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LES FONDATEURS DE LA MONARCHIE BELGE
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LORD PALMERSTON
THÉODORE JUSTE
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BRUXELLES
C. MUQUARDT
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LES FONDATEURS DE LA MONARCHIE BELGE
LORD PALMERSTON
THÉODORE JUSTE
BRUXELLES
C. MUQUARDT
HENRY MBBZBACH, SUCCESSEUR
MÊME MAISON A GAND ET A LEIPZIG
1873
FR. GOBBAERTS, IMP. DU ROI, SUCCESSEUR DEM. DEVROYE,
Bruxelles, 40, rue de Louvain.
TABLE.
Avant-propos i
I. (1784-1830). — Reconnaissance que les Belges doivent à lord
Palmerston. — Ses premières années. — Ses débuts dans la vie
politique. — Il devient un des lords de l'amirauté,! puis secrétaire
de la guerre. — Il devient membre du Parlement. — 11 refuse le
gouvernement de la Jamaïque et le gouvernement général de
l'Inde. — En 1828, il se retire du ministère présidé par le duc de
Wellington. — Ses voyages à Paris; lettres curieuses sur l'esprit
public des Français et leurs projets au sujet de la Belgique et des
provinces rbénanes. — Le prince de Polignac. — Révolution de
juillet 1830. — Lord Palmerston devient ministre des affaires
étrangères pp. 1-13
il. (1830-1831). — Révolution belge de 1830. — Palmerston et le
prince de Talleyrand. — La France convoite le Luxembourg. —
Palmerston s'oppose à tout empiétement de la part de la France. —
Il n'a point été le promoteur de la candidature du prince Léopold
de Saxe-Cobourg. — Mais il a été l'adversaire inflexible de la
candidature du duc de Nemours. — Intrigues du cabinet du
I
I
v j TABLE.
Palais-Royal. - Le duc de Nemours est élu roi des Belges. - Le
cabinet britannique ne recule pas devant la guerre pour s'opposer
à cette élévation. - Désistement du roi Louis-Philippe. - Lord
Palmerston ruine les projets annexionistes du cabinet présidé par
Laffitte. - Il est satisfait de l'avènement de Casimir Périer, comme
premier ministre; mais il continue à se délier du général Sébas-
tiani, chargé du département des affaires étrangères. - Sages
conseils de lord Palmerston au régent de la Belgique. - Vues de
l'Angleterre. - Le maréchal Soult fait proposer à l'Angleterre de lui
remettre Anvers et Ostende, pourvu que la France puisse s'emparer
des autres parties du territoire belge. - Lord Palmerston repousse
dédaigneusement cette insinuation. - La question des forteresses
belges. - Lord Palmerston approuve la conduite tenue par le
prince Léopold avant son élection. - Le cabinet de lord Grey et la
politique française. - L'élection du prince Léopold et les dix-huit
artjcIes . _ Agression inattendue des Hollandais. - Intervention
d'une armée française en Belgique. -Après la retraite des troupes
hollandaises, lord Palmerston ne cesse d'insister pour que les
Français évacuent au plus tôt la Belgique. - Le prince de Talley-
rand propose de partager la Belgique; lord Palmerston insiste
alors pour que l'évacuation des provinces belges se fasse immédia-
tement. - incidents remarquables. - Les Français évacuent la
Belgique. - Conduite odieuse du prince de Talleyrand. - Son
humiliation rr
III. (1831-1841). - Opposition des Belges au traité des Vingt-Quatre
articles. — Lord Palmerston recommande la résignation. — Sa
correspondance avec le roi Léopold et avec sir Robert Adair. -
Relations de lord Palmerston avec M. Van de Weyer et avec le
général Goblet. - La ratification russe ; lord Palmerston approuve
la conduite de M. Van de Weyer. - Le Thème de lord Palmerston.
- Le siège de la citadelle d'Anvers. - La convention du
21 mai 1833. - Lord Palmerston quitte le Foreign-Office le
15 novembre 1834 pour y revenir le 18 avril 1835. - Avènement
de la reine Victoria ; recommandation du roi Léopold. — Lord
Palmerston n'était point défavorable aux Belges dans la crise
I
TABLE.
vij
i
de 1838-1839. — Le traité du 15 juillet 1840. — Politique et
langage menaçants de M. Thiers. — Correspondance de lord
Palmerston avec s^r H. Bulwer, alors chargé d'affaires à Paris. —
Désaccord entre le roi Louis-Philippe et M. Thiers. — Avènement
de M. Guizot; ministère du 29 octobre 1840. — Aucune concession
ne lui est faite par le gouvernement anglais. — Opinion de lord
Palmerston sur les Français. — Dissolution du ministère de lord
Melbourne. — Lord Palmerston n'a rien perdu de sa popularité. — *
Son œuvre de prédilection pp. 59-78.
IV. (1841-1865). — Lord Palmerston rentre au gouvernement avec
lord John Russell. — Les mariages espagnols. — Irritation en
Angleterre. — Rupture de Y entente cordiale, — Antagonisme per-
sonnel du roi Louis-Philippe et de lord Palmerston. — Révolution
du 24 février 1848. — Entretien de lord Palmerston avec M. Van
de Weyer au sujet de la Belgique. — Lettre du roi Léopold sur le
rapprochement des Belges et des Hollandais. — Le coup d'État du
2 décembre 1851. — Désaccord entre lord John Russell et lord
Palmerston. — Ce dernier, dans la prévision d'une alliance
immédiate de la France avec la Russie et l'Autriche, approuve
Louis-Napoléon. — La conduite de lord Palmerston n'est pas
comprise; sa retraite forcée du ministère (22 décembre 1851). —
Le ministère de coalition. — La guerre de Crimée. — Lord Pal-
merston devient premier ministre. — La guerre d'Italie. —
Appréhensions en Allemagne et en Belgique. — Lettre remar-
quable du roi Léopold. — Lord Palmerston n'est point disposé à
sacrifier la Belgique au dominateur de la France. — Mort de lord
Palmerston. — Il reçoit les honneurs de l'abbaye de Westminster.
— Conclusion pp. 79-88.
i
I
I
1
à
Il n'y a pas longtemps que l'Angleterre perdait un
de ses plus éminents diplomates, Henry Lytton Bulwer,
né en 180-4, mort à Londres le 27 mai 1872. A peine
onze mois s'étaient-ils écoulés depuis que, pour recon-
naître ses grands services, la reine Victoria l'avait appelé
à la Chambre des pairs sous le titre de lord Dalling.
Élevé au collège de Harrow, d'où il passa à l'univer-
sité de Cambridge, sir Henry Bulwer était d'abord
destiné à suivre la profession de son père, un des
meilleurs généraux de l'armée britannique, et il servit
pendant quelque temps comme officier dans les gardes
à cheval; mais il abandonna vite cette carrière pour
entrer dans la diplomatie où il devait exceller. D'abord
attaché à la légation anglaise de la Haye, il fut en 1830
chargé d'une mission secrète à Bruxelles. Membre de
la Chambre des communes, il soutint chaleureusement
la politique suivie par lord Palmerston à l'égard de la
Belgique. Après avoir été premier secrétaire des léga-
tions britanniques à Bruxelles, à Constantinople et à
Paris, il fut nommé, en 1843, ministre plénipoten-
tiaire à Madrid et s'exposa aux hostilités du gouverne-
ment français, aux rancunes de la reine douairière
Christine et au ressentiment du général Narvaez à cause
de sa vigoureuse opposition aux mariages espagnols
imaginés par Louis-Philippe et par M. Guizot. L'ani-
mosité contre sir H. Bulwer fut poussée à tel point
que le gouvernement espagnol lui donna son congé
en 1848. Cet acte insolite fut considéré comme un
affront pour l'Angleterre et lord Palmerston prit éner-
giquement la défense du diplomate qui avait coura-
geusement soutenu sa politique. Pendant deux ans
l'Angleterre resta sans représentant à Madrid, et aucun
successeur ne fut donné à sir H. Bulwer jusqu'à ce que
le gouvernement espagnol eût fait en quelque sorte
amende honorable.
De Madrid l'actif et fidèle auxiliaire de lord Palmer-
ston avait été envoyé à Washington où il conclut le
célèbre traité Bulwcr-Claylon ; puis, après un court
séjour à Florence, il fut nommé ambassadeur à
Constantinople où, pendant sept années, il occupa avec
la plus haute distinction le plus important des postes
diplomatiques de l'Angleterre.
A son retour, sir H. Bulwer rentra au Parlement,
après un intervalle de vingt années, comme un des
x.i
représentants de Tamworth. Il prit une part très-
importante aux de'bats qui signalèrent les débuts de la
guerre franco-allemande. Quelque temps après, il était,
comme nous l'avons dit , élevé à la dignité de pair
d'Angleterre.
A la Chambre haute, lord Dalling siégeait à côté de
son frère cadet lord Lytton, le célèbre romancier.
Mais lui aussi avait eu de bonne heure le goût des
lettres. En 1822, il publiait un volume de poésies;
en 1826, il dédiait à son jeune frère un autre ouvrage
ayant pour titre : Un automne en Grèce. En 1834,
il mettait au jour : La France sociale et littéraire,
qui fut suivie de La monarchie des classes moyennes.
Puis sir H. Bulwer se tut pendant trente années.
En 18G7, il reparait enfin avec éclat dans la carrière
qu'il semblait avoir délaissée; il publie ses Caractères
historiques, comprenant des essais très-remarquables
sur William Cobbett, George Canning, sir James
Mackintosh et le prince de Talleyrand. Cet ouvrage
eut les honneurs de quatre éditions et fut traduil en
plusieurs langues (')•
Mais l'ouvrage capital de sir H. Bulwer est sans
contredit la Vie de lord Palmerston , qui parut
en 1870 ( 2 ). La carrière suivie par l'illustre homme
(') Pour plus de détails, voir les articles consacrés à lord Dalling
par le Daily Telegraph du 28 mai 1872; la Suturduy Revient du
I e » juin ; VAlhcnaeum, etc.
The life of Henry John Temple, viscount Palmerston : wilh
sélections from liis diaries and correspond ence , by tlie right lion, sir
d'État jusqu'en 1840 y est tracée de main de maître.
Des documents politiques d'un prix inestimable rehaus-
sent encore la valeur de ce livre. On y trouve, entre
autres, des particularités d'un intérêt toujours vivace
sur les commencements de la monarchie belge, sur les
efforts de lord Palmerston pour soutenir envers et
contre tous l'édifice encore chancelant de notre natio-
nalité.
Ces documents attirèrent immédiatement la sérieuse
attention d'un grand nombre de publicistes (')• Nous-
même nous y avons cherché les principaux éléments
d'un essai biographique sur lord Palmerston , nous
efforçant, au surplus, de compléter, par d'autres
communications, les notions historiques dont nous
sommes redevables à sir H. Bulwer.
Bruxelles, l"rnai 1873.
Henry Lvtton Bulw BR , G. (J. B.. M. P. (I-ondon, Mc*BHl Bentley ,1870,
2 vol. grand in 8").
(|) H faut citer, entre autres : Lord Palmerston (en allemand), par
le D' Theodor Bernhardt (Berlin, 1870, 39 pages in-8 ) ; Lord
Palmerston et la Belgique, par F. Van Meenen, dans la D<.eu.ri<m
(mars-avril 1871) ; Lord Palmerston, la France et la Belgique, par
L Hymans dans VÉcho du Parlement (février 1871); Lord Pal-
merston, par le comte de Jarnac, dans la Revue des Deux-Mondes,
1er avril 1873.
LORD PALMERSTON.
Un des plus illustres hommes d'État de la
Grande-Bretagne, le comte Russell, a dit : « La
Belgique, sous les auspices de lord Grey et de
lord Palmerston, devint un pays libre et neu-
tre ('). » Le même hommage a été rendu à ce der-
nier par le chef du parti conservateur, l'honora-
ble M. d'Israëli : l'idée de l'indépendance belge
est, selon lui, inséparable de la mémoire de lord
Palmerston. C'est ce que reconnaissait encore
un des principaux organes de la presse anglaise
(') The foreign Policy ofEngland, p.
77.
r
LORD PALMKRSTON.
qui s'exprimait en ces termes : « Aidé par
l'énergie, la sagacité et le tact diplomatique de
M. Van de Weyer, lord Palmerston conduisit à
une conclusion satisfaisante l'œuvre entière de
l'émancipation de la Belgique. » Écoutons enfin
M. Gladstone : « Je crois, a-t-il dit, que, dans
l'avenir, le souvenir de lord Palmerston sera
principalement conservé en raison de la persé-
vérance, de l'énergie, de la sagacité extraordi-
naire avec laquelle il a dirigé la politique de
l'Angleterre, et exercé une si puissante influence
sur la politique de l'Europe, depuis la fonda-
tion en 1830 du royaume de Belgique jusqu'à
sa consolidation en 1839. Quoique certaines
personnes pensent que la politique d'interven-
tion de lord Palmerston peut, sur certains
points, prêter à des objections, je ne puis
oublier ce fait que, dans les affaires belges, il
fut le grand instrument d'une politique paci-
fique, qui épargna à l'Europe une guerre géné-
rale et sanglante. »
Au sein du Parlement belge, ceux-là mêmes
qui prirent la plus grande part à la création de
notre État, Joseph Lebeau, le général Goblet,
le baron Nothomb, etc., ont noblement payé à
lord Palmerston le tribut de leur reconnais-
sance. Ils ont vu en lui un protecteur, un ami;
LORD PALMERSTON. 3
ils l'ont signalé à leurs concitoyens comme le
persévérant promoteur et l'inébranlable sou-
tien de l'indépendance belge. « La Belgique,
disait le général Goblet, a toujours trouvé en
lui le défenseur le plus dévoué ; et si la recon-
naissance doit égaler les services rendus, la nôtre
doit être sans bornes envers l'homme qui, à
juste titre, regardait le nouveau royaume comme
l'une de ses créations. »
Lord Palmerston a donc sa place marquée
dans cette galerie des fondateurs de la monar-
chie nationale. L'en exclure, ce serait montrer
plus que de l'ingratitude.
Je n'ai point cependant l'ambition de suivre
lord Palmerston dans toutes les phases de sa
longue et glorieuse carrière : mon but sera
atteint si je réussis à rappeler clairement et
fidèlement les services considérables rendus
à la Belgique de 1830 par l'énergique et pré-
voyant coopérateur de lord Grcy.
Henry Temple, vicomte Palmerston, naquit
le 20 octobre \ 784, à Broadlands (Southampton).
Il comptait parmi ses ascendants le célèbre
diplomate qui conclut le traité de la Triple-
Alliance de 1667, et devint ensuite l'ami de
Guillaume III. Le vicomte Palmerston, père
du futur premier ministre, à la suite d'une
-
ï\
4, LORD PALMEBSTON.
chute de cheval dans une rue de Dublin, avait
été transporté et soigné chez un respectable
marchand dont il épousa ensuite la fille, miss
Mee, sœur d'un directeur de la banque d'Angle-
terre.
Après avoir passé une partie de son enfance
en Italie, Henry Temple étudia le grec et le
latin au collège de Harrow, d'où il se rendit à
l'université d'Edimbourg. Un de ses principaux
professeurs, réminent Dugald Slewart, écrivait
de lui en 1801 : « Ses aptitudes sont remar-
quablement bonnes et il fait tout son possible
pour les justifier par son application et son
assiduité. Pour le caractère et la conduite, il
est tout ce que ses amis peuvent désirer. En
effet, je puis dire que je n'ai jamais vu de jeune
homme de son âge d'une conduite plus irré-
prochable ni possédant de plus aimables incli-
nations. >» En 1803, nous le retrouvons au
collège Saint-Jean, dépendance de l'université
de Cambridge; ce fut là qu'il obtint, au commen-
cement de 1806, le grade de maître ès-arts.
A la mort de son père (1802), Henry Temple
lui avait succédé dans sa pairie irlandaise et
était devenu lord Palmerston. 11 était encore à
l'Université lorsqu'il essaya d'entrer dans la
carrière publique. Le grand Pitt avait laissé
LORD PALMERSTON. 5
vacant le siège de membre du Parlement pour
l'université de Cambridge. Lord Palmerston eut
l'ambition de lui succéder, mais il échoua (').
Quelques mois après il posait sa candidature à
Horsham et échouait de nouveau. Ces deux
échecs toutefois n'influèrent en rien sur son
avenir. Un diplomate célèbre, lord Malmesbury,
qui avait été son tuteur, continuait de le diriger,
et ce fut sur sa recommandation que le duc de
Portland, nommé premier lord de la tréso-
rerie en 1807, désigna, le 3 août, Palmerston
pour remplir les fonctions de junior lord de
l'amirauté. Deux ans après, le 28 octobre 1809,
il était nommé secrétaire d'État de la guerre
{secretary at war), poste qu'il devait occuper
jusqu'au 28 mai 1828 f).
(') Lord Palmerston avait obtenu cent vingt-huit voix ;
lord Althorp, depuis lord Spencer, en obtint cent quarante-
cinq et lord H. Petty, depuis marquis de Lansdowne, trois
cent trente et une.
(*) Il y avait deux secrétaires : l'un présidait aux opéra-
tions actives, l'autre était chargé de la comptabilité et de
tous les rapports du département avec la Chambre des
communes. Ce furent les attributions de lord Palmerston.
Le commandant en chef, le duc d'York, était chargé de tout
ce qui tenait au personnel et à la discipline de l'armée.
Cf. la notice de M. le comte de Jarnac.
¥V
LORD PALMERSTON.
Pendant une période de plus de dix-huit ans,
lord Palmerston fit donc sans interruption partie
du gouvernement britannique. Les portes du
Parlement s'étaient ouvertes pour lui en 1807.
11 fut d'abord membre de la Chambre des
communes pour Newtown, bourg de l'île de
Whigt, puis, deux ans après, il devint le repré-
sentant de Cambridge.
Renfermé dans ses fonctions de secrétaire de
la guerre, n'aspirant à aucune prépondérance,
laborieux, patient, tenace, Palmerston s'associe
successivement à la fortune ministérielle du
duc de Portland, de Perceval, de lord Liver-
pool, de Canning, de lord Goderich, et enfin du
duc de Wellington, jusqu'à la retraite des can-
ningites, c'est-à-dire des anciens adhérents de
Georges Canning (').
Lorsqu'il était premier ministre, Canning
avait offert à Palmerston les fonctions de chan-
celier de l'Échiquier, et cette proposition n'avait
(') Lord Palmerston demanda sa démission par une
lettre du 25 mai 1828. La démission fut acceptée et le duc
de Wellington en informa Palmerston, le lendemain, en
exprimant le regret d'être privé de son assistance. Voir Des-
patches, Correspondent and memoranda of field marshal
Arthur duke of Wellington. (Londres, 1874, t. IV, p. 336
et suiv.)
LORD PALMERSTON. f
pas été déclinée ; mais Georges IV refusa son
acquiescement. Il n'aimait point Palmerston
dont l'esprit indépendant et caustique l'offus-
quait sans doute; il aurait voulu l'écarter du
gouvernement, même l'éloigner de l'Angleterre.
Palmerston, pressentant le grand rôle qui lui
était réservé dans son pays, refusa non-seule-
ment le gouvernement de la Jamaïque, mais
encore le gouvernement général de l'Inde (').
Au lieu d'aller à Calcutta, c'est à Paris qu'il
se rend, après être sorti du cabinet du duc de
Wellington. En étudiant l'esprit public des
Français, Palmerston se prépare comme d'in-
stinct à son futur rôle de ministre des affaires
(') M. de Jarnac remarque que la Chambre des com-
munes ne pouvait que savoir gré à Palmerston d'avoir refusé
deux fois, pour demeurer dans ses rangs, les grandes fonc-
tions de gouverneur de l'Inde. Ses compatriotes, ajoute-t-il,
appréciaient aussi son dévouement sincère à leurs occupa-
tions et à leurs passe-temps. « Toujours très-répandu dans le
monde, il ne se refusait à aucun des plaisirs de la fashion,
dont il étaiti'idole. Sans beaucoup parier lui-même, il ne ces-
sait d'élever et de faire courir des chevaux, et d'apparaître
devant le public avec tout le prestige d'un des patrons du
turf; jeune, excellant dans tous les exercices du corps, il se
distinguait dans toutes les chasses, dans toutes les branches
du sport. «
*
8
LORD PALMEKSTON.
l
étrangères. On trouve des appréciations émi-
nemment intéressantes dans le journal qu'il
tint pendant son séjour dans la capitale de la
France, et dans les lettres qu'il adressait à son
frère, sir William Temple, alors secrétaire de
la légation britannique à Saint-Pétersbourg (').
« 10 janvier 1829.
„ J'arrivai à Paris le 10, et vis M™ de
Flahault, Pozzo di Borgo et autres ..... Le
ministère actuel est très-russe; mais il y a chez
les hommes publics un sentiment français
qui va croissant; et ce sentiment est dirigé
avant tout vers le recouvrement des provinces
situées entre la frontière du Nord et le Rhin,
c'est-à-dire de la Belgique et d'une partie du
territoire prussien. Les ultra-libéraux disent
qu'ils soutiendraient tout ministère décidé à
recouvrer ce territoire pour la France; et je
suis informé que Pozzo di Borgo a donné secrè-
tement l'assurance que si la France, dans le cas
d'une guerre générale en Europe, veut se ranger
du côté de la Russie, celle-ci l'assistera pour
qu'elle obtienne l'objet de ses vœux. Le Journal
(«) Voir The life of lord Palmerston, t. 1", p. 313 et
suivant.
LORD PALMERSTON.
des Débats, l'autre jour, déniait toute intention
d'envoyer des troupes à Alger ou en Egypte.
« La France, disait-il, a en vue des intérêts
plus immédiats pour lesquels il lui faut réserver
ses ressources. » Si Chateaubriand et son parti
entraient au pouvoir, le gouvernement songerait
probablement à la possibilité d'une extension
de territoire au Nord aussi bien qu'au Sud (').
Pozzo di Borgo, avec lequel j'ai eu un long
entrelien, dit que l'avènement de Chateaubriand
serait un grand malheur; que c'est un homme
auquel de fréquentes variations d'opinion ont
enlevé toute considération comme politique et
dont l'extravagance ne laisse pas que d'être
dangereuse
23 janvier.
«... Je dînai hier chez Flahault et j'y ren-
contrai Sébastiani et Talleyrand. Celui-ci semble
affaissé et cassé : il parle peu; le premier est un
personnage plein de suffisance, un fat. 11 a sou-
tenue haute voix, et dans un style déclamatoire,
(') On peut lire dans les Mémoires d' outre-tombe, t. IV,
le mémoire que Chateaubriand, alors ambassadeur à Rome,
adressa, en 1828, à M. de la Ferronnays et où il recomman-
dait l'alliance russe , afin de « reprendre les anciens
départements situés sur la rive gaucho du Rhin. »
I
*
10
LORD PÀLMERSTON.
I
qu'il est d'une extrême importance pour un
pays d'avoir une grande capitale, parce que
cela sert à créer une opinion publique et à
avancer la liberté politique d'un État; que Paris
n'est pas assez grand . . . Après le dîner, il m'a
fait l'honneur de me dire, avec franchise, que
cela fait mille fois pitié de voir en Angleterre
tous les partis et le gouvernement se méprendre
si complètement sur le principe qui devrait
nous guider dans nos relations avec la France.
11 est indispensable et essentiel à la France de
reprendre le Rhin pour frontière; Landau et
Sarrelouislui sont particulièrement nécessaires.
Aussi longtemps que la politique de l'Angle-
terre sera opposée à cette réunion, toute entente
cordiale entre l'Angleterre et la France sera
impossible; et la France, dont l'intérêt réel
repose pourtant sur l'union avec l'Angleterre,
sera amenée à chercher plutôt à s'unir avec la
Russie et la Prusse, ou avec toute autre puis-
sance qui l'aidera à réaliser ce plan. La Prusse,
quoique intéressée à première vue à empêcher
les reprises de la France, pourrait y acquiescer
en se laissant allécher par des morceaux arra-
chés à l'Autriche ou à la Saxe, ou par le Hanovre.
Je lui ai témoigné que je doutais fort qu'on
trouvât en Angleterre un parti quelconque suf-
■
LORD PALMERSTON.
11
fisamment éclairé pour envisager la question à
ce point de vue, et que je pensais qu'il serait
bien difficile de persuader le peuple anglais
d'approuver pareille combinaison .... J 'étais à
Paris dans un moment intéressant, quand la
Ferronnays était malade et qu'on intriguait pour
son remplacement ('). Pasquier me semblait
désiré par les ultra-royalistes, Chateaubriand
par les libéraux et Polignac par le duc de Wel-
lington . . . Les libéraux, y compris Sébastiani,
Royer-Collard et de Broglie, tous veulent Cha-
teaubriand. S'il arrive au pouvoir, il fera un
éclat; il est violent sur la vieille question des
frontières et il jettera la France dans les bras
de n'importe qui voudra aider celle-ci sur les
bords du Rhin .... »
Le 1 er juin, lord Palmerston, de retour en
Angleterre, prononça sur les affaires étrangères
un discours qui fit sensation : il s'y était révélé
comme un orateur déjà puissant; en général,
on le plaçait même au-dessus de Robert Peel.
S'il n'égala jamais les Fox, les Pitt, les Burke, il
parvint néanmoins, par un long exercice de la
parole, par un langage toujours fier et patrio-
1
I
(') Portalis, ministre de la justice, prit la direction inté-
rimaire du ministère des affaires étrangères.
H
12
LORD PALMEIISTON.
F
tique, à exercer une puissante influence sur la
Chambre des communes.
Au commencement de décembre, Palmerston
était de nouveau à Paris. Le prince de Polignac,
qu'il dépeignait naguère comme le type de
l'ultraïsme, nommé ministre des affaires étran-
gères, le 8 août, venait d'être élevé (17 novem-
bre) à la dignité de président du conseil. Poli-
gnac poursuivait deux buts : relever l'autorité
royale par un coup d'État et rétablir ce qu'il
appelait le prestige de la France par un rema-
niement de la carte d'Europe qui eût permis
l'absorption de la Belgique ('). La correspon-
dance de Palmerston avec son frère contenait
une vivante peinture de ce ministère qui con-
duisait la France aux abîmes. Palmerston entre-
voyait, prédisait une catastrophe prochaine : la
chute de Charles X.
En face de grandes difficultés intérieures et
extérieures, le duc de Wellington, vers la fin
de septembre 4830, offrit à lord Palmerston
(') Il s'agissait d'annexer la Belgique à la France, de
donner la Moldavie et la Valachie à la Russie, la Hollande à
la Prusse et de placer le roi des Pays-Bas sur le trône d'un
empire chrétien dans l'Orient. Ce plan était le rêve violent
d'un cerveau malade.
LORD PÀLMERSTON.
13
de rentrer dans le cabinet. Mais ce dernier, qui
s'était déjà prononcé pour la réforme électo-
rale, déclina la proposition qui lui était faite.
Quelque temps après, le duc de Wellington
cédait le pouvoir à lord Grey qui, à son tour,
fit un appel au dévouement de lord Palmerston.
Celui-ci y répondit sans hésiter, et, le 16 novem-
bre, il prenait possession du ministère des
affaires étrangères.
;t
II
Deux jours après que lord Palmerston eut
pris la direction des affaires étrangères, le
Congrès national, qui venait de se réunir à
Bruxelles, proclamait l'indépendance du peuple
belge et, le 24, il votait l'exclusion de la famille
d'Orange-Nassau de tout pouvoir dans le nouvel
État. Ce vote contrariait et devait contrarier
lord Palmerston. S'il regardait comme défini-
tive la destruction du royaume des Pays-Bas,
créé en 1815, s'il admettait l'irrévocable sépa-
ration des provinces du Midi et du Nord, il eût
désiré toutefois que le prince d'Orange fût libre-
ment élu par l'assemblée de Bruxelles comme
chef des Belges émancipés. Ce vœu, auquel
- -.3»
16
LORD PALMERSTON.
s'associait lord Grey, ne put être accompli. Au
surplus, le véritable but du ministère whig
n'était pas d'imposer à la Belgique l'héritier
des Nassau, mais bien de favoriser toute com-
binaison qui aurait pour résultat d'empêcher
la France d'étendre sa domination depuis Quié-
vrain jusqu'à Anvers.
Les sentiments réels de lord Palmerston au
sujet de la question belge étaient habilement et
énergiquement exprimés dans une lettre du
7 janvier 1831, qu'il adressait au vicomte Gran-
ville, ambassadeur d'Angleterre à Paris. Il y
retraçait de curieux entretiens avec le prince
de Talleyrand, qui jouait au sein de la confé-
rence de Londres le rôle de tentateur.
« Dans une conversation que j'ai eue il y a
peu de jours avec Talleyrand au sujet des
affaires de Belgique, je lui ai fait part d'une idée
qui m'est venue, comme d'une combinaison de
nature à aplanir quelques-unes de nos difficul-
tés. Le roi des Pays-Bas voudrait voir son fils
porter la couronne de Belgique, et les Belges
désirent vivement avoir le Luxembourg. Le roi
ne pourrait-il pas abandonner le Luxembourg
à son fils, à condition qu'il fût élu roi des Belges?
et les Belges ne pourraient-ils pas choisir le
prince d'Orange à condition qu'il apportât le
LORD PALMERSTON. 17
Luxembourg avec lui? Talleyrand prit un air
très-sérieux et me dit qu'il pensait que son
gouvernement n'aimerait pas à voir le Luxem-
bourg réuni à la Belgique. Je lui demandai
pourquoi; cette union avait eu lieu jusque-là,
et il n'y aurait pas plus d'inconvénient pour la
France à voir le Luxembourg réuni à la Bel-
gique seule que réuni à la Belgique et à la
Hollande ensemble. Il me dit que, en fait, la fron-
tière française de ce côté était très-faible et
très-exposée, et que le Luxembourg s'avançait
dans une partie de la France qui n'est pas bien
défendue. 11 ajouta : N'y aurait-il pas moyen de
faire une combinaison par laquelle le Luxem-
bourg pourrait être abandonné à la France? Je
fus, je l'avoue, extrêmement surpris d'une pro-
position si en désaccord avec le langage et les
déclarations que lui et son gouvernement
avaient tenus jusque-là. Je lui répondis que
semblable combinaison me semblait impossible
et que personne n'y consentirait. J'ajoutai que
l'Angleterre n'avait pas de vues intéressées
dans l'arrangement des affaires de Belgique,
mais que nous voulions que ce pays fût réelle-
ment et solidement indépendant; que nous
désirions vivre en bons termes avec la France,
mais que toute acquisition territoriale de la
2
I
I
-
18
LORD PALMERSTON.
part de la France, semblable à celle qu'il indi-
quait, altérerait les relations des deux pays et
nous rendrait impossible de continuer à vivre
en bons termes avec elle. Je découvris depuis
cette conversation qu'il avait fait à la Prusse
des propositions analogues au sujet des pro-
vinces rhénanes, dans le cas où il serait possible
de transférer le roi de Saxe sur le trône de
Belgique et de donner la Saxe à la Prusse.
Aujourd'hui il m'a proposé de remettre à la
France Philippeville et Marienbourg, en consi-
dération de l'influence qu'elle exercerait en
faveur de l'élection du prince Léopold. Je n'aime
point tout cela. 11 semble que la France soit
invariable dans son système d'empiétement, et
cela diminue la confiance dans sa sincérité et sa
bonne foi. Bien que nous désirions vivre avec
la France dans la meilleure intelligence et dans
les termes de la plus cordiale amitié, ce ne
peut être que tant qu'elle se contentera de pos-
séder le plus beau territoire de l'Europe, et ne
cherchera pas à ouvrir une nouvelle série d'em-
piétements et de conquêtes. Il sera utile que
vous insistiez là-dessus toutes les fois que vous
en trouverez l'occasion. »
Ce n'est point lord Palmerston qui le premier
avait mis en avant le nom du prince Léopold
LORD PALMEESTON.
19
de Saxe-Cobourg. La candidature du gendre de
George IV était née au sein du comité diplo-
matique de Bruxelles. Lorsque M. Van de Weyer
l'indiqua à lord Palmerston, au mois de décem-
bre 1830, ce dernier écrivit à lord Ponsonby,
commissaire de la conférence à Bruxelles, qu'il
doutait de l'acquiescement du prince, et que sa
qualité de protestant pouvait être d'ailleurs un
obstacle. Mais quelques jours après (20 décem-
bre), il se montrait plus confiant : « J'incline à
croire, disait-il à Ponsonby, que, après tout, le
meilleur choix serait Léopold marié à une prin-
cesse française, et je soupçonne que ce sera le
dénoûment. . . . Mais il convient que vous n'in-
diquiez aucune préférence de la part de l'Angle-
terre, pour n'importe quelle combinaison; faites
seulement entendre que nous nous opposerons
à tous les plans qui auraient un aspect ou trop
français ou bonapartiste. » C'était indiquer l'ex-
clusion simultanée du duc de Nemours et
d'Auguste de Beauharnais,ducde Leuchtenberg.
Talleyrand, cependant, persistait dans ses
vues d'agrandissement. Saisissant le moment
où la conférence délibérait sur le protocole qui
fixait les limites de la Belgique ('), il avait insisté
(') Le protocole du 20 janvier 1831 .
■
- y
I *ta
20
LORD PALMERSTON.
avec la plus grande vivacité pour que la neu-
tralité du nouvel État fût étendue au grand
duché de Luxembourg, ou sinon pour que la
France obtînt Philippeville et Marienbourg.
« Nous n'avons pas le pouvoir, lui répondit
Palmerston, de céder ce qui appartient à la
Belgique et non à nous, et puis nous ne pou-
vons pas, sous prétexte de régler le différend
entre la Hollande et la Belgique, nous mettre
à dépouiller une des parties en cause, et cela au
prolit d'un des médiateurs. Si la France entre
dans cette voie, les autres puissances pourront
avoir le droit de suivre son exemple. » Talley-
rand céda ou feignit de céder. « S'il se plaint,
écrivit Palmerston à lord Granville, que notre
confiance en lui semble diminuée, vous pouvez
dire que cela provient naturellement de ce que
nous avons constaté qu'il voulait obtenir pour la
France des acquisitions territoriales, au moment
même où la France proclame la non-interven-
tion et la paix .... »
Déjà, le 4 janvier 1831, lord Palmerston, dans
une entrevue avec M. Van de Weyer ('), avait
déclaré que jamais les alliés ne reconnaîtraient
Lv
(M Voir Les Fondateurs de la monarchie belge. S. Van
de Weyer, t. 1", p. 130.
■
LORD PALMBRSTON.
21
le duc de Nemours, s'il était élu roi des Belges-
L'Angleterre engagerait la France à refuser son
consentement, et, si elle prenait un autre parti,
une guerre avec le reste de l'Europe pourrait
s'ensuivre. Mais le cabinet du Palais-Royal parut
se soumettre à cette interdiction. M. de Sébas-
tiani, ministre des affaires étrangères, réitéra
même la déclaration que le gouvernement de
Louis-Philippe refuserait, le cas échéant, la
réunion de la Belgique à la France et n'accep-
terait pas davantage la couronne des Belges, si
elle était offerte au duc de Nemours. Le gou-
vernement français, à défaut de celui-ci, mettait
en avant le prince Charles de Capoue, neveu de
la reine Marie-Amélie. Quant aux Belges, ils
repoussaieut le candidat napolitain : les uns
soutenaient le duc de Leuchtenberg, les autres
se ralliaient au duc de Nemours, tandis que le
parti orangiste, comptant sur l'appui de lord
Ponsonby, ne désespérait pas encore de voir
triompher le descendant des Nassau. Mais Pal-
merston écrivit à lord Ponsonby (22 jan-
vier 1831) : « Nous ne voulons pas que vous
preniez une part active et ouverte dans les
mesures pour le soutenir. Bornez-vous à expri-
mer notre préférence pour lui et notre désir de
le voir élu, mais quant à opprimer le gouver-
I
JBL
- .^
22
LORD PALMERSTON.
nement et commencer la guerre civile, ni vous
ni nous ne pouvons être parties dans de pareilles
tentatives, ni directement ni indirectement.
Nous ne pourrions pas le faire si nous voulons
rester conséquents avec nos principes et loyaux
à l'égard de nos alliés. »
Circonvenue par les intrigues du Palais-Royal,
lequel redoutait par-dessus tout l'avènement
d'un prince allié aux Bonaparte, la majorité du
Congrès finit par porter ses suffrages sur le
duc de Nemours. 11 fut élu le 3 février.
Mais lord Palmerston veillait, bien résolu à
déjouer les intrigues françaises. Le 1 er février,
Talleyrand était venu le pressentir sur l'élection
éventuelle du duc de Nemours : il répondit qu'il
la regarderait comme l'union de la Belgique à
la France et que celle-ci aurait dès lors à consi-
dérer toutes les conséquences auxquelles l'ex-
poserait nécessairement une telle violation de
ses engagements. Il ajouta : « Les trois autres
puissances (l'Autriche, la Prusse et la Russie)
sont unanimes sur la question, et je dois vous
déclarer que si le choix tombe sur Nemours et
si le roi des Français accepte, ce sera la preuve
que la politique de la France ressemble à ces
miasmes qui adhèrent aux murs et qui exercent
leur pernicieuse influence sur tous les occu-
vm
LORD PALMERSTON. 23
pants. » En outre, le gouvernement français
fut informé par le comte de Flahault, chargé
d'une mission extraordinaire à Londres, que le
cabinet de Saint-James ne reculerait pas devant
la guerre pour s'opposer à l'élévation du duc
de Nemours au trône de Belgique.
Cette ferme déclaration amena un change-
ment complet dans les résolutions et l'attitude
du gouvernement de Louis-Philippe. Il faut
entendre lord Granville raconter ce coup de
théâtre à Palmerston : « . . . Jamais changement
de ton, d'humeur et de langage n'a été si subit
que celui de Sébastiani aujourd'hui (4 février).
A une heure, il était ardent, belliqueux, monté
sur son plus grand cheval; à cinq heures et
demie, il vient chez moi pour m'apporter la
communication télégraphique de l'élection du
duc de Nemours, et d'un ton fort soumis, mais
très-amical, il m'assure du refus positif du
roi 11 a exprimé le dessein d'agir sincère-
ment avec les autres puissances de la confé-
rence ; mais ce qu'il a exprimé avec le plus
d'insistance, c'est son désir d'une confiance
illimitée entre nous. Dites à lord Palmerston
(ce sont ses paroles) que nous ne lui cacherons
aucune de nos pensées et que je compte qu'il
se comportera avec la même franchise à notre
1
^^
LORD PALMERSTON.
égard. » Palmerston ne dissimula point sa satis-
faction; il fit dire à Paris : « Tant que la France
se tiendra tranquille et ne fera pas revivre le
système bonapartiste d'agression et d'agrandis-
sement, il sera dans les vœux et dans l'intérêt
de l'Angleterre d'entretenir avec elle l'amitié et
l'alliance la plus étroite. »
Non-seulement lord Palmerston avait rendu
inefficace l'élection du duc de Nemours, mais il
ne voulait même pas admettre la candidature
de Charles de Capoue si celle-ci devait masquer
l'échec subi par le fds puîné de Louis-Philippe.
Le 15 février, il se plaignait avec amertume des
procédés du gouvernement de juillet. « J'ai
convoqué le cabinet, mandait-il à Granville,
pour prendre en considération une communi-
cation officielle à faire au gouvernement fran-
çais au sujet de ses armements menaçants.
J'aime de moins en moins sa manière d'agir. Les
assurances de paix et d'amitié des Français
sont incessantes et uniformes, mais ils se pré-
parent à la guerre quand personne ne les
menace, et chaque jour dévoile de plus en plus
leurs desseins sur la Belgique et leurs intrigues
au sujet de ce pays. Chaque jour trahit en eux
une disposition évidente à susciter une querelle
et à nous traiter d'une façon que nous ne pou-
LORD PALMEUSTON.
25
vons supporter. Ayez soin, dans toutes vos
conversations, de faire comprendre au général
Sébastiani que notre désir de conserver la paix
n'ira jamais jusqu'à supporter un affront, qu'il
se traduise par des paroles ou par des actes.
S'ils sont droits dans leurs intentions, pourquoi
ne peuvent-ils pas l'être dans leurs procédés?
Pourquoi ces intrigues et ces menées sans fin,
pourquoi ces changements de plan tendant
tous vers le même but, l'établissement en Bel-
gique de cette influence à laquelle ils ont renoncé
dans le protocole du 20 janvier? Si le prince
napolitain est élu librement par la Belgique et
de son propre consentement, c'est bien; mais
s'il doit être placé là par une intrigue française
et si, en étant déjà le neveu de Louis-Philippe,
il doit encore devenir son gendre, il n'y aura
guère de différence entre cette combinaison et
celle du duc de Nemours. »
Le 17 février, c'est-à-dire le jour même où
Louis-Philippe refusait officiellement la cou-
ronne de Belgique pour le duc de Nemours, lord
Palmerston envoyait une nouvelle lettre à Gran-
ville par l'intermédiaire même de l'ambassade
française, pour qu'elle y fût décachetée et lue. On
y trouvait de dures vérités : « . . . J'ai personnel-
lement une grande considération pour Sébas-
26
LOKD PALMEESTON.
tiani, et je crois qu'il a des dispositions amicales
pour l'Angleterre; mais quelle confiance peut-on
avoir dans un gouvernement qui se jette dans de
misérables intrigues comme celles que le cabi-
net français poursuit à l'égard de la Belgique ;
disant une chose ici et la désavouant ailleurs;
promettant l'acceptation (du duc de Nemours)
par Bresson et la refusant par Talleyrand;
changeant ses opinions, ses déclarations et ses
principes chaque fois qu'il entrevoit l'apparence
d'un avantage temporaire? » Le chef du Foreign-
Office disait quelques jours après : « Aussi long-
temps que la France se maintiendra réellement
et bona fide dans ses limites, elle n'aura pas
besoin de souhaiter d'avoir des amis plus fidèles
et plus chauds que ceux qu'elle a actuellement
dans Downingstreet. » Mais, le 9 mars, Palmer-
ston manifeste de nouveau sa grande et légitime
méfiance. « Je souhaite, écrit-il à lord Granville,
que le gouvernement français veuille se résoudre
à agir de bonne foi à l'égard de la Belgique :
nous aurions alors terminé cette affaire en trois
semaines; mais les hommes au pouvoir ne peu-
vent se déterminer à se montrer honnêtes avec
fermeté ou à jouer avec assurance le rôle de
fourbes . . . J'ai découvert par Talleyrand que
leur protestation à l'égard de Bouillon cache la
LORD PALMERSTON.
27
secrète intention de s'en emparer pour eux-
mêmes ('). Cela nous dégoûte vraiment de voir
le gouvernement d'un grand pays, dans une
grande crise politique, quand de si grands inté-
rêts sont en jeu, tâcher d'attraper quelque chose
et intriguer pour d'aussi pitoyables objets que
le château en ruines de Bouillon et le petit
territoire qui l'environne ( 2 ). »
En résumé, lord Palmerston avait contre-
carré et ruiné les projets annexionistes du
cabinet présidé par Laffitte. Lorsque Casimir
Périer prit le pouvoir (13 mars), le ministre
anglais se réjouit de son avènement, parce qu'il
se persuadait que le cabinet du Palais- Royal
allait maintenant renoncer à des desseins à la
fois perfides, turbulents et dangereux pour la
paix du monde. Il écrit à Granville (15 mars) :
« Nous sommes contents de l'avènement de
Casimir Périer et nous espérons que c'est le
moyen de procurer la paix à la France et hors
delà France. Je vous prie de le cultiver, et faites-
(') C'est ce que Talleyrand, comme l'écrivait Palmerston
à Ponsonby, laissa échapper dans une conversation qui eut
lieu le 9 mars.
(*) C'est là , disait Palmerston à Ponsonby, une étrange
besogne et qui ôte toute confiance dans ceux qu l'entre-
prennent.
28
LORD PALMERSTON.
lui comprendre que le gouvernement anglais
place une grande confiance en lui et considère
son élévation comme la meilleure garantie pour
la paix. Peut-être est-il bon d'avoir Sébastiani,
lui aussi bien qu'un autre et, vraisemblable-
ment, avec Périer, il naviguera plus droit qu'il
n'a fait jusqu'à présent. Talleyrand m'a dit
aujourd'hui : Quand vous écrivez à lord Gran-
ville, dites-lui, je vous prie, de ne pas traiter la
question belge comme une grande chose; en
maintenant que ce n'est qu'une petite chose, elle
pourra bientôt et facilement s'arranger. Cela
peut être très-bon à dire pour la France, mais
nous, nous ne pourrons jamais envisager la ques-
tion belge comme une bagatelle; au contraire,
c'est une question de la plus grande importance
pour l'Angleterre. Périer doit comprendre que
la France ne peut avoir la Belgique sans une
guerre avec les quatre puissances, et qu'elle
puisse l'obtenir par une guerre avec les quatre
puissances, c'est une autre affaire. » Le 18 mars,
il insiste encore sur la nécessité de s'entendre
avec Casimir Périer au sujet de la Belgique:
mais il faut que le nouveau président du conseil
suive la ligne droite, agisse d'accord avec les
quatre puissances et ne prête pas les mains aux
mesquines intrigues du Palais-Royal. « Jamais
LORD PALMERSTON.
29
l'Europe, poursuil-il, ne consentira, à moins d'y
être forcée par une guerre désastreuse, à l'union
directe ou indirecte de la Belgique à la France.
La majeure partie de nos difficultés provient de
la duplicité diplomatique, de la duplicité de
conduite, de l'indécision et du défaut de prin-
cipes du gouvernement français. Que la faute en
retombe sur Sébastiani, sur Soult, sur Laffitte,
ou sur le roi, ou sur ses conseillers secrets,
mâles et femelles, je n'en sais rien ...»
Lord Palmerston ne se bornait point à éclairer
le Palais-Royal sur les dispositions immuables
de l'Angleterre, il faisait aussi donner, par l'in-
termédiaire de lord Ponsonby, de sages con-
seils au régent de la Belgique. Se méfiant des
tendances trop françaises de Surlet de Chokier,
il voulut lui montrer ce que la Belgique pouvait
attendre de la France, et ce qu'elle devait
espérer de l'Angleterre. 11 chargea lord Pon-
sonby de faire connaître au gouvernement du
régent que les dispositions de l'Angleterre à
l'égard de la Belgique étaient aussi amicales que
celles de la France, avec cette différence que
l'intérêt de l'Angleterre est que la Belgique
demeure indépendante, et conséquemment
prospère, tandis que la France voudrait que la
Belgique tombât en son pouvoir, et conséquem-
- t .y
30
LORD PALMERSTON.
ment qu'elle se dégoûtât de son indépendance.
Les intérêts de l'Angleterre exigeaient donc que
la Belgique ne fût ni unie à la France ni placée
sous sa dépendance; les intérêts de la Russie,
de la Prusse et de l'Autriche étaient les mêmes
à cet égard, et il y avait une détermination
commune de la part de ces quatre puissances,
pour ne permettre ni une pareille union ni une
pareille dépendance. Si la France avançait un
doigt pour opprimer la Belgique, ce serait une
guerregénérale. LordPalmerston ne dissimulait
pas qu'une réconciliation entre la Belgique et la
Hollande sourirait le plus au cabinet de Saint-
James, parce que, nonobstant leurs querelles et
la différence de langage, de religion et d'habi-
tudes, leurs intérêts commerciaux et essentiels
avaient une connexion naturelle. C'est pourquoi,
ajoutait-il, quelque agréable que puisse nous
être, à ce que l'on suppose, l'élection du prince
Léopold, nous préférerions réellement un arran-
gement qui tendrait à unir la Belgique à la
Hollande. « Mais si ce projet ne peut être réa-
lisé, le gouvernement britannique préférera le
choix du prince Léopold à tout autre arrange-
ment, parce que ce prince, non pas à cause de
son alliance avec la maison royale d'Angleterre,
mais à cause de son caractère personnel et de
LORD PALMERSTON.
31
sa capacité, est le plus propre à rendre la
Belgique heureuse et prospère ('). »
Après que l'Autriche eut comprimé le mou-
vement révolutionnaire de l'Italie, le gouverne-
ment français, craignant chez lui l'opposition
du parti belliqueux, aurait voulu lui offrir un
dédommagement. 11 le cherche encore une fois
en Belgique, et de nouvelles instances sont
faites pour obtenir Bouillon. On faisait même
entendre que Louis-Philippe, sous le coup d'un
échec, pourrait être débordé et entraîné malgré
lui dans une guerre. L'ardeur belliqueuse des
Français était du reste parvenue à un haut
degré depuis que le général Skrzynecki avait, à
la fin de mars, remporté une victoire sur les
Busses. Dans ces conjonctures, le maréchal
Soult, à l'insu toutefois de Casimir Périer, fit
proposer de remettre Anvers et Ostende à l'An-
gleterre, si celle-ci voulait se détacher des
autres puissances et permettre à la France de
s'emparer de la Belgique. Bepoussant dédaigneu-
Voir Sylvain Van de Weyer, t. 1", p. 157. La longue
et très-intéressante lettre de lord Palmerston portait la date
du 16 mars. Dans une autre, datée de Brighton, le 8 avril,
il chargeait lord Ponsonby de donner à M. Lebeau des indica-
tions analogues sur la sincérité de l'appui assuré à la Belgique
par l'Angleterre.
32
LORD PALMERSTON.
sèment cette insinuation, Palmerston écrit le
13 avril à lord Granville : « Les Français nous
tiennent continuellement ce langage : Consi-
dérez seulement les difficultés qui nous entou-
rent et combien nous sommes pressés par les
circonstances ; consentez donc à faire quelque
petite chose injuste, déraisonnable, déshonnêle,
contraire aux traités et aux principes, pour qu'il
soit dit que nous l'avons emporté au moins sur
un point. Je leur réponds : Choisissez un point
qui s'accorde avec les traités, avec les engage-
ments, avec la justice, et probablement vous
pourrez le gagner. Nous vous donnerons tout
l'appui <jue nous pouvons honnêtement vous don-
ner, mais ce que vous demandez est impossible.
Pourquoi vous aiderions-nous à vous maintenir,
si ce n'est afin que vous puissiez tenir vos enga-
gements? Mais si l'aide que nous vous donnons
ne sert qu'à vous faire violer vos engagements,
nous sacrifions la fin pour les moyens... »
Cette leçon était en quelque sorte le commen-
taire des paroles suivantes que l'on trouve dans
la correspondance de Palmerston : « l'Angleterre
ne cédera à la France ni un potager ni une
vigne ('). »
(') Dans sa notice sur lord Palmerston, M. le comte de
1
LORD FALMERSTON.
33
Le 18 avril, lord Palmerston charge le vicomte
Granville de communiquer conOdentiellement
à Casimir Périer le protocole de la veille dans
lequel les représentants des puissances, à l'ex-
clusion du plénipotentiaire français, ont décidé
que, par suite de la neutralité reconnue de la
Belgique, il y avait lieu de raser plusieurs des
forteresses de ce pays. « Il ne peut être ques-
tion, disait Palmerston, d'accueillir la prétention
que la France élèverait d'intervenir dans la
discussion de savoir quelles forteresses il faut
démanteler et quelles conserver. Ces forteresses
ont été érigées avec l'argent des alliés, argent
qu'ils auraient pu dépenser d'une autre manière
s'ils l'avaient jugé bon, quoiqu'il provînt en
1
Jarnac reproche au ministre anglais d'avoir poussé parfois
jusqu'à l'aberration la méfiance et la susceptibilité. « On
croit rêver, dit-il, quand on voit le roi Louis-Philippe et ses
principaux ministres de cette époque accusés chaque jour
de vouloir, par leur ambition effrénée ou leurs menées sou-
terraines, mettre en péril la paix européenne. . . » Mais, pour
justifier la méfiance de lord Palmerston, il suffit de feuilleter
l'ouvrage de sir H. Bulwer dont M. de Jarnac signale lui-
même l'importance et l'extrême intérêt. Quoi qu'en disent
certains publicistes français, les lettres de Palmerston,
exhumées par sir H. Bulwer, ont fait partout une profonde
et durable impression.
1
T
34
LOK.D îALMEltSTON.
partie des contributions imposées à la France.
Celle-ci n'a pas été consultée pour leur construc-
tion, et cela pour la meilleure de toutes les
raisons possibles, c'est qu'elles étaient destinées
à servir de barrière contre toute attaque venant
d'elle. » Il ajoutait : « Ce serait un procédé
étrange et bizarre que d'inviter l'envahisseur
présumé à assister aux délibérations sur les
meilleurs moyens de pourvoir à une défense
contre son agression. Pour la même raison que
ces forteresses ont été érigées, non pas, comme
le dit Talleyrand, en haine de la France, mais
bien par crainte de la France, il serait ridicule
de discuter avec elle quelles sont les forte-
resses à démanteler. Les véritables motifs qui
doivent déterminer le choix sont un sujet qui
ne peut être traité en la présence d'un ministre
français sans l'offenser, ou sans hasarder le
résultat de la délibération. Comment, par
exemple, la France pourrait-elle concourir sin-
cèrenent avec les autres puissances au déman-
tèlement des forteresses qui peuvent arrêter son
armée, mais qui pourraient aussi tomber les
premières en son pouvoir en cas de guerre?... Il
y a ici une inconséquence flagrante... Si Casimir
Périer venait à prétendre qu'il faut les déman-
teler toutes, vous pourriez lui faire comprendre,
LORD PALMERSTON.
35
en termes polis et amicaux, ce que je viens d'ex-
poser; ajoutez, en outre, que le principe d'après
lequel on envisagera ces forteresses ne sera pas
et ne peut pas être queja Belgique soit privée
de toute défense, ni que la Hollande et la Prusse
restent conséquemment ouvertes à la France;
mais qu'on veut réduire le nombre de ces places
de telle sorte qu'elles soient en rapport avec les
moyens de défense présumés de la Belgique,
secourue, au besoin, par les autres puissances
européennes. Je ne vois aucun inconvénient à
faire entrer cette idée, d'une façon claire et pré-
cise, dans la tète de Périer; comme c'est là un
principe dont nous ne pouvons nous départir,
plus tôt et plus clairement les Français le com-
prendront, mieux cela vaudra. »
Le cabinet du Palais-Boyal persista dans une
politique que l'on pourrait appeler sentimen-
tale, à défaut d'une autre expression : n'osant
aller jusqu'à la menace, il soutint néanmoins que
la nation française supporterait impatiemment
un gouvernement qui paraîtrait n'exercer au-
cune influence dans les conseils de l'Europe.
« ... Qu'entend-il par influence dans les conseils
des autres nations? » répond Palmerston ('). « Si
(') Palmerston à Granville, 22 avril 1831.
S6 LORD PALMERSTON.
c'est le pouvoir d'amener ces nations à coopérer
ou à se soumettre aux idées françaises d'empié-
tement et d'agrandissement, c'est le vieux pied
fourchu qui reparaît sous un nouveau déguise-
ment, c'est le même détestable esprit d'agression
qui renaît sous une forme différente. Ce que la
France désire obtenir ou voir réalisé est ou
juste ou non, est bon ou mauvais. Si c'est juste
et bien, c'est un motif pour que cela se fasse ; si
c'est injuste et mal, c'est un motif pour que cela
ne se fasse pas; et je ne pourrai jamais admettre
qu'il soit sage de céder aux injustes prétentions
de la France, pour permettre au gouvernement,
qu'il se nomme Périer ou Sébastiani, de gagner
l'appui d'un parti violent ou même du parti
modéré enclin aux empiétements. Aucun avan-
tage ne peut résulter de semblables conces-
sions. Elles ne feraient qu'exciter l'appétit, au
lieu de le satisfaire. Nous trahirions notre fai-
blesse, et nous encouragerions de nouvelles
exigences. » Ulcéré contre les traditions de l'em-
pire français, Palmerston poursuivait avec
véhémence : « Périer est honnête, mais la nature
humaine est ainsi faite qu'il peut être parfois
entraîné par la malhonnêteté de Sébastiani ('),
(') Sir H. Bulwer fait remarquer que Palmerston enten-
4
LORD PALMEKSTON.
37
et je crains d'être obligé d'ajouter par le manque
de principes arrêtés chez le Roi. Faites-lui com-
prendre combien il est déraisonnable de la part
d'un gouvernement de demander à d'autres
gouvernements de sacrifier des principes et des
intérêts permanents et généraux, pour plaire,
non pas même à des ministres français, mais
aux partis violents dont ils ont peur. »
Des commissaires du régent de la Belgique
étant venus, sur ces entrefaites, pressentir les
dispositions du prince Léopold, pour le cas où
le Congrès national l'appellerait au trône, Pal-
merston approuva sans restriction la conduite
prudente et droite du gendre de George IV. 11
l'approuva de ne vouloir prendre aucune réso-
lution avant que l'assemblée de Bruxelles eût
adhéré à l'acte de séparation imposé parla con-
férence de Londres aux deux peuples qui for-
maient naguère le royaumes des Pays-Bas.
« Léopold, a raison, écrivit-il ('), de ne pas
accepter ce qu'on lui offre, tant qu'il ne sait pas
en quoi cela consiste... La conférence ne peut pas
revenir sur ce qu'elle a déclaré quant aux limites
de la Hollande, bien que le Luxembourg puisse
dait que les vues d'agrandissement de Sébastiani, dérivant
de son ancien maître Napoléon I er , étaient déshonnétes.
(') 13 mai.
]
1
CJ>
■■■■■■■■
38
LOKD PALMERSTON.
devenir l'objet de négociations ultérieures. » Il
venait d'avoir sur ce sujet avec un des ministres
belges un entretien où il s'était exprimé avec
sa franchise et sa vivacité habituelles. Aux objec-
tions développées par M. Devaux ('), il avait
répondu : « Vous dites que vous ne pouvez pas
accéder à nos bases de séparation, parce que,
en le faisant, vous abandonneriez Maestricht,
que vous avez déclaré faire partie de votre
territoire. Je réponds que, jusqu'à présent, vous
n'avez pas de territoire en vertu d'aucun droit,
si ce n'est celui de la conquête et de l'occupa-
tion militaire; or, ce dernier droit est imparfait,
s'il n'est confirmé par la cession formelle du
souverain à qui le pays ainsi conquis et occupé
appartenait antérieurement. Vous avez conquis
votre propre pays, la Belgique, et vous en avez
expulsé les troupes du roi de Hollande; c'est
votre pays de fait, et il deviendra vôtre de jure,
du jour où le roi de Hollande conclura un traité
et cédera son droit de souveraineté. Mais Maes-
tricht est encore dans ses mains, et cette place,
par conséquent, n'est vôtre ni de fait ni de
(') M. P. Devaux, chargé d'une mission spéciale à
Londres, faisait partie, comme ministre d'État, sans porte-
feuille, du deuxième cabinet du Régent.
LORD PALMERSTON.
39
jure; et il est tout aussi absurde de dire qu'elle
est devenue votre propriété uniquement parce
que le Congrès l'a décrété ainsi qu'il le serait de
déclarer les Belges possesseurs et propriétaires
d'Aix-la-Chapelle ou de Lille par des motifs
analogues. »
En ces circonstances, Casimir Périer fit un
pas de plus vers l'Angleterre; il dit à lord Gran-
ville qu'il voulait établir une sincère entente
avec le cabinet de Saint-James. Palmerston
répondit (') que, de même que ses collègues, il
sentait vivement combien une bonne et cordiale
entente entre l'Angleterre et la France devait
contribuer à assurer la paix du monde, à con-
firmer les libertés et à avancer le bonheur des
nations; mais qu'une amitié véritable ne pou-
vait exister sans une parfaite confiance des deux
côtés. Chacune des parties devait être convain-
cue, ajoutait-il, que l'autre n'avait pas de vues
secrètes, pas de projets égoïstes à poursuivre, le
soupçon et la défiance étant choses fatales pour
la confiance et l'amitié. Palmerston jetait ensuite
un coup d'œil rétrospectif sur ses rapports avec
le gouvernement français depuis qu'il était entré
dans le ministère de lord Grey. 11 déclarait que,
(') 31 mai.
=1
40
LORD l'ALMERSTON.
m
Ht
d'accord en cela avec tous ses collègues, il avait
le plus vif désir de vivre en bonne intelligence
avec la France; l'Angleterre n'avait pas de vues
égoïstes, de projets menaçants pour les droits
des autres nations ou de nature à exciter leur
jalousie. On avait supposé que la France était
dans les mêmes dispositions; que, conformé-
ment à ses déclarations réitérées, elle était guérie
de la maladie des conquêtes ; que, jouissant d'in-
stitutions libres, elle voulait respecter l'indépen-
dance de ses voisins. Mais bientôt se firent jour
des symptômes de dispositions toutes diffé-
rentes : l'esprit d'agression et la soif d'agrandis-
sement se trahirent de nouveau; des intrigues,
une diplomatie double prouvèrent que ceux qui
recherchaient l'alliance anglaise songeaient à
l'exploiter au profit de leur ambition. « Prenant
pour modèle le chef de la vieille école, Bonaparte,
on voulait, disait Palmerston, nous éloigner de
ceux qu'on projetait d'attaquer et se servir de
nous comme d'un outil pour nous traiter après
selon les circonstances. » Ainsi naquirent des
sentiments de méfiance qui s'accrurent jusqu'à
la lin de l'administration de Laffitte et qui firent
penser à l'Angleterre que, dans son intérêt et
dans celui de l'Europe, mieux valait se rappro-
cher des trois autres grandes puissances. Mais,
^^B
LORD FALMERSTON.
41
disait encore le chef de Foreign-Office, la con-
fiance est revenue avec Casimir Périer, et si le
vieil esprit reparaît parfois chez ceux qui tra-
vaillent sous ses ordres, lui, comme premier
ministre, saura sans doute y mettre bon ordre.
Grâce à lenergie de lord Palmerston , les
obstacles qui s'opposaient à l'acceptation du
trône de Belgique par le prince Léopold dispa-
rurent successivement. Le chef du Foreign-
Office sut déjouer les ruses de Talleyrand aussi
bien que les projets belliqueux du maréchal
Soult; il inspira au Congrès de Bruxelles une
sage modération ; il fut sinon l'auteur, au moins
l'actif patron du fameux traité des dix-huit
articles, véritable transaction entre l'Europe
d'une part, les Belges et le prince Léopold de
l'autre.
Le 4 juin, Léopold avait été appelé au trône;
le 9 juillet, le Congrès adoptait les dix-huit
articles malgré le parti français, et le 21 le pre-
mier roi des Belges prêtait à Bruxelles le ser-
ment constitutionnel.
Le cabinet du Palais-Royal n'avait accepté la
candidature du prince de Saxe-Cobourg que
pour détruire les dernières espérances du prince
d'Orange. Mais cette = çandidature n'avait été
soutenue à ParK^S^ '^^empressement, ni
1
42
LORD PALMERSTON.
avec chaleur ('). Le général Pellet traduisait les
vrais sentiments de la majorité de ses compa-
triotes, et même, pourrait-on affirmer, d'une
partie du conseil, lorsque, pour encourager en
Belgique l'opposition aux dix-huit articles, il
écrivait à un ami qui habitait Lille : « Si les
Belges amis de la France veulent faire un pas
vers elle, nous avancerons de trois pas à leur
rencontre, la baïonnette au bout du fusil. »
Après l'intronisation de Léopold, lord Granville
ayant dit à Sébastiani que le nouveau souverain
n'avait pas été un candidat spécialement anglais,
Parmerston l'approuva pleinement. « C'est par-
faitement vrai, lui écrivit-il; l'idée de cette
candidature vient des Belges et non pas de
nous. » Le parti belliqueux et annexioniste con-
tinua néanmoins ses attaques contre l'élu de la
nation belge : il ne voulait voir en lui qu'un
( J ) Dans son Estai tur Talleyrand, sir H. Bulwer avait
déjà dit : "... 11 est inutile de taire le fait qu'il y a toujours
eu, qu'il y a, et qu'il y aura toujours en France un parti
considérable désireux d'étendre la frontière française, et de
comprendre Anvers dans le royaume de France. Mais
l'Angleterre n'était pas disposée alors, et ne le sera jamais
probablement, tant qu'elle aura à sa tête des hommes d'État
se souciant de sa prospérité , à accepter cet arrange-
ment.... "
.
LORD PALMERSTON.
43
•
préfet anglais à Bruxelles. De son côté, le gou-
vernement de Louis-Philippe, dissimulant ses
vrais sentiments, feignit de considérer l'avéne-
ment de Léopold i er comme un triomphe dû
exclusivement à la France. Dans son discours
d'ouverture des Chambres françaises, Louis-
Philippe déclara que son gouvernement avait
été le premier appui de. l'indépendance belge.
Il disait davantage : « L'Europe est aujourd'hui
« convaincue de la loyauté de nos intentions et
« de la sincérité de nos vœux pour le maintien
« de la paix, mais elle l'est aussi de notre force,
« et elle sait comment nous soutiendrions la
« guerre, si nous y étions contraints par d'in-
« justes agressions. » Palmerston n'ayant pas
dissimulé à Talleyrand qu'il trouvait ce discours
arrogant, plein de jactance, et de nature à
offenser l'Europe, l'ancien ministre de Napo-
léon répondit qu'un pareil langage était néces-
saire pour conserver l'ascendant du gouverne-
ment sur la France, et que la meilleure chose
que l'on pût faire était de plaire beaucoup aux
Français, sans trop déplaire aux autres na-
tions (').
Ce n'était encore que de la jactance ; mais,
(') Palmerston à Granville, 25 juillet.
I
44
LORD PALMERSTON.
dans d'autres conjonctures, la conduite du
prince de Talleyrand fut réellement odieuse. On
va voir comment il se comporta à l'égard des
Belges, lorsque, dans les premiers jours du
mois d'août, ils furent brusquement assaillis
par les troupes hollandaises réunies entre
l'Escaut et la Meuse.
Cette agression inattendue avait indigné lord
Palmerston, et telle était sa méfiance à l'égard
du gouvernement français qu'il vit dans l'at-
taque soudaine des troupes hollandaises le ré-
sultat d'une entente entre la cour de la Haye et le
cabinet du Palais-Royal. Il écrivait le 5 août :
« Bagot (') a toujours pensé qu'il y avait des intel-
ligences secrètes entre la France et le gouver-
nement hollandais. Talleyrand, si vous vous en
souvenez,m'a proposé, il y a quelquetemps, d'ex-
citer les Hollandais à rompre l'armistice, pour
crier alors haro sur eux, voler au secours des
Belges, couvrir la Belgique de troupes et puis
régler tout comme nous l'entendrions. Serait-ce
la réalisation du premier point de ce plan? La
France a été furieuse à propos des forteresses.
S'est-elle imaginé qu'en poussant les Hollan-
dais à la guerre, elle aurait un bon prétexte
(') Ministre d'Angleterre à la Haye.
LORD PALMERSTON.
45
d'entrer en Belgique comme alliée, puis de se
jeter dans ces forteresses et de les garder ou de
les démolir à son choix?... » S'il est difhcile de
démontrer les intelligences secrètes signalées
par Palmerston, on peut affirmer toutefois qu'il
était positivement dans la réalité lorsqu'il soup-
çonnait la France de n'attendre qu'une occasion
pour envoyer une armée en Belgique. Cette amée,
commandée par le maréchal Gérard, franchit
effectivement la frontière, mais sur l'appel du
roi Léopold. Les Français arrivèrent en quelque
sorte au pas de course, refoulèrent les Hollan-
dais et sauvèrent ainsi la royauté belge. Us lui
rendirent incontestablement un grand service;
mais en empêchant une restauration, ils ser-
vaient tout autant les intérêts de la France.
Cependant Palmerston, d'accord avec le roi
Guillaume IV, et avec lord Grey, n'avait plus
qu'une préoccupation : abréger autant que pos-
sible la durée de l'occupation française. Lorsque
les troupes hollandaises furent rentrées dans le
Brabant septentrional, Palmerston rappela les
engagements pris par le gouvernement de
Louis-Philippe et exprima énergiquement le
désir que les Français rentrassent aussi dans
leur pays. « Telle a été, disait-il le 11 août, l'as-
surance donnée verbalement par les ministres
%
46
LORD PALMERSTON.
de Louis-Philippe ; et c'est sur la foi de cette assu-
rance que la conférence a accepté la marche des
Français comme une mesure prise en com-
mun... » Ce qui justifiait ou du moins ce qui
expliquait son impatience, c'était une note où
Sébastiani déclarait officiellement que la pré-
sence des troupes françaises en Belgique avait
non-seulement pour but de maintenir l'indépen-
dance et la neutralité du nouveau royaume, mais
aussi de hâter l'instant où des arrangements,
concertés entre les puissances et acceptés par le
roi de Hollande et le roi des Belges, assureraient
aux deux pays une paix durable. Or, Palmerston
voyait des arrière-pensées dans cette dernière
clause. Il s'exprimait là-dessus avec beaucoup
de vivacité :
« Le Gouvernement français dit sans cesse
qu'il est obligé de faire ou de ne pas faire cer-
taines choses, pour satisfaire l'opinion publique
en France; mais il faut qu'il sache qu'il y a
une opinion publique en Angleterre comme en
France; et que si, comme en France elle ne
s'excite pas pour de petites causes, il y a des
points (et la question belge en est un) sur les-
quels elle est profondément susceptible et ne
s'apaise pas facilement lorsqu'elle est excitée. »
Le chef du Foreign-Office n'avait pas tort de
LOKD PALMERSTON.
47
sonder les arrière-pensées de certains hommes
d'État de la France. Talleyrand allait fournir la
preuve qu'il faisait bon marché de l'indépen-
dance belge et que son vif et vrai désir était
d'enrichir la France de nos plus belles pro-
vinces. Le 12 août, arrivé le premier à la
conférence, Talleyrand prit à part le baron
Bùlow, plénipotentiaire de la Prusse, et après
lui avoir parlé avec un profond dédain des
Belges et de leur roi, lui dit que si les troupes
françaises se retiraient, c'était la fin du minis-
tère Périer, et que si elles ne se retiraient pas,
le ministère anglais devait tomber. — 11 n'y a,
poursuivit-il, qu'une solution à ces difficultés :
le partage de la Belgique entre la France, la
Prusse et la Hollande, sauf à transformer Anvers
en port franc, pour contenter l'Angleterre. —
Bùlow eut la loyauté de faire connaître le jour
même ces déloyales insinuations à lord Pal-
merston (').
Dès lors celui-ci redouble ses instances pour
que l'évacuation de la Belgique se fasse sans
aucun retard. Le 13 août, il adresse à lord
(') Palmerston au vicomte Granville, 12 août 1831. —
Le même à sir Robert Adair, ministre d'Angleterre à
Bruxelles, 1 3 août.
48
LORD PALMERSTON.
Granville celte espèce de sommation : « Le
gouvernement français est-il prêt à retirer ses
troupes, comme il a promis de le faire, aussitôt
après l'évacuation de la Belgique par les Hol-
landais? Je vous prie de lui faire-comprendre
que tout dépend de sa, décision. Grey vous
écrit aujourd'hui ('). Il est très-péremptoire, et
lors même que le cabinet aurait le moindre
désir de céder — ce qui n'est pas — l'opinion
publique en Angleterre l'en empêcherait. C'est
donc une question de paix ou de guerre. Mardi,
Yyvyan ( 2 j renouvelle sa motion sur la Belgique,
Ce jour-là, je devrai répondre catégoriquement
à cette question : Oui ou non, les troupes fran-
çaises vont-elles évacuer la Belgique ? Veuillez,
je vous prie, me mettre à même de donner la
réponse au jour que je vous indique, et faites
bien comprendre au gouvernement français
toute l'importance de cette réponse. Le oui ou
le non que j'aurai à prononcer entraînera les
conséquences les plus importantes pour les deux
pays et pour toute l'Europe. » 11 n'était pas
moins explicite dans ses communications à sir
(') Cf. Correspondence of the laie earl Grey , etc. ,
passim.
( 8 ) Membre de la Chambre des communes.
4
LOED PAI/MEESTON.
49
Robert Adair. « Le refus de la France, disait-il,
pourrait être fatal à notre gouvernement et à la
paix de l'Europe : nous serons forcés ou de
nous retirer ou de faire la guerre et, d'après les
dispositions du cabinet, je ne doute point qu'il
n'adopte le dernier parti. »
Le gouvernement de Louis-Philippe rappelle
alors 20,000 hommes des troupes envoyées en
Belgique et fait rétrograder le reste de l'armée
sur Nivelles; mais Sébastiani subordonne l'éva-
cuation entière au règlement de la question des
forteresses. Palmerston déclare immédiatement
que l'on ne délibérera pas sur cette question,
aussi longtemps qu'il restera des soldats fran-
çais en Belgique. « Nous ne souffrirons jamais,
dit-il, que la France nous dicte quoi que ce soit
là-dessus à la pointe de la baïonnette. » Le
cabinet du Palais-Boyal ayant persisté dans la
prétention d'occuper la Belgique jusqu'à la
conclusion d'un arrangement au sujet des for-
teresses, Palmerston s'adresse à lord Granville
en ces termes (17 août) : «... 11 y a une chose
certaine, ou les Français doivent sortir de la
Belgique, ou nous avons une guerre générale,
et une guerre dans un nombre déterminé de
jours. Mais, disent les Français, nous songeons
à nous en aller, seulement nous devons choisir
4
»
-i-r-c.J»
H
50
LORD I'ALMERSTON.
I
le moment et les conditions qui nous convien-
nent. Ce moment, et ils y ont consenti, c'est à
la conférence de le désigner. Ils sont entrés sur
l'invitation d'un souverain allié, dont ils sont
convenus de garantir la neutralité et l'indépen-
dance, et ils ont marché en avant pour accom-
plir ce que les cinq puissances voulaient toutes.
Quelles sont donc les conditions qu'ils sont en
droit de mettre à leur retraite? Aucune. Quant
aux forteresses, faites-leur comprendre que leurs
prétentions sont tout à fait inadmissibles.
Démanteler ces forteresses pendant que les
Français les auraient en leur possession, ce
serait déshonorant pour les cinq puissances;
quant à l'intervention de la France comme
partie au traité pour leur démolition, c'est
impossible. Rien, jamais, ne m'amènera à
apposer mon nom au bas d'un semblable traité,
et je suis positivement sûr que le cabinet
anglais ne voudrait jamais le sanctionner... »
L'attitude résolue et le fier langage de lord
Palmerslon empêchèrent la guerre au lieu de
la provoquer. L'illustre chef du Foreign-Office,
veillant sur la Belgique avec une vigilance
jalouse, la préserva à la fois des horreurs de
la guerre et des humiliations d'un partage.
« Détrompez le roi Léopold, écrit-il à sir Robert
■1 m
i
V
LORD PALMERSTON. 51
Adair, s'il croit que nous voulons l'aban-
donner pour les Hollandais. Qu'il ait confiance
en nous : nous sommes engagés par l'honneur
et l'intérêt à le seconder et à soutenir son
trône. »
Le 23 août, Palmerston écrivait à lord Gran-
ville : « Les Français veulent rester en Belgique ;
les Prussiens ne savent pas trop ce qu'ils pen-
sent à ce sujet, parce qu'ils nourrissent toujours
en secret l'idée que si les Français restent et si
la guerre s'ensuit, le partage doit arriver et
qu'ils y interviendront pour leur part. L'Autriche
est la plus rapprochée de nous dans ses senti-
ments, et elle n'a pas d'intérêt particulier à
poursuivre dans l'occurrence. La Russie qui, je
le soupçonne, savait plus de l'invasion du roi
de Hollande qu'elle n'aimait à l'avouer, est
toujours disposée à tenir des discours raides et
un langage hautain avec tout le monde, mais
elle ne serait pas fâchée de nous voir nous
quereller les uns avec les autres. Les Hollan-
dais, ici du moins, affectent de souhaiter que
les Français restent ; ils prétendent que le désir
de se débarrasser d'eux rendra les Belges plus
accommodants pour traiter. Les Belges disent
qu'ils ont besoin de la protection des Français
aussi longtmps que l'armée nationale ne sera
52
LOKD PALMEIÎSTON.
pas sur un bon pied et que la Hollande n'a pas
consenti à une trêve. »
La veille, Palmerston avait eu un long entre-
tien avec Talleyrand. Celui-ci lui dit, en débu-
tant, qu'il venait lui demander un léger service,
un petit acte d'amitié, qui ne lui coûterait rien :
il s'agissait de nouveau des forteresses. « Ce
que vous voulez faire, disait Talleyrand, faites-le
immédiatement, et alors immédiatement aussi
les Français s'en iront. » Palmerston répondit
qu'il serait charmé de venir en aide aux Fran-
çais, mais qu'il y avait des choses que le minis-
tère ne pouvait pas faire; que, s'il comprenait
bien, les Français voulaient rattacher leur
retraite à une nouvelle condition, et précisé-
ment à une condition touchant de près à l'or-
gueil et aux intérêts de l'Angleterre, c'est-à-dire
à la démolition des forteresses-barrières; or,
l'Angleterre, ne pouvant se soumettre à pareille
condition, parce qu'elle serait hnmiliante, il ne
restait qu'à réclamer l'accomplissement des
engagements pris par la France. « D'ailleurs,
ajouta-t-il, à quoi cela peut-il vous servir?
Voulez-vous garder notre résolution secrète, ou
bien voulez-vous la rendre publique? Si vous
la tenez secrète, à quoi peut-elle vous servir en
France ? Si vous voulez en faire un autre coup
LOED PALMERSTON.
53
de théâtre, et vous vanter que l'armée française
ne s'est pas retirée de Belgique tant que les
grandes puissances de l'Europe n'ont pas dési-
gné les forteresses à démolir, cela peut être très-
utile pour le ministère de Casimir Périer et
extrêmement réconfortant pour le bon peuple
de Paris, mais cela se ferait aux dépens du
ministère de lord Grey et du légitime orgueil de
la nation anglaise, pour ne rien dire des trois
autres puissances... »
Le même jour, le cabinet de Saint-James
décida qu'une négociation ou discussion aurait
lieu entre les quatre puissances et le roi Léo-
pold, afin de faire choix des forteresses à
démanteler; — qu'il n'était pas possible d'ad-
mettre la France comme parti en cause; — et
que la retraite des troupes qui occupaient la
Belgique était tout à fait indépendante de la
question des forteresses.
Palmerston avait attribué à la Prusse des
arrière-pensées; avait-il tort ou raison? Toujours
est-il que le gouvernement de Frédéric-Guil-
laume III réclamait également l'évacuation
immédiate de la Belgique par les Français, et,
si ceux-ci ne se retiraient pas, il voulait mettre
les troupes prussiennes en mouvement dans
les provinces rhénanes. L'ordre d'évacuation
54
I.ORD PALMERSTON.
est enfin donné à Paris ; il ne restera plus en
Belgique qu'une division française d'infanterie
avec un peu de cavalerie et d'artillerie, jusqu'à
ce que l'armée nationale ait été réorganisée.
C'est à la demande même du roi Léopold,
adressée à la conférence, que ces auxiliaires
prolongeront leur séjour en Belgique. Pal-
merston trouve naturelle la demande du roi
Léopold : mais du moment où les Hollandais
auront accepté l'armistice et dès que l'armée
belge sera un peu réorganisée, il faut, selon lui,
que les derniers Français sortent du pays, et le
plus tôt sera le mieux. « Si Léopold, dit-il, songe
à rester à Bruxelles, il doit avoir son propre
peuple autour de lui et personne d'autre. » Dans
sa correspondance avec sir Bobert Adair, Pal-
merston avait dit que, avec les Français en
Belgique, le roi Léopold ressemblerait au pape
au milieu des Autrichiens qui occupaient la
Bomagne. Un peu plus tard, il faisait engager le
roi Léopold à ne pas requérir plus longtemps la
présence de troupes françaises. Leur présence,
disait-il, diminuait la considération du roi et for-
tifiait le seul parti qu'il eût réellement à craindre,
c'est-à-dire celui qui avait en vue l'annexion de
la Belgique. Palmerston se repentait donc de la
concession qu'il avait faite naguère. En effet, i
LORD PALMERSTON.
55
écrivit à lord Gran ville, le 3 septembre : « Nous
n'en finirons pas avec les Belges tant que les
Français ne seront pas hors de Belgique. 11 n'y
a pas de fin aux intrigues que leur présence
suscite. Je ne crois pas un mot du danger auquel
Léopold est exposé, par ce qu'on appelle anar-
chie; c'est un prétexte imaginé entre Bruxelles
et Paris. Depuis que les Hollandais sont partis
et qu'ils ne peuvent plus revenir, l'armée de
Léopold et la garde civique doivent certaine-
ment être à même de maintenir l'ordre ; et s'ils
ne veulent pas le faire, ni soutenir leur roi, je
ne vois pas de quel droit nous nous mêlerions
de tout cela. Mais c'est un prétexte : les Français
veulent travailler à leurs propres intérêts... »
Quelle conduite que celle de Talleyrand! La
princesse de Lieven aurait-elle eu raison, lors-
qu'elle disait: la probité de M. de Talleyrand
me rappelle l'esprit de M. de Polignac! Quoi!
le représentant du roi des Français, du souve-
rain qui se vantait d'être le premier appui de
l'indépendance belge, complotait ouvertement
la destruction du royaume de Belgique! Jour et
nuit, il cherchait à circonvenir l'ambassadeur
de Prusse ('); il poussait même l'impudence au
I
( l ) C'est ce qui résulte d'une note du baron de Stockmar.
1
56
LORD PALMEliSTON.
point d'exciter un membre du Parlement à sou-
tenir, dans la Chambre des communes même, la
thèse du partage de la Belgique, sauf à indem-
niser le roi Léopold en le transférant dans le
grand-duché de Luxembourg. « Pareil langage
tenu ici par l'ambassadeur français en face des
engagements connus de la France, est calculé,
disait justement Palmerston, pour exciter les
soupçons de l'opinion publique à l'égard de la
politique de Louis-Philippe. » Lord Palmerston
croyait, d'ailleurs, que la Prusse convoitait pour
elle-même la forteresse de Luxembourg, avec
un petit territoire environnant, disposée, si elle
l'obtenait, à consentir à la cession de Philippe-
ville et de Marienbourg à la France. Toutes ces
convoitises l'exaspéraient : « Il faut, s'écriait-il,
écarter tous ces rongeurs ; si une fois ces grandes
puissances commencent à goûter de la chair
saignante, elles ne se contenteront pas d'une
bouchée, mais elles dévoreront bien vite leur
victime. »
Le 1S septembre, Talleyrand (quel devait être
son trouble intérieur !) vint enfin déclarer à la
conférence que le gouvernement de Louis-Phi-
lippe, de son propre mouvement, avait ordonné
l'évacuation de la Belgique par la dernière
' division de l'armée française qui y était restée.
LORD PAI.MEKSTON. 57
Cette évacuation devait commencer le 23 sep-
tembre et être terminée le 30. Les plénipoten-
tiaires des quatre puissances, dit le protocole
officiel, reçurent avec une vive satisfaction la
déclaration du représentant du roi des Fran-
çais.
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I
1
III
La Belgique dut payer la rançon des vaincus.
Les désastres de la campagne du mois d'août
suivis de la chute de Varsovie changèrent les
dispositions des puissances qui naguère avaient
proposé au Congrès de Bruxelles et au prince
Léopold le traité des dix-huit articles. Celui-ci
disparut dans la tourmente. Le 15 octobre 1831,
la conférence imposa à la Belgique et à la Hol-
lande un nouveau traité dit des vingt-quatre
articles. Ces résolutions finales et irrévocables,
comme on les appelait, étaient dures et oné-
reuses pour les Belges; aussi rencontrèrent-elles
dans nos provinces une résistance générale.
I
•
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60
LORD PALMERSTON.
Palmerston fut néanmoins d'avis que les
Belges devaient se résigner et, pour acquérir
définitivement leur indépendance, s'imposer
les sacrifices exigés par l'Europe. Il engagea
vivement M. Van de Weyer à se rendre à
Bruxelles pour empêcher des déterminations
qui auraient pu livrer à de redoutables périls
le sort du nouvel État. «... Vous ne manquerez
pas, je l'espère, lui écrivit-il, d'attirer l'attention
de votre gouvernement sur tout ce que le traité
contient d'avantageux pour les intérêts de la
Belgique et de lui faire remarquer que si, sous
quelques rapports, nous n'obtenons pas pour
vous tout ce que nous aurions pu' souhaiter,
cependant je doute qu'il y ait dans l'histoire
l'exemple d'une autre nation, qui, en si peu de
temps et avec si peu de sacrifices, a obtenu
une indépendance reconnue et garantie par
toutes les puissances dont elle se trouvait
entouré »
Le roi Léopold cependant paraissait inébran-
lable. « Je n'ai été amené à accepter le trône de
Belgique, écrivit-il lui-même à lord Palmerston,
qu'à certaines conditions que les alliés m'avaient
solennellement garanties. Le roi de Hollande
brave les alliés et m'attaque à cause de ces
mêmes conditions, et maintenant c'est moi qui
•
LORD PALMERSTON.
61
suis obligé d'accepter des choses que j'aurais
refusées, si elles m'avaient été imposées dès
l'origine. » Déjà le baron de Stockmar, le confi-
dent du roi, s'était aussi élevé avec une extrême
énergie contre les conditions que la conférence
prétendait imposer à la Belgique, conditions en
désaccord avec les articles sous la foi desquels
le prince de Saxe-Cobourg avait accep;é la cou-
ronne. 11 aimerait mieux y renoncer, ajoutait
Stockmar, que de courber la tête sous un arrêt
inique et déloyal. Palmerston, un peu troublé,
écrivit trois lettres en quatre jours au roi des
Belges pour le persuader que la décision des
puissances était équitable. 11 chargea en outre
sir Robert Adair de faire savoir nettement aux
ministres belges que l'arrangement conclu par
l'Europe devait sortir ses effets. « Si la Belgique
refuse son assentiment, poursuivait-il, le premier
acte de la France et de l'Angleterre sera sans
doute la rupture des relations diplomatiques,
puis viendra l'occupation des districts, que la
Belgique doit céder à la Hollande. » Palmerston
ne doutait point, au surplus, que le roi Léopold
finirait par reconnaître que les vingt-quatre
articles étaient réellement combinés pour assu-
rer à la Belgique une existence indépendante
et prospère ; et s'il allait renoncer à la couronne
I
62
LORD PALMERSTON.
par caprice et sans avoir une raison suffisante,
il serait pour jamais, d'après lui, un homme
perdu dans l'opinion de l'Europe. Palmerston
disait encore que l'Angleterre avait basé sa réso-
lution sur des considérations qui ne concernaient
pas seulement les deux parties en litige, mais
qui embrassaient les intérêts de toutes les puis-
sances. En participant à la séparation du nord
et du midi des Pays-Bas, le gouvernement
britannique avait pour devoir, déclarait-il, de
constituer la Hollande de manière qu'elle fût
une seconde ligne de défense si la neutralité
belge était un jour violée par la France.
Sir Robert Adair ne devait pas laisser ignorer
que, si la Belgique résistait, elle serait inévita-
blement partagée. « Je ne parle pas légèrement,
disait Palmerston, en m'exprimant ainsi; et le
roi ne peut réfléchir trop sérieusement à
ceci ('). »
Les conseils du chef du Foreign-Office furent
suivis : les Chambres belges se résignèrent, et
le roi Léopold, surmontant une légitime irrita-
tion, donna sa sanction à la loi qui l'autorisait
(') Lord Palmerston à sir Robert Adair, Foreign-Office,
18 octobre <831. Cette lettre, de la main de Palmerston,
avait seize pages in-4°.
1
LORD PALMERSTON.
63
à accepter les vingt-quatre articles ('). Ainsi fut
atteint le but que lord Palmerston avait tou-
jours eu en vue : faire reconnaître et garantir
d'une manière irrévocable l'indépendance de la
Belgique par les cinq puissances. Ce fut l'objet
du traité signé le -15 novembre, entre les repré-
sentants des cinq cours et le plénipotentiaire du
roi Léopold : la Belgique et son souverain pre-
naient immédiatement place clans le cercle des
gouvernements reconnus.
On a reproché à lord Palmerston non sans
raison, ce semble, d'avoir montré beaucoup de
raideur dans ses rapports avec le prince de
Talleyrand et d'avoir fait attendre plus d'une
fois dans son antichambre l'ambassadeur de
Louis-Philippe. Toutes autres étaient les relations
du chef du Foreign-Office avec le représentant
du roi Léopold : il ne cessa de témoigner à
M. Van de Weyer une sorte de familiarité
empreinte de la plus noble franchise. Ce fut aussi
lord Palmerston qui encouragea le début diplo-
matique d'un autre représentant du roi des
(') Le 4 novembre, lord Palmerston, ayant appris le vote
approbatif donné le 1" par la majorité de la Chambre des
représentants, écrivit à sir Robert Adair : « Nous sommes
ravis du vote des députés et nous attendons avec impa-
tience celui du Sénat ainsi que le retour de M . Van de Weyer. >
]
1
64,
LORD l'AI.MKRSTON.
Belges, le général Goblet, envoyé à Londres,
pour se concerter avec les quatre puissances au
sujet des forteresses qui seraient démolies en
vertu du protocole du 17 avril 1831. Par ses sé-
rieuses qualités, le général Goblet conquit immé-
diatement la confiance de lord Palmerston, et
celui-ci le signala comme un homme intelligent
et qui entendait les affaires. De son côté, le
général Goblet sut rendre à l'illustre chef du
Foreign-OHice la justice qui lui était due : il
déclara hautement que sa bienveillance pour la
Belgique était inépuisable. Cette déclaration est
consignée dans le remarquable ouvrage où, plus
de trente années après l'avènement du roi
Léopold I er , le général Goblet retraça les négo-
ciations auxquelles il avait participé et qui abou-
tirent à la convention du 14 décembre 1831 (').
Le roi Léopold ne rendait que justice aussi à
lord Palmerston lorsqu'il lui écrivait (2 jan-
vier 1 832) : « C'est avec la satisfaction la plus sin-
cère que je me trouve à môme de vous remercier
très-chaleureusement de la ligne de politique
honnête et vigoureuse que vous avezsuiviedans
(') Des cinq grandes Puissances de l'Europe dans leurs
rapports politiques et militaires avec la Belgique. Une mis-
sion à Londres en 1851 , par le lieutenant général comte
Goblet d'Alviella (1863, \ vol. in-8°).
I
LOKD PALMERSTON.
65
la situation actuelle et compliquée des affaires
européennes. »
De son côté, Palmerston mettait parfois un
peu de rudesse dans les conseils qu'il faisait
donner au roi; c'est ainsi que, le 3 avril 1832, il
écrivait à sir Robert Adair : « Recommandez
au roi de la modération et de la patience, pour
ne pas dire du sens commun. S'il veut faire la
guerre à la Hollande, il aura nécessairement les
cinq puissances contre lui et il sera à Gare-
mont dans la quinzaine. »
Mais il importe de constater que le roi Léopold
n'avait point à se louer des puissances du Nord.
Toujours dans l'espoir de favoriser les intérêts
de la maison d'Orange, elles ne s'étaient nulle-
ment empressées de ratifier le traité du 15 no-
vembre 1831. Lorsque l'Autriche et la Prusse
remplirent enfin l'engagement qu'elles avaient
contracté, elles firent encore des réserves quant
aux droits de la Confédération germanique. La
ratification conditionnelle, donnée le 4 mai 1832,
au nom de la Russie, remettait même en ques-
tion les engagements pris envers la Belgique.
En présence d'une crise ministérielle qui pou-
vait emporter les plus zélés défenseurs de la
cause belge en Angleterre, M. Van de Weyer
n'hésita point. D'accord avec lord Palmerston,
5
■
66
LORD PALMERSTON.
I
il accepta la ratification russe. Accusé dans les
Chambres belges d'avoir outrepassé ses pou-
voirs, violemment attaqué dans la presse,
M. Van de Weyer trouva en lord Palmerston un
énergique défenseur. Le chef du Foreign-Office
déclara que le ministre belge aurait été inexcu-
sable, s'il n'avait point accepté la ratification
russe : quoique incomplète, elle liait la Russie
aux puissances qui avaient reconnu l'indépen-
dance et la neutralité de la Belgique.
Le roi Guillaume refusant obstinément son
adhésion, la Belgique se trouvait dans l'alter-
native ou de recommencer la guerre avec la
Hollande ou d'obtenir de la conférence l'exécu-
tion des conditions que celle-ci avait garanties.
Le chef du Foreign-Office conseillait, avant
tout, de tenter encore une négociation directe
avec la Hollande; de concert avec MM. Van de
Weyer et Goblet, il rédigea un projet de con-
vention qui fut appelé le Thème de lord Pal-
merston. Ce document contenait des proposi-
tions au delà desquelles le cabinet de Bruxelles
ne pourrait pas être entraîné. Mis en demeure
par la conférence, le plénipotentiaire hollandais
dut avouer qu'il n'avait jamais été muni des
pouvoirs nécessaires pour négocier directement
avec le plénipotentaire belge; il fut constaté,
'
LORD PALMEIÏSTON. QJ
en outre, que le cabinet de la Haye refusait
d'accepter les vingt-quatre articles dans leur-
ensemble. Le 1er octobre> la conférence) fei _
sant droit aux justes réclamations des Belges
reconnut que des mesures coercitives étaient
devenues nécessaires pour obtenir l'assentiment
de la Hollande à l'exécution du traité du 15 no-
vembre. Mais tandis que les plénipotentiaires
du Nord opinaient pour de simples mesures
pécuniaires, les représentants de l'Angleterre et
de la France déclaraient celles-ci insuffisantes et
réservaient tous les droits de leurs gouverne-
ments. L'accord des cabinets des Tuileries et de
Saint-James aboutit au siège de la citadelle
d Anvers par une armée française.
Toutefois cette intervention étrangère avait
froissé bon nombre de Belges; de plus, on révo-
quait en doute que la prise du château d'Anvers
amenât la soumission du roi Guillaume. Comme
ce monarque, renommé pour son obstination
continua, en effet, de braver les puissances'
1 opinion publique était en Belgique surexcitée
par des idées belliqueuses. Le général Goblet
ministre des affaires étrangères, écrivait à
M. Van de Weyer, le 22 janvier 1833 : « Les
têtes sont de nouveau ici en fermentation et
mes chers collègues eux-mêmes ne peuvent pas
*
68
LORD PALMERSTON.
se défendre de velléités guerrières. Hier dans le
conseil l'on a agité la question de la conquête
de la Flandre zélandaise en représailles de la
fermeture de l'Escaut, et je vous avoue que je
n'aurai peut-être pas longtemps la force de
résister à de telles idées ...» Informé de cette
disposition des esprits en Belgique, lord Pal-
merston la blâma vivement et en montra les
dangers; le gouvernement, disait-il, ne doit pas
faire une chose qui serait en violation de ses
engagements formels et qui forcerait l'Angle-
terre à l'abandonner. « Si les Belges, ajoutait-il,
attaquaient la Flandre hollandaise, les Hollandais
auraient le droit de marcher sur Bruxelles. »
Une trêve fut enfin conclue le 21 mai 1833,
et lord Palmerston prit encore une part notable
à cette convention, qui stipulait un armistice
indéfini entre la Belgique et la Hollande. Quel-
que avantageuse qu'elle fût pour la Belgique, le
chef du Foreign-Office eût préféré cependant un
traité définitif. Il écrivit à ce sujet des lettres
pressantes au roi l.éopold et à sir Bobert Adair ;
ce fut aussi, d'après son désir, que MM. Van de
Weyer et Goblet reçurent de Bruxelles les pou-
voirs qui leur étaient nécessaires pour conclure
ce traité définitif. Mais bientôt il fut démontré
de nouveau que le roi Guillaume ne renonçait
LORD PALMERSTON.
69
pas encore à ses prétentions sur la Belgique (').
Sir Robert Peel ayant pris le pouvoir, le
15 novembre 4834, lord Palmerston quitta le
ministère des affaires étrangères ( 2 ). Mais ce ne
fut pas pour longtemps. Le 18 avril 1835, il
revenait à son ancien poste dans le second
cabinet formé par le vicomte Melbourne, son
beau-frère ( 3 ). Cette position dominante, Pal-
merston devait l'occuper jusqu'au 31 août 1841,
On rapporte que des intrigues furent tentées
(') N'ayant point le dessein de refaire l'histoire des rela-
tions extérieures de la Belgique, nous croyons pouvoir
renvoyer le lecteur aux ouvrages dans lesquels nous avons
essayé de retracer la carrière de Sylvain Van de Weyer et
celle du général Goblet. On y trouvera de nombreuses par-
ticularités que nous avons dû omettre ici pour ne pas dépas-
ser le cadre que nous nous étions prescrit. Les Mémoires
historiques du général Goblet seront également consultés
avec le plus grand fruit. Nul n'était mieux placé pour
constater les services éminents que lord Palmerston rendit
aux Belges pendant les négociations se rattachant à la
première atteinte portée aux traités de 1 81 5.
( ! ) Le roi Guillaume IV écrivit lui-même l'historique de
ce changement ministériel. Ce mémorandum est inséré
dans les Denkwùrdigkeiten aus den papieren des freiherm
C. F. von Slockmar, p. 275 et suiv.
( 3 ) Lord Palmerston avait épousé lady Cowper, sœur du
vicomte Melbourne.
tumM^ji
t*Âi&-à
70
. LORD PALMEESTON.
pour l'éloigner du Foreign-Office, mais qu'elles
furent déjouées par lord Melbourne.
De grands événements s'accomplirent durant
la seconde administration de cet homme d'État.
Ils ébranlèrent, puis raffermirent et consoli-
dèrent l'indépendance de la Belgique. L'avéne-
ment de la reine Victoria, le 20 juin 1837,
exerça aussi une heureuse influence sur les des-
tinées de notre pays. Le roi Léopold ne cessait
de recommander l'union de la France et de
l'Angleterre parce que de cette union, disait-il,
dépendait la paix du monde. Oncle de la reine
d'Angleterre, gendre du roi des Français, il
consacra tous ses efforts à maintenir la con-
corde entre les deux grandes puissances occiden-
tales. Ces efforts ne restèrent pas impuissants,
quoique l'entente cordiale, dont on a tant parlé,
n'eût jamais eu une grande solidité. La France
et l'Angleterre s'observaient d'un œil jaloux, et
plus d'une fois la méfiance faillit engendrer une
lutte ouverte.
Au mois de mars 1838, le roi Guillaume, sous
la pression des états-généraux, avait brusque-
ment adhéré au traité du 15 novembre 1831.
Mais la Belgique, qui s'était résignée en 1831,
ne voulait plus, après sept années d'une vie
commune avec le Limbourg et le Luxembourg,
■HH
■■i
f
LORD PALMEPSTON. 71
délaisser les populations qu'on prétendait lui
arracher. Nous n'avons pas à raconter ici toutes
les péripéties qui signalèrent la résistance des
Belges ni à rappeler les débats et les négo-
ciations qui aboutirent au traité définitif du
13 avril 1839. Disons seulement que lord Pal-
merston montra dans cette crise tout à la fois
un grand dévouement à notre pays et un grand
esprit de modération. S'il avait lutté énergi-
quement contre l'influence française en Espagne,
il lâchait maintenant, dans l'intérêt des Belges,
de marcher d'accord avec le cabinet des Tuile-
ries ('). Au surplus, le rôle de lord Palmerslon
0) La lettre inédite, dont nous donnons ci-dessous le
texte, prouve que Palmerston cherchait à conserver de bons
rapports avec l'ambassadeur de Louis-Philippe, le général
comte Sébastiani, successeur de Talleyrand :
*
« ... 31 juillet (1838).
Mon cher Comte,
« Personne ne peut avoir l'idée de mettre la France de
côté dans la négociation hollando-belge, et certes ce n'est
pas l'Angleterre qui se prêterait à un pareil arrangement,
et cela pour bien des raisons.
La France n'a pas été en dehors jusqu'à présent plus
que ne l'ont été l'Autriche et la Russie, car tandis que d'un
côté Bulow a parlé confidentiellement avec Eslerhazy,
Pozzo et Dedel, j'ai fait la même chose avec vous et Van de
umMJî
72
LORD PALMERSTON.
a été nettement caractérisé par M. Van de
Weyer : « Lord Palmerston a hâte d'en finir;
mais son empressement n'est ni de la tiédeur
ni de l'hostilité envers la Belgique. 11 prend
vivement ses intérêts à cœur, et il voudrait qu'il
lui fût permis de seconder ses vœux pour
l'intégrité du territoire; mais il me reste peu
ou point d'espoir à cet égard.... »
Dans les commencements si difficiles de la.
monarchie belge, lord Palmerston n'avait cessé
de surveiller et de déjouer les perlides desseins
,
Weyer. Le fait est que jusqu'à présent il n'y a pas eu de
négociation qui puisse lier aucune des parties. Nous nous
sommes bornés à tâcher de nous entendre par des conver-
sations particulières, afin de connaître, si cela se peut
d'avance, quels sont les points sur lesquels il nous serait
possible d'arriver à un arrangement en conférence. Mais
plus on multiplie les allocuteurs dans une conversation de
cette espèce, plus on y donne un caractère officiel, et c'est
uniquement pour cette raison et avec l'intention d'aplanir
les difficultés que Bulow est venu seul me trouver au
bureau.
Cependant, si vous croyez une autre marche plus propre
à nous conduire à bonne fin, je la lui proposerai.
Tout à vous,
(Signé) Palmerston.
(Collection dautographes de M. L. Veydt.)
4
LOKD l'ALMERSTON.
73
du prince de Talleyrand sur lequel le roi Léopold
écrivait encore en 1834 : « Le prince de Tal-
leyrand nous offrirait tout bonnement en holo-
causte. » Lord Palmerston n'avait cessé en toute
occasion de témoigner pour les Belges une
sollicitude incontestable. En 1838, il conservait
cette prédilection pour notre pays ; mais ses
collègues, redoutant de compromettre le sort
du cabinet, l'obligèrent de se soumettre aux
décisions de la conférence.
En 1840, la question orientale succéda à la
question belge et réveilla l'ancienne rivalité de
la France et de l'Angleterre, celle-là soutenant
le pacha d'Egypte dans sa révolte contre le
sultan, celle-ci voulant maintenir l'intégrité de
l'empire turc. Pour la France il s'agissait réel-
lement de rétablir sa suprématie, mais ce
projet fut déjoué par le traité du 15 juillet
conclu, sans son intervention, entre les quatre
grandes puissances et la Porte Ottomane.
M. Thiers était alors chef du cabinet français;
il ressentit comme un affront personnel le
traité du 15 juillet et se prépara à la guerre.
Lord Palmerston avait la conviction qu'elle se
ferait si M. Thiers conservait le pouvoir. 11 faut
lire dans la correspondance du chef du Foreign-
Office avec sir H. Bulwer, alors chargé d'affaires
74
LORD PALMERSTON.
à Paris, avec quelle habileté et en même temps
avec quelle énergie il luttait contre l'esprit à la
fois si souple et si hardi de M. Thiers. Celui-ci,
dans un entretien à Auteuil avec sir H. Bulwer,
avait fait entendre quelques paroles assez mena-
çantes. Palmerston, en ayant eu connaissance,
écrivit à Bulwer (22 septembre) : « Si Thiers
vous tient encore le langage de la menace,
quelque vague et détourné qu'il soit, veuillez 1©
lui rétorquer dans les mêmes termes; dites-lui,
avec cette habileté d'expression dont je vous
sais capable, de la façon la plus amicale et la
plus inoffensive, que, si la France jette le gant,
nous le ramasserons. Ajoutez que, si la France
commence la guerre, elle perdra sûrement sa
flotte, ses colonies, son commerce, avant d'en
voir la fin; que son armée d'Afrique ne lui
donnera plus de souci, et que Méhémet-Ali sera
jeté dans le Nil. C'est ainsi que je parle invaria-
blement à Guizot et à Bourqueney quand ils
commencent à faire les fanfarons, et je remar-
que que cela les calme instantanément On
conjecture que Thiers aurait l'intention d'atta-
quer l'Autriche et de laisser là les autres puis-
sances. Veuillez le détromper et faites-lui com-
prendre que l'Angleterre n'a point l'habitude
d'abandonner ses alliés : si la France attaque
vï '
4
LORD PALMERSTON.
75
l'Autriche au sujet du traité, elle aura affaire
avec l'Angleterre aussi bien qu'avec l'Autriche,
et je ne doute pas qu'elle ne trouve aussi devant
elle la Prusse et la Russie... »
Lord Palmerston finit par triompher de
M. Thiers. En effet, celui-ci quitta le pouvoir
après avoir acquis la certitude que Louis-Phi-
lippe ne s'associerait point à ses projets belli-
queux ('). Au reste, la dissolution du cabinet du
i er mars ne modifia point l'attitude de lord
Palmerston. Louis-Philippe après avoir, le
29 octobre, remis le ministère des affaires
étrangères à M. Guizot, laissait assez clairement
entendre que le gouvernement anglais, afin
d'aider le roi des Français à maintenir la paix et
à contenir le parti de la guerre, devait accorder
aux prières du monarque ce qu'il avait refusé
aux menaces de M. Thiers. Tel n'était point l'avis
de Palmerston. « Nous avons résisté, disait-il,
aux menaces de M. Thiers parce que ce qu'il
demandait ne pouvait être accordé sans léser
gravement les intérêts de l'Europe, et nous ne
(') Louis-Philippe disait à sir H. Bulwer : « M. Thiers
est furieux contre moi, parce que je n'ai pas voulu faire la
guerre. Il me dit que j'ai parlé défaire la guerre; mais
parler de faire la guerre et faire la guerre, M. Bulwer, sont
deux choses bien différentes. »
à*aL5
à
76
LORD l'ALMEKSTON.
pouvons exposer ces intérêts par complaisance
pour Louis-Philippe et pour Guizot pas plus
que par crainte de Thiers ('). » Il ajoutait dans
une fort intéressante lettre au comte Granville
(29 octobre) : « Mon opinion est que nous n'au-
rons pas actuellement la guerre avec la France,
mais il faut nous attendre à l'avoir un jour ou
l'autre. Tous les Français rêvent plus ou moins
l'extension de leurs possessions territoriales aux
dépens des nations voisines, et ils sentent tous
ce qu'a dit une fois le National, qu'une alliance
avec l'Angleterre est une barrière contre de tels
projets. Je ne serais point surpris que les doc-
trinaires qui se trouvaient dans le gouverne-
ment de Thiers en fussent les membres les plus
belliqueux. Je puis même ajouter que je m'y
attendais. Je ne blâme pas les Français de ne
pas nous aimer. Leur vanité leur persuade qu'ils
sont le premier peuple du monde, et pourtant,
à chaque occasion, ils peuvent voir que nous
sommes leurs égaux. C'est un malheur que
le caractère d'une grande et puissante na-
(') Sir H. Bulwer dit très-clairement dans la préface de
la Vie de lord Palmerston que cet homme d'État en voulait
moins aux ministres français qu'au roi des Français lui-
même. Dès lors se manifestait cet antagonisme qui eut de
si graves conséquences.
LORD PALMERSTON.
77
tion, placée au centre de l'Europe, soil ce qu'il
est; mais c'est l'affaire des autres nations
d'ouvrir les yeux et de ne pas négliger les
précautions commandées par la prudence.... »
Lorsque le ministère présidé par lord Mel-
bourne dut enfin se dissoudre, à cause de sa
faiblesse générale, lord Palmerston n'avait rien
perdu de son prestige et de sa popularité. Sa
politique triomphait partout. La Russie n'avait
plus le protectorat exclusif de l'empire turc et
l'Egypte ne pouvait plus devenir une dépen-
dance de la France. En môme temps, les Anglais
étaient victorieux en Chine et dans l'Afghanis-
tan. Mais l'œuvre de prédilection de Palmerston,
celle qu'il avait achevée avec le plus d'ardeur
et d'amour, était sans contredit la création
d'une Belgique indépendante et neutre.
En participant avec une si vaillante persévé-
rence à la fondation du royaume de Belgique,
lord Palmerston eut constamment les yeux fixés
sur le résultat général. Selon la remarque de son
éminent biographe, il prit pour guide le désir
de placer le nord et le midi des anciens Pays-
Bas dans une position telle qu'ils voudraient,
lorsque auraient disparu les générations qui
avaient combattu les unes contre les autres,
réunir leurs descendants par des intérêts com-
1
1
I
■i
78
LORD PALMEItSTON.
muns. La sagesse de cette politique, ajoute sir
H. Bulwer, peut maintenant être attestée quand
nous nous demandons, à quarante années de
distance, si, dans le cas où la Hollande et la
Belgique seraient assaillies demain par une
armée envahissante, elles ne seraient pas plus
disposées, quoique États séparés, à se liguer
pour leur défense commune, qu'à l'époque où
leurs noms étaient unis et leurs cœurs divisés
sous le royaume des Pays-Bas.
•
I
IV
4
.
Lord* Palmerston avait associé sa fortune
politique à celle de lord Melbourne : il se retira
avec lui du ministère le 31 août 1841. Mais il
devait bientôt ressaisir de nouveau le pouvoir.
Le 3 juillet 1846, il rentre au gouvernement
avec lord John Russell et reprend, jusqu'au
22 décembre 1851, la direction du ministère des
affaires étrangères.
On a encore présente à la mémoire l'énergie
qu'il déploya dans l'affaire des mariages espa-
gnols. Par des prétentions qui rappelaient trop
l'orgueilleuse ambition de Louis XIV, par sa
politique équivoque, le roi des Français avait
suscité non-seulement la résistance, mais on
*jtm*L*
♦
80
LORD PALMERSTON.
peut dire l'antagonisme personnel de lord Pal-
merston. Ce qu'on appelait l'entente cordiale
fit place dès lors à une grande méfiance; depuis
la reine jusqu'au dernier artisan, toute la nation
anglaise se sentit froissée par les procédés du
gouvernement français. Que fit Louis-Philippe?
Dans son anxiété, il désira ardemment de se
réconcilier avec la reine Victoria et crut de
bonne guerre de rejeter sur l'esprit brouillon
de lord Palmerston la responsabilité d'une
rupture dont il redoutait les conséquences. Dans
une lettre écrite à la reine des Belges, mais
réellement destinée à la reine Victoria, Louis-
Philippe s'exprimait en ces termes : « La reine
ne voit maintenant les choses que par la lunette
de lord Palmerston, et cette lunette les fausse
et les dénature trop souvent. C'est tout simple.
La grande différence entre la lunette de cet
excellent Aberdeen et celle de lord Palmerston
provient de la différence de leur nature : lord
Aberdeen aimait à être bien avec ses amis ; lord
Palmerston, je le crains, aime à se quereller
avec eux. C'est là ce qui causait mes alarmes
sur le maintien de notre entente cordiale,
lorsque lord Palmerston a repris la direction
du Foreign-Office. »
Quelques mois après le trône élevé en juil-
r
t
t
LORD PALMBBSTON.
81
let 4830 s'écroulait, et Louis-Philippe cherchait
un asile en Angleterre.
A la première nouvelle de la révolution de
février 1848, lord Palmerston fit appeler
M. Van de Weyer et l'interrogea avec une sorte
d'anxiété sur la situation intérieure de la Bel-
gique. Le représentant du roi Léopold répondit
qu'il était sans inquiétude; que la population
de Bruxelles ne partageait aucune des passions
du peuple de Paris ; que le pouvoir, en Belgique,
avait pris l'initiative de toutes les réformes,
que le bien était toujours venu d'en haut, et
que la nation, profondément attachée à son
indépendance, repousserait toutes les tentatives
du dehors. « Rien à craindre, ajouta-t-il, de
l'intérieur. Tout de l'extérieur. L'intérieur, nous
en répondons. L'extérieur est votre affaire
autant que la nôtre. » Ainsi s'exprimait l'un des
plus illustres fondateurs de l'État belge. Les
événements ne démentirent point la confiance
qu'il avait dans le patriotisme de ses conci-
toyens. Quant à l'Angleterre, elle était intéressée
non-seulement à défendre l'indépendance de
la Belgique, mais encore à soutenir les institu-
tions constitutionnelles qui étaient les fonde-
ments de cette indépendance, ou, pour employer
de nobles paroles de la reine Victoria, le palla-
6
H -<
t
82
LORD PALMERSTON.
dium et l'abri d'un peuple libre et heureux.
Ce fut aussi au milieu de la grande crise
provoquée par la révolution de février 1848,
que s'accomplit entre la Belgique et la Hollande
le rapprochement désiré et prévu par lord
Palmerston dès 1832. « La Hollande et la Bel-
gique unies pour leur défense commune et en
bonne amitié, disait à ce sujet le roi Léopold,
offrent ensemble avec l'Angleterre une force
assez respectable, et je considère cet ordre de
choses comme étant le plus important que
l'Angleterre ait à protéger et à conserver sur le
continent de l'Europe. »
En 1851, un profond désaccord se manifesta
entre lord John Bussell et lord Palmerston.
Après le coup d'Etat accompli par Louis-Napo-
léon, la reine d'Angleterre exprima la volonté
formelle que son ambassadeur à Paris ne fît
rien qui pût être considéré comme une inter-
vention quelconque dans les affaires intérieures
de la France. Mais le chef du Foreign-Oflice ne
garda point la prudente réserve adoptée par les
autres membres du cabinet. L'ambassadeur
britannique à Paris ayant fait entrevoir la pos-
sibilité d'une alliance intime et immédiate de la
France avec la Russie et l'Autriche, Palmerston
n'hésita point. Dans un entretien avec le comte
t
LOUD PALMERSTON.
83
Walewski,et dont celui-ci s'empressa de rendre
compte à Paris, le chef du Foreign-Office donna
son approbation entière au coup d'État et
exprima l'opinion que le président de la Répu-
blique française n'aurait pu agir autrement. La
conduite prévoyante de Palmerston ne fut pas
comprise d'abord, et elle amena sa retraite for-
cée (22 décembre 1851) : il fut remplacé par
lordGranville(').
Le gouvernement passa ensuite au comte
Derby jusqu'au moment où se forma, à la fin
de 1852, le ministère de coalition qui réunit le
comte Aberdeen, lord Russell et Palmerston
lui-même. Pendant trois ans ce dernier en fait
partie comme ministre de l'intérieur. La guerre
de Crimée le porte ensuite au premier rang,
car l'opinion publique veut à la tête du gouver-
nement un homme d'État dont l'énergie et la
(') Denkwûrdigkeiten aus den papieren des freihernn
C. F. V. Stockmar, p. 64 et suiv. — « Pour être juste,
ajoute- t-il, je dois convenir que Palmerston a vu à ce
moment plus clair dans l'avenir que nous tous, qui n'envi-
sagions le coup d'État qu'à travers le sentiment de notre
réprobation morale. Les projets insensés de la Russie impo-
saient comme une nécessité politique l'alliance franco-
anglaise, et Palmerston peut dire à bon droit qu'il a reconnu
cette nécessité avant nous. 11 nous a réellement surpassés. »
^|t<l\V>
84
LORD PALMERSTON.
■a
popularité soient au niveau de la situation.
C'est lord Palmerston qu'elle désigne. 11 avait
alors soixante et onze ans. Nommé premier
ministre le 20 février 1855, il conserva cette
position éminente jusqu'au 20 février 1858.
Le comte Derby exerça le pouvoir du 21 fé-
vrier 1858 au 13 juin 1859 et le céda de nouveau à
lord Palmerston qui le conserva jusqu'à sa mort.
La guerre faite par Napoléon 111 au delà des
Alpes répandit l'inquiétude non-seulement en
Allemagne mais aussi en Belgique. Le roi Léo-
pold écrivait de Bruxelles : « ... Si la France
retourne à la position de la paix de Lunéville,
il n'est guère possible qu'elle tolère aux portes
de Paris un pays fort désagréable comme celui-
ci. La Prusse et l'Allemagne tiennent encore
avec un peu de courage le sort de l'Europe
dans leurs mains; mais si elles se conduisent
lâchement, nous sommes à la merci de la
France. » Le roi Léopold comptait aussi sur
l'énergie et la vigilance de lord Palmerston.
Si celui-ci avait donné son approbation au coup
d'État, il n'avait nullement le dessein cependant
de sacrifier la Belgique, son œuvre de prédilec-
tion, au dominateur de la France : à cet égard
il montrait l'inflexibilité d'un Pitt et d'un Castle-
reagh. Pour ne laisser aucun doute sur ses im-
LORD PALMEUSTON.
85
muables sympathies, il saisissait toutes les
occasions de signaler publiquement le noble
emploi que les Belges faisaient de leurs libertés
et de vanter cette prospérité dont ils jouissaient
et qu'il était donné, disait-il, à peu de nations
sur le continent de voir régner chez elles.
Lord Palmerston demeura jusqu'à son der-
nier jour un ami inébranlable, un défenseur
constant et énergique de notre patrie. La veille
de sa mort (17 octobre 4865), il se rappelait
encore avec satisfaction qu'il avait prêté son
actif concours à la fondation de l'État belge.
« Pendant un assoupissement on l'entendit
murmurer : « Le traité avec la Belgique!... Oui...
lisez-moi de nouveau la sixième clause. »
M. Ashley, son petit-fils, lui lut effectivement
l'article qui consacrait l'indépendance et la
neutralité de la Belgique. La lecture achevée,
lord Palmerston, se transportant en esprit à
cette fameuse conférence de Londres qui avait
posé les fondements du nouveau royaume, dit
ces mots : « France acknowledge.. Puis sa
pensée s'arrêta et les paroles qu'il murmurait
encore devinrent inintelligibles ('). » Le lende-
( 4 ) Voir Le'opold I", roi des Belges, d'après des documents
inédits, t. II, p. 222.
s m
*MV
86
LORD PALMERSTON.
main le puissant ministre, dont le nom était
connu jusqu'aux extrémités du monde, s'étei-
gnait paisiblement.
La Grande-Bretagne reconnaissante s'em-
pressa de décerner à lord Palmerston les hon-
neurs de l'abbaye de Westminster ; c'est là qu'il
repose à côté des grands hommes qui ont fondé
et consolidé la puissance britannique. Mais il a
des droits aussi à la gratitude des Belges :
comment donc sa glorieuse image ne figure-t-
elle pas sur l'une de nos places publiques?...
Serait-il vrai que les Belges, trop longtemps
sous l'empire de préjugés funestes et de pré-
ventions absurdes, n'ont pas encore assez appris
ce qu'ils doivent à l'Angleterre?
Sir H. Bulwer a dit de lord Palmerston qu'un
de ses plus grands mérites fut de s'être en
quelque sorte identifié avec l'esprit de son
temps ; d'avoir marché avec ses contemporains,
ne les devançant pas, mais ne restant pas non
plus en arrière. Il s'éleva graduellement jus-
qu'au premier rang par un labeur persévérant,
par une capacité réelle, jamais par l'intrigue (').
(') Lord Palmerston, qui ne resta jamais inférieur à
aucune position officielle, savait remplir sa tâche avec une
facilité et une force singulière. Voici ce que rapporte M. de
Jarnac qui avait eu avec lui de longues relations : « - C'est
■
r
LORD PALMEKSTON.
87
Il était ambitieux sans doute, mais dépourvu de
vanité; il représentait le pouvoir avec simpli-
cité, parfois avec une sorte d'enjouement. Une
des phrases favorites de lord Palmerston était
celle-ci : « Attendons, voyons venir. » Il lais-
sait venir, puis, avec une énergie extraordinaire,
il poursuivait le but jusqu'à ce qu'il l'eût atteint.
Ce grand homme d'État avait, comme on l'a dit
encore, une force à lui. C'était le type de la
nation anglaise, la personnification de la fierté
incontestablement le maître le plus accompli du langage
diplomatique qu'il nous ait été donné de rencontrer, soit
qu'il voulût semer les mille embûches que recouvre l'idiome
international, soit qu'il s'agit de les mettre au jour. Il se
faisait un jeu de rédiger lui-môme, séance tenante, au
Foreign Office, ces pièces importantes qui sont habituelle-
ment livrées à l'élaboration professionnelle des bureaux.
« Vous êtes à peu près infatigable, m'écriai-je un soir,
témoin de la rapidité avec laquelle il avait accompli, par
pur délassement, un de ces véritables exploits littéraires.
— Ce que je fais me fatigue rarement, répliqua-t-il en sou-
riant; c'est ce que je n'ai pas encore pu faire, » parole
étrange qui témoigne de toute l'ardeur qui se combinait
dans son tempérament avec une persévérance peu com-
mune. — Quand il vit le terme de sa longue carrière appro-
cher sensiblement, il dit à ceux qui l'entouraient : « Je crois
être aujourd'hui l'homme politique de l'Europe qui a le
plus travaillé. »
m ■ -
88
[.ORD PALMKRSTON.
britannique. 11 ne voyait rien au-dessus de la
Grande-Bretagne, et s'attachait principalement
à faire respecter, jusqu'aux extrémités du
monde, le plus humble de ses concitoyens.
Aussi jouissait-il parmi ses compatriotes d'une
popularité sans égale ; mais au dehors il était
craint et même détesté. Par jalousie, par ran-
cune, l'étranger lui attribuait tous les défauts,
tous les travers, sans même lui accorder une
qualité. Belges, ne nous associons pas à ces pré-
ventions. Lord Palmerston, grâce à « la fermeté
du caractère, jointe à la clairvoyance de l'esprit
et à la rectitude du jugement, » nous a, à travers
des écueils sans nombre, dirigés habilement
vers le port où nous avons trouvé enfin, après
tant de vicissitudes, la sécurjtC^-te"bonheur.
oX»
• '
EXTRAIT DU CATALOGUE DE LA LIBRAIRIE EUROPÉENNE
DE C. IHUQUflROT, HENRY IÏIERZBACH, SUCCESSEUR
(Bruxelles, Gand et Leipzig.)
LES FONDATEURS DE LA MONARCHIE RELGE
PAn Théodore Juste
Léopold I", roi des Belges, d'après des documents inédits:
Première partie (1790-1852), 1 vol. in-8°.
Deuxième partie (1832-1865), 1 vol. in-8° (<).
Surlet de Chokier, régent de la Belgique, d'après ses papiers
et d'autres documents inédits (1769-1859), 1 vol. in-8°.
Le baron de Gerlache, ancien président du Congrès natio-
nal, etc., 1 vol. in-8°.
Joseph Lebeau, ministre d'État, d'après des documents
inédits (1794-1865), 1 vol. in-8°.
Sylvain Van de Weyer , ancien membre du gouvernement
provisoire , ancien ministre plénipotentiaire de Belgique
à Londres, etc., d'après des documents inédits, 2 v. in-8°.
le comte Le lion, ministre d'État, ancien ministre plénipo-
tenUaire de Belgique à Paris, etc., d'après ses correspon-
dances diplomatiques et d'autres documents inédits (1792-
1856), 1 vol. in-8°.
Le lieutenant général comte Goblet d'Alviella, ministre
d'Etat, d'après des documents inédits (1790-1869) 1 vol
in-8\ "
Le comte de Muelenaerc, ministre d'État, d'après des docu-
ments inédits (1794-1862), 1 vol. in-8°.
Charles de Brouckere, bourgmestre de Bruxelles etc
(1796-1860), 1 vol. in-8\
Notes historiques et biographiques sur les fondateurs de
l Etat belge (1830-1870), d'après des documents inédits,
1 vol. in-8°.
Le comte Félix de Mèrode, membre du gouvernement
(') Traductions anglaise, allemande et flamande.
•
provisoire, ministre d'État, représentant, etc., d'après
des documents inédits, 1 vol. in-8°.
CHAQUE OUVRAGE SE VEND SÉPARÉMENT.
OUVRAGES DD MÊME AUTEUR :
Histoire de Belgique, depuis les temps primitifs jusqu'à la
fin du règne de Léopold I er . 4 e édition, 5 vol. gr. in-8°.
Histoire du Congrès national de Belgique ou de la Fo?u
dation de la monarchie belge, 2' édition, 2 vol. (').
Les Frontières de la Belgique, 1 vol. in-12.
Histoire des états généraux des Pays-Bas (1465-1790),
2 vol. in-8°.
Histoire du règne de l'empereur Joseph II et de la Révolution
belge de 1790, 5 vol. in-12. (Épuisé.)
Souvenirs diplomatiques du XVIII e siècle. Le comte de
Mercij-Argenteau (1722-1794), 1 vol. in-12.
Le Soulèvement de la Hollande en 1813 et la fondation du
royaume des Pays-Bas, précédés d'une introduction sur
le règne de Louis Bonaparte (180G-1817), 1 vol. in-8°.
La Révolution belge de 1830 (1817-1830), 2 vol. in-8°.
XVI SIÈCLE.
Les Pays-Bas sous Philippe II (1 555-1 572), 2 vol. grand
in-8°. {Épuisé.)
Histoire du soulèvement des Pays-Bas contre la domination
espagnole (1572-1576), 2 vol. grand in-8°.
Charles-Quint et Marguerite d'Autriche. Élude sur la mino-
rité, l'émancipation et l'avènement de Charles-Quint à
l'empire (1477-1521), 1 vol. in-8°.
(') Traduction allemande (Leipzig et Bruxelles, 1850, 1 vol.;
M
Les Pays-Bas sous Charles-Quint. Vie de Marie de Honarie
(1505-1 538), 2° édition, 1 vol. in-12 («).
Z,e Comte d'Egmont et le comte de Homes (1322-1568],
d'après des documents authentiques et inédits, 1 vol. in-8°.'
Fm de Marnixde Sainte- Aldegonde (1538-1598), tirée des
papiers d'État et d'autres documents inédits, 1 vol. in-8°.
Christine de Lalaing, princesse d'Èpinoy, 1 vol. in-12.
Charles de Lannoy, vice-roi de IVaples, in-8°.
Conspiration de la noblesse belge contre l'Espagne en 1632,
d'après les papiers d'Etat, 1 vol. in-8°.
Guillaume le Taciturne, 1 vol. in-8".
■
(') Traduction hongroise (Pestli, 1866, 1 vol. in-12).
«
A
LES FONDATEURS DE LA MONARCHIE BELGE
APPRÉCIATIONS DIVERSES
JOSEPH I t IH \l
1 vol. in-8 - .
« En appliquant son talent bien connu d'historien à rap-
peler les titres de Lebeau à notre reconnaissance, l'auteur
n'a pas fait seulement un bon livre, il a fait aussi, ce qui
n'est pas moins méritoire à nos yeux, acte de bon citoyen. »
— La Meuse.
« En se renfermant dans le cadre d'une stricte biogra-
phie, l'auteur n'a diminué en rien l'importance historique
de son livre; les papiers manuscrits de M. Lebeau, d'autres
documents inédits encore, lui ont permis de jeter du jour
sur bon nombre de faits incomplètement connus jusqu'ici,
de signaler même plusieurs incidents entièrement nou-
veaux... » — Écho du Parlement.
« M. Th. Juste a fait incontestablement une œuvre utile
/
*Ht* Wl *«
en écrivant la vie de Joseph Lebcau , l'un des principaux
fondateurs de la monarchie belge... Son livre renferme une
foule de révélations intéressantes sur les hommes et les
choses de la révolution et des premières années de la mo-
narchie constitutionnelle. » — Journal de Bruxelles.
&::-m
« Lebeau avait droit à quelque chose de plus qu'une
simple notice : sa vie résume un chapitre entier de l'his-
toire d'un peuple, et ce chapitre, on eût pu jusqu'ici diffici-
lement l'écrire. C'est pour avoir comblé cette lacune que le
livre de M. Juste a droit à une mention toute particulière et
qu'il doit prendre place dans toutes nus bibliothèques. « —
Journal de Liège.
« En écrivant la biographie de M. Joseph Lebeau, en
faisant la lumière autour de cette figure obscurcie par la
passion des uns, oubliée par l'indifférence des autres,
M. Th. Juste a rempli un pieux devoir ; il a fait une œuvre
de bon citoyen,.. Grâce aux nombreux documents inédits
•mis à sa disposition, il a en même temps éclairé d'un jour
tout nouveau certains événements de notre histoire contem-
poraine... » — L'Impartial de Bruges.
« Quand on songe que c'est sous son ministère que fut
conclu le traité des dix-huit articles, si avantageux pour la
Belgique, si la fortune de la guerre ne lui en eût ravi les
fruits ; que c'est grâce à ses éloquentes sollicitations que le
Congrès élut Léopold de Saxe-Cobourg..., on reconnaît que
ce sage et intègre homme d'État mérite d'occuper la place
que M. Juste lui a donnée au premier rang des fondateurs
de la monarchie belge. — Ce livre se distingue par la
<«1 ..-.. 1
sobriété et la simplicité ; et les documents inédits qu'il met
au jour ajoutent beaucoup à son utilité et à son intérêt. »
— Journal de Gand.
>' On se rappelait à peine parmi nous les noms des
hommes qui fondèrent un État et préservèrent l'Europe
d'une guerre générale. Il faut donc savoir gré à M. Th. Juste
d'avoir consacré ce livre à Joseph Lebeau. Un pareil homme
était digne d'un travail complet, et cette tâche a été rem-
plie avec succès par l'auteur. L'ouvrage est d'un haut intérêt
pour l'histoire contemporaine : c'est à la fois la biographie
d'un homme et le récit des luttes et du triomphe d'une
nation. » — The Athenœum.
■
« M. Th. Juste pouvait mieux que personne donner une
biographie fidèle de Joseph Lebeau, par suite des relations
qu'il avait eues avec cet homme d'État, et de l'étude parti-
culière qu'il avait faite du drame de 1830-1831 dans son
Histoire du Congrès national de Belgique. << — AUgemeine
Zeitung (d'Augsbourg).
« Il importe de ne pas oublier les hommes d'État qui,
avec le roi Léopold, travaillèrent à la fondation et à l'affer-
missement de l'État belge. Avec raison M. Juste a placé à
la tête de ceux-ci Joseph Lebeau. » — Europa (de Leipzig).
« En se servant des souvenirs de M. Lebeau, le bio-
graphe a donné plus d'importance encore à son œuvre et
doté l'histoire belge d'un livre d'une haute valeur. » — Lite-
rarisches Centralblatt.
PS
m
m
MVRLET DE CHOKIER.
1 vol. in-8*.
« M. Th. Juste, grâce aux documents inédits qui ont été
mis à sa disposition, a pu retracer avec une grande exacti-
tude tous les actes du Régent et les mobiles qui les avaient
dictés. Son livre présente, sur beaucoup de points, l'intérêt
qu'auraient les mémoires mêmes du personnage dont il
retrace la vie. » — Journal de Liège.
« M. Th. Juste a écrit l'histoire du Régent et nul mieux
que lui n'était en position de remplir ce devoir pieux, puis-
qu'un concours de circonstances l'avaient rendu possesseur
des papiers de Surlet et notamment de sa correspondance
intime. » — Précurseur.
« Le volume que nous annonçons, consacré modestement,
en apparence, au récit d'une seule vie, contient en réalité
le tableau de toute une période de la révolution qui nous a
affranchis. De plus, il révèle des faits importants jusqu'ici
inconnus ou mal appréciés ; il offre, dans tous les sens du
mot, l'attrait piquant de la nouveauté. » — La Meuse.
« Tous les Belges qui aiment véritablement leur pays
liront avec plaisir le livre de M. Th. Juste et seront recon-
naissants envers l'auteur. » — Écho de Liège.
« M. Juste a eu le talent de faire aimer le caractère et de
mettre en évidence les incontestables services de l'un des
fondateurs de la monarchie nationale. » — Journal de
Bruxelles.
1
9
« Le nom de Surlet de Chokier, régent de la Belgique
en 1 83 1 , est presque oublié de notre génération ; néanmoins
le livre de M. Th. Juste, écrit avec conscience, sympathie
et autorité, est fait pour être lu ailleurs qu'en Belgique. »
— Bibliothèque universelle et Revue suisse.
« C'est une attrayante peinture de ce personnage si
remarquable et si intéressant. «—HeidelbergherJahrbÙcher
(1er Literatur.
« Cette biographie éclaircit bien des points qui étaient
restés obscurs dans l'histoire de la fondation du nouveau
royaume de Belgique, et doit être considérée comme un
document précieux. » — Hamburgischcn Correspomlenten.
« Un historien belge, connu par de beaux travaux sur
l'histoire nationale, M. Théodore Juste, publie depui s
quelque temps sous ce titre : Les Fondateurs de la monar-
chie belge, une intéressante série de portraits politiques.
Deux de ces portraits, ceux du régent de Belgique et du
comte Le lion, méritent plus particulièrement l'attention
des lecteurs français. » — L'Avenir national.
LE COMTE LE IlON.
i vol. in-8".
« Ministre du Régent et de Léopold I" près la cour des
Tuileries, le comte Le Hon fut activement mêlé à toutes les
négociations diplomatiques qui précédèrent l'élection du
Roi, l'intervention française de 1831 et de 1832, la recon-
naissance de la monarchie belge par l'Europe, et, enfin, le
célèbre traité du 19 avril 1839. C'est là la partie vraiment
historique du livre de M. Juste, et, nous devons le dire,
«•^•r t»m%*
10
cette partie présente un intérêt soutenu et jette un jour
nouveau sur plusieurs épisodes de notre histoire contempo-
raine. Outre un grand nombre de dépêches confidentielles
et jusqu'ici inédites , nous y avons rencontré toute une
collection de lettres autographes du roi Léopold 1 er . >» —
Journal de Bruxelles.
« Au point de vue des révélations historiques, le nouveau
livre de M. Juste est appelé à un grand et légitime succès. »
— Étoile belge.
.. L'ouvrage consacré au comte Le Hon n'a pas seule-
ment une haute valeur pour la Belgique, mais il intéresse
l'Europe entière par les données qu'il fournit sur l'établis-
sement de la monarchie belge. » - Historische Zeitschrifl.
« C'est une histoire diplomatique, précieuse par les révé-
lations et les documents inédits qu'elle contient. » — The
Chronicle.
CII.IIILES DE MIOUCKERE.
1 vol. in-8\
.. C'est un portrait fidèle, quoique rapidement esquissé.
Nous connaissons peu de biographies d'une lecture plus
attrayante; mais aussi nous connaissons peu d'existences
plus laborieuses, plus noblement employées que celle de
Charles de Brouckere, peu de caractères plus sympathiques,
malgré ses brusqueries et ses caprices, légers défauts qu
faisaient d'autant mieux ressortir ses grandes qualités. » —
Indépendance belge.
« Peu de carrières ont été aussi remplies que celle de
Charles de Brouckere... La vie d'un tel homme est un
*ss*.
31
exemple et une leçon ; la notice que nous venons de lire
nous paraît destinée à devenir un livre populaire. « —
Journal de Liège.
i Le livre consacré à Charles de Brouckere vaut bien que
l'on étudie la carrière de cet homme remarquable qui mon-
tra un talent également éminent dans les positions si diverses
qu'il occupa successivement. -> — Schlesische Zeitung (de
Breslau).
LE COMTE DE MllELENAERE.
1 vol. in-8°.
« M. Th. Juste vient de publier le septième volume de
ses études sur les Fondateurs de la monarchie belge. C'est
la biographie du comte de Muelenaere, rédigée d'après des
documents inédits. Ce volume présente, comme les précé-
dents, un vif intérêt pour tous ceux qui s'occupent de notre
histoire contemporaine. » — Écho du Parlement.
« M. Juste a très-habilement tiré parti des papiers inédits
qui lui ont été communiqués par la famille de M. de Muele-
naere. Les projets d'union douanière dont il a été question
entre la France et la Belgique sous la monarchie de juillet,
et dont l'ancien ministre des affaires étrangères fut l'un des
plus persévérants adversaires, tiennent une place impor-
tante dans ce nouvel écrit, » — Indépendance belge.
« Cette nouvelle page d'histoire est une œuvre utile et
nationale. Elle jette une précieuse clarté sur les événements
qyi ont entouré la naissance et le développement de notre
nationalité. Nous devons remercier M. Th. Juste d'avoir
mis en lumière, avec l'autorité de son talent, tous les
-S. '-1*.- ^t%\»
T»TP
^9-Jt.JJ
12
détails de la belle et utile carrière du comte de Muelenaere.»
— Journal de Bruxelles.
« M. Th. Juste vient de publier, dans sa galerie des
Fondateurs de la monarchie belge, la biographie de M. le
comte de Muelenaere, ministre d'État, ancien ministre, l'un
des hommes politiques éminents du parti catholique, dont
on a pu dire avec vérité que son nom vivrait dans la
mémoire de ses contemporains et passerait à nos descen-
dants, car ce nom a été mêlé a tous les grands événements
qui ont consacré notre existence politique, et il figure avec
éclat dans les plus belles pages de l'histoire de notre régéné-
ration. » — Étoile belge.
le uiinvni <.l M It 1 1 COUTE «.OUI 11 lt Al. VII 1 I, %
1 vol. iii-8".
« M. Théodore Juste, le consciencieux biographe des
Fondateurs de la monarchie belge, vient de consacrer une
intéressante notice à la carrière militaire, politique et diplo-
matique de M. le lieutenant général Goblet, comte d'Ahiella,
ministre d'État. L'auteur a tiré parti d'un grand nombre
de documents inédits. » — Indépendance belge.
« ... Ce volume renferme une assez longue série de
documents inédits, qui jettent un jour nouveau sur les
nombreuses et graves péripéties qui ont longtemps tenu en
échec la constitution définitive de la Belgique. ...» — Journal
de Bruxelles.
h ... La vie du général Goblet nous présente aussi des
;
13
luttes, des contrastes, des vicissitudes. Soldat fidèle et
loyal, il semble d'abord hésiter entre un gouvernement qui
a méconnu ses services, mais qui a reçu son serment, et
son pays qui fait appel à son dévouement et à son activité;
rallié comme malgré lui au nouvel ordre de choses, lui-
même se révèle un homme nouveau. Cet ingénieur, que la
révolution a trouvé occupé à construire des fortifications,
se trouve être un habile diplomate, et il va à Londres
chargé de la mission difficile de contrecarrer Talleyrand et
de persuader Palmerston.
« Ces biographies sont écrites du style clair, simple,
net, qui convient au genre. L'auteur est sobre de réflexions;
il laisse parler les faits et les personnages eux-mêmes : il
cite beaucoup. Grâce aux nombreux documents mis à sa
disposition, lettres et papiers de famille, il a pu mettre dans
tout son jour le rôle joué par chacun des hommes dont il
retrace la vie. Bien des faits restés jusqu'à ce jour dans une
certaine obscurité se trouvent ainsi éclaircis.... » — Écho
du Luxembourg.
.
« M. Th. Juste vient d'ajouter à la galerie des Fondateurs
de la monarchie belge un nouveau portrait qui a droit d'y
figurer : c'est celui du lieutenant général comte Goblet.
« L'auteur rappelle la belle défense de Saint-Sébastien,
qui fut pour le lieutenant du génie Goblet un beau titre de
gloire et qui lui fit obtenir, à 23 ans, la croix de la Légion
d'honneur; il rappelle la difficile et délicate négociation
relative aux forteresses, confiée aux soins du général
Goblet, par le roi Léopold I er et si habilement menée et
terminée; il expose avec concision, mais avec clarté, les
motifs de la détermination hardie par laquelle, devenu
14
ministre des affaires étrangères, le général mit en demeure
devant la conférence le cabinet de la Haye de s'expliquer
sur ses intentions réelles à l'égard du traité du 1 5 novembre,
et il parcourt les phases successives de la carrière bien
remplie de l'homme d'État dont il raconte la vie et les actes
politiques.
« M. Juste a pu enrichir sa relation de correspondances
et autres papiers inédits qui jettent un jour nouveau sur
les grandes affaires auxquelles M. Goblet a pris part, et
joignent leur témoignage à celui des pièces authentiques
sur les services qu'il a rendus au pays. » — Moniteur belge.
«... Ambassadeur à Londres et à Lisbonne dans les
moments les plus difficiles, ministre des affaires étrangères,
chargé à plusieurs reprises de missions d'une extrême
délicatesse, M. Goblet s'est montré en toutes circonstances
homme de caractère, esprit élevé, digne et loyal agent du
grand diplomate couronné dont il avait la confiance.... »
— Journal de Liège.
IIIIIMIIII I", ROI DES BELGES.
2 vol. in-8* (>\.
« Cette biographie du roi Léopold I er n'est pas un de ces
panégyriques où l'on célèbre toutes les vertus et tous les
(') Leopold I, kirtg of the Belgians, autliorized translation, by Robert
Black, M. A. London, Sampson Low et O, 2 vol. in-8°.
leopold 1, Kùning der Belgier, nach ungedruekten quellen, etc.,
deutsch von D'J.-J. Balmer-Rinck, (Gotha, F.-A. Perthes), in-8».
Leven van Leopold 1, eersle koning der Belgen, naer hel fransch
van Th. Juste. (Gent, W. Rogghé), in-8°.
*
'
15
mérites d'un monarque défunt. M. Th. Juste a voulu faire
œuvre d'historien. Il a rassemblé les documents inédits, il
est remonté aux sources pour ne rien ignorer de la carrière
si longue et si remplie du roi Léopold I er , et il nous a donné
un récit riche en faits, où les jugements sont impartiaux,
où les détails sont intéressants. » — Indépendance belge.
« 11 eût été difficile de mieux exposer la carrière si bril-
lante que Léopold a parcourue comme soldat, comme prince
et comme roi... M. Th. Juste s'est montré, dans son livre,
historien impartial et calme... C'est l'œuvre austère d'un
patriote qui comprend sa mission et qui la remplit avec
conscience, équité et modération. » — Journal de Bruxelles .
« Personne ne pourra écrire l'histoire de la Belgique
indépendante, pendant le premier règne, sans puiser large-
ment dans le livre de M. Th. Juste. » — Journal de Gand.
« La biographie de Léopold I er présente un résumé com-
plet, clair et bien divisé, de cette première et glorieuse
partie de notre histoire nationale. » — Précurseur.
« Les biographies des Fondateurs seront dans l'avenir le
commentaire perpétuel le plus fidèle et le plus instructif
de notre histoire pragmatique... Les meilleures qualités
de l'historien brillent dans la biographie du fondateur
de notre dynastie nationale, et quoiqu'il se soit attaché à
peindre un homme plutôt qu'une époque, son récit et ses
appréciations se distinguent ici par une ampleur et une
portée peu communes. » — Journal de Liège.
« Récemment un historien belge, dont l'impartialité n'est
■tv
16
contestée par personne, vient de publier, d'après des docu-
ments inédits, une très-intéressante biographie du roi Léo-
pold, qui nous permet de saisir l'ensemble de sa carrière...»
— Revue des Deux Mondes.
« Nous avons sous les yeux la deuxième partie de l'inté-
ressant travail de M. Th. Juste sur le roi Léopold I" r . Ce
travail se distingue par les qualités qui ont rendu le nom de
M. Th. Juste populaire en Belgique : sincérité, clarté, sim-
plicité. La dextérité du prince à ménager et à s'attacher
les puissances voisines, la prudence proverbiale dont il fit
preuve dans les circonstances critiques où il se trouva en-
gagé à l'intérieur et à l'extérieur, la bienveillante protection
dont il couvrit toujours ses proches, sa fidélité inaltérable
dans ses affections, tous ces principaux traits qui consti-
tuent la figure imposante de Léopold I", surnommé le Nes-
tor de l'Europe, ont été reproduits par M. Juste avec une
vérité et aussi avec une expression dévouée dont le lecteur
belgelui saura gré. Un grand nombre de lettres authentiques,
de dépêches, de pièces diplomatiques, etc., etc., qui ont
été communiquées à H. Juste et qu'il a reproduites à la fin
de son volume, donnent une plus-value à son étude. » —
Le Nord.
« Sans tomber dans le ton du panégyrique, l'auteur a su,
avec un chaleureux patriotisme, faire une peinture vivante
du roi Léopold I"; se rendant l'interprète de la gratitude de
son pays, il a rendu un légitime hommage au prince qui
sut réaliser ces belles paroles : Tant que je vivrai, je servi-
rai de bouclier à la Belgique. • — Historische Zeitschrift.
« Quoique l'auteur eût traité plus d'une fois avec succès
17
le développement récent de son pays, sa tâche n'était pas
facile cette fois-ci. D'un côté, il ne devait pas blesser une
nation qui pleurait encore un prince éminent ; de l'autre,
l'historien avait une trop haute idée de sa mission pour
accorder des louanges faciles et banales. Les deux extrêmes
sont évités avec le même tact. Ce qui donne en outre une
valeur durable à cet ouvrage, c'est l'emploi judicieux et la
communication de documents restés inconnus. » — Litera-
risches Centralblatt.
« L'auteur de tant d'ouvrages remarquables nous donne
ici, d'après des sources authentiques, un exposé fidèle de la
vie et des œuvres de Léopold I er , le célèbre fondateur de la
dynastie et de la liberté belges. » — Osterreichische mili-
t'àrische Zeitschrift.
Extraits des journaux anglais.
« A readable biography of the wise and good King
Leopold is certain toberead inEngland. Theinterestof his
life, unlike that of so many sovereigns, is not merely.histo-
rical. He acted a greatpart on a noble stage, and his name
is in a measure associated with ail the stirring events of
this century. The introduction to this biography of Leopold
is the most interesting portion of the book. It describes
the King in his study and in his home, the simplicity of his
tastes, the energy of his character, his capacity for hard
work, his love of science and gênerai literature, which
included a spécial inclination for novel reading, his delighl
in fine scenery , and his passion for exercise. » — Daily
News.
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■
18
« However frequently the late King of the Belgians was
designated in his lifetime by the honourable title of the
« Nestor of modem politics, » it wat never made so clearly
apparent why he merited that title until this biography was
written. It is indeed delightful to follow M. Juste as he
traces the eventful career of this eminent personage from
the time of his being a cadet of the noble family of Saxe-
Coburg, through his earlier days, when he took a prominent
part in that eventful war, of the miseries of which the
présent génération hâve very little cognizance or thought,
during which he saw and conversed with Napoléon I, and
Alexander of Russia, and attached himself to the one, whilst
he repudiated the offer of promotion from the other ; and
how afterwards he became the husband of the Princess
Charlotte, to find, after a few months of happiness not often
enjoyed by mortal man, ail his prospects blasted by her
cruel and sudden death ; for we seem to pass through those
eventful circumstances as in some measure participating in
them. But it is when M. Juste cornes to record the causes
of Leopold. I, accepting the Crown of Belgium, and of the
manner in which he raised that little kingdom to a pitch of
unexpected prospecity and prominence which it never could
hâve anticipated, thaï the real value of this biography is
perceived. Having had the advantage of reading M. Juste's
biography in the original French, no less than by means of
Mr. Black's remarkably well-made translation, we are able
to say that a more important contribution to historical
literature has not for a long while been furnished, or one
that will more positively demand and receive the claim of
présent and future standard réputation. » — Bell's Weekly
Messenger.
MMft
19
« The author has shown considérable industry in the
collection of correspondence, and has accomplished his task
in an enthusiastic spirit. He, moreover, writes agreeably,
and sometimes even eloquently ; and he is so far impartial
that he does not hesitate to record opinions adverse to his
hero. M. Juste's book offers a suffîciently pleasant means
of refreshing the memory, and of studying the character and
career of a remarkable prince , who knew how to reap
the full advantage of living in remarkable times. » — Pall
Mail Gazette.
" This translation of the complète memoirs, by Mr. Black
is executed, so far as a comparison of various correspond-
ing passages in the two texts enables us to judge, with
correctness, yet not without a graceful ease. This end is
not often attained in translations so nearly verbal as this is :
the book itself deserves tobecomepopular in England. The
subject is of interest, and the story is narrated without
excessofeitherenthusiasm or dépréciation. » —Alhenœum.
« The interesting memoir of M. Juste gives us fresh
détails of the various complications and conflicting circum-
stances which affected the life of this popular sovereign.
M. Juste is altogether a charming guide and companion.
Much of the matter which M. Théodore Juste has collected
is a new to us ; and in giving us a Ihoroughly rcadable and
interesting book, he has increased our admiration for a man
whose name and famé must last, and whose glory will
increase, as Belgium each year becomes (he nearer and
dearer friend of England. » — The Examiner.
« Circumscribed as are the limits of Belgium , its royal
S'jtffC s
20
founder, Leopo^d I, will ever occupy a foremost place
among the distinguished worthies of his âge. The rise of
his fortunes and the development of his plans are the subjects
of thèse volumes, for which the author has obtained his
materials from original documents, or from crédible and
compétent informants. The whole narrative is so perfectly
in accord with our own observations and the universal tes-
timony of Europe, that we read it with confidence and
trust in it with satisfaction » . — Morning Post.
SYLVAIN YAN DE WEYER.
2 vol. in-8*
.. A mesure que l'on s'éloigne du mouvement d'idées qui
a donné naissance à la nationalité et à la constitution belges,
il devient plus intéressant et plus utile d'étudier les hommes
de cette époque à qui notre pays doit une période de pros-
périté et de développement régulier, presque sans exemple
sur le continent européen.... Il faut donc savoir gré à
M. Théodore Juste de continuer sa galerie des fondateurs
de notre nationalité, en nous faisant encore connaître l'un des
plus éminents d'entre eux.... Après Léopold I", c'est à lui
que la Belgique a dû cette inaltérable amitié de l'Angleterre,
qui a toujours été notre principale sauvegarde. — M. Juste
nous (ait clairement voir l'œuvre diplomatique accomplie
par M. Yai; de Weyer. Il publie à l'appui un grand nombre
de lettres inédites du roi Léopold, de lord Palmerston et
d'autres hommes d'État anglais. C'est plus qu'une simple
biographie, ce sont des matériaux pour l'histoire générale.
— M. Juste nous peint aussi dans l'éminent diplomate belge
le bibliophile érudit, le spirituel écrivain, le fameux M. Du
■ *
21
Fan, le publiciste clairvoyant et le penseur qui sait donner
à des réflexions pleines de sens la forme la plus fine, la plus
juste et parfois la plus piquante. — Un seul fait suffira pour
faire comprendre l'autorité dont l'envoyé belge jouissait à
Londres. En 1840, il fut désigné par l'Angleterre et par le
Portugal pour régler, par une décision arbitrale, les diffé-
rends qui s'étaient élevés entre les deux pays, marque
inouïe de confiance qu'on n'a jamais accordée qu'à des
souverains. — On lira avec un réel intérêt, et non sans un
certain orgueil patriotique, l'étude que M. Juste a consacrée
au diplomate, à l'homme d'esprit dont la Belgique n'oubliera
pas le dévouement et les services. » — E.-L. (Journal de
Liège.)
« M. Théodore Juste vient de consacrer deux volumes
in-8° à la biographie de M. Sylvain Van de Weyer. Les
documents inédits qu'il lui a été permis de consulter
donnent un vif intérêt à cette étude politique, une des
plus importantes de celles que l'auteur a consacrées aux
« fondateurs de la monarchie belge. » » — Indépendance
belge.
«... Avec une carrière aussi remplie sous tant de rapports
que celle de M. Van de Weyer, M. Juste ne pouvait
manquer de nous offrir une très-intéressante biographie.
Ajoutons qu'il a su grouper les faits avec habileté et talent
et qu'il les a retracés dans un style simple et clair. Ce qui
donne en outre de la valeur au livre, ce sont les nombreuses
citations et pièces inédites qu'on rencontre soit dans le
texte, soit dans les appendices... >• — Revue de Belgique.
a Nous n'analyserons pas les deux volumes de cette Galerie
ttê, nnv
i
22
qui viennent de paraître. Chacun sait que l'homme auquel
ils sont consacrés, et qui, pour le dire en passant, n'a point
dû demeurer des siècles sous terre pour être apprécié,
est un des types politiques les plus élevés et les plus
remarquables qu'ait produits notre Belgique moderne. Polé-
miste, orateur du barreau, orateur politique, bibliophile,
homme de salon, diplomate, landlord, M. Van deWeyera
su toujours et partout mériter de monter au premier rang,
et s'y maintenir. A vingt-trois ans, l'opinion publique l'avait
déjà remarqué ; à trente ans, il était un des hommes les
plus influents de la révolution, et l'un des plus forts par son
énergique modération. A trente et un ans, il devenait
envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de
Léopold I" à Londres. — Libéral, M. Van de Weyer eut la
gloire et la force de rester, un des derniers, fidèle à ce grand
parti de l'union, que les catholiques belges n'ont pas été les
premiers à répudier, et qui, dans nos sociétés de transi-
tion, avait si bien vu que gouverner, c'est transiger, non
avec les principes, mais avec les hommes et les faits. —
Représentant à Londres de la pensée du pays et de la pensée
de Léopold I", qui, depuis 1840 jusqu'à sa mort, fut un des
plus vaillants et des plus influents champions de la paix
européenne, M. Van de Weyer attacha son nom avec éclat
à la naissance de notre jeune nationalité. A ce propos, nous
ne pouvons nous empêcher de dire que le livre de M. Juste
contient des faits extrêmement curieux sur nos premiers
rapports avec les puissances étrangères. Ces faits surpren-
dront bien des personnes; mais qu'y faire? Décidément, la
statue du général Belliard, en tant qu'elle symbolise l'inter-
vention désintéressée de Louis-Philippe en notre faveur
en \ 830, chancelle fort sur son piédestal. Le gouvernement
23
de Juillet, tout en ayant l'air de nous défendre, avait une
envie assez marquée de nous prendre et, sans le vélo
énergique de l'Angleterre, il se fût peut-être passé cette
fantaisie. — Ajoutons, en terminant, que les éléments
principaux de la biographie de M. Van de Weyer sont
empruntés aux archives particulières de cet homme d'État,
archives qui, jusqu'à ce jour, étaient restées fermées à tout
le monde, et qui sont particulièrement riches en documents
émanés de la plume de toutes les sommités de l'Europe
contemporaine. C'est là un fait qui donne aux volumes dont
nous parlons une importance qui n'échappera à personne. »
— E. P. {Revue catholique, 15 juillet 1871.)
e . . . Enough for us that this Life of Sylvain Van de Weyer
abounds in interesting matter — litcrary, social, and
political ; doing ample crédit to M. Juste's discrimination,
literary ability, and research... Rarely, very rarely, does
it corne to pass that the entire career of so eminent and
active a man can be laid bare before the world in his
lifetime — safely, fearlessly, and thruthfully — without
réticence and without offence. » — The Times.
" Under the title of « The Founders of the Belgian
monarchy • M. Théodore Juste has written one interesting
séries of biographies of the principal statesmen and diplo-
matists who cooperated in an enterprise which was more
difficult and more perilous than, after forty years of
success and prosperity, the présent génération would
readily suppose... Of thèse men, the one who forms the
subject of the ninth of M. Juste's biographies has especial
claims upon the regard of Englishmen ; indeed , by long
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24
i-
residence among us, by family alliance, and by a peculiar
and quite exceptional position as the représentative of the
Court most nearly allied to our own , and the most
intimate and confidential adviser of his Sovereign ,
M. Van de Weyer has, for the best portion of a public life
concerned withthe highest cares and responsibilities, made
England something more than h^fécQijta <country.
— The Saturday Review.
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Bruxelles. — Fr. Gobbakbts, imp. du Roi, rue de Louvaio, 40
m m &£ t»V^
p I
(8
:'■■■■'.,».»* H
I
LES FONDATEURS DE LA MONARCHIE BELGE,
Par Théodore Juste.
Léopold I er , roi des Belges , d'après des documents inédits :
Première partie (1790-1852), 1 vol. in-8°.
Deuxième partie (1852-1865), 1 vol. in-8°.
Surlet de Chokier, régent de la Belgique, d'après ses papiers et
d'autres documents inédits (1769-1859), 1 vol. in-8°.
Le baron de Gerlacbe, ancien président du Congrès natio-
nal, etc., I vol. in-8°.
Joseph Lebeau, ministre d'Étal, d'après des documents inédits,
(1794-1865), 1 vol. in-8°.
Sylvain Van de Weyer, ancien membre du gouvernement provi-
soire, ancien ministre plénipotentiaire de Belgique à Londres, etc.,
d'après des documents inédits, 2 vol. in-8°.
Le comte Le Hou, ministre d'État, ancien ministre plénipoten-
tiaire de Belgique à Paris, etc., d'après ses correspondances diplo-
matiques et d'autres documents inédits (1792-1856), 1 vol. in-8».
Le lieutenant général comte Goblet d'Alvlella, ministre
d'État, etc., d'après des documents inédits, 1 vol..in-8 Q .
Le comte de Mnelenaere , ministre d'État, etc., d'après des
documents inédits (1794-1862), 1 vol. in-8°.
Charles de Bronckere, bourgmestre de Bruxelles, etc. (1796-'
1860), 1 vol. in-8°.
Notes historiques et biographiques sur les fonda-
teurs de l'État belge (1850-1870), d'après des documents
inédits, 1 vol. in-8°.
Le comte Félix de Mérode, membre du gouvernement pro-
visoire, minisire d'État, représentant, etc., d'après des documents
inédits,' 1 vol. in-8".
IlIUMiLLES.
FR. GOBBAKRTS, 1MP. DU ROI, SUCC. D'KM. DEVROYE.
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