de  Vaudevilles  ,  &  lancent  indifféremment  leurs 
traits  fur  le  vice  6c  fur  la  vertu  ,  en  les  rendant  également 
ridicules  ,  ce  qui  doit  profenre  le  Vaudeville  de  la  bouche 
des  gens  de  bien. 

Nous  avons  encore  une  efpece  de  Chanfon  qu'on  appelle 
Parodie.  Ce  font  des  paroles  qu'on  ajufte  comme  on  peut 
fJr  des  Airs  de  Violon ,  ou  d'autres  Inftrumens ,  ik  qu'on 
fait  rimer  un:  bien  que  ma! ,  fans  avoir  égard  à  la  mefurc 
des  vers ,  ni  au  caractère  de  l'Air ,  ni  au  fens  des  paroles ,  ni 
le  plus  fouvent  a  l'honnêteté.  (Voyez  Parodie.) 

CHANT,/  m. Sorte  de  modification  de  la  voix  humaine, 
par  laquelle  on  forme  des  Sons  variés  &  appréciables.  Obfer- 
vons  que  pour  donner  à  cette  définition  toute  L'utuver&Iicé 
qu'elle  doit  avoir ,  il  ne  faut  pas  feulement  entendre  par  Sons 
Appréciables,  ceux  qu'on  peut  alfigner  par  les  Notes  de 
notre  Muûque  ,  &  rendre  par  les  touches  de  notre  Clavier  ; 
mais  tous  ceux  dont  on  peut  trouver  ou  fentir  l'Unillbn  & 
calculer  les  Intervalles  de  quelque  manière  que  ce  foit. 

Il  ett  très-difficile  de  déterminer  en  quoi  la  voix  qui  forme 
la  parole ,  difière  de  la  voix  qui  forme  le  Chant.  Cette  diffé- 


m*  C    H    A 

xence  efè  fenfible ,  mais  on  ne  voit  pas  bien  clairement  en 
quoi  elle  confiée ,  &  quand  on  veut  le  chercher  ,  on  ne  le 
trouve  pas.  M.  Dodart  a  fait  des  obfervations  anatomiques  , 
à  la  faveur  defquelles  il  croit,  à  la  vérité  ,  trouver  dans  les 
différentes  fîtuations  du  Larynx ,  la  caufe  de  ces  deux  fortes 
de  voix.  Mais  je  ne  fais  fi  ces  obfetvations  ,  ou  les  confé- 
quences  qu'il  en  tire,  font  bien  certaines.  (Voyez  Voix.)  Il 
fcmble  ne  manquer  aux  Sjns  qui  forment  la  parole,  que  la 
permanence ,  pour  former  un  véritable  Chant  :  il  paroît  auflî 
que  les  diverfes  inflexions  qu'on  donne  à  la  voix  en  parlant, 
forment  des  Intervalles  qui  ne  font  point  harmoniques  ,  qui 
ne  font  pas  partie  de  nos  fyftêmes  de  Mufique ,  &  qui  ,  par 
conféquent ,  ne  pouvant  -être  exprimés  en  Note  ,  ne  font  pas 
proprement  du  Chant  pour  nous. 

Le  Chant  ne  fcmble  pas  naturel  à  l'homme.  Quoique  les 
Sauvages  de  l'Amérique  chantent ,  parce  qu'ils  parlent ,  le 
vrai  Sauvage  ne  chanta  jamais.  Les  Muets  ne  chantent  point; 
ils  ne  forment  que  des  voix  fans  permanence  ,  des  mugifîe- 
mens  fourds  que  le  befoin  leur  arrache.  Je  douterais  que  le 
fieur  Pereyre ,  avec  tout  fon  talent  ,  pût  jamais  tirer  d'eux 
aucun  Chant  mufical.  Les  enfans  crient ,  pleurent  ,  &  ne 
chantent  point.  Les  premières  exprelTîons  de  la  nature  n'ont 
rien  en  eux  de  mélodieux  ni  de  fonore  ,  &  ils  apprennent  à 
Chanter  comme  à  parler,  à  notre  exemple.  Le  Chant  mélo- 
dieux &  appréciable  n'eft  qu'une  imitation  paifîble  &  artifi- 
cielle des  accens  de  la  Voix  parlante  ou  p  lée  ;  on  crie 
éc  l'on  fe  plaint  fans  chanter  :  mais  on  imite  en  chantant 
îes  cris  ik  kr»  plaintes  i  &  comme,  de  toi:tc:->  les  imitations, 


C    H    A  nj 

la  plus  intérefTanre  efi  celle  des  paiïîons  humaines,  de  tou:<_s 
les  manières  d'imiter ,  la  plus  agréable  efl:  le  Chant. 

Chant  ,  appliqué  plus  particulièrement  à  notre  Mufique  , 
en  cil  la  partie  mélodieufe  ,  celle  qui»  rcfulte  de  la  durée  & 
de  la  fucceilîon  des  Sons  ,  celle  d'où  dépend  toute  l'expref- 
fion,  &  a  laquelle  tout  le  refte  elt  fubordonné.  (Voyez  Mu- 
sique, MÉLODIE.  )  Les  Chants  agréables  frappent  d'abord,  ils 
fe  gravent  facilement  dans  la  mémoire;  mais  ils  font  fou< 
fécueil  des  Compoiiteurs  ,  parce  qu'il  ne  faut  que  du  (avoir 
pour  cntaûer  des  Accords,  &  qu'il  faut  du  talent  pour  ima- 
giner des  Chants  gracieux.  Il  y  a  dans  chaque  Nation  des 
tours  de  Chant  triviaux  &  ufés  ,  dans  lefquels  les  mauvais 
ns  retDmbent  fans  ceffe  ;  il  y  en  a  de  baroques  qu'on 
n'ufe  jamais  ,  parce  que  le  Public  les  rebute  toujours.  Inven- 
ter des  Chants  nouveaux  ,  appartient  à  l'homme  de  génie  : 
trouver  de  beaux  Chants  ,  appartient  à  l'homme  de  goûr. 

Enfin  ,  dans  fon  fens  le  plus  refllrrc  ,  Chant  fe  dit  feule- 
ment de  la  Mufique  vocale  ,  5c  dans  celle  qui  efc  mêlée  de 
Symphonie  ,  en  appelle  Parties  de  Chant ,  celles  qui  font  dtÇ- 
tinées  pour  les  Voix. 

CHANT  AMBROSEEN.  Sorte  de  Plain-Chant  dont  l'in- 
vention e(t  attribuée  à  Saint  Ambrc-ife,  Archevêque  de  Mil;  D. 
(Voyez  Pl  A  in- Ci' A  NT.) 

CHANT  GREGORIEN.  Sorte  de  Plain-Chanr  dont  l'in- 
vention  eft   attribuée  à   Saint  Grégoire  Pape  ,  &  qui  a 
fubllitué  ou  préféré  dans  la   plupart  des  Eglifes,  au   Ci 
Ambrofîen.  (V«.  yez  Plain-Chant.  ) 

CHANT  en  1  »ON  ou  CM      ï  ÉGAL.  On  appelle  a 


izo  C    H    A 

un  Chant  ou  une  Pfalmodie  qui  ne  roule  que  fur  deux  Sons  y 
&  ne  forme  ,  par  conféquent  ,  qu'un  feul  larervalJe.  Quel- 
ques Ordres  Religieux  n'ont  dans  leurs  Eglifes  d'autre 
Chant  que  le  Chant  en  Jfon. 

CHANT  SUR  LE  LIVRE.  Plain-Chant  ou  Contre-point 
a  quatre  Parties  ,  que  les  Muficiens  compofent  &  chantent 
impromptu  fur  une  feule  ;  favoir  ,  le  Livre  de  Chœur  qui 
eft  au  Lutrin  :  en  forte ,  qu'excepté  la  Partie  notée  ,  qu'on 
met  ordinairement  à  la  Taille  ,  les  Muficiens  affeclés  aux 
trois  autres  Parties,  n'ont  que  celle-là  pour  guide  ,  6c  com- 
pofent chacun  la  leur  en  chantant. 

Le  Chant  fur  le  Livre  demande  beaucoup  de  feience ,  d'ha- 
bitude &  d'oreille  dans  ceux  qui  l'exécutent ,  d'autant  plus 
qu'il  n'eft  pas  toujours  aifé  de  rapporter  les  Tons  du  Plain- 
Chant  à  ceux  de  notre  Mufique.  Cependant  il  y  a  des  Mufi- 
ciens d'Eglife  ,  fi  verfés  dans  cette  forte  de  Chant ,  qu'ils 
y  commencent  &  pourfuivent  même  des  Fugues  ,  quand  le 
fjjet  en  peut  comporter  ,  fans  confondre  &  croifer  les  Par- 
ties ,  ni  faire   de  faute  dans  l'Harmonie. 

Cl  IANTER  ,  v.  n.  C'eft. ,  dans  l'acception  la  plus  générale , 
former  avec  la  voix  des  Sons  variés  &  appréciables.  (Voyez 
Chant.  )  Mais  c'eft  plus  communément  faire  diverfes  in- 
flexions de  voix  ,  fonores,  agréables  à  l'oreille ,  par  des  In- 
tervalles admis  dans  la  Mufique  ,  &  dans  les  règles  de  la 
Modulation. 

On  Chante  plus  ou  moins  agréablement,  à  proportion 
q  l'on  a  la  \oix  plus  ou  moins  agréable  &  fonore  ,  l'oreille 
plus    ou    moins    jufte  ,    l'organe   plus  ou   moins   flexible  ,  k 

goût 


C    H    A  ii, 

goût  plus  ou  moins  forme  ,  &  plus  ou  moins  de  pratique 
de  l'Arc  du  Chant.  A  quoi  l'on  doit  ajouter ,  dans  la  Mufique 
imitative  te  théâtrale  ,  le  degré  de  fenfibilité  qui  nous  af- 
fecte plus  ou  moins  des  fentimens  que  nous  avons  à  rendre. 
On  a  au/fi  plus  ou  moins  de  difpofition  a  Chanter  félon  le 
climat  fous  lequel  on  eit  né  ,  &  félon  le  plus  ou  moins 
d'accent  de  fa  langue  naturelle  ;  car  plus  la  langue  eft  ac- 
centuée ,  &  par  conféquent  mélodieufe  &  chantante ,  plus 
auffi  ceux  qui  la  parlent  ont  naturellement  de  facilité  à  Chanter. 

On  a  fait  un  Art  du  Chant,  c'eft-à-dire  que  ,  des  obfer- 
yations  fur  les  Voix  qui  chantoient  le  mieux  ,  on  a  compofé 
des  règles  pour  faciliter  &  perfectionner  l'ufage  de  ce  don 
naturel.  (  Voyez  Maître  a  Chantkr.  )  Mais  il  refte  bien 
des  découvertes  à  faîre  fur  la  manière  la  plus  facile ,  la  plus 
courte  &  la   plus  fùre  d'acquérir  cet  Art. 

CHANTERELLE,//;  Celle  des  cordes  du  Violon,  Se 
des  Inftrumens  femblables ,  qui  a  le  Son  le  plus  aigu.  On 
dit  d'une  Symphonie  qu'elle  ne  quitte  pas  la  Chanterelle  , 
lorfqu'elle  ne  roule  qu'entre  les  Sons  de  cette  Corde  & 
ceux  qui  lui  font  les  plus  voifins  ,  comme  font  prefque  tou- 
tes les  Parties  de  Violon  des  Opéra  de  Lully  &  des  Sym- 
phonies de  fon  tems. 

CHANTEUR,  Mufïcien  qui  chante  dans  un  Concert. 

CHANTRE ,/.  m.  Ceux  qui  chantent  au  Chœur  àdns  les 
Eglifes  Catholiques  ,  s'appellent  Chantres.  On  ne  dit  point 
Chanteur  à  l'Eglife ,  ni   Chantre   dans   un  Concert. 

.Chez  les  Réformés  on  appelle  Chantre  celui  qui  entonne 
&  foutient  le  Chant  dos  Pfeaumcs  dans  le  Temple  ;  il  eft 
DiJ.  de  Mujique.  Q 


111 


C    H    A 


affis  au-deflbus  de  la  Chaire  du  Minière  fur  le  devant.  Sa 
fônftion  exige  une  voix  tres-forte ,  capable  de  dominer  far 
celle  de  tout  le  peuple  ,  &  de  fe  faire  entendre  jufqu'aux 
extrémités  du  Temple.  Quoiqu'il  n'y  ait  ni  Profodie  ni  Me- 
fure  dans  notre  manière  de  chanter  les  Pfeaumes  ,  &  que 
le  Chant  en  foit  fi  lent  qu'il  eft  facile  à  chacun  de  le  fuivre , 
il  me  femble  qu'il  feroit  nécefTaire  que  le  Chantre  marquât 
une  forte  de  Mefure.  La  raifon  en  eft ,  que  le  Chantre  fe 
trouvant  fort  éloigné  de  certaines  parties  de  l'Eglife  ,  &  le 
Son  parcourant  aflez  lentement  ces  grands  intervalles  ,  fa 
voix  fe  fait  à  peine  entendre  aux  extrémités  ,  qu'il  a  déjà 
pris  un  autre  Ton  ,  &  commencé  d'autres  Notes  ;  ce  qui 
devient  d'autant  plus  fenfible  en  certains  lieux  ,  que  le  Son 
arrivant  encore  beaucoup  plus  lentement  d'une  extrémité  à 
l'autre  ,  que  du  milieu  où  eft  le  Chantre  ,  la  mafTe  d'air 
qui  remplit  le  Temple  ,  fe  trouve  partagée  à  la  fois  en  di- 
vers Sons  fort  difeordans  qui  enjambent  fans  cerTe  les  uns 
fur  les  autres  &  choquent  fortement  une  oreille  exercée  ; 
défaut  que  l'Orgue  même  ne  fait  qu'augmenter ,  parce  qu'au 
lieu  d'être  au  milieu  de  l'édifice  ,  comme  le  Chantre  ,  il  ne 
donne    le  Ton  que    d'une  extrémité. 

Or  le  remède  à  cet  inconvénient  me  paroît  rrès-fimple  ; 
car  comme  les  rayons  vifuels  fe  communiquent  à  l'initant  de 
l'objet  à  l'œil ,  ou  du  moins  avec  une  vîtelïe  incomparable- 
ment plus  grande  que  celle  avec  laquelle  le  Son  ft  tranfmet 
du  corps  fonore  à  l'oreille  ,  il  fuffit  de  fubfiituer  l'un  à  l'au- 
tre ,  pour  avoir  ,  dans  toute  l'étendue  du  Temple,  un  ('liant 
bien  fimultané  &   parfaitement   d'Accord.  11  ne  faut   pour 


C    H    A  iz< 

cela  que  placer  le  Chantre  ,  ou  quelqu'un  charge  de  cette 
partie  de  fa  fon&ion  ,  de  manière  qu'il  (bit  à  la  vue  de  tout 
le  monde  ,  &  qu'il  fe  ferve  d'un  bacon  de  Mefure  donc 
le  mouvement  s'apperçoive  aifément  de  loin  ,  comme  ,  par 
exemple  ,  un  rouleau  de  papier  :  car  alors  ,  avec  la  précau- 
tion de  prolonger  affez  la  première  Note  ,  pour  que  l'in- 
tonation en  foit  par-tout  entendue  avant  qu'on  pourfuive  , 
tout  le  reite  du  Chant  marchera  bien  enfemble ,  &  la  dif- 
cordance  dont  je  parle  difparoîcra  infailliblement.  On  pour- 
rait même  ,  au  lieu  d'un  homme  ,  employer  un  Chrono- 
mètre dont  le  mouvement  feroit  encore  plus  égal  dans  une 
Mefure  fi  lente. 

Il  réfulteroit  de-là  deux  autres  avantages  ;  l'un  que ,  fans 
prefque  altérer  le  Chant  des  Pfeaumes ,  il  feroit  aifé  d'y  in- 
troduire un  peu  de  Profodie  ,  &  d'y  obferver  du  moins  les 
longues  &  les  brèves  les  plus  fenfibles  ;  l'autre  ,  que  ce  qu'il 
y  a  de  monotonie  &  de  langueur  dans  ce  Chant  ,  pourroit , 
félon  la  première  intention  de  l'Auteur  ,  être  effacé  par  la 
Baffe  &  les  autres  Parties  ,  dont  l'Harmonie  eit  certaine- 
ment la  plus  majeltueufe  &  la  plus  fonore  qu'il  foit  poftible 
d'entendre. 

CHAPEAU,/  m.  Trait  demi -circulaire,  dont  on  cou- 
vre deux  ou  plufieurs  Notes ,  &  qu'on  appelle  plus  com- 
munément liaifon.  (  Voyez  Liaison.  ) 

CHASSE  ,  f.  f.  On  donne  ce  nom  a  certains  Airs  ou  a 
certaines  Fanfares  de  Cors  ou  d'autres  Inftrumens  qui  ré- 
veillent ,  à  ce  qu'on  dit  ,  l'idée  des  Tons  que  ces  mêmes 
Cors  donnent  à  la  Cluffe. 

O  i 


ti4  C    H    E 

CHEVROTTER  ,  v.  n.  C'eft  ,  au  lieu  de  battre  nettement 
&  alternativement  du  gofier  les  deux  Sons  qui  forment  la 
Cadence  ou  le  Trill  (  Voye\  ces  mots  ) ,  en  battre  un  feul 
à  coups  précipités  ,  comme  plufieurs  doubles  croches  déta- 
chées ôc  à  Punition;  ce  qui  le  fait  en  forçant  du  poumon 
l'air  contre  la  glotte  fermée ,  qui  fort  alors  de  foupape  :  en 
forte  qu'elle  s'ouvre  par  fecoulTes  pour  livrer  paffage  à  cet 
air,  &  fe  referme  à  chaque  inftant  par  un«  méchanique  fem- 
blable  à  celle  du  Tremblant  de  l'Orgue.  Le  Chevrottement 
eft  la  défagréable  reffource  de  ceux  qui  n'ayant  aucun  Trill 
en  cherchent  l'imitation  grofïiere  ;  mais  l'oreille  ne  peut  fup- 
porrer  cette  fubftitution  ,  &  un  feul  Chevrottement  au  milieu 
du  plus  beau  Chant  du  monde  ,  fulKt  pour  le  rendre  infup- 
portable  &  ridicule. 

CHIFFRER.  C'eft  écrire  fur  les  Notes  de  la  Baffe  des 
Chiffres  ou  autres  caractères  indiquant  les  Accords  que  ces 
Notes  doivent  porter,  pour  fervir  de  guide  à  l'Accompa- 
gnateur. (  Voyez  Chiffr.es,  AccoiiD.  ) 

CHIFFRES.  Caractères  qu'on  place  au-delfus  ou  au-def- 
fous  des  Notes  de  la  Baffe  ,  pour  indiquer  les  Accords 
qu'elles  doivent  porter.  Quoique  parmi  ces  caractères  il  y  en 
ait  plufieurs  qui  ne  font  pas  des  Chiffres ,  on  leur  en  a  gé- 
néralement donné  le  nom,  parce  que  c'eft  la  forte  de  fignes 
qui  s'y  préfente  le  plus  fréquemment. 

Comme  chaque  Accord  eft  compofé  de  plufieurs  Sons  , 
s'il  avoit  falu  exprimer  chacun  de  ces  Sons  par  un  Chiffre  , 
oy  aurait  tellement  multiplie  &  embrouillé  les  t  iffres,  que 
l'Accompagnateur  n'aurait  jamais  eu  le  tems  de  les  hxe  ajj 


C    H    I  u4 

moment  de  l'exécution.  On  s'eit  donc  applique,  autant  qu'on 
a  pu  ,  à  caracTxrifer  chaque  Accord  par  un  feul  Chiffre  ;  de 
forte  que  ce  Chiffre  peut  fufh'rc  pour  indiquer  ,  relativement 
à  la  Baffe  ,  l'efpece  de  l'Accord ,  &  par  confisquent  tous  les 
Sons  qui  dojvcnt  le  compofer.  Il  y  a  même  un  Accord  qui 
ft  trouve  chiiïré  en  ne  le  chiffrant  point  ;  car  félon  la  pré- 
cision des  Chiffres  toute  Note  qui  n'eft  point  chiffrée,  ou  ne 
porte  aucun  Accord ,  ou  porte  l'Accord  pai  fait. 

Le  Chiffre  qui  indique  chaque  Accord ,  eit  ordinairement 
celui  qui  répond  au  nom  de  l'Accord  :  ainfi  l'Accord  de 
féconde  ,  fe  Chiffre  i  ;  celui  de  Septième  7  ;  celui  de  Sixte 
6 ,  &c.  il  y  a  des  Accords  qui  portent  un  double  nom  ,  & 
qu'on  exprime  auiTi  par  un  double  Chiffre  :  tels  font  les 
Accords  de  Sixte-Quarte  ,  de  Sixte-Quinte ,  de  Septieme- 
&-Sixte  ,  &c.  Quelquefois  même  on  en  met  trois ,  ce  qui 
rentre  dans  l'inconvénient  qu'on  vouloir  éviter  ;  mais  comme 
la  composition  des  Chiffres  eit  venue  du  tems  &  du  hazard, 
plutôt  que  d'une  étude  réfléchie  ,  il  n'eft  pas  étonnant  qu'il 
s'y  trouve  des  fautes  &  des  contradictions. 

Voici  une  Table  de  tous  les  Chiffres  pratiqués  dans  l'Ac- 
compagnement ,  fur  quoi  l'on  obfervera  qu'il  y  a  plufieurs 
Accords  qui  fe  chiffrent  diverfement  en  différens  Pays  ,  ou 
dans  le  même  Pays  par  différens  Auteurs  ,  ou  quelquefois 
p?.r  le  même.  Nous  donnons  toutes  ces  manières  ,  afin  que 
chacun  ,  pour  chiffrer,  puiffe  choifir  celle  qui  lui  paroîtra  la 
plus  claire  ;  &  ,  pour  Accompagner,  rapporter  chaque  Chiffre 
à  l'Accord  qui  lui  convient ,  félon  la  manière  de  chiffrer  de 
l'Auteur. 


12(5 


C    H    1 


TABLE     GENERALE 

De  tous  les  Chiffres  de  V Accompagnement. 

N.  B.  On  a  ajouté  une  étoile  à  ceux  qui  font  plus  ufités  en  France 
aujourd'hui. 


Chiffres.   Noms  des  Accords. 


S 
5 

3 
5 

3 

3   il 


} 


k  3 


3  £ 


^  3 

5  l 

3  t 

ft  3 


.  Accord  parfait. 
.  Idem. 
.  Idem. 
.  Idem. 

.  Idem. 

.  Accord    parfait  , 
Tierce  mineure. 
.  Idem. 
.  Idem. 

.  Idem. 

.  Acccord  parfait , 
Tierce  majeure. 
.  Idem. 
.  Idem. 

.  Idem. 

.  Accord    parfait  , 
Tierce  naturelle. 
.  Idem. 
.  Idem. 
.  Idem. 


Chiffres.    Noms  des  Accords. 

Accord  de  Sixte. 

*6 Idem. 

Les  différentes 
Sixtes  dans  cet 
Accord  fe  mar- 
quent par  un  acci- 
dent au  Chiffre, 
comme  les  Tier- 
ces dans  l'Accord 
parfait. 

Accord  de  Six- 
te-Quarte. 
6 Idem. 

7    / Accord    de 

S    \  Septième. 

7  } Idem. 

| Idem. 

*  7 Idem. 

*  7  ")  Septième  avec 
£  J Tierce  ni  ijeure. 


c 

-.    Noms  des  Accords. 

*  j  1  Avec    Tierce 
£  f mineure. 

*7  -j  Avec  Tierce  na- 

£  j ru  relie. 

7  £ Accord  de  Sep- 
tième mineure. 

*te  7 Idem. 

7  S Accord  de  Sep- 
tième majeure. 

*Z?  7 Idem. 

7  fi: De  Septième  na- 
turelle. 

*£  7 Idem. 

*7  i  Septième    avec 

■*  f la  Quinte  faufle. 

,[•....  Idem. 

*  ? Septième  dimi- 

nuée. 

7  te Idem. 

te  7 Idem. 

^      j- .  .  .  .  Idem. 

,    j-  .  .  .  .  Idem. 

r  }  .  .  .  .  Idem. 

.    't   f  .  .  .  .  Idem. 

5  te  r  •  •  •  •  Idem. 

&c. 

*S  7 Septième  fuper- 

flue. 


fi    I 

Chiffres.     Noir"  des  Accords. 

7ï Idem. 

? Idem. 


ï} 

4      J.... 

îv  ••• 


S  7 

5 
4 


Idem. 
Idem. 

Idem. 


&c. 


Septième  fuper- 
Hue  ,  avec  Sixte 
mineure. 

Idem. 
Idem. 

Idem. 


Septième  &  Se- 
conde. 

Grande  Sixte, 

Idem. 

*■* FaufTe-Quinte. 

5  te Idem. 

te  5 Idem. 

.      j-    ...  Idem. 


izS 


C    H    I 


Chiffre?.    Noms  des  Accords. 


} 


6 
5 

;> 

*x*} Idem. 

x  6 

tes 

E} Idem. 


Idem. 

FaufTe-Quinte  & 
Sixte  majeure. 


} Id 


em. 


ste 

4  X Petite  Sixte. 


Idem. 


3 
6 

4 
3 
*g Idem. 

6 Idem. 

2é  g Idem ,  majeure. 

4  £■  .  .  .  Idem. 

&c. 
*x  c    ...  .  Petite  Sixte  fuper- 
flue. 
x  6  \ 

4  >    .  .  Idem. 

"S  6  ...  .  Idem. 

X   6    -\ 

5  >  .  .  Id.  avec  la  Quinte. 


ç        •    •    •    • 


Chiffres 


3 
X   6 


\  .  .  Idem. 


il 


6 

*4 

3 


} 


x 

X4 
3 


4 

i 

6 


1 


} 
} 
} 
} 

} 
} 

si 

} 

4  X  . 


*  5 

2 

6 

4 
(5 

4X 
6 
x4 
6 

6 

4 

i 

4 

2 

4 


Noms  des  Accords.' 


Petite  -  Sixte  avec 
.    la  Quarte  fuper- 
flue. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Accord  de  Secon- 
de. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Seconde  &  Quinte. 

.  Triton. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Idem. 

.  Idem. 
.  idem. 


C    H    T 

"9 

Chiffres. 

Noms  des 

Accords. 

Chiffres. 

Noms  des  Accords. 

*X4.. 

.  .  Idem. 

*  9  \ 
7   S 

Neuvième  avec  la 

Septième. 

4x  7 
3  feJ 

Triton  avec  Tier- 
ce mineure. 

\\ 

.  .  Idem. 

6      "\ 

.  .  .  Idem. 

4  •  •  • 

.  .  Quarte  ou  Onziè- 

me. 

4      Î 

?k> 
*x4-> 

*X  2     .    . 

.  .  .  Idem. 

.  .  Idem. 

.  .  Seconde 

Hue. 

fuper- 

•n- 

.  .  Idem. 

.  .  Quarte    &   Neu- 
vième. 

Septième  &  Quar- 
'  '      te. 

ïî}- 

.  .  Idem. 
.  .  Idem. 

*X5  .  .  . 

5  X.  . 

.  .  Quinte   fuperflue. 
.  .  Idem. 

.  .  Idem. 

.  .  IJcm. 

*ll. 

.  .  Idem. 

-  J 

&c. 

de  Neu- 

7   J 

**5  ? 

k4i    * 

Quinte  fuperflue  & 
Quarte. 

;>■ 

vieme. 
.  .  Idem. 

SX  1 

4  fa  J 

•a- 

.  .  .  Idem. 
.  .  Septième  &  Sixte. 

?}• 

.  .  Idem. 

9  £ . 

1      6i" 

.  .  Neuvième  &  Sixte. 

Fin  de  la   Table  des  Chipes. 


Did.  de  Mufique. 


R 


tgd  C    H    I 

Quelques  Auteurs  avoienr  introduit  l'ufage  de  couvrir  d'un 
trait  toutes  les  Notes  de  la  Baffe  qui  paffoient  fous  un  même 
Accord  ;  c'cit  ainfi  que  les  jolies  Cantates  de  M.  Clerambaulc 
font  chiffrées  :   mais  cette    invention    étoit  trop  commode 
pour  durer  ;  elle  montroit  auffi  trop  clairement  à  l'œil  toutes 
les  fyncopes  d'Harmonie.  Aujourd'hui  quand  on  foutient  le 
même  Accord   fous   quatre   différentes  Notes  de  Baffe  ,  ce 
font  quatre  Chiffres  différens  qu'on  leur  fait  porter ,  de  forte 
que  l'Accompagnateur  ,  induit  en  erreur ,  fe  hâte  de  chercher 
l'Accord  même  qu'il  a  fous  la  main.  Mais  c'eii  la  mode  en 
France  de  charger  les  Baffes  d'une  confufion  de  Chiffras  inu- 
tiles :  on  chiffre  tout ,  jufqu'aux  Accords  les  plus  évidens  , 
&  celui   qui  met  le  plus  de  Chiffres  croit  être  le  plus  fuvant. 
Une  Baffe  ainfî  hériffée  de  Chiffres  triviaux  rebute  l'Accom- 
pagnateur &  lui  fait  fouvent  négliger  les  Chiffres  néceffaires. 
L'Auteur  doit  fuppofer  ,  ce   me  fenible ,  que  l'Accompagna- 
teur fait  les  élémens  de  l'Accompagnement  ,  qu'il  fait  placer 
une  Sixte   fur    une  Médiante  ,  une  Fauffe  -  Quinte  fur   une 
Note  fenfible  ,  une  Septième  fur  une  Dominante  ,  &c.  Il  ne 
doit  donc  pas   chiffrer  des    Accords  de   cette  évidence  ,    à 
moins   qu'il  ne  faille  annoncer  un  changement  de  Ton.  Les 
Chiffres  ne  font  faits  que  pour  déterminer  le  choix  de  l'Har- 
monie dans  les  cas  douteux  ,  ou  le  choix  des  Sons  dans  les 
Accords  qu'on  ne  doit  pas    remplir.    Du   relie,    c'efl    t. 
bien   fait   d'avoir  des  Baffes  chiffrées  exprès  pour  les  Eco- 
liers.   Il    faut  que  les   Chiffres  montrent  a  ceux-ci  l'appli- 
cation  des  Règles  \  pour  les  Maîtres  il  furfit  d'indiquer  les 
exceptions. 


C     II     I  T3r 

M.  Rameau ,  dans  fa  DifTertarion  fixr  les  différentes  Mé- 
thodes d'Accompagnement  ,  a  trouve-  un  grand  nombre  de 
défauts  dan*  les  Chiffres  établis.  Il  a  f..it  voir  qu'ils  font 
trop  nombreux  &  pourtant  infuffifàns ,  obfcurs,  équivoques; 
qu'ils  multiplient  inutilement  les  AccorJs  ,  &  qu'ils  n'en 
montrent  en  aucune  manière  la  liaifoo. 

Tous  ces  défauts  viennent  d'avoir  voulu  rapporter  les 
Chiffres  aux  Notes  arbitraires  de  la  Baffe  -continue  ,  au  lieu 
de  les  rapporter  immédiatement  à  l'Harmonie  fondamentale. 
La  Baffe-continue  fait ,  fans  doute  ,  une  partie  de  l'Harmo- 
nie ;  mais  elle  n'en  fait  pas  le  fondement  ,  cette  Harmonie 
efi  indépendante  des  Notes  de  cette  Biffe ,  6c  elle  a  fon 
progrès  déterminé  auquel  la  Baffe  même  doit  affujettir  ù 
marche.  En  faifant  dépendre  les  Accords  &  les  Chiffres  qui 
ks  annoncent  des  Notes  de  la  Biffe  6:  de  leurs  différentes 
marches ,  on  ne  montre  que  des  combinaifons  de  l'Harmonie 
au  lieu  d'en  montrer  la  bafe  f  on  multiplie  à  l'infini  le  petit 
nombre  des  Accords  fondamentaux  ,  6c  l'on  force  en  quel- 
que forte  l'Accompagnateur  de  perdre  de  vue  à  chaque  inf- 
tant  la  véritable  fucceffion  harmonique. 

Après  avoir  fait  de  très-bonnes  obfervations  fur  la  mécha- 
nique  des  doigts  dans  la  pratique  de  l'Accompagnement , 
M.  Rameau  propofe  de  fubftitucr  a  nos  Chiffres  d'autres 
Chiffres  beaucoup  plus  fimples  ,  qui  rendent  cet  Accompa- 
gnement tout-à-fait  indépendant  de  la  Baffe-continue  ;  de 
forte  que  ,  fans  égard  à  cette  Baffe  &  même  fans  la  voir , 
on  accompagneroit  fur  les  Chiffres  feuls  avec  plus  de  préci- 

R  x 


ï3z  C    H    I 

fion  qu'on  ne  peut  faire  par  la  méthode  établie  avec  le  con- 
cours de  la  Baffe  &  des  Chiffres. 

Les  Chiffres  inventés  par  M.  Rameau  indiquent  deux  chofes. 
i°.  l'Harmonie  fondamentale  dans  les  Accords  parfaits,  qui 
n'ont  aucune  fucceiïion  néceffaire  ,  mais  qui  conftatent  tou- 
jours le  Ton.  20.  la  fucceffion  harmonique  déterminée  par 
la  marche  régulière  des  doigts  dans  les  Accords  diffonans. 

Tout  cela  fe  fait  au  moyen  de  fept  Chiffres  feulement. 
I.  Une  lettre  de  la  Gamme  indique  le  Ton  ,  la  Tonique  & 
fon  Accord  :  fi  l'on  palTe  d'un  Accord  parfait  à  un  autre  ,  on 
change  de  Ton  ;  c'eit  l'affaire  d'une  nouvelle  lettre.  II.  Pour 
paffer  de  la  Tonique  à  un  Accord  diffonant ,  M.  Rameau 
n'admet  que  fix  manières  ,  à  chacune  defquelles  il  afiigne 
un  caractère  particulier,  favoir  : 

i.  Un  X  pour  l'Accord  fcnfible  :  pour  la  Septième  dimi- 
nuée il   fuffit  d'ajouter  un  Bémol  fous  cet  X. 

i.  Un  2.  pour  l'Accord  de  Seconde  fur  la  Tonique. 

3.  Un  7  pour  fon  Accord  de  Septième. 

4.  Cette  abréviation  aj.  pour  fa  Sixte  ajoutée. 

5.  Ces  deux  Chiffres  \  relatifs  à  cette  Tonique  pour  l'Accord 
qu'il  appelle  de  Tierce-Quarte  ,  &  qui  revient  à  l'Accord  de 
Neuvième  fur  la  féconde  Note. 

6.  Enfin  ce  Chiffre  4  pour  l'Accord  de  Quarte  &  Quinte 
fur  la  Dominante. 

III.  Un  Accord  diffonant  efr  fuivi  d'un  Accord  parfait  ou 
d'un  autre  Accord  diffonant  :  dans  le  premier  cas  ,  l'Accord 
s'indique  par  une  lettre  ;  le  fécond  fe  rapporte  à  la  méchani- 
que  des  doiges  :  (  voyez  Doigter.  )  C'eit  un  doigt  qui  doit 


C    H    I 


*33 


defcendre  diatoniquemcnt ,  ou  deux ,  ou  trois.  On  indique 
cela  par  autant  de  points  l'un  fur  l'autre ,  qu'il  faut  defcendre 
de  doigts.  Les  doigts  qui  doivent  defcendre  par  préférence 
font  indiques  par  la  méchanique  ,  les  Dièfes  ou  Bémols  qu'ils 
doivent  faire  font  connus  par  le  Ton  ou  fubftitucs  dans  les 
Chiffres  aux  points  correfpondans  :  ou  bien  ,  dans  le  Chro- 
matique ce  l'Enharmonique  ,  on  marque  une  petite  ligne  in- 
clinée en  defeendant  ou  en  montant  depuis  la  ligne  d'une 
Note  connue  pour  marquer  qu'elle  doit  defcendre  ou  monter 
d'un  femi  -  Ton.  x^infi  tout  eit  prévu ,  &  ce  petit  nombre 
de  Signes  fiiftit  pour  exprimer  toute  bonne  Harmonie  poiïible. 

On  fent  bien  qu'il  faut  fuppofer  ici  que  toute  DiiTonance 
fe  fauve  en  defeendant  ;  car  s'il  y  en  avoit  qui  fe  duflent  fauver 
en  montant ,  s'il  y  avoit  des  marches  de  doigts  afeendantes 
dans  des  Accords  dilfonans,  les  points  de  M.  Rameau  feroienc 
infiiffifkns  pour  exprimer  cela. 

Quelque  (impie  que  foit  cette  méthode ,  quelque  favorable 
qu'elle  paroiile  pour  la  pratique  ,  elle  n'a  point  eu  de  cours  ; 
peut-être  a-t-on  cru  que  les  Chiffres  de  M.  Rameau  ne  cor- 
rigeoient  un  défaut  que  pour  en  fubitituer  un  autre  :  car  s'il 
fimplirie  les  Signes  ,  s'il  diminue  le  nombre  des  Accords , 
non -feulement  il  n'exprime  point  encore  la  véritable  Har- 
monie fondamentale  ;  mais  il  rend ,  de  plus ,  ces  Signes  tel- 
lement dépendans  les  uns  des  autres ,  que  fi  Ton  vient  a 
s'égarer  ou  à  fe  distraire  un  inftant  ,  à  prendre  un  doigt 
pour  un  autre ,  on  eit  perdu  fans  relfource  ,  les  points  ne 
lignifient  plus  rien  ,  plus  de  moyen  de  le  remettre  juiqu'i 
un  nouvel  Accord  parfait.  Mais  avec  tant  de  raifons  de  pré- 


IM  C    H    O 

ference  n'a  -t-  il  peine  falu  d'autres  objections  encore  pour 
faire  rejetter  la  méthode  de  M.  Rameau  ?  Elle  étoit  nou- 
velle ;  elle  étoit  propofée  par  un  homme  fupérieur  en  génie 
à  tous  Ces  rivaux;  voilà  fa  condamnation. 

CHfltUR ,  f.  m.  Morceau  d'Harmonie  complète  à  quatre 
Parties  ou  plus  ,  chante  à  la  fois  par  toutes  les  Voix  &  joué 
par  tout  l'Orcheftre.  On  cherche  dans  les  Chœurs  un  bruit 
agréable  &:  harmonieux  qui  charme  &  remplifle  l'oreille,  lin 
beau  Chœur  eft  le  chef-d'œuvre  d'un  commençant ,  &  c'eft 
par  ce  genre  d'ouvrage  qu'il  fe  montre  fufhfamment  inftrui: 
de  toutes  les  Règles  de  l'Harmonie.  Les  François  paffent, 
'en  France ,  pour  réufïir  mieux  dans  cette  Partie  ,  qu'aucune 
autre  Nation  de  l'Europe. 

Le  Chœur  ,  dans  la  Mufique  Françoife ,  s'appelle  quelque- 
fois Grand-Chœur ,  par  oppofitien  au  P eût-Chœur  qui  eft 
feulement  compofé  de  trois  Parties  ,  favoir  deux  DefTus  & 
la  Haute-contre  qui  leur  fert  de  Baffe.  Cn  fait  de  tems  en 
tems  entendre  féparément  ce  Petit-Chœur ,  dont  la  douceur 
contraire  agréablement  avec  la  bruyante  Harmonie  du  grand. 

On  appelle  encore  Petit-Chœur ,  à  l'Opéra  de  Paris ,  un 
certain  nombre  de  meilleurs  Inflrumens  de  chaque  genre  qui 
forment  comme  un  petit  Orcheftre  particulier  autour  du  Cla- 
vecin &  de  celui  qui  bat  la  Mefurc.  Ce  Petit-Chœur  eft 
deftinc  pour  les  Accompagncmens  qui  demandent  le  plus 
de  dclicatefTe  &  de  précifion. 

Il  y  a  des  Mufiques  à  deux  ou  plufieurs  Chœurs  qui  fe 
répondent  &  chantent  quelquefois  tous  enfemble.  On  en  peut 
voix  un  exemple  dans  l'Opéra  de  Jephté.  Mais  cette  pluralité 


C    H    O  i3J 

de  Choeurs  fimultanés  qui  fe  pratique  aflez  fcuver.t  en  Italie  ^ 
efè  peu  ufitée  en  France  :  on  trouve  qu'elle  ne  fait  pas  un 
bien  grand  effet ,  que  la  eompofition  n'en  efc  pas  fert  fa- 
cile, 6c  qu'il  faut  un  trop  grand  nombre  de  Mufitiens  pour 
^exécuter. 

CHORION.  Nome  de  la  Mufique  Grecque  ,  qui  fe  chan-» 
toit  en  l'honneur  de  la  mère  des  Dieux ,  &  qui ,  dit-on  , 
fut  inventé  par  Olympe  Phrygien. 

CHORISTE  ,  f.  m.  Chanteur  non  récitant  &  qui  ne  chante 
que  dans  les  Choeurs. 

On  appelle  auiîi  Choriftes  les  Chantres  d'Egîife  qui  chan- 
tent au  Chœur.  Une  Antienne  à  deux  Choriftes. 

Quelques  Muficiens  étrangers  donnent  encore  le  nom  de 
Chorifte  à  un  petit  Instrument  deftiné  à  donner  le  Ton  pour 
accorder  les  autres.  (  Voyez  Ton.  ) 

CHORUS.  Faire  Chorus ,  c'eft  répéter  en  Chœur  ,  à  l'Unie 
fon  ,  ce  qui  vient  d'être  chanté  à  voix  feule. 

CHRESES  ou  CHRESIS.  Une  des  Parties  de  l'ancienne 
Mélopée,  qui  apprend  au  Ccmpofiteur  à  mettre  un  tel  arran- 
gement dans  la  fuite  diatonique  des  Sons  ,  qu'il  en  réfulte 
une  bonne  Modulation  6c  une  Mélodie  agréable.  Cette  Partie 
s'applique  à  différentes  fucceflions  de  Sons  sppellccs  par  les 
Anciens  ,  Agoge*  Euthia  ,  Anacamptos,  (Voyez  Tiradf.  ) 

CHROMATIQUE,  adj.  pri<  quelquefois  fubjîantivemcnt. 
Genre  de  Mufique  qui  procède  par  plufieurs  femi-Tons  con- 
fécutifs.  Ce  mot  vient  du  Grec  xfiàfjut ,  qui  lignifie  couleur  , 
foit  parce  que  les  Grecs  marquoient  ce  genre  par  des  carac- 
tères rouges  ou  diversement  colorés;  foi:,  diient  les  Auteurs, 


i3<ï  C    H    R 

parce  que  le  genre  Chromatique  eft  moyen  entre  les  deux 
autres,  comme  la  couleur  eft  moyenne  entre  le  blanc  &  le 
noir  ;  ou  ,  félon  d'autres ,  parce  que  ce  Genre  varie  &  em- 
bellit le  Diatonique  par  fes  femi-Tons ,  qui  font ,  dans  la 
Mufique ,  le  même  effet  que  la  variété  des  couleurs  fait  dans 
la  Peinture. 

Boëce  attribue  à  Timothée  de  Milet  l'invention  du  Genre 
Chromatique  ;  mais  Athénée  la  donne  à  Epigonus. 

Ariftoxène  divife  ce  Genre  en  trois  efpeces  qu'il  appelle 
Alolle  ,  Hemiolion  &  Tonicum ,  dont  on  trouvera  les  rap- 
ports,  {PL  M.  Fig.  5.  A^0.  A.)  le  Tétracorde  étant  fup- 
pofé  divifé  en  60  parties  égales. 

Ptolomée  ne  divife  ce  même  Genre  qu'en  deux  efpeces  , 
Alolle  ou  Anticum  ,  qui  procède  par  de  plus  petits  Inter- 
valles ,  &  lntenfum ,  dont  les  Intervalles  font  plus  grands. 
Même  Fig.  N°.  B. 

Aujourd'hui  le  Genre  Chromatique  confifte  à  donner  une 
telle  marche  à  la  Baffe  fondamentale  ,  que  les  Parties  de 
l'Harmonie,  ou  du  moins  quelques-unes,  puiffent  procéder 
par  femi-Tons,  tant  en  montant  qu'en  defcendant  ;  ce  qui 
fe  trouve  plus  fréquemment  dans  le  Mode  mineur  ,  à  caufe 
des  altérations  auxquelles  la  Sixième  &  la  Septième  Note  y 
font  fujettes  par  la  Nature  même  du  Mode. 

Les  femi-Tons  fucccfTîfs  pratiqués  dans  le  Chromatique  ne 
font  pas  tous  du  même  Genre  ,  mais  prefque  alternativement 
Mineurs  &  Majeurs  ,  c'eft-à-dire  ,  Chromatiques  &   ' 
niques  :  car  l'Intervalle  d'un   Ton   mineur  contient  un  femi- 
Ton  mineur  ou  Chromatique  ,    Cv  11:1  femi-Ton  m.ijeur  ou 

Diatonique  , 


C    II    R  t37 

Diatonique  ;  mefure  que  le  Tempérament  rend  commune  à 
tous  les  Tons  :  de  forte  qu'on  ne  peut  procéder  par  deux 
femi-Tons  mineurs  conjoints  &  fuccefiifs  ,  fans  entrer  dans 
l'Enharmonique  ;  mais  deux  femi-Tons  majeurs  fe  fuivcnt 
deux  fois  dans  l'ordre  Chromatique   de  la  Gamme. 

La  route  élémentaire  de  la  Baffe-fondamentale  pour  engen- 
drer le  Chromatique  afeendant ,  eft  de  defeendre  de  Tierce 
&  remonter  de  Quarte  alternativement  ,  tous  les  Accords 
portant  la  Tierce  majeure.  Si  la  Baffe-fondamentale  procède 
de  Domiaante  en  Dominante  par  des  Cadences  parfaites 
évitées,  elle  engendre  le  Chromatique  defeendanr.  Pour  pro- 
duire à  la  fois  l'un  &  l'autre  ,  on  entrelace  la  Cadence  par- 
faite ,  &  l'interrompue  en  les  évitant. 

Comme  à  chaque  Note  on  change  de  Ton  dans  le  Chro- 
matique ,  il  faut  borner  «Se  régler  ces  Succefïîons  de  peur  de 
s'égarer.  On  fe  fouviendra  ,  pour  cela  ,  que  l'efpace  le  plus 
convenable  pour  les  mouvemens  Chromatiques  ,  eft  entre  la 
Dominante  &  la  Tonique  en  montant  ,  &  entre  la  Toni- 
que &  la  Dominante  en  defeendant.  Dans  le  mode  majeur 
on  peut  encore  defeendre  chromatiquement  de  la  Domi- 
nante fur  la  féconde  Note.  Ce  partage  eft  fort  commun  en 
Italie  ,  &  ,  malgré  fa  beauté  ,  commence  à  l'être  un  peu 
trop  parmi  nous. 

Le  Genre  Chromatique  eft  admirable  pour  exprimer  la 
douleur  &  l'affliction  :  fes  Sons  renforcés,  en  montant,  arra- 
chent Pâme.  Il  n'eft  pas  moins  énergique  en  defeendant  ;  on 
croit  alors  entendre  de  vrais  gémiffemens.  Chargé  de  fou 
Harmonie ,  ce  même  Genre  devient  propre  a  tout  ;  mais  fon 
Did.  de  Mujique.  S 


i38  C    H    R 

rempliffage ,  en  étouffant  le  Chant  ,  lui  ôte  une  partie  de 
fon  exprefiion  ;  &  c'eft  alors  au  caractère  du  Mouvement 
à  lui  rendre  ce  dont  le  prive  la  plénitude  de  fon  Harmonie. 
Au  relie ,  plus  ce  Genre  a  d'énergie  ,  moins  il  doit  être  pro- 
digué. Semblable  à  ces  mets  délicats  dont  l'abondance  dégoûte 
bientôt ,  autant  il  charme  fobrement  ménagé ,  autant  devient- 
il  rebutant  quand  on  le  prodigue. 

CHRONOMETRE ,  f.  m.  Nom  générique  des  Inftrumens 
qui  fervent  à  mefurer  le  Tems.  Ce  mot  eft  compofé  de  %/wos 
Tains ,  &  de  ptTpov ,  Mefure. 

On  dit ,  en  ce  fens ,  que  les  montres ,  les  horloges  font 
des  Chronomètres. 

Il  y  a  néanmoins  quelques  Infbrumens  qu'on  a  appelles 
en  particulier  Chronomètres ,  &  nommément  un  que  M.  Sau- 
veur décrit  dans  fes  principes  d'Acouftique.  C'étoit  un  Pen- 
dule particulier  ,  qu'il  deftinoit  à  déterminer  exactement  les 
Mouvcmens  en  Mufique.  L'Affilard ,  dans  fes  Principes  dédiés 
aux  Dames  Religieufes,  avoit  mis  à  la  tête  de  tous  les  Airs, 
■des  Chiffres  qui  exprimoient  le  nombre  des  vibrations  de  ce 
Pendule  ,  pendant  la  durée  de  chaque  Mefure, 

Il  y  a  une  trentaine  d'années  qu'on  vit  paroître  le  projet 
d'un  Inftrument  femblable,  fous  le  nom  de  Métrometre  ,  qui 
bartoit  la  Mefure  tout  feul  ;  mais  il  n'a  réufTi  ni  dans  un  tems, 
ni  dans  l'autre.  Plufieurs  prétendent ,  cependant ,  qu'il  feroit 
fort  à  fouhaiter  qu'on  eût  un  tel  Inftrument  pour  fixer  avec 
précifion  le  Tems  de  chaque  Mefure  dans  une  Pièce  de 
Mufique  :  on  conferveroit  par  ce  moyen  plus  facilement  le 
vrai  Mouvement   des  Airs ,  fans  lequel  ils  perdent  leur  carac- 


C    H    R  |j$ 

rcre  ,  &  qu'on  ne  peut  connoître  ,  après  la  mort  des  Auteurs, 
que  par  une  efpece  de  tradition  fort  fujctte  à  s'éteindre  ou  à 
s'altérer.  CM  fe  plaint  déjà  que  nous  avons  oublié  les  Mou- 
vemens  d'un  grand  nombre  d'Airs ,  &  il  eft  à  croire  qu'on 
les  a  ralentis  tous.  Si  l'on  eût  pris  la  précaution  dont  je  parle 
&  à  laquelle  on  ne  voit  pas  d'inconvénient,  on  auroit  aujour- 
d'hui le  plaifir  d'entendre  ces  mêmes  Airs  tels  que  l'Auteur 
les  faifoit  exécuter. 

A  cela  les  Connoiflèurs  en    Mufique  ne   demeurent    pas 
fans  réponfe.    Ils  objecteront ,  dit  M.  Diderot  ,  (  Mémoire* 
fur  différais  fujets  de  Mathématiques  )  contre   tout  Chrono- 
mètre en  général ,  qu'il  n'y  a  peut-être  pas  dans  un  Air  deux 
Mefures   qui   foient  exactement  de   la    même    durée  ;   deux 
chofes  contribuant   nécelîairement  a  ralentir  les  unes  ,  &  à 
précipiter  les   autres ,  le   goût  &  l'Harmonie  dans  les   Pie- 
ces  à  plufieurs  Parties;  le  goût  &  le  preiïentiment  de  l'Har- 
monie dans  les  folo.  Un  Muilcien  qui  fait  fon  Art,  n'a  pas 
joué  quatre  Mefures  d'un  Air  ,  qu'il   en  faifit  le   caraétere  , 
&  qu'il  s'y   abandonne  ;   il  n'y  a   que   le    plaifir  de   l'Har- 
monie qui   le    fufpende.   Il  veut   ici  que  les  Accords  foient 
frappés  ,  la  qu'ils  foient  dérobés  ;  c'ef  t-à-dire ,  qu'il  chante 
ou   joue  plus  ou  moins  lentement  d'une  Mefure  à  l'autre  , 
&  même  d'un  Tems  &  d'un   quart- de -Tems  à  celui  qui 
le  fuit. 

A  la  vérité  ,  cette  objection  qui  eft  d'une  grande  force 
pour  la  Mufique  Françoife  ,  n'en  auroit  aucune  pour  l'Ita- 
lienne ,  foumife  irrémilliblement  à  la  plus  exaéte  Mefure  : 
rien   même   ne  montre  mieux   l'oppolition    parfaite  de   ces 

S  i 


i4»  C    H    R 

deux  Mufiques;  puifque  ce  qui  eit  beauté  dans  l'une,  ferait 
dans  l'autre  le  plus  grand  défaut.  Si  la  Mufique  Italienne 
tire  fon  énergie  de  cet  aflervi lie  ment  à  la  rigueur  de  la  Me- 
fure ,  la  Françoife  cherche  la  Tienne  à  maîtrifcr  à  fon  gré 
cette  même  Mefure  ,  à  la  prefler  ,  à  la  ralentir  félon  que 
l'exige  le  goût  du  Chant  ou  le  degré  de  flexibilité  des  orga- 
nes du  Chanteur. 

Mais  quand  on  admettrait  l'utilité  d'un  Chronomètre  ,  i! 
faut  toujours,  continue  M.  Diderot,  commencer  par  rejetter 
tous  ceux  qu'on  a  propofcs  jufqu'à  préfent  ,  parce  qu'on  y 
a  fait,  du  Muficien  &  du  Chronomètre,  deux  machines  dif- 
tinctes,  dont  l'une  ne  peut  jamais  bien  aflbjettir  l'autre  :  cela 
n'a  prefque  pas  befoin  d'être  prouve  ;  il  n'eft  pas  poflible 
que  le  Muficien  ait ,  pendant  toute  fa  Pièce ,  l'œil  au  mouve- 
ment ,  &  l'oreille  r/a  bruit  du  Pendule  ,  &  s'il  s'oublie  un 
infiant ,  adieu  le  frein  qu'on  a  prétendu  lui  donner. 

J'ajouterai  que  ,  quelque  Inftrument  qu'on  pût  trouver  pour 
régler  la  durée  de  la  Mefure  ,  il  ferait  impofTïble  ,  quand 
même  l'exécution  en  ferait  de  la  dernière  facilité  ,  qu'il  eût 
jamais  lieu  dans  la  pratique.  Les  Muficiens,  gens  conrians, 
&  faifant ,  comme  bien  d'autres,  de  leur  propre  goût  la  règle 
du  bon,  ne  l'adopteraient  jamais;  ils  Jailliraient  le  Chrono- 
mètre, &  ne  s'en  rapporteroient  qu'a  eux  du  vrai  carauere 
&  du  vrai  mouvement  des  Airs.  Ainfi  le  fui  bon  Chronomètre 
que  l'on  puifTe  avoir,  c'eft  un  habile  Muficien  qui  ait  du  goût, 
qui  ait  bien  lu  la  Mufique  qu'il  doit  faire  exécuter  ,  &  qui 
\.  .  !ie  en  battre  la  Mefure.  Machine  pour  machine  ,  il  •- 
mieux  s'en  tenir  à  celle-ci. 


C    I    K  141 

CIRCONVOLUTION ,  f.  f.  Terme  de  Plain  -  Chanr. 
CV'it  une  force  de  Périélefe,  qui  fe  fait  en  inférant  entre  la 
pénultième  &  la  dernière  Note  de  l'intonation  d'une  Pièce 
de  Chant,  trois  autres  Notes;  favoir,  une  au-deiïiis  & 
deux  au-deffous  de  la  dernière  Note  ,  lefquelles  fe  lient  avec 
elle ,  &  forment  un  contour  de  Tierce  avant  que  d'y  arri- 
ver; comme  fi  vous  avez  ces  trois  Notes  mi  fa  mi  pour  ter- 
miner l'Intonation ,  vous  y  interpolerez  par  Circonvolution 
ces  trois  autres,  Ja  rc  rc ,  &  vous  aurez  alors  votre  Intona- 
tion terminée  de  cette  forte,  mi  fa  fa  rc  rc  mi,  &c.  (Voyez 
Péiuf.i.ese.  ) 

CITHAIUSTIQUE,//.  Genre  de  Mufique  <5c  de  Poéfie, 
approprié  à  l'Accompagnement  de  la  Cithare.  Ce  Genre  , 
dont  Amphion ,  fils  de  Jupiter  &  d'Antiope ,  fut  l'inventeur, 
prit  depuis  le  nom  de   Lyrique. 

CLAVIER ,  f.  m.  Portée  générale  ou  fomme  des  Sons  de 
tout  le  fyftême  qui  réfulte  de  la  pofition  relative  des  trois 
Clefs.  Cette  pofition  donne  une  étendue  de  douze  Lignes, 
&  par  conféquent  de  vingt-quatre  Degrés  ou  de  trois  Octa- 
ves &  une  Quarte.  Tout  ce  qui  excède  en  haut  ou  en  bas 
cet  efpace ,  ne  peut  fe  noter  qu'à  l'aide  d'une  ou  plulieurs 
Lignes  pofiiehes  ou  accidentelles ,  ajoutées  aux  cinq  qui  com- 
posent la  Portée  d'une  Clef.  Voyez  (PL  A.  Fig*  5.)  l'étendue 
générale  du  Clavier. 

Les  Notes  ou  touches  diatoniques  du  Clavier  ,  lefquel- 
les font  toujours  confiantes  ,  s'expriment  par  des  Lettres 
de  l'Alphabet,  à  la  différence  des  Notes  de  la  Gamme,  qui 
étant   mobiles   &   relatives  à  la    Modulation  ,    portent 


14^ 


CLE 


noms  qui  expriment  ces  rapports.  (Voyez  Gamme  &  Solfier.) 
Chaque  Octave  du  Clavier  comprend  treize  Sons. ,  fepe 
diatoniques  &  cinq  chromatiques  ,  repréfentés  fur  le  Clavier 
inltrumental  par  autant  de  touches.  (Voyez  PL  I.  Fig.  i.) 
Autrefois  ces  treize  touches  répondoient  à  quinze  cordes  ; 
favoir  ,  une  de  plus  entre  le  re  Dièfe  &  le  mi  naturel  , 
l'autre  entre  le  fol  Dicfe  &  le  la  ,  &c  ces  deux  cordes  qui 
formoient  des  Intervalles  enharmoniques  ,  6c  qu'on  faifoit 
fonner  à  volonté  au  moyen  de  deux  touches  brifées,  furent 
regardées  alors  comme  la  perfection  du  fyftême  ;  mais  ,  en 
vertu  de  nos  règles  de  Modulation  ,  ces  deux  ont  été  retran- 
chées,  parce  qu'il  en  auroit  falu  mettre  par -tout.  (Voyez 
Clef  ,  Portée.  ) 

CLEF,  f.  f.  Caractère  de  Mufique  qui  fe  met  au  com- 
mencement d'une  Portée ,  pour  déterminer  le  Uegré  d'élé- 
vation de  cette  Portée  dans  le  Clavier  général ,  &  indiquer 
les  noms  de  toutes  les  Notes  qu'elle  contient  dans  la  ligne 
de  cette  Clef, 

Anciennement  on  appelloit  Clefs  les  lettres  par  lefquelles 
on  déflgnoit  les  Sons  de  la  Gamme.  Ainfî  la  lettre  A  étoit 
la  Clef  de  la  Note  la,  C  la  Clef  d'ut,  E  la  Clef  de  mi,  &c. 
A  mefure  que  le  fyftême  s'étendit,  on  fentit  l'embarras  & 
l'inutilité  de  cette  multitude  de  Clefs.  Gui  d' Arezzo ,  qui  les 
avoit  inventées  ,  marquoit  une  lettre  ou  Clef  au  commence- 
ment de  chacune  des  lignes  de  la  Portée  ;  car  il  ne  plaçoit 
point  encore  de  Notes  dans  les  cfpaces.  Dans  la  fuite  on  ne 
marqua  plus  qu'une  des  f.pt  Clefs  au  commencement  d'une 
des  lignes  feulement  ;  &  celle-là  iufîifan:  pour  fixer  la  pofuioa 


CLE  r43 

<îe  toutes  les  autres ,  félon  l'ordre  naturel.  Enfin  de  ces  fept 
lignes  ou  Clefs,  on  en  choifit  quatre  qu'on  nomma  Claves 
fignata  ou  Clefs  marquées  y  parce  qu'on  fe  contentoit  d'en 
marquer  une  fur  une  des  lignes,  pour  donner  l'intelligence  de 
toutes  les  autres  ;  encore  en  retraneha-t-on  bientôt  une  des 
quatre;  favoir ,  le  Gamma  dont  on  s'étoit  fervi  pour  défigner 
le  fol  d'en  bas;  c'elè-à-dire  ,  l'Hypoproflambanomene  ajou- 
rée au  fyftême  des  Grecs. 

En  effet  Kircher  prétend  que  fi  l'on  eft  au  fait  des  anciennes 
écritures ,  &  qu'on  examine  bien  la  figure  de  nos  Clefs  on 
trouvera  qu'elles  fe  rapportent  chacune  à  la  lettre  un  peu  dé- 
figurée de  la  Noce  qu'elle  repréfente.  Ainfi  la  CleJ  de  fol  étoic 
originairement  un  G;  la  Clef  d'ut  un  C,  &  la  Clef  de  fa  une  F. 

Nous  avons  donc  trois  Clefs  à  la  Quinte  l'une  de  l'autre. 
La  Clef  d'F  ut  fa ,  ou  de  fa ,  qui  eft  la  plus  baffe  ;  la  Clef 
d'ut  ou  de  C/b/wt,  qui  eft  une  Quinte  au-deffus  de  la  pre- 
mière ;  &  la  Clef  de  fol  ou  de  G  re  fol,  qui  eft  une  Quinte 
au-defius  de  celle  d'//r,  dans  l'ordre  marqué  PL  A.  Fig.  5. 
fur  quoi  l'on  doit  remarquer  que ,  par  un  refte  de  l'ancien 
ufige,  la  Clef  Ce  pofe  toujours  fur  une  ligne  &  jamais  dans 
un  efpace.  On  doit  favoir  aufTi  que  la  Clef  de  fa  fe  fait  de 
trois  manières  différentes;  l'une  dans  la  Mufique  imprimée; 
une  autre  dans  la  Mufique  écrite  ou  gravée  ,  &  la  dernière 
dans  le  Plain- Chant.  Voyez  ces  trois  Figures  ,  (  Pi.  M.  Fig.  8.  ) 

En  ajoutant  quatre  lignes  au-deffus  de  la  Clef  de  fol ,  & 
trois  lignes  au-deffous  de  la  Clef  de  fa ,  ce  qui  donne  ,  de 
l  rt  &  d'autre ,  la  plus  grande  étendue  de  lignes  ftables , 
ou  voit  que  le  fyfléme  total  des  Notes  qu'on  peut  placer  fi» 


i44 


CLE 


les  Degrés  relatifs  à  ces  Clefs  fe  monte  à  vingt-quaTe  ;  c'efr- 
à-dire ,  trois  Octaves  &  une  Quarte ,  depuis  le  fa  qui  fe  trouve 
au-delîus  de  la  première  ligne  ,  jufqu'au  ft  qui  fe  trouve  au- 
deflbus  de  la  dernière  ,  &  tout  cela  forme  enfemble  ce  qu'on 
appelle  le  Clavier  gênerai;  par  où  l'on  peut  juger  que  cette 
étendue  a  fait  long-tems  celle  du  fyftême.  Aujourd'hui  qu'il 
acquiert  fans  cède  de  nouveaux  Degrés  ,  tant  a  l'aigu  qu'au 
grave  ,  on  marque  ces  Degrés  fur  des  lignes  poltiches  qu'on 
ajoute  en  haut  ou  en  bas ,  félon  le  befoin. 

Au  lieu  de  joindre  enfemble  toutes  les  lignes,  comme  j'ai 
fait ,  (  PL  A.  Fig.  5  )  pour  marquer  le  rapport  des  Clefs ,  on  les 
fépare  de  cinq  en  cinq  ,  parce  que  c'elt  à-peu-près  aux  Degrés 
compris  dans  cet  efpace  qu'elt  bornée  l'étendue  d'une  voix 
commune.  Cette  collection  de  cinq  lignes  s'appelle  Portée, 
&  l'on  y  met  une  Clef  pour  déterminer  le  nom  des  Notes ,  le 
lieu  des  femi-Tons  ,  &  montrer  quelle  place  la  Portée  occupe 
dans  le  Clavier. 

De  quelque  manière  qu'on  prenne ,  dans  le  Clavier ,  cinq 
lignes  confécutives ,  on  y  trouve  une  Clef  comprife ,  &  quel- 
quefois deux  ;  auquel  cas  on  en  retranche  une  comme  inu- 
tile. L'ufage  a  même  preferit  celle  des  deux  qu'il  faut  retran- 
cher, &  celle  qu'il  faut  pofer;  ce  qui  a  fixé  aulli  le  nombre 
des  pofitions  affignées  h  chaque  Clef. 

Si  je  fais  une  Portée  des  cinq  premières  lignes  du  Clavier, 
en  commençant  par  le  bas ,  j'y  trouve  la  Clef  de  fa  fur  la  qua- 
trième ligne  :  voilà  donc  une  pofition  de  Clef,  &  cette  poli- 
tion  appartient  évidemment  aux  Notes  les  plus  graves  ;  aufli 
tft-elk  celle  de  la  C  /<:/'  de  fi 

bi 


CLE  145 

Si  je  veux  gagner  une  Tierce  dans  le  haut ,  il  faut  ajourer 
une  ligne  au-deffus  ;  il  en  faut  donc  retrancher  une  au-def- 
fous  ,  autrement  la  Portée  auroit  plus  de  cinq  lignes.  Alors 
la  Ckf  de  fa  fe  trouve  •  tranfportée  de  la  quatrième  ligne  à 
la  troifieme ,  &  la  Ckf  d'ut  fe  trouve  auffi  fur  la  cinquième  ; 
mais  comme  deux  Clefs  font  inutiles ,  on  retranche  ;cj  ce|]e 
d'ut.  On  voit  que  la  Portée  de  cette  Ckf  eft  d'une  Tierce 
plus  élevée  que  la  précédente. 

En  abandonnant  encore  une  ligne  en  bas  pour  en  gagne? 
une  en  haut ,  on  a  une  troifieme  Portée  où  la  Ckf  de  fa 
fe  trouverait  fur  la  deuxième  ligne ,  &  celle  d'ut  fur  la  q  - 
trieme.  Ici  l'on  abandonne  la  Ckf  de  fa  ,  &  l'on  prend  celle 
d'ut.  On  a  encore  gagné  une  Tierce  à  l'aigu ,  &  on  l'a  perdue 
au  grave. 

En  continuant  ainfi  de  ligne  en  ligne  ,  on  paffe  fuccei 
ment  par  quatre  pofitions  différentes  de  la  Ckf  d'ut.  Arrivant 
à  celle  de  fol  y  on  la  trouve  pofée  fur. la  deuxième  ligne,  & 
puis  fur  la  première  ;  cette  pofition  embraffe  les  cinq  plus 
hautes  lignes ,  «Se  donne  le  Diapafon  le  plus  aigu  que  Ton 
puiffe  établir  par  les  Clefs. 

On  peut  voir  (FI.  A.  Fig.  6)  cette  fuccefîîon  des  Clefs 
du  grave  à  l'aigu  ;  ce  qui  fait  en  tout  huit  Portées  ,  Clefs , 
ou  Pofitions  de  Clefs  différentes. 

De  quelque  cara&ere  que  puiffe  être  une  Voix  ou  un 
Infiniment  ,  pourvu  que  fon  étendue  n'excède  pas  à  l'aigu 
ou  au  grave  celle  du  Clavier  général,  on  peut,  dans  ce  nom- 
bre, lui  trouver  une  Portée  &  une  Ckf  convenables,  &  il. y 
en  a  en  effet  de  déterminées  pour  toutes  les  Parties  de  la 
Did,  de  Mufque,  T 


i.;.^  CLE 

Mufique.  (  Voyez  Parties.  )  Si  l'étendue  d'une  Partie  efr. 
fort  grande ,  que  le  nombre  de  lignes  qu'il  faudrait  ajouter 
au  -  deffus  ou  au  -  delîous  devienne  incommode  ,  alors  on 
change  la  Clef  dans  le  courant  de  l'Air.  On  voit  clairement 
par  la  figure,  quelle  Clef  il  faudrait  prendre  pour  élever  ou 
bai  (Ter  la  Portée  ,  de  quelque  Clef  qu'elle  foit  aimée  ac- 
tuellement. 

On  voit  aufii  que  ,  pour  rapporter  une  Clef  à  l'autre  ,  il 
faut  les  rapporter  toutes  deux  fur  le  Clavier  général  ,  au 
moyen  duquel  on  voit  ce  que  chaque  Note  de  l'une  des 
Clefs  ei't  à  l'égard  de  l'autre.  C'eft  par  cet  exercice  réitéré 
qu'on  prend  l'habitude  de  lire  aifement  les  Partitions. 

Il  fuit  de  cette  méchanique  qu'on  peut  placer  telle  Note 
qu'on  voudra  de  la  Gamme  fur  une  ligne  ou  fur  un  efpace 
quelconque  de  la  Portée  ,  puifqu'on  a  le  choix  de  huit  dif- 
férentes Pofitions  ,  nombre  des  Notes  de  l'Octave.  Ainfi 
l'on  pourrait  Noter  un  Air  entier  fur  la  même  ligne  ,  en 
changeant  la  Clef  h  chaque  Degré.  La  Figure  7  montre  par 
la  fuite  des  Clefs  la  fuite  des  Notes  re  fa  la  ut  mi  fol  fi  re , 
montant  de  Tierce  en  Tierce  ,  &  toutes  placées  fur  la  même 
ligne.  La  Figure  fuivante  8  repréfente  fur  la  fuite  des  mêmes 
Clefs  la  Note  ut  qui  paraît  defeendre  de  Tierce  en  Tierce 
fur  toutes  les  lignes  de  la  Portée  ,  &  au  -  delà  ,  &  qui 
cependant,  au  moyen  des  changemens  de  Clef,  garde  tou- 
jours l'Uniffon.  C'e(t  fur  des  exemples  femblablcs  qu'on  dois 
s'exercer  pour  connoitre  au  premier  coup- d'oeil  le  jeu  de 
toutes  les  Clefs. 

11  y  a  deux  de  leurs  pofitions,  favoir,  la  Clef  de  fol  fur 

■>. 


CLE  '4? 

la  première  ligne  &  la  CLj  àe  fa  fur  la  rroifiemc  ,  donc  l'u- 
fage  paroîc  s'abolir  de  jour  en  jour.  La  première  peut  fembler 
moins  néceffairc  puifqu'elle  ne  rend  qu'une  poficion  toute 
Semblable  à  telle  de  fa  fur  la  quatrième  ligne  ,  dont  elle 
diffère  pourtant  de  deux  Octaves.  Pour  la  CL'f  de  fa  ,  il  eft 
évident  qu'en  l'ôtant  tout-à-fait  de  la  troifieme  ligne  ,  on 
n'aura  plus  de  poiîtion  équivalente  ,  &  que  Ja  compofition 
du  Clavier ,  qui  elt  complète  aujourd'hui ,  deviendra  par-là 
défectueufe. 

CLEF  TRANSPOSÉE.  On  appelle  ainfi  toute  Clef 
armée  de  Dièfes  ou  de  Bémols.  Ces  fignes  y  fervent  à 
changer  le  lieu  des  deux  femi  -  Tons  de  l'Octave  ,  comme 
je  l'ai  expliqué  au  mot  Bémol ,  &  à  établir  l'ordre  naturel 
de  la  Gamme ,  fur  quelque  Degré  de  l'Echelle  qu'on  veuille 
choifir. 

La  nécefTité  de  ces  altérations  naît  de  la  fimilitude  des 
Modes  dans  tous  les  Tons  :  car  comme  il  n'y  a  qu'une  for- 
mule pour  le  Mode  majeur,  il  faut  que  tous  les  Degrés  de 
ce  Mode  fe  trouvent  ordonnés  de  la  même  façon  fur  leur 
Tonique  ;  ce  qui  ne  peut  fe  faire  qu'à  l'aide  des  Dièfes  ou 
des  Bémols.  Il  en  eft  de  même  du  Mode  mineur  ;  mais 
comme  la  même  combinaifon  qui  donne  la  formule  pour  un 
Ton  majeur,  la  donne  aura*  pour  un  Ton  mineur  fur  une 
autre  Tonique ,  (  Voyez  Modl'.  )  il  s'enfuit  que  pour  les 
vingt  -quitre  Modes  il  fufîit  de  douze  combinaifons  :  or  fi 
avec  la  Gamme  naturelle  on  compte  fix  modifications  par 
Dicfes  ,  &  cinq  par  Bémols  ,  ou  fix  par  Bémols  &  cinq  par 
Dicfjs  ,  oq  trouvera   ces   douze  combinaifons  auxquelles  fc 

T    r 


iVs  CLE 

bornent  toutes  les  Variétés  pofïïbles  de  Tons  &  de  Modes 
dans  le  Syitême  établi. 

J'explique ,  aux  mots  Dièfe  &  Bémol ,  Tordre  félon  lequel 
ils  doivent  être  placés  à  la  Clef.  Mais  pour  tranfpofer  tout 
d'un  coup  la  Clef  convenablement  à  un  Ton  ou  Mode  quelcon- 
que ,  voici  une  formule  générale  trouvée  par  M.  de  Boifgelou , 
Confeiller  au  Grand  -  Confeil ,  &  qu'il  a  bien  voulu  me 
communiquer. 

Prenant  Y  ut  naturel  pour  terme  de  comparaifon  ,  nous 
appellerons  Intervalles  mineurs  la  Quarte  ut  fa  ,  &  tous  les 
Intervalles  du  même  ut  à  une  Note  bémolifée  quelconque  ; 
tout  autre  Intervalle  elt  majeur.  Remarquez  qu'on  ne  doit 
pas  prendre  par  Diéfe  la  Note  fupérieure  d'un  Intervalle 
majeur  ,  parce  qu'alors  on  feroit  un  Intervalle  fuperflu  :  mais 
il  faut  chercher  la  même  chofe  par  Bémol  ;  ce  qui  donnera 
un  Intervalle  mineur.  Ainfi  l'on  ne  compofera  pas  en  la  Dièfe., 
parce  que  la  Sixte  ut  la  étant  majeure  naturellement ,  devien- 
drait fuperflue  par  ce  Dièfe  ;  mais  on  prendra  la  Note  fi 
Bémol,  qui  donne  la  même  touche  par  un  Intervalle  mineur; 
ce  qui  rentre  dans  la  règle. 

On  trouvera  (PI.  N.  T'ig.  5.)  une  Table  des  douze  Sons 
de  l'Octave  divifée  par  Intervalles  majeurs  «Se  mineurs  ,  fur 
laquelle  on  tranfpofera  la  Clef  de  la  manière  fuivante  ,  ftlou 
le  Ton  &  le  Mode  où  l'on  veut  compofer. 

Ayant  pris  une  de  ces  douze  Notes  pour  Tonique  ou  fon- 
damentale ,  il  faut  voir  d'abord  Ci  l'Jntervalle  qu'elle  f'.'.it 
avec  ut  e(t  majeur  ou  mineur  :  s'il  elt  majeur,  il  faut  des 
D.èfcs;  s'il  elt  mineur,  il  faut  des  Bémols.  Si  cette  Note  cil 


CLE  149 

Vut  lui-même,  l'Intervalle  eft  nul,  &  il  ne  faut  ni  Bémol  ni  Dicfe. 

Pour  déterminer  à  préfent  combien   il  faut  de   Diefes  ou 

de  Bémols  ,  foit  a  le   nombre   qui  exprime    l'Intervalle  d'ut 

à  la  Note  en  queftion.  La  formule  par  Diefes  fera  — 


1  x  x 


7 

&  le   refte  donnera   le   nombre  des  Diefes   qu'il  faut  met- 
tre à  la  Clef.  La  formule  par  Bémols  fera  a  ~  '  ?_^  ,&  le  refte 

fera  le  nombre  des  Bémols  qu'il  faut  mettre  à  la  Clef. 

Je  veux ,  par  exemple  ,  compofer  en  la  Mode  majeur.  Je 
vois  d'abord  qu'il  faut  des  Diefes ,  parce  que  la  fait  un  In- 
tervalle majeur  avec  ut.  L'Intervalle  eft  une  Sixte  dont  le 
nombre  elt  6  ;  j'en  retranche  1  ;  je  multiplie  le  refte  5  par 
z ,  &  du  produit  10  rejettant  7  autant  de  fois  qu'il  fe  peut, 
j'ai  le  relie  3  qui  marque  le  nombre  de  Diefes  dont  il  faut 
armer  la  Clef  pour  le  Ton  majeur  de  la. 

Que  fi  je  veux  prendre  fa  Mode  majeur  ,  je  vois  ,  par  la 
Table ,  que  l'Intervalle  eft  mineur  ,  &  qu'il  faut  par  co.i- 
fequent  des  Bémols.  Je  retranche  donc  1  du  nombre  4  de 
l'Intervalle;  je  multiplie  par  5  le  refte  3  ,  &  du  produit  15 
rejettant  7  autant  de  fois  qu'il  fe  peut,  j'ai  1  de  refte  :  dtiï 
un  Bémol  qu'il  faut  mettre  à  la   Clef. 

On  voit  par-là  que  le  nombre  des  Diefes  ou  des  Bémols 
de  la  Clef  ne  peut  jamais  palier  lix  ,  puifqu'ils  doivent  être 
le  relte  d'une  divifîon  par   fept. 

Pour  les  Tons  mineurs  il  faut  appliquer  la  même  formule 
des  Tons  majeurs  ,  non  fur  la  Tonique  ,  nuis  fur  la  Note 
qui  ett  une  Tierce  mineure  uu-defïus  de  cette,  même  Toni- 
que, fur  fa  Médiante. 


iso  C    O    M 

Ainfî  pour  compofcr  en  fi  Mode  mineur,  je  trans- 
férai la  Clef  comme  pour  le  Ton  majeur  de  re.  Pour  fa 
Dicfe  mineur,  je  la  tranfppferai  comme  pour  la  majeur,  &c. 

Les  Muficiens  ne  déterminent  les  Tranfpofitions  qu'à  force 
de  pratique  ,  ou  en  tâtonnant;  mais  la  règle  que  je  donne 
eft  démontrée    générale    &  fans  exception. 

COiMARCHIOS.  Sorte  de  Nome  pour  les  Flûtes  dans 
.l'ancienne  Mufique   des  Grecs. 

COMMA  ,f.  m.  Petit  Intervalle  qui  fe  trouve ,  dans  quel- 
ques cas  ,  entre  deux  Sons  produits  fous  le  même  nom  par 
des  progreflions  différences. 

On  diftingue  crois  efpeces  de  Comma.  i°.  Le  mineur, 
donc  la  raifon  eft  de  2015  à  2048  ;  ce  qui  eft  la  quantité 
dont  le  fi  Dièfe,  quatrième  Quinte  de/o/Dièfe  pris  comme 
Tierce  majeure  de  mi,  eft  furpafle  par  Voit  naturel  qui  lui 
correfpond.  Ce  Comma  eft  la  différence  du  femi-Ton  ma- 
jeur au  femi-Ton  moyen. 

2°.  Le  Comma  majeur  eft  celui  qui  fe  trouve  entre  le  mi 
produic  par  la  progreffion  triple  comme  quacrieme  Quinte 
en  commençant  par  ut ,  &  le  même  mi  >  ou  fa  réplique  , 
confidéré  comme  Tierce  majeur  de  ce  même  ut.  La  raifon 
en  eft  de  80  à  81.  C'eft  le  Comma  ordinaire,  &  il  eft  la 
différence  du  Ton  majeur  au  Ton  mineur. 

30.  Enfin  le  Comma  maxime  ,  qu'on  appelle  Comma  de 
Pythagore  ,  a  fon  rapport  de  524288  à  53144J  ,  &  il  elt 
l'excès  du  fi  Dicfe  produit  par  la  progrellîon  rriplc  comme 
douzième  Quinte  de  Vut  fur  le  niêmc  ut  élève*  par  fes  Oc- 
raves  au  Degré  correfr.ondant. 


C    O    M  r5i 

Les  Muficiens  entendent  par  Commet  la  huitième  ou  lu 

neuvième  partie  d'un  Ton  ,  la  moitié  de  ce  qu'ils  appellent 
un  quart-de-Ton.  Mais  on  peut  afîlirer  qu'ils  ne  favent  ce 
qu'ils  veulent  dire  en  s'exprimant  ainfi  ,  puifque  pour  des 
orvilles  comme  les  nôtres  un  fi  petit  Intervalle  n'eft  appré- 
ciable que  par  le  calcul.  (  Voyez  Intervalle.  ) 

COMPAIR ,  adj.  corrélatif  de  lui-même.  Les  Tons  Corn- 
pairs  dans  le  Plain-Chant ,  font  l'authente  &  le  plagal  qui 
lui  correfpond.  Ainfi  le  premier  Ton  eft  Compair  avec  le 
fécond  ;  le  troifieme  avec  le  quatrième  ,  &  ainfi  de  fuite  : 
chaque  Ton  pair  eft  Compair  avec  l'impair  qui  le  précède. 
(  Voyez  Tons  de  l'Eglise.  ) 

COMPLÉMENT  d'un  Intervalle  eft  la  quantité  qui  lui 
manque  pour  arriver  à  l'Octave  :  ainfi  la  Seconde  &  la  Sep- 
tième ,  la  Tierce  &  la  Sixte  ,  la  Quarte  &  la  Quinte  font 
Cùmptémens  l'une  de  l'autre.  Quand  il  n'eft  queition  que 
d'un  Intervalle  ,  Complément  &  Renverfement  font  la  même 
chofe.  Quant  aux  efpeces  ,  le  jufle  efè  Complément  du  jufte  r 
le  majeur  du  mineur ,  le  fuperflu  du  diminué  ,  6c  récipro- 
quement. (  Voyez  Intervalle.  ) 

COMPOSE  ,  adj.  Ce  mot  a  trois  fèns  en  Mufîque  ;  deux 
par  rapport  aux  Intervalles  &  un  par  rapport  à  la  Mefure. 

I.  Tout  Intervalle  qui  pafle  l'étendue  de  l'Octave  eft  un 
Intervalle  Compofé ,  parce  qu'en  retranchant  l'Octave  on  fim- 
plifîe  l'Intervalle  fans  le  changer.  Ainfi  la  Neuvième  ,1a  Dixième, 
la  Douzième  font  des  Intervalles  Compnfés  ;  le  premier ,  de  la 
Seconde  &  de  l'Octave  ;  le  deuxième  ,  de  la  Tierce  6c  de 
l'Octave  j  le  troifieme ,  de  la  Quinte  &  de  l'Octave  ,  &c 


,5*  C    O    M 

IL  Tout  Intervalle  qu'on  peut  divifer  mufîcalement  en 
deux  Intervalles  peut  encore  être  confidéré  comme  Com- 
pofe.  Ainfi  la  Quinte  eft  compofée  de  deux  Tierces,  la  Tierce 
de  deux  Secondes  ;  la  Seconde  majeure  de  deux  femi-Tons  ; 
mais  le  femi-Ton  n'eft  point  Compofé  ,  parce  qu'on  ne 
peut  plus  le  divifer  ni  fur  le  Clavier  ni  par  Notes.  C'eft  le 
fens  du  difcours  qui ,  des  deux  précédentes  acceptions  ,  doit 
déterminer  celle  félon  laquelle  un  Intervalle  eft  dit  Compofé, 

III.  On  appelle  Mefures  compofées  toutes  celles  qui  font 
défignées  par  deux  chiffres.  (  Voyez  Mesure.  ) 

COMPOSER ,  v.  a.  Inventer  de  la  Mufique  nouvelle  ,  félon 
les  règles  de  l'Art. 

COMPOSITEUR,/  m.  Celui  qui  compofe  delà  Mufique 
ou  qui  fait  les  règles  de  la  Compofition.  Voyez  ,  au  mot 
Composition  ,  l'expofé  des  connoiffances  néceffaires  pour 
favoir  compofer.  Ce  n'eft  pas  encore  aficz  pour  former  un 
vrai  Compofiteur.  Toute  la  fcience  pofiïble  ne  fuffit  point 
fans  le  génie  qui  la  met  en  œuvre.  Quelque  effort  que  Ton 
puiffe  faire ,  quelque  acquis  que  l'on  puiffe  avoir  ,  il  faut  être 
né  pour  cet  Art  ;  autrement  on  n'y  fera  jamais  rien  que  de 
médiocre.  Il  en  eft  du  Compojiteur  comme  du  Potite  :  fi 
la  Nature  en   naiffant  ne  l'a  formé  tel  ; 

S'il  n'a   reçu  du  Ciel  t influence  fecrct'e  , 
Pour   ha    Phébui   çjljbui  ajk  ij}   rétif. 

Ce  que  j'entends  par  génie  n'e/t  point  ce  goût  bifurc  & 
capricieux  qui  feme  par-tout  le  baroque  &  le  difficile  ,  qui  ne 
fait  orner  l'Harmonie  qu'à  force   de   Dillbnances  ,  de  con- 

traftes 


C    O    M  xs3 

trdcs  5c  de  bruit.  C'eft  ce  feu  intérieur  qui  brûle  ,  qui  tour- 
mente le  Compofitcur  maigre  lui ,  qui  lui  infpire  inceff.ni- 
ment  des  Chants  nouveaux  &  toujours  agréables  des  ex- 
preilîons  vives ,  naturelles  &  qui  vont  au  cœur  ;  une  Har- 
monie pure  ,  touchante  ,  majeitueufe  ,  qui  renforce  &  pare 
k  Chant  fans  l'étouffer.  C'elt  ce  divin  guide  qui  a  conduit 
Correlli ,  Vinci  ,  Perez  ,  Rinaldo  ,  Jomelii  ,  Durante  plus 
favant  qu'eux  tous  ,  dans  le  fanétuaire  de  l'Harmonie  ;  Léo» 
Pergolèfe,  rlaffe,  Terradc'glias ,  Galuppi  dans  celui  du  boa 
goût  6c  de  l'exprcflîon. 

COMPOSITION  ,f.  f.  C'eft  l'Art  d'inventer  6c  d'écrire 
des  Chants  ,  de  les  accompagner  d'une  Harmonie  convena- 
ble ,  de  faire ,  en  un  mot ,  une  Pièce  complète  de  Mufique 
avec  toutes  fts  Parties. 

La  connoiffance  de  l'Harmonie  6c  de  fes  règles  efr.  le  fon- 
dement de  la  Compojîtion.  Sans  doute  il  faut  favoir  remplir 
des  Accords  ,  préparer  ,  fauver  des  DilTonances ,  trouver  des 
Bdffes  -  fondamentales  6c  pofféder  toutes  les  autres  petites 
connoiffanecs  élémentaires  ;  mais  avec  les  feules  règles  de 
l'Harmonie ,  on  n'eit  pas  plus  près  de  favoir  la  Compojiùon  % 
qu'on  ne  l'eft  d'être  un  Orateur  avec  celles  de  la  Gram- 
maire. Je  ne  dirai  point  qu'il  faut  ,  outre  cela  ,  bien  con- 
noître  la  portée  6c  le  caractère  des  Voix  6c  des  Inflrumens , 
les  Criants  qui  font  de  facile  ou  difficile  exécution  ,  ce  qui 
fait  de  l'effet  6c  ce  qui  n'en  fait  pas  ;  fentir  le  caractère 
des  différentes  Mefures  ,  celui  des  différentes  Modulations 
pour  appliquer  toujours  l'une  6c  l'autre  a  propos  ;  favoir 
coûtes  les  règles  particulières  établies  par  convention  ,  par 
Dicl.  de  Mujiqut.  V 


t54  C     O     M 

goût,  par  caprice  ou  par  pédanterie  ,  comme  les  Fugue?, 
les  Imitations  ,  les  fujets  contraints  ,  &c.  Toutes  ces  chofes 
ne  font  encore  que  des  préparatifs  à  la  Compofuion  :  mais 
il  faut  trouver  en  foi-même  la  fource  des  beaux  Chants ,  de 
la  grande  Harmonie  ,  les  Tableaux ,  l'expre/Iion  ;  être  enfin 
capable  de  faifir  ou  de  former  l'ordonnance  de  tout  un  ou- 
vrage ,  d'en  fuivre  les  convenances  de  toute  efpece  ,  &  de 
fe  remplir  de  l'efprit  du  Poète  fans  s'amufer  à  courir  après 
les  mots.  C'eft  avec  raifon  que  nos  Muficiens  ont  donné 
le  nom  de  paroles  aux  Poèmes  qu'ils  mettent  en  Chant. 
On  voit  bien ,  par  leur  manière  de  les  rendre  ,  que  ce  ne 
font  en  effet  ,  pour  eux ,  que  des  paroles.  Il  femble  ,  fur- 
tout  depuis  quelques  années  ,  que  les  règles  des  Accords 
aient  fait  oublier  ou  négliger  toutes  les  autres ,  &  que  l'Har- 
monie n'ait  acquis  plus  de  facilité  qu'aux  dépens  de  l'Art 
en  général.  Tous  nos  Artiftes  favent  le  rempliffage  ,  à  peine 
en  avons-nous  qui  fâchent  la  Compofuion. 

Au    velte ,  quoique   les    règles   fondamentales   du   Contre- 
point foient  toujours    les   mêmes ,  elles  ont  plus  ou  moins 
de  rigueur  félon   le  nombre  des  Parties;  car  à  mefure  qu'il 
y  a  plus   de   Parties  ,  la   Compofuion  devient  plus  difficile  , 
&  les  règles  font  moins  féveres.  La  Compofuion  à  deux  Par- 
ties  s'appelle  Duo  ,  quand   les  deux  Parties  chantent  égale- 
ment ,  c'efl-à-dire  ,  quand  le  fujet  fe  trouve  partagé  entr'ellcs. 
One  fi  le  fujet  e(t  dans  une  Partie  feulement,  &  que  l'autre 
ne  fa  (Te  qu'accompagner,  on  appelle  alors  la  première  Récit 
ou  Solo  ;  èv   l'autre  ,  Accompagnement  ou  BafTt-continue  ,  û 
cYft  une  Batfe.   11  en  elt  de  même  du  Trio  ou  de  la  Cor.~ 


C     O     M  155 

pofition    à  trois    Parties  ,  du    Quatuor  ,  du    Quinque  ,  &c. 
(  Voyez  ces  mots.  ) 

On  donne  aufli  le  nom  de  Comportions  aux  Pièces  mêmes 
de  Mufique  faites  dans  les  règles  de  la  Compojition  :  c'tft 
pourquoi  les  Duo  ,  Trio  ,  Quatuor  dont  je  viens  de  parler  , 
s'appellent  des  Comportions. 

On  compofe  ou  pour  les  Voix  feulement  ,  ou  pour  les 
Inftrumens ,  ou  pour  les  Inftrumens  6c  les  Voix.  Le  Plain- 
Chant  &  les  Chanfons  font  les  feules  Comportions  qui  ne 
foient  que  pour  les  Voix  ;  encore  y  joint-on  fouvent  quelque 
Infiniment  pour  les  foutenir.  Les  Comportions  inftrumen- 
tales  font  pour  un  Chœur  d'Ortheftre  ,  &  alors  elles  s'ap- 
pellent i>) mphonies  ,  Concerts  ;  ou  pour  quelque  efpece  par- 
ticulière d'Inftrument ,  &  elles  s'appellent  Pinces  ,  Sonates. 
(  Voyez  ces  mots.  ) 

Quant  aux  Comportions  deftinées  pour  les  Voix  &  pour 
les  Inftrumens  ,  elles  fe  divifent  communément  en  deux  efpo- 
ces  principales;  favoir  ,  Mufique  Latine  ou  Muilque  d'Eglife, 
&  Mufique  Françoife.  Les  Mufiques  deftinées  pour  l'Eglife, 
foit  Pfeaumes  ,  Hymnes  ,  Antiennes  ,  Répons  ,  portent  en 
général  le  nom  de  Mottets.  (  Voyez  Mottet.  )  La  Mufi- 
que Françoife  fe  divife  encore  en  Mufique  de  Théâtre  , 
comme  nos  Opéra  ,  &  en  Mufique  de  Chambre  ,  comme 
nos  Cantates  ou  Cantatilles.  (  Voyez  Cantate  ,  Opéra.  ) 
.  Généralement  la  Compojition  Latine  parle  pour  demander 
plus  de  feience  &  de  règles  ,  &  la  Françoife  plus  de  génie 
&  de  goûr. 

Dans  une  Compofition  l'Auteur  a  pour  fujet  le  Son  phyfi- 

V  i 


iS6  C    O    N 

quement  confidéré ,  ôc  pour  objet  le  feul  plaifir  de  l'oreille  ; 
ou  bien  il  s'élève  à  la  Mufique  imitative  &  cherche  à  émou- 
voir fes  Auditeurs  par  des  effets  moraux.  Au  premier  égard 
il  fuffit  qu'il  cherche  de  beaux  Sons  &  des  Accords  agréa- 
bles ;  mais  au  fécond  il  doit  confidérer  la  Mufique  par  fes 
rapports  aux  accens  de  la  voix  humaine,  &  par  les  confor- 
mités pofîibles  entre  les  Sons  harmoniquement  combir.  :s 
&  les  objets  imitables.  On  trouvera  dans  l'article  Opéra 
quelques  idées  fur  les  moyens  d'élever  Ôc  d'ennoblir  l'Art  , 
en  faifant  ,  de  la  Mufique  ,  une  langue  plus  éloquente  que 
le  difeours  même. 

CONCERT  ,yi  m.  Anemblée  de  Muficiens  qui  exécutent 
des  Pièces  de  Mufique  Vocale  &  Inftrumentale.  On  ne  fe 
fert  gueres  du  mot  de  Concert  que  pour  une  alllmblte  d'au- 
moins  fept  ou  huit  Muficiens ,  &  pour  une  Mufique  à  plu- 
sieurs Parties.  Quant  aux  Anciens  ,  comme  ils  ne  connoif- 
foient  pas  le  Contre-point  ,  leurs  Concerts  ne  s'exécuteienc 
qu'à  l'Unifïbn  ou  à  l'Odave  ;  ôc  ils  en  avoient  rarement  ail- 
leurs qu'aux   Théâtres  ôc  dans  les  Temples. 

CONCERT  SPIRITUEL.  Concert  qui  tient  lieu  de  Spec- 
tacle public  à  Paris,  durant  les  tems  où  les  autres  Spectacles 
font  fermés.  Il  efi  établi  au  Château  des  Tuileries;  les  Con- 
certons y  font  très-nombreux  ôc  la  Salle  eft  fort  bien  déco- 
rée. On  y  exécute  des  Mottets ,  des  Symphonies,  Ôc  l'on  fe 
donne  aufli  le  plaiûr  d'y  défigurer  de  teins  en  unis  quelques 
Airs  Italien?. 

CONCERTANT  ,  aJj.  Parties  Corn  font  ,  fi 

l'Abbé  BroHard  ,  celles  qui  ont  quelque  chofe  à  réciter  dm 


C    O    N  ,57 

une  Pièce  ou  dans  un  Concert  ,  &  ce  mor  fert  à  les  distin- 
guer des  Parties  qui  ne   font  que  de  Chœur. 

Il  eft  vieilli  dans  ce  ù:ns  ,  s'il  l'a  jamais  eu.  L'on  dit  au- 
jourd'hui Parties  Récitantes  :  mais  on  fe  fort  de  celui  de 
Concertant  en  parlant  du  nombre  de  Mufîciens  qui  exécu- 
tent dans  un  Concert ,  6c  l'on  dira  :  Nous  étions  vingt-cinq 
Concertant    Une  aJJ'emblée  de  huit  à  dix  Concertans. 

CONCERTO ,  /  m.  Mot  Italien  francifé  ,  qui  lignifie 
généralement  une  Symphonie  faire  pour  être  exécutée  par 
tout  un  Orchefire  ;  mais  on  appelle  plus  particulièrement 
Concerto  une  Pièce  faite  pour  quelque  Infiniment  particu- 
lier ,  qui  joue  feul  de  tems  en  tems  avec  un  fimple  Accom- 
pagnement ,  après  un  commencement  en  grand  Orcheltre  ; 
&  la  Pièce  continue  ainfi  toujours  alternativement  entre  le 
même  Inltrumcnt  récitant  ,  &  fOrcheftre  en  Chœur.  Quant 
aux  Concerto  où  tout  fe  joue  en  Rippiéno,  &  où  nul  Inf- 
trument  ne  récite  ,  les  François  les  appellent  quelquefois 
Trio  ,  &c  les  Italiens  Sinfonie. 

CONCORDANT  ,  ou  Baffe  -  Taille  ,  ou  Bary  ton  ;  celle 
des  Parties  de  la  Mufique  qui  tient  le  milieu  entre  la  Taiile 
6c  la  Baffe.  Le  nom  de  Concordant  n'eft  gueres  en  ufage  que 
dans  les  Mufiqnes  d'Eglife,  non  plus  que  la  Partie  qu'il  dé- 
(îgne.  Par-tout  ailleurs  cette  Pâme  s'appelle  Baffe-Taille  & 
fe  confond  avec  la  Baffe.  Le  Concordant  eft  proprement  la 
Parre  qu'en  Italie  on  appelle  Ténor.  (  Voyez  Parties.  ) 

CONCOURS,/  m.  Affembléc  de  Mufîciens  &  de  con- 
noiueurs  autorifés ,  dans  laquelle  une  place  vacante  de  M  - 
tre  de  Mufique  ou  d'Orgunilte  elt  emportée  ,  à  la'  pi 


,58  C    O    N 

des  fuflrages  ,  par  celui  qui  a  fait  le  meilleur  Mottet ,  Ou  qui 
s'eft  diftingué  par  la  meilleure  exécution. 

Le  Concours  étoit  en  ufage  autrefois  dans  la  plupart  des 
Cathédrales  ;  mais  dans  ces  tems  malheureux  où  l'efprit 
d'intrigue  s'eft  emparé  de  tous  les  états,  il  eft  naturel  que 
le  Concours  s'abolifle  infenfiblement ,  &  qu'on  lui  fubftitue 
des  moyens  plus  aifés  de  donner  à  la  faveur  ou  à  l'intérêt , 
le  prix  qu'on  doit  au  talent  &  au  mérite. 

'CONJOINT  ,  adj.  Tétracorde  Conjoint  efè  ,  dans  l'an- 
cienne Mufiquc  ,  celui  dont  la  corde  la  plus  grave  eft  à 
l'uniïïbn  de  la  corde  la  plus  aiguë  du  Tétracorde  qui  efl 
immédiatement  au-deiïbus  de  lui,  ou  dont  la  corde  la  plus 
aiguë  e(c  à  l'unitîbn  de  la  plus  grave  du  Tétracorde  qui  elt 
immédiatement  au-deflus  de  lui.  Ainfi ,  dans  le  fyflême  des 
Grecs  ,  tous  les  cinq  Tétracordes  font  conjoints  par  quel- 
que côté  ;  fa  voir,  i".  le  Tétracorde  Méfon  conjoint  au  Té- 
tracorde Hypaton  ;  i°.  le  Tétracorde  Synnéménon  conjoint 
au  Tétracorde  Méfon  ;  30.  le  Tétracorde  Hyperboléon  con- 
joint au  Tétracorde  Diezeugménon  :  &  comme  le  Tétra- 
corde auquel  un  autre  étoit  conjoint  lui  étoit  conjoint  réci- 
proquement ,  cela  eût  fait  en  tout  fix  Tétracordes  ;  c'eft-à- 
dire ,  plus  qu'il  n'y  en  avoit  dans  le  fyftême  ,  ii  le  Tétra- 
corde IVléfon  étant  conjoint  par  fes  deux  extrémités  ,  n'eue 
été  pris  deux  fois  pour  une. 

mi  nous  ,  Conjoint  fe  dit  d'un  Intervalle  ou  Degré. 
On  applle  Degrés  conjoints  ceux  qui  font  tellement  difpo- 
fés  cnrrVux  ,  que  le  Son  le  plus  aigu  du  Do?;ré  Inférieur,  fe 
trouve  à  l'uniflbn  du  Son  le   plus  grave  du  Degré  fupéricur. 


e  o  n  159 

11  faut  de  plus  qu'aucun  des  Degrés  conjoints  ne  puiiïe  être 
partagé  en  d'autres  Degrés  plus  petits  ,  niais  qu'ils  foient 
eux-mêmes  les  plus  petits  qu'il  foit  pofïiblc  ;  faveur  ,  ceux 
d'une  féconde.  Ainfi  ces  deux  Intervalles  ut  re  ,  &  re  mi 
font  conjoints  ;  mais  ut  re  &  fa  fol  ne  le  font  pas  ,  faute 
de  la  première  condition  ;  ut  mi  &  mi  Jol  ne  le  font  pas 
non  plus  ,  faute  de  la  féconde. 

Marche  par  Degrés  conjoints  figniîie  la  même  chofe  que 
Marche  Diatonique.    (  Voyez  Degré  Diatonique.  ) 

CONJOINTES,/  f.  Tétracorde  des  Conjointes.  (  Voyez 

SvNNtMI'NON.  ) 

CONNEXE,  adj.  Terme  de  Plain-Chant.  (  Voy.  Mixte.  ) 

CONSONNANCE,/  f.  C'eft  ,  félon  l'étymologie  du 
mot,  l'effet  de  deux  ou  plufieurs  Sons  entendus  a  la  fois  ; 
mais  on  reftreint  communément  la  lignification  de  ce  terme 
aux  Intervalles  formés  par  deux  Sons ,  dont  l'Accord  plaît 
à  l'oreille  ,  &  c'eft  en  ce  fens  que  j'en  parlerai  dans  cet 
article. 

De  cette  infinité  d'Intervalles  qui  peuvent  divifer  les  Sons  , 
il  n'y  en  a  qu'un  très-petit  nombre  qui  fafTcnt  des  Confon- 
nances  ;  tous  les  autres  choquent  l'oreille  &  font  appelles 
pour  cela  Dijfonances.  Ce  n'efè  pas  que  plufieurs  de  celles- 
ci  ne  foient  employées  dans  l'Harmonie  ;  mais  elles  ne  le 
font  qu'avec  des  précautions  dont  les  Confonnances  ,  tou- 
jours agréables  par  elles  -  mêmes  ,  n'ont  pas  également 
befoin. 

Les  Grecs  n'admettoient  que  cinq  Confonnances  ;  favoir  , 
l'Octave,  la  Quinte  ,  la  Douzième  qui  dl  Ïà  réplique  de 


160  C    O    N 

la  Quinte  ,  la  Quarte  ,  &  l'Onzième  qui  eft  fa  réplique,' 
Nous  y  ajoutons  les  Tierces  &  les  Sixtes  majeures  &  mi- 
neures ,  les  Octaves  doubles  &c  triples  ,  &  en  un  mot  ,  les 
diverfes  répliques  de  tout  cela  fans  exception ,  félon  toute 
l'étendue  du  fyitême. 

On  diftingue  les  Confonnances  en  parfaites  ou  juftes  ,  dont 
l'Intervalle  ne  varie  point ,  &  en  imparfaites  ,  qui  peuvent 
être  majeures  ou  -mineures.  Les  Confonnances  parfaites  , 
font  l'Octave  ,  la  Quinte  &  la  Quarte  ;  les  imparfaites  font 
les  Tierces  &  les  Sixtes. 

Les  Confonnances  fe  divifent  encore  en  fimples  &  com- 
pofées.  Il  n'y  a  de  Confonnances  fimples  que  la  Tierce  ôc 
la  Quarte  :  car  la  Quinte  ,  par  exemple  ,  e(t  compofée  de 
deux  Tierces  ;  la  Sixte  eft  compofée  de  Tierce  &  de 
Quarte  ,  «Sec. 

Le  caractère  phyfique  des  Confonnances  fe  tire  de  leur 
production  dans  un  même  Son  ;  ou  ,  fi  l'on  veut  ,  du  fré- 
milfement  des  cordes.  De  deux  cordes  bien  d'accord  for- 
mant entr'elles  un  Intervalle  d'Octave  ou  de  Douzième  qui 
eft  l'Octave  de  la  Quinte  ,  ou  de  Dix-fepticme  majeure  qui 
eit  la  double  Octave  de  la  Tierce  majeure  ,  Ci  l'on  fait  fon- 
ner  la  plus  grave  ,  l'autr«  frémit  &  réfonne.  A  l'égard  de 
la  Sixte  majeure  ôc  mineure  ,  de  la  Tierce  mineure  ,  de  la 
Quinte  &  de  la  Tierce  majeure  fimples  ,  qui  toutes  font 
des  combinaifons  &  des  renverfemens  des  précédentes  Con- 
fonnances ,  elles  fe  trouvent  non  directement  ,  mais  entre 
les   diverfes  cordes  qui  frémifTent  au  même  Son. 

Si  je  touche  la  corde  ut ,  les  cordes  montées  à  fon  Oc- 
tave 


C     O     N  rr„ 

tave  z/r,  à  la  Quinte  foi  de  cette  Octave,  à  la  Tierce  nu 
de  la  double  Octave  ,  même  aux  Octaves  de  tout  cela ,  fré- 
miront toutes  &  reformeront  à  la  fois  ;  &  quand  la  première 
corde  feroit  feule  ,  on  dilLingueroit  encore  tous  ces  Sons 
dans  fa  réfonnance.  Voila  donc  l'Oétave ,  la  Tierce  ma- 
jeure ,  &  la  Quinte  directes.  Les  autres  Confonnances  fe 
trouvent  auflï  par  combinaifons  ;  fivoir,  la  Tierce  mineure» 
du  mi  au  fol  ;  la  Sixte  mineure  ,  du  même  mi  à  Yut  d'en 
haut  ;  la  Quarte  ,  du  fol  à  ce  même  ut  ;  &  la  Sixte  ma- 
jeure ,  du   même  fol  au   mi   qui   eft  au-delîus  de  lui. 

Telle   eft    la   génération   de    toutes   les    Confonnances.   Il 
s'agiroit  de  rendre  raifon  des  Phénomènes. 

Premièrement  ,  le  frémiffement  des  cordes  s'explique  pai 
l'action  de  l'air  &  le  concours  des  vibrations.  (  Voyez  Unis- 
son. )  20.  Que  le  fon  d'une  corde  foit  toujours  accompagné 
de  fes  Harmoniques  (  voyez  ce  mot.  )  ,  cela  paroît  une 
propriété  du  Son  qui  dépend  de  fa  nature  ,  qui  en  eft  in- 
(eparable  ,  ôc  qu'on  ne  fauroit  expliquer  qu'avec  des  hypo- 
rhefes  qui  ne  font  pas  fans  difficulté.  La  plus  ingénieufe 
qu'on  ait  jufqu'à  préfent  imaginée  fur  cette  matière  eft  , 
fans  contredit ,  celle  de  M.  de  Mairan  ,  dont  M.  Rameau 
dit  avoir  fait  fon  profit. 

3°.  A  l'égard  du  plaifîr  que  les  Confonnances  font  à  l'oreille, 
à  l'exclufion  de  tout  autre  Intervalle  ,  on  en  voit  clairement 
la  fource  dans  leur  génération.  Les  Confonnances  Baillent 
toutes  de  f  Accord  parfait  ,  produit  par  un  Son  unique  ,  & 
réciproquement  l'Accord  parfait  fe  forme  par  l'j  > 
des  Confonnances.  Il  eft  donc  naturel  que  l'Harmonie  de 
Dicl.  de  Mujîque,  X 


i6x  C     O    N 

cet  Accord  fe  communique  à  fes  Parties  ;  que  chacune  d'elles 
y  participe  ,  &  que  tout  autre  Intervalle  qui  ne  fait  pas 
partie  de  cet  Accord  n'y  participe  pas.  Or ,  la  Nature  qui  a 
doué  les  objets  de  chaque  fens  de  qualités  propres  à  le  flat- 
ter ,  a  voulu  qu'un  Son  quelconque  fût  toujours  accom- 
pagné d'autres  Sons  agréables  ,  comme  elle  a  voulu  qu'un 
rayon  de  lumière  fût  toujours  formé  des  plus  belles  couleurs. 
Que  fi  l'on  prefTe  la  queftion  ,  &  qu'on  demande  encore 
d'où  naît  le  plaifïr  que  caufe  l'Accord  parfait  à  l'oreille  , 
tandis  qu'elle  eft  choquée  du  concours  de  tout  autre  Son  , 
que  pourroit-on  répondre  à  cela  ,  finon  de  demander  à  fon 
tour  pourquoi  le  verd  plutôt  que  le  gris  réjouit  la  vue  ,  & 
pourquoi  le  parfum  de  la  rofe  enchante,  tandis  que  l'odeur 
du  pavot  déplaît  ? 

Ce  n'eft  pas  que  les  Phyficiens  n'aient  expliqué  tout  cela  ; 
&  que  n'expliquent-ils  point  ?  Mais  que  toutes  ces  explica- 
tions font  conjecturales ,  &  qu'on  leur  trouve  peu  de  foli- 
dité  quand  on  les  examine  de  près  !  Le  Lecteur  en  jugera 
par  l'expofé  des  principales  ,  que  je  vais  tâcher  de  faire  en 
peu  de  mots. 

Ils  difent  donc  que  ,  la  fenfuion  du  Son  étant  produite 
par  les  vibrations  du  corps  fonore  propagées  jufqu'au  tym- 
pan par  celles  que  l'air  reçoit  de  ce  même  corps  ,  lorfque 
deux  Sons  fe  font  entendre  enfemblc  ,  l'oreille  cft  affectée 
a  la  fois  de  leurs  diverfes  vibrations.  Si  ces  vibrations  font 
ifochroncs  ,  c'efl-à-dire  ,  qu'elles  s'accordent  a  commence* 
&  finir  en  mime  tems  ,  ce  concours  forme  lVnilIon  ,  & 
l'oreille  ,  qui  faifit   l'Accord  de  ces  retours  égaux  &  bien 


C    O    N  M* 

concordans ,  en  eft  agréablement  affectée.  Si  les  vibrations 
d'un  des  deux  Sons  font  doubles  en  durée  de  celles  de 
l'autre  ,  durant  chaque  vibration  du  plus  grave  ,  l'aigu  en  fera 
précifément  deux ,  oc  à  la  troifieme  ils  partiront  enfemble. 
Ainfi ,  de  deux  en  deux  ,  chaque  vibration  impaire  de  l'aigu 
concourra  avec  chaque  vibration  du  grafe  ,  &  cette  fré- 
quente concordance  qui  conltitue  l'Octave  ,  félon  eux  moins 
douce  que  l'Unilfon  ,  le  fera  plus  qu'aucune  autre  Confon- 
nance.  Après  vient  la  Quinte  dont  l'un  des  Sons  fait  deux 
vibrations ,  tandis  que  l'autre  en  fait  trois  ;  de  forte  qu'ils 
ne  s'accordent  qu'à  chaque  troifieme  vibration  de  l'aigu  ; 
enfuite  la  double  Octave  ,  dont  l'un  des  Sons  fait  quatre 
vibrations  pendant  que  l'autre  n'en  fait  qu'une  ,  s'accordant 
feulement  à  chaque  quatrième  vibration  de  l'aigu  :  pour  la 
Quarte ,  les  vibrations  fe  répondent  de  quatre  en  quatre  à 
l'aigu  ,  &  de  trois  en  trois  au  grave  :  celles  de  la  Tierce 
majeure  font  comme  4  &  s  ,  de  la  Sixte  majeure  comme 
3  &  s  ,  de  la  Tierce  mineure  comme  s  &  6  ,  &  de  la  Sixte 
mineure  comme  s  &  8.  Au-delà  de  ces  nombres  il  n'y  a 
plus  que  leurs  multiples  qui  produifent  des  Confonnances  , 
c'eft-à-dire  des  Octaves  de  celles-ci  ;  tout  le  refte  elt 
diiîonanr. 

D'autres  trouvant  l'Octave  plus  agréable  que  l'Uniiîbn  , 
&  la  Quinte  plus  agréable  que  l'Octave  ,  en  donnent  pour 
raifon  que  les  retours  égaux  des  vibrations  dans  l'Unifibn 
&  leur  concours  trop  fréquent  dans  l'Octave  confondent  , 
identifient  les  Sons  &  empêchent  l'oreille  d'en  appercevoir 
la  diverfité.   Pour  qu'elle  puilFe  ,  avec  plaifir ,  comparer   les 


i<54  C    O    N 

Sons  ,  il  faut  bien  ,  difent-ils  ,  que  les  vibrations  s'accor- 
dent par  Intervalles ,  mais  non  pas  qu'elles  fe  confondent 
trop  fouvent  ;  autrement  au  lieu  de  deux  Sons  on  croiroit 
n'en  entendre  qu'un,  &  l'oreille  perdroit  le  plaifir  de  la  com- 
paraifon.  C'eft  ainli  que  du  même  principe  on  déduit  à  fon 
gré  le  pour  &  le  contre  ,  félon  qu'on  juge  que  les  expériences 
l'exigent. 

Mais  premièrement  toute  cette  explication  n'eft  ,  comme 
on  voit ,  fondée  que  fur  le  plaifir  qu'on  prétend  que  reçoit 
l'ame  par  l'organe  de  l'ouïe  du  concours  des  vibrations  ;  ce 
qui  ,  dans  le  fond ,  n'eft  déjà  qu'une  pure  fuppofiticn.  De 
plus  ,  il  faut  fuppofcr  encore  ,  pour  autorifer  ce  fyfiéme  , 
que  la  première  vibration  de  chacun  des  deux  corps  fono- 
res  commence  exactement  avec  celle  de  l'autre  ;  car  de 
quelque  peu  que  l'une  précédât  ,  elles  ne  concourroient  plus 
dans  le  rapport  déterminé,  peut-être  même  ne  concour- 
roient -  elles  jamais  ,  &  par  conféquent  l'Intervalle  fenfible 
devroit  changer  ;  la  Confonnance  n'exilteroit  plus  ou  ne  fe- 
roit  plus  Ta  même.  Enfin  il  faut  fuppofer  que  les  diverfes 
vibrations  des  deux  Sons  d'une  Confonnance  frappent  l'or- 
gane fans  confufion ,  &  tranfmettent  au  cerveau  la  fenfation 
de  l'Accord  fans  fe  nuire  mutuellement  :  chofe  difficile  a  con- 
cevoir &  dont  j'aurai  occalion  de  parler  ailleurs. 

Mais  fans  difputer  fur  tant  de  fuppofîtions ,  voyons  ce  qui 
doit  s'enfuivre  de  ce  fyitême.  Les  vibrations  ou  les  Sons 
de  la  dernière  Confonnance  ,  qui  efl  la  Tierce  mineure  , 
font  comme  s  &  6 ,  &  l'Accord  en  elt  fort  agréable.  Que 
doit-il  naturellement  réfuker  de  deux  autres  Sons  dont   les 


C    O    N  jtfS 

vibrations  (croient  entre  elles  comme  C  &  7  ?  Une  Côqfon- 
namc  un  peu  moins  harmonieufe  ,  à  la  vérité ,  mais  encore 
affez  agréable  ,  a  caufe  de  la  petite  différence  des  raifons  ; 
car  elles  ne  différent  que  d'un  trente  -  fixieme.  Mais  qu'on 
me  dife  comment  il  fe  peut  faire  que  deux  Sons  ,  dont 
l'un  fait  cinq  vibrations  pendant  que  l'autre  en  fait  6 ,  pio- 
duifent  une  Confonnance  agréable,  &  que  deux  Sons,  dont 
l'un  fait  6  vibrations  pendant  que  l'autre  en  fait  7  ,  pro- 
duifent  une  Diffonance  aufîi  dure.  Quoi  !  dans  l'un  de  ces 
rapports  les  vibrations  s'accordent  de  fix  en  fix  ,  &  mon 
oreille  eft  charmée  ;  dans  l'autre  elles  s'accordent  de  fepe 
en  fept  ,  &  mon  oreille  eft  écorchée  !  Je  demande  encore 
comment  il  fe  fait  qu'après  cette  première  Diffonance  la 
dureté  des  autres  n'augmente  pas  en  raifon  de  la  corn  por- 
tion des  rapports  ?  Pourquoi ,  par  exemple  ,  la  Diffonance 
qui  réfulte  du  rapport  de  89  à  «>o ,  n'eft  pas  beaucoup  plus 
choquante  que  celle  qui  réfulte  du  rapport  de  n  à  13  ?  Si 
le  retour  plus  ou  moins  fréquent  du  concours  des  vibrations 
étoit  la  caufe  du  degré  de  plaifir  ou  de  peine  que  me  font 
les  Accords,  l'effet  feroit  proportionné  à  cette  caufe,  &  je 
n'y  trouve  aucune  proportion.  Donc  ce  plaifir  &  cette  peine 
ne  viennent  point  de-là. 

Il  refte  encore  à  faire  attention  aux  altérations  dont  une 
Confonnance  eft  fufceptible  fans  ceffer  d'être  agréable  à  l'o- 
reille ,  quoique  ces  altérations  dérangent  entièrement  le  con- 
cours périodique  des  vibrations ,  &  que  ce  concours  même 
devienne  plus  rare  à  mefure  que  l'altération  eft  moindre.  Il 
nefte  à  confidérer  que  l'Accord  de  l'Orgue  ou  du  Clavecin  :.. 


tes  C    O    N 

devroit  offrir  à  l'oreille  qu'une  cacophonie  d'autant  plus  hor- 
rible que  ces  Inftrumens  feroient  accordes  avec  plus  de  foin, 
puifqu'excepté  l'Octave  il  ne  s'y  trouve  aucune  Confonnancc 
dans  fon  rapport  exacL 

Dira-t-on  qu'un  rapport  approché  eft  fuppofé  tout-à-fait 
exact,  qu'il  eft  reçu  pour  tel  par  l'oreille,  &  qu'elle  fup- 
plée  par  inftinct  ce  qui  manque  à  la  jufteife  de  l'Accord  ?  Je 
demande  alors  pourquoi  cette  inégalité  de  jugement  &  d'ap- 
préciation ,  par  laquelle  elle  admet  des  rapports  plus  ou  moins 
rapprochés  &  en  rejette  d'autres  félon  la  diverfe  nature  des 
Confonnances  ?  Dans  l'Uniffon  ,  par  exemple ,  l'oreille  ne 
fupplée  rien  ;  il  eft  jufte  ou  faux  ,  peint  de  milieu.  De  même 
encore  dans  l'Octave ,  fi  l'Intervalle  n'eft  exact ,  l'oreille  efè 
choquée  -,  elle  n'admet  point  d'approximation.  Pourquoi  en 
admet-elle  plus  dans  la  Quinte  ,  &  moins  dans  la  Tierce 
majeure  ?  Une  explication  vague  ,  fans  preuve ,  &  contraire 
au  principe  qu'on  veut  établir ,  ne  rend  point  raifon  de  ces 
différence?. 

Le  Philofophc  qui  nous  a  donné  des  principes  d'Acouf- 
tique  ,  laiffant  à  part  tous  ces  concours  de  vibrations ,  Se 
renouvellant  fur  ce  point  le  fyftcme  de  Defcartes ,  rend  rai- 
fon du  plaifir  que  les  Confonnam\s  font  à  l'oreille  par  la 
fimplicité  des  rapports  qui  font  entre  les  Sons  qui  les  for- 
ment. Selon  cet  Auteur,  &  félon  Defcartes,  le'plaifir  dimi- 
nue à  mefure  que  ces  rapports  deviennent  plus  compofes  , 
&  quant  l'efprit  ne  les  faifit  plus ,  ce  font  de  véritables  Dif- 
fonances  ;  ainfi  c'eft  une  opération  de  l'efprit  qu'ils  pren- 
nent  pour    le   principe  |  du  fc  miment  de    l'Harmonie.    D 


C    O    N  i6j 

leurs  ,  quoique  cette  hypothefe  s'accorde  avec  le  reluirai: 
des  premières  divifions  harmoniques,  &  qu'elle  s'étende  même 
à  d'autres  phénomènes  qu'on  remarque  dans  les  beaux  Arts, 
comme  elle  eft  fujette  aux  mêmes  objections  que  la  précé- 
dente ,  il  n'eft  pas  pofïible  à  la  raifon  de  s'en  contenter. 

Celle  de  toutes  qui  paroît  la  plus  fatisfaifante  a  pour  Auteur 
M.  Efteve  ,  de  la  Société  Royale  de  Montpellier.  Y'oici  là- 
deffus  comment  il  raifonne. 

Le  fentiment  du  Son  eft  inféparable  de  celui  de  fes  Har- 
moniques ,  &  puifque  tout  Son  porte  avec  foi  fes  Harmo- 
niques ou  plutôt  fon  Accompagnement ,  ce  même  Accom- 
pagnement eft  dans  l'ordre  de  nos  organes.  Il  y  a  dans  le 
Son  le  plus  fimple  une  gradation  de  Sons  qui  font  6c  plus 
foibles  &  plus  aigus  ,  qui  adouciffent  ,  par  nuances  ,  le 
Son  principal  ,  &  le  font  perdre  dans  la  grande  vîteffe  des 
Sons  les  plus  hauts.  Voilà  ce  que  c'eft  qu'un  Son  ;  l'Accom- 
pagnement lui  eft  eiïentiel ,  en  fait  la  douceur  &  la  mélo- 
die. Ainfî  toutes  les  fois  que  cet  adouciffement ,  cet  Accom- 
pagnement ,  ces  Harmoniques  feront  renforcés  &  mieux 
développés  ,  les  Sons  feront  plus  mélodieux  ,  les  nuances 
mieux  foutenues.  C'eft  une  perfection,  &  l'ame  y  doit  être 
fenfible. 

Or ,  les  Confonnances  ont  cette  propriété  que  les  Harmo- 
niques de  chacun  des  deux  Sons  concourant  avec  les  Har» 
moniques  ,de  l'autre  ,  ces  Harmoniques  fe  foutiennent  mu- 
tuellement ,  deviennent  plus  fenfibles  ,  durent  plus  long- 
tems  ,  &  rendent  aiu.fi  plus  agréable  l'Accord  des  Sons  qui 
les  djnneou 


168  C     O     N 

Pour  rendre  plus  claire  l'application  de  ce  principe,  M.  Efleve 
a  dreiïc  deux  Tables,  l'une  des  Confonnances  &  l'autre  des 
DifTonances  qui  font  dans  Tordre  de  la  Gamme  ;  &  ces  Tables 
font  tellement  difpofées ,  qu'on  voit  dans  chacune  le  concours 
ou  l'oppofition  des  Harmoniques  des  deux  Sons  qui  forment 
chaque  Intervalle. 

Par  la  Table  des  Confonnances  on  voit  que  l'Accord  de 
l'Octave  conferve  prefque  tous  fes  Harmoniques  ,  &  c'eft  la 
raifon  de  l'identité  qu'on  fuppofe,  dans  la  pratique  de  l'Har- 
monie ,  entre  les  deux  Sons  de  l'Oâave  ;  on  voit  que  l'Ac- 
cord de  la  Quinte  ne  conferve  que  trois  Harmoniques  ,  que 
la  Quarte  n'en  conferve  que  deux,  qu'enfin  les  Confonnances 
imparfaites  n'en  confervenc  qu'un ,  excepté  la  Sixte  majeure 
qui  en  porte  deux. 

Par  la  Table  des  DifTonances  on  voit  qu'elles  ne  fe  con- 
fervent  aucun  Harmonique  ,  excepté  1a  feule  Septième  mineure 
qui  conferve  fon  quatrième  Harmonique;  favoir,  la  Tierce 
majeure  de  la  troiileme  Oclave  du  Son  aigu. 

De  ces  obfervations  ,  l^uteur  conclud  que  ,  plus  entre 
deux  Sons  il  y  aura  d'Harmoniques  concourans  ,  plus  l'Ac- 
cord en  fera  agréable  ,  &  voilà  les  Confonnances  parfaites. 
Plus  il  y  aura  d'Harmoniques  détruits ,  moins  l'ame  fera  fa- 
tisfaite  de  ces  Accords  ;  voilà  les  Confonnances  imparfaites. 
Que  s'il  arrive  enfin  qu'aucun  Harmonique  ne  foit  conferve  , 
les  Sons  feront  privés  de  leur  douceur  &  de  leur  mélodie  ; 
ils  feront  aigres  &  comme  décharnés,  l'ame  s'y  rcfufera ,  & 
au  lieu  de  Padoucirîemcnc  qu'elle  éprouvoit  dans  les  Confm- 
ttances ,  ne  trouvant  par  -  tout  qu'une  rudelîe  foutcnue  ,   elle 

éprouver» 


C    O    N  iffj 

éprouvera   un  fentiment  d'inquiétude  ,  défagréable  ,  qui   cft 
l'effet  de  la  Diffonance. 

Cette  hypothefe  efr. ,  fans  contredit  ,  la  plus  fimple  ,  la 
plus  naturelle  ,  la  plus  heureufe  de  toutes  :  mais  elle  laiffe 
pourtant  encore  quelque  chofe  à  deiirer  pour  le  contente- 
ment de  Pefprit ,  puifque  les  caufes  qu'elle  aflîgne  ne  font 
pas  toujours  proportionnelles  aux  différences  des  effets  ;  que , 
par  exemple  ,  elle  confond  dans  la  même  cathégorie  la  Tierce 
mineure  &  la  Septième  mineure  ,  comme  réduites  égale- 
ment à  un  feul  Harmonique ,  quoique  l'une  foit  Conformante , 
l'autre  Diffonante ,  &  que  l'effet ,  à  l'oreille ,  en  foit  très- 
différent. 

A  l'égard  du  principe  d'Harmonie  imaginé  par  M.  Sau- 
veur ,  &  qu'il  faifoit  confUter  dans  les  Battemens  ,  comme 
il  n'elt  en  nulle  façon  foutcnable  ,  &  qu'il  n'a  été  adopté  de 
perfonne  ,  je  ne  m'y  arrêterai  pas  ici  ,  &  il  furfira  de  ren- 
voyer le  Lecteur  à  ce  que  j'en  ai  dit  au  mot  Battemens. 

CONSONNANT ,  ad}.  Un  Intervalle  Confonnant  eft  celui 
qui  donne  une  Confonnance  ou  qui  en  produit  l'effet ,  ce 
qui  arrive ,  en  certains  cas ,  aux  Diffonances  par  la  force  de 
la  modulation.  Un  Accord  Confonnant  eit  celui  qui  n'ult 
compofé  que  de  Confonnances. 

CONTRA,/  m.  Nom  qu'on  donnoit  autrefois  à  la  Par- 
tie qu'on  appelloit  plus  communément  Altus  &c  qu'aujour- 
d'hui nous  nommons  Haute-Contre.  (  Voyez  Havte-  Con- 
tre. ) 

CONTRAINT ,  fl^/y.  Ce  mot  s'applique  ,  foit  à  l'Harmo- 
nie ,  foit  au  Chant ,  foit  à  la  valeur  des  Notes ,  quand  par 
Dicl.  de  Mufiquà,  Y 


i7o  C    O    N 

la  nature  du  deflein  on  s'eft  aflujetti  à  une  loi  d'uniformité 
dans  quelqu'une  de  ces  trois  Parties.  (  Voyez  Basse-Con- 
trainte. ) 

CONTRASTE,/:  m.  Oppofition  de  caractères.  Il  y  a  Con- 
trafle  dans  une  Pièce  de  Mufique  ,  lorfque  le  Mouvement 
pafle  du  lent  au  vite  ,  ou  du  vite  au  lent  ;  lorfque  le  Dia- 
pafon  de  la  Mélodie  paffe  du  grave  à  l'aigu  ,  ou  de  l'aigu 
au  grave  ;  lorfque  le  Chant  pafle  du  doux  au  fort ,  ou  du 
fort  au  doux;  lorfque  l'Accompagnement  pafle  du  fi  m  pie 
au  figuré  ,  ou  du  figuré  au  fimple  ;  enfin  lorfque  l'Harmo- 
nie a  des  jours  &  des  pleins  alternatifs  :  &  le  Contrafle  le 
plus  parfait  eft  celui  qui  réunit  à  la  fois  toutes  ces  oppolicions. 

Il  efè  très-ordinaire  aux  Compofiteurs  qui  manquent  d'in- 
vention d'abufer  du  Contrafle,  &  d'y  chercher ,  pour  nourrir 
l'attention  ,  les  rcflburces  que  leur  génie  ne  leur  fournit  pas. 
Mais  le  Contrafle ,  employé  à  propos  &  fobrement  ménagé , 
produit  des  effets  admirables. 

CONTRA  -  TENOR.  Nom  donné  dans  les  commence- 
mens  du  Contre-point  à  la  Partie  qu'on  a  depuis  nommée 
Ténor  ou  1  aille.  (  Voyez  Taille.  ) 

CONTRE  -  CHANT,  f.  m.  Nom  donné  par  Gerïon  Se 
par  d'autres  à  ce  qu'on  appelloit  alors  plus  communément 
Déchant ,  ou  Contre-point.  (  Voyez  ces  mots.  ) 

CONTRE -DANSE.  Air  d'une  forte  de  Danfe  de  même 
nom  ,  qui  s'exécute  à  quatre ,  à  fix  &  a  huit  perfonnes  ,  &. 
qu'on  danfe  ordinairement  dans  les  Bals  après  les  :s  , 

comme  étant   plus   gaie   &   occupant    plus  de   monde,    i 
v    s  des   Contre-Danjcs  font  le  plus  fouvent  à  deux  tcnis  ; 


C    O    N  ,7, 

ils  doivent  erre  bien  cadences ,  brillans  &  gais ,  &  avoir  ce- 
pendant beaucoup  de  {implicite  ;  car  comme  on  les  reprend 
très-fouvent  ,  ils  deviendraient  infupportables  ,  s'ils  étoient 
chargés.  En  tout  genre  les  chofes  les  plus  (Impies  font  celles 
dont  on  fe   la(fe   le  moins. 

CONTRE  -  FUGUE  ou  FUGUE  RENVERSÉE,/:  / 
forte  de  Fugue  dont  la  marche  eit  contraire  à  celle  d'une 
autre  Fugue  qu'on  a  établie  auparavant  dans  le  même  mor- 
ceau. Ainfi  quand  la  Fugue  s'efè  fait  entendre  en  montant  de 
la  Tonique  à  la  Dominante  ,  ou  de  la  Dominante  à  la  To- 
nique ,  la  Contre-Fugue  doit  fe  faire  entendre  en  defeendanc 
de  la  Dominante  à  la  Tonique  ,  ou  de  la  Tonique  à  la  Do- 
minante ,  &  vice  versa.  Du  refie  tes  règles  font  entièrement 
femblables  à  celles  de  la  Fugue.  (  Voyez  Fugue.  ) 

CONTRE  -  HARMONIQUE ,  adj.  Nom  d'une  forte  de 
proportion.  (  Voyez   Proportion.  ) 

CONTRE  -  PARTIE.  /  /.  Ce  terme  ne  s'emploie  en 
Mufique  que  pour  fignifier,  une  des  deux  Parties  d'un  Duo 
confidérée   relativement  à  l'autre. 

CONTRE -POINT,/  m.  C'eft  à -peu -près  la  même 
chofe  que  Compofition  ;  fi  ce  n'elt  que  Composition  peut  fe 
dire  des  Chants ,  &  d'une  feule  Partie  ,  &  que  Contre-point 
ne  fe  dit  que  de  l'Harmonie  ,  &  d'une  Compojition  à  deux 
ou  plufieurs  Parties  différentes. 

Ce  mot  de  Contre  -point  vient  de  ce  qu'anciennement  les 
Notes  ou  fignes  des  Sons  étoient  de  fimples  points  ,  & 
qu'en  compofant  à  pluiïeurs  Parties  ,  on  plaçoit  ainfi  ces 
points  l'un  fur  l'autre ,  ou  l'un  contre  l'autre. 

Y  1 


I?a  C    O    N 

Aujourd'hui  le  nom  de  Contre-point  s'applique  fpéciale* 
ment  aux  Parties  ajoutées  fur  un  fujet  donné  ,  pris  ordinai- 
rement du  Plain-Chant.  Le  fujet  peut  être  à  la  Taille  ou  a 
quelqu'autre  Partie  fupcrieure  ,  &  l'on  dit  alors  que  le  Con~ 
ire  -point  eft  fous  le  fujet  ;  mais  il  ef b  ordinairement  à  la 
Baffe  ,  ce  qui  met  le  fujet  fous  le  Contre  -  point.  Quand  le 
Contre  point  eit  fyllabique ,  ou  Note  fur  Note ,  on  l'appelle 
Contre-point  [impie  ;  Centre-point  figuré ,  quand  il  s'y  trouve 
différentes  figures  ou  valeurs  de  Notes  ,  &  qu'on  y  fait  des 
Deffeins ,  des  Fugues  ,  des  Imitations  :  on  fent  bien  que  tout 
cela  ne  peut  fe  faire  qu'à  l'aide  de  la  Mefure  ,  &  que  ce 
Plaint- Chant  devient  alors  de  véritable  Mufique.  Une  Corn- 
pofition  faite  &  exécutée  ainfi  fur-le-champ  &  fans  prépara- 
tion fur  un  fujet  donné  ,  s'appelle  Chant  fur  le  Livre  ,  parce 
qu'alors  chacun  compofe  impromptu  fa  Partie  ou  fon  Chant 
fur  le  Livre  du  Chœur.  (  Voyez  Chant  sur  le  Livre.  ) 

On  a  long-tems  difputé  fi  les  Anciens  avoient  connu  le 
Contre-point  ;  mais  par  tout  ce  qui  nous  relie  de  leur  Mu- 
fique &  de  leurs  écrits  ,  principalement  par  les  règles  de  pra- 
tique d'Ariltoxène,  Livre  troifieme  ,  on  voit  clairement  qu'ils 
n'en  eurent  jamais  la  moindre  notion. 

CONTRE  -  SENS  ,£  m.  Vice  dans  lequel  tombe  le  Mu- 
ficien  quand  il  rend  une  autre  penfée  que  celle  qu'il  doit 
rendre.  La  Mufique  ,  dit  M.  d'Alcmbert ,  n'étant  &  ne  de- 
vant être  qu'une  traduélion  des  paroles  qu'on  met  en  Chant , 
il  cft  vifible  qu'on  y  peut  tomber  dans  des  Contre-fins ,  & 
ils  n'y  font  gueres  plus  faciles  a  éviter  que  dans  une  vériiable 
rrjdu&iou.  Contre  -fan  dans  l'expreifion ,  quand  la  Muiique 


C    O    N  ,7Î 

eft  trille   au  lieu  d'être  gaie ,  gaie  au  lieu  d'être   fritte  ,  lé- 
gère au  lieu  d'ecre  grave  ,  grave  au   lieu  d'êrre  légère ,  &c, 
Contre-fens  dans  la  Profodie  ,  lorfqu'on  eft  bref  fur  des  fyl- 
labes  longues,  long  fur  des  fyllabes  brèves,  qu'on  n'obferve 
pas   l'accent  de  la  Langue  ,  &c.  Contre  -fens  dans  la  Décla* 
marion  ,  lorfqu'on    y   exprime   par  les   mêmes  {Modulations 
des  fentimens  oppofés  ou  différens  ,  lorfqu'on  y  rend  moins 
les  fentimens  que  les  mots  ,  lorfqu'on  s'y  appefantit  fur  des 
détails    fur   lefquels    on  doit  gliffer ,  lorfque    les  répétitions 
font  entarTées  hors  de  propos.   Contre-fens  dans  la  ponctua- 
tion ,  lorfque   la  phrafe  de  Mufîque  fe  termine   par  une  Ca- 
dence parfaite  dans  les  endroits  où  le  fens  eft  fufpendu  ,  ou 
forme  un  repos  imparfait  quand  le  fens  eft  achevé.  Je  parle 
ici  des  Contre-fens  pris  dans  la   rigueur  du  mot  ;  mais    le 
manque  d'expreflion  eft  peut-être  le  plus    énorme   de    tous. 
J'aime   encore   mieux    que    la   Mufique  dife  autre  chofe  que 
ce  qu'elle  doit  dire  ,  que  de  parler  &  ne   rien  dire  du  tout. 
CONTRE  -  TEMS,/  m.  Mefure  à  Contre-tems  eft  celle 
où  l'on  paufe  fur  le  Terris  foible  ,  où  l'on  glifle  fur  le  Tems 
fort ,  &  où   le  Chant   femble   être    en   Contre-fens   avec  la 
Mefure.  (  Voyez  Syncope.  ) 

COPISTE ,  /  m.  Celui  qui  fait  profeflion  de  copier  de 
la  Mufique. 

Quelque  progrès  qu'ait  fait  l'Art  Typographique  ,  on  n'a 
jamais  pu  l'appliquer  à  la  Mufique  avec  autant  de  fuccès  qu'à 
l'écriture  ,  foit  parce  que  les  goûts  de  Ttfprit  étant  plus 
conftans  que  ceux  de  l'oreille  ,  on  s'ennuie  moins  vite  des 
mêmes  livres  que  des  mêmes  chanfons  ;  foie  par  les   diili- 


174  HC     O     P 

cultes  particulières  que  la  combinaifon  des  Notes  &  des  Li- 
gnes ajoute  à  l'impreiïîon  de  la  Mufique  :  car  fi  l'on  impri  ne 
premièrement  les  Portées  &c  enfuite  les  Notes  ,  il  eft  im- 
poiïïble  de  donner  à  leurs  pofitions  relatives  ,  la  jufteife  né- 
celfaire  ;  &  fi  le  cara&ere  de  chaque  Note  tient  à  une  por- 
tion de  la  Portée  ,  comme  dans  notre  Mufique  imprimée  , 
les  lignes  s'ajuftent  fi  mal  entr'clles  ,  il  faut  une  fi  prodi- 
gieufe  quantité  de  caractères ,  &  le  tout  fait  un  fi  '  vilain 
effet  à  l'œil,  qu'on  a  quitté  cette  manière  avec  raifon  pour 
lui  fubftituer  la  gravure.  Mais  outre  que  la  gravure  elle- 
même  n'eft  pas  exempte  d'inconvéniens ,  elle  a  toujours  celui 
de  multiplier  trop  ou  trop  peu  les  exemplaires  ou  les  Par- 
ties ;  de  mettre  en  Partition  ce  que  les  uns  voudroient  en 
Parties  féparées  ,  ou  en  Parties  féparées  ce  que  d'autres  vou- 
droient en  Partition  ,  &  de  n'offrir  gueres  aux  curieux  que 
de  la  Mufique  déjà  vieille  qui  court  dans  les  mains  de  tout 
le  monde.  Enfin  il  eft  fur  qu'en  Italie  ,  le  pays  de  la  terre 
où  l'on  fait  le  plus  de  Mufique  ,  on  a  proferit  depuis  long- 
tems  la  Note  imprimée  fans  que  l'ufage  de  la  gravure  ait 
pu  s'y  établir  ;  d'où  je  concluds  qu'au  jugement  des  Experts 
celui  de   la  fimple  Copie  eft  le  plus  commode. 

Il  eft  plus  important  que  la  Mufique  foit  nettement  & 
correctement  copiée  que  la  fimple  écriture  ;  parce  que  celui 
qui  lit  &  médite  dans  fon  cabinet,  apperçoit,  corrige  aifé- 
ment  les  fautes  qui  font  dans  fon  livre  ,  &  que  rien  ne 
l'empêche  de  fufpendre  h  lecture  ou  de  la  recommencer  : 
mais  dans  un  Concert  où  chacun  ne  voit  que  la  Partie ,  & 
où   la  rapidité  &  la  continuité   de  l'exécution  ne   lailfent  le 


C    O     P  r7S 

rems  de  revenir  fur  aucune  faute ,  elles  font  toutes  irrépara- 
bles :  fouvent  un  morceau  fublime  eft  eftropié  ,  l'exécution 

eft  interrompue  ou  même  arrêtée,  tout  va  de  travers,  par- 
tout manque  l'enfemble  ôc  l'effet  ,  l'Auditeur  cfl  rebuté  ôc 
l'Auteur  déshonoré  ,  par  la  feule   faute  du  Copifte. 

De  plus  ,    l'intelligence  d'une  Mufique  difficile  dépend  beau- 
coup de  la  manière  dont  elle  eft  copiée  ;  car  outre  la  netteté 
de  la  Note  ,   il   y  a  divers  moyens  de  préil-nrer  plus  claire- 
ment au  Leiteur  les  idées  qu'on  veut  lui  peindre  &  qu'il  doit 
rendre.   On  trouve  fouvent  la  copie  d'un  homme  plus  lifible 
que  celle   d'un  autre  qui  pourtant  note  plus  agréablement  ; 
c'eft   que  l'un  ne   veut  que  plaire  aux   yeux ,  &  que  l'autre 
eft  plus  attentif  aux  foins   utiles.    Le  plus  habile  Copiflt  eft 
celui  dont  la  Mufique  s'exécute  avec  le  plus  de  facilité  ,  fans 
que  le  Muficien  même  devine  pourquoi.   Tout  cela  m'a  per- 
fuadé   que  ce  n'étoit  pas  faire  un  Article  inutile  que  d'expofer 
un  peu  en  détail  le   devoir  &  les  foins   d'un  bon   Coyïfle  : 
tout  ce  qui  tend  à  faciliter  l'exécution  n'eft  point  indifférent 
à  la  perfection  d'un  Art  dont  elle  eft  toujours  le  plus  grand 
écueil.   Je  fens  combien  je  vais  me  nuire  à  moi-même  fi  l'on 
compare  mon  travail  à  mes  règles  :  mais  je  n'ignore  pas  que 
celui  qui  cherche  l'utilité  publique  doit  avoir  oublié  la  fîenne. 
Homme   de  Lettres ,  j'ai  dit  de  mon   érat  tout  le  mal   que 
j'en  penfe  ;  je  n'ai  fait  que  de  la  Mufique  Françoife  ,  &  n'aime 
que  l'Italienne;   j'ai  montré  toutes  les  miferes  de  la  Société 
quand  j'écois  heureux  par  elle  :  mauvais  Copifte  ,  j  expofe  ici 
ce  que  font  les  bons.    C)  vérité  !  mon  intérêt  ne  iuis 

rien  devant  toi  ;   qu'il  ne  fouille  en  rien  le  culte  que  j^  t'ai 
voué. 


i76  C     O     P 

Je  fuppofe  d'abord  que  le  Copifte  eft  pourvu  de  toutes  les 
connoiiîances  nécefiaires  à  fa  profefîîon.  Je  lui  fuppofe  ,  de 
plus  ,  les  talens  qu'elle  exige  pour  être  exercée  fupérieure- 
ment.  Quels  font  ces  talens,  cV  quelles  font  ces  connoiffan- 
ces  ?  Sans  en  parler  expreffément  ,  c'eft  de  quoi  cet  Article 
pourra  donner  une  fuffifante  idée.  Tout  ce  que  j'oferai  dire 
ici  ,  c'eft  que  tel  Compofiteur  qui  fe  croit  un  fort  habile 
homme  ,  eft  bien  loin  d'en  favoir  affez  pour  copier  correc- 
tement la  compofition  d'autrui. 

Comme  la  Muiique  écrite ,  fur- tout  en  Partition  ,  eft  faite 
pour  être  lue  de  loin  par  les  Concertans  ,  la  première  chofe 
que  dok  faire  le  Copifte  eft  d'employer  les  matériaux  les  plus 
convenables  pour  rendre  fa  Note  bien  lifible  &  bien  nette. 
Ainfi  il  doit  choifir  de  beau  papier  fort ,  blanc ,  médiocre- 
ment fin ,  &  qui  ne  perce  point  :  on  préfère  celui  qui  n'a 
pas  befoin  de  laver  ,  parce  que  le  lavage  avec  l'alun  lui  ôte 
un  peu  de  fa  blancheur.  L'encre  doit  être  très-noire  ,  fans 
être  luifante  ni  gommée  ;  la  Réglure  fine ,  égale  &  bien  mar- 
quée ,  mais  non  pas  noire  comme  la  Note  :  il  faut  au  con- 
traire que  les  lignes  foient  un  peu  pâles ,  afin  que  les  Croches, 
Doubles-croches  ,  les  Soupirs  ,  Demi-foupirs  ôc  autres  petits 
lignes  ne  fc  confondent  pas  avec  elles  ,  &  que  la  Note  forte 
mieux.  Loin  que  la  pâleur  des  Lignes  empêche  de  lire  la 
Mufique  à  une  certaine  diftance  ,  elle  aide,  au  contraire,  à 
la  netteté  ;  &  quand  même  la  Ligne  éJuippcroir  un  moment 
à  la  vie  ,  la  pofition  des  Notes  l'indique  alfe?  le  plus  fou- 
vent.  Les  Régleurs  ne  rendeir  I  fi .1:  ,  'i  le  Copifte 
veut  fe  faire  honneur,  il  doit  régler  (on  papier  lui  -  même. 

II 


C    O    P  177 

Il  y  a  deux  formats  de  parier  réglé  ;  l'un  pour  la  Mufiquc 
Françoife,  dont  la  longueur  eft  de  bas  en  haut;  l'autre  pour 
la  Mufique  Italienne  ,  dont  la  longueur  eft  dans  le  fuis  des 
Lignes.  On  peut  employer  pour  les  deux  le  même  papier  , 
en  le  coupant  &  réglant  en  fens  contraire  :  mais  quand  on 
Tachette  réglé  ,  il  faut  renvcrfer  les  noms  chez  les  Papetiers 
de  Paris ,  demander  du  Papier  à  l'Italienne  quand  on  le 
veut  à  la  Françoife  ,  &  à  la  Françoife  quand  on  le  veut  a  l'Ita- 
lienne ;  ce  quï-pro-quo  importe  peu  ,  dés  qu'on  en  eft  prévenu. 

Pour  copier  une  Partition  il  faut  compter  les  Portées  qu'en- 
ferme l'Accolade  ,  &  choiiir  du  Papier  qui  ait ,  par  page  ,  le 
même  nombre  de  Portées ,  ou  un  multiple  de  ce  nombre  , 
afin  de  ne  perdre  aucune  portée ,  ou  d'en  perdre  le  moins  qu'il 
eft  pofïïble  quand  le  multiple  n'eft  pas  exact. 

Le  Papier  à  l'Italienne  e/t  ordinairement  à  dix  Portées  , 
ce  qui  divife  chaque  page  en  deux  Accolades  de  cinq  Portées 
chacune  pour  les  Airs  ordinaires  ;  favoir  ,  deux  Portées  pour 
les  deux  Defïïis  de  Violon  ,  une  pour  la  Quinte  ,  une  pour 
le  Chant ,  &  une  pour  la  Balle.  Quand  on  a  des  Duo  ou  des 
Parties  de  Flûtes  ,  de  Hautbois ,  de  Cors ,  de  Trompettes  ; 
alors  ,  à  ce  nombre  de  Portées  on  ne  peut  plus  mettre  qu'une 
Accolade  par  page  ,  a  moins  qu'on  ne  trouve  le  moyen  de 
fupprîmer  quelque  Portée  inutile  ,  comme  celle  de  la  Quinte, 
quand  elle  marche  fans  celte  avec  la  JLffe. 

Voici  maintenant  les  obftrvations   qu'on    doit   faire   pour 

bien  didribuer  la  Partition.   i°.  Quelque  nombre  de  Parties  de 

fymphonie  qu'on  puilfe  avoir  ,  il  faut  toujours  que  les  Parties 

de  Violon  ,  comme  principales  ,  occupent  le  haut  de  l'Acco- 

Dicl.  de  Mujîque.  Z 


17' 


cor 


lade  où  les  yeux  fe  portent  plus  aifément  ;  ceux  qui  les  met- 
tent au-dcffous  de  toutes  les  autres  &  immédiatement  fur  la 
Quinte  pour  la  commodité  de  l'Accompagnateur  ,  fe  trom- 
pent ;  fans  compter  qu'il  eft  ridicule  de  voir  dans  une  Par- 
tition les  Parties  de  Violon  au  -  deffous  ,  par  exemple ,  de 
celles  des  Cors  qui  font  beaucoup  plus  baffes.  .2°.  Dans  toute 
la  longueur  de  chaque  morceau  l'on  ne  doit  jamais  rien  chan- 
ger au  nombre  des  Portées  ,  afin  que  chaque  Partie  ait  tou- 
jours la  Tienne  au  même  lieu.  Il  vaut  mieux  laiffer  des  Portées 
vides ,  ou  ,  s'il  le  taut  abfolument ,  en  charger  quelqu'une  de 
deux  Parties  ,  que  d'étendre  ou  refferrer  l'Accolade  inégale- 
ment. Cette  règle  n'ef  r.  que  pour  la  Mufique  Italienne  ;  car 
l'ufige  de  la  gravure  a  rendu  les  Compoiiteurs  François  plus 
attentifs  à  i'écenomie  de  l'tfpace  qu'à  la  commodité  de  l'exé- 
cution. 3°.  Ce  n'eft  qu'à  toute  extrémité  qu'on  doit  mettre 
deux  Parties  fur  une  même  Portée;  c'eft,  fur- tout,  ce  quon 
(bit  éviter  pour  les  Parties  de  Violon  ;  car,  outre  que  la  con- 
f'ufion  y  feroit  à  craindre  ,  il  y  auroit  équivoque  a\;ec  la  Dou- 
ble-corde :  il  faut  aufîi  regarder  fi  jamais  les  Parties  ne  fc 
croifent  ;  ce  qu'on  ne  pourroit  gueres  écrire  fur  la  même  Port  ce 
d'une  manière  nette  &  lilible.  4°.  Les  Clefs  une  fois  écrites 
&  correctement  armées  ne  doivent  plus  fe  répéter  non  plus 
que  le  ligne  de  la  Mefure ,  fi  ce  n'elr.  dans  la  MufiqiM  Trin- 
çoii'e  ,  quand,  les  Accolades  étant  inégales,  chacun  ne  p: 
roit  plus  reconnoitre  fa  Partie;  mais  dans  les  Parties  fép.i; 
on  doir  répète»  la  Clef  au  commencement  de  chique  Portée, 
m  fut-ce  y  v  pqui  marquer  le  commencement  de  U  L.gn» 
au  défaut  d'Ace  >Udc. 


C     O     P  r79 

T.e  nombre  des  Portées  ainfi  fixé  ,  il  faut  faire  la  divifion 
des  Mefures  ,  &  ces  Mefures  doivent  erre  routes  égales  en 
efpace  comme  en  durée ,  pour  mefure/  en  quelque  forte  le 
tems  au  compas  &  guider  la  voix  par  les  yeux.  Cet  efpace 
doit  être  aiïez  étendu  dans  chaque  Mefure  pour  recevoir  toutes 
les  Notes  qui  peuvent  y  entrer,  félon  fa  plus  grande  fubdi- 
vifion.  On  ne  fauroit  croire  combien  ce  foin  jette  de  clarté 
fur  une  Partition  ,  &  dans  quel  embarras  on  fe  jette  en  le 
négligeant.  Si  l'on  ferre  une  Mefure  fur  une  Ronde  ,  com- 
ment placer  les  feize  Doubles-croches  que  contient  peut-être 
une  autre  Partie  dans  la  même  Mefure  ?  Si  l'on  fe  règle  fur 
la  Partie  Vocale  ,  comment  tker  l'efpace  des  Ritournelles  ? 
En  un  mot  ,  fi  l'on  ne  regarde  qu'aux  divifions  d'une  des 
Parties  ,  comment  y  rapporter  les  divifions  fouvent  contraires 
des  autres  Parties  ? 

Ce  n'eft  pas  aifez  de  divifer  I" Air  en  Mefures  égales  ,  il 
faat  aufii  divifer  les  Mefures  en  Tems  égaux.  Si  dans  cha- 
que Partie  on  proportionne  ainfi  l'efpace  à  la  durée  ,  toutes 
les  Parties  &  toutes  les  Notes  fimultanécs  de  chaque  Partie 
fe  correfpondront  avec  une  juftciTe  qui  fera  plaifir  aux  yeux 
&  facilitera  beaucoup  la  lefltare  d'une  Partition.  Si  ,  par 
exemple  ,  on  partage  une  Mefure  à  quatre  Tems  ,  en  quatre 
efpaces  bien  égaux  entr'eux  ôc  dans  chaque  Partie  ,  qu'on 
étende  les  Noires  ,  qu'on  rapproche  les  Croches  ,  qu'on  ref- 
ferre  les  Doubles-croches  à  proportion  &  chacune  dans  fon 
«fpace ,  fans  qu'on  ait  befoin  de  regarder  une  Partie  en  copiant 
l'autre  ,  routes  les  Notes  corrcfpondantes  fe  trouveront  plus 
«xactemenr.  perpendiculaires  ,    que   fi  on  les  eût  confrontées 

Z  i 


i*c  C    O    P 

en  les  écrivant  ;  &  l'on  remarquera  dans  le  tout  la  plus 
exacte  proportion  ,  foit  entre  les  diverfes  Mefures  d'une 
mûrie  Partie  ,  foit  entre  les  diverfes  parties  d'une  même 
Mefure. 

A  l'exactitude  des  rapports  il  faut  joindre  autant  qu'il  fe 
peut  la  netteté  des  fignes.  Par  exemple  ,  on  n'écrira  jamais 
de  Notes  inutiles  ,  mais  fî-tôt  qu'on  s'apperçoit  que  deux  Par- 
ties fe  réunifient  &  marchent  à  l'Unifïbn ,  l'on  doit  renvoyer 
de  l'une  à  l'autre  lorfqu'elles  font  voifines  &  fur  la  même  Clef. 
A  l'égard  de  la  Quinte  ,  fi-tôt  qu'elle  marche  à  l'Octave  de 
la  Baffe ,  il  faut  aufîi  l'y  renvoyer.  La  même  attention  de  ne 
pas  inutilement  multiplier  les  fignes ,  doit  empêcher  d'écrire 
pour  la  Symphonie  les  Piano  aux  entrées  du  Chant  ,  &  les 
Forte  quand  il  cefTe  :  par-tout  ailleurs,  il  les  faut  écrire  exac- 
tement fous  le  premier  Violon  &  fous  la  Baffe  ;  &  cela  fuffic 
dans  une  Partition  ,  où  toutes  les  Parties  peuvent  &  doivent 
fe  régler  fur  ces  deux-là. 

Enfin  le  devoir  du  CopiJIe  écrivant  une  Partition  effc  de 
corriger  toutes  les  fauffes  Notes  qui  peuvent  fe  trouver  dans 
fon  original.  Je  n'entends  pas  par  fauffes  Notes  les  fautes  de 
l'ouvrage,  mais  celles  de  la  Copie  qui  lui  fert  d'original.  La 
perfection  de  la  lienne  eft  de  rendre  fidèlement  les  idées  de 
l'Auteur,  bonnes  ou  mauvaifes  :  ce  n'eït  pas  fon  affaire;  car 
il  n'eft  pas  Auteur  ni  Corrtcleur ,  mais  Copijîc.  Il  elt  bien 
vrai  que  fi  l'Auteur  a  mis  par  mégarde  une  Note  pour  une 
autre,  il  doit  la  corriger;  mais  fi  ce  même  Auteur  a  fait 
par  ignorance  une  faute  de  Composition  ,  il  la  doit  lailTer. 
Qu'il  cc-mpofe mieux    lui-même,  s'il  veut  ou  s'il  peut,  à  la 


cor 


T    ', 


bonne  heure;  irais  fi-tôt  qu'il  copie,  il  doit  refpecier  fen 
original.  On  voit  par-là  qu'il  ne  fufrit  pas  au  Copijle  d'être 
bon  Harmonille,  &  de  bien  ravoir  la  Composition  ;  mais 
qu'il  doit ,  de  plus ,  être  exercé  dans  les  divers  (lyles ,  re- 
connoître  un  Auteur  par  fa  manière,  &c  (avoir  bien  diftin- 
guer  ce  qu'il  a  fait  de  ce  qu'il  n'a  pas  fait.  Il  y  a,  de  plus, 
une  forte  de  critique  propre  à  reftiruer  un  paffage  par  la  com- 
paraifon  d'un  autre,  a  remettre  un  Fort  ou  un  Doux  où  il 
a  été  oublie  ,  à  détacher  des  phrafes  liées  mal-à-propos ,  à 
rcliituer  même  des  Mefures  omifes  ;  ce  qui  n'eft  pas  fi 
exemple  ,  même  dans  des  Partitions.  Sans  doute  il  faut  du 
favoir  &  du  goût  peur  rétablir  un  texte  dans  toute  fa  pureté  : 
l'on  me  dira  que  peu  de  Copiftcs  le  font;  je  répondrai  que 
tous  le  devraient  faire. 

Avant  de  firfir  ce  qui  regarde  les  Partirions,  je  dois  dire 
comment  on  y  raffemble  dus  Parties  féparées;  travail  embar- 
raffant  oui  bien  des  Copifles ,  mais  facile  ôc  fimple  quand 
on  s'y    prend  avec  méthode. 

Pour  cela  il  faut  d'abord  compter  avec  foin  les  Mefures 
dans  toutes  les  Parties,  pour  s'aflurer  qu'elles  font  correc- 
tes. Enfuite  on  pofe  toutes  les  Parties  l'une  ft.r  l'autre  en 
commençant  par  la  Baffe  &  la  couvrant  fuccelTivement  des 
autres  Parties  dans  le  même  ordre  qu'elles  doivent  avoir 
fur  la  Partition.  On  fait  l'Accolade  d'autant  de  Portées  qu'on 
a  de  Parties  ;  on  la  divife  en  Mefures  égales  ,  puis  mettant 
toutes  ces  Parties  ainfi  rangées  devant  foi  &  à  fa  gauche  . 
on  copie  d'abord  la  première  ligne  de  la  première  Partie  , 
que  je  fuprofe  être  le  premier  Violon  ;  on  y  fait  une  lègue 


i8i  C    O    P 

marque  en  crayon  à  l'endroit  où  l'on  s'arrête  ;  puis  on  la 
tnnfporte  renverfée  à  fa  droite.  On  copie  de  même  la  pre- 
mière ligne  du  fécond  Violon  ,  renvoyant  au  premier  par-, 
tout  où  ils  marchent  à  l'Uniflbn  ;  puis  faifant  une  marque 
comme  ci-devant ,  on  renverfe  la  Partie  fur  la  précédente 
à  fa  droite  ;  &  ainfi  de  toutes  les  Parties  l'une  après  l'autre. 
Quand  on  eft  à  la  Baffe  ,  on  parcourt  des  yeux  toute  l'Ac- 
colade pour  vérifier  fi  l'Harmonie  eft  bonne  ,  fi  le  tout  eft 
bien  d'accord,  &  fi  l'on  ne  s'eft  point  trompé.  Cette  pre- 
mière ligne  faite ,  on  prend  enfcmble  toutes  les  Parties  qu'on 
a  renverfées  l'une  fur  l'autre  à  fa  droite  ,  on  les  renverfe  dere- 
chef à  (d  gauche,  &  elles  fe  retrouvent  ainfi  dans  le  même 
ordre  &  dans  la  même  fituation  où  elles  étoient  quand  on 
a  commencé  ;  on  recommence  la  féconde  Accolade  à  la 
petite  marque  en  crayon  ;  l'on  fait  une  autre  marque  à  la  fin 
de  la  féconde  Ligne,  «Se  l'on  pourfuit  comme  ci  -  devant  » 
jufqu'à  ce  que  le  tout  foit  fait. 

J'aurai  peu  de  chofes  à  dire  fur  la  manière  de  tirer  une 
Partition  en  Parties  féparées  ;  car  c'efr.  l'opération  la  plus 
fimple  de  l'Art  ,  &  il  fuffira  d'y  faire  les  obfervations  fui- 
vanrc.ç.  i°.  Il  faut  tellement  comparer  la  longueur  des  mor- 
ceaux à  ce  que  peut  contenir  une  page  ,  qu'on  ne  foit  ja- 
mais obligé  de  tourner  fur  un  même  morceau  dans  les  Par- 
tics  Inftrumentalcs,  à  moins  qu'il  n'y  ait  beaucoup  de  Me- 
f  Tes  à  compter  ,  qui  en  Lillcnt  le  tem>.  ('être  règle  oblige 
de  commencer  a  la  page  vjr/o  tous  les  morceaux  qui  rcm- 
plifTent  plus  d'une  page;  ex  il  n'y  en  a  guetta  qui  en  rem- 
plirent plus  de  deux,    i ".    Les   Dent   &   les  Forts  doiveot 


C    O    P  |g3 

cfre  ccrirs  avec  la  plus  grande  exactitude-  fur  routes  les  Par- 
tics  ,  même  ceux  où  rentre  &  celle  le  Chant,  qui  ne  font 
pas  pour  l'ordinaire  écrits  fur  la  Partition.  j°.  On  ne  doit 
point  couper  une  Mefure  d'une  ligne  à  l'autre  ;  nuis  tâcher 
qu'il  y  ait  toujours  une  Barre  à  la  fin  de  chaque  JV,;,l-. 
4°.  Toutes  les  lignes  poitiches  qui  excédent,  en  haut  ou  en 
bas,  les  cinq  de  la  Portée,  ne  doivent  point  être  continues, 
mais  féparées  a  chaque  Note  ,  de  peur  q^:e  le  Muficien  , 
venant  à  les  confondre  avec  celles  de  la  Portée  ,  ne  fe  trompe 
de  Note  &  ne  fâche  plus  où  il  e(t.  Cette  règle  n'elt  p..  s 
moins  néceiïaire  dans  les  Partitions  6V  n'elt  fuivie  p:.r  aucun 
Copijîd  François.  50.  Les  Parties  de  Hautbois  qu'on  tire 
Car  les  Parties  de  Violon  pour  un  grand  Orchestre  ,  ne  doi- 
vent pas  être  exactement  copiées  comme  elles  font  dans  l'o- 
riginal :  mais,  outre  l'étendue  que  cet  Infiniment  a  de  moins 
que  le  Violon  ;  outre  les  Doux  qu'il  ne  peut  faire  de  même  ; 
outre  l'agilité  qui  lui  manque  ou  qui  lui  va  mal  dans  cer- 
taines vîteiïes  ,  la  force  du  Hautbois  doit  être  ménagée  pour 
marquer  mieux  les  Notes  principales  ,  &  donner  plus  d'ac- 
cent à  la  Mufîque.  Si  j'avois  à  juger  du  goût  d'un  Sym- 
phonilte  fans  l'entendre  ,  je  lui  donnerois  à  tirer  fur  la  Partie 
de  Violon  ,  la  Partie  de  Hautbois  ;  tout  Copifte  doit  fàvoii 
le  faire.  6°.  Quelquefois  les  Parties  de  Cors  &  de  Trompettes 
ne  font  pas  notées  fur  le  même  Ton  que  le  relte  de  l'Air; 
il  faut  les  tranfpofer  au  Ton  ;  ou  bien  ,  fi  on  les  copie  telles 
qu'elles  font,  il  faut  écrire  au  haut  le  nom  de  la  vérital 
Tonique.  Çorni  in  D  fol  re  ,  Coi  ni  in  h  la  fa  ,  &c.  70.  Il 
ne  faut  point  big.irrcr  la   Partie  de   Quinte  ou  de  Viola 


i84  C    O    P 

lu  Clef  de  Baffe  &  de  la  fienne  ,  mais  tranfporter  à  la  Clef 
de  Viola  tous  les  endroits  où  elle  maiche  avec  la  Baffe  ;  & 
il  y  a  là  -  defllis  encore  une  autre  attention  à  faire  :  c'eit 
de  ne  jamais  laiifer  monter  la  Viola  au-delfus  des  Parties 
de  Violon;  de  forte  que,  quand  la  Balle  monte  trop  haut, 
il  n'en  faut  pas  prendre  l'Octave  ,  mais  l'UnilTon  ,  afin  que 
la  Viole  ne  forte  jamais  du  Médium  qui  lui  convient.  8°. 
La  Partie  vocale  ne  fe  doit  copier  qu'en  Partition  avec  la 
Baife,  afin  que  le  Chanteur  fe  pui'Ie  accompagner  lui-même, 
&  n'ait  pas  la  peine  ni  de  tenir  fa  Partie  à  la  main ,  ni  de 
compter  fes  Paufes  :  dans  les  Duo  ou  Trio  ,  chaque  Partie 
de  Chant  doit  contenir,  outre  la  Baffe  ,  fa  Contre-Partie; 
&  quand  on  copie  un  Récitatif  obligé  ,  il  faut  pour  cha- 
que Partie  d'Infiniment  ajouter  la  Partie  du  Chant  à  la 
fienne  ,  pour  le  guider  au  défaut  de  la  Mcfure.  p°.  Enfin 
dans  les  Parties  vocales  il  faut  avoir  foin  de  lier  ou  déta- 
cher les  Croches,  afin  que  le  Chanteur  voye  clairement  celles 
qui  appartiennent  à  chaque  fyllabc.  Les  Partitions  qui  for- 
tent  des  mains  des  Compofitcurs  font ,  fur  ce  point  ,  très- 
équivoques  ,  &  le  Chanteur  ne  fait,  la  plupart  du  tems,  corn- 
ment  di/iribucr  la  Note  fur  la  parole.  Le  Copifle  verfé  dans 
la  Profodic,  &  qui  connoît  également  l'accent  du  difeours 
&  celui  du  Chant,  détermine  le  partage  des  Notes  &  pré- 
vient l'indécilion  du  Chanteur.  Les  paroles  doivent  erre 
écrites  bien  exactement  fous  les  Notes,  cV  corrccter,  quint 
aux  accens  &  à  l'orthographe  :  mais  on  n'y  doit  même  ni 
points  ni  virgules,  l<  rJ rions   fréquentes  &   u  ères 

rendant  la   ponctuation   grammaticale    impofîibk  ,  c'efl  à  la 

Muûqut 


COR  ,*5 

Mufi que  11  pon&uer  les  paroles  ;  le  Copifle  ne  doit  pas  s'en 
mêler  :  car  ce  feroit  ajouter  des  lignes  que  le  Compoficeur 
s'eft  charge  de  rendre  inuriles. 

Je  m'arrête  pour  ne  pas  étendre  à  l'excès  cet  article  :  j'en 
ai  dit  trop  pour  tout  Copifle  inftruit  qui  a  une  bonne  main 
&  le  goût  de  fon  métier  ;  je  n'en  dirois  jamais  affez  pour 
les  autres.  J'ajouterai  feulement  un  mot  en  vinifiant  :  il  y 
a  bien  des  intermédiaires  entre  ce  que  le  Compofitcur  ima- 
gine &  ce  qu'entendent  les  Auditeurs.  C'efr.  au  Copifle  de 
rapprocher  ces  deux  termes  le  plus  qu'il  elt  poflible,  d'indi- 
quer avec  clarté  tout  ce  qu'on  doit  faire  pour  que  la  Mufi- 
que  exécutée  rende  exa&ement  à  l'oreille  du  Compofitcur  ce 
qui  s'elt  peint  dans  fa  tête  en  la  compofant. 

CORDE  SONORE.  Toute  Corde  tendue  dont  on  peut 
tirer  du  Son.  De  peur  de  m'égarer  dans  cet  article  ,  j'y  tranf- 
crirai  en  partie  celui  de  M.  d'Alembert ,  &  n'y  ajouterai  du 
mien  que  ce  qui  lui  donne  un  rapport  plus  immédiat  au  Son 
&  à  la  Mufique. 

"  Si   une   Corde  tendue  eft  frappée  en  quelqu'un  de    fes 
n  points  par  une  puiiîance  quelconque,  elle   s'éloignera  juf- 
»  qu'à    une   certaine   diltance   de    la    fituation    qu'elle    avoit 
J5  étant   en  repos  ,  reviendra   enfuite  6c  fera   des   vibrations 
«  en  vertu  de  l'élaflicité  que  fa  tenfion   lui  donne,  comme 
»  en  fait    un  Tendule  qu'on  tire   de  fon  à-plomb.   Que  fi , 
»  de  plus,  la  matière  de  cette  Corde  elt  elle-même  allez 
>5  élaftique    Olj  aiïez   homogène   pour  que   le  même  riiouve- 
îi  ment  fe  communique  à  toutes  fes  parties  ,    en  frénùlTant 
»  elle  rendra  du  Son ,  6c  ù  téfonnance  accompagnera  tou- 
JJicl.  de  Muflque.  A  a 


iM  COR 

»•  jours  fes  vibrations.  Les  Géomètres  ont  trouvé  les  Job? 
»>  de  ces  vibrations,  &  les  Muficiens  celles  des  Sons  qui  ea 
j>  réfultenr. 

j>  On  favoit  depuis  long  -  tems  ,  par    l'expérience   &  par 
»  des   raifonnemens  afTez  vagues  que  ,  toutes  cl.ofes  d'ail- 
»  leurs  égales ,  plus  une  Corde  étoit  tendue ,  plus  tes  vibra- 
is tions  étoient  promptes;  qu'à  tendon  égale  les  Cordes  fai- 
»  foient    leurs   vibrations   plus  ou  moins   promptement    en 
»  même   raifon   qu'elles    étoient   moins    ou   plus    longues  ; 
»»  c'elt-à-dire  ,  que  la  raifon  des  longueurs  étoit   toujours 
■»  inverfe  de  celle   du  nombre  des   vibrations.    M.  Taylor  , 
«  célèbre  Géomètre  Anglois,  elt  le  premier  qui  ait  démon- 
»  tré  les  loix  des  vibrations  des  Cordes  avec  quelque  exasfti- 
»>  tude  ,  dans  fan  fa  van  r  ouvrage  intitulé  :  Alethodus  incre- 
17  mentorum  direcla  &  inverfa  ,   1715;  &  ces  mêmes  loix  ont 
»»  été  démontrées   encore    depuis  par   M.   Jean    Bernouilli  , 
»>  dans  le  fécond  tome  des  Alemoires  de  r Académie  Jmpé- 
»  riale  de  Pétersbourg  î5.  De  la  formule  qui  réfulte  de  ces 
loix  ,   &   qu'on   peut    trouver  dans   l'Encyclopédie  ,    Article 
Corde  ,  je   tire  les  trois   Corollaires    fuivans  qui  fervent  de 
principes  à  la  théorie  de  la  Muiîque. 

I.  Si  deux  Cordes  de  même  matière  font  égales  en  lon- 
gueur &  en  groffeur ,  les  nombres  de  leurs  vibrations  en 
tems  égaux  feront  comme  les  racines  des  nombres  qui  ex- 
priment le  rapport   des  tenfions  des  Cordes. 

II.  Si  les  tenfions  &  les  longueurs  font  égales ,  les  nom- 
bres des  vibrations  en  tems  égaux  feront  en  raifon  invcrll 
de  la  grollcur  ou  du  diamètre  des  Cordes. 


COR  187 

HT.  Si  les  renflons  &  les  groffeurs  font  égales  ,  les  nom- 
bres des  vibrations  en  tems  égaux  feront  en  raifon  inverfe 
des  longueurs. 

Pour  l'intelligence  de  ces  Théorèmes ,  je  crois  devoir 
avertir  que  la  tenfion  des  Cordes  ne  fe  repréfente  pas  par 
les  poids  tendans ,  mais  par  les  racines  de  ces  mômes  poids  ; 
ainfi  les  vibrations  étant  entr'elles  comme  les  racines  quar- 
rées  des  tenfions ,  les  poids  tendans  font  entr'eux  comme 
les  cubes  des  vibrations ,  &c. 

Des  Ioix  des  vibrations  des  Cordes  fe  déduifent  celles 
des  Sons  qui  réfultent  de  ces  mêmes  vibrations  dans  la 
Corde  fonore.  Plus  une  Corde  fait  de  vibrations  dans  un  tems 
donné ,  plus  le  Son  qu'elle  rend  eft  aigu  ;  moins  elle  fait 
de  vibrations ,  plus  le  Son  eft  grave  :  en  forte  que  ,  les  Sons 
fuivant  entr'eux  les  rapports  des  vibrations ,  leurs  Inter- 
valles s'expriment  par  les  mêmes  rapports;  ce  qui  foumet 
coûte  la  Mufique  au  calcul. 

On    voit    par   les    Théorèmes   précédens   qu'il  y   a  trois 
moyens  de  changer   le  Son  d'une  Corde  ;  favoir,  en  chan- 
geant le  Diamètre;  c'eft-à-dire,  la  groffeur  de  la  Corde,  ou 
fa  longueur  ,  ou  (a   tenfion.    Ce  que  ces  altérations  produi- 
fent  fucceffivement  fur  une  même  Corde ,   on  peut   le  pro- 
duire à  la    fois  fur  diverfes   Cordes ,  en  leur  donnant  diffé- 
rens  degrés  de  grofleur ,  de   longueur  ou  de  tenfion.  Cette 
méthode  combinée  eft  celle  qu'on  met  en   ufage  dans  la  fa- 
brique ,   l'Accord  &  le  jeu  du  Clavecin  ,  du   Violon  ,  de  la 
Baffe ,  de  la  Guitare    &    autres   pareils    Inftrumens  ,  corn- 
pofés  de  Cordes  de  différentes  groiléurs  &  différemment  cen- 

Aa  z 


m  COR 

dues,  lesquelles  ont  par  conséquent  des  Sons  différées.  De 
plus  ,  dans  les  uns  ,  comme  le  Clavecin ,  ces  Cordes  ont 
différentes  longueurs  fixes  par  lesquelles  les  Sons  fe  varient 
encore;  &  dans  les  autres,  comme  le  Violon,  les  Cordes, 
quoiqu'égales  en  longueur  fixe  ,  fe  racourciffent  ou  s'aloa- 
gent  à  volonté  fous  les  doigts  du  Joueur  ,  &  ces  doigts 
avancés  ou  reculés  fur  le  manche  font  alors  la  fonction  de 
chevalets  mobiles  qui  donnent  à  la  Corde  ébranlée  par  l'ar- 
chet, autant  de  Sons  divers  que  de  diverfcs  longueurs.  A 
l'égard  des  rapports  des  Sons  &  de  leurs  Intervalles  ,  relati- 
vement aux  longueurs  des  Cordes  &  à  leurs  vibrations , 
voyez  Son  ,  Intervalle  ,  Consonnance. 

La  Corde  fonore  ,  outre  le  Son  priucipal  qui  réfulte  de 
toute  fa  longueur  ,  rend  d'autres  fons  accelToires  moins 
fenfibles  ,  &  ces  Sons  femblent  prouver  que  cette  Cord: 
ne  vibre  pas  feulement  dans  toute  fo  longueur ,  mais  fait 
vibrer  auffi  Ses  aîiquotes  chacune  en  particulier,  félon  la  loi 
de  leurs  dimenfions.  A  quoi  je  dois  ajouter  que  cette  pro- 
priété ,  qui  fert  ou  doit  fervir  de  fondement  à  toute  l'Har- 
monie,  &  que  plufieurs  attribuent,  non  à  la  Corde  fonore  , 
mais  à  l'air  frappé  du  Son ,  n'eft  pas  particulière  aux  Cordes 
feulement ,  mais  fe  trouve  dans  tous  les  Corps  fonores.  ) 
(Voyez  Coiirs  Sonore  ,  Harmonique.) 

Une  autre  propriété  non  moins  Surprenante  de  la  Corde 
fonore,  Se  qui  tient  à  la  précédente,  tir  que  G  le  chevalet 
qui    la  divife    n'appuie   que    1  .nt    ii;    lailîé   un  peu  de 

communication    aux   vibrations  d'une    partie  à  l'autre ,   alors 
jiu  lieu  du  Son  cotai  de  chaque  Partie  ou  de  l'une  des  deux  , 


COR  ix<> 

on  n'emcndia  que  le  Son  tic  la  plus  grande  aliquoce  corn- 
mune  aux  deux  Parties.  (  Voyez  Sons  Harmoniques.  ) 

Le  mot  de   Corde    fe   prend    figurément   en   Compoficion 
pour  les  Sons  fondamentaux  du  Mode  ,  &  l'on  appelle  fou- 
vent  Corde  d'Harmonie  les  Notes  de  Baffe  qui ,  à  la  faveur 
de    certaines    Diifonances  ,    prolongent    la  phrafe  ,    varient 
6c  entrelacent  h  Modulation. 
CORDE-AJOUR  ou  CORDE-A-VIDE.  (  Voyez  Vide.  ) 
CORDES  MOBILES.   (  Voyez  Mobile.  ) 
CORDES    STABLES.   (  Voyez  Stable.  ; 
CORPS-DE-VOiX,/.'  m.  Les  Voix  ont  divers  degrés  de 
force    ainfi   que  d'étendue.   Le  nombre   de   ces  degrés  que 
içune  cmbraiTe  porte  le  nom  de   Corps-de-Voix  quand    il 
s'agit  de  force  ;    «5c   de  Volume ,   quand  il  s'agit   d'étendue. 
(  Voyez    Volume.  )  Ainfi ,    de   deux    Voix   femblables  for- 
mant le  même  Son  ,  celle  qui  remplit  le  mieux  l'oreille  & 
fe  fait  entendre  de  plus  loin,  efè  dite  avoir  plus    de   Corps, 
En  Italie  ,  les  premières  qualités  qu'on    recherche   dans  les 
Voix ,  font  la  juiteffe  6c  la  flexibilité  :   mais  en  France    on 
exige  fur-tout  un  bon  Corps-dc-l'oix. 

CORPS  SONORE ,  /  m.  On  appelle  ainfi  tout  Corps  qui 
rend  ou  peut  rendre  immédiatement  du  Son.  Il  ne  fuit  pas  de 
cette  définition  que  tout  Inftrument  de  Mulique  foit  un  Corps 
fonore  ;  on  ne  doit  donner  ce  nom  qu'à  la  partie  de  riiiftiv- 
ment  qui  Tonne  elle-même  ,  6c  fins  laquelle  il  n'y  aurait 
point  de  Son.  Ainfi  dans  un  Violoncelle  ou  dans  un  Violon 
chaque  Corde  elt  un  Corps  fonore ,  mais  la  calife  de  l'Inf- 
trument,  qui  ne  fait  que  répercuter  6c  réfléchir  le  Son,  a'eii 


\ 


ipo  COR 

point  le  Corps  fonore  &  n'en  fuir  point  partie.  On  doit  avoir 
cet  article  préfent  à  l'efprit  toutes  les  fois  qu'il  fera  parlé  du 
Corps  fonore  dans  cet  ouvrage. 

CORYPHÉE  ,  f.  m.  Celui  qui  conduifoit  le  Chœur  daus 
les  Spe&acles  des  Grecs ,  &  battoit  la  mefure  dans  leur  Mu- 
fique.  (  Voyez  B\ttre  la  Mesure.) 

COULÉ  ,  Participe  pris  fubflantivement.   Le  Coulé  fe  fait 
lorfqu'au  lieu  de  marquer  en  Chantant  chaque  Note  d'un  coup 
de  gofier,  ou  d'un  coup  d'archet  fur  les  Inltrumens  à  corde, 
ou  d'un  coup  de  langue  fur  les  Inflrumens  à  vent  ,  on  paiTe 
deux  ou  plufieurs  Notes  fous  la  même  articulation   en   pro- 
longeant la  même  inspiration ,  ou  en  continuant  de  tirer  ou 
de  pouffer  le  même  coup  d'archet  fur  toutes  les  Notes  cou- 
vertes d'un   Coulé.  Il  y  a  des  Inflrumens,  tels  que  le  Clave- 
cin ,  le  Tympanon  ,   &c.  fur  lcfquels  le  Coulé  paroît  prefque 
impoffible  à  pratiquer  ;    &  cependant  on  vient  à  bout  de  l'y 
faire  fentir  par  un  toucher  doux  &  lié  ,    très-difficile  à  dé- 
crire ,  &  que  l'Ecolier  apprend  plus  aifement  de  l'exemple  du 
maître  que  de  fes  difeours.  Le  Coulé  fe  marque  par  une  Liai- 
fon  qui  couvre  toutes  les  Notes  qu'il  doit  ernbraûer. 

COUPER ,  v.  a.  On  coupe  une  Note  lorfqu'au  lieu  de  la 
foutenir  durant  toute  fa  valeur,  on  fe  contente  de  la  frapper 
au  moment  qu'elle  commence  ,  partant  en  filence  le  reflc  de 
fa  durée.  Ce  mot  ne  s'emploie  que  pour  les  Noies  qui  ont 
une  certaine  longueur  ;  on  fe  fert  du  mot  Détacher  pour  celles 
qui  partent  plus  vite. 

COUPLET.  Nom  qu'on  donne  dans   les  Vaudevilles  & 
autres  Chanfons  a  cette  partie  du  Pofeie  qu'on  appelle  Strc- 


COU  j9i 

plie  dans  les  Odes.  Comme  cous  les  Couplets  font  compofés 
fur  la  même  mel'ure  de  vers  ,  on  les  chante  auffi  fur  le  même 
Air  ;  ce  qui  taie  ef  Iropitr  iuuvent  l'Accent  &  la  Profodie , 
parce  que  deux  vers  François  n'en  font  pas  moins  dans  la 
même  mefure,  quoique  les  longues  &  brèves  n'y  foient  pas 
dans  les  mêmes  endroit?. 

COUPLETS ,  fe  dit  auffi  des  Doubles  &  Variations  qu'on 
fait  fur  un  même  Air,  en  le  reprenant  plufieurs  fois  avec  de 
nouveaux  changemens  ;  mais  toujours  fins  défigurer  le  fond 
de  l'Air ,  comme  dans  les  Folies  d'Efpagne  ik  dans  de  vieilles 
Chaconnes.  Chaque  fois  qu'on  reprend  ainfi  l'Air  en  le  va- 
riant différemment,  on  fait  un  nouveau  Couplet.  (  Voyiez  Va- 
riations. ) 

COURANTE ,  /  f.  Air  propre  à  une  efpece  de  Danfc 
ainfi.  nommée  à  caufe  des  allées  &  des  venues  dont  elle  eit 
remplie  plus  qu'aucune  autre.  Cet  Air  eft  ordinairement  d'une 
Mefure  à  trois  Tems  graves  ,  &  fe  note  en  Triple  de  Man- 
ches avec  deux  Reprifes.  Il  n'eft  plus  en  ufage  ,  non  plus  que 
la  Danfe  dont  il  porte  le  nom. 

COURONNE ,  /  /.  Efpece  de  C  renverfé  avec  un  point 
dans  le  milieu  qui  fe  fait  ainfi  :  C->. 

Quand  la  Couronne  ,  qu'on  appelle  auffi  Point  de  repos ,  efè 
à  la  fois  dans  toutes  les  Parties  fur  la  Note  correspondante , 
c'eft  le  figne  d'un  repos  général  :  on  doit  y  fufpendre  la  Me- 
fure ,  &  fouvent  même  on  peut  finir  par  cette  Note.  Ordinai- 
rement la  Partie  principale  y  fait  ,  à  fa  volonté ,  quelque  paA 
fige  que  les  Italiens  appellent  Cuden\a  ,  pendant  que  toutes 
les  autres  prolongent  &  foutiennent  le  Son  qui  leur  cit  niar- 


i9i  C    R    I 

que  ,  ou  même  s'arrêtent  tout-à-fait.  Mais  fi  la  Couronne 
e(t  fur  la  Note  finale  d'une  feule  Partie  ,  alors  on  l'appelle 
en  François  Point  d'Orgue ,  &c  elle  marque  qu'il  faut  conti- 
nuer le  Son  de  cette  Note ,  jufqu'à  ce  que  les  autres  Parties 
arrivent  à  leur  conclufion  naturelle.  On  s'en  fert  suffi  dans  les 
Canons  pour  marquer  l'endroit  où  toutes  les  Parties  peu- 
vent s'arrêter  quand  on  veut  finir.  (  Voyez  Repos  ,  Canon  , 
Point  d'Orgue.) 

CRIER.  C'e/f.  forcer  tellement  la  voix  en  chantant  ,  que 
les  Sons  n'en  foient  plus  appréciables ,  &  rcffemblent  plus  à 
des  cris  qu'à  du  Chant.  La  Mufique  Françoi.fe  veut  être  criée  ; 
c'eit  en  cela  que  confide  ù  plus  grande  exprefîîon. 

CROCHE  ,  f.  f.  Note  de  Mufique  qui  ne  vaut  en  durée 
que  le  quart  d'une  Blanche  ou  la  moitié  d'une  Noire.  Il 
faut  par  confiquent  huit  Croches  pour  une  Ronde  ou  pour 
une  Mefure  à  quatre  Tems.  (Voyez  Mesure,  Valeur,  des 
Notes.  ) 

On  peut  voir  PI.  D.  Fig.  9.  )  comment  fe  fait  la  Croche  , 
foit  feule  ou  chantée  feule  fur  une  fyllabc  ,  foit  liée  avec 
d'autres  Croches  quand  on  en  parte  plufieurs  dans  un  même 
tems  en  jouant ,  eu  fur  une  même  fyilabe  en  chantant.  Elles 
fe  lient  ordinairement  de  quatre  en  quatre  dans  les  Mefures 
à  quatre  Tems  &  à  deux ,  de  trois  en  trois  dans  la  Mefure 
à  fix-huit ,  félon  la  divifion  des  Tems  ;  ck  de  fix  en  Cbe  dans 
la  Mefure  à  trois  Tems  ,  félon  la  divition  des  Médire  . 

Le  nom  de  Croche  a  été  donné  à  cette  efpecc  de  Note ,  à 
caufe  de  l'efpece  de  Crochet   qui  la  diiiingue. 

CROCHET.  Signe  d'abréviation  dans  la   Note.   C'eit  ua 

petit 


C    R    O  uji 

petit  trait  en  travers  ,  fur  la  queue  d'une  Blanche  ou  d'une 
Noire,  pour  marquer  fa  divifion  en  Croches,  gagner  de  la 
place  &  prévenir  la  confufion.  Ce  Crochet  défigne  par  con- 
féquent  quatre  Croches  au  lieu  d'une  Blanche  ,  ou  deux  au 
lieu  d'une  Noire ,  comme  on  voit  Planche  D.  à  l'exemple  A. 
de  la  Fig.  10  ,  où  les  rrois  portées  accolées  fignifient  exac- 
tement la  même  chofe.  La  Ronde  n'ayant  point  de  queue  , 
ne  peut  porter  de  Crochet  ;  mais  on  en  peut  cependant  faire 
aufll  huit  Croches  par  abréviation  ,  en  la  divifant  en  deux 
Blanches  ou  quatre  Noires  ,  auxquelles  on  ajoute  des  Cro- 
chets. Le  Copifie  doic  foigneufement  diltinguer  la  figure  du 
Crochet ,  qui  n'elè  qu'une  abréviation,  de  celle  de  la  Croche, 
qui  marque  une  valeur  réelle. 

CROME ,  /  /.  Ce  pluriel  Italien  fignifie  Croches.  Quand 
ce  mot  fe  trouve  écrit  fous  des  Notes  noires  ,  blanches  ou 
rondes  ,  il  fignifie  la  même  chofe  que  fignirîeroit  le  Crochet, 
&  marque  qu'il  faut  divifer  chaque  Note  en  Croches  ,  félon 
fa  valeur.  (  Voj'ez  Crochet.) 

CROQUE-NOTE  ou  CROQUE-SOL ,  /  m.  Nom  qu'on 
donne  par  dérifion  à  ces  Muficiens  ineptes ,  qui  ,  verfés  dans 
la  combinaifon  des  Notes  ,  &  en  état  de  rendre  à  livre  ouvert 
les  Compofitions  les  plus  difficiles ,  exécutent  au  furplus  fans 
fentiment ,  fans  exprefiïon ,  fans  goût.  Un  Croque-Sol  rendant 
plutôt  les  Sons  que  les  phrafes  ,  lit  la  Mufique  la  plus  éner- 
gique fans  y  rien  comprendre  ,  comme  un  Maître  d'école 
pourrait  lire  un  chef-d'œuvre  d'éloquence  ,  écrit  avec  les 
caractères  de  fa  langue  ,  dans  une  langue  qu'il  n'entendrait 
pas. 

Diil.  de  Mufique.  Bb 


19* 


D    A    C 


*-„    ,  '  *rfc= 


D. 


D 


Cette  lettre  fignifie  la  même  chofe  dans  la  Muflque 
Françoife  que  P.  dans  l'Italienne  ;  c'efr-à-dire  ,  Doux.  Les 
Italiens  l'emploient  aufli  quelquefois  de  même  pour  le  mot 
Do/ce ,  &  ce  mot  Dolce  n'eft  pas  feulement  oppofé  à  Fort , 
mais  à  Rude. 

D.  C.  (  Voyez  Da  Capo.  ) 

D  la  rt ,  Dyo/  re ,  ou  Amplement  D.  Deuxième  Note  de 
la  Gamme  naturelle  ou  Diatonique  ,  laquelle  s'appelle  au- 
trement Re.  (  Voyez  Gamme.  ) 

DA  CAPO.  Ces  deux  mots  Italiens  fe  trouvent  fréquem* 
ment  écrits  à  la  fin  des  Airs  en  Rondeau  ,  quelquefois  coût 
au  long  ,  &  fouvent  en  abrégé  par  ces  deux  lettres  ,  D.  C. 
Us  marquent  qu'ayant  fini  la  féconde  partie  de  l'Air,  il  en 
faut  reprendre  le  commencement  jufqu'au  Point  final.  Quel- 
quefois il  ne  faut  pas  reprendre  tout  -  à  -  fait  au  commen- 
cement ,  mais  à  un  lieu  marqué  d'un  Renvoi.  Alors  ,  au 
lieu  de  ces  mots  Da  Capo,  on  trouve  écrits  ceux-ci,  Al 
Sepno. 

DACTYL1QUE ,  ad/.  Nom  qu'on  donnoit  ,  dans  l'an- 
cienne Mufiquc  ,  à  cette  efpece  de  Rhythmc  dont  la  Mtfure 
fe  partageoit  en   deux  Tems  égaux.  (  Voyez  Rhythmc.  ) 

On  appciloit   aufli  Daclylique  une  forte  de  -Norv.e  où  ce 
rlmic    étoit    fréquemment   employé  ,   tel   que  le   Nonjc 
Harfnathias  &  le  Nome  Onlucn. 


D    E    B  ï9s 

Julius  Pollux  révoque  en  doute  fi  le  Daclylique  étoit  une 
force  d'Infiniment  ,  ou  une  forme  de  Chant  ;  doute  qui  fe 
confirme  par  ce  qu'en  dit  Ariftide  0_uintilien  dans  fon  fé- 
cond Livre ,  &  qu'on  ne  peut  réfoudre  qu'en  fuppofant  que 
le  mot  Daclylique  fignifioit  à  la  fois  un  Infiniment  &  un 
Air,  comme  parmi  nous  les  mors  Mujètte  6c  Tambourin, 

DEBIT ,  f.   m.    Récitation    précipitée.    Voyez    l'Article 
fuivanr. 

DEBITER,!',  a.  pris  en  fens  neutre.  C'eft  prefTer  à  deffein 
le  Mouvement  du  Chant ,  &  le  rendre  d'une  manière  appro- 
chante de  la  rapidité  de  la  parole  ;  fens  qui  n'a  lieu  ,  non 
plus  que  le  mot  ,  que  dans  la  Mufique  Françoife.  On  dé- 
figure toujours  les  Airs  en  les  Débitant ,  parce  que  la  Mé- 
lodie ,  l'Expreflion  ,  la  Grâce  y  dépendent  toujours  de  la 
prccifion  du  Mouvement  ,  &  que  prefTer  le  Mouvement  , 
c'eft  le  détruire.  On  défigure  encore  le  Récitatif  François 
en  le  Débitant ,  parce  qu'alors  il  en  devient  plus  rude  ,  & 
fait  mieux  fentir  l'oppofition  choquante  qu'il  y  a  parmi  nous 
entre  l'Accent  Mufical  &  celui  du  Difcours.  A  l'égard  du 
Récitatif  Italien  ,  qui  n'eft  qu'un  parler  harmonieux  ,  vou- 
loir le  Débiter  ,  ce  feroit  vouloir  parler  plus  vite  que  la  pa- 
role, 6c  par  conféquent  bredouiller  :  de  forte  qu'en  quelque 
fans  que  ce  foit,  le  mot  Débit  ne  fignifie  qu'une  chofe  bar- 
bare ,  qui  doit  être   profcrite  de  la  Mufique. 

DECAMERJDE ,  f.  f.  C'eft  le  nom  de  l'un  des  Elémens 
du  Syfiéme  de  M.  Sauveur  ,  qu'on  peut  voir  dans  les  Mé- 
moires de  l'Académie  des   Sciences  ,  anné>c  1701. 

Pour   former  un  fyftéme  général  qui  fournifle  le  meilleur 

Bb  • 


lj>< 


DEC 


Tempérament  ,  &  qu'on  puiffe  ajulter  a  tous  les  fy/ têmes, 
cet  Auteur  ,  après  avoir  divifé  l'Octave  en  43  parties  ,  qu'il 
appelle  Mérides  ,  &  fubdivifé  chaque  Méride  en  7  parties  , 
qu'il  appelle  Eptamérides  ,  divife  encore  chaque  Eptarnéridc 
en  10  autres  parties  ,  auxquelles  il  donne  le  nom  de  Déca- 
mérides.  L'Octave  fe  trouve  ainfi  divifée  en  3010  parties 
égales ,  par  lefquelles  on  peut  exprimer  ,  fans  erreur  fenfible  * 
les  rapports    de  tous  les   Intervalles  de  la  Mufîque. 

Ce  mot  eft  formé  de  SU* ,    dix  ,  &  de  juepu ,    partie. 

DÉCHANT  ou  DISCANT,/  m.  Terme  ancien  par  le- 
quel on  défignoic  ce  qu'on  a  depuis  appelle  Contre  -  poinr* 
(  Voyez  Contre -point.  ) 

DÉCLAMATION,/  fi  C'eft ,  en"  Mufique  ,  l'art  de  ren- 
dre ,  par  les  inflexions  &  le  nombre  de  la  Mélodie  ,  l'Accent 
grammatical  &  l'Accent  oratoire.  (  Voyez  Accent  ,  Ré- 
citatif. ) 

DEDUCTION,/  j\  Suite  de  Notes  montant  diatoni- 
quemcnt  ou  par  Degrés  conjoints.  Ce  terme  n'elt  gueres  en 
ufage   que  dans  le  Plain  -  Chant. 

DEGRE ,/  m.  Différence  de  pofition  ou  d'élévation  qui 
fe  trouve  entre  deux  Notes  placées  dans  une  même  Portée. 
Sur  la  même  Ligne  ou  dans  le  même  efpace ,  elles  font  au 
même  Degré  ;  &  elles  y  feroient  encore,  quand  même  l'uni. 
des  deux  feroit  hauffée  ou  baiffée  d'un  femi-Ton  par  un 
Dièfe  ou  par  un  Bémol.  Au  contraire  ,  elles  pourraient  être 
à  l'Uniffon  ,  quoique  pofées  fur  différens  Degrés  ;  comme 
Put  Bémol  &  le  fi  naturel  ;  le/j   Dièfe  &  k  Jbf  Bcmol,  i'r. 

Si  deux  Notes    fe   fuivtnt  diatoniquemeut ,  de    forte  qut 


DEM 


197 


Tune  étant  fur  une  Ligne  ,  l'autre  foit  dans  l'efpace  voifin  , 
l'Intervalle  eit  d'un  Degré  ;  de  deux  ,  fi  elles  font  à  la  Tier- 
ce ;  de  trois  ,  fi  elles  font  à  la  Quarte  ;  de  fept  ,  fi  elles  fonc 
à  l'Octave ,  &c. 

Ainfi  ,  en  ôtant  1  du  nombre  exprime  par  le  nom  de 
l'Intervalle ,  on  a  toujours  le  nombre  des  Degrés  diatoni- 
ques qui  féparent  les  deux  Notes. 

Ces  Degrés  diatoniques  ou  fimplement  Degrés ,  font  en- 
core appelles  Degrés  conjoints ,  par  oppofition  aux  Degrés 
disjoints  ,  qui  font  compofés  de  plufieurs  Degrés  conjoints. 
Par  exemple  ,  l'Intervalle  de  Seconde  eft  un  Degré  con- 
joint ;  mais  celui  de  Tierce  eft  un  Degré  disjoint  ,  compofé 
de  deux  Degrés  conjoints  ;  &  ainfi  des  autres.  (  Voyez 
Conjoint  ,  Disjoint  ,  Intervalle.  ) 

DÉMANCHER,  v.  ».  C'eft  ,  fur  les  Inftrumens  à  man- 
che ,  tels  que  le  Violoncelle ,  le  Violon  ,  &c.  ôter  la  main 
gauche  de  ù  pofition  naturelle  pour  l'avancer  fur  une  pofi- 
tion  plus  haute  ou  plus  à  l'aigu.  (  Voyez  Position.  )  Le 
Compofiteur  doit  connoître  l'étendue  qu'a  l'Inftrument  fans 
Démancher ,  afin  que  ,  quand  il  palTe  cette  étendue  &  qu'il 
Démanche  ,  cela  fe  falTe  d'une  manière  praticable. 

DEMI -JEU,  A -DEMI- JEU,  ou  fimplement  A  DEMI. 
Terme  de  Mufique  inftrumentale  qui  repond  h  l'Italien 
S otto  voce  ,  ou  Ale\\a  voce  ,  ou  Me\\o  forte  ,  &  qui  indique 
une  manière  de  jouer  qui  tienne  le  milieu  entre  le  lort  & 
le    Doux. 

DEMI -MESURE,//!  Efpace  de  tems  qui  dure  la  moi- 
tic  d'une  Mefure.  Il  n'y  a  proprement  de  Demi-Alefurcs  que: 


x9%  DEM 

dans  les  Mefures  dont  les  Tems  font  en  nombre  pair  :  car 
dans  la  Mefure  à  trois  Tems  ,  la  première  Demi  -  A  te  jre 
commence  avec  le  tems  fort ,  &  la  féconde  à  contre  -  tems  ; 
ce  qui  les  rend   inégales. 

DEMI  -  PAUSE ,  /  /.  Caradere  de  Mufique  qui  fe  fait 
comme  il  eft  marqué  dans  la  Fig.  9.  de  la  PL  D.  &  qui 
marque  un  filence  dont  la  durée  doit  être  égale  à  celle  d'une 
Demi -Mefure  à  quatre  Tems  ,  ou  d'une  Blanche.  Comme 
il  y  a  des  Mefures  de  différentes  valeurs  ,  &  que  celle  de 
la  Demi  -  Paufe  ne  varie  point ,  elle  n'équivaut  à  la  moitié 
d'une  Mefure  ,  que  quand  la  Mefure  entière  vaut  une  Ron- 
de ;  à  la  différence  de  la  Paufe  entière  qui  vaut  toujours 
exactement  une  Mefure  grande  ou  petite.  (  Voy.  Pause.  ) 

DEMI-SOUPIR.  Caractère  de  Mufique  qui  fe  fait  comme 
il  eft  marqué  dans  la  Fig.  9.  de  la  PL  D.  &  qui  marque  un 
filence  dont  la  durée  eft  égale  à  celle  d'une  Croche  ou  de 
la  moitié  d'un  Soupir.  (  Voyez  Soupir.  ) 

DEMI- TEMS.  Valeur  qui  dure  exactement  la  moiric  d'un 
Tems.  Il  faut  appliquer  au  Demi  -  Tems  ,  par  rapport  au 
Tems  ,  ce  que  j'ai  dit  ci -devant  de  la  Demi -Mefure  par 
rapport  à  la  Mtfure. 

DEMI -TON.  Intervalle  de  Mufique  valant  à-peu-près  la 
moitié  d'un  Ton,  &  qu'on  appelle  plus  communément  Se- 
mi  -  Ton  (  Voyez   Semi-Ton*.   ) 

DESCENDRE,  v.  n.  C'eft  bahtfer  la  voix  ,  vocem  rtmit- 

tere  ;  c'eft  faire  fuccéder  les  Sons  de  l'aigu  au  grave  ,  ou 
du  h.iur  au  bas.  Cela  fc  pré/fente  a  l'œil  par  notre  manière 
de  Noter. 


DES 

DESSEIN ,/  m.  C'efr  l'invention  &  la  conduire  du  fiijet . 
la  difpofition  de  chaque  Partie ,  &  l'ordonnance  générale  du 
tour. 

Ce  n'efr.  pas  atTez  de  faire  de  beaux  Chanrs  &  une  bonne 
Harmonie  ;  il  faut  lier  tour  cela  par  un  fujet  principal  ,  au- 
quel fe  rapporrenc  toutes  les  parties  de  l'ouvrage ,  &  par  le- 
quel il  foit  un.  Cette  unité  doit  régner  dans  le  Chant ,  dans 
le  Mouvement  ,  dans  le  Caractère  ,  dans  l'Harmonie  ,  dans 
la  Modulation.  Il  faut  que  tout  cela  fe  rapporte  à  une  idée 
commune  qui  le  réunifle.  La  difficulté  eft  d'aiîbcier  cts  pré- 
ceptes avec  une  élégante  variété  ,  fans  laquelle  tout  devient 
ennuyeux.  Sans  doute  le  Mullcien  ,  aufïi  -  bien  que  le  Poète 
&  le  Peintre  ,  peut  tout  ofer  en  faveur  de  cette  variété  char- 
mante ,  pourvu  que ,  fous  prétexte  de  contra/ter ,  on  ne  nous 
donne  pas  pour  des  ouvrages  bien  delTinés  ,  des  Mufiques 
toures  hachées  ,  compofées  de  perirs  morceaux  étranglés  , 
cV  de  caractères  fi  oppofés ,  que  l'affemblage  en  fdiTc  un  tout 
monitrueux. 

Non  ut  placidis  cotant   immitia  ,  non    ut 
Serpentes  avibus  geminentur  ,  tigribus  agni. 

C'efl  donc  dans  une  diflribution  bien  entendue  ,  dans  une 
jufte  proportion  entre  toutes  les  parties  ,  que  conflfle  la  per- 
fection du  Defiin  ,  &  c'eft  fur-tout  en  ce  point  que  l'im- 
mortel Pergolèfe  a  montré  fon  jugement  ,  fon  goût ,  &  a 
laifTé  fi  loin  derrière  lui  tous  fes  rivaux.  Son  Stabal  Mater , 
fon  Grfto  ,  fa  Sema  Fadrona  font  ,  dans  trois  genres  dim> 
icus ,  trois  chef-d'œuvres  de  Défi  in  également  parfaits. 


Î.OO 


DES 


Cette  idée  du  Deffein  général  d'un  ouvrage  ,  s'applique 
auiïi  en  particulier  à  chaque  morceau  qui  le  compofe.  Ainfî 
l'on  defline  un  Air ,  un  Duo  ,  un  Chœur  ,  ècc.  Pour  cela , 
après  avoir  imaginé  fon  fujet ,  on  le  distribue  ,  félon  les 
règles  d'une  bonne  Modulation  ,  dans  toutes  les  Parties  où 
il  doit  être  entendu  ,  avec  une  telle  proportion  qu'il  ne  s'ef- 
face point  de  l'efprit  des  Auditeurs  ,  &  qu'il  ne  fe  repré- 
fente  pourtant  jamais  à  leur  oreille  qu'avec  les  grâces  de  la 
nouveauté.  C'efr.  une  faute  de  Dejfein  de  laifTer  oublie-r  fon 
fujet  ;  c'en  eft  une  plus  grande  de  le  pourfuivre  jufqu'à 
l'ennui. 

DESSINER ,  v.  a.  Faire  le  DefTein  d'une  Pièce  ou  d'un 
morceau  de  Mufique.  (  Voyez  Dessein.  )  Ce  Compojiteur 
Defîine  bien  fes  ouvrages.  Voila  un  choeur  fort  mal  Defïiné. 

DESSUS,/  m. .La  plus  aiguë  des  Parties  de  la  Mufi- 
que ;  celle  qui  règne  au-delîus  de  toutes  les  autres.  C'eft  dans 
ce  fens  qu'on  dit  dans  la  Mufique  infirumentale  ,  Dejfus  de 
Violon  ,  Dejfus  de  Flûte  ou  de  Hautbois ,  &  en  général 
Dejfus  de  Symphonie. 

Dans  la  Mufique  vocale ,  le  Dejfus  s'exécute  par  des  voix 
de  femmes  ,  d'enfans  ,  &  encore  par  des  Caftrati  dont  la 
voix  ,  par  des  rapports  difficiles  à  concevoir  ,  gagne  une 
(  >&ave  en  haut  ,  &  en  perd  une  en  bas ,  au  moyen  de  cette 
mutilation. 

Le  Deffus  fe  divife  ordinairement  en  premier  &  fécond  , 
&  quelquefois  même  en  trois.  La  Partie  vocale  qui  exécute 
le  fécond  DeJJ'u  s ,  s'appelle  Bas-Dejfus,  &  Ton  fait  aufii  des 
Récits  è  voix  feule  1  L  .,  Ikùu  l^s-JJsfus 


D    E    T 


i .  » 


plein  &  fonore,  n'eft  pas  moins  eftimé  en  Italie  que  les  \ 
claires  &  aiguës  ;    mais  on   n'en  faic  aucun  cas  en   i  rance. 
Cependant,  par  un  caprice  de  la  mode,  j'ai  vu  fort  applaudir, 
à  l'Opéra  de  Paris,  une  Mlle.  Gondré,  qui ,  en  effet ,  avoil 
fort  beau  Bjs-DcJJus. 

DETACHE  ,  partie,  pris  fubjluntivement.  Genre  d'exécu- 
tion par  lequel  ,  au  lieu  de  fourenir  les  Notes  durant  tour? 
leur  valeur,  on  les  fépare  par  des  filences  pris  fur  cette  mène 
valeur.  Le  Détaché,  tout-à-fait  bref  &  fec,  fe  marque  fur  les 
Notes  par  des  points  alongés. 

DETONNER,  v.  n.  C'e/t  forcir  de  l'Intonation;  c'eft 
altérer  mal  -à-propos  la  jufteffe  des  Intervalles ,  &  par  corifé- 
quen:  Chanter  faux.  Il  y  a  des  Muficiens  dont  l'oreille  ef t 
fi  jufte  qu'ils  ne  détonnent  jamais  ;  mais  ceux-là  font  rares. 
"Beaucoup  d'autres  ne  détonnent  point  par  une  raifon  con- 
traire ;  car,  pour  forcir  du  Ton,  il  faudrait  y  être  entré. 
Chanter  fins  Clavecin ,  crier ,  forcer  fa  voix  en  haut  ou  en 
bas ,  &  avoir  plus  d'égard  au  volume  qu'à  la  jufteffe  ,  font 
des  moyens  prefque  fùrs  de  fe  gâter  l'oreille  ,  6c  de  Détonner. 

DIACOMMATIQUE ,  adj.  Nom  donné  par  M.   Serre  à 

une   efpece  de   quatrième  Genre  ,  qui    confifte   en  certaines 

Tranfitions    harmoniques ,    par    lefquelles   la    même    Note 

reliant  en   apparence   fur  le   même  Degré ,   monte  ou  def- 

cend  d'un  Gomma,    en   pafTant    d'un   Accord  à  un    autre, 

avec  lequel  elle  paroît  faire  liaifon. 

\-    "1 
far  exemple  ,  fur  ce  paffage  de  Baffe  Ju  rc  dans  le  Mode 

majeur  cYut ,  Je  D  ,   Tierce  majeure  de  la   première  Note , 
Dict.  Je  Mufiqu&.  Ce 


*ot  D    I    A 

27 
refte  pour  devenir   Quinte  de  re  :  or  la  Quinte  jufle  de  re 

<Î4  80  _        81 

ou  de  te  ,  n'eft  pas  la ,  mais  la  :  ainfi  le  Muûcien  qui  en- 
tonne le  la  doit   naturellement  lui  donner  les  deux  Intona- 

So  81 

rions  conficutives   la  la  ,  lefquelles    différera  d  un    Comn1!. 

De  même  dans  la   Folie   d'Efpagne  ,  au  troifieme  Tems 

de  la  troifieme   Mefure  :  on  peut  y  concevoir   que  la  Tc- 

So  81 

niq  ie  re  monte  d'un  Gomma  pour  former  la  féconde  re  du 
Mode  majeur  dW ,  lequel  fe  déclare  dans  la  Mefure  fui- 
vante,  &  fe  trouve  ainii  fubitement  amené  par  ce  paralo- 
gifme  Mufical ,  par  ce  Double-emploi  du  re. 

Lors  encore  que  ,  pour  pavTer  brufqucmenr  du  Mode  mi- 
neur de  la  en  celui  dW  majeur ,  on  change  l'Accord  de 
Septième  diminuée  fol  Dièfe  ,  Ji ,  re  9fa  ,  en  Accord  de  fim- 
ple  Septième  fol ,  fi ,  re  ,  fa  ,  le  Mouvement  chromatique 
du  fol  Dièfe  au  fol  naturel  cft  bien  le  plus  fenfible ,  mais 
il  n'eft  pas  le  feul  ;  le  re  monte  aufli  d'un  Mouvement  dia- 

80  Si 

commatique  de  re  à  re  ;  quoique  la  Nore  le  fuppofe  per- 
manent fur  le  même  Degré. 

On  trouvera  quantité  d'exemples  de  ce  Genre  Dîat 
matique ,  particulièrement  Ibrfque  la  Modulation  pafTe  f..bi- 
rement  du  Majeur  au  Mineur,  ou  du  Mineur  au  Majeur. 
C'eft,  fur-tout  d.:ns  l'Adagio,  ajoute  M.  Serre,  que  les 
grands  Maîtres ,  quoique  guidés  uniquement  par  le  fL 
ment,  font  ufage  de  ce  genre  de  Tranfitions ,  ii  propre  à 
donner   à   la  Modulation   une  apparence    d'indécifion  ,    d 

le  fenrimerit  éprouvent  fouveut  des  effets  qui  hc 
font  Pj!,.:   c  luivoques. 


D    I    A 


DIACOUSTIQUE  ,  f.  f.  C'efl  la  recherche  des  proprié- 
tés du  Sou  réfracté  en  pavane  à  travers  différens  milieux  ; 
c'elt-a-dire ,  d'un  plus  denfe  dans  un  plus  rare  ,  &  au  con- 
traire. Comme  les  rayons  vifuels  fe  dirigent  plus  aifément 
que  les  Sons  par  des  Lignes  far  certains  points,  auflî  les 
expériences  de  la  DLicouflique  font -elles  infiniment  plus 
difficiles  que  celles  de  la  Dioptrique.  (  Voyez  Son.  ) 

Ce  mot  eft  formé  du  Grec  J»à,  pir  ,  &  d'eùtouo»»  f  entends. 

DIAGRAMME ,  f.  m.  C'étoit  ,  dans  la  Mufique  an- 
cienne ,  la  Table  ou  le  modèle  qui  préfentoit  à  l'oeil  l'éten- 
due générale  de  tous  les  Sons  d'un  fyftême  ,  ou  ce  que  nous 
appelions  aujourd'hui  ,  Echelle  ,  Gamme  ,  Clavier.  (  Voyez 
ces  mots.  ) 

DIALOGUE,/!  m.  Composition  à  deux  voix  ou  deux 
Inflrumens  qui  le  répondent  l'un  à  l'autre,  &  qui  fouvent 
fe  réunifient.  La  plupart  des  Scènes  d'Opéra  font ,  en  ce 
fens ,  des  Dialogues ,  &  les  Duo  Italiens  en  font  toujours  : 
mais  ce  mot  s'applique  plus  précifément  à  l'Orgue  ;  c'efl 
fur  cet  Infiniment  qu'un  Organifte  joue  des  Dialogues  ,  en 
fe   répondant  avec  différens  jeux  ,  ou  fur  différens  Claviers. 

DIAPASON ,  f.  m.  Terme  de  l'ancienne  Mufique ,  par 
lequel  les  Grecs  exprimoient  l'Intervalle  ou  la  Confonnance 
de  l'Octave.  (  Voyez  Octave.  ) 

Les  Fadeurs  d'Inftrumcns  de  Mufique  nomment  aujour- 
d'hui Diapafons  certaines  Tables  où  font  marquées  les 
Mefures  de  ces  Inftrumens  &  de  toutes  leurs  parties. 

Ou  appelle  encore  Diapafon  fétendue  convenable  à  une 
Voix  ou  à  un  Infiniment.    Ainli ,  quand  une  Voix  fe  force  , 

Ce  - 


i34  D    I    A. 

on  dit  qu'elle  fort  du  Diapafon  ,  &  l'on  dit  la  même  chofe 
d'un  Inftrument  dont  les  cordes  font  trop  lâches  ou  trop 
tendues,  qui  ne  rend  que  peu  de  Son,  ou  qui  rend  un  Son 
dé  (agréable  r  parce  que  le  Ton  en  eft  trop  haut  ou  trop 
bas. 

Ce  mot  e(t  fermé  de  J<«,  par  ,  &  ttuc-ov,  toutes  ;  parce 
que  l'Oitave  embrafle  toutes  les   Notes  du   fyltême   parfait. 

DIAPENTE ,  f.  f.  Nom  donné  par  les  Grecs  à  l'Intervalle 
que  nous  appelions  Quinte ,  &  qui  eft  la  féconde  des  Con- 
fonnances.  (  Voyez  Consonnanc-*  ,  Intervalle  ,  Quinte.  ) 

Ce  mot  eit  formé  de  om ,  par ,  &  de  inm ,  cinq  ,  parce 
qu'en  parcourant  cet  Intervalle  diatoniquernent  on  prononc* 
cinq   diffère n s  Sons. 

DI APENTER,  en  latin  D1APENTISSARE ,  v.  n.  Mot 
barbare  employé  par  Mûris  &  par  nos  anciens  Muficiens. 
f  Voyez  Quinier.) 

DIAPHONIE ,  fïf.  Nom  donné  par  les  Grecs  à  tout  In- 
tervalle ou  A'ccord  diiîonant,  parce  que  les  deux  Sons  fe  cho- 
quant mutuellement',  fe  dfviféht,  pour  air.fi  dire ,  &  font 
fenttr  désagréablement  leur  différence.  Gui  Arérin  donne  auflî 
le  nom  de  Diaphonie  à  ce  qu'on  a  depuis  appelle  Dîfcant^ 
à  oeufè  des  deux  Parties  qu'on  y  diftingue. 

DIAPTOSE,  Intercidence ,  ou  petite  Chute,/  f.  C'èfl 
dans  le  PLin-Chan:   une  forte   de  Périétèfe,  ou  de  partage 
qui  <e  fait  fur  la  dernière   Note  d\ m  Cl    nr,  ord  lairemeot 
après  un  grand  Intervalle  en  montant.    "'  rs,  pi 
la  juftefie  àt  cette  finale,  on  la  mai  ■  fois  en  fépa- 

r.nr  cette         -  ion  par  une  en  ifieme  I     e  q      l'on 


D    I    A 

d'un  Degré  en  manière  de   Note   fénfîblc  ,  comme   m  fi  ui 

ou  mi  rc  mi. 

D1ASCH1SMÀ,/  m:  C'cft,  dans  laMafîque  ancienne, 
un  Inrerv.ille  faifant  la  moitié  du  femi-Ton  mineur.  I.e  rap- 
port en  cft  de  14  à   y/600,  &  par  confequent  irrationnel. 

DIASTEME,/  m.  Ce  mot,  dans  la  Muflque  ancienne  , 
lignine  proprement  Intervalle ,  &  c'eft  le  nom  que  don- 
noient  les  Grecs  à  l'Intervalle  fimple  ,  par  oppofition  à  l'In- 
tervalle compofe  qu'ils  appelloient  Syjlème.  (  Voyez  Imkr- 
vallb  ,  Système.  ) 

DIATESSARON.  Nom  que  donnoienr  les  Grecs  à  I:In- 
tervalle  que  nous  appelions  Quarte  ,  ck  qui  eM  la  treificme 
des  Confdnnances.  (  Voyez  Consonnancb  ,  Intervalle  , 
Quarte.  ) 

Ce  mot  efl  compefé  de  Jj«  ,  f.ir  ,"&c  du  génitif  de  no-r 
quatre  ;  parce   qu'en    parcourant  diatoniquemerit    cet  Inter* 
vulle ,  on  prononce  quatre  difFérens  Sons. 

DIATESSERONER  ,  tn  latin  DIATESSERONARE , 
V.  n.  Mot  barbare  employé  par  Mûris  &  par  nos  anciens 
Muficiens.  (  Voyez  Quarter.  ) 

DIATONIQUE,  aaj.  Le  Genre  Diatonique  efl  celui  des 
rrois  qui  procède  par  Tons  &  femi-Tons  majeurs ,  félon  1 1 
divifîon  naturelle  de  là  Gamme  ;  c'elt-à-dire  ,  celui  donc  le 
moindre  Intervalle  eit  d'un  Degré  conjoint  :  lc  qui  n'em- 
pêche pa~  que  les  Parties  ne  puilfent  procéder  par  de  plus 
grands  Intervalle: ,  pourvu  qu'ils  fuient  tous  pris  fur  des 
Degrés  Diato  ûqut  x. 

Ce  mot  vient  du  Grec  fut,  par  t  &  deroicç ,  Ton  ;  c'efl-  .v  - 
dire ,  paflLuit  d'un  Ton  à  un  autre. 


ic6  D     I      A 

Le  genre  Diatonique  des  Grecs  ré  fui  toit  de  l'une  des 
trois  règles  principales  qu'ils  avoienc  établies  pour  l'Accord 
des  Técracordes.  Ce  Genre  fe  divifoit  en  plulieurs  efpeces , 
félon  les  divers  rapports  dans  lefquels  fe  pouvoit  divifer 
l'Intervalle  qui  le  déterminoit  ;  car  cet  Intervalle  ne  pou- 
voit fe  reiïerrer  au-delà  d'un  certain  point  fans  changer  de 
Genre.  Ces  diverfes  efpeces  du  même  Genre  font  appellées 
zpéxs ,  couleurs ,  par  Ptolomée  qui  en  diftingue  fix  ;  mais 
la  feule  en  ufage  dans  la  pratique  étoit  celle  qu'il  appelle 
Diatonique -Ditonique ,  dont  le  Tétracorde  étoit  compofé 
d'un  femi-Ton  fuible  &  de  deux  Tons  majeurs.  Ariito::ène 
divife  ce  même  Genre  en  deux  efpeces  feulement  ;  favoir  , 
le  Diatonique  tendre  ou  mo/,  &  le  Syn tonique  ou  dur.  Ce 
dernier  revient  au  Diatonique  de  Ptolomée.  (  Voyez  les  rap- 
ports  de  l'un  &  de  l'autre  ,  Pi.  M.   Fig.  5.  ) 

Le  Genre  Diatonique  moderne  refaite  de  la  marche 
conformante  de  la  I3a(Te  fur  les  Cordes  d'un  même  Mode , 
comme  on  peut  le  voir  par  la  Figure  7  de  la  Flanche  K.  Les 
rapports  en  ont  été  fixés  par  Pufage  des  mêmes  Cordes  en 
divers  Tons;  de  forte  que  ,  G  l'Harmonie  a  d'abord  engen- 
dré l'Echelle  Diatonique ,  c'elt  la  Modulation  qui  l'a  mo- 
difiée ;  &  cette  Echelle  ,  telle  que  nous  l'avons  aujour- 
d'hui ,  n'eft  exacte  ni  quant  au  Chant  ,  ni  quant  a  l'Har- 
monie ,  mais  feulement  quant  au  moyen  d'employer  les 
mêmes  Sons  à  divers  ufkgi 

Le  (.'unie  Diatonique  eit ,  fins  contredit,  le  plus  naturel 
des  trois,  puifqu'il  eft  le  feul  qu'on  peut  employer  fans 
changer  de  Ton.  Aulli  L'Intonation  en  eft -elle  incompara- 


D    I    A 

blcmcnt  pais  aifée  que  telle  des  deux  autres  ,  &  Ton  ne 
peut  gueres  douter  que  les  premiers  C  tants  n'aient  été 
trouvés  dans  ce  Genre  :  mais  il  faut  remarquer  que ,  fej  m 
le;  loix  de  la  Modulation,  qui  permet  &  qui  preiuit 
même  le  paflage  d'u  1  Ton  &  d'un  Mode  à  l'autre  ,  i.ous 
n'avons  prefque  point,  dans  notre  Mulique  ,  de  Diatonique 
bien  pur.  Chaque  Ton  particulier  cil  bien ,  Ci  l'on  veut , 
dans  le  Genre  Diatonique  ;  mais  on  ne  fauroit  palier  de 
l'un  à  l'autre  fans  quelque  Tranfition  chromatique ,  au 
moins  fous-entendue  dans  l'Harmonie.  Le  Diatonique  pur, 
dans  lequel  aucun  des  Sons  n'eft  altéré  ni  par  la  Clef,  ni 
ï.ccidenrelîement ,  efr.  appelle  par  Zarlin  Diatono  -  diatoni- 
ç ue ,  &  il  en  donne  pour  exemple  le  Plain-Crunt  cle  PEglife. 
Si  la  C!i  f  eit  armée  d'un  Bémol,  pour -lors  c'eft  ,  félon 
lai  ,  le  Diatonique  mol ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
celui  d'Ariltoxène.  (Vpyez  Mol.)  A  l'égard  du  la  Tranf- 
pofition  par  Diè/e ,  cet  Auteur  n'en  parle  point ,  &  l'on 
ne  la  pratiquoit  pas  encore  de  fon  tems.  Sans  doute  ,  il 
lui  auroit  donné  le  nom  de  Diatonique  dur ,  quand  même 
il  en  auroit  refaite  un  Mode  mineur,  comme  celui  d'£  la 
mi  :  car  dans  ces  tems  où  l'o.i  n'avoic  point  encore  les  no- 
tions Harmoniques  de  ce  que  nous  appelions  Tons  &  Mo- 
des,  &  où  l'on  avoit  déjà  perdu  les  autres  notions  que  le  > 
Anciens  attachoienr  aux  mêmes  mots,  on  regardoit  plus  aux 
altérations  particulières  des  Noies  qu'aux  rapports  génér 
qui  en  rcfiiu-ient.    (Voyez  Tkansi'CSHiON.  ) 

Sons  ou  Cordes    Diatoniques.  Eue!  iingue    fous 

ce  nom,  parmi   les   Sons    mobiles,   ce.  x  partiel] 


ic3  D    I    A 

point  du  Genre  épais  ,  même  dans  le  Chromatique  &  l'En- 
harmonique. Ces  Sons  ,  dans  chaque  Genre  ,  font  au  nombre 
de  cinq  ;  favoir ,  le  troiiïemc  de  chaque  Tctracorde  ;  &  ce 
font  les  mêmes  que  d'autres  Auteurs  appellent  Ap)  chu 
(  Voyez  Apycni  ,  Genre,  TiîtracoPvBe.  ) 

DIAZEUXIS,//:  Mot  Grec  qui  fignifie  divifwn ,  fépa- 
ration ,  disjonction.  C'eft  ainfî  qu'on  appelloit ,  dans  l'an- 
cienne Mufiquc ,  le  Ton  qui  féparoic  deux  Tétracordes 
disjoints ,  &  qui ,  ajouré  à  l'un  des  deux  ,  en  formoit  la 
Diupente.  C'eft  notre  Ton  majeur  ,  dont  le  rapport  eft  de 
8  à  9  ,  &  qui  eft  -en  effet  la  différence  de  la  Quinte  à  la 
Quarte. 

La  Diû\euxis  fe  trouvoit  ,  dans  leur  Mullque  ,  entre  la 
Mèfe  &  la  Paramèfe,  c'eft  -à-  dire  ,  entre  le  San  le  plus 
aigu  du  fécond  Tctracorde  &  le  plus  grave  du  troifieme  ; 
ou  bien  entre  la  Nete  Synnéménon  &  la  Paramèfe  hyper- 
boléon  ,  c'eft- à -dire  ,  entre  le  troisième  &  le  quatrième 
Tétracorde;  félon  que  la  Disjonction  fe  faifoit  dans  l'un  ou 
dans  l'autre  lieu  :  car  elle  ne  pouvoit  fe  pratiquer  à  la  fois 
dans  tous  les  deux. 

Les  Cordes  homologues  des  deux  Tétracordes ,  entre  les- 
quels il  y  avoit  Diayuxis  ,  fonnoient  la  Quinte ,  au  lieu  qu'elles 
fonnoient  la  Quarte  quand  ils  étoienr  conjoints. 

DIESER,  v.  a.  Ceft  armer  la  Clef  de  Dièfes  ,  pour  chan- 
ger l'ordre  &  le  lieu  des  femi-Tons  majeurs,  ou  donner  5 
quelque  Note  un  Dièfe  accidentel ,  foit  pour  le  Chant  ,  foir 
pour  la  Modulation.  (Voyez  DlgSB.) 

DLLSIS  ,  f.  nu   C'eft ,  félon  le   vieux    B-cchius  ,  le  plus 

perjf 


D    I    E 

petit  Intervalle  de  l'ancienne  Mufique.  Zarlin  dit  que  Phi- 
lolaiis  Pythagoricien,  donna  le  nom  de  Diéfis  au  Limm;i  ; 
mais  il  ajoute  peu  après  que  le  Diéfis  de  Pythagore  eft  la 
différence  du  Limma  &  de  l'Apotome.  Pour  Arif  loxène  ,  il 
divifoit  fans  beaucoup  de  façons  le  Ton  en  deux  parties  éga- 
les ;  ou  en  trois  ,  ou  en  quatre.  De  cette  dernière  divifîon 
réfultoit  le  Dièfe  enharmonique  mineur  ou  Quart-de-Ton  ;  de 
la  féconde  ,  le  Dièfe  mineur  chromatique  ou  le  tiers  d'un 
Ton  ;  &  de  la  troiiîeme  ,  le  Dièfe  majeur  qui  faifoit  jufte  un 
demi-Ton. 

DIESE  ou  DIESIS  ,  chez  les  Modernes ,  n'efr.  pas  pro- 
prement ,  comme  chez  les  Anciens ,  un  Intervalle  de  Mu- 
fique ;  mais  un  figne  de  cet  Intervalle  ,  qui  marque  qu'il 
faut  élever  le  Son  de  la  Note  devant  laquelle  il  fe  trouve  , 
au-deû*us  de  celui  qu'elle  devrait  avoir  naturellement;  (ans 
cependant  la  faire  changer  de  Degré  ni  même  de  nom. 
Or  comme  cette  élévation  fe  peut  faire  du  moins  de  trois 
manières  dans  les  Genres  établis,  il  y  a  trois  fortes  de  Dièjjs ; 
favoir , 

i°.  Le  Dièfe  enharmonique  mineur  ou  fimr'e  Dièfe  , 
qui  fe  figure  par  une  croix  de  Saint  André  ,  ainf.  à£" .  Selon 
tous  nos  Muficiens  ,  qui  fuivent  la  pratique  d  Ariitoxène  , 
il  élevé  la  Note  d'un  Quart-de-Ton  ;  mais  il  n'ell  propre- 
ment que  l'excès  du  fe  mi-Ton  majeur  fur  le  femi-Ton  mineur. 
Ainfi  du  mi  naturel  au  fa  Bémol ,  il  y  a  un  Dièfe  enharmo- 
nique dont  le  rapport  eft  de   125  à   128. 

2°.  Le  Dièfe  chromatique  ,  double  Dièfe  ou  Dièfe  ordi- 
naire ,    marqué  par  une  double  croix  -$£  élevé  la  Note  d'un 
Dicl.  de  Mufique.  Dd 


HO- 


D    I    S 


femi-Ton  mineur.  Cet  Intervalle  eft  égal  à  celui  du  Bémol  ; 
c'eft-à-dire  ;  la  différence  du  femi-Ton  majeur  au  Ton  mi- 
neur :  ainfi ,  pour  monter  d'un  Ton  depuis  le  mi  naturel ,  il 
faut  paffer  au  fa  Dièfe.  Le  rapport  de  ce  Dièfe  eft  de  14  a. 
15.  Voyez  fur  cet  Article  une  remarque  effentielle  au  mot 
femi-Ton. 

3°.  Le  Dièfe  enharmonique  majeur  ou  triple  Dièfe ,  mar- 
qué par  une  croix  triple  -W-  élevé  ,  félon  les  AriihoxénienS  , 

la  Note  d'environ  trois  quarts  de  Ton.  Zarlin  dit  qu'il  l'élevé 
d'un  femi-Ton  mineur;  ce  qui  ne  fauroit  s'entendre  de  notre 
femi-Ton ,  puifqu'alors  ce  Dièfe  ne  différerait  en  rien  de  notre 
Dièfe  chromatique. 

De  ces  trois  Dièfes,  dont  les  Intervalles  étoient  tous  pra- 
tiqués dans  la  Mufîque  ancienne ,  il  n'y  a  plus  que  le  chro- 
matique qui  foit  en  ufage  dans  la  nôtre  ,  l'Intonation  des 
Dièfes  enharmoniques  étant  pour  nous  d'une  difficulté  prefque 
infurmontable  ,  &  leur  ufage  étant  d'ailleurs  aboli  par  notre 
fyftême  tempéré. 

Le  Dièfe  ,  de  même  que  le  Bémol ,  fe  place  toujours 
a  gauche  ,  devant  la  Note  qui  le  doit  porter;  &  devant  ou 
après  le  chiffre,  il  fignitïe  la  même  chofe  que  devant  une 
Note.  (  Voyez  Chiffres.  )  Les  Dièfes  qu'on  mêle  parmi 
les  Chiffres  de  la  Baffe -continue  ,  ne  font  fouvent  que  de 
fimples  croix  comme  le  Dièfe  enharmonique  :  mais  cela  ne 
fauroit  caufer  d'équivoque,  puifque  celui-ci  n'elt  plus  en 
ufage. 

Il  y  a  deux  manières  d'employer  le  Dièfe  :  l'une  acciden- 
telle ,  quand  dans  le  cours  du  Chant  on  le  place  à  la  gauche 


D    I    E 


il  r 


d'une  Note.  Cette  Note  dans  les  Modes  majeurs  fe  trouve 
le  plus  communément  la  quatrième  du  Ton  ;  dans  les 
Modes  mineurs  ,  il  faut  le  plus  Couvent  deux  Dïèfts  acci- 
dentels ,  fur  -  tout  en  montant  ;  favoir ,  un  fur  la  fixieme 
Note ,  &  un  autre  fur  la  feptieme.  Le  Dïèfc  accidentel 
n'altère  que  la  Note  qui  le  fuit  immédiatement  ;  ou  ,  tout 
au  plus  ,  celles  qui  dans  la  même  Mefure  fc  trouvent  fur  le 
même  Degré ,  &  quelquefois  à  l'Octave  ,  fans  aucun  ligne 
contraire. 

L'autre  manière  eft  d'employer  le  Dièfe  à  la  Clef,  &  alors 
il  agit  dans  toute  la  fuite  de  l'Air  &  fur  toutes  les  Notes  qui 
font  placées  fur  le  même  Degré  où  eft  le  Dièfe  ,  à  moins 
qu'il  ne  foit  contrarié  par  quelque  Bémol  ou  Béquarrc  ,  ou 
bien  que  la  Clef  ne  change. 

La  pofition  des  Diêfes  à  la  Clef  n'eft  pas  arbitraire  ,  non 
plus  que  celle  des  Bémols;  autrement  les  deux  femi-Tons 
de  l'Octave  feroient  fujets  à  fe  trouver  entr'eux  hors  des 
Intervalles  preferits.  Il  faut  donc  appliquer  aux  Dièfcs  un 
raifonnement  femblable  à  celui  que  nous  avons  fait  au  mot 
Bémol ,  ôc  l'on  trouvera  que  l'ordre  des  Dufes  qui  con- 
vient à  la  Clef  eft  celui  des  Notes  fuivances  ,  en  commen- 
çant par  fa  &  montant  fuccefïïvement  de  Quinte  ,  ou  def- 
cendant  de  Quarte  jufqu'au  la  ,  auquel  on  s'arrête  ordinaire- 
ment, parce  que  le  Dièfe  du  mi,  qui  le  fuivroit,  ne  diffère 
point  du  fa  fur  nos  Claviers. 


Vd 


m  DIE 

Ordre   des    Dièses  a   la    Clef, 
Fa  ,   Ut  t  Sol ,  Re  ,   La  ,  &c. 

Il  faut  remarquer  qu'on  ne  fauroit  employer  un  Dièfe  à  la 
Clef  fans  employer  aulfi  ceux  qui  le  précèdent  ;  ainfî  le 
Dièfe  de  Yut  ne  fe  pofe  qu'avec  celui  du  fa  ;  celui  du  fol 
qu'avec  les  deux  précédens  ,  &c. 

J'ai  donné  ,  à\i  mot  Ckf  tranfpofée  ,  une  formule  pour 
trouver  tout  d'un  coup  fi  un  Ton  ou  Mode  doit  porter  des 
Dièfes  à  la  Clef,  &  combien. 

Voilà  l'acception  du  mot  Dièfe  ,  &  fon  ufage ,  dans  la 
pratique.  Le  plus  ancien  manufcrit  où  j'en  aie  vu  le  figne 
employé  ,  efr.  celui  de  Jean  de  Mûris  ;  ce  qui  me  fait  croire 
qu'il  pourroit  bien  être  de  fon  invention.  Mais  il  ne  paroît 
avoir  ,  dans  fes  exemples  ,  que  l'effet  du  Béquarre  :  aufTi  cet 
Auteur  donne-t-il  toujours  le  nom  de  Diéjis  au  femi-Ton 
majeur. 

On  appelle  Dièfe s ,  dans  les  calculs  harmoniques,  certains 
Intervalles  plus  grands  qu'un  Comma  &  moindres  qu'un  ftmi- 
Ton,  qui  font  la  différence  d'autres  Intervalles  engendres  par 
les  progrefTions  &  rapports  des  Confonnances.  II  y  a  trois 
de  ces  Dièfes.  i°.  le  Dièfe  majeur ,  qui  elt  la  différence  du 
femi-Ton  majeur  au  femi-Ton  mineur,  &  dont  le  rapport 
elt  de  us  à  118.  z°.  le  Dièfe  mineur,  qui  e(t  la  différence 
du  femi  -  Ton  mineur  au  Dièfe  majeur ,  &  en  rapport  de 
3071  à  3115.  30.  &  le  Dièfe  maxime ,  en  rapport  de  243  à 
250,  qui  elt  la  différence  du  Ton  mineur  au  femi-Ton  maxifl 
(  Voyez  Semi-Ton.  ) 


D     I     M  213 

Il  faut  avouer  que  tant  d'acceptions  diverfes  du  même 
mot  dans  le  même  Arc,  ne  font  gueres  propres  qu'à  caufer 
de  fréquentes  équivoques ,  &  à  produire  un  embrouillement 
continuel. 

DIEZEUGMENON ,  génit.fém.  plur.  Tétracorde  Die\eug- 
menon  ou  des  Séparées ,  eft  le  nom  que  donnoient  les  Grecs 
à  leur  troifieme  Tétracorde  ,  quand  il  étoit  disjoint  d'avec  le 
fécond.  (  Voyez  Tétracorde.  ) 

DIMINUE  ,  adj.  Intervalle  diminué  eft  tout  Intervalle 
mineur  dont  on  retranche  un  femi-Ton  par  un  Dièfe  à  la 
Note  inférieure  ,  ou  par  un  Bémol  à  la  fupérieure.  A  l'égard 
des  Intervalles  juftes  que  forment  les  Confonnances  par- 
faites,  lorfqu'on  les  diminue  d'un  femi-Ton  l'on  ne  doit 
point  les  appeller  Diminués  ,  mais  Faux  ;  quoiqu'on  dife 
quelquefois  mal-a-propos  Quarte  diminuée  ,  au  lieu  de  dire 
FaufTe -Quarte,  cV  Oclave  Diminuée,  au  lieu  de  dire  Faufle- 
Octave. 

DIMINUTION ,  f.  f.  Vieux  mot ,  qui  fignifioit  la  divi- 
sion d'une  Note  longue ,  comme  une  Ronde  ou  une  Blan- 
che ,  en  plufieurs  autres  Notes  de  moindre  valeur.  On  en- 
lendoit  encore  par  ce  mot  tous  les  Fredons  &  autres  paifa- 
ges  qu'on  a  depuis  appelles  Koulemens  ou  Roulades.  (Voyez 
ces  mots.  ) 

DIOXIE  ,  f.  f.  C'eft ,  au  rapport  de  Nicomaque ,  un  nom 
que  les  Anciens  donnoient  quelquefois  à  la  Confonnance  de 
la  Quinte ,  qu'ils  appelloient  plus  communément  Diapentc. 
(Voyez  Diapente. ) 

DIRECT,  adj.  Un  Intervalle  direct  eft  celui  qui  fait  un 


2i4  -  DIS 

Harmonique  quelconque  fur  le  Son  fondamental  qui  le  pro- 
duit. Ainfi  la  Quinte  ,  la  Tierce  majeure ,  l'Octave ,  &  leurs 
Répliques  font  rigoureufement  les  feuls  Intervalles  directs  : 
mais  par  extenfion  l'on  appelle  encore  Intervalles  directs 
tous  les  autres  ,  tant  confonnans  que  diffonans  ,  que  fait 
chaque  Partie  avec  le  Son  fondamental  pratique  ,  qui  eft  ou 
doit  être  au-deffous  d'elle  ;  ainfi  la  Tierce  mineure  eft  un 
Intervalle  direct  fur  un  Accord  en  Tierce  mineure  ,  &  de 
même  la  Septième  ou  la  Sixte-ajoutée  fur  les  Accords  qui 
portent  leur  nom. 

Accord  direct  eft  celui  qui  a  le  Son  fondamental  au  grave 
&  dont  les  Parties  font  diftribuées  ,  non  pas  félon  leur  or- 
dre le  plus  naturel  ,  mais  félon  leur  ordre  le  plus  rapproché. 
Ainfi  l'Accord  parfait  direct  n'eft  pas  Octave  ,  Quinte  & 
Tierce  ,  mais  Tierce  ,  Quinte  &  Octave. 

DISCANT  ou  DECHANT  ,f.m.  C'écoic,  dans  nos  an- 
ciennes Mufiques  ,  cette  efpece  de  Contre-point  que  com- 
pofoient  fur-le-champ  les  Parties  fupcrieures  en  chantant  im- 
promptu fur  le  Ténor  ou  la  Baffe  ;  ce  qui  fait  juger  de  la 
lenteur  avec  laquelle  devoir  marcher  la  Mufique ,  pour  pou- 
voir être  exécutée  de  cette  manière  par  des  Muficiens  aufîi 
ptu  habiles  que  ceux  de  ce  tems-là.  Difcantat ,  dit  Jean  de 
Maris ,  qui  fimul  cuin  uno  vc.l  plurilms  dukiter  cantat  ,  ut 
ex  dijiinctis  Sortis  Sonus  unusfiat,  non  unitate  Jîmpticiutis  t 
fed  dulcis  concordifque  mixtionis  unione.  Après  avoir  expli- 
qué ce  qu'il  entend  par  Confonnancts  ,  <5>:  le  choix  qu'il  con- 
vient de  faire  entr'cllcs  ,  il  reprend  aigrement  les  Chanteurs 
de   fon   tems   qui  les  pratiqaoient   prefqtic    indilléremmcnt, 


DIS  5r2 

«  De  quel    front ,  dir-il ,  fi  nos  Re°,les  font  bonnes  ,  ofent 
»  Déchanter  ou  compofer  le  Difcant  ,  ceux  qui  n'entendent 
»  rien  au  choix  des  Accords  ,  qui  ne  fe  doutent  pas  même 
»  de  ceux  qui  font  plus  ou   moins   concordans  ,  qui  ne  fa- 
»  vent  ni  desquels  il  faut  s'abftenir,  ni  defquels  on  doit  ufer 
»  le   pi  .s  fréquemment,  ni  dans  quels  lieux  il  les  fiut  em- 
m  ployer  ,  ni  rien  de   ce    qu'exige  la  pratique  de  l'Art  bien 
»  entendu  ?  S'ils   rencontrent  ,  c'eit  par  hafard  ;  leurs  Voix 
»   errent   fans    règle   fur  le    Ténor  :  qu'elles  s'accordent ,  fi 
»  Dieu  le  veut  ;  ils  jettent  leurs  Sons  à  l'aventure  ,  comme 
»  la  pierre  que  lance  au  but  une   main    mal-adroite ,  &  qui 
»  de  cent  fois   le  touche  à  peine  une  ».  Le  bon   Magiltcr 
Mûris   apostrophe  enfuite  ces  corrupteurs  de  la  pure  &  {im- 
pie Harmonie  ,  dont  fon  fiecle  abondoit  ainfi  que  le  nôtre. 
Heu  !  p ro h  dolor  !  His  temporibus  aliqui  fuum  deftelum  inepto 
proverbio  colorare  moliuntur.   Ifie  eft ,  inqitiunt ,  noms  difi- 
cantandi  modus  ,  novis  Jcilicet  uti  confonantiis.  OJfindunt  il 
intelleclum  eorum  qui  taies  defeclûs  agnofeunt ,  qff'endunt  fen- 
fuin  ;   nain  inducere  cuin  deberent  dekclationem  ,  adducunt 
triflitiam.  0  incongruum  proverbium  !  6  maïa  coloratio  !  ir- 
rationabilis  exeufatio  !  ô  magnus  abufus  ,  magna  ruditas  , 
magna  beflialitas  ,  ut  a  fi  nus  fumatur  pro  homme  ,  capra  pro 
leone  ,  ovis  pro  pifee  ,  ferpens  pro  falmone  !  Sic  enirn   con- 
cordiœ  confunduntur  cum  difeordiis  ,   ut  nullatenus  una  dij- 
tinguatur  ab  alià.  O  !  fi  antiqui  periti  Muficct  doclores  taies 
audiJJ'ent  Dif.antatores ,  quid  dixifient  ?  Cuid  fecijfent  ?  Sic 
difeantantem  increparent  ,  &  dicerent  :  Non  hune  difcaniuni 
quo  uteris  de  me  fuinis,  A'on  twim  cantum  unum  &  conçois 


iio  DIS 

dantem  cum  me  facis.  De  quo  te  intromïttis  ?  Mihi  non 
congruis ,  trahi  adverfarius ,  fcandalum  tu  mihi  es  ;  ô  utinam 
tacerjs  !  Non  concordas ,  fd  déliras  &  difcordas. 

DISCORDANT ,  adj.  On  appelle  ainfi  tout  Infiniment 
dont  on  joue  &  qui  n'elt  pas  d'accord ,  toute  voix  qui  chante 
faux  ,  toute  Partie  qui  ne  s'accorde  pas  avec  les  autres.  Une 
Intonation  qui  n'eit  pas  jufle  fait  un  Ton  faux.  Une  fuite 
de  Tons  faux  fait  un  Chant  difcordant  ;  c'eft  la  différence 
de  ces  deux  mots. 

DISDIAPASON ,  /  m.  Nom  que  donnoient  les  Grecs  à 
lTntervalle  que  nous  appelions  double    OcIav£. 

Le  Difdiapafon  elt  à-peu-près  la  plus  grande  étendue  que 
puiffent  parcourir  les  voix  humaines  fans  fe  forcer  ;  il  y  en  a 
même  affez  peu  qui  l'entonnent  bien  pleinement.  C'eft  pour- 
quoi les  Grecs  avoient  borné  chacun  de  leurs  Modes  a  cette 
étendue  &  lui  donnoient  le  nom  de  Syftéme  parfait.  (  Voy. 
Mode  ,  Genre  ,  Système.  ) 

DISJOINT  ,  adj.  Les  Grecs  donnoient  le  nom  relatif  de 
Disjoints  à  deux  Tétracordes  qui  fe  fuivoient  immédiate- 
ment ,  lorfque  la  corde  la  plus  grave  de  l'aigu  étoit  un  Ton 
au-deffus  de  la  plus  aiguë  du  grave  ,  au  lieu  d'être  la  même. 
Ainfi  les  deux  Tétracordes  Hypaton  &  Diezeugménon 
étoient  Disjoints  ,  &  les  deux  Tétracordes  Synnéménon  6c 
Hyperboléon  Tétoient  aufli.  (  Voyez  Tktracorde.  ) 

On  donne  ,  parmi  nous  ,  le    nom  de  Disjoins  aux  Inter- 
valles qui  ne  fe  fuivent  pas  immédiatement  ,   mais  font  fé- 
parés  par  un   autre   Intervalle.  Ainfi   ces  deux  Intervalles  ut 
mi  tk  fol  Ji  font  Di  joints.  Les  Degrés  qui  ne  font  p.-î  ton- 
us. 


DIS  «7 

joints  ,  mais  qui  font  compotes  de  deux  ou  plufieurs  De- 
grés conjoints,  s'appellent  auiïi  Degrés  Disjoints.  Ajnfi  cha- 
cun des  deux  Intervalles  dont  je  viens  de  parler  forme  un 
Degré  Disjoint. 

DISJONCTION.  C'étoit ,  dans  l'ancienne  Mufique  ,  l'ef- 
pace  qui  féparoit  la  Mcfe  de  la  Paramèfe  ,  ou  en  général 
un  Tétracorde  du  Tétracorde  voilin ,  lorfqu'tls  n'étoienr  pas 
conjoints.  Cet  efpace  étoit  d'uu  Ton ,  oc  s'appelloit  en  Grec 
Dia\euxis. 

DISSONANCE  ,  /  f.  Tout  Son  qui  forme  avec  un  au- 
tre ,  un  Accord  défagréable  à  l'oreille ,  ou  mieux  ,  tout  Inter- 
valle qui  n'eft  pas  confonnant.  Or  ,  comme  il  n'y  a  point 
d'autres  Confonnances  que  celles  que  forment  entr'eux  &. 
avec  le  fondamental  les  Sons  de  l'Accord  parfait ,  il  s'enfuit 
que  tout  autre  Intervalle  efl  une  véritable  DiJJonance  :  même 
les  Anciens  comptaient  pour  telles  les  Tierces  &  les  Sixtes, 
qu'ils  retranchaient  des  Accords  confonnans. 

Le  terme  de  DiJJbnance  vient  de  deux  mots  ,  l'un  Grec, 
l'autre  Latin ,  qui  lignifient  fonner  à  double.  En  effet  ,  ce 
qui  rend  la  Diffbnance  défagréable  ,  eit  que  les  Sons  qui  la 
forment ,  loin  de  s'unir  à  l'oreille ,  fe  repoulfent ,  pour  ainfï 
dire ,  &  font  entendus  par  elle  comme  deux  Sons  diftinéts , 
quoique  frappés  a  la  fois. 

On  donne  le  nom  de  JJiffbnance ,  tantôt  à  l'Intervalle  & 
tantôt  à  chacun  des  deux  Sons  qui  le  forment.  Mais  quoi- 
que deux  Sons  diflbnent  entr'eux  ,  le  nom  de  Diff'onancc  fe 
donne  plus  fpécialement  à  celui  des  deux  qui  eft  étranger  à 
l'Accord. 

DLL  de   Mufique»  Ec 


218  DIS 

Il  y  a  une  infinité  de  Diffbnances  poflibles  ;  mais  comme 
dans  la  Mufique  on  exclud  cous  les  Intervalles  que  le  Syltc- 
me  reçu  ne  fournit  pas ,  elles  fe  réduifent  à  un  petit  nombre  ; 
encore  pour  la  pratique  ne  doit-on  choifir  parmi  celles-là 
que  celles  qui  conviennent  au  Genre  &  au  Mode ,  &  enfin 
exclure  même  de  ces  dernières  celles  qui  ne  peuvent  s'em- 
ployer félon  les  règles  prefcrires.  Quelles  font  ces  règles  ? 
Ont-elles  quelque  fondement  naturel ,  ou  font-elles  purement 
arbitraires  ?  Voilà  ce  que  je  me  propofe  d'examiner  dans  cet 
Article. 

Le  principe  phyfique  de  l'Harmonie  fe  tire  de  la  produc- 
tion de  l'Accord  parfait  par  la  réfonnance  d'un  Son  quel- 
conque :  toutes  les  Confonnances  en  nahTent  ,  &  c'elt  la 
Nature  même  qui  les  fournit.  Il  n'en  va  pas  ainfi  de  la  Dif~ 
fonance  ,  du  moins  telle  que  nous  la  pratiquons.  Nous  trou- 
vons bien ,  fi  l'on  veut ,  fa  génération  dans  les  progrefïions 
des  Intervalles  confonnans  &  dans  leurs  différences  ;  mais 
nous  n'appercevons  pas  de  raifon  phyfique  qui  nous  autorifë 
à  l'introduire  dans  le  corps  même  de  l'Harmonie.  Le  P. 
JvL'rfenne  fe  contente  de  montrer  la  génération  par  le  calcul 
&  les  divers  rapports  des  Diffbnances ,  tant  de  celles  qui  font 
rejettécs  ,  que  de  celles  qui  font  admifes  ;  mais  il  ne  dit  rien 
du  droit  de  les  employer.  M.  Rameau  dix  en  termes  for- 
mels ,  que  la  Dijffbnance  n'eft  pas  naturelle  à  l'Harmonie  , 
&  qu'elle  n'y  peut  être  employée  que  par  le  fecours  de  l'Art. 
Cependant ,  dans  un  autre  Ouvrage  ,  il  efTaye  d'en  trouver 
le  principe  dans  les  rapports  des  nombres  &  les  proportions 
harmonique  &    arithmétique  ,  comme    s'il  y  avoit  quelque 


DIS  m-, 

identité  entre  les  propriétés  de  la  quantité  abftraite  &  les 
fenfations  de  l'ouïe.  Mais  après  avoir  bien  épuifé  des  analogies , 
après  bien  des  métamorphofes  de  ces  diverfes  proportions 
les  unes  dans  les  autres ,  après  bien  des  opérations  &  d'inu- 
tiles calculs,  il  iinit  par  établir,  fur  de  légères  convenances, 
la  Diffonance  qu'il  s'efr.  tant  donné  de  peine  à  chercher* 
Ainii ,  parce  que  dans  l'ordre  des  Sons  harmoniques  la  pro- 
portion arithmétique  lui  donne  ,  par  les  longueurs  des  cor- 
des ,  une  Tierce  mineure  au  grave  ,  (  remarquez  qu'elle  U 
donne  à  l'aigu  par  le  calcul  des  vibrations  )  il  ajoute  au 
grave  de  la  fous-Dominante  une  nouvelle  Tierce  mineure. 
La  proportion  harmonique  lui  donne  une  Tierce  mineure  à 
l'aigu  ,  (  elle  la  donnerait  au  grave  par  les  vibrations  )  & 
il  ajoute  à  l'aigu  de  la  Dominante  une  nouvelle  Tierce  mi- 
neure. Ces  Tierces  ainfi  ajoutées  ne  font  point ,  il  efl  vrai , 
de  proportions  avec  les  rapports  précédens  ;  les  rapports 
mêmes  qu'elles  devraient  avoir  fe  trouvent  altérés  ;  mais 
n'importe  :  M.  Rameau  fait  tout  valoir  pour  le  mieux  ;  la 
proportion  lui  fert  pour  introduire  la  Diffbnance  ,  &  le  défaut 
de  proportion  pour  la  faire  fenrir. 

L'illuitre  Géomètre  qui  a  daigné  interpréter  au  Public  le 
Syftême  de  M.  Rameau  ,  ayant  fupprimé  tous  ces  vains  cal- 
culs ,  je  fuivrai  fon  exemple ,  ou  plutôt  je  tranferirai  ce  qu'il 
dit  de  la  DiJTonance ,  &  M.  Rameau  me  devra  des  rcmer- 
cîmens  d'avoir  tiré  cette  explication  ,  des  Elément  de  Alu* 
Jique ,  plutôt  que  de  fes  propres  écrits. 

Suppofant  qu'on  connoifle  les  cordes  effentielles  du  Ton 
félon  le  Syftême  de  M.  Rameau  ;  favoir ,  dans  le  Ton  d'uf, 

Ee  x, 


ZIQ 


D    I    S 


la  Tonique  ut ,  la  Dominante  fol  &  la  fous-Dominante  fa\ 
on  doit  favoir  aufii  que  ce  même  Ton  d'ut  a  les  deux  cor- 
des ut  &  fol  communes  avec  le  Ton  de  fol ,  &  les  deux 
cordes  ut  &  fa  communes  avec  le  Ton  de  fa.  Par  conféquenî 
cette  marche  de  Baffe  ut  fil  peut  appartenir  au  Ton  d'ut 
ou  au  Ton  de  fol ,  comme  la  marche  de  Balle  fa  ut  ou  ut 
fa  ,  peut  appartenir  au  Ton  d'ut  ou  au  Ton  de  fa.  Donc  , 
quand  on  palTe  d'ut  k  fa  ou  à  fol  dans  une  BafTe-fbndamen- 
tale  ,  on  ignore  encore  jufques-là  dans  quel  Ton  l'on  elt.  Il 
feroit  pourtant  avantageux  de  le  favoir  &  de  pouvoir  ,  par 
quelque  moyen ,  difHnguer  le  générateur  de  fes  Quintes. 

On  obriendra  cet  avantage  en  joignant  enfemble  les  Sons 
fol  ôc  fa  dans  une  même  Harmonie;  c'eft-à-dire,  en  joi- 
gnant à  l'Harmonie  fol  fi  re  de  la  Quinte  fol  l'autre  Quinte 
fa ,  en  cette  manière  fol  fi  rt  fa  :  ce  fa  ajoute  étant  la  Sep- 
tième de  fol  fait   Dijfonance  :  c'eit  pour  cette    raifon  que 
l'Accord  fol  fi  re  fa  eft  appelle  Accord  dilîbnant  ou  Accord 
de  Septième.  Il  fert  à  diftinguer  la  Quinte  fol  du  générateur 
ut  ,  qui  porte   toujours  ,  fans    mélange   &    fans    altération , 
l'Accord  parfait  ut  mi  fol  ut ,   donné  par  la    nature  même. 
(  Voyez  Accord,  Consonnance  ,  Harmonie.  )   Par-là  on 
voit  que ,  quand  on  parle  d'ut  a  fol ,  on  pane  en  même  tems 
d'ut  à  fa ,  parce  que  le  fa  fe  trouve   compris  dans  l'Accord 
de  fol ,  &  le  Ton  d'ut   fe  trouve  ,  par  ce  moyen  ,  entiére- 
me;it  déterminé  ,  parce  qu'il  n'y  a  que  ce  Ton  feul  auquel 
les  Sois  fa  &  Jbl  appartiennent  à   la  fois. 

Voyons    maintenant  ,    continue    M.   d'Alerubcrt  ,    ce    que 
nous  ajouterons  à  l'Harmonie  fa  la  ut  de  la  Qi:ir.:c  fa   au- 


DIS  tisr 

defîbus  du  générateur,  pour  diitinguer  cette  Harmonie  de 
celle  de  ce  même  générateur.  Il  femble  d'abord  que  l'on 
doive  y  ajouter  l'autre  Quinte  fol ,  afin  que  le  générateur 
ut  partant.  \  fa ,  parte  en  même  tems  i/o/,  &  que  le  Ton 
foit  déterminé  par-l'j  :  mais  cette  introduction  de  fol  dans 
l'Accord  fa  la  ut ,  donnerait  deux  Secondes  de  fuite  ,  fa  fol, 
Jnl  la,  c'elt  -  à-dire ,  deux  DilTonances  dont  l'union  feroic 
trop  défagréable  à  l'oreille  ;  inconvénient  qu'il  faut  éviter  : 
car  fi ,  pour  diftinguer  le  Ton,  nous  altérons  l'Harmonie 
de  cette  Quinte  fa  ,  il  ne  faut  l'altérer  que  le  moins  qu'il 
ei\  poflible, 

C'e/t  pourquoi,  au  lieu  de  fol,  nous  prendrons  fe  Quints 
re  ,  qui  eft  le  Son  qui  en  approche  le  plus  ;  6c  nous  aurons 
pour  la  fous-Dominante  fa  l'Accord /h  la  ut  re ,  qu'on  appelle 
Accord  de  Grande-Sixte ,  ou  Sixte-ajoutée. 

On  peut  remarquer  ici  l'analogie  qui  s'obferve  entrs 
l'Accord  de  la  Dominante  fol,  &  celui  de  la  fous -Domi- 
nante fa. 

La  Dominante  fol,  en  montant  au-dcfîiis  du  générateur» 
a  un  Accord  tout  compofé  de  Tierces  en  montant  depuis 
fol  ;  fol  Ji  re  fa.  Or  la  fous- Dominante  fa  étant  au-dertbi.s 
du  générateur  ut,  on  trouvera,  en  defeendant  d\it  vers  fa 
par  Tierces ,  ut  la  fa  re  ,  qui  contient  les  mêmes  Sons  que 
l'Accord  fa  la  ut  re  donne  à  la  fous-Dominante  fa. 

On  voit  de  plus,  que  l'altération  de  l'Harmonie  des  deux 
Quintes  ne  confifle  que  dans  la  Tierce  mineure  r:  fa  ,  ou 
fa  re  ,  ajoutée  de  part  &  d'autre  h  FI  larmonie  de  ces  deuK 
Quintes. 


111 


D    I    S 


Cette  explication  efl  d'autant  plus  ingénieufe ,  qu'elle  montre 
à  là  fois  l'origine ,  l'ufage  ,  la  marche  de  la  Dijjbnancz  ,  fon 
rapport  intime    avec   le    Ton,  &  le   moyen  de  déterminer 
réciproquement  l'un  par  l'autre.   Le  défaut  que  j'y   trouve  ,  ' 
mais  défaut  efientiel  qui    fait   tout   crouler  ,   c'eft   l'emploi 
d'une   corde    étrangère   au    Ton ,    comme    corde    effentielle 
du  Ton;   &  cela    par  une   faufle    analogie  qui  ,  fervant  de 
bnfe  au  Syftême  de  M.  Rameau,  le  détruit  en  s'évanouiiïant. 
Je  parle  de  cette  Quinte  au  -  defïbus  de   la  Tonique ,  de 
cette  fous-Dominante  entre  laquelle  &  la  Tonique  on  n'ap- 
perçoit  pas  la  moindre  liaifon    qui  puilTe  autorifer  l'emploi 
de  cette  fous-Dominante  ,  non-feulement  comme  corde   ef- 
fentielle  du  Ton,  mais  même  en  quelque  qualité  que  ce  puilTe 
être.  En  effet,  qu'y  a-t-il  de  commun  entre  la  réfonnance, 
le  frémiffement  des  Uniifons  d'ur,  &  le  Son  de  fa  Quinte  en 
deifous  ?  Ce  n'eit  point  parce  que  la  corde  entière  eft  un  fa , 
que  fes  aliquotes  réforment  au  Son  d'ut ,  mais  parce  qu'elle 
elt  un  multiple   de  la  corde  ut ,  ôc  il  n'y  a  aucun  des  mul- 
tiples de   ce  même   ut  qui  ne  donne  un  femblable  phéno- 
mène. Prenez  le   feptuple ,    il  frémira  &   réfonnera  dans  fes 
Parties  ainfi  que   le   triple  ;  ell-ce  à  dire  que  le   Son  de  ce 
feptuple    ou    Cgs   Octaves    foient  des  cordes    eflenrielles   du 
Ton  ?  Tant  s'en  faut ,  puifqu'il  ne  forme  pas  même  avec  la 
Tonique  un  rapport  commenfurable  en  Notes. 

Je  fais  que  M  Rameau  a  prétendu  qu'au  Son  d'une  corde 
quelconque,  une  autre  corde  h  Cd  douzième  en  defTous  fie- 
miiïbit  fans  réformer;  mais,  outre  que  c'eir  un  étrange  phé- 
nomène en  acoulhque   qu'une   corde  fonore  qui  vibre  &.  ne 


DIS 

Téfonne  pas ,  il  eft  maintenant  reconnu  que  cette  prétendue 
expérience  eft  une  erreur ,  que  la  corde  grave  frémit  parce 
qu'elle  fe  partage  ,  &  qu'elle  paroît  ne  pas  réformer  parce 
qu'elle  ne  rend  dans  fes  Parties  que  l'UnilIbn  de  l'aigu ,  qui 
ne  fe  distingue  pas  aifément. 

Que  M.  Rameau  nous  dife  donc  qu'il  prend  la  Quinte  en 
defTous ,  parce  qu'il  trouve  la  Quinte  en  delfus  ,  &  que  ce  jeu 
des  Quintes  lui  paroît  commode  pour  établir  fon  Syf tême  ; 
on  pourra  le  féliciter  d'une  ingénieufe  invention  :  mais  qu'il 
ne  l'autorife  point  d'une  expérience  chimérique ,  qu'il  ne  fe 
tourmente  point  à  chercher  dans  les  renverfemens  des  pro- 
portions harmonique  &  arithmétique  les  fondemens  de  l'Har- 
monie ,  ni  à  prendre  les  propriétés  des  nombres  pour  celles 
des  Sons. 

Remarquée  encore  que  Ci  la  contre -génération  qu'il  fup- 
pofe  pouvoit  avoir  lieu ,  l'Accord  de  la  fous-Dominante  fa 
ne  devroit  point  porter  une  Tierce  majeure  ,  mais  mineure , 
parce  que  le  la    Bémol   elt    l'Harmonique  véritable  qui  lui 

«     »     ? 
eft.  afïigné  par  ce  renverfement  ut  Ja  la  b.  De  forte  qu'à  ce 

compte  la  Gamme  du  Mode  majeur  devroit  avoir  naturelle- 
ment la  Sixte  mineure;  mais  elle  l'a  majeure,  comme  qua- 
trième Quinte,  ou  comme  Quinte  de  la  féconde  Note  :  ainfi 
voilà  encore  une  contradiction. 

Enfin,  remarquez  que  la  quatrième  Note  donnée  parla  férié 
des  aliquotes,  d'où  naît  le  vrai  Diatonique  naturel,  n'eft  point 
l'Octave  de  la  prétendue  fous-Dominante  dans  le  rapport  de 
4  à  3  »  mais  une  autre  quatrième  Note  toute  différente  d-jQS 


Z24  DIS 

le  rapport  de  1 1  à  8  ,  ainfi  que  tout  Théoricien  doit  l'apper- 
cevoir  au  premier  coup  -  d'oeil. 

J'en  appelle  maintenant  à  l'expérience  &  à  l'oreille  des  Mu- 
ficiens.  Qu'on  écoute  combien  la  Cadence  imparfaite  de  la 
fous- Dominante  à  la  Tonique  eft  dure  &  fauvage,  en  compa- 
raifon  de  cette  même  Cadence  dans  fa  place  naturelle ,  qui  eft  de 
la  Tonique  à  la  Dominante.  Dans  le  premier  cas,  peut -on 
dire  que  l'oreille  ne  defire  plus  rien  après  l'Accord  de  la  To- 
nique ?  N'attend-on  pas,  malgré  qu'on  en  ait,  une  fuite  ou 
une  fin?  Or,  qu'eft-ce  qu'une  Tonique  après  laquelle  l'o- 
reille defire  quelque  chofe  ?  Peut -on  la  regarder  comme  une 
véritable  Tonique,  Se  n'eft-on  pas  alors  réellement  dans  le 
Ton  de  fa,  tandis  qu'on  penfc  être  dans  celui  cVut?  Qu'on 
obferve  combien  l'Intonation  diatonique  &  fucceflïve  de  la 
quatrième  Note  &  de  la  Note  fenfible  ,  tant  en  montant  qu'en 
defeendant ,  paroît  étrangère  au  Mode ,  &  même  pénible  à 
la  Voix.  Si  la  longue  habitude  y  accoutume  l'oreille  &  la  Voix 
du  Muficien ,  la  difficulté  des  Commençons  à  entonner  cette 
Note  doit  lui  montrer  afiez  combien  elle  eit  peu  naturelle. 
On  attribue  cette  difficulté  aux  trois  Tons  confécutifs  :  ne 
devroit-on  pas  voir  que  ces  trois  Tons  confécutifs,  de  même 
que  la  Note  qui  les  introduit ,  donnent  une  Modulation  bar- 
bare qui  n'a  nul  fondement  dans  la  Nature  ?  Elle  avoit  apu- 
rement mieux  guidé  les  Grecs  ,  lorfqu'ellc  leur  fit  ara 
leur  Tétracordc  précifément  au  mi  de  notre  Echelle;  c'eft- 
à-dire ,  à  la  Note  qui  précède  cette  quao  k  tnej  ils  aimèrent  mieux 
prendre  cette  quatrième  eo  d<  I  ,  &  ils  trouva 
feur  feule  oreille,  ce  que  toute  notre  théorie  harmonique  .n'a  pà 
encore  dous  faire  appercevoir. 


DIS  ti$ 

Si  le  témoignage  de  l'oreille  &  celui  de  la  raifon  fc  réu- 
nifient} au  moins  dans  le  Syitéme  donné  pour  rejetter  1* 
prétendue  fous  -  Dominante ,  non-feulement  du  nombre  des 
cordes  efïentielles  du  Ton,  mais  du  nombre  des  Sons  qui 
peuvent  entrer  dans  l'Echelle  du  Mode ,  que  devient  toute 
cette  théorie  des  Diffbnances  ?  que  devient  l'explication 
du  Mode  mineur  ?  que  devient  tout  le  Syltéme  de  M. 
Rameau  ? 

N'appcrcevant  donc ,  ni  dans  la  phyfique  ,  ni  dans  le  cal- 
cul .,  la  véritable  génération  de  la  DiJJonance ,  je  lui  cher- 
chois  une  origine  purement  mécanique ,  &  c'eit  de  la  ma- 
nière fuivante  que  je  tâchois  de  l'expliquer  dans  l'Encyclo- 
pédie ,   fans  m'écarter  du  Syitéme  pratique  de   M.  Rameau. 

Je  fuppofe  la  néceffité  de  la  DiJ/ônancc  reconnue.  (  Voyez 
Harmonie  &  Cadence.  )  Il  s'agit  de  voir  où  Ton  doit 
prendre  cette  Difibnance  &c  comment  il  faut  remployer. 

Si  l'on  compare  fucceffivement  tous  les  Sons  de  l'Echelle 
Diatonique  avec  le  Son  fondamental  dans  chacun  des  deux- 
Modes  ,  on  n'y  trouvera  pour  toute  DiJJbnancc  que  la  Se- 
conde ,  &  la  Septième ,  qui  n'eft  qu'une  Seconde  rcnvei  - 
fée ,  &  qui  fait  réellement  Seconde  avec  l'Octave.  Que  ta 
Septième  foit  renverfée  de  la  Seconde  ,  èc  non  la  Seconde 
de  la  Septième ,  c'eft  ce  qui  eft  évident  par  Texpreflion 
des  rapports  :  car  celui  de  la  Seconde  8.  9.  étant  plus 
fimple  que  celui  de  la  Septième  9.  16.  l'Intervalle  qu'il 
repréfente  n'eft  pas,  par  confequent,  l'engendré,  mais  le 
générateur. 

Je  fais  bien  que  d'autres  Intervalles  altérés  peuvent  deve- 
Dicï.  de  Mufiquc.  Ff 


130  DIS 

II  faut  remarquer  encore  que  ces  deux  Dijjbnances  ;  favoir, 
la  Sixre  majeure  &  la  Septième  mineure  ,  ne  différent  que 
d'un  femi-Ton ,  &  différeroient  encore  moins  fi  les  Intervalles 
étoient  bien  juftes.  A  l'aide  de  cette  obfervation  l'on  peut 
tirer  du  principe  de  la  réfonnance  une  origine  très-approchée 
de  l'une  &  de  l'autre ,  comme  je  vais  le  montrer. 

Les  Harmoniques  qui  accompagnent  un  Son  quelconque 
ne  fe  bornent  pas  à  ceux  qui  compofent  l'Accord  parfait.  U 
y  en  a  une  infinité  d'autres  moins  fenfibles  à  mefure  qu'ils 
deviennent  plus  aigus  &  leurs  rapports  plus  compofés  ,  & 
ces  rapports  font  exprimes  par  là  férié  naturelle  des  aliquo- 
tes  îjîfsf»  &c.  Les  fix  premiers  termes  de  cette  férié 
donnent  les  Sons  qui  compofent  l'Accord  parfait  &  fes  Ré- 
pliques ,  le  feptieme  en  eft  exclus  ;  cependant  ce  feptieme 
terme  entre  comme  eux  dans  la  réfonnaHce  totale  du  Son 
générateur  ,  quoique  moins  fenfiblement  :  mais  il  n'y  encre 
point  comme  Confonnance  ;  il  y  entre  donc  comme  Dijfo- 
nance ,  &  cette  Diffonance  eft  donnée  par  la  Nature.  Relie 
à  voir  fon  rapport  avec  celles  dont  je  viens  de  parler. 

Or  ce  rapport  eft  intermédiaire  entre  l'un  &  l'autre  &  fort 
rapproché  de  tous  deux  ;  car  le  rapport  de  la  Sixte  majeure 
eft  },  &  celui  de  la  Septième  mineure  &.  Ces  deux  rapports 
réduits  aux  mêmes  termes  font  |*  ce  *£• 

Le  rapport  de  l'aliquote  y  rapproché  au  fimplc  par  fes 
O&aves  eft  ^,  &  ce  rapport  réduit  au  même  terme  avec  les 
précédera  fe  trouve  intermédiaire  entre  les  deux  ,  de  cette 
manière  i'-j  \\%  \l\;  où  l'on  voit  que  ce  rapport  moyen  lie 
diffère  de  la  S ure  que  d'un  ,'<  ,  ou  à-peu-près  deux 


DIS  »„ 

Commi ,  &  de  la  Septième  mineure  que  d'un  — s  qui  eft 
beaucoup  moins  qu'un  Comma.  Pour  employer  les  mêmes 
Sons  dans  le  genre  Diatonique  &  dans  divers  Modes,  il  a 
falu  les  altérer;  mais  cette  altération  n'elt  pas  aflez  grande 
pour  nous  faire  perdre  la  trace  de  leur  origine. 

J'ai  fait  voir ,  au  mot  Cadence ,  comment  l'introduftion  de 
ces  deux  principales  DiJJbnances  ,  la  Septième  &  la  Sixte - 
ajoutée ,  donne  le  moyen  de  lier  une  fuite  d'Harmonie  en  la 
faifant  monter  ou  defeendre  à  volonté  par  l'entrelacement  des 
UiJJ'onances. 

Je  ne  parle  point  ici  de  la  préparation  de  la  DiJJbnance  , 
moins  parce  qu'elle  a  trop  d'exceptions  pour  en  faire  une 
règle  générale  ,  que  parce  que  ce  n'en  eft  pas  ici  le  lieu» 
(  Voyez  Préparer.  )  A  l'égard  des  Dijjbnances  par  fup- 
pofition  ou  par  fufpenfion  ,  voyez  aufli  ces  deux  mots.  En- 
fin ,  je  ne  dis  rien  non  plus  de  la  Septième  diminuée  ;  Ac- 
cord fingulier  dont  j'aurai  occafion  de  parler  au  mot  Enhar- 
monique. 

Quoique  cette  manière  de  concevoir  la  Diffbnance  en  donne 
une  idée  alfez  nette  ,  comme  cette  idée  n'eft  point  tirée 
du  fond  de  l'Harmonie  ,  mais  de  certaines  convenances  en- 
tre les  Parties,  je  fuis  bien  éloigné  d'en  faire  plus  de  cas 
qu'elle  ne  mérite  ,  &  je  ne  l'ai  jamais  donnée  que  pour  ce 
qu'elle  valoit  ;  mais  on  avoit  jufqu'ici  raifonné  fi  mal  fur 
la  DiJJbnance  ,  que  je  ne  crois  pas  avoir  fait  en  cela  pis  que 
les  autres.  M.  Tartini  eft  le  premier  ,  &  jufqu'a  présent  le 
feul  qui  ait  déduit  une  Théorie  des  Dijfonancts  des  vrais 
principes  de    l'Harmonie.  Pour  éviter  d'inutiles  répétitions 


zi8  DIS 

doit  faire  liaifon  dans  l'Accord  fuivanr.  L'Intervalle  que  doit 
former  la  BafTe  -  fondamentale  en  quittant  l'Accord  ,  doit 
donc  être  déterminé  fur  ces  deux  conditions  ;  i°.  que  l'Oc- 
tave du  Son  fondamental  précédent  puiffe  refter  en  place 
après  l'Accord  de  Septième  ,  la  Quinte  après  l'Accord  de 
Sixte-ajoutée  ;  i°.  que  le  Son  fur  lequel  fe  réfout  la  DiJJb- 
nance  foit  un  des  Harmoniques  de  celui  auquel  palTe  la  BafTe- 
fondamentale.  Or  le  meilleur  mouvement  de  la  Baffe  étant 
par  Intervalles  de  Quinte  ,  fi  elle  defcend  de  Quinte  dans 
le  premier  cas  ,  eu  qu'elle  monte  de  Quinte  dans  le  fé- 
cond ,  toutes  les  conditions  feront  parfaitement  remplies  , 
comme  il  eft  évident ,  par  la  feule  infpeclion  de  l'exemple  , 

n  a.  Fïg.  9. 

De- là  on  tire  un  moyen  de  connoître  à  quelle  corde  du 
Ton  chacun  de  ces  deux  Accords  convient  le  mieux.  Quel- 
les fent  dans  chaque  Ton  les  deux  cordes  les  plus  efTen- 
tielles  ?  C'eft  la  Tonique  &  la  Dominante.  Comment  la 
Balte  peut-elle  marcher  en  defeendant  de  Quinte  fur  deux 
cordes  eflentielles  du  Ton  ?  C'eft  en  paifant  de  la  Domi- 
nante a  la  Tonique  :  donc  la  Dominante  eft  la  corde  à  la- 
quelle convient  le  mieux  l'Accord  de  Septième.  Comment 
la  BafTe  en  montant  de  Quinte  peut-elle  marcher  fur  deux 
cordes  eflentielles  du  Ton  ?  C'eli  en  pafiant  de  la  Tonique 
à  la  Dominante  :  donc  la  Tonique  eft  la  corde  à  laquelle 
convient  l'Accord  de  Sixte -ajoutée.  Voilà  pourquoi  ,  dans 
l'exemple,  j'ai  donné  un  Dièfe  au  fa  de  l'Accord  qui  fuit 
celui-14  :  car  le  re  étant  Dominante-Tonique  doit  porter  la 
Tierce  majeure.  La  Bj(H'  peut  avoir  d'auttes  mari. lies  ;  mats 


DIS 

ce  font-là  les  plus  parfaites,  &  les  deux  principales  Cadences 
(  Voyez  Cadknce.  ) 

Si  l'on  compare  ces  deux  DiJJ'onances  avec  le  Son  fon- 
damental ,  on  trouve  que  celle  qui  defeend  elt  une  Septième 
mineure ,  &  celle  qui  monte  une  Sixte  majeure ,  d'où  l'on 
tire  cette  nouvelle  règle  que  les  DiJJ'onances  majeures  doivent 
monter  ,  &  les  mineures  defeendre  :  car  en  général  un 
Intervalle  majeur  a  moins  de  chemin  à  faire  en  montant  , 
&  un  Intervalle  mineur  en  defeendant  ;  6c  en  général  auiïï  , 
dans  les  marches  Diatoniques  ,  les  moindres  Intervalles  font  à 
préférer. 

Quand  l'Accord  de  Septième  porte  Tierce  majeure ,  cette 
Tierce  fait,  avec  la  Septième  ,  une  autre  DiJJbnance  qui  elt 
la  Fauiïe  -  Quinte  ,  ou  ,  par  renverfement  ,  le  Triton.  Cette 
Tierce,  vis-à-vis  de  la  Septième,  s'appelle  encore  Dijfo- 
nanec  majeure ,  6c  il  lui  eft  preferit  de  monter  ,  mais  c'efè 
en  qualité  de  Note  fenfible  ;  6c  fans  la  Seconde  ,  cette  préten- 
due Dijfonana  n'exiiteroit  point  ou  ne  feroit  point  traitée 
comme  telle. 

Une  obfervation  qu'il  ne  faut  pas  oublier  eft ,  que  les 
deux  feules  Notes  de  l'Echelle  qui  ne  fe  trouvent  point  dans 
les  Harmoniques  des  deux  cordes  principales  ut  6c  fol ,  font 
précifément  celles  qui  s'y  trouvent  introduites  par  la  Diffb- 
nance ,  6c  achèvent,  par  ce  moyen,  la  Gamme  Diatonique, 
qui ,  fans  cela ,  feroit  imparfaite  :  ce  qui  explique  comment 
le  fa  6c  le  lu  ,  quoiqu'étrangers  au  Mode,  fc  trouvent  dai.s 
fon  Echelle  ,  6c  pourquoi  leur  Intonation  ,  toujours  rude 
malgré  l'habitude  ,  éloigne  l'idée  du  Ton  principal- 


%z6  DIS 

nir  difîbnans  ;  mais  fi  la  Seconde  ne  s'y  trouve  pas  exprimée 
ou  fous-entendue ,  ce  font  feulement  des  accidens  de  Modu- 
lation auxquels  l'Harmonie  n'a  aucun  égard,  &  ces  Diffbnances 
ne  font  point  alors  traitées  comme  telles.  Ainfi  c'efr,  une 
chofe  certaine  qu'où  il  n'y  a  point  de  Seconde  il  n'y  a  poinc 
de  Dijfonance  ;  &  la  Seconde  eit  proprement  la  feule  DiJTo- 
nonce  qu'on  puiiïe  employer. 

Pour  réduire  toutes  les  Confbnnances  à  leur  moindre  ef- 
pace ,  ne  fortons  point  des  bornes  de  l'Octave  ,  elles  y  fonc 
toutes  contenues  dans  l'Accord  parfait.  Prenons  donc  cet 
Accord  parfait ,  fotfi  refol,  &  voyons  en  quel  lieu  de  cet 
Accord  ,  que  je  ne  fuppofe  encore  dans  aucun  Ton  ,  nous 
pourrions  placer  une  DiJJbnancs ;  c'eft-i-dire,  une  Seconde, 
pour  la  rendre  le  moins  choquante  à  l'oreille  qu'il  efè  pof- 
fible.  Sur  le  la  entre  le  fol  &  le  Ji ,  elle  feroit  une  Seconde 
avec  l'un  &  avec  l'autre  ,  &  par  conféquent  dilToneroit  dou- 
blement. Il  en  feroit  de  même  entre  le  //  &  le  re ,  comme 
entre  tout  Intervalle  de  Tierce  :  refte  l'Intervalle  de  Quarte 
entre  le  re  &  le  fol.  Ici  Ton  peut  introduire  un  Son  de  deux 
manières  ;  i°.  on  peut  ajouter  la  Note  fa  qui  fera  Seconde 
avec  le  fol  &  Tierce  avec  le  re  ;  i°.  ou  la  Note  mi  qui 
fera  Seconde  avec  le  re  &  Tierce  avec  le  fol.  11  elt  évident 
qu'on  aura  de  chacune  de  ces  deux  manières  la  DiJJhna 
la  moins  dure  qu'on  puiffe  trouver,  car  elle  ne  ditîb.nera 
qu'avec  un  feul  Son ,  &  elle  engendrera  une  nouvelle  Tierce 
qui ,  aufli-bien  que  les  deux  précédentes  ,  contribuera  à  la 
douceur  de  l'Accord  total.  D'un  côté  nous  aurons  l'Accord 
de  Septième,  &  de  l'autre  celui  de   Sixte -ajoutée,  les  deux 


DIS  iî7 

fculs  Accords  diflbnans  admis  dans  le  Syflémc  de  la  Daiïc- 
fondamentale. 

Il  ne  fuffit  pas  de  faire  entendre  la  Difitnance  ,  il  fur 
la  réfoudre  ;  vous  ne  choquez  d'abord  ['oreille  que  pour  la 
flatter  enfuite  plus  agréablement.  Voilà  deux  Sons  joints  : 
d'un  côté  la  Quinte  &  la  Sixte  ,  de  l'autre  la  Septième  & 
J'Oclave  ;  tant  qu'ils  feront  ainfi  la  Seconde  ,  ils  relieront 
diflbnans  :  mais  que  les  Parties  qui  les  font  entendre  s'é- 
loignent d'un  Degré  ;  que  l'une  monte  ou  que  l'autre  des- 
cende diatoniquement ,  votre  Seconde ,  de  part  &  d'autre  , 
fera  devenue  une  Tierce  ;  c'efi-à-dire  ,  une  des  plus  agréa- 
bles Confonnances.  Ainfi  après  fol  fa  ,  vous  aurez  fol  mi , 
ou  fa  la  y  &c  après  re  mi ,  mi  ut ,  ou  rt  fa  ;  c'eft  ce  qu'on 
appelle  fauver  la  Diffcnance. 

Refte  h  déterminer  lequel  des  deux  Sons  joints  doit  mon- 
ter ou  defeendre  ,  &  lequel  doit  refter  en  place  :  mais  le 
motif  de  détermination  faute  aux  yeux.  Que  la  Quinte  ou 
l'Octave  reftent  comme  cordes  principales  ,  que  la  Sixte 
monte ,  &  que  la  Septième  defeende  ,  comme  Sons  accef- 
foires  ,  comme  Dijfonances.  De  plus  ,  fi ,  des  deux  Sons 
joints  ,  c'efr.  à  celui  qui  a  le  moins  de  chemin  à  faire  de 
marcher  par  préférence  ,  le  fa  defeendra  encore  fur  le  mi , 
après  la  Septième ,  &  le  mi  de  l'Accord  de  Sixte-ajoutée 
montera  fur  le  fa  :  car  il  n'y  a  point  d'autre  marche  plus 
courte  pour  fauver  la  Ditf'onance. 

Voyons  maintenant  quelle  marche  doit  faire  le  Son  fon- 
damental relativement  au  mouvement  afïigné  à  la  Diffb- 
n.iricc,  Puifquc  l'un  des  deux  Sons  joints  relie  en  place,  il 


M* 


D    I    S 


je  renvoie  là-defTus  au  mot  Syflême ,  ou  j'ai  fait  l'expofition 
du  fien.  Je  m'abitiendrai  de  juger  s'il  a  trouvé  ou  non  celui 
de  la  Nature  :  mais  je  dois  remarquer  au  moins  que  les 
principes  de  cet  Auteur  paroiiïent  avoir  dans  leurs  confé- 
quences  cette  univerfalité  &  cette  connexion  qu'on  ne  trouve 
gueres   que  dans  ceux   qui  mènent  à  la  vérité. 

Encore  une    obfervation  avant  de  finir  cet  Article.  Tout 
Intervalle   commenfurable  eit  réellement  confonnant  :  il  n'y 
a  de  vraiment  difibnans  que  ceux  dont  les  rapports  font  ir- 
rationnels ;  car  il   n'y   a  que   ceux-là  auxquels  on  ne  puiiïe 
afligner  aucun  Son  fondamental  commun.  Mais  pa(Té  le  point 
où  les  Harmoniques  naturels  font  encore  fenfibles,  cette  con- 
fonnance    des   Intervalles   commenfurables   ne   s'admet   plus 
que  par  induction.   Alors  ces  Intervalles  font  bien   partie  du 
Sy'tcme  Harmonique ,  puifqu'ils  font  dans  l'ordre  de  fa  gé- 
nération naturelle  &  fe  rapportent  au  Son  fondamental  com- 
mun ;  mais  ils  ne  peuvent  être  admis  comme  Confonnans 
p.;r  l'oreille,  parce  qu'elle  ne  les  apperçoit  point  dans  l'Har- 
monie naturelle  du  corps  fonore.  D'ailleurs,  plus  l'Intervalle  fe 
compofe ,  plus  il  s'élève  h  l'aigu  du  Son  fondamental  ;  ce  qui 
fc  prouve  par   la  génération  réciproque  du  Son  fondamental 
&  des  Intervalles  fupérieurs.  (  Voyez  le  Syftême  de  M.  Tar- 
tini.  )  Or ,  quand  la  diftance   du   Son  fondamental   au  plus 
aigu  de  l'Intervalle  générateur  ou  engendré  ,  excède  l'éten- 
due   du    Sydcme   Muficul    ou    appréciable  ,  tout   ce    qui   efl 
au-delà   de  cette  étendue   devant  être  cenfé  nul ,  un  tel   In- 
tervalle n'a  point  de  fondement  fenfible  &  doit  être   n  jette 
rie  la  pratique  ou  feulement  admis  comme  Diflbnant.  Voilà, 

non 


DIS  23J 

non  le  Syftéme  de  M.  Rameau  ,  ni  celui  de  M.  Tartini ,  ni 
le  mien  ,  mais  le  texte  de  la  Nature  ,  qu'au  relie  je  n'en- 
treprends pas  d'expliquer. 

DISSONANCE  MAJEURE  ,  cft  celle  qui  fe  fauve  en 
mourant.  Cette  DiJJ'onanee  n'eft  telle  que  relativement  à  la 
Dijf'onance  mineure  ;  car  elle  fait  Tierce  ou  Sixte  majeure 
fur  le  vrai  Son  fondamental ,  &  n'eft  autre  que  la  Note  fèn- 
iîble  ,  dans  un  Accord  Dominant ,  ou  la  Sixte  -  ajoutée  dans 
fon  Accord. 

DISSONANCE  MINEURE  ,  cft  celle  qui  fc  fauve  en 
defeendant  :  c'eft  toujours  la  Diffbnance  proprement  dite  ; 
c'elt-i-dire ,  la  Septième   du  vrai  Son  fondamental. 

La  Diflonance  majeure  eft  aufii  celle  qui  fe  forme  par 
un  Intervalle  fuperflu  ,  &  la  DiJ/onance  mineure  eft  celle  qui 
fe  forme  par  un  Intervalle  diminué.  Ces  diverfes  acceptions 
viennent  de  ce  que  le  mot  même  de  Dijjbnance  eft  équi- 
voque ck  fignifie  quelquefois  un  Intervalle  &  quelquefois 
un  fimple  Son. 

DISSONANT  ,  partie.  (  Voyez  Dissoner.  ) 

DISSONER  ,  v.  n.  Il  n'y  a  que  les  Sons  qui  dijfonent  , 
&  un  Son  dijfone  quand  il  forme  Difîbnance  avec  un  autre 
Son.  On  ne  dit  pas  qu'un  Intervalle  dijjbne  ,  on  dit  qu'il  eft 
Diffamant. 

DITHYRAMBE,/  m.  Sorte  de  Chanfon  Grecque  en 
l'honneur  de  Hacchus,  laquelle  fe  chantoit  fur  le  Mode  Phry- 
gien, &  fe  fentoit  du  feu  &  de  la  gaieté  qu'infpire  le  Dieu 
auquel  elle  étoit  confacrée.  Il  ne  faut  pas  demander  fi  nos 
Littérateurs  modernes ,  toujours  fages  &  comparés  ,  fe  font 
Oui.  de  Mujiguc,  Gj 


■S 


*34  OIT 

lui-  la  fougue  &  le  défordre  des  Dithyrambes.  C7ei1 
foit  mal  fait  ,  fans  doute ,  de  s'enivrer ,  fur-tout  en  l'honneur 
de  la  Divinité  ;  mais  j'aimerois  mieux  encore  être  ivre  moi- 
même  ,  que  de  n'avoir  que  ce  for  bon-fens  qui  mefure  fur  la 
froiie  raifon  tous  les  difeours  d'un  homme  échauffé  par 
le  vin. 

DITON,/.  m.  C'eft  dans  la  Mufique  Grecque,  un  Inter- 
valle compofé  de  deux  Tons  ;  c'eft-à-dire ,  une  Tierce  ma- 
jeure. (  Voyez  Intervalle  ,  Tierce.  ) 

DIVERTISSEMENT  ,  f.  m.  C'elt  le  nom  qu'on  donne 
à  certains  recueils  de  Danfes  &  de  Chanfons  qu'il  elt  de  rè- 
gle à  Paris  d'inférer  dans  chaque  Acte  d'un  Opéra  ,  foit  Bal- 
let ,  foit  Tragédie  :  Divertitf'ement  importun  dont  l'Auteur 
a  foin  de  couper  l'action  dans  quelque  moment  intéreifant , 
&  que  les  Acteurs  aflis  &  les  Spectateurs  debout  ont  la  pa- 
tience de  voir  &  d'entendre. 

DIX-HUITIEME  ,  /  f.  Intervalle  qui  comprend  dix-fept 
Degrés  conjoints  ,  &  par  conféquent  dix-huit  Sons  Diatoni- 
s  en  comrtant  les  deux  extrêmes.  C'elt  la  double  Oftave 
de  la  Quart*.  (  Voyez  Quarte.  ) 

DIXIEME,/  f.  Intervalle  qui  comprend  neuf  Degrés 
conjoints  ,  ôc  par  conféquent  dix  Sons  Diatoniques  en  comp- 
tant les  deux  qui  le  forment.  C'eft  l'Octave  de  la  Tierce 
OU  la  Tierce  de  l'Oitavc,  &  la  Dixième  elt  majeure  ou 
mineure  ,  comme  l'Intervalle  fimple  dont  elle  elt  la  Ré- 
.  (  Voyez  Tierce.  ) 
DIX-NEUVIEME  ,  f.f.  Intervalle  qui  comprend  dix-huit 
Degrés  conjoints,  &  par  conféquent  dût-oeuf  S^iis  Diato* 


DIX  i35 

niques  en  comptant  les  deux  extrêmes.  C'eft  la  double -Oc- 
tave de  la  Quinte.  (  Voyez  Quinte.  ) 

DIX-SEPTIEME,//;  Intervalle  qui  comprend  feize  De- 
grés conjoints,  &c  par  conféquent  dix-fept  Sons  Diatoniques 
en  comptant  les  deux  extrêmes.  C'eft  la  double-Octave  de 
la  Tierce  ,  &  la  Dix  -  feptieme  eft  majeure  ou  mineure 
comme  elle. 

Toute  corde  fonore  rend  avec  le  Son  principal  celui  de 
fa  Dix  -feptieme  majeure  ,  plutôt  que  celui  de  fa  Tierce 
(impie  ou  de  fa  Dixième  ,  parce  que  cette  Dix-feptieme  eft 
produite  par  une  aliquote  de  la  corde  entière  ;  favoir  ,  la 
cinquième  partie  :  au  lieu  que  les  f  que  donneroit  la  Tierce, 
ni  les  y  que  donneroit  la  Dixième  ,  ne  font  pas  une  aliquote 
de  cette  même  corde,  (  Voyez  Son  ,  Intervalle  ,  Har- 
monie. ) 

DO.  Syllabe  que  les  Italiens  fubftituent  ,  en  folnant ,  à 
celle  àyut  dont  ils  trouvent  le  Son  trop  fouid.  Le  même  mo- 
tif a  fait  entreprendre  à  plufîeurs  perfonnes  ,  &  entr'autres  à 
M.  Sauveur ,  de  changer  les  noms  de  toutes  les  fyîlabes  de 
notre  Gamme;  mais  l'ancien  ufage  a  toujours  prévalu  parmi 
nous.  C'eft  peut-être  un  avantage  :  il  elt  bon  de  s'accou- 
tumer a  folfier  par  des  fyîlabes  fourdes  ,  quand  on  n'en  a 
gueres  de  plus  fonores  à  leur  fubltituer   dans  le  Chant. 

DODECACORDE.  C'eft  le  titre  donné  par  Henri  Gla- 
réan  à  un  gros  livre  de  fa  compofition  ,  dans  lequel  ,  ajou- 
tant quatre  nouveaux  Tons  aux  huit  ufités  de  fon  tems,  ik 
qui  reftent  encore  aujourd'hui  dans  le  Chant  Ecclé  fia  (tique 
Romain  ,  il  penfe   avoir   rétabli  dans  leur  pureté  les  douze 

G  g ;  x 


i35  D    O    I 

Modes  d'Ariftoxène  ,  qui  cependant  en  avoit  treize  ;  mais 
cette  prétention  a  été  réfutée  par  J.  B.  Doni ,  dans  fon 
Traité  des  Genres  &  des   Modes. 

DOIGTER ,  v.  n.  C'ef  t  faire  marcher  d'une  manière  con- 
venable &  régulière  les  doigts  fur  quelque  Infiniment ,  &: 
principalement  fur  l'Orgue  ou  le  Clavecin  ,  pour  en  jouer 
le  plus   facilement  &  le  plus   nettement   qu'il  efl  poffible. 

Sur  les  Inltrumens  à  manche  ,  tels  que  le  Violon  &  le 
Violoncelle  ,  la  plus  grande  règle  du  Doigter  confifte  dans 
les  diverfes  pofitions  de  la  main  gauche  fur  le  manche  ; 
c'elt  par-là  que  les  mêmes  paffages  peuvent  devenir  faciles 
ou  difficiles  ,  félon  les  pofitions  &  félon  les  cordes  fur  les- 
quelles on  peut  prendre  ces  paffages  :  c'efl  quand  un  Sym- 
phonifle  e/l  parvenu  à  paiïer  rapidement  ,  avec  juftefle  & 
précifion  ,  par  toutes  ces  différentes  pofitions  ,  qu'on  dit 
qu'il  pofîeJe  bien  fon  manche.  (  Voyez  Position.  ) 

Sur  l'Orgue  ou  le  Clavecin  ,  le  Doigter  eft  autre  chofe. 
Il  y  a  deux  manières  de  jouer  fur  ces  Inflrumens  ;  fa  voir, 
l'Accompagnement  &  les  Pièces.  Pour  jouer  des  Pièces  on 
a  égard  à  la  facilité  de  l'exécution  &  à  la  bonne  grâce  de 
la  main.  Comme  il  y  a  un  nombre  excefïïf  de  pafTages  pof- 
fibles  dont  la  plupart  demandent  une  manière  particulière 
de  faire  marcher  les  doigts  ,  &  que  d'ailleurs  chaque  Pays 
&  chaque  Maître  a  C^  règle  ,  il  faudroit  fur  cette  Partie  des 
détails  que  cet  Ouvrage  ne  comporte  pas  ,  &  fur  lefquels 
l'habitude  &  la  commodité  tiennent  lieu  de  règles  s  quand 
une    fois  on  a  la    main  bien  pofée.   Les   précej  i  \ 

qu'on  peut  donner    font  ,  i'\  de    placer  les  di:u\  fut 


D     O     I  z37 

le  Clavier,  de  manière  qu'on  n'ait  rien  de  gêné  dans  l'atti- 
tude ;  ce  qui  oblige  d'exclure  communément  le  pouce  de  la 
main  droite  ,  parce  que  les  deux  pouces  pofés  fur  le  Cla- 
vier &  principalement  fur  les  touches  blanches  donneraient 
aux  bras  une  fituation  contrainte  &  de  mauvaife  grâce.  II 
faut  obferver  aulfi  que  les  coudes  foient  un  peu  plus  élevés 
que  le  niveau  du  Clavier  ,  afin  que  la  main  tombe  comme 
d'elle-même  fur  les  touches  ;  ce  qui  dépend  de  la  hauteur 
du  fiege.  i°.  De  tenir  le  poignet  à-peu-pres  à  la  hauteur  du 
Clavier  ;  c'eli-à-dire ,  au  niveau  du  coude ,  les  doigts  écar- 
tes de  la  largeur  des  touches  &  un  peu  recourbés  fur  elles 
pour  être  prêts  à  tomber  fur  des  touches  différentes.  30.  De 
ne  point  porter  fucceiïïvemcnt  le  même  doigt  fur  deux  tou- 
ches confécutives  ,  mais  d'employer  tous  les  doigts  de  cha- 
que main.  Ajoutez  à  ces  obfervations  les  règles  fuivanres  que 
je  donne  avec  confiance  ,  parce  que  je  les  tiens  de  M.  Du- 
phli ,  excellent  Maitre  de  Clavecin  &  qui  poffede  fur -tout 
la  perfection  du   Doigter. 

Cette  perfection  coniKte  en  général  dans  un  mouvement 
doux  ,  léger  &  régulier. 

Le  mouvement  des  doigts  fe  prend  à  leur  racine  ;  c'eft-a- 
dire ,  à  la  jointure  qui  les  attache  à  la  main. 

Il  faut  que  les  doigts  foient  courbés  naturellement,  &  que 
chaque  doigt  ait  fon  mouvement  propre  indépendant  des  au- 
tres doigts.  Il  faut  que  les  doigts  tombent  fur  les  touches  6: 
non  qu'ils  les  frappent,  &  de  plus  qu'ils  coulent  de  l'une  à 
l'autre  en  fe  fuccédant  ;  ceft-à-dire  ,  qu'il  ne  faut  quitter  une 
touche  qu'après  en  avoir  pris  une  autre.  Ceci  regarde  pjrci-, 
culiérement  le  jeu  François. 


«3*  D     O    I 

Pour  continuer  un  roulement ,  il  faut  s'accoutumer  à  pafler 
le  pouce  par-deiïbus  tel  doigt  que  ce  foie  ,  &  à  paiïer  tel 
autre  doigt  par-deflbus  le  pouce.  Cette  manière  eft  excel- 
lente, fur -tout  quand  il  fe  rencontre  des  Dièfes  ou  des  Bé- 
mols ;  alors  faites  en  forte  que  le  pouce  fe  trouve  fur  la  touche 
qui  précède  le  Dièfe  ou  le  Bémol ,  ou  placez-le  immédiate- 
ment après  :  par  ce  moyen  vous  vous  procurerez  autant  de 
doigts  de  fuite  que  vous  aurez  de  Notes  à  faire. 

Evitez  ,  autant  qu'il  fe  pourra  ,  de  toucher  du  pouce  ou 
du  cinquième  doigt  une  touche  blanche,  fur- tout  dans  les 
roulemens  de  vîtefle. 

Souvent  on  exécute  un  même  roulement  avec  les  deux 
mains  dont  les  doigts  fe  fuccedent  pour  lors  confécutivement. 
Dans  ces  roulemens  les  mains  patient  Tune  fur  l'autre;  mais 
il  faut  obferver  que  le  Son  de  la  première  touche  fur  laquelle 
pafle  une  des  mains  foit  aufli  lié  au  Son  précédent,  que  s'ils 
étoient  touchés  de  la  même  main. 

Dans  le  genre  de  Mufique  harmonieux  &  lié  ,  il  eft  bon 
de  s'accoutumer  à  fubitituer  un  doigt  à  la  place  d'un  autre 
fans  relever  la  touche  ;  cette  manière  donne  des  facilités  pour 
l'exécution  &  prolonge  la  durée  des  Sons. 

Pour  l'Accompagnement  ,  le  Doigter  de  la  moin  gauche 
eft  le  même  que  pour  les  Pièces ,  parce  qu'il  faut  toujours 
que  cette  main  joue  les  Baffes  qu'on  doit  accompagner;  ainfi 
les  règles  de  M.  Duphli  y  fervent  également  pour  cette  partie, 
excepté  dans  les  occasions  où  l'on  veut  augmenter  ! 
au  moyen  de  l'Octave  qu'on  embrafle  du  pouce  &  du  p. 
doigt  :  car  alors  au  lieu  de  Doigter,  la  main  entière  fe  transporte 


D    O    I  xio 

d'une  touche  a  l'autre.  Quant  à  la  main  droite  ,  fcn  Doigter 
confiite  dans  l'arrangement  des  doigts  &  dans  les  marches" 
qu'on  leur  donne  pour  faire  entendre  les  Accords  &  leur  fuc- 
cefïîon  ;  de  forte  que  quiconque  entend  bien  la  mécanique 
àcs  doigts  en  cette  partie  ,  polTede  l'art  de  l' Accompagne- 
ment. M.  Rameau  a  fort  bien  expliqué  cette  mécanique  dans 
fa  Differtation  fur  l'Accompagnement ,  &  je  crois  ne  pouvoir 
mieux  faire  que  de  donner  ici  un  précis  de  la  partie  de  cette 
DiiTertation  qui  regarde  le  Doigter. 

Tout  Accord  peut  s'arranger  par  Tierces.  L'Accord  par- 
fait ,  c'elt-à-dire  ,  l'Accord  d'une  Tonique  ainfî  arrangé  fur 
le  Clavier,  elt  formé  par  trois  touches  qui  doivent  être  fri- 
pées du  fécond  ,  du  quatrième  &  du  cinquième  doigt.  Dans 
cette  fituation  c'efl  le  doigt  le  plus  bas ,  c'elt  -  à  -  dire  , 
le  fécond  qui  touche  la  Tonique  ;  dans  les  deux  autres 
faces  ,  il  fe  trouve  toujours  un  doigt  au  moins  au  -  def- 
fous  de  cette  même  Tonique  ;  il  faut  le  placer  à  la  Quarte. 
Quant  au  troifieme  doigt  ,  qui  fe  trouve  au  -  deflus  ou 
au-deflbus  des  deux  autres,  il  faut  le  placera  la  Tierce  de 
fon  voifin. 

Une  règle  générale  pour  la  fucceflïon  des  Accords  efl:  qu'il 
doit  y  avoir  liaifon  entr'eux  ;  c'elt-à-dire  ,  que  quelqu'un  des 
Sons  de  l'Accord  précédent  doit  être  prolongé  fur  l'Accord 
fuivant  &  entrer  dans  fon  Harmonie.  C'elt  de  cette  règle  que 
fe  tire  toute  la  mécanique  du  Doigter. 

Puifque  pour  pafler  régulièrement  d'un  Accord  à  un  autre  , 
il  faut  que  quelque  doigt  relie  en  place,  il  elt  évident  qu'il 
n'y  a  que  quatre  manières  de  fucccilion  régulière  entre  deux 


240  D       O       I 

Accords  parfaits  ;  favoir ,  la  Baffe-fondamentale  montant  ou 
dcfcendant  de  Tierce  ou  de  Quinte. 

Quand  la  Baffe  procède  par  Tierces  ,  deux  doigts  relient 
en  place  ;  en  montant  ,  ceux  qui  formoient  la  Tierce  &  la 
Quinte  reftent  pour  former  l'Octave  &c  la  Tierce  ,  tandis  que 
celui  qui  formoit  l'Octave  defcend  fur  la  Quinte  ;  en  dépen- 
dant ,  les  doigts  qui  formoient  l'Octave  ce  la  Tierce  refient 
pour  former  la  Tierce  ôc  la  Quinte  ,  tandis  que  celui  qui  fai- 
foit  la  Quinte  monte   fur  l'Octave. 

Quand  la  Baffe  procède  par  Quintes  ,  un  doigt  feul  rcfle 
en  place ,  &  les  deux  autres  marchent  ;  en  montant  ,  c'eft 
la  Quinte  qui  refte  pour  faire  l'Octave  ,  tandis  que  l'Octave 
&  la  Tierce  defeendent  fur  la  Tierce  &  fur  la  Quinte  ;  en 
defeendant  ,  l'Octave  refte  pour  faire  la  Quinte  ,  tandis  que 
la  Tierce  &  la  Quinte  montent  fur  l'Octave  &  fur  la  Tierce. 
Dans  toutes  ces  fucceflions  les  deux  mains  ont  toujours  un 
mouvement  contraire. 

En  s'exerçant  ainfï  fur  divers  endroits  du  Clavier ,  on  fe 
familiarife  bientôt  au  jeu  des  doigts  fur  chacune  de  ces 
marches  ,  &  les  fuites  d'Accords  parfaits  ne  peuvent  plus 
embarraffer. 

Pour  les  Diffonanccs  ,  il  faut  d'abord  remarquer  que  tout 
Accord  diffonant  complet  ,  occupe  les  quatre  doigts  ,  lcf- 
quels  peuvent  être  arranges  tous  par  Tierces  ,  ou  trois  par 
Tierces  ,  &  l'autre  joint  a  quelqu'un  des  premiers  ,  faifant 
avec  lui  un  Intervalle  de  Seconde.  Dans  le  premier  cas,  c'eft 
le  plus  bas  des  doigts;  c'eft  à-dire  ,  l'index  qui  lounc  le  Son 
fondamental    de    l'Accord  ;  dans  le    fécond  cas  ,  c'eft  le   fu- 

p  .icur 


D    O    I  Ui 

périeur  des  deux  doigts  joints.  Sur  cette  obfervation  l'on 
Connoît  aifément  le  doigt  qui  fait  la  diffonance  ,  &  qui  , 
par  conféquent,  doit  defeendre  pour  la  fauver. 

Selon  les  differens  Accords  confonnans  ou  difTonans  qui 
fuivent  un  Accord  diffonant ,  il  faut  taire  defeendre  un  doigt 
feul  ,  ou  deux ,  ou  trois.  A  la  fuite  d'un  Accord  diflbnant  , 
l'Accord  parfait  qui  le  fauve  fe  trouve  aifément  fous  les 
doigts.  Dans  une  fuite  d'Accords  dilîbnans  quand  un  doigt 
feul  defeend  ,  comme  dans  la  Cadence  interrompue  ,  c'eft 
toujours  celui  qui  a  fait  la  DifTonance  ;  c'eft-à-dire  ,  l'infé- 
rieur des  deux  joints  ,  ou  le  fupérieur  de  tous  ,  s'ils  font 
arrangés  par  Tierces.  Faut-il  faire  defeendre  deux  doigts  , 
comme  dans  la  Cadence  parfaite  :  ajoutez ,  à  celui  dont  je 
viens  de  parler  ,  fon  voilîn  au-deiïbus ,  &  s'il  n'en  a  point , 
le  fupérieur  de  tous  :  ce  font  les  deux  doigts  qui  doivent 
defeendre.  Faut  -  il  en  faire  defeendre  trois  ,  comme  dans 
la  Cadence  rompue  :  confervez  le  fondamental  fur  fa  tou- 
che ,  &  faites  defeendre  les  trois  autres. 

La  fuite  de  toutes  ces  différentes  fuccefTions  ,  bien  étu- 
diée ,  vous  montre  le  jeu  des  doigts  dans  toutes  les  phrafes 
pofTibles  ;  &  comme  c'eft  des  Cadences  parfaites  que  fe  tire 
la  fuccefTion  la  plus  commune  des  phrafes  harmoniques  , 
c'eft  auffi  à  celle-là  qu'il  faut  s'exercer  davantage  :  On  y 
trouvera  toujours  deux  doigts  marchant  &  s'arrêtant  alterna- 
tivement. Si  les  deux  doigts  d'en  haut  defeendent  fur  un 
Accord  où  les  deux  inférieurs  reftent  en  place  ,  dans  l'Ac- 
cord fuivant  les  deux  fupérieurs  refient ,  &  les  deux  infé- 
rieurs defeendent  à  leur  tour  ;  ou  bien  ce  font  les  deux 
Dicl.  d*  Mufiquc,  H  h 


"M?  D    O    I 

doigts  extrêmes  qui  font  le  même  jeu  avec  les  deux  moyens. 

On  peut  trouver  encore  une  fucceflion  harmonique  amen- 
dante par  Dilïbnances  ,  à  la  faveur  de  la  Sixte-ajoutéc  ;  mais 
cette  fuccefîîon  ,  moins  commune  que  celle  dont  je  viens 
de  parler  ,  eft  plus  difficile  à  ménager  ,  moins  prolongée  , 
&  les  Accords  fe  remplirent  rarement  de  tous  leurs  Sons. 
Toutefois  la  marche  des  doigts  auroit  encore  ici  fes  règles  ; 
&  en  fuppofant  un  entrelacement  de  Cadences  imparfaites , 
on  y  trouveroit  toujours,  ou  les  quatre  doigts  par  Tierces, 
ou  deux  doigts  joints  :  dans  le  premier  cas  ,  ce  feroit  aux 
deux  inférieurs  à  monter  ,  &  enfuite  aux  deux  fupérieurs  al- 
ternativement :  dans  le  fécond ,  le  fupérieur  des  deux  doigts 
joints  doit  monter  avec  celui  qui  eft  au-deiïïis  de  lui,  & 
s'il  n'y  en  a  point ,  avec   le  plus  bas  de  tous ,  &cc. 

On  n'imagine  pas  jufqu'à  quel  point  l'étude  du  Doigter  y 
prife  de  cette  manière  ,  peut  faciliter  la  pratique  de  l'Ac- 
compagnement. Après  un  peu  d'exercice  les  doigts  prennent 
infenfiblement  l'habitude  de  marcher  comme  d'eux-mêmes; 
ils  préviennent  l'efprit  &  accompagnent  avec  une  facilité  qui 
a  de  quoi  furprendre.  Mais  il  faut  convenir  que  l'avantage 
de  cette  méthode  n'efr  pas  fans  inconvénient  ;  car  fans  par- 
ler des  Oilaves  &c  des  Quintes  de  fuite  qu'on  y  rencontre  à 
tout  moment  ,  il  réfulte  de  tout  ce  rempliiTage  une  Har- 
monie brute  &  dure  dont  l'oreille  eft  étrangement  choquée, 
fur-tout  dans  les  Accords  par  fuppofition. 

Las  Maîtres  enfeignent  d'autres  manières  de  Doiçur  t 
fondées  fur  les  mêmes  principes,  fujettes,  il  eft  vrai  ,  à  plus 
d'exceptions  ;  mais  par  lcfquelles   retranchant   des  fons  ,  on 


D    O    L  *43 

gêne  moins  la  main  par  trop  d'extenfion  ,  l'on  évite  les  Oc- 
taves èc  les  Quintes  de  fuite  ,  &  l'on  rend  une  Harmonie  , 
non  pas  aufli  pleine ,  mais  plus  pure  Se  plus  agréable. 
DOLCE.  (   Voyez  D.  ) 

DOMINANT  ,  ad/.  Accord  Dominant  ou  fenfible  eft 
celui  qui  fe  pratique  fur  la  Dominante  du  Ton  ,  «Se  qui 
annonce  la  Cadence  parfaite.  Tout  Accord  parfait  majeur 
devient  Dominant,  fi-tôt  qu'on  lui  ajoute  la  Septième  mineure. 
DOMINANTE ,  f.  f.  C'eft ,  des  trois  Notes  effenrielles 
du  Ton  ,  celle  qui  eft.  une  Quinte  au-defïus  de  la  Tonique. 
La  Tonique  &z  la  Dominante  déterminent  le  Ton  ;  elles  y 
font  chacune  la  fondamentale  d'un  Accord  particulier  ;  au 
lieu  que  la  Médiante ,  qui  conflitue  le  Mode ,  n'a  point 
d'Accord  à  elle  ,  &  fait  feulement  partie  de  celui  de  la 
Tonique. 

M.  Rameau  donne  généralement  le  nom  de  Dominante 
à  toute  Note  qui  perte  un  Accord  de  Septième ,  &  diflin- 
gue  celle  qui  porte  l'Accord  fenfible  par  le  nom  de  Domi- 
nante-Tonique ;  mais  à  caufe  de  la  longueur  du  mot  cette 
addition  n'eft  pas  adoptée  des  Artiftes ,  ils  continuent  d'ap- 
pellcr  fimplement  Dominante  la  Quinte  de  la  Tonique ,  & 
ils  n'appellent  pas  Dominantes  ,  mais  Fondamentales  ,  les 
autres  Notes  portant  Accord  de  Septième  ;  ce  qui  fuffit 
pour  s'expliquer,  «Se  prévient  la  confufion. 

DOMINANTE.  Dans  le  Plain-Chant ,  eft  la  Note  que 
l'on  rebat  le  plus  fouvent,  à  quelque  Degré  que  l'on  foit 
de  la  Tonique.  JI  y  a  dans  le  Plain-Chant  Dominante  &c 
Tonique ,  mais  point  de  Médiante. 

H  h  x 


M4  D    O    R 

DORIEN  ,  adj.  Le  Mode  Dorien  étoit  un  des  plus  an- 
ciens de  la  Mufïque  des  Grecs  ,  &  c'étoit  le  plus  grave  ou 
le  plus  bas   de  ceux  qu'on   a  depuis    appelles   authentiques. 

Le  cara&ere  de  ce  Mode  étoit  férieux  6c  grave  ,  mais 
d'une  gravité  tempérée  ;  ce  qui  le  rendoit  propre  pour  la 
guerre  6c  pour  les  fujets  de  Religion. 

Platon  regarde  la  majefté  du  Mode  Dorien  comme  très- 
propre  à  conferver  les  bonnes  mœurs  ,  6c  c'efr.  pour  cela 
qu'il  en  permet  l'ufage  dans  (à  République. 

Il  s'appelloit  Dorien  ,  parce  que  c'étoit  chez  les  Peuples 
de  ce  nom  qu'il  avoit  été  d'abord  en  ufage.  On  attribue 
l'invention  de  ce  Mode  à  Thamiris  de  Thrace  ,  qui ,  ayant 
eu  le  malheur  de  défier  les  Mufes  6c  d'être  vaincu,  fut 
privé  par  elles  de  la  Lyre  6c  des  yeux. 

DOUBLE  ,  adj.  Intervalles  Doubles  ou  redoublés  font 
tous  ceux  qui  excédent  l'étendue  de  l'Octave.  En  ce  fens  la 
Dixième  cil  double  de  la  Tierce,  6c  la  Douzième  double 
de  la  Quinte.  Quelques-uns  donnent  auffi  le  nom  d'Inter- 
valles doubles  à  ceux  qui  font  compofés  de  deux  Intervalles 
égaux  ,  comme  la  Faillie  -Quinte  qui  eft  compofée  de  deux 
Tierces  mineures. 

DOUBLE  ,/ra.  On  appelle  Doubles ,  des  Airs  d'un  Chant 
fimple  en  lui-même ,  qu'on  figure  6c  qu'on  double  par  l'ad- 
dition de  plufieurs  Notes  qui  varient  6c  ornent  le  Chant 
fans  le  gâter.  C'efl  ce  que  les  Italiens  appellent  Voriec&nu 
(Voyez  Variations.  ) 

Il  y  a  cette  différence  des  Doubles  aux  broderies  oa 
Fleurtis  ,    que  ceux-ci  font  a  la  liberté   du   Muficien  ,  qu'il 


D    O     U  24S 

peut  les  faire  ou  les  quitter  quand  il  lui  plair,pour  repren- 
dre le  finiple.  Mais  le  Double  ne  fe  quitte  point,  &  fi-tôt 
qu'on  l'a  commence  ,  il  faut  le  pourluivre  jufqu'à  la  fin 
de  l'Air. 

DOUBLE  eft  encore  un  mot  employé  à  l'Opéra  de  Paris 
pour  défigner  les  Acteurs  en  fous-ordre  ,  qui  remplacent 
les  premiers  Aéteurs  dans  les  rôles  que  ceux-ci  quittent  par 
maladie  ou  par  air  ,  ou  lorfqu'un  Opéra  eft  fur  fes  fins  & 
qu'on  en  prépare  un  autre.  Il  faut  avoir  entendu  un  Opéra 
en  Doubles  pour  concevoir  ce  que  c'eft  qu'un  tel  Spectacle 
&  quelle  doit  être  la  patience  de  ceux  qui  veulent  bien  le 
fréquenter  en  cet  état.  Tout  le  zèle  des  bons  Citoyens 
François  ,  bien  pourvus  d'oreilles  à  l'épreuve  ,  fuffit  à  peine 
pour  tenir  à  ce  déteftable  charivari. 

DOUBLER,  v.  a.  Doubler  un  Air ,  c'eft  y  faire  des  Dou- 
bles ,  Doubler  un  rôle ,  c'eit  y  remplacer  l'Acleur  principaL 
(  Voyez  Double.  ) 

DOUBLE -CORDE,  /  f.  Manière  de  jeu  fur  le  Violon, 
laquelle  confifte  à  toucher  deux  cordes  à  la  fois  faifant 
deux  Parties  différentes.  La  Double  -  corde  faitfouvent  beau- 
coup d'effet.  Il  efl  difficile  de  jouer  très-jufte  fur  la  Dou- 
ble -  corde. 

DOUBLE-CROCHE  ,  /  f.  Note  de  Mufique  qui  ne  vaut 
que  le  quart  d'une  Noire  ,  ou  la  moitié  d'une  Croche.  Il 
faut  par  conféquent  feize  Doubles-croches  pour  une  Ronde 
ou  pour  une  Mefure  à  quatre  Tems.  (  Voyez  Mesure  ,  va- 
leur des  Notes.  ) 

On  peut  voir  la  figure  de  la  Double-croche  liée  ou  deta- 


146  D     O     U 

chée  dans  la  Figure  9.  de  la  Planche  D.  Elle  s'appelle  Dou* 
ble-croche  ,  à  caufe  du  Double  -  crochet  qu'elle  porte  à  fa 
queue  ,  &  qu'il  faut  pourtant  bien  difiringuer  du  Double -cro- 
chet proprement  dit ,  qui  fait  le  fujet  de  l'Article  fuivant. 

DOUBLE -CROCHET,  f.  m.  Signe  d'abréviation  qui 
marque  la  divifion  des  Notes  en  Doubles-croches  ,  comme 
le  fimnlc  Crochet  marque  leur  divifion  en  Croches  fimples. 
(  Voyez  Crochet.  )  Voyez  aufîi  la  figure  &  l'effet  du  Dou- 
bla-crochet ,  Figure  10.  de  la  Planche  D.  à  l'exemple  B. 

DOUBLE-EMPLOI ,/  m.  Nom  donné  par  M.  Rameau  aux 
deux  différentes  manières  dont  on  peut  confidérer  &  traiter 
l'Accord  de  fous-Dominante  ;  favoir  ,  comme  Accord  fon- 
damental de  Sixte-ajoutée  ,  ou  comme  Accord  de  grande 
Sixte  ,  renverfé  d'un  Accord  fondamental  de  Septième.  En 
effet ,  ces  deux  Accords  portent  exactement  les  mêmes  No- 
tes ,  fe  chiffrent  de  même ,  s'emploient  fur  les  mêmes  cor- 
des du  Ton;  de  forte  que  fouvent  on  ne  peut  difeerner  celui 
que  F  Auteur  a  voulu  employer  qu'à  l'aide  de  l'Accord  fui- 
vant qui  le  fauve  ,  &  qui  efè  différent  dans  l'un  &  dans 
l'autre  cas. 

Pour  faire  ce  difeernement  on  confidere  le  progrès  dia- 
tonique des  deux  Notes  qui  font  la  Quinte  &  la  Sixte  ,  & 
qui ,  formant  entr'elles  un  Intervalle  de  Seconde ,  font  l'une 
ou  l'autre  la  Diffonance  de  l'Accord.  Or  ce  progrès  eft  dé- 
terminé par  le  mouvement  de  la  Baffe.  Si  donc, de  ces  dei.x 
Notes  ,  la  fupérieure  eft  difTonante  ,  elle  montera  d'un  De» 
gré  dans  l'Accord  fuivant  ,  l'inférieure  reliera  en  place  ,  Qg 
l'Accord  fera  une  Sixte  ajoutée.  Si  c'cfl  l'inférieure  1 


D     O     U  M7 

diffamante  ,  elle  deffcendra  dans  l'Accord  fiûvaot  ,  la  fupé- 
ricure  réitéra  en  place  ,  &  L'Accord  fera  celui  de  grande 
Sixre.  Voyez  les  deux  cas  du  Double  -  emploi  ,  Planche  I  ). 
Fig.    ii. 

A  l'égard  du  Compofiteur  ,  Pufage  qu'il  peut  faire  du 
Double  -  emploi  eft  de  confidérer  l'Accord  qui  le  comporte 
fous  une  face  pour  y  entrer  &  fous  l'autre  pour  en  forcir  ; 
de  forte  qu'y  étant  arrivé  comme  à  un  Accord  de  Sixte- 
ajoutee ,  il  le  fauve  comme  un  Accord  de  grande-Sixte ,  & 
réciproquement. 

M.  d'Alembert  a  fait  voir  qu'un  des  principaux  ufages  du 
Double-emphi  eft  de  pouvoir  porter  la  fuccelîion  diatonique 
de  la  Gamme  jufqu'à  l'Octave  ,  fans  changer  de  Mode  ,  du 
moins  en  montant  ;  car  en  defeendant  on  en  change.  On 
trouvera,  (  Planche  D.  Fig.  13.  )  l'exemple  de  cette  Gamme 
&  de  fa  Baffe-fondamentale.  Il  eft_ évident,  félon  le  Syftûne 
de  M.  Kameau  ,  que  toute  la  fucceflion  harmonique  qui  en 
réfulte  eft  dans  le  même  Ton  ;  car  on  n'y  emploie  ,  a  la 
rigueur  ,  que  les  trois  Accords  ,  de  la  Tonique  ,  de  la  Do- 
minante ,  (5c  de  la  fous-Dominante  ;ïce  dernier  donnant  par 
le  Double -emploi  celui  de  Septième  de  la  féconde  Note  , 
qui  s'emploie   fur  la  Sixième. 

A  l'égard  de  ce  qu'ajoute  M.  d'Alembert  dans  fes  Elé- 
mens  de  Mufîque  ,  page  80.  &  qu'il  répète  dans  l'Encyclo- 
pédie,  Article  Double -emploi  ;  favoir,  que  l'Accord  de  Sep- 
tième re  fa  la  ut ,  quand  même  on  le  regarderait  comme 
renverfé  de  fa  la  ut  re  ,  ne  peut  être  fuivi  de  l'Accord  ut 
mi  fol  ut ,  je  ne  puis  être  de   fon  avis  fur  ce  point. 


24§  D    O    U 

La  preuve  qu'il  en  donne  eft  que  la  Diffonance  ut  du  pre- 
mier Accord  ne  peut  être  fauvce  dans  le  fécond  ;  &  cela 
eft  vrai ,  puifqu'elle  refte  en  place  :  mais  dans  cet  Accord 
de  Septième  re  fa  la  ut  renverfé  de  cet  Accord  fa  la  ut  re 
de.  Sixte-ajoutée  ,  ce  n'eft  point  ut ,  mais  re  qui  eft  la  Dif- 
fonance  ;  laquelle  ,  par  conféquent,  doit  être  fauvce  en  mon- 
tant far  mi,  comme  elle  fait  réellement  dans  l'Accord  fui- 
vant  ;  tellement  que  cette  marche  eft  forcée  dans  la  Baffe 
même ,  qui  de  re  ne  pourroit  fans  faute  retourner  à  ut ,  mais 
doit  monter  à  mi  pour  fauver  la  Diffonance. 

M.  d'Alembert  fait  voir  enfuite  que  cet  Accord  re  fa  la 
ut ,  précédé  &  fuivi  de  celui  de  la  Tonique  ,  ne  peut  s'au- 
torifer  par  le  Double-emploi  ;  &  cela  eft  encore  trcs-vrai  , 
puifque  cet  Accord ,  quoique  chiffré  d'un  7.  n'eft  traité  comme 
Accord  de  Septième  ,  ni  quand  on  y  entre  ,  ni  quand  on  en 
fort,  ou  du  moins  qu'il  n'eft  point  néceffaire  de  le  traiter 
comme  tel ,  mais  fimplement  comme  un  renverfement  de  la 
Sixte-ajoutée  ,  dont  la  Diffonance  eft  à  la  Baffe  ;  fur  quoi 
l'on  ne  doit  pas  oublier  que  cette  Dilfonance  ne  fc  prépare 
jamais.  Ainfi ,  quoique  dans  un  tel  pafTage  il  ne  foit  pas  ques- 
tion du  Double-emploi  ,  que  l'Accord  de  Septième  n'y  foit 
qu'apparent  &  impofTîble  à  fauver  dans  les  règles ,  cela  n'em- 
pêche pas  que  le  pafTage  ne  foit  bon  &  régulier  ,  comme 
je  viens  de  le  prouver  aux  Théoriciens  ,  &  comme  je  vais 
le  prouver  aux  Artiftes  ,  par  un  exemple  de  ce  paffage  ,  qui 
fùrement  ne  fera  condamné  d'aucun  d'eux  ,  ni  juflific  par  au- 
cune autre  Balle-fondamentale  que  la  mienne.  (  Voyez  Plan- 
che D.  //,;r.   14-  ) 

J'avoue 


D    O    U  245 

J'avoue  que  ce  renverfemcnc  de  l' Accord  de  Sixte-ajoutée, 
qui  tranfporte  la  Diffonance  à  la  Baire  ,  a  été  blâmé  par  M. 
Rameau  :  cet  Auteur  ,  prenant  pour  Fondamental  l'Accord 
de  Septième  qui  en  réfulte  ,  a  mieux  aime  faire  defeendre 
Diatoniquement  la  Balle-fondamentale  ,  &  fauver  une  Sep- 
tième par  une  autre  Septième  ,  que  d'expliquer  cette  Sep- 
tième par  un  renverfement.  J'avois  relevé  cette  erreur  ck  beau- 
coup d'autres  dans  des  papiers  qui  depuis  long-tems  avoient 
parle  dans  les  mains  de  M.  d'Alembert  ,  quand  il  fit  fes 
Elémens  de  Mufique  ;  de  forte  que  ce  n'eft  pas  fon  fenti- 
ment  que  j'attaque ,  c'efr.  le  mien  que  je  défends. 

Au  refie ,  on  ne  fauroit  ufer  avec  trop  de  réferve  du  Dou- 
ble -  emploi ,  &  les  plus  grands  Maîtres  font  les  plus  fobres 
à  s'en  fervir. 

DOUBLE-FUGUE  ,  f.f.  On  fait  une  Double-Fugue  ,  lorf- 
qu'à  la  fuite  d'une    Fugue  déjà  annoncée  ,  on  annonce  une 
autre  Fugue   d'un  delTein   tout  différent  ;  &  il  faut  que  cette 
féconde    Fugue   ait  fa   réponfe   &    fes   rentrées  ainfî  que    la 
première  ;  ce   qui    ne    peut    gueres   fe   pratiquer   qu'à   quatre 
Parties.  (  Voyez  Fugue.  )  On  peut ,  avec  plus  de  Parties  , 
faire   entendre  à  la    fois  un   plus   grand    nombre    encore    de 
différentes  Fugues   :  mais  la   confufion  elt  toujours  à  crain- 
dre ,  &.  c'eft  alors   le  chef-d'œuvre  de  l'art  de  les   bien  trai- 
ter. Pour  cela  il  faut,  dit  M.  Rameau,  obferver  autant  qu'il 
efr.  poifible  ,   de   ne  les  faire  entrer  que  Tune  après  l'autre  ; 
fur-tout  la  première    fois  ,  que  leur  progrellion  foit  renver- 
fée  ,  qu'elles  foient  caractérifées  différemment ,  &  que  fi  tilts 
ne  peuvent  être  entendues  enfemble  ,  au  moins  une  portion 
Dut.  Je  Mufique.  Ii 


z$o  D    O    U 

de  l'une  s'entende  avec  une  portion  de  l'autre.  Mais  ces 
exercices  pénibles  font  plus  faits  pour  les  écoliers  que  pour 
les  maîtres  ;  ce  font  les  femelles  de  plomb  qu'on  attache 
aux  pieds  des  jeunes  Coureurs  pour  les  faire  courir  plus  lé- 
gèrement quand  ils  en  font  délivrés. 

DOUBLE-OCTAVE  ,  f.  f.  Intervalle  compofé  de  deux 
Octaves  ,  qu'on  appelle  autrement  Quinzième  ,  &  que  les 
Grecs  appel loient  Difdiapafon. 

La  Double-Oclave  cit  en  raifon  doublée  de  l'Octave  fim« 
ple  ,  &  c'eft  le  feul  Intervalle  qui  ne  change  pas  de  nom  ea 
fe  compofant  avec  lui-même. 

DOUBLE-TRIPLE.  Ancien  nom  de  la  Triple  de  Blan- 
ches ou  de  la  Mefure  à  trois  pour  deux  ,  laquelle  fe  bat  à 
trois  Tems  ,  6c  contient  une  Blanche  pour  chaque  Tems. 
Cette  Mefure  n'eit  plus  en  ufage  qu'en  France  ,  où  même 
elle  commence  à  s'abolir. 

DOUX.,  adj.  pris  adverbialement.  Ce  mot  en  Mufique  cft 
oppofé  à  Fort ,  &  s'écrit  au-delTus  des  Portées  pour  la  Mu- 
fique Françoife  ,  &  au-deflbus  pour  l'Italienne ,  dans  les  en- 
droits où  l'on  veut  faire  diminuer  le  bruit  ,  tempérer  & 
radoucir  l'éclat  &  la  véhémence  du  Son  ,  comme  dans  les 
Echos  ,  6c  dans  les  Parties  d'Accompagnement.  Les  Italiens 
écrivent  Dolce  &  plus  communément  Piano  dans  le  même 
fens  ;  mais  leurs  Puriftcs  en  Mufique  foutiennent  que  ces 
deux  mots  ne  font  pas  fynonymes  ,  6c  que  c'eft  par  abus 
que  plufieurs  Auteurs  les  emploient  comme  tels.  Ils  difent 
que  Piano  lignifie  fimplcmcnt  une  modération  de  Son  ,  une 
diminution  de  bruit  ;  mais  que  Dolce   indique  ,  outre  cela  » 


D    O    U  *5, 

une  manière  de  jouer  piu  /bave ,  plus    cîcuce ,  plus  lice  ,  & 
répondant  î;-peu-prcs  au  mot  Louré  des  François. 

Le  Doux  a  trois  nuances  qu'il  faut  bien  distinguer;  favoir, 
le  Demi-jeu  ,  le  Doux  &  le  très-Doux.  Quelque  voifines 
que  paroilfent  erre  ces  trois  nuances  ,  un  Orcheitre  entendu 
Jes   rend  tres-fenfibles  &  très-diftinctes. 

DOUZIEME,  f.f.  Intervalle  compofé  de  onze  Degrés  con- 
joints ;  c'e(t-à-dire,  de  Douze  Sons  diatoniques  en  comptant 
les  deux  extrêmes  :  c'eft  l'Octave  de  la  Quinte.  (  Voy.  Quinte.  ) 
Toute  corde  fonore  rend  ,  avec  le  Son  principal  ,  celui 
de  la  Douzième  ,  plutôt  que  celui  de  la  Quinte  ,  parce  que 
cette  Dou\itme  eit  produite  par  une  aliquote  de  la  corde 
entière  qui  eft  le  tiers  ;  au  lieu  que  les  deux  tiers  ,  qui  don- 
neraient la  Quinte  ,  ne  font  pas  une  aliquote  de  cette 
même  corde. 

DRAMATIQUE ,  adj.  Cette  épithete  fe  donne  a  la  Mu- 
fique  imitative,  propre  aux  Pièces  de  Théâtre  qui  fe  chan- 
tent ,  comme  les  Opéra.  On  l'appelle  auiïi  Mufique  Lyrique. 
( Voyez  Imitation.) 

DUO ,  /.'  m.  Ce  nom  fe  donne  en  général  à  toute  Mufique 
à  deux  Parties;  mais  on  en  restreint  aujourd'hui  le  fens  à 
deux  Parties  récitantes ,  vocales  ou  inltrumentales ,  à  l'exclu- 
fion  des  (impies  Accompagnemcns  qui  ne  font  comptés 
pour  rien.  Ainfi  Ton  appelle  Duo  une  Mufique  à  deux  Voix, 
quoiqu'il  y  ait  une  troifieme  Partie  pour  la  Baffe-continue , 
&  d'autres  pour  la  Symphonie.  En  un  mot,  pour  conllituer 
un  Duo  il  faut  deux  Parties  principales,  entre  lefquelles  le 
Chant  foit  également  diitribué. 

I,  i 


i$i  DUO 

Les  règles  du  Duo  &  en  général  de  la  Mufique  à  deux 
Parties ,  font  les  plus  rigoureufes  pour  l'Harmonie  ;  on  y 
défend  plufieurs  pafTages,  plufieurs  mouvemens  qui  feraient 
permis  à  un  plus  grand  nombre  de  Parties  :  car  tel 
pafTuge  ou  tel  Accord  qui  plaît  à  la  faveur  d'un  troifieme  ou 
d'un  quatrième  Son  j  fans  eux  choquerait  l'oreille.  D'ailleurs, 
on  ne  ferait  pas  pardonnable  de  mal  choifir,  n'ayant  que 
deux  Sons  à  prendre  dans  chaque  Accord.  Ces  règles  étoient 
encore  bien  plus  féveres  autrefois  ;  mais  on  s'eft  relâché  fur 
tout  cela  dans  ces  derniers  tems  où  tout  le  monde  s'cft  mis 
à  compofer. 

On  peut  envifager  le  Duo  fous  deux  afpe&s;  favoir,  Am- 
plement comme  un  Chant  à  deux  Parties,  tel,  par  exemple, 
que  le  premier  verfet  du  Stabat  de  Pergolèfe ,  Duo  le  plus 
parfait  &  le  plus  touchant  qui  foit  forti  de  la  plume  d'au- 
cun Muficien;  ou  comme  partie  de  la  Mufique  imitative  & 
théâtrale,  tels  que  font  les  Duo  des  Scènes  d'Opéra.  Dans 
l'un  &  dans  l'autre  cas,  le  Duo  eft  de  toutes  les  fortes  de 
Mufique  celle  qui  demande  le  plus  de  goût,  de  choix,  &  la 
plus  difficile  â  traiter  fans  fortir  de  l'unité  de  Mélodie.  On 
me  permettra  de  faire  ici  quelques  obfervations  fur  le  Duo 
Dramatique ,  dont  ks  difficultés  particulières  le  joignent  à 
celles  qui  font   communes  à  tous    les  Duo. 

L'Auteur  de  la  Lettre  fur  l'Opéra  à'Omphalè  a  fenfément 
remarqué  que  les  Duo  font  hors  de  la  nature  dans  la  Mu- 
fique imitative  :  car  rien  n'efl  moins  naturel  que  de  voir 
deux  perfonnes  fe  parler  à  la  fois  durant  un  certain  tems  , 
fo'.t  pour  dire  la  même  choie,  foit  pour  fe  contredire}  fans 


DUO  15J 

jamais  s'écouter  ni  fe  répondre;  &  quand  cette  fuppofition 
pourrait  s'admettre  en  certains  cas,  ce  ne  ferait  pas  du 
moins  dans  la  Tragédie ,  où  cette  indécence  n'eft  convena- 
ble ni  à  la  dignité  des  perfonnages  qu'on  y  fait  parler,  ni 
à  l'éducation  qu'on  leur  fuppofe.  Il  n'y  a  donc  que  les  trans- 
ports d'une  pafïîon  violente  qui  puilfent  porter  deux  Inter- 
locuteurs héroïques  à  s'interrompre  l'un  &  l'autre ,  à  parler 
tous  deux  à  la  fois  ;  &z  même ,  en  pareil  cas ,  il  eft  très- 
ridicule  que  ces  difeours  limultanés  foient  prolongés  de  ma- 
nière à  faire  une  fuite  chacun  de  leur  côté. 

Le  premier  moyen  de  fauver  cette  abfurdité  eft  donc  de 
ne  placer  les  Duo  que  dans  des  Situations  vives  &  touchantes, 
où  l'agitation  des  Interlocuteurs  les  jette  dans  une  forte  de 
délire  capable  de  faire  oublier  aux  Speétateurs  &  à  eux-mêmes 
ces  bienféances  théâtrales  qui  renforcent  Tillulion  dans  les 
feenes  froides,  &  la  détruifent  dans  la  chaleur  des  parlions. 
Le  fécond  moyen  eft  de  traiter  le  plus  qu'il  eft  pofTïble  le 
Duo  en  Dialogue.  Ce  Dialogue  ne  doit  pas  être  phrafé  &. 
divifé  en  grandes  périodes  comme  celui  du  Récitatif,  mais 
formé  d'interrogations,  de  réponfes,  d'exclamations  vives  & 
courtes,  qui  donnent  occafion  à  la  Mélodie  de  palier  alter- 
nativement &  rapidement  d'une  Partie  à  l'autre,  fans  ceffer 
de  former  une  fuite  que  l'oreille  puifîe  ftifir.  Une  troifïeme 
attention  eft  de  ne  pas  prendre  indifféremment  pour  fujets 
toutes  les  pafïions  violentes;  mais  feulement  celles  qui  font 
fufccptibles  de  la  Mélodie  douce  &  un  peu  contraftéc  con- 
venable au  Duo ,  pour  en  rendre  le  chant  accentué  &  l'Har- 
monie agréable.  La  fureur ,    l'emportement    marchent    trop 


Z54  DUO 

vite;     on   ne    diftingue    rien,  on  n'entend  qu'un  aboiement 
confus ,  &  le  Duo  ne   fait  point   d'effet.  D'ailleurs ,  ce  re- 
tour perpétuel  d'injures,   d'infultes  conviendroit  mieux  à  des 
Bouviers    qu'à    des  Héros,  ôc  cela  reiïemble  tout-à-fait  aux 
lànfaronades  de  gens  qui  veulent  fe  faire  plus  de  peur  que 
de    mal.  Bien   moins    encore    faut-il   employer   ces    propos 
doucereux    d'appas  ,  de  chaînes,  de  fiâmes;  jargon    plat    ôc 
froid  que    la  paMIon  ne  connut  jamais,  &  dont   la    bonne 
Mafique  n'a   pas  plus  befoin  que  la   bonne  Poéfie.  L'inftant 
d'une    féparation ,    celui  où   l'un   des    deux   Amans   va  à   la 
mort    ou    dans  les    bras   d'un  autre,   le  retour  fincere  d'un 
infidèle ,    le  touchant  combat  d'une  mère   ôc   d'un   iils  vou- 
lant mourir  l'un  pour  l'autre;    tous  ces   momens  d'affliction 
où  l'on   ne    laiiïe  pas  de  verfer  des  larmes  délicieufes  :  voilà 
les  vrais  fujcts  qu'il  faut  traiter  en  Duo  avec  cette  fimplicir*. 
de  paroles  qui  convient  au  langage  du  cœur.  Tous  ceux  qui 
ont    fréquenté    les     Théâtres    Lyriques   favont   combien    ce 
feul   mot  adJ'n  peut  exciter    d'attendrûfement  &   d'émotion 
dans    tout    un    Spectacle.  Mais  ll-tôt  qu'un  trait  d'efprit  ou 
un   tour  phrafé  fe  lailTe  appercevoir,    à  l'inftant  le    charme 
cft  détruit ,  &   il   faut  s'ennuyer  ou  rire. 

Voilà  quelques-unes  des  obfervations  qui  regardent  le 
Poète.  A  l'égard  du  Mu'.icien,  c'elt  à  lui  de  trouver  un 
chant  convenable  au  fujct ,  &  dtftribué  de  telle  forte  que, 
chacun  des  Interlocuteurs  parlant  à  fon  tour,  toute  la  fuite 
du  Dialogue  ne  forme  qu'une  Mélodie ,  qui ,  fans  changer 
<!*    fajer,  ou   du  moins    (an  H    le    mouvement,    pal  le 

dans   fon   progrès   d'une   Partie  à   l'autre,   ùrs  ceflèr  d' 


DUO  î?5 

une  &  fans  enjamber.  Les  Duo  qui  font  le  plus  d'effet  font 
ceux  des  Voix  égales  ,  parce  que  l'Harmonie  en  efi  plus 
rapprochée  ;  &  entre  les  Voix  égales ,  celles  qui  font  le  plus 
d'effet  font  les  Deflus,  parce  que  leur  Diapafon  plus  aigu 
fe  rend  plus  diftinct,  &  que  le  Son  en  efè  plus  touchant. 
Aufli  les  Duo  de  cette  efpece  font  -  ils  les  feuls  employés 
par  les  italiens  dans  leurs  Tragédies,  &  je  ne  doute  pas 
que  l'ufage  des  Caflrati  dans  les  rôles  d'hommes  ne  foit  dû 
en  partie  à  cette  obfervation.  Mais  quoiqu'il  doive  y  avoir 
égalité  entre  les  Voix,  &  unité  dans  la  Mélodie,  ce  n'eiè 
pas  à  dire  que  les  deux  Parties  doivent  être  exactement 
fc-mblables  dans  leur  tour  de  chant  :  car  outre  la  diverfité 
des  (tylcs  qui  leur  convient,  il  eft  très-rare  que  la  fituation 
des  deux  Acteurs  foit  fi  parfaitement  la  même  qu'ils  doi- 
vent exprimer  leurs  fentimens  de  la  même  manière  :  ainfi 
le  Muficien  doit  varier  leur  accent  &  donner  à  chacun  des 
deux  le  caractère  qui  peint  le  mieux  l'état  de.  fon  ame,  fur- 
tout   dans  le  Récit  alternatif. 

Quand  on  joint  enfcmble  les  deux  Parties,  (ce  qui  doit 
fe  faire  rarement  &  durer  peu  ) ,  il  faut  trouver  un  Chant 
fufceptible  d'une  marche  par  Tierces  ou  par  Sixtes ,  dans 
lequel  la  féconde  Partie  fine  fon  effet  fans  diftraire  de  la 
première.  (Voyez  Unité  de  Mélodie.)  Il  faut  garder  la 
dureté  des  Diilbnances ,  les  Sons  perçans  &  renforcés,  le 
Fortijfimo  de  l'Orcheftre  pour  des  in! tans  de  défordre  &.  de 
tranfports  où  les  Acteurs,  fcmblant  s'oublier  eux-mêmes, 
portent  leur  égarement  dans  l'a  me  de  tout  fpectatcur  fenfi- 
ble,   &    lui  font   éprouver   le  pouvoir  de   l'Harmonie  fobre- 


i56  DUO 

ment  ménagée;  mais  ces  inftans  doivent  être  rares,  courts 
&  amenés  avec  art.  Il  faut,  par  une  Mufique  douce  &  af- 
fectueufe,  avoir  déjà  difpofé  l'oreille  &  le  cœur  à  l'émotion, 
pour  que  l'une  &  l'autre  fe  prêtent  à  ces  ébranlemens  vio- 
lens ,  &  il  faut  qu'ils  paffent  avec  la  rapidité  qui  convient 
à  notre  foibleffe;  car  quand  l'agitation  eft  trop  forte,  elle 
ne  peut  durer ,  &c  tout  ce  qui  eit  au-delà  de  la  nature  ne 
touche   plus. 

Comme  je  ne  me  flatte  pas  d'avoir  pu  me  faire  enten- 
dre par-  tout  a  fiez  clairement  dans  cet  article,  je  crois  devoir 
y  joindre  un  exemple  fur  lequel  le  Lecteur ,  comparant  mes 
idées,  pourra  les  concevoir  plus  aifément.  11  eft  tiré  de 
l'Olympiade  de  M.  Métaftafio  ;  les  curieux  feront  bien  de 
chercher  dans  la  Mufique  du  même  Opéra,  par  Pergolèfe, 
comment  ce  premier  Muficien  de  fon  tems  &  du  nôtre  a 
traité  ce   Duo  dont  voici  le  fujet. 

Mégaclcs  s'étant  engagé  à  combattre  pour  fon  ami  dans 
des  jeux  où  le  prix  du  vainqueur  doit  être  la  belle  Arill.ce, 
retrouve  dans  cette  même  Ariitée  la  maîcreiïe  qu'il  adore. 
Charmée  du  combat  qu'il  va  foutenir  &  qu'elle  attribue  à 
fon  amour  pour  elle ,  Ariftée  lui  dit  à  ce  fujet  les  chofes  les 
plus  tendres,  auxquelles  il  répond  non  moins  tendrement; 
mais  avec  le  défefpoir  fecret  de  ne  pouvoir  retirer  fd  pa- 
role, ni  fe  diipenfer  de  faire,  aux  dépens  de  tout  fon  bon- 
heur, celui  d'un  ami  auquel  il  doit  la  vie.  Arillée ,  alar- 
mée de  la  douleur  qu'elle  lit  dans  fes  yeux  ,  &  que  con- 
firment Ils  difeours  équivoques  &  interrompus,  lui  témoi- 
gne  fon    inquiétude,  &  Mégaclès   ne  pouvant  plus  fuppor- 

ter  , 


DUO  t5r 

ter,  à  la  fois,  Ton  défefpoir  &  le  trouble  de  fa  mai  trèfle, 
parc  fans  s'expliquer  &  la  laiiïe  en  proie  aux  plus  vives 
craintes.  C'elt  dans  cette  fituation  qu'ils  chantent  le  Duo 
fijivant. 

MEGACLÈS. 

'AU  a  vit  a addio. 

Ne*  giorni  tuoi  felici 
Ricordati  di  me. 

ARISTEE, 

Perché  enfi  mi  dici9 
Anima  mia,   perché  ? 

MEGACLÈS, 

Taci ,  belF  Idol  mio. 

ARISTEE. 
Varia  ,  mio  dolce  amor. 

ENSEMBLE, 

M  v.  g  a  c  l  k  s.  Ah  !  che  parlando  ,  ?    ,  ^ .    , 

>  oh  Dio  ! 
Aristeb.    Ah  !  che  tacendo  ,  3 

Tu  mi  traffigi  il  cor  ! 

A  R  I  S  T  E  E,à  part. 

Veggio  languir  çhi  adoro , 
Bid.  de  Mufique,  Kk 


25x  DUO 

Ne  intendo  il  fuo  languir! 

M  É  G  A  C  L  È  S,  à  part. 

Di  gelofia  mi  moro  , 
E  non  lo  pojjb   dir  ! 

ENSEMBLE. 

Chi  mai  provà    di  quejïo 
Affanno  pïii  funejlo  , 
Piu  barbaro  dolor? 

Bien  que  tout  ce  Dialogue  femble  n'être  qu'une  fuite  de 
la  Scène ,  ce  qui  le  raffemble  en  un  feul  Duo  ,  c'eft  l'unité 
de  Deffein  par  laquelle  le  Muficien  en  réunit  toutes  les 
Parties ,  félon   l'intention  du  Poète. 

A  l'égard  des  Duo  Bouffons  qu'on  emploie  dans  les  In- 
termèdes &  autres  Opéra  comiques  ,  ils  ne  font  pas  com- 
munément à  Voix  égales  ,  mais  entre  Baffe  &  Deffus.  S'ils 
n'ont  pas  le  pathétique  des  Duo  tragiques ,  en  revanche  ils 
font  fufceptibles  d'une  variété  plus  piquante  ,  d'accens  plus 
différens  &  de  caractères  plus  marqués.  Toute  la  gcntil- 
kffe  de  la  coquetterie  ,  toute  la  charge  des  rôles  à  man- 
teaux ,  tout  le  contrafte  des  fottifes  de  notre  fexe  &  de  la 
rufe  de  l'autre ,  enfin  toutes  les  idées  acceffoires  dont  le 
fujet  eft  fufceptible  ;  ces  chofes  peuvent  concourir  toutes 
à  jetter  de  l'agrément  &  de  l'intérêt  dans  ces  Duo  ,  dont 
les  règles  font  d'ailleurs  les  mêmes  que  des  précédais»  en 
ce  qui  regarde    le    Dialogue    &    l'unité   de    Mélodie.   Pour 


D    U    P  159 

trouver  un  Duo  comique  parfait  à  mon  gré  dans  toutes  fes 
Parties  ,  je  ne  quitterai  point  l'Auteur  immortel  qui  m'a 
fourni  les  deux  autres  exemples  ,  mais  je  citerai  le  premier 
Duo  de  la  Serva  Padrona  :  lo  conofco  a  quegP  occhietti  ,  &c. 
&  je  le  citerai  hardiment  comme  un  modèle  de  Chant  agréa- 
ble ,  d'unité  de  Mélodie  ,  d'Harmonie  fimple ,  brillante  & 
pure  ,  d'accent ,  de  dialogue  &  de  goût  ;  auquel  rien  ne 
peut  manquer ,  quand  il  fera  bien  rendu  ,  que  des  Audi- 
teurs qui  fâchent  l'entendre  &  l'eftimer  ce  qu'il  vaut. 

DUPLICATION,//.  Terme  de  Plain  Chant.  L'Into- 
nation par  Duplication  fe  fait  par  une  forte  de  Périélèfe, 
en  doublant  la  pénultième  Note  du  mot  qui  termine  l'In- 
tonation; ce  qui  n'a  lieu  que  lorfque  cette  pénultième 
Note  efi  immédiatement  au  -  defîbus  de  la  dernière.  Alors 
la  Duplication  fert  à  la  marquer  davantage ,  en  manière  de 
Note  fenfîble. 

DUR ,  ad/.  On  appelle  air.fi  tout  ce  qui  blefTe  l'oreille  par 
fon  âpreté.  Il  y  a  des  Voix  Dures  &  glapiiïlintes ,  des  Inf- 
trumens  aigres  &  Durs  ,  des  compofitions  Dures.  La  Dureté 
du  Béquarre  lui  rit  donner  autrefois  le  nom  de  B  Dur.  Il  y 
a  des  Intervalles  Durs  dans  la  Mélodie  ;  tel  efr.  le  progrès 
Diatonique  des  trois  Tons  ,  foit  en  montant ,  foit  en  def- 
cendant;  &  telles  font  en  général  toutes  les  FaufTes-Rela- 
tions.  Il  y  a  dans  l'Harmonie  des  Accords  Durs  ;  tels  que 
font  le  Triton ,  la  Quinte  fuperflue  ,  &  en  général  toutes  les 
Difïbnances  majeures.  La  Dureté  prodiguée  révolte  l'oreille 
&  rend  une  Mufiquc  défagréable  ;  mais  ménagée  avec  art , 
elle  fert  au  clair  -obfcur,  &  ajoute  à  l'exprelïion. 

Kk  2 


L6«  E    C    3 


E 


fi  mi ,  E  la  mi ,  ou  Amplement  E.  Troifieme  Son  de 
la  Gamme  de  l'Arétin  ,  que  l'on  appelle  autrement  Mi.  (Voy. 
Gamme.) 

ECBOLE ,  ou  Elévation.  C'étoit  dans  les  plus  anciennes 
Mufiques  Grecques,  une  altération  du  Genre  Enharmoni- 
que ,  lorfqu'une  corde  étoit  accidentellement  élevée  de  cinq 
Dicfes  au-deilus  de  fon  Accord   ordinaire. 

ECHELLE  ,f.  f.  C'eft  le  nom  qu'on  a  donné  à  la  fuc- 
ceflïon  Diatonique  des  fept  Notes ,  ut  re  mi  fa  fol  la  fi , 
de  la  Gamme  notée  ,  parce  que  ces  Notes  fe  trouvent  ran- 
gées en  manière  d'Echelons  fur  les  Portées  de  notre  Mu- 
fique. 

Cette  énumération  de  tous  les  Sons  Diatoniques  de  no*rre 
Syftême ,  rangés  par  ordre ,  que  nous  appelions  Echelle  , 
les  Grecs  dans  le  leur  l'appeUoient  Térracorde  ,  parce  qu'en 
effet  leur  Echelle  n'étoit  compofée  que  de  quatre  Sons  qu'ils 
répéroient  de  Tétracorde  en  Tétracorde,  comme  nous  fai- 
fons  d'Octave  en  Octave.  (  Voyez  Tétracorde.  ) 

Saint  Grégoire  fut,  dit-on,  le  premier  qui  changea  les 
Tétracordes  des  Anciens  en  un  Eptacorde  ou  Syftême  de 
fept  Notes  ;  au  bout  defquelles  ,  commençant  une  autre 
Octave  ,  on  trouve  des  Sons  femblables  répétés  *.!ans  le  même 
ordre.  Cette  découverte  eft  très-belle  ,  &  il  fcmblera  lingu- 
îier  que  les  Grecs,   qui  voyoïent  fort  bien  les  iropiictcs  dv 


E    C    H  vit 

FOctave ,  aient  cru  ,  maigre  cela,  devoir  refier  attachés  à 
leurs  Tétracordes.  Grégoire  exprima  ces  fept  Notes  avec  les 
fept  premières  lettres  de  l'Alphabet  Latin.  Gui  Arétin  donna 
des  noms  aux  fix  premières;  mais  il  négligea  d'en  donner  un 
à  la  feptieme ,  qu'en  France  on  a  depuis  appelle  fi ,  &  qui 
n'a  point  encore  Qu'autre  nom  que  B  mi ,  chez  la  plupart 
des  Peuples  de   l'Europe. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  les  rapports  des  Tons  &  lemi- 
Tons  dont  VEckelle  eft  compofée,  foient  des  chofes  pure- 
ment arbitraires ,  &  qu'on  eût  pu ,  pai  d'autres  divifions 
tout  auffi  bonnes  r  donner  aux  Sons  de  cette  Echelle  un 
ordre  &  des  rapports  différens.  Notre  Syflcme  Diatonique 
eft  le  meilleur  à  cerrains  égards  ,  parce  qu'il  eft  engendré 
par  les  Confonnances  &  par  les  différences  qui  font  entre 
elles.  "  Que  l'on  ait  entendu  plufieurs  fois ,  dit  M.  Sau- 
n  veur,  l'Accord  de  la  Quinte  ik  celui  de  la  Quarte,  on 
»  eft  porté  naturellement  a  imaginer  la  différence  qui  eft 
»  entr'eux  ;  elle  s'unit  &  fe  lie  avec  eux  dans  notre  efprit 
»  &  participe  à  leur  agrément  :  voilà  le  Ton  majeur.  Il  en 
»  va  de  même  du  Ton  mineur ,  qui  eft  la  différence  de  la 
»>  Tierce  mineure  à  la  Quarte  ;  &  du  femi-Ton  majeur  , 
r>  qui  eft  celle  de  la  même  Quarte  à  la  Tierce  majeure»». 
Or  le  Ton  majeur,  le  Ton  mineur  &  le  femi-Ton  majeur; 
voilà  les  Degrés  Diatoniques  dont  notre  Echelle  eifc  corn* 
Bofée  félon  les  rapports  fuivans. 


i6i  E    C    H 

■g  g 

5  3  §  «        .  ,«  g  3  ,o«        g  3        .3 

S  H.        g    S  G  c  E  g    S 

/v>^\   p\^^->  rVA^O  r^A*^  r^A^^  /^j^-\  r^A^\ 
^         Ae  Mi  Fa  Sol         La  Si         Ut. 

%.  _9_  _I1  A  9  9  il 

9  lo  16  9  io  8  lô 

Pour  faire  la  preuve  de  ce  calcul ,  il  faut  compofer  tous 
les  rapports  compris  entre  deux  termes  confonnans,  &  l'on 
trouvera  que  leur  produit  donne  exactement  le  rapport  de 
la  Confonnance;  &  fi  l'on  réunit  tous  les  termes  de  Y 'Echelle , 
on  trouvera  le  rapport  total  en  raifon  fous-double;  c'eft-à- 
dire ,  comme  i  eft  à  i  :  ce  qui  eft  en  effet  le  rapport  exact: 
des  deux  termes  extrêmes;  c'eft-à-dire,  de  Yut  à  fon  Octave. 

L'Echelle  qu'on  vient  de  voir  eft  celle  qu'on  nomme  na- 
turelle ou  Diatonique;  mais  les  modernes,  divifant  fes  De- 
grés en  d'autres  Intervalles  plus  petits,  en  ont  tiré  une  autre 
Echelle  qu'ils  ont  appellée  Echelle  femi-Tonique  ou  Chro- 
matique, parce  qu'elle  procède  par  femi-Tons. 

Pour  former  cette  Echelle  ,  on  n'a  fait  que  partager  en 
deux  Intervalles,  égaux  ou  fappofés  tels ,  chacun  des  cinq 
Tons  entiers  de  l'Octave  ;  fans  distinguer  le  Ton  majeur 
du  Ton  mineur;  ce  qui,  avec  les  deux  femi-Tons  majeurs 
qui  s'y  trouvoient  déjà,  fait  une  fucceflion  de  douze  femi- 
Tons  fur   treize  Sons  confecutifs  d'une  Octave  a  l'autre. 

L'ufagc  de  cette  Echelle  eft  de  donner  les  moyens  de 
Moduler  fur  telle  Note  qu'on  veut  choifir  pour  fondamen- 
tale, &  de  pouvoir,  non-feulement   faire    fur   cette  Note  un 


E    C    H  2*3 

Intervalle  quelconque,  mais  y  établir  une  Echelle  Diato- 
nique, femblable  à  V  Echelle  Diatonique  de  Y  ut.  Tant  qu'on 
s'elt  contente  d'avoir  pour  Tonique  une  Note  de  la  Gamme 
prife  à  volonté,  fans  s'embarralfer  fi  les  Sons  par  lefquels 
devoir  paifer  la  Modulation ,  étoient  avec  cette  Note  ,  6c 
entr'eux ,  dans  les  rapports  convenables  ,  Y  Echelle  femi-To- 
nique  étoit  peu  nécelTaire  ;  quelque  ja  Dièfe ,  quelque  Ji 
Bémol  compofoient  ce  qu'on  appelloic  les  Feintes  de  la  Mu- 
fique  :  c'étoient  feulement  deux  touches  à  ajouter  au  Cla- 
vier Diatonique.  Mais  depuis  qu'on  a  cm  fentir  la  nécefTité 
d'établir  entre  les  divers  Tons  une  fimilitude  parfaite,  il  à 
falu  trouver  des  moyens  de  rranfporter  les  mêmes  Chants 
&  les  mêmes  Intervalles  plus  haut  ou  plus  bas ,  félon  le  Ton 
que  l'on  choififfoir.  JJ  Echelle  Chromatique  cft  donc  deve- 
nue d'une  nécefïïté  indifpenfable  ;  &  c'eft  par  fon  moyen 
qu'on  porte  un  Chant  fur  tel  Degré  du  Clavier  que  l'on 
veut  choifîr ,  &  qu'on  le  rend  exactement  fur  cette  nou- 
velle pofition ,  tel  qu'il  peut  avoir  été  imaginé  pour  un  autre. 

Ces  cinq  Sons  ajoutés  ne  forment  pas  dans  la  Mufique 
de  nouveaux  Degrés  :  mais  ils  fe  marquent  tous  fur  le  De- 
gré le  plus  voifin ,  par  un  I3émol  fi  le  Degré  eit  plus  haut  ; 
par  un  Dièfe  s'il  cft  plus  bas  :  &  la  Note  prend  toujours 
le  nom  du  Degré  fur  lequel  elle  eit  placée.  (Voyez  Bémol 
&  Dièse.) 

Pour  afhgner  maintenant  les  rapports  de  ces  nouveaux  In- 
tervalles, il  faut  favoir  que  les  deux  Parties  ou  femi-Tons 
qui  compofent  le  Ton  majeur,  font  dans  les  rapports  de  15 
à  16  &  de  n8  à  135;  &  que  les  deux  qui  compofent  aulfi 


i64  E    C    H 

le  Ton  mineur  font  dans  les  rapports  de  15  à  16  &  de  24 
à  25  :  de  forte  qu'en  divifant  toute  l'Octave  félon  Y  Echelle 
femi-Tonique,  on  en  a  tous  les  termes  dans  les  rapports 
exprimés  dans  la  PL  L.  Fig.    1. 

Mais  il  faut  remarquer  que  cette  divifion  ,  tirée  de  M. 
Malcolm ,  paroît  à  bien  des  égards  manquer  de  jufteffe.  Pre- 
mièrement, les  femi-Tons  qui  doivent  être  mineurs  y  font 
majeurs,  &  celui  du  fol  Dicfe  au  la  ,  qui  doit  être  majeur, 
y  eft  mineur.  En  fécond  lieu,  plufieurs  Tierces  majeures, 
comme  celle  du  la  à  Yut  Dièfe,  &  du  mi  au  fol  Dicfe, 
y  font  trop  fortes  d'un  Comma  ;  ce  qui  doit  les  rendre  in- 
fupportables.  Enfin  le  femi-Ton  moyen  y  étant  fubftitué 
au  femi-Ton  maxime ,  donne  des  Intervalles  faux  par-tout  où 
il  eft  employé.  Sur  quoi  l'on  ne  doit  pas  oublier  que  ce 
femi-Ton  moyen  elè  plus  grand  que  le  majeur  même;  c'eft- 
à-dire,  moyen  entre  le  maxime  &  le  majeur,  f Voyez  Semi- 
Ton.  ; 

Une  divifion  meilleure  &  plus  naturelle  feioit  donc  de  par- 
tager le  Ton  majeur  en  deux  femi-Tons ,  l'un  mineur  de 
14  à  25  ,  &  l'autre  maxime  de  25  à  27  ,  laifîant  le  Ton 
mineur  divifé  en  deux  femi-Tons,  l'un  majeur  &  l'autre 
mineur ,   comme  dans  la  Table    ci-delîiis. 

Il  y  a  encore  deux  autres  Echelles  femi-Toniqucs ,  qui 
viennent  de  deux  autres  manières  de  divifer  l'Octave  par  fe- 
mi-Tons. 

La  première  fe  fait  en  prenant  une  moyenne  Harmoni- 
que ou  Arithmétique  entre  les  deux  termes  du  Ton  ma- 
jeur,   &   une  autre  entre  ceux  du  Ton  mineur,  qui   divife 

l'un 


E    C    H  i6$ 

l'un  &  l'autre  Ton  en  deux  femi-Tons  prefque  égaux  :  ainfi 
le  Ton  majeur  *  eft  divifé  en  îf  &  {\  arithmétiquement  , 
les  nombres  repréfcntant  les  longueurs  des  cordes  ;  mais 
quand  ils  repréfentent  les  vibrations ,  les  longueurs  des  Cor* 
des  font  réciproques  &  en  proportion  harmonique,  comme 
i   {-   \\    ce  qui  met  le  plus  grand  femi-Ton   au  grave. 

De  la  même  manière  le  Ton  mineur  £  fe  divife  arith- 
métiquement  en  deux  femi-Tons  \\  &  îf,  ou  réciproque- 
ment i  ï|.  &  :  mais  cette  dernière  divifion  n'eft  pas  har- 
monique. 

Toute  l'Octave  ainfi  calculée  donne  les  rapports  exprimés 
dans  la  Planche  L.  Fig.  i. 

M.  Salmon  rapporte  ,  dans  les  Tranfa&ions  Philofophi- 
ques,  qu'il  a  fait  devant  la  Société  Royale  une  expérience 
de  cette  Echelle  fur  des  cordes  divifées  exactement  ftlon  ces 
proportions,  &  qu'elles  furent  parfaitement  d'accord  avec 
d'autres  Inftrumens  touchés  par  les  meilleures  mains.  M. 
Malcolm  ajoute  qu'ayant  calculé  &  comparé  ces  rap- 
ports, il  en  trouva  un  plus  grand  nombre  de  faux  dans 
cette  Echelle ,  que  dans  la  précédente  ;  mais  que  les  erreurs 
étoient  confidérablement  moindres;  ce  qui  fait  compenfa- 
tion. 

Enfin  l'autre  Echelle  femi-Tonique  eft  celle  des  Aridoxé- 
niens,  dont  le  P.  Merfenne  a  traité  fort  au  long,  &  que 
M.  Rameau  a  tenté  de  renouveller  dans  ces  derniers  tems. 
Elle  confilte  à  divifer  géométriquement  l'Octave  par  onze 
moyennes  proportionnelles  en  douze  femi-Tons  parfaitement 
égaux.  Comme  les  rapports  n'en  font  pas  rationnels ,  je  ne 
Dicl.  de  Mujique.  L  1 


i66  £    C    H 

donnerai  point  ici  ces  rapports  qu'on  ne  peut  exprimer  que 
par  la  formule  même,  ou  par  les  logarithmes  des  termes  de 
la  progrefïion  entre  les  extrêmes  i  &  2.  (  Voyez  Tempé- 
rament.) 

Comme  au  Genre  Diatonique  6c  au  Chromatique  ,  les 
Harmoniir.es  en  ajoutent  un  troiileme  ,  favoir  l'Enharmo- 
nique ,  ce  troifîeme  Genre  doit  avoir  aufît  fon  Echelle  ,  du 
moins  par  fuppoikion  :  car  quoique  les  Intervalles  vraiment 
Enharmoniques  n'exifîent  point  dans  notre  Clavier,  il  eft 
certain  que  tout  paflage  Enharmonique  les  fuppofe  ,  &  que 
l'efprit  corrigeant  fur  ce  point  la  fenfation  de  l'oreille  ,  ne 
paire  alors  d'une  idée  à  l'autre  qu'à  la  faveur  de  cet  Inter- 
valle fous-entendu.  Si  chaque  Ton  étoit  exaclement  compofé 
de  deux  femi-Tons  mineurs,  tout  Intervalle  Enharmonique 
feroit  nul  ,  &c  ce  Genre  n'exifteroit  pas.  Mais  comme  un. 
Ton  mineur  même  contient  plus  de  deux  femi  -  Tons  mi- 
neurs, le  complément  de  la  femme  de  ces  deux  femi-Tons 
au  Ton  ;  c'ef  t-à-dire ,  l'efpace  qui  relie  entre  le  Dicfe  de  la 
Note  inférieure,  «Se  le  Bémol  de  la  fuperieure,  eft  précifé- 
ment  FInrervalle  Enharmonique  ,  appelle  communément 
Quart  -  de  -  Ton.  Ce  Quart  -  de  -  Ton  eft  de  deux  efpcces  , 
favoir  l'Enharmonique  majeur  &  l'Enharmonique  mineur , 
dont  on  trouvera  les  rapports  au  mot  Quakt-de-Ton. 

Cette  explication  doit  fu  frire  à  tout  Lecteur  pour  conce- 
voir aifément  l' Echelle  Enharmonique  que  j'ai  calculée  & 
inférée  dans  la  Planche  L.  Fig.  3.  Ceux  qui  chercheront  de 
plus  grands  écLiruiicmens  fur  ce  point  pourront  lire  le  mot 
Enharmonique. 


E    C    H  itf7 

ECHO  yf.  m.  Son  renvoyé  ou  réfléchi  par  un  corps  folide, 
&  qui  pur -la  fe  repère  &  fe  renouvelle  à  l'oreille.  Ce  mot 
vient  du  Grec  nyjç  Son. 

On  appelle  auifi  Echo  le  lieu  où  la  répétition  fe  fait  en- 
tendre. 

On  distingue  les  Echos  pris  en  ce  fens  ,  en  deux  efpeces; 
favoir  : 

i°.  UEcho  fimple  qui  ne  répète  la  voix  qu'une  fois ,  & 
i°.  YEcho  double  ou  multïpk  qui  répète  les  mêmes  Sons 
deux  ou  plufieurs  fois. 

Dans  les  Echos  fimples  il  y  en  a  de  Toniques  ;  c'eft-a- 
dire,  qui  ne  répètent  que  le  Son  mufical  6c  foutenu  ;  6c  d'au- 
tres Syllabiques,  qui  répètent  auflî  la  voix  parlante. 

On  peut  tirer  parti  des  Echos  multiples ,  pour  former  des 
Accords  &  de  l'Harmonie  avec  une  feule  Voix ,  en  faifant 
entre  la  Voix  &  l'£c/to  une  efpece  de  Canon  dont  la  Mefure 
doit  être  réglée  fur  le  tems  qui  s'écoule  entre  les  Sons  pro- 
noncés &  les  mêmes  Sons  répétés.  Cette  manière  de  faire 
un  Concert  à  foi  tout  feul,  devroit,  fi  le  Chanteur  étoit 
h;;bile ,  <5c  YEcho  vigoureux  ,  paroître  étonnante  &  prefque 
magique  aux  Auditeurs  non  prévenus. 

Le  nom  d'Echo  fe  tranfporte  en  Mufique  à  ces  fortes 
d'Airs  ou  de  Pièces  dans  lefquelles,  à  l'imitation de  YEcho , 
l'on  répète  de  tems  en  tems ,  &  fort  doux ,  un  certain  nom- 
bre de  Notes.  C'eit  fur  l'Orgue  qu'on  emploie  le  plus  com- 
munément cette  manière  de  jouer ,  à  caufe  de  la  facilité 
qu'on  a  de  faire  des  Echos  fur  le  Pofitif;  on  peut  faire  auflî 
des  Echos  fur  le  Clavecin,  au  moyen  du  petit  Clavier. 

Ll  x 


xd  E    C    H 

L'Abbé  Broffard  dit  qu'on  fe  fert  quelquefois  du  mot 
Echo  en  la  place  de  celui  de  Doux  ou  Piano ,  pour  marquer 
qu'il  faut  adoucir  la  Voix  ou  le  Son  de  l'Inftrument ,  comme 
pour  faire  un  Echo.   Cet  ufage  ne  fubfifte  plus. 

ECHOMETRE,/  m.  Efpece  d'Echelle  graduée,  ou  de 
Règle  divifée  en  plufieurs  parties,  dont  on  fe  fert  pour  me- 
furer  la  durée  ou  longueur  des  Sons  ,  pour  déterminer  leurs 
valeurs  diverfes ,   &  même  les  rapports  de  leurs  Intervalles. 

Ce  mot  vient  du  Grec  nxflç»  fort ,  &  de  ^ît^ov,  Mejhre, 

Je  n'entreprendrai  pas  la  defeription  de  cette  machine , 
parce  qu'on  n'en  fera  jamais  aucun  ufage ,  &  qu'il  n'y  a  de 
bon  Echometre  qu'une  oreille  fenfible  &  une  longue  habi- 
tude de  la  Muûque.  Ceux  qui  voudront  en  favoir  la-delîus 
davantage  ,  peuvent  confulter  le  Mémoire  de  M.  Sau- 
veur,  inféré  dans  ceux  de  l'Académie  des  Sciences ,  année 
1701.  Ils  y  trouveront  deux  Echelles  de  cette  Efpece;  l'une 
de  M.  Sauveur ,  &  l'autre  de  M.  Loulié.  (  Voyez  aufîi  l'ar- 
ticle Chronomètre.  ) 

ECLYSE ,  /  /.  Abaiflement.  C'étoit ,  dans  les  plus  an- 
ciennes Mufiques  Grecques  ,  une  altération  dans  le  Genre 
Enharmonique  ,  lorfqu'une  corde  étoit  accidentellement 
abaifiee  de  trois  Dièfes  au-delîus  de  fon  Accord  ordinaire. 
Ainfi  VEcfyfe  étoit  le  contraire  du  SponJéafme. 

ECMELE  ,  ad).  Les  Sons  Ecméies  étoient  ,  chez  les 
Grecs  ,  ceux  de  la  voix  inappréciable  ou  parlante ,  qui  ne 
peut  fournir  de  Mélodie ,  par  oppwfition  aux  Sons  Emmêles 
ou  Muficaux. 

EFFET ,  f.  m.  Imprcfïion  agréable  &  forte  que  produit 


EGA  iG9 

une  excellente  Mufique  fur  l'oreille  &c  l'efprit  des  écoutans  : 
ainfi  le  feul  mot  Effet  fignilie  en  Mufique  un  grand  &:  bel 
Effet.  Et  non- feulement  on  dira  d'un  ouvrage  qu'il  fait  de 
Y  Effet',  mais  on  y  diftinguera ,  fous  le  nom  de  chofes  d'Ef- 
fet ,  toutes  celles  où  la  fenfation  produite  paroît  fupérieure 
aux  moyens  employés  pour  l'exciter. 

Une  longue  pratique  peut  apprendre  a  connoître  fur  le 
papier  les  chofes  d'Effet  ;  mais  il  n'y  a  que  le  Génie  qui  les 
trouve.  C'eft.  le  défaut  des  mauvais  Compofiteurs  &  de  tous 
les  Commençans ,  d'entafTer  Parties  fur  Parties ,  Inftrumens 
fur  Infixumens  ,  pour  trouver  Y  Effet  qui  les  fuit,  &  d'ouvrir  Y 
comme  difoit  un  Ancien ,  une  grande  bouche  pour  fourrier 
dans  une  petite  Flûte.  Vous  diriez  ,  à  voir  leurs  Partitions  fi 
chargées  ,  fi  hériffées  ,  qu'ils  vont  vous  furprendre  par  des 
Effets  prodigieux  ,  &  fi  vous  êtes  furpris  en  écoutant  tout 
cela ,  c'eft  d'entendre  une  petite  Mufique  maigre  ,  chérive  , 
confufe  ,  fans  Effet ,  &  plus  propre  à  étourdir  les  oreilles 
qu'à  les  remplir.  Au  contraire  l'œil  cherche  fur  les  Partitions 
des  grands  Maîtres  ces  Effets  fublimes  &  raviffans  que  pro- 
duit leur  Mufique  exécutée.  C'eft  que  les  menus  détails  font 
ignorés  ou  dédaignés  du  vrai  génie  ,  qu'il  ne  vous  amufe 
point  par  des  foules  d'objets  petits  &  puériles ,  mais  qu'il 
vous  émeut  par  de  grands  Effets  ,  &  que  la  force  &  la  fim- 
plicité  réunies  forment  toujours  fon  caraétere. 

EGAL ,  adj.  Nom  donné  par  les  Grecs  au  Syftême  d'Arif- 
toxene ,  parce  que  cet  Auteur  divifoit  généralement  chacun 
de  fes  Tétracordes  en  trente  parties  égales ,  dont  il  aflignoic 
enfuite  un  certain  nombre  à  chacune   dçs  trois  divifions  du 


27» 


E    L    E 


Tétracorde  ,  félon  le  Genre  &  l'efpece  du  Genre  qu'il  vouloir 
établir.  (  Voyez  Genre  ,  Système.  ) 

ELEGIE.  Sorte  de  Nome  pour  les  Flûtes ,  inventé ,  dit- 
on  ,  par  Sacadas  Argien. 

ÉLÉVATION ,  f.  f.  Arfis.  VElévation  de  la  main  ou  du 
pied ,  en  battant  la  Mefure ,  fert  à  marquer  le  Tems  fai- 
ble &c  s'appelle  proprement  Levé  :  c'étoit  le  contraire  chez  les 
Anciens.  JJElévation  de  la  voix  en  chantant ,  c'eft  le  mou- 
vement par  lequel  on  la  porte  a  l'aigu. 

ÉLINE.  Nom  donné  par  les  Grecs  à  la  Chanfon  des  Tif- 
ferands.  (Voyez  Chanson.) 

EMMELE ,  adj.  Les  Sons  Emmêles  étoient  chez  les  Grecs 
ceux  de  la  voix  diftin&e  ,  chantante  &  appréciable ,  qui  peu- 
vent donner  une  Mélodie. 

ENDEMATIE  ,  f.  f.  C'étoit  l'Air  d'une  forte  de  Danfe 
particulière  aux  Argiens. 

ENHARMONIQUE,  adj. pris fubjî.  Un  des  trois  Genres 
de  la  Mufique  des  Grecs,  appelle  aufri  très -fréquemment 
Harmonie  par  Ariltoxène  &  fes  Sectateurs. 

Ce  Genre  réfultoit  d'une  divifion  particulière  du  Tétracorde, 
félon  laquelle  l'Intervalle  qui  fe  trouve  entre  le  Lichanos  ou 
la  troifieme  corde  ,  &  la  Mèfe  ou  la  quatrième ,  étant  d'un 
Diton  ou  d'une  Tierce  majeure ,  il  ne  reltoit ,  pour  achever 
le  Tétracorde  au  grave  ,  qu'un  femi-Ton  à  partager  en  deux 
Intervalles  ;  favoir  ,  de  Y)  lypate  à  la  Parhypare  ,  &  de  la 
Parhypate  au  Lichanos.  Nous  expliquerons  au  mot  Genre 
comment  fe  faifoit  cette  divifion. 

Le  Genre  Enharmonique  étoit  le  plus  doux  des  trois ,   au 


E    N    H 


»7» 


rapport  d'Ariftide  Quintilien.  Il  paifoit  pour  très-ancien ,  & 
la  plupart  des  Auteurs  en  attribuaient  l'invention  à  Olympe 
Phrygien.  Mais  fon  Tétracorde  ,  ou  plutôt  fon  Diateffaron 
de  ce  Genre  ,  ne  contenoit  que  trois  cordes  qui  formoicnt 
entr'elles  deux  Intervalles  incompofés  ;  le  premier  d'un  femi- 
Ton,  &  l'autre  d'une  Tierce  majeure  ;  &  de  ces  deux  feuls 
Intervalles  répétés  de  Tétracorde  en  Tétracorde,  réfultoit 
alors  tout  le  Genre  Enharmonique.  Ce  ne  fut  qu'après  Olympe 
qu'on  s'avifa  d'inférer ,  à  l'imitation  des  autres  Genres  ,  une 
quatrième  corde  entre  les  deux  premières  ,  pour  faire  la  di- 
vifion  dont  je  viens  de  parler.  On  en  trouvera  les  rapports, 
félon  les  Syftêmes  de  Ptolomée  &  d'Ariitoxène.  (  Planche 
M.  Fig.  5.  ) 

Ce  Genre  fi  merveilleux ,  fi  admiré  des  Anciens,  &  ,  félon 
quelques-uns,  le  premier  trouvé  des  trois,  ne  demeura  pas 
long-tems  en  vigueur.  Son  extrême  difficulté  le  fit  bientôt 
abandonner  à  mefure  que  l'Art  gagnoit  des  combinaifons  en 
perdant  de  l'énergie ,  &  qu'on  fuppléoit  à  la  finefTe  de  l'o- 
reille par  l'agilité  des  doigts.  Aufli  Plutarque  reprend -il 
vivement  les  Muficiens  de  fon  tems  d'avoir  perdu  le  plus 
beau  des  trois  Genres ,  &  d'ofer  dire  que  les  Intervalles  n'en 
font  pas  fenfibles  ;  comme  fi  tout  ce  qui  échappe  à  leurs 
fens  groffiers  ,  ajoute  ce  Philofophe  ,  devoit  être  hors  de  la 
Nature. 

Nous  avons  aujourd'hui  une  forte  de  Genre  Enharmonique 
entièrement  différent  de  celui  des  Grecs.  11  confifte,  comme 
les  deux  autres  ,  dans  une  progreilïon  particulière  de  l'Har- 
monie ,  qui  engendre  ,  dans  la  marche  des  Parties  ,  des  In- 


z7{  E    N    H 

tervalles  Enharmoniques  ,  en  employant  à  la  fois  ou  fuccef- 
fivemenc  entre  deux  Notes  qui  font  à  un  Ton  l'une  de  l'autre 
le  Bémol  de  l'inférieure  &  le  Dièfe  de  la  fupérieure.  Mais 
quoique  ,  félon  la  rigueur  des  rapports  ,  ce  Dièfe  &  ce  Bémol 
duifent  former  un  Intervalle  entr'eux ,  (Voyez  Echelle  & 
Quart  -de-Ton  )  cet  Intervalle  fe  trouve  nul ,  au  moyen 
du  Tempérament ,  qui  dans  le  Syftême  établi  fait  fervir  le 
même  Son  à  deux  ufages  :  ce  qui  n'empêche  pas  qu'un  tel 
paffage  ne  produife ,  par  la  force  de  la  Modulation  &  de 
l'Harmonie  ,  une  partie  de  l'effet  qu'on  cherche  dans  les  Tran- 
fitions  Enharmoniques. 

Comme  ce  Genre  efl:  affez  peu  connu ,  &  que  nos  Au- 
teurs fe  font  contentés  d'en  donner  quelques  notions  trop 
fuccincles,  je  crois  devoir  l'expliquer  ici  un  peu  plus  au  long. 

Il  faut  remarquer  d'abord  que  l'Accord  de  Septième  dimi- 
nuée eft  le  feul  fur  lequel  on  puiffe  pratiquer  des  paffages 
vraiment  Enharmoniques  ;  &  cela  en  vertu  de  cette  propriété 
finguliere  qu'il  a  de  divifer  l'Octave  entière  en  quatre  Inter- 
valles égaux.  Qu'on  prenne  dans  les  quatre  Sons  qui  com- 
pofent  cet  Accord  ,  celui  qu'on  voudra  pour  fondamental  , 
on  trouvera  toujours  également  que  les  trois  autres  Sons 
forment  fur  celui-ci  un  Accord  de  Septième  diminuée.  Or 
le  Son  fondamental  de  l'Accord  de  Septième  diminuée  eft 
toujours  une  Note  fenfible  ;  de  forte  que  ,  fans  rien  changer 
à  cet  Accord  ,  on  peut ,  par  une  manière  de  double  ou  de 
quadruple  emploi  ,  le  faire  fervir  fucceffivement  fur  quatre 
différentes  fondamentales  ;  c'e(t-a-dire  ,  fur  quatre  différentes 
Notes  ftnfibles. 

Il 


E    N    H  27J 

Il  fuie  de-là  que  ce  même  Accord  ,  fans  rien  changer  ni 
à  l'Accompagnement  ,  ni  à  la  Baflè  ,  peut  porter  quatre  noms 
différens  ,  &  par  confequent  fe  chiffrer  de  quatre  différentes 
manières  :  favoir,  d'un  7  h  fous  le  nom  de  Septième  dimi- 
nuée; d'un  ■  x  fous  le  nom  de  Sixte  majeure  &  faufle-Quint©  ; 

d'un  *  t  fous  le  nom  de  Tierce  mineure  &  Triton ,  &  enfin 

b 

d'un  x  1  fous  le  nom  de  Seconde  fuperflue.  Bien  entendu  que 
la  Clef  doit  être  cenfée  armée  différemment ,  félon  les  Tons 
où  l'on  eft  fuppofé  être. 

Voilà  donc  quatre  manières  de  fortir  d'un  Accord  de  Sep- 
tième diminuée  ,  en  fe  fuppofant  fucceffivement  dans  quatre 
Accords  différens  :  car  la  marche  fondamentale  &  naturelle 
du  Son  qui  porte  un  Accord  de  Septième  diminuée  eft  de 
fe  réfoudre  fur  la  Tonique  du  Mode  mineur ,  donc  il  elt  la 
Note  fenfible. 

Imaginons  maintenant  l'Accord  de  Septième  diminuée  fur 
ut  Dièfe  Note  fenfible ,  fi  je  prends  la  Tierce  mi  pour  fon- 
damentale ,  elle  deviendra  Note  fenlîble  à  fon  tour ,  &  an- 
noncera par  confequent  le  Mode  mineur  de  fa  ;  or  cet  ut 
Dièfe  refte  bien  dans  l'Accord  de  mi  Note  fenfible  :  mais 
c'efr.  en  qualité  de  rc  Bémol  ;  ceft-à-dire ,  de  fixieme  Note 
du  Ton ,  &  de  feptieme  diminuée  de  la  Note  fenfible  :  ainfi 
cet  ut  Dièfe  qui ,  comme  Note  fenfible  ,  étoit  obligé  de 
monter  dans  le  Ton  de  re ,  devenu  rc  Bémol  dans  le  Ton 
de  fa  ,  eft  obligé  de  defeendre  comme  Septième  diminuée  : 
voilà  une  tranfition  Enharmonique.  Si  au  lieu  de  la  Tierce  , 
on  prend,  dans  le  même  Accord  (Tut  Dicfe,  la  fauffe  Quinte 
Dicl.  <U  Mujiquc.  Mm 


i74  E    N    H 

fol  pour  nouvelle  Note  fenfible  ,  Yut  Dièfe  deviendra  encore 
re  Bémol  ,  en  qualité  de  quatrième  Note  :  autre  paffage  En- 
harmonique. Enfin  fi  l'on  prend  pour  Note  fenfible  la  Sep- 
tième diminuée  elle-même  ,  au  lieu  de  fi  Bémol  il  faudra 
néceffairement  la  confidérer  comme  la  Dicfe  ;  ce  qui  fait  un 
troifieme  paffage  Enharmonique  fur  le  même  Accord. 

A  la  faveur  de  ces  quatre  différentes  manières  d'envifager 
fucceffivement  le  même  Accord ,  on  paffe  d'un  Ton  à  un 
autre  qui  en  paroîc  fort  éloigné  ;  on  donne  aux  Parties  des 
progrès  différens  de  celui  qu'elles  auroient  dû  avoir  en  pre- 
mier lieu,  &  ces  paffages  ménagés  à  propos,  font  capables, 
non-feulement  de  furprendre  ,  mais  de  ravir  L'Auditeur  quand 
ils  font  bien  rendus. 

Une  autre  fource  de  variété ,  dans  le  même  Genre  ,  fe  tire 
des  différentes  manières  dont  on  peut  réfoudre  l'Accord  qui 
l'annonce  ;  car  quoique  la  Modulation  la  plus  naturelle  foie 
de  paffer  de  l'Accord  de  Septième  diminuée  fur  la  Note  fen- 
fible ,  a  celui  de  la  Tonique  en  Mode  mineur  ,  on  peut  , 
en  fubiHtuaat  la  Tierce  majeure  à  la  mineure  ,  rendre  le 
Mode  majeur  &  même  y  ajouter  la  Septième  pour  chan- 
ger cette  Tonique  en  Dominante  ,  &  paffer  ainfi  dans  un 
autre  Ton.  A  la  faveur  de  ces  diverfes  combinaifons  réunies  r 
on  peut  fortrr  de  l'Accord  en  douze  manières.  Mais,  de  cet 
douze ,  il  n'y  en  a  que  neuf  qui ,  donnant  la  converfion  da 
Dicfe  en  Bémol  ou  réciproquement  ,  (oient  véritablement 
Enharmoniques )  parce  que  dans  les  trois  autres  on  ne  change 
point  de  Note  fenfible:  encore  dans  ces  neuf  diverfes  Modu- 
lations n'y  a-t-il  que  trois  diverfes  Notes  fcnlibles ,  chacune 


E    N   H  27s 

defqueïïes  fe  réfout  par  trois  partages  diffcrens  :  de  forte  qu'à 
bien  prendre  la  chofe  on  ne  trouve  fur  chaque  Note  fenfible 
que  trois  vrais  partages  Enharmoniques  poffibles  ,  tous  les 
autres  n'étant  point  réellement  Enharmoniques  ,  ou  fe  rap- 
portant à  quelqu'un  des  trois  premiers.  (  Voyez  ,  Planche 
L.  Fig.  4.  un  exemple  de  tous  ces  partages.  ) 

A  l'imitation  des  Modulations  du  Genre  Diatonique  ,  on 
a  plufieurs  fois  eflayé  de  faire  des  morceaux  entiers  dans  le 
Genre  Enharmonique  ,  &  pour  donner  une  forte  de  regk 
aux  marches  fondamentales  de  ce  Genre  ,  on  l'a  divifé  en  Dia- 
tonique -  Enharmonique  qui  procède  par  une  fucceffion  de 
femi-Tons  majeurs  ,  6c  en  Chromatique- Enharmonique  qui 
procède  par  une  fucceflîon  de  femi-Tons  mineurs. 

Le  Chant  de  la  première  efpece  eft  Diatonique  ,  parce 
que  les  femi-Tons  y  font  majeurs;  &c  il  elt  Enharmonique  , 
parce  que  deux  feini  -  Tons  majeurs  de  fuite  forment  un  Ton. 
trop  fort  d'un  Intervalle  Enharmonique.  Pour  former  cette 
efpece  de  Chant  ,  il  faut  faire  une  Barte  qui  defeende  de 
Quarte  &  monte  de  Tierce  majeure  alternativement.  Une 
partie  du  Trio  des  Parques  de  FOpcra  d'Hippolite  ,  elt  dans 
ce  Genre  ;  mais  il  n'a  jamais  pu  être  exécuté  à  l'Opéra  de 
Paris,  quoique  M.  Rameau  artlire  qu'il  l'avoit  été  ailleurs  par 
des  Muficiens  de  bonne  volonté,  &  que  l'effet  en  futfurprenant. 

Le  Chant  de  la  féconde  efpece  eft  Chromatique  ,  parce 
qu'il  procède  par  femi-Tons  mineurs;  il  elt  Enharmonique , 
parce  que  les  deux  femi-Tons  mineurs  confécutifs  forment 
un  Ton  trop  foible  d'un  Intervalle  Enharmonique.  Pour  for- 
mer cette  efpece  de  Chant ,  il  faut  faire  une    Baflè-fbnda- 

M  m  * 


i7*  E    N    H 

mentale  qui  defcende  de  Tierce  mineure  &  monte  de  Tierce 
majeure  alternativement.  M.  Rameau  nous  apprend  qu'il 
avoit  fait  dans  ce  Genre  de  Mufique  un  tremblement  de 
terre  dans  l'Opéra  des  Indes  galantes  ;  mais  qu'il  fut  fi  mal 
fervi  qu'il  fut  obligé  de  le  changer  en  une  Mufique  com- 
mune. (  Voyez  les  Elémens  de  Mufique  de  M.  d'Alembert , 
pages  91  ,  92  ,  93  &  166.  ) 

Malgré  les   exemples  cités  &  l'autorité  de  M.    Rameau  , 
je  crois  devoir  avertir  les  jeunes   Artiftes  que  Y  Enharmoni- 
que -  Diatonique   &c   Y  Enharmonique  -  Chromatique    me    pa- 
roifTent  tous   deux  à  rejettcr  comme  Genres  ,  &  je   ne  puis 
croire  qu'une  Mufique  modulée  de  cette  manière ,  même  avec 
la  plus  parfaite    exécution  ,  puiiïe    jamais   rien   valoir.    Mes 
raifons  font  que  les  paiîages  brufques  d'une  idée  à  une  autre 
idée  extrêmement  éloignée  ,  y  font  fi  fréquens  ,  qu'il  n'eft 
pas  pofTible  à  l'efprit   de  fiiivre   ces   tranfitions  avec  autant 
de  rapidité    que   la    Mufique    les  préfente  ;    que  l'oreille   n'a 
pas  le  tems  d'appercevoir  le  rapport  très-fecret  6c  très-com- 
pofé  des  Modulations  ,  ni  de  fous  -  entendre  les   Intervalles 
fuppofés  ;  qu'on   ne  trouve  plus  dans  de  pareilles  fucceffions 
ombre  de   Ton  ni  de  Mode  ;  qu'il  eft  également  impofîible 
de  retenir  celui  d'où   l'on  fort,  ni  de  prévoir  celui  où  l'on 
va;  6c  qu'au  milieu  de  tout   cela,  l'on   ne  fart  plus  du  tout 
où  l'on  cft.    V Enharmonique    n'elr.   qu'un    pafTage  inattendu 
dont  l'étonnante  imprefiion  fe  fait  fortement   &  dure  long- 
tems  ;  palfige  que  par  conféquent  on  ne  doit  pas  trop  bruf- 
quement   ni  trop  fouvent    répéter  ,   de  peur  que  l'idée  de  la 
Modulation   ne   fe  trouble  &  ne   fe   perde  entièrement  :  c.r 


E    N    H  277 

fi-côt  qu'on  n'entend  que  des  Accords  ifolés  qui  n'ont  plus 
de  rapport  fenfible  &  de  fondement  commun,  l'Harmonie 
n'a  plus  aufïi  d'union  ni  de  fuite  apparente  ,  &  l'effet  qui 
en  réfulte  n'eft  qu'un  vain  bruit  fans  liaifon  &  fans  agré- 
ment. Si  M.  Rameau  ,  moins  occupé  de  calculs  inutiles  , 
eût  mieux  étudié  la  Métaphyfique  de  fon  Art,  il  e't  à  croire 
que  le  feu  naturel  de  ce  favant  Artille  eût  produit  des  pro- 
diges ,  dont  le  germe  étoit  dans  fon  génie  ;  mais  que  fes 
préjugés  ont  toujours  étouffé. 

Je  ne  crois  pas  même  que  les  (impies  Transitions  Enhar- 
moniques puiffent  jamais  bien  réufïir  ,  ni  dans  les  Chœurs , 
ni  dans  les  Airs  ,  parce  que  chacun  de  ces  morceaux  forme 
un  tout  où  doit  régner  l'unité  ,  &  donc  les  Parties  doivent 
avoir  entr'elles  une  liaifon  plus  fenfible  que  ce  Genre  ne 
peut  la   marquer. 

Quel  efr.   donc   le  vrai   lieu    de   l' Enharmonique  ?    C'elt  , 

félon    moi  ,   le   Récitatif  obligé.  C'elt  dans   une  fcene    fu- 

blime    &  pathétique  où  la  Voix  doit  multiplier  &  varier  les 

indexions  Mulicales  à   l'imitation  de  l'accent   grammatical , 

oratoire   &    fouvent  inappréciable  ;  c'elt ,  dis-je  ,   dans   une 

telle    fcene   que   les  Transitions    Enharmoniques    font    bien 

placées ,  quand  on   fait   les    ménager  pour   les   grandes  ex- 

preffions,  &  les  affermir,  pour  ainfi  dire,  par  des  traits  de 

fymphonie    qui    fufpendent    la    parole    &    renforcent    l'ex- 

pnJÎion.   Les    Italiens,  qui  font  un   ufage  admirable  de  ce 

Genre ,    ne    l'emploient  que    de    cette    manière.    On    peut 

voir  dans  le  premier  Récitatif  de  l'Orphée  de  Pergolcfe  un 

exemple  frappant  &  ûmple   des  effets  que  ce  grand  Mufi- 


i73  E    N    S 

cien  fut  tirer  de  V Enharmonique  ,  &  comment ,  loin  de 
faire  une  Modulation  dure ,  ces  Tranfitions  ,  devenues  na- 
turelles &  faciles  à  entonner  ,  donnent  une  douceur  éner- 
gique à  toute  la  déclamation. 

J'ai  déjà  dit  que  notre  Genre  Enharmonique  efl  entière- 
ment différent  de  celui  des  Anciens.  J'ajouterai  que ,  quoi- 
que nous  n'ayons  point  comme  eux  d'Intervalles  Enharmo- 
niju^s  à  entonner  ,  cela  n'empêche  pas  que  C  Enharmonique 
moderne  ne  foie  d'une  exécution  plus  difficile  que  le  leur. 
Chez  les  Grecs  les  Intervalles  Enharmoniques  ,  purement 
Mélodieux ,  ne  demandoient ,  ni  dans  le  Chanteur  ni  dans 
l'écoutant ,  aucun  changement  d'idées ,  mais  feulement  une 
grande  délicatefTe  d'organe  ;  au  lieu  qu'à  cette  même  déli- 
cateffe ,  il  faut  joindre  encore ,  dans  notre  Mufique ,  une 
connoilîance  exacte  &  un  fentiment  exquis  des  métamorpho- 
fes  Harmoniques  les  plus  brufques  éc  les  moins  naturelles  : 
car  fi  l'on  n'entend  pas  la  phrafè ,  on  ne  fauroit  donner  aux 
mots  le  Ton  qui  leur  convient;  ni  chanter  jufte  dans  un 
fyltôme  Harmonieux,  fi  l'on  ne  fent  l'Harmonie. 

ENSEMBLE,  adv.  fouvent  pris  fubjlantivement.  Je  ne 
m'arrêterai  pas  à  l'explication  de  ce  mot ,  pris  pour  le  rap- 
port convenable  de  toutes  les  parties  d'un  Ouvrage  entre 
elles  «Se  avec  le  tout ,  parce  que  c'elè  un  fens  qu'on  lui  donne 
rarement  en  Mufique.  Ce  n'cli  guercs  qu'à  l'exécution  que  ce 
terme  s'applique  ,  lorfquc  les  Conccrrans  font  fi  parfaitement 
d'accord,  foit  pour  l'Intonation,  foit  pour  la  Mefure ,  qu'ils 
femblent  être  tous  animés  d'un  même  elprit ,  &  que  l'exé- 
cution rend  fidèlement  à  l'oreille  tout  ce  que  l'ail  voit  fur  la 
l'artition. 


E    N    S  179 

UEnfembk  ne  dépend  pas  feulement  de  l'habileté  avec 
laquelle  chacun  lit  fu  Partie ,  mais  de  l'intelligence  avec 
laquelle  il  en  fent  le  caractère  particulier ,  &  la  liaifon 
avec  le  tout  ;  foit  pour  phrafer  avec  exactitude  ,  foit  pour 
fuivre  la  précifion  des  Mouvcmens  ,  foit  pour  fa i fi r  le  mo- 
ment &  les  nuances  des  Fort  &  des  Doux  \  foit  enfin  pour 
ajouter  aux  ornemens  marqués  ,  ceux  qui  font  fi  nécelfai- 
rement  fuppofés  par  l'Auteur,  qu'il  n'eft  permis  à  perfonne 
de  les  omettre.  Les  Muficiens  ont  beau  être  habiles ,  il 
n'y  a  ftEnfanbk  qu'autant  qu'ils  ont  l'intelligence  de  la 
Mufîque  qu'ils  exécutent  ,  &c  qu'ils  s'entendent  entr'eux  : 
car  il  feroit  impoflible  de  mettre  un  parfait  Enfemble  dans 
un  Concert  de  fourds  ,  ni  dans  une  Mufîque  dont  le  ftyle 
feroit  parfaitement  étranger  à  ceux  qui  l'exécutent.  Ce 
font  fur-tout  les  Maîtres  de  Mufîque  ,  Conducteurs  &  Chefs 
d'Orcheftre ,  qui  doivent  guider  ,  ou  retenir  ou  prefer 
les  Muficiens  pour  mettre  par-tout  YEnfembU  ;  &  c'eft  ce 
que  fait  toujours  un  bon  premier  Violon  par  une  certaine 
charge  d'exécution  qui  en  imprime  fortement  le  caractère 
dans  toutes  les  oreilles.  La  Voix  récitante  eft  afTujettie  à  la 
Baffe  &  h.  la  Mefure  ;  le  premier  Violon  doit  écouter  & 
fuivre  la  Voix  ;  la  Symphonie  doit  écouter  &  fuivre  le  pre- 
mier Violon  :  enfin  le  Clavecin  ,  qu'on  fuppôfe  tenu  par- 
le Compofiteur,  doit  être  le  véritable  &c  premier  guide  de- 
tout. 

En  général,  plus  le  Style,  les  Périodes,  les  Phrafes  ,  la 
Mélodie  &  l'Harmonie  ont  de  caractère,  plus  l'enfemble  eft 
facile  à  faifir  ;  parce  que  la   même  idée  imprimée  vivement 


>Xo  E    N    T 

dans  tous  les  efprits  préfide  à  toute  l'exécution.  Au  con- 
traire, quand  la  Mufique  ne  dit  rien,  &  qu'on  n'y  fent  qu'une 
fuite  de  Notes  fans  liaifon ,  il  n'y  a  point  de  tout  auquel  cha- 
cun rapporte  fa  Partie ,  &  l'exécution  va  toujours  mal.  Voilà 
pourquoi  la  Mufique  Françoife  n'eft  jamais  enfemble. 

ENTONNER,!-,  a.  C'eft,  àms  l'exécution  d'un  Chant, 
former  avec  jufteiïe  les  Sons  &  les  Intervalles  qui  font  mar- 
qués. Ce  qui  ne  peut  gueres  fe  faire  qu'à  l'aide  d'une  idée 
commune  à  laquelle  doivent  fe  rapporter  ces  Sons  &  ces 
Intervalles  ;  favoir  ,  celle  du  Ton  &  du  Mode  où  ils  font 
employés ,  d'où  vient  peut-être  le  mot  Entonner.  On  peut 
auffi  l'attribuer  à  la  marche  Diatonique  ;  marche  qui  pa- 
roît  la  plus  commode  &  la  plus  naturelle  à  la  Voix.  Il  y  a 
plus  de  difficulté  à  Entonner  des  Intervalles  plus  grands  ou 
plus  petits ,  parce  qu'alors  la  Glotte  fe  modifie  par  des  rap- 
ports trop  grands  dans  le  premier  cas  ,  ou  trop  compofés 
dans  le  fécond. 

Entonner  eft  encore  commencer  le  Chant  d'une  Hymne, 
d'un  Pfeaume ,  d'une  Antienne ,  pour  donner  le  Ton  à  tout 
le  Chœur.  Dans  l'Eglife  Catholique  ,  c'eft,  par  exemple  , 
l'Officiant  qui  entonne  le  Te  Daim  ;  dans  nos  Temples ,  c'eft 
le  Chantre  qui  entonne  les  Pfeaumes. 

ENTR'ACTE ,  /.'  m.  Efpace  de  tems  qui  s'écoule  entre 
la  fin  d'un  Acte  d'Opéra  &  le  commencement  de  l'Acte 
fuivant ,  &  durant  lequel  la  repréfentation  eft  fiiipendlW , 
tandis  que  l'action  eft  fuppoféc  fe  continuer  ailleurs.  L'Or- 
cheftre  remplit  cet  efpace  en  France  par  l'exécution  d'une 
Symphonie   qui  porte  auffi  le  nom  (TE/ui\ 

II 


E    N    T  1S1 

Il  ne  parole  pas  que  les  Grecs  aient  jamais  divife  leurs 
Drames  par  Ades,   ni  par  conséquent  connu  les  Entractes. 

La  représentation  n'étoit  point  fufpendue  fur  leurs  Théâtres 
depuis  le  commencement  de  la  Pièce  jufqu'à  la  fin.  Ce  furent 
les  Romains  qui ,  moins  épris  du  fpecTacie  ,  commencèrent 
les  premiers  à  le  partager  en  plufieurs  parties ,  dont  les  In- 
tervalles oflfroient  du  relâche  à  l'attention  des  Spectateurs  , 
&  cet  ufage  s'eir.  continue  parmi  nous. 

Puifque  XEntfaclt  eft  fait  pour  fufpendre  l'attention  & 
repofer  l'efprit  du  Speclateur  ,  le  Théâtre  doit  relier  vide  y 
ôc  les  Intermèdes  dont  on  le  rempliifoit  autrefois  formoient 
une  interruption  de  très-mauvais  goût  ,  qui  ne  pouvoit  man- 
quer de  nuire  à  la  Pièce  en  faifant  perdre  le  fil  de  l'action. 
Cependant  Molière  lui-même  ne  vit  point  cette  vérité  fi  fim- 
ple,  &  les  Entr*acles  de  fa  dernière  Pièce  croient  remplis 
par  des  Intermèdes.  Les  François  ,  dont  les  Spectacles  ont 
plus  de  raifon  que  de  chaleur ,  &  qui  n'aiment  pas  qu'on 
les  tienne  long-tems  en  filence ,  ont  depuis  lors  réduit  les 
Entr'acles  à  la  ûmplické  qu'ils  doivent  avoir,  &  il  eit  à  de- 
firer  pour  la  perfection  des  Théâtres  qu'en  cela  leur  exemple 
foit  fuivi  par-tout. 

Les  Italiens  qu'un  fentiment  exquis  guide  fouvent  mieux 
que  le  raifonnement,  ont  proferit  la  Danfe  de  l'action  Dra- 
matique. (  Voyez  Opéra.  )  Mais  par  une  inconféquence  qui 
naît  de  la  trop  grande  durée  qu'ils  veulent  donner  au  Spec- 
tacle ,  ils  remplirent  leurs  Entr1  actes  des  Ballets  qu'ils  ban- 
nirTent  de  la  Pièce  ,  &  s'ils  évitent  l'abfurdité  de  la  double 
imitation  ,  ils  donnent  dans  celle  de  la  tranfpofition  de 
D/c7.  de  Mufique.  Nn 


2§i  E    N    T 

Scène  ,  &  promenant  ainfi  le  Spectateur  d'objet  en  objet  , 
lui  font  oublier  l'action  principale  ,  perdre  l'intérêt ,  6c  pour 
lui  donner  le  plaifir  des  yeux  lui  ôrent  celui  du  cœur.  Ils 
commencent  pourtant  à  fentir  le  défaut  de  ce  monstrueux 
affemblage  ,  &  après  avoir  déjà  prefque  chafle  les  Inter- 
mèdes des  Entractes ,  fans  doute  ils  ne  tarderont  pas  d'en 
chaifer  encore  la  Danfe,  &  de  la  réferver  ,  comme  il  con- 
vient ,  pour  en  faire  un  Spectacle  brillant  &  ifolé  à  la  fin  de 
la  grande  Pièce. 

Mais  quoique  le  Théâtre  refte  vide  dans  YEntr\iât ,  ce 
n'elt  pas  à  dire  que  la  Mufique  doive  être  interrompue  ; 
car  à  l'Opéra  où  elle  fait  une  partie  de  l'exillence  des  chc- 
fes  ,  le  fens  de  l'ouïe  doit  avoir  une  telle  liaifon  avec  celai 
de  la  vue,  que  tant  qu'on  voit  le  lieu  de  la  Scène  on  en- 
tende l'Harmonie  qui  en  e(t  fuppofée  inféparable,  afin  que 
fon  concours  ne  paroiife  enfuite  étranger  ni  nouveau  fous 
le  chant  des  Acteurs. 

La  difficulté  qui  fe  préfente  à  ce  fujet  eft  de  l'avoir  ce 
que  le  Muficien  doit  dicter  à  l'Orcheftre  quand  il  ne  11-  p; 
plus  rien  far  la  Scène  :  car  fi  la  Symphonie ,  ainfi  que  toute 
la  Mufique  Dramatique  ,  n'eft  qu'une  imitation  continuelle  , 
que  doit-elle  dire  quand  perfonne  ne  parle?  Que  doit-ell-j 
faire  quand  il  ny  a  plus  d'action  ?  Je  réponds  à  cela  ,  que , 
quoique  le  Théâtre  foit  vide ,  le  cœur  des  Spectateurs  ne 
lVft  pas  ;  il  a  dû  leur  refter  une  forte  imprcfîion  de  ce  qu'ils 
viennent  de  voir  &  d'entendre.  C'clt  à  TOrchedre  à  nourrir 
&  foutenir  cette  imprefTîon  durant  YE'iîr\ic{c ,  afin  que  le 
Spectateur  ne  fe  trouve  pas  au  début  de  l'Aàc  fuivan: ,  aullï 


E    N    T  zîs 

froid  qu'il  l'étoit  au  commencement  de  la  Pièce  ,  &  que 
l'intérêt  foit,  pour  ainfi  dire,  lié  dans  Ton  ame  comme  les 
événement  le  font  dans  l'action  repréfentée.  Voila  com- 
ment le  Muficien  ne  ceiîe  jamais  d'avoir  un  objet  d'imi- 
tation ,  ou  dans  la  firuation  des  perfonnages,  ou  dans  celle 
des  Spectateurs.  Ceux-ci  n'entendant  jamais  fortir  de  l'Or- 
cheftre  que  l'expreflîon  des  fentimens  qu'ils  éprouvent  , 
s'identifient ,  pour  ainfi  dire  ,  avec  ce  qu'ils  entendent ,  & 
leur  état  efl  d'autant  plus  délicieux  qu'il  règne  un  Accord 
plus  parfait  entre  ce  qui  frappe  leurs  fens  &  ce  qui  touche 
leur  cœur. 

L'habile  Muficien  tire  encore  de  fon  Orcheftre  un  autre 
avantage  pour  donner  à  la  représentation  tout  l'effet  qu'elle 
peut  avoir ,  en  amenant  par  degrés  le  Spectateur  oifif  à  la 
fituation  d'ame  la  plus  favorable  à  l'effet  des  Scènes  qu'il  va 
voir  dans  l'Acte  fuivant, 

La  durée  de  VEnt^acle  n'a  pas  de  mefure  fixe  ;  mais  elle 
eft  fuppofée  plus  ou  moins  grande  ,  à  proportion  du  tems 
qu'exige  la  partie  de  l'action  qui  fe  pafTe  derrière  le  Thtàrre. 
Cependant  cette  durée  doit  avoir  des  bornes  de  fuppolition, 
relativement  à  la  durée  hypothétique  de  l'action  totale  y 
&  des  bornes  réelles  ,  relatives  à  la  durée  de  la  repré- 
Tentation. 

Ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  d'examiner  fi  la  règle  des  vingt- 
quatre  heures  a  un  fondement  fuftifant  &  s'il  n'eft  jamais 
permis  de  l'enfreindre.  Mais  fi  l'on  veut  donner  à  la  durée 
fuppofée  d'un  Entracte  des  bornes  cirées  de  la  nature  dçs 
chofes,  je  ne  veux  point  qu'on  en  puiîfe  trouver  d'autres  que 

Nn  i 


i«4  E    N    T 

celles  du  tems  durant  lequel  il  ne  fe  fait  aucun  changement 
fenfible  6c  régulier  dans  la  Nature  ,  comme  il  ne  s'en  fait 
point  d'apparent  fur  la  Scène  durant  YEntr'acle.  Or  ce  tems 
eft,  dans  fa  plus  grande  étendue,  à-peu-près  de  douze  heures, 
qui  font  la  durée  moyenne  d'un  jour  ou  d'une  nuit.  Palle 
cet  efpace  ,  il  n'y  a  plus  de  poflibilité  ni  d'illuûon  dans  la 
durée   fuppofée  de  YEntr'acle. 

Quant  à  la  durée  réelle  ,  elle  doit  être ,  comme  je  l'ai 
dit,  proportionnée  &  à  la  durée  totale  de  la  repréfentation, 
&  à  la  durée  partielle  &  relative  de  ce  qui  fe  palfe  derrière 
le  Théâtre.  Mais  il  y  a  d'autres  bornes  tirées  de  la  fin  géné- 
rale qu'on  fe  propofe  ;  favoir  ,  la  mefure  de  l'attention  :  car 
on  doit  bien  fe  garder  de  faire  durer  YEntr'acle  jufqu'à  lailfer 
le  Spectateur  tomber  dans  l'engourdhrement  &  approcher  de 
l'ennui.  Cette  mefure  n'a  pas,  au  refte,  une  telle  précilion 
par  elle-même ,  que  le  Muficien  qui  a  du  feu ,  du  génie  ce 
de  l'ame  ,  ne  puifle  ,  à  l'aide  de  fon  Orchefire  ,  l'étendre 
beaucoup  plus  qu'un  autre. 

Je  ne  doute  pas  même  qu'il  n'y  ait  des  moyens  d\ibufer 
le  Spectateur  fur  la  durée  eftécHve  de  YEntr'acle ,  en  la  lui 
faifant  eftimer  plus  ou  moins  grande  par  la  manière  d'entre- 
lacer les  caractères  de  la  Symphonie  :  mais  il  elt  tems  de 
finir  cet  article  qui  n'eft  déjà  que  trop   long. 

ENTREE  ,  /.'  f.  Air  de  Symphonie  par  lequel  débute  un 
Ballet. 

Entrée  fe  dit  encore  à  l'Opéra,  d'un  Acte  entier,  dans  les 
Opéri-Halkts  donc  chaque  Acte  forme  un  fujet  féparé.  L'En- 
trée de  l  ertumne  Jans  les  Elcmens.  L'Entrée  des  Incas  dans 
les  Indes  Galantes. 


E    O    L  1S5 

Enfin  ,  Entrée  fe  dit  aufïi  du  moment  où  chaque  Partie 
qui   en  fuit  une  autre  commence   a  fe    faire  entendre. 

EOLIEN ,  adj.  Le  Ton  ou  Mode  Eolien  croit  un  des  cinq 
Modes  moyens  ou  principaux  de  la  Mufique  Grecque,  &  fa 
corde  fondamentale  étoit  immédiatement  au-deiîus  de  celle 
du  Mode  Phrygien.   (  Voyez  Mode.  ) 

Le  Mode  Eolien  étoit  grave ,  au  rapport  de  Lafus.  Je 
chante  ,  dit-il ,  Cérès  &  fa  fille  Mêlibée  ,  époufe  de  Pluton , 
fur  le  Mode  Eolien  ,  rempli  de  gravité. 

Le  nom  (T  Eolien  que  portoit  ce  Mode  ne  lui  venoit  pas 
des  Mes  Eoliennes  mais  de  l'Eolie  ,  contrée  de  l'Afie  Mi- 
neure, où  il  fut  premièrement  en  ufage. 

EPAIS,  adj.  Genre  Epais ,  denfe ,  ou  ferré ,  twsvo?  ,  eft ,  félon 
la  définition  d'Ariftoxcne  ,  celui  où,  dans  chaque  Tétra- 
corde,  la  fomme  des  deux  premiers  Intervalles  eft  moindre 
que  le  troifieme.  Ainfi  le  Genre  Enharmonique  eft  épais , 
parce  que  les  deux  premiers  Intervalles  ,  qui  font  chacun 
d'un  Quart-de-Ton ,  ne  forment  enfemble  qu'un  femi-Ton  ; 
fomme  beaucoup  moindre  que  le  troifieme  Intervalle ,  qui 
elt  une  Tierce  majeure.  Le  Chromatique  eft  aufïi  un  Genre 
Epais  ;  car  fes  deux  premiers  Intervalles  ne  forment  qu'un 
Ton ,  moindre  encore  que  la  Tierce  mineure  qui  fuit.  Mais 
le  Genre  Diatonique  n'eft  point  Epais,  puifque  fes  deux 
premiers  Intervalles  forment  un  Ton  &  demi ,  fomme  plus 
grande  que  le  Ton  qui  fuie.  (Voyez  Genre,  Tétracordi  .) 

De  ce  mot  a-waeV ,  comme  radical,  font  compofés  les  ter- 
mes  Apyaù ,  Baripycni  ,  Mefopycni ,  Oxipycni%  dont  on 
trouvera  les  articles  chacun  à  fa  place. 


i*3    ■  EPI 

Cette  dénomination  n'efl  point  en  ufage  dans  la  Mufique 
moderne. 

EFIAULIE.  Nom  que  donnoient  les  Grecs  à  la  Chan- 
fon  des  Meuniers ,  appcllée  autrement  Hymée.  (  Voyez 
Chanson.) 

Le  mot  burlefque  piauler  ne  tireroit-il  point  d'ici  Ton  cty- 
moîogie?  Le  piaulement  d'une  femme  ou  d'un  enfant,  qui 
pleure  &  fe  lamente  long-tems  fur  le  même  Ton ,  refTemble 
aflez  à  la  Chanfon  d'un  moulin,  &  par  métaphore,  à  celle 
d'un  Meunier. 

EPILENE.  Chanfon  des  Vendangeurs ,  laquelle  s'accom- 
pagnoit  de  la  Flûte.  (  Voyez  Athénée  ,  Livre  V.  ) 

EPINICION.  Chant  de  victoire ,  par  lequel  on  célébrait  chez 
les  Grecs  le  triomphe  des  Vainqueurs. 

EPISYNAPHE ,  f.  f.  C'eft,  au  rapport  de  Bacchius,  la 
conjonction  des  trois  Tétracordes  confécutifs,  comme  font 
les  Tétracordes  Hypaton  ,  Méfon  &  S}  nnéménon.  (  Voyez 
Système  ,  Tktracor.de.  ) 

EPITHALAME,  f.  m.  Chant  nuptial  qui  fe  chantoit  au- 
trefois  à  la  poire  des  nouveaux  Epoux,  pour  leur  fouhaiter 
une  heuseufê  union.  De  Celles  Chanfons  ne  font  gueres  en 
ufage  parmi  nous;  car  on  fait  bien  que  c'eft  peine  perdue. 
Quand  on  en  fait  pour  Ht,  amis  &  familiers,  on  fubftitue 
ordinairement  a  ces  vœux  honnêtes  &  fimples  quelques  1 1 
.    équivoques   cV    obfcenes,  plus  conformes  au  goilr 

ÉP1TRTFE.  Nom  d'un  des  Rhythmes  de  la  RMiqw 
Grecque,  les  Tems  croient  en  raifon  (èfij  ou 


E     P    O  iS7 

de  3  à  4.  Ce  Rhythme  étoit  représenté  par  le  pied  que  les 
Poètes  &  Grammairiens  appellent  auili  Epitrite;  pied  com- 
pofé  de  quatre  fyllabes,  donc  les  deux  premières  font  en 
effet  aux  deux  dernières  dans  la  raifon  de  3  à  4.  (  Voyez 
Rhythme.) 

EEODE,f.f.  Chant  du  troifîeme  Coupler,  qui,  dans  les 
Odes,  terminoit  ce  que  les  Grecs  appeîloient  la  Période ,  la- 
quelle étoit  compefée  de  trois  Couplets;  (avoir,  la  Strophe, 
VAntiflrophe  &c  YEpode.  On  attribue  à  Archiloque  l'inven- 
tion de  VEpode. 

EPTACORDE  ,  f.  m.  Lyre  ou  Cyrhare  à  fept  cordes  , 
comme,  au  dire   de  plufieurs,  étoit  celle  de   Mercure. 

Les  Grecs  donnoient  aufïi  le  nom  CCEptacorde  à  un  fyf- 
teme  de  Mufîque  forme  de  fept  Sons,  tel  qu'eft  aujourd'hui 
notre  Gamme.  UEptacorde  Synnéménon,  qu'on  appclloit  au- 
trement Lyre  de  Terpandre ,  étoit  compofé  des  Sons  ex- 
primes par  ces  lettres  de  la  Gamme  ,  E,  F,  G,a  ,6  ,c,  d. 
\JEptacorde  de  Philolaiis  fubfHtuoit  le  Béquarre  au  Bcmol  , 
&c  peut  s'exprimer  ainfi,  E ,  F,  G,  a  ,  ^  c  ,  d.  Il  en  rappor- 
toit  chaque  corde  à  une  des  Planètes,  THypate  à  Saturne, 
la  Parhypate  a   Jupiter,  &  ainfi  de  fuite. 

EPTAIUÉPJDES,/:  f.  Nom  donné  par  M.  Sauveur  à  l'un 
des  Intervalles  de  fon  Syftême  expofé  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie,  année  1701. 

Cet  Auteur  divife  d'abord  l'Octave  en  43  parties  ou  Mé~ 
rides  \  puis  chacune  de  celles-ci  en  7  Eptamérides  ;  de  forte 
que  l'O&ave  entière  comprend  301  Eptamérides  qu'il  fubdi- 
vife  encore.  (  Voyez  Dhcamuudl..) 


2.SS  E    P    T 

Ce  mot  ert  formé  de  t7rrà,  fept,  &  de  pifa,  parrie. 
•  EPTAPHONE ,  f.  m.  Nom  d'un  Porrique  de  la  Ville  d'O- 
lympie ,  dans  lequel  on  avoic  ménage  un  écho  qui  répécoic 
la  Voix  fept  fois  de  fuite.  Il  y  a  grande  apparence  que  l'E- 
cho fe  trouva  là  par  hafard,  &c  qu'enfuite  les  Grecs,  grands 
charlatans ,  en  firent  honneur  à  l'art  de  F  Architecte. 

EQUISONNANCE,/  f.  Nom  par  lequel  les  Anciens 
diftinguoient  des  autres  Confonnances  celles  de  l'Octave  & 
de  la  double  Octave,  les  feules  qui  faflent  Paraphonie. Comme 
on  a  auili  quelquefois  befoin  de  la  même  diftinction  dans 
la  Muilque  moderne,  on  peut  l'employer  avec  d'autant  moins 
de  fcrupule,  que  la  fenfation  de  FOclave  fe  confond  très- 
fouvent  à  l'oreille  avec  celle  de  FUniilbn. 

ESPACE ,  /  m.  Intervalle  blanc  ,  ou  diftance  qui  fe  trouve 
dans  la  Portée  entre  une  Ligne  &  celle  qui  la  fuit  immé- 
diatement au-deffus  ou  au-deifous.  Il  y  a  quatre  Efpaces  dans 
les  cinq  Lignes ,  &  il  y  a  de  plus  deux  Efpaces ,  l'un  au- 
deifus,  l'autre  au-deflbus  de  la  Portée  entière;  l'on  borne, 
quand  il  le  faut,  ces  deux  Efpaces  indéfinis  par  des  Lignes 
poftiches  ajoutées  en  haut  ou  en  bas,  lefquelles  augmentent 
l'étendue  de  la  Portée  &  fournilfent  de  nouveaux  Efpaces. 
Chacun  de  ces  Efpaces  divife  l'Intervalle  des  deux  Lignes 
qui  le  terminent,  en  deux  Degrés  Diatoniques;  favoir,  un 
de  la  Ligne  inférieure  à  VEJpace ,  &  l'autre  de  Vlfpace  à  la 
Ligne  fupérieure.  (Voyez  Porti'i:.) 

ETENDUE,/../!  différence  de  deux  Sons  donnés  qui  en 
ont  d'intermédiaires,  ou  fomme  de  tous  les  Intervalles  com- 
pris entre  les  deux   extrêmes.  Ainfi  la  plus  grande  Etendue 

polîiblc 


h    U    13  2S9 

pofïlble  ou  celle  qui  comprend  toutes  les  autres,  eft  celle  du 
plus  grave  au  plus  aigu  de  tous  les  Sons  fenfibles  ou  appré- 
ciables. Selon  les  expériences  de  M.  Euler,  toute  cette  Eten- 
due forme  un  Intervalle  d'environ  huit  Octaves ,  entre  un 
Son  qui  fait  30  vibrations  par  Seconde  ,  Cv  un  autre  qui  en 
fait  7551  dans  le  même  tems. 

Il  n'y  a  point  d'Etendue  en  Mufique  entre  les  deux  ter- 
mes de  laquelle  on  ne  puilfe  inférer  une  infinité  de  Sons  in- 
termédiaires qui  le  partagent  en  une  infinité  d'Intervalles , 
d'où  il  fuit  que  V Etendue  fonore  ou  Muficale  eiè  divilible  à 
l'infini ,  comme  celles  du  tems  &  du  lieu.  (  Voyez  In- 
tervalle.) 

EUDROME.  Nom  de  l'Air  que  jouoient  les  Hautbois  aux 
Jeux  Sthcniens  ,  inltitués  dans  Argos  en  l'honneur  de  Jupiter. 
Hiérax,  Argien ,  ctoit  l'Inventeur  de  cet  Air. 

EVITER,  v.  a.  Eviter  une  Cadence,  c'eft  ajouter  une 
Difiona.ice  à  l'Accord  final ,  pour  changer  le  Mode  ou  pro- 
longer la  phrafe.  (  Voyez  Cadence.  ) 

EVITE,  participe.  Cadence  Evitée.  (Voyez  Cadence.) 

EVOVAE,  /  m.  Mot  barbare  formé  des  fix  voyelles  qui 
marquent  les  Syllabes  des  deux  mots ,  feculorum  amen ,  6c 
qui  n'eft  d'ufage  que  dans  le  Plain-Chant.  C'eft  fur  les 
lettres  de  ce  mot  qu'on  trouve  indiquées  dans  les  Pfeautiers 
&  Antiphonaires  des  Eglifes  Catholiques  les  Notes  par  lef- 
quelles,  dans  chaque  Ton  &  dans  les  diverfes  modifications 
du  Ton ,  il  faut  terminer  les  verfets  des  Pfeaumes  ou  des 
Cantiques. 

UEvovaé  commence  toujours  par  la  Dominante  du  Ton 
Dicl.  de  Mufique,  Oo 


.9<>  EUT 

de  l'Antienne  qui  le  précède ,  &  finie  toujours  par  la  finale; 

EUTHIA ,  f.  f.  Terme  de  la  Mufique  Grecque  ,  qui  figni- 
fie  une  fuite  de  Notes  procédant  du  grave  à  l'aigu.  UEuthia 
étoit  une  des  Parties  de  l'ancienne  Mélopée. 

EXACORDE  ,  /.  m.  Inltrument  à  fix  cordes ,  ou  fyitême 
compofé  de  fix  Sons  ,  tel  que  YExacorde  de  Gui  d'Arezzo. 

EXÉCUTANT,  partie,  pris  fubjt.  Muficien  qui  exécute 
ù  Partie  dans  un  Concert  ;  c'eit  la  même  choie  que  Con- 
certant. (  Voyez  Concertant.  )  Voyez  auiTi  les  deux  mots 
qui  fuivent. 

EXECUTER,  v.  a.  Exécuter  une  Pièce  de  Mufique,  c'efl 
chanter  &  jouer  toutes  les  Parties  qu'elle  contient  ,  tant 
vocales  qu'inf  brume  utales ,  dans  PEnfemble  qu'elles  doivent 
avoir  ,  &  la  rendre  telle  qu'elle  e£t  notée  fur  la  Partition. 

Comme  la  Mufique  eit  faite  pour  être  entendue,  on  n'ea 
peut  bien  juger  que  par  l'exécution.  Telle  Partition  paroic 
admirable  fur  le  papier  ,  qu'on  ne  peut  entendre  Exécuter 
fans  dégoût ,  &  telle  autre  n'offre  aux  yeux  qu'une  apparence 
fimple  &  commune  ,  dont  l'exécution  ravit  par  des  effets 
inattendus.  Les  petits  Compofiteurs ,  attentifs  à  donner  de 
la  fymétrie  &  du  jeu  a  toutes  leurs  Pairies  ,  paroiffent  ordi- 
nairement les  plus  habiles  gens  du  monde  ,  tant  qu'on  ne 
juge  de  leurs  ouvrages  que  par  les  yeux.  \uJfi  ont -ils  fou- 
vent  l'adreffe  de  mettre  tant  d'Infirumens  divers  ,  tant  de 
Parties  dans  leur  Mufique  ,  qu'on  ne  puiffe  ralfcmblcr  que 
trés-dilîîcilement  tous  les  Sujets  néceffaires  pour  V Exécuter» 

EXECUTION  ,  f.  f.  L'Aclion  d'exécuter  une  Pièce  de 

Mufique» 


EXE  rot 

Comme  la  Mufique  cft  ordinairement  compofée  de  plu- 
fieurs  Parties,  dont  le  rapport  cxacl,  foit  pour  l'Intonation, 
foit  pour  la  Mefure  ,  eft  extrêmement  difficile  a  obfervcr  , 
&  dont  l'efprit  dépend  plus  du  goût  que  des  lignes  ,  rien 
n'efè  fi  rare  qu'une  bonne  Exécution.  C'efr.  peu  de  lire  la 
Mufique  exactement  fur  la  Note  ;  il  faut  entrer  dans  toutes 
les  idées  du  Ccmpofitcur ,  fentir  &  rendre  le  feu  de  l'expreiP- 
fion  ,  avoir  fur-tout  l'oreille  julte  &  toujours  attentive  peur 
écouter  &  firivre  l'Enfemble.  Il  faut ,  en  particulier  dans  la 
Mufique  Françoife,  que  la  Partie  principale  fâche  prcfTer  ou 
ralentir  le  mouvement,  félon  que  l'exigent  le  goût  du  Chant, 
le  volume  de  Voix  &  le  développement  des  bras  du  Chan- 
teur ;  il  faut ,  par  conféquent ,  que  toutes  les  autres  Parties 
fuient  fuis  relâche  ,  attentives  à  bien  fuivre  celle-là.  Aufïï 
PEnfemble  de  l'Opéra  de  Paris,  où  la  Mufique  n'a  point  d'autre 
Mefure  que  celle  du  gelle  ,  fcroit-il,  à  mon  avis,  ce  qu'il 
y  a  de  plus  admirable  en  fait  d'Exécution. 

"  Si  les  François  ,  dit  Saint-Evremont ,  par  leur  commerce 
»>  avec  les  Italiens  ,  font  parvenus  à  compofer  plus  hardi- 
»>  ment,  les  Italiens  ont  auiTi  gagné  au  commerce  des  Fran- 
»j  çois  ,  en  ce  qu'ils  ont  appris  d'eux  à  rendre  leur  Exécu- 
»>  tion  plus  agréable  ,  plus  touchante  &  plus  parfaite  >?.  Le 
Le&eur  fe  parlera  bien  ,  je  crois  ,  de  mon  commentaire  fur 
ce  partage.  Je  dirai  feulement  que  les  François  croient  toute 
la  terre  occupée  de  leur  Mufique ,  &  qu'au  contraire  ,  dans 
les  trois  quarts  de  l'Italie  ,  les  Muficiens  ne  favent  pas  même 
qu'il  exifte  une  Mufique  Françoife  différente  de  la  leur. 

On  appelle  encore  Exécution  la  facilité   de    lire  &  d'exé- 

Oo  i 


i9i.  E    X    F 

cuter  une  Partie  In'trumentale  ,  &  l'on  dit ,  par  exemple  , 
d'un  Symphonilte  ,  qu'il  a  beaucoup  d'Exécution  ,  lorfqu'il 
exécute  correctement  ,  fans  héi'iter  ,  &  à  la  première  vue  , 
les  chofes  les  plus  difficiles  :  V Exécution  prife  en  ce  fens 
dépend  fur-tout  de  deux  chofes  ;  premièrement  ,  d'une  habi- 
tude parfaite  de  la  touche  &  du  doigter  de  fon  Inflrument  ; 
en  fécond  lieu  ,  d'une  grande  habitude  de  lire  la  Mufique 
&  de  phrafer  en  la  regardant  :  car  tant  qu'on  ne  voit  que 
des  Notes  ifolées  ,  on  héfite  toujours  à  les  prononcer  :  on 
n'acquiert  la  grande  facilité  de  Y  Exécution  ,  qu'en  les  unif- 
fant  par  le  fens  commun  qu'elles  doivent  former  ,  &.  en  met- 
tant la  chofe  à  la  place  du  figne.  C'e/r.  ainfi  que  la  mémoire 
du  Lecteur  ne  l'aide  pas  moins  que  fes  yeux,  &  qu'il  liroit 
avec  peine  une  langue  inconnue  ,  quoiqu'écrite  avec  les  mêmes 
caractères  ,  &  compofée  des  mêmes  mots  qu'il  lit  couram- 
ment dans  la  fienne. 

EXPRESSION  ,f.f.  Qualité  par  laquelle  le  Muficien  fent 
vivement  &  rend  avec  énergie  toutes  les  idées  qu'il  doit 
rendre  ,  &  tous  les  fentimens  qu'il  doit  exprimer.  Il  y  a 
une  ExpreJJion  de  Compofition  &  une  d'exécution  ,  &  c'clt 
de  leur  concours  que  réfulte  l'effet  mufical  le  plus  puilfant 
&  le  plus  agréable. 

Pour  donner  de  VExpreJfion  a  fes  ouvrages  ,  le  Compo- 
fitcur  doit  faifir  &  comparer  tous  les  rapports  qui  peuvent 
fe  trouver  entre  les  traits  de  fon  objet  &  les  productions  de 
fon  Art  :  il  doit  connoître  ou  fentir  l'effet  de  tous  les  ca- 
ractères ,  afin  de  porter  exactement  celui  qu'il  choifit  au  de- 
gré qui  lui  convient  :  car  comme  un  bon  Peintre   ne  donne 


E    X    P  2pj 

pas  la  même  lumière  à  tous  (es  objets  ,  l'habile  Muficien 
ne  donnera  pas  non  plus  la  même  énergie  à  tous  fes  fcnti- 
mens ,  ni  la  même  force  à  tous  fes  tableaux ,  &  placera  cha- 
que Partie  au  lieu  qui  convient  ,  moins  pour  la  faire  valoir 
feule  ,  que  pour  donner  un  plus  grand  effet  au  tout. 

Après  avoir  bien  vu  Ce  qu'il  doit  dire,  il  cherche  comment 
il  le  dira ,  &  voici  où  commence  l'application  des  préceptes 
de  l'Art  ,  qui  eft  comme  la  langue  particulière  dans  laquelle 
le  Muficien  veut  fe  faire  entendre. 

La  Mélodie  ,  l'Harmonie  ,  le  Mouvement ,  le  choix  des 
Inilrumens  ôc  des  Voix  font  les  élémens  du  langage  mu- 
fical  ;  6c  la  Mélodie  ,  par  fon  rapport  immédiat  avec  l'Ac- 
cent grammatical  &  oratoire  ,  eft  celui  qui  donne  le  ca- 
ractère à  tous  les  autres.  Ainfi  c'eft  toujours  du  Chant  que 
fe  doit  tirer  la  principale  Exprejfwn  ,  tant  dans  la  Mufique 
lnftrumentale  que  dans  la  Vocale. 

Ce  qu'on  cherche  donc  à  rendre  par   la  Mélodie  ,  c'eft   le 
Ton  dont  s'expriment  les  fentimens  qu'on  veut  repréfenter  , 
6c  l'on  doit  bien  fe  garder  d'imiter  en  cela  la  déclamation 
théâtrale  qui  n'eft  elle-même  qu'une  imitation  ,  mais  la  voix 
de  la   Nature  parlant   fans   affectation  6c  fans   art.    Ainfi  le 
Muficien   cherchera    d'abord    un  Genre   de   Mélodie    qui  lui 
fourniffe  les  inflexions  Muficales  les  plus  convenables  au  fens 
des  paroles  ,  en  fubordonnant  toujours  VExpreffîon  des  mors  ;\ 
celle   de    la   penfée  ,  6c   celle  -  ci  même    à    la  fituation  de 
l'ame  de   l'Interlocuteur  :  car  quand   on   eft   fortement  af- 
fecté ,   tous  les  difeours  que  l'on  tient  prennent ,  pour  ainfi 
dire ,  la  teinte  du  fendaient   général  qui  domine  en   nous  , 


*94 


E    X    P 


&  l'on  ne  querelle  poinc  ce   qu'on   aime  du   ton  dont   on 
querelle  un  indifférent, 

La  parole  cft  diverfement  accentuée  filon  les  diverfcs  paf- 
fions  qui  l'iafpirent ,  tantôt  aiguë  &  véhémente  ,  tantôt  re- 
mise 6c  lâche ,  tantôt  variée  6c  impétueufe  ,  tantôt  égale  6c 
tranquille  dans  fes  inflexions.  De-là  le  Muficien  tire  les  dif- 
férences des  Modes  de  Chant  qu'il  emploie  &  des  lieux 
divers  dans  lefquels  il  maintient  la  Voix  ,  la  faifant  pro- 
céder dans  le  bas  par  de  petits  Intervalles  pour  exprimer 
les  langueurs  de  la  triftefîe  6c  de  l'abattement ,  lui  arra- 
chant dans  le  haut  les  Sons  aigus  de  l'emportement  6c  de 
la  douleur  ;  6c  l'entraînant  rapidement  par  tous  les  Inter- 
valles de  fon  Diapafon  dans  l'agitation  du  défefpoir  ou  l'éga- 
rement des  pafïions  contraftées.  Sur-tout  il  faut  bien  obéèr* 
ver  que  le  charme  de  la  Mufîque  ne  confifte  pas  feulement 
dans  l'imitation  ,  mais  dans  une  imitation  agréable  ;  6c  que 
la  déclamation  même  ,  pour  faire  un  fi  grand  effet  ,  doit 
être  fubordonnée  à  la  Mélodie  :  de  forte  qu'on  ne  peut  peindre 
le  fentiment  fans  lui  donner  ce  charme  fecret  qui  en  eft 
inféparable ,  ni  toucher  le  cœur  fi  l'on  ne  plaît  à  l'oreille. 
Et  ceci  eft  encore  très  -  conforme  à  la  Nature ,  qui  donne 
au  ton  des  perfonnes  fenfibles  ,  je  ne  fais  quelles  inflexions 
touchantes  6c  délicieufes  que  n'eut  jamais  celui  des  gens 
qui  ne  fentent  rien.  N'allez  donc  pas  prendre  le  baroque 
pour  l'exprefTif ,  ni  la  dureté  pour  de  l'énergie  ,  ni  donner 
un  tableau  hideux  des  pallions  que  vous  voulez  rendre  ,  ni 
faire  et)  un  mot  comme  à  l'Opéra  François ,  où  le  ton  p.if- 
fionné  rclfemble  aux  cris  de  la  colique  ,  bien  plus  qu'aux 
tianfports  de  l'amour. 


E    X    P  î95< 

Le  plaifir  phyfiquc  qui  rcfulre  de  l'Harmonie  ,  augmente 
à  fon  tour  le  plaifir  moral  de  l'imitation  ,  en  joignant  les 
fcnfations  agréables  des  Accords  a  X  Exprejjlon  de  la  Mélo- 
die ,  par  le  même  principe  dont  je  viens  de  parler.  Mais 
l'Harmonie  fait  plus  encore;  elle  renforce  FExpreffïon  même, 
en  donnant  plus  de  julteffe  &  de  précifion  aux  Intervalles 
mélodieux  ;  elle  anime  leur  caractère  ,  &  marquant  exacte- 
ment leur  place  dans  l'ordre  de  la  Modulation  ,  elle  rap- 
pelle ce  qui  précède  ,  annonce  ce  qui  doit  fuivre  ,  &  lie 
ainfi  les  phrafes  dans  le  Chant  comme  les  idées  (e  lient 
dans  le  difeours.  L'Harmonie  ,  envifagée  de  cette  manière  , 
fournit  au  Coinpofiteur  de  grands  moyens  d'Expre/fion,  qui 
lui  échappent  quand  il  ne  cherche  VExpreffîon  que  dans  la 
feule  Harmonie  ;  car  alors  ,  au  lieu  d'animer  l'Accent  ,  il 
l'étouffé  par  fes  Accords  ,  &  tous  les  Intervalles ,  confondus 
dans  un  continuel  rempliffage  ,  n'offrent  à  l'oreille  qu'une 
fuite  de  Sons  fondamentaux  qui  n'ont  rien  de  touchant  ni 
d'agréable ,  &  dont  l'effet  s'arrête  au  cerveau. 

Que  fera  donc  l'Harmoni/te  pour  concourir  à  YExpreffton 
de  la  Mélodie  &  lui  donner  plus  d'effet  ?  Il  évitera  foigneu- 
fl-mcnt  "de  couvrir  le  Son  principal  dans  la  combinaifon  des 
Accords  ;  il  fubordonnera  tous  fes  Accompagnemens  à  la 
Partie  chantante  ;  il  en  aiguifera  l'énergie  par  le  concours 
des  autres  Parties  ;  il  renforcera  l'effet  de  certains  paffages 
par  des  Accords  fenfiblcs  ;  il  en  dérobera  d'autres  par  fup- 
pofition  ou  par  fufpenfion  ,  en  les  comptant  pour  rien  fur  h 
Baffe  ;  il  fera  forcir  les  Expnffions  fortes  par  des  Diffcnan- 
ces   majeures  ;  il  réfèrvera    les  mineures  pour  des  fentienena 


uj6  E     X     P 

plus  doux.  Tantôt  il  liera  toutes  fes  Parties  par  des  Sons 
continus  &  coulés  ;  tantôt  il  les  fera  contrafter  fur  le  Chant 
par  des  Notes  piquées.  Tantôt  il  frappera  l'oreille  par  des 
Accords  pleins  ;  tantôt  il  renforcera  l'Accent  par  le  choix 
d'un  feul  Intervalle.  Par-tout  il  rendra  préfent  &  fenfible 
l'enchaînement  des  Modulations  ,  &  fera  fervir  la  Baffe 
&  fon  Harmonie  à  déterminer  le  lieu  de  chaque  païTage 
dans  de  Mode  ,  afin  qu'on  n'entende  jamais  un  Intervalle 
ou  un  trait  de  Chant ,  fans  fentir  en  même  tems  fon  rap- 
port avec  le  tout. 

A  l'égard  du  Rhythme  ,  jadis  fi  puiiïant  pour  donner  de 
la  force  ,  de  la  variété  ,  de  l'agrément  à  l'Harmonie  Poéti- 
que ;  fi  nos  Langues  ,  moins  accentuées  &  moins  profodi- 
ques  ,  ont  perdu  le  charme  qui  en  réfultoit ,  notre  Mufique 
en  fubititue  un  autre  plus  indépendant  du  difcours  ,  dans 
l'égalité  de  la  Mefure  ,  &  dans  les  diverfes  combinaifons  de 
fes  Tems,  foit  à  la  fois  dans  le  tout,  foit  féparément  dans 
chaque  Partie.  Les  quantités  de  la  Langue  font  prefque  per- 
dues fous  celles  des  Notes  ;  &  la  Mufique  ,  au  lieu  de 
parler  avec  la  parole  ,  emprunte  ,  en  quelque  forte  ,  de  la 
Mefure  ,  un  langage  à  part.  La  force  de  VExprcfflbn  con- 
fiée ,  en  cette  partie  ,  à  réunir  ces  deux  langages  le  plus 
qu'il  elt  poffible,  &  à  faire  que,  fi  la  Mefure  &  le  Rhythme 
ne  parlent  pas  de  la  même  manière  ,  ils  difent  au  moii.s 
les  mêmes  ebofes. 

La  gaieté  qui  donne  de  la  vivacité  à  tous  nos  mouve- 
mens  ,  en  doit  donner  de  même  à  la  Mefure  ;  la  trifteflè 
re  lierre  le  cœur,  ralentit  les  mouvemens  ,  &  la  même  lan- 
gueur 


E    X     P  i97 

gueur  fe  fait  fentir  dans  les  Chants  qu'elle  infpire  :  mais 
quand  la  douleur  eft  vive  ou  qu'il  fe  pa(Te  dans  l'a  me  de 
grands  combats  ,  la  parole  eft  inégale  ;  elle  marche  alter- 
nativement avec  la  lenteur  du  Spondée  &  avec  la  rapidité 
du  Pyrrique  ,  &  fouvent  s'arrête  tout  court  comme  dans  le 
RéciVtif  obligé  :  c'eft  pour  cela  que  les  Mufiques  les  plus 
exprefTives ,  ou  du  moins  les  plus  parfionnées  ,  font  commu- 
nément celles  où  les  Tems  ,  quoiqu'égaux  entr'eux ,  font  le 
plus  inégalement  divifés  ;  au  lieu  que  l'image  du  fommeil  , 
du  repos  ,  de  la  paix  de  l'ame ,  fe  peint  volontiers  avec  des 
Notes  égales  ,  qui  ne  marchent  ni  vite  ,  ni  lentement. 

Une  obfervation  que  le  Compofiteur  ne  doit  pas  négliger , 
c'eft  que  plus  l'Harmonie  eft  recherchée ,  moins  le  mouve- 
ment doit  être  vif,  afin  que  l'efprit  ait  le  tems  de  faifir  la 
marche  des  Diiïbnances  &  le  rapide  enchaînement  àcs  Mo- 
dulations ;  il  n'y  a  que  le  dernier  emportement  des  pallions 
qui  permette  d'allier  la  rapidité  de  la  Mefure  &  la  dureté  des 
Accords.  Alors  quand  la  tête  eft  perdue  &  qu'à  force  d'a- 
giration  l' Acteur  femble  ne  favoir  plus  ce  qu'il  dit ,  ce  dé- 
fordre  énergique  &  terrible  peut  fe  porter  ainfi  jufqu'à  l'ame 
du  Speitareur  &  le  mettre  de  même  hors  de  lui.  Mais  fi  vous 
n'êtes  bouillant  &  fublime ,  vous  ne  ferez  que  baroque  «Se 
froid  ;  jettez  vos  Auditeurs  dans  le  délire  ,  ou  gardez-vous 
d'y  tomber  :  car  celui  qui  'perd  la  raifon  n'eft  jamais  qu'un 
infenfé  aux  yeux  de  ceux  qui  la  confervent,  &  les  foux  n'in- 
téreffent   plus. 

Quoique  la  plus   grande   force  de    YExpreffion   fe   tire    de 
la  combinaifon  des  Sons  ,  la  qualité  de  leur  timbre  n'eft  pas 
Dut.  de  Mujique.  F  p 


298  E    X    P 

indifférente  pour  le  même  effet.  Il  y  a  des  Voix  fortes  Se 
fonores  qui  en  impofent  par  leur  étoffe  ;  d'autres  légères  & 
flexibles ,  bonnes  pour  les  chofes  d'exécution  ;  d'autres  fenfi- 
bles  &  délicates ,  qui  vont  au  cœur  par  des  Chants  doux  &c 
pathétiques.  En  général  les  Deffus  &  toutes  les  Voix  aiguës 
font  plus  propres  pour  exprimer  la  tendreffe  &c  la  douceur, 
les  Baffes  &  Concordans  pour  l'emportement  ce  la  colère  : 
mais  les  Italiens  ont  banni  les  Baffes  de  leurs  Tragédies  , 
comme  une  Partie  dont  le  Chant  eft  trop  rude  pour  le  genre 
Héroïque ,  &  leur  ont  fubftitué  les  Tailles  eu  Ténor  ,  dont  le 
Chant  a  le  même  caractère  avec  un  effet  plus  agréable.  Ils 
emploient  ces  mêmes  Baffes  plus  convenablement  dans  le 
Comique  pour  les  rôles  à  manteaux ,  &  généralement  pour 
tous  les  caractères  de  charge. 

Les  Inrcrumens  ont  Hufïi  des  Exprsjfions  très-différentes 
félon  que  le  Son  en  eft  fort  ou  foible  ,  que  le  timbre  en  eft 
aigre  ou  doux,  que  le  Diapafon  en  elt  ^rave  ou  aigu  ,  6c 
qu'on  en  peut  cirer  des  Sons  en  plus  grande  ou  moindre 
quantité.  La  Flûte  elt  tendre  ,  le  Hautbois  gai ,  la  Trom- 
petee  guerrier? ,  le  Cor  fonore  ,  majeftueux ,  propre  aux  gran- 
des Exprcjpons.  Mais  il  n'y  a  point  d'Initrument  dont  on  tire 
une  Exprcjjion  plas  variée  &  plus  univerfelle  que  du  Violon. 
Cet  infiniment  admirable  fait  le  fond  de  tous  les  Orchci'tres, 
&  ïuffit  au  grand  Compoiiteur  pour  en  tirer  tous  les  effets 
que  »  M  i  Liens  cherchent  inutilement  dans  l'alliage 

d'une  multitude  d'Ioftrumens  divers.  Le  Compo(i:cur  doit 
connaître  le  manche  du  Violon  pour  Doigter  les  Airs,  pour 
dupofer  fes  Arpèges ,  pour  favoir  l'effet  des  Cordes  à  vide ,  &. 


E    X    P  19, 

pour  employer  5c  choifir  Tes  Tons  félon  les  divers  cara  itères 
qu'ils  ont  fur  cet  Infiniment. 

Vainement  le  Compofiteur  faura-t-il   animer    fon   Ou- 
vrage ,  fi  la  chaleur  qui  doit  y  régner  ne  pafTe  à  ceux   qui 
l'exécutent.  Le   Chanteur  qui   ne  voit  que  des  Notes  dans 
fa  Partie  ,  n'eft  point  en  état  de  faifir  VExpreffion  d.i  Com- 
pofiteur  ,   ni  d'en  donner  une  à  ce   qu'il  chante ,  s'il   n'en  a 
bie.i  faiii  le  fens.  Il  faut  entendre  ce  qu'on  lit  pour  le  faire 
entendre  aux  autres  ,  &  il  ne   fuffit  pas    d'être  fenfible    en 
général,  fi  l'on  ne  l'eft  en  particulier  à  l'énergie  de  la  Lan- 
gue qu'on  parle.  Commencez  donc   par  bien   connoître   le 
caractère  du   Chant  que  vous  avez  à  rendre  ,   fon   rapport 
au  fens  des  paroles,  la  distinction  de  fes   phrafes  ,  l'Accent 
qu'il  a  par  lui-même ,  celui   qu'il  fuppofe   dans  la  voix  de 
l'Exécutant ,  l'énergie  que  le  Compofiteur  a  donnée  au  Poëte , 
&  celle  que  vous  pouvez  donner  à  votre  tour  au  Compofi- 
teur.  Alors   livrez  vos    organes  à  toute   la    chaleur   que  ces 
confidérations  vous  auront  ir.fpirée  ;  frites  ce  que  vous  feriez 
ii  vous  étiez  à  la  fois  le  Poëte  ,  le  Compofiteur  ,  l'Acteur  6c 
le  Chanteur  :  &  vous  aurez  toute  YExrreJJion  qu'il  vous  eft 
pofîîbîe  de  donner  à  l'Ouvrage  que  vous  avez  à  rendre.  De 
cette  manière ,  il  arrivera    naturellement  que   vous    mettrez 
de  la  délicateffe  &  des  ornemens  dans   les  Chants  qui  ne 
font  qu'élégans  &  gracieux  ,  du  piquant  6c  du  feu  dans  ceux 
qai  font  animés   6c  gais  ,  des  gémifTemens   &  des  plaintes 
dans  ceux  qui  font  tendres  6c  pathétiques  ,  6c  toute  l'agita- 
tion du  Forte-piano  dans  l'emportement  des  pâmons  violen- 
tes. Par-tout  où  l'on  réunira  fortement  l'Accent  mufical  a 

Pp  * 


3oo  EXT 

l'Accent  oratoire;  par- tout  où  la  Mefure  fe  fera  vivement 
fentir  &  fervira  de  guide  aux  Accens  du  Chant;  par -tout 
où  l'Accompagnement  &  la  Voix  (auront  tellement  accor- 
der &  unir  leurs  effets  ,  qu'il  n'en  réfulte  qu'une  Mélodie  , 
&  que  l'Auditeur  trompé  attribue  à  la  Voix  les  paifages  dont 
l'Orcheftre  l'embellit;  enfin  par-tout  où  les  ornemens  fcbre- 
ment  ménagés  porteront  témoignage  de  la  facilité  du  Chan- 
teur ,  fans  couvrir  &  défigurer  le  Chant  ,  YExpreflio/i  fera 
douce  7  agréable  6c  forte ,  l'oreille  fera  charmée  &  le  cœur 
ému  ;  le  phyflque  6c  le  moral  concourront  à  la  fois  au  plaifir 
des  écoutans  ,  &c  il  régnera  un  tel  Accord  entre  la  parole  6c 
le  Chant ,  que  le  tout  femblera  n'être  qu'une  langue  délicieufe 
qui  fait  tout  dire  &  plaît  toujours. 

EXTENSION,//!  eft,  félon  Arifloxène ,  une  des  quatre 
parties  de  la  Mélopée  qui  coniîfte  à  foutenir  long-tems  cer- 
tains Sons  6c  au-de-là  même  de  leur  quantité  grammaticale. 
Nous  appelions  aujourd'hui  Tenues  les  Sons  ainli  foutenus. 
(  Voyez  Tenue.  ) 


F    A    C  301 


F. 


Jl  ut  fa ,  F  fa  ut ,  ou  fimplement  F.  Quatrième  Son  de 
la  Gamme  Diatonique  (Se  naturelle,  lequel  s'appelle  autrement 
Fa.  (Voyez  Gamme.) 

C'eit  aulli  le  nom  de  la  plus  baffe  des  trois  Clefs  de  la 
Mufique.  (Voyez  Clef.) 

FACE  ,  f.  f.  Combina ifon  ,  ou  des  Sons  d'un  Accord  en 
commençant  par  un  de  ces  Sons  &  prenant  les  autres  félon 
leur  fuite  naturelle ,  ou  des  touches  du  Clavier  qui  forment 
le  même  Accord.  D'où  il  fuit  qu'un  Accord  peut  avoir  autant 
de  Faces  qu'il  y  a  de  Sons  qui  le  compofent  ;  car  chacun 
peut  être  le  premier  à  fon  tour. 

L'Accord  parfait  ut  mi  fol  a  trois  Faces.  Par  la  première, 
tous  les  doigts  font  rangés  par  Tierces  ,  &  la  Tonique  eft 
fous  l'index  :  par  la  féconde  mi  fol  ut  ,  il  y  a  une  Quarte 
entre  les  deux  derniers  doigts ,  &  la  Tonique  eft  fous  le  der- 
nier :  par  la  troilîeme  fol  ut  mi,  la  Quarte  eft  entre  l'index 
&  le  quatrième  ,  &  la  Tonique  eft  fous  celui  -  ci.  (  Voyez 
Renversement.  ) 

Comme  les  Accords  DhTonans  ont  ordinairement  quatre 
Sens,  ils  ont  auflï  quatre  Faces,  qu'on  peut  trouver  avec  la 
même  facilité.  (  Voyez  Doigter.  ) 

FACTEUR  ,  f.  m.  Ouvrier  qui  fait  des  Orgues  ou  des 
Clavecins. 

FANFARE  ,  /.  /.  Sorte  d'Air  militaire  ,  pour  l'ordinaire 


302  F    A    N 

court  &  brillant ,  qui  s'exécute  par  des  Trompettes  ,  &  qu'on 
imite  fur  d'autres  Inftrumens.  La  Fanfare  efl  communément 
à  deux  deffus  de  Trompettes  accompagnées  de  Tymbales  j 
& ,  bien  exécutée  ,  elle  a  quelque  chofe  de  martial  &  de 
gai  qui  convient  fort  à  fon  ufage.  De  toutes  les  Troupes  de 
l'Europe ,  les  Allemandes  font  celles  qui  ont  les  meilleurs 
Inltrumens  militaires  ;  aufïi  leurs  Marches  &  Fanfares  font- 
elles  un  effet  admirable.  C'eft.  une  chofe  à  remarquer  que 
daas  tout  le  Royaume  de  France  il  n'y  a  pas  un  feul  Trom- 
pette qui  tonne  jufte,  &  la  Nation  la  plus  guerrière  de  l'Eu- 
rope a  les  Inltrumens  militaires  les  plus  difeordans  ;  ce  qui 
è  pas  fans  inconvénient.  Durant  les  dernières  guerres, 
les  Payfans  de  Bohême  ,  d'Autriche  &  de  Bavière  ,  tous 
Mi  iciens  nés,  ne  pouvant  croire  que  des  Troupes  réglées 
enflent  des  Inftrumens  Ci  faux  &  Ci  détef tables ,  prirent  tous 
ces  vieux  Corps  pour  de  nouvelles  levées  qu'ils  commencè- 
rent à  méprifer,  &  l'on  ne  fauroit  dire  à  combien  de  braves 
gens  des  Tons  faux  ont  coûté  la  vie.  Tant  il  eft  vrai  que  , 
dans  l'appareil  de  la  guerre,  il  ne  faut  rien  négliger  de  ce 
qui  frappe  les  fens  î 

FANTAISIE,//;  Pièce  de  Mufique  Initrumcntale  qu'on 
exécute  en  la  compofant.  II  y  a  cette  différence  du  Caprice 
a  la  tantaifie  ,  que  le  caprice  eft  un  recueil  d'idées  fingu- 
lieres  &  difparates  que  ralfemble  une  imagination  échauffée  , 
&  qu'on  peut  même  compoP-T  a  loilir  ;  au  lieu  que  la  Fan- 
peut  erre  une  Pièce  très-régulière  ,  qui  ne  diffère  des 
autres  qu'en  ce  qu'on  L'invente  en  l'exécutant  ,  &  qu'elle 
rfeKiiie  plus  fi-tôt  qu'elle  eft  achevée.  Ainii  Le  Caprice  cil 


F    A    U 


3=>3 


(fans  l'efpece  &  l'afïbrtiment  des  idées ,  &  la  Fantaifie  dans 
leur  promptitude  à  fe  préfenter.  Il  fuit  de-là  qu'un  Caprice 
peut  fort  bien  s'écrire,  mais  jamais  une  Fantaifie  ;  car  fi-tôt 
qu'elle  eit  écrite  ou  répétée ,  ce  n'eft  plus  une  Fantaifie ,  c'eft 
une  pièce  ordinaire. 

FAUCET.  (Voyez  Fausset.) 

FAUSSE-QUARTE.  (Voyez  Quarte.) 

FAUSSE-QUINTE,//.  Intervalle  diflbnant  appelle  par 
les  Grecs  hémi-Diapente  ,dont  les  deux  termes  font  dif  tans  de 
quatre  Degrés  Diatoniques  ,  ainfi  que  ceux  de  la  Quinte 
jufte,  mais  dont  l'Intervalle  eit  moindre  d'un  femi-Ton; 
celui  de  la  Quinte  étant  de  deux  Tons  majeurs ,  d'un  Ton 
mineur  &  d'un  femi-Ton  majeur ,  ôc  celui  de  la  Tauffe-Quintc 
feulement  d'un  Ton  majeur  ,  d'un  Ton  mineur  &  de  deux 
femi-Tcns  majeurs.  Si,  fur  nos  Claviers  ordinaires,  ondivife 
l'Octave  en  deux  parties  égales ,  on  aura  d'un  côté  la  Faufifie- 
Quinte  comme  fi  fia  ,  &  de  l'autre  le  Triton  comme  fia  fi  : 
mais  ces  deux  Intervalles  ,  égaux  en  ce  fens  ,  ne  le  font  ni 
quant  au  nombre  des  Degrés  ,  puifque  le  Triton  n'en  a  que 
crois  ;  ni  dans  la  préciiion  des  rapports ,  celui  de  la  Faufile- 
Quint;  étant  de  45  à  64  ,  &  celui  du  Triton  de  31  à  45. 

L'Accord  de  Fauffè -Quinte  eit  renverfé  de  l'Accord  Domi- 
nant ,  en  mettant  la  Note  fenfible  au  grave.  Voyez  au  moc 
Accord  comment  celui-là  s'accompagne. 

Il  faut  bien  distinguer  la  FauJJe-Quinte  DifTonance  ,  de  la 
Quinte-Fauffe .  réputée  Confonnance  ,  &  qui  n'eft  altérée 
que  par  accident.  (Voyez  Quinte.) 

FAUSSE-RELATION,^/;  Intervalle  diminué  ou  fuperflu. 
C Voyez  Relation.) 


jo4  F    A    U 

FAUSSET ,  /  m.  C'eft  cette  efpece  de  voix  par  laquelle 
un  homme  ,  fortant  à  l'aigu  du  Diapafon  de  fa  voix  natu- 
relle ,  imite  celle  de  la  femme.  Un  homme  fait ,  à-peu-près  , 
quand  il  chante  le  Faujfct ,  ce  que  fait  un  tuyau  d'Orgue 
quand  il  o&avie.  (Voyez  Octavier.) 

Si  ce  mot  vient  du  François  faux  oppofé  à  ju/Ie ,  il  faut 
l'écrire  comme  je  fais  ici  ,  en  fuivant  l'orthographe  de  l'En- 
cyclopédie :  mais  s'il  vient ,  comme  je  le  crois ,  du  Latin 
fauXyfaucîs,  la  gorge,  il  faloit,  au  lieu  des  deux  s  s  qu'on 
a  fubftituées  ,  laifler  le  c  que  j'y  avois  mis  :  Faucet. 

FAUX ,  adj.  &  adv.  Ce  mot  eft  oppofé  à  ju/Ie.  On  chante 
Faux  quand  on  n'entonne  pas  les  Intervalles  dans  leur  juf- 
teiïe  ,  qu'on  forme  des  Sons  trop  hauts  ou  trop  bas. 

Il  y  a  des  voix  faujfes  ,  des  Cordes  faujfes  ,  des  Inftru- 
mens  faux.  Quant  aux  voix  ,  on  prétend  que  le  défaut  eft 
dans  l'oreille  Ôc  non  dans  la  glotte.  Cependant  j'ai  vu  des 
gens  qui  chantoient  trcs-Faux  &c  qui  accordoient  un  Inf- 
trument  très-jufte.  La  fauiïeté  de  leur  voix  n'avoit  donc  pas 
fa  caufe  dans  leur  oreille.  Pour  les  Inftrumens  ,  quand  les 
Tons  en  font  Faux  ,  c'eft  que  l'Inftrument  eft  mal  conftruit, 
que  les  tuyaux  en  font  mal  proportionnés ,  ou  les  Cordes 
futiles ,  ou  qu'elles  ne  font  pas  d'accord  ;  que  celui  qui  en 
joue  touche  Faux,  ou  qu'il  modifie  mal  le  vent  ou  les  lèvres. 

FAUX -ACCORD.  Accord  difeordant ,  foit  parce  qu'.l 
contient  des  DifTonances  proprement  dites  ,  foit  parce  que 
les  Confonnances   n'eu   font   pas  juftes.    (  Voyez    Accord 

FAUX.  ) 

FAUX-BOURDON  ,  y:  m.  Mufiquc  a  phiCeun  Parties , 

mais 


F    E    1  305 

mais  fimple  &  fans  Mcfure  ,  donc  les  Notes  font  prcfque 
toutes  égales  &  dont  l'Harmonie  eft  toujours  fyllabique.  C'eit 
la  Pfalmodie  des  Catholiques  Romains  chantée  à  plusieurs 
Parties.  Le  Chant  de  nos  Pfeaumes  à  quatre  Parties  peut 
auflï  paffer  pour  une  efpece  de  Faux-Bourdon  ;  mais  qui 
procède  avec  beaucoup  de  lenteur  &  de  gravité. 

FEINTE ,  f.  f.  Altération  d'une  Note  ou  d'un  Intervalle 
par  un  Dièfe  ou  par  un  Bémol.  C'eft  proprement  le  nom 
commun  &  générique  du  Dièfe  &  du  Bémol  accidentels.  Ce 
mot  n'eft  plus  en  ufage  ;  mais  on  ne  lui  en  a  point  fubftitué. 
La  crainte  d'employer  des  tours  furannés  énerve  tous  les 
jours  notre  Langue  ,  la  crainte  d'employer  de  vieux  mots 
l'appauvrit  tous  les  jours  :  fes  plus  grands  ennemis  feront 
toujours  les  purifies. 

On  appelloit  aufïï  Feintes  les  touches  Chromatiques  du 
Clavier  ,  que  nous  appelions  aujourd'hui  touches  blanches , 
&  qu'autrefois  on  faifoit  noires  ,  parce  que  nos  greffiers 
ancêtres  n'avoient  pas  fongé  à  faire  le  Clavier  noir  ,  pour 
donner  de  l'éclat  à  la  main  des  femmes.  On  appelle  encore 
aujourd'hui  Feintes  coupées  celles  de  ces  touches  qui  font 
brifees  pour  fuppléer  au  Ravalement. 

FETE,//.  DiverthTement  de  Chant  &  de  Danfe  qu'on 
introduit  dans  un  Acte  d'Opéra  ,  &  qui  interrompt  ou  fuf- 
pend  toujours   l'action. 

Ces  Fêtes  ne  font  amufantes  qu'autant  que  l'Opéra  même 
cft.  ennuyeux.  Dans  un  Drame  intérefîant  &  bien  conduit,  il 
feroit  impoflible  de'les  fupporter. 

La  différence  qu'on  aflïgne  à  l'Opéra  entre  les  mots  de 
Dicl.  de  Mujique.  (^  q 


3o5  F    I    G    . 

Fête  &  de  Divertijfcment ,  elt  que  le  premier  s'applique  plus 
particulièrement  aux  Tragédies  ,   &  le  fécond  aux  Ballets. 

FI.  Syllabe  avec  laquelle  quelques  Muficiens  folrient  le  fa 
Dièfe  ,  comme  ils  folfïent  par  ma  le  mi  Bémol  ;  ce  qui 
paroît  afTcz  bien  entendu.  (  Voyez  Solfier.  ) 

FIGURE.  Cet  adje&if  s'applique  aux  Notes  ou  à  l'Har- 
monie :  aux  Notes  ,  comme  dans  ce  mot ,  BaJJ'e-Figurée  , 
pour  exprimer  une  Baffe  dont  les  Notes  portant  Accord  , 
font  fubdivifées  en  plufieurs  autres  Notes  de  moindre  valeur 
(Voyez  Basse-Figurée.  ):  à  l'Harmonie,  quand  on  emploie 
par  Suppofirion  &  dans  une  marche  Diatonique  d'autres  Notes 
que  celles  qui  forment  l'Accord.  (Voyez  Harmonie-Figu- 
rée ,  &  Supposition.  ) 

FIGURER ,  v.  a.  C'eft  paffer  plufieurs  Notes  pour  une  ; 
c'eft  faire  des  Doubles  ,  des  Variations  ;  c'eft  ajouter  des 
Notes  au  Chant  de  quelque  manière  que  ce  foit  :  enfin  c'eft 
donner  aux  Sons  harmonieux  une  Figure  de  Mélodie ,  en  les 
liant  par  d'autres  Sons  intermédiaires.  (  Voyez  Double  , 
Fleurtis  ,  Harmonie-Figurée.  ) 

FILER  un  Son  ,  c'eft  en  chantant  ménager  ù  voix  ,  en 
forte  qu'on  puifTe  le  prolonger  long  -  tems  fans  reprendre 
haleine.  Il  y  a  deux  manières  de  Filer  un  Son  :  la  première 
en  le  foutenant  toujours  également  ;  ce  qui  fe  fait  pour  l'or- 
dinaire fur  les  Tenues  où  l'Accompagnement  travaille  :  la 
féconde  en  le  renforçant  ;  ce  qui  cil  plus  ufité  dans  les  Paf- 
fages  6c  Roulades.  La  première  manière  demande  plus  de 
juftefle,  &  les  Italiens  la  préfèrent;  la  féconde  a  plus  d'éclat 
&  plait  davantage  aux  François. 


FIN  307 

FIN ,  /  /.  Ce  mot  fe  place  quelquefois  fur  la  Finale  de 
la  première  partie  d'un  Rondeau  ,  pour  marquer  qu'ayant 
repris  cette  première  partie  ,  c'elt  fur  cette  Finale  qu'on 
doit  s'arrêter  &  finir.  (Voyez  Rondeau.) 

On  n'emploie  plus  gueres  ce  mot  à  cet  ufige  ,  les  Fran- 
çois lui  ayant  fubftitué  le  Point-Final  à  l'exemple  des  Ita- 
lien';. (  Voyez  Point-Final.  ) 

FINALE ,  f.  f.  Principale  corde  du  Mode  qu'on  appelle 
aufïï  Tonique  ,  &  fur  laquelle  TAir  ou  la  Pièce  doit  finir. 
(Voyez  Mode.) 

Quand  on  compofe  à  plufieurs  Parties  ,  &  fur-tout  des 
Chœurs ,  il  faut  toujours  que  la  Baffe  tombe  en  finiffant  fur 
la  Note  même  de  la  Finale.  Les  autres  Parties  peuvent  s'ar- 
rêter fur  fa  Tierce  ou  fur  fa  Quinte.  Autrefois  c'étoit  une 
règle  de  donner  toujours  ,  à  la  fin  d'une  Pièce ,  la  Tierce 
majeure  à  la  Finale ,  même  en  Mode  mineur  ;  mais  cet  ufage 
a  été  trouvé  de  mauvais  goût  &  tout-à-fait  abandonné. 

FIXE  ,  adj.  Cordes  ou  Sons  Fixes  ou  {tables.  (Voyez  Son  , 
Stable.  ) 

FLATTE ,  f.  m.  Agrément  du  Chant  François  ,  difficile 
à  définir  ;  mais  dont  on  comprendra  fufTifamment  l'effet  par 
un  exemple.  (Voyez  PL  B.  Fiff.  13.  au  mot  Flatté.) 

FLEURTIS  ,/!  m.  Sorte  de  Contre -point  figuré  ,  lequel 
n'eft  point  fyllabiquc  ou  Note  fur  Note.  C'eit  auffi  l'affem- 
blage  des  divers  agrémens  dont  ou  orne  un  Chant  trop  fim- 
ple.  Ce  mot  a  vieilli  en  tout  fens.  (  Voyez  Broderies  , 
Doubles  ,  Variations  ,  Passages.  ) 

FOIBLE ,  adj.  Tcms  foiùle.  (  Voyez  Te.ms.) 

Qq  1 


?o8  F    O    N 

FONDAMENTAL ,  ad}.  Son  fondamental  eft  celui  qui 
fert  de  fondement  à  l'Accord ,  (Voyez  Accord.)  ou  au  Ton, 
(Voyez  Tonique.  )  BilTc-Fondamentale  eft  celle  qui  fert  de 
fondement  à  l'Harmonie.  (  Voyez  Basse-Fondamentale.  ) 
Accord  Fondamental  eft  celui  dont  la  Baffe  eft  Fonda- 
mentale ,  &  dont  les  Sons  font  arrangés  félon  l'ordre  de  leur 
génération  :  mais  comme  cet  ordre  écarte  extrêmement  les 
Parties ,  on  les  rapproche  par  des  combinaifons  ou  Renver- 
femens ,  &  pourvu  que  la  Baffe  refte  la  même ,  l'Accord  ne 
laiffe  pas  pour  cela  de  porter  le  nom  de  Fondamental.  Tel 
eft ,  par  exemple ,  cet  Accord  ut  mi  fol  ,  renfermé  dans  un 
Intervalle  de  Quinte  :  au  lieu  que  dans  l'ordre  de  fa  généra- 
tion ut  fol  mi ,  il  comprend  une  Dixième  &  même  une  Dix- 
Septième  ;  puifque  Vut  fondamental  n'eft  pas  1a  Quinte  de 
fol ,  mais  l'Octave  de  cette  Quinte. 

FORCE  ,  f.  f.  Qualité  du  Son  appellée  aufïï  quelquefois 
Intenfité ,  qui  le  rend  plus  fenfible  &  le  fait  entendre  de  plus 
loin.  Les  vibrations  plus  ou  moins  fréquentes  du  corps  fonore  t 
font  ce  qui  rend  le  Son  aigu  ou  grave  ;  leur  plus  grand  ou 
moindre  écart  de  la  ligne  de  repos  ,  eft  ce  qui  le  rend  fore 
ou  foible.  Quand  cet  écart  eft  trop  grand  &  qu'on  force  l'Inf- 
trument  ou  la  voix ,  (  Voyez  Forcer.  )  le  Son  devient  bruit 
&  ceffe  d'être  appréciable. 

FORCER  la  voix  ,  c'eft  excéder  en  haut  ou  en  bas  fon 
Diapafon ,  ou  fon  volume  à  force  d'iialeine  ;  c'eft  crier  au 
lieu  de  chanter.  Toute  voix  qu'on  fbree  perd  fa  jufteilt  . 
Cela  arrive  même  aux  Inftrumens  où  l'on  force  l'arc  ht  t  OU  le 
vent  ;  &  voilà  pourquoi  les  François  chantent  rarement  ju 


FOR  309 

FORLANE  ,  /  f.  Air  d'une  Danfe  de  même  nom  com- 
mune à  Venife  ,  fur- tout  parmi  les  Gondoliers.  Sa  Mefure 
eft  à  £;  elle  fe  bat  gaiement,  &  la  Danfe  eft  aufTi  fort  gaie. 
On  l'appelle  Forlane  parce  qu'elle  a  pris  naiifance  dans  le 
Frioul ,   dont  les  habitans  s'appellent  Forlans. 

FORT  ,  adj.  Ce  mot  s'écrit  dans  les  Parties ,  pour  mar- 
quer qu'il  faut  forcer  le  Son  avec  véhémence  ,  mais  fans 
le  hauffer  ;  chanter  à  pleine  voix ,  tirer  de  l'Iniirument  beau- 
coup de  Son  :  ou  bien  il  s'emploie  pour  détruire  l'effet  du 
mot  Doux  employé  précédemment. 

Les  Italiens  ont  encore  le  fuperlatif  Fortijfimo  ,  dont  on 
n'a  gueres  befoin  dans  la  Mufique  Françoife  ;  car  on  y  chante 
ordinairement   très-fort. 

FORT  ,  adj.  Tems  fort.  (  Voyez  Tems.  ) 

FORTE-PIANO.  Subftantif  Italien  compofé  ,  &  que  les 
Muficiens  devraient  francillr,  comme  les  Peintres  ont  fran- 
cifé  celui  de  Chiaro-Jiuro ,  en  adoptant  l'idée  qu'il  exprime. 
Le  Forte-piano  eft  l'art  d'adoucir  &  renforcer  les  Sons  dans 
la  Mélodie  imitative,  comme  on  fait  dans  la  parole  qu'elle 
doit  imiter.  Non-feulement  quand  on  parle  avec  chaleur  on 
ne  s'exprime  point  toujours  fur  le  même  Ton  ;  mais  on  ne 
parle  pas  toujours  avec  le  même  degré  de  force.  La  Mufi- 
que  ,  en  imitant  la  variété  des  Accens  6c  des  Tons  ,  ■  doit 
donc  imiter  aufli  les  degrés  intenfes  ou  remiiles  de  la  parole, 
&  parler  tantôt  doux,  tantôt  fort,  tantôt  à  demi-voix;  & 
voilà  ce  qu'indique  en  général  le  mot  Forte-piano. 

FRAGiMENS.  On  appelle  ainfi  à  l'Opéra  de  Paris  le  choix 
de    trois    ou    quatre  Actes   de  Ballet ,   qu'on  tire  de  du 


3i3  F    R    A 

Opéra  ,  &  qu'on  ranembîe  ,  quoiqu'ils  n'aient  aucun  rapport 
entr'eux  ,  pour  être  repréfentés  fuccefTivement  le  même  jour, 
&  remplir ,  avec  leurs  Entr'actes  ,  la  durée  d'un  Spectacle 
ordinaire.  Il  n'y  a  qu'un  homme  fans  goût  qui  puifTe  ima- 
giner un  pareil  ramafîîs ,  &  qu'un  Théâtre  fans  intérêt  où 
l'on  puifTe  le  fupporter. 

FRAPPÉ  ,  ad),  pris  fubfl.  C'eft  le  Tems  où  l'on  baifle  la 
main  ou  le  pied ,  &  où  l'on  frappe  pour  marquer  la  Mefurc. 
(Voyez  Thésis. )  On  ne  frappe  ordinairement  du  pied  que 
le  premier  Tems  de  chaque  Mefure  ;  mais  ceux  qui  coupent 
en  deux  la  Mefure  à  quatre  frappent  aufïi  le  troifieme.  En 
battant  de  la  main  la  Mefure ,  les  François  ne  frappent  jamais 
que  le  premier  Tems  &  marquent  les  autres  par  divers  mou- 
vemens  de  main  :  mais  les  Italiens  frappent  les  deux  pre- 
miers de  la  Mefure  a  trois  ,  &  lèvent  le  troifieme  ;  ils  frap- 
pent de  même  les  deux  premiers  de  la  Mefure  à  quatre  & 
lèvent  les  deux  autres.  Ces  mouvemens  font  plus  {Impies  & 
femblent  plus  commodes. 

FREUON  ,  f.  m.  Vieux  mot  qui  figniiîe  un  PufTage  rapide 
&c  prefque  toujours  Diatonique  de  plufieurs  Notes  fur  la  même 
fyllabe  ;  c'eft  à-peu-près  ce  que  l'on  a  depuis  appelle  Rouhde  , 
avec  cette  différence  que  la  Roulade  dure  davantage  &  s'écrit, 
au  lieu  que  le  Fredon  n'eft  qu'une  courte  addition  de  goût; 
ou  ,  comme  on  difoit  autrefois  ,  une  Diminution  que  le  Chan- 
teur fait  fur  quelque  Note. 

FREDONNER,  v.  n.  £  a.  Faire  des  Frcdons.  Ce  mot  eft 
vieux  £c  ne  s'emploie  plus  qu'en  dériûon. 

F\JL*\JE  ,  f.J.  Pièce  ou  morceau  de  Mufiquc  où  Ton  traire  , 


F    U    G  3i, 

fclon  certaines  règles  d'Harmonie  &  de  Modulation  ,  un  Chant 
appelle  fujet ,  en  le  faifunt  paffer  fucceffivement  &  alternati- 
vement d'une  Partie  à  une  autre. 

Voici  .les  principales  règles  de  la  Fugue  ,  dont  les  unes  lui 
font  propres,  &  les  autres  communes  avec  l'Imitation. 

I.  Le  fujet  procède  de  la  Tonique  à  la  Dominante  ou  de 
la  Dominante  à  la  Tonique,   en  montant  ou  en  defeendant. 

II.  Toute  Fugue  a  fa  réponfe  dans  la  Partie  qui  fuit  im- 
médiatement celle  qui  a  commencé. 

III.  Cette  réponfe  doit  rendre  le  fujet  à  la  Quarte  ou  à 
la  Quinte,  &  par  mouvement  femblable,  le  plus  exactement 
qu'il  elt  pofïible  ;  procédant  de  la  Dominante  à  la  Tonique 
quand  le  fujet  s'eft  annoncé  de  la  Tonique  à  la  Dominante, 
&.  vice-versâ.  Une  Partie  peut  auflî  reprendre  le  même  fujet 
à  l'Octave  ou  à  l'Uniiïbn  de  la  précédente  :  mais  alors  c'eft 
répétition  plutôt  qu'une  véritable  réponfe. 

IV.  Comme  PO&ave  fe  divife  en  deux  Parties  inégales  dont 
l'une  comprend  quatre  Degrés  en  montant  de  la  Tonique  à 
la  Dominante  ,  &  l'autre  feulement  trois  en  continuant  de 
monter  de  la  Dominante  à  la  Tonique  ;  cela  oblige  d'avoir 
égard  à  cette  différence  dans  l'exprefîion  du  fujet ,  &  de  faire 
quelque  changement  dans  la  réponfe ,  pour  ne  pas  quitter  les 
cordes  effentielles  du  Mode.  C'eit  autre  chofe  quand  on  fe 
propofe  de  changer  de  Ton  ;  alors  l'exactitude  même  de  la 
réponfe  prife  fur  une  autre  corde  ,  produit  les  altérations  pro- 
pres à  ce  changement. 

V.  Il  faut  que  la  Fugue  (bit  di  Minée  de  telle  forte  que  la 
réponfe  piaffe  entrer  avant  la  fin  du  premier  Chant ,  afin  qu'où 


3ii  F    U    G 

entende  en  partie  l'une  &  l'autre  à  la  fois ,  que  par  cette 
anticipation  le  fujet  fe  lie  pour  ainfi  dire  à  lui-même ,  &  que 
l'ait  du  Compofiteur  fe  montre  dans  ce  concours.  C'eft  fe 
moquer  que  de  donner  pour  Fugue  un  Chant  qu'on  ne  fait 
que  promener  d'une  Partie  à  l'autre  ,  fans  autre  gêne  que  de 
l'accompagner  enfuite  à  fa  volonté.  Cela  mérite  tout  au  plus 
le  nom  d'Imitation.  (Voyez  Imitation.) 

Outre  ces  règles  ,  qui  font  fondamentales ,  pour  réufFir  dans 
ce  genre  de  Compoiition  ,  il  y  en  a  d'autres  qui ,  pour  n'être 
que  de  goût ,  n'en  font  pas  moins  effentielles.  Les  Fugues,  en 
général ,  rendent  la  Mufique  plus  bruyante  qu'agréable  ;  c'eft 
pourquoi  elles  conviennent  mieux  dans  les  Chœurs  que  par-tout 
ailleurs.  Or  comme  leur  principal  mérite  eft  de  fixer  toujours 
l'oreille  fur  le  Chant  principal  ou  fujet ,  qu'on  fait  pour  cela 
paffer  inceifamment  de  Partie  en  Partie ,  &  de  Modulation 
en  Modulation  ;  le  Compofiteur  doit  mettre  tous  fes  foins  à 
rendre  toujours  ce  Chant  bien  diftinct ,  ou  à  empêcher  qu'il 
ne  foit  étouffé  ou  confondu  parmi  les  autres  Parties.  Il  y  a 
pour  cela  deux  moyens  ;  l'un  dans  le  mouvement  qu'il  faut 
fans  ceffe  contrafter  ;  de  forte  que  fi  la  marche  de  la  Fugue 
eft  précipitée  ,  les  autres  Parties  procèdent  pofément  par  des 
Notes  longues  ;  &  au  contraire  ,  fi  la  Fugue  marche  gra- 
vement ,  que  les  Accompagncmens  travaillent  davantage. 
Le  fécond  moyen  eft  d'écarter  l'Harmonie  ,  de  peur  que  les 
autres  Parties  ,  s'approchant  trop  de  celle  qui  chante  le  fujet, 
ne  fe  confondent  avec  elle  ,  &  ne  l'empêchent  de  fe  faire 
entendre  aifez  nettement;  en  forte  que  ce  qui  feroit  un  vice 
par-tout  ailleurs  ,  devient  ici  une  beauté. 

i  niti 


F    U    G  5«j 

Unité  Je  Mélodie  ;   voilà  la  grande  règle  commune  qu'il 
■faut  fouvent  pratiquer  par  des  moyens  différais.  11  faut  choi- 
fir  les  Accords  ,   les  Intervalles ,  afin  qu'un  certain  Son ,  6c 
non  pas  un  autre ,  fafle  l'effet  principal  ;  unité  Je  Mélodie.  Il 
faut  quelquefois  mettre  en  jeu  des   Inftrumens  ou  des  Voix 
d'efpece  différente  ,    afin  que  la  Partie  qui  doit  dominer  fe 
di (lingue  plus  aifément  ;   unité  Je  Mélodie.  Une  autre  atten- 
tion non  moins  néceffaire ,  ell ,  dans  les  divers  enchaînemens 
de  Modulations  qu'amené  la  marche  &  îe  progrès  de  la  Fu- 
gue ,  de  faire  que  toutes  ces"  Modulations  fe  correfpondent  à 
la  fois  dans  toutes  les  Parties  ,  de  lier  le  tout  dans  fon  pro- 
grès  par  une  exacle  conformité    de  Ton  ;    de  peur  qu'une 
Partie  étant  dans  un  Ton  &  l'autre  dans  un  autre  ,    l'Har- 
monie entière  ne  foit  dans  aucun  ,  &  ne  préfente  plus  d'effet 
finiple  a  l'oreille  ,  ni  d'idée  fimple  a  l'efprit  ;    unité  Je  Mé- 
lodie.  En  un  mot ,  dans  toute  Fuguz ,  la  confufion  de  Mélodie 
&  de  Modulation  eff.  en  même  tems  ce  qu'il  y  a  de  plus  à 
craindre  6c  de  plus  difficile  à  éviter  ;  &  le  plaifir  que  donne  ce 
genre  de  Mutique  étant  toujours  médiocre ,  on  peut  dire  qu'une 
belle  Fugue  elt  l'ingrat  chef-d'œuvre  d'un  bon  Harmonide. 

II  y  a  encore  plufieurs  autres  manières  de  Fugues  ;  com- 
me les  Fugues  perpétuelles  appellces  Canons  ,  les  JoubLs  Fu- 
gues ,   les  Contre  -  Fugues  ,  ou  Fugues  renverfées  ,  qu'on  peut 
voir  chacune   à  fon  mot ,   &  qui  fervent  plus  à  étaler  l'art 
des  Compofiteurs  qu'à  flatter  l'oreille  des  Ecoutans. 

Fugue  ,  du  Latin  fuga  ,  fuite  ;  parce  que  les  Parties ,  par- 
tant ainfî  fucceflïvement ,  femblent  fe  fuir  &c  fe  pourfuivre 
l'une  l'autre. 

Dict.  de  Mujique,  Ri 


V4 


T   U    G 


FUGUE  RENVERSEE.  C'cffc  une  Fagot  dont  la  réponft 
fe  fait  par  Mouvement  contraire  à  celui  du  fjjct.  (  V05  cz 
Contre-Fugue.) 

FUSEE  ,  f.  f.  Trait  rapide  &  continu  qui  monte  ou  def- 
cend  pour  joindre  diatoniquement  deux  Notes  à  un  grand 
Intervalle  l'une  de  l'autre.  (  Voyez  PL  C.  Fig.  4.  )  A  moins 
que  la  Fuféa  ne  foit  Notée ,  il  faut ,  pour  l'exécuter ,  qu'une 
des  deux  Notes  extrêmes  ait  une  durée  fur  laquelle  on  pui:Iu 
palier  là  Fufée  fans  altérer  la  Mefure. 


G    A   I  fii 

G. 


G 


re  fol,  G  foi  re  ut,  ou  fimplemer.t  G.  Cinquième  Son 
de  la  Gamme  Diatonique  ,  lequel  s'appelle  autrement  fol. 
(Voyez  Gamme.) 

C'e/t  aufli  le  nom  de  la  plus  haute  des  trois  Clefs  de  la 
Mufique.  (Voyez  Clef.) 

GAI ,  adv.  Ce  mot ,  écrit  au-deiïlis  d'un  Air  ou  d'un  mor- 
ceau de  Mufique ,  indique  un  mouvement  moyen  entre  le 
vite  &  le  modéré  :  il  répond  au  mot  Italien  Allegro  employé 
pour  le  même  ufage.  (Voyez  Allegro.) 

Ce  mot  peut  s'entendre  aufli  du  caractère  d'une  Mufique  ,y 
indépendamment  du  Mouvement. 

GAILLARDE ,  f.  f.  Air  à  trois  Tcms  gais  d'une  Danfe 
de  même  nom.  On  la  nommoit  autrefois  Romanefque ,  parce 
qu'elle  nous  eft ,  dit -on,  venue  de  Rome,  ou  du  moins 
d'Italie. 

Cette  Danfe  eft:  hors  d'ufage  depuis  long-tems.  II  en  efl 
refté  feulement  un  Pas  appelle ,  Pas  de  Gaillarde. 

GAMME,  GAMM'UT  ,  ou  GAMMA -UT.  Table  ou 
Echelle  inventée  par  Gui  Arétin  ,  fur  laquelle  on  apprend 
à  nommer  &  a  entonner  jufle  les  Degrés  de  TOétavc  par  les 
fix  Notes  de  Mufique  ,  ut  re  mi  fa  fol  la ,  fuivant  toutes  les 
difpofitions  qu'on  peut  leur  donner;  ce  qui  s'appelle  folfier. 
(Voyez  ce  mor. ) 

La  Gamme  a  aufli  été  nommée  Main  harmonique ,  parce 

Rr  * 


3»*  G    A    M 

que  Gui  employa  d'abord  la  figure  d'une  main,  fur  les  doigts 
de  laquelle  il  rangea  fes  Noces  ,  pour  montrer  les  rapports 
de  fes  Hexacordes  avec  les  cinq.  Tétracordes  des  Grecs.  Cette 
main  a  été  en  ufage  pour  apprendre  à  nommer  les  Notes 
jufqu'à.  l'invention  du  fi  qui  a  aboli  chez  nous  les  Muan- 
ces  ,  &  par  conféquen:  la  Main  harmonique  qui  fert  à  les. 
expliquer. 

Gui  Arétin  ayant  ,  félon  l'opinion  commune  ,  ajouté  au 
Diagramme  des  Grecs  un  Tétracorde  à  l'aigu  »  cV  une  corde 
au  grave,  ou  plutôt ,  félon.  Meibomius ,  ayant,  par  ces  addi- 
tions ,  rétabli  ce  Diagramme  dans  fon  ancienne  étendue ,  il 
appeJla  cette  corde  grave  Hypoprqflambanomcnos ,  &  la  mar- 
qua par  le  r  des  Grecs  ;  &  comme  cette  lettre  fe  trouva  ainft 
à  la  tête  de  l'Echelle ,  en  plaçant  dans  le  haut  les  Sons  gra- 
ves ,  félon  la  méthode  des  Anciens  r  elle  a  fait  donner  à  cette. 
Echelle  le  nom  barbare  de  Gamme... 

Cette  Gamme  donc ,  dans  toute  fon  étendue  r  étoit  cotu- 
pofée  de  vingt  cordes  ou  Notes  ;  c'elt-à-dire ,  de  deux  Octa- 
ves &c  d'une  Sixte  majeure.  Ces  cordes  étoient  repréfentées 
par  des  lettres  &  par  des  fylbbes.  Les  lettres,  défignoient 
invariablement  chacune  une  corde  déterminée  de  l'Echelle  ,. 
comme  elles  font  encore  aujourd'hui  ;  mais  comme  il  n'y 
avoit  d'abord  que  fix  lettres ,  enfin  que  fept ,.  &  qu'il  faloit 
recommencer  d'Octave  en  Octave,  on  diftinguoit  ces  Octa- 
ves par  les  figures  des  lettres.  La  première  Octave  fe  mar- 
quoit  par  des  lettres  capitales  de  cette  manière  :  r.  A. 
B.  &c.  la  féconde  ,  par  des  caractères  courans  g.  a.  b.  ;  & 
pour  la  Sixte  furnuméraire ,  on  employoit  des  lettres  doubles, 
gg ,  aa,  bb,  &c. 


I 

Quant  aux  fyllabes  ,  elles  ne  repréfentoienr  que  les  noms 
qu'il  faloit  donner  aux  Notes  en  les  chantant.  Or  ,  commr 
il  n'y  avoit  que  fix  noms  pour  fept  Notes  ,  c'étoit  une 
nécefiité  qu'au  moins  lui  même  nom  fût  donné  à  deux  diffé- 
rentes Notes  ;  ce  qui  fe  fit  de  manière  que  ces  deux  Notes 
mi  fa  t  ou  la  fa  ,  combattent  fur  les  femi-Tons.  Par  con- 
féquent  dès  qu'il  fe  préfentoit  un  Dièfe  ou  un  Bémol  qui 
amenoit  un  nouveau  femi-Ton  ,  c'étoient  encore  des  noms 
à  changer  ;  ce  qui  faifoit  donner  le  même  nom  à  diffé- 
rences Noces ,  &  différens  noms  à  la  même  Noce ,  félon  le 
progrès  du  Chanc  ;  &  ces  changemens  de  nom  s'appelloieni 
Alliances, 

On  apprenoic  donc  ces  Muances  par  la  Gamme.  A  la  gau- 
che  de  chaque  Degré  on  voyoic  une  leccre  qui  indiquoic  la 
corde  prccife  apparcenanc  à  ce  Degré.  A  la  droire  ,  dans  les 
cafés ,  on  crouvoic  les  différens  noms  que  cette  même  Note 
devoit  porter  en  montant  ou  en  defcendant  par  Béquarre  ou 
par  Bémol ,  félon  le  progrès. 

Les  difficultés  de  cette  méthode  ont  fait  faire  ,  en  divers- 
tems  ,  plufieurs  changemens  à  la  Gamme.  La  Figure  io,. 
Plandie  A,repréfente  cette  Gamme,  telle  qu'elle  eft  actuel- 
lement ufitce  en  Italie.  C'eft  à -peu -près  la  même  chofe 
en  Efpagne  &  en  Portugal,  fi  ce  n'eft  qu'on  trouve  quel- 
quefois à  la  dernière  place  la  colonne  du  Béquarre  ,  qui 
elt  ici  la  première ,  ou  quelqu'autre  différence  auiïi  peu  im- 
portante. 

Pour  fe  fervir  de  cetee  Echelle  ,  fi  l'on  veut  chanter  au 
ûaturel ,  on  applique  ut  à  r  de  la  première  colonne ,  le  long 


318  G    A   M 

de  laquelle  on  monte  jufqu'au  la  ;  après  quoi  ,  paflant  \ 
droite  dans  la  colonne  du  b  naturel  ,  on  nomme  fa  ;  on 
monte  au  la  de  la  même  colonne  ,  puis  on  retourne  dans  la 
précédente  à  mi,  &  ainfi  de  fuite.  Ou  bien  ,  on  peut  com- 
mencer par  ut  au  C  de  la  féconde  colonne  ;  arrivé  au  la 
paffer  à  mi  dans  la  première  colonne  ,  puis  rcpaffer  dans 
l'autre  colonne  au  ja.  Par  ce  moyen  l'une  de  ces  tranlîtions 
forme  toujours  un  femi  -  Ton  ;  favoir  ,  la  fa  :  &c  l'autre 
toujours  un  Ton;  favoir,  la  mi.  Par  Bémol,  on  peut  com- 
mençai- à  Yut  en  c  ou  fy  6c  faire  les  tranfitions  de  la  même 
manière ,  &c. 

En  defcendant  par  Béquarre  on  quitte  Yut  de  la  colonne 
du  milieu ,  pour  paiTer  au  mi  de  celle  par  Béquarre  ,  ou  au 
fa  de  celle  par  Bémol  ;  puis  defcendant  jufqu'à  Yut  de  cette 
nouvelle  colonne ,  on  en  fort  par  fa  de  gauche  à  droite ,  par 
mi  de  droite  à  gauche ,  &c. 

Les  Anglois  n'emploient  pas  toutes  ces  fyllabes,  mais  feu- 
lement les  quatre  premières  ut  re  mi  Ja  ;  changeant  ainfi  de 
colonne  de  quatre  en  quatre  Notes  ,  ou  de  trois  en  trois  par 
une  méthode  femblable  a  celle  que  je  viens  d'expliquer ,  fi 
ce  n'elt  qu'au  lieu  de  la  fa  &  de  la  mi ,  il  faut  muer  par 
fa  ut  ,  &  par  mi  ut. 

Les  Allemands  n'ont  point  d'autre  Gamme  que  les  lettres 
initiales  qui  marquent  les  Sons  fixes  dans  les  autres  Gammes , 
&  ils   (binent  même  avec   ces   lettres  de  la  manière  qv 
pourra  voir  au  mot  Soir.    >.. 

La   Gamme    Françoifè  ,   autrement  dite    Gamme  du  fi  , 
levé  les   uiùurras  de  toutes  ces  uanfitions.    Elle  coniiîic  en 


C    A    V  319 

une  fimplc  Echelle  de  fix  Degrés  fur  deux  colonnes  ,  c 
celle  des  lettres.  (Voyez  PL  A.  Fig.  n.)  La  première  co- 
lonne h  gauche  eft  pour  chanter  par  Bémol  ;  c'ef L-^i-dirc  , 
avec  un  Bémol  à  la  Clef;  la  féconde,  pour  chanter  au  natu- 
rel. Voilà  tout  le  myllerc  de  la  Gamme  Françoife  qui  n'a 
gueres  plus  de  difficulté  que  d'utilité  ,  attendu  que  roi:te 
autre  altération  qu'un  Bémol  la  met  a  l'inftant  hors  d'uf.  -  . 
Les  autres  Gammes  n'ont  par  defius  celle-là,  que  l'avan- 
tage d'avoir  auffi  une  colonne  pour  le  Béquarre  ;  c'cll-à- 
cire  ,  pour  un  Dièfe  à  la  Clef;  mais  fi -tôt  qu'on  y  met 
pluî  d'un  Dicfe  ou  d'un  Bémol  ,  (  ce  qui  ne  fe  faifoir.  ja- 
mais autrefois ,  )  toutes  ces  Gammes  font  également  inutiles. 

Aujourd'hui  que  les  Muficiens  François  chantent  tout  au 
naturel,  ils  n'ont  que  faire  de  Gamme.  C  fol  ut ,  ut,  &  C 
ne  font ,  pour  eux ,  que  la  même  chofe.  Mais  dans  le  fyf- 
téme  de  Gui,  ut  eft  une  chofe,  &  C  en  eft  une  autre  fort 
différente;  &  quand  il  a  donné  à  chaque  Note  une  f/llabc 
&  une  lettre ,  il  n'a  pas  prétendu  en  faire  des  fynonymes  ; 
ce  qui  eût  été  doubler  inutilement  les  noms  &  les  em- 
barras. 

GAVOTTE ,  /  /:  Sorte  de  Danfc  dont  l'Air  eft  a  deux 
Tems,  c:  fe  coupe  en  deux  reprifes;  dont  chacune  com- 
mence avec  le  fécond  Tems  ôc  finit  fur  le  premier.  Le  mou- 
vement de  la  Gavotte  eft  ordinairement  gracieux,  iouvent 
gai,  quel  fois  auffi  tendre  &  fent.  Elle  marque  fes  phra- 
fes  êc  Ils  repos  de  de::::  en  deux    Mefures. 

IE  j  f.  m.  Ne  efrererte   point ,  jeune  Artific  ,    ce  que 
c'eftque  le  Gé,ùe,  En  as-tu  :  tu  le  fens  en  toi- même.  2- 


3»  G    E    N 

as-tu  pas  :  tu  ne  le  connoîtras  jamais.  Le  Génie  du  Mufi- 
çien  foumet  l'Univers  entier  à  fon  Art.  Il  peint  tous  les  ta- 
bleaux par  des  Sons  ;  il  fait  parler  le  filence  même  ;  il  rend 
les  idées  par  des  fentimens,  les  fentimens  par  des  accens; 
ôc  les  pafïions  qu'il  exprime ,  il  les  excite  au  fond  des  cœurs. 
La  volupté  ,  par  lui ,  prend  de  nouveaux  charmes  ;  la  dou- 
leur qu'il  fait  gémir  arrache  des  cris;  il  brûle  fans  cette  ôc 
ne  fe  confume  jamais.  Il  exprime  avec  chaleur  les  frimats 
ôc  les  glaces  ;  même  en  peignant  les  horreurs  de  la  mort , 
il  porte  dans  l'ame  ce  fentiment  de  vie  qui  ne  l'abandonne 
point ,  &  qu'il  communique  aux  cœurs  faits  pour  le  fentir. 
Mais  hélas  !  il  ne  fait  rien  dire  à  ceux  où  fon  germe  n'eft 
pas,  Ôc  fes  prodiges  font  peu  fenfibles  à  qui  ne  les  peut 
imiter.  Veux-tu  donc  favoir  fi  quelque  étincelle  de  ce  feu 
dévorant  t'anime?  Cours,  vole  à  Naples  écouter  les  chef- 
d'œuvres  de  Léo ,  de  Durante ,  de  Jommelli,  de  Pergolèf:. 
Si  tes  yeux  s'empliffent  de  larmes,  fi.  tu  fens  ton  cœur  pal- 
piter, fi  des  trefTaillemens  t'agitent,  fi  l'oppreihon  te  fuffo- 
que  dans  tes  tranfports ,  prends  le  Métaftafe  &  travaille;  fon 
Génie  échauffera  le  tien  ;  tu  créeras  à  fon  exemple  :  c'cft-là( 
ce  que  fait  le  Génie ,  &  d'autres  yeux  te  rendront  bientôt 
les  pleurs  que  les  Maîtres  t'ont  fait  verfer.  Mais  fi  les  char- 
mes de  ce  grand  Art  te  lailfent  tranquille,  Ci  tu  n'as  ni 
délire  ni  raviffement,  ii  tu  ne  trouve  que  beau  ce  qui  tranf- 
porte  ,  ofes-tu  demander  ce  qu'eft  le  Génie?  Homme  vul- 
gaire, ne  profane  point  ce  nom  fublime.  Que  t'importeroit 
ck   le  connoître  ?  tu  ne  fuurois  le   fentir  :    fais  de  la  Muii- 

que  Françoife. 

GENRE , 


G    E    N  3ii 

GÎTNRE,/  m.  Divifîon  &  difpofition  du  Tétracorde  con- 
fidéré  dans  les  Intervalles  des  quatre  Sons  qui  le  comro- 
fent.  On  conçoit  que  cette  définition ,  qui  eft  celle  d'Eucli- 
de ,  n'eft  applicable  qu'à  la  Mufique  Grecque ,  dont  j'ai  à  par- 
ler en  premier  lieu. 

La  bonne  conftitution  de  l'Accord  du  Tétracorde  ;  c'eft- 
i-dire ,  Tétabliffement  d'un  Genre;  régulier,  dépendoit  des 
trois  règles  fuivantes ,  que  je  tire  d'Ariftoxène. 

La  première  étoit  que  les  deux  cordes  extrêmes  du  Té- 
tracorde dévoient  toujours  refter  immobiles ,  afin  que  leur 
Intervalle  fut  toujours  celui  d'une  Quarte  jufte  ou  du  Dia- 
teflaron.  Quant  aux  deux  cordes  moyennes ,  elles  varioienc 
à  la  vérité  ;  mais  l'Intervalle  du  Lichanos  à  la  Mèfe  ne  de- 
voit  jamais  paflèr  deux  Tons,  ni  diminuer  au-de-là  d'un  Ton; 
de  forte  qu'on  avoit  précifément  l'efpace  d'un  Ton  pour  va- 
rier l'Accord  du  Lichanos  ,  &  c'efè  la  féconde  règle.  La 
troifieme  étoit  que  l'Intervalle  de  la  Parhypate,  ou  féconde 
corde  à  l'Hypate,  n'excédât  jamais  celui  de  la  même  Par- 
hypate au  Lichanos. 

Comme  en  général  cet  Accord  pouvoir  fe  diversifier  de 
trois  façons ,  cela  conftituoit  trois  principaux  Genres  ;  favoir, 
le  Diatonique ,  le  Chromatique  &  l'Enharmonique.  Ces  deux 
derniers  Genres ,  où  les  deux  premiers  Intervalles  faifoienc 
toujours  enfemble  une  fomme  moindre  que  le  troifleme  In- 
tervalle, s'appelloient  à  caufe  de  cela  Genres  épais  ou  fer- 
rés. (Voyez  Epais.) 

Dans  le  Diatonique ,  la  Modulation  proecdoit  par  un  femi- 
Ton ,  un  Ton ,  &  un  autre  Ton ,  Ji  ut  rc  mi  ;  &  comme 
Dicl.  de  Mufiqu:,  S  s 


312  G    E    N 

on  y   paiïbit  par  deux  Tons  confl'cutifs ,  de-la  lui  venoit  le 
nom  de   Diatonique.  Le  Chromatique  procédoit  fuccefîive- 
ment  par  deux  femi-Tons  &  un  hémi-Diton  ou  une  Tierce 
mineure,  7?,  uty   ut  Dièfe  ,  mi;    cette  Modulation  tenoit  le 
milieu  entre  celles  du  Diatonique  &  de  l'Enharmonique,  y 
faifant,  pour  ainfi  dire,  fentir  diverfcs  nuances  de  Sons,  de 
même  qu'entre  deux  couleurs  principales  on  introduit  pluiieurs 
nuances  intermédiaires,  &  de-la  vient  qu'on appelloit ce  Genre 
Chromatique  ou  coloré.  Dans  l'Enharmonique,  la  Modulation 
procédoit  par  deux  Quarrs-de-Xb/2 ,  en  divifant,  félon  la  doc- 
trine d'ArifLoxène,  le  femi-Ton  majeur  en  deux  parties  éga- 
les, &  un  Diton  ou  une  Tierce  majeure,  comme  fi,  fi  Dièfe 
Enharmonique,    ut,    6c  mi  :  ou  bien,  félon  les  Pythagori- 
ciens,   en  divifant  le    femi-Ton  majeur  en  deux  Intervalles 
inégaux ,  qui  formoient ,  l'un  le  femi-Ton  mineur  ;   c'eir-à- 
dire ,  notre  Dièfe  ordinaire  ,  6c  l'autre  le  complément  de  ce 
même    femi-Ton    mineur  au   femi-Ton  majeur,   &  enfuite 
le  Diton,  comme  ci-devant,  fi,  fi  Dicfe  ordinaire,  ut ,  mi. 
Dans  le  premier  cas,  les  deux  Intervalles  égaux  du  fi  a  Vut 
étoient   tous    deux   Enharmoniques  ou  d'un  Quart-de-7bfl  ; 
dans  le  fécond  cas,  il  n'y  avoit  d'Enharmonique  que  le  paf- 
fige  du /?  Dièfe  à  Vut;   c'c!l-a-dirc  ,  la  différence  du  femi- 
Ton  mineur  au  femi-Ton  majeur,    laquelle  eit  le  Dièfe  ap- 
pelle </-•  Pythagore  6c  le  véritable    Intervalle    Enharmonique 
;j   par  la    Nature. 
Comme  donc  cette  Modulation ,  dit   M.  Burette ,    Ce   te- 
noit d'abord  très-ferrée,  ne  parcourant  que  de  petits  Inter- 
valles, des  Intervalles  prefque    inilnhblcs,  on  la    nommoil 


G    E    N 

Enharmonique  ,  comme  qui  diroic  bien  jointe ,  bien  aûembl 
probe  coagmentata. 

Outre  ces  Genres  principaux,  i!  y  en  avoit  d'autres  qui  ré- 
fultoient  tous  des  divers  partages  du  Tctracorde,  ou  de 
çons  de  l'accorder  différentes  de  celles  dont  je  viens  de 
parler.  Ariftoxcne  fubdivifé  le  Genre  Diatonique  en  Synto- 
nique  6c  Diatonique  mol;  (Voyez  Diatonique.)  6c  le  Genre 
Chromatique  en  mol  ,  Htmiolien  6c  Tonique  ,  (  Voyez 
Chromatique:)  dont  il  donne  les  différences  comme  je  les 
rapporte  à  leurs  articles.  AriirJde  Quintilien  fait  mention  de 
plufieurs  autres  Genres  particuliers ,  6c  il  en  compte  fix  qu'il 
donne  pour  très-anciens;  favoir,  le  Lydien,  le  Dorien  ,  le 
Phrygien ,  l'Ionien ,  le  Mixolydien ,  6c  le  Syntonolydien.  Ces 
fix  Genr'es ,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  Tons  ou 
Modes  de  mêmes  noms,  différaient  par  leurs  Degrés  ainfi 
que  par  leur  Accord  ;  les  uns  n'arrivoient  pas  à  FOitave  , 
les  autres  l'atteignoient ,  les  autres  la  paiïoient;  en  forte  qu'ils 
participoient  à  la  fois  du  Genre  &  du  Mode.  On  en  peut 
voir  le  détail  dans  le  AJuficien  Grec. 

En  général  le  Diatonique  fe  divife  en  autant  d'efpeces  qu'on 
peut  afligner  d'Intervalles  différens  entre  le  femi  -  Ton  6c 
le  Ton. 

Le  Chromatique  en  autant  d'cfpcces  qu'on  peut  afligner 
d'Intervalles  entre  le  femi-Ton  6c  le  Dièfe  Enharmonique. 

Quant  à  l'Enharmonique ,  il  ne  fe  fubdivifé  point. 

Indépendamment  de  toutes  ces  fubdivifions  ,  il  y  avoit  en- 
core un  Genre  commun  dans  lequel  on  ivcmployoit  que  de<i 
Sons  itables  qui  appartiennent  à  tous  les  Genres ,  &  un  Genre 

bs    2. 


324  G    E    N 

mixte  qui  participent  du  cara&ere  de  deux  Genres  Ou  d«r 
tous  les  trois.  Or  il  faut  bien  remarquer  que  dans  ce  mé- 
lange de  Genres ,  qui  étoit  très-rare ,  on  n'employoit  pas 
pour  cela  plus  de  quatre  cordes  ;  mais  on  les  tendoit  ou  re- 
lâchoit  diverfement  durant  une  même  Pièce;  ce  qui  ne  pa- 
roît  pas  trop  facile  à  pratiquer.  Je  foupçonne  que  peut-être 
un  Tétracorde  étoit  accordé  dans  un  Genre ,  &  un  autre  dans 
un  autre  ;  mais  les  Auteurs  ne  s'expliquent  pas  clairement 
là-deflus. 

On  lit  dans  Ariftoxène ,  (I.  /.  Part.  II.)  que  jufqu'au 
tems  d'Alexandre,  le  Diatonique  &  le  Chromatique  étoient 
négligés  des  anciens  Muficiens ,  &  qu'ils  ne  s'exerçoient  que 
dans  le  Genre  Enharmonique ,  comme  le  feul  digne  de  leur 
habileté  ;  mais  ce  Genre  étoit  entièrement  abandonné  du 
tems  de  Plutarque*  &  le  Chromatique  auffi  fut  oublié,  même 
avant  Macrobe.. 

L'étude  des  écrits  des  Anciens,  plus  que  le  progrès  de 
notre  Mufîque,  nous  a  rendu  ces  idées,  perdues  chez  leurs 
fucceneurs.  Nous  avons  comme  eux  le  Genre  Diatonique  , 
le  Chromatique  &  l'Enharmonique ,  mais  fans  aucunes  divi- 
fions;  &  nous  confidérons  ces  Genres  fous  des  idées  fort 
différentes  de  celles  qu'ils  en  avoient.  C'étoient  pour  eux 
autant  de  manières  particulières  de  conduire  le  Chant  fur 
certaines  cordes  preferites.  Pour  nous ,  ce  font  autant  de 
manières  de  conduire  le  corps  entier  de  l'Harmonie,  qui 
forcent  les  Parties  à  fuivre  les  Intervalles  preferits  par  ces 
( i  wci  ;  de  forte  que  le  Genre  appartient  encore  plus  a 
rilormonie  qui  l'engendre ,  qu'à  h  Mélodie  qui  le  fait  fentir. 


G    I    G  |ij 

Il  faut  encore  obfcrvcr  que  ,  dans  notre  Mufique  ,  les 
Genres  font  prefque  toujours  mixtes  ;  c'elt-à-dire  ,  que  le 
Diatonique  entre  pour  beaucoup  dans  le  Chromatique  ,  & 
que  l'un  &  l'autre  font  néceflairement  mêlés  a  l'Enharmo- 
nique. Une  Pièce  de  Mufique  toute  entière  dans  un  feul 
Genre  ,  feroit  très-difficile  à  conduire  &  ne  feroit  pas  fup- 
porrable  ;  car  dans  le  Diatonique  il  feroit  impoffible  de  chan- 
ger de  Ton  :  dans  le  Chromatique  on  feroit  forcé  de  chan- 
ger de  Ton  à  chaque  Note ,  &  dans  l'Enharmonique  il  n'y 
auroit  abfolument  aucune  forte  de  liaifon.  Tout  cela  vient 
encore  des  règles  de  l'Harmonie  ,  qui  affujettiffent  la  fuccef- 
fion  des  Accords  à  certaines  règles  incompatibles  avec  "une 
continuelle  fuccefiion  Enharmonique  ou  Chromatique  ;  & 
auffi  de  celles  de  la  Mélodie  ,  qui  n'en  fauroit  tirer  de  beaux 
Chants.  Il  n'en  étoit  pas  de  même  des  Genres  des  Anciens. 
Comme  les  Tétracordes  étoient  également  complets  ,  quoi- 
que divifés  différemment  dans  chacun  des  trois  fyflcmes  ; 
fi  dans  la  Mélodie  ordinaire  un  Genre  eût  emprunté  d'un 
autre  d'autres  Sons  que  ceux  qui  fe  trouvoient  nécelfairement 
communs  entr'eux  ,  le  Tétracorde  auroit  eu  plus  de  quatre 
cordes  ,  &  toutes  les  règles  de  leur  Mufique  auraient  été 
confondues. 

M.  Serre  de  Genève  a  fait  la  difrinction  d'un  quatrième 
Genre  duquel  j'ai  parlé  dans  fon  article.  (  Voyez  Diacom- 

MATIQUE.  ) 

GIGUE,/./.  Air  d'une  Danfe  de  même  nom,  dont  la 
Mefure  eft  à  fix-huit  &  d'un  Mouvement  afTez  gai.  Lts 
Opéra  François  contiennent  beaucoup  de  Gigues ,  &  les  Gi- 


y„6  G     O     U 

gués  de  Corrcili  ont  été  long-tems  célèbres  :  mais  ces  Airs 
font  entièrement  paffés  de  Mode  ;  on  n'en  fait  plus  du  tout 
en  Italie,  &  l'on  n'en  fait  plus  gueres  en  France. 

GOUT  ,/!  m.  De  tous  les  dons  naturels  le  Goût  eft  celui 
qui  fe  fent  le  mieux  &  qui  s'explique  le  moins  ;  il  ne  feroit 
pas  ce  qu'il  eft  ,  fi  l'on  pouvoit  le  définir  :  car  il  juge  des 
objets  fur  lefquels  le  jugement  n'a  plus  de  prife  ,  &  fert  , 
fi  j'ofe  parler  ainfi ,  de  lunettes  à  la  raifon. 

Il  y  a  ,  dans  la  Mélodie  ,  des  Chants  plus  agréables  que 
d'autres  ,  quoiqu'également  bien  Modulés  ;  il  y  a  ,  dans 
l'Harmonie  ,  des  chofes  d'effet  &  des  chofts  fans  effet,  tou- 
tes également  régulières  ;  il  y  a  dans  l'entrelacement  des 
morceaux  un  art  exquis  de  faire  valoir  les  uns  par  les  au- 
tres ,  qui  tient  à  quelque  chofe  de  plus  fin  que  la  loi  des  con- 
traftes.  Il  y  a  dans  l'exécution  du  même  morceau  des  ma- 
nières différentes  de  le  rendre  ,  fans  jamais  fortir  de  fon 
caractère  :  de  ces  manières  ,  les  unes  plaifent  plus  que  les 
autres ,  &  loin  de  les  pouvoir  foumettre  aux  règles  ,  on  ne 
peut  pas  même  les  déterminer.  Lecteur ,  rendez  -  moi  rai- 
fon de  ces  différences  ,  &c  je  vous  dirai  ce  que  c'eft  que  le 
Goût. 

Chaque  homme  a  un  Goût  particulier,  par  lequel  il  donne 
aux  chofes  qu'il  appelle  belles  &  bonnes  ,  un  ordre  qui 
n'appartient  qu'à  lui.  L'un  eft  plus  touché  des  morceaux 
pathétiques  ,  l'autre  aime  mieux  les  Airs  gais.  Une  Voix 
douce  &  flexible  chargera  fes  Chants  d'ornemens  agféâfaks; 
une  Voix  fenfiblc  &  forte  animera  les  fîcns  des  accens  de 
la  paffion.  L'un  cherchera   la  fimplicité   dans    la    Mélodie  : 


G    O    V  ?27 

l'aurre  fera  cas  des  traies  recherchés  :  &  tous  deux  appelle- 
ront élégance  le  Goût  qu'ils  auront  préféré.  Cette  diverfîté 
vient  tantôt  de  la  différente  difpofition  des  organes  ,  dont 
le  Goût  enfeigne  a  tirer  parti  ;  tantôt  du  caractère  particulier 
de  chaque  homme ,  qui  le  rend  plus  fenfible  à  un  plaifir  ou 
à  un  défaut  qu'a  un  autre  ;  tantôt  de  la  diverfîté  d'âge  ou 
de  fexe  ,  qui  tourne  les  defirs  vers  des  objets  différens. 
Dans  tous  ces  cas  ,  chacun  n'ayant  que  fon  Goût  h.  oppo- 
fer  à  celui  d'un  autre  ,  il  efr,  évident  qu'il  n'en  faut  point 
difputer. 

Mais  il  y  a  auffi  un  Goût  général  fur  lequel  tous  les  gens 
bien  organifés  s'accordent  ;  &  c'elt  celui  -  ci  feulement  au- 
quel on  peut  donner  abfolument  le  nom  de  Goût.  Faites 
entendre  un  Concert  à  des  oreilles  fuffifamment  exercées  & 
à  des  hommes  fufhfamment  inftruits  ,  le  plus  grand  nom- 
bre s'accordera  ,  pour  l'ordinaire  ,  fur  le  jugement  des  mor- 
ceaux &  fur  l'ordre  de  préférence  qui  leur  convient.  De- 
mandez à  chacun  raifon  de  fon  jugement ,  il  y  a  des  chc- 
fes  fur  lèfquelles  ils  la  rendront  d'un  avis  prefque  unanime  : 
ces  chofes  font  celles  qui  fe  trouvent  foumifes  aux  règles  ; 
&  ce  jugement  commun  eit  alors  celui  de  l'Artifte  ou  du 
ConnottTeur.  Mais  de  ces  chofes  qu'ils  s'accordent  a  trouver 
bonnes  ou  mauvaifes  ,  il  y  en  a  fur  lèfquelles  ils  ne  pour- 
ront autorifer  leur  jugement  par  aucune  raifon  folide  & 
commune  à  tous;  &  ce  dernier  jugement  appartient  à  l'hom- 
me de  Goût.  Que  fi  l'unanimité  parfaire  ne  s'y  trouve  pas, 
c'elt  que  tous  ne  font  pas  également  bien  organifés  ;  que 
tous  ne  font  pas  gens  de  Goût ,  &  que  les  préjuges  de  l'ha- 


3z3  G    O    U 

birude  ou  de  l'éducation  changent  fbuvenc  ,  par  des  con* 
vendons  arbitraires,  l'ordre  des  beautés  naturelles.  Quant  à 
ce  Goût  y  on  en  peut  difputer ,  parce  qu'il  n'y  en  a  qu'un  qui 
foit  le  vrai  :  mais  je  ne  vois  gueres  d'autre  moyen  de  ter- 
miner la  difpute  que  celui  de  compter  les  voix ,  quand  on 
ne  convient  pas  même  de  celle  de  la  Nature.  Voilà  donc 
ce  qui  doit  décider  de  la  préférence  entre  la  Mufique  Fran- 
çoife  &  l'Italienne. 

Au  refte  ,  le  Génie  crée  ,  mais  le  Goût  choifit  :  &  fou- 
vent  un  Génie  trop  abondant  a  befoin  d'un  Cenfeur  févere 
qui  l'empêche  d'abufer  de  fes  richefles.  Sans  Goût  on  peut 
faire  de  grandes  chofes  ;  mais  c'eft  lui  qui  les  rend  intéref- 
fantes.  C'eft  le  Goût  qui  fait  faifîr  au  Compoflteur  les  idées 
du  Poëte  ;  c'eft  le  Goût  qui  fait  faifîr  à  l'Exécutant  les  idées 
du  Compoflteur;  c'eft  le  Goût  qui  fournit  a  l'un  &  à  l'au- 
tre tout  ce  qui  peut  orner  &  faire  valoir  leur  fujet  ;  &  c'eft 
le  Goût  qui  donne  à  l'Auditeur  le  fentiment  de  toutes  ces 
convenances.  Cependant  le  Goût  n'eft  point  la  fenfibilité. 
On  peut  avoir  beaucoiap  de  Goût  avec  une  ame  froide ,  & 
tel  homme  tranfporté  des  chofes  vraiment  paflionnées  eft  peu 
touché  des  gracieufes.  Il  femble  que  le  Goût  s'attache  plus 
volontiers  aux  petites  expre fiions,  &  la  fenflbilité  aux  grandes. 

GOUT  -  DU  -  CHANT.    C'eft   ainfi    qu'on    appelle   en 

France    l'Art  de    Chanter  ou  de   jouer  les    Notes  avec   les 

mens   qui    leur   conviennent  ,    pour   couvrir   un    peu    la 

fadeur    du    Chant   François.    On    trouve    à    Paris   pluficurs 

res  de  Goût  -  de  -  Chant ,  &  ce  Goût  a  plufieurs  termes 

'    font  propres  ;    on    trouvera  les   principaux    au   mot 

AoJih.iENS.  Le 


G    R    A  ii ) 

Le  Goût-du-Chant  confifte  auffi  beaucoup  à  donner  arti- 
ficiellement à  la  voix  du  Chanteur  le  timbre  ,  bon  ou  mau- 
vais ,  de  quelque  Aéteur  ou  A&rice  à  la  mode.  Tantôt  il 
confiée  à  nazillonner,  tantôt  à  canarder ,  tantôt  à  chevrotter  , 
tantôt  à  glapir  :  mais  tout  cela  font  des  grâces  pafiageres  qui 
changent  fans  cefle  avec  leurs  Auteurs. 

GRAVE  ou  GRAVEMENT.  Adverbe  qui  marque  lenteur 
dans  le  mouvement ,  &  de  plus  ,  une  certaine  gravité  dans 
l'exécution. 

GRAVE  ,  adj.  eft  oppofé  a  aigu.  Plus  les  vibrations  du 
corps  fonore  font  lentes  ,  plus  le  Son  eft  Grave.  (  Voyez 
Son  ,  Gravité.  ) 

GRAVITE,//.  C'efr.  cette  modification  du  Son  paria- 
quelle  on  le  confidere  comme  Grave  ou  Bas  par  rapport  à 
d'autres  Sons  qu'on  appelle  Hauts  ou  Aigus.  Il  n'y  a  point 
dans  la  Langue  Françoife  de  corrélatif  à  ce  mot  ;  car  celui 
d1 'Acuité  n'a  pu  pafler. 

La  G  avité  des  Sons  dépend  de  la  grofTeur  ,  longueur  , 
tenfien  des  cordes  ,  de  la  longueur  &  du  diamètre  des 
ru/aux  ,  ce  en  général  du  volume  &  de  la  maffe  des  corps  Ço- 
nores.  Plus  ils  ont  de  tout  cela,  plus  leur  Gravité  eft  grande  ; 
mais  il  n'y  a  point  de  Gravité  abiblue  ,  6c  nul  Son  n\'A 
grave  ou  aigu  que  par  comparaifon. 

GROS-FA.  Certaines  vieilles  MuGques  d'Eg!ifc  ,  en  No- 
tes Quarrées  ,  Rondes  ou  Blanches  ,  s'appdloient  jadis  du 
Gros-fa, 

GROUPE  ,  f.  m.  Selon    l'Abbé    RrofTard  ,  quatre  Notes 
égales  &  Diatoniques  ,  doru  la  première  ce  la  troifîei 
Dul.  de  lue.  T  r 


333  GUI 

fur  le  même  Degré ,  forment  un  Groupe.  Quand  la  deuxième 
dcfcend  &  que  la  quatrième  monte,  c'eft  Groupe  a/tendant; 
quand  la  deuxième  monte  &  que  la  quatrième  defcend  ,  c'eft 
Groupe  defceruiant  :  &  il  ajoute  que  ce  nom  a  été  donné  à 
ces  Notes  à  caufe  de  la  figure  qu'elles  forment  enfemble. 

Je  ne  me  fouviens  pas  d'avoir  jamais  ouï  employer  ce  mot 
en  parlant  ,  dans  le  fens  que  lui  donne  l'Abbé  Broifard  ,  ni 
même  de  l'avoir  lu  dans  le  même  fens  ailleurs  que  dans  fon 
Dictionnaire. 

GUIDE  ,f.  f.  C'eft  la  Partie  qui  entre  la  première  dans 
une  Fugue  &  annonce  le  fujet.  (  Voyez  Fugue.  )  Ce  mot , 
commun  en  Italie,  eft  peu  ufité  en  France  dans  le  même  fens. 

GUIDON ,  f.  m.  Petit  figne  de  Mufîque ,  lequel  fe  mec 
à  l'extrémité  de  chaque  Portée  fur  le  Degré  où  fera  placée 
la  Note  qui  doit  commencer  la  Portée  fuivante.  Si  cette  pre- 
mière Note  eft  accompagnée  accidentellement  d'un  Dièfe  , 
d'un  Bémol  ou  d'un  Béquarre  ,  il  convient  d'en  accompa- 
gner auflj    le    Guidon. 

On  ne  fe  fert  plus  de  Guidons  en  Italie ,  fur-tout  dans  les 
Partitions  où  ,  chaque  Portée  ayant  toujours  dans  l'Accolade 
fa  place  fixe  ,  on  ne  fauroit  gueres  fe  tromper  en  partant 
de  l'une  à  l'autre.  Mais  les  Guidons  font  nécctlaires  dans  les 
Partitions  Françoifes  ,  parce  que ,  d'une  ligne  a  l'autre  ,  lc3 
Accolade; ,  embraifint  plus  ou  moins  de  Portées  ,  vous  îaif- 
Lnt  dans  une  continuelle  incertitude  de  la  Portée  corref- 
pondante  à  celle  que  vous  avez  quittée. 

GYMNOPÉDIE,/:/.  Air  ou  Nome  fur  lequel  danfoic 
à  nud  les  jeunes  Latédémoniumcs.. 


H    A    R  331 

«c  ~afcœ- a» 

H. 


H 


-ARMATIAS.  Nom  d'un  Nome  dactylique  de  la  Muil- 
qiie  Grecque ,  invente  par  le  premier  Olympe  Phrygien. 

HARMONIE ,  f.  f.  Le  fens  que  donnoient  les  Grecs  a  ce 
mot ,  dans   leur  Mufique ,  e(t   d'autant    moins  facile   a  dé- 
terminer ,  qu'étant    originairement   un    nom  propre ,  il  n'a 
point  de  racines  par  lefquelles  on  puiffe  le  décompofer  pour 
en  tirer    l'étymologie.    Dans    les   anciens    traités  qui    nous 
refèent,   l' Harmonie  paroît   être  la  Partie  qui  a  pour   objet 
la  fuccefiion  convenable  des  Sons  ,  en  tant  qu'ils  font  aigus 
ou  graves ,  par  oppofition  aux  deux  autres  Parties   appellées 
Rh)  thmica  6c   Aîetrica  ,  qui  fe  rapportent  au  Tcms  6c  à  la 
Mefure  :  ce  qui  laiffe  à  cette  convenance  une  idée  vague   6c 
indéterminée  qu'on   ne    peut    fixer   que  par  une    étude  ex- 
preffe  de  toutes  les  règles  de  l'Art  ;  6c  encore ,  après  cela , 
l'Harmonie  fera- 1- elle  fort  difrkile  à  diltinguer  de  la  Mélo- 
die ,  à   moins  qu'on  n'ajoute  à  cette    dernière   les  idées    de 
Rhythme  &  de  Mefure  ,    fans    lefquelles  ,    en    effet ,   nulle 
Mélodie  ne  peut  avoir  un  caraftere  déterminé  ,   au    lieu  que 
Y  Harmonie  a  le  fien   par  elle  -  même ,  indépendamment  de 
toute  autre   quantité.  (  Voyez  MÉLODIE.  ) 

On  voit ,  par  un  paTage  de   Nicomaque  6c  par  d'autres  , 

qu'ils   donnaient    aufïî  quelquefois  le    nom  d'Harmonie   à  la 

Confor.nance  de    l'Oclave  ,    &    aux    Concerts    de    Voix    & 

d'Infbrumens    qui  s'exécutoient  a  l'Octave  ,  6c   qu'ils  appel- 

loiv-nt  plus  communément  Antiphoniss. 

Tt  » 


?3i  H    A    R 

Harmonie ,  félon  les  Modernes,  eit  une  fLcc.Tion  d'Ac- 
cords félon  les  loix  de  la  Modulation.  Long  -  tems  cette 
Harmonie  n'eut  d'autres  principes  que  des  règles  prefque 
arbitraires  ou  fondées  uniquement  fur  l'approbation  d'une 
oreille  exercée  qui  jugeoic  de  la  bonne  ou  mauvaife  fuc- 
ceiïion  des  Confonnances  &c  dont  on  mettoit  enfuite  les 
dédiions  en  calcul.  Mais  le  P.  Merfenne  &  M.  Sauveur 
ayant  trouvé  que  tout  Son  ,  bien  que  fimple  en  apparence  , 
étoit  toujours  accompagné  d'autres  Sons  moins  feaûbtes  qui 
formoient  avec  lui  l'Accord  parfait  majeur  ,  M.  Rameau  eiè 
parti  de  cette  expérience ,  &  en  a  fait  la  bafe  de  fon  fyitéme 
Harmonique  dont  il  a  rempli  beaucoup  de  livres ,  &  qu'enfin 
M.  d'Alembert  a  pris  la  peine  d'expliquer  au  Public. 

M.  Tartini  partant  d'une  autre  expérience  plus  neuve  y 
plus  délicate  &  non  moins  certaine ,  elt  parvenu  à  des  con- 
clurions afTez  femblables  par  un  chemin  tout  oppofe.  M.  Ra- 
meau fait  engendrer  les  Deifus  par  la  Uaffe  ;  M.  Tartini 
fait  engendrer  la  Balte  par  les  Deuus  :  celui-ci  tire  VHar- 

ik  de  la  Mélodie.  ,  &  le  premier  fait  tout  le  contraire. 
Pour  décider  de  laquelle  des  deux  Ecoles  doivent  fortir  les 
meilleurs  ouvrages ,  il  ne  faut  que  favoir  lequel  doit  être  fait 
pour  l'autre,  du  Chant  ou  de  l'Accompagnement.  On  trou- 
vera au  mot  Syflème  un  court  expofé  de  celui  de  M.  Tartini. 
Je  continue  à  parler  ici  dans  celui  de  M.  Rameau,  que  j'ai 
fuivi  dans  tout  cet  ouvrage  ,  comme  le  ftul  admis  dans  le 
pays  où  j'écris. 

Je  dois  pourtant  déclarer  que  ce  SyflènK- ,  quelque   r 
nieux  qu'il  foit ,  o'elt  rien  moins  que  fondé  fur  la   Nature  , 


H     A     II  333 

comme  il  le  répète  fans  ct^e  ;  qu'il  n'eft  établi  que  fur  des 
analogies  &  des  convenances  qu'un  homme  inventif  peut 
renverfer  demain  par  d'autres  plus  naturelles  ;  qu'enfin  ,  des 
expériences  dont  il  le  déduit,  l'une  e/t  recornue  faufîe,  ôc 
l'autre  ne  fournit  point  les  confiquences  qu'il  en  tire.  En 
effet ,  quand  cet  Auteur  a  voulu  décorer  du  titre  de  Démonf- 
tration  les  rai fonne mens  fur  lefquels  il  établit  fa  théorie,  tout 
le  monde  s'elè  moqué  de  lui;  l'Académie  a  hautement  défap- 
prouvé  cette  qualification  ohreprice  ,  &  M.  Elïivc ,  de  la 
Société  Royale  de  Montpellier,  lui  a  fait  voir  qu'à  commen- 
cer par  cette  propofition ,  que ,  dans  la  loi  de  la  Nature ,  les 
Octaves  des  Sons  les  représentent  ôc  peuvent  fe  prendre  pour 
eux  ,  il  n'y  avoit  rien  du  tout  qui  fût  démontre  ,  ni  même 
foliJement  établi  dans  fa  prétendue  Démonflration.  Je  reviens 
à  fon  fyftême. 

Le  principe  phyfique  de  la  réfonnence  nous  offre  les  Ac- 
cords ifolés  ôc  folitaires  ;  il  n'en  établit  pas  la  fucceflion.  Une 
fuccefhon  régulière  eft  pourtant  néceffaire.  Un  Dictionnaire 
de  mots  choifîs  n'eft  pas  une  harangue  ,  ni  un  recueil  de 
bons  Accords  une  Pièce  de  Mufique  :  il  faut  un  fens ,  il  faut 
de  la  liaifon  dans  la  Mufique  ainfi  que  dans  le  langage  ;  il 
faut  que  quelque  chofe  de  ce  qui  précède  fe  tranfmette  à  ce 
qui  fuit  ,  pour  que  le  tout  falfe  un  enfemble  &  puiffe  être 
appelle  véritablement  un. 

Or  la  fenfation  compofée  qui  réfulte  d'un  Accord  parfait, 
fe  réfout  dans  la  fenfation  abfolue  de  chacun  des  Sors  qui 
le  compofent ,  &  dans  la  fenfation  comparée  de  chacun  des 
Intervalles  que  ces  mêmes  Sons  forment  enti'tux  ;  il  i: 


334  H     A     R 

rien  au  de-là  de  fenfible  dans  cet  Accord  ;  d'où  il  fuit  que 
ce  n'eir  que  par  le  rapport  des  Sons  &  par  l'analogie  des 
Intervalles  qu'on  peut  établir  la  liaifon  dont  il  s'agit ,  &  c'eft- 
là  le  vrai  6c  l'unique  principe  d'où  découlent  toutes  les  loix 
de  V  Harmonie  6c  de  la  Modulation.  Si  donc  toute  Y  Har- 
monie n'étoit  formée  que  par  une  fucceiïion  d'Accords  par- 
faits majeurs,  il  fuiTiroit  d'y  procéder  par  Intervalles  femblables 
à  ceux  qui  compofent  un  tel  Accord  ;  car  alors  quelque  Son 
de  l'Accord  précédent  fe  prolongeant  néceffairement  dans  le 
fuivant,  tous  les  Accords  fe  trouveroient  fufhfamment  liés 
&  YHarmonie  feroit  une ,  au  moins  en  ce  fens. 

Mais  outre  que  de  telles  fuccefïîons  excluroient  toute  Mélo- 
die en  excluant  le  Genre  Diatonique  qui  en  fait  la  bafe  , 
elles  n'iroient  point  au  vrai  but  de  l'Art ,  puifque  la  Mufî- 
que  ,  étant  un  difcours  ,  doit  avoir  comme  lui  fes  périodes , 
fes  phrafes ,  fes  fufpenfions  ,  fes  repos  ,  fa  ponctuation  de 
toute  efpece  ,  &  que  l'uniformité  des  marches  Harmoniques 
n'offriroit  rien  de  tout  cela.  Les  marches  Diatoniques  exi- 
geoient  que  les  Accords  majeurs  &  mineurs  fuflent  entre- 
mêlés ,  &  l'on  a  fenti  la  néceflité  des  Diffonances  pour  mar- 
quer les  phrafes  6c  les  repos.  Or ,  la  fucccllion  liée  des 
Accords  parfaits  majeurs  ne  donne  ni  l'Accord  parfait  mi- 
neur, ni  la  DifTonance  ,  ni  aucune  efpece  de  phrafe  ,  &  la 
ponctuation  s'y  trouve  tour-a-fait  en  défaut. 

M.  Rameau  voulant  abfolumcnt,  dans  fon  Syltcrae,  tirer 
de  la  Nature  toute  notre  Harmonie,  a  eu  recours,  pour  cet 
eflfet ,  à  une  autre  expérience  >le  fon  invention  ,  de  laquelle 
j'ai  parlé  ci-devant,  6c  qui  elt  re.ivcrfce  de  la  première.  Il  a 


H     A     R  335 

prétendu  qu'un  Son  quelconque  fourniflbit  clans  fes  rr.ulti, 
un  Accord  parfait  mineur  au  grave  ,  dont  il  étoit  la  Domi- 
nante ou  Quinte ,  comme  il  en  fournit  un  majeur  dans  fes 
aliquotes ,  dont  il  cit.  la  Tonique  ou  Fondamentale.  Il  a 
avancé  comme  un  fait  allure  ,  qu'une  corde  ibnore  faifoit 
vibrer  dans  leur  totalité'  ,  fans  pourtant  les  faire  réfenner , 
deux  autres  cordes  plus  graves  ,  l'une  a  fa  Douzième  ma- 
jeure &  l'autre  à  fa  Dix-feptieme  ;  &  de  ce  fait ,  joint  au 
précédent,  il  a  déduit  fort  ingénieufement ,  non  -  feulement 
l'introduction  du  Mode  mineur  &  de  la  Dilïbnance  dans 
Y  Harmonie  ,  mais  les  règles  de  la  phrafe  harmonique  & 
de  toute  la  Modulation  ,  telles  qu'on  les  trouve  aux  mots 
Accord  ,  Accompagnement  ,  Basse  -  Fondamentale  , 
Cadence  ,  Dissonance  ,  Modulation. 

Mais  premièrement,  l'expérience  eft  faufie.  Il  eft  reconnu 
que  les  cordes  accordées  au-defîbus  du  Son  fondamental,  ne 
frémiirent  peint  en  entier  à  ce  Son  fondamental ,  mais  qu'el- 
les fe  divifent  pour  en  rendre  feulement  l'unifTon ,  lequel, 
conféquemment ,  n'a  point  d'Harmoniques  en  -  defTous.  Il  eft 
reconnu  de  plus  que  la  propriété  qu'ont  les  cordes  de  fe 
divifer,  n'elt  point  particulière  à  celles  qui  font  accordées 
à  la  Douzième  &  a  la  Dix-feptieme  en-defîbus  du  Son  prin- 
cipal; mais  qu'elle  eft  commune  à  tous  fes  multiples;  d'où 
il  fuit  que ,  les  Intervalles  de  Douzième  &  de  Dix-feptieme 
en-deflbus  n'étant  pas  uniques  en  leur  manière ,  en  n'en  peut 
rien  conclure  en  faveur  de  l'Accord  parfait  mineur  qu'ils 
repréfentent. 

Quand   on  fuppoferoit  la  vérité  de  cette  expérience  ,  cela. 


::6  H     A     K 

ne  leveroit  pas,  à  beaucoup  près,  les  difficultés.  Si,  comme 
le  prétend  M.  Kameau ,  toute  YHarmonie  eft  dérivée  de  la 
réfonnance  du  corps  fonore,  il  n'en  dérive  donc  point  des  feules 
vibrations  du  corps  fonore  qui  ne  réfonne  pas.  En  effet,  c'eit.  une 
cirange  théorie  de  tirer  de  ce  qui  ne  réfonne  pas,  les  principes 
de  YHarmonie  \  &  c'eft  une  étrange  phyfique  de  faire  vibrer  & 
non  réfonner  le  corps  fonore ,  comme  Ci  le  Son  lui-même  étoit 
autre  chofe  que  l'air  ébranlé  par  ces  vibrations.  D'ailleurs,  le 
corps  fonore  ne  donne  pas  feulement ,  outre  le  Son  principal, 
les  Sons  qui  compofent  avec  lui  l'Accord  parfait,  mais  une  infi- 
nité d'autres  Sons,  formés  par  toutes  les  aliquotes  du  corps  fo- 
nore, lefqucls  n'entrent  point  dans  cet  Accord  parfait.  Pourquoi 
les  premiers  font-ils  confonnans,  &  pourquoi  les  autres  ne  le  font- 
ils  pas,  puifquMs  font  tous  également  donnés  par  la  Nature? 

Tout  Son  donne  un  Accord  vraiment  parfait,  puiiqu'i] 
eit  formé  de  tous  fes  Harmoniques  ,  &  que  c'eit  par  eux 
qu'il  eit  un  Son.  Cependant  ces  Harmoniques  ne  s'enten- 
dent pas,  &  l'on  ne  diiLingue  qu'un  Son  fimple  ,  a  moins 
qu'il  ne  foit  extrêmement  fort  ;  d'où  il  fuit  que  la  feuk  bonne 
Harmonie  eiï  l'UniiTon,  &  qu'aufTi-côt  qu'on  diftingue  les 
Confonnances ,  la  proportion  naturelle  étant  altérée,  YHar- 
monie a  perdu  fa  pureté. 

Cette   altération  fe    fait  alors  de  deux  manières.  Premiè- 
rement en   faiûnt   fonner  certains  Harmoniques,  &  non  pas 
les  autres ,    en    change    le  rapport  de  force   qui   doit 
«ntr'eux  tous  ,  pour  produire  la   fenfation  d'un  Son   unique , 
&    l'unité    de   la    Nature  eit  détruire.   On  produit,   en   ci' 
bla.      ,       Harmoniques,  un    efl  '     ble    à  cckii  qu' 

.  ..it 


H     A     R  337 

produiront  en  étouffant  tous  les  autres;  car  alors  il  ne  faut 
pas  clouter  qu'avec  le  Son  générateur,  on  n'entendît  ceux 
des  Harmoniques  qu'on  auroit  laiifés  :  au  lieu  qu'en  les  bif- 
fant tous,  ils  s'entre-détruifent  &  concourent  cnfemble  à 
produire  &c  renforcer  la  fenfation  unique  du  Son  principal. 
C'eft  le  même  effet  que  donne  le  plein  jeu  de  l'Orgue ,  lorf- 
qu'ûtant  fucceflivement  les  régiftres  ,  on  laiffe  avec  le  prin- 
cipal la  doublette  &  la  Quinte  :  car  alors  cette  Quinte  & 
cette  Tierce,  qui  rcfloient  confondues,  fe  distinguent  fépa- 
rément  &  défagréablement. 

De  plus,  les  Harmoniques  qu'on  fait  fonner  ont  eux- 
mêmes  d'autres  Harmoniques,  lefquels  ne  le  font  pas  du 
Son  fondamental  :  c'eft  par  ces  Harmoniques  ajoutés  que 
celui  qui  les  produit  fe  diftingue  encore  plus  durement  ;  & 
ces  mêmes  Harmoniques  qui  font  ainfi  fentir  l'Accord  n'en- 
trent point  dans  fon  Harmonie.  Voila  pourquoi  les  Confon- 
nances  les  plus  parfaites  déplaifent  naturellement  aux  oreil- 
les peu  faites  à  les  entendre ,  &  je  ne  doute  pas  que  l'Oc- 
tave elle-même  ne  déplût ,  comme  les  autres ,  fi  le  mélan- 
ge des  voix  d'hommes  &  de  femmes  n'en  donnoit  l'habitude 
dès    l'enfance. 

C'eft  encore  pis  dans  la  Dilîbnance,  puifque,  non-feule- 
ment les  Harmoniques  du  Son  qui  la  donnent,  mais  ce  Son 
lui-même  n'entre  point  dans  le  fyftême  harmonieux  du  Son 
fondamental  :  ce  qui  fait  que  la  Difîbnance  fe  diltingue 
toujours  d'une  manière  choquante  parmi  tous  les  autres 
Sons. 

Chaque  touche  d'un  Orgue,  dans  le  plein-jeu,  donne  un 
Dicl.  de  Mufique.  V  v 


333  ,  H    A    B. 

Accord  parfait  Tierce  majeure ,  qh'on  ne  diftingue  pas  du 

Son  fondamental ,  à  moins  qu'on  ne  foie  d'une  attention 
extrême  &  qu'on  ne  tire  fucceiïîvement  les  jeux;  mais  ces 
Sons  Harmoniques  ne  fe  confondent  avec  le  principal,  qu'à 
la  faveur  du  grand  bruit  &  d'un  arrangement  de  régiftres 
par  lequel  les  tuyaux  qui  font  réfonner  le  Son  fondamental, 
couvrent  de  leur  force  ceux  qui  donnent  Ces  Harmoniques. 
Or,  on  n'obftrve  point  &  l'on  ne  fauroit  obfervcr  cette 
proportion  continuelle  dans  un  Concert ,  puifqu'attendu  le 
renverfement  de  Y  Harmonie^  il  faudrait  que  cette  plus  grande 
force  pafTàt  a  chaque  inftant  d'une  Partie  a  une  autre  ;  ce 
qui  n'eft  pas  praticable  ,  &  défigurerait  toute  la  Mélodie. 

Quand  on  joue  de  l'Orgue ,  chaque  touche  de  la  Balfe 
fait  fonner  l'Accord  parfait  majeur;  mais  parce  que  cette 
Baffe  n'eft  pas  toujours  fondamentale ,  &  qu'on  module  fou- 
vent  en  Accord  parfait  mineur,  cet  Accord  parfait  majeuv 
eft  rarement  celui  que  frappe  la  main  droite  ;  de  forte  qu'on 
entend  la  Tierce  mineure  avec  la  majeure  ,  la  Quinte  avec 
le  Triton ,  la  Septième  fuperflue  avec  l'Octave  ;  &  mille  au- 
tres cacophonies  dont  nos  oreilles  font  peu  choquées,  parce 
que  l'habitude  les  rend  accommodantes  ;  mais  il  n'ef  \  poinc 
à  préfumer  qu'il  en  fût  ainii  d'une  oreille  naturellement  juf- 
te,  &  qu'on  mettrait,  pour  la  première  fois,  à  L'épreuve  de 
cette  Harmonie. 

M.  Rameau  prétend  que  les  DelTus  d'une  cci  raine  (impli- 
cite fuggeren:  naturellement  leur  Bade,  6c  qu'un  homme  ayant 
l'oreille  jufte    &  non  exercée,  entonnera  d  nenc  cotte 

liaife.    CVU.-la  un   préjuge    de  Muficien   i  i  par  toute 


H    A    K  ft* 

expérience.  Non-feulcmcnt  celui  qui    n'aura  jamais   entendu 
ni  Baffe   ni  Harmonie,  ne  trouvera,  de    lui-même,   ni   cette 
Harmonie  ni  cette  Butte  ;  mais  elles  lui  déplairont  fi  on  les  lui 
fait  entendre  ,  ôc  il  aimera  beaucoup  mieux  le  fimple  Uniflbn, 
Quand  on    fonge   que ,   de  tous  les  peuples   de    la  terre  , 
qui  tous  ont  une  Mufique  &   un  Chant,  les  Européens  font 
les   feuls   qui  aient   une    Harmonie ,    des    Accords  ,   &    qui 
trouvent  ce  mélange  agréable  ;  quand  on  fonge  que  le  monde 
a  duré  tant  de  fiecles,  fans  que,  de   toutes  les  Nations  qui 
ont    cultivé  les  Beaux-Arts,   aucune    ait    connu    cette  //.//•- 
monij  ;  qu'aucun   animal,   qu'aucun    oifeau  ,    qu'aucun    ùtre 
dans  la  Nature  ne   produit  d'autre  Accord  que  l'Uni.Ton ,  ni 
d'autre  Mufique  que  la  Mélodie;  que   les  langues  orientales, 
fi  fonorc%  fi  muficales;   que  les  oreilles   Grecques,  fi  déli- 
cates,   ii    fenfibles,  exercées  avec  tant  d'Art,  n'ont  jamais 
guidé  ces  peuples  voluptueux  &  paffionnés   vers  notre  Har- 
monie ;  que,  fans  elle,   leur  Mufique  avoit   des   effets  fi  pro- 
digieux ;   qu'avec   elle  la  nôtre   en  a  de  fi  foibles  ;  qu'enfin 
il  étoit  réfervé  à  des  Peuples  du  Nord  ,  dont  les  organes  durs 
&  groffiers  font  plus  touchés  de  l'éclat  &  du  bruit  des  Voix  , 
que  de  la  douceur  des  accens   &c  de    la  Mélodie  des  infle- 
xions ,  de  faire  cette  grande  découverte  &.  de  la  donner  pour 
principe  à  toutes  les  règles   de  l'Art;  quand,  dis-je  ,  on   fait 
attention  à  tout  cela,  il  eft  bien  difficile  de  ne  pas  foupçon- 
ner  que  toute  notre  Harmonie  n'ell  qu'une  invention  gothi- 
que &c   barbare,  dont  nous   ne    nous  fuflions  jamais  avifés, 
fi  nous  euffions  été  plus  fenfibles  aux  véritables   beautés  de 
V  \xt ,  &  a  la  Mufique  vraiment  naturelle. 

Vv  » 


540  H    A    R 

M.  Rameau  prétend  cependant  que  l'Harmonie  eft  la 
fource  des  plus  grandes  beautés  de  la  Muiique  ;  mais  ce  fen- 
timent  eft  contredit  par  les  faits  &  par  la  raifon.  Par  les 
faits  puifque  tous  les  grands  effets  de  la  Muiique  ont  ceffé, 
&  qu'elle  a  perdu  fon  énergie  &  fa  force  depuis  l'invention  du 
Contre-point  :  à  quoi  j'ajoute  que  les  beautés  purement  har- 
moniques font  des  beautés  favantes ,  qui  ne  tranfportent  que 
êxs  gens  verfés  dans  l'Art  ;  au  lieu  que  les  véritables  beautés 
de  la  Muiique  étant  de  la  Nature  ,  font  &  doivent  être  éga- 
lement fenlibles  à  tous  les   hommes  favans  &  ignorans. 

Par  la  raifon;  puifque  YHarmonie  ne  fournit  aucun  prin- 
cipe d'imitation  par  lequel  la  Muiique  formant  des  images 
ou  exprimant  des  fentimens ,  fe  puifTe  élever  au  genre  Dra- 
matique ou  imitatif,  qui  elt  la  partie  de  l'Art  la  plus  noble, 
&  la  feule  énergique  ;  tout  ce  qui  ne  tient  qu'au  phylique  des 
Sons ,  étant  très-borné  dans  le  plaifir  qu'il  nous  donne ,  & 
n'ayant  que  très-peu  de  pouvoir  fur  le   cœur  humain.  (Voy. 

MitOME.) 

HARMONIE.  Genre  de  Mufique.  Les  Anciens  ont  fouvent 
donné  ce  nom  au  Genre  appelle  plus  communément  Genre 
Enharmonique*  ( Voyez  Enharmonique.) 

HARMONIE  DIRECTE,  eft  celle  où  la  Baffe  eft  fon- 
damentale, &  où  les  Parties  fupérieures  confervenc  l'ordre 
direct  entre  elles  <Sc  avec  cette  Baffe.  HARMONIE  kinvfrsf  , 
eft  celle  où  le  Son  générateur  ou  fondamental  eft  dans  quel- 
qu'une des  Parties  fupérieures  ,  &  où  quelqu'autre  Son  de 
l'Accord  eft  tranfrorté  à  la  Baffe  au-deffous  des  autres.  (,  Y. 
!    .         !  ,  R]  :a  i  ri'.) 

HARMONIE   FIGURÉE,  eft  celle  où    l'on    fait    pa:: 


H    A    K  34, 

plufieurs  Notes  fur  un  Accord.  On  figure  VHarmonie  par 
Degrés  conjoints  ou  disjoints.  Lorfi]u'on  figure  par  Degrés 
conjoints ,  on  emploie  néceffairement  d'autres  Notes  que 
celles  qui  forment  l'Accord ,  des  Notes  qui  ne  fonnent  point. 
fur  la  JJafle  &  font  comptées  pour  rien  dans  VHarmonie  : 
ces  Notes  intermédiaires  ne  doivent  pas  fe  montrer  au  com- 
mencement des  Tems  ,  principalement  des  Tems  forts  ,  fi 
ce  n'eft  comme  coulés  ,  ports-de-voix ,  ou  lorsqu'on  fait  la 
première  Note  du  Tems  brève  pour  appuyer  la  féconde.  Mais 
quand  on  figure  par  Degrés  disjoints  ,  on  ne  peut  abfolument 
employer  que  les  Notes  qui  formenc  l'Accord  ,  foit  confon- 
nant ,  foit  dilîonant.  UHarmonie  fe  figure  encore  par  des  .Sons 
fufpendus  ou  fuppofés.  (  Voyez  Supposition  ,  Suspension.  ) 

HARMONIEUX ,  adj.  Tout  ce  qui  fait  de  l'effet  dans  l'Har- 
monie, &  même  quelquefois  tout  ce  qui  eft  fonore  &  remplit 
l'oreille  dans  les  Voix,  dans  les  Initrumens,  dans  la  fïmple 
Mélodie. 

H/VRMONIQUES ,  adj.  Ce  qui  appartient  à  l'Harmonie  ; 
comme  les  diviilons  Harmoniques  du  Monocorde  ,  la  Pro- 
portion  Harmonique,  le  Canon  Harmonique,  &c. 

HARMONIQUE,/  des  deux  genres.  On  appelle  ainfi  tous 
les  Sons  concomitans  ou  acceflbires  qui ,  par  le  principe  de 
la  réfonnance,  accompagnent  un  Son  quelconque  &  le  rendent 
appréciai)!'.'.  Ainfi  toutes  les  aliquotes  d'une  corde  fonore  en 
donnent  les  Harmoniques.  Ce  mot  s'emploie  au  r.iaiculin 
quand  on  fous-entend  le  mot  Son ,  &  au  féminin  quand  on 
fous-entenJ  le  mot  Corde. 

SOSS  HARMONIQUES.  ( Voyez  SonJ 


$4*  H    A     II 

HARMONISTE  ,  f.  m.  Mufîckn  favant  dans  l'Harmonie. 
Ccfl  un  bon  Harmonifte.  Durante  efl  le  plus  grand  Har- 
monise de  r  Italie  ;  c'efl-à-dire  ,  du  Monde. 

HARMONOMETRE./ttz.  Infiniment  propre  à  mefurer 
les  rapports  Harmoniques.  Si  l'on  pouvoir  obferver  &  fuivre 
à  l'oreille  &  à  l'œil  les  ventres ,  les  nœuds  &  toutes  les  di- 
vifions  d'une  corde  fonore  en  vibration  ,  l'on  auroit  un  Har- 
monometre  naturel  très-exa^t  ;  mais  nos  fens  trop  greffiers 
ne  pouvant  fj'fire  à  ces  obfervations  ,  on  y  fupplée  par  un 
Monocorde  que  l'on  divife  à  volonté  par  des  chevalets  mo- 
biles ,  &  c'eft  le  meilleur  Hannonometre  naturel  que  l'on  aie 
trouvé  jufqu'ici.  (  Voyez  Monocorde.  ) 

HARPALICE.  Sorte  de  Chanfon  propre  aux  filles  par- 
mi les  anciens  Grecs.  (  Voyez   Chanson.  ) 

HAUT,  adj.  Ce  mot  figniiie  la  même  chofe  qu'X/.Ti/,  & 
ce  terme  efl  oppofé  à  bas.  C'eft  ainfi  qu'on  dira  que  le  Ton 
efl  trop  Haut ,  qu'il    faut  monter  l'Inftrumcnt  plus  Haut. 

Haut  ,    s'emploie    aufïi    quelquefois    improprement   pour 
Fort.   Chante\  plus   Haut  ;   on   ne  vous  entend  pas. 

Les  Anciens  donnoient  à  l'ordre  des  Sons  une  dénomi- 
nation toute  oppofée  à  la  nôtre  ;  ils  plaçoient  en  Haut  les 
Sons  graves  ,  tu  en  bas  les  Sons  aigus  :  ce  qu'il  importe  de 
remarquer  pour  entendre   plufîeurs  de   leurs  :vs. 

Haut ,  elt   encore  ,    dans  celles  des    quatre  Parties  de   la 
Mufique  qui  fe   fubdivifent,  l'épithete  qui   difHngue  la  plus 
élevée  ou  la  plus  a       ,   Hautb-Contrh,  Hautb-Tailj    . 
.  (  Voyi  iiors.  ) 

HAUT-DESSUS,/  m,  C'eft,  quand  les   Deffus  c 


H    A    U 

tans  fe  fubdivifent,  la  Partie  fapérieure.  Dans  les  Parties 
inftrumentales  on  die  toujours  premier  Deffus  &  ficond  Dcf- 
Jh<  ;  mais  dans  le  vocal  on  dit  quelquefois  Haut-deJJus  & 
Bas-diffus. 

HAUTE-CONTRE,  ALTUS  ou  CONTRA.  Celle  des 
quatre  Parties  de  laMuiîquequi  appartient  aux  Voix  d'hommes 
les  plus  aiguës  ou  les  plus  hautes  ;  par  oppofition  à  la  Baffe- 
contre  qui  e(t  pour  les  plus  graves  ou  les  plus  baffes.  (  Voyez 
Parties.  ) 

Dans  la  Mufique  Italienne  ,  cette  Partie ,  qu'ils  appellent 
Contralto  ,  ôc  qui  répond  a  la  Haute-contre  ,  elt  prcfque 
toujours  chantée  par  des  Bas-deffui  ,  foit  femmes  ,  foit  Caf- 
trati.  En  effet,  la  Haute-contre  en  Voix  d'homme  n'e/t  point 
naturelle;  il  faut  la  forcer  pour  la  porter  à  ce  Diapafon  : 
quoi  qu'on  faffe ,  elle  a  toujours  de  l'aigreur,  8c  rarement 
de  la  ju(  le  (Te. 

HAUTE-TAILLE,  TENOR,  eft  eme  Partie  de  la  Mu- 
fique qu'on  appelle  auflî  fimplement  Taille.  Quand  la  Taille 
fe  fubdivife  en  deux  autres  Parties,  l'inférieure  prend  le  nom 
de  Baffe -taille  ou  Concordant  ,  8c  la  fupérieure  s'appelle 
Haute- taille. 

HEMI.  Mo:  Grec  fort  ufité  dans  la  Muiîque,  6c  qui 
fignifie  Demi  ou  moitié.  (  Voyez\S'EMi.  ) 

HÉMID1TON.  C'étoit,  dans  la  Mufique  Grecque,  l'In- 
tervalle de  Tierce  majeure,  diminuée  d'un  femi-Ton;  c'eft» 
à-dire,  la  Tierce  mineure.  UHémidlton  n'ell  point,  comme 
on  pourrait  croire ,  la  moitié  du  Diton  ou  le  Ton  :  mais 
c'clt  le  Diton  moins  la  moitié  d'un  Ton  ;  ce  qui  eft  tout 
différent. 


#4  H     E     M 

HÉMIOLE.   Mot   Grec  qui  fignifie  Yentier  &  demi  ,   & 

qu'on  a  confacré  en  quelque  forte  à  la  Mufique.  Il  exprime 

le  rapport  de  deux  quantités  dont  l'une  eiè  à  l'autre  comme 

iS  à  10,  ou  comme   3  à  2  :  on  l'appelle  autrement  rapport 

fefquialtere. 

C'eft  de  ce  rapport  que  naît  la  Confonnance  appellée 
Diapente  ou  Quinte;  &  l'ancien  Rhythme  fefquialtere  en 
naifïbit  aufïï. 

Les  Anciens  Auteurs  Italiens  donnent  encore  le  nom 
d'Hémiole  ou  Hémiolie  à  cette  efpece  de  Mefure  triple  donc 
chaque  Tems  eit  une  Noire.  Si  cette  Noire  eiè  fans  queue , 
la  Mefure  s'appelle  Hemiolia  maggiore ,  parce  qu'elle  fe  bat 
plus  lentement  &  qu'il  faut  deux  Noires  à  queue  pour  cha- 
que Tems.  Si  chaque  Tems  ne  contient  qu'une  Noire  à 
queue ,  la  Mefure  fe  bat  du  double  plus  vite ,  &  s'appelle 
Hemiolia  minore. 

HÉMIOLIEN,  adj.  C'efè  le  nom  que  donne  Arilcoxcnc 
à  l'une  des  trois  efpeces  du  Genre  Chromatique ,  dont  il 
explique  les  diviiions.  Le  Tétracorde  30  y  eft  partagé  en 
crois  Intervalles ,  donc  les  deux  premiers  ,  i-^.ux  entreux  , 
font  chacun  la  lixieme  partie  ,  &  dont  le  croifieme  elt  les 
deux  tiers.  5  +  5-4-10  =  30. 

HEPTACORDE,  HEPTAMER1DE,  HEPT APHONE, 
HEXACORDE,  &c.  (Voyez   Eptacorde,   En  >e  , 

Eptaphoot  ,  &C.  ) 

Il  NON.   (Voyez   Mœurs.) 

I!!-  K)NIEN,  adj.  Nome,ouChâni  d*unc-  Mélodie 

minée  <?:  lâche,  comme  Aiillophanc  le  reproche  à  Phi- 
bne  fon  Auteur.  HOMOPHONIE , 


H    O    M  34S 

HOMOPHONIE ,  /  f.  C'étoit,  dans  la  Mufique  Grecque 
cette  efpece  de  Symphonie  qui  fe  faifoit  à  l'UnhTon ,  p-r 
oppofition  a  l'Antiphonie  qui  s'exécutoit  à  l'Octave.  Ce  mot 
vient  de  èp-oç,  pareil ,  &  de  C&v>?,  Son. 

HYMEE.  Chanfon  des  Meuniers  chez  les  anciens  Grecs, 
autrement  dite  Epiaulie.  (  Voyez  ce  mot.  ) 

HYMENEE.  Chanfon  des  noces  chez  les  anciens  Grecs-, 
autrement  dite  Epithalame.  (  Voyez  Epithalame.  ) 

HYMNE  ,//.  Chant  en  l'honneur  des  Dieux  ou  des  Héros. 
Il  y  a  cette  différence  entre  Ylïynine  &  le  Cantique,  que 
celui-ci  fe  rapporte  plus  communément  aux  actions  &  VHymnt 
aux  perfonnes.  Les  premiers  Chants  de  toutes  les  Nations 
ont  été  des  Cantiques  ou  des  Hymnes.  Orphée  &  Linus 
paffoienc,  chez  les  Grecs ,  pour  Auteurs  des  premières  Hymn 
&.  il  nous  refte  parmi  les  Poéfies  d'Homère  un  recueil 
d'Hymnes  en  l'honneur  des  Dieux. 

HYPATE  ,  adj.  Epithete  par  laquelle  les  Grecs  diftitt- 
guoient  le  Tétracorde  le  plus  bas  ,  &  la  "plus  baffe  corde 
de  chacun  des  deux  plus  bas  Tétracordes;  ce  qui  ,  pour 
eux ,  étoit  tout  le  contraire  :  car  ils  fuivoient  dans  leurs 
nominations  un  ordre  rétrograde  au  nôtre,  &  plaçoient  en 
haut  le  grave  que  nous  plaçons  en  bas.  Ce  choix  eft  arbi» 
traire,  puifque  les  idées  attachées  aux  mots  Aigu  &  Grave, 
n'ont  aucune  liaifon  naturelle  avec  les  idées  attachées  aux 
mots  Haut  &  Bas. 

On  appelloit  donc  Tétracorde  Hypaton,  ou  des  1  typâtes, 
celui  qui  étoit  le  plus  grave  de  tous  ,  &  immédiatement  au» 
deffus  de  la  ?roJlambanomene  ou  plus  baffe  corde  du  Mode; 
DicL  de  Mujique.  Xx 


346  H    Y     P 

&  l.i  première  corde  du  Tétracorde  qui  fuivoit  immédiate- 
ment celle-là,  s'appelloit  Hypate-Hypaton  ;  c'eft  -  à  -dire, 
comme  le  traduifoient  les  Latins ,  la  Principale  du  Tétra- 
corde des  Principales.  Le  Tétracorde  immédiatement  fuivant 
du  grave  à  l'aigu  s'appelloit  Tétracorde  Méfon  ,  ou  des 
moyennes,  &  la  plus  grave  corde  s'appelloit  Hypate-Méfon\ 
c'e(t-à-dire ,  la  principale  des  moyennes. 

Nicomaque  le  Gérafénien  prétend  que  ce  mot  àCHypate , 
Principale,  Elevée  ou  Suprême,  a  été  donné  à  la  plus  grave 
des  cordes  du  Diapafon  ,  par  allufion  à  Saturne ,  qui  des 
fept  Planètes  eft  la  plus  éloignée  de  nous.  On  fe  doutera 
bien  par-là  que  ce    Nicomaque  étoit  Pythagoricien. 

HYPATE-HYPATON.  C'étoit  la  plus  baffe  corde  du 
plus  bas  Tétracorde  des  Grecs  ,  &  d'un  Ton  plus  haut  que 
la   Proflambanomene.  (Voyez  l'Article  précédent. ) 

HYPATE-MESON.  C'étoit  la  plus  balTe  corde  du  fécond 
Tétracorde  ,  laquelle  étoit  au  Ai  la  plus  aiguë  du  premier , 
parce  que  ces  deux  Tétracordes  étoient  conjoints.  (  Voyez 
Hypatb.  ) 

HYPATOIDES.  Sons  graves.  (  Voyez  Lefsis.  ) 

HYPERBOLE1EN ,  ad}.  Nome  ou  Chant  de  même  ca- 
ractère que  l'Hexarmonien.    (Voyi7   I  !i\  arménien.  ) 

HYPERDOLÉON.  Le  Tétracorde  Hyperboléon  étoit  le  plus 
aigu  dïs  cinq  Tétracordes  du  Syftéme  des  Grecs. 

Ce  mot  eft  le  génitif  du  fubftantif  pluriel  xnnfîità,  Som- 
mets y  Extrémité*  ;  les  Sons  les  plus  aigus  ùiant  à  l'extré- 
mité des  autres. 

HYPER- DIAZEUXLS.  Disjonction  de  deux  Tétracordes 


II     Y     P  547 

féparés  par  l'Intervalle  d'une  Octave  ,  comme  étoient  le  Té- 
tracorde  des  Hypates  &  celui  des  Hyperbolées. 

HYPER-DORIEN.  Mode  de  la  Mufique  Grecque,  autre- 
ment  appelle  Mixo-Lydien  ,  duquel  la  fondamentale  ou  To- 
nique étoit  une  Quarte  au-dellus  de  celle  du  Mode  Dorien. 
(  Voyez  Mode.  ) 

On  attribue  à  Pythoclide  l'invention  du  Mode  Hyper- 
Dorien. 

HYPER  -EOL1EN.  Le  pénultième  à  l'aigu  des  quinze 
Modes  de  la  Mufique  des  Grecs,  &  duquel  la  fondamentale 
ou  Tonique  étoit  une  Quarte  au- déifias  de  celle  du  Mode 
Eolien.   (  Voyez  Mode.  ) 

Le  Mode  Hyper-Eolien  ,  non  plus  que  l'Hyper  -  Lydien 
qui  le  fuit ,  n'étoient  pas  il  anciens  que  les  autres.  Ai  ifrovène 
n'en  fait  aucune  mention  ,  &  Ptolomée  ,  qui  n'en  admetcoit 
que  ftpt ,  n'y  comprenoit  pas  ces  deux-la. 

HYPER-IASTIEN  ,  ou  Mixo-Ly  dieu  aigu.  C'eft  le  nom 
qu'Euclide  ôc  plufieurs  Anciens  donnent  au  Mode  appelle 
plus  communément  Hyper-lonicn. 

HYPER-IONIEN.  Mode  de  la  Mufique  Grecque ,  appelle 
aufli  par  quelques-uns  Hyper-laftien  ,  ou  Mixo-LyJicn  aigu  ; 
lequel  avoit  fa  fondamentale  une  Quarte  au-dedus  de  celle 
du  Mode  Ionien.  Le  Mode  Ionien  eft  le  douzième  en  ordre 
du  grave  à  l'aigu  ,  félon  le  dénombrement  d'Alypius.  (  Voy. 
Mode.) 

HYPER -LYDIEN.  Le  plus  aigu  des  quinze  Modes  de 
la  Mufique  des  Grecs  ,  duquel  la  fondamentale  étoit  une 
Qu;.rte  au-deinis  de  celle   du  Mode  Lydien.  Ce  Mode ,  non 

Xx  z 


34?  H     Y     P 

plus  que  Ton  voifin  l'Hyper-Eolien  ,  n'éteit  pas  fi  ancien  que 
les  treize  autres  ;  &  Ariff.oxe.ne  qui  les  nomme  tous  ,  ne  fait 
aucune  mention  de  ces  deux-là.  (Voyez  Mode.) 

HYPER -MiXO-  LYDIEN.  Un  des  Me.  ces  de  la  Mufi- 
que  Grecque,  autrement  appelle  Hyper -Phrygien,  (Voyez 
ce  mot.  ) 

HYPER -PHRYGIEN,  appelle  auffi  par  Euclide,  Hyper* 
mixo-Lydien  ,  eft  le  plus  aigu  des  treize  Modes  d'Ariftoxène, 
faifant  le  Diapafon  ou  l'Octave  avec  l'Hypo-Dorien  le  plus 
grave  de  tous.  (Voyez  Mode.) 

HYPO-DIAZEUXIS  ,  eft ,  félon  le  vieux  Bacchius ,  l'In- 
tervalle de  Quinte  qui  fe  trouve  entre  deux  Tétracordes  fé- 
parés  par  une  disjonction  ,  &  de  plus  par  un  troisième  Té- 
tracorde  intermédiaire.  Ainfi  il  y  a  fïypo-Dya\cuxïs  entre  les 
Tétracordes  Hypaton  &  Diézeugménon  ,  &  entre  les  Tetra* 
cordes  Synnéménon  &  Hyperboléon.  (Voyez  Tetracorde.) 

HYPO-DOR1EN.  Le  plus   grave  de  tous  les  Modes  ( 
l'ancienne  Mufique.  Euclide  dit  que  c'eft  le  plus  élevé  ;  mais 
Es  vrai  fens  de  cette  exprefîion  eft  expliqué  au  mot  llypate* 

Le  Mode  Hypo-Dorien  a  fa  fondamentale  une  Quarte  au- 
deffous  de  celle  du  Mode  Dorien.  Il  fut  inventé,  dit -on, 
par  Philoxène  ;  ce  Mode  eft  affectueux,  mais  gai,  alliant  la 
douceur  a  la  majefté. 

HYPO-EOLIEN.  Mode  de  l'ancienne  Mufique,  appelle  auffi 
par   Euclide  ,    Hypo- Lydien  grave.  Ce   Mode  a  ù  fonda- 
mentale  une   Quarte   au-deffous  de    celle  du    Mode   Eolicn. 
'    MODH.  ) 

HYPO-JASTIKN.  (Voyez  Hypo-Ioniin.  ) 


II    Y    P 

11 Y  PO-IONIEN.  Le  fécond  des  Modes  de  l'antienne  Mu- 
fique  ,  en  commençant  par  le  grave.  Euclide  l'appelle  auflî 
Hypo-Iajlien  &  Hypo-Phrygien  grave.  Sa  fondamentale  efr 
une  Quarte  au-deiïbus  de  celle  du  Mode  Ionien.  (Voyez 
Mode.  ) 

HYPO-LYDIEN.   Le  cinquième  Mode  de  l'ancienne  Mu- 
fique  ,    en  commençant  par  le  grave.    Euclide  l'appelle  auili 
Hypo-îaflien  &  Hypo-Phrygien  grave.  Sa  fondamentale  eft 
une   Quarte  au  -  de flous  de  celle  du  Mode  Lydien.  (  Vo   . 
ModbJ 

Euclide  diftingue  deux  Modes  Hypo-Lydiens  ;  favoir,  1" 
qui  eit  celui  de  cet  Article  ,  &  le  grave  qui  eït  le  même  que 
l'Hypo-Eolien. 

Le  Mode  Hypo-Lydien  étoit  propre  aux  Chants  funèbres , 
aux  méditations  fublimes  &  divines  :  quelques-uns  en  attri- 
buent l'invention  à  Polymnefie  de  Colophon,  d'autres  à  Da- 
mon  l'Athénien. 

HYPO-MIXO-LYDIEN.  Mode  ajouté  par  Gui  d'Arezzo 
à  ceux  de  l'ancienne  Mufique  :  c'eit  proprement  le  Plagal  du 
Mode  Mixo -Lydien  ,  &  fa  fondamentale  eft  la  même  que 
celle  du  Mode  Dorien.  (Voyez  Mode.) 

HYPO-PHRYGIEN.  Un  des  Modes  de  l'ancienne  Mufi- 
que dérivé  du  Mode  Phrygien  dont  la  fondamentale  étoit  une 
Quarte  au-defllis  de  la  fienne. 

Euclide  parle  encore  d'un  autre  Mode  Hypo-Phrygien  au 
grave  de  celui-ci  :  c'eft  celui  qu'on  appelle  plus  corre&emc 
Hypo-Ionien.  (  Voyez  ce  mot.  ) 

Le  caraftere  du  Xio^k  Hypo-Phrygien  étoit  calme,  y. 


?5*  H    Y    P 

ble  &  propre  à  tempérer  la  véhémence  du  Phrygien.  Il  fut 
inventé  ,  dit-on  ,  par  Damon  ,  l'ami  de  Pythias  &  l'élevé  de 
Socrate. 

mTO-PROSLAMBANOMÉNOS.  Nom  d'une  corde 
ajoutée,  à  ce  qu'on  prétend  ,  par  Gui  d'Arezzo  un  Ton  plus 
bas  que  la  Proflambanomene  des  Grecs  ;  c'elt-a-dire  ,  au- 
deflbus  de  tout  le  fyftcme.  L'Auteur  de  cette  nouvelle  corde 
l'exprima  par  la  lettre  r  de  l'Alphabet  Grec,  &  de-là  ncas 
eit  venu  le  nom  de  la  Gamme. 

HYPORCHEMA.  Sorte  de  Cantique  fur  lequel  on  danfoit 
aux  fêtes  des  Dieux. 

HYPO-SYNAPHE  eft ,  dans  la  Mufique  des  Grecs  ,  la 
disjonction  des  deux  Tétracordes  féparés  par  rinterpofition 
d'un  troifieme  Tétracorde  conjoint  avec  chacun  des  deux  ; 
en  forte  que  les  cordes  homologues  de  deux  Tétracordes 
disjoints  par  Hypo  -Synaphe  ,  ont  entr'elles  cinq  Tons  ou 
une  Septième  mineure  d'Intervalle.  Tels  font  les  deux  Té- 
tracordes Hypaton  &c  Synnéménon. 


I    A    L  J5i 

I. 


I 


ALÉME.  Sorte  de  Client  funcbrc  jadis  en  ufage  parmi  les 
Grecs  ,  comme  le  Linos  chez  le  même  Peuple  ,  &  le  Ma- 
naos  chez  les  Egyptiens.   (Voyez  Chanson.) 

I A  MB  I  QUE ,  adj.  Il  y  avoir  dans  la  Muîîque  des  Anciens 
deux  fortes  de  vers  Iambiques  ,  dont  on  ne  faifoit  que  réciter 
les  uns  au  fon  des  Inftrumens,  au  lieu  que  les  autres  fe  chan- 
taient. On  ne  comprend  pas  bien  quel  effet  devoit  produire 
l'Accompagnement  des  Inftrumens  fur  une  fimple  récitation, 
&  tout  ce  qu'on  en  peut  conclure  raifonnablement ,  c'eft  que 
la  plus  fimple  manière  de  prononcer  la  Poéfie  Grecque ,  ou 
du  moins  Vlamùique  ,  fe  faifoit  par  des  Sons  appréciables  , 
harmoniques  ,  &c  tenoit  encore  beaucoup  de  l'intonation 
du  Chant. 

IASTIEN.  Nom  donné  par  Ariftoxène  &  Alypius  au  Mode 
que  les  autres  Auteurs  appellent  plus  communément  Ionien. 
(Voyez  Mode.  ) 

JEU  ,  /  m.  L'action  de  jouer  d'un  Infiniment.  ( Voyez 
Jouer.)  On  dit  Plein -Jeu  9  Demi-  Jeu ,  félon  la  manière 
plus  forte  ou  plus  douce  de  tirer  les  Sons  de  l'Infcrument. 

IMITATION  ,  f.  f.  La  Mufique  dramatique  ou  théâtrale 
concourt  à  l'Imitation ,  ainfi  que  la  Poéfie  &  la  Peinture: 
c'eft  à  ce  principe  commun  que  fe  rapportent  tous  les  Beaux* 
Arts ,  comme  l'a  montré  M.  le  Batteux.  Mais  cette  Imitation 
n"a  pas  pour  tous  la  même  étendue.    Tout  ce  que  l'imagina- 


?5Î  I     M     I 

tioQ  peut  fe  rcpréfeiiter  eft  du  reffort  de  la  Poéfie.  La  Pein- 
ture ,  qui  n'offre  point  fes  tableaux  à  l'imagination  ,  mais  au 
fens  à  à  un  feul  fens  ,  ne  peint  que  les  objets  fournis  à  la 
vue.  La  Mufique  fembleroit  avoir  les  mêmes  bornes  par  rap- 
port à  l'ouïe  ;  cependant  elle  peint  tout ,  même  les  objets  qui 
ne  font  que  vifibles  :  par  un  preftige  prefque  inconcevable  , 
elle  femble  mettre  l'œil  dans  l'oreille ,  &  la  plus  grande  mer- 
veille d'un  Art  qui  n'agit  que  par  le  mouvement ,  eft  d'en 
pouvoir  former  jufqu'à l'image  du  repos.  La  nuit,  le  fommeil, 
la  folitude  &  le  filence  entrent  dans  le  nombre  des  grands 
tableaux  de  la  Mufique.  On  fait  que  le  bruit  peut  produire 
l'effet  du  filence ,  &  le  filence  Tenet  du  bruit  ;  comme  quand 
on  s'endort  à  une  lecture  égale  &  monotone ,  &  qu'on  s'é- 
veille à  Tinftant  qu'elle  ceffe.  Mais  la  Mufique  agit  plus  inti- 
mement fur  nous  en  excitant,  par  un  fens  ,  des  affections 
femblables  à  celles  qu'on  peut  exciter  par  un  autre  ;  &  , 
comme  le  rapport  ne  peut  être  le.ifible  que  l'imprefTion  ne 
foit  forte ,  la  Peinture  dénuée  de  cette  force  ne  peut  rendre 
à  la  Mufique  les  Imitations  que  celle-ci  tire  d'elle.  Que 
toute  la  Nature  foit  endormie  ,  celui  qui  la  contemple  ne 
dort  pas,  &  l'art  du  Muficien  confifte  à  fubltituer  à  Pin 
infenfible  de  l'objet  celle  des  mouvemens  que  fi  préftnct 
excite  dans  le  cœur  du  Contemplateur.  Non  -  feulement  il 
agitera  la  Mer,  animera  la  flamme  d'un  incendie  ,  fera  couler 
les  ruiffeaux  ,  tomber  la  pluie  &  groilir  les  torrens  ;  mais  il 
peindra  l'horreur  d'un  défért  affreux  ,  rembrunira  les  murs 
d'une  prifon  fouterraine  ,  calmera  la  tempête  ,  rendra  Paif 
tranquille  &  ferein ,  &  répandra,  de  TOrcheltre,  une  fraîcheur 

noi. 


I    M    I  3Si 

nouvelle  fur  les  bocages.  Il  ne  représentera  pas  directement 
ces  chofes  ;  mais  il  excitera  dans  l'ame  les  mêmes  mouve- 
mens  qu'on  éprouve  en  les  voyant. 

J'ai  dit  au  mot  Harmonie  qu'on  ne  tire  d'elle  aucun  prin- 
cipe qui  mené  à  ['Imitation  muficale  ,  puifqu'il  n'y  a  aucun 
rapport  entre  des  Accords  &  les  objets  qu'on  veut  peindre , 
ou  les  pallions  qu'on  veut  exprimer.  Je  ferai  voir  au  mot 
Mélodie  quel  eft  ce  principe  que  l'Harmonie  ne  fournit 
pas ,  &  quels  traits  donnés  par  la  Nature  font  employés  par 
la  Mufïque  pour  repréfenter  ces  objets  &  ces  parlions. 

IMITATION,  dans  fon  fens  technique  ,  eft  l'emploi  d'un 
même  Chant,  ou  d'un  Chant  femblable,  dans  plufieurs  Par- 
ties qui  fe  font  entendre  l'une  après  l'autre  ,  à  l'Unilîbn  ,    à 
la  Quinte  ,  à  la  Quarte  ,  à  la  Tierce ,  ou  à  quelqu'autre  Inter- 
valle que  ce  foit.  U  Imitation  eft  toujours  bien  prife  ,  même 
en  changeant  plufieurs  Notes  ;   pourvu  que  ce  même  Clia:,t 
fe  reconnoiilé  toujours   &  qu'on   ne  s'écarte   point  des   loix 
d'une  bonne  Modulation.  Souvent ,    pour  rendre  ['Imitation 
plus  fcnfible  ,   on   la   fait  précéder  de  filences  ou  de  Nutes 
longues  qui    femblent  laiffer  éteindre  le  Chant  au  moment 
que  ['Imitation  le  ranime.  On  traite  l'Imitation  comme  on 
veut;  on  l'abandonne,  on  la  reprend  ,  on  en  commence  une 
autre  à  volonté  ;   en  un   mot  ,   les  règles  en  font  auflî  reb- 
ellées ,    que  celles  de  la  Fugue  font  féveres  :  c'eft  pourquoi 
les  grands   Maures  la   dédaignent,    &  toute   Imitation    irop 
affectée  décelé  prcfque  toujours  un  Ecolier  en  compofition. 

IMPARFAIT,  ad/.  Ce  mot  a  plufieurs  fens  en  Mufîque. 
Un  Accord  Imparfait  efl  ,    par  oppolition  à  l'Accord  par- 
Dicl.  de  Mujique.  Y  y 


fait ,  celui  qui  porte  une  Sixte  ou  une  Diflbnance  ;  «Se ,  pat 
oppofition  à  l'Accord  plein ,  c'eft  celui  qui  n'a  pas  tous  les 
Sons  qui  lui  conviennent  &  qui  doivent  le  rendre  complet. 
(  Voyez  Accord.) 

Le  Tems  ou  Mode  Imparfait  étoit ,  dans  nos  anciennes 
Mufîques,  celui  de   la  divifion  double.  (Voyez  Mode. ) 

Une  Cadence  Imparfaite  e(t  celle  qu'on  appelle  autremenc 
Cadence  irréguliere.   (Voyez  Cadence.) 

Une  Confonnance  Imparfaite  elt  celle  qui  peut  être  ma- 
jeure  ou   mineure  ,    comme   la  Tierce  ou  la  Sixte.  (Voyez 

CONSONNANCE.  ) 

On  appelle ,  dans  le  Plain-Chant ,  Modes  Imparfaits  ceux 
qui  font  défeLtueux  en  haut  ou  en  bas  ,  ôc  relient  en-deça 
d'un  dès  deux  termes  qu'ils  doivent  atteindre.. 

IMPROVISER  ,  v.  n.  C'eft  faire  &  chanter  impromptu 
des  Chanfons  ,  Airs  6c  paroles  ,  qu'on  accompagne  commu- 
nément d'une  Guitare  ou  autre  pareil  Infiniment.  Il  n'y  a 
rien  de  plus  commun  en  Italie  ,  que  de  voir  deux  Mafques 
fe  rencontrer;  fe  défier,  s'attaquer,  fe  ripolter  ainfi  par  des 
couplets  fur  le  même  Air,  avec  une  vivacité  de  Dialogue, 
de  Chant ,  d'Accompagnement  dont  il  faut  avoir  été  témoin 
pour  la  comprendre. 

Le  mot  Tmprovijhr  eft  purement  Italien  :  mais  comme  il 
fe  rapporte  à  la  Mulique  ,  j'ai  été  contraint  de  le  francillr 
pour  faire  entendre  ce  qu'il  fignifie. 

INCOMPOSÉ  ,  aàj.  Mn  Intervalle  bicompojë  eft celui 
qui  ne  peut  \c  réfôudre  en  Intervalles  plus  petits  ,  &  n'a 
point  d'autre  élément  que  lui -mette;  tel  ,  par  exemple,  que 


I    N    H  3SS 

le  Diéfe  Enharmonique  ,  le  Comnia  ,  même  le  femi  -  Ton. 

Chez  les  Grecs  ,  les  Intervalles  Incompofés  croient  dirTé- 
rens  dans  les  trois  Genres  ,  félon  la  manière  d'accorder  les 
Tétxacordes.  Dans  le  Diatonique  le  femi-Ton  &  chacun 
des  deux  Tons  qui  le  fuivent  étoient  des  Intervalles  Incom- 
pofè's.  La  Tierce  mineure  qui  fe  trouve  entre  la  troifieme  & 
la  quatrième  corde  dans  le  Genre  Chromatique  ,  ôc  la 
Tierce  majeure  qui  fe  trouve  entre  les  mêmes  cordes  dans 
le  Genre  Enharmonique  ,  étoient  auflï  des  Intervalles  Incom- 
pofés. En  ce  fens  ,  il  n'y  a  dans  le  fyitême  moderne  qu'un  feul 
Intervalle  Incompofé  ;  favoir,  le  femi-Ton.  (Voyez  semi-Ton.) 

INHARMONIQUE ,  adj.  Relation  Inharmonique,  effc , 
félon  M.  Savérien  ,  un  terme  de  Mufique  ;  &  il  renvoie ,  pour 
l'expliquer ,  au  mot  Relation  ,  auquel  il  n'en  parle  pas.  Ce 
terme  de  Mufique  ne  m'eft  point  connu. 

INSTRUMENT  ,  f.  m.  Terme  générique  fous  lequel  on 
comprend  tous  les  corps  artificiels  qui  peuvent  rendre  & 
varier  les  Sons ,  à  l'imitation  de  la  Voix.  Tous  les  corps 
capables  d'agiter  l'air  par  quelque  choc ,  &  d'exciter  en- 
fuite  ,  par  leurs  vibrations ,  dans  cet  air  agité  ,  des  ondula- 
tions affez  fréquentes ,  peuvent  donner  du  Son  ;  &  tous  les 
corps  capables  d'accélérer  ou  retarder  ces  ondulations  peu- 
vent varier  les  Sons.  (Voyez  Son.) 

Il  y  a  trois  manières  de  rendre  des  Sons  fur  des  Inflru- 
mens  ;  favoir  ,  par  les  vibrations  des  cordes  ,  par  celles  de 
certains  corps  élaftiques ,  &c  par  la  collifion  de  l'air  enfermé 
d.uis  des  tuyaux.  J°ai  parlé  ,  au  mot  Mufique  ,  de  l'invention 
de  ces  Injl rumens. 

Yy  * 


35*  1     N     S 

Ils  Te  divifent  généralement  en  Injïrumens  à  cordes  » 
Injirumens  à  vent ,  Injïrumens  de  percuflîon.  Les  Infiniment 
à  cordes  ,  chez  les  Anciens  ,  étoient  en  grand  nombre  ;  les 
plus  connus  font  les  fuivans:  Lyra  ,  Pfaherium  ,  Trïgoniumy 
Sambuca ,  Cithara  ,  Pcclis  ,  Magas ,  Barbiton  ,  Tejludo  , 
Epiginrum ,  Sïmmicium ,  Epandoron ,  &c.  On  touchoit  tous 
ces  Injïrumens  avec  les  doigts  ou  avec  le  Pleclrum ,  efpece 
d'archet. 

Pour  leurs  principaux  Injïrumens  à  vent,  ils  avoient  ceux 
appelles  ,  77£i#  ,  Tijlula  ,  7u£û  ,  Cor/zu ,  Lituus ,  c<c. 

Les  Injîrumsns  de  percuiTion  étoient  ceux  qu'ils  nom- 
moient  ,  Tympanum  ,  Cymbalum  ,  Crepitaculum ,  Tintinna- 
bulum ,  Crotalum ,  &c.  Mais  plufieurs  de  ceux-ci  ne  varioient 
point  les  Sons. 

On  ne  trouvera  point  ici  des  articles  pour  ces  Injïrumens 
ni  pour  ceux  de  la  Mufique  moderne  ,  dont  le  nombre  elt 
exceflîf.  La  Partie  Inftrumentale  ,  dont  un  autre  s'étoit 
chargé  ,  n'étant  pas  d'abord  entrée  dans  le  Plan  de  mon 
travail  pour  l'Encyclopédie ,  m'a  rebuté ,  par  l'étendue  des 
connoiffances  qu'elle  exige  ,  de  la  remettre  dans  celui-ci. 

INSTRUMENTAL.  Qui  appartient  au  jeu  des  Inftru- 
mens.  Tour  de  Chant  Inftrumental  ;   Mufique  Inltrumenrale. 

INTENSE ,  adj.  Les  Sons  Jntenfes  font  ceux  qui  ont  le 
plus  de  force  ,  qui  s'entendent  de  plus  loin  :  ce  font  aufTi  ceux 
qui ,  étant  rendus  par  des  cordes  fort  tendues  ,  vibrent  p 
même  plus  fortement.  Ce  mot  eft  Latin  ,  ainfi  que  celui  de 
Remifle  qui  lui  ell  oppofé  :  mais  dans  les  écrits  de  Mufique 
théorique  on  cil  obligé  de  fiancifer  l'un  de  l'autre. 


I     N     T  357 

INTERCIDENCE  ,  f.  f.  Terme  de  Plain-Chanr.  (Voyez 

DlAPTOSR.  ) 

IN  rERMEDE ,  f.  m.  Pièce  de  Mufique  &  de  Danfe  qu'on 
infère  à  l'Opéra  ,  &  quelquefois  à  la  Comédie ,  entre  les 
Actes  d'une  grande  Pièce  ,  pour  égayer  &  repofer  ,  en  quel- 
que forte  ,  l'efprit  du  Spectateur  attrilté  par  le  tragique  & 
tendu  fur  les  grands  intérêts. 

Il  y  a  des  Intermèdes  qui  font  de  véritables  Drames  co- 
miques ou  burlefques ,  lefquels ,  coupant  ainfi  l'intérêt  par  un 
intérêt  tout  différent ,  balottent  &  tiraillent ,  pour  ainfi  dire , 
l'attention  du  Spectateur  en  fens  contraire  ,  &  d'une  manière 
très-oppofée  au  bon  goût  &  à  la  raifon.  Comme  la  Danfe  , 
en  Italie ,  n'entre  point  &  ne  doit  point  entrer  dans  la  confti- 
tution  du  Drame  Lyrique,  on  eit  forcé,  pour  l'admettre  fur 
le  Théâtre ,  de  l'employer  hors  d'œuvre  &  détachée  de  la 
Pièce.  Ce  n'eft  pas  cela  que  je  blâme  ;  au  contraire ,  je  penfe 
qu'il  convient  d'effacer  ,  par  un  Ballet  agréable ,  les  impref- 
fions  triftes  laiffées  par  la  repréfentation  d'un  grand  Opéra, 
&  j'approuve  fort  que  ce  Ballet  faffe  un  fujet  particulier  qui 
n'appartienne  point  à  la  Pièce  :  mais  ce  que  je  n'approuve  pas, 
c'elt  qu'on  coupe  les  Actes  par  de  femblables  Ballets  qui , 
divifaut  ainfi  l'a.tion  &  décruifant  l'intérêt,  font,  pour  ainfi 
dire,  de  chaque  A&e  une  Pièce  nouvelle. 

INTERVALLE ,  /  m.  Différence  d'un  Son  à  un  autre 
entre  le  grave  &  l'aigu;  c'efr  tout  l'efpace  que  l'un  des  deux 
auroit  à  parcourir  pour  arriver  à  l'UniiTon  de  l'autre.  La  diffé- 
rence qu'il  y  a  de  Y  Intervalle  à  V  Etendue  ,  eft.  que  ^Inter- 
valle eft  conûdéré   comme  indivifé  ,   &   l'Etendue   comme 


*?5S  I    N    T 

divifce.  Dans  l'Intervalle  ,  on  ne  confidere  que  les  deux  ter- 
mes ;  dans  l'Etendue ,  on  en  fuppofe  d'intermédiaires.  l'Eten- 
due forme  un  fyftême  ;  mais  ^Intervalle  peut  être  incompofé. 

A  prendre  ce  mot  dans  fon  fens  le  plus  général ,  il  eft  évi- 
dent qu'il  y  a  une  infinité  ^Intervalles  :  mais  comme  en 
Mufique  on  borne  le  nombre  des  Sons  à  ceux  qui  compofent 
un  certain  fyllême ,  on  borne  auffi  par-là  le  nombre  des  In- 
tervalles à  ceux  que  ces  Sons  peuvent  former  entr'eux.  De 
forte  qu'en  combinant  deux  à  deux  tous  les  Sons  d'un  fyftc— 
me  quelconque  ,  on  aura  tous  les  Intervalles  poflibles  dans  ce 
même  fyitême  ;  fur  quoi  il  reftera  a  réduire  fous  la  même  cf- 
pece  tous  ceux  qui  fe  trouveront  égaux. 

Les  Anciens  divifoient  les  Intervalles  de  leur  Mufique  en 
Intervalles  {Impies  ou  incompofés  ,  qu'ils  appelloient  Dixiè- 
mes ,  &  en  Intervalles  compofés  ,  qu'ils  appelloient  Syflernes. 
(Voyez  ces  mots.)  Les  Intervalles,  dit  Ariftoxcne  ,  différent 
entr'eux  en  cinq  manières.  i°.  En  étendue;  un  grand  Inter- 
valle diffère  ainfï  d'un  plus  petit.  20.  En  réfonnance  ou  en  Ac- 
cord ;  c'eft  ainû  qu'un  Intervalle  confonnant  diffère  d'un  dif- 
fonant.  30.  En  quantité;  comme  un  Intervalle  fimple  dif- 
fère d'un  Intervalle  compofé.  40.  En  Genre  ;  c'eft  ainll  que 
les  Intervalles  Diatoniques  ,  Chromatiques  ,  Enharmoniques 
différent  entr'eux.  5".  En  nature  de  rapport  ;  comme  Ylnter- 
valle  dont  la  raifon  peut  s'exprimer  en  nombres  ,  diffi 
d'un  Intervalle  irrationnel.  Difons  quelques  mots  de  toutes 
ces  différences. 

I.  Le  moindre  de  tous  les  Intervalles  ,  felpn  Bacchius  &c 
Gaudence  ,  elt  le  Dïei'c  Enharmonique*  Le  pljs  grand,  à  le 


T    N    T  *$ 

prendre  à  l'extrémité  grave  du  Mode  Hypo-Dorien  ,  jufqi 
l'extrémité  aiguë  de  rHypo-mixo-Lydien  ,  feroit  de  trois  Oc- 
taves complètes;  niais  comme  il  y  a  une  Quinte  à  retran- 
cher ,  ou  même  une  Sixte ,  félon  un  paflage  d'Adrafte ,  cité 
par  Meibomius ,  refte  la  Quarte  par-deflus  le  Dis-Diapafon  ; 
c'e(t-à-dire,  la  Dix-huitieme ,  pour  le  plus  grand  Intervalle 
du  Diagramme  des   Grecs. 

II.  Les  Grecs  divifoient  comme  nous  les  Intervalles  en 
Confonnans  &  DiiTonans  :  mais  leurs  diviiions  n'étoient  pas 
les  mêmes  que  les  nôtres.  (Voyez  Co.vsonxance.  )  Ils  fub- 
divifoienc  encore  les  Intervalles  confonnans  en  deux  efpc- 
ces  ,  fans  y  compter  l'Unilfon,  qu'ils  appelloient  Homophonk, 
ou  parité  de  Sons ,  &  dont  Y  Intervalle  eit  nul.  La  première 
efpece  étoit  Y  Antiphonie  ,  ou  oppofition  des  Sons  ,  qui  fe 
faifoit  a  l'Octave  ou  a  h  double  Octave  ,  &  qui  n'étoit  pro- 
prement qurune  Réplique  du  même  Son;  mais  pourtant  avec 
oppofition  du  grave  à  l'aigu.  La  féconde  efpece  étoit  la  lJa>- 
raphonie ,  ou  diftinction  de  Sons  ,  fous  laquelle  on  corr.prc- 
noit  toute  Confonnance  autre-  que  l'Octave  &  fes  Répliques  ; 
tous  les  Intervalles,  dit  Théon  de  Smyrne,  qui  ne  font  tri. 
Dilfonans  ,  ni  Uniffon. 

III.  Quand  les  Grecs  parlent  de  leurs  Diadèmes  eu  Tnter- 
valles  fimples,  il  ne  faut  pas  prendre  ce  terme  à  toute  ri- 
gueur: car  le  Diéfis  même  n'étoit  pas  ,  félon  eux  ,  exempt 
compofition;  mais  il  faut  toujours  le  rapporter  au  Genre 
auquel  V IntervalU  s'applique.  Par  exemple,  le  (èmi-Ton  eft 
un  Intervalle  (impie  dans  le  Genre  Chiomatique   !  19  le 

Diatonique ,  compofé  dans  l'Enharmonique,  Le  Ton  eii  com- 


!*»  I    N    T 

pofé  dans  le  Chromatique ,  &  fimple  dans  le  Diatonique  ;  6c 
le  Diton  même ,  ou  la  Tierce  majeure  ,  qui  eft  un  Inter- 
valle compofé  dans  le  Diatonique  ,  elt  incompofé  dans  l'En- 
harmonique. Ainfî  ,  ce  qui  elt  fyftême  dans  un  Genre  ,  peut 
être  Dialtème   dans  un  autre  ,  &  réciproquement. 

IV.  Sur  les  Genres  ,  divifez  fucceflivement  le  même  Té- 
tracorde,  félon  le  Genre  Diatonique,  félon  le  Chromatique, 
&c  ftlon  l'Enharmonique,  vous  aurez  trois  Accords  différens, 
lefquels ,  comparés  entre  eux,  au  lieu  de  trois  Intervalles , 
vous  en  donneront  neuf,  outre  les  combinaifons  &c  compor- 
tions qu'on  en  peut  faire ,  &  les  différences  de  tous  ces  In- 
tervalles qui  en  produiront  des  multitudes  d'autres.  Si  vous 
comparez,  par  exemple,  le  premier  Intervalle  de  chaque 
Tétracorde  'dans  l'Enharmonique  &  dans  le  Chromatique 
mol  d'Ariftoxène  ,  vous  aurez  d'un  côté  un  quart  ou  ^  de 
Ton,  de  l'autre  un  tiers  oujî,&  les  deux  cordes  aiguës  fe- 
ront entr'elles  un  Intervalle  qui  fera  la  différence  des  deux 
précédens ,  ou  la  douzième  partie  d'un  Ton. 

V.  Paffant  maintenant  aux  rapports,  cet  Article  me  mené 
à   une   petite  digreflion. 

Les  Ariltoxéniens  prétendoient  avoir  bien  fimpliiîé  la  Mu- 
fique  par  leurs  divi fions  égales  des  Intervalles  ,  &  fe  mo- 
quoient  fort  de  tous  les  calculs  de  Pythagore.  Il  me  femble 
cependant  que  cette  prérendue  /implicite  n'étoit  guéris  que 
dans  les  mots  ,  &  que  fi  les  Pythagoriciens  avoieot  un  peu 
mieux  entendu  leur  Maître  &.  la  Muûque  »  ils  auroient  bien- 
tôt fermé  la  bouche  à  leurs  adverfaires. 

Pythagore  n'avoit  pas  imaginé  le  rapport  des    Soir»   qi  M 

c<  cula 


I     N     T  3<3i 

calcula  le  premier.  Guidé  par  L'expérience  ,  il  ne  fie  que  pren- 
dre note  de  fes  obfervations.  Ari/toxène  ,  incommode  de 
tous  ces  calculs  ,  bâtie  dans  fa  têre  un  fyitéme  tout  diffé- 
rent ;  &  comme  s'il  eût  pu  changer  la  Nature  à  fon  gré  , 
pour  avoir  Amplifié  les  mots ,  il  crut  avoir  fimplifié  les 
chofes,  au  lieu  qu'il  fit  réellement  le  contraire. 

Comme  les  rapports  des  Confonnances  étoient  (Impies  & 
faciles  à  exprimer  ,  ces  deux  Philofophes  étoient  d'accord  là- 
deffus  :   ils    l'étoient  même  fur    les    premières  Diffonances  ; 
car  ils  convenoient  également  que  le  Ton  étoit  la  différence 
de  la  Quarte  à  la  Quinte  ;  mais    comment   déterminer   déjà 
cette  différence  autrement  que  par  le  calcul  ?  Ariitoxène  par- 
toit  pourtant  de-là  pour  n'en  point  vouloir ,  &  fur  ce   Ton , 
dont  il  fe  vantoit  d'ignorer  le    rapport ,    il  bàtiffoit  toute  Çd 
doctrine  muficale.  Qu'y  avoit-il  de  plus  aifé  que  de  lui  montrer 
la  fauiïetéde  fes  opérations  &  la  jufteffé  de  celles  de  Pythagore? 
Mais  ,  auroit-il  dit ,  je  prends  toujours  des  doubles  ,  ou   des 
moitiés  ,  ou   des  tiers;  cela  eil  plus  (impie  &  plutôt  fait  que 
vos  Gomma  ,  vos  Limma  ,    vos  Aporomes.   Je   l'avoue,  eût 
répondu  Pythagore  ;  mais  ,  dites-moi ,  je  vous  prie  ,  comment 
vous  les  prenez,  ces  doubles,  ces  moitiés,  ces  tiers  ?  L'au- 
tre eût  répliqué  qu'il  les  entônnoit  naturellement,  ou  qu'il  les 
prenoit  fur  fon  Monocorde.    Eh   bien  !  eût   dit   Pythagore, 
entonnez-moi  juite  le  quart  d'un  Ton.  Si  l'autre  eût  été  allez 
charlatan  pour  le  faire,  Pythagore  eût  ajouté  :  mais  e(t-il  bien 
divifé  votre   Monocorde  ?  Montrez  -  moi  ,  je    vous   prie  ,   de 
quelle  méthode  vous  vous  êtes  fervi  pour  y  prendre  le  quart 
ou  le  tiers  d'un  Ton?  Je  ne  (aurais  voir ,  en    pareil  cas  ,  ce 
Dici.  de  Mufique.  Z  z 


3';>  TNT 

q  .*  \r\  loxène  cûr  pu  ré  .  Car,  de  dire  que  Plnftirument 

a  voit  cté  accorde  fur  la  \  oix  ,  outre  que  c'eût  été  tomber 
dans  le  cercle  ,  cela  ne  pouvoit  convenir  aux  x^rirtoxéniens, 
puifqu'ils  avouoient  tous  avec  leur  Chef  qu'il  faloit  exercer 
long-tems  la  Voix  fur  un  Infiniment  de  la  dernière  judefTe, 
pour  venir  à  bout  de  bien  entonner  les  Intervalles  du  Chro- 
matique mol  &  du  Genre  Enharmonique. 

Or ,  puifqu'il  faut  des  calculs  non  moins  compofés  &  même 
des  opérations  géométriques  plus  difficiles  pour   mefurer  les 
tiers  c<  les  quarts  de  Ton  d'Ariftoxène ,  que   pour  afligner 
les  rapports  de   Pythagore  ,    c'eft  avec  raifon  que  Nicoma- 
que  ,  Doè'ce  &  plufieurs    autres  Théoriciens   préféraient  les 
rapports  jultes  &  harmoniques  de   leur  Maître  aux  divifions 
du  fyftême  Anftoxénien  ,  qui  n'étoient  pas  plus  fimples,  «Se  q.ii 
ne  donnoient  aucun  Intervalle  dans  la  juttefTe  de  fa  génération. 
Il    faut  remarquer  que  ces  raifonnemens  qui    convenoient 
à  la  Mufique  des  Grecs  ne  conviendroient  pas  également  à  la 
nôtre  ,  parce  que  tous  les  Sons  de  notre  fyftéme  s'accordent 
par  des  Confonnances  ;  ce  qui   ne  pouvoit   fe  faire   dans  le 
leur  que  pour  le  feul  Genre   Diatonique. 

Il  s'enfuit  de  tout  ceci  ,  qu'Ariftoxcne  diftinguoit  avec 
raifon  les  Intervalles  en  rationnels  &  irrationnels;  puifque, 
bien  qu'ils  fu.Tent  tous  rationnels  dans  le  fyftcme  de  l'ythago- 
re,  la  plupart  des  DifTonances  étoient  irrationnelles  dans  le  fien. 
Dans  la  Mufique  moderne  on  confidere  aufil  les  Inter- 
valles de  plufieurs  manières  ;  (avoir,  ou  généralement  comme 
l'efpacc  ou  la  dtftance  quelconque  de  deux  S.>ns  donnés  , 
pu  feulement  comme  celles  de  ces  diflances  qui  peuvent  fe 


i   N  T  & 

noter  ,  ou  enfin  comme  celles  qui  fe  marquent  fur  des  De- 
grés dirférens.  Selon  le  premier  fens  ,  toute  raifon  numéri- 
que ,  comme  eft  le  Comma  ,  ou  fourde  ,  comme  eft  le  DiiCc 
d'Ariftoxène  ,  peut  exprimer  un  Intervalle.  Le  fécond  fens 
s'applique  aux  feuls  Intervalles  reçus  dans  le  fyftême  de 
notre  Mufique ,  dont  le  moindre  cft  le  femi-Ton  mineur 
exprimé  fur  le  même  Degré  par  un  Dièfe  ou  par  un  Bémol. 
(Voyez  semi-Ton.)  La  troifieme  acception  fuppofe  quelque 
différence  de  poficion  ;  c'eft- à-dire  ,un  ou  plusieurs  Degrés 
encre  les  deux  Sons  qui  forment  ^Intervalle.  C'eft  à  cette 
dernière  acception  que  le  mot  eft  fixé  dans  la  pratique  :  de 
forte  que  deux  Intervalles  égaux,  tels  que  font  la  faune; 
Quinte  &  le  Triton,  portent  pourtant  des  noms  diftérens,  fi 
l'un  a  plus  de  Degrés  que  l'autre. 

Nous  divifons  ,  comme  faifoient  les  Anciens ,  les  Inter- 
valles en  Confonnans  &  DiiTonans.  Les  Confonnances  font 
parfaites  ou  imparfaites.  (Voyez  Consonnance.  )  Les  Dif- 
fonances  font  telles  par  leur  nature  ,  ou  le  deviennent  par 
accident.  Il  n'y  a  que  deux  Intervalles  difïbnans  par  leur  na- 
ture ;  favoir  ,  la  féconde  &  la  feptieme  en  y  comprenant 
leurs  Octaves  ou  Répliques  :  encore  ces  deux  peuvent -ils 
fe  réduire  à  un  feul  ;  mais  toutes  les  Confonnances  peuvent 
devenir  diflbnantes  par  accident.   ("Voyez  Dissonance.) 

De  plus,  tout  Intervalle  eft  (impie  ou  redoul  .  UInter» 
valh  (impie  eft  celui  qui  cft  contenu  dans  les  bornes  de 
l'Octave.  Tout  Intervalle  qui  excède  cette  étendue  elt  re- 
doublé ;  c'eft-à-dire  ,  compofé  d'une  ou  plusieurs  Octaves, 
&  de  ^Intervalle  fimple  dont  il  elt  la  Réplique. 

Z  z  z. 


,«4  1    N    X 

Les  Intervalles  (impies  fe  divifent  encore  en  directs  &  ren- 
verfés.  Prenez  pour  direàt  un  Intervalle  (impie  quelconque  , 
fon  complément  à  l'Octave  eft  toujours  renverfé  de  celui-là  , 
&  réciproquement. 

11  n'y  a  que  fix  efpeces  iïlnterxalks  fimples  ,  dont  trois 
font  complémens  des  trois  autres  à  l'Octave  ,  &  par  confé- 
quent  aufli  leurs  renverfés.  Si  vous  prenez  d'abord  les  moin- 
dres Intervalles  ,  vous  aurez  pour  directs  ,  la  Seconde  ,  la 
Tierce  &  la  Quarte  ;  pour  renverfés  ,  la  Septième  ,  la  Sixte 
&  la  Quinte.  Que  ceux-ci  fuient  directs  ,  les  autres  feront 
renverfés  :  tout  eft  réciproque. 

Pour  trouver  le  nom  d'un  Intervalle  quelconque  ,  il  ne 
faut  qu'ajouter  l'unité  au  nombre  des  Degrés  qu'il  contient. 
Ainfi  {'Intervalle  d'un  Degré  donnera  la  Seconde  ;  de  deux , 
la  Tierce  ;  de  trois  ,  la  Quarte  ;  de  fept ,  l'O&ave  ;  de  neuf, 
la  Dixième  ,  &c.  Mais  ce  n'eft  pas  affez  pour  bien  déter- 
miner un  Intervalle  :  car  fous  le  même  nom  il  peut  ctre 
majeur  ou   mineur  ,  jufte  ou  faux  ,  diminué  ou  fuperflu. 

Les  Confonnances  imparfaites  &  les  deux  Diffonances  na- 
turelles peuvent  être  majeures  ou  mineures  :  ce  qui  ,  fans 
changer  le  D^gré  ,  fait  dans  V Intervalle  la  différence  d'un 
femi-Ton.  Que  fi  d'un  Intervalle  mineur  on  ôte  encore  un 
femi-Ton  ,  cet  Intervalle  devient  diminué.  Si  Ton  augmente 
d'un  femi-Ton  un  Intervalle    majeur  ,  il  devient  fuperflu. 

Les  Confonnances  parfaites  font  invariables  par  leur  na- 
ture. Quand  leur  Intervalle  eft  ce  qu'il  doit  être  ,  elles  s'ap- 
pellent Juftes.  Que  fi  l'on  altère  cet  Intervalle  d'un  fi  mi- 
Ton  ,  la  Conlbnnancc  s'appelle  Taujjt  ôc  devient  Diffonancc  ; 


*    N     T  3^5 

fuperflue  ,  fi  le  femi-Ton  eft  ajouré  ;  diminuée  ,  s'il  eft  re- 
tranche. On  donne  mal-a-propos  le  nom  de  faufiè-Quince  à 
la  Quinte  diminuée  ;  c'eit  prendre  le  Genre  pour  l'efpece  : 
la  Quinte  fuperflue  elt  tout  auflî  fau(Te  que  la  diminuée  ,  & 
l'eft  même  davantage  à  tous  égirds. 

On  trouvera  ,  (  Planche  C.  Fig.  II  )  une  Table  de  tous 
les  Intervalles  fimples  praticables  dans  la  Mufique  ,  avec 
leurs  noms  ,  leurs  Degrés  ,  leurs  valeurs    &    leurs  rapports. 

Il  faut  remarquer  fur  cette  Table  que  V Intervalle  appelle 
par  les  Harmonises  Septième  fuperflue  ,  n'eft  qu'une  Sep- 
tième majeure  avec  un  Accompagnement  particulier  ;  la  vé- 
ritable Septième  fuperflue  ,  telle  qu'elle  eft  marquée  dans  la 
Table  ,  n'ayant  pas  lieu  dans  l'Harmonie ,  ou  n'y  ayant  lieu 
que  fuccefïivemenr ,  comme  tranfiticn  Enharmonique  ,  jamais 
rigoureufement  dans  le  même  Accord. 

On  obfervera  aufïî  que  la  plupart  de  ces  rapports  peuvent 
fe  déterminer  de  plufieurs  manières  ;  j'ai  préféré  la  plus  fim- 
ple  ,  &  celle  qui  donne   les  moindres  nombre?. 

Pour  compofer  ou  redoubler  un  de  ces  Inten'alles  fim- 
ples ,  il  fufrk  d'y  ajouter  l'Octave  autant  de  fois  que  l'on 
veut  ;  &  pour  avoir  le  nom  de  ce  nouvel  Intervalle  ,  il  fau  c 
au  nom  de  Ylntervalle  fimple  ajouter  autant  de  fois  fept 
qu'il  contient  d'O&aves.  Réciproquement  ,  pour  connoître 
le  fimple  d'un  Intervalle  redoublé  dont  on  a  le  nom  ,  il  ne 
faut  qu'en  rejetter  fept  autant  de  fois  qu'on  le  peut  ;  le  relte 
donnera  le  nom  de  Ylntervalle  fimple  qui  Ta  produit.  Vou- 
lez-vous une  Quinte  redoublée  ;  c'eii- à-dire  ,  l'Octave  de  la 
Quiote  ,  ou  la  Quinte  de  l'Oclave  ?  A  5  ajoutez  7  ,  vous  au- 


î*6  I    N    T 

Tez  ii.  La  Quinte  redoublée  eft  donc  une  Douzième.   Pou» 
trouver  le  fimple  d'une  Douzième,  rejettez  7  du  nombre  iz 
autanc  de  fois  que  vous  le  pourrez  ,  le  refte  5  vous  indique 
une   Quinte.  A  l'égard  du  rapport ,  il  ne  faut  que  doubler 
le   conféquent ,  ou   prendre   la   moitié  de  l'antécédent  de  la 
raifon  fîmple  autant  de  fois  qu'on  ajoute  d'Octaves  ,  &c  l'on 
aura  la  raifon  de  ^Intervalle  redoublé.  Ainfi  2,3,  étant  la 
raifon  de  la  Quinte ,    1  ,    3 ,   ou  2  ,   6  ,  fera  celle  de  la  Dou- 
zième ,  &:c.  Sur  quoi  l'on  obfervera  qu'en  terme    de   Mufl- 
que  ,  compofer   ou    redoubler    un   Intervalle  ,  ce   n'efl:  pas 
l'ajouter  à  lui-même,  c'eft.  y  ajouter  une  Octave;  le  tripler, 
c'eft  en  ajouter  deux  ,  &c» 

Je  dois  avertir  ici  que  tous  les  Intervalles  exprimés  dans 
ce  Dictionnaire  par  les  noms  des  Notes  ,  doivent  toujours 
fe  compter  du  grave  à  l'aigu  ;  en  forte  que  cet  Intervalle , 
ut  fi,  n'eit  pas  une  Seconde,  mais  une  Septième;  &cji  ut, 
n'eit   pas  une   Septième  ,  mais  une  Seconde. 

INTONATION  ,  f.  f.  Action  d'entonner.  (  Voyez  Ex- 
TONNER.  )  L'Intonation  peut  être  jufte  ou  faufle  ,  trop  haute 
ou  trop  baiïe  ,  trop  forte  ou  trop  foible  ,  &  alors  le  mot 
Intonation ,  accompagné  d'une  épithete ,  s'entend  de  la  ma- 
nière d'entonner. 
INVERSE.  (  Voyez  Renversa  ) 

IONIEN  ou  IONIQUE  ,  ad,.  Le  Mode  Ionien  étoit  ,  en 
comptant  du  grave  à  l'aigu  ,  le  fécond  des  cinq  Modes 
moyens  de  la  Mufique  des  Grecs.  Ce  »it  uulfi 

I    Tien ,  &  Euçlide  l'appelle  1   1  ve.  |  V< 

Mode.  ) 


J     O    U  3«7 

JOUER  des  Initrumens  ,  c'elt  exécuter  fur  ces  Inftrumens 
des  Airs  de  Mulique  ,  fur-tout  ceux  qui  leur  font  propres  , 
ou  les  Chants  notés  pour  eux.  On  dit,  jouer  du  I  "iolon  ,  de 
la  Balle,  du  Hautbois,  de  la  Flûte]  toucher  le  Clavecin  , 
l'Orgue  ;  former  de  la  Trompette  ;  donner  du  Cor  ;  pincer 
la  Guitare  ,  &c.  Mais  l'affectation  de  ces  termes  propres 
tient  de  la  pédanterie.  Le  mot  Jouer  devient  générique  & 
gagne  infenfiblement  pour  toutes  fortes  d'Inltrumens. 
JOUR.  Corde  à  jour.  (  Voyez  Vide.  ) 
IRRÉGULIER,  adj.  On  appelle  dans  le  Plain  -  Chant 
Modes  Irréguliers  ceux  dont  l'étendue  eit  trop  grande  ,  ou 
qui  ont  quelqu'autre  irrégularité. 

On  nommoit  autrefois  Cadence  îrréguliere  celle  qui  ne 
tomboit  pas  fur  une  des  cordes  effentielles  du  Ton  ;  mais 
3VÏ.  Rameau  a  donné  ce  nom  a  une  Cadence  particulière 
dans  laquelle  la  Baffe  -  fondamentale  monte  de  Quinte  ou 
defeend  de  Quarte  après  un  Accord  de  Sixte  -  ajoutée* 
(Voyez   Cadence.   ) 

ISON.  Chant   en  Jfon.  (  Voyez  Chant.  ) 
JULE  ,/.'/;  Nom  d'une  forte  d'Hymne  ou  Chanfon  parmi 
les  Grecs  ,  en  l'honneur  de  Cércs   ou  de  Profcrpine.  (  Voyez 
Chanson.  ) 

JUSTE  >  adj.  Cette  épithete  fe  donne  généralement  aux 
Intervalles  dont  les  Sons  font  exactement  dans  le  rapport 
qu'ils  doivent  avoir ,  &  aux  Voix  qui  entonnent  toujours 
ces  Intervalles  dans  leur  jufteffe  :  mais  elle  s'applique  fpé- 
cialement  aux  Confonnances  parfaites.  Les  imparfaites  peu- 
vent être  majeures    ou  mineures  ,   les  parfaites  ne  fout  que 


\6% 


JUS 


juftes  :  dès  qu'on  les  akere  d'un  femi  -  Ton  elles  devien- 
nent faufies ,  &  par  conféquenc  Difïbnances.  (  Voyez  In- 
tervalle. ) 

JUSTE  eft  aufli  quelquefois  adverbe.  Chanter  jufte ,  Jouer 
jufte. 


L  A. 


tXl  36, 

L. 

A.  Nom  de  la  fixieme  Note  de  notre  Gamme,  inventée 
par  Guy  Arétin.  (  Voyez  Gamme,  Solfier.) 

LARGE  ,  adj.  Nom  d'une  forte  de  Note  dans  nos  vieilles 
Muliques  ,  de  laquelle  on  augmentait  la  valeur  en  tirant  plu- 
sieurs traits  non-feulement  par  les  côtés  ,  mais  par  le  milieu 
de  la  Note;  ce  que  Mûris  blâme  avec  force  comme  une  hor- 
rible innovation. 

LARGHETTO.  (Voyez  La^go.J 

LARGO,  adv.  Ce  mot  écrit  à  la  tete  d'un  Air  indique 
un  mouvement  plus  lent  que  V Adagio ,  &  le  dernier  de  tous 
en  lenteur.  Il  marque  qu'il  faut  filer  de  longs  Sons,  étendre 
les  Tems  &  la  Mcfure  ,  &c. 

Le  diminutif  Larghetto  annonce  un  mouvement  un  peu 
moins  îenr  que  le  Largo,  plus  que  YAndante,  &  très-appro- 
chant de  Y  Andantino. 

LEGEREMENT ,  adv.  Ce  mot  indique  un  mouvement 
encore  plus  vif  que  le  Gai,  un  mouvement  moyen  entre  le 
gai  &   le  vire.  Il  répond  à-peu-près  à  l'Italien  Vivace. 

LEMME ,  J\  m.  Silence  ou  Paufe  d'un  Tems  bref  dans  le 
Rhythme  Cataleptique.  (Voyez  Rhythme.  ) 

LENTEMENT ,  adv.  Ce  mot  répond  à  l'Italien  Largo  Se 
marque  un  mouvement  lent.  Son  fuperlatif,  très  -  Lentement  y 
marque  le  plus  tardif  de  tous  les  mouvemens. 

LEPSIS.  Nom  Grec  d'une  des  trois  parties  de  l'ancienne 
Dicl.  de  Mufiaue,  A  a  a 


$7°  L    E    V 

Mélopée  ,  appellée  aufli  quelquefois  Euthia  ,  par  laquelle 
le  Compofiteur  difcerne  s'il  doit  placer  fon  Chant  dans  le 
fy/téme  des  Sons  bas  qu'ils  appellent  Hypatoidcs  ;  dans  celui 
des  Sons  aigus  ,  qu'ils  appellent  Nétoïdes,  ou  dans  celui  des 
Sons  moyens,  qu'ils  appellent  Méfoïdes.  (Voyez  Mélopée.) 

LEVE  ,  adj.  pris  fubflantivcment.  C'eft  le  Tems  de  la 
Mefure  où  on  levé  la  main  ou  le  pied  ;  c'eft  un  Tems  qui 
fuit  &  précède  le  frappé;  c'eft  par  conféquent  toujours  un 
Tems  foible.  Les  Tems  levés  font ,  à  deux  Tems  ,  le  fé- 
cond ;  à  trois ,  le  troifieme  ;  à  quatre ,  le  fécond  &  le  qua- 
trième. (Voyez  Arsis. ) 

LIAISON 9f.f.l\ya.  Liaifon  d'Harmonie  &  Liaifon  de 
Chant. 

La  Liaifon  a  lieu  dans  l'Harmonie ,  lorfque  cette  Harmonie 
procède  par  un  tel  progrès  de  Sons  fondamentaux  ,  que 
quelques-uns  des  Sons  qui  accompagnoient  celui  qu'on  quitte, 
demeurent  &  accompagnent  encore  celui  où  l'on  palTc.  Il 
y  a  Liaifon  dans  les  Accords  de  la  Tonique  &  de  la  Domi- 
nante,  puifque  le  même  Son  fait  la  Quinte  de  la  première, 
&  l'Octave  de  la  féconde  :  il  y  a  Liaifon  dans  les  Accords 
de  la  Tonique  &  de  la  fous -Dominante  ,  attendu  que  le 
même  Son  fert  de  Quinte  à  l'une  &  d'O&ave  à  l'autre  : 
enfin,  il  y  a  Liaifon  dans  les  Accords  diifonans  toutes  les 
fois  que  la  Dilfonance  elt  préparée,  puifque  cette  prépara- 
tion elle-même  n'eft  autre  chofe  que  la  Liaifon.  (  Voyez 
Préparer.) 

La  Liaifon  dans  le  Chant  a  lieu  toutes  les  fois  qu'on  pafTc 
dcu.v  ou   plufleurs  Notes   fous  un  feul  coup  d'archet  ou  de 


L    I    C 


371 


goficr,  &  fe  marque  par  un  trait  recourbé  dont  on  couvre 
les  Notes  qui  doivent  être  lices  cnfemble. 

Dans  le  Plain  -  Chant  on  appelle  Liaifon  une  fuite  de 
plufieurs  Notes  parTées  fur  la  même  fyllabe  ,  parce  que  fur 
le  papier  elles  {ont  ordinairement  attachées  ou  lices  enfcmble. 

Quelques-uns  nomment  aulli  Liaifon  ce  qu'on  nomme 
plus  proprement  Syncope.  (Voyez  Syncope. ) 

LICENCE ,  f.  f.  Liberté  que  prend  le  Compofiteur  & 
qui  femble  contraire  aux  règles  ,  quoiqu'elle  foit  dans  le 
principe  des  règles  ;  car  voilà  ce  qui  diftingue  les  Licences 
des  fautes.  Par  exemple ,  c'eft  une  règle  en  Compofition  de 
ne  point  monter  de  la  Tierce  mineure  ou  de  la  Sixte  mi- 
neure à  l'Octave.  Cette  règle  dérive  de  la  loi  de  la  liaifon 
harmonique ,  &  de  celle  de  la  préparation.  Quand  donc  on 
monte  de  la  Tierce  mineure  ou  de  la  Sixte  mineure  à  l'Oc- 
tave ,  en  forte  qu'il  y  ait  pourtant  liaifon  entre  les  deux 
Accords  ,  ou  que  la  Diifonance  y  foit  préparée ,  on  prend 
une  Licence  ;  mais  s'il  n'y  a  ni  liaifon  ni  préparation ,  l'on 
fait  une  faute.  De  même  ,  c'eft  une  règle  de  ne  pas  faire 
deux  Quintes  juftes  de  fuite  entre  les  mêmes  Parties ,  fur- 
tout  par  mouvement  femblable  ;  le  principe  de  cette  règle 
cft  dans  la  loi  de  l'unité  du  Mode.  Toutes  les  fois  donc 
qu'on  peut  faire  ces  deux  Quintes  fans  faire  fentir  deux 
Modes  à  la  fois ,  il  y  a  Licence  :  mais  il  n'y  a  point  de  faute. 
Cette  explication  étoit  néceflaire  ,  parce  que  les  Muficiens 
n'ont  aucune  idée  bien  nette  de  ce  mot  de  Licence. 

Comme  la  plupart  des  règles  de  l'Harmonie  font  fondées 
fur  des  principes  arbitraires  &  changent  par  Pillage  &  le  goût: 

A  aa  » 


37*  L     I     C 

des  Compolîteurs ,  il  arrive  de  -  là  que  ces  règles  varient  ,* 
font  fujettes  à  la  Mode  ,  &  que  ce  qui  eft  Licence  en  un 
Tems  ,  ne  l'eft  pas  dans  un  autre.  11  y  a  deux  ou  trois  fie- 
cles  qu'il  n'étoit  pas  permis  de  faire  deux  Tierces  de  fuite , 
fur-tout  de  la  même  efpece  :  maintenant  on  fait  des  mor- 
ceaux entiers  tout  par  Tierces.  Nos  Anciens  ne  permettoienc 
pas  d'entonner  diatonique  ment  trois  Tons  confécutifs.  Aujour- 
d'hui nous  en  entonnons  ,  fans  fcrupule  t$c  fans  peine  ,  au- 
tant: que  la  Modulation  le  permet.  Il  en  elt  de  même  des 
fauffes  Relations ,  de  l'Harmonie  fyncopée  ,  &  de  mille  au- 
tres accidens  de  compofition  ,  qui  d'abord  furent  des  fau- 
tes ,  puis  des  Licences ,  &  n'ont  plus  rien  d'irrégulier  au- 
jourd'hui*. 

LICHANOS ,  /  m.  C'elt  le  nom  que  portoit ,  parmi  les 
Grecs ,  la  troifieme  corde  de  chacun  de  leurs  deux  premiers 
Tétracordes,  parce  que  cette  troifieme  corde  fe  touchoit  de 
l'index,  qu'ils  appelloient  Lichanos. 

La.  troifieme  corde  à  l'aigu  du  plus  bas  Tétracorde  qui: 
étoit  celui  des  Hypates ,  s'appelloit  autrefois  Lichanos-H}  pa- 
lon  ,  quelquefois  Hypaton  -  Diutonos  ,  Enkarmonhs  »  ou 
Chromatiké ,  félon  le  Genre.  Celle  du  fécond  Tétracorde  ou 
du  Tétracorde  des  moyennes ,  s'appelloit  Lichanos- Méfon  r 
ou  Méfon-Diatonos  ,  &c. 

LIEES ,  adj.  On  appelle  Notes  L:Jjs  deux  ou  pîufieurs 
Notes  qu'on  pafTe  d'un  feul  coup  d'archet  fur  le  Violon  Se 
le  Violoncelle,  ou  d'un  fcul  coup  de  langue  fur  la  Flûte  &  le 
Hautbois  ;  en  un  mot ,  toutes  les  Notes  qui  font  fous  une 
même  liaifon. 


L     I     G  373 

LIGATURE,//!  C'éroit,  dans  nos  anciennes  Mufiques  , 
l'union  par  un  traie  de  deux  ou  plufieurs  Notes  pallées  ,  ou 
diaroniquement,  ou  par  Digrés  disjoints  fur  une  même  fyl- 
Iabe.  La  figure  de  ces  Notes ,  qui  étoit  quarrée  ,  donnoic 
beaucoup  de  facilite  pour  les  lier  ainfi  ;  ce  qu'on  ne  fauroit 
faire  aujourd'hui  qu'au  moyen  du  chapeau  ,  à  caufe  de  la 
rondeur  de  nos  Notes. 

La  valeur  des  Notes  qui  compofoient  la  Ligature  varioit 
beaucoup  félon  qu'elles  montoient  ou  defeendoient  ,  félon 
qu'elles  croient  différemment  liées,  félon  qu'elles  étoient  à 
queue  ou  fans  queue  ,  félon  que  ces  queues  étoient  placées  a 
droite  ou  à  gauche  ,  afeendantes  ou  defeendantes  ;  enfin  , 
ftlon  un  nombre  infini  de  règles  fi  parfaitement  oubliées  à 
préfeot ,  qu'il  n'y  a  peut-être  pas  en  Europe  un  feul  Mufi- 
cien  qui  foit  en  état  de  déchiffrer  des  Mufiques  de  quelque 
antiquité, 

LIGNE  ,f.  f.  Les  Lignes  de  Mufique  font  ces  traits  horî- 
fonraux  &  parallèles  qui  compofent  la  Portée,  &  fur  lefquels, 
ou  dans  les  efpaces  qui  les  féparent  ,  on  place  les  Notes 
félon  leurs  Degrés.  La  Portée  du  Plain- Chant  n'eft,  que  de 
quatre  Lignes  ,  celle  de  la  Mufique  a  cinq  Lignes  fiables 
&  continues,  outre  les  Lignes  pofiiehes  qu'on  ajoute  de  tems 
en  tems  au-deffus  ou  au-deffous  de  la  Porcée  pour  les  Noces 
qui  paffent  fon  étendue. 

Les  Lignes  ,  fuit  dans  le  Plain-Chant  ,  foit  dans  la  Mu- 
fique ,  fe  comptent  en  commençant  par  la  plus  baffe.  Cette 
plus  baffe  eft  la  première,  la  plus  haute  eft  la  quatiieme 
dans  le  Phin- Chant,  la  cinquième  dans  la  Mufique.  (Yoy. 
Poatliï.  ) 


'374  L    I    M 

LIMMA  ,  /  m.  Intervalle  de  la  Mufique  Grecque  ,  le- 
quel eft  moindre  d'un  Comma  que  le  femi-Ton  majeur  , 
&  ,  retranché  d'un  Ton  majeur  ,  laiiTe  pour  refte  l'Apotome. 

Le  rapport  du  Limma  eft  de  243  à  256,  &  (d  génération 
fe  trouve ,  en  commençant  par  ut ,  à  la  cinquième  Quinte 
fi  :  car  alors  la  quantité  dont  ce  fi  eit  ftirpaffé  par  Y  ut  voifin, 
eft  précifément  dans  le  rapport  que  je  viens  d'établir. 

Philolaiïs  &  tous  les  Pythagoriciens  faifoient  du  Limma 
un  Intervalle  Diatonique  ,  qui  répondoit  à  notre  femi-Ton 
majeur.  Car ,  mettant  deux  Tons  majeurs  confécutifs ,  il  ne 
leur  reftoit  que  cet  Intervalle  pour  achever  la  Quarte  julte 
ou  le  Tétracorde  :  en  forte  que ,  félon  eux ,  l'Intervalle  du 
mi  au  fa  eût  été  moindre  que  celui  du  fa  à  fon  Dièfe.  Notre 
Echelle  Chromatique  donne  tout  le  contraire. 

LINOS  ,  f.  m.  Sorte  de  Chant  rultique  chez  les  anciens 
Grecs  ;  ils  avoient  auflï  un  Chant  funèbre  du  même  nom  , 
qui  revient  à  ce  que  les  Latins  ont  appelle  Nxnia.  Les  uns 
difent  que  le  Linos  fut  inventé  en  Egypte  ;  d'autres  en  attri- 
buoient  l'invention  à  Linus  Eubéen. 

LIVRE  OUVERT.  A  Livre  ouvert,  ou  A  l'ouver- 
ture du  Livre  ,  adv.  Chanter  ou  jouer  à  Livre  ouvert , 
c'eft  exécuter  toute  Mufique  qu'on  vous  préfente ,  en  jectant 
les  yeux  defTus.  Tous  les  Muficiens  fe  piquent  d'exécuter  j 
Livre  ouvert',  nais  il  y  en  a  peu  qui  dans  cette  exécution 
prennent  bien  l'efprit  de  l'ouvrage  ,  &  qui ,  s'ils  ne  font  pas 
des  fautes  fur  la  Nore ,  ne  faiient  pas  du  moins  des  COU 
fens  dans  Pexprdlïon.  (  Voyez  I  H.  ) 

LONG LE,  f.f.  (Ail   «Uns  nos  anciennes   Mufiqwes  une 


L    O    U  37S 

Norc  quarrée  avec  une  queue  à  droite  ,  ainfi  H.  Elle  vaut 
ordinairement  quatre  Mefures  a  deux  Tems  ;  c'eft-à-dirc  , 
deux  Brèves  ;  quelquefois  elle  en  vaut  trois  félon  le  Mode. 
(  Voyez  Mode.  ) 

Mûris  &  fes  contemporains  avoient  des  Longues  de  trois 
efpeces;  favoir,  la  parfaite,  l'imparfaite  &  la  double.  La 
Longue  parfaite  a,  du  côte  droit,  une  queue  dépendante,  U 
ou  H.  Elle  vaut  trois  Tems  parfaits  ,  &  s'appelle  parfaite 
elle-même ,  à  caufe ,  dit  Mûris  ,  de  fon  rapport  numérique 
avec  la  Trinité.  La  Longue  imparfaite  fe  figure  comme  la 
parfaite  &  ne  fe  diftingue  que  par  le  Mode  :  on  l'appelle 
imparfaite  ,  parce  qu'elle  ne  peut  marcher  feule  &c  qu'elle  doit 
toujours  être  précédée  ou  fuivie  d'une  Brève.  La  Longue 
double  contient  deux  Tems  égaux  imparfaits  :  elle  fe  figure 
comme  la  Longue  fimple  ,  mais  avec  une  double  largeur, 
WM.  Mûris  cite  Ariflote  pour  prouver  que  cette  Note  n'efi 
pas  du  Plain-Chant. 

Aujourd'hui  le  mot  Longue  eft  le  corrélatif  du  mot  Brève. 
(Voyez  Brève.)  Ainfi  toute  Note  qui  précède  une  Brève 
eft  une  Longue. 

LOURE,  f.f.  Sorte  de  Danfe  dont  l'Air  eft  afTcz  lent, 
&  fe  marque  ordinairement  par  la  Mefure  à  f.  Quand  cha- 
que Tems  porte  trois  Notes ,  on  pointe  la  première ,  &  l'on 
fait  brève  celle  du  milieu.  Lour-  eft  le  nom  d'un  ancien 
Inftrument  fembbble  à  une  Mufette  ,  fur  lequel  on  jouoic 
l'Air  de  la  Danfe   dont  il  s'agit. 

LOURER ,  v.  a.  &  a.  C'efr.  nourrir  les  Sons  avec  dou- 


W6  LUT 

ceur  &   marquer  la  première    Note   de    chaque  Tems   plus 
fenfiblcment  que  la   féconde ,  quoique  de  même  valeur. 

LUTHIER, y]  m.  Ouvrier  qui  fait  des  Vioions,  des  Vio- 
loncelles ,  &  autres  Inflrumens  femblables.  Ce  nom  ,  qui 
fignifie  Facteur  de  Luths  ,  eft  demeuré  par  fynecdoque  à 
cette  forte  d'Ouvriers  ;  parce  qu'autrefois  le  Luth  étoit  l'Inf- 
trument  le  plus  commun  &c  dont  il  fe  faifoit  le  plus. 

LUTRIN,/  m.  Pupitre  de  Chœur  fur  lequel  on  met  les 
Livres  de  Chant  dans  les  Eglifes  Catholiques. 

LYCHANOS.  (  Voyez  LichanosJ 

LYDIEN ,  adj.  Nom  d'un  des  Modes  de  la  Mufique  des 
Grecs ,  lequel  occupoit  le  milieu  entre  l'Eolien  &c  l'Hyper- 
Dorien.  On  l'appejloit  au/Ii  quelquefois  Mode  Barbare,  parce 
qu'il  portoit  le  nom  d'un  Peuple  Adatique. 

Euclide  diftingue  deux  Modes  Lydiens.  Celui-ci  propre- 
ment dit ,  &  un  autre  qu'il  appelle  Lydien  ^rave  ,  &  qui 
ell  le  même  que  le  Mode  Eolien ,  du  moins  quant  à  fa  fon- 
damentale. (  Voyez  Mode.  ) 

Le  caractère  du  Mode  Lydien  croit  animé ,  piquant ,  triRe 
cependant  ,  pathétique  &  propre  à  la  moileile  ;  c'eft  pour- 
quoi Platon  le  bannit  de  ùi  République.  C'eît  fur  ce  Mode 
qu'Orphée  apprivoifoit,  dit-on  ,  les  bétes  mêmes  ,  &.  qu'Am- 
phion  bâtit  les  murs  de  Thebes.  Il  fut  inventé,  les  uns  dillnt  , 
par  cet  Amphion,  fils  de  Jupiter  &  d'Antiope;  d'autres,  par 
Olympe,  Myfien ,  difdple  de  Marfîas;  d'autres  enfin, 
M  s  :  &  Pindare  dit  qu'il  fut  employé  pour  la  pie- 

mitre  fois   aux  tic  Nlobé. 

LYRIQI  E,  iiJJ.  Oui  ap]  à  !a  Lyre.  Cette 

fe 


L    Y    T 


?77 


fe  donnoic  autrefois  à  la  Poéfie  faite  pour  être  chantée  & 
accompagnée  de  la  Lyre  ou  Cithare  par  le  Chanteur,  comme 
les  Odes  &  autres  Chanfons ,  à  la  différence  de  la  Poéfie 
dramatique  ou  théâtrale ,  qui  s'accompagnoit  avec  des  Flûtes 
par  d'autres  que  le  Chanteur;  mais  aujourd'hui  elle  s'appli- 
que au  contraire  à  la  fade  Pocfie  de  nos  Opéra,  &  par  t  ■ - 
tenfion  ,  h  la  Mufique  dramatique  oc  imitative  da  Théâtre. 
(  Voyez  Imitation.  ) 

LYTIERSE.  Chanfon  des   Moiffonneurs  chez  les  anciens 
Grecs.  (  Voyez  Chanson.  ) 


Dicl.  de  Mufique. 


Bbb 


37S  MAC 

te; .        ■  -  j-^a^-i.    ■ 

M. 


M 


A.  Syllabe  avec  laquelle  quelques  Muficiens  folfient 
le  mi  Bémol  comme  ils  folfient  par  fi  le  ja  Dièfe.  (  Voyez 
Solfier.) 

MACHICOTAGE  ,  f.  m.  C'eft  ainfi  qu'on  appelle,  dan* 
le  Plain  -  Chant  ,  certaines  additions  &  compofitions  de 
Notes  qui  remplirent ,  par  une  marche  Diatonique  ,  les 
Intervalles  de  Tierces  &  autres.  Le  nom  de  cette  manière 
de  Chant  vient  de  celui  des  Eccléfiaftiques  appelles  Ma- 
chicots  ,  qui  l'exécutoient  autrefois  après  les  Enfans  de 
Chœur. 

MADRIGAL.  Sorte  de  Pièce  de  Mufique  travaillée  & 
favante ,  qui  étoit  fort  à  la  mode  en  Italie  au  feizieme  fiecle , 
&  même  au  commencement  du  précèdent.  Les  Madrigaux 
fe  compofoient  ordinairement  ,  pour  la  vocale ,  à  cinq  ou 
fix  Parties  ,  toutes  obligées  ,  à  caufe  des  Fugues  &  Def- 
feins  dont  ces  Pièces  étoient  remplies  :  mais  les  Organises 
compofoient  &  exécutoient  auMi  des  Madrigaux  fur  l'Orgue, 
&  Ton  prétend  même  que  ce  fut  fur  cet  Infiniment  que 
le  Madrigal î\Xl  inventé.  Ce  genre  de  Contre-point,  qui  étoit 
affujetti  à  des  loix  très-rigoureufes ,  portoit  le  nom  de  Jlyk 
Madrigalçfque.  Plusieurs  x^uteurs  ,  pour  y  avoir  excellé ,  ont 
immortalifé  leurs  noms  dans  les  fafres  de  l'Art.  Tels  furent, 
enn'autres ,  Luca  Marcntin ,  Luigi  Prcnejlino  ,  Pompi 
Nenna  ,  Tommafo  Pccci ,  &  fur  -  tout  le  fameux  Prince  dit 


M    A    G  379 

Venofa  ,  dont  les  Madrigaux,  pleins  de  feience  &  de  goût, 
étoient  admirés  par  tous  les  Maîtres  ,  &  chantes  par  toutes 
les  Dames. 

MAGADISER ,  v.  n.  C'étoit  dans  la  Mufîque  Grecque , 
chanter  à  l'Octave ,  comme  faifoient  naturellement  les  voix 
de  femmes  &  d'hommes  mêlées  enfemble  ;  ainfi  les  Chants 
Alagadife's  étoient  toujours  des  Antiphonies.  Ce  mot  vient 
de  Alagas  ,  Chevalet  d'infiniment  ,  £c  ,  par  extenfion  , 
Infiniment  à  cordes  doubles  ,  montées  à  l'Octave  l'une  de 
l'autre  ,  au  moyen  d'un  Chevalet ,  comme  aujourd'hui  nos 
Clavecins. 

MAGASIN.  Hôtel  de  la  dépendance  de  l'Opéra  de  Paris, 
où  logent  les  Directeurs  &  d'autres  perfonnes  attachées  à 
l'Opéra  ,  &  dans  lequel  efè  un  petit  Théâtre  appelle  aufïï 
Alagafin ,  ou ,  Théâtre  du  Magajin  ,  fur  lequel  fe  font  les 
premières  répétitions.  C'eft  YOdéum  de  la  Mufîque  Françoife. 
(  Voyez  Odeum.  ) 

MAJEUR  ,  adj.  Les  Intervalles  fufceptibles  de  variations 
font  appelles  Majeurs,  quand  ils  font  auffi  grands  qu'ils 
peuvent  l'être  fans  devenir  faux. 

Les  Intervalles  appelles  parfaits ,  tels  que  l'Octave  ,  la 
Quinte  &  la  Quarte  ,  ne  varient  point  &:  ne  font  que  Jujles  j 
fi-tôt  qu'on  les  altère  ils  font  faux.  Les  autres  Intervalles 
peuvent,  fans  changer  de  nom,  &  fans  cefTer  d'être  juftes, 
varier  d'une  certaine  différence  :  quand  cette  différence  peut 
être  ôtet- ,  ils  font  Majeurs;  Mineurs,  quand  elle  peut  être 
ajoutée. 

Ces   Intervalles    variables   font    au  nombre  de  cinq  :  fi- 

13bb  z 


3*o  M    A    I" 

voir  ,  le  femi  -  Ton  ,  le  Ton  ,  la  Tierce  ,  la  Sixte  6c  la 
Septième.  A  l'égard  du  Ton  &  du  femi  -  Ton ,  leur  diffé- 
rence du  Majeur  au  Mineur  ne  fauroit  s'exprimer  en  Notes , 
mais  en  nombres  feulement.  Le  femi-Ton  Majeur  eft  l'In- 
tervalle d'une  Seconde  mineure,  comme  de  Ji  à  ut,  ou  de 
mi  h  fa,  6c  fon  rapport  eft  de  15  à  \6.  Le  Ton  Majeur  elt 
la  différence  de  la  Quarte  à  la  Quinte,  6c  fon  rapport  eft 
de  8  à  9. 

Les  trois  autres  Intervalles  ;  favoir  ,  la  Tierce  ,  la  Sixte 
&  la  Septième  ,  différent  toujours  d'un  femi-Ton  du  .\'..:~ 
jeur  au  Mineur,  &  ces  différences  peuvent  fe  noter.  Ainfi 
la  Tierce  mineure  a  un  Ton  6c  demi,  6c  la  Tierce  Majeure 
deux  Tons. 

Il  y  a  quelques  autres  plus  petits  Intervalles ,  comme  le 
Dièfe  6c  le  Gomma,  qu'on  diftingue  en  Moindres,  Mineurs, 
Moyens ,  Majeurs  6c  Maximes  ;  mais  comme  ces  Intervalles 
ne  peuvent  s'exprimer  qu'en  nombres,  ces  diflinctions  font 
inutiles  dans  la  pratique. 

Majeur  fe  dit  auffi  du  Mode  ,  lorfque  la  Tierce  de  la 
Tonique  eft  Majeure ,  6c  alors  fouvent  le  mot  Mode  ne  fait 
que  fe  fous-entendre.  Préluder  en  Majeur ,  pajj'er  du  Majeur 
au  Mineur,  6cc.  (Voyez  Modk.) 

MAIN  HARMONIQUE.  C'eft  le  nom  que  donna  1" 
tin  a  la  Gamme   qu'il    inventa   pour  montivr  !e    rapport   de 
fts  Hexacordcs,  de  fes  fix  lettres  6c  de  Tes  iîv  fy  lianes ,  ftve* 
les  cinq   Tétracordes  des  Grecs.  Il  repre l'enta  cçttt   Gamme 
foLS  la  figure  d'une   main  gauche ,  fur  les  doigts  de   Uq 
étoient  marqués  tous  les  fons  de  la  Gamme  ,  tant   paj 


M    A    I  3S, 

lettres  correfc.ondnntes  ,  que  par  les  fyllabes  qu'il  y  avoit 
jointes,  en  pafTant  ,  par  la  règle  des  Muances  ,  d'un  Té- 
tracorde  ou  d'un  doigt  à  l'autre ,  félon  le  lieu  où  fe  trou- 
voient  les  deux  ferai  -  Tons  de  l'Octave  par  le  Béquarre 
ou  par  le  Bémol;  c'eit  -à- dire,  félon  que  les  Tétracordes 
ctoient  conjoints  ou  disjoints.  (  Voyez  Gamme  ,  Muangjbs  , 
Solfier.  ) 

MAITRE  A  CHANTER.  Muficien  qui  enfeigne  à  lire  la 
ÎVlufique  vocale  &  à  chanter  fur  la  Note. 

Les  fonctions  du  Mauve  à  Chanter  fe  rapportent  à  deux 
objets  principaux.  Le  premier ,  qui  regarde  la  culture  de  la 
voix  ,  elt  d'en  tirer  tout  ce  qu'elle  peut  donner  en  fait  de 
Chant  ,  foit  par  l'étendue-,  foit  par  la  juftefle  ,  foit  par  le 
timbre  ,  foit  par  la  légèreté  ,  foit  par  l'art  de  renforcer  & 
radoucir  les  Sons ,  &  d'apprendre  à  les  ménager  &  modifier 
avec  tout  l'art  poflîble.  (Voyez  Chant,  Vojx.  ) 

Le  fécond  objet  regarde  l'étude  des  figues  ;  c'eit-à-dire  , 
l'art  de  lire  la  Note  fur  le  papier  ,  &  l'habitude  de  la  déchif- 
frer avec  tant  de  facilité  ,  qu'à  l'ouverture  du  livre  on  foit 
en  état  de  chanter  toute  forte  de  Mufique.  (  Voyez  Note  , 
Solfier.  ) 

Une  troifïeme  partie  des  fonctions  du  Maître  à  Chanter 
regarde  la  connoifTance  de  la  Langue  ,  fur-tout  des  Accens, 
de  la  quantité  6c  de  la  meilleure  manière  de  prononcer  ; 
parce  que  les  défauts  de  la  prononciation  font  beaucoup  plus 
fenT  les  dans  le  Chant  que  dans  la  parole,  &  qu'une  Vo- 
cale bien  faite  ne  doit  être  qu'une  manière  plus  énergique  6c 
plus  agréable  de  marquer  la  Profodie  6c  les  Accens.  (  Voyez 
Accent.) 


jSt  MAI 

MAITRE  DE  CHAPELLE.  (  Voyez  Maître  de  Mu- 
sique. ) 

MAITRE  DE  MUSIQUE.  Muficien  gagé  pour  compofer 
de  la  Mufique  ôc  la  faire  exécuter.  C'eft  le  Maître  de  Mu- 
fique  qui  bat  la  Mefure  &  dirige  les  Muficiens.  Il  doit  favoir 
la  compofition,  quoiqu'il  ne  compofe  pas  toujours  la  Mufique 
qu'il  fait  exécuter.  A  l'Opéra  de  Pans  ,  par  exemple  ,  l'em- 
ploi de  battre  la  Mefure  eft  un  office  particulier  ;  au  lieu  que 
la  Mufîque  des  Opéra  eft  compofce  par  quiconque  en  a  le 
talent  &  la  volonté.  En  Italie ,  celui  qui  a  compofé  un  Opéra 
en  dirige  toujours  l'exécution  ,  non  en  battant  la  Mefure  , 
mais  au  Clavecin.  Ainfi  l'emploi  de  Maître  de  Mufique  n'a 
gueres  lieu  que  dans  les  Eglifes  ;  aufïi  ne  dit-on  point  en  Ita- 
lie ,  Maître  de  Mufique  ,  mais  Maître  de  Ch.ipelle  :  déno- 
mination qui  commence  à  parler  auffi  en  France. 

MARCHE ,  f.  f.  Air  militaire  qui  fe  joue  par  des  Inftru- 
mens  de  guerre  &  marque  le  Mètre  &  la  cadence  des  Tam- 
bours ,  laquelle  eft  proprement  la   Marche. 

Chardin  dit  qu'en  Perfe,  quand  on  veut  abattre  des  mai- 
fons ,  applanir  un  terrein  ,  ou  faire  quelqu'aurre  ouvrage  expé- 
ditif  qui  demande  une  multitude  de  bras  ,  on  afTemble  les 
habitans  de  tout  un  quartier;  qu'ils  travaillent  au  fon  des  Inf- 
trumens  ,  &  qu'ainfi  l'ouvrage  fe  fait  avec  beaucoup  plus  de 
zelc  &  de  promptitude  que  fi  les  Inftnimcns  n'y  croient  pas. 

Le  Maréchal  de  Saxe  a  montré  ,  dans  fes  Rêveries-  ,  que 
l'dk-t  des  Tambours  ne  fe  bornoit  pas  non  plus  a  un  vain 
bruit  fans  utilité  ,  mais  que ,  fclon  que  le  mouvement  en  étoit 
plus  vif  ou  plus  lent ,  ils  portoient  naturellement  le  foklat  à 


M    A    R  383 

prefTer  ou  ralentir  fon  pas  :  on  peur  dire  aufTi  que  les  Airs 
des  Marches  doivent  avoir  différens  caractères ,  félon  les  occa- 
fions  où  on  les  emploie;  &  c'eft  ce  qu'on  a  dû  fentir  jiifqu'a 
certain  point ,  quand  on  les  a  diflingués  &  diverfifiés  ;  l'un 
pour  la  Générale  ,  l'autre  pour  la  Marche  ,  l'autre  pour  la 
Charge ,  &c.  Mais  il  s'en  faut  bien  qu'on  ait  mis  à  profit  ce 
principe  autant  qu'il  auroit  pu  l'être.  On  s'eft  borné  jufqu'ici 
à  compofer  des  Airs  qui  fi  fient  bien  fentir  le  Mètre  6c  h 
batterie  des  Tambours.  Encore  fort  fouvent  les  Airs  des  Mar- 
ches rempliffent-ils  a  fiez  mal  cet  objet.  Les  troupes  Françoifes 
ayant  peu  d'Inftrumens  militaires  pour  l'Infanterie ,  hors  les 
Fifres  &  les  Tambours  ,  ont  auffi  fort  peu  de  Marches ,  6c 
la  plupart  très-mal  faites  ;  mais  il  y  en  a  d'admirables  dans 
les  troupes  Allemandes. 

Pour  exemple  de  l'accord  de  l'Air  &  de  la  Marche ,  Je 
donnerai  (  PL  C.  Fig.  3.  )  la  première  partie  de  celle  des 
Moufquetaires  du  Roi  de  France. 

Il  n'y  a  dans  les  troupes  que  l'Infanterie  &  la  Cavalerie 
légère  qui  aient  des  Marches.  Les  Timbales  de  la  Cavalerie 
n'ont  point  de  Marche  réglée  ;  les  Trompettes  n'ont  qu'un 
Ton  prefque  uniforme,  6c  des  Fanfares.  (Voyez  Fanfarl.) 

MARCHER,  v.  n.  Ce  terme  s'emploie  figurcment  en  Mu- 
fîque  ,  &  fe  dit  de  la  fuccefllon  des  Sons  ou  des  Accords 
qui  fe  fuivent  dans  certain  ordre.  La  BaJJe  &  le  DeJJ'us  Mar- 
chent par  mouvemens  contraires.  Marche  de  BaU'e.  Marcher  à 
contre-tems. 

MARTELLEMENT  ,  /  m.  Sorte  d'agrément  du  Çhanc 
François.  Lorfque  defeendant  diatoniquement  d'une  Note  fut 


334  MAX 

une  autre  par  un  Trill ,  on  appuie  avec  force  le  Son  de  la 
première  Noce  fur  la  féconde  ,  tombant  enfuite  fur  cette 
féconde  Note  par  un  feul  coup  de  gofier  ;  on  appelle  cela 
faire  un  Martdkment.  (Voyez  PL  B.  Fig.  13.  ) 

MAXIME ,  adj.  On  appelle  Intervalle  Maxime  celui  qui 
eft  plus  grand  que  le  Majeur  de  la  même  efpece  &  qui  ne 
peut  fe  noter  :  car  s'il  pouvoir,  fe  noter  ,  il  ne  s'appellerait 
„pas  Maxime  ,  mais  fuperflu. 

Le  femi-Ton  Maxime  fait  la  différence  du  femi-Ton  mi- 
neur au  Ton  majeur,  &  fon  rapport  eft  de  25  à  27.  Il  y  auroit 
entre  Vut  Dièfe  &  le  re  un  femi-Ton  de  cette  efpece ,  fi  tous 
les  femi-Tons  n'étoient  pas  rendus  égaux  ou  fuppofés  tels 
par  le  Tempérament. 

Le  Dièfe  Maxime  cft  la  différence  du  Ton  mineur  au 
femi-Ton  Maxime  ,  en  rapport  de  243  à  250. 

Enfin  le  Comma  Maxime  ou  Comma  de  Pythagftre ,  eft 
la  quantité  dont  différent  entr'eux  les  deux-  termes  les  plus 
voifins  d'une  progreflion  par  Quintes,  &  d'une  progrefTion 
par  Oiflaves;  c'cft-à-dhe  ,  l'excès  de  la  douzième  Quinte  fi 
Dièfe  fur  la  fiptieme  Octave  ut  ;  ck  cet  excès ,  dans  le  rap- 
port de  5241X8  à  531441  ,  eft  la  différence  que  le  Tempé- 
rament fait  évanouir. 

MAXIME ,  /.'  f.  C'eft  une  Note  faite  en  quarré-long  ho*i- 
.fontal  avec  une  queue  au  côté  droit  ,  de  cette  manière  I — |  , 
laquelle  vaut  huit  Mcfurcs  à  deux  Tems  ;  c'eft-à-dire  ,  deux 
longues  ,  &  quelquefois  trois,  félon  le  Mode.  (Vojrea  Modk.) 
Cette  forte  de  Note  n'eft  plu»;  d'ufagc  depuis  qu'on  fépare  les 
Mefures  par  des  barres  ,  &  qu'on  marque  avec  âcs  liaifons 

les 


MED  its 

les  tenues  ou  continuités  des  Sons.  (  Voyez  Barres  ,  Me- 
sure. ) 

MEDIANTE,  /  /.  C'eft  la  corde  ou  la  Noce  qui  partage 
en  deux  Tierces  l'Intervalle  de  Quinze  qui  fe  trouve  entre  la 
Tonique  &  la  Dominante.  L'une  de  ces  Tierces  eft  majeure, 
l'autre  mineure  ,  &  c'efr.  leur  pofition  relative  qui  détermine 
le  Mode.  Quand  la  Tierce  majeure  eft  au  grave;  c'eft-à-dire, 
entre  la  Médiante  6c  la  Tonique,  le  Mode  eft  majeur;  quand 
la  Tierce  majeure  eft  à  l'aigu  &  la  mineure  au  grave  ,  le 
Mode  eft  mineur.  (Voyez  Mode,  Tonique  ,  Dominante.  ) 

MÉDIATION,/:/.  Partage  de  chaque  verfetd'un  Pfeaume 
en  deux  parties  ,  l'une  pfalmodiée  ou  chantée  par  un  côte 
du  Chœur,  6c  l'autre  par  l'autre  ,  dans  les  Eglifes  Catholiques. 

MEDIUM  ,  /  m.  Lieu  de  la  Voix  également  diftant  de 
fes  deux  extrémités  au  grave  &  à  l'aigu.  Le  haut  eft  plus 
éclatant  ;  mais  ii  eft  prefque  toujours  forcé  :  le  bus  eft  grave 
&  majeftueux  ;  mais  il  eft  plus  fourd.  Un  beau  Médium  , 
auquel  on  fuppofe  une  certaine  latitude  donne  les  Sons  les 
mieux  nourris,  les  plus  mélodieux,  &  remplit  le  plus  agréa- 
blement l'oreille.  (Voyez  Son. ) 

M  i'XANGE  ,  /  m.  Une  des  Parties  de  l'ancienne  Mélo- 
pée ,  appellée  Agogé  par  les  Grecs,  laquelle  confifte  à  favoir 
entrelacer  6c  mêler  à  propos  les  Modes  6c  les  Genres.  (Voyez 

•  ■■  ) 

.LODÏE9f.  /.  Succefïion  de  Sons  tellement  ordonnés 
Jèlon  les  loix  du  Rhythme  &  de  la  Modulation  ,  qu'elle 
forme  un  fens  agréable  a  l'oreille  ;  la  Mélodie  vocale  s'ap- 
pelle Chant  ;  6c  Finftrumentale  ,  Symphonie. 

D'ici,  de  Aliijlquc.  C  c c 


i%6  m  e  r, 

L'idée  du  Rhythme  entre  néceflairement  d'ans  celle  de  \û 
'Mélodie  •'  un  Chant  n'eit  un  Chant  qu'autant  qu'il  eft,  me- 
furé  ;  la  même  fucceffion  de  Sons  peut  recevoir  autant  de 
caractères ,  autant  de  Mélodie  différentes  ,  qu'on  peut  la 
{bander  différemment  ;  &  le  feul  changement  de  valeur  des 
Notes  peut  défigurer  cette  même  fuccefFon  au  point  de  la 
rendre  méeonnoiffable.  Ainfi.  la  Mélodie  n'eft  rien  par  elle- 
même;  c'efr.  la  Médire  qui  la  détermine ,  ce  il  n'y  a  point  de 
Chant  fans  le  Tems.  On  ne  doit  donc  pas  comparer  la 
Mélodie  avec  l'Harmonie ,  abibradion  faite  de  la  Mefure  dans 
toutes  les  deux  :  car  elle  eft  effentielle  à  l'une  &  non  pas  à 
l'autre. 

La  Mélodie  fe  rapporte  à  deux  principes  différens ,  félon  la 
manière  dont  on  la  confukre.  Frife  par  les  rapports  des  Sons 
&   par  les  règles  du  Mode  ,  elle  a  fen  principe  dans  l'Har- 
monie ;  puifque  c'eiè  une  analyfe  harmonique  qui  donne  les 
Degrés  de  la  Gamme,  le3  cordes  du  Mode  ,  &  les  loix  de 
la  Modulation  ,  uniques  élémens  du  Chant.    Selon   ce  prin- 
cipe ,.  toute  la  force  de  la  Mélodie  fe  borne  à  flatter  l'oreille 
par  des  Sons  agréables ,  comme  on  peut   flatter  la  vue  par 
d'agréables  accords  de  couleur  :  mais  prife  pour  un  art  d'imi- 
tation par  lequel  on  pe.it  affeder  Pefprjt  de  divertis  images» 
émouvoir  le  cœur  de  divers  fentimens  ,  exciter  &  calmer  les 
pallions  ,  opérer,  en  un  mot,  des  effets  moraux  qui  paU 
L'empire  immédiat  des  fens  ,   il  lui   faut   chercher  un   autre 
principe  :   car  on  ne  voit  aucune   prife   par  laqucll 
Harmonie  ,  &  tout  ce  qui  vient  d'elle  ,  puûTc  nous  a 
aiiu'i,. 


M     E     L  3S; 

t^uel  eft  ce  fécond  principe  ?  Il  eit  dans  la  Nature  ainiî 
que  le  premier  ;  mais  pour  IV  découvrir  il  faut  imc  obfer- 
varion  plus  fine  ,  quoique  plus  fîmple  ,  &  plus  de  fenfibilité 
dans  l'obfervateur.  Ce  principe  elt  le  même  qui  fait  varier 
le  Ton  de  la  Voix,  quand  on  parle,  félon  les  chofts  qu'on 
die  &  les  mouvemens  qu'on  éprouve  en  les  difanr.  C'ell  l'Ac- 
cent des  Langues  qui  détermine  la  Mélodie  de  chaque  Na- 
tion ;  c'eft  l'Accent  qui  fait  qu'on  parle  en  chantant ,  &  qu'on 
parle  avec  plus  ou  moins  d'énergie ,  félon  que  la  Langue  a 
plus  ou  moins  d'Accent.  Celle  dont  l'Accent  eir  plus  mar- 
qué doi:  donner  une  Mélodie  plus  vive  &  plus  paffionnée  ; 
celle  qui  n'a  que  peu  ou  point  d'Accent  ne  peut  avoir  qu'une 
Mélodie  Ianguiffanre  &  froide  ,  fans  caractère  &  fans  expre£ 
fion.  Voilà  les  vrais  principes  ;  tant  qu'on  en  fortira  6c  qu'on 
voudra  parler  du  pouvoir  de  la  Mufique  fur  le  cœur  humain , 
on  parlera  fans  s'entendre  ;  on  ne  faura  ce  qu'on  dira. 

Si  la  Mufique  ne  peint  que  par  la  Mélodie  ,  6c  tire  d\!!c 
toute  fa  force  ,  il  s'enfuit  que  toute  Mufique  qui  ne  chante 
pas ,  quelque  harmonieuiê  qu'elle  puiffe  être ,  n'eit  point  une 
Mufique  imitative,  6c ,  ne  pouvant  ni  toucher  ni  peindre  avec 
fes  beaux  Accords  ,  lafTe  bientôt  les  oreilles  ,  &  lailTe  tou- 
jours le  cœur  froid.  Il  fuit  encore  que,  malgré  la  diverfité 
des  Parties  que  l'Harmonie  a  introduites ,  &  dont  On  abufe 
tant  aujourd'hui ,  fi-tôt  que  deux  Mélodies  fe  font  entendre 
h  la  fois,  elles  s'effacent  Tune  l'autre  6c  demeurent  de  nul  effet, 
quelque  belles  qu'elles  puiflènt  erre  chacune  féparément  :  d'où 
l'on  peut  juger  avec  quel  goût  les  Compofiteurs  François 
ont  introduit  à  leur  Opéra  l'ufage  de  faire  fervir  un  Air  d'Ac- 

Ccc  \ 


j8*  M     E    L 

compagnement  à  un  Chœur  ou  à  un  autre  Air  ;  ce  qui  efr, 
comme  fi  on  s'avifoit  de  récirer  deux  difcours  à  la  fois  , 
pour  donner  plus  de  force  à  leur  éloquence.  (  Voyez  Unit^ 

DE    MELODIE.) 

MÉLODIEUX  ,  adj.  Qui  donne  de  la  Mélodie.  Mélo- 
dieux ,  dans  Tufage  ,  fe  dit  des  Sons  agréables ,  des  Voix 
fonores  ,  des  Chants  doux  &  gracieux ,  &c, 

MELOPEE  ,  /  f.  C'étoit ,  dans  l'ancienne  Mufique ,  ru- 
fage  régulier  de  toutes  les  Parties  harmoniques;  c'eft-à-dire , 
l'Art  ou  les  règles  de  la  compoficion  du  Chant ,  desquelles 
la  pratique  &  l'effet  s'appelloit  Mélodie. 

Les  Anciens  avoient  diverfes  règles  pour  la  manière  de 
conduire  le  Chant  par  Degrés  conjoints ,  disjoints  ou  mêlés , 
en  montant  ou  en  defeendant.  On  en  trouve  plufîeurs  dans 
Arifloxène ,  lefquelles  dépendent  toutes  de  ce  principe  ;  que  , 
dans  tout  fyftême  harmonique  ,  le  troifieme  ou  le  qua- 
trième Son  après  le  fondamental  en  doit  toujours  frapper  la 
Quarte  ou  la  Quir.re  ,  félon  que  les  Tétracordes  font  con- 
joints ou  disjoints  ;  différence  qui  rend  un  Mode  authentique 
ou  plagal  ,  au  gré  du  Compofiteur.  C'elt  le  recueil  de  toutes 
ces  règles  qui  s'appelle  Alélopée. 

La  Mélopée  eiè  compofée  de  trois  Parties  ;  favoir  ,  la 
Prifi  ,  Ljepfis ,  qui  enfeigne  au  Muficien  en  quel  lieu  de  la 
Voix  il  doit  établir  fon  Diapafon  ;  le  Mélange  ,  Mixis ,  fé- 
lon lequel  il  entrelace  ou  me  le  à  propos  les  Genres  & 
Modes;  £:  VUfage  ,  Chrefès  ,  qui  fe  fiibdivifc  en  t: 
rres  Parties.  La  première  ,  appellée  Euthia,  guide  la  marche 
du  Chant,  laquelle  e!l  ,  o  e  du  gi  .ou 


M    E    L  3S5 

renverfée  de  l'aigu  au  grave  ;  ou  mixte  ;  c'eft-à-dire  ,  com- 
pofée  de  l'une  &.  de  l'autre.  La  deuxième,  appellée  Agogê y 
marche  akernativement  par  Degrés  disjoints  en  montant  , 
&  conjoints  en  defeendant ,  ou  au  contraire.  La  troifieme  , 
appellce  Petteïa ,  par  laquelle  il  difeerne  &  choifit  les  Sons 
qu'il  fuit  rejetrer  ,  ceux  qu'il  faut  admettre  ,  &  ceux  qu'il  fauE 
employer  le  plus  fréquemment. 

Ariftide  Quinrilien  divife  toute  la  Mélopée  en  trois  efpeccs 

qui  fe  rapportent  a  autant  de  Modes  ,  en  prenant  ce  demie? 

nom  dans  un  nouveau  fens.    La  première  efpece  étoit  VHj  - 

patoïde  ,  appellée  ainii  de  la  corde  Hypate  ,  la  principale  ou 

la  plus    baffe,  parce  que  le  Chant  régnant  feulement  fur  les 

Sons  graves  ne   s'éloignoit  pas  de  cette  corde ,  &:  ce  Chant 

étoit  approprié  au  Mode  tragique.  La  féconde  efpece  étoit  h 

Méfoide  ,  de  Alèfi  ,  la  corde  du  milieu  ,  parce  que  le  Chant 

régnoit  fur  les  Sons  moyens ,  &  celle-ci  repondoit  au  Mode 

Nomique  ,  confacré  à  Apollon.  La  troifieme  s'appelloit  AV- 

tdïdc ,  de  Netc  ,   la  dernière  corde   ou   la  plus  haute  ;    fon 

Chant  ne  s'étendoit  que  fur  les  Sons  aigus  &  conitituoit  le 

Mode  Dithyrambique  ou  Bachique.    Ces  Modes  en  avoient 

d'autres  qui  leur  étoient  fubordonnés  &  varioient  L 

tels  que  l'Erotique  ou  amoureux ,   le  Comique  ,  l'Encômia- 

que  dcltiné  aux  louanges. 

Tous  ces  Modes  étant  propres  à  exciter  ou  calmer  certai- 
nes panions,  inHuoient  beaucoup  fur  les  mœurs;  &  par  rap- 
port 1  cette  influence  ,   la  .  .  fc  part.igcoi:  encore 
trois  Genres;  favoir.   j".  Le              '<?«*  1  ou  celui  qui  infpiroit 
les  pallSoiis   tendres    &   atîl^ueufes  ,    les  palliorû;   triites    .. 


?9«  M    E    N 

capables  de  reiïerrer  le  cœur  ,  fuivant  le  fens  du  mot  Grec*. 
2°.  Le  Diaflaltique  ,  ou  celui  qui  étoit  propre  à  l'épanouir  y 
en  excitant  la  joie ,  le  courage  ,  la  magnanimité  ,  les  grands 
fentimens  :  30.  UEuchaflique  qui  tenoit  le  milieu  entre  les 
deux  autres  ,  qui  ramenoit  l'ame  à  un  état  tranquille.  La 
première  efpece  de  Mélopée  convenoit  aux  Poéfies  amou- 
reufts ,  aux  plaintes  ,  aux  regrets  &  autres  exprefîions  fem- 
fcî.iblc'.  La  féconde  étoit  propre  aux  Tragédies  ,  aux  Chants 
de  guerre  ,  aux  fujets  héroïques.  La  troifieme  aux  Hymnes , 
aux  louanges ,  aux  initruLtàons. 

MELOS  ,  f.  m.  Douceur  du  Chant.  Il  eft  difficile  de  dif- 
tinguer  dans  les  Auteurs  Grecs  le  fens  du  mot  Mélos  du  fen» 
du  mot  Mélodie.  Platon ,  dans  fon  Protagoras ,  met  le  Mélos 
dans  le  fimple  difcours ,  &  femble  entendre  par-là  le  Chant 
de  la  parole.  Le  Mélos  paroît  être  ce  par  quoi  la  Mélodie  eft 
agréable.  Ce  mot  vient  de  pu  M,  miel. 

MENUET  ,  f.  m.  Air  d'une  Danfe  de  même  nom,  que 
l'Abbé  BroïTard  dit  nous  venir  du  Poitou.  Selon  lui  cecte 
Danfe  e(L  fort  gaie  &  fon  mouvement  eft  fort  vite.  Mais  au 
contraire  le  caractère  du  Menuet  eft  une  élégante  &  noble 
fiiTipHcicc  ;  le  mouvement  en  eft  plus  modéré  que  vire,  &  l'on 
peut  dire  que  le  moins  gai  de  tous  les  Genres  de  Danfls 
ufites  dans  nos  bals  eft  le  Menuet.  C'efè  autre  chofe  fur  le 
Théâtre. 

La  Mefure  du  Menuet  eft  à  trois  Tcms  légers  qu'on  mar- 
que par  le  3  fimple ,  ou  par  le  \  ,  ou  par  le  i.  Le  nombre 
des  Mefures  de  l'Air  dans  chacune  de  fes  reprifes,  doit  ètTt 
quatre  ou  un  multiple  de  quatre  ;  parce  qu'il  en  fout   autant 


MES  m 

pour  achever  le  pas  du  Menuet  ;  &  le  foin  du  Muficien  doit 
être  de  faire  fentir  cette  divifion  par  des  chûtes  bien  mar- 
quées ,  pour  aider  l'oreille  du  Danfeur  &  le  maintenir  eu 
cadence. 

MESE  ,  /  J.  Nom  de  la  corde  la  plus  aiguv.'  du  fécond 
Tctracorde  des  Grecs.  (  Voyez  M^son.  ) 

Mèfe  fignifle  Moyenne,  &  ce  nom  fut  donné  à  cette  corde; 
non,  comme   die  l'Abbé   Brolîard ,  parce  qu'e  I   com- 

mune ou  mitoyenne  encre  les  deux  Octaves  de  l'ancien  fyf- 
teme  ;  car  elle  portoit  ce  nom  bien  avant  que  le  fyiiéme  eue 
acquis  cette  étendue  :  mais  parce  qu'elle  formoit  précifement 
le  milieu  entre  les  deux  premiers  Tétracordes  dont  lc  ; ,  lléme 
avoir  d'abord  été  compofé. 

MESOiDE ,  /  f.  Sorte  de  Mélopée  dont  les  ('liants  rcu- 
loicnt  fur  des  cordes  moyennes,  lefquelles  s'appellolent  aulîl 
Méfoides  de  la  Mèfe  ou  du  Tctracorde  Méfon. 

MEbOIDES.  Sons  moyens  ,  ou  pris  dans  ie  Médium   . 
f/ftéme.  (  Voyez  Mélopi-'k.  ) 

MESON.  Nom  donné  par  les  Grecs  à  leur  fécond  T. 
corde  ,  en  commençant  à  compter  du  grave  ;   &  c"dt  ;.uiîx 
le  nom  par  lequel  on  diftingue  chacune  de  Ces  quatre  cordes , 
de  celles  qui  leur  correfpondent  dans  les  autres  T<  les. 

Ainlï,  dans  celui  dont  je  parle,   la  première  corde  s'ap, 
Mypate- Méfon  ;  la  féconde  ,  Parhypate-Mejbn  ;   la  tr 
Z-.c  m  ou  AlJfon-Diatonos  ;  &c  la  quatrième  t 

(  Voyez  Sys?  I  mb.  ) 

fon  eft   le   génitif  pluriel  de  moyennt  ,    p 

que  le  Tétiv.cordc  Méfon  occupe  le  milieu  entre  le  premier 


'391  MES 

&  le  troifîeme  ,  ou  plutôt  parce  que  la  corde  AVfs  donne 
fon  nom  à  ce  Tétracorde  dont  elle  forme  l'extrémité  aiguë. 
(Voyez  PI.  H.  Fig.  12.  ) 

MESOPYCNI ,  adj.  Les  Anciens  appelloient  ainfi  ,  dans 
les  Genres  épais  ,  le  fécond  Son  de  chaque  Tétracorde.  Ainfi 
les  Sons  Aîéfopycni  étoient  cinq  en  nombre.   (Voyez  Son, 

SVSTÈ.ME  ,    TÉTRACORDE.  ) 

MESURE  ,  /  f.  Divilion  de  la  durée  ou  du  tems  eh  plu- 
fieurs  parties  égales ,  allez  longues  pour  que  l'oreille  en  puiîfe 
faifîr  &  fubdivifer  la  quantité  ,  &.  allez  courtes  peur  que  l'idée 
de  l'une  ne  s'efface  pas  avant  le  retour  de  l'autre ,  &  qu'on 
en  fente  l'égalité. 

Chacune  de  ces  parties  égales  s'appelle  auffi  Mefurc  ; 
elles  fe  fubdivifent  en  d'autres  aliquotes  qu'on  appelle  Tems, 
&  qui  fe  marquent  par  des  mouvemens  égaux  de  la  main 
ou  du  pied.  (Voyez  Battre  la  Mesure.  )  La  durée  ég.:le 
de  chaque  Tems  ou  de  chaque  Msfure  eft  remplie  par 
plufïeurs  Notes  qui  palfent  plus  ou  moins  vite  en  propor- 
tion de  leur  nombre ,  &  auxquelles  on  donne  diverfes  figu- 
res poir  marquer  leurs  différentes  durées.  (  Voyez  Valeur 
dis  Notes.  ) 

Plufkurs .  confidérant  le  progrès  de  notre  Mufîque,  pen- 
Çca:  que  la  Mefure  eft  de   nouvelle   invention  ,  parce  qu'un 

is   elle  a  été  négligée.  Mais  au  contraire,  non-feulement 

les   Anciens  prariquoient  la   MsJUn  \  ils    lui  avoient  nu' me 

des  règles  crès-féveres   ce  fbndé<  ;cs 

la  nôtre  n'a  plus.  En  effet,  r    fins  Al.  cft 

:  ,  &  le  fentimenc  Je  i  a'écaat  pas  mo;r.<: 

naturel 


MES  393 

naturel  que  celui  de  l'Inronation ,  l'invention  de  ces  deux 
chofes  n'a  pu  fe  faire  féparément. 

La  Mefure  des  Grecs  tenoic  à  leur  Langue;  c'étoit  la  Poé- 
fie  qui  l'avoit  donnée  à  la  Mufique;  les  Mefures  de  l'une  ré- 
pondoienc  aux  pieds  de  l'autre  :  on  n'auroit  pas  pu  mefurer 
de  la  profe  en  Mufique.  Chez  nous,  c'eft,  le  contraire  :  le  peu 
de  profodie  de  ncs  Langues  fait  que  dans  nos  Chants  la  va- 
leur des  Notes  détermine  la  quantité  des  fyllabes  ;  c'eft  fur 
la  Mélodie  qu'on  eît  forcé  de  feander  le  difeours  ;  on  n'ap- 
perçoit  pas  même  fi  ce  qu'on  chante  eft  vers  ou  profe  :  nos 
Poéfies  n'ayant  plus  de  pieds  ,  nos  Vocales  n'ont  plus  de 
Mefures\  le  Chant  guide  &  la  parole  obéir. 

La  Mefure  tomba  dans  l'oubli ,  quoique  l'Intonation  fût 
toujours  cultivée  ,  lorfqu'après  les  victoires  des  Barbares 
les  Langues  changèrent  de  caractère  &  perdirent  leur  Har- 
monie. Il  n'eft  pas  étonnant  que  le  Mètre  ,  qui  fervoit  à 
exprimer  la  Mefure  de  la  Poéfie  ,  fût  négligé  dans  des  tems 
où  on  ne  la  fentoit  plus,  &  où  l'on  chantoit  moins  de  vers 
que  de  profe.  Les  Peuples  ne  connoifïbient  gueres  alors 
d'autre  amufement  que  les  cérémonies  de  l'Eglife  ,  ni  d'au- 
tre Mufique  que  celle  de  l'Office,  &  comme  cette  Mufi- 
que n'exigeoit  pas  la  régularité  du  Rhythme ,  cette  partie 
fut  enfin  tout-à-fait  oubliée.  Gui  nota  fa  Mufique  avec  des 
points  qui  n'exprimoient  pas  des  quantités  différentes  ,  & 
l'invention  des  Notes  fut  certainement  poftérieure  à  cet 
Auteur. 

On  attribue  communément  cette  invention  des  diverfes 
valeurs  des  Notes  à  Jean  de  Mûris,  vers  l'an  1330.  Mais  le 
Dia.  de  Mupque.  Ddd 


î9+  MES 

P.  Merfenne  le  nie  avec  raifon,  &  il  faut  n'avoir  jamais  lu  les 
écrits  de  ce  Chanoine  pour  foutenir  une  opinion  qu'ils  dé- 
mentent fi  clairement.  Non-feulement  il  compare  les  valeurs 
que  les  Notes  avoient  avant  lui  à  celles  qu'on  leur  donnoic 
de  fon  tems  ,  &  dont  il  ne  fe  donne  point  pour  l'Auteur  ; 
mais  même  il  parle  de  la  Mefure,  &  dit  que  les  Modernes; 
c'ef t- a-dire ,  {ts  contemporains,  la  ralentirent  beaucoup,  & 
modérai  mine  morofà  multitm  utunîur  menfuni  :  ce  qui  fup- 
pofe  évidemment  que  la  Mefure  ,  &  par  conféquent  les  va- 
leurs des  Notes  ,  étoient  connues  &  ufitées  avant  lui.  Ceux 
qui  voudront  rechercher  plus  en  détail  l'état  où  étoit  cette 
partie  de  la  Mufique  du  tems  de  cet  Auteur ,  pourront  con- 
fulter  fon  Traité  manuferit,  intitulé  :  Spéculum  Muficx,  qui 
eft  à  la  Bibliothèque  du  Roi  de  France  ,  numéro  7*07  ,  page 
280,  &  fuivantes. 

Les  premiers  qui  donnèrent  aux  Notes  quelques  règles 
de  quantité  ,  s'attachèrent  plus  aux  valeurs  ou  durées  re- 
latives de  ces  Notes  qu'à  la  Mefure  même  ou  au  caractère 
du  Mouvement;  de  forte  qu'avant  la  diftinction  des  diffé- 
rentes Mefures ,  il  y  avoit  des  Notes  au  moins  de  cinq  va- 
leurs différentes;  favoir ,  la  Maxime,  la  Longue,  la  Brève* 
la  femi- Brève  &  la  Minime ,  que  Ton  peut  voir  à  leurs 
mots.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'eft  qu'on  trouve  toutes  ces 
différentes  valeurs,  &  même  davantage,  dans  les  manuf- 
crits  de  Machault,  fans  y  trouver  jamais  aucun  Ggne  de 
Mefure. 

Dans  la  fuite  les  rapports  en  valeur  d'une  de  ces  Notes  à 
l'autre  dépendirent  du  Tems,  de  la  Prolation,  du  Mode.  Par 


MES  395 

le  Mode  on  déterminoit  le  rapport  de  la  Maxime  à  la  Longue , 
ou  de  la  Longue  à  la  Brève;  par  le  Tems  ,  celui  de  la  Lon- 
gue a  la  Brève  ,  ou  de  la  Brève  à  la  femi-Breve  ;  &  par  la 
Prolation,  celui  de  la  Brève  à  la  femi-Breve,  ou  de  la  femi- 
Breve  à  la  Minime.  (  Voyez  Mode  ,  Prolation  ,  Tems.  ) 
En  général ,  toutes  ces  différentes  modifications  fe  peuvent 
rapporter  à  la  Mefure  double  ou  à  la  Mefure  triple  ;  c'elt- 
à-dire ,  à  la  divifion  de  chaque  valeur  entière  en  deux  ou  en 
trois  Tems  égaux. 

Cette  manière  d'exprimer  le  Tems  ou  la  Mefure  des  Notes 
changea  entièrement  durant  le  cours  du  dernier  fiecle.  D^.s 
qu'on  eut  pris  l'habitude  de  renfermer  chaque  Mefure  entre 
deux  barres  ,  il  falut  néceîfairement  proferire  routes  les 
efpeces  de  Notes  qui  renfermoient  plufieurs  Mefure  s.  La 
Mefure  en  devint  plus  claire ,  les  Partitions  mieux  ordon- 
nées, &  l'exécution  plus  facile;  ce  qui  étoit  fort  néceffaire 
pour  compenfer  les  difficultés  que  la  Mufique  acquéroit  en 
devenant  chaque  jour  plus  compofée.  J'ai  vu  d'excellens 
Muficiens  fort  embarraffés  d'exécuter  bien  en  Mefure  des 
Trio  d'Orlande  &  de  Claudin ,  Compofiteurs  du  tems  de 
Henri  III. 

Jufques-la  la  raifon  triple  avoit  paffé  pour  la  plus  parfaire  : 
mais  la  double  prit  enfin  l'afcendant ,  6c  le  C  ,  ou  la  Mefure 
à  quatre  Tems ,  fut  prifè  pour  la  bafe  de  toutes  les  autres. 
Or  ,  la  Mefure  à  quatre  Tems  fe  réfout  toujours  en  Mefure 
à  deux  Tems  ;  ainfi  c'elt.  proprement  à  la  Mefure  double 
qu'on  fait  rapporter  toutes  les  autres  ,  du  moins  quant  aux 
valeurs  des  Notes    &  aux  lignes  des  Mefure  s. 

Ddd  i 


39*  MES 

Au  lieu  donc  des  Maximes  ,  Longues ,  Brèves  ,  femi- 
Breves ,  &c.  on  fubftitua  les  Rondes  ,  Blanches  ,  Noires , 
Croches ,  doubles  &  triples  -  Croches ,  &c.  qui  toutes  fu- 
rent prifes  en  divifion  fous-double.  De  forte  que  chaque 
efpece  de  Note  valoit  précifément  la  moitié  de  la  pré- 
cédente. Divifion  manifeltement  infufîifante  ;  puifqu'ayanc 
confervé  la  Akfure  triple  auiïi-bien  que  la  double  ou  qua- 
druple ,  6c  chaque  Tems  pouvant  être  divifé  comme  cha- 
que Mefiire  en  raifon  fous-double  ou  fous-triple,  à  la  vo- 
lonté du  Compofiteur  ,  il  faloit  afîigner  ,  ou  plutôt  con- 
ferver  aux  Notes  des  diviiions  répondantes  à  ces  deux 
raifons. 

Les  Muficiens  fentirent  bientôt  le  défaut  ;  mais  au  lieu 
d'établir  une  nouvelle  divifion  ,  ils  tâchèrent  de  fupplcer  à 
cela  par  quelque  figne  étranger  :  ainfi  ne  pouvant  divilér 
une  Blanche  en  trois  parties  égales,  ils  fe  font  contentés 
d'écrire  trois  Noires ,  ajoutant  le  chiffre  3  fur  celle  du  mi- 
lieu. Ce  chiffre  même  leur  a  enfin  paru  trop  incommode, 
&  pour  tendre  des  pièges  plus  fûrs  à  ceux  qui  ont  a  lire  kur 
Mufique ,  ils  prennent  le  parti  de  fupprimer  le  3  ou  même 
le  6  ;  en  forte  que  ,  pour  favoir  fi  la  divifion  elt  double  ou 
triple ,  on  n'a  d'autre  parti  à  prendre  que  celui  de  compter 
les  Notes  ou  de  deviner. 

Quoiqu'il  n'y  ait  dans  notre  Mufique  que  deux  fortes  de 
Mefurest  on  y  a  fait  tant  de  diviiions,  qu'on  en  peut  comp- 
ter au  moins  de  feize  efpcces ,  dont  voici  les  lignes  : 


MES  397 

,  nnrS      2      6     6      rt     ,      ?      3      9      ?      9      3      /-     ii      ii     ii 
1  uu<~    4-   .}•   8*   iô-  '"    i  '  4'  4'   8*   8  *   K>  4"      8  *  i<S* 

(Voyez  les   exemples.  Plancha  B.  F/g'.   i. 

Du  toutes  ces  Mefures^  il  y  en  a  trois  qu'on  appelle  (im- 
pies ,  parce  qu'elles  n'ont  qu'un  fini  chiffre  ou  ligne  ;  fa- 
voir ,  le  i  ou  Ç ,  le  3 ,  &  le  C  ou  quatre  Tems.  Toutes  lus 
autres  qu'on  appelle  doubles,  tirent  leur  dénomination  &  leurs 
figues  de  cette  dernière  ou  de  la  Note  ronde  qui  la  remplit; 
en  voici  la  règle  : 

Le  chiffre  inférieur  marque  un  nombre  de  Notes  de  va- 
leur égale ,  f "aifant  enfemble  la  durée  d'une  Ronde  ou  d'une 
Mefure  à  quatre  Tems. 

Le  chiffre  fupérieur  montre  combien  il  faut  de  ces  mê- 
mes Notes  pour  remplir  chaque  AUfurc  de  l'Air  qu'on  va 
noter. 

Par  cette  règle  on  voit  qu'il  faut  trois  Blanches  pour  rem- 
plir une  Mifure  au  fîgne  \\  deux  Noires  pour  celle  au  figne |; 
trois  Croches  pour  celle  au  fîgne  j,  &c.  tout  cet  embarras 
de  chiffres  eft  mal  entendu;  car  pourquoi  ce  rapport  de  tant 
de  différentes  Mefures  à  celle  de  quatre  Tems,  qui  kur  eff. 
fi  peu  femblable  ?  ou  pourquoi  ce  rapport  de  tant  de  diverfes 
Notes  à  une  Ronde  ,  dont  la  durée  eft  fi  peu  déterminée  ? 
Si  tous  ces  fignes  font  inftitués  pour  marquer  autant  de  dif- 
férentes fortes  de  Mzfurts ,  il  y  en  a  beaucoup  trop;  &  s'ils 
le  font  pour  exprimer  les  divers  degrés  de  Mouvement,  il 
n'y  en  a  pas  afTez;  puifque,  indépendamment  de  l'efpece  de 
Alcfurc  &  de  la  divilion  des  Tems ,  on  eft  prefque  toujours 


398  MES 

contraint  d'ajouter  un  mot  au  commencement  de   l'Air  pour 
déterminer  le  Tems. 

Il  n'y  a  réellement  que  deux  fortes  de  Mefures  dans  notre 
Mufique;  (avoir,  à  deux  &  trois  Tems  égaux.  Mais  comme 
chaque  Tems ,  ainfi  que  chaque  Mefure ,  peut  fe  divifer  en 
deux  ou  en  trois  parties  égales ,  cela  fait  une  fubdivifion  qui 
donne  quatre  efpeces  de  Mefures  en  tout  ;  nous  n'en  avons 
pas  davantage. 

On  pourroit  cependant  en  ajouter  une  cinquième ,  en  com- 
binant les  deux  prenveres  en  une  Mefure  a  deux  Tems  iné- 
gaux, l'un  compofé  de  deux  Notes  &  l'autre  de  trois.  On 
peut  trouver ,  dans  cette  Mefure ,  des  Chants  très-bien  ca- 
dencés, qu'il  feroit  impolfible  de  noter  par  les  Mefures  ufî- 
tées.  J'en  donne  un  exemple  dans  la  Planche  B.  Fig.  X.  Le 
Sieur  Adolphati  fit  à  Gènes,  en  1750,  un  effai  de  cette 
Mefure  en  grand  Orcheftre  dans  l'Air  fe  la  forte  mi  con- 
dinna  de  fon  Opéra  d'Ariane.  Ce  morceau  fit  de  l'effet  & 
fut  applaudi.  Malgré  cela ,  je  n'apprends  pas  que  cet  exem- 
ple ait  été    fuivL 

MESURE,  part.  Ce  mot  répond  à  l'Italien  à  Tempo 
ou  à  Batuta,  &  s'emploie,  forçant  d'un  Récitatif,  pour 
marquer  le  lieu  où  l'on  doit  commencer  à  chanter  en 
Mefure. 

METRIQUE ,  adj.  La  Mufique  Métrique  ,  félon  Ariilidc 
Quinrilien  ,  e(t  la  partie  de  la  Mufique  en  général  qui  a 
pour  objet  les  Lettres ,  les  Syllabes  ,  les  Pieds  ,  les  Vers  , 
&  le  Poème  ;  &  il  y  a  cette  différence  entre  la  Métrique 
&i   la   Rhythmiquc,  que  la  première   ne   s'occupe  que   de    la 


M    E    Z  î99 

forme  des  Vers  ;  &  la  féconde  ,  de  celle  des  Pieds  qui  les 
compofuit  :  ce  qui  peut  même  s'appliquer  à  la  Profe.  D'où 
il  fuit  que  les  Langues  modernes  peuvent  encore  avoir  une 
Mufique  Métrique ,  puifqu'elles  ont  une  Poe  fie  ;  mais  non 
pas  une  Mufique  Rhythmique ,  puifque  leur  Pocfie  n'a  plus 
de  Pieds.  (Voyez  Rhythme.) 

MEZZA-VOCE.  (  Voyez  Sotto-Voce.) 

IYIEZZO-FORTE.  (Voyez  Sotto-Voce.) 

MI.  La  troifieme  des  fix  fyllabes  inventées  par  Gui  Aré- 
tin,  pour  nommer  ou  follier  les  Notes,  lorfqu'on  ne  joint 
pas  la  parole  au  Chant.  (Voyez  E  Si  Mi,  Gamme.) 

MINEUR  ,  adj.  Nom  que  portent  certains  Intervalles, 
quand  ils  font  aufli  petits  qu'ils  peuvent  l'être  fans  devenir 
faux.  (Voyez  Majeur,  Intervalle. ) 

Mineur  fe  dit  aufli  du  Mode ,  lorfque  la  Tierce  de  la  To- 
nique eft  Mineurs.  (Voyez   Mode.) 

MINIME,  adj.  On  appelle  Intervalle  Minime  ou  Moin- 
dre ,  celui  qui  eft  plus  petit  que  le  Mineur  de  même  efpe- 
ce,  &  qui  ne  peut  fe  noter;  car  s'il  pouvoit  fe  noter,  il  ne 
s'appelleroit  pas  Minime ,  mais  Diminue'. 

Le  femi-Ton  Minime  eft  la  différence  du  femi-Ton  Ma- 
xime au  femi-Ton  moyen,  dans  le  rapport  de  125  à  118. 
(  Voyez  Semi-Ton.  ) 

Minime,  fubfl.  fem.  par  rapport  a  la  durée  ou  au  Tems, 
eft  dans  nos  anciennes  Mufiques  la  Note  qu'aujourd'hui 
nous  appelions  Blanche.  (  Voyez  Valeur  des  Notes.) 

MIXLS  ,  f.  f.   Mélange.    Une  des    Parties   de   l'ancienne 

Mélopée  ,  par  laquelle  le  Compofiteur  apprend  à  bien  com- 


4co  M    I    X 

biner  les  Intervalles  &  à  bien  diflribuer  les  Genres  &  les 
Modes  félon  le  caractère  du  Chant  qu'il  s'elt  propofé  de  faire. 
(  Voyez  Mflopée.  ) 

MIXO-LYDIEN ,  adj.  Nom  d'un  des  Modes  de  l'an- 
cienne Mufique  appelle  autrement  Hypcr-Dorkn.  (  Voyez 
ce  mot.)  Le  Mode  Mixo-Lydien  croit  le  plus  aigu  des  fept 
auxquels  Ptolomce  avoit  réduit  tous  ceux  de  la  Mufique 
des  Grecs.  (  Voyez  Mode.  ) 

Ce  Mode  eft  affectueux,  paflionné,  convenable  aux  grands 
mouvemens,  ce  par  cela  même  à  la  Tragédie.  Ariftoxène 
affure  que  Sapho  en  fut  l'inventrice;  mais  Plutarque  dit  que 
d'anciennes  Tables  attribuent  cette  invention  à  Pytoclide  :  il 
dit  auffi  que  les  Argiens  mirent  à  l'amende  le  premier  qui  s'en 
étoit  fervi  ,  &  qui  avoit  introduit  dans  la  Mufique  l'ufage  de 
fept  cordes;  c'ef  t-à-dire ,  une  Tonique  fur  la  feptieme  corde. 

MIXTE,  adj.  On  appelle  Modes  Mixtes  ou  Connexes 
dans  le  Plain-Chant,  les  Chants  dont  l'étendue  excède  leur 
Octave  &  entre  d'un  Mode  dans  l'autre,  participant  ainfi  de 
l'Authente  &  du  Plagal.  Ce  méhnge  ne  fe  fait  que  des  Mo- 
des compairs ,  comme  du  premier  Ton  avec  le  fécond  ,  du 
troifieme  avec  le  quatrième;  en  un  mot,  du  Plagal  avec  l'on 
Authente ,  &  réciproquement. 

MOBILE  ,  adj.  On  appelloit  Cord  Vfobiks  ou  Son* 
Aiobiles  dans  la  Mufique  Grecque  les  deux  cordes  moyen- 
nes de  chaque  Tétracorde,  parce  qu'elles  s'accoidoient  dit* 
fércmmer.t  félon  les  Genres,  à  la  d  e  des  deux  cordes 

extrêmes,  qui,  ne  variant  jamais ,  s'appelaient  cordes  fiables. 
(Voyez  Ilikacorde,  Clniih,  Son. ) 

MODE , 


IM    O    D  %o» 

1 

MODE, y:  m.  Difpofition  régulière  du  Chant  &  de  l'Ac- 
compagnement ,  relativement  à  certains  Sons  principaux  fur 
lefqucls  une  Pièce  de  Mufiqne  efè  constituée  ,  6c  qui  s'ap- 
pellent les  cordes  enenticiles  du  Mode. 

Le  Mode  diffère  du  Ton  ,  en  ce  que  celui  -  ci  n'indique 
que  la  corde  oj  le  lieu  du  fydême  qui  doit  fervir  de  bafe 
au  Chant,  6c  le  Mode  détermine  la  Tierce  &  modifie  toute 
l'Echelle  fur  ce   Son  fondamental. 

Nos  Modes  ne  font  fondes  fur  aucun  caractère  de  fenti- 
ment  comme  ceux  des  Anciens ,  mais  uniquement  fur  notre 
fyltême  Harmonique.  Les  cordes  effentielles  au  Mode  font 
au  nombre  de  trois,  &  forment  enfemble  un  Accord  parfait. 
i°.  La  Tonique,  qui  elt  la  corde  fondamentale  du  Ton  & 
du  Mode.  (Voyez  Ton  &  Toniqce.)  i°.  La  Dominante  à 
la  Quinte  de  la  Tonique.  (Voyez  Dominante.)  30.  Enfin  la 
Médiante  qui  conftitue  proprement  le  Mode  ,  &  qui  eit  à 
la  Tierce  de  cette  même  Tonique.  (Voyez  Médiante.) 
Comme  cette  Tierce  peut  être  de  deux  efpeces,  il  y  a  aufli 
deux  Modes  diiférens.  Quand  la  Médiante  fait  Tierce  ma- 
jeure avec  la  Tonique,  le  Mode  elt  majeur;  il  elt  mineur, 
quand  la  Tierce  elt  mineure. 

Le  Mode  majeur  eft  engendré  immédiatement  par  la  ré- 
fonnance  du  corps  fonore  qui  rend  la  Tierce  majeure  du  Son 
fondamental  :  mais  le  Mode  mineur  n'eit  point  donné  par 
la  Nature  ;  il  ne  fe  trouve  que  par  analogie  6c  renverfemenr. 
Cela  elt  vrai  dans  le  fyflême  de  M.  Tartini,  ainli  que  dans 
celui  de  M.  Rameau. 

Ce  dernier  Auteur  dans  fes  divers  ouvrages  fucccfTïfs  a  ex- 
Diïï.  de  Mufique,  Lee 


4oz  M    O    D 

pliquc  cette  origine  du  Mode  mineur  de  différentes  maniè- 
res, dont  aucune  n'a  contente  fon  Interprète  M.  d'Altmberr. 
C'eit  pourquoi  M.  d'Alembert  fonde  cette  même  origine  fur 
un  autre  principe  que  je  ne  puis  mieux  expofer  qu'en  tranf- 
crivant  les  propres  termes  de  ce  grand  Géomètre. 

"  Dans  le  Chant  ut  mi  fol  qui  conftitue  le  Mode  majeur^ 
«  les  Sons  mi  &  fol  font  tels  que  le  Son  principal  ut  les  fait 
«  réformer  tous  deux;  mais  le  fécond  Son  mi  ne  fait  point 
u  réfonner  fol  qui   n'efr.  que  fa  Tierce  mineure. 

»  Or  ,  imaginons  qu'au  lieu  de  ce  Son  mi  on  place  entre 
»»  les  Sons  ut  &  fol  un  autre  Son  qui  ait,  ainfi  que  le  Son 
>j  ut,  la  propriété  de  faire  réfonner  fol,  &  qui  foit  pour- 
i>  tant  différent  d'/;f  ;  ce  Son  qu'on  cherche  doit  être  tel 
*>  qu'il  ait  pour  Dix-feptieme  majeure  le  Son  fol  ou  l'une 
d  des  Octaves  de  fol:  par  conféquent  le  Son  cherché  doit 
r>  être  à  la  Dix-feptieme  majeure  au-deflbus  de  fol ,  ou  , 
»  ce  qui  revient  au  même,  a  la  Tierce  majeure  au-deîïbus 
«  de  ce  même  Son  fol.  Or,  le  Son  mi  étant  à  la  Tierce 
»  mineure  au-deffous  de  fol,  &  la  Tierce  majeure  étant 
»  d'un  femi-Ton  plus  grande  que  la  Tierce  mineure,  il 
»  s'enfuit  que  le  Son  qu'on  cherche  fera  d'un  femi-Ton  plus 
s»  bas  que  le  mi ,  &  fera  par  conféquent  mi  Bémol. 

«  Ce  nouvel  arrangement ,  ut ,  mi  Bémol ,  fol,  dans  le- 
«  quel  les  Sons  ut  &  mi  Bémol  font  l'un  &  l'autre  réfon- 
»j  ner  fol,  fans  que  ut  faffe  réfonner  mi  Bémol,  n'eft  p. 
>»  à  la  vérité  ,  au  (fi  parfait  que  le  premier  arrangement  ut, 
m  mi  ,  fal;  parce  que  dans  celui-ci  les  deux  Sons  mi  &.  fol 
m  font  l'un  <Sc  l'autre  engendrés  par  le  Son  principal  ut ,  411 


M    O    D  4c3 

ïj  lieu  que  dans  l'autre  le  Son  mi  Bc'niol  n'elt  pas  engendré 
»  par  le  Son  ut  :  mais  cet  arrangement  ut,  mi  Bémol, /o/, 
m  elt  aufTi  dicté  par  la  Nature,  quoique  moins  immédiate- 
»  ment  que  le  premier;  &  en  effet  l'expérience  prouve  que 
d  l'oreille  s'en  accommode   à-peu-prcs  aurTi-bien. 

»  Dans  ce  Chant  ut,  mi  Bémol,  fol,  ut,  il  e(t  évident 
h  que  la  Tierce  d'ut  à  mi  Bémol  elt  mineure  ;  &  telle  eft 
»»  l'origine  du  genre  ou  Mode  appelle  Mineur.»  Elément 
de  Mufique,pag.  zi. 

Le  Mode  une  fois  déterminé,  tous  les  Sons  de  la  Gamme 
prennent  un  nom  relatif  au  fondamental ,  &  propre  à  la 
place  qu'ils  occupent  dans  ce  Mode -là.  Voici  les  noms  de 
coûtes  les  Notes  relativement  à  leur  Mode  ,  en  prenant  l'Oc- 
tave d'ut  pour  exemple  du  Mode  majeur ,  &.  celle  de  h  pour 
exemple  du  Mode  mineur. 

Majeur.      Ut    Re    Mi     Fa     Sol     La    Si     Ut. 
Mineur.    La    Si     Ut      Re     Mi     Fa    Sol    La. 

S1         îf         g      g     §      ?     F     »    J?  ° 


=>         o         es;» 


1    r    s:  ■?.     s* 

o  «S03»0_33  P 


c   o  3  c  c  n  r» 

S!                   5  e  n  p       5  e  _  2, 

â                   p  ?  »  2.  " 

5  S  5  S  C» 

<î  »»  o 


Il  faut  remarquer  que  quand  la  feptieme  Note  n'efr  qu'a 
un  femi-Ton  de  l'Octave;  c'eft -à-dire ,  quand  elle  fait  la 
Tierce  majeure  de  la  Dominante,  comme  le//  naturel  en 
majeur,  ou  le  fol  Dicfe   en  mineur,    alors   cette   feptieme 

E ce  i 


Ao4  M    O    S 

Note  s'appelle  Note  fenfible ,  parce  qu'elle  annonce  la  Tom'i 
que  &  fait  fentir  le  Ton. 

Non-feulement  chaque  Degré  prend  le  nom  qui  lui  con- 
vient ,  mais  chaque  Intervalle  eft  déterminé  relativement  au 
Mode.  Voici  les  règles  établies  pour  cela- 

i°.  La  féconde  Note  doit  faire  fur  la  Tonique  une  Se~ 
conde  majeure ,  la  quatrième  &  la  Dominante  une  Quart» 
&  une  Quinte  juites  ;  &  cela  également  dans  les  deux 
Modes. 

2°.  Dans  le  Mode  majeur  ,  la  Médiante  ou  Tierce  ,  la 
Sixte  &  la  Septième  de  la  Tonique  doivent  toujours  être 
majeures  ;  c'eft,  le  caractère  du  Mode.  Par  la  même  raifon 
ces  trois  Intervalles  doivent  être  mineurs  dans  le  Mode  mi- 
neur ;  cependant  ,  comme  il  faut  qu'on  y  apperçoive  aufii 
la  Note  fenfible,  ce  qui  ne  peut  fe  faire  fans  fauffe  relation, 
candis  que  la  fixieme  Note  refte  mineure  ;  cela  caufe  des 
exceptions"  auxquelles  on  a  égard  dans  le  Cours  de  l'Har- 
monie &  du  Chant  :  mais  il  faut  toujours  que  la  Clef  avec 
fes  tranfpofitions  donne  tous  les  Intervalles  déterminés  par 
rapport  à  la  Tonique  félon  l'efpece  du  Mode  :  on  trouvera 
au  mot  Clef  une  règle  générale  pour  cela. 

Comme  toutes  les  cordes  naturelles  de  l'Octave  d'//r  don- 
nent relativement  h  cette  Tonique  tous  les  Intervalles  pref- 
crits  pour  le  Mode  majeur  ,  &  qu'il  en  eft  de  même  de 
l'Octave  de  la  pour  le  Mode  mineur  ,  l'exemple  précédent  ; 
que  je  n'ai  propofé  que  pour  les  noms  des  Notes,  doit  fn- 
vir  aufft  de  formule  pour  la  règle  des  Intervalles  daoa  chaque. 

Modd 


M    0    D  a'î 

Cette  regîe  n'elt  point  ,  comme  on  pourroit  le  croire  , 
établie  fur  des  Principes  purement  arbitraires  :  elle  a  fou 
fondement  dans  la  génération  harmonique  ,  au  moins  juf- 
qu'à  certain  point.  Si  vous  donnez  l'Accord  parfait  majeur 
à  la  Tonique  ,  à  la  Dominante  ,  ex  à  la  fous-Dominante  , 
vous  aurez  tous  les  Sons  de  l'Echelle  Diatonique  pour  le 
Mode  majeur  :  pour  avoir  celle  du  Mode  mineur  ,  taillant 
toujours  la  Tierce  majeure  à  la  Dominante  ,  donnez  la 
Tierce  mineure  aux  deux  autres  Accords.  Telle  eii  l'ana- 
logie du  Mode. 

Comme  ce  mélange  d'Accords  majeurs  &  mineurs  intro- 
duit en  Mode  mineur  une  faufle  relation  entre  la  fixieme 
Note  &  ta  Note  fenfible  ,  on  donne  quelquefois  ,  pour  évi- 
ter cette  faufie  relation  ,  ta  Tierce  majeure  à  ta  quatrième 
Note  en  montant  ,  ou  ta  Tierce  mineure  à  la  Dominante 
en  defeendant ,  fur-tout  par  renverfement  ;  mais  ce  font  alors 
des  exceptions. 

Il  n'y  a  proprement   que  deux  Modes  ,  comme  on  vient 
de  le  voir  :  mais  comme  il  y  a  douze   Sons  fondamentaux 
qui  donnent  autant  de   Tons  dans  le  fyflême  ,  &  que  cha- 
cun de  ces  Tons  eft  fufceptible  du  Mode  majeur  &  du  Modi 
mineur ,   on  peut  compofer  en   vingt-quatre  Modes  ou  ma- 
nières ;  Maneries ,  difoient  nos  vieux  Auteurs  en  leur  Latin. 
Il   y  en  a  même   trente-quatre  pofilbles  dans  ta  manière   de 
Noter  :  mais  dans  ta  pratique  on  en  éxclùd  dix ,  qui  ne  font 
au  fond  que  la  répétition  de   dix  autres  ,  fous  des   relations 
beaucoup  plus  difficiles  ,  où    toutes  les  cordes  changeroient 
de.  noms  ,  &  où  l'on   auroit  peine  à  fe  reconnoitre.   Tels 


4o6  M    O    D 

font  les  Modes  majeurs  fur  les  Notes  diefées  ,  &  les  Modes 
mineurs  fur  les  Bémols.  Ainfî  ,  au  lieu  de  compofer  en  fol 
Di^fe  Tierce  majeure  ,  vous  compoferez  en  la  Bémol  qui 
donne  les  mêmes  touches  ;  &  au  lieu  de  compofer  en  re 
Bémol  mineur ,  vous  prendrez  ut  Dièfe  par  la  même  raifon  ; 
favoir  ,  pour  éviter  d'un  côté  un  F  double  Dièfe  ,  qui  de- 
viendrait un  G  naturel  ;  &  de  l'autre ,  un  B  double  Bémol  , 
qui  deviendrait  un  A  naturel. 

On  ne  refte  pas  toujours  dans  le  Ton  ni  dans  le  Mode 
par  lequel  on  a  commencé  un  Air  ;  mais  ,  foit  pour  l'ex- 
preiïïon  ,  foit  pour  la  variété  ,  on  change  de  Ton  &  de 
Mois  ,  félon  l'analogie  harmonique  ;  revenant  pourtant  tou- 
jours à  celui  qu'on  a  fait  entendre  le  premier,  ce  qui  s'appelle 
Moduler, 

De-la  naît  une  nouvelle  diftinction  du  Mode  en  principal 
&  relatif  ;  le  principal  elt  celui  par  lequel  commence  & 
finit  la  Pièce  -t  les  relatifs  font  ceux  qu'on  entrelace  avec  le 
principal  dans  le  courant  de  la  Modulation.  (  Voyez  Mo- 
dulation.  ) 

Le  Sieur  Blainville  ,  favant  Muficien  de  Paris  ,  propofa 
en  1751  >  l'eflai  d'un  troificme  Mode  qu'il  appelle  Mode 
mixte  ,  parce  qu'il  participe  à  la  Modulation  des  deux  autres , 
ou  plutôt  qu'il  en  elt  compofé  ;  mélange  que  l'Auteur  ne 
regarde  point  comme  un  inconvénient  ,  mais  plutôt  comme 
un  avantage  &  une  fource  de  variété  &  de  liberté  dans  les 
('.liants  &l  dans  l'Harmonie, 

Ce  nouveau  Mode  n'étant  point  donné  par  l'jnalyfe  de 
trois  Accords  comme  les  deux  autres  ,  ne  fe   détermine   pas 


M    O    D  <o7 

comme  eux  par  des  Harmoniques  effentiels  au  Mode,  mais 
par  une  Gamme  entière  qui  lui  eit  propre  ,  tant  en  montant 
qu'en  descendant  ;  en  forte  que  dans  nos  ceux  Modes  la 
Gamme  eft  donnée  par  les  Accords ,  «Se  que  dans  le  Mode: 
mixte  les  Accords  font  donnes  par  la  Gamme. 

La  formule  de  cette  Gamme  eft  dans   la  fucctflion  amen- 
dante &  defeendante  des  Notes  fuivantes  : 

Mi    Fa    Sol    La    Si     Ut    Re    Mi  ; 

dont  la  différence  efTentielle  eft ,  quant  à  la  Mélodie  ,  dans 
la  pofition  des  deux  fcmi-Tons  ,  dont  le  premier  fe  trouve 
entre  la  Tonique  &  la  féconde  Note  ,  ck  l'autre  entre  la 
cinquième  &  la  fîxieme;  &  ,  quant  à  l'Harmonie,  en  ce  qu'il 
porte  fur  ù.  Tonique  la  Tierce  mineure,  en  commençant, 
&  majeure  en  ftnitfant  ,  comme  on  peut  le  voir  ,  (  PI.  L. 
Fig.  5.  )  dans  l'Accompagnement  de  cette  Gamme  ,  tant 
en  montant  qu'en  defeendant ,  tel  qu'il  a  été  donné  p>:r 
l' Auteur,  &  exécute  au  Concert  Spirituel  le  30  Mai  1751. 
On  objecte  au  Sieur  de  Blainville  que  foft  Mode  n'a  ni 
Accord  ,  ni  corde  elTentielle  ,  ni  cadence  qui  lui  foit  pro- 
pre ,  ce  le  diftingue  fuffifamment  des  Modes  majeur  ou  mi- 
neur. Il  répond  à  cela  que  la  différence  de  fon  Alode  eft 
moins  dans  l'Harmonie  que  dans  la  Mélodie ,  &  moins 
dans  le  Mode  même  que  dans  la  Modulation;  qu'il  elt  dis- 
tingué dans  fon  commencement  du  Mode  majeur,  par  fa 
Tierce  mineure  ,  &  dans  fa  fin  du  Mode  mineur  par  fa 
Cadence  plagale.  A  quoi  l'on  réplique  qu'une  Modulation 
qui  u'eft  pas  exclusive  ne  fufEt  pas   pour  ûablir  un   Mode  -y 


408  M    O    D 

que  la  fienne  eft  inévitable  dans  les  deux  autres  Modes  ,  fur- 
tout  dans  le  mineur  ;&,  quant  à  fa  Cadence  plagale,  qu'elle 
a  lieu  néceffairement  dans  le  même  Mode  mineur  toutes  les 
fois  qu'on  paffede  l'Accord  de  la  Tonique  à  celui  de  la  Domi- 
nante ,  comme  cela  fe  pratiquoit  jadis  ,  même  fur  les  finales 
dans  les  Modes  plagaux  6c  dans  le  Ton  du  Quart.  D'où  l'on 
conclut  que  fon  Mode  mixte  eft  moins  une  efpece  parti- 
culière qu'une  dénomination  nouvelle  à  des  manières  d'en- 
trelacer 6c  combiner  les  Modes  majeur  6c  mineur ,  aufli 
anciennes  que  l'Harmonie,  pratiquées  de  tous  les  teins  : 
&  cela  paroît  fi  vrai ,  que  même  en  commençant  ù  Gam- 
me ,  l'Auteur  n'ofe  donner  ni  la  Quinte  ni  la  Sixte  à  fa 
Tonique  ,  de  peur  de  déterminer  une  Tonique  en  Mode 
mineur  par  la  première  ,  ou  une  Médiante  en  Mode  ma- 
jeur par  la  féconde.  Il  laiffe  l'équivoque  en  ne  rempliifant 
pas  fon  Accord. 

Mais  quelque  objection  qu'on  puifie  faire  contre  le  Mode 
mixte  dont  on  rejette  plutôt  le  nom  que  la  pratique,  cela 
n'empêchera  pas  que  la  manière  dont  l'Auteur  l'établit  &  le 
traite  ,  ne  le  faiTe  connoître  pour  un  homme  d'efprit  &  pour 
un  Muficicn  très-verfé  dans  les  principes  de  fon  Art. 

Les  Anciens  différent  prodigieufement  entr'eux  fur  les  dé- 
finitions ,  les  divifions ,  &  les  noms  de  leurs  Tons  ou 
Obfcurs  fur  toutes  les  parties  de  leur  Mufique  ,  ils  font 
prefquc  inintelligibles  fur  celle  -  ci.  Tous  conviennent  à  la 
Vérité  qu'un  Mode  eft.  un  certain  fy/téme  ou  une  confti- 
tution  de  Sons,  &  il  paroît  que  cette  constitution  n'uè 
autre    chofe   en    elle-même   qu'une    certaine    Oàave  remplie 

de 


M    O    D  4., 

<fc  tous  les  Sons  intermédiaires,  filon  le  Genre.  Euclide  & 
Ptolomée  femblent  la  faire  conliller  dans  les  diverfes  poli- 
rions   des    deux   femi-Tons  de    l'Octave  ,   relativement  à  la 
corde   principale   du  Mode  ,  Comme  on  le  voir   encore   au- 
jourd'hui dans  les  huit  Tons  du  Plain-Chanr  :  mais    le  plus 
grand   nombre    paroît    mettre  cette    différence    uniquement 
dans  le  lieu  qu'occupe  le  Di;ipafon  du  Mode  dans  le  fy dénie 
général  ;   c'elt-à-dire  ,  en   ce  que  la   Baie  ou  corde  princi- 
pale du  Mode   eft   plus  aigué  ou  plus  grave  ,  étant  priie  en 
divers  lieux  du  fyftême  ,   toutes  les  cordes  de  la  Série  gar- 
dant toujours  un  même  rapport  avec  la  fondamentale,  &  par 
conféquent  changeant  d'Accord  à   chaque    Mode   pour  con- 
ferver  l'analogie  de  ce  .rapport  :  telle  eit  la  différence  des  Tons 
-de  notre  Mufique. 

Selon  le  premier  fens ,  il  n'y  auroit  que  fept  Modes  pof- 
fiblcs  dans  le  fyitême  Diatonique;  Zl  en  effet ,  Ptoloniée 
n'en  admet  pas  davantage  :  car  il  n'y  a  que  fept  manières 
de  varier  la  polition  des  deux  femi  -  Tons  relativement  au 
Son  fondamental,  en  gardant  toujours  entre  ces  deux  femi- 
Tons  l'Intervalle  prefent.  Selon  le  fécond  fens ,  il  y  auroic 
autant  de  Modes  pojjibles  que  de  Sons  ;  c'elt-à-dire  ,  une 
infinité  ;  mais  (i  l'on  fe  renferme  de  même  dans  le  Alterne 
Diatonique ,  on  n'y  en  trouvera  non  plus  que  fept ,  à  moins 
qu'on  ne  veuille  prendre  pour  de  nouveaux  Aîodes  ceux  qu'on 
établirait  à  l'Q&ave  des  premiers. 

En  combinant  cnfcmble  ces  deux  manières  ,  on  n'a  encore 
befoin   que  de  fepi  -  ;   car  fi  l'on  prend  ces  Modes  en 

divers  lieux  du  Fyftême  ,  on  trouve  en  même  rems  les  Sons 
Vicl.  de  Mufique  Fff 


4i3  M    O    D 

fondamentaux  diftingués  du  grave  à  l'aigu ,  &  les  deux  femi- 
Tons  différemment  fitués  relativement  au  Son  principal. 

Mais  outre  ces  Modes  on  en  peut  former  plufieurs  autres  , 
en  prenant  dans  la  même  Série  &  fur  le  même  Son  fonda- 
mental différens  Sons  pour  les  cordes  elfentielles  du  Mode  : 
par   exemple  ,    quand   on  prend  pour  Dominante  la  Quinte 
du  Son  principal ,  le  Mode  elt  Authentique  :  il  eft  Plagal , 
fi  l'on  choifit  la  Quarte  ;  &  ce  font  proprement  deux  Modes 
différens  fur  la  même  fondamentale.  Or  ,  comme  pour  cenf- 
tituer  un   Mode  agréable  ,  il  faut  ,  difent  les  Grecs  ,  que  la 
Quarte    &   la  Quinte   foient  julr.es  ,   ou    du  moins  une   des 
deux  ,   il  eft,  évident  qu'on  n'a    dans  l'étendue  de   l'Octave 
que  cinq   Sons  fondamentaux  fur  chacun   defquels  on  puifle 
établir  un  Mode  Authentique    &  un  Plagal.   Outre   ces    dix 
Modes  on   en  trouve  encore    deux  ,    l'un   Authentique  ,  qui 
ne  peut  fournir  de  Plagal  ,  parce  que  fa   Quarte  fait  le  Tri- 
ton ;  l'autre  Plagal,  qui  ne  peut  fournir  d'Authentique,  parce 
que  Çà  Quinte  eft  fauffe.    C'eft  peut-être   ainfi  qu'il  faut  en- 
tendre un  paffage  de  Plutarque  où  la  Mufique  fe  plaint  que 
Phrynis  Ta  corrompne  en  voulant  tirer   de    cinq  cordes   ou 
plutôt  de  fept,  douze  Harmonies  différentes. 

Voilà  donc  douze  Modes  pofTiblts  dans  l'étendue  d'une 
Octave  ou  de  deux  Tétracordes  disjoints  :  que  fi  l'on  vient 
à  conjoindre  les  deux  Tétracordes  ;  c'efr-a-dire  ,  à  donner 
un  Bémol  à  la  Septième  en  retranchant  POÔave  ;  ou  fl  Ton 
divife  les  Tons  entiers  par  les  Intervalles  Chromatiques ,  pour 
y  introduire  de  nouveaux  Modes  intermédiaires;  ou  fi  ,  ayant 
feulement  égard  aux  différences  du  grave  à  l'aigu  ,  on  place 


M    O    D  4" 

d'autres  Modes  à  l'Q&ave  des  précédais;  tout  cela  fournira 
divers  moyens  de  multiplier  le  nombre  des  Modes  beaucoup 
au-delà  de  douze.  Et  ce  font-là  les  feules  manières  d'expli- 
quer les  divers  nombres  de  Modes  admis  ou  rejettes  par  les 
Anciens  en  divers  tems. 

L'ancienne  Mufique  ayant  d'abord  été  renfermée  dans  les 
bornes  étroites  du  Tétracorde  ,    du  Pentacorde  .,  de  l'Hexa- 
corde  ,  de  l'Eptacorde  &  de  l'Q&acorde,  on  n'y  admit  pre- 
mièrement que  trois  Modes  dont  les  fondamentales  étoient 
à  un  Ton  de   diftance  l'une   de    l'autre.    Le   plus  grave  des 
trois  s'appelloit  le  Dorien  ;  le  Phrygien  tenoit  le  milieu  ;  le 
plus  aigu  étoit  le  Lydien.  En  partageant  chacun  de  ces  Tons 
en  deux  Intervalles ,   on  fit  place  à  deux  autres  Modes  ,  l'Io- 
nien 6c  l'Eolien ,  dont  le   premier  fut  inféré  entre  le  Dorien 
6:  le  Phrygien ,  &  le  fécond  entre  le  Phrygien  6c  le  Lydien. 
Dans   la   fuite    le    fyftéme  s'étant  étendu   à   l'aigu  &  au 
grave  ,  les  Muficiens  établirent ,  de  part  &  d'autre  ,  de  nou- 
veaux Modes  qui  tiroient   leur  dénomination  des  cinq   pre- 
miers, en  y  joignant  la  prépoiltion   Hyper ,  fur  ,  pour  ceux 
d'en-haut,  &  la  prépolition  Hypo  ,fous,  pour  ceux  d'en-bas. 
Ainfi  le  Mode    Lydien   étoit   fuivi  de   l'Hyper-Dorien  ,  de 
l'Hyper-Ionien,  de  l'Hyper- Phrygien  ,  de  l'Hyper-Eolicn ,  & 
de   l'Hyper-Lydien  en  montant  ;  &c  après  le   Mode  Dorien 
venoient  l'IIypo-Lydien  ,    l'Hypo-Eolien  ,  l'IIypo-Phrygien , 
THypo-Ionien ,   &  l'Hypo-Dorien  en  defeendant.  On  trouve 
le  dénombrement  <k   ces   quinze  Modes  dans  Alypius  ,  Au- 
teur Grec.  N'oyez  (Pl.inche  E.  )  leur  ordre  &  leurs  Intervalles 
exprimes  par  les  noms  des  Notes  de  notre  Mufique.  Mais  il 

Fff  % 


4ti  M    O    Î5 

fuit  remarquer  que  PH/po-Dorien  étoit  le  feul  'Mode  qu'cr 
exécutoit  dans  toute  fon  étendue  :  à  mefure  que  les  autres 
s'clevoient ,  on  en  retranchoit  des  Sons  h  l'aigu  pour  ne  pas 
excéder  la  portée  de  la  Voix.  Cette  obfervation  fert  à  l'in- 
telligence de  quelques  partages  des  Anciens ,  par  lcfquels  ils 
femblent  dire  que  les  Modes  les  plus  graves  avoient  un  Chant 
plus  aigu;  ce  qui  étoit  vrai,  en  ce  que  ces  Chants  s'en- 
voient davantage  au-dertus  de  la  Tonique.  Pour  n'avoir  pas 
connu  cela ,  le  Doni  s'eft  furieufement  embarrarte  dans  ces 
apparentes  contradictions. . 

De  tous  ces  Modes ,  Platon  en  rejettoit  plufieurs  ,  comme 
Capables  d'altérer  les  mœurs.  Ariftoxène  ,    au  rapport  d'Eu-- 
clide  ,  en  admettoit  feulement   treize  ,    (opprimant   les  deux  . 
plus  élevés  ;  favoir ,   l'Hyper-Eolien  &  l'Hyper-Lydien.  Mais 
dans  l'ouvrage  qui  nous  refte  d'Ariltoxène  il  en  nomme  feule-- 
ment   fix ,  fur    lefquels    il  rapporte  Jes  divers    fentimens    qui 
régnoient  déjà  de  fon  tems.  . 

Enfin  Ptolomée  réduifoit  le  nombre  de  ces  .Modes  l\  fepr; 
difant  que  les  Modes  n'étoient  pas  introduits  dans  le  def- 
fein  de  varier  les  Citants  félon  le  grave  «5c  l'aigu  ;  car  il  eff. 
évident  qu'on  auroit  pu  les  multiplier  fort  au-delà  de  quinze  : 
mais  plutôt  afin  de  faciliter  le  partage  d'un  Mode  à  l'autre  • 
par  des  Intervalles  confonnans  &  faciles  à  entonner. 

Il  renfermoit  donc  tous  les  Modes  dans  l'efpuce  d'une 
O.Eive  dont  le  Mode  Dorien  faifoit  comme  le  centre  :  en 
forte  que  le  Mixo-Lydien  étoit  une  Quarte  au-dertus,  & 
riiypo-  Dorien  une  Quarte  au  -  défions  ;  le  Phrygien,  une 
Qui.ue  au-deflus  de  l'IIypo-Uoricn  ;  l'Hypo-Phry^ieiu    une 


M    O    D 


413 


(Ouarte  au-dcfTous  du  Phrygien;  &  le  Lydien,  une  Quinte 
au-delïus  de  l'Hypo- Phrygien  :  d'où  il  paroit,  qu'a  compter 
de  l'Hypo-Dorien ,  qui  cft  le  Mode  le  plus  bas ,  il  y  avoit  juf- 
qu'à  rHypo-Phrygien  l'Intervalle  d'un  To/;;de  l'Hypo-Phry- 
gien  à  l'Hypo-Lydien,  un  autre  Ton  ;  de  l'Hypc-Lydicn  au 
Doricn  ,  un  kmi-Ton  ;  de  celui-ci  au  Phrygien  ,  un  Ton  ; 
du  Phrygien  au  Lydien  encore  un  Ton  ;  &  du  Lydien  au 
Mixo-Lydien  un  kmï-Ton  :  ce  qui  fait  l'étendue  d'une  fep-- 
ticme  ,  en  cet  ordre  :  : 


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a. 
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3 


S 


o 


n 
3 


Ptolomée   retranchoit  tous  les    autres   Modes  ,  prétendant  ' 
qu'on   n'en   pouvoir    placer   un  plus  grand  nombre   dans  le 
fylléme  diatonique  d'une    Oirave  ,   toutes    les  cordes   qui  la 
compofoient  fe  trouvant  employées.  Ce  font  ces  fept  Modes 
de  Ptoloméc,  qui,  en  y  joignant  l'Hypo-mixo- Lydien,  ajouté,  1 
dit-on,  par  PArécin,  font  aujourd'hui  les  huit  Tons  du  Plain-- 
Chant.  (Voyez  Tons  de  l'Église. ). 


#4  M    O    D 

Telle  eft  la  notion  la  plus  claire  qu'on  peut  tirer  des  Tons 
ou  Modes  de  l'ancienne  Mufique ,  en  tant  qu'on  les  regardoit 
comme  ne  différant  entr'eux  que  du  grave  à  l'aigu  :  mais  ils 
avoient  encore  d'autres  différences  qui  les  caractérifoient  plus 
particulièrement,  quanta  l'expreflion.  Elles  fe  tiroientdu  genre 
de  Poéfie  qu'on  mettoit  en  Mufique,  de  l'efpece  d'Inftrument 
qui  devoit  l'accompagner,  du  Rhythme  ou  de  la  Cadence 
qu'on  y  obfervoit ,  de  l'ufage  où  étoient  certains  Chants 
parmi  certains  Peuples,  &  d'où  font  venus  originairement 
les  noms  des  principaux  Modes ,  le  Doricn  ,  le  Phrygien  ,  le 
Lydien ,  l'Ionien  ,   FEolien. 

11  y  avoir  encore  d'autres  fortes  de  Modes  qu'on  auroit 
pu  mieux  appeller  Styks  ou  genres  de  compofition  :  tels  étoient 
le  Mode  tragique  dettiné  pour  le  Théâtre,  le  A  Inde:  Nomi- 
que  confacré  à  Apollon  ,  le  Dithyrambique  à  Bacchus ,  &c. 
(  Voyez  Style  &  M^lopke.  ) 

Dans  nos  anciennes  Mufiques,  en  appelloit  aufTi  Modes, 
par  rapport  à  la  Mefure  ou  au  Tems,  certaines  manières  de 
fixer  la  valeur  relative  de  toutes  les  Notes  par  un  iigne 
lérah  k  {Iode  émit  à-peu-près  alors  ce  qu'eft  aujourd'hui 
la  Mefure;  il  fe  marquoit  de  même  après  la  Clef,  d'abord 
par  des  cercles  ou  demi-cercles  ponctués  ou  fans  points 
fuivis  des  chiffres  i  ou  3  différemment  combinés,  à  quoi  Ton 
ajouta  ou  fubititua  dans  la  fuite  des  lignes  perpendiculaires 
différentes  félon  le  Mode,  en  nombre  &  en  longueur;  cV 
p'ell  de  ce:  ant;  âge  que  nous  efi  relié  celui  du  C  & 
du  C  barré.  C  \  P 1  LOW.) 

Il  y  avoit  en  ce  fens  deux   '~o<rx^  de  Modes  :  le  majeur, 


M     OU  4i5 

qui   fe  rapportoic  à  la  Note   Maxime;   &  le   mineur,   qui 
croit   pour  la  Longue.  L'un  ik  l'autre    fe  divifoir  en  parfait 

&  imparfait. 

Le  Mode  majeur  parfait  fe  marquoit  avec  trois  lignes  ou 
bâtons  qui  rempliffoienr  chacun  trois  efpaces  de  la  Portée , 
&  trois  autres  qui  n'en  rcmplhîoient  que  deux.  Sous  ce 
Mode  la  Maxime  valoic  trois  Longues.  (  Voyez  PL  13. 
Fig.    r.) 

Le  Mode  majeur  imparfait  étoir  marqué  par  deux  lignes 
qui  traverfoient  chacune  trois  efpaces  ,  &  deux  autres  qui 
n'en  traverfoient  que  deux  ;  &  alors  la  Maxime  ne  valoit  que- 
deux  Longues.  (  Fig.  3.  ) 

Le  Mode  mineur  parfait  étoit  marqué  par  une  feule  ligne 
qni  traverfoit  trois  efpaces  ;  &  la  Longue  valoit  trois  Brèves. 
(  Fig.  4.  ) 

Le  Mode  mineur  imparfait  étoit  marqué  par  une  ligne  qui 
ne  traverfoit  que  deux  efpaces  ;  6c  ja  Longue  n'y  valoit  que 
deux  Brèves.  (  Fig.   5.  ) 

L'Abbé  Brofiard  a  mêlé  mal-à-piopos  les  Cercles  &  demi- 
Cercles  avec  les  figures  de  ces  Modes.  Ces  fignes  réunis 
n'avoient  jamais  lieu  dans  les  Alodes  fimples,  mais  feule- 
ment quand  les  Mefures  croient  doubles  ou  conjointes. 

Tout  cela  n'eft  plus  en  ufage  depuis  long-tems  ;  mais  il 
faur  nécefTairement  entendre  ces  fignes  pour  favoir  déchiffrer 
les  anciennes  Mufiques  ,  en  quoi  les  plus  favans  Muficiens 
font  fouvent  fort  embarraffés. 

MOUERE,  adv.  Ce  mot  indique  un  mouvement  moyen 
entre  le  lent  &  le  gai  ;  il  répond  à  l'Italien  Aidante.  (Yoy. 

An  DANTE.) 


4itf  TVI    O    D 

MODULATION  ,  f.f.  C'eft  proprement  la  manière  d'état 
blir  &  rraicer  le  Mode  ;  mais  ce  mot  fe  prend  plus  commu- 
nément aujourd'hui  pour  llart  de  conduire  l'Harmonie  &  le 
Chant  fucceffivement  dans  plufieurs  Modes  d'une  manière 
agréable   à  l'oreille  &  conforme  aux  règles. 

Si  le  Mode  elt  produit  par  l'Harmonie ,  c'eft  d'elle  aufli 
que  naiilent  les  loix  de  la  Modulation.  Ces  loix  font  /Im- 
pies à  concevoir,  mais  difficiles  à  bien  obferver.  Voici  ea 
quoi  elles  confident. 

Pour  bien  moduler  dans  un  même  Ton  ,  il  faut  i°.  en  par- 
courir tous  les  Sons  avec  un  beau  Chant,  en  rebattant  plus 
Couvent  les  cordes  efTentielles  &  s'y  appuyant  davantage  ; 
c'eit-à-dire  ,  que  l'Accord  fenfible  ,  &.  l'Accord  de  la  Toni- 
que doivent  s'y  remontrer  fréquemment,  mais  fous  diffé- 
rentes faces  &  par  différentes  routes  pour  prévenir  la  mono- 
tonie.. z°.  N'établir  de  Cadences  ou  de  repos  que  fur  ces 
deux  Accords,  eu .  tout  au  plus  fur  celui  de  la  fous-Do- 
jniuante.  30.  Enfin  n'altérer  jamais  aucun  des  Sons  du  Mo- 
.de;  car  on  ne  peut,  fans  le  quitter,  faire  entendre  un  Diéfe 
ou  un  Bémol  qui  ne  lui  appartienne  pas,  ou  en  retrancher 
quelqu'un  qui  lui  appartienne. 

M  lis  pour  pafler   d'un  Ton  à   un  autre,  il  faut   confulter 
nie,  avoir    égard  au   rapport   des  Toniques;    &.  à  la 
quantité  des  cordes  communes  aux  deux  Tons. 

Partons  d'abord  du  Mode  majeur.  Soit  que  Ton  confiderc 

la  Quinte  de   la    Tonique  ,   comme  ayanr   avec    elle   le   plus 

•iimple  de  tous  les  rapports  après  celui  île  l'Odave  ,  l'oit  quV  n 

h  eonûderc   comme  le  premier    des  Sons  qui   encrent  dans 

U 


M    O    D  4T7 

îa  réfonnancc  de  cette  même  Tonique  ,  on  Trouvera  tou- 
jours que  cette  Quinte  ,  qui  eft  la  Dominante  du  Ton,  eft 
la  corde  fur  laquelle  on  peut  établir  la  Modulation  la  plus 
analogue  a  celle  du  Ton  principal. 

Cette  Dominante,  qui  faifoit  partie  de  l'Accord  parfait  de 
cette  première  Tonique  ,  fait  aufïi  partie  du  fien  propre  ,  donc 
elle  eft  le  Son  fondamental.  Il  y  a  donc  liaifon  entre  ces 
deux  Accords.  De  plus  ,  cette  même  Dominante  portant  , 
ainfi  que  la  Tonique  ,  un  Accord  parfait  majeur  par  le  prin- 
cipe de  la  réfonnance,  ces  deux  Accords  ne  différent  en- 
rr'eux  que  par  la  Dilîbnance  ,  qui  de  la  Tonique  paffant  à  la 
Dominante  ,  eft  la  Sixte  ajoutée  ,  &  de  la  Dominante  re- 
paffant  à  la  Tonique ,  eft  la  Septième.  Or  ces  deux  Accords 
ainfi  diltingués  par  la  Dilîbnance  qui  convient  à  chacun , 
forment,  par  les  Sons  qui  les  compofent  rangés  en  ordre, 
précifémen*  l'Octave  ou  Echelle  Diatonique  que  nous  appel- 
Ions  Gamme  ,  laquelle  détermine  le  Ton. 

Cette  même  Gamme  de  la  Tonique  ,  forme  ,  altérée  feu- 
lement par  un  Dicfe ,  la  Gamme  du  Ton  de  la  Dominante; 
ce  qui  montre  la  grande  analogie  de  ces  deux  Tons  ,  6c 
donne  la  facilité  de  paûer  de  l'un  à  l'autre  au  moyen  d'une 
feule  altération.  Le  Ton  de  la  Dominante  elt  donc  le  pre- 
mier qui  fe  préfente  après  celui  de  la  Tonique  dans  l'ordre 
des  Modulations. 

La  même  (Implicite  de  rapport  que  nous  trouvons   entre 

une  Tonique    6c  ù   Dominante ,    fe    trouve    aufïi    entre   la 

même  Tonique  &  ù  fous-Dominanrc  ;  car  la  Quinte  que  la 

Dominante  fait  à  l'aigu  avec  cette  Tonique,   la  fous-Domi- 

Dici.  de  Mujîçue.  Ggg 


4iS  M    O    D 

liante  la  fait  au  grave  :  mais  cette  fous -Dominante  n'eft 
Quinte  de  la  Tonique  que  par  renverfement  ;  elle  eft  directe- 
ment Quarte  en  plaçant  cette  Tonique  au  grave  ,  comme  elle 
doit  être  ;  ce  qui  établit  la  gradation  des  rapports  :  car  en  ce 
ifcns  la  Quarte ,  dont  le  rapport  eft  de  3  à  4 ,  fuit  immédia- 
tement la  Quinte  ,  dont  le  rapport  eft  de  i  à  3.  Que  fi  cette 
fous  -  Dominante  n'entre  pas  de  même  dans  l'Accord  de  la 
Tonique  ,  en  revanche  la  Tonique  entre  dans  le  fien.  Car 
fait  ut  mi  fol  l'Accord  de  la  Tonique,  celui  de  la  fous-Do- 
minante fera  fa  la  ut  ;  ainfi  c'efè  Y  ut  qui  fait  ici  liaifon ,  & 
les  deux  autres  Sons  de  ce  nouvel  Accord  font  précifément 
les  deux  Dilfonances  des  précédens.  D'ailleurs ,  il  ne  faut  pas 
altérer  plus  de  Sons  pour  ce  nouveau  Ton  que  pour  celui  de 
la  Dominante  ;  ce  font  dans  l'une  &  dans  l'autre  toutes  les 
mêmes  cordes  du  Ton  principal ,  à  un  près.  Donnez  un  Bé- 
mol à  la  Note  fenfible  fi ,  &  toutes  les  Notes  du  Ton  d'uf 
ferviront  à  celui  de  fa.  Le  Ton  de  la  foas-Dominante  n'eft 
donc  gueres  moins  analogue  au  To:i  principal  que  celui  de 
la  Dominante. 

On  doit  remarquer  encore  qu'après  s'être  fervi  de  la  pre- 
mière Modulation  pour  pafTer  d'un  Ton  principal  ///  à  celui 
de  fa  Dominante  fol  ,  on  eft  obligé  d'employer  la  Seconde 
pour  revenir  au  Ton  principal  :  car  fi  fol  eft  Dominante  du 
Ton  dW ,  ut  eft  fous- Dominante  du  Ton  de  fol;  ainfi 
l'une  de  ces  Modulations  n'eft  pas  moins  néceilairc  que 
l'autre. 

Le  rroifîemc  Son  qui  entre  dans  l'Accord  de  la  Tonique 
eft  celui    de  fa    Tierce  OU   McJiante  ,   &    c'elt  aulli    le  plus 


M    O    D  419 

liniple  des  rapports  après  les  deux  précédens.  \  \  ± .  Voilà  donc 
une  nouvelle  Modulation  qui  fe  préfente  6c  d'aurant  plus  ana- 
logue que  deux  des  Sons  de  la  Tonique  principale  entrent 
auiïî  dans  l'Accord  mineur  de  fa  Médiante;  car  le  premier 
Accord  étant  ut  mi  fol,  celui-ci  fera  mi  fol  Ji ,  où  l'on  voit 
que  mi  6c  fol  font  communs. 

Mais  ce  qui  éloigne  un  peu  cette  Modulation ,  c'eit  la 
quantité  de  Sons  qu'il  y  faut  altérer,  même  pour  le  Mode 
mineur,  qui  convient  le  mieux  à  ce  mi.  J'ai  donné  ci-devant 
la  formule  de  l'Echelle  pour  les  deux  Modes  :  or  appliquant 
cette  formule  à  mi  Mode  mineur ,  on  n'y  trouve  à  la  vérité 
que  le  quatrième  Son  fa  altéré  par  un  Dièfe  en  defeendant  ; 
mais  en  montant ,  on  en  trouve  encore  deux  autres  ;  fa- 
voir  ,  la  principale  Tonique  ut,  6c  fa  féconde  Note  re  qui 
devient  ici  Note  fenfible  :  il  elt  certain  que  l'altération  de 
tant  de  Sons  ,  6c  fur-tout  de  la  Tonique ,  éloigne  le  Mode 
6c  affaiblit  l'analogie. 

Si  l'on  renverfe  la  Tierce  comme  on  a  renverfé  la  Quinte , 
6c  qu'on  prenne  cette  Tierce  au-deffous  de  la  Tonique  fur 
la  (ixieme  Note  la,  qu'on  devroit  appeller auffi  fous-Médiante 
ou  Médiante  en  delfous  ,  on  formera  fur  ce  la  une  Modu- 
lation plus  analogue  au  Ton  principal  que  n'étoit  celle  de 
mi  ;  car  l'Accord  parfait  de  cette  fous-Médiante  étant  la  ut 
mi  ,  on  y  retrouve  ,  comme  dans  celui  de  la  Médiante  ,  deux 
des  Sons  qui  entrent  dans  l'Accord  de  la  Tonique;  (avoir, 
ut  6c  mi;  6c  de  plus,  l'Echelle  de  ce  nouveau  Ton  étant 
compofee  ,  du  moins  en  defeendant ,  des  mêmes  Sons  que 
celle  du  Ton  principal ,    6c  n'ayant  que   deux  Sons    alun* 


410  M    O    D 

en  montant ,  c'ef  i-à-dire ,  un  de  moins  que  l'Echelle  de  Ta? 
Médiante,  il  s'enfuit  que  la  Modulation  de  la  fixicme  Note- 
cft  préférable  à  celle  de  cette  Médiante  ;  d'autant  plus  que 
la  Tonique  principale  y  fait  une  des  cordes  efTentielles  du, 
Mode  ;  ce  qui  eft  plus  propre  à  rapprocher  l'idée  de  la  A/o- 
dulation.  Le  mi  peut  venir  enfuite. 

Voilà  donc  quatre  cordes  mi  fa  fol  la  ,  fur  chacune  des- 
quelles  on    peut  moduler  en   forçant  du   Ton    majeur  d'ur- 
lieftent  le  re  &c  le  fi  ,  les  deux  Harmoniques  de  la  Domi— 
nante.   Ce  dernier,  comme   Note    fenfible,  ne  peut  devenir 
Tonique  par  aucune  bonne  Modulation ,  du  moins  immédia- 
tement :  ce  feroit  appliquer  brufquement  au  même  Son  des- 
idées trop  oppofées  &  lui  donner  une  Harmonie  trop  éloi- 
gnée de  la  principale.  Pour  la   féconde  Note  re  ,    on  peut 
encore  ,  à  la  faveur  d'une  marche  confonnante  de  la  Balle— 
fondamentale  ,  y  moduler  en  Tierce  mineure  ,  pourvu  qu'on 
n'y  refte  qu'un  inftant ,  afin   qu'on    n'ait   pas  le  rems  d'ou- 
blier la  Modulation  de  Vut  qui  lui-même  y  eft  altéré  ;  autre- 
ment il  faudroit  ,  au  lieu  de    revenir  immédiatement  en  ut  r 
palier  par  d'autres  Tons  intermédiaires ,  où  il  feroic  dange- 
reux de  s'égarer. 

En  fuivant  les  mêmes  analogies  ,  on  modulera  dans  l'or- 
dre fuivant  pour  fortir  d'un  Ton  mineur;  la  Médiante  pre- 
mièrement, enfuite  la  Dominante,  la  fous-Dominante  &  la 
fous-Médiante  ou  fixieme  Noce.  Le  Mode  de  chacun  de  ces- 
Tons  accefibires  eft  déterminé  par  fa  Médianes  ûrift  dans 
l'Echelle  du  Ton  principal.  Par  exemple,  fortant  d'un  l'on 
majeur  ut  pour  moduler  fur  la  Médiante  ,  on  fait  mineur  le- 


M    O    D  42  r 

Mode  de  ectre  Médiante,  parce  que  la  Dominante  fol  du 
Ton  principal  fait  Tierce  mineure  far  cette  Médiante  mi. 
Au  contraire ,  fortanc  d'un  Ton  mineur  /:: ,  on  module  fur 
fa  Médiante  ut  en  Mode  majeur  ,  parce  que  la  Dominante  mi 
du  Ton  d'où  Ton  fort  fait  Tierce  majeure  fur  la  Tonique 
de  celui  où  l'on  entre  ,  &c. 

Ces  règles,  renfermées  dans  une  formule  générale,  font, 
que  les  Modes  de  la  Dominante  &  de  la  fous -Dominante 
foient  femblables  à  celui  de  la  Tonique  ,  &  que  h  Médiante 
&  la  fixieme  Note  portent  le  Mode  oppefé.  Il  faut  remar- 
quer cependant  qu'en  vertu  du  droit  qu'on  a  de  parTer  du 
majeur  au  mineur  ,  &  réciproquement ,  dans  un  même  Ton , 
on  peut  aufli  changer  Tordre  du  Mode  d'un  Ton  a  l'autre  ; 
mais  en  s'éloignant  ainfi  de  la  .Modulation  naturelle  ,  il  faut 
fonger  au  retour  :  car  c'efr,  une  règle  générale  que  tout 
morceau  de  Mufique  doit  finir  dans  le  Ton  par  lequel  il  a 
commencé. 

J'ai  rafTemblé  dans  deux  exemples  fort  courts  tous  les 
Tons  dans  lefquels  on  peut  paffer  immédiatement  ;  le  pre- 
mier ,  en  fortant  du  Mode  majeur  ,  &  l'autre  ,  en  for- 
rant  du  Mode  mineur.  Chaque  Note  indique  une  Aiodula- 
tion  ,  &  la  valeur  des  Notes  dans  chaque  exemple  indique 
aufïi  la  durée  relative  convenable  a  chacun  de  ces  Modes 
félon  fon  rapport  avec  le  Ton  principal.  (  Voyez  PL  Bt 
tï?.  6  ce  7.) 

Ces  Modulations  immédiates  fcurniiTent  les  moyens  de 
paffer  par  les  mêmes  règles  dans  des  Tons  plus  éloignes  , 
&c  de  revenir  enfuite  au  l'on  principal  qu'il  ne    faut  jamais 


4«  M    O    D 

perdre  de  vue.  Mais  il  ne  fuffit  pas  de  connoîcre  les  routes 
qu'on  doit  fuivre  ;  il  faut  favoir  aufii  comment  y  entrer. 
Voici  le  fommaire  des  préceptes  qu'on  peut  donner  en 
cette  Partie. 

Dans  la  Mélodie  ,  il  ne  faut ,  pour  annoncer  la  Mo- 
dulation qu'on  a  choifie ,  que  faire  entendre  les  altéra- 
tions qu'elle  produit  dans  les  Sons  du  Ton  d'où  l'on 
fort  ,  pour  les  rendre  propres  au  Ton  où  l'on  entre.  Eit- 
on  en  ut  majeur  ,  il  ne  faut  que  fonner  un  fa  Dièfe  pour 
annoncer  le  Ton  de  la  Dominante  ,  ou  un  //  Bémol  pour 
annoncer  le  Ton  de  la  fous  -  Dominante.  Parcourez  en- 
fuite  les  cordes  effentielles  du  Ton  où  vous  entrez  ;  s'il  eft 
bien  choifi  votre  Modulation  fera  toujours  bonne  &c  régulière. 

Dans  l'Harmonie  ,  il  y  a  un  peu  plus  de  difficulté  :  car 
comme  il  faut  que  le  changement  de  Ton  fe  faffe  en  même 
tems  dans  toutes  les  Parties ,  on  doit  prendre  garde  à  l'Har- 
monie &  au  Chant ,  pour  éviter  de  fuivre  à  la  fois  deux 
différentes  Modulations.  Huyghens  a  fort  bien  remarqué  que 
la  profcription  des  deux  Quintes  confécutives  a  cette  règle 
pour  principe  :  en  effet ,  on  ne  peut  gueies  former  entre 
deux  Parties  plufieurs  Quintes  juftes  de  fuite  fans  moduler 
en  deux  Tons  différens. 

Pour  annoncer  un  Ton  ,  plufieurs  prétendent  qu'il  fuffit 
de  former  l'Accord  parfait  de  fa  Tonique,  &  cela  eft  indif- 
penfable  pour  donner  le  Mode  ;  mais  il  eft  certain  que  le 
Ton  ne  peut  être  bien  déterminé  que  par  l'Accord  fenfiblc 
ou  dominant  :  il  faut  donc  faire  entendre  cet  Accord  en 
commençant  la  nouvelle   Modulation,  La  bonne  règle  feroie 


M    O    D  413 

que  la  Septième  ou  DifTonance  mineure  y  fût  toujours  pré- 
parée ,  au  moins  la  première  fois  qu'on  la  fait  entendre  ; 
mais  cette  règle  n'eft  pas  praticable  dans  toutes  les  Modu- 
lations permifes,  &  pourvu  que  la  Balle-fondamentale  mar- 
che par  Intervalles  confonnans  ,  qu'on  obferve  la  liaifon  har- 
monique ,  l'analogie  du  Mode  ,  &  qu'on  évite  les  faufles 
Relations,  la  Modulation  eiï  toujours  bonne.  Les  Compo- 
fiteurs  donnent  pour  une  autre  règle  de  ne  changer  de  Ton 
qu'après  une  Cadence  parfaite  ;  mais  cette  règle  eft  inutile  , 
&  perfonne  ne  s'y  afllijettit. 

Toutes  les  manières  pofïïbles  de  parler  d'un  Ton  dans  un 
autre  fe  réduifent  à  cinq  pour  le  Mode  majeur ,  &  à  quatre 
pour  le  Mode  mineur  ;  lefquelles  on  trouvera  énoncées  par 
une  BarTe  -  fondamentale  pour  chaque  Modulation  dans  la 
Planche  B.  Figure  8.  S'il  y  a  quelqu'autre  Modulation  qui 
ne  revienne  à  aucune  de  ces  neuf,  à  moins  que  cette  Modu~ 
lation  ne  foit  Enharmonique,  elle  efè  mauvaife  infailliblement. 
(  Voyez  Enharmonique.  ) 

MODULER  ,  v.  n.  C'eft  compofer  ou  préluder  ,  foit  par 
écrit ,  foit  fur  un  Infiniment ,  foit  avec  la  Voix ,  en  fuivant 
les  règles  de  la  Modulation.  (Voyez  Modulation.) 

MŒURS  ,  f.  f.  Partie  confidérable  de  la  Mufique  des 
Grecs  appellée  par  eux  Hermofmenon  ,  laquelle  confiftoit  à 
connoître  &  choifîr  le  bienféant  en  chaque  Genre ,  &  ne 
leur  permettoit  pas  de  donner  à  chaque  fentiment ,  à  cha- 
que objet,  a  chaque  caractère  toutes  les  formes  dont  il  étoit 
fufceptible  ;  mais  les  obligeoit  de  fe  borner  à  ce  qui  étoic 
convenable  au  fujet ,  à  l'occafîoa  ,   aux  perfonnes  ,  aux  cir- 


4i*  MOI 

conftances.  Les  Mœurs  confiftoient  encore  a  tellement  ac- 
corder &  proportionner  dans  une  Pièce  toutes  les  Parties 
de  la  Mufique  ,  le  Mode  ,  le  Tems  ,  le  Rhythme ,  la  Mé- 
lodie ,  «5c  même  les  çhangemens  ,  qu'on  fentk  dans  le  tout 
une  certaine  conformité  qui  n'y  lailiat  point  de  difparate  , 
&  le  rendît  parfaitement  un.  Cette  feule  Partie ,  dont  l'idée 
n'eft  pas  même  connue  dans  notre  Mufique  ,  montre  à  quel 
point  de  perfection  devoit  erre  porté  un  Art  où  l'on  avoir, 
même  réduit  en  règles  ce  qui  eft  honnête  ,  convenable  & 
bienféanr. 

MOINDRE,  adj.  (Voyez  Minime.) 

MOL  ,  adj.  Epithete  que  donnent  Ariftox^ne  &  Prolomée 
à  une  efpece  du  Genre  Diatonique  &  a  une  cfpcce  du  Genre 
Chromatique  dont  j'ai  parlé  au  met  Genrk. 

Pour  la  Mufique  moderne,  le  mot  Mol  n'y  eft,  employé 
que  dans  la  compofition  du  mot  Bémol  ou  B.  mol ,  par 
oppofition  au  mot  Bcquarrc ,  qui  jadis  s'appelloit  auifi  B.  dur, 

Zarlin  cependant  appelle  Diatonique  Mol  une  efpece  du 
Genre  Diatonique  dont  j'ai  parlé  ci-devant.  (Voyez  Diato- 
nique. ) 

MONOCORDE  ,  f.  m.  Infiniment  ayant  une  feule  corde 
qu'on  divife  à  volonté  par  des  Chevalets  mobiles  ,  lequel 
fort  à  trouver  les  rapports  des  Intervalles  &  toutes  les  divi- 
fions  du  Canon  Harmonique.  Comme  la  Partie  des  Infiru- 
mens  n'entre  point  dans  mon  plan  ,  je  ne  parlerai  pas  plus 
long-tcms  de  celui-ci. 

MONODIE,/!  f.  Chant  à  voix  feule,  par  oppofition  a  ce 
que  les  Anciens  appellojent  Çhorodies,Q\i  Mufiques  execu  ^r. 
par  Je  Chœur,  ONOLOGl 


MON  <z5 

MONOLOGUE  -,  /  m.  Scène  d'Opéra  où  l'AJreur  eu 
feul  &  ne  parle  qu'avec  lui-même.  Celt  dans  les  Monolo- 
gues que  fe  déploient  to^res  les  forces  de  la  Mufiquc  ;  le 
Muficien  pouvant  s'y  livrer  a  toute  l'ardeur  du  fon  génie,  fans 
être  gêné  dans  la  longueur  de  fes  morceaux  par  la  préfence 
d'un  Interlocuteur.  Ces  Récitatifs  obligés  ,  qui  font  un  Ci 
grand  effet  dans  les  Opéra  Italiens  ,  n'ont  lieu  que  dans  les 
Alonolo°ues. 

MONOTONIE  ,  /  /:  G'eft  ,  au  propre  ,  une  Pfalmodie 
ou  un  Chant  qui  marche  toujours  fur  le  même  Ton  ;  mais 
ce  mot  ne  s'-emploie  gueres  que  dans  le  figuré. 

MONTEE ,  v.  ru  C'elt  faire  fuccéder  les  Sons  du  bas  en 
haut  ;  c'eit-à-dire  ,  du  grave  à  l'aigu.  Cela  fe  prélente  à  l'œil 
par  notre  manière  de  noter. 

MOTIF  ,  f.  m.  Ce  mot  francifé  de  l'Italien  motivo  n'eit 
gueres  employé  dans  le  fens  technique  que  par  les  Compo- 
ftteurs.  Il  figaiùe  l'idée  primitive  &  principale  fur  laquelle 
le  Compofiteur  détermine  ion  fujet  &  arrange  fon  deiïein. 
C'ef-è  le  Motif  qui,  pour  aiofi  dire,  lui  met  la  plume  à 
la  main  pour  jetter  fur  le  papier  telle  chofe  &  non  pas  telle 
autre.  Dans  ce  fens  le  Motif  principal  doit  être  toujours 
préfent  a  l'efprit  du  Compofiteur,  &  il  doit  faire  en  forte 
qu'il  le  foit  aulH  toujours  à  l\fprit  des  Auditeurs.  On  dit 
qu'un  Auteur  bat  la  campagne  lorsqu'il  perd  fon  Motif  de 
vue ,  &  qu'il  coud  des  Accords  ou  des  Chants  qu'aucun  fens 


commun  n'unit  entr'eux. 


Outre    ce    Motif,    qui    n'-eit   que    l'idée    principale   de   la 
Pièce  ,  il  y  a  des  Motifs  particuliers,  qui  font  les  idées  dé- 
Dict.  <U  Mufiquc  H  h  h 


4i5  MOT 

terminantes  de  la  Modulation ,  des  entrelacement  ,  des  ten- 
tures harmoniques  ;  6c  fur  ces  idées,  que  l'on  preflent  dans 
l'exécution  ,  l'on  juge  fi  l'Auteur  a  bien  fuivi  les  Motifs  , 
ou  s'il  a  pris  le  change  ,  comme  il  arrive  fouvent  à  ceux 
qui  procèdent  Note  apres  Note  ,  6c  qui  manquent  de  favoir 
ou  d'invention.  C'efi  dans  cette  acception  qu'on  dit  Motif 
de  Fugue  ,  Motif  de  Cadence  ,  Motij  de  changement  de 
Mode  ,  6cc. 

MOTTET  ,  f.  m.  Ce  mot  fignifioit  anciennement  une 
compofition  fort  recherchée ,  enrichie  de  toutes  les  beaurés 
de  l'Art;  6c  cela  fur  une  période  fort  courte  :  d'où  lui  vient, 
félon  quelques-uns ,  le  nom  de  Mottet ,  comme  fi  ce  n'étoic 
qu'un  mot. 

Aujourd'hui  l'on  donne  le  nom  de  Mottet  à  toute  Pièce 
de  Mufique  faite  fur  des  paroles  Latines  à  l'ufage  de  l'E- 
glife  Romaine,  comme  Pfeaumes  ,  Hymnes,  Antiennes, 
Répons  ,  &c.  Et  tout  cela  s'appelle  ,  en  général ,  Mufique 
Latine. 

Les  François  réunifient  mieux  dans  ce  genre  de  Mufique 
que  dans  la  Frànçoife  ,  la  langue  étant  moins  le  ; 

mais  ils  y  recherchent  trop  de  travail ,  6c  comme  le  leur  a 
reproché    l'Abbé  du   Bos  ,   ils  jouent  trop  fur  le    mot.     . 
général  ,   la    Mufique    Latine    n'a   pas  affez  de    gravité  p 
l'ufage   auquel  elle  eft  deftinée.    On   n'y  doit  point    rech> 
cher  l'imitation  comme  dans  la  Mufique  théâtrale  :  ks  Chants 
facrés  ne    doivent   point  représenter   le   tumulte  des  pallions 
humaines,  mais  feulement  la   Majifié  de  celui  à  qui  ils  < 
dniïent,  6c  L'égalité  d'unie  de  ceux  qui  les  pronom  '  oi 


M    O    V  4i7 

que  \ jiflent  dire  les  paroles  ,  route  autre  expreflïon  dans  le 
Chant  eft  un  contre-fens.  Il  faut  n'avoir,  je  ne  dis  pas  aucune 
piété,  mais  je  dis  aucun  goût,  pour  préférer  dans  les  Egli- 
fes  la  Mufique  au  Flain  -  Chant. 

Les  Muficiens  du  treizième  &  du  quatorzième  fiecle  don- 
naient le  nom  de  Mottetus  à  la  Partie  que  nous  nommons 
aujourd'hui  Haute-Contre.  Ce  nom  ,  &  d'autres  aufli  étranges, 
caulent  Couvent  bien  de  l'embarras  à  ceux  qui  s'appliquent  à 
déchiffrer  les  anciens  manuferits  de  Mufique  ,  laquelle  ne  s'é- 
crivoit  pas  en  Partition  comme  à  préfent. 

MOUVEMENT,  /  m.  Degré  de  viteffe  ou  de  lenteur  que 
donne  à  la  Mefure  le  caractère  de  la  Pièce  qu'on  exécute. 
Chaque  efpece  de  Mefure  a  un  Mouvement  qui  lui  elt  le  plus 
propre  ,  &  qu'on  défigne  en  Italien  par  ces  mots  ,  Tempo 
giuflo.  Mais  outre  celui  -là  il  y  a  cinq  principales  modifica- 
tions de  Mouvement  qui  ,  dans  l'ordre  du  lent  au  vite ,  s'ex- 
priment par  les  mots  Largo  ,  Adagio  ,  Andante  ,  Allegro  , 
Prejlo  ;  &  ces  mots  fe  rendent  en  François  par  les  fuivans , 
Lent,  Modéré,  Gracieux  t  Gai,  Vue.  Il  faut  cependant 
obferver  que  ,  le  Mouvement  ayant  toujours  beaucoup  moins 
de  précifion  dans  la  Mufique  Françoife  ,  les  mots  qui  le  dési- 
gnent y  ont  un  fens  beaucoup  plus  vague  que  dans  la  Mufi- 
que Italienne. 

Chacun  de  ces  Degrés  fe  fubdivife  &  fe  modifie  encore 
en  d'autres ,  dans  lefquels  il  faut  difiinguer  ceux  qui  n'indi- 
quent que  le  Degré  de  vîteffe  ou  de  lenteur ,  comme  Lar- 
ghetto ,  And.intino  ,  Allegretto ,  PreJiiJJimo  ,  &  ceux  qui 
marquent  ,  de  plus  ,    le  caractère   &  l'exprclfion  de  l'Air  ; 

Hhh  i 


4iS  MOU 

comme  Agitato  ,  Vivace  ,  Cu/Tofu  ,  Conbrio  ,  &c.  Les  pre^-' 
miers  peuvent  être  faifis  &  rendus  par  tous  les  Muficiens-; 
mais  il  n'y  a  que  ceux  qui  ont  du  fentiment  &  du  goût  qui 
fentent  &  rendent  les  autres-. 

Quoique  généralement  les  Mouvemens  lents  conviennent 
aux  parlions  trilles  ,  &  les  Mouvemens  animés  aux  paiTiotB 
gaies,  il  y  a  pourtant  Couvent  des  modifications  par  lefquelles 
une  paffion  parle  fur  le  ton  d'une  autre  :  il  eit  vrai,  toutes- 
fois,  que  la  gaieté  ne  s'exprime  gueres  avec  lenteur  ;  mais 
fouvent  les  douleurs  les  plus,  vives  ont  le  langage  le  plus 
emporté.. 

MOUVEMENT  effr. -encore  la  marche  ou  le  progrès  des 
Sons  du  grave  à  l'aigu,  ou  de  1  aigu  au  grave  :  ainrt  quand 
on  dit  qu'il  faut  ,  autant  qu'on  le  peut,  faire  marcher  la  BalTe 
&  le  Deiîus  par  Mouvemens  contraires ,  cela  fignifie  que  l'une 
des  Parties  doit  monter  ,  tandis  que  l'autre  defeend.  Mou- 
vement femblable ,  c'eft  quand  les  deux  Parties  marchent  en 
même  fens.  Quelques-uns  appellent  Mouvement  oblique  celui 
où  l'une  des  Parties  refle  en  place  ,  tandis  que  l'autre  monts 
ou  dtfcend.. 

Le  favant  Jérôme.  Mei,  à  l'imitation  d'Ari/toxène ,  dis- 
tingue généralement  ,  dans  la,  Voix-  humaine  ,  deux  fortes 
de  Mouvement  ;  favoir  ,  celui  de  la  Voix  parlante  ,  qi/i) 
appelle  Mi>u\-ement  continu r  &  qui  ne  le  fixe  qu'au  moment 
qu'on  fc  tait;  &  celui  de  la  Voix  chantante  ,  qui  marche  pap 
Intervalles  déterminés  ,  &  qu'il  appelle  Mom 
'lue  ou  Jntervallàtif. 

MIJ  VNCES ,  f,  f.  On  appelle  ainû  les  diverfes  manières 


M    0     S  4ïy 

Rappliquer  aux  Notes  les  fy llabes  de  la  Gamme  ,  félon  k$ 
diverfes  poficions  des  deux  femi-Tons  de  l'Octave  ,  &  félon 
les  différentes  routes  pour  y  arriver.  Comme  l'Are  tin  n'in- 
venta que  fix  de  ces  fyllabes ,  &  qu'il  y  a  fept  Notes  à  nom- 
mer dans  une  Octave,  il  falloit  néceffairement  répéter  le  nom 
de  quelque  Note  ;  cela  fit  qu'on  nomma  toujours  mi  fa  ou 
fa  la  les  deux  Notes  entre  lefquelles  fe  trouvoit  un  des  fcmi- 
Tbns.  Ces  noms  détermmoient;  en  même  tems  ceux  des 
Notes  les  plus  voifines  ,  foit  en  montant,  foit  en  defeendanr.' 
Or  comme  les  deux  femi-Tons  lbnt  fujets  à  changer  de  place 
dans  la  Modulation ,  ce  qu'il  y  a  dans  la  Mufique  une  mt:^ 
ritude  de  manières  différentes  de  leur  appliquer  les  fix  mêmes 
iyllabes  ,  c^s  manières  s'appelloient  Muances ,  parce  que  les* 
mêmes  Notes  y  changeoient  inceflamment  de  noms.  (Vbyed 

Ci  A. M  M k.   ) 

Dans  le  fiecle  dernier  on  ajouta  en  France  la  fyllabe  fi  aux' 
fix  premières  de  la  Gamme  de  l'Arétin.  Par  ce  moyen  la  fep- 
rieme  Note  de  l'Echelle  fir  trouvant  nommée ,  les  Muances 
devinrent  inutiles  ,  &  furent  proferites  de  la  Mufique  Fran- 
çoife  ;  mais  chez  toutes- les  autres  Nations ,  où  ,  félon  l'efpric 
du  métier ,  les  Muficiens  prennent  toujours  leur  vieille  rou- 
tine pour  la  perfection-  de  l'Art ,  on  n'a  point  adopté  le  fi  ;. 
&  il  y  a  apparence  qu'en  Italie,  en  Efpagne  ,  en  Allemagne, 
en  Angleterre  ,  les  Muances  fervhoirt  long-tems  encore  à  la* 
défolation  des  commençans. 

MUANCES,   dans  lu  Mufique  ancienne.  (Voyez  Muta-- 

TlONSw) 

MUSETTE  ,  f.  f.  Sorte  d'Air  convenable  à  PlnlfcrurcenC 


\ 


430  MUS 

de  ce  nom  ,  dont  la  Mefure  eft  à  deux  ou  trois  Tems ,  le 
caractère  naïf  ôc  doux  ,  le  mouvement  un  peu  lent,  portant 
une  Baffe  pour  l'ordinaire  en  Tenue  ou  Peint  d'Orgue  ,  telle 
que  la  peut  faire  une  Mufttte  ,  ce  qu'on  appelle  à  caufe  de 
cela  Baffe  de  Mufette.  Sar  ces  Airs  on  forme  des  Danics 
d'un  car  .itère  convenable  ,  &  qui  portent  aufli  le  nom  de 
Jldu/eues* 

MUSICAL  ,  adj.  Appartenant  à  la  Mufique.  (  Voyez  Mu- 
sique. ) 

MUSICALEMENT ,  adv.  D'une  manière  Muficale ,  dans 
les  règles  de  la  Mufique.  (  Voyez  Musique.  ) 

MUSICIEN ,  f.  m.  Ce  nom  fe  donne  également  à  celui  qui 
compofe  h  Mufique  ôc  à  celui  qui  l'exécute.  Le  premier  s'ap- 
pelle aulfi  Compofiteur.  (Voyez  ce   mor.J 

Les  anciens  Muficiens  étoient  des  Poètes  ,  des  Philofo- 
phes  ,  des  Orateurs  du  premier  ordre.  Tels  étoier.t  Orphée , 
Terpandre,  Stéfkhore,  &c.  Auffi  Bocce  ne  veut-il  pas  ho- 
norer du  nom  de  Mujiciai  celui  qui  pratique  feulement  la 
Mufique  par  le  miniflcre  fervile  des  doigts  ôc  de  la  voix  ; 
mais  celui  qui  poffede  cette  feience  par  le  raifonnement  ôc 
la  fpéculation.  Et  il  femble ,  de  plus,  que  pour  s'élever  aux 
grandes  exprcflions  de  la  Mufique  oratoire  ôc  imirative ,  il 
faudrait  avoir  fait  une  étude  particulière  des  pallions  humai- 
nes ôc  du  langage  de  la  Nature.  Cependant  les  Alujidens 
de  nos  jours,  bornés,  pour  la  plupart,  à  la  pratique  dis 
Notes  ôc  de  quelques  tours  de  Chant  ne  feront  gueres  of- 
fenfés ,  je  penfe ,  quand  on  ne  les  tiendra  pas  pour  de  grands 
Phijofophes, 


Il     US  43, 

MUSIQUE,  f  f.  Art  de  combiner  les  Sons  d'une  ma- 
nière agréable  à  l'oreille.  Cet  Art  devient  une  feience  &  mê- 
me très-profonde,  quand  on  veut  trouver  les  principes  de 
ces  combinaifons  &  les  raifons  des  affections  qu'elles  nous 
caufent.  Ariitide  Quintilien  définit  la  Mufique ,  I"Artdubeau& 
de  la  décence  dans  les  Voix  &  dans  les  Mouvemens.  Il  n'eit 
pas  étonnant  qu'avec  des  définitions  fi  vagues  &  fi  générales 
les  Anciens  aient  donné  une  étendue  predigieufe  à  l'Art  qu'ils 
définiffoient  ainfi. 

On  fuppofe  communément  que  le  mot  de  Mufique  vient 
de  Alufa ,  parce  qu'on  croit  que  les  Mufes  ont  inventé  cet 
Art  :  mais  Kircher,  d'après  Diocîore,  fait  venir  ce  nom  d'un 
mot  Egyptien ,  prétendant  que  c'eft  en  Egypte  que  la  Mu- 
fique a  commencé  à  fe  rétablir  après  le  déluge ,  &  qu'on 
en  reçut  la  première  idée  du  Son  que  rendoient  les  rofeaux 
qui  croilîent  fur  les  bords  du  Nil ,  quand  le  vent  fouffloit 
dans  leurs  tuyaux.  Quoi  qu'il  en  foit  de  l'ctymolcgie  du  nom  , 
l'origine  de  l'Art  eit  certainement  plus  près  de  l'homme, 
&  fi  la  parole  n'a  pas  commencé  par  du  Chant,  il  efl  fur, 
au  moins,  qu'on  chante  par-tout  où  l'on  parle. 

La  Mufique  fe  divife  naturellement  en  Mufique  théotique 
ou  Jpéculative ,  &  en  Mufique  pratique. 

La  Mufique  fpécularive  e(t,  Ci  l'on   peut  parler   ainfi,   la 
connoiffance  delà  matière  muficale  ;  c'eft-à-dire,  des  diffé- 
rens  rapports  du  grave  h  l'aigu,  du  vite  au  lent,  de  Paij 
au  doux,  du  fort  au  foible,  dont  les  Sons  font  fufceptibles ; 
rapports  qui ,   comprenant    toute!  ombinaifons  poflîbles 

de  la  Mufique  &  des  Sons,  femhlent  comprendre  auiïi  tou- 


Ali  MUS 

les  les  çaufes  des  imprefïions  que  peut  faire  leur  fucceflîofi 
.fur  l'oreille  &  fur  l'ame. 

La  Alufique  pratique  eft  l'Art  d'appliquer  &  mettre  en 
.ufage  les  principes  de  la  fpéculative  ;  c'eft-à-dire ,  de  con- 
-duire  &  difpofer  les  Sons  par  rapport  à  la  confonnance ,  à 
Ja  durée,  à  la  fucceffion,  de  telle  forte  que  le  tout  produife 
fur  l'oreille  l'effet  qu'on  s'eft  propofé  ;  c'eft  cet  Art  qu'on 
gppelle  Çompofition.  ( Voyez  ce  mot.)  A  l'égard  de  la  pro- 
duction actuelle  des  Sons  par  les  Voix  ou  par  les  Initru- 
<nens ,  qu'on  appelle  Exécution ,  c'elt  la  partie  purement 
mécanique  &  opérative,  qui,  fuppofant  feulemejit  la  faculté 
d'entonner  jufte  les  Intervalles,  de  marquer  julte  les  durées, 
de  donner  aux  Sons  le  degré  preferit  dans  le  Ton,  &  la 
pâleur  preferite  dans  le  Tcms ,  ne  demande  en  rigueur  d'au- 
tre connohTance  que  celle  des  caractères  de  la  Mufique ,  & 
l'habitude  de  les  exprimer. 

La  Mufique.  fpéculative  fe  divife  en  deux  parties;  favoir,  la 
çonnouTance  du   rapport    des  Sons  ou  de  leurs  Intervalles, 
fc  celle  de  leurs  durées  relatives;  c'eil-à-dire ,  de   luMefure 
&  du  Te  m  s. 

La  première  elt  proprement  celle  que  les  Anciens  ont  ap- 
pelles Mufique  harmonique.  Elle  enfeigne  en  quoi  confiite 
L1  nature  du  Chant  &  marque  ce  qui  eft  confonnant,  dif- 
fonanr,  i:^réabîe  ou  déplaifant  dans  la  Modulation,  Elle  fait 
connoîrre  ,  en  un  mor,  les  djftierfts  manières  dont  les  Sons 
lent  l'oreille  par  leur  timbre,  par  leur  force  ,  par  leurs 
i  ;  ce  qui  s'applique  également  a  leur  Accord   &   à 

'.    '  |  un. 

La 


MUS 

La  féconde  a  été  appellée  Rhythmique,  parce  qu'elle  traire 
des  Sons  eu  égard  au  Tems  &  à  la  quantité.  Elle  contient 
l'explication  du  Rhythme  ,  du  Mètre  ,  des  Mefures  longues 
6c  courtes,  vives  6c  lentes,  des  Tems  6c  des  diverfes  parties 
dans  lefquelles  on  les  divife,  pour  y  appliquer  la  fuccellion 
des   Sons. 

La  Mujique  pratique  fe  divife  auiïî  en  deux  Parties,  qui  ré- 
pondent aux  deux  précédentes. 

Celle  qui  répond  à  la  Mujique  harmonique  ,  6c  que  les  An- 
ciens appelloient  Mélopée  ,  contient  les  règles   pour  corn, 
ner  &  varier  les  Intervalles  confonnans  6c  diffonans  d'une  ma- 
nière agréable  6c  harmonieufe.  (Voyez  Mélopée.) 

La  féconde, qui  répond  à  la  Mujique  Rliythmique ,  6c  qu'ils 
appelloient  BJiythmopée  ,  contient  les  règles  pour  l'applica- 
tion des  Tems,  des  Pieds,  des  Mefures;  en  un  mot,  pour 
la  pratique  du  Rhythme.  (Voyez  Rhythme. ) 

Porphyre  donne  une  autre  divifion  de  la  Mujique  ,  en  tanc 
qu'elle  a  pour  objet  le  Mouvement  muet  ou  fonore,  6c,  fans 
la  diftinguer  en  fpéculative  6c  pratique ,  il  y  trouve  les  fix 
Parties  fuivantes  ;  la  Rhythmique ,  pour  les  mouvemens  de  la 
Danfe;  la  Métrique  ,  pour  la  Cadence  &  le  nombre  des  Vers; 
X Organique ,  pour  la  pratique  des  Inftrumens;  la  Poétique  , 
pour  les  Tons  6c  l'Accent  de  la  Poélie  ;  YHypocritique , 
pour  les  attitudes  des  Pantomimes;  6c  Y Harmonique ,  pour 
le  Chant. 

La    Mujique  fe  divife  aujourd'hui  plus  fimplement  en  Mé- 
lodie   6c  en  Harmonie  ;    car   la    Rhythmique   n'eft  plus  rien 
pour  nous,  6c  la  Mérrique  eft  trés-peu  de  chofe,  attendu  que 
Dicl.  de  Mujique.  I  î  i 


434  *     U     S 

nos  Vers  ,  dans  le  Chant ,  prennent  presque  uniquement  leur 
Mefure  de  la  Mujique ,  &  perdent  le  peu  qu'ils  en  ont  par 
eux-mêmes. 

Par  la  Mélodie,  on  dirige  la  fuccefïion  des  Sons  de  ma- 
nière à  produire  des  Cliants  agréables.  (Voyez  Mélodie y 
Chant,  Modulation.) 

L'Harmonie  confiée  à  unir  à  chacun  des  Sons  d'une  fuc- 
cefïion régulière  deux  ou  plufieurs  autres  Sons  ,  qui  frap- 
pant l'oreille  en  même  tems,  la  flattent  par  leur  concours. 
(  Voyez  Harmonie.  ) 

On  pourroit  &  l'on  devroit  peut-être  encore  divifer  la  Mu- 
figue  en  naturelle  &  imitative.  La  première ,  bornée  au  feul 
phyfique  des  Sons  &  n'agiffant  que  fur  le  fens,  ne  porte  point 
fes  impreiîions  jufqu'au  cœur,  &  ne  peut  donner  que  des 
fenfations  plus  ou  moins  agréables.  Telle  eft  la  Mufique  des 
Chanfons ,  des  Hymnes,  des  Cantiques,  de  tous  les  Chants 
qui  ne  font  que  des  combinaisons  de  Sons  Mélodieux ,  &c 
en  général   toute  Mufique   qui   n'eit  qu'Harmonieufe. 

La  féconde ,  par  des  inflexions  vives  accentuées ,  & ,  pour 
ainfi  dire,  parlantes,  exprime  toutes  les  paflions,  peint  tous 
les  tableaux ,  rend  tous  les  objets ,  foumet  la  Nature  entière 
à  fes  favantes  imitations,  &  porte  ainfi  jufqu'au  cœur  de 
l'homme  des  fvntimens  propres  à  l'émouvoir.  Cette  Mufique 
vraiment  lyrique  &  théâtrale  éroit  celle  des  anciens  Poè- 
mes, &  c'efr.  de  nos  jours  celle  qu'on  s'efforce  d'appliquer 
aux  Drames  qu'on   exécute  en  Chant  fur  nos   Tl  ,  Ce 

tf eft  que  dans  cette  Mufique ,  &  son  dans  l'Harmonique  ou 
naturelle,  qu'on  doit  chercher  la  raifbn  des  effet 


MUS  43. 

qu'elle  a  produits  autrefois.  Tant  qu'on  cherchera  dvs  effets 
moraux  dans  le  fcul  phyfique  des  Sons,  on  ne  les  y  trouvera 
point  &  l'on   raifonnera  fans  s'entendre. 

Les  anciens  Ecrivains  différent  beaucoup  entr'eux  fur  la  na- 
ture, l'objet,  l'étendue  &  les  parties  de  la  Mufique.  En  gé- 
néral ,  ils  donnoient  à  ce  mot  un  fens  beaucoup  plus  étendu 
que  celui  qui  lui  refte  aujourd'hui.  Non-feu!e ment  fous  le  nom 
de  Mufique  ils  comprenoient ,  comme  on  vient  de  le  voir , 
la  Danfe  ,  le  Gefte,  la  Poéfie,  mais  même  la  collection  de 
toutes  les  feiences.  Hermès  définit  la  Mufique ,  la  connoif- 
fance  de  l'ordre  de  toutes  chofes.  C'étoit  aufli  la  doctrine  de 
l'Ecole  de  Pythagore  &  de  celle  de  Platon,  qui  enfeignoient 
que  tout  dans  l'Univers  étoit  Mufique.  Selon  Héfythius,  les 
Athéniens  donnoient  à  tous  les  Arts  le  nom  de  Mufique  \  & 
tout  cela  n'eft  plus  étonnant  depuis  qu'un  Muficien  moderne 
a  trouvé  dans  la  Mufique  le  principe  de  tous  les  rapports  & 
le  fondement  de  toutes    les  feiences. 

De-là  toutes  ces  Mufique  s  fublimes  dont  nous  parlent  les 
Philofophes  :  Mufique  divine  ,  Mufique  des  hommes ,  Mufi- 
que célefte ,  Mufique  terreftre ,  Mufique  aclive ,  Mufique  con- 
templative, Mufique   énonciative,   intellecHve ,  oratoire,   Stc, 

C'efr.  fous  ces  vaftes  idées  qu'il  faut  entendre  plufieurs  paf- 
fages  des  Anciens  fur  la  Mufique,  qui  feraient  inintelligibles 
dans  le  fens  que  nous  donnons  aujourd'hui  à    ce    mot. 

Il  paroît  que  la  Mufique  a  été  l'un  des  premiers  Arts  :  on 
le  trouve  mêlé  parmi  les  plus  anciens  monumens  du  Gcare 
Humain.  Il  elt  trcs-vraifemblable  aufli  que  la  Mufique  Vo- 
cale a  été  trouvée  avant  l'Ialtrumencale ,  fi  même  il  y    a 

Iii  > 


43*  MUS 

jamais  eu  parmi  les  Anciens  une  Mufique  vraiment  Inftru- 
mentale  ;  c'eft-à-dire,  faite  uniquement  pour  les  Inftrumens. 
Non-feulement  les  hommes,  avant  d'avoir  trouvé  aucun  Inf- 
trument ,  ont  dû  faire  des  obfervations  fur  les  difTérens  Tons 
de  leur  Voix;  mais  ils  ont  dû  apprendre  de  bonne  heure 
par  le  concert  naturel  des  oiflaux,  h  modifier  leur  Voix  & 
leur  gofier  d'une  manière  agréable  &c  mélodieufe.  Après  cela, 
les  Infhumens  à  vent  ont  dû  être  les  premiers  inventés. 
Diodore  &  d'autres  Auteurs  en  attribuent  l'invention  à  l'ob- 
fervation  du  fifflement  des  vents  dans  les  rofeaux  ou  autres 
tuyaux  des  plantes.  C'eft  aufli   le   fentiment   de  Lucrèce. 

At  liquidas  avium  voce  s  imitarier  ore 
Antè  fuit  multo ,  quàm  levia  carmina  cantu 
Concelebrçre  homines  pqffint ,  aureifque  juvare  ; 
Et  Zephyri  cava  per  calamorum  fibila  primum 
Agreftds  docuêrc  cavas  inflare  cicutas. 

A  l'égard  des  autres  fortes  d'Initrumens ,  les  Cordes  fo- 
norcs  font  fi  communes  que  les  hommes  en  ont  dû  obfer- 
ver  de  bonne  heure  les  diflérens  Tons  ;  ce  qui  a  donne  naif- 
fance  aux  Inftrumens  à  Corde.  (Voyez  Cordi. ) 

Les  Inftrumens  qu'on  bat  pour  en  tirer  du  Son ,  comme 
les  Tambours  &  les  Tymbales  ,  doivent  leur  origine  au 
bru':     fourd    que    rendent    les    corps    creux   quand    on    les 

Il    eft  difficile   de   fortir  de  ces  généralités  pour   conlhitcr 

quelque  fait  fur   l'invention  de  la  Mufique  réduiçc  eu  Arc. 


MUS 

Sans  remonter  au-delà  du  déluge,  plufieurs  Anciens  attri- 
buent cette  invention  à  Mercure,  auiïî-bien  que  celle  de  la 
Lyre.  D'autres  veulent  que  les  Grecs  en  foient  redevables  à 
Cadmus,  qui,  en  fe  fauvant  de  la  Cour  du  Roi  de  Phé- 
nicie ,  amena  en  Grèce  la  Muficienne  Hermione  ou  Harmo- 
nie; d'où  il  s'cnfuivroit  que  cet  Art  étoit  connu  en  Phé- 
nicie  avant  Cadmus.  Dans  un  endroit  du  Dialogue  de  PJu- 
tarque  fur  la  Mujiquc ,  Lyiias  dit  que  c'eft  Amphion  qui  l'a 
inventée  ;  dans  un  autre ,  Sorérique  dit  que  c'eft.  Apollon  ; 
dans  un  autre  encore ,  il  femble  en  faire  honneur  à  Olym- 
pe :  on  ne  s'accorde  gueres  fur  tout  cela,  &  c'efè  ce  qui  n'im- 
porte pas  beaucoup,  non  plus.  A  ces  premiers  inventeurs 
fuccéderent  Chiron,  Dcmodocus,  Hermès,  Orphée,  qui, 
félon  quelques-uns,  inventa  la  Lyre.  Après  ceux-là  vint  Phœ- 
mius,  puis  Tcrpandre  ,  contemporain  de  Lycurgue  ,  îk  qui 
donna  des  règles  à  la  Mufique.  Quelques  perfonnes  lui  attri- 
buent l'invention  des  premiers  Modes.  Enfin  l'on  ajoute 
Thaïes,  &  Thamiris  qu'on  dit  avoir  été  l'inventeur  de  la  jfu- 
fiquc  inltrumentale. 

Ces  grands  Muficiens  vivoient  la  plupart  avant  Homère. 
D'autres  plus  modernes  font  Lafus  d'rîermione  ,  Melnippi- 
des,  Philoxène,  Timothée,  Phrynnis,  Epigonius,  Lyfandrc, 
Simmicus  &  Diodore ,  qui  tous  ont  confidérablement  per- 
fectionné   la  Mufique. 

Lafus  eft,  à  ce  qu'on  prérend,  le  premier  qui  ait  écrit 
fur  cet  Art ,  du  tems  de  Darius  Hyltafpes.  Epigonius  inventa 
l'Inftrument  de  quarante  cordes  qui  portoit  fon  nom.  Sim- 
micus inventa  aufli  un  Initrumenc  de  trente-cinq  cordes,  ap- 
pelle Simmicium, 


43S  MUS 

Diodore  perfectionna  la  Flûte  &  y  ajouta  de  nouveaux  trous, 
&  Timothée  la  Lyre ,  en  y  ajoutant  une  nouvelle  corde  ;  ce 
qui    le  fit  mettre  à  l'amende  par  les  Lacédémoniens. 

Comme  les  anciens  Auteurs  s'expliquent  fort  obfcurément 
fur  les  inventeurs  des  Inflrumens  de  Mujique  ,  ils  font  aufïi 
fort  obfcurs  fur  les  Inftrumens  mêmes.  A  peine  en  con- 
noiffons  -  nous  autre  chofe  que  les  noms.  (  Voyez  Ins- 
trument. ) 

La  Mujique  étoit  dans  la  plus  grande  eftime  chez  divers 
Peuples  de  l'Antiquité  ,  &  principalement  chez  les  Grecs  , 
&  cette  eitime  étoit  proportionnée  à  la  puifiance  &  aux  ef- 
fets firprenans  qu'ils  attribuoient  à  cet  Art.  Leurs  Auteurs 
ne  croient  pas  nous  en  donner  une  trop  grande  idée  ,  en 
nous  difant  qu'elle  étoit  en  uf3ge  dans  le  Ciel  ,  &  qu'elle 
faifoit  l'amufement  principal  des  Dieux  &  des  âmes  des 
Bienheureux.  Platon  ne  craint  pas  de  dire  qu'on  ne  peut 
faire  de  changement  dans  la  Mujique  qui  n'en  foit  un  dans 
la  con'titution  de  l'Etat  ;  &  il  prétend  qu'on  peut  afTigner 
les  Sons  capables  de  faire  naître  la  bafleflb  de  l'ame  ,  l'in- 
foîence  &  les  vertus  contraires.  Ariftote  ,  qui  femble  n'avoir 
écrit  ù  politique  que  pour  oppofer  fes  fenrimens  à  ceux  de 
Platon  ,  efr.  pourtant  d'accord  avec  lui  touchant  la  puiiLnce 
de  la  Mujique  fur  les  mœurs.  Le  judicieux  Polybe  nous 
dit  que  la  Mujique  étoit  néceffaire  pour  adoucir  les  mœurs 
des  Arcades  qui  habiroient  un  pays  où  l'air  cft  trille  &  froid; 
que  ceux  de  Gynete  ,  qui  négligèrent  la  Mujique  ,  furp.if- 
ftrent  en  cruauté  tous  les  Crées  ,  &  qu'il  n'y  a  point  de 
Ville  où   l'on  ait  tant   vu   de   crimes.   Athénée   nous  allure 


MUS  43<> 

qu'autrefois  toutes  les  loix  divines  &  humaines  ,  les  exhor- 
tations à  la  vertu ,  la  connoiffance  de  ce  qui  concernoit  les 
Dieux  6c  les  Héros  ,  les  vies  &  les  actions  des  hommes 
illuftres  croient  écrites  en  vers  &  chantées  publiquement  par 
des  Choeurs  au  fon  des  Im'lrumens  ;  &  nous  voyons  ,  pai 
nos  Livres  facres  ,  que  tels  croient ,  d'Ls  les  premiers  tems  , 
les  ufages  dus  liVaclices.  Cn  n'avoir  point  trouvé  de  moyen 
pi  ;s  efficace  pour  graver  dans  l'efprit  des  hommes  les  prin- 
cipes de  la  morale  cv  l'amour  de  la  vertu  ;  ou  plurôr  rout 
cela  n'écoit  point  l'effet  d'un  moyen  prémédité  ,  mais  de  la 
grandeur  des  fenrimens ,  &  de  l'élévation  des  idées  qui  cher- 
choient  par  des  accens  proportionnés  à  fe  faire  un  langage 
digne  d'elles. 

La  Mufique  faifoit  partie  de  l'étude  des  anciens  Pytha- 
goriciens. Ils  s'en  fervoient  pour  exciter  le  cœur  à  des  ac- 
tions louables  ,  &  pour  s'enflammer  de  l'amour  de  la  vertu, 
Selon  ces  Philofophes  ,  notre  ame  n'étoit ,  pour  ainii  dire  , 
formée  que  d'Harmonie  ,  &  ils  croyoienr  rétablir  ,  par  le. 
moyen  de  l'Harmonie  fenfuelle ,  l'Harmonie  intellectuelle  & 
primitive  des  facultés  de  l'ame  ;  c'efi-à-dire  ,  celle  qui,  félon* 
eux  ,  exiitoit  en-  elle  avant  qu'elle  animât  nos  corps  ,  ce  lors- 
qu'elle habiroit  les  Cieux. 

La  Mufique  tlï  déchue  aujourd'hui  de  ce  degré  de  puif- 
fance  &  de  majefte ,  au  point  de  nous  faire  douter  de  lu 
vérité  des  merveilles  qu'elle  opéroit  autrefois,  quoiqu'artef- 
tées  par  les  plus  judicieux  Hiltoriens  &  par  les  plus  graves 
Philofophes  de  l'Antiquité.  Cependant  on  retrouve  dans 
li-uitoire   moderne    quelques  faits   femblables.  Si   Tirr.o; 


44o  MUS 

excitoit  les  fureurs  d'Alexandre  par  le  Mode  Phrygien ,  & 
les  calmoic  par  le  Mode  Lydien  ,  une  Mujique  plus  moderne 
renchériffoit  encore  en  excitant  ,  dit  -  on  ,  dans  Erric ,  Roi. 
de  Dannemarck  ,  une  telle  fureur  qu'il  tuoit  fes  meilleurs 
domeftiques.  Sans  doute  ces  malheureux  étoient  moins  fen- 
fibles  que  leur  Prince  à  la  Mujique  ;  autrement  il  eût  pu 
courir  la  moitié  du  danger.  D'Aubigny  rapporte  une  autre 
hiltoire  toute  pareille  à  celle  de  Timothée.  Il  dit  que  ,  fous 
Henri  III ,  le  Muficien  Claùdin  jouant  aux  noces  du  Duc 
de  Joyeufe  fur  le  Mode  Phrygien,  anima,  non  le  Roi ,  mais  un 
Courtifan  qui  s'oublia  jufqu'à  mettre  la  main  aux  armes  en 
préfence  de  fon  Souverain  ;  mais  le  Muficien  fe  hâta  de  le 
calmer  en  prenant  le  Mode  Hypo  -  Phrygien.  Cela  elt  dit 
avec  autant  d'afïiirance  que  fi  le  Muficien  Claudin  avoir  pu 
favoir  exactement  en  quoi  confiltoit  le  Mode  Phrygien  & 
le  Mode    Hypo-Phrygien. 

Si  notre  Mujique  a  peu  de  pouvoir  fur  les  affections  de 
l'a  me ,  en  revanche  elle  elt  capable  d'agir  phyfiquemcnt  fur 
les  corps ,  témoin  Thiltoire  de  la  Tarentule  ,  trop  connue 
•pour  en  parler  ici  ;  témoin  ce  Chevalier  C-afcon  dont  parle 
Uoyle  ,  lequel ,  au  fon  d'une  Cornemufe  ,  ne  pouvoit  retenir 
fon  urine  ;  à  quoi  il  faut  ajouter  ce  que  raconte  le  même 
Auteur  de  ces  femmes  qui  fondoient  en  larmes  lorfquMlcs 
entendoient  un  certain  Ton  dont  le  refte  des  Auditeurs 
n'étoit  point  affecté  :  &  je  connois  à  Paris  une  femme  de 
condition,  laquelle  ne  peut  écouter  quelque  Mujique  que  ce 
foit  (ans  être  un  tue   involontaire  &  convullif.  Un  lit 

aufii    dans  l'Hiffcoiré   de    l'Académie   e'es    Sciences  de    Pi 

qu'un 


MUS  44* 

qu'un  Muficien  fut  guéri  d'une  violente  fièvre  par  un  Concert 
qu'on  fit  dans  fa  chambre. 

Les  Sons  agifient  même  fur  les  corps  inanimés ,  comme 
on  le  voit  par  le  frémiffement  &  la  réfonnance  d'un  corps 
fonore  au  Ton  d'un  autre  avec  lequel  il  eft  accorde  dans  cer- 
tain rapport.  MorhorT  fait  mention  d'un  certain  Petter  1  lol- 
landois,  qui  brifoit  un  verre  au  fon  de  Cd  voix.  Kircher  parle 
d'une  grande  pierre  qui  frémiiibit  au  fon  d'un  certain  tuyau 
d'Orgue.  Le  P.  Merfinne  parle  auffi  d'une  forte  de  carreau 
que  le  Jeu  d'Orgue  ebranloit  comme  auroit  pu  taire  un  trem- 
blement de  terre.  Boyle  ajoute  que  les  Halles  tremblent  fou- 
vent  au  fon  des  Orgues  ;  qu'il  les  a  fenti  frémir  fous  fa  main 
au  fon  de  l'Orgue  ou  de  la  voix  ,  &  qu'on  l'a  afiuré  que 
celles  qui  étoient  bien  faites  trembloient  toutes  à  quelque 
Ton  détermine.  Tout  le  monde  a  ouï  parler  du  fameux  pilier 
d'une  Eglife  de  Reims  qui  s'ébranle  fenfiblement  au  fon 
d'une  certaine  cloche  ,  tandis  que  les  autres  piliers  relient 
immobiles  ;  mais  ce  qui  ravit  au  fon  l'honneur  du  merveil- 
leux, eft  que  ce  même  pilier  s'ébranle  également  quand  on 
a  ôté  le  batail  de  la    cloche. 

Tous  ces  exemples  ,  dont  la  plupart  appartiennent  plus  au 
fon  qu'à  la  Mufique  ,  &  dont  la  Phyfique  peut  donner  quel- 
que  explication ,  ne  nous  rendent  point  plus  intelligibles  ni 
plus  croyables  les  effets  merveilleux  &  prefque  divins  que  les 
Anciens  attribuent  à  la  Mufiqu  .  I  lufieurs  Auteurs  fe  font 
tourmentés  pour  tâcher  d'en  rendre  raifon.  Wallis  les  attribue 
en  partie  à  la  nouveauté  de  l'Art  ,  é'c  les  rejette  c;i  partie 
fiir  l'exagération  des  Auteurs.  D'autres  en  fin:  honneur  feu- 
Di^  '■  lujïque,  K  k  k 


A4i  M   u   s 

letnent  à  la  Poéfie.  D'autres  fuppofent  que  les  Grecs  ,  plus 
fen/ibles  que  nous  par  la  constitution  de  leur  climat  ou  par 
leur  manière  de  vivre ,  pouvoient  être  émus  de  chofes  qui 
ne  nous  auraient  nullement  touches.  M.  Burette  ,  même  en 
adoptant  tous  ces  faits  ,  prétend  qu'ils  ne  prouvent  point 
la  perfection  de  la  Alujique  qui  les  a  produits  :  il  n'y  voie 
rien  que  de  mauvais  racleurs  de  Village  n'aient  pu  faire  , 
félon  lui  ,  tout  autfî-bien  que  les  premiers  Muficiens  du 
monde. 

La  plupart  de  ces  fentimens  font  fondés  fur  la  perfua- 
fio.i  où  nous  fommes  de  l'excellence  de  notre  Muf.que ,  & 
fur  le  mépris  que  nous  avons  pour  celle  des  Anciens.  Mais 
ce  mépris  elt-il  lui-même  aulli-bien  fondé  que  nous  le  pré- 
tendons ?  C'eft  ce  qui  a  été  examiné  bien  des  fois,  &  qui, 
vu  l'obfcurité  de  la  matière  &  l'infufhfance  des  juges ,  au- 
rait grand  befoin  de  l'être  mieux.  De  tous  ceux  qui  fe  font 
mêlés  jufqu'ici  de  cet  examen  ,  Vofïius  ,  dans  fon  Traité 
de  virïbns  cantâs  &  rhythmi ,  paraît  être  celui  qui  a  le  mieux 
difecté  la  question  &  le  plus  approché  de  la  vérité.  J'ai  jette 
là-deflus  quelques  idées  dans  un  aune  écrit  non  public  en- 
core ,  où  mes  idées  feront  mieux  placées  que  dans  cet  ou- 
vrage ,  qui  n'eit  pas  fait  pour  arrêter  le  Lecteur  a  difeuter 
mes  opinions. 

On  a  beaucoup  fouhaité  de  voir  quelques  fragmens  de 
tfiqltc  ancienne.  Le  P.  Kirchcr  &  M.  Purette  ont  travaillé 
la-deflus  à  contenter  la  curioliré  du  Public.  Pour  le  met- 
tre plus  à  portée  de  profiter  de  leurs  foins,  j'ai  tranferit  &m\% 
la  Planche  C  deux  morceaux  de  Mufiqut  Grecque  ,  traduits 


M    U    S  443 

en  Note  moderne  par  ces  Auteurs.  Mais  qui  ofera  juger  de 
l'ancienne  Mu  figue  fur  de  tels  échantillons  ?  Je  les  fu;  pofe 
fidèles.  Je  veux  même  que  ceux  qui  voudraient  en  juger  co:i- 
noiuent  fuffifamment  le  génie  &  l'accent  de  la  langue  Grec- 
que :  qu'ils  réfléchirent  qu'un  Italien  efr.  juge  incompétent 
d'un  Air  françois  ,  qu'un  François  n'entend  rien  du  tout  à 
la  Mélodie  Italienne  ;  puis  qu'il  compare  les  tems  &  les  lieux, 
&  qu'il  prononce  s'il  l'ofe. 

Pour  mettre  le  Leileur  à  portée  de  juger  des  divers  Ac- 
cens  muficaux  des  Peuples ,  j'ai  tranferit  aufli  dans  la  Plan- 
che un  Air  Chinois  tiré  du  P.  du  Halde,  un  Air  Perfan  tiré 
du  Chevalier  Chardin  ,  &  deux  Chanfons  des  Sauvages  de 
l'Amérique  tirées  du  P.  Merfenne.  On  trouvera  dans  tous 
ces  morceaux  une  conformité  de  Modulation  avec  notre  Mu- 
fiqùe ,  qui  pourra  faire  admirer  aux  uns  la  bonté  &  l'uni- 
verfalité  de  nos  règles  ,  &  peut  -  être  rendre  fufpede  à  d'au- 
tres l'intelligence  ou  la  fidélité  de  ceux  qui  nous  ont  trans- 
mis ces  Airs. 

J'ai  ajouté  dans  la  même  Planche  le  célèbre  Rans-des- 
Vachts  ,  cet  Air  fi  chéri  des  SuiiTes  qu'il  fut  défendu  fous 
peine  de  mort  de  le  jouer  dans  leurs  Troupes,  parce  qu'il 
fiiifoit  fondre  en  larmes ,  déferter  ou  mourir  ceux  qui  l'en- 
tendoient  ,  tant  il  excitoit  en  eux  l'ardent  defir  de  revoit 
leur  pays.  On  chercherait  en  vain  dans  cet  Air  les  accens 
énergiques  capables  de  produire  de  (î  étonnans  efiéts.  Ces 
effets  ,  qui  n'ont  a  i  lieu  ll.r  les  étrangers  ,  ne  viennent 
que  de  l'habitude  ,  des  fouvenirs  ,  de  mille  circonltances  qui , 
retracées  par  cet   Air  a  ceux  qui  l'entendent  ,  &  leur  rap- 

Kkk  î 


444  MUS 

pellant  leur  pays  ,  leurs  anciens  plaifirs  ,  leur  jeunefle  ,  Ôc 
toutes  leurs  façons  de  vivre  ,  excitent  en  eux  une  douleur 
amere  d'avoir  perdu  tout  cela.  La  Mufique  alors  n'agit 
point  précifément  comme  Mujique  ,  mais  comme  figne  mé- 
morarif.  Cet  Air ,  quoique  toujours  le  même  ,  ne  produit 
plus  aujourd'hui  les  mêmes  effets  qu'il  produifoit  ci -devant 
fur  les  Suiffes  ;  parce  qu'ayant  perdu  le  goût  de  leur  pre- 
mière {implicite  ,  ils  ne  la  regrettent  plus  quand  on  la  leur 
rappelle.  Tant  il  eft  vrai  que  ce  n'eit  pas  dans  leur  action 
phyfique  qu'il  faut  chercher  les  plus  grands  effets  des  Sons 
fur  le  cœur  humain.. 

La  manière  dont  les  Anciens  notoient  leur  Mufique  étoit 
établie  fur  un  fondement   très-fimple,    qui  étoit    le   rapport 
des   chiffres  ;   c'eft-à-dire ,  par  les  lettres  de  leur  Alphabet  : 
mais   au  lieu  de  fe  borner,  fur  cette  idée,  à  un  petit  nom- 
bre de  caractères  faciles  à  retenir ,  ils  fe  perdirent  dans    des 
multitudes  de  fïgnes  différens  dont  ils  embrouillèrent  gratui- 
tement leur  Mupque;  en   forte  qu'ils  avoient  autant  de   ma- 
nières de  noter  que  de  Genres  &  de  Modes.  Boéce  prit  d.uis 
l'Alphabet  Latin  des  caractères  correfpondans  à  ceux  des  Grecs.. 
Le  Pape  Grégoire  perfectionna  fa  méthode.    En   1024,  Gui 
d'Arczzo ,  Bénédictin,   introduifit  Tufage  des  Portées;  (voy.. 
Portée.)  fur  les  Lignes  defquelles  il  marqua  les   Notes  en 
forme  de  points;   (voyez  Notes.)  délignant    par   leur  po- 
fition,  l'élévation  ou  l'abaùTement   de    la  voix.  Kircher ,  ce- 
pendant,  prétend   que  cette  invention  eftantérieu  i; 
&  en  ciïct,  je  n'ai  pas  vu  dans  les  écrits  de  ce  Moine  qu'il. 
fc  l'attribue  :   mais   il   inventa  la  Gamme,   «1  appliqua  aux; 


MUS  445 

Notes  de  (on  Hcxacorde  les  noms  rires  de  l'Hymne  de  Saine 
Jean-Baptiltc,  qu'elles  confervenc  encore  aujourd'hui.  (Voyez 
PL  G.  Fig.  2.)  Enfin  cet  homme  né  pour  la  Mujiqtte  in- 
venta difïérens  Inftrumcns  appelles  PolypleSra  ,  tels  que  le 
Clavecin,  l'Epinette ,  la  Vielle,  &e.   (Voyez  Gamme.) 

Les  caractères  de  la  Mujique  ont,  félon  l'opinion  com- 
mune ,  reçu  leur  dernière  augmentation  confidérable  en  1330; 
rems  où  l'on  dit  que  Jean  de  Mûris ,  appelle  mal-à-propos 
par  quelques-uns  Jean  de  Meurs  ou  de  Murià ,  Doileur  de 
Paris,  quoique  Gefner  le  faiTe  Anglois,  inventa  les  ditTérentes 
figures  des  Notes  qui  délîgnent  la  durée  ou  la  quantité  ,  &c 
que  nous  appelions  aujourd'hui  Rondes,  Blanches,  Noires, 
&c.  ?*iais  ce  fentiment ,  bien  que  très-commun ,  me  paroic 
peu  fondé,  à  en  juger  par  fon  Traité  de  Mujique,  intitulé: 
Speculun  Mujhcct  ,  que  j'ai  eu  le  courage  de  lire  prefque  en- 
tier, pour  y  conllater  l'invention  que  l'on  attribue  à  cet  Au- 
teur. Au  refte  ce  grand  Muficien  a  eu  ,  comme  le  Roi  des 
Poètes,  Thonneur  d'être  réclamé  par  divers  Peuples;  caries 
Italiens  le  prétendent  auiTi  de  leur  Nation  ,  trompés  appa- 
remment par  une  fraude  ou  une  erreur  de  Bontempi  qui  le 
dit  Perugino  au  lieu  de  Parigino. 

Lafus  eft,  ou  parcît  être,  comme  il  eft  dit  ci-defTus ,  le 
premier  qui  ait  écrit  fur  la  Mujique  :  mais  fon  ouvrage  eft 
perdu,  auffi-bien  que  plusieurs  autres  livres  des  Grecs  &  des 
Romains  fur  la  même  matière.  Ariftoxène,  difciple  d'Arif- 
tote  èk  chef  de  fede  en  Mujique,  eft  le  plus  ancien  Auteur 
qui  nous  rette  fur  cette  feience.  Après  lui  vient  Euclide 
Jexandrie.  Ariiliue  Qiûntilien  écrivoic  après  Ciccron.  Aly- 


AA6  M    U    T 

pius  vient  enfuite;  puis  Gaudentius,   Nicomaque  &  Bacchius. 

Marc  Meibomius  nous  a  donné  une  belle  édition  de  ces 
fcpt    Auteurs  Grecs  avec  la  traduction  Latine  &  des  Notes. 

Plutarque  a  écrit  un  Dialogue  fur  la  Mufique.  Ptolomée, 
célèbre  Mathématicien  ,  écrivit  en  Grec  les  principes  de 
l'Harmonie  vers  le  tems  de  l'Empereur  Antonin.  cet  Auteur 
garde  un  milieu  entre  les  Pythagoriciens  &  les  Arifloxéniens. 
Long  -  tems  après  ,  Manuel  Bryennius  écrivit  auiïi  fur  le 
même  fujet. 

Parmi  les  Latins  ,  Boëce  a  écrit  du  tems  de  Théodoric  ; 
&  non  loin  du  même  tems ,  Martianus,  Cafliodore  &  Saint 
Augultin. 

Les  Modernes  font  en  grand  nombre.  Les  plus  connus 
font,  Zarlin,  Salinas,  Valgulio,  Galilée,  Mei,  Doni,  Kir- 
cher,  Merfenne,  Parran,  Perrault,  Wallis,  Dcfcartes,  Hol- 
der,  Mengcli ,  Maîcolm  ,  Burette,  Valloti;  enfin  M.  Tar- 
tini,  dont  le  livre  eit  plein  de  profondeur,  de  génie,  de 
longueurs  &  d'obfcurité  ;  &i  M.  Rameau  ,  dont  les  écrits  ont 
ceci  de  fingulier,  qu'ils  ont  fait  une  grande  fortune  fans 
avoir  été  lus  de  perfonne.  Cette  lecture  eff.  d'ailleurs  deve- 
nue abfolument  fupcrflue  depuis  que  M.  d'Alembert  a  pris  la 
peine  d'expliquer  au  Public  le  fyltême  de  la  BafTe- fonda  men- 
tale ,  la  feule  chofe  utile  &  intelligible  qu'on  trouve  d.u\s 
tes   écrits  de  ce  Muficicn. 

MUTATIONS    ou  MUANCES  ,  Mi-c&xc,).   On   aj 
loir  ainfi,  dans  la  Ai  ancienne,  généralement  tous  les 

âges  d'un  ordre  ou  d'un  fujet  de  Chant  à  i  '  ;if- 

(oxènc  définit  la  Mutation  une  efpece  de  paillon  dansl'oi 


M    U    T 


44; 


de  la  Mélodie;  Bacchius,  un  changement  de  fujet,  ou  la  tr. 
polirion  du    femblable    dans  ua    lieu  difiemblable  ;  Ariilice 
Quintilien ,  une   variation  dans   le   fyilême  propofc ,  &  dans 
le  caractère  de  la  voix;  Martianus  Cappella,   une    traniirion 
de  la  voix  dans  un  autre  ordre  de  Sons. 

Toutes  ces  définitions,  obfcures  «Se  trop  générales,  ont  be- 
foin  d'être  éclaircies  par  les  divi fions;  mais  les  Auteurs  ne 
s'accordent  pas  mieux  fur  ces  diviiions  que  fur  la  définition 
même.  Cependant  on  recueille  à-peu-près  que  toutes  ces  M  ■• 
tdtions  pouvoient  fe  réduire  à  cinq  efpeces  principales.  i°. 
Mutation  dans  le  Genre,  lorfque  le  Chant  pafToit,  par  exem- 
ple, du  Diatonique  au  Chromatique  ou  à  l'Enharmonique, 
&  réciproquement.  •  20.  Dans  le  fyltême,  lorfque  la  Modula- 
tion unifient  deux  Tétracordcs  disjoints  ou  en  féparoit  deux 
conjoints  ;  ce  qui  revient  au  pafTage  du  Béquarre  au  Bémol , 
&  réciproquement.  30.  Dans  le  Mode,  quand  on  pafibit  , 
par  exemple,  du  Dorien  au  Phrygien  ou  au  Lydien,  &  ré- 
ciproquement ,  &c.  40.  Dans  le  Rhythme ,  quand  on  parToi: 
du  vite  au  lent,  ou  d'une  Mefure  à  une  autre.  50.  Enfin 
dans  la  Mélopée ,  lorfqu'on  interrompoit  un  Chant  grave  , 
féricux,  magnifique,  par  un  Chant  enjoué,  gai,  impétueux,  &c. 


448  N    A    T 

*= ■         fa — =ayg= 

N. 


N 


A  T  U  R  E  L ,  adj.  Ce  mot  en  Mufique  a  plufieurs  fens. 
i°.   Mufique   Naturelle  eft  celle  que  forme  la  voix  humaine 
par  oppofition   à    la    Mufique   artificielle  qui  s'exécute    ai 
des  Inftrumens.  20.  On  dit  qu'un  Chant  eiè  Naturel^  quand 
il  efi   aifé,    doux,  gracieux,    facile  :  qu'une  Harmonie    e(t 
Naturelh ,  quand  elle  a  peu    de    renverfemcns,   de    DûTo- 
nances  ;  qu'elle    efr,   produite    par    les    cordes    cfientiellcs   & 
Naturelles  du  Mode.  30.  Naturel  fe  dit  encore  de  tout  Chant 
qui   n'e/t   ni   force    ni  baroque ,   qui  ne  va  ni  trop  haut  ni 
trop  bas,  ni  trop  vite  ni  trop  lentement.  40.  Enfin  la  ligni- 
fication la  plus  communs  de  ce  mot,  ex  la  feule  dcr.t  l'Abbé 
BroiTard   n'a   point  parle  ,   s'applique    aux  Tons   ou  Modes 
dont  les  Sons  fe  tirent  de   la  Gamme  ordinaire  fans  auci 
altération  :   de  forte  qu'un  Mode    Naturel  clt   celui  où  Ton 
n'emploie   ni    Dièfe  a\  J?émol.  Dans  le  fens  exact,  il  n'y  au- 
roit  qu'un  feul  Ton  Naturel,  qui  feroit  c<        1  '  .r  ou  de  C 
Tierce  majeure;  mais  on  étend  le  nom  de  N..:-  eh  à  tous 
les  Tons  dont  les  cordes   efTentielJes,  ne  portant  ni  | 
ni  llémoîs,  permettent  qu'on  n'arme   la  Clef  ni  de  l'un   ni 
de    l'autre  :    tels   font   les  Modes  majeurs  de   (;    &    de  /•', 
les  Modes  mineurs  du.'  &  de  P.  &c.  (Vqyes  Clefs   rH  - 
> ,  Transpositions.) 
I  1     .    liens  notent  toujours  leur  Récitatif  au  Naturel 
ppangçmcps   de   Tons  y   étape  lî  I  Modula* 

tii 


NET  44* 

tions  fi  ferrées  que,  de  quelque  manière  qu'on  armât  la  Clef 
pour  un  Mode ,  on  n'épargnerait  ni  Dièfes  ni  Bémols  poul- 
ies autres,  &  l'on  fe  jetteroit,  pour  la  fuite  de  la  Modula- 
tion ,  dans  des  confufions  de  fignes  très-embarradanres ,  lorf- 
que  les  Notes  altérées  à  la  Clef  par  un  figne  fe  trouveraient 
altérées  par  le  figne  contraire  accidentellement.  (  Voyez  Ré- 
citatif. ) 

Solfier  au  Naturel,  c'eft  folfler  par  les  noms  Naturels  des 
Sons  de  la  Gamme  ordinaire,  fins  égard  au  Ton  où  l'on 
eft.  (  Voyez    Solfikr.  ) 

NETE  ,  f.  J.  C'étoit,  dans  la  Mufîque  Grecque,  la  qua- 
trième corde  ou  la  plus  aiguë  de  chacun  des  trois  Tétra- 
cordes  qui  fuivoient  les  deux  premiers  du  grave    à  l'aigu. 

Quand  le  troifieme  Tétracorde  étoit  conjoint  avec  le  fé- 
cond ,  c'étoit  le  Tétracorde  Synnéménon  ,  &  fa  Nete  s'ap- 
pelloit  Nete-Synnéménon. 

Ce  troifieme  Tétracorde  portoit  le  nom  de  Diézeugménon 
quand  il  étoit  disjoint  ou  féparé  du  fécond  par  l'Intervalle 
d'un  Ton ,  &  fa  Nete  s'appel'oit  Nete-Dié\eugménon. 

Enfin  le  quatrième  Tétracorde  portant  toujours  le  nom 
d'Hypeiboléon,  fa  Nete  s'appelloit  aulfi  toujours  Nete- 
H)  perboléon. 

A  Tégard  des  deux  premiers  Tétracordes  ,  comme  ils 
étoient  toujours  conjoints,  ils  n'avoient  point  de  Nete  ni 
l'un  ni  l'autre  :  la  quatrième  corde  du  premier,  étant  tou- 
jours la  première  du  fécond,  s'appelloit  Hypate-Méfon;  &  la 
quatrième  corde  du  lecond  ,  formant  le  milieu  du  fyftémc, 
s'appelloit   Mcfe. 

Dicl.  de  Mufîque.  L 1 1 


450  NET 

Nete  ,  dit  Boé'ce ,  quafi  neate  ,  id  efl ,  inferlor  ;  car  les  An- 
ciens dans  leurs  Diagrammes  mettoient  en  haut  les  Sons  gra- 
ves ,  &  en  bas  les  Sons  aigus. 

NETOIDES.  Sons  aigus.  (  Voyez  Lepsis.  ) 

NECJME,/  /.  Terme  de  Plain-Chanr.  La  Neume  eft  une 
efpece  de  courre  récapitulation  du  Chant  d'un  Mode ,  la- 
quelle fe  fait  à  la  fin  d'une  Antienne  par  une  (impie  variété; 
de  Sons  &  fans  y  joindre  aucunes  paroles.  Les  Catholiques 
autorifent  ce  fingulier  ufage  fur  un  paffage  de  Saint  Auguf- 
tin  ,  qui  dit ,  que  ne  pouvant  trouver  des  paroles  dignes  de 
plaire  à  Dieu  ,  l'on  fait  bien  de  lui  adreffer  des  Chants 
confus  de  jubilation.  «  Car  à  qui  convient  une  telle  jubila— 
»3  tion  fans  paroles,  fi  ce  n'eft  a  l'Etre  ineffable  ?  &  com- 
jj  ment  célébrer  cet  Etre  ineffable  ,  lorfqu'on  ne  peut  ni  fe 
»»  taire ,  ni  rien  trouver  dans  Ces  tranfporcs  qui  les  exprime  , 
»  fi  ce  n'eft  des  Sons  inarticulés  j>  ? 

NEUVIEME,//.  OJtave  de  la  Seconde.  Cet    Intcr 
porte  le  nom  de   Neuvième  ,  parce    qu'il  faut  former   neuf 
Sons  confécutifs  pour    arriver   Diatoniquement  d'un    de  fis 
deux  termes  à  l'autre.  La  Neuvième  eft  majeure  ou  mineure, 
comme  la  Seconde  dont  elle  eft  la  Réplique.  (  Voy.  SecohdE.  ) 

Il  y  a  un  Accord  par  fuppofition  qui  s'appelle  Accord  de 
Neuvième  ,  pour  le  diftinguer  de  l'Accord  de  Seconde  ,  qui 
fe  prépare ,  s'accompagne  &  fe  fauve  différemment.  L'Accord 
de  Neuvième  eft  formé  par  un  Son  mis  à  la  Baflè  .  une 
Tierce  au-deffous  de  l'Accord  de  Septième;  ce  qui  fait  que 
la  Septième  elle-même  fait  Neuvième  fur  ce  nouveau  S 
La  Neuvième   s'accompagne  ,  par   (  eut  ,  de  Tierce  , 


N    I    G  4SI 

de  Quinte  ,  &  quelquefois  de  Septième.  La  quatrième  Note 
du  Ton  eit  généralement  celle  fur  laquelle  cet  Accord  con- 
vient le  mieux  ;  mais  on  la  peut  placer  par-tout  dans  des  en- 
trelacemens  Harmoniques.  La  Batte  doit  toujours  arriver  en 
montant  à  la  Note  qui  porte  Neuvième  ;  la  Partie  qui  fait  la 
Neuvième  doit  fyncoper  ,  &  fauve  cette  Neuvième  comme 
une  Septième  en  defeendant  Diatoniquement  d'un  Degré  fur 
l'Octave ,  fi  la  Balle  refle  en  place  ,  ou  fur  la  Tierce  ,  fi  la 
Baffe  defeend  de  Tierce.  (Voye*  Accord,  Supposition, 
Syncope.) 

En  Mode  mineur  l'Accord  fenfible  fur  la  Médiante  perd 
le  nom  d'Accord  de  Neuvième  &  prend  celui  de  Quinte  fu- 
perflue.  (Voyez  Quinte  Superflue.) 

NJGLAR1EN  ,  ad}.  Nom  d'un  Nome  ou  Chant  d'une 
Mélodie  efféminée  &  molle  ,  comme  Arutophane  le  repro- 
che a  Philoxène   fon  Auteur. 

NOELS.  Sortes  d'Airs  deftinés  à  certains  Cantiques  que 
le  peuple  chante  aux  Fêtes  de  Noël.  Les  Airs  des  Noe'/s 
doivent  avoir  un  caraclere  champêtre  &  pafioral  convenable 
à  la  {implicite  des  paroles ,  &  à  celle  des  Bergers  qu'on  fup- 
pofe  les  avoir  chantés  en  allant  rendre  hommage  à  l'Enfant 
Jéfus  dans  la  Crèche. 

NŒUDS.  On  appelle  NcemU  les  points  fixes  dans  lefquels 
une  corde  fonore  mife  en  vibration  fe  divife  en  aliquotes 
vibrantes ,  qui  rendent  un  autre  Son  que  celui  de  la  corde 
entière.  Par  exemple ,  fi  de  deux  cordes  dont  Tune  fera  tri- 
ple de  l'autre ,  on  fait  fonner  la  plus  petite  ,  la  grande  ré- 
pondra ,  non  par  le  Scn  qu'elle  a  comme  corde  entière ,  mais 

LU  » 


45i  N    O    E 

par  l'uniiïbn  de  la  plus  petite  ;  parce  qu'alors  cette  grande 
corde,  au  lieu  de  vibrer  dans  fa  totalité  ,  fe  divife,  &  ne  vi- 
bre que  par  chacun  de  fcs  tiers.  Les  points  immobiles  qui 
font  les  divifions  &  qui  tiennent  en  quelque  forte  lieu  de 
Chevalets  font  ce  que  M.  Sauveur  a  nommé  les  Noeuds ,  & 
il  a  nommé  Ventres  les  points  milieux  de  chaque  aliquote 
où  la  vibration  eit  la  plus  grande  &  où  la  corde  s'écarte  le 
plus  de  la  ligne  de  repos. 

Si ,  au  lieu  de  faire  fonner  une  autre  corde  plus  petite , 
on  divife  la  grande  au  point  d'une  de  fes  aliquores  par  un 
obftacle  léger  qui  la  gêne  fans  l'aifujettir  ,  le  même  cas  ar- 
rivera encore  en  faifant  fonner  une  des  deux  parties  ;  car  alors 
les  deux  réfonneront  à  l'uniffon  de  la  petite  ,  &  l'on  verra  les 
mêmes  Nœuds  &  les  mêmes  Ventres  que  ci-devant. 

Si  la  petite  partie  n'eft  pas  aliquote  immédiate  de  la 
grande,  mais  qu'elles  aient  feulement  une  aliquote  commune; 
alors  elles  fe  diviferont  toutes  deux  félon  cette  aliquote 
commune,  &  Ton  verra  des  Nœuds  &  des  Ventres,  même 
dans  la  petite  partie. 

Si  les  deux  parties  font  incommenfurables  ,  c'eft-à-dire , 
qu'elles  n'aient  aucune  aliquote  commune  ;  alors  il  n'y  aura 
aucune  réfonnance  ;  ou  il  n'y  aura  que  celle  de  la  petite  par- 
tie, à  moins  qu'on  ne  frappe  allez  fort  pour  forcer  l'oblU- 
cle,  &.  faire  réfonner  la  corde  entière. 

AI.  Sauveur    trouva   le   moyen  de    montrer  ces  [\ 
ces  Nceuds   à  l'Académie,  d'une  manière  très-fenfible  ,  en 
mettant   fur  la    corde  des  papiers   de    l       •         lleurs  ,    Tune 
divifions  des  Nœuds  ,  &  l'autre  au  milieu 


N     O     I  4?3 

car  alors  au  Son  de  l'aliquote  on  voyoit  toujours  tomber  les 
papiers  des  Ventres  &  ceux  des  Noeuds  refter  en  pluie.  (  Voy. 
PL  M.  Fig.  6.) 

NOIRE,  f.f.  Note  de  Mufique  qui  fe  fait  ainfi  "Y"  ou 
ainii  _ ,  &  qui  vaut  deux  Croches  ou  la  moitié  d'une  Blan- 
che. Dans  nos  anciennes  Muiïques  on  fe  fervoit  de  plusieurs 
fortes  de  Noires  ;  Noire  à  queue  ,  Noire  quarrée ,  Noire  en 
lofange.  Ces  deux  dernières  efpeces  font  demeurées  dans  le 
Plain-Chant;  mais  dans  la  Mufique  on  ne  fe  fert  plus  que 
de  la  Noire  à  queue.  (  Voyez  Valeur  des  Notes.  ) 

NOME,  f.  m.  Tout  Chant  déterminé  par  des  règles  qu'il 
n'étoit  pas  permis  d'enfreindre ,  portoit  chez  les  Grecs  le 
nom  de  Nome. 

Les  Nomes  empruntaient  leur  dénomination  ;  i°.  ou  de 
certains  peuples  ;  Nome  Eolien ,  Nome  Lydien  :  i°.  ou  de 
la  Nature  du  Rhythme  ;  Nome  Orthien,  Nome  Dactylique  , 
Nome  Trochaïque  :  30.  ou  de  leurs  inventeurs  ;  Nome  Hié- 
racien  ,  Nome  Polymneftan  :  40.  ou  de  leurs  fujets  ;  Nome 
Pythien  ,  Nome  Comique  :  50.  eu  enfin  de  leur  Mode  ;  Nome 
Hypatoïde  ou  grave,  Nome  Nétoïde  ou  aigu,  &c. 

Il  y  avoit  des  Nomes  Bipartites  qui  fe  chantoient  fur  deux 
Modes  ;  il  y  avoit  même  un  Nome  appelle  Tripartitc  ,  du- 
quel Sacadus  ou  Clonas  fut  l'inventeur,  &  qui  fe  chantoit  h.ï 
trois  Modes ,  favoir  le  Dorien ,  le  Phrygien  ,  &  le  Lydien. 
(Voyez  Chanson,  Mode.) 

NOMION.  Sorte  de  Chanfon  d'amour  chez  les  Grecs. 
(Voyez  Chanson.  ) 

NOMIQUE,  adj.  Le  Mode  No.nijue  ou  le  genre  de  Ilyle 


454  NOM 

Mufical  qui  portoit  ce  nom  ,  éroit  confàcré,  chez  les  Grecs, 
à  Apollon  Dieu  des  Vers  &  des  Chanfons,  &  l'on  tâchoit 
d'en  rendre  les  Chants  brillans  &  dignes  du  Dieu  auquel 
ils  étoient  confacrés.  (  V.  Mode  ,  Mélopée,  Style.  ) 

NOMS  des  Notes.  (  Voyez  Solfier.  ) 

NOTES,//.  Signes  ou  caractères  dont  on  fe   fert  pour 
Noter ,  c'eft-à-dire ,  pour  écrire  la  Mufique. 

Les  Grecs  fe  fervoient  des  lettres  de  leur  Alphabet  pour 
noter  leur  Mufique.  Or  comme  ils  avoient  vingt-quatre  let- 
tres, &  que  leur  plus  grand  fyftême  ,  qui  dans  un  même 
Mode  n'étoi:  que  de  deux  Ochves  ,  n'excédoit  pas  le  nom- 
bre de  feize  Sons  ,  il  fembleroit  que  l'Alphabet  devoit  être 
plus  que  fsffifant  pour  les  exprimer ,  puifquc  leur  Mufique 
n'étant  autre  chofe  que  leur  Poéfie  notée,  le  Rhytlime  étoit 
fufhfamment  déterminé  par  le  Mètre ,  fans  qu'il  fût  befoin 
pour  cela  de  valeurs  abfolues  &  de  figues  propres  à  la  Mufi- 
que; car,  bien  que  par  furabondance  ils  euïïent  auffi  des  ca- 
ractères pour  marquer  les  divers  piecîs  ,  il  eit  certain  que  la 
Mufique  vocale  n'en  avoit  aucun  befoin,  &  la  Mufique  inf- 
trumcntale  n'étant  qu'une  Mufique  vocale  jouée  par  des  Inf- 
trumens ,  n'en  avoit  pas  befoin  non  plus  ,  lorfquc  les  paroles 
étoient  écrites  ou  que  le  Symphonifte  les  favoit  par  cceur. 

Mais  il  faut  remarquer,  en  premier  lieu,  que  les  deux 
mêmes  Sons  étant  tantôt  à  l'extrémité  &  tantôt  au  milieu 
du  troifieme  Tétracordc  félon  le  lieu  où  fe  faifbit  la  Dis- 
jonction ,  (  voyez  ce  mot ,  )  on  donnoit  a  chacun  de  ces  Sa 
des  noms  &  des  fignes  qui  marquaient  ces  diferfts  limi- 
tions ;  feçoademeot  que  ces  feize  Sons  ifctoient  pas  tous  les 


N    O    T  45* 

mêmes  dans  les  trois  Genres,  qu'il  y  en  avoir  de  communs 
aux  crois  &  de  propres  à  chacun,  &  qu'il  faloit ,  par  con- 
fequent  ,  des  Notes  pour  exprimer  ces  différences;  troifiéme- 
menc  ,  que  la  Mufique  fe  notoit  pour  les  Initrumens  autre- 
ment que  pour  les  Voix  ,  comme  nous  avons  encore  aujour- 
d'hui pour  certains  Inilrumens  à  cordes  une  tablature  qui  ne 
reffemble  en  rien  à  celle  de  la  Mufique  ordinaire  ;  enfin,  que 
les  Anciens  ayant  jufqtfà  quinze  Modes  differens,  félon  le 
dénombrement  d'Alypius  ,  (voyez  Mode.)  il  falut  appro- 
prier des  caractères  à  chaque  Mode  ,  comme  on  le  voit  dans 
les  Tables  du  même  Auteur.  Toutes  ces  modifications  exi- 
geoient  des  multitudes  de  lignes  auxquels  les  vingt- quatre 
lettres  étoient  bien  éloignées  de  fufhre.  De-là  la  néceflité 
d'employer  les  mêmes  lettres  pour  plufïeurs  fortes  de  Notes; 
ce  qui  les  obligea  de  donner  à  ces  lettres  différentes  fîtua- 
tions  ,  de  les  accoupler ,  de  les  mutiler ,  de  les  alonger  en 
divers  fens.  Par  exemple ,  la  lettre  Pi  écrite  de  toutes  ces 
manières  n,  u,  3  ,  r  ,  T,  exprimoit  cinq  différentes  Notes. 
En  combinant  toutes  les  modifications  qifexigeoient  ces  di- 
verfes  circonstances  ,  on  trouve  jufqu'à  1620  différentes  No- 
tes :  nombre  prodigieux  ,  qui  devoit  rendre  l'étude  de  la  Mu- 
fique de  la  plus  grande  difficulté.  AulTi  l'étoic-elle  félon  Pla- 
ton, qui  veut  que  les  jeunes  gens  fe  contentent  de  donner 
deux  ou  trois  ans  à  la  Mufique  ,  feulement  pour  en  appren- 
dre les  rudimens.  Cependant  les  Grecs  n'avoient  pas  un  il 
grand  nombre  de  caractères  ,  mais  la  même  Note  avoit  qq«  1- 
quefois  différentes  lignifications  félon  les  occafions  :  ainli  le 
même  caractère   qui  marque  la  Prollambanomene  du  Mo 


45<ï  N    O    T 

Lydien,  marque  la  Parhypate-Mcfon  du  Mode  Hypo-Taftien  ," 
PHypate-Méfon  de  l'Hypo-P hrygien  ,  le  Lychauos-Hypaton 
de  l'Hypo  -  Lydien ,  la  Parhypate  -  hypaton  de  l'ia/lien ,  & 
PHypate-Hypaton  du  Phrygien.  Quelquefois  aufli  la  Note  chan- 
ge ,  quoique  le  Son  refte  le  même  ;  comme  ,  par  exemple  , 
la  Proflambanomene  de  l'Hypo- Phrygien  ,  laquelle  a  un 
même  ligne  dans  les  Modes  Hyper  -  Phrygien ,  Hyper -Do- 
rien  ,  Phrygien,  Dorien  ,  Hypo-Phygien  ,  &  Hypo-Dorien, 
&  un  autre  même  figne  dans  les  Modes  Lydien  ôc  Hypo- 
Lydien. 

On  trouvera  (PI.  H.  Fig.  r.  )  la  Table  des  Notes  du 
Genre  Diatonique  dans  le  Mode  Lydien  ,  qui  étoit  le  plus 
ufitc  ;  ces  Notes  ayant  été  préférées  à  celles  des  autres  Mo- 
des par  Bacchius  ,  fuffifent  pour  entendre  tous  les  exemples 
qu'il  donne  dans  fon  ouvrage  ;  &  la  Mufique  des  Grecs 
n'étant  plus  en  ufige ,  cette  Table  fuffit  aufîï  pour  défabu- 
fer  le  Public  ,  qui  croit  leur  manière  de  noter  tellement 
perdue  que  cette  Mufique  nous  feroit  maintenant  impoiîî- 
ble  h  déchiffrer.  Nous  la  pourrions  déchiffrer  tout  auffi  exac- 
tement que  les  Grecs  mêmes  auroient  pu  faire  :  mais  la 
phrafer  ,  l'accentuer  ,  l'entendre  ,  la  juger  ;  voilà  ce  qui 
n'elt  plus  pofTïble  à  perfonne  &  qui  ne  le  deviendra  jamais. 
En  toute  Mufique  ,  ainfi  qu'en  toute  Langue ,  déchiffrer  Ôc 
lire  font  deux    chofes   très-différentes. 

Les  Latins,  qui,  a  l'imitation  des  Grecs,  notèrent  auffi  la 
Mufique  avec  les  lettres  de  kur  Alphabet,  retranchèrent  ht 
coup  de  cette  quantité  de  ?  le  Genre  Enharmonique  ayi 

tout-à-fait  ceffé  d'être  pratiqué  ,  Ôc  plulit>  >.s  n'étant  r     I 

en 


N    O    T  457 

en  ufage.  Il  paroît  que  Boéce  établie  l'ufjge  de  quinze  lettres 
feulement,  &  Grégoire  Evcque  de  Rome ,  confidérant  que  les 
rapports  des  Sons  font  les  mêmes  dans  chaque  Octave  ,  réduifir. 
encore  ces  quinze  Notes  aux  fept  premières  lettres  de  l'Alphabet , 
que  l'on  répétoit  en  diverfes  formes  d'une  Octave  a  l'autre. 

Enfin  dans  l'onzième  fîecle  un  Bénédictin  d'Arezzo  , 
nommé  Gui  ,  fubfHtua  à  ces  lettres  des  points  pofés  fur 
différentes  lignes  parallèles  ,  à  chacune  defquelles  une  lettre 
fervoit  de  Clef.  Dans  la  fuite  on  groiïit  ces  points,  on  s'aviia 
d'en  pofer  aufli  dans  les  efpaces  compris  entre  ces  lignes  , 
&  l'on  multiplia  ,  félon  le  befoin  ,  ces  lignes  &  ces  efpaces. 
(  Voyez  Portée.  )  A  l'égard  des  noms  donnés  aux  Notes , 
voyez  Solfier. 

Les  Notes  n'eurent,  durant  un  certain  tems,  d'autre  ufage 
que  de  marquer  les  Degrés  &  les  différences  de  l'Intonation. 
Elles  étoient  toutes ,  quant  à  la  durée  ,  d'égale  valeur  ,  & 
ne  recevoient  à  cet  égard  d'autres  différences  que  celles  des 
fyllabes  longues  &  brèves  fur  lefquelles  on  les  chantoit  : 
c'eft  à-peu-près  dans  cet  état  qu'eft  demeuré  le  Plain-Chant 
des  Catholiques  jufqu'à  ce  jour  ;  &  la  Mufîque  des  Pfeau- 
mes  ,  chez  les  Protcftans  ,  eft  plus  imparfaite  encore  ;  puif- 
qu'on  n'y  diftingue  pas  même  dans  l'ufage,  les  Longues  des 
Brèves  ou  les  Rondes  des  Blanches ,  quoiqu'on  y  ait  confervé 
ces  deux  figures. 

Cette  indiitinciion  de  figures  dura  ,  fdon  l'opinion  com- 
mune ,  jufqu'en  1338  ,  que  Jean  de  Mûris  Docteur  &  Cha-  , 
noine  de  Paris  ,  donna  ,  à  ce  qu'on  prétend  ,  différentes 
figures  aux  Notes,  pour  marquer  les  rapports  de  durée  qu'elles 
Dicl.  de  Mufîque.  Mm  m 


45-3  N     O     X 

dévoient  avoir  entr'elles  :  il  inventa  aufïi  certains  fignes  de. 
Mefure  appelles  Modes  ou  Prolations  ,  pour  déterminer  , 
dans  le  cours  d'un  Chant  ,  fi  le  rapport  des  Longues  aux 
Brèves  ferait  double  ou  triple  ,  &c.  Plufieurs  de  ces  figu- 
res ne  fubfiitenc  plus  ;  on  leur  en  a  fubflitué  d'autres  en 
difrérens  tems.  (  Voyv  Mesura,  Tems,  Valeur  des  Notes.) 
Voyez  aufïi  au  mot  Mufique ,  ce  que  j'ai  dit  de  cette  opinion. 

Pour  lire  la  Mufique  écrite  par  nos  Notes  r  &  la  rendre 
exa£feement,il  y  a  huit  chofes  àconfidérer:  favoir;  t.  La  Clef 
&fu  pofition.  2.  Les  Dièfes  ou  Bémols  qui  peuvent  l'accom- 
pagner. 3.  Le  lieu  ou  la  polition  de  chaque  Noce.  4.  Son 
Intervalle  ,  c'eit-à-dire ,  fbn  rapport  à  celle  qui  précède ,  ou 
à  la  Tonique ,  ou  à  quelque  Non  fixe  dont  on  ait  le  Ton. 
5.  Sa  figure ,  qui  détermine  fa  valeur.  6.  Le  Tems  où  elle 
fe  trouve  &  la  place  qu'elle  y  occupe.  7.  Le  Dièfe ,  Bémol 
ou  Béquarre  accidentel  qui  peut  la  précéder.  8.  L'efpece  de 
la  M-jfure  &  le  caractère  du  Mouvement.  Et  tout  cela,  fins 
compter  ni  la  parole  ou  la  fyllabe  a  laquelle  appartient  chaque 
Nof:  ,  ai  l'Accent  ou  l'expreflion  convenable  au  fentimeat  ou 
à  la  penfee.  Une  feule  de  ces  huit  obfervations  omife  peut 
faire  détonner  ou  chanter  hors  de  Mefure. 

La  Mufique  a  eu  le  fort  des  Arts  qui  ne  fe  perfectionnera 
que  lentement.  Les  inventeurs  des  Notes  n'ont  fongt-  qu'a 
I'écat  où  elle  fe  trouvoit  de  leur  tems  ,  fins  longer  à  celui 
où  elle  pouvoir,  parvenir,  &  dans  la  Cuite  leurs  fignes  fe  font 
trouvés  d'autant  pius  défectueux  que  l'Art  s'eft  plus  perfec- 
tionné. A  mefure  qu'on  avançoit,  on  établifToit  de  nouvelles 
règles  pour  remédier  aux  inconveniens  prekus;  en  multipliaot 


N    Ô    T  *?<> 

les  fignes,  on  a  multiplie  les  difficultés,  &  à  force  d'additions 

&  de  chevilles  ,  on  a  tiré  d'un  principe  allez  {impie  un  fyf- 
téme  fort  embrouillé  &  fort  mal  afTorti. 

On  peut  en  réduire  les  défauts  à  trois  principaux.  Le  pre- 
mier eft  dans  la  multitude  des  lignes  6c  de  leurs  combinai- 
fons ,  qui  furchargent  tellement  l'efprit  6c  la  mémoire  des 
commençans  ,  que  l'oreille  eft  formée  ,  6c  les  organes  ont 
acquis  l'habitude  6c  la  facilité  néceflaires  ,  long-tems  avant 
qu'on  foit  en  état  de  chanter  à  Livre  ouvert  ;  d'où  il  fuit 
que  la  difficulté  e(t  toute  dans  l'attention  aux  règles  &  nul- 
lement dans  l'exécution  du  Chant.  Le  fécond  eft  le  peu 
d'évidence  dans  l'efpece  des  Intervalles,  majeurs,  mineurs, 
diminués  ,  f  iperflus ,  tous  indiftinftement  confondus  dans  les 
mêmes  polirions  :  défaut  d'une  telle  influence,  que  non-feu- 
lement il  eft  la  principale  caufe  de  la  lenteur  du  progrès  des 
Ecoliers;  mais  encore  qu'il  n'eft  aucun  Muficien  formé  ,  qui 
n'en  foit  incommodé  dans  l'exécution.  Le  troifieme  eft  l'ex- 
trême dirTufion  des  caractères  6c  le  trop  grand  volume  qu'ils 
occupent;  ce  qui ,  joint  à  ces  Lignes  ,  à  ces  Portées  fi  incom- 
modes à  tracer ,  devient  une  fource  d'embarras  de  plus  d'une 
cfpece.  Si  le  premier  avantage  des  fignes  d'inftirution  eft 
d'être  clairs ,  le  fécond  eft  d'être  concis  ,  quel  jugement 
doit -on  porter  d'un  ordre  de  fignes  à  qui  l'un  6c  l'autre 
manquent  ? 

Les  Muficicns  ,  il  eft  vrai ,  ne  voient  point  tout  cela. 
L'ufage  habitue  à  tout.  La  Mufique  pour  eux  n'eit  pas  la 
feience  des  Sons  ;  c'eft  celle  des  Noires,  des  Blanches,  des 
Croches  ,    &c.   Dès   que  ces    figures   cefleroient  de   frapper 

M  m  m  2 


4&a  N    O    T 

leurs  yeux ,  ils  ne  croiraient  plus  voir  de  la  Mufique.  D'ail- 
leurs ,  ce  qu'ils  ont  appris  difficilement  ,  pourquoi  le  ren- 
droient-ils  facile  aux  autres  ?  Ce  n'eft  donc  pas  le  Mufkien 
qu'il  faut  confulter  ici  ;  mais  l'homme  qui  fait  la  Muiîque  & 
qui  a  réfléchi  fur  cet  Art. 

Il  n'y  a  pas  deux  avis  dans  cette  dernière  Clarfe  fur  les 
défauts  de  notre  Note  ;  mais  ces  défauts  font  plus  aifés  à 
connoître  qu'à  corriger.  Plufieurs  ont  tenté  jufqu'à  préfent 
cette  correction  fans  fuccès.  Le  Public  ,  fans  difeuter  beau- 
coup l'avantage  des  fignes  qu'on  lui  propofe  ,  s'en  rient  à 
ceux  qu'il  trouve  établis  ,  &  préférera  toujours  une  mauvaife 
manière  de  favoir  à  une  meilleure  d'apprendre. 

Ainfî  de  ce  qu'un  nouveau  fyftême  eft  rebuté  ,  cela  ne 
prouve  autre  chofe ,  finon  que  l'Auteur  eft  venu  trop  tard  ; 
&:  l'on  peut  toujours  difeuter  &  comparer  les  deux  fyltêmes , 
fans  égard  en  ce  point  au  jugement  du  Public. 

Toutes  les  manières  de  Noter  qui  n'ont  pas  eu  pour  pre- 
mière loi  l'évidence  des  Intervalles ,  ne  me  paroifTent  pas  va- 
loir la  peine  d'être  relevées.  Je  ne  m'arrêterai  donc  point 
à  celle  de  M.  Sauveur  qu'on  peut  voir  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  des  Sciences  ,  année  171 1  ,  ni  à  celle  de 
M.  Demaux  donnée  quelques  années  après.  Dans  ces  deux 
fyilémes,  les  Intervalles  étant  exprimés  par  des  (ignés  tout- 
à-fait  arbitraires  ,  &  fans  aucun  vrai  rapport  à  la  chofe  repré- 
fentée  ,  échappent  aux  yeux  les  plus  attentifs  &  ne  peuvent 
fe  placer  que  dans  la  mémoire  ;  car  que  font  des  têtes  diffé- 
remment figurées  ,  Cv  des  queues  différemment  dirigées  aux 
Intervalles  qu'elles   doivent   exprimer?    De    tels  figues   n'ont 


N    O    T  461 

rien  en  eux  qui  doive  les  faire  préférer  a  d'autres  ;  la  net- 
teté de  la  rigure  &  le  peu  de  place  qu'elle  occupe  font  des 
avantages  qu'on  peut  trouver  dans  un  fyltcmc  tout  différent; 
le  hafard  a  pu  donner  les  premiers  fignes  ,  mais  il  faut  un 
choix  plus  propre  à  la  chofe  dans  ceux  qu'on  leur  veut  fubiti- 
tuer.  Ceux  qu'on  a  propofés  en  1743  dans  un  petit  ouvrage 
intitulé,  D'iihrtutïon  fur  la  Mujïqut  moderne  ,  ayant  cet 
avantage  ,  leur  fimplicité  m'invite  à  en  expofer  le  fylléme 
abrégé  dans   cet  article. 

Les  caractères  de  la  Muftque  ont  un  double  objet;  favoir," 
de  repréfenter  les  Sons,  i°.  félon  leurs  divers  Intervalles  du 
grave  à  l'aigu;  ce  qui  conftitue  le  Chant  &  l'Harmonie.  i°. 
Et  félon  leurs  durées  relatives  du  vite  au  lent  ;  ce  qui  dé- 
termine le  Tems  &  la  Mefure. 

Pour  le  premier  point,  de  quelque  manière  que  l'on  re- 
tourne &  combine  la  Mjfique  écrite  &  régulière  ,  on  n'y 
trouvera  jamais  que  des  combinaiibns  des  fept  Notes  de  la 
Gamme  portées  à  diverfes  Octaves  ou  rranfpofées  fur  dit*— 
férens  Degrés  félon  le  Ton  &  le  Mode  qu'on  aura  choill. 
L'Auteur  exprime  ces  fept  Sons  par  les  fept  premiers  chif- 
fres; de  forte  que  le  chiffre  1  forme  la  A'ote  ut,\c  1  la  Note 
re  ,  le  3  la  Note  mi ,  &c.  &  il  les  traverfe  d'une  ligne  hori- 
fontale  comme  on  voit  dans   la  Planche  F.  Fig.   1. 

Il  écrit  au  -  deffus  de  la  Ligne  les  Notes  qui ,  continuant 
de  monter ,  fe  trouveraient  dans  l'Octave  fupérieure  :  ainfï 
Vut  qui  fuivroit  immédiatement  le  fi  en  montant  d'un  femi- 
Ton  doit  être  au -deffus  de  la  Ligne  de  cette  manière +J  ; 
&  de  même  ,  les  Notes  qui  appartiennent  à  L'Oâave  aiguë 


46i  N  o   T 

donc  cet  ut  eft  le  commencement,  doivent  toutes  être  au- 
deiïus  de  la  même  Ligne.  Si  l'on  entroit  dans  une  troifieme 
Octave  à  l'aigu  ,  il  ne  faudroit  qu'en  traverfer  les  Notes  par 
une  féconde  ligne  accidentelle  au  -  défais  de  la  première. 
Voulez  -  vous  ,  au  contraire  ,  defcendre  dans  les  Octaves  in- 
férieures à  celle  de  la  ligne  principale  ?  Ecrivez  immédiate- 
ment au  -  deifous  de  cette  ligne  les  Notes  de  l'Octave  qui 
la  fuit  en  defcendant  :  Il  vous  defcendez  encore  d'une  Oc- 
tave ,  ajoutez  une  ligne  au  -  deffous  ,  comme  vous  en  avez 
mis  une  au  -  deffus  pour  monter  ,  &c.  Au  moyen  de  trois 
lig.ies  feulement  vous  pouvez  parcourir  l'étendue  de  cinq  Oc- 
taves ;  ce  qu'on  ne  fauroit  faire  dans  la  Mufique  ordinaire 
à  moins  de  18  lignes. 

On  peut  même  fe  pafTer  de  tirer  aucune  ligne.  On  place 
toutes  les  Notes  horifontalement  fur  le  même  rang.  Si  l'on 
trouve  une  Note  qui  pafTe  ,  en  montant  ,  le  fi  de  l'Octave  où 
l'on  elt  ,  c'eft-à-dire ,  qui  entre  dans  l'Octave  fupérieure ,  on 
met  un  point  fur  cette  Note.  Ce  point  fuffit  pour  toutes  les 
Notis  fuivantes  qui  demeurent  fans  interruption  dans  l'Oc- 
tave où  l'on  elt  entré.  Que  fi  Ton  rcdefcend  d'une  Oclave 
à  l'autre  ,  c'eft  l'affaire  d'un  autre  point  fous  la  Note  par 
laquelle  on  y  rentre ,  &c.  On  voit  dans  l'exemple  fuivant  le 
progrès  de  deux  Octaves  tant  en  montant  qu'en  defcendant, 
notées  de  cette  manière. 

11345671154567  1765431x7  6  543*  z< 

La  première  manière    de    Noter  avec  des   lignes  convient 
pour  les  Mufiqucs  fort  travaillées  &  fort  difficiles ,  pour  les 


N    O    T  4*3 

grandes  Partitions ,  &c.  La  féconde  avec  des  points  eft  pro- 
pre aux  Mufiques  plus  fimples  &  aux  petits  Airs  :  mais  rien 
n'empêche  qu'on  nepuiffe  à  fa  volonté  l'employer  à  la  place 
de  l'autre ,  &  l'Auteur  s'en  eft  fervi  pour  tranferire  la  fameufc 
Ariette  YObjet  qui  règne  dans  mon  ame  ,  qu'on  trouve  Notée  en 
Partition  par  les  Chiffres  de  cet  Auteur  à  la  fin  de  fon  ouvrage. 

Par  cette  méthode  tous  les  Intervalles  deviennent  d'une 
évidence  dont  rien  n'approche  ;  les  Octaves  portent  toujours 
le  même  chiffre  ,  les  Intervalles  fimples  fe  reconnoilfent 
toujours  dans  leurs  doubles  eu  compofés  :  on  reconnoît 
d'abord  dans  la  dixième -h  ou  13  que  c'elt  l'Octave  de  lu 
Tierce  majeure  :  les  Intervalles  majeurs  ne  peuvent  jamais 
fe  confondre  avec  les  mineurs  >  24  fera  éternellement  une 
Tierce  mineure  T  46  éternellement  une  Tierce  majeure  ;  la 
pofition  ne  fuit  rien  à  cela- 

Après  avoir  ainii  réduit  toute  retendue  du  Clavier  fous  un 
beaucoup  moindre  volume  avec  des  lignes  beaucoup  plus 
clairs  ,  on  parfe  aux  tranfpofitions. 

Il  rfy  a  que  deux  Modes  dans  notre  Mufique.  Qu'eft  -  ce 
que  chanter  ou  jouer  en  re  majeur  ?  C'elt  tranfporter  l'E- 
ehelle  ou  la  Gamme  d'ut  un  Ton  plus  haut ,  &.  la  placer  fur 
re  comme  Tonique  ou  Fondamentale.  Tous  les  rapports  qui 
appartenoient  a  Y  ut  paffent  au  re  par  cette  tranfpofition. 
C'elt  pour  exprimer  ce  fyftême  de  rapports  hauifé  ou  baille, 
qu'il  a  tant  falu  d'altérations  de  Dicfes  ou  de  Bémols  a  la 
Clef.  L'Auteur  du  nouveau  fyltême  fupprime  tout  d'un  coup 
tous  ces  embarras  :  le  fcul  mot  re  mis  en  tête  &  à  la 
marge  ,  avertit  que  la  pièce  elt  en  re  majeur ,  &  comme 


46+  N     O     T 

alors  le  n  prend  tous  les  rapports  qu'avoir  Yut  ,  il  en  prend 
aufli  le  figne  &  le  nom  ;  il  fe  marque  avec  le  chiffre  i  ,  & 
toute  fon  Octave  fuit  par  les  chiffres  2,  ,  3  ,  4 ,  &c.  comme 
ci  -  devant.  Le  re  de  la  marge  lui  fert  de  Clef  ;  c'eft  la 
touche  re  ou  D  du  Clavier  naturel  :  mais  ce  même  re  de- 
venu Tonique  fous  le  nom  dW  devient  auffi  la  Fondamen- 
tale du  Mode. 

Mais  cette  Fondamentale ,  qui  eft  Tonique  dans  les  Tons 
majeurs  ,  n'eft  que  Médiante  dans  les  Tons  mineurs  ;  la 
Tonique  ,  qui  prend  le  nom  de  la  ,  fe  trouvant  alors  une 
Tierce  mineure  au  -  deffous  de  cette  Fondamentale.  Cette 
diftinétion  fe  fait  par  une  petite  ligne  horifontale  qu'on  tire 
fous  la  Clef.  Re  fans  cette  ligne  défïgne  le  Mode  majeur 
de  re  ;  mais  Re  fous  -  ligné  défïgne  le  Mode  mineur  de  fi 
dont  ce  Re  eft  Médiante.  Au  refte  ,  cette  diftinclion  ,  qui 
ne  fert  qu'a  déterminer  nettement  le  Ton  par  la  Clef ,  n'eft 
pas  plus  néceffaire  dans  le  nouveau  fyftême  que  dans  la  Note 
ordinaire  où  elle  n'a  pas  lieu.  Ainli  quand  on  n'y  auroit  au- 
cun égard  ,  on  n'en  folrieroit  pas  moins  exactement. 

Au  lieu  des  noms  mêmes  des  Not<?s  on  pourroit  fe  fervir 
pour  Clefs  des  lettres  de  la  Gamine  qui  leur  répondent  ;  C 
pour  ut ,  D  pour  re  ,  &c.  (  Voyez  Gamme.  ) 

Les  Muficiens  affectent  beaucoup  de  mépris  pour  la  mé- 
thode des  Tranfpofitions ,  fans  doute  ,  parce  qu'elle  rend 
l'Art  trop  facile.  L'Auteur  fait  voir  que  ce  mépris  eft  mal 
fondé;  que  c'eft  leur  méthode  qu'il  faut  méprifer,  puifqu'ellc 
eft  pénible  en  pure  perte  ,  &  que  les  Tranfpofitions  ,  dont 
il  montre  les  avantages ,  font ,  même  fans  qu'ils  y  fongent , 

h 


N    O    T  4*s 

la  véritable  règle  que  fuivent  rous  les  grands  Muficiens  &  les 
bons  Compofitcurs.  (  Voyez  Transposition.  ) 

Le  Ton ,  le  Mode  &  tous  leurs  rapports  bien  déterminés, 
il  ne  fuffit  pas  de  faire  connoicre  toutes  les  Notes  de  cha- 
que Octave  |  ni  le  paffage  d'une  Octave  à  l'autre  par  des 
fignes  précis  &  clairs  ;  il  faut  encore  indiquer  le  lieu  du 
Clavier  qu'occupent  ces  Octaves.  Si  j'ai  d'abord  un  fol  à  en- 
tonner ,  il  faut  favoir  lequel  ;  car  il  y  en  a  cinq  dans  le 
Clavier  ,  les  uns  hauts ,  les  aunes  moyens  ,  les  autres  bas  , 
félon  les  différentes  Octaves.  Ces  Octaves  ont  chacune  leur 
lertre  ,  &  l'une  de  ces  lettres  mife  fur  la  ligne  qui  fert  de 
Portée  marque  à  quelle  Octave  appartient  cette  ligne  ,  & 
conféquemment  les  Octaves  qui  font  au-deiïus  &  au-deffous. 
II  faut  voir  la  figure  qui  eft  à  la  fin  du  Livre  &  l'explica- 
tion qu'en  donne  l'Auteur  ,  pour  fe  mettre  en  cette  partie 
au  fait  de  fon  fyitcme  ,  qui  eft  des  plus  fimples. 

Il  relte  ,  pour  l'expreflion  de  tous  les  Sons  poffibles  dans 
notre  fyftême  mufical ,  à  rendre  les  altérations  accidentelles 
amenées  par  la  Modulation  ;  ce  qui  fe  fait  bien  aifément. 
Le  Dièfe  fe  forme  en  traverfant  la  Note  d'un  trait  mon- 
tant de  gauche  à  droite  de  cette  manière  ;  fa  Dicfe  4  :  ut 
Dièfe  r.  On  marque  le  Bémol  par  un  femblable  trait  def- 
cendant;/f  Bémol ,  =7*  :mi  Bémol , ^*.  A  l'égard  du  Béqtiarre, 
l'Auteur  le  fuppnme  ,  comme  un  figue  inutile  dans  fon  fyf- 
1e. 

*  Ces  deux  chiffres  7  &  j  doivent       du  haut  à  gauche ,  paffer  [\  la  droit* 
ttre  croifés  en  fens  contraire;  c'eft-à-       en  defeendant    11  faudrait  Jju\  p 
dire  que  la  iiyne  qui  les  cruife  doit ,        rjOIU  «près  pour  cela. 

Dicl.  Je   Mlijîqiie.  N  P  D 


466  N     O     ï 

Cette  partie  ainfi  remplie,  il  faut  venir  au  Tems  ou  à  la 
Mefure.  D'abord  l'Auteur  fait  main-baffe  fur  cette  foule  de 
différentes  Mefures  dont  on  a  fi  mal-à-propos  chargé  la 
Mufique.  Il  n'en  connoît  que  deux  ,  comme  les  Anciens  ; 
favoir  ,  Mefure  à  deux  Tems  ,  &c  Mefure  à  trois  Tems.  Les 
Tems  de  chacune  de  ces  Mefures  peuvent  ,  à  leur  tour  , 
être  divifés  en  deux  parties  égales  ou  en  trois.  De  ces  deux 
règles  combinées  il  tire  des  exprefiions  exacles  pour  tous  les 
Mouvemens  poffibles. 

On  rapporte  dans  la  Mufique  ordinaire  les  diverfes  valeurs 
des  Notes  à  celle  d'une  Note  particulière,  qui  elt  la  Ronde; 
ce  qui  fait  que  la  valeur  de  cette  Ronde  variant  continuel- 
lement ,  les  Notes  qu'on  lui  compare  n'ont  point  de  va- 
leur fixe.  L'Auteur  s'y  prend  autrement  :  il  ne  détermine 
les  valeurs  des  Notes  que  fur  la  forte  de  Mefure  dans  la- 
quelle elles  font  employées  &  fur  le  Tems  qu'elles  y  oc- 
cupent ;  ce  qui  le  difpenfe  d'avoir  ,  pour  ces  valeurs  ,  au- 
cun figne  particulier  autre  que  la  place  qu'elles  tiennent.  Une 
Note  feule  entre  deux  barres  remplit  toute  une  Mefure.  Dans 
la  Mefure  à  deux  Tems  ,  deux  Notes  remplilfant  la  Mefure  , 
forment  chacune  un  Tems.  Trois  Notes  font  la  même 
chofe  dans  la  Mefure  à  trois  Tems.  S'il  y  a  quatre  Notes 
dans  une  Mefure  a  deux  Tems  ,  ou  fix  dans  une  Mefure  à 
trois  ,  c'eft  que  chaque  Tems  elt  diviié  en  deux  parties 
égales  ;  on  paffe  donc  deux  Notes  pour  un  Tems  ;  on  en 
pa'fe  trois  quand  il  y  a  fix  Notes  dans  l'une  &  neuf 
dans  l'autre.  En  un  mot  ,  quand  il  n'y  a  nul  (igné  d'iiu 
lité  ,  les  Notes  font  égales  ,  leur    nombre  fe    dillribuc    dans 


N    O    T  4<7 

une  Mefure  félon  le  nombre  des  Tems  &  l'tfpece  de  la  Me- 
fure  :  pour  rendre  cette  difiribution  plus  aifée ,  on  fépare  ii 
l'on  veut  les  Tcms  par  des  virgules  ;  de  forte  qu'en  lifant 
la  Mufique  ,  on  voit  clairement  la  valeur  des  Notes,  fins 
qu'il  faille  pour  cela  leur  donner  aucune  figure  particulière. 
(Voyez  PL  F.  lig.i.  ) 

Les  divifions  inégales  fe  marquent  avec  la  même  facilité. 
Ces  inégalités  ne  font  jamais  que  des  fubdivifions  qu'on  ra- 
mené à  l'égalité  par  un  trait  dont  on  couvre  deux  ou  plusieurs 
Notes.  Par  exemple ,  fi  un  Tems  contient  une  Croche  & 
deux  doubles-Croches ,  un  trait  en  ligne  droite  au-deflus  ou 
au-deflbus  des  deux  doubles-Croches  montrera  qu'elles  ne  font 
enfemble  qu'une  quantité  égale  à  la  précédente,  ck  par  con- 
féquent  qu'une  Croche.  Ainfi  le  Tems  entier  fe  retrouve  di- 
vifé  en  deux  parties  égales;  favoir,  la  Note  feule  &  le  trait 
qui  en  comprend  deux.  Il  y  a  encore  des  fubdivifions  d'iné- 
galité qui  peuvent  exiger  deux  traits;  comme,  fi  une  Croche 
pointée  étoit  fuivie  de.  deux  triples  -  Croches  ,  alors  il  fau- 
droit  premièrement  un  trait  fur  les  deux  Notes  qui  repréfen- 
tent  les  triples-Croches,  ce  qui  les  rendroit  enfemble  égales 
au  Point  ;  puis  un  fécond  trait  qui ,  couvrant  le  trait  pré- 
cédent &  le  Point ,  rendroit  tout  ce  qu'il  couvre  égal  à  la 
Croche.  Mais  quelque  vîtelfe  que  puilfent  avoir  les  Notes , 
ces  traits  ne  font  jamais  néceifaires  que  quand  les  valeurs 
font  inégales,  &  quelque  inégalité  qu'il  puilfe  y  avoir,  on 
n'aura  jamais  befoin  de  plus  de  deux  traits,  fur-tout  en  fé- 
parant  les  Tems  par  des  virgules,  comme  on  verra  dans 
l'exemple  ci-apiès. 

N  n  n  a 


4^S  N    O    T 

L'Auteur  du  nouveau  fyftême  emploie  auiu"  le  Peint,  au 
autrement  que  dans  la  Mufique  ordinaire;  dans  celle-ci  ,  le 
Point  vaut  la  moitié  de  k  Note  qui  le  précède;  dans  la, 
fienne ,  le  Point ,  qui  marque  auffi  le  prolongement  de  la 
Note  précédente,  n'a  point  d'autre  valeur  que  celle  de  la 
place  qu'il  occupe  :  Ci  le  Point  remplit  un  Tems,  il  vaut  un 
Tems;  s'il  remplit  uneMcfure,  il  vaut  une  Mefure;  s'il  eft 
dans  un  Tems  avec  une  autre  Note ,  il  vaut  la  moitié  de  ce 
Tems.  En  un  mot,  le  Point  fe  compte  pour  une  Note,  fe 
mefure  comme  les  Notes ,  &  pour  marquer  des  Tenues  ou 
des  Syncopes  on  peut  employer  plulîeurs  Points  de  fuite  de 
valeurs  égales  ou  inégales  r  félon  celles  des  Tems  ou  des 
Mefures  que  ces  Points  ont  a  remplir. 

Tous  les  filences  n'ont  befoin  que  d'un  feul  caractère;  c'efi 
le  Zéro.  Le  Zéro  s'emploie  comme  les  Notes,  &  comme 
le  Point;  le  Point  fe  marque  après  un  Zéro  pour  prolonger 
un  filence,  comme  après  um  Note  pour  prolonger  un  Son, 
Voyez  un  exemple  de  tout  cela  (PL  F.  Fig.  3.) 

Tel  efi  le  précis  de  ce  nouveau  fyftême.  Nous  ne  faivrons 
point  l'Auteur  dans  le  détail  de  fes  règles  ni    dans  la  corn- 
paraifon  qu'il  fuit  des  caractères  en  ufage  avec  les  liens  :  on 
s'attend   bien  qu'il   met   tout    l'avantage  de    fon  côté;  m.iis 
ce  préjugé  ne  détournera  point  tout  Lecteur  impartial  dV 
minrr  les  raifons  de  cet  Auteur  dans  fon  livre  mén.e  :  com- 
me cet  Auteur  eft.  celui  de   ce  Dictionnaire,  il  n'en  peut  di 
davantage   dans   cet  article  fans  s'écarter  de  la   fonction  qu'il 
doit  faire  ici.  Voyez  {PL  F.  Fig.  4.)  un  Air  noté   par 
nouveaux  caractères  :  mais  il  fera  difficile  de  tout    du 


N    O     T  469 

bien  exaâement  fùns  recourir  au  livre  marrie,  parce  qu'un 
article  de  ce  Dictionnaire  ne  doit  pas  être  un  livre,  &  que 
d.'.ns  l'explication  des  caractères  d'un  Art  auiîi  compliqué  ,  il 
elt  impofïible  de  tout  dire  en  peu  de  mots. 

NOTE  SENSIBLE,  elt  celle  qui  cft  une  Tierce  majeure 
au-deiïus  de  la  Dominante,  ou  un  femi-Ton  au-deiîbus  de 
la  Tonique.  Le  fi  elt  Note  fenfible  dons  le  Ton  d'ut ,  le  fol 
Dièfe  dans  le  Ton  de  la. 

On  l'appelle  Note  fenfible ,  parce  qu'elle  fait  fentir  le  Ton 
&  la  Tonique,  fur  laquelle,  après  l'Accord  dominant,  la 
Note  fcnfiblt  prenant  le  chemin  le  plus  court ,  elt  obligée 
de  monter  :  ce  qui  fait  que  quelques-uns  traitent  cette  Note 
fenfible  de  Diiîbnance  majeure,  faute  de  voir  que  la  Dif- 
fonance  ,  étant  un  rapport ,  ne  peut  être  conltituée  que  par 
deux  Notes. 

Je  ne  dis  pas  que  la  Note  fenfible  elt  la  feptieme  Note  du 
Ton  ;  parce  qu'en  Mode  mineur  cette  feptieme  Note  n'elt 
Note  fenfible  qu'en  montant;  car  en  defeendant  elle  elt  à 
un  Ton  de  la  Tonique  &  à  une  Tierce  mineure  de  la  Do- 
minante. (Voyez  Mode,  Tonique  ,  Dominante.  ) 

NOTES  DE  GOUT.  Il  y  en  a  de  deux  efpeces;  les 
unes  qui  appartiennent  à  la  Mélodie ,  mais  non  pas  à  l'Har- 
monie,  en  forte  que,  quoiqu'elles  entrent  dans  la  Mefure, 
elles  n'entrent  pas  dans  l'Accord  :  celles-là  fe  notent  en  plein 
Les  autres  Notes  de  goût,  n'entrant  ni  dans  l'Harmonie  ni 
dans  la  Mélodie,  fe  marquent  feulement  avec  de  petites 
Notes  qui  ne  fe  comptent  pas  dans  la  Mefure ,  &  dont  la 
durée  très-rapide  fe  prend  fur  la  Note   qui  précède  ou 


470  N    O    T 

celle  qui  fuir.  Voyez  dans  la  PI.  F.  Fig.  5.   un  exemple  des 
Notes  de  goût  des  deux  efpeces. 

NOTER,  v.  a.  C'efr.  écrire  de  la  Mufique  avec  les  ca- 
ractères deftinés  à  cet  ufage ,  &  appelles  Nous.  (  Voyez 
Notes.  ) 

Il  y  a  dans  la  manière  de  Noter  la  Mufique  une  élégance 
de  copie ,  qui  confifte  moins  dans  la  beauté  de  la  Note  , 
que  dans  une  certaine  exactitude  à  placer  convenablement  tous 
les  lignes,  &  qui  rend  la  Mufique  ainli  notée  bien  plus  fa- 
cile à  exécuter  ;  c'eit  ce  qui  a  été  expliqué  au  mot  Copiste. 

NOURRIR  les  Sons ,  c'eft  non-feulement  leur  donner  du 
timbre  fur  l'Inftrument ,  mais  auffi  les  foutenir  exactement 
durant  toute  leur  valeur ,  au  lieu  de  les  laiflër  éteindre 
avant  que  cette  valeur  foit  écoulée ,  comme  on  fait  fou- 
vent.  Il  y  a  des  Mufiques  qui  veulent  des  Sons  Nourris  , 
d'autres  les  veulent  détachés,  &  marqués  feulement  du  bout 
de  l'Archet. 

NUNNIE,/  /.  C'étoit  chez  les  Grecs  la  Chanfon  par- 
ticulière aux  Nourrices.  (  Voyez  Chanson.) 


o   y  l  471 


O- 

V_y.  Cette  lettre  capitale  formée  en  cercle  ou  double  CD 
eit ,  dans  nos  Mufiques  anciennes ,  le  ligne  de  ce  qu'on  ap- 
pelloit  Tems  parfait  ;  c'elt-à-dire ,  de  la  Mefure  triple  ou  à 
trois  Tems,  à  la  différence  du  Tems  imparfait  ou  de  la 
Mefure  double ,  qu'on  marquoit  par  un  C  fimple ,  ou  un  O 
tronqué  à  droite  ou  à  gauche ,  C  ou  3. 

Le  tems  parfait  fe  marquoit  quelquefois  par  un  O  fim- 
ple, quelquefois  par  un  O  pointé  en  dedans  de  cette  ma- 
nière O,  ou  par  un  O  barré,  ainll  ♦.   (Voyez  Tems.) 

OBLIGE,  adj.  On  appelle  Partie  Obligée,  celle  qui  ré- 
cite quelquefois,  celle  qu'on  ne  fauroit  retrancher  fans  gâ- 
ter l'Harmonie  ou  le  Chant;  ce  qui  la  dif lingue  des  Parties 
de  RemplhTage ,  qui  ne  font  ajoutées  que  pour  une  plus 
grande  perfeJHon  d'Harmonie,  mais  par  le  retranchement 
defquelles  la  Pièce  n'eft  point  mutilée.  Ceux  qui  font  aux 
Parties  de  Rempliffage  peuvent  s'arrêter  quand  ils  veulent, 
&  la  Musique  n'en  va  pas  moins;  mais  celui  qui  eit  char- 
gé d'une  Partie  Obligée  ne  peut  la  qukter  un  moment 
fans  faire    manquer  l'exécution. 

Brofiard  dit  ç\\£  Obligé  fe  prend  aufTï  pour  contraint  ou 
afTujctti.  Je  ne  fiche  pas  que  ce  mot  ait  aujourd'hui  un  pa- 
reil feus  en  Mufique.  (Voyez  Contraint.) 

OCTACORDE,  f,  m.  Initrument  ou  fyfîémc  de  Mufi- 
que compofé  de   huit  Sons  ou  de  fept  Degrés.  UOclatorde 


471  O     C     T 

ou  la  Lyre  de  Pythagore  comprenoit  les  huit  Sons  expri- 
mes par  ces  lettres  E.  F.  G.  a.  ^r  c.  d.  e.  :  c'eft-à-dire ,  deux 
Tétracordes    disjoints. 

OCTAVE  ,  /  f.  La  première  des  Confonnances  dans  l'or- 
dre de  leur  génération.  U  Oclave  eft  la  plus  parfaite  des  Con- 
fonnances; elle  eft,  après  l'Unilîbn,  celui  de  tous  les  Ac- 
cords dont  le  rapport  eft  le  plus  fimple  :  l'Unilîbn  eft  en 
raifon  d'égalité  ;  c'eft-à-dire ,  comme  i  eft  à  i  :  YOclave 
eft  en  raifon  double  ;  c'ef t-à-dire ,  comme  i  eft  à  i  ;  les 
Harmoniques  des  deux  Sons  dans  l'un  &  dans  l'autre  s'ac- 
cordent tous  fans  exception ,  ce  qui  n'a  lieu  dans  aucun  au- 
tre Intervalle.  Enfin  ces  deux  Accords  ont  tant  de  confor- 
mité qu'ils  fe  confondent  fouvent  dans  la  Mélodie  ,  &  que 
dans  l'Harmonie  même  on  les  prend  prefque  indifférem- 
ment l'un  pour  l'autre. 

Cet  Intervalle  s'appelle  Oclave  ,  parce  que  pour  marcher 
diatoniqusment  d'un  de  ces  termes  a  l'autre  ,  il  faut  paffer 
par  fept  Degrés  ,  &  faire  entendre   huit  Sons  différtns. 

Voici  les  propriétés  qui  diftinguent  fi  fmguliérement 
Y  Oclave  de   tous  les  autres  Intervalles. 

I.  UOciave  renferme  entre  Ces  bornes  tous  les  Sons  pri- 
mitifs &  originaux  ;  ainfi  après  avoir  établi  un  fyftcme  ou 
une  fuite  de  Sons  dans  l'étendue  d'une  Oclave,  Ci  l'on  veut 
prolonger  cette  fuite ,  il  faut  néceffairement  reprendre  le 
même  ordre  dans  une  féconde  Oclave  par  une  férié  (bail 
ble  ,  &  de  même  pour  une  troifieme  &  pour  une  qua- 
trième Oclave  ,  où  l'on  ne  trouvera  jamais  aucun  Son  q 
ne   fuie  la  Réplique   de  quelqu'un    des    premiers.   \  n 

f  rie 


0     C     T  '47i 

féric  eft  appelles  Echelle  de  Mufique  dans  fa  première 
Octave  ,  &  Réplique  dans  toutes  les  autres.  (Voyez  EfiRflMJE  , 
Il i';  clique.  )  C'eft  en  vertu  de  cette  propriété  de  VOc- 
tavt  qu'elle  a  été  appeilée  Diapafon  par  les  Grecs.  (Voyez 

Dl  M'ASON. 

II.  L'Octave  embraffe  encore  toutes  les  Confonnances  & 
toutes  leurs  différences,  c'eft-à-dire  ,  tous  les  Intervalles 
(impies  tant  Confonnans  que  Diffonans  ,  &  par  confé- 
quent  toute  l'Harmonie.  Etablirons  toutes  les  Confonnances 
fur  un  même  Son  fondamental  ;  nous  aurons  la  Table 
fui  vante , 


120 

IOO 

96m 

no 

90 

IZO 

—      • 

120 

75 

12.0 

110 

60 

1ZO 

no 

110 

Qui  revient  à  celle  -  ci  : 

5.      4"     3        *         S      3         1 
1.       — •      — •      — •     — •     ■ — •   — •      — • 

6543  8        5  * 

Où  l'on  trouve  routes  les  Confonnances  dans  cet  ordre  :  la 
Tierce  mineure,  la  Tierce  majeure,  la  Quarte,  la  Quinte, 
la  Sixte  mineure,  la  Sixte  majeure,  &  enfin  YOclavc.  Par 
cette  Table  on  voie  que  les  Confonnances  fimples  font  toutes 
contenues  entre  l'Octave  &  FUniffon.  Elles  peuvent  même 
être  entendues  toutes  à  la  fois  dans  l'étendue  d'une  Oclavc 
fins  mélange  de  Diflbnances.  Frappez  à  la  fois  ces  quatre 
«Sons  ut  mi  fol  ut ,  en  montant  du  premier  ut  à  ton  Octavt\ 
ils  formeront  entr'eux  toutes  les  Confonnances,  excepté  la 
Sixte  majeure,  qui  eit  compofée;  tk  ne  formeront  nul  autre 
JSicl.  di  Mujîguc,  Uuo 


474  O    C    T 

Intervalle.  Prenez  deux  de  ces  mêmes  Sons  comme  il  vous 
plaira ,  l'Intervalle  en  fera  toujours  confonnant.  C'elt  de  cette 
union  de  toutes  les  Confonnances  que  l'Accord  qui  les  pro- 
duit s'appelle  accord  parfait. 

U  Octave  donnant  toutes  les  Confonnances  donne  par 
conséquent  aufïi  toutes  leurs  différences ,  &  par  elles  tous 
les  Intervalles  fimples  de  notre  fyltcme  mufical  ,  lefquels 
ne  font  que  ces  différences  mêmes.  La  différence  de  la 
Tierce  majeure  à  la  Tierce  mineure  donne  le  femi-Ton 
mineur  ;  la  différence  de  la  Tierce  majeure  à  la  Quarte 
donne  le  femi-Ton  majeur;  la  différence  de  la  Quarte  à  la 
Quinte  donne  le  Ton  majeur;  &  la  différence  de  la  Quinte 
à  la  Sixte  majeure  donne  le  Ton  mineur.  Or  le  femi-Ton 
mineur,  le  femi-Ton  majeur,  le  Ton  mineur,  &  le  Ion 
majeur  font  les  feuls  élémens  de  tous  les  Intervalles  de  no- 
tre Mufique. 

III.  Tout  Son  confonnant  avec  un  des  termes  de  Y  Octave 
confonne  auffi  avec  l'autre;  par  conlequent  tout  Son  qui 
diffonc   avec  l'un   diffone  avec  l'autre. 

IV.  Enfin  Y  Octave  a  encore  cette  propriété,  la  plus  fia- 
guliere  de  toutes  ,  de  pouvoir  être  ajoutée  à  elle  -  même  % 
triplée  &  multipliée  à  volonté,  fans  changer  de  nature,  & 
fans  que   le  produit  ceffe  d'être  une  Confonnance. 

Cette  multiplication  de  Y  Octave  ,  de  même  que  ù  divi- 
fion  ,  cil  cependant  bornée  à  notre  égard  par  la  capacité  de 
l'organe  auditif;  ik  un  Intervalle  de  huit  Octaves  excède 
déjà  cette  capacité.  (Voyez  Etendue.)  Les  Octave*  mêmes 
perdent  quelque  thofe  de  leur  Harmonie  en  lé  multipliant  i 


O    C    T  475 

&,  pai?é  une  certaine  mefure,  tous  les  Intervalles  dcvienr.enc 
pour  l'oreille  moins  faciles  à  faifir  :  une  double  OCLne  com- 
mence déjà  d'être  moins  agréable  qu'une  Octave  fimple  ; 
une  triple  qu'une  double  ;  enfin  à  la  cinquième  Octave  l'ex- 
trême  diitance  des  Sons  6ce  a  la  Confonnance  prcfqac  tout 
fon  agrément. 

C'eil  de  YOaavc  qu'on  tire  la  génération  ordonnée  de 
tous  ies  Intervalles  par  des  diviûons  &  fubdivifîons  Har- 
moniques. Divifez  harmoniquement  VOciave  3.  6.  par  le 
nombre  4.  vous  aurez  d'un  côté  la  Quarte  3.  4.  &  de  l'au- 
tre la  Qainte  4.  6. 

Divifez  de  même  la  Quinte  ro.  15.  harmoniquement  par 
le  nombre  11,  vous  aurez  la  Tierce  mineure  10.  11.  &  la 
Tierce  majeure  12.  15.  Eniin  divifez  la  Tierce  majeure  71. 
90.  encore  harmoniquement  par  le  nombre  80  ,  vous  aurez 
le  ton  mineur  71.  80.  ou  9.  10  ce  le  ton  majeur  80.  90. 
ou  8.  9.  &c. 

Il  faut  remarquer  que  ces  divifiom  Harmoniques  donnent 
toujours  deux  Intervalles  inégaux ,  dont  le  moindre  eft  au 
grave  &  le  grand  à  l'aigu.  Que  fi  l'on  fait  les  mêmes  divi- 
fions  félon  la  proportion  Arithmétique ,  on  aura  le  moindre 
Intervalle  à  l'aigu  &  le  plus  grand  au  grave.  Ainfi  VOclavc 
2.  4.  partagée  arithmétiquement,  donnera  d'abord  la  Quinte 
2.  3.  au  grave  ,  puis  la  Quarte  3.  4.  à  l'aigu.  La  Quinte 
4.  6.  donnera  premièrement  la  Tierce  majeure  4.  5.  puis  la 
Tierce  mineure  5.  0.  &  ainfi  des  autres.  On  auroic  les  mêmes 
rapports  en  fens  contraires  ,  fi  ,  au  lieu  de  les  prendre  , 
tomme  je  fais  ici,   par   les    vibrations,  on   les  prenoit  par 

OOQ    i 


'47*  O    C    T 

les  longueurs  des  cor;!;-.  Ces  connôiflances,  au  refle,  font 
pea  utiles  en  elles-mêfi  •  -,  mais  elles  font  néceUàires  pour 
entendre  les  vieux  Auteurs. 

Le  fyfiême  complet  &  rigoureux  de  YOcTave  eft  compoie 
de  trois  Tons  majeurs,  deux  Tons  miûeurs-,  &  ceux  femi- 
Tons  majeurs.  Le  Cyiiême  tempéré  clt  ce  cinq  Tons  égaux 
&  deux  fémi-Tons  formant  entr'eux  autant  de  Degrés  Dia- 
toniques fur  les  fepu  Sons  de  la  Gamme  jufqu'à  l'0:tave 
du  premier.  Mais  comme  chaque  Ton  peut  fe  partager  ea 
deux  femi-To::s,  la  même  Octave  fe  divile  aum"  chronati- 
quement  en  douze  Intervalles  d'un  femi-Ton  chacun  ,  dont 
les  fèpt  précédens  gardent  leur  nom,  £:  h-s  cinq  autres  prennent 
chacun  le  nom  dd  Son  Diatonique  le  plus  voifîrJ ,  au-deûous 
par  Dicfe  &  au-deifus  par  Bémol.  (  Voyez  Echelle.  ) 

Je  ne  parle  point  ici  des  Octaves  diminuées  ou  fuperflues, 
parce  que  cet  Intervalle  ne  s'altère  gueres  dans  la  Mélodie  y 
&  jamais  dans  l'Harmonie. 

Il  eft  défendu,  en  compofïrïon ,  de  faire  deux  Oc!. 
de  fuite  ,  entre  différentes  Parties  ,  fur  -  tout  par  Mouve- 
ment femblable  :  mais  cela  eit  permis,  &  même  élégant  y 
fait  à  deifein  &  à  propos  dans  toute  la  fuite  d'un  Air  ou 
d'une  Période  :  c'eft  ainfi  que  dans  plulieurs  Concerto  toutes 
les  Parties  reprennent  par  Intervalles  le  Rippiéno  à  VOâam 
eu  a  rUnilfon. 

Sur  la  Jlegle  de  YOclave ,  voyez  Reglf. 

OCTAViER,   v.    n.   Quand  on    force  !e   vent  dans  un 
Jnïh-amcut  à  vent,  le  Son  monte  aufli-tôt  à  POÔave  ;   <-' 
te  qu'on  appelle  UçUvur,  En  renforçant  aiaii  l i^fuiratiou» 


ODE  477 

fair  renfermé  dans  le  tuyau  &  contraint  par  Pair  extérieur, 
elt  obligé,  pour  céder  à  la  \  .  les  ofcillations ,  de  fe  par- 
tager en  deux  colonnes  égales,  ayant  chacune  la  me 
la  longueur  du  tuyau;  &  c'eft- ainfi  que  chacune  de  ces 
moiciés  fcnr.e  l'Oâave  du  tour.  Une  corde  de  \ 
Ociavie  par  un  principe  femplable,  quand  le  coup  d'Archet 
elt  trop„brufque  Ou  trop  voifin   du   Chevalet.  C'efi,  un  i 

dans  l'Orgue  quand  un  tuyau  Ociavie  ;  cela  vient  de  ce 
qu'il  prend  trop  de   \-ei\i. 

ODE ,  f.  f.  Mot  Grec  qui  fignïfie  Chant  ou  Chanfo  t. 

ODEUM,/  m.  C'étoit,  chez  ks  Anciens,  un  lieu  àeC- 
tiné  à  la  répétition  de  la  Mufique  qui  devoit  c;rc  chantée 
fur  le  Théâtre;  comme  eft,  à  l'Opéra  de  Paris,  le  petit 
Théâtre  du  Magafin.  (Voyez  Magasin.) 

On  donnoit  quelquefois  le  nom  d'Odéùm  â  des  bâtimens 
qui  n'avoient  point  de  rapport  au  Théâtre.  On  lit  dans  Yi- 
truve  que  Périclcs  fit  bâtir  à  Athcr.es  un  Odéum  où  l'on 
difputcit  des  prix  de  Mufique,  &  dans  Paufànias  qu'Hérode 
l'Athénien  fit  confbruire  un  magnilique  Odéum  pour  le  tom- 
beau de  fa  femme. 

Les  Ecrivains  Eccléfiafliques  défignent  aum*  quelquefois  le 
Chœur  d'une  Eglife   par  le  mot   Odéum. 

(£UVTRE.  Ce  mot  elt  mafeulin  pour  désigner  un  des  Ou- 
vrages de  Mufique  d'un  Auteur.  On  dit  le  troifieir.e  Œuvre 
de  Gorelli,  le  cinquième  Œuvre  de  Vivaldi,  &  c.  mais  ces 
titres  ne  font  plus  gueres  en  ufage.  A  mefure  que  la  Mufi- 
que fe  perfectionne  ,  elle  perd  ces  noms  pompeux  par  !cf- 
quels  nos  Anciens  s'imaginoient  la  glorifier, 


47*  O    N    Z 

ONZIEME  ,  /  f.  Réplique  ou  Octave  de  la  Quarte.' 
Cet  Intervalle  s'appelle  On\lemc  ,  parce  qu'il  faut  former 
On\c  Sons  Diatoniques  pour  paiTer  de  l'un  de  ces  termes  à 
l'autre. 

M.  Rameau  a  voulu  donner  le  nom  (TGn\ieme  à  l'Accord 
qu'on  appelle  ordinairement  Quarte  ;  mais  comme  cette 
dénomination  n'efl  pas  fuivie  ,  &  que  M.  Rameau  lui-même 
a  continué  de  chiffrer  le  même  Accord  d'un  4  &c  non  pas 
d'un  11  ,  il  faut  fe  conformer  à  l'ufcge.  )  Voyez  Accord, 
Quarte,  SvrrosiTiON.) 

OPERA,  f.  m.  Spectacle  dramatique  &.  lyrique  où  l'on 
s'efforce  de  réunir  tous  les  charmes  des  beaux  Arts  ,  dans  la 
repréfentation  d'un:  action  paflïonnée  ,  pour  exciter,  a  l'aide 
des  fenfations  agréables  ,  l'intérêt  &.  l'ilîulion. 

Les  parties  conilitutives  d'un  Opéra  for.t  ,  le  Pcëmc  ,  la 
Miifîque  ,  &  la  Décoration.  Par  la  Poéfic  on  parle  à  l'ef- 
prit ,  par  la  Mufique  à  l'oreille  ,  par  la  Peinture  aux  yeux  ; 
&  le  tout  doit  fc  réunir  pour  émouvoir  le  cœur  &  y  porter 
-à  la  fois  la  même  imprelîion  par  divers  organcî.  De  ces 
trots  parties  ,  mon  ûijet  ne  me  permet  de  confidérer  la  pre-. 
niiere  &  la  dernière  que  par  le  rapport  qu'elles  peuvent 
avoir  avec  la  féconde  ;  ainfi  je  paffe  immédiatement  a 
celle-ci. 

L'Art  de  combiner  agréablement  les  Sons  peut  être  envi- 
fagé  fous  deux  afpc&s  tres-differens.  Confidéréc  comme  une 
inîlitution  de  la  Nature,  la  Muliquc  borne  {on  effet  à  la  fm- 
facion  &  au  plaifir  phyfique  qui  refaire  de  î.i  Mélodie  ,  de 
l'Harmonie,  cv  du  Rhythmc  :  telle  c(t  ordinairement  la  Mu- 


OPE  47> 

flque  d'Eglife  ;  tels  font  les  Airs  à  danfcr ,  &  ceux  des  Chau- 
lons. Mais  comme  partie  cffentielle  de  la  Scène  lyrique,  dont 
l'objet  principal  eir.  l'imitation  ,    la  Mufique  devient  un   des 

beaux  Arts,  capable  de  peindre  tous  les  Tableaux,  d'exciter 
tous  los  (èmimens  ,  de  lutter  avec  1a  Poe  fie  ,  de  lai  donner 
une  force  nouvelle  ,  de  l'embellir  de  nouveaux  charmes  ,  6c 
d'en  triompher  en  la  couronnant. 

Les  Sons  de  la  voix  parlante  n'étant  ni  foutenus  ni  Har- 
moniques font  inappréciables,  &  ne  peuvent,  par  cor.féqutnt, 
s'allier  agréablement  avec  ceux  de  la  voix  chantante  6c  des 
lnf trumens ,  au  moins  dans  nos  Langues  ,  trop  éloignées  du 
caractère  mufical  ;  car  on  ne  fauroit  entendre  les  paffages  des 
Grecs  fur  leur  manière  de  réciter,  qu'en  fappofant  leur  Lan- 
gue tellement  accentuée  que  les  inflexions  du  difeours  dans 
la  déclamation  foutenue ,  formafllnt  entr'elles  des  Intervalles 
muficaux  6c  appréciables  :  ainfi  l'on  peut  dire  que  leurs  Pièces 
de  Théâtre  éioient  des  efpeces  d'Opéra  ;  6c  c'eft  pour  cela 
même  qu'il  ne  pouvoit  y  avoir  d'Opéra  proprement  die 
parmi  eux. 

Par  la  difficulté  d'unir  le  Chant  au  difeours  dans  nos  Lan- 
gues ,  il  eft  aifé  de  fentir  que  l'intervention  de  la  Mufique 
comme  partie  eiîentielle  doit  donner  au  Poëme  lyrique  un 
caractère  différent  de  celui  de  la  Tragédie  6c  de  la  Comédie , 
&  en  faire  une  troifieme  efpece  de  Drame ,  qui  a  fes  rerjes 
particulières  :  mais  fes  différences  ne  peuvent  fe  déterminer 
fans  une  parfaite  connoiffance  de  la  partie  ajoutée  ,  des 
moyens  de  l'unir  à  la  parole  ,  &  de  Ils  relations  naturelles 
avec  le   coeur   humain  ;    détails  qui  appartiennent    moins   à 


4So  OPE 

rArcîfte  qu'au  Philofcphe ,  &  qu'il  faut  laiïTer  a  une  plume 
faite  peur  éclairer  tous  les  Arts  ,  pour  montrer  à  ceux  qui 
hs  profeifent  les  principes  de  leurs  règles  ,  &  aux  hommes 
de  gcût  les  fources  de  leurs  plaifirs. 

En  me  bornant  donc ,  fur  ce  fujet,  à  quelques  obfervaticns 
plus  historiques  que  rationnées  ,  je  remarquerai  d'abord  que 
les  Grecs  n'avoient  pas  au  Théâtre  un  genre  lyrique  ainfi 
que  nous,  &  que  ce  qu'ils  appelloicnt  de  ce  nom  ne  refTem- 
bloit  point  au  nôtre  :  comme  ils  avoient  beaucoup  d'accent 
dans  leur  Langue  &  peu  de  fracas  dans  leurs  Concerts,  toute 
J  ir  Foéfie  étoit  Muficale  &  toute  leur  Mufique  déclamatoire: 
de  forte  que  leur  Chant  n'étoit  prefquc  qu'un  difeours  fou- 
teau ,  &  qu'ils  chantoient  réellement  leurs  vers  ,  comme  ils  l'an- 
noncent a  la  tête  de  leurs  Poëmes  ;  ce  qui  par  imitation  a  donné 
au-:  Latins,  puis  à  nous  ,  le  ridicule  ufage  de  direyV  chante , 
quand  on  ne  chante  point.  Quant  à  ce  qu'ils  appelloient 
genre  lyrique  en  particulier  ,  c'étoit  une  Poéfîe  héroïque  dont 
Je  ftyle  étoit  pompeux  &  figuré  ,  laquelle  s'accompagnoit  de 
la  Lyre  ou  Cithare  préférablement  a  tout  autre  Infiniment. 
Jl  eft  certain  que  les  Tragédies  Grecques  fe  récitoient  d'une 
manière  très-fc-mblable  au  Chant ,  qu'elles  s'accompagnoient 
d'Inftrumens  &  qu'il  y  entroit  des  Chœurs. 

Mais  fi  l'on  veut  pour  cela  que  ce  fuffent  des  Opéra  fem- 
b!  ables  auK  nôtres  ,  il  faut  donc  imaginer  des  Opéra  fans 
Airs  :    car  il   me    paroît  prouvé    que    la    M  Grecque, 

Qms  en  excepter  mêrne  l'Inflrumcntalc  ,  n  Y-toit  qu*un  véri- 
table   R  .    Il   eft   vrai  que  ce    Récitatif,     qui    réunitîbit 

lejhar.iu  des  Sjos    I  à  toute  l'Harmonie  de  la  Pc. 

ce 


OPE  481 

&  à  toute  la  force  de  la  déclamation  ,  devoit  avoir  beaucoup 
plus  d'énergie  que  le  Récitatif  moderne ,  qui  ne  peut  gueres 
ménager  un  de  ces  avantages  qu'aux  dépens  des  autres.  Dans 
nos  Langues  vivantes  ,  qui  fe  refTentent  ,  pour  la  plupart , 
de  la  rudelTe  du  climat  dont  elles  font  originaires ,  l'appli- 
cation de  la  Mufique  à  la  parole  eft  beaucoup  moins  natu- 
relle. Une  profodie  incertaine  s'accorde  mal  avec  la  régularité 
de  la  Mefure  ;  des  fyllabes  muettes  &  fourdes  ,  des  articula- 
tions dures,  des  Sons  peu  éclatans  &  moins  variés  fe  prê- 
tent difficilement  à  la  Mélodie  ;  &  une  Poéfie  cadencée  uni- 
quement par  le  nombre  des  fyllabes  prend  une  Harmonie  peu 
fenfible  dans  le  Rhythme  mufical ,  &  s'oppofe  fans  cette  à 
la  diverfité  des  valeurs  &  des  mouvemens.  Voilà  des  diffi- 
cultés qu'il  falut  vaincre  ou  éluder  dans  l'invention  du  Pocme 
lyrique.  On  tâcha  donc  ,  par  un  choix  de  mots ,  de  tours  &c 
de  vers ,  de  fe  faire  une  Langue  propre  ;  &  cette  Langue  , 
qu'on  appella  lyrique  ,  fut  riche  ou  pauvre  ,  à  proportion  de 
la  douceur  ou  de  la  rudefTe  de  celle  dont  elle  étoit  tirée. 

Ayant ,  en  quelque  forte  ,  préparé  la  parole  pour  la  Mufi- 
que, il  fut  enfuite  queftion  d'appliquer  la  Mufique  à  la  parole, 
&  de  la  lui  rendre  tellement  propre  fur  la  Scène  lyrique  , 
que  le  tout  pût  être  pris  pour  un  feul  &  même  idiome  ;  ce> 
qui  produifit  la  néceilicé  de  chanter  toujours,  pour  paroître 
toujours  parler  ;  néceffité  qui  croit  en  raifon  de  ce  qu' 
Langue  eft  peu  muficale  ;  car  moins  la  Langue  a  de  dou- 
ceur &  d'accent ,  plus  le  paifige  alternatif  de  la  parole  au 
Chant  &.  du  Chant  a  la  parole  ,  y  devient  dur  &  choquant 
pour  l'oreille.  De -là  le  befuin  de  fubftituer  au  difeours  en 
DiCl.  de  Mufiçu?,  P  p  p 


482  OPE 

récit  un  difcours  en  Chant ,  qui  pût  l'imiter  de  fi  près  qu'il 
n'y  eût  que  la  juilerTe  des  Accords  qui  le  diftinguât  de  la 
parole.  (Voyez  Récitatif.) 

Cette  manière  d'unir  au  Théâtre  la  Mufique  a  la  Poéfie  , 
qui,  chez  les  Grecs  ,  fufrifoit  pour  l'intérêt  &  l'illuiion,  parce 
qu'elle  étoit  naturelle  ,  par  la  raifon  contraire  ,  ne  pouvoir 
fufrire  chez  nous  pour  la  même  fin.  En  écoutant  un  langage 
hypothétique  &  contraint,  nous  avons  peine  à  concevoir  ce 
qu'on  veut  nous  dire  ;  avec  beaucoup  de  bruit  on  nous  donne 
peu  d'émotion  :  de-là  naît  la  nécefiité  d'amener  le  plaifir 
phyfique  au  fetours  du  moral  ,  &  de  fuppléer  par  l'attrait 
de  l'Harmonie  à  l'énergie  de  l'exprefiion.  Ainfi  moins  on 
fait  toucher  le  cœur ,  plus  il  faut  favoir  flatter  l'oreille  ,  & 
nous  fommes  forcés  de  chercher  dans  la  fenfation  le  plaifir 
que  le  fentiment  nous  refufe.  Voilà  l'origine  des  Airs  ,  des 
Chœurs  ,  de  la  Symphonie  ,  &  de  cette  Mélodie  enchanre- 
relfe  dont  la  Mufique  moderne  s'embellit  fouvent  aux  dépens 
de  la  Poéfie,  mais  que  l'homme  de  goût  rebute  au  Théâtre, 
quand  on  le  flatte  fans  l'émouvoir. 

A  la  naiflanec  de  VOpéra  ,  fes  inventeurs  voulant  éluder  ce 
qu'avoit  de  peu  naturel  l'union  de  la  Mufique  au  difcours 
dans  l'imitation  de  la  vie  humaine,  s'aviferent  de  tranfporter 
la  Scène  aux  Cieux  &  dans  les  Enfers  ,  &  faute  de  favoir 
faire  parler  les  hommes  ,  ils  aimèrent  mieux  faire  chanter 
les  Dieux  &  les  Diables,  que  les  Héros  &  les  Bergers.  Bientôt 
la  magie  &  le  merveilleux  devinrent  les  fondemens  du  Théâtre 
lyrique  ,  &  content  de  s\nrichir  d'un  nouveau  genre  on 
ne  fongea  pas  même    à   rechercher  îi  c'uoit  bien   celui-là 


OPE  #3 

qu'on  avoit  dû  choifir.  Pour  foutenir  une  fi  forte  illufion  , 
il  faluc  épuifer  tout  ce  que  l'art  humain  pouvoit  imagi- 
ner de  plus  feduifant  chez  un  Peuple  où  le  goût  du  plaifir 
&  celui  des  beaux  Arts  régnoient  à  l'envi.  Cette  Nation 
célèbre  à  laquelle  il  ne  refte  de  fon  ancienne  grandeur  que 
celle  des  idées  dans  les  beaux  Arts,  prodigua  fon  goût,  fes 
lumières  pour  donner  à  ce  nouveau  Spectacle  tout  l'éclat 
dont  il  avoit  befoin.  On  vit  s'élever  par  toute  l'Italie  des 
Théâtres  égaux  en  étendue  aux  Palais  des  Rois,  Ôc  en  >. 
gance  aux  monumens  de  l'antiquité  dont  elle  étoit  remplie. 
On  inventa  ,  pour  les  orner ,  l'Art  de  la  PerfpecTiive  ôc  de  la 
Décoration.  Les  Artiites  dans  chaque  genre  y  firent  à  l'envi 
briller  leurs  talens.  Les  machines  les  plus  ingénieufes  ,  les 
vols  les  plus  hardis,  les  tempêtes,  la  foudre,  l'éclair,  ôc 
tous  les  prestiges  de  la  baguette  furent  employés  à  fafeiner 
les  yeux  ,  tandis  que  des  multitudes  d'inltrumens  ôc  de  voix 
étonnoient  les  oreilles. 

Avec  tout  cela  l'action  reftoit  toujours  froide  ,  ôc  toutes 
les  fîtuations  manquoient  d'intérêt.  Comme  il  n'y  avoit  point 
d'intrigue  qu'on  ne  dénouât  facilement  â  l'aide  de  quelque 
Dieu,  le  Spectateur,  qui  connoilfoit  tout  le  pouvoir  duPocte, 
fe  repofoit  tranquillement  fur  lui  du  foin  de  tirer  fes  Héros 
des  plus  grands  dangers.  Ainfi  l'appareil  étoit  immenfe  ôc  pro- 
duisit peu  d'effet,  parce  que  l'imitation  étoit  toujours  impar- 
faite &  grofTiere  ,  que  l'action  prife  hors  de  la  Nature  étoit  fans 
intérêt  pour  nous  ,  ôc  que  les  fens  fe  prêtent  mal  à  l'illufion 
quand  le  cœur  ne  s'en  mêle  pas;  de  forte  qu'à  tout  compter 
il  eût  été  difficile  d'ennuyer  une  alTemblée  à  plus  grands  frais. 

Ppp  i 


4S4  OPE 

Ce    Spe&acle  ,    tout  imparfait   qu'il  étoit ,  fit  long-teffiS 

l'admiration  des  contemporains  ,  qui  n'en  connoifibient  point 
de  meilleur.  Ils  fe  félicitoient  même  de  la  découverte  d'un 
fi  beau  genre  :  voilà  ,  difoient-ils,  un  nouveau  principe  joinc 
à  ceux  d'Ariftote  ;  voilà  l'admiration  ajoutée  à  la  terreur  ôc 
à  la  pitié.  Ils  ne  voyoient  pas  que  cette  richeile  apparente 
n'écoit  au  fond  qu'un  figne  de  (térilité  ,  comme  les  fleurs  qui 
couvrent  les  champs  avant  la  moifTon.  C'étoit  faute  de  fa- 
voir  toucher  qu'ils  vouloient  furprendre  ,  de  cette  admiration 
prétendue  n'étoit  en  effet  qu'un  étonnement  puérile  dont  ils 
auraient  dû  rougir.  Un  faux  air  de  magnificence  ,  de  féerie 
&  d'enchantement,  leur  en  impofoit  au  point  qu'ils  ne  par- 
taient qu'avec  enthoufiafme  &  refptér.  d'un  Théâtre  qui  ne 
mériroit  que  des  huées  ;  ils  avoient ,  de  la  meilleure  foi  du 
monde ,  autant  de  vénération  pour  la  Scène  même  que  pour 
les  chimériques  objets  qu'on  tâchoit  d'y  repréfenrer  :  comme 
s'il  y  avoit  plus  de  mérite  à  faire  parler  platement  le  Rci 
des  Dieux  que  le  dernier  des  mortels,  &  que  les  Valets  de 
Molière  ne   fuffent  pas  préférables  aux  Héros  de  Pradon. 

Quoique  les  Auteurs  de  ces  premiers  Opéra  n'euffent  gue- 
res  d'autre  but  que  d'éblouir  les  yeux  &  d'étourdir  les  oit 
les  ,    il  étoit  dilîicile  que  le  Muficien  ne  fût  jamais  tenté  de 
chercher  à  tirer  de  fon  Art  l'exprefTïon  des  fèntimens  répan- 
dus dans  le  Pocme.  Les  Chanfons  des  Nymphes ,  les  H;, 
nés  des  Prêtres  ,  les  cris  des  Guerriers  ,  les  hurlemens  in! 
naux  ne   rempliffbient  pas    tellement   ces   Drames   grofl 
qu'il  ne  s'y  trouvât  quelqu'un  de  ces   inftans  d'intérêt  & 
fituation  où  le  Spectateur  ne  denvaide  qu'à  s'attendrir   I 


OPE  4»S 

toron  commença  de  fentir  qu'indépendamment  delà  déV  - 
marion  muficale,  que  fouvent  la  Langue  comporroit  mal,  le 
choix  du  Mouvement,  de  l'Harmonie  &  des  Chants  n'étoit 
pas  indifférent  aux  choies  qu'on  avoit  a  dire  ,  &  que  ,  par 
conféquent ,  l'effet  de  la  feule  Mu  Tique  borné  jufqu'alors  au 
fens  ,  pouvoit  aller  jufqu'au  creur.  La  Mélodie ,  qui  ne  s'éroic 
d'abord  féparée  de  la  Poéfie  que  par  néceilité,  tira  parti  do 
cette  indépendance  pour  fe  donner  des  beautés  abfolues 
&  purement  muficales  :  l'Harmonie  découverte  ou  pcrfc;lion- 
née  lui  ouvrit  de  nouvelles  routes  pour  plaire  6c  pour  émou- 
voir ;  &  la  Mefure  ,  affranchie  de  la  gêne  du  Rhythme  poé- 
tique ,  acquit  au/fi  une  forte  de  cadence  à  part ,  qu'elle  ne 
tenoit  que  d'elle  feule. 

La  Mufique  ,  étant  ainfi  devenue  un  troifieme  Art  d'imi- 
tation ,  eut  bientôt  fon  langage,  fon  exprefîion,  ks  tableaux 
tout-à-fait  indépendans  de  la  Poéfie.  La  Symphonie  même 
apprit  à  parler  fans  le  fecours  des  paroles,  &  fouvent  il  ne 
fortoit  pas  des  fentimens  moins  vifs  de  l'Orchefixe  que  de 
la  bouche  des  Acteurs.  C'eit  alors  que  ,  commençant  à  fe 
dégoûter  de  tout  le  clinquant  de  la  féerie ,  du  puérile  fracas 
des  machines ,  &  de  la  fantafque  image  des  chofes  qu'on 
n'a  jamais  vues ,  on  chercha  dans  l'imitation  de  la  Nature 
des  tableaux  plus  intéreffans  &  plus  vrais.  Jufques-la  YOpéra 
avoit  été  conltirué  comme  il  pouvoit  l'être  ;  car  quel  meil- 
leur ufage  pouvoir-on  faire  au  Théâtre  d'une  Mufique  qui  ne 
favoit  rien  peindre  ,  que  de  l'employer  à  la  représentation 
des  chofes  qui  ne  pouvoient  exifier,  6c  fur  lefquelles  perfonne 
n'étoit  en  état  de  comparer  l'image  à  l'objet?  11  cft  impoi- 


■AU  OPE 

fible  de  favoir  fi  l'on  eft  affecte  par  la  peinture  du  merveil- 
leux comme  on  le  feroit  par  fa  préfence  ;  au  lieu  que  tout 
homme  peut  juger  par  lui-même  fi  l'Artifte  a  bien  fu  faire 
parler  aux  pafïïons  leur  langage  ,  &  fi  les  objets  de  la  Na- 
ture font  bien  imités.  Aufli  dès  que  la  Mufique  eut  appris  à 
peindre  &  à  parler ,  les  charmes  du  fentiment  firent-ils  bien- 
tôt négliger  ceux  de  la  baguette,  le  Théâtre  fut  purgé  du 
jargon  de  la  Mythologie  ,  l'intérêt  fut  fubltitué  au  merveil- 
leux ,  les  machines  des  Poètes  &  des  Charpentiers  furent 
détruites  ,  6c  le  Drame  lyrique  prit  une  forme  plus  noble 
&c  moins  gigantefque.  Tout  ce  qui  pouvoit  émouvoir  le 
cœur  y  fut  employé  avec  fuccès,  on  n'eut  plus  befoin  d'en 
impofer  par  des  êtres  de  raifon ,  ou  plutôt  de  folie ,  &  les 
Dieux  furent  chaffés  de  la  Scène  quand  on  y  fut  repréiènter 
des  hommes.  Cette  forme  plus  fage  Ôc  plus  régulière  fe 
trouva  encore  la  plus  propre  à  l'illufion  ;  l'on  fentit  que  le 
chef-d'œuvre  de  la  Mufique  étoit  de  fe  faire  oublier  i 
même  ,  qu'en  jettant  le  défordre  6c  le  trouble  dans  famé 
du  Spectateur  elle  l'empêchoit  de  diftinguer  les  Chants  ten- 
dres 6c  pathétiques  d'une  Héroïne  gémiirante  ,  des  vrais  ac- 
cens  de  la  douleur;  &  qu'Achille  en  fureur  pouvoit  nous 
glacer  d'effroi  avec  le  même  langage  qui  nous  eût  choqués 
dans  fa  bouche  en  tout  autre  tems. 

Ces  obfcrvations  donnèrent  lieu  a  une  féconde  réforme 
non  moins  importante  que  la  première.  On  fentit  qu'il  ne 
f  doit  à  ['Opéra  rien  de  froid  6c  de  raifonné  ,  lien  que  le 
Spectateur  pût  écouter  aflèz  tranquillement  pour  réfléchir 
fur  l'abfurdité  de  ce  qu'il  tntendoit  j    6c  c'efl  en  cela  ,   ù;r- 


OPE 

tour,  que  confifte  la  différence  elTentîclle  du  Drame  lyi 
à  la   limple  Tragédie.    Toutes   les    délibérations  politiques  , 
tous  les  projets  de  confpiration  ,   les   expoiitions ,  les  récits, 
ks  maximes  fêntencieufes  ;  en  un  mot  ,  tout  ce  qui  ne  pi 
qu'à  la  raifon  fut  banni  du  langage  du  cœur  ,    avec  les  jeux 
d'efprit  ,    les   Madrigaux    &  tout  ce  qui  n'eft  que  des  p« 
fées.  Le  ton  même  de  la  fimple   galanterie  ,  qui   cadre    mal 
avec  les  grandes   paillons  ,    fut  à  peine   admis  dans  le  rem- 
pli ff.ige  des  Situations  tragiques,  dont  il  gâte  prcfque  toujours 
l'effet  :  car  jamais  on  ne  fent  mieux  que   l'Acteur  chante  , 
que  lorfqu'il  dit  une  Chanfon. 

L'énergie  de  tous  les  ftntimens,  la  violence  de  toutes  les 
pallions  font  donc  l'objet  principal  du  Drame  lyrique  ;  &c 
l'illufion ,  qui  en  fait  le  charme ,  elt  toujours  détruite  auiTî- 
tôt  que  l'Auteur  &  l'Acteur  laiifent  un  moment  le  Spectateur 
h  lui-même.  Tels  font  les  principes  fur  lefquels  YOptra  mo- 
derne elt  établi.  Apoftolo  Zéno  ,  le  Corneille  de  l'Italie , 
fon  tendre  élevé  ,  qui  en  elt  le  Racine ,  ont  ouvert  &  per- 
fectionné cette  nouvelle  carrière.  Ils  ont  ofc  mettre  les  Héros 
de  l'Hiltoire  fur  un  Théâtre  qui  fembloit  ne  convenir  qu'aux 
fantômes  de  la  Fable.  Cyrus  ,  Ce  far  ,  Caton  même  ,  ont 
paru  fur  la  Scène  avec  fuccès  ,  ck  les  Spectateurs  les  plus 
révoltés  d'entendre  chanter  de  tels  hommes ,  ont  bientôc 
oublié  qu'ils  chantoient ,  fubjugués  &  ravis  par  l'éclat  d'une 
Mufique  auffi  pleine  de  nobleffe  &  de  dignité  que  d'enthou- 
fiafme  &  de  feu.  L'on  fuppofe  aifément  que  des  fenti- 
mens  fi  diilérens  des  nôtres  doivent  s'exprimer  auili  fur  un 
autre  ton. 


OPE 

Ces  nouveaux  Poëmes  que  le  génie  avoic  créés  ,  &  que 
lui  feu!  pouvok  foutenir  ,  écartèrent  fans  effort  les  mauvais 
Muficiens  qui  n'avoient  que  la  mécanique  de  leur  Art ,  &  , 
privés  du  feu  de  l'invention  &  du  don  de  l'imitation ,  faifoient 
des  Opéra  comme  ils  auraient  fait  des  fabots.  A  peine  les 
cris  des  Bacchantes ,  les  conjurations  des  Sorciers  &  tous  les 
Chants  qui  n'étoient  qu'un  vain  bruit ,  furent-ils  bannis  du 
Théâtre  ;  à  peine  eut  -  on  tenté  de  fubftituer  à  ce  barbare 
fracas  les  accens  de  la  colère,  de  la  douleur,  des  menaces, 
de  la  tendreffe  ,  des  pleurs  ,  des  gémillemens  ,  &  tous  les 
mouvemens  d'une  ame  agitée  ,  que  ,  forcés  de  donner  des 
fentimens  aux  Héros  &  un  langage  au  cœur  humain  ,  les 
Vinci  ,  les  Léo  ,  les  Fergolèfe  ,  dédaignant  la  fervile  imita- 
tion de  leurs  prédéceffeurs  ,  &c  s'ouvrant  une  nouvelle  car- 
rière, la  franchirent  fur  l'aile  du  Génie,  &  fe  trouvèrent  au  but 
prefque  dès  les  premiers  pas.  Mais  on  ne  peut  marcher  long- 
tems  dans  la  route  du  bon  goût  fans  monter  ou  defcendre  , 
&  la  perfection  efr  un  point  où  il  elt  difficile  de  fe  main- 
tenir. Après  avoir  effayé  &  fenti  fes  forces  ,  la  Mufiquc  en 
état  de  marcher  feule  ,  commence  à  dédaigner  la  Poéfie 
qu'elle  doit  accompagner  ,  &  croit  en  valoir  mieux  en  tirant 
d'elle-même  les  beautés  qu'elle  partageoit  avec  façon: 
gne.  Elle  fe  propofe  encore,  il  elt  vrai  ,  de  rendre  les  îd 
&  les  fentimens  du  Pocte  ;  mais  elle  prend  ,  en  quelque 
forte  ,  un  autre  langage ,  &  quoique  l'objet  foit  le  même  , 
Le  Ppëce  &  le  Muûcien,  trop  fi.  parés  dans  leur  travail  ,  en 
offrent  à  la  fois  deux  images  nlkmblantcs  ,  mais  ( 
qui  fe  nuifuit  mutuellement.   L'efprit  forcé  de  fe  pai 

cl 


OPE 

choifit  &  fe  iixe  h.  une  image  plutôt  qu'a  l'autre.  Alors  le 
Muûcien  ,  s'il  a  plus  d'art  que  le  Pouce,  l'efface  &  le  fait 
oublier  :  l'Acteur  voyant  que  le  Spectateur  facrilie  les  paroles 
à  la  Mufique  ,  facrilie  à  fon  tour  le  gefte  &  l'action  thé  - 
traie  au  chant  &  au  brillant  de  la  voix  ;  ce  qui  fait  tout-à- 
fait  oublier  la  Pièce  ,  &  change  le  Spectacle  en  un  véritable 
Concert.  Que  fi  l'avantage,  au  contraire,  fe  trouve  duc 
du  Poète  ,  la  Muûque  ,  à  fon  tour ,  deviendra  prefque  indif- 
férente ,  &  le  Spectateur  ,  trompé  par  le  bruit  ,  pourra 
prendre  le  change  au  point  d'attribuer  à  un  mauvais  Mufi- 
cien  le  mérite  d'un  excellent  Poète  ,  &  de  croire  admirer 
des  chef-d'œuvres  d'Harmonie,  en  admirant  des  Pocmes 
bien  compofés. 

Tels  font  les  défauts  que  la  perfection  abfolue  de  la  Mu- 
fique (Se  fon  défaut  d'application  à  la  Langue  peuvent  intro- 
duire dans  les  Opéra  à  proportion  du  concours  de  ces  deux 
caufes.  Sur  quoi  l'on  doit  remarquer  que  les  Langues  les 
plus  propres  à  fléchir  fous  les  loix  de  la  Me  fuie  <5c  de  la 
Mélodie  font  celles  où  la  duplicité  dont  je  viens  de  perler 
eit  le  moins  apparente  ,  parce  que  la  Mufique  fe  prêtant 
feulement  aux  idées  de  la  Poéfie  ,  celle-ci  fe  prête  à  fon 
tour  aux  inflexions  de  la  Mélodie  ;  6c  que ,  quand  la  Mufi- 
que celle  d'obferver  le  Rhythme  ,  l'accent  &  l'Harmonie  du 
▼ers  ,  le  vers  fe  plie  &  s'uilervi:  à  la  cadence  de  la  Mëfure 
&  à  l'accent  mufical.  Mais  lorfque  la  Langue  n'a  ni  dou< 
ni  flexibilité  ,  l'âpretc  de  la  Poéfie  l'empêche  de  s'affervir  au 
Chant,  la  douceur  même  de  la  Mélodie  l'empêche  de  fe 
prêter  à  la  bonne  récitation  des  vers,  &  l'on  lent  dans  l'u- 
DIS.  de  Mufique.  Q  q  q 


4oc  OPE 

nion  forcée  de  ces  deux  Arts  une  contrainte  perpétuelle  qui 
choque  l'oreille  &  détruit  à  la  fois  l'attrait  de  la  Mélodie  6c 
l'effet  de  la  Déclamation.  Ce  défaut  elè  fans  remède  ,  & 
vouloir  à  toute  force  appliquer  la  Mulîque  à  une  Langue  qui 
n'eft  pas  muficale  ,  c'eft  lui  donner  plus  de  rudefTe  qu'elle 
n'en  auroit  fans  cela. 

Par  ce  que  j'ai  dit  jufqu'ici ,  l'on  a  pu  voir  qu'il  y  a  plus 
de  rapport  entre  l'appareil  des  yeux  ou  la  décoration  ,  &  la 
Mufique  ou  l'appareil  des  oreilles  ,  qu'il  n'en  paraît  entre 
deux  fens  qui  femblent  n'avoir  rien  de  commun  ;  &  qu'a 
certains  égards  l'Opéra  conflitué  comme  il  eft ,  n'efr,  pas  un 
tout  aufli  monitrueux  qu'il  paraît  l'être.  Nous  avons  vu  que  T 
voulant  offrir  aux  regards  l'intérêt  &  les  mouvemens  qui 
manquoient  à  la  Mufique  ,  on  avoit  imaginé  les  groffiers  pref- 
tiges  des  machines  &  des  vols ,  6c  que  jufqu'à  ce  qu'on  fût 
nous  émouvoir,  on  s'étoit  contenté  de  nous  furprendre.  Il 
eft  donc  très-naturel  que  la  Mufique ,  devenue  paffionnée  & 
pathétique  ,  ait  renvoyé  fur  les  Théâtres  des  Foires  ces  mau- 
vais fupplémens  dont  elle  n'avoit  plus  befoin  fur  le  fien. 
Alors  ÏOpèra  ,  purgé  de  tout  ce  merveilleux  qui  l'aviliffoit, 
devint  un  Spectacle  également  touchant  &  majeftueux  ,  digne 
de  plaire  aux  gens  de  goût  6c  d'intéreffer  les  cœurs  fenfibles. 

11  eft  certain  qu'on  aurait  pu  retrancher  de  la  pompe   du 
Spectacle    autant  qu'on  ajoutoit  à    l'intérêt  de   l'action  : 
plus  on   s'occupe  des  perfonnages ,  moins  on  eft  occupé  des 
objets    qui   les  entourent  :  nuis   il   faut ,   cependant ,   qn 
lieu    de  la   Scène   foit   convenable  aux   Aâetirs  qu'on   y 
parler  ;  êv  l'imitation  de  la  I  ,   fouvent  plus  diflicile  6c 


OPE  4î,r 

Toujours  plus  agréable  que  celle  des  erres  imaginaires ,  n'en 
devient  que  plus  intéreflante  en  devenant  plus  vraifemblal île. 
Un  beau  Palais  ,  des  Jardins  délicieux ,  de  (avances  ruines 
plaifent  encore  plus  a  l'œil  que  la  fantafque  image  du  Tar- 
tarc  ,  de  l'Olympe ,  du  Char  du  Soleil  ;  image  d'autant  plus 
inférieure  à  celle  que  chacun  fe  trace  en  lui  même  ,  que 
dans  les  objets  chimériques  ,  il  n'en  coûte  rien  à  Pefprit 
d'aller  au-delà  du  pofïible  ,  &  de  fe  faire  des  modèles  au* 
deiïlis  de  toute  imitation.  De -là  vient  que  le  merveilleux, 
quoique  déplacé  dans  la  Tragédie  ,  ne  l'eit  pas  dans  le  Poème 
épique  ,  où  l'imagination  toujours  induftrieufe  &  dépenfiere 
fe  charge  de  l'exécution ,  &  en  tire  un  tout  autre  parti  que 
ne  peut  faire  fur  nos  Théâtres  le  talent  du  meilleur  Machinille, 
&  la  magnificence  du  plus  piaffant  Roi. 

Quoique  la  Mufique  prife  pour  un  Art  d'imitation  ait  en- 
core phis  de  rapport  à  la  Poéfie  qu'à  la  Peinture  ;  celle-ci , 
de  la  manière  qu'on  l'emploie  au  Théâtre  ,  n'eft  pas  aufli 
fujette  que  la  Poéfie  à  faire  avec  la  Mufique  une  double  re- 
présentation du  même  objet  ;  parce  que  l'une  rend  les  fen- 
timens  des  hommes  ,  &  l'autre  feulement  l'image  du  lieu 
où  ils  fe  trouvent,  image  qui  renforce  Tillufion  &  tranfporte 
le  Spectateur  par -tout  où  l'Acteur  eft  fuppofé  être.  Mais  ce 
tranfport  d'un  lieu  à  un  autre  doit  avoir  des  règles  &  des 
bornes  :  il  n'eft  permis  de  fe  prévaloir  ,  à  cet  égard  ,  de  l'agi- 
lité de  l'imagination  qu'en  confultant  la  loi  de  la  vraifem- 
blance  ,  & ,  quoique  le  Speétateur  ne  cherche  qu'à  fe  prêter 
à  des  fictions  dont  il  tire  tout  fon  plaifir  ,  il  ne  faut  pas 
abufer  de  fa  crédulité  au  point  de  lui  en  faire  honte.  En  un 

Qqq   i 


491  OPE 

mot ,  on  doit  fonger  qu'on  parle  à  des  cœurs  fenfiMes  fans 
oublier  qu'on  parle  à  des  gens  raifonnables.  Ce  n'elt  pas  que 
je  voulufTe  tranfporter  à  VOpéra  cette  rigoureufe  unité  de  lieu 
qu'on  exige  dans  la  Tragédie  ,  &  à  laquelle  on  ne  peur  gueres 
s'afTervir  qu'aux  dépens  de  l'action  ,  de  forte  qu'on  n'eit  exact 
à  quelque  égard  que  pour  être  abfurde  à  mille  autres.  Ce 
feroit  d'ailleurs  s'ôter  l'avantage  des  changemens  de  Scènes  , 
lefquelles  fe  font  valoir  mutuellement  :  ce  feroit  s'expofer  par 
une  vicieufe  uniformité  à  des  oppofitions  mal  conçues  entre 
la  Scène  qui  reite  toujours  &  les  fituations  qui  changent  ; 
ce  feroit  gâ:er  ,  l'un  par  l'autre  ,  reflet  de  la  Muiïque  & 
celui  de  la  décoration ,  comme  de  faire  entendre  des  Sym- 
phonies voluptueufes  parmi  des  rochers  ,  ou  des  airs  gais 
dans  les  Palais  des  Rois. 

C'eft  donc  avec  raifon  qu'on  a  laiflé  fubfiiter  d'Aile  en 
A  fie  les  changemens  de  Scène  ,  &  pour  qu'ils  fuient  régu- 
liers &  admiflîbles  ,  il  fufTït  qu'on  ait  pu  naturellement  fe 
rendre  du  lieu  d'où  l'on  fort  au  lieu  où  l'on  parle,  dans  l'In- 
tervalle de  tems  qui  s'écoule  ou  que  l'action  fuppofe  entre 
les  deux  Acles  :  de  forte  que  ,  comme  l'unité  de  tems  doit 
fe  renfermer  à-peu-prcs  dans  la  durée  de  vingt-quatre  heures , 
l'unité  de  lieu  doit  fe  renfermer  a-peu-prcs  dans  Pefpace  d'une 
journée  de  chemin.  A  l'égard  des  changemens  de  Scène 
pratiqués  quelquefois  dans  un  même  Acte ,  ils  me  paroilfcnt 
également  contraires  à  l'illufion  &.  à  la  railbn,  &  devoir  être 
abfolument  profcrits  du  Théâtre. 

Voila    comment   le    concours   de    l'Acouflique   &    de    la 
Perfpeâive  peut   perfectionner   l'illufion  ,   flatter  les   fens  par 


OPE  49? 

des  impreffions  diverfes ,  mais  analogues  ,  &  porter  à  Pâme 
un  même  intérêt  avec  un  double  plaifir.  Ainfî  ce  feroit  une 
grande  erreur  de  penfer  que  i  i  i  ance  du  Théâtre  n'a  rien 

de  commun  avec  celle  de  la  Mufique ,  fi  ce  n'eft  la  conve- 
n.ince  générale  qu'elles  tirent  du  Poëme.  C'eft  à  l'imagination 
des  deux  Artiftcs  a  déterminer  entr'eux  ce  que  celle  du  Poète  ' 
a  lailîé  à  leur  difpofirion  ,  &  a  s'accorder  fi  bien  en  cela 
que  le  Spectateur  fente  toujours  l'accord  parfait  de  ce  qu'il 
voit  &  de  ce  qu'il  entend.  M  us  il  faut  avouer  que  la  tâche 
du  Muficien  eft  la  plus  grande.  L'imitation  de  la  peinture 
eft  toujours  froide  .,  parce  qu'elle  manque  de  cette  fuccefîion 
d'idées  &  d'impreilïons  qui  échauffe  l'ame  par  degrés  ,  & 
que  tout  eft  dit  au  premier  coup-d'œil.  La  puiffance  imita- 
tive  de  cet  Art ,  avec  beaucoup  d'objets  apparens  ,  fe  borne 
en  effet  a  de  très-foibles  représentations.  C'eft  un  des  grands 
avantages  du  Muficien  de  pouvoir  peindre  les  chofes  qu'on 
ne  fauroit  entendre  ,  tandis  qu'il  eft  impefîible  au  Peintre 
de  peindre  celles  qu'on  ne  fauroit  voir  ;  &  le  plus  grand 
prodige  d'un  Art  qui  n'a  d'activité  que  par  fes  mouvemens , 
elt  d'en  pouvoir  former  jufqu'à  l'image  du  repos.  Le  fem- 
me il ,  le  calme  de  la  nuit,  la  folitude  &  le  filence  même 
entrent  dans  le  nombre  des  tableaux  de  la  Mufique.  Quel- 
quefois le  bruit  proJ.iit  l'effet  du  filence  ,  &  le  filence  l'effet 
du  bruit;  comme  quand  un  homme  s'endort  à  une  lecture 
égale  &  monotone  ,  6c  s'éveille  à  l'inftant  qu'on  fe  tait  ; 
&  il  en  eft  de  même  pour  d'autres  effets.  Mais  l'Art  a  des 
filbftitutions  plus  fertiles  6c  bien  plus  fines  que  celle-ci  ;  il 
fuit  exciter  par  un  fens  des  émotions  femblables  à  celles  qu'on 


4<H  OPE 

peut  exciter  par  un  autre  ;  & ,  comme  le  rapport  ne  peut 
être  fenfible  que  l'imprelîion  ne  foit  forte  ,  la  peinture ,  dé- 
nuée de  cette  force ,  rend  difficilement  a  la  Mufique  les  imi- 
tations que  celle-ci  tire  d'elle.  Que  toute  la  Nature  foit 
endormie  ,  celui  qui  la  contemple  ne  dort  pas ,  &  l'art  du 
Muficien  confiée  à  fubffituer  à  l'image  infenfible  de  l'objet , 
celle  des  mouvemens  que  fa  préfence  excite  dans  l'efprit  du 
Spectateur  :  il  ne  repréfente  pas  directement  la  chofe  ;  mais  il 
réveille  dans  notre  ame  le  même  fentiment  qu'on  éprouve  ea 
la  voyant. 

Ain  fi  ,  bien  que  le  Peintre  n'ait  rien  à  tirer  de  la  Parti- 
tion du  Muficien ,  l'habile  Muficien  ne  fortira  point  fans  fruit 
de  î'atcelicr  du  Peintre.  Non  -  feulement  il  agitera  la  mer  a 
fon  gré  ,  excitera  les  flammes  d'un  incendie  ,  fera  couler  les 
ruiucaux ,  tomber  la  pluie  &  groffir  les  torrens  ;  mais  il  aug- 
mentera l'horreur  d'un  défert  affreux  ,  rembrunira  les  murs 
d'une  prifen  fouterraine ,  calmera  l'orage,  rendra  l'air  tran- 
quille, le  Ciel  ferein,  &  répandra,  de  l'Orchefire ,  une  fraî- 
cheur nouvelle  fur  les  bocages. 

Nous  venons  de  voir  comment  l'union  des  trois  Arts  qui 
condiment  la  Scène  lyrique,  forme  entr'eux  un  tout  très-bien 
lié.  On  a  tenté  d'y  en  introduire  un  quatrième ,  dont  il  me 
refte  à  parler. 

Tous  les  mouvemens  du  corps ,  ordonnés  félon  certaines 

loix  pour  affecter  les  regards   par    quelque   action  ,  prennent 

en  général   le   nom  de   geftes.   Le  gefte    fe  divife  en  deux 

. ,  dont  l'une   fert  d'accorapagnefl  ent  6c 

l'autre  de  fupplcment.   Le   premier ,  naturel  à   tout  homme 


O    P  493 

qui  parle  ,  fe  modifie  différemment,  félon  les  hommes,  les 
Langues  &  les  caractères.  Le  fécond  e(t  l'Arc  de  parler  aux 
yeux  fans  le  fecours  de  l'écriture  ,  par  des  mouvemens  du 
corps  devenus  fignes  de  convention.  Comme  ce  gefte  e(t 
plus  pénible  ,  moins  naturel  pour  nous  que  l'ufage  de  la 
parole  ,  &  qu'elle  le  rend  inutile  ,  il  l'exclud  ,  &  même  en 
fuppofe  la  privation  ;  c'eft  ce  qu'on  appelle  Art  des  Pantomimes. 
A  cet  Art  ajoutez  un  choix  d'attitudes  agréables  &  de  mouve- 
mens cadencés  ,  vous  aurez  ce  que  nous  appelions  la  Dardé  ,  qui 
ne  mérite  gueres  le  nom  d'Art  quand  elle  ne  dit  rien  à  l'efpriti 

Ceci  pofé ,  il  s'agit  de  favoir  fi,  la  Danfe  étant  un  lan- 
gage ,  ôc  par  conféquent  pouvant  être  un  Art  d'imitation  , 
peut  entrer  avec  les  trois  autres  dans  la  marche  de  l'Action 
lyrique  ,  ou  bien  fi  elle  peut  interrompre  &  fufpendre  cette 
action  fans  gâter  l'effet  &  l'unité  de  la  Pièce. 

Or  ,  je  ne  vois  pas  que  ce  dernier  cas  puîffe  même  faire 
une  queltion.  Car  chacun  fent  que  tout  l'intérêt  d'une  Action 
fuivie  dépend  de  l'impreffion  continue  &  redoublée  que  fa 
repréfentation  fait  fur  nous  ;  que  tous  les  objets  qui  fufpen- 
dent  ou  partagent  l'attention  font  autant  de  contre-charmes 
qui  détruifent  celui  de  l'intérêt  ;  qu'en  coupant  le  Spectacle 
par  d'autres  Spectacles  qui  lui  font  étrangers ,  on  divife  le 
fujet  principal  en  parties  indépendantes  qui  n'ont  rien,  de 
commun  entr'elles  que  le  rapport  général  de  la  matière  qui 
les  compofe;  &  qu'enfin  plus  les  Spectacles  inférés  feroient 
agréables  ,  plus  la  mutilation  du  tout  feroit  difforme.  De 
forte  qu'en  fuppofant  un  Opéra  coupé  par  quelques  Divertif- 
femens  qu'on   pûc  imaginer,  s'ils   laiûoient   oublier  le   i". 


A96  OPE 

principal ,  le  Spectateur ,  à  la  fin  de  chaque  Fête ,  fe  trou- 
vèrent auffi  peu  ému  qu'au  commencement  de  la  Pièce  ;  &. 
pour  l'émouvoir  de  nouveau  &  ranimer  l'intérêt ,  ce  feroit 
toujours  à  recommencer.  Voilà  pourquoi  les  Italiens  ont  enfin 
banni  des  Entr'actes  de  leurs  Opéra  ces  Intermèdes  comi- 
ques qu'ils  y  avoient  inférés  ;  genre  de  Spectacle  agréable  , 
piquant  &  bien  pris  dans  la  Nature ,  mais  fi  déplacé  dans  le 
milieu  d'une  action  tragique ,  que  les  deux  Pièces  fe  nuifoient 
mutuellement ,  &  que  l'une  des  deux  ne  peuvoit  jamais  in- 
térefier  qu'aux  dépens  de  l'autre. 

Relie  donc  à  voir  fi ,  la  Danfe  ne  pouvant  entrer  dans  la 
componcion  du  genre  lyrique  comme  ornement  étranger  , 
on  ne  l'y  pourrait  pas  faire  entrer  comme  partie  conlutu- 
ti  ce  ,  &  faire  concourir  à  l'action  un  Art  qai  ne  doit  pas 
la  fufpendre.  Mais  comment  admettre  à  la  fois  deux  lan- 
gages qui  s'excluent  mutuellement  ,  &  joindre  l'Art  Pan- 
tomime à  la  parole  qui  le  rend  furollu  ?  Le  langage  du 
geite  étant  la  reilburce  des  muets  ou  des  gens  qui  ne  peu- 
vent s'entendre  ,  devient  ridicule  entre  ceux  qui  parlent.  On 
ne  répond  point  à  des  mots  par  des  gambades,  ni  au  geite 
par  des  difeours  ;  autrement  je  ne  vtis  point  pourquoi  celui 
qui  entend  le  langage  de  l'autre  ne  lui  répond  pas  fur  le 
même  ton.  Supprimez  donc  la  parole  fi  vous  voulez  em- 
ployer la  Danfe  :  fi-tôt  que  vous  introduirez  la  Pantomime 
dans  V Opéra  ,  vous  en  devez  bannir  la  Poé  ;--  ;  parce  que  de 
toutes  les  unités  la  plus  oéceflaire  i  du  lang       .   & 

qu'il  eft  abfurde  &  ridicule  de  dire  à  la  fois  la  m  C     >!'e 

a  la  même  perfonne ,  &  de  bouche  c\ 

1  .  i 


OPE 


497 


Les  deux  raifons  que  je  viens  d'alléguer  fe  réuniffent  dans 
toute  leur  force  pour  bannir  du  Drame  lyrique  les  Fêtes 
Se  les  DivertùTemens  qui  non-feulement  en  fofpendent  l'ac- 
tion, mais,  ou  ne  difent  rien,  ou  fubilituent  brufqucmenc 
au  langage  adopte  un  autre  langage  oppofé  dont  le  con- 
traite  détruit  la  vraifemblance  ,  afFoiblit  l'intérêt  ,  &  foit 
dans  la  même  aàioa  pourfuivie ,  foit  dans  un  épifode  inféré, 
blette  également  la  raifoa  Ce  feroit  bien  pis ,  fi  ces  Fêtes 
n'offroient  au  Spectateur  que  des  fauts  fans  liaifon ,  &  des 
Danfes  fans  objet,  tirTu  gothique  &  barbare  dans  un  genre 
d'ouvrage  où  tout  doit  être  peinture  ôc  imitation. 

Il  fout  avouer ,  cependant  ,  que  la  Danfe  eft  fi  avanta- 
geufement  placée  au  Théâtre  ,  que  ce  feroit  le  priver  d'un 
de  fes  plus  grands  agrémens  que  de  l'en  retrancher  tout-à- 
fait.  Au/fi ,  quoiqu'on  ne  doive  point  avilir  une  aclion  tra- 
gique par  des  fours  &  des  entrechats  ,  c'eft  terminer  tres- 
agréablement  le  Spectacle  ,  que  de  donner  un  Ballet  après 
VOpéra  ,  comme  une  petite  Pièce  après  la  Tragédie.  Dans 
ce  nouveau  Spectacle ,  qui  ne  tient  point  au  précédent ,  on 
peut  auPï  foire  choix  d'une  autre  Langue  ;  c'eft  une  autre 
Nation  qui  paroît  fur  la  Scène.  L'Art  Pantomime  ou  la 
Danfe  devenant  alors  la  Langue  de  convention  ,  la  parole 
en  doit  être  bannie  à  fon  tour,  &  la  Mufique  ,  reftant  le 
moyen  de  liaifon ,  s'applique  a  la  Danfe  dans  la  petite  Pièce , 
comme  elle  s'appliquoit  dans  la  gran.ie  à  la  Poéfie.  Mais 
avant  d'employer  cette  langue  nouvelle,  il  fout  la  créer. 
Commencer  par  donner  des  Ballets  en  action  ,  fans  avoir 
préalablement  établi  la  convention  des  geftes  ;  c'elt  parler 
Du!.  J:  Muf/quç,  Rrr 


49*  OPE 

une  Langue  à  gens  qui  n'en  ont  pas  le  Dictionnaire ,  &  qui 
par  conféquent ,  ne  l'entendront  poinr. 

OPERA ,  f.  m.  Elt  aufii  un  mot  confacré  pour  diftingiier- 
les  différens  ouvrages  d'un  même  Auteur ,  félon  l'ordre  dans 
lequel  ils  ont  été  imprimés  ou  gravés ,  &  qu'il  marque  or- 
dinairement lui-même  fur  les  titres  par  des  chiffre?.  (  Vo}rez 
(Euvre.  )  Ces  deux  mots  font  principalement"  en  ufage  pour 
les  comportions  de  Symphonie. 

ORATOIRE.  De  l'Italien  Oratorio.  Efpece  de  Drame  en 
Latin  ou  en  Langue  vulgaire,  divifé  par  Scènes,  à  l'imitation 
des  Pièces  de  Théâtre  ,  mais  qui  roule  toujours  fur  des  fu- 
jets  facrés  &  qu'on  met  en  Mufique  pour  être  exécuté  dans 
quelque  Eglife  durant  le  Carême  ou  en  d'autres  tems.  Cet: 
ufage ,  aflez  commun  en  Italie ,  n'efr,  point  admis  en  Fran- 
ce. La  Mufique  Françoife  elt  fi  peu  propre  au  genre  Dra- 
matique ,  que  c'eft  bien  affez  qu'elle  y  montre  fon  infum-? 
fance  au  Théâtre,  fans  l'y  montrer  encore  à  PEglifê. 

ORCHESTRE,  f.  m.    On  prononce    Orqueflrc.  CY-roir, 
chez  les   Grecs ,  la   partie  inférieure  du  Théâtre  ;    elle    étoir 
faite  en  demi-cercle  &  garnie  de  fieges  tout  autour.  On 
pelloit  Orchefln  ,   parce  que  cYcoic-là   que  s'exécutaient  les 
Danfes. 

Chez  eux  YOrchcftre  faifoit  une  partie  du  Théâtre  ;  à  Rome 
il  en  étoit  féparé  &  rempli  de  fieges  deitinés  pour  les   s 
nateurs,  les  Magiflrats,  les  Veftales,  &  les  autres  personnes 
<le    diftinction.    A    Paris  YOrche/lre  des  Comédies   Fran , 
&    Italienne,    &    ce  qu'on  appelle  ailleurs    le    Parquet,  tlk 
deftmé  en  partie  à  un  ufigc  fembluble. 


O    R    C 


495 


Aujourd'hui  ce  rnot  s'applique  plus  particulièrement  à  la 
Mufique  ,  &  s'cnrend ,  tantôt  du  lieu  où  fe  tiennent  ceux 
qui  jouent  des  Inftrumcns  ,  comme  YOrchcflre  de  L'Opéra, 
tantôt  du  lieu  où  fe  tiennent  tous  les  Muficiens  en  général, 
comme  YOrcheflre  du  Concert  Spirituel  au  Château  des 
Tuileries,  &  tantôt  de  la  collection  de  tous  les  Sympho- 
nifles  :  c'eft  dans  ce  dernier  fens  que  l'on  dit  de  l'exécution 
de  Mufique  que  YOrcheflre  étoit  bon  ou  mauvais ,  pour  dire 
que  les  Inftrumens  étoient  bien  ou  mal  joués. 

Dans  les  Mufiques  nombreufes  en  Symphonifies,  telles  que 
celle  d'un  Opéra,  c'eft  un  foin  qui  n'eft  pas  à  négliger  que 
la  bonne  diftrihution  de  YOrcheflre.  On  doit  en  grande  par- 
tie à  ce  foin  l'effet  étonnant  de  la  Symphonie  dans  les  Opéra 
d'Italie.  On  porte  la  première  attention  fur  la  fabrique  même 
de  ÏOrcheftre\  c'eft-à-dire ,  de  l'enceinte  qui  le  contient.  Ou 
lui  donne  les  proportions  convenables  pour  que  les  Sympho- 
nistes y  foient  le  plus  raffemblés  6c  le  mieux  dittribués  qu'il 
efl  pofiible.  On  a  foin  d'en  faire  la  caiffe  d'un  bois  léger  &c 
réfoenant  comme  le  fàpin ,  de  rétablir  fur  un  vide  avec  des 
arcs-boutans ,  d'en  écarter  les  Spectateurs  par  un  râteau  placé 
dans  le  parterre  h  un  pied  ou  deux  de  diftance.  De  forte 
que  le  corps  même  de  YOrcheflre  portant  pour  ainfi  dire, 
en  l'air,  6c  ne  touchant  prefquc  à  rien  ,  vibre  6c  Lvibnne 
fans  obftaclc,  6c  forme  comme  un  grand  Infiniment  qui  ré- 
pond à  tous  les    autres  6c  en  augmente  l'effet. 

A  l'égard  de  la  diftribution  intérieure,  on  a  foin:  i°.  que 
le  nombre  de  chaque  efpcce  d'Infiniment  fe  proportionne  à 
l'effet  qu'ils  doivent  produire  tous  enfcmble;  que,  par  exem- 

Rrr  i 


Soo  O    R     C 

pie,   les  Baffes  n'étouffent  pas  les  Deffus  &  n'en  foient  pa* 
étouffées;  que  les  Hautbois  ne  dominent  pas  fur  les  Violons, 
ni  les  féconds    fur  les   premiers  :  i°.  que  les  Infbrumens  de 
chaque  efpece ,  excepté  les  Baffes,  fbient  raffemblés  entr'eux, 
pour    qu'ils    s'accordent    mieux   &   marchent  enfemble  avec 
plus  d'exaclitude  :  30.  que  les  Baffes  foient  difperfées  autour 
des  deux  Clavecins  &  par  tout  VOrchejlrc  ,   parce  que  c'eil 
3a  Baffe  qui  doit  régler  &  foutenir  toutes  les  autres  Parties , 
6c  que  tous  les  Muiiciens  doivent  l'entendre  également  :  40.. 
que   tous    les    Symphoniftes   aient    l'œil  fur  le  Maître  à  fon~ 
Clavecin ,    &c   le    Maître    fur   chacun  d'eux  ;    que  de  même: 
chaque  Violon  foit  vu  de  fon  premier  ce  le  voye  :  c'eiè  pour- 
quoi cet  înftxument  étant  6c  devant  être  le  plus  nombreux., 
doit  être  diiixibuc  fur  deux  lignes    qui   le  regardent;    favoir . 
les  premiers  aiïïs  en  face  du  Théâtre,  le  dos  tourné  vers  les 
Spectateurs ,    les   féconds  vis-à-vis  d'eux  le  dos  tourné  vers 
le  Théâtre ,  &c. 

Le  premier  Orchejlre.  de  l'Europe  pour  le  nombre  &  I'ii> 
telligence  des  Symphoiiiftes  eft  celui  de  Naples  :  mais  celui 
qui  eft  le  mieux  diftribué  &  furme  l'enfemble  le  plus  parfait 
elt  Y  Orchejlre  de  l'Opéra  du  Roi  de  Pologne  à  Drefde,  di- 
rigé par  l'illultre  Hiffc.  (Ceci  s\'crivoit  en  1754.)  ('Voyez 
PL  G.  Fig.  1.)  la  repréfentation  de  cet  Orchejlre  ,  où,  ùaa 
s'attacher  aux  mefures,  qu'on  n'a  p.is  pritl-s  fur  les  lieux,  on 
pourra  mieux  juger  à  l'œil  de  la  diltribution  totale,  qu'on  ne 
pourrojt  faire  fur  une  longue  defeription. . 

On  a  remarque  que ,  de  tous  les   Orcheflrcs    de   l'Europe 
celui  de    l'Opéra    dt  Paris,  quoiqu'un  des  plus  nombxçi 


o   R  c  ri 

étoit  celui  qui  Fuifbit  le  moins  d'effet.  Les  raifons  en  font 
faciles  a  comprendre.  Premièrement  la  mauvaife  conftruction 
de  ÎOrchefirc ,  enfoncé  dans  la  terre,  &  clos  d'une  enceinte 
de  bois  lourd,  mafiif  &  charge  de  fer,  étouffe  toute  réfon- 
nanec  :  20.  le  mauvais  choix  des  Symphoniites,  dont  le  plus 
grand  nombre  reçu  par  faveur  fait  a  peine  la  Mufique,  & 
n'a  nulle  intelligence  de  l'enfemble  :  30.  leur  affommante  ha- 
bitude de  racler,  s'accorder,  préluder  continuellement  à  grand 
bruit  r  fans  jamais  pouvoir  être  d'accord  :  40.  le  génie  Fran- 
çois, qui  eit  en  général  de  négliger  &  dédaigner  tout  ce  qui 
devient  devoir  journalier  :  50.  les  mauvais  Inftrumens  des 
Symphoniftes ,  lefquels  reftant  fur  le  lieu  font  toujours  des 
In/brumens  de  rebut,  defUnés  à  mugir  durant  les  repréfen- 
rations ,  &  à  pourrir  dans  les  Intervalles  :  6°.  le  mauvais 
emplacement  du  Maître  qui ,  fur  le  devant  du  Théâtre  & 
tout  occupé  des  Acteurs  ,  ne  peut  veiller  fuffifamment  for 
fou  Orchtflre  &  l'a  derrière  lui,  au  lieu  de  l'avoir  fous  fes 
yeux  :  70.  le  bruit  infupportable  de  fon  bâton  qui  couvre  6c 
amortit  tout  l'effet  de  la  Symphonie  :  8°.  la  mauvaife  Har- 
monie de  leurs  compofuions,  cru,  n'étant  jamais  pure  6c 
choilie ,  na  fait  entendre ,  au.  lieu  de  chofes  d'effet ,  qu'un 
rempliifage  fourd  6c  confus  :  90.  pas  affez  de  Contrebaffes 
6c  trop  de  Violoncelles,  dont  les  Sons,  traînés  à  leur  ma- 
nière, étouffent  la  Mélodie  6c  affomment  le  Spectateur:  io°. 
enfin  le  défaut  de  Mefure,  6c  le  caractère  indéterminé  de  la 
Mufique  Françoife,  où  c'elt  toujours  l'Aéteur  qui  règle  YOr- 

flre ,  au  lieu    que    YOrchcftre    doit  régler    l'Acteur,  6c 
les  Deffus    mènent  la  Baffe,  au  lieu  que  la  Balle  doit  mener. 
les  DciTus. 


5cî  0    R    £ 

OREILLE ,  /  /.  Ce  mot  s'emploie  figurcment  en  terme 
de  Mufique.  Avoir  de  YOreille ,  c'eft  avoir  l'ouïe  fenfible , 
fine  &  jufte;  en  forte  que,  foie  pour  l'intonation,  foit  pour 
la  Mefure,  on  foit  choque  du  moindre  défaut,  6c  qu'auffi 
l'on  foit  frappé  des  beautés  de  l'Art ,  quand  on  les  entend. 
On  a  YOreilk  faufTe  lorfqu'on  chante  conftamment  faux  , 
lorfqu'on  ne  distingue  point  les  Intonations  ràuffes  des  In- 
tonations jaft.es,  ou  lorfqu'on  n'eft  point  fenfible  à  la  pré- 
cifion  de  la  Mefure ,  qu'on  la  bat  inégale  ou  à  contre-tems. 
Ainfi  le  mot  Oreille  fe  prend  toujours  pour  la  fineffe  de  la 
fenfation  ou  pour  le  jugement  du  fens.  Dans  cette  accep- 
tion le  mot  Oreille  ne  fe  prend  jamais  qu'au  fingulier  & 
avec  l'article  partitif.  Avoir   de  FOrcillt  ;  il  a  peu  d'Oreille. 

ORGANIQUE,  adu  pris  fubfl.  au  fémin.  C'étoit  chez 
les  Grecs  cette  partie  de  la  Mufique  qui  s'exécutoit  fur  les 
Inftrumens ,  &  cette  partie  avoit  fes  cara&eres ,  fes  Notes 
particulières,  comme  on  le  voit  dans  les  Tables  de  Bacchius 
&   d'Alypius.  (Voyez  Musique,  Notes.) 

ORGANISER  le  Chant  ,  v.  a,  C'étoit ,  dans  le  commen- 
cement de  l'invention  du  Contre-point ,  inférer  quelques  Tier- 
ces dans  une  fuite  de  Plain-Chant  à  l'uniffon  :  de  forte,' 
par  exemple ,  qu'une  partie  du  Chœur  chantant  ces  quatre 
Notes,  ut  re  Ji  ut,  l'autre  partie  chantoit  en  même  tems 
ces  quatre-ci  ut  re  re  ut.  Il  paroît  par  les  exemples  cités 
par  l'Abbé  le  Beuf  &  par  d'autres,  que  VOrgan{fation  ne 
fe  prariquoit  gueres  que  fur  la  Note  fenfible  à  l'approche 
de  la  finale;  d'où  il  fuit  qu'on  tforgattifbU  prefque  jamais 
gue   par  une  Tierce  mineure,  Tour  un   Accord   li    facile  cv 


O    R    T  503 

fi  peu  varie  ,  les  Chantres  qui  organifoient  ne  laifîbient  pas 
d'être  payes  plus  cher  que  les  autres. 

A  l'égard  de  YOrganum  triplum ,  ou  quadruplum ,  qui 
s'appellent  aufli  Triplum  ou  Quadruplant  tout  fimplemenr, 
ce  n'étoit  autre  chofe  que  le  même  Chant  des  Parties  orga- 
nifantes  entonné  par  des  Hautes-Contres  à  POâave  des  Baf- 
fes, &  par  dts   DefTus  à  fOchve  des  Tailles. 

ORTHIEN,  adj.  Le  Nome  Orthkn  dans  la  Mufique  Grec- 
que étoit  un  Nome  Daclylique  ,  invente  ,  félon  les  uns ,  par 
l'ancien  Olympus  le  Phrygien,  6c  félon  d'autres  par  le  My- 
fien.  C'eit  fur  ce  Nome  Orthkn,  difent  Hérodote  &  Aulu- 
gellc,  que  <:hantoii  Arion  quand  il  fe  précipita  dans  la  mer. 

OUVERTURE,  /  f.  Pièce  de  Symphonie  qu'on  s'efforce 
de  rendre  éclatante,  impofante ,  harmonieufe,  &  qui  fert  de 
début  aux  Opéra  &  autres  Drames  lyriques  d'une  certaine 
étendue. 

Les  Ouvertures  des  Opéra  François  font  prefque  routes 
calquées  fur  celles  de  Lully.  Elles  font  compofées  d'un  mor- 
ceau traînant  appelle  grave  qu'on  joue  ordinairement  deux 
fois,  &  d'une  Reprife  faqrillante  appellée  gaie,  laquelle  eft 
communément  fuguée  :  plufieurs  de  ces  Reprifes  rentrent  en- 
core dans  le   grave  en  iinillanr. 

Il  a  été  un  tems  où  les  Ouvertures  Françoifes  fervoient 
de  modèle  dans  toute  l'Europe.  11  n'y  a  pas  foixante  ans 
qu'on  faifoit  venir  en  Italie  des  Ouvertures  de  France  pour 
mettre  à  la  tête  des  Opéra.  J'ai  vu  même  plufieurs  anciens 
Opéra  Italiens  notés  avec  une  Ouverture  de  Lully  à  la  tête. 
C'elt   de    quoi    les   Italiens  ne   conviennent  pas  aujourd'hui 


5c4  O      V     V 

que  tout  a  fi  fort  change  ;  mais  le  fait  ne  laifTe  pas  créer* 
très-certain. 

La  Mufique  infini-mentale  ayant  fait  un  progrès  étonnant 
depuis  une  quarantaine  d'années,  les  vieilles  Ouvertures  faites 
po.ir  des  Symphoniftes  qui  favoient  peu  tirer  parti  de  leurs 
Infiruraens,  ont  bientôt  é:é  laifTées  aux  François,  &  l'on 
s'eit  d'abord  contenté  d'en  garder  à-peu-près  la  difpo(ition. 
Les  Italiens  n'ont  pas  même  tardé  de  s'affranchir  de  cette 
gêne  ,  &  ils  diftribuent  aujourd'hui  leurs  Ouvertures  d'une 
autre  manière.  Ils  débutent  par  un  morceau  faillant  &c  vif, 
à  deux  ou  à  quatre  tems  ;  puis  ils  donnent  un  Andante  à 
demi-jeu,  dans  lequel  ils  tâchent  de  déployer  toutes  les  grâces 
du  beau  Chant ,  &  ils  nnifTent  par  un  brillant  Allegro ,  or- 
dinairement à  trois  Tems. 

La   raifon  qu'ils   donnent  de    cette   difiribution    efl ,  que 
dans  un  Spectacle    nombreux  où  les  Spectateurs  font  beau- 
coup de  bruit ,  il  faut  d'abord  les  porter  au  filence  &  fixer 
leur  attention  par  un  début  éclatant  qui  les  frappe.  Ils  difenc 
que  le  grave  de  nos  Ouvertures  n'eft  entendu  ni  écouté  de 
p.erfonne ,   &   que    notre   premier  coup  d'archet ,  que    nous 
yantons  avec  tant  d'emphafe  ,    moins  bruyant  que  l'Accord 
des  Inftrumens  qui  les  précède,  &  avec  lequel  il  fe  confond, 
efjt  plus  propre  à  préparer  l'Auditeur  à  l'ennui  qu'à   l'atten- 
tion. Ils  ajourent  qu'après  avoir  rendu  le  Speilateur  attentif, 
il  convient  de  l'intéreflèr  avec  moins  de  bruit  par  un  Chant 
ible  &  flatteur  q  li  le  difpofe  à  l'atteodrnTement   qu'on 
lâchera  bientôt  de  lui  infpirerj  &  de  déterminer  enfin  VOu- 
iv/.v/v  ,ur  ua  morceau  d'un  autre  caradere,  qui,  tranchant 

avec 


O    U    V  s«s 

avec  le  commencement  du  Drame,  marque,  en  finiffant  a-.  - 
bruit,  le  Qlence  que  l'Auteur  arrive  fur  la  Scène  exige  du 
Spectateur. 

Notre  vieille  routine  d'Ouvertures  a  fait  naître  en  France 
une  plaifante  idée.  Plufieurs  fe  font  imagines  qu'il  y  avoit 
une  telle  convenance  entre  la  forme  des  Ouvertures  de 
Luily  &  un  Opéra  quelconque  ,  qu'on  ne  fauroit  la  changée 
fans  rompre  l'Accord  du  tout  :  de  forte  que  ,  d'un  début  de 
Symphonie  qui  feroit  dans  un  autre  goût ,  tel ,  par  exem- 
ple, qu'une  Ouverture  Italienne,  ils  diront  avec  mépris  ,  que 
c'eft  une  Sonate,  &  non  pas  une  Ouverture;  comme  fi  toute 
Ouverture   n'étoit  pas  une  Sonate. 

Je  fais  bien  qu'il  feroit  à  délirer  qu'il  y  eût  un  rapport 
propre  &  fenfible  entre  le  caractère  d'une  Ouverture  &  celui 
de  L'ouvrage  qu'elle  annonce  ;  mais  au  lieu  de  dire  que 
toutes  les  Ouvertures  doivent  être  jettées  au  même  moule , 
cela  dit  précifément  le  contraire.  D'ailleurs  ,  Ci  nos  Mufi- 
ciens  manquent  fî  fouvent  de  faifir  le  vrai  rapport  d.  la  Mu- 
fique  aux  paroles  dans  chaque  morceau,  comment  faifiront- 
ils  les  rapports  plus  éloignés  &  plus  fins  entre  l'ordonnance 
d'une  Ouverture ,  &  celle  du  corps  entier  de  l'ouvrage  ?  Quel- 
ques M  anciens  fe  font  imaginés  bien  faifir  ces  rapports  en  raf- 
femblant  d'avance  dans  ^Ouverture  tous  les  caractères  expri- 
més dans  la  Pièce,  comme  s'ils  vouloient  exprimer  deux 
fois  la  même  action  ,  &  que  ce  qui  eft  à  venir  fût  déjà 
patlc.  Ce  n'eft  pas  cela.  h'Ouverture  la  mieux  entendue  eft 
celle  qui  difpofe  tellement  les  cœurs  des  Spectateurs,  qu'ils 
s'ouvrent  fans  effort  à  l'intérêt  qu'on  veut  leur  donner  des 
Dicl.  de  A  lujîque.  S  s  s 


So<5 


O    U    V 


le  commencement  de  la  Pièce.  Voilà  le  véritable  effet  que 
doit  produire  une  bonne  Ouverture  :  voilà  le  plan  fur  lequel 
il  la  faut  traiter. 

OUVERTURE  DU  LIVRE ,  A  L'OUVERTURE  DU 
LIVRE.  (  Voyez  Livre.  ) 

OXIPYCNI,  adj.  plur.  C'eit  le  nom  que  donnoient  les 
Anciens  dans  le  Genre  épais  au  troilieme  Son  en  montant 
de  chaque  Tétracorde.  Ainfi  les  Sons  Oxipycni  étoient  cinq 
en  nombre.  (  Voyez  Apvcni  ,  Epais  ,  Système  ,  Tétra- 
corde. ) 


PAN  so? 

p. 

A   .  Par  abréviation  ,  fignifie  Piano  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  Doux. 
(  Voyez  Doux.  ) 

Le  double  PP.  fignifie ,  Pianijfimo  ,  c'eft-à-dire  ,  très- 
Doux. 

PANTOMIME  ,  f.  f.  Air  fur  lequel  deux  ou  plufieurs 
Danfeurs  exécutent  en  Danfe  une  A&ion  qui  porte  aufli 
le  nom  de  Pantomime.  Les  Airs  des  Pantomimes  ont  pour 
l'ordinaire  un  couplet  principal  qui  revient  fouvent  dans  le 
cours  de  la  Pièce,  &  qui  doit  être  (impie,  par  la  raifou 
dite  au  mot  Contre-Danfe  :  mais  ce  couplet  eit  entremêlé 
d'autres  plus  faillans ,  qui  parlent ,  pour  ainfi  dire ,  &  font 
image  dans  les  fituations  où  le  Danfeur  doit  mettre  une 
expreffion  déterminée. 

PAPIER  REGLE.  On  appelle  ainfi  le  papier  préparé 
avec  les  Portées  toutes  tracées  ,  pour  y  noter  la  Mufique. 
(  Voyez  Portfk.  ) 

Il  y  a  du  Papier  réglé  de  deux  efpeces  ;  favoir,  celui  dont 
le  format  elt  plus  long  que  large ,  tel  qu'on  l'emploie  com- 
munément en  France  ;  &  celui  dont  le  format  efi  plus  large 
que  long  ;  ce  dernier  eft  le  feu!  dont  on  fe  ferve  en  Italie. 
Cependant  par  une  bifirrerie  dont  j'ignore  la  caufe ,  les  Pa- 
petiers de  Paris  appellent  Papier  réglé  à  la  Françoife ,  celui 
dont  on  fe  fert  en  Italie,  &  Papier  réglé  à  /' Italienne,  celui 
qu'on  préfère  en  France. 

Sss  i 


•  5eS  f     A     R 

Le  format  plus  large  que  long  paroît  plus  commode  , 
foie  parce  qu'un  livre  de  cette  forme  fe  tient  mieux  ouvert 
fur  un  pupitre  ,  foit  parce  que  les  Portées  étant  plus  lon- 
gues on  en  change  moins  fréquemment  :  or,  c'eft  dans  ces 
changemens  que  les  Muficiens  font  fujets  à  prendre  une 
Portée  pour  l'autre ,  fur-tout  dans  les  Partitions.  (  Voyez 
Partition.  ) 

Le  Papier  réglé  en  ufage  en  Italie  eft  toujours  de  dix  Por- 
tées ,  ni  plus  ni  moins  ;  6c  cela  fait  julte   deux   Lignes  ou 
Accolades  dans  les  Partitions  ordinaires  ,  où  l'on  a  toujours 
cinq    Parties  ;  fivoir  ,  deux  Deffus   de  Violons  ,  la  Viola  , 
1a    Partie  chantante  ,   6c  la  Baffe.  Cette  divifion  étant  tou- 
jours   la   même  &  chacun  trouvant   dans  toutes   les  Parti- 
tions   fa    Partie  femblablement  placée,  paife   toujours  d'une 
Accolade    à   l'autre  fans  embarras  6c  fins  rifque  de  fc  mé- 
prendre.   Mais   dans  les   Partitions   Françoifes  où   le    nom- 
bre  des  Portées  n'efr.   fixe  6c  déterminé  ,  ni  dans  les  Pages 
ni  dans    les  Accolades ,  il  faut  toujours  héfiter   à  la  fin  de 
chaque   Portée   pour    trouver  ,   dans  l'Accolade  qui  fuir  ,  la 
Portée    correfpondante    à    celle    où   l'on    eft  ;   ce    qui    rend 
le   Moficien   moins  fur ,  6c   l'exécution    plus   fu  jette  a  man- 
quer. 

PA'IADIAZEUXIS  ou  Disjonction  prochaine  ,/  /. 
C'éroit  ,  dans  la  Mufique  Grecque ,  au  rapport  du  vieux 
Ricchius ,  l'Intervalle  d'un  Ton  feulement  entre  les  cordes 
de  deux  Tctracordcs,  &  telle  eft  l'elpcce  de  disjonction  qui 
.-  encre  le  Técracorde  Synnéméaon ,  &  le  1  aucord* 
Diézeugménon.  (  Voye\  ces    mois.  ) 


P    A    R  5o9 

PARAMESE,//  Cétoit,  dans  la  Mufique  Grecque,  te 
nom  de  la  première  corde  du  Tétracorde  Diézcugménon. 
Il  faut  fe  fouvenir  que  le  troilîeme  Tétracorde  pouvoic  être 
conjoint  avec  le  fécond  ;  alors  fa  première  corde  étoit  la 
Mèfe  ou  la  quatrième  corde  du  fécond  ;  c'eft-à-dire  ,  que 
cette  Mèfe  ctoit  commune  aux  deux. 

Mais  quand  ce  troilîeme  Tétracorde  ctoit  disjoint,  il  com- 
jnençoit  par  la  corde  appellée  Paramèjè  ,  laquelle  au  lieu  de 
fe  confondre  avec  la  Mèfe ,  fe  trouvoit  alors  un  Ton  plus 
haut ,  6c  ce  Ton  faifoit  la  disjonction  ou  diftance  entre  la 
quatrième  corde  ou  la  plus  aiguc  du  Tétracorde  Méfon ,  ck 
la  première  ou  la  plus  grave  du  Tétracorde  Diczeugménon. 
(  Voyez  Système  ,  Tétracorde.  ) 

Paramèfc  fignirie  proche  de  la  Mèfe  ;  parce  qu'en  effet 
la  Paramèfe  n'en  étoit  qu'à  un  Ton  de  diftance  ,  quoiqu'il 
y  eût  quelquefois  une   corde   entre  deux.  (  Voyez  Trite.  ) 

PARANETE  ,  f.  f.  C'eit ,  dans  la  Mufique  ancienne  , 
]e  nom  donné  par  plufieurs  Auteurs  a  la  troisième  corde  de 
chacun  des  trois  Tétracordes  Synnéménon  ,  Diézeugménon, 
&  Hyperboléon  ;  corde  que  quelques-uns  ne  diftinguoient 
que  par  le  nom  du  Genre  où  ces  Tétracordes  étoient  em- 
ployés. Ainfi  la  troilîeme  corde  du  Tétracorde  Hyperboléon  , 
laquelle  eft  appellée  Hyperboléon  -  Diatonos  par  Arifto- 
xène  &  Alypius,  eft  appellée  Taranèu  -  Hyperboléon  par 
Euclkte  ,   &rc. 

PARAPHONIE,  /.'/:  C'eft,  dans  la  Mufique  ancienne, 
cette  efpece  de  Confonnance  qui  ne  rcfulte  pas  des  menus 
Sons  ,  comme  l'Uniflbn  qu'on  appelle  Homophonk  ;  ni  de  la 


5io  PAR 

Réplique  des  mêmes  Sons  ,  comme  l'O&ave  qu'on  appelle 
Antiphonie  ;  mais  des  Sons  réellement  différens  ,  comme  la 
Quinte  &  la  Quarte ,  feules  Paraphonies  admifes  dans  cette 
Mufique  :  car  pour  la  Sixte  &  la  Tierce  ,  les  Grecs  ne  les 
mettoienr.  pas  au  rang  des  Paraphonies  ;  ne  les  admettant 
pas  même  pour  Confonnances. 

PARFAIT  ,  adj.  Ce  mot  ,  dans  la  Mufique  ,  a  plufieurs 
fens.  Joint  au  mot  Accord  ,  il  fignifie  un  Accord  qui  com- 
prend toutes  les  Confonnances  fans  aucune  Diitonance;  joint 
au  mot  Cadence  ,  il  exprime  celle  qui  porte  la  Note  fenfiblc, 
&  de  la  Dominante  tombe  fur  la  Finale;  joint  au  mot  Con- 
fonnance  ,  il  exprime  un  Intervalle  juite  &  déterminé  ,  qui 
ne  peut  être  ni  majeur  ni  mineur  :  ainfi.  l'Octave ,  la  Quinte 
&  la  Quarte  font  des  Confonnances  parfaites ,  &  ce  font  les 
feules  ;  joint  au  mot  Mode  ,  il  s'applique  à  la  Mefure  par  une 
acception  qui  n'efè  plus  connue  &  qu'il  faut  expliquer  pour 
l'intelligence  des  anciens  Auteurs. 

Ils  divifoient  le  Tems  ou  le  Mode  ,  par  rapport  a  la  Me- 
fure ,  en  Parfait  ou  Imparfait,  &  prétendant  que  le  nombre 
ternaire  étoit  plus  parfait  que  le  binaire  ,  ce  qu'ils  prouvoient 
par  la  Trinité  ,  ils  appelloient  Tems  ou  Mode  Parfait  ,  celui 
dont  la  Mefure  étoit  à  trois  Tems,  &  ils  le  marquoient  par 
un  O  ou  cercle  ,  quelquefois  feul  ,  &  quelquefois  barré  ,  <t>. 
Le  Tems  ou  Mode  Imparfait  tbrmoit  une  Mefure  à  d< 
Tems  ,  &  fe  marquoit  par  un  O  tronqué  ou  un  C  ,  tantôt  fini 
&  tantôt  barré.  (  Voyez  Mesure  ,  Mode  ,  PrOIATIOH, 
Tems.  ) 

PARHYPATE  ,  fi  f    Nom  de  la  corde  qui   fuit  mimé- 


PAR  511 

diarcment  l'Hypatt  du  grave  à  l'aigu.  Il  y  avoit  deux  Pathy» 
pâtes  dans  le  Diagramme  des  Grecs;  favoir,  la  Parl.ypate- 
Hypaton  ,  &  la  Parhypate-Méfon.  Ce  mot  Parhypate  lignifie 
Sous-principale  ou  proche  la  principale,  (  Voyiz  Wyiwïv..) 

PARODIE  ,  /  f.  Air  de  Symphonie  dont  on  fait  un  Aie 
chantant  en  y  ajultant  des  paroles.  Dans  une  Mufique  bien 
faite  le  Chant  eft  fait  fur  les  paroles  -,  &  dans  la  Parodie 
les  paroles  font  faites  fur  le  Chant  :  tous  les  couplets  d'une 
Chanfon  ,  excepté  le  premier  ,  font  des  efpeces  de  Paro- 
dies ;  &  c'eft ,  pour  l'ordinaire  ,  ce  que  l'on  ne  fent  que 
trop  à  la  manière  dont  la  Profodie  y  eil  eftropiée.  (Voyez 
Chanson.  ) 

PAROLES  yf.f.  plur.  C'eft  le  nom  qu'on  donne  au  Poème 
que  le  Compofiteur  met  en  Mufique  ;  foit  que  ce  Poème 
foit  petit  ou  grand  ,  foit  que  ce  foit  un  Drame  ou  une  Chan- 
fon. La  mode  eft  de  dire  d'un  nouvel  Opéra  que  la  Mufi- 
que en  eft  paflable  ou  bonne  ,  mais  que  les  Paroles  en  fonc 
dcteftables  :  on  pourroit  dire  le  contraire  des  vieux  Opéra 
de  Lully. 

PARTIE,//.  C'eft  le  nom  de  chaque  Voix  ou  Mélodie 
féparée  ,  dont  la  réunion  forme  le  Concert.  Pour  conftituer 
un  Accord  ,  il  faut  que  deux  Sons  au  moins  fe  fafTent  en- 
tendre à  la  fois  ;  ce  qu'une  feule  Voix  ne  fiwioit  faire.  Pour 
former ,  en  chantant ,  une  Harmonie  ou  une  fuite  d'Accords , 
il  faut  donc  plufieurs  Voix  :  le  Chant  qui  appartient  à  cha- 
cune de  ces  Voix  s'appelle  Partie,  &  la  collection  de  toutes 
les  Parties  d'un  même  ouvrage  ,  écrites  l'une  au-deffous  de 
l'autre ,  s'appelle  Partition.  (  Voyez  Partition.  ) 


Sir  PAR 

Comme  un  Accord  complet  eft  compofé  de  quatre  Sons  , 
il  y  a  auiïi ,  dans  la  Mufique  ,  quatre  Parties  principales  dont 
la  plus  aiguë  s'appelle  DeJJ'us ,  6c  fe  chante  par  des  Voix  de 
femmes ,  d'enfuis  ou  de  Mufici  :  les  trois  autres  font  ,  la 
Hauts-Contre  ,  la  Taille  &  la  Baffe  ,  qui  toutes  appartiennent 
à  des  Voix  d'hommes.  On  peut  voir ,  (  PL  F.  Fig.  6.  )  l'é- 
tendue de  Voix  de  chacune  de  ces  Parties ,  6c  la  Clef  qui 
lui  appartient.  Les  Notes  blanches  montrent  les  Sons  pleins 
où  chaque  Partie  peut  arriver  tant  en  haut  qu'en  bas  ,  6c 
les  Croches  qui  fuivent  montrent  les  Sons  où  la  Voix  com- 
menceroit  à  fe  forcer  ,  &  qu'elle  ne  doit  former  qu'en  paf- 
fant.  Les  Voix  Italiennes  excédent  prefque  toujours  cette 
étendue  dans  le  haut ,  fur-tout  les  Deflus  ;  mais  la  Voix  de- 
vient alors  une  efpece  de  Faucet  ,  6c  avec  quelqu'art  que  ce 
défaut  fe  déguife  ,  c'en  eft  certainement  un. 

Quelqu'une  ou  chacune  de  ces  Parties  fe  fubdivife  quand 
on  compofe  a  plus  de  quatre  Parties  (  Voyez  Dessus  , 
Taille ,  Basse.) 

Dans  la  première  invention  du  Contre-point,  il  n'eut  d'abord 
que  deux  Parties  ,  dont  l'une  s'appelloit  Ténor ,  &  l'autre 
Difcant.  Enfuite  on  en  ajouta  une  troifieme  qui  prit  le  nom 
de  Triplum  ;  6c  enhn  une  quatrième  ,  qu'on  appella  quel- 
quefois Quadrupium ,  6c  plus  communément  Motetus.  Ces 
Parties  fe  confondoient  6c  enjamboient  très- fréquemment 
les  unes  fur  les  autres  :  ce  n'elt  que  peu-a-peu  qu'en  s'éten- 
dant  à  l'aigu  6c  au  grave  ,  elles  ont  pris  ,  avec  des  Diapa- 
funs  plus  féparés  6c  plus  rixes  ,  les  noms  qu'elles  ont  au- 
jourd'hui. 

Il 


PAR  5«i 

Il  y  a  aufli  des  Parties  inltru  mentales.  Il  y  a  même  des 
Inflrumens,  comme  l'Orgue,  le  Clavecin,  la  Viole,  qui  peu- 
vent faire  plufieurs  Parties  à  la  fois.  On  divife  aufli  la  Mufique 
Inftrumentale  en  quatre  Parties ,  qui  répondent  à  celles  de  la 
Mufique  Vocale ,  &  qui  s'appellent  DeJJ'us  ,  Quinte  ,  Taille  &c 
BaJJ'e  ;  mais  ordinairement  le  DeiTus  fe  fépare  en  deux ,  &  la 
Quinte  s'unit  avec  la  Taille ,  fous  le  nom  commun  de  /  ïole. 
On  trouvera  aufïi  (PI.  F.  Fig.  7.)  les  Clefs  &  l'étendue  des 
quatre  Parties  Inftru  mentales  :  mais  il  faut  remarquer  que  la 
plupart  des  Inftrumens  n'ont  pas  dans  le  haut  des  bornes  pré- 
cifes ,  &  qu'on  les  peut  faire  démancher  autant  qu'on  veut 
aux  dépens  des  oreilles  des  Auditeurs  ;  au  lieu  que  dans  \» 
bas  ils  ont  un  terme  fixe  qu'ils  ne  fauroient  paffer  :  ce  terme 
eft  à  la  Note  que  j'ai  marquée  ;  mais  je  n'ai  marqué  dans  le 
haut  que  celle  où  l'on  peut  atteindre  fans  démancher. 

11  y  a  des  Parties  qui  ne  doivent  être  chantées  que  par 
une  feule  Voix  ,  ou  jouées  que  par  un  feul  Infiniment ,  & 
celles-là  s'appellent  Parties  récitantes.  D'autres  Parties  s'exé- 
cutent par  plufieurs  perfonnes  chantant  ou  jouant  à  l'Unif- 
fon  ,  &  on  les  appelle  Parties  concertantes  ou  Parties  de, 
Chœur. 

On  appelle  encore  Partie  ,  le  papier  de  Mufique  fur  lequel 
eft  écrite  la  Partie  féparée  de  chaque  Muficien  ;  quelquefois 
plufieurs  chantent  ou  jouent  fur  le  même  papier  :  mais  quand 
ils  ont  chacun  le  leur,  comme  cela  fe  pratique  ordinairement 
dans  les  grandes  Mufiques ,  alors  ,  quoiqu'en  ce  fens  chaque 
Concertant  ait  ù  Partie ,  ce  n'eft  pas  à  dire  dans  l'autre  fens 
qu'il  y  ait  autant  de  Parties  de  Concertons  ,  attendu  que  la 
Dicl.  de  Mufique,  T  1 1 


514  PAR 

même  Partie  efl  fouvent  doublée  ,  triplée  &  multipliée  à 
proportion  du  nombre  total  des  exécutans. 

PARTITION,/  /.  Collection  de  toutes  les  Parties  d'une 
Pièce  de  Mufîque ,  où  l'on  voit,  par  la  réunion  des  Portées 
correfpondantes  ,  l'Harmonie  qu'elles  forment  entr'elles.  On 
écrit  pour  cela  toutes  les  Parties  Portée  à  Portée  ,  l'une 
au  -  defîbus  de  l'autre  avec  la  Clef  qui  convient  a  chacune  , 
commençant  par  les  plus  aiguës ,  &  plaçant  la  BaiTe  au-deffous 
du  tout;  on  les  arrange,  comme  j'ai  dit  au  mot  Copiste, 
de  manière  que  chaque  Mefure  d'une  Portée  foit  placée  per- 
pendiculairement au-deflus  ou  au-deîfous  de  la  Mefure  cor- 
refpondante  des  autres  Parties ,  &  enfermée  dans  les  mêmes 
Barres  prolongées  de  l'une  à  l'autre  ,  afin  que  l'on  puiiïe 
voir  d'un  coup-d'œil  tout  ce  qui  doit  s'entendre  a  la  fois. 

Comme  dans  cette  difpofition  une  feule  ligne  de  Mufîque 
comprend  autant  de  Portées  qu'il  y  a  de  Parties  ,  on  cm- 
braiîe  toutes  ces  Portées  par  un  trait  de  plume  qu'on  appelle 
Accolade,  &  qui  fe  tire  à  la  marge  au  commencement  de 
cette  ligne  ainfi  compofée  ;  puis  on  recommence  ,  pour  une 
nouvelle  Ligne  ,  a  tracer  une  nouvelle  Accolade  qu'on  rem- 
plit de  la  fuite  des  mêmes  Portées  écrites  dans  le  même 
ordre. 

Ainfi  ,  quand  on  veut  fuivre  une  Partie  ,  après  avoir  par- 
c  iutu  la  Portée  jufqu'au  bout  ,  on  ne  paire  pas  h  celle  qui 
tfr  immédiatement  au-deffous  :  mais  on  regarde  quel  rang 
la  Portée  que  l'on  quitte  occupe  dans  fon  Accolade  ,  on  \.i 
chercher  dans  l'Accolade  qui  fuit  la  Portée  correfpondante  , 
&  l'on  y  trouve  la  fuite  de  la  même  Parue. 


r  a  r  $IS 

L'ufage  des  Partitions  eft  indifpenfable  pour  compofer.  Il 
faut  aulîi  que  celui  qui  conduit  un  Concert  ait  la  Partition 
fous  les  yeux  pour  voir  fi  chacun  fuit  fa  Partie  ,  &  remettre 
ceux  qui  peuvent  manquer  :  elle  efr.  même  utile  à  l'Accom- 
pagnateur pour  bien  fuivre  l'Harmonie  ;  mais  quant  aux 
autres  Muficiens ,  on  donne  ordinairement  à  chacun  fa  Par- 
tie féparée  ,  étant  inutile  pour  lui  de  voir  celle  qu'il  n'exé- 
cute pas. 

Il  y  a  pourtant  quelques  cas  où  l'on  joint  dans  une  Partie 
féparée  d'autres  Parties  en  Partition  partielle  ,  pour  la  com- 
modité  des  exécutans.    i°.   Dans    les  Parties  Vocales ,    on 
note  ordinairement  la  Baffe  continue  en  Partition  avec  cha- 
que Partie  récitante  ,   foit  pour  éviter  au  Chanteur  la  peine 
de  compter  fes  Paufes  en  fuivant  la  Baffe  ,  foit  pour  qu'il  fe 
puiffe  accompagner  lui-même  en  répétant  ou  récitant  fa  Par- 
tie. i°.  Les  deux  Parties  d'un   Duo   chantant  fe   notent   en 
Partition  dans  chaque  Partie  féparée,  afin  qie  chaque  Chan- 
teur ,  ayant  fous  les  yeux  tout  le  Dialogue  ,  en  faififfe  mieux 
l'efprit ,    &  s'accorde  plus  aifément   avec  fa  contre  -  Partie. 
3°.  Dans   les    Parties   Inftrumentales  ,   on   a  foin  ,  pour  les 
Récitatifs  obligés ,  de  noter  toujours  la  Partie  chantante  en 
Partition  avec  celle  de  l'Inftrument ,  afin  que  dans  ces  alter- 
natives de  Chant  non  mefuré  &  de  Symphonie  mefurée ,  le 
Symphonifte  prenne  jufte  le  tems  des  Ritournelles  fans  en- 
jamber &  fans  retarder. 

PARTITION  eft  encore  ,  chez  les  Fadeurs  d'Orgue  &c 
de  Clavecin ,  une  règle  pour  accorder  l'Inftrument ,  en  com- 
mençant  par  une   Corde   ou  un  Tuyau  de  chaque  Touche 

Ttt  i 


■5iô  PAR 

dans  l'étendue  d'une  Octave  ou  un  peu  plus ,  prife  vers  lé 
milieu  du  Clavier  ;  &  fur  cette  Octave  ou  Partition  l'on  ac- 
corde ,  après  ,  tout  le  refte.  Voici  comment. on  s'y  prend  pour 
former  la  Partition. 

Sur  un  Son  donné  par  un  Infiniment  dont  je  parlerai  au 
mot  Ton  ,  l'on  accorde  à  l'Uniflbn  ou  à  l'Octave  le  Cfol  ut 
qui  appartient  à  la  Clef  de  ce  nom ,  &  qui  fe  trouve  au  mi- 
lieu du  Clavier  ou  à-peu-près.  On  accorde  enfuite  le  fol  , 
Quinte  aiguë  de  cet  ut  ;  puis  le  rt  ,  Quinte  aiguë  de  ce  fol; 
après  quoi  l'on  redefcend  à  l'Octave  de  ce  rc  ,  à  côté  du  pre- 
mier ut.  On  remonte  à  la  Quinte  la ,  puis  encore  à  la  Quinte 
mi.  On  redefcend  à  l'Octave  de  ce  mi,  &  Ton  continue  de 
même  ,  montant  de  Quinte  en  Quinte  ,  &  redefcendant  à 
l'Octave  lorfqu'on  avance  trop  à  l'aigu.  Quand  on  eft  par- 
venu au  fol  Dièfe ,  on  s'arrête. 

Alors  on  reprend  le  premier  ut  ,  &  l'on  accorde  fon  Oc- 
tave aiguë  ;  puis  la  Quinte  grave  de  cette  Octave  fa  ;  l'Oc- 
tave aiguë  de  ce  fa  ;  enfuite  le  fi  Bémol  ,  Quinte  de  cette 
Octave  ;  enfin  le  mi  Bémol  ,  Quinte  grave  de  ce  fi  Bémol  : 
l'Octave  aiguë  duquel  mi  Bémol  doit  faire  Quinte  julte  ou 
à-peu-près  avec  le  la  Bémol  ou  fol  Dièfe  précédemment 
accordé.  Quand  cela  arrive  ,  la  Partition  elt  julte  ;  autre- 
ment elle  eit  fauffe ,  &  cela  vient  de  n'avoir  pas  bien  fuivi 
les  règles  expliquées  au  mot  Tempérament.  Voyez  (  PI.  F» 
T/tf.   8.  )  la  fucccflïon   d'Accords  qui    forme  la   Partition. 

La  Partition  bien  faire  ,  l'accord  du  relie  elt  très-facile  , 
pwiiqu'il  n'eft  plus  queition  que  d'Unilîbns  &  d'Octaves  pour 
achever,  d'accorder  tout  le  Clavi 


PAS  ji} 

PASSAC AILLE,//:  Efpece  de  Chaconne  dont  le  Chant 
eft  plus  tendre  &  le  mouvement  plus  lent  que  dans  les  Cha- 
connes  ordinaires.  (  Voyez  ChacovkB.  )  Les  PaJJacailks 
d'Armide  &  d'IrTé  font  célèbres  dans  l'Opéra  François. 

PASSAGE  y  f.  m.  Ornement  dont  on  charge  un  trait  de 
Chant,  pour  l'ordinaire  allez  court;  lequel  eft  compofé  de 
plufieurs  Notes  ou  Diminutions  qui  fe  chantent  ou  fe  jouenn 
très-légèrement.  C'eft  ce  que  les  Italiens  appellent  cufîï 
Faffb.  Mais  tout  Chanteur  en  Italie  eft  oblige  de  favoir 
compofer  des  Paffi  ,  au  lieu  que  la  plupart  des  Chanteurs 
François  ne  s'écartent  jamais  de  la  Note  &  ne  font  de  Piif- 
fages  que  ceux  qui    font  écrits. 

PASSE-PIED  ,  f.  m.  Air  d'une  Danfe  de  même  nom  y 
fort  commune,  dont  la  mefure  eft  triple,  fe  marque  |,  & 
fe  bat  à  un  Tems.  Le  mouvement  en  eft  plus  vif  que  celui 
du  Menuet  ,  le  caraftere  de  l'Air  à-peu-près  femblable  ;  ex- 
cepté que  le  PaJ[e-pkd  admet  la  fyncope ,  &  que  le  Menuet 
ne  l'admet  pas.  Les  Mefures  de  chaque  Reprife  y  doivent 
entrer  de  même  en  nombre  pairement  pair.  Mais  l'Air  du 
Pajfe-pied  au  lieu  de  commencer  fur  le  Frappé  de  la  Me- 
fure ,  doit  dans  chaque  Reprife  commencer  fur  la  croche 
qui  le  précède. 

PASTORALE,/  f.  Opéra  champêtre  dont  les  Perfon- 
nages  font  des  Bergers  ,  &  dont  la  Mufique  doit  être  afTor- 
tie  à  la  (implicite  de  goût  &  de  mœurs  qu'on  leur  fwppofe. 
Une  Paftorale  eft  aufîi  une  Pièce  de  Mufique  faite  fur 
des  paroles  relatives  à  l'état  Paftarcl  ,  ou  un  Chant  qi  r 
imite  celui  des  Bergers  ,  qui  ça  a  la  douceur  ,  la  tendra  lie 


5i8  PAS 

&  le  naturel  ;  l'Air  d'une  Danfe  compofée  dans  le   même 
caraclere  s'appelle  aufïi  Paftorale. 

PASTORELLE  ,  /  f.  Air  Italien  dans  le  genre  paftoral. 
1-ts  Airs  François  appelles  Paftorales  ,  font  ordinairement 
à  deux  Tems  ,  &  dans  le  caractère  de  Mufette.  Les  Paflo- 
re/L's  Italiennes  ont  plus  d'accent ,  plus  de  grâce ,  autant 
de  douceur  &  moins  de  fadeur.  Leur  Mefure  eft  toujours  le 
fix-huit. 

PATHETIQUE  ,  adj.   Genre  de  Mufique  dramatique  & 
théâtral  ,    qui    tend   a   peindre    &  à    émouvoir   les   grandes 
pallions  ,  ôc  plus  particulièrement  la  douleur  &  la  trilteiïe. 
Toute  l'exprefïïon  de  la  Mufique  Françoife  ,  dans  le  genre 
Pathétique ,  confifte  dans   les  Sons    traînés ,  renforcés  ,  gla- 
piiTans  ,  ôc  dans  une  telle  lenteur  de   mouvement ,  que  tout 
fentiment  de   la  Mefure  y  foit  effacé.  De  -  là  vient   que  les 
François  croient  que  tout   ce  qui  eft  lent  eft  Pathétique  ,  & 
que  tout  ce  qui  eft  Pathétique  doit  être  lent.  Ils  ont  même 
des  Airs    qui  deviennent  gais  ôc  badins,  ou  tendres  ôc  Pa- 
thétiques ,  félon  qu'on  les  chante  vite  ou  lentement.  Tel  eft 
un  Air  fi  connu  dans  tout  Paris ,  auquel  on  donne  le  pre- 
mier caraclere  fur  ces  paroles  :  II  y  a  trente   ans  que  mon 
cotillon  traîne  ,  &c.   ôc  le  fécond  fur  celles-ci  :  Quoi  !  vous 
parte\  fans  que  rien  vous  arrête  ,  ôcc.  C'elt  l'avantage  de  la 
Mélodie  Françoife;  elle  fert  atout  ce  qu'on  veut.  Fiet  avis, 
Çr  ,  cuni  volet ,  arùor. 

Mais  la  Mufique  Italienne  n'a  pas  le  même  avantage  : 
chaque  Chant  ,  chaque  Mélodie  a  fou  caraclere  allèrent 
propre  ,  qu'il  elt  impoflible  de  l'en  dépouiller.  Son  Pat 


P    AT  519 

tique  d'Accent  &  de  Mélodie  fe  fait  fentir  en  toute  forte 
de  Mefure  ,  ce  même  dans  les  Mouvemens  les  plus  \ 
Les  Airs  François  changent  de  caractère  félon  qu'on  pn 
ou  qu'on  ralentit  le  Mouvement  :  chaque  Air  Italien  a  fon 
Mouvement  tellement  déterminé  ,  qu'on  ne  peut  l'altérer  fans 
anéantir  la  Mélodie.  L'Air  ainfi  défiguré  ne  change  pas 
fon  caractère  ,  il  le  perd  ;  ce  n'eft  plus  du  Chant  ,  ce  n'eft 
rien. 

Si  le  caractère  du  Pathétique  n'eft  pas  dans  le  Mouve- 
ment ,  on  ne  peut  pas  dire  non  plus  qu'il  foit  dans  le  Genre , 
ni  dans  le  Mode  ,  ni  dans  l'Harmonie  ;  puifqu'il  y  a  des 
morceaux  également  Pathétiques  dans  les  trois  Genres,  dans 
les  deux  Modes ,  &  dans  toutes  les  Harmonies  imaginables. 
Le  vrai  Pathétique  eft  dans  l'Accent  paflionné  ,  qui  ne  fe 
détermine  point  par  les  règles  ;  mais  que  le  génie  trouve  & 
que  le  cœur  fent ,  fans  que  l'Art  puiffe ,  en  aucune  manière , 
en  donner  la  loi. 

PATTE  A  RÉGLER,//:  On  appelle  ainfi  un  petit  inf- 
iniment de  cuivre  ,  compofé  de  cinq  petites  rainures  éga- 
lement cfpacées ,  attachées  à  un  manche  commun  ,  par  les- 
quelles on  trace  à  la  fois  fur  le  papier ,  &  le  long  d'une  rè- 
gle ,  cinq  lignes  parallèles  qui  forment  une  Portée.  (  Voyez 
Portée.  ) 

PAVANE,//!  Air  d'une  Danfe  ancienne  du  même  nom, 
laquelle  depuis  long -teins  n'eft  plus  en  ufage.  Ce  nom  de 
Pavane  lui  fut  donné  parce  que  les  figurans  taifoient  ,  eu 
fe  regardant  ,  une  efpece  de  roue  à  la  manière  des  Paons. 
L'Homme  fe  fervoit ,  pour  cette  roue  ,  de  ta  cape  ce  de  fon 


5io 


PAU 


épée  qu'il  gardoit  dans  cette  Danfe  ,  &  c'eft  par  allufion  \ 
la  vanité  de  cette  attitude  qu'on  a  fait  le  verbe  réciproque 
Je  pavaner, 

PAUSE  ,  f.  f.  Intervalle  de  tems  qui ,  dans  l'exécution  , 
doit  fe  pafTer  en  fîlence  par  la  Partie  où  la  Pau  je  elt  mar- 
quée. (  Voyez  Tacet  ,  Silence.  ) 

Le  nom  de  Pauje  peut  s'appliquer  à  des  Silences  de  dif- 
férentes durées  ;  mais  communément  il  s'entend  d'une  Me- 
fure  pleine.  Cette  Pauje  fe  marque  par  un  demi-Bâton  qui  , 
partant  d'une  des  lignes  intérieures  de  la  Portée ,  defeend 
jufqu'à  la  moitié  de  l'efpace  compris  entre  cette  ligne  & 
la  ligne  qui  eft  immédiatement  au  -  defibus.  Quand  on  a 
plusieurs  ?aujes  à  marquer  ,  alors  on  doit  fe  fervir  des  figu- 
res dont  j'ai  parlé  au  mot  Bâton,  &  qu'on  trouve  marquées 
PL  D.  Fig.  9. 

A  l'égard  de  la  demi  -  Pauje  ,  qui  vaut  une  Blanche  ,  ou 
la  moitié  d'une  Mefure  à  quatre  Tems  ,  elle  fe  marque 
comme  la  Pauje  entière  ,  avec  cette  différence  que  la  Pauje 
tient  à  une  ligne  par  le  haut ,  &  que  la  demi  -  Pauje  y  tient 
par  le  bas.  Voyez  ,  dans  la  même  Figure  9 ,  la  diltindion 
de  l'une   &  de  l'autre. 

Il  faut  remarquer  que  la  Pauje  vaut  toujours  une  Mefure 
jufte  ,  dans  quelque  efpece  de  Mefure  qu'on  foit  ;  au  lieu 
que  la  demi'PauJi  a  une  valeur  fixe  &  invariable:  de  forte 
que ,  dans  toute  Mefure  qui  vaut  plus  ou  moins  d'une  Ronde 
ou  de  deux  Blanches ,  on  ne  doit  point  fe  fervir  de  la  demi~ 
Tau  je  pour  marquer  une  demi- Mefure,  mais  des  autres  Si- 
lences qui  en  expriment  la  jufte  valeur. 

Quant 


V    A   V  sir 

Çjuant  à  cette  autre  efpece  de  Paufes  connues  dans  nos 
anciennes  Mufiques  fous  le  nom  de  Paufes  initiales  ,  parce 
qu'elles  fe  placoient  après  la  Clef,  &  qui  fervoient  ,  non  à 
exprimer  des  Silences ,  mais  à  déterminer  le  Mode  ;  ce  nom 
de  Paufes  ne  leur  fut  donne  qu'abufivement  :  c'efl  pour- 
quoi je  renvoie  fur   cet    article   aux  mots  Bâtons  &  Modes. 

PAUSER  ,  v.  n.  Appuyer  fur  une  fyllabe  en  chantant. 
On  ne  doit  Paufer  que  fur  les  fyllabes  longues  ,  &  l'on  ne 
Paufe  jamars  fur  les  e  muets. 

PEAN,  /  m.  Chant  de  victoire  parmi  les  Grecs ,  en  l'hon- 
neur des  Dieux  ,  &  fur-tout  d'Apollon. 

PENTACORDE ,  f.  m.  C'étoit  chez  les  Grecs  tantôt  un 
Infiniment  à  cinq  cordes,  &    tantôt  un   ordre  ou    fyftême 
formé  de  cinq  Sons  :  c'efi  en  ce  dernier  fens  que  la  Quinte 
ou  Diapente  s'appelloit   quelquefois   Pentacorde. 

PENTATONON,/  m.  C'étoit ,  dans  la  Mufique  an- 
cienne le  nom  d'un  Intervalle  que 'nous  appelions  aujourd'hui 
Sixtc-fuperflue.  (  Voyez  Sixte.  )  11  elt  compofé  de  quatre 
Tons  ,  d'un  femi-Ton  majeur  &  d'un  femi-Ton  mineur  ; 
xl'où  lui  vient  le  nom  de  Pentatonon  ,  qui  lignine  cinq 
tons. 

PERFIDIE  ,  /  f.  Terme  emprunté  de  la  Mufique  Ita- 
lienne ,  &  qui  fignihe  une  certaine  affectation  de  faire  tou- 
jours la  même  chofe ,  de  pourfuivre  toujours  le  même  defTein , 
de  conferver  le  même  Mouvement  ,  le  même  caractère  de 
Chant  ,  les  mêmes  PafTages,  les  mêmes  figures  de  Notes. 
(  Voyez  Dessein,  Chant,  Mouvement.  )  Telles  four 
les  Baffes-contraintes  ;  comme  celles  des  anciennes  Cha» 
Dict.  de  Mujique.  Y  vv 


■$i*  P    E    R 

connes,  &  une  infinité  de  manières  d'Accompagnement  con- 
traint ou  Perfidie ,  Perfuiiato ,  qui  dépend  du  caprice  des 
Compofiteurs. 

Ce  terme  n'eft  point  ufité  en  France  ,  &  je  ne  fais  s'il  a 
jamais  été  écrit  en  ce  fens  ailleurs  que  dans  le  Diftionnaire 
de  Broffard. 

PER1ELÈSES/:  /.  Terme  de  Plain-Chant.  C'eft  Tinter- 
pofition  d'une  ou  pkifieurs  Notes  dans  l'intonation  de  cer- 
taines pièces  de  Chant,  pour  en  afiV.rcr  la  Finale,  &  aver- 
tir le  Chœur  que  c'eft  a  lui  de  reprendre  &  pourfuivre  ce 
qui  fuit. 

La  Periêlefe  s'appelle  autrement  Cadence  ou  petite  Neume, 
&  fe  fait  de  trois  manières  ;  fiivoir ,  i°.  Par  Circonvolu~ 
tion.  2°.  Par  ïntercidence  ou  Diaptofe.  30.  Ou  par  (impie 
Duplication.  (  Voyez  ces  mots.) 

PERIPHERÈS,  /  f.  Terme  de  la  Mufique  Grecque,  qui 
fignifie  une  fuite  de  Notes  tant  amendantes  que  dépen- 
dantes ,  &  qui  reviennent  ,  pour  ainii  dire  ,  fur  eJ1  - 
mêmes.  La  Peripherês  écoit  formée  de  VAhdcamptdê  ôc 
de  Y  Eut hia. 

PETTEIA  ,  f.  f.  Mo:  Grec  qui  n'a   point   de  corref/>on- 
dant  dans  notre  Langue,   &  qui  eit  le  nom  de   la  demi 
des    trois    parties  dans   lëfquelks   on    fubdivife   la   Mélopée, 
(Voyez   Mm.opi-k.  ) 

La  Petteïa  éft  ,  félon  Arillide  Quintilien,  l'art  de  difeer- 
ner  les  Sons  dont  on  doit  faire  ou  ne  pas  faire  ufage,  ceux 
qui  doivent  être  plus  ou  moins  fréquens,  ceux  par  où  l'on 
doit  commencer   &  ceux  par  où  Ton  doit  finir. 


PHI  52j 

C'efr.  la  Petteia  qui  conftitue  les  Modes  de  la  Mufiquc; 
elle  détermine  le  Compofiteur  dans  le  choix  du  genre  de 
Mélodie  relatif  au  mouvement  qu'il  veut  peindre  ou  exci- 
ter dans  l'ame ,  fclon  les  perfonnes  &  félon  les  occafions. 
En  un  mot  la  Petteia  ,  partie  de  l'Hermofménon  qui  re- 
garde la  Mélodie  ,  clt  à  cet  égard  ce  que  les  Mœurs  font 
en    Pot  fie. 

On  ne  voit  pas  ce  qui  a  porté  les  Anciens  à  lui  donner 
ce  nom  ,  a  moins  qu'ils  ne  l'aient  pris  de  srtrrùa,  leur  jeu 
d'Echecs  ;  la  Petteia  dans  la  Mufique  étant  une  règle  pour 
combiner  &  arranger  les  Sons  ,  comme  le  jeu  d'Echecs 
en  eft  une  autre  pour  arranger  les  Pièces  appellées  -orrre» 
Calculé, 

P  H  I L  E  L I E  ,  /  /.  C'étoit  chez  les  Grecs  une  forte 
d'Hymne  ou  de  Chanfon  en  l'honneur  d'Apollon.  (  Voyez 
Chanson-.  ) 

PHONIQUE ,  f.  f.  Art  de  traiter  &  combiner  les  Sons 
fur  les  principes  de   l'Acouflique.  (Voyez  Acoustique.) 

PHRASE ,  f.  f.  Suite  de  Chant  ou  d'Harmonie  qui  forme 
fans  interruption  un  fens  plus  eu  moins  achevé  ,  &  qui 
fe  termine  fur  un  repos  par  une  Cadence  plus  ou  moins 
parfaite. 

Il  y  a  deux  efpeccs  de  Parafes  muficales.  En  Mélodie  la 
Parafe  elt  conitkuee  par  le  Chant  ,  c'eft- à-dire  ,  par  une 
faite  de  Sons  tellement  difpofés  ,  foit  par  rapport  au  Ton, 
foit  par  rapport  au  Mouvement,  qu'ils  fa  lient  un  tout  bien 
lié ,  lequel  aille  fe  réfoudre  fur  une  corde  eifentielle  du  Mode 
où  l'on  efi. 

Vvv  i 


•524  P    H    R 

Dans  l'Harmonie,  la  Phrafe  eft  une  fuite  régulière  d'Ac- 
cords tous  liés  entr'eux  par  des  Dilîbnances  exprimées  ou 
fous-entendues  ;  laquelle  fe  réfout  fur  une  Cadence  abfolue , 
&  félon  l'efpece  de  cette  Cadence  :  félon  que  le  fens  en 
eft  plus  ou  moins  achevé ,  le  repos  eft  auflï  plus  ou  moins 
parfait. 

C'eft  dans  l'invention  des  Phrafes  muficales  ,  dans  leurs 
proportions  ,  dans  leur  entrelacement ,  que  conûftent  les 
véritables  beautés  de  la  MuMque.  Un  Compofiteur  qui  ponc» 
tue  &C  phrafe  bien ,  eft  un  homme  d'efprit  :  un  Chanteur  q::i 
fent,  marque  bien  les  Phrafes  &  leur  accent,  efl  un  homme 
de  goût:  mais  celui  qui  ne  fait  voir  &  rendre  que  les  Notes, 
les  Tons  ,  les  Tems ,  les  Intervalles ,  fans  entrer  dans  1é 
fens  des  Phrafes ,  quelque  fur ,  quelque  exait  d'ailleurs  qu'il 
puilTe  être  ,   n'eft    qu'un   Croque-fol. 

PHRYGIEN  ,  adj.  Le  Mode  Phrygien  eft  un  des  quatre 
principaux:  &  pius  anciens  Modes  de  la  Mu/ique  des  Grecs. 
Le  caractère  en  éroit  ardent,  fier,  impétueux,  véhément  , 
terrible.  Auffi  étoit-ce,  félon  Athénée,  fur  le  Ton  ou  Mode 
Phrygien  que  l'on  fonnoit  les  Trompettes  &  autres  Infiru» 
mens-  militaires. 

Ce  Mode  inventé,  dit-on,  par  Marfyas  Phrygien,  occupa 
le  milieu  entre  le  Lydien  &  le  Dorien  ;  6c  h  Finale  efl  à 
un  Ton  de  diltance  de   celles  de  l'un  &  de  l'autre. 

PIECE  ,  f.  f.  Ouvrage  de  Mufique  d'une  certaine 
due  ,   quelquefois  d'un  fc-ul   morceau,  &  quelquefois  de  plu* 
tiiiirs,  formant  un  enfemble  &  un   tout  fait   pour  être  t     ■ 
cuté  de  fuite.  Ainfi  une   Ouverture  eit  une  Pièce,  quoiqui 


F  r  m  v* 

ccmpofée  de  trois  morceaux  ,  &  un  Opéra  même  cft  une 
Pièce  ,  quoique  divifé  par  Actes.  Mais  outre  cette  accep- 
tion générique  ,  le  mot  Pièce  en  a  une  plus  particulière, 
dans  la  Mufique  Infirumentale  ,  6c  feulement  pour  certains 
Inftrumens  ,  tels  que  la  Viole  &  le  Clavecin.  Par  exemple  T 
on  ne  dit  point  une  Pièce  de  Violon  \  l'on  dit  une  Sonate  : 
&  l'on  ne  dit  guercs  une  Sonate  de  Clavecin,  l'on  dit  une 
Pièce. 

PIED,  f.  m.  Mefure  de  Tems  ou  de  quantité,  diftri- 
buée  en  deux  ou  plufieurs  valeurs  égales  ou  inégales.  Il  y 
a^oit  dans  l'ancienne  Mufique  cette  différence  des  Tems  aux 
Pieds ,  que  les  Tems  étoient  comme  les  Points  ou  élémens. 
indivifibles ,  6c  les  Pieds  les  premiers  compofés  de  ces  élé- 
mens. Les  Pieds,  à  leur  tour,  étaient  les  élémens  du  Mètre. 
ou  du  Rhythme. , 

Il  y  avoit  des  Pieds  fimples,  qui  pouvaient  feulement  fe- 
divifer  en  Tems ,  &  de  compofés  ,  qui  pouvoient  fe  divi- 
fer  en  d'autres  Pieds  ,  comme  le  Choriambe  ,  qui  pouvoit 
fe  réfoudre  en  un- Trochée  &  un  ïambe:  l'Ionique  en  un 
Pyrrique  6c  un  Spondée ,  &c. 

Il  y  avoit  des  Pieds  Rhythmiques ,  dont  les  quantités  re- 
latives &  déterminées  étoient  propres  à  établir  des  rapports 
agréables-,  comme  égales  ,  doubles  ,  fefquialteres  ,  fefqui- 
tierces ,  &c.  6c  de  non  Rliythmiques ,  entre  lefquels  les- 
rapports  étoient  vagues,  incertains,  peu  fenfibles;  tels,  par. 
exemple ,  qu'on  en  pourroit  former  de  mots  François,  qui, 
pour  quelques  fyllabes  brèves  ou  longues ,  en  ont  une  infi— 
BÎté    d'autres    fans   valeur    déterminée,  ou     qui,  brèves    eu 


ti6  vin 

longues ,  feulement  dans  les  règles  des  Grammairiens  ,  ne 
font  fenties  comme  telles ,  ni  par  l'oreille  des  Poètes  ,  ni 
dans  la  pratique  du  Peuple. 

PINCE  ,  f.  m.  Sorte  d'agrément  propre  à  certains  Inft.ru- 
mens ,  &  fur-tout  au  Clavecin  :  il  fe  fait ,  en  battant  alter- 
nativement le  Son  de  la  Note  écrite  avec  le  Son  de  la  Note 
inférieure,  &  obfervant  de  commencer  &  finir  par  la  Note 
qui  porte  le  Pincé.  Il  y  a  cette  différence  du  Pincé  au  Trem- 
blement ou  Trill  que  celui  -  ci  fe  bat  avec  la  Note  fupé- 
ricure  ,  &  le  Pincé  avec  la  Note  inférieure.  Ainfi  le  Trill 
fur  ut  fe  bat  fur  Yut  &  fur  le  rs  ,  ôc  le  Pincé  fur  le  même 
u_,  fe  bat  fur  Yut  &  fur  le  y?.  Le  Pincé  eft  marqué,  dans 
Jcs  Pièces  de  Ccupcrin  ,  avec  une  petite  croix  fort  fembla- 
ble  à  celle  avec  laquelle  on  marque  le  Triil  dans  la  Mufi- 
que  ordinaire.  Voyez  les  fignes  de  l'un  &  de  l'autre  à  la 
tête  des  Pièces  de  cet  Auteur, 

PINCER,  v.  a.  C'eft  employer  les  doigts  au  lieu  de  l'Ar- 
chet pour  faire  fonner  les  cordes  d'un  Infiniment.  Il  y  a 
des  Inflrumens  à  cordes  qui  n'ont  point  d'Archet,  &  donc 
on  ne  joue  qu'en  les  pinçant  \  tels  font  le  Siftre,  le  Luth, 
la  Guitare  :  mais  on  pince  aufli  quelquefois  ceux  où  l'on  fe 
fert  ordinairement  de  l'Archet  ,  comme  le  Violon  &  le 
Violoncelle  ;  &  cette  manière  de  jouer  ,  prefque  inconnue 
dans  la  Mufique  Françoife ,  fe  marque  dans  l'Italienne  par 
le   mot  Pi\\ic\ito. 

PIQUE,  ..'.,'..  pris  adverbi  '.    Manier*  de  jouer  en 

pointant  lus  Notes  &  marquant  fortement  le  Point  . 

Notes  ;-.•'/  .       (1    •  des  fuites  de  v  montant  ou  def. 


P     1     Z  5>7 

ctndant  diatoniquement,  ou  rebattues  fur  le  même  Degré , 
fur  chacune  defquclles  on  met  un  l'oint,  quelquefois  un  peu 
iilongé  pour  indiquer  qu'elles  doivent  être  marquées  égales 
Par  des  coups  de  langue  ou  d'Archet  fecs  &  détachés,  fans 
retirer  ou  repouîfer  l'Archet,  mais  en  le  faifant  partir  en 
frappant  &  fautant  fur  la  corde  autant  de  fois  qu'il  y  a  de 
Notes,  dans  le  même  fens  qu'on  a   commencé. 

PIZZICATO.  Ce  mot  écrit  dans  les  Mufiques  Italiennes 
avertit  qu'il  faut  Pincer.  (Voyez  PiNCBR.) 

PLAGAL,  aJi.  Ton  ou  Mode  Pîagal.  Quand  POftavê 
fe  trouve  divifée  arirhmétiquement ,  fuivant  le  langage  ordi- 
naire; c'eît-à-dire,  quand  la  Quarte  e.'t  au  grave  6c  la  Quinte 
:\  l'aigu  ,  on  dit  que  le  Ton  eft  Plagal  ,  pour  le  diftinguer 
de  l'authentique  cù  la  Quinte  eft  au  grave  &  la  Quarte  à 
l'aigu. 

Suppofons  TOilave  A  a  divifée  en  deux  parties  par  la 
Dominante  E.  Si  vous  modulez  entre  les  deux  la  ,  dans  l'ef- 
pace  d'une  Oitave  ,  &  que  vous  faffiez  votre  Finale  fur  l'un 
de  ces  la  ,  votre  Mode  eft  Authentique.  Mais  fi ,  modulant 
de  même  entre  ces  deux  la  ,  vous  faites  votre  Finale  fur  h 
Dominante  mi,  qui  eft  intermédiaire  ,  ou  que,  modulant  de 
la  Dominante  à  fon  OJIave,  vous  fafliez  la  Finale  fur  la 
Tonique  intermédiaire,  dans  ces  deux  cas  le  Mode  eft  Plaçai. 

Voilà  route  la  différence  ,  par  laquelle  on  voit  que  tous 
les  Tons  font  réellement  Authentiques,  &  que  la  di'tinclion 
n'eft  que  dans  le  Diopafbn  du  Chant  &  dans  le  choix  de  la 
Note  fur  laquelle  on  s'arrête  ,  qui  eft  toujours  la  Tonique  dans 
l'Authentique  ,  &  le  plus  fouvent  la  Dominante  dans  le 
PiagaK 


■52S  -P    L    A 

L'étendue  des  Voix  ,  &  la  divifion  des  Parties  a  fait  dii*- 
paroitre  ces  diftinclions  dans  la  Mufique;  &  on  ne  les  con- 
.noît  plus  que  dans  le  Plain-Chant.  On  y  compte  quatre 
Tons  PlagaUx  ou  Collatéraux  ;  favoir ,  le  fécond  ,  le  qua- 
trième ,  le  fixieme  &  le  huitième  ;  tous  ceux  dont  le  nombre 
fit  pair.  (Voyez  Tons  de  l'Eglise.  ) 

.PLAIN-CHANT ,  f.  m.  C'eft  le  nom  qu'on  donne  dans 
l'Eglife  Romaine  au  Chant  Eccléfiaftique.  Ce  Chant  ,  tel 
qu'il  fubfifte  encore  aujourd'hui  ,  eft  un  refte  bien  défiguré, 
mais  bien  précieux ,  de  l'ancienne  Mufique  Grecque  ,  laquelle , 
après  avoir  paffé  par  les  mains  des  barbares  ,  n'a  pu  perdre 
encore  toutes  fes  premières  beautés.  Il  lui  en  refte  arTez  pour 
4tre  de  beaucoup  préférable ,  même  dans  l'état  où  il  eft 
actuellement ,  &  pour  l'ufage  auquel  il  eft  deftiné  à  ces  Mu- 
fiques  efféminées  &  théâtrales ,  ou  mauflades  &  plates  ,  qu'on 
y  fubftitue  en  quelques  Eglifes  ,  fans  gravité,  fans  goût, 
fans  convenance ,  &  fans  refpecl  pour  le  lieu  qu'on  ofe  ainû 
profaner. 

Le  tems  où  les  Chrétiens  commencèrent  d'avoir  des  Egli- 
fes &  d'y  chanter  des  Pfeaumes  &  d'autres  Hymnes  ,  fut 
celui  où  la  Mufique  avoit  déjà  perdu  prefque  toute  fon  an- 
cienne énergie  par  un  progrès  dont  j'ai  expofé  ailleurs  les 
çaufes.  Les  Chrétiens  s'étant  failis  de  la  Mufique  dans  l'état 
pu  ils  la  trouvèrent ,  lui  ôterent  encore  la  plus  grande  force 
qui  lui  étoit  reliée;  favoir,  celle  du  Rhythmc  &  du  Mètre, 
lorfque,  des  vers  auxquels  elle  avoit  toujours  été  appliquée  , 
jls  la  tranfportercnt  a  la  Profe  des  Livres  Sacrés  ,  ou  a  je  ne 
£us  quelle  barbare  Poéfie,  pire  pour  la  Mufique  que  la  Profil 

mémCé 


P    t    A  5^9 

même.  Alors  l'une  des  deux  parties  conftitutives  s'évanouit, 

&  le  Chant  fe  traînant,  uniformément  &  fans  aucune  cfpece 
de  Mefure,  de  Notes  en  Notes  prefque  égales,  perdic  avec 
fa  marche  rhythmique  &  cadencée  toute  l'énergie  qu'il  en 
recevoir.  Il  n'y  eut  plus  que  quelques  Hymnes  dans  lef- 
quelles,  avec  la  Profodie  &  la  quantité  des  Pieds,  con- 
fervés  ,  on  fentît  encore  un  peu  la  cadence  du  vers  ;  mais 
ce  ne  fut  plus  -  là  le  caractère  général  du  Plain  -  Chant  , 
dégénéré  le  plus  fouvent  en  une  Pialmodie  toujours  mono- 
tone &  quelquefois  ridicule  ,  fur  une  Langue  telle  que  la 
Latine ,  beaucoup  moins  harmonieufe  ôç  accentuée  que  la 
Langue  Grecque. 

Malgré  ces  pertes  Ci  grandes  ,  fi  effentielles  ,  le  Plain-Chant 
ronfervé  d'ailleurs  par   les  Prêtres    dans  fon   caractère  pri- 
mitif, ainfi  que  tout  ce  qui  eft  extérieur  &  cérémonie  dans 
leur  Eglife ,  offre  encore  aux  connoiffeurs  de  précieux  frag- 
mens  de  l'ancienne  Mélodie  &  de  ks  divers  Modes  ,  autant 
qu'elle  peut  fe  faire  fentir  fans  Mefure  &  fans  Rhyrhme  ,  6c 
dans   le  feul  Genre  Diatonique  qu'on  peut  dire  n'être,  dans 
fa  pureté ,  que  le  Plain-Chant.   Les  divers  Modes  y  confer- 
vent    leurs   deux  diftinclions  principales  ;    l'une  par  la  diffé- 
rence des  Fondamentales  ou  Toniques,  &  l'autre  par  la  diffé- 
rente pofition  des  deux  femi-Tons  ,  félon  le  Degré  du  fyf- 
tême  Diatonique  naturel  où  fe  trouve  la  Fondamentale  ,   & 
félon  que  le  Mode  Authentique  ou  Plagal  représente  les  deux 
Tctracordes  conjoints  ou  disjoints,  (  Voyez  SYSTÈMES  ,  Tii~ 
TRacordes  ,  Tons  du  l'Eclisi;.  ) 

Ces    Modes ,   tels   qu'ils   nous   ont  été  rranfmis  dans  les 
Dicl.  de  Mujique.  X  x  \ 


s  30  ?    L    A 

anciens  Chants  Eccléfiaf tiques ,  y  confcrvenc  une  beauté  de 
caractère  &  une  variété  d'affections  bien  fenfibles  aux  con- 
Boiflèurs  non  prévenus ,  &  qui  ont  confervé  quelque  jugement 
d'oreille  pour  les  fyftimes  mélodieux  établis  fur  des  principes 
différais  des  nôtres  :  mais  on  peut  dire  qu'il  n'y  a  rien  de 
plus  ridicule  &  de  plus  plat  que  ces  Plains- Chants  accom- 
modés à  la  moderne  ,  pretintailiés  des  ornemens  de  notre 
Mufique,  &.  modulés  fur  les  Cordes  de  nos  Modes  :  comme 
fi  l'on  pouvoit  jamais  marier  notre  fyMême  harmonique  avec 
celui  des  Modes  anciens ,  qui  efir  établi  fur  des  principes  tout 
différais.  On  doit  favoir  gré  aux  Evêques ,  Prévôts  &  Chan- 
tres qui  s'oppofent  à  ce  barbare  mélange  ,  &  defirer  ,  pour 
le  progrès  &  la  perfection  d'un  Art,  qui  n'eft  pas  ,  à  beau- 
coup près  ,  au  point  où  l'on  croit  l'avoir  mis  ,.  que  ces  pré- 
cieux reltes  de  l'antiquité  foient  fidèlement  tranfmis  à  ceux 
qui  auront  affez  de  talent  &  d'autorité  pour  en  enrichir  le 
fyftême  moderne.  Loin  qu'on  doive  porter  notre  Mufique 
dans  le  Plain-C liant ,  je  fuis  perfuadé  qu'on  gagnerait  a  trans- 
porter le  Plain-Ckant  dans  notre  Mufique  ;  mais  il  faudrait 
avoir  pour  cela  beaucoup  de  goût ,  encore  plus  de  favoir  , 
&  fur-tout  être  exempt  de  préjugés. 

Le  PLiin-Chant  ne  fe  Note  que  fur  quatre  lignes  ,  &  Ton 
n'y  emploie  que  deux  Clefs,  favoir  la  Clef  d'ut  &  !a  Clef  de 
fa  ;  qu'une  feule  Tranfpofition  ,  favoir  un  Bémol  ;  &  que 
deux  figures  de  Notes  ,  favoir  la  Longue  ou  Quarrée  à  laquelle 
on  ajoute  quelquefois  une  queue  ,  &  la  Brève  qui  e(r  en 
lofange. 

Ambroife  ,   Archevêque  de  Milan  ,  fut ,   à  ce  qu'on  pré- 


1»    L    A  53' 

tend  ,  l'inventeur  du  Plain-Chant  ;  c'eft-a-dire  qu'il  donna 
le  premier  une  forme  &  des  règles  au  Chant  eccléliaftique 
pour  l'approprier  mieux  a  fon  objet,  &  le  garantir  de  la  bar- 
barie &  du  dépériâèment  où  tomboit  de  fon  tems  la  Mufi- 
que.  Grégoire  ,  Pape ,  le  perfectionna  6c  lui  donna  la  forme 
qu'il  conferve  encore  aujourd'hui  à  Rome  &  dans  les  autres 
Eglifes  où  fe  pratique  le  Chant  Romain.  L'Eglife  Gallicane 
n'admit  qu'en  partie  avec  beaucoup  de  peine  6c  prefque  par 
force  le  Chant  Grégorien.  L'extrait  fuivant  d'un  Ouvrage  du 
tems  même  ,  imprimé  à  Francfort  en  1 594  ,  contient  le  détail 
d'une  ancienne  querelle  fur  le  Plain-Chant ,  qui  s'eft  renou- 
vellée  de  nos  jours  fur  la  Mufique  ,  mais  qui  n'a  pas  eu  la 
même  iffue.  Dieu  faife  paix  au  grand  Charlemagne. 

"  Le  très -pieux  Roi  Charles  étant  retourné  célébrer  la 
j>  Pâque  a  Rome  avec  le  Seigneur  Apoftolique  ,  il  s'émut , 
15  durant  les  fêtes ,  une  querelle  entre  les  Chantres  Romains 
»>  &  les  Chantres  François.  Les  François  prétendoient  chan- 
»  ter  mieux  &  plus  agréablement  que  les  Romains.  Les 
»  Romains  ,  fe  difant  les  plus  favans  dans  le  Chant  ecclé- 
»  fiaftique  ,  qu'ils  avoient  appris  du  Pape  Saint  Grégoire  , 
>»  aceufoient  les  François  de  corrompre  ,  écorcher  &  déii- 
55  gurer  le  vrai  Chant.  La  difpute  ayant  été  portée  devant  le 
'>  Seigneur  Roi  ,  les  François  qui  fe  tenoient  forts  de  fon 
55  appui  ,  infultoient  aux  Chantres  Romains.  Les  Romains, 
55  iiers  de  leur  grand  favoir  ,  6c  comparant  la  Doctrine  de 
55  Saint  Grégoire  à  la  rufticiré  des  autres  ,  les  traitoient 
55  d'ignorans  ,  de  mitres ,  de  fors  ,  6c  de  grolfcs  bêtes. 
55  Comme  cette  altercation  ne  iinilîbit  point,  le  très -pieux 

X  \x  1 


53i  P    L    A 

»  Roi  Charles  dit  à  fee  Chantres  :  déclarez-nous  quelle  eft 
»  l'eau  la  plus  pure  &  la   meilleure ,  celle  qu'on  prend  à  la 
»  fource  vive  d'une  fontaine  ,  ou  celle  des  rigoles  qui  n'en 
»  découlent  que  de  bien  loin  ?  Ils  dirent  tous  que  l'eau  de  la 
»  fource  étoit  la  plus  pure  &  celle  des  rigoles  d'autant  plus 
»  altérée  &  fale  qu'elle  venoit  de  plus  loin.. Remontez  donc, 
»  reprit  le  Seigneur  Roi   Charles  ,  à   la    fontaine    de  Saint 
»  Grégoire  dont  vous  avez  évidemment  corrompu  le  Chant. 
»  Enfuite  le   Seigneur    Roi   demanda    au    Pape  Adrien   des 
»  Chantres  pour  corriger  le  Chant  François  ,  &  le  Pape  lui 
j>  donna  Théodore  &  Benoît ,  deux  Chantres  très-favans  & 
»  inftruits  par  Saint  Grégoire  même  :  il  lui  donna  aufïï  des 
»  Antiphoniers  de  Saint  Grégoire  qu'il  avoit  notés  lui-même 
»  en  Note  Romaine.  De  ces  deux   Chantres  ,    le  Seigneur 
»>  Roi  Charles  ,   de  retour  en  France ,  en  envoya  un  a  Metz 
j>  &   l'autre   à  Soiiîons  ,    ordonnant  à   tous  les  Maîtres  de 
»»  Chant  des  Villes  de  France  de  leur  donner  à  corriger  les 
»>  Antiphoniers,  &  d'apprendre  d'eux  à  Chanter.  Ainfi  furent 
»  corrigés  les  Antiphoniers  François  que  chacun  avoit  altérés 
»  par  des  additions  &  retranchemens  à  fa  mode,  &  tous  les 
»  Chantres  de  France  apprirent  le   Chant  Romain  ,    qu'ils 
»j  appellent  maintenant  Chant  François  ;  mais  quant  aux  Sons 
»  tremblans  ,  flattés  ,  battus ,   coupés   dans   le  Chant  ,    les 
j5  François  ne  purent  jamais  bien  les  rendre  ,  faifant  pi  a  tôt 
j>  des  chevrottemens  que  des  roulemens  ,   à  caufe  de  la  ru- 
«  dciïe  naturelle   &   barbare   de,   leur   goficr.    Du    refte  ,    U 
»  principale  école   de  (-liant  demeura   toujours    à   Met!  ,   & 
»  autant  le  Chant  Romain  furpalTe  celui  de  Metz ,  autant  le 


P    L    A  sjj 

»  Chant  de  Metz  flirpnfTe  celui  des  autres  écoles  Françoifes. 
»  Les  Chantres  Romains  apprirent  de  même  aux  Chantres 
«  François  h  s'accompagner  des  Inftrumens  ;  &  le  Seigneur 
»  Roi  Charles  ,  ayant  derechef  amené  avec  foi  en  France  des 
#»  Maîtres  de  Grammaire  &  de  calcul  ,  ordonna  qu'on  établie 
»>  par-tout  l'étude  des  Lettres;  car  avant  ledit  Seigneur  Roi 
>j  l'on  n'avoit  en  France  aucune  connoiiïance  des  Arts  libé- 
»  raux.  ?» 

Ce  pafTage  eft  fi  curieux  que  les  Lecteurs  me  fauront  gré, 
fans  doute ,  d'en  tranferire  ici  l'original. 

Et  reve-rfus  eft  Rex  piijfimus  Carolus  ,  &  cekbravit  Romz 
Pafcha  cum  Domno  Apoflolico.  Ecce  orta  eft  contentio  per 
dies  feftos  Pafchx  inter  Cantores  Romanorum  &  Gallorum, 
Dicebant  fe  Galli  melius  cantare  &  pulchriiis  quàm  Romani. 
Dicebant  fe  Romani  doclijfimè  cantilenas  ecclefiafticas  pro- 
ferre ,  ficut  docli  fuerant  à  Sanclo  Gregorio  Papa,  Gallos 
corruptè  cantare ,  &  cantilenam  fanam  deflruendo  dilacerare. 
Ouce  contentio  ante  Domnum  Regem  Carolum  pervenit.  Galli 
vero  propter  fecuritatem  Domni  Régis  Caroli  vàldè  exprobra- 
bant  Cantoribus  Romanis,  Romani  veto  propter  aucloritatem. 
magnx  doclrinx  eos  ftultos ,  ruflicos  &  indoclos  relut  bruta 
animalia  affirmabant ,  &  doclrinam  Sancli  Gregorii  profére- 
ront rufticitati  eorum  :  6'*  cum  altercatio  de  neutrà  parte  fini- 
ret  ,  ait  Domnus  piijfimus  Rex  Carolus  ad  fuos  Cantores  : 
Dicite  palà/n  guis  purior  eft ,  &  cuis  melior  ,  autfons  virus- , 
aut  rivuli  ejus  longe  decurrentes  ?  Refponderunt  otnnes  ///;,.- 
voce  ,  fontem  ,  velut  caput  &  originem  ,  puriorem  effe  ;  rivu- 
/os  autem  ejus  quanta  longius  à  fonte  recefjerhit ,  tanto   tur- 


S34  P     L     A 

bulen-tos  &  fordibus  ac  immundiùis  corruptos  ;  &  ait  Domnus 
Rex  Carolus  :  Revertimini  vos  ad  fontem  Sancli  Gregorïi , 
quia  manifeflè  corrupiftis  cantilenam  ecclefiajlicam.  Mox  pe- 
tiit  Doninus  Rex  Carolus  ab  Adriano  Papa  Cantores  qui 
Franciam  corrigèrent  de  Cantu.  At  Me  dédit  ei  Theodorum. 
&  Ben.edid.um  doclijjimos  Cantores  qui  à  Sanclo  Gregorio 
eruditi  fuerant  ,  tribuitqut  Antiphonarios  Sancli  Gregorïi  , 
quos  ipfe  notaverat  nota  Romand  :  Domnus  verô  Rex  Carolus 
revertens  in  Franciam  mijit  unum  Cantorem  in  Aletis  Civi- 
tate ,  alterum  in  Sue.jfen.is  Civitate ,  prxcipiens  de  omnibus 
Civitatibus  Francix  Magijlros  fchoie  Antiphonarios  eis  ad 
corrigendum  tradere  ,  &  ab  eis  difcere  cantare.  Corrccli  funt 
ergo  Antiphonarii  Francorum  ,  quos  unujquifque  pro  fuo  arbi- 
trio  vitiaverat  ,  addens  vel  minuens  ;  &  omnes  Francix  Can- 
tores didicerunt  notam  Romanam  quam  nunc  vocant  notant 
Francifcam  :  excepto  quod  tremulas  vel  vinnulas ,  fivè  colli- 
Jibiles  vel  fecabiles  voces  in  Cantu  non  poterant  perfeclè 
exprimere  Franci  ,  naturali  race  barbaricâ  frangentes  in 
gutture  voces ,  quam  potïus  expriment  e<.  Majus  autem  Ma- 
gi/lerium  Cantandi  in  Aletis  remanjit  ;  quantumque  Magif- 
terium  Romanum  fuperat  Aletenfe  in  arte  Cantandi,  tantà 
fuperat  Aletenjis  Cantitena  c.vteras  Jiholas  Gallorum.  Simi- 
liter  erudierunt  Romani  Cantores  fupradiclos  Cantores  Fran- 
corum in  arte  organandi  ;  ^'  Doninus  Rex  Carolus  iterum 
à  Româ  artis  grammaticx  &  cnmputatorix  Alagijlros  J'ecuri 
adduxit  in  Franciam  ,  &  ubïqut  fiudium  liiicrarum  exp. 
dert  jufl'u.  Ante  ipfum  enim  Donuuan  Regem  Càroium 
■n   G  allia  nullum  ftudium  fucrat  liberaïium    .  .    Vide 


P    L    E 


S.v 


Annal.  «5c   Hift.   Francor.    ab  an.   708.  ad.  an.    990.    Scrip- 
tores  coœtaneos.    impr.    Francofurti    1594.    fub   vitâ    Caroli 


magm. 


PLAINTE ,  /.  /.  (  Voyez  Accent.  ) 
PLEIN-CHANT.  (  Voyez  Plain-Chant.  ) 
PLEIN-JEU,  fe  dit  du  Jeu  de  l'Orgue,  lorfqu'on  a  mis 
tous  les  rcgillres,  &  auffi  lorfqu'on  remplit  toute  l'Harmonie; 
il  fe  dit  encore  des   Inftrumens  d'archet ,  lorfqu'on  en   tire 
tout  le  Son  qu'ils  peuvent  donner. 

PLIQUE  ,  /  /.  Plica  ,  forte  de  Ligature  dans  nos  ancien- 
nes Mufiqucs.  La  Plique  étoit  un  figne  de  retardement  ou 
de  lenteur  (  fignum  morojitatis ,  dit  Mûris.  )  Elle  fe  faifoit 
en  pafTant  d'un  Son  à  un  autre  ,  depuis  le  femi-Ton  jufqu'à 
la  Quime ,  foit  en  montant ,  fuit  en  defeendant  ;  &  il  y 
en  avoit  de  quatre  fortes.  1.  La  Plique  longue  afeendante 
eft  une  figure  quadrangulaire  avec  un  feul  trait  afeendant  à 
droite  ,  ou  avec  deux  traits    dont  celui  de   la  droite   eft  le 

plus  grand  p.  2.  La  Plique  longue  defeendante  a  deux  traits 
defeendans  dont  celui  de  la  droite  eft  le  plus  grand  M.  3.  La 
Plique   brève    afeendante  a   le    trait    montant  de  la   gauche 

plus  long  que  celui  de  la  droite  Q.  4.  Et  la  defeendante  a 
le  trait  defeendant  de  la  gauche  plus  grand  que  celui  de  la 
droite    H. 

POINCT  ou  POINT,"/  m.  Ce  mot  en  Mufîquc  lignifie 
plufieurs  choies  différentes. 

11  y  a  dans  nos  vieilles  Mufiques  fix  fortes  de  Points  ;  fa- 
voir ,  Point  de  perfection  ,  Point  d'imperfection ,  Point  d'ac- 


Sic  P    O    I 

croiffement,  Point  de  divifion,  Point  de  tranflation,  &  Point 
d'altération. 

I.  Le  Point  de  perfection  appartient  à  la  divifion  ternaire. 
Il  rend  parfaite  toute  Note  fuivie  d'une  autre  Note  moiiiJre 
de  la  moitié  par  fa  figure  :  alors  ,  par  la  force  du  Point  inter- 
médiaire ,  la  Note  précédente  vaut  le  triple  au  lieu  du  double 
de  celle  qui  fuit. 

II.  Le  Point  d'imperfection  placé  à  la  gauche  de  la  Lon- 
gue ,  diminue  fa  valeur  ,  quelquefois  d'une  Ronde  ou  femi- 
Breve,  quelquefois  de  deux.  Dans  le  premier  cas,  on  met 
une  Ronde  entre  la  Longue  &  le  Point;  dans  le  fécond,  on 
met  deux  Rondes  à  la  droite  de  la  Longue. 

III.  Le  Point  d'accroiffement  appartient  à  la  divifion  bi- 
naire, ôc  entre  deux  Notes  égales,  il  fait  valoir  celle  qui  pré- 
cède le  double  de  celle  qui  fuit. 

IV.  Le  Point  de  divifion  fe  met  avant  une  femi-Breve  fui- 
vie  d'une  Brève  dans  le  Tems  parfait.  Il  ôte  un  Tems  à  cette 
Brève  ;  &  fait  qu'elle  ne  vaut  plus  que  deux  Rondes  au  lieu 
de  trois. 

V.  Si  une  Ronde  entre  deux  Points  fe  trouve  fuivie  de 
deux  ou  plufieurs  Brèves  en  Tems  imparfait,  le  fécond  Point 
transfère  fà  fignification  à  la  dernière  de  ces  Brèves ,  la 
rend  parfaite  &  la  fait  valoir  trois  Tems.  C'eft  le  Point  de 
tranflation. 

VI.  Un  Point  entre  deux  Rondes  ,  placées  elles  -  mêmes 
entre  deux  Brèves  ou  Quarrées  dans  le  Tems  parfait  ,  ôte 
un  Tems  a  chacune  de  ces  deux  Brèves  ;  de  forte  que  cha- 
que Brève  ne  vaut  plus  que  deux  Rondes,  au  lieu  de  trois. 
C'eit  le  Point  d'altération.  Ce 


r    o    I  537 

Ce  meme  Point  devant  une  Ronde  fuivie  de  deux  autres 
Rondes  entre  deux  Brèves  ou  Quarrées ,  double  la  valeur  de 
la  dernière  de  ces  Rondes. 

Comme  ces  anciennes  divifions  du  Tems  en  parfait  & 
imparfait  ne  font  phs  d'ufage  dans  la  Mufique  ,  toutes  ces 
lignifications  du  Point,  qui,  à  dire  vrai,  font  fort  embrouil- 
lées ,  fe  font  abolies  depuis  long-tems. 

Aujourd'hui  le  Point  ,  pris  comme  valeur  de  Note  ,  vaut 
toujours  la  moitié  de  celle  qui  le  précède.  Ainfi  après  la 
Ronde  le  Point  vjut  une  Blanche  ,  après  la  Blanche  une 
Noire  ,  après  la  Noire  une  Croche  ,  &c.  Mais  cette  manière 
de  fixer  la  valeur  du  Point  n'eft  fûrement  pas  la  meilleure 
qu'on  eût  pu  imaginer,  &  caufe  fouvent  bien  des  embarras 
inutiles. 

POINT -D'ORGUE  ou  POINT-DE-REPOS,  eft  une 
efpece  de  Point  dont  j'ai  parlé  au  mot  Couronne.  C'eft  rela- 
tivement à  cette  efpece  de  Point  qu'on  appelle  généralement 
Poiit-iV Orgue  ces  fortes  de  Chants  ,  mefurcs  ou  non  mefu- 
rés  ,  écrits  ou  non  écrits ,  &  toutes  ces  fuccefïions  harmoni- 
ques qu'on  fait  pafTer  fur  une  feule  Note  de  Baife  toujours 
prolongée.  ('Voyez  Cadbnza.J 

Quand  ce  même  Point  furmonté  d'une  Couronne  s'écrit 
fur  la  dernière  Note  d'un  Air  ou  d'un  morceau  de  Mufique  , 
il  s'appelle  alors  Point  final. 

Enfin  il  y  a  encore  une  autre  efpece  de   Points  ,  appelles 
Points  détachés,  lefquels   fe  placent  immédiatement  au-defibs 
ou  au-defibus  de  la  tête  des  Notes  ;  on  en  met  prefque  tou- 
jours plufieurs  de  fuite  ,  &   cela  avertit  que   les  Notes  aiuii 
DiCl.  d<  Mufique.  Y  y  y 


'5**  F    O    I 

ponctuées  doivent  être  marquées  par  des  coups  de  langue  ou 
d'Archet  égaux  ,  fecs  &  détachés. 

POINTER  ,  v.  a.  C'cft ,  au  moyen  du  Point ,  rendre 
alternativement  longues  &  brèves  des  fuites  de  Notes  natu- 
rellement égales  ,  telles  ,  par  exemple ,  qu'une  fuite  de  Cro- 
ches. Pour  les  Pointer  fur  la  Note ,  on  ajoute  un  Point  après 
la  première  ,  une  double  Croche  fur  la  féconde  ,  un  Point 
après  la  troifieme ,  puis  une  double  Croche,  6c  ainfi  de  fuite-. 
De  cette  manière  elles  gardent  de  deux  en  deux  la  même 
valeur  qu'elles  avoient  auparavant;  mais  cette  valeur  fe  dif- 
tribue  inégalement  entre  les  deux  Croches  ;  de  forte  que  la 
première  ou  Longue  en  a  les  trois  quarts ,  &  la  féconde  ou 
Brève  l'autre  quart.  Pour  les  pointer  dans  l'exécution,  on  les 
pafTe  inégales  félon  ces  mêmes  proportions  ,  quand  même 
elles  feraient  notées  égales. 

Dans  la  Mufique  Italienne  toutes  les  Croches  font  tou- 
jours égales  ,  à  moins  qu'elles  ne  foient  marquées  Pointées. 
Mais  dans  la  Mufique  Françoife  on  ne  fait  les  Croches 
exactement  égales  que  dans  la  Mefure  à  quatre  Tems  ;  dans 
toutes  les  autres  ,  on  les  pointe  toujours  un  peu  ,  à  moins 
qu'il  ne  foit  écrit   Croches  égales. 

POLYCÉPHALE,<2</y.  Sorte  de  Nome  pour  les  Flûtes 
en  l'honneur  d'Apollon.  Le  Nome  Polycéphale  fut  inventé, 
félon  les  uns  ,  par  le  fécond  Olympe  Phrygien,  defeendanf 
du  fils  de  Marfyas  ,  6c  félon  d'autres  ,  par  dates  difeipk  de 
ce   même  Olympe. 

POLYMNASTIE  ou  POLYMNASTIQUK ,  adh  Nome 
pour  les  Flûtes,  inventé,  félon  les  uns,  par  une  femme  nom- 


P    O    N  s:.» 

ince  Polymnelte  ,  &  félon  d'autres  ,  par  Polymncftus  ,  fils 
de  Mêles  Colophonien. 

PONCTUER  ,  v.  a.  Ç'efl  ,  en  terme  de  compofition  , 
marquer  les  repos  plus  ou  moins  parfaits ,  &  divifer  telle- 
ment les  Phrafes  qu'on  fente  par  la  Modulation  &  par  les 
Cadences  leurs  commencemens ,  leurs  chûtes,  &  leurs  liai- 
sons plus  ou  moins  grandes  ,  comme  on  fent  tout  cela  dans 
le  difeours  a  l'aide  de  la  ponctuation. 

PORT-DE- VOIX  ,  f.  m.  Agrément  du  Chant ,  lequel  fe 
marque  par  une  petite  Note  appellée  en  Italien  Appoggia- 
tura  ,  6c  fe  pratique  en  montant  diatoniquement  d'une  Note 
a  celle  qui  la  fuit  par  un  coup  de  gofier  dont  l'effet  elt  mar- 
qué dans  la  Planche  13.  Fig.    13. 

PORT  -DE-  VOIX  JETTE  ,  fe   fait  ,  lorfque  montant 
diatoniquement   d'une  Note  à  Cd  Tierce  on  appuie  la  rroi- 
fieme  Note  fur  le  fon  de  la   féconde  ,  pour  faire  fentir  feu- 
lement cette  troifieme  Note  par  un  coup  de  goiier  redoublé, 
,tel  qu'il  elt  marqué  Planche  13.   Fig.  13. 

PORTEE,//;  La  Portée  ou  Ligne  de  Mufique  elt  com- 
pofée'  de  cinq  Lignes  parallèles  ,  fur  lefquelles  ou  entre  les- 
quelles les  diverfes  Pofitions  des  Notes  en  marquent  les  In- 
tervalles ou  Degrés.  La  Portée  du  Plain-Chant  n'a  que  qua- 
tre Lignes  :  elle  en  avoit  d'abord  huit,  félon  Kircher ,  mar- 
quées chacune  d'une  lettre  de  la  Gamme  ,  de  forte  qu'il  n'y 
avoit  qu'un  Degré  conjoint  d'une  Ligne  à  l'autre.  Lorfqu'on 
doubla  les  Degrés  en  plaçant  aufli  des  Notes  dans  les  In- 
tervalles ,  la  Portée  de  huit  Lignes  réduites  à  quatre ,  fe 
trouva.de  la  même  étendue  qu'auparavant. 

Yyy  t 


mc  VOS 

A  ce  nombre  de  cinq  Lignes  dans  la  Mufique  &  de  qua- 
tre dans  le  Plain  -  Chant ,  on  en  ajoute  de  potiches  ou  ac- 
cidentelles quand  cela  efr,  néceiïaire  &  que  les  Notes  paffenc 
en  haut  ou  en  bas  l'étendue  de  la  Portée.  Cette  étendue  , 
dans  une  Portée  de  Mufîque  ,  eit  en  tout  d'onze  Notes  for- 
mant dix  Degrés  diatoniques  ;  &  dans  le  Plain  -  Chant  ,  de 
neuf  Notes  formant  huit  Degrés.  (  Voyez  Clef  ,  Notes  , 
Lignes.  ) 

POSITION  ,  f.  f.  Lieu  de  la  Portée  où  eft  placée  une 
Note  pour  fixer  le  Degré  d'élévation  du  Son  qu'elle  repréfente. 

Les  Notes  n'ont ,  par  rapport  aux  Lignes ,  que  deux  dif- 
férentes Pofuions  ;  favoir  ,  fur  une  Ligne  ou  dans  un  ef- 
•  pace  ,  &  ces  Pofuions  font  toujours  alternatives  lorfqu'on 
marche  diatoniquement.  C'eit  enfuite  le  lieu  qu'occupe  la 
Ligne  même  ou  l'tfpace  dans  la  Portée  &  par  rapport  à  la 
Clef  qui  détermine  la  véritable  Pofition  de  la  Note  dans  un 
Clavier  général. 

On  appelle  aufïi  Pofition  dans  la  Mefure  le  Tcms  qui  fe 
marque  en  frappant  ,  en  baillant  ou  pofant  la  main  ,  & 
qu'on  nomme  plus  communément  le  Frappé.  (  Voyez 
Thésis.  ) 

Enfin  l'on  appelle  Pofition  clans  le  jeu  des  Infirumens  à 
manche  ,  le  lieu  où  la  main  fe  pofe  fur  le  manche  ,  fclon 
le  Ton  dans  lequel  on  veut  jouer.  Quand  on  a  la  main  tout 
au  haut  du  manche  contre  le  Sillet  ,  en  forte  que  l'index 
pofe  à  un  Ton  de  h  Corde-à-jour  ,  c'e/t  la  PoJ.'tion  natu- 
relle. Qaand  on  démanche,  on  compte  les  Pofition*  par  les 
Degrés  diatoniques  dont  U  main  s'éloigne   du  Sillet, 


PRE  541 

PRELUDE ,  f.  m.  Morceau  de  Symphonie  qui  fert  d'in- 
trodiution  &  de  préparation  à  une  Pièce  de  Mufique.  Ainfi 
les  Ouvertures  d'Opéra  font  des  Prélude*  ;  comme  aufîi  les 
Rirournelles  qui  font  alTez  fou  vent  au  commencement  des 
Scènes  ou  Monologues. 

Prélude  e(t  encore  un  tra»t  de  Cliant  qui  pafTe  par  les 
principales  Cordes  du  Ton  ,  pour  l'annoncer  ,  pour  vérifier 
Ci  l'inftrument  eft  d'accord , &c.  (Voyez  l'Article  fuivanr.  ) 

PRELUDER ,  v.  n.  C'eft  en  général  chanter  ou  jouer 
quelque  trait  de  fantaifie  irregulier  &  allez  court,  mais  paf- 
fant  par  les  cordes  eiïentielles  du  Ton,  foit  pour  l'érablir  , 
foit  pour  difpofer  fa  Voix  ou  bien  pofer  fa  main  fur  un  Inf- 
iniment,  avant  de  commencer  une  Pièce  de  Mufiquc. 

Mais  fur  l'Orgue  &  fur  le  Clavecin  l'Art  de  Préluder  eft 
plus  confidérable.  C'eft  compofer  &  jouer  impromptu  des 
Pièces  chargées  de  tout  ce  que  la  Composition  a  de  plus 
favant  en  Deflein ,  en  Fugue,  en  Imitation,  en  Modulation, 
&  en  Harmonie.  C'eft  fur-tout  en  Préludant ,  que  les  grands 
Muficiens,  exempts  de  cet  extrême  afferviiTement  aux  règles 
que  l'œil  des  critiques  leur  impofe  fur  le  papier,  font  briller 
ces  Tranfirions  favantes  qui  raviifent  les  Auditeurs.  C'cf'i-la 
qu'il  ne  fuffit  pas  d'être  bon  Compofiteur  ni  de  bien  pofTéder 
fon  Clavier  ni  d'avoir  la  main  bonne  &  bien  exercée,  mais 
qu'il  faut  encore  abonder  de  ce  feu  de  génie  &  de  cet  efl  rit 
)  iventif  qui  font  trouver  &  traiter  fur-le-dv.mp  les  f ijets  les 
plus  favorables  à  l'Harmonie  &  les  plus  flatteurs  à  l'oreille. 
C'efl  par  ce  grand  Art  de  Préluder  que  brillent  en  France 
les  excellens  Organifles,  tels  que  font  maintenant  les  Sieurs 


54i  PRE 

Calviere  &  Daquin  ,  furpaffés  toutefois  l'un  &  l'autre  par 
M.  le  Prince  d'Ardore ,  AmbafTadeur  de  Naples ,  lequel  , 
pour  la  vivacité  de  l'invention  &  la  force  de  l'exécution , 
efface  les  plus  illuftres  Artiftes  ,  &  fait  à  Paris  l'admiration 
des  connoiffeurs. 

PRÉPARATION ,  /  f.  Acte  de  préparer  la  DifTonance. 
(  Voyez  Préparer.  ) 

PREPARER ,  v.  a.  Préparer  la  DifTonance ,  c'eft  la  trai- 
ter dans  l'Harmonie  de  manière  qu'à  la  faveur  de  ce  qui 
précède ,  elle  foit  moins  dure  à  l'oreille  qu'elle  ne  feroit  fans 
cette  précaution  :  félon  cette  définition  toute  Diffonance  veut 
être  préparée.  Mais  lorfque  pour  Préparer  une  Dilfonance  , 
on  exige  que  le  Son  qui  la  forme,  ait  fait  confonnance  au- 
paravant, alors  il  n'y  a  fondamentalement  qu'une  feule  Dif- 
fonance qui  fe  Prépare  ;  favoir ,  la  Septième  :  encore  cette 
Préparation  n'cft-elle  point  nécelfaire  dans  l'Accord  fenfible, 
parce  qu'alors  la  Dillbnance  étant  caraâérii tique,  &  dans 
l'Accord  &  dans  le  Mode,  eft  fuffifamment  annoncée;  que 
l'oreille  s'y  attend,  la  reconnoît,  &  ne  fe  trompe  ni  fur 
l'Accord  ni  fur  fon  progrès  naturel.  Mais  lorfque  la  Septième  fe 
fait  entendre  fur  un  Son  fondamental  qui  n'eft  pas  elfentiel  au 
Mode,  on  doit  la  Préparer  pour  prévenir  toute  équivoque,  pour 
empêcher  que  l'oreille  de  l'écoutant  ne  s'égare  ;  &  comme 
ter  Accord  de  Septième  fe  renverfe  6c  le  combine  de  plu- 
fieurs  manières,  de-là  naillént  auffi  diverfes  manières  ap; 
rentes  de  Préparer  ,  qui,  dans  le  fond,  reviennent  pour:. 
toujours  à  la   même. 

il  faut  considérer  trois  chofes  dans  la  pratique  des  DilTb- 


PRE  ?43 

nances  ;  favoir ,   l'Accord  qui  précède  la  DifTbr.ancc,    c« 
où  elle   fe    trouve,  èv  celui  qui   la  fuir.  La  Préparation  ne 
regarde   que    les  deux   premiers  ;    pour   le  troifleme ,    voyez 
Sauver. 

Quand  on  veut  Préparer  régulièrement  une  Diifonance  , 
il  faut  choifir  pour  arriver  à  fon  Accord  une  telle  marche  de 
BafTe-fondamentale  ,  que  le  Son  qui  forme  la  Diifonance  , 
foit  un  prolongement  dans  le  Tems  fort  d'une  Confonnance 
frappée  fur  le  Tems  faible  dans  l'Accord  précédent;  c'eft  ce 
qu'on  appelle  Syncoper.  (Voyez  Syncope.  ) 

De  cette  Préparation  réfultent  deux  avantages  ;  favoir ,  i. 
Qu'il  y  a  nécellairement  liaifoa  harmonique  entre  les  deux 
Accords,  puifque  la  Diifonance  elle-même  forme  cette 
liaifon  ;  &  i.  Que  cette  Diifonance  n'étant  que  le  prolon- 
gement d'un  Son  confonnant,  devient  beaucoup  moins  dure 
à  l'oreille  ,  qu'elle  ne  le  feroit  fur  un  Son  nouvellement  frap- 
pé. Or  c'eft-là  tout  ce  qu'on  cherche  dans  la  Préparation. 
(Voyez  Cadence,  Dissonance,  Harmonie.) 

On  voit  par  ce  que  je  viens  de  dire ,  qu'il  n'y  a  aucune 
Partie  deltinée  fpécialement  à  Préparer  la  Diifonance ,  que 
celle  même  qui  la  fait  entendre  :  de  forte  que  fi  le  De.Tus 
fonne  la  Diifonance,  c'eft  à  lui  de  fyr.coper;  mais  fi  la 
Diifonance  elt  à  la  Balle ,  il  faut  que  la  Baffe  fyncope.  Quoi- 
qu'il n'y  ait  rien  là  que  de  très-iîmple  ,  les  Maîtres  de  Com- 
pofition  ont  furieusement  embrouillé  tout  cela. 

Il  y  a  des  DùTonances  qui  ne  fe  préparent  jamais;  telle 
eft  la  Sixte-ajoiuéc;  d'autres  qui  fe  préparent  fort  rarement; 
telle  eft   la  Scptieme-diminuee. 


544  PRB 

PRESTO,  adv.  Ce  mot,  écrit  à  la  tête  d'un  morceau 
de  Mufique,  indique  le  plus  prompt  &  le  plus  animé  des 
cinq  principaux  Mouvemens  établis  dans  la  Mufique  Italien- 
ne. Prcfio  lignifie  Vite.  Quelquefois  on  marque  un  Mou- 
vement encore  plus  preffé  par  le  fuperlatif  PrefliJJimo. 

PRIMA  INTENZIONE.  Mot  technique  Italien ,  qui  n'a 
point  de  correfpondant  en  François ,  &  qui  n'en  a  pas  be- 
soin ,  puifqoe  l'idée  que  ce  mot  exprime  n'eft  pas  connue  dans 
la  Mufique  Françoife.  Un  Air ,  un  morceau  di  Prima  inten- 
\ione  ,  efb  celui  qui  s'eft  formé  ,  tout  d'un  coup  ,  tout  entier 
&  avec  toutes  fes  Parties  dans  l'efprit  dû  Compofiteur  , 
comme  Pallas  fortit  toute  armée  du  cerveau  de  Jupiter.  Les 
morceaux  di  Prima  intcn\ione  font  de  ces  rares  coups  de 
génie  ,  dont  toutes  les  idées  font  Ci  étroitement  liées  qu'elles 
n'en  font ,  pour  ainfi  dire ,  qu'une  feule  ,  &  n'ont  pu  fe 
préfenter  à  l'efprit  l'une  fans  l'autre.  Ils  font  femblables  à 
ces  périodes  de  Cicéron  longues  ,  mais  éloquentes ,  dont  le 
fens  fufpendu  pendant  toute  leur  durée  ,  n'eft  déterminé  qu'au 
dernier  mot,  &  qui,  par  conféquent ,  n'ont  formé  qu'une 
feule  penféc  dans  l'efprit  de  l'Auteur,  Il  y  a  dans  les  Arts 
des  inventions  produites  par  de  pareils  efforts  de  génie  ,  & 
dont  tous  les  raifonnemeus  ,  intimement  unis  l'un  à  l'autre , 
n'ont  pu  fe  faire  fucceflivement  ;  mais  fe  font  néceffairement 
offerts  à  l'efprit  tout  à  la  fois  ,  puifque  le  premier  fans  le 
dernier  n'auroit  eu  aucun  feo&  Telle  eft  ,  par  exemple ,  l'in- 
vention de  cette  prodigieufe  machine  du  Métier  a  bas  ,  qu'on 
peut  regarder  ,  dit  le  Philofophe  qui  l'a  décrite  dans  l'En- 
cyclopédie ,   comme  un  fcul  Ck  unique  raifonnement  dor: 

fabrication 


P     R     I  545 

fabrication  de  l'ouvrage  eit  la  conclufion.  Ces  fortes  d'ope- 
rations  de  l'entendement ,  qu'on  explique  à  peine  ,  même  par 
l'analyfe  ,  font  des  prodiges  pour  la  raifon  ,  &  ne  fe  con- 
çoivent que  par  les  génies  capables  de  les  produire  :  l'effet  en 
elt  toujours  proportionne  à  l'effort  de  tête  qu'ils  ont  coûté, 
&.  dans  la  Mufique  les  morceaux  di  Prima  inten\ione  font 
les  feuls  qui  puiffent  caufer  ces  extafes ,  ces  raviffemens  ,  ces 
clans  de  l'ame  qui  tranfportent  les  auditeurs  hors  d'eux-mêmes: 
on  les  fent  ,  on  les  devine  à  l'infiant  ,  les  connoiffeurs  ne  s'y 
trompent  jamais.  A  la  fuite  d'un  de  ces  morceaux  fublimts , 
faites  paffer  un  de  ces  Airs  découfus  ,  dont  toutes  les  Phra- 
fes  ont  été  compofées  l'une  après  l'autre  ,  ou  ne  font  qu'une 
même  phrafe  promenée  en  différens  Tons  ,  &  dont  lAc- 
compagnement  n'efr.  qu'un  rempliffage  fait  après  coup  ;  avec 
quelque  goût  que  ce  dernier  morceau  foit  compofé  ,  fi  le  fou- 
venir  de  l'autre  vous  laiffe  quelque  attention  à  lui  donner,  ce 
ne  fera  que  pour  en  être  glacés,  tranfis ,  impatientés.  Après 
un  Air  di  Prima  intenyone ,  toute  autre  Mufique  eft  fans 
effet. 

PRISE.  Lepfis.  Une  des  parties   de  l'ancienne  Mélopée, 
(Voyez  Mélopée. ) 

PROGRESSION  ,  /  f.  Proportion  continue ,  prolongée 
au-delà  de  trois  termes.  (Voyez  Proportion.  )  Les  fuites 
d'Intervalles  égaux  font  toutes  en  Progreffions  ,  &  c'eft  en 
identifiant  les  termes  voifins  de  différentes  Progreffions  , 
qu'on  parvient  à  compléter  l'Echelle  Diatonique  &  Chro- 
matique ,  au  moyen  du  Tempérament.  (  Voyez  Tempiîra- 
mi-.nt.) 

Dict.  dt  Mufique,  Z  z  z 


54Ô  P     R     O 

PROLATION  ,  /.  f.  C'eft ,  dans  nos  anciennes  Mufiques 
une  manière  de  déterminer  la  valeur  des  Notes  femi-Breves 
f.ir  celle  de  la  Brève  ,  ou  des  Minimes  fur  celle  de  la  femi- 
B  eve.  Cette  Prolation  fe  marquoit  après  la  Clef,  &  quel- 
quefois après  le  figne  du  Mode ,  par  un  cercle  ou  un  demi- 
cercle  ,  ponctué  ou  non  pondue  ,   félon  les  règles  fuivantes» 

Confidérant  toujours  la  divifion  fous-triple  comme  la  plus 
excellente  ,  ils  divifoient  la  Prolation  en  parfaite  &  impar- 
faite ,  &  l'une  &  l'autre  en  majeure  &  mineure  ,  de  même 
que  pour  le  Mode. 

La  Prolation  parfaite  étoit  pour  la  Mefure  ternaire  ,  &  fe 
marquoit  par  un  Point  dans  le  cercle  ,  quand  elle  étoit  ma- 
jeure ;  c'eft  -  à  -  dire  ,  quand  elle  indiquoit  le  rapport  de  la 
Brève  à  la  femi-Breve  ;  ou  par  un  Point  dans  un  demi-cercle , 
quand  elle  étoit  mineure;  c'efl-a-dire ,  quand  elle  indiquoit 
le  rapport  de  la  femi-Breve  à  la  Minime.  (  Voyez  PL  B.  Fig. 
9   &  ii.) 

La  Prolation  imparfaite  étoit  pour  la  Mefure  binaire  ,  & 
fe  marquoit  comme  le  Tems  par  un  fimple  cercle  ,  quand 
elle  étoit  majeure;  ou  par  un  demi-cercle  ,  quand  elle  étoit 
mineure  ;   même  PI.  Fig.  10  &  12. 

Depuis  on  ajouta  quelques  autres  lignes  à  la  Prolation  par- 
faire ;  outre  le  cercle  &  le  demi-cercle  on  fe  ftrvit  du  Chif- 
fre I  pour  exprimer  la  valeur  de  trois  Rondes  ou  femi-Breu  , 
pour  celle  de  la  Brève  ou  Quarré  ;  &  du  Chiffre  \  pour 
exprimer  la  valeur  de  trois  Minimes  ou  Blanches,  pour  la 
Ronde  ou  femi-Breve. 

Aujourd'hui  toutes  les  Prolations  font  abolies  ;  la  divùion 


F    R   O  sw 

fous-double  l'a  emporte  fur  la  fous-ternaire  ;  &  il  faut  avoir 
recours  à  des  exceptions  Ôc  à  des  figues  particuliers  ,  pour 
exprimer  le  partage  d'une  Note  quelconque  en  trois  autres 
Notes  .   (Voyez  Valeur  des  Notes.) 

On  lit  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  que  Prolation 
figniae  Roulement.  Je  n'ai  point  lu  ailleurs  ni  ouï  dire  que 
ce  mot  ait  jamais  eu  ce  fer.s-là. 

PROLOGUE ,  f.  m.  Sorte  de  petit  Opéra  qui  précède  le 
grand  ,  l'annonce  ôc  lui  fert  d'introduction.   Comme  le  fujet 
des  Prologues  e(t  ordinairement  élevé,  merveilleux,  ampoulé, 
magnifique  &  plein  de  louanges  ,  la   Muiique   en    doit  être 
brillante  ,    harmonieufe  ,    &  plus    impofante  que   tendre    ôc 
pathétique.  On  ne  doit  point  épuifer  fur  le  Prologue  les  grands 
mouvemens  qu'on  veut  exciter  dans  la  Pièce  ,  ôc  il  faut  que 
le  Mulicien  ,    fans   être    mauflade   &   plat   dans   le    début  , 
fâche  pourtant  s'y  ménager  de  manière  à  fe  montrer  encore 
intérelïant  &  neuf  dans  le  corps  de  l'ouvrage.   Cette  grada- 
tion n'eft  ni  fentie  ,  ni  rendue  par  la  plupart  des  Compofi- 
teurs  ;    mais  elle  eft  pourtant  nécelfaire  ,    quoique    difficile. 
Le  mieux  feroit  de  n'en  avoir  pas  befoin  ,   &  de   fupprimer 
tout-à-fait  les    Prologues   qui  ne  font  gueres  qu'ennuyer  ôc 
impatienter  les  Spectateurs ,    ou  nuire  à  l'intérêt  de  la  Pièce , 
en  ufant   d'avance  les  moyens  de  plaire  ôc  d'intérefler,  Aulli 
les  Opéra  François  font -ils  les  feuls  où  l'on  ait  confervé  des 
Prologues  ;    encore  ne  les  y  fouflVe-t-on  que  parce  qu'on  n'ofe 
murmurer  contre  les  fadeurs  dont  ils  font  pleins. 

PROPORTION  ,/  f.  Égalité  entre  deux  rapports.  Il  y  a 
quatre  fortes  de  Proportion  ;   favoir ,  la  Proportion  Arithmé- 

Z  zz  i 


5  A*  lJ     II     O. 

nqûe  ,  la  Géométrique  ,  l'Harmonique  ,  &  la  Contre -Har^ 
monique.  Il  faut  avoir  l'idée  de  ces  diverfes  Proportions  r. 
pour  entendre  les  calculs  dont,  les  Auteurs  ont  chargé  la> 
théorie  de  la  Mufique. 

Soient  quatre  termes  ou  quantités  a  b  c  d  ;  fi  la  différence 
du  premier  terme  a  au  fécond  b  eft  égale  à  la  différence  du 
troifieme  c  au  quatrième  d>  ces  quatre  termes  font  en  Pro- 
portion Arithmétique.  Tels  font ,  par  exemple  ,  les  nombres 
fuivans  ,  2  ,  4  :  :  8  ,  ro. 

Que  fi  ,  au  lieu  d'avoir  égard  à  la  différence  ,  on  com- 
pare ces  termes  par  la  manière  de  contenir  ou  d'être  conte- 
nus ;  iî ,  par  exemple ,  le  premier  a  elt  au  fécond  b  comme 
le  troifieme  c  elt  au  quatrième  J,  la  Proportion  elt  Géomé- 
trique.. Telle  eft  celle  que  forment  ces  quatre  nombres  2 , 
4  :  :  S  ,   16.. 

Dans  le  premier  exemple  ,  l'excès  dont  le  premier  terme 
2  eft  furpaffé  par  le  fécond  4  eft  2  ;  &  l'excès  dont  le  troi- 
fieme 8  eft  furpaffé  par  le  quatrième  10  eft  auflî  2.  Ces  quatre 
termes  font  donc  en  Proportion  Arithmétique. 

Dans  le  fécond  exemple  ,  le  premier  terme  2  eft  la  moitié 
du  fécond  4  ,  &  le  troifieme  terme  8  eft  auffi  la  moitié  du 
quatrième  i<5.  Ces  quatre  termes  font  donc  en  Proportion 
(jLométrique. 

Une  Proportion  foit  Arithmétique ,   foit  Géométrique  ,   eft 

dite,  inverfe    ou    réciproque  ,    lorfqu'après   avoir   comparé   le 

premier  terme  au  fécond  ,  l'on  compare  non  le  troiiieme  au 

quatrième  ,   comme  dans  la  Proportion  directe  ,   mais  à  rc- 

;  .  qyatrieme.  au  ooificme  ,   &  que  ks  rapports  ai 


P    R    O  fe> 

pris  fe  trouvent  égaux.  Ces  quatre  nombres  i  ,  4  :  S  ,  6  , 
fbnt  en  Proportion  Arithmétique  réciproque  ;  &  ces  quatre 
2  ,  4  :  :  6  ,   3  ,  font  en  Proportion  Géométrique  réciproque. 

Lorfque  dans  une  Proportion  directe  ,  le  fécond  terme  ou 
le  conféquent  du  premier  rapport  eft  égal  au  premier  terme 
ou  à  l'antécédent  du  fécond  rapport  ;  ces  deux  termes  étant 
égaux ,  font  pris  pour  le  même  ,  &  ne  s'écrivent  qu'une 
fois  au  lieu  de  deux.  Ainfi  dans  cette  Proportion  Arithmé- 
tique 2  ,  4:4,6;  au  lieu  d'écrire  deux  fois  le  nombre  4  , 
on  ne  l'écrit  qu'une  fois  ,  &  la  Proportion  fe  pofe  ainfi  -r 
2  ,   4 ,  6. 

De  même  ,  dans   cette   Proportion  Géométrique  2,4:: 
4,8,  au  lieu  d'écrire  4  deux  fois,  on  ne  l'écrit  qu'une  ,  de 
cette  manière  -h-  2  ,  4 ,  8. 

Lorfque  le  conféquent  du  premier  rapport  fert  ainfi  d'an- 
técédent au  fécond  rapport  ,  &  que  la  Proportion  fe  pofe 
avec  trois  termes  ,  cette  Proportion  s'appelle  continue ,  parce 
qu'il  n'y  a  plus,  entre  les  deux  rapports  qui  la  forment,  l'inter- 
ruption qui  s'y  trouve  quand  on  la  pofe  en  quatre  termes. 

Ces  trois  termes  ■*-  2,4,  6  ,  font  donc  en  Proportion  Arith- 
métique continue  ;  &  ces  trois  ci,  -~  2  ,  4,8,  font  en  Pro* 
portion  Géométrique  continue. 

Lorfqu'une  Proportion  continue  fe  prolonge  ;  c'eft-a-dire  ,- 
lorfqu'elle  a  plus  de  trois  ternies ,  ou  de  deux  rapports  égaux , 
plie  s'appelle  Progrejfion. 

Ainfi  ces  quatre  termes  2,4,  6  ,  8,  forment  une  Pro- 
grefiion  Arithmétique,  qu'on  peur  prolonger  autant  qu'on 
veut  en  ajoutant  la  différence  au  dernier  terme.. 


,53  P    R    O 

Et  ces  quatre  termes  1,4,  8  ,  i<5,  forment  une  Progref- 
fion  Géométrique  ,  qu'on  peut  de  même  prolonger  autant 
qu'on  veut  en  doublant  le  dernier  terme,  ou  en  général  ,  en 
le  multipliant  par  le  quotient  du  fécond  terme  divifé  par  le 
premier ,  lequel  quotient  s'appelle  VExpofant  du  rapport ,  ou 
de  la  Progrelfion. 

Lorfque  trois  termes  font  tels  que  le  premier  eft  au  troi- 
fieme,  comme  la  différence  du  premier  au  fécond  eit  à  la 
différence  du  fécond  au  troifieme  ,  ces  trois  termes  forment 
une  forte  de  Proportion  appellée  Harmonique.  Tels  font  y 
par  exemple  ,  ces  trois  nombres  3  ,  4 ,  6  :  car  comme  le 
premier  3  eft  la  moitié  du  troifieme  6 ,  de  même  l'excès  r 
du  fteond  fur  le  premier,  eft  la  moitié  de  l'excès  2  du  troi- 
fieme fur  le  fécond. 

Enfin  ,  lorfque  trois  termes  font  tels  que  la  différence  du 
premier  au  fécond  eft  à  la  différence  du  fécond  au  troifieme, 
non  comme  le  premier  elt  au  troifieme  ,  ainfi  que  dans  la 
Proportion  Harmonique  ;  mais  au  contraire  comme  le  troi- 
fieme eft  au  premier,  alors  ces  trois  termes  forment  entre 
eux  une  forte  de  Proportion  appellée  Proportion  Contre -Har- 
monique. Ainfi  ces  trois  nombres  3  ,  5  ,  6 ,  font  en  Propor- 
tion Contre-harmonique. 

[/'expérience  a  fait  connoître  que  les  rapports  de  trois 
Cordes  fonnant  enfemble  l'Accord  parfiiit  Tierce  majeure  , 
formoient  entr'elles  la  forte  de  Proportion  qu'à  caufe  de  cela 
on  a  nommée  Harmonique  :  mais  c'e(t-là  une  pure  propriété 
de  nombres  qui  n\i  nulle  .ifliniré  avec  les  Sons,  ni  avec  leur 
effet  fur  l'organe  auditif;  ainfi  la  Proportion  Harmonique  & 


P    R    O 


S  "r 


la  Proportion  Contre  -  harmonique  n'appartiennent  pas  plus 
à  l'Art  que  la  Proportion  Arithmétique  ,  &  la  Proportion 
Géométrique  ,  qui  même  y  font  beaucoup  plus  utiles.  Il 
faut  toujours  penfer  que  les  propriétés  des  quantités  abffrai- 
tes  ne  font  point  des  propriétés  des  Sons  ,  &  ne  pas  cher- 
cher,  à  l'exemple  des  Pythagoriciens  ,  je  ne  fais  quelles  chi- 
mériques analogies  entre  choies  de  différente  nature  ,  qui 
n'ont  entrelles  que  des  rapports  de  convention. 

PROPREMENT  ,  adv.  Chanter  ou  jouer  Proprement  , 
c'eft  exécuter  la  Mélodie  Françoife  avec  les  ornemens  qui 
lui  conviennent.  Cette  Mélodie  n'étant  rien  par  la  feule  force 
des  Sons  ,  &  n'ayant  par  elle-même  aucun  caraélere  ,  n'en 
prend  un  que  par  les  tournures  affectées  qu'on  lui  donne  en 
l'exécutant.  Ces  tournures  ,  enfeignées  par  les  Maîtres  de 
Goût  du  Chant  ,  font  ce  qu'on  appelle  les  agrémens  du 
Chant  François.  (  Voyez  Agrément.  ) 

PROPRETE  ,  /  /.  Exécution  du  Chant  François  avec 
les  ornemens  qui  lui  font  propres  ,  &  qu'on  appelle  agré- 
mens du  Chant.  (  Voyez  Agrément.  ) 

PROSLAMBANOMENOS.  C'étoit,dans  la  Mufique  an- 
cienne ,  le  Son  le  plus  grave  de  tout  le  Syflême  ,  un  Ton 
au-deflbus  de  l'Hypate  -  Hypaton. 

Son  nom  fignifie  Surnuméraire  ,  Acquife  ,  ou  Ajoutée  , 
parce  que  la  Corde  qui  rend  ce  fon-la ,  fut  ajoutée  au-def- 
fous  de  tous  les  Tétracordes  pour  achever  le  Diapafon  ou 
l'Octave  avec  la  Mèfe  ;  &  le  Diapafon  ou  la  Double  Octave 
avec  la  Nete  -  hyperboléon  ,  qui  étoit  la  corde  la  plus  aiguë 
de   tout  le  Syftéme.  (  Voyez  Système.  ) 


55*  *J    H    O 

PROSODTAQUE ,  ad}.  Le  Nome  Profodiague  fe  chantoit 
en  l'honneur  de  Mars  ,  &  fut  ,  dit  -  on  ,  invente  par 
Olympus. 

PROSODIE ,  /.'  /.  Sorte  de  Nome  pour  les  Flûtes ,  & 

propre  aux   Cantiques  que   l'on   chantoit  chez  les  Grecs ,  à 

l'entrée  des  facrifices.  Plutarque  attribue  l'invention  des  Pro~ 

Jbdies  à  Clonas,  de  Tégée  félon  les  Arcadiens,  &  de  The- 

bes   félon  les  Béotiens. 

PROTESIS  ,/  /.  Paufe  d'un  Tems  long  dans  la  Mufique 
ancienne ,  à  la  différence  du  Lcmme ,  qui  étoit  la  Paufe  d'un 
Tems  bref. 

PSALMODIER  ,  v.  n.  C'eft  chez  les  Catholiques  chan- 
ter ou  réciter  les  Pfeaumes  &  l'Office  d'une  manière  parti- 
culière ,  qui  tient  le  milieu  entre  le  Chant  &  la  parole  : 
c'eft  du  Chant  ,  parce  que  la  voix  eft  foutenue  ;  c'efè  de  la 
parole  ,  parce   qu'on  garde  prefque   toujours  le  même  Ton. 

PYCNI ,  PYCNOI.  (  Voyez  Epais.  ) 

PYTHAGORICIENS ,  fub.  maf.  plur.  Nom  d'une  des 
deux  Seules  dans  lefquelles  fe  divifoient  les  Théoriciens  dans 
la  Mufique  Grecque  ;  elle  portoit  le  nom  de  Pythagore  , 
{o  i  chef ,  comme  l'autre  Secte  portoit  le  nom  d'Ariitoxène. 
(  Voyez   Aristoxkniens.  ) 

Les  Pythagoriciens  hxoicnt  tous  les  Intervalles  tant  Con- 
fonnans  que  Dilîonans  par  le  Calcul  des  rapports.  Les  Arif- 
toxéniens  ,  au  contraire  ,  difoient  s'en  tenir  au  jugement  de 
l'oreille.  Mais  au  fond  ,  leur  difpute  ifétoit  qu'une  difpute 
de  mots  ,  &  fous  des  dénominations  plus  fimples  ;  les  moi- 
tiés ou   les  quarts  de   Ton  des  Ariitoxcniens  ,  ou  ne  figni- 

noient 


p    Y    T  SS3 

fîoient  rien  ,  ou  n'exigoient  pas  de  calculs  moins  compofés 
que  ceux   des   Limma  ,  des  Comma  ,  des  Apotomes  fixes 
par  les  Pythagoriciens.  En  propofanr,  par  exemple,  de  pren- 
dre  la  moitié  d'un   Ton  ,   que   propofoit   un    Arifloxénitn  ? 
Rien  fur  quoi  l'oreille    pût  porter   un  jugement  fixe.  Ou  il 
ne  favoit  ce   qu'il   vouloit  dire  ,  ou  il  propofoit  de   tromer 
une  moyenne  proportionnelle  entre  8  &  9.  Or  cette  moyenne 
proportionnelle  e/l  la  racine  quarrée  de  71  ,  &  ectre  racine 
quarrée  eft  un  nombre  irrationnel   :  il  n'y  avoit  aucun  autre 
moyen  poflible  d'afligner  cette    moitié  de   Ton   que  par  la 
Géométrie  ,  &  cette  méthode  Géométrique  n'étoit  pas  plus 
iimple  que  les  rapports  de  nombre  à   nombre   calculés   par 
les  Pythagoriciens.   La  {implicite    des    Ariftoxéniens   n'étoic 
donc   qu'apparente  ;  c'étoit  une  Ilmplické    femblable  à  celle 
du  Syltéme  de  M.  de  Eoifgelou  ,  dont  il  fera  parlé  ci  ^près. 
(Voy.  Intervalle,  Système.  ) 


Dicl.  dt  Mufique.  A  a  a  a 


ss4  Q   U    A 

te- sas  =i*2£= 


Q: 


V^UADRUPLE  -  CROCHE ,  f.  /:  Noce  de  Mufîque  va- 
lant le  quart  d'une  Croche  ,  ou  la  moitié  d'une  double-Cro- 
che. Il  faut  foixante  -  quatre  Quadruples  -  Croches  pour  une 
Mefure  à  quatre  Terns  ;  mais  on  remplit  rarement  une  Me- 
fure  &  même  un  Tems  de  cette  efpece  de  Notes.  (Voyez 
Valeur  des  Notes.  ) 

La  Quadruple  -  Croche  eft  prcfque  toujours  liée  avec  d'au- 
tres Notes  de  pareille   ou  de  différente,  valeur,  &  fe    figure 

ainfî  =M— J — g  ou  -4— 4— 4— V.  Elle  tire  fon  nom  des  quatre 
traits  ou  Crochets  qu'elle  porte. 

QUANTITE.  Ce  mot,  en  Mufique  de  même  qu'en  Pro- 
fodie  ,  ne  fignifie  pas  le  nombre  des  Notes  ou  des  Sylla- 
bes ,  mais  la  durée  relative  qu'elles  doivent  avoir.  La  (  quan- 
tité produit  le  Rhythme  ,  comme  l'Accent  produit  l'Into- 
nation. Du  Rhythme  &  de  l'Intonation  réfulte  la  Mélodie. 
(  Voyez   Mélodie.  ) 

QUARRE  ,  ad}.  On  appelloit  autrefois  B  Ouarré  ou  B 
Dur,  le  figne  qu'on  appelle  aujourd'hui  Béquarre,  (  Voy.  B.  ) 

QUARRÈE  ou  BREVE,  adj.  pris  fubftantiv.  Sorte  de 
Note  faite  ainfi  xz  ,  &  qui  tire  fon  nom  de  fa  figure.  Dans 
nos  anciennes  Mufiqucs  ,  elle  valoit  tantôt  trois  Rondes  ou 
femi  -  Brèves  ,  &  tantôt  deux  ,  félon  que  la  Prolatioo  doit 
parfaite  ou  imparfaite.  (Voyez  Prolatiqm.  ) 


Q    U    A  "îçs 

Maintenant  la  Ouarrée  vaut  toujours  deux  Rondes,  mais 
on  l'emploie  fort  rarement. 

QUART  -  DE  -  SOUPIR  ,  J\  m.  Valeur  de  filencc  qui  , 
dans  la  Mufîque  Italienne  ,  fe  ligure  ainii  V  ;  dans  la  Fran- 
çoife  ,  aiufî    ^    &  qui  marque ,  comme  le  porte  fon  nom , 

la  quatrième  partie  d'un  foupir  ;  c'eft-à-dire  ,  l'équivalent 
d'une  double  -  Croche.  (  Voyez  Soupir  ,  Valeur  des 
Notes.  ) 

QUART-DE-TON  , /.'  m.  Intervalle  introduit  dans  le 
Genre  Enharmonique  par  Ariftoxène  ,  &  duquel  la  raifon 
elr.  lourde.  (  Voyez  Echelle  ,  Enharmonique  ,  Ixter- 
wlle,  Pythagoriciens.  ) 

Nous  n'avons  ni  dans  l'oreille,  ni  dans  les  calculs  har- 
moniques aucun  principe  qui  nous  puiffe  fournir  l'Intervalle 
exact  d'un  Quart-de-Ton  ;  &  quand  on  confidere  quelles 
opérations  Géométriques  font  néceluires  pour  le  déterminer 
fur  le  Moiocorde ,  on  eit  bien  tenté  de  foupçonner  qu'on 
n'a  peut-être  jamais  entonné  &  qu'on  n'entonnera  peut-être 
jamais  de  Quart-cU-Ton  julbe,  ni  par  la  Voix,  ni  fur  aucun 
Inftrumcnt. 

Les  Muficiens  appellent  aufli  Quart-de-Ton  l'Intervalle  qui, 
de  deux  Notes  à  un  Ton  Tune  de  l'autre  ,  fe  trouve  entre 
le  Bémol  de  la  fupéricure  &  le  Dièfe  de  l'inférieure;  Inter- 
valle que  le  Tempérament  fait  évanouir,  mai;  que  le  calcul 
peut  déterminer. 

Ce  Ou  irt-de-Ton  cfr  de  deux  efpeces;  favoir,  lTnharmo- 
nlque    majeur,    dans    le  rapport   de   576  à  ^15,   qui   clt    le 

A  a  a  a  z 


3$6  Q    V    A 

complément  de  deux  femi-Tons  mineurs  au  Ton  majeur,  & 
l'Enharmonique  mineur,  dans  la  raifon  de  115  à  118,  qui  eit 
le  complément  des  deux  mêmes  femi-Tons  mineurs  au  Ton 
mineur. 

QUARTE ,  f.  f.  La  troifiieme  des  Confonnances  dans  l'or- 
dre de  leur  génération.  La  Quarte  eit  une  Confonnance 
parfaite  ;  fon  rapport  eft  de  3  à  4  ;  elle  eit  compofée  de 
trois  Degrés  diatoniques  formés  par  quatre  Sons  ;  d'où  lui 
vient  le  nom  de  Quarte.  Son  Intervalle  eit  de  deux  Tons  & 
demi;  favoir,  un  Ton  majeur,  un  Ton  mineur,  &  un  femi- 
Ton  majeur. 

La  Quarte  peut  s'altérer  de  deux  manières  ;  favoir ,  en 
diminuant  fon  Intervalle  d'un  femi-Ton ,  &  alors  elle  s'ap- 
pelle Ouarte  diminuée  ou  faaj]é-Quarte  ;  ou  en  augmentant 
d'un  femi-Ton  ce  même  Intervalle ,  &  alors  elle  s'appelle 
Quarte-Jhperflue  ou  Triton,  parce  que  l'Intervalle  en  eit  de 
trois  Tons  pleins  :  il  n'eit  que  de  deux  Tons;  c'eit-a-dire, 
d'un  Ton  ,  &  deux  femi-Tons  dans  la  Ouarte  -diminuée  ; 
mais  ce  dernier  Intervalle  eit  banni  de  l'Harmonie,  &  pra- 
tiqué feulement  dans  le  Chant. 

Il  y  a  un  Accord  qui  porte  le  nom  de  Quarte ,  ou  Quarte 
&  Quinte.  Quelques-uns  l'appellent  Accord  de  Onzième  : 
c'eft  celui  où  fous  un  Accord  de  Septième  on  fuppofe  h  la 
lLlfe  un  cinquième  Son  ,  une  Quinte  au-defïbus  du  Fon- 
damental :  car  alors  ce  Fondamental  fait  QJnte  ,  &  ù 
Septième  fait  Onzième  avec  le  Son  fuppofe.  (  Voyez  Suppo- 
sition. ) 

Un    autre   Accord    s'appelle    Quartc-fuperflue  ou    Triton. 


Q     U     A  557 

C'efl:  un  Accord  fenfible  dont  la  Dirtonance  eft  portée  à  la 
Baffe  :  car  alors  la  Note  fenfible  fait  Triton  fur  cette  Dif- 
fonance.  (  Voyez  Accord.  ) 

Deux  Quartes  juftes  de  fuire  font  permifes  en  compofi- 
tion  ,  même  par  Mouvement  femblable  ,  pourvu  qu'on  y 
ajoute  la  Sixte  :  mais  ce  font  des  partages  dont  on  ne  doit 
pas  abufer  ,  &  que  la  Baffe  -  fondamentale  n'autorife  pas 
extrêmement. 

QUARTER ,  v.  n.  C'étoit,  chez  nos  anciens  Muficicns, 
une  manière  de  procéder  dans  le  Déchant  ou  Contre-point 
plutôt  par  Quartes  que  par  Quintes  :  c'étoit  ce  qu'ils  appel- 
aient aufli  par  un  mot  Latin  plus  barbare  encore  que  le 
François ,  Diatefferonare. 

QUATORZIEME ,  f.  f.  Réplique  ou  Oftave  de  la  Sep- 
tième. Cet  Intervalle  s'appelle  Guator\ieme ,  parce  qu'il  faut 
former  quatorze  Sons  pour  palier  diatoniquement  d'un  de 
fes  termes  à  l'autre. 

QUATUOR,/  m.  C'efr.  le  nom  qu'on  donne  aux  mor- 
ceaux de  Mufique  vocale  ou  inftrumentale  qui  font  à  quatre 
Parties  récitantes.  (  Voyez  Parties.  )  Il  n'y  a  point  de 
vrais  Quatuor ,  ou  ils  ne  valent  rien.  Il  faut  que  dans  un 
bon  Quatuor  les  Parties  foient  prefque  toujours  alterna- 
tives ,  parce  que  dans  tout  Accord  il  n'y  a  que  deux  Par- 
ties tout  au  plus  qui  fartent  Chant  &  que  l'oreille  puirte 
diflinguer  à  la  fois;  les  deux  autres  ne  font  qu'un  pur  rem- 
plilfage ,  &  l'on  ne  doit  point  mettre  de  remplirtage  dans  un 
Quatuor. 

QUEUE  ,  f.  f.  On  dillingue  dans  les  Notes  la  tête  &  la 


55*  Q     U     I 

Queue.  La  tête  eft  le  corps  même  de  la  Note  ;  la  Queue  eft 
ce  trait  perpendiculaire  qui  tient  à  la  tête  &  qui  monte  ou 
defeend  indifféremment  à  travers  la  Portée.  Dans  le  Plain- 
Chant  la  plupart  des  Notes  n'ont  pas  de  Queue  ;  mais  dans 
la  Mufique  il  n'y  a  que  la  Ronde  qui  n'en  aie  point.  Autre- 
fois la  Brève  ou  Quarrée  n'en  avoit  pas  non  plus  \  mais  les 
différentes  pofitions  de  la  Queue  fervoient  à  diftinguer  les 
valeurs  des  autres  Notes  ,  &  fur-tout  de  la  Plique.  (  Voye7 
Pli  que.  ) 

Aujourd'hui  la  Queue  ajoutée  aux  Notes  du  Plain-Chant 
prolonge  leur  durée  ;  elle  l'abrège  ,  au  contraire  ,  dans  la 
Mufique  ,  puifqu'une  Blanche  ne  vaut  que  la  moitié  d'une 
Ronde. 

QUINQUE,  f.  m.  Nom  qu'on  donne  aux  morceaux  de 
Mufique  vocale  ou  inftrumentale  qui  font  a  cinq  Parties  ré- 
citantes. Puifqu'il  n'y  a  pas  de  vrai  Quatuor,  a  plus  forte 
raifon  n'y  a-t-il  pas  de  véritable  Cubique.  L'un  &:  l'autre 
de  ces  mots  ,  quoique  pafTés  de  la  Langue  Latine  dans  la 
Françoife ,  fe  prononce   comme  en  Latin. 

QUINTE  ,  /  f.  La  féconde  des  Confonnances  dars  l'or- 
dre de  leur  génération.  La  Quinte  eft  une  Confonnancc  par- 
faire ;  (  N'oyez  Consonnancf.  )  fon  rapport  eft  de  1  à  j. 
Elle  eft  compofée  de  quatre  Degrés  diatoniques  ,  arrivant 
au  cinquième  Son  ,  d'où  lui  vient  le  nom  de  Quinte.  Son 
Intervalle  eft  de  trois  Tons  &  demi;  fivoir,  deux  7 
rmjeurs  ,  un   Ton   mineur,   &  un  femi-Ton  majeur. 

La  Qu  ■  ut  s'altérer  de  deux  manierez;  favoïr,  en 
diminuant    fon    Intervalle    d'un    femi  -  Ton  ,   &    alors   i 


QUI  559 

s'appelle  fauffe-Oubtte  ,  &  dévroit  s'appcller  Quinte  climi- 
nuée  ;  ou  en  augmentant  d'un  femi-Ton  le  même  lnter- 
vafle  ,  ce  alors  elle  s'appelle  Quintc-fuptrflue,  De  forte  que 
la  Quïnte-Juperflue  a  quatre  Tons,  &  la  Faufle-Quintc  trois 
feulement  ,  comme  le  Triton  ,  dont  elle  ne  diffère  dans 
nos  fyftêmes  que  par  le  nombre  des  Degrés.  (Voyez  Faussb- 
Quinte.  )' 

Il  y  a  deux  Accords  qui  portent  le  nom  de  Quinte  ;  fa- 
voir ,  l'Accord  de  Quint?  &  Sixte ,  qu'on  appelle  aufii 
grande-Sixte  ou  Sixte  ajoutée  ,  &  l'Accord  de  Quinte-fu- 
perflue. 

Le  premier  de  ces  deux  Accords  fe  confidere  en  deux 
manières  ;  (avoir ,  comme  un  Renversement  de  l'Accord 
de  Septième  ,  la  Tierce  du  Son  fondamental  étant  portée 
au  grave  ;  c'efr.  l'Accord  de  grande-Sixte  ;  (  Voyez  Sixte.  ) 
ou  bien  comme  un  Accord  dired  dont  le  Son  fondamental 
ef{  au  grave,  &  c'eft  alors  l'Accord  de  Sixte-ajoutée.  (Voy. 

DoUBLE-tMPLOI.  ) 

Le  fécond  fe  confidere  aulli  de  deux  manières  ,  l'une 
par  les  François ,  l'autre  par  les  Italiens.  Dans  l'Harmonie 
Françoife  la  Quinte-fuperflue  eft  l'Accord  dominant  en 
Mode  mineur ,  au-deffous  duquel  on  fait  entendre  la  Mé- 
diante  qui  fait  Quinte-fuperflue  avec  la  Note  fenlible.  Dans 
H  Earmonie  Italienne ,  la  Quinte-fuperflue  ne  fe  pratique  que 
fur  la  Tonique  en  Mode  majeur,  lorfque ,  par  accident, 
fa  Quinte  eft  diéfée  ,  faifànt  alors  Tierce  majeure  fur  la 
Médiante  &  par  confequent  Quinte-fuperflue  fur  la  Toni- 
que.  Le  principe  de  cet  Accord,  qui  paroit  fortir  du  Mod( 


5<îo  Q    U    I 

fe    trouvera  dans    l'expofkion  du  Syftême    de   M.  Tartini. 
(  Voyez  Système.  ) 

Il  elt  défendu  ,  en  compofition  ,  de  faire  deux  Quintes 
de  fuite  par  mouvement  femblable  entre  les  mêmes  Par- 
ties :  cela  choqueroit  l'oreille  en  formant  une  double  Mo- 
dulation. 

M.  Rameau  prétend  rendre  raifon  de  cette  règle  par  le 
défaut  de  liaifon  entre  les  Accords.  Il  fe  trompe.  Première- 
ment on  peut  former  ces  deux  Quintes  &  conferver  la 
liaifon  harmonique.  Secondement ,  avec  cette  liaifon  ,  les 
deux  Quintes  font  encore  mauvaifes.  Troifiémement  ,  il 
faudrait ,  par  le  même  principe  ,  étendre  ,  comme  autre- 
fois ,  la  règle  aux  Tierces  majeures;  ce  qui  n'elt  pas  &  ne 
doit  pas  être.  Il  n'appartient  pas  à  nos  hypothefes  de  con- 
trarier le  jugement  de  l'oreille  ,  mais  feulement  d'en  ren- 
dre raifon. 

Quinte-fauJJe  ,  efl  une  Quinte  réputée  jufte  dans  l'Harmo- 
nie ,  mais  qui  ,  par  la  force  de  la  Modulation ,  fe  trouve 
affoiblie  d'un  fe  mi-Ton  :  telle  elt  ordinairement  la  Quinte  de 
l'Accord  de  Septième  fur  la  féconde  Note  du  Ton  en  Mode 
majeur. 

La  faujfe  -  Quinte-  eit  une  dilfonance  qu'il  faut  fauver  : 
mais  la  Quinte -fauffe  peut  parler  pour  Confonnance  &  être 
traitée  comme  telle  quand  on  compofe  a  quatre  Parties. 
(  Voyez  Faussh-Quintiï.  ) 

QUINTE  ,  elt    aufli  le  nom  qu'on   donne   en    Fran' 
cette    Partie    indrumentale    de    remplilfage    qu'en    Italie  on 
appelle  Viola.  Le  nom  de  cette  Partie  a  palîc  à  l'Inftrumem 
qui  la  joue.  (JUINTLR  . 


Q     U     I  5<5, 

QUINTER,  v.  11.  CV-roit ,  chez  nos  anciens  Mufîciens, 
une  manière  de  procéder  dans  le  Déchant  ou  Contre-point 
plutôt  par  Quintes  que  par  Quartes.  C'efr.  ce  qu'ils  appel- 
aient auiTi  dans  leur  Latin  Diapentïjfare.  Mûris  s'étend 
fort  au  long  fur  les  règles  convenables  pour  Ouinter  ou 
Quarter  à  propos. 

QUINZIEME ,  f.  f.  Intervalle  de  deux  Octaves.  (  Voyez 
Double-Octave.  ) 


Vicl.  de  Mujique. 


I3bbl> 


<6z  R    A    N 

R. 


R 


.ANZ- DES -VACHES.  Air  célèbre  parmi  les  Suiffés, 
&  que  leurs  jeunes  Bouviers  jouent  fur  la  Cornemufe  en 
gardant  le  bétail  dans  les  montagnes.  Voy.  l'Air  noté  ,  PL 
N.  Voyez  auffi  l'article  Musique  où  il  eti  fait  mention  des 
étranges  effets  de  cet  Air. 

RAVALEMENT.  Le  Clavier  ou  Syftême  à  Ravalement 
cft  celui  qui,  au  lieu  de  fe  borner  à  quatre  Octaves  comme 
le  Clavier  ordinaire  ,  s'étend  à  cinq  ,  ajoutant  une  Quinte  au- 
deflbus  de  Vut  d'en-bas  ,  une  Quarte  au-deffus  de  Vut  d'en- 
haut ,  &  embraffant  ainfi  cinq  Octaves  entre  deux  fa.  Le 
mot  Ra\akm:nt  vient  des  Facteurs  d'Orgue  &  de  Clavecin, 
&  il  n'y  a  gueres  que  ces  Inftrumens  fur  lefquels  on  puiffe 
embraffer  cinq  Oclaves.  Les  Inftrumens  aigus  pairent  même 
rarement  Vut  d'en-haut  fans  jouer  faux  ,  &  l'Accord  des 
Baffes  ne  leur  permet  point  de  paffer  Vut  d'en-bas. 

RE.  Syllabe  par  laquelle  on  foliîe  la  féconde  Note  de  la 
Gamme.  Cette  Note  ,  au  naturel ,  s'exprime  par  la  lettre  D. 
(Voyez  D.  &  Gamme.) 

RECHERCHE  ,  /  f.  Efpece  de  Prélude  ou  de  Fantaifîe 
fur  fOrgue  ou  fur  le  Clavecin,  dans  laquelle  le  Muficien 
affecte  de  rechercher  &  de  raffembler  les  principaux  traits 
d'Harmonie  &  de  Chant  qui  viennent  d'être  exécutes,  ou 
qui  vont  Tétre  dans  un  Concert.  Cela  fe  fait  ordinairement 
-le-champ  fans  préparation,  &  demande,  par conféquent , 
beaucoup  d'habileté. 


R    E    C  y-i 

Les  Italiens  appellent  encore  Recherches  ou  Cadences,  ces 
Arbitrii  ou  Points  d'Orgue  que  le  Chanteur  fe  donne  la 
liberté  de  faire  fur  certaines  Notes  de  fi  Partie  ,  fufpeadanc 
la  Mefure  ,  parcourant  les  diverfes  cordes  du  Mode,  &  même 
en  fortant  quelquefois  ,  félon  les  idées  de  fon  génie  &  ks 
routes  de  fon  gofier ,  tandis  que  tout  l'Accompagnement 
s'arrête  jufqu'à  ce  qu'il  lui  plaife  de  finir. 

RECIT  ,  /.*  m.  Nom  générique  de  tout  ce  qui  fe  chante 
à  voix  feule.  On  dit,  un  Récit  de  Baffe  ,  un  Rc^it  de  Haute- 
Contre.  Ce  mot  s'applique  même  en  ce  fens  aux  In(trumenc; 
On  dit  un  Récit  de  Violon  ,  de  Flûte  ,  de  Hautbois.  En 
un  mot  Réciter  cetr.  chanter  ou  jouer  feul  une  Partie 
quelconque  ,  par  oppofition  au  Chœur  &  à  la  Symphonie  en 
général,  où  plufieurs  chantent  ou  jouent  la  même  Partie  à 
Punition. 

On  peut  encore  appeller  Récit  la  Partie  où  règne  le  Sujet 
principal  ,  &  dont  toutes  les  autres  ne  font  que  l' Accom- 
pagnement-. On  a  mis  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie 
Françoife  ,  les  Récits  ne  font  point  ajfujettis  à  la  Mefure 
comme  les  Airs.  Un  Récit  eit  fouvent  un  Air ,  &  par  con- 
féquent  Mefuré.  L'Académie  auroit-elle  confondu  le  Récit 
avec  le  Récitatif? 

RECITANT.  Partie.  Partie  Récitante  eft  celle  qui  fe 
chante  par  une  feule  Voix,  ou  fe  joue  par  un  feul  Inltrumenr; 
par  oppofition  aux  Parties  de  Symphonie  &  de  Chœur  qui 
font  exécutées  à  l'uniifon  par  plufieurs  Concertons.  (  V.  Ri'c  it.  ) 

INCITATION,/."/;  Action  de  Réciter  la  Mufique.  O'oy. 

iTHl.  ) 

Bbbb  i 


554  R    E    C 

RECITATIF ,  /  m.  Difcours  récité  d'un  ton  mufical  & 
harmonieux.  C'eit  une  manière  de  Chant  qui  approche  beau- 
coup de  la  parole  ,  une  déclamation  en  Mufique ,  dans  la- 
quelle le  Muficien  doit  imiter,  autant  qu'il  cft  pofTible,  les 
inflexions  de  voix  du  Dcclamateur.  Ce  Chant  eft  nommé 
Récitatif,  parce  qu'il  s'applique  à  la  narration,  au  récit,  ôc 
qu'on  s'en  iert  dans  le  Dialogue  dramatique.  On  a  mis  dans 
le  Dictionnaire  de  l'Académie  ,  que  le  Récitatif  doit  être 
débité  :  il  y  a  des  Récitatifs  qui  doivent  être  débités  ,  d'au- 
tres qui  doivent  être  fourenus. 

La  perfeébion  du  Récitatif  dépend  beaucoup  du  caractère 
de  la  Langue  ;  plus  la  Langue  cft  accentuée  &  mélodieufe  , 
plus  le  Récitatif  eft  naturel ,  &  approche  du  vrai  difcours  ; 
il  n'eft  que  l'Accent  noté  dans  une  Langue  vraiment  mufr- 
cale  ;  mais  dans  une  Langue  pefante  ,  fourde  &  fans  accent, 
le  Récitatif  n'eft  que  du  chant ,  des  cris ,  de  la  Pfulmodie  : 
on  n'y  reconnoît  plus  la  parole.  Aiofi  le  meilleur  Récitatif 
elt  celui  où  Ton  chante  le  moins.  Voilà  ,  ce  me  femble  ,  le 
feul  vrai  principe  tiré  de  la  nature  de  la  chofe  ,  fur  lequel 
on  doive  fe  fonder  pour  juger  du  Récitatif ,  &  comparer 
celui  d'une  Langue  à  celui  d'une  autre. 

Chez  les  Grecs  ,  toute  la  Poéfie  étoit  en  Récitatif,  parce 
que  la  Langue  étant  mélodieufe,  il  fufllfoit  d'y  ajouter  la 
Cadence  du  Mitre  &  la  Récitation  Soutenue  9  pour  rendre 
cette  Récitation  tout-à-fait  muficale;  d'uù  vient  que  ci 
qui  verlilioient  appelloient  cela  chanter.  Cet  ufige  ,  pafTci 
ri  liculement  dans  les  autres  Langues  ,  fait  dire  encore  auv 
PoéCCS  ,  je  chante  ,  lorfqu'ils  ne  t'ont  aucune  forte  de  Chaut. 


R    E    C  555 

Les  Grecs  pouvoient  chanter  en  parlant  ;  mais  chez  nous  il 
faut  parler  ou  chanter  ;  on  ne  fauroit  faire  à  la  fois  l'un  6c 
l'autre.  C'eit  cette  diltinJlion  même  qui  nous  a  rendu  le  Ré- 
citatif nécelFairc.  La  Mulique  domine  trop  dans  nos  Airs  , 
la  Poéfie  y  eft  prefque  oubliée.  Nos  Drames  lyriques  font 
trop  chantes  pour  pouvoir  l'être  toujours.  Un  Opéra  qui  ne 
feroit  qu'une  fuite  d'Airs  ennuieroit  prefque  autant  qu'un  feu! 
Air  de  la  même  étendue.  11  faut  couper  6c  féparer  les  Chants 
par  de  la  parole  ;  mais  il  faut  que  cette  parole  foit  modifiée 
par  la  Mulique.  Les  idées  doivent  changer,  mais  la  Langue 
doit  relier  la  même.  Cette  Langue  une  fois  donnée  ,  en 
changer  dans  le  cours  d'une.  Pièce  ,  feroit  vouloir  parler 
moitié  François  ,  moitié  Allemand.  Le  pailage  du  difeours 
au  Chant ,  &  réciproquement ,  eft  trop  difparate  ;  il  choque 
à  la  fois  l'oreille  6c  la  vraifemMance  :  deux  interlocuteurs 
doivent  parler  ou  chanter  ;  ils  ne  fauroient  faire  alternative- 
ment l'un  &  l'autre.  Or  le  Récitatif  eft  le  moyen  d'union 
du  Chant  &  de  la  parole;  c'eft  lui  qui  fépare  6c  diftingue 
les  Airs ,  qui  repofe  l'oreille  étonnée  de  celui  qui  précède ,  6c 
la  difpofe  à  goûter  celui  qui  fuit  :  enfin  c'eit  à  l'aide  du  Réci- 
tatif que  ce  qui  n'elt  que  dialogue ,  récit ,  narration  dans  le 
Drame,  peut  fe  rendre  fins  fortir  de  la  Langue  donnée,  & 
fans  déplacer  l'éloquence  des  Airs. 

O.i  ne  mefure  point  le  Récitatif  en  chantant.  Cette  Me- 
fure  ,  qui  caradéiife  les  Airs,  gâterait  la  déclamation  récr- 
tative.  C'eft  l'Accent ,  foit  grammatical ,  f<  it  oratoire  ,  qui 
doit  feu!  diriger  la  lenteur  ou  la  rapidité  des  Sons ,  de  même 
qac  leur  élévation  ou    leur   abaifleraent,   Le    Compoûceur  , 


5^6  R    E    C 

en  notant  le  Récitatif  fur  quelque  Mefure  déterminée ,  n'a 
en  vue  que  de  fixer  la  correfpondance  de  la  Baffe  -  continue 
&  du  Chant  ,  &  d'indiquer ,  à-peu-près ,  comment  on  doit 
marquer  la  quantité  des  fyllabes  ,  cadencer  &  fcander  les 
vers.  Les  Italiens  ne  fe  fervent  jamais  pour  leur  Récitatif 
que  de  la  Mefure  à  quatre  Tems  ;  mais  les  François  entre- 
mêlent le  leur  de  toutes  fortes  de  Mefures. 

Ces  derniers  arment  aufli  la  Clef  de  toutes  fortes  de  Tranf- 
pofitions ,  tant  pour  le  Récitatif  que  pour  les  Airs  :  ce  que 
ne  font  pas  les  Italiens  ;  mais  ils  notent  toujours  le  Récita- 
tif au  naturel  :  la  quantité  de  Modulations  dont  ils  le  char- 
gent, &  la  promptitude  des  Tranfitions,  faifant  que  la  Tranf- 
pofition  convenable  à  un  Ton  ne  l'elt  plus  à  ceux  dans  les- 
quels on  parte ,  multiplierait  trop  les  Accidens  fur  les  mêmes 
Notes  ,  &  rendrait  le  Récitatif  prefque  impoflible  à  fuivre , 
6c  très-difficile   à   noter. 

En  effet,  c'eft  dans  le  Récitatif  qu'on  doit  faire  ufage 
des  Tranfitions  harmoniques  les  plus  recherchées,  &  des  plus 
favantes  Modulations.  Les  Airs  n'offrant  qu'un  fentiment , 
qu'une  image,  renfermés  enfin  dans  quelque  unité  d'exprtf- 
(ion ,  ne  permettent  gueres  au  Compofiteur  de  s'éloigner  du 
Ton  principal  ;  &  s'il  vouloit  moduler  beaucoup  dans  un  fi 
court  efpace ,  il  n'offrirait  que  des  Fhrafes  étranglées,  en- 
taffées  ,  &  qui  n'auraient  ni  liaifon  ,  ni  goût,  ni  Chant.  Dé- 
faut très-ordinaire  dans  la  Mufique  Françoife,  &  même  dans 
l'Allemande. 

Mais  dans  le  Récitatif,  où  les  exprefTions  ,  les  fentimens, 
les    idées    varient  à   chaque    inilant,  on  doit  employer  des 


R    E    C  5^7 

Modulation";   également    varices   qui  puiiîenr.  repréfenrer  par 
leurs  contextures  ,    les    fucceffions  exprimées  par  le  difcours 
du  Récitant.  Les  inflexions  de   la  Voix  parlante  ne  font  pas 
bornées  aux  Intervalles  muficaux;  elles  font  infinies  &  impof- 
fiblcs  a  déterminer.  Ne  pouvant  donc  les  fixer  avec  une  cer- 
taine  précifion ,  le  Muficien ,  pour  fuivre  la  parole  ,  doit   au 
moins  les  imiter  le  plus  qu'il  elt  pofTible;    &  afin  de    porter 
dans  l'efprit  des  Auditeurs  l'idée  des  Intervalles  &  des  Ac- 
cens   qu'il  ne  peut  exprimer  en  Notes  ,  il   a  recours    à   des 
Tranfitions  qui  les  fuppofent  :  fi  ,   par  exemple  ,  L'Intervalle 
du  femi-Ton  majeur  au  mineur    lui  elt  néceffaire ,  il  ne  les 
notera  pas,  il   ne    fauroit;  mais  il  vous  en  donnera  l'idée  à 
l'aide  d'un  paffage  enharmonique.  Une  marche  de  Balle  fuffit 
fouvent  pour  changer  toutes   les    idées ,  6c   donner    au   Ré- 
citatif l'Accent  6c   l'inflexion  que  l'Acteur  ne  peut  exécuter. 
Au  refte,  comme  il  importe  que  l'Auditeur    foit   attentif 
au  Récitatif,   6c  non   pas  à  la  Balfe ,  qui  doit  faire  fon  effet 
fans    être   écoutée ,    il  fuit    de-là    que    la    Baffe   doit    refier 
fur  la  même  Note  autant  qu'il  eft  poilîble  ;  car  c'eir.  au  mo- 
ment»  qu'elle    change    de   Note   6c  frappe  une  autre  corde  , 
qu'elle  fe  fait  écouter.  Ces  momens  étant  rares  &  bien  choi- 
fis,  n'ufent  point  les  grands  effets  ;  ils  diftraifent  moins  fré- 
quemment le   Spectateur  6c  le  lailfent  plus  aifément  dans  la 
perfuafion   qu'il    n'entend    que    parler  ,    quoique    l'Harmonie 
agiffe    continuellement  fur    fon    oreille.    Rien   ne  marque    un 
plus   mauvais  Récitatif  que    ces    Baffes  perpétuellement   fau- 
tillantes ,  qui  courent   de    Croche   en  Croche  après   la    fuc- 
ceflion  harmonique,  6c   font,  fous  la  Mélodie  de   la  Voix, 


•568  R    E    C 

une  autre  manière  de  Mélodie  fort  plate  &  fort  ennuycufc. 
Le  Compofïteur  doit  favoir  prolonger  &  varier  Ces  Accords 
fur  la  même  Note  de  Baffe,  &  n'en  changer  qu'au  moment 
où  l'inflexion  du  Récitatif  devenant  plus  vive  reçoit  plus 
d'effet  par  ce  changement  de  Baffe ,  &  empêche  l'Auditeur  de 
le  remarquer. 

Le  Récitatif  ne  doit  fervir  qu'à  lier  la  contexture  du  Dra- 
me ,  à  féparer  &  faire  valoir  les  Airs ,  à  prévenir  l'étour- 
diffement  que  donneroit  la  continuité  du  grand  bruit  ;  mais 
quelqu'éloquent  que  foit  le  Dialogue,  quelqu'énergique  ôc 
favant  que  puiffe  être  le  Récitatif,  il  ne  doit  durer  qu'autant 
qu'il  eft  nécefTaire  à  fon  objet  ;  parce  que  ce  n'ert  point 
dans  le  Récitatif  qu'agit  le  charme  de  la  Mufique ,  &  que 
ce  n'erè  cependant  que  pour  déployer  ce  charme  qu'eft  inf- 
titué  l'Opéra.  Or,  c'eft  en  ceci  qu'eft  le  tort  des  Italiens, 
qui,  par  l'extrême  longueur  de  leurs  feenes,  abufent  du  Ré- 
citatif. Quelque  beau  qu'il  foit  en  lui-même  ,  il  ennuie  parce 
qu'il  dure  trop,  &  que  ce  n'eft  pas  pour  entendre  du  Réci- 
tatif que  l'on  va  à  l'Opéra.  Démofthènc  parlant  tout  le  jour 
ennuieroit  à  la  fin  ;  mais  il  ne  s'enfuivroit  pas  de  -  là  que 
Démofthene  fût  un  Orateur  ennuyeux.  Ceux  qui  difent  que 
les  Italiens  eux-mêmes  trouvent  leur  Récitatif  mauvais ,  le 
difent  bien  gratuitement;  puifqu'au  contraire  il  n'y  a  point 
de  partie  dans  la  Mufique  dont  les  Connoilfeurs  faifent  tant 
de  cas  &  fur  laquelle  ils  foient  auffi  difficiles.  11  fufnt  même 
d'exceller  dans  cette  feule  partie,  fût- on  médiocre  dans 
toutes  les  autres ,  pour  s'élever  chez  eux  au  rang  des  plus 
illufhes  Artiltes,  &  le  célèbre  Porpora  ne  s'eft  immorrallfc 
que  par-là.  J'ajoute 


R    E    C  56, 

J'ajoure  que  ,  quoiqu'on  ne  cherche  pas  communément  dans 
le  Récitatif  la  même  énergie  d'expreflion  que  dans  les  Airs, 
elle  s'y  trouve  pourtant  quelquefois;  &  quand  elle  s'y  trouve, 
elle  y  fait  plus  d'effet  que  dans  les  Airs  mêmes.  Il  y  a  peu 
de  bons  Opéra  ,  où  quelque  grand  morceau  de  Récitatif 
n'excite  l'admiration  des  Connoiffeurs ,  &  l'intérêt  dans  tout 
le  Spectacle;  l'effet  de  ces  morceaux  montre  affez  que  le 
défaut  qu'on  impuce  au  genre  n'eft  que  dans  la  manière  de 
le  traiter. 

M.  Tartini  rapporte  avoir  entendu  en  17 14,  à  l'Opéra 
d'Ancone  ,  un  morceau  de  Récitatif  d'une  feule  ligne,  & 
fans  autre  Accompagnement  que  la  Baffe  ,  faire  un  effet  pro- 
digieux non-feulement  fur  les  Profeffeurs  de  l'Art ,  mais  fur 
tous  les  Spectateurs."  C'étoit,  dit-il,  au  commencement  du 
>j  troifieme  A&e.  A  chaque  repréfenration  un  filence  pro- 
»  fond  dans  tout  le  Spectacle  annonçoit  les  approches  de  ce 
m  terrible  morceau.  On  voyoit  les  vifages  pâlir  ,  on  fe  fen- 
»  toit  friffonner,  &  l'on  fe  regardoit  l'un  l'autre  avec  une 
r>  forte  d'effroi  :  car  ce  n'étoient  ni  des  pleurs ,  ni  des  plain- 
»>  tes;  c'étoit  un  certain  fentiment  de  rigueur  âpre  &.  dédai- 
«  gneufe  qui  troubloit  l'ame  ,  ferroir  le  cœur  &  glaçoit  le 
»  fangjj.  Il  faut  tranferire  le  paffage  original;  ces  effets  font 
fi  peu  connus  fur  nos  théâtres  que  notre  Langue  eft  peu 
exercée  à  les  exprimer. 

Vanno  quatordecimo  del  fecolo  prefente  nel  Dramma  che 

fi  raprefentava  in  Ancona ,  v'era  Jiil  principio  deW  Atto  ter\o 

una  riga  di  Rccitativo  non  accompagnato  da  altri  flromenti 

çhc  dal  Baffb  ;  per  cui,  tanto  in  noi  profcjjbri ,  quanta  ncgli  af~ 

Dicl.  de  Mujique.  Ce  ce 


570  R    E    C 

cokanti  ffi  dèflàva  una  toi  e  tanta  commo\ione  di  animo,  eue 
tutti  Ji  guardavano  in  faccia  Pua  Vahro  ,  per  la  évidente  mu- 
ta\ione  di  colore  che  fi  factva  in  ciafJieduno  di  noi.  L'effetto 
non  era  di  pianto  (mi  ricordo  benijjimo  che  le  parole  erano  di 
fdegno,)  ma  di  un  certo  rigore  e  freddo  nelfangue  ,  che  di  fatto 
turbava  Vanimo.  Tredecivolte  fi  récita  il  Dramma,  e  fempre.- 
fegui  l'effetto  fiejjb  univerfalmente  ;  di  che  erafegno  palpabile 
il  fommo  previo  filen\io ,  ton  cui  P  Uditorio  tutto  fi  apparec- 
chiava  à  goderne  Peffetto. . 

RÉCITATIF  ACCOMPAGNÉ  eft  celui  auquel,  outre 
la  B^ffe- continue,  on  ajoute  un  Accompagnement  de  Vio- 
lons. Cet  Accompagnement,- qui  ne  peut  gueres  être  fylla- 
bique ,  va  la  rapidité  du  débit ,  eft  ordinairement  formé  de 
longues  Notes  foutenues  fur  des  Mefures  entières,  &  l'on 
écrit  pour  cela  fur  toutes  les  Parties  de  Symphonie  le  mot 
Sofienuto ,  principalement  à  la  Baffe,  qui,  fans  cela,  ne  frap- 
perait que  des  coups  fecs  &  détachés  à  chaque  changement 
de  Note ,  comme  dans  le  Récitatif  ordinaire  ;  au  lieu  qu'il 
faut  alors  filer  &  foutenir  les  Sons  félon  toute  la  valeur  des 
Notes.  Quand  l'Accompagnement  eft  mefuré ,  cela  force  de 
mefirer  aufïi  le  Récitatif,  lequel  alors  fuit  Ck.  accompagne 
en   quelque  forte  l'Accompagnement. 

RÉCITATIF  MESURE.  Ces  deux  mots  font  contradic- 
toires* Tout  Récitatif  où  l'on  fent  quelqu'autre  Mefure  que 
celle  des  vers  n'eft  plus  du  Récitatif  Mais  fouvent  un  Vv.  - 
eil  ittf'  ordinaire  fe  change  tout-d'un-coup  en  Chant,  &  prend 
delà  Mefure  6c  de  la  Mélodie;  ce  qui  fe  marque  en  écri» 
"Vint .  ûr,  les   Parties,  à  'Jfempo  ou  à  Bûttuta.  Ce  coiurafte  ,, 


R    E    C  57.1 

ce  changement  bien  ménage  produit  des  effets  'furprenans. 
Dans  le  cours  d'un  Récitatif  débité  ,  une  réflexion  tendre 
&  plaintive  prend  l'Accent  mufical  &  fe  développe  a  l'ins- 
tant par  les  plus  douces  inflexions  du  Chant;  puis,  coupée 
de  la  même  manière  par  quelqu'autre  réflexion  vive  &  im- 
pétueufe ,  elle  s'interrompt  brufquemcnt  pour  reprendre  à 
l'inftanc  tout  le  débit  de  la  parole.  Ces  morceaux  courts  & 
mefurés ,  accompagnés,  pour  l'ordinaire,  de  Flûtes  &  de 
Cors  de  chaut,  ne  font  pas  rares  dans  les  grands  Récitatij's 
Italiens. 

On  mefure  encore  le  Récitatif,  lorfque  l'Accompagnement 
dont  on  le  charge  étant  chantant  & mefuré  lui-même,  oblige 
le  Récitant  d'y  conformer  fon  débit.  C'eft  moins  alors  un 
JRécitatif  mefuré  que  ,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  un  Récitatif 
-accompagnant  l'Accompagnement. 

RECITATIF  OBLIGÉ.  C'eft  celui  qui,  entremêlé  de  Ri- 
tournelles &  de  traits  de  Symphonie ,  oblige  pour  ainfi  dire 
le  Récitant  &  l'Orcheltre  l'un  envers  l'autre ,  en  forte  qu'ils 
doivent  être  attentifs  &  s'attendre  mutuellement.  Ces  paffa- 
ges  alternatifs  de  Récitatif  &  de  Mélodie  revêtue  de  tout  l'é- 
clat de  l'Orcheltre,  font  ce  qu'il  y  a  déplus  touchant,  de 
plus  ravivant,  de  plus  énergique  dans  toute  la  Mufique  mo- 
derne. L' Acteur  agité,  tranfporté  d'une  palîion  qui  ne  lui  per- 
met pas  de  tout  dire,  s'interrompt,  s'arrête,  fait  des  réticen- 
ces ,  durant  lefquelles  l'Orcheltre  parle  pour  lui;  &  ces  fi- 
lences  ,  ainfi  remplis ,  affectent  infiniment  plus  l'Auditeur  que 
fi  l'Acteur  difoit  lui-même  tout  ce  que  la  Mufique  fait  en- 
tendre. Jufqu'ici  la  Mufique  Françoife  n'a  fu  faire  aucun  ufage 

Cccc  z 


571  R    E    C 

du  Récitatif  obligé.  L'on  a  tâche  d'en  donner  quelque  idée 
dans  une  fcene  du  Devin  du  Village  ,  &  il  paroît  que  le 
Public  a  trouve  qu'une  fituation  vive ,  ainfi  traitée ,  en  de- 
venoit  plus  intéreffante.  Que  ne  feroit  point  le  Récitatif  obli- 
gé dans  des  feenes  grandes  &  pathétiques ,  fi  l'on  en  peut  ti- 
rer ce  parti  dans  un  genre  ruftique  &  badin  ? 

RECITER ,  v.  a.  &  n.  C'eft  chanter  ou  jouer  feul  dans 
une  Mufique,  c'eft  exécuter  un  Récit.  (Voyez  Rkcit.  ) 

RÉCLAME  ,  //:  C'eft  dans  le  Plain-Chant  la  partie  du 
Répons  que  l'on  reprend  après  le  verfet.  (Voyez  Rkpons.) 

REDOUBLE ,  adj.  On  appelle  Intervalle  redoublé  tout 
Intervalle  fimple  porté  à  fon  OcLive.  Ainfi  la  Treizième  ,  com- 
pofée  d'une  Sixte  &  de  l'Octave  ,  eft  une  Sixte  redoublée  ;  &  la 
Quinzième ,  qui  eft  une  Octave  ajoutée  à  l'Octave,  eft  une  Octave 
redoublée.  Quand  ,  au  lieu  d'une  Oitave  ,  on  en  ajoute  deux , 
l'Intervalle  eft  triplé  ;  quadruplé,  quand  on  ajoute  trois  Octaves. 

Tout  Intervalle  dont  le  nom  pan*e  fept  en  nombre  ,  eft 
tout  au  moins  redoublé.  Pour  trouver  le  fimple  d'un  Inter- 
valle redoublé  quelconque  ,  rejettez  fept  autant  de  fois  que 
vous  le  pourrez  du  nom  de  cet  Intervalle  ,  &  le  refte  fera 
le  nom  de  l'Intervalle  fimple  :  de  treize  rejettez  fept,  il  refte 
fix  ;  ainfi  le  Treizième  eft  une  Sixte  redoublée.  De  quinze 
ôtez  deux  fois  fept  ou  quatorze  ,  il  refte  un  :  ainfi  la  Quin- 
zième eft  un   Uniifon  triplé,  ou  une   Octave  redoublée. 

Réciproquement,  pour  redoubler  un  Intervalle  fimple  quel- 
conque ,  ajourez-y  fept  ,  &  vous  aurez  le  nom  du  même 
Intervalle  redoublé.  Pour  tripler  un  Intervalle  fimple  .  .  -y 

quatorze  ,  &c.  (Voyez  IlTTERVAILH.  ) 


RED  S7? 

RÉDUCTION  ,  /  f.  Suite  de  Notes  defeendant  diatoni- 
quement.  Ce  terme ,  non  plus  que  fon  oppofé  ,  Déduction  , 
n'cfr  gueres  en  ufage  que  dans  le  Plain-Chant. 

REFRAIN.  Terminailbn  de  tous  les  Couplets  d'une  Chan- 
fon  par  les  mêmes  paroles  &  par  le  même  Chant  ,  qui  le 
dit  ordinairement  deux  fois. 

REGLE  DE  L'OCTAVE.  Formule  harmonique  publiée 
la  première  fois  par  le  fieur  Delaire  en  1700,  laquelle  déter- 
mine ,  fur  la  marche  diatonique  de  la  Baffe  ,  l'Accord  con- 
venable à  chaque  degré  du  Ton ,  tant  en  Mode  majeur  qu'en 
Mode  mineur ,  &  tant  en  montant  qu'en   defeendant. 

On  trouve  ,  PL  L.  Fig.  6 ,  cette  formule  chiffrée  fur  l'Oc- 
tave du  Mode  majeur  ,  6c  Fig.  7  ,  fur  l'Octave  du  Mode 
mineur. 

Pourvu  que  le  Ton  foit  bien  déterminé  ,  on  ne  fe  trom- 
pera pas  en  accompagnant  fur  cette  Règle  ,  tant  que  l'Au- 
teur fera  refré  dans  l'Harmonie  fimple  &  naturelle  que  com- 
porte le  Mode.  S'il  fort  de  cette  {implicite  par  des  Accords 
par  fuppofition  ou  d'autres  licences  ,  c'eft  à  lui  d'en  avertir 
par  des  Chiffres  convenables  ;  ce  qu'il  doit  faire  aufli  à  cha- 
que changement  de  Ton  :  mais  tout  ce  qui  n'eit  point  chiffré 
doit  s'accompagner  félon  la  Règle  de  l'Oclave ,  61  cette  Ktgle 
doit  s'étudier  fur  la  Baffe  -  fondamentale  pour  en  bien  com- 
prendre le  fens. 

Il  eft  cependant  fâcheux  qu'une  formule  dellinée  à  la  pra- 
tique des  Règles  élémentaires  de  l'Harmonie  ,  contienne  une 
faute  contre  ces  mêmes  Règles  ;  c'eft  apprendre  de  bonne 
heure    aux    commençans    à    tranfgrefftr  les    loix   qu'on    leur 


574  U    E    G 

donne.  Cette  faute  efl  dans  l'Accompagnement  de  la  fixieme1 
Note  dont  l'Accord  chiffré  d'un  6  ,  pèche  contre  les  règles.; 
car  il  ne  s'y  trouve  aucune  liaifon  ,  &  la  Baffe-fondamen- 
tale defeend  diatoniquement  d'un  Accord  parfait  fur  un  autre 
Accord  parfait  ;  licence  trop  grande  pour  pouvoir  faire  Règle, 

On  pourrait  faire  qu'il  y  eût  liaifon  ,  en  ajoutant  une  Sep- 
tième à  l'Accord  parfait  de  la  Dominante  ;  mais  alors  cette 
Septième  ,  devenue  Octave  fur  la  Note  fuivante  ,  ne  feroit 
point  fauvée  ,  &c  la  13affe-fondamentale ,  defeendant  diatoni- 
quement fur  un  Accord  parfait  ,  après  un  Accord  de  Sep- 
tième ,  feroit  une   marche  entièrement  intolérable. 

On  pourrait  auffi  donner  à  cette  fixieme  Note  l'Accord  de 
petite  Sixte  ,  dont  la  Quarte  feroit  liaifon  ;  mais  ce  feroit 
fondamentalement  un  Accord  de  Septième  avec  Tierce  mi- 
neure ,  où  la  Diironance  ne  feroit  pas  préparée  ;  ce  qui  ett 
encore  contre  les  Règles.  (Voyez  Préparer.) 

On  pourrait  chiffrer  Sixte-Quarte  fur  cette  fixieme  Note," 
ôc  ce  ferait  alors  l'Accord  parfait  de  la  Seconde  ;  mais  je 
doute  que  les  Muficiens  approuvaffent  un  Renverfement  at:ffi 
mal  entendu  que  celui-là  ;  Renverfement  que  l'oreille  rfadopte 
point ,  &  fur  un  Accord  qui  éloigne  trop  l'idée  de  la  Modu- 
lation principale. 

On  pourrait  changer  l'Accord  de  la  Dominante  ,  en  lui 
donnant  la  Sixte-Quarte  au  lieu  de  la  Septième  ,  &.  alors  la 
Sixte  (impie  irait  très-bien  fur  la  fixieme  Note  qui  fuit;  mais 
la  Sixte-Quarte  irait  très-mal  fur  la  Dominante  ,  à  moins 
qu'elle  n'y  fui  fuivie  de  l'Accord  parfait  ou  de  la  Septième; 
<ce  qui  ramènerait  la  difficulté.  Une  Reg/e  qui  fut  non-fculc- 


R    E    G  c-; 

ment  dans  la  pratique,  mais  de  modèle  pour  la  pratique,  ne 
doit  point  fe  tirer  de  ces  combinaifons  théoriques  rejetrées 
par  l'oreille;  &  chaque  Note  ,  fur-tout  la  Dominante,  y  doit 
porter  fon  Accord  propre  ,  lorfqu'cllc  peut  en  avoir  un. 

Je  tiens  donc  pour  une  chofe  certaine  ,  que  nos  Régies 
font  mauvaifes ,  ou  que  l'Accord  de  Sixte  ,  dont  on  Accom- 
pagne la  fîxieme  Note  en  montant,  eit  une  faute  qu'on  doit 
corriger,  &  que  pour  Accompagner  régulièrement  cette  Note, 
comme  il  convient  dans  une  formule  ,  il  n'y  a  qu'un  feul 
Accord  à  lui  donner,  favoir"  celui  de  Septième;  non  une 
Septième  fondamentale  ,  qui ,  ne  pouvant  dans  cette  marche 
fe  fauver  que  d'une  autre  Septième,  feroit  une  faute;  mais 
une  Septième  renverfee  d'un  Accord  de  Sixte-ajoutéc  fur  h 
Tonique.  Il  eft  clair  que  l'Accord  de  la  Tonique  eft  le  feul 
qu'on  puille  inférer  régulièrement  entre  l'Accord  parfait  ou 
de  Septième  fur  la  Dominante ,  &  le  même  Accord  fur  la 
Note  fenfible  qui  fuit  immédiatement.  Je  fouhaite  que  les 
gens  de  l'Art  trouvent  cette  correction  bonne  ;  je  fuis  fur  au 
moins  qu'ils  la  trouveront  régulière.. 

RÉGLER  LE  PAPIER.  C'eft  marquer  fur  un  papier 
blanc  les  Portées  pour  y  noter  la  Mufique.  (Voyez  Papier 

"RÉGLÉ.  ) 

REGLEUR,  f.  m.  Ouvrier  qui  fait  profe/fion  de  régler  les 
papiers  de  Mufique.  (Voyez  Copiste.  ) 

RÉGLURE  ,  f.  j:  Manière  dont  eft  réglé  le  papier.  Cette 
Réglure  efl  trop  noire.  Il  y  a  pLiijir  de.  Noter  fur  une  Réglure 
vien  nette.  (  Voyez  Papier  règle,  )- 

.RELATION ,  f.  f.  Rapport  qu'ont  entr'eux  les  àxux  Sons  • 


57<S  R    E    L 

qui  forment  un  Intervalle  ,  confidéré  par  le  genre  de  cet 
Intervalle.  La  Relation  eft  jufte ,  quand  l'Intervalle  eft  jufte , 
majeur  ou  mineur  ;  elle  eft  faujfe  ,  quand  il  eft  fuperrlu  ou 
diminué.  (Voyez  Intervalle.) 

Parmi  les  faujfes  Relations ,  on  ne  confidere  comme  telles 
dans  l'Harmonie  ,  que  celles  dont  les  deux  Sons  ne  peuvent 
entrer  dans  le  même  Mode.  Ainfi  le  Triton  ,  qui  dans  la  Mé- 
lodie eft  une  faujfe  Relation  ,  n'en  eft  une  dans  l'Harmonie 
que  lorfqu'un  des  deux  Sons  qui  le  forment ,  eft  une  corde 
étrangère  au  Mode.  La  Quarte  diminuée  ,  quoique  bannie  de 
1  Harmonie ,  n'eft  pas  toujours  une  fauffe  Relation.  Les 
Octaves  diminuée  &  fuperflue  ,  étant  non-feulement  des  In- 
tervalles bannis  de  l'Harmonie ,  mais  impraticables  dans  le 
même  Mode ,  font  toujours  de  faujfes  Relations.  Il  en  eft  de 
même  des  Tierces  &  des  Sixtes  diminuée  &  fuperflue ,  quoi- 
que la  dernière  foit  admife  aujourd'hui. 

Autrefois  les  fauJJ'es  Relations  étoient  toutes  défendues. 
A  préfent  elles  font  prefque  toutes  permifes  dans  la  Mélodie, 
mais  non  dans  l'Harmonie.  On  peut  pourtant  les  y  faire  en- 
tendre ,  pourvu  qu'un  des  deux  Sons  qui  forment  la  faujfè 
Relation  ,  ne  foit  admis  que  comme  Note  de  goût ,  &  non 
comme  partie  conftitutive  de  l'Accord. 

On  appelle  encore  Relation  enharmonique  ,  entre  deux 
cordes  qui  font  à  un  Ton  d'Intervalle  ,  le  rapport  qui  fc 
trouve  entre  le  Dièfe  de  l'inférieure  &  le  Hémol  de  la  Supé- 
rieure. C'eft  ,  par  le  Tempérament  ,  la  même  touche  fur 
l'Orgue  6c  fur  le  Clavecin;  mais  en  rigueur  ce  n'eft  pas  le 
me  nie  Son  ,  6c  il  y  a  entr'eux  un  Intervalle  enharmonique. 
(Voyez  Enhar.monio.ll.  )  REMISSE. 


REM  Î77 

REMISSE ,  ad}.  Les  Sons  Remiffes  font  ceux  qui  ont  peu 
de  force,  ceux  qui  étant  fort  graves  ne  peuvent  être  rendus 
que  par  des  Cordes  extrêmement  lâches  ,  ni  entendus  que  de 
fort  près.  RemiJTe  eft  l'oppofé  cVIntenfe ,  &  il  y  a  cette  dif- 
férence entre  RemiJTe  &c  bas  ou  foible ,  de  même  qu'entre 
Jntenfe  &  haut  ou  fort ,  que  bas  &  haut  fe  difent  de  la  fen- 
fation  que  le  Son  porte  à  l'oreille  ;  au  lieu  qu'Intenfe  &  Re- 
mise fe  rapportent  plutôt  à  la  caufe  qui  le  produit. 

RENFORCER,  v.  a.  pris  en  fins  neutre.  C'eit  pafTer  du 
Doux  au  Fort ,  ou  du  Fort  au  trks-Fort ,  non  tout  d'un  coup, 
mais  par  une  gradation  continue  en  enflant  &  augmentant  les 
Sons  ,  foit  fur  une  Tenue  ,  foit  fur  une  fuite  de  Notes  ,  juf- 
qu'à  ce  qu'ayant  atteint  celle  qui  fert  de  terme  au  Renforcé, 
l'on  reprenne  enfuite  le  jeu  ordinaire.  Les  Italiens  indiquent 
le  Renforcé  dans  leur  Mufique  par  le  mot  Crefcendo  ,  ou  par 
le  mot  Rinjbr\2ndo  indifféremment. 

RENTREE  ,  f.  f.  Retour  du  fujet  ,  fur -tout  après  quel- 
ques Paufes  de  filence  ,  dans  une  Fugue  ,  une  Imitation  , 
ou  dans  quelque  autre  DefTein. 

RENVERSÉ.  En  fait  d'Intervalles ,  Renverfé  ell  oppofe 
à  Direct.  (Voyez  Direct.  )  Et  en  fait  d'Accords,  il  eit  op- 
pofe à  Fondamental.  (  Voyez  Fondamental.  ) 

RENVERSEMENT  ,  /  m.  Changement  d'ordre  dans  les 
Sons  qui  compofent  les  Accords ,  &  dans  les  Parties  qui 
compofent  l'Harmonie  :  ce  qui  fe  fait  en  fubitituant  à  la 
Rifle ,  par  des  Oâaves  ,  les  Sons  qui  doivent  être  au  Defîus, 
ou  aux  extrémités  ceux  qui  doivent  occuper  le  milieu  ,  & 
réciproquement. 

Dïcl.  de  Mujiçue,  D  d  d  d 


$7*  R    E    N 

Il  eft  certain  que  dans  tour  Accord  il  7  a  un  ordre  fonda- 
mental &  naturel  ,  qui  eft  celui  de  la  génération  de  l'Accord 
même  :  mais  les  circonftances  d'une  fuccefTîon  ,  le  goût , 
l'expreflion  ,  le  beau  Chant,  la  variété,  le  rapprochement 
de  l'Harmonie  ,  obligent  Couvent  le  Compofiteur  de  changer 
cet  ordre  en  renverfant  les  Accords  ,  &c  par  conféquent  la 
difpofîtion  des  Parties. 

Comme  trois  chofes  peuvent  être  ordonnées  en  fix  ma- 
nières ,  &  quatre  chofes  en  vingt-quatre  manières ,  il  fem- 
ble  d'abord  qu'un  Accord  parfait  devroit  être  fufceptible  de 
fix  Rtnverfemens ,  &  un  Accord  diffonant  de  vingt-quatre  ; 
puifque  celui-ci  eft  compofé  de  quatre  Sons,  l'autre  de  trois, 
&  que  le  Renverfcmcnt  ne  confifte  qu'en  des  tranfpofitions 
d'Octaves.  Mais  il  faut  obferver  que  dans  l'Harmonie  on  ne 
compte  point  pour  des  Renverfmens  toutes  les  difpofitions 
différentes  des  Sons  fupérieurs  ,  tant  que  le  même  Son  de- 
meure au  grave.  Ainfi  ces  deux  ordres  de  l'Accord  parfait 
ut  mi  fol ,  ce  ut  fol  mi ,  ne  font  pris  que  pour  un  même 
Rmvtrfement ,  &  ne  portent  qu'un  même  nom  ;  ce  qui 
réduit  à  trois  tous  les  Renverftmcns  de  l'Accord  parfait  ,  & 
à  quatre  tous  ceux  de  l'Accord  diffonant  ;  c'eft-a-dire  ,  à 
autant  de  Renverfcmens  qu'il  entre  de  différens  Sons  dans 
l'Accord  :  car  les  Répliques  des  mêmes  Sons  ne  font  ici 
comptées  pour  rien. 

Toutes  les  fois  donc  que  la  Baffe-fondamentale  fe  fait  en- 
tendre dans  la  Partie  la  plus  grave  ,  ou ,  fi  la  Baffe-fonda- 
mentale eft  retranchée  ,  toutes  les  fois  que  l'ordre  n.iturel 
tlt  gardé  dans  les  Accords,  l'Harmonie  eft  directe.  Dés  que 


R    E    N  jt, 

cet  ordre  eft  change  ,  ou  que  les  Sons  fondamentaux  ,  fans 
être  au  grave  ,  le  font  entendre  dans  quelque  autre  Partie  , 
l'Harmonie  eft  renverfëe.  Renverfement  de  l'Accord  ,  quand 
le  Son  fondamental  elt  tranfpofé  ;  Renverfement  de  l'Harmo- 
nie ,  quand  le  Déifias  ou  quelque  autre  Partie  marche  comme 
devroit  faire  la  Dalle. 

Par-tout  où  un  Accord  direct  fera  bien  place  ,  fes  /ùvz- 
verfemens  feront  bien  places  aulïï ,  quant  à  l'Harmonie  ;  car 
c'eft  toujours  la  même  fucceflîon  fondamentale.  Ainfi  à  cha- 
que Note  de  Balle  -  fondamentale  ,  on  eft  maître  de  difpo- 
fer  l'Accord  à  Cj.  volonté  ,  &  par  conféquent  de  faire  à  tout 
moment  des  Renverfemens  différens  ;  pourvu  qu'on  ne  change 
point  la  fucceflîon  régulière  &  fondamentale  ,  que  les  Diffo- 
nances  foient  toujours  préparées  &  fauvées  par  les  Parties 
qui  les  font  entendre ,  que  la  Note  fenfible  monte  toujours , 
&  qu'on  évite  les  faulTes  Relations  trop  dures  dans  une  même 
Partie.  Voilà  la  Clef  de  ces  dilïérences  myftérieufes  que 
mettent  les  Compofiteurs  entre  les  Accords  où  le  Déifias 
fyncope  ,  &  ceux  où  la  Balle  doit  fyncoper  ;  comme ,  par 
exemple  ,  entre  la  Neuvième  &  la  Seconde  :  c'eft  que  dans 
les  premiers  l'Accord  eft  direct  &  la  Diffonance  dans  le  Dt£- 
fus;  dans  les  autres  l'Accord  eft  renverfe\  &  la  Diffonance 
eit  \  la  Baffe. 

A  l'égard  des  Accords  par  fuppofition  ,  il  faut  plus  de 
précautions  pour  les  Renverfer,  Comme  le  Son  qu'on  ajoute 
à  la  Baffe  eft  entièrement  étranger  à  l'Harmonie  ,  fouvent 
il  n'y  eft  fouffert  qu'à  caufe  de  l'on  grand  éloignement  des 
autres  Sons  ,    qui  rend  la   Diffonance    moins  dure.  Que  û 

Dddd  i 


1M  R    E    N 

ce  Son  ajouté  vient  à  être  tranfpofé  dans  les  Parties  fupé- 
ricures  ,  comme  il  l'eft  quelquefois  ;  fi  cette  tranfpofition 
n'eft  fliice  avec  beaucoup  d'art  ,  elle  y  peut  produire  un 
très- mauvais  effet,.  &  jamais  cela  ne  fauroit  fe  pratiquer 
hcurtufement  fans  retrancher  quelque  autre  Son  de  l'Accord, 
V.  au  mot  Accord  les  cas  &  le  choix  de  ces    retranchemens. 

L'intelligence  parfaite  du  Renverftment  ne  dépend  que  de 
l'étude  &  de  l'art  :  le  choix  eft  autre  choie  ;  il  faut  de  l'o- 
reille &  du  goût  ;  il  y  faut  de  l'expérience  des  effets  divers  ,  ôc 
quoique  le  choix  du  Renverfenicnt  foit  indifférent  pour  le 
fond  de  l'Harmonie  ,  il  ne  l'eft  pas  pour  l'effet  ôc  l'expreflion. 
Il  eft  certain  que  la  Baffe-fondamentale  eft  faite  pour  foutenir 
l'Harmonie  &  régner  au-deffous  d'elle.  Toutes  les  fois  donc 
qu'on  change  l'ordre  ôc  qu'on  rsnverfe  l'Harmonie  ,  on  doit 
avoir  de  bonnes  raifons  pour  cela  ;  fans  quoi  ,  l'on  tombera 
dans  le  défaut  de  nos  Mufiques  récentes ,  où  les  DefTus  chan- 
tent quelquefois  comme  des  Balfes  ,  &  les  Baffes  toujours 
comme  des  DeiTus  ,  où  tout  eft  confus  ,  renverfé  ,  mal  or- 
donné ,  fans  autre  raifon  que  de  pervertir  l'ordre  établi  &  de 
gâter  l'Harmonie. 

Sur  l'Orgue  &  le  Clavecin    les  divers   Renverfcmens  d'un 
Accord  ,  autant  qu'une  feule  main  peut  les  faire ,  s'appel 
faces.  (Voyez  Face.) 

RENVOI  ,  /  m.    Signe  figuré  à  volonté ,  placé  commu- 
nément au-deffus   de   la  Portée  ,    lequel   correfpondant   ï 
autre  figne  femblable  ,   marque  qu'il  faut  ,  d'où  eft  le  feiom! , 
retourner  où  eft  le  premier,  &  dc-!à  iwivre  jufqu'à  ce  q^. 
trouve  le  Point  final.  (Voyez  Point.) 


R    E    P  58r 

RÉPERCUSSION,//:  Répétition  fréquente  des  mêmes 
Sons.  C'eft  ce  qui  arrive  dans  roure  Modulation  bien  déter- 
minée, où  les  cordes  effentielles  du  Mode  ,  celles  qui  com- 
pofent  la  Triade  harmonique,  doivent  être  rebattues  plus 
fou  vent  qu'aucune  des  autres.  Entre  ks  trois  cordes  de  cette 
Triade,  les  deux  extrêmes;  c'eft-a-dirc,  la  Finale  &  la  Do- 
minante, qui  CortZ  proprement  la  RéperculLon  du  Tcn  ,  doivent 
être  plus  fouvent  rebattues  que  celle  du  mvh'eii  qui  n'elt  que 
la  Réperculïion  du  Mode.  (Voyez  Ton  &  Modh.  ) 

REPETITION,  /  /.  Effai  que  l'on  fait  en  particulier 
d'une  Pièce  de  Mufique  que  l'on  veut  exécuter  en  public.  Les 
Répétitions  font  néceffaires  pour  s'affurer  que  les  copies  fonc 
exactes ,  pour  que  les  Acteurs  puiffent  prévoir  leurs  Parties  , 
pour  qu'ils  fe  concertent  &  s'accordent  bien  enfemble,  pour 
qu'ils  faififlent  l'efprit  de  l'ouvrage,  &  rendent  fidèlement  ce 
qu'ils  ont  à  exprimer.  Les  Répétitions  fervent  au  Compofiteur 
même  pour  juger  de  l'effet  de  fa  Pièce ,  &  faire  ks  chan» 
gemens  dont  elle  peut  avoir  befoin. 

RÉPLIQUE  yf.f.Ce  terme  en  Mufique  figniiïe  la  même 
chofe  qu'Octave.  (  Voyez  Octave.  )  Quelquefois  en  compo- 
fition  l'on  appelle  aufli  Réplique  l'Uniffon  de  la  même  Note 
dans  deux  Parties  différentes.  Il  y  a  néceffairement  des  Ré- 
pliques a  chaque  Accord  dans  toute  Mufique  à  plus  de  quatre 
Parties.  (Voyez  Unisson.) 

REPONS,/  m.  Efpece  d'Antienne  redoublée  qu'on  chante 
dans  l'Eglife  Romaine  après  les-  leçons  de  Matines  ou  les 
Capitules ,  &  qui  finit  en  manière  de  Rondeau  par  une  Re- 
prife  appellée  Réclame* 


5Si  R    E    P 

Le  Chant  du  Répons  doit  être  plus  orné  que  celui  d'une 
Antienne  ordinaire,  fans  forrir  pourtant  d'une  Mélodie  maie 
&  grave,  ni  de  celle  qa'exige  le  Mode  qu'on  a  choiii.  Il 
n'eit  cependant  pas  néceffaire  que  le  Verfet  d'un  Répons  fe 
termine  par  la  Note  finale  du  Mode  ;  il  fuffit  que  cette  Finale 
termine  le   Répons  même. 

REPONSE ,  f.  f.  C'eft ,  dans  une  Fugue ,  la  rentrée  du 
fujet  par  une  autre  Partie,  après  que  la  première  l'a  fait  entendre  ; 
mais  c'efè  fur -tout  dans  une  Contre  -  Fugue  ,  la  rentrée  du 
fujet  renverfé  de  celui  qu'on  vient  d'entendre.  (  Voyez  Fugue  i 
Contre-Fugue.  ) 

REPOS ,  f.  m.  C'eft  la  terminaifon  de  la  phrafe ,  fur  la- 
quelle terminaifon  le  Chant  fe  repofe  plus  ou  moins  par- 
faitement. Le  Repos  ne  peut  s'établir  que  par  une  Cadence 
pleine  :  fi  la  Cadence  eft.  évitée ,  il  ne  peut  y  avoir  de  vrai 
Repos;  car  il  eft  impofîible  à  l'oreille  de  fe  repofer  fur  une 
Dilfonance.  On  voit  par-là  qu'il  y  a  précifément  aurant  d'ef- 
peces  de  Repos  que  de  fortes  de  Cadences  pleines;  (Voyez 
Cadence.)  &  ces  difFércns  Repos  produifent  dans  la  Mufi- 
que   l'effet  de  la  ponctuation  dans  le  difeours. 

Quelques-uns  confondent  mal- à-propos  les  Repos  avec  les 
Silences,  quoique  ces  chofes  foient  fort  différentes.  (Voyez 
Silence.,) 

REPRISE,//.  Toute  Partie  d'un  Air,  laquelle  fe  répète 
deux  fois,  fins  erre  écrite  deux  fois,  s'appelle  Rcprife.  C'elt 
en  ce  lins  qu'on  dit  que  la  première  Reprifc  d'une  Ouver- 
ture eft  gr;i\e,  cv  la  féconde  gaie,  Quelquefois  aufli  Ton  n'en- 
tend par  Reprijc  que  la  féconde  Partie  d'un  Air.  On  dit  ainû 


R    E    P  5Sj 

que  la  Reprife  du  joli  Menuet  de  Dardanus  ne  vaut  rien 
du  tour.  Enfin  Reprife  eft  encore  chacune  des  Parties  d'un 
Rondeau  qui  fouvent  en  a  trois ,  &  quelquefois  davantage  , 
dont  on  ne  répète  que  la  première. 

Dans  la  Note  on  appelle  Reprife  un  figne  qui  marque  que 
Ton  doit  répéter  la  Partie  de  l'Air  qui  le  précède  ;  ce  qui  évite 
la  peine  de  la  noter  deux  fois.  En  ce  fens  on  diftingue  deux 
Reprifes,  la  grande  &  la  petite.  La  grande  Reprife  fe  figure 
à  l'Italienne  par  une  double  barre  perpendiculaire  avec  deux 
points  en  dehors  de  chaque  côté  ,  ou  à  la  Françoife  par  deux 
barres  perpendiculaires  un  peu  plus  écartées,  qui  traversent 
toute  la  Portée,  &  entre  lefquelles  on  infère  un  point  dans 
chaque  efpace  :  mais  cette  féconde  manière  s'abolit  peu-à-peu  ; 
car  ne  pouvant  imiter  tout-à-fait  la  Mufîque  Italienne ,  nous  en 
prenons  du  moins  les  mots  &  les  fignes;  comme  ces  jeunes 
gens  qui  croient  prendre  le  ftyle  de  M.  de  Voltaire  en  fuivant 
fon  orthographe. 

Cette  Reprife  y  ainfi  ponctuée  à  droite  &  à  gauche,  mar- 
que ordinairement  qu'il  faut  recommencer  deux  fois,  tant  la 
Partie  qui  précède  que  celle  qui  fuit  ;  c'eft  pourquoi  on  la 
trouve  ordinairement  vers  le  milieu  des  PafTe-pieds,  Menuets, 
Gavottes,  &c. 

Lorfque  la  Reprife  a  feulement  des  points  à  fa  gauche  , 
c'eft  pour  la  répétition  de  ce  qui  précède  ,  &  lorfqu'elle  a 
des  points  à  fa  droite ,  c'eft  pour  la  répétition  de  ce  qui  fuir. 
Il  feroit  du  moins  à  fouhaiter  que  cette  convention ,  adoptée 
par  quelques-uns  ,  fût  tout-à-fait  établie;  car  elle  me  paroît 
fort  commode.  (Voyez  PI.  L.  Fig.  8.)  la  figure  de  ces  diffé- 
rentes Reprifes, 


5S4  R    E    P 

La  petite  Reprifi  eft ,  lorfqu'après  une  grande  Rtprtfi  on 
recommence  encore  quelques  -  unes  des  dernières  Merlires 
avant  de  finir.  Il  n'y  a  point  de  fignes  particuliers  pour  la 
petite  Reprifi  ,  mais  on  fe  fert  ordinairement  de  quelque 
fïgne  de  Renvoi  figuré  au  -  defïus  de  la  Portée.  (  Voyez 
Renvoi.  ) 

Il  faut  obferver  que  ceux  qui  notent  correctement  ont 
toujours  foin  que  la  dernière  Note  d'une  Reprifi  fe  rapporte 
exactement ,  pour  la  Mefure ,  &  à  celle  qui  commence  la 
même  Reprifi ,  &  à  celle  qui  commence  la  Reprifi  qui  fuit , 
quand  il  y  en  a  une.  Que  fi  le  rapport  de  ces  Notes  ne 
remplit  pas  exactement  la  Mefure  ,  après  la  Note  qui  ter- 
mine une  Reprifi ,  on  ajoute  deux  ou  trois  Notes  de  ce  qui 
doit  être  recommencé,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  fumTamment  indi- 
qué comment  il  faut  remplir  la  Mefure.  Or  ,  comme  à  la 
fin  d'une  première  Partie  on  a  premièrement  la  première 
Partie  h  reprendre  ,  puis  la  féconde  Partie  à  commencer  , 
ck  que  cela  ne  fe  fait  pas  toujours  dans  des  Tems  ou 
parties  de  Tems  femblables  ,  on  eft  fouvent  obligé  de  noter 
deux  fois  la  finale  de  la  première  Repfijc  ,  Tune  avant  le  ligne 
de  Reprifi  avec  les  premières  Notes  de  la  première  Partie; 
l'autre  apris  le  même  figne  pour  commencer  la  féconde 
Partie.  Alors  on  trace  un  demi-cercle  ou  chapeau  depuis 
cette  première  finale  jufqu'à  fa  répétition  ,  pour  marquer 
qu'à  la  féconde  fois  il  faut  pafièr  ,  comme  nul  ,  tout  ce 
qui  elt  compris  fous  le  demi-  cercle.  11  m'eft  impofiiblc  de 
cendre  cette  explication  plus  courte,  plus  claire,  ni  plus  ( 
nais  la  Figure  9  de  la  Flanche  L.  fuffira  pour  la  faire  enta 

.ment.  Kl  N  >'  CE, 


R    E    S  585 

RESONNANCE  ,  f.  f.  Prolongement  ou  reflexion  du  Son , 
foie  par  les  vibrations  continuées  des  Cordes  d'un  Infiniment, 
foit  par  les  parois  d'un  corps  fonore ,  foit  par  la  collifion  de 
l'air  renfermé  dans  un  Inftrument  à  vent.  (  Voyez  Son  , 
Musique  ,  Instrument.  ) 

Les  voûtes  elliptiques  &  paraboliques  réfonnent  ,  c'eft-a- 
dire  ,  réfléchiirent  le  Son.  (  Voyez  Echo.  ) 

Selon  M.  Dodart ,  le  nez  ,  la  bouche ,  ni  fes  parties  , 
comme  le  palais  ,  la  langue  ,  les  dents  ,  les  lèvres  ne  con- 
tribuent en  rien  au  Ton  de  la  Voix;  mais  leur  effet  eft  bien 
grand  pour  la  Réfonnance.  (Voyez  Voix.)  Un  exemple  bien 
fenfible  de  cela  fe  tire  d'un  Inftrument  d'acier  appelle  Trompe 
de  Béarn  ou  Guimbarde  ;  lequel ,  fi  on  le  tient  avec  les 
doigts  &  qu'on  frappe  fur  la  languette  ,  ne  rendra  aucun 
Son  ;  mais  fi  le  tenant  entre  les  dents  on  frappe  de  même, 
il  rendra  un  Son  qu'on  varie  en  ferrant  plus  ou  moins  ,  & 
qu'on  entend  d'arTez  loin  ,  fur-tout  dans  le  bas. 

Dans  les  Inftrumens  à  Cordes  ,  tels  que  le  Clavecin  , 
le  Violon  ,  le  Violoncelle  ,  le  Son  vient  uniquement  de  la 
Corde  ;  mais  la  Réfonnance  dépend  de  la  caille  de  l'InC- 
trument. 

RESSERRER  L'HARMONIE.  C'eft  rapprocher  les  Par- 
ties les  unes  des  autres  dans  les  moindres  Intervalles  qu'il 
eft  poflïblc.  Ainfi  pour  refTerrer  cet  Accord  ut  fol  mi ,  qui 
comprend  une  Dixième  ,  il  faut  renverfer  ainfi  ut  mi  fol ,  & 
alors  il  ne  comprend  qu'une  Quinte.  (  Voyez  Accord  , 
Renversement.  ) 

RESTER,  v.  n.  Rejler  fur  une  fyllabe,  c'eft  la  prolonger 
Dicl.  de  Mujiquï.  E  e  e  e 


SÎ6  K    H    Y 

plus  que  n'exige  la  Profodic ,  comme  on  fait  feus  les  Rou- 
lades ;  &  Refltr  fur  une  Note  ,  c'eft  y  faire  une  Tenue,  ou  la 
prolonger  jufqu'à  ce  que  le  fentiment  de  la  Mefure  foit  oublié. 

RHYTHME ,  f.  m.  C'eiè ,  dans  fa  définition  la  plus  géné- 
rale ,  la  proportion  qu'ont  entr'elles  les  parties  d'un  même 
tout.  C'eft ,  en  Mufique ,  la  différence  du  mouvement  qui 
réfulte  de  la  vîteffè  ou  de  la  lenteur ,  de  la  longueur  ou  de 
la  brièveté  des  Tems. 

Ariftide  Quintilien  divife  le  Rhythme  en  trois  efpeces  ; 
lavoir  ,  le  Rhythme  des  corps  immobiles  ,  lequel  réfulte  de 
la  jufle  proportion  de  leurs  Parties,  comme  dans  une  flatue 
bien  faite  ;  le  Rhythme  du  Mouvement  local ,  comme  dans 
la  Danfe ,  la  démarche  bien  compofée  ,  les  attirudes  des 
Pantomimes,  &  le  Rhythme  des  Mouvemens  de  la  Voix 
ou  de  la  durée  relative  des  Sons ,  dans  une  telle  proportion  r 
que  foit  qu'on  frappe  toujours  la  même  Corde  ,  foit  qu'on 
varie  les  Sons  du  grave  à  l'aigu ,  l'on  faffè  toujours  refuker 
de  leur  fuccefïion  des  effets  agréables  par  la  durée  «Se  la  quan- 
tité. Cette  dernière  efpcce  de  Rhythme  clt  la  feule  dont  j'ai 
à  parler  ici. 

Le  Rhythme  appliqué  à  la  Voix  peut  encore  s'entendre 
de  la  parole  ou  du  Chant.  Dans  le  premier  fens  ,.  c'efl  du 
Rhythme  que  nairTent  le  nombre  &  l'Harmonie  dans  l'élo- 
quence ;  la  Mefure  «5c  la  Cadence  dans  la  Poéfle  :  dans  le 
fécond  ,  le  Rhythme  s'applique  proprement  a  la  valeur  des 
Notes , &  s'appel;e  aujourd'hui  Mefure.  (Voyei  Misi-rk) 
C'efl  encore  a  cette  féconde  acception  que  doit  fe  borner  ce 
que  j'ai  à  dire  ici  fur  le  RJiythme  des  Anciens, 


R    H    Y  '5s7 

Comme  les  fyllabes   de  la   Langue  Grecque  avoient    une 
quantité  &  des  valeurs  plus  fenfibles  ,  plus  déterminées  que 
celles    de   notre    Langue  ,   &    que   les    vers    qu'on   chantoic 
étoient    compofés   d'un   certain  nombre    de    pieds   que   for- 
moient  ces  fyllabes ,  longues  ou  brèves ,  différemment  com- 
binées ,  le  Rhythme  du  Chant  fuivoit  régulièrement  la  mar- 
che de  ces  pieds  ,  &  n'en  étoit  proprement  que  l'expreflion. 
Il   fe  divifoir. ,   ainfî  qu'eux  ,  en  deux   Tems  ,  l'un   frappé  , 
l'autre  levé  ;  l'on  en  comptoit  trois  Genres  ,   même   quatre 
&  plus  ,  félon  les  divers  rapports  de  ces  Tems.  Ces  Genres 
étoient   Y  Egal ,    qu'ils    appelaient    aufii   Daclylique ,  où    le 
Rhythme  étoit  divifé  en  deux  Tems  égaux;  le  Double  ,  Tro- 
chaïque  ou  Iambique  ,  dans  lequel  la  durée  de  l'un  des  deux 
Tems  étoir  double  de  celle  de  l'autre  ;  le  Sefquialtère ,  qu'ils 
appelloient  auflî  Péonique ,  dont  la  durée  de  l'un  des  deux 
Tems  étoit  à  celle  de  l'autre  en  r-ppert  de  3  à  2  ;  6c  enfin 
VEpitrite  ,  moins  ufité ,  où  le  rapport  des  deux  Tems  étoic 
de  3   à  4. 

Les  Tems  de  ces  Rhythmes  étoient  fufceptibles  de  plus 
ou  moins  de  lenteur  ,  par  un  plus  grand  ou  moindre  nom- 
bre de  fyllabes  ou  de  Notes  longues  ou  brèves  ,  félon  le 
Mouvement ,  de  dans  ce  fens  ,  un  Tems  pouvoir  recevoir 
jufqu'à  huit  degrés  différens  de  Mouvement  par  le  nombre 
des  fyllabes  qui  le  compofoient  :  mais  les  deux  Tems  confer- 
voient  toujours  entr'eux  le  rapport  déterminé  par  le  Genre  du 
Rhythme. 

Outre  cela  ,  le  Mouvement  &  la  marche  des  fyllabes  , 
&  par  conféquent  des  Tems  ce  du  Rhythme  qui  en  réful- 

c    I 


S8S  R    H    Y 

coit  ,  étoit  fufceptible  d'accélération  &  de  ralenriffement  , 
à  la  volonté  du  Poète  ,  félon  l'expreflion  des  paroles  &c  le 
caractère  des  partions  qu'il  faloit  exprimer.  Ainfi  de  ces 
deux  moyens  combinés  naifToient  des  foules  de  modifica- 
tions porïibles  dans  le  mouvement  d'un  même  R/iythme  ; 
qui  n'avoient  d'autres  bornes  que  celles  au  -  deçà  ou  au- 
delà  desquelles  l'oreille  n'eft  plus  à  portée  d'appercevoir  les 
proportions. 

Le  Rhythme  ,  par  rapport  aux  pieds  qui  entroient  dans 
la  Pocfie ,  fe  partageoit  en  trois  autres  Genres.  Le  Simple  > 
qui  n'admertoit  qu'une  forte  de  pieds;  le  Compofé ,  qui  réful- 
toit  de  deux  ou  plufieurs  efpeces  de  pieds  ;  &  le  Mixte ,  qui 
pouvoir  fe  réfoudre  en  deux  ou  plufieurs  Rhythme s ,  égaux 
ou  inégaux  ,  félon  les  diverfes  combinaifons  dont  il  étoit 
fufceptible. 

Une  autre  fource  de  variété  dans  le  Rhythme  étoit  la 
différence  des  marches  ou  fuccefïions  de  ce  même  Rhythme  , 
félon  l'entrelacement  des  différens  vers.  Le  Rhythme  pou- 
voit  être  toujours  uniforme  ;  c'eft-à-dire  ,  fe  battre  à  deux 
Tems  toujours  égaux  ,  comme  dans  les  vers  Hexamètres  , 
Pentamètres  ,  Adoniens  ,  Anapcltiques  ,  &c:  ou  toujours 
inégaux  ,  comme  dans  les  vers  purs  Iambiques  :  ou  di- 
verfifié  ,  c'eft-à-dire,  mêlé  de  pieds  égaux  &  d'inégaux, 
comme  dans  les  Scazons  ,  les  Choriambiques  ,  &c.  Mais 
dans  tous  ces  cas  les  Rhythmes  ,  même  fimbLibles  ou 
égaux,  pouvoient  ,  comme  je  l'ai  dit ,  être  fort  différens  en 
vîteffe  félon  la  nature  des  pieds.  Ainfi  de  deux  Rhythmes  de 
même  Genre  ,  refilions  l'un  de  deux  Spondées  ,  l'autre  de 


K    H    Y 

deux  Pyrriques ,  le  premier  auroic  été  double  de  l'autre  en 
durée. 

Les  filences  fe  trouvoient  auiïi  dans  le  Rhythme  ancien  ; 
non  pas,  à  la  vérité  ,  comme  les  nôtres,  pour  faire  taire 
feulement  quelqu'une  des  Parties  ,  ou  pour  donner  certains 
caractères  au  Chant  :  mais  feulement  pour  remplir  la  mefurc 
de  ces  vers  appelles  Cataleptiques  ,  qui  manquoient  d'une  fyl- 
labe  :  ainfi  le  filence  ne  pouvoit  jamais  fe  trouver  qu'à  la 
fin  du  vers  pour  fuppléer  à  cette  fyllabe. 

A  l'égard  des  Tenues ,  ils  les  connoiflbient  fans  doute  , 
puifqu'ils  avoient  un  mot  pour  les  exprimer.  La  pratique 
en  devoit  cependant  être  fort  rare  parmi  eux  ;  du  moins 
cela  peut  -  il  s'inférer  de  la  nature  de  leur  Rhythme,  qui 
n'étoit  que  l'expreflion  de  la  Mefure  &  de  l'Harmonie  des 
vers.  Il  ne  paroît  pas  non  plus  qu'ils  pratiquaient  les  Rou- 
lades ,  les  Syncopes  ,  ni  les  Points ,  à  moins  que  les  Inftru- 
mens  ne  fiffent  quelque  chofe  de  femblablc  en  accompagnant: 
la  Voix  ;  de   quoi  nous   n'avons  nul  indice. 

Voilais  dans  fon  Livre  de  Poëmatum  cantu ,  &  viribus 
Rhythmi  ,  relevé  beaucoup  le  Rhythme  ancien,  &  il  lui 
attribue  toute  la  force  de  l'ancienne  Mufique.  Il  dit  qu'un 
Rhythme  détaché  comme  le  nôtre  ,  qui  ne  représente  au- 
cune image  des  chofes  ,  ne  peut  avoir  aucun  effet ,  &  que 
les  anciens  nombres  poétiques  n'avoient  été  inventés  que 
pour  cette  fin  que  nous  négligeons.  Il  ajoute  que  le  langage 
&  la  Poéfie  modernes  font  peu  propres  pour  la  Mufique  : 
&  que  nous  n'aurons  jamais  de  bonne  Mufique  vocale  juf- 
qu'à  ce  que  nous  failions  des  vers  favorables  pour  le  Chaut  ; 


590  R    H    Y 

c'eft-à-dire  ,  jufqu'i  ce  que  nous  réformions  notre  langage  ; 
ôc  que  nous  lui  donnions,  à  l'exemple  des  Anciens,  la  quan- 
tité &  les  Pieds  mefurés  ,  en  proferivant  pour  jamais  l'in- 
vention barbare  de  la  rime. 

Nos  vers ,  dit  -  il ,  font  précifément  comme  s'ils  n'avoient 
qu'un  feul  Pied  :  de  forte  que  nous  n'avons  dans  notre 
Poéfie  aucun  Rhythme  véritable ,  &  qu'en  fabriquant  nos 
vers  nous  ne  penfons  qu'à  y  faire  entrer  un  certain  nombre 
de  fyllabes  ,  fans  prefque  nous  embarraûer  de  quelle  na- 
ture elles  font.  Ce  n'eft  fûrement  pas-là  de  l'étoffe  pour  la 
Mu  fi  que. 

Le  BJiythme  e'r.  une  partie  effentielle  de   la  Mufique  ,  & 
fur-tout  de  l'imitative.  Sans  lui  la  Mélodie  n'eft  rien  ,  &  par 
lui  -  même   il   eft  quelque   chofe  ,   comme  on   le   fent  par 
l'eue-  des   tambours.  Mais  d'où  vient  l'imprefTion  que  font 
fur  nous  la  Mefure  &  la  Cadence  ?  Quel  cii  le  principe  par 
lequel   ces    retours   tantôt    égaux   &   tantôt    variés    ancéïcnt 
nos  âmes  ,  &  peuvent  y  porter   le  fentiment  des  paiïïons  ? 
Demandez  -  le  au  Métaphyficien.  Tout  ce  que  nous  pouvons 
dire  ici  efr.  que,  comme  la  Mélodie   tire   fon  caractère  dis 
accens  de  la  Langue  ,  le  Kkythme  tire  le  flcn  du  caraétere 
de  la  Profodie  ;  ôc  alors  il  agit  comme  imngc  de  la  parole  : 
à  quoi  nous  ajouterons   que   certaines  pallions  ont  dans   la 
nature    un   caraétere    rîiythmique   aufïî  bien  qu'un    caractère 
mélodieux  ,   abfolu   &    indépendant   de  la    Langue  ;    com 
la  triftefie  ,  qui  marche  par  Tems  égaux  &  lents,  de  même 
que  par  Tons  remifles   &  bas  ;   la  jnie  par  Teins  fautilli 
&  vîtes  ,  de  môme  que  par  Tons  aigus  <5c  incenfès  :  d'où 


R    H    Y  591 

je  préfume  qu'on  pourroit  obfervcr  dans  toutes  les  autres 
payions  un  caraclere  propre  ,  mais  plus  difficile  à  fàifir  ,  a 
caufe  que  la  plupart  de  ces  autres  paillons  étant  compofées., 
participent ,  plus  ou  moins  ,  tant  des  précédentes  que  l'une 
de   l'autre. 

RHYTHMIQUE  ,  f.  f.  Partie  de  l'Art  mufîcal  qui 
cr.feignoit  a  pratiquer  les  règles  du  Mouvement  &  du  Rhy- 
thme  ,  félon  les  loix  de  la  Rhythmopée. 

La  Rhythmique  ,  pour  le  dire  un  peu  plus  en  détail  ,  con- 
filtoit  à  favoir  choiiir ,  entre  les  trois  Modes  établis  par  la 
Rhythmopée ,  le  plus  propre  au  caraclere  dont  il  s'aguToit , 
à  connoître  &  poiféder  à  fond  toutes  les  fortes  de  Rhy- 
thmes ,  a  difeerner  &  employer  les  plus  convenables  en 
chaque  occafion  ,  à  les  entrelacer  de  la  manière  à  la  fois 
la  plus  expreffive  &  la  plus  agréable ,  &  enfin  à  diftinguer 
YArfis  &  la  Thefis,  par  la  marche  la  plus  feniible  &  la  mieux 
Cadencée. 

RHYTHMOPÉE  ,  fvSfuarotÙt.  f.  f.  Partie  de  la  Science 
Muficale  qui  preferivoit  à  l'Art  Rhythmique  les  loix  du 
Rhythme  &  de  tout  ce  qui  lui  appartient.  (  Voyez  Rhy- 
THME.  )  La  Rhythmopée  étoit  à  la  Rhythmique  ,  ce  qu'étoic 
la  Mélopée  à  la  Mélodie. 

La  Rhythmopée  avoit  pour  objet  le  Mouvement  ou  le 
Tems ,  dont  elle  marquoit  la  mefure  ,  les  diviiions  ,  l'ordre 
&  le  mélange  ,  foit  pour  émouvoir  les  pallions  ,  foit  pour 
les  changer  ,  foit  pour  les  calmer.  Elle  renfermoit  auffi  la 
feienec  des  Mouvemens  muets  ,  appelles  Orchefis  ,  &  en  gé- 
nésal  de  tous  les  Mouvemeos  réguliers.  Mais  elle  fe  rappor- 


5?i  R    I    G 

toit  principalement  à  la  Poéfîe  ;  parce  qu'alors  la  Poéfie 
régloit  feule  les  Mouvemens  de  la  Mufique  ,  &  qu'il  n'y  avoit 
point  de  Mufique  purement  infèrumentale ,  qui  eût  un  Rhy- 
thme  indépendant. 

On  fait  que  la  Rhythmopée  fe  partageoit  en  trois  Modes 
ou  Tropes  principaux  ,  l'un  bas  &  ferré ,  un  autre  élevé  & 
grand  ,  &  le  moyen  paifible  &  tranquille  ;  mais  du  refte  les 
Anciens  ne  nous  ont  laiffé  que  des  préceptes  fort  généraux 
fur  cette  partie  de  leur  Mufique ,  &  ce  qu'ils  en  ont  dit  fe 
rapporte  toujours  aux  vers  ou  aux  paroles  deltinées  pour  le 
Chant. 

RIGAUDON ,  /  m.  Sorte  de  Danfe  dont  l'Air  fe  bat  à 
deux  Tems  ,  d'un  Mouvement  gai  ,  &  fe  divife  ordinaire- 
ment en  deux  Reprifes  phrafées  de  quatre  en  quatre  Me- 
fures  ,  &  commençant  par  la  dernière  Note  du  fécond 
Tems. 

On  trouve  Rigodon  dans  le  Dictionnaire  de  l'Académie  ; 
mais  cette  orthographe  n'eft  pas  ufirée.  J'ai  ouï  dire  à  un 
Maître  a  Danfer ,  que  le  nom  de  cette  Danfe  venoit  de  celui 
de  l'inventeur  ,  lequel  s'appelloit   Rîgaud. 

RIPPIENO  ,  f.  m.  Mot  Italien  qui  fe  trouve  aflez  fré- 
quemment dans  les  Mufiques  d'Eglile  ,  &  qui  équivaut  au 
mot    Chœur  ou  Tous. 

RITOURNELLE,//.  Trait  de  Symphonie  qui  s'emploie 
en  manière  de  Prélude  à  la  tète  d'un  Air  ,  donc  ordinai- 
rement il  annonce  le  Chant  ;  ou  a  la  fin ,  pour  imiter  & 
affuref  la  fin  du  meme  Chant  ;  ou  dans  le  milieu ,  pour 
repofer  la  Voix  ,  pour  renforcer  l'exprcfiion  ou  fimplement 
poi:r  tmbelhr  la  Pièce.  Dans 


R    O    L  s.î 

Dans  les  Recueils  ou  Partitions  de  vieille  Mufique  Ita- 
lienne ,  les  Ritournelle*  font  fouvent  défignées  par  les  mots 
fifuona,qm  Lignifient  que  l'inltrument  qui  accompagne  doit 
repérer  ce  que   la  voix  a  chante. 

Ritournelle  ,  vient  de  l'Italien  Ritornello  ,  &  fignilie  petit 
retour.  Aujourd'hui  que  la  Symphonie  a  pris  un  caractère 
plus  brillant ,  &  prefque  indépendant  de  la  vocale  ,  on  ne 
s'en  tient  plus  gueres  à  de  iimples  repétitions;  aufli  le  mot 
Ritournelle  a-t-il  vieilli. 

ROLLE  ,  f.  m.  Le  papier  féparé  qui  contient  la  Mufique 
que  doit  exécuter  un  Concertant  ,  &  qui  s'appelle  Partie 
dans  un  Concert ,  s'appelle  Rolle  à  l'Opéra.  Ainfi  l'on  doit 
diitribuer  une  Partie  à  chaque  Muficien  ,  &  un  Rolle  à 
chaque   Acteur. 

ROÎUANCE  ,  f.  f.  Air    fur    lequel    on    chante   un  petit 
Pocme  du  même   nom ,  divifé  par  couplets  ,  duquel   le  fujet 
eit    pour    l'ordinaire    quelque    hiitoire    amoureufe    &  feuvent 
tragique.  Comme    la    Romance    doit    être    écrite   d'un  flyle 
{impie  ,  touchant  ,  &   d'un  goût  un  peu  antique  ,  l'Air  doit 
répondre  au  caraclere    des  paroles  ;  point   d'ornemens  ,  rien 
de  maniéré  ,  une    mélodie  douce  ,   naturelle  ,  champêtre  ,  & 
qui  produife  fon  effet  par  elle  -  même  ,  indépendamment  de 
la  manière  de  la  Chanter.  11  n'eft  pas  né  ce  (Taire  que  le  Chant 
foit   piquant,  il  fufht   qu'il  foit  naïf,  qu'il    n'offufque   peint 
la  parole  ,  qu'il  la   fafTe   bien   entendre  ,  &  qu'il   n'exige   pas 
une    grande    étendue,  de   voix.     Une    Romance    bien    faite  , 
n'ayant    rien  de   faillant  ,   n'affecte  pas  d'abord  ;   mais  cha- 
que  couplet   ajoute  quelque  chofe   à   l'effet  des   prétédens  , 
Dici.  de  Mujique.  Ffff 


594  *    O     M' 

l'intcrèc  augmente  infenfiblement ,  &  quelquefois  on  Te  trouve 
attendri  jufqu'aux  larmes,  fans  pouvoir  dire  où  efl:  le  charme 
qui  a  produit  cet  effet.  C'eft  une  expérience  certaine  que 
tout  accompagnement  d'inftrument  affaiblit  cette  impref- 
fion.  Il  ne  faut  ,  pour  le  Chant  de  la  Romance  ,  qu'une 
Voix  jufie  ,  nette  ,  qui  prononce  bien  ,  &  qui  chante  Am- 
plement. . 

ROMANESQUE,    Jl  f.    Air  à   danfer.    f  Voyez,-. 
Gaillarde.  ) 

RONDE  ,  adj.  pris  fubfl.    Note   blanche    &  ronde ,  fans 
queue  ,   laquelle    vaut  uac    •Vkfure   entière   à  quatre  Tems  ,v 
c'eft-à-dire ,  deux   I  lai  ches  ou  quatre  Noires.  La  Ronde  eft 
de   toutes  les  Notes  reitées  en  auge  celle   qui  a  le  plus  de- 
valeur.  Autrefois  ,  au  contraire  ,  elle  étoit  celle  qui  en  avoic 
le   moins,  &    elle    s'appelloit   femi .-  Brève. .  (  Voyez  Semi-- 
Breve  &  Valeur  des  Notes.  ) 

RONDE  DE  TABLE.  Sorte  de  Chanfon  à  boire ,  & 
pour  l'ordinaire  mêlée  de  galanterie  ,  compofée  de  divers 
complets  qu'on  chante  à  table  chacun  à  fon  tour  ,  &  fur 
le  (quels  tous  les  Convives  font  Chorus  en  reprenant  le 
Refrain. 

RONDEAU,  f.  m.  Sorte  d'Air  a  deux  ou  pluficurs  Rc- 
prifes,  &  dont  la  forme  elt  telle  qu'après  avoir  fini  la  fé- 
conde Reprife  on  reprend  la  première,  &  ainii  de  fuite  ,. 
revenant  toujours  ôc  fini/Tant  par  cette  même  première  Re- 
prife par  laquelle  on  a  commencé.  Pour  cela ,  on  doit  tellc- 
ic  conduire  la  Modulation ,  que  la  fin  de  la  première 
Rcprifc  convienne  au  commencement  de   toutes  les  autres;, 


R    O     N  595 

•2c  que  la  fin  de  toutes  les  autres  convienne  au  commence- 
ment de  la  première. 

Les  grands  Airs  Italiens  &  toutes  nos  Ariettes  font  en 
'.Rondeau ,  de  même  que  la  plus  grande  partie  des  Pièces  de 
Clavecin  Françoifes. 

Les  routines  font  des  magafins  de  contre-fens  pour  ceux 
qui  les  fuivent  fans  réflexion.  Telle  elt  pour  les  Muficiens 
celle  des  Rondeaux.  Il  faut  bien  du  difeernement  pour  faire 
un  choix  de  paroles  qui  leur  foient  propres.  Il  elt  ridicule 
de  mettre  en  Rondeau  une  penfée  complète,  divifée  en  deux 
membres,  en  reprenant  la  première  incife  &  finiifant  par-là. 
Il  elt  ridicule  de  mettre  en  Rondeau  une  comparaison  dont 
l'application  ne  fe  fait  que  dans  le  fécond  membre ,  en  re- 
prenant le  premier  &  finifiant  par-là.  Enfin  il  elt  ridicule  de 
mettre  en  R  videau  une  penfée  générale  limitée  par  une 
exception  relative  à  l'état  de  celui  qui  parle  ;  en  forte  qu'ou- 
bliant derechef  l'exception  qui  fe  rapporte  à  lui ,  il  finitfe  en 
.reprenant  la  penfee  générale. 

Mais  toutes  les  ibis  qu'un  fentiment  exprimé  dans  le  pre- 
mier membre,  amené  une  réflexion  qui  le  renforce  &  l'ap- 
puie dans  le  fécond  ;  toutes  les  fois  qu'une  defeription  de 
l'état  de  celui  qui  parle  ,  emplilTant  le  «premier  membre  , 
éclaircit  une  comparaifon  dans  le  fécond  ;  toutes  les  fois 
•qu'une  affirmation  dans  le  premier  membre  contient  fa  preuve 
&  fa  conlirnution  dans  le  fécond  ;  toutes  les  fois  ,  enfin  « 
que  le  premier  membre  contient  la  proportion  de  faire  une 
chofe ,  &  le  fécond  la  raifon  de  la  propofition  ,  dans  ces 
divers  cas  &  dans  les  femblables  le  Rondeau  elt  toujours 
bien  placé.  F  f  f  f  i 


596  R     O     U 

ROULADE ,  /  f.  PalTage  dans  le  Chant  de  plufieurs 
Nores   fur  une  même  fyllabe. 

La  Roulade  n'eit  qu'une  imitation  de  la  Mélodie  instru- 
mentale dans  les  occafions  où,  foit  pour  les  grâces  du  Chant, 
foit  pour  la  vérité  de  l'image,  foit  pour  la  force  de  l'ex- 
preffion,  il  eft  à  propos  de  fufpendre  le  difcours  &  de  pro- 
longer la  Mélodie  :  mais  il  faut,  de  plus,  que  la  fyllabe 
foit  longue ,  que  la  voix  en  foit  éclatante  &  propre  a  biffer 
au  gofîer  la  facilité  d'entonner  nettement  &  légèrement  les 
Notes  de  la  Roulade  fans  fatiguer  l'organe  du  Chanteur , 
ni,  par  conféquent,  l'oreille  des  écoutans. 

Les  voyelles  les  plus  favorables  pour  faire  fortir  la  voix, 
font  les  a;  enfuite  les  o,  les  è  ouverts  :  l'i  &  Vu  font  peu 
fonores;  encore  moins  les  diphthongues.  Quant  aux  voyelles 
nazales ,  on  n'y  doit  jamais  faire  de  Roulades.  La  Langue 
Italienne  pleine  d'o  &  d'à  eft  beaucoup  plus  propre  pour  les 
inflexions  de  voix  que  n'eft  la  Françoife  ;  aufïi  les  Muficiens 
Italiens  ne  les  épargnent-ils  pas.  Au  contraire  ,  les  François, 
obligés  de  compofer  prefque  toute  leur  Mufique  fyllabique , 
à  caufe  des  voyelles  peu  favorables  font  contraints  de  don- 
ner aux  Notes  une  marche  lente  &  pofée ,  ou  de  faire  heur- 
ter les  confondes  en  faifant  courir  les  fyllabes  ;  ce  qui  rend 
néce  flaire  ment  le  Chant  languilTanr  ou  dur.  Je  ne  vois  pas 
comment  la  Mufique  Françoife  pourroit  jamais  furmonter 
cet  inconvénient. 

C'efl  un  préjugé  populaire  de  penfer  qu'une  Roulade  foit 
toujours  hors  de  place  dans  un  Chant  trifte  &  pathétique. 
Au  Contraire,  quand  le  cœur  eft   le   plus  vivement   ému,  la 


R    O    U  597 

voix  trouve  plus  aifément  des  Accens ,  que  l'efprit  ne  peut  trou- 
ver des  paroles,  6c  de-là  vient  l'ufage  des  Interjections  dans 
toutes  les  Langues.  (  Voyez  Neume.  )  Ce  n'ef r,  pas  une  moin- 
dre erreur  de  croire  qu'une  Roulade  e(t  toujours  bien  placée 
fur  une  fyllabe  ou  dans  un  mot  qui  la  comporte  ,  fans  con- 
fîdérer  fi  la  fituation  du  Chanteur ,  fi  le  fentiment  qu'il  doit 
éprouver  la  comporte  aufiï. 

La  Roulade  eft  une  invention  de  la  Mufique  moderne. 
Il  ne  paroît  pas  que  les  Anciens  en  aient  fait  aucun  ufage, 
ni  jamais  battu  plus  de  deux  Notes  fur  la  même  fyllabe. 
Cette  différence  eft  un  effet  de  celle  des  deux  Mufiques  , 
dont  l'une  étoit  affervie  à  la  Langue ,  &  dont  l'autre  lui 
donne  la  loi. 

ROULEMENT ,  f.  m.  (  Voyez  Roulade.  ) 


59&  S    A    K 

i  -  tx      i       i   ;       i       

S. 


S 


Cette  lettre  écrite  feule  dans  la  Partie  récitante  d'un 
Concerto  fignifie  Solo  ;  &  alors  elle  eft  alternative  avec  le 
T,  qui  fignifie  Tutti. 

SARABANDE  ,  f.  f.  Air  d'une  Danfe  grave  ,  portant  le 
même  nom  ,  laquelle  paroît  nous  être  venue  d'Efpagne ,  & 
fe  danfoit  autrefois  avec  des  Caftagnettes.  Cette  Danfe  n'efi 
plus  en  ufage ,  fi  ce  n'eft  dans  quelques  vieux  Opéra  Fran- 
çois. L'Air  de  la   Sarabande  eft  à  trois   Tems  lents. 

SAUT,/!  m.  Tout  partage  d'un  Son  à  un  autre  par  Degrés 
disjoints  elt  un  Saut.  Il  y  a  Saut  régulier  qui  fe  fait  toujours 
fur  un  Intervalle  confonnant,  &  Saut  irrégulier ,  qui  fe  fait 
fur  un  Intervalle  diiîbnant.  Cette  diftinction  vient  de  ce  que 
toutes  les  DilTonances.,  excepté  la  Seconde  qui  n'eft  pas  Ufl 
Saut,  font  plus  difficiles  à  entonner  que  les  Confonnances. 
Obfcrvation  nécertaire  dans  la  Mélodie  pour  compoftr  des 
Chants  faciles  &  agréables. 

SAUTER ,  v.  n.  On  fait  Sauter  le  Ton ,  lorfquc  don- 
nant trop  de  vent  dans  une  Flûte,  ou  dans  un  tuyau  d'un 
Infiniment  à  vent,  on  force  l'air  à  fe  divifer  &  à  faire  rc- 
fonner,  au  lieu  du  Ton  plein  de  la  Flûte  ou  du  tuyau  , 
quelqu'un  feulement  de  fes  Harmoniques.  Quant  le  Saut 
•tlt  d'une  0;tave  entière,  cela  s'appelle  OëLavier*  (  Voyez 
DQctàvibb..  )  Il  elt  clair  que  pour  varier  les  Sons  de  la 
Uronipettc  &  du  Cor  de  charte,  il  faut  nctellairement  Sou-, 


S    A    U  -59$ 

ter ,  &  ce  n'eft  encore  qu'en  Sautant  qu'on  fait  des  Octaves 
fur  la  Flûte. 

SAUVER  ,  v.  a.  Sauver  une  Diffbnance ,  c'efi:  la  ré- 
foudre ,  félon  les  règles ,  fur  une  Confonnance  de  l'Accord 
fuivant.  Il  y  a  fur  cela  une  marche  prefcrite  ,  &  à  la  B.ïiïe- 
fbndamentale  de  l'Accord  diiïbnant ,  &  à  la  Partie  qui  forme 
la  Dilfonance. 

Il  n'y  a  aucune  manière  de  Sauver  qui  ne  dérive  d'un 
Acte  de  Cadence  :  c'eft  donc  par  l'efpece  de  la  Cadence 
qu'on  veut  taire,  qu'eft  détermine  le  Mouvement  de  la 
BalTe-fondamentale.  (  Voyez  Cadence.  )  A  l'égard  de  la 
Partie  qui  forme  la  Dilfonance ,-  elle  ne  doit,  ni  refter 
en  place,,  ni  marcher  par  Degrés  disjoints,  mais  elle  doit 
monter  ou  defeendre  diatoniquement  félon  la  nature  de  la 
Dilïbnance.  Les  Maîtres  difent  que  les  Dilfonances  majeures 
doivent  monter ,  &  les  mineures  defeendre  ;  ce  qui  n'eft  pas 
fans  exception,  puifque  dans  certaines  cordes  d'Harmonie  ?- 
une  Septième,  bien  que  majeure,  ne  doit  pas  monter  3- 
mais  defeendre  ,  fi  ce  n'eft  dans  l'Accord  appelle  ,  fort  in- 
correctement, Accord  de  Septième  fuperflue.  Il  vaut  donc 
mieux  dire  que  la  Septième,  &  toute  Dilfonance  qui  en 
dérive  ,  doit  defeendre  ;  &  que  la  Sixte  ajoutée ,  &  toute 
Dilfonance  qui  en  dérive,  doit  monter.  C'e/t-là  une  règle 
vraiment  générale  &  fans  aucune  exception.  Il  en  cft  de 
même  de  la  loi  de  Sauver  la  Dilfonance.  Il  y  a  des  Dif- 
fonances  qu'on  ne  peut  préparer  ;  mais  il  n'y  en  a  aucune 
qu'on  ne  doive  Sauver. 

A. l'égard  de.  la  Note  fenfiblc  appellée  improprement  Dit- 


ûoo  S    C    E 

fonance  majeure ,  fi  elle  doit  monter  ,  c'efr.  moins  par  la 
règle  de  Sauver  la  DilTonance ,  que  par  celle  de  la  marche 
Diatonique  ,  &  de  préférer  le  plus  court  chemin  ;  &  en  effet 
il  y  a  des  cas ,  comme  celui  de  la  Cadence  interrompue  , 
où  cette  Note   fenfible   ne  monte  point. 

Dans  les  Accords  par  fuppofition  ,  un  même  Accord 
fournit  fouvent  deux  Diifonances  ,  comme  la  Septième  & 
la  Neuvième  ,  la  Neuvième  &  la  Quarte ,  &c.  Alors  ces 
Diifonances  ont  dû  fe  préparer  &  doivent  fe  Sauver  toutes 
deux  :  c'eit  qu'il  faut  avoir  égard  à  tout  ce  qui  diffbne  , 
non-feulement  fur  la  Baffe-fondamentale,  mais  aufîi  fur  la 
Baffe -continue. 

SCENE ,  f.  f.  On  diftingue  en  Mufique  lyrique  la  Scène 
du  Monologue ,  en  ce  qu'il  n'y  a  qu'un  feul  ASeur  dans  le 
Monologue  ,  &  qu'il  y  a  dans  la  Scène  au  moins  deux  Inter- 
locuteurs. Par  conféquent  dans  le  Monologue  le  caractère 
du  Chant  doit  être  un  ,  du  moins  quant  à  la  perfonne  ; 
mais  dans  les  Scènes  le  Chant  doit  avoir  autant  dj  caractè- 
res différens  qu'il  y  a  d'Interlocuteurs.  En  effet  ,  comme  en 
parlant  chacun  garde  toujours  la  même  voix  ,  le  même  ac- 
cent,  le  même  timbre,  &  communément  le  même  ftyle, 
dans  toutes  les  choies  qu'il  dit  ;  chaque  Acleur ,  dans  les 
diverfes  parlions  qu'il  exprime  ,  doit  toujours  garder  un  ca- 
ractère qui  lui  foit  propre  6c  qui  le  diflinguc  d'un  autre 
Acteur.  La  douleur  d'un  vieillard  n'a  pas  le  même  ton  que 
celle  d'un  jeune  homme  ,  la  colère  d'une  femme  a  d'autres 
Acccns  que  celle  d'un  guerrier  ;  un  barbare  ne  dira  point 
je  vous  aime  comme  un  galant   de  profedion.  Il  faut  donc 

rendre 


S    C    H  1,1 

tendre  dons"    les   Scènes,  non-feulement    le    cararlere   de  !a 
pafhon  qu'on  veut  peindre ,  mais  celui  de  la  perfonn'.-  qu'on 
f.iit   parler.  Ce  caractère  s'indique  en  partie  par  la  f irte   ce 
voix  qu'on   approprie  à  chaque  rollt;   car  le   tour  de   Chant 
d'une    Haute  -  Contre  elt    différent   de    celui   d'uue    Baffe  - 
Taille  ;  on  met  plus    de  gravité  dans  les  Chants  des  Bas- 
Deffus  ,  &  plus  de  légèreté  dans  ceux  des    Voix    plus    ai- 
guCs.    Mais   outre  ces  différences,  l'habile    Compoficeur  en 
trouve   d'individuelles   qui   caraclérifent   fes   perfbnnagts  ;   efl 
forte  qu'on  connoîtra   bientôt  à  l'Accent  particulier  du  Ré- 
citatif &  du  Chant,   11  c'eft  Mandane  ou  Emire  ,    fi  c'eft 
Olinte  ou  Alcefte  qu'on  entend.  Je  conviens  qu'il  n'y  a  que 
les  hommes  de  génie  qui  fentent  &  marquent  ces  différen- 
ces ;    mais   >e   dis  cependant   que   ce   n'efi  qu'en  les   obfi  r- 
vant  ,  ck    d'autres   femblables  ,   qu'on   parvient  à    produire 
l'jllufion. 

SCHÎSMA ,  f.  m.  Petit  intervalle  qui  vaut  la  moitié  du 
Comma,  &  dont,  par  conféquent,  la  raifon  eft  fourde,puif- 
que,  pour  l'exprimer  en  nombres,  il  faudroit  trouver  une 
r.ioj'enne  proportionnelle  entre  80  «Se  81. 

SCHOENION.  Sorte  de  Nome  pour  les  Flûtes  dans  l'an- 
cienne Mufique  des  Grecs. 

SCHOLIE  ou  SCOL1E,  f.  f.  Sorte  de  Chanfons  chez 
les  anciens  Grecs ,  dont  les  caractères  étaient  extrêmement 
diverfirics  félon  les  fujets  &  les  perfonnes.  f  Yoy.  Ciianm:::.) 

SECONDE,  adj.  pris  Jhbftantiv.  Intervalle  d'un  Degré 
conjoint.  Ainfi  les  marches  diatoniques  fe  font  tomes  fur  les 
Intervalles  de  Seconde. 

Dicl.  de  Mujique,  Gggfc 


6oi  SEC 

Il  y  a  quatre  fortes  de  Secondes.  La  première  ,  appeîlée 
Seconde  diminuée ,  fe  fait  fur  un  Ton  majeur ,  dont  la  Note 
inférieure  eft  rapprochée  par  un  Dièfe,  &  la  fupérieure  par 
un  Bémol.  Tel  eft,  par  exemple,  l'Intervalle  du  re  Bémol 
à  Yut  Dièfe.  Le  rapport  de  cette  Seconde  eft  de  375  à  384. 
Mais  elle  n'eft  d'aucun  ufage,  fi  ce  n'eft  dans  le  Genre  En- 
harmonique ;  encore  l'Intervalle  s'y  trouve-t-il  nul  en  vertu 
du  Tempérament.  A  l'égard  de  l'Intervalle  d'une  Note  à  fon 
Dièfe  ,  que  Broifard  appelle  Seconde  diminuée ,  ce  n'eft  pas 
une  Seconde ,  c'eft  un  UnifTon  altéré. 

La  deuxième,  qu'on  appelle  Seconde  mineure ,  eft  confti- 
tuée  par  le  femi-Ton  majeur  ,  comme  duji  à  Yut  ou  du  mi 
au  fa.  Son  rapport  eft  de    15  à  16. 

La  troificme  eft  la  Seconde  majeure ,  laquelle  forme  l'In- 
tervalle d'un  Ton.  Comme  ce  Ton  peut  être  majeur  ou  me- 
neur, le  rapport  de  cette  féconde  eft  de  8  à  9  dans  le  pre- 
mier cas,  &  de  9  à  10  dans  le  fécond  :  mais  cette  diffé- 
rence s'évanouit  dans  notre  Mufique. 

Enfin  la  quatrième  eft  la  Seconde  fuperflue  ,  compofée 
d'un  Ton  majeur  &  d'un  femi-Ton  mineur,  comme  du  fa 
au  fol  Dièfe  :  fon  rapport  eft  de  64  à  75. 

Il  y  a  dans  l'Harmonie  deux  Accords  qui  portent  le  nom 
de  Seconde,  Le  premier  s'appelle  Amplement  Accord  de 
Seconde  :  c'eft  un  Accord  de  Septième  rcnvcrft'e ,  dont  la 
DifTbnance  eft  ;\  la  Bdfe;  d'où  il  s'enfuit  bien  clairement 
•qu'il  fuit  q  e  h  P.iffe  fyncope  pour  la  préparer.  (  Voy.  Pki- 
^kiii.)  Qtîflhâ  r Accord  de  Septième  eft  dominant;  c'eft- 
à-dire,  quand  la  Tierce  efl  majeure,  l'Accord   de  Seconde 


S    h    M  foj 

s'appelle  Accord  de  Triton,  &  la  fyncope  n'efl  pas  nccef- 
ftire,  parce  que  la  Préparation  ne  l'eft  pas. 

L'autre  s'appelle  Accord  de  Secande-fuperjiue  ;  c'eft  un 
Accord  renverfc  de  celui  de  Septième  diminuée  ,  dont  la  Sep- 
tième elle-même  eft  portée  à  la  Baffe.  Cet  Accord  c'.i  éga- 
lement bon  avec  ou  fans  fyncope.  (Voyez  Syncope.) 

SI'.MI.  Mot  emprunté  du  Latin  &  qui  lignifie  Demi.  On 
s'en  fert  en  Mufique  au  lieu  du  Hé/ni  des  Grecs,  pour  corn- 
pofer  très-barbarement  plufieurs  mots  techniques,  moitié 
Grecs  &  moitié  Latins. 

Ce  mot ,  au-devant  du  nom  Grec  de  quelque  Intervalle 
que  ce  foit,  figniiie  toujours  une  diminution,  non  pas  de  la 
moitié  de  cet  Intervalle,  mais  feulement  d'un  Semi-Ton  mi- 
neur. Ain(i  Semi-Diton  eft  la  Tierce  mineure,  Semi-Dia- 
pente  eft  la  FaufTe-Quinte ,  Semi-Diatejfaron  la  Quarte  di- 
minuée ,  &c. 

SEMI-BREVE,//.  C'eft,  dans  nos  arciennes  Mufiques, 
une  valeur  de  Note  ou  une  Mefure  de  Tems  qui  comprend 
l'efpace  de  deux  Minimes  ou  Blanches;  c'eft-à-dire ,  la  moitié 
d'une  Brève.  La  Semi-Brève  s'appelle  maintenant  Ronde  , 
parce  qu'elle  a  cette  figure  :  mais  autrefois  elle  étoit  en  lofange. 

Anciennement  la  Semi-Brève  fe  divifoit  en  majeure  &  mi- 
neure. La  majeure  vaut  deux  tiers  de  la  Brève  parfaite ,  &  la 
mineure  vaut  l'autre  tiers  de  la  même  Brève  :  ainfi  la  Semi- 
Brève  majeure   en  contient  deux  mineures. 

La  Semi-Brève,  avant  qu'on  eût  inventé  la  Minime,  étant 
la  Note  de  moindre  valeur,  ne  fe  fubdivifoit  plus.  Cette  in- 
divifibilité ,  difoit-on,  eit,  en  quelque  manière  ,  indiquée  par 

Gggg  * 


'6o4-  S     E     M 

fa  figure  en  lofange  terminée  en  haut,  en  bas  &  des  deu3 
côtés  par  des  Points.  Or,  Mûris  prouve,  par  l'autorité  d'Arif- 
tote  &  d'Euclide  ,.  que  le  point  eft  indivifîble  ;  d'où  il  con- 
clut que  la  Semi-Brève  enfermée  entre  quatre  Points  eft  in- 
divifible comme   eux. 

SEMI-TON,/  m.  C'eft  le  moindre  de  tous  les  Intervalles 
admis  dans  la  Mulique  moderne  ;  il  vaut  à-peu-près  la  moitié 
d'un  Ton* 

Il  y  a  plufieurs  efpeces  de  Semi-Tons.  On  en  peut  diftir.~ 
guer  deux  dans  la  pratique.  Le  Semi-Ton  majeur  &  le  Semi- 
Ton  mineur.  Trois  autres  font  connus  dans  les  calculs  har- 
moniques; favoir,  le  Semi-Ton  maxime,  le  minime  &.  le 
moyen.. 

Le  Semi-Ton  majeur  eft  la  différence  de  la  Tierce  ma- 
jeure à  la  Quarte,  comme  mi  fa.  Son  rapport  eft  de  15  \ 
j6,&  il  forme  le  plus  petit  de  tous  les  Intervalles  diatoniques. 

Le  Semi-Ton  mineur  eft' la  différence  de  la  Tierce  ma- 
jeure à  la  Tierce  mineure  :  il  fe  marque  fur  le  même  Degré 
par  un  Dièfe  ou  par  un  BémoL  II  ne  forme  qu'un  Intervalle 
chromatique,  &  fon  rapport  eft  de  14  à  15.. 

Quoiqu'on  mette  de  la  différence  entre  ces  deux  Semi- 
Tons  par  la  manière  de  les  noter,  il  n'y  en  a  pourtant  aucune 
fur  l'Orgue  &  le  Clavecin,  &  le  même  Semi-Ton  eft  tantôt 
majeur  &  tantôt  mineur,  tantôt  diatonique  &  tantôt  chroma- 
tique, félon  le  Mode  où  l'on  eft.  Cependant  on  appelle,  dairs 
la  pratique,  Semi-Tons  mineurs,  ceux  qui  fe  marquant  par 
Bémol  ou  par  Dièfe,  ne  changent  point  le  Degré*;  &  & 
Tons  majeurs,  ceux  qui  forment  un  Intervalle  de  Seconde* 


6'     E     M  r,c] 

Quant  aux  trois  autres  Semi-Tons  admis  feulement  dans 
la  théorie  ,  le  Semi-Ton  maxime  eft  la  différence  du  Ton  ma- 
jeur au  Semi-Ton  mineur,  &  fon  rapport  eft  de  15  à  27.  Lq 
Semi-Ton  moyen  eft  la  différence  du  Semi-Ton  majeur  ad 
Ton  majeur,  &  fon  rapport  eft  de  118  à  1^5.  Enf.n  le  Semi- 
Ton  minime  eft  la  différence  du  Semi-Ton  maxime  au  Semi- 
Ton  moyen,  &  fon  rapport  eft  de  125  à  12?. 

De  tous  ces  Intervalles  il  n'y  a  que  le  Semi-Ton  ma  jeu» 
qui ,  en  qualité  de  Seconde  ,  foit  quelquefois  admis  dans 
PHarmonie. 

SEMI-TONIQUE,  adj.  Echelle  Semi-Tonique  ou  Chra- 
viatique.  (Voyez  Echelle.) 

SENSIBILITE,  f.f.  Difpofition  de  l'ame  qui  infpire  au 
Ccmpofiteur  les  idées  vives  dont  il  a  befoin ,  à  l'Exécutant  la 
vive  exprefïïon  de  ces  mêmes  idées ,  &  a  l'Auditeur  la  viv<j 
imprefîion  des  beautés  &  des  défauts  de  la  Mufique  qu'on  lui 
fait  entendre.  (Voyez  Goût. ) 

SENSIBLE,  adj.  Accord  Senfible  eft  celui  qu'on  appelle 
autrement  Accord  dominant.  (Voyez  Accord.)  Il  fe  pratique 
uniquement  fur  la  Dominante  du  Ton  ;  de-là  lui  vient  la 
nom  cY Accord  dominant,  &  il  porte  toujours  la  Note  Senfibli 
pour  Tierce  de  cette  Dominante;  d'où  lui  vient  le  nom 
&  Accord  Senfible.  (Voyez  Accord.)  A  l'égard  de  la  Note 
Senfible ,  (voyez  Note.) 

SEPTIEME,  adj.  pris  fui  fi.  Intervalle  diflbnant  renverfé 
de  la  Seconde,  6c  appelle,  par  les  Grecs,  Heptqckordon^ 
parce  qu'il  eft  formé  de  fept  Sons  ou  de  iîx  Degrés  diato- 
niques. Il  y en  a  de  quatre  foi  tes, 


tfç>6  SEP 

La  première  eft  la  Septième  mineure ,  compofée  de  quatre 
Tons,  trois  majeurs  &  un  mineur,  &  de  deux  femi-Tons 
majeurs,  comme  de  mi  a  re\  ôc  chromatiquement  de  dix 
femi-Tons ,  dont  fix  majeurs  ôc  quatre  mineurs.  Son  rapport 
eft  de  5  à  9. 

La  deuxième  eft  la  Septième  majeure ,  compofée  diatoni- 
quement  de  cinq  Tons,  trois  majeurs  &  deux  mineurs,  ôc 
d'un  femi-Ton  majeur;  de  forte  qu'il  ne  faut  plus  qu'un  femi- 
Ton  majeur  pour  faire  une  0<5tave ,  comme  d'ut  à  fi\  ôc 
chromatiquement  d'onze  femi-Tons ,  dont  fix  majeurs  &  cinq 
mineurs.  Son  rapport  eft  de  8  à  15. 

La  troifîeme ,  eft  la  Septième  diminuée  :  elle  eft  compofée 
de  trois  Tons,  deux  mineurs  &  un  majeur,  ôc  de  trois  femi- 
Tons  majeurs ,  comme  de  Yut  Dièfe  au  fi  Bémol.  Son  rap- 
port eft  de  75  à  118. 

La  quatrième  eft  la  Septième  fuperfiue.  Elle  eft  compofée 
de  cinq  Tons  ,  trois  mineurs  &  deux  majeurs ,  un  femi-Ton 
majeur  &  un  femi-Ton  mineur,  comme  du  fi  Bémol  au  la 
Dièfe;  de  forte  qu'il  ne  lui  manque  qu'un  Comma  pour  faire 
une  Octave.  Son  rapport  eft  de  81  à  160.  Mais  cette  dernière 
efpece  n'eft  point  ufitée  en  Mufique  ,  fi  ce  n'eft  dans  quel- 
ques tranfitions  enharmoniques. 

Il  y  a  trois  Accords  de  Septième. 

Le  premier  eft  fondamental ,  &  porte  fimplement  le  nom 
de  Septième  :  mais  quand  la  Tierce  eft  majeure  ôc  la  Septième 
mineure ,  il  s'appelle  Accord  Scniîble  ou  Dominant.  Il  fê 
compofe  de   la  Tierce ,  de  la    Quinte  ôc  de  la  Septième. 

Le  fécond  cit  encore  fondamental ,  «5c  s'appelle  Accord  de 


S    E    R  6oT 

Septième  diminuée.  Il  eft  compofé  de  la  Tierce  mineure ,  de 
la  fautll-Quinte  &  de  la  Septième  diminuée  dont  il  prend  le 
nom  ;  c'ef  t-a-dire ,  de  trois  Tierces  mineures  confécurives  , 
&  c'eit  le  feul  Accord  qui  foit  ainfi  forme  d'Intervalles  égaux  ; 
il  ne  fe  fait  que  fur  la  Note  fenfible.  (Voy.  Enharmonique.) 

Le  troifieme  s'appelle  Accord  de  Septième  fuperfiue.  C'effc 
un  Accord  par  fuppoficion  formé  par  l'Accord  dominant, 
au-deflbus  duquel  la  Baffe  fait  entendre  la  Tonique. 

Il  y  a  encore  un  Accord  de  Septieme-&-Si\te  ,  qui  n'eft 
qu'un  renverfement  de  l'Accord  de  Neuvième.  11  ne  fe  pra- 
tique guercs  que  dans  les  Points  d'Orgue  à  caufe  de  fa  dureté. 
(Voyez  Accord.) 

SERENADE ,  f.  f.  Concert  qui  fe  donne  la  nuit  fous  les 
fenêtres  de  quelqu'un.  Il  n'eit  ordinairement  compofé  que  de 
Mufique  Initrumentale;  quelquefois  cependant  on  y  ajoute 
des  voix.  On  appelle  aufli  Sérénades  les  Pièces  que  l'on  com- 
pofé ou  que  l'on  exécute  .dans  ces  occafions.  La  mode  des 
Sérénades  elt  paflee  depuis  long-tems  ,  ou  ne  dure  plus  que 
parmi  le  Peuple ,  &  c'eiè  grand  dommage.  Le  filence  de 
la  nuit ,  qui  bannit  toute  diftradion ,  fait  mieux  valoir  la 
Mufique   &  la  rend  plus  delicieufe. 

Ce  mot,  Italien  d'origine,  vient  fans  doute  de  Sereno ,  on 
du  Latin  Sérum  ,  le  foir.  Quand  le  Concert  fe  fait  fur  le 
matin,  ou  à  l'aube  du  jour,  il  s'appelle  Aubade. 

SERRE,  ad).  Les  Intervalles  Serrés  dans  les  Genres  c'p  >is 
4e  la  Mufique  Grecque  font  le  premier  &  Je  fécond  de  cha- 
que Tctracorde.  (  N'oyez  Epais.,) 

SESOL1!.  Particule  fouvenc  employée  par  nos  anciens  Mot- 


ôot  S    E    X 

ficiens  dans  la  compcfition  des  mots  fervans  à  exprimer  diffé- 
rentes fortes  de  Mefures. 

Ils  appelloient  donc  Sefqui-alteres  les  Mefures  dont  la  prin- 
cipale Note  valoit  une  moitié  en  Mis  de  plus  que  fa  valeur 
ordinaire  ;  c'eft-à-dire ,  trois  des  Notes  dont  elle  n'auroit 
autrement  valu  que  deux  ;  ce  qui  avoit  lieu  dans  toutes  les 
Mefures  triples ,  foit  dans  les  majeures ,  où  la  Brève  même 
fans  Points  valoit  trois  femi-Breves;  foit  dans  les  mineures, 
où  la  femi-Breve  valoit   trois  Minimes,  &c. 

Ils  appelloient  encore  Sefqui-OClave  le  Triple,  marqué 
par  ce  figne  C  f. 

Double  Sefqui-Ouarte ,  le  Triple  marqué  C  |,  &  ainfi  des 
autres.  Scfqui-Diton  ou  Hémi-Diton ,  dans  la  Mufique  Grec- 
que ,  eft  l'Intervalle  d'une  Tierce  majeure  diminuée  d'un  femi- 
Ton;  c'eit-à-dire ,  une  Tierce  mineure. 

SEXTUPLE ,  ad).  Nom  donné  affez  improprement  aux 
Mefures  à  deux  Tems,  compofées  de  fix  Notes  égales ,  trois 
pour  chaque  Tems.  Ces  fortes  de  Mefures  ont  été  appellées 
encore  plus  mal-a-propos  par  quelques-uns,  Mefures  à  Jix 
Tems. 

Oii  peut  compter  cinq  efpeces  de  ces  Mefures  Sextuple  <  ; 
c'eit-à-dire,  autant  qu'il  y  a  de  différentes  valeurs  de  Notes, 
depuis  celle  qui  efl  compofée  de  fix  Rondes  ou  femi-Breves, 
appellée  en  France  Triple  de  Jix  pour  un ,  &  qui  s'exprime 
parce  chiffre  ',  jufqu'à  celle  appellée  Triple  de  fix pour J'ei\e  % 
compofée  de  fix  doubles-Croclivs  feulement,  &  qui  le  n 
que  ainfi  :  {?. 

La  plupart  de  ces  diflinctions  font  abolies,  ce  en  effet  efl  I 

fonc 


S     I  6o(j 

font  aflbz  inutiles,  puifque  toutes  ces  dii7érentcs  figures  de 
Notes  font  moins  des  Mefures  différentes  que  des  modifi- 
cations de  Mouvement  dans  la  même  cfpece  de  Mcfure;  ce 
qui  fe  marque  encore  mieux  avec  un  feul  mot  écrit  à  la  tête 
de  l'Air,  qu'avec  tous  ce  fatras  de  chiffres  &  de  Notes  qui 
ne  fervent  qu'a  embrouiller  un  Art  déjà  afiez  difficile  en  lui- 
même.  (Voyez  Double,  Triple,  Tems,  Mesure,  Valeur. 
des  Notes.) 

SI.  Une  des  fept  fyllabes  dont  on  fe  fert  en  France  pour 
folfier  les  Notes.  Guy  Arétin,  en  compofant  fj  Gamme,  n'in- 
venta que  fix  de  ces  fyllabes,  parce  qu'il  ne  fit  que  changer 
en  Hexacordes  les  Tétracordcs  des  Grecs ,  quoiqu'au  fond  fa 
Gamme  fût,  ainfi  que  la  nôtre,  compofée  de  fept  Notes.  Il 
arriva  de-là  que  ,  pour  nommer  la  feptieme  ,  il  faloit  à  chaque 
infiant  changer  les  noms  des  autres  &  les  nommer  de  diver- 
fes  manières  :  embarras  que  nous  n'avons  plus  depuis  l'inven- 
tion du  6i,  fur  la  Gamme  duquel  un  Muficien  nommé  de 
Nivcrs  fit,  au  commencement  du  fiecle,  un  ouvrage  exprès. 

Brcfiard  ,  &  ceux  qui  l'ont  fuivi,  attribuent  l'invention  du 
Si  à  un  autre  Muficien  nommé  Le  Main ,  entre  le  milieu 
&  la  fin  du  dernier  fiecle  ;  d'autres  en  font  honneur  à  un 
certain  V"an-der-Puttcn\  d'autres  remontent  jufqu'à  Jean  de 
Mûris,  vers  l'an  1330;  6c  le  Cardinal  lîona  dit  que  des  l'on- 
zième fiecle,  qui  étoit  celui  de  l'Arétin,  Ericius  Dupuis  ajouta 
une  Note  aux  fix  de  Guy ,  pour  éviter  les  difficultés  des  Muan- 
ces  6c  faciliter  l'étude  du  Chant. 

Mais,  fans  s'arrêter  à  l'invention  d'Ericius  Dupuis  ,  morte 
fans  doute  avec  lui,  ou  fur  laquelle  Bona ,  plus  récent  de 
Dicl.  de  Mu tj/, jue.  H  h  h  h 


£io  S     I 

cinq  fïecles,  a  pu  fe  tromper;  il  eft  même  aifé  de  prouver 
que  l'invention  du  Si  eft  de  beaucoup  poftérieure  à  Jean  de 
Mûris ,  dans  les  écrits  duquel  on  ne  voit  rien  de  femblable, 
A  l'égard  de  Van-der-Putten ,  je  n'en  puis  rien  dire,  parce  que 
je  ne  le  corrnois  point.  Refte  Le  Maire  ,  en  faveur  duquel  les 
voix  femblent  fe  réunir.  Si  l'invention  confifte  à  avoir  intro- 
duit dans  la  pratique  l'ufage  de  cette  fyllabe  Si,  je  ne  vois 
pas  beaucoup  de  raifons  pour  lui  en  difputer  l'honneur.  Mar3 
fi  le  véritable  inventeur  eft  celui  qui  a  vu  le  premier  la  nécef- 
fité  d'une  feptieme  fyllabe,  &  qui  en  a  ajouté  une  en  con- 
séquence, il  ne  faut  pas  avoir  fait  beaucoup  de  recherches 
pour  voir  que  Le  Maire  ne  mérite  nullement  ce  titre  :  car 
on  trouve  en  plufieurs  endroits  des  écrits  du  P.  Merfenne  la 
nécefïité  de  cette  feptieme  fyllabe,  pour  éviter  les  Muanccs; 
&  il  témoigne  que  plufieurs  avoient  inventé  ou  mis  en  pra- 
tique cette  feptieme  fyllabe  à-peu-prcs  dans  le  même  tems" 
&  entr'autres  Gilles  Grand-Jean ,  Maître  Ecrivain  de  Sens  ; 
mais  que  les  uns  nommoient  cette  fyllabe  Ci ,  d'autres  Dir 
d'autres  Ni ,  d'autres  Si ,  d'autres  Za  ,  cxc.  Même  avant  le- 
P.  Merfenne ,  on  trouve ,  dans  un  ouvrage  de  Banchiéri  r 
Moine  Olivétan,  imprimé  en  i6i4,&  intitulé,  Carte/la 
Mufica ,  l'addition  de  la  même  feptieme  fyllabe  \  il  l'appelle 
Bi  par  Béquarre ,  Ba  par  Bémol ,  &  il  alfurc  que  cette  addi- 
tion a  été  fort  approuvée  à  Home.  De  forte  que  toute  la  pré- 
tendue invention  de  Le  Maire  confifte,  tout  au  plus,  a  avoir 
écrit  ou  prononcé  Si  ,  au  lieu  d'écrire  ou  prononcer  Bi  ou 
Bci ,  Ni  ou  Di\  &  voila  avec  quoi  un  homme  elt  immor- 
taiifé.  Du  refte,  l'ufage  du  Si  n'elt  connu  qu'en  France,  vie 


S    I     ( 


J 1 


malgré  ce  qu'en  dit  le  Moine  Banchiéri ,  il  ne  s'clt  pas  même 
confervé  en  Italie. 

SICILIENNE,/  f.  Sorte  d'Air  à  danfer ,  dans  la  Mefure 
ù  fix-quatre  ou  fix-huit,  d'un  Mouvement  beaucoup  plus  lent, 
mais  encore  plus  marqué  que  celui  de  la  Gigue. 

SIGNES,/  m.  Ce  font,  en  général,  tous  ks  divers  carac- 
tères dont  on  fe  fert  pour  noter  la  Mufique.  Mais  ce  mot 
s'entend  plus  particulièrement  des  Dièfcs ,  Bémols,  fiéquar- 
res,  Points,  Reprifes,  Paufes,  Guidons  &  autres  petits  carac- 
tères détachés,  qui,  fans  être  de  véritables  Notes,  font 
des  modifications  des  Notes  &  de  la  manière  de  les  exécuter. 

SILENCES,  /.'  m.  Signes  répondans  aux  diverfes  valeurs 
des  Notes,  lefquels,  mis  à  la  place  de  ces  Notes,  marquent 
que   tout  le  tems  de   leur  valeur  doit  être  pafle  en  filence. 

Quoiqu'il  y  ait  dix  valeurs  de  Notes  différentes,  depuis 
la  Maxime  jufqu'à  la  quadruple-Croche ,  il  n'y  a  cependant 
que  neuf  caractères  différens  pour  les  Silences;  car  celui  qui 
doit  correfpondre  à  la  Maxime  a  toujours  manqué,  &  pour 
en  exprimer  la  durée,  on  double  le  Bâton  de  quatre  Mefures 
équivalant  à  la  Longue. 

Ces  divers  Silences  font  donc  :  i.  le  Bâton  de  quatre" 
Mefures,  qui  vaut  une  Longue  :  2.  le  Bâton  de  deux  Mefii- 
res,  qui  vaut  une  Brève  ou  Quarrée  :  3.  la  Paufe,  qui  vaut 
une  femi-Breve  ou  Ronde:  4.  la  demi- Paufe,  qui  vaut  une 
Minime  ou  Blanche  :  5.  le  Soupir,  qui  vaut  une  Noire  :  6. 
le  demi-Soupir ,  qui  vaut  une  Croche  :  7.  le  quart-de-Sou- 
pir,  qui  vaut  une  double-Croche  :  8.  le  demi-quart-dc-Soupir, 
qui  vaut  une  triple-Croche  :  9.  &  enfin  le  (èizieme-de-Soupir, 

Hhhh  1 


6n  SIM 

qui    vaut  une  quadruple-Croche.  Voyez  les  figures  de    tous 
ces  Silences  PL  D.   Fig.  9. 

Il  faut  remarquer  que  le  Point  n'a  pas  lieu  parmi  les 
Silences  comme  parmi  les  Notes;  car  bien  qu'une  Noire  & 
un  Soupir  foient  d'égale  valeur ,  il  n'elt  pas  d'ufage  de  pointer 
le  Soupir  pour  exprimer  la  valeur  d'une  Noire  pointée  :  mais 
on  doit,  après  le  Soupir,  écrire  encore  un  demi-Soupir.  Ce- 
pendant, comme  quelques-uns  pointent  auffi  les  Silences,  il 
faut  que  l'Exécutant  foit  prêt  a  tout. 

SIMPLE  ,  f.  f.  Dans  les  Doubles  &  dans  les  Varia- 
tions ,  le  premier  Couplet  ou  l'Air  original  ,  tel  qu'il  eft 
d'abord  noté ,  s'appelle  le  Simple.  (Voyez  Double,  Varia- 
tions. ) 

SIXTE  ,  /  f.  La  féconde  des  deux  Confonnances  impar- 
faites ,  appellée  ,  par  les  Grecs  ,  Hexacorde  ,  parce  que  fon 
Intervalle  eft  formé  de  fix  Sons  ou  de  cinq  Degrés  Diato- 
niques. La  Sixte  eft  bien  une  Confonnance  naturelle  ,  mais 
feulement  par  combinaifon;  car  il  n'y  a  point  dans  l'ordre 
des  Confonnances  de  Sixte  fimple  &  directe. 

A  ne  confidérer  les  Sixtes  que  par  leurs  Intervalles  ,  on 
en  trouve  de  quatre  fortes  ;  deux  conformantes  &  deux  dif- 
fonantes. 

Les  Confonnantes  font  :  i°.  la  Sixte  mineure  ,  compofee 
de  trois  Tons  &  deux  femi-Tons  majeurs  ,  comme  mi  ut  : 
fon  rapport  eft  de  5  a  8.  z".  la  Sixte  nui/cure  ,  compofee 
de  quatre  Tons  &  un  femi-Too  majeur,  comme  fol  nu  : 
fon  rapport  eft  de    ;  à  s- 

Les  Sixtes  diflbiunccs  font  :  i°.  la  Sixte  diminuée  ,  corn- 


SIX  6ii 

pofée  de  deux  Tons  &  trois  femi-Tons  majeurs  ;  comme  ut 
Dièfe,/d  Bémol,  &  dont  le  rapport  eft  de  125  à  191.  i°.  la 
Sixte  fuperflue  ,  compofée  de  quatre  Tons  ,  un  femi-Ton 
majeur  6c  un  femi  -  Ton  mineur  ,  comme  fi  Bémol  &  fol 
Dièfe.  Le  rapport  de  cette  Sixte  eft  de  71  à  115. 

Ces  deux  derniers  Intervalles  ne  s'emploient  jamais  dans 
la  Mélodie ,  &  la  Sixte  diminuée  ne  s'emploie  point  non  plus 
dans  l'Harmonie. 

Il  y  a  fept  Accords  qui  portent  le  nom  de  Sixte.  Le  pre- 
mier s'appelle  fimplement  Accord  de  Sixte.  C'eft  l'Accord 
parfait  dont  la  Tierce  eft  portée  à  la  Baffe.  Sa  place  elt  fur 
la  Médiante  du  Ton  ,  ou  fur  la  Note  fenfible ,  ou  fur  la 
fixieme   Note. 

Le  fécond  s'appelle  Accord  de  Sixte-Ouarte.  C'eft  encore 
l'Accord  parfait  dont  la  Quinte  eft  portée  à  la  Baffe  :  il  ne 
fe  fait  gueres  que  fur  la  Dominante  ou  fur  la  Tonique. 

Le  troilieme  eft  appelle  Accord  de  petite-Sixte.  C'eft  un 
Accord  de  Septième  ,  dont  la  Quinte  elt  portée  à  la  Balle. 
La  petite-Sixte  fe  met  ordinairement  fur  la  féconde  Note 
du  Ton  ,  ou  fur  la  fixieme. 

Le  quatrième  eft  l'Accord  de  Sixte-&-Ouinte  ou  grande- 
Sixte.  C'eit  encore  un  Accord  de  Septième  ,  mais  dont  la 
Tierce  eft  portée  à  la  Baffe.  Si  l'Accord  fondamental  eft  do- 
minant ,  alors  l'Accord  de  grande-Sixte  perd  ce  nom  &  s'ap- 
pelle Accord  de  Faujfe-Ouinte.  (Voyez  Fausse  -  Qui  mk  ) 
La  grande-Sixte  ne  fe  met  communément  que  fur  la  qua- 
trième Note  du  Ton. 

Le  cinquième  eft  l'Accord  de  Sixtc-ajoutée  :  Accord  fou- 


614  SIX 

damental ,  compofé  ,  ainfi  que  celui  de  grande  -  Sixte  l  de 
Tierce  ,  de  Quinte  ,  Sixte  majeure ,  &  qui  fe  place  de  même 
fur  la  Tonique  ou  fur  la  quatrième  Note.  On  ne  peut  donc 
diftinguer  ces  deux  Accords  que  par  la  manière  de  les  fau- 
ver  ;  car  fi  la  Quinte  defcend  &  que  la  Sixte  refte  ,  c'eft 
l'Accord  de  grande-Sixte ,  &  la  Baffe  fait  une  cadence  par- 
faite ;  mais  fi  la  Quinte  refte  &  que  la  Sixte  monte  ,  c'eft 
l'Accord  de  Sixte-ajoutêe  ,  &  la  Baffe-fondamentale  fait  une 
cadence  irréguliere.  Or,  comme,  après  avoir  frappé  cet  Ac- 
cord ,  on  eft  maître  de  le  fauver  de  l'une  de  ces  deux  maniè- 
res ,  cela  tient  l'Auditeur  en  fufpens  fur  le  vrai  fondement 
de  l'Accord  ,  jufqu'à  ce  que  la  fuite  l'ait  détermine  ;  &  c'eft 
cette  liberté  de  choifir  que  M.  Rameau  appelle  Douple-empln. 
f  Voyez  Double-Emploi.) 

Le  fixieme  Accord  eft  celui  de  Sixte-majeure  &c  Fauflè- 
Quinte  ,  lequel  n'eft  autre  chofe  qu'un  Accord  de  petite- 
Sixte  en  Mode  mineur  ,  dans  lequel  la  FauJJ'e  -  Ouinte  eft 
fubfliruée  à  la  Quarte  :  c'eft  ,  pour  m'exprimer  autrement , 
un  Accord  de  Septième  diminuée  ,  dans  lequel  la  Tierce 
eft  portée  à  la  Baffe.  Il  ne  fe  place  que  fur  la  féconde  Note 
du  Ton. 

Enfin  ,  le  fepticme  Accord  de  Sixte  eft  celui  de  Sixte 
fuperflue.  C'eft  une  efpece  de  petite-Sixte  qui  ne  fe  pratique 
jamais  que  fur  la  fixieme  Note  d'un  Ton  mineur  defeendunt 
fur  la  Dominante  ;  comme  alors  la  Sixte  de  cette  (ixieme 
Note  eft  naturellement  majeure,  on  la  rend  quelquefois  fu- 
perflue en  y  ajoutant  encore  un  Dièfe.  Alors  cette 
fuperflue  devient  un  Accord  original,  lequel  ne  fe  renveife 
point.  (Voyez  Aicord. ) 


SOL  615 

SOL.  La  cinquième  des  fix  fyllabes  inventées  par  l'Arc  tin, 
pour  prononcer  les  Notes  de  la  Gamme.  Le  Sol  naturel 
répond  à  la  lettre  G.  (Voyez  Gamme.) 

SOLFIER  ,  v.  n.  C'eft ,  en  entonnant  des  Sons  ,  pro- 
noncer en  même  rems  les  fyllabes  de  la  Gamme  qui  leur 
correfpondenr.  Cet  exercice  cft  celui  par  lequel  on  fait  tou- 
jours commencer  ceux  qui  apprennent  la  Mufique,  afin  que 
Tidée  de  ces  différentes  fyllabes  s'unilfant  dans  leur  efprit  à 
celle  des  Intervalles  qui  s'y  rapportent, ces  fyllabes  leur  aident 
à  fe  rappcller  ces  Intervalles. 

Ariltide  Quintilien  nous  apprend  que  les  Grecs  avoienc 
pour  Jblfier  quatre  fyllabes  ou  dénominations  des  Notes  , 
qu'ils  répétoient  à  chaque  Tétracorde,  comme  nous  en  ré- 
pétons fept  à  chaque  Octave.  Ces  quatre  fyllabes  étoient  les 
fuivantes  :  Te ,  Ta  ,  Thè  ,  Tho.  La  première  répondoit  au 
premier  Son  ou  à  l'Hypate  du  premier  Tétracorde  &  des 
fuivans  ;  la  féconde  ,  à  la  Parhypate  ;  la  troifieme  ,  au  Li- 
chanos  ;  la  quatrième  ,  à  la  Nete  ;  &  ainfi  de  fuite  en  recom- 
mençant :  manière  de  folfier  qui ,  nous  montrant  clairement 
que  leur  modulation  étoit  renfermée  dans  l'étendue  du  Tétra- 
corde ,  &  que  les  Sons  homologues ,  gardant  &  les  mêmes 
rapports  &  les  mêmes  noms  d'un  Tétracorde  a  l'autre,  étoient 
eenfés  répétés  de  Quarte  en  Quarte  ,  comme  chez  nous  d'Oc- 
tave en  Octave  ,  prouve  en  même  tems  que  leur  génération 
harmonique  n'avoit  aucun  rapport  à  la  nôtre  ,  &  s'établilfoit 
fur  des  principes  tout  difTérens.. 

Guy  d'Arezzo  ayant  fubftitué  fon  Hexacorde  au  Tétracorde 
ancien ,  fubftitua  aulli ,  pour   le  Solfier  ,   fix    autres  fyllabes 


616  SOL 

aux  quatre  que  les  Grecs  employaient  autrefois.  Ces  fix  fyl- 
labes  font  les  fuivantes  :  ut  te  mi  fa  fol  la  ,  tirées,  comme 
chacun  fait ,  de  l'Hymne  de  Saint  Jean-Bapti(te.  Mais  cha- 
cun ne  fût  pas  que  l'Air  de  cette  Hymne  tel  qu'on  le  chante 
aujourd'hui  dans  l'Eglife  Romaine,  n'elt  pas  exactement  celui 
dont  l'Arétin  tira  fes  fyllabes ,  puifque  les  Sons  qui  les  por- 
tent dans  cette  Hymne  ne  font  pas  ceux  qui  les  portent  dans 
fa  Gamme.  On  trouve  dans  un  ancien  manufcrit  confervé 
dans  la  Bibliothèque  du  Chapitre  de  Sens  ,  cette  Hymne  , 
telle,  probablement,  qu'on  la  chantoit  du  tems  de  l'Arétin j 
ôc  dans  laquelle  chacune  des  fix  fyllabes  eft  exactement  appli- 
quée au  Son  correfpondant  de  la  Gamme ,  comme  on  peut 
le  voir  (  PL  G.  Fig.  i.  )  où  }'ai  tranfcrit  cette  Hymne  en 
Notes  de  Plain-Chant. 

Il  paroît  que  l'ufage  des  fix  fyllabes  de  Guy  ne  s'étendit 
pas  bien  promptement  hors  de  l'Italie  ,  puifque  Mûris  té- 
moigne avoir  entendu  employer  dans  Paris  les  fyllabes  Pro 
to  do  no  tu  a  ,  au  lieu  de  celles  -  la.  Mais  enfin  celles  de 
Guy  l'emportèrent  &  furent  admifes  généralement  en  France 
comme  dans  le  refte  de  l'Europe.  Il  n'y  a  plus  aujour- 
d'hui que  l'Allemagne  où  l'on  folfie  feulement  par  les  let- 
tres de  la  Gamme  ,  &  non  par  les  fyllabes  :  en  forte  que 
la  Note  qu'en  folfiatU  nous  appelions  la  ,  ils  l'appellent  A; 
celle  que  nous  appelions  ut  ,  ils  l'appellent  G  Pour  les 
Notes  diefées  ils  ajoutent  un  t  à  la  lettre  &:  prononcent 
cet  .9,  is  ;  en  forte  ,  par  exemple  ,  que  pour  folf.cr  re  Dièft  , 
ils  prononcent  Dis.  Ils  ont  auffi  ajouté  la  lettre  H  pour 
6tcr  l'équivoque  du  fi  ,  qui  n'elt  13  qu'étant  Bémo!  ;   lorfqu'il 

dt 


SOL  *rr 

eft'  Béquarre  ,  il  eft  H  :  ils  ne  connoiiïent ,  en  folfunt ,  de 
Bémol  que  celui-là  feul  ;  au  lieu  du  Bémol  de  touce  autre 
Noce  ,  ils  prennent  le  Dièfe  de  celle  qui  eft  au-delîbus  ;  ainfi 
pour  la  Bémol  ïïsfolfient  G  sy  pour  mi  Bémol  D  s ,  &c.  Cette 
manière  de  Solfier  eft  fi  dure  &  fi  embrouillée  ,  qu'il  faut 
être  Allemand  pour  s'en  fervir  ,  &  devenir  toutefois  grand 
Muficien. 

Depuis  l'ctabliiTement  de  la  Gamme  de  l'Arétin  ,  on  a 
efiayé  en  différens  tems  de  fubftituer  d'autres  fyllabes  aux 
fiennes.  Comme  la  voix  des  trois  premières  eft  aiïez  fourde  , 
M.  Sauveur ,  en  changeant  la  manière  de  noter  ,  avoit  auflï 
changé  celle  de  folfier  ,  &  il  nommoit  les  huit  Notes  de 
l'Octave  par  les  huit  fyllabes  fuivantes  :  Pa  ra  ga  da  fo  bo 
lo  do.  Ces  noms  n'ont  pas  plus  parlé  que  les  Notes  ;  mais 
pour  la  fyllabe  do  ,  elle  étoit  antérieure  à  M.  Sauveur  :  les 
Italiens  l'ont  toujours  employée  au  lieu  d'«f  pour  folfier , 
quoiqu'ils  nomment  ut  &  non  pas  do  ,  dans  la  Gamme. 
Quant  à  l'addition  du  fi,  (  Voyez  Si.  ) 

A  l'égard  des  Notes  altérées  par  Dièfe  ou  par  Bémol  , 
elles  portent  le  nom  de  la.  Note  au  naturel ,  &  cela  caufe , 
dans  la  manière  de  folfier  ,  bien  des  embarras  auxquels 
M.  de  Boifgelou  s'eft  propofé  de  remédier  en  ajoutant  cinq 
Notes  pour  compléter  le  fyftême  chromatique  &  donnant 
un  nom  particulier  a  chaque  Note.  Ces  noms  avec  les 
anciens  font ,  en  tout ,  au  nombre  de  douze ,  autant  qu'il  y 
a  de  Cordes  dans  ce  fyftcme  ;  favoir ,  ut  de  re  ma  mi  fa  fi 
fol  be  la  fa  fi.  Au  moyen  de  ces  cinq  Notes  ajoutées  ,  &  des 
noms  qu'elles  portent ,  tous  les  Bémols  &  les  Dicfcs  font 
Dicl.  de  Mufioue.  I  i  1  i 


6iS  S    O    D 

anéantis  ,  comme  on  le  pourra   voir  au  mot  Syftcme  dans 
Fexpofition  de  celui  de  M.  de  Boifgelou. 

Il  y  a  diverfes  manières  de  folfkr  ;  favoir ,  par  Muances  , 
par  tranfpofition  ôc  au  naturel.  (  Voyez  Muances  ,  Na- 
turel ôc  Transposition.  )  La  première  méthode  ef-t  la 
plus  ancienne  ,  la  féconde  eft  la  meilleure  ,  la  troifieme  eft 
la  plus  commune,  en  France.  Plulleurs  Nations  ont  gardé 
dans  les  Muances  l'ancienne  nomenclature  des  fix  fyllabes 
de  l'Arétin.  D'autres  en  ont  encore  retranché  ,  comme  les 
Anglois  ,  qui  folfuit  fur  ces  quatre  fyllabes  feulement  ,  mi 
fa  fol  la.  Les  François  ,  au  contraire  ,  ont  ajouté  une  fyU 
labe  pour  renfermer  fous  des  noms  différens  tous  les  fept 
Sons  diatoniques  de  l'Octave. 

Les  inconvéniens  de  la  Méthode  de  l'Arétin  font  confî- 
dérables  ;  car  faute  d'avoir  rendu  complète  la  Gamme  de 
l'Octave  ,  les  fyllabes  de  cette  Gamme  ne  fignifient  ni  des 
touches  fixes  du  Clavier,  ni  des  Degrés  du  Ton,  ni  même 
des  Intervalles  déterminés.  Par  les  Muances  ,  la  fa  peut  for- 
mer un  Intervalle  dé  Tierce  majeure  en  defeendant  ,  ou  de 
Tierce  mineure  en  montant,  ou  d'un  femi-Ton  encore  en 
montant,  comme.il  eft  aifê  de  voir  par  la  Gamme,  &c. 
(  Voyez  Gamme  ,  Muances.  )  C'elt  encore  pis  par  la  mé- 
thode Angloife  :  on  trouve  à  chaque  mitant  dinvrens  In- 
tervalles qu'on  ne  peut  exprimer  que  par  les  mêmes  fyllabes,  , 
&  les  mêmes  noms  de  Notes  y  reviennent  à  toutes  les 
Quartes,  comme  parmi  les  Grecs;  au  lieu  de  n'y  revenir 
qu'à  toutes  les  Octaves  ,  félon  le  fylléme  moderne. 

La  manière  de  folÇicr  établie  en    France  par  l'addition  du 


SOL  6r> 

fi  ,  vaut  apurement  mieux  que  tout  cela  ;  c:tr  !.i  Gamme  fe 
trouvant  complète  ,  les  Muances  deviennent  inutiles  ,  & 
l'analogie  des  Octaves  cft  parfaitement  obfervée.  Mais  les 
Muficiens  ont  encore  gâté  cette  méthode  par  la  bizarre  ima- 
gination de  rendre  les  noms  des  Notes  toujours  fixes  & 
déterminés  fur  les  touches  du  Clavier  ;  en  forte  que  ces 
touches  ont  toutes  un  double  nom  ,  tandis  que  les  Degrés 
d'un  Ton  tranfpofé  n'en  ont  point.  Défaut  qui  charge  inu- 
tilement la  mémoire  de  tous  les  Diètes  ou  Bémols  de  la 
Clef,  qui  ôte  aux  noms  des  Notes  l'exprcffion  des  Inter- 
valles qui  leur  font  propres  ,  6c  qui  efface  enfin  ,  autant  qu'il 
eft  poiïible  ,  toutes  les  traces  de  la  modulation. 

Ut  ou  «  ne  font  point  ou  ne  doivent  point  être  telle  ou 
■  telle  touche  du  Clavier  ;  mais  telle  ou  telle  Corde  du  Ton. 
Quant  aux  touches  fixes,  c'eit  par  des  lettres  de  l'Alphabet 
qu'elles  s'expriment.  La  touche  que  vous  appeliez  ut  ,  je 
l'appelle  C  ;  celle  que  vous  appeliez  ve  ,  je  l'appelle  D.  Ce 
ne  font  pas  des  figues  que  j'invente  ,  ce  font  des  fignes 
tout  établis  ,  par  lefquels  je  détermine  très  -  nettement  lu 
Fondamentale  d'un  Ton.  Mais  ce  Ton  une  fois  déterminé, 
dites- moi  de  grâce  à  votre  tour,  comment  vous  nommez 
la  Tonique  que  je  nomme  ut ,  &  la  féconde  Note  que  je 
nomme  rc  ,  &  la  Médiante  que  je  nomme  mi  ?  Car  ces 
noms  relatifs  au  Ton  &  au  Mode  font  effentiels  pour  la 
détermination  des  idées  6c  pour  la  Juliette  des  Intonations. 
Qu'on  y  réHcchiire  bien  ,  6c  l'on  trouvera  que  ce  que  les 
Muficiens  François  appellent  fo/fier  au  naturel  elt  tout-à- 
fait  hors  de    la    nature.   Cette   méthode    elt   inconnue  chez 

I  iii  i 


6io  SOL 

toute  autre  Nation ,  &  fûrement  ne  fera  jamais  fortune  dans 
aucune  :  chacun  doit  fentir  au  contraire  ,  que  rien  n'eft 
plus  naturel  que  de  Solfier  par  tranfpoiition  lorfque  le  Mode 
eft  tranfpofé. 

On  a  ,  en  Italie  ,  un  Recueil  de  leçons  à  Solfier  ,  appellées 
Solfeggi.  Ce  Recueil  ,  compofé  par  le  célèbre  Léo  ,  pour 
l'ufage  des  commençans  ,  eft  très  -  eftimé. 

SOLO  ,  ad),  pris  fubflantiv.  Ce  mot  Italien  s'eft  francifé 
dans  la  Mufique  ,  &  s'applique  à  une  Pièce  ou  à  un  mor- 
ceau qui  fe  chante  à  Voix  feule  ,  ou  qui  fe  joue  fur  un  feul 
Instrument  avec  un  firnple  Accompagnement  de  Bafle  ou 
de  Clavecin  ;  Ôc  c'eft  ce  qui  diftingue  le  Solo  du  Récit ,  qui 
peut  être  accompagné  de  tout  l'Orcheftre.  Dans  les  Pièces 
appellées  Concerto  ,  on  écrit  toujours  le  mot  Solo  fur  la 
Partie  principale  ,  quand  elle  récite. 

SON ,  f.  m.  Quand  l'agitation  communiquée  à  l'air  par 
la  collifion  d'un  corps  frappé  par  un  autre  ,  parvient  jufqu'à 
l'organe  auditif,  elle  y  produit  une  fenfation  qu'on  appelle 
Bruit.  (  Voyez  Bruit.  )  Mais  il  y  a  un  Bruit  réfonnvint  &z 
appréciable  qu'on  appelle  Son.  Les  recherches  fur  le  Son 
abfolu  appartiennent  au  Phyficien.  Le  Muficien  n'examine 
que  le  Son  relatif;  il  l'examine  feulement  par  {es  modifica- 
tions fenlîbles  ,  &  c'eft  félon  cette  dernière  idée  ,  que  nous 
l'envifageons  dans  cet  Article. 

Il  y  a  trois  objets  principaux  à  confidérer  dans  le  Son  ; 
le  Ton  ,  la  force  &  le  timbre.  Sous  chacun  de  ces  rap- 
ports le  Son  fe  conçoit  comme  modifiable  :  i°.  du  grave  à 
l'aigu  :  2°.  du  fort  au  foible  :  j°,  de  l'aigre  au  doux  ,  ou 
du  fourd  à  l'éclatant  ,  &  réciproquement. 


SON  5zi 

Je  fuppofe  d'abord  ,  quelle  que  foir  la  nature  du  Son  ,  que 
fon  véhicule  n'eft  autre  choie  que  l'air  même  :  première- 
ment )  parce  que  l'air  eft  le  feul  corps  intermédiaire  de 
l'exif  tente  duquel  on  foit  parfaitement  allure  ,  entre  le  corps 
fonore  &  l'organe  auditif  ;  qu'il  ne  faut  pas  multiplier  les 
êtres  fans  néceffité  ;  que  l'air  fufBc  pour  expliquer  la  for- 
mation du  Son  ;  &  de  plus  ,  parce  que  l'expérience  nous  ap- 
prend qu'un  corps  fonore  ne  rend  pas  de  Son  dans  un  lieu 
tout-à-fait  prive  d'air.  Si  l'on  veut  imaginer  un  autre  fluide  , 
on  peut  aifément  lui  appliquer  tout  ce  que  je  dis  de  l'air 
dans  cet  Article. 

La  réfonnance  du  Son  ,  ou ,  pour  mieux  dire  ,  fa  perma- 
nence &  fon  prolongement  ne  peut  naître  que  de  la  durée 
de  l'agitation  de  l'air.  Tant  que  cette  agitation  dure  ,  l'air 
ébranlé  vient  fans  ceiïe  frapper  l'organe  auditif  &  prolonge 
ainfi  la  fenfation  du  Son.  Mais  il  n'y  a  point  de  manière 
plus  fimple  de  concevoir  cette  durée  ,  qu'en  fuppofant  dans 
l'air  'des  vibrations  qui  fe  fuccedent  ,  &  qui  renouvellent 
ainfi  à  chaque  inftant  l'imprefllon.  De  plus  ,  cette  agitation 
de  l'air  ,  de  quelque  efpece  qu'elle  foit ,  ne  peut  être  pro- 
duite que  par  une  agitation  fermSlable  dans  les  parties  du 
corps  fonore  :  or  ,  c'elt  un  fait  certain  que  les  parties  du 
corps  fonore  éprouvent  de  telles  vibrations.  Si  l'on  touche 
le  corps  d'un  Violoncelle  dans  le  rems  qu'on  en  tire  du  Son  , 
on  le  fent  frémir  fous  la  main  &  l'on  voit  bien  fcnfiblement 
durer  les  vibrations  de  la  Corde  jufqu'à  ce  que  le  Son  s'étei- 
gne. Il  en  eft  de  même  d'une  cloche  qu'on  fait  fonner  en 
Ja  frappant  du  batail  ;  on  la  fent,  on  la  voit  même  frémir, 


,6u  SON 

&  l'on  voit  fautiller  les  grains  de  fable  qu'on  ]ette  fur  ta 
furface.  Si  la  Corde  fe  dérend  ,  ou  que  la  cloche  fe  fende  , 
plus  de  frémifTement ,  plus  de  Son.  Si  donc  cette  cloche  ni 
cette  Corde  ne  peuvent  communiquer  à  l'air  que  les  mouve- 
mens  qu'elles  ont  elles-mêmes ,  on  ne  fauroit  douter  que  le 
Sjn  produit  par  les  vibrations  du  corps  fonore,  ne  fe  pro- 
page par  des  vibrations  femblables  que  ce  corps  communi- 
que à  l'air. 

Tout  ceci  fuppofé  ,  examinons  premièrement  ce  qui  conf> 
•tkue  le   rapport  des  Sons  du  grave  à  l'aigu. 

I.  Théon  de  Smyrne  dit  que  Lafus  d'Hermione,  de  même 
que  le  Pythagoricien  Hyppafe  de  Métapont  ,  pour  calculer 
les  rapports  des  Confonnances  ,  s'étoient  fcrvis  de  deux  va- 
fes  femblables  &  réfonnan.s  à  l'UnifTon  ;  que  biffant  vide 
l'un  des  deux  ,  &  remplkTanr.  l'autre  jufqu'au  quart  ,  la 
percuffion  de  l'un  &  de  l'autre  avoit  fait  entendre  la  Con- 
rfonnance  de  la  Quarte  ;  que  ,  remplilTant  enfuitc  le  fécond 
jufqu'au  tiers  ,  puis  jufqu'à  la  moitié  ,  la  percufifion  des 
deux  avoit    produit   la  Confonnance    de    la   Quinte    puis  de 

l'Ofcve. 

Pythagore  ,  au  rapport  de  Nicomaque  «Se  de  Ccnforin  , 
s'y  étoit  pris  d'une  autre  manière  pour  calculer  les  mêmes 
rapports.  Il  fufpendit  ,  difent  -  ils  ,  aux  mêmes  Cordes  fo- 
nores  différens  poids  ,  &  détermina  les  rapports  à^s  divers 
fo/w  far  ceux  qu'il  trouva  entre  les  poids  tendans  :  mais  les 
calculs  de  Pythagore  font  trop  jufles  pour  avoir  été  faits  de 
Cette   manière  ;  puifque  chacun   fait   aujourd'hui  ,  fur  les  ex- 

iences   de  Vincent  Galilée  ,  que  les  Sans    font   cntrYux  * 


SON  6i} 

non  comme  les  poids  tcndans ,  mais  en  raifon  fous  -  double 
de  ces  mêmes  poids. 

Enfin  Ton  inventa  le  Monocorde  ,  appelle  par  les  An- 
ciens ,  Canon  Harmonicas  ,  parce  qu'il  donnoic  la  règle  des 
divifions  Harmoniques.  Il  faut  en  expliquer  le  principe. 

Deux  Cordes  du  même  métal  égales  &  également  tendues 
forment  un  Uniffon  parfait  en  tout  fens  :  fi  les  longueur; 
font  inégales  ,  la  plus  courte  donnera  un  Son  plus  aigu  ,  ôc 
fera  auffi  plus  de  vibrations  dans  un  tems  donné  ;  d'où  l'on 
conclud  que  la  différence  des  Sons  du  grave  à  l'aigu  ne 
procède  que  de  celle  des  vibrations  faites  dans  un  même 
elpace  de  tems  par  les  Cordes  ou  corps  fonores  qui  les  font 
entendre  ;  ainfi  l'on  exprime  les  rapports  des  Sons  par  les 
nombres  des  vibrations  qui  les  donnent,  - 

On  fait  encore  ,  par  des  expériences  non  moins  certaines , 
que  les  vibrations  des  Cordes,  toutes  choies  d'ailleurs  égales, 
font  toujours  réciproques  aux  longueurs.  Ainfi  ,  une  Corde 
double  d'une  autre  ne  fera  ,  dans  le  même  tems  ,  que  la 
moitié  du  nombre  des  vibrations  de  celle  -  ci  ;  &  le  rapport 
des  Sons  qu'elles  feront  entendre  s'appelle  Octave.  Si  les 
Cordes  font  comme  3  &  2. ,  les  vibrations  feront  comme  z 
&  3  ;  &  le  rapport  des  Sons  s'appellera  Ouintc  ,  &c.  (  Voy, 
Intervalle.  ) 

On  voit  par-là  qu'avec  des  Chevalets  mobiles  il  eft  aife 
de  former  fur  une  feule  Corde  des  divifions  qui  donnent  des 
Sons  dans  tous  les  rapports  pofliblcs,  foit  entr'eux  ,  foit  avec 
la  Corde  entière.  C'cft  le  Monocorde  dont  je  viens  de  parler, 
(Voyez  Monocor.de. 


6i4  SON 

On  peut  rendre  des  Sons  aigus  ou  graves  par  d'autres 
moyens.  Deux  Cordes  de  longueur  égale  ne  forment  pas 
toujours  l'UnilTon  ;  car  fi  l'une  efi  plus  grorte  ou  moins  ten- 
due que  l'autre ,  elle  fera  moins  de  vibrations  en  tems  égaux, 
&  conféquemment  donnera  un  Son  plus  grave.  (  Voyez 
Corde.  ) 

Il  eft  aifé  d'expliquer  fur  ces  principes  la  conftruction  des 
Inftrumens  à  Cordes  ,  tels  que  le  Clavecin  >  le  Tympanon  , 
&  le  jeu  des  Violons  &  J3a(Tes  ,  qui ,  par  différens  accour- 
ciflemens  des  Cordes  fous  les  doigts  ou  chevalets  mobiles  , 
produit  la  diverfité  des  Sons  qu'on  tire  de  ces  Inftrumens. 
Il  faut  raifonner  de  même  pour  les  Inlrrumens  à  vent  :  les 
plus  longs  forment  des  Sons  plus  graves ,  fi  le  vent  efr.  égal. 
Les  trous  ,  comme  dans  les  Flûtes  &  Hautbois  ,  fervent 
à  les  raccourcir  pour  rendre  les  Sons  plus  aigus.  En  don- 
nant plus  de  vent  on  les  fait  oitavier ,  &  les  Sons  devien- 
nent plus  aigus  encore.  La  colonne  d'air  forme  alors  le 
corps  fonore  ,  &  les  divers  Tons  de  la  Trompette  &  du 
Cor-de-charte  ont  les  mêmes  principes  que  les  Sons  harmo- 
niques du  Violoncelle  &  du  Violon,  &c.  (  Voyez  Sons 
Harmoniques.  ) 

Si  l'on  fait  réfonner  avec  quelque  force  une  des  groïïes 
Cordes  d'une  Viole  ou  d'un  Violoncelle  ,  en  partant  l'archet 
un  peu  plus  près  du  chevalet  qu'à  l'ordinaire  ,  on  entendra 
diflinctement ,  pour  peu  qu'on  ait  l'oreille  exercée  &  atten- 
tive ,  outre  le  Son  de  la  Corde  entière ,  au  moins  celui  de 
la  double-Octave  de  ù  Tierce  :  on  verra  même  frémir  & 
l'on  entendra  réfonner  toutes  les  Cordes  moi  tec ,  à  l'UnilIbn 

de 


SON  cii 

de  ces  Sons-Và.  Ces  Sons  acceffoircs  accompagnent  toujours 
un  Son  principal  quelconque  ,  mais  quand  ce  Son  principal 
eft  aigu  ,  les  autres  y  font  moins  fenfibles.  On  appelle  ceux- 
ci  les  Harmoniques  du  Son  principal  :  c'eft  par  eux ,  félon 
M.  Rameau,  que  tout  Son  eft  appréciable  ,  &  c'eft  en  eux 
que  lui  &  M.  Tartini  ont  cherche  le  principe  de  toute  Har- 
monie, mais  par  des  routes  directement  contraires.  (  Voyej 
Harmonie,  Système. ) 

Une  difficulté  qui  relie  à  expliquer  dans  la  théorie  du 
Son  ,  eft  de  favoir  comment  deux  ou  plufieurs  Sons  peu- 
vent fe  faire  entendre  à  la  fois.  Lorfqu'on  entend  ,  par 
exemple  ,  les  deux  Sons  de  la  Quinte  dont  l'un  fait  deux 
vibrations  ,  tandis  que  l'autre  en  fait  trois  ,  on  ne  conçoit 
pas  bien  comment  la  même  maffe  d'air  peut  fournir  dans 
un  même  tems  ces  différens  nombres  de  vibrations  diitinâs 
l'un  de  l'autre,  &  bien  moins  encore  lorfqu'il  fe  fait  enfem- 
ble  plus  de  deux  Sons  &  qu'ils  font  tous  diffonans  entr'eux. 
Mengoli  &  les  autres  fe  tirent  d'affaire  par  des  comparaifons. 
Il  en  eft,  difent-ils,  comme  de  deux  pierres  qu'on  jette  à 
la  fois  dans  l'eau ,  &  dont  les  différens  cercles  qu'elles  pro- 
duifent  fe  croifent  fans  fe  confondre.  M.  de  Mairan  donne 
une  explication  plus  philofophique.  L'air  ,  félon  lui  ,  eft 
divifé  en  particules  de  diverfes  grandeurs ,  dont  chacune  eft 
capable  d'un  Ton  particulier  &  n'eft  fufceptible  d'aucun  autre  : 
de  forte  qu'à  chaque  Son  qui  fe  forme  ,  les  particules  d'air 
qui  lui  font  analogues  s'ébranlent  feules  ,  elles  &  leurs  Har- 
moniques ,  tandis  que  toutes  les  autres  relient  tranquilles  juf- 
qu'à  ce  qu'elles  foient  émues  à  leur  tour  par  les  Sons  qui  leur 
Dia.  de  Mujiquc.  Kkkk 


6i6  SON 

correfpondent.  De  forte  qu'on  entend  à  la  fois  deux  Sons , 
comme  on  voit  à  la  fois  deux  couleurs  ,  parce  qu'étant 
produits  par  différentes  parties  ils  affectent  l'organe  en  diffé- 
rens  points. 

Ce  fy'tême  efr.  ingénieux,  mais  l'imagination  fe  prête  avec 
peine  à  l'infinité  de  particules  d'air  différentes  en  grandeur 
6c  en  mobilité  ,  qui  devroient  être  répandues  dans  chaque 
point  de  l'efpace  ,  pour  être  toujours  prêtes  ,  au  befoin  ,  à 
rendre  en  tout  lieu  l'infinité  de  tous  les  Sons  pofïîbles.  Quand 
elles  font  une  fois  arrivées  au  timpan  de  l'oreille ,  on  con- 
çoit encore  moins  comment ,  en  le  frappant ,  plufieurs  enfem- 
ble  ,  elles  peuvent  y  produire  un  ébranlement  capable  d'en- 
voyer au  cerveau  la  fenfation  de  chacune  en  particulier.  Il 
femble  qu'on  a  éloigné  la  difficulté  plutôt  que  de  la  réfou- 
dre :  on  allègue  en  vain  l'exemple  de  la  lumière  dont  les 
rayons  fe  croifent  dans  un  point  fans  confondre  les  objets  : 
car  ,  outre  qu'une  difficulté  n'en  réfout  pas  une  autre  ,  la 
parité  n'efr.  pas  exaile  ,  puifque  l'objet  efr.  vu  fans  excita 
dans  l'air  un  mouvement  femblable  à  celui  qu'y  doit  exciter 
le  corps  fonore  pour  être  ouï.  Mengoli  fembloit  vouloir  pré- 
venir cette  objection  ,  en  difant  que  les  maffes  d'air  char- 
gées,  pour  ainfi  dire,  de  différens  Sons ,  ne  frappent  le 
timpan  que  fucceffivement ,  alternativement ,  &  chacune  a 
fon  tour;  fans  trop  fonger  à  quoi  il  occuperait  celles  qui  font 
obligées  d'attendre  que  les  premières  aient  achevé  leur  ofl 
ou  fans  expliquer  comment  l'oreille  ,  frappée  de  tant  de 
coups  fuccellifs  ,  peut  diltinguer  ceux  qui  appartiennent  à  cha- 
que Soil 


SON  r>n 

A  l'égard  des  Harmoniques  qui  accompagnent  un  Son 
quelconque  ,  ils  offrent  moins  une  nouvelle  difficulté  qu'un 
nouveau  cas  de  la  précédente  ;  car  fi  -  tôt  qu'on  expliquera 
comment  plusieurs  Sons  peuvent  être  entendus  à  la  fois ,  on 
expliquera  facilement  le  phénomène  des  Harmoniques.  In 
effet ,  fuppofons  qu'un  Son  mette  en  mouvement  les  parti- 
cules d'air  fufceptibles  du  même  Son  ,  &  les  particules  fuf- 
ccptibles  de  Sons  plus  aigus  à  l'infini  ;  de  ces  diverfes  par- 
ticules ,  il  y  en  aura  dont  les  vibrations  commençant  &c 
finiffant  exactement  avec  celles  du  corps  fonore  ,  feront  fans 
ceffe  aidées  &  renouvellées  par  les  fiennes  :  ces  parcicules 
feront  celles  qui  donneront  l'Uniffon.  Vient  enfuite  l'Octave, 
dont  deux  vibrations  s'accordant  avec  une  du  Son  prin- 
cipal ,  en  font  aidées  &  renforcées  feulement  de  deux  en 
deux;  par  conféquent  l'Octave  fera  fenfible  ,  mais  moins  que 
l'Uniffon  :  vient  enfuite  la  Douzième  ou  l'Oclave  de  la  Quinte, 
qui  fait  trois  vibrations  précifes  pendant  que  le  Son  fonda- 
mental en  fait  une  ;  ainfi  ne  recevant  un  nouveau  coup  qu'à 
chaque  troifieme  vibration  ,  la  Douzième  fera  moins  fenfible 
que  l'Octave  ,  qui  reçoit  ce  nouveau  coup  dès  la  féconde. 
En  fuivant  cette  même  gradation  ,  l'on  trouve  le  concours 
des  vibrations  plus  tardif,  les  coups  moins  renouvelles,  & 
par  conféquent  les  Harmoniques  toujours  moins  fenfibles  ; 
jufqu'à  ce  que  les  rapports  fe  compofent  au  point  que  l'idée 
du  concours  trop  rare  s'efface  ,  &  que  les  vibrations  ayant 
le  cems  île  s'éteindre  avant  d'être  renouvellées  ,  l'Harmo- 
nique ne  s'entend  plus  du  tout.  Enfin  quand  le  rapport  ceffe 
d'être  rationnel ,  les  vibrations  ne  concourent  jamais  ;  celles 

Kkkk  » 


'6x1  SON 

du  Son  plus  aigu,  toujours  contrariées,  font  bientôt  étouf- 
fées par  celles  de  la  Corde  ,  &  ce  Son  aigu  eit  abfolument 
diffonant  &  nul.  Telle  elt  la  raifon  pourquoi  les  premiers 
Harmoniques  s'entendent  ,  &  pourquoi  tous  les  autres  Sons 
ne  s'entendent  pas.  Mais  en  voilà  trop  fur  la  première  qua- 
lité du  Son  ;  palfons  aux  deux  autres. 

IL  La  force  du  Son  dépend  de  celle  des  vibrations  du 
corps  fonore  ;  plus  ces  vibrations  font  grandes  &  fortes  , 
plus  le  Son  elt  fort  &  vigoureux  &.  s'entend  de  loin.  Quand 
la  Corde  elt  alfez  tendue  ,  &  qu'on  ne  force  pas  trop  la 
voix  ou  l'Inllrument ,  les  vibrations  relient  toujours  ifochro- 
nes  ;  & ,  par  conféquent ,  le  Ton  demeure  le  même  ;  foit 
qu'on  renfle  ou  qu'on  affoiblifle  le  Son  :  mais  en  raclant 
trop  fort  l'archet ,  en  relâchant  trop  la  Corde  ,  en  fouillant 
ou  criant  trop  ,  on  peut  faire  perdre  aux  vibrations  fifo- 
chronifme  nécefTaire  pour  l'identité  du  Ton  ;  &  c'elt  une 
des  raifons  pourquoi ,  dans  la  Mufique  Françoife  où  le  pre- 
mier mérite  elt  de  bien  crier  ,  on  elt  plus  f  jet  à  chanter 
faux  que  dans  l'Italienne  où  la  Voix  fe  modère  avec  plus  de 
douceur. 

La  vîtefle  du  Son  qui  fembleroir  dépendre  de  fa  force  , 
n'en  dépend  point.  Cette  vîtelfe  elt  toujours  égale  &  conf- 
tante  ,  fi  elle  n'elt  accélérée  ou  retardée  par  le  vent  :  c'eft- 
à-dire  que  le  Son  ,  fort  ou  foible  ,  s'étendra  toujours  uni- 
formément ,  &  qu'il  fera  toujours  dans  deux  fécondes  le 
double  du  chemin  qu'il  aura  fait  dans  une.  Au  rapport  de 
Halley    &  de    Flamltéade  ,    le    Son    parcourt   en  :re 

1070  pieds  de   France  en   une  féconde,  «5c  au   Pérou   174 


SON  cî9 

toifes  ,  félon  M.  de  la  ConcLminc.  Le  P.  Merfenne  & 
Gaffendi  ont  affuré  que  le  vent  favorable  ou  contraire  n'accé- 
léroit  ni  ne  retardoit  le  Son  :  depuis  les  expériences  que 
I  '  :rham  &  l'Académie  des  Sciences  ont  faites  fur  ce  fujet , 
cela  paffe  pour  une  erreur. 

Sans  ralentir  fi  marche  ,  le  Son  s'affaiblit  en  s'étendant  , 
ce  cet  affoibliffement  ,  fi  la  propagation  eft  libre  ,  qu'ejje 
ne  foit  gênée  par  aucun  obftaclc  ni  ralentie  par  le  vent,  fait 
ordinairement  la  raifon  du  quarré  des  diftances. 

LU.  Quant  à  la  différence  qui  fe  trouve  encore  entre  les 
Sons  par  la  qualité  du  timbre  ,  il  eit  évident  qu'elle  ne  tient 
ni  au  degré  d'élévation,  ni  même  à  celui  de  force.  Un  Haut- 
bois aura  beau  fe  mettre  à  fUniffon  d'une  Flûte  ,  il  aura  beau 
radoucir  le  Son  au  même  degré  ,  le  Son  de  la  Flûte  aura 
toujours  je  ne  fais  quoi  de  moelleux  &  de  doux  ;  celui  du 
Hautbois  je  ne  fais  quoi  de  rude  &  d'aigre  ,  qui  empêchera 
que  l'oreille  ne  les  confonde  ;  fans  parler  de  la  diverfîté  du 
timbre  des  voix.  (Voyez  Voix.)  Il  n'y  a  pas  un  Inftru- 
ment  qui  n'ait  le  fien  particulier  ,  qui  n'eft  point  celui  de 
l'autre  ,  &  l'Orgue  feul  a  une  vingtaine  de  jeux  tcus  de 
timbre  différent.  Cependant  perfonne  que  je  fâche  n'a  exa- 
miné le  Son  dans  cette  partie;  laquelle,  auffî-bien  que  les 
autres  ,  fe  trouvera  peut  -  être  avoir  fes  difficultés  :  car  la 
qualité  du  timbre  ne  peut  dépendre  ,  ni  du  nombre  des 
vibrations  ,  qui  fait  le  degré  du  grave  a  l'aigu ,  ni  de  la  gran- 
deur ou  de  la  force  de  ces  mêmes  vibrations  ,  qui  fait  le 
degré  du  fort  au  foible.  II. faudra  donc  trouver  dans  le  corps 
foaore  une  troilieme  caufe  différente  de  ces  deux ,  pour  cxpli- 


6i0  SON 

quer  cette  troifieme  qualité  du  Son  &  Tes  différences;  ce  qui, 
peut-être  ,  n'eft  pas  trop  aifé. 

Les  trois  qualités  principales  donc  je  viens  de  parler  en- 
trent toutes  ,  quoiqu'en  différentes  proportions ,  dans  l'objet 
de  la  Mufique ,  qui  eft  le  Son  en  général. . 

En  effet  ,  le  Compofîceur  ne  confidere  pas  feulement  fi 
les  Sons  qu'il  emploie  doivent  être  hauts  ou  bas  ,  graves  ou 
aigus  ;  mais  s'ils  doivent  être  forts  ou  foibles  ,  aigres  ou 
doux  ,  fourds  ou  éclatans  ;  &  il  les  diftribue  à  différens  Inf- 
trumens ,  à  diverfes  Voix ,  en  Récits  ou  en  Chœurs  ,  aux 
extrémités  ou  dans  le  Médium  des  Inftrumens  ou  des  Voix, 
avec  des  Doux  ou  des  Forts  ,  félon  les  convenances  de 
tout  cela. 

Mais  il  eft  vrai  que  c'eft  uniquement  dans  la  comparai- 
fon  des  Sons  du  grave  à  Paigu  que  confifte  toute  la  fcience 
Harmonique  :  de  forte  que  ,  comme  le  nombre  des  Sons 
eft  infini ,  l'on  peut  dire  dans  le  même  fens  que  cette  fcience 
eft  infinie  dans  fon  objet.  On  ne  conçoit  point  de  bornes 
précifes  à  l'étendue  des  Sons  du  grave  à  l'aigu  ,  &  quelque 
petit  que  puiffe  être  l'Intervalle  qui  eft  entre  deux  Sons  ,  or\ 
le  concevra  toujours  divifïble  par  un  troifieme  Son  :  r. 
la  nature  &  l'art  ont  limité  cette  infinité  dans  la  pratique 
de  la  Mufique.  On  trouve  bientôt  dans  les  Inftrumens  les 
bornes  des  Sons  praticables  ,  tant  au  grave  qu'a  Paigu. 
Alongcz  ou  raccourciriez  julqu'a  un  certain  point  une  Corde 
fonore  ,  elle  n'aura  plus  de  Son.  L'on  ne  peut  ras  non  p 
augmenter  ou  diminuer  a  volonté  la  capacité  d'une  1  lûtt  ou 
d'un   tuyau    d'Orgue   ni   ù    longueur  ;    il   y   a  des  bon. 


SON  61  x 

parte  lefquclles  ni  l'un  ni  l'autre  ne  réfonne  plus.  L'infpira- 
rion  a  auffi  fa  mefure  &  fes  loix.  Trop  foible ,  elle  ne  rend 
point  de  Son  ;  trop  forte  ,  elle  ne  produit  qu'un  cri  perçant 
qu'il  eft  impoflible  d'apprécier.  Enfui  il  efl  conftaté  par  mille 
expériences  que  tous  les  Sons  fenfibles  font  'renfermés  dans 
une  certaine  latitude  ,  parte  laquelle ,  ou  trop  graves  ou  trop 
aigus  ,  ils  ne  font  plus  apperçus  ou  deviennent  inappréciables 
à  l'oreille.  M.  Euler  en  a  même  en  quelque  forte  fixé  les 
limites  ,  &  félon  fes  obfervarions  rapportées  par  M.  Diderot 
dans  fes  principes  d'Acoullique ,  tous  les  Sons  fenfibles  font 
compris  entre  les  nombres  $o  &  7551  :  c'eft-à-dire  que  , 
félon  ce  grand  Géomètre ,  le  Son  le  plus  grave  'appréciable 
à  notre  oreille  fait  30  vibrations  par  féconde,  &c  le  plus 
aigu  7551  vibrations  dans  le  même  tems  :  Intervalle  qui 
renferme  à-peu-près  8  O&aves. 

D'un  autre  côté  l'on  voit  ,  par  la  génération  harmonique 
des  Sons  ,  qu'il  n'y  en  a  dans  leur  infinité  poiïïble  qu'un  très- 
petit  nombre  qui  puiffent  être  admis  dans  le  fyflême  harmo- 
nieux. Car  tous  ceux  qui  ne  forment  pas  des  Confonnances 
avec  les  Sons  fondamentaux ,  ou  qui  ne  nairtent  pas  ,  média- 
tement  ou  immédiatement ,  des  différences  de  ces  Confon- 
nances ,  doivent  être  proferits  du  fyltême.  Voilà  pourquoi , 
quelque  parfait  qu'on  fuppofe  aujourd'hui  le  nôtre ,  il  c(t 
pourtant  borné  a  douze  Sons  feulement  dans  l'étendue  d'une 
Octave  ,  defquels  douze  toutes  les  autres  Octaves  ne  con- 
tiennent que  des  Répliques.  Que  fi  l'on  veut  compter  toutes 
ces  Répliques  pour  autant  de  Sons  différens  ;  en  les  multi- 
pliant par  le  nombre  des  Octaves  auquel  eft  bornée  l'étendue 


S3i  SON 

des  Sons  appréciables ,  on  trouvera  96  en  tout ,  pour  le  plus 
grand  nombre  des  Sons  praticables  dans  notre  Mufique  fur 
un  même  Son  fondamental. 

On  ne  pourroit  pas  évaluer  avec  la  même  précifion  le 
nombre  des  Sons  praticables  dans  l'ancienne  Mufique.  Car 
les  Grecs  formoient  ,  pour  ainfi  dire  ,  autant  de  fyitémes 
de  Mufique ,  qu'ils  avoient  de  manières  différentes  d'accorder 
leurs  Tctracordes.  Il  paroît  ,  par  la  lecture  de  leurs  traités 
de  Mufique  ,  que  le  nombre  de  ces  manières  étoit  grand  &c 
peut-être  indéterminé.  Or  chaque  Accord  particulier  chan- 
geoit  les  Sons  de  la  moitié  du  fyitême  ,  c'elt-à-dire,  des 
deux  Cordes  mobiles  de  chaque  Tétracorde.  Ainfi,  Ton  voie 
bien  ce  qu'ils  avoient  de  Sons  dans  une  feule  manière  d'Ac- 
cord ;  mais  on  ne  peut  calculer  au  jufte  combien  ce  nombre 
fe  multiplioit  dans  tous  les  changemens  de  Genre  &  de 
Mode  qui  introduifoient  de  nouveaux  Sons. 

Par  rapport  à  leurs  Tétracordes ,  ils  diitinguoient  les  Sons 
en  deux  clafTes  générales;  favoir,  les  Sons  { tables  «Se  rixes 
dont  l'Accord  ne  changeoit  jamais  ,  «Se  les  Sons  mobiles  donc 
l'Accord  changeoit  avec  l'efpece  du  Genre.  Les  premiers 
étoient  huit  en  tout ,  favoir  les  deux  extrêmes  de  chaque 
Tétracorde  «5c  la  Corde  Prollambanomene  ;  les  féconds 
étoient  auffi  tout  au  moins  au  nombre  de  huit ,  quelquefois 
de  neuf  ou  de  dix ,  parce  que  deux  Sons  voifins  quelquefois 
fe  confondoient  en  un  ,  «Se  quelquefois  fe  féparoient. 

Ils  divifoient  derechef,  dans  les  Genres  épais  ,  les  Sons 
ftables  en  deux  efpeces  ,  dont  l'une  contenoit  trois  Sans 
appelles  A?)  eni  ou  non-ferrés  ,  parce  qu'ils  ne  formoient  au 

grave 


SON  0;) 

grave  ni  femi-Tons  ni  moindres  Intervalles  ;  ces  trois  Sont 
slpyaii  étoient  la  Proflambanomcne  ,  la  Nete-Synnéménon, 
&  la  Nete-Hyperboléon.  L'autre  elpece  portoic  le  nom  de 
Sons  Barypycni  ou  /bus-Jèrrés'l  parce  qu'ils  formoicnt  le 
grave  des  petits  Intervalles  :  les  Sons  Barypycni  étaient  au 
nombre  de  cinq;  lavoir,  l'Hypate-Hypaton ,  l'IIypace-Méfon , 
la  Mèfe ,  la  Paramèfe  &  la  Nete-Diézeugménon. 

Les  Sons  mobiles  fe  fubdivifoient  pareillement  en  Sons 
l 'jl-.pycni  ou  moyens  dans  le  ferré  ,  lefquels  étoient  auffi 
cinq  en  nombre  ;  (avoir,  le  fécond  ,  en  montant,  de  chaque 
Tcrracorde  ;  &  en  cinq  autres  S  m  ■  appelles  Oxypycni  ou 
fur-aigus,  qui  croient  le  troi  fie  me  ,  en  montant,  de  chaque 
Tcrracorde.  (Voyez  Ti'tracorde.  ) 

A  l'égard  des  douze  Sans  du  Syffcéme  moderne,  l'Accord 
n'en  change  jamais  &  ils  font  tous  immobiles.  BrolTard  pré- 
tend qu'ils  font  tous  mobiles  ,  fondé  fur  ce  qu'ils  peuvent  erre 
akérés  par  DicTe  ou  Bémol  :  mais  autre  chofe  efr  de  changer 
de  Corde ,  ce  autre  chofe  de  changer  l'Accord  d'une  Corde. 

SON  FIXE ,  f.  m.  Pour  avoir  ce  qu'on  appelle  un  Son 
fixe  ,  il  faudrait  s'attirer  que  ce  Son  feroit  toujours  le 
même  dans  tous  les  tems  &  dans  tous  les  lieux.  Or  il  ne  faut 
pas  croire  qu'il  fufïife  pour  cela  d'avoir  un  tuyau  ,  par  exem- 
ple ,  d'une  longueur  déterminée  :  car,  premièrement  ,  le 
tuyau  reliant  toujours  le  même  ,  la  pefanteur  de  Pair  ne 
refiera  pas  pour  cela  toujours  la  même  ;  le  Son  changera  ce 
deviendra  plus  grave  ou  plus  aigu  ,  félon  que  l'air  deviendra 
plus  léger  ou  plus  pcfanr.  Par  la  même  raifon  le  Son  du 
même  tuyau  changera  encore  avec  la  colonne  de  l'atmof- 
Dicl.  de  Mufique.  LUI 


<ri4  SON 

phere ,  félon  que  ce  même  tuyau  fera  porte  plus  haut  ou  plus 
bas  ,  dans  les  montagnes  ou  dans  les  vallées. 

En  fécond  lieu  ,  ce  même  tuyau  ,  quelle  qu'en  foit  la 
matière  ,  fera  fujet  aux  variations  que  le  chaud  ou  le  froid 
caufe  dans  les  dimenfions  de  tous  les  corps  :  le  tuyau  fe 
raccourciffant  ou  s'alongeant  deviendra  proportionnellement 
plus  aigu  ou  plus  grave  ;  &  de  ces  deux  caufes  combinées  , 
vient  la  difficulté  d'avoir  un  Son  fixe ,  &  prefque  l'impofli- 
bilité  de  s'aifurer  du  même  Son  dans  deux  lieux  en  même 
tems  ,  ni  dans  deux  tems  en  même  lieu. 

Si  l'on  pouvoit  compter  exactement  les  vibrations  que  fait 
un  Son  dans  un  tems  donné  ,  l'on  pourrait  ,  par  le  même 
nombre  des  vibrations  ,  s'aifurer  de  l'identité  du  Son  ;  mais 
ce  calcul  étant  impoffible,  on  ne  peut  s'aifurer  de  cette  iden- 
tité du  Son  que  par  celle  des  Inflrumens  qui  le  donnent  ; 
favoir  ,  le  tuyau  ,  quant  à  fes  dimenfions  ,  &  l'air,  quant  à  fa 
pefanteur.  M.  Sauveur  propofa  pour  cela  des  moyens  qui  ne 
rendirent  pas  à  l'expérience.  M.  Diderot  en  a  propofé  depuis 
de  plus  praticables  ,  &c  qui  coniiitent  à  graduer  un  tuyau 
d'une  longueur  fuffifante  pour  que  les  diviiions  y  (oient  juftes 
&  fenfibles  ,  en  le  compofant  de  deux  parties  mobiles  par 
lefquelles  on  puiffe  l'alongcr  &  raccourcir  félon  les  dimen- 
fions proportionnelles  aux  altérations  de  Pair,  indiquées  par 
le  Thermomètre  quant  à  la  température  ,  &  par  le  Baro- 
mètre quant  à  la  pefanteur.  Voyez  là-deifus  les  principes 
d'Acoultique  de  cet  Auteur. 

SON  FONDAMENTAL.  (Voyez  Fonds  ,r..) 

i>ONS  FLUTES.  (Voyez  Sons  Harmoniques.) 


S    O    M 

SONS   HARMONIQUES  ou    SONS  FLUTES.  I 

finguliere    de  Sons  qu'on  tire    de    certains   Inftrumens  ,  u!s 
que   le  Violon  &   le  Violoncelle  ,   par  un  mouvement  par- 
ticulier de  l'archet,  qu'on  approche  davantage  du  Chevaléc, 
6c   en   pofant  légèrement  le  doigt  fur  certaines  diviiîons  de 
la  Corde.   Ces    Sons    font  fort  diftérens  pour  le    timbre  6c 
pour  le  Ton  de  ce  qu'ils  feroient ,   ii  l'on  appuyoic  tout-à- 
fait    le  doigt.  Quant  au  Ton ,  par  exemple ,  ils  donneront  la 
Quinte  quand  ils   donneraient    la   Tierce  ,  la  Tierce   quand 
ils    donneraient    la    Sixte  ,    &c.    Quant    aux   timbres  ,    ils 
font  beaucoup    plus  doux  que  ceux  qu'on  tire   pleins  de   la 
même  divifion  ,   en  faifant  porter  la  Corde  fur  le  manche  ; 
&  c'eft  à  caufe    de    cette  douceur   qu'on   les   appelle    Sons 
flûtes.  Il  faut ,  pour  en  bien  juger  ,  avoir  entendu  M.  Mon- 
donville  tirer  fur  fon  Violon ,    ou   M.   Bertaud   fur  fon  Vio- 
loncelle ,  des  fuites  de  ces  beaux   Sons.   En  g  liftant   légère- 
ment le    doigt  de  l'aigu    au    grave   deruis    le    milieu    d'une 
Corde  qu'on  touche  en  même  tems  de  l'archet  en  la  manière 
fufdite  ,    on    entend   diftin&ement    une    fuccelïîon   de   Sorts 
harmoniques  du  grave  à  l'aigu ,  qui  étonne  fort  ceux  qui  n'en 
connoiïTent  pas   la  Théorie. 

Le  principe  fur  lequel  cette  Théorie  eft  fondée ,  eft  qu'une 
Corde  étant  divifée  en  deux  parties  commenfurables  en- 
tr'elles,  &  par  conféquent  avec  la  Corde  entière,  fi  l'obllacle 
qu'on  met  au  point  de  divifion  n'empêche  qu'imparfaitement 
la  communication  des  vibrations  d'une  parrie  à  l'autre ,  toutes 
les  fois  qu'on  fera  fonner  la  Corde  dans  cet  état,  elle  rendra 
non  le  Sort  de  la  Corde  entière ,  ni  celui  de  fa  grande  pi 

LUI  i 


.,jtf  SON 

tie ,  mais  celui  de  la  plus  perite  partie  ii  elle  mefure  exa&e-- 
men:  l'autre;  ou  ,  fi  elle  ne  la  mefure  pas,  le  Son  de  la  plus 
grande  aliquote  commune  à  ces  deux  parties. 

Qu'on  divife  une  Corde  6  en  deux  parties  4  &  2  ,  le 
Son  harmonique  refonnera  par  la  longueur  de  la  petite  par- 
tie 2  ,  qui  eft  aliquote  de  la  grande  partie  4  :  mais  fi  la 
Corde  5  e(t  divifée  par  2.  &  3  ;  alors ,  comme  la  petite  partie 
ne  mefure  pas  la  grande  ,  le  Son  harmonique  ne  refonnera 
que  félon  la  moitié  1  de  cette  même  petite  partie  ,  laquelle 
moitié  eft  la  plus  grande  commune  mefure  des  deux  parties 
3  &:  1  y  6c  de  toute  la  Corde  5. 

Au  moyen  de  cette  loi  tirée  de  l'obfervation ,  &  conforme 
aux  expériences  faites  par  M.  Sauveur  à  l'Académie  des 
Sciences,  tout  le  merveilleux  difparoîr.  Avec  un. calcul  très- 
fimple  on  afTigne  pour  chaque  degré  le  Son  harmonique  qui 
lui  répond.  Quant  au  doigt  glifTé  le  long  de  la  Corde  ,  il  ne 
donne  qu'une  fuite  de  Sons  harmoniques  qui  fe  fuccedent  rapi- 
dement dans  l'ordre  qu'ils  doivent  avoir  félon  celui  des  divi- 
sons fur  lefquelles  on  pafle  fucceffivement  le  doigt,  &  les 
points  qui  ne  forment  pas  des  divifions  exactes  ,  ou  qui  en 
forment  de  trop  compofées ,  ne  donnent  aucun  Sm  fenfible. 
ou  appréciable. 

On  trouvera  PL  G.  Fig,  j-,  une  Table  des  Sons  harmonie 
quest  qui  peut  en  faciliter  U  recherche  à  ceux  qui  défirent 
de  les  pratiquer.    La  première  colonne  indique    h  que 

rendroient  les  divifions  de  l'Inflniment  touchées  en  plein  .  & 
la  féconde  colonne  montre   les    Sons  flûtes   corrcl^onJans  v 

quand  la  Corde  cil  touchée   harmoniquement. 


SON  Ci7 

Après  la  première  Oftave ,  c'eft-à-dire  ,  depuis  le  milieu 
de  la  Corde  en  avançant  vers  le  ChevaJet  ,  on  retrouve  les 
mêmes  Sons  harmoniques  dans  le  même  ordre  ,  fur  les 
mcn.es  divifions  de  l'O&ave  aiguë;  c'eit-à-dire ,  la  IJ)ix- 
neuvîeme  fur  la  Dixième  mineure,  la  Dix-ièprieme  fur  la 
Dixième   majeure ,    &c 

Je  n'ai  fait ,  dans  cette  Table ,  aucune  mention  des  Svis 
harmoniques  relatifs  à  la  Seconde  ce  à  la  Septième  :  premiè- 
rement ,  parce  que  les  divifions  qui  les  forment  n'ayant 
tntr'elles  que  des  aliquotes  fort  petites,  en  rendraient  les 
Sons  trop  aigus  pour  erre  agréables,  &  trop  difficiles  à  tirer 
par  le  coup  d'archet  ,  &  de  plus  ,  parce  qu'il  faudrait  entrer 
dans  des  fous-divifions  trop  étendues,  qui  ne  peuvent  s'ad- 
mettre dans  la  pratique  :  car  le  Son  harmonique  du  Ton 
majeur  ferait  la  vingt-troifîeme  ,  ou  la  triple  Octave  de  la 
Seconde ,  &  l'Harmonique  du  Ton  mineur  ferait  la  vingt- 
quatrième  ,  ou  la  triple  Octave  de  la  Tierce  mineure  :  mais 
quelle  cft  l'oreille  alfez  fine  &  la  main  allez  juite  pour  dis- 
tinguer &  toucher  à  ù  volonté  un  Ton  majeur  ou  un  Ton 
mineur  ? 

Tout  le  jeu  de  la  Trompette  marine  cfl  en  Sons  harmo- 
niques ;  ce  qui  fait  qu'on  n'en  tire  pas  aifément  toute  forte 
de   Sons. 

SONATE,//]  Pièce  de  Mufique  inftrumcntale  compofée 
de  trois  ou  quatre  morceaux  confécutifs  de  caractères  diffé- 
rens.  La  Sonate  eft  à-peu-près  pour  les  Inflrumeus  ce  qu'eft 
La  Cantate  pour  les  Voix. 

La  Sonate  clt  faite  ordinairement  pour  un  fcul  Inftrumcnt 


638  SON 

qui  récire  accompagné  d'une  Baffe -continue  ;  &  dans  une 
telle  compofition  l'on  s'attache  à  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
favorable  pour  faire  briller  l'Inftrument  pour  lequel  on  tra- 
vaille ,  foit  par  le  tour  des  chants  ,  foit  par  le  choix  des  Sons 
qui  conviennent  le  mieux  à  cette  efpece  d'Inftrument ,  foit 
par  la  hardieffe  de  l'exécution.  Il  y  a  aufTi  des  Sonates  en 
Trio ,  que  les  Italiens  appellent  plus  communément  Sinfonie  ; 
mais  quand  elles  paffent  trois  Parties  ,  ou  qu'il  y  en  a  quel- 
qu'une récitante ,  elles  prennent  le  nom  de  Concerto.  (  Voy. 
Concerto.  ) 

Il  y  a  plufieurs  fortes  de  Sonates.  Les  Italiens  les  réduifent 
à  deux  efpeces  principales.  L'une  qu'ils  appellent  Sonate  da 
Caméra  ,  Sonates  de  Chambre  ,  lefquelles  font  compofées 
de  plufieurs  Airs  familiers  ou  à  danfer  ,  tels  à-peu-près  que 
ces  recueils  qu'on  appelle  en  France  des  Ouïtes.  L'autre 
efpece  eft  appellée  Sonate  da  Chiefa  ,  Sonates  d'Eglife,  dans 
la  compofition  defquellcs  il  doit  entrer  plus  de  recherche ,  de 
travail ,  d'Harmonie ,  &  des  Chants  plus  convenables  à  la 
dignité  du  lieu.  De  quelque  efpece  que  foient  les  Sonates  , 
elles  commencent  d'ordinaire  par  un  Adagio  ;  & ,  après  avoir 
pafTé  par  deux  ou  trois  mouvemens  diftxrens  ,  fîniircnt  par 
un  Allegro  ou  un  Prefro. 

Aujourd'hui  que  les  Inlrrumens  font  la  partie  la  plus  im- 
portante de  la  Mufique,  les  Sonates  fuit  extrêmement  à  la 
mode  ,  de  même  que  toute  efpece  de  Symphonie  ;  le  Vocal 
n'en  eft  gueres  que  Pacceflbirt  ,  &  le  Chaut  accompagne 
l'accompagnement.  Nous  tenons  ce  mauvais  goût  de  ceux 
qui  ,  voulant  introduire  le  tour  de  la  M  Italienne  dans 


SON  639 

une  Langue  qui  n'en  eft  pas  fufceptible ,  nous  ont  obligés  cie 
chercher  a  taire  avec  les  Inftrumens  ce  qu'il  nous  eft  impof- 
fible  de  faire  avec  nos  Voix.  J'ofe  prédire  qu'un  goût  fi  peu 
naturel  ne  durera  pas.  La  Mufique  purement  Harmonique  eft 
peu  de  chofe;  pour  plaire  conftamment,  tk  prévenir  l'ennui, 
elle  doit  s'élever  au  rang  des  Arts  d'imitation  ;  mais  fon 
imitation  n'eft  pas  toujours  immédiate  comme  celles  de  la 
Poéfie  6c  de  la  Peinture  ;  la  parole  eft  le  moyen  par  lequel 
la  Mufique  détermine  le  plus  fouvent  l'objet  dont  elle  nous 
offre  l'image ,  &  c'eft  par  les  Sons  touchans  de  la  voix  hu- 
maine que  cette  image  éveille  au  fond  du  cœur  le  fenriment 
qu'elle  y  doit  produire.  Qui  ne  fent  combien  la  pure  Sym- 
phonie dans  laquelle  on  ne  cherche  qu'à  faire  briller  l'Inf- 
trument ,  eft  loin  de  cette  énergie  ?  Toutes  les  folies  du 
Violon  de  M.  Mondonville  m'attendriront-elles  comme  deux 
Sons  de  la  voix  de  Mademoifelle  le  Maure  ?  La  Symphonie 
anime  le  Chant  ,  6c  ajoute  à  fon  expreffion  ,  mais  elle  n'y 
fupplée  pas.  Pour  favoir  ce  que  veulent  dire  tous  ces  fatras 
de  Sonates  dont  on  eft  accablé,  il  faudroit  faire  comme  ce 
Peintre  grofïîer ,  qui  étoit  obligé  d'écrire  au-delTous  de  fes 
figures  ;  c'eft  un  arbre ,  c'eft  un  homme  ,  c'eft  un  cheval.  Je 
n'oublierai  jamais  la  faillie  du  célèbre  Iontenelle ,  qui  fe  trou- 
vant excédé  de  ces  éternelles  Symphonies ,  s'écria  tout  haut 
dans  un  rranfport  d'impatience  :  Sonate  ,  que  me  veux-tu  ? 

SONNER ,  v.  a.  &  n.  On  dit  en  compofition  qu'une  Note 
Sonne  fur  la  Baffe ,  lorfqu'elle  entre  dans  l'Accord  &  fi.it 
Harmonie  j  à  la  différence  des  Notes  qui  ne  font  que  de 
goût,  6c  ne  fervent  qu'à  figurer,  lefquelles  ne  Sonnent  point. 


640  SON 

On  dit  aufîi  Sonner  une  Note ,  un  Accord ,  pour  dire  ,  frapper 
ou  faire  entendre  le  Son  ,  l'Harmonie  de  cette  Note  ou  de 
cet  Accord. 

SONORE,  ad},  qui  rend  du  Son.  Un  métal  fanon.  De-là  , 
Corps  Jbnorc.  (  Voyez  Corps  sonore.  ) 

Sonore  fe  dit  particulièrement  &  par  excellence  de  tout 
ce  qui  rend  des  Sons  moelleux ,  forts ,  nets  ,  juft.es  ,  &  bien 
timbrés.  Une  Cloche  Sonore  :  une  Voix  Sonore  ,  &c. 

SOT TO- VOCE  ,  adv.  Ce  mot  Italien  marque,  dans  les 
lieux  où  il  eft  écrit,  qu'il  ne  faut  chanter  qu'à  demi  -  voix  , 
ou  jouer  qu'à  demi -jeu.  Me\\o-Forte  &c  Me\\a-Voce  figni- 
fient  la  même  chofe, 

SOUPIR.  Silence  équivalant  à  une  Noire  ,  &  qui  fe  mar- 
que par  un  trait  courbe  approchant  de  la  figure  du  7  de  chiffre  , 
mais  tourné  en  fens  contraire,  en  cette  forte  t.  (Yoyc?. 
Silence  ,  Notes.  ) 

SOURDINE ,  f.  f.  Petit  Infiniment  de  cuivre  ou  d'ar- 
gent, qu'on  applique  au  chevalet  du  Violon  ou  du  Violon- 
celle, pour  rendre  les  Sons  plus  fourds  &  plus  foibles ,  en 
interceptant  &  gênant  les  vibrations  du  corps  entier  de  l'Inf- 
trument.  La  Sourdine  ,  en  affoibliffant  les  Sons  ,  change 
leur  timbre  &c  leur  donne  un  caractère  extrêmement  atren- 
driûant  &  triflc.  Les  Mufîciens  François  ,  qui  penfent  qu'un 
jeu   doux  produit  le   même    effet    que    la  e  ,    &    qui 

n'aimenr  pas  l'embarras  de  la  placer  &  déplacer,    ne  s1 
fervent  point.  Mais  on  en  ftit  ufage  avec  un  grand  eflèt  dans 
tous  les  O)  ïs  d'Italie  ,  &  c'efl  parce  qu'on  trouve  fou- 

vent  ce    mot  Sordini  écrit  dans  les   Symphonies  ,  que    j 
ai  du  faire  un  article,  Il 


S    O    U  cAl 

Il  y  a  des  Sourdines  auiïi  pour  les  Cors-de-chaTe  ,   poi.r 
le  Clavecin  ,  cxc. 

SOUS  -  DOMINANTE  ou  SOUDOMINANTE.   r- 
donné  par  M.  Rameau  à  la  quatrième   Nj:c  du   Ton,  la* 

quelle  cit ,  par  conféquent  ,  au  même  Intervalle  de  la  Io- 
nique en  defeendant  ,  qu'elt  la  Dominante  en  montant. 
Cetce  dénomination  vient  de  l'affinité  que  cet  Auteur  trouve 
par  ren  ver  il  ment  entre  le  Mode  mineur  de  la  Sous-Domi*- 
nante  ,  &  le  Mode  majeur  de  la  Tonique.  (  Voyez  Har- 
monie. )   Voyez   auiïi  l'Article  qui    fuit. 

SOUS-MÉDIANTE  ou  SOUMÉDIANTE.  C'eft  auffi  , 
dans  le  Vocabulaire  de  M.  Hameau  ,  le  nom  de  la  fixieme 
Note  du  Ton.  Mais  cette  Sous-Médiante  devant  écre  au 
même  Intervalle  de  la  Tonique  en  deffous  ,  qu'en  e(t  la 
Méchante  en  de  (Tu  s  ,  doit  taire  Tierce  majeure  fous  cette 
Tonique  ;  &  par  conféquent  Tierce  mineure  fur  la  fous- 
Dominante  ,  &  c'eft  fur  cette  analogie  que  le  même  M. 
Rameau  établit  le  principe  du  Mode  mineur;  mais  il  s'en- 
fuivroit  de-là  que  le  Mode  majeur  d'une  Tonique  ,  &  le 
Mode  mineur  de  fa  fous  -  Dominante  devroienr  avoir  une 
grande  afHniré  ;  ce  qui  n'eft  pas  :  puifqu'au  contraire  il  eit 
très -rare  qu'on  palfe  d'un  de  ces  deux  Modts  à  l'autre  , 
ce  que  l'Echelle  prefqae  entière  eit  altérée  par  une  telle 
Modulation. 

Je  puis  me   tromper  dans  l'acception  des  deux  mots  pre- 

cédens  ,  n'ayant  pas  fous  les  yeux ,  en  écrivant  cet  Article , 

les  écrits  de  M.   Rameau.  Peut-être  entend  il  Gmplement  , 

par  Sous  -Dominante  ,  la  Note  qui  eit  un  Degré  au-dellbus 

Dicl.  de  Muftquc.  M  m  m  m 


64i  SOU 

de  la  Dominante  ;  ôc  ,  par  Sous  -  Médiante  ,  la  Note  qui 
eft  un  Degré  au-deflbus  de  la  Médiante.  Ce  qui  me  tient 
en  fufpens  entre  ces  deux  fens  ,  eft  que  ,  dans  l'un  6c  dans 
l'autre  ,  la  fous -Dominante  eft  la  même  Note  fa  pour  le 
Ton  d'ut  :  mais  il  n'en  feroic  pas  ainfi  de  la  Sous  -  Mé- 
diante ;  elle  feroit  la  dans  le  premier  fens  ,  &c  re  dans  le 
fécond.  Le  Lecteur  pourra  vériiier  lequel  des  deux  eft  celui, 
de  M.  Rameau  ;  ce  qu'il  y  a  de  fi":r  eft  qi:e  celui  que  je 
donne  eft  préférable  pour  l'ufage  de  la  compofition. 

SOUTENIR  ,  v.  a.  pris  en  fins  neuf.  C'eft  faire  exacte- 
ment durer  les  Sons  toute  leur  valeur  fuis   les  biffer  étein- 
dre  avant  la  fin  ,  comme  font  très-fouvent  les  Muficiens  ,. 
6i  fur  -  tout  les  Sym;  hor.iftes. . 

SPICCATO ,  aàh  Mot  Italien ,  lequel  ,  écrit  fur  la  Mu- 
fique  ,  indique  des  Sons  fecs  6c  bien  détachés. 

SPONDAULA  ,  f.  m.  C'étoit  ,  chez  les  Anciens  ,  un- 
Joueur  de  Flûte  ou  autre  femblable  Inftrument  ,  qui ,  pen- 
dant qu'on  oflroit  le  ficrifke  ,  jouoit  à  l'oreille  du  Prêtre- 
quelque  Air  convenable  pour  l'empêcher  de  rien  écouter  qui 
pût  le  diflraire. 

Ce  mot  eft  formé  du  Grec  tr-ûrovfcl  ibation  ,  &  «VaW,  Flûte. . 

SPONDEASME  ,  f.  m.  C'étoit ,  dans  les  plus  anciennes 
Mufiques  Grecques  ,  une  altération  dans  le  Genre  har- 
monique ,  lorfqu'une  Corde  étoit  accidentellement  élevée 
de  trois  Dièfes  au  -  defllis  de  fon  Accord  ordinaire  ;  de 
forte  que  le  Spond^ajine  étoit  précifément  le  contraire  de 
Uclyfe. 

ST ARLES  ,  aJj.  Sons  ou  Cordes  fiables  :  c'étoient,  ou:- 


S    T    Y  643 

Va  Corde  Profhmbanomcne  ,  les  deux  extrêmes  de  chaque 
Tétracordc  ,  defquels  extrcrr.es  formant  cnfemblc  le  Diatef- 
faron  ou  la  Quarte  ,  l'Accord  ne  changeoit  jamais ,  comme 
fàifoit  celui  des  Cordes  du  milieu,  qu'on  rendoit  ourelàchoic 
■fuivunt  les  Genres ,  &  qu'on  appelloit  pour  cela  Sons  ou 
Cordes  mobiles. 

STYLE  ,  f.  m.  Caractère  diftinclif  de  compofition  ou 
d'exécution.  Ce  caractère  varie  beaucoup  félon  les  pays  ,  le 
goût  des  Peuples ,  le  génie  des  Auteurs  :  félon  les  matières , 
■hs  lieux  ,  -tes  tems  ,  les  fujets ,  les  exprefiîons  ,  &c. 

On  dit  en  France  le  Style  de  Lully ,  de  Rameau  ,  de 
Mondonville ,  &c  En  Allemagne,  on  dit  le  Style  de  Hafîe , 
<k  Gluck  ,  de  Graun.  En  Italie  ,  on  dit  le  Sty  le  de  Léo  , 
de  Pergolcfe  ,  de  Jomelli  ,  de  Buranello.  Le  Style  des  Mu- 
fiques  d'Eglile  n'elt  pas  k  même  que  celui  des  Mufiques 
pour  le  Théâtre  ou  pour  la  Chambre.  Le  Style  des  com- 
pofitions Allemandes  elt  fautillant,  coupé,  mais  harmonieux. 
Le  Style  des  Compofitions  Françoifes  eft  fade  ,  plat  ou 
dur  ,  mal  cadencé  ,  monotone  ;  celui  des  compofitions  Ita- 
liennes eft  fleuri ,  piquant  ,  énergique. 

Style  dramatique  ou  imitatif,  e(i  un  Style  propre  à  exciter 
-ou  peindre  les  paffîons.  Style  d'Eglife ,  e(t  un  Style  ferieux, 
•majeftucux  ,  grave,  fifj  le  de  Mottet ,  où  l'Artifte  affecte  de 
fe  montrer  tel ,  elt  plutôt  claiïîque  &  (avant  qu'énergique  ou 
affectueux.  Style  Hyporchématique  ,  propre  a  la  joie  ,  au 
plaifir  ,  à  la  danfe  ,  &  plein  de  mouvemens  vifs  ,  gais  6c 
bien  marqués.  Style  fymphonique  ou  inttrumental.  Comme 
chaque  Initrumcnt  a  fa  touche  ,  fon  doigter  ,  fon  caractère 

Mm  mm  2. 


644  S     U     J 

particulier,  il  a  auili  fon  Style.  Style  Mélifmatique  ou  naturel, 
&  qui  fe  préfente  le  premier  aux  gens  qui  n'ont  point  appris. 
Style  de  Fantaifie  ,  peu  lié  ,  plein  d'idées  ,  libre  de  toute 
contrainte.  Style  Choraïque  ou  danfant ,  lequel  fe  divife  en 
autant  de  branches  différentes  qu'il  y  a  de  caractères  dans 
la   danfe  ,  &c. 

Les  Anciens  avoient  aufïi  leurs  Styles  différens.  (  Voyez 
MODE   &  Mélopée.  ; 

SUJET  ,  f.  m.  Terme  de  compofition  :  c'eft  la  partie 
principale  du  Deffein ,  l'idée  qui  fert  de  fondement  à  toutes 
les  autres.  (  Voyez  Dessein.  )  Toutes  les  autres  parties 
ne  demandent  que  de  l'arc  &  du  travail  ;  celle-ci  feule 
dépend  du  génie  ,  &  c'eft,  en  elle  que  confifte  l'invention. 

Les  principaux  Sujets  en  Mufique  produifent  des  Ron- 
deaux, des  imitations  ,  des  Fugues,  &c.  (  Voyez  ces  mots.  ) 
Un  Compofiteur  ftérile  &  froid  ,  après  avoir  avec  peine 
trouvé  quelque  mince  Sujet ,  ne  fait  que  le  retourner  ,  & 
le  promener  de  Modulation  en  Modulation  ,  mais  l'Artifle 
qui  a  de  la  chaleur  &  de  l'imagination  fait  ,  fans  laitier 
oublier  fon  Sujet  ,  lui  donner  un  air  neuf  chaque  fois  qu'il 
le  repréfente. 

SUITE  ,/./.(  Voyez  Sonate.  ) 

SUPER-SUS  ,/  m.  Nom  qu'on  donnoit  jadis  aux  DefTus 
quaid   ils  étoient   tres  -  aigus. 

SUPPOSITION],/:/    Ce  mot   a  deux   fens    en 
Mufique. 

i°.  Lorfque  plufieurs  Notes  montent  ou  (kfcendeAt  diato- 
niquement  dans  une  Partie  fur  une  même  Note  d'une  autic 


S    U    P  c4S 

Partie  ;  alors  ces  Notes  diatoniques  ne  (auraient  routes  faire 
Harmonie,  ni  entrer  à  la  Ibis  dans  le  même  Accord  :  il  y 
en  a  donc  qu'on  y  compte  pour  rien  ,  (k  ce  font  ces  Notes 
étrangères  à  l'Harmonie,  qu'on  appelle  Notes  par  fuppofttion. 

La  règle  générale  eft,  quand  les  Notes  font  égaies,  que 
toutes  telles  qui  frappent  far  le  Tems  fort  portent  I 
morne  ;  celles  qui  pafîènr  fur  le  Tems  foible  font  des  Notes 
de  Suppojition  qui  ne  font  mifes  que  pour  le  Chant  &  pour 
former  des  Degrés  conjoints.  Remarquez  que  par  Tems  fort 
&  Tems  foihle,  j'entends  moins  ici  les  principaux  Tems  de 
la  Mefure  que  les  Parties  mêmes  de  chaque  Tems.  Ainfi  , 
s'il  y  a  deux  Notes  égales  dans  un  même  Tems  ,  c'efl  la 
première  qui  porte  Harmonie  ;  la  féconde  eit,  de  Suppojition. 
Si  le  Tems  eft  cempefé  de  quatre  Notes  égales  ,  la  pre- 
mière &  la  croiûeme  portent  Harmonie  ,  la  féconde  &  la 
quatrième  font  les  Notes  de  Suppojition  ,  &c. 

Quelquefois  on  pervertit  cet  ordre  ;  on  paiïe  la  première 
Note  par  Suppojition  ,  &  l'on  fait  porter  la  féconde  ;  mais 
alors  la  valeur  de  cette  féconde  Note  eit  ordinairement 
augmentée  par  un  point  aux  dépens  de  la  première. 

Tout  ceci  fuppofe  toujours  une  marche  diatonique  p.r 
Degrés  conjoints  :  car  quand  les  Degrés  font  disjoints  ,  il 
n'y  a  point  de  Suppojition ,  &  toutes  les  Notes  doivent 
entrer  dans  l'Accord. 

2°.  On  appelle  Accords  par  Suppojition  ceux  où  la  Bafie- 
continue  ajoute  ou  fuppofe  un  nouveau  Son  au-delîous  de- 
là Bade-fondamentale  ;  ce  qui  fait  que  de  tels  Accords  excé- 
dent toujours  l'étendue  de  l'O&ave. 


CA6  S     U     P 

Les  Diffbnances  des  Accords  par  Supposition  doivent  tou- 
jours erre  préparées  par  des  fyncopes ,  &  fauvées  en  defeer.- 
dant  diatoniquement  fur  des  Sons  d'un  Accord  fous  lequel 
Ja  même  Baffe  fuppofée  puiffe  tenir  comme  Baffe  -  fonda- 
mentale ,  ou  du  moins  comme  Baffe  -  continue.  C'eft  ce 
gui  fait  que  les  Accords  par  Suppofuion.  ,  bien  examinés  , 
peuvent  tous  paffer  pour  de  pures  fufpenfions.  (  Voyez 
Suspension.  ) 

Il  y  a  trois  fortes  d'Accords  par  Suppojition  ;  tous  font 
.des  Accords  de  Septième.  La  première ,  quand  le  Son  ajouté 
elt  une  Tierce  au  -  deffbus  du  Son  fondamental  ;  tel  eft 
l'Accord  de  Neuvième  :  fi  l'Accord  de  Neuvième  eft  formé 
par  la  Médiante  ajoutée  au  -  deffbus  de  l'Accord  fenfible  en 
Mode  mineur  ,  alors  l'Accord  prend  le  nom  de  Quinte 
fuperflue,  La  féconde  cfpece  eft  quand  le  Son  fuppofé  eft 
une  Quinte  au  -  deffbus  du  fondamental  ,  comme  dans 
l'Accord  de  Quarte  ou  Onzième  :  fi  l'Accord  eft  ftnfiblc  & 
qu'on  fuppcfe  la  Tonique  ,  l'Accord  prend  le  nom  de  Sep- 

ne  fuperflue.  La  troifieme  efpece  cfi  celle  où  le  Son 
f.ippofé  eft  au  -  deffbus  d'un  Accord  de  Septième  diminuée  j 
s'il  eft  une  Tierce  au  -  deffbus  ,  c'eft-i-dire  ,  que  le  Son 
fuppofé    foit   la  Dominante  ,  l'Accord  s'appelle  Accord   de 

onde  mineure  &c  Tierce  majeure  ;  il  eft  fort  peu  ufité  : 
fi  le  Son  ajouté  eft  une  Quinte  au -deffbus,  ou  que  ce  Son 
foit  la  Médiante  ,  l'Accord  s'appelle  Accord  de  Quarte  & 
Quinte  fuperflue  ,  &  s'il  eft  une  Septième  au  -  deffbus  , 
c'eft -à- dire  la  Tonique  elle  -même  ,  l'Accord  prend  le 
.nom  de  Sixte  mineure  &  Septième  fuperflue.  A  l'égard  des 


SUR  ^47 

renverfemens  de  ces  divers  Accords ,  où  le  Son  fuppofé  fe 
tranfporte  dans  les  Parties  fupérieures  ;  n'étant  admis  que 
par  licence  ,  ils  ne  doivent  être  pratiques  qu'avec  choix  & 
circonfpe&ion.  L'on  trouvera  au  mot  Accord  tous  ceux 
é   qui    peuvent  fe  tolérer. 

SUJIAIGUES.  Tétracorde  des  Suraiguës  ajouté  par  l'Arétin, 
(Voyez  Systèmes) 

SURNUMÉRAIRE  ou  AJOUTÉE,  y:  y;  C'étoit  le  nom 
dfela  plus  baffe  Corde  du  Syftême  des  Grecs;  ils  l'jppelloicnt 
en  leur  langue  Proflambanoménos.  (  Voyez  ce  mot.  ) 

SUSPENSION,  /  /:  Il  y  a  Sufpenfion  dans  tout  Accord 
fur  la  Biffe  duquel  on  foutient  un  ou  plufieurs  Sons  de  l'Ac- 
cord précédent,  avant  que  de  paffer  à  ceux  qui  lui  appar- 
tiennent :  comme  fi,  la  Baffe  partant  de  la  Tonique  à  la  Do- 
minante ,  je  prolonge  encore  quelques  inltans  fur  cette  Do- 
minante l'Accord  de  la  Tonique  qui  là  précède  avant  de  le 
réfoudre  fur  le  fien,  c'elt  une  Sufpenfion. 

Il  y  a  des  Sufptnjions  qui  fe  chiffrent  &  entrent  dans  l'Har-  ■ 
monie.  .  Quand,  elles  font  Diffonantes,  ce  font  toujours  des 
Accords   par    Suppofition.   (  Voyez  Supposition.  )  D'autres 
Sufpenjions    ne     font   que    de  goût;  mais  de  quelque  nature- 
qu'elles  foient ,  on  doit  toujours  les  affujettir  aux  trois  règles 
faivantes. 

I.  La  Sufpenfion  doit  toujours  fe  faire  fur  le  frappé  de  la 
Mefure,  ou  du  moins  fur  un  Tems  fort. 

II.  Elle  doit  toujours  fe  refondre  diatoniquement ,  foit  en 
montant,  foit  en  defeendant;  c'elt-a-dirc,  que  chaque  Partie 
qui  a  fufpcndu,  ne  doit  enfui  ce  monter  ou  defeendre  que  d'un 


d48  S    Y    L 

Degré  pour  arriver  à  l'Accord  naturel  de  la  Note  de  BaiTe  qui 
a  porté  la  Sufpenjion. 

III.  Toute  Safpenfion  chiffrée  doit  fe  fauver  en  dcfi.cn- 
dant,  excepté  la  (feule  Noce  fenlible  qui  Ce  fauve  en  montant. 

Moyennant  ces  précautions  il  n'y  a  point  de  Sufpenfian 
qu'on  ne  puiffe  pratiquer  avec  fucecs ,  parce  qu'alors  l'oreille , 
présentant  fur  la  Baffe  la  marche  d;s  Parties,  fuppofe  d'avance 
l'Accord  qui  fuit.  Mais  c'eit  au  goût  feul  qu'il  appartient  de 
choiilr  &  distribuer  à  propos  les  Sufpenfions  dans  le  Chant 
&  dans  l'Harmonie. 

SYLLABE,//.  Ce  nom  a  été  donné  par  quelques  An- 
ciens ,  &  earr'autres  par  Nicomaque ,  à  la  Confonnance  de 
la  Quarte  qu'ils  appelloient  communément  Diatetfaron.  Ce 
qui  prouve  encore  par  l'étymolcgie ,  qu'ils  regardoient  le  Té- 
tracorde ,  ainfi  que  nous  regardons  l'Octave,  comme  com- 
prenant tous  les  Sons  radicaux  ou  compofans. 

SYMPHONIASTE  ,  /  m.  Compofiteur  de  Plain-Chanr. 
Ce  terme  çf t  devenu  technique  depuis  qu'il  a  été  employé 
par  M.  l'Abbé  le  Beuf. 

SYMPHONIE,  /  /.  Ce  mot ,  formé  du  Grec  <r^  ,  avec  , 
&  Ouvii ,  Son  ,  fignifie  ,  dans  la  Mufique  ancienne ,  cette  union 
des  Sons  qui  forme  un  Concert.  C'elè  un  fentiment  reçu , 
&  je  crois,  démontré,  que  les  Grecs  ne  connoiifoicnt  pas 
l'Harmonie  dans  le  fens  que  nous  donnons  aujourd'hui  a  ce 
mot.  Ainfi,  leur  Symphonie  ne  formait  pas  des  Accords, 
mais  elle  réfultoit  du  concours  de  plufieurs  Voix  ou  de  plu- 
ficurs  Inllrumens,  ou  d'Inftrumcns  mêlés  aux  Voix  chair 
ou  jouant  la  même   Partie.  Cela  fe  faifoit  de  deux  manières: 

ou 


S    Y    N  cA7 

bu   tout  concertoit  à  l'uniffon  ,  &  alors  h  Symphonie  s'ap- 
pclloit  plus  particulièrement  Homophonie  ;  ou   la   moitié  des 
Concertans  étoit  a  l'Octave  ou  même  a  la  double  Octave  de 
l'autre,  Se  cela  fe  nommoit  Antiyhonie.  On  trouve  la  preuve 
de  ces  diftinclions  dans  les  Problêmes  d'Ariltote,  Section  19. 
Aujourd'hui  le  mot  de  Symphonie  s'applique  à  toute  Mufi- 
que Inftrumentale,  tant  des  Pièces  qui  ne  fout  deftinées  que 
pour  les  Inftrumens  ,   comme   les   Sonates  &  les  Concerto , 
que   de    celles  où  les  Inftrumens  fe  trouvent  mêles  avec  les 
Voix,  comme  dans  nos  Opéra  &  dans  plufïeurs  autres  fortes 
de  Mufiques.  On  diftingue  la  Mufique  vocale  en  Mufique  fans 
Symphonie  ,  qui   n'a  d'autre  accompagnement  que  la  Baffe- 
continue;  &  Mufique   avec  Symphonie ,   qui    a  au  moins  un 
Deffus  d'Inf trumens ,  Violons ,  Flûtes    ou  Hautbois.  On  die 
d'une  Pièce  qu'elle  eit  en  grande  Symphonie  ,  quand,  outre 
la  Baffe  &  les  Deffus,  elle  a  encore  deux  autres  Parties  Inf- 
trumentales  ;  favoir,  Taille  &  Quinte  de  Violon.  La  Mufique 
de  la  Chapelle  du  Roi,    celle   de  plufieurs  Eglifes,  &   celle 
des  Opéra  font  prefque  toujours  en  grande  S\  niphonie. 

SYNAPHE,  f.f.  Conjonction  de  deux  Tétracordes ,  ou, 
plus  précifément,  réfonnance  de  Quarte  ou  Diateffaron,  qui 
fe  fait  entre  les  Cordes  homologues  de  deux  Tétracordes 
conjoints.  Ainfi  ,  il  y  a  trois  Synaphes  dans  le  Syftême  des 
Grecs  :  l'une  entre  le  Tétracorde  des  Hypates  &  celui  des 
Mcfes;  l'autre,  entre  le  Tétracorde  des  Mèfes  &  celui  des 
Conjointes;  èv  la  troifieme,  entre  le  Tétracorde  des  Dis- 
jointes &  celui  des  Hyperbolées.  (Voyez  Svsti.ml,  1 I  - 
XRACORDE.J 

Dicl,  de  Mujîgifç,  Nuiiii 


6So  S    Y    N 

SYNAULIE  ,  f.  f.  Concert  de  plufieurs  Muficiens ,  qui , 
dans  la  Mufîque  ancienne,  jouoient  &  fe  répondoient  alter- 
nativement fur  des  Flûtes,  fans  aucun  mélange  de  Voix. 

M.  Malcolm ,  qui  doute  que  les  Anciens  eulfent  une  Mu- 
fîque compoféc  uniquement  pour  les  Initrumens,  ne  laifle 
pas  de  citer  cette  Synaulie  après  Athénée ,  &  il  a  raifon  : 
car  ces  Synaulies  n'étoient  autre  chofe  qu'une  Mufîque  vocale 
jouée  par  des  Initrumens. 

SYNCOPE  ,  f.  f.  Prolongement  fur  le  Tems  fort  d'un 
Son  commencé  fur  le  Tems  foible;  ainfi,  toute  Note  ./)//- 
cope'e  elt  à  contre-tems,  &  toute  fuite  de  Notes  fyncopees 
eit  une  marche  à  contre-tems. 

Il  faut  remarquer  que  la  Syncope  n'exifte  pas  moins  dans 
l'Harmonie  ,  quoique  le  Son  qui  la  forme,  au  lieu  d'être  con- 
tinu ,  foit  refrappé  par  deux  ou  plufieurs  Notes  ,  pourvu  que 
la  difpofition  de  ces  Notes  qui  répètent  le  même  Son,  foie 
conforme  à  la  définition. 

La  Syncope  a  fes  ufages  dans  la  Mélodie  pour  l'expreffion 
&  le  goût  du  Chant;  mais  ù  principale  utilité  eft  dans  l'Har- 
monie pour  la  pratique  des  Dilïbnances.  La  première  partie 
de  la  Syncope  fert  à  la  préparation  :  la  Diiïbnance  fe  frappe 
fur  la  Seconde  ;  &  dans  une  fuccefïïon  de  Dilïbnances , 
la  première  partie  de  la  Syncope  fuivante  fert  en  même 
tems  à  fauver  la  Diiïbnance  qui  précède ,  &  a  préparer  celle 
qui  fuir. 

Syncope,  de  <w,  avec ,  &  de  wmu  ,  je  coupe  ,  je  bars; 
parce  que  la  Syncope  retranche  de  chaque  Tems,  heurtant, 
pour  ainfi   due  ,   l'un  avec  l'autre.  M.  Hameau  veut  que  te 


S    Y    N  S51 

mot  vienne  du  choc  des  Sons  qui  s'entre-heurtcnt  en  quel- 
que force  dans  la  DifTonance;  mais  les  Syncopes  font  anté- 
rieures à  notre  Harmonie,  &  il  y  a  fouvent  des  Syncopes :  fans 
Dillbnances. 

SYNNEMENON,  gén.plur,  fini.  Tétracorde  Synnéménon 
Ou  des  Conjointes.  C'eft  le  nom  que  donnoient  les  Grecs 
à  leur  troifieme  Tctracorde,  quand  il  étoit  conjoint  avec  le 
fécond,  &  divifé  d'avec  le  quatrième.  Quand  au  contraire  il 
étoit  conjoint  au  quatrième  &  divifé  du  fécond ,  ce  même 
Tctracorde  prenoit  le  nom  de  Dié\eugménon  ou  des  Divifées. 
Voyez  ce  mot.  (Voyez  aufii  Tétr acorde  ,  Système.) 

SYNNÉMÉNON  DIATONOS  étoit,  dans  l'ancienne 
Mufique  ,  la  troifleme  Corde  du  Tctracorde  Synnéménon  dans 
le  genre  Diatonique  ;  &  comme  cette  troifleme  Corde  étoit 
la  même  que  la  féconde  Corde  du  Tétracorde  des  Disjoin- 
tes, elle  portoit  aufii  dans  ce  Tétracorde  le  nom  de  Dire 
Dié\eugménon.  (Voyez  Trite  ,  Système,  Tétracorde. ) 

Cette  même  Corde,  dans  les  deux  autres  Genres,  portoit 
le  nom  du  Genre  où  elle  étoit  employée  ;  mais  alors  elle 
ne  fe  confondoit  pas  avec  la  Trite  Diézeugménon.  (  Voyez 
Genre.  ) 

SYNTONIQUE  ou  DUR,  ad}.  C'eft  l'épitiiete  par  laquelle 
AriUoxcne  dtftingue  celle  des  deux  efpeces  du  Genre  Diato- 
nique ordinaire,  dont  le  Tétracorde  eft  divifé  en  un  femi-To/! 
&  deux  Tons  égaux  :  au  lieu  que  dans  le  Diatonique  mol, 
après  le  femi-Ton,  le  premier  Intervalle  eft  de  trois  quarts- 
dc  -  Ton  ,  &.  le  fécond  de  cinq.  (  Voyez  Genres  ,  Te tra- 
cordes.  ) 

Nnnn  1 


65i  S    Y    N 

Outre  le  Genre  Syntonique  d'Arifroxène  ,  appelle  aufîï 
Diatono-Diatonique  ,  Ptolomée  en  établit  un  autre  par  le- 
quel il  divife  le  Tétracorde  en  trois  Intervalles  :  le  premier, 
d'un  femi-Ton  majeur  ;  le  fécond ,  d'un  Ton  majeur  ;  &  le 
troifîeme,  d'un  Ton  mineur.  Ce  Diatonique  dur  ou  Syn- 
tonique de  Ptolomée  nous  eft  relié  ,  &  c'eft  aufïï  le  Dia- 
tonique unique  de  Dydime;  à  cette  différence  près,  que, 
Dydime  ayant  mis  ce  Ton  mineur  au  grave  ,  &  le  Ton. 
majeur  à  l'aigu,  Ptolomée  renverfa   ctt  ordre. 

On  verra  d'un  coup-d'œil  la  différence  de  ces  deux  Genres 
Syntoniques  par  les  rapports  des  Intervalles  qui  compofenc 
le  Tétracorde  dans  l'un  &  dans  l'autre. 


Syntonique  d'Ariftoxène , 


i  ç         S  9  * 

Syntonique  de  Ptolomée ,  — —H 1 =— — 

io         9  io         4 

Il  y  avoit  d'autres  Syntoniques  encore ,  &  l'on  en  comp- 
toit  quatre  efpeces  principales;  favoir,  l'Ancien,  le  Réformé, 
le  Tempéré  ,  &  l'Egal.  Mais  c'eft  perdre  fon  tems  ,  & 
abufer  de  celui  du  Lecleur,  que  de  le  promener  par  toutes 
ces  divifions. 

SYNTONO-LYDIEN ,  aJj.  Nom  d'un  des  Modes  de  l'an- 
cienne Mufique.  Platon  dit  que  les  Modes  Mixo-Lydicn  , 
&.  Syntono-Lydien  font  propres  aux  larmes. 

On  voir  dans  le  premier  livre  d'Arilride  Quintilien  une 
lilte  des  divers  Modes  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  ks 


SYS  £55 

Tons  qui  portent  le  même  nom,  &  dont  j'ai  parlé  fous  le 
mot  Mode  pour  me  conformer  a  l'ufage  Moderne  introduit 
fort  mal-à-propos  par  Glaréan.  Les  Modes  étoient  des  ma- 
nières différentes  de  varier  Tordre  des  Intervalles.  Les  Tons 
différaient,  comme  aujourd'hui,  par  leurs  Cordes  fondamen- 
tales. C'efè  dans  le  premier  fens  qu'il  faut  entendre  le  Mode 
Syntono-Lydien  dont  parle  Platon,  &  duquel  nous  n'avons, 
au  relie ,  aucune  explication. 

SYSTÈME,/  m.  Ce  mot  ayant  plufieurs  acceptions  dont 
je  ne  puis  parler  que  fucceffivement ,  me  forcera  d'en  faire 
un  très-long  article. 

Pour  commencer  par  le  fens  propre  &  technique,  je  dirai 
d'abord  qu'on  donne  le  nom  de  Syflème  à  tout  Intervalle 
compofé  ou  conçu  comme  compofé  d'autres  Intervalles  plus 
petits,  lefquels  ,  confïdérés  comme  les  élémens  du  Syflème , 
s'appellent  Diaflème.  (  Voyez   Diastème.  ) 

Il  y  a  une  infinité  d'Intervalles  différens  ,  &  par  confé- 
quent  auffi  une  infinité  de  Syflèmes  poffibles.  Pour  me  bor- 
ner ici  à  quelque  chofe  de  réel ,  je  parlerai  feulement  des 
Syflèmes  harmoniques  ,  c'eft-à-dire  ,  de  ceux  dont  les  élé- 
mens font  ou  des  Confonnances  ,  ou  des  différences  des 
Confonnances ,  ou  des  différences  de  ces  différences.  (  Voyez 
Intervalles.) 

Les  Anciens  divifoient  les  Syflèmes  en  généraux  &  par- 
ticuliers. Ils  appelloient  Syflème  particulier  tout  compofé 
d'au  moins  deux  Intervalles  ;  tels  que  font  ou  peuvent  être 
conçues  l'Octave  ,  la  Quinte  ,  la  Quarte  ,  la  Sixte  ,  & 
même  la  Tierce.  J'ai  parlé  des  Syflèmes  particuliers  au  mot 
Intervalle, 


<t$4  SYS 

Les  Syflèmes  généraux ,  qu'ils  appelloient  plus  communé- 
ment Diagrammes ,  étoient  formés  par  la  fomme  de  tous 
les  Syflèmes  particuliers,  &c  comprenoient,  par  conféquent, 
tous  les  Sons  employés  dans  la  Mufique.  Je  me  borne  ici 
à  l'examen  de  leur  Syflème  dans  le  Genre  Diatonique;  les 
différences  du  Chromatique  &  de  l'Enharmonique  étant  fuf- 
fifamment  expliquées  ;\  leurs  mots. 

On  doit  juger  de  l'état  des  progrès  de  l'ancien  Syflème 
par  ceux  des  Inftrumens  deftinés  à  l'exécution  :  car  ces  Inf- 
trumens  accompagnant  à  l'unifïbn  les  Voix ,  &  jouant  tout 
ce  qu'elles  chantoient,  dévoient  former  autant  de  Sons  dif- 
férens  qu'il  en  entroit  dans  le  Syflême.  Or  les  Cordes  de  ces 
premiers  Inftrumens  fe  touchoient  toujours  à  vide  ;  il  y  faloit 
donc  autant  de  Cordes  que  le  Syflême  renfermoit  de  Sons  ; 
&  c'eft  ainfi  que,  dès  l'origine  de  la  Mufique,  on  peut,  fur 
le  nombre  des  Cordes  de  l'Inftrument ,  déterminer  le  nom- 
bre des  Sons  du  Syflème. 

Tout  le  Syflème  des  Grecs  ne  fut  donc  d'abord  compofé 
que  de  quatre  Sons  tout  au  plus,  qui  formoient  l'Accord  de 
leur  Lyre  ou  Cythare.  Ces  quatre  Sons ,  félon"  quelques-uns , 
étoient  par  Degrés  conjoints  :  félon  d'autres  ils  n'étoient 
pas  Diatoniques;  mais  les  deux  extrêmes  fonnoient  l'Octave, 
&  les  deux  moyens  la  parrageoient  en  une  Quarte  de  chaque 
côté  6c  un  Ton  dans  le  milieu ,  de  la  manière  faisante. 

Ut  Trite  Diézcugménon. 

Sa/ —  Lichanos  McTon. 

/'./  —  Pa  hj  pâte  Méfon. 

Ut  —  Parhypate  Hypaton. 


SYS 

C'efè  ce  que  Boècc  appelle  le  Tétracorde  de  Mercure,  quoi- 
que Diodore  avance  que  la  Lyre  de  Mercure  n'avoit  que  trois 
Cordes.  Ce  Syftèmt  ne  demeura  pas  long-tems  borné  a  ii 
peu  de  Sons  :  Chorebe,  fils  d'Athis  Roi  de  Lydie,  y  ajouta 
une  cinquième  Corde;  Hyagnis ,  une  fixieme  ;  Terpandre  , 
une  feptieme  pour  égaler  le  nombre  des  planètes  ;  &  enlin 
Lychaon  de  Samos ,  la  huitième. 

Voilà  ce  que  dit  Boèce  :  mais  Pline  dit  que  Terpandre , 
ayant  ajouté  trois  Cordes  aux  quatre  anciennes  ,  joua  le 
premier  de  la  Cythare  à  fept  Cordes  ;  que  Simonide  y  en 
joignit  une  huitième  ,  &  Thimothée  une  neuvième.  Nico- 
maque  le  Gérafénien  attribue  cette  huitième  Corde  à  Pytha- 
gore,  la  neuvième  à  Théophralte  de  Piérie,  puis  une  dixième 
à  Hyitiée  de  Colophon ,  &  une  onzième  à  Timothée  de 
Milet.  Phérécrate  dans  Plutarque  fait  faire  au  Syjltme  un 
progrès  plus  rapide  ;  il  donne  douze  Cordes  à  la  Cythare 
de  Ménalippide  ,  &  autant  à  celle  de  Timothée.  Et  comme 
Phérécrate  étoit  contemporain  de  ces  Muficiens ,  en  fup- 
pofant  qu'il  a  dit  en  effet  ce  que  Plutarque  lui  fait  dire, 
fon  témoignage  eit  d'un  grand  poids  fur  un  fait  qu'il  avoit 
fous  les  yeux. 

Mais  comment  s'aiTurer  de  la  vérité  parmi  tant  de  con- 
tradictions ,  foit  dans  la  doctrine  des  Auteurs ,  foit  dans 
l'ordre  des  faits  qu'ils  rapportent  ?  Par  exemple  le  Tétra- 
corde  de  Mercure  donne  évidemment  l'Octave  ou  le  Dia- 
pafon.  Comment  donc  sYlt-il  pu  faire  qu'après  l'addition 
de  trois  Cordes,  tout  le  Diagramme  fe  foit  trouvé  dimi- 
nué  d'un  Degré  cV    réduit   à    un    Intervalle   de   Septième  ? 


6S6  SYS 

C'eft  pourtant  ce  que  font  entendre  la  plupart  des  Au- 
teurs ,  &  entr'autres  Nicomaque ,  qui  dit  que  Pythagore 
trouvant  tout  le  Syjlême  compofé  feulement  de  deux  Té- 
tracordes conjoints ,  qui  formoient  entre  leurs  extrémités 
un  Intervalle  diiïbnant,  il  le  rendit  confonnant  en  divifant 
ces  deux  Tétracordes  par  l'Intervalle  d'un  Ton  ,  ce  qui 
produifit  l'Octave. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  c'eft  du  moins  une  chofe  certaine 
que  le  Syjlême  des  Grecs  s'étendit  infenfiblement  tant  en 
haut  qu'en  bas ,  &  qu'il  atteignit  &  paiïa  même  l'étendue 
du  Dis-Diapafon  ou  de  la  double  Octave  :  étendue  qu'ils 
appelèrent  Syjlema  perjcclum  ,  maximum  ,  immutatum  ; 
le  grand  Syfléme  ,  le  Syjlême  parfait  ,  immuable  par  ex- 
cellence :  à  caufe  qu'entre  fes  extrémités ,  qui  formoient 
entr'elles  une  Confonnance  parfaite  ,  étoient  contenues  tou- 
tes les  Confonnances  fimples ,  doubles  ,  directes  &  ren- 
verfées  ,  tous  les  Syjlême  s  particuliers  ,  &  félon  eux  ,  les 
plus  grands  Intervalles  qui  puiffent  avoir  lieu  dans  la  Mélodie. 

Ce  Syjlême  entier  étoit  compofé  de  quatre  Tétracordes , 
trois  conjoints  &  un  disjoint ,  &  d'un  Ton  de  plus  ,  qui 
fut  ajouté  au-deîTous  du  tout  pour  achever  la  double  OcL 
d'où  la  Corde  qui  le  formoit  prit  le  nom  de  Projlumbano- 
tnene  ou  ft  Ajoutée.  Cela  n'auroit  dû  ,  ce  femblc  ,  produire 
que  quinze  Sons  dans  le  Genre  Diatonique  :  il  y  en  avoit 
pourtant  feize.  C'eft  que  la  disjonction  fe  faifant  fentir  , 
tantôt  entre  le  fécond  &  le  troificme  Tétracorde  ,  tantôt 
entre  le  troificme  &  le  quatrième ,  il  arrivent  dans  le  pre- 
mier  cas  ,    qu'après   le    bon   la ,    le    plus    aigu   du    fécond 

Tétracoruc , 


SYS  *57 

Tétracorde,  ravoir  en  montant  \c  fi  nature!  qui  comme  r.ç  oit 
Je  troiûcme  Téoracorde  ;  ou  bien  ,  dans  le  fécond  cas  , 
que  ce  même  Son  h  commençant  lui  -  même  le  troi- 
sième Tétracorde  .  étoit  imm  u-.cnt  fuivi  du  fi  Ûémol  : 
car  le  premier  Degré*  de  chaque  Jctracordc  dans  le  Genre 
Diatonique,  c'roi:  toujours  d'un  femi-Ton.  Cette  différence 
produifoit  donc  un  feizierne  Son  à  caufe  du  fi  qu'on  r.voit 
naturel  d'u  i  (  té  U  Bémol  de  l'autre.  Les  fcizc  Sons 
étaient  repréfentés  par  dix-huit  noms  :  c'cU-L-dire  que  ïut 
&  le  ;v  étant:  eu  les  Sens  aigus  eu  les  Sons  moyens  du 
troifieme  Tétracorde  ,  feien  ces  deux  cas  de  disjonction  , 
Ton  donnoit  à  chacun  de  ces  deux  Sons  un  non;  qui  dé- 
terminait  Cd  pofkioa. 

Mais  comme  le  Son  fondamental  varioit  félon  le  Mode, 
il  s'enfuivoit  pour  le  lieu  qu'occupait  chaque  Mode  dans 
le  Syjiéme  total  une  différence  dii  £"ù\'-j  à  l'aigu  qui  r.-.ulti- 
piioit  beaucoup  les  Sons  ;  car  ii  les  divers  Modes  avoient 
plusieurs  Sons  communs,  ils  en  avoient  aufli  de  particuliers 
a  chacun  ou  à  quelques-uns  feulement.  A  in  fi ,  dans  le  feul 
Genre  Diatonique ,  l'étendue  de  tous  les  Sons  admis  dans 
les  quinze  Modes  dénombres  par  Alypius  eft  de  trois  Oc- 
taves ,■  Se,  comme  la  différence  du  Son  fondamental  de  ciia- 
qus  à  celui  de  fou  voiiln   croit  feulement  d'un  femi- 

Ton,  il  cft  évident  que  tout  cet  efpace  gradué  de  femi- 
Ton  en  femi-Ton  produifoit,  dans  le  Diagramme  général, 
la  quantité  de  34  Sons  prari q  es  dans  la  Mufique  ancienne. 
Qae  (I ,  déduifant  toutes  les  Répliques  des  mêmes  Sons  , 
on  fe  renferme  dans  les  bornes  d'une  Octave .  on  la  trou- 
Dicl.  dt  Mufique,  Oooo 


<55»  SYS 

vera  divifée  chromatiquement  en  douze  Sons  dififérens  , 
comme  dans  la  Mufîque  moderne.  Ce  qui  eft  manifefte 
par  l'infpection  des  Tables  mifes  par  Meibomius  à  la  tête 
de  l'ouvrage  d'Alypius.  Ces  remarques  font  nécelTaires  pour 
guérir  l'erreur  de  ceux  qui  croient,  fur  la  foi  de  quelques 
Modernes ,  que  la  Mulique  ancienne  n'étoit  compofce  en  tout 
que  de  feize  Sons. 

On  trouvera  (  PL  H.  Fig.  i.)  une  Table  du  Syflême  gé- 
néral des  Grecs  pris  dans  un  feul  Mode  &  dans  le  Genre 
Diatonique.  A  l'égard  des  Genres  Enharmonique  6c  Chro- 
matique ,  les  Tétracordcs  s'y  trouvoient  bien  divifés  félon 
d'autres  proportions  ;  mais  comme  ils  contenoient  toujours 
également  quatre  Sons  &  trois  Intervalles  confécutifs ,  de 
même  que  le  Genre  Diatonique ,  ces  Sons  portoient  chacun 
dans  leur  Genre  le  même  nom  qui  leur  correfpondoit 
dans  celui  -  ci  :  c'eit  pourquoi  je  ne  donne  point  de  Tables 
particulières  pour  chacun  de  ces  Genres.  Les  Curieux  pour- 
ront confulter  celles  que  Meibomius  a  mifes  à  la  tête  de 
l'ouvrage  d'Ariiloxène.  On  y  en  trouvera  fix  ;  une  pour  le 
Genre  Enharmonique,  trois  pour  le  Chromatique,  &  d^x 
pour  le  Diatonique,  félon  les  diipoiiticns  de  chacun  de  us 
Genres  dans  le  Syflèmc  Ariftoxénien. 

Tel  fit,  dans  fa  perfection,  le  Syjfême  général  des  Grecs; 
lequel  demeura  à -peu -près  dans  cet  état  jufqu'à  l'onzième 
Gecîe  ;  tems  où  Guy  d'Arezzo  y  lit  des  changemens  confi- 
dérables.  Il  ajouta  dans  le  bas  une  nouvelle  Corde  qu'il  ap- 
pella  Hypoproflambanvnene  ,  ou  Sous  -  ajoutée  ,  &  dans  le 
haut  un  cinquième  Tétracorde,  qu'il  appela  le   rétracorde 


S    Y    S  c,$9 

des  Sur -aiguës.  Outre  cela,  il  inventa,  dir-on ,  le  BJmoI , 
nécefl'aire  pour  diïtinguer  la  deuxième  Corde  d'un  Tetra  corde 
conjoint  d'avec  la  première  Corde  du  même  Tétracorde 
disjoint  :  c'eft-à-dire  qu'il  fixa  cette  double  lignification  de 
la  lettre  13,  que  Saint  Grégoire,  avant  lui  ,  avoit  déjà  afhgnée 
à  la  Note//.  Car  puifqu'il  eit  certain  que  les  Grecs  avoienr, 
depuis  long  -  tems  ,  ces  mêmes  conjonctions  &  disjonclions 
de  Tétracordes ,  & ,  par  conféquent,  des  fignes  pour  en 
exprimer  chaque  Degré  dans  ces  deux  diflerens  cas,  il  s'en- 
fuit que  ce  n'étoit  pas  un  nouveau  Son  introduit  dans  le 
Syflème  par  Guy  ,  mais  feulement  un  nouveau  nom  qu'il 
donnoit  à  ce  Son,  réduifant  ainfi  à  un  même  Degré  ce  qui 
en  faifoit  deux  chez  les  Grecs.  Il  faut  dire  auiïî  de  ces  Hexa- 
cordes  fubftjtués  à  leurs  Tétracordes ,  que  ce  fut  moins  un 
changement  au  Syftéme  qu'a  la  méthode ,  &  que  tcut  celui 
qui  en  réfultoit,  étoit  une  autre  manière  de  folfer  les  mêmes 
Sons.  (  Voyez  Gamme,  Muances,  Solfier.  ) 

On  conçoit  aifément  que  l'invention  du  Contre  -  point , 
à  quelque  Auteur  qu'elle  foit  due  ,  dut  bientôt  reculer  encore 
les  bornes  de  ce  Syflême.  Quatre  Parties  doivent  avoir  plus 
d'étendue  qu'une  feule.  Le  Syfiéme  fut  fixé  à  quatre  O&aves , 
&  c'eit  l'étendue  du  Clavier  de  toutes  les  anciennes  Orgues. 
Mais  on  s'efè  enfin  trouvé  gêné  par  des  limites  ,  quelque 
elpace  qu'elles  pufient  contenir;  on  les  a  franchies,  on  s'eft 
étendu  en  haut  &  en  bas;  on  a  fait  des  Claviers  à  ravale- 
ment; on  a  démanché  fans  Céffe  ;  on  a  forcé  les  Voix, 
&  enfin  l'on  s'eît  tant  donné  de  carrière  à  cet  égard  ,  que 
le   Syflème  moderne  n'a  plus  d'autres  bornes  dans  le   haut 

Oooo  i 


66o  SYS 

que  le  chevalet  du  Violon.  Comme  on  ne  peut  pas  de  thêSBM 
démancher  pour  defcendre  ,  la  plus  baffe  Corde  des  Baffes 
ordinaires  ne  paffe  pas  encore  le  C  fol  ut  :  mais  on  trouvera 
également  le  moyen  de  gagner  de  ce  côté -la  en  baiffant 
le  Ton  dû  Syjtéme  général  :  c'eft  même  ce  qu'on  a  deji 
commencé  de  faire ,  éc  je  tiens  pour  certain  qu'en  France 
le  Ton  de  l'Opéra  eft  plus  bas  aujourd'hui  qu'il  ne  fétoic 
du  tems  de  Lully.  Au  contraire  ,  ceki  de  la  Mufique  inflru- 
mentale  eft  monté  comme  en  Italie  ,  &  ces  différences  com- 
mencent même  à  devenir  affez  fenfibles  pour  qu'on  s'en  apper- 
çoive  dans  la  pratique. 

Voyez  {Pianchc  I.  Figi  i.)  une  Table  générale  du  grand 
Clavier  à  ravalement,  &  de  tous  les  Sons  qui  y  font  con- 
tenus dans  l'étendue  de  cinq  Octaves. 

SYSTÈME  eft  encore,  ou  une  méthode  de  calcul  peur 
déterminer  les  rapports  des  Sons  admis  dans  la  Mufique  , 
ou  un  ordre  de  fignes  établis  pour  les  exprimer.  C'eft  dans 
le  premier  fens  que  les  Anciens  diftinguoient  le  Syfiémt 
Pythagoricien  &  le  Syfléim  Ariiloxénien.  (  Voyez  ces  me:  . 
C'eft    dans    le   fécond    que    nous   difiinguens    aujo  le 

Sjjlcme  de  Guy,  le  S}Jîé;ne  de  Sauveur,  de  Démos,  du  i\ 
Souhaitti ,  &c.  defquels  il  a  été  parlé  au  mot  Note. 

Il  faut  remarquer  que  quelques-uns  de  ces  Sjfîcmes  portent 
ce  nom  dans  l'une  Ce  dans  l'autre  acception  :  comme  ctlui 
de  M.  Sauveur,  qui  donne,  a  la  fois,  des  règles  pour  dé- 
terminer les  rapports  des  Sons,  &  des  Notes  pour  les  t  •>- 
primer  ;  comme  on  peut  le  voir  dans  les  Mémoires  de  cec 
Auteur,   répandus   daus  ceux  de  l'Académie  d^z   Science^ 


SYS  661 

(V.  auiTi  les  mots  Mi&ios,  Eptam^ridi  ,  Di'.cAMEiunn.) 

Tel  efr,  encore  un  autre  fyjlane  plus  nouveau ,  lequel 
étant  demeure  manuferit  &  deviné  peut-être  a  n'être  jamais 
vu  du  Public  en  entier,  vaut  la  peine  que  nous  en  donnions 
ici  l'extrait ,  qui  nous  a  été  communiqué  par  l'Auteur  M. 
Roualîe  de  Boifgelou  ,  Confeiller  au  Grand  -  Conl'eil ,  déjà 
cité   dans  quelque;   articles  de  ce  Dictionnaire. 

Il  s'agit  premièrement  de  déterminer  le  rapport  exact,  des 
Sons  dans  le  Genre  Diatonique  &  dans  le  Chromatique  ; 
ce  qui  fe  faifant  d'mw:  manière  uniforme  pour  tous  les  Tons, 
fait  par  conlequent  évanouir  le  tempérament. 

Tout  le  Vi  ftérne  de  M.  de  Boifgelou  cil  fommairement 
renfermé  dans  les  quatre  formules  que  je  vais  tranferire  , 
après  avoir  rappelle  au  Lecteur  les  règles  établies  en  divers 
endroits  de  ce  Dictionnaire  fur  la  manière  de  comparer  ck 
compofer  les  Intervalles  ou  les  rapports  qui  les  expriment. 
On   fe  fouviendra  donc  : 

i.  Que  pour  ajourer  un  Intervalle  à  un  autre,  il  faut  en 
compofer  les  rapport:.  Ainfî  ,  par  exemple  ,  ajoutant  la  Quinte 
;\ ,  à  la  Quarte  \ ,  on  a  /5 ,  ou  i  ;  favoir  TOclave. 

2.  Que  pour  ajouter  un  Intervalle  à  lui-même,  il  ne  faut 
qu'en  doubler  le  rapport.  Ainfi,  pour  ajouter  une  Quinre  a 
une  autre  Quinte  ,  il  ne  faut  qu'élever  le  rapport  de  la  Quinte 

à  ù   féconde  pui (Tance  -,  =  *§> 

3.  Que  pour  rapprocher  ou  fimplifïer  un  Intervalle  redoublé 
tel  que  celui-ci  $,  il  fuffit  d'ajourer  le  petit  nombre  a  lui- 
même   une   ou   plufieurs  fois;   c"efi.-à-dire ,  d'abaifle*   les 


66i  SYS 

Oâaves  jufqu'à  ce  que  les  deux  termes  ,  étant  auiïî  rappro- 
chés qu'il  eit  poffible ,  donnent  un  Intervalle  (impie.  Ainfi , 
de  |  faifant  f  ,  on  a  pour  le  produit  de  la  Quinte  redoublée 
le  rapport  du  Ton  majeur. 

J'ajouterai  que  dans  ce  Dictionnaire  j'ai  toujours  exprimé 
les  rapports  des  Intervalles  par  ceux  des  vibrations  ,  au  lieu 
que  M.  de  Boifgelou  les  exprime  par  les  longueurs  des  Cordes, 
ce  qui  rend  fes  expreilions  inverfes  des  miennes.  Ainfi  ,  le 
rapport  de  la  Quinte  par  les  vibrations  étant  J,  eft  \  par  les 
longueurs  des  Cordes.  Mais  on  va  voir  que  ce  rapport  n'elt 
qu'approché  dans  le  Syfîëme  de  M.  de  Boifgelou. 

Voici  maintenant  les  quatre  formules  de  cet  Auteur  avec 
leur  explication. 

FORMULES. 

\    A.        11/ 7r±t=o. 

y   B.       iz.v — 5^  +  /-=o. 


S 


C.  7/ — 4/  +  X  =0. 

D.  7.y — 4f  ±  f=o. 

EXPLICATION. 


Rapport  de  l'Oclave.  .  .  z  :  1 . 
Rapport  de  la  Quinte.  .  .  n:x. 
Rapport  de  la  Quarte.  .  .  1  :  n. 

Rapport  de  l'Intervalle  qui  vient  de  Quinte,  rr.  1'. 
Rapport  de  l'Intervalle  qui  vient  de  Quarte.  i\  n' . 


SYS 


r.  Nombre  de  Quintes  ou  de  Quartes  de  l'Intervalle, 

fi  Nombre  d'Octaves  combinées  tic  l'Intervalle. 

t.  Nombre  de  fcmi-Tons  de  l'Intervalle. 

x.  Gradation  diatonique  de  l'Intervalle;  c'eft-à-dire,  nombre 

des   Secondes  diatoniques  majeures   &c  mineures  de  l'In- 
tervalle. 
ï.+  i.  Gradation  des  termes  d'où  l'Intervalle  tire  fon  nom. 

0 

Le  premier  cas  de  chaque  formule  a  lieu  ,  lorfque  l'Inter- 
valle vient  de  Quintes. 

Le  fécond  cas  de  chaque  formule  a  lieu,  lorfque  l'Inter- 
valle vient  de  Quartes. 

Pour  rendre  ceci  plus  clair  par  des  exemples,  commen- 
çons par  donner  des  noms  à  chacune  des  douze  touches  du 
Clavier. 

Ces  noms  ,  dans  l'arrangement  du  Clavier  propofé  par 
M.  de  Boifgclou  ,  (  PL  I.  Fig.   3.  )  font  ks  fuivans. 

Ut    de     re     ma     mi    j'a    fi    Jol    be     la    fa    fi. 

Tout  Intervalle  cft  forme  par  la  progreffion  de  Quintes 
ou  par  celle  de  Quartes ,  ramenées  à  l'Octave.  Par  exemple  , 
l'Intervalle  fi  ut  eit  forme  par  cette  progrefïîon  de  5  Quartes 
fi  mi  la  re  fol  ut ,  ou  par  cette  progrellion  de  7  Quintes 
fi  fi  de  be  ma  fa  J'a   ut. 

De    même  l'Intervalle  fa  la  elt  formé  par  cette  progref- 


664  S     Y     S 

fion  de  4  Quintes  ./à  .::  fol  re  la ,  ou  par  cette  progrcflîon 
de  8  Quartes  /^  .A  fi?rt  />f  de  fi  fi   mi  h. 

De  ce  que  le  rapport  de  tout  Intervalle  qui  vient  de  Quintes 
eil  m.  z'. ,  <k  que  celui  qui  vient  de  Quartes  efi  i'  :  n\  ,  il  s'en- 
fuit qu'on  a  pour  le  rapport  de  l'Intervalle  jî  «£ ,  quand  i! 
vient  de  Quartes  ,  cette  proportion  z'  :  n\  :;  25:/z,<  Et  fi. 
rintcrvallc  fi  ut  vient  ce  Quintes-,  on  a  cette  proportion  /.": 
z'  :  :  n  7.  i*.  Voici  comment  on  prouve  cette  analogie. 

Le  nombre  de  Quartes  ,  d'où  vient  l'Intervalle  fi  ut ,  étant 
de  5  ,  le  rapport  de  cet  Intervalle  eit  de  z^  :  n\,  puifque  le. 
rapport  de  la  Quarre  efc  2  :  /?. 

Mais  ce  rapport  i<  :  «',  cicfigneroi:  un  Intervalle  de  i'.  Semi- 
Tons,  puifque  chaque  Quarte  a  5  femi-Tons,  &  que  cet 
Intervalle  a  5  Quartes.  Ainfi,  POÔave  û'ayant  que  12  femk 
Tons  ,  l'Intervalle  fi.  ut  paierait  deux  Oâaves. 

Donc  pour  que  l'Intervalle  fi  ut  foit  moindre  que  l'Q&ave , 
il  faut  diminuer  ce  rapport  z^  :  n\  de  deux  Octaves;  c'efl- 
à-dire,  du  rapport  de  z-  :  1.  Ce  qui  fe  fait  par  un  rapport 
compofé  du  rapport  direct  *i  :  «%  &  au  rapport  1  :  22  inverfe 
de  celui  i1  :  1 ,  en  cette  forte  :  z*  x  1  :  rf  y.  iz  .  :   il:  i*  /1*  : 


î?  :  n\ 


Or,  l'Intervalle  77 //*  venant  de  Quartes,  fon  rapport,  ce 
il  a   été    dit   ci -devant,   cft  i,:n\   Donc  2':;/'.  :;   2'  :  /;*. 
Donc  .î=3,  &  /=5. 

Ainfi,  reduifant  les  lettres  du  fécond  cas  de  chaque  for- 
mule aux  nombres  corrcfpondans ,  on  a  pour  C,  ys  —  4^ 
— ■  X  =^  1 1  —  20  —  1=0,  &  pour  D  ,  JX  —  4'  —  •s'  =  7  —  4 
—  5=0. 

Lorfque 


SYS  66$ 

Lorfque  le  même  Intervalle  fi  ut  vient  de  Quintes,  il  donne 
cette  proportion  n'  :  z'  ::  n1  :  z4.  Ainfi,  l'on  a  rr=  7,4=54, 
&  par  conféquent,  pour  A  de  la  première  formule,  121  —  -r 
—  f=  48  —  49 4-1=0;  &  pour  B,  izx—  5/±r=ii  —  5 
.—  7  =  0. 

De  même  l'Intervalle  /à  la  venant  de  Quintes  donne  cette 
proportion  n'  :  1'  :  :  n*  :  z' ,  &  par  conféquent  on  a  /==  4 
&  s  =5  z.  Le  même  Intervalle  venant  de  Quartes  donne  cette 
proportion  z'  :  nr  ::  15  :  n%  >  &c.  Il  feroit  trop  long  d'ex- 
pliquer ici  comment  on  peut  trouver  les  rapports  <Sc  tout  ce 
qui  regarde  les  Intervalles  par  le  moyen  des  formules.  Ce 
fera  mettre  un  Lecteur  attentif  fur  la  route  que  de  lui  donner 
les  valeurs  de  n  &  de  fes  puilTances. 

Valeurs  des  Puiffances  de  rc- 

r24=  5  ,  c'eft  un  fait  d'expérience. 
Donc  n\  =  is.    rc,J=iz5,  &c. 

Valeurs  précifes  des  trois  premières  PuilTances  de  n, 

n  =  \/  5  ,  /z  =  v/5>  «  =  1/  »  *  5. 

Valeurs  approchées  des  trois  premières  Puiflances  de  n. 


m=j»m*=^ij  mï  =  ;1. 

Donc  le  rapport  { ,  qu'on  a  cru  jufqu'ici  être  celui  de  la 
Quinte  juite  ,  n'eft  qu'un  rapport  d'approximation  ,  &  donne 
une  Quinte  trop  forte,  &  de-là  le  véritable  principe  du  Tem- 
pérament qu'on  ne  peut  appeller  ainiï  que  par  abus  ,  puifque 
la  Quinte  doit  être  foible  pour  être  Julie, 

D'ici,  di  Mujique.  P  p  p  p 


666  SYS 

REMARQUES  SUR  LES  INTERVALLES.. 

Un  Intervalle  d'un  nombre  donne  de  fcmi-Tons ,  a  tou- 
jours deux  rapports  différens;  l'un  comme  venant  de  Quin- 
tes ,  &  l'autre   comme   venant  de   Quartes.  La  fomme  des 
deux  valeurs  de  r  dans  ces  deux   rapports   égale    12,  &  la 
fomme  dss  deux  valeurs  de  s  égale  7.   Celui  des  deux  rap- 
ports de  Quintes  ou  de  Quartes  dans  lequel  r  eft  le  plus  petit, . 
eft  l'Intervalle  diatonique  ,  l'autre  eft  l'Intervalle  chromatique. . 
Ainfi ,  l'Intervalle  fi  ut ,  qui  a  ces  deux  rapports  z5  :  /j5   &c  n7  : . 
2(,  eft  un  Intervalle  diatonique  comme  venant  de  Quartes, 
&  fon  rapport  eft  z3  :  n*  ;  mais  ce  mime  Intervalle  fi  ut  eit 
chromatique  comme  venant  de  Quintes  ,  &  fon  rapport  eft 
n7  :  i£.  parce  que  dans  le  premier  cas  r  =  5   eft   moindre 
que  r  =  7  du  fécond  cas, . 

Au  contraire  ,  l'Intervalle  fa  là  qui  a  ces  deux  rapports 
n4  :  2Z  &  2S  :  «8 ,  eft  diatonique  dans  le  premier  cas  où  il 
vient  de  Quintes ,  &  chromatique  dans  le  fécond  où  il  vient 
de  Quartes 

L'Intei  valle  fi  ut ,  diatonique  ,  eft  une  féconde  mineure  ; 
l'Intervalle  fi  ut ,  chromatique  ,  ou  plutôt  l'Intervalle  fi  fi  Dièll 
car  alors  ut  eft  pris  pour  fi  Dicfe  )  eft  un  Unilfon  fuperflu.  . 

L'Intervalle  fa  la  ,  diatonique  ,  eft  une  Tierce  majeure  ; 
l'Intervalle  fa  la  ,  chromatique  ,  ou  plutôt  l'Intervalle  mi 
'Dicfe  la  ,  (car  alors  J a  eft  pris  comme  mi  Dièfe)  eft  une 
Quarte  diminuée.  Ainfi  des  autres. 

Il  eft  évident,  i°.  Qu'a  chaque  Intervalle  diatonique  cor- 
refpond  un  Intervalle  chromatique  d'un  même   nombre  de 


SYS  66j 

Terni -Tons  &  vice  virsà.  Ces  deux  Intervalles  de  même 
nombre  de  femi-Tons,  l'un  diatonique  6c  l'autre  chromati- 
que ,  font  appelles  Intervalles  correfpondans. 

z°.  Que  quand  la  valeur  de  r  eft  égale  à  un  de  ces  nom- 
bres o,  i,  2,  3,  4,  5,  <5,  l'Intervalle  eft  diatonique  ; 
foit  que  cet  Intervalle  vienne  de  Quintes  ou  de  Quartes  ; 
mais  que  fi  r  elt  égal  à  un  de  ces  nombres  ,6,7,8,9, 
no,  11,  11  ,  l'Intervalle  eft  chromatique. 

3°.  Que  lorfqu'r  =  6 ,  l'Intervalle  eft  en  même  tems  dia- 
tonique &  chromatique ,  foit  qu'il  vienne  de  Quintes  ou  de 
-Quartes  ;  tels  font  les  deux  Intervalles  fa  fi  ,  appelle  Triton  , 
6c  fi  fii>  appelle  FaïuTe-Quinte  ;  le  Triton  fa  fi  eft  dans  le 
rapport  n6  :  z'.  6c  vient  de  fîx  Quintes  ;  la  FaufTe  -  Quinte 
fi  fa  eft  dans  le  rapport  1*  :  n6.  6c  vient  de  flx  Quartes  : 
où  l'on  voit  que  dans  les  deux  cas  on  a  r  =  6.  Ainfi  le 
Triton,  comme  Intervalle  diatonique,  eft  une  Quarte  majeure  ; 
& ,  comme  Intervalle  chromatique ,  une  Quarte  fuperflue  : 
la  Fauiïe-Quinte  fi  fa  ,  comme  Intervalle  diatonique,  eft  une 
Quinte  mineure  ;  comme  Intervalle  chromatique  ,  une  Quinte 
diminuée.  11  n'y  a  que  ces  deux  Intervalles  6c  leurs  Répliques 
qui  foient  dans  le  cas  d'être  en  même  tems  diatoniques  & 
chromatiques. 

Les  Intervalles  diatoniques  de  même  nom ,  6c  conféquem- 
ment  de  même  gradation,  fe  divifent  en  majeurs  6c  mineurs. 
Les  Intervalles  chromatiques  fe  divifent  en  diminués  & 
fuperflus.  A  chaque  Intervalle  diatonique  mineur  corrcfpond 
un  Intervalle  chromatique  fupertfu  ,  6c  à  chaque  Intervalle  dia- 
tonique majeur  correfpond  un  Intervalle  chromatique  diminue, 

l'ppp  » 


66%  SYS 

Tout  Intervalle  en  montant  ,  qui  vient  de  Quintes  ,  eft 
majeur  ou  diminué ,  félon  que  cet  Intervalle  eii  diatonique 
ou  chromatique  ;  &  réciproquement  tout  Intervalle  majeur 
ou  diminué  vient  de  Quintes. 

Tout  Intervalle  en  montant ,  qui  vient  de  Quartes  ,  efl 
mineur  ou  fuperflu ,  félon  que  cet  Intervalle  eft  diatonique 
ou  chromatique  ;  &  vice  versa  tout  Intervalle  mineur  ou 
fuperflu  vient  de  Quartes. 

Ce  feroit  le  contraire  fi  l'Intervalle  étoit  pris  en  defcendant. 

De  deux  Intervalles  correfpondans  ,  c'eft  -  à  -  dire  ,  l'un 
diatonique  &  l'autre  chromatique  ,  &  qui  ,  par  conféquent, 
viennent  l'un  de  Quintes  &  l'autre  de  Quartes ,  le  plus  grand 
eft  celui  qui  vient  de  Quartes  ,  &  il  furpaffe  celui  qui  vient 
de  Quintes  ,  quant  a  la  gradation  ,  d'une  unité  ;  &  ,  quant 
à  l'intonation  ,  d'un  Intervalle  ,  dont  le  rapport  eft  i7  :  n"; 
c'cft-à-dire  ,  118,  125.  Cet  Intervalle  elt  la  Seconde  dimi- 
nuée ,  appellée  communément  grand  Comma  ou  Quart-de- 
Ton  ;  &  voilà  la  porte  ouverte  au  Genre  Enharmonique. 

Pour  achever  de  mettre  les  Lecteurs  fur  la  voie  des  for- 
mules propres  à  perfectionner  la  théorie  de  la  Mufique  ,  je 
rranfcrirai ,  (  /-Y.  I.  Fig.  4.  )  les  deux  Tables  de  progreiïions 
drcffées  par  M.  de  Iîoifgelou  ,  par  lefquclles  on  voit  d'un  coup 
d'oeil  les  rapports  de  chaque  Intervalle  &  les  puifTances  des 
termes  de  ces  rapports  félon  le  nombre  de  Quartes  ou  de 
Quintes  qui  les  compofenr. 

On  voit,  dans  ces  formules,  que  les  femi-Tons  font 
réellement  les  Intervalles  primitifs  &  élémentaires  qui  com- 
pofent  tous  les  autres  ;  ce  qui  a  engagé  l'Auteur  à  faire ,  pour 


S     Y     S  '669 

ce  même  fyftênu  ,  un  changement  confidérable  dans  les 
caractères ,  en  divifant  chromatiquement  la  Portée  par  Inter- 
valles ou  Degrés  égaux  &  tous  d'un  femi-Ton  ,  au  lieu  que 
dans  la  Mufiquc  ordinaire  chacun  de  ces  Degrés  e(t  tantôt 
un  Comma  ,  tantôt  un  femi-Ton,  tantôt  un  Ton  ,  &: 
tantôt  un  Ton  6c  demi  ;  ce  qui  laiffe  à  l'ail  l'équivoque 
&  à  l'efprit  le  doute  de  l'Intervalle  ,  puifque  les  Degrés 
étant  les  mêmes  ,  les  Intervalles  font  tantôt  les  mêmes  & 
tantôt  différens. 

Pour  cette  réforme ,  il  fuffit  de  faire  la  Portée  de  dix 
Lignes  au  lieu  de  cinq  ,  &  d'affigner  à  chaque  Pofition  une 
des  douze  Notes  du  Clavier  chromatique  ,  ci-devant  indiqué  , 
félon  l'ordre  de  ces  Notes  ,  lefquelles  reliant  ainfï  toujours 
les  mêmes  ,  déterminent  leurs  Intervalles  avec  la  dernière 
précision  ,  6c  rendent  abfolument  inutiles  tous  les  Dièfes  , 
Bémols  ou  Béquarres  ,  dans  quelque  Ton  qu'on  puiiîe  être  , 
&  tant  a  la  Clef  qu'accidentellement.  Voyez  la  Planche  I, 
où  vous  trouverez  ,  Figure  6  ,  l'Echelle  chromatique  fans 
Dièfe  ni  Bémol  ;  &  ,  Figure  7 ,  l'Echelle  diatonique.  Pour 
peu  qu'on  s'exerce  fur  cette  nouvelle  manière  de  noter  6c  de 
lire  la  Mufique  ,  on  fera  furpris  de  la  netteté  ,  de  la  fini- 
plicité  qu'elle  donne  à  la  Note  ,  6c  de  la  facilité  qu'elle 
apporte  dans  l'exécution  ,  fans  qu'il  foit  pofhble  d'y  voir 
aucun  autre  inconvénient  que  de  remplir  un  peu  plus  d'ef- 
pace  fur  le  papier,  6c  peut-être  de  papilloter  un  peu  aux  yeux 
dans  les  vîteffes  par  la  multitude  des  Lignes  ,  fur-tout  dans 
la  Symphonie. 
Mais  comme  çç  Syjleme  de  Noces  çll  abfolumcnc  tlin> 


67o  'S    Y    S 

manque  ,  il  me  paroîc  que  c'eft  un  inconvénient  d'y  laifler 
fubfifter  les  dénominations  des  Degrés  diatoniques;  &  que, 
félon  M.  de  Boifgelou  ,  ut  re  ne  devrait  pas  être  une  Se- 
conde ,  mais  une  Tierce  ;  ni  ut  mi  une  Tierce  ,  mais  une 
Quinte  ;  ni  ut  ut  une  Octave ,  mais  une  Douzième  :  puis- 
que chaque  femi-Ton  formant  réellement  un  Degré  fur  la 
Note  ,  devrait  en  prendre  aufli  la  dénomination  ;  alors  x  +  i 
étant  toujours  égal  à  t  dans  ks  formules  de  cet  Auteur ,  ces 
formules  fe  trouveraient  extrêmement  fimplifiées.  Du  refte, 
.ce  Syfléme  -me  paraît  également  profond  &  avantageux  :  il 
ferait  à  délirer  qu'il  fût  développé  6c  publié  par  l'Auteur ,  ou 
par  quelque  habile  Théoricien. 

SYSTÈME ,  enfin ,  eft  l'affemblage  des  règles  de  l'Har- 
monie ,  tirées  de  quelques  principes  communs  qui  les  raïlem- 
blent  ,  qui  forment  leur  liaifon  ,  dpfquels  elles  découlent ,  ce 
par  lesquels  on  en  rend  raifon. 

Jufqu'à  notre  fiecle  l'Harmonie  ,  née  fuccefïïvement  ôc 
comme  par  hazard  ,  n'a  eu  que  des  règles  éparfes  ,  établies 
par  l'oreille ,  confirmées  par  l'ufage ,  &  qui  paroùToicnt  abfo- 
lument  arbitraires.  M,  Rameau  elè  le  premier  qui  ,  par  le 
Syfléme  de  la  Baffe  -  fondamentale  ,  a  donné  des  principes 
à  ces  règles.  Son  Syflême  ,  fur  lequel  ce  Dictionnaire  a  été 
compofé ,  s'y  trouvant  fuffifamment  développé  dans  les  prin- 
cipaux Articles ,  ne  fera  point  expofé  dans  celui  -  ci ,  qui 
n'eit  uejà  que  trop  long ,  &  que  ces  répétitions  fuperflues 
alongernicnt  encore  a  l'excès.  D'ailleurs  ,  l'objet  de  cet 
Ouvrage  ne    m'oblige  pas  d'expofer  tous  les  Syfléme  s  ,  mais 

llement  de  bien   expliquer  ce  que  c'elt  qu'un  S)  flanc ,  & 


SYS  «7, 

d'éclaircir  au  bcfoin  cette  explication  par  des  exemples.  Ceux 
qui  voudront  voir  le  Syflème  de  M.  Rameau  fi  obfcur ,  li 
diffus  dans  fes  écrits ,  expofé  avec  une  clarté  dont  on  ne 
l'auroit  pas  cru  fufceptible  ,  pourront  recourir  aux  élémens 
de  Mufique  de  M.  d'Alemberr. 

M.  Serre  de  Genève  ,  ayant  trouvé  les  principes  de  M. 
Rameau  infufnfans  à  bien  des  égards  ,  imagina  un  autre 
Syflème  fur  le  lien ,  dans  lequel  il  prétend  montrer  que  toute 
l'Harmonie  porte,  fur  une  double  Baffe  -  fondamentale  ;  & 
comme  cet  Auteur  ,  ayant  voyagé  en  Italie  ,  n'ignoroit  pas 
les  expériences  de  M.  Tartini  ,  il  en  compofa  ,  en  ks  joi- 
gnant avec  celles  de  M.  Rameau,  un  S)  flâne  mixte,  qu'il 
fit  imprimer  à  Paris  en  1753  ,  fous  ce  titre  :  Ejjais  fur  les 
principes  de  VHarmonie  ,  &c.  La  facilité  que  chacun  a  de 
confulter  cet  ouvrage  ,  &  l'avantage  qu'on  trouve  à  le  lire  en 
entier  ,  me  difpenfent  aufîi  d'en  rendre  compte  au  public. 

Il  n'en  efl  pas  de  même  de  celui  de  l'illuftre  M.  Tartini 
dont  il  me  refte  à  parler  ;  lequel  étant  écrit  en  langue  étran- 
gère,  fouvent  profond  &  toujours  diffus,  n'eit  à  portée  d'être 
confulté  que  de  peu  de  gens  ,  dont  même  la  plupart  font 
rebutés  par  l'obfcurité  du  Livre  ,  avant  d'en  pouvoir  l'entir  les 
beautés.  Je  ferai ,  le  plus  brièvement  qu'il  me  fera  poflîble , 
l'extrait  de  ce  nouveau  Syflème ,  qui  ,  s'il  n'eft  pas  celui  de 
la  Nature  ,  e(t  au  moins ,  de  tous  ceux  qu'on  a  publics 
jufqu'ici ,  celui  dont  le  principe  eft  le  plus  fimple  ,  &  duquel 
toutes  les  loix  de  l'Harmonie  paroiffent  naître  le  moins  arbi- 
trairement. 


67î  SYS 

SYSTÈME    DE    M.    TARTINI. 

Il  y  a  trois  manières  de  calculer  les  rapports  des  Sons. 

I.  En  coupant  fur  le  Monocorde  la  Corde  entière  en  fes 
parties  par  des  chevalets  mobiles ,  les  vibrations  ou  les  Sons 
feront  en  raifon  inverfe  des  longueurs  de  la  Corde  &  de  fes 
parties. 

II.  En  tendant  ,  par  des  poids  inégaux ,  des  Cordes 
égales ,  les  Sons  feront  comme  les  racines  quarrées  des  poids. 

III.  En  tendant ,  par  des  poids  égaux  ,  des  Cordes  éga- 
les en  groffeur  &  inégales  en  longueur ,  ou  égales  en  lon- 
gueur &  inégales  en  groffeur ,  les  Sons  feront  en  raifon 
inverfe  des  racines  quarrées.  de  la  dimenfion  où  fe  trouve  la 
différence. 

En  général  les  Sons  font  toujours  entr'eux  en  raifon  inverfe 
des  racines  cubiques  des  corps  fonores.  Or  ,  les  Sons  des 
Cordes  s'altèrent  de  trois  manières  :  favoir ,  en  altérant ,  ou 
la  groffeur,  c'eft-à-dire  le  diamètre  de  la  groffeur;  ou  la 
longueur  ;  ou  la  tendon.  Si  tout  cela  c(t  égal ,  les  Cordes 
font  à  rUniffon.  Si  l'une  de  ces  chofes  feulement  e(t  alcén  , 
les  Sons  fui  vent ,  en  raifon  inverfe,  les  rapports  des  altc  di- 
rions. Si  deux  ou  toutes  les  trois  font  altérées  ,  les  Sons 
font ,  en  raifon  inverfe  ,  comme  les  racines  des  rapports 
compofes  des  altérations.  Tels  font  les  principes  de  tous  les 
phénomènes  qu'on  obferve  en  comparant  les  rapports  des 
Sons  &  ceux  des  dimenfions  des  corps  fonorc?. 

Ceci  compris  ;  ayant  mis  les  regîrres  convenables ,  tou- 
chez fur  l'Orgue  la  pédale  qui  rend  la  plus  balle  Note  mar- 
quée 


S    Y    S 


•7\ 


quée  dans  la  Planche  I.  Figure  7  ,  toutes  les  autres  Notes 
marquées  au-defïus  réformeront  en  même  teins ,  &  cepen- 
dant  vous  n'entendrez  que    le  Son  le  plus  grave. 

Les  Sons  de  cette  Série  confondus  dans  le  Son  grave  , 
formeront  dans  leurs  rapports  la  fuite  naturelle  des  frac- 
tions ï  £  \  5  y  l  ■>  &c.  ,  laquelle  fuite  eit  en  progreffion  har- 
monique. 

Cette  même  Série  fera  celle  de  Cordes  égales  tendues  par 
des  poids  qui  feroient  comme  les  quarrés  ;  |  l  &  ,'-,•  ,'.;  ,  &C. 
des  mêmes  fractions  fufdites. 

Et  les  Sons  que  rendroient  ces  Cordes  font  les  mêmes 
exprimés  en  Notes  dans  l'exemple. 

Ainfi  donc ,  cous  les  Sons  qui  font  en  progreffion  harmo- 
nique depuis  l'unité  ,  fe  réunùTent  pour  n'en  former  qu'un 
fenfible  à  l'oreille,  &  tout  le  Syflème  harmonique  fe  trouve 
dans  l'unité. 

Il  n'y  a  ,  dans  un  Son  quelconque  ,  que  fes  aliquotes 
qu'il  falfe  réfonner  ,  parce  que  dans  toute  autre  fraction  , 
comme  feroit  celle-ci  \  ,  il  fe  trouve  ,  après  la  divifion  de 
la  Corde  en  parties  égales  ,  un  rrfte  dont  les  vibrations 
heurtent  ,  anétenc  les  vibrations  des  parties  égales  ,  &  en 
font  réciproquement  heurtées  ;  de  forte  que  des  deux  Sons 
qui  en  réfulteroient ,  le  plus  foible  elt  détruit  par  le  choc  de 
tous  les  autres. 

Or  ,  les  aliquotes  étant  toutes  comprifes  dans  la  Série  des 
fractions  \  {  \  5 ,  &c.  ci-devant  donnée  ,  chacune  de  ces  ali- 
quotes eft  ce  que  M.  Tartini  appelle  Unité  ou  Monade  har- 
monique, du  concours  desquelles  réfulte  un  Son.  Ainfi,  tout» 
Dicf.  de  Aiujiijue.  Qqqq 


C74  SYS 

l'Harmonie  étant  néceflairement  comprife  entre  la  Monade 
ou  l'Unité  compofante  &  le  Son  plein  ou  l'Unité  compofée , 
il  s'enfuit  que  l'Harmonie  a  ,  des  deux  côtés  ,  l'Unité  pour 
terme,  &  confiée  efTentiellement  dans  l'Unité. 

L'expérience  fuivante  ,  qui  fert  de  principe  a  toute  l'Har- 
monie artificielle  ,  met  encore  cette  vérité  dans  un  plus 
grand  jour. 

Toutes  les  fois  que  deux  Sons  forts ,    juftes  &  foutenus 
fe  font  entendre  au  même  infiant ,    il   refaite  de   leur  choc 
un  troifieme  Son  ,  plus  ou  moins  fenfible ,   à  proportion  de 
la  /implicite  du   rapport  des   deux  premiers  ôc   de  la  nneffe 
d'oreille  des  écoutans. 

Pour  rendre  cette  expérience  auflî  fenfible  qu'il  efr.  pofîî- 
ble  ,  il  faut  placer  deux  Hautbois  bien  d'accord  à  quelques 
pas  d'Intervalle  ,  &  fe  mettre  entre  deux  ,  à  égale  difiance 
de  l'un  &  de  l'autre.  A  défaut  de  Hautbois  ,  on  peut  prendre 
deux  Violons  ,  qui ,  bien  que  le  Son  en  foit  moins  fort , 
peuvent ,  en  touchant  avec  force  &  jufieffe  ,  fuffire  pour  faire 
diflingaer  le  troifieme  Son. 

La  production  de  ce  troifieme  Son  ,  par  chacune  de  nos 
Confonnances  ,  efr.  telle  que  la  montre  la  T.ible  ,  (  VI.  1. 
Fig.  8.  )  &  l'on  peut  la  pourfuivrc  au-delà  des  Confonnan- 
ces ,  par  tous  les  Intervalles  repréientés  par  les  aliquotes  de 
l'Unité. 

L'OJhve  n'en  donne  aucun ,  &  c'eit  le  feul  Intervalle 
excepté. 

La  Quinte  donne  l'Uniffon  du  Son  grave ,  Uniflbo  qu'avec 
de  l'atter.tion  l'on   ne  laifiè  pas  de  diltinguer. 


SYS  67S 

Les  troisièmes  Sons  produits  par  les  autres  Intervalles  , 
font  tous  au  grave. 

La  Quarte  donne  l'Octave  du  Son  aigu. 

La  Tierce  majeure  donne  l'Octave  du  Son  grave ,  &  la 
Sixte  mineure,  qui  en  clt  renverfée,  donne  la  double  Octave 
du  Son  aigu. 

La  Tierce  mineure  donne  la  Dixième  majeure  du  Son 
grave  ;  mais  la  Sixte  majeure  ,  qui  en  elt  renverfée,  ne  don.  e 
que  la  Dixième  majeure  du  Son  aigu. 

Le  Ton  majeur  donne  la  Quinzième  ou  double-Octave  c'u 
Son  grave. 

Le  Ton  mineur  donne  la  Dix-feptieme ,  ou  la  double  Octave 
de  la  Tierce  majeure  du  Son  aigu. 

Le  fcmi-Ton  majeur  donne  la  Vingt-deuxième ,  ou  triple 
Octave  du  Son  aigu. 

Enfin ,  le  fcnii-Ton  mineur  donne  la  Vingt-  fixieme  du 
Son  grave. 

On  voit  ,  par  la  comparaifon  des  quatre  derniers  Inter- 
valles, qu'un  changement  peu  fer.fible  dans  l'Intervalle  change 
très-fenfiblement  le  Son  produit  ou  fondamental.  Ainfi,  dans 
le  Ton  majeur ,  rapprochez  l'Intervalle  en  abaifTant  le  Son 
fupérieur  ou  élevant  l'inférieur  feulement  d'un  |f  :  aufTï-tôt  le 
Son  produit  montera  d'un  Ton.  Faites  la  même  opération 
fur  le  femi-Ton  majeur,  &  le  Son  produit  defeendra  d'une 
Quinte. 

Quoique  la  production  du  troifieme  Son  ne  fe  borne  pas 
à  ces  Intervalles  ,  nos  Notes  n'en  pouvant  exprimer  de  plus 
compofé  ,  il  eft ,  pour  le  préfent ,  inutile   d'aller  au-delà  de 

ceux-ci.  Qqqq  i 


676  SYS 

On  voit  dans  la  fuite  régulière  des  Confonnances  qui 
compofent  cette  Table  ,  qu'elles  fe  rapportent  toutes  à  une 
bafe  commune  &  produifent  toutes  exactement  le  même  troi- 
sième Son. 

Voilà  donc  ,  par  ce  nouveau  phénomène ,  une  démonstra- 
tion phyfique  de  l'Unité  du  principe  de  l'Harmonie. 

Dans  les  fciences  Phyfico  -  Mathématiques  ,  telles  que  la 
Mufique ,  les  démonstrations  doivent  bien  être  géométriques  ; 
mais  déduites  physiquement  de  la  chofe  démontrée.  C'eSt 
alors  feulement  que  l'union  du  calcul  à  la  Phyfique  fournit, 
dans  les  vérités  établies  fur  l'expérience  &  démontrées  géo- 
métriquement ,  les  vrais  principes  de  l'Art.  Autrement  la 
Géométrie  feule  donnera  des  Théorèmes  certains,  mais  fans 
ufage  dans  la  pratique  ;  la  Phyfique  donnera  des  faits  parti- 
culiers ,  mais  ifolés  ,  fans  liaifon  entr'eux  &  fans  aucune  loi 
générale. 

Le  principe  phyfique  de  l'Harmonie  eft  un ,  comme  nous 
venons  de  le  voir  ,  &  fe  réfout  dans  la  proportion  harmo- 
nique. Or  ,  ces  deux  propriétés  conviennent  au  cercle  ;  car 
nous  verrons  bientôt  qu'on  y  retrouve  les  deux  Unités  extrê- 
mes de  la  Monade  ôc  du  Son  ;  Se ,  quant  à  la  proportion 
harmonique  ,  elle  s'y  trouve  aulïi  ;  puifque  dans  quelque 
point  C  ,  (  PI.  I.  Fig.  9.  )  que  l'on  coupe  inégalement  !e 
Diamètre  A  B  ,  le  quarré  de  l'Ordonnée  C  D  fera  moyen 
proportionnel  harmonique  entre  les  deux  rectangles  des  par- 
tics  AC  &  CD  du  Diamètre  par  le  rayon  :  propriété  qui 
fuffit   pour   établir    la    nature    harmonique    du    (  (  lar , 

l  ien  que  les  Ordonnées  fuient  moyennes  géométriques  entra 


S    Y    S  c77 

les  parties  du  Diamètre  ,  les  quarrés  de  ces  Ordonnées 
étant  moyens  harmoniques  entre  les  rectangles,  leurs  rap- 
ports repréfentent  d'autant  plus  exactement  ceux  des  Cordes 
fonores  ,  que  les  rapports  de  ces  Cordes  ou  des  poids  ten- 
dans  font  aulli  comme  les  quarrcs,  tandis  que  les  Sons  font 
comme  les  racines. 

Maintenant  ,  du  Diamètre  AB  ,  (  PL  I.  Fig.  ro.  )  divifé 
félon  la  Série  des  fractions  4  \  \  }  \ ,  lefquelles  font  en  pro- 
greffion  harmonique  ,  foient  tirées  les  Ordonnées  C ,  C  C  ; 
G,GG;  c,  cc;q,  ee;  &  g ,  g  g. 

Le  Diamètre  repréfente  une  Corde  fonore  ,  qui  ,  divifée  en 
mêmes  raifons  ,  donne  les  Sons  indiqués  dans  l'exemple  O 
de  la  même   Planche,  Figure  n. 

Pour  éviter  les  fractions ,  donnons  60  parties  au  Diamètre , 
les  Sections  contiendront  ces  nombres  entiers  BC=j=  30; 
BG  =  f=2o;  Bc=i=  is;Be=i==ïz;  Bg=|  =  io. 

Des  points  où  les  Ordonnées  coupent  le  Cercle  ,  tirons 
de  part  &  d'autre  des  Cordes  aux  deux  extrémités  du  Dia- 
mètre. La  fomme  du  quarré  de  chaque  Corde  &  du  quarré 
de  la  Corde  correfpondante  ,  que  j'appelle  fon  complément , 
fera  toujours  égnle  au  quarré  du  Diamètre.  Les  quarrcs  des 
Cordes  feront  entr'eux  comme  les  AbfcirTes  correfpondantes , 
par  conféquenc  aufli  en  progreflïon  harmonique  ,  &  repré- 
fenterontde  même  l'exemple  O,  a  l'exception  du  premier  Son. 

Les  quarrés  des  Complémens  de  ces  mêmes  Cordes  feront 
entr'eux  comme  les  Complémens  des  AbfcirTes  au  Diamètre , 
par  conféquent  dans  les  raifons  fuivames  : 


6y% 


SYS 

Â~C  =  |=3o. 

Â~G  =  |  =  40. 


Ac  =5  =  45. 


Ae  =1  =  48. 


A  g  =1=50. 

&  repréfenteront  les  Sons  de  l'exemple  P  ;  fur  lequel  on 
doic  remarquer  en  paffant ,  que  cet  exemple  ,  comparé  au 
fuivant  Q  &  au  précédent  O  ,  donne  le  fondement  naturel 
de  la  règle  des  mouvemens  contraires. 

Les   quarrés   des   Ordonnées    feront  au   quarré   3600   du 
Diamètre  dans   les  raifons  fuivantes  : 


=  1  =  3600. 


i  =  900. 


A 

13 

c, 

ce 

G, 

GG 

c, 

c  c 

e  , 

e  e 

=  I  =  80c. 


=  ïV=  675. 


=  z4î=  57-5- 


,V=  500. 


&   repréfenteront  les  Sons  de  l'exemple  O. 


SYS 

Or,  cette  dernière  Série  ,  qui  n'a  point  d'homologue  dans 
les  divifions  du  Diamètre  ,  &  fans  laquelle  on  ne  fauroit 
pourtant  compléter  le  Syftême  harmonique  ,  montre  la  né- 
cefïité  de  chercher  dans  les  propriétés  du  Cercle  les  vrais 
fondemens  du  Syflême  ,  qu'on  ne  peut  trouver  ,  ni  dans  la 
ligne  droite  ,    ni  dans  les  finis  nombres  abltraits. 

Je  paf!é  à  deffein  toutes  les  autres  propcfiticns  de  M. 
Tartini  fur  la  nature  arithmétique ,  harmonique  6c  géométri- 
que du  Cercle  ,  de  même  que  fur  les  bornes  de  la  Série  har- 
monique donnée  par  la  raifon  fextuple  ;  parce  que  fes  preu- 
ves ,  énoncées  feulement  en  chiffres  ,  n'étaLliflent  aucune 
démonftration  générale  ;  que  ,  de  plus  ,  comparant  fouvent 
des  grandeurs  hétérogènes  ,  il  trouve  des  proportions  où  l'on 
ne  fauroit  même  voir  de  rapport.  Ainfi  ,  quand  il  croit  prou- 
ver que  le  quarré  d'une  ligne  efl  moyen  proportionnel  d'une 
telle  raifon  ,  il  ne  prouve  autre  chofe  ,  finon  que  tel  nombre 
efè  moyen  proportionnel  entre  deux  tels  autres  nombres  : 
car  les  furfaces  &  les  nombres  abitraits  n'étant  point  de 
même  nature,  ne  peuvent  fe  comparer.  M.  Tartini  fent  cette 
difficulté  ,  &  s'efforce  de  la  prévenir  ;  on  peut  voir  fes  rai- 
fonnemens  dans  fon  L*ttc. 

Cette  théorie  établie  ,  il  s'agit  maintenant  d'en  déduire  les 
faits  donnés  ,  &  les  règles  de   l'Art   Harmonique. 

L'O.lave  ,  qui  n'engendre  aucun  Son  fondamental ,  n'étant 
point  elfentielle  à  l'Harmonie  ,  peut  être  retranchée  des 
parties  conditurives  de  l'Accord.  Ainfi  ,  l'Accord  ,  réduit  à 
fa  plus  grande  fimplicité,  doit  être  conlidéré  fans  elle.  Alors 
il  eft  compofé  feulement  de  ces  trois  termes  i  f  \ ,  lefqucls 


«8o  S    Y     S 

fonc  en  proportion  harmonique  ,  &  où  les  deux  Monades  \  \ 
fonr  les  feuls  vrais  élémens  de  l'Unité  fonore ,  qui  porte  le 
nom  d'Accord  parfait  :  car ,  la  fraction  {  eft  élément  de  l'Oc- 
tave î ,  &  la  fraction  £  eft  Octave  de  la  Monade  \. 

Cet  Accord  parfait,  i  ff,  produit  par  une  feule  Corde 
&  dont  les  termes  font  en  proportion  harmonique  ,  eft  la 
loi  générale  de  la  Nature  ,  qui  fert  de  bafe  à  toute  la  fcience 
des  Sons ,  loi  que  la  Phyfique  peut  tenter  d'expliquer ,  mais 
dont  l'explication  eft  inutile  aux  règles  de  l'Harmonie. 

Les  calculs  des  Cordes  &  des  poids  tendans  fervent  à 
donner  en  nombre  les  rapports  des  Sons  qu'on  ne  peut  con- 
fidérer  comme  des  quantités  qu'à  la  faveur  de  ces  calculs. 

Le  troifieme  Son  ,  engendré  par  le  concours  de  deux 
autres  ,  eft  comme  le  produit  de  leurs  quantités  ;  &  quand , 
dans  une  cathégorie  commune  ,  ce  troifieme  Son  fe  trouve 
toujours  le  même  ,  qùoiqu'engendré  par  des  Intervalles 
différens,  c'eft  que  les  produits  des  générateurs  font  égaux 
entr'eux. 

Ceci  fe  déduit  manifeftement  des  propofitions  précédentes. 

Quel  eft ,  par  exemple  ,  le  troifieme  Son  qui  réfulte  de 
CB  &  de  GB  ?  (  PI.  I.  Fig.  iô.  )  C'eft  l'UniflTon  de  C  B. 
Pourquoi?  Parce  que  ,  dans  les  deux  proportions  harmoniques 
dont  les  quarrés  des  deux  Ordonnées  C,  CC,&  G,GG, 
font  moyens  proportionnels ,  les  fommes  des  extrêmes  font 
égales  entr'elles  ,  ik  par  conféquent  produifent  le  même  Son 
commun  CB,  ou  C,  CC. 

En  effet,  la  fomme  des  deux  rectangles  de  13  C  par  C, 
C  C  ,  Cv  de  A  C  par  C,  CC  eft  égale  à  la  fomme  des  deux 

-ianglcs 


S    V    S  at 

I     tangles  de  BG  par  C,  CC  ,   &c  de   G  A  par  C,  CC  : 

car  chacune  de  ces  deux  fommes  eft  égale  a  deux  fois  le 
quarré  du  rayon.  D'où  il  fuit  que  le  Son  C,  CC  ou  CB  , 
doit  être  commun  aux  deux  Cordes  :  or  ,  ce  Son  tft  préci- 
fément  la  Note  Q  de  l'exemple  O. 

Quelques  Ordonnées  que  vous  puiflïez  prendre  dans  le 
Cercle  pour  les  comparer  deux  à  deux  ,  ou  même  trois  à 
trois  ,  elles  engendreront  toujours  le  même  troificme  Son 
repréfenté  par  la  Note  Q  ;  parce  que  les  rectangles  des  deux 
parties  du  Diamètre  par  le  rayon  donneront  toujours  des 
fommes  égales. 

Mais  l'Octave  X  Q  n'engendre  que  des  Harmoniques  à 
l'aigu  ,  &  point  de  Son  fondamental  ,  parce  qu'on  ne  peut 
élever  d'Ordonnée  fur  l'extrémité  du  Diamètre  ,  &  que  par 
conséquent  le  Diamètre  &  le  rayon  ne  fauroient ,  dans  leurs 
proportions  harmoniques  ,  avoir  aucun  produit  commun. 

Au  lieu  de  divifer  harmoniquement  le  Diamètre  par  les 
fractions  £{ s ï ?  i  qui  donnent  le  SyPènze  naturel  de  l'Ac- 
cord majeur  ;  fi  on  le  divife  arithrnétiquement  en  flx  parties 
égales ,  on  aura  le  Syftêmt  de  l'Accord  majeur  renverfc  ,  & 
ce  renverfement  donne  exactement  l'Accord  mineur  :  car  (  PI. 
I.  Fig.  it.  )  une  de  ces  parties  donnera  la  Dix-neuvieme , 
c'elt-a-dire  ,  la  double  Octave  de  la  Quinte;  deux  don- 
neront la  Douzième  ,  ou  l'Octave  de  la  Quinte  ;  trois  don- 
neront l'Octave  ,  quatre  la  Quinte  &:  cinq  la  Tierce  mineure- 
Mais ,  fi-tôt  qu'unifiant  deux  de  ces  Sons,  on  cherchera 
le  troifieme  Son  qu'ils  engendrent ,  ces  deux  Sons  fimul- 
tanées  ,  au  lieu  du  Son  C  ,  (  Figure  13.  )  ne  produiront 
Dicl.  de  Mufîque.  Rrrr 


tu  a  Y   S 

jamais  pour  Fondamentale  ,  que  le  Son  E  b  ;  ce  qui  prouve 
que  ,  ni  l'Accord  mineur  ,  ni  fon  Mode  ,  ne  font  donnés 
par  la  Nature.  Que  fi  l'on  fait  confonner  deux  ou  plufieurs 
Intervalles  de  l'Accord  mineur  ,  les  Sons  fondamentaux 
Çé  multiplieront  ;  &  ,  relativement  à  ces  Sons  ,  on  entendra 
plufieurs  Accords  majeurs  à  la  fois  ,  fans  aucun  Accord, 
mineur. 

Ainii  ,  par  expérience  faite  en  préfence  de  huit  célèbres 
ProfefTeurs  de  Mufique  ,  deux  Hautbois  &  un  Violon  for> 
nant  enfemble  les  Notes  blanches  marquées  dans  la  Portét 
A ,  (PI.  G.  Fig.  5.  )  on  entendoit  diftin&ement  les  Sors 
marqués  en  noir  dans  la  même  Figure  ;  favoir ,  ceux  qui 
font  marques  à  part  dans  la  Portée  B  pour  les  Intervalles 
qui  font  au  -  delîus  ,  &  ceux  marqués  dans  la  Portée  C, 
auïïi  pour   les  Intervalles  qui  font  au  -  deflus». 

En  jugeant  de  l'horrible  cacophonie  qui  devoit  réfulter 
de  cet  enfemble  ,  on  doit  conclure  que  toute  Mufique  en 
Mode  mineur  feroit  infupportable  a  l'oreille  ,  fi  les  Inter- 
valles étoient  aifez  juftes  &  les  Inftrumens  a(fez  forts  pour 
rendre  les  Sons  engendrés  aufll  fenfibles  que  les  générateurs. 

On  me  permettra  de  remarquer  en  paflant  ,  que  l'inverfe 
de  deux  Modes ,  marquée  dans  la  Figure  1 3  y  ne  fe  borne 
pas  à  l'Accord  fondamental  qui  les  conllitue  ,  mais  qu'on 
peut  l'étendre  à  route  la  fuite  d'un  Chant  &  d'une  Harmone 
qui ,  notée  en  fens  direct  dans  le  Mode  majeur  ,  lorfqu'on 
renverfe  le  papier  &  qu'on  met  des  clefs  à  la  fin  des  Lignes 
devenues  le  commencement  ,  prefente  à  rebours  une  au;re 
fuite  de  Chaut  &  d'Harmonie  en  Mode  mineur ,  exactement 


SYS  nx 

inverfe  de  la  première  où  les  Battes  deviennent  les  Deffus  , 
&  vice  ver/à.  C'eft  ici  la  Clef  de  la  manière  de  compofer  ces 
doubles  Canons  dont  j'ai  parle  au  mot  Canon.  M.  Serre  ,' 
ci-devant  cité  ,  lequel  a  très-bien  expofé  dans  fon  Livre  cette 
curiofité  harmonique,  annonce  une  Symphonie  de  cette  efpece» 
compofée  par  M.  de  Morambert,  qui  avoir  dû  la  faire  graver: 
c'étoit  mieux  fait  apurement  que  de  la  faire  exécuter.  Une 
compofition  de  cette  nature  doit  être  meilleure  à  préfencer 
aux  yeux  qu'aux'  oreilles. 

Nous  venons  de  voir  que  de  la  divifion  harmonique  du 
Diamètre  réfulte  le  Mode  majeur  ,  &  de  la  divifion  arith- 
métique le  Mode  mineur.  C'eft,  d'ailleurs  un  fait  connu  de 
tous  les  Théoriciens ,  que  les  rapports  de  l'Accord  mineur 
fe  trouvent  dans  la  divifion  arithmétique  de  la  Quinte.  Pour 
trouver  le  premier  fondement  du  Mode  mineur  dans  le  Syf- 
téme harmonique  ,  il  fuffit  donc  de  montrer  dans  ce  Syftéme 
la  divifion  arithmétique  dans  la  Quinte. 

Tout  le  Syftéme  harmonique  elt  fondé  fur  la  raifon  dou- 
ble ,  rapport  de  la  Corde  entière  à  fon  Octave  ,  ou  du  Dia- 
mètre au  rayon  ;  &  fur  la  raifon  fefqui-altere  qui  donne  le 
premier  Son  harmonique  ou  fondamental  auquel  fe  rappor- 
tent tous  les  autres. 

Or ,  fi ,  {PL  I.  Fig.  n.J  dans  la  raifon  double  on  com- 
pare fucceffivement  la  deuxième  Note  G  ,  &  la  troilieme  F 
de  la  Série  P  au  Son  fondamental  Q ,  &  à  fon  O&ave  grave 
qui  eft  la  Corde  entière  ,  on  trouvera  que  la  première  eit 
moyenne  harmonique  ,  &  la.  féconde  moyenne  arithmétique 
entre  ces  deux  termes. 

Rrrr  i 


684  SYS 

De  même ,  fi  dans  la  raifon  fefqui-akere  on  compare  fuc- 
cefïïvement  la  quatrième  Note  e ,  &  la  cinquième  e  b  de  la 
même  Série  à  la  Corde  entière  &  à  fa  Quinte  G ,  on  trou- 
vera que  la  quatrième  e  eft  moyenne  harmonique  ,  &  la  cin- 
quième eb  moyenne  arithmétique  entre  les  deux  termes  de 
cette  Quinte.  Donc  le  Mode  mineur  étant  fondé  fur  la  divi- 
fion  arithmétique  de  la  Quinte ,  &  la  Note  e  b  ,  prife  dans  la 
Série  des  Complémcns  du  Syjlème  harmonique  donnant  cette 
divifion  ,  le  Mode  mineur  efc  fonde  fur  cette  Note  dans  le 
Syjiême  harmonique. 

Après  avoir  trouvé  toutes  les  Confonnances  dans  la  divi- 
fion harmonique  du  Diamètre  donnée  par  l'exemple  O ,  le 
Mode  majeur  dans  l'ordre  direct  de  fes  Confonnances ,  le  Mods 
mineur  dans  leur  ordre  rétrograde  ,  &  dans  leurs  Complé- 
mens  repréfentés  par  l'exemple  P  ,  il  nous  relie  à  examiner 
le  troifieme  exemple  Q  ,  qui  exprime  en  Notes  les  rapports 
des  quarrés  des  Ordonnées  ,  ik  qui  donne  le  Syjîéme  des 
Di.Tonances. 

Si  l'on  joint,  par  Accords  fimultanées  ,  c'eft-à-dire  par 
Confonnances,  les  Intervalles  fucceJifs  de  l'exemple  O, 
comme  on  a  fait  dans  la  ligure  8.  mtmc  Planche  ,  Ton  trou- 
vera que  quarrer  les  Ordonnées  c'elt  doubler  l'Intervalle  qu'elles 
représentent.  Ainfi  ,  ajoutant  un  troifieme  Son  qui  repre- 
fente  le  quatre  ,  ce  Son  ajouté  doublera  toujours  l'Inter- 
valle de  la  Confonnance  ,  comme  on  le  voit  Figura  4.  de  la 
Planche  G. 

Ainfi,  (PI.  I.  Fig.  11.)  la  première  Note  K  de  l'exemple 
Q  double  l'Octave  ,  premier  Intervalle  Uc  l'exemple  O  i  la 


SYS  68S 

deuxième  Note  L  double  la  Quinte  ,  fécond  Intervalle  ;  la 
troifieme  Note  M  double  la  Quarte,  troifieme  Intervalle  , 
&c.  &  c'elt  ce  doublement  d'Intervalles  qu'exprime  la  ligure 
4.  de  la  Planche  G. 

Lai'îant  à  parc  l'OJtave  du  premier  Intervalle,  qui,  n'en- 
gendrant aucun  Son  fondamental  ,  ne  doit  point  palier  pour 
harmonique  ,  la  Note  ajoutée  L  forme  ,  avec  les  deux  qui 
font  au-deifous  d'elle ,  une  proportion  continue  géométrique 
en  raifon  fefqui-altere  ;  &  les  fuivantes  ,  doublant  toujours 
les  Intervalles  ,  forment  aulli  toujours  des  proportions  géo- 
métriques. 

Mais  les  proportions  &  progrefïions  harmonique  &  arith- 
métique qui  conlrituent  le  Syjlême  Confonnanc  majeur  & 
mineur  font  oppofées  ,  par  leur  nature  ,  à  la  progreflîon  géo- 
métrique ;  puifque  celle-ci  réfulte  elTentiellemenc  des  mêmes 
rapports ,  &  les  autres  de  rapports  toujours  différera.  Donc , 
fi  les  deux  proportions  harmonique  &  arithmétique  font 
Confonnantes ,  la  proportion  géométrique  fera  DhTonante 
nécessairement  ,  &  ,  par  conféquent ,  le  Syjlême  qui  réfulte 
de  l'exemple  Q  ,  fera  le  Syjlême  des  Diflbnances.  Mais  ce 
Syjlême  tiré  des  quarrés  des  Ordonnées  eft  lié  aux  deux  pré- 
cédens  tirés  des  quarrés  des  Cordes.  Donc  le  Syjlême  diflb- 
nant  eft  lié  de  même  au  Syjlême  univerfel  harmonique. 

Il  fuit  de-Ià  ,  i°.  Que  tout  Accord  fera  Dilïbnant  lorfqu'il 
contiendra  deux  Intervalles  fcmblables ,  autres  que  l'Oohn  e  ; 
foit  que  ces  deux  Intervalles  fe  trouvent  conjoints  ou  féparcs 
dans  l'Accord.  i°.  Que  de  ces  deux  Intervalles  ,  celui  qui 
appartiendra    au   Syjlême   harmonique   ou  arithmétique    fera 


63<5  SYS 

Conformant ,  &  l'autre  DifTonant.  Ainfi ,  dans  les  deux  exem-' 
pics  S.  T.  d'Accords  DilTonans ,  (PL  G.  Fig.  6.)  les  Inter- 
valles G  C  &  c  e  font  Confonnans ,  &  les  Intervalles  C  F 
6c  e  g  DilTonans. 

En  rapportant  maintenant  chaque  terme  de  la  Série  Dif- 
fonante  au  Son  fondamental  ou  engendré  C  de  la  Série  har- 
monique ,  on  trouvera  que  les  DilTonances  qui  résulteront  de 
ce  rapport  feront  les  fuivantes  ,  &  les  feules  directes  qu'on 
punie  établir  fur  le  Syjîême  harmonique. 

I.  La  première  elt  la  Neuvième  ou  double  Quinte  L.  (Fig.  4.) 

II.  La  féconde  eft  l'Onzième  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  la  (impie  Quarte  ,  attendu  que  la  première  Quarte  ou 
Quarte  fimple  G  C  ,  étant  dans  le  Syjlême  harmonique  parti- 
culier ,  elt  Confonnante  ;  ce  que  n'eft  pas  la  deuxième  Quarte 
ou  Onzième  C  M ,  étrangère  à  ce  même  Syjîême. 

III.  La  troifieme  elt  la  Douzième  ou  Quinte  fuperflue  que 
M.  Tartini  appelle  Accord  de  nouvelle  invention  ,  ou  parce 
qu'il  en  a  le  premier  trouvé  le  principe,  ou  parce  que  l'Ac- 
cord fenfiblc  fur  la  Médiante  en  Mode  mineur  ,  que  nous 
appelions  Quinte  fuperflue  ,  n'a  jamais  été  admis  en  Italie  à 
caufe  de  fon  horrible  dureté.  (Voyez  Pi.  K.  Fig.  5.)  la  pra- 
tique de  cet  Accord  à  la  Françoife  ,  &  (  Figure  5.  )  la  pra- 
tique du  même  Accord  à  l'Italienne. 

Avant  que  d'achever  l'énumération  commencée  ,  je  dois 
remarquer  que  la  même  diltinction  des  deux  Quartes,  Con- 
fonnante &  Dilîbnante  ,  que  j'ai  faite  ci -devant,  fe  doit 
entendre  de  même  des  deux  Tierces  majeures  de  cet  Accord 
&  des  deux  Tierces  mineures  de  l'Accord  fuivanc. 


SYS  c?,7 

IV.  La  quatrième  &  dernière  Diflbnancc  donnée  par  la 
Série  eft:  la  Quatorzième  H,  (PL  G.  Iig.  4.)  c'eft-a-dire  , 
l'O&ave  de  la  Septième  ;  Quatorzième  qu'on  ne  réduit  au 
fimple  que  par  licence  &  félon  le  droit  qu'on  s'eft  attribué 
dans  l'ufage  de  confondre  indifféremment  les  Octaves. 

Si  le  Syjlëmc  diffonant  fe  déduit  du  Syflcmc  harmonique-^ 
les  règles  de  préparer  6c  fauver  les  Diffonances  ne  s'en  dé- 
duifent  pas  moins  ,  &  l'on  voit  ,  dans  la  Série  harmonique 
&  conformante  ,  la  préparation  de  tous  les  Sons  de  la  Série 
arithmétique.  En  effet  ,  comparant  les  trois  Séries  O.  P.  Q. 
on  trouve  toujours  dans  la  progrefïîon  fuccefïïve  des  Sens 
de  la  Série  O,  non  -  feulement ,  comme  on  vient  de  voir, 
les  raifons  (impies  ,  qui ,  doublées  r  donnent  les  Sons  de  la 
Série  Q  ,  mais  encore  les  mêmes  Intervalles  que  forment 
entr'eux  les  Sons  des  deux  P  &c  Q.  De  forte  que  la  Série 
O  prépare  toujours  antérieurement  ce  que  donnent  enfuite  les 
deux  Séries  P  &  Q. 

Ainfi ,  le  premier  Intervalle  de  la  Série  O  ,  eft  celui  de  la 
Corde  à  vide  à  fon  Octave  ,  &  l'Octave  efr,  aufïi  l'Intervalle 
ou  Accord  que  donne  le  premier  Son  de  la  Série  Q  ,  com- 
paré au  premier  Son  de  la  Série  P. 

De  même,  le  fécond  Intervalle  de  la  Série  O  ,  (comptant 
toujours  de  la  Corde  entière  )  eft  une  Douzième  ;  l'Intervalle 
ou  Accord  du  fécond  Son  de  la  Série  Q  ,  comparé  au  fécond 
Son  de  la  Série  P  ,  eft  aufïi  une  Douzième.  Le  troifieme  ,. 
de  part  &  d'autre,  eft  une  double  Octave  ;  &  ainfi  de  fuite, - 

De  plus,  fi  l'on  compare  la  Série   P  à  la  Corde  enric:< 
PL  K.  Fig.  6.)  on  trouvera  exactement  les  mêmes  IûO 


6*2  S    Y    S 

valles  que  donne  antérieurement  la  Strie  O ,  favoir  Octave , 
Quinte ,  Quarte  ,  Tierce  majeure  ,    &  Tierce  mineure. 

D'où  il  fuit  que  la  Série  harmonique  particulière  donne 
avec  préciiion ,  non-feulement  l'exemplaire  &  le  modèle  des 
deux  Séries  arithmétique  &  géométrique ,  qu'elle  engendre  , 
&  qui  complètent  avec  elle  le  Syftême  harmonique  univerfel; 
mais  auffi  preferit  à  l'une  l'ordre  de  fes  Sons,  &  prépare  à 
l'autre  l'emploi  de  Ces  Dillbnances. 

Cette  préparation ,  donnée  par  la  Série  harmonique ,  eft 
exactement  la  même  qui  eft  établie  dans  la  pratique  :  car  la 
Neuvième,  doublée  de  la  Quinte,  fe  prépare  aufli  par  un 
mouvement  de  Quinte  ;  l'Onzième ,  doublée  de  la  Quarte ,  fe 
prépare  par  un  mouvement  de  Quarte;  la  Douzième  ou  Quinte 
fupcrflue  ,  doublée  de  la  Tierce  majeure,  fe  prépare  par  un 
mouvement  de  Tierce  majeure  ;  enfin  la  Quatorzième  ou  la 
FaufTe  -  Quinte  ,  doublée  de  la  Tierce  mineure ,  fe  prépare 
aufii  par  un  mouvement  de  Tierce  mineure. 

Il  eft  vrai  qu'il  ne  faut  pas  chercher  ces  préparations  dans 
des  marches  appellées  fondamentales  dans  le  Syftême  de  M. 
Rameau,  mais  qui  ne  font  pas  telles  dans  celui  de  M.  Tartini  ; 
2c  il  eft  vrai  encore  qu'on  prépare  les  mêmes  DhTonances 
de  beaucoup  d'autres  manières,  foit  par  des  Rcnverfemcns 
d'Harmonie,  foit  par  des  Baffes  fubftituécs;  mais  tout  découle 
toujours  du  même  principe  ,  &  ce  n'eft  pas  ici  le  lieu  d'en- 
trer  dans  le  détail  des  règles. 

Celle  de  réfoudre  ce  fauver  les  Diffonances  naît  du  même 
principe  que  leur  préparation:  car  comme  chaque  DifTonaïuc 
eft  préparée  par  le  rapport  antécédent  du  Sjjïcme  harmoni- 
que, 


S    Y    S  *s9 

que ,  de  même  elle  cit  fauvée  par  le  rapport  conféquent  du 
même  Syjîéme. 

Àinfi ,  dans  la  Série  harmonique  le  rapport  \  ou  le  progrès 
de  Quinte  étant  celui  dont  la  Neuvième  eft  préparée  &  dou- 
blée ,  le   rapport  fuivant  \  ou  progrès   de   Quarte ,   eft    celui 
dont  cette   même  Neuvième  doit  être  fauvée  :  la  Neuvième 
doit  donc  defeendre  d'un  degré  pour  venir  chercher  dans  la 
Série   harmonique  TUniflon  de  ce  deuxième  progrès,  &  par 
conféquent  l'Octave  du  Son  fondamental.  (PI.  G.  I'ig.  7.)  ■ 
En  fuivant  la  même  méthode  ,  on  trouvera  que  l'Onzième 
F  doit  defeendre  de   même   d'un  Degré  fur  l'Uniiïbn  E  de 
la  Série  harmonique   félon   le   rapport    correfpondant  \ ,   que 
la  Douzième  ou  Quinte  fuperflue   G  Dièfe    doit    redefeendre 
fur  le  même  G  naturel   félon  le   rapport   \\   où  l'on  voit  la 
raifon    jufqu'ici    tout -à- fait  ignorée,  pourquoi  la  BafTe  doit 
monter  pour  préparer  les  Dilïbnances,  &  pourquoi  le  Defïïis 
doit  defeendre  pour  les  fauver.  On  peut  remarquer  aufli  que 
la    Septième   qui ,   dans  le   Syltéme  de  M.  Rameau  ,  eft   la 
première   &c  prefquc  l'unique  Diiîbnance,  eft  la  dernière  en 
rang  dans  celui  de  M.    Ta  rein i;    tant   il    faut  que   ces  deux 
Auteurs  foiene   oppofes    en   toute  chofe  ! 

Si  for.  a  bien  compris  les  générations  &  analogies  des 
trois  Ordres  ou  Syftémes,  tous  fondés  fur  le  premier,  donné 
par  la  nature,  &  tous  repréfentés  per  les  parties  du  cercle  ou 
l~ar  leurs  puifTances  ,  on  trouvera  r°.  Que  le  Syftême  harmo- 
le  particulier,  qui  donne  le  Mode  majeur,  eft  produit 
par  la  divifion  fextuple  en  progreiîïon  harmonique  du  Dia- 
mètre ou  de  la  Corde  entière ,  confidérée  comme  l'unité. 
Dicl,  de  Mujique.  Ssss 


69o  SYS 

i°.  Que  le  SyJIéme  arithmétique,  d'où  refaite  le  Mode  mi- 
neur, eft  produit  par  la  Série  arithmétique  des  Complémens, 
prenant  le  moindre  terme  pour  l'unité ,  &  l'élevant  de  terme 
en  terme  jufqu'à  la  raifon  fextuple ,  qui  donne  enfin  le  Dia- 
mètre ou  la  Corde  entière.  30.  Que  le  Syflême  géométrique 
ou  diiïbnant  eit  aufli  tiré  du  Syftème  harmonique  particulier, 
en  doublant  la  raifon  de  chaque  Intervalle;  d'où  il  fuit  que 
le  SyJlême  harmonique  du  Mode  majeur,  le  feul  immédia- 
tement donné  par  la  nature ,  fert  de  principe  &  de  fonde- 
ment aux  deux  autres» 

Par  ce  qui  a  été  dit  jufqu'ici ,  on  voit  que  le  Syftême  har- 
monique n'eft  point  compofé  de  parties  qui  fe  réunifient  pour 
former  un  tout  ;  mais  qu'au  contraire  ,  c'eft  de  la  divifion 
du  tout  ou  de  l'unité  intégrale  que  fe  tirent  les  parties  ;  que 
l'Accord  ne  fe  forme  point  des  Sons,  mais  qu'il  les  donne; 
&  qu'enfin  par-tout  où  le  Sylicme  harmonique  a  lieu ,  l'Har- 
monie ne  dérive  point  de  la  Mélodie  ,  mais  la  Mélodie  de 
l'Harmonie. 

Les  élémens  de  la  Mélodie  diatonique  font  contenus  dans 
lies  Degrés  fucceffifs  de  l'Echelle  ou  Octave  commune  du 
Mode  majeur  commençant  par  C,  de  laquelle  fe  tire  auffî 
l'Echelle  du  Mode  mineur  commençant  par  A. 

Cette  Echelle  n'étant  pas  exactement  dans  Tordre  des  ali- 
quotes,  n'elt  pas  non  plus  celle  que  donne  les  divifions  natu- 
relles des  Cors  ,  Trompettes  marines  &  autres  Inftrumcns 
femblables;  comme  on  peut  le  voir  dans  la  Figure  1.  de  la 
Planche  K.  par  la  comparaifon  de  ces  deux  Echelles;  corn- 
parailbn  qui  montre  en  même  tems  hx  caulê  des  Tons  faux 


SYS  69t 

donnes  par  ces  Inftrumens.  Cependant  l'Echelle  commune, 
pour  n'être  pas  d'accord  avec  la  Série  des  aliquotes,  n'en  a 
pas  moins  une  origine  phyfique  &  naturelle  qu'il  faut  développer. 

La  portion  de  la  première  Série  O,  (PI.  I.  l'ig.  ioj  qui 
détermine  le  Syflême  harmonique  eft  la  fefquialteie  ou  Quinte 
C  G;  c'eft-à-dire  l'Octave  harmoniquement  divifée.  Or,  les 
deux  termes  qui  correfpondcnt  à  ceux-là  dans  la  Série  P  des 
Complémens ,  (  Fig.  1 1.)  font  les  Notes  G  F.  Ces  deux  Cordes 
font  moyennes,  l'une  harmonique,  6c  l'autre  arithmétique 
entre  la  Corde  entière  &  fa  moitié ,  ou  entre  le  Diamètre  6c 
le  rayon ,  6c  ces  deux  moyennes  G  &  F  fe  rapportant  toutes 
deux  à  la  même  Fondamentale,  déterminent  le  Ton  6c  même 
le  Mode,  puifque  la  proportion  harmonique  y  domine  6c 
qu'elles  paroi  fient  avant  la  génération  du  Mode  mineur:  n'ayant 
donc  d'autre  loi  que  celle  qui  eit  déterminée  par  la  Série 
harmonique  dont  elles  dérivent ,  elles  doivent  en  porter  l'une 
&  l'autre  le  caractère;  fa  voir,  l'Accord  parfait  majeur  corn- 
pofé  de  Tierce  majeure  6c  de  Quinte. 

Si  donc  on  rapporte  6c  range  fucceflivement ,  félon  l'ordre 
le  plus  rapproché ,  les  Notes  qui  conf  tituent  ces  trois  Ac- 
cords, on  aura  très-exactement,  tant  en  Notes  muficales  qu'en 
rapports  numériques,  l'Octave  ou  Echelle  diatonique  ordinaire 
rigoureufement  établie. 

En  Notes ,  la  chofe  eft  évidente  par  la  feule  opération. 

En  rapports  numériques,  cela  fe  prouve  prefque  anfîi  fa- 
cilement :  car  fuppofant  3^0  pour  la  longueur  de  la  Corde 
entière,  ces  trois  Notes  C,  G,  F,  feront  comme  180,  140, 
270;  leurs  Accords  feront  comme  dans  la  Figure  8.  Planche 

Ssss  z 


69i  SYS 

G,  &  l'Echelle  entière  qui  s'en  déduit,  fera  dans  les  rapports 
marqués  Planche  K.  Figure  i  ;  où  l'on  voit  que  tous  les 
Intervalles  font  juftes ,  excepté  l'Accord  parfait  D  F  A,  dans 
lequel  la  Quinte  D  A  eft  foible  d'un  Comma  de  même  que 
la  Tierce  mineure  D  F,  à  caufe  du  Ton  mineur  D  E;  mais 
dans  tout  Syflême  ce  défaut  ou  l'équivalent  eft  inévitable. 

Quant  aux  autres  altérations  que  la  nécefïité  d'employer 
les  mêmes  touches  en  divers  Tons  introduit  dans  notre 
Echelle,  voyez  Tempérament. 

L'Echelle  une  fois  établie  ,  le  principal  ufage  des  trois 
Notes  C ,  G  ,  F ,  dont  elle  eft  tirée ,  eft  la  formation  des 
Cadences  qui ,  donnant  un  progrès  de  Notes  fondamentales 
de  l'une  à  l'autre,  font  la  Bailé  de  toute  la  Modulation.  G, 
étant  moyen  harmonique  ,  &  F  moyen  arithmétique  entre 
les  deux  termes  de  l'Oétave ,  le  paffage  du  moyen  à  l'extrême 
forme  une  Cadence  qui  tire  fon  nom  du  moyen  qui  la  pro- 
duit. G  C  eft  donc  une  Cadence  harmonique,  F  C  une  Ca- 
dence arithmétique ,  &  l'on  appelle  Cadence  mixte  celle  qui , 
du  moyen  arithmétique  paffant  au  moyen  harmonique  ,  fe 
compofe  des  deux  avant  de  fe  réfoudre  fur  l'extrême.  (  PC 
K.  Tig.  4.  ) 

De  ces  trois  Cadences ,  l'harmonique  eft  la  principale  & 
la  première  en  ordre  :  fon  effet  eft  d'une  Harmonie  mâle  , 
forte  &.  terminant  un  fens  abfolu.  L'arithmétique  eft  foible , 
douce ,  &  laifTe  encore  quelque  chofe  à  defirer.  La  Cadence 
mixte  fifpend  le  fens  &  produit  à-peu-près  l'effet  du  point  inter- 
rogatif  &  admiratif. 

De  la  fucceflîon  naturelle  de  ces  trois  Cadences  telle  qu'on 


SYS 

la  voir  même  Planche,  Figure  7,  rcfulte  exactement  laBaffe- 
fondamentale  de  l'Echelle;  ik  de  leurs  divers  entrelacement 
fe  tire  la  manière  de  traiter  un  Ton  quelconque  ,  &  d'y 
moduler  une  fuite  de  Chants  ;  car  chaque  Note  de  la  Cadence 
cl t  fuppoice  porter  l'Accord  parfait,  comme  il  a  été  dit  ci- 
devant. 

A  l'égard  de  ce  qu'on  appelle  la  Règle  Je  FOclave,  (voy. 
ce  mot),  il  eft  évident  que,  quand  même  on  admettroit  l'Har- 
monie qu'elle  indique  pour  pure  &  régulière ,  comme  on  ne 
la  trouve  qu'à  force  d'art  &  de  déductions ,  elle  ne  peut 
jamais  être  propofée  en  qualité  de  principe  &  de  loi  génér 

Les  Compofiteurs  du  quinzième  fiecle ,  excellens  Harmo- 
nises pour  la  plupart,  employoient  toute  l'Echelle  comme 
Baffe-fondamentale  d'autant  d'Accords  parfaits  qu'elle  avoir, 
de  Notes,  excepté  la  Septième,  à  caufe  de  la  Quinte  fauffe  ; 
&  cette  Harmonie  bien  conduite  eûr  fair  un  fort  grand  effet, 
fi  l'Accord  parfait  fur  la  Médianre  n'eûr  été  rendu  rrop  dur 
par  fes  deux  fauffes  Relirions  avec  l'Accord  qui  le  précède 
&  avec  celui  qui  le  fuir.  Pour  rendre  cette  fuite  d'Accords 
parfaits  aufli  pure  &  douce  qu'il  eft  polïible  ,  il  faut  la  ré- 
duire a  cette  autre  liaffe-fondamenrale ,  {Fig.  2.)  qui  four- 
nir, avec  la  précédente,  une  nouvelle  fource  de  variétés. 

Comme  on  trouve  dans  cette  formule  deux  Accords  par- 
faits en  Tierce  mineure,  favoir,  D  &  A ,  il  eft  bon  de 
c'  ereber  l'analogie  que  doivent  avoir  entr'eux  les  Tons  ma- 
jeurs  &  mineurs   dans  une  Modulation  régulière. 

Confluerons  {PL  I.  Fig.  M.)  la  Note  e  b  de  l'exemple  P 
unie  aux  deux  Notes  correspondances  des  exemples  O  &  Q  : 


4,4  SYS 

prife  pour  fondamentale ,  elle  fe  trouve  ainfi  bafe  ou  fon- 
dement d'un  Accord  en  Tierce  majeure  ;  mais  prife  pour 
moyen  arithmétique  entre  la  Corde  entière  6c  fa  Quinte, 
comme  dans  l'exemple  X,  (Fig.  13.  )  elle  fe  trouve  alors  Mé« 
diante  ou  féconde  bafe  du  Mode  mineur;  ainfi  cette  même 
Note  confidérée  fous  deux  rapports  différens,  &  tous  deux 
déduits  du  Syfîème ,  donne  deux  Harmonies  :  d'où  il  fuit  que 
l'Echelle  du  Mode  majeur  eit  d'une  Tierce  mineure  au- 
deffus  de  l'Echelle  analogue  du  Mode  mineur.  Ainfi  le  Mode 
mineur  analogue  à  l'Echelle  tVut  eit  celui  de  la,  6c  le  Mode 
mineur  analogue  à  celui  de  fa  eit  celui  de  re.  Or,  fa  &  re 
donnent  exactement,  dans  la  Baffe-fondamentale  de  l'Echelle 
diatonique  ,  les  deux  Accords  mineurs  analogues  aux  deux 
Tons  d'ut  6c  de  fa  déterminés  par  les  deux  Cadences  har- 
moniques d'ut  à  fa  6c  de  fol  à  ut.  La  Baffe-fondamentale 
où  l'on  fait  entrer  ces  deux  Accords  eit  donc  aulïî  régulière 
6c  plus  variée  que  la  précédente,  qui  ne  renferme  que  l'Har- 
monie du  Mode  majeur. 

A  l'égard  des  deux  dernières  Diffonnnces  N  &  R  de 
l'exemple  Q,  comme  elles  forcent  du  Genre  Diatonique  , 
nous   n'en  parlerons  que  ci-aprôs. 

L'origine  de  la  Mefure  ,  des  Périodes ,  des  Phrafcs  6c  de 
tout  Rhythme  mufical,  fe  trouve  aufli  dans  la  génération 
des  Cadences,  dans  leur  fuite  naturelle  ,  &  dans  leurs  diverfes 
combinaifons,  Premièrement,  le  moyen  étant  homogène  à 
fon  extrême,  les  deux  membres  d'une  Cadence  doivent,  dans 
leur  première  (implicite,  être  de  même  nature  &  de  valeurs 
égales  :  par   conféquent    les    huit    Notes    qui    forment    les 


SYS  r95 

quatre  Cadences  ,  Baffe  -  fondamentale  de  l'Echelle  ,  font 
égales  cntr'elles ,  &  formant  auflî  quatre  Mefures  égales  , 
une  pour  chaque  Cadence ,  le  tout  donne  un  fens  complet 
&  une  période  harmonique.  De  plus ,  comme  tout  le  Syftéme 
harmonique  eit  fonde  fur  la  raifon  double  &  fur  la  fefquial- 
tere  ,  qui  ,  à  caufe  de  l'Octave  ,  fe  confond  avec  la  raifon 
triple  ;  de  même  toute  Mefure  bonne  &  fenfible  fe  réfouC 
en  celle  à  deux  Tems  ou  en  celle  à  trois  :  tout  ce  qui  eft 
au-delà  ,  fouvent  tente  &c  toujours  fans  fuccès ,  ne  pouvant 
produire  aucun  bon    effet. 

Des  divers  fondemens  d'Harmonie  donnés  par  les  trois 
fortes  de  Cadences,  &  des  diverfes  manières  de  les  entre- 
lacer ,  naît  la  variété  des  fens,  des  phrafes  &  de  toute  la 
Mélodie  dont  l'habile  Muficien  exprime  toute  celle  des 
phrafes  du  difeours  ,  ôc  ponctue  les  Sons  auflï  corrccle- 
ment  que  le  Grammairien  les  paroles.  De  la  Mefure  don- 
née par  les  Cadences  réfulte  aufli  l'exacte  exprelïïon  de  la 
profodie  &  du  Rhythme  :  car  comme  la  fyllabe  brève 
s'appuie  fur  la  longue,  de  même  la  Note  qui  prépare  la  ca- 
dence en  levant  s'appuie  &  pofe  fur  la  Note  qui  la  réfout 
en  frappant;  ce  qui  dàvift  les  Tems  en  forts  &  en  foibles, 
comme  les  fyllabes  en  longues  &  en  brèves  :  cela  montre 
comment  on  peut ,  même  en  obfervant  les  quantités,  renverfer 
la  rrofjlie  &  tout  mefurer  a  contre-tems,  lorfqu'on  frappe  les 
fyllabes  brèves  &  qu'on  levé  les  longues  ,  quoiqu'on  croye 
obfervcr  leurs  durées    relatives  &  leurs  valeurs  muficales. 

L'ufage    des    Notes    diffonantes    par    Degrés    conjoints 
dans  les   Tems  foibles  de  la   Mefure  ,  fe   déduit  aufli  des 


496  SYS 

principes  établis  ci-defîus  :  car  fuppofons  l'Echelle  diatonique 
&  meilirée ,  marquée  Fig.  9  PL  K.  il  eft  évident  que  la  Note 
foutenue  ou  rebattue  dans  la  BafTe  X ,  au  lieu  des  Notes  de  la 
BaiFe  Z  ,  n'elt  ainfi  tolérée  que  parce  que ,  revenant  toujours 
dans  les  Tems  forts ,  elle  échappe  aifément  à  notre  attention 
dans  les  Tems  foibles ,  &  que  les  Cadences  dont  elle  tient  lieu 
n'en  font  pas  moins  fuppofécs  ;  ce  qui  ne  pourroit  être  fi  les 
Notes  diiïbnantes  changeoient  de  lieu  &  fe  frappoient  fur 
les  Tems  forts. 

Voyons  maintenant  quels  Sons  peuvent  être  ajoutés  ou 
fubititués  à  ceux  de  l'Echelle  diatonique ,  pour  la  formation 
des  Genres  Chromatique  &  Enharmonique. 

En  inférant  dans  leur  ordre  naturel  les  Sons  donnés  par 
la  Série  des  DiiTonances  ,  on  aura  premièrement  la  Note 
fol  Dièfe  N.  (  PL  I.  Fig.  n.  )  qui  donne  le  Genre  Chro- 
matique &  le  pafTage  régulier  du  Ton  majeur  d'ut  à  fon 
mineur  correfpondant  la.  (Voyez  PL  K.  Fig.  10.) 

Puis  on  a  la  Note  R  ou  fi  Bémol ,  laquelle  ,  avec  celle  dont 
je  viens  de  parler ,  donne  le  Genre  Enharmonique.  {F/g.  11.) 

Quoique  ,  eu  égard  au  Diatonique  ,  tout  le  Syfième  har- 
monique foit ,  comme  on  a  vu  ,  renfermé  dans  la  raifon 
fextuple  ;  cependant  les  divifions  ne  font  pas  tellement  bor- 
nées à  cette  étendue  qu'entre  la  Dix  -  neuvième  ou  triple 
Quinte  i,  &  la  Vingt-deuxième  ou  quadruple  Octave  ï,  on  ne 
puilfe  encore  inférer  une  moyenne  harmonique  $  prife  dans 
l'ordre  des  aliquoees  ,  donnée  d'ailleurs  par  la  Nature  dans 
les  Cors-de-chafle  &  Trompettes  marines,  ce  d'une  into- 
nation très-facile  fur  le  Violon. 

Ce 


SYS 

Ce  terme  ?,  qui  divife  harmoniqucmcnt  l'Intervalle  de 
la  Quarte  fol  ut  ou  |  ,  ne  forme  pas  avec  le  fol  une 
Tierce  mineure  julte  ,  donc  le  rapport  feroit  \  ,  mais  un 
Intervalle  un  peu  moindre,  dont  le  rapport  eft  f  ;  de  forte 
qu'on  ne  fauroit  exactement  l'exprimer  en  Note  ;  car  le  la 
Dièfe  eft  déjà  trop  fort  :  nous  le  représenterons  par  la 
Note  fi  précédée  du  ligne  la,  un  peu  différent  du  .Bémol 
ordinaire. 

L'Echelle  augmentée,  ou,  comme  difoient  les  Grecs, 
le  Genre  épaifTi  de  ces  trois  nouveaux  Sons  placés  dans  leur 
rang,  fera  donc  comme  l'exemple  12,  Planch:  K.  Le  tout 
pour  le  même  Ton ,  ou  du  moins  pour  les  Tons  naturel- 
lement analogues. 

De  ces  trois  Sons  ajoutés ,  dont ,  comme  le  fait  voir 
M.  Tartini,  le  premier  conftirue  le  Genre  Chromatique,  & 
le  troilieme  l'Enharmonique ,  le  fol  Dièfe  &  le  fi  Bémol 
font  dans  l'ordre  des  Dilïbnances  :  mais  le  fi  |0  ne  laiflè 
pas  d'être  Confonnant,  quoiqu'il  n'appartienne  pas  au  Genre 
Diatonique ,  étant  hors  de  la  progrefïion  fextuple  qui  ren- 
ferme &  détermine  ce  Genre  :  car  puifqu'il  eft  immédiate- 
ment donné  parla  Série  harmonique  des  aliquotes ,  puifqu'il 
eft  moyen  harmonique  entre  la  Çjuinte  &  l'Octave  du  Son 
fondamental ,  il  s'enfuit  qu'il  eft  Confonnant  comme  eux  , 
&  n'a  pas  befbin  d'être  ni  préparé  ni  fauve  ;  c'eft  aufïi  ce 
que  l'oreille  confirme  parfaitement  dans  l'emploi  régulier  de 
cette  efpece  de   Septième. 

A  l'aide  de  ce  nouveau  Son  ,  la  BalTe  de  l'Echelle  diato- 
nique retourne  exactement  fur  clk-m.Ome  ,  en  defeendant  , 
Dicl.  de  Mufiqut.  Tttt 


tf98  SYS 

félon  la  nature  du  cercle  qui  la  repréfente  ;  &  la  Qua- 
torzième ou  Septième  redoublée  fe  trouve  alors  fauvée  régu- 
lièrement par  cette  Note  fur  la  Baffe-tonique  ou  fondamen- 
tale ,  comme  toutes  les  autres  Diffonances. 

Voulez-vous ,  des  principes  ci-devant  pofés ,  déduire  les 
règles  de  la  Modulation  ,  prenez  les  trois  Tons  majeurs 
relatifs,  ut,  fol,  fa,  &  les  trois  Tons  mineurs  analogues, 
la  ,  mi ,  re  ;  vous  aurez  fix  Toniques  ,  &  ce  font  les  feules 
fur  lefquelles  on  puiffe  moduler  en  fortant  du  Ton  princi- 
pal ;  Modulations  qu'on  entrelace  à  fon  choix ,  félon  le  ca- 
ractère du  Chant  &  l'cxprefïion  des  paroles  :  non,  cependant, 
qu'entre  ces  Modulations  il  n'y  en  ait  de  préférables  à  d'au- 
tres ;  même  ces  préférences  ,  trouvées  d'abord  par  le  Ctn- 
timent  ,  ont  aufïi  leurs  raifons  dans  les  principes  ,  &  leurs 
exceptions ,  foit  dans  les  impreflions  diverfes  que  veut  faire 
le  Compoiîteur ,  foit  dans  la  liaifon  plus  ou  moins  grande 
qu'il  veut  donner  à  fes  phrafes.  Par  exemple,  la  plus  natu- 
relle &  la  plus  agréable  de  toutes  les  Modulations  en  Mode 
majeur,  eit  celle  qui  paffe  de  la  Tonique  ut  au  Ton  de  fa 
Dominante  fol  ;  parce  que  le  Mode  majeur  étant  fondé  fur 
des  divifions  harmoniques ,  &  la  Dominancc  divifant  l'Oc- 
tave harmoniquement ,  le  paffage  du  premier  terme  au  moyen 
elt  le  plus  naturel.  Au  contraire,  dans  le  Mode  mineur  ta , 
fondé  fur  la  proportion  arithmétique ,  le  paffage  au  Ton 
de  la  quatrième  Note  re  ,  qui  divife  l'Octave  arithméti- 
quement ,  eft  beaucoup  plus  naturel  que  le  paffage  au  Ton 
mi  de  la  Dominante,  qui  divife  harmoniquement  la  même 
Odave  ;   &   fi   l'on  y   regarde    attentivement ,   on  trouvera 


SYS  69) 

que  les  Modulations  plus  ou  moins  agréables  dépendent 
toutes  des  plus  -grands  ou  moindres  rapports  établis  dans 
ce  S)  fié  me. 

Examinons  maintenant  les  Accords  ou  Intervalles  parti- 
culiers au  Mode  mineur,  qui  fe  déduifent  des  Sons  ajoutes 
à  l'Echelle.  (  PI.  I.  Fig.  tu) 

L'analogie  entre  les  deux  Modes  donne  les  trois  Accords 
marqués  Fig.  14.  de  la  Planche  K.  dont  tous  les  Sons  ont 
été  trouvés  Confonnans  dans  l'établiffement  du  Mode  ma- 
jeur. Il  n'y  a  que  le  Son  ajouté  g  %  dont  la  Confonnance 
puiffe  être  difputée. 

Il  faut   remarquer  d'abord    que  cet  Accord   ne   fe  réfout 
point  en  l'Accord  diffonant  de  Septième  diminuée    qui   au- 
rait fol  Dièfe  pour  Baffe,  parce  qu'outre  la  Septième  dimi- 
nuée fol  Dièfe  &  fa  naturel ,  il  s'y  trouve  encore  une  Tierce 
diminuée  fol  Dièfe  &  fi  Bémol ,  qui  rompt  toute  proportion; 
ce  que  l'expérience  confirme  par   l'infurmontable   rudefîè  de 
cet   Accord.    Au  contraire  ,  outre  que  cet   arrangement   de 
Sixte  fuperflue  plaît  à  l'oreille  &  fe  réfout  très-harmonieufe- 
ment,  M.  Tartini  prétend  que  l'Intervalle  efl  réellement  bon, 
régulier  &c  même  confonnant.    i°.  Parce  que  cette  Sixte  efl; 
à  très-peu  près  Quatrième  harmonique  aux  trois  Notes  Bl>t 
d  y  /',  repréfentées  par  les  fractions  £  \  ?,  dont  f  cfè  la  Qua- 
trième proportionnelle  harmonique  exafle.  z°.  Parce  que  cette 
même  Sixte  eft  à  très-peu-près  moyenne   harmonique  de  la 
Quarte  fa ,  fi  Bémol ,  formée  par  la  Quinte  du  Son  fonda- 
mental &  par  fon  O&ave.  Que  fi  1  on  emploie  en  cette  oc- 
caiion  la  Note  marquée/o/  Dièfe  plutôt  que  la  Note  marquée 

Tttt  > 


7c>©  5     Y     b 

la  Béaiol ,  qui  femble  être  le  vrai  moyen  harmonique  ;  c'eft 
non -feulement  que  cette  divifion  nous  rejetteroit  fort  loin 
du  Mode,  mais  encore  que  cette  même  Note  la  Bémol  n'elt 
moyenne  harmonique  qu'en  apparence  ;  attendu  que  la  Quarte 
fa ,  fi  Bémol ,  elt  altérée  &  trop  foible  d'un  Comma  ;  de 
Jorte  que  fol  Dièfe ,  qui  a  un  moindre  rapport  h  fa ,  appro- 
che plus  du  vrai  moyen  harmonique  que  la  Bémol ,  qui  a 
un  plus  grand  rapport  au  même  fa. 

Au  ref te ,  on  doit  obferver  que  tous  les  Sons  de  cet  Accord 
qui  fe  réunifient  ainfi.  en  une  Harmonie  régulière  &  fimultance , 
font  exactement  les  quatre  mêmes  Sons  fournis  ci  -  devant 
dans  la  Série  diflonante  Q  par  les  complémens  des  divifions 
de  la  Sextuple  harmonique  :  ce  qui  ferme ,  en  quelque  ma- 
nière ,  le  cercle  harmonieux ,  &  confirme  la  liaifon  de  toutes 
les  parties  du  Syflàne. 

A  l'aide  de  cette  Sixte  &  de  tous  les  autres  Sons  que  la 
proportion  harmonique  &  l'analogie  fournirent  dans  le  Mode 
mineur  ,  on  a  un  moyen  facile  de  prolonger  &  varier  alTez 
long-tems  l'Harmonie  fans  fortir  du  Mode  ,  ni  même  em- 
ployer aucune  véritable  Ditïbnance  ;  comme  on  peut  le  voir 
dans  l'exemple  de  Contre -point  donné  par  M.  Tartini  & 
dans  lequel  il  prétend  n'avoir  employé  aucune  Diiîbnance  , 
fi  ce  n'elt  la  Quarte  -  &  -  Quinte  finale. 

Cette  même  Sixte  fuperflue  a  encore  des  ufages  plus  im- 
porrans  &  plus  fins  dans  les  Modulations  détournées  par  des 
paTages  enharmoniques  ,  en  ce  qu'elle  peut  le  prendre  indif- 
féremment dans  la  pratique  pour  la  Septième  bémolifee  par 
le  ligne  h  ,  de  laquelle  cette    SuOC   diéf&e   diffère   tics -peu 


SYS  ycr 

dans  le  calcul  &   point  du  tout  fur  le  Clavier.    Alors  cette 
Septième  ou  cette  Sixte,  toujours  confonnante,  mais  mar- 
quée tantôt  par   Dicfe  &   tantôt  par  Bémol,   félon   le  Ton 
d'où  l'on  fort ,  &  celui  où  l'on  entre ,  produit  dans   l'Har- 
monie d'apparentes  &  fubites  métamorphofes  ,  dont ,  quoique 
régulières  dans  ce  Syftéme,  le  Compofiteur  auroit  bien  de  la 
peine   à  rendre  raifon  dans  tout  autre  ;  comme  on  peut  le 
voir  dans  les  exemples  I,  II,   III,  de  la  PLmchc  M,  fur- 
tout  dans  celui  marqué  -+- ,  où  le  fa  pris  pour   naturel ,  & 
formant  une  Septième  apparente  qu'on  ne  fauve  point ,  n'eft 
au  fond  qu'une  Sixte  fuperflue  formée  par   un  mi  Diefe  fur 
le  fol  de  la  Baffe  ;  ce  qui  rentre  dans  la  rigueur  des  règles. 
Mais  il  eft    fuperflu  de  s'étendre  fur  ces  fineffes  de   l'Art  y 
qui  n'échappent  pas   aux  grands  Harmonises ,  &  dont  les 
autres  ne  feroient  qu'abufer  en  les  employant  mal-à-propos. 
Il  fuffit  d'avoir  montré  que  tout  fe  tient  par  quelque  côiù  , 
&  que  le  vrai  Syfléme  de  la  Nature  mené  aux  plus  caches 
détours  de  l'Art. 


?ol  T    A    B 


=^SÏ£= 


T. 


.  Cette  lettre  s'écrit  quelquefois  dans  les  Partitions  pour 
défigner  la  Partie  de  la  Taille  ,  lorfque  cette  Taille  prend  la 
place  de  la  Baffe  6c  qu'elle  eft  écrite  fur  la  même  Portée, 
la  Baffe  gardant  le  Tacet. 

Quelquefois  dans  les  Parties  de  Symphonie  le  T  lignifie 
Tous  ou  Tutti ,  &  eft  oppofé  à  la  lettre  S ,  ou  au  mot  Seul 
ou  Solo ,  qui  alors  doit  néceffairement  avoir  été  écrit  aupara- 
vant dans  la  même  Partie. 

TA.  L'une  des  quatre  fyllabes  avec  lefquelles  les  Grecs 
folfioient  la  Mufîque.  (  Voyez  Solfier.  ) 

TABLATURE.  Ce  mot  fignifioit  autrefois  la  totalité  des 
fignes  de  la  Mufique  ;  de  forte  que  ,  qui  connoiffoit  bien 
la  Note  &  pouvoit  chanter  à  livre  ouvert ,  étoit  dit  favoir  la 
Tablature. 

Aujourd'hui  le  mot  Tablature  fe  reftreint  à  une  certaine 
manière  de  noter  par  lettres  ,  qu'on  emploie  pour  les  Inf- 
trumens  à  Cordes  qui  fe  touchent  avec  les  doigts ,  tels  que  le 
Luth ,  la  Guitare ,  le  Ciftre  ,  <5c  autrefois  le  Théorbe  6c  la  Viole. 

Pour  noter  en  Tablature  ,  on  tire  autant  de  lignes  paral- 
lèles que  rinftrument  a  de  Cordes.  On  écrit  enfuit*  fur  ces 
lignes  des  lettres  de  l'alphabet  ,  qui  indiquent  les  diverfes 
pofitions  des  doigts  fur  la  Corde  de  femi-Ton  en  femi-Ton. 
La  lettre  a  indique  la  Corde  à  vide  ,  b  indique  la  première 
Pofition ,  c  la  féconde ,  d  la  troifieme ,  &c. 


T    A    D 

A  l'égard  des  valeurs  des  Notes,  on  les  marque  par  d.  . 
Notes  ordinaires  de  valeurs  femblables  ,  toutes  placées  fur  une 
même  ligne  ,  parce  que  ces  Notes  ne  fervent  qu'à  marquer 
la  valeur  &  non  le  Degré.  Quand  les  valeurs  font  toujours 
femblables  ,  c'eft-à-dire,  que  la  manière  de  feander  les 
Notes  eft  la  même  dans  toutes  les  Mefures  ,  on  fe  contente 
de  la  marquer  dans  la  première  ,  &  l'on  fuit. 

Voilà  tout  le  myftere  de  la  Tablature  ,  lequel  achèvera 
de  s'éclaircir  par  l'infpection  de  la  Figure  4  Planche  M.  où. 
j'ai  noté  le  premier  couplet  des  jolies  cPEfpagne  en  Tablature 
pour  la  Guitare. 

Comme  les  Inftrumens  pour  lefquels  on  employoit  la 
Tablature  font  la  plupart  hors  d'ufage  ,  &  que ,  pour  ceux 
donc  on  joue  encore  ,  on  a  trouvé  la  Note  ordinaire  plus 
commode  ,  la  Tablature  eft  prefque  entièrement  abandonnée, 
ou  ne  fert  qu'aux  premières  leçons  des  écoliers. 

TABLEAU.  Ce  mot  s'emploie  fouvent  en  Mufique  pour 
défigner  la  réunion  de  plufieurs  objets  formant  un  tout  peint 
par  la  Mufique  imitative.  Le  Tableau  de  cet  Air  eft  bien 
dejfiné  ;  ce  Chœur  fait  Tableau  ;  cet  Qpéra  eft  plein  de  Ta- 
bleaux admirables. 

TACET.  Mot  latin  qu'on  emploie  dans  la  Mufique  pour 
indiquer  le  fîlence  d'une  Partie.  Quand  ,  dans  le  cours  d'un 
morceau  de  Mufique  ,  on  veut  marquer  un  fîlence  d'un  cer- 
tain tems ,  on  l'écrit  avec  des  Bâtons  ou  des  Paufis  :  (\  oy. 
ces  mots.)  Mais  quand  quelque  Partie  doit  garder  le  fîlence 
durant  un  morceau  entier  ,  on  exprime  cela  par  le  mot  '1 
écrit  dans  cette  Partie  au  -  deflilS  du  nom  de  lAir  ou  des 
premières  Notes  du  Chant. 


704  X    A    J 

TAILLE  anciennement  TENOR.  La  féconde  des  quatre 
Parties  de  la  Mufique ,  en  comptant  du  grave  à  l'aigu.  C'eft 
la  Partie  qui  convient  le  mieux  à  la  voix  d'homme  la  plus 
commune  ;  ce  qui  fait  qu'on  l'appelle  auffi  Voix  humaine  par 
excellence. 

La  Taille  fe  divife  quelquefois  en  deux  autres  Parties  i 
l'une  plus  élevée  ,  qu'on  appelle  Première  ou  haute-Taille  ; 
l'autre  plus  baffe  ,  qu'on  appelle  Seconde  ou  baffe  -  Taille. 
Cette  dernière  eft  en  quelque  manière  une  Partie  mitoyenne 
ou  commune  entre  la  Taille  &  la  Baffe  &  s'appelle  auffi,  à. 
caufe  de  cela ,  Concordant.  (Voyez  Parties.) 

On  n'emploie  prefqu'aucun  rolle  de  Taille  dans  les  Opéra 
François  :  au  contraire  les  Italiens  préfèrent  dans  les  leurs  le 
Ténor  à  la  Balle,  comme  une  Voix  plus  flexible,  auffi  fonore, 
&  beaucoup  moins  dure. 

TAMBOURIN.  Sorte  de  Danfe  fort  à  la  mode  aujour- 
d'hui fur  les  Théâtres  François.  L'air  en  eft  rr^-gai  &  fe 
bat  à  deux  Tems  vifs.  Il  doit  être  fautillanr  &  bien  ca- 
dence ,  à  l'imitation  du  Flutct  des  Provençaux  ;  &  la  Balfe 
doit  refrapper  lu  meme  Note  ,  â  l'imitation  du  Tambourin. 
ou  Galoubé  ,  dont  celui  qui  joue  du  Flutct  s'accompagne 
ordinairement. 

TASTO  SOLO.  Ces  deux  mots  Italiens  écrits  dans  une 
Balfe-conrinue  ,  &  d'ordinaire  fous  quelque  Point-cfOrgue  , 
marquent  que  l'Accompagnateur  ne  doit  Eure  aucun  Accord 
de  la  main  droite  ,  mais  feulement  frapper  de  la  gauche  la 
Note  marquée,  &  tout  au  plus  fon  O.hve  ,  fins  y  rien 
ajouter  ,  attendu  qu'il  lui  feroit  prcfque  impoflible  île  deviner 


T    F.    M  70S 

&:  fuivre  la  tournure    d'Harmonie    ou   les    Notes    de    goût 
que  le  Compofiteur  fait  paffer  fur  la  Baffe  durant  ce  tems-la. 

TE.  L'une  des  quatre  fyllabes  par  lefquelles  les  Grecs  fol- 
fient  la  Mufique.  (  Voyez  Solfier,  ) 

TEMPERAMENT.  Opération  par  laquelle ,  au  moyen 
d'une  légère  altération  dans  les  Intervalles  ,  faifant  évanouir 
la  différence  de  deux  Sons  voifîns,  on  les  confond  en  un, 
qui ,  fans  choquer  l'oreille  ,  forme  les  Intervalles  refpeétifs  de 
l'un  &:  de  l'autre.  Par  cette  opération  l'on  amplifie  l'Echelle 
en  diminuant  le  nombre  des  Sons  néceffiires.  Sans  le  Tem- 
pérament ,  au  lieu  de  douze  Sons  feulement  que  contient 
l'Octave ,  il  en  faudroit  plus  de  foixante  pour  moduler  dans 
tous  les  Tons. 

Sur  l'Orgue  ,  fur  le  Clavecin  ,  fur  tout  autre  Infiniment 
à  Clavier,  il  n'y  a ,  &  il  ne  peut  gueres  y  avoir  d'Intervalle 
parfaitement  d'Accord  que  la  feule  Octave,  La  raifon  en 
eft  que  trois  Tierces  majeures  ou  quatre  Tierces  mineures 
devant  faire  une  Octave  jufte  ,  celles-ci  la  paffent  &  les 
autres  n'y  arrivent  pas.  Car  5  x  £  x  £  =  VV  <  'H  ~  t  »  ^ 
f  x  1  x  f  =  ty£  >  '0  =  |,  Ainfi  l'on  eft  contraint  de  ren- 
forcer les  Tierces  majeures  6:  d'affoiblir  les  mineures  pour 
que  les  Octaves  &  tous  les  autres  Intervalles  fe  correfpondent 
exactement,  6c  que  les  mêmes  touches  puiffent  erre  employées 
fous  leurs  divers  rapports.  Dans  un  moment  je  dirai  comment 
cela  fe  fait, 

Cette  nécefîïté  ne  fe  fit  pas   fentir  tout  -  d'un  -  coup  ,   on 
ne  la  reconnut  qu'en  perfectionnant  le  fyflême  mufiçal.  Pytha- 
gore ,  qui  trouva  le  premier  les  rapports  des  Intervalles  har- 
Dicl.   de  Mujlqu:,  Vvvv 


7oS  T    K    M 

moniques,  prétendoit  que  ces  rapports  fufTent  obfervés  dans 
toute  la  rigueur  mathématique  ,  fans  rien  accorder  a  la  tolé- 
rance de  l'oreille.  Cette  févérité  pouvoit  être  bonne  pour  fon 
tems  où  toute  l'étendue  du  fyftême  fe  bornoit  encore  à  un 
fi  petit  nombre  de  Cordes.  Mais  comme  la  plupart  des 
Inftrumens  des  Anciens  étoient  compofés  de  Cordes  qui  fe 
touchoient  à  vide  ,  &  qu'il  leur  faloit  ,  par  conféquent  , 
une  Corde  pour  chaque  Son  ,  à  mefure  que  le  fyftême  s'é- 
tendit, ils  s'apperçurent  que  la  règle  de  Pythagore  ,  en  trop 
multipliant  les  Cordes,  empêchoit  d'en  tirer  les  ufages  con- 
venables. 

Ariftoxène  ,  difciple  d'Ariftote  ,  voyant  combien  l'exacri- 
tude  des  calculs  nuifoit  aux  progrès  de  la  Mufîque  &  à  la 
facilité  de  l'exécution ,  prie  tout-d'un-coup  l'autre  extrémité  ; 
abandonnant  prefque  entièrement  le  calcul ,  il  s'en  remit  au, 
feul  jugement  de  l'oreille ,  &  rejetta  comme  inutile  tout  ce 
que  Pythagore  avoit  établi. 

Cela  forma  dans  la  Mufique  deux  fectes  qui  ont  long-tcms 
divifé  les  Grecs ,  l'une  des  Ariftoxéniens  ,  qui  étoient  les 
Muficiens  de  pratique  ;  l'autre  des  Pythagoriciens ,  qui  étoient 
les  Philofophes.  (Voyez  Aristoxfnihns  &  Pythagori- 
ciens. ) 

Dans  la  fuite ,  Ptolomée  &  Dydjrme,  trouvant  avec  raifort, 
que  Pythagore  &  Ariftoxène  avoient  donné  dans  deux  excès 
également  vicieux  ,  èc  consultant  à  la  fois  les  fens  èv:  la  raifon, 
travaillèrent  chacun  de  leur  côte  à  la  reforme  de  l'ancien 
fyftême  diatonique.  Mais  comme  ils  ne  s'éioig 
des    principes   établis  pour    la    divilion   du    ï 


T    E    M  yo7 

<jue  reconnoilfant  enfin  la  différence  du  Tvi  majeur  au  Ton 
mineur,  ils  n'oferent  toucher  à  celui-ci  pour  le  partager 
comme  l'autre  par  une  Corde  chromatique  en  deux  Parties 
réputées  égales  ;  le  fyftême  demeura  encore  long-tcms  dans 
un  état  d'imperfeclion  qui  ne  permettoit  pas  d'appercevoir  le 
vrai  principe  du  Tempérament. 

Enfin  vint  Guy  d'Arezzo  qui  refondit  en  quelque  ma- 
nière la  Mufique  &  inventa  ,  dit-on  ,  le  Clavecin.  Or  ,  il 
eft  certain  que  cet  Infiniment  n'a  pu  exifter  ,  non  plus  que 
l'Orgue  ,  que  l'on  n'ait  en  même  tems  trouvé  le  Tempéra- 
ment ,  fans  lequel  il  eft  impoflible  de  les  accorder  ,  &  il  eft 
impoflîble  au  moins  que  la  première  invention  ait  de  beau- 
coup précédé  la  féconde  ;  c'eft  à-peu-près  tout  ce  que  nous 
en  favons. 

Mais  quoique  la  néceflîté  du  Tempérament  foit  connue 
depuis  long-tems  ,  il  n'en  eft  pas  de  même  de  la  meilleure 
règle  a  fuivre  pour  le  déterminer.  Le  fiecle  dernier,  qui  fur. 
le  fiecle  des  découvertes  en  tout  genre  ,  eft  le  premier  qui 
nous  ait  donné  des  lumières  bien  nettes  fur  ce  chapitre. 
Le  P.  Merfenne  &  M.  Loulié  ont  fait  des  calculs  ;  M. 
Sauveur  a  trouvé  des  divifions  qui  fourniffent  tous  les  Tem- 
pérament pofTibles;  enfin,  M.  Rameau,  après  tous  les  autres, 
a  cru  développer  le  premier  la  véritable  théorie  du  Tempé- 
rament ,  &  a  même  prétendu ,  fur  cette  théorie,  établir  comme 
neuve  une  pratique  très -ancienne  dont  je  parlerai  dans  un 
moment. 

J'ai  dit  qu'il  s'agifToh  pour  tempérer  les  Sons  du  Clavier, 
de  renforcer  les  Tierces  majeures  ,  d'affoiblir  les  mineures , 

V  v  v  v  z 


-7oS  T    E    M 

&  de  difrribuer  ces  altérations  de  manière  à  les  rendre  le 
moins  fenfibles  qu'il  étoit  poflible.  Il  faut  pour  cela  répartir 
fur  l'Accord  de  l'Inftrument ,  &  cet  Accord  fe  fait  ordinai- 
rement par  Quintes  ;  c'eft  donc  par  fon  effet  fur  les  Quintes 
que  nous  avons  à  coniîdérer  le  Tempérament. 

Si  l'on  accorde  biert  jufte  quatre  Quintes  de  fuite ,  comme 
ut  fol  re  la  mi ,  on  trouvera  que  cette  quatrième  Quinte  mi 
fera ,  avec  Vut  d'où  l'on  eft  parti ,  une  Tierce  majeure  dis- 
cordante ,  &  de  beaucoup  trop  forte  ;  &  en  effet  ce  mi , 
produit  comme  Quinte  de  la ,  n'eft  pas  le  même  Son  qui 
doit  faire  la  Tierce  majeure  d'ut.  En  voici  la  preuve. 

Le  rapport  de  la  Quinte  eft  §  ou  f ,  à  caufe  des  Octaves 
i  &  2  prifes  l'une  pour  l'autre  indifféremment.  Ainfi  la  fuc- 
cefTion  des  Quintes  formant  une  progreflzon  triple  ,  donnera 
ut  i  ,  fol  3  ,   re  9  ,  la  27  ,  &  mi  81. 

Confidérons  à  préfent  ce  mi  comme  Tierce  majeure  d'ut  ; 
fon  rapport  eft  f  ou  {,  4  n'étant  que  la  double  Oclave  d'r. 
Si  d'Octave  en  Octave  nous  rapprochons  ce  mi  du  précèdent, 
nous  trouverons  mi  5,  mi  10,  mi  20,  mi  40,  6c  //:/  80. 
Ainfi  la  Quinte  de  la  étant  mi  81  ,  &  la  Tierce  majeure  dut 
étant  mi  80  ;  ces  deux  mi  ne  font  pas  le  même ,  &  leur  rap- 
port eft  ïï  ,  qui  fait  précifément  le  Comma  majeur. 

Que  fi  nous  pourfuivons  la  progreffion  des  Quintes  jufqu'a 
la  douzième  puilfance  qui  arrive  au  fi  Dièfe  ,  nous  trouverons 
que  ce //  excède  Vut  dont  il  devroit  faire  l'uiùifon ,  &  qu'il 
eft  avec  lui  dans  le  rapport  de  531441  à  5i4-ss  ,  rapport 
qui  donne  le  Comma  de  Pythagore.  De  forte  que  par  le 
calcul  précédent  le  Ji    Dièfe   devroit   excéder    Vut   de    trois 


T    E    M  7oo 

Comma  majeurs  ;   &  par   celui-ci  il  l'excedc  feulement  du 
Comma  de  Pythagore. 

Mais  il  faut  que  le  même  Son  mi,  qui  rail  la  Quinte  de 
A; ,  ferve  encore  à  faire  la  Tierce  majeure  à"  ut  ;  il  faut  que 
le  même  fi  Dièfe  ,  qui  forme  la  douzième  Quinte  de  ce 
même  ut ,  en  farte  aufli  l'Octave  ,  &  il  faut  enfin  que  ces 
différens  Accords  concourent  à  conltituer  le  fyftême  général 
fans  multiplier  les  Cordes.  Voilà  ce  qui  s'exécute  au  moyeu 
du   Tempérament. 

Pour  cela  i°.  on  commence  par  Y  ut  du  milieu  du  Cla- 
vier, &  l'on  affoiblit  les  quatre  premières  Quintes  en  mon- 
tant ,  jufqu'à  ce  que  la  quatrième  mi  fafie  la  Tierce  majeure 
bien  julte  avec  le  premier  Son  ut  ;  ce  qu'on  appelle  la  pre- 
mière preuve.  20.  En  continuant  d'accorder  par  Quintes ,  dès 
qu'on  elt  arrivé  fur  les  Dièfes  ,  on  renforce  un  peu  les  Quin- 
tes ,  quoique  les  Tierces  en  fou  firent ,  &  quand  on  eft  arri\  é 
au  fol  Dièfe ,  on  s'arrête.  Ce  fol  Dièfe  doit  faire ,  avec  le 
mi,  une  Tierce  majeure  julte  ou  du  moins  foufirable  ;  c'clt 
la  féconde  preuve.  30.  On  reprend  Y  ut  &  l'on  accorde  les 
Quintes  au  grave  ;  favoir ,  fa  ,  fi  Bémol ,  &c.  foibles  d'abord  ; 
puis  les  renforçant  par  Degrés  ,  c*eft-à-dire  ,  affbibliiïànt  les 
Sons  jufqu'à  ce  qu'on  foit  parvenu  au  re  Bémol,  lequel,  pris 
comme  ut  Dièfe  ,  doit  fe  trouver  d'accord  &  faire  Quinte 
avec  le  fol  Dièfe ,  auquel  on  s'étoit  ci-devant  arrêté  ;  c'elt 
la  rroilieme  preuve.  Les  dernières  Quintes  fe  trouveront  un 
peu  fortes  ,  de  même  que  les  Tierces  majeures  ;  c'eft  ce 
qui  rend  les  Tons  majeurs  de  fi  Bémol  &  de  mi  Bémol 
fombres  (Se  même  un  peu  durs.  Mais  cette  dureté  fera  fup- 


7to  T    E    M 

portable  fi  la  Partition  eft  bien  faite  ,  &  d'ailleurs  ces  Tier- 
ces ,  par  Ie jr  filiation  ,  font  moins  employées  que  les  pre- 
mières ,  oc  ne  doivent  l'être  que  par  choix. 

Les  Organises  &  les  Facleurs  regardent  ce  Tempérament 
comme  le  plus  parfait  que  l'on  puilfe  employer.  En  effet , 
les  Tons  naturels  jouiffent  par  cette  méthode  de  toute  la 
pureté  de  l'Harmonie  ,  &  les  Tons  tranfpofés  ,  qui  forment 
des  modulations  moins  fréquentes ,  offrent  de  grandes  ref- 
fources  au  Muficien  quand  il  a  befoin  d'exprefïîons  plus  mar- 
quées :  car  il  eft  bon  d'obferver  ,  dit  M.  Rameau,  que  nous 
recevons  des  impreflicns  différentes  des  Intervalles  à  pro- 
portion de  leurs  différentes  altérations.  Par  exemple  ,  la 
Tierce  majeure ,  qui  nous  excite  naturellement  à  la  joie , 
nous  imprime  jufqu'à  des  idées  de  fureur  quand  elle  eft  trop 
forte  ;  &  la  Tierce  mineure  ,  qui  nous  porte  a  la  tendrefie 
&  à  la  douceur,  nous  attrifte  lorfqu'elle  eft  trop  foible. 

Les  habiles  Muficiens  ,  continue  le  même  Auteur,  ùveiit 
profiter  à  propos  de  ces  différens  effets  des  Intervalles  ,  6c 
font  valoir ,  par  l'exprcfïïon  qu'ils  en  tirent ,  l'ahcration  qu'on 
y  pourroit  condamner. 

Mais  ,  dans  fa  Génération  harmonique  ,  le  même  M.  Ra- 
merai tient  un  tout  autre  langage.  Il  fe  reproche  ù  condef- 
cendance  pour  l'ufage  actuel ,  6c  détruifant  tout  ce  qu'il  avoit 
é:;tbli  auparavant ,  il  donne  une  formule  d'onze  moyennes 
proportionnelles  entre  les  deux  termes  de  l'Octave  ,  fur  la- 
quelle formule,  il  veut  qu'on  règle  toute  la  fucccflion  du 
té. ne  chromatique  ;  de  forte  que  ce  fyf'éme  réfutant  de 
douze    femi-Tons  parfaitement  égaux,  c'eft   une   néceflké 


T    E    M  7II 

que  tous  les  Intervalles  femblables  qui  en  feront  formes  (oient 
aufli  parfaitement  égaux  entr'eux. 

Pour  la  pratique  prenez,  dit-il,  telle  touche  du  Clavecin 
qu'il  vous  plaira  ;  accordez-en  d'abord  la  Quinte  julle  ,  puis 
diminuez-la  fi  peu  que  rien  :  procédez  ainfi  d'une  Quinte  à 
l'autre,  toujours  en  montant,  c'elt- à-dire  ,  du  grave  à 
l'aigu ,  jufqu'à  la  dernière  dont  le  Son  aigu  aura  été  le  grave 
de  la  première  ;  vous  pouvez  être  certain  que  le  Clavecin  fera 
bien  d'accord. 

Cette  méthode  que  nous  propofe  aujourd'hui  M.  Rameau, 
avoit  déjà  été  propofée  &  abandonnée  par  le  fameux  Cou- 
perin.  On  la  trouve  auiïi  tout  au  long  dans  le  P.  Merfenne  , 
qui  en  fait  Auteur  un  nommé  Galle ,  &  qui  a  même  pris  la 
peine  de  calculer  les  onze  moyennes  proportionnelles  dont 
M.  Rameau  nous  donne  la  formule  algébrique. 

Malgré  l'air  feientirique  de  cette  formule  ,  il  ne  paroît  pas 
que  la  pratique  qui  en  réfulte  ait  été  jufqu'ici  goûtée  des 
Muficiens  ni  des  Facteurs.  Les  premiers  ne  peuvent  fe  réfou- 
dre à  fe  priver  de  l'énergique  variété  qu'ils  trouvent  dans  les 
diverfes  affe&ions  des  Tons  qVoccafionne  le  Tempérament 
établi.  M.  Rameau  leur  dit  en  vain  qu'ils  fe  trompent ,  que 
la  variété  fe  trouve  dans  l'entrelacement  des  Modes  ou 
dans  les  divers  Degrés  des  Toniques,  &  nullement  dans  l'al- 
tération des  Intervalles;  le  Muficien  répond  que  l'un  n'exclut 
pas  l'autre  ,  qu'il  ne  fe  tient  pas  convaincu  par  une  afler- 
tio:i ,  6c  que  les  diverfes  affections  des  Tons  ne  font  nulle- 
ment proportionnelles  aux  différens  Degrés  de  leurs  finales. 
Car ,  difent-ils ,   quoiqu'il  n'y   ait  qu'un   ftmi-Ton  de   i 


7ii  T    E    M 

tance  entre  la  finale  de  re  &  celle  de  mi  Bémol ,  comme 
enrre  la  finale  de  la  &  celle  défi  Bémol  ;  cependant  la  même 
Mufique  nous  affectera  très  -  différemment  en  A  la  mi  re 
qu'en  B  fa  ,  &  en  D  fol  re  qu'en  E  la  fa  ;  &  l'oreille  atten- 
tive du  Muficien  ne  s'y  trompera  jamais  ,  quand  même  le 
Ton  général  feroit  hauffé  ou  baiffé  d'un  femi-Ton  &  plus; 
preuve  évidente  que  la  variété  vient  d'ailleurs  que  de  la  fimple 
différente  élévation  de  la  Tonique. 

A  l'égard  des  Facteurs ,  ils  trouvent  qu'un  Clavecin  accordé 
de  cette  manière  n'eft  point  aufli  bien  d'accord  que  l'affure 
M.  Rameau.  Les  Tierces  majeures  leur  paronTent  dures  & 
choquantes ,  &  quand  on  leur  dit  qu'ils  n'ont  qu'a  fe  faire  à 
l'altération  des  Tierces  comme  ils  s'étoient  faits  ci -devant  à 
ceile  des  Quintes  ,  ils  répliquent  qu'ils  ne  conçoivent  pas  com- 
ment l'Orgue  pourra  fe  faire  à  fupprimer  les  battemens  qu'on 
y  entend  par  cette  manière  de  l'accorder,  ou  comment  l'oreille 
ceffera  d'en  être  offenfée.  Puifque  par  la  nature  des  Confonnan- 
ces  la  Quinte  peut  être  plus  altérée  que  la  Tierce  fans  choquer 
l'oreille  &  fans  faire  des  battemens  ,  n'e/t-il  pas  convenable 
de  jetter  l'altération  du  côté  où  elle  eft  le  moins  choquante , 
&  de  laiffer  plus  juftes  ,  par  préférence ,  les  Intervalles  qu'on 
ne  peut  altérer  fans  les  rendre  difeordans? 

Le  P.  Merfenne  affuroit  qu'on  difoit  de  fon  tems  que  les 
premiers  qui  pratiquèrent  fur  le  Clavier  les  femi-Tons ,  qu'il 
appelle  feintes  ,  accordèrent  d'abord  toutes  les  Quintes  a-peu- 
prùs  félon  l'Accord  égal  propofé  par  M.  Rameau  ;  mais  que 
leur  oreille  ne  pouvant  fouffrir  la  diicordance  des  Tierces 
majeures  néceffuirement  trop  fortes  ,  ils  tempérèrent  l'Ac- 
cord 


T    E    M 

cord  en  afToibliilint  les  premières  Quintes  pour  bailler  les 
Tierces  majeures.  Il  paroît  donc  que  s'accoutumer  à  cette 
manière  d'Accord  n'eft  pas,  pour  une  oreille  exercée  &  fcr.- 
fîble ,   une  habitude  uifée  à  prendre. 

Au  refte  ,  je  ne  puis  m'empécher  de  rappeller  ici  ce  que 
j'ai  dit  au  mot  Consonnanck  ,  fur  la  raifon  du  plaiiir  que 
les  Confonnances  font  à  l'oreille  ,  tirée  de  la  (implicite  des 
rapports.  Le  rapport  d'une  Quinte  tempérée  félon  la  méthode 

4 3  4 

de  M.  Rameau  eft  celui-ci  y/  8o  +  y/  Ri.  Ce  rapport  cependant 

plaît  à  l'oreille  ;  je  demande  fi  c'eft  par  fa  (implicite  ? 

TEMS.  Mefure  du  Son  ,  quant  à  la  durée. 

Une  fucceMion  de  Sons,  quelque  bien  dirigée  qu'elle  puilfe 
être  dans    fa    marche  ,   dans    fes   Degrés   du  grave  à  l'aigu 
ou  de   l'aigu  au  grave,  ne  produit,  pour  ainfî  dire,  que  des 
effets  indéterminés.  Ce  font  les   durées  relatives  &  propor- 
tionnelles  de  ces  mêmes  Sons    qui  fixent  le    vrai  caractère 
d'une  Mufique,  cklui  donnent  fa  plus  grande  énergie.  Le  Teins 
eft  l'ame  du  Chant  ;  les  Airs  dont  la  mefure  eft  lente  ,  nous 
attriftent  naturellement  ;  mais  un  Air  gai ,  vif  &  bien  cadencé 
nous  excite  a  La  joie,  &c  à  peine  les  pieds  peuvent-ils  fe  retenir 
de  danfer.  Otez  la  Mefure  ,  détruifez  la  proportion  des  Tems , 
les  mêmes  Airs  que  cette  proportion  vous  rendoit  agréables  , 
reftés  fans  charme  &  fans  force,  deviendront  incapables  déplaire 
&  d'intéreifer.  Le  Tems ,  au  contraire,  a  fa  force  en  lui-même  ; 
elle  dépend  de  lui  feul,  &peut  fubfifter  fans  la  diverlité  des  Sons. 
Le  Tambour  nous  en  orïre  un  exemple  ,  groflier  toutefois  & 
très-imparfait ,  parce  que  le  Son  ne   s'y  peut  foutenir,  • 
Dicl.  de  Mufique,  X  \ 


7^4 


T    E    M 


On  confîdere  le  Tems  en  Mufique  ,  ou  par  rapport  au 
mouvement  général  d'un  Air  ,  &  ,  dans  ce  fens  ,  on  dit 
qu'il  eft  lent  ou  vite  ;  (  Voyez  Mesure  ,  Mouvement.  ) 
ou,  félon  les  parties  aliquotes  de  chaque  Mefure  ,  parties  qui 
fe  marquent  par  des  mouvemens  de  la  main  ou  du  pied  & 
qu'on  appelle  particulièrement  àes  Tems  ;  ou  enfin  félon 
la  valeur  propre  de  chaque  Note.  (  Voyez  Valeur  des 
Notes.  ) 

J'ai  fuffifamment  parlé  ,  au  mot  Rhytkme  ,  des  Tems  d« 
la  Mufique  Grecque  ;  il  me  relte  à  parler  ici  des  Teins  de. 
la  Mufique  moderne. 

Nos  anciens  Muficiens  ne  reconnoiffoient  que  deux  efpeces 
de  Mefure  ou  de  Tems  ;  l'une  à  trois  Tems  ,  qu'ils  appel- 
aient Mefure  parfaite  ;  l'autre  à  deux  ,  qu'ils  traitoient  de 
Mefure  imparfaite  ,  &c  ils  appelloient  Tems  ,  Alodes  ou  Pro- 
fanons ,  les  fignes  qu'ils  ajoutoient  à  la  Clef  pour  déter- 
miner l'une  ou  l'autre  de  ces  Mefures.  Ces  fignes  ne  fer- 
voient  pas  à  cet  unique  ufage  comme  ils  font  aujourd'hui  ; 
mais  ils  fixoient  auffi  la  valeur  relative  des  Notes  ,  comme 
on  a  déjà  pu  voir  aux  mots  Mode  Se  Prolation  ,  par  rap- 
port à  la  Maxime  ,  à  la  Longue  &  à  la  femi  -  Brève;  A 
l'égard  de  la  Brève  ,  la  manière  de  la  divifer  écoit  ce  qu'ils 
appelloient  plus  précifemenr  Tems  ,  &z  ce  Tems  étoit  parfait 
ou  imparfait. 

Quand  le  Tems  étoit  parfait ,  la  Brève  ou  Qu.irrce  valoir, 
trois  Rondes  ou  femi-  Brèves  ;  &  ils  iudiquoienr  cela  p.ir 
un  cercle  entier  ,  barré  ou  non  barré ,  &  quelquefois  cnccrc 
par  ce  chiffre  tompofé  t 


T    E    M  7li 

Quand  le  Tems  croit  imparfait  ,  la  Brève  ne  valoir  que 
deux  Rondes;  &.  cela  fe  marquoit  par  un  demi -cercle  ou 
C.  Quelquefois  ils  rournoienr  le  C  à  rebours;  &  cela  mar- 
quoit une  diminution  de  moitié  fur  la  valeur  de  chaque 
Note.  Nous  indiquons  aujourd'hui  la  même  chofe  en  barrant 
le  C.  Quelques  -  uns  ont  auffi  appelle  Tems  mineur  cette 
Mefure  du  C  barré  où  les  Notes  ne  durent  que  la  moitié 
de  leur  valeur  ordinaire  ,  &  Tems  majeur  celle  du  C  plein 
ou  de  la  Mefure  ordinaire  à  quatre  Tems. 

Nous  avons  bien  retenu  la  Mefure  triple  des  Anciens  de 
même  que  la  double  ;  mais  par  la  plus  étrange  bizarrerie 
de  leurs  deux  manières  de  divifer  les  Notes  ,  nous  n'avons 
retenu  que  la  fous  -  double  ,  quoique  nous  n'ayons  pas  moins 
befoin  de  l'autre  ;  de  forte  que  ,  pour  divifer  une  Mefure 
ou  un  Tems  en  trois  parties  égales  ,  les  fignes  nous  man- 
quent ,  &  à  peine  fait  -  on  comment  s'y  prendre.  Il  fdut 
recourir  au  chiffre  3  &  à  d'autres  expédiens  qui  montrent 
l'infuffifance  des  fignes.  (  Voyez  Triple.  ) 

Nous  avons  ajouté  aux  anciennes  Mufiques  une  combi- 
naifon  de  Tems,  qui  efi  la  Mefure  à  quatre;  mais  comme 
elle  fc  peut  toujours  réfoudre  en  deux  Mefures  a  deux  ,  on 
peut  dire  que  nous  n'avons  abfolument  que  deux  Tems  Se 
trois  Tems  pour  parties  aliquotes  de  coûtes  nos  différentes 
Mefures. 

11  y  a  autant  de  différentes  valeurs  de  Tems  qu'il  y  a  de 
fortes  de  Mefures  &  de  modifications  de  Mouvement.  Mais 
quand  une  fois  la  Mefure  &  le  Mouvement  font  déterminés  , 
toutes  les  Mefures  doivent  être  parfaitement  égales,  &  tous 

Xxxx  1 


7,6  T    E    M 

les  Teins  de  chaque  Mefure  parfaitement  égaux  entPeux.  Or  f 
pour  rendre  fenfible  cette  égalité  ,  on  frappe  chaque  Mefure 
&  l'on  marque  chaque  Tems  par  un  mouvement  de  la  main 
ou    du  pied  ,  &   fur  ces    mouvemens   on  règle  exactement 
les   différentes  valeurs  des   Notes  ,  félon  le  caractère   de   la 
Mefure.  C'efr.   une  chofe  étonnante  de  voir  avec  quelle  pré- 
cifion   l'on  vient  à  bout ,  à  l'aide   d'un  peu  d'habitude  ,  de 
marquer   &  de   fuivre  tous  les    Tems   avec    une  fi   parfaite 
égalité  ,  qu'il  n'y  a  point  de  pendule  qui  furpaîTe  en  jultelfe 
la  main  ou  le  pied  d'un  bon  Muficien  ,  &  qu'enfin  le  fen- 
timent  feul  de  cette  égalité  ÇaPÀt  pour  le   guider  &  fupplée 
à  tout  mouvement  fenfible  ;  en  forte  que  dans   un  Concert 
chacun    fuit    la    même   Mefure  avec    la   dernière  précifîon  r 
fans  qu'un  autre  la  marque  &  fans   la  marquer  foi  -  même. 
Des  divers    Tems   d'une    Mefure  ,  il  y  en  a  de  plus  fenfi- 
bles  ,  de    plus    marqués    que    d'autres  ,  quoique    de   valeurs 
égales.  Le  Tems  qui  marque  davantage  s'appelle  Tems  fort  > 
celui  qui  marque  moins  s'appelle    Tems  foible  :  c'elt  ce  que 
M.  Rameau  ,  dans  fbn  Traité  d'Harmonie  ,  appelle  Tems  bon 
&  Tems  mauvais.  Les    Tems  forts  font  ,  le  premier  dans  la 
Mefure  à   deux    Tems  ;   le   premier  ôc  le  troiiieme  dans  les 
Mefures  a  trois  &  quatre.  A  l'égard  du  fécond   Tems  ,  il  tiï 
toujours  foible  dans  toutes  les  Mefures,  &  il  en  elt  de  mcniu 
du  quatrième  dans  la  Mefure  à  quatre    Tems. 

Si  l'on  fubdivife  chaque  Tems  en  deux  autres  parties  éga- 
les ,  qu'on  peut  encore  appeller  Tems  ou  demi  -  Tems  ,  on 
aura  derechef  Tems  fort  pour  la  première  moitié,  Tems  foible 
pour    la    féconde  ,  &  il   n'y  a  point  de  partie   d'un    Tems 


T    E    M  7I7 

qu'on  ne  puilîe  fubdivifer  de  la  même  manière.  Toute  Noce 
qui  commence  fur  le  Tems  foibk  &  finit  fur  le  Ttms  fort 
elt  une  Note  à  contre  -  Tans  ;  &  parce  qu'elle  heurte  & 
choque  en  quelque  façon  la  Mefure  ,  on  l'appelle  Syncope, 
(  Voyez  Svncopk  ) 

Ces  obfervations  font  néceflaires  pour  apprendre  à  bien 
traiter  les  Dilfonances.  Car  toute  Dilibnance  bien  préparée 
doit  l'être  fur  le  Tems  foible  ,  &  frappée  fur  le  Tems  fort  ; 
excepté  cependant  dans  des  fuites  de  Cadences  évitées  où 
cette  règle  ,  quoiqu'applicable  à  la  première  Dilibnance  » 
ne  l'eit  pas  également  aux  autres.  (  Voyez  Dissonance  y 
Préparer.  ) 

TENDREMENT.  Cet  adverbe  écrit  à  la  tête  d'un  Air 
indique  un  Mouvement  lent  ôc  doux  ,  des  Sons  filés  gra- 
cieufement  &  animés  d'une  exprefïïon  tendre  &  touchante. 
Les  Italiens  fe  fervent  du  mot  Amorofo  pour  exprimer  à- 
peu-près  la  même  chofe  :  mais  le  caractère  de  V Amorofo  a 
plus  d'accent ,  &  refpire  je  ne  fais  quoi  de  moins  fade  &  de 
plus  pafïionné. 

TENEDIUS.  Sorte  de  Nome  pour  les  Flûtes  dans  l'an- 
cienne Mufique    des  Grecs. 

TENEUR,//^  Terme  de  Plain  -Chant  qui  marque  dans 
la  Pfalmodie  la  partie  qui  règne  depuis  la  fin  de  l'Intona- 
tion jufqu'à  la  Médiation  ,  Ôc  depuis  la  Médiation  jufqu'à 
la  Terminaifon.  Cette  Teneur  ,  qu'on  peut  appeller  la  Do- 
minante de  la  Pfalmodie  ,  elt  prefque  toujours  fur  le 
même  Ton. 

TENOR.   (  Voyez  Taille.  )  Dans  les  commencemens 


7i8  T    E    N 

du  Contre  -  point ,  on  donnoit  le  nom  de  Ténor  à  la  Partie 
la  plus  bafle. 

TENUE ,  f.f.  Son  foutenu  par  une  Partie  durant  deux  ou 
plufieurs  Mefjres  ,  tandis  que  d'autres  Parties  travaillent. 
(  Voyez  Mesure  ,  Travailler.  )  Il  arrive  quelquefois,  mais 
rarement,  que  toutes  les  Parties  font  des  Ténues  à  la  fois  ; 
&  alors  il  ne  faut  pas  que  la  Tenue  foit  fi  longue  que  le 
fentiment  de  la  Mefure  s'y  laiiTe  oublier. 

TETE.  La  Tête  ou  le  corps  d'une  Note  eft  cette  partie 
qui  en  détermine  la  poficion  ,  &  à  laquelle  tient  la  Queue 
quand  elle  en  a  une.  (  Voyez  Queue.  ) 

Avant  l'invention  de  l'imprimerie  les  Notes  n'avoient  que 
des  Têtes  noires  :  car  la  plupart  des  Notes  étant  quarrées  , 
il  eût  été  trop  long  de  les  faire  blanches  en  écrivant.  Dans 
l'impreflion  l'on  forma  des  Têtes  de  Notes  blanches,  c'efè-à- 
dire ,  vides  dans  le  milieu.  Aujourd'hui  les  unes  &  les  autres 
font  en  ufage  ,  &  ,  tout  le  refte  égal  ,  une  Tête  blanche 
marque  toujours  une  valeur  double  de  celle  d'une  Tête  noire. 
(  Voyez  Notes  ,  Valeur  des  Notes.  ) 

TETRACORDE  ,  f.  m.  C'étoit ,  dans  la  Mufique  an- 
cienne ,  un  ordre  ou  fyftcme  particulier  de  Sons  dont  les 
Cordes  extrêmes  fonnoient  la  Quarte.  Ce  fyflcme  s'appelloit 
Têtracorde  ,  parce  que  les  Sons  qui  le  compoibient ,  étoient 
ordinairement  au  nombre  de  quatre  ;  ce  qui  pourtant  n'étoit 
pas   toujours  vrai. 

Nicomaque  ,  au  rapport  de  Boëce ,  dit  que  la  Mufique 
dans  fa  première  Gmplicité  n'avoit  que  quatre  Sons  ou  Cordes 
dont    les   deux   extrêmes   fonnoient   le   Diapafon   cntr'ellcs , 


TET  7:9 

tandis  que  les  deux  moyennes  disantes  d'un  Ton  l'une  de 
l'autre  ,  fonnoient  chacune  la  (Quarte  avec  l'extrême  dont  elle 
étoit  la  plus  proche  ,  &  la  Quinte  avec  celle  don:  cil?  droit 
la  plus  éloignée.  Il  appelle  cela  le  Tétracorde  de  Mercure,  du 
nom  de  celui  qu'on  en  difoit  l'inventeur. 

Bocce  dit  encore  qu'après  l'addition  de  trois  Cordes  f 
par  différens  Auteurs  ,  Lychaon  Samien  en  ajouta  une  hui- 
tième qu'il  plaça  entre  la  Trice  cv  la  Paramèfe  ,  qui  eteient 
auparavant  la  même  Corde  ;  ce  qui  rendit  TOctacorde  conv- 
plet  &  compofe  de  deux  Tétracordes  disjoints ,  de  conjoints 
qu'ils  étoient  auparavant  dans  l'Eptacorde. 

J'ai  confultc  l'ouvrage  de  Nicomaque  ,  «Se  il  me  femble 
qu'il  ne  dit  point  cela.  Il  dit  au  contraire  que  Pythagore 
ayant  remarqué  que  bien  que  le  Son  moyen  des  deux  2e- 
tracordes  conjoints  fonnât  la  Confonnance  de  la  Quarte  avec 
chacun  des  extrêmes,  ces  extrêmes  comparés  entr'eux  étoient 
toutefois  dilfonans  :  il  inféra  entre  les  deux  Tétracordes  une 
huitième  Corde  ,  qui  ,  les  divifant  par  un  Ton  d'Intervalle  r 
fuMtitua  le  Diapafon  ou  l'Oclave  à  la  Septième  entre  leurs 
extrêmes,  &  produifit  encore  une  nouvelle  Confonnance  entre 
chacune  des  deux  Cordes  moyennes  &  l'extrême  qui  lui  étoic 
c-ppo  fée- 
Sur  la  manière  dont  fê  fit  cette  addition  ,  Nicomaque  & 
Bocce  font  tous  deux  également  embrouilLs  ,  ce  non  contens 
de  fe  contredire  entr'euv,  chacun  d'eux  fe  contredit  encore 
lui-même.   (Voyez  Système,  Trite  ,   ParàMÈSE.  ) 

Si  l'on  avoit  égard  à  ce  que  difent  Bocce  ce  d'autres  plus 
anciens  écrivains  ,    on  ne  pourroit  donner  de  bornes  îixes  b. 


7zo  TET 

l'étendue  du  Tétracorde  :  mais  foit  que  l'on  compte  ou  que 
l'on  pefe  les  voix  ,  on  trouvera  que  la  définition  la  plus 
exacte  eit  celle  du  vieux  Bacchius ,  &  c'eft  aufïi  celle  que  j'ai 
préférée. 

En  effet  ,  cet  Intervalle  de  Quarte  eft  effentiel  au  Tetra- 
corde  ;  c'eft  pourquoi  les  Sons  extrêmes  qui  forment  cet 
Intervalle  font  appelles  immuables  ou  fixes  par  les  Anciens , 
au  lieu  qu'ils  appellent  mobiles  ou  changeans  les  Sons  moyens, 
parce  qu'ils  peuvent  s'accorder  de  pluficurs  manières. 

Au  contraire  le  nombre  de  quatre  Cordes  d'où  le  Tétra- 
corde  a  pris  fon  nom  ,  lui  eft  fi  peu  effentiel  ,  qu'on  voit  , 
dans  l'ancienne  Mufique  ,  des  Tétracordes  qui  n'en  avoient 
que  trois.  Tels  furent ,  durant  un  tems  ,  les  Tétracordes  en- 
harmoniques. Tel  étoit ,  félon  Meibomius ,  le  fécond  Tetra- 
corde  du  fyltéme  ancien  ,  avant  qu'on  y  eût  inféré  une  nou- 
velle Corde. 

Quant  au  premier  Têtracorde  ,  il  étoit  certainement  com- 
plet avant  Pythagore  ,  ainfi  qu'on  le  voit  dans  le  Pythagori- 
cien Nicomaque  ;  ce  qui  n'empêche  pas  M.  Rameau  d'affir- 
mer que  ,  félon  le  rapport  unanime  ,  Pythagore  trouva  le  Ton , 
le  Diton ,  le  femi-Ton  ,  &  que  du  tout  il  forma  le  Tetra- 
corde  diatonique;  (notez  que  cela  feroit  un  Pentacorde  :  )  au 
lieu  de  dire  que  Pythagore  trouva  feulement  les  raifons  de 
ces  Intervalles  ,  lefqucls  ,  félon  un  rapport  plus  unanime  , 
étoient  connus  long-tems  avant  lui. 

Les  Tétracordes  ne  relièrent  pas  long-tems  bornés  au 
nombre  de  deux  ;  il  s'en  forma  bientôt  un  rroificme  ,  puis 
un  quatrième  ;  nombre  auquel  le  fyltéme  des  Grecs  de- 
meura fixé.  Tous 


TET  7iT 

Tous  ces  Tétracordes  étoient  conjoints  ;  c'eft-à-dire ,  que 
la  dernière  Corde  du  premier  fervoit  toujours  de  première 
Corde  au  fécond  ,  &  ainfi  de  fuite  ,  excepté  un  feul  lieu  à 
l'aigu  ou  au  grave  du  troifieme  Tétracorde  ,  où  il  y  avoit 
Disjonction  ,  laquelle  ( voyez  ce  mot)  mettoit  un  Ton  d'In- 
tervalle entre  la  plus  haute  Corde  du  Tétracorde  inférieur  ik  la 
plus  baffe  du  Tétracorde  fupérieur.  (Voyez  Svn.M'hi:  ,  Dia.- 
zeuxis. )  Or,  comme  cette  Disjonction  du  troifieme  Tira- 
corde  fe  faifoit  tantôt  avec  le  fécond,  tantôt  avec  le  quatrième, 
cela  fit  approprier  à  ce  troifieme  Tétracorde  un  nom  parti- 
culier pour  chacun  de  ces  deux  cas.  De  forte  que ,  quoiqu'il 
n'y  eût  proprement  que  quatre  Tétracordes ,  il  y  avoit  pour- 
tant cinq  dénominations.  (  Voyez  PL  H.  Fig.  i.  ) 

Voici  les  noms  de  ces  Tétracordes.  Le  plus  grave  des 
quatre ,  &  qui  fe  trouvoit  place  un  Ton  au-deffus  de  la  Corde 
Prollambanomene ,  s'appelloit  le  Tétracorde -Hypaton  ,  ou 
des  principales  ;  le  fécond  en  montant ,  lequel  étoit  toujours 
conjoint  au  premier,  s'appelloit  le  Tétracorde  -  Méfbn  ,  ou 
des  moyennes  ;  le  troifieme  ,  quand  il  étoit  conjoint  au  fécond 
&  féparé  du  quatrième,  s'appelloit  le  Tétracorde  Synnéménon% 
ou  des  Conjointes  ;  mais  quand  il  étoit  féparé  du  fécond  «5c 
conjoint  au  quatrième  ,  alors  ce  troifieme  Tétracorde  pre- 
noit  le  nom  de  Dié\cugménon  ,  ou  des  Divifées.  Enfin  ,  le 
quatrième  s'appelloit  le  Tétracorde  -  Hyperboléon  ,  ou  des 
excellentes.  L'Arétin  ajouta  à  ce  fyltémc  un  cinquième  Té* 
tracorde  que  Meibomius  prétend  qu'il  ne  lit  que  rétablir. 
Quoi  qu'il  en  foit  ,  les  fyltêmes  particuliers  des  Tétracordes 
firent  enfin  place  à  celui  de  l'Octave  qui  les  fournit  tous. 

Dicl.  de  Mufiauc,  Y  y  y  y 


7n  TET 

Les  deux  Cordes  extrêmes  de  chacun  de  ces  Tétracordes 
étoient  appellées  immuables ,  parce  que  leur  Accord  ne  chan- 
geoit  jamais  ;  mais  ils  contenoienc  aufli  chacun  deux  Cordes 
moyennes  ,  qui ,  bien  qu'accordées  femblablement  dans  tous 
les  Tétracordes  ,  étoient  pourtant  fujettes  ,  comme  je  l'ai 
dit,  à  être  haufTces  ou  baiffées  félon  le  Genre  &  même  félon 
l'efpece  du  Genre  ;  ce  qui  fe  faifoit  dans  tous  les  Tétracordes 
également  :  c'eit  pour  cela  que  ces  Cordes  étoient  appellées 
moèiles. 

Il  y  avoit  fix  efpeces  principales  d'Accord  ,  félon  les  Arif- 
toxéniens  ;  favoir ,  deux  pour  le  Genre  Diatonique  ,  trois  pour 
le  Chromatique,  &  une  feulement  pour  l'Enharmonique.  (Voy. 
ces  mots.  )  Ptolomée  réduit  ces  fix  efpeces  à  cinq.  (  Voyez 
PL  M.  Fig.  5.  ) 

Ces  diverfes  efpeces ,  ramenées  à  la  pratique  la  plus  com- 
mune ,  n'en  formoient  que  trois ,  une  par  Genre. 

I.  L'Accord  diatonique  ordinaire  du  Tétracorde  formoit 
trois  Intervalles  ,  dont  le  premier  étoit  toujours  d'un  femi- 
Ton  ,  &  les  deux  autres  d'un  Ton  chacun  ,  de  cette  manière  : 
mi  ,  fa  ,  fol ,  la. 

Pour  le  Genre  Chromatique  ,  il  faloit  bairti-r  d'un  femi- 
Ton  la  troifieme  Corde ,  &  l'on  avoit  deux  fcmi-Tons  con- 
fécutifs  ,  puis  une  Tierce  mineure  :  mi  ,  j'a  ,  fa  Dièfe  ,  la. 

Enfin  pour  le  Genre  Enharmonique  ,    il  faloit  baifler  les 

deux  Cordes  du   milieu  jufcju'à  ce  qu'on  eût  deux  quarts-de- 

/    n  confécurifs  ,  puis  une  Tierce  majeure  :  Mi ,  mi  demi- 

Dicfe  ,  /.';  ,  la  ;  ce  qui  donnoit  entre  le  mi  Dièfe  êv  le  fa  un 

véritable  Intervalle  enharmonique. 


TET  ?H 

Les  Cordes  femblablcs  ,  quoiqu'elles  fc  folriaffent  par  les 
mêmes  fyllabes ,  ne  portoient  pas  les  mêmes  noms  dans  tous 
les  Tétracordcs ,  mais  elles  avoient  dans  les  Tétracordt s  graves 
des  dénominations  différentes  de  telles  qu'elles  avoient  dans 
les  Tétracordcs  aigus.  On  trouvera  toutes  ces  différentes  dé- 
nominations dans  la  Fig.  i.  de  la  PL  H. 

Les  Cordes  homologues  ,  confidérées  comme  telles ,  por- 
toient des  noms  génériques  qui  exprimoient  le  nippon 
leur  pofition  dans  leurs  Tétracordcs  refpectifs  :  ainfi  l'on 
donnoit  le  nom  de  Barypycni  aux  premiers  Sons  de  l'Inter- 
valle ferré,  c'elt-à-dire  ,  au  Son  le  plus  grave  de  chaque 
Tétracorde  ;  de  Méfopycni  aux  féconds  ou  moyens,  àCOxypy  cni 
aux  troifiemes  ou  aigus  ;  6c  dV//1}  cni  à  ceux  qui  ne  touchoient 
d'aucun  côté  aux  Intervalles  ferrés.   (  Voyez  Système.  ) 

Cette  divilion  du  fyltême  des  Grecs  par  Tétracordcs  fem- 
blables  ,  comme  nous  diviibns  le  nôtre  par  Octaves  fem- 
blablement  divifées ,  prouve  ,  ce  me  femble  ,  que  ce  fyltême 
n'avoit  été  produit  par  aucun  fentiment  d'Harmonie  ,  mais 
qu'ils  avoient  tâché  d'y  rendre  par  des  Intervalles  plus  ferrés 
les  inflexions  de  voix  que  leur  tangue  fonore  6c  harmonieuiè 
donnoic  à  leur  récitation  foutenue ,  6c  fur -tout  à  celle  <'e 
leur  Poéfie  ,  qui  d'abord  fut  un  véritable  Chant  ;  de  forte 
que  la  Mufique  n'étoit  alors  que  l'Accent  de  la  parole  c\:  ne 
devint  un  Art  féparé  qu'après  un  long  trait  de  tems.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  il  e(t  certain  qu'ils  bornoient  leurs  divifions 
primitives  à  quatre  Cordes  ,  dont  toutes  les  autres  n'étoient 
que  les  Répliques  ,  6c  qu'ils  ne  regardoient  tous  les  autres 
Tétracordcs   que  comme   autant  de  répétitions   du  premier, 

Yyyy  a 


7z4  TET 

D'où  je  conclus  qu'il  n'y  a  pas  plus  d'analogie  entre  leur 
fyf terne  &  le  nôtre  qu'entre  un  Tétracorde  &  une  Octave  , 
&  que  la  marche  .fondamentale  à  notre  mode  ,  que  nous 
donnons  pour  bafe  à  leur  fyftême  ,  ne  s'y  rapporte  en  aucune 
façon. 

i.  Parce  qu'un  Tétracorde  formoit  pour  eux  un  tout  aufïï 
complet  que  le  forme  pour  nous  une  Octave. 

2.  Parce  qu'ils  n'avoient  que  quatre  fyllabes  pour  folfier,' 
au  lieu  que  nous  en  avons  fept. 

3.  Parce  que  leurs  Tétracorde?  étoient  conjoints  ou  d'\C- 
îoints  à  volonté  ;  ce  qui  marquoit  leur  entière  indépendance 
refpective. 

4.  Enfin  ,  parce  que  les  divifions  y  étoient  exactement 
femblables  dans  chaque  Genre ,  &  fe  pratiquoient  dans  le 
même  Mode;  ce  qui  ne  pouvoit  fe  faire  dans  nos  idées 
par   aucune  Modulation  véritablement  harmonique. 

TËTRADIAPASON.  C'eft  le  nom  Grec  de  la  qua- 
druple Octave  ,  qu'on  appelle  aufîi  Vingt  -  neuvième.  Les 
Grecs  ne  connoifToient  que  le  nom  de  cet  Intervalle  ;  car 
leur  fyftême  de  Mufique  n'y  arrivent  pas.  (  Voyez  SYSTÈME») 

TÉTRATONON.  C'eft  le  nom  Grec  d'un  Intervalle  de 
quatre  Tons  ,  qu'on  appelle  aujourd'hui  Qiiinre  -fuperflue* 
(  Voyez  Quinti-.  ) 

TEXTE.  C'eft  le  Pocme,  ou  ce  font  les  paroles  qu'on 
met  en  Mufique.  Mais  ce  mot  eft  vieilli  dans  ce  lins,  & 
l'on  ne  dit  plus  le  Texte  chez  les  Muiïciens  ;  on  dit  les 
paroles.   (  Voyez  Parolss.  ) 

THE.  L'une  des  quatre  fyllabes  dont  les  Grecs  fe  (èrvoi 
pour  foliier.  (  Voyez   Souu.r.  ) 


THE  7î, 

THESIS ,  /  /  Abaiilement  ou  pofuicn.  C'eft  ainfi  qu'on 
appelloit  autrefois  le   Teins  fort  ou  le   frappé  de  la  Mcfure. 

THO.  L'une  des  quatre  fyllabes  dont  les  Grecs  fc  fer- 
voient  pour  follier.  (  Voyez  Solfikr.  ) 

TIERCE.  La  dernière  des  Confonnances  fimples  & 
directes  dans  Tordre  de  leur  génération  ,  ik  la  première  des 
deux  Confonnances  imparfaites.  (  Voyez  Consonnanck.  ) 
Comme  les  Grecs  ne  l'admettoient  pas  pour  Confonnante, 
elle  n'avoit  point ,  parmi  eux  ,  de  nom  générique  ;  mais 
elle  prenoit  feulement  le  nom  de  l'Intervalle  plus  ou  moins 
grand  t  dont  elle  étoit  formée.  Nous  l'appelions  Tiercz  parce 
que  fon  Intervalle  eft  toujours  compofé  de  deux  Degrés  ou 
de  trois  Sons  diatoniques.  A  ne  confidérer  les  Tierces  que 
dans  ce  dernier  fens,  c'eft-à-dire ,  par  leurs  Degrés,  on  en 
trouve  de  quatre  fortes  ;  deux  Conformantes  &c  deux  Dif- 
fonantes. 

Les  Confonnantes  font  ;  i°.  La  Tierce  majeure  que  les 
Grecs  appelloient  Diton  ,  compofée  de  deux  Tons ,  comme 
dW  à  mi.  Son  rapport  eft  de  4  à  5.  z°.  La  Tierce  mineure 
appellée  par  les  Grecs  HémiJit»n ,  &  compofce  d'un  Ton  ëc 
demi ,  comme  mi  fol.  Son  rapport  eft   de  5    à  6. 

Les  Tierces  diiïbnantes  font  :  i°.  La  Tierce  diminuée  , 
compofée  de  deux  femi-Tons  majeurs,  comme//  re  Bémol, 
dont  le  rapport  eft  de  115  a  144.  i°.  La  Tierce  fuperflue  , 
compofée  de  deux  Tons  &  demi ,  comme  fa  la  Dicfe  : 
fon  rapport  eft  96  a  115. 

Ce  dernier  Intervalle  ne  pouvant  avoir  lieu  dans  un  même 
Mode  ne  s'emploie    jamais,  ni  dans    l'Harmonie,    ni   dans 


7z6  r  i  e 

la  Mélodie.  Les  Italiens  pratiquent  quelquefois  ,  dans  le 
Chant ,  la  Tierce  diminuée ,  mais  elle  n'a  lieu  dans  aucune 
Harmonie  ,  &  voilà  pourquoi  lA.ccord  de  Sixte  fuperflue 
ne  fe  renverfe  pas. 

Les  Tierces  confonnantes  font  l'ame  de  l'Harmonie  ,  fur- 
tout  la  Tierce  majeure ,  qui  eft  fonore  &  brillante  :  la  Tierce 
mineure  eft  plus  tendre  &  plus  trille  ;  elle  a  beaucoup  de 
douceur  quand  l'Intervalle  en  eft  redoublé  ;  c'eft  -  à  -  dire  , 
qu'elle  fait  la  Dixième.  En  général  les  Tierces  veulent  être 
portées  dans  le  haut  ;  dans  le  bas  elles  font  fourdes  &  peu 
harmonieufes  :  c'eft  pourquoi  jamais  Duo  de  Baffes  n'a  fait 
un  bon  effet. 

Nos  anciens  Muficiens  avoient ,  fur  les  Tierces  ,  des  loix 
prefqu'auffi  féveres  que  fur  les  Quintes.  Il  étoit  défendu  d'en 
faire  deux  de  fuite  ,  même  d'efpeces  différentes ,  fur-tout 
par  mouvemens  femblables.  Aujourd'hui  qu'on  a  généra- 
lifé  par  les  bonnes  Loix  du  Mode  les  règles  particulières 
des  Accords  ,  on  fait  fans  faute ,  par  mouvemens  fem- 
blables ou  contraires ,  par  Degrés  conjoints  ou  disjoints  , 
autant  de  Tierces  majeures  ou  mineures  confécutives  que 
la  Modulation  en  peut  comporter,  &  l'on  a  des  Duo  fort 
agréables  qui,  du  commencement  à  la  lin  ,  ne  procèdent 
que  par  Tierces. 

Quoique  la  Tierce  entre  dans  la  plupart  des  Accords,  elle 
ne  donne  fon  nom  à  aucun  ,  fi  ce  n'eft  à  celui  que  quel- 
ques-uns appellent  Accord  de  Tierce-^  uartt  ,  &  que  nous 
connoiffons  plus  communément  fous  le  nom  de  Petite-Sixte. 
(Voyez  Acco&d,  Sixte.) 


T    I    E 

TIERCE  de  Picardie.  Les  Muficiens  appellent  ainfi,  pat 
plaifancerie  la  Tierce  majeure  donnée  ,  au  lieu  de  la  mineure, 
à  la  finale  d'un  morceau  compofé  en  Mode  mineur.  Comme 
l'Accord  parfait  majeur  eft.  plus  harmonieux  que  le  mineur, 
on  fe  faifoit  autrefois  une  loi  de  finir  toujours  fur  ce  pre- 
mier ;  mais  cette  finale  ,  bien  qu'harmonieufe  avoit  quel- 
que chofe  de  niais  &  de  mal-chantant  qui  l'a  fait  aban- 
donner. On  finit  toujours  aujourd'hui  par  l'Accord  qui 
convient  au  Mode  de  la  Pièce,  fi  ce  n'eft  lorfqu'on  veut 
palier  du  mineur  au  majeur  :  car  alors  la  finale  du  premier 
Mode  porte  élégamment  la  Tierce  majeure  pour  annoncer 
le  fécond. 

Tierce  de  Picardie  ;  parce  que  l'ufage  de  cette  finale  eft 
refté  plus  long-tems  dans  la  Mufique  d'Eglife ,  6c,  par  con- 
féquent  en  Picardie  ,  où  il  y  a  Mufique  dans  un  grand  nom- 
bre de  Cathédrales  ,  &  d'autres  Eglifes. 

TIRADE,  f.f.  Lorfque  deux  Notes  font  féparées  par  un 
Intervalle  disjoint,  &  qu'on  remplit  cet  Intervalle  de  tou- 
tes fes  Notes  diatoniques ,  cela  s'appelle  une  Tirade.  La 
Tirade  diffère  de  la  Fufée,  en  ce  que  les  Sons  intermédiaires 
qui  lient  les  deux  extrémités  de  la  Fufée  font  très-rapides, 
&  ne  font  pas  fenfibles  dans  la  Mefure ,  au  lieu  que  ceux 
de  la  Tirade  ,  ayant  une  valeur  fenfible,  peuvent  être  lents 
&  même  inégaux. 

Les  anciens  nommoient  en  Grec  àyuy)ç ,  &  en  latin  duc- 
tus,  ce  que  nous  appelions  aujourd'hui  Tirade;  &  ils  en  dif- 
tinguoient  de  trois  fortes.  î".  Si  les  Sons  fe  fuivoient  en 
montant,  ils  appelloieut  cela  iv6ùtt  ductus  reclus,  i°.  S'ils  il 


7i8  •      T    I    E 

fuivoient  en  defcendant ,  c'étoit  ànax.x'fA,7TToira ,  duclus  rever- 
tens.  30.  Que  fi  après  avoir  monté  par  Bémol,  ils  redefcen- 
doient  par  Béquarre ,  ou  réciproquement ,  cela  s'appelloit 
TrtptQtm,  duclus  circumcurrens.  (Voyez  Euthia  ,  Anacamp- 
tos  ,  Péripheres.  ) 

On  auroit  beaucoup  à  faire  aujourd'hui  que  la  Mufique  eft 
fi  travaillée,  fi  l'on  vouloit  donner  des  noms  à  tous  fes 
différens  paflages. 

TON.  Ce  mot  a  plufieurs  fens  en  Mufique. 

i°.  Il  fe  prend  d'abord  pour  un  Intervalle  qui  cara&érife 
le  fyftême  &  le  Genre  Diatonique.  Dans  cette  acception  il 
y  a  deux  fortes  de  Tons  ;  favoir ,  le  Ton  majeur ,  dont  le 
rapport  eft  de  8  à  9 ,  &  qui  réfulte  de  la  différence  de  la 
Quarte  à  la  Quinte;  &c  le  Ton  mineur,  dont  le  rapport  eft 
de  9  à  10,  &c  qui  réfulte  de  la  différence  de  la  Tierce 
mineure  à  la  Quarte. 

La  génération  du  Ton  majeur  &  celle  du  Ton  mineur  fe 
trouvent  également  à  la  deuxième  Quinte  re  commençant 
par  ut  :  car  la  quantité  dont  ce  re  furpaife  l'Octave  du  pre- 
mier ut  eft  juflemcnc  «.Lins  le  rapport  de  8  à  9 ,  &c  celle 
dont  ce  même  re  eft  furpaffé  par  mi  ,  Tierce  majeure  de 
cette  Oitavc ,  eft  dans  le   rapport  de   9  a  10. 

i°.  On  appelle  Ton  le  degré  d'élévation  que  prennent  les 
Voix  ou  fur  lequel  font  montés  les  Inftrumcns  ,  pour  exé- 
cuter la  Mufique.  C'eft  en  ce  fens  qu'on  dit,  dans  un  Con- 
cert ,  que  le  Ton  eft  trop  haut  ou  trop  bas.  Dans  les  Eglifls 
il  y  a  le  Ton  du  Chaur  pour  le  Plain-Chant.  Jl  y  a  pour 
la  Muiique  ,    Ton  de  Chapelle  &    Ton  d'Opéra,   Ce  dernier 

n'a 


TON 


7*9 


n'a  rien  de  fixe  ;  mais  en  France   il  eft  ordinairement  plus 
b.is   que  l'autre. 

3".  On  donne  encore  le  même  nom  à  un  Inftrument 
qui  fert  à  donner  le  Ton  de  l'Accord  à  tout  un  Orcheftre. 
C.t  Inftrument,  que  quelques-uns  appellent  auffi  Chorifte  , 
eft  un  ûfflet ,  qui ,  au  moyen  d'une  efpeçe  de  pifton  gra- 
dué,  par  lequel  on  alonge  ou  raccourcit  le  tuyau  à  voloi 
donne  toujours  à-peu-près  le  même  Son  fous  la  même  di- 
vifion.  Mais  cet  à-peu-pres ,  qui  dépend  des  variations  de 
l'air  ,  empêche  qu'on  ne  puiffe  s'affurer  d'un  Son  fixe 
qui  foit  toujours  exactement  le  même.  Peut-être ,  depuis 
qu'il  exifte  de  la  Mufique,  n'a-t-on  jamais  concerté  deux 
fois  fur  le  même  Ton.  M.  Diderot  a  donné  ,  dans  fes  prin- 
cipes d' Acoustique  ,  les  moyens  de  fixer  le  Ton  avec  beau- 
coup plus  de  précifion  ,  en  remédiant  aux  effets  des  varia- 
tions de   l'air. 

4°.  Enfin,  Ton  fe  prend  pour  une  règle  de  Modulation 
relative  à  une  Note  ou  Corde  principale  qu'on  appelle  Tout' 
que.    (Voyez  Tonique.  ) 

Sur  les   Tons  des  anciens ,  voyez  Mode. 

Comme  notre  Syftcme  moderne  elt  compofé  de  douze 
Cordes  ou  Son  différens,  chacun  de  ces  Sons  peut  lervir 
de  fondement  à  un  Ton,  c'eft-à-dire  ,  en  être  la  Tonique. 
Ce  font  déjà  douze  Tons  ;  &  comme  le  Mode  majeur  & 
U  Mode  mineur  font  applicables  à  chaque  Ton ,  ce  font 
^t-quatre  Modulations  dont  notre  Mufique  elt  fufcepcible 
fur  ces  douze   Tons.   (Voyez  Modulation.) 

Ces   Tons  différent  entr'eux  par   ks  divers    degrés   ds 
Dicî.  de  Mufique»  Zzzz 


73o  TON 

vation  entre  le  grave  &  l'aigu  qu'occupent  les  Toniques. 
Us  différent  encore  par  les  diverfes  altérations  des  Sons  & 
des  Intervalles  ,  produites  en  chaque  Ton  par  le  Tempéra- 
ment ;  de  forte  que ,  fur  un  Clavecin  bien  d'accord ,  une 
oreille  exercée  reconnoît  fans  peine  un  Ton  quelconque 
dont  on  lui  fait  entendre  la  Modulation  ;  &  ces  Tons  fe 
reconnoiiTent  également  fur  des  Clavecins  accordés  plus  haut 
ou  plus  bas  les  uns  que  les  autres  :  ce  qui  montre  que 
cette  connoiiïance  vient  du  moins  autant  des  diverfes  mo- 
difications que  chaque  Ton  reçoit  de  l'Accord  total ,  que  du 
degré  d'élévation  que  la  Tonique  occupe  dans  le  Clavier. 

De-là  naît  une  fource  de  variétés  &  de  beautés  dans  la 
Modulation.  De-là  naît  une  diverfîté  &  une  énergie  admi- 
rable dans  l'exprefïîon.  De-là  naît  enfin  la  faculté  d'exciter 
des  fentimens  différens  avec  des  Accords  femblables  frappés 
en  différens  Tons.  Faut-il  du  majcftueux ,  du  grave  ?  L'F  ut 
fa,ôc  les  Tons  majeurs  par  Bémol  l'exprimeront  noblement. 
Faut-il  du  gai ,  du  brillant  ?  Prenez  A  mi  la ,  D  la  re  ,  les 
Tons  majeurs  par  Dièfe.  Faut-il  du  touchant,  du  tendre? 
Prenez  les  Tons  mineurs  par  Bémol.  C  fol  ut  mineur  porte 
la  tendreffe  dans  l'ame  ;  F  ut  j'a  mineur  va  jufqu'au  lugubre 
&  à  la  douleur.  En  un  mot ,  chaque  Ton ,  chaque  Mode  y 
a  fon  expreffion  propre  qu'il  fcut  favoir  connoirre,  &  c'efr- 
là  un  des  moyens  qui  rendent  un  habile  Compoficeur  maitre, 
en  quelque  manière,  des  affections  de  ceux  qui  recourent: 
c'eft  une  efpece  d'équivalent  aux  Modes  anciens  ,  quoique 
fort  éloigné   de  leur  variété  &:  de  leur  énergie. 

Cvit  pourtant  de  cette  agréable  &  riche  diverfîté  que  M.. 


TON  lV 

Rameau  voudroîc  priver  la  Mufiquc ,  en  ramenant  une  éga- 
lité &  une  monotonie  entière  dans  l'Harmonie  de  chaque 
Mode ,  par  fa  règle  du  Tempérament  ;  règle  déjà  Ci  fouvent 
propofee  &  abandonnée  avant  lui.  Selon  cet  Auteur,  toute 
l'Harmonie  en  feroic  plus  parfaite.  Il  elt  certain ,  cependant , 
qu'on  ne  peut  rien  gagner  en  ceci  d'un  côté,  qu'on  ne  perde 
autant  de  l'autre;  &  quand  on  fuppoferoit  (ce  qui  n'eft  pas) 
que  l'Harmonie  en  général-  en  feroit  plus  pure;  cela  dédom- 
mageroit-il  de  ce  qu'on  y  perdrait  du  côté  de  l'expreflion  ? 
( Voyez  Tempérament.) 

TON  DU  QUART.  C'eft  ainfi  que  les  Organiftes  & 
Muficiens  d'Eglife  ont  appelle  le  Plagal  du  Mode  mineur  qui 
s'arrête  &  finit  fur  la  Dominante  au  lieu  de  tomber  fur  la 
Tonique.  Ce  nom  de  Ton  du  Quart  lui  vient  de  ce  que 
telle  eft  fpécialement  la  Modulation  du  quatrième  Ton  dans 
le  Plain-Chant. 

TONS  DE  L'EGLISE.  Ce  font  des  manières  de  Moduler 
le  Plain-Chant  fur  telle  ou  telle  finale  prife  dans  le  nombre 
preferit,  en  fuivant  certaines  règles  admifes  dans  toutes  les 
Eglifes  où  l'on  pratique  le  Chant  Grégorien. 

On  compte  huit  Tons  réguliers ,  dont  quatre  authentiques 
ou  principaux,  &  quatre  Plagaux  ou  Collatéraux.  On  appelle 
Tons  authentiques  ceux  où  la  Tonique  occupe  à-peu  prés  le 
plus  bas  Degré  du  Chant  ;  mais  fi  le  Chant  deLend  jufqu'à 
trois  Degrés  plus  bas  que  la  Tonique  ,  alors  le  Ton  eft 
Plagal. 

Les  quatre  Tons  authentiques  ont  leurs  finales  à  un  Degré 
l'une  de  l'autre  félon  l'ordre  de  ces  quatre  Notes,  rc  mi  fa 

7  ■'.  Y.  7.    ï. 


73?  TON 

fol.  Ainfi  le  premier  de  ces  Tons  répondant  au  Mode  Do- 
rien  des  Grecs ,  le  fécond  répond  au  Phrygien ,  le  troifieme 
à  rfJolien  (oc  non  pas  au  Lydien,  comme  difent  les  Sym- 
phoniuftes),  &  le  dernier  au  Mixo-Lydien.  C'eft  Saint  Miroclet 
Evcque  de  Milan ,  ou ,  félon  d'autres ,  Saint  Ambroife ,  qui 
vers  l'an  370,  choiiît  ces  quatre  Tons  pour  en  compofer  le 
Chant  de  l'Eglife  de  Milan;  &  c'eft,  à  ce  qu'on  dit,  le  choix 
&  l'approbation  de  ces  deux  Evêques,  qui  ont  fait  donner 
à  ces  quatre  Tons  le  nom  d'Authentiques. 

Comme  les  Sons,  employés  dans  ces  quatre  Tons,  n'occu- 
poient  pas  tout  le  Difdiapafon  ou  les  quinze  Cordes  de  l'an- 
cien Syftême  ,  Saint  Grégoire  forma  le  projet  de  les  employer 
tous  par  l'addition  de  quatre  nouveaux  Tons  qu'on  appelle 
Plagaux ,  lefquels  ayant  les  mêmes  Diapafons  que  les  précé- 
dons ,  mais  leur  finale  plus  élevée  d'une  Quarte  ,  reviennent 
proprement ,  à  l'Hyper-Dorien  ,  à  l'Hyper-Phrygien ,  à  l'Hy- 
per-EoIien,  &  à  l'Hyper-Mixo-Lydien.  D'autres  attribuent  à 
Guy  d'Arezzo  l'invention  de  ce  dernier. 

C'eft  de-là  que  les  quatre  Tons  Authentiques  ont  chacun 
un  Plagal  pour  collatéral  ou  fupplément  ;  de  forte  qu'après 
le  premier  Ton ,  qui  eft  authentique  ,  vient  le  fécond  Ton , 
qui  eft  fon  Plagal  ;  le  troifieme  Authentique  ,  le  quatrième 
Plagal,  &  ainfi  de  fuite.  Ce  qui  fait  que  les  Modes  ou  Tons 
Authentiques  s'appellent  auflî  impairs,  &  les  Plagaux  pairs, 
eu  égard  à  leur  place   dans  l'ordre   des  Tons* 

Le  difeernement  des  Tons  Authentiques  ou  Plagaux  eft 
indifpcnfable  à  celui  qui  donne  le  Ton  du  Chœur;  car  C\  le 
Chant  eft  dans  un  Ton  Plagal,  il  doit  prendre  la  finale  à- 


TON  733 

peu-près  dans  le  Médium  de  la  Voix  ;  &  fi  le  Ton  efl  Au- 
thentique ,  il  doit  la  prendre  dans  le  bas.  Faute  de  cette  ob- 
fervarion,  on  expofe  les  voix  à  le  forcer  ou  à  n'être  pas  en- 
rendues. 

Il  y  a  encore  des  Tons  qu'on  appelle  Mixtes;  c'eft-a-dire, 
mêles  de  l'Authente  &  du  Plagal,  ou  qui  font  en  partie  prin- 
cipaux &  en  partie  collatéraux  ;  on  les  appelle  auffi  Tons  ou 
Modes  communs.  En  ces  cas ,  le  nom  numéral  ou  la  déno- 
mination du  Ton  fe  prend  de  celui  des  deux  qui  domine  , 
ou  qui  fe  fait  fentir  le  plus  ,  fur-tout  à  la  tin  de  la  Pièce. 

Quelquefois  on  fait  dans  un  Ton  des  tranfpofitions  à  la 
Quinte  :  ainfi  au  lieu  de  re  dans  le  premier  Ton  ,  l'on  aura 
la  pour  finale  ,  fi  pour  mi ,  ut  pour  fa  ;  &  ainfi  de  fuite. 
Mais  fi  l'ordre  &  la  Modulation  ne  changent  pas  ,  le  Ton 
ne  change  pas  non  plus,  quoique  pour  la  commodité  des 
Voix  la  finale  foit  tranfpofée.  Ce  font  des  obfervations  à 
faire  pour  le  Chantre  ou  l'Organise  qui  donne  l'Intonation. 

Pour  approprier ,  autant  qu'il  eft  poffible ,  l'étendue  de  tous 
ces  Tons  à  celle  d'une  feule  Voix ,  les  Organises  ont  cher- 
ché les  Tons  de  la  Mufique  les  plus  correfpondans  à  ceux- 
là.  Voici  ceux  qu'ils  ont  établis. 

Premier  Ton Re  mineur. 

Second  Ton Sol  mineur. 

Troifieme   Ton.     .     .     .    La  mineur  ou  Sol. 

_        .  _,  5  La  mineur  ,  finiflant  fur  la 

Quatrième  Ton.    .     .     .£  Dominante. 

Cinquième  Ton.    .    .    .    Ut  majeur  ou  Re, 


734  TON 

Sixième  Ton Fa  majeur. 

Septième  Ton Re  majeur. 

Huitième  Ton I  So1  maJeur  >  en  *»&*  fenrir 

\  le  Ton  d'ut. 


On  auroit  pu  réduire  ces  huit  Tons  encore  à  une  moin- 
dre étendue  en  mettant  à  l'Unifîbn  la  plus  haute  Note  de 
chaque  Ton ,  ou,  fi  l'on  veut,  celle  qu'on  rebat  le  plus,  & 
qui  s'appelle,  en  terme  de  Plain-Chant ,  Dominante  :  mais 
comme  on  n'a  pas  trouvé  que  l'étendue  de  tous  ces  Tons 
ainfi  réglés  excédât  celle  de  la  voix  humaine  ,  on  n'a  pas 
jugé  à  propos  de  diminuer  encore  cette  étendue  par  des  Tranf- 
pofitions  plus  difficiles  &  moins  harmonieufes  que  celles  qui 
font  en  ufage. 

Au  refte,  les  Tons  de  PEglif:  ne  font  point  afferis  aux 
loix  des  Tons  de  la  Mufique  ;  il  n'y  eft  point  queflion  de  Mé- 
diante  ni  de  Note  fenfible ,  le  Mode  y  eft  peu  déterminé, 
&  on  y  laifTe  les  femi-Tons  où  ils  fe  trouvent  dans  l'ordre 
naturel  de  l'Echelle  ;  pourvu  feulement  qu'ils  ne  produifent 
ni  Triton  ni   FaiifTe-Quinte  fur  la  Tonique. 

TONIQUE ,  f.  f.  Nom  de  la  Corde  principale  fur  laquelle 
le  Ton  eft  établi.  Tous  les  Airs  finiuent  communément  par 
cette  Note,  fur-tout  à  la  Baffe.  C'eft  l'efpece  de  Tierce  que 
porte  la  Tonique  ,  qui  détermine  le  Mode.  Ainfi  l'on  peut 
compofer  dans  les  deux  Modes  fur  la  même  Tonique.  Enfin, 
les  Muficiens  reconnoifient  cette  propriété  dans  la  Tonique , 
que  l'Accord  parfait  n'appartient  rigoureufement  qu'à  < 
feule.  Lorfqu'on   frappe  cet  Accord  fur  Une  autn    Note;  ou 


T    O    U  755 

quelque  DifTonance  eft  fous-entendue  ,  ou  cette  Note  devient 
Tonique  pour  le   moment. 

Par  la  méthode  des  Tranfpoficions,  la  Tonique  porte  le 
nom  d'ut  en  Mode  majeur,  6c  de  la  en  Mode  mineur.  (V. 
Ton  ,  Mode  ,  Gamme,  Solfier,  Transposition,  Clefs 
transposees.  ) 

Tonique  eft  aufli  le  nom  donné  par  Arifloxène  à  Tune  des 
trois  efpeces  de  Genre  Chromatique  dont  il  explique  les  divi- 
sons ,  &  qui  eft  le  Chromatique  ordinaire  des  Grecs ,  pro- 
cédant par  deux  femi-Tons  confécurifs,  puis  une  Tierce  mineure. 
(  Voyez  Genres.) 

Tonique  eft  quelquefois  adjectif.  On  dit  Corde  tonique  , 
Note   tonique,   Accord  tonique,  Echo  tonique ,   &c. 

TOUS  &  en  Italien  TUTTI.  Ce  mot  s'écrit  fouvenc 
dans  les  parties  de  Symphonie  d'un  Concerto ,  après  cet  autre 
mot  Seul  ou  Solo  ,  qui  marque  un  Récit.  Le  mot  Tous  indi- 
que le  lieu  où  finit  ce  Récit,  &  où  reprend  tout  l'Orcheftre. 

TRAIT.  Terme  de  Plain-Chant ,  marquant  la  Pfalmodie 
d'un  Pfeaume  ou  de  quelques  verfets  de  Pfeaume ,  traînée  ou 
alongée  fur  un  Air  lugubre  qu'on  fubfticue  en  quelques  occa- 
fions  aux  Chants  joyeux  de  VAileluya  6c  des  Profes.  Le  Chant 
des  Traits  doit  être  compofé  dans  le  fécond  ou  dans  le  hui- 
tième Ton  ;  les  autres  n'y  font  pas  propres. 

TRAIT  ,  traclus ,  eft  aufli  le  nom  d'une  ancienne  figure 
de  Note  appellée  autrement  Pliçue.    (  Voyez  Pliqi'e.  ) 

TRANSITION,  /  /  C'eft ,  dans  le  Chant,  une  manière 
d'adoucir  le  faut  d'un  Intervalle  disjoint  en  inférant  des  Sons 
diatoniques  entre  ceux  qui  forment  cet  Intervalle. 


7i6 


T    R    A 


La  Tranjiùon  eft  proprement  une  Tirade  non  notée  ;  quel- 
quefois aufli  elle  n'eft  qu'un  Port-de- Voix ,  quand  il  s'agit 
feulement  de  rendre  plus  doux  le  partage  d'un  Degré  diato- 
nique. Ainfï ,  pour  parter  de  Yut  au  re  avec  plus  de  douceur , 
la   Tranfuion  fe  prend  fur  Vut. 

Tranjiùon  ,  dans  l'Harmonie  ,  eft  une  marche  fondamen- 
tale propre  à  changer  de  Genre  ou  de  Ton  d'une  manière 
fenfible ,  régulière  ,  &c  quelquefois  par  des  intermédiaires. 
Ainfi  ,  dans  le  Genre  Diatonique ,  quand  la  Balfe  marche 
de  manière  à  exiger,  dans  les  Parties,  le  partage  d'un  fe  mi- 
Ton  mineur  ,  c'eft  une  Tranfuion  chromatique.  (  Voyez 
Chromatique.  )  Que  û  l'on  parte  d'un  Ton  dans  un  autre 
à  la  faveur  d'un  Accord  de  Septième  diminuée  ,  c'eft  une 
Tranfuion  enharmonique.  (  Voyez  Enharmonique.  ) 

TRANSLATION.  C'eft ,  dans  nos  vieilles  Mufiques ,  le 
rranfport  de  la  lignification  d'un  Point  à  une  Note  féparée 
par  d'autres  Notes  de  ce  même  Point.  (  Voyez  Point.  ) 

TRANSPOSER ,  v.  a.  &  n.  Ce  mot  a  plufieurs  fens  en 
Mufique. 

Ou  Tranfpofe  en  cxccutant ,  lorfqu'on  rranfpofe  une  Pièce 
de  Mufique  dans  un  autre  Ton  que  celui  où  elle  eft  écrite. 
(Voyez  Transposition.) 

On  Tranfpofe  en  écrivant,  lorfqu'on  Note  une  Pièce  de 
Mufique  dans  un  autre  Ton  que  celui  où  elle  a  été  com- 
pofée.  Ce  qui  oblige  non-feulement  à  changer  la  polition  de 
toutes  les  Notes  dans  le  même  rapport,  mais  encore  a  armer 
la  Clef  diiiéremmtnt  félonies  règles  preferues  à  l'article  CUf 
tranj 

Enfin 


T    R    A 


73; 


Enfin  l'on  Tranfpofc  en  (binant  lorfque  ,  fans  avoir  égard 
au  nom  naturel  des  Notes  ,  on  leur  en  donne  de  relatifs  au 
Ton,  au  Mode  dans  lequel  on   chante.    (  Voyez  Solfier.  ) 

TRANSPOSITION.  Changement  par  lequel  on  tranfporte 
un  Air  ou  une  Pièce  de   Mufique  d'un  Ton  à  un  autre. 

Comme  il  n'y  a  que  deux  Modes  dans  notre  Mufique  , 
Compofer  en  tel  ou  tel  Ton  ,  n'eft  autre  chofe  que  fixer 
fur  telle  ou  telle  Tonique ,  celui  de  ces  deux  Modes  qu'on  a 
choifî.  Mais  comme  l'ordre  des  Sons  ne  fe  trouve  pas  natu- 
rellement difpofé  fur  toutes  les  Toniques  ,  comme  il  devroit 
l'être  pour  y  pouvoir  établir  un  même  Mode  ,  on  corrige 
ces  différences  par  le  moyen  des  Diéfes  ou  des  Bémols 
dont  on  arme  la  Clef,  &  qui  tranfporte  les  deux  femi- 
Tons  de  la  place  où  ils  étoient  ,  à  celle  où  ils  doivent  être 
pour   le    Mode    &   le    Ton    dont    il   s'agit.    (  Voyez    Clef 

TRANSPOSÉE.  ) 

Quand  on  veut  donc  tranfpofer  dans  un  Ton  un  Air  corn- 
pofé  dans  un  autre  ,  il  s'agit  premièrement  d'en  élever  ou 
abaiiTer  la  Tonique  &  toutes  les  Notes  d'un  ou  de  plufieurs 
Degrés  ,  félon  le  Ton  que  l'on  a  choifî  ,  puis  d'armer  la 
Clef  comme  l'exige  l'analogie  de  ce  nouveau  Ton.  Tout 
cela  elt  égal  pour  les  Voix  :  car  en  appellant  toujours  ut 
la  Tonique  du  Mode  majeur  &  la  celle  du  Mode  mineur , 
elles  fuivent  toutes  les  affections  du  Mode ,  fans  même  y 
fonger.  (Voyez  Solfier.)  Mais  ce  n'elt  pas  pour  un  Sym- 
phonifte  une  attention  légère  de  jouer  dans  un  Ton  ce  qui 
e(t  noté  dans  un  autre  ;  car  ,  quoiqu'il  fe  guide  par  les 
Notes  qu'il  a  fous  les  yeux  ,  il  faut  que  fes  doigts  en  ion- 
Dicl.  de  Mufique,  Aaaau 


73S  T    R    A 

nent  de  toutes  différentes  ,  &  qu'il  les  altère  tout  diflerem- 
ment  félon  la  différente  manière  dont  la  Clef  doit  être  armée 
pour  le  Ton  noté  ,  &  pour  le  Ton  tranfpofé  ;  de  forte  que 
fouvent  il  doit  faire  des  Dièfes  où  il  voit  des  Bémols  ,  & 
vice  verfà ,  &c. 

C'eft ,  ce  me  femble ,  un  grand  avantage  du  Syftême  de 
l'Auteur  de  ce  Dictionnaire  de  rendre  la  Mufique  notée  éga- 
lement propre  à  tous  les  Tons  en  changeant  une  feule  lettre. 
Cela  fait  qu'en  quelque  Ton  qu'on  tranfpofé  ,  les  Inftru- 
mens  qui  exécutent ,  n'ont  d'autre  difficulté  que  celle  de  jouer 
la  Note  ,  fans  avoir  jamais  l'embarras  de  la  Tranfpojition. 
(  Voyez  Notes.  ) 

TRAVAILLER  ,  v.  n.  On  dit  qu'une  Partie  travaille 
quand  elle  fait  beaucoup  de  Notes  &  de  Diminutions ,  tan- 
dis que  d'autres  Parties  font  des  Tenues  &  marchent  plus 
pofément. 

TREIZIEME.  Intervalle  qui  forme  l'Octave  de  la  Sixte 
ou  la  Sixte  de  l'Octave.  Cet  Intervalle  s'appelle  Trei\icme  , 
parce  qu'il  efr.  formé  de  douze  Degrés  diatoniques  ,  c'eft-à- 
dirc   de   treize   Sons. 

TREMBLEiMENT  ,  f.  m.  Agrément  du  Chant  que  les 
Italiens  appellent  Trillo ,  &  qu'on  défigne  plus  fouvent  en 
François  par  le  mot  Cadence.  (  Voyez  Cadbhcb.  ) 

On  employoit  auffi  jadis  le  terme  de  Tremblement  ,  en 
Italien  Trémolo,  pour  avertir  ceux  qui  jouoient  des  Inftrumens 
à  Archet,  de  battre  plufieurs  fois  la  Note  du  même  coup 
d'Archet,  comme  pour  imiter  le  Tremblant  de  l'Orgue.  Le 
nom  ni  la  chofc  ne  fout  plus  en  ufige  aujourd'hui. 


T    R    I  739 

TRIADE  HARMONIQUE ,  f.  f.  Ce  terme  en  Mufiquc 
a  deux  fens  différens.  Dans  le  calcul  ,  c'eft  la  proportion 
harmonique  ;  dans  la  pratique ,  c'eft  l'Accord  parfait  majeur 
qui  réfulte  de  cette  même  proportion  ,  &  qui  eft  compofc 
d'un  Son  fondamental ,  de  fa  Tierce  majeure  &  de  ù  Quinte. 

Triade  ,  parce  qu'elle  eft  compofée  de  trois  termes. 

Harmonique  ,  parce  qu'elle  eft  dans  la  proportion  harmo- 
nique ,  &  qu'elle  eft  la  fource  de  toute  Harmonie. 

TRIHEM1TON.  C'eft  le  nom  que  donnoient  les  Grecs 
a  l'Intervalle  que  nous  appelions  Tierce  mineure  ;  ils  l'ap- 
pelloient  aufïi  quelquefois  HémiJiton.  (Voy.  Hemi  ou  Semi.) 

TRILL  ou  Tremblement.  (Voyez  Cadence.) 

TRIMELES.  Sorte  de  Nome  pour  les  Flûtes  dans  l'an- 
cienne Mufique  des  Grecs. 

TRIME RES.  Nome  qui  s'exécutoit  en  trois  Modes  con- 
fécutifs  ;  favoir,  le  Phrygien,  le  Dorien ,  &  le  Lydien.  Les 
uns  attribuent  l'invention  de  ce  Nome  compofé  à  Sacadas 
Argien ,  &  d'autres  à  Clonas  Thégcate. 

TRIO.  En  Italien  Ter\stto.  Mufique  à  trois  Parties  prin- 
cipales ou  récitantes.  Cette  efpece  de  Composition  pafie  pour 
la  plus  excellente ,  &  doit  être  aufïi  la  plus  régulière  de  toutes. 
Outre  les  règles  générales  du  Contre -Point,  il  y  en  a  pour 
le  Trio  de  plus  rigoureufes  dont  la  parfaite  obfcrvatioa 
tend  à  produire  la  plus  agréable  de  toutes  les  Harmonies. 
Ces  règles  découlent  toutes  de  ce  principe  ,  que  l'Accord 
parfait  étant  compofc  de  trois  Sons  différens  ,  il  faut  dais 
chaque  Accord  ,  pour  remplir  l'Harmonie  ,  diftribuer  ces 
trois   Sons  ,  autant  qu'il  fe  peut ,  aux  trois  Parties  du  Trio, 

Aaaa  a  i 


74o  TRI 

A  l'égard  des  Diffonanccs ,  comme  on  ne  les  doit  jamais 
doubler  ,  &  que  leur  Accord  eit  compofé  de  plus  de  trois 
Son?}  c'eft  encore  une  plus  grande  néceffité  de  les  diverfifier, 
&  de  bien  choifir,  outre  la  Diffonance ,  les  Sons  qui  doivent, 
par  préférence,  l'accompagner. 

De  -  là  ,  ces  diverfes  règles,  de  ne  pafler  aucun  Accord 
fans  y  faire  entendre  la  Tierce  ou  la  Sixte ,  par  conféquenr 
d'éviter  de  frapper  à  la  fois  la  Quinte  &  l'Octave ,  ou  la 
Quarte  &  la  Quinte;  de  ne  pratiquer  l'Octave  qu'avec  beau- 
coup de  précaution ,  &  de  n'en  jamais  fonner  deux  de 
fuite  ,  même  entre  différentes  Parties  ;  d'éviter  la  Quarte 
autant  qu'il  fe  peut  :  car  toutes  les  Parties  d'un  Trio  ,  pri- 
fes  deux  à  deux ,  doivent  former  des  Duo  parfaits.  De-là  , 
en  un  mot  ,  toutes  ces  petites  règles  de  détail  qu'on  pra- 
tique même  fans  les  avoir  apprifes  ,  quand  on  en  fait  bien 
le  Principe. 

Comme  routes  ces  règles  font  incompatibles  avec  l'unité 
de  Mélodie  ,  &  qu'on  n'entendit  jamais  Trio  régulier  & 
harmonieux  avoir  un  Chant  déterminé  &  fenfible  dans  l'exé- 
cution ,  il  s'enfuit  que  le  Trio  rigoureux  clt  un  mauvais  genre 
de  Mufique.  Auffi  ces  règles  fi  féveres  font- elles  depuis  long- 
tems  abolies  en  Italie ,  où  l'on  ne  reconnoît  jamais  pour 
bonne  une  Mufique  qui  ne  chante  point  ,  quelque  harmo- 
nieufe  d'ailleurs  qu'elle  puiffe  être  ,  êv  quelque  peine  qu'elle 
ait  coûtée  à  compofer. 

On  doit  fe  rappeller  ici  ce  que  j'ai  dit  au  mot  Duo.  Cet 
termes  Duo  &  Trio  s'entendent  feulement  des  P. unes  prin- 
cipales &  obligées  ,  &  Ton  n'y  comprend  ni  les  Accompa* 


TRI  ,4I 

gnemens  ni  les  remplill'ages.  De  forre  qu'une  Muiique  à 
quatre  ou  cinq   Parties ,  peut  n'être   pourtant  qu'un  Trio. 

Les  François  ,  qui  aiment  beaucoup  la  multiplication  des 
Parties ,  attendu*  qu'ils  trouvent  plus  aifément  des  Accords 
que  des  Chants  ,  non  concens  des  dirHcultés  du  Trio  ordi- 
naire ,  ont  encore  imaginé  ce  qu'ils  appellent  Double- Ti -.  i  , 
dont  les  Parties  font  doublées  &  toutes  obligées  ;  ils  ont 
un  Double- Trio  du  fieur  Duché,  qui  paile  pour  un  Chef- 
d'œuvre  d'Harmonie. 

TRIPLE,  ad/.  Genre  de  Mefure  dans  laquelle  les  Mefu- 
res  ,  les  Tems  ,  ou  les  aliquotes  des  Tems  fe  divifent  en 
trois  parties  égales. 

On  peut  réduire  à  deux  clafles  générales  ce  nombre  infini 
de  Mefures  Triples  dont  Bononcini ,  Lorenzo ,  Penna  &  flrolfard 
après  eux  ,  ont  furchargé  ,  l'un  fon  Alujico  pratico  ,  l'autre 
fes  Albert  Aluficdli ,  &.  le  troifieme  fon  Dictionnaire.  Ces 
deux  Claires  font  la  Mefure  ternaire  ou  à  trois  Tems ,  &  la 
Mefure  binaire  dont  les  Tems  font  divifés  en  raifon  fous- 
triple. 

Nos  anciens  Muficiens  regardoient  la  Mefure  à  trois  Tems 
comme  beaucoup  plus  excellente  que  la  binaire  ,  &  lui  don- 
uoient ,  à  caufe  de  cela  ,  le  nom  de  Mode  parfait.  Nous 
avons  expliqué  aux  mots  Modes  ,  Tems ,  P rotation ,  les  dif- 
fierens  fignes  dont  ils  fe  fervoient  pour  indiquer  ces  Mefures, 
félon  les  divtrfes  valeurs  des  Notes  qui  les  remphllbienr  ; 
mais  quelles  que  fufTent  ces  Notes ,  des  que  la  Mefure  étoit 
T/iple  ou  parfaite  ,  il  y  avoit  toujours  une  efpece  de  Note 
qui ,  même  fans  Point  ,   rempliiioit  exactement  une  Mefure  , 


74i  TRI 

&  fe  fubdivifoic  en  trois  autres  Notes  égales  ,  une  pour  cha- 
que Tems.  Ainfi  dans  la  Triple  parfaite ,  la  Brève  ou  Quarrée 
valoit  ,  non  deux,  mais  trois  femi- Brèves  ou  Rondes;  & 
ainfi  des  autres  efpeces  de  Mefures  Triples.  Il  y  avoit  pour- 
tant un  cas  d'exception  ;  c'étoit  lorfque  cette  Brève  étoit 
immédiatement  précédée  ou  fuivie  d'une  femi -Brève;  car 
alors  les  deux  enfemble  ne  faifant  qu'une  Mefure  jufle ,  dont 
la  femi-Breve  valoit  un  Tems,  c'étoit  une  nécefîité  que  la 
Brève  n'en  valût  que   deux  ;   &  ainfi  des  autres  Mefures. 

C'eft  ainii  que  fe  formoient  les  Tems  de  la  Mefure  Triple: 
mais  quant  aux  fubdivifions  de  ces  mêmes  Tems  ,  elles  fe 
faifoient  toujours  félon  la  raifon  fous -double,  &  je  ne  con- 
nois  point  d'ancienne  Mulique  où  les  Tems  foient  divifés  en 
raifon  fous-Triple. 

Les  Modernes  ont  aufïï  plufieurs  Mefures  à  trois  Tems , 
de  différentes  valeurs  ,  dont  la  plus  fimple  fe  marque  par 
un  trois  ,  &  fe  remplit  d'une  Blanche  pointée  ,  faifant  une 
Noire  pour  chaque  Tems.  Toutes  les  autres  font  des  Mefures 
appellécs  doubles  ,  à  caufe  que  leur  ligne  eiè  compofé  de 
deux  Chiffres.  (  Voyez  Mksukk.  ) 

La  féconde  efpece  de  Triple  eft  ceile  qui  fe  rapporte ,  non 
au  nombre  des  Tems  de  la  Mefure  ,  mais  à  la  divrfion  de 
chaque  Tems  en  raifon  fous-Triple.  Cette  Mefure  eft,  comme 
je  viens  de  le  dire ,  de  moderne  invention  &  fe  fubdivife  en 
deux  efpeces,  Mefure  a  deux  Tems  &  Mefure  à  trois  Tems, 
dont  celles-ci  peuvent  être  coniidérées  comme  des  Mefures 
doublement  Triples;  favoir  i".  par  les  trois  tems  de  la  Me- 
fure, &  i".  par  les  trois  parties  égales  de  chaque  Tems.  Les 


TRI  74î 

Triples  de  cette  dernière  efpece  s'expriment  toutes  en  Mefures 
doubles. 

Voici  une  récapitulation  de  toutes  les  Mefures  Triples  en 
ufage  aujourd'hui.  Celles  que  j'ai  marquées  d'une  étoile  ne 
font  plus  gueres  ufitées. 

I.  Triples  de  la  première  efpece;  c'eft-i-dire ,  dont  la 
Mefure  eft  à  trois  Tems ,  &  chaque  Tems  divife  en  raiibn 
fous  -  double. 

*    -  * 

3  5  3  3  3 

3.       1  2  4  8  16 

II.  Triples  de  la  deuxième  efpece  ;  c'eft-à-  dire  ,  dont  la 
Mefure  eit  à  deux  Tems,  &  chaque  Tems  divife  en  raifon 

fous  -  Triple. 

*6  6  S  12  *i2 

248  8  16 

Ces  deux  dernières  Mefures  fe  battent  à  quatre  Tems. 

III.  Triples  compofées  ;  c'ef t-a-dire ,  dont  la  Mefure  eft  ;\ 
trois  Tems ,  &  chaque  Tems  encore  divife  en  trois  parles 
égales. 

9  9  9 

4  8  16 

Toutes  ces  Mefures  Triples  fe  réduifent  encore  plus  fim- 
plcment  à  trois  efpeces  ,  en  ne  comptant  pour  telles  que 
celles  qui  fe  battent  a  trois  Tems  ;  fivoir,  la  Triple  de 
131anch.es  ,  qui  contient  une  Blanche  par  Tems  &  fe  mar- 
que ainû  î. 


744 


TRI 


La  Triple  de  Noires  ,  qui  contient  une  Noire  par  Tems 
&  fe  marque  ainfi  \. 

Et  la  Triple  de  Croches  ,  qui  contient  une  Croche  par 
Tems  ou  une  Noire  pointée  par  Mcfure  &  fe  marque  ainfi  \. 

Voyez  au  commencement  de  la  Planche  B  des  exemples 
de  ces  diverfes  Mefures  Triples. 

TRIPLE,  adj.  Un  Intervalle  Triplé  efr.  celui  qui  efè  porté 
à  la  triple-Octave.  (  Voyez  Intervalle.  ) 

TRIP^UiM.  C'elt  le  nom  qu'on  donnoit  à  la  Partie  la 
plus  aiguë  dans   les  commencemens  du  Contre-Point. 

TRITE ,  f.  j.  C'étoit ,  en  comptant  de  l'aigu  au  grave  , 
comme  faifoient  les  Anciens  ,  la  troisième  Corde  du  Tétra- 
corde,  c'eit-à-dire,  la  féconde,  en  comptant  du  grave  à  l'aigu. 
Comme  il  y  avoit  cinq  différens  Tétracordes  ,  il  auroit  dû 
y  avoir  autant  de  Trites  ;  mais  ce  nom  n'étoit  en  ufage  que 
dans  les  trois  Tétracordes  aigus.  Pour  les  deux  graves ,  yoyez 
Parhvpate. 

Ainfi  il  y  avoit  Trite  Hyperboléon ,  Trite  Diézcugménon, 

&    Trite  Synncménon.  (Voyez  SYSTÈME  ,   1  1  TRACORDii.  ) 

Bocce  dit  que ,  le  Syllcmc  n'étant  encore  compofé  que  de 
deux  Tétracordes  conjoints,  on  donna  le  nom  de  Trite  a  la 
cinquième  Corde  qu'on  appelloit  auffi  Paramèfe  ;  c'eft-à-dire, 
à  la  féconde  Corde  en  montant  du  fécond  Tétracorde:  mais  que 
Lychaon  Samien  ayant  inféré  une  nouvelle  Corde  entre  la 
Sixième  ou  Paranete ,  ce  la  Trite,  celle tÇÎ  garda  le  feul  nom 
de  Trite  &  perdit  celui  de  Parai  .  qui  fut  donné  à  cetee 
nouvelle  Corde.  Ce  n'clt  pas-là  toi.;  ce  que  dit  H>  î 

mais  c'eft  ainli  qu'il  faut  l'expliquer  pour  l'entendre. 

TRIT 


T     R     I  7<5 

TRITON.  Intervalle  diffonant  compofé  de  trois  Tons  , 
deux  majeurs  &  un  mineur,  &  qu'on  peut  appcller  Oiiarte- 
Juperflue.  (  Voyez  Quarte.  )  Cet  Intervalle  eit  égal ,  fur  le 
Clavier,  a  celui  de  la  faufle-Quinte  :  cependant  les  rapports 
numériques  n'en  font  pas  égaux  ,  celui  du  Triton  n'étant 
que  de  31  à  45  ;  ce  qui  vient  de  ce  qu'aux  Intervalles  égaux, 
de  part  &  d'autre,  le  Triton  n'a  de  plus  qu'un  Ton  majeur,  au 
lieu  de  deux  femi-Tons  majeurs  qu'a  la  faude -Quinte.  (  Voy. 
Fausse -Quinte.  ) 

Mais  la  plus  confidérable  différence  de  la  famTe-Quince  & 
du  Triton  eit  que  celui-ci  eit  une  Dillbnance  majeure  que 
les  Parties  fauvent  en  s'éloignant  ;  &  l'autre  une  Difïbnance 
mineure  que  les  Parties  fauvent  en  s'approchant. 

L'Accord  du  Triton  n'eit  qu'un  renverfement  de  l'Accord 
fenfible  dont  la  Difïbnance  eit  portée  à  la  Bdffe.  D'où  il  fuit 
que  cet  Accord  ne  doit  fe  placer  que  fur  la  quatrième  Note 
du  Ton  ,  qu'il  doit  s'accompagner  de  Seconde  &  de  Sixte , 
&  fe  fauver  de  la  Sixte.  (Voyez  Sauver.) 

TIMBRE.    On  appelle  ainfi  ,  par  métaphore  ,  cette  qua- 
lité du  Son  par  laquelle  il  eft  aigre  ou  doux  ,  fourd  ou  écla- 
tant ,  fec  ou  moelleux.  Les  Sons  doux  ont  ordinairement  peu 
d'éclat ,  comme  ceux  de  la  Flûte  &c  du  Luth  ;  les  Sons  écia- 
tans  font  fujets  à  l'aigreur  ,  comme  ceux  de  la  Vielle  ou  du 
Hautbois.  Il  y  a  même  des  Initrumens ,  tels  que  le  Clavecin  , 
qui  font  à  la  fois  fourds  &  aigres  ;  &  c'eit  le  plus  mauvais 
Timbre.    Le  beau  Timbre  eit  celui    qui   réunit  la  douceur   à 
l'éclat.  Tel  eit  le  Timbre  du  Violon.  (  Voyez  Son.  ) 

Dicl.  de  Mu/igue.  Bbbbb 


74<î  VAL 

h r-        ====aag== —  ■     .  » 

V. 


V 


.  Cette  lettre  majufcule  fert  à  indiquer  les  parties  du 
Violon;  &  quand  elle  elt  double  VV,  elle  marque  que  le  pre- 
mier &  le  fécond  font  à  l'Uniffon. 

VALEUR  DES  NOTES.  Outre  la  pofition  des  Notes  ,  qui 
en  marque  le  Ton  ,  elles  ont  toutes  quelque  figure  déterminée 
qui  en  marque  la  durée  ou  le  Tems  ;  c'efi-à-dire  ,  qui  déter- 
mine la  Valeur  de  la  Note. 

C'eft  à  Jean  de  Mûris  qu'on  attribue  l'invention  de  ces  figu- 
res vers  l'an  1330  :  car  les  Grecs  n'avoient  point  d'autre  Va- 
leur de  Notes  que  la  quantité  des  fyllabes;  ce  qui  feul  prou- 
veroit  qu'ils  n'avoient  pas  de  Mulique  purement  inftrumcn- 
tale.  Cependant  le  P.  Merfenne ,  qui  avoit  lu  les  ouvrages  de 
Mûris ,  affure  n'y  avoir  rien  vu  qui  pût  confirmer  cette  opi- 
nion, &,  après  en  avoir  lu  moi-même  la  plus  grande  partie, 
je  n'ai  pas  été  plus  heureux  que  lui.  De  plus  ,  l'examen  des 
manufcrks  du  quatorzième  fiecie ,  qui  font  a  la  Bibliothè- 
que du  Roi ,  ne  porte  point  à  juger  que  les  diverfes  figures 
de  Notes  qu'on  y  trouve  flirtent  de  fi  nouvelle  inflirution. 
Enfin,  c'efl  une  chofe  difficile  à  croire,  que  durant  trois 
cents  ans  &  plus  ,  qui  fe  font  écoulés  entre  Guy  Arétin  & 
Jean  de  Mûris  ,  la  Mulique  ait  été  totalement  prrvée  du 
Rhythme  &  de  la  Mcfure ,  qui  en  font  Pâme  <5c  le  principal 
agrément. 

Quoi  qu'il  en  foit ,  il  elt  certain  que  les  différentes  /  'alcurs 


VAL  74? 

des  Notes  font  de  fort  ancienne  invention.  J'en  trouve,  dés 
les  premiers  tems ,  de  cinq  fortes  de  figures  ,  fans  compter 
la  Ligature  &  le  Point.  Ces  cinq  font ,  la  Maxime  ,  la  Lon- 
gue ,  la  Brève  ,  la  femi-Breve  ,  &  la  Minime.  (  PL  D.  Fig. 
8.  )  Toutes  ces  différentes  Notes  font  noires  dans  le  ma- 
nuferit  de  Guillaume  de  Machault  ;  ce  n'elt  que  depuis  l'in- 
vention de  l'imprimerie  qu'on  s'efr.  avifé  de  les  faire  Man- 
ches ,  &  ,  ajoutant  de  nouvelles  Notes  ,  de  diftinguer  les  /  'a~ 
leurs  ,  par  la  couleur  aufli-bien  que  par  la  figure. 

Les  Notes  ,  quoique  figurées  de  même ,  n'avoienr  pas  tou- 
jours la  même  l'aleur.  Quelquefois  la  Maxime  valoit  deux 
Longues  ,  ou  la  Longue  deux  Brèves  ;  quelquefois  elle  en 
valoit  trois  :  cela  dépendoit  du  Mode  (  voyez  Mode  )  :  il 
en  étoit  de  même  de  la  Brève  ,  par  rapport  a  la  femi-Brcve, 
&  cela  dépendoit  du  Tems  (  voyez  Tems  )  ;  de  même 
enfin  de  la  femi-Breve  ,  par  rapport  à  la  Minime  ;  &  cela 
dépendoit  de  la   Prolation.  (  Voyez  Prolation.  ) 

Il  y  avoit  donc  Longue  double  ,  Longue  parfaite ,  Longue 
imparfaite  ,  Brève  parfaite  ,  Brève  altérée  ,  femi-Breve  ma- 
jeure ,  &  femi-Breve  mineure  :  fept  différentes  Valeurs  aux- 
quelles répondenc  quatre  figures  feulement ,  fans  compter  la 
Maxime  ni  la  Minime  ,  Notes  de  plus  moderne  invention. 
(  Voye\  ces  divers  mots.  )  Il  y  avoit  encore  beaucoup  d'au- 
tres manières  de  modifier  les  différentes  /  'aïeurs  de  ces 
Notes ,  par  le  Point  ,  par  la  Ligature  ,  &  par  la  pofition  de 
la  Queue.  (  Voyez  Ligature,  Plique,  Point.  ) 

Les  figures  qu'on  ajouta  dans  la  fuite  a  ces  cinq  ou  fix 
premières  ,  furent  la  Noire  ,  la  Croche  ,  la  double-Croche  , 

Bbbbb  i 


748  VAL 

la  triple  &  même  la  quadruple  -  Croche  ;  ce  qui  ferok  onze 
figures  en  tout  :  mais  dès  qu'on  eut  pris  l'ufage  de  féparer 
les  Mefures  par  des  Barres  ,  on  abandonna  toutes  les  figures 
de  Notes  qui  valoient  plufieurs  Mefures  ,  comme  la  Ma- 
xime, qui  en  valoit  huit;  la  Longue,  qui  en  valoit  quatre; 
&  la  Brève  ou  quarrée  ,  qui  en  valoit  deux. 

La  femi-Breve  ou  Ronde  ,  qui  vaut  une  Mefure  entière  ,  eft 
la  plus  longue  Valeur  de  Notes  demeurée  en  ufage  ,  &  fur 
laquelle  on  a  déterminé  les  Valeurs  de  toutes  les  autres 
No  es  ,  &  comme  la  Mefure  binaire  ,  qui  avoit  parle  long- 
tems  pour  moins  parfaite  que  la  ternaire ,  prit  enfin  le  deflus 
ôc  fervit  de  bafe  à  toutes  les  autres  Mefures  ;  de  même  la 
divifion  fous -double  l'emporta  fur  la  fous -triple  qui  avoit 
auflî  pafTé  pour  plus  parfaite  ;  la  Ronde  ne  valut  plus  quel- 
quefois trois  Blanches ,  mais  deux  feulement  ;  la  Blanche  deux 
Noires ,  la  Noire  deux  Croches  ,  ôc  ainfi  de  fuite  jufqu'à  la 
auadruple  -  Croche  ,  fi  ce  n'eft  dans  les  cas  d'exception  où 
la  divifion  fous  -  triple  fut  confervée  ,  &  indiquée  par  le  chif- 
fre 3  placé  au-defTus  ou  au-deffous  des  Notes.  (Voyez 
PL  F.  Fïg.  8  &  9.  les  Valeurs  &  les  figures  Je  toutes  ces 
différentes   efpeces  de  Notes.  ) 

Les  Ligatures  furent  aufli  abolies  en  même  tems  ,  du 
moins  quant  aux  changemens  qu'elles  produifoient  dans  les 
/  'leurs  des  Notes.  Les  Queues,  de  quelque  manière  qu'elles 
fuflcffl  placées  ,  n'eurent  plus  qu'un  fens  fixe  &  toujours  le 
même  ;  &  enfin  la  fignificarion  du  Point  fut  aufli  toujours 
bonite  à  la  moitié  de  la  Note  qui  ctt  immédiatement  avant 
lui.  Tel  clt  l'état  où  les  figures  des  Notes  ont  été  miles  , 


V    A    R  Vvj 

quant   à  la  Valeur  ,  &  où  elles  font  actuellement.  Les  Si- 
lences équivalens  font  expliques  a  l'article  Silence. 

L'Auteur  de  la  Differtation  fur  la  Musique  moderne  trouve 
tout  cela  fort  mal  imaginé.  J'ai  dit,  au  mot  Noix-  ,  queU 
ques-unes  des  raifons  qu'il  allègue. 

VARIATIONS.  On  entend  fous  ce  nom  toutes  les  ma- 
nières de  broder  ëc  doubler  un  Air  ,  foit  par  des  diminu- 
tions ,  foit  par  des  paffages  ou  autres  agrémens  qui  ornent 
&  figurent  cet  Air.  A  quelque  degré  qu'on  multiplie  &  charge 
les  Variations ,  il  faut  toujours  qu'à  travers  ces  broderies  on 
reconnoiffe  le  fond  de  l'Air  que  l'on  appelle  le  Jimplc  ,  &  il 
faut  en  même  tems  que  le  caractère  de  chaque  Variation. 
foit  marqué  par  des  différences  qui  foutieiuient  l'attenriun 
&  préviennent   l'ennui. 

Les  Symphoniites  font  fouvent  des  Variations  impromptu 
ou  fuppofées  telles  ;  mais  plus  fouvent  on  les  note.  Les  di- 
vers Couplets  des  Folies  d'Efpagne  ,  font  autant  de  Varia- 
tions notées  ;  on  en  trouve  fouvent  aufli  dans  les  Chaconnes 
Françoifes  ,  &  dans  de  petits  Airs  Italiens  pour  le  Violon 
ou  le  Violoncelle.  Tout  Paris  e(t  aile-  admirer,  au  Concerc 
Ipirituel ,  les  /  'ariations  des  fieurs  Guignon  &  Mondonville  n 
&  plus  récemmenr  des  fieurs  Guignon  &  Gaviniès  ,  fur  des 
Airs  du  Pont -neuf  qui  n'avoient  d'autre  mérite  que  d'être 
ainfi  varies  par  les  plus  habiles  Violons  de  France. 

\  AUDEV1LLE.  Sorte  de  Chanfon  à  Couplets,  qui  roule 
ordinairement  fur  des  Sujets  badins  ou  fatyriques.  On  fait 
remonter  l'origine  de  ce  petit  Poème  jufqu'au  règne  de 
Charlemagne  :  mais  ,  félon  k  plus  commune  opinion,  il  .(iir 


75o  V     E     N 

inventé  par  un  certain  Baflelin ,  Foulon  de  Vire  en  Norman- 
die ,  ôc  comme  ,  pour  danfer  fur  ces  Chants  ,  on  s'aflem- 
bloit  dans  le  Val-de-Vire  ,  ils  furent  appelles  ,  dit-on ,  Vaux- 
de-Vire  ,  puis  par  corruption   Vaudevilles. 

L'Air  des  Vaudevilles  eft  communément  peu  MuïïcaL 
Comme  on  n'y  fait  attention  qu'aux  paroles  ,  l'Air  ne  fert 
qu'à  rendre  la  récitation  un  peu  plus  appuyée  ;  du  refte  on 
n'y  fent  pour  l'ordinaire  ni  goût ,  ni  Chant ,  ni  Mefure.  Le 
Vaudeville  appartient  exclufivement  aux  François  ,  &  ils  en 
ont  de  très-piquans  &  de  très-plaifans. 

VENTRE\  Point  du  milieu  de  la  vibration  d'une  Corde 
fonore  ,  où  ,  par  cette  vibration ,  .elle  s'écarte  le  plus  de  la 
ligne  de  repos.  (  Voyez  N<hud.  ) 

VIBRATION  ,f.f.Le  corps  fonore  en  aétion  fort  de 
fon  état  de  repos  ,  par  des  cbranlemens  légers  ,  mais  fenfi- 
fcles  ,  fréquens  &  fucceflifs ,  dont  chacun  s'appelle  une  Vi- 
bration. Ces  Vibrations  ,  communiquées  à  l'Air  ,  portent  à 
l'oreille  ,  par  ce  véhicule  ,  la  fenfation  du  Son  ;  &  ce  Son 
eft  grave  ou  aigu ,  félon  que  les  Vibrations  font  plus  ou  moins 
fréquentes  dans  le  même  tems.  (  Voyez  Son.  ) 

V1CARIER  ,  v.  n.  Mot  familier  par  lequel  les  Muficiens 
d'Eglife  expriment  ce  que  font  ceux  d'entr'eux  qui  courent 
de  Ville  en  Ville  ,  &  de  Cathédrale  en  Cathédrale ,  pour  at- 
traper quelques  rétributions ,  &  vivre  aux  dépens  des  Maîtres 
de  Mufique  qui  font  fur  leur  route. 

VIDE,  Corde-à-r/i/d  ,  ou  Cordc-h-jour  ;  c'efr ,  fur  les 
Jndrumcns  a  manche  ,  tels  que  la  Viole  ou  le  Violon  ,  le 
Son  qu'on  tire  de  la  Corde  .dans   toute  ù  longueur  ,  de- 


V    1    F  75I 

puis  le  fillet  jufqu'au   chevalet,  fins  y    placer  aucun   doigt. 

Le  Son  des  Cordes-à-vide  elt  non-feulement  plus  grave  , 
mais  plus  réfonnant  &  plus  plein  que  quand  on  y  pofe  quel- 
que doigt  ;  ce  qui  vient  de  la  mollette  du  doigt  qui  gêne 
&  intercepte  le  jeu  des  vibrations.  Cette  différence  fait  que 
les  bons  joueurs  de  Violon  évitent  de  toucher  les  Cordes-à- 
xi  Je  pour  ôter  cette  inégalité  de  Timbre  qui  fait  un  mauvais 
effet ,  quand  elle  n'ef  t  pas  difpenfée  à  propos.  Cette  manière 
d'exécuter  exige  des  polîtions  recherchées  ,  qui  augmentent 
la  difficulté  du  jeu.  Mais  aufïi  quand  on  en  a  une  fois  ac- 
quis l'habitude  ,  on  eft  vraiment  maître  de  fon  Infiniment , 
&  dans  les  Tons  les  plus  difficiles ,  l'exécution  marche  alors 
comme  dans  les  plus  aifés. 

VIF  ,  vivement.  En  Italien  vivace  :  ce  mot  marque  un 
mouvement  gai  ,  prompt ,  animé  ;  une  exécution  hardie  & 
pleine  de  feu. 

VILLANELLE  ,  f.  f.  Sorte  de  Danfe  ruftique  dont  l'Air 
doit  être  gai ,  marqué ,  d'une  Mefure  très-fenfible.  Le  fond 
de  cet  Air  eft  ordinairement  un  Couplet  affez  fimple  ,  fur 
lequel  on  fait  enfuite  des  Doubles  ou  Variations.  (  Voyez 
Double  ,  Variations.  ) 

VIOLE  ,/  f.  C'efr.  ainfi  qu'on  appelle,  dans  la  Mufiquc 
Italienne  ,  cette  Partie  de  rempliffage  qu'on  appelle ,  dans  la 
Mufique  Françoife ,  Quinte  ou  Taille  ;  car  les  François  dou- 
blent fouvent  cette  Partie ,  c'eft-à-dire  ,  en  font  deux  pour 
une  ;  ce  que  ne  font  jamais  les  Italiens.  La  Viole  fert  à  lier 
les  Deffus  aux  Baffes  ,  &  à  remplir  ,  d'une  manière  harmo- 
nieufe  ,  le  trop  grand  vide   qui   refteroit  entre  deux.  C'tfi 


75*  V    I    ° 

pourquoi  la  Viole  eft  toujours  néceflaire  pour  l'Accord  du 
tout ,  même  quand  elle  ne  fait  que  jouer  la  Baffe  à  l'Oitave  , 
comme  il  arrive  fouvent  dans  la  Mufique  Italienne. 

VIOLON.  Symphonifte  qui  joue  du  Violon  dans  un  Or- 
cheftre.  Les  Violons  fe  divifent  ordinairement  en  premiers, 
qui  jouent  le  premier  Deffus  ;  &  féconds ,  qui  jouent  le  fé- 
cond Deffus.  Chacune  des  deux  Parties  a  fon  chef  ou  guide 
qui  s'appelle  aufli  le  premier  ;  favoir  ,  le  premier  des  pre- 
miers ,  &  le  premier  des  féconds.  Le  premier  des  premiers 
Violons ,  s'appelle  aufli  premier  Violon  tout  court  ;  il  eft  le 
Chef  de  tout  l'Orchefixe  :  c'eft  lui  qui  donne  l'Accord  ,  qui 
guide  tous  les  Symphoniftes  ,  qui  les  remet  quand  ils  man- 
quent ,  &  fur  lequel  ils  doivent  tous  fe  régler. 

VIRGULE.  C'eft. ainfi  que  nos  anciens  Muficiens  appel- 
loient  cette  partie  de  la  Note  ,  qu'on  a  depuis  appelléc  la  Queue. 
(  Voyez  Queue.  ) 

VITE.    En  Italien  Vreflo.  Ce  mot  ,  à  la   tête  d'un  Air  , 
indique  le  plus  prompt  de  tous  les  Mouvemens  ;  &  il  n'a  , 
après  lui  ,  que   fon   fuperlatif  Prejliflimo  ,  ou  Vreflo  affai  , 
tr  es- Vite. 
VIVACE.  (Voyez  Vif.  ) 

UNISSON,/]  m.  Union  de  deux  Sons  qui  font  au  même 
Degré,  dont  l'un  n'eft  ni  plus  grave  ni  plus  aigu  que  l'au- 
tre ,  &  dont  l'Intervalle  étant  nul  ,  ne  donne  qu'un  rapport 
d'égalité. 

Si  deux  Cordes  font  de  même  matière  ,  égales  en  lon- 
gueur, en  groffeur  ,  &  également  tendues,  elles  feront  à 
YUniJfbn.  Mais  il  eft  faux  de  dire  que  deux  Sons  à  YUniflbn 

a 


0    N    T  m 

fe  confondent  fi  parfaitement ,  &  aient  une  telle  identité  que 
l'oreille  ne  puiffe  les  diftinguer  :  car  ils  peuvent  différer  de 
beaucoup  quant  au  Timbre  &  quant  au  degré  de  force. 
Une  Cloche  peut  être  à  VUniffbn  d'une  Corde  de  Guitare  , 
une  Vielle  à  VUniffbn  d'une  Flûte  ,  &  l'on  n'en  confondra 
point   les  Sons. 

Le  zéro  n'eit  pas  un  nombre  ,  ni  VUniffbn  un  Intervalle  ; 
mais  VUniJfon  eft  à  la  férié  des  Intervalles,  ce  qu'eft  le  zéro 
à  la  férié  des  nombres  ;  c'eft  le  terme  d'où  ils  partent ,  c'eft 
le  point  de  leur  commencement. 

Ce  qui  conftitue  VUniffbn  ,  c'eft  l'égalité  du  nombre  des 
Vibrations  faites  en  tems  égaux  par  deux  Sons.  Dès  qu'il 
y  a  inégalité  entre  les  nombres  de  ces  Vibrations  ,  il  y  a 
Intervalle  entre  les  Sons  qui  les  donnent.  (  Voyez  Corde  , 
Vibration.  ) 

On  s'eft  beaucoup  tourmenté  pour  favoir  fi  VUniffbn  étoit 
une  Confonnance.  Ariftote  prétend  que  non  ,  Mûris  affure 
que  fi ,  &  le  P.  Merfenne  fe  range  à  ce  dernier  avis.  Comme 
cela  dépend  de  la  définition  du  mot  Confonnance ,  je  ne  vois 
pas  quelle  difpute  il  peut  y  avoir  là-dciîus.  Si  l'on  n'entend 
par  ce  mot  Confonnance  qu'une  union  de  deux  Sons 
agréables  à  loreille  ,  VUniJfon  fera  Confonnance  alîurément; 
mais  fi  l'on  y  ajoute  de  plus  une  différence  du  grave  à  l'aigu , 
il  efè  clair  qu'il  ne  le  fera  pas. 

Une  queftion  plus   importante  ,  eft    de  favoir   quel  eft  le 

plus  agréable  à  l'oreille  de  VUniffbn  ou   d'un   Intervalle  con- 

fonnant,  tel,  par  exemple,  que  l'Octave  ou  la  Quinte.  Tous 

ceux  qui  ont  l'oreille  exercée  à  l'Harmonie ,  préfèrent   l'Ac- 

Dict.  de  Mujique.  C  c  c  c  c 


m  u  N  » 

cord  des  Confonnances  à  l'identité  de  VUnijJbn  ;  mais  tous 
ceux  qui ,  fans  habitude  de  l'Harmonie  ,  n'ont,  fi  j'ofe  parier 
ainfi ,  nul  préjugé  dans  l'oreille  ,  portent  un  jugement  con- 
traire :  YUniJJbn  feul    plaît ,  ou  tout  au  plus  l'Octave  ;  tout 
autre  Intervalle  leur  paroît  difcordant  :  d'où  il  s'enfuivroic  , 
ce  me  femble  ,  que  l'Harmonie  la  plus  naturelle  ,  &  par  co.;- 
féquent  la  meilleure  ,  eft  à  ïUniffbn.  (  Voyez  Harmonie.  ) 
C'eft  une  obfervation  connue  de  tous  les  Muliciena  ,  que 
celle  du  frémifTement  &  de  la  réfonnance  d'une  Corde  ,  au 
Son    d'une    autre    Corde    montée    à   ÏUniffbn   de'  la    pre- 
mière ,  ou  même  à  fon  Octave  ,  ou  même  à  TOcbve  de  fa 
Quinte  ,  &c. 
Voici  comme  on  explique  ce  phénomène. 
Le   Son  d'une  Corde  A  met   l'air  en  mouvement.   Si  une 
autre  Corde  B   fe  trouve   dans  la  fphere  du  mouvement  de 
cet  air  ,  il  agira   fur  elle.   Chaque  Corde   n'eft  fufceptible  , 
dans  un  Tems  donné  ,  que  d'un  certain  nombre  de  Vibra- 
tions. Si  les  Vibrations  ,  dont  la  Corde  B  eft  fufceptible  ,  font 
égales  en  nombre  à  celles  de  la  Corde  A ,  l'air  ébranle' 
l'une  agifllmc  fur  l'autre  ,  &  la  trouvant  difpofée  à  un  mou- 
vement femblable  à  celui  qu'il  a  reçu  ,  le  lui  communique. 
Les  deux   Cordes    marchant   ainfi   de    pas  égal  ,  toutes   les 
impulfions   que  l'air   reçoit  de  la  Corde  A  ,  &  qu'il  com- 
munique à  la  Corde  B ,  font  coincidentes  avec  les  Vibrations 
de  cette  Corde  ,  &  par  conféquent  augmenteront  fon  mou- 
vement loin  de   le  contrarier  :  ce   mouvement  ,  air.fi  fuccef- 
(ivement  augmenté  ,  ira  bientôt  jufqu'à  un  frémilRinent  (ln- 
fible.  Alors  la  Corde  B  rendra  du  Son  ;  car  toute   Corde 


U    N    I  7SS 

fbnore  qui  frémic  ,  fonne  ;  &    ce  Ton   fera  néceflaircment  à 
YUniffbn  de  celui  de  la  Corde  A. 

Par  la  même  raifon,  l'Octave  aiguë  frémira  &  réformera 
aufîî  ,  mais  moins  fortement  que  YUniffbn  ;  parce  que  la 
coïncidence  des  Vibrations ,  &  par  conféquent  l'impulfion 
de  l'air  ,  y  eft  moins  fréquente  de  la  moitié  :  elle  l'eft  encore 
moins  dans  la  Douzième  ou  Quinte  redoublée  ,  &  moins 
dans  la  Dix-fcptieme  ou  Tierce  majeure  triplée  ,  dernière 
des  Confonnances  qui  frémiiTe  &  réfonne  fenfiblement  & 
directement  :  car  quant  à  la  Tierce  mineure  &  aux  Sixtes  , 
elles  ne  réfonnent  que  par  combinaifon. 

Toutes  les  fois  que  les  nombres  des  Vibrations  dont 
deux  Cordes  font  njfceptibles  en  tems  égal  font  commen- 
furables  ,  on  ne  peut  douter  que  le  Son  de  l'une  ne  com- 
munique à  l'autre  quelque  ébranlement  par  l'aliquote  com- 
mune ;  mais  cet  ébranlement  n'étant  plus  fenfible  au-delà 
des  quatre  Accords  précèdent ,  il  eft.  compté  pour  rien  dans 
tout  le  refre.  (  Voyez  Consonnance.  ) 

Il  paroîr,  par  cette  explication  ,  qu'un  Son  n'en  fait  jamais 
réfonner  un  autre  qu'en  vertu  de  quelque  Uniffbn  ;  car  un 
Son  quelconque  donne  toujours  YUniffbn  de  fes  aliquotes  ; 
mais  comme  il  ne  fauroit  donner  YUniJbn  de  fes  multiples, 
il  s'enfuit  qu'une  Corde  fonore  en  mouvement  n'en  peut 
jamais  faire  réfonner  ni  frémir  une  plus  grave  qu'elle.  Sur 
quoi  l'on  peut  juger  de  la  vérité  de  l'expérience  dont  M. 
Rameau  tire  l'origine  du  Mode  mineur. 

UN1SSONI.  Ce  mot  Italien  ,  écrit  tout  au  long  ou  en 
abrégé    dans    une    Partition   fur    la   Portée   vide  du   fécond 

Ccccc  i 


7!r<s  U    N    I 

Violon  ,  marque  qu'il  doit  jouer  à  rUniffon  fur  la  Partie 
du  premier  ;  &  ce  même  mot ,  écrit  for  la  Portée  vide  du 
premier  Violon ,  marque  qu'il  doit  jouer  à  l'Uniffon  fur  la 
Partie  du  Chant. 

UNITÉ  DE  MÉLODIE.  Tous  les  beaux  Arts  ont  quel- 
que Unité  d'objet ,  fource  du  plaifir  qu'ils  donnent  à  l'efprit  : 
car  l'attention  partagée  ne  fe  repofe  nulle  part  ,  &  quand 
deux  objets  nous  occupent  ,  c'eft  une  preuve  qu'aucun  des 
deux  ne  nous  fatisfait.  Il  y  a  ,  dans  la  Mufique ,  une  Unité 
fuccefîive  qui  fe  rapporte  au  fujet,  &  par  laquelle  toutes  les 
Parties  ,  bien  liées  ,.  compofent  un  feul  tout ,  dont  on  apper- 
çoit  l'enfemble  &  tous  les  rapports. 

Mais  il  y  a  une  autre  Unité  d'objet  plus  fine ,  plus  fimu^- 
tanée  ,  Se  d'où  naît  ,  fans  qu'on  y  fonge  ,  l'énergie  de  la 
Mufique  &  la  force  de  fes  expreflions. 

Lorfque  j'entends  chanter  nos  Pfeaumes  à  quatre  Parties, 
je  commence  toujours  par  être  faifi  ,  ravi  de  cette  Harmonie 
pleine  &  nerveufe  ;  &  les  premiers  accords  ,  quand  ils  font 
entonnés  bien  jufte  ,  m'émeuvent  jufqu'à  fri (Tonner.  Mais  à 
peine  en  ai-je  écouté  la  fuite  ,  peiidant  quelques  minutes  r 
que  mon  attention  fe  relâche ,  le  bruit  m'étourdit  peu-à-peu; 
bientôt  il  me  la(Te  ,  &  je  fuis  enfin  ennuyé  de  n'entendre 
que  des  Accords. 

Cet  effet  ne  m'arrive  point  ,  quand  j'entends  de  bonne 
Mufique  moderne,  quoique  l'Harmonie  en  foit  moins  vigou- 
reufe  ,  &  je  me  fouviens  qu'à  l'Opéra  de  Venife  ,  loin  qu'un 
bel  Air  bien  exécuté  m'ait  jamais  ennuyé,  je  lui  donnois , 
quelque  long  qu'il  fût ,  une  attention  toujours  nouvelle  ,  (3c 


UNI  757 

l'écoutois  avec  plus  d'intérêt  a  la  fin  qu'au  commencement. 

Cette  différence  vient  de  celle  du  caractère  des  deux  Mu- 
fiques ,  dont  l'une  n'elt  feulement  qu'une  fuite  d'Accords,  & 
l'autre  e(t  une  fuite  de  Chant.  Or  le  plaifir  de  l'Harmonie 
n'eft  qu'un  plaifir  de  pure  fenfation  ,  &  la  jouiffance  des  fens 
eit  toujours  courte  ,  la  fatiété  &  l'ennui  la  fuivent  de  prés  : 
mais  le  plaifir  de  la  Mélodie  &  du  Chant  ,  eft  un  plaifir 
d'intérêt  &  de  fentiment  qui  parle  au  cœur  ,  &  que  l'Artilte 
peut  toujours  foutenir  &  renouveller  à  force  de  génie. 

La  Mufique  doit  donc  néceffairement  chanter  pour  tou- 
cher, pour  plaire  ,  pour  foutenir  l'intérêt  &  l'attention. 
Mais  comment  dans  nos  Syftêmes  d'Accords  &  d'Harmonie, 
la  Mufique  s'y  prendra-t-elle  pour  chanter  ?  Si  chaque  Partie 
a  fon  Chant  propre  ,  tous  ces  Chants  ,  entendus  à  la  fois  T 
fe  détruiront  mutuellement  ,  &  ne  feront  plus  de  Chant  : 
fi  toutes  les  Parties  font  le  même  Chant ,  l'on  n'aura  plus 
d'Harmonie  ,  &  le  Concert  fera  tout  à  l'Uniffon. 

La  manière  ,  dont  un  initincr.  mufical ,  un  certain  fen- 
timent fourd  du  génie  ,  a  levé  cette  difficulté  {ans  la  voir , 
&  en  a  même  tiré  avantage,  eit  bien  remarquable.  L'Har- 
monie ,  qui  devroit  étouffer  la  Mélodie  ,  l'anime ,  la  ren- 
force, la  détermine  :  les  diverfts  Parties,  fans  fe  confondre, 
concourent  au  même  effet  ;  &  quoique  chacune  d'elles  paroiffe 
avoir  fon  Chant  propre ,  de  toutes  ces  Parties  réunies  on 
n'entend  fortir  qu'un  foui  &  même  Chant.  C'elt-la  ce  que 
j'appelle  Unité  de  Mélodie. 

Voici  comment  l'Harmonie  concourt  elle-même  à  cette 
Unité ,  loin  d'y  nuire.  Ce  font  nos  Modes  qui  caracléritenc 


758 


UNI 


nos  Chants ,  &  nos  Modes  font  fondes  fur  notre  Harmo- 
nie. Toutes  les  fois  donc  que  l'Harmonie  renforce  ou  dé- 
termine le  fentiment  du  Mode  &  de  la  Modulation ,  elle 
ajoute  à  Pc::preffion  du  Chant ,  pourvu  qu'elle  ne  le  cou- 
vre pas. 

L'Art  du  Compofiteur  ert  donc  ,  relativement  à  Y  Unité 
de  Mélodie  ,  i°.  Quand  le  Mode  n'eiè  pas  a(Tez  déterminé 
par  le  Chant ,  de  le  déterminer  mieux  par  l'Harmonie.  20. 
De  choifïr  &  tourner  fes  Accords  de  manière  que  le  Son 
le  plus  faillant  foit  toujours  celui  qui  chante,  &  que  celui 
qui  le  fait  le  mieux  fortir  foit  à  la  Baffe.  30.  D'ajouter  à  l'é- 
nergie de  chaque  paffage  par  des  Accords  durs  fi  l'expref- 
fion  elt  dure  ,  &  doux  fi  l'exprefïion  eft  douce.  40.  D'avoir 
égard  dans  la  tournure  de  l'Accompagnement  au  Forte- 
piano  de  la  Mélodie,  s0.  Enfin  ,  de  faire  en  forte  que  le 
Chant  des  autres  Parties,  loin  de  contrarier  celui  de  la  Par- 
tie principale  ,  le  foutienne  ,  le  féconde  ,  &  lui  donne  un 
plus  vif  accent. 

M.  Rameau  ,  pour  prouver  que  l'énergie  de  la  Mufique 
vient  toute  de  l'Harmonie,  donne  l'exemple  d'un  même  In- 
tervalle qu'il  appelle  un  même  Chant  ,  lequel  prend  des 
caractères  tout  différens  ,  félon  les  diverfes  manières  de  l'ac- 
compagner. M.  Rameau  n'a  pis  vu  qu'il  prouvok  tout  le 
contraire  de  ce  qu'il  vouloit  prouver  ;  car  dans  tous  les 
exemples  qu'il  donne  ,  l'Accompagnement  de  la  Baffe  ne 
fert  qu'à  déterminer  le  Chant.  Un  fimple  Intervalle  n'eft  point 
un  Chant,  il  ne  devient  Chant  que  quand  il  a  fa  place  al- 
fignée  dans  le  Mode;  &  la  Baffe,  en   dettrminant   le  Mode 


UNI  K  7S, 

&  le  lieu  du  Mode  qu'occupe  cet  Intervalle,  détermine  ulois 
cet  Intervalle  à  être  tel  ou  tel  Chant  :  de  forte  que  fi  ,  par 
ce  qui  précède  L'Intervalle  dans  la  même  Partie,  on  duer- 
mine  bien  le  lieu  qu'il  a  dans  h  Modulation,  je  fouiiens 
qu'il  aura  fon  effet  fans  aucune  Balle  :  ainfi  l'Harmonie 
n'agit ,  dans  cette  occafion  ,  qu'en  déterminant  la  Mélodie 
à  être  telle  ou  telle,  ce  c'eft  purement  comme  Mélodie  que 
l'Intervalle  a  différentes  expreflions  félon  le  lieu  du  M* 
où  il  eft  employé. 

V Unité  de  Mélodie  exige  bien  qu'on  n'entende  jamais 
deux  Mélodies  à  la  fois  ,  mais  non  pas  que  la  Mélodie  ne 
paife  jamais  d'une  Partie  à  l'autre  ;  au  contraire  ,  il  y  a 
fouvent  de  l'élégance  vc  du  goût  à  ménager  h  propos  ce 
pafTage ,  même  du  Chant  à  l'Accompagnement ,  pourvu 
que  la  parole  foit  toujours  entendue.  Il  y  a  même  des 
Harmonies  favantes  &  bien  ménagées,  où  la  Mélodie,  fans 
être  dans  aucune  Partie  ,  réfulte  feulement  de  l'effet  du 
tout.  On  en  trouvera  (  PL  M.  Fig.  7.  )  un  exemple ,  qui , 
bien  que  gioilier ,  fuffit  pour  faire  entendre  ce  que  je 
veux    dire. 

Il  faudroit  un  Traité  pour  montrer  en  détail  l'applica- 
tion de  ce  principe  aux  Duo,  Trio  ,  Quatuor,  aux  Chœurs, 
aux  Pièces  de  fymphonie.  Les  hommes  de  génie  en  dé- 
couvriront furhfamment  l'étendue  &  l'ufage ,  &  leurs  ou- 
vrages en  instruiront  les  autres.  Je  concluds  donc ,  &  je 
dis  ,  que  du  principe  que  je  viens  d'établir ,  il  s'enfuit  : 
premièrement,  que  toute  Mufique  qui  ne  chante  point  eft 
ennuyeufe  ,  quelqu'Harmonie  qu'elle  puiile    avoir  :  féconde- 


766  UNI 

ment ,  que  toute  Mufique  où  l'on  diftingue  plufieurs  Chants 
fimultanés  eft   mauvaife  ,  &  qu'il  en  réfulte   le   même    effet 
que  de  deux  ou  plufîeurs  difcours   prononcés  à  la    fois  fur 
le  même  Ton.  Par  ce  jugement,   qui  n'admet  nulle  excep- 
tion ,  l'on   voit  ce    qu'on   doit   penfer  de   ces  merveilleufes 
Mufiques  où  un  Air  fert  d'Accompagnement  à  un  autre  Air. 
C'eft   dans  ce  principe   de  l' Unité  de  Mélodie,    que   les 
Italiens   ont    fenti  &  fuivi  fans  le  connoître ,  mais   que  les 
François    n'ont   ni    connu    ni   fuivi  ;    c'eft ,  dis-je ,  dans  ce 
grand  principe  que  confifte  la  différence  eflentielle  des  deux 
Mufiques  :  &c  c'eft,  je  crois,  ce  qu'en  dira   tout  juge  im- 
partial qui  voudra  donner  à  l'une  &  à  l'autre  la  même  at- 
tention ;  fï  toutefois  la  chofe  eft  pofïible. 

Lorfque  j'eus  découvert  ce  principe ,  je  voulus ,  avant  de 
le  propofer  ,  en  effayer  l'application  par  moi-même  :  cet 
effai  produifît  le  Devin  du  Village;  après  le  fuccès,  j'en 
parlai  dans  ma  Lettre  fur  la  Mujique  Françoifc.  C'eft  aux 
Maîtres  de  l'Art  a  juger  Ci  le  principe  eft  bon,  &  fi  j'ai 
bien  fuivi  les  règles  qui  en  découlent. 

UNIVOQUE  ,  ad/.  Les  Confonnances  Univoques  font 
l'Octave  &  fes  Répliques,  parce  que  toutes  portent  le  même 
nom.  Ptolomée  fut  le  premier  qui  les  appella  uinfi. 

VOCAL  ,  adj.  Qui  appartient  au  Chant  des  Voix.  Tour 
de  Chant  Vocal  ;  Mufique  Vocale. 

VOCALE.  On  prend  quelquefois  fubftantivement  cet  adjec- 
tif pour  exprimer  la  partie  de  la  Mufique  qui   s'exécute  par 
des  Voix.   Les  Symphonies  d'un  tel    Opéra  font  afj'e\   bien 
faites  \  mais  la   Vocale   ejl  mauvaife. 

VOIX, 


V    ô    ) 

VOIX  ,  /  f.  La  fommc  de  tous  les  Sons  qu\in  homme 
peut,  en  parlant,  en  chantant,  en  criant,  tirer  de  Ton  or- 
gane, forme  ce  qu'on  appelle  fa  /  'oix  ,  &  les  qualités  de 
Cette  /  'oix  dépendent  auflî  de  celles  des  Sons  qui  la  for- 
ment. Ainfi,  l'on  doit  d'abord  appliquer  à  la  l 'oix  tout  ce 
que  j'ai  dit  du   Son   en  gênerai.  (  Voyez  Son.  ) 

Les  Physiciens  difiinguent  dans  l'homme  différentes  fortes 
de  l/'oix;  ou,  fi  l'on  veut,  ils  confiderent  la  même  /  'oix 
fous  différentes  faces. 

i.  Comme  un  fimple   Son  ,   tel  que  le  cri  des  er.fans. 

2.  Comme   un   Son  articule  ,   tel  qu'il  cfi   dans   la  parole. 

3.  Dans  le  Chaut,  qui  ajoute  à  la  parole  la  Modulation 
&  la  variété  des  Tons. 

4.  Dans  la  déclamation  ,  qui  paroît  dépendre  d'une  nou- 
velle modification  dans  le  Son  &  dans  la  fubfiar.ee  même 
de  la  /oix-  Modification  différente  de  celle  du  Chant  & 
de  celle  e  ?  la  parole  ,  puifqu'el'e  peut  s'unir  à  l'une  &  à 
l'aurre  ,  ou  en  être  retranchée. 

Ci  peut  voir,  dans  l'Encyclopédie,  à  l'article  D. 
motion  des  Ancien* ,  d'où  ces  di\  iflons  font  tirées,  l'expli- 
cation que  donne  M.  Duclos  de  ces  différentes  fortes  de 
/  six.  Je  me  contenterai  de  tranferire  ici  ce  qu'il  dit  de 
la  l 'oix  chantante  ou  muficale  ,  la  feule  qui  fe  rapporte  a 
mon  fujer. 

"  Les  anciens  Muficiens   ont   établi  ,  après    Arifioxène  : 

«   i°.  Que  la  /  'oix   de   Chant  paffe  d'un  degré    d'élévation 

s»  ou    d'abaiffement    à   un    autre    degré;    c'efi- à-dire  ,    c\\m 

j»  Ton  à  l'autre ,  par   faut ,   fans  parcourir    l'Intervalle    qui 

Diâ.  de  Mufique.  Ddddd 


7^  V     O     I 

>  les  fépare  :  au  lieu  que  celle  du  difcours  s'élcve  &  s'a- 
,  baiûe  par  un  mouvement  continu.  20.  Que  la  Voix  de 
s  Chant  fe  foutient  fur  le  même  Ton  ,  confidéré  comme 
»  un  point  indivifible  ;  ce  qui  n'arrive  pas  dans  la  fimple 
3  prononciation. 

îj  Cette  marche  par  fauts  &  avec  des  repos,  eft  en  effet 

3  celle  de  la  Voix  de  Chant  :  mais  n'y  a-t-il  rien  de  plus 

5  dans  le  Chant  ?  Il   y  a  eu  une  Déclamation  tragique  qui 

5  admettoit   le  pafiage  par  faut  d'un  Ton  à  l'autre,    &    le 

5  repos   fur   un  Ton.   On  remarque  la    même  chofe    dans 

>  certains  Orateurs.  Cependant  cette  Déclamation  e(t  encore 
j  différente  de   la  Voix  de   Chant. 

J3  M.  Dodart  ,  qui   joignoit  a  l'efprit  de  difcuiïion  &   de 

3  recherche    la   plus  grande    connoiffance    de    la    Phyfique , 

»  de  l'Anatomie  ,  &  du  jeu  des  parties  du  corps   humain  , 

»  avoit   particulièrement  porté   fon  attention    fur  les   orga- 

5  nés  de  la  Voix.   Il   obferve ,  i°.  que  tel  homme,  dont  la 

>  Voix  de  parole  eft  déplaçante,  a  le  Chant  très-agréable, 
3  Se  au  contraire  :  20.  que  fi  nous  n'avons  pas  entendu 
3  chanter  quelqu'un,  quelque  connoiiîlince  que  nous  ayons 
3  de  (li  Voix  de  parole  ,  nous  ne  le  reconnoîtrons  pas  à  fa 
»  Voix   de    Chant. 

53  M.  Dodart,  en  continuant  fes  recherches  ,  découvrit 
s  que  ,  dans  la  /  'oix  de  Chant ,  il  y  a  de  plus  que  dans 
3  celle  de  la  parole,  un  mouvement  de  tout  le  larynx;  c'eft- 
3  à -dire  ,  de  la  partie  de  la  trachée  -  ancre  qui  forme 
3  comme  un  nouveau  canal  qui  ié  termine  à  la  g] 
j  qui    en   enveloppe    &.   foutient  les    mufcles.   Ljl   différence 


V    0    I  jtfj 

•»  entre  les  deux  foix  vient  donc  de  celle  qu'il  y  a  entre 
>»  le  larynx  aiïîs  &  en  repos  fur  lis  attaches  ,  dans  la  pa- 
»  rôle,  6c  ce  morne  larynx  fufpendu  fut  fes  attaches,  en 
h  action  &  mû  par  un  balancement  de  haut  en  bas  &  de 
»  bas  en  haut.  Ce  balancement  peut  fe  comparer  au  mou- 
»)  vement  des  oifeaux  qui  planent  ,  ou  des  poilfons  qui  fe 
>j  foutiennent  à  la  même  place  contre  le  fil  de  l'eau.  Quoi- 
>j  que  les  aîles  des  uns  &  les  nageoires  des  autres  pa- 
>3  roiffent  immobiles  a  l'œil,  elles  font  de  continuelles  vi- 
n  brations  ;  mais  fi  courtes  &  fi  promptes  qu'elles  font  im- 
»  perceptibles. 

>j  Le  balancement  du  larynx  produit,  dans  la  Voix  de 
»  Chant,  une  efpcce  d'ondulation  qui  n'elt  pas  dans  la  fimple 
)>  paro'e.  L'ondulation  foutenue  Ôc  modérée  dans  les  belles 
»  foix  fe  fait  trop  fentir  dans  les  foix  chevrotantes  ou 
»  foibles.  Cette  ondulation  ne  doit  pas  fe  confondre  avec 
»  les  Cadences  &  les  Roulemens  qui  fe  font  par  des  mou- 
»  vcmens  très -prompts  6c  très -délicats  de  l'ouverture  de  la 
>>  glotte  ,  &  qui  font  compofes  de  l'Intervalle  d'un  Ton  ou 
»  d'un  demi-Ton. 

>j  La  foix  ,  foit  du  Chant ,  foit  de  la  parole ,  vient  toute 
»  entière  de  la  glotte  pour  le  Son  &  pour  le  Ton  ;  mais 
»  l'ondulation  vient  entièrement  du  balancement  de  tout  le 
n  larynx  ;  elle  ne  fait  point  partie  de  la  foix  ,  mais  elle  en 
»  affecte  la  totalité. 

»?  Il  refaite  de  ce  qui  vient  d'être  expofé ,  que  la  /  <>.v  de 
n  ("liant  conlilte  dans  la  marche  par  fauts  d'un  Ton  à  un 
»  autre  ,  dans  le  il  jour  fur  les  Tons  ,  6c  dans  cette  ondulation 

Ddddd  i 


7u  V   O   I 

»  du  larynx  qui  affecte  la  totalité  &  la  fubf lance  même  du  Son>».* 
Quoique  cette  explication  foit  très-nette  &  très-philofo- 
phique  ,  elle  lai!ïe ,  à  mon  avis  ,  quelque  chofe  à  defirer  , 
&  ce  caractère  d'ondulation  ,  donné  par  le  balancement  du 
larynx,  à  la  Voix  de  Chant,  ne  n;e  parcît  pas  lui  être  plus 
effetniel  que  la  marche  par  faut»,  &:  le  fé)our.fur  les  Tons, 
qui ,  de  l'aveu  de  M.  Duclos  ,  ne  font  pas  pour  cette  Voix 
des  caractères  fpécifiques. 

Car  ,  premièrement ,  on  peut  ,  à  volontc  .  donner  ou  ôter 
à  la  Voix  cette  ondulation  quand  on  chance,  &  l'on  n'en 
chante  pas  moins  quand  on  file  un  S-jn  tout  uni  fans  aucune 
efpece  d'ondulation.  Secondement ,  les  Sens  des  InUrumens 
ne  différent  en  aucune  forte  de  ceux  de  la  Voix  chantante  > 
quant  à  leur  nature  de  Sons  mulicaux  ,  &  n'ont  rien  par 
eux-mêmes  de  cette  ondulation.  Troifîémemenr,  cette  ondu- 
:i  ft  forme  dans  le  Ton  6c  non  dans  le  Timbre  ;  la 
preuve  en  e:t  que  ,  fur  le  Violon  6c  fur  d'autres  Inllrumens  , 
on  imite  cette  ondulation  ,  non  par  aucun  balancement  fem- 
blable  au  mouvement  fjppofé  du  larynx  ,  mais  par  un  balan- 
cement du  d^i^c  fur  l.i  Corde,  Laquelle,  ainli  raccourcie  6c 
>;i£ce  alternativement  &  prefquc  imperccptiblcmenr ,  rend 
deux  Sons  alternatifs  à  mefure  que  le  doi^r  fe  recule  ou 
s'avance.  Ainli  ,  l'ondulation,  quoi  qu'en  dife  M.  Dodert  , 
ne  confiée  pas  dans  un  balancement  rrè^-lcger  du  même  Son, 
mais  diw,  l'alcernation  plus  ou  moins  fréquente  de  deux  Sons 
voiius,    6c  quand    les  Sons  font  trop  s,   &  que 

les  fecoufTes  alternatives  font  trop  rudes,  alors  r«jndulatioa 
devient  chev roteemeot* 


y  o  i 

Je  pcnfcrois  que  le  vrai  Ci  2  diitinflif  de  la   / 

Chant  eit  de  former  des  Sons  appréciables  don:  en  peui  pren- 
dre ou   fentir  l'Uni  (Ton ,  &  de  palier  de  j'un  à  l'autre  par 

des  Intervalles  harmoniques  &  commenfurables ,  au  lieu  que, 
dans  la  Voix  parlante  ,  ou  les  Sons  ne  font  p.  foute- 

nus  ,  6c ,  pour  ainfi  dire  ,  allez  uns  pour  pouvoir  être  appré- 
ciés ,  ou  les  Intervalles  qui  les  féparent  ne  font  point  allez 
harmoniques ,   ni  leurs  rapports  aiïez  hmples. 

Les  obfervations  qu'a  fait  M.  Dodart  fur  les  différences 
de  la  Voix  de  parole,  &  de  la  Voix  de  Chant  dans  le  même 
homme,  loin  de  coqtraner.cer.ee  explication,  la  coniïrment; 
car,  comme  il  y  a  des  Langues  plus  ou  moins  harmonieufes, 
dont  les  Accens  font  plus  ou  moins  Muficaux ,  on  remarque 
aulîi  ,  dans  ces  Langues ,  que  les  Voix  de  parole  &  de  Chant 
fe  rapprochent  ou  s'éloignent  dans  la  même  proportion.  Ainfi, 
comme  la  Langue  Italienne  eit  plus  Muficale  que  la  Fran- 
çoife  ,  la  parole  s'y  éloigne  moins  du  Chant;  oc  il  eft  plus 
ailé  d'y  reconnoître  ,  au  Chant,  l'homme  qu'on  a  entendu 
parler.  Dans  une  Langue  qui  feroit  toute  harmonieufe  ,  comme 
étoit  au  commencement  la  Langue  Grecque  ,  la  différence 
de  la  Voix  de  parole  à  la  /  oix  de  Chant  feroit  nulle  ;  on 
n'auroit  que  la  même  /  'oix  pour  parler  &  pour  chanter  : 
peut-être  elt-cc  encore  aujourd'hui  le  cas  des  Chinois. 

En  voilà  trop  ,  peut-être  ,  fur  les  différens  genres  de  /  oix; 
je  reviens  à  la  /  oix  de  Chant ,  6c  je  m'y  bornerai  dans  k 
reltc  de  cet  article. 

Chaque  Individu  a  fd  Voix  particulière  qui  fe  di'lingue  de 
toute  autre  Voix  par  quelque  différence  propre  ,  comme  un 


766  V     O     I 

vifage  fe  distingue  d'un  autre  ;  mais  il  y  a  aufTï  de  ces  dif- 
férences qui  font  communes  à  plufieurs  ,  &  qui  ,  formant 
autant  d'efpeces  de  Voix  ,  demandent  pour  chacune  une  dé- 
nomination particulière. 

Le  caractère  le  plus  général  qui  didingue  les  Voix  ,  n'eft 
pas  celui  qui  fe  tire  de  leur  Timbre  ou  de  leur  Volume  ; 
mais  du  Degré  qu'occupe  ce  Volume  dans  le  Syitême  géné- 
ral àts  Sons. 

On  diftingue  donc  généralement  les  Voix  en  deux  Gaffes  ; 
favoir ,  les  Voix  aiguës  &.  les  Voix  graves.  La  différence 
commune  des  unes  aux  autres ,  elè  à-peu-près  d'une  Octave  ; 
ce  qui  fait  que  les  Voix  aiguës  chantent  réellement  à  l'Octave 
des  Voix  graves  ,  quand  elles  femblent  chanter  à  TUnilfon. 

Les  Voix  graves  font  les  plus  ordinaires  aux  hommes  faits  ; 
les  Voix  aiguës  font  celles  des  femmes  :  les  Eunuques  ôc 
les  enfans  ont  aum"  à-peu-près  le  même  Diapafon  de  l roix 
que  les  femmes  ;  tous  les  hommes  en  peuvent  même  appro- 
cher en  chantant  le  Faucet.  Mais  de  toutes  les  Voix  aiguës, 
il  faut  convenir  ,  malgré  la  prévention  des  Italiens  pour  les 
Caftrati  ,  qu'il  n'y  en  a  point  d'efpccc  comparable  à  celle 
des  femmes  ,  ni  pour  l'étendue  ni  pour  la  beauté  du  Timbre. 
La  Voix  des  enfans  a  peu  de  conlifrance  &  n'a  point  de 
bas  ;  celle  des  Eunuques,  au  contraire  ,  n'a  dYclat  que  dans 
le  haut;  &  pour  le  Faucet  ,  c'eft  le  plus  défi  gré;  ble  de  tous 
les  Timbres  de  la  Voix  humaine  :  il  fufrir,  pour  en  con- 
venir, d'écouter  à  Paris  les  Chœurs  du  Concert  Spirituel, 
&:  d'en  comparer  les  Deflus  avec  ceux  de  POp< 

Tous  ces  différais  Diapafons,    réunis  &  mis  en   ordre, 


V     O     1  76f 

forment  une  étendue  générale  d'à-peu-près  fioi=;  (  )&aves,  qu'on 

a   divifées  en  quatre   Parties,  Jonc  trois,  appelk  ute- 

Co/itrc  ,  Taille  &  Uaf}'c  ,  appartiennent  aux  /  i  ix  ; 

la  quatrième   feulement   qu'on    appelle  Deffus  ,  ilt  aflîgnéê 

aux   J^bix  aiguës.  Sur  quoi  voici  quelques   remarques  qui  fe 

préfentent. 

I.  Selon  la  portée  des  Voix  ordinaires  ,  qu'on  peut  fixer 
u-pcu-près  à  une  Dixième  majeure,  en  mettant  deux  Degrés 
d'Intervalle  entre  chaque  efpece  de  Voix  &  celle  qui  la  fuie > 
ce  qui  eff.  toute  la  différence  qu'on  peut  leur  donner  ,  le  Syf- 
ténie  général  des  Voix  humaines  dans  les  deux  fexes  ,  qu'on 
fait  paffer  trois  Octaves,  ne  devroit  enfermer  que  deux  Oc- 
taves &  deux  Tons.  C'étoit  en  effet  a  cette  étendue  que  fe 
bornèrent  les  quatre  Parties  de  la  Mufique  ,  long-tems  après 
l'invention  du  Contre-Point ,  comme  on  le  voit  dans  les  Com- 
pofitions  du  quatorzième  fiecle ,  où  la  même  Clef,  fur  quatre 
pofitions  fucceffives  de  Ligne  en  Ligne  ,  fert  pour  la  Baffe 
qu'ils  appelloient  Ténor  ,  pour  la  Taille  qu'ils  appelloient 
Çontratenor ,  pour  la  Haute  -  Contre  qu'ils  appelloient  .'  '  ■*- 
têtus  y  &  pour  le  DcfTus  qu'Us  appelloient  Triplum.  C< 
diftribution  devroit  rendre  ,  à  la  vérité  ,  1-  -n  plus 
difficile  :  mais  en  même  rems  l'Harmonie  plus  ferrée  èx:  plus 
agréable. 

II.  Pour  pouffer  le  Syftéme  vocal  à  l'étendue  de  trois 
Octaves  avec  la  gradation  dont  je  \iens  de  parler,  il  fau- 
droit  fix  Parties  au  lieu  de  quatre  ;  .&  rien  ne  feroit  plus 
naturel  que  cette  divifion  ,  non  p::r  rapport  à  l'Harmonie  , 
qui  ne  comporte  pas  tant  de  Sons  difiërens  ;  mais  par  rap- 


j6%  v  o  r 

port  aux  Voix  qui  font  actuellement  affez  mal  diftribuées. 
En  «ffet,  pourquoi  trois  Parties  dans  les  Voix  d'hommes  t 
&  une  feulement  dans  les  Voix  de  femmes ,  fi  la  totalité 
de  celles-ci  renferme  une  auffi  grande  étendue  que  la  tota- 
lité des  autres  ?  Qu'on  mefure  l'Intervalle  des  Sons  les  plus 
aigus  ces  Voix  féminines  les  plus  aiguës  eux  Sons  les  plus 
graves  des  Voix  féminines  les  plus  graves  ;  qu'on  f  :ffe  la 
même  chofe  pour  les  Voix  cPhommes  ;  &  non  -  feulement 
on  n'y  trouvera  pas  une  différence  (ufEfante  pour  établir 
trois  Parties  d'un  côté  &  une  feule  de  l'autre  :  mais  cette 
différence  même  ,  s'il  y  en  a  ,  fe  réduira  a  très-rcu  de  chofe. 
Pour  juger  (aisément  de  cela  ,  il  ne  faut  cas  fe  borner  à 
l'examen  des  chofes  telles  qu'elles  font  ;  mais  voir  encore 
ce  qu'elles  pourroient  être  ,  &  confidérer  que  l'ufage  con- 
tribue beaucoup  à  former  les  Voix  fur  le  caractère  qu'on 
veut  leur  donner.  En  France ,  où  Ton  veut  des  Baffes  ,  des 
Haute -Contres,  &  cù  l'on  ne  fait  aucun  cas  des  Bus-Def- 
fus  ,  les  Voix  d'hommes  prennent  différera  caraâéres  ,  & 
les  Voix  de  femmes  n'en  gardent  qu'un  feul  :  mais  en  Ita- 
lie ,  où  l'on  fait  autant  de  cas  d'un  beau  JLs-Dcffas  * 
de  la  Voix  la  plus  aiguë,  il  fe  trouve  parmi  les  femmes  de 
très-belles  Voix  graves  qu'ils  appellent  (  'alti ,  &  de 
très-belles  Voix  aiguës  qu'ils  appellent  Soprani  ;  au  con- 
traire ,  en  Voix  d'hommes  récitantes  ,  ils  n\  nt  que  des 
Tjnnri  :  de    forte  que    s'il  n'y  a  qu'un  ci:  de   /  "oix  de 

femmes  dans  v.or.  ,  dans  tes  leurs  il  n'y  a  qu'un 

(ère  de  V 
A  l'égard  dts  Chœurs  ,  fi  généralement  les  Parties  eri 

font 


V    O  •  I  769 

font  diflribuées  en  Italie  comme  en  France  ,  c'eft  un  ufage 
univerfel,  mais  arbitraire,  qui  n'a  point  de  fondement  nature!. 
D'ailleurs  n'admirc-r-on  pas  en  plufieurs  lieux,  &  fingulié- 
rement  à  Venife ,  de  très-belles  Mufiques  à  grand  Chœur  , 
exécutées  uniquement  par  de  jeunes  filles  ? 

III.  Le  trop  grand  éloignement  des  Voix  entr'elles  ,  qui 
leur  fait  à  toutes  excéder  leur  portée  ,  oLlige  fouvent  d'en 
fubdivifer  plufieurs.  C'eft  ainfi  qu'on  divife  les  BaïTes  en 
BafTe-Contres  &  Baffe-Tailles  ,  les  Tailles  en  Haute-Tailles 
&  Concordans  ,  les  DefTus  en  premiers  &  féconds  :  mais 
dans  tout  cela  on  n'apperçoit  rien  de  fixe  ,  rien  de  réglé 
fur  quelque  principe.  L'efprit  général  des  Compofitcurs  Fran- 
çois elt  toujours  de  forcer  les  Voix  pour  les  faire  crier  plutôt 
que  chanter  :  c'eft  pour  cela  qu'on  paroît  aujourd'hui  fe 
borner  aux  Baffes  &  Haute  -  Contres  qui  font  dans  les  deux 
extrêmes.  A  l'égard  de  la  Taille  ,  Partie  fi  naturelle  a  l'homme 
qu'on  l'appelle  Voix  humaine  par  excellence,  elle  efè  déjà 
bannie  de  nos  Opéra  où  l'on  ne  veut  rien  de  naturel  ;  Ck 
par  la  même  raifon  elle  ne  tardera  pas  à  l'être  de  toute  la 
Mufique  Françoife. 

On  diltingue  encore  les  Voix  par  beaucoup  d'autres  dif- 
férences que  celles  du  grave  a  l'aigu.  Il  y  a  des  Voix  fortes 
dont  les  Sons  font  forts  &  bruyans  ;  des  Voix  douces  dont 
les  Sons  font  doux  &  flûtes  ;  de  grandes  /  'oix  qui  ont 
beaucoup  d'étendue  ;  de  belles  /  'oix  dont  les  Sons  font  pleins, 
juftes  &  harmonieux  ;  il  y  a  aufli  les  contraires  de  tout  cela. 
Il  y  a  des  Voix  dures  &  pefantes  ;  il  y  a  des  Voix  flexibles 
6c  légères  ;  il  y  en  a  dont  les  beaux  Sons  font  inégalement 
Dicl.  de  Mufique.  E  e  e  e  e 


77o  V     O     I 

diftribués,  aux  unes  dans  le  haut,  à  d'autres  dans  le  Médium  , 
à  d'autres  dans  le  bas  ;  il  y  a  aufli  des  Voix  égales  ,  qui 
font  fentir  le  même  Timbre  dans  toute  leur  étendue.  C'eft 
au  Compofiteur  à  tirer  parti  de  chaque  Voix  ,  par  ce  que 
fon  caractère  a  de  plus  avantageux.  En  Italie ,  où  chaque 
fois  qu'on  remet  au  Théâtre  un  Opéra  ,  c'eft  toujours  de 
nouvelle  Mufique  ,  les  Compofiteurs  ont  toujours  grand  foin 
d'approprier  tous  les  rolles  aux  Voix  qui  les  doivent  chanter. 
Mais  en  France ,  où  la  même  Mufique  dure  des  fiecles ,  il 
faut  que  chaque  rôle  ferve  toujours  à  toutes  les  Voix  de 
même  efpece ,  &  c'eft  peut-être  une  des  raifons  pourquoi  le 
Chant  François ,  loin  d'acquérir  aucune  perfection  ,  devient 
de  jour  en  jour  plus  traînant  &  plus  lourd. 

La  Voix  la  plus  étendue,  la  plus  flexible,  la  plus  douce  , 
la  plus  harmonieufe  qui  peut-être  ait  jamais  exifté  ,  paroît 
avoir  été  celle  du  Chevalier  Balthafar  Ferri ,  Péroufîn  ,  dans 
le  fiecle  dernier.  Chanteur  unique  &  prodigieux  ,  que  s'ar- 
rachoient  tour- à- tour  les  Souverains  de  l'Europe  ,  qui  fut 
comblé  de  biens  «Se  d'honneurs  durant  fd  vie ,  &  dont  tou- 
tes les  Mufcs  d'Italie  célébrèrent  à  lVnvi  les  talens  «Se  la 
gloire  après  ù  mort.  Tous  les  écrits  faits  à  la  louange  de 
ce  Muficien  célèbre  refpirent  le  ravinement,  renrhoufiafme, 
&  l'accord  de  tous  fes  contemporains  montre  qu'un  talent 
Ci  parfait  ck  fi  rare  étoit  même  au-dcfïus  de  l'envie.  Rien, 
difent-ils  ,  ne  peut  exprimer  l'éclat  de  ù  Voix  ni  les  grâces 
de  fo.i  Cliant  ;  il  avoit ,  au  plus  haut  degré  ,  tous  les  carac- 
tères de  perfection  dans  tous  les  genres  ;  il  étoit  gai  ,  tkr, 
grave ,  tendre  à  Çd  volonté  ,  &  les  cœurs  fe   fondoient  à  fon 


v  o  i  7fl 

pathérique,  Parmi  l'infinité  de  tours  de  force  qu'il  faifoic  de 
fa  Voix  ,  je  n'en  citerai  qu'un  feul.  Jl  montoit  &  redefeen- 
doit  tout  d'une  haleine  deux  Octaves  pleines  par  un  Tiill 
continuel  marqué  fur  tous  les  Degrés  chromatiques  avec 
tant  de  jufteffe  ,  quoique  fans  Accompagnement,  que  fi  l'on 
venoit  à  frapper  brufqucment  cet  Accompagnement  fous  la 
Note  où  il  fe  trouvoit  ,  foit  Bémol  ,  foit  Dièfe  ,  on  hn- 
toit  à  l'inftant  l'Accord  d'une  jufteife  a  furprendre  tous  les 
Auditeurs. 

On  appelle  encore  Voix  les  parties  vocales  &  récitantes 
pour  lesquelles  une  Pièce  de  Mufîque  eft  compofée  ;  ainfi 
l'on  dit  un  Mottet  à  Voix  feule ,  au  lieu  de  dire  un  Mottet 
en  récit  ;  une  Cantate  à  deux  Voix  ,  au  lieu  de  dire  une 
Cantate  en  Duo  ou  à  deux  Parties  ,  &c.  (  Voyez  Duo  , 
Trio  ,   &c.  ) 

VOLTE  ,  /  /.  Sorte  d'Air  à  trois  Tems  propre  à  une 
Danfe  de  même  nom,  laquelle  eft  compofée  de  beaucoup  de 
tours  &  retours ,  d'où  lui  eft  venu  le  nom  de  Volte.  Cette 
Danfe  étoit  une  cfpece  de  Gaillarde  ,  &  n'eft  plus  en  ufage 
depuis  long- tems. 

VOLUME.  Le  Volume  d'une  Voix  eft  l'étendue  ou  l'In- 
tervalle qui  eft  entre  le  Son  le  plus  aigu  &  le  Son  le  plus 
grave  qu'elle  peut  rendre.  Le  Volume  des  Voix  les  plus  ordi- 
naires eft  d'environ  huit  à  neuf  Tons;  les  plus  grandes  Voix 
ne  partent  gueres  les  deux  Oitaves  en  Sons  bien  juftes  & 
bien  pleins. 

UPINGE.  Sorte  de  Clianfon  confit rée  à  Diane  parmi  Ils 
Grecs.  (Voyez  Chanson.  ) 


77>  V     T 

UT.  La  première  des  fix  fyllabes  de  la  Gamme  de  l'Aré- 
tin  ,  laquelle  répond  à  la  lettre  C. 

Par  la  méthode  des  Tranfpofitions ,  on  appelle  toujours  Ut 
la  Tonique  des  Modes  majeurs  &  la  Médiante  des  Modes 
mineurs.  (  Voyez  Gamme  ,  Transposition.  ) 

Les  Italiens  trouvant  cette  fyllabe  Ut  trop  fourde ,  lui 
fubftituent ,  en  folfiant ,  la  fyllabe  Do. 


h-  : <*iïP- 


z 

<A.  Syllabe  par  laquelle  on  diftingue  ,  dans  le  Plain- 
Chant ,  le  Si  Bémol  du  Si  naturel  auquel  on  laùTe  le  nom 
de  Si. 

FIN. 


Clef  de  Fa 
de   Mi 
de   Mi  B 
de  R.ë 
d'Yï      D 
d'Vl 
de  Si 
de  Si  B 
de  la 
de  JaB 
de  Sol 
de  Fa  D       V\ 


i.dwe/nple     t71<yc  2-74 


TABLE  GENERALE 

A  D  C 


*?  .7 


*.<&-.     2« 


ope  274 


3.(5r.  dcsû/itcri>a/lej  d, 


3i.Og~J4.32i     J4(,--27J.3>S4J37  ^î^'^lf  j4<)-Vj  V.?  '27  J 


]ireajx^  -dayc  270. 


-i-do:.  de.JsJn.terv-    rerutniéj    _£^e  176 

? (for.  ()cj  ù lit        d//tl/jlC(L  Jfaye  27b 

G.Ox.  dea  Unt.  redoubler      Î2^e%76 t2 

7  ùx.fSfoar  le  \-sKjo3c  ^  )C  a/eur  de  J'ol    Sta^c  %8g. 
iCar.yoour/c^yyLode    HZ  ineur  de   Jol  ^P<^,a8j,  Si  ]j  f 

9-ù>c dit pajj(iye>  d'un  <Jon  d iciv  autre      CEaytigo  .    ° 


}J  ^z.  s     7  \  ,  a  3-^-3 f 


llllll""- 


10.  C.cdt, 


4.   3>«o,    Sl 


f-  y1  7  à1 


papaye  du  ///apurera  c  W.  lueur  «o  vtce  veruû  £%9i      l  M^aif4^i  V  W  W<*>  2  4^  3  âé^?6^7^fip\\  >* 


n.ur.    j_i9s 

nchc.de.  laZi  .  tra/uicru  par  lap"'  ilTJétkode  JHzu 


d    I7l23  i54^^^17^-^4?  34       ;^/43  4^ji 


Flanche   A  . 


Cadences paç/iules  évitées 


Fvg. 


% 


w 


m 


é 


m 


-A 


7    {      7     7 


Cadencef  interrompues  évitées. 


%4M 


Cadence  rompue 
Pleine  sans  liaison  A 
Evitée,  avec  liaison  B  . 


Renversement  de   la  sixte    a/oidee 


Fia.  2 


ï 


■e- 


W 


ééèm 


3* 


7     7       7    7 


m 


Fia.  3 


« — t—n — 

" 19 Vj~ 

-f — H— 

7          7 

hrr~i 

V 1 1 

-i — 

Fl. 


i0  -T 


^^ 


g=rff 


-2=^ 


^ 


7     7 


M 


ëaëg 


1 


^-*^ 


Clavier 

0 

m 

Fia.  S. 

(S> 

tt~ 

H- 

*J- 

Positions  et  raports  des  Cà'ts. 


-B.-F.de  JI.  Banwau  .  Fcntaèle  B.-F 
Notes  ascendantes  de   tierce  en    derce    . 


Ctefde  soi.  ou,  de  0.  rc,  sol  Fia  ■  b  ■ 
Cfet'dut.ou   de   C. sol.  ut. 
.Clef de  jk .  ou  d'F.ut  ,^fa- 


*■ 1 i 

—  -y—  M      y     y     *>-$- 

bjufHfHfeh::::::::: 

Fig.y. 
Fiai. 


L,:r  ^):r  h 


oies    à    Ihinucs-t^  on  ^ 


Pr"rftrRrR'KJ^ 


ï 


Gamme   Italiciuie 


Fia\9 


Accord   par/dit  ■  Septième    \  Siste  -  a/oùtee     \ 


Gamme 
Françoise 


\G 


Fia.  i3  ■ 


Fi 


'/"■ 


u 


ï 


S 


S 


3E 


Jiatons   de    mutfre  mesuras      -Bafons  de  deux  mesuras  Trente  une  mesurera  compter 


CarrilloTt    Cûrhforwant    à  j}  Tvnbr&r. 


Fiif. 


K 


F 


j-ol 


SI 


la 

sol 


/a 


FlCJ .  ÎO.- 


<* 


-9'- 


-Jà- 


-M- 


tb. 


E. 


A 


beauarre 
...la. 


— xm~- 


sol 


xd*- 

nn 


.ut 


roi 


re 

-rttt- 


naturei 
nu 


la 

Soi 


Ja 


-!**- 


.sot . 


.  ./ni 
— f=er- 


sol 


nu 

fV 

td 


sel 


liuefiomme     Jhtupsii 


Phnche  B 


J)i'it.v  -  lem.c 


Data:  —   quatre 


.Sta*  —  quatre 


a     afeu.r      tems  a    t£eua>     tenu?  à     i/tw/.r         Ami.c 


Trt  us  —  Aiut 


/un/ 


lZ     aeu. v      tems  a    t {eu*v     tenu? 

Siu-    —    seize  Trois    —       /e/fis 

^      ^  7...,      mi. 


Trois  —     deuœ 


z     u/i     tems  ou      à  trots 
-à^eti/^^      tnnitrv 


à    Têtue     tems 
JVèuf-     Ami . 


'  a     i/eu.r      lemo:  a      ùotj-       lems.  à      Irais      lem.r .  ,7  lm/.r     Urne  à        /raie      A-m.r 


a       /rots       tems.  «    '  a      an        tems.  à        quatre  tems  a       quatre  te/ns.  à     quatre       tems.  à    quatre    tems 


Fyx 


Teiuv      tem^ 
Trois  —     t7iu?û\> 


a      â'oxj-       tems, 
Trois  -  setzt 


a      trois      tems 
Quatre  —    tems 


-Doute  —  attatrt 


a  trois     tems. 

Jhntte  —     Autt. 


a       trois      tems 

J^ouxe  -  seize. 


quatre  lems  a       quatre  tems.  à     </uatrt 

J^a-emp/e    dune    mesure  Sesqta  —  a//ere  7  a    deucc     tïv/hr     tneçaita 


m®W^'^W^ 


quaù\' 


^jjgMgJi^Mai 


yj|,riff|f;j^ff 


FF*N^hf^F!riJflTJ  ^^^ 


^ 


m 


*-p- 


■& 


^.*g§ 


^Énœcmr    çaracâsretr      âe    auànàt& 

*7ToTe   ma/eur  par/ai/.^JfoTe  ma/eur  imptzr/att  Jloi/e  mmezir  par/ài/  ^Jloae  mineur  impar/azt.Tho/ation  ma/re par  tinte  TTem.  impar/uiteTro/aaon  minrfpar/ai/e.Jaem,  unpar/aitc, 


^^ 


Π


S 


s 


E 


ï 


S 


□      a      rc 


_ — -  .  _  .. — _ ,._ u j_i u i_i — u ^ l_i u g, <y 1>     ■■ e> fc« — 6> 6> p— u p p 

Fii/ 3  F  Fie; -4.  Fu?ô  Fu? .  £.  Fiq.jo.       Fia.  11.  Fiç.  ri 

Fat/e  F  lotîtes    /es   moFi/alions   wim&c&tzôeer.        Transitions  e/' Fa/Je -/oiuùmen/a/e  jvoar  tous  /es  c/ta/u/enwns  i/e  Fm  . 

J'Jn   soràz/if  ,/a  Jloi/e  ^Jfa/eur       JSn    joràml   i/u  JUode ..lîmeztr  7  7  t7i_t  _777  kr-L 


y^«    joreane  au  liloae  -/Majeur       J!,n    sorâml   au  Mode  ^limeur  7  7_7|7  ?  7  7  L 

^  >,-'    l    I"-"  A.1     H.l         C*J       D.      E.  f1        a*"       ir       I.  . 


Fiç 
^Jcirémcns    i/n  Chanù         pymeôù 


frrrf^rtrtyw^-nirriir'riir 


.#  Jp  ] 


I£n  sortant  du  ^Jjfcnze  ^Ifa/ear 

Jftz/e//T 

Uorni/ia/ue -A. 


J£n  sorâmF   t/u  -  Jfoae  ^  fÉheur 

yj/ftnet/r 


J  UJ  J.Y  I,  élèvent     (  aderuse  p/euie     CaTenee  êrwe&  (  ou/e  TIfar{e//eme/il  T'/attè-Port  </e  vouvTbrtae  vouyeTà 


U£r  imnmfrv0'  U  ïyWfïïr^m 


j  JL-WianA- -F. 

fàazème  m'A'  -  -  .  -B.  I  J )amina/ite vr. 

Ton  (/('    /il    \jM*/um6t C   Fo/l    de   /(l    lSoutre&mBumàà...S. 

Souattominanfe ])  I  <IV.jv.wic  m'/e .1 

Seconda  note  .  .  .  -E-  (  laem .  .  - . -K.  - 


Planche       C. 


>t/tw     ■wtc -sy—  isms  T/7,~       /r  - 


Ode   de   Ptndare  ■   P:  Morceau,    de  J/usuiite  Jneienne 


Fia.  i 


W 


g^p 


ZXE» 


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w 


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satj 


W- 


^ 


a* 


«Uii 


Zpv-af.    -  <?      f°P  'fjP'Z'  ■d-7rô\    A  C-i-i'oç,£a/  i  -  op-koKauajr  Hvr  dneoi"  .Uoi 


S 


xct 


* 


g     *£ 


I 


«a»»  ?cré-a-vov        Taç     a-?câ'  -  &  #/ii     3tzâz$,   <z-}/\iz  -   tac.    ap-?ea    , 


Le  Choeur  qui  suit 

se  chante  au  son  de 

la  Cithare  . 


p       O    5 


Table 

2*L/e  tous  tes  wt&rvatt&r simples,  praticabk 

Fia    2      dans  la  Musique  . 


Intervalle  J 
eacprime  en 

Notes . 


Nom 

de    l  intervalle 


Dee/res 

au  il 

contient 


Valeur 
en  tons  et 
Semi-tons 


Rapport 

en 
nombres 


Z8ZL 


=SEZ 


zo 


■é-ç- 


Hti^Jav  -  rai  o   a  -  oi-ooi  on-ueurw.         J'jn   en -""/pçoor  ojrorai'    rejr   yiooi-u 


Ut  X       reV 
Si ut... 


3=3K 


^ 


M()      I 


wm 


* 


rt  a  a   >nt 


£7 /V. 


U/yJû-Xao,  rsv-fyç.     è-X/-X/  -  Jo-ud-va       Kaj   rài-    ai-\jia-rdi'K£-p  a  l'oi*  ot3 eivÙ£  - l<l, 

/II/ unie  a    Xemesis.  2e.  Morceau    de  Musique  Jneienne   , 


fi 


*     7)    m 


3P*Q^- 


rr  r  r.'rrrr 


*m 


rrrirrr  |'ifr 


l6> ? 


i 


Ut- 

JÏ- 

Mi- 
Uf- 
La- 


Ns/ie  in  -  rrfeço  e  tï  ffa,6wi'pop^cil£v>avcj/7i    de-à^tv^arep  A  heas,  Jx.  ov  m  ci   <ppv- 


Or 


r  w  f 


É=i£ 


r  r  nr rr  r  1  r ~ ~i r  r  r  r-rrr 


Hé 


=açr 


aj  fiara  J/varcji<        Ene\i.ii,    a  oa ucw  «  ?ea\i  -l'ej ,      E"%ûoioa  rjvâpw  o\o  av  ôpariv. 

,■.       y      J/arche  des  Mousquetaires  du   Roi   de  France  . 


■re%. 

-rep.. 

-sût . 

-mi .. 

-la.%. 
Ut%     Jet,-. 

Ut z/a  . . 

Ut zfa%. 

Fa  X        ut . . 


^rmrfrmrFWrrt^ 


Ë 


ut- 
ut- 


9 (. 


<S^- 


*)'L~>  |JrJr|  J7  JJibfai=  -^ij^^A—^À^i^^É^rÉ^i^ààzrÉi-à^iÈÀz^A^^. 


Tambours 


Fig.4. 


l'ILU 


-  sol  - .  - 
-sol%. 
La%      u/â.... 

Jfi U/.-. 

ifol mi . .  - 

Re  P        *n--  -  - 
Jîe%        ut.... 

Mi re... 

Ut si.-. 

Sol)>     Ja%- 

m ut... 


Seconde    dmwwefl, 
Seconde  mmewe 
Seconde  majeure 
Seconde  superflue 
Tierce    diminuée 
Tierce    mineure 
Tierce   majeure 
lïerce  superflue 
Quarte  diminuée 
Quarte  t  nwte 
Quarte  super/hie 

diie  Triton  . 
Quinte  dùnmuee 
dite^  fausse  quinte 
Quinte  ^/usle 
Quinte  superflue 
Siœte  diminuée 
Surfe    mineure 
Sucte   majeure 
State   super/aie 
Septième  diminuée 
Septième  mineure 
Septième  majeure 
Septième  super-fàie1, 
Octave 


.1 1 1  Jemi-Ton 

.1 \i Ton 

.i !  i     f     Ton 

,2....\j  Ton 

t 

.2 1^     j     Ton 

,2 !  2  Tons 

.2. . .  -!  2    -ï     Tons 


*  ■■■■ 
f.. ... 

s.... 
s... 

fi    . 

0           s 

fi 

fi 

fi... 
fi... 

7—- 

..|3 
J3 

\-f 
\4  i 


r 

T. 


T.. 

T 

T. 

T.. 

T 

T.. 

77. 

T. 

T  . 

T. 


T 
T 


3„< — 30/ 


OQ- 


4- 

j,e- 


—ib 

— S 

—  yô 

-i44 

—  fi 

—  S 

-12Ô 

—  4 
—4l 


^  S — 

2 

jfi 

125 h 


10- 

8- 

&- 


5^ 


Fia.  S  A 


J*a/     **I$rén< 


\    (tet&c    Are/riz  -  6rez?(\r  S 


;    \y,<z ,    '.r 


./y/-, 


-&- 


-#r 


X//    -Uwzziie     ne      ,re     i/wi.re         poiziA-) 


ifi/encea*  Correjnoni/a/ié 


A.     Crochet  . 


P/miehe.    D. 

B.      J)aul>le   -    CrocAet 


£a-P<zuse  yia  remplit  foaâr  espaces, 
van/   raie  ^TZaarane . 


C  *e&  aui  remplit  seulement  tleua-  Otpace^j 
l'tutt  tait?  Jjonçrue 


C  elle  aia  ne  re/npùt  au'iai  espace  , 
vaut  rené  Jire've  . 


t  eue  ,pu  fte/itpar  en  Aatu%  et  ne  remplit  aj/e 
et  moihe ,f?m  esptiee,  Utiuttaie  se/m  -Jire. 


(eue  >pa '  âe/il 'par  te  las,iYne rempli/  aue  ta 
moilu*'  tl'tme  espttceri>aa/  une  SJ/tnane 


-^ 


l'iajo. 


3= 


C  rocAets . 


gfie 


m 


r  r  r  r 


* 


JXwMe    —     C  rocAel 


&& 


\ r  r  r  r  r r  r 


JSœemple  i/u  jDouôle  -emploi/. 

JTzfeitrs  moJer/ies  Si'Aeziees  corresiH»i</ans.  .Ft/J2^:   y-   | 


JJizton    valazié *~*f  mesurer 
Jidlv/ï    de    2    mefiered" 


Cl. 


Uh&Jtonîm  cslA/tzle    lz 
T       <U.r     Jitan.-Aes  f~ 


1* 


i/l/atre  JToirw         \ 


rff    à      f)    »      g     ,y..ft.-/U    T  f  f  P 


J\mse    valant  taie  mesure- 
J)enu  -pawtî.iHUtzn/  r/ne  filaicAe 


Saupzr  uaÂmt  une  2\ozre 


Ffemi  -  soimrr  valant  taie  i  roelie 


(tuart  tù-  soupir  valait  taw/kyttol'~ir\H^e 


Fy.â 


r  -mi-  \\\  r 


5  5 

Cnanme  foule  aZznj'  le  même  Ion  a  /tz/izvetwt/u/XutA/e  enw/oy. 


W 


zm 


-G- 


^ 


"S        S" 

7 


-o- 


5         4 
-6- 


i 


J^eiztfe    ae\  /a  j^Yezmerjêe^ae  6z \rarfo  -<z/twfoé 


5£ 


i/e  I  la  "  . yeznyerjw\ 


^ 


ytwlee  . 


^^ 


Doitolc  Canon  rem>e/\re' . 


Fl(/M. 


n — ^~ 


fe££ 


♦-# ^V 


ww 


^ 


S^^f^ 


»  r  » 


Haute  -  contre 


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Planche  .E. 


Iable  Générale 

De   tous    les    Modes    de    la  Musique    Ancienne. 


AU.  Com/ne    les   jÉuteiaw  ont   donne     divers   noms    a    la   pluspart  de    ces 
les   noms   moins    luntes    ont     etc     mis      en      vins     -petiàf     caractères . 

G  r  av  c  s  .  M  ov  en  s  . 


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•fc   i7e  place    /ci    le    Jlodc    Hl/per-  ??iLvo  - Ll/ dien  ,  le    trouvant    ainsi  note    dans   mes   cahiers    Sous   la  citation  diE uclide  :  Jlais  la 
véritable  place  de  ce  Mode  doit  éù~e  ce  me  sembla,  un  semi  ton  au  dessus  de  l&i/per-Zj/di'en.ains{/e pense  (jiiEuckae  sert  trornpe,ou  aueje  l'ai  mal  transcrit. 


Planche  F. 


Nouveaux  Caractères  de  .Musique 

j-,  ■  Exemple    de   valeurs  égales. 

Fig.l.    L'Octave  en    montant.  *  19    2  ' 


-i — S — 3—* — S,  6     7 — — 
Ut,  re,mi,Jà,^'Vt,/a.tri,utl 


Irieiii  ,en  séparant  lesTenhrpar  des  T'iratuW 
2  |  1      7     1     2[3 8     1     l]5    4      5    6  \  7     6     7    5  |   *    4      5 — g— j — *-— 1|  1 1  1   7>  1    2    |  3   2,   3    l\    S    4  *,      & 


i?V .  3 . 


2k 


1    3    1     S    5    7 


Exemple    pour  les     Taleitrs  inégales,  Points,  ^Q/ncoper,  et  Silences. 
12  3  4    |   5   ,   |    ^    4  3  2~TT 


15  5   6  7 


g.  0  *  tf   i       5,    05314231 


4  '  3      •  2  •  1 


3  I  Quando 


Air  a    chanter  avec  la  3 


asse 


rpunta  l 
-S — * — 3- 


2    3  4     3 
ciel.,  l'an 


3      2    0 
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5     5432 

6~T~4     3      2 
cie.  ..la   al 


7   •       1 

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5    4    3 

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6_2    7     • 

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deb. la    un 


17   6    6 
con.. .  so. 


5 
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6         7 
5      3     *~2 
Quart . .  do 


1     ~T^ 5 

tr  .         « 

7     ■        1         * 

spun.ta     inM. 

S 4 3 


7    0 


7         4.  -5  2      2 

Noter   de  J/out    de    la   première    espèce  . 


jgPfelgggËj^p  *-*fpËp 


5       <5-     "  *         ~2      5tf 5432       1 

Etendue     des     guatre    Parties   Tocal&r, 

f~f     mu    O    ii  U    t 


d.c  . 


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Fia.  S. 


Notes   de  j/oitt    de     la    Seconde     espèce  . 


D&rj-uj-.  Haub-c     conire  Taille 

K tendue    d&r    quatre  Parties  Instrumentales. 

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Darius  de    Fiolvri  TailU 


r  'Jirr?jriu 


Quuitû  <-*0u  Viola 

c'aré  le  même  In+rfrurnent 
que  la  Titille,  et  accorde  de 


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Partition  pour  l  accord    de     l ' Or^gue  et    du   Clavecin    . 


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Par  Qwntar  en    d&rcendant 


JPla/ic/ie  G. 


JJijfri/n/àon  </e  /'Orr/iesv-e  (/e  /'Opéra  (te  JJresc/e , 
Fini.  Xhrigépar   le  S' Haj^re  . 


Renvois  des  Chiffres. 

1  (Vtuyrcvi    i/it  ^lltu/re    e/e  C/ituieffe  . 

2  l  Vmn*ci/i   d'accompagnement' . 

3  T'iolonee/Zes 

4  (  outre  -  6a/ie  ■ 

5  7}/e//uers   flo/ons  . 

6  Secorui     Vxoloruf}  ai/ans  /e  t/o,r 
■    tourne  vers    /e    'l'Ae<t//-e 

7  l£zu/>ois)  ae  même 

8  l''ttttcsf  Je  même 
a  ■  Hautes  t  eu*  même, 
b    JBa/ioTit 

c.  Cors  i/f  C  liasse  . 

à ■   Une  Jreoune  t/e  Cnayue  côte  pour  /es 
T'i/tiithrt/es  et   Trompettes  ■ 


IIi//?i/w  t/e  S'. ,  Fean 

Te/A-  </tty//e  o-e  c/ian/ott  a/icic/i7iement 
âree  tut  7rtanuffcrtâde  Sens . 


Utqueantla-xisReibnare    iil>ris,jMi-ra  pviVo-runi 
Fainidi    hi-o-riirn,  Sol-ve  polln-ti  Labi-i  -re  -  a-  hun 


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^.  (Teiiera//ivi  des Duso/umces. 

~  Jat. 


Sane-te  Jo-an-nes  . 

Ta/?/e  </e<r  ^o/ur  jEHu^/fio/iu/ue^ 
Je/i.ri/>/(\r  etaprrréaaèletrsur  /e  TwHenceue . 


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JL.ii  (ort/e  tt   ott/e 
La  Tieree  muieure... 
JZa  Tieree  mu/eiae. 

-La  Qmi/'te 

Z.a  Quuite 

Z.a  Si.ete  mtneitre . . 
JZ<i  .  farte  mineure. . 
L'Oct<nu> 


\Donm\ 


/frtf.R-ft-R-^      Fy.j 


«  Si/sfeme  aetierai  ties  Dissona/u  tes., 
-^  E l     - 


Lu/itj-j'on   . 

l*ti  Jh.v- neuvième ,  ou  ùt  t/ou/ue 

Oc/mu*  </e  /ii  {)ut*ite  . 

L<i  J)i.  r  -  .^y/urne,  ou  /a  douÀlê 

Oean>e  t/e  Ai  même   Tieree  /ii,i/eitre 
Jai  t/t>ii/*/e  Oe/ave  . 

Lo  Douo-ieme,  ou  l'OcâZffé  </e  /o 
metne  Qituiâ? 
Ltt  6'tp/e  Oebrre 

jLo  J)t.r-se/>aeme   mo/eure,   ou   // 
i/ou/Ze  Of'àwe  Je  /<r  Tieree 
VOeâwe 


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Fl<7.8.  l^ïï        ffî        rj^ 


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Planche   H  . 


Notes  de  l'Ancienne    Musique   Grecque  . 

J7\g    j  Genre    Diatonique ,  Mode.    L^ydten  . 

N.B.  La  première  note  est  pour  la   Jlusique  vocale ,  ut   seconde  pour    l  instrumentale-  ' 
Noms     Noms   anciens  ■      Notes .  Explication  , 

Modernes  I 


La.. 
Si. . . 
Ut.. 
Ré.. 

Ml. . . 
Fa... 

éol.. 

La... 

Sl\> 

&\ 

*  Ul... 
+  Ré... 

*  FI... 
+  Ré. . . 

Ail. .  . 
Fa... 
Sol.. 
La... 


Proslambanomene 
K\ipatc'  nypalon 


Parhvpatc  hypalon  .  . 

Eypaton   dtalonos 

Hx/palc    meson 

Farm/pale'  meson  .... 

.Meson    alatonos 

Mcsc 

Trile    Jji/i/iemenon  . 

Paramese 

SSjnnemenon  Diatonos 
JVele  iTj/nnemenon  .... 
Trlte  Die^cugmcnon  . 
Diei.euqmenon  dialonoj\co/;>,-< 
JVele  Dieicugmenon . . 
Tritc  hyperbo/eon  ... 
Ryperbo/eon  Diatonos 
Nete    hyperboleon  .... 


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Zêta   imparfait ,  et  Tau    couche  . 
Gamma    a    rebours ,  et    Gamma    droit  . 
Beta     ùnparfàit   ,  et    Gammk    renverse   . 
Phi ,  et   Dlgamma    . 
S[gma  ,  et    Sigma    ■  '    . 

liho  ,  et   Sigma     couche  . 
.Un  ,  et   Pi    prolonge  ■ 
Iota  ,  et    L^ainoda    couche  . 
F/ie/a  ,  et   Laino  da    renverse    ■ 
/.eta  ,  et    Pi     couche   ■ 
Gamma  ,  et    Ail   . 
Oméga  ,  renversé   et     '/.eta  . 
Eta,  ,  et    Pi    renverse'  et  prolonge  . 
Nete    Synnemenon  ,  gui    est  la   même     corde   , 
P/il   couché ' ,  et  Eta    coura/it    prolonge  . 
Upsilon    renverse  , cl  Alpha   trongue    a    droite  ■ 
-Vu,  et    PI  prolonge    surmonte'   d'un     accent    ■ 
Iota  ,  et    Lambda     couche   surmonte  dun     accent 


R, 


emarques  . 

Quoique    ta    corde   diatonos   du    Tetraeorde    synnemenon    et    la    'frite    du    Teiracorde     Bie^euymenon 
aient    des    notes-    différentes ,  elles    ne    sont     que     ta     même     corde  ,  ou     deu.v     cordes    a     l'unisson 
Il    en    est    de    même     des    deu<v     corde    Xeté  O^x/nnemenon    et    Die^etiijmenon    Diatonos;  aussi     ces 
deus-cl    portent  -  elles  les  mêmes  notes,   il  Jaut    remarquer  aussi  que    la     niese'  et    ta    nete 
lu/perboleon   portent    la    même  note  pour  le    vocal ,  quoiqu' elles  soient    d    l'octave   l'une   de 
l  autre  ;  apparemment   qu'on    avait   dans  la  pratique    quelque    autre    moyen    de    les    distinguer. 

Les  canotai    qui     voudront    connaître    les  notes   de    tous  tes    Genres   et    de     tous  les   Modes, 
pourront      consulter   dans  J/eilomi'us    les    Tables   d'Alx/plus    et    de    Tiaccluus . 


LJ 


lagrammc 


<e  ^gênerai  du  Système    des  Grèce  pour  le 
J7lC,    2    âl      si  Genre  d  la  ton  ta  ne  . 

W       11      II 

Ltz  î  .\  ele     hxiperboleon 


Hyperboleon    diatonos- . . 


True     hyperboleon 

Neté   diexeuymenon . Jjytiaphc  ou    coç/oncâm 


Tèiracûrde  kijperboleon. 


1 

e 


/£|e . .  {Dtezeucjnicnon     dta/onc^p.] 

1  Ne  te  '    J\/nn  em  en  on  \ 

U{ ASyruiemenon    diaiono*r\ 

YTrite    jn/nnemenon  .  .  -  -  J 

ParamcJ'è  ^ 


Ji  b 

4«~ . 


i 

r\a 
Ai 

4 


Teiracorde  die-zeinjmenon 


Trite     <rynnemenon —  '.jDuLzeuxw  ou  dis jonction 


Mewe. 


""\ 


lleson    dîaionoj*. 


^•Jefrxzconfe   meson 

Par fn/ pâte  '   m  e<ron 

Hx/na/e    meson •LjynapAe  ou  conjonction 


ffyp  nton    diaton  os . 


''Teiracorde  fnjpaton 


Par hy pâté    nypaton 

Hypale     /tu pal  on  . s 


Proslamb 


nuio/nenos- 


-J 


Planche  I , 


Echelle  générale    du  Système   moderne,  sur  le  yrand   Clavier  à    ravallemènL^D . 


Fiq. 


SE 


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^.^mo™^- 


VnMô^S^ 


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|,.,^'^; °-  = 


rl.n^-e»>-a>^tef: 


Arrangement      du     Clavier  f  Selon  Arrangement     du     Clavier  t 

le     0\steme    établi    .  Selon  le  Système  de  AT.  de  Hots^gelou 


Progression 

par 

Quintes 

en 

commençant 

par 

Fa 

ut 

de 

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ma. 

mi 

J'« 

j 

sot 

te 

ta 

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si 

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si     b. 

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Fig.  3. 


de 

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la 

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Ut 

re       mi     L/z 

te 

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ut 

Fia.  +  . 


n         n    2    n  &     n    *     n  "    n    °     îz 


Progression  par  Quartes  en   commençant  par  Si  . 


fa 


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Portée   de    Jlusujue   a   Sept  lignes 

contenant     l  ecliellc    cÀremaaaue    de  l'oetave  .  Sans  aiezes  ni    Semoir  . 


23ZSZ'ZJ         2       2 


Fïff.  S. 


M  o       nz 

n  rt  Je 


Consommée  . 


O  <T~ 


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-I)  O 


-O- 


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~o — rr 


Fiq.  6 


l  ceAelte   diatonique    sur  la    même    Portée ?  .  - 


Fie,.  8. 


re        nia      mi      ^/à       ^/î        sol       bc        la        sa      si        ut 

A 

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Ut  re        nu      ^fa      so> 


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Turm^f 


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Fu).ii,\ 


Son  produit  „„- — -«, 


Parties    épates. 


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Fl9.3. 


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1     S       S     10      u       ii    i->       14 


Fmnloi  de  ni  Quin-le  superflue 

a  ut  liimcoi.re,.      1       I         +  •'    l Italienne  .     raifort 


1*  A 

IO         l(> 


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15  fi 


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.Ocrm  ton  1 

r  .     f         .      I f I     Tî" I    j%3 nuyeitr    \ 

Ton  \     Ion  |    .  I  .-m<  <W<  I       7^n  j^    mineur  mtifour  q      • 


m.ucur      l    mawiir       '     l'Ui/eur  "UHCif  q 

> L-wi — ; x,  u — 1 


oz. 


JBa/oe  fondamentale  et  re'çidie/e  de  l'Echelle  diatonique 
ascendante  par  la  Succession  naturelle  des  trois  cadences  . 


\>l) 


180         x6o        u/.if.        i3S        110        ioti        (  i/f  1)0  177  ■ 


KM^~^~^^ 


i'/7 


(ht/r/ire      harmonique.     Cadence  arittimôlupie  .       (adttice       dlFia'le 


<>  o 


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o  riz. 


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Jia/oe  londamenlule  îles  Harmonistes  ilic  là?  Siècle,  eoiu/cc 


Fùj.6^^jÊ 


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-0- 


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Jia/oe  ronaamenaiie  aes  Harmonistes  au  u>.  oiecte,coi 
77T-        Q  H'  J  o  <>  °  CE. 


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Echelle  dialoniaue  mesurée    . 


Cretirc  evatJvk 


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Fu/n  «u    =       „       *-^       o     *o        <>      *°      "°      *° 


Èa/oe  fond 


Fiq.iA 


yôe  fondamentale  ijia  retourne  ea-actement.ru/'  elle  même 
au  moyen  de  la  sep heme  aliifuofe  a/outee  a  l'Ecnelle  diatonique 

—77-ïo^O     <>    (   <>   o\o    n    c      , 


n    o 


H:      "      o       o         °        Il  -    w        o       o       ° 

t>   i)        n         n  n      — 11    [I   n  n         u  a  u 


Te'lracorde  l  Viromalii/uc 


Fnj.xo. 


û^r  *i*  f~H~f'*rîr  Y  ? 


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n/M. 


Ti'lJi  icori  le  Enhi  u  •nu  y  nui 

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içay. 


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Ie™  Echelle  Chromatique  tirée  de  M. '  Malcobn 


Manche  L  , 

Gamme  et ^dccompaifiiement  au  Afode  tnuvte 
de  AT. Blatn  ville  . 


fe"      S        S       S        Sa'        Si'     S       ^J       !a         S 
*-'        Ut,    ut,*re,     nu  ,\>  nu,   fa,    fa*,   sol,    soi*,  la,     sib,     d£,      ut. 


UliM^rW 


j5_   13$     i5_        2£       i5_       12$         là"  îô,       a_£      1J_       12$       i£. 

i(>   i3ô    il>       35      16     i3S       il>        u>       25     16      i3â      ib 


2f  Echelle   Chroma hcjue  are'e  dit  même  . 


%  5 


j£-       iZ-      J§~      i2-      3^-      i!i-      iZ-      jê-      *9       ^-      ji2-      jé- 

17  lS  la  20  l(>  ly  18  la  20  17  1$  lu 

si.        ut  ■ 


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Fia.  2. ---*-..- 

^        Z7f,    î^ftlK,   tv,     /«ib,    7'»,   fa,     fa*,      sol,  sol*,  la,     si\>, 

Echelle   Enharmonique  . 


■tnpqnr 


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£?£        z//,*    nel^        TV,        /vX,     nub,      nu,       n 


Fia  3.    2«    I  .|zfi 

^  5T        6a6 


24  34        I      Z3^" 

25  25  128 


Doute  manière  de  j-orlzr  d'un  ace 

b7      .  I>7    _    *  1.7        ~» 


-•-/ 


/?«'*,      /rr,       Vte*,    sol\>,      •roi,      sol*,     la\>,       la,        la*, 

24  iqô  24       I     576  2^  -'-/       I    ^3^      I      2^1  3^1      I    j5V/i 


35 


12$  25         &âS 


25 


25  12$  ~2~5 


25  62a 


J1  ,\>      si,        si*,      ut. 

24,       \     oq       I    125^ 

~2~5  2~5  12$ 


III     II      I     II 

Il  a,,-)  I  <i  II  «m  I  bo  II    us)    I  tjo  II 


kt/ïj?  Je  je diminuée,  où  sonteomprisea,  les  3  Transitions  £/i/iarmonuutes  et  leitrs 
h        H  \>7  j  I.T  g  b7  g  1.7  ^        ,    br  %         l>7       "| 


1 


et  leurs   combinaisons 

1)7       +6  \>7        Jr 


1      *vo      Uoll      .n       U^.11    *r>      ml    Kio     \mA 


p 


32: 


O    *  t^O  H  -H80     I  t|0   "    *0     <    \o    »    *0      '   \o 


bo  "     *o     'Ijo11     *o      ^o11  *o     ! (/  n    *o    l*f''11    *o    l)l£Z 


^4 


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b     * 


vu 

7t. 


III 


IV 


VI 

7b     ,         7b 


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_zi 


X 


XI 

7b 


^_ zk-, „     7l>  ,   *    „     7J>   ,    »    „, zL, ^ 7b     ■  7b     zb     7J>     , _, 7\>    ,     b    ,., zi b  7b    , „    ^  Zb    ,  a,  „ 

p,; \, Ci,. l  i ■■  nC i  " n^°  wv' ft^ i':K  \:m{°  \m  \yÇ \jÇ 0 


xir 

7b  7 


If*        I  * 


liasse  fondamentale 

„     J  ,  Rcqle  de  l'Octave 

Mn  ^noae  inaieur  .      l7 

_^__  <-'  _         ^,       -0-       r, 

Fuj£^ 


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Reprises  . 


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En  JHode  mineur 


-d.  l'Italienne  .  ^i   la  Françoise 

Jllanii're   de  répondre  ■ 


Euf/.m 


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Chiffres  équivoques,  et    modulations    de  tournées 


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II 


Corriçe 


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2* 


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5? 


III 

Corrige 


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4* 
2X 


^j'     o 


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J '/anche.  M 

7rois  dwerves  Piqûres 
de    la    C(epde  Fa  . 

dans  la  -  Vu*riaue     ^  - 
Imprimée 


F\g.8 


dans  la  Jlusique    ZZi 


F\Q-  4  ■¥=& 


Premier   Couplet    des  Folies  d'Kspaq ne ,  note    en    Tablature  pour  la    Gidtarre 

d — 14 — e- — 1 ** — I — *- — 1 4 — I — & 1 * — I S — I — J— ■ ■ e    ■* 


*        *   '     * 


Kcritc  ou   Gravée 


dans  le  ' 
Plein  Chant 


&= 


£ 


Genres  de  la  Musique    Ancienne  . 
N°  A.  <Selon     Jrùrtoœe'ne  .  vV''B.       Selon   Ptoloinee  . 

Fia ,  5 .        Le   Te'tracorde  étant  suppose   divise'  en   t>o  parties  égales .  J,e    Tétraeorde  étant  représente  par  le  raport  de  ses  deux  termes 

Diatonique.     }  Chromatique^  Enharmonique^      Diatonique^        Chromatique        enharmonique 

2.  tf,  o  ^ 

30  ■£  *"*   0 


Tendre  ou  mol  22+j8+So~6o 
iÇyntonique  ou    dur  12  +2j.+  24,=ôo 


Jlol  8+ 8+ 4.4  =  6 
Hemiolim  t<?  +  j?  +  42=  £0 
Tonique      22  +  22  +  S6*~  60 


6"+  iP  +  4,8   =    bo  ! 


*  ")  Intense,    ou    23     J3       3,      à.  [  46 

J'uUoruque         32       u     *  *tT=  *  1 


Corde  Jonore  en  vibration  par  ses  Alignâtes  au  son  de  l'une  d'entre  elles. 


Fiq.61.  % 


:;::::**■■ 


F  (g  ,  7  . 

A  -  Nœuds  où    etoient   tes  petits  papiers  d'une    couleur. 
B.  Tentres  ou  étaient    les  petits  papiers  d'une  autre  couleur. 


Cha/j^  lire  de  l'Harmonie 


P- 


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-F— p- 


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SfrfTfT^ 


^m. 


f&trifMttâ&tfifomfljrtfiït^ 


/l»  o»'    ,-/>  t*/»H  r>/>  r-n  m  ,J&  mime..  IFc  ne  ne  ne    ne  non ra  heu  ra   onci 


Air      Ch 


iinois  ■ 


Planche  "N 

Crtaruron     Persane  . 

2>e/"  des  le  </a  /-<  tchoub nar ■■  -       es    toit   mia    et  bouy   ar- 


Chanson    des    sauvages     du       Canada 


Cani.  de  /ou  ve,  ca  m  dejoime-  Ile  he  ne  Àe  hc  heu ra  heu  ra  once    oe  . 

Danse      Canadienne   . 


W 


fiiYri^ll'irrriiri)flTin%irfîrri 


p-p- 


-& 


4ir    Suisse   appelle     le     Rans   des  lâches, 

Adagio . 


xppt 


0tf^  WrnJ .  iijJiflfriflfrifrTn 

Cornemuse .  -tdagio . 


Dun  ta  ne  dared  al/i  elar scmboul  bi'ar — berai  cliaemen 

Traduction    des  paroles  Persanes. 

Jotre   teui    art  vermed  comme    la.  L/leur  de    Grenade  . 
I  btre  parler  un    parfum    dont  Je    suis  l'inséparable    ami  . 
Le    monde    n'a    rien   de    stable ,  /oui  y  passe  ■ 
Refrain .  Apportez  des^/leurs  de  senteur  pour  ranimer   le 

cœur    de   mon    Roi  . 


Table    de*r  Intervalles* . 

pour   la  ^formule,    des  Clejs  transposées 


[Espèce  de 
I    l'Intervalle  - 


Fia.  6 


À 


f-   s    f   'f    f   *   4r    f*  f    r ■  f  ! 
1     ce     1     s.     s,     s     «s     f .  I 


Ut,  re\>,  re,  nii\?,mi,^/a,JciMsol,  lab,/a,    si'V,si.   ut, 


oui  le  dorment . 

r-s  «  t       t       *3.      &     «■&      *S>      *à 


^^riLrrTrlL^^N^^s^ 


No ms  de    %   3 
/  'Intervalle  •  g   ^  ^ 


?     y      5-     5" 


^      ^      §  -     5  ■ 


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