Full text of "Meuse"
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MEUSE
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SAINTE |
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Galerie Française
PUBLIEE AVEC LA COLLABORATION DE ."
Recteurs, Inspecteurs généraux de l'Université, Inspecteurs d'aca-
démie, Inspecteurs primaires, Doyens de Facultés des lettres, Pro-
fesseurs agrégés des lycées et collèges, Publicistes, etc., etc.
Mettre dans les mains de tios écoliers français un livre de lecture
'tui fasse revivre à leurs yeux et grave dans leur esprit, le pavé
lus-ton, /ne de la terre natale avec son cortège d'illustrations et de
célélu-iles, tel est le but de la « Galerie Française ».
Divisée en quatre-vingt-six volâmes— un par département— relie
Galerie est, au premier chef, une œuvre de patriotisme et constitue
un précieux instrument d'é lucalion civique : elle élargit heur,
ment. dq>is le sens local, jusqu'à ce jour un peu négligé, le cka
des connaissances historiques de l'écolier ; elle impose à l'esprit
ce dernier le souvenir des gloires ou des mérites d'hommes qui
nés du même sol que lui et ont immortalisé ce berceau commun, et.
réchauffant pur là son culte pour la terre delà Patrie, elle exploite
noblement, pour la plus pure édification de la Jeunesse, le grand
héritage de nos pères, si riche en glorieux exemptes, si prodigue de
fié) es leçons.
La rédaction des quatre-vingt-six livres qui composent l,t a Galerie
Française » a été demandée aux plumes les plus autorisées; il suffira
de citer quelques noms : MM. Hégis Artaud, inspecteur d'académie,
chef du Cabinet de M. le Minisire de l'Intérieur, président du Conseil;
Compayré, rec/eur de l'Académie de Poitiers; Causeret, inspecteur
d'académie, docteur es-lettres: Chanal, inspecteur d'académie;
Delaage, professeur à la Faculté de Montpellier; Adrien Dupuy,
professeur agrégé au lycée Lakanal ; A. Durand, secrétaire de
l'Académie de Paris; Dupluii, inspecteur général de l Cuire,
E.des Essarls, doyen de la Facutàé des lettres de Clern,o»t-Perrt
Flourens, ancien ministre des Affaires étrangères; Guillon, agi
d'histoire, docteur ès-lettres; Muriel, inspecteur général de l'Uhiver-
site; Mélivier, inspecteur général honoraire; Fleuri/- Racarin, Con-
seiller d'Etat ; Riquet, professeur à l'Ecole alsacienne ; André
Theurict, Sevin-Desplaces, conservateur à la Bibliothèque Xatio-
nalc ; Tranrhaii. ancien proviseur du lycée d'Orléans ; etc., etc.
Chacun des livres de la « Galerie Française » forme un in-\S
jesus, Itré sur beau papier, illustré de portraits gravés sur bois
et cartonné avec litre spécial.
Prix du volume : 1 fr. SO.
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GALERIE FRANÇAISE
MEUSE
ANDRE THEURIET
PARIS
CUREL, GOUGIS & C
ÉDITEURS
3 et 5, place de Valois
Tous droits réservés
MEUSE
(chef-lieu bar-le-duc)
Le département a une superficie territoriale de 624.261
hectares, divisée en 4 arrondissements, 28 cantons et 586
communes. Sa population est de 291.971 habitants. Il fait
partie du seizième arrondissement forestier.
Commerce et industrie : Le département est agricole et
manufacturier; l'agriculture y est très avancée ; elle four-
nit principalement des bestiaux, des chevaux, des céréales,
des vins et du bois. Le travail du fer est la principale bran-
che d'industrie ; il y a des filatures de coton, des fabriques
de cotonnades, de lainages, des raffineries, confiseries, dis-
tilleries ; des salaisons de porcs considérables ; il s'y fait un
débit considérable de boissellerie et de vannerie. Le mine-
rai de fer abonde ; les carrières de belles pierres sont nom-
breuses, la pierre à chaux s'y rencontre presque partout.
Armée, Justice et Culte : Le département est compris
dans le 6° corps d'armée. Cours d'appel à Nancy. Evéché à
Verdun, suffragant de Besançon.
Instruction publique : Nancy, siège de l'Académie. En-
seignement secondaire : Lycée à Bar-le-Duc ; collèges com-
munaux à Commercy, à Etain, à Saint-Mihiel, à Verdun-
sur- Meuse. Enseignement primaire : Ecoles normales d'ins-
tituteurs à Commercy et d'institutrices à Bar-le-Duc ; Ecole
primaire supérieure de garçons à Vaucouleurs, École pri-
maire supérieure de filles et cours complémentaire de
garçons à Commercy. Il y a 951 écoles primaires publiques
(305 de garçons, 324 de filles, 319 mixtes) et 88 écoles
maternelles recevant 32.251 enfants de 6 à 13 ans. 11 y a
3 48 caisses d'épargnes scolaires et 11 caisses des écoles.
Sous le rapport d'instruction des conscrits, le département
occupe le 6 6 rang (sur 90). Le nombre des conscrits de la
classe 1892 sachant au moins lire était de 98, 6 sur 100.
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LE PAYS ET LES HABITANTS
Le département de la Meuse a été composé avec
une grande partie de l'ancien duché de Bar, l'un des
trois Evèchés (Verdun), une faible portion du Luxem-
bourg, et une parcelle également peu importante de
la Champagne. Sa configuration est celle d'un ovale
allongé dont le gros bout est formé par les cantons
d'Ancerville, Montiers, Gondrecourt et Vaucouleurs, et
dont la pointe, Montmédy, s'enfonce entre les Arden-
nes et le Luxembourg.
Une rivière, qui lui a donné son nom, la Meuse, le
parcourt diagonalement du sud-est au nord-ouest, et
ses eaux poissonneuses baignent successivement les
villes de Vaucouleurs, Commercy, Saint-Mihiel, Ver-
dun, Dun et Stenay, — coupant ainsi le département
en deux segments à peu près égaux. A partir des crê-
tes de droite, les vastes plaines de Woëvre étendent
dans le segment oriental leurs uniformes et monotones
terres à blé ; le segment occidental est plus monlueux,
et de Montiers à Stenay, de nombreuses et impor-
tantes forêts en couvrent les versants et les plateaux
accidentés. Les massifs boisés de Trois-Fontaines, du
Juré, de Bellenoue et de Belval se relient presque
sans solution de continuité à la profonde forêt d'Ar-
gonne, qui s'allonge elle-même, avec ses gorges
étroites et ses hautes clairières, jusqu'aux approches
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MEUSE
de Stenay. Dans cette contrée, les cours d'eaux abon-
dent : c'est l'Ornain grossi de la Saulx, de l'Oignon
et de la Chée, qui arrosé les cantons de Gondrecourt,
de Ligny, de Bar-le-:Duc, de Revigny et va se jeter
dans la Marne, au-dessous de Vitry-le-François ; ce
sont la Biesme, la Presle, l'Aire et la Cousance qui
côtoient la base de l'Argonne et vont se mêler à
l'Aisne, à son entrée dans le département des Ar-
dennes. Aux environs de Saint-Mihiel, et surtout sur
les versants les mieux exposés de la vallée de l'Ornain,
de riches vignobles se succèdent. Les principaux
traits distinctifs de la physionomie du territoire Meu-
sien sont les bois, les vignes et les prés, mais surtout
les bois. La Meuse est avec les Vosges, la Haute-
Marne, la Côte-d'Or et la Nièvre, l'un des départe-
ment les plus forestiers. La contenance totale de ses
forêts est de 139. 136 hectares, c'est-à-dire de plus du
quart du territoire départemental.
Le chef-lieu de la Meuse est Bar-le-Duc ; une petite
ville de 16.000 âmes environ, arrosée par la rivière
d'Ornain, bâtie moitié sur une colline et moitié dans
la vallée. Cette cité, si modeste d'aspect et si peu
animée actuellement, a eu ses jours de célébrité et
d'agitation, lorsqu'elle était la capitale du duché de
Bar. François I er y vint, en 1317, tenir sur les fonts
baptismaux le fils aine du duc Antoine ; en 1359,
François II et Marie Stuart assistèrent au château du-
cal à des fêtes brillantes où l'on dansait des ballets,
où l'on jouait des mascarades et où l'on chantait des
vers composés par Ronsard. Louis XIII, en 1632 et
Mazarin, en 1651, assiégèrent Bar-le-Duc ; à la suite
du dernier siège, Louis XIV fit démanteler le château
et raser les tours de la ville haute, à l'exception de la
LE PAYS ET LES HABITANTS 7
seule tour de l'Horloge qui domine encore aujourd'hui
la vallée et où le couvre-feu sonne toujours, à huit
heures en hiver, à neuf en été. De ces antiques splen-
deurs, il ne reste plus que quelques vieux hôtels du
xvi e et du xvn n siècle, et entre autres, un ancien logis
de l'époque de la Renaissance, qui servit d'Hôtel de
Ville au xvm° siècle et où maintenant on a installé le
Musée municipal.
Parmi les autres localités importantes du départe-
ment, il faut citer d'abord, en remontant l'Ornain, la
petite ville de Ligay, une autre grandeur déchue. Li-
gny eut jadis pour seigneurs les comtes de Luxem-
bourg, et c'est d'un seigneur de Ligny, Valéran de
Luxembourg, que sont sorties toutes les branches de
cette famille qui compte parmi ses ancêtres la fée Mé-
lusine, et qui a donné à l'Allemagne cinq empereurs,
des rois à la Bohème, des connétables et maréchaux
à la France. De l'ancien château de Ligny, il ne reste
plus qu'une tour dite la Tour de Mélusine, et un an-
cien parc planté de beaux arbres, arrosé par l'Ornain
et transformé en promenade publique. Dans l'église
paroissiale on remarque une image de la Vierge,
peinte sur soie et douée, prétend-on, de vertus mira-
culeuses. La tradition populaire veut qu'elle ait été
peinte par saint Luc ; mais les antiquaires, moins
épris du merveilleux, attribuent tout simplement cette
peinture à un artiste italien du xn e siècle, nommé
Sanlo Lucca.
Commercy, chef-lieu d'arrondissement, est situé
sur la rive gauche de la Meuse. Dans cette ville, le
dernier souverain de la Lorraine, Stanislas, avait
établi une de ses résidences. A la mort de Stanislas,
les parcs et les jardins qui s'étendaient jusqu'à la fo-
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MEUSE
rèt de Commercy et qui avaient été décorés dans le
goût de ceux de Versailles, disparurent complètement.
Il ne resta que le château, devenu une caserne de ca-
valerie. La façade septentrionale, avec sa terrasse
surmontée d'un balcon monumental, domine la vallée.
Sur l'une des places de cette silencieuse petite ville,
on remarque la statue de don Calmet, l'historien de
la Lorraine. Quelques usines métallurgiques consti-
tuent l'industrie locale ; mais le principal produit au-
quel Commercy doit son renom est une friandise ; —
une pâtisserie exquise et fondante, connue sous le
nom de Madeleine de Commercy. — A cinq kilomè-
tres S. E. de Commercy, se trouve le village de
Ville- Issey, qui appartenait, au xvn e siècle, au fameux
cardinal de Retz. 11 y possédait une maison de cam-
pagne, située au bord de la Meuse, où il fut envoyé
en exil et où il écrivit ses célèbres Mémoires. Le pa-
villon, qui lui servait de cabinet de travail, existe en-
core et est aujourd'hui devenu maison commune.
Si l'on descend le cours de la Meuse, on arrive
après de nombreux circuits à Saint-Mihiel, qu'on
aperçoit adossé à un coteau vignoble et flanqué de
six blots de roche, qui dressent leurs énormes tours
calcaires de l'autre côté de la ville et semblent faire
sentinelle dans la direction de Verdun. Saint-Mihiel
est le chef-lieu judiciaire du département. La cour
d'assises y tient ses sessions dans un palais de justice
qui fut jadis un vaste couvent de Bénédictins ; c'est
également dans les dépendances de cet ancien monas-
tère qu'on a installé le collège et la bibliothèque.
Dans la rue du Rempart, on remarque plusieurs
vieux logis curieux ; mais ce qui fait l'orgueil de
Saint-Mihiel. c'est le groupe de statues, œuvre de Li-
LE PAYS ET LES HAU1TANTS
gier Richier, connu sous le nom du Sépulcre, et qui
se trouve dans l'église de Saint-Etienne, restaurée
vers 1550. C'est le chef-d'œuvre de l'art lorrain du
xvi e siècle. Les figures, notamment celles du Christ,
de la Vierge et de la Madeleine, sont remarquâmes
de beauté et de vérité. Une rare perfection d'exécu-
tion, une étonnante sincérité et en même temps un
sentiment profond donnent à ce groupe une vie et
une grandeur admirables.
En quittant Saint-Mihiel et en continuant à suivre
le cours de la Meuse, on traverse le pays boisé où se
trouve l'ancien ermitage de Benoite-Vaux, puis après
avoir laissé Ancemont, Dugny et Druye, on a bientôt
devant soi Verdun, qui s'élève en amphithéâtre au
bord de la rivière et qui est couronné par son évèché
monumental et sa cathédrale bâtie au xn e siècle. On
pénètre dans la ville par une porte bastionnée, flan-
quée de deux tours et nommée la Porte-Chuussèe. La
Meuse coule dans les quartiers bas de Verdun qui,
comme toutes les villes fortifiées, a resserré le plus
qu'elle a pu ses rues entre la rivière et l'escarpement
du coteau. Une promenade plantée d'arbres et arrosée
par un bras de la Meuse contourne agréablement la
base des hauts quartiers. Des rues montantes assez
larges, mais médiocrement pavées, conduisent à ces
quartiers élevés et solitaires qui environnent la cathé-
drale. Comme toutes les villes des Trois-Evêchés,
Verdun renfermait un grand nombre d'abbayes. L'une
des plus célèbres était l'abbaye de Saint-Vannes,
construite au xi e siècle. Louis XIV, lorsqu'il fit renfor-
cer les fortifications de la citadelle, avait ordonné
qu'on l'épargnât ; en 1825, ce qui restait de ce mo-
nument a disparu pour faire place à une caserne.
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MEUSE
Verdun est avant tout une ville de guerre et ses res-
sources industrielles sont médiocres ; on y fabrique
cependant deux produits qui ont rendu son nom cher
aux dames et aux enfants : — des broderies et des
dragées.
Au-delà de Verdun, la Meuse traverse un certain
nombre de gros bourgs peu remarquables et peu
connus, à l'exception de Dun, ancienne ville fortifiée,
patrie du pape Etienne X, et de Stenay, qui fut ja-
dis une place forte et qui fut assiégé par Louis XIV.
Cette petite ville est située sur la rive droite de la ri-
vière, en face de vastes prairies et de coteaux cou-
ronnés de bois. Ses rues irrégulièrement percées,
sont larges et bordées de maisons bien bâties ; celles
qui avoisinent la place présentent une rangée d'arca-
des qui leur donnent assez grand air.
A trois lieues de Stenay, au milieu d'une ceinture
de forêts, se dresse la dernière ville du nord du dé-
partement, perchée sur son rocher comme une sen-
tinelle avancée — Montmédy, chef-lieu de l'arron-
dissement qui porte son nom et ancienne capitale du
comté de Chiny. — Occupé au xvi e siècle par les Es-
pagnols, fortilié plus tard par Vauban, Montmédy se
partage en haute et basse ville. La ville basse, bai-
gnée par la Chiers qui roule ses eaux limoneuses au
pied du rocher, contient un quartier de cavalerie,
une église et un hôpital. Vue de la prairie, la ville
haute, avec ses fossés, ses hautes murailles à pics et
ses huits bastions, a un aspect très pittoresque dans
son austérité. Du haut des remparts, dont on peut
faire le tour en cinq minutes, on a une vue fort belle
sur les grandes forêts d'Iré-les-prés et sur les collines
lointaines du Luxembourg belge.
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LK PAYS ET LES HABITANTS
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Nous citerons encore parmi les petites villes de la
Meuse avant un intérêt pittoresque ou historique:
Clermont, ancienne capitale du Clermontois, situé à
la lisière de la forêt d'Argonne ; Varenncs où
Louis XVT, avec sa fa aille, fut arrêté dans la nuit du
21 au 22 juin 1791, par Drouet, le maître de poste de
Sainte-Menchould ; Etain, l'ancienne cité austra-
sienne ; Vaucouleurs enfin, bâti en amphithéâtre sur
un coteau qui domine le cours de la Meuse et que le
nom de Jeanne d'Arc a rendu célèbre. C'est en < ffctle
gouverneur de Vaucouleurs, Robert de Raudricourt
qui, en 1 i28, se décida à seconder les patriotiques ins-
pirations de la Ptœclle, et c'est de Vaucouleurs que par-
tit Jeanne d'Arc « pour aller vers le roi Charles VII
et lui aider à chasser les Anglais du royaume. »
Presque tous les monuments d'architecture reli-
gieuse, dignes d'être signalés, se trouvent dans l'ar-
rondissement de Montmédy : l'église de Mont-devant-
Sassey, monument historique, renfermant une crypte
romane et un beau portail du xin° siècle ; celle d'A-
vioth, qui est un charmant spécimen du style ogival
flamboj'ant, et enfin le cimetière espagnol deMarville
Au sud du département, il n'y a guère à noter que le
Sépulcre de Saint-Mihiel, dont on a parlé plus haut,
et le portail Renaissance de l'église de Rembercourt-
aux-pots (canton de Vaubecourt.)
La Meuse est de tous les départements celui qui, à
raison de sa population, est le plus avancé sous le
rapport de l'enseignement primaire. On y rencontre
peu d'illettrés. L'usage de la langue française y est
maintenant général et la .nouvelle génération, sauf
dans quelques villages perdus au fond des bois, n'y
parle presque plus le vieux dialecte local, le patois
12
MEUSE
meusien, une des formes de l'ancien idiome lorrain qui
tend à disparaître. Cet idiome, très répandu autre fois
dans la Meuse, les Vosges, la Meurthe et le pays
Messin, s'était formé du latin rustique. Abandonné aux
paysans et aux petites gens des villes, il s'était développé
librement, suivant parfois le latin de plus près que ne
l'a fait le français, comme, par exemple, dans ces vo-
cables ; marauder, (goûter), en latin mer nul a ; maure
(mauvais), latin minor ; fieur, dehors, latin fori ;
venir à jubé (au commandement), latin jubere.
Quelques mots avaient des origines germaniques :
ho de (fatigué), en allemand mùde : groller, gronder,
allemand grolleu ; lumer, verser à boire, allemand,
tummler, (verre à boire), etc.
La caractéristique de l'esprit meusien est la pru-
dence reposant sur un riche fond d'énergie et d'acti-
vité. L'habitant de la Meuse est sobre, laborieux, éco-
nome, peu artiste, peu imaginatif, positif, avec une
tendance à l'humeur gouailleuse. La devise du Barrois
est : « Plus penser que dire » et les indigènes conti-
nuent à s'y conformer. Ils réfléchissent beaucoup et
parlent peu. Ils sont hommes d'action plutôt qu'ora-
teurs. Le paysan aime la terre et la travaille avec amour
et intelligence. Il vit beaucoup de la vie familiale, est
très serré en affaires, très pratique, mais aussi très
gai à ses heures, avec une pointe de plaisanterie nar-
quoise qui ne manque pas de saveur, et aussi un mé-
lange très curieux de méfiance et de naïveté. Pour
mieux faire connaître le caractère original, des paysans
de la Meuse ainsi que leurs mœurs, leur patois et le
paysage dans lequel ils se meuvent, je me permets de
reproduire ici quelques détails de la vie campagnarde,
pris sur nature :
LE PAYS ET LES HABITANTS
13
« La veillée ou la sisue, comme on l'appelle dans le
Verdunois, se fait chez la Chou'ille, dont la maison
située à l'autre bout du village a été choisie, d'abord
parce qu'elle contient une vaste cuisine avec une che-
minée à l'avenant, puisparce que la Chou'ille est veuve,
et que cette absence d'un mari donne des coudées plus
franches à la compagnie. La Chouïlle, de son côte,
étant d'humeur joviale et aimant la société, prête
d'autant plus volontiers sa cuisine qu'elle y trouve
doublement son profit, car chaque veilleur apporte
sa bûche ou son huile. On fait bon feu, on recine'
avec des noix et des pommes tapées, arrosées de vin
blanc ; de plus on conte de joyeux contes et on
daube largement sur le prochain, ce qui ne gâte rien.
Accompagnées par le bourdonnement des rouets et
le murmure frais du ruisseau qui passe derrière la
maison, les causeries ne chôment guère. Tantôt les
garçons tiennent le dé, tantôt les femmes jabotent
toutes ensemble : — Affaires de ménage, discussions
sur la valeur des champs, médisances sur le tiers et
le quart, tout cela se mêle, formant chaque soir la
gazette du village. Quand la conversation générale
languit, une commère interpelle Doudou Pierron,
toujours prêt à la riposte :
— Père Doudou, contez-nous une histoire !
— Qu'est-ce que vous voulez que je vous raconte?
— Racontez-nous le loup blanc que vous avez ren-
contré au chemin de Souilly, ou les sorts qu'on avait
jetés à vos chevaux.
1 Reciner, en patois meusien, faire un second souper léger,
assez avant dans la nuit.
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MEUSE
— Non, je vous dirai un conte qui est arrivé dans
le temps passé.
Et Doudou, avec le sourire malin qui n'abandonne
guère ses lèvres, commence, tout fier de l'attention
qu'on lui prête :
— Une fois', Saint Pierre et le Bon Dieu déva-
laient de la côte de Récourt pour aller passer d'sus le
pont de Tilly. « Mate, dit saint Pierre, j'a vu ein
lieuve qu ateu aussi gros qu'ein chevau. — Donne-toi
d'garde, dit l'bon Dieu, j'allons passer sus l'pont de
Tilly ; tourtous lo mentoux cheuyent dessous au mi-
tan de l'eau. » Ein peu pus Ion, saint Pierre, qui
n*ateu-me trop à s'n'aise, reprit : « Le lieuve que j'a
vu m'ateu-me tôt d'rnème comme ein chevau, ma
l'ateu bein comme ein âne. — Méfie-teu, que dit
l'Bon Dieu, j'allons bentôt passer le pont ! — Le
lieuve, lit alors saint Pierre, ateu comme ein renard,
là ! — Yeci le pont! — Eh ben, mate, je ne veux-me
choir dessous ; la vraie vérité, c'est que le lieuve que
j'a vu n'ateu-me pus gros qu'ein autc. »
Il faut entendre Doudou mimer le dialogue du
Saint et du Bon Dieu ; il y met tant de naturel, et les
hâbleries prudentes de saint Pierre sont si bien dans
le caractère du conteur, que l'histoire a l'air de lui
être arrivée. Toutes les bouches s'épanouissent lar-
gement, toutes les poitrines sont secouées par de gros
éclats de rire... »
« L'Argonne étend ses masses boisées entre les pla-
teaux du Verdunois et les plaines crayeuses et inono-
1 On a conservé à ce récit populaire sa forme patoise afin
de donner une idée du dialecte meusien.
LE PAYS ET LES IIAlilTANTS
15
tones de la Champagne. Longue de 'quinze lieues et
faisant suite à la chaîne des Ardennes, cette forêt aux
terrains tourmentés, aux mornes clairières, aux gorges
escarpées, a un caractère de sauvage grandeur. Peu
de roules la traversent. A l'exception d'une ancienne
voie romaine qu'on nomme la Haute-chevauchée, on
n'y rencontre guère que sentiers ahrupts, à demi ca-
chés sous les fougères, et conduisant à quelque scie-
rie installée au hord de l'eau ou à quelque village
enfoui en plein bois. Au fond de ces gorges et sur ces
clairières vit une population à part : sabotiers noma-
des, braconniers intrépides, charbonniers maigres et
songeurs, verriers pauvres comme Job et fiers comme
le Cid ; — tous gens hardis, amoureux de liberté et
de franches lippées, buvant sec, parlant haut, ayant
les jarrets solides, la poigne lourde et le coup d'oeil
juste. Au milieu des vulgarités des pays à blé, l'Ar-
gonne profonde, solitaire et mystérieuse, s'élève
comme une verdoyante forteresse où se sont réfugiés
les types romanesques et curieux d'un autre âge.
L'automne imprègne ses futaies brumeuses d'une
tristesse pénétrante ; en hiver, la voix grondante des
eaux grossies par la fonte des neiges semble un écho
des héroïques combats de 92, dont ses défilés ont été
le théâtre ; mais quand vient le printemps, toutes ces
lignes sévères s'adoucissent, toute cette rudesse
s'amollit ; les hêtres bourgeonnent, les pentes sa-
blonneuses refleurissent, les sources chantent au lieu
de gronder, et l'Argonne, sans cesser d'être sauvage,
devient fraîche et plus hospitalière
La Biesme, coulant entre des prairies doucement
mamelonnées, divise en deux parties inégales cette
région boisée, qui tranche absolument par la nature
1 G MEUSE
de son sol accidenté et par les mœurs de ses habitants
sur la physionomie des pays environnants. Pauvres,
ignorants, à demi sauvages, les paysans y demeurent
isolés du reste de la province, vivant uniquement de
la forêt et ne connaissant d'autre aristocratie que
celle des gentilshommes verriers, souvent aussi dépe-
naillés et illettrés qu'eux-mêmes.
Venus, dit-on, de la Normandie, ces verriers
étaient établis en Argonne depuis un temps immé-
morial. On les y trouve déjà installés sous le rè-
gne de Philippe le Bel, qui, par lettre royale datée
de 1314, déclara que les gentilshommes de Champa-
gne travaillant aux verreries ne dérogeaient pas à la
noblesse. Ce privilège fut confirmé plus tard par
Henri III, et Henri IV lui-même ne dédaigna pas de
s'occuper des verriers. La manière dont ils lui furent
présentés mérite d'être rappelée. — C'était au com-
mencement de mars 1603, et le roi se rendait à Metz
avec Marie de Médicis ; comme on descendait la côte
des Chalaides, au sortir de Sainte-Menehould, plu-
sieurs gentilhommes débouchèrent de la lisière du
bois et coururent au-devant de la voiture. « Qui sont
ces gens-là ? demanda le roi. - Sire, répondit le pos-
tillon, ce sont des souffleurs de bouteilles. » Le
Béarnais se mit à rire ; les mauvaises langues pré-
tendent même qu'il se permit sur leur compte une
plaisanterie assez salée. La voiture ne s'arrêta pas,
car il tombait une petite pluie fine, il mousinait,
comme on dit dans le pays, et on avait déjà perdu
beaucoup de temps à écouter la harangue des nota-
bles de Sainte-Menehould ; mais Henri IV fit pren-
dre les placets des verriers, et peu de jours après leur
accorda de nouvelles lettres patentes.
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LE PAYS ET LES HABITANTS
17
Ces gentilshommes, demi-artistes, et demi-aventu-
riers, avaient été sans doute attirés dans l'Argonne
par les ressources nombreuses que le pays o lirait à
leur industrie. Un sable pur y foisonnait dans les
bruyères, et les bois, peu exploités, donnaient le
charbon à discrétion. En outre, les retraites giboyeu-
ses des défdés, les eaux poissonneuses de la Biesme,
étaient faites pour retenir des gens qui aimaient la
bonne chère et avaient toujours eu du sang de bra-
conniers dans les veines. La forêt leur plaisait et ils y
prospérèrent. Dès 1530, Nicolas Volcyr, historiogra-
phe de Lorraine, vantait « les belles voirrières des
boys d'Argonne. » Le dix-septième siècle fut leur âge
d'or. Colbert avait augmenté leurs privilèges et assuré
leur monopole. Ils inondaient de leurs bouteilles la
Lorraine, la Champagne et la Bourgogne, gagnaient
gros et dépensaient d'autant, faisant chère lie, menant
grand train et ayant nombreuse lignée. Les aines
succédaient au chef de famille dans la direction de la
verrerie, les cadets ne rougissaient pas de leur servir
d'ouvriers ; quelques-uns cependant devenaient gens
d'épée ou gens d'église ; l'un d'eux, ISicolas de Condé,
fut de la Compagnie de Jésus et prononça une oraison
funèbre du roi Louis XIII. Les filles épousaient des
verriers du voisinage ou se faisaient religieuses. Dé-
daignés de la noblesse territoriale, qui raillait leurs
occupations manuelles et lesappelaitdes gentilshommes
de verre 1 , ils se tenaient$ï|$ement<$ •jjtëcart, ne frayant
xû,
Petit gentilhoii
Si vous lomlifz\
.le' verre,
5rre,
Adieu vos qualitaKàSv^^^ifv
(Epigramrae de Maynard.)
■
qu'avec leurs confrères, et rendant avec usure aux
bourgeois les mépris hautains des nobles familles du
voisinage.
La révolution de 1789 apporta un rude coup à
leur prospérité en anéantissant leur monopole. Mais
aujourd'hui encore ils ont en grand mépris les rotu-
riers, qu'ils tiennent à distance et qu'ils appellent des
sacrés-malins , ils ne se marient guère qu'entre eux.
La plupart vivent très pauvrement et ont adopté les
mœurs et le costume des paysans au milieu desquels
ils habitent ; quelques-uns, fatigués de leur oisiveté,
ont pris du service et sont devenus de bons officiers. »
MŒURS ET COUTUMES
À mesure que les patois disparaissent, les vieilles
coutumes locales tendent également à se perdre. De-
puis que les voies de communication se sont multi-
pliées, les relations avec le dehors sont devenues
plus fréquentes, les populations se sont davantage
mêlées ; de là un effacement dans les mœurs, le
costume et le langage. Encore quelques années et on
aura peine à retrouver dans les campagnes meusien-
nes les anciens usages qui constituaient leur physio-
mie orignale.
Dans le Clermontois et le Verdunois, quelques
coutumes du temps jadis subsistent encore, comme
les cérémonies mortuaires, les veillées et les (rima-
LE l'AYS ET LES HABITANTS
19
:os. Mais il faut se hâter de les observer et de les dé-
crire, car elles tombent déjà en désuétude et les géné-
rations nouvelles sont en train de les oublier.
Dans quelques villages du centre, la veillée des
morts se fait avec une certaine solennité. Dès qu'un
paysan est décédé et couché sur son lit funèbre, la
maison est ouverte à tous pendant la nuit et le jour
qui précèdent l'enterrement. Le village entier vient
défiler dans la chambre mortuaire et y marmoter un
oremus, en aspergeant le défunt avec la branche de
buis qui trempe dans l'eau bénite. Cette dévote pro-
cession, où il entre parfois autant de curiosité que
d'intérêt, se prolonge fort avant dans la nuit. Le mort
est veillé par des parents et par des commères, qui
servent à la fois d'ensevelisseuses et de pleureuses.
Pendant la veillée, ces femmes se relaient auprès du
corps. Accroupies sous la grande cheminée de la
cuisine, pour restaurer leurs forces et pour chasser
les miasmes, elles confectionnent du vin chaud qu'elles
boivent en murmurant des regrets et des élotres à
1 adresse du défunt. Ces entretiens funèbres, un peu
analogues aux voceri corses, mais bien plus prosaï-
ques, consistent en formules assez banales et qui va-
rient peu : « Ah ! le pauvre cher ami, le pauvre
garçon, comme 11 s'en est vite allé !... Il n'a pas eu
le temps de se voir mourir !... Ah! la pauvre chère
mignonne créature !... Sainte mère de Dieu, qui
m'aurait dit que je pleurerais à son enterrement!...
etc. » — Après le service religieux et l'enterrement,
les parents, les amis et même les simples relations,
sont conviés dans la maison mortuaire à un repas
qu'on nomme YObit. Ce repas funéraire commence
gravement et silencieusement, mais à mesure que les
20 MEUSE
plats se succèdent et que les bouteilies se vident, les
conversations à haute voix deviennent plus animées.
Au dessert, le plus ancien des convives se lève et en-
tonne le De profundis à la mémoire de celui qui est
parti. Il n'est pas rare que YObit dégénère en buve-
ries et en ripailles peu dignes de la circonstance et
fort désagréables pour les parents véritablement
affligés. Aussi, dans beaucoup de familles aisées,
rachète-t-on Yobit au moyen d'une somme d'argent,
distribuée aux gens du village qui ont suivi le convoi.
L'épanouissement du printemps amène un usage
plus poétique, c'est la promenade des Trimazos.
Le matin du 1 er mai, les enfants vont de porte en
porte quêter pour l'autel de la Vierge, en chantant la
vieille chanson dite des Trimazos :
Voici le mai, avril pass^,
Je n'puis tenir mon cœur de joie.
Tant aller, tant danser,
Vous aller, moi chanter.
Trimazos !
C'est le mai, le mois de mai,
C'est le joli mois de mai.
.l'avons passé parmi les champs,
.l'avons trouvé les blés si grands,
Les avoines vont se levant,.
Les aubépines verdissant.
Trimazos !
Allègre et vive chanson! On y sent palpiter tout
l'émoi d'un cœur simple à la vue du printemps. Elle
est toute résonnante de la joie des jours devenus plus
longs, des soleils plus chauds, des blés plus verts et
MŒURS ET COUTUMES
21
plus drus. A l'arrivée de la troupe chantante, les mé-
nagères apprêtent leur cadeau qui consiste le plus
souvent en œufs frais qu'on dépose dans le panier
orné de rubans bleus. Tant pis pour la ménagère
avare qui laisse tomber dans la corbeille une trop
maigre offrande ! On la salue en partant de ce couplet
gouailleur :
J'avons chanté, j'vous déchantons.
J'vous souhaitons autant d'enfants
Qu'il y a d'pierrettes emmi les champs ;
Ni pain ni pâte pour les nourrir.
Ni ch'mise ni toile pour les couvrir.
Trimàzos !
Parfois le Trimâzo a des tendances satiriques comme
dans ce couplet patois :
J'a vu moût d'choses depuis trente ans,
Que j'n'avais m'vu dans mon jeune temps,
.l'a. vu des femmes et des bacelles (tilles)
Se faire passer pour des mam'selles.
Trimàzos !
D'autres fois il a un naïf accent religieux :
Ce n'est pas pour nous le présent.
C'est pour la Vierge et son enfant.
Ell'prierason fils qu'il vous mène
Au Paradis, encor bien mieux,
Qu'il vous mène dans les cieu-c.
Trimàzos !
Chaque village brode sa variante sur le vieux thème
du Trimâzo lorrain. Ce dernier couplet a été recueilli
22
-MEUSE
aux environs de Metz, non loin de Gravelote. Hélas '
on ne l'y redit plus, on n'y a plus le cœur à chanter.
Mais si les voix se taisent, les âmes se comprennent.
Les hommes remarquables nés dans la Meuse ap-
partiennent pour la majeure partie au monde mili-
taire. Ce département aux terres fortes et aux eaux
vives a produit surtout des gens de guerre et des ca-
ractères solidement trempés pour la lutte : François de
Guise, François de Chevert, et plus près de nous les
maréchaux Exelmans, Oudinot, Gérard, etc. Parmi les
historiens on peut citer D.om Calmet ; parmi les ju-
risconsultes, Henrion de Pansey. Le célèbre horloger
du xvm siècle, Lepaute, est né à Montmédy. Le pays
meusien, si riche en hommes de guerre/ est assez
pauvre en artistes et en hommes d'imagination. Notre
sol pierreux et boisé met de longues années et emploie
de longs efforts pour produire un artiste. Mais quand
il en produit un de loin en loin, il le fait robuste et
or.gmal, comme Ligier Richier, le sculpteur du Sé-
pulcre de Saint-Mihiel. Tout récemment, nous avons
vu se développer et s'épanouir d'une façon toute re-
marquable un autre enfant du terroir, le peintre
Jules Bastien-Lepage, né à Damvillers et trop tôt en-
levé à l'art par une maladie qui ne pardonne pas.
Nous aborderons cette galerie biographique par la
section des illustrations militaires.
SOLDATS ET MARINS
23
I. —SOLDATS ET MARINS
lîar (Antoine de .Lorraine, due de) (1480-1544.)
Antoine, fils aine de René II de Vaudiinont et de
Philippe de Gueldres, succéda à son père comme duc
de Lorraine et de Bar. Il se distingua à la bataille
d'Agnadel et à celle de Marignan ; (1509 et 1515.) De
retour en Lorraine, il fixa sa résidence au château
de Bar et y reçut la visite du roi François I er . Lors-
que le protestantisme fit invasion dans son duché, il
se distingua parla rigueur avec laquelle il traita les
partisans de la religion réformée. Ce duc, surnommé
le Bon, on ne sait au juste pourquoi, persécuta vio-
lemment les protestants et promulga un édit qui ies
bannissait sans pitié du sol lorrain. Dans son acharne-
ment contre ceux qu'il appelait « les sectateurs de
1 église dite réformée » il n'épargna même pas un
grand artiste, Ligier Richier, qu'il avait d'abord en-
couragé et protégé. Le sculpteur de Sépulcre et du
cinotaphe de René de Chàlons, n'obtint pas grâce
devant lui et fut forcé de prendre le chemin de l'exil.
Antoine mourut en 1544.
Guise (François de Lorraine, duc de) (1519-1503).
On raconte que le 17 août 1510, au moment où
celui qu'on appelait le bon duc Antoine, quittait le
seuil du château de Bar pour se rendre à l'office de
l'église Saint-Maxe, un homme robuste, joufflu,
guêtre jusqu'aux genoux, vêtu d'une blouse comme
un paysan, aborda brusquement l'altesse, et en pré-
I
24
MEUSE
sence de deux tabellions qu'il avait amenés avec lui,
la somma de le mettre en possession de sa légitime.
Or, ce rustre n'était autre que Claude de Lorraine,
frère cadet du duc, qui venait réclamer sa part dans la
succession de leur père commun, le feu duc René. On
ajoute que le bon duc Antoine, étourdi de cette alga-
rade, put à peine articuler quelques mots. Les deux
notaires dressèrent acte de l'entrevue, mais il est pro-
bable que Claude ne put obtenir satisfaction, car peu
après il quitta la Lorraine et le roi de France Louis XII
lui donna des lettres de naturalisation. II prit du
service en France, se battit vaillamment et obtint de
François I er , en récompense de ses services, la terre
de Guise érigée en duché-pairie. — Avant de s'expa-
trier, il avait eu un premier fils, François, né en 1519,
SOLDATS ET MAB1NS -iO
au château de Bar, qui hérita du titre de duc de Guise
et qui devint l'un des hommes les plus populaires
du temps. François de Guise possédait non seulement
un de ces courages chevaleresques, fréquents alors
dans cette société du xvi° siècle où l'on aimait les
tournois et les bons coups d'épée, mais il avait encore
la capacité, moins commune, de diriger les affaires.
Affable, habile et hardi, François servait avec zèle
aux batailles comme aux .conseils ; aucun chef de parti
ne réunissait de plus belles et de plus hautes condi-
tions d'homme de gouvernement. Lui et son frère le
cardinal, furent, comme l'a dit Montesquieu, « extrê-
mes dans le bien et dans le mal qu'ils firent à l'Etat. »
La réputation de François était immense dans toute
l'Europe. Dans les documents espagnols il n'est appelé
que el gran capitan de Guisa. Il fut une des maîtresses
physionomies du xvi e siècle et sut dominer par son
habileté et son énergie les guerres religieuses qui alors
ensanglantèrent la France. — A trente-trois ans, il
n'était que commandant d'une compagnie de gen-
darmes. Rappelé d'Italie dans la crise de la monar-
chie luttant avec l'Espagne, il fut nommé lieutenant-
général dans les Trois-Evèchés, (1532) et soutint
l'année suivante contre Charles-Quint le siège de
Metz. En looi, il se signala à la bataille de Rents.
Après la malheureuse bataille de Saint-Quentin, il
délivra Paris menacé par les Espagnols et fut nommé
lieutenant-général du royaume. Il s'empara de Calais
en 15.'i8 et chassa définitivement les Anglais de France,
puis reprit Ham et ïhionville aux Espagnols. Après
la mort de Henri II, il gouverna la France avec son
frère le Cardinal, au nom de François II et devint le
chef du parti catholique. Il prit une large part aux
26
SIEL'SE
guerres de religion. La conjuration d'Amboise faillit
le perdre ; mais, après la mort de François II, Cathe-
rine de Médicis eut de nouveau recours à son in-
fluence pour se défendre contre le prince de Condé et
l'Amiral de Coligny qui étaient les chefs du parti pro-
testant. Guise marcha contre l'armée rebelle, emporta
d'assaut la ville de Rouen, gagna la bataille de Dreux.
Il allait s'emparer d'Orléans, lorsqu'en 1503 il fut tué
d'un coup de pistolet par un. gentilhomme protestant,
nommé Poltrot de Méré.
De Saint-Balmont (Alberto Barbe) (1007-1660).
Alberle-Barbe d'Ernecourt, fille de Simon d'Erne-
court, naquit au château de Neuville-en-Verdunois,
le 14 mai 1807. Elle épousa en 1624 Jacques d'Ha-
raucourt, seigneur de Saint-Balmont. Dans les anna-
les du Barrois, elle est surtout connue sous le nom
de la Dame de Saint-Balmont ou la Dame de Neu-
ville. Pendant les guerres désastreuses dont le Barrois
fut le théâtre au xvn e siècle, le pays fut ravagé
presque concurremment par les Suédois, par les
troupes des ducs de Lorraine et les armées du roi de
France. En ces temps troublés où les misérables po-
pulations des campagnes étaient tour à tour victimes
des Lorrains et des Français, la dame de Saint-Bal-
mont se conduisit comme une héroïne. Habillée en
homme, chevauchant à la tète de ses gens d'armes,
elle réprimait les brigandages des pillards, secourait
les blessés des deux partis et se faisait respecter de
tous les belligérants. Après avoir mené pendant des
années celte périlleuse et vaillante existence d'ama-
zone, elle mourut au château où elle était née le 22
mai 1660.
SOLDATS ET MARINS
27
Chevert (François de) (1695-1769.)
Lieutenant général des armées du Roi, François de
Chevert, né en 1693 à Verdun, d'une famille obscure,
est l'exemple de ce que peuvent le courage et l'hon-
nêteté joints au mérite. Il s'engagea à 11 ans dans un
régiment d'infanterie et conquit tous ses grades à la
pointe de l'épée. Pendant la campagne de Bohême,
en 17 il, il était lieutenant-colonel et fut désigné pour
commander les grenadiers à l'escalade de Prague.
La ville fut prise et il fut nommé brigadier (général
de brigade). Après la capitulation de Prague, il fut
envoyé en Dauphiné et en Italie, où il fut nommé ma-
réchal de camp enl7ii, et lieutenant-général en 1748.
Il contribua en 1757 au succès de la bataille d'Haslen-
berk. 11 mourut à Paris en 1769 et fut inhumé à
S» Eustache. On peut voir son tombeau dans l'une
des chapelles latérales de celte église et y lire cette
épitaphe attribuée à Diderot : « Le titre de Maréchal
de France a manqué, non pas à sa gloire, mais à
l'exemple de ceux qui le prendront pour modèle. »
On lui a élevé une statue à Verdun, sur la place qui
porte son nom.
Grimoard (Philippe Henri de) général de divi-
sion, écrivain militaire (1753-1813.)
Ce général, élevé pour la carrière militaire, fut de
bonne heure remarqué à cause de son aptitude aux
études stratégiques.
Au commencement de la Révolution, il travaillait
dans le cabinet du roi pour la partie militaire et il fut
un des auteurs du plan de la campagne de 1792. Les
notes et lee différentes pièces qui lui avaient servi
28 MEUSE
pour ses travaux furent transportées plus tard au Co-
mité de Salut-Public, qui y puisa de précieux rensei-
gnements.
Il publia de nombreux ouvrages et cntr'autres :
Essai théorique sur les batailles. Histoire des campa-
gnes de lurenne. Histoire des conquêtes de Gustave
Adolphe. Tableau historique de la Guerre et de la
Révolution en France. Ces différentes œuvres, dans
lesquelles il y avait un sentiment de vif libéralisme,
déplurent à l'Empereur qui fit suspendre la publication
de quelques-unes d'entre elles.
Le nom de Grimoard est peu connu de notre géné-
ration ; mais il mérite de l'être davantage, car c'est aux
connaissances sérieuses de ce général, né dans un
bourg voisin de la frontière, que sont dus sans doute
quelques-uns des succès des armées de la République.
Morland iFrançois Louis). NéàSouilly enl771,
mort en 1805.
Ce nom est celui d'un soldat qui ne s'est fait connaî-
tre que par sa bravoure. 11 s'engagea comme volon-
taire en 1790 et se fit remarquer par son courage pen-
dant les guerres de la République, ce qui n'était pas
facile puisque tous les soldats étaient braves. Il lit rapi-
dement son chemin à cette époque où l'on gagnait un
grade par bataille. Nous le voyons colonel en 1805, et
fl trouva la mort sur le champ de bataille d'Austerlitz.
Son corps fut ramené à Paris et fut donné— l'his-
toire ne dit pas pourquoi — à l'Ecole de Médecine. On
l'enferma dans une des vitrines du musée d'anatomie
ou il était connu sous le nom de la momie.
En 1818, sa famille le réclama et on le transporta
dans son pays où il fut enterré.
SOLDATS ET MARINS
29
On a donné son nom à un des quais de Paris, le
quai Morland. '
Exelmans (René Joseph Isidore, comte) Maré-
chal de France né à Bar-Ie-Duc (1775-1852.)
Exelmans fut encore un de ces jeunes volontaires
qui s'engagèrent en 1791 dans les armées de la Répu-
blique. En 1798 il était déjà aide de camp du général
Eblé, puis de Murât en 1801. Il fit les campagnes d'Au-
triche, de Prusse, de Pologne et fut nommé général
de brigade après la campagne d'Eylau, en 1807. En
1808 il fut fait prisonnier en Espagne et détenu 3 ans
en Angleterre, à bord de ces terribles pontons où les
Anglais faisaient subir à leurs prisonniers toutes les
2*
30
MEUSE
tortures d'une inhumaine captivité. Il s'échappa sur une
barque en 1811. Revenu en France, il rejoignit l'année
et pendant l'expédition de Russie, fut nommé géné-
ral de division; ensuite il lit les campagnes de Saxe et
de France et fut nommé comte en 1814. Il quitta le
service en 1813 ; mais son grade de général de divi-
sion lui fut rendu en 1820. Nommé pair de France et
grand Chancelier de la Légion d'honneur en 1842, il
fut élevé en J8ol à la dignité de maréchal de France
et mourut à Paris en 1852.
Oudinot (Chartes-Nicolas) (1767-1847).
Fils d'un brasseur de Bar-S-Ornain, Oudinot,
comme beaucoup d'enfants de la Meuse, s'enrôla à
seize ans. Lors de la levée des volontaires en 1792,
il fut élu chef du 3 me bataillon de la Meuse et débuta
par la défense de Bitche, où il repoussa les Prussiens
et leur fit 700 prisonniers. Nommé colonel après ce
brillant fait d'armes, il prit part à toutes les guerres
de la République. Général de brigade en 1794, il de-
vint général de division pendant la campagne de
Suisse où il seconda puissamment Massénaà la ba-
taille de Zurich. En 180,"), Napoléon le mit à la tète
du corps des Grenadicrs-réunis , qui se battit si
vaillamment. Au siège de Vienne, il entra des pre-
miers dans la capitale autrichienne, après s'être em-
paré de toute l'artillerie ennemie, en franchissant le
Danube sur un pont miné. Il fut un des héros d'Auster-
litz, d'Ortrolenka et de Friedland. L'empereur le pré-
senta au tzar Alexandre, comme le Bayardde l'armée.
Il se couvrit de gloire à Wagram.et ce fut après cette
bataille, que Napoléon le nomma maréchal et duc de
Reggio. Il fut placé à la tète du 2 m0 corps dans la
SOLDATS ET MARINS
31
campagne de Russie (1812J et assura le passage de la
Bérésina, ce qui le fit surnommer « le sauveur de
l'armée ». En 1813, il contribua aux victoires de
Lutzen et de Bautzen et lorsque la France fut enva-
hie en 1814, à peine remis de ses blessures, il repa-
rut à la tète d'un corps de la jeune garde et prit part
aux combats de Nangis, Bar-sur-Aube et Arcis-sur-
Aube. — En 1813, il se rallia au gouvernement des
Bourbons. Louis XV11I le fit pair de France et major
général de la garde royale. En 1825, il prit part à
l'expédition d'Espagne et reçut le commandement de
Madrid. Louis-Philippe le nomma en 1842, gouverneur
des Invalides. Pendant ses dernières années, il habitait
souvent l'ancienne abbaye de Jean d'Heurs, située à
trois lieues de Bar-le-Duc et y avait formé un riche
musée d'armes. Il mourut en 1817 et sa ville natale
lui fit élever une statue sur la place de la municipa-
lité, qui porte maintenant le nom de place Reggio.
Oudinot (XicoIas-CIiarles-Victor) (1791-1803).
Nicolas-Charles-Viclor Oudinot, duc de Reegio,
était le fils aine du Maréchal Oudinot. Né à Bar-le-
Duc le 3 novembre 1791, il reçut une éducation toute
militaire. A treize ans, il entra dans les Pages de
l'empereur; à seize, il se battit à Wagram, en qualité
de lieutenant de hussards. Il fut attaché comme aide-
de-camp à la personne de Masséna et le suivit en
Portugal, où il se conduisit d'une façon brillante;
après avoir pris une part active, comme chef d'esca-
dron, à la campagne de 1813, il fut blessé à Leipsig
et décoré à Hanau. Pendant la campagne de France,
il fit prisonnier un bataillon prussien, à Montinirail.
Avant d'abdiquer, Napoléon, en souvenir de sa
32
.MEUSE
vaillante conduite, le nomma colonel du 8° régiment
de chasseurs.
Comme le Maréchal son père, Victor Oudinot prêta
serment aux Bourbons et jouit de leur faveur. Nommé
général de brigade, il fut appelé en 1824 au comman-
dement de l'école de Saumur. Lorsque survint la ré-
volution de 1830, il crut devoir se démettre de ses
fonctions. Néanmoins, cinq ans après, il reprenait
son épée et acceptait le commandement d'une brigade
envoyée en Algérie sous les ordres du Maréchal
Clauzel. Il prit part aux combats engagés contre
Abd-el-Kader, fut blessé à Sidi-Embarck, et rentra en
France avec le grade de général de Division. En 18 i-2,
la politique l'attira et les électeurs de l'arrondisse-
ment de Saumur l'envoyèrent comme député de l'op-
position à la Chambre. Il siégea pendant six ans au
centre gauche, jusqu'au moment où la royauté de
J 830 fut emportée par la révolution de 1848. Les
électeurs de Maine-et-Loire le renvoyèrent à la
Constituante ; en 1849, élu à l'Assemblée législative, à
la fois par ce département et par celui de la Meuse, il
opta pour ce dernier. A partir de ce moment, le poli-
ticien sembla prendre le pas sur l'homme de guerre.
Le général Oudinot fit partie du groupe politique qui
se mit à la tète de la réaction et contribua à la ruine
de la République de février 1848. Nommé comman-
dant en chef du corps expéditionnaire de la Méditer-
ranée, (1819) il fit le siège de Rome et renversa le
gouvernement républicain qui avait remplacé l'auto-
rité du Pape. — Le coup d'Etat du 2 décembre 18;il,
qui déjoua d'une façon aussi coupable qu'inattendue
les projets ambitieux de la droite monarchique, brisa
en même temps la carrière politique et militaire du
SOLDATS ET MARINS
33
général Oudinot. Emprisonné au Mont-Valénen avec
les députés qui avaient protesté contre la violation de
l'Assemblée, il ne sortit de prison que pour appren-
dre que le bâton de Maréchal venait d'être donné, a
son détriment, au général Vaillant. Il demanda sa
mise en non-activité et rentra dans la vie privée. 11
accepta avec résignation la retraite que les événe-
ments lui avaient imposée et mourut, un peu oublie,
le 6 juillet 1863.
Gérard (Etienne-Maurice) (1775-1852).
Comme Oudinot, Gérard, né à Damvillers et fils
d'un notaire de cette petite ville, s'enrôla en 1791.
Il servit en Italie sous les ordres de Bernadotte, dont
il devint l'aide de camp et l'ami. 11 fut blessé à Aus-
34
JIEUSE
terlitz et contribua au gain de la victoire de Wagram.
Au sanglant combat de Volontina, il remplaça le
général Gudin, tué à la tète de ses troupes , et à la
bataille do laMoskowa (1812), où il fut nommé général
de division, il sauva avec Davoust l'arrière-garde sur-
prise à Kovno. Il commanda une division à Lutzen
etàBautzen, puis, pendant la campagne de France,
il défendit énergiquement le territoire envahi. Blessé
à Waterloo, il se retira à Bruxelles et ne rentra en
France qu'en 1817. Elu député en 1822 et 1827, il
siégea sur les bancs de l'opposition et accueillit avec
joie la révolution de 1830. Devenu ministre de la
guerre, sous Louis-Philippe, il réorganisa l'armée et
reçut le bâton de maréchal de France. Sa dernière
campagne fut le siège d'Anvers (1832). Il devint
membre de la chambre des pairs en 1832, et comman-
dant des gardes nationales de la Seine en 1838. Il
mourut en 1832. Un statue lui a été érigée sur la
place de Damvillers.
Loyson (Olivier) (1765-1816).
Encore un enfant de Damvillers, où son père exerçait
les fonctions de procureur royal. Il s'enrôla comme
volontaire dans un des bataillons de la Meuse et fran-
chit rapidement les principaux grades jusqu'à celui de
général de brigade (1793.) Ce fut en cette qualité qu'il
prit part, sous le commandement de Bonaparte, à la
défense de la Convention. Il se distingua par de beaux
faits d'armes, en Suisse et plus tard à Austerlitz. En
1806, il fut nommé gouverneur général des provin-
ces de Munster et d'Osnabruck ; puis il prit part à la
campagne d'Espagne où il commanda une division.
Loyson servit pendant les Cent-Jours, mais après
SOLDATS ET MARINS 35
Waterloo, il se retira dans les Pays-Bas où il possé-
dait de belles propriétés. 11 mourut à Liège en 1816.
On lui reproche d'avoir inutilement, en 1794, canonné
et dévasté la célèbre abbaye d'Orval, située dans le
Luxembourg belge, à quelques lieues de Montmédy.
Colson (Joseph-Emile) (1821-1870).
Né à Saint-Aubin-sur-Aire, Joseph-Emile Colson
sortait d'une famille médiocrement fortunée, mais où
une éducation forte et des principes solides entrete-
naient de génération en génération l'amour du tra-
vail et le sentiment du devoir. Son grand-père était
médecin et maître de poste à Saint-Aubin. Son père,
ruiné par l'invasion de 1814, élait mort prématuré-
ment à 35 ans, laissant cinq enfants, dont quatre
garçons. Joseph-Emile, le dernier de ces quatre fils,
fit de bonnes études au lycée de Nancy et, à peine
âgé de 18 ans, se présenta en 1839 à l'Ecole de
St-Cyr. Deux ans après, il en sortit à la tète de sa
promotion et fut admis par voie de concours à l'Ecole
d'Etat-Major. Esprit studieux, sensé et droit, il don-
nait déjà de brillantes espérances et se conciliait de
nombreuses amitiés par son caractère ferme et loyal.
Nommé lieutenant d'Etat-major, le 9 janvier 1844, il
fit son stage d'infanterie en Afrique et prit part aux
expéditions de Biskra, de l'Aurée et du ilodna.
Chargé du service topographique des colonnes, il
exécuta des travaux qui attirèrent l'attention et lui
valurent les éloges du Ministre ; il fut nommé capi-
taine au 5 e régiment de hussards (1846) où il fit son
stage de cavalerie, rentra en France avec ce régiment
et fut appelé le 7 septembre 1848 à l'Etat-major de la
2 e division de l'armée de Paris. En 1851, il devint
36
MEUSE
l'aide de camp du général Renault et, dans ces nou-
velles fonctions, s'acquit de sérieux titres à la con-
fiance de ses chefs. De graves circonstances allaient
ouvrir un champ plus vaste à son ambition. La guerre
d'Orient éclata au commencement de 1834 et Colson
fut désigné pour l'état-major de la division de réserve,
commandé"} par le général Forey. Il se comporta
vaillamment à lnkermann et au siège de Sébastopol,
où il fut blessé. Après la signature de la paix, il re-
vint de Crimée avec le grade de chef d'escadron et la
croix d'oflicier de la Légion d'honneur. Redevenu
l'aide de camp du général Renault, il le rejoignit à
Alger et fut chargé de l'organisation générale des can-
tonnements en Algérie (1859).
La guerre d'Italie le rappela sur le continent.
Promu au grade de lieutenant-colonel e,t maintenu
comme chef d'état-major à la division Renault, il se
battit à Palestro, à Magenta et à Solférino. A sa ren-
trée en France, il fut nommé chef d'état-major à
Toulouse, puis attaché militaire à l'ambassade de
Russie (25 janvier 18G0). Pendant son séjour en
Russie, il demanda et obtint d'aller suivre une expé-
dition au Caucase et rentra à S'-Pétersbourg, riche de
souvenirs amassés et de documents recueillis. Le tzar
lui conféra la croix de Sainte-Anne et il devint très po-
pulaire parmi la haute société russe. Ses utiles tra-
vaux lui valurent le grade de colonel (1862). Peu de
temps après, il revint en France et se maria. Appelé
sur la demande du général de Montebello, en qualité
de chef d'état-major de la division d'occup;ition à
Rome, il s'y distingua par de précieuses qualités de
tact et de prudence et fut nommé en 1865 chef du ca-
binet du maréchal Randon, ministre de la guerre. En
SOLDATS ET MARINS
37
1808, il fut promu au grade de général de brigade, et
maintenu néanmoins à la tète du cabinet du maréchal
Niel. A la mort de ce dernier, il quitta le ministère et
reçut le commandement de la subdivision du Nord.
Ce fut là que le trouva la déclaration de guerre de
1870. Le 25 juillet 1870, Colson était nommé chef
d'état-major du 1 er corps de l'armée du Rhin, et le
6 août suivant, sur le chemin de Frœschviller, il était
frappé au cœur par une balle prussienne. La mort
avait été instantanée ; les hommes qui avaient reçu
l'ordre d'enlever le corps du général furent eux-
mêmes atteints, et la dépouille de ce glorieux soldat
resta jusqu'au surlendemain abandonné sur le terrain
labouré parles obus et la mitraille.
« Une des maximes favorites de Colson, dit son
biographe, le colonel d'état-major, baron Saint-Cyr
Hugues, une maxime qu'il avait répétée bien des fois
pendant sa vie et à laquelle il devait rester fidèle
jusqu'à son dernier soupir, était qu'il faut faire hon-
neur à son pays. A son tour le département de la
Meuse a voulu honorer sa mémoire. Il a inscrit son
nom des premiers sur le monument élevé à Bar-le-
Duc aux victimes de la guerre et il a fait placer son
portrait dans le musée de cette ville. De son côté, la
ville de Lille, pleine encore des bons souvenirs que
Colson avait laissés chez ses habitants, a décidé que
son nom serait donné à une des rues nouvelles. »
llargueritte (Auguste) (1823-1870.)
_ Auguste Margueritte, né à Manheulles, le 13 jan-
vier 1823, appartenait à une famille de modestes cul-
tivateurs. Son père était maréchal de logis de la gen-
darmerie et il le suivit à 8 ans en Algérie, où celui-ci
3
38 MEUSE
venait d'être envoyé. A 16 ans, il s'engagea comme
gendarme interprète et fut nommé, à 18 ans, sous-lieu-
tenant des gendarmes Maures. Ce corps ayant été li-
cencié, Auguste Margueritte se réengagea comme sim-
ple soldat." Un mois après, il était nommé brigadier
de spahis et chef des affaires arabes à Milianah où il
fut décoré à l'âge de vingt ans. Après avoir dirigé le
bureau arabe de Téniet-el-Had, il prit part comme sous-
lieutenant, en 1844, aux combats contre Abd-el-Ka-
der. En 1833, capitaine commandant du cercle^ de
Laghouat, il bâtit cette ville, creusa des puits, y éta-
blit des barrages et y fit élever des monuments mili-
taires et civils.
Nommé chef d'escadron en 1833, puis lieutenant-
colonel du 12 mo chasseurs en 1839, il rentra en France
avec son régiment, en 1861, et prit part à l'expédition
du Mexique où il conquit à la pointe de l'épée son
*rade de colonel. Rappelé en Algérie, il aida à répri-
mer une nouvelle insurrection arabe et fut nommé
général de brigade à Alger, en 1867.
En 1870, il avait été appelé à l'armée du Rhin ou il
commandait la l re brigade de la division de Rarrail.
On le rattachait ensuite à l'armée de Chàlons et il pre-
nait part à la désastreuse bataille de Sedan, avec le
grade de général de division. Au calvaire d'Illy, au
moment où il préparait un terrain pour la charge, il
fut mortellement blessé d'une balle qui lui fracassa la
mâchoire. Avec un héroïque courage, il se fit de nou-
veau hisser sur son cheval et retrouva la force de
défiler, tout sanglant, sur le front de sa division.
Tète nue, la barbe ruisselante du sang de sa bles-
sure, il indiqua du bras à ses cavaliers le mouve-
ment à exécuter et commande la charge.
SOLDATS ET MARINS
39
On put le transporter à Sedan, puis au château de
Beauraing, en Belgique, où six jours après sa bles-
sure, le 6 septembre 1870, il mourut dans une ra-
dieuse gloire. Il avait 47 ans et était le plus jeune
général de l'armée française. On lui a élevé une statue
dans son village natal. Il a laissé un fils, Paul Mar-
gueritte, qui est un de nos plus jeunes romanciers et
qui a déjà donné des preuves sérieuses d'un remar-
quable talent.
Vériot (Camille) (1826-1886).
Si les illustrations de l'armée de terre sont nom-
breuses dans la Meuse, en revanche les marins y sont
une rareté. Dans ce pays enfoncé dans les bois, on
est trop loin de l'Océan pour qu'on se sente spontané-
ment attiré vers le métier de marin. Ce fut cependant
une véritable vocation, conçue à la lecture de livres de
voyages, qui fit d» Camille Vériot un de nos officiers
de marine les plus distingués. Né à Bar-le-Duc le 22
juillet 182G, Camille Vériot entrait à 16 ans à l'école
navale de Brest et il en sortait aspirant de marine, en
1844. Enseigne depuis le 1 er octobre 1818, il fut
nommé lieutenant de vaisseau en 1855 et s'embarqua
le 1 er décembre 185G sur la frégate amirale la Nèmèsis
qui partait pour lés mers de la Chine. A la suite de la
prise de Canton (1858) il fut porté à l'ordre du jour
de l'armée, pour sa belle conduite, et fut nommé
chevalier, puis officier de la Légion d'honneur. Blessé
pendant l'expédition, il fut atteint de la dyssenterie en
1859 et envoyé à Macao, en convalescence. Capitaine
'de frégate en 1867, il fit partie en 1870 de l'escadre
de la mer du Nord ; comme capitaine de vaisseau, en
1870, il prit le commandement de Y Annamite et fit
40
MEUSE
voile pour Saigon. Nommé à cause de son dévoue-
ment, commandeur de la Légion d'honneur en 1885,
il revint après 44 années de services, mourir dans sa
ville natale, le 7 avril 1886.
II. — HOMMES POLITIQUES
Les hommes politiques nés dans la Meuse appar-
tiennent presque tous à l'époque delà Révolution. Si le
rôle qu'ils ont joué alors ne leur a pas donné une
grande notoriété, il a été néanmoins utile à l'Etat.
C'est surtout comme administrateurs et hommes
d'affaires qu'ils se sont distingués. Parmi les plus
connus nous citerons d'abord :
Durival (Jean) (1725-1810.)
Jean Durival est né à Saint-Aubin en 1725. Il oc-
cupa de hauts emplois à la cour du roi Stanislas et
fut ministre de France en Hollande. 11 se fit connaî-
tre à la fois comme diplomate et comme écrivain mi-
litaire. Il mourut le 14 février 1810.
Durival (Claude) (1728-1803).
Claude Durival, frère du précédent, naquit comme
lui à Saint Aubin, le 4 mars 1728. Il fut secrétaire
en chef de l'intendance de Lorraine, et plus tard mem-
bre du Conseil de Stanislas. Il mourut le 2 mars 1803.
Pons de Verdun (Robert.) (1747-1844).
Né à Verdun, avocat au parlement de Paris, Pons
HOMMES POLITIQUES
41
fut élu député à la Convention par ses compatriotes,
puis député au Conseil des Cinq-Cents. Nommé sous
l'Empire avocat général à la Cour de Cassation, il fut
exilé par les Bourbons comme régicide et ne rentra en
France qu'en 1817. 11 a laissé de jolis contes et des
poésies diverses, dont l'édition la plus complète est de
1807.
fiossin (François) (1734-1794).
Né à Souilly il était lieutenant-général civil et crimi-
nel du bailliage de Bar-le-Duc au moment où éclata
la Révolution ; il fut élu membre de l'Assemblée cons-
tituante, où il s'occupa notamment de la rédaction
du rapport relatif à la division du royaume en dépar-
tements ; il vota pour la création du jury. Il fit adopter
la division de Paris en dix-huit sections et proposa
de transporter au Panthéon les cendres de Voltaire.
11 était procureur général syndic delà Meuse, lors-
que les Prussiens envahirent la Lorraine. Le duc de
Brunswick, général en chef de l'armée prussienne, lui
donna l'ordre de se rendre à Verdun afin d'administrer
le département au nom des vainqueurs, et ses collègues
du Conseil général le forcèrent à accepter ces fon-
ctions. Après la réoccupation de Verdun, il fut décrété
d'accusation comme traître à la patrie, condamné à
mort et exécuté en 1794 ; mais après Thermidor, il
fut réhabilité par la Convention.
Moreau de la Meuse (Jean) né à Bar-Ie-Duc (1753-
1811). ,.--:
Avocat, républicain et patriote, /ara moment de la
Révolution, il devint procureur syndic dô;la Meuse et
fut élu en 1792, Député de ce département à l'Ass/m-
S&ffï.H ">/
42
MEUSE
blée législative. Il fit décréter la formation d'une com-
mission chargée d'examiner les dangers qui menaçaient
la patrie.
Elu membre de la Convention, il vota pour l'em-
prisonnement et le bannissement de Louis XVI. 11
donna peu après sa démission, qui ne fut pas acceptée.
Il devint alors membre du Conseil des Anciens.
Enfin fatigué de la vie politique, il donna encore
une fois sa démission en 1796 et se retira dans ses
foyers.
Mort en 1811.
Delacroix (Xicolas), né à Monlblainville (1783-
1843).
■ Il était secrétaire du marquis Descorchesde Sainte-
Croix en 1810. En 1813 il fut nommé député et siégea
sur les bancs des libéraux. Il vint plus tard à Valence,
acheta une étude d'avoué, et s'occupa d'un grand
ouvrage sur les antiquités du département de la
Drôme. Nommé maire en 1830, puis membre du
Conseil général, il fut élu de nouveau député et re-
tourna à la chambre où il siégea au milieu de l'op-
position libérale. Il était membre de la Société des
Antiquaires de France.
Le meilleur ouvrage qu'il ait publié est un Essai
sur l'histoire et les antiquités du département de la
Drôme.
Il a encore publié différents mémoires et œuvres de
moindre valeur.
Mort en 1843.
Thouvenel (Edouard-Antoine) 18181SC6.
Edouard-Antoine Thouvenel reçut en naissant un
HOMMES TOL1T1QUES
43
nom déjà marqué pour la postérité : le futur diplomate
était le fils du général Thouvenel, un des héros des
guerres de l'Empire. S'il ne nous est pas permis d'en-
richir notre galerie de la hiographie du père — un en-
fant de Nancy, —le fils, du moins, nous appartient: il
naquit à Verdun, dans la vieille cité que son père dé-
fendit contre les Russes et qu'il refusa de rendre après
Waterloo.
Entré à vingt-deux ans dans la carrière diplomati-
que, Thouvenel eut une fortune rapide, due, empres-
sons-nous de le dire, à ses mérites. Quinze ans plus
tard, en 1855, nous le retrouvons ambassadeur à
Constantinople. Sénateur l'année suivante, il reçut en
18G0 le portefeuille du ministère des Affaires-Etrange-
u
MEUSE
res. C'est sous son ministère que le comté de Nice et
la Savoie furent annexés à la France.
Diplomate éclairé, Thouvenel fut aussi un écrivain
de valeur ; il a laissé des notes et des mémoires re-
marquables, et un ouvrage estimé : La Hongrie et la
Valachie.
Il mourut à Paris en 186G.
Harmand (Jean-Baptiste) (1750-1816).
Né à Souilly, il était avocat, lorsque ses conci-
toyens l'envoyèrent à la Convention. 11 s'y fit remar-
quer par sa modération et par le courage avec lequel
il lutta pour défendre quelques-uns de ses compa-
triotes, déclarés suspects et emprisonnés par les ultra-
révolutionnaires de la Meuse. Dans le procès de
Louis XVI, il vota pour l'appel au peuple. Après
avoir siégé au Conseil des Cinq-cents, il obtint la pré-
fecture du Haut-Rhin puis celle de la Mayenne. La
Restauration le nomma à la préfecture des Basses-
Alpes. Il mourut en 1816. On a de lui un ouvrage
curieux : Anecdotes relatives à quelques personnes et
à plusieurs événements remarquables de la Révolu-
tion. — 181 1 in-8°.
III. — JURISCONSULTES ET MAGISTRATS
Le plus célèbre des jurisconsultes Meusiens est sans
conteste :
JURISCONSULTES ET MAGISTRATS
Henrion «le Pansey (Pierre-Paul) (1712 1829).
Né àTréveray en 1742, il était fils de magistrat et
s'était déjà distingué comme avocat, avant la Révo-
lution. Il fut nommé administrateur du département
de la Marne, sous le Directoire, puis professeur de
législation à l'Ecole Centrale de Chaumont. Sous le
Consulat, il devint membre de la Cour de Cassation
et Napoléon l'appela au Conseil d'Etat. En 1814, sous
le gouvernement provisoire, il fut ministre de la
Justice. En 1828, il succéda à De Sèze comme prési-
dent de la Cour de Cassation et conserva ces fonc-
tions jusqu'à sa mort (1829). On a de lui plusieurs
ouvrages très estimés : — De la compétence des Juges
de paix ; — De l'autorité judiciaire en France ; —
De la police rurale et forestière : — Des Assemblées
nationales en France ; — Du pouvoir municipal et
de la police des communes.
Gillon (Jean-Landry) (1780 1856).
Né à Nubécourt, Jean-Landry Gillon exerça d'abord
brillamment la profession d'avocat. Puis il entra dans
la magistrature, où son mérite et ses connaissances
juridiques le firent nommer aux fonctions de procu-
reur général à la cour d'Amiens, puis à celles d'avocat
général à la Cour de Cassation. Sous Louis-Pbilippe, il
siégea à la Chambre comme député de la Meuse et se
fit remarquer par son grand savoir, son intégrité et
son esprit libéral. Ce fut lui qui demanda que les cir-
constances atténuantes, en cour d'assises, fussent
laissées à l'appréciation des jurés et non à celle des
juges. 11 a publié un Code des chasses et une collec-
3*
46 MEUSE
tion des lois sur l'administration des communes. Il
est mort à Nubécourt en 1856.
Son frère, Paulin Gillon, ancien maire de Bar-le-
Duc, a également représenté le département de la
Meuse à l'Assemblée constituante de 1848, ainsi qu'à
l'Assemblée de 1871. Il a ensuite été nommé sénateur
inamovible après le vote de la Constitution républi-
caine et il a rempli ce dernier mandat jusqu'à sa
mort (1876).
L'arrière-petit-fils de Landry Gillon, M. Poincaré,
est actuellement député de la Meuse pour l'arrondis-
sement de Commercy.
IV. — ÉCRIVAINS
Nous l'avons dit plus haut : la Meuse a produit
plus d'hommes d'action que de penseurs et d'écri-
vains. Et encore parmi les Meusiens distingués qui se
sont plus ou moins sérieusement occupés d'écrire, les
compilateurs, les bibliographes et les grammairiens
tiennent la première place. Dans le domaine de la lit-
térature d'imagination : poésie, théâtre ou roman, il
y a peu de personnalités à signaler.
Calmet (Dom Augustin) (1672-1757).
Dom Calmet, bénédictin de Saint- Vannes, né à
Ménil-la-Horgne à la fin du xvu e siècle, était un de
ces moines érudits qui consacraient leur vie entière à
un patient travail de recherches historiques. Il ensei-
ECRIVAINS
47
p-na d'abord dans les abbayes de Moyenmoutier et de
Munster, puis devint abbé de Saint-Léopold à Nancy
(1718) et de Senones (1728). Ses principaux ouvrages
sont : La Bible en latin et en français, avec un Com-
mentaire littéral et critique (1707-1710, 23 vol. in-4°);
Une histoire de Lorraine; Une histoire universelle,
sacrée et profane... Les ouvrages de doni Calmet ré-
vèlent une érudition étendue, mais le style en est
lourd, diffus et peu correct. Dom Calmet mourut à
Paris en 1757.
Rosières (François de) né à Bar-le-Duc (1534-1G07).
Né à Bar-le-Duc d'une ancienne famille du Barrois
il entra dans les ordres.
Prêtre et ambitieux, il voulait parvenir par n'im-
porte quels moyens aux plus hautes dignités. 11 cher-
cha à se concilier la faveur des ducs de Guise, et c'est
lui qui inventa cette fameuse généalogie où il était
prouvé que cette famille descendait en droite ligne
d'une fille de Charlemagnc. 11 la faisait même remon-
ter jusqu'à un fds de Clodion sur lequel Mérovée au-
rait usurpé la couronne ; ce qui donnait aux Guise des
droits à la couronne de France, bien supérieurs à
ceux de la maison de Valois; mais il fut reconnu
qu'il avait fabriqué les. diplômes ; son livre fut sup-
primé, il fut lui-même enfermé à la Bastille et n'en
sortit que grâce à de hautes protections. Du reste, la
maison de Guise récompensa son zèle en lui faisant
donner le titre d'Archidiacre de Toul. Entre autres
ouvrages, il a publié un traité de la Politique en six
volumes. Il est mort à Toul en 1007.
48
MEUSE
Ladvocat (Jean-Baptiste) (1709-1765.)
Jean-Baptiste Ladvocat naquit à Vaucouleurs en
1709. Il entra dans les ordres et fut d'abord curé à
Domrémy, puis professeur d'hébreu et bibliothécaire
à la Sorbonne. 11 est l'auteur d'un Dictionnaire géo-
graphique fait en collaboration avec Vosgien, sous
le nom duquel l'ouvrage parut pour la première fois,
à Paris, en 1747 ; d'un Dictionnaire historique des
grands hommes (1752) ; et d'une Grammaire historique
estimée, (1755.)
Mort en 1765.
Beauzée (Nicolas) (1717-1789).
Ce savant, né à Verdun, fit son étude principale
de la grammaire. Il rédigea après la mort de Dumar-
sais les articles de grammaire de Y Encyclopédie et
publia une Grammaire générale. On lui doit aussi
des traductions estimées de Salluste et de Quinte-
Curce. Il professa à l'Ecole militaire et prit place en
1772 à l'Académie française. Le grand Frédéric cher-
cha à l'attirer près de lui, mais le modeste grammai-
rien déclina les offres royales. Il mourut à Paris en
1789.
Maillet (Benoit de), voyageur, né à Saint-Miliiol,
(1656-1738).
Il occupa différentes situations dans les Consulats.
On sait que les emplois de consuls sont donnés à des
hommes chargés des intérêts généraux et commer-
ciaux de leurs compatriotes à l'étranger. Maillet fut
consul général en Egypte, consul à Livourne, puis
inspecteur des établissements français dans la Médi-
ias»a
mm
ECRIVAINS
49
terranée. Il a écrit différents ouvrages : Description
de l'Egypte; Idée du gouvernement ancien et nouveau
de V Egypte. Entreliens d'un philosophe indien avec
nn missionnaire français. Ce dernier livre lui attira
les critiques de Voltaire, mais lui mérita les éloges
de ces deux illustres savants qui avaient nom Buffon
et de Cuvier.
(oison (Louis-Daniel) (1751-1811.)
Louis-Daniel Colson est né dans l'Argonne. Ses
parents le destinaient au barreau, mais il renonça à
cette carrière pour s'adonner entièrement à la Iittéra-
tmre. Il fut adjoint à D'Auteroche pour la rédac-
tion de V Histoire générale de la Chine. On lui doit
les six premiers volumes de cet ouvrage. 11 est égale-
ment l'auteur de la préface placée en tète de la Jéru-
salem délivrée traduite par d'Auteroche. Il acheva le
roman de J.-P. Bignon, intitulé les Aventures d'Ab-
dallah, revit l'édition de Tarsis et Zélie publiée
en 1774 et se chargea de surveiller différentes publica-
tions littéraires. Pendant laBévolution, il occupa une
place de garde-magasiu à la Rochelle, y obtint une
retraite et revint à Paris, où il mourut en 1811.
Lemaire (\icolas-Eloi) (1767-1832).
Né à Triaucourt, Nicolas Lemaire fil de brillantes
études au collège Sainte-Barbe et fut nommé à 23 ans
professeur de rhétorique au collège du Cardinal
Lemoine. La Révolution venait d'éclater ; très en-
thousiaste des idées nouvelles, Lemaire quitta l'en-
seignement pour exercer les fonctions de juge de
paix, à Paris, dans le VI e arrondissement. Sous
l'Empire, il rentra dans l'Université réorganisée et
50
MEUSE
Napoléon le nomma en 1811 professeur de poésie
latine à la Faculté des lettres de Paris. En 182o, il
devint doyen de cette même faculté. Son œuvre prin-
cipale et très estimable est la grande collection des
Classiques latins en 154 volumes in-8°. Il mourut
en 1832.
Lemaire (Pierre-Auguste) (1802-1864).
Neveu du précédent, né également à Triaucourt,
Auguste Lemaire entra comme son oncle dans l'en-
seignement. Agrégé et docteur es-lèttres, il professa
brillamment la rhétorique aux Lycées Saint-Louis,
Honaparle et Louis-le-Grand. Il succéda à Eloi Le-
maire dans la direction de la Collection des Classi-
ques latins. On lui doit de bonnes traductions de la
Pharsale de Lucain, de Térence, de Pline-le-Jeune
et de Lucrèce.
Cordler (François-Simon) (1797-1874).
François-Simon Cordier, né à Brillon le 28 juin
1797, lit àTroyes de fortes études littéraires. En 1814,
âgé de dix-sept ans à peine, Cordier était déjà aide de
chirurgie aux Incurables à Paris. Après un brillant
examen, il reçut une commission d'aide- major ; mais
la vie militaire lui plaisait peu. Il donna sa démis-
sion, suivit les cours de la Faculté de médecine et fut
reçu docteur en 1819. Très épris des sciences natu-
relles, il entra bientôt en relations avec Cuvier, Du-
méril, de Jussieu. Flourens et surtout avec Persoon,
le père de la mycologie, qui le prit en amitié. Dès
lors, l'étude des cryptogames l'accapara tout entier
et il s'occupa spécialement des grands champignons,
sous le rapport de leur classification et de leurs pro-
priétés alimentaires ou nuisibles.
El
Mmmm
Ttlïi I Ttf
ECRIVAINS
51
Après avoir publié un Mémoire sur les effets de
V Ivraie (1824), il rassembla les matériaux d'un ouvrage
de plus longue haleine, qui devait établir sa réputation
comme mycologue. Ce fut la Description des champi-
gnons comestibles et vénéneux, avec 11 planches colo- :
riées, qui parut en 1826. — En 1830, Cordier se fit pra-
ticien. 11 exerça la médecine, surtout en philanthrope
et fut nommé, en 1831, membre du conseil d'hygiène
du 1 er arrondissement de Paris. Pendant l'épidémie
cholérique de 1832, il lutta courageusement au mi-
lieu des foyers d'infection et une médaille d'honneur
lui fut décernée en récompense de son dévouement.
Il avait repris ses études de mycologie et méditait un
ouvrage élémentaire des champignons comestibles et
vénéneux, destiné surtout aux étudiants et -aux gens
du monde. Cet ouvragé parut en 18(39 sous le titre
de : Les Champignons de la France.
Indépendamment de ses travaux scientifiques, il
s'occupait de linguistique. L'affection qu'il portait à
son pays natal, sa vaste érudition, sa curiosité des
questions relatives à l'origine de la langue française,
le poussèrent à entreprendre l'historique du patois du
Barrois, et il publia un Vocabulaire des mots patois
en usage dans le Département de la Meuse. — Ce
glossaire, à la fois historique et étymologique, est le
premier ouvrage dans lequel se trouvent examinées
les formes et les origines du dialecte rustique de
l'ancien Barrois. Déjà antérieurement, et comme
préparation à son glossaire, Cordier avait composé
en patois meusien trois légères comédies : — Le Bie
(le Berceau), YEcliaincje et la Dispute, qui ont
paru en 1870 sous le titre de : Coumédies an patois
(1 vol, in-8° Constant-Laguerre éditeur.)
MEUSE
François Cordier était membre de la Société bota-
nique de France, et il avait été appelé en 1872 à la
présidence de ce corps savant. La mort seule inter-
rompit ses nombreux travaux. Il s'éteignit à Alger,
le 13 juin 1874, à l'tâge de soixante-dix-sept ans.
Robert (Pierre-Charles) (1812-1888).
Né à Bar-le-Duc d'une vieille famille barroise,
Charles Robert fut un archéologue et un numismate
distingué. Il professa un cours de législation et d'ad-
ministration militaire à l'Ecole d'application de l'ar-
tillerie et du génie. Il succéda à Mérimée à l'Acadé-
mie des Inscriptions et Belles Lettres et mourut à
Paris en décembre 1888.
Mennehand (Alexandre-Edouard) (1822-1880.)
Edouard Mennehand naquit à Bar-le-duc le 22 avril
1822. Après d'excellentes études au collège de sa
ville natale, il entra dans l'Université. — Quelques
années plus tard, (1849) il était nommé professeur
de rhétorique à ce même collège où il avait faitses clas-
ses. Il s'y distingua bien vite par sa large ouverture
d'esprit, le charme de son enseignement et ses qua-
lités d'homme du monde. Tous ceux qui reçurent ses
leçons ont gardé de son aménité, de sa verve spiri-
tuelle, de la finesse et de la sûreté de son goût litté-
raire, un ineffaçable souvenir. Lorsque le vieux
collège de Gille de Trêves disparut pour faire place à
un lycée, Edouard Mennehand occupa dans le nouvel
établissement la chaire de troisième. De même qu'il
avait su gagner et conserver des amis parmi ses an-
ciens élèves, il sut également se faire aimer des
jeunes générations qui se succédaient sur les bancs. —
ECRIVAINS
Ayant pris sa retraite de bonne heure pour cause de
santé, il s'était fixé à Paris où il avait été nommé
examinateur à l'Hôtel de Ville et professeur de lecture
à la mairie des Gobelins. Collaborateur de la Revue
pédagogique, il a publié chez l'éditeur Delagrave
un Petit traité de lecture à haute voix, spécialement
destiné aux écoles primaires, dans lequel il a donné
tous les préceptes essentiels d'un art où il excellait.
Brusquement atteint par la maladie, il est mort à
Paris, le 23 mars 1881.
Nous mentionnerons en terminant les rares écri-
vains JMeusiens qui ont dû leur notoriété à des œuvres
d'imagination. Le premier en date est :
Schelandre (Jean de) (1385-1035).
Jean de Schelandre naquit dans le Yerdunois vers
1385.11 était calviniste, comme son père le sire de
Schelandre, allié à la famille de La Marck et capitaine
d'une compagnie de reitres. Ce fut ce sire de Sche-
landre qui guerroya au service de Guillaume-Robert
de la Marck, contre l' évoque de Verdun, l'un des chefs
de la Ligue, et qui défendit valeureusement la ville
de Jametz contre les troupes commandées par le ba-
ron d'IIaussonville. Cette place forte, investie dès le
mois de décembre 1587, ne se rendit après plusieurs
assauts que le 24 juillet 1589.
Après avoir fait à l'université de Paris des études
brillantes, Jean de Schelandre suivit les traces de son
père et fut envoyé en Hollande pour y faire ses pre-
mières armes. Entré comme simple soldat dans un
régiment français, il arriva rapidement aux grades de
lieutenant et de capitaine. Il mourut en 1635, dans
son château de Saumazènes, des suites des blessures
5* MEOEE
qu'il avait reçues en Allemagne pendant la retraite
du cardinal de La Valet te. Mais ce n'est pas seulement
comme militaire qu'il s'est fait connaître ; c'est surtout
comme poète dramatique.il a laissé plusieurs ouvrages,
entre autres Tyr elSidon, tragi-comédie endeuxjour-
nées, publiée eu 1008 ; Mélanges poétiques (\VA)%) ; la
Siuartide, poème (1611) ; Les sept excellents tableaux
de la Pénitence de Saint-Pierre. (Sedan, 1636.)
Jean de Schelandre était un poète de grand talent.
Ses vers ont une mâle vigueur qui n'exclut pas la
grâce. La tragi-comédie de Tyr et Sidon est habile-
ment conduite. Les personnages sont vivants et leur
caractère bien tracé. La pièce abonde en scènes tendres,
bouffonnes, émouvantes et hardies. Les trois unités y
sont traitées avec un superbe dédain. Le sérieux et le
burlesque, le gracieux et le tragique s'y mêlent avec
beaucoup de naturel. On peut ranger Jean de Sche-
landre parmi les ancêtres de l'école romantique. On
nous saura gré de citer quelques extraits de son ori-
ginale tragi-comédie.
Voici d'abord, comme un viril souvenir de la vie
militaire qui fut la vie même du poète :
« Si tost qu'au rendez-vous nos drapeaux s'arborants
Fuient tous accomplis de tiles et de rangs,
Du terroir reconquis nous passasmes les bornes ;
Le Tente estant guéé, ja vis-à-vis des cornes
Du mont Antiliban nos quartiers Se plaçaient,
L'horreur et le trépas devant nous s'avançaient,
Et le gay souvenir des victoires passées.
Eslourdissa.it le ciel de nos voix eslancées.
Ainsi voit-on souvent, par un vol passager,
En un ordre constant sous leur chef se ranger,
Puis faire, en hachant l'air, les haut-volantes grues,
Qu'au clairon de leurs cris retentissent les nues... »
ÉCRIVAINS
55
11 y a là-dedans déjà un souffle avant-coureur de
la mâle poésie de Pierre Corneille. Le talent de Jean
de Schelandre est d'une grande souplesse. Il réussit
également dans le réalisme bouffon, la description sa-
tirique à la Régnier, comme on peut le voir dans les
vers suivants. C'est un soldat du roi de Sidon qui
se plaint de son métier :
« Jamais noslre bon temps n'arrive qu'en cachettes,
Car nostre bien public sont des coups de fourchettes.
De fatigues sans fin nous portons le fardeau,
A peine avant le saoul de mauvais pain et d eau.
Cependant, ces messieurs veulent que pour leur plaire.
Nous ayons l'œil gaillard, l'armure toujours claire,
Desrouillans notre fer et dehors et dedans,
Cependant que lejeusne enrouille tout nos dents.»
Notre poète possède aussi le don de la grâce et du
pittoresque, comme dans cette jolie description du
printemps :
i
.< Déjà l'air amoureux a reschaulTé le germe
Dont nature s'esmeut pour produire à son terme.
Déjà des aquilons les zéphirs sont vainqueurs
Et reçoivent en prix des couronnes de (leurs,
Et desjà le Bélier, qui la froideur tempère,
Oste le voile blanc à notre gFande mère,
Luy rendant l'habit vert que la mort des saisons
Avait caché trois mois au coin de ses tisons ;
Désjà des oiselets les gorges réveillées
Caressent à l'envy les naissantes feuillées,
Et des nymphes de l'eau les bruyantes chansons,
Après uii long combat, triomphent des glaçons,
Mars, voicy ton mois, Ta riante maistresse
L'a choisi pour donter l'hyvernale paresse. »
5G
MEUSE
Charles Asselineau a publié dans l'Athenaum fran-
çais du 13 mai 1854 une intéressante étude sur Jean
de Schelandre, et la tragi-comédie de Tyr et Sidon a
été réimprimée dans la collection de l'ancien théâtre
français (Tome VIII de la collection Jannet (1836.)
Riboutté (Charles-Henri) (1708-1740).
Riboutté, né à Commercy, fut un chansonnier po-
pulaire. Une quantité de nos anciennes chansons
françaises lui sont dues, notamment la plupart des
rondes militaires spéciales aux frontières et parmi
lesquelles nous notons celle-ci :
I.on Ion la
Laissons-les passer,
Les Prussiens dans la Lorraine,
Lon Ion la
Laissons-les passer
Ils auront du mal assez.
Cette chanson populaire est encore connue des
petits enfants du pays.
Les poésies de Riboutté sont oubliées en partie, on
ne les trouve que dans quelques recueils aujourd'hui
fort rares.
Bonjour (Casimir) (1795-1856).
Casimir Ronjour, né à Clermont-en-Argonne, dé-
buta dans les lettres pendant la Restauration. Comme
il n'était pas riche, il occupa un emploi dans un mi-
nistère ; mais il avait des opinions libérales et son
ministre, M. de Villèle, le destitua. En 1830, le nou-
veau gouvernement lui offrit, comme compensation,
une sous-préfecture qu'il refusa; mais' il fut heureux
m r mm
ÉCRIVAINS
57
d'obtenir en échange la place de bibliothécaire à
Sainte-Geneviève. Là, il put se livrer avec plus de
sécurité à ses goûts littéraires. Il donna au Théâtre
Français plusieurs comédies de mœurs en vers, qui
furent bien accueillies, mais qui sont aujourd'hui fort
oubliées. Les meilleures sont : La mère rivale, Les
deux cousines, Le mari à bonnes fortunes. Bien qu'il
écrivît au moment de l'épanouissement du roman-
tisme, il était resté foncièrement classique, de l'école
de Picard et de Colin d'Harleville. Son vers honnête
est médiocrement coloré ; son talent, peu original,
n'avait pas assez de force pour créer des œuvres
longtemps viables. Casimir Bonjour est mort presque
ignoré en 1856.
Debraux (Paul-Emile) (1796-1830).
Emile Debraux est né à Ancerville. A vingt ans,
en 1816, il était employé à la bibliothèque de l'Ecole
de Médecine ; bien que ses modestes appointements
constituassent sa seule ressource, il abandonna bien-
tôt cet emploi pour vivre indépendant et s'adonner
entièrement à ses goûts littéraires. Très enthousiaste
de Béranger, il publia comme lui des chansons où il
célébrait les souvenirs de l'Empire et où il attaquait
le gouvernement des Bourbons. Moins artiste et
moins lettré que son maître, il possédait justement ce
style familier et sentimental qui agit fortement sur le
o-ros public. Il devint rapidement populaire et l'on
peut dire qu'il fut le poète des ouvriers, comme Bé-
ranger était le poète des bourgeois. On connaît sur-
tout de lui Fanfan la Tulipe, Marengo, La Colonne,
Le Mont Saint-Jean, Ten souviens-tu. Il mourut en
w
1
1
58
MEUSE
1831, en pleine vogue et au moment où il allait pou-
voir profiter plus fructueusement de sa célébrité.
« Le pauvre Emilea passé comme une ombre, » mur-
murait mélancoliquement Béranger dans une de ses
chansons consacrées au poète défunt. Ce fut l'illustre
chansonnier qui se chargea de réunir les œuvres
d'Emile Debraux. Elles furent publiées sous sa direc-
tion en 3 vol. in-32(1835).
V. — SAVANTS
■ ■
I
Bien qu'un, peu plus longue que celle des poètes et
des auteurs dramatiques, la liste des savants n'est
guère plus importante. L'esprit meusien, médiocre-
ment idéaliste, n'a pas plus de propension pour les
hautes spéculations scientifiques que pour la littéra-
ture d'imagination. Aussi ne trouvons-nous à signaler,
parmi des ingénieurs et des géographes qu'un seul
mathématicien remarquable : Edmond Laguerre.
Erard ou Evrard (ingénieur militaire) né à Bar-le-
Duc, ladatede sa naissance est inconnue, mort en 1620.
C'est le premier des ingénieurs français qui ait écrit
sur la fortification. Son premier ouvrage date de 1594.
On l'a appelé : Le père de la fortification française.
C'est lui qui a dirigé la construction de la citadelle
d'Anvers (Belgique) et d'une partie du château de
Sedan.
Le roi Henri IV et Sully son ministre, qui aimaient
S.VVANTS OJ
les hommes de mérite, considéraient Erard comme le
plus habile ingénieur de son époque, aussi faisait-il
partie des conseils du roi.
Gerbillon, missionnaire, né à Verdun (1631-1707).
Il partit pour les missions en Chine en 1680, avec
quatre de ses confrères. A leur arrivée à Pékin ils
obtinrent une audience de l'empereur Khang-Hi, qui
refusa d'abord de les autoriser à enseigner en Chine;
il leur offrit cependant de rester comme interprètes.
Gerbillon devint professeur de mathématiques et
fat même employé avec succès dans plusieurs négo-
ciations avec les Russes.
Il obtint peu après le droit de faire construire un
collège dans la capitale.
11 dirigea cet établissement jusqu'au moment de sa
mort.
On a de lui divers traités de géométrie en chinois
et en tartare, une histoire de la Grande ïartarie et des
Relations de voyages en Tartarie et en Chine. Mort
en 1707.
Lîsle(CIaude de) né à Vaucouleurs (16444720).
Il était fils de médecin, et fut d'abord avocat ; il
vint à Paris où il Gt des cours d'histoire et de géo-
graphie. A l'époque où de Liste écrivait et professait,
Fa science géographique était loin d'être ce qu'elle est
aujourd'hui, c'était plutôt de l'histoire que delà géo-
graphie, histoire faite le plus souvent d'après les ré-
cits plus ou moins exacts des voyageurs.
Néanmoins les œuvres de cet écrivain sont estima-
bles. Ses principaux ouvrages sont : Relation histori-
que du royaume de Siam, Abrégé de l'histoire uni-
m
60
MEUSE
verselle ; Introduction à la Géographie, avec un traite
de la sphère. 11 est mort en 1720.
< umiol (\icolas-Joseph) ingénieur, né à Void
(1725-1804).
Très jeune, Joseph Cugnot se sentit un goût vif et
sérieux pour les mathématiques et ses parents le
poussèrent dans cette voie.
La mécanique l'émerveilla : après avoir organisé
diverses petites machines de précision, il fit une étude
spéciale des armes à feu. A cette époque, la fabrica-
tion des armes était loin d'avoir l'importance qu'elle a
aujourd'hui : les fusils étaient de lourdes machines
difficiles à manier, embarrassantes. Un jour, on pré-
senta au maréchal de Saxe un modèle de fusil créé
par l'ingénieur-mécanicien Cugnot. Cette arme pesait
à peine la moitié de celles qu'on employait alors ; elle
était facile à démonter et nettoyer : le Maréchal, en-
chanté de cette heureuse découverte, se hâta de rem-
placer les anciens fusils de ses soldats par celui que
venait d'inventer l'habile mécanicien.
Mais celui ci ne devait pas s'en tenir à un travail
qui lui semblait peu glorieux. Il construisit une voi-
ture de petite dimension, qui n'avait d'autre moteur
que la vapeur. Cette découverte ne reçut aucune ap-
plication et ne fut considérée que comme une inven-
tion curieuse, mais sans but pratique. La première
voiture à vapeur établie par Cugnot se voit encore à
Paris* au Conservatoire des Arts-et Métiers. C'est
une machine assez bien construite, mais qui nous
semble maintenant un peu rudimentaire. Cugnot n'en
fut pas moins le précurseur de la locomotive.
«£"
SAVANTS
61
Laiçuerre (Nicolas Edmond) (1834-1886)
Né à Bar-le-Duc, Edmond Laguerre fit ses pre-
mières études au collège de cette ville, puis au collège
Stanislas et à Sainte-Barbe. Dès le début, il s'an-
nonça comme un élève brillant et solide. Non seule-
ment il montrait une merveilleuse aptitude pour les
sciences, mais il avait une culture littéraire très variée
et très avancée. Il entra en 1833 à l'Ecole Polytechni-
que avec le n° 3, et en 1853, à l'Ecole d'application
de Metz. Bien que l'artillerie devint sa carrière, sa
passion et ses dispositions toutes particulières pour
les mathématiques le portaient vers les travaux de
science pure. Attaché à la manufacture d'armes de
Mùtzig, puis, comme professeur-adjoint, à l'école d'ar-
tillerie de Vincennes, il collaborait dès cette époque à
divers recueils publiés par les Société savantes. En
1864, il fut nommé répétiteur des cours de géométrie
descriptive à l'Ecole Polytechnique et put dès lors
utiliser ses rares connaissances et ses remarquables
aptitudes. On lui doit des études très neuves sur
les relations des angles, les propriétés des courbes
Cassiniennes, les génératrices circulaires, les coniques
homofocales et les anticaustiques de la parabole.
Nommé en 1874 examinateur d'entrée à l'Ecole poly-
technique, puis professeur au collège de France, il put
répandre du haut de sa chaire de Physique mathéma-
tique les idées fécondes qu'il avait emmaganisées pen-
dant ses études solitaires. Ses savantes et lumineuses
leçons le désignèrent aux suffrages de l'Académie des
Sciences, qui après lui avoir décerné le prix Poncelet,
lui ouvrit ses portes en 1883. Malheureusement sa santé
déjà altérée ne lui permit pas de prendre longtemps
4
w
62
MKUSE
une part active aux travaux de l'Institut. Atteint
d'une douloureuse affection de poitrine, il revint
mourir dans sa ville natale, le li août 1886.
Un architecte, Jean Thiriot, deux horlogers, les Le-
paute, et deux graveurs en taille douce, les frères
Woériot, nous serviront de transition pour passer
aux Meusiens qui se sont illustrés dans l'art.
Thiriot (Jean) (1590-1649).
Jean Thiriot, né à Vignot-sur-Meuse, vers 1590,
était le fils d'un maçon. Il commença par être tailleur
de pierres et par construire de modestes maisons de
paysans. Néanmoins, il sentait au fond de lui une
ambitieuse inquiétude qui le poussait à chercher for-
tune dans un milieu où il pourrait développer plus à
l'aise de secrètes aptitudes. Il quitta son village et se
rendit à Paris où il espérait trouver de meilleures
chances d'avenir. Comme presque toujours, il com-
mença par de nombreuses déceptions. Il avait rêvé de
bâtir des palais et dut d'abord se contenter, pour vivre,
de travailler aux gages d'un entrepreneur. Il ne se*
découragea pas cependant et le hasard, qui vient vo-
lontiers en aide à ceux qui savent vouloir, le servit à
souhait.
Tout en travaillant comme un]'simple ouvrier, il
s'était perfectionné dans l'étude de la coupe des
pierres. Il advint qu'en 1611, Marie de Médicis ayant
acheté l'hôtel du Luxembourg, se proposa de faire
construire sur l'emplacement de cet hôtel une somp-
tueuse demeure dans le goût des palais florentins.
Pour activer les travaux, l'architecte de la Reine,
Jacques Debrosse, fit appel à tous les ouvriers en bà-
SAVANTS
63
timents et Jean Thiriot se présenta, trouvant dans
cette occurrence l'occasion de gagner un salaire plus
élevé et de connaître des personnages qui pourraient
plus tard lui être utiles.
Son flair lorrain ne le trompa point, Jacques De-
brosse le distingua bientôt parmi les ouvriers les plus
zélés et les plus adroits. Il augmenta son salaire et lui
confia la direction d'un important atelier de tailleurs
de pierres.
Thiriot se voyait déjà sur le chemin de la fortune,
quand la soudaine disgrâce de Marie de Médicis vint
faucher en herbe ses belles espérances. La reine-mère
fut exilée à Blois et les travaux du palais du Luxem-
bourg furent arrêtés. Heureusement pour le jeune
lorrain, Jacques Debrossc, qui Lavait pris en amitié,
l'employa à la construction du portail de l'église
Saint-Gervais, ce qui lui permit de conserver provi-
soirement une situation avantageuse. Mais l'architecte
de la Reine était lui-même devenu suspect et le roi le
remplaça. Avant de résigner ses fondions, Jacques
Debrosse recommanda Thiriot à son successeur
Clément Métézeau et ce dernier, ayant également ap-
précié l'habileté du protégé de son prédécesseur, le
garda parmi ses employés.
Sept ans se passèrent. Dans cet intervalle, la
reine-mère s'était réconciliée avec son fils et Riche-
lieu était arrivé au pouvoir. Jacques Dehrosse fut rap-
pelé ; il put achever le palais du Luxembourg et la
grande salle des pas perdus du Palais de Justice. Na-
turellement, il avait repris avec lui son ancien pro-
tégé, et au mois de mai 1624, on retrouve Jean Thi-
riot travaillant sous ses ordres à l'aqueduc d'Arcueil.
En lG2i, Jacques Debrosse le chargea de la construc-
I
64
MEUSE
tion d'un temple protestant àChareriton. Malheureuse-
ment, ce fidèle prolecteur mourut en 1626, mais avant
de mourir, il recommanda Thiriot à Métézeau, l'ar-
chitecte du Roi. Ce dernier ayant égard à cette re-
commandation ainsi qu'au mérite du jeune architecte,
lui confia la direction des travaux que Louis XIII
faisait exécuter au Louvre et aux Tuileries. Lorsque
ce monarque vint visiter le palais avec Richelieu, Mé-
tézeau présenta son auxiliaire au roi et au cardinal qui
lui promirent leur protection. Les événements poli-
tiques fournirent bientôt matière à l'exécution de ces
promesses.
En 1627, Jean Thiriot fut envoyé à la Rochelle,
dont Richelieu faisait le siège, et fut chargé de la cons-
truction d'une digue cyclopéenne, qui devait intercep-
ter les communications des assiégés du côté de la
mer. Thiriot avait présenté au cardinal les plans et
devis de ces importants travaux et l'éminence avait
approuvé.
Les travaux consistaient à établir, au nord et au
midi de la ville, une digue assez large pour résister
aux flots et aux efforts des assiégés. Pour cela, sous
le feu de l'ennemi, on échouait de gros blocs, des
quartiers de rochers et des moellons ; mais quand on
arriva plus avant, la mer devenant plus profonde, on
ne pouvait plus continuer de maçonner à pierres per-
dues. Alors les architectes imaginèrent de réunir plu-
sieurs vaisseaux par des étriers de fer ; on les remplit
de maçonnerie, puis on les échoua et sur cette base
solide, on reprit les opérations d'endiguement. Ce
travail gigantesque et périlleux fut achevé en 1628 et,
après 14 mois d'investissement, les assiégés se rendi-
rent à merci.
SAVANTS
63
Jean Thiriot, qui avait si puissamment contribué au
succès du siège, reçut le titre et les émoluments <ï In-
génieur-architecte des, bâtiments du Roi, ainsi que des
lettres de noblesse. Peu de temps après, il revint à
Vignot où il fit reconstruire la maison de son père,
puis il retourna à Paris, reprendre ses hautes fonc-
tions et mourut le 24 janvier 1649, les uns disent à
Vères, où il avait une maison de campagne ; les autres,
à Saint-Mandé.
Lepaute (J. André) (1709-1789).
J-A. Lepaute, né à Montmédy, s'établit de bonne
heure à Paris, perfectionna son art et réussit sur-
tout dans la fabrication des horloges horizontales
publiques. 11 a laissé un excellent Traité d'horlo-
gerie. (1735).
Son frère S-B. Lepaute, né en 1727, mort en 1802,
travaillait avec lui. La plupart des horloges ornant
les édifices de Paris ont été construites par lui. Il
inventa : la Pendule entretenue en mouvement par
un courant d air ; la Pendule à une seule roue, la
Pendule à une roue avec sonnerie sans rouages,
etc.
Les ouvrages des Lepaute, remarquables par leur
élégance et leur précision, sont encore aujourd'hui
très recherchés par les collectionneurs et les amateurs
d'horlogerie.
Woériot (Claude et Pierre) xvi e siècle.
Les deux frères Woériot, originaires des environs
de Gondrecourt, se sont distingués dans l'art de la
gravure en écriture. Leurs travaux : frontispices, ex-
libris, reproductions de dessins, sont remarquables
4'
GO
MEUSE
par la sûreté de main, l'élégance et le goût. Pierre
\Y oeriot a perfectionné la gravure en taille-douce.
toison (Jean-Baptiste-GiHe) (1680-1762.)
Cet artiste, né à Verdun et mort à Paris, peignit
des sujets pour tabatière, à l'encre de chine et au car-
min. Louis XV l'employa pour exécuter les minia-
tures qu'il envoyait dans les cours étrangères. Colson
jouit aussi d'une grande vogue pour les portraits au
pastel.
Le comédien Bellecourt était son fils.
Beaul cmps-Beaupré.
1854.
(Charles-François) 1766-
L'ingénieur Beautemps-Beaupré, à qui ses travaux
méritèrent le beau surnom de père de l'hydrographie,
naquit à Neuville-le-Pont en 17IÎG.
A la suite de fortes études, poursuivies sous l'intelli-
gente direction de son cousin Buache, chef du dépôt
des plans et des cartes de la marine, il obtint à dix-
neuf ans son diplôme d'ingénieur. Cinq ans plus tard,
ayant fait largement ses preuves en donnant à la
manne les cartes du Neptune de la Baltique, il était
désigné pour accompagner le contre-amiral d'Entre-
castaux envoyé à la recherche de La Pérouse. Il nous
rapporta de cette expédition les plans et les cartes des
terres visitées et notamment des côtes australiennes :
ces travaux, qui auraient sufli à l'illustrer, tombèrent
aux mains des Anglais, en sorte que ces derniers pu-
rent les utiliser avant la France et nous devancer dans
plusieurs découvertes.
Fait prisonnier et retenu en captivité au Cap de
Bonne-Espérance, il ne rentra en France qu'après
SAVANTS
67
cinq ans d'absence, mais ce fut pour présider à tous
les grands travaux hydrographiques de l'Empire. L'au-
torité incontestée qu'il s'acquit et les signalés services
qu'il rendit à la science lui valurent, avec une glo-
rieuse célébrité, le litre d'ingénieur hydrographe en
chef et un fauteuil à l'académie des sciences.
Passionné pourles travaux auxquels il avait voué sa
vie, Beautemps-Beaupré ne fut pas seulement un labo-
rieux; comme tous les esprits supérieurs, il eut son étin-
celle de génie créateur : on lui doit une méthode de
levée des places reposant sur la combinaison des relève-
ments astronomiques avec ceux de la boussole et qui,
comme précision, laisse loin derrière elle les méthodes
jusqu'alors employées.
La mémoire de Beautemps-Beaupré, un des plus
68
MEUSE
illustres enfants de la Meuse, s'impose au culte recon-
naissant, non seulement de ce département, mais de la
France entière.
.
VI. — ARTISTES
m
Passons maintenant en revue les artistes propre-
ment dits. Antérieurement à la Révolution, nous
trouvons quelques noms de peintres meusiens peu
connus : André Moreau, Nicolas surnommé // Nico-
letto ; Yard, peintre des évèques de Toul et du roi
Stanislas. Mais, pour parler franc, la Meuse n'a pro-
duit que deux grands artistes, un sculpteur et un
peintre : le premier, Ligier Richier, né au commen-
cement du xvi e siècle, et le second, Jules Bastien-
Lepage, qui fut notre contemporain :
Richier (LlglerJ (1500-1565).
Ligier Richier naquit, dit-on, à Saint-Mihiel. Son
père, si l'on en croit l'un de ses biographes, était
boulanger. On pense que le Cardinal de Voltaire,
abbé titulaire des Bénédictins de Saint-Mihiel et An-
toine, duc de Lorraine, frappés des dispositions pré-
coces du jeune Saint-Mihiélois pour les arts du des-
sin, lui donnèrent les moyens d'aller étudier à Rome,
où il aurait été l'un des élèves de Michel-Ange. Quoi
qu'il en soit, il revint d'Italie vers 1520 et s'établit
comme tailleur d'images, à Saint-Mihiel, avec son
frère Claude. A partir de cette époque, il travailla
merveilleusement le bois et la pierre, et des œuvres
nombreuses et originales sortirent de son atelier. Il
ARTISTES
69
sculpta successivement le Calvaire de Hattonchâtel,
le rétable de Y Assomption à Verdun, le Christ et les
larrons de l'église Saint-Etienne de Bar-le-Duc, et ce
terrifiant squelette, encore revêtu de lambeaux de
chair rongée, qu'on voit dans la même église. On lui
doit également de nombreux morceaux de sculpture
épars dans les églises de Lorraine, et surtout ce ma-
gnifique groupe du Sépulcre, placé dans une Chapelle
de l'église Saint-Etienne de Saint-Mihiel, et qui est
le chef-d'œuvre de l'art lorrain du xvi° siècle. La fin
de la vie de Ligier Richier fut attristée par une dou-
loureuse épreuve. Sa fille Bernardine avait épousé un
protestant, Pierre Godart. Or, un édit du duc Antoine
bannissait sans pitié du sol lorrain « les sectateurs
de l'église dite réformée. » Bernardine dut se réfugier
à Genève. Le vieil artiste, désolé, s'expatria avec sa
femme. 11 s'établit près de Bernardine, se fk calviniste
et mourut à Genève vers 1565.
Basticn-Lepag'c (Jules) (1848-1884).
Jules Baslien-Lepage est né à Damvillers d'une fa-
mille de cultivateurs aisés. La famille vivait en com-
mun du modeste produit des champs que les Bastien
faisaient valoir eux-mêmes, et d'une petite pension
dont jouissait le grand-père Lepage. A cinq ans,
Jules commença à manifester son aptitude pour le
dessin. Au collège de Verdun où il fut envo)'é en
1859, son professeur de dessin fut étonné de la jus-
tesse de l'œil et de la dextérité de main de ce nouvel
élève. Quand il eut fini sa philosophie, il exprima le
désir d'aller à Paris étudier la peinture. Grâce à l'in-
tervention d'un ami de la famille, le jeune Bastien,
admis dans l'administration des Postes, fut nommé à
70
MEUSE
Pans et autorisé à suivre les cours de l'école des
Beaux-Arts. Il entra à l'atelier Cabanel, après avoir
été reçu avec le n° 1. — Ses commencements furent
très pénibles. 11 était pauvre et obligé de peindre des
éventails pour joindre les deux bouts. Ce ne fut qu'au
Salon de 187 'i, que le portrait de son grand-père,
exécuté en plein air, attira sur lui l'attention du pu-
blic. A partir de ce moment, il sortit de l'obscu-
rité et commença à vendre sa peinture. La Commu-
nianle et le portrait de M. Simon Hayem, en 1873,
achevèrent de le classer parmi les artistes d'avenir. Il
tint toutes ses promesses : son Annonciation aux ber-
gers (1875), les Foins (1878), la Saison d'octobre
(1879), Jeanne d'Arc (1880), et ses merveilleux petits
portraits, d'une exécution si serrée, d'un sentiment si
juste, le rendirent rapidement et justement célèbre.
Après un voyage à Londres où il fit le portrait du
Prince de Galles, il reparut au Salon avec le Men-
diant, le Père Jacques (1881 et 1882), et la belle
toile de Y Amour au Village (1883). Mais il était déjà
frappé par la maladie. Au printemps suivant, il par-
tit pour l'Algérie où il espérait retrouver la santé. Il
en revint mourant et, après de longues journées de
douleur, il s'éteignit à Paris, le 10 décembre 1884.
Jules Bastien-Lepage était un maître, un artiste
sincère, remarquablement doué. On peut dire qu'il a
été le grand peintre des paysans lorrains. De l'en-
semble de son œuvre il se dégage une poésie saine et
robuste. Ses Foins, l'un de ses meilleurs tableaux,
ont été acquis par l'Etat et placés au Musée du
Luxembourg. Un de ses admirateurs, qui a été aussi
son ami de cœur, a écrit sur lui ces vers, que je me
permets de reproduire ici :
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Ami, tu n'es pas mort. Tout ton pays lorrain,
Tes plaines et tes bois, vivent dans ta peinture,
Et toi, tu revivras chez la race future,
Car ton art a puisé dans une urne d'airain
Santé, vigueur, jeunesse et charme souverain,
Aux fontaines de la Nature.
Nous terminons ce rapide travail biographique par
le nom d'un comédien qui, dans la carrière dramati-
que, a eu pendant quelques années une grande noto-
riété. Nous voulons parler de ^
Chilly (Charles-Marie de) (1807 1872).
Chilly est né à Stenay. Il était employé dans une
maison de commerce, quand son goût très vif pour
le théâtre le poussa à abandonner le comptoir pour
les planches. Après avoir joué sur de petits théâtres,
il débuta non sans succès à l'Odéon, en 1831. Engagé
à la Porte-Saint-Martin et plus tard à l'Ambigu, il
devint un des acteurs aimés du public du Boulevard
du crime. Il avait un réel talent et s'incarnait mer-
veilleusement dans la personnalité des rôles qu'on
lui confiait. Il a créé avec grand succès les rôles de
Rodin dans le Juif-Errant et de Shylock dans le
Marchand de Venise. Après avoir dirigé l'Ambigu, il
succéda à M. de laRounat dans la direction de l'Odéon
et se montra aussi habile administrateur qu'il avait
été excellent comédien.
Il mourut à Paris le 11 juin 1872.
FIN
Saint-Arnaud, (Cher). — Imp. DESTENAY Bcssière Frères.
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