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LES POISSONS DES EAUX DOUCES
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Il ne suffit point de jeter dans l'eau, une nasse, unépervier,
une ligne quelconque pour en retirer du poisson. Il faut, si
l'on veut réussir dans l'art difficile de la pêche, qu'on en
fasse un métier ou un simple passe-temps aussi agréable que
sanitaire, il faut, disons-nous, savoir à quelle sorte de pois-
son on peut avoir affaire; or cela ne s'obtient qu'après une
étude suivie des caractères propres à chacune des nom-
breuses espèces qui composent notre faune ichtyologique.
Il importe ensuite d'en bien connaître les mœurs, les habi-
tudes, le genre de vie, pour arriver à se rendre un compte
exact de la nature des milieux où l'on aura quelque chance
de les rencontrer. Enfin, fort d'une expérience acquise par
d'autres, il conviendra de savoir approprier à la pèche de
chaque espèce de poisson les innombrables engins que l'es-
prit humain s'est plu à enfanter depuis ses plus anciennes
origines.
Cet ensemble de données nécessite donc de la part du
pêcheur de véritables études. Nous avons pensé simplifier
ses recherches, en écrivant un traité de pêche à la fois pra-
tique et rationnel, clair et méthodique, aussi complet que
possible et à la portée de tous. Tel est le but que nous nous
sommes proposé en écrivant ce volume.
Dans une -première partie, nous ferons connaissance avec
toutes les espèces de poissons qui vivent dans nos eaux
douces, fleuves ou rivières, ruisseaux, lacs ou étangs. 11 im-
porte de les connaître toutes, car toutes peuvent étrepêchées,
et toutes encore ont leur raison d'être et leur utilité. Pour
procéder avec ordre, nous adopterons la classification métho-
dique suivie par M. Emile Blanchard, dans son beau livre
Les Poissons des Eaux douces de France'. Sans nous
arrêter aux détails anatomiques bien inutiles pour le sujet
qui nous occupe, nous donnerons, pour chaque espèce, juste
ce qu'il en faut de ses caractères sommaires pour arriver à
la bien distinguer ; nous exposerons ensuite tout ce qui est
relatif à son genre de vie, son habitat, ses mœurs, son mode
de reproduction, sa qualité au point de vue comestible,
enfin les divers moyens mis en œuvre pour la pécher.
Dans une seconde partie, nous décrirons avec tous les
détails nécessaires les différents engins dont le pêcheur doit
s'armer pour s'assurer une pêche fructueuse. C'est ainsi que
nous passerons en revue la ligne et ses nombreux acces-
soires, qu'elle soitfixe ou mobile, entre les mains du pêcheur
ou posée au fond des eaux; nous ferons connaître la longue
mais si importante série des diverses amorces ou appâts
1 E. Blanchard, Les Poissons des eaux douces de France, 1 vol.
gr. in-8 avec 151 figures dessinées d'après nature et 32 planches hors
texte. Paris, librairie J.-B. Bailliére.
susceptibles d'attirer le poisson; enfin, nous décrirons suc-
cessivement tous les genres de pêche tels qu'on les pratique
de nos jours, non seulement avec toutes sortes de lignes, mais
encore avec d'autres engins, tels que filets, nasses, tri-
dents, etc. De nombreuses figures accompagnent notre texte.
M. Moriceau, fabricant d'articles de pêche, et M. Delagrave,
l'éditeur du grand ouvrage de M. H. de La Blanchère, La
Pêche et les Poissons : nouveau Dictionnaire général
des pêches, nous sont venus gracieusement en aide pour les
illustrations de la seconde partie de ce livre.
La pisciculture, ou l'art d'élever les poissons, sortant de
notre cadre, nous n'en parlerons pas ici ; mais qu'on nous per-
mette de rappeler qu'un tel sujet vient d'être traité avec tous
les détails qu'il comporte par M. le professeur À. Gobin 1 .
Nous renverrons donc à cet intéressant ouvrage ceux de nos
lecteurs qui voudraient étudier un pareil sujet.
1 A. Gobin, La Pisciculture en eaux douces (Bibliothèque des
connaissances utiles, Paris, librairie .T. B Baillière et lils).
A. LOCARD.
Lyon, Février, 1891.
LA PECHE
ET
LES POISSONS DES EAUX DOUCES
PREMIERE PARTIE
LES POISSONS DES EAUX DOUCES DE FRANCE
AGANTHOPTËRIGIENS
F A M I L L E D E S PERCIUES
La Perche commune
Perça fluviatilis, Linné. — Perkè ou Perça (des anciens). — Per-
cot, Piercot (Nord et Pas-de-Calais). — Perro, Perchât, Per-
chellc, Piertche, Parche, Pichard, Perchaudc, Perdrix de ri-
vière (France, suivant les patois). — Perco (Provence). — Jlarsch
(Alsace). — Perch (Angleterre-). — Boccars (Hollande). — Ringcl,
Persing, Barsch, Fluss-Barch, Bùritel, Ambciss (Allemagne et
Autriche). — Perscija (Italie). — Perchette, Milcanton (Suisse).
La Perche commune ou Perche de rivière, qu'il ne faut
pas confondre avec la Perche de mer, a le corps long, com-
primé, un peu haut (fig. i) ; sa coloration, variable suivant
l'habitat, comme aussi suivant les saisons, passe du vert
doré ou bronzé au gris azuré sur le dos et sur les côtés,
alors que le ventre est d'un gris blanchâtre ; quatre ou cinq
bandes transversales de teinte plus sombre découpent son
corps, tandis que ses nageoires anale, caudale et ventrales,
sont d'un beau rouge vif. Ces nageoires sont au nombre de
1.
10 POISSONS DES EAUX DOUC1.S
sept ou huit ; mais les deux nageoires dorsales sont séparées
et les rayons de la première sont épineux, tandis que ceux
de la seconde, à l'exception du premier rayon, sopf mous,
I.A l'ERCIIK COMMUNE
il
La bouche (fig. 4) est armée de petites dents très fines et
très nombreuses, réparties sur le maxillaire, le vomer, les
palatins et les os pharyngiens. Les écailles, rudes au toucher,
ont leur bord libre garni de petites pointes (fig. 2 et 3).
Kig. 2. — Écaille de la Perche,
prise vers le milieu du corps.
Fig
3. — Écaille de la ligne
latérale.
C'est un des poissons les plus répandus dans toute l'Europe
centrale; il s'étend même dans une grande partie de l'Asie
septentrionale. 11 vit indistinctement dans les fleuves, les
rivières, les lacs ou les étangs. En France on le pêche pres-
que partout ; toutefois il semble encore faire défaut dans la
région la plus orientale de la Provence.
11 se plaît d'ordinaire dans les eaux claires et transpa-
rentes, aux fonds sablonneux ou tapissés d'un fin gravier,
fréquentant plus volontiers le voisinage des sources que celui
des embouchures; jamais il ne s'approche des eaux sau-
mâtres. Dans la rivière, il préfère les côtés du courant aux
parties rapides du fil do l'eau, se tenant d'ordinaire au voi-
sinage de la surface, à environ un mètre de profondeur. Peu
sociable, par suite de son extrême voracité qui n'est sur-
passée que par celle du Brochet, il est rarement en bandes
bien nombreuses, D'une pxtrêjne souplesse dans ses mouye-
12 PORSONS DES EAUX DOUCES
ments, tantôt il nage avec rapidité, s'avançant par bonds et
par secousses pour s'arrêter brusquement et s'élancer ensuite
à nouveau ; tantôt las de sa course, il se cache ou s'em-
busque dans une touffe de plantes aquatiques, à travers les
racines de quelques vieux troncs d'arbres, ou au fond de
sombres anfractuosités, pour y guetter une proie qu'il saisit
avec avidité lorsqu'elle vient à passer à sa portée.
Fig. 4. — Tête et portion antérieure de la Perche de rivière.
Il fait sa principale nourriture de petits poissons, de vers,
d'insectes, déjeunes grenouilles ou de salamandres. En été,
lorsque de petits insectes s'en vont voltiger à la surface des
eaux, il s'élance rapidement hors de son élément pour les
happer au passage. 11 se reproduit avec une extrême facilité,
s'élève et même s'apprivoise commodément. La ponte a lieu
d'ordinaire au commencement de mai; une femelle du poids
de 200 grammes peut dominer de 200 à 300.000 œufs
disposés en chapelets qu'elle attache aux végétaux aqua-
tiques.
La taille de la Perche est assez variable, sans toutefois
jamais dépasser de grandes dimensions. Dans les étangs elle
varie de 20 à 25 centimètres, mais devient plus grande dans
LA PERCHE COMMUNE
13
les rivières ; alors un sujet de 30 à 40 centimètres et du
poids de 1 kilogramme devient un bel individu. Néanmoins
on pêche parfois des Perches de 2 à 3 kilogrammes dans les
grands cours d'eau ; on en cite même de 4 kg ,500 et mesu-
rant jusqu'à 60 centimètres de longueur, mais ce sont là
de bien rares exceptions.
La chair de la Perche est très délicate et fort appréciée ;
on donne toujours la préférence à la Perche qui vit dans les
eaux un peu courantes à celle des eaux plus calmes ; cette
chair est blanche et ferme, d'une digestion facile. Mais il
faut avoir soin de toujours bien vider l'animal et de le faire
cuire suffisamment, car il donne souvent asile à des para-
sites. Rudolphi a compté sept espèces de vers intestinaux
vivant dans ses intestins. Les meilleures Perches sont celles
que l'on pêche dans les nombreux canaux qui sillonnent la
Hollande et la Belgique. On les mange frites, ou au beurre
surtout si elles sont petites, et de préférence cuites au court-
bouillon arrosées de différentes sauces lorsqu'elles sont un
peu grosses.
Pour pêcher la Perche, dit La Blanchère l , il faut une
ligne]forte, mais mince ; ce poisson une fois pris ne se défend
pas, il est sur le pré avant d'avoir fait des efforts sérieux. Il
faut une ligne mince pour endormir sa méfiance et tromper
sa gloutonnerie. Un seul brin de florence suffit, mais il faut
en faire une avancée d'au moins 2 mètres. La Perche cepen-
dant emploie un bon moyen pour se mettre en liberté ; elle
s'efforce, quand eile est prise, de couper la monture de
l'hameçon avec ses dents. Malgré cela, nous osons pêcher la
Perche sur un ou deux crins, et nous en prenons une plus
grande quantité qu'avec la florence dont le brillant lui fait
peur. Il faut faire choix d'une flotte qui soit la plus petite
possible et parfaitement équilibrée pour se tenir verticale-
1 De La Blanchère, La Pêche et les Poissons, Paris, Delagravc.
14
POISSONS DES EAUX DOUCES
ment dans l'eau, afin que le pêcheur soit constamment
averti de l'attaque de la Perche, attaque quelquefois comme
foudroyante. Ordinairement elle attaque par une ou doux
secousses, et plonge franchement, emportant la Hotte sous
l'eau ; c'est une attaque à laquelle on ne se méprend pas,
quand on l'a vue quelquefois.
Comme amorce, on se sert du ver rouge le plus frétillant
qu'il soit possible et que l'on renouvelle souvent pour qu'il
frétille sans cesse. On emploie également de petites gre-
nouilles qu'on laisse nager et que l'on enferre par la peau
du dos sur un hameçon n° 4, ou bien encore des pattes
d'écrevisses crues, des petits poissons vifs tels que : Vérons,
Gardons, Goujons, Ablettes, etc.; elle se prend bien égale-
ment aux pater-noster, aux jeus, au grelot dont nous
parlerons plus loin ; quand l'eau monte, on la prend aux
cordées de fond, car alors elle suit les petits poissons qui
gagnent la rive.
Quant au temps propice pour sa péehe, on sait que durant
les jours orageux et chauds de l'été, quand souffle le vent du
midi, la Perche chasse toute la journée; à cette pèche on doit
souvent changer de place, car il faut aller chercher le pois-
son. En temps ordinaire la Perche mord beaucoup le matin,
un peu le soir et point dans le milieu du jour. Si l'on manque
une Perche dans un endroit, il ne faut pas craindre d'y
revenir de suite, car elle est assez vorace et assez peu pré-
voyante pour se laisser prendre à nouveau.
La Perche des Vosges
Perça vogesiaca. — Hurlin (Vosges).
La Perche des Vosges, beaucoup moins répandue que la
Perche commune, parait localisée dans les lacs do Gérardmer
et de Longemer. Voisine de l'espèce précédente, elle s'en
distingue par sa taille plus petite, son galbe plus allongé
L'APRON
15
avec le dos moins élevé; son museau est plus aminci, et la
joue est entièrement couverte do petites écailles (fig. 5) ; elle
ne parait pas dépasser de 15 à 18 centimètres de longueur.
Fig. 5. — Tête et portion antérieure du corps de la Perche des Vosges.
Dans les Vosges on la prend à la ligne et au filet. Malgré
sa petite taille, c'est un poisson assez estimé mais qui ne sort
pas de la consommation locale.
L'Apron
Aspro vulrjaris, Cuvier et Valenciennes. — Apron, Apre, Dau-
phin, Roi des Poissons, Sorcier (France). — Anudelo (Gard). —
Stricher-sheben (Allemagne). — Kutz(B-i\e). — Ostrzxjca (Pologne).
— Persico (Italie).
L'Apron ou Sorcier est un poisson de petite taiLle, voisin
de la Perche et qui ne vit que dans les cours d'eau les plus
importants de l'est et du sud-est de la France. Nous le con-
naissons dans le Rhône au nord de Lyon et jusqu'à Valence,
dans la Saône, la Grosne à son confluent, l'Ain, l'Isère, le
Doubs, l'Ognon, l'Ouche, etc.
Sa taille dépasse rarement do 15 à 10 centimètres, son
corps (fig, 0) est allongé, fusiforme, avec une tête dépriniég
j(3 POISSONS DKK EAUX DOUCES
terminée par un museau court et tronqué ; la bouche est
Fig. 6. — L'Apron commun.
Fig. 7. — Tète et portion antérieure du corps de l'Apron.
Fig. 8. — Écaille du flanc
vers le milieu du corps.
Fig. 9. — Ecaille de la ligne
latérale.
petite avec la mâchoire supérieure plus longue que l'in-
férieure (fig. 7). Son dos, d'un brun rougeâtre ou jaunâtre,
I.'APRON
suivant les saisons, porte quatre ou cinq bandes un peu
obliques et presque noires ; le ventre est blanc et les na-
geoires grisâtres. Les deux nageoires dorsales sont toujours
très séparées l'une de l'autre. La mâchoire est ornée de
fines dents. Les écailles (fig. 8 et 9) sont âpres au toucher,
de là le nom d'apron, qui a été donné à ce poisson.
Ses mœurs, sa manière de vivre présentent une grande
analogie avec celles de la Perche ; cependant il est moins
vorace, et la petitesse de sa bouche le fait considérer cemme
omnivore plutôt que réellement carnassier. Il se tient plus
volontiers au fond de l'eau que la Perche, et ne nage guère
en pleine rivière que par les mauvais temps, lorsque souf-
flent les vents du nord et de l'ouest, alors que les autres
poissons se retirent dans les profondeurs. Cette circonstance,
dit Emile Blanchard, a amené les pécheurs de plusieurs
localités à regarder l'AproH comme le poisson maudit, et ils
s'en sont vengés en l'appelant le Sorcier. Jadis les pêcheurs
bourguignons et dauphinois regardaient comme un mauvais
pronostic de pèche la capture d'un Apron au début de la
journée.
Pourtant la chair de ce poisson est aussi fine et aussi
délicate que celle de la Perche; le seul défaut de l' Apron
est d'être malheureusement trop rare, car une fois frit il
constitue une alimentation des plus agréables lorsqu'on a le
soin de le débarrasser de ses plus rudes écailles.
Dans le Rhin, on en pêche plusieurs variétés dont la colo-
ration passe du gris noirâtre au gris cendré et au jaune
bronzé ; il vit toujours en petites troupes et fraye en mars et
en avril.
La pèche de l'Apron se fait à la ligne légère amorcée au
moyen de vers de fumier, vers rouges à tête noire, bien
vifs, ou vers de vase. Il mord plus rarement sur l'asticot.
Gomme pour la Perche il faut avoir soin que l'appât ne reste
jamais en repos. Le mouvement s'obtient d'abord en renou-
j'g POISSONS DES KAUX DOOCfcS
vêlant souvent les vers pour qu'ils soient plus frétillants,
ensuite en déplaçant fréquemment la ligne surtout si l'on
pêche dans des eaux un peu lentes. Le plus souvent l'Apron
se précipite sur l'appât au moment ou il descend verticale-
ment dans l'eau entraîné par son propre poids.
La Gremillc
Arerina cernua, Linné. — Gremille, Gremeuille, GtrmeuilU (Lor-
raine et nord-est de la France). — Perche goujonttière, Perche
goujonner. Goujon perchât, Ptrchat (environs de Paris, Aube,
Ardennes, Meuse) — Chagrin, Chagrise (Aube, Yonne) — Entre-
cri (Arcis-sur-Aube). — Ogi, Ogier (Meuse, Ardennes). — Kutt
(Strasbourg). — Rautbariclt, Schrotl (Allemagne). — Iluffe (An-
gleterre). — Schroll (Danemark). — Kutz, Kutien (Suisse).
La Gremille, que bien des pêcheurs considèrent à tort
comme le produit du croisement de la Perche et du Goujon,
est encore un petit poisson voisin de la Perche, et dont la
taille ne dépasse pas de 15 à 18 centimètres de longueur. Son
corps est oblong (flg. 10), assez épais en avant, comme
Fig. 10. — La Gremille
comprimé en arrière. Suivant les époques, sa coloration est
plus ou moins vive. Le dos passe du jaune au brun en tirant
sur le vert; les flancs sont d'un brun jaunâtre, le ventre
d'un blanc d'argent, la gorge d'un blanc rosé. Chez les vieux
I.A GREMILLE 19
individus le corps est souvent parsemé de taches noirâtres.
Chez cette espèce, à l'inverse des précédentes, les deux
nageoires dorsales sont réunies en une seule; la teinte en est
d'un gris jaunâtre avec quelques taches plus foncées. Enfin
la nageoire caudale est grisâtre.
Fig. 11. — Ecaille de la ligne
latérale de la Gremille.
Fig. 12. — Ecaille des flancs
de la Gremille.
->Z.
Fia. 13. - Tète de la Gremille.
Les écailles de la Gremille sont assez grandes et de forme
ovalaire ; les épines qui garnissent leurs bords sont coniques
et aiguës (fig. 11 et 12). La tête est entièrement dépourvue
d'écaillés, et sur chaque joue il existe des fossettes larges
et profondes qui lui donnent un faciès tout particulier. La
20 poissons des baux! douces
bouche est assez petite et l'intérieur est armé de fines dents
(fig. 13).
La Gremille vit surtout dans le nord-est de la France,
principalement dans la Somme, la Meuse, la Moselle, le
Doubs, la Meurthe, la Marne, la Seine, l'Aube, l'Yonne et
le Rhône, jusqu'au sud de Lyon. Elle est commune en
Angleterre, en Allemagne, en Suède, en Danemark et en
Russie ; elle fait complètement défaut dans le sud de
l'Europe.
Ses mœurs sont à peu près celles de la Perche ; mais elle
vit plus volontiers en famille ; elle ne se montre guère que
durant la belle saison, se retirant dans les eaux profondes
pendant le mauvais temps. Gomme la Perche, elle préfère
les eaux vives, claires et courantes, recherchant les fonds
sablonneux ; à l'automne il n'est pas rare de la pêcher dans
les eaux plus tranquilles et même dans quelques étangs. On
peut l'élever dans les aquariums.
Sa nourriture se compose de petits poissons, d'insectes,
de vers, et même aussi de débris végétaux. La ponte a lieu
dès le printemps et se fait souvent à travers les roseaux ; les
œufs très nombreux sont déposés sur des pierres et sont
agglutinés entre eux en chapelets comme ceux de la Perche.
La chair de ce petit poisson est légère et délicate ; dans l'est
de la France, une friture de Gremille est toujours un mets
fort apprécié des amateurs de bons poissons.
La Gremille se prend à l'épervier et surtout à la ligne.
On esche les lignes avec de petits vers rouges bien vifs que
l'on a soin de souvent renouveler et de tenir en mouvement ;
Brehm raconte que ce poisson présente cette singulière par-
ticularité de se laisser attirer par un bruit retentissant ; les
pêcheurs de Gourlande mettent à profit cette propriété pour
pêcher en abondance ce poisson. On dispose dans différentes
directions un certain nombre de filets, puis, on fait ensuite
le plus de bruit possible au moyen d'une longue perche qui
LE CHABOT
21
descend jusqu'au fond de l'eau et sur laquelle sont, attachés,
sur des montures, des anneaux en fer. Les Grenailles arri-
vent en si grande quantité' que les filets en seraient absolu-
ment surchargés.
FAMILLE DES COTTIDES
Le Chabot
Cottux gobio, Linné. — Chabot, Cabot, Chaupot, Chamsot, Caboche,
Caborgne, Gravelet, Sabot, Heulat, Mathieu, Cafard, Jacquard,
Têtu. — Cajisot (environs de Paris). — Chamsot (Normandie). —
Chabaou (Provence). — BoMo(Nice). — Sechot, Sorcier (le Rhône
à Genève). — Sassot, Chanot (bonis du Léman). — Linotte (Fran-
che-Comté). — Bavard (Vosges). — Esquale (Auvergne). — Tête
d'aze, Tête d'âne (Languedoc). — Kaut zenkopf (Lorraine alle-
mande). — Koppe, Koppen, Gmppe, Kaulhop (Allemagne). —
Bull-head, Miller s thurnb (Angleterre). — Nessore (Italie).
On donne cette multitude de dénominations différentes à
un petit poisson de forme étrange qui appartient à la famille
des Joues cuirassées. Cette famille particulièrement riche
en espèces marines telles que les Trigles, les Malarmats, les
Dactyloptères ou poissons volants, etc., ne renferme qu'une
seule espèce d'eau douce. Le Chabot ne dépasse jamais de
10 à 12 centimètres de longueur ; son galbe est pyramidal ;
la tète très grosse, large et déprimée, est suivie d'un corps
plus ou moins arrondi qui va en s'amineissant jusqu'à l'ex-
trémité (fig. 14).
La coloration est des plus variables suivant l'âge et les
milieux; l'ensemble est grisâtre avec de larges marbrures'
noires sur le dos et sur les Hancs ; le dessous est plus clair et
passe au blanc sur le ventre : la tète est grise avec quelques
petites taches noires ; les nageoires dorsales sont parfois
annelées de gris et de brun foncé. Chez les vieux individus
l'ensemble de la teinte est plus sombre et plus uniforme.
22 POISSONS DUS KAUX DOUCES
Chez ces poissons la peau est nue et très visqueuse. Les
nageoires dorsales sont unies par une membrane ; les pecto-
Kio. 14. — Le Chabot.
raies sont très larges et en forme d'éventail, tandis que les
ventrales sont relativement fort petites ; enfin la caudale va
I.E CHABOT 23
en s'élargissant de la base au sommet. La joue est recou-
verte par l'os orbitaire. Sur un large museau s'ouvre une
grande bouche portant des dents petites et pointues fixées sur
les maxillaires et en avant du vomer.
On rencontre le Chabot dans presque tous les fleuves,
rivières et cours d'eau de l'Europe ; il aime le voisinage des
berges et recherche les fonds de sable ou de gravier ; au
milieu du jour il se cache sous les pierres et dans les
anfractuosités, soit pour s'y abriter, soit pour y guetter sa
proie sur laquelle il fond avec une vitesse incroyable; c'est
un des poissons les plus agiles ; bien que s'avançant par
bonds et par saccades, ses mouvements sont toujours extrê-
mement rapides ; l'élargissement de la partie antérieure de
son corps, qui s'atténue graduellement vers la queue, joint
au développement et à la puissance de ses nageoires pec-
torales, le rend particulièrement propre à une locomotion
rapide et brusque.
Il passe pour très vorace et se nourrit de fretin, de vers,
d'insectes, de larves aquatiques ; il fait la chasse aux dyti-
ques, aux hydrophiles, aux grenouilles et aux salamandres ;
il ne craint pas, dit-on, de s'attaquer à d'autres poissons
d'aussi forte taille que la sienne et même à sa propre progé-
niture lorsqu'elle est grande.
La femelle est ordinairement un peu plus grosse que le
mâle ; au temps de la ponte elle parait comme gonflée parles
œufs qu'elle contient. Cette ponte a lieu de mai à juillet
suivant les localités ; à ce moment le mâle creuse avec sa
queue un trou dans le sable, une sorte de petit nid, et y
amène une ou deux femelles pour qu'elles y déposent leurs
œufs; la femelle, aussitôt après la ponte, poursuit son che-
min et durant quatre ou cinq semaines, le mâle se fait le
patient gardien de sa progéniture, jusqu'à ce qu'elle puisse
s'enfuir à son tour. Son ardeur est aussi remarquable que sa
vigilance : les pécheurs de la Traun prétendent qu'il mord
24 POISSONS EUES EAUX DOUCES
le bâton ou la baguette avec laquelle on veut le chasser et se
laisse tuer plutôt que d'abandonner la place.
Sa chair est rouge, comme saumonée, d'excellente qua-
lité ; à cause de sa petitesse on ne peut le manger que frit,
après l'avoir débarrassé de sa grosse tète; il vaut alors au
moins autant que le meilleur Goujon. On s'en sert souvent
comme amorce vive pour pécher le Brochet, la Perche, la
Truite qui en sont très friands. On le pêche habituellement
en hiver.
Rien n'est plus facile, dit La Blanchère J , que de prendre
le Chabot à la ligne ; le moindre petit morceau de ver rouge
suffit pour cela; mais dans les ruisseaux des montagnes où
il existe parfois en grande quantité, le meilleur mode de pêche
consiste à barrer le cours d'eau avec un filet et à remonter
le courant en remuant avec des branchages les pierres du
fond; débgé de son embuscade le petit poisson vient se
réfugier dans le filet. On le prend encore à la fourchette.
« Tous les enfants, raconte notre auteur, ont fait cette pèche
dans les ruisseaux à eaux vives et peu profondes. Elle con-
siste à emmancher une vieille fourchette de fer au bout d'un
petit bâton, à affiler les dents de la fourchette sur une pierre,
puis ce trident improvisé à la main, à entrer dans l'eau
jusqu'aux genoux. Les jeunes pêcheurs se mettent en ligne
en remontant doucement le fil de l'eau, et chacun, devant
soi, retourne les petites pierres. Un Chabot jaillit comme
une flèche, mais il s'est remis sous une pierre voisine ; l'en-
fant voit une large tète... deux gros yeux dépassent la
pierre... un coup de fourchette traverse le monstre, qui vient
en gigotant, tenir compagnie à quelques douzaines d'autres,
destinés à une friture, ou à garnir les lignes de fond que le
père des petits pêcheurs veut tendre le soir. »
i De La Blanchère, L i Pêche et les Poissons.
LES KPINOCHUS
FAMILLE DKS GASTEROSTKIDES
Les Éplnoches
Genre Gasterosteus. — Épinoche, Êpinarde, Èpinglotte, Picot,
Petite èpée, Grande Epinoche, Savetier, Cordonnier, Arite,
Pinguë, Darselet, Digard (Suivant les localités). — Estanclin,
Esteclin (Pas-de-Calais) — Spissert (Loraine). — Estranglat,
Cat (Gard). — Sabatié (Nice). — Utikleback (Angleterre). — Stich-
ling (Allemagne, Suisse). — SpinareVa (Italie).
On confond sous la dénomination générale d'Epinochc
de tout petits poissons qui présentent cette particularité que
leurs épines dorsales sont libres et ne constituent point à
proprement parler une nageoire. Ils ont les joues cuirassées
quoique leur tête ne soit ni tuberculeuse, ni épineuse comme
celle desTrigles ; le ventre est, en même temps, garni d'une
sorte de cuirasse osseuse, et les nageoires ventrales, placées
plus en arriére que les pectorales, se réduisent à peu près à
une seule épine. De la disposition variable des épines et de
la cuirasse ventrale résultent plusieurs espèces établies par
M. Blanchard; mais toutes sont de petite taille, allant de
5 à 10 centimètres, avec un galbe plus ou moins allongé et
légèrement comprimé sur le côté.
Fia. 15. — Épinoche aiguillonucc de grandeur naturelle.
Épinoche aiguillonnée, — Cette espèce que nous repré-
sentons en grandeur naturelle (fig. 15), se distingue par sa
Locaro, I.a Pèche. 2
26 POISSONS DES EAUX DOUCES
cuirasse qui s'étend jusqu'à l'extrémité du corps et qui est
constituée par une trentaine de petites plaques imbriquées.
Sur le dos, et en avant de la nageoire dorsale se remarquent
trois aiguillons, ou épines (fig. 16) dont les deux premierssont
garnis sur les bords de nombreuses dentelures ; le troisième,
beaucoup plus petit est lisse. A la partie ventrale il existe
deux autres aiguillons articulés sur le bassin.
Vie*. 1G. — Epines de rÊpinoche aiguillonnée. — A, V épine dorsale.
— D, 2e épine dorsale. — C, pointe ventrale du côté droit.
L'Epinoche aiguillonnée ne paraît vivre en France que
sur les côtes de Normandie et de Picardie; elle est beau-
coup plus répandue en Allemagne et en Angleterre.
Epinoche neustrienne. — Cette Epinoche trouvée dans
le département de la Seine-Inférieure diffère de la précé-
Fig. 17. — Epinoche neustrienne.
dente par son armure latérale qui ne s'étend pas au delà du
cinquième rayon de la nageoire dorsale (fig. 17); en outre,
LES ÉI'INOCHES
27
dans la région caudale, il existe une carène composée de
douze plaques. Les épines dorsales sont très larges à la base
et ne sont garnies sur leurs bords que de faibles den-
telures.
Epinoche demi-armée. — Chez cette espèce, l'armure
est encore moins complète et ne comprend que quatorze
plaques. Les épines dorsales sont encore plus larges à leur
Fig. 18. — Èpinoche demi-armée.
base et elles sont ornées latéralement de fortes dentelures
découpées en forme de scie. On pèche cette Epinoche aux
environs du Havre et dans la Somme (fig. 18).
Èpinoche demi-cuir assèe. — L'Epinoche demi- cuirassée
a le corps plus étroit et plus long que celui de l'Epinoche
I'*ig. 19. — Èpinoche demi-cuirassée.
aiguillonnée; mais sur la cuirasse on ne compte que treize
plaques ; sur la région caudale, il existe une carène composée
de sept petites écailles. Les épines dorsales sont longues,
28
POISSONS DES EAUX DOUCES
aiguës et très fortement dentelées ainsi que les épines ven-
trales ; on la pêche dans les environs du Havre et dans la
Somme (fig. 19).
Kpinoche à queue lisse.. — Les plaques de la cuirasse,
chez cette espèce, ne sont plus qu'au nombre de six et ne
s'étendent pas au delà de la deuxième épine dorsale ; en
arrière de ces plaques, le corps est dépourvu d'écaillés. Les
Fig. 20. — Épinoche à queue lisse.
épines dorsales se terminent en pointe très aiguë et sont gar-
nies de dentelures fortes, mais peu nombreuses ; les épines
ventrales sont très grosses. Cette forme, que les Anglais dési-
gnent sous le nom de Smoothtailed stickleback, vit en
France dans les eaux de la Seine, de la Seine-Inférieure et
delà Somme (fig. 20).
Épinoche argentée. — L'Épinoche argentée se distingue
par la belle teinte blanc d'argent qui brille sur ses flancs et
Fig. 21. — Épinoche argentée.
que traversent quelques bandes noirâtres. L'armure thora-
cique est constituée par cinq pièces seulement. Les épines
LÈS ÉP1N0CHES 29
dorsales sont courtes et élargies à leur base ; les épines ven-
trales, également courtes, sont armées de dents aiguës et
nombreuses. On rencontre cette forme dans le Sud-Est, aux
environs d'Avignon et de Marseille (fig. 21).
Épinochede Bâillon. — Cette forme est très voisine de
l'Epinoche à queue lisse, mais elle est d'une taille un peu
supérieure ; elle en diffère surtout par ses épines dorsales
relativement plus petites et à dentelures très fines ; les
épines dorsales sont longues et garnies de fortes dents. On
ne l'a encore rencontrée qu'aux environs d'Abbeville.
Epinoche élégante. — L'armure thoracique de cette
Epinoche est à peu près semblable à celle de l'Epinoche
argentée; mais les épines dorsales sont très longues et les
dentelures du bord peu apparentes ; les épines ventrales sont
très minces et n'ont qu'une base faiblement élargie. Le
ventre et les flancs sont d'un blanc d'argent et la partie dor-
sale d'un gris verdâtre. On la pêche dans les départements
de la Gironde et de la Haute-Garonne.
Ces différentes espèces, sans compter quelques autres
plus ou moins douteuses, sont d'un fort médiocre intérêt
pour le consommateur ; la chair des Epinoches n'est certes
pas mauvaise, mais la petitesse de l'animal et la présence
de ses rudes épines font que les pêcheurs les rejettent
lorsqu'ils en prennent avec des Ables ou des Eperlans.
On ne peut même pas les utiliser comme esche ou comme
appât, car les autres poissons se méfient de ce dange-
reux collègue, à moins qu'on n'ait pris soin de lui couper les
aiguillons.
Pourtant ces petits animaux sont tout particulièrement
intéressants à plus d'un autre titre, et les amateurs d'aqua-
rium les recherchent toujours avec soin. Mais alors il faut
avoir bien soin de les élever à part, car l'Epinoche est
certes le plus vorace et le plus batailleur de tous les petits
poissons. Bucker dit avoir vu une Epinoche dévorer en
2.
30 POISSONS DES EAUX DOUCES
cinq heures soixante-quatorze Vandoises naissantes longues
de 1 centimètre !
Les Épinoches, au moment de leur ponte, présentent de
singulières particularités; elles construisent de véritables
nids dans lesquels aura lieu Féclosion des jeunes embryons.
Au printemps, on voit le mâle changer de couleur et
prendre un éclat tout particulier; sa nuance habituelle, d'un
vert olivâtre plus ou moins argenté, passe au bleu et au
rouge cramoisi. Alors cherchant un sol propice, il enfonce
la tête dans le sable vaseux et le fouille en tournant rapide-
ment sur lui-même ; il court ensuite chercher des brin-
dilles, des herbes, des bouts de racine qu'il enlace et amasse
au-dessus et autour de son nid ; à coups de tête il consolide
le tout en ayant soin d'y ménager deux étroites ouvertures
juste assez larges pour laisser passer son petit corps (fig. 22).
La demeure ainsi préparée, il y attire successivement plu-
sieurs femelles qui y déposent leurs œufs ; la ponte ter-
minée, le mâle ferme soigneusement l'un des deux orifices
et se constitue le vigilant gardien d'un si précieux trésor,
tandis que les femelles s'en vont courir au loin pour ne plus
revenir. Non seulement il protège les œufs contre toute
attaque étrangère, mais encore, se suspendant au-dessus du
nid, le museau vers l'ouverture, il agite rapidement ses
nageoires de manière à former un petit courant d'eau qui
viendra renouveler le liquide de l'intérieur ; même encore
après l'éclosion, qui demande quinze jours, le père veille
avec une véritable sollicitude les premiers mouvements des
nouveau- nés, jusqu'à ce qu'ils soient assez grands pour se
suffire à eux-mêmes et se défendre.
Rien n'est plus facile que de se procurer ces curieux petits
poissons ; le moindre ver attaché par le milieu du corps au
bout d'un fil et jeté dans l'eau suffit pour les attirer; bientôt
ils mordillonnent l'appât, et si on le retire d'un coup sec, on
peut avoir à chaque extrémité du Yer une Épinoche sus-:
I-E; EPINOGHKS
31
Fu>. %ï. — L'Épinoohe & qutue lisse et sop nid,
30 POISSONS DES EAUX DOUCES
pendue en train de le dévorer. On peut en prendre un grand
nombre à la fois, en enfonçant un petit trouble dans l'eau et
en faisant pendiller un ver au-dessus de son ouverture.
L'Épinochette
Genre Gasterosteus. — Ëpinochette, Petite Èpïnoche, Marichaud,
Petit Piquant (suivant les contrées). — Kolinsha (Russie).
Les Epinochettes sont les plus petits de nos poissons d'eau
douce; leur taille dépasse rarement 5à7 centimètres de lon-
gueur. Elles diffèrent des véritables Épinoches par leur
galbe plus effilé et par la disposition de leurs épines. Les
épines dorsales sont au nombre de neuf à douze, toutes
égales, sans dentelures sur les bords et fort courtes. Tout le
long de leur dos les Épinoches portent, jusqu'à l'origine delà
nageoire dorsale, une série de petites plaques osseuses don-
nant insertion aux épines dorsales. Avec M. E. Blanchard,
nous distinguerons les espèces suivantes :
Ëpinochette piquante. — C'est la plus grande des Epi-
nochettes, quoique sa taille ne dépasse pas de 6 à 7 centi-
mètres. Son dos est armé de neuf à onze épines ; sa colora-
tion est d'un noir olivâtre, moucheté de taches plus sombres.
Fia. 23. — L'Èpinochette piquante de grandeur naturelle.
Au moment du frai, les joues, les opercules et la base des
nageoires prennent une teinte rougeâtre. Chez cette espèce,
la carène postérieure consiste en une série de petites écailles
disposées en file et au nombre de dix. Elle est très répandue
dans les cours d'eau du nord de la France (fig. 23 et 24).
EPINOCHETTE 33
Epinochette bourguignonne — Cette espèce, plus petite
que la précédente, présente, comme elle, une carène située
dans la région caudale, mais composée de petites plaques
très étroites et au nombre de cinq. Le nombre des épines
dorsales est le même, mais le bassin est plus étroit ; ses cou-
leurs sont plus chaudes et le ventre est sillonné de bandes
transversales noirâtres. On prend cette Epinochette surtout
dans le département de la Côte-d'Or (fig. 25).
Fig. 24. — Sternum _ Fia. 25. — Sternum
de l'Epinochette piquante, de l'Epinochette bourguignonne,
vu en dessous. vu en dessous.
Epinochette lisse. — L'Epinochette lisse a beaucoup
d'analogie, comme forme, avec l'Epinochette piquante; mais
elle n'a pas de carène ventrale; en outre, les épines dorsales
Fig. 26. — Epinochette lisse, grandeur naturelle.
ne sont plus qu'au nombre de neuf. Sa coloration est d'un
vert assez vif, avec des marbrures plus foncées, et un semis
31
POISSONS DES EAUX DOUCES
de petits points noirâtres sur tout le corps. On la rencontre
aux environs de Paris et de Gisors (fig. 26).
Épinochette lorraine. — Dans cette espèce, la tête est
plus petite et moins large que dans les précédentes ; il
n'existe point de carène latérale, et les épines dorsales sont
au nombre de huit seulement. Les parties supérieures du
Fig. 27. — L'Epinochette lorraine, grandeur naturelle.
corps sont d'un jaune verdâtre et la région ventrale oran-
, gée ; le dos et les flancs sont sillonnés de bandes transver-
sales noirâtres. Elle vit principalement dans le département
de la Meuse (fig. 27).
Épinochette à tête courte. — Gomme son nom l'indique,
cette espèce a la tête encore plus courte que celle de ses
autres congénères ; son museau est plus saillant, le bassin
Fig.
L'Epinochette à têto courte, grandeur naturelle.
plus étroit ; les épines dorsales, au nombre de neuf, sont tou-
jours grêles. La coloration est la même que celle de l'Epino -
chette lisse ; tout son corps est parsemé de petits points noi-
râtres. On la rencontre dans les environs de Gae.n (fig. 28).
Les mœurs de ce petit poisson présentent une grande
analogie avec celles de l'Épinoche; il vit souvent en grandes
EPINOCHETTË
35
KiG. 29. — L'Épinochctte lisse et son nid, grandeur naturelle.
3ô
I 01SS0NS DES EAUX DODCES
troupes, faisant la chasse au fretin et même aux petits pois-
sons beaucoup plus gros que lui. Il se répand dans les fleuves
et les rivières pour frayer ; on le prend abondamment dans
la Seine, par exemple, tandis que l'Epinoche y est rare et
préfère les petits cours d'eau. En hiver, il se cache dans
les ruisseaux au milieu des herbes, sous les feuilles mortes et
les brindilles tombées au fond de l'eau. Gomme les Epinoches,
il se construit des nids, mais ceux-ci, au lieu d'être con-
struits à terre, sont suspendus à travers les rameaux des
plantes aquatiques (fig. 29).
La chair de l'Epinochette est fade, sans la moindre saveur.
On ne la mange jamais; trop petit pour servir d'amorce,
ce poisson n'est guère péché que pour figurer dans les aqua-
riums, et comme il est moins vorace et surtout moins que-
relleur que les Epinoches, on peut l'élever avec d'autres petits
poissons sans trop d'inconvénients de les voir s'entre- dévorer.
FAMILLE DES MUG1LIDES
lt Muge capiton
Mugil capito, Cuvier. — Muge, Mulet capiton, Mulet gris, Ra-
mado, Roumado, Testue (suivant les localités). — Grey Mullet
(Angleterre).
Le Muge ou Mulet capiton est un poisson de belle taille,
qui atteint facilement de 50 à 60 centimètres de longueur. Le
corps est oblong, la tête large en arrière, rétrécie en avant
avec un museau court et gros. Le dos est d'un gris bleuâtre,
et les flancs, qui sont grisâtres, sont parcourus par sept ou
huit lignes longitudinales d'un brun vert; le ventre est d'un
gris argenté; les nageoires ventrales sont blanches, l'anale
grisâtre et les autres d'un gris bleuté plus ou moins foncé;
une tache noire se voit toujours à l'angle supérieur de la
LE MUOE CAPITON 37
pectorale. La tète et le corps sont couverts de grandes
écailles.
Gomme chez tous les Muges, on remarque chez cette
espèce une très petite bouche s'ouvrant transversalement et
portant une arête médiane sur la mâchoire inférieure, cor-
respondant à un sillon de la supérieure. Les dents sont très
petites, à peine visibles. Les nageoires dorsales sont toujours
séparées et la caudale bien découpée en son milieu (fig. 30).
Fui. zo.
Le Muge capiton.
La mer est l'habitat normal de tous les Muges. Le Muge
capiton abonde particulièrement dans la Méditerranée, le
golfe de Gascogne et remonte même jusque dans la Manche.
Au printemps, il pénètre en troupes nombreuses dans nos
grands fleuves; on en capture surtout dans la Gironde, la
Loire et même dans la Somme. Au bout de quelques jours
ces troupes se dédoublent et forment des détachements do
vingt à trente individus qui vivent ensemble et jouent à la
surface de l'eau. Doués d'une agilité remarquable, ces pois-
sons exécutent à chaque instant des sauts retentissants. Us
cherchent leur nourriture au fond de l'eau en remuant les
pierres ou en suçant les conferves et les algues d'eau douce.
Mais dès que les premiers froids commencent à se faire sentir,
ils se hâtent de retourner à la mer, sans pourtant que ce re-
tour soit absolument indispensable à leur existence.
En effet, on a pu constater à plusieurs reprises que des
Locap.d, La I'éclie.' 3
38
POISSONS DES 'EAUX DOUCES
Muges pris directement dans la mer et introduits dans une
rivière d'eau douce et courante, y vivent très bien et même
s'y reproduisent sans la moindre difficulté et sans avoir
jamais revu la mer. Dans ce dernier élément on les voit,
du reste, lors de la mauvaise saison, se masser à l'embou-
chure des cours d'eau, au voisinage immédiat des rivages,
passant ainsi alternativement de l'eau salée à l'eau douce.
Le Muge capiton se pêche rarement à la ligne. En mer on
le prend à la senne; mais là, dit La Blanchère, il y en a
tellement, quand on sait choisir son endroit, qu'il a beau en
sauter, il en reste toujours. En rivière, on fait usage de
grandes sennes et de tramaux. Ce dernier tendu entre deux
barques, on rabat le poisson en le poussant vers l'amont au
moyen d'une senne. Souvent le Muge se glisse adroitement
au-dessous des filets ou, d'un bond, s'élance par dessus.
Pour parer à cet inconvénient, le pêcheur fait usage d'un
filet supplémentaire appelé sautade oucannut, fait en forme
de sac ou de verveux, qu'il attache au filet ordinaire et
dans lequel les Muges se prennent d'eux-mêmes lorsqu'ils
cherchent à s'évader.
La chair de ce poisson est blanche, grasse, d'un bon goût;
aussi est-il estimé pour l'alimentation; mais, en réalité, le
Muge de mer est encore préférable au Muge d'eau douce.
Habituellement on se contente de le faire cuire simplement
dans l'eau salée ; s'il est petit on le mange frit ou grillé. Avec
ses œufs on fabrique, dans le Midi, une sorte de caviar connu
sous le nom de poutargue ou boutargue. Les œufs encore
entourés de leur enveloppe sont fortement salés et séchés au
soleil pendant plusieurs jours, ou même à la fumée ; coupée
en tranches et assaisonnée avec de l'huile et du citron, la
poutargue constitue un mets fort apprécié en Provence et en
Italie.
LE MUGE CEPHALE
39
Le Muge céphale
Mugil cephnlus, Cuvier. — Muge, Mulet, Mur/ il, Muge ou Mugil
céphal (suivant les localités). — Cabot (Languedoc). — Sautereau
(Bayonne). — Grey Mullet (Angleterre). — Capo grosso, Cefalo,
Mugini (Italie).
Le Muge céphale ou Muge à grosse tête a le corps allongé
et faiblement comprimé latéralement; il est plus épais que le
Muge capiton. Sa taille varie de 30 à 50 centimètres, et son
poids de 3 à 4 kilogrammes. On pêche accidentellement des
individus qui atteignent jusqu'à 70 centimètres. Comparé à
l'espèce précédente, il s'en distingue : par sa tête plus forte
et plus longue, légèrement bombée en dessus; par son mu-
seau court, un peu abaissé, avec la bouche petite ou angu-
leuse; par ses écailles proportionnellement plus grandes.
Mais une des particularités les plus caractéristiques de cette
espèce, c'est que l'œil de ce poisson est pourvu de deux pau-
pières verticales s'écartant vis-à-vis de la pupille, se re-
joignant en haut et en bas, de telle sorte que ce voile mem-
braneux ne laisse à découvert qu'un espace vertical étroit
(fig. 13).
La coloration est des plus élégantes. Le dos est d'un gris
bleuté devenant plus clair sur les lianes, tandis que le
ventre est argenté ; sur toute la longueur du corps régnent
six ou sept bandes longitudinales étroites, de couleur bleuâ-
tre avec des reflets dorés. Les nageoires dorsales et la cau-
dale ont une teinte grise; les pectorales passent au brun
clair, avec une tache noirâtre, tandis que les ventrales sont
presque blanches.
Ce poisson, commun dans les eaux de la Méditerranée,
passe dans le golfe de Gascogne et remonte dans l'Océan
jusqu'à l'embouchure de la Loire. Gomme le Muge capiton,
il vit en bandes, se tient toujours au voisinage des côtes, de
Fig. 31. — La Muge cèphale.
LE MUGE CEP1IAL1Î 4(
préférence dans le voisinage des embouchures, remontant
les grands cours d'eau dès le printemps. Il n'est point rare
dans les étangs saumâtres. Jamais il ne s'éloigne à une
grande distance de la terre; « il se plaît, dit La Blanchère,
dans l'eau battue, quand l'atmosphère est chaude et pure; à
ce moment on le voit s'ébattre à la surface, à la recherche
de sa nourriture, et former des entonnoirs sur la surface
tranquille de l'eau, en saisissant par dessous toutes les ma-
tières huileuses que leur nature fait surnager. Il s'aventure
ainsi à une certaine distance dans les rivières, mais presque
toujours s'en retourne avec la marée. C'est un poisson très
rusé et très intelligent, que l'on peut même accoutumer à
venir chercher sa nourriture à un endroit donné, en la lui
présentant toujours à la même heure. »
Sa chair est blanche, un peu grasse, mais néanmoins très
délicate, surtout lorsqu'il n'est pas trop gros. Il fraye au mi-
lieu de l'été en mai et en août ; sa pèche se fait principale-
ment en mai, juin et juillet. On le prend facilement à l'hame-
çon, il mord bien sur les vers de sable ou pelouses, mais il
est encore préférable d'amorcer avec des entrailles grasses
de poisson ou du chou bouilli dans du bouillon. On emploie
également la mouche. Il passe pour très fort dans l'eau, et
demande beaucoup de ménagements, car il plonge avec une
grande violence. Le meilleur moment pour le pêcher, c'est
quand la marée monte, car avec le reflux il regagne l'eau
salée. Les pêcheurs du Rhône l'attaquent surtout quand les
eaux sont bien limpides, à la fin de septembre, et se servent
alors de filets, senne, tramail verveux et même èpervier.
42
POISSONS DES EAUX DOUCES
FAMILLE DES BLENNI1DES
La Blennie cagnette
Dlennius sujefianus, Risso. — Cagnetto, Cagnotto (Provence). —
Chasseur (Savoie). — Baveuse, Cagnette.
La Cagnette est un curieux petit poisson dont la taille ne
Fig. 32. — Bleunie cagnette.
dépasse pas 10 centimètres de longueur. Son corps est
LA BLENNIE CAGNETTE
43
allongé, arrondi sur les flancs et vers la queue (fig. 32). La
tête massive et busquée porte une petite bouche à mâchoires
égales, armée de dents longues et disposées sur une seule
série aux mâchoires (fig. 34). Au-dessus des yeux on re-
Fig. 33. — Tête et portion antérieure de la Blennie cagnotte.
marque un petit appendice tentaculifornie très caractéristique
(iig. 33). La peau est nue et visqueuse. La nageoire dorsale
Fia
•^ ^y^-^-'^ 'jKf'fr.i .-- ■■ •»
Appareil dentaire Je la Blennie cagnette,
est unique, très longue et s'étend sur toute la ligne du dos;
les ventrales sont composées d'une faible épine et de deux
rayons, et sont logés sous la gorge.
44
POISSONS DES EAUX DOUCES
La coloration est d'un jaune pâle, verdâtre, passant au brun
avec un pointillé brun foncé ; le ventre et la gorge sont d'un
jaune assez vif; le long du dos on distingue cinq ou six
taches brunes assez grandes, tandis que des bandes transver-
sales irrégulièrement marquées descendent du dos sur les
flancs; dans le haut de la tête, l'œil se détache en un beau
jaune doré. Cet œil est entouré de globules saillants qui lais-
sent échapper la mucosité abondante qui enduit tout le corps
de l'animal.
Ce poisson paraît se plaire dans le midi de l'Europe ; on
l'a observé en France, en Italie et en Dalmatie; mais il n'est
jamais bien commun. Il se plaît dans les eaux vives à fond
pierreux ; on l'a signalé dans les départements du Var, du
Tarn, de l'Hérault, du Gard et de la Savoie. Il passe pour
très vorace; ses dents sont absolument celles d'un mammi-
fère carnassier. Sa chair est blanche et de bon goût. On le
pêche surtout à la ligne.
La Blennie alpestre
Blennius àlpestris, Blanchard. — Chasseur (Savoie).
Cette Blennie, découverte par M. Blanchard dans un
petit cours d'eau qui se jette dans le lac du Bourgot, a beau-
coup d'analogie avec la Blennie cagnette. Sa taille est plus
FiG. 35. — La Blennie alpestre.
petite, la tête est plus courte, et dans la mâchoire le nombre
des dents est de seize incisives à la mâchoire supérieure et
LA BLENNIE ALPESTRE 45
de quatorze à la mâchoire inférieure (fig. 35). « Rien de
plus joli, dit M. Blanchard, que la Blennie alpestre pen-
dant la vie. Sa peau luisante est d'une teinte marron vif fine-
ment sablé de noir et relevé de gros points, comme de petites
taches de la même couleur, disséminées sur la tète et sur
tout le corps, à l'exception de la région ventrale, qui est
d'un blanc jaunâtre uniforme. Sur les eûtes de la tête et sur
le dos, de grandes taches irrégulières d'un brun noirâtre
contribuent à rehausser la fraîcheur de la nuance générale
du corps, ainsi que de courtes bandes transversales très rap-
prochées les unes des autres, régnant sur les ilancs, dans
toute la longueur du corps. Les nageoires rendues d'une
teinte assez sombre par un semis de points noirâtres très
serrés, sont aussi marquées de taches d'un brun foncé, par-
ticulièrement la caudale et les rayons postérieurs de la cau-
dale '. »
Avec son mode de dentition celte espèce, ou peut-être
simplement cette variété de la Blennie cagnette, doit être
très carnassière, les pêcheurs du lac du Bourget en font
usage pour amorcer leurs lignes. On l'élève parfois dans les
aquariums, mais seule, à cause de sa voracité.
1 10. Blanchard. Les Pois-tons d'eau douce, p, 2&i.
POISSONS DES EAUX DOUCES
MALACOPTERIGIENS
FAMILLE DES PLEURONECTIDES
Le Pleuronecte flet
Pleuronectes flessus, Linné. — Flet, Flondre, Fle'ton, Picaud, Pi-
card, Puise, Fiez (suivant les localités). — Plezenc (Bretagne). —
llut, Flounder, Common floundcr, Fresliwater flounder (Angle-
terre). — Flunder Scholle (Allemagne,). — Sandskraa (Norwège).
— Ftundra (Suède). — Flynder (Danemark). — Koli, Lura (Is-
lande). — Mayock flenk (Ecosse).
Le Flet vit tantôt dans l'eau douce, tantôt dans l'eau de
mer; c'est un poisson plat qui appartient à la même famille
que les Carrelets, les Limandes, les Soles, les Turbots, etc.,
mais tandis que tous ces animaux ne quittent jamais la mer,
le Flet, au contraire, remonte parfois fort loin dans les
fleuves et les rivières. Très commun dans la mer du Nord,
dans la Manche et sur les côtes océaniques, on le prend par-
fois en abondance dans les petits cours d'eaux de la Nor-
mandie, notamment au voisinage des usines établies pour le
lavage des laines ; il fréquente également les eaux de la Loire,
de la Charente et même aussi parfois celles de la Dordogne.
Les bancs de la Somme, de la Seine, d'Aigny, de Cancale,
de Saint-Brieuc, de Brest, d'Audiern, sont principalement
fréquentés par les Flets.
Son corps est de forme ovalaire ; le plus habituellement il
est tourné à droite, quoique l'on rencontre parfois des indi-
vidus chez lesquels les yeux sont à gauche. Le corps est
couvert d'écaillés lisses et petites. La tète, du côté aveugle,
est à peu près nue, tandis que l'autre face est garnie de
petites écailles rudes et tuberculeuses ; le museau est court
et porte une petite bouche fendue obliquement ; les mâchoire»
LE PLEDRONECTE FLET 47
sont armées d'une rangée unique de dents mousses et rap-
prochées. Les yeux sont séparés par une crôte. La nageoire
dorsale commence au-dessus du niveau de l'œil supérieur et
48 POISSONS DES K.vUX DOUCES
finit, ainsi que l'anale, à une petite distance de la caudale. Sa
taille ne dépasse pas de 20 à 35 centimètres (fig. 36).
La coloration du Flet varie notablement suivant les saisons
et surtout suivant la nature des fonds. Du côté des yeux, le
corps a une teinte passant du brun au vert olivâtre avec des
taches orangées ou rougeâtres; ces taches, souvent assez
vives au printemps, disparaissent à d'autres époques de
l'année; dans les milieux vaseux, il devient plus foncé; il est
au contraire beaucoup plus clair dans les fonds sablonneux.
Enfin le côté aveugle est d'un blanc grisâtre plus ou moins
brillant.
On confond souvent le Flot avec le Carrelet qui lui aussi
essaye parfois de remonter à de petites distances les rivières.
On le distinguera : à son galbe plus allongé ; à la coloration
des taches du côté teinté ordinairement plus pâle; il existe
chez le Flet une ligne de points entre les yeux, tandis que
chez le Carrelet ces points sont remplacés par des tubercules ;
chez le Flet, chaque nageoire dorsale et anale porte à sa
base un petit bouton rugueux ; enfin la ligne latérale est
très légèrement courbée au-dessus de la nageoire pectorale.
Le Flet est un des poissons plats les plus communs ; sa
chair, surtout lorsqu'il a longtemps séjourné en mer, est
d'assez médiocre qualité; mais elle s'affine singulièrement
après qu'il a passé quelque temps en eau douce; il prend
alors souvent le nom de Flondre. Les Flondres de la
Loire et de la Seine sont très estimées; leur teinte est plus
foncée, et leur corps parait enduit d'une plus abondante
quantité de matière muqueuse. Leur chair devient plus
grasse et plus savoureuse. Ce poisson fait sa nourriture de
vers, d'insectes aquatiques, de petits poissons; dans les
rivières il poursuit activement les Vairons et autres me-
nusses. Il fraye en été dans les rivières et dans la mer.
On pêche le Flet ou la Flondre de diverses manières. Il
mord très bien à l'hameçon des lignes amorcées avec des
LA LOTE
49
vers de terre ou des arénicoles. Sur les côtes, on le prend
volontiers à la drague ou mieux encore à la foëne. Dans la
Seine on prend les Flets dans les gords, avec des filets en
nappe, et à son embouchure dans les guideaux; dans la
Loire on préfère la foëne et le truble. Dans les eaux pro-
fondes on tend des lignes do fond avant la nuit, pour les
relever le matin, après les avoir amorcées avec des vers.
FAJIILLK DKS GADIDES
La Lot«
Lota r-ulgarte, Cuviev. — Lote, Lotie, Barbote, Borboie, Moutclle,
Mustèle, Loup, Gendarme, Dormille fine, Chatoille, Palmo,
Azé (suivant les localités). — lioitris, Bottrisa, Botirisin (Tessin)
— Strinca, Trinciu (Iac]Majeur). ■ — Trische, Treusch, Trischeln,
Guappe (lac de Constance). — Aalrutte (Allemagne). — Burbot,
Eclpout, Birdbolt (Angleterre).
La Lote est incontestablement un de nos plus beaux et en
même temps un de nos plus curieux poissons du monde des
eaux douces. Son corps, comme celui de l'Anguille est long
et arrondi, épais et gluant. Sa taille peut varier depuis
35 centimètres jusqu'à l m ,30; sa longueur moyenne est
ordinairement d'environ 50 à 70 centimètres. Le corps est
couvert do petites écailles cachées sous une abondante
mucosité. Sa coloration est excessivement variable suivant
les époques, les milieux et aussi suivant l'âge des individus;
elle passe du roux au brun et au jaunâtre, plus sombre vers
le dos, blanchâtre ou même rosé sous le ventre; le dos et les
flancs sont marbrés de brun plus ou moins foncé.
La tête est déprimée et large en dessus; la bouche, assez
grande, est accompagnée d'un barbillon qui pend au menton.
La langue est rude; les mâchoires, recouvertes de grosses
lèvres enflées, portent onze petites dents d'inégale longueur.
50
POISSONS DES EAUX DOUCES
Sur le dos on distingue deux nageoires dorsales, la pre-
mière très courte, la seconde au contraire très allongée; les
pectorales sont flexibles et d'un jaune rouge ; les ventrales,
logées très en avant, sont pointues et petites; les pectorales,
par contre, sont larges et arrondies; enfin la caudale est
arrondie ou ovalaire et à peine séparée de la dorsale et de
l'anale (fig. 37).
La Lote habite toute l'Europe centrale et une grande
partie de l'Europe septentrionale, principalement dans les
grands cours d'eau; en France, elle n'est pas très com-
mune; on la rencontre cependant assez souvent dans les
grands lacs, notamment dans le lac du Bourget. Elle se
tient habituellement au fond de l'eau, blottie dans les trous
où elle attire les petits poissons en agitant à leur passage
son barbillon en guise d'amorce. On la voit souvent sous
les arches des ponts et près des tourbillons, dévorant les
animaux que le courant plus rapide entraine à sa portée.
Elle reste volontiers cachée pendant le jour; aussi les
pêcheurs ne la prennent- ils le plus souvent que la nuit.
Elle fraye pendant l'hiver, en décembre et en janvier, et
dépose ses œufs sur les graviers à peu de distance du rivage,
mais ce n'est, dit-on, qu'à partir de sa quatrième année
qu'elle est en état de se reproduire. Sa chair est très
délicate et très estimée ; mais il faut bien se garder de
manger ses œufs qui sont purgatifs. Le foie, au contraire,
particulièrement volumineux, constitue un mets des plus
recherchés, surtout dans l'est de la France; tout le monde
connaît le vieux dicton : Pour manger un foie de Lote,
une Comtoise vendrait sa cotte.
Ne sortant guère que la nuit, il est assez difficile de
capturer ce poisson en plein jour. On y parvient cependant
en allant le chercher dans les eaux profondes, aux fonds
pierreux, avec des lignes longues amorcées de gros vers ou
de mollusques vivants. On le prend aussi dans des nasses
Fia. 37. — La I.otc commune.
^
;>?■'
5^ POISSONS DES E\UX DOUCES
ou des verveux bien posés, et tendus en plein jour. Dans
certaines contrées, dit La Blanchère, on fait usage de
goleroux; ce sont des fascines composées de morceaux de
bois fourchus que l'on fait descendre au fond de l'eau et
dans lesquelles les Lotes s'engagent et se cachent volon-
tiers; cette pèche est très fatigante, mais elle donne les
meilleurs résultats.
Dans bien des localités les pêcheurs prétendent distinguer
deux espèces de Lote qu'ils qualifient de Lotes blanches et
Lotes noires. C'est en réalité absolument la même espèce
revêtue de livrées différentes dues à la nature des milieux
qu'elles fréquentent. Enfin, il n'est pas rare de voir des
Lotes portant ce que les pêcheurs appellent la gonfle. Cette
gonfle est le résultat d'une projection de l'estomac dans la
bouche par suite d'une distension extraordinaire de la vessie
aérienne, sous l'influence d'un changement trop subit de la
pression.
FAMILLE DES CYPRINIDES
La Loche franche
Cobitis barbât ula, Linné. — Loche, Barbotte, Moustache, Mus-
telle, Moustelle, Moteille, Dovmille, etc. (suivant les localités). —
Petit Barbet, Moût elle, Berling (Comté). — Linotte (Doubs). —
Barbotte, Barbette (environs de Paris). — Emoutelle, Amoutelle
(Champagne). — Motculle, Moteuille (Lorraine) — Dormille,
Endormilte, Endremille (Savoie). — Lanceron (Dauphiné). —
Loche, Loucho, Lotcho, Lorhou (Provence) — Groundling (An-
gleterre). — Steinbisser (Allemagne). — Hoogky-bar (Hollande).
Sternazzo, Foragnada (Italie). — Baromètre, Gremillette, Dar-
tre, Schmerl, Schmerling, Grundel, Steingrudel, Moorgrur.-
del, etc. (Suisse).
La Loche franche est un petit poisson d'eau douce dont la
taille ne dépasse pas 10 à 12 centimètres de longueur. Son
corps épais, arrondi en avant, comprimé en arrière de la
LA LOCHE FRANCHE 53
nageoire dorsale, est recouvert de très petites écailles. La tête
est large et aplatie en dessus; sa longueur, comparée à
celle du reste du corps est dans la proportion de 1 à -4 ; le nez
est arrondi et pointu en dessous, avec des narines doubles ;
la bouche est petite et la mâchoire inférieure est la plus
courte. De la mâchoire supérieure pendent six barbillons
dont deux sont situés à l'angle de la bouche. La nageoire
dorsale est courte, mais haute, et commence juste à moitié dis-
tance du nez et de la naissance de la queue ; celle-ci est cou-
pée carrément ou à peine échancrée en son milieu (fig. 38).
•rz^Gr.^*»
FlG. 3S. — La Loche franche.
La coloration est très variable; « souvent, dit Brehm 1 ,
le corps est gris jaunâtre avec des taches d'un brun foncé
sur le dos et sur le haut des flancs; d'autres fois il est jaune
rougeâtre avec des taches mal définies, d'un brun pâle; quel-
quefois les taches se réunissent pour former des bandes trans-
versales ; vers les parties inférieures du corps les taches
sont isolées et forment des marbrures irrégulièrement dissé-
minées. A la base de la caudale, on voit souvent une ligne
noire avec une tache de même couleur; la dorsale et la cau-
dale sont semées de petites taches brunes disposées ordinai-
rement en lignes ; les nageoires paires sont d'un jaune rou-
i Brehm, Les Poissons, édition française, par E. Sauvage, Paris,
J.-B. Baillière.
04 POISSONS DES EAUX DOUCES
geâtre assez clair ; souvent on voit un fin pointillé noirâtre
sur les pectorales. »
Cette espèce, la plus commune et la plus répandue de
toutes celles qui constituent ce genre, se plaît dans les petits
ruisseaux aux eaux vives, claires et transparentes, au fond
sablo-vaseux, mais pou profond ; dans les lacs et les cours
d'eau plus importants, la Loche franche se tient toujours
près des bords, dans les parties aux eaux un peu courantes ;
on la voit souvent immobile, reposant sur le gravier: mais à
la moindre approche, elle s'enfuit par un brusque mouve-
ment, se réfugie sous les pierres ou dans les anfractuosités
profondes du bord.
Sa nourriture se compose d'insectes, de vers, de petits
mollusques qu'elle attire en faisant mouvoir ses barbillons ;
elle fait aussi la chasse aux oeufs de poissons et aux larves
d'insectes aquatiques. C'est principalement à la tombée de la
nuit qu'elle se met en chasse, parcourant le fond de l'eau avec
des bonds rapides, mais sans jamais aller bien loin. Elle fraye
au printemps, en mars et avril, et donne naissance à des œufs
très petits et très nombreux. Au dire de Lennis, le mâle
creuse dans le sable une cavité dans laquelle vient pondre la
femelle, puis il surveille le nid jusqu'à l'éclosion des petits.
La chair de la Loche est blanche, un peu grasse et très
délicate, surtout vers la fin de l'automne et vers le prin-
temps. Quoique bien petit, ce poisson n'est donc pas à dé-
daigner. D'après Beaudrillard, la friture de Loche devient
un mets exquis si l'on fait mourir l'animal dans du vin ou
dans du lait; on mange aussi la Loche à la sauce blanche. Il
est inutile de la vider.
Convenablement soignée, la Loche peut vivre longtemps
en captivité. Dans l'aquarium elle change rarement de
place pendant le jour et se tient comme collée contre le
sable ou le gravier. Mais vers le soir, elle décrit alors des
circuits sans fin. « La Loche franche, dit M. Blanchard, est
LA LOCHE DE RIVIÈRE 55
le petit poisson que les amateurs se plaisent à entretenir dans
des vases ou dans des bocaux de cristal, pour le plaisir
d'épier ses mouvements gracieux et agiles, de voir son c.jrps
si bien tacheté, si agréablement moucheté, si finement poin-
tillé, miroitant de reflets dorés lorsque la lumière joue à sa
surface, ou encore de posséder un baromètre vivant. Dans
l'opinion populaire, la Loche est très habile à marquer les
changements de l'atmosphère. Elle monte, en effet, vers la
surface de l'eau si l'orage se fait sentir. La cause de cette
manœuvre, ignorée de beaucoup de personnes, est simple et
témoigne, de la part du petit animal, d'un curieux instinct,
peut-être d'une lueur d'intelligence. Dans les temps chauds
et orageux, les insectes ailés volent, on le sait, en rasant la
surface des étangs et des rivières; le petit poisson, se tenant
à fleur d'eau, se trouve alors admirablement placé pour les
happer au passage. C'est, du reste, un instinct qui existe
chez beaucoup d'espèces. »
La Loche ne mord pas à l'hameçon. On la pêche dans les
petits ruisseaux à l'aide de petits filets à mailles serrées: on
fait également usage do paniers mis en travers du courant et
que l'on remonte en raclant le fond ; cette dernière pêche
doit se faire en plein jour et par un beau temps, alors que
le poisson séjourne sur le sol.
La Loche de rivière
Cohitis tienia, Linné. — Loche épineuse, Satouille, Chatouille,
Petit Barbet, Grande Moutelle, Perce-pierre, Mord-pierre (sui-
vant les localités).— Moutelle de rivière, Doritiille, Moustache,
Petit Barbet (Jura) . — EngrUeUa, GriseUa, Ghisella, G or sella
(lac de Lugano). — Cagnora, Cagnola (lac Majeur). — Lucerna,
Stacehetta, l'irafisch. l'ess-pore (Suisse, Tessin). — Groundling
(Angleterre). — Steinbisser (Allemagne). — Ifoogky-bar (Hollande),
Sternazzo, Foragnada (Italie).
La Loche de rivière est beaucoup moins commune que la
56 POISSONS DES EAUX DOUCES
Loche franche. Sa taille est un peu plus petite et atteint à
peine 10 à 12 centimètres de longueur. Son corps est très
comprimé, surtout en arrière de la nageoire dorsale; la tête
est étroite, avec un museau abaissé; la bouche, toujours
petite, porte six barbillons ; la lèvre inférieure est échancrée
dans son milieu. On désigne souvent cette espèce sous le nom
de Loche épineuse, nom qui lui a été donné en raison de la
présence d'une épine située en arrière de chaque narine,
épine qui peut saillir à la volonté de l'animal. L'épine dor-
sale, toujours assez haute, commence au dessus de l'inser-
tion des ventrales. La caudale est à peu près carrée, avec des
angles arrondis.
Le corps de ce petit poisson est recouvert d'écaillés extrê-
mement petites. Sa coloration rappelle celle de la Loche
commune, mais sa teinte générale est ordinairement plus
pâle, tandis que les taches ou marbrures sont plus foncées,
plus nombreuses et en même temps plus régulières. « Sur
toute la tête, dit M. Blanchard, à l'exception de la gorge,
des taches brunes ou noirâtres, plus ou moins grandes et fort
rapprochées les unes des autres, produisent le plus agréable
effet. Sur la ligne dorsale court une série de larges taches de
toutes nuances et plus ou moins bien définies. Au-dessous de
cette suite de taches accompagnées d'un sablé très fin, il y a
des points très rapprochés qui, se confondant ensemble, for-
ment une teinte vermicelée. À un espace étroit succède une
bande longitudinale tantôt plus, tantôt moins interrompue;
puis après un nouvel intervalle, une série de points confus et,
enfin, au-dessus de la ligne latérale, une rangée de quinze à
dix-huit grandes taches » (fig. 39).
Gomme son nom l'indique, la Loche de rivière habite de
préférence les cours d'eau ; nous la connaissons dans la
Seine, la Meuse, la Meurthe, la Moselle et leurs principaux
affluents. On la retrouve également en Angleterre, en Bel-
gique, en Suisse, en Allemagne et dans le Nord de l'Italie.
LA LOCHE D'ETANG 57
Au milieu du jour, elle seplait cachée dans le sable, ne lais-
sant passer que les yeux et le bout du museau ; si on la dé -
range, elle s'enfonce dans le sable pour y cheminer et
sortir plus loin. Sa nourriture se compose de vers, d'insectes
aquatiques et de petits mollusques. La ponte se fait au prin-
temps, en avril et en mai.
Fn;. 39. — La Loche de rivière.
La chair de la Loche de rivière est dure et d'assez mau-
vais goût ; on ne pèche donc pas ce poisson pour l'alimenta-
tion ; mais c'est un excellent appât pour la pèche des grands
poissons carnassiers tels que le Brochet et l'Anguille. On la
prend alors avec des filets, comme la Loche franche. On
l'élève également dans les aquariums, mais plus difficilement
que sa congénère.
La Loche d'étang
Çobitis fossilis, Linné. — Grande Loche, Misgurne, Mccrgrundc-
len (Suisse). — Mùhrgumdel, Schlammeisscr (Allemagne). —
Wgiin (Russie).
La Hoche d'étant/ ou Misgurne est plus grande que les
deux espèces précédentes: mais en revanche elle est plus
rare; sa taille ordinaire varie de 20 à 30 centimètres de
longueur; quelques rares individus mesurent même jusqu'à
32 et 35 centimètres de longueur. Son corps allongé rappelle
un peu la forme et l'allure du Goujon. Ce corps est couvert
d'écaillés très petites, mais cependant encore visibles à l'œil
58 POISSONS DES EAUX DOUCES
nu; la poitrine est nue et le ventre plissé en chevrons. La
tête est légèrement comprimée,
avec le museau avancé ; la bou-
che, placée en-dessous, est en-
tourée de dix barbillons ; les
yeux sont petits, mais sans
épines. La nageoire dorsale est
placée tout entière sur la se-
conde moitié de la longueur to-
tale et commence au-dessus de
la base des ventrales. La cau-
dale est arrondie (fig. 40).
Le dos passe du brun verdâtre
au brun jaunâtre, avec des ta-
ches noires ou brun très sombre
disposées soit en zigzags, soit
en bandes continues qui sillon-
nent le corps depuis l'œil jusqu'à
la queue ; une troisième ligne
plus ou moins interrompue ac-
compagne les deux premières et
se termine à son extrémité par
une série de taches. Le dessous
du corps est d'un jaune plus ou
moins orangé ; tout l'ensemble
est parsemé de petites taches
sombres.
On ne rencontre guère cette
espèce que dans les étangs et les
marais aux fonds vaseux et her-
beux ; on l'a signalée en Alsace,
en Lorraine, dans les départe-
ments du Nord et de Maine-et-
i"i«i. 40. - u Loche d'étang. Loire. Elle est plus répandue en
mm
LE GOUJON DE RIVIÈRE
59
Allemagne. Lorsque, à la suite de la rigueur du froid, ces
étangs viennent à se congeler, la Loche s'enfouit dans la vase
assez profondément, jeûnant sans doute, mais attendant pa-
tiemment le retour des temps meilleurs.
La Loche des étangs jouit d'une singulière propriété
physiologique ; elle avale et déglutit sans cesse de l'air
qu'elle rend ensuite par l'anus après l'avoir transformé en
acide carbonique. « C'est surtout par les jours d'orage,
écrivent MM. Gervais et Buulard que le Misgurne absorbe
le plus d'air, et nous avons vu un de ces poissons, que nous
conservions dans un aquarium, monter huit à dix fois dans
l'espace d'une demi-heure, à la surface de l'eau pendant les
journées chaudes et orageuses, pour respirer. »
Il fraye au printemps. Sa chair est molle et sent toujours-
la vase dans laquelle il se plaît à vivre. Mais, c'est un excel-
lent appât pour le gros poisson carnassier. Il se nourrit de
petits poissons, devers, d'insectes; il avale avec plaisir la
vase qui contient des matières organiques en décomposition ;
delà le nom de mangeur de vase, Schlammbeisser , qu'on lui
donne dans quelques contrées de l'Allemagne. En Alsace,
on le qualifie de Goujon grondant, Mûrgurndee ou de
poisson siffleur, Peisker, Pfeifer, parce que, lorsqu'on le
prend ou qu'on le blesse, il fait entendre un petit cri ou
bruissement, dû sans doute à l'air qui s'échappe. On le pèche
soit à la ligne amorcée avec des vers, soit mieux encore
avec des nasses ou des filets traînants.
Le Goujon de rivière
Gobio fluviatilis, Valenciennes. — Goiffnn, Goeffon (Lyonnais). —
Goffi (Vancluse). — Jol (Hérault). — Trigan (Lot) — Trègov,
Trogou (Lot-et-Garonne). — Krrssen (Alsace). — ISoffi, Cabillat,
Bouirut (autres localités françaises). — Grosiling,Grùndling(k\\e-
magne). — Grûshng, Griindel, Gudge, Gùtchen, Emel (Suisse).
Gudjeon, Greyling (Angleterre). — Grendel (Hollandais). —
Grumpel, Handhsart (Danois).
Le Goujon a le corps allongé, épaissi dans les deux tiers
00
POISSONS DES EAUX DOUCES
antérieurs, et comprimé latéralement dans le tiers pos-
térieur. Il est entièrement recouvert d'écaillés larges,
semi-cylindriques, légèrement festonnées sur le bord libre.
La tète est grosse, avec le museau arrondi, mais la mâchoire
inférieure est plus courte que la supérieure ; à l'angle de la
bouche se distingue un petit barbillon ; à l'intérieur, on
observe des dents pharyngiennes légèrement crochues et
disposées sur deux rangées. Les nageoires dorsales et
anales ont courtes et ne présentent pas de rayons osseux et
denticulés (fig. 41).
sï^ar^sisva
I.e Goujon.
Sa taille, assez variable, est de 12 centimètres de longueur
en moyenne, mais peut atteindre exceptionnellement jusqu'à
20 centimètres. Le dos est d'un brun verdâtre à reflets
métalliques, et marqué de six à sept traits noirâtres. Au-
dessous de la ligne latérale le corps est argenté ; le ventre est
grisâtre, ainsi que les nageoires dorsale et caudale; l'anale
et les ventrales sont pâles, les pectorales d'un gris rosé ; sur
les flancs ainsi que sur les nageoires dorsale et caudale, on
distingue des taches ou des points noirs plus ou moins
irréguliers.
Le Goujon est répandu dans toute la France et presque
aussi dans toute l'Europe. Il recherche les eaux vives et peu
LE GOUJON DE RIVIÈRE 01
profondes, fraîches, mais non froides, courantes, mais non
rapides; il préfère les fonds sablonneux, ceux surtout dont
le table en mouvement est souvent renouvelé. Si les eaux
viennent à se troubler par quelque apport terreux, on le
voit aussitôt accourir dans l'espérance de faire dans ce nou-
veau milieu une chasse abondante. Il vit aussi dans les lacs,
beaucoup plus rarement dans les marais et les étangs; là,
toujours attiré par les charmes de l'eau courante, il se tient
au voisinage des embouchures des moindres petits ruisselets.
Quoique assez vorace de sa nature, c'est néanmoins un
poisson sociable, car on le voit souvent en troupes, quelque-
fois même assez nombreuses, mais où, parait-il, les femelles
sont cinq ou six fois plus nombreuses que les mâles. Au
printemps, les Goujons des lacs partent en bande, remontant
les cours d'eau à la recherche d'un milieu propice pour
frayer. La ponte a lieu en avril et mai ; en juin, c'est-à-dire
un mois après, les petits n'ont encore que 3 centimètres de
longueur.
Fort heureusement pour la conservation de l'espèce, le
Goujon passe pour très prolifique. On a calculé que trente
pêcheurs à l'épervier exerçant leur industrie à Paris, entre
les ponts de Bercy et de Passy, en prenaient annuellement
un million d'individus, et que l'on en capturait encore une
égale quantité à la ligne et avec d'autres engins de pèche.
Malgré cela, le Goujon no semble pas disparaître le moins
du monde; c'est à peine si, au dire de quelques pêcheurs
malheureux, il devient plus sauvage et se laisse moins faci-
lement aborder.
Est-il nécessaire de vanter ici la délicatesse de la chair
de ce petit poisson ? Quel est l'amateur qui n'a savouré avec
délices une friture de Goujons? Aussi lui fait-on partout
une guerre acharnée; on le prend à la ligne, à l'épervier.
dans des nasses ou des verveux ; chaque pêcheur a son mode
préféré. A la ligne, il mord facilement ; un ver rouge bien
Locard, ï.,a Pùche. 4
r
02 POISSONS DES EAUX DOUCES
vif, pris dans le terreau ou le fumier est encore préféré par
lui au vulgaire asticot. Mais c'est le cas de pêcher en eau
trouble; après avoir bien choisi son fond, l'avoir soigneu-
sement sondé pour donner à la ligne la longueur voulue,
de façon à ce que le ver touche le sol, on remue celui-ci avec
un bâton ou un râteau à dents de fer, ou bien encore on
coule dans ce milieu quelques boules de glaise garnies de
son et d'asticots ; après deux ou trois petites secousses on
voit la flotte s'enfuir en droite ligne en s'enfonçant dans l'eau;
avec un peu d'adresse, le poisson est pris.
On peut pêcher le Goujon toute l'année ; mais le moment
le plus favorable est le printemps et surtout l'automne,
durant les mois d'août, de septembre et d'octobre. A partir
de cette époque, il commence à se retirer dans les grands
fonds, se cachant dans les cavités, à moitié engourdi, jusqu'au
retour de la belle saison.
Le Barbeau commun
Cyprinus barbus, Linné. — Barbeau, Barbo, Barbotte, Barbet,
Barberet, Barbarin, Barberen, Berbu, Barbillon (suivant les
localités). — Coquillon (Aube). — Barbeou (Tarn). — Barbé, Ba-
rys (Pyrénées-Orientales). — Barbu, Durgan (Nice). — Drének
(Breton). — Barblin, Barbon, Barbet, Flussbarbe, Siebarbe,
Uteinbarbe (Suisse). — Barbel (Angleterre). — Barb (Allemagne).
Barm (Hollande). — Barbo (Italie et Espagne).
Il existe en Europe plusieurs espèces de Barbeau, mais
deux seulement vivent en France. La plus répandue est le
Barbeau commun dont nous allons donner la description. Son
corps est allongé, un peu épais en avant et aminci à l'arrière ;
vu de profil, il s'élève légèrement depuis la tête jusqu'à la
nageoire dorsale pour s'abaisser ensuite dans toute la région
caudale. Sa taille est très variable ; on voit souvent sur les
marchés des individus mesurant de 60 à 65 centimètres de
longueur et pesant de 4 à 5 kilogrammes; on a vu en France
LE BARBEAU COMMUN 63
des Barbeaux pesant plus de 7 kilogrammes ; on en cite dans
le Volga qui vont jusqu'à 20 et 25 kilogrammes. Le corps
est entièrement couvert d'écaillés, assez petites, oblongues
tt présentant de nombreuses stries circulaires coupées par
des sillons longitudinaux (fig. 42).
^jf^^^^yc
Fia, 42. — Le Barbeau commun.
La bouche, de médiocre grandeur, est pourvue de lèvres
épaisses; la lèvre supérieure dépasse de beaucoup l'inférieure
et porte deux paires de barbillons, dont l'une est située près
de l'extrémité du museau et l'autre près de la commissure.
Les dents pharyngiennes sont nombreuses et coniques, elles
sont logées sur trois rangées. Sur les côtés, la ligne latérale
occupe le milieu du corps, et court presque en droite ligne
depuis l'opercule jusqu'à l'origine de la queue. La nageoire
dorsale est courte et implantée vers le milieu du corps;
elle présente en avant un fort rayon osseux denticulé.
Le plus souvent, surtout quand il n'atteint pas une taille
exceptionnelle, ce poisson a le dos verdàtre; suivant l'âge,
les flancs sont argentés ou dorés et parsemés de petites taches
noires; le ventre est blanc. Quant aux nageoires, les pecto-
rales sont jaunâtres, tandis que les ventrales, l'anale et la
caudale sont d'une teinte plus ou moins orangée.
Le Barbeau vit dans une grande partie de l'Europe ; il est
commun en France, à l'exception toutefois des lacs Léman
04 POISSONS DES EAUX DOUCES
et d'Annecy, où, parait-il, il fait encore défaut; il n'aime pas
les eaux stagnantes, et se plaisant dans les eaux vives et
courantes, il recherche les fonds pierreux ou à gros graviers.
Pendant l'été, il séjourne volontiers entre les plantes aqua-
tiques qui croissent sur les bancs de sable; mais vers l'au-
tomne il se retire en eau profonde et se cache sous les
pierres, dans les anfractuosités des rochers, volontiers dans
le voisinage des écluses, des pilotis ou des ponts. On voit
souvent les Barbeaux en troupe de quinze à vingt individus,
tantôt jouant sous les eaux profondes, tantôt reposés sur un
émergement de sable, le dos à découvert. Il s'engourdit en
hiver; on voit alors des bandes de Barbeaux dont les indi-
vidus sont couchés les uns à côté des autres, à l'abri de quel-
que vieille épave oubliée au fond de l'eau.
C'est un animal vorace; il compose sa nourriture de petits
poissons, de vers, d'insectes, de limaces et même de petits
cadavres qu'il va chercher sous les pierres et les gros gra-
viers qu'il déplace habilement avec sa tête. C'est surtout la
nuit qu'il se met en chasse ; le jour il se tient ordinairement
caché.
C'est seulement vers la quatrième année qu'il commence
à se reproduire; il fraye au printemps de mars à mai;
parfois la ponte commencée en mai se poursuit jusqu'en
juillet; il y a alors deux pontes à un mois d'intervalle. Les
oeufs sont déposés contre les pierres. « Au printemps, dit
Brehm, les Barbeaux se réunissent par troupes; d'après les
pêcheurs, ordinairement les femelles forment la tête de la
colonne, les vieux mâles suivent immédiatement et les jeunes
mâles se tiennent en arrière; souvent une femelle est suivie
de plusieurs mâles. »
Quoique un peu fade, la chair du Barbeau est délicate et
recherchée; elle doit toujours être relevée par quelques
assaisonnements qui la font encore plus apprécier. Mais elle
a ses époques préférées ; les Barbeaux de la Seine ou de la
LE BARBEAU COMMUN
65
Loire sont surtout bons en juin et juillet; dans le Nord, on
préfore les Barbeaux d'hiver. Dans le Milanais, on ne fait
plus aucun cas de ce poisson qui no mérite, dit M. Emile
Blanchard ', au dire des habitants, d'être mangé ni chaud ni
froid, ni jeune ni vieux. Dans nos pays, le Barbeau au court-
bouillon, grillé ou à l'étuvée, rencontre de très nombreux
amateurs. Mais il est toujours prudent d'enlever les œufs de
ce poisson qui passent pour dangereux. Le fait n'est cepen-
dant nullement démontré. Si, d'une part, on a constaté quel-
ques cas d'empoisonnements survenus à la suite d'ingestion
d'œufs de Barbeaux pris dans des circonstances assez mal
définies, bien d'autres fois nombre de personnes ont impuné-
ment absorbé des œufs de ce même poisson. En attendant que
l'on ait établi, comme pour les moules, les causes et con-
ditions de la nocivité des œufs de Barbeau, il est au moins
fort sage de s'abstenir de les consommer.
On pêche le Barbeau un peu de toutes les façons. Il mord
bien à la ligne. Gomme il est omnivore, on peut varier la
nature des amorces. Au printemps et à l'automne, pendant
les crues, le ver rouge est bon. Dans les autres saisons on
amorce soit avec le ver à queue, soit au fromage de gruyère
très fort et passé. L'appât doit toucher le fond ou ne pas
s'en écarter de plus de 5 centimètres. En hiver, lorsque le
poisson sommeille, on peut le prendre à l'aide d'une bricole ou
grappin fait avec deux ou trois hameçons; laissant descendre
la ligne sans amorce jusqu'au banc, et la tirant ensuite brus-
quement on accroche les Barbeaux par le milieu du corps.
Mais la véritable pêche de ce poisson, c'est la pêche dans
les pelotes, et plus généralement toutes pêches de fond, la
ligne à soutenir, les jeux, les lignes de nuit, etc., car il mord
peu le jour et très vivement le soiï et le matin, à l'heure du
crépuscule.
i Blanchard, Le* Paissons d'eau douce, p. 312,
66
POISSONS DES EAUX DOUCES
Le Barbeau méridional
Barbus meridionalis, Risso. — Durgan.
On donne le nom de Barbeau méridional ou de Durgan à
une espèce voisine de la précédente et qui vit dans la Pro-
vence, le Languedoc et jusqu'en Italie. On la distingue à la
forme de son corps qui est moins effilé, plus largement ova-
laire; la tête est plus courte et plus obtuse; les écailles sont
plus grandes et plus arrondies; enfin il n'existe pas de gros
rayon dentelé dans la nageoire dorsale. La coloration est
également différente.
Fio. 43. — Le Barbeau méridional.
Le corps est d'un gris bronzé, mais teinté soit de rose, soit
de jaune, soit de gris perle ; le ventre est d'un blanc d'ar-
gent ; le tout est parsemé de petites taches noirâtres. Au
printemps le dos prend une teinte vert olive, tandis que le
museau est coloré en bleu d'acier. Les nageoires impaires sont
jaunâtres, avec des taches noires disposées en séries longitu-
dinales; les pectorales et les ventrales passent à l'orangé à
l'époque du frai. Sa taille, toujours plus petite, ne dépasse
pas de 30 à 35 centimètres de longueur (fig. 43).
Cn pêche fréquemment le Durgan dans les rivièros du
l.A TANCHE
67
Midi ; on le rencontre dans toutes les eaux du département
des Alpes-Maritimes, dans la Sorguc près d'Avignon, dans
le Lez et dans l'Hérault, dans le Tech et dans la Tet. Ses
mœurs sont celles du Barbeau commun et on le pêche de la
même manière. Sa chair est bonne et délicate, mais comme
son congénère, il a beaucoup d'arêtes.
La Tanche
Tinca vulgaris, Cuvier. — Tanclie, Tinche, Tenca, Tencn, Tan-
rhelte, Tcntche (suivant les localités). — lieuroti; (Côte-d'Or). —
Tench (Angleterre). — Schlei (Allemagne). — Zcclt (Hollande). —
Tenca (Italie). — Suder (Danemark).
La Tanche est un poisson dont le galbe et la coloration son
si bien caractérisés qu'il est toujours bien facile de la dis-
tinguer au milieu de ses congénères. Le corps est haut et
/ttinftXA'^
Fia. Vi. — I.a Tanche.
comprimé avec le dos légèrement arqué. La tête est grosse
avec un large front, un museau obtus, une bouche fendue
obliquement portant de chaque côté un court barbillon. Tout
l'ensemble est recouvert de petites écailles très adhérentes
et enduit d'un mueus sécrété par des porcs spéciaux logés
C8
POISSONS DES EAUX DOUCES
sur la tête. Les dents pharyngiennes sont disposées sur une
seule rangée. La nageoire dorsale, dépourvue de rayons
osseux, prend naissance un peu en arrière du milieu du corps ;
les pectorales sont implantées très bas ; l'anale est coupée
presque carrément (fig. 44).
La coloration est d'une teinte olivâtre, plus foncée sur le
dos, plus claire sur les côtés, passant au vert pâle ou mieux
au blanc jaunâtre sur le ventre. Les nageoires ont une teinte
violacée; au printemps, les pectorales et les ventrales ont
leur bord rougeâtre. Dans les milieux fangeux, la teinte
générale devient plus sombre ; elle est, au contraire, plus
dorée chez les individus qui vivent dans les rivières au fond
sablonneux. Le mâle se distingue facilement de la femelle;
non seulement il est le plus ordinairement de taille plus pe-
tite, mais il est plus chaudement coloré; ses nageoires sont
plus grandes et le deuxième rayon des ventrales est beau-
coup plus robuste.
La taille de la Tanche est très variable. Les petits, au
bout de la première année, ont un poids de 120 à
125 grammes et pèsent de 1 kilogramme à 1 kilogramme et
demi au bout de la troisième année ; à six ou à sept ans une
Tanche pent peser jusqu'à 3 et 4 kilogrammes. On a cité
des Tanches de 60 centimètres pesant jusqu'à 5 et 6 kilo-
grammes, mais ce sont là de rares exceptions.
La Tanche est commune dans toute l'Europe et s'étend
même dans une partie de l'Asie. En France, elle vit dans
toutes les eaux, pourvu qu'elles ne soient cependant ni trop
froides, ni trop courantes. Mais elle préfère toujours les
eaux tranquilles, stagnantes et même vaseuses. Si elle est
condamnée à vivre en rivière, on la rencontrera toujours
dans les endroits où l'eau coule le plus lentement. Rare-
ment, on la voit remonter à la surface, elle préfère barboter
sur les fonds. En hiver, elle s'enfonce dans le limon et y
séjourne comme engourdie jusqu'au retour de la belle saison.
LA TANCHE
69
Elle a la vie très dure et peut impunément rester une jour-
née entière hors de son élément.
Sa nourriture se compose de débris végétaux, d'humus,
de vers, d'insectes ou de mollusques; parfois, à la fin des
chaudes journées, on la voit sauter hors de l'eau pour
happer quelques insectes au passage. Elle ne craint pas
d'avaler les vases les plus infectes, mais aussi les plus riches
en principes organiques do toutes sortes, pour recracher
ensuite les parties terreuses.
C'est à la fin du printemps, souvent même au mois de juin,
qu'a lieu la ponte; une nouvelle ponte survient encore par-
fois au mois d'août. Au moment de la ponte, on voit la
femelle suivie ordinairement de deux mâles s'égarer à tra-
vers les joncs ou d'autres plantes aquatiques. Il est une
herbe qu'elle affectionne plus particulièrement le Pota-
mogeton natan*, plus connu sous le nom à! Herbe à
Tanche. C'est là que les œufs sont disposés, de préférence
dans les endroits exposés au soleil ; ces o^ufs, très petits,
sont extrêmement nombreux; on en a compté près de trois
cent mille chez une femelle de taille moyenne. Au bout de
sept à huit jours seulement, les petits commencent à éclore.
La Tanche n'est certes pas un de nos meilleurs poissons.
La cliair, pleine d'arêtes, garde malheureusement trop long-
temps \a goût de la vase dans laquelle elle a vécu. La Tanche
de rivière est toujours préférable à la Tanche des marais.
Dans *nus les cas, il convient, avant de la consommer, de la
faire dégorger le plus longtemps possible dans une eau bien
claire et bien vive. Suivant ses dimensions, on la mange
frite, grillée, sautée au beurre, à la poulette, au court-
bouillon, etc. C'est en avril et en mai qu'elle est la
meilleure.
On pêche la Tanche à l'épervier, à la senne, au tramail
et avec les verveux. A la ligne, la pêche se fait ordinai-
rement en amorçant avec de gros vers de terre , des
I
70
POISSONS DES EAUX DOUCES
insectes, du pain pétri avec du miel, etc.; mais il est toujours
bon de jeter de temps en temps de petites boulettes d'amorce.
La Tanche mord toute la journée, mais plus encore le matin
et le soir ; les temps chauds un peu pluvieux sont toujours
plus particulièrement propices. Elle attaque lentement, dou-
cement, en faisant promener la flotte sur l'eau, comme si un
petit poisson jouait sur l'hameçon; il faut parfois attendre
deux ou trois minutes avant de ferrer, alors même que la
flotte n'enfonce pas complètement.
Dans les étangs que l'on ne vide pas, on fait très souvent
usage de lignes dormantes. Il conviendra de les tendre dans
les endroits dont le fond vaseux est uni et entouré d'herbes
ou de joncs. Mais la plus grande partie des Tanches vendues
sur les marchés proviennent d'étangs que l'on dessèche à
époques fixes et où l'on élève la Tanche avec d'autres
poissons.
Une particularité bien digne de remarque, c'est que les
poissons les plus voraces, la Perche, le Goujon, le Brochet
même, n'aiment pas à s'attaquer à la Tanche. On ne devra
donc pas s'en servir comme amorce. Sans que le problème
soit encore bien résolu, on suppose que cette antipathie n'a
d'autre cause que le mucus épais qui recouvre le corps de
la Tanche. Dans les aquariums la petite Tanche s'acclimate
facilement et peut s'apprivoiser au point de venir manger
dans la main.
La Carpe
Cyprinus carpio, Linné. — Carpa, Carpo, Escarpa (suivant les lo-
calités). — Kerpe (Cûte-d'Or). — Carp (Angleterre). — Strich,
Karp, Kardfen (Allemagne). — Carpan, Carpin (Suisse). — Carpa,
Carpionne (Suisse).
La Carpe bien connue des anciens est originaire) de l'Asie
Mineure et n'a été introduite en France que sous le règne de
François I er ; facile à élever, se plaisant partout, la Carpe
LA CARPE 71
s'est bientôt répandue et largement multipliée dans tous les
milieux, lacs ou étangs, fleuves ou ruisseaux; mais en menu
72 POISSONS DES EAUX DOUC1 S
temps elle a donné naissance à un grand nombre de variétés
plus ou moins bien définies, dont quelques-unes sont inté-
ressantes à étudier.
Carpe commune. — La carpe commune, de beaucoup la
plus répandue, a le corps légèrement comprimé latéralement,
arqué et aminci vers le dos, abaissé vers la tête (fig. 45).
Celle-ci est elle-même sensiblement inclinée de la nuque à
l'extrémité du museau. Le museau est obtus; la bouche,
{ Fig. 40. — Tèle et portion antérieure du corps de la Carpe commune i.
peu fendue, est entourée de lèvres épaisses; do chaque côté
de la mâchoire pendent deux barbillons (fig. 46). Les dents
pharyngiennes sont plates et striées à la couronne comme de
vraies molaires, et au nombre de cinq de chaque côté. La na-
geoire dorsale est très longue; l'anale, au contraire, est
courte; toutes deux présentent un fort rayon osseux dentelé ;
enfin la caudale est largo et bien fendue par le milieu.
La coloration est très variable suivant les saisons, et sur-
1 Celle tête a été préparé»; de façon à montrer les pièces opercu-
laires.
LA CARPE 73
tout suivant la nature dos milieux. Elle passe du brun ver-
dâtre plus ou moins bronzé au jaune roux; sur le dos, on
voit des reflets d'un bleu violacé, d'un doré plus ou moins
vif sur les flancs. On rencontre des individus presque noirs
et d'autres qui, sans être bien vieux, sont, au contraire,
presque blancs, comme décolorés. En général, les sujets
péchés sur les fonds vaseux sont plus sombres que ceux pris
dans des eaux vives et plus courantes.
Carpe à miroir (Cyprinus Rex Cyprinorum, Block.
— Spiegel Karpfcn, des Allemands). — Cette Carpe se
distingue par la présence de deux rangées de très grandes
écailles, distribuées régulièrement sur le,s côtés et sur le
dos ; ces écailles de couleur jaune bordées de brun sont
striées et comme rayonnées. La Carpe à miroir se reproduit
avec la Carpe commune.
Carpe à cuir (Cyprinus nudus, Bloch). — On donne ce
nom à des Carpes à miroir dont les écailles sont atrophiées;
la peau s'épaissit alors et prend l'aspect d'une substance
cornée, assez analogue au cuir; parfois pourtant il existe
sur ce cuir de véritables écailles, mais elles sont si fines et
si minces qu'on les distingue difficilement.
Carpe bossue (Cyprinus elalus, Bonaparte). — Dans
cette variété, beaucoup plus commune en Italie qu'en France,
le dos est très élevé, comme bossu; cette forme se reproduit
d'une manière constante.
Carpe reine (Cyprinus regina, Bonaparte). — À l'in-
verse de l'espèce précédente, la Carpe reine, qu'il ne faut pas
confondre avec la reine des Carpes, nom que l'on donne par-
fois à la Carpe à miroir, a le dos déprimé, de telle sorte que
l'ensemble du corps parait plus allongé et plus effilé.
Carpe de Hongrie (Cyprinus Hungaricus Heckel). —
Chez cette dernière variété, le corps s'allonge encore davan-
tage; en même temps, il est également plus mince et plus
comprimé latéralement ; elle n'atteint jamais une grande taille,
Locakd, I.a Pèche. 5
74
POISSONS DES EAUX DOIT.RS
Carpeau. — On désigne sous ce nom, dans le Lyonnais,
un poisson conforme à la Carpe commune, clans son ensemble,
mais remarquable par l'aplatissement de son abdomen. On
présume que ce Carpeau n'est qu'une Carpe mâle sujette à
une espèce d'avortement des organes générateurs, provo-
quée par la nature des milieux où elle vit. La cause du phé-
nomène, fait observer La Blanchère, est encore inexpliquée,
mais jamais les Carpeaux ne présentent ni lait, ni œufs. On
pêche les Carpeaux dans le Rhône, la Saône, dans les étangs
de la Bresse, le lac du Bourget et le lac de Nantua ; les plus
gros dépassent rarement 4 kilogrammes ; les Carpeaux de la
Saône ont la chair grasse et délicate, et sont particulière-
ment estimés.
A côté de ces variétés qui présentent entre elles de nom-
breux passages, la Carpe nous offre des cas fréquents de
monstruosité ; ils consistent surtout dans une déformation de
la tête donnant naissance à un aplatissement plus ou moins
grand du museau. On qualifie de tels individus de Carpes
dauphins ou Carpes à tête de dauphin.
La taille de la Carpe est au moins aussi variable que sa
robe; mais elle n'est pas toujours en rapport exact avec sa
longévité. Dans sa plus grande dimension, la Carpe dépasse
très rarement 1 mètre de longueur pour un poids de 15 à
20 kilogrammes. On a pourtant parlé de Carpes ne mesurant
pas moins de l m ,50 de longueur, 0"',60 de hauteur et pesant
35 kilogrammes. Dans les premiers temps de sa vie, la
Carpe croit très rapidement ; ainsi une Carpe placée dans un
milieu où elle peut trouver facilement une nourriture conve-
nable, peut, dans l'espace de sept années, prendre un poids
mille fois plus grand, et passer de 8 grammes à 8 kilo-
grammes; au delà de cet âge, la croissance s'effectue beau-
coup plus lentement.
La longévité des Carpes est proverbiale, et pourtant il
faut singulièrement en rabattre de cette prétendue légende
LA CARPE 75
qui assignerait à ce poisson privilégié une longévité plus que
séculaire. On cite bien souvent à ce sujet les Carpes fameuses
de Chantilly, de Fontainebleau, de Charlottenbourg, que,
pendant longtemps, des mains royales se sont plues à engrais-
ser; mais on oublie de citer le passage des mains révolu-
tionnaires qui, à maintes reprises, ont mis à sec les étangs
sans craindre de faire à leurs hôtes un meilleur sort qu'à
leurs souverains! Heckel et Kner ' assignent douze ou quinze
années de vie à une Carpe libre; doublons ou triplons ce
chiffre lorsqu'il s'agira d'une Carpe domestiquée, et nous
aurons encore un bien beau total, mais qui jamais ne remon-
tera au temps du Grand Condé ou de François 1 er , comme
le prescrit la légende !
La Carpe vit dans toutes les eaux, mais l'eau trop vaseuse
communique à sa chair un mauvais goût, qu'elle perd, du
reste, il est vrai, lorsqu'elle a séjourné une huitaine de jours
en eau claire. Les eaux claires et peu courantes lui convien-
nent également, et dans de tels milieux, sa chair est toujours
plus agréable. Comme l'a fait observer La Blanchère, elle
trouve dans les eaux des qualités qui échappent à nos obser-
vations, puisqu'elle se confine dans telle ou telle partie d'un
fleuve ou d'une rivière, et qu'on ne la trouve que là. La sen-
sibilité de la Carpe est même si grande sur ce point, que
celles qu'on élève et qu'on abandonne dans les rivières à
l'état sauvage vont rejoindre les autres dans les mêmes en-
droits et ne repeuplent point le cours d'eau dans toute son
étendue.
Ce poisson se reproduit avec une extrême facilité. Lorsque
la Carpe veut frayer, elle abandonne les milieux trop rapides
et part à la recherche des endroits plus tranquilles, sans
être arrêtée dans sa course par des chutes d'eau de 2 mètres
1 Heckel et Kner, Die Siïssicasserfische der ôslerreichischen Mo-
narchie, Leipzig, 1858.
76
POISSONS DES EAUX DOUCES
qu'elle remonte avec autant d'adresse et de persévérance que
la Truite. Pour aider à l'expulsion de ses œufs, on la voit se
frotter sur les herbes, parfois même complètement hors de
l'eau, surtout par les belles et chaudes journées de printemps.
Elle est omnivore et s'attaque aussi bien aux vers, aux in-
sectes, qu'au frai des autres poissons, ou aux substances
animales et végétales qu'elle rencontre dans la vase.
Sa chair est très bonne, mais à la condition d'être choisie
et même préparée avec un certain discernement. La Carpe
trop petite est désagréable à manger et ne peut se con-
sommer que frite. Trop vieille et trop grosse, elle devient
presque coriace et a souvent mauvais goût. La Carpe maigre
se présente avec une tête relativement forte et sa chair se
perd à travers d'innombrables arêtes. Mais les Carpes de
taille moyenne, prises dans les cours d'eau ou convenable-
ment dégorgées, celles qui sont grasses et fermes, constituent
un mets très agréable et en même temps très salutaire à la
santé. Nous n'avons pas ici à préconiser tel ou tel mode de
préparation culinaire; ils sont aussi multiples que parfois
compliqués. Les Carpes du Rhin et de Montreuil-sur-Mer
sont particulièrement estimées; celles du Rhône, de la
Saône, du Lot passent pour excellentes. En revanche, on
prise peu celles de la Loire et de la Moselle.
La pêche de la Carpe se fait de diverses manières. Bien
entendu, il faut au préalable s'assurer, si l'on pêche dans un
cours d'eau, que la localité renferme des Carpes; il faut, en
effet, souvent parcourir une assez bonne longueur de rive
avant de trouver une station favorable à ce genre de pèche,
étant donné le mode de cantonnement de ce poisson. On se
sert à cet effet d'appâts de fond qu'on place sur le sable dans
un endroit exempt d'herbe, ou sur une planchette glaisée si
le fond est vaseux. L'appât consiste en grains de blé, de
chènevis ou de fèves de marais. On pêche ensuite, au filet,
ou mieux encore à la ligne. Le moment le plus propice pour
LA CARPE DE KOLLAR 77
la pèche à la ligne est le soir, deux heures environ avant le
coucher du soleil, ou le matin au soleil levant. Quand le
temps est couvert ou qu'il tombe un peu de pluie, la Carpe,
surtout dans les étangs, se promène sur les fonds et mord
facilement aux esches qu'on lui tend ; vers, grosses fèves de
marais, mie de pain, fromage de gruyère, etc., peuvent être
employés avec succès, surtout si l'on a pris soin d'amorcer
quelque temps au préalable.
Une fois prise, la Carpe, surtout si elle est grosse, se dé-
fend avec énei'gie ; il faut agir alors avec de grandes pré-
cautions, la laisser tirer sans chercher à la ramener trop près
de la surface de l'eau, car alors elle se démène davantage et
peut même rompre la ligne. L'emploi du moulinet libre et
surtout de l'épuisette sont nécessairement tout indiqués.
Comme filet, on fait usage de l'épervier, de la senne, de la
trouble, du tramail ou du verveux, suivant les milieux où
l'on doit pécher.
La Carpe de Koilar
Cyprinits Kollari, Heckel. — Carousche blanchi: (Metz). — Car-
reau (environs de Paris). — Carpe blanche. Carpe carassin,
Demi-Carpe.
Les naturalistes ne sont pas encore d'accord au sujet de
cette Carpe. Est-ce une espèce ou bien une simple variété?
Quoi qu'il en soit, c'est bien une Carpe, et une Carpe dont
le galbe est assez différent de toutes les formes connues de
la véritable Carpe commune. Son corps, notablement plus
élevé et comprimé latéralement, offre quelque chose de la
physionomie du Carassin et de la Gibèle. Son dos, dit
M. E. Blanchard, s'élève beaucoup depuis la nuque jusqu'à
l'origine de la nageoire caudale; sa tête, proportionnelle-
ment un peu moins forte que celle de la Carpe commune, a
le front plus bombé, la mâchoire supérieure un peu proémi-
78 POISSONS DES EAUX DOUCES
nente sur l'inférieure et pourvue de quatre barbillons placés
comme chez la Carpe commune, mais très petits et fort grêles.
Les écailles, sensiblement plus grandes, en diffèrent par
quelques détails. La coloration est variable dans une cer-
taine mesure comme la proportion du corps ; cependant elle
est en général assez claire. La taille ne dépasse pas de
30 à 40 centimètres, mais la plupart des individus que l'on
pêche sont d'une beaucoup plus petite dimension (fig. 47).
Fig. 47. — Tête et portion antérieure du corps de la Carpe de Kollar.
La Carpe de Kollar vit surtout en Belgique, en Allemagne
et en Hongrie. Nous la trouvons, en France, dans quelques
départements du Nord et de l'Est. On l'observe dans les fossés
de Metz, dans la Moselle, dans l'étang de Saint-Gratien, près
de Montmorency, à Péronne, etc. Elle n'est pas rare, au prin-
temps, sur le marché de Paris. On la pèche comme la Carpe
ordinaire.
LE CARASSIN
79
Le Carassin
Cyprinopsis carassius, Linné. — Carpe à la lune, Carashe, Ca.
roushe noire, Carousche (Alsace et Lorraine). — Bùrratschel,
Karousch (Allemagne). — Crucian Karp (Angleterre). — Hurla
(Suédois). — Hamburger (Hollandais).
Le Carassin est assez voisin de la Carpe commune ; mais
il s'en distingue cependant par plus d'un point. Sa taille est
toujours plus petite et ne dépasse pas 25 à 30 centimètres de
longueur. Son corps est plus ramassé, avec le dos beaucoup
plus élevé et en même temps plus comprimé sur les côtés.
La tête est plus courte; sa longueur est à la longueur totale
de l'animal dans la proportion d'un à cinq. La bouche, petite,
Fio. '.S.
I.e Carassin.
ne porte pas de barbillons. La nageoire dorsale assez dévelop-
pée et l'anale ont chacune un fort rayon osseux dentelé sur
les bords. Dans la bouche, les dents pharyngiennes, au
nombre de quatre, sont disposées sur un seul rang (fig. 48).
80 POISSONS DES EAUX DOUCES
Chez ce poisson, le sommet de la tête et le dos sont d'un
vert plus ou moins olivâtre ; les flancs sont plus clairs avec
des reflets dorés ; le ventre, les nageoires inférieures, les
joues et la gorge sont lavés de rouge. Les écailles sont
également différentes.
C'est un poisson encore très localisé ; connu dans certaines
parties de l'Allemagne, nous ne le rencontrons en France
que dans quelques localités ; c'est, dit-on, au roi Stanislas
de Pologne que l'on doit son introduction en France. On le
voit parfois dans les cours d'eau des environs de Paris,
mais il est plus commun dans le Nord et surtout dans l'Est.
Il aime les fonds marneux et glaiseux, et présente ce grand
avantage sur la Carpe, que,quoiqu'élevé dans de tels milieux,
sa chair ne conserve pas de mauvais goût.
Ses mœurs sont à peu près les mêmes que celles de la
Carpe; comme elle, il se nourrit de vers, de végétaux, de
substances organisées qu'il ramasse dans la vase. Il fraye au
printemps et croît avec une certaine lenteur. Sa chair est
blanche et très délicate ; mais, dit-on, il faut avoir soin de
bien le débarrasser de ses écailles. Dans certains pays, on
attribue des propriétés vénéneuses à la Carpe à la lune ;
ce principe plus ou moins toxique résiderait dans son mucus
et dans les écailles, au moins à certaines époques de l'année.
On pêche le Carassin tout comme la Carpe ; mais il mord
beaucoup moins aux esches qu'on lui offre ; sa capture devient
dès lors plus difficile, car il faut toujours beaucoup appâter
et s'y prendre encore plus longtemps à l'avance pour amorcer
le poisson.
LA GIBELE
81
La Gibèle
Cyprinopsis Gibelio, Bloch. — Gibel, Carpe g i lie le, Carpe dePrusse,
Gibelon (Lorraine). — Giben, G iblirchen (Allemagne). — Damm
ruda (Suéde). — Prussian-Carp, Crussian-Carp (Angleterre).
Ce poisson est encore voisin delà Carpe; sa taille est d'or-
dinaire assez petite; son poids dépasse rarement 1 kilo-
gramme ; son corps est plus court et plus élevé que celui de
la Carpe ordinaire, mais sans jamais atteindre le profil
gibbeuxdu Carassin. La tête est forte, obtuse, égale environ
aux trois quarts de la longueur totale de l'animal. La bouche
et l'œil sont petits. Les écailles sont grandes, arrondies,
avec le bord adhérent, légèrement sinueux. Les nageoires
dorsale et ventrale naissent sur le même plan vertical (fig. 49).
Km. 49. = La Gibèle.
Le sommet de la tête et le dos sont d'un vert olivâtre
très foncé, presque noirâtre, parfois un peu bleuté; les
flancs ont une teinte plus claire qui passe au blanc jaunâtre
sous le ventre. Les nageoires dorsale et caudale sont teintées
de brun rougeâtre ; la ligne latérale est marquée en points
bruns qui se perdent avant d'arriver à la queue.
5.
82 POISSONS DES EAUX DODCES
La Gibèle, assez commune en Angleterre et en Allemagne,
ne se pêche en France qu'en Alsace et en Lorraine; c'est
essentiellement le poisson des eaux dormantes ; on la ren-
contre parfois dans les mares les plus fangeuses où elle se
reproduit sans que sa chair prenne le moindre mauvais
goût. Elle a la vie extrêmement dure et peut rester trente
heures hors de l'eau sans en être trop incommodée. Sa chair
est de bonne qualité. On la pêche comme la Carpe, mais elle
mord difficilement à l'hameçon ; elle se tient de préférence
au fond de l'eau, s'envasant pendant la saison froide, remon-
tant à la surface de l'eau à travers les plantes au moment
du frai, dès les premiers beaux jours.
Le Cyprin doré
Cyprinus auratus, Linné. — Poisson rouge, Daural.Cyprinopsis
doré (France). — King-so, Kiny-yi (Chine). — Kin-jun (Japon).
Goldfish (Angleterre). — Silberfisch (Allemagne). — Goldfisch
(Suède et Hollande).
I
Le poisson rouge, originaire de la Chine est aujourd'hui
si bien acclimaté, qu'on ne saurait hésiter à lui accorder droit
de cité dans la faune française. Les premiers auraient été,
dit-on, introduits dans les jardins delà Compagniedes Indes
au port de Lorient et gracieusement offerts par le directeur
à Madame de Pompadour. Aujourd'hui il se reproduit presque
partout avec la plus grande facilité. On le pêche assez sou-
vent dans la Seine, la Charente, la Seille, etc. Est-il néces-
saire de décrire ce joli poisson que tout le monde connaît ?
Sa livrée seule permet toujours de le distinguer. Le corps
assez épais est plus allongé que dans les espèces précédentes ;
la tête est forte, le museau court, la bouche petite et ouverte
en dessous; les dents pharyngiennes, au nombre de trois ou
quatre seulement, sont disposées sur une seule rangée. La
LE CiPRIN DORE 83
nageoire dorsale est longue, les pectorales fortes et arron-
dies, la caudale bien découpée (flg. 50).
La coloration du Cyprin doré est extrêmement variable.
Elle passe du noir au vermillon, au rosé et au blanc terne.
Il existe même des individus qui sont verdâtres avec des
taches noires plus ou moins grandes. Dans le jeune âge la
teinte brune ou même noire, puis d'un beau rouge tend à
Le Cyprin doré.
dominer ; souvent aussi les teintes les plus chaudes sont
mouchetées de blanc, do jaune, de rouge ou de noir, se déta-
chant sur des fonds différents. Ce n'est que vers la troisième
année que le Cyprin revêt sa belle parure rouge ; plus tard
des points argentés commencent à paraître, s'étendent, se
rejoignent; puis, quand l'animal est devenu blanc, il peut, ou
bien garder définitivement cette robe, ou bien revenir au
rouge.
La taille varie avec l'âge, mais aussi avec les milieux ; les
plus gros dépassent difficilement 20 à 25 centimètres. Ils se
nourrissent de vers, d'insectes, de détritus végétaux. Ils
frayent en mai et déposent des œufs abondants, d'un blanc
transparent sur les herbes, les racines et les branches
immergées. Dans un vivier, à fond gras ils vivent et se repro-
84
POISSONS DES EAUX DOUCES
duisent avec la plus grande facilité. Si le fond est maigre, il
convient de leur donner de temps en temps du pain de
chènevis, des pois cuits, des débris de table. Mais il faut
qu'ils aient des herbes ou des branches dans leurs eaux, pour
pouvoir y déposer leurs œufs et s'abriter contre les ardeurs
du soleil. En hiver, ils s'enfoncent dans la vase, s'y engour-
dissent, et ont la vie assez dure pour pouvoir supporter les
froids rigoureux de nos climats, à la condition qu'il y ait
assez de fonds pour que la glace ne les atteigne pas. On sait
combien ils s'accommodent facilement de la vie privée des
modestes aquariums d'appartements. Mais toujours mal
installés dans de tels milieux, ils ne s'y reproduisent presque
jamais.
La chair du Cyprin doré est très délicate, meilleure même
que celle de la Carpe. Mais on en élève infiniment plus pour
l'agrémentation des jardins et des appartements que pour
l'alimentation. Ils se prennent à la ligne comme les Carpes;
petits, on les pêche très facilement au ver rouge, à l'asticot,
à la boulette, au blé, etc. Mais devenus plus gros, ils sont en
même temps plus défiants, et doivent être péchés, comme les
Carpes, en grand silence, et parles grands fonds de l'étang
qu'ils habitent.
La Bouvière commune
Iihodeus amarus, Bloch. — Péteuse, Bourguignon, Bravier, Bro-
vière (environs de Paris). — Garlesco (Toulouse). — Piastro(Gard).
— Blanchouitle, Vcron-blanc (Vosges). — Dormille, Cazeau,
Bouvière arrière, Bitterling (Allemagne). — Schneider Kûrpfen
(Alsace).
Avec la Bouvière, nous rentrons dans les petits poissons.
Ce Cyprinide en effet ne dépasse pas trop de 5 à 6 centimètres
de longueur ; les plus beaux individus atteignent à peine
8 centimètres. Son corps est haut, très comprimé sur les
côtés, avec une courbure dorsale et ventrale très prononcée ;
LA BOUVIÈRE COMMUNE 85
il est recouvert d'écaillés grandes et finement striées. La
bouche est petite et dépourvue de barbillons, avec les deux
mâchoires égales. La nageoire prend naissance sur le milieu
de la courbure du dos ; l'anale est logée en arrière de la
dorsale ; la caudale est large et assez fendue (fig. 51).
Fil.. 51. — La Bouvière, de grandeur naturelle.
■
En temps normal, la tète et le dos sont verdâtres, tandis
que les flancs et le ventre sont argentés; une bande longitu-
dinale verte s'étend de la partie moyenne du corps à la na-
geoire caudale. Mais, au printemps, le mâle revêt la plus
charmante livrée; la partie supérieure du dos prend d'élé-
gantes teintes bleutées à reflets irisés, tandis que le flanc et
le ventre passent au rose plus ou moins vif; en même temps,
on voit s'élever sur les parties latérales de la face de petits
tubercules qui disparaissent bientôt.
La Bouvière a donc en somme, une réelle analogie, au moins
comme galbe, avec la Carpe, tandis que celle-ci est encore
toute jeune, mais ses mœurs sont assez différentes. La Bou-
vière, contrairement à la Carpe, recherche toujours les eaux
vives et courantes, et si l'on en observe dans quelques étangs,
c'est que ceux-ci sont traversés par quelques petits cours
d'eau; jamais elle ne va dans les fonds vaseux. On la ren-
contre surtout dans le nord et dans l'est de la France, vivant
86 POISSONS DES EAUX DOUCES
en troupes parfois assez nombreuses surtout au printemps,
au moment du frai.
On n'utilise la Bouvière que comme amorce ; trop petite
pour être prise à la ligne, on la pêche dans des nasses ou
avec des troubles. En Allemagne comme en France, elle
passe pour avoir un goût d'amertume prononcé; cependant,
il faut bien l'avouer, les fritures que l'on sert aux environs de
Paris renferment maintes fois nombre de Bouvières qui pas-
sent absolument inaperçues. C'est un bien joli poisson à mettre
dans un aquarium, surtout au printemps, mais il n'y vit ja-
mais bien longtemps, l'eau n'étant pas assez courante.
La Brème commune
t
Abramis brama, Linné. — Brame, Bramme, Brena, Breten
(Alsace). — Baourado d'aou rosé (Gard). — Braschen, Bleitzen
(Allemagne). — Brasen (Danemark). — Bream, Carp-Bream (An-
gleterre). — Scarda (Italie).
On distingue cinq espèces de Brèmes, dans les eaux de la
France. Toutes sont caractérisées par leur corps comprimé
latéralement, avec le dos très élevé ; la nageoire dorsale assez
courte, est tronquée très obliquement d'avant en arrière; la
caudale est fortement échancrée et l'anale très développée.
Dans la bouche, les dents pharyngiennes sont comprimées,
recourbées en dedans, disposées sur une seule rangée chez
les trois premières espèces et sur deux chez les autres.
La Brème commune a le corps très haut et très aplati,
avec le dos arqué, caréné en avant. La tête est petite, rela-
tivement à la longueur du corps, pointue et comme tronquée.
La bouche est peu fendue et dénuée de barbillons ; on aper-
çoit dans son intérieur une langue rouge, molle et épaisse,
adhérente au palais. La nageoire anale est grande, plus large
que la caudale qu'elle rejoint presque (fig. 52). Elle peut
atteindre une longueur de 60 centimètres et un poids de 4 à
LA BRÈME COMMUNE 87
5 kilogrammes ; mais les Brèmes de 35 à 45 centimètres sont
déjà d'une belle taille.
La coloration varie peu; le dos passe du noir bleuté au
noir plus ou moins sombre; les côtés sont d'un blanc jau-
nâtre ou grisâtre; le ventre, d'un blanc argenté, passe parfois
au rosé; l'ensemble est semé d'un fin pointillé noirâtre; les
nageoires sont d'un bleuté sombre; la caudale et l'anale de
teinte plus claire, sont parfois bordées de brun fondu.
52. — La Brème commune.
La Brème commune se trouve dans presque toute l'Eu-
rope ; nous la voyons en France dans la plupart des cours
d'eau ; elle semble faire défaut en Savoie et dans quelques
parties de la Provence. Elle vit où vit la Carpe; mais comme
le dit La Blanchère, celle-ci occupe le rez-de-chaussée, et la
Brème le premier étage. C'est le poisson des eaux tranquilles,
rivières, lacs ou étangs, où on la voit souvent par bandes.
L'époque du frai varie suivant les pays; c'est ordinaire-
ment en avril ou en mai; souvent on observe plusieurs
pontes, et toujours les grosses Brèmes frayent avant les
petites; les œufs blancs et transparents sont déposés sous les
herbages. La femelle, au dire du même auteur, est tellement
timide que n'osant pas parfois aller dans les herbes du bord
8y POISSONS DES EAUX DOUCES
pour y déposer son frai, les œufs se décomposent dans son
corps et la font périr au bout de peu de temps.
Dans un cours d'eau, les milieux fréquentés par les Brèmes
sont toujours les parties les plus profondes, là où le courant
perd de sa rapidité ; dans les étangs elles recherchent les
stations larges et les plus tranquilles, parsemées d'herbages.
Là, vivant en troupe, ce bataillon d'un nouveau genre a
toujours à sa tête un vieux mâle que l'on qualifie de roi
des Brèmes. Sous sa direction, les autres Brèmes se livrent
avec une sage prudence à la chasse des vers, des insectes,
des mollusques dont elles se repaissent.
On pêche la Brème comme la Carpe. Une bonne place
pour la pêche de ce poisson doit être amorcée avec des
grains de brasseur, mêlés de pomme de terre, pétris en
forme de boules, et régulièrement jetés sur le coup depuis
dix ou quinze jours. On appâte également avec du blé bouilli ,
du pain de creton, des résidus de fonderies de suif mêlés.
Le blé en été, le ver rouge et l'asticot au printemps et à
l'automne sont les esches les plus recommandées ; elles doi-
vent toujours porter à 3 ou 4 centimètres du fond seulement.
La Brème mord très doucement ; plus elle est grosse, moins
on sent ses touches. Les cannes légères, les lignes fines sont
nécessairement préférables pour ce genre de pêche. La
Brème se prend également très bien aux lignes dormantes de
nuit que l'on tend pour l'Anguille, amorcées avec des vers
rouges. La pêche commence en juin et finit avec l'automne.
La Chair de la Brème est blanche et assez délicate; ses
œufs passent pour être vénéneux. On accorde d'ailleurs une
valeur très différente à ce poisson suivant les pays, comme
aussi suivant les temps. Jadis il figurait dans les repas somp-
tueux; aujourd'hui, la Brème est moins prisée sans qu'elle
ait cependant complètement démérité. La Brème des eaux
vives, d'une taille moyenne est en somme un bon aliment
malgré ses nombreuses arêtes. On la mange comme la
LA BRÈME DE GEHIN
89
Carpe, frite, en matelote, sur le gril, mais il est bon d'assai-
sonner avec une sauce un peu relevée pour combattre la fa-
deur de ce poisson.
La Brème de Gehin
Abramis Gehini, Bloch. — Haute Bn'me (Muselle).
Cette espèce très voisine de la précédente, mais cependant
facilement distincte par plus d'un caractère, se pêche dans la
Moselle où elle est assez commune. On la distingue : au
galbe de son corps qui est plus effilé, moins haut ; à son mu-
seau plus mince et plus pointu: à ses écailles plus courtes; à
ses nageoires plus développées : la dorsale est très haute,
tandis que les pectorales et les ventrales sont plus longues:
la caudale enfin est profondément échancrée (fig. 53).
— Brème de Gehin.
La coloration est également différente de celle de la
Brème commune ; toutes les parties supérieures du corps sont
d'un gris bleuâtre ardoisé, tandis que le reste est d'un blanc
argenté avec les écailles très finement sablées de noir, ainsi
que les joues et l'opercule. Sa taille est assez petite. Des in-
dividus d'une longueur de 13 à 15 centimètres sont regardés
90 POISSONS DES EAUX DOUCES
comme des individus âgés de deux à trois ans. Jadis on en
péchait qui pesaient de 2 à 3 kilogrammes ; l'abondance de la
pêche les a bientôt fait disparaître.
La chair delà Brème de Gehin est plus délicate et moins
fade que celle de la Brème commune. On pêche ce poisson
à la ligne ou au filet, comme l'espèce précédente.
La Brème de Buggenhagen
Abramis Buggenhagii, Blocli. — Large scaled liream, Pomera-
nien liream (Angleterre). — Leiter (Poméranie).
La Brème de Buggenhagen est un poisson propre à nos
rivières du nord et de l'est; on la pêche, peu souvent il est
vrai, dans la Somme, la Moselle, la Meuse, le Rhin; on la
retrouve en Angleterre et plus fréquemment en Allemagne.
Sa taille ne dépasse pas de 25 à 30 centimètres de longueur.
Son corps est d'un galbe allongé, moins élevé que celui de
Fio. 54. — Tète de la Brème de Buggenhagen.
la Brème ordinaire, se rapprochant comme aspect de celui du
Gardon. La tête, plus amincie, a une longueur égale à peu près
au quart de la longueur totale ; le museau est arrondi, la
bouche médiocre, les maxillaires sensiblement égaux. La
LA BRÈME BORDELIÈRE
91
nageoire dorsale, plus haute que longue, prend naissance vers
le milieu du dos; les ventrales sont logées sous la dorsale;
l'anale, très haute en avant, décroit rapidement jusqu'à son
hord postérieur dont la hauteur n'est plus que le quart de
celle du bord antérieur (fig. 54).
Chez cette Brème, le dos et les parties supérieures du
corps sont d'un vert bleuâtre plus ou moins chaud suivant la
saison ; les flancs passent au vert jaunâtre, et la région ven-
trale est d'un blanc argenté. La tête et presque tout le corps
sont sablés de brun ; les nageoires sont noirâtres. La chair
passe pour assez bonne. On pêche ce poisson comme la Brème
commune.
La Brème bordelière
Abramis bjœrkna, Siebokl. — Petite Brème, Bremette, Brème
blanche, Brème gardonnêe, Blicke, Blichette, Harriot, Ilaze-
lin (suivant les localités). — Zobel-pleintze (Allemagne). — Bley
(Hollande). — Bjôrknn, Blecka (Suède). — The Whit Bream,
Breamflat (Angleterre). — Bunke, Braten (Norwège). — St,apa
(Russie).
La Brème bordelière est surtout caractérisée par son corps
élevé et très comprimé. « On la distingue de la Brème com-
mune, dit M. E. Blanchard, à la première inspection, par
l'œil plus grand relativement au volume de la tête, par la
nageoire anale sensiblement plus courte, n'ayant que dix-
huit à vingt-deux rayons rameux à la suite de rayons simples;
très rarement leur nombre s'élève à vingt-trois, vingt-quatre
ou vingt-cinq, par la nageoire dorsale n'ayant que huit rayons
branchus (fig. 55).
La Bordelière, verdâtre en dessus, argentée sur les côtés
et en dessous, avec la nageoire dorsale d'un gris sombre, les
nageoires inférieures rougeâtres, surtout au printemps, a le
dos toujours très élevé, mais la hauteur du corps est assez
variable suivant les individus. La tête est moins massive que
92
POISSONS DES EAUX DOUCES
chez la Brème commune, avec le museau plus saillant, la
mâchoire supérieure dépassant un peu la mâchoire infé-
rieure (fig. 53) '. »
Fio. 55. — Tète de la Brème bordelière.
La vie, les mœurs de la Bordelière sont donc à peu près
les mêmes que celles de la Brème commune : elles vivent
dans les mêmes eaux, frayent à la même époque; mais la
taille de la Bordelière ne parait pas trop dépasser 30 à
35 centimètres. Sa chair, molle, remplie d'arêtes, est fort
peu estimée; les œufs passent pour vénéneux et le corps est
presque toujours infesté de vers parasitaires. Aussi n'en
fait-on guère usage que pour servir d'appât vivant.
C'est un poisson vorace ; on le pêche souvent à la ligne, au
petit ver rouge ou au ver de vase, même aux insectes. Sa
manière de mordre est assez particulière : il mord plutôt en
descendant qu'en remontant, de telle sorte que la flotte, au
lieu de s'enfoncer dans l'eau, est promenée horizontalement
sur la surface de l'eau par l'attaque du poisson sur l'esche.
* C. B'anchartl, Les Poissons d'eau douce, p. 3M).
L'Ablette commune
Alburnus lucidvs, Valenciennes. — Ablette, Able, Hlanch't, Blan-
chaille, Auble, Aubotte, Ambiclle. Ablette, Abiot (suivant les
localités). — Seuf/le (Bourgogne). — Lan- Mé (Montbéliard). —
lilisrtn, Dermelle, Gofio, Gafio (Tarn). — /Jeux de verre, Ron-
din, Sandine, Sieur pauvrette (Sarthe). — Kofi (Provence), —
Nablo, Mirandelle, Harlipantin, Ovelle (Vuucluse). — Lauge
LA BHIiME ROSSE
93
La Brème Rosse
Abramis abramo-rutilus, Holandre.
Cette Brème présente beaucoup d'analogie avec la Brème
de Buggenhagen ; mais elle possède une double rangée de
dents pharyngiennes, tandis que la première de ces deux
espèces n'en a qu'une seule; elle tient également du Gardon,
delà son nom de Brème -Bosse, voulant indiquer un mé-
lange des caractères de la Brème ordinaire et delà Bosse ou
Gardon. Son corps est plus élevé que celui du Gardon et mé-
diocrement comprimé; la tète est petite, la bouche peu fen-
due et bordée de lèvres épaisses.
Tout le dos a une couleur vert -olivâtre et quelquefois
jaunâtre ; les lianes ont des reflets cuivreux ; le ventre est
blanc d'argent; les nageoires dorsales, pectorales et anale
d'un rouge orangé, au moins à leur base.
Cette forme, encore peu répandue en France, se pèche
dans la Meuse, la Moselle et quelquefois dans le Bhin. Sa
taille ordinaire est de 15 à 18 centimètres de longueur. Ce
poisson pond en avril et en mai; comme les autres Brèmes,
il fait sa nourriture de substances végétales, de vers, d'in-
sectes et de petits mollusques. Ses mœurs tiennent encore
plus du Gardon que de la véritable Brème. On le pèche
comme le Gardon. Sa chair est assez estimée.
I
94
POISSONS DES EAUX DOUCES
Lauch (Alsace). — Weissfisch, Nestling, Laube, Vkeley (Alle-
magne). — lileah (Angleterre). — Alphenaar (Hollande).— Arbo-
rello (Italie). — Rondion, Sardine (Suisse). — Sslarra, Sôlyla
(Russie).
Nous distinguerons cinq espèces d'Ablettes. Ce genre est
caractérisé par une petite taille, un corps allongé, comprimé
latéralement et surmonté d'une tête petite. La bouche est
grande et la mâchoire inférieure ascendante; les dents pha-
ryngiennes sont disposées sur deux rangées; on distingue
deux dents à la rangée interne et cinq à la rangée externe.
La nageoire dorsale est courte, mais assez haute, prenant
naissance à égale distance des ventrales et de l'anale; celle-ci
est toujours longue.
L'ablette commune a le corps étroit, un peu aplati et
allongé, argenté, brillant; regardé entre le soleil et les yeux,
elle est comme transparente, et cependant le dos est épais et
Fie. 56. — L'Ablette commune.
charnu. La tête est allongée et pointue, la mâchoire infé-
rieure plus longue que la supérieure et un peu relevée du
buot; les profils du dos et du ventre sont sensiblement les
mêmes, quoique inverses. Le dos est d'un vert brillant plus
ou moins tendre, le ventre d'un beau blanc d'argent; les
écailles, petites et minces, tiennent à peine à la peau. Sa
taille ne dépasse pas trop, dans nos pays, de 10 à 15 centi-
mètres de longueur (fig. 56).
L'ABLETTE COMMUNE 95
Gc petit poisson est extrêmement répandu dans tous nos
cours d'eau à courant un peu lent. « Très sociables, écrit
Brehm, les Ablettes vivent toujours en grandes troupes,
nageant près de la surface de l'eau, chassant les insectes, par
les temps chauds et calmes ; elles sont peu craintives, cu-
rieuses et voraces, de telle sorte que, si l'on jette quelque
chose dans leur voisinage, elles se retournent après avoir
fui un instant, et se jettent sur ce qui vient de tomber, le
rejetant s'il ne leur convient pas.
« La ponte a lieu pendant le mois de mai; elle commence
souvent fin mars pour se prolonger jusqu'en juillet. A cemo-
Feg. 57. — Écaille de l'Ablette commune.
ment les Ablettes se rassemblent en troupes serrées et remon-
tent les rivières à la recherche d'un endroit propice. Elles
choisissent pour frayer un endroit pierreux ou garni de plantes
aquatiques ; elles sont à ce moment très vives, très surex-
citées, et on les voit fréquemment s'élancer hors de la sur-
face de l'eau. D'après plusieurs observateurs, la ponte a lieu
en trois périodes 'plus ou moins longues ; les _animaux les
plus âgés commencent les premiers, et ce sont les plus jeunes
qui finissent. La multiplication est extrême, mais les nom-
breux ennemis qui s'emparent de l'Ablette en détruisent un
grand nombre. »
La chair de l'Ablette est molle et fade, sillonnée de nom-
96
POISSONS DES EAUX DOUCES
breuses petites arêtes ; elle est donc peu recherchée pour la
table; on ne la mange que dissimulée dans une friture d'au-
tres petits poissons. Les pêcheurs font usage de l'Ablette
pour amorcer les lignes destinées à prendre des. Brochets,
des Anguilles ou des Truites ; mais on pêche souvent l'Ablette
pour en retirer les fines écailles qui recouvrent son corps;
ces écailles, surtout celles du ventre, sont détachées au cou-
teau, lavées, triturées, de manière à en retirer une matière
pigmenteuse d'un aspect de perle, qui se précipite au fond de
l'eau sous forme de particules microscopiques. Cette sub-
stance, mêlée ensuite à de la colle de poisson, sert à enduire
des perles de verre et à leur donner un orient absolument
comparable comme beauté et comme éclat à l'orient des plus
belles perles des Indes.
Pour pêcher l'Ablette à la ligne, il faut une monture très
fine, très légère, portant deux ou trois hameçons amorcés avec
de petits vers, des mouches, des asticots; elle mord à toute
heure du jour, depuis avril jusqu'en hiver ; avec l'asticot ou
le ver, on la prend entre deux eaux ; avec les mouches, à la
surface. Elle se jette sur tout ce qu'elle peut avaler, et s'en
va attaquer et tourmenter des amorces aussi grosses qu'elle
pour en détacher quelques bribes à son profit.
C'est un des poissons les plus vifs, les plus lestes et les
plus adroits à dépouiller un hameçon sans y rester accro-
chés. Le toucher est si intense que l'Ablette entraine la ligne ;
il faut ferrer de côté et avec beaucoup de dextérité ! La
pêche en grand de l'Ablette se fait au filet ou, mieux encore
par le procédé connu sous le nom de pêche à fouetter.
L'Ablette Mirandelle
Alburnus Mirandella, Blanchard. —Sardine, Mirandelle (Savoie,
Suisse).
L'Ablette Mirandelle, que quelques naturalistes contes-
tent comme espèce et n'admettent qu'à titre de variété de
L'ABLETTE DE FABRE 97
l'espèce précédente, vit dans le lac du Bourget et dans le lac
Léman. Son corps est plus allongé que celui de sa voisine; la
ligne du dos est complètement droite depuis le museau jus-
qu'à la queue; la mâchoire inférieure, à peine plus longue
que la supérieure, a une direction nettement ascendante ;
les écailles ont une texture moins délicate; la nageoire dor-
sale est plus ample. Sa couleur est d'un blanc d'argent écla-
tant, avec le dos d'un bleu foncé chatoyant, tout à fait ana-
Fio. 58. — L'Ablette Miramlelle.
logue à celui de la Sardine (flg. 58). Les mœurs, la manière
de vivre et la pêche de cette Ablette sont les mêmes que
celles de l'Ablette commune.
L'Ablette de Fabre
Alburnus Fabrœi. Blanchard.
Nablo (Vaucluse).
Cette espèce est voisine de l'Ablette commune ; mais elle
en diffère par son corps plus large pour une même longueur,
avec le dos plus arrondi, de telle sorte que les deux lignes
du dos et du ventre ne sont pas parallèles ; la tête est peu
allongée, mais les deux mâchoires sont égales ; les dents pha-
ryngiennes sont courtes et présentent de faibles dentelures;
les écailles sont de taille plus grande, et celles de la ligne
Locakii, La Fêclie (j
98 POISSONS DES EAUX DOUCES
latérale sont uniformes, elliptiques. La nageoire dorsale est
toujours peu élevée. La coloration est la même que celle de
l'Ablette commune (fig. 59).
Fig. 59. — Ecaille de l'Ablette de Fabre.
On pêche cette espèce dans les eaux du Khône, aux envi-
rons d'Avignon. Sa taille varie de 10 à 12 centimètres de
longueur. Ses mœurs sont celles de l'Ablette commune, mais
elle fraye un peu plus tôt.
L'Ablette spirline
Alburnus bipunctatus, Bloch. — Spirlin, Eperlande Seine (envi-
rons de Paris). — Lorette, Lurette (Aube). — Mésaigne, Mêsëine.
(Lorraine). — Lignotte, Lugnotte (Cote-d'Or). — Goyc (Meuse). —
Platet, Boroche (lac Léman). — Lauben (Allemagne). — Plat-
ton, Schneider, Bringli, Langele, Blingge (Suisse).
Le Spirlin ou Eperlan de Seine se distingue à première
vue de l'Ablette commune, à son corps plus haut, à ses yeux
plus grands, à sa nageoire dorsale plus élevée, enfin à sa
coloration. La plus grande hauteur du corps se trouve au
niveau de la nageoire dorsale ; elle est comprise trois fois et
demie dans la longueur totale. La mâchoire inférieure
dépasse un peu la mâchoire supérieure. Les écailles ont une
L'ABLETTE SPIRLINE 99
forme moins ovalaire que celles de l'Ablette commune
(flg. 60).
Le dos et la partie supérieure de la tête sont d'un brun
verdâtre à reflets métalliques passant parfois au gris vert;
les flancs et le ventre sont d'un blanc argenté passant au
jaunâtre vers les joues. La ligne latérale est comprise entre
deux séries de petits points noirs; de là le nom à' Ablette
biponctuée donnée à cette espèce par plusieurs naturalistes.
Fui. 60. — L'Ablette spirline.
Chez quelques individus, on remarque une bande bleuâtre
plus ou moins large située au-dessus de cette ligne. Les
nageoires sont d'un jaune orangé à leur base. Au printemps
les couleurs du mâle prennent une intensité particulière ; le
dos est alors d'un vert vif, et sur les flancs s'étale une bande
horizontale bleuâtre, violette ou mauve, sablée de petits
points noirs. Lanageoire dorsale est verdâtre, mêlée de gris,
avec un peu de jaune à la base; la caudale est de même
nuance, mais plus claire et plus transparente.
On prend le Spirlin dans nos rivières de l'Est, la Meuse,
la Moselle, la Meurthe et leurs affluents ; il descend dans
l'Aube, la Côte-d'Or et jusqu'au lac de Genève. On le
trouve également dans la Seine, dans la Somme et, dit-on,
100 POISSONS DES EAUX DOUCES
aussi dans le cours inférieur du Rhône. Sa taille ne dépasse
pas 10 à 12 centimètres de longueur.
Cette Ablette recherche de préférence les eaux vives et
claires sur des fonds de graviers ou de cailloux; rarement
on la voit dans les herbages. Elle fraye au mois de mai; ses
œufs, d'un blanc jaunâtre, sont fixés contre les pierres du
fond des cours d'eau.
On la pêche comme l'Ablette ordinaire, car elle mord aux
mêmes appâts ; parfois on les rencontre ensemble dans les
mêmes eaux; sa chair est assez délicate, mais remplie de
petites arêtes.
L'Ablette Hachette
Alburnus dolabratus, Holandre. — Hachette (Moselle).
« A la texture délicate de ses écailles, dit M. E. Blan-
chard, à sa forme générale, à l'éclat argenté de sa tête et de
son corps, à sa nageoire anale encore assez longue, on
reconnaît de suite cette espèce pour une Ablette, et cepen-
dant son corps moins effilé que chez l'Ablette commune, sa
tête beaucoup plus massive, son dos un peu courbe lui don-
nent en même temps une certaine ressemblance avec nos
Chevaines et nos Vandoises. La Hachette, d'un gris bleuâtre
ou verdâtre sur les parties supérieures, est, du reste, entiè-
rement argentée, avec quelques points noirs sur les écailles,
l'opercule et la joue, et les nageoires inférieures jau-
nâtres. »
Cette forme, assez rare, est cantonnée dans nos régions de
l'Est; on l'a signalée dans la Moselle, la Meuse et le Rhin,
et dans quelques autres petits cours d'eau. On la pêche
comme l'Ablette, et elle fraye pendant le mois de mai.
LE ROTENGLE
101
L'Ablette alburnoïde
Alburnus alburnoïdes, SélysLongchamps.
Cette forme n'est très probablement qu'une simple variété
de l'Ablette commune. Elle s'en distingue par sa taille plus
grande, atteignant de 15 à 18 centimètres de longueur. Le
dos est droit et la ligne du ventre au contraire très arquée.
La tête est allongée, et porte de grands yeux d'un blanc
d'argent avec une tache jaune dans le haut. Le dos est ver-
dàtre, les côtes d'un bleuté plus ou moins sombre, avec une
belle bande longitudinale dorée et changeante suivant l'in-
cidence de la lumière; le ventre et les flancs d'un beau blanc
argenté et nacré ; les opercules également argentés portent
de petits points noirs.
On pêche cette Ablette dans les rivières à eaux vives, à
fonds caillouteux et sans vase ; elle ne parait pas remonter
dans les fleuves. On l'a signalée comme étant commune dans
les rivières du nord-est de la France, dans la Moselle, la
Meuse, l'Eure, le Loir, etc. Elle fraye en mai et juin, don-
nant naissance à une quantité prodigieuse d'œufs blancs
translucides qu'elle dépose sur les plantes aquatiques flot-
tant à la surface des eaux. Sa chair est plus ferme et plus
estimée que celle de l'Ablette. On pêche ce poisson à la ligne
avec les mêmes amorces que ses autres congénères.
Le Rotengle
Scardinus erythrophthalmus, Linné. — Rotengle, Roche, ' Rosse.
Rousse, Rossette, Rousseau, Gardon rouge. Gardon à ailerons
rouges, Gardon de fond, Sarve, Platelle, Sangar, Salougne, etc.
(suivant les localités). — Cher in, Cliarin (Cote-d'Or). — Serguet,
Sarguet (Basses-Pyrénées). — Rud, Red eye (Angleterre). — Ri-
noch (Hollande). — Sart (Suède). — Rothauge (Allemagne). —
Plotwa (Russie).
Le Rotengle a le corps haut et comprimé ; la tête est
égale aux deux septièmes de la longueur totale du corps ; la
102
POISSONS DES EAUX DOUCES
bouche de taille moyenne est fendue obliquement; elle porte
des dents pharyngiennes petites, grêles, garnies de dente -
lures sur leur bord interne et disposées sur deux rangées,
FiG. 61. — Le Rotengle.
comprenant trois dents à la rangée interne et cinq à l'externe.
Le corps est couvert d'écaillés grandes et à bord libre fai-
Fio. 6?. — Ecaille du Rotengle.
blement festonné. La ligne latérale part du bord externe de
l'angle supérieur de l'opercule, s'infléchit d'abord, puis
devient rectiligne dans la région caudale. La nageoire dor-
sale est implantée en arrière du milieu du corps; les ven-
LE GARDON COMML'N
103
traies sont plus longues que les pectorales ; l'anale s'élève au
niveau de la terminaison de la dorsale et la caudale est
fortement fourchue (fig. Cl etG2).
' La coloration du Rotengle est des plus élégante ; le dos
d'un vert olivâtre a des reflets bleutés ou parfois violacés
sur les côtés; les flancs ont au soleil des reflets dorés, tan-
dis que la région ventrale est blanche ou rosée. La nageoire
dorsale est d'un vert clair , les pectorales sont lavées de
rose à leurs extrémités, et les ventrales de vermillon sur un
fond jaunâtre. La caudale est vert foncé avec une teinte de
rouge vif à ses deux extrémités. Les yeux sont d'un beau
rouge.
On rencontre ce joli poisson un peu dans toutes les eaux;
cependant, bien que vivant souvent dans les eaux courantes
ou stagnantes, il semble donner la préférence aux milieux
calmes des lacs et des grands étangs. Sa taille dépasse rare-
ment de 30 à 35 centimètres de longueur. Il passe pour pru-
dent, craintif et très agile. D'une nature vorace, il se
nourrit de matières animales et végétales, de vers, d'in-
sectes, de vase, de plantes aquatiques, etc. Il fraye à la fin
d'avril ou au commencement de mai ; à ce moment ses cou-
leurs s'assombrissent ; il va chercher les fonds herbeux pour
y déposer ses œufs.
Il a la vie presque aussi dure que la Carpe et se con-
serve frais longtemps hors de l'eau. Sa chair est blanche,
saine et agréable. Mais elle renferme beaucoup d'arêtes.
On le pêche comme le Gardon dont nous allons parler.
Le Gardon commun
Leuciscus rutihts, Linné. — Gardon, Garàèche, Rosse, etc. (sui-
vant les localités). — Rooch (Angleterre). — Rotten (Allemagne).
D'une manière générale, on qualifie de Gardon une foule de
poissons blancs dont quelques-uns seulement appartiennent au
104
POISSONS DES EAUX DOUCES
genre Leuciscus. Nous distinguerons avec M. E. Blanchard
deux espèces de Gardon, le Gardon commun et le Gardon
pâle ; au Gardon commun se rattachent à titre de variétés
plusieurs formes bien définies.
Le Gardon commun a le corps élevé, comprimé et cou-
vert d'écaillés grandes, peu adhérentes, festonnées sur leur
bord libre et présentant des stries concentriques. La tête est
assez forte, le museau arrondi, la bouchepetite avec la lèvre
supérieure un peu saillante sous l'inférieure. La ligne
latérale, plus rapprochée du ventre que du dos, s'infléchit
tout d'abord vers la tête et court ensuite presque en droite
ligne. La nageoire dorsale est implantée à peu près au milieu
Fig. 63. — Écaille du Gardon commun.
du dos ; les pectorales sont arrondies ; les ventrales naissent
un peu en avant de la verticale passant par l'origine de la
dorsale. La caudale est bilobée. Sa taille ordinaire est de
20 à 25 centimètres ; rarement il atteint 30 centimètres de
longueur (fig. 65).
Sa coloration varie peu ; le dos est d'un gris verdâtre à
reflets bleutés ; les flancs sont plus pâles et le ventre d'un
blanc d'argent. Les nageoires pectorales, ventrales et anale
sont d'un rouge plus ou moins vif. A côté de ce type, nous
distinguerons les variétés suivantes :
LE GARDON COMMUN 105
Le Gardon rutiloïde (Leuciscus rutiloïdes, Sélys). —
Cette variété a la tête un peu plus petite que le type; les
dents pharyngiennes sont également moins fortes; les
nageoires inférieures ont une coloration jaunâtre. On le
pêche surtout dans la Meuse. On peut réunir à cette variété
le Gardon Jesse du même auteur qui se prend dans les
mêmes eaux.
Le Vengeron (Leuciscus prasinus, Agassiz). — Dans
cette variété les parties supérieures du corps sont d'un beau
vert-clair; le dos parait un peu plus élevé que chez le
Gardon ordinaire. C'est la forme la plus commune de la
Suisse et de la Savoie.
Le Gardon de Sélys (Leuciscus Sèlysii, Heckel). — Ce
Gardon est remarquable par la belle coloration bleue des
parties supérieures de son corps. Il habite les rivières de
l'Est, la Meuse, la Meurthe, la Moselle, 1*111, le Rhin, etc.
Ces différentes variétés se comportent dans leur modus Vi-
vendi comme le Gardon commun. « Le Gardon, dit M. V. Fa-
tio, recherche les fonds moitié pierreux, moitié herbeux ; il
se nourrit principalement de plantes aquatiques, de vers, de
petits mollusques et d'insectes. Quoique plutôt herbivore de
nature, il ne craint pas cependant la chair et le sang, comme
le prouve son empressement à venir chercher dans le Rhône,
au-dessous des boucheries de Genève, les débris d'animaux
que l'on jette à l'eau. On voit aussi une quantité de ces
poissons, mêlés avec des Chevaines, au débouché des égouts
qui amènent au Rhône les immondices de la ville. En
général, il aime à se tenir, dans les lacs, près des embou-
chures des rivières qui lui apportent en abondance des
débris végétaux et animaux.
En été, le Gardon, d'âge moyen, se promène volontiers,
en troupes souven i assez nombreuses, entre deux eaux, ou à
une profondeur moyenne; les plus grands ou plus vieux
individus s'écartent moins du fond, les plus jeunes se rap-
106 POISSONS DES EAUX DOUCES
prochent au contraire davantage de la surface. Au prin-
temps, en mai surtout, bien qu'à une époque sujette à varier,
suivant les années et les localités, de la dernière semaine
d'avril à la mi-juin, tous les Gardons, jeunes et vieux, se
rapprochent des rivages pour frayer en bandes nombreuses
à une petite profondeur, sur les rives des lacs et des
rivières; c'est alors que l'on prend une quantité de ces pois-
sons dans les nasses. Les œufs sont petits et extrêmement
nombreux d . »
On pêche le Gardon avec des nasses et surtout à la ligne.
Pour ce genre de pêche, il faut se servir d'une ligne très
fine, surtout si l'eau est claire, amorcée avec un petit ver ou
simplement de la mie de pain ; vers la fin de mai, on se sert
avec avantage de l'épine-vinette ou mouche rouge. Le pois-
son mord très irrégulièrement; tantôt il enfonce doucement
les flottes, tantôt, au contraire, il donne un coup sec et
prompt, comme l' Ablette. iEn été et en automne, on le prend
très aisément avec le blé. Par les temps chauds, il convient
de le pêcher de préférence le matin et le soir, à ce moment
de l'année il se tient plus volontiers dans les herbes. Il ne
faut jamais brusquer le Gardon, car il a la bouche tendre et
on risquerait de le perdre. On ne doit pas non plus cher-
cher à le faire monter à la surface avant qu'il soit fatigué,
surtout s'il est un peu gros.
La chair de ce poissen est de qualité bien médiocre ; elle
est cependant assez ferme et de bon goût; mais les flancs
sont remplis d'innombrables arêtes ; de plus, son corps sert
souvent d'asile à de nombreux parasites. Sur les bords du
Léman, il passe pour donner le ténia, parce qu'il est parfois
gonflé de vers intestinaux de diverses espèces. On l'utilise
très avantageusement comme amorce pour la pêche des gros
poissons.
i V. Fatio, Vertébrés de la Suisse, IV, p. 508.
LE GARDON PALE
107
Le Gardon pâle
Leuciscus pallens, Blanchard. — Gardon de fond, Manchet (sui-
vant les localités). — Vairon (Annecy).
Cette espèce est voisine de la précédente, mais elle s'en
distingue par plusieurs bons caractères qui permettent de la
différencier facilement. Considérée de profil, sa forme est
plus allongée, le dos est moins élevé à partir de la nuque
(fig. 65); la taille est plus grande, elle varie de 35 à 40 cen-
timètres de longueur ; les écailles sont toujours plus larges;
Fia. 64
Le Gardon pâle.
enfin, on compte six dents 1 pharyngiennes de chaque côté au
lieu de cinq. Le Cardon pâle a le corps argenté, tirant
parfois sur le jaunâtre, le dos et le dessus de la tête d'un
gris clair légèrement ardoisé. La nageoire dorsale est d'un
gris jaune avec les bords des rayons sablés de noir, la cau-
dale de même nuance, les nageoires inférieures d'un jaune
pâle. On pêche cette espèce dans l'Est, notamment dans les
environs d'Annecy, en Savoie. Sa chair est assez bonne.
103
POISSONS DES EAUX DOUCES
L'idc mclanote
Idus melanotus, Heckel et Kner. — Jde (Angleterrr). — Erfling,
KùMing, Nerfling (Allemagne). — Ede (Danemark).
L'Ide, très commun en Belgique et dans le nord de l'Eu-
rope, ne se pêche que très rarement en France ; on l'a par-
fois observé dans la Somme, la Meuse, la Moselle et le
Rhin. Son galbe tient à la fois du Gardon et du Chevaine.
Sa taille peut atteindre jusqu'à 50 centimètres de longueur
pour une hauteur de 12. Le corps est élevé et comprimé
latéralement; la tête, large et courte, porte une bouche plus
petite que celle des Chevaines et munie de deux rangées de
dents pharyngiennes, l'une de trois dents et l'autre de cinq,
toutes deux sans dentelures; le maxillaire inférieur dépasse
légèrement le supérieur. La courbure du dos est bien con-
vexe, tandis que celle du ventre paraît, au contraire, presque
droite. La nageoire dorsale est implantée un peu en arrière
de la courbure du dos; la ventrale se loge presque au-
dessous; la caudale est fortement échancrée.
« La coloration de ce Cvprinide, dit M. E. Blanchard,
change avec l'âge do la manière la plus remarquable. Chez
les individus parvenus à un degré de développement avancé,
toutes les parties supérieures du corps sont d'un noir
bleuâtre, les côtés et les régions inférieures, d'une teinte
blanche argentée, ont des reflets bleuâtres, et les nageoires
rougeâtres semblent aussi être couvertes d'une vapeur bleue.
Chez les jeunes individus, considérés naguère comme appar-
tenant à une espèce bien distincte (Cyprinus orfus, Linné),
tout le dos est d'un beau rouge doré, et ce rouge s'étend sur
les côtés jusqu'au-dessous de la ligne latérale, en s'affaiblis-
sant pour se fondre avec le blanc d'argent des régions infé-
rieures du corps. Les nageoires sont d'un rouge vermillon,
passant au jaune à leur extrémité, »
LE CHEVAINE COMMUN
109
Ce poisson habite les eaux limpides et se plaît dans les
milieux couverts de plantes aquatiques. Il se nourrit de
végétaux, de vers, d'insectes et de petits poissons; sa ponte
a lieu vers la fin d'avril ou au commencement de mai. Sa
chair, blanche et tendre, a un bon goût ; cuite dans de l'eau
salée, elle acquiert la couleur rosée de la chair du Saumon.
On a péché des Ides pesant jusqu'à 4 kilogrammes, mais
ce sont là de véritables exceptions. On n'en fait pas, du
moins en France, de pêche spéciale, on la prend en même
temps et par les mêmes procédés que le Chevaine.
Le Chevaine commun
Squalius cephalus,h\nuè. — Le Chevainja Chevaine, Chevesne, Che-
vanne, Ghavanne, Meunier, Chaboisseau, Rotisso, Garbotteau,
Boiteux, Barbotteur, Cavergnc, Testard (suivant les localités). —
Jue'ne (environs de Paris). — Cheneveau, Chenevia (Noijent-sur-
Seine). — Chabuisseau (la Loire). — Chevasson, Charasson
(Rhône). — Chabot, Cabot (Lot, Lot-et-Garonne, Haute-Garonne). —
Chouan (Maine-et-Loire). — Vilna, YiJnoehon (Aube). — Arestou
(Gard). — Chub (Angleterre). — Dobel (Allemagne). — liasse!
(Autriche). — Chevéne, Chavéne, Schxnene, Se>ieic, Vantouse,
Alot (Suisse).
Il existe en France plusieurs espèces de Chevaines; la
plus connue, la plus répandue est celle que l'on désigne par
l'une des nombreuses dénominations locales que nous venons
de relever. Ce poisson a le dos un peu épaissi, les flancs
légèrement comprimés, avec une taille un peu allongée pleine
d'élégance. Son corps est entièrement recouvert d'écaillés
grandes et dont le bord libre est un peu festonné, tandis que
le milieu porte des stries radiées (fig. 65). La tête est forte,
large en dessus, avec un museau obtus et arrondi. La bouche
oblique est assez grande, avec la mâchoire supérieure dépas-
sant un peu l'inférieure. Les dents pharyngiennes, coniques,
dentelées sur leur bord inférieur, recourbées en arrière,
sont disposées sur deux rangées, l'une interne composée de
Locaki), I.a Pêche. 7
110
POISSONS DES EAUX DOUCES
cinq dents, l'autre externe qui n'en compte que deux. La
ligne latérale, partant du bord supérieur de l'opercule, est
plus rapprochée du ventre que du dos et décrit une courbe à
peu près parallèle à cette région. La nageoire dorsale s'éle-
Kic. 65. — Écaille de la ligne latérale du Chevaine commun.
vant presque exactement au milieu du dos, un peu en arrière
de l'insertion des ventrales, est plus haute que longue; la
caudale est faiblement échancrée.
Le Chevaine commun a le dos d'un bleu verdâtre passant
au bleuté plus ou moins intense et plus ou moins sombre; les
flancs sont argentés chez les jeunes sujets et dorés chez les
vieux, avec des reflets plus ou moins brillants; le ventre est
blanc d'argent. Souvent, vers l'épaule, on distingue une
ligne noirâtre. Les nageoires dorsale et caudale participent
de la couleur générale du corps, et sont plus sombres vers
les sommets ; les autres nageoires sont teintées de rose ou de
rouge plus ou moins vif suivant les saisons (fig. 66).
La taille de ce poisson est fort variable; un beau Chevaine
peut atteindre 55 à 60 centimètres de longueur pour un poids
de 4 ou 5 kilogrammes. C'est un poisson des plus voraces,
sa gloutonnerie est prodigieuse ; tout ce qui tombe à l'eau
lui est bon ; c'est un rude pêcheur qui fait une guerre conti-
nuelle au petit fretin ; un petit Chevaine de 12 centimètres
LE CHEVAINE COMMUN m
de long mange déjà des Ablettes et des Gardons de 4 ou
5 centimètres de longueur.
Le Chevaine aime les eaux tranquilles et profondes ; tant
qu'il est jeune, on le voit souvent par troupes nombreuses
dans les ruisseaux et les rivières à fonds de sable ou de
gravier, fuyant au moindre bruit avec la rapidité d'une
flèche, se contentant comme nourriture des vers, des insectes,
des détritus végétaux qui sont à sa portée. Plus tard, il
recherche des courants plus rapides, et on le rencontre au
voisinage des moulins, des piles de ponts, des barrages,
Kig. 66.
La Chevine commune.
partout ou les remous de l'eau lui apportent une proie abon-
dante et variée. Ses habitats varient suivant les saisons; en
hiver, il faut le chercher dans les milieux découverts, tandis
qu'en été il se tient plus souvent à l'ombre des grands
arbres; durant les belles journées d'été, il se promène à la
surface de l'eau pour y guetter les insectes.
Les Chevaines pondent vers la fin d'avril; ils recherchent
alors les petits fonds dans les eaux vives des rivières, et
donnent naissance à un nombre considérable de petits œufs
jaunes gros comme la graine de pavot. Les jeunes croissent
rapidement.
La pêche de ce poisson varie suivant les saisons. En hiver,
II
112 POISSONS DES EAUX DOUCES
de novembre à mars, il faut chercher le Chevaine sous les
ponts, dans les haïs des piles, ou vers les moulins; on prend
alors de gros individus en amorçant avec des intestins de
volailles ou de la cervelle de veau ou de mouton crue, dont
il semble très friand. Au printemps, de mars à mai, « le
Chevaine, dit La Blanchère, recherche différentes esches :
vers les premiers beaux jours, on voit apparaître les petits
et moyens qui mordent parfaitement au ver rouge et qui se
prennent de la même manière que le Gardon, la Brème et
souvent pêle-mêle avec eux. Le Chevaine ne dédaigne pas
non plus le cherfaix. Quant aux plus gros et aux plus vieux
individus, ils commencent à monter à la surface, attirés par
la plaisir de jouer au soleil bienfaisant qui se montre plus
souvent. Si la rivière est large, sans arbres sur les rives,
comme la plupart de nos fleuves, les gros Chevaines gagnent
les grands courants et il faut les aller chercher avec la
grande volée, la ligne étant chargée d'un hanneton, d'un
grillon ou de tout autre insecte de printemps ; tous les in-
sectes alors parus sont bons, surtout les papillons blancs noc-
turnes qui élisent domicile sur les ormes et les épines noires;
les poils caducs dont ils sont revêtus sont causes d'ampoules
sur les mains du pêcheur ; il est donc bon, quand on s'en sert,
de mettre des gants.
On fait usage de la pêche à rouler dès les premiers soleils.
Dans ce moment les eaux sont limpides, le poisson voit de
loin; il se tient à la surface et au fond un peu partout, sui-
vant le genre de nourriture que lui apporte le courant : dans
une rivière où se trouvent des tanneries et des lavages de
laine, le Chevaine se tiendra au fond, parce que les parties
lourdes des chairs seront portées en cet endroit par les
eaux. Si la rivière est ombragée d'arbres, il restera à la sur-
face pour gober les fruits et les insectes qui tombent.
Déjà, vers la fin du printemps et dès les premières cerises,
on a commencé à le pécher au moyen de ces fruits qu'il
'
LE CHEVAINE MÉHIDIONAI. H3
affectionne; quand les cerises manquent, on prend les gro-
seilles rouges à maquereau et on ramène encore de fort
beaux poissons. A la suite de ces pèches vient celle au sang ;
quand cet appât est bien préparé, celle-ci n'a rien de répu-
gnant et procure une très belle quantité de Chevaines. Elle
doit être faite dans le fil de l'eau, au moyen d'un bateau, ou
du haut d'une jetée, ou encore près d'un abreuvoir, dans
un fleuve où l'eau rapide vient former un remous. Cette pèche
réussit d'autant mieux que le cours d'eau est plus limpide et
plus considérable : dans la Loire, la Garonne, elle est très
recherchée. » En Automne, le raisin mûrit et le Chevaine
en est avide comme un gourmand qu'il est. Le raisin rouge
réussit à l'automne aussi bien que la cerise vermeille au
printemps; même mieux, en hiver, on peut lui offrir du rai-
sin sec.
La chair du Chevaine, sans être de toute première qualité,
est bonne ; les individus de taille moyenne ou déjà un peu
gros sont les meilleurs ; sa chair est blanche et rappelle
comme goût celle de la Brème; elle a beaucoup de petites
arêtes. On la ma*ige frite, au court-bouillon ou en matelote;
par la cuisson dans une eau salée, sa chair devient un peu
jaunâtre.
Le Chevaine m éridional
Squalius meridionalis, Blanchard.
Comme son nom l'indique, cette espèce vit dans le Midi;
on l'a signalée dans les départements du Lot-et-Garonne et
de Vaucluse, dans la Saône et la Sorgue. Voisine du Che-
vaine commun, elle s'en distingue par le profil de son dos plus
arqué, sur un corps moins allongé; la tête est plus longue et
terminée par un museau plus pointu ; elle forme environ le
quart de la longueur totale. Sur les flancs, la ligne latérale
est presque droite. Enfin les écailles sont plus courtes, à
114
POISSONS DES EAUX DOUCES
stries régulières et fortement pointillées, sablées de brun
noirâtre à leur base et sur leur pourtour (fig. 67).
On pêche le Chevaine méridional comme le Chevaine
commun; il a, du reste, les mêmes mœurs.
Fig. 67. — Écaille de la ligne latérale du Chevaine méridional.
Le Chevaine treillage
Sgualius clathratus, Blanchard. — Cabot.
On pêche ce Chevaine dans le midi de la France; on l'a
signalé dans les eaux du Lot et du Celé, près de Figeac. Son
galbe est plus étroit et plus élancé que celui du Chevaine
commun et surtout du Chevaine méridional. Les écailles
(fig. 68) sont courtes, avec le bord extérieur moins arrondi
et moins festonné ; elles figurent des losanges bien réguliers
auxquels leur ponctuation donne une extrême netteté. Les
plus grands individus ne dépassent pas 15 à 20 centimètres
de longueur. Sa coloration est également caractéristique :
« Son dos et le dessus de sa tête, dit M. E. Blanchard, sont
d'un gris bleuâtre, et cette teinte, en s'affaiblissant sur les
côtés jusqu'au-dessous de la ligne latérale, prend exactement
l'aspect et le reflet brillant de la nacre, tandis que toutes les
parties inférieures du corps demeurent d'un beau blanc d'ar-
LA VANDOISE AUBOUR 1(5
gcnt. Les joues et l'opercule sont parsemés de gros points
noirs et les écailles sont ornées chacune d'une bordure de
points également noirâtres, assez gros et très serrés, for-
FiG. G8. — Écailles du Chevaine treillage dans leur position naturelle.
mant une sorte de grillage sur toute l'étendue des parties
latérales du corps. La nageoire dorsale est d'un gris pâle; les
nageoires inférieures ont une teinte jaunâtre. »
La Vandoise Autour
Squalius Bearnensis, Blanchard.— L'Autour, la Vandoise.
Cette espèce est intermédiaire entre les Chevaines et la
Vandoise commune dont nous allons nous occuper plus loin.
« L'Aubour, dit M. E. Blanchard, par son aspect général,
par sa coloration, ressemble au Chevaine commun; mais, par
sa nageoire dorsale ne présentant que sept rayons rameux
et par ses dents pharyngiennes épaisses, il est plus voisin de
la Vandoise. Le corps est plus comprimé et le dos plus élevé
que chez cette dernière. La tête, grande, formant au moins
le quart de la longueur de l'animal mesuré de l'extrémité du
museau à l'origine de la queue, est fortement abaissée d'ar-
116
POISSONS DES EAUX DOUCES
rièrre en avant et moins épaisse que chez le Chevaine, avec
la mâchoire supérieure à peine plus saillante que l'inférieure,
l'œil très grand, l'opercule fort large (fig. 69). »
Fig. 69. — Tête de la Vandoise Aubour.
Chez l'Aubour, le dos et la région supérieure de la tète
ont une teinte brune métallique à reflets bleutés; il existe des
taches brunes sur presque toutes les écailles jusqu'à la région
ventrale, et des points de même coloration sur la joue et
l'opercule.
On ne connaît encore cette espèce que dans les eaux du lac
Mariscot, près de Biarritz.
La Vandoise commune
Squalius leuciscus, Linné. — • Dard (environs de Paris). — Vandèze,
Gravelet (Lorraine). — Suisse (Dauphiné), — Vairon (Lyonnais). —
Bottel (Alsace). — Gandoise, Gravelet, Cabotin, Seusse, Suiffe,
Accoursi, Vedi, Aubourne, etc. (suivant les localités). — Corsille,
Corsaye (Nivernais). — Dar, Dare (Angleterre). — Weis-Fisch
(Allemagne). — Vittoye (Hollande).
La Vandoise a le corps allongé, un peu comprimé latérale-
ment, revêtu d'écaillés beaucoup plus petites que celles du
Gardon et avec le bord généralement anguleux. La tête est
LA VANDOISE COMMUNE
117
petite, avec le museau avancé, un peu pointu; la bouche,
petite, est rétractile et placée en dessous, la mâchoire supé-
rieure plus longue que l'inférieure. La nageoire dorsale
commence au-dessus de l'insertion des ventrales; l'anale est
plus haute que longue et la caudale bien échancrée. Sa lon-
gueur totale est d'environ 35 centimètres pour une hauteur
de 8 centimètres (fig. 70).
FlG. 70. — La Yaimoise commune.
La coloration est assez variable; le dos passe du gris ver-
dâtre plus ou moins uniforme au bleuté plus ou moins intense ;
les flancs, à partir de la ligne latérale, sont d'un vert pâle
argenté, et le ventre d'un beau blanc éclatant; parfois les
écailles ont à leur bord un pointillé noirâtre. La dorsale et la
caudale sont gris verdâtre teinté de jaune; l'anale est jaune
rosé et les autres nageoires d'un rose clair.
A côté de ce type doivent prendre place plusieurs intéres-
santes variétés, parfois même considérées comme espèces.
Nous citerons :
Le Poissonnet (Leuciscus Lancastriensis, Yarrell). —
Chez cette forme, le corps est plus élevé que chez la Van-
doise commune, le museau plus arrondi, les nageoires un
peu plus longues et les écailles moins larges; ses couleurs
sont ordinairement plus vives.
Le Ronzon (Leuciscus rodens. Agassiz). — Le Ronzon
118
POISSONS DES EAUX DOUCES
ne diffère de la Vandoise commune que par une coloration
plus pâle ; le dos est vert tendre.
Le Rostre ( Leuciscus rostratus, Agassiz). — Dans cette
variété le museau est plus pointu, plus allongé que chez les
autres Vandoises.
Toutes ces formes, types ou variétés sont communes dans
les rivières et fleuves à eaux courantes et à fonds sablon-
neux ; l'eau pure, toujours en mouvement, semble indispen-
sable à leur existence; là on les voit se déplacer et filer
comme un trait ; de là le nom de Dard qu'on leur donne
parfois. Elles frayent vers la fin du printemps et déposent
leurs œufs dans les herbages. La chair est blanche, assez
ferme et serait réellement appréciée si elle n'était pas sillonnée
d'une si grande quantité de petites arêtes. La Vandoise, quand
elle est toute petite, se mange surtout frite. On n'en fait pas
trop une pêche spéciale, on la prend accidentellement avec
les autres poissons blancs.
« C'est surtout pendant les grandes chaleurs, aux mois de
juillet et d'août, écrit M. R. de Savigny, par une eau claire
et profonde, le long des quais et des pierres, que se fait bien
la pêche de la Vandoise ou Dard, à l'orge cuite. Il faut
amorcer abondamment et piquer vivement et finement dans
le plan vertical. La Vandoise se prend, le matin surtout,
par l m ,30 à l m ,60 de fond, dans l'eau légèrement courante,
et très bien dans les eaux vives et tournantes, auprès de la
chute des moulins. On emploie le sang caillé, le porte-bois.
On amorce avec des boulettes de terre grasse, mêlée de
bouse de vache. » Elle mord également bien à la mouche, au
blé bouilli, au petit ver, etc.
La Vandoise bordelaise
Leuciscus burdigalensis, Valenciènnes.
On pêche cette espèce jlans la Gironde et dans la Garonne
LE BLAJON COMMUN 119
Elle a beaucoup d'analogie avec la Vandoise commune, mais
elle s'en distingue : par son corps moins élevé, présentant un
profil très effilé ; par sa tète plus longue avec un museau
moins obtus; les écailles sont proportionnellement plus
petites. Sa coloration est d'un gris verdâtreou bleuâtre assez
claire dans les régions supérieures, et d'un blancpurdans les
parties inférieures ; la nageoire dorsale est noirâtre et les
nageoires inférieures orangées à leur base (fig. 71).
Fig. 71. — Tète de la Vandoise bordelaise.
On pèche cette espèce comme les précédentes. Les plus
gros individus ne dépassent pas 15 à 20 centimètres de lon-
gueur.
Le Blajon commun
Squalius Agassizi, Valenciennes. — Blajon, Blajeron (France).
— Suffi (Provence). — Blavin (Suisse). — Biemling (Baie).
Le galbe du Blajon est fusiforme allongé, un peu com-
primé dans sa moitié postérieure. La plus grande hauteur
correspond au niveau de la nageoire dorsale et elle est com-
prise quatre fois dans la longueur totale. La tète est petite,
courte, conique, avec un museau pointu ; la bouche peu
fendue est placée en dessous et s'ouvre obliquement. Le
120 POISSONS DES EAUX DOUCES
corps est couvert d'écaillés finement striées dans le sens de
la longueur. La ligne latérale, plus rapprochée du ventre
que du dos, décrit une légère courbure. La nageoire dor-
sale est en forme de quadrilatère; les pectorales sont
oblongues, et les ventrales qui naissent un peu avant l'ori-
gine de la dorsale sont triangulaires. L'anale est sensiblement
égale à la dorsale et la caudale est très bifurquée (fig. 72).
Fia. 72. — Le Blajon commun.
Les parties supérieures du corps sont d'un gris sombre, à
peine ardoisé, qui va en s' affaiblissant sur les flancs; le ventre
est blanc argenté; au-dessus de la ligne latérale s'étend une
étroite bande noirâtre qui va depuis la pointe de l'opercule
jusqu'à la naissance de la nageoire oaudale; les nageoires
sont grises, lavées de jaune pâle à leur base.
Le Blajon est un petit poisson dont la taille ne dépasse
pas de 15 à 20 centimètres de longueur ; assez commun en
Allemagne, on le pêche de temps en temps en France dans
les rivières de l'Est et du Midi ; nous le connaissons dans
l'Ouche, la Tille, la Durance, la Sorgue, l'Hérault, l'Allier,
le lac du Bourget, le lac d'Annecy, etc.
Il fraye en mars et en avril, et même parfois au commen-
cement de juin. A ce moment, dit M. V. Fatio, les bandes de
Blajons se mêlent volontiers à celles du Nase, pour frayer
LE VAIRON COMMUN 121
dans les mêmes conditions ; aussi résulte -t-il assez souvent
de ce rapprochement des produits métis connus sous le nom
de Chondrostoma rysela. Les femelles semblent déposer de
préférence leurs œufs sur le gravier. Ge poisson est peu
connu comme aliment; on n'en fait pas une pèche spéciale,
bien qu'on le prenne souvent dans le tramail ou à la ligne
avec un ver. Les pêcheurs l'emploient souvent comme
amorce avec le Vairon et le Spirlin.
Le Vairon commun
Phoxinus Ixvis, Sélys-Longchamps. — Arlequin, Gravier, Erling,
Ellerr.her (Vosges et Alsace). — Sardine (Savoie). — Loque, Ver-
gnole (Auvergne). — Grovier (Aube). — Veïroun, Viroun (Pro-
vence). — Viron, Verdelet, Cippe, Vèrique, Benjune, Gen-
darme, etc. (suivant les localités). — Minnow, Minnim, Pink
(Angleterre). — Ellerling (Allemagne). — Sardela (Italie). — Ane-
ron, Gremoillon, Petit Saumon, Lebette , Amaron, Grisette, etc.
(Suisse).
Le Vairon est à la fois un de nos plus petits et de nos plus
élégants poissons; sa taille ne dépasse pas de 8 à 10 centi-
mètres de longueur. Son corps allongé, arrondi dans les
deux tiers antérieurs, un peu comprimé dans le tiers pos-
térieur est couvert de petites écailles ovalaires enduites
d'une épaisse couche de mucosités. La tête est courte, avec
un museau arrondi ; la bouche, assez grande, porte des
dents pharyngiennes recourbées et réparties sur deux ran-
gées, l'une interne avec deux très petites dents, l'autre
externe, avec cinq dents plus grosses. La ligne latérale, plus
voisine du ventre que du dos, décrit d'abord une courbe
légère avant de suivre une direction rectiligne dans la
partie postérieure du corps. La nageoire dorsale commence
en arrière de l'insertion des ventrales et finit au-dessus de
l'origine de l'anale; la caudale, très développée, est bien
fourehue(fig. 73). La coloration du Vairon est très variable;
122
POISSONS DES EAUX DOUCES
le dos passe du vert olive, au gris bronzé et au gris terne;
sur les côtés on distingue des taches ou des bandes noi-
râtres à travers un pointillé de même teinte; parfois la
bande est continue; au moment du frai apparaît une bande
dorée qui s'étend jusqu'à la racine de la queue; le ventre est
blanc. Le mâle revêt une robe de noce des plus brillantes ; le
dos prend, sur un ton vert bronzé, des tons bleus métalliques,
Fig. 73. — Le Vairon commun.
avec une bande longitudinale de même bleu tout le long des
flancs, se détachant au-dessus d'un ventre blanc argenté ; les
lèvres, la gorge, la base des nageoires et parfois aussi le
ventre deviennent d'un beau rouge écarlate.
Le Vairon n'habite que les eaux claires et vives ; c'est
surtout dans les petites rivières et les ruisseaux qu'on le
rencontre en compagnie des Goujons, des Epinoches, des
Loches ou des Chabots; il fuit d'instinct les eaux dormantes
et marécageuses; on le voit presque toujours en bandes sans
cesse en mouvement, s'enfuyant au moindre bruit, jouant sur
les fonds sablonneux, et faisant de fréquentes incursions sur
les rives ou à la surface de l'eau. Il se nourrit de végétaux,
de graines, d'insectes, de vers, etc.
Il fraye habituellement en mai et en juin; à ce moment il
cherche Jes eaux plus profondes, à fonds de sable: chaque
LE CHONDROSTOME NASE 123
femelle est d'ordinaire suivie de deux ou trois mâles ; les
œufs sont très nombreux; les jeunes commencent à sortir
dès la fin de la semaine suivante et croissent rapidement
jusqu'à l'automne; mais ce n'est qu'au bout de la troisième
année, quelquefois même de la quatrième que le Vairon com-
mence à se reproduire.
Le Vairon, au point de vue de l'alimentation, n'a qu'un
défaut, celui d'être trop petit. Sa chair, quoique un peu
amère, lorsqu'il n'a pas été convenablement préparé, vaut
celle du Goujon, A la ligne, il mord à tout ce qu'on lui tend,
asticot, ver rouge, mie de pain et même au drap rouge ; la
ligne la plus petite, l'hameçon le plus fin, le fil le plus délicat,
doivent être mis en œuvre pour capturer ce pygmée ; mais on
arrive plus rapidement à ses fins en faisant usage du carrelet,
du trouble, de la bouteille, etc. Les pêcheurs le recherchent
comme un excellent appât pour la pêche au vif. Il s'élève très
facilement dans l'aquarium.
I
Le Chondrostome nase
Chondrostoma nasus, Linné. — Nase, Nez, Naas (l'Alsace et l'Est). —
Ancou (Lorraine). — Hotu (environs de Paris, Nord). — Seuffre,
Seuffle (Cùte-d'Or). — Schiff, Écrivain, Ame noire, Seufflc grise
(suivant les localités). — Siège (Hérault). — Mulet (Yonne). —
Seva,Lètta, Alètta, Sciavèlta (Tessin, Suisse). — Havelta (Italie).
— Œsling (Allemagne).
Le Nase doit son nom à la forme particulière de son mu-
seau; il a le corps élancé, comprimé dans la région posté-
rieure et recouvert d'écaillés assez grandes, avec le bord
externe arrondi et légèrement festonné. Le dos est à peine
arqué. La tête petite, présente un museau saillant, obtus,
comme tronqué, formant une sorte de tronc de cône déprimé
(fig. 74). La bouche, légèrement arquée dans son profil, est
logée tout à fait en dessous; ses mâchoires sont mipees et
124
POISSONS DES EAUX DOUCES
tranchantes, l'inférieure un peu protractile ; les dents pha -
ryngiennes sont disposées sur un seul rang. La nageoire dor-
sale est haute, courte et s'élève au milieu du dos; les ven-
Fig. 74. — Tête du Chondrostome nase, vue en dessous.
traies prennent naissance au-dessous de l'insertion de la
dorsale; l'anale est à égale distance des ventrales et de la
Fie.
Chondrostome nase.
caudale fourchue. Enfin la ligne latérale est plus rapprochée
du ventre que du dos, et décrit une légère courbure (fig. 75).
Une teinte d'un gris noirâtre, rendue plus vive par des
reflets d'un vert métallique, règne sur le dos, la nagoire dor-
LE CHONDROSTOME NASE
125
sale et la caudale ; les côtés nuancés de jaune roux ou de
fauve, ont un éclat argenté rehaussé par de petites taches
pigmentaires noirâtres; le ventre est d'un beau blanc nacré.
Un trait noirâtre se dessine en outre sur chaque écaille de
la ligne latérale, et les nageoires inférieures se détachent
en jaune vermillonné ou en rouge vif.
Ce poisson, jadis presque exclusivement cantonné dans nos
rivières de l'Est, tend de plus en plus à se répandre dans les
cours d'eaux de nos pays. On le pêche aujourd'hui très fré-
quemment dans la Seine, la Marne, l'Yonne, etc. Sa taille
est d'environ 35 à 40 centimètres de longueur. Dans certaines
rivières d'Allemagne, il remonte les cours d'eau, comme le
Saumon, par bandes de 10 à 15 centimètres d'épaisseur.
Dans nos pays, il vit également en troupes plus ou moins
populeuses, se tenant le plus souvent vers les fonds, couché
contre le sable dans une assez longue immobilité. Pendant les
grosses chaleurs, unie voit circuler lentement sur les rives
où brillent alors les vives couleurs de ses écailles nacrées.
« La nourriture du Nase, dit Brehm, consiste en vers et
surtout en matières végétales que l'animal peut parfaitement
arracher et saisir sur les pierres, grâce à la disposition si
particulière de sa bouche. A Wurtzbourg, d'après Siebold, le
Nase a reçu le nom de Gracheur, parce qu'il rejette toujours
beaucoup de limon au moment où on le prend, limon qui
était sans doute retenu entre les dents pharyngiennes. L'épo-
que du frai arrive en avril et en mai ; à ce moment, les Nases
se rassemblent en troupes et remontent les grands cours
d'eau dans leurs affluents, souvent môme dans les petits
ruisseaux; ils recherchent avant tout les endroits dont le
fond est couvert de gravier sur lequel l'eau s'écoule rapide-
ment; les œufs sont nombreux. Au moment do la ponte,
comme chez la plupart des Cyprins, on voit une sorte d'érup-
tion cutanée sur la tête. Les petits éclosent vers le quin-
zième jour ».
126 POISSONS DES EAUX DOUCES
La chair du Nase est loin d'être bonne; elle est molle, un
peu fade et remplie de petites arêtes ; dans quelques contrées
de l'Est on sale et on fume le Nase. On le pêche surtout à
la ligne avec les asticots, les vers de vase ou de terreau, les
insectes, le blé et même l'herbe dont on entoure l'hameçon
en ayant soin d'en conserver la pointe libre. Il mord très
doucement et fait à peine enfoncer la flotte; une fois pris, il
se défend à peine.
Le Ghondrost o me bleuâtre
Chondrostoma cœrulescens, Blanchard.
Cette espèce, voisine de la précédente, s'en distingue ce-
pendant assez facilement. Son corps est plus épais, sa taille
ordinairement plus faible, ne dépassant pas de 25 à 30 centi-
mètres de longueur. La bouche est plus petite, taillée en
Fio. 76. — Tète du Chondrostome bleuâtre vue en dessous.
croissant, avec la lame cartilagineuse de la lèvre inférieure
relativement très courte (fig. 76) ; les dents pharyngiennes,
au nombre de six de chaque côté, sont moins longues et très
coniques; les écailles ont une forme oblongue, plus atténuée
LE CHONDROSTOME DE DRÊ.ME
127
à leur extrémité que celles du Nase; enfin, la nageoire dor-
sale est beaucoup moins élevée.
La coloration est également différente : toute la portion
supérieure du corps est d'un gris noirâtre plus ou moins
foncé, avec de vifs reflets d'un bleu d'acier; de gros points
noirs sont disséminés sur les écailles jusqu'au dessous de la
ligne latérale, et des points semblables ou plus gros, sont
répandus autour de l'œil ainsi que sur l'opercule ; chez cer-
tains individus ce dernier mode d'ornementation tend à
s'atténuer. Les nageoires supérieures sont lavées de gris, et
les inférieures d'une teinte jaunâtre.
On prend ce poisson dans quelques rivières de l'Est, le
Doubs, l'Ognon, la Tille, etc. Ses mœurs sont celles du Nase ;
on le pêche de la même manière, et sa chair ne paraît pas
jouir de meilleures qualités.
Le Ghondrostome de Drème
Chondrostoma Dvemei, Blanchard. — Seyclie, Setge, Scie, Siège,
Mullet, etc. (Lot, Lot-et-Garonne, Haute-Garonne).
Ce Ghondrostome est encore de taille plus petite que les
espèces précédentes; il ne mesure plus que 15 à 20 centi-
mètres de longueur. Il ressemble, comme allure, plus au
Ghondrostome bleuâtre qu'au Nase, mais il est plus mince et
sa tête est plus courte avec un museau plus large. Les
écailles sont courtes et ont leur bord libre très peu festonné.
Les parties supérieures du corps sont d'un gris légèrement
bleuté, avec une bande longitudinale située au-dessus de la
ligne latérale d'un ton un peu ardoisé. On distingue quelques
points noirâtres épars sur les écailles, devenant plus pressés
sur la ligne latérale. La nageoire dorsale est légèrement
lavée de gris; les pectorales et l'anale sont ordinairement
sablées de petits points noirâtres sur le trajet de leurs rayons
(fig. 77 et 78).
128 POISSONS DES EAUX DOUCES
Cette espèce vit dans le Midi ; M. E. Blanchard l'a signalée
dans le Lot près Gahors, dans la Saône, l'Aude, la Garonne
à Toulouse, etc.
Fig. 77. — Chondrostome de Drème.
Le Chondr ostome du Rhône
Chondrostoma Iikodancnsis, Plancharil. — Soafe, Seufle (Lyon-
nais). — Soffio (Avignon).
Cette forme se distingue des précédentes par sa bouche
plus petite et plus arquée en croissant que chez les autres
Fig. 78. — Écaille du Chondrostome
de Drême.
Fie 79. — Tète du Cliondrostoine
du Rhône vue en dessous.
espèces (fig. 79) ; les dents pharyngiennes sont au nombre de
six de chaque côté et de forme plus grêle; les écailles ont
LE LAVARET 12Ç)
leurs stries concentriques beaucoup plus espacées et par con-
séquent moins nombreuses; ces écailles sont brillantes et la
coloration générale est d'un ton jaunâtre, avec de très pe-
tits points noirs plus ou moins nombreux, disséminés sur la
tête et sur la région supérieure du corps.
On prend cette espèce dans le Rhône et dans quelques-
uns de ses affluents, tels que la Saône, l'Ouvèze, la Durance ;
il mord bien à la ligne amorcée avec toutes espèces de vers;
sa chair, moins mauvaise et moins fade que celle du Ghon-
drostome nase, rentre dans la catégorie de celle des poissons
blancs généralement peu appréciés parles fins gourmets.
FAMILLE DES SALMONIDES
Le Lavaret
Coregonus Zacaretus, Linné. — Le Corégone-Lavaret , le Lavaret
du Bourget. — Gicyniad (Angleterre). — Dlaufelchen (Alle-
magne). — Sig (Russie).
Le Lavaret a le corps comprimé, allongé, plus aminci en
arrière de la nageoire dorsale qu'en avant ; la tête est petite,
avec la région frontale déprimée; le museau, atténué et tron-
qué à son extrémité; la bouche, peu fendue, et dépourvue de
dents, est franchement terminale, et ses deux lèvres arrivent
au môme niveau. Les écailles sont petites et courtes relati-
vement à leur longueur. La nageoire dorsale, plus haute que
large, prend naissance dans le milieu de la courbure du dos;
les pectorales sont longues et pointues, la caudale très échan-
crée (fig. 80).
La coloration du dos passe du gris bleuté au verdûtre; les
flancs et le ventre sont d'un beau blanc d'argent légèrement
roséole; la ligne latérale se tache d'un petit ponctué noir; les
130 POISSONS DES EAUX DOUCES
nageoires sont, chez les jeunes, lavées de gris, et roses ou
noirâtres chez les adultes.
La taille d'un Lavaret ordinaire ne dépasse pas de 30 à
35 centimètres de longueur. Mais on pêche parfois des indi-
vidus qui atteignent 65 centimètres, et dont le poids varie de
l ks ,500 à 2 kilogrammes. Il se nourrit principalement de
petits animaux nageurs tels que larves d'insectes, de crus-
tacés et de débris organiques de toutes sortes. Il vit presque
uniquement dans les eaux du lac du Bourget en Savoie, et
dans le lac d'Aiguebelette dans l'Isère. Parfois on le prend
d'une façon tout à fait accidentelle dans les eaux du Rhône,
de l'Ain ou de l'Isère; maison le retrouve dans d'autres
lacs de l'étranger. Maintes fois on a essayé de l'acclimater
dans plusieurs de nos cours d'eau, mais sans le moindre
succès.
En temps habituel, le Lavaret se tient dans les eaux pro-
fondes et ne remonte que pendant les pluies chaudes ou ora-
geuses; à ce moment on le voit se rapprocher jusqu'à cinq
brasses de la surface de l'onde, mais au moindre bruit il s'en-
fuit dans les zones profondes. Vers la seconde moitié de
novembre, c'est-à-dire à l'époque du frai, on voit alors les
Lavarets se réunir en bandes considérables, se frottant les
uns contre les autres, au point que les écailles se détachent
et troublent l'eau sur une grande étendue. La ponte dure
une quinzaine de jours; les œufs sont déposés sur les bords
du lac.
La chair de ce poisson est des plus savoureuses ; aussi lui
fait-on une guerre assidue ; c'est surtout en août et septem-
bre qu'il est le meilleur. On le prend surtout à la senne,
comme la Fera. Deux bateaux montés par une sizaine de
pêcheurs portent une senne ou grand filet de 100 mètres de
long au moins sur 7 à 8 mètres de hauteur ; à mesure qu'ils
s'éloignent l'un de l'autre les bateaux jettent le filet à l'eau;
le filet est alors tiré régulièrement par chaque bateau sur
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Fig. 80. — Le Lavaret.
132 POISSONS DES EAUX DOUCES
un certain espace du lac ; puis se rapprochant ensuite, ils
enserrent dans le filet les poissons qu'il a rencontrés dans sa
course. Parfois cette pêche se fait de nuit avec un feu bril-
lant à l'avant du bateau qui surprend et éblouit le poisson.
La Fera
Coregonus fera, Jurine. — Fera, Ferra, Fera blanche, Fera verte,
Fera noire, Fera bleue (Léman). — Fera du Travers (Genève).
— Bezole, Bezide (Savoie).
La Fera a le corps allongé, comprimé latéralement ; la
tête, dont la longueur est égale à un peu plus du quart de la
longueur totale, a un profil très angulaire (fig. 81), tronqué
obliquement et terminé par un museau un peu arrondi ; les
deux maxillaires sont à peu près égaux, mais le supérieur
Fig. SI. — Tète île la Fera.
Fia. 82. — Ecaille de la Fera.
dépasse légèrement l'inférieur ; tous deux portent de petites
dents très fines et caduques. Les écailles sont fines, légère-
ment ovales et à bords sinueux (fig. 82). La ligne latérale,
presque droite, occupe le milieu des parties latérales du
corps. La nageoire dorsale commence un peu en avant du
milieu de la courbure du dos; les pectorales, peu dévelop-
la Fi' a a 133
pées, sont arrondies; les ventrales sont logées sous le milieu
de la dorsale ; l'anale est petite et la caudale très échancrée
et à lobes inégaux.
Selon l'âge et les circonstances, la coloration du dos varie
du gris olivâtre au vert olive et au vert bleu en dessus, avec
les côtés d'un argenté plus ou moins lavé de jaunâtre, passant
au blanc sous le ventre. Les faces supérieures et le haut des
flancs sont couverts d'un pointillé noirâtre. Les nageoires se
colorent en rose tendre à l'époque du frai, avec un pointillé
noir; sur la dorsale et la caudale, on distingue de petites
bandes transversales rembrunies; l'anale et les ventrales
sont lavées de bleu un peu violacé sur le tiers ou la motié
extrême.
La Fera est ordinairement plus grande que le Lavaret;
elle mesure en moyenne 36 à 41 centimètres de longueur et
pèse un peu moins d'une livre. On aurait pris jadis des
Feras de six livres. Ce poisson est un des principaux hCtes
du lac Léman. Il fraye entre le 12 février et le 10 mars; sa
ponte se fait principalement du côté de la rive savoyarde,
et « parfois sur les herbes les plus profondes du mont, dit
Fatio ', le plus souvent sur le sable ou le limon du fond, assez
souvent sous 100, voire même 200 mètres d'eau. »
Après avoir erré et chassé pendant la belle saison, suivant
les circonstances, plus ou moins près de la surface ou des
rives, il gagne peu à peu, à l'approche de l'hiver, les profon-
deurs où la ponte s'opérera quelques semaines plus tard. Sa
nourriture semble consister principalement en mollusques,
vers, insectes et larves de diverses sortes, ainsi qu'en petits
crustacés. Il saute volontiers à la surface après les petits
moucherons et happe parfois aussi des insectes plus durs et
relativement assez gros.
La pêche se pratique principalement avec la senne dite
1 Fatio, Faune des Vertébrés de la Sui.se, Poissons, II 1 ' partie.
Genève et Bàle 1890, p. ?4!>.
Locaud, I-a Pèche g
134
POISSONS DES EAUX DOUCES
grand- filet ou monte, suivant ses dimensions, ou avec un
filet dormant nommé mêni, que l'on dispose sur le fond plus
ou moins près du bord et qu'on laisse séjourner une ou deux
nuits. La manœuvre du grand filet, qui mesure 100 mètres
et plus, sur 7 ou 8 mètres de haut, se fait, suivant les cir-
constances, avec un seul bateau, si le fond permet d'amarrer
fixement un des bouts de la corde, ou avec deux bateaux dans
les eaux trop profondes. On prendrait, parait-il, au commen-
cement de la pêche (en temps de frai), d'abord des femelles sur-
tout, puis peu après des mâles principalement. A la ligne, on
amorce avec des mouches artificielles ; lorsque la Fera se sent
prise, elle se défend avec une grande énergie ; on doit laisser
aller la ligne de manière à ce qu'elle reste peu tendue, et dès
que le poisson commence à s'épuiser, on le retire à l'épuisette.
, La chair de ce poisson est excellente; c'est certainement
un des poissons les plus estimés. Malheureusement la Fera
donne asile à diverses espèces de vers parasites tels que :
Ténias, Bothriocéphales , Cyathocéphales, etc. Il importe
donc de toujours la faire assez cuire, après l'avoir bien vi-
dée, de façon à faire périr tous germes nocifs.
La Gravenche
Coregonus hyemalis, Jurine. — Fera jaune, Fera blanche, Petite
Fera (Genève et Vaud). — Bézole, Bezeule, lièzule (Savoie).
Cette espèce est voisine de la Fera. Elle est particulière-
ment caractérisée par la courbure du dos qui offre une con-
vexité dorsale très prononcée, depuis la nuque jusqu'à la
nageoire dorsale. Sa tête, terminée par un museau épais et
arrondi, égale à peu près le cinquième de la distance qui
sépare la bouche de la naissance de la nageoire caudale. La
bouche, petite, porte sur les maxillaires, les intermaxillaires
et les palatins, de petites dents caduques. La nageoire dor-
sale, assez développée, occupe le milieu du dos ; les pecto-
LA GRAVENCHE
135
raies, très grandes, sont un peu inférieures ; les ventrales
prennent rang un peu en arrière de la dorsale : l'anale est
allongée et la caudale très échancrée.
La coloration de la Gravenche est un peu moins chaude
que celle de la Fera. Sa tête et les parties supérieures du dos
sont d'un vert violacé, sablé de noir; la région dorsale
s'éclaircit peu à peu, à mesure qu'on approche de la ligne
latérale ; les flancs et le ventre sont d'un beau blanc d'argent.
Les nageoires présentent la même teinte que celles de la
Fera, mais avec une moins grande intensité de tons. Sa taille
varie de 28 à 35 centimètres de longueur totale.
On prend la Gravenche dans le lac Léman. Ce poisson,
dit M. Victor Fatio l , « semble vivre la majeure partie de
l'année dans les grandes profondeurs et ne quitter sa retraite,
difficilement accessible au filet, qu'au mois de décembre,
durant lequel il vient frayer sur le gravier, au ras des bords,
généralement entre le 5 et le 25 du mois, un peu plus tôt ou
plus tard, suivant les années. Cependant on prend parfois
aussi, durant la belle saison, en mai et juin surtout, en môme
temps que la Fera, au grand filet et principalement dans le
haut du lac, quelques individus de cette espèce égarés dans
des couches moins profondes.
La ponte de la Gravenche semble se faire sur quelques
points déterminés de la grève; sous très peu d'eau et volon-
tiers près des anses, où les lames en mourant produisent un
léger courant sur le gravier. Les individus des deux sexes
arrivent alors en bandes nombreuses, en faisant avec la
bouche un bruit de claquement qui s'entend d'assez loin, de
manière que la pèche, qui se fait surtout de nuit, est alors
assez aisée au moyen de filets ou traînes, senne et monte,
ou dormants, étoles et tramails dans lesquels on attire au
besoin le poisson au moyen de feux allumés sur la rive.
1 Loc. cit.
266.
136
POISSONS DES EAUX DOUCES
La nourriture de la Gravenche consiste principalement en
mollusques, insectes, larves diverses et petits crustacés.
Gomme chez quelques-uns de ses congénères, on a tronvé
parfois de menus débris de plantes aquatiques dans son esto-
mac. Sa chair, assez ferme, est différemment appréciée;
quelques-uns l'aiment mieux que celle de la Fera, cepen-
dant la majorité des consommateurs préfèrent cette dernière.
Il est probable que la Gravenche doit porter plusieurs des
mêmes parasites que la Fera »
La Bézoule
Coregonus Bezola, V. Fatio.
(lac duBourget).
Bezoule, Besoul», Bezeule, Bexole
Ce poisson, plus voisin de la Gravenche que du Lavaret, a
cependant été pendant longtemps confondu avec lui. Son
corps est moins élancé, plus ramassé et plus relevé que celui
du Lavaret; la tête, conique, assez élevée en arrière, est
forte et haute, terminée par un museau gros et obtus avec
une bouche un peu en retraite, plus inférieure que celle du
Lavaret; les écailles, assez épaisses et solides, sont de taille
plus grande ; la nageoire, dorsale est assez haute, large et
moyennement déclive ; les ventrales et pectorales assez lon-
gues et larges.
Chez ce Gorégone, la face dorsale est d'une teinte olivâtre
ou brun jaunâtre pâle; les flancs passent du jaunâtre pâle au
blanc argenté; le ventre est blanc et toutes les nageoires
jaunâtres plus ou moins mâchurées.
La Bezoule vit dans le lac du Bourget, avec le Lavaret. Sa
taille est un peu plus grande : en moyenne elle mesure de 30
à 40 centimètres de longueur, maison en prend, rarement il
est vrai, qui pèsent l kg ,300. Elle dépose ses œufs en hiver, sur
le limon au fond du lac, ordinairemeut sous une profondeur
de 70 à 80 mètres d'eau ; la ponte se fait un peu plus tard que
LE HOUTING 137
celle du Lavaret, soit en janvier et février. On la pêche de la
même manière, soit avec des tramails descendus sur le fond,
soit à l'aide de grands filets traînés par deux bateaux. Sa
chair est de très bonne qualité.
Le Hoating
Coregonus oxyrhynchus, Linné. — Houting (Hollande). — Houtin
(Belgique). — Outel (marché de Paris).
Le Houting, le dernier de nos poissons corégones, se re-
connaît de ses congénères avec la plus grande facilité. Son
galbe est allongé, très effilé, avec les flancs un peu arrondis,
et la partie postérieure un peu amincie. La tête est petite et
se termine par un museau mou qui se prolonge en forme de
saillie conique allongée, de telle sorte que la bouche se
trouve reportée en dessous; le maxillaire supérieur est dès
lors plus grand que l'inférieur et les dents qu'on retrouve
jusque sur la langue et l'intermaxillaire sont toutes petites;
les écailles ont une forme arrondie. La nageoire dorsale, de
grandeur moyenne, prend naissance un peu en avant du mi-
lieu de la courbure du dos ; les pectorales sont petites et
pointues, les ventrales situées au-dessous de la dorsale,
l'anale très en arrière et la caudale grande et bien fourchue
(fig. 88).
La partie supérieure du dos du Houting est d'un gris ver-
dâtre qui passe au gris plombé sur les flancs, parfois un peu
lavé de jaunâtre ; le ventre est tantôt jaune gris clair, tantôt
blanc d'argent. Les nageoires ont une teinte qui participe du
milieu voisin ; à l'exception des pectorales, elles sont lavées
de noir à leur bord libre. Sur les côtés, on distingue parfois
des points épars bruns ou noirâtres.
Le Houting est un poisson de mer qui abonde dans la
Baltique et dans la mer du Nord. A la fin de mai, il remonte
les grands cours d'eau, et c'est ainsi que nous le voyons
138 POISSONS DES EAUX DOUCES
apparaître dans le Rhin, dans la Meuse et dans quelques
autres rivières du nord-est de notre pays ; on le vend assez
fréquemment sur le marché de Paris. Sa taille varie de 30 à
45 centimètres de longueur.
La ponte, chez ce poisson, a lieu en automne, de septembre
à décembre. Après l'époque du frai, il retourne lentement à
la mer ; les petits passent de l'eau douce à l'eau salée lors-
qu'ils ont atteint une longueur de 8 à 10 centimètres et ne
reviennent que lorsqu'ils sont en âge de frayer. Sa chair est
ferme et de bonne qualité. On le pèche au filet, à la senne,
bien rarement à la ligne.
L'Ombre commune
Thymallus vexillifer, Agassiz. — Aesche (Alsace). — Oumbré,Sofio
(Provence). — Asch (Allemagne). — Thyme smelling, Greyling
(Angleterre). — Temelo (Italie). — Ombre à écailles, Ombre de
rivière, Ombrette, Ombre à" Auvergne (Suisse).
L'Ombre commune, ou Ombre de rivière, qu'il ne faut pas
confondre avec l'Ombre Chevalier, est un des plus élégants
poissons des rivières d'Europe. Le nom latin de Vexillifer
lui vient de la disposition de ses nageoires ; souvent aussi on
le distingue sous celui de Tymalle, à cause de l'odeur de
thym qu'il répand au moment où on le sort de l'eau.
Son corps est allongé, légèrement comprimé, le profil
supérieur se courbe en avant de la dorsale, puis s'abaisse
ensuite lentement jusqu'à la caudale ; la ligne latérale, légè-
rement concave en avant, est droite dans sa plus grande lon-
gueur. La tête, petite, est aplatie dans sa région frontale et
terminée par un museau assez large avec une bouche un peu
en dessous, garnie de nombreuses petites dents. Le corps est
couvert d'écaillés hexagonales, de moyenne grandeur, avec
le bord postérieur arrondi. La nageoire dorsale, très déve-
loppée, prend naissance vers la fin du premier tiers de la
Fm. S3. — Le Houting.
1
140 POISSONS DES EAUX DOUCES
courbure du dos; les pectorales sont longues, et les ventrales
placées à égale distance de l'anale et des pectorales; enfin,
la caudale, très échancrée, a son lobe inférieur plus large
que le supérieur. Sa longueur totale, ordinairement de 30
à 35 centimètres, peut atteindre jusqu'à 50 centimètres
(flg. 86).
Fig. 84. — L'Ombre commune.
Chez l'Ombre commune, les régions supérieures du corps
sont d'un fond verdâtre avec des parties lavées de jaune
foncé; les flancs passent au jaune doré chez les vieux indi-
vidus, tandis que les jeunes sont argentés. La gorge et le
ventre sont blancs; sur les flancs, on distingue des bandes
d'un reflet bleuté ou violacé, comme métallique. La nageoire
dorsale est d'un blanc rosé lavé de jaunâtre, avec quelques
taches brunes disposées en bandes régulières ; l'anale est
couleur de chair avec des teintes sombres aux extrémités;
les nageoires paires passent au rouge jaune, souvent lavées
de gris ou de bleuâtre.
On rencontre l'Ombre commune dans une grande partie
de l'Europe ; en France, nous la voyons dans la plupart des
ruisseaux torrentueux qui descendent des hauteurs du Jura,
des Alpes, du Puy-de-Dôme, du Gantai, de la Haute-
Loire, etc. C'est ainsi qu'on la pêche dans la Meurthe, la
Moselle, le Rhin, la Meuse, les rivières et ruisseaux des
L'OMBRE COMMUNE 141
Ardennes, le Doubs, l'Ain, la Loire, la Sorgue, etc. Elle fait
sa nourriture de petits mollusques, d'insectes aquatiques, de
frai, de larves de phryganes, etc. La conformation de sa
bouche l'empêche de chasser de trop gros insectes, mais on
la voit poursuivre avec autant d'ardeur que de rapacité les
moucherons et les libellules.
« L'époque du frai, écrit M. V. Fatio, semble varier un
peu avec la nature des eaux, voire même avec la tempéra-
ture dans un même courant. C'est, en général, entre la der-
nière semaine de mars et fin d'avril que la ponte s'opère.
Les individus, mâles surtout, en livrée de noce, ont alors
les écailles un peu saillantes et rugueuses sur les parties
latérales du corps, en arrière principalement. Les œufs,
jaunes et nombreux, sont déposés dans l'eau courante, sur
fonds graveleux, non loin des bords ; jusqu'ici, dix-huit jours
d'incubation sont censés suffire, par huit ou dix degrés,
pour l'éclosion, et les jeunes alevins restent assez longtemps
sur la place qui les a vus naître.
L'Ombre, avec une chair ferme et très agréable, fait
l'objet d'une pêche assez active et fructueuse, principalement
dans les cours d'eau qui permettent l'usage des filets, sans
cependant donner lieu à un commerce très étendu. On la
prend soit à la ligne, avec l'hameçon amorcé de quelque
mouche ou insecte, ou même encore avec des larves de
phryganes, soit au filet, soir et matin, voire même la nuit,
et principalement durant la saison des amours. Divers filets
traînants ou à battue, tramails surtout, peuvent être em-
ployés, suivant les dimensions des cours d'eau, filets avec
lesquels on enveloppe successivement les stations connues de
l'espèce entre le rivage et un bateau qui nage rapidement
avec le courant, pour revenir plus ou moins vite à la rive.
Dans le Rhône, au-dessous de Genève, on se sert d'ordi-
naire d'un filet dit ètole de l m , 20 de haut sur 18 à 20 mètres
de longueur environ, avec plomb dans le bas et liège dans
142 POISSONS DES EAUX DODCES
le haut. Un homme, sur le bord, tient une corde reliée à
l'une des extrémités dudit tramail, et un second, sur un
bateau, met le filet à l'eau, pendant qu'un troisième rame
vigoureusement vers le large; après cela, le pêcheur à pied
et le bateau marchent, suivant les circonstances, plus ou
moins longtemps de concert, pour se rapprocher bientôt
vivement et retirer prestement le filet depuis la rive. De
nombreux traits peuvent être faits ainsi en quelques heures,
qui donnent quelquefois bien des kilogrammes de cet excel-
lent poisson; mais il faut pour cette pêche des hommes lestes
et adroits. »
Gomme chez les espèces précédentes, on rencontre mal-
heureusement bien souvent de nombreux parasites logés dans
l'intérieur de ce poisson. Ce sont surtout des helminthes. Il
faut donc, à ce titre, en rabattre un peu des précieuses qua-
lités culinaires de cet animal que nos pères qualifiaient géné-
reusement de fleur des poissons et de reine des délices.
L'Éperlan
Osmerus eperlanus, Linné. — Éperlan. — Smelt, Spirling (An-
gleterre). — Smout, Donbreck (Ecosse). — Hind, Meerstint
(Allemagne). — Spering, Sperineh (Hollande). — Slou (Suède).
— Szynka (Pologne). — Rôke, Krohle (Nonvège).
L'Kperlan est un poisson qui habite l'Océan, la Manche et
la mer du Nord, mais qui, à des époques déterminées de
l'année, remonte à une certaine distance de l'embouchure de
nos fleuves, tels que la Seine, la Somme, l'Orne, etc. Son
corps est étroitement allongé et très comprimé, avec la ligne
dorsale presque droite et la ligne ventrale plus convexe. Les
écailles qui le recouvrent sont caduques et très minces. Dans
un- museau court et pointu s'avance une bouche largement ou-
verte et fendue obliquement, portant, sur le maxillaire, de
très petites dents en lames de scie et, sur l'intermaxillaire,
I/ÉPERLAN 143
des dents plus fortes et pointues ; la mandibule, le vomer et
la langue sont également armés de dents. La nageoire dorsale
est courte, haute, implantée au milieu du dos; les pectorales
longues et étroites, les ventrales au-dessous de l'origine de
la dorsale, l'anale et la caudale très échancrées (fig. 85).
SZ£^2Z£.sl. IV
Vie. 85. — L'frperhn.
Les parties supérieures du corps sont d'un vert clair pas-
gant au vert grisâtre, avec un pointillé noir; les flancs
sont de teinte beaucoup plus claire, tandis que le ventre est
argenté. Les ilancs sont séparés du dos par une étroite bande
verte plus accusée, qui ne se manifeste pas chez les jeunes
sujets. Les joues sont argentées, et le museau est parsemé de
petits points noirs. La dorsale est grisâtre, lavée de noir,
tandis que l'anale et les ventrales sont blanches. La caudale
passe du gris au noir suivant l'âge des individus.
La taille de l'Eperlan ne dépasse pas ^0 centimètres de
longueur. « C'est au printemps, dit Brehm ', que les Eper-
lans entrent en grandes troupes dans les cours d'eau ; ils
suivent plutôt le fond de l'eau que la partie voisine de la
surface, excepté, suivant certains observateurs, lorsque les
vents soufflent du midi ; ils remontent à la lile et on prétend
f
Brehm, Les Poissons, édition française, par K. Sauvai.'.', p. 481,
144
POISSONS DES EAUX DOUCES
qu'ils suivent constamment la même route sans se détour-
ner. » Suivant Baudrillard, « l'Éperlan se plait dans les
eaux un peu troubles et stagnantes où il a trouvé une bonne
nourriture et il s'y réunit plus en masse que dans les eaux
claires. On a encore remarqué qu'à l'embouchure de la
Seine, à mesure que l'eau du fleuve baisse avec le reflux, le
poisson descend avec elle et qu'il se porte successivement
sur les bancs où il reste encore un peu d'eau. L'Eperlan
cherche toujours l'eau la plus douce pour y déposer ses
œufs; mais il ne réussit pas toujours à y parvenir. S'il lui
arrive, en remontant la Seine, d'être contrarié par les
grosses eaux, il fraye, dès son embouchure même, sur les
fonds où il se trouve. »
La ponte de l'Éperlan a lieu en mars et au commencement
d'avril. Après cinq à dix jours d'incubation, les œufs petits
et d'un blanc jaunâtre éclosent. Vers la fin d'août, l'Eperlan
retourne à la mer; les jeunes ont alors 6 centimètres de
longueur. Flemmard pense qu'il fait sa nourriture de petits
poissons et surtout de crevettes. Sa chair est blanche, ferme
et de très bonne qualité ; dans le Nord rien n'est plus
apprécié qu'une friture d'Eperlans ; on les mange également
en matelote, pannes, à l'eau de sel, etc. On a soin de tou-
jours les vider. En Angleterre et en Allemagne, on les fume
ou on les sale.
On pêche très rarement l'Eperlan à la ligne. « Dans la
basse Seine, dit Sauvage 1 , là où l'Eperlan est très abondant,
la pêche se fait avec des filets sédentaires, tels que des
gords, des guideaux, des nasses, ou des filets mobiles,
senne, tramail ; la pêche a lieu surtout la nuit, par une eau
légèrement troublée; elle est, dit-on, meilleure par les vents
doux d'est ou sud-ouest que par ceux du nord. La pèche de
ce poisson a toujours été une source de richesses pour Gau-
iBrehm, loc. cit., p. 4S2.
L'O M BRE-CHE VA Ll ER
145
debec; aussi cette ville porte -t -elle trois Éperlans dans
l'écusson de ses armes.
L' Ombre- Chevalier
Salmo salvelinus, Linné. — Chevalier, Omble-Chevalier, Ombre-
Chevalier. — Amble, Ritter, Rothforelle, Itôthel, Rottelen,
Zwiek, Hamel (Suisse). — Northern charr, Alpin charr (An-
gleterre).
Avec l'Omble Chevalier, que bien souvent on désigne
aussi sous le nom d'Ombre Chevalier, commence le genre
Saumon. Bien qu'on le prenne quelquefois dans certains
cours d'eaux comme le Rhône, l'Ain, le Doubs, la Meur-
the, etc., notre Chevalier est un habitant des lacs de l'Europe
centrale. C'est un des beaux et bons poissons du lac du Uour-
get et du lac Léman; sa taille moyenne est de 30 à 40 centi-
mètres; on pêche parfois des individus qui atteignent de 50 à
83 centimètres de longueur, mais ce sont de trop rares
exceptions.
Le galbe est allongé, comprimé latéralement, avec le dos
assez bombé pour égaler en hauteur environ le cinquième de
la longueur totale; tout l'ensemble est couvert de très petites
écailles. La tète est forte, abaissée en avant, bombée dans sa
partie supérieure, terminée par un museau obtus, avec une
bouche assez large, dont la mâchoire supérieure forme une
légère saillie sur l'inférieure ; on distingue sur les maxillaires,
les intermaxillaires et les palatins, une rangée de petites
dents aiguës et crochues et trois rangées sur le vomer. La
nageoire dorsale, assez haute, prend naissance sur le milieu
de la courbure du dos, tandis que les ventrales s'élèvent au-
dessous du dernier tiers de la dorsale ; les pectorales sont
allongées et la caudale très large et bien échancrée
(flg. 86).
En temps normal, la coloration du dos de l'Ombre-Che-
valier est d'un gris vert avec des rellets bleutés, tandis que
Locard, La Pêche. 9
146
POISSONS DES EAUX DOUCES
les flancs et le ventre passent au blanc argenté ; les nageoires
dorsale, ventrales, anales et caudale ont un fond gris lave
de jaune et les pectorales sont jaune clair. Au moment du
frai, ces teintes prennent une accentuation marquée; les
flancs et le ventre montrent des reflets métalliques jaune
orangé ou bronzé; on voit alors apparaître, sur le dos et sur
les flancs, des taches blanches arrondies et bien espacées, et
les nageoires passent au rouge ou au bleu clair.
L'Ombre fraye à presque toutes les époques de l'année,
suivant les milieux qu'il occupe. «A l'époque des amours,
dit M. V. Fatio, l'Ombre quitte les plus grands fonds pour
remonter un peu du côté des rives et venir pondre, volon-
tiers sur fond pierreux et caillouteux, près de l'embouchure
de quelque rivière, à une profondeur moindre: suivant les
localités sous 20, 30, GO et même 80 mètres d'eau. Les
pêcheurs connaissent si bien cette préférence de l'Ombre
pour les endroits caillouteux, qu'ils jettent eux-mêmes au
fond de l'eau des chargements de pierre, pour établir des
places de frai et faciliter leur pêche. Les œufs, plutôt plus
nombreux, sont jaunes et presque aussi gros que ceux de la
Truite. L'incubation dure généralement soixante -cinq à
soixante-douze jours ; mais la croissance varie beaucoup
avec les conditions de milieu plus ou moins favorables et
l'abondance relative des éléments nutritifs, vers, insectes,
mollusques et petits poissons qui servent de principale nour-
riture à l'Ombre-Chevalier.
« La pêche se fait, selon les localités, avec le grand filet,
avec des filets dormants, ou avec des lignes de fond amor-
cées de petits poissons vivants. C'est surtout sur les places
de frai et à l'époque de la ponte qu'elle donne les plus bril-
lants résultats ; les pêcheurs, intéressés, assurent que c'est
alors que la chair de ce poisson est de beaucoup la meil-
leure. On prend aussi bien des Ombres en divers lacs, pen-
dant la belle saison ; mais il faut alors les aller chercher
•^*S£^4.-VO
c
a
H
>
Fig. 80. — I.Ombre-Cl.evalier.
^■■B
148 POISSONS DES EAUX DOUCES
beaucoup plus profondément, souvent sous 100 et 200 mètres
d'eau. »
On prend parfois des Ombres-Chevaliers en laissant
traîner une longue ligne amorcée d'un Vairon, fortement
plombée à 1 ou 2 mètres de l'hameçon et amarrée à l'extrémité
d'un bateau ; le poisson nageant sans cesse entre deux eaux
mord très bien dans ces conditions, surtout pendant la belle
saison.
La chair de l'Ombre est des plus estimées ; elle est tendre
et grasse, plus délicate encore que celle de la Truite. Aussi
a t-on souvent cherché à l'acclimater dans des milieux
nouveaux, mais sans grand succès. On a fait également des
métis avec l'Ombre et la Truite, mais qui se reproduisent
difficilement. Malheureusement ce poisson, comme tous les
Salmonidés, est affecté de divers parasites, tels que Crustacés
suceurs et surtout des Helminthes, Ténias, Rothriocéphales,
Ligules, etc., qui se logent un peu partout dans son corps.
Le Saumon
Salmo salar, Linné. — Salmon, Sa'tmon. — Les pelits Saumons
sont désignés sous k'S noms suivants : Renay (Moselle). — Tacon-
net, Tnca, Orgue, Gai-Moisson (Avranche). — Tecou (Corréze).
— iialm, Lochs, Rheinlachs, Laichsalm, Wintersalm, Win-
tcrloclis, Macken, Luderm (Suisse). — Saint, Sâlmling (Alle-
magne). — .Salmon, Paar, Siuolt (Angleterre). — Zalm (Hol-
lande). — Haslat (Danemark). — .Salmon (Espagne). — Salmao
(Portugal). — Somga (Russie). — Losos (Pologne). — Lazatz
(Hongrie).
Le Saumon est un dès plus grands poissons qui vivent
dans nos eaux ; sa taille peut atteindre 2 mètres de longueur
et peser plus de 10 kilogrammes. C'est une forme particulière
à l'Océan et à la mer du Nord qui remonte le cours des fleu-
ves à certaines époques de l'année. On en a pris dans ces
derniers milieux qui pesaient jusqu'à 25 et 30 kilogrammes.
\
LE SAUMON 149
Le corps du Saumon est allongé, fusiforme, aplati latéra-
lement et recouvert d'écaillés petites et de forme allongée
(fig. 88). La tête est égale à environ le cinquième delà longueur
totale du corps (fig. 87) ; la ligne du dos est presque droite,
Fin. 87. — Tète et portion antérieure du Saumon.
tandis que celle du ventre est bien courbée. Le museau, plus
allongé chez les mâles que chez les femelles, est arrondi ; la
bouche, largement fendue, est armée de fortes dents coniques ;
l'œil est petit et la ligne latérale presque droite. La nageoire
dorsale prend naissance un peu en avant de la courbure du
dos ; les pectorales sont relativement petites et arrondies,
ainsi que les ventrales ; la caudale, bien développée, est légè-
rement échancrée chez les jeunes, et tranchée verticalement
chez les adultes.
La coloration du Saumon est extrêmement variable. En
temps normal, le dos passe du gris vert au bleu ardoisé,
tandis que les flancs sont d'un blanc gris et le ventre argenté
avec de brillants reflets. Surtout le haut du corps s'épanouis-
sent des taches étoilées noirâtres plus ou moins nombreuses.
Suivant M. E. Blanchard, « lorsque ces poissons arrivent
150 POISSONS DES EAUX DOUCES
de la mer clans les fleuves, au moment de frayer, on voit
leurs teintes, particulièrement chez les mâles, prendre une
nouvelle vivacité, des taches rouges apparaître dans le voi-
sinage de la ligne latérale et même sous les opercules; le
ventre s'empourpre, ainsi que la base de la nageoire anale,
le bord antérieur des ventrales, les bords supérieurs de la
caudale. Après avoir frayé, ces animaux affaiblis perdent
leurs riches couleurs et reviennent à leur première condi-
FlG.
Écaille du Saumon.
tion. Ce n'est pas tout encore ; Jardine, l'auteur d'un grand
ouvrage sur les Salmonidés de la Grande-Bretagne, nous a
appris que, chez le Saumon mâle, dans sa parure de noce, se
produisait un remarquable épaississement de la peau du dos
et des nageoires qui disparaissent bientôt après l'époque du
frai. »
Le Saumon est un des habitants de tous nos grands
fleuves de France, le Rhône excepté ; les eaux delà Méditer-
ranée, sans doute trop chaudes et trop salées, ne lui convien-
nent point. Mais la Garonne, la Gironde, la Dordogne, la
Loire et quelques-uns de leurs affluents sont les rendez -vous
annuels de ce précieux poisson. On ignore encore ce que
deviennent les Saumons dans la mer ; il est cependant pro-
bable qu'ils ne s'éloignent pas beaucoup des terres; on sup-
pose qu'ils s'enfoncent dans les profondeurs, là où ils trou-
LE SAUMON 151
vent une nourriture abondante en poissons, crustacés,
ammodytes de toutes sortes dont ils sont fort voraccs.
« Lorsqu'ils quittent la mer, raconte Brehm, c'est-à-dire
dans les régions tempérées, vers le commencement du prin-
temps, les Saumons partent avec le flux, surtout lorsque le
flot est poussé contre le courant de la rivière par un vent
fort. Au moment de la montée, les Saumons s'approchent, en
troupes de trente à quarante, des côtes et de l'embouchure
des fleuves ; ils s'arrêtent un certain temps comme s'ils
devaient s'habituer à l'eau douce, remontant avec le flux et
retournant à la mer avec le reflux, jusqu'à ce que commence
le véritable voyage. Les Saumons de divers âges remontent
ensemble les cours d'eau dans un ordre qui ne varie guère,
les vieux individus forment la tête de la colonne, les jeunes
suivent; le plus gros des poissons, ordinairement une
femelle, ouvrant la marche.»
Ainsi que l'explique Baudrillart 1 , ils nagent en temps
ordinaire au milieu du fleuve et près de la surface de l'eau ;
lorsque le temps est chaud età l'orage, ils rasent au contraire
les fonds ou bien se réfugient dans les milieux les plus pro-
fonds ; parfois aussi on les voit s'arrêter dans les stations
ombragées par des arbres touffus. On a remarqué qu'ils
peuvent parcourir en une heure un intervalle de 10 lieues,
sans être arrêtés par des chutes ou des barrages. S'appuyant
contre une pierre à l'aide de leur queue ils arquent leurs
corps et ils s'étendent brusquement, ce qui leur permet de
franchir ainsi d'un seul bond des obstacles de 4 ou 5 mètres
de hauteur.
Les pêcheurs distinguent plusieurs formes de Saumon ; le
Bécard ou Saumon d'automne se reconnaît à son maxil-
laire inférieur recourbé en avant et en haut sous forme de
crochet. Les Saumons pris en été sont qualifiés de Saumons
1 Baudrillart, Dictionnaire des chasses et pèches.
152
POISSONS DES EAUX DOUCES
de la Madeleine, Lorsqu'ils sont allés une fois déjà à la
mer et qu'ils sont aptes à se reproduire, on les désigne sous
le nom de Grilses ou Saumoneaux, à ce moment ils pèsent
déjà deux à trois livres (fig. 89).
Fig. S9. — Saumoneau.
C'est un animal éminemment carnassier ; tant qu'il est
jeune, il se contente de vers, d'insectes et de mollusques ;
mais, devenu plus grand, il fait la chasse aux autres poissons
et même aussi aux petits mammifères qu'il rencontre sur son
passage. Au moment de la ponte, ordinairement de no-
vembre à février, la femelle creuse dans le sable ou le
gravier une petite excavation de 15 à 20 centimètres et y
dépose ses œufs tandis que le mâle fait la garde autour d'elle ;
tous deux ensuite recouvrent les œufs avec du sable ; au
bout de quarante jours les petits commencent à sortir de
l'œuf. On estime qu'une femelle de Saumon donne naissance
à autant de millions d'œufs qu'elle pèse de livres.
La chair du Saumon est excellente, parfois un peu
indigeste ; celle du mâle vaut mieux que celle de la femelle;
avant la ponte elle est d'une belle teinte, d'un rosé tout par-
ticulier; mais aussitôt après, elle devient blanchâtre et fade
pour reprendre ensuite ses précieuses qualités. On la mange
fraîche ou conservée, sautée ou marinée.
La pêche du Saumon est très variée. Souvent en France
LA THU1TK DES l.ACS 153
on le prend simplement à la ligne, mais alors il faut avoir
soin de faire usage de fortes lignes bien armées ; on amorce
avec de grosses mouches artificielles ou des petits pois-
sons vivants ; il faut se poster au milieu de la rivière, de pré-
férence derrière un barrage, où les Saumons stationnent
souvent après en avoir franchi les obstacles. Quand il a
saisi l'appât il oppose une résistance terrible ; il faut par-
fois lâcher beaucoup de fil; mais à la fin il s'épuise et se
laisse prendre sans trop de peine à l'épuisette.
Le plus souvent on prend ce poisson à l'aide de grands
filets ou senne qui barrent une partie du cours d'eau ; l'une
des extrémités du filet est tenue à terre, tandis que l'autre,
fixée à une barque, est ramenée rapidement à la berge.
D'autres fuis on traîne la senne avec un bateau qui en porte
chacune des extrémités ; les deux bateaux se rapprochent
ensuite enserrant ce qu'ils ont rencontré sur leur passage.
En Bretagne on fait encore parfois usage de pièges disposés
à la manière des souricières, ou formant une sorte de pince.
Tous les engins sont bons, à la condition qu'ils soient assez
puissants pour pouvoir résister à la force du poisson.
La Truite des lacs
Trutta lacuntrii, Linné. — Truite suisse. Truite du lac de Genève
Truite saumonnèê (suivant les localités). — Truite verte, blanche,
noire, Forelle, Furne, Seeforelle, Chrund forelle, Granforcelle
(Suisse). — Trota, Truta (ïessin). — Sohild, Scaron (Engadine).
— Lahe, Trout (Angleterre). — Trotta (Italie). — Trucha (Proi
vence, Espagne).
La Truite des lacs, qui ne diffère que très peu de la Truite
de rivière, a le corps allongé et cylindrique, légèrement
comprimé sur les flancs. La tête, égale à environ le cinquième
de la longueur totale, est aplatie et terminée par un museau
peu allongé et obtus. La bouche, bien fendue, présente deux
maxillaires lontrs et forts, l'inférieur souvent recourbé en
154 POISSONS DES EAUX DOUCES
haut et un peu en arrière, plus court que le supérieur ; les
maxillaires, les palatins, le vomer et la langue sont armés
de dents fortes, disposées régulièrement (fig. 90). La ligne
latérale est presque droite. Tout le corps est recouvert
d'écaillés nombreuses et petites. La nageoire dorsale est peu
Fig.
90. — A, dent vomérienne de la Truite des lacs; B, de la Truite
de mer; C, de la Truite commune.
développée, les pectorales arrondies à leur bord libre, la
caudale coupée verticalement en arrière et sans échan-
crure.
Il n'est pas de poissons dont la coloration soit plus va-
riable; en temps normal, le dos a une teinte variant du ver-
dâtreplus ou moins foncé au gris bleuté, et qui s'atténue de
plus en plus sur les flancs pour passer au blanc d'argent sous
le ventre. Les nageoires dorsale et caudale participent de la
coloration du dos, mais dans des gammes plus claires, tandis
que les pectorales, les ventrales et les anales sont grises
liserées de jaune orangé à leur extrémité. Sur toute la partie
supérieure du corps on aperçoit de petites taches brunes ou
noirâtres, arrondies ou étoilées, qui sont parfois orangées
chez les jeunes sujets.
Certains individus, sous une influence non encore définie,
restent §térj}es Joute Jeur vie; 'i}s ont alo rs un S a l be laoips
LA TRUITE DES LACS 155
arrondi, un museau plus effilé avec une plus large bouche,
en même temps leur coloration est toujours d'une teinte
plus pâle, plus effacée et sans taches ornementales.
La Truite des lacs a des dimensions très variables. Les
Truites de la Suisse qui viennent sur nos marchés atteignent
assez rarement 1 mètre de longueur ; leur poids ordinaire
varie de 1 à 5 kilogrammes ; mais on en prend parfois mesu-
rant l m ,20 à l m ,3ô et pouvant peser jusqu'à 25 et même
30 kilogrammes. Ce sont là, hâtons-nous de le dire, de bien
rares exceptions. Cette espèce vit surtout dans les lacs de la
Suisse, notamment dans le lac de Genève. Dans ces milieux
elle se plaît à do grandes profondeurs, on en a vu jusqu'à
1500 mètres ; rarement elle remonte à la surface. Lorsqu'elle
est jeune, elle fait une chasse acharnée aux petits poissons.
« Lorsque, dit Heckel, ce Salmonide rencontre une bande
d'Ablettes, il la poursuit avec tant d'acharnement, qu'il
arrive souvent jusque sur le bord du lac et dans les couches
les plus superficielles. La troupe des Ablettes se disperse
rapidement dans tous les sens et cherche à échapper par des
bonds en dessus de la surface de l'eau; c'est en vain, car la
Truite les saisit par la queue, les fait tournoyer rapidement,
de manière à les avaler la tête la première. Lorsqu'elles
arrivent au poids de 12 à 15 kilogrammes, les Truites des
lacs ne se contentent plus de petits poissons, mais s'attaquent
à des poissons pesant près de 1 kilogramme. »
Au mois de septembre, les Truites quittent les lacs pour
remonter le cours des rivières qui s'y jettent et vont frayer
parfois assez loin. La ponte a lieu vers la fin d'octobre ou au
commencement de novembre ; la femelle, après avoir choisi
un milieu sablonneux, creuse une fosse assez profonde dans
laquelle elle vient déposer ses œufs. Les jeunes, nés pendant
l'année, passent le printemps et l'été dans les rivières et ne
retournent dans les lacs avec les autres Truites qu'après la
ponte suivante.
m
ii
156 POISSONS DES EAUX DOUCES
La chair de la Truite des lacs est au moins aussi estimée
que celle du Saumon ; de teinte plus pâle, elle a ce même
goût fin, cette même fermeté. Ces deux poissons sont du reste
assez voisins pour que, en maintes circonstances, on ait pu
obtenir soit directement, soit artificiellement des métis très
appréciés au point de vue culinaire, mais qui se reproduisent
très difficilement. Malheureusement, comme ses autres con-
génères, la Truite des lacs donne asile a de fort désagréables
parasites, principalement des Helminthes, qui se logent un
peu partout dans son corps.
Le mode de pèche employé varie suivant les pays. En
Suisse, la Truite des lacs se prend de préférence au prin-
temps dans des filets dormants que l'on fait flottera une pro-
fondeur de 4 à 7 mètres; ces filets sont posés le soir et
relevés le lendemain matin. Sur le lac de Lucerne, on pêche
à l'Olter ; nous aurons occasion de revenir sur ce mode de
pêche spécial dans un autre chapitre de cet ouvrage. Souvent
on prend la Truite au vif, ou à l'aide d'engins destinés au
Brochet et à la Perche. En été, on préfère faire usage des
filets dormants tendus au fond des lacs. En automne, alors
que les Truites remontent les affluents pour frayer, on en
prend de grandes quantités à la senne, au filet traînant, à la
pince, à la ligne, et même au trident.
La Traite de Mer
Trutta aryentea, Valenciennes. — Truite saumonnée, Truite
argentée, Truite de Dieppe (suivant les localités). — Seu-trout
(Angleterre).
Cette espèce a été souvent confondue avec le Saumon dont
elle a les mœurs et habitudes. Comme lui, elle habite les
eaux salées, mais elle voit le jour dans les rivières et y
retourne à certaines époques pour y frayer.
1^ Son corps rappelle, comme galbe, celui du Saumon, mai»
Fig. 91. — Truite de mer.
158 POISSONS DES EAUX DOUCES
il est un peu plus court; la tête est petite, avec le front
bombé, le museau arrondi, et la bouche très largement
fendue; la mâchoire inférieure est un peu moins saillante
que la supérieure, et toutes deux sont armées de dents assez
fortes, coniques, recourbées en arrière, réparties sur la lan-
gue, les maxillaires, les palatins et le vomer (fig. 90). Les
écailles sont plus petites que chez le Saumon. La ligne
latérale est presque droite. La nageoire dorsale, assez déve-
loppée, prend naissance vers le milieu de la courbure du
dos ; les pectorales sont longues, l'anale bien développée et
la caudale faiblement échancrée (fig. 91).
La partie supérieure du corps est d'un gris bleuté qui
passe sur les flancs au blanc d'argent, encore plus éclatant
sous le ventre. Le dos et les côtés sont parsemés de taches
noires en nombre très variable. La dorsale est d'un gris
brun, la caudale d'un vert noirâtre, les pectorales grises,
l'anale et les ventrales presque blanches ; le plus souvent on
voit des taches brunes sur les nageoires impaires.
La Truite de mer atteint parfois d'assez fortes proportions ;
son poids le plus ordinaire est de 4 à 5 kilogrammes; mais
sa taille peut atteindre 50 centimètres de longueur et son
poids arriver à 12 ou 15 kilogrammes. En mer, nous la
voyons dans toutes les eaux du nord de l'Europe; mais
lorsqu'elle veut frayer elle s'aventure dans nos eaux de la
Meuse, de la Seine, de l'Orne, de la Loire et de quelques-
uns de leurs affluents. C'est ordinairement de mai à juillet
qu'elle remonte les cours d'eau ; elle choisit toujours des
eaux rapides à fonds rocailleux, mais jamais elle ne re-
monte aussi loin que le Saumon. Elle fraye de novembre à
février.
Les jeunes, âgés de moins d'un an, ont une belle teinte
argentée sur les flancs et sur le ventre, avec le dos gris
foncé et quelques taches sur le corps ; ils ont la queue très
échaucrée, Au moment du frai, on voit apparaître quelques
f *
LA TRUITE COMMUNE
159
taches rouges qui redeviennent noires en temps normal.
Aussi vorace que le Saumon, la Truite de mer se nourrit de
vers, d'insectes, de poissons. Sa chair, très estimée, est
presque aussi rose que celle du Saumon ; elle aussi donne
asile à des parasites. On pêche ce poisson de la même
manière que le Saumon.
La Truite commune
Trutta Pario, Linné. — Truite de rivière, Truito, Truita, Truta,
Trourla (suivant les localités). — Truclia, Trourha (Midi de la
France). — Trout (Angleterre). — Orret (Norvège). — Totta (Ita-
lie). — Trucha (Espagne). — Truttell, Truttal.-Sckild, Sohilte,elc.
(Suisse, Allemagne). — Lazatz (Hongrie). — Pstrag (Pologne).
La Truite commune, ou Truite de rivière, est très voisine
de la Truite des lacs, dont elle n'est peut-être qu'une simple
variété due à la dillérence d'habitat. En réalité, elle se dis-
Kig. 92.
Truite commune.
tingue surtout par sa coloration; son galbe est à peine un
plus haut et un peu plus comprimé, et les dents du vomer
implantées d'une façon un peu différente. Cette coloration est
extrêmement variable suivant l'âge, les niilieux et les époques
(ftg. 92 et 93), .
J60 POISSONS DES EAUX DOUCES
« Souvent, dit Tschudi, le dos est tacheté de noir sur un
fond olivâtre, les flancs étant jaune verdâtre, ponctués de
rouge avec des reflets dorés, le ventre étant d'un gris blan-
châtre, les nageoires abdominales d'un jaune clair. Parfois,
la couleur sombre domine, sans que pour cela l'animal soit
tout à fait noir. La plupart des Truites des Alpes sont ornées
de taches noires ou rouges; souvent, c'est la couleur jaune
qui domine; d'autres fois, c'est la couleur rougeâtre. Les
variations sont telles, que les pêcheurs des Alpes désignent
Fin. 93 — Écaille de la Truite commune .
les variétés sous les noms de Truites argentées, dorées,
blanches, noires, Truites des pierres, Truites de forêts, sans
qu'on puisse tracer une limite entre toutes ces variétés qui
passent des unes aux autres. » D'une manière générale, la
Truite de rivière a des teintes plus claires et plus vives que
la Truite des lacs.
La taille de la Truite commune est également très variable.
On pêche dans les petits ruisseaux d'excellentes petites
Truites dont le poids n'atteint pas 1 kilogramme. Dans les
eaux plus profondes, et si la nourriture est sufdsante, la
Truite peut peser de 7 à 8 kilogrammes et mesurer 50 à
60 centimètres de longueur. D'une manière tout à fait excep-
tionnelle, on a pris des Truites de 80 centimètres et même
de i m ,20 de longueur. C'est un poisson qui aime toujours les
eaux Glaires, vives, fraîches, roulant des montagnes sur des
LA TRUITE COMMUNE
16i
fonds pierreux. En Franco, nous la voyons dans presque
tous les cours d'eau qui peuvent répondre à ce signalement.
« La Truite, dit Brehm. 1 , douée d'une grande puissance
musculaire, peut nager contre la direction des eaux les plus
rapides avec une étonnante vitesse; c'est surtout la nuit que
ce poisson se déplace ou tout au moins à la tombée du jour;
pendant le jour, il se cache volontiers sous les pierres et les
rochers qui surplombent le long de la berge ou dans des
trous, des fosses plus ou moins profondes. Lorsque tout est
tranquille autour d'elle, la Truite quitte sa retraite, se tient
la tête au courant, à la même place parfois fort longtemps,
agitant doucement ses nageoires, puis tout à coup elle fond
comme une flèche, soit qu'elle aperçoive une proie, soit
qu'elle veuille se dérober; lorsqu'elle a choisi une retraite,
adopté une place, il est rare qu'elle n'y retourne pas ; la
Truite est, en effet, un animal d'humeur farouche et d'une
extrême prudence.
«Tant qu'elle est calme, la Truite est toujours aux aguets,
surveillant avec la plus grande attention tout ce qui se passe
autour d'elle ; si un insecte gros ou petit s'approche de l'en-
droit où elle se tient, elle reste immobile jusqu'à ce que sa
proie soit à sa portée; par plusieurs coups vigoureux de la
nageoire caudale, elle se jette alors sur sa proie et la
déglutit. Lorsqu'elle est jeune, la Truite fait la chasse aux
vers, aux insectes, à leurs larves ; plus âgée, elle s'attaque
aux poissons, à leurs œufs, car elle est très vorace; la Truite
se nourrit également d'éphémères et de phryganes qu'elle
saisit avec adresse lorsqu'elles voltigent auprès de la surface
de l'eau ».
La Truite commune fraye à des époques très variables ;
suivant la température des milieux, elle donne naissance à
de gros œufs ambrés, de septembre à mars ; elle choisit des
Brehm, Les Poissons, édition française, par E. Sauvage, p, 476.
iC2 POISSONS DES EAUX DOUCES
nids tout faits entre les cailloux, au voisinage des sources,
ou bien encore, si rien ne se présente qui lui convienne, elle
creuse avec sa queue des cavités dans le sable et y dépose
ensuite ses œufs; c'est seulement au bout de cinquante- cinq
à cinquante -huit jours que les petits naissent ; quelques
jours après ils commencent à descendre la rivière en petites
bandes peu nombreuses.
Est-il besoin de vanter ici les exquises qualités de la
Truite. Tout le monde a pu apprécier cette chair à la fois
ferme et délicate, fine, d'un goût si parfait; mais le tout est
de la prendre; la capture d'une belle Truite est le triomphe
du pêcheur à la ligne. S'agit-il de petites Truites, la ligne la
plus fine et en même temps la plus solide doit être mise en
main; a-t-on affaire à de plus gros poissons, il faut s'armer
d'engins résistants, mais aussi peu visibles que possible, et
toujours accompagnés d'un moulinet capable de se dérouler
sans la moindre difficulté, car une fois prise, la Truite qui
a la vie très dure se défend avec acharnement.
Il est inutile de songer à pécher la Truite par les temps
clairs, surtout par le soleil, à moins que l'eau ne soit mo-
mentanément troublée par quelques apports d'un ruisseau
voisin, ou ombragée par une épaisse ramée. Les temps
sombres, brumeux, l'heure matinale du petit jour, ou l'ap-
proche de la nuit, semblent les instants les plus particulière-
ment propices. Le ver rouge cachant bien l'hameçon, tout en
le dépassant de deux ou trois millimètres, est encore le
meilleur appât. Jetez hardiment la ligne dans le courant,
laissez -la voguer à travers les remous, la Truite en embus-
cade saisissant l'appât donnera deux ou trois petits coups;
ferrez aussitôt et, si la Truite est un peu grosse, vous la
verrez bondir hors de l'eau cherchant à se débarrasser de
l'amorce, pour repartir en faisant les mouvements les plus
rapides et les plus saccadés ; n'amenez jamais que lorsqu'elle
a cessé de se défendre.
L'ALOSE COMMUNE
163
Dans les milieux couverts et ombragés, on pêche la Truite
à la surp?-ise. On descend une mouche lentement en lui
imprimant un petit mouvement cadencé, elle ne doit que
toucher l'eau. Le Vairon vivant est encore un bon appât pour
la Truite de grosse taille; on l'accroche simplement par les
lèvres sous la nageoire dorsale; la flotte dans ce cas ne peut
être que nuisible, car elle eflraye ce trop timide poisson ; on
traîne la ligne contre le courant dans les milieux bien
choisis. Enfin, on fait encore usage du poisson de plomb et
du tue-diable. Les lignes dormantes sont utilisées pour la
pêche dans les grands cours d'eau.
FAMILLE DES CLUPKIDES
L'Alose commune
Alosa vulgaris, Cuvier. — Alose, Lalose, Gatte, Alouse, Sabre,
Colac, Coula (suivant les localités). — Poisson de mai. — Lacia,
Alaouso (Provence). — Laccia, Agone (Italie). — White Shad
(Angleterre). — Maifisch, Godfisch (Allemagne). — Elfs (Hol-
lande). — Stad sill (Suéde). — Savel (Portugal).
La famille des Glupéides comprend un certain nombre de
poissons de mer, dont quelques-uns comme le Hareng, l'An-
chois, la Sardine, rendent de grands services dans l'alimen-
tation. L'Alose vit également dans la mer, mais remonte
périodiquement nos grands fleuves; elle habite aussi bien la
Méditerranée que l'Océan et, dès le printemps, on la voit
circuler dans les grands fleuves, le Rhône, la Seine, la
Loire, pour se répandre dans leurs affluents et remonter
jusque dans les départements du centre, tels que l'Yonne,
la Côte- d'Or, le Jura, la Loire, la Haute-Loire, etc.
L'Alose commune a le corps assez élancé et comprimé
latéralement; à la région dorsale, il existe une carène den-
telée. La tête est petite, la bouche largement fendue, avec
m
164 POISSONS DES EAUX DOUCES
la mâchoire inférieure un peu plus développée que la supé-
rieure, cette dernière munie d'une échancrure en son milieu.
Le maxillaire supérieur et les intermaxillaires seuls sont
pourvus de dents fines et nombreuses. Le corps est couvert
d"écailles grandes et minces, mais la ligne latérale n'est pas
distincte. La nageoire dorsale est peu développée, la nageoire
anale très basse, les ventrales implantées un peu en arrière
de la naissance de la dorsale, la caudale longue et très four •
chue (fig. 94).
■cœ<L*S.'C
Fig. 94. — L'Alose commune.
Le dos de l'Alose est d'un vert un peu bleuté; les flancs
sont d'un vert clair argenté ou parfois un],peu cuivré; le
ventre blanc, brillant. En arrière des ouïes, on distingue une
tache noirâtre plus ou moins accusée suivant les sujets; les
écailles sont piquetées de noir. La taille de l'Alose est très
variable; en général, les mâles sont plus petits que les
femelles : celles-ci mesurent de 60 à 70 centimètres de long
et peuvent atteindre jusqu'à 1 mètre.
C'est au printemps, en mai et juin, que les Aloses commen-
cent à frayer, pour retourner à la mer en automne; elles
déposent leur frai sur le bord des eaux en se pressant par
troupes souvent fort nombreuses et en faisant, comme la
Carpe, un bruit qui s'entend parfois de fort loin. Elle se
nourrit, dans nos rivières, de vers, d'insectes et de petits
poissons. L'incubation n'est que do vingt à vingt-cinq jours,
L'ALOSE KINTE l(j5
et dès l'automne les jeunes s'en vont à la mer avec les vieux
et toujours en bandes.
La cliair de l'Alose est de qualité très variable suivant la
nature des eaux qu'elle habite et surtout suivant les époques;
au sortir de la mer, l'Alose est un fort médiocre poisson, à
chair maigre farcie d'arêtes: mais après un séjour en eau
douce, et quelque temps après le frai, cette chair devient sin-
gulièrement meilleure. Longtemps bouillie, avec de l'oseille,
les arêtes finissent en quelque sorte par fondre; nos maitres-
chefs accommodent ce poisson de diverses manières qui le
rendent fort appréciable.
Au moment des passages, on prend parfois des quantités
considérables d'Aloses; mais il faut renoncer à faire usage de
la ligne. La senne, les nasses, les troubles, le tramait sont
les engins ordinairement mis en usage pour ce genre de
pêche. Il faut veiller à la montée et suivant le temps attaquer
le poisson au fond ou à la surface. Si le temps est chaud,
lourd, orageux, l'Alose se tient dans les grandes eaux au
moins à deux mètres de profondeur. « Si la chaleur est sèche,
dit La Blanchère, dure, le temps élevé, les Aloses viennent
s'ébattre dans les anses abritées et jouer sur le sable et les
petits cailloux. Le meilleur moment de la pèche, c'est la nuit,
quand il n'y a pas de lune et par les petites crues qui trou-
blent les eaux. La pêche dure de mai à juillet. »
L'Alose finte
Alosa Finta, Cmier. — Fintc, Alose longue. — Twaite sohad, Maid
(Angleterre), — Vinlcn (Hollande), — Venth, Vint, Verich (Fla-
mand). — Alaclia (Espagne). — Astouma (Basque). — Sabella
(Portugal).
LAlosc finte ressemble singulièrement à l'Alose commune.
On la distingue : à son galbe plus allongé; à ses écailles
moins grandes; à ses dents plus fortes et plus robustes; à la
m
166
POISSONS DES EAUX DOUCES
présence de cinq ou six taches noires disposées le long des
flancs ; à sa nageoire dorsale peu élevée, tandis que les ven-
trales sont au contraire plus petites. Sa taille moyenne varie
de 45 à 50 centimètres de longueur. Ses mœurs sont celles
de l'Alose ordinaire; elle se plaît dans les mêmes milieux,
mais sa montée se fait un peu plus tard; elle pond de fin juin
à juillet. On la pêche de la même manière que l'Alose vraie,
à l'aide de sennes, de troubles, surtout de tramails, parfois de
nasses et de verveux. Sa chair est de même qualité.
FAMILLE DES ESOCIDES
Le Brochet
Esox lucius, Linné. — Lévrier, Leuvrier (le mâle); Foursoin (la
femelle); Filardeau , Brocheton (les jeunes); Lanceron, Aiguil-
lon, Poignard, Pansar, Poyssan, Bûché, Bronché, Bequè,
Bec de Canard, Bec de Cane, etc. (suivant les localités). — Bron-
cheo (Provence). — Bronche! (Languedoc). — Pihe (Angleterre).
Hecht, Gras Hecht (Allemagne)- — Mock, Greep Visch (Hollande).
Gedde (Norwége). — Yack (Ecosse). — Luzio, Lunio, Luccio
(Italie). — Brochetta, Bronchetta (Basque). — Brochet gris, Bro-
chet doré, Brochet noir, Brochet gentil (Neuchàtel).
Le Brochet, ce Requin des eaux douces, a des caractères
si précis qu'on ne saurait le confondre avec aucun autre
poisson. Son corps allongé, presque uniformément arrondi
depuis la tète jusqu'à la nageoire dorsale, légèrement com-
primé sur les Hancs, se rétrécit ensuite au delà de cette
nageoire; il est couvert de petites écailles, minces et adhé-
rentes, avec le bord basilaire festonné. La tête allongée et
fortement aplatie en dessus se termine par un large museau
dans lequel s'ouvre une grande bouche fendue jusqu'au ni-
veau de l'œil. Des dents, les unes fortes, les autres plus fines
sont réparties sur le maxillaire inférieur, les inter-
maxillaires, les palatins et le vomer. La ligne latérale est
Fio. 93. — Le Brochet.
K
B)
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a
-4
■■
*K
168 POISSONS DES EAUX DOECES
peu marquée; la nageoire dorsale est fortement reportée en
arrière et opposée à l'anale ; la caudale est longue et échan-
crée (fig. 95).
La coloration du Brochet est assez variable; la partie su-,
périeure du corps et le dos passent du vert olive au vert
jaunâtre, tandis que ces mêmes teintes s'atténuent sur les
flancs; le ventre est d'un blanc argenté. Sur les côtés s'éten-
dent des bandes ou marbrures transversales, très peu régu-
lières, d'un olivâtre très foncé. Les nageoires dorsale, anale et
caudale ont une teinte brune lavée de blanc, de jaune ou de
gris, tandis que les nageoires paires sont plus rouges
Le Brochet atteint parfois des dimensions considérables.
D'après M. E. Blanchard, « les individus du poids de 10 à
15 kilogrammes ne sont pas très rares; on en cite du poids
de 20 à 25 kilogrammes, seulement ceux-là doivent être peu
communs. Le Brochet se trouvant dans les conditions les
plus favorables à son développement dans les pays froids,
ce poisson atteindrait fréquemment, assure- t-on, la lon-
gueur de 1 mètre à l m ,50 dans les eaux de la Norvège, de
la Suède, de la Sibérie. On a parlé de Brochets ayant des
dimensions bien autrement considérables, et le poids énorme
de 50 à 70 kilogrammes, mais il est toujours nécessaire de
faire la part des exagérations. »
Nous voyons le Brochet dans presque tous les cours d'eaux
douces, rivières et étangs de la France; cependant il parait
encore faire défaut dans quelques localités, comme le dépar-
tement des Pyrénées-Orientales, le Var, une partie des
Alpes-Maritimes, les environs d'Agde, le canal du Midi, le
lac d'Annecy, etc. ; c'est évidemment une simple question
d'acclimatation qui ne saurait tarder à être résolue. Il' se
plaît de préférence dans les eaux tranquilles, et s'y reproduit
avec la plus grande facilité ; on en a vu se développer dans
des étangs fermés qui avaient été a u préalable vidés avec le
plus grand soinj les oiseaux aquatiques avec leurs pattes
l.E BROCHET 1Q9
engluées de paquets d'œufs se chargent de ce repeuplement
improvisé. C'est le plus vorace de tous nos poissons. Insa-
tiable clans ses appétits, écrivait Lacépède, il ravage avec
une promptitude effrayante les rivières et les étangs. Féroce
sans discernement, il n'épargne pas son espèce, et dévore
ses propres petits.
On pêche le Brochet de diverses manières. En été il ne
mord guère, et passe sa journée à se chauffer au soleil ou à
dormir; mais il se met en chasse le matin et le soir, c'est
alors le meilleur moment pour le prendre. L'époque la plus
favorable est de septembre à décembre. Pour pêcher le Bro-
chet à la ligne, il convient de se munir de solides engins ; on
amorce l'hameçon avec un poisson vivant, Gardon, Goujon,
Chevaine, tous sont bons pourvu qu'ils soient susceptibles de
frétiller encore dans l'eau une fois embrochés sur l'hame-
çon. Dès que le Brochet a saisi l'appât, au lieu de le ferrer
immédiatement, il faut au contraire le laisser filer quatre ou
cinq minutes; on l'amène ensuite bien plus facilement.
Souvent on prend des Brochets à la ligne dormante de
jour ou de nuit, avec des hameçons doubles, empilés sur des
fils métalliques à l'abri des dents du Brochet et amorcés avec
des poissons vivants. On se sert également de piquets-
grelots à poulie, sur lesquels on enroule une longue ligne,
Les gros Brochets se prennent aux bricoles comme nous
l'expliquerons plus loin. Quelques pêcheurs adroits font
usage d'un véritable collet : à l'extrémité d'une perche lé-
gère, de 3 mètres de longueur, on attache un collet de fort
osier ou de fil de laiton ; lorsqu'en plein soleil le Brochet est
tranquillement reposé au fond d'une eau claire et peu pro-
fonde, on passe adroitement le nœud coulant ou collet sous le
poisson, sans le toucher, jusqu'au delà des ouïes; d'un coup
sec on enlève le tout et le Brochet s'en va sauter sur la rive.
Enfin on prend également bien souvent les Brochets à la
cuiller.
LocAR», I.a Pèche,
10
170 POISSONS DES EAUX DOUCES
La chair du Brochet est très bonne; mais encore faut-il
distinguer les époques et les provenances. Le Brochet de
rivière est toujours préférable au Brochet des étangs qui
bien souvent a un goût de vase ; les beaux Brochets des
grands lacs de Suisse sont particulièrement estimés. Trop
jeune, la chair du Brochet est sèche et a trop d'arêtes; trop
vieille, elle devient fade et coriace. Un Brochet de deux ans
au moins, élevé dans une eau pure et limpide, riche en
petits poissons, a une chair blanche, grasse et ferme qui con-
stitue un mets délicat et recherché.
FAMILLE DES MURENIDES
L'Anguille commune
Anguilla vulgaris, Varell. — Anguillon, AnàouilU, Piban, Pi-
balle, Mourguin, Chapteuse, Ortailla. Verniaux (suivant les
localités). — Civelles (Anjou, Nantes). — Pibales, lliquarces, llou-
geironne, Jiairon (vallée du Rhône). — Eel (Angleterre). — Aal
(Angleterre). — Ail (Suède). — Ingola (Hongrie). — Anguilia
(Italie). — Anguia Inguia (Portugal).
On distingue en France plusieurs sortes d'Anguilles ayant
chacune une forme de tête différente; mais toutes ont le
corps cylindrique et allongé, recouvert d'une peau épaisse et
lisse, avec de petites écailles dissimulées sous cette peau. La
tête est allongée sans que l'une des mâchoires dépasse l'autre,
et toutes deux portent des dents disposées en cardes; les
intermaxillaires et le vomer sont également dentés. La na-
geoire dorsale, l'anale et la caudale sont soudées ensemble,
et cette dorsale commence assez loin de la tête. Les princi-
pales espèces d'Anguilles sont les suivantes :
L'Anguille commune. — Chez ce type, la tête est com-
primée, et l'œil petit est immédiatement au-dessus des an-
gles de la bouche. Le museau, arrondi, porte deux petits
L'ANGUII-LK ÇO,\JMI.JMi
171
172 POISSONS DES EAUX DOUCES
tentacules de chaque côté. Le maxillaire inférieur dépasse à
peine le supérieur et tous deux sont armés d'une bande de
petites dents. La ligne latérale est droite. Les parties supé-
rieures du corps sont d'un gris olivâtre qui s'atténue sur les
flancs, tandis que le ventre est blanc; mais ces couleurs sont
d'autant plus chaudes et brillantes que le poisson a été pris
dans des eaux plus vives et plus pures. Cette forme se trouve
dans toute la France.
L'Anguille à large bec. — Chez cette Anguille, la tête
est très large, arrondie dans sa partie postérieure et aplatie
dans la région nasale. La mâchoire inférieure est moins
saillante et les yeux proportionnellement plus grands. On
la pêche dans toute la France, souvent sous le nom de Pim-
perneux ou d'Anguille à bec plat (fig. 97).
L'Anguille à bec moyen. — L'anguille à bec moyen
(fig. 98) a la tête conique, assez élargie à la hauteur des yeux,
mais diminuant ensuite insensiblement jusqu'à l'extrémité
du museau. D'après M. E. Blanchard les narines servent
plus linéaires que chez les formes précédentes. C'est cette
Anguille que nos pêcheurs qualifient de verniaux ; c'est
peut-être la plus commune et la plus répandue.
L'Anguille à becoblong. — D'après le même auteur, on
pêche dans l'Huveane, près de Marseille, dans le Lot et
dans le lac du Bourget une forme intermédiaire entre l'An-
guille à bec moyen et l'Anguille à long bec ; sa tête est
moins large à la base que chez la première et moins grêle que
chez la seconde; le museau est plus court et plus obtus
(«g. 99).
L'Anguille à long bec. — Cette Anguille a le corps plus
étroitement effilé, la tête petite, étroite, même à la hauteur
des yeux et s'amincissant en pointe effilée à son extrémité.
Les yeux sont plus latéraux et les mâchoires plus grêles
(fig. 99). Elle parait moins répandue que les formes pré-
cédentes.
L'ANGUILLE COMMUNE 173
La genèse des Anguilles a été bien longtemps plongée clans
les plus noires ténèbres, et encore aujourd'hui plus d'un
point de détail échappe-t-il aux observateurs. Ces poissons
vivent alternativement dans l'eau douce et dans l'eau salée ;
mais à l'inverse des Saumons, des Esturgeons, des Aloses et
de tant d'autres, c'est dans la mer qu'ils se réunissent pour
Rio. 97.
Fia. 9S.
FlO. 99.
Fia. '97. — Tète vue en dessus de l'Anguille à large bec.
Fig. 98. — ■ Tète vue en dessus de l'Anguille moyen bec.
Fui. 99. — Tète vue en dessus de l'Anguille à long bec.
donner naissance à leurs petits; au moment du frai ils
gagnent les grands fonds ; plus tard les petits, réunis en
grande troupe, regagnent les cours d'eau douce, et donnent
lieu à ce que l'on nomme la remontée; les grands parents les
rejoignent et tout l'ensemble se disperse plus ou moins loin.
« L'Anguille, dit Brehm 1 , préfère les eaux un peu pro-
fondes dont le fond est vaseux ; cependant, très robuste,
elle s'accommode à peu près de toutes les eaux. Pendant le
1 Pfehm, Les Poissons, édition française, par E- Sauvage, p. 503.
10,
174
POISSONS DES EAUX DOUCES
jour elle se tient cachée dans la vase ou dans les trous
creusés dans la berge; ces trous ont presque toujours deux
ouvertures par lesquelles l'animal peut entrer ou sortir
indifféremment au moment du danger, car l'Anguille nage à
reculons presque aussi bien que dans l'autre sens. Pendant
l'hiver, l'Anguille s'enfouit dans la vase et s'engourdit, ne se
réveillant que vers le printemps. Lorsqu'il fait très chaud
et que l'eau commence à se corrompre, les Anguilles quit-
tent le fond et viennent respirer à la surface ; elles se cou-
chent alors entre les plantes qui bordent le rivage. Souvent
aussi les Anguilles vont à la recherche d'eaux plus pures,
en parcourant sur terre, pendant la nuit, des espaces parfois
considérables. »
Sans nier la longévité proverbiale mais non démontrée de
la Carpe, l'Anguille peut vivre très longtemps, même dans
un aquarium ; on en a vu qui avaient incontestablement plus
de 50 années d'existence. La taille est également très
variable. Une Anguille ordinaire peut mesurer 50 à 60 cen-
timètres de longueur pour un diamètre de 7 centimètres,
mais on en a vu qui atteignaient jusqu'à l m ,40 de longueur
et 8 à 10 centimètres de grosseur. Pour être bonne, l'An-
guille doit avoir un poids d'au moins 2 kilogrammes ; à ce
moment sa chair est grasse, ferme, et a réellement acquis
toutes ses qualités comestibles. On en a péché qui pesaient
jusqu'à 25 et 30 kilogrammes; mais dans de telles conditions
la chair devient fade et fiasque.
On pêche l'Anguille de bien des manières ; sa voracité lui
fait mordre à tous les appâts ; mais les meilleurs sont encore
les gros vers de terre ou lombrics, les boyaux de volaille,
les Vairons et autres petits poissons, et même les sangsues.
On les prend à la ^êche au coup, durant toute la journée, en
ayant toutefois bien soin de convenablement choisir son
milieu, avec un fond vaseux ou marneux, garni de joncs et
çj'herbes, déjà fréquenté par de petits poissons, L'Anguille
L'ESTURGEON 175
avale l'hameçon avec son esche, et souvent cet hameçon se
fixe non pas au bec, mais dans l'estomac. Aucun poisson ne
se défend avec plus de vigueur que l'Anguille ; ce n'est par-
fois pas sans quelques difficultés que le pécheur après avoir
vu l'animal suspendu au bout de sa ligne, peut l'amener au
fond de son panier ; la plupart du temps ce qu'il a de mieux
à faire c'est d'amener le poisson au-dessus du panier et de
couper le fil de la ligne pour y fixer un nouvel hameçon.
La méthode la plus simple pour prendre des Anguilles,
c'est de tendre des lignes de fond la nuit, ou de faire usage
de cordées et de jeux. Dans la vase on les prend bien sou-
vent à la fouëne.
GANOIDES
FAMILLE DES ACIPENSKR1DES
L'Esturgeon
Acipenser stitrio, Linné. — Esturgeon, Stargcon (France). —
Stargenn (Angleterre). — Esturion (Espagne). — Poraletto
(Italie).
Jusqu'à présent les poissons dont nous avons eu à nous
occuper avaient un squelette osseux ; il nous reste à parler
des quelques poissons dont le squelette est cartilagineux.
Nous n'aurons à citer que deux espèces, l'Esturgeon et la
Lamproie, qui appartiennent à deux familles différentes.
L'Esturgeon est un grand poisson qui vit alternativement
dans la mer et dans l'eau douce. Son corps allongé, diminue
graduellement de largeur depuis la tête jusqu'à la nageoire
caudale; il porte cinq rangées longitudinales de plaques.
176 POISSONS DES EAUX DOUCIiS
osseuses externes, présentant une pointe à leur partie cen-
trale. La tête, large à la base, se termine par un museau
allongé et pointu, portant une large bouche sans dents et
Fia. 100. — Tète, vue en dessus, de l'Esturgeon.
ouverte en dessous ; entre la bouche et la pointe du museau
sont logés quatre barbillons. La nageoire dorsale est très
en arrière et peu développée ; les pectorales arrondies s'in-
sèrent très bas ; les ventrales sont reportées près de l'anale,
et la caudale est à lobes très inégaux (fig. 100 et 101). Sa
178 POISSONS DES EAUX DOUCES
coloration est d'un brun jaunâtre sur le dos, devenant de
plus en plus clair sur les flancs et passant au blanc sous le
ventre. Sa taille peut atteindre jusqu'à 5 et 6 mètres de lon-
gueur, mais il rare d'en voir sur nos marchés qui mesu-
rent plus de 2 mètres.
C'est surtout dans le nord de l'Europe que vit l'Esturgeon.
Il se montrait autrefois, paraît-il, bien plus fréquemment
dans nos fleuves de France et dans nos affluents. Aujourd'hui
on le rencontre dans le Rhône, la Gironde, la Loire et beaucoup
plus rarement dans la Seine. C'est au moment de la ponte,
c'est-à-dire en avril et mai, qu'on le voit quitter les mers
pour remonter plus ou moins loin dans les fleuves. Les
plus grands peuvent donner des quantités d'œufs considé-
rables; ces œufs, convenablement préparés, sont consommés
sous le nom de caviar; avec la vessie natatoire qui est par-
ticulièrement développée, on fait l'ichthyocolle.
La chair de l'Esturgeon est très agréable ; quoique un peu
grasse, elle a une saveur très fine et très délicate. Dans
nos pays on le prend de mai en août ; il mord assez rarement à
la ligne; c'est surtout dans les nasses et les filets qu'on peut
arriver à le capturer. En France on le mange toujours frais ;
mais en Russie, où l'on en fait une consommation considé-
rable, on le sale et on le fait sécher.
FAMILLE DES PETROMYZONIDES
La Lamproie marine
Petromyzon marinus, Linné. — Grande Lamproie, Lamproie
marbrée, Anguille Lamprosée (suivant les localités). — Lampré,
Lamprezo (Midi de la France). - Lamprey (Angleterre). — Lam-
prete (Allemagne). — Zee Lamprey (Hollande). — Lampreda
(Italie). — Lamprea (Espagne).
Les poissons de la famille des Pétromyzonides sont fibro-
cartilagineux à corde dorsale persistante; ils ont une bouche
r
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S
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Fit;. 102. — Lamproie marine.
180 POISSONS DES EAUX DOUCES
de forme arrondie entourée d'une lèvre contractile, qui joue
le rôle de suçoir et leur permet de s'attacher aux corps
solides qu'ils rencontrent dans l'eau; à l'intérieur de cette
bouche on distingue des dents en forme de petits tubercules
revêtus d'une gaine cornée et disposés sur un ou plusieurs
rangs à la surface du disque entourant la bouche (fig. 103).
Leur corps est cylindrique, dépourvu de nageoires pec-
torales et ventrales ; les dorsale et anale sont soutenues par
de nombreux rayons cartilagineux.
l'iG. 103. — Bouche de Lamproie marine.
La Lamproie marine (fig. 102), a le corps long, arrondi
en avant, comprimé à l'extrémité, recouvert d'une peau
épaisse enduite d'une abondante couche de mucosités. La
tête, arrondie à son extrémité, n'est en quelque sorte qu'un
LA LAMPROIE MARINE
181
prolongement du corps; entre deux petits yeux s'ouvre un
évent qui communique avec le sac branchial et permet à
l'eau d'y pénétrer lorsque l'animal est fixé par sa ventouse
buccale ; les branchies sont cachées sous la peau et com-
muniquent avec l'extérieur par sept paires d'ouvertures cir-
culaires placées de chaque côté du cou.
Comme l'a fait observer M. E. Blanchard ', ce qu'il y a de
plus remarquable chez la Lamproie marine, c'est la bouche
complètement circulaire, vaste suçoir, énorme ventouse,
entourée d'une lèvre charnue garnie de cirres, ayant pour
support une lame cartilagineuse. (Jette bouche est pourvue,
sur toute sa surface intérieure, de rangées circulaires de
fortes dents, les unes simples, les autres doubles; les plus
grosses occupent la partie centrale, les plus petites formant
les rangées extérieures. Une grosse double dent, située au -
dessus de l'orifice buccal, marque la place de la mâchoire
supérieure. Une large lame formant sept ou huit grosses
dents, représente la mâchoire inférieure. La langue porte
aussi trois larges dents profondément découpées sur leurs
bords (fig. 103).
La taille de ces singuliers poissons peut atteindre jusqu'à
1 mètre de longueur. Leur dos est ordinairement d'un brun
un peu olivâtre tirant parfois sur le noir, plus clair sur les
côtés ou même un peu jaunâtre, avec le ventre d'un blanc
un peu plombé ou jaunacé ; tout le dos et les lianes sont cou-
verts de taches et de bandes confuses très irrégulières et do
teinte plus sombre.
C'est au printemps que la Lamproie marine quitte la mer
pour venir frayer en eau douce; elle remonte alors les grands
fleuves et leurs affluents, parfois fort loin ; c'est ainsi qu'il n'est
pas rare d'en voir jusque dans la Savoie ; elles se tiennent
d'ordinaire sur les fonds, mais remontent les plus forts cou •
1 Emile Blanchard, Les Poissons des eaux douces, p. 312.
Locard, La Pécte. 11
182 POISSONS DES EALX DOUCES
rants en donnant à leur corps un mouvement serpentiforme.
Elles se nourrissent de vers, de mollusques, d'insectes, et ne
craignent point, dit-on, de s'attacher aux gros poissons avec
leur puissante ventouse. Pour frayer, elles se creusent un
long sillon où s'installe chaque couple jusqu'après la ponte.
Dans certaines contrées du centre et du midi de la France,
et plus particulièrement sur les bords de la Loire, la Lam-
proie marine est fort estimée; on en fait des pâtés qui ont
une certaine réputation. La chair de ce poisson, encore plus
grasse que celle de l'Anguille, est néanmoins d'assez bonne
qualité, mais il est bon qu'elle soit habilement préparée. Avec
son mode de conformation buccale il ne faut pas songer à
prendre la Lamproie à la ligne; on la pêche à la main, avec
la nasse, le verveux. le loup, la foëne, etc , dont les formes
varient un peu suivant les pays.
La Lamproie fluviatile
- etromyson fluviatilis, Linné. — Petite Lamproie, Lamprillon,
Lamproie a" Alose, Fifre, Petite Lampresse, Pibjle, Bête à sept
trous, Sept-Veil, etc. (suivant les localités). — Lampera (Angle-
terre). — Prick Neunauge (Allemagne). — Mirroggi (Russie). —
Nathing (Suède). — Silmuhd (Esthonie). — Lampreda (Italie).
— Lamprea (Espagne).
Cette espèce, voisine de la précédente, est cependant tou-
jours de taille beaucoup plus petite, puisqu'elle ne dépasse
que bien rarement 30 à 40 centimètres de longueur. Elle est
surtout caractérisée par son mode de dentition : il n'existe
plus qu'une seule rangée circulaire de dents; une lame semi-
circulaire portant deux dents au-devant de l'orifice, occupe
la mâchoire supérieure ; la mâchoire inférieure est représentée
par une lame transversale garnie de sept petites dents
aiguës.
La coloration du dos est d'un brun olivâtre plus ou moins
foncé passant au gris plombé ; les flancs ont une teinte qui
LA LAMPROIE DE PLANER 183
varie du blanc gris-bleuté au jaune clair, tandis que le
ventre est blanc argenté ou à peine lavé de jaunâtre. On
n'observe pas de marbrures sur la partie supérieure du corps
comme chez la Lamproie marine. Enfin les nageoires ont une
teinte un peu violacée.
On trouve cette Lamproie dans presque toutes nos riviè-
res, mais elle est plus rare qu'autrefois. Au printemps, ces
poissons s'accouplent par paires et la ponte a lieu en mai;
à ce moment, les femelles se distinguent aisément des mâles
par la largeur de leur bouche et de leur abdomen ; ils forment
au fond des cours d'eau une sorte de nid allongé, creusé dans
la vase, et dans lequel ils déposent leurs œufs. Leur chair
est assez délicate et passe pour fort appréciée dans certains
pays. On pêche ces poissons à la main ou mieux encore dans
les filets.
La Lamproie de Planer
Petromyzon Planeri, Bloch. — Petite Lamproie, Sucet, Civelle,
Sepl-n'il rouge, Chatouille, Satouille, LamprMon. Ammo-
caete, etc. (suivant les localités). — Fringed-Lipped, Lampera
(Angleterre).
Ce curieux petit poisson présente de bien singulières par-
ticularités. Et d'abord, on le distingue des autres Lamproies,
à sa taille plus petite, puisqu'elle ne dépasse pas 20 à 25 cen-
timètres de longueur, à son corps plus gros, à ses nageoires
dorsales qui se succèdent sans interruption, enfin à ses dents
obtuses; son dos est d'un vert plus ou moins jaunâtre,
et le ventre est presque blanc. Mais avant d'arriver à sa
taille définitive, cette petite Lamproie subit de véritables
métamorphoses, de telle sorte que l'on serait porté à la
désigner sous des noms différents jusqu'au moment où elle
est parvenue à un degré de fixité définitif.
Tant qu'elle n'a pas subi ses métamorphoses, la petite
184 POISSONS DES EAUX DOUCES
Lamproie prend le nom à'Ammocéte. A cet état, son corps
est plus cylindrique et sa bouche est en fer à cheval, sans
D BAC
Fio. 104. — A, Portion antérieure de la Larve (Ammocceles), vue de profil;
B, la même vue en dessous: C, portion antérieure d'une larve plus
âgée ou les yeux commencent à paraître ; D, la même, vue en dessous ;
E, portion antérieure, vue de profil, d'une jeune Lamproie dont l'appa-
reil dentaire est encore incomplètement développé; l*', la môme vue en
dessous; G, portion antérieure, vue de profil, d'une Lamproie adulte;
II, la même vue en desso is (d'après E. Blanchard).
aucune dent, avec la lèvre inférieure en saillie. Petit à petit
la bouche s'arrondit, les lèvres passent à l'état de bourrelet;
LA LAMPROIE DE PLANER 185
l'œil, d'abord peu distinct et comme voilé, devient plus ap-
parent, les dents se manifestent, la peau enfin est plus bril-
lante et plus argentée (fig. 104). Ce n'est qu'au bout de
la troisième année, et quelquefois de la quatrième, que la
transformation est complète. C'est alors qu'a lieu la ponte,
en mars et avril ; mais bientôt après ces poissons ne tardent
pas à mourir.
La Lamproie de Planer ne quitte jamais les eaux douces;
elle est commune en France, dans les rivières et ruisseaux
fond un peu sablonneux ; à l'état d'Ammocète, elle se tient
cachée dans les milieux obscurs, sous les pierres, dans la
vase, fuyant la lumière et le grand jour, vivant des cor-
Lamproie de Planer.
puscules que le courant fait sans cesse défiler à sa portée.
Mais une fois adulte (fig. 103), elle devient beaucoup plus
active, et on la voit en pleine lumière courir sur le sable
fin.
Ce n'est paslà un poisson comestible, du moins pour l'espèce
humaine, et pourtant le pêcheur le recherche toujours avec
le plus grand soin; c'est qu'en effet il n'est pas de meilleure
esche pour la pêche des poissons carnassiers de nos eaux
douces. L'Anguille, le Brochet, la Truite, etc., en sont par-
ticuliènment friands ; cette petite Lamproie embrochée par
le dos, conserve dans l'eau sa vitalité pendant très longtemps,
et s'agitant ainsi au bout de la ligne durant une longue
186
POISSONS DES EAUX DOUCES
agonie, elle sert d'appât à de nombreux poissons; on la
pêche avec des nasses, des guideaux et de petits filets
mobiles.
Tel est l'ensemble de la faune ichtyologique indigène de
la France. Pour être complet il conviendrait encore de
signaler ici un certain nombre d'espèces étrangères dont
l'acclimatation a été plus ou moins fructueusement tentée;
signalons notamment : la Sandre ou Sandat (Lucioperca
Sandra), de l'est de l'Europe ; la Perche noire (Perça
nigrescens), d'Amérique; le Macropode de Chine ou Para-
disier (Macropodus paradisii), de Chine; le Binny ou
Barbeau du Nil (Cyprinus lepidotus) ; la Fondule cyprinote
(Fondula cyprinodonta), d'Amérique; le Silure (Silurus
Glanis), du nord-est de l'Europe ; le Saumon du Danube
ou Heusch (Salmo Hucho), du Danube ; le Quinnat ou
Saumon de Californie (Salmo Quinnati); le Saumon des
lacs (Salmo lucustris) du Nord ; la Truite de fontaine
(Salmo fontinalis), d'Amérique; le Corégone blanc ou
White-Fish (Coregonus albusj, d'Amérique ; le Sterlet
(Acipenser ruthenus), du Volga; etc.
DEUXIEME PARTIE
LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
On peut pêcher, c'est-à-dire prendre du poisson, de bien
des manières différentes. L'esprit humain toujours inventif,
surtout lorsqu'il s'agit de pourvoir à l'alimentation, a pu,
depuis des siècles, se donner une vaste carrière pour décou-
vrir les engins les plus perfectionnés, les procédés les plus
habiles en vue de la pêche du poisson. Pour décrire ces
nombreux appareils et procéder avec un peu de méthode,
nous diviserons la pêche en deux grandes catégories : d'une
part, les pêches faites avec des lignes de quelque forme
ou nature qu'elles soient; d'autre part, les pêches faites avec
des nasses, des filets divers ou d'autres engins.
Dans la pêche avec des lignes, nous examinerons succes-
sivement : 1° la construction des différents éléments do la
ligne elle-même; 2° les accessoires nécessaires au pêcheur;
3° les amorces; 4° les divers genres de pêche que l'on peut
effectuer avec ces engins. Dans un second chapitre, nous
passerons en revue les principales catégories de nasses, de
filets et autres instruments destinés à pêcher sans le secours
de la ligne; nous indiquerons en même temps la manière de
se servir de chacun de ces appareils.
188
I.A l'KCIIE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
DE LA PECHE A LA LIGNE
CONSTRUCTION DES DIVERS ÉLÉMENTS DE LA LIGNE
La ligne proprement dite est une cordelette plus ou moins
fine destinée à porter un petit crochet métallique ou hameçon
qui doit servir à accrocher le poisson. Malheureusement, les
lignes dont on doit faire usage ne sont pas d'une aussi grande
simplicité; on les soutient et on les monte sur une canne;
on les construit avec des éléments divers : soie, fil, crin, etc. ;
pour les faire flotter, on les munit d'un liège, tandis qu'un
plomb est nécessaire pour en faire plonger l'extrémité ;
enfin, l'hameçon, dont les formes sont très variées, doit être
attaché à la ligne avec des soins tout particuliers; de là au-
tant de questions à examiner.
Cannes. — Le premier bâton venu peut faire une canne
à pêche; mais bien des bâtons sont lourds et, s'ils sont un
peu longs, ils ne deviennent plus maniables. Il faut donc
procéder avec un certain éclectisme dans le choix de ce pre-
mier engin. Une bonne canne doit être à la fois légère,
roide, droite, élastique et suffisamment résistante pour ne
point rompre sous la charge du poisson qui pendra à son
extrémité. Mais il n'est nullement nécessaire qu'elle soit
d'un seul morceau. Le roseau du midi de la France, le bam-
bou des Indes ou de la Chine, le noyer d'Amérique ou bois
d'hicory sont les bois les plus usités pour la confection des
cannes. On vend chez tous les marchands d'articles pour la
pêche toutes sortes de cannes, depuis les plus simples, con-
stituées par la modeste baguette de coudrier, jusqu'aux plus
élégantes montées sur argent. Entre les deux, on peut lar-
gement choisir. Celles-ci se démontent en morceaux d'égale
longueur et peuvent former un petit faisceau que l'on serre
dans un fourreau protecteur; celles-là s'emboîtent mor-
l.A PECHE A I.A I Hi.NE
1-9
ccau par morceau, rentrant les uns dans les autres, de telle
sorte que le tout constitue une véritable canne comme celle
dont se servent les marcheurs. Voici, par exemple (fig. 106),
le type d'une bonne ligne, commode et pratique ; elle se
divise en quatre ou cinq morceaux de l m ,20 à l m ,50 de lon-
gueur; suivant le genre de pèche que l'on veut adopter, on
emmanche deux, trois ou quatre morceaux les uns à la suite
des autres et l'on obtient des cannes de 2 n \50 à 7 et 8 mètres
^53
Fij. 106. Canne eu bambou à moulinet.
de longueur. Le morceau le plus gros est un bambou; sa
base est vissée et peut recevoir un bouton, comme dans la
figure, ou une pique lorsque l'on veut ficher la ligne en
terre ; chaque extrémité porte une virole qui recevra la
virole du bout suivant. On peut, du reste, fabriquer parfai-
tement bien soi-même ses cannes; après avoir choisi des ro-
seaux bien secs, on y fixe les viroles que l'on trouve toutes
faites chez les marchands de parapluie, soit avec une petite
cheville en métal, soit avec delà gomme-laque à chaud.
Scion. — On désigne sous ce nom la petite extrémité de
la canne. C'est une des parties importantes de l'instrument;
c'est en somme la plus exposée à se rompre dans le cas
d'une tension trop forte; on la fait avec un bois plein et bien
choisi, flexible et très résistant. Le bambou, le cornouiller
sanguin, le troène, les épines noires et blanches, le fusain,
Je péfîier, etc. ( sont de bons t>oi«, très opnvenables pour 1^
Mi
{90 LA. PÊCHE DES POISSONS EX EAUX DOl'CES
confection du scion; on en fait également en baleine, mais
ces derniers ne sont jamais bien longs. Une fois en pêche, un
scion vient-il à se casser, un adroit pêcheur doit pouvoir
le réparer sur place; si la cassure présente de chaque côté
des débris allongés, il les rapproche et entoure le tout d'une
forte ligature longue et serrée ; la cassure est -elle franche,
il entaille un des bouts en encoche, l'autre en bec de flûte, et,
faisant pénétrer l'un dans l'autre, il les consolide par une
même ligature.
Pied de canne. — Dans certaines pêches, où l'on fait
usage de cannes exceptionnellement longues, le bras du plus
robuste pêcheur finirait par se lasser ; la canne alors repose
à son extrémité inférieure dans le sol ; à cet effet, on pose
sur sa base un pied, soit avis, soit à virole, terminé par une
pointe en fer résistante, courte, pouvant entrer solidement
dans la terre.
Moulinet. — Il n'est pas de bonne canne sans moulinet;
c'est un instrument fort simple et qui rend les plus grands
services. Le moulinet (fig. 107) est une sorte de bobine
montée solidement sur le bois de la canne et sur laquelle
vient s'enrouler l'extrémité de la ligne. Un gros poisson
vient-il à se faire prendre, même lorsque vous péchez le menu
fretin, et cela arrive plus d'une fois, votre ligne ou votre
canne sera infailliblement rompue si elle n'est pas armée d'un
moulinet. Mais si votre appareil est bien monté, vous n'avez
qu'à laisser le moulinet se dérouler lentement au moment où
le poisson veut fuir, et celui-ci, bientôt las et épuisé, se
laissera ramener par le jeu inverse de l'appareil jusqu'au
moment où, prêt à sortir de l'eau, vous le recueillerez dans
votre épuisette. Enfin, suivant les besoins de la cause, le
moulinet permet à volonté de raccourcir la ligne ou de
l'allonger.
On fait des moulinets de toutes les formes; les plus simples
sont les meilleurs. La bobine est composée de deux disques
LA PECHE A LA LIGNE 19 1
reliés par des traverses, le tout en métal, ordinairement en
cuivre; on la monte ou démonte à volonté sur la canne et
l'on fait jouer l'ensemble à l'aide d'une petite manivelle laté-
rale. Tel est le moulinet ordinaire. Mais veut-on un mouve-
ment plus rapide, on ajoute, sur le flanc de la bobine, deux
m
• %
Fiu. 1Û7. — Moulinet.
petits engrenages qui multiplient la rapidité du mouvement,
de telle sorte qu'à deux ou trois tours de la manivelle cor-
respondent quatre ou neuf tours du moulinet, suivant la
dimension des engrenages. Mais quelque simple que soit le
moulinet, il est prudent de le munir d'un encliquetage qui a
pour effet de l'empêcher de tourner seul ; c'est une petite
roue dentée placée latéralement et qui reçoit un arrêt mobile
venant se loger entre les dents, de façon à empêcher la roue,
et partant la bobine, de se dérouler tant que l'arrêt fonc -
tionne sur la dent.
Lignes. — La ligne est la cordelette qui, d'une part, est
fixée à la canne, soit directement, soit sur le moulinet, et,
d'autre part, porte l'hameçon. Parfois, dans certaines pêches,
192
LA PÊCHK DES POISSONS EN EAUX DOUCES
on supprime la canne, et la ligne est alors qualifiée de ligne
de fond. Tout bon pêcheur possède ce qu'il appelle volontiers
son régiment de lignes, car, suivant le genre de pêche auquel
il veut se livrer, il conviendra de faire usage de tel ou tel
genre de ligne ; mais, en principe, une bonne ligne doit être
à la fois fine pour ne pas effaroucher le poisson, et forte pour
pouvoir lui résister. On fait surtout usage du fil, de la soie,
du boyau de vers à soie et du crin.
Le fil sert non seulement à la confection des filets, mais
encore pour les lignes un peu fortes; on n'emploie pas le fil
simple, mais bien le fil retors, à deux ou au plus trois brins,
bien égal, sans nœuds, de moyenne torsion, fait avec du
chanvre fin pas trop roui. Il sert surtout pour les lignes de
fond et pour les corps de lignes à canne, c'est-à-dire pour
toute la partie de la ligne qui reste hors de l'eau et forme
bannière depuis le bouchon jusqu'à l'extrémité delà ligne ou
même jusqu'au moulinet, s'il y en a un.
La soie pour lignes estfaite d'un cordonnet très retors et
de grosseur variable, ordinairement de neuf brins filés à
part et retors ensemble ; mais ainsi préparée, la soie se vrille
toujours lorsqu'elle est neuve; il faut donc avoir bien soin
de la dévriller pour l'empêcher de faire des noeuds ;
cette opération se fait en la plongeant dans l'eau et en la
faisant glisser fortement et à plusieurs reprises entre les
doigts mouillés, d'un bout à l'autre, tout en la laissant
tourner sur elle-même. Il est toujours bon de tremper ses
soies de ligne dans un bain d'huile bien siccative ou lithar-
gée; elles se conservent ensuite bien mieux. Enfin quelques
pêcheurs teignent leur soie en vert d'eau ou en vert pré pour
moins effaroucher le poisson.
Le crin est un fil à la fois fort, élastique, résistant et très
peu visible dans l'eau; il rend de grands services aux
pêcheurs; on emploie le plus souvent deux crins tordus
ensemble (fig. |08), e| comme ils seraient trop courts, on Je§
I.A l'KCHE A LA LIGNE
193
réunit par un petit nœud solide. On se sert du crin soit pour
des lignes complètes, soit pour des extrémités de lignes.
Sous le nom de jiorence, crin de florence, boyau de
ver à soie, on vend dans le commerce un fil transparent,
d'une extrême résistance, obtenu à l'aide du ver à soie de
la manière suivante. On prend un gros ver au moment où il
va faire son cocon et on le plonge dans du vinaigre blanc
très fort pendant vingt-quatre heures; tenant alors lever
par son extrémité, on étire le fil soyeux conservé dans le
corps de l'animal; plus ce brin est régulier, transparent,
bien arrondi, meilleur il est. On garde ces fils avec leur
couleur naturelle ou bien on les teint en vert pâle.
C'est avec ces différents éléments que nous constituerons
nos lignes. Tantôt la ligne est simple, c'est à-dire composée
d'une seule nature de fil, tantôt elle est multiple ou en queue
de rat, c'est-à-dire faite avec des éléments dont la grosseur
va toujours en diminuant.
Fio. ms.
Crins tordus et noués.
L'avancée (fig. 108), ou partie voisine des hameçons doit
toujours être fine et solide; le crin ou la fiorence sont sur-
tout les fils avec lesquels on fait les avancées, soit qu'il
s'agisse d'une ligne à canne, soit que l'on ait à faire à une
cablière servant de ligne de fond. Or, comme il s'agit de
réunir ensemble ces différents brins, le pêcheur doit savoir
confectionner certains nœuds qui lui garantissent la solidité
de ces divers assemblages.
Les nœuds qui servent à réunir les différentes parties de
la ligne sont extrêmement nombreux ; mais ils peuvent se
réduire à deux, l'un pour rattacher un fil brisé dans sa con-
tinuité, l'autre pour asçerobjer deux fils isolés. Dans Je prç?
194 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
mier cas, on n'est pas maître des extrémités opposées à celles
qu'il faut réunir; on l'est au contraire dans le second. La
(flg. 109) montre le premier nœud, dit nœud anglais; on fait
Fie. 109. — Nœud anglais.
un demi-nœud D à l'extrémité de la partie N, mais autour
de D B ; de même pour B, autour de N N ; on rapproche les
deux demi -nœuds, et l'on serre Je tout. Ce nœud offre l'avan-
tage que les deux parties tirent directement suivant une
même ligne droite.
Pour faire le nœud du pêcheur (fig. 110), on met
(fig. 110, a), les extrémités opposées du fil empiétant de
7 à 8 centimètres l'une sur l'autre ; puis l'on fait passer deux
fois l'autre extrémité dans une boucle de A B réunis, ce qui
Fig. 110. — Nœud du pêcheur.
donne la figure 110, b; on tire alors avec précaution et très
également sur les quatre parties, et l'on forme le nœud R
(fig. 110, c); on coupe les deux bouts inutiles.
Enfin il est un troisième nœud fort utile, c'est la demi-clef.
Veut-on réunir une avancée de crin ou deflorence à la ligne?
L'avancée porte une boucle en B( fig. 111) ; on passe la ligne
A dans cette boucle, puis on fait avec le petit bout et l'autre
un simple nœud, en ayant soin de prendre dans ce même
■nœud l'extrémité de la ligne, de façon à former une boucle;
on défait ce nœud en tirant sur le petit bout.
LA PECHE A LA LIGttE
195
Les différents éléments de la ligne étant ainsi préparés,
il s'agit de la monter sur la canne ; à cet effet, la canne porte
sur toute sa longueur un certain nombre d'anneaux, comme
Fie. m. — Demi-clef.
on peut le voir dans la figure 106 ; on fait passer dans
chacun d'eux le gros bout de la ligne et l'on vient en fixer
l'extrémité sur le tambour du moulinet. Tous ces anneaux
sont solidement fixés sur la canne et exactement dans la
même alignée. N'a-t-on qu'une simple canne sans mou-
linet, on fixera solidement à l'extrémité du scion, par une
double ou triple série de nœuds équidistants, l'extrémité de
la ligne.
Mais la pèche est finie, le pêcheur veut rentrer ses engins;
il doit plier sa ligne s'il veut la conserver en bon état. Il
existe plusieurs sortes àe plioirs. Les plus simples sont faits
avec une petite planchette de forme rectangulaire encochée
à ses deux extrémités; on fait entrer le gros bout de la
ligne dans une fente latérale et on entortille la ligne réguliè-
rement en la faisant successivement passer d'une encoche
dans l'autre. On fait également des plioirs circulaires ou
tours ; ce sont de véritables poulies à gorges autour des-
quelles on enroule la ligne. En thèse générale, les plioirs
les plus simples et les plus légers sont toujours les meil-
leurs.
Un des accessoires importants de la ligne, c'est l'éme-
rillon. C'est un petit appareil que l'on interpose sur la lon-
gueur de la ligne, au voisinage de l'avancée et qui a pour
but de permettre à l'avancée de tourner à volonté sur elle -
19ti LA PÈC 1E DÏ& POISSONS EN EAUX DOUCES
môme sans que le reste de la ligne se déplace; dans cer-
taines sortes de pèche, où l'amorce doit être animée d'un
mouvement rotatoire, l'émerillon est indispensable. Nous
en indiquerons plusieurs formes (fig. 112), le premier est dit
émerillon double à boucles fermées ; chaque boucle reçoit un
Fig. H2. — Emerillon A, ènierillon double à boucles fermées; fi, éme-
rillon double ù crochet; D, émerillon simple à crochet.
des bouts de la ligne ou de son avancée ; le second est
l'émerillon double à crochet ; on enfile l'extrémité de la
ligne dans. la boucle, tandis que le crochet reçoit l'avancée;
enfin dans l'émerillon simple à crochet, le crochet seul est
mobile dans le milieu du petit disque qui porte la boucle.
Flotte. — La ligne étant construite, il faut l'armer d'une
flotte ou bouchon, pour lui permettre de se maintenir à la
surface de l'eau et pour indiquer au pêcheur les mouve-
ments que le poisson fera subir à l'hameçon lorsqu'il viendra
l'attaquer. On fait des flottes de toutes sortes, le plus ordi-
nairement avec un tuyau de plume ou du liège. La partie de
la ligne qui va du scion à la la flotte se nomme bannière,
tandis qu'on désigne sous celui de bas de ligne, la partie
qui est immergée; plus le bas de ligne est lourd, plus né-
cessairement la flotte doit être grosse; il s'en suit que dans
les milieux tranquilles, là ou l'on peut pêcher avec des bas de
lignes légers, la flotte sera petite, tandis que pour pêcher
dans des eaux rapides il faudra par conséquent des flottes
plus volumineuses.
Nous empruntons à M. A. Moriceau une série de types de
flottes bien appropriées aux différentes sortes de pêches à la
jigne. « Pfiur Ja pêche des petits poisspnSj on prend spuYen{
=c=r
IMEHS2jj[£3j
i nmB Timummmnsi I^ gg^^
Fig 113. — Flottes diverses; A, pli, me de ligne à fouetter; B, plume
pour, petite ligne à Ablette et Goujon; C, et D, flottes petite et
moyenne en plume; K, plume de Porc-èpic; F, flotte en bambou
pour étang; G, petite flotte en liège peint pour Goujon et Gardon;
H et I, flottes moyennes en liège peint et verni pour moyens pois-
sons; J, grosse flotte en liège pour Carpe, Perche et Tanche; IC et L,
flottes pour Brochets; M, harpon ou arpiau en fer (ligure empruntée
au livre de M. A. Moriceau).
198 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
de simples plumes comme celles des figures 113, A et B, ou
ce qui vaut mieux, une plume coupée à 2 centimètres au-
dessus du tuyau et garnie d'un coulant à chaque bout ; on
doit éviter de percer ce tuyau et il est bon même de le
boucher avec du vermillon pour qu'il ne prenne pas l'eau.
Les plumes de porc-épic (fig. 113, E), sont aussi excellentes ;
leur forme pointue leur donne une grande sensibilité, et la
moindre attaque du poisson les agite et donne l'alerte au
pêcheur. Gomme elles sont très variées de grosseur, on peut
les employer à bien des sortes de lignes ; pour les forts
courants même, qui demandent une grande charge de plomb,
on s'en sert également en les garnissant au gros bout d'un
bouchon percé.
« Les bouchons de forme anglaise que représentent les
figures 113, L à G, sont toujours en usage en Angleterre.
Gomme on le voit, ils ne peuvent se fixer à la ligne qu'à la
partie supérieure, au moyen d'un coulant, et dans le bas, la
ligne traverse simplement un petit anneau en cuivre. On a
renoncé en France à ce système : nos bouchons n'ont plus ni
anneau, ni coulant, ils sont traversés par une plume sem-
blable à celle de la figure 113, 13, qui les maintient mieux et
leur donne plus de légèreté encore. C'est pour le Brochet
qu'il faut les plus grosses flottes, parce qu'à la force de
résistance que demandent les autres lignes, il faut ajouter les
efforts du petit poisson servant d'amorce, qui, continuelle-
ment, cherche à les faire plonger. Viennent ensuite celles qui
servent à la Carpe, à la Perche, au Barbillon, etc. ; on en
fait absolument de toutes les grosseurs ; il y en a même pour
Ablettes, qui sont excessivement fines et peuvent rivaliser
avec les plus petites plumes. »
Parfois, lorsque la bannière de la ligne est très longue, on
éprouve le besoin, dans certaines pêches, de la faire flotter ;
on y fixe alors ce que que l'on nomme des postillons ; ce
sont, soit de petits disques circulaires que l'on fixe à la ligne
LA PECHE A I.A LIGNE 109
par un fil spécial passant au centre, soit des flottes rondes
dont la grosseur varie de la noisette à la noix; le plus souvent
on les peint en rouge ou en noir pour que le pêcheur puisse
bien en suivre les mouvements, même de loin.
Plombs et sondes. — Si la bannière de la ligne doit
flotter, le bas do la ligne, dans la plupart des cas doit être
assez lourd pour se tenir droit et résister à la force du cou-
rant qui l'empêcherait d'aller au fond. On obtient cette
résistance à l'aide de plombs que l'on ajoute en quantité
suffisante sur le bas de la ligne. Quelques pêcheurs se con-
tentent de faire usage de petites lamelles de plomb qu'ils
» 09
©
1! C D
Fio. 114. — Plombs et sondes; A, plomb laminé pour lignes; B, plombs
et chevrotins fendus, de grosseur naturelle ; C et D, plombs pour la
pêche à soutenir et au grelot; E, plombs pour les lignes de fond sans
pelotes; F, sonde à liège (ligure empruntée à M, Moriceau).
découpent et enroulent sur la ligne (fig. 114. A) ; il est encore
plus avantageux de se servir de petits grains de plomb
fondus, que l'on fait passer sur le fil de la ligne en les pinçant
jusqu'à ce qu'ils soient fixes ; ces plombs (fig. 114, B) sont de
200
I.A PECHE DtfS POISSONS EN EAUX DOUCES
grossour différente suivant le poids du bas de la ligne et en
nombre variable : lepremier doit être placé à 30 centimètres
de l'hameçon et les suivants de 5 en 5 centimètres. Pour la
pêche à soutenir et pour la pèche au grelot, on a besoin de
poids beaucoup plus forts ; on leur donne alors la forme
représentée figure 114, G ou D. Enfin pour les lignes de fond
les poids sont plus gros encore ; ils affectent la forme, figure
114, E et F. Ces deux derniers poids peuvent encore servir
de sonde.
La sonde est un poids de 30 à 40 grammes ; avant de
mettre une ligne à l'eau, le pêcheur doit se rendre compte
de la profondeur du milieu dans lequel il va opérer. Il fait
alors usage de la sonde. Le plus souvent il se contente d'un
des plombs comme ceux que nous représentons figure 114,
E et F, et qui servent pour les lignes de fond ; mais s'il
veut se rendre compte de la nature de ce milieu, il appliquera
sous ce plomb un morceau de liège enduit d'un corps gras
qui rapportera des échantillons minéralogiques suffisants
pour éclairer le pêcheur sur la nature du fond. La ligne dont
il va faire usage lui sert pour ce sondage ; il la passe dans
l'anneau du plomb et enfonce l'hameçon dans le liège pour le
protéger durant l'opération.
Hameçons. — L'hameçon est l'engin qui est destiné à
embrocher la bouche du poisson. Nous expliquerons plus
jj
Fio 115. — Bricoles.
loin comment on doit s'y prendre pour ferrer un poisson
avec l'hameçon, c'est-à-dire pour l'embrocher au moment où
•t)
n
►
H
-Fig. 110. — Hameçon; A, série d'hameçons désignés sous le nom d'anglais lonns à palettes; B, kiriy ou anglais 2
renforcés à palettes; C, anglais renforcés à anneaux; D, hmericks. ou irlandais, première qualité, à palettes;
K, Hmericks ou irlandais, extra-fin, sans palettes (ligure empruntée à M. Moriceau).
202 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
il vient à avaler l'amorce qui lui masque le fer de l'hameçon.
Il existe à peu près autant d'espèces d'hameçons que de
plumes à écrire. Nous représentons ci-contre une carte d'é-
chantillons d'hameçons (fig. 116), empruntés à l'ouvrage de"
M. Moriceau, et qui donne les types les plus en usage. Les
uns ont la hampe, c'est-à-dire la partie droite opposée au
dard, tronquée à son extrémité, tandis que d'autres ont cette
partie aplatie ; ce sont les hameçons à palette ; d'autres enfin
sont terminés par une boule. Le plus ordinairement les hame-
çons sont simples, et l'on peut les monter en plus ou moins
grand nombre sur une même ligne, mais on fait également
des hameçons doubles et même triples, que l'on désigne sous
le nom de bricole. Ces hameçons sont assez avantageux pour
certains genres de pêche (fig. 115).
Reste maintenant à fixer l'hameçon sur la ligne; c'est ce
que l'on appelle empiler. L 'empile est un fil fin de crin, de
florence ou de soie, qui, d'une part, porte l'hameçon, et, de
l'autre, s'attache à la ligne. Or, il est, comme on le comprend,
de la plus haute importance de bien savoir empiler son
hameçon. Pour cela, l'hameçon étant terni comme dans la
figure 117, a, delà main gauche, on prend le crin, la florence
ou la soie de la main droite, et on plie cette cordelette en
deux parties A et B (fig. 117, b). Cette partie étant dou-
blée, on la place sur la hampe de l'hameçon G. Prenant alors
de la main droite le plus petit bout BA en A, et maintenant
sous le pouce gauche les deux parties de l'empile, le plus près
possible de la palette M, on enroule la partie A G autour
de BG et de la hampe (fig. 117, c), en huit à dix tours égaux
et serrés en remontant vers la courbure de l'hameçon; le
nœud étant formé, on le termine en repassant le bout A
dans la boucle formée par la courbure de l'empile, et on tire
sur le tout. Pour assurer ce résultat il est bon de passer une
réglette en bois I (fig. 117/^ dans la courbure de l'hameçon
pour serrer encore le nœud G ; on coupe le bout qui dépasse
LA PECHE A I A LIGNE
203
Vu.. 117. — Empilage d'un hameçon.
u Fkî. 118. — Empilage d'un hameçon à palettes.
Fiu. 119, — Empilage des gros hameçons.
Fig. 120. — Empilage d'un hameçon à boucle.
204
LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
et .pour terminer il ne reste plus, par mesure de prudence,
qu'à vernir le nœud ainsi formé.
Si l'hameçon est à palette, voici comment il convient
d'opérer : avec une empile de crin ou de florence, on forme
(fig. 118, a), sur l'empile, un nœud de pécheur ou de mar-
gotin ; on serre à demi ce nœud qui prend alors la forme
(fig. 118, b). On passe la hampe de l'hameçon entre et sous
les trois tours lâches formés par le nœud (fig. 118, c) ; on
serre tout à fait (fig. 118, d), et l'hameçon est empilé. Mais
si l'empile est en corde ou en soie, il faut faire usage de soie
poissée pour y fixer l'hameçon. En ce cas, on serre entre les
doigts de la main gauche l'hameçon A (fig. 119, a), en dessus
l'empile EF, et sur celle-ci une forte soie SQ. Prenant la
partie Q on la tourne deux fois de M en N (fig. 119, b), puis
on rétrograde vers M. Quand on a fait sept ou huit tours
qui garnissent la hampe, on double sur la partie comprise
entre XY et YZ, et on enroule la soie Q sur toute cette
partie ; passant alors cette extrémité Q dans la boucle formée
par l'empile repliée, on tire sur F de manière à engager la
boucle et la soie sous les derniers tours de la spire qui n'ont
pas été trop tirés à dessein. On serre ensuite le tout forte-
ment. Ce procédé convient particulièrement pour les gros
hameçons.
Enfin a-t-on affaire à un hameçon à boucle, on passe le
bout de l'empile dans la boucle d'avant en arrière (fig. 120),
et l'on fait revenir le petit bout sous la boucle formée en
arrière ; on tire le grand bout et l'hameçon est empilé.
Mais pour plus de solidité, il est bon de faire avec le petit
bout un simple nœud autour du grand, à l'extrémité de la
hampe.
ACCESSOIRES DE PÊCHE
Notre pécheur à la ligne est maintenant outillé ; sa ligne
est montée, il ne lui reste qu'à faire un emploi intelligent des
LA PECHE A LA LIGNE 205
amorces libres ou fixes, et à lui souhaiter bonne chance.
Avec cela il peut prendre du poisson, mais pour assurer con-
venablement ses succès, il est bon qu'il se munisse encore
d'un certain nombre d'accessoires, sinon totalement indispen-
sables, du moins fort utiles en nombre de cas. Nous allons
les passer successivement en revue.
Epuisettu. — Notre pécheur vient tout à coup de sentir
un tiraillement sous sa ligne; la flotte a brusquement dis-
paru dans l'eau, un gros poisson est enferré sur son hameçon.
11 s'agit de le faire sortir de son élément et de le ramener à
terre. Ici intervient un nouvel instrument : l'épuisette ou
filet, ou même le filochon, sorte de petit sac de forme coni-
que, de 30 à 40 centimètres de diamètre, entouré d'un cercle
en bois ou en fer, solidement emmanché dans une canne de
1"\50 à i m ,80 de long; ramenant lentement le poisson avec
l'extrémité de sa ligne, il passera son épuisette sous lui, de la
main gauche, tandis que delà droite il tiendraencore sa ligne,
ou inversement suivant son degré d'adresse, et il achèvera
sa pêche sans craindre de perdre le poisson. On fait des
épuisettes très portatives dont le cercle se démonte et peut
se replier en deux ; le manche aussi peut se démonter en deux
morceaux séparés par une virole, comme la canne du pê-
cheur.
L'épuisette ne doit jamais quitter le pêcheur, même lors-
qu'il se contente de pêcher au menu fretin, car quelque Bro-
chet ou Perche venant à passer par là, peut fort bien fondre
sur le Goujon que vous venez de prendre au bout de votre
ligne et vous faire faire coup double.
Boite a amorces. — Etant donnée la variété des amorces
et leur petite taille, il est bon de les emporter chacune dans
des boîtes différentes, dont quelques-unes sont fabriquées à
cet effet. Pour tous ces êtres vivants, il faut des boîtes dont
le couvercle soit percé de trous assez petits pour les empê-
cher de s'enfuir, mais assez grands pour leur donner un peu
Locard, La Pèche. 12
206 IA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
d'air. Pour l'asticot, nous recommanderons la boîte à hotte;
saformeest allongée, elle porte sur les côtés des anneaux dans
lesquels on passe une cordelette pour pouvoir la porter en
bandoulière comme une poire à poudre; dans le haut s'élève
un appendice en forme de hotte (fig. 121) ; la boite elle-même
est fermée par un couvercle à jours. Le pêcheur veut-il
prendre un asticot dans sa boite, il enlève le couvercle et les
asticots se répandent dans le couloir de la hotte; il peut
choisir tout à son aise sa victime, et redressant la boite, tous
les autres asticots s'en iront rejoindre immédiatement le fond.
Pour les mouches, les grillons, les sauterelles, on fait de
petites boites un peu aplaties, plus larges que hautes, dans
le couvercle desquelles on pratique une petite ouverture
Fig. 121. — Boite à asticots.
Fig. 122. — Carnier de pèche.
munie d'un obturateur qui glisse sur lui-même dans le même
plan que le fond du couvercle. En déplaçant l'obturateur,
on n'en laisse sortir qu'un seul insecteà la fois, et qu'on saisit
au passage du petit orifice. Pour les vers, n'importe quel
récipient est bon, pourvu qu'il puisse supporter l'humidité
de la terre qu'il faut toujours avoir soin d'ajouter pour que
LA PECHE A LA LIGNE 207
le ver ne souffre pas trop dans sa prison. Pour la pêche au
vif, on fabrique des boites plus grandes dont le couvercle,
percé de trous, porte un rebord élevé tout autour; l'eau,
par le mouvement, vient-elle à jaillir de l'orifice, elle est
aussitôt ramenée dans la boite par ce rebord qui l'empêche
de s'écouler au dehors.
Gabnier. — Le poisson pris, il faut le conserver en atten-
dant le retour au logis. Divers systèmes decarniers sont en
usage. Le pêcheur est-il à pied, pèche-t- il sans bateau sur le
bord de la rivière, nous lui recommanderons le carnier en
jonc (fig. 122) comme étant très pratique ; nos vanniers en
tressent de toutes tailles; dans le couvercle est ménagé un
trou d'air ; dans le fond le poisson reposera sur un lit d'herbes
bien fraîches, que quelques gouttelettes d'eau viendront de
temps en temps humecter, si la chaleur est trop ardente. Mais
si le pêcheur est en bateau, il logera son poisson dans une
filoche se fermant bien et qu'il laissera pendre dans l'eau. Il
aura ainsi l'avantage de pouvoir conserver son poisson vivant.
Souvent aussi dans le bateau même, on a ménagé en le con-
struisant un compartiment qui communique directement avec
la rivière par quelques trous pratiqués dans le fond ; le dessus
est fermé à l'aide d'un trapon, et le pêcheur, à mesure qu'il
prend du poisson, le fait passer de la rivière dans la caisse à
eau de son bateau, où il viendra plus tard, à l'aide de l'épui-
sette. choisir tout à l'aise les éléments d'une belle friture ou
d'une succulente matelote.
Anneau a dkcrocher. — Parfois, malgré la plus extrême
vigilance de la part du pêcheur, son hameçon emporté par le
courant, s'accroche à quelque racine du fond ou se prend
sous une pierre trop grosse. Quelques petits coups secs
imprimés à la canne suffisent ordinairement pour dégager la
ligne ; mais il viendra encore plus facilement à bout de ses
peines en faisant glisser le long de la canne jusque ver, l'ob-
stacle un anneau métallique assez lourd , retenu par une ficelle.
208 LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
Tirant sur la ficelle, il réussira à détourner ou à accrocher
l'obstacle s'il n'est pas trop puissant, et sauvera ainsi sa
ligne et son hameçon. Si l'on fait usage d'une canne à mou-
linet, on pourra se servir d'un anneau s'ouvrant à charnière,
de manière à franchir la saillie du moulinet.
Harpon. — Puisque nous parlons du bateau, n'oublions
pas les principaux engins dont il doit être muni. Outre les
ancres ou les pierres qui doivent assurer sa stabilité sur un
point donné, il doit toujours avoir à son bord un solide har-
pon (fig. 113, M); c'est avec le harpon que le pêcheur ira
fouiller le sol de la rivière pour repêcher ses ver veux ou ses
lignes de fond. Sa ligne à main s'est-elle accrochée à quel-
que herbe ou racine, le harpon lui servira à la débarrasser
de son entrave; avec le harpon, il repêchera sa ligne ou sa
canne entraînée à l'eau par un mouvement maladroit; il
pourra encore s'en servir comme d'une ancre pour arrêter sa
barque sur quelque point choisi.
Pliant. — « La pêche, a dit un jour un fabricant d'apho-
rismes, est le passe-temps des paresseux. » Grave erreur,
la pêche a ses fatigues tout aussi bien que la chasse ; et sans
nous arrêter à de trop longs discours, lorsque captivé par
les charmes d'une pêche productive, vous serez resté debout,
sur vos jambes, pendant de longues heures, toutes courtes
qu'elles puissent vous paraître, vous éprouverez le besoin
de vous asseoir pour continuur vos opérations. Or, ce n'est
pas toujours chose ni bien commode, ni bien pratique sur
toutes les rives. Pêcheurs qui redoutez la fatigue, munissez-
vous donc d'un pliant; ce modeste siège vous évitera des
douleurs inutiles et vous permettra de prolonger aussi long-
temps que vous le souhaiterez la durée de votre pèche. Et
tandis que nous en sommes au chapitre du sybaritisme pour
le pêcheur, nous oserons lui recommander le parapluie, le vul-
gaire robinson ou riflard; ne l'oublions pas, ce sont certains
jours de pluie que l'on fait les meilleures pêches. Munissez-
LA PECHE A I.A LIGNE 209
vous donc de tout ce qui peut être nécessaire pour vous bien
abriter contre de fâcheuses intempéries ; mais suuvenez-vous
qu'un bon manteau en léger caoutchouc est encore plus
pratique que tous les beaux parapluies de pêche que vous
prôneront les marchands.
Trousse. — On vend encore chez les marchands d'usten-
siles de pêche des trousses ou nécessaires pour la pèche, qui
ont bien leurs avantages ; ces petits portefeuilles, peu encom-
brants, renferment réunis la plupart des petits engins faciles
à perdre et que vous ne sauriez où loger. Au besoin, faites-la
vous-même, et vous y installerez vos instruments à votre
guise, car jamais les trousses toutes faites ne renferment tout
Kio. 123.— Troussa.
ce que l'on veut y loger (flg. 123). D'un côté vous animerez
vos différentes lignes bien montées sur leurs plioirs; dans
une pochette vous aurez des crins et des florences de re-
change; dans une autre votre provision d'hameçons bien
assortis ; rangez en face vos petites flottes ; réservez un com-
partiment pour la sonde et les plombs ; vous trouverez bien
encore un peu de place pour des cordelettes de rechange,
une paire de ciseaux pour couper vos bouts de nœud, une
i2.
210 LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
pierre à aiguiser pour affûter vos hameçons, une ou deux
aiguilles pour enferrer le petit poisson, un émerillon, etc.;
mais n'oubliez pas un peu de taffetas d'Angleterre pour panser
vos blessures, si un hameçon maladroit vient à vous piquer,
et surtout un petit flacon d'alcali au cas où vous auriez fait
connaissance avec quelque vipère du voisinage. C'est dans
une trousse de ce genre que pourra trouver place le dégor-
geoir, sorte de pince à dents extérieures, qui permet, plus
ou moins commodément, d'aller chercher au fond de la gorge
de quelque gros poisson un hameçon trop profondément en-
foui, en le forçant à tenir sa mâchoire ouverte.
AMORCES.
ESCHES. — APPATS
Maintenant que nous connaissons les différents engins que
l'on peut mettre en œuvre pour capturer le poisson, exami-
nons de quelle manière, nous pourrons l'attirer et le solliciter
à se faire prendre dans ces engins. C'est là un des chapitres
les plus délicats et les plus importants dans l'art delà pêche ;
c'est véritablement le prélude de la réussite. Chacun prétend
avoir sa recette, recette bien meilleure que celle du voisin ;
quelques-unes dans le nombre sont réellement bonnes, puis-
qu'une longue expérience l'a suffisamment démontré ; mais le
tout est de savoir bien s'en servir.
Deux opérations sont à effectuer ; il faut d'abord attirer le
poisson dans le milieu où l'on se propose de pécher; c'est ce
que l'on nomme amorcer; on amorce en jetant dans l'eau, un
certain temps au préalable, des appâts libres qu'on lui
abandonne. Ensuite, il faut placer au bout de l'hameçon des -
Une à saisir le poisson un appât fixe ; c'est ce que l'on
appelle escher. L'esche (du latin esca, nourriture), est un
élément simple, tandis que le plus souvent l'amorce est un
composé d'éléments plus ou moins divers.
Le principe de l'amorçage consiste à jeter dans l'eau des
LA PÊCHli A LA LIGNK 211
substances qui ne se dispersent pas trop vite, dont l'odeur
soit assez intense pour que le poisson les sente de loin, et
enfin qui aient la propriété de satisfaire plus particulière-
ment ses goûts. Or, chaque poisson, comme nous avons pu
le voir, a des goûts plus ou moins spéciaux ; l'amorce devra
donc varier suivant la nature des poissons que l'on se pro-
pose de pêcher. La liste de ces différents appâts est fort
complexe ; nous aurons occasion d'y revenir avec quelques
détails à propos des esches.
Mais tous les milieux ne sont pas également propices pour
recevoir des amorces. En effet, si le courant est trop rapide,
il entraînera et dissoudra rapidement l'amorce, et les élé-
ments qui la composent, une fois dispersés, n'attireront plus
le poisson sur un point donné. Si le lit de la rivière ou du
ruisseau est rempli d'herbes ou de trop grosses pierrailles,
l'amorce sera perdue pour le gros poisson qui ne saurait
aller à travers de trop étroits dédales en saisir les reliefs.
C'est pourquoi, dans les cours d'eau un peu rapides, il faut
toujours donner la préférence aux milieux protégés par des
coudes brisant l'eau et la rendant, à la suite d'un remous,
plus calme et plus dormante ; c'est ce que l'on nomme des
hayes ou haïes. Ces bonnes places sont toujours bien con-
nues des pêcheurs.
Qu'on nous pardonne cet aphorisme : toute pêche sérieuse
doit être sérieusement amorcée; rien n'est plus vrai. En
thèse générale, nous dirons qu'on doit amorcer autant que
possible avec la même substance que celle qui doit servir à
escher, ou du moins cette substance doit- elle entrer en de
certaines proportions dans la composition de l'amorce. Mais,
de même qu'une esche peut servir d'appât à plusieurs
espèces de poissons, de" même notre amorce réunira dans le
même milieu certains poissons dont les goûts et les mœurs
ont une réelle analogie. Si donc on veut multiplier les
plaisirs de la pêche et la rendre plus variée, il conviendra
m
212
LA PÊCHE DBS POISSONS EN EAUX DOUCES
alors de faire usage d'esches différentes dans la composition
de l'amorce.
Ainsi, les esches végétales, telles que son, blé cuit, fèves,
avoines ou chènevis également cuits attireront les Tanches,
les Carpes, les Brèmes, les Gardons, etc. Les esches de
nature animale, insectes, mollusques, vers, sang caillé,
boyaux frais, etc., rassembleront des poissons carnassiers
comme les Brochets, les Barbeaux, les Lottes, les Anguilles,
etc. Mais comme il ne faut pas s'exposer à donner tout d'un
coup une trop grande quantité de substances alimentaires
aux poissons que l'on veut ensuite attirer par un appât
définitif, il convient de délayer ces différentes substances
dans une boule ou pelote d'argile ou de terre glaise, que
l'eau se chargera ensuite de désagréger lentement et pro-
gressivement. Pour compléter ce mélange un peu de pro-
duits odoriférants, tels que crottin d'animal, fromage fort,
essence de thérébentine, voire même du simple pétrole,
attireront de plus loin l'éveil du poisson, en sollicitant ses_
nerfs olfactifs. Tout cela, nous l'avouerons sans peine, ne
constitue pas une cuisine bien ragoûtante; mais comme le
dit si bien le sage proverbe : qui veut la fin, veut les
moyens ; et nous ne saurions trop le répéter, le succès d'une
belle pèche dépend le plus souvent de la manière dont elle a
été amorcée.
Il existe également des amorces liquides ; on n'a plus alors,
une fois qu'elles sont préparées, qu'à en verser quelques
gouttes dans l'eau ; mais ces amorces ne sont jamais bonnes
que pour l'instant même où l'on pêche, et pour bon nombre
de poissons, il convient d'amorcer plusieurs heures au
préalable. En outre, elles attirent le poisson par leur
odeur, mais s'il vient, comme il ne trouve rien à manger
que l'amorce tendue au bout d'une ligne, bien souvent faisant
fi d'une aussi maigre pâture, il s'en retournera là d'où il est
venu.
LA PECHE A LA LIGNE
213
Parfois aussi, c'est le pêcheur qui se laisse trop facilement
amorcer à son tour; il est donc prudent de lui crier gare.
A grands renforts de réclame, nombre de marchands annon-
cent la vente de recettes fabuleuses, de produits composés
inimaginables, tous plus infaillibles les uns que les autres,
et qui, si on les en croyait, seraient de force à amener le
poisson à se faire embrocher tout seul au bout de la ligne
du trop crédule amateur ! C'est toujours parfait lorsqu'il
s'agit d'acheter, même à l'essai, niais alors essayé par le
pêcheur réellement expérimenté qui a d'autres cordes bien
plus puissantes à son arc ; une fois entre les mains d'un no-
vice, toutes ces préparations fantaisistes ne valent pas les
amorces les plus simples et les plus élémentaires. Ne vous
laissez donc pas tenter, ni amorcer par ces fallacieuses
annonces et préparez vous-même ces modestes engins; vous
vous en trouverez toujours infiniment mieux.
Suivons le poisson auquel on a jeté une amorce. D'abord,
par instinct, sous l'effet du bruit causé par la chute de
l'amorce, sous l'enfluence du déplacement de l'eau qu'elle
produit, le poisson commence par s'enfuir ; mais bientôt
sollicité par un sentiment aussi inné chez lui que chez
l'homme, celui de la curiosité, il retourne sur lui-même et
veut voir ce qui a causé sa frayeur; il reviendra donc, soyez-
en sûr. Etait-il au loin, au moment où l'amorce est tombée à
l'eau, une vague odeur qui lui est déjà familière et lui rap-
pelle ses meilleurs festins, s'en ira jusqu'à lui, l'invitant
à s'approcher. Pendant ce temps la glaise qui sert de véhi-
cule aux différentes esches se délaye petit à petit; alors il
entrevoit l'objet de sa convoitise, fond sur lui, l'avale et s'en
va plus loin le déglutir tout à son aise. Ses compagnons, en
voyant les heureux résultats d'une chasse si féconde, veulent
à leur tour en essayer les chances et arrivant sur l'amorce,
se disputent une proie facile, revenant volontiers plusieurs
fois à la charge. Si à ce moment le malin pêcheur fait
214 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX D0UC1SS
descendre à la même place un hameçon bien caché sous une
bonne amorce toute semblable à celles qui l'ont précédée, le
poisson toujours avide, pas suffisamment repu, voyant une
proie plus belle va se jeter sur elle, et malheur à lui s'il a
affaire à un pêcheur pas trop maladroit, car puni de sa gour-
mandise, il passera bien vite du sein des eaux dans le panier
de l'amateur.
A vrai dire, il y a des jours néfastes, des jours où le pois"
son refuse de mordre ; est-il repu, est-il malade? Ce qu'il y
a de certain c'est que vous aurez beau faire, nul démon ten-
tateur n'aura le moindre succès dans son paradis aquatique.
Certains jours d'été, trop beaux, trop clairs, trop proches de
la saison des amours, sont absolument temps perdu pour le
pêcheur; il ne lui reste alors qu'à plier bagage et à attendre
patiemment une heure plus propice.
Voici quelques recettes toutes reconnues bonnes :
a) Broyez dans un mortier avec de l'huile de noix ou
d'olive, 100 grammes de fromage vieux de Hollande ou de
gruyère; ajoutez-y un peu de vin dans lequel vous aurez
fait infuser au préalable quelques plantes odoriférantes, thym,
menthe, etc. ; faites avec cette pâte des boulettes de la gros-
seur d'un pois que vous jetterez quelques heures avant la
pêche ; vous pouvez amorcer votre ligne avec une de ces
boulettes en guise d'esche ; c'est une amorce bonne pour tous
les poissons d'eau douce.
b) Pour la Carpe, la Brème, le Chevaine, faites bouillir
ensemble un litre de blé ou d'orge avec un quart de fèves;
ajoutez-y trois ou quatre pommes de terre ; lorsque le tout
est cuit, mêlez à cet ensemble un demi- kilogramme de pain
de chènevis au préalable trempé dans l'eau et un litre de
recoupe ou de gros son déjà mouillé; faites -en de petites
boules de la grosseur d'une orange, que vous arroserez
d'huile de chènevis. Cette amorce peut être jetée douze
heures au préalable.
LA l'ECIIE A LA LIGNE
215
c) Pour les poissons de fond, pilez de V ortie (Urtica urens),
de la quintefeuille (Potentilla replans), ajoutez-y du suc
de joubarbe (Sempervirum tectorum) ou à défaut de la
serpentaire (Arum dracunculus); frottez -vous les mains
avec le jus pour manier l'hameçon et les esches, et jetez
quelques heures avant de pêcher, le marc à l'eau.
d) Prenez une touffe de gazon vert et court, large comme
une assiette. Au sommet de cette herbe, du côté vert, attachez
avec une aiguille et du fil vert, autant de petits vers rouges
que vous pourrez, pour recouvrir le gazon; disposez votre
buisson sur un rond de bois de la grandeur du gazon, et des-
cendez l'ensemble dans l'endroit où vous voulez amorcer
le fond. Cette recette donnée par La Blanchère est très bonne
pour attirer les Carpes, les Brèmes, les Gardons, etc.
e)Le même auteur donne également les recettes suivantes,
bonnes pour tous les poissons herbivores : Faites cuire en-
semble, fromage, 500 grammes; orge, 500 grammes;
chènevis, 125 grammes; ajoutez-y une pincée de sel de
cuisine et jete/.-en des poignées le soir pour le matin, ou
pendant la pêche, toutes les demi-heures avant le coup.
f) On prépare également une amorce analogue en faisant
bouillir du blé pour l'attendrir, et en le fricassant ensuite
avec du miel et un peu de safran délayé dans du lait. Le blé
peut être remplacé par la fève cuite. Quelques personnes y
ajoutent : miel, 100 grammes, pour 1 à 2 décigrarnmes de
sucre. « On croit, dit notre auteur, qu'il peut être bon de
donner la veille aux carpes une amorce de fèves purgatives,
environ la valeur de deux fèves d'aloès soccotrm en poudre
sur deux litres de fèves, et de faire cuire ensemble. Le
poisson mord mieux le lendemain aux fèves musquées... »
g) Donnons encore le fameux secret de Cerisier, dit Gar-
bot de Nevers, pour la pèche delà Perche et du Barbillon.
Faites cuire ensemble, dans un grand vase, avec une quantité
d'eau suffisante : pain de chènevis, orge ou froment nou-
1}
216 I-A PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
veau, une forte poignée de serpolet, lavande, citronnelle,
romarin et son ; composez avec le tout des pelotes mélangées
de terre glaise et de fiente de bœuf. En eau stagnante, les
jeter, de deux à trois heures à l'avance, pour la Perche, et
pêcher avec de gros vers à tête noire, des Goujons et des
Ablettes. En eau courante, jeter les pelotes dans les haïs.
Nous n'en finirions pas s'il nous fallait relever ici toutes
les recettes connues. Disons pour tout simplifier qu'avec ces
quelques données et celles que nous allons exposer à l'occa-
sion de l'examen des différentes sortes d'esches, le pêcheur
arrivera bientôt à savoir se composer lui-même des amorces
de fond ou de surface, parfaitement appropriées à son genre
de pêche.
Pour passer en revue les différentes sortes d'esches ou
d'appâts, nous les classerons en six groupes différents :
1° les appâts pris dans le monde des insectes; 2° les vers;
3° les poissons ; 4° les appâts d'essence végétale ; 5° les
appâts divers ; 6° les appâts artificiels.
APPATS PRIS DANS LE MONDE DES INSECTES
Asticots. — A tout seigneur, tout honneur; car, en fait
d'appâts, le vulgaire et démocratique asticot est encore le
meilleur ; il n'a de sérieux concurrent, pour lui disputer le
pas, que le ver. Un homme de beaucoup d'esprit a narré
dans un charmant volume les vicissitudes d'un fabricant d'as-
ticots en chambre! Ce n'est peut-être pas le plus propre de
tous les métiers ; mais ce qu'il y a de certain c'est qu'il se
fabrique, bon an mal an, pour plusieurs bonnes centaines de
mille francs d'asticots en plein cœur de Paris, et que pas
mal de gens vivent de cette industrie au moins singulière.
On donne le nom d'asticot à la larve de plusieurs espèces
de mouches, mouche domestique, mouche de la viande,
mouche du bœuf, mouche César, etc. Ces larves sont molles,
LA PÈCHE A LA LIGNE 217
cylindro-coniques, et sans pieds ; leur tête est garnie de
crochets écailleux. « A peine un animal a-t-il perdu la vie,
dit M. de La Blanchère, qu'averties par un sens, un odorat
particulier qui ne les trompe pas, arrivent en troupes des
mouches bleues à corselet rayé et abdomen soyeux (c'est la
mouche à viande commune), d'autres vertes à beaux reflets
métalliques (c'est la mouche César). La mouche à viande
pond sur ces animaux de petites larves microscopiques ; la
mouche verte, des œufs qui éclosent vite et donnent nais-
sance à des myriades de petites larves analogues. Alors se
passe un phénomène très curieux. Toutes ces larves, au
moyen de leurs petits mouvements et de leur appareil mas-
ticatoire composé de crochets cornés très solides, pénètrent
dans les tissus qu'elles désorganisent et réduisent en une
sorte de bouillie dont elles se nourrissent. Cette fermenta-
tion est activée par une espèce de liqueur que sécrètent ces
larves qui croissent à vue d'œil, tant elles s'assimilent
promptement le produit de cette décomposition. Pour se pro-
curer des asticots en grand, on étend à terre des débris de
viande sur une épaisseur de 25 à 30 centimètres et on les re-
couvre de paille pour empêcher le dessèchement par le soleil.
Les mouches y déposent leurs œufs ou leurs larves, et au
bout de quelques jours, la masse n'est plus qu'un composé fort
mal odorant des asticots dont on a besoin. On peut égale-
ment, mais à la campagne, suspendre en un lieu écarté, un
hangar, un grenier, un foie d'animal (c'est la partie qui pro -
duit les meilleurs asticots), et placer en dessous un pot
rempli de son, les larves y tombent à mesure, et on y fait sa
provision au besoin. »
Tous les asticots ne sont pas d'égale qualité. Les asticots
obtenus avec la viande de cheval, ou ceux que l'on récolte
dans le fumier sont, dit-on, les meilleurs. Mais lorsque l'on
a de bons asticots, l'important est de pouvoir les conserver
le plus longtemps possible; en été, on les laisse dans du son
Locard, La Pêche. 13
218 '-A PIOCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
que l'on tient dans un endroit frais ; en hiver, on les fait
séjourner dans de la terre glaise que l'on a soin d'entretenir
un peu humide; là, ils s'y engourdissent, mais se réveillent
bientôt à la moindre chaleur.
Lorsque l'on pêche à l'asticot, il faut avoir bien soin que
son esche soit toujours en vie ; il importe essentiellement
qu'elle grouille encore dans l'eau pour attirer le poisson. On
doit donc la piquer avec le plus grand soin, jamais par ses
extrémités, mais bien de manière à ce que la pointe de l'ha-
meçon pénètre sur les flancs de la larve (fig. 124).
Fuj. 124. — Manière d'escher l'asticot.
Mouches naturelles. — La mouche naturelle est en été
un bon appât pour pêcher les poissons de surface. Rien ne
•vaut la mouche pour enlever une friture d'ablettes; c'est
une esche facile à se procurer, dont on peut faire provision
avant de partir, ou que l'on prend sur place pour les besoins
de la cause. On distingue plusieurs espèces de mouches : la
petite mouche domestique (Musca domestica), souvent si
commune dans les appartements et surtout dans les cuisines.
La grosse mouche à viande (Sarcophaga carnaria), heu-
reusement moins commune ; l'abdomen est bleu et tout le
corps est recouvert de longs poils noirs. La mouche César
(Musca CœsarJ, ou mouche des cadavres, reconnaissablc à
son beau ventre doré. La mouche des bœufs (Musca bovinaj,
caractérisée par les côtés de la face et du front qui sont
blancs, et par sa bande dorsale noire; elle est très commune
dans les fermes. La mouche vivipare (Musca vivipara), qui
LA l'ÈCIIE A I.A LIGNE 219
pond ses larves déjà écloses sur les substances animales, etc.
On amorce avec les mouches en introduisant la pointe de
l'hameçon dans l'abdomen seulement, de manière à ménager
la partie antérieure du corps, et sans détériorer les pattes ni
les ailes.
Chenilles. — Les chenilles, quelle que soit leur taille,
constituent de bons appâts pour un grand nombre de pois-
sons différents. Elles sont d'un amorçage facile, et permet-
tent, grâce à leur longue taille, de bien dissimuler l'hameçon
aux poissons par trop farouches; on doit donc avoir bien
soin de les embrocher par la peau du dos, de façon à ce que
l'hameçon pénétrj le moins profondément possible dans l'in-
térieur du corps et à ce que les pattes restent libres. Toutes
les chenilles sont bonnes; les petites chenilles sans poils
peuvent, dans bien des circonstances, suppléer au défaut de
vers. Nous avons vu prendre de beaux Brochets avec de
grosses chenilles de sphinx ou de paon; mais malheureuse-
ment ces chenilles sont assez peu communes. Nous recom-
manderons aux pêcheurs qui ont la peau encore trop délicate
de se méfier des chenilles à poils; elles peuvent, par leur
contact avec la main, causer de cuisantes démangeaisons.
Papillons. — L'emploi des Papillons comme esche donne
les meilleurs résultats pour certaines pêches, comme la
pêche au lancer ou la pêche à la surprise. Les papillons de
nuit et les crépusculaires sont toujours préférables aux
papillons de jour; ils sont d'abord plus maniables, leur
corps est plus gros et s'enfonce mieux sur l'hameçon, enfin
ils ont la vie plus résistante. Lorsque la saison s'y prête,
faites donc la chasse à tous ces bombycides qui menacent les
arbres fruitiers de votre jardin, ou qui voltigent sur vos
haies; vous aurez double bénéfice. Citons comme étant les
plus répandus dans nos pays : le Processionnaire du chêne
. (Cinethocampa processionaria){ûg. 12ô),etle Procession-
naire du pin (C.pityocampusJ, le premier à ailes gris cendré,
220
LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
•avec trois lignes longitudinales plus foncées sur les ailes
antérieures, le second ne se trouvant que sur les arbres
résineux; le Bombyx à livrée (B.Neustria) (fig. 126), au
Fig. 125.
■ Processionnaire du
chêne.
Fia. 126. — Bombjx A livrée..
corps brunâtre, avec des ailes jaunes à lignes plus foncées,
qui vit un peu partout ; le Bombyx de l'aubépine (B. cra-
tsegi), à ailes gris cendré ou gris brun, avec des lignes plus
foncées, qui voltige au-dessus des haies d'aubépine, dé pru-
nellier, etc.; le Bombyx de la ronce (B. rubi), de petite
taille, avec les ailes brunes et grises ; le Bombyx pudibond
(B. pudibunda), à ailes antérieures blanchâtres avec des
Fig. 127. — Le Liparis dispar.
Fig. 128. — Papillon blanc du chou.
lignes ondulées, et les secondes avec une large bande brune;
' le Bombyx à cul brun (B. chrysorrhea), le Liparis dispar
(Liparis dispar) (fig. 127), tous deux d'un blanc roux, par-
•fois si commun dans nos jardins; le papillon blanc du chou
(Pieris rapce) (fig. 128)y etc. Gomme pour la chenille, nous
LA PÈCHE A LA LIGNE
recommaiu:
dii
221
îc le
d'éviter le contact
corps velu des papillons nocturnes ; il peut en résulter par-
fois de désagréables démangeaisons suivies de rougeurs de la
peau et même d'ampoules. On enferre le papillon en long, à
travers le corps, en tenant les deux ailes délicatement repliées
par leur, base, et en remontant l'insecte le long de la hampe
de l'amorce, tout comme dans les mouches ou papillons arti-
ficiels. On peut également faire usage de papillons dessé-
chés ; il suffit de les déposer sur une fine toile métallique au-
dessus de la vapeur d'eau pour leur rendre une souplesse
sufrisante. Si on les présente au poisson dans une saison où
celui-ci n'en est pas gavé, comme cela lui arrive parfois en
temps normal, il se jette avec une avidité toute nouvelle sur
cette amorce, et l'on peut ainsi faire parfois de véritables
pêches miraculeuses.
Fia. 129. — Ephémères (Ephemera vulgata)
Ephémères, Cousins, Piiryoanes. — On donne le nom
d'éphémères à des insectes de l'ordre des névroptères ou
libellules, qui apparaissent à de certaines époques en quan-
tités considérables. On les reconnaît à leurs antennes cour-
222 LA PÈCHE DKS POISSONS EN EAUX DOUCES
tes, composées de trois articles, dont le dernier est une soie
mince, à leur bouche imparfaite, à leurs ailes délicates, les
deux dernières toujours très petites, enfin à leur abdomen
terminé par deux ou trois longues soies articulées. Ces;
éphémères sont souvent utilisés comme amorce, malgré leur
petite taille, car le poisson en est très friand. On ne peut les
enferrer que sur des hameçons très petits. Nous citerons :
l'éphémère vulgaire (Ephemera vulgata) (fig. 129), le
plus connu en France, caractérisé par ses trois longues
soies postérieures; les cousins et tipules, les phryganes qui
Fig. 130. — Phry^ane fLimnopfiilus 'rhombicmtj: A, fourreau de la
larve; B, larve dégagée de son fourreau; C, insecte parfait.
vivent au voisinage des marais, et quel 'on voit voltiger en
grand nombre pendant les belles soirées d'été. Les larves de
ces phryganes sont aquatiques (fig. 130); on les désigne
souvent sous les noms de Cherfeuil, Cher faix, Portefaix,
Portebois, etc.; elles se logent dans un étui soyeux autour
duquel sont agglutinés de petites coquilles, des débris de
bois, de petits graviers, etc.; ces larves, conservées dans un
sac de toile humide avec leur enveloppe, constituent Un.
excellent appât pour les Gardons, les Perches, les Brèmes,
les Goujons, etc.; on peut en enferrer plusieurs à la suite suc
7.A PÊCHE A LA LIGNE 223
de plus gros hameçons et prendre ainsi des Barbillons, des
Brochetons, des Chevaines, etc. Dans certaines contrées on
donne le nom de mannè aux éphémères (Palingenia virgo,
(fig. 131); ceux-ci, au bout des quelques heures de leur
vie passagère, tombent avec une extrême abondance au point
de couvrir le sol; parfois même on les attire le soir au bord
Fui. 131. — Manne (Palingenia virgo).
des rivières avec des tlambeaux disposés au voisinage do
grands draps destinés à les recueillir à mesure qu'ils tom-
bent. Malheureusement, le poisson lui-même fait en même
temps sa chasse, et il sciasse bien vite de cette amorce.
Libellules. — Les libellules ou demoiselles, de l'ordre
des névroptères sont également utilisées comme esches; mais
dans ce cas on doit avoir soin de les débarrasser de leurs
longues ailes qui ne peuvent qu'empêcher le poisson de
mordre; leur corps allongé s'enferre très bien sur l'hameçon
et simule alors le ver. Le caloptéris (Calopterix virgo)
(fig. 132), ou demoiselle bleue, si commun sur certains
petits cours d'eau, est préférable aux grosses demoiselles
dont le corps est trop fortement cuirassé.
Sauterelles, Grillons, Criquets. — Les sauterelles sont
de bonnes esches toujours à la portée des pêcheurs ; lors-
224 LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
h
Fio. 132. — Libellule (Calopterix virgoj.
Fig. 133. — Petite sauterelle (Tetrix subulala).
LA PÈCHE A LA LIGNE
225
qu'il est un peu pris au dépourvu en fait d'amorces, il n'a que
quelques pas à faire pour capturer une sauterelle verte
(Locusta viridissima) ou la petite sauterelle (Tetri.v subu-
lata, fig. 133), dans le champ ou dans le pré voisin. Cet
orthoptère abonde en eft'et à la fin de l'été et en automne dans
toutes nos campagnes. La sauterelle sert en outre plus spé-
cialement pour la pêche à la grande volée, pour la pêche à
surprise, et en général pour la prise des poissons de sur-
face. On les enferre avec une bricole faite de deux hameçons
limerick droits, ou un petit grappin établi avec trois
limericks, le tout monté sur une bonne ilorence bien solide.
Le criquet s'utilise comme la sauterelle et sert pour les gros
poissons.
Le grillon (Oryllus campestris, fig. 134), s'utilise
également fort avantageusement pour la pêche des Ghe-
sS*K«f
Fie,. 134. — Grillon des cbd.in\>sJGryllus campestris).
vaines, Truites, Saumons, etc. ; on les enferre comme les
Sauterelles. Il a l'avantage d'être d'une grosseur moyenne,
de mieux résister et de s'enferrer plus facilement; en outre
avec quelques soins on arrive aie conserver plus longtemps.
Mais sa chasse est plus difficile ; on le rencontre moins
fréquemment dans les champs.
Hanneton. — Ce coléoptère, à l'état d'insecte parfait, est
|in des bons, appjjts pour Je gros poisson ; Jes pêcheur^
V 3 ,
220 LA PÊCHE DES POISSONS EX E.\'UX DOUCES
l'utilisent souvent pour prendre des Brochets, Truites,
Lottes, Chevaines, Saumons, etc.; tantôt on l'enferré comme
la Sauterelle, tantôt on le pique par le corselet du côté droit,
de telle sorte que l'animal se présente de travers ou de biais
au bout de la ligne. Sa larve que l'on ne se procure qu'en
fouillant le sol à une certaine profondeur, larve bien connue
de nos agriculteurs sous le nom de ver blanc, est une esche
excellente pour les lignes de fond; elle peut se conserver
très longtemps et servir ainsi en toutes saisons. Mélangée
avec du son, ou simplement avec de l'argile, on en fait de
très bonnes amorces pour le gros poisson.
• Fourmis. — On peut utiliser les Fourmis comme esches,
ou comme amorces, à quelque état qu'elles soient, ailées ou
non ailées, larves ou nymphes. Le poisson en est toujours très
friand. La Fourmi ailée, surtout si elle est un peu grosse,
s'enferre comme les Mouches naturelles et sirt à prendre
tous les petits poissons de surface ; au contraire, nous pren-
drons les poissons de fond avec les larves enferrées à la façon
des asticots. On constitue avec ces insectes dans leurs diffé-
rents états de bonnes amorces qui doivent être jetées dans
l'eau peu d'heures avant la pèche; la quantité infinitésimale
d'acide formique qu'elles dégagent à la propriété d'attirer
le poisson de fort loin. On peut du reste ajouter sans incon-
vénient une certaine quantité de fourmis aux différentes
amorces à base animale dont on fait ordinairement usage.
Nous avons également vu employer le j us de fourmi pour
aromatiser les amorces.
Araignées. — Quoique l'araignée ne soit point un in-
secte, nous le citerons parmi les esches appartenant à cette
catégorie, car elle s'emploie dans la pêche exactement de la
même manière que la mouche ou la fourmi. Les poissons,
tels que les Ombres, les Truites, les Chevaines en sont fort
avides. C'est donc une esche qu'il ne faut point négliger; on
l'enferré en dessous, suivant toute In longueur du thorax et de
LA PÊCH1C A I.A LIGNK 227
l'abdomen. En automne on rencontre dans les champs et les
jardins de grosses araignées, des mygales, qui rendent de
précieux services aux pêcheurs.
Tous les insectes dont on fait usage comme esches doivent
être aussi vivants que possible. On devra donc introduire
l'hameçon dans leur corps de façon à leur faire le moins de
mal possible. Tous ceux qui ont le ventre mou seront em-
brochés comme l'asticot; mais pour le hanneton, par
exemple, voici comment il conviendra d'opérer, lorsqu'il
s'agira d'en garnir une bricole (fig. 135). On prend une
r
.
-SS^ tf^y r^
Fia. 135. — Bricolage dos Insectes.
aiguille à tapisserie dont on affûte l'extrémité R et dans le
chas de laquelle on pratique une petite entaille I. L'insecte
étant tenu avec les deux doigts de la main gauche, on prend
dans la droite l'aiguille dans le chas de laquelle on accroche
par la fente I, la boucle B de l'empile. On enfonce l'aiguille
dans le hanneton sur toute sa longueur de manière à sortir
près de la tête ; le reste de l'appareil suit et le hanneton vient
glisser jusque contre la partie courbée de l'hameçon ; il ne
reste plus qu'à dégager l'aiguille. En opérant délicatement on
laisse à l'insecte assez de vitalité pour qu'il puisse rester
ainsi empallé plusieurs heures tout en s'agitant. C'est là,
avouons-le, un procédé un peu barbare, mais le pêcheur qui
veut eschor avec des êtres' vivants ne peut faire autrement.
228
LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
LES VERS
On désigne d'une manière générale sous les noms de vers
ou d'achêes, différentes sortes de lombrics utilisés par les
pêcheurs comme esches ou comme amorces, et même cer-
taines larves appartenant à une toute autre famille zoologi-
que. Les vrais vers ou lombrics vivent dans certains
milieux humides, riches en matières en décomposition; nous
distinguerons les espèces suivantes :
Ver rouge. — Ce ver n'est jamais très gros, il dépasse
rarement 10 centimètres de longueur; sa tête est toujours
plus foncée et c'est le plus coloré de tous nos vers ; on le
trouve dans le terreau, dans la terre fortement imprégnée de
purin, dans le fumier, etc., il a le grand avantage de rester
longtemps en vie dans l'eau ; on s'en sert pour tous les
poissons de fond.
Ver rose. — Le ver rose ou achée de terre est un grand
ver qui sort de terre dans les champs et les jardins après
les longues pluies d'été et d'automne ; il peut atteindre 30 et
35 centimètres de longueur. Il sert surtout pour le gros
poisson, mais il meurt plus rapidement dans l'eau que le ver
rouge.
Ver annelé. — On donne ce nom à un ver dont le corps
est formé d'anneaux alternativement rouges et jaunâtres, et
qui n'a jamais plus de 6 à 8 centimètres de longueur; lors-
qu'on le coupe, il rend une humeur jaune d'une odeur par-
ticulière qui n'est pas très appréciée de certains poissons ;
la Perche, le Gardon, la Brème y mordent difficilement; on
le trouve dans le fumier de cheval et au milieu des détritus
végétaux, toujours moins profondément enfoncé que le ver
rouge.
Yer JAtoe., — Ce petH ver fl'a <î ue <fa MJ Çentimètrejj
LA PÊCHE A LA LIGNE
009
de longueur, il est court, dur, et d'une teinte jaune ver-
dâtre; on le rencontre dans les terres fortes qui n'ont point
été remuées depuis longtemps. Quoique vivant dans l'eau, il
est de moins bonne qualité que les vers roses ; il est bon pour
la Carpe, le Gardon de fond, l'Anguille, etc.
Tels sont les véritables vers que l'on peut utiliser dans
nos pays; mais comment se les procurer? C'est encore un
talent du pêcheur que celui qui consiste à savoir trouver de
beaux et bons vers, là où le simple commun des mortels n'en
voit point. La bêche et la pioche sont les outils nécessaires
pour remuer le terreau et le fumier. Dans un pré ou dans
un champ, on piétine le sol toujours au même endroit pen-
dant une dizaine de minutes après l'avoir humecté tout à
l'entour; bientôt les vers se mettent à sortir, mais il faut sa-
voir attendre qu'ils sortent d'eux-mêmes hors de terre pour
éviter de les briser. En arrosant le sol avec des décoctions
amères, comme celles faites avec la feuille de noyer ou le
brou de noix, les vers ne tardent point à quitter leur
retraite pour venir ramper sur le sol.
Comme parfois, et surtout en été, il n'est pas toujours
facile de se procurer des vers, il importe de pouvoir les
conserver. Le moyen le plus élémentaire consiste à les
laisser s'enterrer dans un grand vase, bien clos dans le fond,
et que l'on aura rempli de terre, de terreau, de fumier, sui-
vant la nature des vers. On peut également se contenter de
les laisser dans de la mousse que l'on tiendra à la cave, en
lui laissant un peu d'humidité ; certains pêcheurs recom-
mandent l'emploi du lichen iluviatile que l'on trouve sur
les pierres des ruisseaux. On a constaté qu'il était toujours
préférable de se servir de vers qui ont déjà un peu jeûné;
une fois à l'eau ils sont plus actifs, et se maintiennent mieux
à l'hameçon. Si, après un trop long jeûne, ils paraissent
affaiblis, on leur rend leur vigueur première au moyen de
quelques gouttes de lait dans lequel ou a ajouté du jaune.
230 LA TÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
d'œuf. On arrive ainsi à pouvoir aisément conserver des vers
durant un ou deux mois.
On ne sait pas toujours bien enferrer les petits vers. « Pour
les poissons suceurs, dit La Blanchère, comme le Barbillon,
le Goujon, la Plie, la Carpe, la Tanche, il faut enferrer le
ver rouge par la plus grosse extrémité ; c'est la partie la plus
rouge. On fait entrer la pointe de l'hameçon par l'extrémité
même, et on la fait pénétrer, toujours en tournant, dans l'inté-
rieur du corps de façon que la tète dépasse même les palettes
et couvre une partie de l'empile. Gomme on a choisi la gros-
seur du ver proportionnelle à celle de l'hameçon, il reste une
queue de la longueur de l'animal, qui pend et frétille au
bout de l'hameçon. Dans ce cas, cependant, on ne doit pas
faire sortir la pointe de l'hameçon, et voici pourquoi : les pois-
sons suceurs, auxquels on s'adresse, saisiront le ver par la
pointe qui pend, mais une fois qu'ils le tiendront, il ne le
lâcheront plus; aussi, en tirant à eux, le dard sortira et
prendra une position en ligne droite, de l'empile au poisson ;
en cet état le Barbillon est piqué immédiatement. En enfer-
rant par cette extrémité le ver rouge, il vit le plus long-
temps possible; si on l'enferré par le petit bout, qui est la
tête, on rencontre des organes vitaux, tels que les trachées
et le cœur, et le pauvre animal meurt beaucoup plus vite.
Cependant cette vie plus courte, mais cette agonie plus
tourmentée, n'est pas à dédaigner pour la pêche des poissons
chasseurs qui ne recherchent pas un ver rouge non appétis-
sant: ce sont la Perche, l'Anguille, la Lotte. Pour ces man-
geurs toujours en quête de ce qu'ils peuvent dévorer, il faut
une proie frétillante et bien vivante. On obtient ce résultat
en enferrant le pauvre lombric par le milieu du corps, fai-
sant une ou deux petites anses sur l'hameçon et laissant les
deux bouts pendants; comme ces poissons ont la gueule
large et bien armée, ils engainent le tout d'un seul coup et
sans hésitation.
LA PECHE A LA LIGNE
231
Pour prendre les petits poissons-appàts, tels que les Vai-
rons, les Ablettes, on coupe en plusieurs morceaux les vers
les plus petits, et on en met une particule sur un hameçon
minuscule. On fait encore subir aux malheureux vers rouges
un traitement bien cruel pour pêcher avec eux des Anguilles
■à l'entrée des ports ou dans les canaux de certains marais et
étangs salés, c'est ce qu'on appelle la vermée. On prend une
longue aiguille enfilée de laine ou de fil, et on en fait un long
chapelet de vers rouges, en les enfilant en long, de la tète à
la queue. On love en rond cette corde de vers sur elle-même,
on attache toutes ces anses ensemble d'un côté, ce qui forme
un paquet que l'on jette à l'eau au bout d'une ligne. Les An-
guilles y mordent et s'y prennent par les dents, on les enlève
ainsi en quantité et sans que la plus grande partie lâche
prise. »
Enfin pour en finir avec les vers, disons un mot des quel-
ques animaux que l'on qualifie de ce nom, quoiqu'en réalité
ce ne soit pas de véritables lombrics : Ver d'eau, ou yorte-
bois, dénomination souvent donnée à la larve de la phry-
Fio.;i36. — Ver de mer (Arenicola piscalorumj.
gane, et qui vit dans les marais et les ruisseaux. Ver de
farine ou larve du Tenebrio molitor qui donne naissance
à un hètèromère ; ce coléoptère n'a jamais plus de 1 à
2 centimètres de longueur; on le trouve dans les moulins,
232 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
chez les boulangers, etc. Ver de mer; ces vers, tels que
ver blanc marin ou bourlotte, arénicole, etc. (flg, 136),
ne sont employés qu'accidentellement dans les localités voi-
sines de la mer ; on les utilise pour les lignes de fond tendues
dans les embouchures. Ver de manne ; c'est une petite
larve jaunâtre (fig. 187), armée de nombreuses pattes et qui
vit dans la terre glaise humide ; au mois d'août ou de sep-
tembre elle donne naissance à un papillon blanc souvent
qualifié de manne. Ver de vase; ce nom est donné d'une
manière générale à toutes les larves aquatiques, et plus par-
FiG. 137. — Ver de manne.
ticulièrement à une larve rouge de sang d'un insecte de la
famille des tipulaires, voisin des cousins, le chironome plu-
meux de la tipule des prés (fig. 138). Ver de viande; ce
sont les asticots dont nous avons déjà parlé.
'J'qus ces yers, vrais qq, faux, peuvent êÇretnjs avantage^
I.A l'ECME A LA LIGNE
233
sèment utilisés pour la confection des amorces; le plus sou-
vent on les prend un peu gros et on les coupe en menus mor -
ceaux que l'on mélange soit avec du son, soit mieux encore
avec de la terre glaise.
Kig. 138.
La tipule des prés; A, tipule adulte ; B, la larve;
la nymphe (de grandeur naturelle).
POISSONS
Puisque les poissons ne craignent point de se manger
entre eux, il est donc tout naturel d'offrir aux gros, aux car-
nivores, quelques-uns de leurs congénères en guise d'esche.
Déjà, en traitant l'histoire des poissons, nous avons montré
l'utilité de certaines espèces trop petites pour être mangées
par l'homme, mais avantageusement utilisées comme amor-
ces. Le Chabot, le Chevaine, le Goujon, les petites Lamproies,
la Bouvière, le Vairon, et d'une manière générale tous les
petits poissons serviront pour la pêche au vif. Avec eux, on
prendra des Anguilles, des Perches, des Truites, des Bro-
chets, etc. Bien entendu, il importe que l'amorce soit aussi
234 l'A PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
vivante que possible: de là, différentes manières de l'enferrer
suivant qu'il a la vie plus ou moins dure. Nous emprunte-
rons encore à M. de La Blanchère les renseignements sui-
vants :
« Un principe basé sur l'observation doit dominer toutes
ces méthodes, pourvu qu'elles soient rationnelles ; c'est que
tout poisson chasseur attaque sa proie par la tête. Ceci est
sans exception, et la nature a été conséquente avec elle-
même; le mangeur a les dents en crochet la plupart du
temps, par conséquent ces dents, en s'accrochant dans les
écailles du mangé, le retiennent nécessairement et presque
sans effort; en second lieu, si la proie est grosse, quand le
mangeur a pu embrasser la tête du mangé tout à fait, la partie
la plus forte du corps suivra, car elle est rarement plus
grosse que la tête des poissons-proie, et d'ailleurs la forme en
fuseau aide à la déglutition; dernière raison : si comme le
Chevaine, le mangeur n'a pas de dents proprement dites, il
possède au fond du palais des espèces de crochets entre les-
quels il broie, en passant, la tête du mangé et le rend inerte.
Tout cela n'arriverait pas, si le mangeur attaquait le mangé
par la queue.
On prend un hameçon simple à boucle, c'est ici le cas de
se servir de ces hameçons, on fait entrer les pattes dans la
bouche du poisson qui doit servir d'appât, et on la fait sortir
au-dessous des ouïes. On attache ensuite l'hameçon à la ligne,
sur laquelle on lie la queue du poisson (fig. 139). On prétend
que de cette manière le poisson vit plus longtemps ; puis on
coupe une de ses nageoires pectorales afin de le faire pirouet-
ter dans l'eau et d'attirer fortement les poissons carnassiers,
lesquels, pensant rencontrer un poisson blessé qui ne pourra
les éviter, se jettent avidement sur lui.
On peut modifier avantageusement cette méthode en se
servant d'un hameçon fin limerick, courbé ou droit, empile
soigneusement d'avance sur florence forte ou sur corde filée
LA PÊCHE A l.A LIGNK S /,V)
d'une longueur de 20 centimètres environ, cette empile por-
tant une boucle à son extrémité : on passe délicatement cette
boucle par la bouche du poisson, en la faisant sortir par
une ouïe, et l'on attache la queue du petit poisson sur l'em-
pile au moyen d'un fil délié; il ne reste plus qu'à monter la
Fui. 139. — Manière d'escher au vif Fig. 140. — Manière d'escher au vif
. avec l'hameçon à boucle, d'après de avec la bricole, d'après de La Blan-
La Blanchère. chère.
boucle de l'empile dans le crochet à ressort d'un émerillon
qui doit terminer l'avancée (fig. 140).
Quand on se sert de l'hameçon double, nommé bricole, qui
est bien préférable pour tous les poissons chasseurs à gueule
dure et garnie de dents, on enferre le poisson de la manière
suivante : on fend légèrement avec la pointe d'un canif et en
travers le dos du poisson, à la naissance de la nageoire dor-
sale; on fait une autre entaille pareille, en avant, à la dis-
tance de 1 centimètre, plus ou moins, suivant la grandeur
de la bricole dont on veut se servir, suivant la grandeur du
poisson et suivant encore que la nageoire dorsale est plus ou
moins rapprochée de la queue ; on fait passer le bout de la
chaînette ou de la boucle de l'empile de corde filée, en com-
mençant par l'incision de la nageoire dorsale, et on le fait
ressortir par l'incision qui avoisine la tête. Lorsque la boucle
est sortie et dégagée de dessous la peau, on fait passer dans
j?ette boucle une des branches de la bricole, puis on retire
236
LA PECHE DES POISSONS EX EAUX DOUCES
le tout en arrière, jusqu'à ce que la boucle elle-même, ayant
passé sous la peau, soit sortie par l'incision postérieure, le
poisson se trouve ainsi suspendu en équilibre, il n'est pas
blessé mortellement et se promène longtemps. »
Quand on pêche à la volée avec un gros poisson vif, on
se contente de passer l'hameçon dans la chair de la queue,
ou de l'accrocher par le plein du dos.
LES ESCHES D'ESSENCES VÉGÉTALES
Nous avons vu qu'un certain nombre de poissons s'atta-
quaient volontiers aux végétaux ; bon nombre, en effet, sont
omnivores et, suivant le temps, l'heure, la saison, ils se
laisseront prendre à l'hameçon esche avec des graines ou
avec des vers. La plupart des esches d'essence végétale sont
des graines ou des fruits ; il faut savoir les préparer conve-
nablement, car s'il en est qui peuvent être employées direc-
tement, d'autres ont besoin de subir une petite préparation.
Si l'on se sert de graines pour amorcer, souvent on les fait
rissoler à la poêlé; mais pour en faire des esches, il convient
de les faire bouillir de façon à ce qu'elles soient non seule-
ment ramollies, mais même cuites. Cette cuisson se fait dans
l'eau salée, de façon à ralentir la fermentation qui ne man^
querait pas de se produire rapidement pendant les chaudes
journées de l'été ; la durée de la cuisson varie avec la nature
et la grosseur de la graine employée ; il faut compter près
de six heures pour le blé, et un peu moins pour les fèves;
l'enveloppe de la graine se fend, mais il faut arrêter la
cuisson avant que l'intérieur passe à l'état de bouillie. •■
t. Blé cuit. — La pêche au blé cuit est incontestablement
une des plus productives ; tous les poissons non carnivores
de la grande famille des Gyprinides, mordent avec une
extrême facilité à cette esche. Le plus gros blé est le
LA PÊCHE A LA LIGNE 237
meilleur; on donne souvent la préférence au. blé poulard,
dont les grains sont gros et arrondis; bien entendu, le blé
doit être au préalable cuit à l'eau de façon à être suffisam-
ment ramolli ; si le grain est crevé, la fente ne devra exister
que d'un seul côté. On enfonce la graine par la pointe vers
l'hameçon, de façon à ce que la pointe dépasse un peu, sans
quoi le poisson, fort habile à déglutir les substances qui ne
lui conviennent point, serait plus difficilement ferré. Suivant
le genre de pêche adopté, on peut se servir du. blé cuit pour
les grands fonds, ou bien le laisser à mi-hauteur comme s'il
flottait entre deux eaux.
On prend également les mêmes poissons avec la mie de
pain pétrie entre les doigts sous forme de petite boulette' de
la grosseur d'un pois. On enfonce l'hameçon de manière â ce
que le coude soit caché et que la pointe saillisse, sans quoi
la petite boulette rendue glissante par sa macération dans
l'eau pourrait glisser dans la bouche du poisson; il faut
armer sa ligne d'une flotte très légère et ferrer rapidement ;
la Carpe, le Gardon, la Brème, le Barbillon se prennent très
bien à la mie de pain.
Enfin, pour en finir avec le blé, disons que le son, quelle
que soit sa grosseur et sa qualité, est une très bonne amorce
pour les petits poissons ; dans bien des cas, il peut remplacer
le blé cuit; mélangé à un peu de pomme de terre cuite, il
constitue un très bon appât pour la plupart des poissons om-
nivores.
Avoine. — L'avoine cuite s'emploie souvent comme appât
libre; soit en nature, soit associée à d'autres substances;
plus économique que le blé, on en fait usage dans les mêmes
conditions, mais on n'amorce pas les lignes avec cette
• graine.
1 Fève cuite. — La fève cuite (Faba vulgaris), plus
connue sous le nom de fève de marais, est un des bons
appâts pour les gros poissons omnivores, et particulièrem nt
238 LA. PÊCHE DES POISSONS EN ËÀ.UX DOICES
pour la Carpe. Pour des poissons plus petits, on peut la
concasser. Avec la fève, on peut masquer entièrement l'ha-
meçon. On enferre cette graine en passant l'hameçon sous
la peau sans la crever ; la fève cuite, si elle est déjà fendue,
ne doit l'être que d'un seul côté. Broyée et mélangée avec
du son et de la pomme de terre, on en fait une bonne amorce
libre, surtout si le mélange est arrosé d'une essence odori-r
férante.
Maïs cuit. — Le maïs cuit et d'autres farineux, comme
l'orge, le haricot d'Espagne et même le soissons peuvent
dans bien des cas remplacer le blé cuit. Ces différentes
graines sont proportionnées à la grosseur des hameçons : le
blé bouilli convient aux petits hameçons; le maïs cuit est
enferré sur des hameçons de grosseur moyenne, tandis que
la fève, au contraire, sera réservée pour les hameçons beau-
coup plus gros.
Chènevis. — La petite graine du chènevis ou chanvre
cultivé (Canabis saliva) renferme une huile essentielle qui
donne aux appâts libres un goût fort apprécié, parait-il, de
la plupart de nos poissons. Nous recommanderons donc,
lorsque l'on fabriquera des amorces avec le blé, le son, la
fève, le sang, etc., d'y ajouter une certaine quantité de
graines de chènevis cuites ; la graine de lin peut également
prendre part au mélange, mais elle agit plutôt comme muf
cilagineux. Ces appâts libres au chènevis doivent toujours
être jetés quelques heures à l'avance. On vend dans certains
pays des pains de chènevis' pour la pèche; en pétrissant
quantité égale de ce pain avec du pam ordinaire, auquel on
ajoute des jaunes d'œufs, on obtient une excellente amorce
pour la Carpe et la plupart des Cyprinides;il est bon d'ajouter
comme aromate un peu d'essence d'anis ou de coriandre..
Nous avons également vu mélanger le pain de chènevis avec
du pain de seigle et le tout arrosé avec un mélange de miel
tt d'Assa fœtida.
LA PECHE A LA LIGNE 23 ( J
Fruits divers. — Parmi les fruits frais employés comme
esches, nous citerons surtout la cerise, le raisin, la gro-
seille et le concombre.
La cerise réussit très bien pour prendre le Chevaine;
est-ce sa belle couleur qui l'attire, ou bien le poisson
a-t-il un goût particulier pour ce fruit? c'est ce qu'on ignore.
La cerise anglaise, la griotte, la cerise de Montmorency,
avec leur petit noyau abrité sous une peau fine et souple
sont préférables. Pour enferrer, on introduit le dard d'un
hameçon n° 1 ou n° 2, ou bien un hameçon limerick sans
palette, par la partie où le fruit adhérait à sa queue; tour-
nant alors adroitement autour du noyau, on arrive à masquer
le fer tout entier dans le fruit, sans le déchirer, en faisant
à peine saillir la fine pointe de l'hameçon. Le fruit semble
alors accompagné de sa queue naturelle.
Le raisin noir, en automne, remplacera la cerise du
printemps pour la pêche des gros Chevaines. On ancrera le
grain du raisin de la même manière que la cerise. En hiver
et au commencement du printemps, lorsque le raisin frais a
disparu et que la cerise n'est pas encore mûre, on peut se
servir du raisin sec ; il est bon de le laisser au préalable
tremper quelques heures dans l'eau pour lui rendre sa sou-
plesse et un peu de sa forme primitive.
Le raisin blanc peut aussi réussir, mais sa couleur se
confond par trop avec celle de l'eau. Un panier de mauvais
raisin jeté la veille au soir à une bonne place constitue sou-
vent une bonne amorce.
La groseille ordinaire rouge, la groseille à maquereau
également rouge et même le fruit noir du cassis sont aussi
utilisés par les pêcheurs pour prendre des poissons plus
petits. Il va sans dire qu'on enferre de la même manière. Le
jus du cassis est aussi quelquefois employé pour arroser les
appâts libres; son odeur pénétrante se fait sentir de loin,
mais persiste peu dans l'eau ; on ne peut l'utiliser que pour
240 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
les amorces que l'on jette au moment de la pêche. Le résidu
des groseilles rouges ou blanches qui ont servi pour la con-
fection des confitures fait une très bonne amorce de fond.
Le concombre, le fruit bien connu du Cucumis et qui,
confit' lorsqu'il est encore jeune, donne les cornichons, est
parfois employé comme succédané du raisin ou de la cerise
dans le même genre de pèche. La chair de ce fruit coupée en
petits morceaux parallélipipédiques est enferré de la même
manière et permet de prendre des Chevaines ou des Van-
doises de toutes tailles.
APPATS DIVERS
Grenouilles. — Toutes les grenouilles, aussi bien la'
grenouille commune que la grenouille verte, la rainette ou
la grenouille muette peuvent être employées comme esches,
à la condition qu'elles soient petites. On s'en sert très avan-
tageusement pour la pêche des gros poissons carnassiers.
Truites, Brochets, Perches, Anguilles, etc. Cependant la
grenouille commune vit plus longtemps dans l'eau que les
autres ; on doit donc lui donner la préférence ; on l'enferré en
traversant avec l'hameçon la peau du dos, de manière à ce
que le dard ressorte entièrement ; il faut avoir soin de
prendre ni trop, ni trop peu de peau à la fois, car dans le
"premier cas on blesse inutilement l'animal, et dans le second,
il s'échappe de l'hameçon après quelques bonds. Si l'on veut
pêcher à la surface, l'hameçon doit être petit, et la Gre-
nouille doit pouvoir sauter facilement comme si elle était
libre; pour la pêche de fond, notamment pour les Anguilles,
on amorce avec des hameçons plus forts et plus profondément.
Mollusques. — Nous désignerons d'une manière géné-
rale sous ce nom tous les animaux terrestres ou des eaux
douces qui vivent abrités sous une coquille (fig. 141). Près-
LA PÊCHE A LA LIGNE 241
que tous les poissons en sont très friands et c'est pour le
pêcheur une esche toujours facile, à sa portée, aussi bonne
qu'économique. Les mollusques terrestres, vulgairement
désignés sous le nom d'escargots, sont aussi bons que les
limnées(fig. 141), les vivipares ou les planorbes qui vivent
dans l'eau. Il faut avoir soin d'en briser la coquille et d'en-
ferrer solidement dans la partie la plus résistante de la
chair de l'animal, c'est-à-dire dans le pied.
Fi«. 141. — A, Limnée des étangs (Limnsea ttagnaUsJ; B, Limnée au-
riculaire (Limnsea auricularia) ; C, Limnée voyageuse (Limniea
peregra).
La chair que renferment les coquilles bivalves, unios ou
anodontes, peut être utilisée comme esche, à la place de la
grenouille, ou de toute autre substance animale; pour cela
on la coupe en tranches un peu allongées ; c'est une bonne
esche pour les lignes de fond. Mais tous ces mollusques crus
ou même cuits, découpés en morceaux font d'excellentes
amorces libres pour la pêche des gros poissons carnassiers.
Limaces. — Les limaces ou les arions, les premiers
avec une petite coquille rudimentaire interne, les seconds
sans coquille ni interne ni externe, donnent les meilleurs
résultats comme esche pour la Carpe, le Brochet, l'Anguille,
Locard, La Pèche. 14
242 LA PKCSE des poissons en eaux douces
la Truite, etc. Gomme il en est de gros et de petits, on n'a
que l'embarras du choix, et le pêcheur qui s'en servira
rendra en même temps de grands services aux agriculteurs,
en les débarrassant de ces hôtes qui font tant de mal aux
plantes de nos jardins. C'est surtout après les pluies que l'on
voit ces animaux sortir de leur cachette et venir manger les
feuilles des salades ou les fruits à leur portée. On peut éga-
lement s'en procurer en déposant dans le coin d'un jardin
quelques fagots en tas ou des tuiles que l'on arrose une fois
pour toutes ; les limaces, toujours en quête des milieux
frais et humides, ne tardent pas à venir se réfugier sous ces
abris factices. On les enferre comme les vers.
Sangsues. — Voilà encore un appât facile à se procurer
en maints endroits. La sangsue se prend parfois en abon-
dance dans les fontaines, les fossés ou les ruisseaux aux
eaux ni trop fraîches, ni trop vives; trochètes, aulostomes,
hoemopsis, et même la vulgaire sangsue médicinale, sem-
blent fort goûtées de tous les poissons carnassiers; elles ont
ce grand avantage qu'elles peuvent vivre dans l'eau très
longtemps lorsqu'elles sont convenablement enferrées; c'est
une bonne esche pour la grosse Truite de fond, le Barbeau,
l'Anguille, le Saumon, la Perche, etc. On peut en conserver
de bonnes provisions clans un bocal dont on change l'eau de
temps en temps. Pour les enferrer, ou bien on se contente
d'introduire l'hameçon en pinçant la peau du dos sur une
certaine largeur et en laissant saillir le dard, c'est ce que
l'on fait pour la pêche de fond des gros poissons carnassiers;
ou bien on entre l'hameçon par l'extrémité postérieure, exac-
tement comme pour les vers.
Ecrevisses. — Quelques personnes recommandent l'emploi
des ecrevisses comme appâts ; malheureusement c'est sou-
vent un animal assez difficile à se procurer, et nous estimons
qu'il peut être plus avantageusement utilisé! « L'écrevisse,
dit M. de La Blanchère, fournit aux pêcheurs deux esches
J.A l'ECUE A LA LIGNE
2i3
excellentes, la queue que l'on emploie, fraîche ou conservée
dans le sel, pour prendre le Barbeau en été, et même en
automne le Chevaine, quelquefois le gros Dard au printemps.
On en enlève la carapace et l'on esche avec la petite virgule
de chair gluante qui remplit la queue. On se sert également
de la viande des pattes pour prendre la Perche qui en est
très friande. La Truite elle-même doit y donner de toutes
manières, car dans certaines rivières, elles se nourrit
d'écrevisses qu'elle prend vivantes, et dont il faut qu'elle
brise la carapace pour manger la chair. Dans certaines
petites rivières où la Perche, la Truite et l'Ecre visse sont les
seuls habitants de l'eau, avec le Brochet, il faut bien que les
deux carnassiers vivent du crustacé. »
Viandes. — On peut employer pour la pêche différentes
sortes de viandes, soit crues soit cuites. La viande de bou-
cherie, crue ou cuite, cheval, bœuf ou veau, découpée en
minces lanières est utilisée pour escher les hameçons dans la
pèche des poissons carnassiers; pour les lignes de fond on
se contente de la découper en petits cubes que l'on attache
avec un fil fin et aussi peu apparent que possible. La rate de^
bœuf est particulièrement utilisée ; elle présente cet avan-
tage de bien tenir à l'hameçon ; on la met crue ou cuite, et
l'on peut s'en servir en toutes saisons.
La viande de poisson rend les mêmes services ; on utilise
à cet effet la chair des poissons morts, que l'on enlève sur
les côtés de l'animal et que l'on découpe en filets allongés ou
en cubes suivant le genre de pêche. Cette qualité de viande
est encore préférable à la viande de boucherie. Mais ces
deux natures de viandes coupées ou hachées en menus
morceaux, mélangées à du son et à de la glaise pétrie
ensemble, constituent des amorces libres d'excellente qua-
lité lorsque l'on veut prendre du gros poisson.
Sang caillé. — Le sang caillé des animaux est fort em-
ployé ; à la campagne le sang de volaille est avantageuse-
244
LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
ment utilisé à cet effet; au voisinage d'un abattoir on lui
préférera le sang de bœuf ou de veau, mais il faut préparer ce
sang; on l'expose à la chaleur pour le faire coaguler et on
laisse ensuite refroidir; le caillot de fibrine est alors placé
dans de l'eau froide et coupé en morceaux que l'on place
dans une boite spéciale, uniquement réservée à cet office.
Pour le sang recueilli dans les abattoirs on le reçoit dans un
vase au fond duquel on a mis du sel ordinaire pilé; le lende-
main il est suffisamment coagulé. Pour escher avec le sang,
on coupe sur le fond de la boite ou sur une pierre recou-
verte d'une feuille, des morceaux de sang en forme de dés;
un couteau de bois suffit à cet effet. Ces petits dés s'em-
brochent parfaitement au bout de l'hameçon. Avec le sang
on fait également d'excellentes amorces, soit en coupant
menu du sang caillé pour le mélangera d'autres substances,
soit en le jetant directement à la main, soit encore en l'en-
fermant dans un filet ou sac que l'on jette dans le courant
quelques heures au préalable.
Cervelle. — La cervelle crue ou cuite peut remplacer le
sang; elle est moins désagréable à manipuler. On fait surtout
usage de la cervelle de veau. Mais la cervelle de cheval,
aujourd'hui assez commune dans nombre de villes, peut
avantageusement être utilisée. La cervelle, une fois découpée
et mise sur l'hameçon, est entourée d'un fil fin croisé dans
plusieurs sens, de manière à constituer une petite pelote.
On pêche alors le Chevaine et le Barbillon avec une ligne
légère, munie d'une flotte très sensible. La cervelle rend
peu de services dans les amorces libres.
Tripes. — ■ Les tripes ou entrailles de la volaille servent à
prendre la plupart des gros poissons carnassiers, que
l'odeur peu agréable de ces appâts attire parfois de fort
loin. On les amorce soit en piquant un morceau préalable-
ment coupé de la longueur du doigt et pincé sur le même
côté, de manière à simuler un gros ver, soit en faisant une
LA PÊCHE A LA LIGNE 245
petite boule de la grosseur d'une noisette que l'on embroche
par le milieu et laissant pendre les deux bouts. Les tripes
coupées en menus morceaux constituent une excellente
amorce libre; on les mélange avec de la glaise, comme les
menus vers.
Fromage. — C'est surtout du fromage de gruyère dont on
fait usage comme esche ou comme amorce; tantôt on s'en sert
lorsqu'il est bien frais, tantôt on le laisse rancir en le gar-
dant pendant un certain temps sous un linge humide. Les
Barbillons, les Chevaines, les Gardons, etc., mordent bien à
cet appât. On le taille en petits cubes que l'on enfile sur
l'hameçon en laissant franchement dépasser la pointe du
dard. Certains pécheurs avant de s'en servir le font tremper
quelques heures dans du lait chaud. Avec cette esche
dénature un peu molle, il faut ferrer rapidement le poisson.
On se sert également du fromage de gruyère pour les jeux
et les cordées. Enfin broyé avec du son, de la mie de pain et
de la terre glaise, il constitue une des bonnes amorces libres
pour les poissons omnivores; dans ce cas, le fromage déjà
un peu fait, est préférable au fromage frais.
Jaunk l'œuf. — Dans la pêche au Barbeau, on fait une
bonne esche pour les hameçons de fond en pétrissant avec un
peu d'eau et de la farine des jaunes d'œufs durcis; on forme
avec cette pâte de petites boulettes de la grosseur d'une
noisette. On fait encore avec les œufs de poissons une bonne
esche pour la blanchaille; ces œufs sont durcis au soleil ou
encore mieux cuits au four; on les conserve dans des pots
de terre bien au sec en les isolant avec de la paille bien
sèche et un peu de sel ; on coupe ces paquets d'œufs en la-
nières ou en petits cubes qua l'on embroche ensuite sur les
hameçons.
Cocons. — Dans les pays où l'on s'occupe de l'élevage
des vers à soie, on utilise très souvent les cocons qui ont
servi, c'est -à-dire ceux dont on a déjà retiré la soie par le dé>
246 LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
vidage et qui renferment encore la chrysalide. On les enferre
directement, de façon à cacher l'hameçon tout entier, ou bien
on les fend pour en retirer la chrysalide qui seule alors est
logée sur l'hameçon.
Pain de creton. — On vend sous ce nom des pains peu
volumineux faits avec les résidus provenant de l'affinage des
suifs ; ils renferment des débris de fibres musculaires et de
membranes que l'on a recueillies sur les tamis et dans les
fonds de chaudières, et qui ont passé sous la presse. Ces
pains, coupés en morceaux et bouillis dans l'eau, reprennent
en partie leur élasticité primitive et constituent une excel-
lente amorce pour certains poissons, tels que le Chevaine et le
Barbeau. A défaut de pain de creton, on fabrique soi-même
une pâte avec de la mie de pain pétrie avec du suif ou du
gras de lard.
Essences, huiles. — Souvent, comme nous l'avons déjà
expliqué, les pêcheurs enduisent leurs appâts fixes ou libres
d'essences ou d'huiles aromatiques destinées à attirer le pois-
son par l'odeur qu'elles répandent, nous citerons l'huile
d'aspic, liqueur volatile, d'une saveur très acre obtenue par
la distillation de la fleur de la Lavande aspic. L'huile com-
posée : c'est un mélange de 30 grammes d'huile d'amandes
douces, 10 gouttes d'extrait d'absinthe, 10 gouttes d'extrait
de camomille, 2 grammes de poudre de cumin, 10 centi-
grammes de civette; cette huile reste près d'un quart d'heure
dans l'eau avant de disparaître. Voici un autre mélange ana-
logue : miel blanc, 2 cuillerées ; anis pulvérisé, 10 grammes ;
coriandre en poudre, 10 grammes ; huile essentielle d'anis,
2 grammes; huile d'amandes douces, 10 grammes; ce mé-
lange est particulièrement bon pour la Carpe. On peut en-
core faire la préparation suivante : huile essentielle d'anis,
grammes; huile de coriandre, 2 grammes; essence de
rose, 10 gouttes; coriandre en poudre, 35 grammes; anis
pulvérisé, 35 grammes; huile d'amandes douces, 35 grammes;
LA PÊCHE A LA LIGNE
247
alcool, 500 grammes. Après avoir laissé macérer on ajoute :
manne, 50 grammes, et miel blanc, 60 grammes. On peut
ainsi varier les recettes à l'infini.
Pour terminer ce qui est relatif aux esches nous croyons
intéressant de résumer dans un tableau d'ensemble les diffé-
rentes sortes d'esches ou appâts que l'on pourra utiliser sui-
vant les saisons et pour chaque sorte de poisson. Nous sui-.
vrons l'ordre alphabétique des principaux poissons.
Ablette. — Petites esches animales : aux premiers beaux
jours, vers de vase, vers cannelés, petites larves d'insectes.
En été, mouches, asticots, larves de fourmis. Dans l'arrière-
saison, vers rouges et vers de vase en morceaux.
Alose. — Se prend très rarement à la ligne : petits pois-
sons, Ablettes, Vairons, viande crue ou cuite, tripes de vo-
lailles, etc.
Anguille. — Au printemps et en été, tous les petits
poissons vivants, mais principalement le Vairon et les petites
Lamproies ou Lamprillons, Loches, Ammocètes, Cha-
touilles, etc; les gros vers rouges, les sangsues, les gre-
nouilles, les limaces et tous les mollusques, les tripes de'
volailles, la viande cuite, le sang caillé, etc. En hiver, les
vers rouges, la viande et le sang caillé.
Apron. — Vers de fumier, vers rouges à tête noire, vers
de vase, larves d'insectes, cherfaix, sauterelles, plus rare-
ment l'asticot et la viande crue.
Barbeau. — Au printemps : vers rouges, viande crue,
larves de hannetons. En été : vers de vase, cherfaix, larves
diverses, gruyère, asticots dans les pelotes, jaune d'œuf dur,
miede pain aromatisée, queues d'écrevisses, etc. En automne :
vers rouges, viande cuite, sangsues, grillons, criquets.
Blageon. — Mouches naturelles, blé bouilli, larves de
fourmis, petites sauterelles, et en général les petits insectes
parfaits ou leurs larves.
248 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
Blenie. — Mêmes appâts.
Bouvière. — Se prend très rarement à la ligne avec de
petits vers.
Brème. — Au printemps : blé cuit, vers rouges, vers à
queue, pain de creton. En été : asticots dans les pelotes,
fèves, pois, blé cuit et en général tous les farineux, mollus-
ques divers, vers à queue, vers de pâte, vers rouges bien
dégorgés. En automne : vers rouges et vers de vase.
Brochet. — Tous les appâts de nature animale; au prin-
temps : vers rouges, rate crue et cuite, viandes de toutes
sortes, grenouilles, tripes de volailles. En été : de préférence
les petits poissons, Goujons, Loches, Vairons, Epinoches, etc.,
limaces, sangsues. En automne : Vairons, mollusques di-
vers, tripes de volaille, viandes, etc.
Carpe. — De préférence les végétaux; au printemps :
mie de pain, blé et fèves cuites, vers rouges. En été : fèves,
pois, chènevis, mie de pain, boulettes de son, mollusques
aquatiques, etc. En automne : tous les farineux, les vers
rouges, les limaces, etc.
Chabot. — Toute l'année : vers rouge, vers de vase, larves
aquatiques, chenilles, pâte au fromage aromatisée au safran
ou à la thérébentine.
Chevaine. — En hiver et au printemps : cervelle crue,
tripes de volailles, sang, pain de creton. Le reste de l'année :
vers rouges, chenilles, hannetons et leurs larves, papillons,
grillons, sauterelles, cocons de vers à soie, grenouilles, ce-
rises, groseilles, concombres, mollusques divers, blé cuit,
vers de farines, asticots, cervelle de veau crue, etc. ; c'est
le poisson omnivore par excellence.
Chondrostome. — Mêmes amorces que pour les Che-
vaines.
Cyprinopsis. — Gomme la Carpe.
Epinoche. — Se prend rarement à la ligne : petits vers,
rouges et dje va^e, asticots, mouches et petits insectes.
LA PÊCHE A LA LIGNE 249
Èperlan. — Se prend très rarement à la ligne : on peut
escher avec des mouches ordinaires.
Esturgeon. — Se prend accidentellement avec les lignes
amorcées d'un petit poisson tel que Vairon, Goujon, ou d'une
grenouille, etc. On en a pris également avec delà viande crue.
Fera. — Ne se pèche qu'au filet.
Gardon. — Au printemps et à l'automne : vers rouges et
vers de vase. En été : vers rouges, cherfaix, larves diverses,
blé cuit, mie de pain, vers de farine, asticots.
Goujon. — En toutes saisons avec le ver rouge. En été :
ver rouge et ver de farine, ver de vase et larves d'insectes,
asticots, plus rarement avec de petits filets de viande crue.
Gremille. — Au printemps : asticots, ver rouge. En été
et en automne : ver rouge, asticots, petites mouches, etc.
Ide. — Au printemps : ver rouge, asticots, cervelle de
veau crue. En été et en automne : sauterelles, mouches, pain
de creton, cerises, groseilles, asticots, vers de vase et vers
de farine, tripes de volailles, etc.
Lamproie. — ■ Ne se prend pas à la ligne.
Lavaret. — Ne se pèche qu'aux filets.
Loche. — Se prend rarement à la ligne : asticots, ver
rouge, mouches naturelles.
Lotte. — Au printemps : vers rouges, Lamprillons, Vai-
rons, Loches, etc. En été et en automne : tous les petits
poissons, sangsues, grenouilles, limaces et tous les mollus-
ques, viande crue ou cuite, tripes de volailles, sang caillé,
chenilles, papillons, etc.
Muge. — Se prend quelquefois à la ligne : fromage de
gruyère, tripes de volailles, grosses mouches, vers de
terre, etc.
Omble. — Se prend à la ligne avec des mouches natu-
relles ou artificielles et surtout de petits moucherons.
Ombre. — Mouches naturelles et moucherons.
Perche. — En toutes saisons : ver rouge, ver de vase,
250
LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
asticot, écrevisse crue, Goujon, Loche et en général tous les
petits poissons vifs, petite grenouille, mollusques divers.
Pleuronecte. — Les petits poissons, vairon, goujon, loche,
lamprillon, etc., ver rouge et ver de vase, viande crue,
viande de poissons morts.
Rotengle. — Au printemps : ver rouge, en été et en
automne: ver cannelé, ver de vase, verde farine, ver rouge,
cherfoin, larves d'insectes, blé cuit.
Saumon. — Les gros insectes, hanneton, criquet, grillon,
cocon de ver à soie, ver de terre, ver rouge, sangsue,
limace, vairon, loche, goujon, etc.
Tanche. — Au printemps : ver rouge, ver à queue, blé
cuit. En été: asticot, ver de pâte, mollusques aquatiques, blé
cuit, fève, pois, chènevis, et en général la plupart des
farineux, mie de pain. En automne : ver de vase, ver rouge,
asticots.
Truite. — Au printemps : ver rouge, mouche artificielle.
En été: mouches naturelles, papillons divers, chenilles,
sauterelles, criquets, hannetons, vairon, loche, lamprillon
et tous les petits poissons. En automne : mouches artifi-
cielles, gros ver rouge, tripes de volaille, petits poissons
divers, pain de creton, etc.
Vandoise. — Blé cuit, chènevis cuit, asticots, mollusques
divers, mie de pain aromatisée.
Vairon. — Toute l'année : ver rouge, de petite taille,
Ver de vase, larves d'insectes, asticots, filets de viande
crue, etc.
Puisque nous en sommes aux agents qui permettent de
détruire partiellement le poisson, pour un bon motif il est
vrai, et dans des proportions très raisonnables, disons ici un
mot dés poisons malheureusement trop souvent mis en
œuvre pour détruire à la fois tout le' poisson d'un cours
d'eau ou d'un étang. Ces agents sont nécessairement pro-
LA PÈCHE A LA LIGNE 251
hibés ; toutefois il est bon de les connaître. Les uns sont de
nature végétale, les autres de nature minérale. MM, Che-
valier et Duchesne ont donné la liste suivante de ces poi-
sons végétaux. Les uns sont nuisibles à l'homme, en ce cas il
faut prendre la précaution de vider etde nettoyer les poissons
avec beaucoup de soin avant de les faire cuire ; tels sont :
Cocculus suberosus de Cand., coque du Levant, fruits.
Delphinium staphisagria Lin., staphisaigrc, se-
mences.
Delphinium Requieni D. G., semences.
Hydnocarpus inebrians Vahl., fruits.
Menispermum lacunosurn Lamck., fruits.
Taxus baccata Lin., feuilles.
Veratrum sabadilla Retz., cévadille, capsules.
Végétaux non dangereux pour l'homme.
Barringionia speciosa L. fils, Butonica speciosa
Lamck., amandes mangées par les matelots chinois sous le
nom de Bonnets carrés.
Calophgllum inophyllum L., baume de culaba, enivrant
les poissons.
Cerbera allouai L., bois.
Daphne fœtida Forster., semences.
Euphorbia colinifolia Lin., toute la plante.
Galega sericea Thunb., racine.
Galega to.vicaria S\v., feuilles.
Lepidium piscidium Forster, feuilles et semences.
Paullinia pinnata Lin., semences.
Paullinia triternata Lin., Serjania lethalis Saint-
Hilaire, liane à persil, timbo du Brésil, feuilles.
Phyllanthus Brasiliensis Millier, P. Conami Wild., bois
à enivrer, rameaux chargés de feuilles et racines eontuses.
Phyllanthus viroucs Roxburg, rameaux chargés de
feuilles et piles.
PiscidiaCarthaginensis Lin., rameaux et feuilles écrasées*
I
252 LA PÈCHE DES TOISSONS EN EAUX DOUCES
Patabea amara Aublet, tiges et feuilles.
Robinia nicou Aublet, R. scandens Wilden., sarments
verts, pour engourdir les poissons.
Parmi les produits minéraux malheureusement trop sou-
vent mis en usage par les braconniers pour détruire le
poisson, nous citerons la chaux ; c'est comme on le voit un
produit aussi simple qu'économique, car tout le monde peut
faire de la chaux avec le moindre caillou calcaire. Malgré
les lois les plus sévères, malgré les menaces d'amendes et
même de prison édictées par ces lois, les empoisonneurs des
eaux continuent sans cesse leur redoutable industrie ; ce sont
eux qui ont détruit les Truites dans nombre de ruisseaux qui
une fois empoisonnés ne se prêtent plus à la remonte de ce
poisson. Mais il va sans dire que les poissons ainsi détruits
ne sont nullement dangereux à manger, à la condition qu'ils
soient toujours frais.
Enfin le développement incessant des industries de toutes
sortes au voisinage des cours d'eau est une cause impor-
tante de la destruction du poisson ; les mines, les féculeries,
les sucreries, les teintureries, les fabriques de produits chi-
miques, etc., déversant dans des eaux normalement pures
et poissonneuses des produits éminemment délétères font à
jamais disparaître les poissons dont la constitution délicate
ne saurait se complaire ou même s'acclimater dans un pareil
milieu. «En aval des féculeries (dans la plaine de Saint-
Denis), toutes les herbes aquatiques disparaissent ; tous les
mollusques périssent. Les eaux déposent partout sur leur
passage des masses blanchâtres, poisseuses, sans consistance.
Des grumeaux flottent dans le courant. La surface se couvre
d'écume; l'eau exhale une forte odeur d'hydrogène sulfuré.
L'examen microscopique montre que ces masses blanchâtres
et gluantes sont des algues ou conferves, qui, lorsque les
travaux de féculerie ont cessé, périssent, se putréfient,
remontent à la surface de la rivière et, par leur décomposi-
LA PECHE A LÀ LIGNE 253
tion, favorisent singulièrement le développement des int'u-
soires.
De même dans les eaux vaseuses des sucreries, M. Gloez
a vu se développer une espèce de conferve ou d'algue géla-
tineuse contenant une grande proportion de soufre, dont les
débris altèrent l'eau des rivières et font périr les larves
d'insectes, les écrevisses, les poissons, et d'une manière
générale, tous les animaux aquatiques.
Les cours d'eau peuvent être encore souillés par cer-
tains produits minéraux provenant d'exploitations minières.
C'est ainsi que, dans le Puy-de-Dôme, un rapport du
D r Nivet a constaté, il y a quelques années, la souillure des
eaux de la Sioule, au-dessous des fonderies de Pontgibaud,
par le déversement des liquides provenant des laveries, des
bassins de clarification et autres usines dépendant de l'ex-
ploitation de ces mines plombifères. Les poissons jadis très
abondants dans ce cours d'eau, ont diminué d'une façon
notable, ou même disparu.
APPATS ARTIFICIELS
C'est à l'esprit industrieux et inventif des Américains et des
Anglais que nous devons l'emploi de ces innombrables appâts
ou amorces artificiels. Avec un peu d'adresse, on arrive
facilement à imiter toutes sortes d'animaux dont le poisson
semble plus ou moins avide. Tantôt ces amorces simulent
simplement un insecte, un papillon, une chenille emmanchée
au bout de son hameçon ; d'autres fois c'est un petit poisson
métallique dont l'éclat rappelle celui des véritables poissons;
mais on construit aussi de véritables engins qui se meuvent
et s'agitent dans l'eau tout comme le poisson. Dans le cha-
pitre relatif aux différents genres de pêche nous parlerons
du tue-diable et de la cuiller. Ici nous nous bornerons à
dire quelques mots des insectes et des poissons artificiels.
Locakd, La Pêche. 15
254 l'A PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
Mouches artificielles. — Sous le terme général de
mouches artificielles, on désigne toutes sortes d'imitation,
depuis les plus simples jusqu'aux plus fantaisistes, des
insectes qui vivent dans la nature. Tous les marchands
d'ustensiles de pêche en sont abondamment pourvus ; on en
voit chez eux de toutes les tailles, de toutes les formes, de
Fia. 142. — Mouches artificielles (d'après Moriceau).
toutes les couleurs. Y en a-t-ildans le nombre quelques uns
de meilleurs que les autres? A notre avis, du moment qu'ils
sont bien faits et qu'ils se comportent bien à l'eau, ils se
valent à peu près(fig. 142).
On pêche avec les mouches artificielles à la ligne volante ;
ordinairement une seule mouche suffit, mais quelques pê-
cheurs en mettent deux et même parfois trois à la fois. En
ce cas, la seconde mouche doit être à environ 1 mètre au-
],A PÈCHE A LA LIGNE 255
dessus de la mouche qui termine la ligne, et la troisième au
moins à 50 centimètres de la seconde. Avec cet engin, on
prend tous les poissons de surface et particulièrement la
Truite.
Mais il est tout aussi simple et surtout plus économique de
faire ses mouches artificielles soi-même. Le corps, s'il est
petit, se fait ordinairement avec un peu de soie colorée que l'on
entortille autour de la hampe de l'hameçon ; pour les corps
plus gros, on prendra des tuhes de plumes, du liège taillé, dans
lequel on fera passer le corps de l'hameçon, et que l'on fixera
avec un peu de gomme laque à chaud ou toute autre colle ne
se dissolvant pas dans l'eau froide. Ces corps seront enguir-
landés de fils de soie de différentes couleurs, au besoin en-
tremêlés de quelques fils d'argent ou de cuivre ; on imitera
ainsi les anneaux diversement colorés du corps de certains
insectes, chenilles ou papillons. Les aiJes seront faites avec
quelques plumes légères empruntées aux volatiles de la
basse-cour : le coq, surtout les plumes de la collerette, le
canard mâle, la pintade, la perdrix, la bécasse, le faisan, le
paon vous fourniront tout ce qu'il vous faudra en fait de
plumes lisses ou hérissées, étroites ou arrondies, brillantes
ou sombres; emprisonnez la hampe de la plume dans le corps
de votre mouche, consolidez-la avec un peu de laquo; taillez
la pointe avec de bons ciseaux au gré de votre caprice et
vous aurez les plus jolis insectes du monde; inutile de vous
préoccuper des pattes ou des antennes, les poissons ne sont
point assez ferrés sur l'histoire naturelle pour s'apercevoir
que ces organes délicats manquent à" vos amorces! Enfin,
préférez-vous au corps lisse et soyeux un corps hirsute?
coupez menu du poil fin, ou de petites barbes de plumes;
vous en enduirez les parties du corps que vous voulez ainsi
masquer après les avoir entourées d'un peu de colle.
Poissons artificiels. — Est-il donc si nécessaire de
fabriquer des poissons artificiels, alors qu'il est si facile de
256
LA l'ECIIE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
se procurer des petits poissons naturels? Sans doute quelques
membres de la Société protectrice des animaux, mus par un
sentiment de légitime pitié, en voyant ces pauvres petits
poissons ainsi exposés sciemment à une mort certaine après
une cruelle agonie, auront imaginé ces engins métalliques
qui n'ont pas à souffrir ! On en fait donc de toutes les formes,
de toutes les couleurs, avec un métal peint qui entoure et
dissimule convenablement l'hameçon. Parfois même, ils
sont plus brillants, plus chatoyants que le vrai poisson et
équilibrés de façon à pouvoir se remuer et s'agiter sous
l'action du courant. Ils n'ont de réels avantages que lors-
qu'il s'agit de pêcher dans les grandes chutes, là où le
poisson vivant résisterait par trop difficilement. Mais, en ce
cas, nous donnerons toujours la préférence à la cuiller et au
tue-diable.
DIFFÉRENTES SORTES DE PÊCHES A LA LIGNE
Maintenant que nous avons fait connaissance avec les dif-
férents engins destinés à capturer le poisson, il ne nous reste
plus qu'à apprendre à nous en servir. Ce n'est pas toujours
chose facile, et ici, comme en bien d'autres cas, le tour de main
et surtout l'expérience jouent un grand rôle. Il y a bien des
manières de prendre du poisson et, comme pour les amorces,
on peut dire que chaque pécheur a la sienne. Mais tous les
poissons ne se laissent pas prendre de la même manière.
Rien n'est plus malin, plus capricieux, plus astucieux qu'un
poisson dans l'eau. Certains jours vous le verrez tourner
autour des appâts les plus tentateurs sans jamais vouloir y
mordre; ces jours-là, il est inutile d'insister, car rien au
monde ne saurait le faire sortir de son mutisme. D'autres
fois, avec une prestesse dont vous ne saurez vous défendre,
il dérobera l'amorce ou la rejettera sans que vous ayez le
temps de lui faire sentir la pointe de l'hameçon. En outre,
LA VECUE A LA LIGNK 257
étant donnée la diversité des mœurs de ce petit monde, vous
ne pécherez point un Brochet comme une Carpe, un Goujon
comme une Ablette! Enfin, une fois embroché au bout de
votre ligne, le poisson n'est pas encore dans votre carnicr
de pêche; c'est bien là ou jamais le cas de dire qu'il y a loin
de la coupe aux lèvres ! Un poisson n'est réellement péché
qu'une fois qu'il repose aux côtés du pêcheur. De là, cette
grande diversité dans les différentes manières de prendre du
poisson.
Nous diviserons donc cette partie de notre travail en
quatre chapitres. Dans le premier, nous exposerons quelques
notions générales relatives à la pêche à la ligne; dans les
trois autres, nous traiterons successivement les différentes
sortes de pêche à la ligne ordinaire, la pêche avec les lignes
de fond et enfin les pèches pratiquées à l'aide de divers en-
gins dont la ligne est la base.
Du temps pour la pêche. — On ne saurait pécher par
tous les temps, et la première chose que doit faire le pêcheur
consiste à consulter son calendrier, son baromètre et son
thermomètre. En hiver, le poisson recherche les milieux
profonds, où il a plus chaud qu'à la surface ; en été, il fuit
dans les endroits ombrages pour se protéger contre les ar-
deurs d'une température trop chaude. Suivant les saisons,
il fraye dans tel milieu, et déjà nous nous sommes expliqué
à cet égard suffisamment ; n'allez donc point pêcher en
rivière des Aloses ou des Saumons, alors qu'ils naviguent en
mer, et puis évitez de prendre le poisson aussitôt après qu'il
a frayé, car alors il est maigre et sa chair a perdu ses
meilleures qualités. Certaines pêches se font la nuit ; mais
laissez ce soin aux pauvres pêcheurs de profession, ou si
parfois l'envie vous prend de les suivre, prenez bien toutes
précautions nécessaires pour vous garantir du froid, de l'hu-
midité, de la malaria, etc., sinon gare les rhumatismes ou
les fièvres! Autant la pêche de jour est agréable et même
258 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
salutaire, autant la pèche de nuit peut présenter d'inconvé-
nients.
Il est inutile de se mettre en pêche par les grandes cha-
leurs de l'été, au milieu de la journée; réservez-vous pour
la matinée et la soirée, c'est l'heure où le poisson se met en
chasse, tandis qu'il repose pendant les ardeurs du grand
jour. Mais si la saison fraîchit, péchez à toute heure et plus
encore au beau milieu du jour. Le temps se met-il à l'orage,
laissez gronder la foudre et tomber pluie ou grêle, à ces mo-
ments, quoi qu'on en dise, le poisson ne mord pas; mais, à
la première éclaircie, jetez vos lignes, le poisson qui aura
jeûné pendant l'orage n'en sera que plus avide ; après une
pluie légère, le poisson quitte le fond pour gagner les rives
où il trouve dans les apports limoneux de quoi se satisfaire.
On fait de bonnes pêches après les averses, car la pluie se
charge elle-même d'amorcer vos coups. Le ciel couvert, la
chute d'une petite pluie fine malheureusement trop péné-
trante pour le pêcheur, les approches d'un orage, sont de
bons temps pour la pêche, mais choisissez toujours les en-
droits abrités du vent.
De la place a choisir. — Tous les endroits ne sont pas
également propices pour la pêche ; il faut savoir choisir
convenablement son milieu. Pour cela le pêcheur doit com-
mencer par prendre une exacte connaissance des lieux ;
nature des fonds, profondeur de l'eau, allure de la rivière,
qualité des apports naturels, etc., sont autant de données
fondamentales qui l'intéressent. Veut-il connaître la compo-
sition du fond, il laissera descendre, au bout d'un fil emmanché
à l'extrémité d'une canne à pêche, une sonde dont la base est
garnie de suif; les éléments du fond s'attachent après cette
substance, et éclairent le pêcheur sur la nature du milieu.
Avec le même instrument il se rendra compte de la hauteur
de l'eau, surtout s'il a eu soin de diviser son fil par des
nœuds faits de mètre en mètre.
LA PÊCHE A LA LIGNE
259
« Dans les courants rapides, dit M. de La Blanchère, fond
de sable ou de pierre, ce qu'on nomme en certains pays jars
ou corrées, profondeur de 50 centimètres à 1 mètre, on
prendra : Ablettes vraies et alburnoïdes, Dards, petits Che-
vaines, petites Truites, Ombres, Saumoneaux, tout cela à la
surface ; au fond, Goujons et petits Barbillons. Par un cou-
rant moyen, sur un fond de vase ou de sable vaseux, de
i mètre à 3 m ,50 de profondeur, on prendra, à la surface, en
été : des Chevaines ; au printemps et à l'automne, des Dards;
et au fond, en toute saison, les Gardons, Brèmes, Carpes;
et la nuit, des Anguilles. Au contraire, dans l'eau calme et
tranquille, par 3 et 4 mètres d'eau, sur du sable fin ou de
la vase, et surtout s'il y pousse des joncs et des herbes, on
prendra, à la surface, du fretin ; entre deux eaux : la Perche et
le Brochet; au fond, la Carpe, l'Anguille, et le soir, le Bar-
billon aussi, car il va partout. C'est un des rares poissons
qui ne se cantonne point, au contraire de la Carpe, de la
Tanche et du Brochet même. A la chute des moulins, des
écluses ou des cascades, on prendra : la Truite, l'Ombre,
tout cela au fond; le Brochet même qui s'y plaît; le soir,
l'Anguille qui s'y promène.»
C'est surtout dans les eaux tranquilles et dormantes qu'il
faut tendre ses lignes; si la rivière a un courant trop rapide,
recherchez sur son cours les contours ou les remous, là où
l'eau devient plus calme. Y a-t-il dans le voisinage quelque
égout collecteur, qui vient déverser ses eaux grasses, mais
non chargées de principes nocifs, dans le courant de la
rivière, installez-vous au voisinage; l'odeur qui s'en dé-
gage n'est peut-être pas très agréable pour votre odorat,
mais elle attirera le poisson et vous évitera le choix de toute
amorce libre. Après les grandes pluies, après les inondations,
toutes les fois en un mot que l'eau claire et transparente vient
à se troubler, profitez -en pour pêcher, car le poisson timide
ne vous distinguera pas, ni vous, ni vos engins et vous le
260 LA PÈCHE DES l'OISSONS EN EAUX DOUCES
surprendrez plus facilement; n'est-ce point là ce que l'on
appelle pêcher en eaux troubles?
Suivant les milieux il faut savoir pêcher au large ou sur
les bords. Si l'eau est basse et normalement claire sur les
bords, envoyez votre ligne au large; dans les haïs et les
tournants, les bords sont souvent plus profonds, péchez alors
sur les bords. Méfiez -vous aussi de certains rivages par trop
à pic, et dont le courant trompeur ronge les parois en
dessous ; car c'est vous que l'on aurait à pêcher ensuite.
Le voisinage des milieux herbeux est bon le matin avant
midi, car le poisson, avant d'aller s'y réfugier pour y passer
les heures trop chaudes de la journée, ne craindra pas de
mordre avant de faire sa sieste. Enfin, lorsque vous avez
pris soin d'amorcer une place, gardez-là toujours, et soyez
bien certain que le poisson y reviendra.
Du coup. — Voilà donc votre place choisie, votre station
bien amorcée au préalable, vos engins tout disposés, le mo-
ment est venu de jeter votre ligne, ou en termes de pêche
d'apprêter un coup, d'amorcer un coup, de faire un coup. Le
coup est aussi bien l'endroit où l'on pêche, que l'opération
elle-même; on prépare son coup en amorçant avec les
données que nous avons indiquées, dans un milieu bien
choisi; on fait un coup, en jetant dans ce milieu une ligne
bien eschée, convenablement agencée, et l'on attend avec la
plus grande dose de patience possible que sa majesté poisson
daigne faire attention à votre amorce et veuille bien en goûter.
A ce moment veillez votre flotte, car bien entendu nous
supposons que vous péchez avec une ligne flottante, voici la
bataille qui commence, votre ennemi attaque.
De l'attaque. — Chacun attaque à sa manière ; chez les
poissons comme chez les hommes, il y a les braves et les
lâches, les vigoureux et les mous. Souvent aussi le poisson
déjà repu joue avec l'amorce, la pousse du bout de son
museau, la déplace avec sa queue, passe son ventre dessus;
LA PECHE A LA LIGNE 261
la ligne suit ses mouvements, la flotte se déplace, s'agite,
mais le poisson ne mord pas ; ce sont lu fausses attaques.
Puis, si vous avez de grosses amorces, ce sont de petits
poissons voraces qui se jettent en bande dessus, tâchant
d'arracher quelques menues bribes pour leur petit festin; la
flotte tremblotte, la ligne bouge encore ; mais cette fois le
vrai poisson ne mord pas. Suivant qu'il a plus ou moins
faim et surtout suivant qu'il est plus ou moins vorace, le ,
poisson mordra, attaquera avec plus de prestesse. Avec un
peu d'habitude, vous finirez bientôt par connaître à quel
poisson vous avez affaire, en étudiant la manière dont il s'y
prend pour attaquer votre amorce.
Cette attaque ou touche varie également suivant le temps
et suivant les saisons. Lorsqu'il a frayé, le poisson touche
bien plus vigoureusement qu'avant; en partie épuisé, il a
grand besoin de se refaire et devient plus glouton. La Perche
et le Brochet attaquent plus vigoureusement par la pluie
que par le beau temps; la Carpe, la Tanche, le Carassin
aiment souvent à jouer avec l'amorce; le Larbeau fond sur
sa proie ; le Chevaine, la Vandoise ont le toucher plus
délicat. Nous reviendrons plus loin avec tous les détails
nécessaires sur la manière d'attaquer de nos principaux
poissons d'eau douce.
De la manière de ferrer. — Enfin le poisson a mordu ;
le pêcheur a vu la flotte disparaître ; il a senti dans sa ligne
un léger tressaillement, alors le pêcheur doit ferrer son
poisson, c'est-à-dire faire entrer dans ses lèvres le fer de
l'hameçon de manière à ce qu'il reste suspendu au bout de
la ligne. En théorie, rien de plus simple : la canne étant
tenue à la main, les doigts fermés en dessus, par un léger
mouvement du poignet donné un peu obliquement de manière
à ramener la main vers le corps, il fait entrer la pointe de
l'hameçon dans les parois de la bouche du poisson, le plus
souvent au-dessus de la lèvre supérieure. Si le pêcheur
15.
262
LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
maladroit manque son coup, le poisson dégorge l'amorce et
son hameçon, s'enfuit bien vite, quitte à se faire reprendre le
lendemain. Mais les pêcheurs adroits, à la manière dont l'at-
taque a été faite, savent d'avance comment ils doivent ferrer.
Capture du poisson. — Le poisson a mordu, vous l'avez
adroitement ferré, et pourtant vous ne le tenez pas encore.
Il va essayer de lutter avec vous, et peut-être ne serez-
' vous ni le plus fort, ni le plus adroit. Suivant sa nature, il
vous faudra user de toutes sortes d'artifices pour le sortir de
son élément et l'amener dans votre filoche. Est-il tenace et
vorace comme l'Anguille ? il vous suffira de le faire sauter
brusquement hors de l'eau encore attaché par ses dents à sa
proie vivante, avant même que vous l'ayez ferré. S'il est
trop gros, sa sortie hors de l'eau brisera infailliblement
votre canne, et le poisson s'en ira dans l'eau emportant
avec lui une partie de votre attirail. Tantôt il se tient
calme et semble faire le mort pour rebondir aussitôt au
moindre mouvement que vous faites. Tantôt au contraire à
peine se sent-il pris qu'il s'agite et se démène jusqu'à ce
qu'il tombe épuisé.
Le plus souvent, lorsque le poisson atteint un certain
poids, on le prend à l'aide de l'épuisette; faisant passer la
canne de la main droite dans la main gauche, on passe déli-
catement au-dessous de lui l'épuisette, en la tenant de la
main droite; alors une fois au-dessus du filet, vous amenez
le tout et cette fois le poisson est bien pris. Si votre canne
porte un moulinet, avant de jouer de l'épuisette, donnez du
fil, jusqu'à ce que le poisson s'épuise; avant peu, tout en
restant dans son milieu, vous l'aurez noyé, en faisant de
temps en temps sortir sa tête hors de l'eau.
Voici, pour terminer, quelques indications spéciales sur la
manière dont se comportent les principaux poissons de nos
cours d'eau, et comment le pêcheur doit agir avec eux.
LA PECHE A LA LIGNE 263
Ablette. — Attaque prudemment, par petits coups, mord
à toute heure, saisit souvent l'amorce dès qu'elle tombe à
l'eau, dévore parfois adroitement l'amorce sans que la flotte
se soit sérieusement déplacée; ferrer vivement, d'un coup
sec, mais sans se presser.
Anguille. — Mord plus volontiers la nuit que le jour,
tourne autour de l'amorce, s'en amuse, l'entraîne parfois
fort loin, mais quand elle a mordu, elle ne lâche plus sa
proie; ferrer fort et sortir aussitôt le poisson hors de l'eau
en le jetant loin dans l'herbe.
Barbeau. — Mord franchement, donne un ou deux coups
d'attaque et avale gloutonnement le ver; doit être ferré très
vigoureusement, car il a la bouche très dure; lorsqu'il est
gros, une fois pris, il s'arrête parfois brusquement au
fond de l'eau comme si la ligne était accrochée ; il est
difficile à ramener à la surface et a besoin d'être noyé avant
de passer à l'épuisette ; le Barbillon a la bouche plus tendre
et se défend moins.
Brème. — Joue avec l'amorce, aime à taquiner, soulève
la plume et donne ce que l'on nomme un coup de recharge ;
c'est au moment où la plume se redresse qu'il convient de
ferrer assez fort et d'un coup sec. Les petites Brèmes atta-
quent plus hardiment; on les ferre au plonger.
Brochet. — Attaque avec franchise, mais met un certain
temps pour étouffer sa proie ; il ne faut donc pas se presser
de ferrer, car il ne manquerait pas de la déglutir; mais quand
il a bien entraîné, ferrez fort et vite, un peu de côté; avec
les amorces artificielles, ferrez plus tôt.
Carpe. — S'amuse longtemps avec l'amorce, chipotte
comme dit le pêcheur; tant que la flotte ne fait que de petits
mouvements, attendez patiemment, l'amorce n'est pas encore
dans la bouche ; mais tout à coup ouvrant plus largement la
bouche elle avale l'appât, tire brusquement sur la ligne, fait
plonger de droite ou de gauche le bouchon et parfois s'en-
264 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
ferre elle-même; avec les esches farineuses, l'attaque est
plus prompte; il faut toujours ferrer solidement, et se méfier
de la défense qui est souvent bien longue, mais presque con-
tinue.
Chabot. — Mord vite et très délicatement; il faut ferrer
nettement avec une certaine prestesse. Son attaque ressem-
ble à celle du Gardon ; se défend peu.
Chevaine. — Mord très franchement, presque gloutonne-
ment, et entraine vite et loin s'il est un peu gros ; ferrer un
peu fort, sans trop se presser, mais combattre parfois long-
temps; si l'on pêche au sang, ferrer plus vite et de côté.
Èperlan. — Se comporte comme l'Ablette, saute sur
l'amorce dès qu'elle tombe à l'eau ; ferrer vivement, mais
pas trop fort.
Épinoche. — Très gloutonne, attaque vivement et so
laisse ferrer avec facilité.
Gardon. — Mord vite, mais touche à peine; il faut ferrer
à la première attaquent pas trop fortement, car il a la bouche
tendre ; se manque facilement, mais revient volontiers à la
charge.
Goujon. — Attaque avec autant de persistance que de
persévérance, donc inutile de se presser pour ferrer ; laisser
traîner un peu la flotte avant de ferrer sec et pas trop fort ;
souvent l'hameçon, s'il est petit, s'accroche fort loin dans la
gorge.
Lotte. — Attaque comme l'Anguille et se comporte à peu
près de la même manière ; il faut toujours ferrer fort et se
méfier de la défense qui peut être très longue.
Ombre. — Mord franchement son amorce, et avec une
certaine rapidité ; si elle manque son coup s'enfuit rapide-
ment pour ne plus revenir; il faut ferrer très vite et très net
à la première attaque qui est toujours brusque; c'est une
question de dextérité entre le poisson et le pêcheur.
Perche, — Fond avec voracité sur l'amorce et l'entraîne
LA PECHE A I.A LIGNE
205
de suite; il faut ferrer sec, mais sans se presser, car l'hame-
çon s'engage de lui-même et souvent fort avant dans la bou-
che; une fois prise, la Perche même grosse se défend très
peu.
Plie. — Commence à s'amuser avec les amorces, puis
attaque souvent brusquement par un ou deux coups bien
nets; une fois l'amorce avalée, le poisson s'enferre de lui-
même et ne se défend plus.
Rotenyle. — Attaque mieux au fond qu'à la surface; il
est toujours prudent de ferrer vite et un peu fort, surtout si
le poisson est gros et fait une attaque brusque.
Saumon. — S'élance souvent hors de l'eau pour attaquer,
bondit vigoureusement sur l'esche ; ferrer rapidement et très
vigoureusement, s'attendre à une longue défense ; donner du
fil et au besoin laisser le poisson jusqu'à ce qu'il s'épuise.
Tanche. — Se comporte comme la Carpe et attaque en-
core moins franchement ; ferrer sans trop se presser si l'on
pêche aux farineux; ferrer plus vite avec les vers; défense
forte, mais pas très longue.
Truite. — Attaque ordinairement avec une grande brus-
querie, du premier coup; ferrer de suite sans trop forcer; se
défend d'abord vigoureusement, mais se laisse noyer très
rapidement.
Vandoise. — Se jette sur l'amorce, la saisit et s'enfuit
avec elle ; ferrer très vite, mais en ménageant la bouche; se
défend bien et longtemps lorsqu'elle est un peu grosse.
Vairon.
se presser.
Se comporte comme le Goujon; ferrer sans
PÈCHES A LA LIGNE ORDINAIRE
On peut pêcher à la ligne de différentes manières. Ces
lignes peuvent être flottantes, volantes ou dormantes; de là
trois subdivisions toutes naturelles. En outre, lus lignes flot •
fl
266 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
tantes peuvent être courtes, longues, à la volée, avec ou sans
cannes; nous aurons donc à examiner les différentes sortes
de pêches que l'on peut effectuer avec ces engins.
LIGNES FLOTTANTES COURTES
Pêche au coup. — C'est la classique pêche ordinaire,
avec une ligne portant une flotte quelconque qui s'enfonce au
moment de l'attaque du poisson et qui indique l'instant où le
pjcheur doit ferrer son poisson. On amorce son coup, et le
pêcheur qui a convenablement choisi sa place y reste, sans
qu'il lui soit nécessaire d'avoir à se déplacer. Prend-on des
Carpes, des Tanches, des Barbeaux, etc., c'est le coup ordi-
naire; se contente-t-on de petits poissons, Goujons, Chabots,
Vairons, c'est la pêche au petit coup. Nous n'avons pas à
nous étendre davantage sur ce sujet que nous avons suffisam-
ment exposé dans le chapitre qui précède.
Pêche au vif. — Pêcher au vif, c'est faire usage comme
esche de petits poissons vivants, ou à défaut de petites gre-
nouilles. C'est la pêche des poissons carnassiers et chasseurs.
Fig. 143. — Manière d'escher pour la pêche au vif.
Cette pêche se fait en toutes saisons, mais plus volontiers
l'été. On choisit de préférence les endroits où l'eau est en mou-
vement, où le courant est plus rapide, le voisinage des bar-
rages on des chutes, les alentours des piles de pont, etc.
I LA PECHE A LA LIGNE 9(V7
Comme il s'agit en général de gros poissons, la ligne dont
on fera usage doit être forte, l'hameçon n° 4 ou 5 monté sur
un boyau de ver à soie; il faut avoir soin de ne pas trop
plomber, pour ne pas fatiguer inutilement le petit poisson.
Celui-ci est amorcé comme nous l'avons expliqué précé-
demment, autant que possible de manière à ce que la tête
soit libre et en avant (fig. 143). Comme chaque poisson a ses
préférences marquées, voici à cet égard quelques indications
pratiques pour les amorces à employer :
Anguille. — Amorcez avec : Chabot, petit Barbillon,
Vairon, Loche, Lamprillon, grenouille, sangsue.
Barbeau. — Bouvière, Vairon, Ablette, Épinoche sans
épines.
Brochet. — Loche, Vairon, Ablette, Épinoche sans épines,
petits Gardons, petite Vandoise, Ide, petit Chevaine, petite
Brème, gros Goujon, petite Carpe, Gremille, Chabot, et en
général tous les petits poissons ; petite grenouille, sang-
sue, etc.
Chevaine. — Pour les gros seulement : Bouvière, Ide,
Chabot, Gardon, Vairon, Loche.
Lotte. — Lamprillon, Vairon, Chabot, gros Goujon.
Perche. — Chabot, Vairon, Bouvière, Goujon, petit Che-
vaine, petite Vandoise, Gardon, Ablette, Epinoche sans épines,
Loche, grenouille, sangsue.
Truite. — Chabot, Goujon, petit Chevaine, Vairon,
Loche, Lamprillon, grenouille, sangsue.
LIGNES FLOTTANTES LONGUES
Pêche a fouetter. — La pêche à fouetter, lorsqu'elle est
bien pratiquée est une des plus productives; elle permet de
prendre, suivant l'outillage, du petit ou du gros poisson. Pour
les petits poissons, on se sert d'une ligne de 5 à 7 mètres
de longueur; le haut est fait en six brins de crin, et elle se
2G8 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
termine par un nombre de crins allant en diminuant; cette
ligne ne porte ni flotte, ni plomb; on la garnit de cinq ou six
hameçons attachés sur un fil court, à 25 centimètres les uns
des autres et placés en quinquonce. On monte cette ligne sur
une canne légère, flexible, de 5 à 6 mètres de longueur.
Avant de pêcher il importe de bien choisir sa place ; une
petite lagune de sable ou de gravier formant dans l'eau un
petit cap, à son défaut une barque placée dans le sens perpen-
diculaire à la rive, le tout dans un courant un peu vif, mais
non trop rapide, telles sont les meilleures stations; d'autres
préfèrent gagner le milieu même de la rivière et y amarrent
solidement le bateau avec une bonne pierre aux deux extré-
mités; c'est encore mieux. Gela fait, on amorce avec des
boulettes de glaise remplies d'asticots, et tandis que le pois-
son commence à venir, on esche ses hameçons avec d'autres
asticots. Ainsi préparé, le pêcheur jette sa ligne à l'eau, dans
le sens du courant, de façon à ce que l'extrémité de la canne
repose sur l'eau; la ligne et la canne sont ainsi dans une di-
rection presque en ligne droite; alors le pêcheur ramène
brusquement son bras en arrière de façon à donner une lé •
gère secousse à tout l'ensemble, puis il laisse aller ; le bras
étant toujours tombant, la ligne reposant sur l'eau, il n'éprouve
aucune fatigue ; à chaque secousse il laisse un léger temps
d'arrêt pendant lequel il sent aux tressaillements de la canne
si un poisson est pris à quelque distance que ce soit.
En commençant il est bon de continuer pendant un certain
temps à amorcer; on jette soit des asticots, soit des crottins
de cheval, mais de manière à ce qu'une fois à l'eau ils aillent
tomber dans le voisinage des amorces et non sous le bateau ;
il faut donc tenir compte et de la force du courant et de la
longueur de la ligne et de la canne. Il convient également de
jeter toujours dans la même direction que celle adoptée par
la ligne, car le poisson rencontrant plus ou moins loin ce
filon nutritif, ne manque pas de le suivre et remonte ainsi
LA PÈCHE A LA LIGNE 269
jusqu'aux hameçons où il se fait prendre. Lorsque le poisson
est pris, on le décroche, et l'on rejette la ligne toujours dans
la même direction, avec une amorce similaire.
Pêche a rouler. — Lorsque, pendant quelque temps,
vous avez pêche à fouetter, il est bon de changer de ligne et
de pécher à rouler, c'est-à-dire de passer du menu fretin au
gros poisson. Si votre pèche à fouetter a réussi, vous avez
déterminé un appel de petits poissons sur un point donné de
la rivière; c'est alors que le gros poisson ne tardera pas à
son tour à venir leur faire la chasse. Prenez alors une ligne
plus forte de 12 à 15 mètres de long, emmanchée au bout d'un
jonc de 4 à 5mètres; fixez-y un seul hameçon que vous es-
chez au vif avec un des petits poissons que vous venez de
prendre, et fouettez la rivière comme précédemment, mais
avec un peu plus de lenteur, en donnant des mouvements un
peu plus allongés, mais aussi secs, aussi brusques à la fin de
leur course; en un mot, imitez le mouvement du poisson;
vous pouvez prendre ainsi les gros poissons de surface, Che-
vaine, Dard, Vandoise, et quelques Brochets ou Barbeaux en
chasse. N'avez-vous pas de petits poissons? eschez alors
votre ligne avec du fromage.
Si vous avez ferré sur un poisson un peu fort, tâchez de le
fatiguer en remontant lentement la canne ou mieux en la
ramenant à vous, mais sans brusquer, de manière à rendre
un peu la main, car le poisson n'aime pas à remonter le cou-
rant; amenez-le lentement, toujours dans l'eau, jusqu'aux
côtés de la barque pour le cueillir ensuite à l'épuisette. Si le
poisson est trop gros, ne cherchez pas à lui résister, mais
faites usage du moulinet, et surtout du moulinet libre, et
donnez-lui de la ligne autant qu'il en demande; il s'épuisera
bientôt, et vous l'aurez plus sûrement qu'en cherchant à lui
tenir tête.
Pêche au passer. — Dans les deux pèches précédentes,
nous ne nous attaquions qu'au poisson de surface ; voici une
270 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
pêche à ligne longue qui va nous permettre de prendre le
poisson de fond. C'est la pêche employée dans les chutes ra-
pides, les cascades, les remous, au voisinage des moulins,
des déversoirs, des chutes des barrages, etc., pour aller y
chercher la Truite, le Saumon, la Perche ou le Brochet.
C'est non seulement une pêche au vif, mais toutes les esches
dénature animale, vivantes ou mortes, telles que hannetons,
sauterelles, grillons, papillons, tripes de volailles, viande
crue ou cuite, etc., peuvent être avantageusement utilisées,
à la condition qu'elles soient eschées bien solidement.
La ligne, dont la longueur est proportionnée à la hauteur
ou mieux à la profondeur que l'on se propose d'atteindre,
doit nécessairement être forte et résistante ; la canne, longue
et solide, munie d'un bon moulinet. On arme sa ligne avec
un fort hameçon, ou mieux avec un grapin ; si l'on esche avec
un poisson vif, il est bon d'y ajouter un plomb un peu pe-
sant que l'on aura d'abord enfilé librement dans l'empile de
florence.
On jette la ligne en haut du courant, puis, laissant la canne
à fleur d'eau, on la tire en descendant plus ou moins rapide-
ment suivant la force de l'eau. On fait ainsi descendre l'ap-
pât entre deux eaux. Il est bon, après cette manœuvre, de
faire revenir la ligne en remontant le flot, pour y faire
sautiller l'amorce ou le poisson.
« Les bouillons d'eau, dit La Blanchère, qui tombent sur la
ligne ont bientôt mis à mort le petit poisson employé, mais
. au moyen des émerillons qui portent le fil, car il lui en faut
au moins un, on produit en tirant la ligne dans l'eau une ro-
tation rapide du poisson qui parait plus vif que jamais.
Quand la chute d'eau est très dure il faut, avec l'aide d'un
grapin ou d'un simple hameçon, monter le petit poisson sur
un tue -diable, se servir du tue-diable artificiel ou de la
cuiller : tout dépend des eaux et du poisson que l'on chasse. »
LA PECHE A LA LIGNE
I
LIGNES FLOTTANTES A LA VOLÉE
271
Pêche au lancer. — Ici, plus l'eau est vive et courante,
meilleure est la pèche; choisissez comme place une station
dominant le cours d'eau, une digue, un pont, un terre-plein
■ assez haut. Munissez-vous d'une canne de 3 à 4 mètres de long,
légère, mais surtout aussi flexible que possible, armée de son
moulinet, portant 50 à 60 mètres de fil. La ligne sera com-
posée de deux parties : l'une en cordonnet de soie ou de lin
léger, susceptible d'être déplacée par le moindre vent ; l'autre
faite de florence tordue en trois, puis en deux, puis simple;
le tout, suivant la hauteur de laquelle on pèche, au dessus de
l'eau pourra mesurer de 6 à 10 mètres de longueur; par pru-
dence, pour ne pas effrayer le timide poisson, il est bon do
teindre le tout en vert-d'eau. Eschez votre ligne avec des
insectes naturels ou artificiels et préparez -vous à prendre
quelques belles pièces.
Dans cette pèche il est inutile d'amorcer à l'avance; votre
amorce entraînée par le courant irait trop loin. Mais si,
comme nous le conseillons, on a deux lignes sous la main,
l'une légère, l'autre plus forte, avec la ligne légère eschéeà la
mouche naturelle on attirera d'abord le petit poisson, et lors-
qu'il aura mordu, ce sera le moment d'abandonner la petite
ligne pour faire usage de la grosse, car il y a toutes chances
pour que le gros poisson suive de près le menu fretin. At-
tendez le moment où le soleil commence à baisser; c'est
l'heure où le poisson se met en chasse plus volontiers pour
le repas du soir; c'est l'instant où les insectes ont déjà le
vol plus lourd et rasent la surface de l'eau; il n'est pas rare
alors de voir bondir hors de leur élément quelques Truites
ou Saumons, happant au passage la libellule ou le papillon
qui voltige.
Jetez votre ligne sans mouvement brusque, la rapidité du
■
272
LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
courant se charge de la mettre en position ; dès qu'elle pose
sur l'eau, le poisson accourt; donnez -lui, avec le poignet,
quelques légères secousses d'avant en arrière, pour simuler
les mouvements de l'insecte. Si vous péchez au petit poisson,
rien de plus facile que de le ramener à vous une fois qu'il
est pris. Mais avez -vous eu la chance de ferrer une "Truite
ou un Saumon, faites aussitôt manœuvrer le moulinet, et dé-
fendez vous contre votre victime du mieux que vous pour-
rez, car vous le savez maintenant la lutte sera longue, mais
aussi quelle victoire!
Pêche a la mouche artificielle. — Dans cette même
pêche au lancer, vous pouvez substituer à la mouche natu-
relle ou aux petits insectes, toutes les mouches artificielles
que vous possédez dans votre arsenal de pêche. Mais à quelle
mouche donner la préférence? Le poisson a-t-il une prédi-
lection pour telle ou telle nuance d'insecte ? nous ne le
croyons pas. Si la rivière a une eau claire et transparente,
choisissez des couleurs un peu vives et chaudes, qu'il est bon
de varier de temps en temps; mais si votre eau, comme celle
de la Seine en aval de Paris ou comme celle de la Marne,
sont dénuées de toute limpidité, la mouche de couleur som-
bre devra seule vous servir. Mais plus encore que la cou-
leur, variez surtout la forme de la mouche, car le poisson à
ses heures est parfois singulièrement capricieux ; c'est le cas
de mettre à contribution le génie inventif des fabricants de
mouches artificielles. En somme rien n'est plus varié que ce
monde des insectes naturels, essayez donc de l'imiter avec
vos engins artificiels. La seule recommandation que nous
ferons c'est de tâcher que le dard de l'hameçon une fois à
l'eau soit en dessous; il se dissimule mieux, et vous ferrerez
plus facilement avec votre canne légère.
Pêche a la surprise. — Cette pêche, que nous appelle-
rions plus volontiers encore pêche à la promenade, se fait en
marchant. Votre canne ne mesure pas moins de 6 à 7 mètres
LA PECHE A I.A LIGNE
273
de long, et est faite en bois aussi léger que possible pour ne
point vous fatiguer inutilement; la pointe surtout en est
flexible ; la ligne, à peu près d'égale longueur, est montée sur
un moulinet portant de 15 à 20 mètres de bonne soie fine et
se termine par 1 à 2 mètres de florence au bout de laquelle
pend un hameçon pas très gros sur lequel vous aurez délica-
tement embroché une sauterelle, une mouche, un papillon
blanc, ou n'importe quel autre petit insecte. Gela fait, suivez
les bords de la rivière, de manière à remonter le courant, et
priez le ciel qu'il vous donne un vent favorable, assez léger
pour chasser en avant la mouche ou l'insecte qui pend au bout
de votre ligne; attendez le moment où le soleil ne fait pas
trop briller votre florence, ou tout au moins qu'il ne l'éclairé
que par derrière.
Maintenant, avancez lentement, sans le moindre bruit, vous
dissimulant de votre mieux derrière les haies et les buissons,
vous masquant d'un tronc d'arbre, tâchez de surprendre un
poisson qui remonte le courant; alors faite sautiller votre
amorce, avec autant d'adresse que de délicatesse, à quelques
centimètres du fil de l'eau, et en le tenant un peu en arrière ;
le poisson, à sa vue, se retourne et d'un bond saisit l'amorce ;
ferrez très ferme, d'un coup sec et brusque, de façon à en-
lever en même temps le poisson; vous prendrez ainsi tous
les poissons de surface, Vandoises, Chevaines, Dards, et même
souvent des Truites. Ne voyez-vous du fond de votre cachette
aucun poisson qui en vaille la peine, faites néanmoins sautil-
ler votre amorce, la petite blanchaille viendra toujours pour
la capter; elle tentera d'y mordre; mais ne la lui laissez pas
prendre, car il y a grande chance pour qu'elle attire par ses
ébats quelque poisson plus gros auquel vous réserverez votre
amorce. Ne vient-il rien, reprenez votre promenade le long
de la rivière jusqu'au buisson voisin.
Pêche a la grande volée. — Gomme l'a si judicieuse-
ment fait observer M. de La Blanchère, la pèche à la grande
274 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX. DOUCES
volée est plutôt une chasse au poisson qu'une pêche à la
ligne, dans l'acception ordinaire du mot. Si l'on reproche à
l'araignée de filer sa toile entre le bras et le corps du
pêcheur à la ligne de fond, jamais elle ne se permettra
semblable incongruité avec le pêcheur à la grande vo-
lée. Cette pêche va nous permettre d'atteindre le poisson
dans ses plus lointaines retraites. En été, surtout s'il est
gros, il aime à se retirer loin des bords où l'eau n'a que
peu de profondeur ; il gagne le fil du grand courant, le
milieu du fleuve ou de la rivière; s'il est de taille moyenne
il fera son séjour dans les haïs ou les remous ; suivant son
espèce il se cachera dans les crônes, dans les trous de dra-
gues, dans les anfractuosités de la grève. C'est là que nous
allons essayer de l'atteindre.
Mais cette pêche ne peut s'exécuter que dans les cours
d'eau dont les berges sont élevées et praticables, non plan-
tées d'arbres, bordées tout au plus de buissons peu élevés. Rien
ne vaut les chemins de halage ménagés sur l'une des rives
de nos cours d'eau navigables; là, surtout si le courant est
un peu rapide, le pêcheur peut opérer tout à son aise, avec
pleines chances de succès. En eau morte, il ne fera rien qui
vaille.
Suivons les bons conseils de notre auteur : « Il faut se
munir d'une canne de 5, 6 ou 7 mètres de longueur, et la
mesurer non sur la grandeur de ses désirs, mais sur la force
de ses deux bras, car une canne de 7 mètres est une assez
forte charge à manœuvrer au soleil, pendant plusieurs
heures, sans repos ni arrêt. L'avancée ne dépassera la lon-
gueur de la canne que de 50 à 60 centimètres environ ; elle
sera faite eir queue de rat et en crin solidement cordé; elle
n'aura pas moins de six crins au plus petit bout, et pourra en
avoir vingt-quatre au plus gros; elle sera attachée par une
demi- clef à cet endroit, à la soie du moulinet, passé jusqu'au
delà du dernier anneau du scion. Si le pêcheur domine l'eau à
LA PÈCHE A LA LIGNE 275
grande hauteur, ce qui est une condition du succès, s'il pêche
du haut d'une levée ou d'un parapet, il pourra alors donner
10 à 12 mètres à la partie en queue de rat de sa ligne, et,
par conséquent, atteindre beaucoup plus loin dans la rivière.
Reste à escher une pareille ligne : le pêcheur commencera
par attacher à l'avancée ci-dessus un hameçon limerick
courbe à palette n°
monté sur une courte et solide flo-
rence bien choisie. A cet hameçon on mettra un hanneton.
Si cet insecte est passé, on cherchera celui des blés, plus
petit et poussiéreux. Quand celui-ci fera défaut, on prendra
une grosso sauterelle verte des prairies, à laquelle on arra-
chera les grandes pattes avec lesquelles elle exécute des
sauts énormes. Si vous ne trouvez pas de sauterelles, prenez
le criquet dont les ailes inférieures bleu de ciel vous
surprennent tout à coup quand vous marchez dans les pâtis
secs ou les bruyères. Cet insecte sauteur comme la saute-
relle est gris terne. Si toutes ces ressources vous manquent,
ils vous reste la meilleure esche de toutes, le grillon.
On peut pêcher sans flotte aucune ou avec plusieurs flottes.
Dans la première méthode, il faudra commencer par rouler
largement l'avancée en queue de rat sur elle-même, pen-
dante dans la main, devant soi et la jeter à l'eau, où on la
laissera se déployer et s'imbiber parfaitement; ce sera sou-
vent l'allaire d'un bon quart d'heure.
La ligne étant à l'eau, on laisse un peu suivre avec la
canne pour bien l'étendre dans le courant, puis, la relevant
doucement jusqu'à ce que l'hameçon sorte de l'eau à peine, on
la fait sauter d'un coup de poignet, en arrière du pêcheur, où
elle demeure un moment en l'air, étendue de toute sa lon-
gueur. C'est à ce moment que, par un second mouvement du
poignet inverse du premier, le pêcheur lance sa ligne en
avant de toute sa longueur ; c'est alors qu'elle doit s'étendre
et gagner aussi loin que possible dans la largeur de la ri-
vière. Quand l'esche, portée par l'hameçon, est arrivée ainsi
276 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
au point le plus éloigné possible, elle doit tomber légèrement
sur l'eau, et y demeurer sans brusquerie, soutenue par le
mouvement du pêcheur. Lorsque l'appât est sur l'eau, on le
laisse aller au courant, en relevant doucement et également
la canne à mesure que la ligne s'éloigne, de manière à con-
server une bannière sensiblement égale. C'est sur cette ban-
nière que le pécheur a l'œil. S'il s'aperçoit qu'elle file, il
ferre vite et fort, car c'est un poisson qui fuit avec l'esche.
Lorsque la bannière a atteint toute sa longueur au courant,
sans qu'aucune attaque ait eu lieu, la ligne se rapproche tout
naturellement du bord; on la laisse accomplir ce mouve-
ment, et quand elle y est arrivée, un coup de poignet l'en-
lève, et un autre la relance en avant.
Avec plusieurs flottes, l'avancée peut avoir une beau-
coup plus grande longueur, puisqu'on lui donne jusqu'à deux
fois et demie la longueur de la canne, qui a environ six à
sept mètres, et qui peut en avoir beaucoup plus, entre les
mains d'un pêcheur vigoureux. L'avancée sera faite comme
celle ci-dessus décrite, en queue de rat, lui donnant une
grande force par le haut, et au moins six à neuf crins par
le bas. La partie qui touche à l'eau le plus souvent, et qui
a besoin d'être mince pour ne pas faire de bruit, sera com-
posée de deux racines bien cordées et terminée par une
avancée en un seul brin très fort et très rond, car avec une
telle ligne on n'attaque que les poissons d'une taille respec-
table. Il est donc nécessaire d'être armé pour la lutte.
L'hameçon ne devant pas descendre à de grandes profon-
deurs, mais, au contraire, se tenir tout près de la surface,
on ne chargera la ligne de plomb que très modérément et
seulement quand on se servira d'appâts assez légers et assez
volumineux pour que ce contre-poids soit nécessaire afin de
les maintenir complètement immergés à quelques centimètres
de profondeur. Pour terminer, il faut garnir le fil d'assez
de flottes pour qu'il demeure à la surface de l'eau, ce que
LA PÈCHE A LA LIGNE 277
l'on obtient en y posant trois, quatre ou cinq flottes, quel-
quefois jusqu'à six, placées à m 50, 1 mètre même l'une de
l'autre. La première qui supporte l'hameçon, le plomb et
l'appât, est la plus grosse, sans cependant cesser d'être aussi
petite que possible; les autres diminuant progressivement de
grosseur, puisqu'elles n'ont à porter que le poids de la ligne,
et la dernière est une petite boule de liège.
L'hameçon est esche, à la manière ordinaire, d'un grillon,
comme dans la première méthode, puis le pêcheur saisit la
gaule à deux mains et lance la ligne sur l'eau aussi loin qu'il
peut atteindre; le courant alors l'entraîne; elle flotte dou-
cement, ce que le pêcheur aide en suivant le courant avec
attention. Il faut avoir l'œil sur la flotte la plus proche, la
seule que l'on puisse voir ordinairement. Si le Chevaine
s'élance sur le grillon, il entraîne le tout, et il faut ferrer
vigoureusement sans rien craindre; le poisson a la force de
porter le coup, et il faut assurer avant tout la capture. »
La pêche à la volée est permise dans tous les fleuves et les
rivières navigables, sans aucune permission particulière, tant
qu'on esche d'un insecte, d'un fruit, etc. ; mais elle est sou-
mise à une licence, quand on amorce d'un poisson vif.
LIGNES FLOTTANTES SANS CANNE
Pêche au doigt. — Dans certaines circonstances, le
pécheur peut éviter l'emploi de la canne et pêcher simple-
ment avec la ligne soutenue sur le doigt ; cette pêche n'est
guère possible que du haut d'un pont, ou bien encore au-
dessus d'un barrage ; la ligne est tantôt verticale, tantôt
volante; on opère ainsi pour le gros poisson; pour remplacer
le moulinet, on a soin d'enrouler suivant un cercle une cer-
taine longueur de la ligne qui se déroulera à la demande, en
glissant successivement d'une main dans l'autre. Si l'on
pêche à la volée, comme il n'est pas trop possible de jeter la
Locarb, La Pêche. 16
278 LA PÊCHE DES TOISSONS EN eaux douces
ligne, on se contente de la laisser courir dans le fil du cou-
rant, après l'avoir convenablement lestée avec du liège.
Pêche a soutenir. — Cette pèche peut se faire soit avec
une canne, soit avec un petit manche, soit avec la main sans
aucun outil. C'est une sorte de pêche de fond. Au bout d'une
ligne solide, un fil do soie ou do lin bien dévrillé, peint et
verni, on installe une avancée de un à deux mètres de fort
florence au bout duquel on met un hameçon. Sur la florence,
à m ,80 ou 1"', 20 de l'hameçon, on a disposé un gros plomb
en olive, assez gros pour pouvoir à lui seul contrebalancer le
poids delà ligne; si c'est nécessaire, le poids s'obtiendra par
l'adjonction d'un plus grand nombre de plombs. L'hameçon
étant esche d'un gros ver, de tripes de volailles ou de fro-
mage de gruyère, on enroule toute la ligne suivant un cercle
de m , 50 de diamètre environ que l'on tient de la main
gauche, tandis que de la droite on prend l'extrémité de la
ligne, au voisinage du plomb ; faisant tourner cette extré-
mité, au-dessus de la tête on la lance sur l'eau à la manière
d'un lazzo, en ayant bien soin de retenir l'autre extrémité
dans la main, mais de manière à ne point empêcher le dérou-
lement de la ligne.
La ligne étant à l'eau, le plomb l'entraîne au fond; on la
soutient avec le doigt, et si un gros poisson mord, avec un
peu d'habitude, on sent très bien le mouvement imprimé; on
ferre alors, et l'on ramène. Cette pêche se fait surtout à la
tombée de la nuit, du haut d'un pont, au voisinage des ar-
ches; elle est bonne, suivant la nature de l'esche, pour
les gros poissons, Barbeaux, Anguilles, Chevaines, Lottes,
Brèmes, Carpes, etc.
LIGNES DORMANTES
Pèche au piquet. — La pêche au piquet n'est autre
chose qu'une pêche à la ligne dans laquelle la canne repose à
LA PÈCHE A LA LIGNE
279
la fois sur le sol et sur un piquet. Elle se fait dans des eaux
calmes, bien tranquilles, et peut durer aussi longtemps qu'on
le souhaite; en général elle ne s'adresse qu'au gros poisson.
On choisit une ou plusieurs lignes dont la longueur est pro-
portionnée à la pièce d'eau, à sa profondeur sur les rives ;
la canne doit être longue et autant que possible armée d'un
moulinet. On enfonce dans le sol un petit piquet en forme de
fourche destiné à soutenir la canne, son extrémité la plus
grosse reposant sur le sol ; il est maintenu par un second
piquet en forme de crochet ou par une grosse pierre. Ainsi
posée, la ligne est solidement maintenue, la canne ne plonge
pas dans l'eau et affecte la même position que si un pêcheur
avaitla patience delà tenir, ainsi immobile, durant plusieurs
heures.
Les lignes doivent être solides, les hameçons renforcés et
les flottes bien voyantes; si votre arsenal est bien monté,
vous pouvez en disposer une batterie sur les bords de la
rivière que vous surveillerez de temps en temps tout en vous
livrant à un autre genre de pêche. Toutes les esches sont
bonnes, à la condition, bien entendu, qu'elles soient appro-
priées à la nature du poisson qui fréquente un tel milieu.
Une fois qu'il a mordu, le gros poisson s'enferre de lui-
même, et après avoir essayé une faible défense il attend
patiemment votre retour; décrochez la ligne doucement,
faites manoeuvrer le moulinet, si cela est nécessaire, et vous
amenez bientôt votre victime jusqu'à l'épuisette qui l'attend.
On peut également, si l'on pêche dans une barque, tendre de
semblables lignes dans les angles du bateau tandis qu'on se
livre à une pêche à la main, ou même à toute autre occupa-
tion.
Pélhe au pater -noster. — Ce nom assez singulier,
lorsqu'il s'agit d'une pêche, a été donné à une ligne qui
porte de distance en distance des anneaux disposés comme
les grains d'un chapelet. Voici comment on dispose cette
280 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DODCES
ligne (fig. 145). On vend chez tous les marchands des
perles de caoutchouc (fig. 1 \ i) toutes préparées, percées de
part en part et portant au milieu une gorge dans laquelle on
*/"
Fig. 144. — Perle du pater-
îioster et son empile.
Fig. 145. — Pèche au pater-noster,
d'après de La Blanchère.
attache une empile portant un bon hameçon. Les pêcheurs
adroits préparent eux-mêmes leurs perles ; souvent même
ils substituent au caoutchouc des perles de bois, d'os, de
liège. On enfile sur la ligne ou bonne florence, deux, trois
LA PECHE A LA LIGNE
281
ou un plus grand nombre de perles D ainsi montées, suivant la
hauteur du fond ; on les maintient dans la position voulue en
fixant au-dessous un petit plomb ; dans le bas, si l'ensemble
est trop léger, on ajoute autant de plomb E, qu'il est néces-
saire pour que la ligne soit à peu près verticale une fois
qu'elle est à l'eau.
Gela fait, on sonde le milieu dans lequel on se propose de
pêcher, et l'on dispose une bonne flotte sur la ligne d'après
les résultats donnés par la sonde. Péchez-vous sur fond de
sable ou de gravier, terminez votre ligne par un hameçon
qui atteindra le sol ; votre fond est-il vaseux ou herbeux,
comme cet hameçon serait perdu, remplacez-le par un plomb
qui maintiendra la verticalité de la ligne. Votre ligne étant
montée sur une canne un peu longue, vous n'avez plus qu'à
la laisser descendre lentement au point que vous avez choisi,
après avoir convenablement esche vos amorces; avec deux
piquets ou une fourche et une pierre, vous retenez votre ligne
sur le sol, et il ne vous reste plus qu'à attendre que le
poisson fasse enfoncer votre flotte, pour le prendre tout
à votre aise.
On peut ainsi tendre à la fois plusieurs pater-noster qu'un
même pêcheur peut surveiller. Mais si au lieu de pêcher de
la rive, on pêche dans un bateau, la canne n'est même plus né-
cessaire; une cordelette assez longue A, fixée au bateau, peut
suffire ; il est prudent de tenir en réserve une assez longue
partie de la cordelette libre, prête à se dérouler, pour
suppléer à l'absence du moulinet. Il est toujours bon de sou-
tenir la ligne en dehors par des postillons B, reliés au flot-
teur G.
La pêche au pater-noster est très avantageuse dans les
eaux profondes et tranquilles, pour prendre les poissons de
fond, comme les Perches par exemple. On peut également
en faire usage dans les eaux à courant rapide, dans les
chutes, au pied des barrages, au voisinage des piles de pont,
16.
282
LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
là où il n'est pas facile de tendre des lignes de fond ; on en est
quitte pour plomber fortement, et l'on prend ' ainsi la
Truite, le Saumon, le Barbeau, le gros Chevaine, etc.
Pêche au solitaire. — Voici encore un mode de pêche
qui permet de prendre du gros poisson. C'est une pèche au
vif à la ligne dormante. C'est une ligne plombée de manière
à forcer l'amorce à se tenir dans les fonds où se promène le
gros poisson. Voici comment M. Poitevin dans son volume,
l'Ami du 'pêcheur, recommande d'opérer: «Il faut prendre
3 ou 4 mètres de soie solide ou de ficelle de fouet bien
Fm. 146. — Pêche au solitaire (d'après Moriceau).
dévrillée, suivant la profondeur de l'endroit où l'on doit
placer sa ligne, avec un hameçon n° 3 ou 4 monté sur elle-
même ou sur un fort boyau de ver à soie ; l'amorcer avec
un goujon ou tout autre poisson de moyenne grosseur, et le
fixer comme si l'on péchait au Brochet (fig. 146). Il faut
attacher le bout de cette ligne à une branche ou autre objet
placé sur le bord, et jeter simplement le goujon dans l'eau.
Ce genre de ligne se place ordinairement le soir et se lève
le matin. Lorsqu'il n'y a rien de pris et que le poisson est
intact, on peut la laisser et la visiter le soir. C'est à la pêche
au solitaire qu'on prend les plus gros Chevaines et souvent
les plus belles Anguilles, sans compter les plus beaux Bro-
chets, et quelquefois de grosses Perches.»
LA PECHE A I.A LIGNE
283
LIGNES DE FOND
Pêche aux lignes ordinaires. — On qualifie de ligne de
fond toute ligne tendue en dessous de la surface de l'eau,
soit qu'en réalité elle repose entièrement sur le fond, soit
qu'une partie soit soutenue par divers engins à une cer-
taine distance du fond. Ces lignes, dont la longueur est
extrêmement variable, portent un plus ou moins grand
nombre d'hameçons. Il en est de toutes les formes. Nous
allons indiquer celles qui sont le plus souvent employées.
C'est ce que l'on nomme souvent pêcher à la corde ou à la
traîne.
La ligne de fond principale, appelée souvent corde ou
cordelette, doit être en bon fil de fouet de la grosseur d'une
forte plume d'oie ; il est prudent de la peindre et de la vernir ;
on peut à la rigueur se contenter de la passer à la résine ou
au goudron. D'autre part, on a préparé des hameçons tout
empilés et en nombre suffisant pour pouvoir être placés sur
la ligne à m ,80 ou 1 mètre de distance les uns des autres.
Tantôt les empilées sont fixées à l'avance avec leur hameçon
sur la corde, tantôt au contraire on les attache au moment
de plonger la corde dans l'eau, après les avoir eschées au
préalable. Cela disposé, on attache l'extrémité de la corde à
une forte pierre que l'on descend dans l'eau à un point bien
déterminé, puis le bateau marchant lentement dans le sens
du courant, on dévide sa corde portant des empiles armés
jusqu'à son extrémité ; une seconde pierre est alors fixée au
second bout de la corde et descendue à son tour au fond de
l'eau. Que va-t-il se passer? sous l'action du courant, et en
vertu des lois de la pesanteur, la corde descendra au fond de
la rivière en formant une ligne plus ou moins droite; de cha-
que côté de cette ligne s'étaleront les empiles et leur hame-
çon ; tout poisson de fond qui passera dans ces parages sera
I
284 LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
nécessairement sollicité par de nombreuses amorces et s'en-
ferrera de lui-même.
Les lignes sont en général tendues le soir ou dans la nuit;
on les relève le matin ; à l'aide d'une gaffe, connaissant bien
le point où la première pierre a été jetée, on la repêche, et
avec elle la corde et souvent de nombreux poissons. A mesure
que se fait le relevage, il faut avoir bien soin d'enrouler sa
corde en disposant les empiles toutes du même côté, à seul
fin d'éviter un embrouillage plus ou moins inextricable.
Mais, suivant la nature du fond, il y a plusieurs précautions
qu'il est bon d'indiquer. Le fond est-il sablonneux, à surface
bien unie, la corde simple, telle quenous venonsde la décrire,
suffit parfaitement ; si le courant est un peu fort et la ligne
un peu longue, on disposera de distance en distance quelques
gros plombs ou plus simplement quelques pierres attachées
sur la corde soit directement, soit à l'aide d'une fausse
empile. Le fond est-il vaseux ou couvert d'herbages, il faut
alors s'organiser différemment, sous peine de voir ses esches
noyées dans la vase et ses hameçons accrochés dans les herbes.
Dans ce cas, chaque empile porte en son milieu un petit cube
de liège de deux centimètres de côté environ ; la corde
étant toujours au fond, l'hameçon, par cette ingénieuse dis-
position, reste suspendu au-dessus du fond, grâce à l'adjonc-
tion de son petit flotteur. Si les herbes sont trop hautes, on
en est quitte pour allonger les empiles.
Les pêcheurs suisses ont imaginé différentes dispositions
de lignes de fond fort ingénieuses, qui peuvent, en maintes
circonstances, être très avantageusement utilisées non seule-
ment pour la pêche de nos lacs et de nos étangs, mais même
pour la pêche de nos cours d'eau. En hiver, ces lignes
affectaient la forme d'une série plus ou moins longue de ^
renversés continus par la base. Au sommet s'élève une
corde portant un liège qui flotte dans l'eau à une hauteur
telle que les bateaux à vapeur peuvent passer au-dessus sans
LA PÈCHE A LA LIGNE 285
les gêner ; au pied de chaque _/\_ est attachée une pierre qui
touche le fond, et le long des branches latérales pendent les
empiles et leurs hameçons. On prend ainsi les gros poissons
de fond.
Au printemps, la ligne de fond devient une ligne dor-
mante entre deux eaux. La corde est droite, soutenue de dis-
tance en distance par des lièges noyés à hauteur voulue, et
maintenue tendue par deux pierres suspendues verticale-
ment aux deux extrémités de la ligne, de manière à toucher
le fond. Avec une ligne ainsi dressée, on peut prendre tout
le poisson de passage, à la hauteur qu'on jugera conve-
nable. Ce même engin, en été, est descendu plus bas, les
lièges sont supprimés, il ne reste plus que deux bouées indi-
catrices pendantes à chaque extrémité de la corde.
Pêches aux jeux. — La pèche aux jeux n'est en réalité
qu'un perfectionnement de la pêche aux lignes ordinaires,
Fig. 147. — Plombs de fond pour jeux.
qualifiées parfois de pêche à la corde ou pêche à la traînée.
Au lieu de faire usage de pierres qui détériorent plus ou
moins les cordes, s'attachent parfois assez mal, et que l'on
n'a pas toujours sous la main, on se sert de plombs ou jeux
affectant différentes formes (fig. 147). Dans la pêche aux
jeux, la ligne est ordinairement plus fine, et comporte un
286 LA l'ÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
moins grand nombre d'hameçons; on la pratique plus volon-
tiers de jour que de nuit.
Le plus souvent, les plombs ont une forme de petites son-
nettes, comme dans la figure 147, a, de manière à présenter
plus de base ; sur le côté s'élève une sorte déjoue latérale
A B plus ou moins longue, qui fait l'office de gouvernail et
oriente la ligne. Ces jeux peuvent également être utilisés
pour des lignes à main ; d'autres fois on les installe à la base
d'un pater-noster. Parfois, avec ces jeux appliqués à des
lignes dormantes, on n'empêche pas les empiles de la ligne
de s'emmêler. On obvie à cet inconvénient en se servant de
Jeux de formes différentes (fig. 147, c) ; un plomb cen-
tral, ER, porte un certain nombre de cornes, DF; on fait
passer chaque empile, PQ, dans les cornes relevées du
plomb, tandis que dans l'anneau de tête, G, glisse la corde
centrale destinée à le relever.
Lorsque l'on pêche en bateau, il est bon de tendre, avant
de commencer sa pêche à la corde, un jeu de chaque côté du
bateau ; ces jeux n'ont que dix à quinze mètres de longueur
seulement ; on les relève toutes les demi-heures ; ces petites
lignes de fond donnent souvent beaucoup de poissons, no-
tamment des Barbillons.
LIGNES DIVERSES
Dans les différentes sortes dépêche qu'il nous reste à exa-
miner, le matériel est souvent plus complexe, au moins diffé-
rent du matériel ordinaire. On peut les varier à l'infini; nous
ne signalerons ici que les plus intéressantes.
Pêche a la bricole. — On donne le nom de bricoles à
des lignes dormantes particulières destinées à prendre, de
nuit, des Brochets, des Truites ou des Barbeaux dans les
étangs ou les cours d'eau peu rapides. Ce sont parfois de
véritables pièges, et de malins braconniers en ont imaginé
LA PECHE A LA LIGNE
287
do fort intelligents. La bricole simple est basée sur ce fait
d'observation que les poissons carnassiers aiment à chasser
entre deux eaux ; il s'agit donc déplacer sur leur passage des
instruments destinés à les prendre.
On fait ordinairement usage d'hameçons doubles (fig. 148)
appelés aussi bricoles; mais comme on a affaire à des poissons
armés de fortes mâchoires qui couperaient avec la plus
grande facilité l'empile ordinaire, voici comment il convient
Fig. 14?. — Hameçon double
ou bricole.
Fig. 149.
Empile métallique.
Fig. 150.
Bricole simple.
Fig. 151.
Liège h dévidoir.
de monter ladite bricole : on prépare un morceau de fil de
cuivre très fin et bien recuit (figure 149). On passe un des
bouts dans un clou A, planté sur une table B, et l'on tend
l'autre en y passant un petit bâton I) G ou un long clou.
L'empile prend la forme M S, et l'on a eu soin de passer
dedans la boucle de la bricole. Ainsi préparée, l'empile métal-
lique est à peu près à l'abri des coups de dents des Brochets.
On amorce cette bricole comme nous l'avons déjà expliqué
avec un poisson bien vif, et l'on attache le tout au bout d'une
238 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
ligne G (fig. 150) de la longueur voulue, terminée par un fort
bouchon A. On lance le tout à l'eau, le soir, de façon à ce
que l'esche soit bien à la hauteur voulue ; on relève le len-
demain matin.
Mais ces bricoles simples, une fois que le poisson a mordu,
sont parfois entraînées fort loin. On perfectionne cette bricole
un peu primitive en envidant sur la bouée de liège (fig. 151)
une longueur de ligne suffisante que l'on retient par une
petite entaille ou une cheville légère, de telle sorte que le
poisson une fois pris dévide la pelotte R en s'en allant, sans
entraîner la bouée aussi loin.
Fia. 152. — Bricole cachée entre deux eaux.
Bricole sourde. — Avec la bricole sourde, tout l'appareil
de pêche est entièrement caché dans l'eau et échappe ainsi
aux regards des curieux. Une plombée A (fig. 152) est logée
au fond de l'eau et porte une corde soutenue verticalement
LA PÊCHE A LA LIGNE
289
par un bon liège B. Sur ce liège on emmanche obliquement
un scion G D, au bout duquel pend une avancée D I. On amorce
avec un poisson bien vif. Ce poisson peut tourner autant
qu'il le voudra autour de l'axe A B et se déplacer dans un
champ assez vaste. Gomme on a eu soin de relier l'ensemble
à une autre ligne verticale dont l'extrémité est fixée en A à
la plombée, le Brochet, par ses propres efibrts, avertira lui-
même le pêcheur de sa capture.
Pêche au grelot. — La pêche au grelot est encore un
perfectionnement de la pêche sur ligne de fond ; elle présente
ce grand avantage qu'aussitôt qu'un poisson s'est laissé pren-
Fig. 153, — Petit grelot.
Fio. 154. — Grelot à scion
de baleine.
dre il agite lui-même la sonnette ou le grelot pour prévenir
le pêcheur d'avoir à s'occuper de son nouvel hôte. Mais
par suite d'une figure de ivthorique assez fréquemment en
usage chez les pêcheurs, on prend ici le tout pour la partie,
Locard, I.a Pêche. 17
290
LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
et l'on qualifie de grelot, non seulement le grelot lui-même,
mais tout l'appareil qui s'y rattache.
On fait des grelots de diverses manières : le grelot simple
(fig. 153) est constitué par un fil de fer cru, par un ressort,
par une baleine, d'une longueur de 20 à 25 centimètres,
emmanché dans une bobine qui se fixe par son autre extré-
mité à une pointe assez forte pour pouvoir s'enfoncer dans
le sol; au bout de la verge flexible, on attache une petite
sonnette ou un véritable grelot ; l'appareil étant fiché dans le
sol, on fixe à la bobine l'extrémité de la ligne après l'avoir
fait passer par le bout de la verge comme au bout d'un scion.
On fait des grelots plus longs (fig. 154) dont la base est abso-
lument pareille, mais dont la verge flexible ou la bobine me-
sure 50 à 80 centimètres de longueur. On les perfectionne
encore en adjoignant à la bobine un moulinet.
Cette pêche s'adresse surtout au Barbeau ; on esche soit
avec des pelotes, soit mieux encore avec du fromage de
gruyère, la ligne étant garnie de deux bons hameçons n° 5,
montés sur racine. On tend à la fois plusieurs grelots, et le
pêcheur se tient en éveil ; entend-il un tintement, vite il ac-
court, prend la ligne en main et ferre aussitôt. On pêche ainsi
soit de jour, soit de nuit à la lanterne.
On construit également des grelots d'une tout autre forme
(fig. 155). Sur un pivot en fer ou même en bois, terminé par
une pointe en fer pouvant s'enfoncer dans le sol, est logée une
poulie à gorge tournant librement autour d'un axe ; cette
poulie peut être verticale comme dans le dessin ci -contre, ou
horizontale ; sur la poulie on a fixé un petit taquet, tandis
que sur le pivot repose un grelot au bout d'une canne
flexible. On enroule la ligne sur la gorge de la poulie qui fait
en même temps l'office de moulinet, après en avoir fixé soli-
dement l'extrémité. Le poisson vient-il à mordre, en voulant
s'enfuir il fait dérouler la poulie, et alors le taquet, à cha-
que tour, fait sonner le grelot avertisseur, et le pêcheur
LA PECHE A LA LIGNE
291
vient aussitôt ferrer son poisson. Le seul inconvénient que
nous reprocherons à ce système, c'est d'être un peu encom -
Fie». 155. — Tèche au grelot vertical (d'après de La Blanclière).
brant et de forcer le pêcheur à avoir un aide pour lui trans-
porter son matériel.
Fui. 150. — Le torchon (d'après de La Blanclière).
Pêche au torchon. — On qualifie de torchon, en style de
pêcheur, une sorte de petite fascine cylindrique de 30 à
292 l'A PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
40 centimètres de longueur faite avec des joncs séchés et bien
roulés, attachés solidement à l'une de ses bases, tandis que
l'autre reste libre (fig. 156). Une cordelette mince, longue
d'une vingtaine de brasses, est aux trois quarts enroulée sur
la fascine après avoir été fixée à l'une de ses extrémités ;
l'autre, terminée par une empile de cuivre, porte un fort
hameçon auquel on embrochera un petit poisson. Gomme on
le voit, nous allons, avec ce torchon, pêcher au vif. Ainsi
Fig. 157. — Pèche au torchon (d'après de La Blanchère).
préparé le torchon est prêt à servir. Monté dans sa barque,
le pêcheur jette à l'eau son torchon avec une longueur de
corde convenable (fig. 157); le torchon s'étale en long à la
surface de l'eau ; mais dès qu'un poisson vient à mordre, le
torchon fait la quille et se redresse, puis les joncs s'écartent
et s'étalent en éventail. Alors commence la pêche ; le pêcheur
qui a suivi ce changement de disposition de son torchon s'en
approche doucement, en ajoute au moyen de sa ligne un-
LA PECHK A LA LIGNE 293
second, puis même un troisième si c'est nécessaire, suivant
la taille et la force du poisson qui a mordu. Celui-ci bientôt,
las d'entraîner à la remorque des poids pareils, finit parles
laisser remonter à la surface et le pêcheur les retire lente-
ment jusqu'au moment où l'épuisette doit intervenir. Avec
ce genre de pêche on prend dans les lacs de la Suisse les plus
gros poissons carnassiers : Brochets, Perches, etc.
Pêche a la turlotte. — La pêche à la Turlotte ou à
Tralling, comme on dit en Angleterre et quelquefois aussi
dans le Nord, n'est connue que pour les très gros poissons.
Voici, d'après M. de La Blanchèrc, la manière de la prati-
quer : « On monte une bricole sur fil de laiton retors de la
longueur de 15 à 20 centimètres, puis on fait un cornet en
carton épais, percé d'un trou de la grosseur d'une plume
d'oie. Ce cornet sera long de 7 à 8 centimètres : au travers
du cornet, on passe le chaînon portant l'hameçon, et on l'y
fixe avec du plomb fondu que l'on verse dans le cornet, de
manière que la queue de l'hameçon soit cachée dans le
cornet et bien fixée au milieu. On construit ensuite une
douille de fer de 5 centimètres de long, faite de manière qu'on
puisse y introduire, par un bout, la gaule ou canne à pêche,
et qu'à l'autre extrémité, se trouve monté un petit anneau
pour y passer la ligne. Cette douille est donc elle-même
terminée en pointe. On amorce la ligne avec un goujon, en
lui passant le chaînon dans la gueule et dans le corps ; il
faut qu'il avale tout ce qui est couvert de plomb. On l'at-
tache alors sur l'empile, avec du fil ; une fois l'amorce
placée, on passe, par l'anneau de fer qui termine la douille
à l'extrémité de la canne, le bout de la ligne longue de
18 à 20 mètres entortillée autour d'un morceau de bois,
que le pêcheur tient de la main gauche, et au moyen duquel
il donne ou retire de la longueur à la ligne, la canne étant
tenue de la main droite, et la ligne étant indépendante.
« Nous avons rapporté fidèlement cette pêche, fort ancienne ,
294 LA PÊCHE DES POISSONS EN EADX DOUCES
et qui a de beaucoup précédé l'invention du moulinet. On
peut la modifier d'une manière plus commode. D'abord,
nous nous élèverons contre la grosseur de l'amorce de plomb,
et la grandeur des mesures indiquées. Sans doute, il y a dix
à parier contre un que les Brochets étaient, en ce temps-là,
plus gros et plus voraces, mais surtout moins pêches qu'à
présent, et l'on pouvait partir à leur conquête avec des
engins aussi énormes. Il ne faut donc pas craiadre de
diminuer le cornet en largeur et en longueur, de façon à ne
couler sur l'empile métallique de la bricole qu'un petit lingot
de plomb de 4 à 5 centimètres de long, sur la grosseur d'un
crayon ordinaire. Ce sera bien suffisant pour entrer dans le
corps de l'amorce vive, qui n'y résisterait pas longtemps.
En second lieu, il faudra se servir d'une canne à anneaux,
garnie de son moulinet, qui donnera beaucoup plus de facilité
que le morceau de bois de nos grands-pères. Enfin, la rigidité
de la douille à anneau, qu'ils avaient montée et qu'ils sou-
tenaient au bout d'une gaule, nous semble fort préjudiciable
au succès, car quoique le Brochet, auquel s'adresse cette
pêche, ait la mâchoire solide, encore vaut-il mieux prendre
des précautions pour le cas où l'hameçon n'aurait rencontré
que les parties molles du gosier. »
Pêche a la cuiller. — Tandis que vous vous promenez
sur les rives d'un cours d'eau ou bien que vous péchez déjà
dans votre bateau, il vous arrive tout à coup de voir le petit
poisson s'enfuir à toute vitesse comme devant l'approche
d'un redoutable ennemi; c'est en effet quelque gros Brochet
ou Perche qui leur donne la chasse. Vous plait-il à votre
tour d'intervertir les'rôles et de chasser le chasseur? Vite,
faites usage de la cuiller (fig. 158). C'est un engin fort
simple et presque infaillible. Comme l'indique son nom, la
partie essentielle de l'instrument représente une cuiller à
café privée de son manche. Les uns se contentent d'une
cuiller en fer étamée, d'autres la veulent en cuivre argenté
LA PECHE A LA LIGNK
295
en dedans, les plus fervents la prennent toute argentée ou
même en argent. A chaque extrémité la cuiller est armée
d'une bricole triple, et par son bout le plus petit elle est fixée
à un émerillon métallique. Pour s'en servir, on l'adapte au
bout d'une ligne portée par une canne à moulinet, sur
Fio. 15?. — La cuiller.
laquelle doivent être des anneaux fixes, d'une grandeur
au-dessus de la moyenne, afin que le corps de la ligne, qui
doit être en soie forte et solide, coule facilement sans risque
d'être arrêtée quand on lance la cuiller.
Dès que vous apercevez votre poisson chasseur, jetez
votre ligne à l'eau ; si cette eau est un peu courante, la
cuiller se met aussitôt à tourner d'autant plus vite que le
courant est plus rapide, et présente par un jeu de lumière
alternatif chacune de ses faces brillantes. Inévitablement le
poisson est attiré par l'éclat de cette lumière, tout comme
29fi LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
l'alouette par le miroir ; il lâche sa proie vivante et s'acharne
après sa proie nouvelle, s'élance sur elle avec avidité, la
saisit et s'embroche de lui-même vigoureusement sur les
hameçons. Mais si vous péchez sous une eau calme et tran-
quille, vous obtiendrez le mouvement nécessaire pour faire
tourner la cuiller par une tension continue et saccadée de la
ligne, en tirant et baissant de côté le bout de la canne, de
manière à l'entraîner sans la faire venir trop près de la
surface.
Avec la cuiller, on peut, dans les courants rapides, aller
pêcher de belles Truites ; emportée par le mouvement de
l'eau, la cuiller en tournant vivement simule un poisson aux
brillants reflets; il faut bien croire que c'est un puissant
appât pour le gros poisson, car dès qu'il voit cet engin
il se précipite dessus avec plus de furie et d'acharnement
qu'il ne ferait pour le petit poisson vivant destiné à devenir
sa proie.
Pêche au tue-diable. — Malgré les innombrables avan-
tages de la cuiller, certains pêcheurs lui préfèrent encore le
KB-@=«=
Fig. 159. — Le tue-diable.
tue-diable (iïg. 159). On vend chez les marchands des
tue-diable de toutes les formes, de toutes les tailles, de
toutes les couleurs ; c'est sur ce petit engin que leur esprit
inventif peut s'exercer le plus à l'aise. En somme, le tue-
diable ressemble plus ou moins à un petit poisson tordu.
Voulez- vous le fabriquer vous-même ? Rien de plus simple :
prenez un petit morceau de plomb taillé en forme de poisson
étroit et allongé, d'un galbe arrondi ; à l'une des extré-
LA PECHE A LA LIGNE
297
mités, pratiquez une entaille dans laquelle vous ferez passer
un petit morceau de fer blanc ou de clinquant, simulant la
queue du poisson ; sur le corps, enroulez fortement des soies
colorées, mais de teintes aussi brillantes que possible, entre-
mêlez le tout de quelques fils d'or ou d'argent, et vous aurez
un aussi bon tue-diable que celui que l'on voudra vous
vendre beaucoup plus cher.
Reste à armer votre engin. Montez sur une forte florence,
d'abord à chaque extrémité, puis vers le milieu soit des gra-
pins ou hameçons triples, soit des bricoles de grosseur con-
venable ; vous enroulerez chaque extrémité de votre florence
au bout de votre tue-diable et vous aurez ainsi trois points
où le poisson peut s'enferrer. Si votre tue- diable est un peu
long, au lieu d'un hameçon central mettez-en deux de chaque
côté, pour multiplier encore les chances d'accrochage.
Empilez l'extrémité opposée à la queue de fer blanc sur un
émerillon qui rendra tout votre système mobile. Il ne vous
restera plus qu'à monter le tue diable sur une longue ligne à
canne munie d'un bon moulinet.
Avec le tue-diable, on pêche, dans les eaux vives, le
Brochet, la Perche, .la Truite, le Saumon, etc. Une fois à
l'eau, plus le courant est rapide plus le tue-diable, grâce à
sa forme arrondie, se met à tourner rapidement ; ses bril-
lantes couleurs, comme celles delà cuiller, son éclat argenté,
simulent le petit poisson qui frétille dans l'eau, et aussitôt
les gros carnassiers, croyant saisir au passage une proie
facile, s'élancent sur lui et se font prendre aux nombreux
hameçons qui en hérissent la surface. Veut-on pêcher en eau
plus profonde, ou bien le courant est-il extrêmement rapide,
choisissez votre tue-diable plus gros et plus fort, ou mieux
encore ajoutez du plomb sur la ligne, jusqu'à ce qu'il se
maintienne dans l'eau à la hauteur voulue.
Pêche a la vourmée. — La pêche à la vourmée ou vor-
mée, dite aussi pêche à la trousse, s'applique exclusivement
17.
i
I
I
V '<■
298 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
aux Anguilles; elle est basée sur la voracité de ce poisson.
C'est surtout aux environs de la mer, dans les rivières ou
fleuves, où la marée monte, que cette pêche est particulière-
ment productive. Voici comment M. A. Moriceau la pratique :
« Ayez un plomb d'au moins un hectogramme de forme conique
ou en cloche; procurez-vous une certaine quantité de gros
vers rouges de terre de prairies, et enfilez-les dans de la
laine très peu tordue, comme pour tricoter des bas; vous en
formez un faisceau de la grosseur d'un gland de sonnette, et
vous fixez au centre le plomb conique ci-dessus indiqué.
Attachez ce paquet de vers à une gaule ou à une canne à
pêche raide et courte, car c'est avec un bateau et dans un
endroit peu profond que vous ferez cette pêche. Assis dans
votre bateau, ayant devant vous un baquet contenant seule-
ment un peu d'eau, vous posez dans la rivière votre amorce,
vous l'agitez un peu en la laissant descendre et remonter, et
vous ne tardez pas à sentir de la résistance; c'est l'Anguille
qui mord. On prétend que la voracité l'empêche de lâcher sa
proie, d'autres pensent que ses dents s'accrochent dans le
cordon de laine. Toujours est-il qu'elle se laisse enlever, et
qu'on en perd peu en les posant lestement dans le baquet, où
elles se décrochent seules. Cette pêche réussit mieux le soir
et la nuit que le jour, et l'on y prend plutôt des petites
Anguilles que des grosses. »
Pêche a l'otter. — Cette pêche, pratiquée surtout sur
le lac de Lucerne, peut également convenir pour tous nos
lacs. On s'en sert pour les Truites, mais elle peut également
convenir pour bon nomhre d'autres poissons. L'otter (fig.
160), la loutre, serait un engin originaire des lacs du sud
de l'Angleterre, où elle est prohibée depuis un certain
nombre d'années. Une bouée en bois, de forme rectangulaire
d'environ 60 centimètres de côté est suspendue par ses angles
à quatre cordelettes qui se réunissent ensuite en une seule,
passant sur une poulie portée par un petit mât logé au centre
LA l'ECHE A LA LIGNE 299
du bateau. Le pêcheur peut à volonté baisser ou relever sa
bouée en tirant sur la cordelette qui pend le long du mât.
On fixe au-dessous de la bouée six à huit avancés solides,
un peu longues, le plus souvent amorcées de mouches arti-
ficielles. La bouée étant à l'eau, plus le bateau marchera
vite, plus les mouches artificielles exciteront la convoitise du
300
LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
poisson. La brise qui ride l'eau masque encore mieux l'en-
gin; quant au bateau, les poissons en voient si souvent cir-
culer sur le lac qu'ils ne s'effarouchent plus autant à leur
aspect ; et puis ces jolies mouches sont si tentantes ! On prend
ainsi, et sans grande fatigue, beaucoup de poissons; on peut
du reste faire usage de l'otter en même temps qu'on se livre
à un autre genre de pêche en bateau, exactement comme en
rivière, on tend des lignes dormantes tandis que l'on pêche
à la ligne ordinaire et l'on surveille le tout sans se donner
beaucoup de mal.
Pêche a la balance. — Labalance à pêcher les poissons,
qu'il ne faut pas confondre avec la balance à prendre les
Ecrevisses, est fort en usage en certains pays, en Beauce,
par exemple, pour la pêche des Perches, des Goujons et
quantités d'autres poissons des rivières ou cours d'eau à
eaux tranquilles. C'est une ligne montée d'une manière par- -
ticulière qui simule assez bien la forme d'une balance sans
ses plateaux. Voici la manière de la construire : on prend un
fil de laiton ou un fil de fer recuit galvanisé de la grosseur
d'une fine épingle ; on le replie par le milieu et on le tord
sur une longueur de 15 à 20 centimètres en ménageant une
petite boucle à l'une des extrémités ; les deux branches libres
sont ensuite maintenues écartées et on les termine par une
petite boucle; le tout a donc ainsi la forme d'un jc_ renversé
et à petites branches égales, et d'une hauteur de 25 à 30
centimètres; dans la boucle supérieure on attache l'extrémité
d'une fine ligne ordinaire, tandis que dans chacune des bou-
cles inférieures, on fixe une empile et son hameçon. Parfois,
on fait des balances à trois branches, en tordant ou tressant
trois fils ensemble, et en les écartant ensuite en triangle dans
le bas. On a ainsi trois hameçons au lieu de deux. Suivant
la profondeur de l'eau dans laquelle on se propose de pêcher
on bâtira sa balance plus ou moins longue. Pour éviter que
les hameçons s'accrochent, il faut avoir bien soin que l'é-
LA PÈCHE A LA LIGNE 301
cartement des boucles qui portent leurs empiles soit plus
grand que la somme des deux longueurs des empiles. On
prend souvent à la balance bien amorcée deux ou trois
Goujons à la fois.
Pêche a la pelote. — La pêche à la pelote, si souvent
pratiquée aux environs de Paris, ne diffère de la pêche à la
ligne ordinaire que par le mode dont la ligne est amorcée.
Laissons la parole à M. A. Moriceau qui décrit cette pêche
en homme expérimenté : « On pétrit, un peu ferme, une
demi-douzaine de boulettes de terre pas plus grosses qu'une
bonne noix, et c'est au moment de s'en servir seulement,
qu'on y mélange une bonne pincée d'asticots. Vous renfer-
mez au milieu de la pelote l'hameçon garni lui-même de
trois ou quatre asticots, puis vous posez votre ligne dans
2 mètres à 2 m ,50 d'eau; vous maintenez la plume, et la
pelote reste à fond en place. S'il y a sur votre coup quel-
ques Barbillons, ils ne tardent pas à tourner autour de la
pelote et à l'attaquer ; ils en détachent les asticots et aussitôt
qu'ils aperçoivent ceux qui recouvrent l'hameçon et qu'on
nomme la becquée, ils se jettent gloutonnement dessus en
entraînant la plume ; le moment de ferrer est alors bien mar-
qué et il n'y a pas moyen de se tromper. Mais il n'en est pas
toujours de même, et quand on pêche ainsi pour la première
fois, on pique souvent à faux, car c'est la vraie pèche à sen-
sation. On sent la pression que produit le nez du Barbillon
sur la pelote, ainsi que les petits coups qu'il donne; il la
retourne en tous sens pour y rechercher les vers ; l'agitation
de la plume et de petites saccades vous indiquent cela. Com-
ment ne seriez-vous pas tenté de tirer? mais gardez-vous en'
bien, car vous le manqueriez, tant que la plume ne fait que
vaciller. S'il ne saisit pas la becquée dans la pelote, c'est au
moment qu'elle s'en détachera pour poursuivre le courant
qu'il s'en emparera, alors soyez bien persuadé que trop de
précipitation peut être nuisible. Souvent en commençant
302
LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
cette pêche, on sacrifie plusieurs pelotes que l'on tient seule-
ment cinq minutes, elles sont destinées à amorcer ; un petit
coup sec que l'on donne à la canne les détache de la ligne, la
plume remonte et on lui laisse suivre le courant toute la
longueur du coup, puis on recommence avec une autre
pelote. »
Avec la pêche à la pelote, on peut prendre non seulement
des Barbillons, mais encore presque tous les poissons d'eau
douce : Anguille, Barbeau, Brème, Carpe, Gardon, Lotte,
Perche, Truite, Vandoise, etc. La terre dont on fait usage
doit être aussi grasse que possible ; la terre à tuile, la terre à
potier, la terre à modeler, la glaise, tout est bon, à la condi-
tion qu'elle soit suffisamment pétrie et débarrassée de tous
corps étrangers susceptibles de blesser le museau délicat du
poisson qui vient s'y frotter. Lorsqu'on a trouvé une terre
convenable, il est bon d'en faire provision en la conservant
sous un peu d'eau. Vient-elle à se sécher, on la pile pour la
broyer à nouveau avec un peu d'eau. Quelques pêcheurs ne
craignent point d'y ajouter un peu de substance odoriférante,
décoction de thym, essence de térébenthine, pétrole, etc., qui
attire le poisson de plus loin. Lorsque la pelote est bien faite,
elle peut durer dans l'eau de 15 à 20 minutes ; après ce
temps-là, il faut toujours la changer, car elle est désagrégée
et ne retient plus les asticots qu'on y a mis. Sa durée dépend
de la nature de la terre dont on fait usage.
Gomme nous l'avons dit en commençant, la ligne dont on
se sert pour ce genre de pêche est la ligne ordinaire; mais
le plomb placé d'ordinaire à 25 ou 30 centimètres de l'hameçon
• dans la pêche ordinaire doit être à 8 ou 10 centimètres seu-
lement dans la pêche à la pelote. Les pêcheurs qui ont la
main très exercée ne mettent pas de flotte ; il est bon cepen-
dant de remplacer les bouchons par une grande plume dont
il est facile de suivre les mouvements. Quelques pêcheurs,
pour se bien rendre compte du moment où la pelote estdésa-
LA PÊCHE A LA LIGNE 303
grégée, procèdent de la manière suivante : ils confectionnent
un petit flotteur de liège ABC (fig. 161) de forme rectan-
gulaire, qu'ils percent de part en part et dans lequel passe
l'extrémité de la ligne M N ; ils enferment ce flotteur dans la
pelote de manière à le bien masquer ; puis, pratiquant un trou
dans la pelote ainsi formée, ils y engagent l'hameçon et l'ex-
trémité de l'empile N comprise entre le flotteur et cet
hameçon ; dès que la pelote est désagrégée, le flotteur revient
à la surface de l'eau et fait remonter en même temps l'hame-
çon. Ce système nécessite forcément l'emploi de fortes
Fig. 161. — Bouchon pour les pelotes.
pelotes; on ne s'en sert que pour la pêche des gros
poissons.
Avec cette pêche, il faut avoir bien soin de toujours
envoyer les pelotes à la même place, de façon à ce que le
coup que l'on fait soit en quelque sorte amorcé par le coup
précédent; aussi arrive-t-il souvent que ce n'est qu'au bout
d'un certain temps de faction que l'on commence à prendre
du poisson, alors qu'il a fait connaissance avec les amorces
que vous lui présentez sans cesse. Si dans ces conditions le
bras du pêcheur se fatigue, il peut monter sa ligne au grelot,
et sans se lasser il n'aura qu'à attendre que le poisson le
prévienne lui-même de sa présence en faisant sonner le
grelot. C'est pour les amateurs un genre de pèche facile et
souvent des plus productifs.
304 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
PECHES DIVERSES
305
I
Fig. 162. _ Pêche à Mpervier, premier temps
306
LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
PECHES DIVERSES
On peut également prendre du poisson sans faire usage de
la ligne et de ses hameçons; l'épervier et tous les filets, les
nasses ou les verveux, la foëne ou le trident et même le
fusil, sont des engins dont les pêcheurs font bien souvent
usage et qui rendent les plus grands services dans l'art de la
pêche. Il importe donc de faire connaissance avec eux et
d'apprendre à s'en servir. En général ces différentes sortes
dépêches sont plus dispendieuses que celles dont nous venons
de nous occuper, et exigent parfois un matériel et un person-
nel beaucoup plus considérables. Nous les diviserons en trois
classes : 1° les filets mobiles, 2° les filets fixes ou dormants,
3° les instruments divers autres que les filets.
Nous n'avons pas la prétention d'apprendre à nos lecteurs
à faire du filet ; mais nous leur dirons que les meilleurs filets
sont encore ceux que l'on fabrique soi-même. On peut au
moins en surveiller la bonne confection dans ses moindres
détails. Le fil dont on fera usage devra être préparé avec de
la filasse de chanvre très fine, bien mûre et pas trop rouie
pour qu'elle puisse conserver toute sa résistance ; la texture
du fil sera égale et bien régulière, sans nœud, et de torsion
moyenne. Chaque fois qu'un filet aura été plongé dans l'eau,
il conviendra, s'il ne doit pas servir durant un certain temps,
de le bien faire sécher et de le tenir toujours au sec.
FILETS MOBILES
Pêche a l'épervier. — L'épervier est un vaste filet cir-
culaire, portant à son centre une corde par laquelle on le
soutient, et sur sa périphérie des plombs qui tendent à faire
PÈCHES DIVERSES 307
descendre ses bords et à les rapprocher une fois qu'il est
abandonné à lui-même dans l'eau. Pour se servir de ce filet,
on doit le jeter de façon à ce qu'il s'étale le plus largement et
Fig. 163. — Pèche à l'épervier, second temps.
le plus exactement possible sur la surface de l'eau, tout en le
retenant par la corde centrale ; la périphérie entraîne le filet
dans l'eau, et tout en -se rapprochant du fond enserre dans
308 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
les mailles du filet tout le poisson qui se trouve sur son par-
cours. Mais pour arriver à bien manier l'épervier il faut une
certaine pratique.
Il convient d'abord de bien choisir son milieu ; les fonds
inégaux, pierreux et rocailleux ne conviennent point pour
ce genre de pêche, car quelle que soit la rapidité avec
laquelle le filet atteint le fond, le poisson a le temps de
s'échapper par les petits méandres que le filet ne recouvre
pas entièrement. La présence des roseaux ou des grandes
herbes aquatiques est encore un obstacle; mais dans les
fonds sablonneux ou vaseux, surtout dans les eaux un peu
troubles, le pêcheur adroit prend en peu de temps des quan-
tités de poisson.
On fait des éperviers de diverses sortes. Les dimensions
ordinaires sont de 15 à 20 mètres de circonférence, de telle
sorte qu'à terre, étant développé, il peut recouvrir une sur-
face circulaire de 35 à 40 mètres carrés, et que, relevé en
faisceau, sa hauteur est de 3 à 4 mètres. La grosseur des
mailles varie de 1 à 10 centimètres d'ouverture, suivant le
genre de poisson que l'on se propose de pêcher; le bord,
garni d'une forte cordelette, porte des poids en plomb d'un
total de 10 à 15 kilogrammes. Les uns sont unis dans le bas ;
d'autres portent, au-delà de la cordelette, une sorte de filet
supplémentaire formant ourlet et qui se replie à l'intérieur..
Pour lancer l'épervier, on commence par entortiller l'ex-
trémité de la corde suivant un cercle, tandis que le bout
libre est solidement fixé au bras gauche. Le pêcheur saisit
dans la même main l'extrémité de la pointe de l'épervier, et
le tirant à lui, les plombs rassemblés ou dehors, il forme une
série de deux à trois gros plis avec l'extrémité conique du
filet, toujours dans la main droite, de manière à ne laisser
libre que les 60 ou 70 derniers centimètres au voisinage des
plombs. Alors, de la main droite, il saisit environ le quart de
la partie restée libre, et renversant le filet, il en jettera les
PÊCHES DIVERSES
309
plis sur [l'épaule gauche de façon à les étaler. Gela fait, il
saisira de la main droite à peu près la moitié de ce qui reste,
310
LA PECHE DES POISSONS EN" EAUX DOUCES
T
et le surplus restera pendant devant lui, tant dans la main
gauche qu'entre les deux mains (flg. 162). Le point étant
choisi, le pêcheur, l'épaule droite en avant, bien planté sur
la plateforme de sa barque, prend son élan pour tourner
brusquement le corps de droite à gauche, et par une impul-
sion simultanée des deux bras et de l'épaule, il lance devant
lui le filet que sa main gauche laisse aller et que son bras
droit arrondit en se déployant. Dans ces conditions, le Blet
s'étale dans l'eau sous une forme presque régulièrement cir-
culaire tout en étant retenu par sa corde centrale; l'épervier
descend alors lentement dans l'eau (fig. 163). Une fois bien à
fond, ce que l'on reconnaît facilement lorsque la corde n'a
pas la moindre tension, on relève l'épervier (fig. 164) très
lentement, en le balançant de droite à gauche et inversement
de façon à ramener les plombs en les traînant sur le fond ;
une fois les plombs réunis, on sort rapidement le filet hors
de l'eau, on l'étalé sur le bateau, et soulevant les plombs sur
un des côtés, on en retire les poissons ou tout au moins les
brindilles entortillées dans les mailles.
On peut également se servir de l'épervier pour pêcher à
la traine. Ce genre de pêche, usité surtout dans les petites
rivières, exige l'intervention d'un plus grand nombre de
bras; aussi préfère-t-on se servir de filets plus grands,
quoique, à la rigueur, le filet de l'épervier ordinaire puisse
tout aussi bien être employé. Ce genre de pêche est appli-
quable aux petits cours d'eau de peu de largeur et de
faible profondeur, exempts de roches ou de pierrailles dans
leur lit ; c'est le meilleur moyen pour prendre les poissons
qui aiment à se tenir cachés dans la vase.
Voici comment on opère: On commence par attacher deux
bonnes cordes à la plombée qui entoure l'ouverture du filet,
et on fait en sorte que l'espace compris entre les deux points
d'attache occupe à peu près la largeur du cours d'eau sur
lequel on opère. «Deux hommes, dit Duhamel, traînent le
PECHES DIVERSES 311
filet en halant sur les cordes, de manière que la portion
comprise entre les deux points d'attache se tienne presque
droite à la surface de l'eau ; le reste de l'embouchure tombe
au fond, à cause des plombs. Cette embouchure porte sur le
fond, où elle décrit une espèce d'ovale, la queue ou culasse
flotte entre deux eaux.
« Un homme suit les pêcheurs ; il tient la corde qui répond
à la pointe du filet, et, quoiqu'il la laisse lâche, il s'aperçoit
cependant s'il y a des poissons pris, par les secousses qu'ils
impriment au filet et qui se communiquent à la corde. Quand
on manque de ce troisième homme, l'un des pêcheurs attache
à l'un de ses bras la corde de la culasse, et il la tient assez
longue pour ne pas gêner la pointe du filet. Lorsqu'on s'a-
perçoit, aux secousses de la corde de la culasse, qu'il y a du
poisson pris, les deux pécheurs lâchent leur corde pour que
toute la circonférence du filet porte sur le fond ; puis l'un
d'eux prend la corde de la culasse et la tire à lui. »
Reste à savoir s'il convient de traîner l'épervier suivant
ou contre le courant? C'est un grand problème que les pê-
cheurs n'ont point encore résolu ; à cet égard leurs sages
avis sont encore partagés.
Pêche a l'échiquier. — L'échiquier ou carrelet est un
filet carré, mesurant de l m ,50 à 2 mètres de côté et dont
les angles jsont reliés par deux arceaux au centre des-
quels se fixe une longue perche servant à porter cet en-
semble. Le filet est fait à mailles assez grosses pour per-
mettre à l'eau de s'écouler rapidement ; tout autour passe
une cordelette un peu forte qui borde le filet et le consolide.
Ces arceaux sont faits en bois flexible bien cintrés au préala-
ble et solidement fixés soit entre eux, soit aux angles du
filet. La perche qui doit porter le filet et servir à sa manœuvre
doit avoir de 4 à 5 mètres de longueur et être en bois résis-
tant, léger et un peu flexible.
On pêche à l'échiquier dans des eaux peu profondes, de
312
LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
2 mètres environ; le pêcheur monté sur sa barque s'installe
dans un passage, au voisinage d'un égout, aux alentours
d'une pile de pont, de préférence en eau un peu trouble ;
tenant des deux mains le manche de l'échiquier il fait des-
cendre le filet à plat jusqu'au fond de l'eau et attend quelques
instants dans le plus grand silence possible. Le poisson qui
d'abord avait fui, ne tarde pas à revenir et à circuler au-
dessus du filet qui touche le fond. Au bout de cinq à six mi-
nutes le poisson insouciant a repris ses allures normales sans
s'inquiéter davantage de ce filet qui ne bouge pas ; alors le
pêcheur relève le tout en soutenant la perche de façon que
la levée se fasse bien horizontale ; le poisson surpris cherche
à se sauver en piquant la tête en bas, et tandis qu'il vient
butter contre les mailles du filet, il est enlevé hors de l'eau ;
par suite des lois de la pesanteur, le filet forme poche au
milieu, et le pêcheur y retrouve la presque totalité du pois-
son qui se trouvait au-dessus du filet à l'instant où il a com-
mencé à le relever. Si le milieu n'est pas riche en poisson, on
peut amorcer le coup au préalable ; d'autres personnes atta-
chent au milieu du filet une amorce et notamment un
petit sac de sang caillé, ou de la cervelle cuite logée dans
une petite bourse à mailles étroites. Mais mieux vaut encore
une bonne place bien choisie.
Cette manœuvre de l'échiquier est fort pénible et néces-
site de la part du pêcheur le déploiement d'une grande
force, surtout si le filet est un peu grand. Mieux vaut alors
disposer à l'extrémité de la barque un petit mât au pied du-
quel on fixe l'extrémité de la perche en lui laissant assez
de mobilité pour qu'en appuyant sur l'extrémité, le jeu du
levier fasse facilement lever le filet. D'autres barques en-
core mieux équipées pour ce genre de pêche sont armées
d'un petit treuil à manivelle qui permet de lever sans la
moindre fatigue les plus lourds filets. Dans ces deux cas,
une fois le filet hors de l'eau, le pêcheur va y prendre le pois- i
PÊCHES DIVERSES 313
son à l'aide d'une petite épuisette à long manche. On prend
ainsi toutes sortes de poissons, et notamment des Aloses et
des Saumons au moment de la remonte, ainsi que la plupart
des poissons voyageurs. Dans certaines contrées, notamment
aux environs de Paris, on prend le menu fretin, et plus spé-
cialement le Goujon, avec un petit échiquier à mailles étroites,
que l'on tend dans les eaux claires dans un fond de sable;
d'une main le pêcheur maintient son échiquier en place,
tandis que de l'autre il soulève le sable placé à l'amont du
filet. Le Goujon qui aime à chasser en eau trouble, se pré-
cipite dans le petit nuage formé par le sable ainsi agité, et
lorsqu'il passe sur le filet on n'a plus qu'à lever la perche
pour prendre presque à coup sûr du petit poisson.
Pêche au trouble. — D'où vient le nom de trouble que
l'on donne à ce genre de filet ? peut-être de ce qu'il sert le
plus souvent à pêcher en eau trouble... Ce qu'il y a de cer-
tain c'est que le trouble, truble, treuille, treulot, trou-
bleau, etc. , suivant les pays, est un filet mobile destiné à
pécher du bord. Sa forme est extrêmement variable ; c'est
en principe un filet de forme conique, allongée et profonde,
fermé au sommet qui est libre, monté sur sa base tantôt
sous une forme triangulaire, tantôt sous une forme circulaire,
tantôt encore sous une forme droite d'un côté et arrondie de
l'autre, mais toujours de façon à ce que l'entrée du filet soit
plane et largement ouverte. Une longue perche fixée sur les
deux bords extrêmes de la base ou ouverture en permet la
manutention.
Le plus souvent, et c'est à notre avis la forme la plus com-
mode et la plus pratique, le trouble est fait de façon à ce que
le côté opposé au manche soit absolument droit et monté en
forme de T. La partie opposée à la barre supérieure du T est
alors arrondie et le sommet de la courbe bien fixé au
manche ou barre droite de la lettre, et dans le même plan
que la barre transversale. Ici les mailles sont plus serrées
1-ooAF.i), La Pèche. 18
314
LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
M
que dans l'échiquier, et comme le filet ne peut pas être mû
mécaniquement, il faut nécessairement le faire plus petit pour
qu'il soit maniable. Lorsqu'il est de grande taille, il est bon
de le consolider en ajoutant au manche deux jambes de force
latérales plus ou moins longues, qui prennent leur point d'ap-
pui sur la base du filet, et dont les branches forment un V;
quoique ce petit supplément de matériel obstrue un peu l'ou-
verture du trouble, celle-ci est encore assez grande pour
laisser passer le poisson.
Le trouble peut servir à puiser du poisson dans tous les
étangs et réservoirs; mais c'est surtout au moment des crues
ou des inondations que l'on pratique sur nos fleuves la vraie
pêche au trouble. A ce moment, l'eau étant toujours plus agi-
tée, perd sa transparence et devient bien plus riche en sub-
stances nutritives tenues en suspension. C'est l'instant où
le poisson se met en chasse ; sur les bords du fleuve et de la
rivière, il est sûr de rencontrer l'objet de sa convoitise plus
encore qu'au milieu du cours d'eau, parce que c'est par les
bords que se font les apports naturels. Alors le pêcheur sui-
vant le cours de l'eau, le long des rives, plonge rapidement
son trouble la face ouverte de son côté, la pointe du côté du
large et il ramène le tout contre la berge, en la serrant au
plus près, tout en relevant son engin. Le poisson qui se trou-
vait entre la berge et le trouble est ainsi pris dans l'inté-
rieur du cône qui forme une vaste poche, à mesure que l'on
remonte l'instrument hors de l'eau. Au moment des grandes
crues, on prend ainsi de fort beaux poissons. L'habileté du
pêcheur consiste à ramener rapidement son filet, en le ser-
rant, le plus possible contre la berge, pour que le poisson
n'ait pas le temps de s'enfuir lorsqu'il est surpris par le pas-
sage du trouble.
Pêche a l'araignée. — L'araignée est le filet en usage
dans le Rhône pour la pêche de l'Alose au moment où elle
remonte ce fleuve. Voici, d'après Gurnier, comment cette
PÊCHES DIVERSES
3i5
pêche se pratique : armé d'une poche en filet à grandes
mailles et peu profonde, montée sur un cercle en lattes de
saule, emmanchée d'une perche de 2 à 3 mètres, il la plonge
à l'avant de son bateau du côté du large, il la descend en pe-
sant sur le bout du manche, perpendiculairement à la sur-
face de l'eau, et, une fois que tout est noyé, il laisse le cou-
rant entraîner le filet, en ayant soin de le maintenir toujours
dans sa position, en l'accompagnant ou en l'aidant d'une main
attentive et intelligente. L'Alose est un poisson très vif, doué
d'une grande puissance natatoire, il importe donc que la pêche
se fasse lestement, sans quoi, comme ce filet n'offre aucune
espèce de goulot de nasse, qu'il est à fond très rapproché et
très plat, le poisson aie temps de s'échapper; un bon courant
est nécessaire, puisque c'est lui qui doit imprimer la vitesse au
filet. On comprend que l'araignée intercepte le passage dans
la tranché d'eau correspondante à sa circonférence, le pois-
son allant dans un sens, celui opposé au courant, tandis que
le filet le suit; le moment important est celui où cette ren-
contre a lieu. Le poisson est touché, mais bien s'en faut qu'il
soit pris, il faut l'amener à la surface. Aussitôt que le filet
noyé en tête du bateau en a suivi la longueur, une corde qui
s'y fixe porte et se raidit. On cesse de peser sur le filet, qui
tend alors avec impétuosité à quitter la position forcée où il
est maintenu, pour reprendre sa position naturelle, c'est-
à-dire flotter horizontalement. C'est à ce moment que le pê-
cheur a à donner tous ses soins pour faire émerger le filet
simultanément sur tous les points de sa circonférence ; de là
dépend la beauté du coup : le poisson, lorsque le coup est bien
donné, est prisonnier alors dans la partie lâche du filet qui
flotte au delà du bord extérieur du cercle. Cette pêche est
très fatigante. Les hommes qui s'y livrent donnent environ
quarante à cinquante coups par heure, et se relèvent toutes
les deux heures.
Pêche a la senne. — La Senne est un long filet de
316 LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
forme rectangulaire qui sert à la grande pêche sur des fonds
unis (fig. 166). La longueur en est extrêmement variable, la
hauteur varie de 80 centimètres à 6 mètres ; le haut porte
une bonne cordelette munie de lièges destinés à faire flotter le
filet, tandis que dans le bas, sur une cordelette analogue, on a
logé de forts plombs pour forcer le filet à se tenir d'aplomb
une fois à l'eau ; aux deux extrémités latérales sont fixées
des cordes qui prennent le haut et le bas du filet et que l'on
nomme bras. Avec la senne, on peut barrer complètement
la rivière; dans ce cas, le filet étant descendu à l'eau de
façon à s'étendre d'une rive à l'autre, des hommes tirent sur
les bras de la senne en remontant le courant, de manière à
lui imprimer une forme curviligne ; à un moment donné, les
hommes d'une rive passent à ceux de l'autre rive le bras
qu'ils manœuvraient, et l'on rapproche ainsi petit à petit les
deux extrémités de la senne l'une de l'autre, de façon à
emprisonner le poisson sur un court espace. On ramène
alors la senne à terre en choisissant autant que possible une
berge où le fond de la senne traîne sans laisser échapper le
poisson.
Si le cours d'eau est trop grand, et qu'on ne veuille pas le
barrer entièrement, on jette la senne au moyen de deux
bateaux, qui vont d'abord en s'écartant l'un de l'autre, jus-
qu'à ce que toute la senne soit à l'eau; puis à force de
rames, on fait avancer la senne suivant un certain espace
en ayant toujours soin qu'elle forme une anse au fond de la-
quelle se réfugie le poisson ; on rapproche alors les deux
bateaux de façon à enfermer le poisson comme dans un
vaste épervier que l'on relève ensuite à la fois sur les deux
bateaux. Parfois encore, pour éviter trop de bras, on se con-
tente d'attacher solidement un des côtés de la senne, tandis
que l'on fait marcher l'autre en le faisant pivoter autour du
premier.
On désigne sous le nom de colleret des sennes qui au lieu
PÊCHES DIVERSES 317
d'être rectangulaires vont en décroissant depuis le milieu
jusqu'aux deux extrémités, de telle sorte que, si le centre a
3, 4, 5 ou 6 mètres, chaque extrémité n'a plus que 60 à
80 centimètres de hauteur. Ces sennes sont plus légères à
manœuvrer ; on les emploie dans les étangs où il y a une
faible profondeur d'eau,
FILETS FIXES
Pêche au tramail. — La pêche au tramail, dans les
fleuves et les rivières, constitue une véritable battue. Voici,
Fia. 165.
Tramail.
d'après M. de La Blanchère, comment on construit ce filet
(fig. 165). Le tramail « est formé de trois rets superposés les
uns aux autres ; les deux extérieurs ou années sont ourdis
à petites mailles; l'intérieur ou (lue est à petites mailles. Les
aunées se font soit en mailles carrées, soit en mailles en
losange; dans tous les cas, elles doivent être fortes; aussi,
y emploie-t-on de la ficelle de choix, et plus grosse que pour
la flue. Les mailles des aunées ont de 15 à 30 centimètres
en carré, car il faut qu'elles soient assez grandes pour que
les poissons que l'on veut prendre passent à travers et
arrivent à la flue, qui seule doit les arrêter en faisant
18.
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318 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
PECHES DIVERSES
319
Fie 160. — réi'lie à la senne.
320 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
bourse à travers les mailles de l'aunée opposée, par laquelle
elle ressort sous l'impulsion de l'animal. C'est là qu'il reste
embarrassé et accroché. Les aunées, en somme, ne servent
qu'à soutenir la flue, qui est flottante, entre elles, et qui doit
avoir de deux fois à deux fois et demie l'étendue des aunées.
La flue s'ourdit toujours en mailles à losange, qui ont de 25
à 60 millimètres d'ouverture. En général, elle se fait en fil
très fin, retors en deux et d'excellente qualité.
Pour monter ces trois filets ensemble, on fait choix d'un
endroit bien net sur le sol, soit sur du sable, soit sur l'herbe
fine d'une prairie. On déploie l'une des aunées que l'on tend
fortement par les quatre coins, au moyen de piquets passant
dans les boucles B E des angles. Ceci fait, on passe dans le
dernier rang des mailles de la flue, tout autour un solide fil
de fouet bien détordu F et d'un seul morceau. On place alors
la flue sur l'aunée tendue, attachant cette ficelle et lés angles"
de la flue aux piquets qui tendent l'aunée ; la ficelle du tour
se trouve parfaitement tendue, mais la fiua ne l'est pas, puis-
qu'elle est ourdie bien plus grande que l'aunée qui est
dessous. On distribue alors avec la main les plis de la flue
le plus régulièrement possible sur la ficelle, tout autour,
afin qu'elle fronce et fasse poche uniformément sur toute
l'étendue de l'aunée. On place alors sur la flue la seconde
aunée, que l'on tend, comme la première, au moyen des
boucles des angles, sur les mêmes piquets, puis au moyen
de fil retors, on attache solidement chaque maille des aunées
correspondantes sur le bord, en ayant soin de prendre entre
elles une maille de la flue. On termine le travail en bordant
les trois filets ensemble, au moyen d'une corde solide. Le
tramail est alors en état de servir. Il ne reste plus qu'à
garnir le haut de flottes de liège et le pied de plomblées.
Ce filet se place à poste fixe en travers du cours d'eau ; il
n'est pas nécessaire même qu'il le barre tout à fait. Le plus
souvent, il n'en occupe à peu près que le tiers du milieu. Il
PÊCHES DIVERSES 321
est généralement soutenu à chaque extrémité par un bateau
soit amarré au rivage, soit maintenu par une pierre coulée
au fond qui sert d'ancre. Le tramail posé, les pêcheurs
descendent à quelques centaines de mètres en dessous, et là,
déployant une senne à larges mailles qui, cette fois, barre la
rivière entière, ils remontent lentement vers le tramail. La
senne, ici, n'agit que comme cloison mouvante. Ainsi, dans
la Loire, par exemple, les pêcheurs la remplacent-ils par une
simple chaîne de fer, garnie de cliquets de bois, qu'ils traî-
nent au fond de l'eau. Quelque soit l'engin employé, chaîne
ou senne, le poisson effrayé s'enfuit, la tête au courant, et va
donner dans le tramail, où il demeure embarrassé. Il se
méfie d'autant moins que, voyant les larges mailles des
aunées, il y passe facilement, et rencontrant le tissu flot-
tant de la flue, qui cède sous la moindre pression, il croit
le refouler pour se livrer passage, mais il n'aboutit qu'à
former une poche à travers une des mailles de l'aunée
opposée, poche qui augmente avec la furie de ses mouve-
ments, les paralyse bientôt et le conserve empêtré. Dans
les petits ruisseaux, on ne se donne plus la peine de rabattre
le poisson dans le filet avec la senne, on boule vigoureuse-
ment sur chaque bord et au milieu avec des perches, remon-
tant sous le tramail, on y fait fuir le poisson.
On cerne également, au moyen du tramail, les abords des
crônes ou cavernes sous les racines et les berges, puis le
bouloir fait son jeu ; les poissons, attaqués dans leurs retraites,
fuient éperdus le tapage, et s'emmaillent d'autant plus aisé-
ment que la vase, soulevée par cette manœuvre dans un ruis-
seau de peu d'étendue, trouble rapidement l'eau et empêche
le poisson de discerner son chemin.
En somme, le tramail est le véritable filet du pêcheur de
profession ; c'est l'engin qui lui rapporte le plus, et quoique
la manœuvre en soit assez pénible, tant à cause du poids du
filet que de sa longueur, c'est celui auquel il a recours le plus
322
LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
souvent. C'est la véritable nappe des morts de nos rivières.
Tous les poissons s'y prennent sans exception ; même les
petits, qui pourraient passer à travers les mailles de la flue,
et cependant s'y accrochent et s'y embrouillent par les
épines de leurs nageoires. »
Pêche au vannet. — La pêche au vannet se pratique
dans les grands neuves, notamment le Rhin et le Rhône pour
la capture des Truites. On tend-, sur la plus grande largeur
Fig. 167. — Pêche au vannet.
possible du cours d'eau (fig. i67) soit des filets, soit des
piquets garnis d'un clayonnage en bois, de manière à
affecter la forme d'un V ; l'ouverture se présentant du côté
d'où vient le courant ; mais comme la Truite, surtout lors-
qu'elle se sent menacée, est susceptible de faire des bonds
hors de l'eau pour faciliter sa fuite, il est bon que le barrage
dépasse le plan supérieur du fleuve de 60 à 80 centimètres
au moins. A la pointe du V, on a disposé une nasse suffisam-
ment grande, dont l'ouverture fait corps avec les deux côtés
du barrage. On place ce vannet au commencement de
novembre, et chaque matin les pêcheurs qui se sont associés
pour organiser cette installation assez dispendieuse, vont
PÊCHES DIVERSES 323
relever la nasse et se partagent le résultat de la pêche. Ici il
n'est nullement besoin de battre l'eau, le poisson remontant
le courant vient se faire prendre de lui-même, en suivant les
parois du barrage pour entrer dans la nasse d'où il ne peut
plus sortir.
Pèche au guideau. — Le guideau est un long filet de
forme cylindrique ou cylindro-conique dont la taille varie
de 8 à 10 mètres, pour un diamètre de 60 à 80 centimè-
tres ; on le place à poste fixe sous le courant de la rivière,
le plus souvent au voisinage des barrages, des piles de
pont, des déversoirs d'usines, etc.; l'entrée est maintenue
droite par un cerceau en bois, soit complètement circulaire,
soit simplement arrondi au-dessus d'une base droite. Le
poisson qui remonte le courant entre dans cette longue
manche et n'en sort plus que très difficilement, s'empê-
trant dans ses mailles. Ordinairement, comme le relevage
du filet est une manœuvre assez pénible, on le termine par
une nasse, où la plus grande partie du poisson vient se
réfugier ; chaque matin on n'a plus alors qu'à relever la
nasse. L'inconvénient du guideau c'est que bien souvent le
poisson qui y est pris se trouvant roulé durant plusieurs
heures par la rapidité du courant, meurt rapidement et
s'écorche ou s'abime par suite du frottement contre les
mailles ou contre le fond. Parfois, lorsqu'on veut prendre
du petit et du gros poisson, on fait le guideau en trois ou
quatre sections, chacune avec une grosseur de mailles
différente, celles de l'embouchure étant nécessairement les
plus grandes.
Pèche aux gords. — La pèche aux gords présente une
grande analogie avec la pèche au vannet. Sur une rivière
(fig. 168), on tend une ou deux séries de filets ou de clayon-
nages disposés en forme de W et qui barrent complète-
ment le courant, l'ouverture des V étant dirigée dans le sens
de ce courant. A la pointe de chaque barrage, on installe
324
LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
des guideaux que l'on termine par des nasses ; on a aussi un
ou deux guideaux où le poisson vient se faire prendre ; ce
double guideau ne laisse rien perdre, et si le barrage est fait
àmaille assez étroites, tout le poisson de la rivière est oblige
de passer par le guideau. On se sert surtout de la pêche
I-'ECHE AU VERVEUX
325
aux gords pour prendre les Anguilles au moment de leur
montée.
Pêche au verveux. — Le verveux est un diminutif perfec-
tionné du guideau. On fait des verveux de toutes les formes.
Le verveux ordinaire (fig. 169) est un filet conique d'en-
viron deux mètres de longueur et de 30 à 60 centimètres de
Fio. 169. — Verveux.
diamètre à la base ; des cerceaux en bois ou en fer galvanisé,
d'un diamètre de plus en plus petit, le soutiennent depuis la
base jusque vers le sommet. Les mailles sont d'autant plus
fines que l'on veut prendre du poisson plus petit. La base
ou ouverture du verveux est complètement ouverte ; on y
adapte en dedans, un second filet ou coiffe, ou goulet, en
forme de tronc de cône ; ce tronc de cône, beaucoup plus petit
comme hauteur que le verveux, a la même base, et le petit
diamètre du sommet n'a plus que 10 ou 15 centimètres;
l'extrémité de ce tronc de cône est ordinairement attachée au
dernier cercle du verveux, le plus voisin du sommet, de
façon à maintenir ce tronc de cône à peu près dans le même
axe que le verveux lui-même. On peut donner delà rigidité
à tout l'ensemble en maintenant les cercles régulièrement
écartés les uns des autres par des petites baguettes à fourche,
que l'on pose au moment de s'en servir. On tend le verveux
dans le sens du courant, de manière à ce que celui-ci se
Locard, La Pèche. 19
326 'A PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
présente vers l'ouverture; on amorce dans le verveux, et
l'on n'a plus qu'à attendre quelques heures; ordinairement,
on pose les verveux le soir, pour les relever le lendemain
matin. Le poisson, une fois qu'il a pénétré dans le verveux,
attiré par l'amorce, s'empêtre dans sa prison sans en retrou-
ver la porte, tout comme le rat vivant pris dans sa ratière.
Ceci étant donné, on peut varier les formes et les disposi-
tions du verveux. Veut-on prendre du gros poisson? on le
fera plus grand et plus large, et comme il pourrait être
entrainé, on lui ajoute du lest en dessous pour qu'une fois
mis à l'eau il n'en bouge plus. Veut-on prendre toutes
sortes de poissons à la fois ? on fait un verveux de grande
taille, à mailles serrées, et on loge dans son intérieur trois
coiffes successives et d'un diamètre final de plus en plus
petit ; le gros poisson reste dans la première chambrée qu'on
a eu soin de ménager plus spacieuse ; le moyen poisson se
loge dans la seconde, et le menu fretin va se réfugier dans
la troisième. Souvent, au lieu de faire le verveux complè-
Fui. 170. — Verveux à nasse.
tement circulaire, on donne à l'entrée une forme d'arceau,
avec une base droite qui repose mieux sur le sol, mais les
autres cerceaux restent ronds. Parfois, on termine le ver-
veux, surtout s'il est un peu long, par une nasse (fig. 170) ;
en ce cas le filet reste au fond de l'eau, fixé par des perches,
PÊCHE AU LOUP
327
ou de toute autre manière, et l'on ne relève que sa pointe avec
la nasse pour recueillir le poisson. La pêche au verveux est
a.
I
ordinairement très productive, surtout si l'on a eu bien soin
d'amoreer convenablement non seulement dans le verveux,
mais mieux aux abords et un peu loin, de façon à y attirer le
poisson. C'est une pêche peu fatigante, pratique dans toutes
328 LA PÊCHE DES TOISSONS EN EAUX DOUCKS
les eaux, mais plus volontiers dans les rivières. Il faut seu-
lement avoir bien soin de marquer très exactement la place
où le verveux a été noyé pour qu'avec la gaffe ou le grappin
on puisse facilement le retrouver le lendemain. Un mot en-
core ; il est prudent de se méfier des maraudeurs, qui se
lèvent de bonne heure et ne vous attendent pas pour aller
relever vos verveux avant vous...
Pêche au loup. — La pèche au loup ou à la louve, le sexe
ici n'a rien à y voir, est une combinaison en petit de la
pèche au verveux, avec quelques-unes des pêches précédentes.
Le verveux est cylindrique (fig. 171), et il porte une coiffe
conique à chacune de ses extrémités. A chaque entrée du
verveux on dispose un filet rectangulaire, plus ou moins
allongé, disposé en forme de V, et dont la pointe correspond
avec l'entrée du verveux dont elle épouse le galbe, tandis
que les deux autres extrémités sont tenues droites par des
piquets ; de cette façon, le poisson d'amont comme celui
d'aval est sollicité, par les filets écartés, à s'introduire dans
le verveux central, d'où il ne peut plus sortir une fois qu'il
y est entré.
Cet appareil s'emploie surtout dans les lacs et les étangs,
là où il n'y a point de courant; il faut avoir soin de choisir
les stations où le poisson passe plus volontiers, notam-
ment au voisinage des herbes, à un changement d'allure
du fond, etc.; au besoin on amorce de loin pour attirer le
poisson et le forcer à prendre le chemin du verveux ; bien
entendu le verveux lui-même est amorcé à l'intérieur. On
couvre souvent la louve avec quelques brassées de joncs ou
d'herbages pour mieux la dissimuler ; en été, le poisson
croyant y trouver un abri, vient s'y faire prendre plus faci-
lement.
PECHE A LA NASSE
329
ENGINS DIVERS POUR LA PÊCHE
Pêche a la nasse. — On appelle nasse (fig. 112), des
paniers de toutes formes faits en joncs et qui servent de
piège pour prendre le poisson. Les nasses diffèrent des
verveux par ce fait qu'elles sont construites avec toute autre
matière qu'un filet. Le jonc, l'osier, la canne, même le
coudrier sont bons pour faire des nasses. Parfois aussi on fait
Fie. 172. — Nasse courte à eaux mortes.
des nasses avec une coiffe en filet. Le plus ordinairement la
nasse affecte une forme de tonnelet plus ou moins allongé ;
les joncs sont disposés dans le sens de la longueur, et leur
écartement est maintenu par un certain nombre de cerceaux
plus forts et plus rigides ; à l'une des extrémités se place
une coiffe fixe faite à l'aide d'un tronc de cône en jonc non
cerclé à sa petite extrémité ; l'autre bout de la nasse est fermé
par une porte mobile autour d'un axe, le tout en jonc, des-
tinée à donner issue au poisson.
Suivant que l'on veut prendre du poisson plus ou moins
gros, on se sert de nasses à joints plus ou moins écartés;
pour le petit poisson, et même pour le poisson de taille
moyenne, il est bon d'avoir à l'intérieur deux coiffes suc-
cessives, la première plus ouverte que la seconde. Si la nasse
est bien amorcée à l'intérieur, le poisson ne fera aucune
difficulté pour franchir d'un seul trait les deux ouvertures
330 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
bien centrées dans le même axe, et une fois entré il ne lui sera
plus possible de sortir de sa prison. Il est également avan-
tageux de faire tresser sur la longueur de la nasse deux
paires d'anses en osier pour qu'on puisse la saisir commo-
dément. Dans le Midi, sous le nom de gombin ou lance
(fig. 173), on fait des nasses de forme cylindrique, mais dont
Fig. 173. — Nasse gombin.
la coiffe est en filet ; ordinairement il existe une coiffe à
chaque extrémité ; sur les côtés on ménage une porte pour
retirer le poisson.
On tend les nasses comme les verveux, le plus souvent le
soir, à la tombée de la nuit, après les avoir garnies d'une
amorce à l'intérieur ; le lendemain matin on les retire de
l'eau avec une gaffe ou à l'aide du grappin. Gomme la nasse
est plus légère que l'eau, on la leste de façon à ce qu'elle y
gagne le fond de la rivière. Le meilleur moment pour pêcher
à la nasse, c'est lorsque le temps est un peu orageux, ou
bien lorsqu'il se produit une crue ; à ce moment les apports
sont plus riches en substances alimentaires, et le poisson
toujours avide suit plus volontiers les bords de la rivière où
l'on a eu soin de disposer les nasses parallèlement à la berge. ,
et assez loin les unes des autres.
Pêche a la foêne. — Quoique plus particulièrement
réservée à la pêche en mer, la pêche à la foêne ou fouenne,
se pratique pourtant également en eau douce dans certaines
PECHE A LA FOKNE
331
antrées. La foène est l'arme que l'on place ordinairement
itre les mains du dieu de la mer ; mais depuis Neptune, sa
orme, et surtout son mode de fabrication ont quelque peu
varié ; néanmoins nos pêcheurs s'en servent toujours de la
même façon ; on fait des foênes de toutes sortes, avec deux,
trois, quatre ou cinq dents; ces dents sont tantôt lisses,
tantôt dentelées sur toute leur longueur ; presque toujours on
les termine en fer de lance ou en fer d'hameçon (fig. 174).
Mal
Fig. 174. — Foène.
C'est surtout dans le Midi que l'on fait usage de la foêne.
alors qualifiée de fichouira, pour pêcher les Anguilles dans
les eaux saumâtres des étangs qui bordent la Méditerranée :
mais tout le monde n'est pas bon pêcheur à la fichouira, et
pour s'en bien servir il faut une longue pratique. Le pêcheur,
monté sur un bateau, le trident à la main, surveille attentive -
ment le fond de l'eau; voit-il une Anguille en chasse, il lui
lance son dard dont le manche est fixé par une cordelette
après son bras. Mais l'Anguille aime mieux voyager la nuit;
le jour, elle se creuse dans la vase une profonde retraite, y
cache tout son corps, sortant seulement la tête au-dessus de
la vase ; l'imprudente, c'est ce manque de précaution qui va
la perdre. Le moindre mouvement de ses branchies soulève
M
332 LA PÊCHE DES POISSONS EN EADX DOUCES
un léger nuage de vase au fond de l'eau ; le pêcheur attentif
ainsi averti, descend lentement sa foêne, en tenant bien
compte de la réfraction de l'eau, puis d'un coup sec, appliqué
sur le manche de l'outil, il embroche l'Anguille et la ramène
dans son bateau.
Pêche a la bouteille. — La pêche à la bouteille ou à la
carafe, l'une et l'autre se disent, est destinée à prendre les
petits poissons, et notamment les Goujons. C'est une véritable
nasse en miniature et en verre. On prend pour cela une
grande bouteille en verre blanc, d'une capacité d'au moins
deux litres ; on en fait même qui ont six et huit litres ; le
fond est renfoncé en forme d'entonnoir et percé en son milieu
d'une ouverture de 2 à 3 centimètres. Le goulot, large de
5 à 6 centimètres est fermé à l'aide d'un bouchon de liège
dans lequel on aura ménagé quelques trous ou simplement
quelques entailles pour permettre à l'eau de n'être point
stagnante dans l'intérieur. On introduit dans le fond de la
bouteille un peu de son ou de mie de pain bien menue avec
quelques bribes de crottin de cheval, on bouche soigneuse-
ment et l'engin est prêt à fonctionner.
Pour s'en servir, on trace dans le sable de la rivière un
sillon de 1 mètre de longueur environ, et l'on place à son
extrémité la bouteille, en ayant soin de tourner le goulot en
amont, l'entonnoir du fond regardant le sillon. Amorcez
encore dans le sillon avec les mêmes substances que celles
que vous avez mises dans la bouteille, et bientôt vous verrez
accourir un régiment de petits poissons qui s'avanceront le
long de votre sillon; le plus hardi de la bande n'hésite pas à
franchir l'entrée du fond de la bouteille, les camarades le
suivent, et pour peu que vous ayez la moindre chance, vous
serez bientôt obligé de retirer votre bouteille pour la vider
et la remettre en place. Mais ayez toujours soin de manœu -
vrer votre bouteille avec toutes les précautions nécessaires;
n'oubliez point que plus elle est fragile, meilleure elle est,
PÊCHES A. LA BOUTEILLE. — A PIED 333
car dans ces conditions elle est plus légère, et se laisse moins
voir; enroulez autour du goulot une cordelette ou une chaî-
ette en fer galvanisé, vous la manipulerez plus aisément si
la rivière est un peu trop profonde.
On fait également pour ce genre de pêche des bouteilles
3utes spéciales et assez avantageuses quoique un peu chères;
elles ont une forme cylindrique, allongée, avec un fond ren-
trant en entonnoir à chaque extrémité; il va sans dire que
les deux fonds sont percés ; le goulot portant un bouchon est
établi sur le côté et se tient en l'air quand la bouteille descend
au fond de la rivière. Dans cette bouteille le poisson entre à
la fois par les deux extrémités. On devra lui donner la pré-
férence toutes les lois que l'on péchera dans un endroit qui
a peu de courant, ou bien encore dans les haïs où le petit
poisson aime à se rassembler.
Pêche a pied. — La pêche à pied se pratique en mer
comme en eau douce. Elle s'applique aux poissons plats, aux
Plies ou aux Flétans qui viennent se réfugier sur les grands
bancs de sable de la Loire et de la Garonne. Les pêcheurs
expérimentés connaissent parfaitement les endroits fréquentés
de préférence par les poissons qui s'ensablent ; quand la mer
se retire ils y vont pieds nus et marchent sur le fond alors
qu'il ne reste plus qu'une faible épaisseur d'eau. En Picardie,
à l'embouchure des rivières, on poursuit ainsi les Flets; les
pêcheurs entrent dans l'eau jusqu'à 1 mètre de profondeur
et quand ils sentent le poisson, ils le piquent avec un bâton
armé de deux ou trois clous. Il en est de même des pêcheurs
de la Seine et de la Loire.
On fait également dans ce même fleuve la pêche à pied
d'une autre manière: «Un homme ou un enfant, lisons-nous
dans le Dictionnaire général des pêches, entre dans l'eau,
et gagne un des bancs de sables ou corvées qui garnissent
le lit de la Loire. Ces bancs, de forme bombée, ont le plus
souvent leur point culminant hors de l'eau. Le pêcheur se
334 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES
met à marcher et appuyant fortement le pied de manière à
former de profondes empreintes dans le sable; il commence,
en suivant le bord de l'eau, de 20 à 30 centimètres de pro-
fondeur et tourne toujours en revenant sur ses pas, mais
sans les croiser. Sa trace décrit une spirale elliptique à tours
plus ou moins éloignés les uns des autres, suivant la pro-
fondeur de l'eau. Si le banc descend vite, les tours sont plus
rapprochés et réciproquement. Arrivé aussi loin qu'il sup-
pose pouvoir aller, il coupe en travers tous ses tours mar-
qués, et revient à son premier pas. Là, il recommence sa
promenade, mais en ayant très soin de mettre chaque pied
dans le pas qu'il a tracé. Or, voici ce qui est arrivé : les
Plies, dérangées par le premier passage, ont aperçu le petit
nuage de sable soulevé par le pas le plus voisin, elles ont vu
la cavité formée, elles en ont profité pour s'y précipiter,
l'agrandir d'un coup de nageoire, d'un trémoussement
habile, et s'y installer coites et immobiles. En revenant peu
à peu, le pêcheur ne peut manquer de placer son pied sur le
poisson. Au même moment un coup de digon (sorte de
foêne) est donné, et la pauvre Plie enlevée ne fait qu'un saut
du sable dans le panier que le pêcheur porte sur son dos. »
Pêche au fusil. — Terminons cette revue des différentes
sortes de pêches par la pêche au fusil ; dans bien des dépar-
tements, c'est chose interdite, mais si vous êtes chez vous,
rien ne vous empêche de vous livrer à ce genre de sport
assez particulier. On a fait des fusils dans lesquels le pro-
jectile est une flèche un peu courte, maintenue dans le canon
par un ressort, et retenue à la disposition du chasseur par
une fine cordelette. Le poisson est-il touché, vous le ramenez
à l'aide de cette ligne d'un nouveau genre. Mais, nous devons
l'avouer, ce procédé est en réalité souvent peu pratique, la
ligne casse et la flèche est perdue. Mieux vaut encore une
petite balle. Ne faites point usage du plomb, vous abîmez le
poisson et n'êtes pas sûr de lui donner la mort. La balle doit
PÊCHES AU FUSIL 335
être envoyée dans la tête, au plus loin dans les ouïes. Mais
il faut savoir viser juste, et par suite de la réfraction de
l'eau on ne doit pas viser un poisson comme un vulgaire
lapin de garenne. Ne tirez jamais quand le poisson parait
à plus de 20 centimètres au-dessous de la surface de l'eau,
et souvenez-vous que, en cette position, la réfraction des
rayons lumineux dans l'eau fait croire que le poisson n'est
qu'à 10 centimètres tout au plus. La carabine Flobert est
excellente pour cet usage, elle fait peu de bruit et n'effraye
pas le poisson. Avec un peu d'exercice on arrive bientôt à
viser juste. Le poisson seulement blessé s'enfuit au loin,
mais une fois mort il revient bientôt à la surface, où vous
n'avez plus qu'à le recueillir dans l'épuisette.
LÉGISLATION DE LA PÈGHE
Nul n'est sensé ignorer la loi, dit le Gode français, et ce-
pendant combien peu de personnes connaissent, en matière
de pèche, leurs droits et leurs devoirs. Cela pourtant en vaut
certes bien la peine, car tel qui pêche en temps prohibé,
dans un milieu réservé ou non, avec certain engin toléré ou
proscrit, s'expose à des contraventions, à des amendes plus
ou moins fortes, parfois même à la prison. Nous avons pensé
qu'il serait utile de compléter tout ce que nous avons écrit
sur la pêche, par un résumé des principales lois et réglemen-
tations les plus essentielles et qu'il importe à tout pêcheur
de connaître.
La législation et la réglementation de la pêche fluviale se
trouvent contenues dans les deux lois des 15 avril 1829 et
31 mai 1865, dans les décrets des 10 août 1875, 18 mai 1878
et 27 décembre 1889, ainsi que dans un certain nombre
d'arrêtés préfectoraux, spéciaux à chaque département, et
revêtus de l'approbation ministérielle. Nous emprunterons
les dispositifs les plus importants à connaître à la nouvelle
édition du Dictionnaire de V administration française de
Block 1 .
DROITS DE PÊCHE ET EXERCICE DE CE DROIT
Droits de l'Etat. — Aux termes de la loi du 15 avril 1829,
art. 1 er , le droit de pèche, qui comprend aussi le gibier d'eau, est
* Nous remercions MM. Berger-Levrault et C ie , éditeurs du Dic-
tionnaire d'administration de Block, d'avoir bien voulu nous com-
muniquer l'épreuve de l'article Pèchk fluviale, de M. J. Coumes, mis
a jour par M. Beaurin-Gressier.
DROITS DE PECHE ET EXERCICE DE CE DROIT
337
exercé au profit de l'Etat : 1<> dans tous les fleuves, rivières,
anaux et contre-fossés navigables et flottables, avec bateaux, trains
du radeaux, et dont l'entretien est à la charge de l'Etat ou de ses
ayants cause; 2» dans les bras, noues, boires et fossés qui tirent
leurs eaux des fleuves et rivières navigables et flottables, dans
squels on peut en tout temps passer ou pénétrer librement en
ateau de Dêctieur et dont l'entretien est également à la charge de
l'État. Sont exceptés toutefois, les canaux et fossés existants ou qui
seraient creusés dans des propriétés particulières et entretenus
aux frais des propriétaires. 11 a été entendu, lors de la discussion
de la loi, que cette exception comprend les canaux et fossés ser-
vant de délimitation à deux héritages.
11 est à remarquer que les limites ainsi fixées du droit de pêche
appartenant à l'Etat, sur les voies navigables et flottables, sont plus
restreintes que les limites du domaine public sur les mêmes voie-,
car le domaine public y est délimité par la ligne des eaux coulant
pleins bords, tandis que le droit de pêche ne peut s'y exercer au
profit de l'Etat que sur les espaces aquatiques accessibles en tout
temps, c'est-à-dire même pendant les eaux basses, eaux petits
bateaux de pêcheurs. C'est là une cause de diminution des produits
qui devraient appartenir à l'Etat et une source de difficultés entre
l'Etat et les propriétaires riverains. Mais le législateur a voulu, de
la sorte, protéger plus sûrement les propriétés riveraines contre
l'accès trop rapproché des pêcheurs.
L'art. 3 de la loi du 15 avril 1&29 porte que des ordonnances
royales détermineront, après une enquête, les parties des fleuves
et rivières et les canaux où le droit de pêche sera exercé au profit
de l'Etat, ainsi que les limites entre la pêche fluviale et la pèche
maritime, dans les fleuves et rivières affluant à la mer. Il a été
satisfait à cette prescription, d'abord par l'ordonnance du 10 juillet
1835, puis par une série d'autres ordonnances et décrets qui la
complètent ou la modifient.
Le même art. 3 de la loi du 15 avril 1829 a décidé, dans l'inté-
rêt des marins, que les limites entre la pêche.fluviale et la pêche
maritime, dans les fleuves et rivières affluant à la mer, seront les
mêmes que celles de l'inscription maritime. Toutefois, la pêche
faite dans l'intervalle compris entre les points où cesse la salure
338 LÉGISLATION DE LA PÊCHE
des eaux et la limite de l'inscription maritime, est soumise aux
règles de police et de conservation établies pour la pêche fluviale.
Divers décrets, rendus le 4 juillet 1853 et postérieurement, ont
fixé les limites de l'inscription maritime et les points de cessation de
la salure des eaux sur les côtes de l'Océan et de la Méditerranée.
Les décrets portant déclaration de navigabilité d'un cours d'eau,
et par suite attribution du droit de pêche à l'État, ne sont suscep-
tibles d'aucun recours par la voie contentieuse ; mais dans le cas
où, postérieurement à la loi du 15 avril 1829, les cours d'eau sont
rendus ou déclarés navigables ou flottables, les propriétaires privés
de leur droit de pêche reçoivent une indemnité préalable (Art. 3
de cette loi).
Le droit de pêche de l'Etat dans les voies navigables et flottables
comporte une restriction spécifiée à l'art. 5 de la loi du 15 avril
1829, qui permet à tout individu d'y pêcher à la ligne flottante
tenue à la main, le temps du frai excepté, sans payer aucune rede-
vance. Cette disposition, adoptée en vue surtout de procurer un
délassement à la classe ouvrière, est devenue en France une cause
d'abus, en raison du perfectionnement de la ligne flottante, tandis
que beaucoup de législations étrangères frappent d'un impôt les
permis de pêche dans les mêmes conditions.
La loi du 15 avril 1829 prive-t- elle du droit de pêche dans les
cours d'eau du domaine public les particuliers qui en jouissaient
en vertu d'anciens titres et de possessions maintenus par l'ordon-
nance de 1669? L'art. 83 de cette loi, en décidant que les droits
acquis seront appréciés d'après les lois antérieures, permet de con-
sidérer comme encore subsistants les droits de pêche d'origine non
féodale concédés par l'Etat avant 1566.
La pêche au profit de l'Etat est exploitée, selon la loi du 15 avril
1829, amendée par celle du 6 juin 1840, soit par voie d'adjudica-
tion publique, soit par concessions de licences à prix d'argent.
Le mode de concessions par licences n'est employé que lorsque
l'adjudication a été tentée sans succès (Loi de 1829, art. 10). Les
adjudications ont • toujours lieu avec publicité et concurrence
(L. 1829, art. 20,) ; elles peuvent se faire au rabais, aux enchères
et à l'extinction des feux, ou par soumissions cachetées (Ord. 28 oct.
8140). La durée des baux et licences est ordinairement de 9 ans.
DROITS DE PECHE ET EXERCICE DE CE DROIT
339
La décision des contestations qui s'élèvent pendant les opérations
de l'adjudication, sur leur validité, appartient au fonctionnaire
qui préside la séance (Loi do 1829, art. 14); celles qui naissent entre
l'administration et les adjudicataires, relativement à l'exécution
des baux et, par suite, à la fixation des cantonnements respectif»
de plusieurs fermiers, ou entre l'administration et ses ayants cause
et des tiers intéressés à raison de leurs droits ou de leurs pro-
priétés doivent être portées devant les tribunaux ordinaires (Loi de
1829, art. 4).
Les fermiers et porteurs de licences ne peuvent user, sur les
neuves et canaux navigables, que du chemin de halage, et sur les
rivières flottables que du marchepied, sauf a traiter de gré à gré
avec les propriétaires riverains sur l'usage des terrains dont ils
peuvent avoir besoin pour retirer et asséner leurs filets (Loi de
1829, art. 35).
Le produit total de la pèche appartenant à l'Etat atteignait seu-
lement 471.000 francs de 1840 à 1849, tandis qu'il s'élève actuelle-
ment à 1.021.000 francs déduction faite de la valeur afférente à
la portion de territoire cédée à l'Allemagne par le traité de paix
de 1871.
Droits des pécheurs et riverains. — Dans les rivières et
canaux non navigables ni flottables, les propriétaires riverains ont
exclusivement, chacun de son côté, le droit de pêche jusqu'au
milieu du cours de l'eau, sans préjudice des droits contraires établis
par possessions ou titres, en se conformant aux lois et règlements
particuliers sur la pêche (Loi de 1829, art. 2). Ce droit des riverains
est fréquemment illusoire ou susceptible de controverse, en raison
de la difficulté d'observer la limite du milieu du lit dans les cours
d'eau étroits, ou bien à cause de la faible longueur des propriétés
riveraines.
Le droit de pèche dans les eaux non navigables ni flottables
n'a pas une existence isolée et ne peut être vendu ni prescrit indé-
pendamment du fonds riverain auquel il est attaché (Code civ.). Il
peut toutefois être transmis temporairement à titre d'usage, d'usu-
fruit ou de bail à loyer.
La pêche dans les étangs ou réservoirs n'est que l'exercice du
3'iO LÉGISLATION DE LA PÊCHE
droit de propriété privée ; elle n'est pas soumise aux dispositioi
des lois et règlements.
Sont considérés comme étangs ou réservoirs les fossés et canau
appartenant à des particuliers, dès que leurs eaux cessent nat
lement de communiquer avec les rivières.
DROITS PROHIBITIFS EN VUE DE LA CONSERVATION
DU POISSON
Les dispositions légales et réglementaires relatives à la conser-
vation du poisson peuvent être distinguées en deux sortes, selon
qu'elles ont pour objet d'empêcher le dépeuplement ou bien de
favoriser la reproduction. Les unes sont d'ailleurs gc, êrales ot
uniformes, en ce sens qu'elles s'appliquent à la France entière et
qu'elles se trouvent explicitement contenues dans lf s lois de 1829 i
1865, ainsi que dans les décrets réglementaires de 1875. 1878 et
1889 ; tandis que les autres sont particulières et locales, comme
émanant des autorités départementales en vertu des pou\oir délé-
gués par la loi de 1829 et les décrets de 1875 et de 1878.
Dispositions générales. — La pèche ne peut être exercée
sans la permission de celui à qui le droit appartient (Loi de 1829,
art. 5).
Temps de la pèche. — En France, les poissons qu'il est utile
de protéger de la sorte peuvent être rangés dans deux catégories
correspondant à deux périodes de ponte : celle d'hiver pour lés
Salmonidés, et celle d'été pour les autres espèces. Ces deux périodes,
durant lesquelles la vente et le colportage eussent dû être interdits,
auraient embrassé des intervalles de temps très considérables si
l'on avait voulu respecter rigoureusement les lois naturelles de la
reproduction, qui varient selon les climats et selon la rapidité, la
qualité et la température des eaux ; mais l'administration s'est
appliquée à trouver un intervalle moyen entre les saisons extrêmes
du frai, de manière à protéger suffisamment les espèces les plus
hâtives comme les espèces les plus tardives, et elle semble avoir
DROITS PROHIBITIFS 341
atteint ce résultat en fixant de la matière suivante les périodes d'in-
terdiction de la pêche (Décret de 1889) :
1° Du 30 septembre exclusivement au 10 janvier inclusivement,
pour le Saumon;
2° Du 20 octobre exclusivement au 31 janvier inclusivement,
pour la Truite et l'Ombre-Ghevalier;
3 e Du 15 novembre exclusivement au 31 décembre inclusivement,
pour le Lavaret ;
A" Du 15 avril exclusivement au 15 juin inclusivement, pour tous
les autres poissons et l'écrevisse.
Le moyen le plus rationnel sans doute eût été da délimiter les
régions soumises à une même période d'interdiction par bassins,
ou par groupes de rivières, ainsi que cela existe dans la Grande-
Bretagne ; mais une telle division aurait engendré des difficultés
tout aussi grandes que la division par départements. Au reste,
dans la Grande-Bretagne, on a reconnu la nécessité de réduire à
un très petit nombre de temps distincts les époques d'interdiction
établies auparavant en correspondance avec les bassins. Enfin,
l'uniformité des périodes d'interdiction se trouvait commandée en
quelque sorte par les dispositions législatives interdisant la vente
et le transport du poisson en temps prohibé et par la rapidité
actuelle des communications.
La pêche n'est permise que depuis le lever jusqu'au coucher du
soleil, sauf pour l'Anguille, la Lamproie et l'Ecrevisse, sous certaines
réserves relatives aux engins employés (Décret du 18 mai 1878,
art. 6). La pêche du Saumon et de l'Alose peut être autorisée pendant
2 heures au plus après le coucher du soleil et 2 heures au plus
avant son lever dans certains emplacements spécialement désignés.
La pêche est cependant permise la nuit pour tous les poissons au
moyen d'engins fixes, sous la condition de ne relever ces engins
que de jour (Décret du 10 août 1875, art. 7).
Il est interdit de mettre en vente, de vendre, d'acheter, do trans-
porter, de colporter, d'importer et d'exporter les diverses espèces
de poissons, de leur frai et de leurs alevins, pendant le temps où la
pêche en est interdite. Mais cette disposition n'est point applicable
aux poissons provenant des étangs ou réservoirs (Loi de 1865,
art. 5 et 8, et Décret de 1875, art. 4).
Locakd, La Pèclie. 20
342
LÉGISLATION DE LA PÊCHE
Afin de tempérer ce qu'il y a de trop absolu daDs l'art. 1 er du
décret du 10 août 1878, modifié par l'art. l or du décret du 27 dé-
cembre 1889, qui fixe d'une manière uniforme les époques pendant
lesquelles la pêche est interdite, les préfets peuvent :
1° Interdire exceptionnellement la pèche de toutes les espèces
de poissons pendant l'une ou l'autre période, lorsque cette interdic-
tion est nécessaire pour protéger les espèces prédominantes ;
2° Augmenter, pour certains poissons désignés, la durée desditea
périodes, sous la condition que les périodes ainsi modifiées com-
prennent la totalité de l'intervalle de temps fixé par l'art. 1 er ;
3° Excepter de la seconde période la pêche de l'Alose, de l'An-
guille, de la Lamproie, ainsi que des autres poissons vivant alter-
nativement dans les eaux douces et les eaux salées ;
4° Fixer une période d'interdiction pour la pêche de la grenouille
(Décret de 1875, art. 2).
Les préfets peuvent autoriser la pêche de nuit de l'Anguille, de
la Lamproie et de l'Ecrevisse dans des cours d'eau désignés et à
des heures fixées, en déterminant la nature et la dimension des
engins dont l'emploi est permis pour cette pêche (Décret du 10 août
1875, art. 6).
Ils peuvent autoriser dans les mêmes conditions la pêche du
Saumon et de l'Alose, mais seulement pendant deux heures avant le
lever ou après le coucher du soleil (Décret du 18 mai 1878, art. 6).
Engins dk pêche. — Les dimensions des mailles des filets et
l'espacement des verges des bires, nasses et autres engins employés
à la pêche des poissons, sont de quatre grandeurs correspondantes
aux espèces dont les longueurs sont déterminées. Le mode de me-
surage des mailles a été fixé par l'art. 9 de la loi de 1865, en
abrogeant l'ancienne disposition de l'art. 32 de la loi de 1829, qui
prescrivait le plombage des filets comme garantie de leur mesure
(Loi de 1865, art. 2, et Décret de 1875, art. 9).
Il est interdit de placer dans les rivières navigables ou flottables,
les canaux et ruisseaux, aucun barrage, appareil ou établissement
quelconque de pêcherie, ayant pour objet d'empêcher entièrement
le passage du poisson (Loi de 1829, art. 24).
Les filets fixes ou mobiles et les engins de toute nature ne peu-
DROITS PROHIBITIFS
343
vent excéder en longueur, ni en largeur, les deux tiers de la lar-
geur mouillée des cours d'eau, dans les emplacements où on les em-
ploie (Décret de 1875, art. 11). Les filets fixes employés à la pêche
doivent être soulevés par le milieu pendant trente-six heures de
chaque semaine, sur une longueur équivalente au dixième de leur
développement et sur une hauteur de 50 centimètres (Id.,art. 12).
Les mailles des filets, mesurées de chaque côté après leur séjour
dans l'eau, et l'espacement des verges des bires, nasses et autres
engins employés à la pêche des poissons, doivent avoir les dimen-
sions suivantes :
1° Pour les Saumons, 40 millimètres au moins ;
2° Pour les grandes espèces autres que le Saumon et pour l'Ecre-
visse, 27 millimètres au moins ;
3° Pour les petites espèces, telles que Goujons, Loches, Vairons,
Ablettes et autres, 10 millimètres.
La mesure des mailles et de l'espacement des verges est prise
avec une tolérance d'un dixième.
Il est interdit d'employer simultanément, à la pêche, des filets ou
engins de catégorie différente.
Il est interdit d'établir dans les cours d'eau des appareils pour
rassembler le poisson dans des endroits dont il ne peut plus sortir,
ou de le contraindre à passer par une issue garnie de pièges (Id. ,
art. 14).
Sont prohibés tous les filets traînants, à l'exception du petit
épervier jeté à la main et manœuvré par un seul homme. Sont
réputés traînants tous filets coulés à fond au moyen de poids et
promenés sous l'action d'une force quelconque. Toutefois des arrêtés
préfectoraux, rendus après avis des conseils généraux, peuvent auto-
riser, à titre exceptionnel, l'emploi de certains filets traînants à
mailles de 40 millimètres au moins, pour la pêche d'espèces spéci-
fiées, dans les parties profondes des lacs, des réservoirs, des canaux
et des fleuves et rivières navigables (Décret de 1878, art. 13).
Il est interdit aux contremaîtres, employés du balisage et mari-
niers qui fréquentent les voies navigables ou flottables, d'avoir
dïns leurs bateaux ou équipages aucun filet ou engin de pêche
même non prohibé (Loi de 1829, art. 33).
Il est défendu de jeter dans les eaux des drogues ou appâts qui
344
LEGISLATION DE LA PECHE
soient de nature à enivrer le poisson ou à le détruire (Loi de
1829, art. 25).
Il est interdit d'accoler aux écluses, barrages, chutes naturelles,
pertuis, vannages, coursiers d'usines et échelles à poissons, des
nasses, paniers et filets à demeure ; de pêcher avec tout autre engin
que la ligne flottante tenue à la main, dans l'intérieur des écluses»
barrages, pertuis, vannages, coursiers d'usines et passages ou
échelles à poissons, ainsi qu'à une distance de 30 mètres en amont
ou en aval de ces ouvrages; de pêcher à la main, de troubler l'eau
et de fouiller au moyen de perches sous les racines ou autres retraites
fréquentées par les poissons ; de se servir d'armes à feu, de poudre
démine, de dynamite ou de toute autre substance explosiblefDe'cr^
du 10 août 1875, art. 15).
Il est interdit de pêcher dans les parties des rivières, canaux ou
cours d'eau dont le niveau serait accidentellement abaissé, soit
pour y opérer des curages ou travaux quelconques, soit par suite
du chômage des usines ou de la navigation (D. 1885, art. 17).
Des arrêtés préfectoraux peuvent réduire les mailles des filets et
l'espacement des verges des engins employés uniquement à la pêche
de l'Anguille, delà Lamproie et de l'Ecrevisse, sous la condition de
l'emploi de ces filets et engins dans des emplacement déterminés.
Des arrêtés peuvent aussi déterminer les emplacements limités en
dehors desquels l'usage des filets à petites mailles n'est pas permis
(Décret du 10 août 1875, art. 10).
Les préfets peuvent ajouter aux engins et procédés de pêche
interdits spécialement par les décrets des 10 août 1875 et 18 mai
1878, d'autres engins et procédés de nature à nuire au repeuple-
ment des cours d'eau. Il peuvent aussi déterminer les espèces de
poissons avec lesquels il est défendu d'appâter les hameçons, nasses,
filets ou autres engins (Décret du 10 août 1875, art. 16).
Des arrêtés préfectoraux peuvent autoriser, dans des emplace-
ments déterminés et à des époques qui ne coïncident pas avec les
périodes d'interdiction, des manœuvres d'eau et des pêches extraor-
dinaires pour détruire certaines espèces, dans le but d'en propager
d'autres plus précieuses (Décret du 10 août 1875, art. 18).
Des arrêtés préfectoraux, pour lesquels les conseils de salu-
brité et les ingénieurs sont consultés, déterminent
DELITS PREVUS ET PEINES EDICTEES
345
1» La durée du rouissage du lin et du chanvre dans les cours
d'eau et les emplacements où cette opération peut être pratiquée
avec le moins d'inconvénient pour le poisson ;
2° Les mesures à observer pour l'évacuation, dans les cours
d'eau, des matières et résidus susceptibles de nuire aux poissons
et provenant des fabriques et établissements industriels quelcon-
ques (Décret du 10 août 1875, art. 19).
Dimension du poisson. — Ces dimensions sont de quatre longueurs
différentes selon les espèces, afin de protéger les jeunes généra-
tions (Loi de 1829, art. 30; Décret de 1875, art. 8, et Décret de
1889, art. 2).
Les dimensions au-dessous desquelles les poissons et écrevisses
ne peuvent être péchés, même à la ligne flottante, et doivent être
immédiatement rejetés à l'eau, sont déterminées comme il suit pour
les diverses espèces :
1° Les Saumons et Anguilles, 40 centimètres de longueur;
2° Les Truites, Ombres-Chevaliers, Ombres communs, Carpes,
Brochets, Barbeaux, Brèmes, Meuniers, Muges, Aloses, Perches,
Gardons, Tanches, Lottes, Lamproies et Lavarets, 14 centimètres de
longueur.
La longueur des poissons ci-dessus mentionnée est mesurée de
l'œil à la naissance de la queue; celle de l'écrevisse, de l'œil à
l'extrémité de la queue déployée.
DÉLITS PRÉVUS ET PEINES ÉDICTÉES
Le Gouvernement exerce la surveillance et la police de la pêche
dans l'intérêt général (Loi de 1829, art. 36). Ce service est aujour-
d'hui confié à l'Administration des ponts et chaussées (Décret du
29 avril 1862).
Les employés et agents chargés de la surveillance doivent être
âgés de 25 ans accomplis (Loi de 1829, art. 6). Ils ne peuvent entrer
en fonctions qu'après avoir prêté serment devant le Tribunal de
première instance de leur résidence et avoir fait enregister leur
commission (Loi de 1829, art. 7). Ces agents ainsi que les gardes
champêtres, éclusiers des canaux et autres officiers de police judi-
ciaire, sont tenus de constater les délits au moyen de procès-ver-
20.
I» * Il , ,
346 LÉGISLATION DE LA. PÊCHE
baux. Ils exercent conjointement avec les officiers du ministère
public toutes les poursuites (Loi de 1829, art. 36 et 38).
Les infractions concernant la pêche, la vente, l'achat, le transport,
le colportage, l'exportation et l'importation du poisson, peuvent être
recherchées et constatées par les agents des domaines, les employés
des contributions indirectes et des octrois ('Loi de 1865. art. 10).
Les délits qui portent préjudice aux fermiers de la pêche, aux
porteurs de licences et aux propriétaires riverains, peuvent être
constatés aussi par leurs gardes, lesquels sont assimilés aux garde-
bois des particuliers (C. F., art. 188).
Les actions en réparation de délits en matière de pêche se pres-
crivent par un mois à compter du jour où les délits ont été constatés,
lorsque les prévenus sont désignés dans les procès-verbaux. Dans
le cas contraire, le délai de prescription est de trois mois (Loi de
1829, art. 62;.
Les délits prévus et les peines édictées par les lois des 15 avril
1829 et 31 mai 1865 sont résumés dans les indications suivantes :
Pêche sans autorisation, — Amende de 20 à 100 fr. Confiscation
facultative des filets et engins. Restitution du prix du poisson. Dom-
mages-intérêts (Loi dulo avril 1829, art. 3).
Établissement d'un barrage. Amende de 50 à 500 fr. Dommages-
intérêts. Destruction du barrage (Art. 24).
Drogues et appâts malfaisants. — Amende de 30 à 300 francs.
Emprisonnement d'un à trois mois (Art. 25) .
Pêche en temps prohibé. — Amende de 30 à 200 fr. (Art. 27).
Filets, engins et mode de pêche prohibés. — Amende de 30 à
100 fr. Destruction des filets et engins saisis (Art. 28 et 41).
Même délit en temps de frai. Amende de 60 à 200 fr. Destruc-
tion des filets et engins saisis (Art. 28).
Emploi pour une autre pêche de filets permis pour celle du
poisson de petite espèce. — Amende de 30 à 100 fr. (Art. 29).
Même délit en temps de frai. — Amende de 60 à 200 fr. (Art. 29).
Port d'engins prohibés. Amende de 20 fr. Confiscation et destruc-
tion des engins prohibés (Art. 29 et 41).
Pêche, colportage et vente de poissons n'ayant pas les dimensions
voulues. — Amende de 20 à 50 francs. Confiscation du poisson
(Art. 30).
DÉLITS PRÉVUS KT PEINES ÉDICTÉES
347
Emploi d'appâts prohibés. — Amende de 20 à 50 fr. (Art. 31).
Détention de filets ou engins par les contre- maîtres, employés
du balisage et mariniers. — Amende de 50 fr. Confiscation des
filets (Art. 33).
Refus par les mariniers de laisser visiter les bateaux. — Amende
de 50 fr. (Art. 33).
Refus par les fermiers, porteurs de licences et pêcheurs en gé-
néral, de laisser visiter les bateaux et boutiques à poisson. —
Amende de 50 fr. (Art. 34).
Refus par les délinquants de remettre les filets prohibés. —
Amende de 50 fr. (Art. 41).
Délits commis en récidive. — Amende double (Art. 69).
Délits commis la nuit. — Amende double (Art. 70).
Pêche en tout temps dans les parties réservées pour la reproduc-
tion. — Amende de 30 à 300 fr. Confiscation du poisson (Loi du
31 mai 1865, art. 1 et 7).
Vente, achat, transport, importation et exportation en temps
prohibé. — Amende de 30 à 300 fr. Confiscation du poisson (Art.
5 et 7).
Pêche et transport de frai de poisson ou d'alevin en temps
prohibé. — Amende de 30 à 300 fr. Confiscation du poisson (Art. 8).
Délits commis soit en récidive, soit la nuit, soit par enivrement
ou empoisonnement. — Amende double. Emprisonnement de dix
jours à un mois (Art. 7).
Transport par bateaux, voitures ou bêtes de somme du poisson
péché en délit. — Amende double. Emprisonnement de dix jours
à un mois (Art. 7).
FIN
!
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIÈRES
PREMIERE PARTIE. — Les Poissons des eaux douces de
France 9
acanthoptérioiens '
Famille des Percides 9
La Perche commune, 9; la Perche des Vosges, 14; l'Apron,
15; la Gremille, 18.
Famille des Cottides 21
Le Chabot, 21.
Famille des Gastèrostéides 25
Les Ëpinoches, 25 ; les Epinochetles, 32.
Famille des Mugilides 36
Le Muge capiton, 36; le Muge céphale, 39.
Famille des Blenniides 42
La Blennie cagnette, 42; la Blennie alpestre, 44.
Malacoptérigiens 46
Famille des Pleuronectidrs 46
Le Pleuronecte flet, 46.
Famille des Gadidés 49
La Lote, 49.
Famille des Cyprinides 52
La Loche franche, 52; la Loche de rivière, 55; la Loche
d'étang, 57; le Goujon de rivière, 59; le Barbeau commun, 62;
le Barbeau méridional, 66; la Tanche, 67; la Carpe, 70; la
Carpe de Ivollar, 77; le Carassin, "9; la Gibèle, 81 ; le Cyprin
doré, 82; la Bouvière commune, 84; la Brème commune, 86;
la Brème de Gehin, 89; la Brème de Buggenhagen, 90; la
350 TABLE DES MATIERES
Brème bordelière, 91 ; la Brême-Rosse, 93 ; l'Ablelte com-
mune, 93; l'Ablette Mirandelle, 96; l'Ablette de Fabre, 97;
l'Ablette Spirline, 98; l'Ablette Hachette, 100;l'Ablette albur-
noïde, 101; leRotengle, 101; le Gardon commun, 103; le Gar-
don pâle, 107;l'Ide melanote, 108 ; le Chevaine commun, 109;
le Chevaine méridional, 113; le Chevaine treillage, U4;la Van-
doise Aubour, 115; laVandoise commune, 116; la Vaudoise bor-
delaise, 118; le Blajon commun, 119 ; le Vairon commun, 121;
le Chondrostome nase, 123; le Chondrostome bleuâtre, 126; le
Chondrostome de Drême, 127 ; le Chondrostome du Rhône, 128.
Famille des Salmonidés 129
LeLavaret, 129; la Fera, 132; la Gravenche, 134; laBézoule, 136;
leHouting, 137; l'Ombre commune, 138; l'Eperlan, 142; l'Om-
bre-Chevalier, 145; le Saumon, 148; la Truite des lacs, 153 ;
la Truite de mer, 156; la Truite commune, 159.
Famille des Clupëides 163
L'Alose commune, 163 ; l'Alose finie, 165.
Famille des Esocides 166
Le Brochet, 166.
Famille des Murénides 170
L'Anguille commune, 170.
Ganoïdes 175
Famille des Aoipensérides 175
L'Esturgeon, 175.
Famille des Pétromyzonides 178
La Lamproie marine, 178 ; la Lamproie fluviatile, 182 ; la Lam-
proie de Planer, 183.
DEUXIEME PARTIE. — La Pêche des Poissons en eaux
douces 187
De la pêche a la ligne 188
Construction des divers éléments de la ligne 188
Cannes, 188; Scion, 189; Pied de canne, 190; Moulinet, 190;
Lignes, 191; le Fil, 192; la Soie, 192 ; le Crin, 192; l'Avan-
cée, 193; les Nœuds, 193 ; Plioirs, 195 ; Flotte, 196; Plombs
et sondes, 199; Hameçons, 200; Bricoles; 202.
Accessoires de pêche 204
Epuisette, 205 ; Boîtes à amorces, 205 ; Carnier de pêche, 210 ;
Anneau à décrocher, 207 ; Harpon, 208; Pliant, 208; Trousse,
209; Dégorgeoir, 205.
TABLE DES MATIERES 351
Amorces, esches, appâts '. 210
Définitions, 210; Recettes des amorces, 214; Asticots, 216;
Mouches naturelles, 218 ; Chenilles, 219 ; Papillons, 219 ; Ephé-
mères, cousins, phryganes, 221 ; Libellules, 223 ; Sauterelles,
grillons, criquets, 223; Hannetons, 225; fourmis, 226; Arai-
gnées, 226; les Vers : ver rouge, ver rose, ver annelé, ver
jaune, 228; Vers divers, 229; Poissons, 233 ; Blé cuit, 236;
Avoine, 237; Fève cuite, 237; Mais cuit, 238; Chènevis, 238;
Fruits divers, 239; Grenouilles, 240; Mollusques, 240; Limaces,
241; (Sangsues, 242; Ecrevisses, 242; Viandes, 243; Sang
caillé, 243; Cervelle, 244; Tripes, 244; Fromage, 245; Jaune
d'oeuf, 245; Cocons, 245; Pain de creton, 246; Essences,
huiles, 246; Tableau des esches par espèces de poissons, 247 ;
Poisons végétaux, 250; Poisons minéraux, 252; Mouches
artificielles, 254 ; Poissons artificiels, 255.
Différentes sortes de pêclies à la ligne 256
Notions générales, 256 ; du temps pour la pèche, 257 ; de la
place à choisir, 258; du coup, 260; de l'attaque, 260; de Ja
manière de ferrer, 2ôl ; Capture du poisson, 262; Manière de
pêcher les principaux poissons avec la ligne, 262.
Pèches à la ligne ordinaire 265
Pêche au coup, 266; Pêche au vif, 266; Pêche à fouetter, 267 ;
Pêche à rouler, 269; Pêche au passer, 269; Pêche au lancer,
271; Pêche à la mouche artificielle, 272; Pêche à la surprise,
272; Pêche à la grande volée, 273; Pèche au doigt, 277;
Pêche à soutenir, 278; Pêche au piquet, 278; Pêche au
pater-noster, 279; Pêche au solitaire, 282.
Lignes de fond 283
Pêche aux lignes ordinaires, 2S3 ; Pèches aux jeux, 285.
Lignes diverses 286
Pêche à la bricole, 286; Pêche au grelot, 289; Pèche au tor-
chon, 291; Pèche à la turlotte, 293; Pèche à la cuiller, 294;
Pêche au tue-diable, 296 ; Pêche à la vourmée, 297 ; Pêche à
l'auter, 298; Pêche à la balance, 300 ; Pèche à la pelotte,301.
PÈCHES DIVERSES 306
Filets mobiles. 306
Pêche à l'épervier, 3Û6 ; Pêche à l'échiquier, 311; Pèche au
trouble, 313; Pêche à l'araignée, 314; Pêche à la senne, 315.
Filets fixes 317
Pêche au tramail, 317; Pêche au vannel, 322; Pêche au gui-
TABLE DES MATIERES
deau, 323; Pêche aux gorets, 323; Pèche aux verveux, 32
Pêche au loup, 323.
Engins divers pour la pêche. . .
Pêche à la nasse, 329; Pèche à la foêne, 330; Pêche à la bou
teille, 33?; Pèche à pied, 333; Pèche au fusil, 334.
LÉGISLATION DE LA PÈCHE ....
Droits de pêches et exercices de ce droit
Droits prohibitifs en vue de la conservation du poisson.
Délits prévus et peines édictées, .
ri a"
FIN 1) 14 LA TABLE DES M A T 1 E lt E S
LtOS. — IMl'Rl NlKMlE l'ITRAT AINE, 4, RLE GENTIL