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ARDENNES
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I BIBLIOTHEQUE
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Galerie Française
Ouvrage honoré d'une souscription du Ministre de l'Instruction publique.
PUBLIÉ AVEC LA COLLABORATION DE:
Recteurs, Inspecteurs généraux de l'Université, Inspecteurs d'a-
cadémie, Inspecteurs primaires, Doyens de Faculté des lettres,
Professeurs agrégés des lycées et collèges, Publicistes, etc., etc.
Mettre dans les mains de nos écoliers français un livre de
lecture qui fasse revivre à leurs yeux et grave dans leur esprit
le passé historique de la terre natale avec son cortège d'illustra-
tions et de célébrités, tel est le but de la « Galerie Française ».
Divisée en quatre-vingt-six volumes — un par département —
cette Galerie est, au premier chef, une œuvre de patriotisme et
constitue un précieux instrument d'éducation civique : elle élar-
git heureusement, dans le sens local, jusqu'à ce jour un peu
négligé, le champ des connaissances historiques de l'écolier; elle
impose à l'esprit de ce dernier le souvenir des gloires ou des mé-
rites d'hommes qui, nés du même sol que lui, ont immorta-
lisé ce berceau commun, et, réchauffant par là son culte pour la
terre de la Patrie, elle exploite noblement, pour la plus pure
édification de la Jeunesse, le grand héritage de nos pères, si riche
en glorieux exemples, si prodigue de fières leçons.
La rédaction des quatre-vingt-six livres' qui composent la
« Galerie Française » a été demandée aux plumes les plus auto-
risées ; il suffira de citer quelques noms : MM. Régis Artaud,
inspecteur d'académie, ancien chef du Cabinet de M. le Ministre de
l'Intérieur, président duConseil; Compayrè, recteur de l'Académie
de Poitiers ; Causeret, inspecteur d'académie, docteur es lettres :
Chanal, inspecteur d'académie ; Bizos, recteur de l Académie
de Dijon; Adrien Dupuy, professeur agrégé au lycée Lakanal:
A. Durand, secrétaire de l'Académie de Paris; Duplan, ins-
pecteur général de l'Université : E. des Essarts, doyen de la
Faculté des lettres de Clermont-Ferrand ; Flourens, ancien Mi-
nistre des Affaires étrangères ; Guillon, agrégé d'histoire, doc-
teur es lettres; Martel, inspecteur général de l'Université ; Mé-
tivier, inspecteur général honoraire; Fleury-Ravarin, conseiller
d'Etat; Riquet, professeur à l'Ecole alsacienne ; A. Theuriet,
lauréat de l'Académie française ; Sevin-Desplaces, conservateur
à la Bibliothèque Nationale ; Hannedouche, inspecteur primaire;
Léo Claretie, H. Soinoury, J. Michel, etc. etc.
Chacun des livres de la « Galerie Française » forme un tn-18
jésus, tiré sur beau papier, illustré de portraits gravés sur bois
et cartonné avec titre spécial.
Prix du volume : 1 fr. 20
GALERIE FRANÇAISE
ARDENNES
PAR
A. HANNEDOUCHE
INSPECTEUR PRIMAIRE A SEDAN
'vV
PARIS ^
CUF^EL, GOUGIS & C«"
ÉDITEURS
3 et 5, place de Valois
Tous droits réservés
ARDENNES
(Chef-lieu MÉZIÈRES
Le département a une superficie territoriale de 523,289 hec-
tares, divisée en 5 arrondissements, 31 cantons et S03 com-
munes. Sa population est de 324,923 habitants, dont 32,729
étrangers, soit 62 hab. par kilom. carré.
Commerce et Industrie. — Le département des Ardennes est
mi-partie agricole, mi-partie industriel ; l'agriculture y est
assez avancée ; elle fournit principalement des bestiaux, des
chevaux, des moutons, des céréales, du bois, du vin, des bet-
teraves, des pommes de terre, des osiers. Les arbres fruitiers
donnent lieu à un commerce considérable, et le cidre de cer-
taines régions est fort renommé. L'industrie du fer est très
développée ; le travail de la laine (filatures, tissages et dérivés)
occupe un grand nombre d'ouvriers, surtout à Sedan et dans
sa banlieue ; 1 extraction des ardoises et des pierres à bâtir est
aussi une source importante de richesse, et il se fait à Youziers
un commerce assez considérable de nodules broyés (phosphate
de chaux).
Armée, Justice et Cultes. — Le département des Ardennes est
compris dans le 6" corps d'armée (Châlons-sur-Marne), Cour
d'appel de Nancy, Archevêché de Reims. Le culte protestant a
des pasteurs à Sedan et Charleville, et le culte israélite a un
rabbin à Sedan.
Instruction publique.— Académie de Lille. Enseignement secon-
daire : lycée Chanzy (garçons) et lycée Sévigné (filles) â Char-
leville ; collège Turenne (garçons) et cours secondaires de
jeunes filles, à Sedan. Enseignement primaire • écoles normales
d'instituteurs et d'institutrices à Charleville ; écoles primaires
supérieures de garçons à Méziôres, Charleville, Rethel et
Givet ; écoles primaires supérieures de filles à Mézières et
Charleville ; cours complémentaires de garçons à Mohon,
Nouzon, Maubert-Fontaine.Rocroi, Vireux-Wallerand, Mouzon,
Sedan, Attigny et Vouziers ; cours complémentaires de filles,
à Nouzon et Vouziers; école primaire supérieure professionnelle
(garçonsi à Monthermé ; école pratique d'agriculture à Rethel ;
école de tissage à Sedan. Il y a 780 écoles primaires élémen-
taires publiques (220 écoles spéciales de garçons, 221 écoles
spéciales de filles, 314 écoles mixtes de commune, 25 écoles
mixtes de hameau) et 40 écoles maternelles publiques, pour
une population scolaire totale de 41, 800 enfants environ.
LE PAYS ET LES GENS
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Le département des Ardennes, le 68° de la France
par l'étendue, le 54 e par le nombre de ses habitants,
a été composé, en 1790, pour les -jf- de son étendue,'
par la province de Champagne; l'autre -* comprend
le pays qui constituait autrefois la principauté de
.Sedan, une parcelle de la Picardie et une faible portion
de la Thiérache et du Hainaut. Sa configuration est
assez régulière, et si l'on enlevait, au nord, les can-
tons de Givet et de Fumay, et au sud, celui de Cari-
gnan, il présenterait à peu près la forme d'un quadri-
latère, un peu incliné vers l'est.
Ce département doit son nom à l'antique forêt des
Ardennes , dont les restes couvrent encore environ le
cinquième de sa surface. Il appartient, par portions à
peu près égales, à deux bassins : à celui du Rhin, avec
la Meuse, dans sa partie nord-est; à celui de la Seine,
avec l'Aisne, dans sa partie sud-ouest. La ligne de
partage des eaux ne s'écarte guère d'une ligne droite
qui serait tracée de Signy-le-Pelit à Andevanne. La
géologie indique nettement la division naturelle des
Ardennes. Dans la région méridionale qui comprend
une grande partie des arrondissements de Rethel et
de Vouziers, s'étendent d'immenses plaines, de for-
mation crétacée, et des plateaux crayeux, appelés
Monts de Champagne, quoique leur altitude moyenne
ne dépasse pas 123 mètres ; la partie centrale est sil-
lonnée par des collines qui forment un prolongement
ARDENNES
dos monts d'Argonne. On y remarque les trois défilés
du Chesne, de Grandpré et de la Croix-aux-Bois, qui
ont mérité autrefois le nom de Thermopyles de la
France ; le segment oriental que couronne au nord
un immense plateau connu sous le nom de Plateau
des Ardennes, présente un caractère tout différent.
Après avoir reçu la Chiers, en face de Remilly, la
Meuse, par une anomalie assez curieuse, se dirige en
sons contraire à l'inclinaison générale du sol: « elle
vient se heurter aux terrains schisteux des Ardennes
et doit serpenter à la base de ces roches jusqu'à l'en-
droit où un point faible lui permet de trouver une
issue vers le nord. C'est en aval des bizarres méan-
dres de Mézières et de Charleville que la rivière pé-
nètre enfin dans le plateau. Là, commence la succes-
sion des beaux défilés qui font de cette région do la
France l'une des plus intéressantes pour Je géologue
et des plus pittoresques pour l'artiste. La rivière ser-
pente à 200 ou 300 mètres au-dessous du plateau,
tantôt longeant la base d'escarpements abrupts de
roche dure, tantôt baignant les racines des arbres qui
croissent sur les talus d'ardoise éboulée. Chaque
vallon, chaque brèche des murailles est remplie de
verdure, dont l'éclat contraste avec les nuances rou-
geàtres ou multicolores des promontoires. De petites
villes, ayant à peine la place nécessaire pour leurs
maisons et leurs usines, occupent de distance en dis-
tance les étroites laisses d'alluvions déposées par la
Meuse. » (E. Reclus.)
En raison de ces différences, le climat n'est pas
uniforme; cependant il est généralement froid; les
plaies y sont fréquentes; elles entretiennent dans
l'atmosphère une humidité persistante qui n'est pas
LE PAYS ET LEi GENS
sans influence sur la santé générale des habitants.
On y remarque de brusques changements de tempé-
rature, et il n'est pas rare de voir succéder des soirées
très froides à des journées d'été d'une chaleur acca-
blante. L'hiver arrive tôt et se prolonge très tard à
cause des vents du nord qui dominent dans cette
région.
Le chef-lieu du département est Méziôres, ville de
6,700 habitants, à l'entrée d'une vaste boucle formée
par la Meuse. Autrefois place forte, Mézières a été
défendue en 1321 par Bayard, le Chevalier sans peur
et sans reproche, à qui elle a élevé une statue, en
1893. Cette petite ville a été bombardée en 1815 et en
1870. Un simple pont la sépare de Charleville, sa
•rivale, fondée seulement en 1606, par Charles de
Gonzague, duc de Nevers. Les centres les plus impor-
tants de la région sont Mohon, où se trouvent les
vastes ateliers de la Compagnie de l'Est, Nouzon,
Braux et Monthermé avec leurs fabriques de clous, de
boulons, de wagons, de machines agricoles.
La ville la plus importante du département est
Sedan, autrefois capitale d'une principauté indépen-
dante, réunie à la France en 1642, après la bataille
de la Marphée. Ses princes, les La Marck, au nombre
desquels figurent le Sanglier des Ardennes et Fleu-
ranges, le jeune Adventureux, ont joué un certain
rôle dans les événements de leur époque. Leur cité
a possédé, de 1576 à 1681, une académie protes-
tante, qui a eu ses jours de gloire et lui a valu le
nom de petite Genève du Nord. Sedan adonné le jour
à Turenne et à Macdonald. Cette ville est le centre
d'une importante fabrication de draps. Son nom nous
rappelle de tristes souvenirs : la capitulation du
ARDENNES
2 septembre 1870, suivie delà chute du second em-
pire. Nous pouvons citer dans cet arrondissement :
Mouzon, l'antique Mosomagus, que domine une an-
cienne église abbatiale ; Carignan, l'ancienne Yvois,
d'Eugène-Maurice de Savoie, père du prince Eugène :
Vrigne-aux-Bois avec ses nombreuses et importantes
usines pour la fabrication de la ferronnerie et des ar-
ticles de ménage; Raucourt, centre de la fabrication
des boucles et des éperons; Douzy, où Charlemagne
avait un palais ; Balan, Bazeilles, Floing, Illy, Iges
et sa presqu'île de la Misère, dont les noms rappellent
les plus mauvais jours du sombre drame de 1870.
Rocroi compte à peine 1,000 habitants dans son
enceinte fortifiée ; bâtie sur un plateau à 400 mètres
d'altitude, cette petite ville a une certaine impor-
tance stratégique. C'est près de Rocroi que le grand
Condéa remporté une célèbre victoire, en 1643, sur
les Espagnols. De cet arrondissement dépendent :
Givet, patrie du compositeur Méhul, où l'on trouve
d'importantes fabriques de crayons, de pipes, de
colle-forte, de cire à cacheter, et que domine la cita-
delle de Charlemont, construite par Charles-Quint ;
Rimogne, Fumay, Haybes, centres importants de
production ardoisière.
Rethel, autrefois fortifiée, était le siège d'un comté
dont les titulaires jouèrent un certain rôle dans l'his-
toire de la région. Le château fort a été rasé, et sur
son emplacement se trouvent les belles promenades
des Iles. L'arrondissement de Rethel adonné le jour
à deux grands hommes : Sorbon, le fondateur de la
Sorbonne, et Gerson, J'illustre chancelier de l'Uni-
versité de Paris.
Vouziers, sur l'Aisne, dans une charmante vallée,
LE PAYS ET LES GENS 9
possède une église des xv e et xvi" siècles dont le por-
tail renaissance est assez remarquable. C'est la patrie
deTaine. De cet arrondissement fait partie Attigny,
où Charlemagne avait aussi un palais. C'est là que,'en
786, fut baptisé Witikind, le chef des Saxons. En 822,
Louis le Débonnaire y fit une pénitence publique.
Pour clore ce que nous avons à dire sur le. dépar-
tement des Ardcnnes, nous croyons devoir repro-
duire une page que Michelet a consacrée à ce pays et
à ses habitants: « Tout ce pays, dit-il, est boisé,
comme pour masquer la défense et l'attaque aux ap-
proches de la Belgique. La grande forêt d'Ardenne,
la profonde (ar duinn), s'étend de tous côtés, plus
vaste qu'imposante. Vous rencontrez des villes, des
bourgs, des pâturages ; vous vous croyez sorti des
bois, mais ce ne sont là que des clairières. Les bois
recommencent toujours; toujours les petits chênes,
humble et monotone océan végétal, dont vous aper-
cevez de temps à autre, du sommet de quelque col-
line, les uniformes ondulations. La forêt était bien
plus continue autrefois. Les chasseurs pouvaient
courir, toujours à l'ombre, de l'Allemagne, du Luxem-
bourg, en Picardie ; de Saint-Hubert à Notre-Dame
de Liesse. Bien des histoires se sont passées sous ses
ombrages ; ses chênes tout chargés de gui, ils en
savent long, s'ils voulaient raconter. Depuis les mys-
tères des druides jusqu'aux guerres du Sanglier des
Antennes, au xv e siècle; depuis le cerf miraculeux
dont l'apparition convertit saint Hubert, jusqu'à la
blonde Yseult.
« Ce sombre pays des Ardennes ne se rattache pus
naturellement à la Champagne. Il appartient au bas-
sin de la Meuse, au vieux royaume d'Ostrasie. Quand
r
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10
ARDENNES
vous avez passé les blanches et blafardes campagnes
qui s'étendent de Reims à Rethel, la Champagne est
finie. Les bois commencent; avec les bois, les pâtu-
rages, et les moutons des Ardennes. La craie a dis-
paru ; le rouge mat de la tuile fait place au sombre
éclat de l'ardoise ; les maisons s'enduisent de limaille
de fer. Manufactures d'armes, tanneries, ardoisières,
tout cela n'égayé pas le pays. Mais la race est distin-
guée : quelque chose d'intelligent, de sobre et d'éco-
nome ; la figure un peu sèche et taillée à vives arêtes.
Ce caractère de sécheresse et de sévérité n'est point
particulier à la petite Genève de Sedan ; il est presque
partout le même. Le pays n'est pas riche et l'ennemi
à deux pas ; cela donne à penser. L'habitant est sé-
rieux. L'esprit critique domine. C'est l'ordinaire chez
les gens qui sentent qu'ils valent mieux que leur
fortune. »
Le département des Ardennes a été fertile en
hommes célèbres, et il peut se présenter fièrement
devant l'histoire avec une pléiade d'illustrations :
écrivains, savants, artistes, hommes de guerre,
hommes utiles, grands citoyens qui ont tous apporté
leur pierre à l'édifice national, et la galerie biogra-
phique que nous allons parcourir n'est pas une des
moins chères à la Patrie reconnaissante.
AGRONOME
11
AGRONOME
Baudrillart (1774-1832).
Le département des Ardennes, si fertile en hommes
de guerre, n'a produit qu'un seul agronome : c'est
Jacques-Joseph Baudrillart, fils de J.-B. Baudrillart,
maître d'école, et de Jean-Angélique Décary, né à
Givron le 18 mai 1774. A 22 ans, il fit partie du ba-
taillon des Ardennes et devint directeur des hôpitaux
militaires. Il se démit de ses fonctions le 5 mai 1801
pour entrer dans l'administration des forêts, où il
débuta dans les modestes fonctions de surnuméraire.
Par son assiduité au travail, par son intelligence, par
l'aptitude remarquable qu'il déploya dans ses fonc-
tions, il s'éleva jusqu'au grade de sous-directeur des
forets. Userait sans nul doute arrivé à la plus haute
fonction de son administration, mais il fut mis pré-
maturément à la retraite à la suite de la révolution
de Juillet. Lorsqu'il mourut, en 1832, il était
membre de nombreuses Sociétés savantes de France,
de Prusse et de Belgique.
11 doit sa réputation d'agronome aux nombreux
travaux très estimés qu'il a publiés sur la culture
des arbres et sur les questions forestières. Parmi ses
ouvrages il convient de distinguer le suivant dont
la publication (1821-1834) a été accueillie avec beau-
coup de faveur et qui, aujourd'hui, fait encore auto-
rité : Traité général des Eaux et Forêts, Chasses et
Pêches (10 vol. in-4) avec trois atlas.
C'est une vie simple, utile et par suite heureuse.
1-2
ARDENNES
HOMMES DE GUERRE
Les La Marck(xv°, xvi< et xvn* siècles).
La famille des La Marck, qui a joué un rôle si impor-
tant dans l'histoire de Sedan et de Bouillon, était
issue de la maison d'Altena. Outre le comté de La
Marck, en Westphalie, elle acquit au xm e siècle les
comtés de Clèves, de Bergetde Juliers. Elle ne donna
aucun personnage remarquable avant Jean de La
Marck, qui joignit à son titre celui de seigneur
d'Aremberg et de Sedan, et devint chambellan du roi
de France Charles VII. C'est ce même Jean qui, le
.premier, a porté le blason de La Marck avec cette
hère devise : N'a qui veut La Marck.
Son fils et successeur, Robert I er de La Marck, prit
aussi le titre de duc de Bouillon. Il mourut en com-
battant pour la France à Ivois (Carignan)en 1489.
Un autre de ses trois fils, Guillaume de La Marck,
de Sanglier des Ardennes, justifia par son naturel
féroce le surnom qu'il se donnait lui-même. Il tua un
jour de sa propre main, et dans le palais épiscopal, le
garde du sceau de l'évêché de Liège. Puis il prit' la
fuite, souleva les Liégeois contre le duc de Bour-
gogne, assassina l'évêque lui-même et entra triom-
phant dans la ville. Battu par Maximilien d'Au-
triche, puis trahi et livré, il fut décapité à Maëstricht
en 1485.
Robert II, fils aîné de Robert I er , fut un des seigneurs
les plus puissants de son temps et servit vaillamment
; ' f^"W i . . . ... M ...
HOMMES DE GUERRE
13
la France sous les rois Louis XII et François I er . Cruel
autant que bouillant et intrépide, il fut appelé le
Grand Sanglier des Ardennes, « ravageant les terres
où il passait, dit Brantôme, comme un sanglier qui
ravage les blés et les vignes des pauvres bonnes gens. »
A défaut de Dieu, il invoquait communément...
M. le Diable !
Evrard de La Marck, le cardinal de Bouillon, frère
du précédent, et non moins cruel, devint évoque et
prince de Liège, puis cardinal et légat des Pays-Bas.
Ami de Louis XII, il prit le parti de Charles-Quint
contre François I er , parce que ce dernier ne lui avait
pas fait obtenir lechapeau de cardinal.
Robert III de La Marck (1492-1536), fils de Ro-
bert II, plus connu sous le nom de Fleuranges le
jeune Adventureux, servit avec éclat Louis XII et
François I". A Novarre (6 juin 1513), il reçut
46 blessures, et, laissé pour mort dans un fossé, il
fut sauvé par son père qui vint l'enlever et l'emporta
évanoui. Remis de ses blessures, dont la plus légère
mit six semaines à guérir, il reprit du service et fut
fait chevalier par François I er sur le champ de bataille
de Marignan.
Tenu ensuite en disgrâce, il n'en resta pas moins
fidèle à son pays et à son roi. Il combattit encore à
Pavie, où il fut fait prisonnier; il subit sa détention
à l'Ecluse, en Flandre, et employa sa captivité à
écrire des Mémoires. Rendu à la liberté, il reçut enfin
la récompense due à sa valeur et à sa fidélité, et fut
créé maréchal de France. En 1536, il défendit héroï-
quement la ville de Péronne, assiégée par le comte
de Nassau, général de Charles-Quint. Il mourut
deux mois après.
14
ARDHSNES
Son fils Robert IV n'eut rien de l'humeur belli-
queuse de ses ancêtres ; il n'arriva aux honneurs que
par le crédit de sa toute-puissante belle-mère, Diane
de Poitiers. Il tient pourtant une place honorable
dans l'histoire de Sedan, grâce à ses Ordonnances.
Combattre ne suffit pas ; l'épée ne crée pas ; régler,
légiférer sont choses moins brillantes, mais utiles et
certes aussi fécondes.
Robert IV laissa deux fils :
1° Henri-Robert de LaMarck (1539-1374) agrandit
sa ville, donna asile aux calvinistes, bel exemple de
tolérance. Ce fut lui qui introduisit dans sa princi-
pauté les] premières fabriques de drap, et ce n'est pas
là un mince mérite d'avoir doté une ville d'une indus-
trie dont la légitime réputation est à cette heure
universelle. Voilà des victoires pacifiques, solides et
bienfaisantes ; elles valent plus que des lauriers
empourprés de sang.
2" Charles-Robert de La Marck (1539-4622), un
des mignons de Henri III, vaillant soldat à ses heures,
fut fait maréchal de France par Henri IV.
Guillaume-Robert de La Marck (1562-1588), fils de
Henri-Robert, n'avait que douze ans à la mort de son
père ; il eut pour régente sa mère, Françoise de
Bourbon, qui créa le collège tle Sedan, en 1576. De-
venu majeur, Guillaume se rangea du côté de Henri
de Bourbon (Henri IV) ; sa principauté fut envahie
par les Ligueurs, et il dut s'enfuir à Genève où il
mourut à 26 ans. Il laissa tous ses biens à sa sœur
Charlotte de La Marck, qui triompha de ses ennemis
et reconquit sa principauté. Elle épousa Henri de la
Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, mais mourut
trois ans plus tard, en 1594. Son mari épousa en se-
I^^H^HH
HOMMES DE GUERRE 15
condes noces Elisabeth de Nassau, dont il eut le grand
Turenne.
Depuis Robert II, tous ces La Marck dont nous
venons d'esquisser l'histoire, ont vu le jour à Sedan.
Turenne (1611-1675).
Henri de La Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne,
second fils de Henri de La Tour et d'Elisabeth de Nas-
sau, est né au château de Sedan. Une pierre en marbre
noir, adossée à une tour et portant cette inscription :
Ici naquit Turenne, le 11 septembre 1611,
signale à l'attention du visiteur le bâtiment où
l'illustre Sedanais vit le jour.
16
ARDEN\ES
Lorsque Turenne fut assez fort pour tenir une
épée, il suivit son frère en Hollande, et prit goût à la
vie des camps, sous la conduite de ses oncles, Mau-
rice d'Orange et Frédéric-Henri de Nassau, deux des
plus illustres généraux de l'époque. Après un appren-
tissage de cinq ans (1625-1630), Turenne fut rappelé
en France et entra au service du roi.
Il se distingua au siège de La Motte, en Lorraine,
sous le maréchal de La Force, et sa belle conduite lui
valut, à 23 ans (21 juin 1635), le titre de maréchal
de camp, qui correspond au grade actuel de général
de brigade. AMayence, à Saverne, à^Landrecies et à
Maubeugc, sous les ordres du cardinal de La Valette ;
àVieux-Brisach, avec Bernard de Saxe-Weimar. le
jeune Sedanais donna de nouvelles preuves de son
habileté militaire.
En 1639, Turenne passa en Italie avec le comte
d'Harcourt; il prit Turin (24 septembre 1640), em-
porta Moncolvo, et, nommé lieutenant-général le
11 mars 1642, il fit sous les yeux de Louis XIII la
campagne du Roussillon.
En arrivant au pouvoir, Mazarin voulut s'attacher
le jeune héros ; il le nomma maréchal de France, le
16 mai 1643, et l'envoya en Allemagne pour rassem-
bler les débris des armées de Bernard de Saxe-
Weimar, mort près d'Huningue, et de Rantzau,
fait prisonnier parMercy, après la bataille de Tutt-
lingen. « C'est dans cette circonstance, dit Voltaire,
que Turenne jeta les fondements de la grande répu-
tation qu'il eut depuis. » Avec ses troupes réorga-
nisées, il passa le Rhin à Brisach (3 juin 1644) et prit
part, sous les ordres du grand Condé, à la bataille de
■■I
HOMMES DE GUERRE
17
Fribourg-en-Brisgau , gagnée après les sanglantes
journées des 3, S et 9 août 1644.
Battu par Mercy, près de Marienthal (5 mai 1645),
Turenne prit une éclatante revanche en remportant
avec Condé la victoire meurtrière de Nordlingen
(3 août 1645).
La campagne de 1646, en Westphalie el en Ba-
vière, fut une des plus belles de Turenne; de nou-
velles victoires hâtèrent la conclusion de la paix de
Westphalie (24 octobre 1648).
Dès lors, Turenne s'imposa à l'admiration de la
France, et jusqu'à sa mort il lit toujours preuve d'une
grande bravoure jointe à un rare génie mililaire.il
n'entré pas dans le cadre de cette biographie de
raconter tous les brillants faits d'armes du héros
sedanais. On ne peut que jalonner les principales
étapes de cette glorieuse existence.
Après avoir pris parti contre la cour, dans la
Fronde, Turenne rentra dans le devoir et sauva
l'Etal, selon l'expression de la reine, par la victoire
deJargeau, 30 mars 1652, qu'il remporta de concert
avec le maréchal d'Hocquincourt. Après de nouveaux
succès à Gien, à Etampes et au faubourg Saint-
Antoine, Turenne ramena le roi à Paris.
L'année 1654 fut marquée par la campagne de
Flandre; une suite non interrompue de victoires
amena la conclusion de la paix des Pyrénées (7 no-
vembre 1659).
La guerre de Dévolution (1665) et la guerre de Hol-
lande (1673) procurèrent à Turenne l'occasion de nou-
veaux et nombreux succès. En 1674, il se trouva en
Alsace en face du célèbre Montécuculli. Pendant deux
mois ces deux grands capitaines s'observèrent sans
18
ARDENNES
combattre, calculant tous leurs mouvements avec
un art infini, ne voulant rien laisser au hasard et dé-
ployant toutes les ressources que peuvent offrir
l'art de la guerre et l'expérience la plus consommée.
Enfin, par des manœuvres savantes, Turenne mit
son adversaire dans l'obligation d'accepter le com-
bat dans des conditions défavorables. « Cette fois, je
les tiens, dit-il, ils ne m'échapperont plus. » Mais le
27 juillet 1675... « après trois mois d'une conduite
toute miraculeuse et que les gens du métier ne se
lassent pas d'admirer », au moment où il allait
voir décamper l'armée de son prudent adversaire,
Turenne fut coupé en deux par un boulet lancé à
l'aventure.
Cette perte fut un deuil national dont on trouve
l'expression dans les écrits des contemporains. En
apprenant cette nouvelle , Montécuculli , rival de
gloire de Turenne, s'écria : « // est mort aujourd'hui
un homme qui faisait honneur à l'homme. »
Turenne fut inhumé à Saint-Denis, à côté des tom-
beaux des rois ; Fléchier et Mascaron prononcèrent
son oraison funèbre.
Le héros sedanais a été un tacticien de premier
ordre. Préparant ses plans de longue main, il ne
laissait rien au hasard, afin d'épargner le sang de ses
soldats, qui l'aimaient comme un père. Génie moins
éclatant que Condé, il a cependant gagné plus de
batailles décisives que son émule de gloire. « Il ne
fit jamais, dit Voltaire, de conquêtes éclatantes, et
ne donna pas de ces batailles rangées dont la décision
rend quelquefois une nation maîtresse de l'autre ;
mais, ayant toujours réparé ses défaites , et fait
beaucoup avec peu, il passa pour le plus habile ca-
HOMMES DE GUERRE
19
pitaine de l'Europe dans un temps où l'art de la
guerre était plus approfondi que jamais. »
Moreaux (1758-1795).
Le général Moreaux (Jean-René) est né à Rô-
croi le 14 mars 1758. A peine âgé de 18 ans, il prit
part comme grenadier à la guerre d'Amérique. Griève-
ment blessé à l'affaire de Sainte-Lucie, il futcongédié
le 14 novembre 1779 et revint dans son pays natal.
Il s'y maria le 15 février 1782, et devint, comme
son père, entrepreneur de bâtiments.
Mais en 1791, la frontière française ayant été me-
nacée, le soldat se réveilla dans Moreaux, et il n'hé-
sita pas à quitter sa femme, ses quatre enfants et
son important atelier, où il occupait trente ouvriers,
pour courir au secours de la patrie en danger. Le
15 niai 1793, en récompense des brillants services
qu'il avait rendus, et de la bravoure qu'il avait mon-
trée à la tête de ses volontaires ardennais, Moreaux
était nommé général de brigade, sans passer par le
grade de colonel.
Nommécommandant du corps des Vosges, Moreaux
dirigea les opérations avec tant de vigueur que le
24 septembre 1793, il était appelé au commandement
en chef de l'armée de la Moselle. Modeste autant que
brave, Moreaux refusa cette haute situation et se con-
tenta de servir sous les ordres de Hoche. Il enleva
Kaiserslautern, le 27 janvier 179i.
Le 25 juin suivant, Moreaux dut accepter le com-
mandement en chef de l'armée de la Moselle. Il dé-
buta par un coup hardi en enlevant d'assaut les re-
tranchements de Trippstadt (12, 13 et 14 juillet),
après avoir vu ses troupes repoussées cinq fois du
•
20
ARDENNES
champ de carnage. Le 8 août, Trêves ouvrait ses
portes. Barrère fit à la Convention un rapport enthou-
siaste sur cette rapide conquête et l'Assemblée en-
voya au général un drapeau portant cette inscription:
A L'ARMÉE DE LA MOSELLE, LA PATRIE RECONNAISSANTE
Après de nouveaux succès dans le Palatinat,
Moreaux fut nommé commandant en chef des armées
du Rhin et de la Moselle. Il allait s'emparer de
Luxembourg, après une suite d'opérations, conduites
d'une manière aussi savante qu'énergique, lorsqu'il
mourut soudainement, à Thionville, dans la nuit du
10 au H février 1795. Il n'avait que 37 ans. Sa fin
prématurée jeta le deuil et la consternation dans
l'armée qu'il avait tant de fois conduite à la victoire.
Admirons, non seulement son courage de soldat,
son talent de capitaine, mais, ce qui est plus rare,
l'accomplissement absolu du devoir. Libre, heureux
époux, heureux père, il a devant lui une existence
sans périls et la fortune certaine ; il quitte tout pour
courir au danger, pour te défendre, ù patrie !
Hardy (1763-1802).
La plupart des biographes du général Hardy l'ont
fait naître à Pont-à-Mousson, en Lorraine. C'est une
erreur. Hardy est né (en 1763) dans les Ardennes, à
Mouzon, où son acte de naissance existe à l'état civil.
Incorporé à 20 ans comme simple soldat, il conquit
successivement tous les grades. En 1794, grâce à sa
bravoure et à ses talents militaires, il était général
de brigade. A l'armée des Ardennes, puis à celle de
Sambre-et-Meuse, plus tard à celle d'Allemagne, il
se montra toujours brave et ardent dans l'action
autant que sage dans les conseils. II fit partie de
■■■■
HOMMES DE GUERRE
21
l'expédition d'Angleterre, en 1798, mais tomba aux
mains des ennemis. Rendu bientôt à la liberté, il
reparut a l'armée du Rhin et y gagna le grade de
général de division. En 1801, il fut envoyé rejoindre
l'armée du général Leclerc à Saint-Domingue. La
peste l'enleva quelques mois après son arrivée (1802).
Il n'avait que 39 ans et semblait appelé à un brillant
avenir. Hardy mérite de servir de modèle comme
Boréaux.
Bertèche(176i-18il).
Bertèche {Louis-Florentin) naquit à Sedan en 17lii.
Enfant, il y eut en lui du Duguesclin : indiscipliné,
taquin, querelleur, excentrique, tel fut, toute sa vie,
cetoriginal. Ses parents, dont il faisait le désespoir,
le firent entrer à quinze ans dans les volontaires de
la marine. A Jemmapes, il sauva la vie au général
Beurnonville, tua douze dragons de sa propre main
et reçut quarante et un coups de sabre ; ces exploits
lui valurent le grade de capitaine, puis de lieutenant-
colonel. Mandé à la Convention, il y fut accueilli par
des applaudissements enthousiastes et reçut un sabre
d'honneur portant cette inscription : La République
FRANÇAISE A BeRTÈCHE.
Ce rude batailleur, « qui ne connaissait d'autre
arrangement que les coups de canon, » se retira plus
tarda Iges, près de Sedan. Il mourut maire de cette
commune en 1841. La guerre n'avait plus besoin de
lui, il se consacra à la paix et après avoir défendu
ses concitoyens, il leur fut encore modestement utile.
Macdonald (1765-1840).
Macdonald, duc de Tarente, est né à Sedan le 17 no-
22
ARDENNES
vembre 1765(1). Après de bonnes études au collège
de Sancerre, il embrassa à dix-neuf ans la carrière mi-
litaire; il était général de brigade en 1795 et général
de division l'année suivante. Il servit à l'armée du
Rhin, puis à celle d'Italie. Il prit Rome dont il fut
nommé gouverneur, et se mesura avec Souwarow
dans les sanglantes journées de la Trébia.
Rentré en France, il commandait à Versailles lors
du coup d'Etat du 18 brumaire, après lequel Bona-
parte lui confia d'abord le commandement en chef de.
l'armée des Grisons, et puis le nomma l'année suivante
(1) De nombreux biographes font naître Macdonald à San-
cerre test une erreur: l'acte de naissance du futur duc de
larente se trouve bien à l'état-civil de Sedan, où nous l'avons
HOMMES DE GUERRE
23
ambassadeur en Danemark. Deux ans plus lard il fut
disgracié, pour avoir défendu Moreau, qu'il croyait
innocent.
Après un séjour de cinq ans à la campagne, Macdo-
nald reprit du service et se distingua à Wagram, où
il gagna le bâton de maréchal de France et le titre de
ducdcTarente.il lit la campagne de Russie à la tète
du 10 e corps, passa le Niémen àTilsitt, s'empara de
Dunabourg et s'établit sur la défensive à Riga, où,
pendant un mois, il livra de sanglants combats.
A la bataille de Leipzig, Macdonald se signala par
sa ténacité et son énergie ; il combattit l'un des der-
niers et dut passer l'Elster à la nage pour échapper
aux ennemis.
Après les jours de gloire et les sanglants triomphes,
arrivèrent pour l'Empire les défaites et les démem-
brements : au cours de cette malheureuse, mais
admirable campagne de France, Macdonald soutint
sa haute renommée militaire et se montra partout
intrépide soldat et habile tacticien.
Après la chute de l'Empire, Macdonald se rallia au
gouvernement de la Restauration et fut nommé grand
chancelier de la Légion d'honneur ; il conserva cette
haute situation jusqu'en 1831. A cette date il se retira
àCourcelle, près de Gien, où il vécut dans la retraite
en faisant le bien. C'est là qu'il mourut, le 7 sep-
tembre 18i0, entouré de l'affection de tons les habi-
tants du pays et pleuré surtout des pauvres. Ce grand
batailleur était bon, et la bonté est la plus belle des
qualités humaines.
Berton (1767-1822).
J.-B. Breton, dit Berton, est né à Euilly-Lombut,
24
ARDENNES
le 15 juin 1767 (1). Du collège de Sedan, Berton passa
à l'école militaire de Brienne et à l'école d'artillerie
de Ghàlons-sur-Marne, et, en 1794, il était sous-
lieutenant de la légion des Ardennes. Il fut attaché
comme capitaine à l'état-major de Bernadotte, et
le 14 juin 1807, sous les ordres du maréchal Victor,
il se conduisit vaillamment à Friedland. L'année
suivante il était en Espagne, où il fut présenté à Napo-
léon, à la revue de Burgos. Berton à Talaveira, à
Almanacid, à Ocana, se fit remarquer par son Habi-
leté, sa bravoure, son intrépidité, et gagna rapide-
ment le grade de général.
La Restauration créa Berton chevalier de Saint-
Louis,' tout en le mettant à la demi-solde. Mais après
le retour de l'île d'Elbe, il fut réintégré dansles cadres
de l'armée et fit des prodiges de valeur à Waterloo,
le 18 juin 1815, à la tête des 14 e et 17 e dragons du
corps d'Exelmans.
Revenu à Paris après cette bataille désastreuse,
Berton fut gravement compromis et incarcéré pen-
dant cinq mois. Rendu à la liberté, sans avoir été
jugé, Berton fut privé de sa solde et emprisonné de
nouveau sans motifs plausibles.
Ces persécutions lui aigrirent le caractère ; il se
jeta dans le parti de l'opposition et dans les complots.
Il échoua dans la conspiration de Thouars et fut en-
fermé a Saumur. Traduit devant la cour d'assises de
Poitiers, il fut condamné à mort le 14 septembre
1822 et exécuté le 5 octobre. On aurait dû songer à
son passé glorieux de soldat et de patriote. Sa fin
(<) La plupart des biographes de Berton indiquent Franche-
val comme lieu de sa naissance ; c'est une erreur. Le général a
été élevé à Francheval, mais il est bien né àEuilly-Lombut.
HOMMES DE GUERRE 25
montre qu'un général no doit avoir qu'une pensée,
l'armée, qu'un amour, la patrie, et que la politique
n esl pas faite pour l'épée d'un officier qui ne doil
obéir qu'à la France.
La Bruyère (1768-1808).
Le général La Bruyère, né à Donchery en 1768
mourut quarante ans plus tard sous les murs de Ma-
drid. Lui aussi fut un vaillant soldat, Ilsorv.it sous la
Révolution aux armées des Ardennes, du Rhin de
Mayence et de l'Ouest. Ses campagnes en Vendée' lui
valurent 2S blessures dont 18 dans un seul combat
Tombé un jour dans une embuscade de Chouans il y
fut blessé de trois coups de feu, dont un lui brisa la
mâchoire; n'ayant plus de balles pour charger ses
■armes, il allait infailliblement périr. lorsque, prenant
une dent de sa mâchoire fracassée, il on chargea son
pistolet et brûla la cervelle à l'un do ses agresseurs
Cet intrépide soldat finit comme il méritait de finir au
champ d'honneur.
Relie fin, digne d'une belle vie !
Béchet de Léocour (1771-1845).
Bécuet, baron de Léocour, naquit à Seda , 1771
Dos I âge de dix-sept ans, il entra dans l'armée comme
sous-lieutenant ; il fit ses premières armes sous
I ichegru, Hoche, Moreau, Desaix, et prit part àl'ex-
péditionde Saint-Domingue. Rentré en Franco après
quelques mois de captivité en Angleterre, il suivitle
maréchal Ney dans toutes ses campagnes. Fendant
quinze ans, jusqu'à la chute do l'Empire, il parutaux
cotes du Brave de, braves, sur tous les champs de ba-
taille do l'Europe. En 1815, il défendit pondant trois
ARDENNES. a
26
ARDENNES
mois la place de Mézières et ne l' évacua que sur l'ordre
du gouvernement. II était alors général de brigade.
Mis en non-activité par la Restauration, il se retira
plus tard dans son pays natal et se livra à l'agricul-
ture. Il mourut le 1 er janvier 184o. Après l'épéc,
la charrue; après l'action, le calme, mais toujours
l'honneur, le travail.
Savary (1774-1833).
Savary, duc de Rovigo, a été avec Turenne, Macdo-
nald et Chanzy, l'une des plus grandes illustrations
militaires du département des Ardennes. Il naquit à
Marcq, canton de Grandpré, le 26 avril 1774, et quitta
son village natal à l'âge de six ans, pour n'y reparaî-
tre qu'en 1830.
Engagé dans la cavalerie à 16 ans, il servit sous
Custine, sous Pichegru et sous Moreau. Sa belle con-
duite dans le commandement de l'arrière-garde, à
la retraite de Moreau, lui valut, à 23 ans, le grade de
chef d'escadrons. Ils'attachaensuite à Desaix, qu'il ne
quitta plus jusqu'à la bataille de Marengo. Colonel en
1800, général de brigade en 1803, commandant de la
gendarmerie d'élite attachée à la garde de Bonaparte,
il fit preuve désormais d'un dévouement aveugle aux
ordres du maître. « Si l'empereur m'eût ordonné de
tuer ma femme, disait-il plus tard,/e l'eusse fait sans
hésiter. » C'est pour cela sans doute que, chargé d'exé-
cuter la sentence prononcée contre le duc d'Enghien,
il y mit une précipitation excessive, afin d'empêcher
le recours en grâce du condamné. On ne peut que
regretter ces excès de condescendance envers le des-
potisme. Ses exploits font oublier, heureusement
pour son nom, cette faiblesse.
■
HOMMES DE GUERRE
2T
Général de division en 1805, il fit en effet partout
vaillamment son devoir: à Austerlitz, à Iéna, à Ey-
lau ; en 1807, il battit les Russes à Ostrolenka et reçut
en récompense une dotation de 13,000 francs. Il en
reçut une seconde quand il fut, l'année suivante, créé
duc de Rovigo.
En 1810, il devint ministre de la police. Après
Waterloo, il voulut accompagner Napoléon à Sainte-
Hélène, mais les Anglais ne le permirent pas. Interné
par eux à Malte, il s'en échappa, se rendit en Orient,
y compromit sa fortune dans des opérations commer-
ciales et rentra enfin en France. Il dut s'exiler de
nouveau pour fuir la colère de ïalleyrand qu'il avait
excité contre lui. Il reparut en 1830 et sollicita les
suffrages des électeurs de son pays natal. L'année
suivante, le gouvernement le rappela à l'activité et
lui confia le commandement en chef de l'armée d'Afri-
que. Sa santé délabrée l'obligea de revenir en France ;
il mourut à Paris le 2 juin 1833.
Le duc de Rovigo a laissé des Mémoires très utiles-
à consulter sur la période impériale. Il a fait quel-
ques libéralités à l'hospice de Sedan et mérite le titre
de bienfaiteur de cette ville qui a donné son nom à
la rue conduisant de la place d'Harcourt à l'avenue
Margueritte.
Hulot (177i-1850).
Plusieurs personnages célèbres du nom de Hulot
ont vu le jour dans le département des Ardennes:
1" Hulot (Ernest), né à Mazerny en 1774, s'illustra
dans le métier des armes. A Al'tenkirchen (23 juin
1796), il gagna par son intrépidité les galons de sous-
lieutenant. Partout, du reste, il se montra un vaillant
■
28
ARDENNES
soldat et fit brillamment son devoir; le 1G août 1804,
il fut décoré de la main de l'Empereur et nommé
chef de bataillon. C'est à lui que Napoléon confia la
mission d'organiser le terrible bataillon des Tirail-
leurs du Pô, si célèbre par sa conduite admirable
aux avant-gardes de la Grande Armée. Hulot en fut
dans toutes les circonstances le valeureux chef; deux
fois il fut cité, avec son bataillon, au Bulletin de la
Grande Armée. Emmené en Espagne par le maréchal
Soult, qui l'avait remarqué depuis longtemps, il y
fut fait général de brigade. Il rejoignit la Grande
Armée en 1813, fit la campagne d'Allemagne et devint
général de division en 1815.
Après les Cent Jours, il quitta deux fois le service,
mais fut deux fois replacé en activité, et n'obtint défi-
nitivement sa ïetraite qu'en 1848. Il mourut à Nancy
en 1850. « La vie de ce vaillant guerrier, dit un de ses
biographes, a été un constant exemple d'abnégation
personnelle et de dévouement à ses devoirs. »
2° Deux frères, Hulot {Jacques-Louis) (1773-1843),
etHuLOT (Jean-Gaspard) (1780-1832), nés tous deux à
Charleville, prirent également part aux campagnes de
l'Empire et y gagnèrent de brillants états de service.
Chanzy (1823-1883).
Antoine-Eugène-AlfredùixszY est né à Nouart, le
18 mars 1823, dans une modeste maison sur laquelle
se trouve une plaque de marbre noir portant cette
inscription :
Antoine-Eugène- Alfred Chanzy,
Général de Division,
Grand-Croix de la Légion d'honneur,
ApASSÉSONENFANCEDANSCETTE MAISON, RATIEPAR SON PÈRE.
HOMMES CE GUERRE
29
A seize ans, après des études fort ordinaires au
collège de Sainte-Menehould, Chanzy s'engagea
comme mousse à bord du Neptune, où il ne resta
qu'un an. Il entra au 5 e d'artillerie à Metz, suivit les
cours du lycée et, après un travail opiniâtre de six
mois, il fut admis à Saint-Cyr, le 135 e sur 138. Il en
sortit le 25 e et fut envoyé en Afrique, comme sous-
lieutenant de zouaves, le 1" octobre 1843. Il resta
seize ans sur cette terre algérienne, la pépinière des
généraux, et nous le retrouvons, en 1859, à Magenta
et à Solférino. Promu lieutenant-colonel au 71 e de
ligne, il s'embarqua sur X Amérique, pour l'expédi-
tion de Syrie, et le 26 décembre 1860, pendant qu'il
était à Jérusalem, il reçut ampliation du décret qui le
nommait officier de la Légion d'honneur. ■
Après avoir, pendant trois ans, fait partie du corps
30
ARDENNES
d'occupation de Rome, Chanzy retourna en Afrique,
où il conquit le grade de général de brigade à la suite
d'un rapport élogieuxdu maréchal de Mac-Mahon. Le
li avril 1870, Chanzy remporta sur les Ouled-Sidi-
Cheikh la victoire décisive d'El-Bahariat.
Quelques mois plus tard éclata la néfaste guerre
franco-allemande. Malgré le vif désir qu'il avait de
venir combattre l'ennemi envahisseur, c'est seule-
ment le 2 octobre que le général Chanzy fut rappelé en
France. Nommé général de division le 20 octobre 1870,
il fut placé à la tête de l'armée de la Loire qui gagna
la bataille de Coulmiers.il déploya, pendant toute
cette campagne, une activité vraimentextraordinaire,
une énergie, une ténacité incroyables, qui maintin-
rent, malgré les désastres, la confiance et l'espérance
de l'armée.
Nommé membre de l'Assemblée nationale, Chanzy
fut arrêté pendant la Commune, et il n'échappa
qu'avec peine au destin des généraux Lecomte et
Clément Thomas.
Le 1 er septembre 1872, Chanzy fut nommé com-
mandant du 9 e corps à Tours ; mais il ne resta que
neuf mois dans ce poste, car un décret du 4 juin 1873
le nommait gouverneur général de l'Algérie, où,
pendant près de six ans, il imprima une impulsion
énergique à l'œuvre de la colonisation.
Nommé sénateur inamovible après la constitution
républicaine de 1875, Chanzy siégea peu à cause des
devoirs qui lui incombaient comme gouverneur de
l'Algérie.
Trois semaines après son élection à la présidence
de la République, Jules Grévy nomma Chanzy am-
bassadeur à Saint-Pétersbourg, en remplacement du
HH
^^^1
HOMMES DE GUERRE
31
général Le FIô. Dans cette nouvelle situation il sut
conquérir, par ses qualités personnelles, par l'éléva-
tion de son esprit, par un tact parfait, une situation
exceptionnelle à la cour de Russie et la sympathie de
la haute société de la capitale.
Démissionnaire en décembre 1881, il fut appelé le
19 février suivant au commandement du 6° corps
d'armée à Châlons. C'est dans cette ville, â ce poste
de péril et d'honneur, à l'avant-garde de notre fron-
tière de l'Est, d'où il aurait pu se porter à la rencontre
de l'ennemi, que la mort est venue le frapper le
5 janvier 1883. La mortdeChanzyproduisitdans toute
la France l'impression d'une perte immense; le pays
éprouva une véritable consternation en apprenant
que la mort lui enlevait un de ses meilleurs enfants,
un de ses plus vaillants défenseurs.
Chanzy a laissé un ouvrage intitulé : La deuxième
armée de la Loire, œuvre exacte et impartiale, con-
sidérée par les ennemis eux-mêmes comme une des
sources de renseignements les plus véridiques. Cel
ouvrage est partagé en six livres, portant les titres
suivants qui marquent les sanglantes étapes decette
armée de la Loire dans le grand drame de 1870-1871 :
Orléans, Josnes, Vendôme, Le Mans, Laval, Poitiers.
Parlier (1827-1888).
Charles-Louis Parlier est né au Gué-d'Hossus, le
24 avril 1827. Elève de Saint-Cyr, il sortit sous-lieu-
tenant le 1" octobre 1846. Il prit part à la bataille de
Sedan, sur le plateau d'Illy, où il soutint les efforts
suprêmes de notre armée, après la blessure du géné-
ral Margueritle. Il rentra à Sedan l'un des derniers et
fut emmené en captivité. De retour en France, il fut
il
1
32
ARDENNES
nommé général et appelé au commandement de la
49 e brigade et des subdivisions de Montbrison et de
Saint-Etienne. C'est dans cette dernière ville qu'il
mourut, le 17 septembre 1888, sans avoir vu accom-
plir le rêve de sa vie, la revanche espérée.
Lallemand (1837-1893).
Le village d'Eteignières vient de perdre (20 déc.
1893) un de ses plus illustres enfants, le général
Orphis-Léon Lallemand, qui y était né le 27 octobre
1817. Elève de Saint-Cyr et de l'école d etat-major, il
s'est élevé parson mérite et sa valeur jusqu'aux plus
hautes fonctions de la hiérarchie militaire. Lieute-
nant en 1842, capitaine en 1844, il resta dix ans en
Afrique. Sa brillante conduite en Crimée lui valut
une citation à l'ordre du jour de l'armée et le grade de
lieutenant-colonel. La campagne terminée, il revint
en Afrique pour prendre, sous les ordres du maréchal
Randon, une part active à l'expédition delà Grande-
Kabylie. Colonel en 1860, général de brigade en 1808,
il était général de division et commandant en chef des
forces de terre et de mer de l'Algérie, à la fin de 1870.
En récompense des éminents services qu'il rendit en
Algérie, en réprimant l'insurrection de 1871, il fut
nommé grand officier et membre du grand conseil de
la Légion d'honneur. Il a été ensuite commandant
du 11 e corps d'armée à Nantes, du 15 e à Marseille et
du 1 er à Lille. Mis en disponibilité le 27 octobre 1887,
il était revenu dans son village natal prendre un
repos bien mérité par une carrière brillamment rem-
plie : c'est là qu'il s'est éteint à l'âge de 77 ans. Il
était grand-croix de la Légion d'honneur depuis 1880
et titulaire de la médaille militaire depuis 1882.
■I
HOMMES POLITIQUES
33
HOMMES POLITIQUES.
Dubois de Crancé (1747-1814).
Le conventionnel Dubois de Crancé est né à Char-
leville le 17 octobre 1747. « A 13 ans, dit un de ses
biographes, il était déjà un fort gaillard, aux larges
épaules, à l'œil intelligent, ne rêvant que sabres et
batailles. » Dès 1762, il étail soldat aux mousque-
taires.
En 1 789, le bailliage de Yitry-le-François le nomma
député aux Etats généraux. Dubois de Crancé se
montra un ardent partisan de la Révolution et s'oc-
cupa activement de toutes les réformes à introduire
dans l'organisation militaire. « Il faut une conscrip-
tion vraiment nationale, s'écriait-il dans un discours
sur le recrutement de l'armée... Il faut que chaque
homme, dès que la patrie sera en danger, soit prêt à
marcher». Et il s'élevait avec indignation contre les
remplacements qui avilissent le métier des armes,
« si noble pour un peuple libre. j>
Volontaire de la garde nationale parisienne en 89,
nous le retrouvons lieutenant-colonel trois ans après.
En 1792, il est élu député des Ardennes, du Var, de
l'Isère et des Bouches-du-Rhùne à la Convention
nationale. Il votela mort du roi sans appel ni sursis ;
il prend une part considérable à l'organisation des
armées de la République; le 23 février 1793, il est
nommé président de l'Assemblée. Deux fois il est en-
voyé en mission aux armées, ■et le 26 mars 1793, il
entre au Comité de salut public. La même année, il
est chargé, avec Kellermann, de réprimer l'insurrec-
tion de Lyon : il est alors général de brigade. Accusé
34
ARDENNES
de modérantisme, il est rappelé par la Convention : il
se disculpe aisément et reçoit le grade de général de
division.
Ennemi de la dictature robespierriste, il la combat
de toutes ses forces et se joint à ceux qui l'écrasent
au 9 thermidor ; cinq mois plus tard, il rentre au
Comité de salut public.
Il est réélu député au Conseil des Cinq Cents, et
sort de cette assemblée en mai 1797. Il est nommé
inspecteur général de l'infanterie à l'armée de
Mayence, en septembre 1798. Un an après, il est
appelé au ministère de la guerre, où il ne reste que
49 jours, jus'qu'au 10 novembre.
Le 18 brumaire, il s'opposa énergiquement au coup
d'Etat. Mis peu après à la retraite, il se retira à Bal-
ham, près de Retbel, et occupa ses loisirs à écrire des
ouvrages historiques et même... une comédie en trois
actes. Il mourut à Rethel le 19 juin 1814, modèle du
bon patriote, du bon citoyen.
Baudin (1748-1799).
Baudin {Pierre-Charles-Louis) , dit Baudin des Ar-
dennes, est né à Sedan, en 1748. Il fit à Paris de
bonnes études et se prépara d'abord à la profession
d'avocat. Revenu plus tard dans sa ville natale, il y
succéda à son père dans la charge de directeur des
postes.
Nommé maire de Sedan, en février 1790, il fut
député par ses concitoyens à l'Assemblée législative,
à la Convention et au Conseil des Anciens. Lors du
procès de Louis XVI, il vota la détention du roi, puis
se rallia au projet de l'appel au peuple et se prononça
HOMMES POL1TI0UES 35
pour la suspension provisoire, la réclusion et le sur-
sis. Devenu président delà Convention, il prononça,
le 11 vendémiaire an IV, un remarquable discours à
la louange des Girondins envoyés à l'échafaud pen-
dant la Terreur. Au Conseil des Anciens, son élo-
quence fut plus d'une fois encore applaudie. On a
conservé de lui cette belle parole : « Si parmi des mil-
I
lien cl' hommes coupables, il se trouve dix justes, la loi
qui les condamne est une loi injuste. »
Il craignait le retour delà royauté, mais il appelait
de tous ses vœux la fin du Directoire; comme tant
d'autres alors, il attendait un sauveur qui rétablit
l'ordre et pacifiât les esprits. On prétend même, et
non sans raison, qu'il mourut de joie en apprenant
le débarquement de Bonaparte à Fréjus, au retour de
l'expédition d'Egypte (1799).
fl
3(i
ARI1ENNES
// avait des vertus ! dit une épitaphe que composa
pour lui une Ardennaise, M 1U Cosson. Quel plus bel
éloge pourrait-on faire du célèbre conventionnel?
Ternaux (1763-1833).
Le célèbre industriel Louis Ternaux est né à Sedan,
en 1763. 11 appartenait à une famille de manufactu-
riers, et à seize ans il prenait déjà la direction de l'im-
portante fabrique de drap de son père : celui-ci la lui
léguait, du reste, gravement compromise à la suite de
revers de fortune. Le jeune industriel parvint à la
rétablir à force d'intelligence et d'activité.
Sous la Terreur, il dut s'enfuir et ne reparut qu'a-
près le 9 thermidor. Sa fabrique prospéra chaque jour
davantage, et en 1801, Ternaux avait en France 22
succursales. Aussi fut-il bientôt au premier rang des
industriels français. Des comptoirs furent créés par
lui dans différentes villes d'Europe, à Saint-Péters-
bourg même, et il donna de la sorte une extension
considérable à son commerce.
En 1802,ils'associa avec son frère, et leur industrie
prit un nouvel essor. De leurs usines sortirent des
tissus d'une finesse et d'une beauté remarquables,
les fameux Cachemires Ternaux qui égalèrent et sur-
passèrent ceux de l'Inde.
Sous la Restauration, Ternaux fut envoyé par les
électeurs de Paris à la Chambre des députés et siégea
parmi les libéraux. Il signa en 1830 l'adresse des
221, prit part aux événements de cette année, puis se
retira de la vie publique. Il releva sa fortune, com-
promise de nouveau à la suite de la révolution de
juillet, et mourut à Saint-Ouen, en 1833. Il avait
HOMMES POLITIQUES
37
|té créé baron en 1817. Son titre d'industriel hon-
nête, intelligent, vaut mieux.
Cunin-Gridaine (1778-1859).
Ccnin (Laurent) est né à Sedan en 1778. II servit
dans les armées de la République, puis revint dans sa
ville natale et entra comme employé dans une des
plus importantes manufactures de drap de Sedan
chez M. Gridaine. II conquit si bien l'estime et la con-
fiance de son patron, qu'au bout de quelques années
ce dernier lui donna une participation dans les béné-
fices de l'usine et le jugea digne de devenir l'époux
de sa fille.
En 182i, M. Cunin-Gridaine remplaça son beau-
père a la tète de sa manufacture, et imprima à son
établissement, comme à l'industrie sedanaise en géné-
ral, une impulsion remarquable. En retour ses con-
citoyens l'envoyèrent siéger à la Chambre de 1827
Pendant 21 ans, il resta leur mandataire. Constam-
ment dévoué à la cause libérale, il prit part à la rédac-
tion de 1 adresse des 32i (2 mars 18.30) et donna toutes
ses sympathies à la révolution de juillet et à l'avène-
ment de la dynastie nouvelle. Il devint successive-
ment secrétaire, puis vice-président de la Chambre ■
a plusieurs reprises, la présidence de la Chambre'
puis un portefeuille dans le ministère Soult lui furent
otterts ; il les refusa. Il accepta enfin le ministère du
commerce et le garda de 18i0 à 1848. Poursuivi
après les événements de février, il bénéficia d'un
arrêt de non-lieu et rentra à Sedan pour y reprendre
malgré ses 72 ans, la direction de sa manufacture '
Sa carrière industrielle ne lui fait pas moins hon-
ABDBNNES.
38
ARDENNES
neur que sa carrière politique. Aux cinq expositions
qui eurent lieu de 1823 à 1849, son nom brilla au
premier rang. Il mourut en 1859, estimé de tous ses
concitoyens et aimé de tous ses ouvriers.
ÉCRIVAINS ET ÉRUDITS
Guillaume de Machault (1290-1377).
Le poète de ce nom a illustré le village de Machault,
qui l'a vu naître vers 1290. On ne sait rien de ses
premières années. Il apparaît pour la première fois,
en 1301 , à la cour de France, au service de Jeanne de
Navarre, épouse de Philippe IV le Bel. Il devint
plus tard secrétaire de Jean de Luxembourg, roi de
Bohême, dont il partagea, pendant 30 ans, la bonne,
et la mauvaise fortune. Après la mort de son maître,
tué à la bataille de Crécy, en 1346, Guillaume passa
au service de Jean le Bon, puis de Charles V.
Agnès de Navarre, alors âgée de 17 ans, touchée du
talent et de la célébrité de Guillaume, s'éprit d'une
grande affection pour lui, bien qu'il fût alors âgé de
50 ans, goutteux et presque aveugle. Une correspon-
dance s'établit entre eux et Agnès voulut que Guillau-
me célébrât leur affection dans un poème. C'est alors
que notre poète écrivit : Le Livre dou veoir dit .
On a de Guillaume de Machault: Le Vergier, L'Ecu
bleu, Li Temps Rastour, Le Comfort d'ami, La Prise
d'Alexandrie, et un nombre considérable de ballades,
rondeaux, motets, lais et virelais, conservés dans de
magnifiques manuscrits à la Bibliothèque nationale.
Le poète ardennais jouit d'une grande réputation
auprès de ses contemporains ; il fut le poète le plus
ECRIVAINS ET ERUD1TS
39
remarquable du xiv e siècle dans la poésie amoureuse.
Il mourul vers 1377.
Mabillon (1632-1707).
On voit encore à Saint-Pierremont la maison où
vint au monde, le 23 novembre 1032, Jean Mabillon,
dont les vertus et les travaux devaient illustrer l'ordre
des bénédictins. Les parents de Mabillon n'étaient
pas riches; ils firent leur possible pourtant pour l'en-
voyer au collège de Reims, et ils n'eurent pas lieu
de s'en repentir, car l'enfant y fut bientôt regardé
comme le meilleur élève. Se sentant attiré vers la
carrière ecclésiastique, il entra au séminaire et fut
admis chez les bénédictins de Saint-Remy de Reims,
en 1053. Plus tard il entreprit de réunir les matériaux
nécessaires pour écrire une histoire générale de son
ordre. Dans ce long et difficile travail, il se montra à
la fois un infatigable investigateur et un critique judi-
cieux, ami en tout de l'exactitude, n'acceptant pas les
yeux fermés toutes les croyances de son époque et
élaguant impitoyablement du calendrier les saints
qui ne lui paraissaient pas suffisamment authen-
tiques.
A l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, où il avait
été mandé en 1664, il vécut dans le commerce des
grands écrivains français du temps, Bossuet entre
autres, et correspondit avec les érudits étrangers,
avec Leibniz lui-môme. Il y publia son ouvrage
capital : De re diplomatka. Il fit ensuite de nombreux
voyages en Europe, visitant les bibliothèques, fouil-
lant les archives des monastères, compulsant les docu-
ments, amassant une quantité prodigieuse de notes,
d'éclaircissements, de rectifications.
40
ARDENNES
Son travail opiniâtre et ses études continuelles lui
acquirent de vastes connaissances et lui valurent la
réputation d'être l'homme le plus savant, mais aussi
le plus modeste de son temps. Il fut bien « le modèle
des religieux par sa piété et ses douces vertus, des
savants par ses travaux, plus encore par sa droiture
et sa modestie » : c'est ainsi que s'exprime l'inscrip-
tion placée dans l'église de son village natal.
Il mourut le 27 décembre 1707, laissant inachevées
les Annales de l'ordre de Saint-Benoît .
Longuerue (1652-1733).
Louis Du Four de Longuerue, né à Charleville le
ë janvier 1652, montra une précocité extraordinaire.
Dès l'âge de 4 ans, il était déjà célèbre. Louis XIV,
passant à Charleville en 1657, voulut le voir et fut
■émerveillé de ses réponses. A 14 ans, Longuerue pos-
sédait le latin, le grec, l'hébreu et la plupart des
langues modernes ; il étudia toutes les branches du
savoir humain, et put soutenir en hébreu des con-
troverses avec les savants de son temps. Malgré son
immense savoir, Longuerue, demeuré humble etmo-
deste, ne fit partie d'aucune académie et mourut à
Paris, le 22 novembre 1733.
Coffin (1676-1749).
Coffin (Charles) naquit à Buzancy en 1676, et mou-
rut en 1749. Excellent élève dans les établissements
où il fit ses études, il devint en 1713 principal du col-
lège deBeauvais ; il y avait jadis fait ses classes. Sous
sa direction, le collège devint très florissant et forma
d'illustres élèves. Cinq ans plus tard, Coffin fut élu
ÉCRIVAINS ET ÉKUDITS
H
recteur de l'Université de Paris, et deuxfois, en 1719
et en 1720, ces fonctions lui furent renouvelées.
En 1727, il publia un volume de poésies latines,
parmi lesquelles on vante une Ode au vin de Cham-
pagne. Des Hymnes qu'il composa plus tard pour le
Bréviaire de Paris établirent sa réputation. Son sou-
venir s'est conservé longtemps à Buzancy et dans les
environs, par les grandes charités qu'il y a faites ;
on ne faisait jamais en vain appel à son bon cœur, et
répétons-le, après H. Garnot, la bonté est la meil-
leure des qualités humaines.
Boucher de Perthes (1 788-1808).
Boucher de Crèvecœur de Perthes naquit à Rethel
en 1788. Il descendait de Jean Romée de Vouthon,
frère d'Isabelle Romée, la mère de Jeanne d'Arc. Le
pauvre Jacques Boucher ne donna pas dans sa jeu-
nesse de grandes espérances : il avait la tête dure, et
on le retira de pension, le jugeant incapable de conti-
nuer ses études. Peu après, il fut nommé commis de
son père, qui était directeur des douanes à Abbeville ;
ensuite il passa à Marseille, puis à Gènes. Devenu
sous-inspecteur, il occupa en cette qualité différents
postes ; en 1825, il remplaça son père à Abbeville, où
il résida jusqu'à sa mort (1868).
Après sa sortie du collège, il s'était mis vaillam-
ment à l'œuvre pour recommencer son instruction.
Il resta toute sa vie fidèle à cette habitude du travail;
ses occupations comme directeur des douanes ne l'em-
pêchèrent pas de se livrer à l'étude. Son intelligence,
qui semblait devoir rester toujours fermée
ouverte et fortifiée. « Son esprit, éveillé»
fi
ARDENNES
choses, dit M. Ch. Louandre, se portait un peu au
hasard sur les sujets les plus divers. »
C'est surtout à l'étude des monuments de l'homme
préhistorique que s'adonna Boucher de Perthes ; il
fut vraiment le créateur de Y archéogéologie. On sait
quelles discussions passionnées excita la découverte
qu'il fit dans la Somme, en 1862, d'une mâchoire
d'homme fossile. Le doute pour lui n'était pas pos-
sible : l'apparition de l'homme sur la terre à une
époque prodigieusement lointaine était une certitude.
Il consigna la plupart de ses observations dans un
ouvrage capital : Antiquités celtiques et antédilu-
viennes.
En dehors de ses études historiques et archéolo-
giques, Boucher de Perthes aborda à peu près tous
les genres de sujets : poèmes, études morales, essais
philosophiques, etc. ; mais la littérature est loin
d'avoir chez lui éclipsé le savant. Enfin ce fut un phi-
lanthrope, un ami sincère et actif des pauvres, des
déshérités ; il employa 200,000 francs à des fonda-
tions nombreuses en faveur des classes ouvrières,
indiquant par avance la solution de ce problème dif-
ficile : Travail et Capital, et donnant un exemple
suivi depuis par les principaux chefs du commerce
français et de l'industrie nationale.
Batteux (1713-1780).
Batteux {Charles), dit Le Batteux, naquit à Allan-
d'huy, près d'Attigny, en 1713. Professeur au collège
de Reims dès l'âge de vingt ans, il enseigna ensuite à
Paris, s'y mit en évidence, et occupa pendant 28 an-
nées une chaire de philosophie grecque et latine au
Collège de France. On le priva de son emploi en 1778,
ECRIVAINS ET ERUDITS
43
après la publication de son ouvrage : Histoire des
causes premières .
Vers cette époque, il donna, avec l'aide de quel-
ques collaborateurs, un Cours élémentaire à l'usage
de l'école militaire (en 48 volumes), de la rédaction
duquel il avait été chargé par le comte de Saint-Ger-
main .Les fatigues que lui coûta cetravail considérable
et le chagrin que lui causale peu de succès du livre,
conduisirent Batteux au tombeau. Il mourut en 1780,
membre de deux académies. Il laissait de nombreux
ouvrages, de littérature pour la plupart.
Non moins estimable par ses qualités personnelles
que par ses talents littéraires, Batteux fut, selon
l'expression de son successeur à l'Académie française,
« un savant doublé d'un homme de bien. »
D'une probité rigoureuse et d'une très grande bien-
veillance, il était heureux de pouvoir se féliciter quel-
ques jours avant sa mort, de « n'avoir jamais écrit
une seule ligne contre qid que ce fût ».
Rares sont ceux qui en pourraient dire autant ;
imitons-le.
Hachette (1800-1864
4 .
C'est à un Ardennais, Hachette (Louis-Christophe-*
François), né à Rethel en 1800, que revient l'honneur
d'avoir fondé à Paris la librairie célèbre qui porte
son nom, et d'où sont sortis depuis plus d'un demi-
siècle tant d'ouvrages de toute sorte et de si grand
mérite'. Hachette s'était senti de bonne heure attiré
vers la carrière de l'enseignement. Il fit d'excellentes
études à Sainte-Barbe et àLouis-le-Grand et entra à
l'Ecole normale en 1819. Trois années plus tard,
l'école ayant été licenciée, à la suite d'une manifes-
M
ARDENNES
tation libérale, les normaliens furent privés des em-
plois auxquels ils pouvaient aspirer. Hachette mena
pendant quatre ans une existence assez agitée et
obscure, et, en 1826, il acheta un fonds plus que
modeste de librairie classique, la librairie Brédif
Tels furent les humbles débuts d'une des plus grandes
librairies des temps modernes.
Hachette groupa autour de lui ses compagnons de
disgrâce, parmi lesquels Quicherat et Géruzez- et
grâce à cet ensemble d'intelligences et de bonnes
volontés, la petite librairie Brédif prit en peu d'an-
nées un développement considérable. Après 1850
surtout, Hachette, secondé par ses deux gendres et ses
deux fils, donna à sa maison une impulsion plus
grande; il créa de nouvelles séries d'ouvrages qui
étendirent le cercle de ses publications dans toutes
les branches du savoir humain ; en même temps de
nombreux journaux, de savantes revues vulgarisèrent
les connaissances les plus utiles. De la librairie Ha-
chette sont sortis une foule d'ouvrages philosophi -
ques, littéraires, scientifiques, qui ont exercé la plus
heureuse influence sur les progrès de notre siècle.
Hachette est mort en 1864.
Il mérite plus qu'un éloge banal, cet homme qui
a su faire progresser l'instrument destiné à faire de
I espérance de la patrie, la jeunesse française, le livre
classique, le journal de l'école, la publication de
tamille.
Natalis de Wailly (1804-1886).
Wailly (Jean-Noël de, dit Natalis de), né à Mé-
zières en 1804, est mort à Passy en 1886. Il fit à
Henri IV et à Sainte-Barbe des études qui ne furent .
ECRIVAINS ET ERUD1TS
45
pas très brillantes et n'annoncèrent en rien le savant
fatur. En 1830, il était chef de section administra-
tive aux archives du royaume. Il se mit avec une ar-
deur extraordinaire à fouiller dans les parchemins, à
classer les sceaux et les médailles, à rechercher par-
tout les anciens documents.
Bientôt il reçut de M. Guizot, alors ministre de
l'instruction publique, la mission de rédiger un cours
de paléographie. Ce cours parut en 1838 et valut à
l'auteur l'entrée de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres.
Outre ses Eléments de Paléographie, Natalis de
Wailly a laissé une foule de mémoires et de notices
sur des sujets d'érudition et d'autres ouvrages plus
importants : Conquête de Constantinople, Récits d'un,
ménestrel de Reims au XII e siècle, Histoire de saint
Louis. Son édition de Joinville jouit d'une grande
réputation, entièrement méritée.
Taine (1828-1893).
Parmi les hommes illustres qui ont vu le jour
dans le département des Ardennes, le premier rang
appartient sans contredit à Hippohjte Taine, né à
Vouziers le 21 avril 1 828, mort à Paris le 6 mars 1 893.
Taine fut de bonne heure célèbre. A 19 ans, après de
brillantes études au lycée Bonaparte, il remportait en
rhétorique le prix d'honneur au concours général,
et l'année suivante il entrait premier à l'École nor-
male supérieure, en même temps qu'Edmond About
et Francisque Sarcey. Monsieur Taine et le grand
Bûcheron, comme l'appelaient ses condisciples,
ne cessa pas d'être le meilleur élève de sa promo-
*
46
ARDENNES
tion : sa vaste intelligence et son jugement solide
présageaient une gloire future et chacun s'inclinait
devant sa supériorité. Cependant, au sortir de l'Ecole
normale, son indépendance d'esprit le fit échouer à
l'agrégation de philosophie ; il alla professer à Nevers
et à Poitiers ; mais cet esprit actif et libéral ne pou-
vait guère se flatter de plaire au ministre d'alors,
M. Fortoul, et bientôt Taine fut envoyé en disgrâce à
Besançon, comme... professeur suppléant de sixième.
C'en était trop; il sortit de l'enseignement et vint à
Paris. Pendant trois années, il suivit les cours du
Muséum et de l'Académie de médecine, non comme
physiologiste, mais comme philosophe. Puis il entra
dans le journalisme.
Il collabora successivement à la Revue de l'Instruc-
tion publique, à la Revue des Deux-Mondes, au Jour-
nal des Débats ■ et le journaliste, comme autrefois le
normalien, eut bientôt fait d'attirer sur lui l'atten-
tion publique. En-1853, il se fit recevoir docteur. Sa
thèse française était un Essai sur La Fontaine qui,
plus tard, refondu et augmenté, devint un de ses
livres les plus agréables, les plus substantiels : La
Fontaine et ses fables (1860). Dès lors, Taine ne cessa
de produire des ouvrages de longue haleine : Essai
sur Tite-Live (1854); Voyage aux Pyrénées (\ 85$) ;
les Philosophes français au XIX e siècle (1863),
vive et spirituelle attaque d'un positiviste contre la
philosophie éclectique. Deux nouveaux livres, œuvre
d'un critique littéraire éminent, mais aussi d'un
philosophe et d'un historien, les Essais de critique et
d'histoire, et les Nouveaux Essais, furent publiés en
1857 et 1865; on y peut lire sur Michelet, Saint-Si-
mon, la société française au xvn e siècle, La Bruyère,
ECRIVAINS ET EKUDIÏS
47
Honoré de Balzac, Racine, et sur diverses questions
d'histoire ancienne et moderne, des articles remar-
quables, vigoureusement pensés et écrits.
En 1864, parut l'Histoire de la littérature anglaise,
dont le retentissement fut très grand. L'auteur fut
proposé pour un prix académique de 20,000 francs ;
les rancunes de M. Cousin, l'apôtre de l'éclectisme,
tirent échouer cette candidature. En revanche, cette
même année, l'Empire sembla regretter d'avoir dé-
daigné Taine, et l'ancien universitaire fut nommé
professeur d'esthétique à l'école des Beaux Arts.
Comme philosophe, Taine donna encore, entre
autres livres : Philosophie de l'art (1865), De l'Intel-
ligence (1870), et comme historien les Origines de la
France contemporaine, dont la publication, commen-
cée en 1875, s'est poursuivie jusqu'à ses dernières
années. On considère généralement cette étude des
Origines de notre société moderne comme un des
ouvrages essentiels, sinon comme l'œuvre maîtresse
de Taine.
Membre de l'Académie française depuis 1878, le
savant ardennais a donc fourni une carrière bien rem-
plie; ses opinions ont été combattues sur bien des
points et parfois avec acharnement ; il n'en est pas
moins vrai que Taine est et restera, avec Renan qui
est mort quelques mois avant lui, une des personna-
lités les plus puissantes dans le mouvement intellec-
tuel de la seconde moitié de notre siècle.
I
48
ARDENNES
THÉOLOGIENS ET PASTEURS
Sorbon (1201-1274).
Robert de Sorbon est né au village de ce nom, près
de Rethel, le 9 octobre 1201. Il était fils de pauvres
laboureurs qu'il ne connut même pas; ce fut une
voisine généreuse qui pourvut à ses besoins, et ce fut
la chanté publique qui lui permit de s'instruire.
Uouéd heureuses dispositions, il futenvoyé au collège
de Reims, où il ne tarda pas à se faire remarquer
par ses progrès rapides et sa conduite exemplaire
11 y était depuis cinq années lorsque la mort lui
enleva ses protecteurs; il n'avait que quinze ans. Il
se rendit à Pans pour y continuer ses études. Mêlé
aux pauvres escholiers d'alors, léger d'argent comme
la plupart d'entre eux, il endura des peines et des
privations sans nombre, souffrant plus que oneques
martirs, mais un peu consolé en songeant qu'on doit
paraidis conquerre par mal avoir (conquérir le para-
dis en souffrant). -
Il obtint enfin le bonnet de docteur et fut pourvu
d un canonicat à Cambrai, en 1250. Là, ses sermons
lui attirèrent une si grande renommée que Louis IX
voulut le voir et l'entendre; il en fut charmé et le
nomma son chapelain-confesseur.
Sorbon n'oublia pas dans sa situation nouvelle les
pauvres escholiers dont il avait partagé la vie et souf-
fert les misères. Il conçut le généreux projet de
fonder une maison pour recevoir les jeunes gens
pauvres et studieux et leur faire donner des leçons
gratuites. La réalisation ne se fit pas longtemps
attendre : en 1253, la Pauvre Maison fut fondée et
reçut 16 clercs dont l'indigence était notoire.
THÉOLOGIENS ET PASTEURS
49
Telle fut l'origine de la Sorbonne. Son fondateur se
voua tout entier à la prospérité de son établissement
et il eut la joie de le voir s'agrandir et s'améliorer
tous, les jours. La réputation du maître s'étendit au
loin ; et il le méritait bien par sa piété, sa charité et
sa science philosophique. Il mourut le 15 août 1274
laissant toute sa fortune, qui était considérable, à
la Sorbonne. Son. œuvre méritait d'être immortelle ;
elle est inséparable de sa personnalité.
Gerson (1363-1429).
A quelques lieues de Rethel s'élevait autrefois le
petit village de Gerson, aujourd'hui disparu, qui a
donné son nom à l'un des hommes dont se glorifie
l'Eglise du moyen âge. C'est là que naquit, le 1 4 dé-
cembre 1363, Jean le Charlier, qui plus tard sui-
vant une coutume fort répandue à cette époque' prit
le nom du lieu qui l'avait vu naître. Jean apparte-
nait à une famille aussi pauvre que nombreuse, et ce
ne fut pas sans s'imposer de lourds sacrifices que ses
parents purent l'envoyer au collège de Reims. Par
bonheur les succès de l'enfant les dédommagèrent de
eurs peines; à 14 ans, son application au travail
lui valut une bourse au collège de Navarre, à Paris
Docteur à 29 ans, il devint chancelier de l'Univer-
sité et professeur de philosophie à ce même collège
de Navarre où il avait été élève. Alors commença
contre les abus et les superstitions de toute sorte
contre les mystiques, les astrologues, les flagellants'
une rude guerre que le jeune chancelier mena vail-
lamment ; le clergé lui-même, dont les fêtes des fous
déshonoraient les temples, entendit plus d'une fois
50
ARDENXES
Gerson s'élever avec force contre ses divertissements
grossiers.
Grand par l'intelligence et le savoir, Gerson le fut
plus encore peut-être par le cœur. Né du peuple, il
aima et défendit toujours les faibles et les opprimés.
Il voulait qu'on apprit à lire à cette foule ignorante
dont il était sorti, et il écrivit pour elle YABC des
simples gens. Il dénonça courageusement à Charles VI
la conduite scandaleuse de ses oncles, dont les riva-
lités faisaient le malheur de la France. Lui aussi
« aima la justice et détesta l'iniquité ». Quand le
duc d'Orléans périt assassiné en 1407, Gerson pro-
nonça l'oraison funèbre de la victime et fit brûler en
place publique le livre du moine cordelier Jean Petit
qui avait osé se faire l'apologiste du crime. Ce noble
courage lui valut la haine féroce de Jean Sans-Peur ;
après le concile de Constance, il dut, pour y échapper,
s'exiler volontairement.
Il combattit l'hérésie de la même ardeur dont il
poursuivait le relâchement des mœurs. Aux conciles
de Pise (1409) et de Constance (1414), il lulta de tout
son pouvoir pour faire cesser le schisme qui divisait
alors l'Eglise, et fit déposer trois papes dont l'obsti-
nation prolongeait la crise.
Après l'assassinat du duc de Bourgogne (1419), il
rentra en France avec l'intention d'y vivre dans la
retraite. Il passa le reste de ses jours chez les céles-
tins de Lyon, consacrant les dernières années de sa
vie à l'instruction des enfants pauvres , donnant
jusqu'au bout aux déshérités son intelligence et son
cœur. C'est pour eux surtout qu'il composa Ylmita-
tioîi de J.-C. Il est généralement admis, en effet, que
ce livre est son ouvrage.
I I , •
THEOLOGIENS ET PASTEURS
51
Il mourut à Lyon le 12 juillet 1429.
Il existe encore dans un des murs de l'église de
Barby- près de Rethel, une épitaphe bien conservée
et consacrée à la mère de Gerson; on y lit:
Elisabeth la Chardenière
Qui fin bel ot et vie entière
A Arnault le Charlier épouse
Ausquels enfants ont esté douse
Devant cest bus fust enterrée
M. quatre cens et un lannée
Estait de Juing le jour huitime
Jhesus li doint gloire saintime.
On conserve à la Bibliothèque nationale une des
nombreuses lettres que la mère de Gerson lui adres-
sait par les messagers de l'Université, lorsqu'il était
élève du collège de Navarre.
Drelincourt (1 395-1669).
Drelincourt (Charles) naquit en 1395, à Sedan II
commença au collège de cette ville des études sé-
rieuses qu'il alla terminer à Saumur. A 23 ans il
reçut l'investiture pastorale, et exerça pendant 2 ans
les fonctions de pasteur dans les environs de Lan-
gres.En 1620, il vint prêcher à Paris et ne tarda pas à
se taire connaître comme un prédicateur de mérite.
Il ne se montra pas moins remarquable comme
controversiste. Les jésuites et les moines trouvèrent
en lui un redoutable adversaire, dont les écrits et les
discours leur portèrent de rudes coups.
Dans l'accomplissement de son ministère Drelin-
court fut vraiment « le bon pasteur » ; sa bienfai-
sance était sans bornes, sa charité inépuisable. Son
zèle enfin ne se démentit pas un seul instant- il lui
arriva de prêcher sept fois dans la même journée
52
ARDENNES
Sa vie fut un travail continuel. Il mourut en 1669,
épuisé par de longs travaux, ayant rempli ses fonc-
tions pastorales jusqu'à la dernière semaine de sa vie.
Billuart (1685-1757).
La petite ville de Revin s'honore d'avoir vu naître,
le 8 janvier 1685, Charles-René Billuart, un des
prédicateurs les plus célèbres de son temps. A peine
âgé de 16 ans, il fut admis chez les Jésuites à Char-
leville. Mais il changea bientôt de résolution et prit
l'habit de dominicain, à Revin même. Professeur de
philosophie et de rhétorique , d'abord au collège
Saint-Thomas de Douai, puis au couvent de Revin, il
fut élu provincial de son ordre (1728). Laborieux par
habitude et par goût, il menait de front la publica-
tion de nombreux ouvrages de théologie, la prédi-
cation et la controverse avec les ministres protes-
tants. Quoiqvie d'un tempérament doux et pacifique,
il était cependant vif dans la dispute et c'était un
adversaire redoutable.
Lié d'amitié avec le duc d'Orléans, seigneur terri-
torial de Revin , le P. Billuart en obtint de nombreuses
libéralités qui lui permirent d'agrandir considéra-
blement le couvent de son pays natal.
Billuart a laissé de nombreux ouvrages de théolo-
gie dont le principal : Summa sancti Thomse (19 vol.
in-8°), est un travail immense, rempli d'érudition, et
qui jouit encore dans les écoles d'une grande réputa-
tion. Il mourut à Revin, le 20 janvier 1757, laissant la
réputation d'un homme de bien doublé d'un savant.
■
ARTISTES PEINTRES ET MUSICIENS
ARTISTES PEINTRES ET MUSICIENS.
Desportes (1661-1743).
Le créateur, en France, de la peinture des animaux,
Alexandre-François Desportes, a vu le jour dans un
petit village des Ardennes, à Champigneulle ( Grand-
pré), en 1661. A l'âge de 12 ans, il fut envoyé à Paris,
chez son oncle, qui, trouvant chez lui des aptitudes
pour le dessin, le fit entrer dans l'atelier de Nica-
sius. Ce dernier étant mort peu de temps après, Des-
portes ne prit point d'autre maître; il se forma seul
à l'école de la nature, et un travail opiniâtre le plaça
au rang des plus célèbres. Il débuta par le portrait,
et pour se faire connaître, il se rendit à la cour du
roi de Pologne, où il ne demeura que deux ans,
malgré les ofTres séduisantes qui lui furent faites.
De retour en France, il donna libre carrière à son
penchant pour l'étude des animaux et fit preuve d'un
génie fécond, enjoué, qui lui valut de brillants suc-
cès. Louis XIY le jugea digne d'être le peintre de sa
vénerie et lui donna un logement au Louvre avec une
pension de 800 livres. Desportes ne se laissa pas
éblouir par l'existence somptueuse de la cour; il
continua de travaillerbeaucoup et de se perfectionner.
Il produisit un nombre considérable de tableaux qui
sont aujourd'hui l'ornement des collections et des
musées de France et même d'Europe : on en compte
23 au Louvre. « Il règne dans tous les ouvrages de
Desportes, dit un de ses biographes, une harmonie,
une vérité, une fécondité, un choix et un goût aux-
quels on ne peut refuser son admiration. Personne
1
■
34
ARDENNES
n'a mieux dessiné que lui les animaux ; il leur donnait
la vie, il les faisait parler pour ainsi dire. »
Desportes mourut à Paris le 20 avril 1743. Il était
membre de l'Académie de peinture depuis 1699.
Méhul (1763-1817).
Le 2 octobre 1892, la ville de Givet a inauguré en
grande pompe la statue élevée sur l'une de ses places
à son illustre enfant, Etienne Méhul. Le célèbre
compositeur naquit le 22 juin 1763; la maison où il
vint au monde existe encore et porte une plaque en
marbre noir avec une inscription qui rappelle cet
événement. Le premier maître du jeune Méhul fut
un pauvre aveugle organiste d'une église de Givet. A
dix ans, l'enfant fut appelé à tenir l'orgue de la cha-
pelle du couvent des Récollets ; on se pressait chaque
dimanche aux offices pour entendre son jeu brillant.
De Givet, il passa àLaval-Dieu, où il eut pour maître
le fameux Wilhelm Hauser, avec qui il fit des progrès
extraordinairement rapides. 11 n'y séjourna que
quelques années et fut emmené à Paris par le colonel
d'un régiment en garnison à Charlemont, grand
amateur de musique, qui l'avait entendu improviser
sur l'orgue et avait pressenti l'avenir qui attendait le
jeune artiste. Mais à Paris, Méhul connut des jours
bien tristes; il lutta pendant un an contre la misère
et l'obscurité, et vécut péniblement d'un emploi
d'organiste qu'il obtint enfin dans une église de la
capitale.
S'étant présenté chez Gluck, il fut accueilli avec
beaucoup d'affection par le grand artiste, suivit avi-
dement ses leçons et s'exerça déjà sous lui à la com-
position. A vingt ans, il présentât! l'Académie royale
■
ARTISTES PEINTRES ET MUSICIENS
55
de musique un opéra en quatre actes, Alonzo et Cora,
qui fut reçu, mais ne fut représenté que six ans plus
tard et sans succès. Al'Opéra-Comique, il donna Eu-
phrosine. et Coradin, ou le Tyran corrigé, qui obtint
un succès considérable ; puis, à l'Opéra, Stratovice,
drame lyrique en un acte qui fut une brillante re-
vanche de la chute &' Alonzo et Cora.
Sa réputation était dès lors établie. Cependant il
écrivit plusieurs partitions qui furent froidement ac-
cueillies. A cette époque, il composa les hymnes
patriotiques qui ont immortalisé son nom : le Chant
du départ, le Chant de victoire, le Chant du retour,
dont le premier seul a survécu à son auteur. Après
quelques insuccès nouveaux, il écrivit le Jeune Henri,
qui tomba sous le déchaînement des passions poii-
°" ARDENNES
tiques, mais dont l'ouverture reçut un accueil triom-
phal, à tel point que l'orchestre dut la jouer trois fois.
Froissé de l'injustice du public, Méhul garda deux
années le silence et se consacra à l'organisation du
Conservatoire. Il revint au théâtre, donna succes-
sivement plusieurs œuvres et écrivit en 1806 Ylrato
ou Y Emporté, qui fut reçu avec enthousiasme. Quel-
ques pièces suivirent, qui n'eurent qu'un succès de
peu de durée. Enfin, en 1807, parut Joseph, la plus
magistrale conception de Méhul, dont tant d'airs sont
encore aujourd'hui célèbres. Pourtant cet opéra fut
accueilli sans admiration ; mais après une tournée
triomphale en Allemagne, il obtint en France un
égal succès.
Dès lors Méhul ne composa plus guère. Son hu-
meur mélancolique et inquiète minait peu à peu sa
santé délicate, ruinée déjà par une affection de poi-
trine que rien n'avait pu enrayer. Il tomba malade,
mais la force morale n'était pas affaiblie chez lui, et
il continua son travail accoutumé. Cependant l'ins-
piration l'abandonnait, ses forces l'obligeaient de
s'arrêter souvent et lui permettaient à peine d'aller
dans le jardin de sa modeste villa de Pantin pour y
voir ses fleurs qui, avec la musique, avaient été la
passion de toute sa vie.
En 1816, il donna cependant encore la Journée aux
aventures, dernier ouvrage de sa main affaiblie, qui
renfermait quelques éclairs de son génie. Le public,
qui pressentait la fin prochaine de l'auteur, applaudit
cette dernière partition ; ce fut un dernier témoignage
d'admiration et un adieu au grand artiste.
Il mourut à Paris le 18 octobre 1817, âgé seulement
de cinquante-quatre ans.
ARTISTES PEINTRES ET MUSICIENS
57
Daussoigne- Méhul (1790-1875).
Daussoigne (Joseph),' neveu de Méhul, est né à
Givet en 1790. Il vint au monde si frêle et si chétif
qu'on lui donna peu de jours à vivre; craintes chi-
mériques, puisqu'il mourut à 8o ans.
Dès ses plus jeunes années, sa vocation musicale
se révéla. A neuf ans, il était admis au Conservatoire
de Paris; à 18 ans, il remportait à l'Institut le pre-
mier prix de composition musicale. Il partit alors
pour Rome; mais le malheur sembla de ce jour le
poursuivre partout. Son oncle lui ayant envoyé le
livret de Robert et Guiscard, Daussoigne s'empressa
d'écrire la partition... qui ne fut jamais lue au comité
d'admission. De retour à Paris, il composa Le Faux
Inquisiteur ai Le Testament, qui n'eurentpas un meil-
leur sort. Le livret des Amants corsaires, de Viennet,
sur lequel il avait écritune partition très acclamée, fut
rejeté à une seconde lecture. Enfin il put faire repré-
senter Aspasie à l'Opéra, non sans succès. Il termina
deux partitions que Méhul avait laissées inachevées.
A la suite de plusieurs mésaventures nouvelles, il
se dégoûta du théâtre et se consacra à l'enseignement
musical. En 1827, il devint en effet directeur du
Conservatoire de Liège et mourut dans cette ville
en 187u. Durant ses cinquante dernières années, il
n'avait plus que très peu produit, satisfait d'une
modeste et honorable réputation.
58
ARDENNES
MÉDECINS
Bienaise (1601-1681).
L'art médical compte, au nombre de ses illustra-
tions, Jean Bienaise, né à Mézières en 1601. A la
suite d'excellentes études au collège de Saint-Côme,
à Paris, ce jeune Ardennais s'adonna avec passion
à l'étude de la médecine. Reçu docteur, il exerça à
Paris, où il acquit une renommée rapide et la répu-
tation d'un des plus habiles opérateurs de l'époque.
François de Harlay, archevêque de Rouen, guéri par
Rienaise d'une piqûre à l'artère du bras, lui fit une
pension de 800 livres et facilita son admission à la
cour, comme médecin d'Anne d'Autriche, en 1666.
Dès lors, sa conduite, son habileté et ses succès lui
méritèrent l'estime et les faveurs de Louis XIV.
Rienaise s'est fait autant remarquer par ses qua-
lités du cœur que par son talent. Ayant amassé une
grande fortune, il la légua en partie aux pauvres et
dota l'école de Saint-Côme d'une pension de 1200
livres pour l'entretien de deux démonstrateurs, d'ana-
tomie et de chirurgie. Il mourut le 21 décembre 1681,
laissant, entre autres ouvrages spéciaux : Les Opéra-
tions de la chirurgie , par une méthode courte et facile,
avec deux traités. Rienaise inventa plusieurs instru-
ments conçus pour assurer le succès des opérations chi-
rurgicales et diminuer les souffrances des malades.
Saint-Yves (1667-1733).
Un savant médecin oculiste, qui fut en même
temps un célèbre philanthrope, Charles Saint- Yves,
est né à Maubert-Fontaine, le 10 novembre 1667. Il
dut sa première éducation à M ,In de Guise, proprié-
MEDECINS 59
taire territoriale de Maubert, qui se l'était attaché
comme page. A dix-neuf ans, il entra chez les Laza-
ristes, et après avoir étudié pendant 15 ans la méde-
cine, la chirurgie et la pharmacie, il se consacra
exclusivement aux maladies des yeux. Il devint très
habile, et sa renommée attira dans son couvent une
affluence considérable de malades: dans le seul prin-
temps de 1708, il a opéré 571 cataractes.
Il quitta les Lazaristes en 1711 pour s'établir à
Paris, afin d'exercer plus librement son art. Malgré
les présents nombreux et les sommes importantes
qu'il recevait en échange de ses services, Saint- Yves
resta longtemps pauvre, car il consacrait toutes ses
ressourcesau soulagement des indigents, nourrissant
et entretenant chez lui ceux dont la maladie exigeait
des opérations longues et suivies. Il revint plus tard
dans son pays natal où il mourut le 3 août 1733,
pleuré des pauvres qui le regardaient comme un
père. Les princes de la science sont le plus souvent
les plus généreux des hommes.
Corvisart (1753-1821).
Un des hommes qui ont le plus illustré la méde-
cine française, Corvisart (Jean-Nicolas), est né à Dr i-
court, canton de Machault, le 15 février 1755. Rien
chez l'enfant ne faisait soupçonner la gloire que
l'homme devait acquérir. Au collège ses progrès
furent lents et médiocres, et quand il en sortit, il
était bien loin d'être un savant. Il entra comme clerc
dans l'étude de son père, quittait avocat au parle-
ment de Paris ; mais il ne parvint qu'à s'ennuyer au
milieu de montagnes de dossiers; aussi il lui arrivait
souvent de fuir le bureau paternel.
^^»*
60
ARDEN.NES
Pendantune de ses nombreuses fugues, il entendit
par hasard une éloquente leçon d'anatomie, faite par
un célèbre médecin de l'époque. Dès lors, sa voie fut
trouyée. Il quittal'étude de son père et se mita suivre
assidûment les cours que faisaient à la Faculté de
Paris les illustrations scientifiques de ce temps.
Ses progrès furent extraordinairement rapides, et
bientôt il fut au premier rang des médecins français:
son cours de clinique, à l'hôpital de la Charité, était
regardé comme le meilleur de l'Europe. En 1797, il
fut nommé à la chaire de médecine au Collège de
France. Peu après, Bonaparte l'ayant consulté pour
une affection de poitrine, se l'attacha et en fit plus
tard le médecin habituel de sa cour.
MÉDECINS
(il
Corvisartse faisait surtout remarquer par une ap-
titude merveilleuse à reconnaître la nature des mala-
dies ; on le considérait comme infaillible, et des
exemples fameux démontrèrent l'exactitude de son
i diagnostic. Il avait annoncé à Joséphine Beauharnais
que Napoléon était exposé aux maladies de cœur, et
il avait pressenti qu'il mourrait lui-même d'une
attaque d'apoplexie. Il ne s'était pas trompé : deux
attaques le frappèrent à cinq ans d'intervalle ; la
seconde l'emporta, le 18 septembre 1821.
Dugès (1797-1838).
Dugès (Antoine-Louis), né à Mézières à la fin de
1797, était fils d'un médecin chirurgien de l'hôpital
et appartenait aune familleoùla profession médicale
semblait héréditaire. Ce fut aussi cette carrière qu'il
suivit, et avec succès, car à 24 ans il soutenait avec
éclat sa thèse de docteur.
Professeur à la Faculté de Montpellier, il ne cessa
d'étudier les diverses parties de la médecine et de pu-
blier sur toutes des travaux remarquables. Il s'adonna
aussi à la zoologie et ne s'y montra pas moins bril-
lant. Il laissa la réputation d'un travailleur infati-
gable, d'un professeur éminent, d'un opérateur de
premier ordre, et avec cela d'un homme d'honneur.
La mort le surprit à 41 ans, le 1« mai 1838, au mo-
ment où il terminait un savant Traité de physiologie
comparée de l'homme et des animaux.
ABDENNKS.
62
ARDENNES
SAVANTS ET INGÉNIEURS
La Caille
(1713-1762).
L'abbé de la Caille, un des plus grands astronomes
du xvm e siècle, naquit à Rumigny en 1713. Il a mé-
rité qu'on luidonnât le beau nom d'Ami du travail et
de la vérité', car il a aimé l'un et l'autre avec passion.
Seul et sans secours, il étudia l'astronomie, età 23ans
. il était assez versé dans cette science pourque Jacques
Cassini l'associât à ses travaux et lui fit obtenir un
logement à l'Observatoire. Il s'acquit surtout une
réputation considérable en dirigeant une mission
scientifique, que le gouvernement de Louis XV en-
voya au cap de Bonne-Espérance, pour y étudier les
constellations australes. Son absence dura trois ans,
et pendant ce temps La Caille passa 127 nuits à la
belle étoile. Il revint en France avec une ample mois-
son d'observations de toute nature. Ce qui étonna le
plus, ce fut de le voir restituer au Trésor 863 francs
qui lui restaient sur les 10.000 qu'il avait emportés
pour couvrir les frais de l'entreprise ; ce fait était
tellement rare qu'il eut quelque peine à faire accep-
ter cet excédent par les agents du Trésor.
Pour échapper à la curiosité dont il était l'objet et
dont s'alarmait sa modestie, La Caille s'enferma dé-
sormais et vécut dans le travail. Levé de très grand
matin, il ne craignait pas de passer une partie de la
nuit dans son observatoire. Il a fait à lui seul, dans sa
trop courte existence, plus d'observations et de cal-
culs que tous les astronomes de son temps réunis.
Mais son robuste tempérament ne put résister à un
SAVANTS ET INGENIEURS
63
tel surmenage, et il mourut jeune encore, à 49 ans,
le 21 mars 1762.
Ami de la vérité, « il la disait en face, même au
hasard de déplaire, quoique sans aucun dessein de
choquer. » Par ses vertus, par son intelligence et
par ses travaux, il a illustré non seulement le dépar-
tement des Ardennes, mais aussi l'époque où il a
vécu.
i
Les Contamine (1720-1: 852).
La petite ville de Givet compte au nombre de ses
plus illustres enfants Gérard de Contamine, né en 1720
d'une très ancienne famille. Après de brillantes étu-
des, il fut, à 25 ans, investi des fonctions de prévôt,
juge royal civil et criminel. On avait abaissé pour lui
la limite d'âge, fixée jusqu'alors à 30 ans. Il justifia
pleinement la confiance que l'on avait mise en lui et
s'acquitta de ses fonctions avec beaucoup de distinc-
tion et de désintéressement. Contamine fut d'ailleurs
dans toute sa carrière un modèle d'honnêteté, d'in-
légrité et de justice. Après avoir honoré sa ville na-
tale par ses travaux et ses vertus, il y mourut le
10 mai 1779.
De ses cinq fils, deux se sont acquis une certaine
célébrité ; le second, Gédéon , baronde Contamine (1 764-
1851), s'est fait un nom honorable dans l'industrie
métallurgique.
Le troisième, Théodore, vicomte ^Contamine (1 773-
1852), après avoir servi en Hollande et bataillé
contre les Anglais aux colonies, prit du service
dans l'armée française, combattit à Trafalgar et fit la
plupart des campagnes de l'Empire.
fi4
ARDENNES
Bonne (1727-1795).
Rigobert Bonne, né à Raucourt le 6 octobre 1727,
se destinait à l'état ecclésiastique. Son aptitude pour
les mathématiques devait en faire un soldat et un
savant professeur. A lage de 20 ans, Bonne était
ingénieur ; il servit en cette qualité au siège de Berg-
op-Zoom en 1747. Dans la suite, il se retira à Paris où
ses connaissances en physique, en mathématiques et
en
géographie lui firent la réputation justement
méritée d'un des maîtres les plus autorisés de la capi-
tale. Lalande, dans sa Bibliographie astronomique,
rend hommage à son caractère et à ses talents. Bonne
a publié divers ouvrages ayant trait à l'enseignement
de la géographie. Citons parmi ceux qui lui font par-
ticulièrement honneur une Carte du golfe du Mexi-
que en trois feuilles et un Neptuno-americo-septen-
trional&a 18 cartes, donnant une description com-
plète des côtes de l'Amérique du Nord. Il mourut le
2 novembre 1795.
Clouet (1751-1801).
Clouet {Jean-François) est bien oublié aujourd'hui
dans le département où il est né et où il a passé la
plus grande partie de sa vie. Et pourtant jamais oubli
ne fut plus injuste : Clouet a consacré son existence
au service de sa patrie ; il a travaillé pour elle avec un
désintéressement et une passion qui ne sont l'apanage
que des grandes âmes.
IlnaquitàSingly, canton d'Omont, en 1751. Orphe-
lin de bonne heure et sans grande fortune, il se
montra ce qu'il devait être toujours, un travailleur
acharné. Il se livra à ses goûts pour la chimie et la
■M
SAVANTS ET INGENIEURS
03
mécanique, el établit dans son village natal une
faïencerie qui prospéra. Mais toute sa fortune sombra
dans la faillite d'un ami à qui il avait prêté ses écono-
mies; l'usine cessa de fonctionner.
Clouet enseignait la chimie à l'école du génie à
Mézières, quand la Révolution lui confia, la direction
d'importantes fonderies et en particulier de celles de
Daigny, près de Sedan. Alors le modeste et vaillant
citoyen se transfigura. La fièvre patriotique qui l'ani-
mait fit de lui un héros. « Voué à la science et à la
patrie, » il communiquait à son personnel son ardeur
indomptable et sa ténacité extraordinaire. Toujours
debout, consacrant, dit la légende, une seule heure
au sommeil, surmenant les autres comme lui-même,
il rend une impulsion puissante à des forges qui ago-
nisaient; sans cesse il travaille, forge, invente, expé-
rimente, se multiplie, et avec cela reste pauvre, ne
voulant pas toucher. aux appointements que lui sert
la République. Un jour, il lui faut courir à Paris pour
confondre un « charlatan », un « mauvais citoyen »:
il fait la route à pied, une fiole d'eau-de-vie et une
croûte de pain dans sa poche, et ne s'arrête que la nuit
pour dormir son heure réglementaire, appuyé à un
arbre de la route. Et toujours aussi il maugrée,
s'emporte, récrimine, disant leur fait à tous, rudoyant
les ministres et les conventionnels aussi bien que le
dernier de ses ouvriers; mais cachant sous ces dehors
bourrus un cœur bon et chaud, un sentiment profond
de justice et d'honneur. C'est bien un citoyen de cette
prodigieuse époque dont les saintes colères et les
impétueux élans ont fait de si grandes choses!
Après le 18 brumaire, il refusa de se soumettre au
régime nouveau et s'exila volontairement. Il partit
4*
66
ARDENNES
pour Cayenne afin de s'y livrer à des études botani-
ques. Le climat l'y tua, en juin 1801.
Lefèvre-Gineau (1751-1829).
Lefèvre {Louis), que ses compatriotes surnommè-
rent Lefèvre-Gineau pour le distinguer des nombreux
Lefèvre de sa commune, naquit à Autheen 1751. Son
nom est demeuré dans l'histoire des sciences comme
celui d'un mathématicien éminent en même temps
que d'un chimiste et physicien distingué. C'est lui
qui exécuta, avec Fourcroy, sous la direction de
Lavoisier, la grande expérience qui établit définitive-
ment la composition de l'eau, jusqu'alors considérée
comme un élément. En 1788, il fut pourvu d'une
chaire au Collège de France et contribua, par ses
leçons, à propager les nouvelles théories chimiques.
Quand le gouvernement invita les savants de tous
les pays à la formation du système décimal, Lefèvre-
Gineau fut chargé, avec Fabroni, de la détermination
de l'unité de poids ou kilogramme. Quelques années
plus tard il fut nommé administrateur du Collège de
France, puis inspecteur général de l'Université.
Il joua aussi un certain rôle politique. Député sous
la Restauration, il se plaça dans les rangs de l'oppo-
sition constitutionnelle. Il mourut en 1829.
Halma (1755-1828).
Le savant sedanais Halma (1755-1828) a mené une
vie très agitée et très laborieuse. Il s'était fait remar-
quer dans sa jeunesse par une aptitude particulière
pour les sciences mathématiques, et par un penchant
très vif pour les langues anciennes et modernes. II
entra dans les ordres et ne cessa pas de se livrer avec
IH^V
SAVANTS ET INGÉNIEURS
G7
ardeur à ses études, menant de front ses travaux scien-
tifiques, l'étude de six langues et celle de l'histoire,
de la géographie, de la théologie, de la médecine. Il
laissa à sa mort un nombre considérable d'ouvrages
sur les sciences exactes, sur la géographie et l'astro-
nomie.
liai ma n'était pas riche, et malgré son labeur inin-
terrompu, il connut souvent la gêne. Il remplit dans
son existence les fonctions les plus diverses : tour à
tour principal au collège de Sedan, adjoint du génie,
chirurgien, maître de pension, professeur de géogra-
phie au Prytanée de Paris, puis à l'Ecole militaire de
Fontainebleau, précepteur de la famille impériale.
Bibliothécaire des ponts et chaussées, etc. En dernier
lieu il se livra à la traduction des ouvrages de Pto-
lémée. Il connut enfin le bien-être, mais trop tard,
alors que les fatigues et les privations l'avaient épuisé.
La destinée lui avait été ingrate et les hommes
souvent injustes ; et parfois, en y songeant, il se lais-
sait aller à d'amères récriminations; mais son âme
élevée et son bon cœur ne connurent jamais la haine.
Il eut ainsi en partage les plus heureux dons de l'in-
telligence et du caractère : à ce titre la postérité ne
doit pas oublier son nom.
Hachette (1769-1834).
Hachette {Jean-Pierre-Nicolm) naquit à Mézières
en 1769. Il étudia à Charleville, puis à Reims, puisa
Paris, et, de retour dans sa ville natale, suivit les
cours de sciences à l'école du génie qui venait d'être
créée. Il y eut Monge comme professeur.
A 23 ans, à la suite d'un concours, il occupa une
chaire de professeur d'hydrographie à Collioure, et
68
ARDENNES
ensuite h Port-Vendres. Monge ayant reconnu chez
lui de sérieuses aptitudes pour les sciences exactes,
le fit nommer professeur à l'école de Mézières, et
plus tard à l'n,cole polytechnique où il enseigna pen-
dant 22 ans (1794-1816). A partir de 1809, il enseigna
aussi à la Faculté des sciences et à l'Ecole normale
supérieure.
Louis XVIII ne lui conserva pas la faveur que
Napoléon lui avait accordée : Hachette avait des opi-
nions libérales, et le roi refusa, en 1823, de sanction-
ner sa nomination à l'Académie des sciences. Louis-
Philippe répara cette injustice en 1831. Hachette
mourut trois ans après.
Les Savart (1791-1841).
La ville de Mézières a été le berceau d'une famille
de savants du nom de Savart:
Nicolas Savart remplit les fonctions de préparateur
de physique à l'école du génie de sa ville natale; ses
deux fils, Gérard Savart et Nicolas-Pierre-Antoine
Savart furent, le premier, professeur à l'école du
génie de Mézières, le second, professeur à l'école de
Saint-Cvr.
Le plus célèbre de toute la famille iut Félix Savart,
fils de Gérard, né à Mézières en 1791, mort à Paris
en 1841. Il fit ses études à Metz, embrassa la carrière
médicale et se fit recevoir chirurgien-élève à l'hôpi-
tal de la ville. Mais ses goûts le portaient vers les
arts mécaniques et les sciences physiques; et bientôt,
au lieu de pratiquer la médecine, il se livra à ses
études favorites.
En 1817, il imagina un violon trapézoïde, et les
recherches qu'il fit à ce sujet lui furent l'occasion
MM
SAVANTS ET INGÉNIEURS
C9
d'autres découvertes sur les vibrations sonores. Venu
à Paris, il s'y lia avec Biot, appuya les théories du
savant physicien sur les vibrations des corps solides,
et vit, en 1827, s'ouvrir devant lui les portes de l'Aca-
démie des sciences.
Il continua ses recherches, se montrant toujours
un observateur scrupuleux, n'admettant les moindres
faits qu'après en avoir vérifié la rigoureuse exacti-
tude. En 1828, il remplaça Ampère comme profes-
seur de physique expérimentale au Collège de France
et remplit ces fonctions jusqu'à sa mort.
Baudelot (1797-1881).
Baudelot {Jean-Louis) est, comme tant d'autres,
un de ces travailleurs restés inconnus, que leur té-
nacité, leur travail et leur intelligence méritent
pourtant de sauver de l'oubli. Il vint au monde à
Vendresse, où son père était directeur de hauts four-
neaux, et passa la plus grande partie de sa vie
dans les Ardennes.il étudiait sans relâche, même la
nuit, à la lueur des tuyères. Par la suite on lui dut
nombre d'inventions très pratiques et vite répan-
dues ; elles ont trait pour la plupart à la métal-
lurgie et à la distillerie, (les inventions auraient
pu procurer à leur auteur une immense fortune ; il
se contenta de leur demander l'indépendance, la
faculté de faire le bien et d'être utile. Il mourut à
Haraucourt le 9 janvier 1881.
Un neveu du célèbre inventeur, Baudelot (Jules-
Enule-.Joseph), né à Vendresse en 1834, mort à Nancy
en 1875, s'est acquis une grande réputation dans la
science et le haut enseignement. Il fut à la faculté
70
ARDENN£S
de Nancy un éminent professeur d'anatoraie com-
parée et de zoologie.
Sauvage (1814-1872).
Le savant ingénieur François-Clément Sauvage,
qui dirigea pendant 20 ans les importants services
de la Compagnie des chemins de fer de l'Est, est né à
Sedan, le 4 avril 181 i. Doué d'une intelligence peu
commune et d'une remarquable aptitude au travail,
il sortait le premier de l'École polytechnique, en
1833 : il n'avait alors que 19 ans. Nommé ingénieur
ordinaire du corps des mines, il fut envoyé à Mézières,
où il se fit connaître par de savants travaux sur la
métallurgie, la chimie et la géologie.
Le gouvernement ne tarda pas à remarquer l'ingé-
nieur Sauvage ; il l'envoya en Espagne, en 1838,
pour explorer le bassin houiller des Asturies, et en
1842, pour visiter les gîtes métallifères de la province
de Carthagène. Une troisième mission lui fut confiée,
en 1845, pour aller étudier en Grèce un projet de des-
sèchement du lac Copaïs. Il entra ensuite au, service
delà Compagnie de l'Est qu'il quitta en 1847 pour
occuper d'importantes fonctions à la Compagnie de
Lyon, au Creusot et à Orléans. En 1852, il revenait
comme ingénieur en chef du matériel à la Compagnie
de l'Est, dont il devint directeur général le 1 er mars
1861. Jusqu'à la fin de sa vie, il consacra ses bril-
lantes facultés à cette grande exploitation, à la pros-
périté de laquelle il a puissamment contribué. Grâce
à la parfaite organisation de tous ses services,
la Compagnie de l'Est, a pu, en 1870, effectuer en
quelques jours, sans accidents, d'immenses trans-
ports.
SAVANTS ET INGENIEURS
71
En 1871, Sauvage fut élu député à l'Assemblée na-
tionale par le département de la Seine ; il prit place
au nombre des républicains modérés. Il mourut à
Paris le 10 novembre 1872: il était commandeurde
la Légion d'honneur depuis 1868.
L'ingénieur Sauvage, dont on peut voir le buste
dans les salles d'attente de la gare de Sedan, a laissé
de nombreux ouvrages et mémoires très remar-
quables, autant par l'étendue des connaissances qu'ils
révèlent, que par la netteté du style et la clarté de
l'exposition.
Payer (1818-1860).
Payer [Jean-Baptiste) est ne à Asfeld le .'{ février
1818. Après avoir fait de fortes études scientifiques
au lycée Saint-Louis, à Paris, il suivit à la fois les
cours des Facultés des sciences et de droit. A vingt-
deux ans, il était déjà titulaire de la chaire de miné-
ralogie et de géologie à Rennes. L'année suivante, il
était appelé à la Sorbonne et enseignait la botanique
à l'Ecole normale supérieure. Son ardeur au travail
n'était pas ralentie par les obligations de son profes-
sorat, puisqu'il obtenait peu après le titre de docteur
en médecine et de maître en pharmacie.
En 1848, il fut choisi par le département des Ar-
dennes comme député à la Constituante et siégea au
centre gauche. Quatre ans plus tard il rentra dans
l'enseignement et occupa, avec beaucoup de distinc-
tion, la chaire d'organographie végétale à la Faculté
des sciences de Paris. Il entra à l'Académie des
sciences en 1854. Une mort prématurée l'enleva à
l'âge de 42 ans, le S août 1860,
■
ARDENNES
Jamin (1818-1886).
Un des plus savants physiciens de notre époque.
Jamin (Jnles-Célestin) , est né à Termes, canton de
Grandpré, en 1818. Ses études furent très brillantes.
Reçu premier aux examens d'admission à l'Ecole
normale, il sortit de cet établissement avec le môme
n° 1. Après avoir enseigné dans différents collèges.
il fut appelé à Louis-le-Grand comme professeur de
physique. En 1847, il soutint avec une rare distinc-
tion ses thèses pour le doctorat es sciences physiques.
En 1852, on lui confia la chaire de physique àl'Ecole
polytechnique ; après 1862, il occupa en même temps
celle de laFaculté des sciences. Lors de la fondation de
l'école des Hautes-Etudes, M. Duruy le chargea d'en
organiseras laboratoires (1868). Cette mêmeannée, il
entra à l'Académie des sciences. Il venait de rempla-
cer Milne-Edwards comme doyen de la Faculté des
sciences, lorsqu'il mourut le 12 février 1886.
Il a publié de nombreux ouvrages et a embrassé
les sujets les plus divers : mais il s'est particulière-
ment attaché à l'optique, au magnétisme et à l'élec-
tricité. Sa thèse de doctorat : Sur la réflexion de la
lumière à la surface des métaux, est devenue clas-
sique.
Telle est la revue rapide des gloires ardennaises, L
aussi nombreuses dans tous les genres — sciences,
industrie, guerre, beaux-arts — et la France peut
s'enorgueillir ajuste titre de notre département comme
un des plus beaux fleurons de sa couronne.
Poitiers, typ. Oodin et Oie.
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