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Full text of "La Pêche et les poissons des eaux douces"

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POISSONS DES EAUX DOUCES 






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LA PÊCHE 



LE S POISSO NS DES EAUX DOUCES 



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DESCRIPTION DES POISSONS 

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189 r 




Tons ilroiiB roscrrès 



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Il ne suffit point de jeter dans l'eau, une nasse, unépervier, 
une ligne quelconque pour en retirer du poisson. Il faut, si 
l'on veut réussir dans l'art difficile de la pêche, qu'on en 
fasse un métier ou un simple passe-temps aussi agréable que 
sanitaire, il faut, disons-nous, savoir à quelle sorte de pois- 
son on peut avoir affaire; or cela ne s'obtient qu'après une 
étude suivie des caractères propres à chacune des nom- 
breuses espèces qui composent notre faune ichtyologique. 
Il importe ensuite d'en bien connaître les mœurs, les habi- 
tudes, le genre de vie, pour arriver à se rendre un compte 
exact de la nature des milieux où l'on aura quelque chance 
de les rencontrer. Enfin, fort d'une expérience acquise par 
d'autres, il conviendra de savoir approprier à la pèche de 
chaque espèce de poisson les innombrables engins que l'es- 
prit humain s'est plu à enfanter depuis ses plus anciennes 
origines. 

Cet ensemble de données nécessite donc de la part du 
pêcheur de véritables études. Nous avons pensé simplifier 
ses recherches, en écrivant un traité de pêche à la fois pra- 
tique et rationnel, clair et méthodique, aussi complet que 



possible et à la portée de tous. Tel est le but que nous nous 
sommes proposé en écrivant ce volume. 

Dans une -première partie, nous ferons connaissance avec 
toutes les espèces de poissons qui vivent dans nos eaux 
douces, fleuves ou rivières, ruisseaux, lacs ou étangs. 11 im- 
porte de les connaître toutes, car toutes peuvent étrepêchées, 
et toutes encore ont leur raison d'être et leur utilité. Pour 
procéder avec ordre, nous adopterons la classification métho- 
dique suivie par M. Emile Blanchard, dans son beau livre 
Les Poissons des Eaux douces de France'. Sans nous 
arrêter aux détails anatomiques bien inutiles pour le sujet 
qui nous occupe, nous donnerons, pour chaque espèce, juste 
ce qu'il en faut de ses caractères sommaires pour arriver à 
la bien distinguer ; nous exposerons ensuite tout ce qui est 
relatif à son genre de vie, son habitat, ses mœurs, son mode 
de reproduction, sa qualité au point de vue comestible, 
enfin les divers moyens mis en œuvre pour la pécher. 

Dans une seconde partie, nous décrirons avec tous les 
détails nécessaires les différents engins dont le pêcheur doit 
s'armer pour s'assurer une pêche fructueuse. C'est ainsi que 
nous passerons en revue la ligne et ses nombreux acces- 
soires, qu'elle soitfixe ou mobile, entre les mains du pêcheur 
ou posée au fond des eaux; nous ferons connaître la longue 
mais si importante série des diverses amorces ou appâts 



1 E. Blanchard, Les Poissons des eaux douces de France, 1 vol. 
gr. in-8 avec 151 figures dessinées d'après nature et 32 planches hors 
texte. Paris, librairie J.-B. Bailliére. 



susceptibles d'attirer le poisson; enfin, nous décrirons suc- 
cessivement tous les genres de pêche tels qu'on les pratique 
de nos jours, non seulement avec toutes sortes de lignes, mais 
encore avec d'autres engins, tels que filets, nasses, tri- 
dents, etc. De nombreuses figures accompagnent notre texte. 
M. Moriceau, fabricant d'articles de pêche, et M. Delagrave, 
l'éditeur du grand ouvrage de M. H. de La Blanchère, La 
Pêche et les Poissons : nouveau Dictionnaire général 
des pêches, nous sont venus gracieusement en aide pour les 
illustrations de la seconde partie de ce livre. 

La pisciculture, ou l'art d'élever les poissons, sortant de 
notre cadre, nous n'en parlerons pas ici ; mais qu'on nous per- 
mette de rappeler qu'un tel sujet vient d'être traité avec tous 
les détails qu'il comporte par M. le professeur À. Gobin 1 . 
Nous renverrons donc à cet intéressant ouvrage ceux de nos 
lecteurs qui voudraient étudier un pareil sujet. 

1 A. Gobin, La Pisciculture en eaux douces (Bibliothèque des 
connaissances utiles, Paris, librairie .T. B Baillière et lils). 

A. LOCARD. 



Lyon, Février, 1891. 



LA PECHE 

ET 

LES POISSONS DES EAUX DOUCES 



PREMIERE PARTIE 

LES POISSONS DES EAUX DOUCES DE FRANCE 



AGANTHOPTËRIGIENS 

F A M I L L E D E S PERCIUES 

La Perche commune 

Perça fluviatilis, Linné. — Perkè ou Perça (des anciens). — Per- 
cot, Piercot (Nord et Pas-de-Calais). — Perro, Perchât, Per- 
chellc, Piertche, Parche, Pichard, Perchaudc, Perdrix de ri- 
vière (France, suivant les patois). — Perco (Provence). — Jlarsch 
(Alsace). — Perch (Angleterre-). — Boccars (Hollande). — Ringcl, 
Persing, Barsch, Fluss-Barch, Bùritel, Ambciss (Allemagne et 
Autriche). — Perscija (Italie). — Perchette, Milcanton (Suisse). 

La Perche commune ou Perche de rivière, qu'il ne faut 
pas confondre avec la Perche de mer, a le corps long, com- 
primé, un peu haut (fig. i) ; sa coloration, variable suivant 
l'habitat, comme aussi suivant les saisons, passe du vert 
doré ou bronzé au gris azuré sur le dos et sur les côtés, 
alors que le ventre est d'un gris blanchâtre ; quatre ou cinq 
bandes transversales de teinte plus sombre découpent son 
corps, tandis que ses nageoires anale, caudale et ventrales, 
sont d'un beau rouge vif. Ces nageoires sont au nombre de 

1. 



10 POISSONS DES EAUX DOUC1.S 

sept ou huit ; mais les deux nageoires dorsales sont séparées 




et les rayons de la première sont épineux, tandis que ceux 
de la seconde, à l'exception du premier rayon, sopf mous, 






I.A l'ERCIIK COMMUNE 



il 



La bouche (fig. 4) est armée de petites dents très fines et 
très nombreuses, réparties sur le maxillaire, le vomer, les 
palatins et les os pharyngiens. Les écailles, rudes au toucher, 
ont leur bord libre garni de petites pointes (fig. 2 et 3). 





Kig. 2. — Écaille de la Perche, 
prise vers le milieu du corps. 



Fig 



3. — Écaille de la ligne 
latérale. 



C'est un des poissons les plus répandus dans toute l'Europe 
centrale; il s'étend même dans une grande partie de l'Asie 
septentrionale. 11 vit indistinctement dans les fleuves, les 
rivières, les lacs ou les étangs. En France on le pêche pres- 
que partout ; toutefois il semble encore faire défaut dans la 
région la plus orientale de la Provence. 

11 se plaît d'ordinaire dans les eaux claires et transpa- 
rentes, aux fonds sablonneux ou tapissés d'un fin gravier, 
fréquentant plus volontiers le voisinage des sources que celui 
des embouchures; jamais il ne s'approche des eaux sau- 
mâtres. Dans la rivière, il préfère les côtés du courant aux 
parties rapides du fil do l'eau, se tenant d'ordinaire au voi- 
sinage de la surface, à environ un mètre de profondeur. Peu 
sociable, par suite de son extrême voracité qui n'est sur- 
passée que par celle du Brochet, il est rarement en bandes 
bien nombreuses, D'une pxtrêjne souplesse dans ses mouye- 



12 PORSONS DES EAUX DOUCES 

ments, tantôt il nage avec rapidité, s'avançant par bonds et 
par secousses pour s'arrêter brusquement et s'élancer ensuite 
à nouveau ; tantôt las de sa course, il se cache ou s'em- 
busque dans une touffe de plantes aquatiques, à travers les 
racines de quelques vieux troncs d'arbres, ou au fond de 
sombres anfractuosités, pour y guetter une proie qu'il saisit 
avec avidité lorsqu'elle vient à passer à sa portée. 




Fig. 4. — Tête et portion antérieure de la Perche de rivière. 



Il fait sa principale nourriture de petits poissons, de vers, 
d'insectes, déjeunes grenouilles ou de salamandres. En été, 
lorsque de petits insectes s'en vont voltiger à la surface des 
eaux, il s'élance rapidement hors de son élément pour les 
happer au passage. 11 se reproduit avec une extrême facilité, 
s'élève et même s'apprivoise commodément. La ponte a lieu 
d'ordinaire au commencement de mai; une femelle du poids 
de 200 grammes peut dominer de 200 à 300.000 œufs 
disposés en chapelets qu'elle attache aux végétaux aqua- 
tiques. 

La taille de la Perche est assez variable, sans toutefois 
jamais dépasser de grandes dimensions. Dans les étangs elle 
varie de 20 à 25 centimètres, mais devient plus grande dans 



LA PERCHE COMMUNE 



13 



les rivières ; alors un sujet de 30 à 40 centimètres et du 
poids de 1 kilogramme devient un bel individu. Néanmoins 
on pêche parfois des Perches de 2 à 3 kilogrammes dans les 
grands cours d'eau ; on en cite même de 4 kg ,500 et mesu- 
rant jusqu'à 60 centimètres de longueur, mais ce sont là 
de bien rares exceptions. 

La chair de la Perche est très délicate et fort appréciée ; 
on donne toujours la préférence à la Perche qui vit dans les 
eaux un peu courantes à celle des eaux plus calmes ; cette 
chair est blanche et ferme, d'une digestion facile. Mais il 
faut avoir soin de toujours bien vider l'animal et de le faire 
cuire suffisamment, car il donne souvent asile à des para- 
sites. Rudolphi a compté sept espèces de vers intestinaux 
vivant dans ses intestins. Les meilleures Perches sont celles 
que l'on pêche dans les nombreux canaux qui sillonnent la 
Hollande et la Belgique. On les mange frites, ou au beurre 
surtout si elles sont petites, et de préférence cuites au court- 
bouillon arrosées de différentes sauces lorsqu'elles sont un 
peu grosses. 

Pour pêcher la Perche, dit La Blanchère l , il faut une 
ligne]forte, mais mince ; ce poisson une fois pris ne se défend 
pas, il est sur le pré avant d'avoir fait des efforts sérieux. Il 
faut une ligne mince pour endormir sa méfiance et tromper 
sa gloutonnerie. Un seul brin de florence suffit, mais il faut 
en faire une avancée d'au moins 2 mètres. La Perche cepen- 
dant emploie un bon moyen pour se mettre en liberté ; elle 
s'efforce, quand eile est prise, de couper la monture de 
l'hameçon avec ses dents. Malgré cela, nous osons pêcher la 
Perche sur un ou deux crins, et nous en prenons une plus 
grande quantité qu'avec la florence dont le brillant lui fait 
peur. Il faut faire choix d'une flotte qui soit la plus petite 
possible et parfaitement équilibrée pour se tenir verticale- 



1 De La Blanchère, La Pêche et les Poissons, Paris, Delagravc. 



14 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



ment dans l'eau, afin que le pêcheur soit constamment 
averti de l'attaque de la Perche, attaque quelquefois comme 
foudroyante. Ordinairement elle attaque par une ou doux 
secousses, et plonge franchement, emportant la Hotte sous 
l'eau ; c'est une attaque à laquelle on ne se méprend pas, 
quand on l'a vue quelquefois. 

Comme amorce, on se sert du ver rouge le plus frétillant 
qu'il soit possible et que l'on renouvelle souvent pour qu'il 
frétille sans cesse. On emploie également de petites gre- 
nouilles qu'on laisse nager et que l'on enferre par la peau 
du dos sur un hameçon n° 4, ou bien encore des pattes 
d'écrevisses crues, des petits poissons vifs tels que : Vérons, 
Gardons, Goujons, Ablettes, etc.; elle se prend bien égale- 
ment aux pater-noster, aux jeus, au grelot dont nous 
parlerons plus loin ; quand l'eau monte, on la prend aux 
cordées de fond, car alors elle suit les petits poissons qui 
gagnent la rive. 

Quant au temps propice pour sa péehe, on sait que durant 
les jours orageux et chauds de l'été, quand souffle le vent du 
midi, la Perche chasse toute la journée; à cette pèche on doit 
souvent changer de place, car il faut aller chercher le pois- 
son. En temps ordinaire la Perche mord beaucoup le matin, 
un peu le soir et point dans le milieu du jour. Si l'on manque 
une Perche dans un endroit, il ne faut pas craindre d'y 
revenir de suite, car elle est assez vorace et assez peu pré- 
voyante pour se laisser prendre à nouveau. 

La Perche des Vosges 

Perça vogesiaca. — Hurlin (Vosges). 

La Perche des Vosges, beaucoup moins répandue que la 
Perche commune, parait localisée dans les lacs do Gérardmer 
et de Longemer. Voisine de l'espèce précédente, elle s'en 
distingue par sa taille plus petite, son galbe plus allongé 



L'APRON 



15 



avec le dos moins élevé; son museau est plus aminci, et la 
joue est entièrement couverte do petites écailles (fig. 5) ; elle 
ne parait pas dépasser de 15 à 18 centimètres de longueur. 




Fig. 5. — Tête et portion antérieure du corps de la Perche des Vosges. 



Dans les Vosges on la prend à la ligne et au filet. Malgré 
sa petite taille, c'est un poisson assez estimé mais qui ne sort 
pas de la consommation locale. 



L'Apron 

Aspro vulrjaris, Cuvier et Valenciennes. — Apron, Apre, Dau- 
phin, Roi des Poissons, Sorcier (France). — Anudelo (Gard). — 
Stricher-sheben (Allemagne). — Kutz(B-i\e). — Ostrzxjca (Pologne). 
— Persico (Italie). 

L'Apron ou Sorcier est un poisson de petite taiLle, voisin 
de la Perche et qui ne vit que dans les cours d'eau les plus 
importants de l'est et du sud-est de la France. Nous le con- 
naissons dans le Rhône au nord de Lyon et jusqu'à Valence, 
dans la Saône, la Grosne à son confluent, l'Ain, l'Isère, le 
Doubs, l'Ognon, l'Ouche, etc. 

Sa taille dépasse rarement do 15 à 10 centimètres, son 
corps (fig, 0) est allongé, fusiforme, avec une tête dépriniég 






j(3 POISSONS DKK EAUX DOUCES 

terminée par un museau court et tronqué ; la bouche est 




Fig. 6. — L'Apron commun. 




Fig. 7. — Tète et portion antérieure du corps de l'Apron. 




Fig. 8. — Écaille du flanc 
vers le milieu du corps. 



Fig. 9. — Ecaille de la ligne 
latérale. 



petite avec la mâchoire supérieure plus longue que l'in- 
férieure (fig. 7). Son dos, d'un brun rougeâtre ou jaunâtre, 



I.'APRON 

suivant les saisons, porte quatre ou cinq bandes un peu 
obliques et presque noires ; le ventre est blanc et les na- 
geoires grisâtres. Les deux nageoires dorsales sont toujours 
très séparées l'une de l'autre. La mâchoire est ornée de 
fines dents. Les écailles (fig. 8 et 9) sont âpres au toucher, 
de là le nom d'apron, qui a été donné à ce poisson. 

Ses mœurs, sa manière de vivre présentent une grande 
analogie avec celles de la Perche ; cependant il est moins 
vorace, et la petitesse de sa bouche le fait considérer cemme 
omnivore plutôt que réellement carnassier. Il se tient plus 
volontiers au fond de l'eau que la Perche, et ne nage guère 
en pleine rivière que par les mauvais temps, lorsque souf- 
flent les vents du nord et de l'ouest, alors que les autres 
poissons se retirent dans les profondeurs. Cette circonstance, 
dit Emile Blanchard, a amené les pécheurs de plusieurs 
localités à regarder l'AproH comme le poisson maudit, et ils 
s'en sont vengés en l'appelant le Sorcier. Jadis les pêcheurs 
bourguignons et dauphinois regardaient comme un mauvais 
pronostic de pèche la capture d'un Apron au début de la 
journée. 

Pourtant la chair de ce poisson est aussi fine et aussi 
délicate que celle de la Perche; le seul défaut de l' Apron 
est d'être malheureusement trop rare, car une fois frit il 
constitue une alimentation des plus agréables lorsqu'on a le 
soin de le débarrasser de ses plus rudes écailles. 

Dans le Rhin, on en pêche plusieurs variétés dont la colo- 
ration passe du gris noirâtre au gris cendré et au jaune 
bronzé ; il vit toujours en petites troupes et fraye en mars et 
en avril. 

La pèche de l'Apron se fait à la ligne légère amorcée au 
moyen de vers de fumier, vers rouges à tête noire, bien 
vifs, ou vers de vase. Il mord plus rarement sur l'asticot. 
Gomme pour la Perche il faut avoir soin que l'appât ne reste 
jamais en repos. Le mouvement s'obtient d'abord en renou- 



j'g POISSONS DES KAUX DOOCfcS 

vêlant souvent les vers pour qu'ils soient plus frétillants, 
ensuite en déplaçant fréquemment la ligne surtout si l'on 
pêche dans des eaux un peu lentes. Le plus souvent l'Apron 
se précipite sur l'appât au moment ou il descend verticale- 
ment dans l'eau entraîné par son propre poids. 

La Gremillc 

Arerina cernua, Linné. — Gremille, Gremeuille, GtrmeuilU (Lor- 
raine et nord-est de la France). — Perche goujonttière, Perche 
goujonner. Goujon perchât, Ptrchat (environs de Paris, Aube, 
Ardennes, Meuse) — Chagrin, Chagrise (Aube, Yonne) — Entre- 
cri (Arcis-sur-Aube). — Ogi, Ogier (Meuse, Ardennes). — Kutt 
(Strasbourg). — Rautbariclt, Schrotl (Allemagne). — Iluffe (An- 
gleterre). — Schroll (Danemark). — Kutz, Kutien (Suisse). 

La Gremille, que bien des pêcheurs considèrent à tort 
comme le produit du croisement de la Perche et du Goujon, 
est encore un petit poisson voisin de la Perche, et dont la 
taille ne dépasse pas de 15 à 18 centimètres de longueur. Son 
corps est oblong (flg. 10), assez épais en avant, comme 




Fig. 10. — La Gremille 



comprimé en arrière. Suivant les époques, sa coloration est 
plus ou moins vive. Le dos passe du jaune au brun en tirant 
sur le vert; les flancs sont d'un brun jaunâtre, le ventre 
d'un blanc d'argent, la gorge d'un blanc rosé. Chez les vieux 



I.A GREMILLE 19 

individus le corps est souvent parsemé de taches noirâtres. 
Chez cette espèce, à l'inverse des précédentes, les deux 
nageoires dorsales sont réunies en une seule; la teinte en est 
d'un gris jaunâtre avec quelques taches plus foncées. Enfin 
la nageoire caudale est grisâtre. 










Fig. 11. — Ecaille de la ligne 
latérale de la Gremille. 



Fig. 12. — Ecaille des flancs 
de la Gremille. 




->Z. 

Fia. 13. - Tète de la Gremille. 



Les écailles de la Gremille sont assez grandes et de forme 
ovalaire ; les épines qui garnissent leurs bords sont coniques 
et aiguës (fig. 11 et 12). La tête est entièrement dépourvue 
d'écaillés, et sur chaque joue il existe des fossettes larges 
et profondes qui lui donnent un faciès tout particulier. La 



20 poissons des baux! douces 

bouche est assez petite et l'intérieur est armé de fines dents 

(fig. 13). 

La Gremille vit surtout dans le nord-est de la France, 
principalement dans la Somme, la Meuse, la Moselle, le 
Doubs, la Meurthe, la Marne, la Seine, l'Aube, l'Yonne et 
le Rhône, jusqu'au sud de Lyon. Elle est commune en 
Angleterre, en Allemagne, en Suède, en Danemark et en 
Russie ; elle fait complètement défaut dans le sud de 
l'Europe. 

Ses mœurs sont à peu près celles de la Perche ; mais elle 
vit plus volontiers en famille ; elle ne se montre guère que 
durant la belle saison, se retirant dans les eaux profondes 
pendant le mauvais temps. Gomme la Perche, elle préfère 
les eaux vives, claires et courantes, recherchant les fonds 
sablonneux ; à l'automne il n'est pas rare de la pêcher dans 
les eaux plus tranquilles et même dans quelques étangs. On 
peut l'élever dans les aquariums. 

Sa nourriture se compose de petits poissons, d'insectes, 
de vers, et même aussi de débris végétaux. La ponte a lieu 
dès le printemps et se fait souvent à travers les roseaux ; les 
œufs très nombreux sont déposés sur des pierres et sont 
agglutinés entre eux en chapelets comme ceux de la Perche. 
La chair de ce petit poisson est légère et délicate ; dans l'est 
de la France, une friture de Gremille est toujours un mets 
fort apprécié des amateurs de bons poissons. 

La Gremille se prend à l'épervier et surtout à la ligne. 
On esche les lignes avec de petits vers rouges bien vifs que 
l'on a soin de souvent renouveler et de tenir en mouvement ; 
Brehm raconte que ce poisson présente cette singulière par- 
ticularité de se laisser attirer par un bruit retentissant ; les 
pêcheurs de Gourlande mettent à profit cette propriété pour 
pêcher en abondance ce poisson. On dispose dans différentes 
directions un certain nombre de filets, puis, on fait ensuite 
le plus de bruit possible au moyen d'une longue perche qui 



LE CHABOT 



21 



descend jusqu'au fond de l'eau et sur laquelle sont, attachés, 
sur des montures, des anneaux en fer. Les Grenailles arri- 
vent en si grande quantité' que les filets en seraient absolu- 
ment surchargés. 



FAMILLE DES COTTIDES 



Le Chabot 

Cottux gobio, Linné. — Chabot, Cabot, Chaupot, Chamsot, Caboche, 
Caborgne, Gravelet, Sabot, Heulat, Mathieu, Cafard, Jacquard, 
Têtu. — Cajisot (environs de Paris). — Chamsot (Normandie). — 
Chabaou (Provence). — BoMo(Nice). — Sechot, Sorcier (le Rhône 
à Genève). — Sassot, Chanot (bonis du Léman). — Linotte (Fran- 
che-Comté). — Bavard (Vosges). — Esquale (Auvergne). — Tête 
d'aze, Tête d'âne (Languedoc). — Kaut zenkopf (Lorraine alle- 
mande). — Koppe, Koppen, Gmppe, Kaulhop (Allemagne). — 
Bull-head, Miller s thurnb (Angleterre). — Nessore (Italie). 

On donne cette multitude de dénominations différentes à 
un petit poisson de forme étrange qui appartient à la famille 
des Joues cuirassées. Cette famille particulièrement riche 
en espèces marines telles que les Trigles, les Malarmats, les 
Dactyloptères ou poissons volants, etc., ne renferme qu'une 
seule espèce d'eau douce. Le Chabot ne dépasse jamais de 
10 à 12 centimètres de longueur ; son galbe est pyramidal ; 
la tète très grosse, large et déprimée, est suivie d'un corps 
plus ou moins arrondi qui va en s'amineissant jusqu'à l'ex- 
trémité (fig. 14). 

La coloration est des plus variables suivant l'âge et les 
milieux; l'ensemble est grisâtre avec de larges marbrures' 
noires sur le dos et sur les Hancs ; le dessous est plus clair et 
passe au blanc sur le ventre : la tète est grise avec quelques 
petites taches noires ; les nageoires dorsales sont parfois 
annelées de gris et de brun foncé. Chez les vieux individus 
l'ensemble de la teinte est plus sombre et plus uniforme. 



22 POISSONS DUS KAUX DOUCES 

Chez ces poissons la peau est nue et très visqueuse. Les 
nageoires dorsales sont unies par une membrane ; les pecto- 




Kio. 14. — Le Chabot. 



raies sont très larges et en forme d'éventail, tandis que les 
ventrales sont relativement fort petites ; enfin la caudale va 



I.E CHABOT 23 

en s'élargissant de la base au sommet. La joue est recou- 
verte par l'os orbitaire. Sur un large museau s'ouvre une 
grande bouche portant des dents petites et pointues fixées sur 
les maxillaires et en avant du vomer. 

On rencontre le Chabot dans presque tous les fleuves, 
rivières et cours d'eau de l'Europe ; il aime le voisinage des 
berges et recherche les fonds de sable ou de gravier ; au 
milieu du jour il se cache sous les pierres et dans les 
anfractuosités, soit pour s'y abriter, soit pour y guetter sa 
proie sur laquelle il fond avec une vitesse incroyable; c'est 
un des poissons les plus agiles ; bien que s'avançant par 
bonds et par saccades, ses mouvements sont toujours extrê- 
mement rapides ; l'élargissement de la partie antérieure de 
son corps, qui s'atténue graduellement vers la queue, joint 
au développement et à la puissance de ses nageoires pec- 
torales, le rend particulièrement propre à une locomotion 
rapide et brusque. 

Il passe pour très vorace et se nourrit de fretin, de vers, 
d'insectes, de larves aquatiques ; il fait la chasse aux dyti- 
ques, aux hydrophiles, aux grenouilles et aux salamandres ; 
il ne craint pas, dit-on, de s'attaquer à d'autres poissons 
d'aussi forte taille que la sienne et même à sa propre progé- 
niture lorsqu'elle est grande. 

La femelle est ordinairement un peu plus grosse que le 
mâle ; au temps de la ponte elle parait comme gonflée parles 
œufs qu'elle contient. Cette ponte a lieu de mai à juillet 
suivant les localités ; à ce moment le mâle creuse avec sa 
queue un trou dans le sable, une sorte de petit nid, et y 
amène une ou deux femelles pour qu'elles y déposent leurs 
œufs; la femelle, aussitôt après la ponte, poursuit son che- 
min et durant quatre ou cinq semaines, le mâle se fait le 
patient gardien de sa progéniture, jusqu'à ce qu'elle puisse 
s'enfuir à son tour. Son ardeur est aussi remarquable que sa 
vigilance : les pécheurs de la Traun prétendent qu'il mord 



24 POISSONS EUES EAUX DOUCES 

le bâton ou la baguette avec laquelle on veut le chasser et se 
laisse tuer plutôt que d'abandonner la place. 

Sa chair est rouge, comme saumonée, d'excellente qua- 
lité ; à cause de sa petitesse on ne peut le manger que frit, 
après l'avoir débarrassé de sa grosse tète; il vaut alors au 
moins autant que le meilleur Goujon. On s'en sert souvent 
comme amorce vive pour pécher le Brochet, la Perche, la 
Truite qui en sont très friands. On le pêche habituellement 
en hiver. 

Rien n'est plus facile, dit La Blanchère J , que de prendre 
le Chabot à la ligne ; le moindre petit morceau de ver rouge 
suffit pour cela; mais dans les ruisseaux des montagnes où 
il existe parfois en grande quantité, le meilleur mode de pêche 
consiste à barrer le cours d'eau avec un filet et à remonter 
le courant en remuant avec des branchages les pierres du 
fond; débgé de son embuscade le petit poisson vient se 
réfugier dans le filet. On le prend encore à la fourchette. 
« Tous les enfants, raconte notre auteur, ont fait cette pèche 
dans les ruisseaux à eaux vives et peu profondes. Elle con- 
siste à emmancher une vieille fourchette de fer au bout d'un 
petit bâton, à affiler les dents de la fourchette sur une pierre, 
puis ce trident improvisé à la main, à entrer dans l'eau 
jusqu'aux genoux. Les jeunes pêcheurs se mettent en ligne 
en remontant doucement le fil de l'eau, et chacun, devant 
soi, retourne les petites pierres. Un Chabot jaillit comme 
une flèche, mais il s'est remis sous une pierre voisine ; l'en- 
fant voit une large tète... deux gros yeux dépassent la 
pierre... un coup de fourchette traverse le monstre, qui vient 
en gigotant, tenir compagnie à quelques douzaines d'autres, 
destinés à une friture, ou à garnir les lignes de fond que le 
père des petits pêcheurs veut tendre le soir. » 



i De La Blanchère, L i Pêche et les Poissons. 



LES KPINOCHUS 



FAMILLE DKS GASTEROSTKIDES 



Les Éplnoches 

Genre Gasterosteus. — Épinoche, Êpinarde, Èpinglotte, Picot, 
Petite èpée, Grande Epinoche, Savetier, Cordonnier, Arite, 
Pinguë, Darselet, Digard (Suivant les localités). — Estanclin, 
Esteclin (Pas-de-Calais) — Spissert (Loraine). — Estranglat, 
Cat (Gard). — Sabatié (Nice). — Utikleback (Angleterre). — Stich- 
ling (Allemagne, Suisse). — SpinareVa (Italie). 

On confond sous la dénomination générale d'Epinochc 
de tout petits poissons qui présentent cette particularité que 
leurs épines dorsales sont libres et ne constituent point à 
proprement parler une nageoire. Ils ont les joues cuirassées 
quoique leur tête ne soit ni tuberculeuse, ni épineuse comme 
celle desTrigles ; le ventre est, en même temps, garni d'une 
sorte de cuirasse osseuse, et les nageoires ventrales, placées 
plus en arriére que les pectorales, se réduisent à peu près à 
une seule épine. De la disposition variable des épines et de 
la cuirasse ventrale résultent plusieurs espèces établies par 
M. Blanchard; mais toutes sont de petite taille, allant de 
5 à 10 centimètres, avec un galbe plus ou moins allongé et 
légèrement comprimé sur le côté. 




Fia. 15. — Épinoche aiguillonucc de grandeur naturelle. 

Épinoche aiguillonnée, — Cette espèce que nous repré- 
sentons en grandeur naturelle (fig. 15), se distingue par sa 

Locaro, I.a Pèche. 2 



26 POISSONS DES EAUX DOUCES 

cuirasse qui s'étend jusqu'à l'extrémité du corps et qui est 
constituée par une trentaine de petites plaques imbriquées. 
Sur le dos, et en avant de la nageoire dorsale se remarquent 
trois aiguillons, ou épines (fig. 16) dont les deux premierssont 
garnis sur les bords de nombreuses dentelures ; le troisième, 
beaucoup plus petit est lisse. A la partie ventrale il existe 
deux autres aiguillons articulés sur le bassin. 




Vie*. 1G. — Epines de rÊpinoche aiguillonnée. — A, V épine dorsale. 
— D, 2e épine dorsale. — C, pointe ventrale du côté droit. 

L'Epinoche aiguillonnée ne paraît vivre en France que 
sur les côtes de Normandie et de Picardie; elle est beau- 
coup plus répandue en Allemagne et en Angleterre. 

Epinoche neustrienne. — Cette Epinoche trouvée dans 
le département de la Seine-Inférieure diffère de la précé- 




Fig. 17. — Epinoche neustrienne. 

dente par son armure latérale qui ne s'étend pas au delà du 
cinquième rayon de la nageoire dorsale (fig. 17); en outre, 



LES ÉI'INOCHES 



27 



dans la région caudale, il existe une carène composée de 
douze plaques. Les épines dorsales sont très larges à la base 
et ne sont garnies sur leurs bords que de faibles den- 
telures. 

Epinoche demi-armée. — Chez cette espèce, l'armure 
est encore moins complète et ne comprend que quatorze 
plaques. Les épines dorsales sont encore plus larges à leur 




Fig. 18. — Èpinoche demi-armée. 

base et elles sont ornées latéralement de fortes dentelures 
découpées en forme de scie. On pèche cette Epinoche aux 
environs du Havre et dans la Somme (fig. 18). 

Èpinoche demi-cuir assèe. — L'Epinoche demi- cuirassée 
a le corps plus étroit et plus long que celui de l'Epinoche 




I'*ig. 19. — Èpinoche demi-cuirassée. 



aiguillonnée; mais sur la cuirasse on ne compte que treize 
plaques ; sur la région caudale, il existe une carène composée 
de sept petites écailles. Les épines dorsales sont longues, 



28 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



aiguës et très fortement dentelées ainsi que les épines ven- 
trales ; on la pêche dans les environs du Havre et dans la 
Somme (fig. 19). 

Kpinoche à queue lisse.. — Les plaques de la cuirasse, 
chez cette espèce, ne sont plus qu'au nombre de six et ne 
s'étendent pas au delà de la deuxième épine dorsale ; en 
arrière de ces plaques, le corps est dépourvu d'écaillés. Les 




Fig. 20. — Épinoche à queue lisse. 

épines dorsales se terminent en pointe très aiguë et sont gar- 
nies de dentelures fortes, mais peu nombreuses ; les épines 
ventrales sont très grosses. Cette forme, que les Anglais dési- 
gnent sous le nom de Smoothtailed stickleback, vit en 
France dans les eaux de la Seine, de la Seine-Inférieure et 
delà Somme (fig. 20). 

Épinoche argentée. — L'Épinoche argentée se distingue 
par la belle teinte blanc d'argent qui brille sur ses flancs et 




Fig. 21. — Épinoche argentée. 



que traversent quelques bandes noirâtres. L'armure thora- 
cique est constituée par cinq pièces seulement. Les épines 



LÈS ÉP1N0CHES 29 

dorsales sont courtes et élargies à leur base ; les épines ven- 
trales, également courtes, sont armées de dents aiguës et 
nombreuses. On rencontre cette forme dans le Sud-Est, aux 
environs d'Avignon et de Marseille (fig. 21). 

Épinochede Bâillon. — Cette forme est très voisine de 
l'Epinoche à queue lisse, mais elle est d'une taille un peu 
supérieure ; elle en diffère surtout par ses épines dorsales 
relativement plus petites et à dentelures très fines ; les 
épines dorsales sont longues et garnies de fortes dents. On 
ne l'a encore rencontrée qu'aux environs d'Abbeville. 

Epinoche élégante. — L'armure thoracique de cette 
Epinoche est à peu près semblable à celle de l'Epinoche 
argentée; mais les épines dorsales sont très longues et les 
dentelures du bord peu apparentes ; les épines ventrales sont 
très minces et n'ont qu'une base faiblement élargie. Le 
ventre et les flancs sont d'un blanc d'argent et la partie dor- 
sale d'un gris verdâtre. On la pêche dans les départements 
de la Gironde et de la Haute-Garonne. 

Ces différentes espèces, sans compter quelques autres 
plus ou moins douteuses, sont d'un fort médiocre intérêt 
pour le consommateur ; la chair des Epinoches n'est certes 
pas mauvaise, mais la petitesse de l'animal et la présence 
de ses rudes épines font que les pêcheurs les rejettent 
lorsqu'ils en prennent avec des Ables ou des Eperlans. 
On ne peut même pas les utiliser comme esche ou comme 
appât, car les autres poissons se méfient de ce dange- 
reux collègue, à moins qu'on n'ait pris soin de lui couper les 
aiguillons. 

Pourtant ces petits animaux sont tout particulièrement 
intéressants à plus d'un autre titre, et les amateurs d'aqua- 
rium les recherchent toujours avec soin. Mais alors il faut 
avoir bien soin de les élever à part, car l'Epinoche est 
certes le plus vorace et le plus batailleur de tous les petits 
poissons. Bucker dit avoir vu une Epinoche dévorer en 

2. 



30 POISSONS DES EAUX DOUCES 

cinq heures soixante-quatorze Vandoises naissantes longues 
de 1 centimètre ! 

Les Épinoches, au moment de leur ponte, présentent de 
singulières particularités; elles construisent de véritables 
nids dans lesquels aura lieu Féclosion des jeunes embryons. 
Au printemps, on voit le mâle changer de couleur et 
prendre un éclat tout particulier; sa nuance habituelle, d'un 
vert olivâtre plus ou moins argenté, passe au bleu et au 
rouge cramoisi. Alors cherchant un sol propice, il enfonce 
la tête dans le sable vaseux et le fouille en tournant rapide- 
ment sur lui-même ; il court ensuite chercher des brin- 
dilles, des herbes, des bouts de racine qu'il enlace et amasse 
au-dessus et autour de son nid ; à coups de tête il consolide 
le tout en ayant soin d'y ménager deux étroites ouvertures 
juste assez larges pour laisser passer son petit corps (fig. 22). 
La demeure ainsi préparée, il y attire successivement plu- 
sieurs femelles qui y déposent leurs œufs ; la ponte ter- 
minée, le mâle ferme soigneusement l'un des deux orifices 
et se constitue le vigilant gardien d'un si précieux trésor, 
tandis que les femelles s'en vont courir au loin pour ne plus 
revenir. Non seulement il protège les œufs contre toute 
attaque étrangère, mais encore, se suspendant au-dessus du 
nid, le museau vers l'ouverture, il agite rapidement ses 
nageoires de manière à former un petit courant d'eau qui 
viendra renouveler le liquide de l'intérieur ; même encore 
après l'éclosion, qui demande quinze jours, le père veille 
avec une véritable sollicitude les premiers mouvements des 
nouveau- nés, jusqu'à ce qu'ils soient assez grands pour se 
suffire à eux-mêmes et se défendre. 

Rien n'est plus facile que de se procurer ces curieux petits 
poissons ; le moindre ver attaché par le milieu du corps au 
bout d'un fil et jeté dans l'eau suffit pour les attirer; bientôt 
ils mordillonnent l'appât, et si on le retire d'un coup sec, on 
peut avoir à chaque extrémité du Yer une Épinoche sus-: 



I-E; EPINOGHKS 



31 




Fu>. %ï. — L'Épinoohe & qutue lisse et sop nid, 



30 POISSONS DES EAUX DOUCES 

pendue en train de le dévorer. On peut en prendre un grand 
nombre à la fois, en enfonçant un petit trouble dans l'eau et 
en faisant pendiller un ver au-dessus de son ouverture. 



L'Épinochette 

Genre Gasterosteus. — Ëpinochette, Petite Èpïnoche, Marichaud, 
Petit Piquant (suivant les contrées). — Kolinsha (Russie). 

Les Epinochettes sont les plus petits de nos poissons d'eau 
douce; leur taille dépasse rarement 5à7 centimètres de lon- 
gueur. Elles diffèrent des véritables Épinoches par leur 
galbe plus effilé et par la disposition de leurs épines. Les 
épines dorsales sont au nombre de neuf à douze, toutes 
égales, sans dentelures sur les bords et fort courtes. Tout le 
long de leur dos les Épinoches portent, jusqu'à l'origine delà 
nageoire dorsale, une série de petites plaques osseuses don- 
nant insertion aux épines dorsales. Avec M. E. Blanchard, 
nous distinguerons les espèces suivantes : 

Ëpinochette piquante. — C'est la plus grande des Epi- 
nochettes, quoique sa taille ne dépasse pas de 6 à 7 centi- 
mètres. Son dos est armé de neuf à onze épines ; sa colora- 
tion est d'un noir olivâtre, moucheté de taches plus sombres. 




Fia. 23. — L'Èpinochette piquante de grandeur naturelle. 

Au moment du frai, les joues, les opercules et la base des 
nageoires prennent une teinte rougeâtre. Chez cette espèce, 
la carène postérieure consiste en une série de petites écailles 
disposées en file et au nombre de dix. Elle est très répandue 
dans les cours d'eau du nord de la France (fig. 23 et 24). 






EPINOCHETTE 33 

Epinochette bourguignonne — Cette espèce, plus petite 
que la précédente, présente, comme elle, une carène située 
dans la région caudale, mais composée de petites plaques 
très étroites et au nombre de cinq. Le nombre des épines 
dorsales est le même, mais le bassin est plus étroit ; ses cou- 
leurs sont plus chaudes et le ventre est sillonné de bandes 
transversales noirâtres. On prend cette Epinochette surtout 
dans le département de la Côte-d'Or (fig. 25). 





Fig. 24. — Sternum _ Fia. 25. — Sternum 

de l'Epinochette piquante, de l'Epinochette bourguignonne, 
vu en dessous. vu en dessous. 

Epinochette lisse. — L'Epinochette lisse a beaucoup 
d'analogie, comme forme, avec l'Epinochette piquante; mais 
elle n'a pas de carène ventrale; en outre, les épines dorsales 




Fig. 26. — Epinochette lisse, grandeur naturelle. 



ne sont plus qu'au nombre de neuf. Sa coloration est d'un 
vert assez vif, avec des marbrures plus foncées, et un semis 



31 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



de petits points noirâtres sur tout le corps. On la rencontre 
aux environs de Paris et de Gisors (fig. 26). 

Épinochette lorraine. — Dans cette espèce, la tête est 
plus petite et moins large que dans les précédentes ; il 
n'existe point de carène latérale, et les épines dorsales sont 
au nombre de huit seulement. Les parties supérieures du 




Fig. 27. — L'Epinochette lorraine, grandeur naturelle. 

corps sont d'un jaune verdâtre et la région ventrale oran- 
, gée ; le dos et les flancs sont sillonnés de bandes transver- 
sales noirâtres. Elle vit principalement dans le département 
de la Meuse (fig. 27). 

Épinochette à tête courte. — Gomme son nom l'indique, 
cette espèce a la tête encore plus courte que celle de ses 
autres congénères ; son museau est plus saillant, le bassin 




Fig. 



L'Epinochette à têto courte, grandeur naturelle. 



plus étroit ; les épines dorsales, au nombre de neuf, sont tou- 
jours grêles. La coloration est la même que celle de l'Epino - 
chette lisse ; tout son corps est parsemé de petits points noi- 
râtres. On la rencontre dans les environs de Gae.n (fig. 28). 
Les mœurs de ce petit poisson présentent une grande 
analogie avec celles de l'Épinoche; il vit souvent en grandes 



EPINOCHETTË 



35 




KiG. 29. — L'Épinochctte lisse et son nid, grandeur naturelle. 



3ô 



I 01SS0NS DES EAUX DODCES 



troupes, faisant la chasse au fretin et même aux petits pois- 
sons beaucoup plus gros que lui. Il se répand dans les fleuves 
et les rivières pour frayer ; on le prend abondamment dans 
la Seine, par exemple, tandis que l'Epinoche y est rare et 
préfère les petits cours d'eau. En hiver, il se cache dans 
les ruisseaux au milieu des herbes, sous les feuilles mortes et 
les brindilles tombées au fond de l'eau. Gomme les Epinoches, 
il se construit des nids, mais ceux-ci, au lieu d'être con- 
struits à terre, sont suspendus à travers les rameaux des 
plantes aquatiques (fig. 29). 

La chair de l'Epinochette est fade, sans la moindre saveur. 
On ne la mange jamais; trop petit pour servir d'amorce, 
ce poisson n'est guère péché que pour figurer dans les aqua- 
riums, et comme il est moins vorace et surtout moins que- 
relleur que les Epinoches, on peut l'élever avec d'autres petits 
poissons sans trop d'inconvénients de les voir s'entre- dévorer. 



FAMILLE DES MUG1LIDES 

lt Muge capiton 

Mugil capito, Cuvier. — Muge, Mulet capiton, Mulet gris, Ra- 
mado, Roumado, Testue (suivant les localités). — Grey Mullet 
(Angleterre). 



Le Muge ou Mulet capiton est un poisson de belle taille, 
qui atteint facilement de 50 à 60 centimètres de longueur. Le 
corps est oblong, la tête large en arrière, rétrécie en avant 
avec un museau court et gros. Le dos est d'un gris bleuâtre, 
et les flancs, qui sont grisâtres, sont parcourus par sept ou 
huit lignes longitudinales d'un brun vert; le ventre est d'un 
gris argenté; les nageoires ventrales sont blanches, l'anale 
grisâtre et les autres d'un gris bleuté plus ou moins foncé; 
une tache noire se voit toujours à l'angle supérieur de la 



LE MUOE CAPITON 37 

pectorale. La tète et le corps sont couverts de grandes 
écailles. 

Gomme chez tous les Muges, on remarque chez cette 
espèce une très petite bouche s'ouvrant transversalement et 
portant une arête médiane sur la mâchoire inférieure, cor- 
respondant à un sillon de la supérieure. Les dents sont très 
petites, à peine visibles. Les nageoires dorsales sont toujours 
séparées et la caudale bien découpée en son milieu (fig. 30). 









Fui. zo. 



Le Muge capiton. 



La mer est l'habitat normal de tous les Muges. Le Muge 
capiton abonde particulièrement dans la Méditerranée, le 
golfe de Gascogne et remonte même jusque dans la Manche. 
Au printemps, il pénètre en troupes nombreuses dans nos 
grands fleuves; on en capture surtout dans la Gironde, la 
Loire et même dans la Somme. Au bout de quelques jours 
ces troupes se dédoublent et forment des détachements do 
vingt à trente individus qui vivent ensemble et jouent à la 
surface de l'eau. Doués d'une agilité remarquable, ces pois- 
sons exécutent à chaque instant des sauts retentissants. Us 
cherchent leur nourriture au fond de l'eau en remuant les 
pierres ou en suçant les conferves et les algues d'eau douce. 
Mais dès que les premiers froids commencent à se faire sentir, 
ils se hâtent de retourner à la mer, sans pourtant que ce re- 
tour soit absolument indispensable à leur existence. 

En effet, on a pu constater à plusieurs reprises que des 

Locap.d, La I'éclie.' 3 



38 



POISSONS DES 'EAUX DOUCES 



Muges pris directement dans la mer et introduits dans une 
rivière d'eau douce et courante, y vivent très bien et même 
s'y reproduisent sans la moindre difficulté et sans avoir 
jamais revu la mer. Dans ce dernier élément on les voit, 
du reste, lors de la mauvaise saison, se masser à l'embou- 
chure des cours d'eau, au voisinage immédiat des rivages, 
passant ainsi alternativement de l'eau salée à l'eau douce. 

Le Muge capiton se pêche rarement à la ligne. En mer on 
le prend à la senne; mais là, dit La Blanchère, il y en a 
tellement, quand on sait choisir son endroit, qu'il a beau en 
sauter, il en reste toujours. En rivière, on fait usage de 
grandes sennes et de tramaux. Ce dernier tendu entre deux 
barques, on rabat le poisson en le poussant vers l'amont au 
moyen d'une senne. Souvent le Muge se glisse adroitement 
au-dessous des filets ou, d'un bond, s'élance par dessus. 
Pour parer à cet inconvénient, le pêcheur fait usage d'un 
filet supplémentaire appelé sautade oucannut, fait en forme 
de sac ou de verveux, qu'il attache au filet ordinaire et 
dans lequel les Muges se prennent d'eux-mêmes lorsqu'ils 
cherchent à s'évader. 

La chair de ce poisson est blanche, grasse, d'un bon goût; 
aussi est-il estimé pour l'alimentation; mais, en réalité, le 
Muge de mer est encore préférable au Muge d'eau douce. 
Habituellement on se contente de le faire cuire simplement 
dans l'eau salée ; s'il est petit on le mange frit ou grillé. Avec 
ses œufs on fabrique, dans le Midi, une sorte de caviar connu 
sous le nom de poutargue ou boutargue. Les œufs encore 
entourés de leur enveloppe sont fortement salés et séchés au 
soleil pendant plusieurs jours, ou même à la fumée ; coupée 
en tranches et assaisonnée avec de l'huile et du citron, la 
poutargue constitue un mets fort apprécié en Provence et en 
Italie. 






LE MUGE CEPHALE 



39 



Le Muge céphale 

Mugil cephnlus, Cuvier. — Muge, Mulet, Mur/ il, Muge ou Mugil 
céphal (suivant les localités). — Cabot (Languedoc). — Sautereau 
(Bayonne). — Grey Mullet (Angleterre). — Capo grosso, Cefalo, 
Mugini (Italie). 



Le Muge céphale ou Muge à grosse tête a le corps allongé 
et faiblement comprimé latéralement; il est plus épais que le 
Muge capiton. Sa taille varie de 30 à 50 centimètres, et son 
poids de 3 à 4 kilogrammes. On pêche accidentellement des 
individus qui atteignent jusqu'à 70 centimètres. Comparé à 
l'espèce précédente, il s'en distingue : par sa tête plus forte 
et plus longue, légèrement bombée en dessus; par son mu- 
seau court, un peu abaissé, avec la bouche petite ou angu- 
leuse; par ses écailles proportionnellement plus grandes. 
Mais une des particularités les plus caractéristiques de cette 
espèce, c'est que l'œil de ce poisson est pourvu de deux pau- 
pières verticales s'écartant vis-à-vis de la pupille, se re- 
joignant en haut et en bas, de telle sorte que ce voile mem- 
braneux ne laisse à découvert qu'un espace vertical étroit 
(fig. 13). 

La coloration est des plus élégantes. Le dos est d'un gris 
bleuté devenant plus clair sur les lianes, tandis que le 
ventre est argenté ; sur toute la longueur du corps régnent 
six ou sept bandes longitudinales étroites, de couleur bleuâ- 
tre avec des reflets dorés. Les nageoires dorsales et la cau- 
dale ont une teinte grise; les pectorales passent au brun 
clair, avec une tache noirâtre, tandis que les ventrales sont 
presque blanches. 

Ce poisson, commun dans les eaux de la Méditerranée, 
passe dans le golfe de Gascogne et remonte dans l'Océan 
jusqu'à l'embouchure de la Loire. Gomme le Muge capiton, 
il vit en bandes, se tient toujours au voisinage des côtes, de 




Fig. 31. — La Muge cèphale. 






LE MUGE CEP1IAL1Î 4( 

préférence dans le voisinage des embouchures, remontant 
les grands cours d'eau dès le printemps. Il n'est point rare 
dans les étangs saumâtres. Jamais il ne s'éloigne à une 
grande distance de la terre; « il se plaît, dit La Blanchère, 
dans l'eau battue, quand l'atmosphère est chaude et pure; à 
ce moment on le voit s'ébattre à la surface, à la recherche 
de sa nourriture, et former des entonnoirs sur la surface 
tranquille de l'eau, en saisissant par dessous toutes les ma- 
tières huileuses que leur nature fait surnager. Il s'aventure 
ainsi à une certaine distance dans les rivières, mais presque 
toujours s'en retourne avec la marée. C'est un poisson très 
rusé et très intelligent, que l'on peut même accoutumer à 
venir chercher sa nourriture à un endroit donné, en la lui 
présentant toujours à la même heure. » 

Sa chair est blanche, un peu grasse, mais néanmoins très 
délicate, surtout lorsqu'il n'est pas trop gros. Il fraye au mi- 
lieu de l'été en mai et en août ; sa pèche se fait principale- 
ment en mai, juin et juillet. On le prend facilement à l'hame- 
çon, il mord bien sur les vers de sable ou pelouses, mais il 
est encore préférable d'amorcer avec des entrailles grasses 
de poisson ou du chou bouilli dans du bouillon. On emploie 
également la mouche. Il passe pour très fort dans l'eau, et 
demande beaucoup de ménagements, car il plonge avec une 
grande violence. Le meilleur moment pour le pêcher, c'est 
quand la marée monte, car avec le reflux il regagne l'eau 
salée. Les pêcheurs du Rhône l'attaquent surtout quand les 
eaux sont bien limpides, à la fin de septembre, et se servent 
alors de filets, senne, tramail verveux et même èpervier. 




42 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



FAMILLE DES BLENNI1DES 

La Blennie cagnette 

Dlennius sujefianus, Risso. — Cagnetto, Cagnotto (Provence). — 
Chasseur (Savoie). — Baveuse, Cagnette. 

La Cagnette est un curieux petit poisson dont la taille ne 




Fig. 32. — Bleunie cagnette. 

dépasse pas 10 centimètres de longueur. Son corps est 



LA BLENNIE CAGNETTE 



43 



allongé, arrondi sur les flancs et vers la queue (fig. 32). La 
tête massive et busquée porte une petite bouche à mâchoires 
égales, armée de dents longues et disposées sur une seule 
série aux mâchoires (fig. 34). Au-dessus des yeux on re- 




Fig. 33. — Tête et portion antérieure de la Blennie cagnotte. 

marque un petit appendice tentaculifornie très caractéristique 
(iig. 33). La peau est nue et visqueuse. La nageoire dorsale 




Fia 



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Appareil dentaire Je la Blennie cagnette, 



est unique, très longue et s'étend sur toute la ligne du dos; 
les ventrales sont composées d'une faible épine et de deux 
rayons, et sont logés sous la gorge. 



44 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



La coloration est d'un jaune pâle, verdâtre, passant au brun 
avec un pointillé brun foncé ; le ventre et la gorge sont d'un 
jaune assez vif; le long du dos on distingue cinq ou six 
taches brunes assez grandes, tandis que des bandes transver- 
sales irrégulièrement marquées descendent du dos sur les 
flancs; dans le haut de la tête, l'œil se détache en un beau 
jaune doré. Cet œil est entouré de globules saillants qui lais- 
sent échapper la mucosité abondante qui enduit tout le corps 
de l'animal. 

Ce poisson paraît se plaire dans le midi de l'Europe ; on 
l'a observé en France, en Italie et en Dalmatie; mais il n'est 
jamais bien commun. Il se plaît dans les eaux vives à fond 
pierreux ; on l'a signalé dans les départements du Var, du 
Tarn, de l'Hérault, du Gard et de la Savoie. Il passe pour 
très vorace; ses dents sont absolument celles d'un mammi- 
fère carnassier. Sa chair est blanche et de bon goût. On le 
pêche surtout à la ligne. 

La Blennie alpestre 

Blennius àlpestris, Blanchard. — Chasseur (Savoie). 

Cette Blennie, découverte par M. Blanchard dans un 
petit cours d'eau qui se jette dans le lac du Bourgot, a beau- 
coup d'analogie avec la Blennie cagnette. Sa taille est plus 




FiG. 35. — La Blennie alpestre. 



petite, la tête est plus courte, et dans la mâchoire le nombre 
des dents est de seize incisives à la mâchoire supérieure et 



LA BLENNIE ALPESTRE 45 

de quatorze à la mâchoire inférieure (fig. 35). « Rien de 
plus joli, dit M. Blanchard, que la Blennie alpestre pen- 
dant la vie. Sa peau luisante est d'une teinte marron vif fine- 
ment sablé de noir et relevé de gros points, comme de petites 
taches de la même couleur, disséminées sur la tète et sur 
tout le corps, à l'exception de la région ventrale, qui est 
d'un blanc jaunâtre uniforme. Sur les eûtes de la tête et sur 
le dos, de grandes taches irrégulières d'un brun noirâtre 
contribuent à rehausser la fraîcheur de la nuance générale 
du corps, ainsi que de courtes bandes transversales très rap- 
prochées les unes des autres, régnant sur les ilancs, dans 
toute la longueur du corps. Les nageoires rendues d'une 
teinte assez sombre par un semis de points noirâtres très 
serrés, sont aussi marquées de taches d'un brun foncé, par- 
ticulièrement la caudale et les rayons postérieurs de la cau- 
dale '. » 

Avec son mode de dentition celte espèce, ou peut-être 
simplement cette variété de la Blennie cagnette, doit être 
très carnassière, les pêcheurs du lac du Bourget en font 
usage pour amorcer leurs lignes. On l'élève parfois dans les 
aquariums, mais seule, à cause de sa voracité. 

1 10. Blanchard. Les Pois-tons d'eau douce, p, 2&i. 






POISSONS DES EAUX DOUCES 



MALACOPTERIGIENS 



FAMILLE DES PLEURONECTIDES 



Le Pleuronecte flet 

Pleuronectes flessus, Linné. — Flet, Flondre, Fle'ton, Picaud, Pi- 
card, Puise, Fiez (suivant les localités). — Plezenc (Bretagne). — 
llut, Flounder, Common floundcr, Fresliwater flounder (Angle- 
terre). — Flunder Scholle (Allemagne,). — Sandskraa (Norwège). 
— Ftundra (Suède). — Flynder (Danemark). — Koli, Lura (Is- 
lande). — Mayock flenk (Ecosse). 



Le Flet vit tantôt dans l'eau douce, tantôt dans l'eau de 
mer; c'est un poisson plat qui appartient à la même famille 
que les Carrelets, les Limandes, les Soles, les Turbots, etc., 
mais tandis que tous ces animaux ne quittent jamais la mer, 
le Flet, au contraire, remonte parfois fort loin dans les 
fleuves et les rivières. Très commun dans la mer du Nord, 
dans la Manche et sur les côtes océaniques, on le prend par- 
fois en abondance dans les petits cours d'eaux de la Nor- 
mandie, notamment au voisinage des usines établies pour le 
lavage des laines ; il fréquente également les eaux de la Loire, 
de la Charente et même aussi parfois celles de la Dordogne. 
Les bancs de la Somme, de la Seine, d'Aigny, de Cancale, 
de Saint-Brieuc, de Brest, d'Audiern, sont principalement 
fréquentés par les Flets. 

Son corps est de forme ovalaire ; le plus habituellement il 
est tourné à droite, quoique l'on rencontre parfois des indi- 
vidus chez lesquels les yeux sont à gauche. Le corps est 
couvert d'écaillés lisses et petites. La tète, du côté aveugle, 
est à peu près nue, tandis que l'autre face est garnie de 
petites écailles rudes et tuberculeuses ; le museau est court 
et porte une petite bouche fendue obliquement ; les mâchoire» 



LE PLEDRONECTE FLET 47 

sont armées d'une rangée unique de dents mousses et rap- 




prochées. Les yeux sont séparés par une crôte. La nageoire 
dorsale commence au-dessus du niveau de l'œil supérieur et 



48 POISSONS DES K.vUX DOUCES 

finit, ainsi que l'anale, à une petite distance de la caudale. Sa 
taille ne dépasse pas de 20 à 35 centimètres (fig. 36). 

La coloration du Flet varie notablement suivant les saisons 
et surtout suivant la nature des fonds. Du côté des yeux, le 
corps a une teinte passant du brun au vert olivâtre avec des 
taches orangées ou rougeâtres; ces taches, souvent assez 
vives au printemps, disparaissent à d'autres époques de 
l'année; dans les milieux vaseux, il devient plus foncé; il est 
au contraire beaucoup plus clair dans les fonds sablonneux. 
Enfin le côté aveugle est d'un blanc grisâtre plus ou moins 
brillant. 

On confond souvent le Flot avec le Carrelet qui lui aussi 
essaye parfois de remonter à de petites distances les rivières. 
On le distinguera : à son galbe plus allongé ; à la coloration 
des taches du côté teinté ordinairement plus pâle; il existe 
chez le Flet une ligne de points entre les yeux, tandis que 
chez le Carrelet ces points sont remplacés par des tubercules ; 
chez le Flet, chaque nageoire dorsale et anale porte à sa 
base un petit bouton rugueux ; enfin la ligne latérale est 
très légèrement courbée au-dessus de la nageoire pectorale. 

Le Flet est un des poissons plats les plus communs ; sa 
chair, surtout lorsqu'il a longtemps séjourné en mer, est 
d'assez médiocre qualité; mais elle s'affine singulièrement 
après qu'il a passé quelque temps en eau douce; il prend 
alors souvent le nom de Flondre. Les Flondres de la 
Loire et de la Seine sont très estimées; leur teinte est plus 
foncée, et leur corps parait enduit d'une plus abondante 
quantité de matière muqueuse. Leur chair devient plus 
grasse et plus savoureuse. Ce poisson fait sa nourriture de 
vers, d'insectes aquatiques, de petits poissons; dans les 
rivières il poursuit activement les Vairons et autres me- 
nusses. Il fraye en été dans les rivières et dans la mer. 

On pêche le Flet ou la Flondre de diverses manières. Il 
mord très bien à l'hameçon des lignes amorcées avec des 



LA LOTE 



49 



vers de terre ou des arénicoles. Sur les côtes, on le prend 
volontiers à la drague ou mieux encore à la foëne. Dans la 
Seine on prend les Flets dans les gords, avec des filets en 
nappe, et à son embouchure dans les guideaux; dans la 
Loire on préfère la foëne et le truble. Dans les eaux pro- 
fondes on tend des lignes do fond avant la nuit, pour les 
relever le matin, après les avoir amorcées avec des vers. 



FAJIILLK DKS GADIDES 



La Lot« 



Lota r-ulgarte, Cuviev. — Lote, Lotie, Barbote, Borboie, Moutclle, 
Mustèle, Loup, Gendarme, Dormille fine, Chatoille, Palmo, 
Azé (suivant les localités). — lioitris, Bottrisa, Botirisin (Tessin) 
— Strinca, Trinciu (Iac]Majeur). ■ — Trische, Treusch, Trischeln, 
Guappe (lac de Constance). — Aalrutte (Allemagne). — Burbot, 
Eclpout, Birdbolt (Angleterre). 

La Lote est incontestablement un de nos plus beaux et en 
même temps un de nos plus curieux poissons du monde des 
eaux douces. Son corps, comme celui de l'Anguille est long 
et arrondi, épais et gluant. Sa taille peut varier depuis 
35 centimètres jusqu'à l m ,30; sa longueur moyenne est 
ordinairement d'environ 50 à 70 centimètres. Le corps est 
couvert do petites écailles cachées sous une abondante 
mucosité. Sa coloration est excessivement variable suivant 
les époques, les milieux et aussi suivant l'âge des individus; 
elle passe du roux au brun et au jaunâtre, plus sombre vers 
le dos, blanchâtre ou même rosé sous le ventre; le dos et les 
flancs sont marbrés de brun plus ou moins foncé. 

La tête est déprimée et large en dessus; la bouche, assez 
grande, est accompagnée d'un barbillon qui pend au menton. 
La langue est rude; les mâchoires, recouvertes de grosses 
lèvres enflées, portent onze petites dents d'inégale longueur. 






50 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



Sur le dos on distingue deux nageoires dorsales, la pre- 
mière très courte, la seconde au contraire très allongée; les 
pectorales sont flexibles et d'un jaune rouge ; les ventrales, 
logées très en avant, sont pointues et petites; les pectorales, 
par contre, sont larges et arrondies; enfin la caudale est 
arrondie ou ovalaire et à peine séparée de la dorsale et de 
l'anale (fig. 37). 

La Lote habite toute l'Europe centrale et une grande 
partie de l'Europe septentrionale, principalement dans les 
grands cours d'eau; en France, elle n'est pas très com- 
mune; on la rencontre cependant assez souvent dans les 
grands lacs, notamment dans le lac du Bourget. Elle se 
tient habituellement au fond de l'eau, blottie dans les trous 
où elle attire les petits poissons en agitant à leur passage 
son barbillon en guise d'amorce. On la voit souvent sous 
les arches des ponts et près des tourbillons, dévorant les 
animaux que le courant plus rapide entraine à sa portée. 
Elle reste volontiers cachée pendant le jour; aussi les 
pêcheurs ne la prennent- ils le plus souvent que la nuit. 

Elle fraye pendant l'hiver, en décembre et en janvier, et 
dépose ses œufs sur les graviers à peu de distance du rivage, 
mais ce n'est, dit-on, qu'à partir de sa quatrième année 
qu'elle est en état de se reproduire. Sa chair est très 
délicate et très estimée ; mais il faut bien se garder de 
manger ses œufs qui sont purgatifs. Le foie, au contraire, 
particulièrement volumineux, constitue un mets des plus 
recherchés, surtout dans l'est de la France; tout le monde 
connaît le vieux dicton : Pour manger un foie de Lote, 
une Comtoise vendrait sa cotte. 

Ne sortant guère que la nuit, il est assez difficile de 
capturer ce poisson en plein jour. On y parvient cependant 
en allant le chercher dans les eaux profondes, aux fonds 
pierreux, avec des lignes longues amorcées de gros vers ou 
de mollusques vivants. On le prend aussi dans des nasses 







Fia. 37. — La I.otc commune. 



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5^ POISSONS DES E\UX DOUCES 

ou des verveux bien posés, et tendus en plein jour. Dans 
certaines contrées, dit La Blanchère, on fait usage de 
goleroux; ce sont des fascines composées de morceaux de 
bois fourchus que l'on fait descendre au fond de l'eau et 
dans lesquelles les Lotes s'engagent et se cachent volon- 
tiers; cette pèche est très fatigante, mais elle donne les 
meilleurs résultats. 

Dans bien des localités les pêcheurs prétendent distinguer 
deux espèces de Lote qu'ils qualifient de Lotes blanches et 
Lotes noires. C'est en réalité absolument la même espèce 
revêtue de livrées différentes dues à la nature des milieux 
qu'elles fréquentent. Enfin, il n'est pas rare de voir des 
Lotes portant ce que les pêcheurs appellent la gonfle. Cette 
gonfle est le résultat d'une projection de l'estomac dans la 
bouche par suite d'une distension extraordinaire de la vessie 
aérienne, sous l'influence d'un changement trop subit de la 
pression. 

FAMILLE DES CYPRINIDES 

La Loche franche 

Cobitis barbât ula, Linné. — Loche, Barbotte, Moustache, Mus- 
telle, Moustelle, Moteille, Dovmille, etc. (suivant les localités). — 
Petit Barbet, Moût elle, Berling (Comté). — Linotte (Doubs). — 
Barbotte, Barbette (environs de Paris). — Emoutelle, Amoutelle 
(Champagne). — Motculle, Moteuille (Lorraine) — Dormille, 
Endormilte, Endremille (Savoie). — Lanceron (Dauphiné). — 
Loche, Loucho, Lotcho, Lorhou (Provence) — Groundling (An- 
gleterre). — Steinbisser (Allemagne). — Hoogky-bar (Hollande). 
Sternazzo, Foragnada (Italie). — Baromètre, Gremillette, Dar- 
tre, Schmerl, Schmerling, Grundel, Steingrudel, Moorgrur.- 
del, etc. (Suisse). 



La Loche franche est un petit poisson d'eau douce dont la 
taille ne dépasse pas 10 à 12 centimètres de longueur. Son 
corps épais, arrondi en avant, comprimé en arrière de la 



LA LOCHE FRANCHE 53 

nageoire dorsale, est recouvert de très petites écailles. La tête 
est large et aplatie en dessus; sa longueur, comparée à 
celle du reste du corps est dans la proportion de 1 à -4 ; le nez 
est arrondi et pointu en dessous, avec des narines doubles ; 
la bouche est petite et la mâchoire inférieure est la plus 
courte. De la mâchoire supérieure pendent six barbillons 
dont deux sont situés à l'angle de la bouche. La nageoire 
dorsale est courte, mais haute, et commence juste à moitié dis- 
tance du nez et de la naissance de la queue ; celle-ci est cou- 
pée carrément ou à peine échancrée en son milieu (fig. 38). 




•rz^Gr.^*» 



FlG. 3S. — La Loche franche. 

La coloration est très variable; « souvent, dit Brehm 1 , 
le corps est gris jaunâtre avec des taches d'un brun foncé 
sur le dos et sur le haut des flancs; d'autres fois il est jaune 
rougeâtre avec des taches mal définies, d'un brun pâle; quel- 
quefois les taches se réunissent pour former des bandes trans- 
versales ; vers les parties inférieures du corps les taches 
sont isolées et forment des marbrures irrégulièrement dissé- 
minées. A la base de la caudale, on voit souvent une ligne 
noire avec une tache de même couleur; la dorsale et la cau- 
dale sont semées de petites taches brunes disposées ordinai- 
rement en lignes ; les nageoires paires sont d'un jaune rou- 



i Brehm, Les Poissons, édition française, par E. Sauvage, Paris, 
J.-B. Baillière. 









04 POISSONS DES EAUX DOUCES 

geâtre assez clair ; souvent on voit un fin pointillé noirâtre 
sur les pectorales. » 

Cette espèce, la plus commune et la plus répandue de 
toutes celles qui constituent ce genre, se plaît dans les petits 
ruisseaux aux eaux vives, claires et transparentes, au fond 
sablo-vaseux, mais pou profond ; dans les lacs et les cours 
d'eau plus importants, la Loche franche se tient toujours 
près des bords, dans les parties aux eaux un peu courantes ; 
on la voit souvent immobile, reposant sur le gravier: mais à 
la moindre approche, elle s'enfuit par un brusque mouve- 
ment, se réfugie sous les pierres ou dans les anfractuosités 
profondes du bord. 

Sa nourriture se compose d'insectes, de vers, de petits 
mollusques qu'elle attire en faisant mouvoir ses barbillons ; 
elle fait aussi la chasse aux oeufs de poissons et aux larves 
d'insectes aquatiques. C'est principalement à la tombée de la 
nuit qu'elle se met en chasse, parcourant le fond de l'eau avec 
des bonds rapides, mais sans jamais aller bien loin. Elle fraye 
au printemps, en mars et avril, et donne naissance à des œufs 
très petits et très nombreux. Au dire de Lennis, le mâle 
creuse dans le sable une cavité dans laquelle vient pondre la 
femelle, puis il surveille le nid jusqu'à l'éclosion des petits. 

La chair de la Loche est blanche, un peu grasse et très 
délicate, surtout vers la fin de l'automne et vers le prin- 
temps. Quoique bien petit, ce poisson n'est donc pas à dé- 
daigner. D'après Beaudrillard, la friture de Loche devient 
un mets exquis si l'on fait mourir l'animal dans du vin ou 
dans du lait; on mange aussi la Loche à la sauce blanche. Il 
est inutile de la vider. 

Convenablement soignée, la Loche peut vivre longtemps 
en captivité. Dans l'aquarium elle change rarement de 
place pendant le jour et se tient comme collée contre le 
sable ou le gravier. Mais vers le soir, elle décrit alors des 
circuits sans fin. « La Loche franche, dit M. Blanchard, est 



LA LOCHE DE RIVIÈRE 55 

le petit poisson que les amateurs se plaisent à entretenir dans 
des vases ou dans des bocaux de cristal, pour le plaisir 
d'épier ses mouvements gracieux et agiles, de voir son c.jrps 
si bien tacheté, si agréablement moucheté, si finement poin- 
tillé, miroitant de reflets dorés lorsque la lumière joue à sa 
surface, ou encore de posséder un baromètre vivant. Dans 
l'opinion populaire, la Loche est très habile à marquer les 
changements de l'atmosphère. Elle monte, en effet, vers la 
surface de l'eau si l'orage se fait sentir. La cause de cette 
manœuvre, ignorée de beaucoup de personnes, est simple et 
témoigne, de la part du petit animal, d'un curieux instinct, 
peut-être d'une lueur d'intelligence. Dans les temps chauds 
et orageux, les insectes ailés volent, on le sait, en rasant la 
surface des étangs et des rivières; le petit poisson, se tenant 
à fleur d'eau, se trouve alors admirablement placé pour les 
happer au passage. C'est, du reste, un instinct qui existe 
chez beaucoup d'espèces. » 

La Loche ne mord pas à l'hameçon. On la pêche dans les 
petits ruisseaux à l'aide de petits filets à mailles serrées: on 
fait également usage do paniers mis en travers du courant et 
que l'on remonte en raclant le fond ; cette dernière pêche 
doit se faire en plein jour et par un beau temps, alors que 
le poisson séjourne sur le sol. 



La Loche de rivière 



Cohitis tienia, Linné. — Loche épineuse, Satouille, Chatouille, 
Petit Barbet, Grande Moutelle, Perce-pierre, Mord-pierre (sui- 
vant les localités).— Moutelle de rivière, Doritiille, Moustache, 
Petit Barbet (Jura) . — EngrUeUa, GriseUa, Ghisella, G or sella 
(lac de Lugano). — Cagnora, Cagnola (lac Majeur). — Lucerna, 
Stacehetta, l'irafisch. l'ess-pore (Suisse, Tessin). — Groundling 
(Angleterre). — Steinbisser (Allemagne). — Ifoogky-bar (Hollande), 
Sternazzo, Foragnada (Italie). 

La Loche de rivière est beaucoup moins commune que la 



56 POISSONS DES EAUX DOUCES 

Loche franche. Sa taille est un peu plus petite et atteint à 
peine 10 à 12 centimètres de longueur. Son corps est très 
comprimé, surtout en arrière de la nageoire dorsale; la tête 
est étroite, avec un museau abaissé; la bouche, toujours 
petite, porte six barbillons ; la lèvre inférieure est échancrée 
dans son milieu. On désigne souvent cette espèce sous le nom 
de Loche épineuse, nom qui lui a été donné en raison de la 
présence d'une épine située en arrière de chaque narine, 
épine qui peut saillir à la volonté de l'animal. L'épine dor- 
sale, toujours assez haute, commence au dessus de l'inser- 
tion des ventrales. La caudale est à peu près carrée, avec des 
angles arrondis. 

Le corps de ce petit poisson est recouvert d'écaillés extrê- 
mement petites. Sa coloration rappelle celle de la Loche 
commune, mais sa teinte générale est ordinairement plus 
pâle, tandis que les taches ou marbrures sont plus foncées, 
plus nombreuses et en même temps plus régulières. « Sur 
toute la tête, dit M. Blanchard, à l'exception de la gorge, 
des taches brunes ou noirâtres, plus ou moins grandes et fort 
rapprochées les unes des autres, produisent le plus agréable 
effet. Sur la ligne dorsale court une série de larges taches de 
toutes nuances et plus ou moins bien définies. Au-dessous de 
cette suite de taches accompagnées d'un sablé très fin, il y a 
des points très rapprochés qui, se confondant ensemble, for- 
ment une teinte vermicelée. À un espace étroit succède une 
bande longitudinale tantôt plus, tantôt moins interrompue; 
puis après un nouvel intervalle, une série de points confus et, 
enfin, au-dessus de la ligne latérale, une rangée de quinze à 
dix-huit grandes taches » (fig. 39). 

Gomme son nom l'indique, la Loche de rivière habite de 
préférence les cours d'eau ; nous la connaissons dans la 
Seine, la Meuse, la Meurthe, la Moselle et leurs principaux 
affluents. On la retrouve également en Angleterre, en Bel- 
gique, en Suisse, en Allemagne et dans le Nord de l'Italie. 



LA LOCHE D'ETANG 57 

Au milieu du jour, elle seplait cachée dans le sable, ne lais- 
sant passer que les yeux et le bout du museau ; si on la dé - 
range, elle s'enfonce dans le sable pour y cheminer et 
sortir plus loin. Sa nourriture se compose de vers, d'insectes 
aquatiques et de petits mollusques. La ponte se fait au prin- 
temps, en avril et en mai. 




Fn;. 39. — La Loche de rivière. 

La chair de la Loche de rivière est dure et d'assez mau- 
vais goût ; on ne pèche donc pas ce poisson pour l'alimenta- 
tion ; mais c'est un excellent appât pour la pèche des grands 
poissons carnassiers tels que le Brochet et l'Anguille. On la 
prend alors avec des filets, comme la Loche franche. On 
l'élève également dans les aquariums, mais plus difficilement 
que sa congénère. 



La Loche d'étang 

Çobitis fossilis, Linné. — Grande Loche, Misgurne, Mccrgrundc- 
len (Suisse). — Mùhrgumdel, Schlammeisscr (Allemagne). — 
Wgiin (Russie). 

La Hoche d'étant/ ou Misgurne est plus grande que les 
deux espèces précédentes: mais en revanche elle est plus 
rare; sa taille ordinaire varie de 20 à 30 centimètres de 
longueur; quelques rares individus mesurent même jusqu'à 
32 et 35 centimètres de longueur. Son corps allongé rappelle 
un peu la forme et l'allure du Goujon. Ce corps est couvert 
d'écaillés très petites, mais cependant encore visibles à l'œil 






58 POISSONS DES EAUX DOUCES 

nu; la poitrine est nue et le ventre plissé en chevrons. La 

tête est légèrement comprimée, 
avec le museau avancé ; la bou- 
che, placée en-dessous, est en- 
tourée de dix barbillons ; les 
yeux sont petits, mais sans 
épines. La nageoire dorsale est 
placée tout entière sur la se- 
conde moitié de la longueur to- 
tale et commence au-dessus de 
la base des ventrales. La cau- 
dale est arrondie (fig. 40). 

Le dos passe du brun verdâtre 
au brun jaunâtre, avec des ta- 
ches noires ou brun très sombre 
disposées soit en zigzags, soit 
en bandes continues qui sillon- 
nent le corps depuis l'œil jusqu'à 
la queue ; une troisième ligne 
plus ou moins interrompue ac- 
compagne les deux premières et 
se termine à son extrémité par 
une série de taches. Le dessous 
du corps est d'un jaune plus ou 
moins orangé ; tout l'ensemble 
est parsemé de petites taches 
sombres. 

On ne rencontre guère cette 
espèce que dans les étangs et les 
marais aux fonds vaseux et her- 
beux ; on l'a signalée en Alsace, 
en Lorraine, dans les départe- 
ments du Nord et de Maine-et- 
i"i«i. 40. - u Loche d'étang. Loire. Elle est plus répandue en 



mm 



LE GOUJON DE RIVIÈRE 



59 



Allemagne. Lorsque, à la suite de la rigueur du froid, ces 
étangs viennent à se congeler, la Loche s'enfouit dans la vase 
assez profondément, jeûnant sans doute, mais attendant pa- 
tiemment le retour des temps meilleurs. 

La Loche des étangs jouit d'une singulière propriété 
physiologique ; elle avale et déglutit sans cesse de l'air 
qu'elle rend ensuite par l'anus après l'avoir transformé en 
acide carbonique. « C'est surtout par les jours d'orage, 
écrivent MM. Gervais et Buulard que le Misgurne absorbe 
le plus d'air, et nous avons vu un de ces poissons, que nous 
conservions dans un aquarium, monter huit à dix fois dans 
l'espace d'une demi-heure, à la surface de l'eau pendant les 
journées chaudes et orageuses, pour respirer. » 

Il fraye au printemps. Sa chair est molle et sent toujours- 
la vase dans laquelle il se plaît à vivre. Mais, c'est un excel- 
lent appât pour le gros poisson carnassier. Il se nourrit de 
petits poissons, devers, d'insectes; il avale avec plaisir la 
vase qui contient des matières organiques en décomposition ; 
delà le nom de mangeur de vase, Schlammbeisser , qu'on lui 
donne dans quelques contrées de l'Allemagne. En Alsace, 
on le qualifie de Goujon grondant, Mûrgurndee ou de 
poisson siffleur, Peisker, Pfeifer, parce que, lorsqu'on le 
prend ou qu'on le blesse, il fait entendre un petit cri ou 
bruissement, dû sans doute à l'air qui s'échappe. On le pèche 
soit à la ligne amorcée avec des vers, soit mieux encore 
avec des nasses ou des filets traînants. 



Le Goujon de rivière 

Gobio fluviatilis, Valenciennes. — Goiffnn, Goeffon (Lyonnais). — 
Goffi (Vancluse). — Jol (Hérault). — Trigan (Lot) — Trègov, 
Trogou (Lot-et-Garonne). — Krrssen (Alsace). — ISoffi, Cabillat, 
Bouirut (autres localités françaises). — Grosiling,Grùndling(k\\e- 
magne). — Grûshng, Griindel, Gudge, Gùtchen, Emel (Suisse). 
Gudjeon, Greyling (Angleterre). — Grendel (Hollandais). — 
Grumpel, Handhsart (Danois). 

Le Goujon a le corps allongé, épaissi dans les deux tiers 



00 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



antérieurs, et comprimé latéralement dans le tiers pos- 
térieur. Il est entièrement recouvert d'écaillés larges, 
semi-cylindriques, légèrement festonnées sur le bord libre. 
La tète est grosse, avec le museau arrondi, mais la mâchoire 
inférieure est plus courte que la supérieure ; à l'angle de la 
bouche se distingue un petit barbillon ; à l'intérieur, on 
observe des dents pharyngiennes légèrement crochues et 
disposées sur deux rangées. Les nageoires dorsales et 
anales ont courtes et ne présentent pas de rayons osseux et 
denticulés (fig. 41). 




sï^ar^sisva 



I.e Goujon. 



Sa taille, assez variable, est de 12 centimètres de longueur 
en moyenne, mais peut atteindre exceptionnellement jusqu'à 
20 centimètres. Le dos est d'un brun verdâtre à reflets 
métalliques, et marqué de six à sept traits noirâtres. Au- 
dessous de la ligne latérale le corps est argenté ; le ventre est 
grisâtre, ainsi que les nageoires dorsale et caudale; l'anale 
et les ventrales sont pâles, les pectorales d'un gris rosé ; sur 
les flancs ainsi que sur les nageoires dorsale et caudale, on 
distingue des taches ou des points noirs plus ou moins 
irréguliers. 

Le Goujon est répandu dans toute la France et presque 
aussi dans toute l'Europe. Il recherche les eaux vives et peu 



LE GOUJON DE RIVIÈRE 01 

profondes, fraîches, mais non froides, courantes, mais non 
rapides; il préfère les fonds sablonneux, ceux surtout dont 
le table en mouvement est souvent renouvelé. Si les eaux 
viennent à se troubler par quelque apport terreux, on le 
voit aussitôt accourir dans l'espérance de faire dans ce nou- 
veau milieu une chasse abondante. Il vit aussi dans les lacs, 
beaucoup plus rarement dans les marais et les étangs; là, 
toujours attiré par les charmes de l'eau courante, il se tient 
au voisinage des embouchures des moindres petits ruisselets. 

Quoique assez vorace de sa nature, c'est néanmoins un 
poisson sociable, car on le voit souvent en troupes, quelque- 
fois même assez nombreuses, mais où, parait-il, les femelles 
sont cinq ou six fois plus nombreuses que les mâles. Au 
printemps, les Goujons des lacs partent en bande, remontant 
les cours d'eau à la recherche d'un milieu propice pour 
frayer. La ponte a lieu en avril et mai ; en juin, c'est-à-dire 
un mois après, les petits n'ont encore que 3 centimètres de 
longueur. 

Fort heureusement pour la conservation de l'espèce, le 
Goujon passe pour très prolifique. On a calculé que trente 
pêcheurs à l'épervier exerçant leur industrie à Paris, entre 
les ponts de Bercy et de Passy, en prenaient annuellement 
un million d'individus, et que l'on en capturait encore une 
égale quantité à la ligne et avec d'autres engins de pèche. 
Malgré cela, le Goujon no semble pas disparaître le moins 
du monde; c'est à peine si, au dire de quelques pêcheurs 
malheureux, il devient plus sauvage et se laisse moins faci- 
lement aborder. 

Est-il nécessaire de vanter ici la délicatesse de la chair 
de ce petit poisson ? Quel est l'amateur qui n'a savouré avec 
délices une friture de Goujons? Aussi lui fait-on partout 
une guerre acharnée; on le prend à la ligne, à l'épervier. 
dans des nasses ou des verveux ; chaque pêcheur a son mode 
préféré. A la ligne, il mord facilement ; un ver rouge bien 

Locard, ï.,a Pùche. 4 



r 



02 POISSONS DES EAUX DOUCES 

vif, pris dans le terreau ou le fumier est encore préféré par 
lui au vulgaire asticot. Mais c'est le cas de pêcher en eau 
trouble; après avoir bien choisi son fond, l'avoir soigneu- 
sement sondé pour donner à la ligne la longueur voulue, 
de façon à ce que le ver touche le sol, on remue celui-ci avec 
un bâton ou un râteau à dents de fer, ou bien encore on 
coule dans ce milieu quelques boules de glaise garnies de 
son et d'asticots ; après deux ou trois petites secousses on 
voit la flotte s'enfuir en droite ligne en s'enfonçant dans l'eau; 
avec un peu d'adresse, le poisson est pris. 

On peut pêcher le Goujon toute l'année ; mais le moment 
le plus favorable est le printemps et surtout l'automne, 
durant les mois d'août, de septembre et d'octobre. A partir 
de cette époque, il commence à se retirer dans les grands 
fonds, se cachant dans les cavités, à moitié engourdi, jusqu'au 
retour de la belle saison. 



Le Barbeau commun 



Cyprinus barbus, Linné. — Barbeau, Barbo, Barbotte, Barbet, 
Barberet, Barbarin, Barberen, Berbu, Barbillon (suivant les 
localités). — Coquillon (Aube). — Barbeou (Tarn). — Barbé, Ba- 
rys (Pyrénées-Orientales). — Barbu, Durgan (Nice). — Drének 
(Breton). — Barblin, Barbon, Barbet, Flussbarbe, Siebarbe, 
Uteinbarbe (Suisse). — Barbel (Angleterre). — Barb (Allemagne). 
Barm (Hollande). — Barbo (Italie et Espagne). 

Il existe en Europe plusieurs espèces de Barbeau, mais 
deux seulement vivent en France. La plus répandue est le 
Barbeau commun dont nous allons donner la description. Son 
corps est allongé, un peu épais en avant et aminci à l'arrière ; 
vu de profil, il s'élève légèrement depuis la tête jusqu'à la 
nageoire dorsale pour s'abaisser ensuite dans toute la région 
caudale. Sa taille est très variable ; on voit souvent sur les 
marchés des individus mesurant de 60 à 65 centimètres de 
longueur et pesant de 4 à 5 kilogrammes; on a vu en France 



LE BARBEAU COMMUN 63 

des Barbeaux pesant plus de 7 kilogrammes ; on en cite dans 
le Volga qui vont jusqu'à 20 et 25 kilogrammes. Le corps 
est entièrement couvert d'écaillés, assez petites, oblongues 
tt présentant de nombreuses stries circulaires coupées par 
des sillons longitudinaux (fig. 42). 




^jf^^^^yc 



Fia, 42. — Le Barbeau commun. 



La bouche, de médiocre grandeur, est pourvue de lèvres 
épaisses; la lèvre supérieure dépasse de beaucoup l'inférieure 
et porte deux paires de barbillons, dont l'une est située près 
de l'extrémité du museau et l'autre près de la commissure. 
Les dents pharyngiennes sont nombreuses et coniques, elles 
sont logées sur trois rangées. Sur les côtés, la ligne latérale 
occupe le milieu du corps, et court presque en droite ligne 
depuis l'opercule jusqu'à l'origine de la queue. La nageoire 
dorsale est courte et implantée vers le milieu du corps; 
elle présente en avant un fort rayon osseux denticulé. 

Le plus souvent, surtout quand il n'atteint pas une taille 
exceptionnelle, ce poisson a le dos verdàtre; suivant l'âge, 
les flancs sont argentés ou dorés et parsemés de petites taches 
noires; le ventre est blanc. Quant aux nageoires, les pecto- 
rales sont jaunâtres, tandis que les ventrales, l'anale et la 
caudale sont d'une teinte plus ou moins orangée. 

Le Barbeau vit dans une grande partie de l'Europe ; il est 
commun en France, à l'exception toutefois des lacs Léman 



04 POISSONS DES EAUX DOUCES 

et d'Annecy, où, parait-il, il fait encore défaut; il n'aime pas 
les eaux stagnantes, et se plaisant dans les eaux vives et 
courantes, il recherche les fonds pierreux ou à gros graviers. 
Pendant l'été, il séjourne volontiers entre les plantes aqua- 
tiques qui croissent sur les bancs de sable; mais vers l'au- 
tomne il se retire en eau profonde et se cache sous les 
pierres, dans les anfractuosités des rochers, volontiers dans 
le voisinage des écluses, des pilotis ou des ponts. On voit 
souvent les Barbeaux en troupe de quinze à vingt individus, 
tantôt jouant sous les eaux profondes, tantôt reposés sur un 
émergement de sable, le dos à découvert. Il s'engourdit en 
hiver; on voit alors des bandes de Barbeaux dont les indi- 
vidus sont couchés les uns à côté des autres, à l'abri de quel- 
que vieille épave oubliée au fond de l'eau. 

C'est un animal vorace; il compose sa nourriture de petits 
poissons, de vers, d'insectes, de limaces et même de petits 
cadavres qu'il va chercher sous les pierres et les gros gra- 
viers qu'il déplace habilement avec sa tête. C'est surtout la 
nuit qu'il se met en chasse ; le jour il se tient ordinairement 
caché. 

C'est seulement vers la quatrième année qu'il commence 
à se reproduire; il fraye au printemps de mars à mai; 
parfois la ponte commencée en mai se poursuit jusqu'en 
juillet; il y a alors deux pontes à un mois d'intervalle. Les 
oeufs sont déposés contre les pierres. « Au printemps, dit 
Brehm, les Barbeaux se réunissent par troupes; d'après les 
pêcheurs, ordinairement les femelles forment la tête de la 
colonne, les vieux mâles suivent immédiatement et les jeunes 
mâles se tiennent en arrière; souvent une femelle est suivie 
de plusieurs mâles. » 

Quoique un peu fade, la chair du Barbeau est délicate et 
recherchée; elle doit toujours être relevée par quelques 
assaisonnements qui la font encore plus apprécier. Mais elle 
a ses époques préférées ; les Barbeaux de la Seine ou de la 



LE BARBEAU COMMUN 



65 



Loire sont surtout bons en juin et juillet; dans le Nord, on 
préfore les Barbeaux d'hiver. Dans le Milanais, on ne fait 
plus aucun cas de ce poisson qui no mérite, dit M. Emile 
Blanchard ', au dire des habitants, d'être mangé ni chaud ni 
froid, ni jeune ni vieux. Dans nos pays, le Barbeau au court- 
bouillon, grillé ou à l'étuvée, rencontre de très nombreux 
amateurs. Mais il est toujours prudent d'enlever les œufs de 
ce poisson qui passent pour dangereux. Le fait n'est cepen- 
dant nullement démontré. Si, d'une part, on a constaté quel- 
ques cas d'empoisonnements survenus à la suite d'ingestion 
d'œufs de Barbeaux pris dans des circonstances assez mal 
définies, bien d'autres fois nombre de personnes ont impuné- 
ment absorbé des œufs de ce même poisson. En attendant que 
l'on ait établi, comme pour les moules, les causes et con- 
ditions de la nocivité des œufs de Barbeau, il est au moins 
fort sage de s'abstenir de les consommer. 

On pêche le Barbeau un peu de toutes les façons. Il mord 
bien à la ligne. Gomme il est omnivore, on peut varier la 
nature des amorces. Au printemps et à l'automne, pendant 
les crues, le ver rouge est bon. Dans les autres saisons on 
amorce soit avec le ver à queue, soit au fromage de gruyère 
très fort et passé. L'appât doit toucher le fond ou ne pas 
s'en écarter de plus de 5 centimètres. En hiver, lorsque le 
poisson sommeille, on peut le prendre à l'aide d'une bricole ou 
grappin fait avec deux ou trois hameçons; laissant descendre 
la ligne sans amorce jusqu'au banc, et la tirant ensuite brus- 
quement on accroche les Barbeaux par le milieu du corps. 

Mais la véritable pêche de ce poisson, c'est la pêche dans 
les pelotes, et plus généralement toutes pêches de fond, la 
ligne à soutenir, les jeux, les lignes de nuit, etc., car il mord 
peu le jour et très vivement le soiï et le matin, à l'heure du 
crépuscule. 



i Blanchard, Le* Paissons d'eau douce, p. 312, 



66 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



Le Barbeau méridional 

Barbus meridionalis, Risso. — Durgan. 

On donne le nom de Barbeau méridional ou de Durgan à 
une espèce voisine de la précédente et qui vit dans la Pro- 
vence, le Languedoc et jusqu'en Italie. On la distingue à la 
forme de son corps qui est moins effilé, plus largement ova- 
laire; la tête est plus courte et plus obtuse; les écailles sont 
plus grandes et plus arrondies; enfin il n'existe pas de gros 
rayon dentelé dans la nageoire dorsale. La coloration est 
également différente. 




Fio. 43. — Le Barbeau méridional. 



Le corps est d'un gris bronzé, mais teinté soit de rose, soit 
de jaune, soit de gris perle ; le ventre est d'un blanc d'ar- 
gent ; le tout est parsemé de petites taches noirâtres. Au 
printemps le dos prend une teinte vert olive, tandis que le 
museau est coloré en bleu d'acier. Les nageoires impaires sont 
jaunâtres, avec des taches noires disposées en séries longitu- 
dinales; les pectorales et les ventrales passent à l'orangé à 
l'époque du frai. Sa taille, toujours plus petite, ne dépasse 
pas de 30 à 35 centimètres de longueur (fig. 43). 

Cn pêche fréquemment le Durgan dans les rivièros du 



l.A TANCHE 



67 



Midi ; on le rencontre dans toutes les eaux du département 
des Alpes-Maritimes, dans la Sorguc près d'Avignon, dans 
le Lez et dans l'Hérault, dans le Tech et dans la Tet. Ses 
mœurs sont celles du Barbeau commun et on le pêche de la 
même manière. Sa chair est bonne et délicate, mais comme 
son congénère, il a beaucoup d'arêtes. 



La Tanche 

Tinca vulgaris, Cuvier. — Tanclie, Tinche, Tenca, Tencn, Tan- 
rhelte, Tcntche (suivant les localités). — lieuroti; (Côte-d'Or). — 
Tench (Angleterre). — Schlei (Allemagne). — Zcclt (Hollande). — 
Tenca (Italie). — Suder (Danemark). 

La Tanche est un poisson dont le galbe et la coloration son 
si bien caractérisés qu'il est toujours bien facile de la dis- 
tinguer au milieu de ses congénères. Le corps est haut et 




/ttinftXA'^ 



Fia. Vi. — I.a Tanche. 



comprimé avec le dos légèrement arqué. La tête est grosse 
avec un large front, un museau obtus, une bouche fendue 
obliquement portant de chaque côté un court barbillon. Tout 
l'ensemble est recouvert de petites écailles très adhérentes 
et enduit d'un mueus sécrété par des porcs spéciaux logés 



C8 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



sur la tête. Les dents pharyngiennes sont disposées sur une 
seule rangée. La nageoire dorsale, dépourvue de rayons 
osseux, prend naissance un peu en arrière du milieu du corps ; 
les pectorales sont implantées très bas ; l'anale est coupée 
presque carrément (fig. 44). 

La coloration est d'une teinte olivâtre, plus foncée sur le 
dos, plus claire sur les côtés, passant au vert pâle ou mieux 
au blanc jaunâtre sur le ventre. Les nageoires ont une teinte 
violacée; au printemps, les pectorales et les ventrales ont 
leur bord rougeâtre. Dans les milieux fangeux, la teinte 
générale devient plus sombre ; elle est, au contraire, plus 
dorée chez les individus qui vivent dans les rivières au fond 
sablonneux. Le mâle se distingue facilement de la femelle; 
non seulement il est le plus ordinairement de taille plus pe- 
tite, mais il est plus chaudement coloré; ses nageoires sont 
plus grandes et le deuxième rayon des ventrales est beau- 
coup plus robuste. 

La taille de la Tanche est très variable. Les petits, au 
bout de la première année, ont un poids de 120 à 
125 grammes et pèsent de 1 kilogramme à 1 kilogramme et 
demi au bout de la troisième année ; à six ou à sept ans une 
Tanche pent peser jusqu'à 3 et 4 kilogrammes. On a cité 
des Tanches de 60 centimètres pesant jusqu'à 5 et 6 kilo- 
grammes, mais ce sont là de rares exceptions. 

La Tanche est commune dans toute l'Europe et s'étend 
même dans une partie de l'Asie. En France, elle vit dans 
toutes les eaux, pourvu qu'elles ne soient cependant ni trop 
froides, ni trop courantes. Mais elle préfère toujours les 
eaux tranquilles, stagnantes et même vaseuses. Si elle est 
condamnée à vivre en rivière, on la rencontrera toujours 
dans les endroits où l'eau coule le plus lentement. Rare- 
ment, on la voit remonter à la surface, elle préfère barboter 
sur les fonds. En hiver, elle s'enfonce dans le limon et y 
séjourne comme engourdie jusqu'au retour de la belle saison. 



LA TANCHE 



69 



Elle a la vie très dure et peut impunément rester une jour- 
née entière hors de son élément. 

Sa nourriture se compose de débris végétaux, d'humus, 
de vers, d'insectes ou de mollusques; parfois, à la fin des 
chaudes journées, on la voit sauter hors de l'eau pour 
happer quelques insectes au passage. Elle ne craint pas 
d'avaler les vases les plus infectes, mais aussi les plus riches 
en principes organiques do toutes sortes, pour recracher 
ensuite les parties terreuses. 

C'est à la fin du printemps, souvent même au mois de juin, 
qu'a lieu la ponte; une nouvelle ponte survient encore par- 
fois au mois d'août. Au moment de la ponte, on voit la 
femelle suivie ordinairement de deux mâles s'égarer à tra- 
vers les joncs ou d'autres plantes aquatiques. Il est une 
herbe qu'elle affectionne plus particulièrement le Pota- 
mogeton natan*, plus connu sous le nom à! Herbe à 
Tanche. C'est là que les œufs sont disposés, de préférence 
dans les endroits exposés au soleil ; ces o^ufs, très petits, 
sont extrêmement nombreux; on en a compté près de trois 
cent mille chez une femelle de taille moyenne. Au bout de 
sept à huit jours seulement, les petits commencent à éclore. 

La Tanche n'est certes pas un de nos meilleurs poissons. 
La cliair, pleine d'arêtes, garde malheureusement trop long- 
temps \a goût de la vase dans laquelle elle a vécu. La Tanche 
de rivière est toujours préférable à la Tanche des marais. 
Dans *nus les cas, il convient, avant de la consommer, de la 
faire dégorger le plus longtemps possible dans une eau bien 
claire et bien vive. Suivant ses dimensions, on la mange 
frite, grillée, sautée au beurre, à la poulette, au court- 
bouillon, etc. C'est en avril et en mai qu'elle est la 
meilleure. 

On pêche la Tanche à l'épervier, à la senne, au tramail 
et avec les verveux. A la ligne, la pêche se fait ordinai- 
rement en amorçant avec de gros vers de terre , des 



I 



70 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



insectes, du pain pétri avec du miel, etc.; mais il est toujours 
bon de jeter de temps en temps de petites boulettes d'amorce. 
La Tanche mord toute la journée, mais plus encore le matin 
et le soir ; les temps chauds un peu pluvieux sont toujours 
plus particulièrement propices. Elle attaque lentement, dou- 
cement, en faisant promener la flotte sur l'eau, comme si un 
petit poisson jouait sur l'hameçon; il faut parfois attendre 
deux ou trois minutes avant de ferrer, alors même que la 
flotte n'enfonce pas complètement. 

Dans les étangs que l'on ne vide pas, on fait très souvent 
usage de lignes dormantes. Il conviendra de les tendre dans 
les endroits dont le fond vaseux est uni et entouré d'herbes 
ou de joncs. Mais la plus grande partie des Tanches vendues 
sur les marchés proviennent d'étangs que l'on dessèche à 
époques fixes et où l'on élève la Tanche avec d'autres 
poissons. 

Une particularité bien digne de remarque, c'est que les 
poissons les plus voraces, la Perche, le Goujon, le Brochet 
même, n'aiment pas à s'attaquer à la Tanche. On ne devra 
donc pas s'en servir comme amorce. Sans que le problème 
soit encore bien résolu, on suppose que cette antipathie n'a 
d'autre cause que le mucus épais qui recouvre le corps de 
la Tanche. Dans les aquariums la petite Tanche s'acclimate 
facilement et peut s'apprivoiser au point de venir manger 
dans la main. 



La Carpe 

Cyprinus carpio, Linné. — Carpa, Carpo, Escarpa (suivant les lo- 
calités). — Kerpe (Cûte-d'Or). — Carp (Angleterre). — Strich, 
Karp, Kardfen (Allemagne). — Carpan, Carpin (Suisse). — Carpa, 
Carpionne (Suisse). 

La Carpe bien connue des anciens est originaire) de l'Asie 
Mineure et n'a été introduite en France que sous le règne de 
François I er ; facile à élever, se plaisant partout, la Carpe 



LA CARPE 71 

s'est bientôt répandue et largement multipliée dans tous les 




milieux, lacs ou étangs, fleuves ou ruisseaux; mais en menu 






72 POISSONS DES EAUX DOUC1 S 

temps elle a donné naissance à un grand nombre de variétés 
plus ou moins bien définies, dont quelques-unes sont inté- 
ressantes à étudier. 

Carpe commune. — La carpe commune, de beaucoup la 
plus répandue, a le corps légèrement comprimé latéralement, 
arqué et aminci vers le dos, abaissé vers la tête (fig. 45). 
Celle-ci est elle-même sensiblement inclinée de la nuque à 
l'extrémité du museau. Le museau est obtus; la bouche, 




{ Fig. 40. — Tèle et portion antérieure du corps de la Carpe commune i. 

peu fendue, est entourée de lèvres épaisses; do chaque côté 
de la mâchoire pendent deux barbillons (fig. 46). Les dents 
pharyngiennes sont plates et striées à la couronne comme de 
vraies molaires, et au nombre de cinq de chaque côté. La na- 
geoire dorsale est très longue; l'anale, au contraire, est 
courte; toutes deux présentent un fort rayon osseux dentelé ; 
enfin la caudale est largo et bien fendue par le milieu. 
La coloration est très variable suivant les saisons, et sur- 



1 Celle tête a été préparé»; de façon à montrer les pièces opercu- 
laires. 



LA CARPE 73 

tout suivant la nature dos milieux. Elle passe du brun ver- 
dâtre plus ou moins bronzé au jaune roux; sur le dos, on 
voit des reflets d'un bleu violacé, d'un doré plus ou moins 
vif sur les flancs. On rencontre des individus presque noirs 
et d'autres qui, sans être bien vieux, sont, au contraire, 
presque blancs, comme décolorés. En général, les sujets 
péchés sur les fonds vaseux sont plus sombres que ceux pris 
dans des eaux vives et plus courantes. 

Carpe à miroir (Cyprinus Rex Cyprinorum, Block. 
— Spiegel Karpfcn, des Allemands). — Cette Carpe se 
distingue par la présence de deux rangées de très grandes 
écailles, distribuées régulièrement sur le,s côtés et sur le 
dos ; ces écailles de couleur jaune bordées de brun sont 
striées et comme rayonnées. La Carpe à miroir se reproduit 
avec la Carpe commune. 

Carpe à cuir (Cyprinus nudus, Bloch). — On donne ce 
nom à des Carpes à miroir dont les écailles sont atrophiées; 
la peau s'épaissit alors et prend l'aspect d'une substance 
cornée, assez analogue au cuir; parfois pourtant il existe 
sur ce cuir de véritables écailles, mais elles sont si fines et 
si minces qu'on les distingue difficilement. 

Carpe bossue (Cyprinus elalus, Bonaparte). — Dans 
cette variété, beaucoup plus commune en Italie qu'en France, 
le dos est très élevé, comme bossu; cette forme se reproduit 
d'une manière constante. 

Carpe reine (Cyprinus regina, Bonaparte). — À l'in- 
verse de l'espèce précédente, la Carpe reine, qu'il ne faut pas 
confondre avec la reine des Carpes, nom que l'on donne par- 
fois à la Carpe à miroir, a le dos déprimé, de telle sorte que 
l'ensemble du corps parait plus allongé et plus effilé. 

Carpe de Hongrie (Cyprinus Hungaricus Heckel). — 
Chez cette dernière variété, le corps s'allonge encore davan- 
tage; en même temps, il est également plus mince et plus 
comprimé latéralement ; elle n'atteint jamais une grande taille, 

Locakd, I.a Pèche. 5 



74 



POISSONS DES EAUX DOIT.RS 



Carpeau. — On désigne sous ce nom, dans le Lyonnais, 
un poisson conforme à la Carpe commune, clans son ensemble, 
mais remarquable par l'aplatissement de son abdomen. On 
présume que ce Carpeau n'est qu'une Carpe mâle sujette à 
une espèce d'avortement des organes générateurs, provo- 
quée par la nature des milieux où elle vit. La cause du phé- 
nomène, fait observer La Blanchère, est encore inexpliquée, 
mais jamais les Carpeaux ne présentent ni lait, ni œufs. On 
pêche les Carpeaux dans le Rhône, la Saône, dans les étangs 
de la Bresse, le lac du Bourget et le lac de Nantua ; les plus 
gros dépassent rarement 4 kilogrammes ; les Carpeaux de la 
Saône ont la chair grasse et délicate, et sont particulière- 
ment estimés. 

A côté de ces variétés qui présentent entre elles de nom- 
breux passages, la Carpe nous offre des cas fréquents de 
monstruosité ; ils consistent surtout dans une déformation de 
la tête donnant naissance à un aplatissement plus ou moins 
grand du museau. On qualifie de tels individus de Carpes 
dauphins ou Carpes à tête de dauphin. 

La taille de la Carpe est au moins aussi variable que sa 
robe; mais elle n'est pas toujours en rapport exact avec sa 
longévité. Dans sa plus grande dimension, la Carpe dépasse 
très rarement 1 mètre de longueur pour un poids de 15 à 
20 kilogrammes. On a pourtant parlé de Carpes ne mesurant 
pas moins de l m ,50 de longueur, 0"',60 de hauteur et pesant 
35 kilogrammes. Dans les premiers temps de sa vie, la 
Carpe croit très rapidement ; ainsi une Carpe placée dans un 
milieu où elle peut trouver facilement une nourriture conve- 
nable, peut, dans l'espace de sept années, prendre un poids 
mille fois plus grand, et passer de 8 grammes à 8 kilo- 
grammes; au delà de cet âge, la croissance s'effectue beau- 
coup plus lentement. 

La longévité des Carpes est proverbiale, et pourtant il 
faut singulièrement en rabattre de cette prétendue légende 









LA CARPE 75 

qui assignerait à ce poisson privilégié une longévité plus que 
séculaire. On cite bien souvent à ce sujet les Carpes fameuses 
de Chantilly, de Fontainebleau, de Charlottenbourg, que, 
pendant longtemps, des mains royales se sont plues à engrais- 
ser; mais on oublie de citer le passage des mains révolu- 
tionnaires qui, à maintes reprises, ont mis à sec les étangs 
sans craindre de faire à leurs hôtes un meilleur sort qu'à 
leurs souverains! Heckel et Kner ' assignent douze ou quinze 
années de vie à une Carpe libre; doublons ou triplons ce 
chiffre lorsqu'il s'agira d'une Carpe domestiquée, et nous 
aurons encore un bien beau total, mais qui jamais ne remon- 
tera au temps du Grand Condé ou de François 1 er , comme 
le prescrit la légende ! 

La Carpe vit dans toutes les eaux, mais l'eau trop vaseuse 
communique à sa chair un mauvais goût, qu'elle perd, du 
reste, il est vrai, lorsqu'elle a séjourné une huitaine de jours 
en eau claire. Les eaux claires et peu courantes lui convien- 
nent également, et dans de tels milieux, sa chair est toujours 
plus agréable. Comme l'a fait observer La Blanchère, elle 
trouve dans les eaux des qualités qui échappent à nos obser- 
vations, puisqu'elle se confine dans telle ou telle partie d'un 
fleuve ou d'une rivière, et qu'on ne la trouve que là. La sen- 
sibilité de la Carpe est même si grande sur ce point, que 
celles qu'on élève et qu'on abandonne dans les rivières à 
l'état sauvage vont rejoindre les autres dans les mêmes en- 
droits et ne repeuplent point le cours d'eau dans toute son 
étendue. 

Ce poisson se reproduit avec une extrême facilité. Lorsque 
la Carpe veut frayer, elle abandonne les milieux trop rapides 
et part à la recherche des endroits plus tranquilles, sans 
être arrêtée dans sa course par des chutes d'eau de 2 mètres 



1 Heckel et Kner, Die Siïssicasserfische der ôslerreichischen Mo- 
narchie, Leipzig, 1858. 



76 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



qu'elle remonte avec autant d'adresse et de persévérance que 
la Truite. Pour aider à l'expulsion de ses œufs, on la voit se 
frotter sur les herbes, parfois même complètement hors de 
l'eau, surtout par les belles et chaudes journées de printemps. 
Elle est omnivore et s'attaque aussi bien aux vers, aux in- 
sectes, qu'au frai des autres poissons, ou aux substances 
animales et végétales qu'elle rencontre dans la vase. 

Sa chair est très bonne, mais à la condition d'être choisie 
et même préparée avec un certain discernement. La Carpe 
trop petite est désagréable à manger et ne peut se con- 
sommer que frite. Trop vieille et trop grosse, elle devient 
presque coriace et a souvent mauvais goût. La Carpe maigre 
se présente avec une tête relativement forte et sa chair se 
perd à travers d'innombrables arêtes. Mais les Carpes de 
taille moyenne, prises dans les cours d'eau ou convenable- 
ment dégorgées, celles qui sont grasses et fermes, constituent 
un mets très agréable et en même temps très salutaire à la 
santé. Nous n'avons pas ici à préconiser tel ou tel mode de 
préparation culinaire; ils sont aussi multiples que parfois 
compliqués. Les Carpes du Rhin et de Montreuil-sur-Mer 
sont particulièrement estimées; celles du Rhône, de la 
Saône, du Lot passent pour excellentes. En revanche, on 
prise peu celles de la Loire et de la Moselle. 

La pêche de la Carpe se fait de diverses manières. Bien 
entendu, il faut au préalable s'assurer, si l'on pêche dans un 
cours d'eau, que la localité renferme des Carpes; il faut, en 
effet, souvent parcourir une assez bonne longueur de rive 
avant de trouver une station favorable à ce genre de pèche, 
étant donné le mode de cantonnement de ce poisson. On se 
sert à cet effet d'appâts de fond qu'on place sur le sable dans 
un endroit exempt d'herbe, ou sur une planchette glaisée si 
le fond est vaseux. L'appât consiste en grains de blé, de 
chènevis ou de fèves de marais. On pêche ensuite, au filet, 
ou mieux encore à la ligne. Le moment le plus propice pour 




LA CARPE DE KOLLAR 77 

la pèche à la ligne est le soir, deux heures environ avant le 
coucher du soleil, ou le matin au soleil levant. Quand le 
temps est couvert ou qu'il tombe un peu de pluie, la Carpe, 
surtout dans les étangs, se promène sur les fonds et mord 
facilement aux esches qu'on lui tend ; vers, grosses fèves de 
marais, mie de pain, fromage de gruyère, etc., peuvent être 
employés avec succès, surtout si l'on a pris soin d'amorcer 
quelque temps au préalable. 

Une fois prise, la Carpe, surtout si elle est grosse, se dé- 
fend avec énei'gie ; il faut agir alors avec de grandes pré- 
cautions, la laisser tirer sans chercher à la ramener trop près 
de la surface de l'eau, car alors elle se démène davantage et 
peut même rompre la ligne. L'emploi du moulinet libre et 
surtout de l'épuisette sont nécessairement tout indiqués. 
Comme filet, on fait usage de l'épervier, de la senne, de la 
trouble, du tramail ou du verveux, suivant les milieux où 
l'on doit pécher. 

La Carpe de Koilar 

Cyprinits Kollari, Heckel. — Carousche blanchi: (Metz). — Car- 
reau (environs de Paris). — Carpe blanche. Carpe carassin, 
Demi-Carpe. 



Les naturalistes ne sont pas encore d'accord au sujet de 
cette Carpe. Est-ce une espèce ou bien une simple variété? 
Quoi qu'il en soit, c'est bien une Carpe, et une Carpe dont 
le galbe est assez différent de toutes les formes connues de 
la véritable Carpe commune. Son corps, notablement plus 
élevé et comprimé latéralement, offre quelque chose de la 
physionomie du Carassin et de la Gibèle. Son dos, dit 
M. E. Blanchard, s'élève beaucoup depuis la nuque jusqu'à 
l'origine de la nageoire caudale; sa tête, proportionnelle- 
ment un peu moins forte que celle de la Carpe commune, a 
le front plus bombé, la mâchoire supérieure un peu proémi- 






78 POISSONS DES EAUX DOUCES 

nente sur l'inférieure et pourvue de quatre barbillons placés 
comme chez la Carpe commune, mais très petits et fort grêles. 
Les écailles, sensiblement plus grandes, en diffèrent par 
quelques détails. La coloration est variable dans une cer- 
taine mesure comme la proportion du corps ; cependant elle 
est en général assez claire. La taille ne dépasse pas de 
30 à 40 centimètres, mais la plupart des individus que l'on 
pêche sont d'une beaucoup plus petite dimension (fig. 47). 




Fig. 47. — Tête et portion antérieure du corps de la Carpe de Kollar. 



La Carpe de Kollar vit surtout en Belgique, en Allemagne 
et en Hongrie. Nous la trouvons, en France, dans quelques 
départements du Nord et de l'Est. On l'observe dans les fossés 
de Metz, dans la Moselle, dans l'étang de Saint-Gratien, près 
de Montmorency, à Péronne, etc. Elle n'est pas rare, au prin- 
temps, sur le marché de Paris. On la pèche comme la Carpe 
ordinaire. 



LE CARASSIN 



79 



Le Carassin 

Cyprinopsis carassius, Linné. — Carpe à la lune, Carashe, Ca. 
roushe noire, Carousche (Alsace et Lorraine). — Bùrratschel, 
Karousch (Allemagne). — Crucian Karp (Angleterre). — Hurla 
(Suédois). — Hamburger (Hollandais). 

Le Carassin est assez voisin de la Carpe commune ; mais 
il s'en distingue cependant par plus d'un point. Sa taille est 
toujours plus petite et ne dépasse pas 25 à 30 centimètres de 
longueur. Son corps est plus ramassé, avec le dos beaucoup 
plus élevé et en même temps plus comprimé sur les côtés. 
La tête est plus courte; sa longueur est à la longueur totale 
de l'animal dans la proportion d'un à cinq. La bouche, petite, 




Fio. '.S. 



I.e Carassin. 



ne porte pas de barbillons. La nageoire dorsale assez dévelop- 
pée et l'anale ont chacune un fort rayon osseux dentelé sur 
les bords. Dans la bouche, les dents pharyngiennes, au 
nombre de quatre, sont disposées sur un seul rang (fig. 48). 



80 POISSONS DES EAUX DOUCES 

Chez ce poisson, le sommet de la tête et le dos sont d'un 
vert plus ou moins olivâtre ; les flancs sont plus clairs avec 
des reflets dorés ; le ventre, les nageoires inférieures, les 
joues et la gorge sont lavés de rouge. Les écailles sont 
également différentes. 

C'est un poisson encore très localisé ; connu dans certaines 
parties de l'Allemagne, nous ne le rencontrons en France 
que dans quelques localités ; c'est, dit-on, au roi Stanislas 
de Pologne que l'on doit son introduction en France. On le 
voit parfois dans les cours d'eau des environs de Paris, 
mais il est plus commun dans le Nord et surtout dans l'Est. 
Il aime les fonds marneux et glaiseux, et présente ce grand 
avantage sur la Carpe, que,quoiqu'élevé dans de tels milieux, 
sa chair ne conserve pas de mauvais goût. 

Ses mœurs sont à peu près les mêmes que celles de la 
Carpe; comme elle, il se nourrit de vers, de végétaux, de 
substances organisées qu'il ramasse dans la vase. Il fraye au 
printemps et croît avec une certaine lenteur. Sa chair est 
blanche et très délicate ; mais, dit-on, il faut avoir soin de 
bien le débarrasser de ses écailles. Dans certains pays, on 
attribue des propriétés vénéneuses à la Carpe à la lune ; 
ce principe plus ou moins toxique résiderait dans son mucus 
et dans les écailles, au moins à certaines époques de l'année. 

On pêche le Carassin tout comme la Carpe ; mais il mord 
beaucoup moins aux esches qu'on lui offre ; sa capture devient 
dès lors plus difficile, car il faut toujours beaucoup appâter 
et s'y prendre encore plus longtemps à l'avance pour amorcer 
le poisson. 






LA GIBELE 



81 



La Gibèle 

Cyprinopsis Gibelio, Bloch. — Gibel, Carpe g i lie le, Carpe dePrusse, 
Gibelon (Lorraine). — Giben, G iblirchen (Allemagne). — Damm 
ruda (Suéde). — Prussian-Carp, Crussian-Carp (Angleterre). 

Ce poisson est encore voisin delà Carpe; sa taille est d'or- 
dinaire assez petite; son poids dépasse rarement 1 kilo- 
gramme ; son corps est plus court et plus élevé que celui de 
la Carpe ordinaire, mais sans jamais atteindre le profil 
gibbeuxdu Carassin. La tête est forte, obtuse, égale environ 
aux trois quarts de la longueur totale de l'animal. La bouche 
et l'œil sont petits. Les écailles sont grandes, arrondies, 
avec le bord adhérent, légèrement sinueux. Les nageoires 
dorsale et ventrale naissent sur le même plan vertical (fig. 49). 




Km. 49. = La Gibèle. 



Le sommet de la tête et le dos sont d'un vert olivâtre 
très foncé, presque noirâtre, parfois un peu bleuté; les 
flancs ont une teinte plus claire qui passe au blanc jaunâtre 
sous le ventre. Les nageoires dorsale et caudale sont teintées 
de brun rougeâtre ; la ligne latérale est marquée en points 
bruns qui se perdent avant d'arriver à la queue. 

5. 



82 POISSONS DES EAUX DODCES 

La Gibèle, assez commune en Angleterre et en Allemagne, 
ne se pêche en France qu'en Alsace et en Lorraine; c'est 
essentiellement le poisson des eaux dormantes ; on la ren- 
contre parfois dans les mares les plus fangeuses où elle se 
reproduit sans que sa chair prenne le moindre mauvais 
goût. Elle a la vie extrêmement dure et peut rester trente 
heures hors de l'eau sans en être trop incommodée. Sa chair 
est de bonne qualité. On la pêche comme la Carpe, mais elle 
mord difficilement à l'hameçon ; elle se tient de préférence 
au fond de l'eau, s'envasant pendant la saison froide, remon- 
tant à la surface de l'eau à travers les plantes au moment 
du frai, dès les premiers beaux jours. 

Le Cyprin doré 

Cyprinus auratus, Linné. — Poisson rouge, Daural.Cyprinopsis 
doré (France). — King-so, Kiny-yi (Chine). — Kin-jun (Japon). 
Goldfish (Angleterre). — Silberfisch (Allemagne). — Goldfisch 
(Suède et Hollande). 






I 



Le poisson rouge, originaire de la Chine est aujourd'hui 
si bien acclimaté, qu'on ne saurait hésiter à lui accorder droit 
de cité dans la faune française. Les premiers auraient été, 
dit-on, introduits dans les jardins delà Compagniedes Indes 
au port de Lorient et gracieusement offerts par le directeur 
à Madame de Pompadour. Aujourd'hui il se reproduit presque 
partout avec la plus grande facilité. On le pêche assez sou- 
vent dans la Seine, la Charente, la Seille, etc. Est-il néces- 
saire de décrire ce joli poisson que tout le monde connaît ? 
Sa livrée seule permet toujours de le distinguer. Le corps 
assez épais est plus allongé que dans les espèces précédentes ; 
la tête est forte, le museau court, la bouche petite et ouverte 
en dessous; les dents pharyngiennes, au nombre de trois ou 
quatre seulement, sont disposées sur une seule rangée. La 






LE CiPRIN DORE 83 

nageoire dorsale est longue, les pectorales fortes et arron- 
dies, la caudale bien découpée (flg. 50). 

La coloration du Cyprin doré est extrêmement variable. 
Elle passe du noir au vermillon, au rosé et au blanc terne. 
Il existe même des individus qui sont verdâtres avec des 
taches noires plus ou moins grandes. Dans le jeune âge la 
teinte brune ou même noire, puis d'un beau rouge tend à 







Le Cyprin doré. 



dominer ; souvent aussi les teintes les plus chaudes sont 
mouchetées de blanc, do jaune, de rouge ou de noir, se déta- 
chant sur des fonds différents. Ce n'est que vers la troisième 
année que le Cyprin revêt sa belle parure rouge ; plus tard 
des points argentés commencent à paraître, s'étendent, se 
rejoignent; puis, quand l'animal est devenu blanc, il peut, ou 
bien garder définitivement cette robe, ou bien revenir au 
rouge. 

La taille varie avec l'âge, mais aussi avec les milieux ; les 
plus gros dépassent difficilement 20 à 25 centimètres. Ils se 
nourrissent de vers, d'insectes, de détritus végétaux. Ils 
frayent en mai et déposent des œufs abondants, d'un blanc 
transparent sur les herbes, les racines et les branches 
immergées. Dans un vivier, à fond gras ils vivent et se repro- 



84 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



duisent avec la plus grande facilité. Si le fond est maigre, il 
convient de leur donner de temps en temps du pain de 
chènevis, des pois cuits, des débris de table. Mais il faut 
qu'ils aient des herbes ou des branches dans leurs eaux, pour 
pouvoir y déposer leurs œufs et s'abriter contre les ardeurs 
du soleil. En hiver, ils s'enfoncent dans la vase, s'y engour- 
dissent, et ont la vie assez dure pour pouvoir supporter les 
froids rigoureux de nos climats, à la condition qu'il y ait 
assez de fonds pour que la glace ne les atteigne pas. On sait 
combien ils s'accommodent facilement de la vie privée des 
modestes aquariums d'appartements. Mais toujours mal 
installés dans de tels milieux, ils ne s'y reproduisent presque 
jamais. 

La chair du Cyprin doré est très délicate, meilleure même 
que celle de la Carpe. Mais on en élève infiniment plus pour 
l'agrémentation des jardins et des appartements que pour 
l'alimentation. Ils se prennent à la ligne comme les Carpes; 
petits, on les pêche très facilement au ver rouge, à l'asticot, 
à la boulette, au blé, etc. Mais devenus plus gros, ils sont en 
même temps plus défiants, et doivent être péchés, comme les 
Carpes, en grand silence, et parles grands fonds de l'étang 
qu'ils habitent. 

La Bouvière commune 

Iihodeus amarus, Bloch. — Péteuse, Bourguignon, Bravier, Bro- 
vière (environs de Paris). — Garlesco (Toulouse). — Piastro(Gard). 
— Blanchouitle, Vcron-blanc (Vosges). — Dormille, Cazeau, 
Bouvière arrière, Bitterling (Allemagne). — Schneider Kûrpfen 
(Alsace). 



Avec la Bouvière, nous rentrons dans les petits poissons. 
Ce Cyprinide en effet ne dépasse pas trop de 5 à 6 centimètres 
de longueur ; les plus beaux individus atteignent à peine 
8 centimètres. Son corps est haut, très comprimé sur les 
côtés, avec une courbure dorsale et ventrale très prononcée ; 



LA BOUVIÈRE COMMUNE 85 

il est recouvert d'écaillés grandes et finement striées. La 
bouche est petite et dépourvue de barbillons, avec les deux 
mâchoires égales. La nageoire prend naissance sur le milieu 
de la courbure du dos ; l'anale est logée en arrière de la 
dorsale ; la caudale est large et assez fendue (fig. 51). 




Fil.. 51. — La Bouvière, de grandeur naturelle. 



■ 



En temps normal, la tète et le dos sont verdâtres, tandis 
que les flancs et le ventre sont argentés; une bande longitu- 
dinale verte s'étend de la partie moyenne du corps à la na- 
geoire caudale. Mais, au printemps, le mâle revêt la plus 
charmante livrée; la partie supérieure du dos prend d'élé- 
gantes teintes bleutées à reflets irisés, tandis que le flanc et 
le ventre passent au rose plus ou moins vif; en même temps, 
on voit s'élever sur les parties latérales de la face de petits 
tubercules qui disparaissent bientôt. 

La Bouvière a donc en somme, une réelle analogie, au moins 
comme galbe, avec la Carpe, tandis que celle-ci est encore 
toute jeune, mais ses mœurs sont assez différentes. La Bou- 
vière, contrairement à la Carpe, recherche toujours les eaux 
vives et courantes, et si l'on en observe dans quelques étangs, 
c'est que ceux-ci sont traversés par quelques petits cours 
d'eau; jamais elle ne va dans les fonds vaseux. On la ren- 
contre surtout dans le nord et dans l'est de la France, vivant 



86 POISSONS DES EAUX DOUCES 

en troupes parfois assez nombreuses surtout au printemps, 
au moment du frai. 

On n'utilise la Bouvière que comme amorce ; trop petite 
pour être prise à la ligne, on la pêche dans des nasses ou 
avec des troubles. En Allemagne comme en France, elle 
passe pour avoir un goût d'amertume prononcé; cependant, 
il faut bien l'avouer, les fritures que l'on sert aux environs de 
Paris renferment maintes fois nombre de Bouvières qui pas- 
sent absolument inaperçues. C'est un bien joli poisson à mettre 
dans un aquarium, surtout au printemps, mais il n'y vit ja- 
mais bien longtemps, l'eau n'étant pas assez courante. 

La Brème commune 



t 



Abramis brama, Linné. — Brame, Bramme, Brena, Breten 
(Alsace). — Baourado d'aou rosé (Gard). — Braschen, Bleitzen 
(Allemagne). — Brasen (Danemark). — Bream, Carp-Bream (An- 
gleterre). — Scarda (Italie). 

On distingue cinq espèces de Brèmes, dans les eaux de la 
France. Toutes sont caractérisées par leur corps comprimé 
latéralement, avec le dos très élevé ; la nageoire dorsale assez 
courte, est tronquée très obliquement d'avant en arrière; la 
caudale est fortement échancrée et l'anale très développée. 
Dans la bouche, les dents pharyngiennes sont comprimées, 
recourbées en dedans, disposées sur une seule rangée chez 
les trois premières espèces et sur deux chez les autres. 

La Brème commune a le corps très haut et très aplati, 
avec le dos arqué, caréné en avant. La tête est petite, rela- 
tivement à la longueur du corps, pointue et comme tronquée. 
La bouche est peu fendue et dénuée de barbillons ; on aper- 
çoit dans son intérieur une langue rouge, molle et épaisse, 
adhérente au palais. La nageoire anale est grande, plus large 
que la caudale qu'elle rejoint presque (fig. 52). Elle peut 
atteindre une longueur de 60 centimètres et un poids de 4 à 



LA BRÈME COMMUNE 87 

5 kilogrammes ; mais les Brèmes de 35 à 45 centimètres sont 
déjà d'une belle taille. 

La coloration varie peu; le dos passe du noir bleuté au 
noir plus ou moins sombre; les côtés sont d'un blanc jau- 
nâtre ou grisâtre; le ventre, d'un blanc argenté, passe parfois 
au rosé; l'ensemble est semé d'un fin pointillé noirâtre; les 
nageoires sont d'un bleuté sombre; la caudale et l'anale de 
teinte plus claire, sont parfois bordées de brun fondu. 




52. — La Brème commune. 



La Brème commune se trouve dans presque toute l'Eu- 
rope ; nous la voyons en France dans la plupart des cours 
d'eau ; elle semble faire défaut en Savoie et dans quelques 
parties de la Provence. Elle vit où vit la Carpe; mais comme 
le dit La Blanchère, celle-ci occupe le rez-de-chaussée, et la 
Brème le premier étage. C'est le poisson des eaux tranquilles, 
rivières, lacs ou étangs, où on la voit souvent par bandes. 

L'époque du frai varie suivant les pays; c'est ordinaire- 
ment en avril ou en mai; souvent on observe plusieurs 
pontes, et toujours les grosses Brèmes frayent avant les 
petites; les œufs blancs et transparents sont déposés sous les 
herbages. La femelle, au dire du même auteur, est tellement 
timide que n'osant pas parfois aller dans les herbes du bord 



8y POISSONS DES EAUX DOUCES 

pour y déposer son frai, les œufs se décomposent dans son 
corps et la font périr au bout de peu de temps. 

Dans un cours d'eau, les milieux fréquentés par les Brèmes 
sont toujours les parties les plus profondes, là où le courant 
perd de sa rapidité ; dans les étangs elles recherchent les 
stations larges et les plus tranquilles, parsemées d'herbages. 
Là, vivant en troupe, ce bataillon d'un nouveau genre a 
toujours à sa tête un vieux mâle que l'on qualifie de roi 
des Brèmes. Sous sa direction, les autres Brèmes se livrent 
avec une sage prudence à la chasse des vers, des insectes, 
des mollusques dont elles se repaissent. 

On pêche la Brème comme la Carpe. Une bonne place 
pour la pêche de ce poisson doit être amorcée avec des 
grains de brasseur, mêlés de pomme de terre, pétris en 
forme de boules, et régulièrement jetés sur le coup depuis 
dix ou quinze jours. On appâte également avec du blé bouilli , 
du pain de creton, des résidus de fonderies de suif mêlés. 
Le blé en été, le ver rouge et l'asticot au printemps et à 
l'automne sont les esches les plus recommandées ; elles doi- 
vent toujours porter à 3 ou 4 centimètres du fond seulement. 
La Brème mord très doucement ; plus elle est grosse, moins 
on sent ses touches. Les cannes légères, les lignes fines sont 
nécessairement préférables pour ce genre de pêche. La 
Brème se prend également très bien aux lignes dormantes de 
nuit que l'on tend pour l'Anguille, amorcées avec des vers 
rouges. La pêche commence en juin et finit avec l'automne. 

La Chair de la Brème est blanche et assez délicate; ses 
œufs passent pour être vénéneux. On accorde d'ailleurs une 
valeur très différente à ce poisson suivant les pays, comme 
aussi suivant les temps. Jadis il figurait dans les repas somp- 
tueux; aujourd'hui, la Brème est moins prisée sans qu'elle 
ait cependant complètement démérité. La Brème des eaux 
vives, d'une taille moyenne est en somme un bon aliment 
malgré ses nombreuses arêtes. On la mange comme la 



LA BRÈME DE GEHIN 



89 



Carpe, frite, en matelote, sur le gril, mais il est bon d'assai- 
sonner avec une sauce un peu relevée pour combattre la fa- 
deur de ce poisson. 






La Brème de Gehin 

Abramis Gehini, Bloch. — Haute Bn'me (Muselle). 

Cette espèce très voisine de la précédente, mais cependant 
facilement distincte par plus d'un caractère, se pêche dans la 
Moselle où elle est assez commune. On la distingue : au 
galbe de son corps qui est plus effilé, moins haut ; à son mu- 
seau plus mince et plus pointu: à ses écailles plus courtes; à 
ses nageoires plus développées : la dorsale est très haute, 
tandis que les pectorales et les ventrales sont plus longues: 
la caudale enfin est profondément échancrée (fig. 53). 




— Brème de Gehin. 



La coloration est également différente de celle de la 
Brème commune ; toutes les parties supérieures du corps sont 
d'un gris bleuâtre ardoisé, tandis que le reste est d'un blanc 
argenté avec les écailles très finement sablées de noir, ainsi 
que les joues et l'opercule. Sa taille est assez petite. Des in- 
dividus d'une longueur de 13 à 15 centimètres sont regardés 



90 POISSONS DES EAUX DOUCES 

comme des individus âgés de deux à trois ans. Jadis on en 
péchait qui pesaient de 2 à 3 kilogrammes ; l'abondance de la 
pêche les a bientôt fait disparaître. 

La chair delà Brème de Gehin est plus délicate et moins 
fade que celle de la Brème commune. On pêche ce poisson 
à la ligne ou au filet, comme l'espèce précédente. 

La Brème de Buggenhagen 

Abramis Buggenhagii, Blocli. — Large scaled liream, Pomera- 
nien liream (Angleterre). — Leiter (Poméranie). 

La Brème de Buggenhagen est un poisson propre à nos 
rivières du nord et de l'est; on la pêche, peu souvent il est 
vrai, dans la Somme, la Moselle, la Meuse, le Rhin; on la 
retrouve en Angleterre et plus fréquemment en Allemagne. 
Sa taille ne dépasse pas de 25 à 30 centimètres de longueur. 
Son corps est d'un galbe allongé, moins élevé que celui de 




Fio. 54. — Tète de la Brème de Buggenhagen. 



la Brème ordinaire, se rapprochant comme aspect de celui du 
Gardon. La tête, plus amincie, a une longueur égale à peu près 
au quart de la longueur totale ; le museau est arrondi, la 
bouche médiocre, les maxillaires sensiblement égaux. La 



LA BRÈME BORDELIÈRE 



91 



nageoire dorsale, plus haute que longue, prend naissance vers 
le milieu du dos; les ventrales sont logées sous la dorsale; 
l'anale, très haute en avant, décroit rapidement jusqu'à son 
hord postérieur dont la hauteur n'est plus que le quart de 
celle du bord antérieur (fig. 54). 

Chez cette Brème, le dos et les parties supérieures du 
corps sont d'un vert bleuâtre plus ou moins chaud suivant la 
saison ; les flancs passent au vert jaunâtre, et la région ven- 
trale est d'un blanc argenté. La tête et presque tout le corps 
sont sablés de brun ; les nageoires sont noirâtres. La chair 
passe pour assez bonne. On pêche ce poisson comme la Brème 
commune. 

La Brème bordelière 

Abramis bjœrkna, Siebokl. — Petite Brème, Bremette, Brème 
blanche, Brème gardonnêe, Blicke, Blichette, Harriot, Ilaze- 
lin (suivant les localités). — Zobel-pleintze (Allemagne). — Bley 
(Hollande). — Bjôrknn, Blecka (Suède). — The Whit Bream, 
Breamflat (Angleterre). — Bunke, Braten (Norwège). — St,apa 
(Russie). 



La Brème bordelière est surtout caractérisée par son corps 
élevé et très comprimé. « On la distingue de la Brème com- 
mune, dit M. E. Blanchard, à la première inspection, par 
l'œil plus grand relativement au volume de la tête, par la 
nageoire anale sensiblement plus courte, n'ayant que dix- 
huit à vingt-deux rayons rameux à la suite de rayons simples; 
très rarement leur nombre s'élève à vingt-trois, vingt-quatre 
ou vingt-cinq, par la nageoire dorsale n'ayant que huit rayons 
branchus (fig. 55). 

La Bordelière, verdâtre en dessus, argentée sur les côtés 
et en dessous, avec la nageoire dorsale d'un gris sombre, les 
nageoires inférieures rougeâtres, surtout au printemps, a le 
dos toujours très élevé, mais la hauteur du corps est assez 
variable suivant les individus. La tête est moins massive que 



92 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



chez la Brème commune, avec le museau plus saillant, la 
mâchoire supérieure dépassant un peu la mâchoire infé- 
rieure (fig. 53) '. » 




Fio. 55. — Tète de la Brème bordelière. 






La vie, les mœurs de la Bordelière sont donc à peu près 
les mêmes que celles de la Brème commune : elles vivent 
dans les mêmes eaux, frayent à la même époque; mais la 
taille de la Bordelière ne parait pas trop dépasser 30 à 
35 centimètres. Sa chair, molle, remplie d'arêtes, est fort 
peu estimée; les œufs passent pour vénéneux et le corps est 
presque toujours infesté de vers parasitaires. Aussi n'en 
fait-on guère usage que pour servir d'appât vivant. 

C'est un poisson vorace ; on le pêche souvent à la ligne, au 
petit ver rouge ou au ver de vase, même aux insectes. Sa 
manière de mordre est assez particulière : il mord plutôt en 
descendant qu'en remontant, de telle sorte que la flotte, au 
lieu de s'enfoncer dans l'eau, est promenée horizontalement 
sur la surface de l'eau par l'attaque du poisson sur l'esche. 



* C. B'anchartl, Les Poissons d'eau douce, p. 3M). 



L'Ablette commune 



Alburnus lucidvs, Valenciennes. — Ablette, Able, Hlanch't, Blan- 
chaille, Auble, Aubotte, Ambiclle. Ablette, Abiot (suivant les 
localités). — Seuf/le (Bourgogne). — Lan- Mé (Montbéliard). — 
lilisrtn, Dermelle, Gofio, Gafio (Tarn). — /Jeux de verre, Ron- 
din, Sandine, Sieur pauvrette (Sarthe). — Kofi (Provence), — 
Nablo, Mirandelle, Harlipantin, Ovelle (Vuucluse). — Lauge 






LA BHIiME ROSSE 



93 



La Brème Rosse 

Abramis abramo-rutilus, Holandre. 

Cette Brème présente beaucoup d'analogie avec la Brème 
de Buggenhagen ; mais elle possède une double rangée de 
dents pharyngiennes, tandis que la première de ces deux 
espèces n'en a qu'une seule; elle tient également du Gardon, 
delà son nom de Brème -Bosse, voulant indiquer un mé- 
lange des caractères de la Brème ordinaire et delà Bosse ou 
Gardon. Son corps est plus élevé que celui du Gardon et mé- 
diocrement comprimé; la tète est petite, la bouche peu fen- 
due et bordée de lèvres épaisses. 

Tout le dos a une couleur vert -olivâtre et quelquefois 
jaunâtre ; les lianes ont des reflets cuivreux ; le ventre est 
blanc d'argent; les nageoires dorsales, pectorales et anale 
d'un rouge orangé, au moins à leur base. 

Cette forme, encore peu répandue en France, se pèche 
dans la Meuse, la Moselle et quelquefois dans le Bhin. Sa 
taille ordinaire est de 15 à 18 centimètres de longueur. Ce 
poisson pond en avril et en mai; comme les autres Brèmes, 
il fait sa nourriture de substances végétales, de vers, d'in- 
sectes et de petits mollusques. Ses mœurs tiennent encore 
plus du Gardon que de la véritable Brème. On le pèche 
comme le Gardon. Sa chair est assez estimée. 



I 



94 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



Lauch (Alsace). — Weissfisch, Nestling, Laube, Vkeley (Alle- 
magne). — lileah (Angleterre). — Alphenaar (Hollande).— Arbo- 
rello (Italie). — Rondion, Sardine (Suisse). — Sslarra, Sôlyla 
(Russie). 

Nous distinguerons cinq espèces d'Ablettes. Ce genre est 
caractérisé par une petite taille, un corps allongé, comprimé 
latéralement et surmonté d'une tête petite. La bouche est 
grande et la mâchoire inférieure ascendante; les dents pha- 
ryngiennes sont disposées sur deux rangées; on distingue 
deux dents à la rangée interne et cinq à la rangée externe. 
La nageoire dorsale est courte, mais assez haute, prenant 
naissance à égale distance des ventrales et de l'anale; celle-ci 
est toujours longue. 

L'ablette commune a le corps étroit, un peu aplati et 
allongé, argenté, brillant; regardé entre le soleil et les yeux, 
elle est comme transparente, et cependant le dos est épais et 




Fie. 56. — L'Ablette commune. 



charnu. La tête est allongée et pointue, la mâchoire infé- 
rieure plus longue que la supérieure et un peu relevée du 
buot; les profils du dos et du ventre sont sensiblement les 
mêmes, quoique inverses. Le dos est d'un vert brillant plus 
ou moins tendre, le ventre d'un beau blanc d'argent; les 
écailles, petites et minces, tiennent à peine à la peau. Sa 
taille ne dépasse pas trop, dans nos pays, de 10 à 15 centi- 
mètres de longueur (fig. 56). 



L'ABLETTE COMMUNE 95 

Gc petit poisson est extrêmement répandu dans tous nos 
cours d'eau à courant un peu lent. « Très sociables, écrit 
Brehm, les Ablettes vivent toujours en grandes troupes, 
nageant près de la surface de l'eau, chassant les insectes, par 
les temps chauds et calmes ; elles sont peu craintives, cu- 
rieuses et voraces, de telle sorte que, si l'on jette quelque 
chose dans leur voisinage, elles se retournent après avoir 
fui un instant, et se jettent sur ce qui vient de tomber, le 
rejetant s'il ne leur convient pas. 

« La ponte a lieu pendant le mois de mai; elle commence 
souvent fin mars pour se prolonger jusqu'en juillet. A cemo- 




Feg. 57. — Écaille de l'Ablette commune. 

ment les Ablettes se rassemblent en troupes serrées et remon- 
tent les rivières à la recherche d'un endroit propice. Elles 
choisissent pour frayer un endroit pierreux ou garni de plantes 
aquatiques ; elles sont à ce moment très vives, très surex- 
citées, et on les voit fréquemment s'élancer hors de la sur- 
face de l'eau. D'après plusieurs observateurs, la ponte a lieu 
en trois périodes 'plus ou moins longues ; les _animaux les 
plus âgés commencent les premiers, et ce sont les plus jeunes 
qui finissent. La multiplication est extrême, mais les nom- 
breux ennemis qui s'emparent de l'Ablette en détruisent un 
grand nombre. » 
La chair de l'Ablette est molle et fade, sillonnée de nom- 









96 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



breuses petites arêtes ; elle est donc peu recherchée pour la 
table; on ne la mange que dissimulée dans une friture d'au- 
tres petits poissons. Les pêcheurs font usage de l'Ablette 
pour amorcer les lignes destinées à prendre des. Brochets, 
des Anguilles ou des Truites ; mais on pêche souvent l'Ablette 
pour en retirer les fines écailles qui recouvrent son corps; 
ces écailles, surtout celles du ventre, sont détachées au cou- 
teau, lavées, triturées, de manière à en retirer une matière 
pigmenteuse d'un aspect de perle, qui se précipite au fond de 
l'eau sous forme de particules microscopiques. Cette sub- 
stance, mêlée ensuite à de la colle de poisson, sert à enduire 
des perles de verre et à leur donner un orient absolument 
comparable comme beauté et comme éclat à l'orient des plus 
belles perles des Indes. 

Pour pêcher l'Ablette à la ligne, il faut une monture très 
fine, très légère, portant deux ou trois hameçons amorcés avec 
de petits vers, des mouches, des asticots; elle mord à toute 
heure du jour, depuis avril jusqu'en hiver ; avec l'asticot ou 
le ver, on la prend entre deux eaux ; avec les mouches, à la 
surface. Elle se jette sur tout ce qu'elle peut avaler, et s'en 
va attaquer et tourmenter des amorces aussi grosses qu'elle 
pour en détacher quelques bribes à son profit. 

C'est un des poissons les plus vifs, les plus lestes et les 
plus adroits à dépouiller un hameçon sans y rester accro- 
chés. Le toucher est si intense que l'Ablette entraine la ligne ; 
il faut ferrer de côté et avec beaucoup de dextérité ! La 
pêche en grand de l'Ablette se fait au filet ou, mieux encore 
par le procédé connu sous le nom de pêche à fouetter. 

L'Ablette Mirandelle 

Alburnus Mirandella, Blanchard. —Sardine, Mirandelle (Savoie, 
Suisse). 

L'Ablette Mirandelle, que quelques naturalistes contes- 
tent comme espèce et n'admettent qu'à titre de variété de 



L'ABLETTE DE FABRE 97 

l'espèce précédente, vit dans le lac du Bourget et dans le lac 
Léman. Son corps est plus allongé que celui de sa voisine; la 
ligne du dos est complètement droite depuis le museau jus- 
qu'à la queue; la mâchoire inférieure, à peine plus longue 
que la supérieure, a une direction nettement ascendante ; 
les écailles ont une texture moins délicate; la nageoire dor- 
sale est plus ample. Sa couleur est d'un blanc d'argent écla- 
tant, avec le dos d'un bleu foncé chatoyant, tout à fait ana- 




Fio. 58. — L'Ablette Miramlelle. 



logue à celui de la Sardine (flg. 58). Les mœurs, la manière 
de vivre et la pêche de cette Ablette sont les mêmes que 
celles de l'Ablette commune. 



L'Ablette de Fabre 



Alburnus Fabrœi. Blanchard. 



Nablo (Vaucluse). 



Cette espèce est voisine de l'Ablette commune ; mais elle 
en diffère par son corps plus large pour une même longueur, 
avec le dos plus arrondi, de telle sorte que les deux lignes 
du dos et du ventre ne sont pas parallèles ; la tête est peu 
allongée, mais les deux mâchoires sont égales ; les dents pha- 
ryngiennes sont courtes et présentent de faibles dentelures; 
les écailles sont de taille plus grande, et celles de la ligne 

Locakii, La Fêclie (j 



98 POISSONS DES EAUX DOUCES 

latérale sont uniformes, elliptiques. La nageoire dorsale est 
toujours peu élevée. La coloration est la même que celle de 
l'Ablette commune (fig. 59). 







Fig. 59. — Ecaille de l'Ablette de Fabre. 

On pêche cette espèce dans les eaux du Khône, aux envi- 
rons d'Avignon. Sa taille varie de 10 à 12 centimètres de 
longueur. Ses mœurs sont celles de l'Ablette commune, mais 
elle fraye un peu plus tôt. 

L'Ablette spirline 

Alburnus bipunctatus, Bloch. — Spirlin, Eperlande Seine (envi- 
rons de Paris). — Lorette, Lurette (Aube). — Mésaigne, Mêsëine. 
(Lorraine). — Lignotte, Lugnotte (Cote-d'Or). — Goyc (Meuse). — 
Platet, Boroche (lac Léman). — Lauben (Allemagne). — Plat- 
ton, Schneider, Bringli, Langele, Blingge (Suisse). 

Le Spirlin ou Eperlan de Seine se distingue à première 
vue de l'Ablette commune, à son corps plus haut, à ses yeux 
plus grands, à sa nageoire dorsale plus élevée, enfin à sa 
coloration. La plus grande hauteur du corps se trouve au 
niveau de la nageoire dorsale ; elle est comprise trois fois et 
demie dans la longueur totale. La mâchoire inférieure 
dépasse un peu la mâchoire supérieure. Les écailles ont une 



L'ABLETTE SPIRLINE 99 

forme moins ovalaire que celles de l'Ablette commune 

(flg. 60). 

Le dos et la partie supérieure de la tête sont d'un brun 
verdâtre à reflets métalliques passant parfois au gris vert; 
les flancs et le ventre sont d'un blanc argenté passant au 
jaunâtre vers les joues. La ligne latérale est comprise entre 
deux séries de petits points noirs; de là le nom à' Ablette 
biponctuée donnée à cette espèce par plusieurs naturalistes. 




Fui. 60. — L'Ablette spirline. 



Chez quelques individus, on remarque une bande bleuâtre 
plus ou moins large située au-dessus de cette ligne. Les 
nageoires sont d'un jaune orangé à leur base. Au printemps 
les couleurs du mâle prennent une intensité particulière ; le 
dos est alors d'un vert vif, et sur les flancs s'étale une bande 
horizontale bleuâtre, violette ou mauve, sablée de petits 
points noirs. Lanageoire dorsale est verdâtre, mêlée de gris, 
avec un peu de jaune à la base; la caudale est de même 
nuance, mais plus claire et plus transparente. 

On prend le Spirlin dans nos rivières de l'Est, la Meuse, 
la Moselle, la Meurthe et leurs affluents ; il descend dans 
l'Aube, la Côte-d'Or et jusqu'au lac de Genève. On le 
trouve également dans la Seine, dans la Somme et, dit-on, 



100 POISSONS DES EAUX DOUCES 

aussi dans le cours inférieur du Rhône. Sa taille ne dépasse 
pas 10 à 12 centimètres de longueur. 

Cette Ablette recherche de préférence les eaux vives et 
claires sur des fonds de graviers ou de cailloux; rarement 
on la voit dans les herbages. Elle fraye au mois de mai; ses 
œufs, d'un blanc jaunâtre, sont fixés contre les pierres du 
fond des cours d'eau. 

On la pêche comme l'Ablette ordinaire, car elle mord aux 
mêmes appâts ; parfois on les rencontre ensemble dans les 
mêmes eaux; sa chair est assez délicate, mais remplie de 
petites arêtes. 

L'Ablette Hachette 
Alburnus dolabratus, Holandre. — Hachette (Moselle). 



« A la texture délicate de ses écailles, dit M. E. Blan- 
chard, à sa forme générale, à l'éclat argenté de sa tête et de 
son corps, à sa nageoire anale encore assez longue, on 
reconnaît de suite cette espèce pour une Ablette, et cepen- 
dant son corps moins effilé que chez l'Ablette commune, sa 
tête beaucoup plus massive, son dos un peu courbe lui don- 
nent en même temps une certaine ressemblance avec nos 
Chevaines et nos Vandoises. La Hachette, d'un gris bleuâtre 
ou verdâtre sur les parties supérieures, est, du reste, entiè- 
rement argentée, avec quelques points noirs sur les écailles, 
l'opercule et la joue, et les nageoires inférieures jau- 
nâtres. » 

Cette forme, assez rare, est cantonnée dans nos régions de 
l'Est; on l'a signalée dans la Moselle, la Meuse et le Rhin, 
et dans quelques autres petits cours d'eau. On la pêche 
comme l'Ablette, et elle fraye pendant le mois de mai. 



LE ROTENGLE 



101 



L'Ablette alburnoïde 
Alburnus alburnoïdes, SélysLongchamps. 

Cette forme n'est très probablement qu'une simple variété 
de l'Ablette commune. Elle s'en distingue par sa taille plus 
grande, atteignant de 15 à 18 centimètres de longueur. Le 
dos est droit et la ligne du ventre au contraire très arquée. 
La tête est allongée, et porte de grands yeux d'un blanc 
d'argent avec une tache jaune dans le haut. Le dos est ver- 
dàtre, les côtes d'un bleuté plus ou moins sombre, avec une 
belle bande longitudinale dorée et changeante suivant l'in- 
cidence de la lumière; le ventre et les flancs d'un beau blanc 
argenté et nacré ; les opercules également argentés portent 
de petits points noirs. 

On pêche cette Ablette dans les rivières à eaux vives, à 
fonds caillouteux et sans vase ; elle ne parait pas remonter 
dans les fleuves. On l'a signalée comme étant commune dans 
les rivières du nord-est de la France, dans la Moselle, la 
Meuse, l'Eure, le Loir, etc. Elle fraye en mai et juin, don- 
nant naissance à une quantité prodigieuse d'œufs blancs 
translucides qu'elle dépose sur les plantes aquatiques flot- 
tant à la surface des eaux. Sa chair est plus ferme et plus 
estimée que celle de l'Ablette. On pêche ce poisson à la ligne 
avec les mêmes amorces que ses autres congénères. 



Le Rotengle 

Scardinus erythrophthalmus, Linné. — Rotengle, Roche, ' Rosse. 
Rousse, Rossette, Rousseau, Gardon rouge. Gardon à ailerons 
rouges, Gardon de fond, Sarve, Platelle, Sangar, Salougne, etc. 
(suivant les localités). — Cher in, Cliarin (Cote-d'Or). — Serguet, 
Sarguet (Basses-Pyrénées). — Rud, Red eye (Angleterre). — Ri- 
noch (Hollande). — Sart (Suède). — Rothauge (Allemagne). — 
Plotwa (Russie). 

Le Rotengle a le corps haut et comprimé ; la tête est 
égale aux deux septièmes de la longueur totale du corps ; la 



102 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



bouche de taille moyenne est fendue obliquement; elle porte 
des dents pharyngiennes petites, grêles, garnies de dente - 
lures sur leur bord interne et disposées sur deux rangées, 




FiG. 61. — Le Rotengle. 

comprenant trois dents à la rangée interne et cinq à l'externe. 
Le corps est couvert d'écaillés grandes et à bord libre fai- 




Fio. 6?. — Ecaille du Rotengle. 



blement festonné. La ligne latérale part du bord externe de 
l'angle supérieur de l'opercule, s'infléchit d'abord, puis 
devient rectiligne dans la région caudale. La nageoire dor- 
sale est implantée en arrière du milieu du corps; les ven- 



LE GARDON COMML'N 



103 



traies sont plus longues que les pectorales ; l'anale s'élève au 
niveau de la terminaison de la dorsale et la caudale est 
fortement fourchue (fig. Cl etG2). 

' La coloration du Rotengle est des plus élégante ; le dos 
d'un vert olivâtre a des reflets bleutés ou parfois violacés 
sur les côtés; les flancs ont au soleil des reflets dorés, tan- 
dis que la région ventrale est blanche ou rosée. La nageoire 
dorsale est d'un vert clair , les pectorales sont lavées de 
rose à leurs extrémités, et les ventrales de vermillon sur un 
fond jaunâtre. La caudale est vert foncé avec une teinte de 
rouge vif à ses deux extrémités. Les yeux sont d'un beau 
rouge. 

On rencontre ce joli poisson un peu dans toutes les eaux; 
cependant, bien que vivant souvent dans les eaux courantes 
ou stagnantes, il semble donner la préférence aux milieux 
calmes des lacs et des grands étangs. Sa taille dépasse rare- 
ment de 30 à 35 centimètres de longueur. Il passe pour pru- 
dent, craintif et très agile. D'une nature vorace, il se 
nourrit de matières animales et végétales, de vers, d'in- 
sectes, de vase, de plantes aquatiques, etc. Il fraye à la fin 
d'avril ou au commencement de mai ; à ce moment ses cou- 
leurs s'assombrissent ; il va chercher les fonds herbeux pour 
y déposer ses œufs. 

Il a la vie presque aussi dure que la Carpe et se con- 
serve frais longtemps hors de l'eau. Sa chair est blanche, 
saine et agréable. Mais elle renferme beaucoup d'arêtes. 
On le pêche comme le Gardon dont nous allons parler. 

Le Gardon commun 

Leuciscus rutihts, Linné. — Gardon, Garàèche, Rosse, etc. (sui- 
vant les localités). — Rooch (Angleterre). — Rotten (Allemagne). 






D'une manière générale, on qualifie de Gardon une foule de 
poissons blancs dont quelques-uns seulement appartiennent au 



104 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



genre Leuciscus. Nous distinguerons avec M. E. Blanchard 
deux espèces de Gardon, le Gardon commun et le Gardon 
pâle ; au Gardon commun se rattachent à titre de variétés 
plusieurs formes bien définies. 

Le Gardon commun a le corps élevé, comprimé et cou- 
vert d'écaillés grandes, peu adhérentes, festonnées sur leur 
bord libre et présentant des stries concentriques. La tête est 
assez forte, le museau arrondi, la bouchepetite avec la lèvre 
supérieure un peu saillante sous l'inférieure. La ligne 
latérale, plus rapprochée du ventre que du dos, s'infléchit 
tout d'abord vers la tête et court ensuite presque en droite 
ligne. La nageoire dorsale est implantée à peu près au milieu 




Fig. 63. — Écaille du Gardon commun. 






du dos ; les pectorales sont arrondies ; les ventrales naissent 
un peu en avant de la verticale passant par l'origine de la 
dorsale. La caudale est bilobée. Sa taille ordinaire est de 
20 à 25 centimètres ; rarement il atteint 30 centimètres de 
longueur (fig. 65). 

Sa coloration varie peu ; le dos est d'un gris verdâtre à 
reflets bleutés ; les flancs sont plus pâles et le ventre d'un 
blanc d'argent. Les nageoires pectorales, ventrales et anale 
sont d'un rouge plus ou moins vif. A côté de ce type, nous 
distinguerons les variétés suivantes : 



LE GARDON COMMUN 105 

Le Gardon rutiloïde (Leuciscus rutiloïdes, Sélys). — 
Cette variété a la tête un peu plus petite que le type; les 
dents pharyngiennes sont également moins fortes; les 
nageoires inférieures ont une coloration jaunâtre. On le 
pêche surtout dans la Meuse. On peut réunir à cette variété 
le Gardon Jesse du même auteur qui se prend dans les 
mêmes eaux. 

Le Vengeron (Leuciscus prasinus, Agassiz). — Dans 
cette variété les parties supérieures du corps sont d'un beau 
vert-clair; le dos parait un peu plus élevé que chez le 
Gardon ordinaire. C'est la forme la plus commune de la 
Suisse et de la Savoie. 

Le Gardon de Sélys (Leuciscus Sèlysii, Heckel). — Ce 
Gardon est remarquable par la belle coloration bleue des 
parties supérieures de son corps. Il habite les rivières de 
l'Est, la Meuse, la Meurthe, la Moselle, 1*111, le Rhin, etc. 

Ces différentes variétés se comportent dans leur modus Vi- 
vendi comme le Gardon commun. « Le Gardon, dit M. V. Fa- 
tio, recherche les fonds moitié pierreux, moitié herbeux ; il 
se nourrit principalement de plantes aquatiques, de vers, de 
petits mollusques et d'insectes. Quoique plutôt herbivore de 
nature, il ne craint pas cependant la chair et le sang, comme 
le prouve son empressement à venir chercher dans le Rhône, 
au-dessous des boucheries de Genève, les débris d'animaux 
que l'on jette à l'eau. On voit aussi une quantité de ces 
poissons, mêlés avec des Chevaines, au débouché des égouts 
qui amènent au Rhône les immondices de la ville. En 
général, il aime à se tenir, dans les lacs, près des embou- 
chures des rivières qui lui apportent en abondance des 
débris végétaux et animaux. 

En été, le Gardon, d'âge moyen, se promène volontiers, 
en troupes souven i assez nombreuses, entre deux eaux, ou à 
une profondeur moyenne; les plus grands ou plus vieux 
individus s'écartent moins du fond, les plus jeunes se rap- 






106 POISSONS DES EAUX DOUCES 

prochent au contraire davantage de la surface. Au prin- 
temps, en mai surtout, bien qu'à une époque sujette à varier, 
suivant les années et les localités, de la dernière semaine 
d'avril à la mi-juin, tous les Gardons, jeunes et vieux, se 
rapprochent des rivages pour frayer en bandes nombreuses 
à une petite profondeur, sur les rives des lacs et des 
rivières; c'est alors que l'on prend une quantité de ces pois- 
sons dans les nasses. Les œufs sont petits et extrêmement 
nombreux d . » 

On pêche le Gardon avec des nasses et surtout à la ligne. 
Pour ce genre de pêche, il faut se servir d'une ligne très 
fine, surtout si l'eau est claire, amorcée avec un petit ver ou 
simplement de la mie de pain ; vers la fin de mai, on se sert 
avec avantage de l'épine-vinette ou mouche rouge. Le pois- 
son mord très irrégulièrement; tantôt il enfonce doucement 
les flottes, tantôt, au contraire, il donne un coup sec et 
prompt, comme l' Ablette. iEn été et en automne, on le prend 
très aisément avec le blé. Par les temps chauds, il convient 
de le pêcher de préférence le matin et le soir, à ce moment 
de l'année il se tient plus volontiers dans les herbes. Il ne 
faut jamais brusquer le Gardon, car il a la bouche tendre et 
on risquerait de le perdre. On ne doit pas non plus cher- 
cher à le faire monter à la surface avant qu'il soit fatigué, 
surtout s'il est un peu gros. 

La chair de ce poissen est de qualité bien médiocre ; elle 
est cependant assez ferme et de bon goût; mais les flancs 
sont remplis d'innombrables arêtes ; de plus, son corps sert 
souvent d'asile à de nombreux parasites. Sur les bords du 
Léman, il passe pour donner le ténia, parce qu'il est parfois 
gonflé de vers intestinaux de diverses espèces. On l'utilise 
très avantageusement comme amorce pour la pêche des gros 
poissons. 



i V. Fatio, Vertébrés de la Suisse, IV, p. 508. 



LE GARDON PALE 



107 



Le Gardon pâle 

Leuciscus pallens, Blanchard. — Gardon de fond, Manchet (sui- 
vant les localités). — Vairon (Annecy). 

Cette espèce est voisine de la précédente, mais elle s'en 
distingue par plusieurs bons caractères qui permettent de la 
différencier facilement. Considérée de profil, sa forme est 
plus allongée, le dos est moins élevé à partir de la nuque 
(fig. 65); la taille est plus grande, elle varie de 35 à 40 cen- 
timètres de longueur ; les écailles sont toujours plus larges; 




Fia. 64 



Le Gardon pâle. 



enfin, on compte six dents 1 pharyngiennes de chaque côté au 
lieu de cinq. Le Cardon pâle a le corps argenté, tirant 
parfois sur le jaunâtre, le dos et le dessus de la tête d'un 
gris clair légèrement ardoisé. La nageoire dorsale est d'un 
gris jaune avec les bords des rayons sablés de noir, la cau- 
dale de même nuance, les nageoires inférieures d'un jaune 
pâle. On pêche cette espèce dans l'Est, notamment dans les 
environs d'Annecy, en Savoie. Sa chair est assez bonne. 



103 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



L'idc mclanote 

Idus melanotus, Heckel et Kner. — Jde (Angleterrr). — Erfling, 
KùMing, Nerfling (Allemagne). — Ede (Danemark). 

L'Ide, très commun en Belgique et dans le nord de l'Eu- 
rope, ne se pêche que très rarement en France ; on l'a par- 
fois observé dans la Somme, la Meuse, la Moselle et le 
Rhin. Son galbe tient à la fois du Gardon et du Chevaine. 
Sa taille peut atteindre jusqu'à 50 centimètres de longueur 
pour une hauteur de 12. Le corps est élevé et comprimé 
latéralement; la tête, large et courte, porte une bouche plus 
petite que celle des Chevaines et munie de deux rangées de 
dents pharyngiennes, l'une de trois dents et l'autre de cinq, 
toutes deux sans dentelures; le maxillaire inférieur dépasse 
légèrement le supérieur. La courbure du dos est bien con- 
vexe, tandis que celle du ventre paraît, au contraire, presque 
droite. La nageoire dorsale est implantée un peu en arrière 
de la courbure du dos; la ventrale se loge presque au- 
dessous; la caudale est fortement échancrée. 

« La coloration de ce Cvprinide, dit M. E. Blanchard, 
change avec l'âge do la manière la plus remarquable. Chez 
les individus parvenus à un degré de développement avancé, 
toutes les parties supérieures du corps sont d'un noir 
bleuâtre, les côtés et les régions inférieures, d'une teinte 
blanche argentée, ont des reflets bleuâtres, et les nageoires 
rougeâtres semblent aussi être couvertes d'une vapeur bleue. 
Chez les jeunes individus, considérés naguère comme appar- 
tenant à une espèce bien distincte (Cyprinus orfus, Linné), 
tout le dos est d'un beau rouge doré, et ce rouge s'étend sur 
les côtés jusqu'au-dessous de la ligne latérale, en s'affaiblis- 
sant pour se fondre avec le blanc d'argent des régions infé- 
rieures du corps. Les nageoires sont d'un rouge vermillon, 
passant au jaune à leur extrémité, » 



LE CHEVAINE COMMUN 



109 



Ce poisson habite les eaux limpides et se plaît dans les 
milieux couverts de plantes aquatiques. Il se nourrit de 
végétaux, de vers, d'insectes et de petits poissons; sa ponte 
a lieu vers la fin d'avril ou au commencement de mai. Sa 
chair, blanche et tendre, a un bon goût ; cuite dans de l'eau 
salée, elle acquiert la couleur rosée de la chair du Saumon. 
On a péché des Ides pesant jusqu'à 4 kilogrammes, mais 
ce sont là de véritables exceptions. On n'en fait pas, du 
moins en France, de pêche spéciale, on la prend en même 
temps et par les mêmes procédés que le Chevaine. 

Le Chevaine commun 

Squalius cephalus,h\nuè. — Le Chevainja Chevaine, Chevesne, Che- 
vanne, Ghavanne, Meunier, Chaboisseau, Rotisso, Garbotteau, 
Boiteux, Barbotteur, Cavergnc, Testard (suivant les localités). — 
Jue'ne (environs de Paris). — Cheneveau, Chenevia (Noijent-sur- 
Seine). — Chabuisseau (la Loire). — Chevasson, Charasson 
(Rhône). — Chabot, Cabot (Lot, Lot-et-Garonne, Haute-Garonne). — 
Chouan (Maine-et-Loire). — Vilna, YiJnoehon (Aube). — Arestou 
(Gard). — Chub (Angleterre). — Dobel (Allemagne). — liasse! 
(Autriche). — Chevéne, Chavéne, Schxnene, Se>ieic, Vantouse, 
Alot (Suisse). 



Il existe en France plusieurs espèces de Chevaines; la 
plus connue, la plus répandue est celle que l'on désigne par 
l'une des nombreuses dénominations locales que nous venons 
de relever. Ce poisson a le dos un peu épaissi, les flancs 
légèrement comprimés, avec une taille un peu allongée pleine 
d'élégance. Son corps est entièrement recouvert d'écaillés 
grandes et dont le bord libre est un peu festonné, tandis que 
le milieu porte des stries radiées (fig. 65). La tête est forte, 
large en dessus, avec un museau obtus et arrondi. La bouche 
oblique est assez grande, avec la mâchoire supérieure dépas- 
sant un peu l'inférieure. Les dents pharyngiennes, coniques, 
dentelées sur leur bord inférieur, recourbées en arrière, 
sont disposées sur deux rangées, l'une interne composée de 

Locaki), I.a Pêche. 7 



110 



POISSONS DES EAUX DOUCES 






cinq dents, l'autre externe qui n'en compte que deux. La 
ligne latérale, partant du bord supérieur de l'opercule, est 
plus rapprochée du ventre que du dos et décrit une courbe à 
peu près parallèle à cette région. La nageoire dorsale s'éle- 




Kic. 65. — Écaille de la ligne latérale du Chevaine commun. 



vant presque exactement au milieu du dos, un peu en arrière 
de l'insertion des ventrales, est plus haute que longue; la 
caudale est faiblement échancrée. 

Le Chevaine commun a le dos d'un bleu verdâtre passant 
au bleuté plus ou moins intense et plus ou moins sombre; les 
flancs sont argentés chez les jeunes sujets et dorés chez les 
vieux, avec des reflets plus ou moins brillants; le ventre est 
blanc d'argent. Souvent, vers l'épaule, on distingue une 
ligne noirâtre. Les nageoires dorsale et caudale participent 
de la couleur générale du corps, et sont plus sombres vers 
les sommets ; les autres nageoires sont teintées de rose ou de 
rouge plus ou moins vif suivant les saisons (fig. 66). 

La taille de ce poisson est fort variable; un beau Chevaine 
peut atteindre 55 à 60 centimètres de longueur pour un poids 
de 4 ou 5 kilogrammes. C'est un poisson des plus voraces, 
sa gloutonnerie est prodigieuse ; tout ce qui tombe à l'eau 
lui est bon ; c'est un rude pêcheur qui fait une guerre conti- 
nuelle au petit fretin ; un petit Chevaine de 12 centimètres 






LE CHEVAINE COMMUN m 

de long mange déjà des Ablettes et des Gardons de 4 ou 
5 centimètres de longueur. 

Le Chevaine aime les eaux tranquilles et profondes ; tant 
qu'il est jeune, on le voit souvent par troupes nombreuses 
dans les ruisseaux et les rivières à fonds de sable ou de 
gravier, fuyant au moindre bruit avec la rapidité d'une 
flèche, se contentant comme nourriture des vers, des insectes, 
des détritus végétaux qui sont à sa portée. Plus tard, il 
recherche des courants plus rapides, et on le rencontre au 
voisinage des moulins, des piles de ponts, des barrages, 




Kig. 66. 



La Chevine commune. 



partout ou les remous de l'eau lui apportent une proie abon- 
dante et variée. Ses habitats varient suivant les saisons; en 
hiver, il faut le chercher dans les milieux découverts, tandis 
qu'en été il se tient plus souvent à l'ombre des grands 
arbres; durant les belles journées d'été, il se promène à la 
surface de l'eau pour y guetter les insectes. 

Les Chevaines pondent vers la fin d'avril; ils recherchent 
alors les petits fonds dans les eaux vives des rivières, et 
donnent naissance à un nombre considérable de petits œufs 
jaunes gros comme la graine de pavot. Les jeunes croissent 
rapidement. 

La pêche de ce poisson varie suivant les saisons. En hiver, 



II 



112 POISSONS DES EAUX DOUCES 

de novembre à mars, il faut chercher le Chevaine sous les 
ponts, dans les haïs des piles, ou vers les moulins; on prend 
alors de gros individus en amorçant avec des intestins de 
volailles ou de la cervelle de veau ou de mouton crue, dont 
il semble très friand. Au printemps, de mars à mai, « le 
Chevaine, dit La Blanchère, recherche différentes esches : 
vers les premiers beaux jours, on voit apparaître les petits 
et moyens qui mordent parfaitement au ver rouge et qui se 
prennent de la même manière que le Gardon, la Brème et 
souvent pêle-mêle avec eux. Le Chevaine ne dédaigne pas 
non plus le cherfaix. Quant aux plus gros et aux plus vieux 
individus, ils commencent à monter à la surface, attirés par 
la plaisir de jouer au soleil bienfaisant qui se montre plus 
souvent. Si la rivière est large, sans arbres sur les rives, 
comme la plupart de nos fleuves, les gros Chevaines gagnent 
les grands courants et il faut les aller chercher avec la 
grande volée, la ligne étant chargée d'un hanneton, d'un 
grillon ou de tout autre insecte de printemps ; tous les in- 
sectes alors parus sont bons, surtout les papillons blancs noc- 
turnes qui élisent domicile sur les ormes et les épines noires; 
les poils caducs dont ils sont revêtus sont causes d'ampoules 
sur les mains du pêcheur ; il est donc bon, quand on s'en sert, 
de mettre des gants. 

On fait usage de la pêche à rouler dès les premiers soleils. 
Dans ce moment les eaux sont limpides, le poisson voit de 
loin; il se tient à la surface et au fond un peu partout, sui- 
vant le genre de nourriture que lui apporte le courant : dans 
une rivière où se trouvent des tanneries et des lavages de 
laine, le Chevaine se tiendra au fond, parce que les parties 
lourdes des chairs seront portées en cet endroit par les 
eaux. Si la rivière est ombragée d'arbres, il restera à la sur- 
face pour gober les fruits et les insectes qui tombent. 

Déjà, vers la fin du printemps et dès les premières cerises, 
on a commencé à le pécher au moyen de ces fruits qu'il 



' 






LE CHEVAINE MÉHIDIONAI. H3 

affectionne; quand les cerises manquent, on prend les gro- 
seilles rouges à maquereau et on ramène encore de fort 
beaux poissons. A la suite de ces pèches vient celle au sang ; 
quand cet appât est bien préparé, celle-ci n'a rien de répu- 
gnant et procure une très belle quantité de Chevaines. Elle 
doit être faite dans le fil de l'eau, au moyen d'un bateau, ou 
du haut d'une jetée, ou encore près d'un abreuvoir, dans 
un fleuve où l'eau rapide vient former un remous. Cette pèche 
réussit d'autant mieux que le cours d'eau est plus limpide et 
plus considérable : dans la Loire, la Garonne, elle est très 
recherchée. » En Automne, le raisin mûrit et le Chevaine 
en est avide comme un gourmand qu'il est. Le raisin rouge 
réussit à l'automne aussi bien que la cerise vermeille au 
printemps; même mieux, en hiver, on peut lui offrir du rai- 
sin sec. 

La chair du Chevaine, sans être de toute première qualité, 
est bonne ; les individus de taille moyenne ou déjà un peu 
gros sont les meilleurs ; sa chair est blanche et rappelle 
comme goût celle de la Brème; elle a beaucoup de petites 
arêtes. On la ma*ige frite, au court-bouillon ou en matelote; 
par la cuisson dans une eau salée, sa chair devient un peu 
jaunâtre. 



Le Chevaine m éridional 



Squalius meridionalis, Blanchard. 



Comme son nom l'indique, cette espèce vit dans le Midi; 
on l'a signalée dans les départements du Lot-et-Garonne et 
de Vaucluse, dans la Saône et la Sorgue. Voisine du Che- 
vaine commun, elle s'en distingue par le profil de son dos plus 
arqué, sur un corps moins allongé; la tête est plus longue et 
terminée par un museau plus pointu ; elle forme environ le 
quart de la longueur totale. Sur les flancs, la ligne latérale 
est presque droite. Enfin les écailles sont plus courtes, à 



114 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



stries régulières et fortement pointillées, sablées de brun 
noirâtre à leur base et sur leur pourtour (fig. 67). 

On pêche le Chevaine méridional comme le Chevaine 
commun; il a, du reste, les mêmes mœurs. 




Fig. 67. — Écaille de la ligne latérale du Chevaine méridional. 



Le Chevaine treillage 

Sgualius clathratus, Blanchard. — Cabot. 

On pêche ce Chevaine dans le midi de la France; on l'a 
signalé dans les eaux du Lot et du Celé, près de Figeac. Son 
galbe est plus étroit et plus élancé que celui du Chevaine 
commun et surtout du Chevaine méridional. Les écailles 
(fig. 68) sont courtes, avec le bord extérieur moins arrondi 
et moins festonné ; elles figurent des losanges bien réguliers 
auxquels leur ponctuation donne une extrême netteté. Les 
plus grands individus ne dépassent pas 15 à 20 centimètres 
de longueur. Sa coloration est également caractéristique : 
« Son dos et le dessus de sa tête, dit M. E. Blanchard, sont 
d'un gris bleuâtre, et cette teinte, en s'affaiblissant sur les 
côtés jusqu'au-dessous de la ligne latérale, prend exactement 
l'aspect et le reflet brillant de la nacre, tandis que toutes les 
parties inférieures du corps demeurent d'un beau blanc d'ar- 



LA VANDOISE AUBOUR 1(5 

gcnt. Les joues et l'opercule sont parsemés de gros points 
noirs et les écailles sont ornées chacune d'une bordure de 
points également noirâtres, assez gros et très serrés, for- 




FiG. G8. — Écailles du Chevaine treillage dans leur position naturelle. 

mant une sorte de grillage sur toute l'étendue des parties 
latérales du corps. La nageoire dorsale est d'un gris pâle; les 
nageoires inférieures ont une teinte jaunâtre. » 






La Vandoise Autour 

Squalius Bearnensis, Blanchard.— L'Autour, la Vandoise. 

Cette espèce est intermédiaire entre les Chevaines et la 
Vandoise commune dont nous allons nous occuper plus loin. 
« L'Aubour, dit M. E. Blanchard, par son aspect général, 
par sa coloration, ressemble au Chevaine commun; mais, par 
sa nageoire dorsale ne présentant que sept rayons rameux 
et par ses dents pharyngiennes épaisses, il est plus voisin de 
la Vandoise. Le corps est plus comprimé et le dos plus élevé 
que chez cette dernière. La tête, grande, formant au moins 
le quart de la longueur de l'animal mesuré de l'extrémité du 
museau à l'origine de la queue, est fortement abaissée d'ar- 






116 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



rièrre en avant et moins épaisse que chez le Chevaine, avec 
la mâchoire supérieure à peine plus saillante que l'inférieure, 
l'œil très grand, l'opercule fort large (fig. 69). » 










Fig. 69. — Tête de la Vandoise Aubour. 

Chez l'Aubour, le dos et la région supérieure de la tète 
ont une teinte brune métallique à reflets bleutés; il existe des 
taches brunes sur presque toutes les écailles jusqu'à la région 
ventrale, et des points de même coloration sur la joue et 
l'opercule. 

On ne connaît encore cette espèce que dans les eaux du lac 
Mariscot, près de Biarritz. 



La Vandoise commune 

Squalius leuciscus, Linné. — • Dard (environs de Paris). — Vandèze, 
Gravelet (Lorraine). — Suisse (Dauphiné), — Vairon (Lyonnais). — 
Bottel (Alsace). — Gandoise, Gravelet, Cabotin, Seusse, Suiffe, 
Accoursi, Vedi, Aubourne, etc. (suivant les localités). — Corsille, 
Corsaye (Nivernais). — Dar, Dare (Angleterre). — Weis-Fisch 
(Allemagne). — Vittoye (Hollande). 

La Vandoise a le corps allongé, un peu comprimé latérale- 
ment, revêtu d'écaillés beaucoup plus petites que celles du 
Gardon et avec le bord généralement anguleux. La tête est 



LA VANDOISE COMMUNE 



117 



petite, avec le museau avancé, un peu pointu; la bouche, 
petite, est rétractile et placée en dessous, la mâchoire supé- 
rieure plus longue que l'inférieure. La nageoire dorsale 
commence au-dessus de l'insertion des ventrales; l'anale est 
plus haute que longue et la caudale bien échancrée. Sa lon- 
gueur totale est d'environ 35 centimètres pour une hauteur 
de 8 centimètres (fig. 70). 




FlG. 70. — La Yaimoise commune. 



La coloration est assez variable; le dos passe du gris ver- 
dâtre plus ou moins uniforme au bleuté plus ou moins intense ; 
les flancs, à partir de la ligne latérale, sont d'un vert pâle 
argenté, et le ventre d'un beau blanc éclatant; parfois les 
écailles ont à leur bord un pointillé noirâtre. La dorsale et la 
caudale sont gris verdâtre teinté de jaune; l'anale est jaune 
rosé et les autres nageoires d'un rose clair. 

A côté de ce type doivent prendre place plusieurs intéres- 
santes variétés, parfois même considérées comme espèces. 
Nous citerons : 

Le Poissonnet (Leuciscus Lancastriensis, Yarrell). — 
Chez cette forme, le corps est plus élevé que chez la Van- 
doise commune, le museau plus arrondi, les nageoires un 
peu plus longues et les écailles moins larges; ses couleurs 
sont ordinairement plus vives. 

Le Ronzon (Leuciscus rodens. Agassiz). — Le Ronzon 



118 



POISSONS DES EAUX DOUCES 












ne diffère de la Vandoise commune que par une coloration 
plus pâle ; le dos est vert tendre. 

Le Rostre ( Leuciscus rostratus, Agassiz). — Dans cette 
variété le museau est plus pointu, plus allongé que chez les 
autres Vandoises. 

Toutes ces formes, types ou variétés sont communes dans 
les rivières et fleuves à eaux courantes et à fonds sablon- 
neux ; l'eau pure, toujours en mouvement, semble indispen- 
sable à leur existence; là on les voit se déplacer et filer 
comme un trait ; de là le nom de Dard qu'on leur donne 
parfois. Elles frayent vers la fin du printemps et déposent 
leurs œufs dans les herbages. La chair est blanche, assez 
ferme et serait réellement appréciée si elle n'était pas sillonnée 
d'une si grande quantité de petites arêtes. La Vandoise, quand 
elle est toute petite, se mange surtout frite. On n'en fait pas 
trop une pêche spéciale, on la prend accidentellement avec 
les autres poissons blancs. 

« C'est surtout pendant les grandes chaleurs, aux mois de 
juillet et d'août, écrit M. R. de Savigny, par une eau claire 
et profonde, le long des quais et des pierres, que se fait bien 
la pêche de la Vandoise ou Dard, à l'orge cuite. Il faut 
amorcer abondamment et piquer vivement et finement dans 
le plan vertical. La Vandoise se prend, le matin surtout, 
par l m ,30 à l m ,60 de fond, dans l'eau légèrement courante, 
et très bien dans les eaux vives et tournantes, auprès de la 
chute des moulins. On emploie le sang caillé, le porte-bois. 
On amorce avec des boulettes de terre grasse, mêlée de 
bouse de vache. » Elle mord également bien à la mouche, au 
blé bouilli, au petit ver, etc. 



La Vandoise bordelaise 



Leuciscus burdigalensis, Valenciènnes. 
On pêche cette espèce jlans la Gironde et dans la Garonne 



LE BLAJON COMMUN 119 

Elle a beaucoup d'analogie avec la Vandoise commune, mais 
elle s'en distingue : par son corps moins élevé, présentant un 
profil très effilé ; par sa tète plus longue avec un museau 
moins obtus; les écailles sont proportionnellement plus 
petites. Sa coloration est d'un gris verdâtreou bleuâtre assez 
claire dans les régions supérieures, et d'un blancpurdans les 
parties inférieures ; la nageoire dorsale est noirâtre et les 
nageoires inférieures orangées à leur base (fig. 71). 




Fig. 71. — Tète de la Vandoise bordelaise. 



On pèche cette espèce comme les précédentes. Les plus 
gros individus ne dépassent pas 15 à 20 centimètres de lon- 
gueur. 

Le Blajon commun 

Squalius Agassizi, Valenciennes. — Blajon, Blajeron (France). 
— Suffi (Provence). — Blavin (Suisse). — Biemling (Baie). 

Le galbe du Blajon est fusiforme allongé, un peu com- 
primé dans sa moitié postérieure. La plus grande hauteur 
correspond au niveau de la nageoire dorsale et elle est com- 
prise quatre fois dans la longueur totale. La tète est petite, 
courte, conique, avec un museau pointu ; la bouche peu 
fendue est placée en dessous et s'ouvre obliquement. Le 






120 POISSONS DES EAUX DOUCES 

corps est couvert d'écaillés finement striées dans le sens de 
la longueur. La ligne latérale, plus rapprochée du ventre 
que du dos, décrit une légère courbure. La nageoire dor- 
sale est en forme de quadrilatère; les pectorales sont 
oblongues, et les ventrales qui naissent un peu avant l'ori- 
gine de la dorsale sont triangulaires. L'anale est sensiblement 
égale à la dorsale et la caudale est très bifurquée (fig. 72). 




Fia. 72. — Le Blajon commun. 



Les parties supérieures du corps sont d'un gris sombre, à 
peine ardoisé, qui va en s' affaiblissant sur les flancs; le ventre 
est blanc argenté; au-dessus de la ligne latérale s'étend une 
étroite bande noirâtre qui va depuis la pointe de l'opercule 
jusqu'à la naissance de la nageoire oaudale; les nageoires 
sont grises, lavées de jaune pâle à leur base. 

Le Blajon est un petit poisson dont la taille ne dépasse 
pas de 15 à 20 centimètres de longueur ; assez commun en 
Allemagne, on le pêche de temps en temps en France dans 
les rivières de l'Est et du Midi ; nous le connaissons dans 
l'Ouche, la Tille, la Durance, la Sorgue, l'Hérault, l'Allier, 
le lac du Bourget, le lac d'Annecy, etc. 

Il fraye en mars et en avril, et même parfois au commen- 
cement de juin. A ce moment, dit M. V. Fatio, les bandes de 
Blajons se mêlent volontiers à celles du Nase, pour frayer 



LE VAIRON COMMUN 121 

dans les mêmes conditions ; aussi résulte -t-il assez souvent 
de ce rapprochement des produits métis connus sous le nom 
de Chondrostoma rysela. Les femelles semblent déposer de 
préférence leurs œufs sur le gravier. Ge poisson est peu 
connu comme aliment; on n'en fait pas une pèche spéciale, 
bien qu'on le prenne souvent dans le tramail ou à la ligne 
avec un ver. Les pêcheurs l'emploient souvent comme 
amorce avec le Vairon et le Spirlin. 



Le Vairon commun 

Phoxinus Ixvis, Sélys-Longchamps. — Arlequin, Gravier, Erling, 
Ellerr.her (Vosges et Alsace). — Sardine (Savoie). — Loque, Ver- 
gnole (Auvergne). — Grovier (Aube). — Veïroun, Viroun (Pro- 
vence). — Viron, Verdelet, Cippe, Vèrique, Benjune, Gen- 
darme, etc. (suivant les localités). — Minnow, Minnim, Pink 
(Angleterre). — Ellerling (Allemagne). — Sardela (Italie). — Ane- 
ron, Gremoillon, Petit Saumon, Lebette , Amaron, Grisette, etc. 
(Suisse). 

Le Vairon est à la fois un de nos plus petits et de nos plus 
élégants poissons; sa taille ne dépasse pas de 8 à 10 centi- 
mètres de longueur. Son corps allongé, arrondi dans les 
deux tiers antérieurs, un peu comprimé dans le tiers pos- 
térieur est couvert de petites écailles ovalaires enduites 
d'une épaisse couche de mucosités. La tête est courte, avec 
un museau arrondi ; la bouche, assez grande, porte des 
dents pharyngiennes recourbées et réparties sur deux ran- 
gées, l'une interne avec deux très petites dents, l'autre 
externe, avec cinq dents plus grosses. La ligne latérale, plus 
voisine du ventre que du dos, décrit d'abord une courbe 
légère avant de suivre une direction rectiligne dans la 
partie postérieure du corps. La nageoire dorsale commence 
en arrière de l'insertion des ventrales et finit au-dessus de 
l'origine de l'anale; la caudale, très développée, est bien 
fourehue(fig. 73). La coloration du Vairon est très variable; 






122 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



le dos passe du vert olive, au gris bronzé et au gris terne; 
sur les côtés on distingue des taches ou des bandes noi- 
râtres à travers un pointillé de même teinte; parfois la 
bande est continue; au moment du frai apparaît une bande 
dorée qui s'étend jusqu'à la racine de la queue; le ventre est 
blanc. Le mâle revêt une robe de noce des plus brillantes ; le 
dos prend, sur un ton vert bronzé, des tons bleus métalliques, 







Fig. 73. — Le Vairon commun. 



avec une bande longitudinale de même bleu tout le long des 
flancs, se détachant au-dessus d'un ventre blanc argenté ; les 
lèvres, la gorge, la base des nageoires et parfois aussi le 
ventre deviennent d'un beau rouge écarlate. 

Le Vairon n'habite que les eaux claires et vives ; c'est 
surtout dans les petites rivières et les ruisseaux qu'on le 
rencontre en compagnie des Goujons, des Epinoches, des 
Loches ou des Chabots; il fuit d'instinct les eaux dormantes 
et marécageuses; on le voit presque toujours en bandes sans 
cesse en mouvement, s'enfuyant au moindre bruit, jouant sur 
les fonds sablonneux, et faisant de fréquentes incursions sur 
les rives ou à la surface de l'eau. Il se nourrit de végétaux, 
de graines, d'insectes, de vers, etc. 

Il fraye habituellement en mai et en juin; à ce moment il 
cherche Jes eaux plus profondes, à fonds de sable: chaque 



LE CHONDROSTOME NASE 123 

femelle est d'ordinaire suivie de deux ou trois mâles ; les 
œufs sont très nombreux; les jeunes commencent à sortir 
dès la fin de la semaine suivante et croissent rapidement 
jusqu'à l'automne; mais ce n'est qu'au bout de la troisième 
année, quelquefois même de la quatrième que le Vairon com- 
mence à se reproduire. 

Le Vairon, au point de vue de l'alimentation, n'a qu'un 
défaut, celui d'être trop petit. Sa chair, quoique un peu 
amère, lorsqu'il n'a pas été convenablement préparé, vaut 
celle du Goujon, A la ligne, il mord à tout ce qu'on lui tend, 
asticot, ver rouge, mie de pain et même au drap rouge ; la 
ligne la plus petite, l'hameçon le plus fin, le fil le plus délicat, 
doivent être mis en œuvre pour capturer ce pygmée ; mais on 
arrive plus rapidement à ses fins en faisant usage du carrelet, 
du trouble, de la bouteille, etc. Les pêcheurs le recherchent 
comme un excellent appât pour la pêche au vif. Il s'élève très 
facilement dans l'aquarium. 



I 






Le Chondrostome nase 

Chondrostoma nasus, Linné. — Nase, Nez, Naas (l'Alsace et l'Est). — 
Ancou (Lorraine). — Hotu (environs de Paris, Nord). — Seuffre, 
Seuffle (Cùte-d'Or). — Schiff, Écrivain, Ame noire, Seufflc grise 
(suivant les localités). — Siège (Hérault). — Mulet (Yonne). — 
Seva,Lètta, Alètta, Sciavèlta (Tessin, Suisse). — Havelta (Italie). 
— Œsling (Allemagne). 



Le Nase doit son nom à la forme particulière de son mu- 
seau; il a le corps élancé, comprimé dans la région posté- 
rieure et recouvert d'écaillés assez grandes, avec le bord 
externe arrondi et légèrement festonné. Le dos est à peine 
arqué. La tête petite, présente un museau saillant, obtus, 
comme tronqué, formant une sorte de tronc de cône déprimé 
(fig. 74). La bouche, légèrement arquée dans son profil, est 
logée tout à fait en dessous; ses mâchoires sont mipees et 



124 



POISSONS DES EAUX DOUCES 






tranchantes, l'inférieure un peu protractile ; les dents pha - 
ryngiennes sont disposées sur un seul rang. La nageoire dor- 
sale est haute, courte et s'élève au milieu du dos; les ven- 




Fig. 74. — Tête du Chondrostome nase, vue en dessous. 

traies prennent naissance au-dessous de l'insertion de la 
dorsale; l'anale est à égale distance des ventrales et de la 




Fie. 



Chondrostome nase. 



caudale fourchue. Enfin la ligne latérale est plus rapprochée 

du ventre que du dos, et décrit une légère courbure (fig. 75). 

Une teinte d'un gris noirâtre, rendue plus vive par des 

reflets d'un vert métallique, règne sur le dos, la nagoire dor- 



LE CHONDROSTOME NASE 



125 



sale et la caudale ; les côtés nuancés de jaune roux ou de 
fauve, ont un éclat argenté rehaussé par de petites taches 
pigmentaires noirâtres; le ventre est d'un beau blanc nacré. 
Un trait noirâtre se dessine en outre sur chaque écaille de 
la ligne latérale, et les nageoires inférieures se détachent 
en jaune vermillonné ou en rouge vif. 

Ce poisson, jadis presque exclusivement cantonné dans nos 
rivières de l'Est, tend de plus en plus à se répandre dans les 
cours d'eaux de nos pays. On le pêche aujourd'hui très fré- 
quemment dans la Seine, la Marne, l'Yonne, etc. Sa taille 
est d'environ 35 à 40 centimètres de longueur. Dans certaines 
rivières d'Allemagne, il remonte les cours d'eau, comme le 
Saumon, par bandes de 10 à 15 centimètres d'épaisseur. 
Dans nos pays, il vit également en troupes plus ou moins 
populeuses, se tenant le plus souvent vers les fonds, couché 
contre le sable dans une assez longue immobilité. Pendant les 
grosses chaleurs, unie voit circuler lentement sur les rives 
où brillent alors les vives couleurs de ses écailles nacrées. 

« La nourriture du Nase, dit Brehm, consiste en vers et 
surtout en matières végétales que l'animal peut parfaitement 
arracher et saisir sur les pierres, grâce à la disposition si 
particulière de sa bouche. A Wurtzbourg, d'après Siebold, le 
Nase a reçu le nom de Gracheur, parce qu'il rejette toujours 
beaucoup de limon au moment où on le prend, limon qui 
était sans doute retenu entre les dents pharyngiennes. L'épo- 
que du frai arrive en avril et en mai ; à ce moment, les Nases 
se rassemblent en troupes et remontent les grands cours 
d'eau dans leurs affluents, souvent môme dans les petits 
ruisseaux; ils recherchent avant tout les endroits dont le 
fond est couvert de gravier sur lequel l'eau s'écoule rapide- 
ment; les œufs sont nombreux. Au moment do la ponte, 
comme chez la plupart des Cyprins, on voit une sorte d'érup- 
tion cutanée sur la tête. Les petits éclosent vers le quin- 
zième jour ». 






126 POISSONS DES EAUX DOUCES 

La chair du Nase est loin d'être bonne; elle est molle, un 
peu fade et remplie de petites arêtes ; dans quelques contrées 
de l'Est on sale et on fume le Nase. On le pêche surtout à 
la ligne avec les asticots, les vers de vase ou de terreau, les 
insectes, le blé et même l'herbe dont on entoure l'hameçon 
en ayant soin d'en conserver la pointe libre. Il mord très 
doucement et fait à peine enfoncer la flotte; une fois pris, il 
se défend à peine. 



Le Ghondrost o me bleuâtre 

Chondrostoma cœrulescens, Blanchard. 

Cette espèce, voisine de la précédente, s'en distingue ce- 
pendant assez facilement. Son corps est plus épais, sa taille 
ordinairement plus faible, ne dépassant pas de 25 à 30 centi- 
mètres de longueur. La bouche est plus petite, taillée en 




Fio. 76. — Tète du Chondrostome bleuâtre vue en dessous. 

croissant, avec la lame cartilagineuse de la lèvre inférieure 
relativement très courte (fig. 76) ; les dents pharyngiennes, 
au nombre de six de chaque côté, sont moins longues et très 
coniques; les écailles ont une forme oblongue, plus atténuée 



LE CHONDROSTOME DE DRÊ.ME 



127 



à leur extrémité que celles du Nase; enfin, la nageoire dor- 
sale est beaucoup moins élevée. 

La coloration est également différente : toute la portion 
supérieure du corps est d'un gris noirâtre plus ou moins 
foncé, avec de vifs reflets d'un bleu d'acier; de gros points 
noirs sont disséminés sur les écailles jusqu'au dessous de la 
ligne latérale, et des points semblables ou plus gros, sont 
répandus autour de l'œil ainsi que sur l'opercule ; chez cer- 
tains individus ce dernier mode d'ornementation tend à 
s'atténuer. Les nageoires supérieures sont lavées de gris, et 
les inférieures d'une teinte jaunâtre. 

On prend ce poisson dans quelques rivières de l'Est, le 
Doubs, l'Ognon, la Tille, etc. Ses mœurs sont celles du Nase ; 
on le pêche de la même manière, et sa chair ne paraît pas 
jouir de meilleures qualités. 

Le Ghondrostome de Drème 



Chondrostoma Dvemei, Blanchard. — Seyclie, Setge, Scie, Siège, 
Mullet, etc. (Lot, Lot-et-Garonne, Haute-Garonne). 

Ce Ghondrostome est encore de taille plus petite que les 
espèces précédentes; il ne mesure plus que 15 à 20 centi- 
mètres de longueur. Il ressemble, comme allure, plus au 
Ghondrostome bleuâtre qu'au Nase, mais il est plus mince et 
sa tête est plus courte avec un museau plus large. Les 
écailles sont courtes et ont leur bord libre très peu festonné. 
Les parties supérieures du corps sont d'un gris légèrement 
bleuté, avec une bande longitudinale située au-dessus de la 
ligne latérale d'un ton un peu ardoisé. On distingue quelques 
points noirâtres épars sur les écailles, devenant plus pressés 
sur la ligne latérale. La nageoire dorsale est légèrement 
lavée de gris; les pectorales et l'anale sont ordinairement 
sablées de petits points noirâtres sur le trajet de leurs rayons 
(fig. 77 et 78). 



128 POISSONS DES EAUX DOUCES 

Cette espèce vit dans le Midi ; M. E. Blanchard l'a signalée 
dans le Lot près Gahors, dans la Saône, l'Aude, la Garonne 
à Toulouse, etc. 




Fig. 77. — Chondrostome de Drème. 



Le Chondr ostome du Rhône 

Chondrostoma Iikodancnsis, Plancharil. — Soafe, Seufle (Lyon- 
nais). — Soffio (Avignon). 

Cette forme se distingue des précédentes par sa bouche 
plus petite et plus arquée en croissant que chez les autres 





Fig. 78. — Écaille du Chondrostome 
de Drême. 



Fie 79. — Tète du Cliondrostoine 
du Rhône vue en dessous. 



espèces (fig. 79) ; les dents pharyngiennes sont au nombre de 
six de chaque côté et de forme plus grêle; les écailles ont 



LE LAVARET 12Ç) 

leurs stries concentriques beaucoup plus espacées et par con- 
séquent moins nombreuses; ces écailles sont brillantes et la 
coloration générale est d'un ton jaunâtre, avec de très pe- 
tits points noirs plus ou moins nombreux, disséminés sur la 
tête et sur la région supérieure du corps. 

On prend cette espèce dans le Rhône et dans quelques- 
uns de ses affluents, tels que la Saône, l'Ouvèze, la Durance ; 
il mord bien à la ligne amorcée avec toutes espèces de vers; 
sa chair, moins mauvaise et moins fade que celle du Ghon- 
drostome nase, rentre dans la catégorie de celle des poissons 
blancs généralement peu appréciés parles fins gourmets. 



FAMILLE DES SALMONIDES 



Le Lavaret 

Coregonus Zacaretus, Linné. — Le Corégone-Lavaret , le Lavaret 
du Bourget. — Gicyniad (Angleterre). — Dlaufelchen (Alle- 
magne). — Sig (Russie). 



Le Lavaret a le corps comprimé, allongé, plus aminci en 
arrière de la nageoire dorsale qu'en avant ; la tête est petite, 
avec la région frontale déprimée; le museau, atténué et tron- 
qué à son extrémité; la bouche, peu fendue, et dépourvue de 
dents, est franchement terminale, et ses deux lèvres arrivent 
au môme niveau. Les écailles sont petites et courtes relati- 
vement à leur longueur. La nageoire dorsale, plus haute que 
large, prend naissance dans le milieu de la courbure du dos; 
les pectorales sont longues et pointues, la caudale très échan- 
crée (fig. 80). 

La coloration du dos passe du gris bleuté au verdûtre; les 
flancs et le ventre sont d'un beau blanc d'argent légèrement 
roséole; la ligne latérale se tache d'un petit ponctué noir; les 



130 POISSONS DES EAUX DOUCES 

nageoires sont, chez les jeunes, lavées de gris, et roses ou 
noirâtres chez les adultes. 

La taille d'un Lavaret ordinaire ne dépasse pas de 30 à 
35 centimètres de longueur. Mais on pêche parfois des indi- 
vidus qui atteignent 65 centimètres, et dont le poids varie de 
l ks ,500 à 2 kilogrammes. Il se nourrit principalement de 
petits animaux nageurs tels que larves d'insectes, de crus- 
tacés et de débris organiques de toutes sortes. Il vit presque 
uniquement dans les eaux du lac du Bourget en Savoie, et 
dans le lac d'Aiguebelette dans l'Isère. Parfois on le prend 
d'une façon tout à fait accidentelle dans les eaux du Rhône, 
de l'Ain ou de l'Isère; maison le retrouve dans d'autres 
lacs de l'étranger. Maintes fois on a essayé de l'acclimater 
dans plusieurs de nos cours d'eau, mais sans le moindre 
succès. 

En temps habituel, le Lavaret se tient dans les eaux pro- 
fondes et ne remonte que pendant les pluies chaudes ou ora- 
geuses; à ce moment on le voit se rapprocher jusqu'à cinq 
brasses de la surface de l'onde, mais au moindre bruit il s'en- 
fuit dans les zones profondes. Vers la seconde moitié de 
novembre, c'est-à-dire à l'époque du frai, on voit alors les 
Lavarets se réunir en bandes considérables, se frottant les 
uns contre les autres, au point que les écailles se détachent 
et troublent l'eau sur une grande étendue. La ponte dure 
une quinzaine de jours; les œufs sont déposés sur les bords 
du lac. 

La chair de ce poisson est des plus savoureuses ; aussi lui 
fait-on une guerre assidue ; c'est surtout en août et septem- 
bre qu'il est le meilleur. On le prend surtout à la senne, 
comme la Fera. Deux bateaux montés par une sizaine de 
pêcheurs portent une senne ou grand filet de 100 mètres de 
long au moins sur 7 à 8 mètres de hauteur ; à mesure qu'ils 
s'éloignent l'un de l'autre les bateaux jettent le filet à l'eau; 
le filet est alors tiré régulièrement par chaque bateau sur 




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Fig. 80. — Le Lavaret. 






132 POISSONS DES EAUX DOUCES 

un certain espace du lac ; puis se rapprochant ensuite, ils 
enserrent dans le filet les poissons qu'il a rencontrés dans sa 
course. Parfois cette pêche se fait de nuit avec un feu bril- 
lant à l'avant du bateau qui surprend et éblouit le poisson. 

La Fera 

Coregonus fera, Jurine. — Fera, Ferra, Fera blanche, Fera verte, 
Fera noire, Fera bleue (Léman). — Fera du Travers (Genève). 
— Bezole, Bezide (Savoie). 

La Fera a le corps allongé, comprimé latéralement ; la 
tête, dont la longueur est égale à un peu plus du quart de la 
longueur totale, a un profil très angulaire (fig. 81), tronqué 
obliquement et terminé par un museau un peu arrondi ; les 
deux maxillaires sont à peu près égaux, mais le supérieur 




Fig. SI. — Tète île la Fera. 




Fia. 82. — Ecaille de la Fera. 



dépasse légèrement l'inférieur ; tous deux portent de petites 
dents très fines et caduques. Les écailles sont fines, légère- 
ment ovales et à bords sinueux (fig. 82). La ligne latérale, 
presque droite, occupe le milieu des parties latérales du 
corps. La nageoire dorsale commence un peu en avant du 
milieu de la courbure du dos; les pectorales, peu dévelop- 



la Fi' a a 133 

pées, sont arrondies; les ventrales sont logées sous le milieu 
de la dorsale ; l'anale est petite et la caudale très échancrée 
et à lobes inégaux. 

Selon l'âge et les circonstances, la coloration du dos varie 
du gris olivâtre au vert olive et au vert bleu en dessus, avec 
les côtés d'un argenté plus ou moins lavé de jaunâtre, passant 
au blanc sous le ventre. Les faces supérieures et le haut des 
flancs sont couverts d'un pointillé noirâtre. Les nageoires se 
colorent en rose tendre à l'époque du frai, avec un pointillé 
noir; sur la dorsale et la caudale, on distingue de petites 
bandes transversales rembrunies; l'anale et les ventrales 
sont lavées de bleu un peu violacé sur le tiers ou la motié 
extrême. 

La Fera est ordinairement plus grande que le Lavaret; 
elle mesure en moyenne 36 à 41 centimètres de longueur et 
pèse un peu moins d'une livre. On aurait pris jadis des 
Feras de six livres. Ce poisson est un des principaux hCtes 
du lac Léman. Il fraye entre le 12 février et le 10 mars; sa 
ponte se fait principalement du côté de la rive savoyarde, 
et « parfois sur les herbes les plus profondes du mont, dit 
Fatio ', le plus souvent sur le sable ou le limon du fond, assez 
souvent sous 100, voire même 200 mètres d'eau. » 

Après avoir erré et chassé pendant la belle saison, suivant 
les circonstances, plus ou moins près de la surface ou des 
rives, il gagne peu à peu, à l'approche de l'hiver, les profon- 
deurs où la ponte s'opérera quelques semaines plus tard. Sa 
nourriture semble consister principalement en mollusques, 
vers, insectes et larves de diverses sortes, ainsi qu'en petits 
crustacés. Il saute volontiers à la surface après les petits 
moucherons et happe parfois aussi des insectes plus durs et 
relativement assez gros. 

La pêche se pratique principalement avec la senne dite 

1 Fatio, Faune des Vertébrés de la Sui.se, Poissons, II 1 ' partie. 
Genève et Bàle 1890, p. ?4!>. 

Locaud, I-a Pèche g 



134 



POISSONS DES EAUX DOUCES 






grand- filet ou monte, suivant ses dimensions, ou avec un 
filet dormant nommé mêni, que l'on dispose sur le fond plus 
ou moins près du bord et qu'on laisse séjourner une ou deux 
nuits. La manœuvre du grand filet, qui mesure 100 mètres 
et plus, sur 7 ou 8 mètres de haut, se fait, suivant les cir- 
constances, avec un seul bateau, si le fond permet d'amarrer 
fixement un des bouts de la corde, ou avec deux bateaux dans 
les eaux trop profondes. On prendrait, parait-il, au commen- 
cement de la pêche (en temps de frai), d'abord des femelles sur- 
tout, puis peu après des mâles principalement. A la ligne, on 
amorce avec des mouches artificielles ; lorsque la Fera se sent 
prise, elle se défend avec une grande énergie ; on doit laisser 
aller la ligne de manière à ce qu'elle reste peu tendue, et dès 
que le poisson commence à s'épuiser, on le retire à l'épuisette. 
, La chair de ce poisson est excellente; c'est certainement 
un des poissons les plus estimés. Malheureusement la Fera 
donne asile à diverses espèces de vers parasites tels que : 
Ténias, Bothriocéphales , Cyathocéphales, etc. Il importe 
donc de toujours la faire assez cuire, après l'avoir bien vi- 
dée, de façon à faire périr tous germes nocifs. 




La Gravenche 



Coregonus hyemalis, Jurine. — Fera jaune, Fera blanche, Petite 
Fera (Genève et Vaud). — Bézole, Bezeule, lièzule (Savoie). 

Cette espèce est voisine de la Fera. Elle est particulière- 
ment caractérisée par la courbure du dos qui offre une con- 
vexité dorsale très prononcée, depuis la nuque jusqu'à la 
nageoire dorsale. Sa tête, terminée par un museau épais et 
arrondi, égale à peu près le cinquième de la distance qui 
sépare la bouche de la naissance de la nageoire caudale. La 
bouche, petite, porte sur les maxillaires, les intermaxillaires 
et les palatins, de petites dents caduques. La nageoire dor- 
sale, assez développée, occupe le milieu du dos ; les pecto- 



LA GRAVENCHE 



135 






raies, très grandes, sont un peu inférieures ; les ventrales 
prennent rang un peu en arrière de la dorsale : l'anale est 
allongée et la caudale très échancrée. 

La coloration de la Gravenche est un peu moins chaude 
que celle de la Fera. Sa tête et les parties supérieures du dos 
sont d'un vert violacé, sablé de noir; la région dorsale 
s'éclaircit peu à peu, à mesure qu'on approche de la ligne 
latérale ; les flancs et le ventre sont d'un beau blanc d'argent. 
Les nageoires présentent la même teinte que celles de la 
Fera, mais avec une moins grande intensité de tons. Sa taille 
varie de 28 à 35 centimètres de longueur totale. 

On prend la Gravenche dans le lac Léman. Ce poisson, 
dit M. Victor Fatio l , « semble vivre la majeure partie de 
l'année dans les grandes profondeurs et ne quitter sa retraite, 
difficilement accessible au filet, qu'au mois de décembre, 
durant lequel il vient frayer sur le gravier, au ras des bords, 
généralement entre le 5 et le 25 du mois, un peu plus tôt ou 
plus tard, suivant les années. Cependant on prend parfois 
aussi, durant la belle saison, en mai et juin surtout, en môme 
temps que la Fera, au grand filet et principalement dans le 
haut du lac, quelques individus de cette espèce égarés dans 
des couches moins profondes. 

La ponte de la Gravenche semble se faire sur quelques 
points déterminés de la grève; sous très peu d'eau et volon- 
tiers près des anses, où les lames en mourant produisent un 
léger courant sur le gravier. Les individus des deux sexes 
arrivent alors en bandes nombreuses, en faisant avec la 
bouche un bruit de claquement qui s'entend d'assez loin, de 
manière que la pèche, qui se fait surtout de nuit, est alors 
assez aisée au moyen de filets ou traînes, senne et monte, 
ou dormants, étoles et tramails dans lesquels on attire au 
besoin le poisson au moyen de feux allumés sur la rive. 



1 Loc. cit. 



266. 



136 



POISSONS DES EAUX DOUCES 






La nourriture de la Gravenche consiste principalement en 
mollusques, insectes, larves diverses et petits crustacés. 
Gomme chez quelques-uns de ses congénères, on a tronvé 
parfois de menus débris de plantes aquatiques dans son esto- 
mac. Sa chair, assez ferme, est différemment appréciée; 
quelques-uns l'aiment mieux que celle de la Fera, cepen- 
dant la majorité des consommateurs préfèrent cette dernière. 
Il est probable que la Gravenche doit porter plusieurs des 
mêmes parasites que la Fera » 



La Bézoule 



Coregonus Bezola, V. Fatio. 
(lac duBourget). 



Bezoule, Besoul», Bezeule, Bexole 



Ce poisson, plus voisin de la Gravenche que du Lavaret, a 
cependant été pendant longtemps confondu avec lui. Son 
corps est moins élancé, plus ramassé et plus relevé que celui 
du Lavaret; la tête, conique, assez élevée en arrière, est 
forte et haute, terminée par un museau gros et obtus avec 
une bouche un peu en retraite, plus inférieure que celle du 
Lavaret; les écailles, assez épaisses et solides, sont de taille 
plus grande ; la nageoire, dorsale est assez haute, large et 
moyennement déclive ; les ventrales et pectorales assez lon- 
gues et larges. 

Chez ce Gorégone, la face dorsale est d'une teinte olivâtre 
ou brun jaunâtre pâle; les flancs passent du jaunâtre pâle au 
blanc argenté; le ventre est blanc et toutes les nageoires 
jaunâtres plus ou moins mâchurées. 

La Bezoule vit dans le lac du Bourget, avec le Lavaret. Sa 
taille est un peu plus grande : en moyenne elle mesure de 30 
à 40 centimètres de longueur, maison en prend, rarement il 
est vrai, qui pèsent l kg ,300. Elle dépose ses œufs en hiver, sur 
le limon au fond du lac, ordinairemeut sous une profondeur 
de 70 à 80 mètres d'eau ; la ponte se fait un peu plus tard que 



LE HOUTING 137 

celle du Lavaret, soit en janvier et février. On la pêche de la 
même manière, soit avec des tramails descendus sur le fond, 
soit à l'aide de grands filets traînés par deux bateaux. Sa 
chair est de très bonne qualité. 



Le Hoating 

Coregonus oxyrhynchus, Linné. — Houting (Hollande). — Houtin 
(Belgique). — Outel (marché de Paris). 

Le Houting, le dernier de nos poissons corégones, se re- 
connaît de ses congénères avec la plus grande facilité. Son 
galbe est allongé, très effilé, avec les flancs un peu arrondis, 
et la partie postérieure un peu amincie. La tête est petite et 
se termine par un museau mou qui se prolonge en forme de 
saillie conique allongée, de telle sorte que la bouche se 
trouve reportée en dessous; le maxillaire supérieur est dès 
lors plus grand que l'inférieur et les dents qu'on retrouve 
jusque sur la langue et l'intermaxillaire sont toutes petites; 
les écailles ont une forme arrondie. La nageoire dorsale, de 
grandeur moyenne, prend naissance un peu en avant du mi- 
lieu de la courbure du dos ; les pectorales sont petites et 
pointues, les ventrales situées au-dessous de la dorsale, 
l'anale très en arrière et la caudale grande et bien fourchue 
(fig. 88). 

La partie supérieure du dos du Houting est d'un gris ver- 
dâtre qui passe au gris plombé sur les flancs, parfois un peu 
lavé de jaunâtre ; le ventre est tantôt jaune gris clair, tantôt 
blanc d'argent. Les nageoires ont une teinte qui participe du 
milieu voisin ; à l'exception des pectorales, elles sont lavées 
de noir à leur bord libre. Sur les côtés, on distingue parfois 
des points épars bruns ou noirâtres. 

Le Houting est un poisson de mer qui abonde dans la 
Baltique et dans la mer du Nord. A la fin de mai, il remonte 
les grands cours d'eau, et c'est ainsi que nous le voyons 



138 POISSONS DES EAUX DOUCES 

apparaître dans le Rhin, dans la Meuse et dans quelques 
autres rivières du nord-est de notre pays ; on le vend assez 
fréquemment sur le marché de Paris. Sa taille varie de 30 à 
45 centimètres de longueur. 

La ponte, chez ce poisson, a lieu en automne, de septembre 
à décembre. Après l'époque du frai, il retourne lentement à 
la mer ; les petits passent de l'eau douce à l'eau salée lors- 
qu'ils ont atteint une longueur de 8 à 10 centimètres et ne 
reviennent que lorsqu'ils sont en âge de frayer. Sa chair est 
ferme et de bonne qualité. On le pèche au filet, à la senne, 
bien rarement à la ligne. 

L'Ombre commune 

Thymallus vexillifer, Agassiz. — Aesche (Alsace). — Oumbré,Sofio 
(Provence). — Asch (Allemagne). — Thyme smelling, Greyling 
(Angleterre). — Temelo (Italie). — Ombre à écailles, Ombre de 
rivière, Ombrette, Ombre à" Auvergne (Suisse). 



L'Ombre commune, ou Ombre de rivière, qu'il ne faut pas 
confondre avec l'Ombre Chevalier, est un des plus élégants 
poissons des rivières d'Europe. Le nom latin de Vexillifer 
lui vient de la disposition de ses nageoires ; souvent aussi on 
le distingue sous celui de Tymalle, à cause de l'odeur de 
thym qu'il répand au moment où on le sort de l'eau. 

Son corps est allongé, légèrement comprimé, le profil 
supérieur se courbe en avant de la dorsale, puis s'abaisse 
ensuite lentement jusqu'à la caudale ; la ligne latérale, légè- 
rement concave en avant, est droite dans sa plus grande lon- 
gueur. La tête, petite, est aplatie dans sa région frontale et 
terminée par un museau assez large avec une bouche un peu 
en dessous, garnie de nombreuses petites dents. Le corps est 
couvert d'écaillés hexagonales, de moyenne grandeur, avec 
le bord postérieur arrondi. La nageoire dorsale, très déve- 
loppée, prend naissance vers la fin du premier tiers de la 




Fm. S3. — Le Houting. 



1 



140 POISSONS DES EAUX DOUCES 

courbure du dos; les pectorales sont longues, et les ventrales 
placées à égale distance de l'anale et des pectorales; enfin, 
la caudale, très échancrée, a son lobe inférieur plus large 
que le supérieur. Sa longueur totale, ordinairement de 30 
à 35 centimètres, peut atteindre jusqu'à 50 centimètres 
(flg. 86). 




Fig. 84. — L'Ombre commune. 



Chez l'Ombre commune, les régions supérieures du corps 
sont d'un fond verdâtre avec des parties lavées de jaune 
foncé; les flancs passent au jaune doré chez les vieux indi- 
vidus, tandis que les jeunes sont argentés. La gorge et le 
ventre sont blancs; sur les flancs, on distingue des bandes 
d'un reflet bleuté ou violacé, comme métallique. La nageoire 
dorsale est d'un blanc rosé lavé de jaunâtre, avec quelques 
taches brunes disposées en bandes régulières ; l'anale est 
couleur de chair avec des teintes sombres aux extrémités; 
les nageoires paires passent au rouge jaune, souvent lavées 
de gris ou de bleuâtre. 

On rencontre l'Ombre commune dans une grande partie 
de l'Europe ; en France, nous la voyons dans la plupart des 
ruisseaux torrentueux qui descendent des hauteurs du Jura, 
des Alpes, du Puy-de-Dôme, du Gantai, de la Haute- 
Loire, etc. C'est ainsi qu'on la pêche dans la Meurthe, la 
Moselle, le Rhin, la Meuse, les rivières et ruisseaux des 



L'OMBRE COMMUNE 141 

Ardennes, le Doubs, l'Ain, la Loire, la Sorgue, etc. Elle fait 
sa nourriture de petits mollusques, d'insectes aquatiques, de 
frai, de larves de phryganes, etc. La conformation de sa 
bouche l'empêche de chasser de trop gros insectes, mais on 
la voit poursuivre avec autant d'ardeur que de rapacité les 
moucherons et les libellules. 

« L'époque du frai, écrit M. V. Fatio, semble varier un 
peu avec la nature des eaux, voire même avec la tempéra- 
ture dans un même courant. C'est, en général, entre la der- 
nière semaine de mars et fin d'avril que la ponte s'opère. 
Les individus, mâles surtout, en livrée de noce, ont alors 
les écailles un peu saillantes et rugueuses sur les parties 
latérales du corps, en arrière principalement. Les œufs, 
jaunes et nombreux, sont déposés dans l'eau courante, sur 
fonds graveleux, non loin des bords ; jusqu'ici, dix-huit jours 
d'incubation sont censés suffire, par huit ou dix degrés, 
pour l'éclosion, et les jeunes alevins restent assez longtemps 
sur la place qui les a vus naître. 

L'Ombre, avec une chair ferme et très agréable, fait 
l'objet d'une pêche assez active et fructueuse, principalement 
dans les cours d'eau qui permettent l'usage des filets, sans 
cependant donner lieu à un commerce très étendu. On la 
prend soit à la ligne, avec l'hameçon amorcé de quelque 
mouche ou insecte, ou même encore avec des larves de 
phryganes, soit au filet, soir et matin, voire même la nuit, 
et principalement durant la saison des amours. Divers filets 
traînants ou à battue, tramails surtout, peuvent être em- 
ployés, suivant les dimensions des cours d'eau, filets avec 
lesquels on enveloppe successivement les stations connues de 
l'espèce entre le rivage et un bateau qui nage rapidement 
avec le courant, pour revenir plus ou moins vite à la rive. 

Dans le Rhône, au-dessous de Genève, on se sert d'ordi- 
naire d'un filet dit ètole de l m , 20 de haut sur 18 à 20 mètres 
de longueur environ, avec plomb dans le bas et liège dans 












142 POISSONS DES EAUX DODCES 

le haut. Un homme, sur le bord, tient une corde reliée à 
l'une des extrémités dudit tramail, et un second, sur un 
bateau, met le filet à l'eau, pendant qu'un troisième rame 
vigoureusement vers le large; après cela, le pêcheur à pied 
et le bateau marchent, suivant les circonstances, plus ou 
moins longtemps de concert, pour se rapprocher bientôt 
vivement et retirer prestement le filet depuis la rive. De 
nombreux traits peuvent être faits ainsi en quelques heures, 
qui donnent quelquefois bien des kilogrammes de cet excel- 
lent poisson; mais il faut pour cette pêche des hommes lestes 
et adroits. » 

Gomme chez les espèces précédentes, on rencontre mal- 
heureusement bien souvent de nombreux parasites logés dans 
l'intérieur de ce poisson. Ce sont surtout des helminthes. Il 
faut donc, à ce titre, en rabattre un peu des précieuses qua- 
lités culinaires de cet animal que nos pères qualifiaient géné- 
reusement de fleur des poissons et de reine des délices. 

L'Éperlan 

Osmerus eperlanus, Linné. — Éperlan. — Smelt, Spirling (An- 
gleterre). — Smout, Donbreck (Ecosse). — Hind, Meerstint 
(Allemagne). — Spering, Sperineh (Hollande). — Slou (Suède). 
— Szynka (Pologne). — Rôke, Krohle (Nonvège). 



L'Kperlan est un poisson qui habite l'Océan, la Manche et 
la mer du Nord, mais qui, à des époques déterminées de 
l'année, remonte à une certaine distance de l'embouchure de 
nos fleuves, tels que la Seine, la Somme, l'Orne, etc. Son 
corps est étroitement allongé et très comprimé, avec la ligne 
dorsale presque droite et la ligne ventrale plus convexe. Les 
écailles qui le recouvrent sont caduques et très minces. Dans 
un- museau court et pointu s'avance une bouche largement ou- 
verte et fendue obliquement, portant, sur le maxillaire, de 
très petites dents en lames de scie et, sur l'intermaxillaire, 



I/ÉPERLAN 143 

des dents plus fortes et pointues ; la mandibule, le vomer et 
la langue sont également armés de dents. La nageoire dorsale 
est courte, haute, implantée au milieu du dos; les pectorales 
longues et étroites, les ventrales au-dessous de l'origine de 
la dorsale, l'anale et la caudale très échancrées (fig. 85). 




SZ£^2Z£.sl. IV 



Vie. 85. — L'frperhn. 

Les parties supérieures du corps sont d'un vert clair pas- 
gant au vert grisâtre, avec un pointillé noir; les flancs 
sont de teinte beaucoup plus claire, tandis que le ventre est 
argenté. Les ilancs sont séparés du dos par une étroite bande 
verte plus accusée, qui ne se manifeste pas chez les jeunes 
sujets. Les joues sont argentées, et le museau est parsemé de 
petits points noirs. La dorsale est grisâtre, lavée de noir, 
tandis que l'anale et les ventrales sont blanches. La caudale 
passe du gris au noir suivant l'âge des individus. 

La taille de l'Eperlan ne dépasse pas ^0 centimètres de 
longueur. « C'est au printemps, dit Brehm ', que les Eper- 
lans entrent en grandes troupes dans les cours d'eau ; ils 
suivent plutôt le fond de l'eau que la partie voisine de la 
surface, excepté, suivant certains observateurs, lorsque les 
vents soufflent du midi ; ils remontent à la lile et on prétend 



f 



Brehm, Les Poissons, édition française, par K. Sauvai.'.', p. 481, 



144 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



qu'ils suivent constamment la même route sans se détour- 
ner. » Suivant Baudrillard, « l'Éperlan se plait dans les 
eaux un peu troubles et stagnantes où il a trouvé une bonne 
nourriture et il s'y réunit plus en masse que dans les eaux 
claires. On a encore remarqué qu'à l'embouchure de la 
Seine, à mesure que l'eau du fleuve baisse avec le reflux, le 
poisson descend avec elle et qu'il se porte successivement 
sur les bancs où il reste encore un peu d'eau. L'Eperlan 
cherche toujours l'eau la plus douce pour y déposer ses 
œufs; mais il ne réussit pas toujours à y parvenir. S'il lui 
arrive, en remontant la Seine, d'être contrarié par les 
grosses eaux, il fraye, dès son embouchure même, sur les 
fonds où il se trouve. » 

La ponte de l'Éperlan a lieu en mars et au commencement 
d'avril. Après cinq à dix jours d'incubation, les œufs petits 
et d'un blanc jaunâtre éclosent. Vers la fin d'août, l'Eperlan 
retourne à la mer; les jeunes ont alors 6 centimètres de 
longueur. Flemmard pense qu'il fait sa nourriture de petits 
poissons et surtout de crevettes. Sa chair est blanche, ferme 
et de très bonne qualité ; dans le Nord rien n'est plus 
apprécié qu'une friture d'Eperlans ; on les mange également 
en matelote, pannes, à l'eau de sel, etc. On a soin de tou- 
jours les vider. En Angleterre et en Allemagne, on les fume 
ou on les sale. 

On pêche très rarement l'Eperlan à la ligne. « Dans la 
basse Seine, dit Sauvage 1 , là où l'Eperlan est très abondant, 
la pêche se fait avec des filets sédentaires, tels que des 
gords, des guideaux, des nasses, ou des filets mobiles, 
senne, tramail ; la pêche a lieu surtout la nuit, par une eau 
légèrement troublée; elle est, dit-on, meilleure par les vents 
doux d'est ou sud-ouest que par ceux du nord. La pèche de 
ce poisson a toujours été une source de richesses pour Gau- 



iBrehm, loc. cit., p. 4S2. 



L'O M BRE-CHE VA Ll ER 



145 



debec; aussi cette ville porte -t -elle trois Éperlans dans 
l'écusson de ses armes. 



L' Ombre- Chevalier 

Salmo salvelinus, Linné. — Chevalier, Omble-Chevalier, Ombre- 
Chevalier. — Amble, Ritter, Rothforelle, Itôthel, Rottelen, 
Zwiek, Hamel (Suisse). — Northern charr, Alpin charr (An- 
gleterre). 

Avec l'Omble Chevalier, que bien souvent on désigne 
aussi sous le nom d'Ombre Chevalier, commence le genre 
Saumon. Bien qu'on le prenne quelquefois dans certains 
cours d'eaux comme le Rhône, l'Ain, le Doubs, la Meur- 
the, etc., notre Chevalier est un habitant des lacs de l'Europe 
centrale. C'est un des beaux et bons poissons du lac du Uour- 
get et du lac Léman; sa taille moyenne est de 30 à 40 centi- 
mètres; on pêche parfois des individus qui atteignent de 50 à 
83 centimètres de longueur, mais ce sont de trop rares 
exceptions. 

Le galbe est allongé, comprimé latéralement, avec le dos 
assez bombé pour égaler en hauteur environ le cinquième de 
la longueur totale; tout l'ensemble est couvert de très petites 
écailles. La tète est forte, abaissée en avant, bombée dans sa 
partie supérieure, terminée par un museau obtus, avec une 
bouche assez large, dont la mâchoire supérieure forme une 
légère saillie sur l'inférieure ; on distingue sur les maxillaires, 
les intermaxillaires et les palatins, une rangée de petites 
dents aiguës et crochues et trois rangées sur le vomer. La 
nageoire dorsale, assez haute, prend naissance sur le milieu 
de la courbure du dos, tandis que les ventrales s'élèvent au- 
dessous du dernier tiers de la dorsale ; les pectorales sont 
allongées et la caudale très large et bien échancrée 
(flg. 86). 

En temps normal, la coloration du dos de l'Ombre-Che- 
valier est d'un gris vert avec des rellets bleutés, tandis que 

Locard, La Pêche. 9 



146 



POISSONS DES EAUX DOUCES 






les flancs et le ventre passent au blanc argenté ; les nageoires 
dorsale, ventrales, anales et caudale ont un fond gris lave 
de jaune et les pectorales sont jaune clair. Au moment du 
frai, ces teintes prennent une accentuation marquée; les 
flancs et le ventre montrent des reflets métalliques jaune 
orangé ou bronzé; on voit alors apparaître, sur le dos et sur 
les flancs, des taches blanches arrondies et bien espacées, et 
les nageoires passent au rouge ou au bleu clair. 

L'Ombre fraye à presque toutes les époques de l'année, 
suivant les milieux qu'il occupe. «A l'époque des amours, 
dit M. V. Fatio, l'Ombre quitte les plus grands fonds pour 
remonter un peu du côté des rives et venir pondre, volon- 
tiers sur fond pierreux et caillouteux, près de l'embouchure 
de quelque rivière, à une profondeur moindre: suivant les 
localités sous 20, 30, GO et même 80 mètres d'eau. Les 
pêcheurs connaissent si bien cette préférence de l'Ombre 
pour les endroits caillouteux, qu'ils jettent eux-mêmes au 
fond de l'eau des chargements de pierre, pour établir des 
places de frai et faciliter leur pêche. Les œufs, plutôt plus 
nombreux, sont jaunes et presque aussi gros que ceux de la 
Truite. L'incubation dure généralement soixante -cinq à 
soixante-douze jours ; mais la croissance varie beaucoup 
avec les conditions de milieu plus ou moins favorables et 
l'abondance relative des éléments nutritifs, vers, insectes, 
mollusques et petits poissons qui servent de principale nour- 
riture à l'Ombre-Chevalier. 

« La pêche se fait, selon les localités, avec le grand filet, 
avec des filets dormants, ou avec des lignes de fond amor- 
cées de petits poissons vivants. C'est surtout sur les places 
de frai et à l'époque de la ponte qu'elle donne les plus bril- 
lants résultats ; les pêcheurs, intéressés, assurent que c'est 
alors que la chair de ce poisson est de beaucoup la meil- 
leure. On prend aussi bien des Ombres en divers lacs, pen- 
dant la belle saison ; mais il faut alors les aller chercher 




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Fig. 80. — I.Ombre-Cl.evalier. 



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148 POISSONS DES EAUX DOUCES 

beaucoup plus profondément, souvent sous 100 et 200 mètres 
d'eau. » 

On prend parfois des Ombres-Chevaliers en laissant 
traîner une longue ligne amorcée d'un Vairon, fortement 
plombée à 1 ou 2 mètres de l'hameçon et amarrée à l'extrémité 
d'un bateau ; le poisson nageant sans cesse entre deux eaux 
mord très bien dans ces conditions, surtout pendant la belle 
saison. 

La chair de l'Ombre est des plus estimées ; elle est tendre 
et grasse, plus délicate encore que celle de la Truite. Aussi 
a t-on souvent cherché à l'acclimater dans des milieux 
nouveaux, mais sans grand succès. On a fait également des 
métis avec l'Ombre et la Truite, mais qui se reproduisent 
difficilement. Malheureusement ce poisson, comme tous les 
Salmonidés, est affecté de divers parasites, tels que Crustacés 
suceurs et surtout des Helminthes, Ténias, Rothriocéphales, 
Ligules, etc., qui se logent un peu partout dans son corps. 

Le Saumon 

Salmo salar, Linné. — Salmon, Sa'tmon. — Les pelits Saumons 
sont désignés sous k'S noms suivants : Renay (Moselle). — Tacon- 
net, Tnca, Orgue, Gai-Moisson (Avranche). — Tecou (Corréze). 
— iialm, Lochs, Rheinlachs, Laichsalm, Wintersalm, Win- 
tcrloclis, Macken, Luderm (Suisse). — Saint, Sâlmling (Alle- 
magne). — .Salmon, Paar, Siuolt (Angleterre). — Zalm (Hol- 
lande). — Haslat (Danemark). — .Salmon (Espagne). — Salmao 
(Portugal). — Somga (Russie). — Losos (Pologne). — Lazatz 
(Hongrie). 

Le Saumon est un dès plus grands poissons qui vivent 
dans nos eaux ; sa taille peut atteindre 2 mètres de longueur 
et peser plus de 10 kilogrammes. C'est une forme particulière 
à l'Océan et à la mer du Nord qui remonte le cours des fleu- 
ves à certaines époques de l'année. On en a pris dans ces 
derniers milieux qui pesaient jusqu'à 25 et 30 kilogrammes. 



\ 






LE SAUMON 149 

Le corps du Saumon est allongé, fusiforme, aplati latéra- 
lement et recouvert d'écaillés petites et de forme allongée 
(fig. 88). La tête est égale à environ le cinquième delà longueur 
totale du corps (fig. 87) ; la ligne du dos est presque droite, 




Fin. 87. — Tète et portion antérieure du Saumon. 

tandis que celle du ventre est bien courbée. Le museau, plus 
allongé chez les mâles que chez les femelles, est arrondi ; la 
bouche, largement fendue, est armée de fortes dents coniques ; 
l'œil est petit et la ligne latérale presque droite. La nageoire 
dorsale prend naissance un peu en avant de la courbure du 
dos ; les pectorales sont relativement petites et arrondies, 
ainsi que les ventrales ; la caudale, bien développée, est légè- 
rement échancrée chez les jeunes, et tranchée verticalement 
chez les adultes. 

La coloration du Saumon est extrêmement variable. En 
temps normal, le dos passe du gris vert au bleu ardoisé, 
tandis que les flancs sont d'un blanc gris et le ventre argenté 
avec de brillants reflets. Surtout le haut du corps s'épanouis- 
sent des taches étoilées noirâtres plus ou moins nombreuses. 
Suivant M. E. Blanchard, « lorsque ces poissons arrivent 






150 POISSONS DES EAUX DOUCES 

de la mer clans les fleuves, au moment de frayer, on voit 
leurs teintes, particulièrement chez les mâles, prendre une 
nouvelle vivacité, des taches rouges apparaître dans le voi- 
sinage de la ligne latérale et même sous les opercules; le 
ventre s'empourpre, ainsi que la base de la nageoire anale, 
le bord antérieur des ventrales, les bords supérieurs de la 
caudale. Après avoir frayé, ces animaux affaiblis perdent 
leurs riches couleurs et reviennent à leur première condi- 




FlG. 



Écaille du Saumon. 



tion. Ce n'est pas tout encore ; Jardine, l'auteur d'un grand 
ouvrage sur les Salmonidés de la Grande-Bretagne, nous a 
appris que, chez le Saumon mâle, dans sa parure de noce, se 
produisait un remarquable épaississement de la peau du dos 
et des nageoires qui disparaissent bientôt après l'époque du 
frai. » 

Le Saumon est un des habitants de tous nos grands 
fleuves de France, le Rhône excepté ; les eaux delà Méditer- 
ranée, sans doute trop chaudes et trop salées, ne lui convien- 
nent point. Mais la Garonne, la Gironde, la Dordogne, la 
Loire et quelques-uns de leurs affluents sont les rendez -vous 
annuels de ce précieux poisson. On ignore encore ce que 
deviennent les Saumons dans la mer ; il est cependant pro- 
bable qu'ils ne s'éloignent pas beaucoup des terres; on sup- 
pose qu'ils s'enfoncent dans les profondeurs, là où ils trou- 



LE SAUMON 151 

vent une nourriture abondante en poissons, crustacés, 
ammodytes de toutes sortes dont ils sont fort voraccs. 

« Lorsqu'ils quittent la mer, raconte Brehm, c'est-à-dire 
dans les régions tempérées, vers le commencement du prin- 
temps, les Saumons partent avec le flux, surtout lorsque le 
flot est poussé contre le courant de la rivière par un vent 
fort. Au moment de la montée, les Saumons s'approchent, en 
troupes de trente à quarante, des côtes et de l'embouchure 
des fleuves ; ils s'arrêtent un certain temps comme s'ils 
devaient s'habituer à l'eau douce, remontant avec le flux et 
retournant à la mer avec le reflux, jusqu'à ce que commence 
le véritable voyage. Les Saumons de divers âges remontent 
ensemble les cours d'eau dans un ordre qui ne varie guère, 
les vieux individus forment la tête de la colonne, les jeunes 
suivent; le plus gros des poissons, ordinairement une 
femelle, ouvrant la marche.» 

Ainsi que l'explique Baudrillart 1 , ils nagent en temps 
ordinaire au milieu du fleuve et près de la surface de l'eau ; 
lorsque le temps est chaud età l'orage, ils rasent au contraire 
les fonds ou bien se réfugient dans les milieux les plus pro- 
fonds ; parfois aussi on les voit s'arrêter dans les stations 
ombragées par des arbres touffus. On a remarqué qu'ils 
peuvent parcourir en une heure un intervalle de 10 lieues, 
sans être arrêtés par des chutes ou des barrages. S'appuyant 
contre une pierre à l'aide de leur queue ils arquent leurs 
corps et ils s'étendent brusquement, ce qui leur permet de 
franchir ainsi d'un seul bond des obstacles de 4 ou 5 mètres 
de hauteur. 

Les pêcheurs distinguent plusieurs formes de Saumon ; le 
Bécard ou Saumon d'automne se reconnaît à son maxil- 
laire inférieur recourbé en avant et en haut sous forme de 
crochet. Les Saumons pris en été sont qualifiés de Saumons 






1 Baudrillart, Dictionnaire des chasses et pèches. 



152 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



de la Madeleine, Lorsqu'ils sont allés une fois déjà à la 
mer et qu'ils sont aptes à se reproduire, on les désigne sous 
le nom de Grilses ou Saumoneaux, à ce moment ils pèsent 
déjà deux à trois livres (fig. 89). 




Fig. S9. — Saumoneau. 



C'est un animal éminemment carnassier ; tant qu'il est 
jeune, il se contente de vers, d'insectes et de mollusques ; 
mais, devenu plus grand, il fait la chasse aux autres poissons 
et même aussi aux petits mammifères qu'il rencontre sur son 
passage. Au moment de la ponte, ordinairement de no- 
vembre à février, la femelle creuse dans le sable ou le 
gravier une petite excavation de 15 à 20 centimètres et y 
dépose ses œufs tandis que le mâle fait la garde autour d'elle ; 
tous deux ensuite recouvrent les œufs avec du sable ; au 
bout de quarante jours les petits commencent à sortir de 
l'œuf. On estime qu'une femelle de Saumon donne naissance 
à autant de millions d'œufs qu'elle pèse de livres. 

La chair du Saumon est excellente, parfois un peu 
indigeste ; celle du mâle vaut mieux que celle de la femelle; 
avant la ponte elle est d'une belle teinte, d'un rosé tout par- 
ticulier; mais aussitôt après, elle devient blanchâtre et fade 
pour reprendre ensuite ses précieuses qualités. On la mange 
fraîche ou conservée, sautée ou marinée. 

La pêche du Saumon est très variée. Souvent en France 



LA THU1TK DES l.ACS 153 

on le prend simplement à la ligne, mais alors il faut avoir 
soin de faire usage de fortes lignes bien armées ; on amorce 
avec de grosses mouches artificielles ou des petits pois- 
sons vivants ; il faut se poster au milieu de la rivière, de pré- 
férence derrière un barrage, où les Saumons stationnent 
souvent après en avoir franchi les obstacles. Quand il a 
saisi l'appât il oppose une résistance terrible ; il faut par- 
fois lâcher beaucoup de fil; mais à la fin il s'épuise et se 
laisse prendre sans trop de peine à l'épuisette. 

Le plus souvent on prend ce poisson à l'aide de grands 
filets ou senne qui barrent une partie du cours d'eau ; l'une 
des extrémités du filet est tenue à terre, tandis que l'autre, 
fixée à une barque, est ramenée rapidement à la berge. 
D'autres fuis on traîne la senne avec un bateau qui en porte 
chacune des extrémités ; les deux bateaux se rapprochent 
ensuite enserrant ce qu'ils ont rencontré sur leur passage. 
En Bretagne on fait encore parfois usage de pièges disposés 
à la manière des souricières, ou formant une sorte de pince. 
Tous les engins sont bons, à la condition qu'ils soient assez 
puissants pour pouvoir résister à la force du poisson. 



La Truite des lacs 

Trutta lacuntrii, Linné. — Truite suisse. Truite du lac de Genève 
Truite saumonnèê (suivant les localités). — Truite verte, blanche, 
noire, Forelle, Furne, Seeforelle, Chrund forelle, Granforcelle 
(Suisse). — Trota, Truta (ïessin). — Sohild, Scaron (Engadine). 
— Lahe, Trout (Angleterre). — Trotta (Italie). — Trucha (Proi 
vence, Espagne). 

La Truite des lacs, qui ne diffère que très peu de la Truite 
de rivière, a le corps allongé et cylindrique, légèrement 
comprimé sur les flancs. La tête, égale à environ le cinquième 
de la longueur totale, est aplatie et terminée par un museau 
peu allongé et obtus. La bouche, bien fendue, présente deux 
maxillaires lontrs et forts, l'inférieur souvent recourbé en 



154 POISSONS DES EAUX DOUCES 

haut et un peu en arrière, plus court que le supérieur ; les 
maxillaires, les palatins, le vomer et la langue sont armés 
de dents fortes, disposées régulièrement (fig. 90). La ligne 
latérale est presque droite. Tout le corps est recouvert 
d'écaillés nombreuses et petites. La nageoire dorsale est peu 



Fig. 



90. — A, dent vomérienne de la Truite des lacs; B, de la Truite 
de mer; C, de la Truite commune. 



développée, les pectorales arrondies à leur bord libre, la 
caudale coupée verticalement en arrière et sans échan- 
crure. 

Il n'est pas de poissons dont la coloration soit plus va- 
riable; en temps normal, le dos a une teinte variant du ver- 
dâtreplus ou moins foncé au gris bleuté, et qui s'atténue de 
plus en plus sur les flancs pour passer au blanc d'argent sous 
le ventre. Les nageoires dorsale et caudale participent de la 
coloration du dos, mais dans des gammes plus claires, tandis 
que les pectorales, les ventrales et les anales sont grises 
liserées de jaune orangé à leur extrémité. Sur toute la partie 
supérieure du corps on aperçoit de petites taches brunes ou 
noirâtres, arrondies ou étoilées, qui sont parfois orangées 
chez les jeunes sujets. 

Certains individus, sous une influence non encore définie, 
restent §térj}es Joute Jeur vie; 'i}s ont alo rs un S a l be laoips 



LA TRUITE DES LACS 155 

arrondi, un museau plus effilé avec une plus large bouche, 
en même temps leur coloration est toujours d'une teinte 
plus pâle, plus effacée et sans taches ornementales. 

La Truite des lacs a des dimensions très variables. Les 
Truites de la Suisse qui viennent sur nos marchés atteignent 
assez rarement 1 mètre de longueur ; leur poids ordinaire 
varie de 1 à 5 kilogrammes ; mais on en prend parfois mesu- 
rant l m ,20 à l m ,3ô et pouvant peser jusqu'à 25 et même 
30 kilogrammes. Ce sont là, hâtons-nous de le dire, de bien 
rares exceptions. Cette espèce vit surtout dans les lacs de la 
Suisse, notamment dans le lac de Genève. Dans ces milieux 
elle se plaît à do grandes profondeurs, on en a vu jusqu'à 
1500 mètres ; rarement elle remonte à la surface. Lorsqu'elle 
est jeune, elle fait une chasse acharnée aux petits poissons. 
« Lorsque, dit Heckel, ce Salmonide rencontre une bande 
d'Ablettes, il la poursuit avec tant d'acharnement, qu'il 
arrive souvent jusque sur le bord du lac et dans les couches 
les plus superficielles. La troupe des Ablettes se disperse 
rapidement dans tous les sens et cherche à échapper par des 
bonds en dessus de la surface de l'eau; c'est en vain, car la 
Truite les saisit par la queue, les fait tournoyer rapidement, 
de manière à les avaler la tête la première. Lorsqu'elles 
arrivent au poids de 12 à 15 kilogrammes, les Truites des 
lacs ne se contentent plus de petits poissons, mais s'attaquent 
à des poissons pesant près de 1 kilogramme. » 

Au mois de septembre, les Truites quittent les lacs pour 
remonter le cours des rivières qui s'y jettent et vont frayer 
parfois assez loin. La ponte a lieu vers la fin d'octobre ou au 
commencement de novembre ; la femelle, après avoir choisi 
un milieu sablonneux, creuse une fosse assez profonde dans 
laquelle elle vient déposer ses œufs. Les jeunes, nés pendant 
l'année, passent le printemps et l'été dans les rivières et ne 
retournent dans les lacs avec les autres Truites qu'après la 
ponte suivante. 



m 






ii 



156 POISSONS DES EAUX DOUCES 

La chair de la Truite des lacs est au moins aussi estimée 
que celle du Saumon ; de teinte plus pâle, elle a ce même 
goût fin, cette même fermeté. Ces deux poissons sont du reste 
assez voisins pour que, en maintes circonstances, on ait pu 
obtenir soit directement, soit artificiellement des métis très 
appréciés au point de vue culinaire, mais qui se reproduisent 
très difficilement. Malheureusement, comme ses autres con- 
génères, la Truite des lacs donne asile a de fort désagréables 
parasites, principalement des Helminthes, qui se logent un 
peu partout dans son corps. 

Le mode de pèche employé varie suivant les pays. En 
Suisse, la Truite des lacs se prend de préférence au prin- 
temps dans des filets dormants que l'on fait flottera une pro- 
fondeur de 4 à 7 mètres; ces filets sont posés le soir et 
relevés le lendemain matin. Sur le lac de Lucerne, on pêche 
à l'Olter ; nous aurons occasion de revenir sur ce mode de 
pêche spécial dans un autre chapitre de cet ouvrage. Souvent 
on prend la Truite au vif, ou à l'aide d'engins destinés au 
Brochet et à la Perche. En été, on préfère faire usage des 
filets dormants tendus au fond des lacs. En automne, alors 
que les Truites remontent les affluents pour frayer, on en 
prend de grandes quantités à la senne, au filet traînant, à la 
pince, à la ligne, et même au trident. 






La Traite de Mer 

Trutta aryentea, Valenciennes. — Truite saumonnée, Truite 
argentée, Truite de Dieppe (suivant les localités). — Seu-trout 
(Angleterre). 

Cette espèce a été souvent confondue avec le Saumon dont 
elle a les mœurs et habitudes. Comme lui, elle habite les 
eaux salées, mais elle voit le jour dans les rivières et y 
retourne à certaines époques pour y frayer. 
1^ Son corps rappelle, comme galbe, celui du Saumon, mai» 




Fig. 91. — Truite de mer. 






158 POISSONS DES EAUX DOUCES 

il est un peu plus court; la tête est petite, avec le front 
bombé, le museau arrondi, et la bouche très largement 
fendue; la mâchoire inférieure est un peu moins saillante 
que la supérieure, et toutes deux sont armées de dents assez 
fortes, coniques, recourbées en arrière, réparties sur la lan- 
gue, les maxillaires, les palatins et le vomer (fig. 90). Les 
écailles sont plus petites que chez le Saumon. La ligne 
latérale est presque droite. La nageoire dorsale, assez déve- 
loppée, prend naissance vers le milieu de la courbure du 
dos ; les pectorales sont longues, l'anale bien développée et 
la caudale faiblement échancrée (fig. 91). 

La partie supérieure du corps est d'un gris bleuté qui 
passe sur les flancs au blanc d'argent, encore plus éclatant 
sous le ventre. Le dos et les côtés sont parsemés de taches 
noires en nombre très variable. La dorsale est d'un gris 
brun, la caudale d'un vert noirâtre, les pectorales grises, 
l'anale et les ventrales presque blanches ; le plus souvent on 
voit des taches brunes sur les nageoires impaires. 

La Truite de mer atteint parfois d'assez fortes proportions ; 
son poids le plus ordinaire est de 4 à 5 kilogrammes; mais 
sa taille peut atteindre 50 centimètres de longueur et son 
poids arriver à 12 ou 15 kilogrammes. En mer, nous la 
voyons dans toutes les eaux du nord de l'Europe; mais 
lorsqu'elle veut frayer elle s'aventure dans nos eaux de la 
Meuse, de la Seine, de l'Orne, de la Loire et de quelques- 
uns de leurs affluents. C'est ordinairement de mai à juillet 
qu'elle remonte les cours d'eau ; elle choisit toujours des 
eaux rapides à fonds rocailleux, mais jamais elle ne re- 
monte aussi loin que le Saumon. Elle fraye de novembre à 
février. 

Les jeunes, âgés de moins d'un an, ont une belle teinte 
argentée sur les flancs et sur le ventre, avec le dos gris 
foncé et quelques taches sur le corps ; ils ont la queue très 
échaucrée, Au moment du frai, on voit apparaître quelques 



f * 



LA TRUITE COMMUNE 



159 



taches rouges qui redeviennent noires en temps normal. 
Aussi vorace que le Saumon, la Truite de mer se nourrit de 
vers, d'insectes, de poissons. Sa chair, très estimée, est 
presque aussi rose que celle du Saumon ; elle aussi donne 
asile à des parasites. On pêche ce poisson de la même 
manière que le Saumon. 

La Truite commune 

Trutta Pario, Linné. — Truite de rivière, Truito, Truita, Truta, 
Trourla (suivant les localités). — Truclia, Trourha (Midi de la 
France). — Trout (Angleterre). — Orret (Norvège). — Totta (Ita- 
lie). — Trucha (Espagne). — Truttell, Truttal.-Sckild, Sohilte,elc. 
(Suisse, Allemagne). — Lazatz (Hongrie). — Pstrag (Pologne). 

La Truite commune, ou Truite de rivière, est très voisine 
de la Truite des lacs, dont elle n'est peut-être qu'une simple 
variété due à la dillérence d'habitat. En réalité, elle se dis- 







Kig. 92. 



Truite commune. 



tingue surtout par sa coloration; son galbe est à peine un 
plus haut et un peu plus comprimé, et les dents du vomer 
implantées d'une façon un peu différente. Cette coloration est 
extrêmement variable suivant l'âge, les niilieux et les époques 
(ftg. 92 et 93), . 



J60 POISSONS DES EAUX DOUCES 

« Souvent, dit Tschudi, le dos est tacheté de noir sur un 
fond olivâtre, les flancs étant jaune verdâtre, ponctués de 
rouge avec des reflets dorés, le ventre étant d'un gris blan- 
châtre, les nageoires abdominales d'un jaune clair. Parfois, 
la couleur sombre domine, sans que pour cela l'animal soit 
tout à fait noir. La plupart des Truites des Alpes sont ornées 
de taches noires ou rouges; souvent, c'est la couleur jaune 
qui domine; d'autres fois, c'est la couleur rougeâtre. Les 
variations sont telles, que les pêcheurs des Alpes désignent 




Fin. 93 — Écaille de la Truite commune . 



les variétés sous les noms de Truites argentées, dorées, 
blanches, noires, Truites des pierres, Truites de forêts, sans 
qu'on puisse tracer une limite entre toutes ces variétés qui 
passent des unes aux autres. » D'une manière générale, la 
Truite de rivière a des teintes plus claires et plus vives que 
la Truite des lacs. 

La taille de la Truite commune est également très variable. 
On pêche dans les petits ruisseaux d'excellentes petites 
Truites dont le poids n'atteint pas 1 kilogramme. Dans les 
eaux plus profondes, et si la nourriture est sufdsante, la 
Truite peut peser de 7 à 8 kilogrammes et mesurer 50 à 
60 centimètres de longueur. D'une manière tout à fait excep- 
tionnelle, on a pris des Truites de 80 centimètres et même 
de i m ,20 de longueur. C'est un poisson qui aime toujours les 
eaux Glaires, vives, fraîches, roulant des montagnes sur des 



LA TRUITE COMMUNE 



16i 



fonds pierreux. En Franco, nous la voyons dans presque 
tous les cours d'eau qui peuvent répondre à ce signalement. 

« La Truite, dit Brehm. 1 , douée d'une grande puissance 
musculaire, peut nager contre la direction des eaux les plus 
rapides avec une étonnante vitesse; c'est surtout la nuit que 
ce poisson se déplace ou tout au moins à la tombée du jour; 
pendant le jour, il se cache volontiers sous les pierres et les 
rochers qui surplombent le long de la berge ou dans des 
trous, des fosses plus ou moins profondes. Lorsque tout est 
tranquille autour d'elle, la Truite quitte sa retraite, se tient 
la tête au courant, à la même place parfois fort longtemps, 
agitant doucement ses nageoires, puis tout à coup elle fond 
comme une flèche, soit qu'elle aperçoive une proie, soit 
qu'elle veuille se dérober; lorsqu'elle a choisi une retraite, 
adopté une place, il est rare qu'elle n'y retourne pas ; la 
Truite est, en effet, un animal d'humeur farouche et d'une 
extrême prudence. 

«Tant qu'elle est calme, la Truite est toujours aux aguets, 
surveillant avec la plus grande attention tout ce qui se passe 
autour d'elle ; si un insecte gros ou petit s'approche de l'en- 
droit où elle se tient, elle reste immobile jusqu'à ce que sa 
proie soit à sa portée; par plusieurs coups vigoureux de la 
nageoire caudale, elle se jette alors sur sa proie et la 
déglutit. Lorsqu'elle est jeune, la Truite fait la chasse aux 
vers, aux insectes, à leurs larves ; plus âgée, elle s'attaque 
aux poissons, à leurs œufs, car elle est très vorace; la Truite 
se nourrit également d'éphémères et de phryganes qu'elle 
saisit avec adresse lorsqu'elles voltigent auprès de la surface 
de l'eau ». 

La Truite commune fraye à des époques très variables ; 
suivant la température des milieux, elle donne naissance à 
de gros œufs ambrés, de septembre à mars ; elle choisit des 



Brehm, Les Poissons, édition française, par E. Sauvage, p, 476. 









iC2 POISSONS DES EAUX DOUCES 

nids tout faits entre les cailloux, au voisinage des sources, 
ou bien encore, si rien ne se présente qui lui convienne, elle 
creuse avec sa queue des cavités dans le sable et y dépose 
ensuite ses œufs; c'est seulement au bout de cinquante- cinq 
à cinquante -huit jours que les petits naissent ; quelques 
jours après ils commencent à descendre la rivière en petites 
bandes peu nombreuses. 

Est-il besoin de vanter ici les exquises qualités de la 
Truite. Tout le monde a pu apprécier cette chair à la fois 
ferme et délicate, fine, d'un goût si parfait; mais le tout est 
de la prendre; la capture d'une belle Truite est le triomphe 
du pêcheur à la ligne. S'agit-il de petites Truites, la ligne la 
plus fine et en même temps la plus solide doit être mise en 
main; a-t-on affaire à de plus gros poissons, il faut s'armer 
d'engins résistants, mais aussi peu visibles que possible, et 
toujours accompagnés d'un moulinet capable de se dérouler 
sans la moindre difficulté, car une fois prise, la Truite qui 
a la vie très dure se défend avec acharnement. 

Il est inutile de songer à pécher la Truite par les temps 
clairs, surtout par le soleil, à moins que l'eau ne soit mo- 
mentanément troublée par quelques apports d'un ruisseau 
voisin, ou ombragée par une épaisse ramée. Les temps 
sombres, brumeux, l'heure matinale du petit jour, ou l'ap- 
proche de la nuit, semblent les instants les plus particulière- 
ment propices. Le ver rouge cachant bien l'hameçon, tout en 
le dépassant de deux ou trois millimètres, est encore le 
meilleur appât. Jetez hardiment la ligne dans le courant, 
laissez -la voguer à travers les remous, la Truite en embus- 
cade saisissant l'appât donnera deux ou trois petits coups; 
ferrez aussitôt et, si la Truite est un peu grosse, vous la 
verrez bondir hors de l'eau cherchant à se débarrasser de 
l'amorce, pour repartir en faisant les mouvements les plus 
rapides et les plus saccadés ; n'amenez jamais que lorsqu'elle 
a cessé de se défendre. 



L'ALOSE COMMUNE 



163 



Dans les milieux couverts et ombragés, on pêche la Truite 
à la surp?-ise. On descend une mouche lentement en lui 
imprimant un petit mouvement cadencé, elle ne doit que 
toucher l'eau. Le Vairon vivant est encore un bon appât pour 
la Truite de grosse taille; on l'accroche simplement par les 
lèvres sous la nageoire dorsale; la flotte dans ce cas ne peut 
être que nuisible, car elle eflraye ce trop timide poisson ; on 
traîne la ligne contre le courant dans les milieux bien 
choisis. Enfin, on fait encore usage du poisson de plomb et 
du tue-diable. Les lignes dormantes sont utilisées pour la 
pêche dans les grands cours d'eau. 



FAMILLE DES CLUPKIDES 



L'Alose commune 

Alosa vulgaris, Cuvier. — Alose, Lalose, Gatte, Alouse, Sabre, 
Colac, Coula (suivant les localités). — Poisson de mai. — Lacia, 
Alaouso (Provence). — Laccia, Agone (Italie). — White Shad 
(Angleterre). — Maifisch, Godfisch (Allemagne). — Elfs (Hol- 
lande). — Stad sill (Suéde). — Savel (Portugal). 

La famille des Glupéides comprend un certain nombre de 
poissons de mer, dont quelques-uns comme le Hareng, l'An- 
chois, la Sardine, rendent de grands services dans l'alimen- 
tation. L'Alose vit également dans la mer, mais remonte 
périodiquement nos grands fleuves; elle habite aussi bien la 
Méditerranée que l'Océan et, dès le printemps, on la voit 
circuler dans les grands fleuves, le Rhône, la Seine, la 
Loire, pour se répandre dans leurs affluents et remonter 
jusque dans les départements du centre, tels que l'Yonne, 
la Côte- d'Or, le Jura, la Loire, la Haute-Loire, etc. 

L'Alose commune a le corps assez élancé et comprimé 
latéralement; à la région dorsale, il existe une carène den- 
telée. La tête est petite, la bouche largement fendue, avec 



m 



164 POISSONS DES EAUX DOUCES 

la mâchoire inférieure un peu plus développée que la supé- 
rieure, cette dernière munie d'une échancrure en son milieu. 
Le maxillaire supérieur et les intermaxillaires seuls sont 
pourvus de dents fines et nombreuses. Le corps est couvert 
d"écailles grandes et minces, mais la ligne latérale n'est pas 
distincte. La nageoire dorsale est peu développée, la nageoire 
anale très basse, les ventrales implantées un peu en arrière 
de la naissance de la dorsale, la caudale longue et très four • 
chue (fig. 94). 




■cœ<L*S.'C 



Fig. 94. — L'Alose commune. 



Le dos de l'Alose est d'un vert un peu bleuté; les flancs 
sont d'un vert clair argenté ou parfois un],peu cuivré; le 
ventre blanc, brillant. En arrière des ouïes, on distingue une 
tache noirâtre plus ou moins accusée suivant les sujets; les 
écailles sont piquetées de noir. La taille de l'Alose est très 
variable; en général, les mâles sont plus petits que les 
femelles : celles-ci mesurent de 60 à 70 centimètres de long 
et peuvent atteindre jusqu'à 1 mètre. 

C'est au printemps, en mai et juin, que les Aloses commen- 
cent à frayer, pour retourner à la mer en automne; elles 
déposent leur frai sur le bord des eaux en se pressant par 
troupes souvent fort nombreuses et en faisant, comme la 
Carpe, un bruit qui s'entend parfois de fort loin. Elle se 
nourrit, dans nos rivières, de vers, d'insectes et de petits 
poissons. L'incubation n'est que do vingt à vingt-cinq jours, 



L'ALOSE KINTE l(j5 

et dès l'automne les jeunes s'en vont à la mer avec les vieux 
et toujours en bandes. 

La cliair de l'Alose est de qualité très variable suivant la 
nature des eaux qu'elle habite et surtout suivant les époques; 
au sortir de la mer, l'Alose est un fort médiocre poisson, à 
chair maigre farcie d'arêtes: mais après un séjour en eau 
douce, et quelque temps après le frai, cette chair devient sin- 
gulièrement meilleure. Longtemps bouillie, avec de l'oseille, 
les arêtes finissent en quelque sorte par fondre; nos maitres- 
chefs accommodent ce poisson de diverses manières qui le 
rendent fort appréciable. 

Au moment des passages, on prend parfois des quantités 
considérables d'Aloses; mais il faut renoncer à faire usage de 
la ligne. La senne, les nasses, les troubles, le tramait sont 
les engins ordinairement mis en usage pour ce genre de 
pêche. Il faut veiller à la montée et suivant le temps attaquer 
le poisson au fond ou à la surface. Si le temps est chaud, 
lourd, orageux, l'Alose se tient dans les grandes eaux au 
moins à deux mètres de profondeur. « Si la chaleur est sèche, 
dit La Blanchère, dure, le temps élevé, les Aloses viennent 
s'ébattre dans les anses abritées et jouer sur le sable et les 
petits cailloux. Le meilleur moment de la pèche, c'est la nuit, 
quand il n'y a pas de lune et par les petites crues qui trou- 
blent les eaux. La pêche dure de mai à juillet. » 

L'Alose finte 

Alosa Finta, Cmier. — Fintc, Alose longue. — Twaite sohad, Maid 
(Angleterre), — Vinlcn (Hollande), — Venth, Vint, Verich (Fla- 
mand). — Alaclia (Espagne). — Astouma (Basque). — Sabella 
(Portugal). 



LAlosc finte ressemble singulièrement à l'Alose commune. 
On la distingue : à son galbe plus allongé; à ses écailles 
moins grandes; à ses dents plus fortes et plus robustes; à la 



m 



166 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



présence de cinq ou six taches noires disposées le long des 
flancs ; à sa nageoire dorsale peu élevée, tandis que les ven- 
trales sont au contraire plus petites. Sa taille moyenne varie 
de 45 à 50 centimètres de longueur. Ses mœurs sont celles 
de l'Alose ordinaire; elle se plaît dans les mêmes milieux, 
mais sa montée se fait un peu plus tard; elle pond de fin juin 
à juillet. On la pêche de la même manière que l'Alose vraie, 
à l'aide de sennes, de troubles, surtout de tramails, parfois de 
nasses et de verveux. Sa chair est de même qualité. 



FAMILLE DES ESOCIDES 



Le Brochet 

Esox lucius, Linné. — Lévrier, Leuvrier (le mâle); Foursoin (la 
femelle); Filardeau , Brocheton (les jeunes); Lanceron, Aiguil- 
lon, Poignard, Pansar, Poyssan, Bûché, Bronché, Bequè, 
Bec de Canard, Bec de Cane, etc. (suivant les localités). — Bron- 
cheo (Provence). — Bronche! (Languedoc). — Pihe (Angleterre). 
Hecht, Gras Hecht (Allemagne)- — Mock, Greep Visch (Hollande). 
Gedde (Norwége). — Yack (Ecosse). — Luzio, Lunio, Luccio 
(Italie). — Brochetta, Bronchetta (Basque). — Brochet gris, Bro- 
chet doré, Brochet noir, Brochet gentil (Neuchàtel). 

Le Brochet, ce Requin des eaux douces, a des caractères 
si précis qu'on ne saurait le confondre avec aucun autre 
poisson. Son corps allongé, presque uniformément arrondi 
depuis la tète jusqu'à la nageoire dorsale, légèrement com- 
primé sur les Hancs, se rétrécit ensuite au delà de cette 
nageoire; il est couvert de petites écailles, minces et adhé- 
rentes, avec le bord basilaire festonné. La tête allongée et 
fortement aplatie en dessus se termine par un large museau 
dans lequel s'ouvre une grande bouche fendue jusqu'au ni- 
veau de l'œil. Des dents, les unes fortes, les autres plus fines 
sont réparties sur le maxillaire inférieur, les inter- 
maxillaires, les palatins et le vomer. La ligne latérale est 







Fio. 93. — Le Brochet. 



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*K 



168 POISSONS DES EAUX DOECES 

peu marquée; la nageoire dorsale est fortement reportée en 
arrière et opposée à l'anale ; la caudale est longue et échan- 
crée (fig. 95). 

La coloration du Brochet est assez variable; la partie su-, 
périeure du corps et le dos passent du vert olive au vert 
jaunâtre, tandis que ces mêmes teintes s'atténuent sur les 
flancs; le ventre est d'un blanc argenté. Sur les côtés s'éten- 
dent des bandes ou marbrures transversales, très peu régu- 
lières, d'un olivâtre très foncé. Les nageoires dorsale, anale et 
caudale ont une teinte brune lavée de blanc, de jaune ou de 
gris, tandis que les nageoires paires sont plus rouges 

Le Brochet atteint parfois des dimensions considérables. 
D'après M. E. Blanchard, « les individus du poids de 10 à 
15 kilogrammes ne sont pas très rares; on en cite du poids 
de 20 à 25 kilogrammes, seulement ceux-là doivent être peu 
communs. Le Brochet se trouvant dans les conditions les 
plus favorables à son développement dans les pays froids, 
ce poisson atteindrait fréquemment, assure- t-on, la lon- 
gueur de 1 mètre à l m ,50 dans les eaux de la Norvège, de 
la Suède, de la Sibérie. On a parlé de Brochets ayant des 
dimensions bien autrement considérables, et le poids énorme 
de 50 à 70 kilogrammes, mais il est toujours nécessaire de 
faire la part des exagérations. » 

Nous voyons le Brochet dans presque tous les cours d'eaux 
douces, rivières et étangs de la France; cependant il parait 
encore faire défaut dans quelques localités, comme le dépar- 
tement des Pyrénées-Orientales, le Var, une partie des 
Alpes-Maritimes, les environs d'Agde, le canal du Midi, le 
lac d'Annecy, etc. ; c'est évidemment une simple question 
d'acclimatation qui ne saurait tarder à être résolue. Il' se 
plaît de préférence dans les eaux tranquilles, et s'y reproduit 
avec la plus grande facilité ; on en a vu se développer dans 
des étangs fermés qui avaient été a u préalable vidés avec le 
plus grand soinj les oiseaux aquatiques avec leurs pattes 



l.E BROCHET 1Q9 

engluées de paquets d'œufs se chargent de ce repeuplement 
improvisé. C'est le plus vorace de tous nos poissons. Insa- 
tiable clans ses appétits, écrivait Lacépède, il ravage avec 
une promptitude effrayante les rivières et les étangs. Féroce 
sans discernement, il n'épargne pas son espèce, et dévore 
ses propres petits. 

On pêche le Brochet de diverses manières. En été il ne 
mord guère, et passe sa journée à se chauffer au soleil ou à 
dormir; mais il se met en chasse le matin et le soir, c'est 
alors le meilleur moment pour le prendre. L'époque la plus 
favorable est de septembre à décembre. Pour pêcher le Bro- 
chet à la ligne, il convient de se munir de solides engins ; on 
amorce l'hameçon avec un poisson vivant, Gardon, Goujon, 
Chevaine, tous sont bons pourvu qu'ils soient susceptibles de 
frétiller encore dans l'eau une fois embrochés sur l'hame- 
çon. Dès que le Brochet a saisi l'appât, au lieu de le ferrer 
immédiatement, il faut au contraire le laisser filer quatre ou 
cinq minutes; on l'amène ensuite bien plus facilement. 

Souvent on prend des Brochets à la ligne dormante de 
jour ou de nuit, avec des hameçons doubles, empilés sur des 
fils métalliques à l'abri des dents du Brochet et amorcés avec 
des poissons vivants. On se sert également de piquets- 
grelots à poulie, sur lesquels on enroule une longue ligne, 
Les gros Brochets se prennent aux bricoles comme nous 
l'expliquerons plus loin. Quelques pêcheurs adroits font 
usage d'un véritable collet : à l'extrémité d'une perche lé- 
gère, de 3 mètres de longueur, on attache un collet de fort 
osier ou de fil de laiton ; lorsqu'en plein soleil le Brochet est 
tranquillement reposé au fond d'une eau claire et peu pro- 
fonde, on passe adroitement le nœud coulant ou collet sous le 
poisson, sans le toucher, jusqu'au delà des ouïes; d'un coup 
sec on enlève le tout et le Brochet s'en va sauter sur la rive. 
Enfin on prend également bien souvent les Brochets à la 
cuiller. 



LocAR», I.a Pèche, 



10 



170 POISSONS DES EAUX DOUCES 

La chair du Brochet est très bonne; mais encore faut-il 
distinguer les époques et les provenances. Le Brochet de 
rivière est toujours préférable au Brochet des étangs qui 
bien souvent a un goût de vase ; les beaux Brochets des 
grands lacs de Suisse sont particulièrement estimés. Trop 
jeune, la chair du Brochet est sèche et a trop d'arêtes; trop 
vieille, elle devient fade et coriace. Un Brochet de deux ans 
au moins, élevé dans une eau pure et limpide, riche en 
petits poissons, a une chair blanche, grasse et ferme qui con- 
stitue un mets délicat et recherché. 



FAMILLE DES MURENIDES 



L'Anguille commune 

Anguilla vulgaris, Varell. — Anguillon, AnàouilU, Piban, Pi- 
balle, Mourguin, Chapteuse, Ortailla. Verniaux (suivant les 
localités). — Civelles (Anjou, Nantes). — Pibales, lliquarces, llou- 
geironne, Jiairon (vallée du Rhône). — Eel (Angleterre). — Aal 
(Angleterre). — Ail (Suède). — Ingola (Hongrie). — Anguilia 
(Italie). — Anguia Inguia (Portugal). 

On distingue en France plusieurs sortes d'Anguilles ayant 
chacune une forme de tête différente; mais toutes ont le 
corps cylindrique et allongé, recouvert d'une peau épaisse et 
lisse, avec de petites écailles dissimulées sous cette peau. La 
tête est allongée sans que l'une des mâchoires dépasse l'autre, 
et toutes deux portent des dents disposées en cardes; les 
intermaxillaires et le vomer sont également dentés. La na- 
geoire dorsale, l'anale et la caudale sont soudées ensemble, 
et cette dorsale commence assez loin de la tête. Les princi- 
pales espèces d'Anguilles sont les suivantes : 

L'Anguille commune. — Chez ce type, la tête est com- 
primée, et l'œil petit est immédiatement au-dessus des an- 
gles de la bouche. Le museau, arrondi, porte deux petits 



L'ANGUII-LK ÇO,\JMI.JMi 



171 







172 POISSONS DES EAUX DOUCES 

tentacules de chaque côté. Le maxillaire inférieur dépasse à 
peine le supérieur et tous deux sont armés d'une bande de 
petites dents. La ligne latérale est droite. Les parties supé- 
rieures du corps sont d'un gris olivâtre qui s'atténue sur les 
flancs, tandis que le ventre est blanc; mais ces couleurs sont 
d'autant plus chaudes et brillantes que le poisson a été pris 
dans des eaux plus vives et plus pures. Cette forme se trouve 
dans toute la France. 

L'Anguille à large bec. — Chez cette Anguille, la tête 
est très large, arrondie dans sa partie postérieure et aplatie 
dans la région nasale. La mâchoire inférieure est moins 
saillante et les yeux proportionnellement plus grands. On 
la pêche dans toute la France, souvent sous le nom de Pim- 
perneux ou d'Anguille à bec plat (fig. 97). 

L'Anguille à bec moyen. — L'anguille à bec moyen 
(fig. 98) a la tête conique, assez élargie à la hauteur des yeux, 
mais diminuant ensuite insensiblement jusqu'à l'extrémité 
du museau. D'après M. E. Blanchard les narines servent 
plus linéaires que chez les formes précédentes. C'est cette 
Anguille que nos pêcheurs qualifient de verniaux ; c'est 
peut-être la plus commune et la plus répandue. 

L'Anguille à becoblong. — D'après le même auteur, on 
pêche dans l'Huveane, près de Marseille, dans le Lot et 
dans le lac du Bourget une forme intermédiaire entre l'An- 
guille à bec moyen et l'Anguille à long bec ; sa tête est 
moins large à la base que chez la première et moins grêle que 
chez la seconde; le museau est plus court et plus obtus 
(«g. 99). 

L'Anguille à long bec. — Cette Anguille a le corps plus 
étroitement effilé, la tête petite, étroite, même à la hauteur 
des yeux et s'amincissant en pointe effilée à son extrémité. 
Les yeux sont plus latéraux et les mâchoires plus grêles 
(fig. 99). Elle parait moins répandue que les formes pré- 
cédentes. 



L'ANGUILLE COMMUNE 173 

La genèse des Anguilles a été bien longtemps plongée clans 
les plus noires ténèbres, et encore aujourd'hui plus d'un 
point de détail échappe-t-il aux observateurs. Ces poissons 
vivent alternativement dans l'eau douce et dans l'eau salée ; 
mais à l'inverse des Saumons, des Esturgeons, des Aloses et 
de tant d'autres, c'est dans la mer qu'ils se réunissent pour 




Rio. 97. 



Fia. 9S. 



FlO. 99. 



Fia. '97. — Tète vue en dessus de l'Anguille à large bec. 
Fig. 98. — ■ Tète vue en dessus de l'Anguille moyen bec. 
Fui. 99. — Tète vue en dessus de l'Anguille à long bec. 



donner naissance à leurs petits; au moment du frai ils 
gagnent les grands fonds ; plus tard les petits, réunis en 
grande troupe, regagnent les cours d'eau douce, et donnent 
lieu à ce que l'on nomme la remontée; les grands parents les 
rejoignent et tout l'ensemble se disperse plus ou moins loin. 
« L'Anguille, dit Brehm 1 , préfère les eaux un peu pro- 
fondes dont le fond est vaseux ; cependant, très robuste, 
elle s'accommode à peu près de toutes les eaux. Pendant le 



1 Pfehm, Les Poissons, édition française, par E- Sauvage, p. 503. 

10, 






174 



POISSONS DES EAUX DOUCES 












jour elle se tient cachée dans la vase ou dans les trous 
creusés dans la berge; ces trous ont presque toujours deux 
ouvertures par lesquelles l'animal peut entrer ou sortir 
indifféremment au moment du danger, car l'Anguille nage à 
reculons presque aussi bien que dans l'autre sens. Pendant 
l'hiver, l'Anguille s'enfouit dans la vase et s'engourdit, ne se 
réveillant que vers le printemps. Lorsqu'il fait très chaud 
et que l'eau commence à se corrompre, les Anguilles quit- 
tent le fond et viennent respirer à la surface ; elles se cou- 
chent alors entre les plantes qui bordent le rivage. Souvent 
aussi les Anguilles vont à la recherche d'eaux plus pures, 
en parcourant sur terre, pendant la nuit, des espaces parfois 
considérables. » 

Sans nier la longévité proverbiale mais non démontrée de 
la Carpe, l'Anguille peut vivre très longtemps, même dans 
un aquarium ; on en a vu qui avaient incontestablement plus 
de 50 années d'existence. La taille est également très 
variable. Une Anguille ordinaire peut mesurer 50 à 60 cen- 
timètres de longueur pour un diamètre de 7 centimètres, 
mais on en a vu qui atteignaient jusqu'à l m ,40 de longueur 
et 8 à 10 centimètres de grosseur. Pour être bonne, l'An- 
guille doit avoir un poids d'au moins 2 kilogrammes ; à ce 
moment sa chair est grasse, ferme, et a réellement acquis 
toutes ses qualités comestibles. On en a péché qui pesaient 
jusqu'à 25 et 30 kilogrammes; mais dans de telles conditions 
la chair devient fade et fiasque. 

On pêche l'Anguille de bien des manières ; sa voracité lui 
fait mordre à tous les appâts ; mais les meilleurs sont encore 
les gros vers de terre ou lombrics, les boyaux de volaille, 
les Vairons et autres petits poissons, et même les sangsues. 
On les prend à la ^êche au coup, durant toute la journée, en 
ayant toutefois bien soin de convenablement choisir son 
milieu, avec un fond vaseux ou marneux, garni de joncs et 
çj'herbes, déjà fréquenté par de petits poissons, L'Anguille 



L'ESTURGEON 175 

avale l'hameçon avec son esche, et souvent cet hameçon se 
fixe non pas au bec, mais dans l'estomac. Aucun poisson ne 
se défend avec plus de vigueur que l'Anguille ; ce n'est par- 
fois pas sans quelques difficultés que le pécheur après avoir 
vu l'animal suspendu au bout de sa ligne, peut l'amener au 
fond de son panier ; la plupart du temps ce qu'il a de mieux 
à faire c'est d'amener le poisson au-dessus du panier et de 
couper le fil de la ligne pour y fixer un nouvel hameçon. 

La méthode la plus simple pour prendre des Anguilles, 
c'est de tendre des lignes de fond la nuit, ou de faire usage 
de cordées et de jeux. Dans la vase on les prend bien sou- 
vent à la fouëne. 



GANOIDES 



FAMILLE DES ACIPENSKR1DES 



L'Esturgeon 

Acipenser stitrio, Linné. — Esturgeon, Stargcon (France). — 
Stargenn (Angleterre). — Esturion (Espagne). — Poraletto 
(Italie). 



Jusqu'à présent les poissons dont nous avons eu à nous 
occuper avaient un squelette osseux ; il nous reste à parler 
des quelques poissons dont le squelette est cartilagineux. 
Nous n'aurons à citer que deux espèces, l'Esturgeon et la 
Lamproie, qui appartiennent à deux familles différentes. 

L'Esturgeon est un grand poisson qui vit alternativement 
dans la mer et dans l'eau douce. Son corps allongé, diminue 
graduellement de largeur depuis la tête jusqu'à la nageoire 
caudale; il porte cinq rangées longitudinales de plaques. 






176 POISSONS DES EAUX DOUCIiS 

osseuses externes, présentant une pointe à leur partie cen- 
trale. La tête, large à la base, se termine par un museau 
allongé et pointu, portant une large bouche sans dents et 




Fia. 100. — Tète, vue en dessus, de l'Esturgeon. 



ouverte en dessous ; entre la bouche et la pointe du museau 
sont logés quatre barbillons. La nageoire dorsale est très 
en arrière et peu développée ; les pectorales arrondies s'in- 
sèrent très bas ; les ventrales sont reportées près de l'anale, 
et la caudale est à lobes très inégaux (fig. 100 et 101). Sa 



178 POISSONS DES EAUX DOUCES 

coloration est d'un brun jaunâtre sur le dos, devenant de 
plus en plus clair sur les flancs et passant au blanc sous le 
ventre. Sa taille peut atteindre jusqu'à 5 et 6 mètres de lon- 
gueur, mais il rare d'en voir sur nos marchés qui mesu- 
rent plus de 2 mètres. 

C'est surtout dans le nord de l'Europe que vit l'Esturgeon. 
Il se montrait autrefois, paraît-il, bien plus fréquemment 
dans nos fleuves de France et dans nos affluents. Aujourd'hui 
on le rencontre dans le Rhône, la Gironde, la Loire et beaucoup 
plus rarement dans la Seine. C'est au moment de la ponte, 
c'est-à-dire en avril et mai, qu'on le voit quitter les mers 
pour remonter plus ou moins loin dans les fleuves. Les 
plus grands peuvent donner des quantités d'œufs considé- 
rables; ces œufs, convenablement préparés, sont consommés 
sous le nom de caviar; avec la vessie natatoire qui est par- 
ticulièrement développée, on fait l'ichthyocolle. 

La chair de l'Esturgeon est très agréable ; quoique un peu 
grasse, elle a une saveur très fine et très délicate. Dans 
nos pays on le prend de mai en août ; il mord assez rarement à 
la ligne; c'est surtout dans les nasses et les filets qu'on peut 
arriver à le capturer. En France on le mange toujours frais ; 
mais en Russie, où l'on en fait une consommation considé- 
rable, on le sale et on le fait sécher. 



FAMILLE DES PETROMYZONIDES 



La Lamproie marine 

Petromyzon marinus, Linné. — Grande Lamproie, Lamproie 
marbrée, Anguille Lamprosée (suivant les localités). — Lampré, 
Lamprezo (Midi de la France). - Lamprey (Angleterre). — Lam- 
prete (Allemagne). — Zee Lamprey (Hollande). — Lampreda 
(Italie). — Lamprea (Espagne). 






Les poissons de la famille des Pétromyzonides sont fibro- 
cartilagineux à corde dorsale persistante; ils ont une bouche 







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Fit;. 102. — Lamproie marine. 






180 POISSONS DES EAUX DOUCES 

de forme arrondie entourée d'une lèvre contractile, qui joue 
le rôle de suçoir et leur permet de s'attacher aux corps 
solides qu'ils rencontrent dans l'eau; à l'intérieur de cette 
bouche on distingue des dents en forme de petits tubercules 
revêtus d'une gaine cornée et disposés sur un ou plusieurs 
rangs à la surface du disque entourant la bouche (fig. 103). 
Leur corps est cylindrique, dépourvu de nageoires pec- 
torales et ventrales ; les dorsale et anale sont soutenues par 
de nombreux rayons cartilagineux. 







l'iG. 103. — Bouche de Lamproie marine. 

La Lamproie marine (fig. 102), a le corps long, arrondi 
en avant, comprimé à l'extrémité, recouvert d'une peau 
épaisse enduite d'une abondante couche de mucosités. La 
tête, arrondie à son extrémité, n'est en quelque sorte qu'un 



LA LAMPROIE MARINE 



181 



prolongement du corps; entre deux petits yeux s'ouvre un 
évent qui communique avec le sac branchial et permet à 
l'eau d'y pénétrer lorsque l'animal est fixé par sa ventouse 
buccale ; les branchies sont cachées sous la peau et com- 
muniquent avec l'extérieur par sept paires d'ouvertures cir- 
culaires placées de chaque côté du cou. 

Comme l'a fait observer M. E. Blanchard ', ce qu'il y a de 
plus remarquable chez la Lamproie marine, c'est la bouche 
complètement circulaire, vaste suçoir, énorme ventouse, 
entourée d'une lèvre charnue garnie de cirres, ayant pour 
support une lame cartilagineuse. (Jette bouche est pourvue, 
sur toute sa surface intérieure, de rangées circulaires de 
fortes dents, les unes simples, les autres doubles; les plus 
grosses occupent la partie centrale, les plus petites formant 
les rangées extérieures. Une grosse double dent, située au - 
dessus de l'orifice buccal, marque la place de la mâchoire 
supérieure. Une large lame formant sept ou huit grosses 
dents, représente la mâchoire inférieure. La langue porte 
aussi trois larges dents profondément découpées sur leurs 
bords (fig. 103). 

La taille de ces singuliers poissons peut atteindre jusqu'à 
1 mètre de longueur. Leur dos est ordinairement d'un brun 
un peu olivâtre tirant parfois sur le noir, plus clair sur les 
côtés ou même un peu jaunâtre, avec le ventre d'un blanc 
un peu plombé ou jaunacé ; tout le dos et les lianes sont cou- 
verts de taches et de bandes confuses très irrégulières et do 
teinte plus sombre. 

C'est au printemps que la Lamproie marine quitte la mer 
pour venir frayer en eau douce; elle remonte alors les grands 
fleuves et leurs affluents, parfois fort loin ; c'est ainsi qu'il n'est 
pas rare d'en voir jusque dans la Savoie ; elles se tiennent 
d'ordinaire sur les fonds, mais remontent les plus forts cou • 



1 Emile Blanchard, Les Poissons des eaux douces, p. 312. 
Locard, La Pécte. 11 









182 POISSONS DES EALX DOUCES 

rants en donnant à leur corps un mouvement serpentiforme. 
Elles se nourrissent de vers, de mollusques, d'insectes, et ne 
craignent point, dit-on, de s'attacher aux gros poissons avec 
leur puissante ventouse. Pour frayer, elles se creusent un 
long sillon où s'installe chaque couple jusqu'après la ponte. 
Dans certaines contrées du centre et du midi de la France, 
et plus particulièrement sur les bords de la Loire, la Lam- 
proie marine est fort estimée; on en fait des pâtés qui ont 
une certaine réputation. La chair de ce poisson, encore plus 
grasse que celle de l'Anguille, est néanmoins d'assez bonne 
qualité, mais il est bon qu'elle soit habilement préparée. Avec 
son mode de conformation buccale il ne faut pas songer à 
prendre la Lamproie à la ligne; on la pêche à la main, avec 
la nasse, le verveux. le loup, la foëne, etc , dont les formes 
varient un peu suivant les pays. 



La Lamproie fluviatile 

- etromyson fluviatilis, Linné. — Petite Lamproie, Lamprillon, 
Lamproie a" Alose, Fifre, Petite Lampresse, Pibjle, Bête à sept 
trous, Sept-Veil, etc. (suivant les localités). — Lampera (Angle- 
terre). — Prick Neunauge (Allemagne). — Mirroggi (Russie). — 
Nathing (Suède). — Silmuhd (Esthonie). — Lampreda (Italie). 
— Lamprea (Espagne). 

Cette espèce, voisine de la précédente, est cependant tou- 
jours de taille beaucoup plus petite, puisqu'elle ne dépasse 
que bien rarement 30 à 40 centimètres de longueur. Elle est 
surtout caractérisée par son mode de dentition : il n'existe 
plus qu'une seule rangée circulaire de dents; une lame semi- 
circulaire portant deux dents au-devant de l'orifice, occupe 
la mâchoire supérieure ; la mâchoire inférieure est représentée 
par une lame transversale garnie de sept petites dents 
aiguës. 

La coloration du dos est d'un brun olivâtre plus ou moins 
foncé passant au gris plombé ; les flancs ont une teinte qui 









LA LAMPROIE DE PLANER 183 

varie du blanc gris-bleuté au jaune clair, tandis que le 
ventre est blanc argenté ou à peine lavé de jaunâtre. On 
n'observe pas de marbrures sur la partie supérieure du corps 
comme chez la Lamproie marine. Enfin les nageoires ont une 
teinte un peu violacée. 

On trouve cette Lamproie dans presque toutes nos riviè- 
res, mais elle est plus rare qu'autrefois. Au printemps, ces 
poissons s'accouplent par paires et la ponte a lieu en mai; 
à ce moment, les femelles se distinguent aisément des mâles 
par la largeur de leur bouche et de leur abdomen ; ils forment 
au fond des cours d'eau une sorte de nid allongé, creusé dans 
la vase, et dans lequel ils déposent leurs œufs. Leur chair 
est assez délicate et passe pour fort appréciée dans certains 
pays. On pêche ces poissons à la main ou mieux encore dans 
les filets. 

La Lamproie de Planer 

Petromyzon Planeri, Bloch. — Petite Lamproie, Sucet, Civelle, 
Sepl-n'il rouge, Chatouille, Satouille, LamprMon. Ammo- 
caete, etc. (suivant les localités). — Fringed-Lipped, Lampera 
(Angleterre). 



Ce curieux petit poisson présente de bien singulières par- 
ticularités. Et d'abord, on le distingue des autres Lamproies, 
à sa taille plus petite, puisqu'elle ne dépasse pas 20 à 25 cen- 
timètres de longueur, à son corps plus gros, à ses nageoires 
dorsales qui se succèdent sans interruption, enfin à ses dents 
obtuses; son dos est d'un vert plus ou moins jaunâtre, 
et le ventre est presque blanc. Mais avant d'arriver à sa 
taille définitive, cette petite Lamproie subit de véritables 
métamorphoses, de telle sorte que l'on serait porté à la 
désigner sous des noms différents jusqu'au moment où elle 
est parvenue à un degré de fixité définitif. 

Tant qu'elle n'a pas subi ses métamorphoses, la petite 






184 POISSONS DES EAUX DOUCES 

Lamproie prend le nom à'Ammocéte. A cet état, son corps 
est plus cylindrique et sa bouche est en fer à cheval, sans 

D BAC 








Fio. 104. — A, Portion antérieure de la Larve (Ammocceles), vue de profil; 
B, la même vue en dessous: C, portion antérieure d'une larve plus 
âgée ou les yeux commencent à paraître ; D, la même, vue en dessous ; 
E, portion antérieure, vue de profil, d'une jeune Lamproie dont l'appa- 
reil dentaire est encore incomplètement développé; l*', la môme vue en 
dessous; G, portion antérieure, vue de profil, d'une Lamproie adulte; 
II, la même vue en desso is (d'après E. Blanchard). 



aucune dent, avec la lèvre inférieure en saillie. Petit à petit 
la bouche s'arrondit, les lèvres passent à l'état de bourrelet; 






LA LAMPROIE DE PLANER 185 

l'œil, d'abord peu distinct et comme voilé, devient plus ap- 
parent, les dents se manifestent, la peau enfin est plus bril- 
lante et plus argentée (fig. 104). Ce n'est qu'au bout de 
la troisième année, et quelquefois de la quatrième, que la 
transformation est complète. C'est alors qu'a lieu la ponte, 
en mars et avril ; mais bientôt après ces poissons ne tardent 
pas à mourir. 

La Lamproie de Planer ne quitte jamais les eaux douces; 
elle est commune en France, dans les rivières et ruisseaux 
fond un peu sablonneux ; à l'état d'Ammocète, elle se tient 
cachée dans les milieux obscurs, sous les pierres, dans la 
vase, fuyant la lumière et le grand jour, vivant des cor- 




Lamproie de Planer. 



puscules que le courant fait sans cesse défiler à sa portée. 
Mais une fois adulte (fig. 103), elle devient beaucoup plus 
active, et on la voit en pleine lumière courir sur le sable 
fin. 

Ce n'est paslà un poisson comestible, du moins pour l'espèce 
humaine, et pourtant le pêcheur le recherche toujours avec 
le plus grand soin; c'est qu'en effet il n'est pas de meilleure 
esche pour la pêche des poissons carnassiers de nos eaux 
douces. L'Anguille, le Brochet, la Truite, etc., en sont par- 
ticuliènment friands ; cette petite Lamproie embrochée par 
le dos, conserve dans l'eau sa vitalité pendant très longtemps, 
et s'agitant ainsi au bout de la ligne durant une longue 



186 



POISSONS DES EAUX DOUCES 



agonie, elle sert d'appât à de nombreux poissons; on la 
pêche avec des nasses, des guideaux et de petits filets 
mobiles. 



Tel est l'ensemble de la faune ichtyologique indigène de 
la France. Pour être complet il conviendrait encore de 
signaler ici un certain nombre d'espèces étrangères dont 
l'acclimatation a été plus ou moins fructueusement tentée; 
signalons notamment : la Sandre ou Sandat (Lucioperca 
Sandra), de l'est de l'Europe ; la Perche noire (Perça 
nigrescens), d'Amérique; le Macropode de Chine ou Para- 
disier (Macropodus paradisii), de Chine; le Binny ou 
Barbeau du Nil (Cyprinus lepidotus) ; la Fondule cyprinote 
(Fondula cyprinodonta), d'Amérique; le Silure (Silurus 
Glanis), du nord-est de l'Europe ; le Saumon du Danube 
ou Heusch (Salmo Hucho), du Danube ; le Quinnat ou 
Saumon de Californie (Salmo Quinnati); le Saumon des 
lacs (Salmo lucustris) du Nord ; la Truite de fontaine 
(Salmo fontinalis), d'Amérique; le Corégone blanc ou 
White-Fish (Coregonus albusj, d'Amérique ; le Sterlet 
(Acipenser ruthenus), du Volga; etc. 



DEUXIEME PARTIE 



LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



On peut pêcher, c'est-à-dire prendre du poisson, de bien 
des manières différentes. L'esprit humain toujours inventif, 
surtout lorsqu'il s'agit de pourvoir à l'alimentation, a pu, 
depuis des siècles, se donner une vaste carrière pour décou- 
vrir les engins les plus perfectionnés, les procédés les plus 
habiles en vue de la pêche du poisson. Pour décrire ces 
nombreux appareils et procéder avec un peu de méthode, 
nous diviserons la pêche en deux grandes catégories : d'une 
part, les pêches faites avec des lignes de quelque forme 
ou nature qu'elles soient; d'autre part, les pêches faites avec 
des nasses, des filets divers ou d'autres engins. 

Dans la pêche avec des lignes, nous examinerons succes- 
sivement : 1° la construction des différents éléments do la 
ligne elle-même; 2° les accessoires nécessaires au pêcheur; 
3° les amorces; 4° les divers genres de pêche que l'on peut 
effectuer avec ces engins. Dans un second chapitre, nous 
passerons en revue les principales catégories de nasses, de 
filets et autres instruments destinés à pêcher sans le secours 
de la ligne; nous indiquerons en même temps la manière de 
se servir de chacun de ces appareils. 



188 



I.A l'KCIIE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



DE LA PECHE A LA LIGNE 

CONSTRUCTION DES DIVERS ÉLÉMENTS DE LA LIGNE 

La ligne proprement dite est une cordelette plus ou moins 
fine destinée à porter un petit crochet métallique ou hameçon 
qui doit servir à accrocher le poisson. Malheureusement, les 
lignes dont on doit faire usage ne sont pas d'une aussi grande 
simplicité; on les soutient et on les monte sur une canne; 
on les construit avec des éléments divers : soie, fil, crin, etc. ; 
pour les faire flotter, on les munit d'un liège, tandis qu'un 
plomb est nécessaire pour en faire plonger l'extrémité ; 
enfin, l'hameçon, dont les formes sont très variées, doit être 
attaché à la ligne avec des soins tout particuliers; de là au- 
tant de questions à examiner. 

Cannes. — Le premier bâton venu peut faire une canne 
à pêche; mais bien des bâtons sont lourds et, s'ils sont un 
peu longs, ils ne deviennent plus maniables. Il faut donc 
procéder avec un certain éclectisme dans le choix de ce pre- 
mier engin. Une bonne canne doit être à la fois légère, 
roide, droite, élastique et suffisamment résistante pour ne 
point rompre sous la charge du poisson qui pendra à son 
extrémité. Mais il n'est nullement nécessaire qu'elle soit 
d'un seul morceau. Le roseau du midi de la France, le bam- 
bou des Indes ou de la Chine, le noyer d'Amérique ou bois 
d'hicory sont les bois les plus usités pour la confection des 
cannes. On vend chez tous les marchands d'articles pour la 
pêche toutes sortes de cannes, depuis les plus simples, con- 
stituées par la modeste baguette de coudrier, jusqu'aux plus 
élégantes montées sur argent. Entre les deux, on peut lar- 
gement choisir. Celles-ci se démontent en morceaux d'égale 
longueur et peuvent former un petit faisceau que l'on serre 
dans un fourreau protecteur; celles-là s'emboîtent mor- 



l.A PECHE A I.A I Hi.NE 



1-9 



ccau par morceau, rentrant les uns dans les autres, de telle 
sorte que le tout constitue une véritable canne comme celle 
dont se servent les marcheurs. Voici, par exemple (fig. 106), 
le type d'une bonne ligne, commode et pratique ; elle se 
divise en quatre ou cinq morceaux de l m ,20 à l m ,50 de lon- 
gueur; suivant le genre de pèche que l'on veut adopter, on 
emmanche deux, trois ou quatre morceaux les uns à la suite 
des autres et l'on obtient des cannes de 2 n \50 à 7 et 8 mètres 



^53 




Fij. 106. Canne eu bambou à moulinet. 

de longueur. Le morceau le plus gros est un bambou; sa 
base est vissée et peut recevoir un bouton, comme dans la 
figure, ou une pique lorsque l'on veut ficher la ligne en 
terre ; chaque extrémité porte une virole qui recevra la 
virole du bout suivant. On peut, du reste, fabriquer parfai- 
tement bien soi-même ses cannes; après avoir choisi des ro- 
seaux bien secs, on y fixe les viroles que l'on trouve toutes 
faites chez les marchands de parapluie, soit avec une petite 
cheville en métal, soit avec delà gomme-laque à chaud. 

Scion. — On désigne sous ce nom la petite extrémité de 
la canne. C'est une des parties importantes de l'instrument; 
c'est en somme la plus exposée à se rompre dans le cas 
d'une tension trop forte; on la fait avec un bois plein et bien 
choisi, flexible et très résistant. Le bambou, le cornouiller 
sanguin, le troène, les épines noires et blanches, le fusain, 
Je péfîier, etc. ( sont de bons t>oi«, très opnvenables pour 1^ 

Mi 



{90 LA. PÊCHE DES POISSONS EX EAUX DOl'CES 

confection du scion; on en fait également en baleine, mais 
ces derniers ne sont jamais bien longs. Une fois en pêche, un 
scion vient-il à se casser, un adroit pêcheur doit pouvoir 
le réparer sur place; si la cassure présente de chaque côté 
des débris allongés, il les rapproche et entoure le tout d'une 
forte ligature longue et serrée ; la cassure est -elle franche, 
il entaille un des bouts en encoche, l'autre en bec de flûte, et, 
faisant pénétrer l'un dans l'autre, il les consolide par une 
même ligature. 

Pied de canne. — Dans certaines pêches, où l'on fait 
usage de cannes exceptionnellement longues, le bras du plus 
robuste pêcheur finirait par se lasser ; la canne alors repose 
à son extrémité inférieure dans le sol ; à cet effet, on pose 
sur sa base un pied, soit avis, soit à virole, terminé par une 
pointe en fer résistante, courte, pouvant entrer solidement 
dans la terre. 

Moulinet. — Il n'est pas de bonne canne sans moulinet; 
c'est un instrument fort simple et qui rend les plus grands 
services. Le moulinet (fig. 107) est une sorte de bobine 
montée solidement sur le bois de la canne et sur laquelle 
vient s'enrouler l'extrémité de la ligne. Un gros poisson 
vient-il à se faire prendre, même lorsque vous péchez le menu 
fretin, et cela arrive plus d'une fois, votre ligne ou votre 
canne sera infailliblement rompue si elle n'est pas armée d'un 
moulinet. Mais si votre appareil est bien monté, vous n'avez 
qu'à laisser le moulinet se dérouler lentement au moment où 
le poisson veut fuir, et celui-ci, bientôt las et épuisé, se 
laissera ramener par le jeu inverse de l'appareil jusqu'au 
moment où, prêt à sortir de l'eau, vous le recueillerez dans 
votre épuisette. Enfin, suivant les besoins de la cause, le 
moulinet permet à volonté de raccourcir la ligne ou de 
l'allonger. 

On fait des moulinets de toutes les formes; les plus simples 
sont les meilleurs. La bobine est composée de deux disques 



LA PECHE A LA LIGNE 19 1 

reliés par des traverses, le tout en métal, ordinairement en 
cuivre; on la monte ou démonte à volonté sur la canne et 
l'on fait jouer l'ensemble à l'aide d'une petite manivelle laté- 
rale. Tel est le moulinet ordinaire. Mais veut-on un mouve- 
ment plus rapide, on ajoute, sur le flanc de la bobine, deux 



m 



• % 




Fiu. 1Û7. — Moulinet. 



petits engrenages qui multiplient la rapidité du mouvement, 
de telle sorte qu'à deux ou trois tours de la manivelle cor- 
respondent quatre ou neuf tours du moulinet, suivant la 
dimension des engrenages. Mais quelque simple que soit le 
moulinet, il est prudent de le munir d'un encliquetage qui a 
pour effet de l'empêcher de tourner seul ; c'est une petite 
roue dentée placée latéralement et qui reçoit un arrêt mobile 
venant se loger entre les dents, de façon à empêcher la roue, 
et partant la bobine, de se dérouler tant que l'arrêt fonc - 
tionne sur la dent. 

Lignes. — La ligne est la cordelette qui, d'une part, est 
fixée à la canne, soit directement, soit sur le moulinet, et, 
d'autre part, porte l'hameçon. Parfois, dans certaines pêches, 



192 



LA PÊCHK DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



on supprime la canne, et la ligne est alors qualifiée de ligne 
de fond. Tout bon pêcheur possède ce qu'il appelle volontiers 
son régiment de lignes, car, suivant le genre de pêche auquel 
il veut se livrer, il conviendra de faire usage de tel ou tel 
genre de ligne ; mais, en principe, une bonne ligne doit être 
à la fois fine pour ne pas effaroucher le poisson, et forte pour 
pouvoir lui résister. On fait surtout usage du fil, de la soie, 
du boyau de vers à soie et du crin. 

Le fil sert non seulement à la confection des filets, mais 
encore pour les lignes un peu fortes; on n'emploie pas le fil 
simple, mais bien le fil retors, à deux ou au plus trois brins, 
bien égal, sans nœuds, de moyenne torsion, fait avec du 
chanvre fin pas trop roui. Il sert surtout pour les lignes de 
fond et pour les corps de lignes à canne, c'est-à-dire pour 
toute la partie de la ligne qui reste hors de l'eau et forme 
bannière depuis le bouchon jusqu'à l'extrémité delà ligne ou 
même jusqu'au moulinet, s'il y en a un. 

La soie pour lignes estfaite d'un cordonnet très retors et 
de grosseur variable, ordinairement de neuf brins filés à 
part et retors ensemble ; mais ainsi préparée, la soie se vrille 
toujours lorsqu'elle est neuve; il faut donc avoir bien soin 
de la dévriller pour l'empêcher de faire des noeuds ; 
cette opération se fait en la plongeant dans l'eau et en la 
faisant glisser fortement et à plusieurs reprises entre les 
doigts mouillés, d'un bout à l'autre, tout en la laissant 
tourner sur elle-même. Il est toujours bon de tremper ses 
soies de ligne dans un bain d'huile bien siccative ou lithar- 
gée; elles se conservent ensuite bien mieux. Enfin quelques 
pêcheurs teignent leur soie en vert d'eau ou en vert pré pour 
moins effaroucher le poisson. 

Le crin est un fil à la fois fort, élastique, résistant et très 
peu visible dans l'eau; il rend de grands services aux 
pêcheurs; on emploie le plus souvent deux crins tordus 
ensemble (fig. |08), e| comme ils seraient trop courts, on Je§ 



I.A l'KCHE A LA LIGNE 



193 



réunit par un petit nœud solide. On se sert du crin soit pour 
des lignes complètes, soit pour des extrémités de lignes. 

Sous le nom de jiorence, crin de florence, boyau de 
ver à soie, on vend dans le commerce un fil transparent, 
d'une extrême résistance, obtenu à l'aide du ver à soie de 
la manière suivante. On prend un gros ver au moment où il 
va faire son cocon et on le plonge dans du vinaigre blanc 
très fort pendant vingt-quatre heures; tenant alors lever 
par son extrémité, on étire le fil soyeux conservé dans le 
corps de l'animal; plus ce brin est régulier, transparent, 
bien arrondi, meilleur il est. On garde ces fils avec leur 
couleur naturelle ou bien on les teint en vert pâle. 

C'est avec ces différents éléments que nous constituerons 
nos lignes. Tantôt la ligne est simple, c'est à-dire composée 
d'une seule nature de fil, tantôt elle est multiple ou en queue 
de rat, c'est-à-dire faite avec des éléments dont la grosseur 
va toujours en diminuant. 



Fio. ms. 



Crins tordus et noués. 



L'avancée (fig. 108), ou partie voisine des hameçons doit 
toujours être fine et solide; le crin ou la fiorence sont sur- 
tout les fils avec lesquels on fait les avancées, soit qu'il 
s'agisse d'une ligne à canne, soit que l'on ait à faire à une 
cablière servant de ligne de fond. Or, comme il s'agit de 
réunir ensemble ces différents brins, le pêcheur doit savoir 
confectionner certains nœuds qui lui garantissent la solidité 
de ces divers assemblages. 

Les nœuds qui servent à réunir les différentes parties de 
la ligne sont extrêmement nombreux ; mais ils peuvent se 
réduire à deux, l'un pour rattacher un fil brisé dans sa con- 
tinuité, l'autre pour asçerobjer deux fils isolés. Dans Je prç? 



194 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

mier cas, on n'est pas maître des extrémités opposées à celles 
qu'il faut réunir; on l'est au contraire dans le second. La 
(flg. 109) montre le premier nœud, dit nœud anglais; on fait 



Fie. 109. — Nœud anglais. 

un demi-nœud D à l'extrémité de la partie N, mais autour 
de D B ; de même pour B, autour de N N ; on rapproche les 
deux demi -nœuds, et l'on serre Je tout. Ce nœud offre l'avan- 
tage que les deux parties tirent directement suivant une 
même ligne droite. 

Pour faire le nœud du pêcheur (fig. 110), on met 
(fig. 110, a), les extrémités opposées du fil empiétant de 
7 à 8 centimètres l'une sur l'autre ; puis l'on fait passer deux 
fois l'autre extrémité dans une boucle de A B réunis, ce qui 




Fig. 110. — Nœud du pêcheur. 



donne la figure 110, b; on tire alors avec précaution et très 
également sur les quatre parties, et l'on forme le nœud R 
(fig. 110, c); on coupe les deux bouts inutiles. 

Enfin il est un troisième nœud fort utile, c'est la demi-clef. 
Veut-on réunir une avancée de crin ou deflorence à la ligne? 
L'avancée porte une boucle en B( fig. 111) ; on passe la ligne 
A dans cette boucle, puis on fait avec le petit bout et l'autre 
un simple nœud, en ayant soin de prendre dans ce même 
■nœud l'extrémité de la ligne, de façon à former une boucle; 
on défait ce nœud en tirant sur le petit bout. 



LA PECHE A LA LIGttE 



195 



Les différents éléments de la ligne étant ainsi préparés, 
il s'agit de la monter sur la canne ; à cet effet, la canne porte 
sur toute sa longueur un certain nombre d'anneaux, comme 




Fie. m. — Demi-clef. 



on peut le voir dans la figure 106 ; on fait passer dans 
chacun d'eux le gros bout de la ligne et l'on vient en fixer 
l'extrémité sur le tambour du moulinet. Tous ces anneaux 
sont solidement fixés sur la canne et exactement dans la 
même alignée. N'a-t-on qu'une simple canne sans mou- 
linet, on fixera solidement à l'extrémité du scion, par une 
double ou triple série de nœuds équidistants, l'extrémité de 
la ligne. 

Mais la pèche est finie, le pêcheur veut rentrer ses engins; 
il doit plier sa ligne s'il veut la conserver en bon état. Il 
existe plusieurs sortes àe plioirs. Les plus simples sont faits 
avec une petite planchette de forme rectangulaire encochée 
à ses deux extrémités; on fait entrer le gros bout de la 
ligne dans une fente latérale et on entortille la ligne réguliè- 
rement en la faisant successivement passer d'une encoche 
dans l'autre. On fait également des plioirs circulaires ou 
tours ; ce sont de véritables poulies à gorges autour des- 
quelles on enroule la ligne. En thèse générale, les plioirs 
les plus simples et les plus légers sont toujours les meil- 
leurs. 

Un des accessoires importants de la ligne, c'est l'éme- 
rillon. C'est un petit appareil que l'on interpose sur la lon- 
gueur de la ligne, au voisinage de l'avancée et qui a pour 
but de permettre à l'avancée de tourner à volonté sur elle - 



19ti LA PÈC 1E DÏ& POISSONS EN EAUX DOUCES 

môme sans que le reste de la ligne se déplace; dans cer- 
taines sortes de pèche, où l'amorce doit être animée d'un 
mouvement rotatoire, l'émerillon est indispensable. Nous 
en indiquerons plusieurs formes (fig. 112), le premier est dit 
émerillon double à boucles fermées ; chaque boucle reçoit un 



Fig. H2. — Emerillon A, ènierillon double à boucles fermées; fi, éme- 
rillon double ù crochet; D, émerillon simple à crochet. 



des bouts de la ligne ou de son avancée ; le second est 
l'émerillon double à crochet ; on enfile l'extrémité de la 
ligne dans. la boucle, tandis que le crochet reçoit l'avancée; 
enfin dans l'émerillon simple à crochet, le crochet seul est 
mobile dans le milieu du petit disque qui porte la boucle. 

Flotte. — La ligne étant construite, il faut l'armer d'une 
flotte ou bouchon, pour lui permettre de se maintenir à la 
surface de l'eau et pour indiquer au pêcheur les mouve- 
ments que le poisson fera subir à l'hameçon lorsqu'il viendra 
l'attaquer. On fait des flottes de toutes sortes, le plus ordi- 
nairement avec un tuyau de plume ou du liège. La partie de 
la ligne qui va du scion à la la flotte se nomme bannière, 
tandis qu'on désigne sous celui de bas de ligne, la partie 
qui est immergée; plus le bas de ligne est lourd, plus né- 
cessairement la flotte doit être grosse; il s'en suit que dans 
les milieux tranquilles, là ou l'on peut pêcher avec des bas de 
lignes légers, la flotte sera petite, tandis que pour pêcher 
dans des eaux rapides il faudra par conséquent des flottes 
plus volumineuses. 

Nous empruntons à M. A. Moriceau une série de types de 
flottes bien appropriées aux différentes sortes de pêches à la 
jigne. « Pfiur Ja pêche des petits poisspnSj on prend spuYen{ 



=c=r 




IMEHS2jj[£3j 




i nmB Timummmnsi I^ gg^^ 




Fig 113. — Flottes diverses; A, pli, me de ligne à fouetter; B, plume 
pour, petite ligne à Ablette et Goujon; C, et D, flottes petite et 
moyenne en plume; K, plume de Porc-èpic; F, flotte en bambou 
pour étang; G, petite flotte en liège peint pour Goujon et Gardon; 
H et I, flottes moyennes en liège peint et verni pour moyens pois- 
sons; J, grosse flotte en liège pour Carpe, Perche et Tanche; IC et L, 
flottes pour Brochets; M, harpon ou arpiau en fer (ligure empruntée 
au livre de M. A. Moriceau). 



198 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

de simples plumes comme celles des figures 113, A et B, ou 
ce qui vaut mieux, une plume coupée à 2 centimètres au- 
dessus du tuyau et garnie d'un coulant à chaque bout ; on 
doit éviter de percer ce tuyau et il est bon même de le 
boucher avec du vermillon pour qu'il ne prenne pas l'eau. 
Les plumes de porc-épic (fig. 113, E), sont aussi excellentes ; 
leur forme pointue leur donne une grande sensibilité, et la 
moindre attaque du poisson les agite et donne l'alerte au 
pêcheur. Gomme elles sont très variées de grosseur, on peut 
les employer à bien des sortes de lignes ; pour les forts 
courants même, qui demandent une grande charge de plomb, 
on s'en sert également en les garnissant au gros bout d'un 
bouchon percé. 

« Les bouchons de forme anglaise que représentent les 
figures 113, L à G, sont toujours en usage en Angleterre. 
Gomme on le voit, ils ne peuvent se fixer à la ligne qu'à la 
partie supérieure, au moyen d'un coulant, et dans le bas, la 
ligne traverse simplement un petit anneau en cuivre. On a 
renoncé en France à ce système : nos bouchons n'ont plus ni 
anneau, ni coulant, ils sont traversés par une plume sem- 
blable à celle de la figure 113, 13, qui les maintient mieux et 
leur donne plus de légèreté encore. C'est pour le Brochet 
qu'il faut les plus grosses flottes, parce qu'à la force de 
résistance que demandent les autres lignes, il faut ajouter les 
efforts du petit poisson servant d'amorce, qui, continuelle- 
ment, cherche à les faire plonger. Viennent ensuite celles qui 
servent à la Carpe, à la Perche, au Barbillon, etc. ; on en 
fait absolument de toutes les grosseurs ; il y en a même pour 
Ablettes, qui sont excessivement fines et peuvent rivaliser 
avec les plus petites plumes. » 

Parfois, lorsque la bannière de la ligne est très longue, on 
éprouve le besoin, dans certaines pêches, de la faire flotter ; 
on y fixe alors ce que que l'on nomme des postillons ; ce 
sont, soit de petits disques circulaires que l'on fixe à la ligne 



LA PECHE A I.A LIGNE 109 

par un fil spécial passant au centre, soit des flottes rondes 
dont la grosseur varie de la noisette à la noix; le plus souvent 
on les peint en rouge ou en noir pour que le pêcheur puisse 
bien en suivre les mouvements, même de loin. 

Plombs et sondes. — Si la bannière de la ligne doit 
flotter, le bas do la ligne, dans la plupart des cas doit être 
assez lourd pour se tenir droit et résister à la force du cou- 
rant qui l'empêcherait d'aller au fond. On obtient cette 
résistance à l'aide de plombs que l'on ajoute en quantité 
suffisante sur le bas de la ligne. Quelques pêcheurs se con- 
tentent de faire usage de petites lamelles de plomb qu'ils 




» 09 




© 






1! C D 

Fio. 114. — Plombs et sondes; A, plomb laminé pour lignes; B, plombs 
et chevrotins fendus, de grosseur naturelle ; C et D, plombs pour la 
pêche à soutenir et au grelot; E, plombs pour les lignes de fond sans 
pelotes; F, sonde à liège (ligure empruntée à M, Moriceau). 



découpent et enroulent sur la ligne (fig. 114. A) ; il est encore 
plus avantageux de se servir de petits grains de plomb 
fondus, que l'on fait passer sur le fil de la ligne en les pinçant 
jusqu'à ce qu'ils soient fixes ; ces plombs (fig. 114, B) sont de 



200 



I.A PECHE DtfS POISSONS EN EAUX DOUCES 












grossour différente suivant le poids du bas de la ligne et en 
nombre variable : lepremier doit être placé à 30 centimètres 
de l'hameçon et les suivants de 5 en 5 centimètres. Pour la 
pêche à soutenir et pour la pèche au grelot, on a besoin de 
poids beaucoup plus forts ; on leur donne alors la forme 
représentée figure 114, G ou D. Enfin pour les lignes de fond 
les poids sont plus gros encore ; ils affectent la forme, figure 
114, E et F. Ces deux derniers poids peuvent encore servir 
de sonde. 

La sonde est un poids de 30 à 40 grammes ; avant de 
mettre une ligne à l'eau, le pêcheur doit se rendre compte 
de la profondeur du milieu dans lequel il va opérer. Il fait 
alors usage de la sonde. Le plus souvent il se contente d'un 
des plombs comme ceux que nous représentons figure 114, 
E et F, et qui servent pour les lignes de fond ; mais s'il 
veut se rendre compte de la nature de ce milieu, il appliquera 
sous ce plomb un morceau de liège enduit d'un corps gras 
qui rapportera des échantillons minéralogiques suffisants 
pour éclairer le pêcheur sur la nature du fond. La ligne dont 
il va faire usage lui sert pour ce sondage ; il la passe dans 
l'anneau du plomb et enfonce l'hameçon dans le liège pour le 
protéger durant l'opération. 

Hameçons. — L'hameçon est l'engin qui est destiné à 
embrocher la bouche du poisson. Nous expliquerons plus 



jj 




Fio 115. — Bricoles. 



loin comment on doit s'y prendre pour ferrer un poisson 
avec l'hameçon, c'est-à-dire pour l'embrocher au moment où 




•t) 
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-Fig. 110. — Hameçon; A, série d'hameçons désignés sous le nom d'anglais lonns à palettes; B, kiriy ou anglais 2 

renforcés à palettes; C, anglais renforcés à anneaux; D, hmericks. ou irlandais, première qualité, à palettes; 
K, Hmericks ou irlandais, extra-fin, sans palettes (ligure empruntée à M. Moriceau). 



202 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

il vient à avaler l'amorce qui lui masque le fer de l'hameçon. 
Il existe à peu près autant d'espèces d'hameçons que de 
plumes à écrire. Nous représentons ci-contre une carte d'é- 
chantillons d'hameçons (fig. 116), empruntés à l'ouvrage de" 
M. Moriceau, et qui donne les types les plus en usage. Les 
uns ont la hampe, c'est-à-dire la partie droite opposée au 
dard, tronquée à son extrémité, tandis que d'autres ont cette 
partie aplatie ; ce sont les hameçons à palette ; d'autres enfin 
sont terminés par une boule. Le plus ordinairement les hame- 
çons sont simples, et l'on peut les monter en plus ou moins 
grand nombre sur une même ligne, mais on fait également 
des hameçons doubles et même triples, que l'on désigne sous 
le nom de bricole. Ces hameçons sont assez avantageux pour 
certains genres de pêche (fig. 115). 

Reste maintenant à fixer l'hameçon sur la ligne; c'est ce 
que l'on appelle empiler. L 'empile est un fil fin de crin, de 
florence ou de soie, qui, d'une part, porte l'hameçon, et, de 
l'autre, s'attache à la ligne. Or, il est, comme on le comprend, 
de la plus haute importance de bien savoir empiler son 
hameçon. Pour cela, l'hameçon étant terni comme dans la 
figure 117, a, delà main gauche, on prend le crin, la florence 
ou la soie de la main droite, et on plie cette cordelette en 
deux parties A et B (fig. 117, b). Cette partie étant dou- 
blée, on la place sur la hampe de l'hameçon G. Prenant alors 
de la main droite le plus petit bout BA en A, et maintenant 
sous le pouce gauche les deux parties de l'empile, le plus près 
possible de la palette M, on enroule la partie A G autour 
de BG et de la hampe (fig. 117, c), en huit à dix tours égaux 
et serrés en remontant vers la courbure de l'hameçon; le 
nœud étant formé, on le termine en repassant le bout A 
dans la boucle formée par la courbure de l'empile, et on tire 
sur le tout. Pour assurer ce résultat il est bon de passer une 
réglette en bois I (fig. 117/^ dans la courbure de l'hameçon 
pour serrer encore le nœud G ; on coupe le bout qui dépasse 






LA PECHE A I A LIGNE 



203 




Vu.. 117. — Empilage d'un hameçon. 



u Fkî. 118. — Empilage d'un hameçon à palettes. 




Fiu. 119, — Empilage des gros hameçons. 




Fig. 120. — Empilage d'un hameçon à boucle. 



204 



LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



et .pour terminer il ne reste plus, par mesure de prudence, 
qu'à vernir le nœud ainsi formé. 

Si l'hameçon est à palette, voici comment il convient 
d'opérer : avec une empile de crin ou de florence, on forme 
(fig. 118, a), sur l'empile, un nœud de pécheur ou de mar- 
gotin ; on serre à demi ce nœud qui prend alors la forme 
(fig. 118, b). On passe la hampe de l'hameçon entre et sous 
les trois tours lâches formés par le nœud (fig. 118, c) ; on 
serre tout à fait (fig. 118, d), et l'hameçon est empilé. Mais 
si l'empile est en corde ou en soie, il faut faire usage de soie 
poissée pour y fixer l'hameçon. En ce cas, on serre entre les 
doigts de la main gauche l'hameçon A (fig. 119, a), en dessus 
l'empile EF, et sur celle-ci une forte soie SQ. Prenant la 
partie Q on la tourne deux fois de M en N (fig. 119, b), puis 
on rétrograde vers M. Quand on a fait sept ou huit tours 
qui garnissent la hampe, on double sur la partie comprise 
entre XY et YZ, et on enroule la soie Q sur toute cette 
partie ; passant alors cette extrémité Q dans la boucle formée 
par l'empile repliée, on tire sur F de manière à engager la 
boucle et la soie sous les derniers tours de la spire qui n'ont 
pas été trop tirés à dessein. On serre ensuite le tout forte- 
ment. Ce procédé convient particulièrement pour les gros 
hameçons. 

Enfin a-t-on affaire à un hameçon à boucle, on passe le 
bout de l'empile dans la boucle d'avant en arrière (fig. 120), 
et l'on fait revenir le petit bout sous la boucle formée en 
arrière ; on tire le grand bout et l'hameçon est empilé. 
Mais pour plus de solidité, il est bon de faire avec le petit 
bout un simple nœud autour du grand, à l'extrémité de la 
hampe. 

ACCESSOIRES DE PÊCHE 

Notre pécheur à la ligne est maintenant outillé ; sa ligne 
est montée, il ne lui reste qu'à faire un emploi intelligent des 



LA PECHE A LA LIGNE 205 

amorces libres ou fixes, et à lui souhaiter bonne chance. 
Avec cela il peut prendre du poisson, mais pour assurer con- 
venablement ses succès, il est bon qu'il se munisse encore 
d'un certain nombre d'accessoires, sinon totalement indispen- 
sables, du moins fort utiles en nombre de cas. Nous allons 
les passer successivement en revue. 

Epuisettu. — Notre pécheur vient tout à coup de sentir 
un tiraillement sous sa ligne; la flotte a brusquement dis- 
paru dans l'eau, un gros poisson est enferré sur son hameçon. 
11 s'agit de le faire sortir de son élément et de le ramener à 
terre. Ici intervient un nouvel instrument : l'épuisette ou 
filet, ou même le filochon, sorte de petit sac de forme coni- 
que, de 30 à 40 centimètres de diamètre, entouré d'un cercle 
en bois ou en fer, solidement emmanché dans une canne de 
1"\50 à i m ,80 de long; ramenant lentement le poisson avec 
l'extrémité de sa ligne, il passera son épuisette sous lui, de la 
main gauche, tandis que delà droite il tiendraencore sa ligne, 
ou inversement suivant son degré d'adresse, et il achèvera 
sa pêche sans craindre de perdre le poisson. On fait des 
épuisettes très portatives dont le cercle se démonte et peut 
se replier en deux ; le manche aussi peut se démonter en deux 
morceaux séparés par une virole, comme la canne du pê- 
cheur. 

L'épuisette ne doit jamais quitter le pêcheur, même lors- 
qu'il se contente de pêcher au menu fretin, car quelque Bro- 
chet ou Perche venant à passer par là, peut fort bien fondre 
sur le Goujon que vous venez de prendre au bout de votre 
ligne et vous faire faire coup double. 

Boite a amorces. — Etant donnée la variété des amorces 
et leur petite taille, il est bon de les emporter chacune dans 
des boîtes différentes, dont quelques-unes sont fabriquées à 
cet effet. Pour tous ces êtres vivants, il faut des boîtes dont 
le couvercle soit percé de trous assez petits pour les empê- 
cher de s'enfuir, mais assez grands pour leur donner un peu 

Locard, La Pèche. 12 






206 IA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

d'air. Pour l'asticot, nous recommanderons la boîte à hotte; 
saformeest allongée, elle porte sur les côtés des anneaux dans 
lesquels on passe une cordelette pour pouvoir la porter en 
bandoulière comme une poire à poudre; dans le haut s'élève 
un appendice en forme de hotte (fig. 121) ; la boite elle-même 
est fermée par un couvercle à jours. Le pêcheur veut-il 
prendre un asticot dans sa boite, il enlève le couvercle et les 
asticots se répandent dans le couloir de la hotte; il peut 
choisir tout à son aise sa victime, et redressant la boite, tous 
les autres asticots s'en iront rejoindre immédiatement le fond. 
Pour les mouches, les grillons, les sauterelles, on fait de 
petites boites un peu aplaties, plus larges que hautes, dans 
le couvercle desquelles on pratique une petite ouverture 





Fig. 121. — Boite à asticots. 



Fig. 122. — Carnier de pèche. 



munie d'un obturateur qui glisse sur lui-même dans le même 
plan que le fond du couvercle. En déplaçant l'obturateur, 
on n'en laisse sortir qu'un seul insecteà la fois, et qu'on saisit 
au passage du petit orifice. Pour les vers, n'importe quel 
récipient est bon, pourvu qu'il puisse supporter l'humidité 
de la terre qu'il faut toujours avoir soin d'ajouter pour que 



LA PECHE A LA LIGNE 207 

le ver ne souffre pas trop dans sa prison. Pour la pêche au 
vif, on fabrique des boites plus grandes dont le couvercle, 
percé de trous, porte un rebord élevé tout autour; l'eau, 
par le mouvement, vient-elle à jaillir de l'orifice, elle est 
aussitôt ramenée dans la boite par ce rebord qui l'empêche 
de s'écouler au dehors. 

Gabnier. — Le poisson pris, il faut le conserver en atten- 
dant le retour au logis. Divers systèmes decarniers sont en 
usage. Le pêcheur est-il à pied, pèche-t- il sans bateau sur le 
bord de la rivière, nous lui recommanderons le carnier en 
jonc (fig. 122) comme étant très pratique ; nos vanniers en 
tressent de toutes tailles; dans le couvercle est ménagé un 
trou d'air ; dans le fond le poisson reposera sur un lit d'herbes 
bien fraîches, que quelques gouttelettes d'eau viendront de 
temps en temps humecter, si la chaleur est trop ardente. Mais 
si le pêcheur est en bateau, il logera son poisson dans une 
filoche se fermant bien et qu'il laissera pendre dans l'eau. Il 
aura ainsi l'avantage de pouvoir conserver son poisson vivant. 
Souvent aussi dans le bateau même, on a ménagé en le con- 
struisant un compartiment qui communique directement avec 
la rivière par quelques trous pratiqués dans le fond ; le dessus 
est fermé à l'aide d'un trapon, et le pêcheur, à mesure qu'il 
prend du poisson, le fait passer de la rivière dans la caisse à 
eau de son bateau, où il viendra plus tard, à l'aide de l'épui- 
sette. choisir tout à l'aise les éléments d'une belle friture ou 
d'une succulente matelote. 

Anneau a dkcrocher. — Parfois, malgré la plus extrême 
vigilance de la part du pêcheur, son hameçon emporté par le 
courant, s'accroche à quelque racine du fond ou se prend 
sous une pierre trop grosse. Quelques petits coups secs 
imprimés à la canne suffisent ordinairement pour dégager la 
ligne ; mais il viendra encore plus facilement à bout de ses 
peines en faisant glisser le long de la canne jusque ver, l'ob- 
stacle un anneau métallique assez lourd , retenu par une ficelle. 



208 LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

Tirant sur la ficelle, il réussira à détourner ou à accrocher 
l'obstacle s'il n'est pas trop puissant, et sauvera ainsi sa 
ligne et son hameçon. Si l'on fait usage d'une canne à mou- 
linet, on pourra se servir d'un anneau s'ouvrant à charnière, 
de manière à franchir la saillie du moulinet. 

Harpon. — Puisque nous parlons du bateau, n'oublions 
pas les principaux engins dont il doit être muni. Outre les 
ancres ou les pierres qui doivent assurer sa stabilité sur un 
point donné, il doit toujours avoir à son bord un solide har- 
pon (fig. 113, M); c'est avec le harpon que le pêcheur ira 
fouiller le sol de la rivière pour repêcher ses ver veux ou ses 
lignes de fond. Sa ligne à main s'est-elle accrochée à quel- 
que herbe ou racine, le harpon lui servira à la débarrasser 
de son entrave; avec le harpon, il repêchera sa ligne ou sa 
canne entraînée à l'eau par un mouvement maladroit; il 
pourra encore s'en servir comme d'une ancre pour arrêter sa 
barque sur quelque point choisi. 

Pliant. — « La pêche, a dit un jour un fabricant d'apho- 
rismes, est le passe-temps des paresseux. » Grave erreur, 
la pêche a ses fatigues tout aussi bien que la chasse ; et sans 
nous arrêter à de trop longs discours, lorsque captivé par 
les charmes d'une pêche productive, vous serez resté debout, 
sur vos jambes, pendant de longues heures, toutes courtes 
qu'elles puissent vous paraître, vous éprouverez le besoin 
de vous asseoir pour continuur vos opérations. Or, ce n'est 
pas toujours chose ni bien commode, ni bien pratique sur 
toutes les rives. Pêcheurs qui redoutez la fatigue, munissez- 
vous donc d'un pliant; ce modeste siège vous évitera des 
douleurs inutiles et vous permettra de prolonger aussi long- 
temps que vous le souhaiterez la durée de votre pèche. Et 
tandis que nous en sommes au chapitre du sybaritisme pour 
le pêcheur, nous oserons lui recommander le parapluie, le vul- 
gaire robinson ou riflard; ne l'oublions pas, ce sont certains 
jours de pluie que l'on fait les meilleures pêches. Munissez- 






LA PECHE A I.A LIGNE 209 

vous donc de tout ce qui peut être nécessaire pour vous bien 
abriter contre de fâcheuses intempéries ; mais suuvenez-vous 
qu'un bon manteau en léger caoutchouc est encore plus 
pratique que tous les beaux parapluies de pêche que vous 
prôneront les marchands. 

Trousse. — On vend encore chez les marchands d'usten- 
siles de pêche des trousses ou nécessaires pour la pèche, qui 
ont bien leurs avantages ; ces petits portefeuilles, peu encom- 
brants, renferment réunis la plupart des petits engins faciles 
à perdre et que vous ne sauriez où loger. Au besoin, faites-la 
vous-même, et vous y installerez vos instruments à votre 
guise, car jamais les trousses toutes faites ne renferment tout 




Kio. 123.— Troussa. 



ce que l'on veut y loger (flg. 123). D'un côté vous animerez 
vos différentes lignes bien montées sur leurs plioirs; dans 
une pochette vous aurez des crins et des florences de re- 
change; dans une autre votre provision d'hameçons bien 
assortis ; rangez en face vos petites flottes ; réservez un com- 
partiment pour la sonde et les plombs ; vous trouverez bien 
encore un peu de place pour des cordelettes de rechange, 
une paire de ciseaux pour couper vos bouts de nœud, une 

i2. 



210 LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

pierre à aiguiser pour affûter vos hameçons, une ou deux 
aiguilles pour enferrer le petit poisson, un émerillon, etc.; 
mais n'oubliez pas un peu de taffetas d'Angleterre pour panser 
vos blessures, si un hameçon maladroit vient à vous piquer, 
et surtout un petit flacon d'alcali au cas où vous auriez fait 
connaissance avec quelque vipère du voisinage. C'est dans 
une trousse de ce genre que pourra trouver place le dégor- 
geoir, sorte de pince à dents extérieures, qui permet, plus 
ou moins commodément, d'aller chercher au fond de la gorge 
de quelque gros poisson un hameçon trop profondément en- 
foui, en le forçant à tenir sa mâchoire ouverte. 



AMORCES. 



ESCHES. — APPATS 



Maintenant que nous connaissons les différents engins que 
l'on peut mettre en œuvre pour capturer le poisson, exami- 
nons de quelle manière, nous pourrons l'attirer et le solliciter 
à se faire prendre dans ces engins. C'est là un des chapitres 
les plus délicats et les plus importants dans l'art delà pêche ; 
c'est véritablement le prélude de la réussite. Chacun prétend 
avoir sa recette, recette bien meilleure que celle du voisin ; 
quelques-unes dans le nombre sont réellement bonnes, puis- 
qu'une longue expérience l'a suffisamment démontré ; mais le 
tout est de savoir bien s'en servir. 

Deux opérations sont à effectuer ; il faut d'abord attirer le 
poisson dans le milieu où l'on se propose de pécher; c'est ce 
que l'on nomme amorcer; on amorce en jetant dans l'eau, un 
certain temps au préalable, des appâts libres qu'on lui 
abandonne. Ensuite, il faut placer au bout de l'hameçon des - 
Une à saisir le poisson un appât fixe ; c'est ce que l'on 
appelle escher. L'esche (du latin esca, nourriture), est un 
élément simple, tandis que le plus souvent l'amorce est un 
composé d'éléments plus ou moins divers. 

Le principe de l'amorçage consiste à jeter dans l'eau des 






LA PÊCHli A LA LIGNK 211 

substances qui ne se dispersent pas trop vite, dont l'odeur 
soit assez intense pour que le poisson les sente de loin, et 
enfin qui aient la propriété de satisfaire plus particulière- 
ment ses goûts. Or, chaque poisson, comme nous avons pu 
le voir, a des goûts plus ou moins spéciaux ; l'amorce devra 
donc varier suivant la nature des poissons que l'on se pro- 
pose de pêcher. La liste de ces différents appâts est fort 
complexe ; nous aurons occasion d'y revenir avec quelques 
détails à propos des esches. 

Mais tous les milieux ne sont pas également propices pour 
recevoir des amorces. En effet, si le courant est trop rapide, 
il entraînera et dissoudra rapidement l'amorce, et les élé- 
ments qui la composent, une fois dispersés, n'attireront plus 
le poisson sur un point donné. Si le lit de la rivière ou du 
ruisseau est rempli d'herbes ou de trop grosses pierrailles, 
l'amorce sera perdue pour le gros poisson qui ne saurait 
aller à travers de trop étroits dédales en saisir les reliefs. 
C'est pourquoi, dans les cours d'eau un peu rapides, il faut 
toujours donner la préférence aux milieux protégés par des 
coudes brisant l'eau et la rendant, à la suite d'un remous, 
plus calme et plus dormante ; c'est ce que l'on nomme des 
hayes ou haïes. Ces bonnes places sont toujours bien con- 
nues des pêcheurs. 

Qu'on nous pardonne cet aphorisme : toute pêche sérieuse 
doit être sérieusement amorcée; rien n'est plus vrai. En 
thèse générale, nous dirons qu'on doit amorcer autant que 
possible avec la même substance que celle qui doit servir à 
escher, ou du moins cette substance doit- elle entrer en de 
certaines proportions dans la composition de l'amorce. Mais, 
de même qu'une esche peut servir d'appât à plusieurs 
espèces de poissons, de" même notre amorce réunira dans le 
même milieu certains poissons dont les goûts et les mœurs 
ont une réelle analogie. Si donc on veut multiplier les 
plaisirs de la pêche et la rendre plus variée, il conviendra 



m 






212 



LA PÊCHE DBS POISSONS EN EAUX DOUCES 



alors de faire usage d'esches différentes dans la composition 
de l'amorce. 

Ainsi, les esches végétales, telles que son, blé cuit, fèves, 
avoines ou chènevis également cuits attireront les Tanches, 
les Carpes, les Brèmes, les Gardons, etc. Les esches de 
nature animale, insectes, mollusques, vers, sang caillé, 
boyaux frais, etc., rassembleront des poissons carnassiers 
comme les Brochets, les Barbeaux, les Lottes, les Anguilles, 
etc. Mais comme il ne faut pas s'exposer à donner tout d'un 
coup une trop grande quantité de substances alimentaires 
aux poissons que l'on veut ensuite attirer par un appât 
définitif, il convient de délayer ces différentes substances 
dans une boule ou pelote d'argile ou de terre glaise, que 
l'eau se chargera ensuite de désagréger lentement et pro- 
gressivement. Pour compléter ce mélange un peu de pro- 
duits odoriférants, tels que crottin d'animal, fromage fort, 
essence de thérébentine, voire même du simple pétrole, 
attireront de plus loin l'éveil du poisson, en sollicitant ses_ 
nerfs olfactifs. Tout cela, nous l'avouerons sans peine, ne 
constitue pas une cuisine bien ragoûtante; mais comme le 
dit si bien le sage proverbe : qui veut la fin, veut les 
moyens ; et nous ne saurions trop le répéter, le succès d'une 
belle pèche dépend le plus souvent de la manière dont elle a 
été amorcée. 

Il existe également des amorces liquides ; on n'a plus alors, 
une fois qu'elles sont préparées, qu'à en verser quelques 
gouttes dans l'eau ; mais ces amorces ne sont jamais bonnes 
que pour l'instant même où l'on pêche, et pour bon nombre 
de poissons, il convient d'amorcer plusieurs heures au 
préalable. En outre, elles attirent le poisson par leur 
odeur, mais s'il vient, comme il ne trouve rien à manger 
que l'amorce tendue au bout d'une ligne, bien souvent faisant 
fi d'une aussi maigre pâture, il s'en retournera là d'où il est 
venu. 



LA PECHE A LA LIGNE 



213 



Parfois aussi, c'est le pêcheur qui se laisse trop facilement 
amorcer à son tour; il est donc prudent de lui crier gare. 
A grands renforts de réclame, nombre de marchands annon- 
cent la vente de recettes fabuleuses, de produits composés 
inimaginables, tous plus infaillibles les uns que les autres, 
et qui, si on les en croyait, seraient de force à amener le 
poisson à se faire embrocher tout seul au bout de la ligne 
du trop crédule amateur ! C'est toujours parfait lorsqu'il 
s'agit d'acheter, même à l'essai, niais alors essayé par le 
pêcheur réellement expérimenté qui a d'autres cordes bien 
plus puissantes à son arc ; une fois entre les mains d'un no- 
vice, toutes ces préparations fantaisistes ne valent pas les 
amorces les plus simples et les plus élémentaires. Ne vous 
laissez donc pas tenter, ni amorcer par ces fallacieuses 
annonces et préparez vous-même ces modestes engins; vous 
vous en trouverez toujours infiniment mieux. 

Suivons le poisson auquel on a jeté une amorce. D'abord, 
par instinct, sous l'effet du bruit causé par la chute de 
l'amorce, sous l'enfluence du déplacement de l'eau qu'elle 
produit, le poisson commence par s'enfuir ; mais bientôt 
sollicité par un sentiment aussi inné chez lui que chez 
l'homme, celui de la curiosité, il retourne sur lui-même et 
veut voir ce qui a causé sa frayeur; il reviendra donc, soyez- 
en sûr. Etait-il au loin, au moment où l'amorce est tombée à 
l'eau, une vague odeur qui lui est déjà familière et lui rap- 
pelle ses meilleurs festins, s'en ira jusqu'à lui, l'invitant 
à s'approcher. Pendant ce temps la glaise qui sert de véhi- 
cule aux différentes esches se délaye petit à petit; alors il 
entrevoit l'objet de sa convoitise, fond sur lui, l'avale et s'en 
va plus loin le déglutir tout à son aise. Ses compagnons, en 
voyant les heureux résultats d'une chasse si féconde, veulent 
à leur tour en essayer les chances et arrivant sur l'amorce, 
se disputent une proie facile, revenant volontiers plusieurs 
fois à la charge. Si à ce moment le malin pêcheur fait 









214 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX D0UC1SS 

descendre à la même place un hameçon bien caché sous une 
bonne amorce toute semblable à celles qui l'ont précédée, le 
poisson toujours avide, pas suffisamment repu, voyant une 
proie plus belle va se jeter sur elle, et malheur à lui s'il a 
affaire à un pêcheur pas trop maladroit, car puni de sa gour- 
mandise, il passera bien vite du sein des eaux dans le panier 
de l'amateur. 

A vrai dire, il y a des jours néfastes, des jours où le pois" 
son refuse de mordre ; est-il repu, est-il malade? Ce qu'il y 
a de certain c'est que vous aurez beau faire, nul démon ten- 
tateur n'aura le moindre succès dans son paradis aquatique. 
Certains jours d'été, trop beaux, trop clairs, trop proches de 
la saison des amours, sont absolument temps perdu pour le 
pêcheur; il ne lui reste alors qu'à plier bagage et à attendre 
patiemment une heure plus propice. 

Voici quelques recettes toutes reconnues bonnes : 

a) Broyez dans un mortier avec de l'huile de noix ou 
d'olive, 100 grammes de fromage vieux de Hollande ou de 
gruyère; ajoutez-y un peu de vin dans lequel vous aurez 
fait infuser au préalable quelques plantes odoriférantes, thym, 
menthe, etc. ; faites avec cette pâte des boulettes de la gros- 
seur d'un pois que vous jetterez quelques heures avant la 
pêche ; vous pouvez amorcer votre ligne avec une de ces 
boulettes en guise d'esche ; c'est une amorce bonne pour tous 
les poissons d'eau douce. 

b) Pour la Carpe, la Brème, le Chevaine, faites bouillir 
ensemble un litre de blé ou d'orge avec un quart de fèves; 
ajoutez-y trois ou quatre pommes de terre ; lorsque le tout 
est cuit, mêlez à cet ensemble un demi- kilogramme de pain 
de chènevis au préalable trempé dans l'eau et un litre de 
recoupe ou de gros son déjà mouillé; faites -en de petites 
boules de la grosseur d'une orange, que vous arroserez 
d'huile de chènevis. Cette amorce peut être jetée douze 
heures au préalable. 



LA l'ECIIE A LA LIGNE 



215 



c) Pour les poissons de fond, pilez de V ortie (Urtica urens), 
de la quintefeuille (Potentilla replans), ajoutez-y du suc 
de joubarbe (Sempervirum tectorum) ou à défaut de la 
serpentaire (Arum dracunculus); frottez -vous les mains 
avec le jus pour manier l'hameçon et les esches, et jetez 
quelques heures avant de pêcher, le marc à l'eau. 

d) Prenez une touffe de gazon vert et court, large comme 
une assiette. Au sommet de cette herbe, du côté vert, attachez 
avec une aiguille et du fil vert, autant de petits vers rouges 
que vous pourrez, pour recouvrir le gazon; disposez votre 
buisson sur un rond de bois de la grandeur du gazon, et des- 
cendez l'ensemble dans l'endroit où vous voulez amorcer 
le fond. Cette recette donnée par La Blanchère est très bonne 
pour attirer les Carpes, les Brèmes, les Gardons, etc. 

e)Le même auteur donne également les recettes suivantes, 
bonnes pour tous les poissons herbivores : Faites cuire en- 
semble, fromage, 500 grammes; orge, 500 grammes; 
chènevis, 125 grammes; ajoutez-y une pincée de sel de 
cuisine et jete/.-en des poignées le soir pour le matin, ou 
pendant la pêche, toutes les demi-heures avant le coup. 

f) On prépare également une amorce analogue en faisant 
bouillir du blé pour l'attendrir, et en le fricassant ensuite 
avec du miel et un peu de safran délayé dans du lait. Le blé 
peut être remplacé par la fève cuite. Quelques personnes y 
ajoutent : miel, 100 grammes, pour 1 à 2 décigrarnmes de 
sucre. « On croit, dit notre auteur, qu'il peut être bon de 
donner la veille aux carpes une amorce de fèves purgatives, 
environ la valeur de deux fèves d'aloès soccotrm en poudre 
sur deux litres de fèves, et de faire cuire ensemble. Le 
poisson mord mieux le lendemain aux fèves musquées... » 

g) Donnons encore le fameux secret de Cerisier, dit Gar- 
bot de Nevers, pour la pèche delà Perche et du Barbillon. 
Faites cuire ensemble, dans un grand vase, avec une quantité 
d'eau suffisante : pain de chènevis, orge ou froment nou- 



1} 



216 I-A PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

veau, une forte poignée de serpolet, lavande, citronnelle, 
romarin et son ; composez avec le tout des pelotes mélangées 
de terre glaise et de fiente de bœuf. En eau stagnante, les 
jeter, de deux à trois heures à l'avance, pour la Perche, et 
pêcher avec de gros vers à tête noire, des Goujons et des 
Ablettes. En eau courante, jeter les pelotes dans les haïs. 

Nous n'en finirions pas s'il nous fallait relever ici toutes 
les recettes connues. Disons pour tout simplifier qu'avec ces 
quelques données et celles que nous allons exposer à l'occa- 
sion de l'examen des différentes sortes d'esches, le pêcheur 
arrivera bientôt à savoir se composer lui-même des amorces 
de fond ou de surface, parfaitement appropriées à son genre 
de pêche. 

Pour passer en revue les différentes sortes d'esches ou 
d'appâts, nous les classerons en six groupes différents : 
1° les appâts pris dans le monde des insectes; 2° les vers; 
3° les poissons ; 4° les appâts d'essence végétale ; 5° les 
appâts divers ; 6° les appâts artificiels. 



APPATS PRIS DANS LE MONDE DES INSECTES 



Asticots. — A tout seigneur, tout honneur; car, en fait 
d'appâts, le vulgaire et démocratique asticot est encore le 
meilleur ; il n'a de sérieux concurrent, pour lui disputer le 
pas, que le ver. Un homme de beaucoup d'esprit a narré 
dans un charmant volume les vicissitudes d'un fabricant d'as- 
ticots en chambre! Ce n'est peut-être pas le plus propre de 
tous les métiers ; mais ce qu'il y a de certain c'est qu'il se 
fabrique, bon an mal an, pour plusieurs bonnes centaines de 
mille francs d'asticots en plein cœur de Paris, et que pas 
mal de gens vivent de cette industrie au moins singulière. 

On donne le nom d'asticot à la larve de plusieurs espèces 
de mouches, mouche domestique, mouche de la viande, 
mouche du bœuf, mouche César, etc. Ces larves sont molles, 



LA PÈCHE A LA LIGNE 217 

cylindro-coniques, et sans pieds ; leur tête est garnie de 
crochets écailleux. « A peine un animal a-t-il perdu la vie, 
dit M. de La Blanchère, qu'averties par un sens, un odorat 
particulier qui ne les trompe pas, arrivent en troupes des 
mouches bleues à corselet rayé et abdomen soyeux (c'est la 
mouche à viande commune), d'autres vertes à beaux reflets 
métalliques (c'est la mouche César). La mouche à viande 
pond sur ces animaux de petites larves microscopiques ; la 
mouche verte, des œufs qui éclosent vite et donnent nais- 
sance à des myriades de petites larves analogues. Alors se 
passe un phénomène très curieux. Toutes ces larves, au 
moyen de leurs petits mouvements et de leur appareil mas- 
ticatoire composé de crochets cornés très solides, pénètrent 
dans les tissus qu'elles désorganisent et réduisent en une 
sorte de bouillie dont elles se nourrissent. Cette fermenta- 
tion est activée par une espèce de liqueur que sécrètent ces 
larves qui croissent à vue d'œil, tant elles s'assimilent 
promptement le produit de cette décomposition. Pour se pro- 
curer des asticots en grand, on étend à terre des débris de 
viande sur une épaisseur de 25 à 30 centimètres et on les re- 
couvre de paille pour empêcher le dessèchement par le soleil. 
Les mouches y déposent leurs œufs ou leurs larves, et au 
bout de quelques jours, la masse n'est plus qu'un composé fort 
mal odorant des asticots dont on a besoin. On peut égale- 
ment, mais à la campagne, suspendre en un lieu écarté, un 
hangar, un grenier, un foie d'animal (c'est la partie qui pro - 
duit les meilleurs asticots), et placer en dessous un pot 
rempli de son, les larves y tombent à mesure, et on y fait sa 
provision au besoin. » 

Tous les asticots ne sont pas d'égale qualité. Les asticots 
obtenus avec la viande de cheval, ou ceux que l'on récolte 
dans le fumier sont, dit-on, les meilleurs. Mais lorsque l'on 
a de bons asticots, l'important est de pouvoir les conserver 
le plus longtemps possible; en été, on les laisse dans du son 

Locard, La Pêche. 13 



218 '-A PIOCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

que l'on tient dans un endroit frais ; en hiver, on les fait 
séjourner dans de la terre glaise que l'on a soin d'entretenir 
un peu humide; là, ils s'y engourdissent, mais se réveillent 
bientôt à la moindre chaleur. 

Lorsque l'on pêche à l'asticot, il faut avoir bien soin que 
son esche soit toujours en vie ; il importe essentiellement 
qu'elle grouille encore dans l'eau pour attirer le poisson. On 
doit donc la piquer avec le plus grand soin, jamais par ses 
extrémités, mais bien de manière à ce que la pointe de l'ha- 
meçon pénètre sur les flancs de la larve (fig. 124). 




Fuj. 124. — Manière d'escher l'asticot. 



Mouches naturelles. — La mouche naturelle est en été 
un bon appât pour pêcher les poissons de surface. Rien ne 
•vaut la mouche pour enlever une friture d'ablettes; c'est 
une esche facile à se procurer, dont on peut faire provision 
avant de partir, ou que l'on prend sur place pour les besoins 
de la cause. On distingue plusieurs espèces de mouches : la 
petite mouche domestique (Musca domestica), souvent si 
commune dans les appartements et surtout dans les cuisines. 
La grosse mouche à viande (Sarcophaga carnaria), heu- 
reusement moins commune ; l'abdomen est bleu et tout le 
corps est recouvert de longs poils noirs. La mouche César 
(Musca CœsarJ, ou mouche des cadavres, reconnaissablc à 
son beau ventre doré. La mouche des bœufs (Musca bovinaj, 
caractérisée par les côtés de la face et du front qui sont 
blancs, et par sa bande dorsale noire; elle est très commune 
dans les fermes. La mouche vivipare (Musca vivipara), qui 



LA l'ÈCIIE A I.A LIGNE 219 

pond ses larves déjà écloses sur les substances animales, etc. 
On amorce avec les mouches en introduisant la pointe de 
l'hameçon dans l'abdomen seulement, de manière à ménager 
la partie antérieure du corps, et sans détériorer les pattes ni 
les ailes. 

Chenilles. — Les chenilles, quelle que soit leur taille, 
constituent de bons appâts pour un grand nombre de pois- 
sons différents. Elles sont d'un amorçage facile, et permet- 
tent, grâce à leur longue taille, de bien dissimuler l'hameçon 
aux poissons par trop farouches; on doit donc avoir bien 
soin de les embrocher par la peau du dos, de façon à ce que 
l'hameçon pénétrj le moins profondément possible dans l'in- 
térieur du corps et à ce que les pattes restent libres. Toutes 
les chenilles sont bonnes; les petites chenilles sans poils 
peuvent, dans bien des circonstances, suppléer au défaut de 
vers. Nous avons vu prendre de beaux Brochets avec de 
grosses chenilles de sphinx ou de paon; mais malheureuse- 
ment ces chenilles sont assez peu communes. Nous recom- 
manderons aux pêcheurs qui ont la peau encore trop délicate 
de se méfier des chenilles à poils; elles peuvent, par leur 
contact avec la main, causer de cuisantes démangeaisons. 

Papillons. — L'emploi des Papillons comme esche donne 
les meilleurs résultats pour certaines pêches, comme la 
pêche au lancer ou la pêche à la surprise. Les papillons de 
nuit et les crépusculaires sont toujours préférables aux 
papillons de jour; ils sont d'abord plus maniables, leur 
corps est plus gros et s'enfonce mieux sur l'hameçon, enfin 
ils ont la vie plus résistante. Lorsque la saison s'y prête, 
faites donc la chasse à tous ces bombycides qui menacent les 
arbres fruitiers de votre jardin, ou qui voltigent sur vos 
haies; vous aurez double bénéfice. Citons comme étant les 
plus répandus dans nos pays : le Processionnaire du chêne 
. (Cinethocampa processionaria){ûg. 12ô),etle Procession- 
naire du pin (C.pityocampusJ, le premier à ailes gris cendré, 



220 



LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 






•avec trois lignes longitudinales plus foncées sur les ailes 
antérieures, le second ne se trouvant que sur les arbres 
résineux; le Bombyx à livrée (B.Neustria) (fig. 126), au 





Fig. 125. 



■ Processionnaire du 
chêne. 



Fia. 126. — Bombjx A livrée.. 



corps brunâtre, avec des ailes jaunes à lignes plus foncées, 
qui vit un peu partout ; le Bombyx de l'aubépine (B. cra- 
tsegi), à ailes gris cendré ou gris brun, avec des lignes plus 
foncées, qui voltige au-dessus des haies d'aubépine, dé pru- 
nellier, etc.; le Bombyx de la ronce (B. rubi), de petite 
taille, avec les ailes brunes et grises ; le Bombyx pudibond 
(B. pudibunda), à ailes antérieures blanchâtres avec des 




Fig. 127. — Le Liparis dispar. 



Fig. 128. — Papillon blanc du chou. 



lignes ondulées, et les secondes avec une large bande brune; 
' le Bombyx à cul brun (B. chrysorrhea), le Liparis dispar 

(Liparis dispar) (fig. 127), tous deux d'un blanc roux, par- 
•fois si commun dans nos jardins; le papillon blanc du chou 

(Pieris rapce) (fig. 128)y etc. Gomme pour la chenille, nous 



LA PÈCHE A LA LIGNE 



recommaiu: 



dii 



221 
îc le 



d'éviter le contact 
corps velu des papillons nocturnes ; il peut en résulter par- 
fois de désagréables démangeaisons suivies de rougeurs de la 
peau et même d'ampoules. On enferre le papillon en long, à 
travers le corps, en tenant les deux ailes délicatement repliées 
par leur, base, et en remontant l'insecte le long de la hampe 
de l'amorce, tout comme dans les mouches ou papillons arti- 
ficiels. On peut également faire usage de papillons dessé- 
chés ; il suffit de les déposer sur une fine toile métallique au- 
dessus de la vapeur d'eau pour leur rendre une souplesse 
sufrisante. Si on les présente au poisson dans une saison où 
celui-ci n'en est pas gavé, comme cela lui arrive parfois en 
temps normal, il se jette avec une avidité toute nouvelle sur 
cette amorce, et l'on peut ainsi faire parfois de véritables 
pêches miraculeuses. 




Fia. 129. — Ephémères (Ephemera vulgata) 

Ephémères, Cousins, Piiryoanes. — On donne le nom 
d'éphémères à des insectes de l'ordre des névroptères ou 
libellules, qui apparaissent à de certaines époques en quan- 
tités considérables. On les reconnaît à leurs antennes cour- 



222 LA PÈCHE DKS POISSONS EN EAUX DOUCES 

tes, composées de trois articles, dont le dernier est une soie 
mince, à leur bouche imparfaite, à leurs ailes délicates, les 
deux dernières toujours très petites, enfin à leur abdomen 
terminé par deux ou trois longues soies articulées. Ces; 
éphémères sont souvent utilisés comme amorce, malgré leur 
petite taille, car le poisson en est très friand. On ne peut les 
enferrer que sur des hameçons très petits. Nous citerons : 
l'éphémère vulgaire (Ephemera vulgata) (fig. 129), le 
plus connu en France, caractérisé par ses trois longues 
soies postérieures; les cousins et tipules, les phryganes qui 




Fig. 130. — Phry^ane fLimnopfiilus 'rhombicmtj: A, fourreau de la 
larve; B, larve dégagée de son fourreau; C, insecte parfait. 



vivent au voisinage des marais, et quel 'on voit voltiger en 
grand nombre pendant les belles soirées d'été. Les larves de 
ces phryganes sont aquatiques (fig. 130); on les désigne 
souvent sous les noms de Cherfeuil, Cher faix, Portefaix, 
Portebois, etc.; elles se logent dans un étui soyeux autour 
duquel sont agglutinés de petites coquilles, des débris de 
bois, de petits graviers, etc.; ces larves, conservées dans un 
sac de toile humide avec leur enveloppe, constituent Un. 
excellent appât pour les Gardons, les Perches, les Brèmes, 
les Goujons, etc.; on peut en enferrer plusieurs à la suite suc 



7.A PÊCHE A LA LIGNE 223 

de plus gros hameçons et prendre ainsi des Barbillons, des 
Brochetons, des Chevaines, etc. Dans certaines contrées on 
donne le nom de mannè aux éphémères (Palingenia virgo, 
(fig. 131); ceux-ci, au bout des quelques heures de leur 
vie passagère, tombent avec une extrême abondance au point 
de couvrir le sol; parfois même on les attire le soir au bord 




Fui. 131. — Manne (Palingenia virgo). 



des rivières avec des tlambeaux disposés au voisinage do 
grands draps destinés à les recueillir à mesure qu'ils tom- 
bent. Malheureusement, le poisson lui-même fait en même 
temps sa chasse, et il sciasse bien vite de cette amorce. 

Libellules. — Les libellules ou demoiselles, de l'ordre 
des névroptères sont également utilisées comme esches; mais 
dans ce cas on doit avoir soin de les débarrasser de leurs 
longues ailes qui ne peuvent qu'empêcher le poisson de 
mordre; leur corps allongé s'enferre très bien sur l'hameçon 
et simule alors le ver. Le caloptéris (Calopterix virgo) 
(fig. 132), ou demoiselle bleue, si commun sur certains 
petits cours d'eau, est préférable aux grosses demoiselles 
dont le corps est trop fortement cuirassé. 

Sauterelles, Grillons, Criquets. — Les sauterelles sont 
de bonnes esches toujours à la portée des pêcheurs ; lors- 



224 LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



h 




Fio. 132. — Libellule (Calopterix virgoj. 




Fig. 133. — Petite sauterelle (Tetrix subulala). 



LA PÈCHE A LA LIGNE 



225 



qu'il est un peu pris au dépourvu en fait d'amorces, il n'a que 
quelques pas à faire pour capturer une sauterelle verte 
(Locusta viridissima) ou la petite sauterelle (Tetri.v subu- 
lata, fig. 133), dans le champ ou dans le pré voisin. Cet 
orthoptère abonde en eft'et à la fin de l'été et en automne dans 
toutes nos campagnes. La sauterelle sert en outre plus spé- 
cialement pour la pêche à la grande volée, pour la pêche à 
surprise, et en général pour la prise des poissons de sur- 
face. On les enferre avec une bricole faite de deux hameçons 
limerick droits, ou un petit grappin établi avec trois 
limericks, le tout monté sur une bonne ilorence bien solide. 
Le criquet s'utilise comme la sauterelle et sert pour les gros 
poissons. 

Le grillon (Oryllus campestris, fig. 134), s'utilise 
également fort avantageusement pour la pêche des Ghe- 



sS*K«f 




Fie,. 134. — Grillon des cbd.in\>sJGryllus campestris). 



vaines, Truites, Saumons, etc. ; on les enferre comme les 
Sauterelles. Il a l'avantage d'être d'une grosseur moyenne, 
de mieux résister et de s'enferrer plus facilement; en outre 
avec quelques soins on arrive aie conserver plus longtemps. 
Mais sa chasse est plus difficile ; on le rencontre moins 
fréquemment dans les champs. 

Hanneton. — Ce coléoptère, à l'état d'insecte parfait, est 
|in des bons, appjjts pour Je gros poisson ; Jes pêcheur^ 

V 3 , 



220 LA PÊCHE DES POISSONS EX E.\'UX DOUCES 

l'utilisent souvent pour prendre des Brochets, Truites, 
Lottes, Chevaines, Saumons, etc.; tantôt on l'enferré comme 
la Sauterelle, tantôt on le pique par le corselet du côté droit, 
de telle sorte que l'animal se présente de travers ou de biais 
au bout de la ligne. Sa larve que l'on ne se procure qu'en 
fouillant le sol à une certaine profondeur, larve bien connue 
de nos agriculteurs sous le nom de ver blanc, est une esche 
excellente pour les lignes de fond; elle peut se conserver 
très longtemps et servir ainsi en toutes saisons. Mélangée 
avec du son, ou simplement avec de l'argile, on en fait de 
très bonnes amorces pour le gros poisson. 
• Fourmis. — On peut utiliser les Fourmis comme esches, 
ou comme amorces, à quelque état qu'elles soient, ailées ou 
non ailées, larves ou nymphes. Le poisson en est toujours très 
friand. La Fourmi ailée, surtout si elle est un peu grosse, 
s'enferre comme les Mouches naturelles et sirt à prendre 
tous les petits poissons de surface ; au contraire, nous pren- 
drons les poissons de fond avec les larves enferrées à la façon 
des asticots. On constitue avec ces insectes dans leurs diffé- 
rents états de bonnes amorces qui doivent être jetées dans 
l'eau peu d'heures avant la pèche; la quantité infinitésimale 
d'acide formique qu'elles dégagent à la propriété d'attirer 
le poisson de fort loin. On peut du reste ajouter sans incon- 
vénient une certaine quantité de fourmis aux différentes 
amorces à base animale dont on fait ordinairement usage. 
Nous avons également vu employer le j us de fourmi pour 
aromatiser les amorces. 

Araignées. — Quoique l'araignée ne soit point un in- 
secte, nous le citerons parmi les esches appartenant à cette 
catégorie, car elle s'emploie dans la pêche exactement de la 
même manière que la mouche ou la fourmi. Les poissons, 
tels que les Ombres, les Truites, les Chevaines en sont fort 
avides. C'est donc une esche qu'il ne faut point négliger; on 
l'enferré en dessous, suivant toute In longueur du thorax et de 



LA PÊCH1C A I.A LIGNK 227 

l'abdomen. En automne on rencontre dans les champs et les 
jardins de grosses araignées, des mygales, qui rendent de 
précieux services aux pêcheurs. 

Tous les insectes dont on fait usage comme esches doivent 
être aussi vivants que possible. On devra donc introduire 
l'hameçon dans leur corps de façon à leur faire le moins de 
mal possible. Tous ceux qui ont le ventre mou seront em- 
brochés comme l'asticot; mais pour le hanneton, par 
exemple, voici comment il conviendra d'opérer, lorsqu'il 
s'agira d'en garnir une bricole (fig. 135). On prend une 



r 



. 



-SS^ tf^y r^ 



Fia. 135. — Bricolage dos Insectes. 



aiguille à tapisserie dont on affûte l'extrémité R et dans le 
chas de laquelle on pratique une petite entaille I. L'insecte 
étant tenu avec les deux doigts de la main gauche, on prend 
dans la droite l'aiguille dans le chas de laquelle on accroche 
par la fente I, la boucle B de l'empile. On enfonce l'aiguille 
dans le hanneton sur toute sa longueur de manière à sortir 
près de la tête ; le reste de l'appareil suit et le hanneton vient 
glisser jusque contre la partie courbée de l'hameçon ; il ne 
reste plus qu'à dégager l'aiguille. En opérant délicatement on 
laisse à l'insecte assez de vitalité pour qu'il puisse rester 
ainsi empallé plusieurs heures tout en s'agitant. C'est là, 
avouons-le, un procédé un peu barbare, mais le pêcheur qui 
veut eschor avec des êtres' vivants ne peut faire autrement. 



228 



LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



LES VERS 



On désigne d'une manière générale sous les noms de vers 
ou d'achêes, différentes sortes de lombrics utilisés par les 
pêcheurs comme esches ou comme amorces, et même cer- 
taines larves appartenant à une toute autre famille zoologi- 
que. Les vrais vers ou lombrics vivent dans certains 
milieux humides, riches en matières en décomposition; nous 
distinguerons les espèces suivantes : 

Ver rouge. — Ce ver n'est jamais très gros, il dépasse 
rarement 10 centimètres de longueur; sa tête est toujours 
plus foncée et c'est le plus coloré de tous nos vers ; on le 
trouve dans le terreau, dans la terre fortement imprégnée de 
purin, dans le fumier, etc., il a le grand avantage de rester 
longtemps en vie dans l'eau ; on s'en sert pour tous les 
poissons de fond. 

Ver rose. — Le ver rose ou achée de terre est un grand 
ver qui sort de terre dans les champs et les jardins après 
les longues pluies d'été et d'automne ; il peut atteindre 30 et 
35 centimètres de longueur. Il sert surtout pour le gros 
poisson, mais il meurt plus rapidement dans l'eau que le ver 
rouge. 

Ver annelé. — On donne ce nom à un ver dont le corps 
est formé d'anneaux alternativement rouges et jaunâtres, et 
qui n'a jamais plus de 6 à 8 centimètres de longueur; lors- 
qu'on le coupe, il rend une humeur jaune d'une odeur par- 
ticulière qui n'est pas très appréciée de certains poissons ; 
la Perche, le Gardon, la Brème y mordent difficilement; on 
le trouve dans le fumier de cheval et au milieu des détritus 
végétaux, toujours moins profondément enfoncé que le ver 
rouge. 

Yer JAtoe., — Ce petH ver fl'a <î ue <fa MJ Çentimètrejj 






LA PÊCHE A LA LIGNE 



009 



de longueur, il est court, dur, et d'une teinte jaune ver- 
dâtre; on le rencontre dans les terres fortes qui n'ont point 
été remuées depuis longtemps. Quoique vivant dans l'eau, il 
est de moins bonne qualité que les vers roses ; il est bon pour 
la Carpe, le Gardon de fond, l'Anguille, etc. 

Tels sont les véritables vers que l'on peut utiliser dans 
nos pays; mais comment se les procurer? C'est encore un 
talent du pêcheur que celui qui consiste à savoir trouver de 
beaux et bons vers, là où le simple commun des mortels n'en 
voit point. La bêche et la pioche sont les outils nécessaires 
pour remuer le terreau et le fumier. Dans un pré ou dans 
un champ, on piétine le sol toujours au même endroit pen- 
dant une dizaine de minutes après l'avoir humecté tout à 
l'entour; bientôt les vers se mettent à sortir, mais il faut sa- 
voir attendre qu'ils sortent d'eux-mêmes hors de terre pour 
éviter de les briser. En arrosant le sol avec des décoctions 
amères, comme celles faites avec la feuille de noyer ou le 
brou de noix, les vers ne tardent point à quitter leur 
retraite pour venir ramper sur le sol. 

Comme parfois, et surtout en été, il n'est pas toujours 
facile de se procurer des vers, il importe de pouvoir les 
conserver. Le moyen le plus élémentaire consiste à les 
laisser s'enterrer dans un grand vase, bien clos dans le fond, 
et que l'on aura rempli de terre, de terreau, de fumier, sui- 
vant la nature des vers. On peut également se contenter de 
les laisser dans de la mousse que l'on tiendra à la cave, en 
lui laissant un peu d'humidité ; certains pêcheurs recom- 
mandent l'emploi du lichen iluviatile que l'on trouve sur 
les pierres des ruisseaux. On a constaté qu'il était toujours 
préférable de se servir de vers qui ont déjà un peu jeûné; 
une fois à l'eau ils sont plus actifs, et se maintiennent mieux 
à l'hameçon. Si, après un trop long jeûne, ils paraissent 
affaiblis, on leur rend leur vigueur première au moyen de 
quelques gouttes de lait dans lequel ou a ajouté du jaune. 



230 LA TÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

d'œuf. On arrive ainsi à pouvoir aisément conserver des vers 
durant un ou deux mois. 

On ne sait pas toujours bien enferrer les petits vers. « Pour 
les poissons suceurs, dit La Blanchère, comme le Barbillon, 
le Goujon, la Plie, la Carpe, la Tanche, il faut enferrer le 
ver rouge par la plus grosse extrémité ; c'est la partie la plus 
rouge. On fait entrer la pointe de l'hameçon par l'extrémité 
même, et on la fait pénétrer, toujours en tournant, dans l'inté- 
rieur du corps de façon que la tète dépasse même les palettes 
et couvre une partie de l'empile. Gomme on a choisi la gros- 
seur du ver proportionnelle à celle de l'hameçon, il reste une 
queue de la longueur de l'animal, qui pend et frétille au 
bout de l'hameçon. Dans ce cas, cependant, on ne doit pas 
faire sortir la pointe de l'hameçon, et voici pourquoi : les pois- 
sons suceurs, auxquels on s'adresse, saisiront le ver par la 
pointe qui pend, mais une fois qu'ils le tiendront, il ne le 
lâcheront plus; aussi, en tirant à eux, le dard sortira et 
prendra une position en ligne droite, de l'empile au poisson ; 
en cet état le Barbillon est piqué immédiatement. En enfer- 
rant par cette extrémité le ver rouge, il vit le plus long- 
temps possible; si on l'enferré par le petit bout, qui est la 
tête, on rencontre des organes vitaux, tels que les trachées 
et le cœur, et le pauvre animal meurt beaucoup plus vite. 

Cependant cette vie plus courte, mais cette agonie plus 
tourmentée, n'est pas à dédaigner pour la pêche des poissons 
chasseurs qui ne recherchent pas un ver rouge non appétis- 
sant: ce sont la Perche, l'Anguille, la Lotte. Pour ces man- 
geurs toujours en quête de ce qu'ils peuvent dévorer, il faut 
une proie frétillante et bien vivante. On obtient ce résultat 
en enferrant le pauvre lombric par le milieu du corps, fai- 
sant une ou deux petites anses sur l'hameçon et laissant les 
deux bouts pendants; comme ces poissons ont la gueule 
large et bien armée, ils engainent le tout d'un seul coup et 
sans hésitation. 



LA PECHE A LA LIGNE 



231 



Pour prendre les petits poissons-appàts, tels que les Vai- 
rons, les Ablettes, on coupe en plusieurs morceaux les vers 
les plus petits, et on en met une particule sur un hameçon 
minuscule. On fait encore subir aux malheureux vers rouges 
un traitement bien cruel pour pêcher avec eux des Anguilles 
■à l'entrée des ports ou dans les canaux de certains marais et 
étangs salés, c'est ce qu'on appelle la vermée. On prend une 
longue aiguille enfilée de laine ou de fil, et on en fait un long 
chapelet de vers rouges, en les enfilant en long, de la tète à 
la queue. On love en rond cette corde de vers sur elle-même, 
on attache toutes ces anses ensemble d'un côté, ce qui forme 
un paquet que l'on jette à l'eau au bout d'une ligne. Les An- 
guilles y mordent et s'y prennent par les dents, on les enlève 
ainsi en quantité et sans que la plus grande partie lâche 
prise. » 

Enfin pour en finir avec les vers, disons un mot des quel- 
ques animaux que l'on qualifie de ce nom, quoiqu'en réalité 
ce ne soit pas de véritables lombrics : Ver d'eau, ou yorte- 
bois, dénomination souvent donnée à la larve de la phry- 




Fio.;i36. — Ver de mer (Arenicola piscalorumj. 



gane, et qui vit dans les marais et les ruisseaux. Ver de 
farine ou larve du Tenebrio molitor qui donne naissance 
à un hètèromère ; ce coléoptère n'a jamais plus de 1 à 
2 centimètres de longueur; on le trouve dans les moulins, 













232 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

chez les boulangers, etc. Ver de mer; ces vers, tels que 
ver blanc marin ou bourlotte, arénicole, etc. (flg, 136), 
ne sont employés qu'accidentellement dans les localités voi- 
sines de la mer ; on les utilise pour les lignes de fond tendues 
dans les embouchures. Ver de manne ; c'est une petite 
larve jaunâtre (fig. 187), armée de nombreuses pattes et qui 
vit dans la terre glaise humide ; au mois d'août ou de sep- 
tembre elle donne naissance à un papillon blanc souvent 
qualifié de manne. Ver de vase; ce nom est donné d'une 
manière générale à toutes les larves aquatiques, et plus par- 




FiG. 137. — Ver de manne. 



ticulièrement à une larve rouge de sang d'un insecte de la 
famille des tipulaires, voisin des cousins, le chironome plu- 
meux de la tipule des prés (fig. 138). Ver de viande; ce 
sont les asticots dont nous avons déjà parlé. 
'J'qus ces yers, vrais qq, faux, peuvent êÇretnjs avantage^ 









I.A l'ECME A LA LIGNE 



233 



sèment utilisés pour la confection des amorces; le plus sou- 
vent on les prend un peu gros et on les coupe en menus mor - 
ceaux que l'on mélange soit avec du son, soit mieux encore 
avec de la terre glaise. 




Kig. 138. 



La tipule des prés; A, tipule adulte ; B, la larve; 
la nymphe (de grandeur naturelle). 






POISSONS 

Puisque les poissons ne craignent point de se manger 
entre eux, il est donc tout naturel d'offrir aux gros, aux car- 
nivores, quelques-uns de leurs congénères en guise d'esche. 
Déjà, en traitant l'histoire des poissons, nous avons montré 
l'utilité de certaines espèces trop petites pour être mangées 
par l'homme, mais avantageusement utilisées comme amor- 
ces. Le Chabot, le Chevaine, le Goujon, les petites Lamproies, 
la Bouvière, le Vairon, et d'une manière générale tous les 
petits poissons serviront pour la pêche au vif. Avec eux, on 
prendra des Anguilles, des Perches, des Truites, des Bro- 
chets, etc. Bien entendu, il importe que l'amorce soit aussi 



234 l'A PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

vivante que possible: de là, différentes manières de l'enferrer 
suivant qu'il a la vie plus ou moins dure. Nous emprunte- 
rons encore à M. de La Blanchère les renseignements sui- 
vants : 

« Un principe basé sur l'observation doit dominer toutes 
ces méthodes, pourvu qu'elles soient rationnelles ; c'est que 
tout poisson chasseur attaque sa proie par la tête. Ceci est 
sans exception, et la nature a été conséquente avec elle- 
même; le mangeur a les dents en crochet la plupart du 
temps, par conséquent ces dents, en s'accrochant dans les 
écailles du mangé, le retiennent nécessairement et presque 
sans effort; en second lieu, si la proie est grosse, quand le 
mangeur a pu embrasser la tête du mangé tout à fait, la partie 
la plus forte du corps suivra, car elle est rarement plus 
grosse que la tête des poissons-proie, et d'ailleurs la forme en 
fuseau aide à la déglutition; dernière raison : si comme le 
Chevaine, le mangeur n'a pas de dents proprement dites, il 
possède au fond du palais des espèces de crochets entre les- 
quels il broie, en passant, la tête du mangé et le rend inerte. 
Tout cela n'arriverait pas, si le mangeur attaquait le mangé 
par la queue. 

On prend un hameçon simple à boucle, c'est ici le cas de 
se servir de ces hameçons, on fait entrer les pattes dans la 
bouche du poisson qui doit servir d'appât, et on la fait sortir 
au-dessous des ouïes. On attache ensuite l'hameçon à la ligne, 
sur laquelle on lie la queue du poisson (fig. 139). On prétend 
que de cette manière le poisson vit plus longtemps ; puis on 
coupe une de ses nageoires pectorales afin de le faire pirouet- 
ter dans l'eau et d'attirer fortement les poissons carnassiers, 
lesquels, pensant rencontrer un poisson blessé qui ne pourra 
les éviter, se jettent avidement sur lui. 

On peut modifier avantageusement cette méthode en se 
servant d'un hameçon fin limerick, courbé ou droit, empile 
soigneusement d'avance sur florence forte ou sur corde filée 



LA PÊCHE A l.A LIGNK S /,V) 

d'une longueur de 20 centimètres environ, cette empile por- 
tant une boucle à son extrémité : on passe délicatement cette 
boucle par la bouche du poisson, en la faisant sortir par 
une ouïe, et l'on attache la queue du petit poisson sur l'em- 
pile au moyen d'un fil délié; il ne reste plus qu'à monter la 




Fui. 139. — Manière d'escher au vif Fig. 140. — Manière d'escher au vif 
. avec l'hameçon à boucle, d'après de avec la bricole, d'après de La Blan- 

La Blanchère. chère. 



boucle de l'empile dans le crochet à ressort d'un émerillon 
qui doit terminer l'avancée (fig. 140). 

Quand on se sert de l'hameçon double, nommé bricole, qui 
est bien préférable pour tous les poissons chasseurs à gueule 
dure et garnie de dents, on enferre le poisson de la manière 
suivante : on fend légèrement avec la pointe d'un canif et en 
travers le dos du poisson, à la naissance de la nageoire dor- 
sale; on fait une autre entaille pareille, en avant, à la dis- 
tance de 1 centimètre, plus ou moins, suivant la grandeur 
de la bricole dont on veut se servir, suivant la grandeur du 
poisson et suivant encore que la nageoire dorsale est plus ou 
moins rapprochée de la queue ; on fait passer le bout de la 
chaînette ou de la boucle de l'empile de corde filée, en com- 
mençant par l'incision de la nageoire dorsale, et on le fait 
ressortir par l'incision qui avoisine la tête. Lorsque la boucle 
est sortie et dégagée de dessous la peau, on fait passer dans 
j?ette boucle une des branches de la bricole, puis on retire 






236 



LA PECHE DES POISSONS EX EAUX DOUCES 



le tout en arrière, jusqu'à ce que la boucle elle-même, ayant 
passé sous la peau, soit sortie par l'incision postérieure, le 
poisson se trouve ainsi suspendu en équilibre, il n'est pas 
blessé mortellement et se promène longtemps. » 

Quand on pêche à la volée avec un gros poisson vif, on 
se contente de passer l'hameçon dans la chair de la queue, 
ou de l'accrocher par le plein du dos. 



LES ESCHES D'ESSENCES VÉGÉTALES 

Nous avons vu qu'un certain nombre de poissons s'atta- 
quaient volontiers aux végétaux ; bon nombre, en effet, sont 
omnivores et, suivant le temps, l'heure, la saison, ils se 
laisseront prendre à l'hameçon esche avec des graines ou 
avec des vers. La plupart des esches d'essence végétale sont 
des graines ou des fruits ; il faut savoir les préparer conve- 
nablement, car s'il en est qui peuvent être employées direc- 
tement, d'autres ont besoin de subir une petite préparation. 
Si l'on se sert de graines pour amorcer, souvent on les fait 
rissoler à la poêlé; mais pour en faire des esches, il convient 
de les faire bouillir de façon à ce qu'elles soient non seule- 
ment ramollies, mais même cuites. Cette cuisson se fait dans 
l'eau salée, de façon à ralentir la fermentation qui ne man^ 
querait pas de se produire rapidement pendant les chaudes 
journées de l'été ; la durée de la cuisson varie avec la nature 
et la grosseur de la graine employée ; il faut compter près 
de six heures pour le blé, et un peu moins pour les fèves; 
l'enveloppe de la graine se fend, mais il faut arrêter la 
cuisson avant que l'intérieur passe à l'état de bouillie. •■ 
t. Blé cuit. — La pêche au blé cuit est incontestablement 
une des plus productives ; tous les poissons non carnivores 
de la grande famille des Gyprinides, mordent avec une 
extrême facilité à cette esche. Le plus gros blé est le 



LA PÊCHE A LA LIGNE 237 

meilleur; on donne souvent la préférence au. blé poulard, 
dont les grains sont gros et arrondis; bien entendu, le blé 
doit être au préalable cuit à l'eau de façon à être suffisam- 
ment ramolli ; si le grain est crevé, la fente ne devra exister 
que d'un seul côté. On enfonce la graine par la pointe vers 
l'hameçon, de façon à ce que la pointe dépasse un peu, sans 
quoi le poisson, fort habile à déglutir les substances qui ne 
lui conviennent point, serait plus difficilement ferré. Suivant 
le genre de pêche adopté, on peut se servir du. blé cuit pour 
les grands fonds, ou bien le laisser à mi-hauteur comme s'il 
flottait entre deux eaux. 

On prend également les mêmes poissons avec la mie de 
pain pétrie entre les doigts sous forme de petite boulette' de 
la grosseur d'un pois. On enfonce l'hameçon de manière â ce 
que le coude soit caché et que la pointe saillisse, sans quoi 
la petite boulette rendue glissante par sa macération dans 
l'eau pourrait glisser dans la bouche du poisson; il faut 
armer sa ligne d'une flotte très légère et ferrer rapidement ; 
la Carpe, le Gardon, la Brème, le Barbillon se prennent très 
bien à la mie de pain. 

Enfin, pour en finir avec le blé, disons que le son, quelle 
que soit sa grosseur et sa qualité, est une très bonne amorce 
pour les petits poissons ; dans bien des cas, il peut remplacer 
le blé cuit; mélangé à un peu de pomme de terre cuite, il 
constitue un très bon appât pour la plupart des poissons om- 
nivores. 

Avoine. — L'avoine cuite s'emploie souvent comme appât 
libre; soit en nature, soit associée à d'autres substances; 
plus économique que le blé, on en fait usage dans les mêmes 
conditions, mais on n'amorce pas les lignes avec cette 
• graine. 

1 Fève cuite. — La fève cuite (Faba vulgaris), plus 
connue sous le nom de fève de marais, est un des bons 
appâts pour les gros poissons omnivores, et particulièrem nt 



238 LA. PÊCHE DES POISSONS EN ËÀ.UX DOICES 

pour la Carpe. Pour des poissons plus petits, on peut la 
concasser. Avec la fève, on peut masquer entièrement l'ha- 
meçon. On enferre cette graine en passant l'hameçon sous 
la peau sans la crever ; la fève cuite, si elle est déjà fendue, 
ne doit l'être que d'un seul côté. Broyée et mélangée avec 
du son et de la pomme de terre, on en fait une bonne amorce 
libre, surtout si le mélange est arrosé d'une essence odori-r 
férante. 

Maïs cuit. — Le maïs cuit et d'autres farineux, comme 
l'orge, le haricot d'Espagne et même le soissons peuvent 
dans bien des cas remplacer le blé cuit. Ces différentes 
graines sont proportionnées à la grosseur des hameçons : le 
blé bouilli convient aux petits hameçons; le maïs cuit est 
enferré sur des hameçons de grosseur moyenne, tandis que 
la fève, au contraire, sera réservée pour les hameçons beau- 
coup plus gros. 

Chènevis. — La petite graine du chènevis ou chanvre 
cultivé (Canabis saliva) renferme une huile essentielle qui 
donne aux appâts libres un goût fort apprécié, parait-il, de 
la plupart de nos poissons. Nous recommanderons donc, 
lorsque l'on fabriquera des amorces avec le blé, le son, la 
fève, le sang, etc., d'y ajouter une certaine quantité de 
graines de chènevis cuites ; la graine de lin peut également 
prendre part au mélange, mais elle agit plutôt comme muf 
cilagineux. Ces appâts libres au chènevis doivent toujours 
être jetés quelques heures à l'avance. On vend dans certains 
pays des pains de chènevis' pour la pèche; en pétrissant 
quantité égale de ce pain avec du pam ordinaire, auquel on 
ajoute des jaunes d'œufs, on obtient une excellente amorce 
pour la Carpe et la plupart des Cyprinides;il est bon d'ajouter 
comme aromate un peu d'essence d'anis ou de coriandre.. 
Nous avons également vu mélanger le pain de chènevis avec 
du pain de seigle et le tout arrosé avec un mélange de miel 
tt d'Assa fœtida. 



LA PECHE A LA LIGNE 23 ( J 

Fruits divers. — Parmi les fruits frais employés comme 
esches, nous citerons surtout la cerise, le raisin, la gro- 
seille et le concombre. 

La cerise réussit très bien pour prendre le Chevaine; 
est-ce sa belle couleur qui l'attire, ou bien le poisson 
a-t-il un goût particulier pour ce fruit? c'est ce qu'on ignore. 
La cerise anglaise, la griotte, la cerise de Montmorency, 
avec leur petit noyau abrité sous une peau fine et souple 
sont préférables. Pour enferrer, on introduit le dard d'un 
hameçon n° 1 ou n° 2, ou bien un hameçon limerick sans 
palette, par la partie où le fruit adhérait à sa queue; tour- 
nant alors adroitement autour du noyau, on arrive à masquer 
le fer tout entier dans le fruit, sans le déchirer, en faisant 
à peine saillir la fine pointe de l'hameçon. Le fruit semble 
alors accompagné de sa queue naturelle. 

Le raisin noir, en automne, remplacera la cerise du 
printemps pour la pêche des gros Chevaines. On ancrera le 
grain du raisin de la même manière que la cerise. En hiver 
et au commencement du printemps, lorsque le raisin frais a 
disparu et que la cerise n'est pas encore mûre, on peut se 
servir du raisin sec ; il est bon de le laisser au préalable 
tremper quelques heures dans l'eau pour lui rendre sa sou- 
plesse et un peu de sa forme primitive. 

Le raisin blanc peut aussi réussir, mais sa couleur se 
confond par trop avec celle de l'eau. Un panier de mauvais 
raisin jeté la veille au soir à une bonne place constitue sou- 
vent une bonne amorce. 

La groseille ordinaire rouge, la groseille à maquereau 
également rouge et même le fruit noir du cassis sont aussi 
utilisés par les pêcheurs pour prendre des poissons plus 
petits. Il va sans dire qu'on enferre de la même manière. Le 
jus du cassis est aussi quelquefois employé pour arroser les 
appâts libres; son odeur pénétrante se fait sentir de loin, 
mais persiste peu dans l'eau ; on ne peut l'utiliser que pour 



240 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

les amorces que l'on jette au moment de la pêche. Le résidu 
des groseilles rouges ou blanches qui ont servi pour la con- 
fection des confitures fait une très bonne amorce de fond. 

Le concombre, le fruit bien connu du Cucumis et qui, 
confit' lorsqu'il est encore jeune, donne les cornichons, est 
parfois employé comme succédané du raisin ou de la cerise 
dans le même genre de pèche. La chair de ce fruit coupée en 
petits morceaux parallélipipédiques est enferré de la même 
manière et permet de prendre des Chevaines ou des Van- 
doises de toutes tailles. 



APPATS DIVERS 






Grenouilles. — Toutes les grenouilles, aussi bien la' 
grenouille commune que la grenouille verte, la rainette ou 
la grenouille muette peuvent être employées comme esches, 
à la condition qu'elles soient petites. On s'en sert très avan- 
tageusement pour la pêche des gros poissons carnassiers. 
Truites, Brochets, Perches, Anguilles, etc. Cependant la 
grenouille commune vit plus longtemps dans l'eau que les 
autres ; on doit donc lui donner la préférence ; on l'enferré en 
traversant avec l'hameçon la peau du dos, de manière à ce 
que le dard ressorte entièrement ; il faut avoir soin de 
prendre ni trop, ni trop peu de peau à la fois, car dans le 
"premier cas on blesse inutilement l'animal, et dans le second, 
il s'échappe de l'hameçon après quelques bonds. Si l'on veut 
pêcher à la surface, l'hameçon doit être petit, et la Gre- 
nouille doit pouvoir sauter facilement comme si elle était 
libre; pour la pêche de fond, notamment pour les Anguilles, 
on amorce avec des hameçons plus forts et plus profondément. 

Mollusques. — Nous désignerons d'une manière géné- 
rale sous ce nom tous les animaux terrestres ou des eaux 
douces qui vivent abrités sous une coquille (fig. 141). Près- 



LA PÊCHE A LA LIGNE 241 

que tous les poissons en sont très friands et c'est pour le 
pêcheur une esche toujours facile, à sa portée, aussi bonne 
qu'économique. Les mollusques terrestres, vulgairement 
désignés sous le nom d'escargots, sont aussi bons que les 
limnées(fig. 141), les vivipares ou les planorbes qui vivent 
dans l'eau. Il faut avoir soin d'en briser la coquille et d'en- 
ferrer solidement dans la partie la plus résistante de la 
chair de l'animal, c'est-à-dire dans le pied. 






Fi«. 141. — A, Limnée des étangs (Limnsea ttagnaUsJ; B, Limnée au- 
riculaire (Limnsea auricularia) ; C, Limnée voyageuse (Limniea 
peregra). 



La chair que renferment les coquilles bivalves, unios ou 
anodontes, peut être utilisée comme esche, à la place de la 
grenouille, ou de toute autre substance animale; pour cela 
on la coupe en tranches un peu allongées ; c'est une bonne 
esche pour les lignes de fond. Mais tous ces mollusques crus 
ou même cuits, découpés en morceaux font d'excellentes 
amorces libres pour la pêche des gros poissons carnassiers. 

Limaces. — Les limaces ou les arions, les premiers 
avec une petite coquille rudimentaire interne, les seconds 
sans coquille ni interne ni externe, donnent les meilleurs 
résultats comme esche pour la Carpe, le Brochet, l'Anguille, 

Locard, La Pèche. 14 






242 LA PKCSE des poissons en eaux douces 

la Truite, etc. Gomme il en est de gros et de petits, on n'a 
que l'embarras du choix, et le pêcheur qui s'en servira 
rendra en même temps de grands services aux agriculteurs, 
en les débarrassant de ces hôtes qui font tant de mal aux 
plantes de nos jardins. C'est surtout après les pluies que l'on 
voit ces animaux sortir de leur cachette et venir manger les 
feuilles des salades ou les fruits à leur portée. On peut éga- 
lement s'en procurer en déposant dans le coin d'un jardin 
quelques fagots en tas ou des tuiles que l'on arrose une fois 
pour toutes ; les limaces, toujours en quête des milieux 
frais et humides, ne tardent pas à venir se réfugier sous ces 
abris factices. On les enferre comme les vers. 

Sangsues. — Voilà encore un appât facile à se procurer 
en maints endroits. La sangsue se prend parfois en abon- 
dance dans les fontaines, les fossés ou les ruisseaux aux 
eaux ni trop fraîches, ni trop vives; trochètes, aulostomes, 
hoemopsis, et même la vulgaire sangsue médicinale, sem- 
blent fort goûtées de tous les poissons carnassiers; elles ont 
ce grand avantage qu'elles peuvent vivre dans l'eau très 
longtemps lorsqu'elles sont convenablement enferrées; c'est 
une bonne esche pour la grosse Truite de fond, le Barbeau, 
l'Anguille, le Saumon, la Perche, etc. On peut en conserver 
de bonnes provisions clans un bocal dont on change l'eau de 
temps en temps. Pour les enferrer, ou bien on se contente 
d'introduire l'hameçon en pinçant la peau du dos sur une 
certaine largeur et en laissant saillir le dard, c'est ce que 
l'on fait pour la pêche de fond des gros poissons carnassiers; 
ou bien on entre l'hameçon par l'extrémité postérieure, exac- 
tement comme pour les vers. 

Ecrevisses. — Quelques personnes recommandent l'emploi 
des ecrevisses comme appâts ; malheureusement c'est sou- 
vent un animal assez difficile à se procurer, et nous estimons 
qu'il peut être plus avantageusement utilisé! « L'écrevisse, 
dit M. de La Blanchère, fournit aux pêcheurs deux esches 



J.A l'ECUE A LA LIGNE 



2i3 



excellentes, la queue que l'on emploie, fraîche ou conservée 
dans le sel, pour prendre le Barbeau en été, et même en 
automne le Chevaine, quelquefois le gros Dard au printemps. 
On en enlève la carapace et l'on esche avec la petite virgule 
de chair gluante qui remplit la queue. On se sert également 
de la viande des pattes pour prendre la Perche qui en est 
très friande. La Truite elle-même doit y donner de toutes 
manières, car dans certaines rivières, elles se nourrit 
d'écrevisses qu'elle prend vivantes, et dont il faut qu'elle 
brise la carapace pour manger la chair. Dans certaines 
petites rivières où la Perche, la Truite et l'Ecre visse sont les 
seuls habitants de l'eau, avec le Brochet, il faut bien que les 
deux carnassiers vivent du crustacé. » 

Viandes. — On peut employer pour la pêche différentes 
sortes de viandes, soit crues soit cuites. La viande de bou- 
cherie, crue ou cuite, cheval, bœuf ou veau, découpée en 
minces lanières est utilisée pour escher les hameçons dans la 
pèche des poissons carnassiers; pour les lignes de fond on 
se contente de la découper en petits cubes que l'on attache 
avec un fil fin et aussi peu apparent que possible. La rate de^ 
bœuf est particulièrement utilisée ; elle présente cet avan- 
tage de bien tenir à l'hameçon ; on la met crue ou cuite, et 
l'on peut s'en servir en toutes saisons. 

La viande de poisson rend les mêmes services ; on utilise 
à cet effet la chair des poissons morts, que l'on enlève sur 
les côtés de l'animal et que l'on découpe en filets allongés ou 
en cubes suivant le genre de pêche. Cette qualité de viande 
est encore préférable à la viande de boucherie. Mais ces 
deux natures de viandes coupées ou hachées en menus 
morceaux, mélangées à du son et à de la glaise pétrie 
ensemble, constituent des amorces libres d'excellente qua- 
lité lorsque l'on veut prendre du gros poisson. 

Sang caillé. — Le sang caillé des animaux est fort em- 
ployé ; à la campagne le sang de volaille est avantageuse- 






244 



LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 






ment utilisé à cet effet; au voisinage d'un abattoir on lui 
préférera le sang de bœuf ou de veau, mais il faut préparer ce 
sang; on l'expose à la chaleur pour le faire coaguler et on 
laisse ensuite refroidir; le caillot de fibrine est alors placé 
dans de l'eau froide et coupé en morceaux que l'on place 
dans une boite spéciale, uniquement réservée à cet office. 
Pour le sang recueilli dans les abattoirs on le reçoit dans un 
vase au fond duquel on a mis du sel ordinaire pilé; le lende- 
main il est suffisamment coagulé. Pour escher avec le sang, 
on coupe sur le fond de la boite ou sur une pierre recou- 
verte d'une feuille, des morceaux de sang en forme de dés; 
un couteau de bois suffit à cet effet. Ces petits dés s'em- 
brochent parfaitement au bout de l'hameçon. Avec le sang 
on fait également d'excellentes amorces, soit en coupant 
menu du sang caillé pour le mélangera d'autres substances, 
soit en le jetant directement à la main, soit encore en l'en- 
fermant dans un filet ou sac que l'on jette dans le courant 
quelques heures au préalable. 

Cervelle. — La cervelle crue ou cuite peut remplacer le 
sang; elle est moins désagréable à manipuler. On fait surtout 
usage de la cervelle de veau. Mais la cervelle de cheval, 
aujourd'hui assez commune dans nombre de villes, peut 
avantageusement être utilisée. La cervelle, une fois découpée 
et mise sur l'hameçon, est entourée d'un fil fin croisé dans 
plusieurs sens, de manière à constituer une petite pelote. 
On pêche alors le Chevaine et le Barbillon avec une ligne 
légère, munie d'une flotte très sensible. La cervelle rend 
peu de services dans les amorces libres. 

Tripes. — ■ Les tripes ou entrailles de la volaille servent à 
prendre la plupart des gros poissons carnassiers, que 
l'odeur peu agréable de ces appâts attire parfois de fort 
loin. On les amorce soit en piquant un morceau préalable- 
ment coupé de la longueur du doigt et pincé sur le même 
côté, de manière à simuler un gros ver, soit en faisant une 



LA PÊCHE A LA LIGNE 245 

petite boule de la grosseur d'une noisette que l'on embroche 
par le milieu et laissant pendre les deux bouts. Les tripes 
coupées en menus morceaux constituent une excellente 
amorce libre; on les mélange avec de la glaise, comme les 
menus vers. 

Fromage. — C'est surtout du fromage de gruyère dont on 
fait usage comme esche ou comme amorce; tantôt on s'en sert 
lorsqu'il est bien frais, tantôt on le laisse rancir en le gar- 
dant pendant un certain temps sous un linge humide. Les 
Barbillons, les Chevaines, les Gardons, etc., mordent bien à 
cet appât. On le taille en petits cubes que l'on enfile sur 
l'hameçon en laissant franchement dépasser la pointe du 
dard. Certains pécheurs avant de s'en servir le font tremper 
quelques heures dans du lait chaud. Avec cette esche 
dénature un peu molle, il faut ferrer rapidement le poisson. 
On se sert également du fromage de gruyère pour les jeux 
et les cordées. Enfin broyé avec du son, de la mie de pain et 
de la terre glaise, il constitue une des bonnes amorces libres 
pour les poissons omnivores; dans ce cas, le fromage déjà 
un peu fait, est préférable au fromage frais. 

Jaunk l'œuf. — Dans la pêche au Barbeau, on fait une 
bonne esche pour les hameçons de fond en pétrissant avec un 
peu d'eau et de la farine des jaunes d'œufs durcis; on forme 
avec cette pâte de petites boulettes de la grosseur d'une 
noisette. On fait encore avec les œufs de poissons une bonne 
esche pour la blanchaille; ces œufs sont durcis au soleil ou 
encore mieux cuits au four; on les conserve dans des pots 
de terre bien au sec en les isolant avec de la paille bien 
sèche et un peu de sel ; on coupe ces paquets d'œufs en la- 
nières ou en petits cubes qua l'on embroche ensuite sur les 
hameçons. 

Cocons. — Dans les pays où l'on s'occupe de l'élevage 
des vers à soie, on utilise très souvent les cocons qui ont 
servi, c'est -à-dire ceux dont on a déjà retiré la soie par le dé> 







246 LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

vidage et qui renferment encore la chrysalide. On les enferre 
directement, de façon à cacher l'hameçon tout entier, ou bien 
on les fend pour en retirer la chrysalide qui seule alors est 
logée sur l'hameçon. 

Pain de creton. — On vend sous ce nom des pains peu 
volumineux faits avec les résidus provenant de l'affinage des 
suifs ; ils renferment des débris de fibres musculaires et de 
membranes que l'on a recueillies sur les tamis et dans les 
fonds de chaudières, et qui ont passé sous la presse. Ces 
pains, coupés en morceaux et bouillis dans l'eau, reprennent 
en partie leur élasticité primitive et constituent une excel- 
lente amorce pour certains poissons, tels que le Chevaine et le 
Barbeau. A défaut de pain de creton, on fabrique soi-même 
une pâte avec de la mie de pain pétrie avec du suif ou du 
gras de lard. 

Essences, huiles. — Souvent, comme nous l'avons déjà 
expliqué, les pêcheurs enduisent leurs appâts fixes ou libres 
d'essences ou d'huiles aromatiques destinées à attirer le pois- 
son par l'odeur qu'elles répandent, nous citerons l'huile 
d'aspic, liqueur volatile, d'une saveur très acre obtenue par 
la distillation de la fleur de la Lavande aspic. L'huile com- 
posée : c'est un mélange de 30 grammes d'huile d'amandes 
douces, 10 gouttes d'extrait d'absinthe, 10 gouttes d'extrait 
de camomille, 2 grammes de poudre de cumin, 10 centi- 
grammes de civette; cette huile reste près d'un quart d'heure 
dans l'eau avant de disparaître. Voici un autre mélange ana- 
logue : miel blanc, 2 cuillerées ; anis pulvérisé, 10 grammes ; 
coriandre en poudre, 10 grammes ; huile essentielle d'anis, 
2 grammes; huile d'amandes douces, 10 grammes; ce mé- 
lange est particulièrement bon pour la Carpe. On peut en- 
core faire la préparation suivante : huile essentielle d'anis, 
grammes; huile de coriandre, 2 grammes; essence de 
rose, 10 gouttes; coriandre en poudre, 35 grammes; anis 
pulvérisé, 35 grammes; huile d'amandes douces, 35 grammes; 



LA PÊCHE A LA LIGNE 



247 



alcool, 500 grammes. Après avoir laissé macérer on ajoute : 
manne, 50 grammes, et miel blanc, 60 grammes. On peut 
ainsi varier les recettes à l'infini. 



Pour terminer ce qui est relatif aux esches nous croyons 
intéressant de résumer dans un tableau d'ensemble les diffé- 
rentes sortes d'esches ou appâts que l'on pourra utiliser sui- 
vant les saisons et pour chaque sorte de poisson. Nous sui-. 
vrons l'ordre alphabétique des principaux poissons. 

Ablette. — Petites esches animales : aux premiers beaux 
jours, vers de vase, vers cannelés, petites larves d'insectes. 
En été, mouches, asticots, larves de fourmis. Dans l'arrière- 
saison, vers rouges et vers de vase en morceaux. 

Alose. — Se prend très rarement à la ligne : petits pois- 
sons, Ablettes, Vairons, viande crue ou cuite, tripes de vo- 
lailles, etc. 

Anguille. — Au printemps et en été, tous les petits 
poissons vivants, mais principalement le Vairon et les petites 
Lamproies ou Lamprillons, Loches, Ammocètes, Cha- 
touilles, etc; les gros vers rouges, les sangsues, les gre- 
nouilles, les limaces et tous les mollusques, les tripes de' 
volailles, la viande cuite, le sang caillé, etc. En hiver, les 
vers rouges, la viande et le sang caillé. 

Apron. — Vers de fumier, vers rouges à tête noire, vers 
de vase, larves d'insectes, cherfaix, sauterelles, plus rare- 
ment l'asticot et la viande crue. 

Barbeau. — Au printemps : vers rouges, viande crue, 
larves de hannetons. En été : vers de vase, cherfaix, larves 
diverses, gruyère, asticots dans les pelotes, jaune d'œuf dur, 
miede pain aromatisée, queues d'écrevisses, etc. En automne : 
vers rouges, viande cuite, sangsues, grillons, criquets. 

Blageon. — Mouches naturelles, blé bouilli, larves de 
fourmis, petites sauterelles, et en général les petits insectes 
parfaits ou leurs larves. 



248 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

Blenie. — Mêmes appâts. 

Bouvière. — Se prend très rarement à la ligne avec de 
petits vers. 

Brème. — Au printemps : blé cuit, vers rouges, vers à 
queue, pain de creton. En été : asticots dans les pelotes, 
fèves, pois, blé cuit et en général tous les farineux, mollus- 
ques divers, vers à queue, vers de pâte, vers rouges bien 
dégorgés. En automne : vers rouges et vers de vase. 

Brochet. — Tous les appâts de nature animale; au prin- 
temps : vers rouges, rate crue et cuite, viandes de toutes 
sortes, grenouilles, tripes de volailles. En été : de préférence 
les petits poissons, Goujons, Loches, Vairons, Epinoches, etc., 
limaces, sangsues. En automne : Vairons, mollusques di- 
vers, tripes de volaille, viandes, etc. 

Carpe. — De préférence les végétaux; au printemps : 
mie de pain, blé et fèves cuites, vers rouges. En été : fèves, 
pois, chènevis, mie de pain, boulettes de son, mollusques 
aquatiques, etc. En automne : tous les farineux, les vers 
rouges, les limaces, etc. 

Chabot. — Toute l'année : vers rouge, vers de vase, larves 
aquatiques, chenilles, pâte au fromage aromatisée au safran 
ou à la thérébentine. 

Chevaine. — En hiver et au printemps : cervelle crue, 
tripes de volailles, sang, pain de creton. Le reste de l'année : 
vers rouges, chenilles, hannetons et leurs larves, papillons, 
grillons, sauterelles, cocons de vers à soie, grenouilles, ce- 
rises, groseilles, concombres, mollusques divers, blé cuit, 
vers de farines, asticots, cervelle de veau crue, etc. ; c'est 
le poisson omnivore par excellence. 

Chondrostome. — Mêmes amorces que pour les Che- 
vaines. 

Cyprinopsis. — Gomme la Carpe. 

Epinoche. — Se prend rarement à la ligne : petits vers, 
rouges et dje va^e, asticots, mouches et petits insectes. 



LA PÊCHE A LA LIGNE 249 

Èperlan. — Se prend très rarement à la ligne : on peut 
escher avec des mouches ordinaires. 

Esturgeon. — Se prend accidentellement avec les lignes 
amorcées d'un petit poisson tel que Vairon, Goujon, ou d'une 
grenouille, etc. On en a pris également avec delà viande crue. 

Fera. — Ne se pèche qu'au filet. 

Gardon. — Au printemps et à l'automne : vers rouges et 
vers de vase. En été : vers rouges, cherfaix, larves diverses, 
blé cuit, mie de pain, vers de farine, asticots. 

Goujon. — En toutes saisons avec le ver rouge. En été : 
ver rouge et ver de farine, ver de vase et larves d'insectes, 
asticots, plus rarement avec de petits filets de viande crue. 

Gremille. — Au printemps : asticots, ver rouge. En été 
et en automne : ver rouge, asticots, petites mouches, etc. 

Ide. — Au printemps : ver rouge, asticots, cervelle de 
veau crue. En été et en automne : sauterelles, mouches, pain 
de creton, cerises, groseilles, asticots, vers de vase et vers 
de farine, tripes de volailles, etc. 

Lamproie. — ■ Ne se prend pas à la ligne. 

Lavaret. — Ne se pèche qu'aux filets. 

Loche. — Se prend rarement à la ligne : asticots, ver 
rouge, mouches naturelles. 

Lotte. — Au printemps : vers rouges, Lamprillons, Vai- 
rons, Loches, etc. En été et en automne : tous les petits 
poissons, sangsues, grenouilles, limaces et tous les mollus- 
ques, viande crue ou cuite, tripes de volailles, sang caillé, 
chenilles, papillons, etc. 

Muge. — Se prend quelquefois à la ligne : fromage de 
gruyère, tripes de volailles, grosses mouches, vers de 
terre, etc. 

Omble. — Se prend à la ligne avec des mouches natu- 
relles ou artificielles et surtout de petits moucherons. 

Ombre. — Mouches naturelles et moucherons. 

Perche. — En toutes saisons : ver rouge, ver de vase, 




250 



LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 




asticot, écrevisse crue, Goujon, Loche et en général tous les 
petits poissons vifs, petite grenouille, mollusques divers. 

Pleuronecte. — Les petits poissons, vairon, goujon, loche, 
lamprillon, etc., ver rouge et ver de vase, viande crue, 
viande de poissons morts. 

Rotengle. — Au printemps : ver rouge, en été et en 
automne: ver cannelé, ver de vase, verde farine, ver rouge, 
cherfoin, larves d'insectes, blé cuit. 

Saumon. — Les gros insectes, hanneton, criquet, grillon, 
cocon de ver à soie, ver de terre, ver rouge, sangsue, 
limace, vairon, loche, goujon, etc. 

Tanche. — Au printemps : ver rouge, ver à queue, blé 
cuit. En été: asticot, ver de pâte, mollusques aquatiques, blé 
cuit, fève, pois, chènevis, et en général la plupart des 
farineux, mie de pain. En automne : ver de vase, ver rouge, 
asticots. 

Truite. — Au printemps : ver rouge, mouche artificielle. 
En été: mouches naturelles, papillons divers, chenilles, 
sauterelles, criquets, hannetons, vairon, loche, lamprillon 
et tous les petits poissons. En automne : mouches artifi- 
cielles, gros ver rouge, tripes de volaille, petits poissons 
divers, pain de creton, etc. 

Vandoise. — Blé cuit, chènevis cuit, asticots, mollusques 
divers, mie de pain aromatisée. 

Vairon. — Toute l'année : ver rouge, de petite taille, 
Ver de vase, larves d'insectes, asticots, filets de viande 
crue, etc. 




Puisque nous en sommes aux agents qui permettent de 
détruire partiellement le poisson, pour un bon motif il est 
vrai, et dans des proportions très raisonnables, disons ici un 
mot dés poisons malheureusement trop souvent mis en 
œuvre pour détruire à la fois tout le' poisson d'un cours 
d'eau ou d'un étang. Ces agents sont nécessairement pro- 



LA PÈCHE A LA LIGNE 251 

hibés ; toutefois il est bon de les connaître. Les uns sont de 
nature végétale, les autres de nature minérale. MM, Che- 
valier et Duchesne ont donné la liste suivante de ces poi- 
sons végétaux. Les uns sont nuisibles à l'homme, en ce cas il 
faut prendre la précaution de vider etde nettoyer les poissons 
avec beaucoup de soin avant de les faire cuire ; tels sont : 

Cocculus suberosus de Cand., coque du Levant, fruits. 

Delphinium staphisagria Lin., staphisaigrc, se- 
mences. 

Delphinium Requieni D. G., semences. 

Hydnocarpus inebrians Vahl., fruits. 

Menispermum lacunosurn Lamck., fruits. 

Taxus baccata Lin., feuilles. 

Veratrum sabadilla Retz., cévadille, capsules. 

Végétaux non dangereux pour l'homme. 

Barringionia speciosa L. fils, Butonica speciosa 
Lamck., amandes mangées par les matelots chinois sous le 
nom de Bonnets carrés. 

Calophgllum inophyllum L., baume de culaba, enivrant 
les poissons. 

Cerbera allouai L., bois. 

Daphne fœtida Forster., semences. 

Euphorbia colinifolia Lin., toute la plante. 

Galega sericea Thunb., racine. 

Galega to.vicaria S\v., feuilles. 

Lepidium piscidium Forster, feuilles et semences. 

Paullinia pinnata Lin., semences. 

Paullinia triternata Lin., Serjania lethalis Saint- 
Hilaire, liane à persil, timbo du Brésil, feuilles. 

Phyllanthus Brasiliensis Millier, P. Conami Wild., bois 
à enivrer, rameaux chargés de feuilles et racines eontuses. 

Phyllanthus viroucs Roxburg, rameaux chargés de 
feuilles et piles. 

PiscidiaCarthaginensis Lin., rameaux et feuilles écrasées* 






I 





252 LA PÈCHE DES TOISSONS EN EAUX DOUCES 

Patabea amara Aublet, tiges et feuilles. 

Robinia nicou Aublet, R. scandens Wilden., sarments 
verts, pour engourdir les poissons. 

Parmi les produits minéraux malheureusement trop sou- 
vent mis en usage par les braconniers pour détruire le 
poisson, nous citerons la chaux ; c'est comme on le voit un 
produit aussi simple qu'économique, car tout le monde peut 
faire de la chaux avec le moindre caillou calcaire. Malgré 
les lois les plus sévères, malgré les menaces d'amendes et 
même de prison édictées par ces lois, les empoisonneurs des 
eaux continuent sans cesse leur redoutable industrie ; ce sont 
eux qui ont détruit les Truites dans nombre de ruisseaux qui 
une fois empoisonnés ne se prêtent plus à la remonte de ce 
poisson. Mais il va sans dire que les poissons ainsi détruits 
ne sont nullement dangereux à manger, à la condition qu'ils 
soient toujours frais. 

Enfin le développement incessant des industries de toutes 
sortes au voisinage des cours d'eau est une cause impor- 
tante de la destruction du poisson ; les mines, les féculeries, 
les sucreries, les teintureries, les fabriques de produits chi- 
miques, etc., déversant dans des eaux normalement pures 
et poissonneuses des produits éminemment délétères font à 
jamais disparaître les poissons dont la constitution délicate 
ne saurait se complaire ou même s'acclimater dans un pareil 
milieu. «En aval des féculeries (dans la plaine de Saint- 
Denis), toutes les herbes aquatiques disparaissent ; tous les 
mollusques périssent. Les eaux déposent partout sur leur 
passage des masses blanchâtres, poisseuses, sans consistance. 
Des grumeaux flottent dans le courant. La surface se couvre 
d'écume; l'eau exhale une forte odeur d'hydrogène sulfuré. 
L'examen microscopique montre que ces masses blanchâtres 
et gluantes sont des algues ou conferves, qui, lorsque les 
travaux de féculerie ont cessé, périssent, se putréfient, 
remontent à la surface de la rivière et, par leur décomposi- 



LA PECHE A LÀ LIGNE 253 

tion, favorisent singulièrement le développement des int'u- 
soires. 

De même dans les eaux vaseuses des sucreries, M. Gloez 
a vu se développer une espèce de conferve ou d'algue géla- 
tineuse contenant une grande proportion de soufre, dont les 
débris altèrent l'eau des rivières et font périr les larves 
d'insectes, les écrevisses, les poissons, et d'une manière 
générale, tous les animaux aquatiques. 

Les cours d'eau peuvent être encore souillés par cer- 
tains produits minéraux provenant d'exploitations minières. 
C'est ainsi que, dans le Puy-de-Dôme, un rapport du 
D r Nivet a constaté, il y a quelques années, la souillure des 
eaux de la Sioule, au-dessous des fonderies de Pontgibaud, 
par le déversement des liquides provenant des laveries, des 
bassins de clarification et autres usines dépendant de l'ex- 
ploitation de ces mines plombifères. Les poissons jadis très 
abondants dans ce cours d'eau, ont diminué d'une façon 
notable, ou même disparu. 

APPATS ARTIFICIELS 



C'est à l'esprit industrieux et inventif des Américains et des 
Anglais que nous devons l'emploi de ces innombrables appâts 
ou amorces artificiels. Avec un peu d'adresse, on arrive 
facilement à imiter toutes sortes d'animaux dont le poisson 
semble plus ou moins avide. Tantôt ces amorces simulent 
simplement un insecte, un papillon, une chenille emmanchée 
au bout de son hameçon ; d'autres fois c'est un petit poisson 
métallique dont l'éclat rappelle celui des véritables poissons; 
mais on construit aussi de véritables engins qui se meuvent 
et s'agitent dans l'eau tout comme le poisson. Dans le cha- 
pitre relatif aux différents genres de pêche nous parlerons 
du tue-diable et de la cuiller. Ici nous nous bornerons à 
dire quelques mots des insectes et des poissons artificiels. 

Locakd, La Pêche. 15 





254 l'A PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

Mouches artificielles. — Sous le terme général de 
mouches artificielles, on désigne toutes sortes d'imitation, 
depuis les plus simples jusqu'aux plus fantaisistes, des 
insectes qui vivent dans la nature. Tous les marchands 
d'ustensiles de pêche en sont abondamment pourvus ; on en 
voit chez eux de toutes les tailles, de toutes les formes, de 




Fia. 142. — Mouches artificielles (d'après Moriceau). 



toutes les couleurs. Y en a-t-ildans le nombre quelques uns 
de meilleurs que les autres? A notre avis, du moment qu'ils 
sont bien faits et qu'ils se comportent bien à l'eau, ils se 
valent à peu près(fig. 142). 

On pêche avec les mouches artificielles à la ligne volante ; 
ordinairement une seule mouche suffit, mais quelques pê- 
cheurs en mettent deux et même parfois trois à la fois. En 
ce cas, la seconde mouche doit être à environ 1 mètre au- 



],A PÈCHE A LA LIGNE 255 

dessus de la mouche qui termine la ligne, et la troisième au 
moins à 50 centimètres de la seconde. Avec cet engin, on 
prend tous les poissons de surface et particulièrement la 
Truite. 

Mais il est tout aussi simple et surtout plus économique de 
faire ses mouches artificielles soi-même. Le corps, s'il est 
petit, se fait ordinairement avec un peu de soie colorée que l'on 
entortille autour de la hampe de l'hameçon ; pour les corps 
plus gros, on prendra des tuhes de plumes, du liège taillé, dans 
lequel on fera passer le corps de l'hameçon, et que l'on fixera 
avec un peu de gomme laque à chaud ou toute autre colle ne 
se dissolvant pas dans l'eau froide. Ces corps seront enguir- 
landés de fils de soie de différentes couleurs, au besoin en- 
tremêlés de quelques fils d'argent ou de cuivre ; on imitera 
ainsi les anneaux diversement colorés du corps de certains 
insectes, chenilles ou papillons. Les aiJes seront faites avec 
quelques plumes légères empruntées aux volatiles de la 
basse-cour : le coq, surtout les plumes de la collerette, le 
canard mâle, la pintade, la perdrix, la bécasse, le faisan, le 
paon vous fourniront tout ce qu'il vous faudra en fait de 
plumes lisses ou hérissées, étroites ou arrondies, brillantes 
ou sombres; emprisonnez la hampe de la plume dans le corps 
de votre mouche, consolidez-la avec un peu de laquo; taillez 
la pointe avec de bons ciseaux au gré de votre caprice et 
vous aurez les plus jolis insectes du monde; inutile de vous 
préoccuper des pattes ou des antennes, les poissons ne sont 
point assez ferrés sur l'histoire naturelle pour s'apercevoir 
que ces organes délicats manquent à" vos amorces! Enfin, 
préférez-vous au corps lisse et soyeux un corps hirsute? 
coupez menu du poil fin, ou de petites barbes de plumes; 
vous en enduirez les parties du corps que vous voulez ainsi 
masquer après les avoir entourées d'un peu de colle. 

Poissons artificiels. — Est-il donc si nécessaire de 
fabriquer des poissons artificiels, alors qu'il est si facile de 



256 



LA l'ECIIE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



se procurer des petits poissons naturels? Sans doute quelques 
membres de la Société protectrice des animaux, mus par un 
sentiment de légitime pitié, en voyant ces pauvres petits 
poissons ainsi exposés sciemment à une mort certaine après 
une cruelle agonie, auront imaginé ces engins métalliques 
qui n'ont pas à souffrir ! On en fait donc de toutes les formes, 
de toutes les couleurs, avec un métal peint qui entoure et 
dissimule convenablement l'hameçon. Parfois même, ils 
sont plus brillants, plus chatoyants que le vrai poisson et 
équilibrés de façon à pouvoir se remuer et s'agiter sous 
l'action du courant. Ils n'ont de réels avantages que lors- 
qu'il s'agit de pêcher dans les grandes chutes, là où le 
poisson vivant résisterait par trop difficilement. Mais, en ce 
cas, nous donnerons toujours la préférence à la cuiller et au 
tue-diable. 

DIFFÉRENTES SORTES DE PÊCHES A LA LIGNE 






Maintenant que nous avons fait connaissance avec les dif- 
férents engins destinés à capturer le poisson, il ne nous reste 
plus qu'à apprendre à nous en servir. Ce n'est pas toujours 
chose facile, et ici, comme en bien d'autres cas, le tour de main 
et surtout l'expérience jouent un grand rôle. Il y a bien des 
manières de prendre du poisson et, comme pour les amorces, 
on peut dire que chaque pécheur a la sienne. Mais tous les 
poissons ne se laissent pas prendre de la même manière. 
Rien n'est plus malin, plus capricieux, plus astucieux qu'un 
poisson dans l'eau. Certains jours vous le verrez tourner 
autour des appâts les plus tentateurs sans jamais vouloir y 
mordre; ces jours-là, il est inutile d'insister, car rien au 
monde ne saurait le faire sortir de son mutisme. D'autres 
fois, avec une prestesse dont vous ne saurez vous défendre, 
il dérobera l'amorce ou la rejettera sans que vous ayez le 
temps de lui faire sentir la pointe de l'hameçon. En outre, 



LA VECUE A LA LIGNK 257 

étant donnée la diversité des mœurs de ce petit monde, vous 
ne pécherez point un Brochet comme une Carpe, un Goujon 
comme une Ablette! Enfin, une fois embroché au bout de 
votre ligne, le poisson n'est pas encore dans votre carnicr 
de pêche; c'est bien là ou jamais le cas de dire qu'il y a loin 
de la coupe aux lèvres ! Un poisson n'est réellement péché 
qu'une fois qu'il repose aux côtés du pêcheur. De là, cette 
grande diversité dans les différentes manières de prendre du 
poisson. 

Nous diviserons donc cette partie de notre travail en 
quatre chapitres. Dans le premier, nous exposerons quelques 
notions générales relatives à la pêche à la ligne; dans les 
trois autres, nous traiterons successivement les différentes 
sortes de pêche à la ligne ordinaire, la pêche avec les lignes 
de fond et enfin les pèches pratiquées à l'aide de divers en- 
gins dont la ligne est la base. 

Du temps pour la pêche. — On ne saurait pécher par 
tous les temps, et la première chose que doit faire le pêcheur 
consiste à consulter son calendrier, son baromètre et son 
thermomètre. En hiver, le poisson recherche les milieux 
profonds, où il a plus chaud qu'à la surface ; en été, il fuit 
dans les endroits ombrages pour se protéger contre les ar- 
deurs d'une température trop chaude. Suivant les saisons, 
il fraye dans tel milieu, et déjà nous nous sommes expliqué 
à cet égard suffisamment ; n'allez donc point pêcher en 
rivière des Aloses ou des Saumons, alors qu'ils naviguent en 
mer, et puis évitez de prendre le poisson aussitôt après qu'il 
a frayé, car alors il est maigre et sa chair a perdu ses 
meilleures qualités. Certaines pêches se font la nuit ; mais 
laissez ce soin aux pauvres pêcheurs de profession, ou si 
parfois l'envie vous prend de les suivre, prenez bien toutes 
précautions nécessaires pour vous garantir du froid, de l'hu- 
midité, de la malaria, etc., sinon gare les rhumatismes ou 
les fièvres! Autant la pêche de jour est agréable et même 



258 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

salutaire, autant la pèche de nuit peut présenter d'inconvé- 
nients. 

Il est inutile de se mettre en pêche par les grandes cha- 
leurs de l'été, au milieu de la journée; réservez-vous pour 
la matinée et la soirée, c'est l'heure où le poisson se met en 
chasse, tandis qu'il repose pendant les ardeurs du grand 
jour. Mais si la saison fraîchit, péchez à toute heure et plus 
encore au beau milieu du jour. Le temps se met-il à l'orage, 
laissez gronder la foudre et tomber pluie ou grêle, à ces mo- 
ments, quoi qu'on en dise, le poisson ne mord pas; mais, à 
la première éclaircie, jetez vos lignes, le poisson qui aura 
jeûné pendant l'orage n'en sera que plus avide ; après une 
pluie légère, le poisson quitte le fond pour gagner les rives 
où il trouve dans les apports limoneux de quoi se satisfaire. 
On fait de bonnes pêches après les averses, car la pluie se 
charge elle-même d'amorcer vos coups. Le ciel couvert, la 
chute d'une petite pluie fine malheureusement trop péné- 
trante pour le pêcheur, les approches d'un orage, sont de 
bons temps pour la pêche, mais choisissez toujours les en- 
droits abrités du vent. 

De la place a choisir. — Tous les endroits ne sont pas 
également propices pour la pêche ; il faut savoir choisir 
convenablement son milieu. Pour cela le pêcheur doit com- 
mencer par prendre une exacte connaissance des lieux ; 
nature des fonds, profondeur de l'eau, allure de la rivière, 
qualité des apports naturels, etc., sont autant de données 
fondamentales qui l'intéressent. Veut-il connaître la compo- 
sition du fond, il laissera descendre, au bout d'un fil emmanché 
à l'extrémité d'une canne à pêche, une sonde dont la base est 
garnie de suif; les éléments du fond s'attachent après cette 
substance, et éclairent le pêcheur sur la nature du milieu. 
Avec le même instrument il se rendra compte de la hauteur 
de l'eau, surtout s'il a eu soin de diviser son fil par des 
nœuds faits de mètre en mètre. 



LA PÊCHE A LA LIGNE 



259 



« Dans les courants rapides, dit M. de La Blanchère, fond 
de sable ou de pierre, ce qu'on nomme en certains pays jars 
ou corrées, profondeur de 50 centimètres à 1 mètre, on 
prendra : Ablettes vraies et alburnoïdes, Dards, petits Che- 
vaines, petites Truites, Ombres, Saumoneaux, tout cela à la 
surface ; au fond, Goujons et petits Barbillons. Par un cou- 
rant moyen, sur un fond de vase ou de sable vaseux, de 
i mètre à 3 m ,50 de profondeur, on prendra, à la surface, en 
été : des Chevaines ; au printemps et à l'automne, des Dards; 
et au fond, en toute saison, les Gardons, Brèmes, Carpes; 
et la nuit, des Anguilles. Au contraire, dans l'eau calme et 
tranquille, par 3 et 4 mètres d'eau, sur du sable fin ou de 
la vase, et surtout s'il y pousse des joncs et des herbes, on 
prendra, à la surface, du fretin ; entre deux eaux : la Perche et 
le Brochet; au fond, la Carpe, l'Anguille, et le soir, le Bar- 
billon aussi, car il va partout. C'est un des rares poissons 
qui ne se cantonne point, au contraire de la Carpe, de la 
Tanche et du Brochet même. A la chute des moulins, des 
écluses ou des cascades, on prendra : la Truite, l'Ombre, 
tout cela au fond; le Brochet même qui s'y plaît; le soir, 
l'Anguille qui s'y promène.» 

C'est surtout dans les eaux tranquilles et dormantes qu'il 
faut tendre ses lignes; si la rivière a un courant trop rapide, 
recherchez sur son cours les contours ou les remous, là où 
l'eau devient plus calme. Y a-t-il dans le voisinage quelque 
égout collecteur, qui vient déverser ses eaux grasses, mais 
non chargées de principes nocifs, dans le courant de la 
rivière, installez-vous au voisinage; l'odeur qui s'en dé- 
gage n'est peut-être pas très agréable pour votre odorat, 
mais elle attirera le poisson et vous évitera le choix de toute 
amorce libre. Après les grandes pluies, après les inondations, 
toutes les fois en un mot que l'eau claire et transparente vient 
à se troubler, profitez -en pour pêcher, car le poisson timide 
ne vous distinguera pas, ni vous, ni vos engins et vous le 






260 LA PÈCHE DES l'OISSONS EN EAUX DOUCES 

surprendrez plus facilement; n'est-ce point là ce que l'on 
appelle pêcher en eaux troubles? 

Suivant les milieux il faut savoir pêcher au large ou sur 
les bords. Si l'eau est basse et normalement claire sur les 
bords, envoyez votre ligne au large; dans les haïs et les 
tournants, les bords sont souvent plus profonds, péchez alors 
sur les bords. Méfiez -vous aussi de certains rivages par trop 
à pic, et dont le courant trompeur ronge les parois en 
dessous ; car c'est vous que l'on aurait à pêcher ensuite. 
Le voisinage des milieux herbeux est bon le matin avant 
midi, car le poisson, avant d'aller s'y réfugier pour y passer 
les heures trop chaudes de la journée, ne craindra pas de 
mordre avant de faire sa sieste. Enfin, lorsque vous avez 
pris soin d'amorcer une place, gardez-là toujours, et soyez 
bien certain que le poisson y reviendra. 

Du coup. — Voilà donc votre place choisie, votre station 
bien amorcée au préalable, vos engins tout disposés, le mo- 
ment est venu de jeter votre ligne, ou en termes de pêche 
d'apprêter un coup, d'amorcer un coup, de faire un coup. Le 
coup est aussi bien l'endroit où l'on pêche, que l'opération 
elle-même; on prépare son coup en amorçant avec les 
données que nous avons indiquées, dans un milieu bien 
choisi; on fait un coup, en jetant dans ce milieu une ligne 
bien eschée, convenablement agencée, et l'on attend avec la 
plus grande dose de patience possible que sa majesté poisson 
daigne faire attention à votre amorce et veuille bien en goûter. 
A ce moment veillez votre flotte, car bien entendu nous 
supposons que vous péchez avec une ligne flottante, voici la 
bataille qui commence, votre ennemi attaque. 

De l'attaque. — Chacun attaque à sa manière ; chez les 
poissons comme chez les hommes, il y a les braves et les 
lâches, les vigoureux et les mous. Souvent aussi le poisson 
déjà repu joue avec l'amorce, la pousse du bout de son 
museau, la déplace avec sa queue, passe son ventre dessus; 




LA PECHE A LA LIGNE 261 

la ligne suit ses mouvements, la flotte se déplace, s'agite, 
mais le poisson ne mord pas ; ce sont lu fausses attaques. 
Puis, si vous avez de grosses amorces, ce sont de petits 
poissons voraces qui se jettent en bande dessus, tâchant 
d'arracher quelques menues bribes pour leur petit festin; la 
flotte tremblotte, la ligne bouge encore ; mais cette fois le 
vrai poisson ne mord pas. Suivant qu'il a plus ou moins 
faim et surtout suivant qu'il est plus ou moins vorace, le , 
poisson mordra, attaquera avec plus de prestesse. Avec un 
peu d'habitude, vous finirez bientôt par connaître à quel 
poisson vous avez affaire, en étudiant la manière dont il s'y 
prend pour attaquer votre amorce. 

Cette attaque ou touche varie également suivant le temps 
et suivant les saisons. Lorsqu'il a frayé, le poisson touche 
bien plus vigoureusement qu'avant; en partie épuisé, il a 
grand besoin de se refaire et devient plus glouton. La Perche 
et le Brochet attaquent plus vigoureusement par la pluie 
que par le beau temps; la Carpe, la Tanche, le Carassin 
aiment souvent à jouer avec l'amorce; le Larbeau fond sur 
sa proie ; le Chevaine, la Vandoise ont le toucher plus 
délicat. Nous reviendrons plus loin avec tous les détails 
nécessaires sur la manière d'attaquer de nos principaux 
poissons d'eau douce. 

De la manière de ferrer. — Enfin le poisson a mordu ; 
le pêcheur a vu la flotte disparaître ; il a senti dans sa ligne 
un léger tressaillement, alors le pêcheur doit ferrer son 
poisson, c'est-à-dire faire entrer dans ses lèvres le fer de 
l'hameçon de manière à ce qu'il reste suspendu au bout de 
la ligne. En théorie, rien de plus simple : la canne étant 
tenue à la main, les doigts fermés en dessus, par un léger 
mouvement du poignet donné un peu obliquement de manière 
à ramener la main vers le corps, il fait entrer la pointe de 
l'hameçon dans les parois de la bouche du poisson, le plus 
souvent au-dessus de la lèvre supérieure. Si le pêcheur 

15. 



262 



LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



maladroit manque son coup, le poisson dégorge l'amorce et 
son hameçon, s'enfuit bien vite, quitte à se faire reprendre le 
lendemain. Mais les pêcheurs adroits, à la manière dont l'at- 
taque a été faite, savent d'avance comment ils doivent ferrer. 

Capture du poisson. — Le poisson a mordu, vous l'avez 
adroitement ferré, et pourtant vous ne le tenez pas encore. 
Il va essayer de lutter avec vous, et peut-être ne serez- 
' vous ni le plus fort, ni le plus adroit. Suivant sa nature, il 
vous faudra user de toutes sortes d'artifices pour le sortir de 
son élément et l'amener dans votre filoche. Est-il tenace et 
vorace comme l'Anguille ? il vous suffira de le faire sauter 
brusquement hors de l'eau encore attaché par ses dents à sa 
proie vivante, avant même que vous l'ayez ferré. S'il est 
trop gros, sa sortie hors de l'eau brisera infailliblement 
votre canne, et le poisson s'en ira dans l'eau emportant 
avec lui une partie de votre attirail. Tantôt il se tient 
calme et semble faire le mort pour rebondir aussitôt au 
moindre mouvement que vous faites. Tantôt au contraire à 
peine se sent-il pris qu'il s'agite et se démène jusqu'à ce 
qu'il tombe épuisé. 

Le plus souvent, lorsque le poisson atteint un certain 
poids, on le prend à l'aide de l'épuisette; faisant passer la 
canne de la main droite dans la main gauche, on passe déli- 
catement au-dessous de lui l'épuisette, en la tenant de la 
main droite; alors une fois au-dessus du filet, vous amenez 
le tout et cette fois le poisson est bien pris. Si votre canne 
porte un moulinet, avant de jouer de l'épuisette, donnez du 
fil, jusqu'à ce que le poisson s'épuise; avant peu, tout en 
restant dans son milieu, vous l'aurez noyé, en faisant de 
temps en temps sortir sa tête hors de l'eau. 



Voici, pour terminer, quelques indications spéciales sur la 
manière dont se comportent les principaux poissons de nos 
cours d'eau, et comment le pêcheur doit agir avec eux. 



LA PECHE A LA LIGNE 263 

Ablette. — Attaque prudemment, par petits coups, mord 
à toute heure, saisit souvent l'amorce dès qu'elle tombe à 
l'eau, dévore parfois adroitement l'amorce sans que la flotte 
se soit sérieusement déplacée; ferrer vivement, d'un coup 
sec, mais sans se presser. 

Anguille. — Mord plus volontiers la nuit que le jour, 
tourne autour de l'amorce, s'en amuse, l'entraîne parfois 
fort loin, mais quand elle a mordu, elle ne lâche plus sa 
proie; ferrer fort et sortir aussitôt le poisson hors de l'eau 
en le jetant loin dans l'herbe. 

Barbeau. — Mord franchement, donne un ou deux coups 
d'attaque et avale gloutonnement le ver; doit être ferré très 
vigoureusement, car il a la bouche très dure; lorsqu'il est 
gros, une fois pris, il s'arrête parfois brusquement au 
fond de l'eau comme si la ligne était accrochée ; il est 
difficile à ramener à la surface et a besoin d'être noyé avant 
de passer à l'épuisette ; le Barbillon a la bouche plus tendre 
et se défend moins. 

Brème. — Joue avec l'amorce, aime à taquiner, soulève 
la plume et donne ce que l'on nomme un coup de recharge ; 
c'est au moment où la plume se redresse qu'il convient de 
ferrer assez fort et d'un coup sec. Les petites Brèmes atta- 
quent plus hardiment; on les ferre au plonger. 

Brochet. — Attaque avec franchise, mais met un certain 
temps pour étouffer sa proie ; il ne faut donc pas se presser 
de ferrer, car il ne manquerait pas de la déglutir; mais quand 
il a bien entraîné, ferrez fort et vite, un peu de côté; avec 
les amorces artificielles, ferrez plus tôt. 

Carpe. — S'amuse longtemps avec l'amorce, chipotte 
comme dit le pêcheur; tant que la flotte ne fait que de petits 
mouvements, attendez patiemment, l'amorce n'est pas encore 
dans la bouche ; mais tout à coup ouvrant plus largement la 
bouche elle avale l'appât, tire brusquement sur la ligne, fait 
plonger de droite ou de gauche le bouchon et parfois s'en- 






264 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

ferre elle-même; avec les esches farineuses, l'attaque est 
plus prompte; il faut toujours ferrer solidement, et se méfier 
de la défense qui est souvent bien longue, mais presque con- 
tinue. 

Chabot. — Mord vite et très délicatement; il faut ferrer 
nettement avec une certaine prestesse. Son attaque ressem- 
ble à celle du Gardon ; se défend peu. 

Chevaine. — Mord très franchement, presque gloutonne- 
ment, et entraine vite et loin s'il est un peu gros ; ferrer un 
peu fort, sans trop se presser, mais combattre parfois long- 
temps; si l'on pêche au sang, ferrer plus vite et de côté. 

Èperlan. — Se comporte comme l'Ablette, saute sur 
l'amorce dès qu'elle tombe à l'eau ; ferrer vivement, mais 
pas trop fort. 

Épinoche. — Très gloutonne, attaque vivement et so 
laisse ferrer avec facilité. 

Gardon. — Mord vite, mais touche à peine; il faut ferrer 
à la première attaquent pas trop fortement, car il a la bouche 
tendre ; se manque facilement, mais revient volontiers à la 
charge. 

Goujon. — Attaque avec autant de persistance que de 
persévérance, donc inutile de se presser pour ferrer ; laisser 
traîner un peu la flotte avant de ferrer sec et pas trop fort ; 
souvent l'hameçon, s'il est petit, s'accroche fort loin dans la 
gorge. 

Lotte. — Attaque comme l'Anguille et se comporte à peu 
près de la même manière ; il faut toujours ferrer fort et se 
méfier de la défense qui peut être très longue. 

Ombre. — Mord franchement son amorce, et avec une 
certaine rapidité ; si elle manque son coup s'enfuit rapide- 
ment pour ne plus revenir; il faut ferrer très vite et très net 
à la première attaque qui est toujours brusque; c'est une 
question de dextérité entre le poisson et le pêcheur. 

Perche, — Fond avec voracité sur l'amorce et l'entraîne 






LA PECHE A I.A LIGNE 



205 



de suite; il faut ferrer sec, mais sans se presser, car l'hame- 
çon s'engage de lui-même et souvent fort avant dans la bou- 
che; une fois prise, la Perche même grosse se défend très 
peu. 

Plie. — Commence à s'amuser avec les amorces, puis 
attaque souvent brusquement par un ou deux coups bien 
nets; une fois l'amorce avalée, le poisson s'enferre de lui- 
même et ne se défend plus. 

Rotenyle. — Attaque mieux au fond qu'à la surface; il 
est toujours prudent de ferrer vite et un peu fort, surtout si 
le poisson est gros et fait une attaque brusque. 

Saumon. — S'élance souvent hors de l'eau pour attaquer, 
bondit vigoureusement sur l'esche ; ferrer rapidement et très 
vigoureusement, s'attendre à une longue défense ; donner du 
fil et au besoin laisser le poisson jusqu'à ce qu'il s'épuise. 

Tanche. — Se comporte comme la Carpe et attaque en- 
core moins franchement ; ferrer sans trop se presser si l'on 
pêche aux farineux; ferrer plus vite avec les vers; défense 
forte, mais pas très longue. 

Truite. — Attaque ordinairement avec une grande brus- 
querie, du premier coup; ferrer de suite sans trop forcer; se 
défend d'abord vigoureusement, mais se laisse noyer très 
rapidement. 

Vandoise. — Se jette sur l'amorce, la saisit et s'enfuit 
avec elle ; ferrer très vite, mais en ménageant la bouche; se 
défend bien et longtemps lorsqu'elle est un peu grosse. 



Vairon. 
se presser. 



Se comporte comme le Goujon; ferrer sans 



PÈCHES A LA LIGNE ORDINAIRE 



On peut pêcher à la ligne de différentes manières. Ces 
lignes peuvent être flottantes, volantes ou dormantes; de là 
trois subdivisions toutes naturelles. En outre, lus lignes flot • 



fl 



266 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

tantes peuvent être courtes, longues, à la volée, avec ou sans 
cannes; nous aurons donc à examiner les différentes sortes 
de pêches que l'on peut effectuer avec ces engins. 

LIGNES FLOTTANTES COURTES 

Pêche au coup. — C'est la classique pêche ordinaire, 
avec une ligne portant une flotte quelconque qui s'enfonce au 
moment de l'attaque du poisson et qui indique l'instant où le 
pjcheur doit ferrer son poisson. On amorce son coup, et le 
pêcheur qui a convenablement choisi sa place y reste, sans 
qu'il lui soit nécessaire d'avoir à se déplacer. Prend-on des 
Carpes, des Tanches, des Barbeaux, etc., c'est le coup ordi- 
naire; se contente-t-on de petits poissons, Goujons, Chabots, 
Vairons, c'est la pêche au petit coup. Nous n'avons pas à 
nous étendre davantage sur ce sujet que nous avons suffisam- 
ment exposé dans le chapitre qui précède. 

Pêche au vif. — Pêcher au vif, c'est faire usage comme 
esche de petits poissons vivants, ou à défaut de petites gre- 
nouilles. C'est la pêche des poissons carnassiers et chasseurs. 




Fig. 143. — Manière d'escher pour la pêche au vif. 



Cette pêche se fait en toutes saisons, mais plus volontiers 
l'été. On choisit de préférence les endroits où l'eau est en mou- 
vement, où le courant est plus rapide, le voisinage des bar- 
rages on des chutes, les alentours des piles de pont, etc. 



I LA PECHE A LA LIGNE 9(V7 

Comme il s'agit en général de gros poissons, la ligne dont 
on fera usage doit être forte, l'hameçon n° 4 ou 5 monté sur 
un boyau de ver à soie; il faut avoir soin de ne pas trop 
plomber, pour ne pas fatiguer inutilement le petit poisson. 
Celui-ci est amorcé comme nous l'avons expliqué précé- 
demment, autant que possible de manière à ce que la tête 
soit libre et en avant (fig. 143). Comme chaque poisson a ses 
préférences marquées, voici à cet égard quelques indications 
pratiques pour les amorces à employer : 

Anguille. — Amorcez avec : Chabot, petit Barbillon, 
Vairon, Loche, Lamprillon, grenouille, sangsue. 

Barbeau. — Bouvière, Vairon, Ablette, Épinoche sans 
épines. 

Brochet. — Loche, Vairon, Ablette, Épinoche sans épines, 
petits Gardons, petite Vandoise, Ide, petit Chevaine, petite 
Brème, gros Goujon, petite Carpe, Gremille, Chabot, et en 
général tous les petits poissons ; petite grenouille, sang- 
sue, etc. 

Chevaine. — Pour les gros seulement : Bouvière, Ide, 
Chabot, Gardon, Vairon, Loche. 

Lotte. — Lamprillon, Vairon, Chabot, gros Goujon. 

Perche. — Chabot, Vairon, Bouvière, Goujon, petit Che- 
vaine, petite Vandoise, Gardon, Ablette, Epinoche sans épines, 
Loche, grenouille, sangsue. 

Truite. — Chabot, Goujon, petit Chevaine, Vairon, 
Loche, Lamprillon, grenouille, sangsue. 



LIGNES FLOTTANTES LONGUES 

Pêche a fouetter. — La pêche à fouetter, lorsqu'elle est 
bien pratiquée est une des plus productives; elle permet de 
prendre, suivant l'outillage, du petit ou du gros poisson. Pour 
les petits poissons, on se sert d'une ligne de 5 à 7 mètres 
de longueur; le haut est fait en six brins de crin, et elle se 



2G8 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

termine par un nombre de crins allant en diminuant; cette 
ligne ne porte ni flotte, ni plomb; on la garnit de cinq ou six 
hameçons attachés sur un fil court, à 25 centimètres les uns 
des autres et placés en quinquonce. On monte cette ligne sur 
une canne légère, flexible, de 5 à 6 mètres de longueur. 

Avant de pêcher il importe de bien choisir sa place ; une 
petite lagune de sable ou de gravier formant dans l'eau un 
petit cap, à son défaut une barque placée dans le sens perpen- 
diculaire à la rive, le tout dans un courant un peu vif, mais 
non trop rapide, telles sont les meilleures stations; d'autres 
préfèrent gagner le milieu même de la rivière et y amarrent 
solidement le bateau avec une bonne pierre aux deux extré- 
mités; c'est encore mieux. Gela fait, on amorce avec des 
boulettes de glaise remplies d'asticots, et tandis que le pois- 
son commence à venir, on esche ses hameçons avec d'autres 
asticots. Ainsi préparé, le pêcheur jette sa ligne à l'eau, dans 
le sens du courant, de façon à ce que l'extrémité de la canne 
repose sur l'eau; la ligne et la canne sont ainsi dans une di- 
rection presque en ligne droite; alors le pêcheur ramène 
brusquement son bras en arrière de façon à donner une lé • 
gère secousse à tout l'ensemble, puis il laisse aller ; le bras 
étant toujours tombant, la ligne reposant sur l'eau, il n'éprouve 
aucune fatigue ; à chaque secousse il laisse un léger temps 
d'arrêt pendant lequel il sent aux tressaillements de la canne 
si un poisson est pris à quelque distance que ce soit. 

En commençant il est bon de continuer pendant un certain 
temps à amorcer; on jette soit des asticots, soit des crottins 
de cheval, mais de manière à ce qu'une fois à l'eau ils aillent 
tomber dans le voisinage des amorces et non sous le bateau ; 
il faut donc tenir compte et de la force du courant et de la 
longueur de la ligne et de la canne. Il convient également de 
jeter toujours dans la même direction que celle adoptée par 
la ligne, car le poisson rencontrant plus ou moins loin ce 
filon nutritif, ne manque pas de le suivre et remonte ainsi 



LA PÈCHE A LA LIGNE 269 

jusqu'aux hameçons où il se fait prendre. Lorsque le poisson 
est pris, on le décroche, et l'on rejette la ligne toujours dans 
la même direction, avec une amorce similaire. 

Pêche a rouler. — Lorsque, pendant quelque temps, 
vous avez pêche à fouetter, il est bon de changer de ligne et 
de pécher à rouler, c'est-à-dire de passer du menu fretin au 
gros poisson. Si votre pèche à fouetter a réussi, vous avez 
déterminé un appel de petits poissons sur un point donné de 
la rivière; c'est alors que le gros poisson ne tardera pas à 
son tour à venir leur faire la chasse. Prenez alors une ligne 
plus forte de 12 à 15 mètres de long, emmanchée au bout d'un 
jonc de 4 à 5mètres; fixez-y un seul hameçon que vous es- 
chez au vif avec un des petits poissons que vous venez de 
prendre, et fouettez la rivière comme précédemment, mais 
avec un peu plus de lenteur, en donnant des mouvements un 
peu plus allongés, mais aussi secs, aussi brusques à la fin de 
leur course; en un mot, imitez le mouvement du poisson; 
vous pouvez prendre ainsi les gros poissons de surface, Che- 
vaine, Dard, Vandoise, et quelques Brochets ou Barbeaux en 
chasse. N'avez-vous pas de petits poissons? eschez alors 
votre ligne avec du fromage. 

Si vous avez ferré sur un poisson un peu fort, tâchez de le 
fatiguer en remontant lentement la canne ou mieux en la 
ramenant à vous, mais sans brusquer, de manière à rendre 
un peu la main, car le poisson n'aime pas à remonter le cou- 
rant; amenez-le lentement, toujours dans l'eau, jusqu'aux 
côtés de la barque pour le cueillir ensuite à l'épuisette. Si le 
poisson est trop gros, ne cherchez pas à lui résister, mais 
faites usage du moulinet, et surtout du moulinet libre, et 
donnez-lui de la ligne autant qu'il en demande; il s'épuisera 
bientôt, et vous l'aurez plus sûrement qu'en cherchant à lui 
tenir tête. 

Pêche au passer. — Dans les deux pèches précédentes, 
nous ne nous attaquions qu'au poisson de surface ; voici une 



270 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

pêche à ligne longue qui va nous permettre de prendre le 
poisson de fond. C'est la pêche employée dans les chutes ra- 
pides, les cascades, les remous, au voisinage des moulins, 
des déversoirs, des chutes des barrages, etc., pour aller y 
chercher la Truite, le Saumon, la Perche ou le Brochet. 
C'est non seulement une pêche au vif, mais toutes les esches 
dénature animale, vivantes ou mortes, telles que hannetons, 
sauterelles, grillons, papillons, tripes de volailles, viande 
crue ou cuite, etc., peuvent être avantageusement utilisées, 
à la condition qu'elles soient eschées bien solidement. 

La ligne, dont la longueur est proportionnée à la hauteur 
ou mieux à la profondeur que l'on se propose d'atteindre, 
doit nécessairement être forte et résistante ; la canne, longue 
et solide, munie d'un bon moulinet. On arme sa ligne avec 
un fort hameçon, ou mieux avec un grapin ; si l'on esche avec 
un poisson vif, il est bon d'y ajouter un plomb un peu pe- 
sant que l'on aura d'abord enfilé librement dans l'empile de 
florence. 

On jette la ligne en haut du courant, puis, laissant la canne 
à fleur d'eau, on la tire en descendant plus ou moins rapide- 
ment suivant la force de l'eau. On fait ainsi descendre l'ap- 
pât entre deux eaux. Il est bon, après cette manœuvre, de 
faire revenir la ligne en remontant le flot, pour y faire 
sautiller l'amorce ou le poisson. 

« Les bouillons d'eau, dit La Blanchère, qui tombent sur la 
ligne ont bientôt mis à mort le petit poisson employé, mais 
. au moyen des émerillons qui portent le fil, car il lui en faut 
au moins un, on produit en tirant la ligne dans l'eau une ro- 
tation rapide du poisson qui parait plus vif que jamais. 
Quand la chute d'eau est très dure il faut, avec l'aide d'un 
grapin ou d'un simple hameçon, monter le petit poisson sur 
un tue -diable, se servir du tue-diable artificiel ou de la 
cuiller : tout dépend des eaux et du poisson que l'on chasse. » 



LA PECHE A LA LIGNE 
I 
LIGNES FLOTTANTES A LA VOLÉE 



271 



Pêche au lancer. — Ici, plus l'eau est vive et courante, 
meilleure est la pèche; choisissez comme place une station 
dominant le cours d'eau, une digue, un pont, un terre-plein 
■ assez haut. Munissez-vous d'une canne de 3 à 4 mètres de long, 
légère, mais surtout aussi flexible que possible, armée de son 
moulinet, portant 50 à 60 mètres de fil. La ligne sera com- 
posée de deux parties : l'une en cordonnet de soie ou de lin 
léger, susceptible d'être déplacée par le moindre vent ; l'autre 
faite de florence tordue en trois, puis en deux, puis simple; 
le tout, suivant la hauteur de laquelle on pèche, au dessus de 
l'eau pourra mesurer de 6 à 10 mètres de longueur; par pru- 
dence, pour ne pas effrayer le timide poisson, il est bon do 
teindre le tout en vert-d'eau. Eschez votre ligne avec des 
insectes naturels ou artificiels et préparez -vous à prendre 
quelques belles pièces. 

Dans cette pèche il est inutile d'amorcer à l'avance; votre 
amorce entraînée par le courant irait trop loin. Mais si, 
comme nous le conseillons, on a deux lignes sous la main, 
l'une légère, l'autre plus forte, avec la ligne légère eschéeà la 
mouche naturelle on attirera d'abord le petit poisson, et lors- 
qu'il aura mordu, ce sera le moment d'abandonner la petite 
ligne pour faire usage de la grosse, car il y a toutes chances 
pour que le gros poisson suive de près le menu fretin. At- 
tendez le moment où le soleil commence à baisser; c'est 
l'heure où le poisson se met en chasse plus volontiers pour 
le repas du soir; c'est l'instant où les insectes ont déjà le 
vol plus lourd et rasent la surface de l'eau; il n'est pas rare 
alors de voir bondir hors de leur élément quelques Truites 
ou Saumons, happant au passage la libellule ou le papillon 
qui voltige. 

Jetez votre ligne sans mouvement brusque, la rapidité du 



■ 



272 



LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



courant se charge de la mettre en position ; dès qu'elle pose 
sur l'eau, le poisson accourt; donnez -lui, avec le poignet, 
quelques légères secousses d'avant en arrière, pour simuler 
les mouvements de l'insecte. Si vous péchez au petit poisson, 
rien de plus facile que de le ramener à vous une fois qu'il 
est pris. Mais avez -vous eu la chance de ferrer une "Truite 
ou un Saumon, faites aussitôt manœuvrer le moulinet, et dé- 
fendez vous contre votre victime du mieux que vous pour- 
rez, car vous le savez maintenant la lutte sera longue, mais 
aussi quelle victoire! 

Pêche a la mouche artificielle. — Dans cette même 
pêche au lancer, vous pouvez substituer à la mouche natu- 
relle ou aux petits insectes, toutes les mouches artificielles 
que vous possédez dans votre arsenal de pêche. Mais à quelle 
mouche donner la préférence? Le poisson a-t-il une prédi- 
lection pour telle ou telle nuance d'insecte ? nous ne le 
croyons pas. Si la rivière a une eau claire et transparente, 
choisissez des couleurs un peu vives et chaudes, qu'il est bon 
de varier de temps en temps; mais si votre eau, comme celle 
de la Seine en aval de Paris ou comme celle de la Marne, 
sont dénuées de toute limpidité, la mouche de couleur som- 
bre devra seule vous servir. Mais plus encore que la cou- 
leur, variez surtout la forme de la mouche, car le poisson à 
ses heures est parfois singulièrement capricieux ; c'est le cas 
de mettre à contribution le génie inventif des fabricants de 
mouches artificielles. En somme rien n'est plus varié que ce 
monde des insectes naturels, essayez donc de l'imiter avec 
vos engins artificiels. La seule recommandation que nous 
ferons c'est de tâcher que le dard de l'hameçon une fois à 
l'eau soit en dessous; il se dissimule mieux, et vous ferrerez 
plus facilement avec votre canne légère. 

Pêche a la surprise. — Cette pêche, que nous appelle- 
rions plus volontiers encore pêche à la promenade, se fait en 
marchant. Votre canne ne mesure pas moins de 6 à 7 mètres 



LA PECHE A I.A LIGNE 



273 



de long, et est faite en bois aussi léger que possible pour ne 
point vous fatiguer inutilement; la pointe surtout en est 
flexible ; la ligne, à peu près d'égale longueur, est montée sur 
un moulinet portant de 15 à 20 mètres de bonne soie fine et 
se termine par 1 à 2 mètres de florence au bout de laquelle 
pend un hameçon pas très gros sur lequel vous aurez délica- 
tement embroché une sauterelle, une mouche, un papillon 
blanc, ou n'importe quel autre petit insecte. Gela fait, suivez 
les bords de la rivière, de manière à remonter le courant, et 
priez le ciel qu'il vous donne un vent favorable, assez léger 
pour chasser en avant la mouche ou l'insecte qui pend au bout 
de votre ligne; attendez le moment où le soleil ne fait pas 
trop briller votre florence, ou tout au moins qu'il ne l'éclairé 
que par derrière. 

Maintenant, avancez lentement, sans le moindre bruit, vous 
dissimulant de votre mieux derrière les haies et les buissons, 
vous masquant d'un tronc d'arbre, tâchez de surprendre un 
poisson qui remonte le courant; alors faite sautiller votre 
amorce, avec autant d'adresse que de délicatesse, à quelques 
centimètres du fil de l'eau, et en le tenant un peu en arrière ; 
le poisson, à sa vue, se retourne et d'un bond saisit l'amorce ; 
ferrez très ferme, d'un coup sec et brusque, de façon à en- 
lever en même temps le poisson; vous prendrez ainsi tous 
les poissons de surface, Vandoises, Chevaines, Dards, et même 
souvent des Truites. Ne voyez-vous du fond de votre cachette 
aucun poisson qui en vaille la peine, faites néanmoins sautil- 
ler votre amorce, la petite blanchaille viendra toujours pour 
la capter; elle tentera d'y mordre; mais ne la lui laissez pas 
prendre, car il y a grande chance pour qu'elle attire par ses 
ébats quelque poisson plus gros auquel vous réserverez votre 
amorce. Ne vient-il rien, reprenez votre promenade le long 
de la rivière jusqu'au buisson voisin. 

Pêche a la grande volée. — Gomme l'a si judicieuse- 
ment fait observer M. de La Blanchère, la pèche à la grande 



274 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX. DOUCES 

volée est plutôt une chasse au poisson qu'une pêche à la 
ligne, dans l'acception ordinaire du mot. Si l'on reproche à 
l'araignée de filer sa toile entre le bras et le corps du 
pêcheur à la ligne de fond, jamais elle ne se permettra 
semblable incongruité avec le pêcheur à la grande vo- 
lée. Cette pêche va nous permettre d'atteindre le poisson 
dans ses plus lointaines retraites. En été, surtout s'il est 
gros, il aime à se retirer loin des bords où l'eau n'a que 
peu de profondeur ; il gagne le fil du grand courant, le 
milieu du fleuve ou de la rivière; s'il est de taille moyenne 
il fera son séjour dans les haïs ou les remous ; suivant son 
espèce il se cachera dans les crônes, dans les trous de dra- 
gues, dans les anfractuosités de la grève. C'est là que nous 
allons essayer de l'atteindre. 

Mais cette pêche ne peut s'exécuter que dans les cours 
d'eau dont les berges sont élevées et praticables, non plan- 
tées d'arbres, bordées tout au plus de buissons peu élevés. Rien 
ne vaut les chemins de halage ménagés sur l'une des rives 
de nos cours d'eau navigables; là, surtout si le courant est 
un peu rapide, le pêcheur peut opérer tout à son aise, avec 
pleines chances de succès. En eau morte, il ne fera rien qui 
vaille. 

Suivons les bons conseils de notre auteur : « Il faut se 
munir d'une canne de 5, 6 ou 7 mètres de longueur, et la 
mesurer non sur la grandeur de ses désirs, mais sur la force 
de ses deux bras, car une canne de 7 mètres est une assez 
forte charge à manœuvrer au soleil, pendant plusieurs 
heures, sans repos ni arrêt. L'avancée ne dépassera la lon- 
gueur de la canne que de 50 à 60 centimètres environ ; elle 
sera faite eir queue de rat et en crin solidement cordé; elle 
n'aura pas moins de six crins au plus petit bout, et pourra en 
avoir vingt-quatre au plus gros; elle sera attachée par une 
demi- clef à cet endroit, à la soie du moulinet, passé jusqu'au 
delà du dernier anneau du scion. Si le pêcheur domine l'eau à 






LA PÈCHE A LA LIGNE 275 

grande hauteur, ce qui est une condition du succès, s'il pêche 
du haut d'une levée ou d'un parapet, il pourra alors donner 
10 à 12 mètres à la partie en queue de rat de sa ligne, et, 
par conséquent, atteindre beaucoup plus loin dans la rivière. 
Reste à escher une pareille ligne : le pêcheur commencera 
par attacher à l'avancée ci-dessus un hameçon limerick 



courbe à palette n° 



monté sur une courte et solide flo- 



rence bien choisie. A cet hameçon on mettra un hanneton. 
Si cet insecte est passé, on cherchera celui des blés, plus 
petit et poussiéreux. Quand celui-ci fera défaut, on prendra 
une grosso sauterelle verte des prairies, à laquelle on arra- 
chera les grandes pattes avec lesquelles elle exécute des 
sauts énormes. Si vous ne trouvez pas de sauterelles, prenez 
le criquet dont les ailes inférieures bleu de ciel vous 
surprennent tout à coup quand vous marchez dans les pâtis 
secs ou les bruyères. Cet insecte sauteur comme la saute- 
relle est gris terne. Si toutes ces ressources vous manquent, 
ils vous reste la meilleure esche de toutes, le grillon. 

On peut pêcher sans flotte aucune ou avec plusieurs flottes. 
Dans la première méthode, il faudra commencer par rouler 
largement l'avancée en queue de rat sur elle-même, pen- 
dante dans la main, devant soi et la jeter à l'eau, où on la 
laissera se déployer et s'imbiber parfaitement; ce sera sou- 
vent l'allaire d'un bon quart d'heure. 

La ligne étant à l'eau, on laisse un peu suivre avec la 
canne pour bien l'étendre dans le courant, puis, la relevant 
doucement jusqu'à ce que l'hameçon sorte de l'eau à peine, on 
la fait sauter d'un coup de poignet, en arrière du pêcheur, où 
elle demeure un moment en l'air, étendue de toute sa lon- 
gueur. C'est à ce moment que, par un second mouvement du 
poignet inverse du premier, le pêcheur lance sa ligne en 
avant de toute sa longueur ; c'est alors qu'elle doit s'étendre 
et gagner aussi loin que possible dans la largeur de la ri- 
vière. Quand l'esche, portée par l'hameçon, est arrivée ainsi 



276 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

au point le plus éloigné possible, elle doit tomber légèrement 
sur l'eau, et y demeurer sans brusquerie, soutenue par le 
mouvement du pêcheur. Lorsque l'appât est sur l'eau, on le 
laisse aller au courant, en relevant doucement et également 
la canne à mesure que la ligne s'éloigne, de manière à con- 
server une bannière sensiblement égale. C'est sur cette ban- 
nière que le pécheur a l'œil. S'il s'aperçoit qu'elle file, il 
ferre vite et fort, car c'est un poisson qui fuit avec l'esche. 
Lorsque la bannière a atteint toute sa longueur au courant, 
sans qu'aucune attaque ait eu lieu, la ligne se rapproche tout 
naturellement du bord; on la laisse accomplir ce mouve- 
ment, et quand elle y est arrivée, un coup de poignet l'en- 
lève, et un autre la relance en avant. 

Avec plusieurs flottes, l'avancée peut avoir une beau- 
coup plus grande longueur, puisqu'on lui donne jusqu'à deux 
fois et demie la longueur de la canne, qui a environ six à 
sept mètres, et qui peut en avoir beaucoup plus, entre les 
mains d'un pêcheur vigoureux. L'avancée sera faite comme 
celle ci-dessus décrite, en queue de rat, lui donnant une 
grande force par le haut, et au moins six à neuf crins par 
le bas. La partie qui touche à l'eau le plus souvent, et qui 
a besoin d'être mince pour ne pas faire de bruit, sera com- 
posée de deux racines bien cordées et terminée par une 
avancée en un seul brin très fort et très rond, car avec une 
telle ligne on n'attaque que les poissons d'une taille respec- 
table. Il est donc nécessaire d'être armé pour la lutte. 

L'hameçon ne devant pas descendre à de grandes profon- 
deurs, mais, au contraire, se tenir tout près de la surface, 
on ne chargera la ligne de plomb que très modérément et 
seulement quand on se servira d'appâts assez légers et assez 
volumineux pour que ce contre-poids soit nécessaire afin de 
les maintenir complètement immergés à quelques centimètres 
de profondeur. Pour terminer, il faut garnir le fil d'assez 
de flottes pour qu'il demeure à la surface de l'eau, ce que 



LA PÈCHE A LA LIGNE 277 

l'on obtient en y posant trois, quatre ou cinq flottes, quel- 
quefois jusqu'à six, placées à m 50, 1 mètre même l'une de 
l'autre. La première qui supporte l'hameçon, le plomb et 
l'appât, est la plus grosse, sans cependant cesser d'être aussi 
petite que possible; les autres diminuant progressivement de 
grosseur, puisqu'elles n'ont à porter que le poids de la ligne, 
et la dernière est une petite boule de liège. 

L'hameçon est esche, à la manière ordinaire, d'un grillon, 
comme dans la première méthode, puis le pêcheur saisit la 
gaule à deux mains et lance la ligne sur l'eau aussi loin qu'il 
peut atteindre; le courant alors l'entraîne; elle flotte dou- 
cement, ce que le pêcheur aide en suivant le courant avec 
attention. Il faut avoir l'œil sur la flotte la plus proche, la 
seule que l'on puisse voir ordinairement. Si le Chevaine 
s'élance sur le grillon, il entraîne le tout, et il faut ferrer 
vigoureusement sans rien craindre; le poisson a la force de 
porter le coup, et il faut assurer avant tout la capture. » 

La pêche à la volée est permise dans tous les fleuves et les 
rivières navigables, sans aucune permission particulière, tant 
qu'on esche d'un insecte, d'un fruit, etc. ; mais elle est sou- 
mise à une licence, quand on amorce d'un poisson vif. 



LIGNES FLOTTANTES SANS CANNE 

Pêche au doigt. — Dans certaines circonstances, le 
pécheur peut éviter l'emploi de la canne et pêcher simple- 
ment avec la ligne soutenue sur le doigt ; cette pêche n'est 
guère possible que du haut d'un pont, ou bien encore au- 
dessus d'un barrage ; la ligne est tantôt verticale, tantôt 
volante; on opère ainsi pour le gros poisson; pour remplacer 
le moulinet, on a soin d'enrouler suivant un cercle une cer- 
taine longueur de la ligne qui se déroulera à la demande, en 
glissant successivement d'une main dans l'autre. Si l'on 
pêche à la volée, comme il n'est pas trop possible de jeter la 

Locarb, La Pêche. 16 



278 LA PÊCHE DES TOISSONS EN eaux douces 

ligne, on se contente de la laisser courir dans le fil du cou- 
rant, après l'avoir convenablement lestée avec du liège. 

Pêche a soutenir. — Cette pèche peut se faire soit avec 
une canne, soit avec un petit manche, soit avec la main sans 
aucun outil. C'est une sorte de pêche de fond. Au bout d'une 
ligne solide, un fil do soie ou do lin bien dévrillé, peint et 
verni, on installe une avancée de un à deux mètres de fort 
florence au bout duquel on met un hameçon. Sur la florence, 
à m ,80 ou 1"', 20 de l'hameçon, on a disposé un gros plomb 
en olive, assez gros pour pouvoir à lui seul contrebalancer le 
poids delà ligne; si c'est nécessaire, le poids s'obtiendra par 
l'adjonction d'un plus grand nombre de plombs. L'hameçon 
étant esche d'un gros ver, de tripes de volailles ou de fro- 
mage de gruyère, on enroule toute la ligne suivant un cercle 
de m , 50 de diamètre environ que l'on tient de la main 
gauche, tandis que de la droite on prend l'extrémité de la 
ligne, au voisinage du plomb ; faisant tourner cette extré- 
mité, au-dessus de la tête on la lance sur l'eau à la manière 
d'un lazzo, en ayant bien soin de retenir l'autre extrémité 
dans la main, mais de manière à ne point empêcher le dérou- 
lement de la ligne. 

La ligne étant à l'eau, le plomb l'entraîne au fond; on la 
soutient avec le doigt, et si un gros poisson mord, avec un 
peu d'habitude, on sent très bien le mouvement imprimé; on 
ferre alors, et l'on ramène. Cette pêche se fait surtout à la 
tombée de la nuit, du haut d'un pont, au voisinage des ar- 
ches; elle est bonne, suivant la nature de l'esche, pour 
les gros poissons, Barbeaux, Anguilles, Chevaines, Lottes, 
Brèmes, Carpes, etc. 



LIGNES DORMANTES 

Pèche au piquet. — La pêche au piquet n'est autre 
chose qu'une pêche à la ligne dans laquelle la canne repose à 



LA PÈCHE A LA LIGNE 



279 



la fois sur le sol et sur un piquet. Elle se fait dans des eaux 
calmes, bien tranquilles, et peut durer aussi longtemps qu'on 
le souhaite; en général elle ne s'adresse qu'au gros poisson. 
On choisit une ou plusieurs lignes dont la longueur est pro- 
portionnée à la pièce d'eau, à sa profondeur sur les rives ; 
la canne doit être longue et autant que possible armée d'un 
moulinet. On enfonce dans le sol un petit piquet en forme de 
fourche destiné à soutenir la canne, son extrémité la plus 
grosse reposant sur le sol ; il est maintenu par un second 
piquet en forme de crochet ou par une grosse pierre. Ainsi 
posée, la ligne est solidement maintenue, la canne ne plonge 
pas dans l'eau et affecte la même position que si un pêcheur 
avaitla patience delà tenir, ainsi immobile, durant plusieurs 
heures. 

Les lignes doivent être solides, les hameçons renforcés et 
les flottes bien voyantes; si votre arsenal est bien monté, 
vous pouvez en disposer une batterie sur les bords de la 
rivière que vous surveillerez de temps en temps tout en vous 
livrant à un autre genre de pêche. Toutes les esches sont 
bonnes, à la condition, bien entendu, qu'elles soient appro- 
priées à la nature du poisson qui fréquente un tel milieu. 
Une fois qu'il a mordu, le gros poisson s'enferre de lui- 
même, et après avoir essayé une faible défense il attend 
patiemment votre retour; décrochez la ligne doucement, 
faites manoeuvrer le moulinet, si cela est nécessaire, et vous 
amenez bientôt votre victime jusqu'à l'épuisette qui l'attend. 
On peut également, si l'on pêche dans une barque, tendre de 
semblables lignes dans les angles du bateau tandis qu'on se 
livre à une pêche à la main, ou même à toute autre occupa- 
tion. 

Pélhe au pater -noster. — Ce nom assez singulier, 
lorsqu'il s'agit d'une pêche, a été donné à une ligne qui 
porte de distance en distance des anneaux disposés comme 
les grains d'un chapelet. Voici comment on dispose cette 



280 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DODCES 

ligne (fig. 145). On vend chez tous les marchands des 
perles de caoutchouc (fig. 1 \ i) toutes préparées, percées de 
part en part et portant au milieu une gorge dans laquelle on 



*/" 




Fig. 144. — Perle du pater- 
îioster et son empile. 



Fig. 145. — Pèche au pater-noster, 
d'après de La Blanchère. 



attache une empile portant un bon hameçon. Les pêcheurs 
adroits préparent eux-mêmes leurs perles ; souvent même 
ils substituent au caoutchouc des perles de bois, d'os, de 
liège. On enfile sur la ligne ou bonne florence, deux, trois 



LA PECHE A LA LIGNE 



281 



ou un plus grand nombre de perles D ainsi montées, suivant la 
hauteur du fond ; on les maintient dans la position voulue en 
fixant au-dessous un petit plomb ; dans le bas, si l'ensemble 
est trop léger, on ajoute autant de plomb E, qu'il est néces- 
saire pour que la ligne soit à peu près verticale une fois 
qu'elle est à l'eau. 

Gela fait, on sonde le milieu dans lequel on se propose de 
pêcher, et l'on dispose une bonne flotte sur la ligne d'après 
les résultats donnés par la sonde. Péchez-vous sur fond de 
sable ou de gravier, terminez votre ligne par un hameçon 
qui atteindra le sol ; votre fond est-il vaseux ou herbeux, 
comme cet hameçon serait perdu, remplacez-le par un plomb 
qui maintiendra la verticalité de la ligne. Votre ligne étant 
montée sur une canne un peu longue, vous n'avez plus qu'à 
la laisser descendre lentement au point que vous avez choisi, 
après avoir convenablement esche vos amorces; avec deux 
piquets ou une fourche et une pierre, vous retenez votre ligne 
sur le sol, et il ne vous reste plus qu'à attendre que le 
poisson fasse enfoncer votre flotte, pour le prendre tout 
à votre aise. 

On peut ainsi tendre à la fois plusieurs pater-noster qu'un 
même pêcheur peut surveiller. Mais si au lieu de pêcher de 
la rive, on pêche dans un bateau, la canne n'est même plus né- 
cessaire; une cordelette assez longue A, fixée au bateau, peut 
suffire ; il est prudent de tenir en réserve une assez longue 
partie de la cordelette libre, prête à se dérouler, pour 
suppléer à l'absence du moulinet. Il est toujours bon de sou- 
tenir la ligne en dehors par des postillons B, reliés au flot- 
teur G. 

La pêche au pater-noster est très avantageuse dans les 
eaux profondes et tranquilles, pour prendre les poissons de 
fond, comme les Perches par exemple. On peut également 
en faire usage dans les eaux à courant rapide, dans les 
chutes, au pied des barrages, au voisinage des piles de pont, 

16. 



282 



LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 






là où il n'est pas facile de tendre des lignes de fond ; on en est 
quitte pour plomber fortement, et l'on prend ' ainsi la 
Truite, le Saumon, le Barbeau, le gros Chevaine, etc. 

Pêche au solitaire. — Voici encore un mode de pêche 
qui permet de prendre du gros poisson. C'est une pèche au 
vif à la ligne dormante. C'est une ligne plombée de manière 
à forcer l'amorce à se tenir dans les fonds où se promène le 
gros poisson. Voici comment M. Poitevin dans son volume, 
l'Ami du 'pêcheur, recommande d'opérer: «Il faut prendre 
3 ou 4 mètres de soie solide ou de ficelle de fouet bien 




Fm. 146. — Pêche au solitaire (d'après Moriceau). 



dévrillée, suivant la profondeur de l'endroit où l'on doit 
placer sa ligne, avec un hameçon n° 3 ou 4 monté sur elle- 
même ou sur un fort boyau de ver à soie ; l'amorcer avec 
un goujon ou tout autre poisson de moyenne grosseur, et le 
fixer comme si l'on péchait au Brochet (fig. 146). Il faut 
attacher le bout de cette ligne à une branche ou autre objet 
placé sur le bord, et jeter simplement le goujon dans l'eau. 
Ce genre de ligne se place ordinairement le soir et se lève 
le matin. Lorsqu'il n'y a rien de pris et que le poisson est 
intact, on peut la laisser et la visiter le soir. C'est à la pêche 
au solitaire qu'on prend les plus gros Chevaines et souvent 
les plus belles Anguilles, sans compter les plus beaux Bro- 
chets, et quelquefois de grosses Perches.» 



LA PECHE A I.A LIGNE 



283 



LIGNES DE FOND 



Pêche aux lignes ordinaires. — On qualifie de ligne de 
fond toute ligne tendue en dessous de la surface de l'eau, 
soit qu'en réalité elle repose entièrement sur le fond, soit 
qu'une partie soit soutenue par divers engins à une cer- 
taine distance du fond. Ces lignes, dont la longueur est 
extrêmement variable, portent un plus ou moins grand 
nombre d'hameçons. Il en est de toutes les formes. Nous 
allons indiquer celles qui sont le plus souvent employées. 
C'est ce que l'on nomme souvent pêcher à la corde ou à la 
traîne. 

La ligne de fond principale, appelée souvent corde ou 
cordelette, doit être en bon fil de fouet de la grosseur d'une 
forte plume d'oie ; il est prudent de la peindre et de la vernir ; 
on peut à la rigueur se contenter de la passer à la résine ou 
au goudron. D'autre part, on a préparé des hameçons tout 
empilés et en nombre suffisant pour pouvoir être placés sur 
la ligne à m ,80 ou 1 mètre de distance les uns des autres. 
Tantôt les empilées sont fixées à l'avance avec leur hameçon 
sur la corde, tantôt au contraire on les attache au moment 
de plonger la corde dans l'eau, après les avoir eschées au 
préalable. Cela disposé, on attache l'extrémité de la corde à 
une forte pierre que l'on descend dans l'eau à un point bien 
déterminé, puis le bateau marchant lentement dans le sens 
du courant, on dévide sa corde portant des empiles armés 
jusqu'à son extrémité ; une seconde pierre est alors fixée au 
second bout de la corde et descendue à son tour au fond de 
l'eau. Que va-t-il se passer? sous l'action du courant, et en 
vertu des lois de la pesanteur, la corde descendra au fond de 
la rivière en formant une ligne plus ou moins droite; de cha- 
que côté de cette ligne s'étaleront les empiles et leur hame- 
çon ; tout poisson de fond qui passera dans ces parages sera 



I 



284 LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

nécessairement sollicité par de nombreuses amorces et s'en- 
ferrera de lui-même. 

Les lignes sont en général tendues le soir ou dans la nuit; 
on les relève le matin ; à l'aide d'une gaffe, connaissant bien 
le point où la première pierre a été jetée, on la repêche, et 
avec elle la corde et souvent de nombreux poissons. A mesure 
que se fait le relevage, il faut avoir bien soin d'enrouler sa 
corde en disposant les empiles toutes du même côté, à seul 
fin d'éviter un embrouillage plus ou moins inextricable. 
Mais, suivant la nature du fond, il y a plusieurs précautions 
qu'il est bon d'indiquer. Le fond est-il sablonneux, à surface 
bien unie, la corde simple, telle quenous venonsde la décrire, 
suffit parfaitement ; si le courant est un peu fort et la ligne 
un peu longue, on disposera de distance en distance quelques 
gros plombs ou plus simplement quelques pierres attachées 
sur la corde soit directement, soit à l'aide d'une fausse 
empile. Le fond est-il vaseux ou couvert d'herbages, il faut 
alors s'organiser différemment, sous peine de voir ses esches 
noyées dans la vase et ses hameçons accrochés dans les herbes. 
Dans ce cas, chaque empile porte en son milieu un petit cube 
de liège de deux centimètres de côté environ ; la corde 
étant toujours au fond, l'hameçon, par cette ingénieuse dis- 
position, reste suspendu au-dessus du fond, grâce à l'adjonc- 
tion de son petit flotteur. Si les herbes sont trop hautes, on 
en est quitte pour allonger les empiles. 

Les pêcheurs suisses ont imaginé différentes dispositions 
de lignes de fond fort ingénieuses, qui peuvent, en maintes 
circonstances, être très avantageusement utilisées non seule- 
ment pour la pêche de nos lacs et de nos étangs, mais même 
pour la pêche de nos cours d'eau. En hiver, ces lignes 
affectaient la forme d'une série plus ou moins longue de ^ 
renversés continus par la base. Au sommet s'élève une 
corde portant un liège qui flotte dans l'eau à une hauteur 
telle que les bateaux à vapeur peuvent passer au-dessus sans 



LA PÈCHE A LA LIGNE 285 

les gêner ; au pied de chaque _/\_ est attachée une pierre qui 
touche le fond, et le long des branches latérales pendent les 
empiles et leurs hameçons. On prend ainsi les gros poissons 
de fond. 

Au printemps, la ligne de fond devient une ligne dor- 
mante entre deux eaux. La corde est droite, soutenue de dis- 
tance en distance par des lièges noyés à hauteur voulue, et 
maintenue tendue par deux pierres suspendues verticale- 
ment aux deux extrémités de la ligne, de manière à toucher 
le fond. Avec une ligne ainsi dressée, on peut prendre tout 
le poisson de passage, à la hauteur qu'on jugera conve- 
nable. Ce même engin, en été, est descendu plus bas, les 
lièges sont supprimés, il ne reste plus que deux bouées indi- 
catrices pendantes à chaque extrémité de la corde. 

Pêches aux jeux. — La pèche aux jeux n'est en réalité 
qu'un perfectionnement de la pêche aux lignes ordinaires, 








Fig. 147. — Plombs de fond pour jeux. 



qualifiées parfois de pêche à la corde ou pêche à la traînée. 
Au lieu de faire usage de pierres qui détériorent plus ou 
moins les cordes, s'attachent parfois assez mal, et que l'on 
n'a pas toujours sous la main, on se sert de plombs ou jeux 
affectant différentes formes (fig. 147). Dans la pêche aux 
jeux, la ligne est ordinairement plus fine, et comporte un 






286 LA l'ÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

moins grand nombre d'hameçons; on la pratique plus volon- 
tiers de jour que de nuit. 

Le plus souvent, les plombs ont une forme de petites son- 
nettes, comme dans la figure 147, a, de manière à présenter 
plus de base ; sur le côté s'élève une sorte déjoue latérale 
A B plus ou moins longue, qui fait l'office de gouvernail et 
oriente la ligne. Ces jeux peuvent également être utilisés 
pour des lignes à main ; d'autres fois on les installe à la base 
d'un pater-noster. Parfois, avec ces jeux appliqués à des 
lignes dormantes, on n'empêche pas les empiles de la ligne 
de s'emmêler. On obvie à cet inconvénient en se servant de 
Jeux de formes différentes (fig. 147, c) ; un plomb cen- 
tral, ER, porte un certain nombre de cornes, DF; on fait 
passer chaque empile, PQ, dans les cornes relevées du 
plomb, tandis que dans l'anneau de tête, G, glisse la corde 
centrale destinée à le relever. 

Lorsque l'on pêche en bateau, il est bon de tendre, avant 
de commencer sa pêche à la corde, un jeu de chaque côté du 
bateau ; ces jeux n'ont que dix à quinze mètres de longueur 
seulement ; on les relève toutes les demi-heures ; ces petites 
lignes de fond donnent souvent beaucoup de poissons, no- 
tamment des Barbillons. 



LIGNES DIVERSES 






Dans les différentes sortes dépêche qu'il nous reste à exa- 
miner, le matériel est souvent plus complexe, au moins diffé- 
rent du matériel ordinaire. On peut les varier à l'infini; nous 
ne signalerons ici que les plus intéressantes. 

Pêche a la bricole. — On donne le nom de bricoles à 
des lignes dormantes particulières destinées à prendre, de 
nuit, des Brochets, des Truites ou des Barbeaux dans les 
étangs ou les cours d'eau peu rapides. Ce sont parfois de 
véritables pièges, et de malins braconniers en ont imaginé 



LA PECHE A LA LIGNE 



287 



do fort intelligents. La bricole simple est basée sur ce fait 
d'observation que les poissons carnassiers aiment à chasser 
entre deux eaux ; il s'agit donc déplacer sur leur passage des 
instruments destinés à les prendre. 

On fait ordinairement usage d'hameçons doubles (fig. 148) 
appelés aussi bricoles; mais comme on a affaire à des poissons 
armés de fortes mâchoires qui couperaient avec la plus 
grande facilité l'empile ordinaire, voici comment il convient 




Fig. 14?. — Hameçon double 
ou bricole. 





Fig. 149. 
Empile métallique. 



Fig. 150. 
Bricole simple. 




Fig. 151. 

Liège h dévidoir. 



de monter ladite bricole : on prépare un morceau de fil de 
cuivre très fin et bien recuit (figure 149). On passe un des 
bouts dans un clou A, planté sur une table B, et l'on tend 
l'autre en y passant un petit bâton I) G ou un long clou. 
L'empile prend la forme M S, et l'on a eu soin de passer 
dedans la boucle de la bricole. Ainsi préparée, l'empile métal- 
lique est à peu près à l'abri des coups de dents des Brochets. 
On amorce cette bricole comme nous l'avons déjà expliqué 
avec un poisson bien vif, et l'on attache le tout au bout d'une 



238 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

ligne G (fig. 150) de la longueur voulue, terminée par un fort 
bouchon A. On lance le tout à l'eau, le soir, de façon à ce 
que l'esche soit bien à la hauteur voulue ; on relève le len- 
demain matin. 

Mais ces bricoles simples, une fois que le poisson a mordu, 
sont parfois entraînées fort loin. On perfectionne cette bricole 
un peu primitive en envidant sur la bouée de liège (fig. 151) 
une longueur de ligne suffisante que l'on retient par une 
petite entaille ou une cheville légère, de telle sorte que le 
poisson une fois pris dévide la pelotte R en s'en allant, sans 
entraîner la bouée aussi loin. 




Fia. 152. — Bricole cachée entre deux eaux. 

Bricole sourde. — Avec la bricole sourde, tout l'appareil 
de pêche est entièrement caché dans l'eau et échappe ainsi 
aux regards des curieux. Une plombée A (fig. 152) est logée 
au fond de l'eau et porte une corde soutenue verticalement 



LA PÊCHE A LA LIGNE 



289 



par un bon liège B. Sur ce liège on emmanche obliquement 
un scion G D, au bout duquel pend une avancée D I. On amorce 
avec un poisson bien vif. Ce poisson peut tourner autant 
qu'il le voudra autour de l'axe A B et se déplacer dans un 
champ assez vaste. Gomme on a eu soin de relier l'ensemble 
à une autre ligne verticale dont l'extrémité est fixée en A à 
la plombée, le Brochet, par ses propres efibrts, avertira lui- 
même le pêcheur de sa capture. 

Pêche au grelot. — La pêche au grelot est encore un 
perfectionnement de la pêche sur ligne de fond ; elle présente 
ce grand avantage qu'aussitôt qu'un poisson s'est laissé pren- 



Fig. 153, — Petit grelot. 



Fio. 154. — Grelot à scion 
de baleine. 



dre il agite lui-même la sonnette ou le grelot pour prévenir 
le pêcheur d'avoir à s'occuper de son nouvel hôte. Mais 
par suite d'une figure de ivthorique assez fréquemment en 
usage chez les pêcheurs, on prend ici le tout pour la partie, 

Locard, I.a Pêche. 17 






290 



LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



et l'on qualifie de grelot, non seulement le grelot lui-même, 
mais tout l'appareil qui s'y rattache. 

On fait des grelots de diverses manières : le grelot simple 
(fig. 153) est constitué par un fil de fer cru, par un ressort, 
par une baleine, d'une longueur de 20 à 25 centimètres, 
emmanché dans une bobine qui se fixe par son autre extré- 
mité à une pointe assez forte pour pouvoir s'enfoncer dans 
le sol; au bout de la verge flexible, on attache une petite 
sonnette ou un véritable grelot ; l'appareil étant fiché dans le 
sol, on fixe à la bobine l'extrémité de la ligne après l'avoir 
fait passer par le bout de la verge comme au bout d'un scion. 
On fait des grelots plus longs (fig. 154) dont la base est abso- 
lument pareille, mais dont la verge flexible ou la bobine me- 
sure 50 à 80 centimètres de longueur. On les perfectionne 
encore en adjoignant à la bobine un moulinet. 

Cette pêche s'adresse surtout au Barbeau ; on esche soit 
avec des pelotes, soit mieux encore avec du fromage de 
gruyère, la ligne étant garnie de deux bons hameçons n° 5, 
montés sur racine. On tend à la fois plusieurs grelots, et le 
pêcheur se tient en éveil ; entend-il un tintement, vite il ac- 
court, prend la ligne en main et ferre aussitôt. On pêche ainsi 
soit de jour, soit de nuit à la lanterne. 

On construit également des grelots d'une tout autre forme 
(fig. 155). Sur un pivot en fer ou même en bois, terminé par 
une pointe en fer pouvant s'enfoncer dans le sol, est logée une 
poulie à gorge tournant librement autour d'un axe ; cette 
poulie peut être verticale comme dans le dessin ci -contre, ou 
horizontale ; sur la poulie on a fixé un petit taquet, tandis 
que sur le pivot repose un grelot au bout d'une canne 
flexible. On enroule la ligne sur la gorge de la poulie qui fait 
en même temps l'office de moulinet, après en avoir fixé soli- 
dement l'extrémité. Le poisson vient-il à mordre, en voulant 
s'enfuir il fait dérouler la poulie, et alors le taquet, à cha- 
que tour, fait sonner le grelot avertisseur, et le pêcheur 



LA PECHE A LA LIGNE 



291 



vient aussitôt ferrer son poisson. Le seul inconvénient que 
nous reprocherons à ce système, c'est d'être un peu encom - 




Fie». 155. — Tèche au grelot vertical (d'après de La Blanclière). 

brant et de forcer le pêcheur à avoir un aide pour lui trans- 
porter son matériel. 




Fui. 150. — Le torchon (d'après de La Blanclière). 



Pêche au torchon. — On qualifie de torchon, en style de 
pêcheur, une sorte de petite fascine cylindrique de 30 à 






292 l'A PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

40 centimètres de longueur faite avec des joncs séchés et bien 
roulés, attachés solidement à l'une de ses bases, tandis que 
l'autre reste libre (fig. 156). Une cordelette mince, longue 
d'une vingtaine de brasses, est aux trois quarts enroulée sur 
la fascine après avoir été fixée à l'une de ses extrémités ; 
l'autre, terminée par une empile de cuivre, porte un fort 
hameçon auquel on embrochera un petit poisson. Gomme on 
le voit, nous allons, avec ce torchon, pêcher au vif. Ainsi 





Fig. 157. — Pèche au torchon (d'après de La Blanchère). 



préparé le torchon est prêt à servir. Monté dans sa barque, 
le pêcheur jette à l'eau son torchon avec une longueur de 
corde convenable (fig. 157); le torchon s'étale en long à la 
surface de l'eau ; mais dès qu'un poisson vient à mordre, le 
torchon fait la quille et se redresse, puis les joncs s'écartent 
et s'étalent en éventail. Alors commence la pêche ; le pêcheur 
qui a suivi ce changement de disposition de son torchon s'en 
approche doucement, en ajoute au moyen de sa ligne un- 



LA PECHK A LA LIGNE 293 

second, puis même un troisième si c'est nécessaire, suivant 
la taille et la force du poisson qui a mordu. Celui-ci bientôt, 
las d'entraîner à la remorque des poids pareils, finit parles 
laisser remonter à la surface et le pêcheur les retire lente- 
ment jusqu'au moment où l'épuisette doit intervenir. Avec 
ce genre de pêche on prend dans les lacs de la Suisse les plus 
gros poissons carnassiers : Brochets, Perches, etc. 

Pêche a la turlotte. — La pêche à la Turlotte ou à 
Tralling, comme on dit en Angleterre et quelquefois aussi 
dans le Nord, n'est connue que pour les très gros poissons. 
Voici, d'après M. de La Blanchèrc, la manière de la prati- 
quer : « On monte une bricole sur fil de laiton retors de la 
longueur de 15 à 20 centimètres, puis on fait un cornet en 
carton épais, percé d'un trou de la grosseur d'une plume 
d'oie. Ce cornet sera long de 7 à 8 centimètres : au travers 
du cornet, on passe le chaînon portant l'hameçon, et on l'y 
fixe avec du plomb fondu que l'on verse dans le cornet, de 
manière que la queue de l'hameçon soit cachée dans le 
cornet et bien fixée au milieu. On construit ensuite une 
douille de fer de 5 centimètres de long, faite de manière qu'on 
puisse y introduire, par un bout, la gaule ou canne à pêche, 
et qu'à l'autre extrémité, se trouve monté un petit anneau 
pour y passer la ligne. Cette douille est donc elle-même 
terminée en pointe. On amorce la ligne avec un goujon, en 
lui passant le chaînon dans la gueule et dans le corps ; il 
faut qu'il avale tout ce qui est couvert de plomb. On l'at- 
tache alors sur l'empile, avec du fil ; une fois l'amorce 
placée, on passe, par l'anneau de fer qui termine la douille 
à l'extrémité de la canne, le bout de la ligne longue de 
18 à 20 mètres entortillée autour d'un morceau de bois, 
que le pêcheur tient de la main gauche, et au moyen duquel 
il donne ou retire de la longueur à la ligne, la canne étant 
tenue de la main droite, et la ligne étant indépendante. 

« Nous avons rapporté fidèlement cette pêche, fort ancienne , 






294 LA PÊCHE DES POISSONS EN EADX DOUCES 

et qui a de beaucoup précédé l'invention du moulinet. On 
peut la modifier d'une manière plus commode. D'abord, 
nous nous élèverons contre la grosseur de l'amorce de plomb, 
et la grandeur des mesures indiquées. Sans doute, il y a dix 
à parier contre un que les Brochets étaient, en ce temps-là, 
plus gros et plus voraces, mais surtout moins pêches qu'à 
présent, et l'on pouvait partir à leur conquête avec des 
engins aussi énormes. Il ne faut donc pas craiadre de 
diminuer le cornet en largeur et en longueur, de façon à ne 
couler sur l'empile métallique de la bricole qu'un petit lingot 
de plomb de 4 à 5 centimètres de long, sur la grosseur d'un 
crayon ordinaire. Ce sera bien suffisant pour entrer dans le 
corps de l'amorce vive, qui n'y résisterait pas longtemps. 
En second lieu, il faudra se servir d'une canne à anneaux, 
garnie de son moulinet, qui donnera beaucoup plus de facilité 
que le morceau de bois de nos grands-pères. Enfin, la rigidité 
de la douille à anneau, qu'ils avaient montée et qu'ils sou- 
tenaient au bout d'une gaule, nous semble fort préjudiciable 
au succès, car quoique le Brochet, auquel s'adresse cette 
pêche, ait la mâchoire solide, encore vaut-il mieux prendre 
des précautions pour le cas où l'hameçon n'aurait rencontré 
que les parties molles du gosier. » 

Pêche a la cuiller. — Tandis que vous vous promenez 
sur les rives d'un cours d'eau ou bien que vous péchez déjà 
dans votre bateau, il vous arrive tout à coup de voir le petit 
poisson s'enfuir à toute vitesse comme devant l'approche 
d'un redoutable ennemi; c'est en effet quelque gros Brochet 
ou Perche qui leur donne la chasse. Vous plait-il à votre 
tour d'intervertir les'rôles et de chasser le chasseur? Vite, 
faites usage de la cuiller (fig. 158). C'est un engin fort 
simple et presque infaillible. Comme l'indique son nom, la 
partie essentielle de l'instrument représente une cuiller à 
café privée de son manche. Les uns se contentent d'une 
cuiller en fer étamée, d'autres la veulent en cuivre argenté 



LA PECHE A LA LIGNK 



295 



en dedans, les plus fervents la prennent toute argentée ou 
même en argent. A chaque extrémité la cuiller est armée 
d'une bricole triple, et par son bout le plus petit elle est fixée 
à un émerillon métallique. Pour s'en servir, on l'adapte au 
bout d'une ligne portée par une canne à moulinet, sur 




Fio. 15?. — La cuiller. 

laquelle doivent être des anneaux fixes, d'une grandeur 
au-dessus de la moyenne, afin que le corps de la ligne, qui 
doit être en soie forte et solide, coule facilement sans risque 
d'être arrêtée quand on lance la cuiller. 

Dès que vous apercevez votre poisson chasseur, jetez 
votre ligne à l'eau ; si cette eau est un peu courante, la 
cuiller se met aussitôt à tourner d'autant plus vite que le 
courant est plus rapide, et présente par un jeu de lumière 
alternatif chacune de ses faces brillantes. Inévitablement le 
poisson est attiré par l'éclat de cette lumière, tout comme 






29fi LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

l'alouette par le miroir ; il lâche sa proie vivante et s'acharne 
après sa proie nouvelle, s'élance sur elle avec avidité, la 
saisit et s'embroche de lui-même vigoureusement sur les 
hameçons. Mais si vous péchez sous une eau calme et tran- 
quille, vous obtiendrez le mouvement nécessaire pour faire 
tourner la cuiller par une tension continue et saccadée de la 
ligne, en tirant et baissant de côté le bout de la canne, de 
manière à l'entraîner sans la faire venir trop près de la 
surface. 

Avec la cuiller, on peut, dans les courants rapides, aller 
pêcher de belles Truites ; emportée par le mouvement de 
l'eau, la cuiller en tournant vivement simule un poisson aux 
brillants reflets; il faut bien croire que c'est un puissant 
appât pour le gros poisson, car dès qu'il voit cet engin 
il se précipite dessus avec plus de furie et d'acharnement 
qu'il ne ferait pour le petit poisson vivant destiné à devenir 
sa proie. 

Pêche au tue-diable. — Malgré les innombrables avan- 
tages de la cuiller, certains pêcheurs lui préfèrent encore le 



KB-@=«= 




Fig. 159. — Le tue-diable. 



tue-diable (iïg. 159). On vend chez les marchands des 
tue-diable de toutes les formes, de toutes les tailles, de 
toutes les couleurs ; c'est sur ce petit engin que leur esprit 
inventif peut s'exercer le plus à l'aise. En somme, le tue- 
diable ressemble plus ou moins à un petit poisson tordu. 
Voulez- vous le fabriquer vous-même ? Rien de plus simple : 
prenez un petit morceau de plomb taillé en forme de poisson 
étroit et allongé, d'un galbe arrondi ; à l'une des extré- 



LA PECHE A LA LIGNE 



297 



mités, pratiquez une entaille dans laquelle vous ferez passer 
un petit morceau de fer blanc ou de clinquant, simulant la 
queue du poisson ; sur le corps, enroulez fortement des soies 
colorées, mais de teintes aussi brillantes que possible, entre- 
mêlez le tout de quelques fils d'or ou d'argent, et vous aurez 
un aussi bon tue-diable que celui que l'on voudra vous 
vendre beaucoup plus cher. 

Reste à armer votre engin. Montez sur une forte florence, 
d'abord à chaque extrémité, puis vers le milieu soit des gra- 
pins ou hameçons triples, soit des bricoles de grosseur con- 
venable ; vous enroulerez chaque extrémité de votre florence 
au bout de votre tue-diable et vous aurez ainsi trois points 
où le poisson peut s'enferrer. Si votre tue- diable est un peu 
long, au lieu d'un hameçon central mettez-en deux de chaque 
côté, pour multiplier encore les chances d'accrochage. 
Empilez l'extrémité opposée à la queue de fer blanc sur un 
émerillon qui rendra tout votre système mobile. Il ne vous 
restera plus qu'à monter le tue diable sur une longue ligne à 
canne munie d'un bon moulinet. 

Avec le tue-diable, on pêche, dans les eaux vives, le 
Brochet, la Perche, .la Truite, le Saumon, etc. Une fois à 
l'eau, plus le courant est rapide plus le tue-diable, grâce à 
sa forme arrondie, se met à tourner rapidement ; ses bril- 
lantes couleurs, comme celles delà cuiller, son éclat argenté, 
simulent le petit poisson qui frétille dans l'eau, et aussitôt 
les gros carnassiers, croyant saisir au passage une proie 
facile, s'élancent sur lui et se font prendre aux nombreux 
hameçons qui en hérissent la surface. Veut-on pêcher en eau 
plus profonde, ou bien le courant est-il extrêmement rapide, 
choisissez votre tue-diable plus gros et plus fort, ou mieux 
encore ajoutez du plomb sur la ligne, jusqu'à ce qu'il se 
maintienne dans l'eau à la hauteur voulue. 

Pêche a la vourmée. — La pêche à la vourmée ou vor- 
mée, dite aussi pêche à la trousse, s'applique exclusivement 

17. 






i 



I 

I 



V '<■ 



298 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

aux Anguilles; elle est basée sur la voracité de ce poisson. 
C'est surtout aux environs de la mer, dans les rivières ou 
fleuves, où la marée monte, que cette pêche est particulière- 
ment productive. Voici comment M. A. Moriceau la pratique : 
« Ayez un plomb d'au moins un hectogramme de forme conique 
ou en cloche; procurez-vous une certaine quantité de gros 
vers rouges de terre de prairies, et enfilez-les dans de la 
laine très peu tordue, comme pour tricoter des bas; vous en 
formez un faisceau de la grosseur d'un gland de sonnette, et 
vous fixez au centre le plomb conique ci-dessus indiqué. 
Attachez ce paquet de vers à une gaule ou à une canne à 
pêche raide et courte, car c'est avec un bateau et dans un 
endroit peu profond que vous ferez cette pêche. Assis dans 
votre bateau, ayant devant vous un baquet contenant seule- 
ment un peu d'eau, vous posez dans la rivière votre amorce, 
vous l'agitez un peu en la laissant descendre et remonter, et 
vous ne tardez pas à sentir de la résistance; c'est l'Anguille 
qui mord. On prétend que la voracité l'empêche de lâcher sa 
proie, d'autres pensent que ses dents s'accrochent dans le 
cordon de laine. Toujours est-il qu'elle se laisse enlever, et 
qu'on en perd peu en les posant lestement dans le baquet, où 
elles se décrochent seules. Cette pêche réussit mieux le soir 
et la nuit que le jour, et l'on y prend plutôt des petites 
Anguilles que des grosses. » 

Pêche a l'otter. — Cette pêche, pratiquée surtout sur 
le lac de Lucerne, peut également convenir pour tous nos 
lacs. On s'en sert pour les Truites, mais elle peut également 
convenir pour bon nomhre d'autres poissons. L'otter (fig. 
160), la loutre, serait un engin originaire des lacs du sud 
de l'Angleterre, où elle est prohibée depuis un certain 
nombre d'années. Une bouée en bois, de forme rectangulaire 
d'environ 60 centimètres de côté est suspendue par ses angles 
à quatre cordelettes qui se réunissent ensuite en une seule, 
passant sur une poulie portée par un petit mât logé au centre 



LA l'ECHE A LA LIGNE 299 

du bateau. Le pêcheur peut à volonté baisser ou relever sa 
bouée en tirant sur la cordelette qui pend le long du mât. 
On fixe au-dessous de la bouée six à huit avancés solides, 




un peu longues, le plus souvent amorcées de mouches arti- 
ficielles. La bouée étant à l'eau, plus le bateau marchera 
vite, plus les mouches artificielles exciteront la convoitise du 



300 



LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 






poisson. La brise qui ride l'eau masque encore mieux l'en- 
gin; quant au bateau, les poissons en voient si souvent cir- 
culer sur le lac qu'ils ne s'effarouchent plus autant à leur 
aspect ; et puis ces jolies mouches sont si tentantes ! On prend 
ainsi, et sans grande fatigue, beaucoup de poissons; on peut 
du reste faire usage de l'otter en même temps qu'on se livre 
à un autre genre de pêche en bateau, exactement comme en 
rivière, on tend des lignes dormantes tandis que l'on pêche 
à la ligne ordinaire et l'on surveille le tout sans se donner 
beaucoup de mal. 

Pêche a la balance. — Labalance à pêcher les poissons, 
qu'il ne faut pas confondre avec la balance à prendre les 
Ecrevisses, est fort en usage en certains pays, en Beauce, 
par exemple, pour la pêche des Perches, des Goujons et 
quantités d'autres poissons des rivières ou cours d'eau à 
eaux tranquilles. C'est une ligne montée d'une manière par- - 
ticulière qui simule assez bien la forme d'une balance sans 
ses plateaux. Voici la manière de la construire : on prend un 
fil de laiton ou un fil de fer recuit galvanisé de la grosseur 
d'une fine épingle ; on le replie par le milieu et on le tord 
sur une longueur de 15 à 20 centimètres en ménageant une 
petite boucle à l'une des extrémités ; les deux branches libres 
sont ensuite maintenues écartées et on les termine par une 
petite boucle; le tout a donc ainsi la forme d'un jc_ renversé 
et à petites branches égales, et d'une hauteur de 25 à 30 
centimètres; dans la boucle supérieure on attache l'extrémité 
d'une fine ligne ordinaire, tandis que dans chacune des bou- 
cles inférieures, on fixe une empile et son hameçon. Parfois, 
on fait des balances à trois branches, en tordant ou tressant 
trois fils ensemble, et en les écartant ensuite en triangle dans 
le bas. On a ainsi trois hameçons au lieu de deux. Suivant 
la profondeur de l'eau dans laquelle on se propose de pêcher 
on bâtira sa balance plus ou moins longue. Pour éviter que 
les hameçons s'accrochent, il faut avoir bien soin que l'é- 



LA PÈCHE A LA LIGNE 301 

cartement des boucles qui portent leurs empiles soit plus 
grand que la somme des deux longueurs des empiles. On 
prend souvent à la balance bien amorcée deux ou trois 
Goujons à la fois. 

Pêche a la pelote. — La pêche à la pelote, si souvent 
pratiquée aux environs de Paris, ne diffère de la pêche à la 
ligne ordinaire que par le mode dont la ligne est amorcée. 
Laissons la parole à M. A. Moriceau qui décrit cette pêche 
en homme expérimenté : « On pétrit, un peu ferme, une 
demi-douzaine de boulettes de terre pas plus grosses qu'une 
bonne noix, et c'est au moment de s'en servir seulement, 
qu'on y mélange une bonne pincée d'asticots. Vous renfer- 
mez au milieu de la pelote l'hameçon garni lui-même de 
trois ou quatre asticots, puis vous posez votre ligne dans 
2 mètres à 2 m ,50 d'eau; vous maintenez la plume, et la 
pelote reste à fond en place. S'il y a sur votre coup quel- 
ques Barbillons, ils ne tardent pas à tourner autour de la 
pelote et à l'attaquer ; ils en détachent les asticots et aussitôt 
qu'ils aperçoivent ceux qui recouvrent l'hameçon et qu'on 
nomme la becquée, ils se jettent gloutonnement dessus en 
entraînant la plume ; le moment de ferrer est alors bien mar- 
qué et il n'y a pas moyen de se tromper. Mais il n'en est pas 
toujours de même, et quand on pêche ainsi pour la première 
fois, on pique souvent à faux, car c'est la vraie pèche à sen- 
sation. On sent la pression que produit le nez du Barbillon 
sur la pelote, ainsi que les petits coups qu'il donne; il la 
retourne en tous sens pour y rechercher les vers ; l'agitation 
de la plume et de petites saccades vous indiquent cela. Com- 
ment ne seriez-vous pas tenté de tirer? mais gardez-vous en' 
bien, car vous le manqueriez, tant que la plume ne fait que 
vaciller. S'il ne saisit pas la becquée dans la pelote, c'est au 
moment qu'elle s'en détachera pour poursuivre le courant 
qu'il s'en emparera, alors soyez bien persuadé que trop de 
précipitation peut être nuisible. Souvent en commençant 



302 



LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



cette pêche, on sacrifie plusieurs pelotes que l'on tient seule- 
ment cinq minutes, elles sont destinées à amorcer ; un petit 
coup sec que l'on donne à la canne les détache de la ligne, la 
plume remonte et on lui laisse suivre le courant toute la 
longueur du coup, puis on recommence avec une autre 
pelote. » 

Avec la pêche à la pelote, on peut prendre non seulement 
des Barbillons, mais encore presque tous les poissons d'eau 
douce : Anguille, Barbeau, Brème, Carpe, Gardon, Lotte, 
Perche, Truite, Vandoise, etc. La terre dont on fait usage 
doit être aussi grasse que possible ; la terre à tuile, la terre à 
potier, la terre à modeler, la glaise, tout est bon, à la condi- 
tion qu'elle soit suffisamment pétrie et débarrassée de tous 
corps étrangers susceptibles de blesser le museau délicat du 
poisson qui vient s'y frotter. Lorsqu'on a trouvé une terre 
convenable, il est bon d'en faire provision en la conservant 
sous un peu d'eau. Vient-elle à se sécher, on la pile pour la 
broyer à nouveau avec un peu d'eau. Quelques pêcheurs ne 
craignent point d'y ajouter un peu de substance odoriférante, 
décoction de thym, essence de térébenthine, pétrole, etc., qui 
attire le poisson de plus loin. Lorsque la pelote est bien faite, 
elle peut durer dans l'eau de 15 à 20 minutes ; après ce 
temps-là, il faut toujours la changer, car elle est désagrégée 
et ne retient plus les asticots qu'on y a mis. Sa durée dépend 
de la nature de la terre dont on fait usage. 

Gomme nous l'avons dit en commençant, la ligne dont on 
se sert pour ce genre de pêche est la ligne ordinaire; mais 
le plomb placé d'ordinaire à 25 ou 30 centimètres de l'hameçon 
• dans la pêche ordinaire doit être à 8 ou 10 centimètres seu- 
lement dans la pêche à la pelote. Les pêcheurs qui ont la 
main très exercée ne mettent pas de flotte ; il est bon cepen- 
dant de remplacer les bouchons par une grande plume dont 
il est facile de suivre les mouvements. Quelques pêcheurs, 
pour se bien rendre compte du moment où la pelote estdésa- 



LA PÊCHE A LA LIGNE 303 

grégée, procèdent de la manière suivante : ils confectionnent 
un petit flotteur de liège ABC (fig. 161) de forme rectan- 
gulaire, qu'ils percent de part en part et dans lequel passe 
l'extrémité de la ligne M N ; ils enferment ce flotteur dans la 
pelote de manière à le bien masquer ; puis, pratiquant un trou 
dans la pelote ainsi formée, ils y engagent l'hameçon et l'ex- 
trémité de l'empile N comprise entre le flotteur et cet 
hameçon ; dès que la pelote est désagrégée, le flotteur revient 
à la surface de l'eau et fait remonter en même temps l'hame- 
çon. Ce système nécessite forcément l'emploi de fortes 




Fig. 161. — Bouchon pour les pelotes. 



pelotes; on ne s'en sert que pour la pêche des gros 
poissons. 

Avec cette pêche, il faut avoir bien soin de toujours 
envoyer les pelotes à la même place, de façon à ce que le 
coup que l'on fait soit en quelque sorte amorcé par le coup 
précédent; aussi arrive-t-il souvent que ce n'est qu'au bout 
d'un certain temps de faction que l'on commence à prendre 
du poisson, alors qu'il a fait connaissance avec les amorces 
que vous lui présentez sans cesse. Si dans ces conditions le 
bras du pêcheur se fatigue, il peut monter sa ligne au grelot, 
et sans se lasser il n'aura qu'à attendre que le poisson le 
prévienne lui-même de sa présence en faisant sonner le 
grelot. C'est pour les amateurs un genre de pèche facile et 
souvent des plus productifs. 









304 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



PECHES DIVERSES 



305 



I 




Fig. 162. _ Pêche à Mpervier, premier temps 



306 



LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



PECHES DIVERSES 

On peut également prendre du poisson sans faire usage de 
la ligne et de ses hameçons; l'épervier et tous les filets, les 
nasses ou les verveux, la foëne ou le trident et même le 
fusil, sont des engins dont les pêcheurs font bien souvent 
usage et qui rendent les plus grands services dans l'art de la 
pêche. Il importe donc de faire connaissance avec eux et 
d'apprendre à s'en servir. En général ces différentes sortes 
dépêches sont plus dispendieuses que celles dont nous venons 
de nous occuper, et exigent parfois un matériel et un person- 
nel beaucoup plus considérables. Nous les diviserons en trois 
classes : 1° les filets mobiles, 2° les filets fixes ou dormants, 
3° les instruments divers autres que les filets. 

Nous n'avons pas la prétention d'apprendre à nos lecteurs 
à faire du filet ; mais nous leur dirons que les meilleurs filets 
sont encore ceux que l'on fabrique soi-même. On peut au 
moins en surveiller la bonne confection dans ses moindres 
détails. Le fil dont on fera usage devra être préparé avec de 
la filasse de chanvre très fine, bien mûre et pas trop rouie 
pour qu'elle puisse conserver toute sa résistance ; la texture 
du fil sera égale et bien régulière, sans nœud, et de torsion 
moyenne. Chaque fois qu'un filet aura été plongé dans l'eau, 
il conviendra, s'il ne doit pas servir durant un certain temps, 
de le bien faire sécher et de le tenir toujours au sec. 



FILETS MOBILES 






Pêche a l'épervier. — L'épervier est un vaste filet cir- 
culaire, portant à son centre une corde par laquelle on le 
soutient, et sur sa périphérie des plombs qui tendent à faire 



PÈCHES DIVERSES 307 

descendre ses bords et à les rapprocher une fois qu'il est 
abandonné à lui-même dans l'eau. Pour se servir de ce filet, 
on doit le jeter de façon à ce qu'il s'étale le plus largement et 




Fig. 163. — Pèche à l'épervier, second temps. 



le plus exactement possible sur la surface de l'eau, tout en le 
retenant par la corde centrale ; la périphérie entraîne le filet 
dans l'eau, et tout en -se rapprochant du fond enserre dans 






308 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

les mailles du filet tout le poisson qui se trouve sur son par- 
cours. Mais pour arriver à bien manier l'épervier il faut une 
certaine pratique. 

Il convient d'abord de bien choisir son milieu ; les fonds 
inégaux, pierreux et rocailleux ne conviennent point pour 
ce genre de pêche, car quelle que soit la rapidité avec 
laquelle le filet atteint le fond, le poisson a le temps de 
s'échapper par les petits méandres que le filet ne recouvre 
pas entièrement. La présence des roseaux ou des grandes 
herbes aquatiques est encore un obstacle; mais dans les 
fonds sablonneux ou vaseux, surtout dans les eaux un peu 
troubles, le pêcheur adroit prend en peu de temps des quan- 
tités de poisson. 

On fait des éperviers de diverses sortes. Les dimensions 
ordinaires sont de 15 à 20 mètres de circonférence, de telle 
sorte qu'à terre, étant développé, il peut recouvrir une sur- 
face circulaire de 35 à 40 mètres carrés, et que, relevé en 
faisceau, sa hauteur est de 3 à 4 mètres. La grosseur des 
mailles varie de 1 à 10 centimètres d'ouverture, suivant le 
genre de poisson que l'on se propose de pêcher; le bord, 
garni d'une forte cordelette, porte des poids en plomb d'un 
total de 10 à 15 kilogrammes. Les uns sont unis dans le bas ; 
d'autres portent, au-delà de la cordelette, une sorte de filet 
supplémentaire formant ourlet et qui se replie à l'intérieur.. 

Pour lancer l'épervier, on commence par entortiller l'ex- 
trémité de la corde suivant un cercle, tandis que le bout 
libre est solidement fixé au bras gauche. Le pêcheur saisit 
dans la même main l'extrémité de la pointe de l'épervier, et 
le tirant à lui, les plombs rassemblés ou dehors, il forme une 
série de deux à trois gros plis avec l'extrémité conique du 
filet, toujours dans la main droite, de manière à ne laisser 
libre que les 60 ou 70 derniers centimètres au voisinage des 
plombs. Alors, de la main droite, il saisit environ le quart de 
la partie restée libre, et renversant le filet, il en jettera les 



PÊCHES DIVERSES 



309 



plis sur [l'épaule gauche de façon à les étaler. Gela fait, il 
saisira de la main droite à peu près la moitié de ce qui reste, 







310 



LA PECHE DES POISSONS EN" EAUX DOUCES 



T 



et le surplus restera pendant devant lui, tant dans la main 
gauche qu'entre les deux mains (flg. 162). Le point étant 
choisi, le pêcheur, l'épaule droite en avant, bien planté sur 
la plateforme de sa barque, prend son élan pour tourner 
brusquement le corps de droite à gauche, et par une impul- 
sion simultanée des deux bras et de l'épaule, il lance devant 
lui le filet que sa main gauche laisse aller et que son bras 
droit arrondit en se déployant. Dans ces conditions, le Blet 
s'étale dans l'eau sous une forme presque régulièrement cir- 
culaire tout en étant retenu par sa corde centrale; l'épervier 
descend alors lentement dans l'eau (fig. 163). Une fois bien à 
fond, ce que l'on reconnaît facilement lorsque la corde n'a 
pas la moindre tension, on relève l'épervier (fig. 164) très 
lentement, en le balançant de droite à gauche et inversement 
de façon à ramener les plombs en les traînant sur le fond ; 
une fois les plombs réunis, on sort rapidement le filet hors 
de l'eau, on l'étalé sur le bateau, et soulevant les plombs sur 
un des côtés, on en retire les poissons ou tout au moins les 
brindilles entortillées dans les mailles. 

On peut également se servir de l'épervier pour pêcher à 
la traine. Ce genre de pêche, usité surtout dans les petites 
rivières, exige l'intervention d'un plus grand nombre de 
bras; aussi préfère-t-on se servir de filets plus grands, 
quoique, à la rigueur, le filet de l'épervier ordinaire puisse 
tout aussi bien être employé. Ce genre de pêche est appli- 
quable aux petits cours d'eau de peu de largeur et de 
faible profondeur, exempts de roches ou de pierrailles dans 
leur lit ; c'est le meilleur moyen pour prendre les poissons 
qui aiment à se tenir cachés dans la vase. 

Voici comment on opère: On commence par attacher deux 
bonnes cordes à la plombée qui entoure l'ouverture du filet, 
et on fait en sorte que l'espace compris entre les deux points 
d'attache occupe à peu près la largeur du cours d'eau sur 
lequel on opère. «Deux hommes, dit Duhamel, traînent le 






PECHES DIVERSES 311 

filet en halant sur les cordes, de manière que la portion 
comprise entre les deux points d'attache se tienne presque 
droite à la surface de l'eau ; le reste de l'embouchure tombe 
au fond, à cause des plombs. Cette embouchure porte sur le 
fond, où elle décrit une espèce d'ovale, la queue ou culasse 
flotte entre deux eaux. 

« Un homme suit les pêcheurs ; il tient la corde qui répond 
à la pointe du filet, et, quoiqu'il la laisse lâche, il s'aperçoit 
cependant s'il y a des poissons pris, par les secousses qu'ils 
impriment au filet et qui se communiquent à la corde. Quand 
on manque de ce troisième homme, l'un des pêcheurs attache 
à l'un de ses bras la corde de la culasse, et il la tient assez 
longue pour ne pas gêner la pointe du filet. Lorsqu'on s'a- 
perçoit, aux secousses de la corde de la culasse, qu'il y a du 
poisson pris, les deux pécheurs lâchent leur corde pour que 
toute la circonférence du filet porte sur le fond ; puis l'un 
d'eux prend la corde de la culasse et la tire à lui. » 

Reste à savoir s'il convient de traîner l'épervier suivant 
ou contre le courant? C'est un grand problème que les pê- 
cheurs n'ont point encore résolu ; à cet égard leurs sages 
avis sont encore partagés. 

Pêche a l'échiquier. — L'échiquier ou carrelet est un 
filet carré, mesurant de l m ,50 à 2 mètres de côté et dont 
les angles jsont reliés par deux arceaux au centre des- 
quels se fixe une longue perche servant à porter cet en- 
semble. Le filet est fait à mailles assez grosses pour per- 
mettre à l'eau de s'écouler rapidement ; tout autour passe 
une cordelette un peu forte qui borde le filet et le consolide. 
Ces arceaux sont faits en bois flexible bien cintrés au préala- 
ble et solidement fixés soit entre eux, soit aux angles du 
filet. La perche qui doit porter le filet et servir à sa manœuvre 
doit avoir de 4 à 5 mètres de longueur et être en bois résis- 
tant, léger et un peu flexible. 

On pêche à l'échiquier dans des eaux peu profondes, de 



312 



LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



2 mètres environ; le pêcheur monté sur sa barque s'installe 
dans un passage, au voisinage d'un égout, aux alentours 
d'une pile de pont, de préférence en eau un peu trouble ; 
tenant des deux mains le manche de l'échiquier il fait des- 
cendre le filet à plat jusqu'au fond de l'eau et attend quelques 
instants dans le plus grand silence possible. Le poisson qui 
d'abord avait fui, ne tarde pas à revenir et à circuler au- 
dessus du filet qui touche le fond. Au bout de cinq à six mi- 
nutes le poisson insouciant a repris ses allures normales sans 
s'inquiéter davantage de ce filet qui ne bouge pas ; alors le 
pêcheur relève le tout en soutenant la perche de façon que 
la levée se fasse bien horizontale ; le poisson surpris cherche 
à se sauver en piquant la tête en bas, et tandis qu'il vient 
butter contre les mailles du filet, il est enlevé hors de l'eau ; 
par suite des lois de la pesanteur, le filet forme poche au 
milieu, et le pêcheur y retrouve la presque totalité du pois- 
son qui se trouvait au-dessus du filet à l'instant où il a com- 
mencé à le relever. Si le milieu n'est pas riche en poisson, on 
peut amorcer le coup au préalable ; d'autres personnes atta- 
chent au milieu du filet une amorce et notamment un 
petit sac de sang caillé, ou de la cervelle cuite logée dans 
une petite bourse à mailles étroites. Mais mieux vaut encore 
une bonne place bien choisie. 

Cette manœuvre de l'échiquier est fort pénible et néces- 
site de la part du pêcheur le déploiement d'une grande 
force, surtout si le filet est un peu grand. Mieux vaut alors 
disposer à l'extrémité de la barque un petit mât au pied du- 
quel on fixe l'extrémité de la perche en lui laissant assez 
de mobilité pour qu'en appuyant sur l'extrémité, le jeu du 
levier fasse facilement lever le filet. D'autres barques en- 
core mieux équipées pour ce genre de pêche sont armées 
d'un petit treuil à manivelle qui permet de lever sans la 
moindre fatigue les plus lourds filets. Dans ces deux cas, 
une fois le filet hors de l'eau, le pêcheur va y prendre le pois- i 



PÊCHES DIVERSES 313 

son à l'aide d'une petite épuisette à long manche. On prend 
ainsi toutes sortes de poissons, et notamment des Aloses et 
des Saumons au moment de la remonte, ainsi que la plupart 
des poissons voyageurs. Dans certaines contrées, notamment 
aux environs de Paris, on prend le menu fretin, et plus spé- 
cialement le Goujon, avec un petit échiquier à mailles étroites, 
que l'on tend dans les eaux claires dans un fond de sable; 
d'une main le pêcheur maintient son échiquier en place, 
tandis que de l'autre il soulève le sable placé à l'amont du 
filet. Le Goujon qui aime à chasser en eau trouble, se pré- 
cipite dans le petit nuage formé par le sable ainsi agité, et 
lorsqu'il passe sur le filet on n'a plus qu'à lever la perche 
pour prendre presque à coup sûr du petit poisson. 

Pêche au trouble. — D'où vient le nom de trouble que 
l'on donne à ce genre de filet ? peut-être de ce qu'il sert le 
plus souvent à pêcher en eau trouble... Ce qu'il y a de cer- 
tain c'est que le trouble, truble, treuille, treulot, trou- 
bleau, etc. , suivant les pays, est un filet mobile destiné à 
pécher du bord. Sa forme est extrêmement variable ; c'est 
en principe un filet de forme conique, allongée et profonde, 
fermé au sommet qui est libre, monté sur sa base tantôt 
sous une forme triangulaire, tantôt sous une forme circulaire, 
tantôt encore sous une forme droite d'un côté et arrondie de 
l'autre, mais toujours de façon à ce que l'entrée du filet soit 
plane et largement ouverte. Une longue perche fixée sur les 
deux bords extrêmes de la base ou ouverture en permet la 
manutention. 

Le plus souvent, et c'est à notre avis la forme la plus com- 
mode et la plus pratique, le trouble est fait de façon à ce que 
le côté opposé au manche soit absolument droit et monté en 
forme de T. La partie opposée à la barre supérieure du T est 
alors arrondie et le sommet de la courbe bien fixé au 
manche ou barre droite de la lettre, et dans le même plan 
que la barre transversale. Ici les mailles sont plus serrées 

1-ooAF.i), La Pèche. 18 



314 



LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



M 



que dans l'échiquier, et comme le filet ne peut pas être mû 
mécaniquement, il faut nécessairement le faire plus petit pour 
qu'il soit maniable. Lorsqu'il est de grande taille, il est bon 
de le consolider en ajoutant au manche deux jambes de force 
latérales plus ou moins longues, qui prennent leur point d'ap- 
pui sur la base du filet, et dont les branches forment un V; 
quoique ce petit supplément de matériel obstrue un peu l'ou- 
verture du trouble, celle-ci est encore assez grande pour 
laisser passer le poisson. 

Le trouble peut servir à puiser du poisson dans tous les 
étangs et réservoirs; mais c'est surtout au moment des crues 
ou des inondations que l'on pratique sur nos fleuves la vraie 
pêche au trouble. A ce moment, l'eau étant toujours plus agi- 
tée, perd sa transparence et devient bien plus riche en sub- 
stances nutritives tenues en suspension. C'est l'instant où 
le poisson se met en chasse ; sur les bords du fleuve et de la 
rivière, il est sûr de rencontrer l'objet de sa convoitise plus 
encore qu'au milieu du cours d'eau, parce que c'est par les 
bords que se font les apports naturels. Alors le pêcheur sui- 
vant le cours de l'eau, le long des rives, plonge rapidement 
son trouble la face ouverte de son côté, la pointe du côté du 
large et il ramène le tout contre la berge, en la serrant au 
plus près, tout en relevant son engin. Le poisson qui se trou- 
vait entre la berge et le trouble est ainsi pris dans l'inté- 
rieur du cône qui forme une vaste poche, à mesure que l'on 
remonte l'instrument hors de l'eau. Au moment des grandes 
crues, on prend ainsi de fort beaux poissons. L'habileté du 
pêcheur consiste à ramener rapidement son filet, en le ser- 
rant, le plus possible contre la berge, pour que le poisson 
n'ait pas le temps de s'enfuir lorsqu'il est surpris par le pas- 
sage du trouble. 

Pêche a l'araignée. — L'araignée est le filet en usage 
dans le Rhône pour la pêche de l'Alose au moment où elle 
remonte ce fleuve. Voici, d'après Gurnier, comment cette 



PÊCHES DIVERSES 



3i5 






pêche se pratique : armé d'une poche en filet à grandes 
mailles et peu profonde, montée sur un cercle en lattes de 
saule, emmanchée d'une perche de 2 à 3 mètres, il la plonge 
à l'avant de son bateau du côté du large, il la descend en pe- 
sant sur le bout du manche, perpendiculairement à la sur- 
face de l'eau, et, une fois que tout est noyé, il laisse le cou- 
rant entraîner le filet, en ayant soin de le maintenir toujours 
dans sa position, en l'accompagnant ou en l'aidant d'une main 
attentive et intelligente. L'Alose est un poisson très vif, doué 
d'une grande puissance natatoire, il importe donc que la pêche 
se fasse lestement, sans quoi, comme ce filet n'offre aucune 
espèce de goulot de nasse, qu'il est à fond très rapproché et 
très plat, le poisson aie temps de s'échapper; un bon courant 
est nécessaire, puisque c'est lui qui doit imprimer la vitesse au 
filet. On comprend que l'araignée intercepte le passage dans 
la tranché d'eau correspondante à sa circonférence, le pois- 
son allant dans un sens, celui opposé au courant, tandis que 
le filet le suit; le moment important est celui où cette ren- 
contre a lieu. Le poisson est touché, mais bien s'en faut qu'il 
soit pris, il faut l'amener à la surface. Aussitôt que le filet 
noyé en tête du bateau en a suivi la longueur, une corde qui 
s'y fixe porte et se raidit. On cesse de peser sur le filet, qui 
tend alors avec impétuosité à quitter la position forcée où il 
est maintenu, pour reprendre sa position naturelle, c'est- 
à-dire flotter horizontalement. C'est à ce moment que le pê- 
cheur a à donner tous ses soins pour faire émerger le filet 
simultanément sur tous les points de sa circonférence ; de là 
dépend la beauté du coup : le poisson, lorsque le coup est bien 
donné, est prisonnier alors dans la partie lâche du filet qui 
flotte au delà du bord extérieur du cercle. Cette pêche est 
très fatigante. Les hommes qui s'y livrent donnent environ 
quarante à cinquante coups par heure, et se relèvent toutes 
les deux heures. 

Pêche a la senne. — La Senne est un long filet de 






316 LA. PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

forme rectangulaire qui sert à la grande pêche sur des fonds 
unis (fig. 166). La longueur en est extrêmement variable, la 
hauteur varie de 80 centimètres à 6 mètres ; le haut porte 
une bonne cordelette munie de lièges destinés à faire flotter le 
filet, tandis que dans le bas, sur une cordelette analogue, on a 
logé de forts plombs pour forcer le filet à se tenir d'aplomb 
une fois à l'eau ; aux deux extrémités latérales sont fixées 
des cordes qui prennent le haut et le bas du filet et que l'on 
nomme bras. Avec la senne, on peut barrer complètement 
la rivière; dans ce cas, le filet étant descendu à l'eau de 
façon à s'étendre d'une rive à l'autre, des hommes tirent sur 
les bras de la senne en remontant le courant, de manière à 
lui imprimer une forme curviligne ; à un moment donné, les 
hommes d'une rive passent à ceux de l'autre rive le bras 
qu'ils manœuvraient, et l'on rapproche ainsi petit à petit les 
deux extrémités de la senne l'une de l'autre, de façon à 
emprisonner le poisson sur un court espace. On ramène 
alors la senne à terre en choisissant autant que possible une 
berge où le fond de la senne traîne sans laisser échapper le 
poisson. 

Si le cours d'eau est trop grand, et qu'on ne veuille pas le 
barrer entièrement, on jette la senne au moyen de deux 
bateaux, qui vont d'abord en s'écartant l'un de l'autre, jus- 
qu'à ce que toute la senne soit à l'eau; puis à force de 
rames, on fait avancer la senne suivant un certain espace 
en ayant toujours soin qu'elle forme une anse au fond de la- 
quelle se réfugie le poisson ; on rapproche alors les deux 
bateaux de façon à enfermer le poisson comme dans un 
vaste épervier que l'on relève ensuite à la fois sur les deux 
bateaux. Parfois encore, pour éviter trop de bras, on se con- 
tente d'attacher solidement un des côtés de la senne, tandis 
que l'on fait marcher l'autre en le faisant pivoter autour du 
premier. 

On désigne sous le nom de colleret des sennes qui au lieu 



PÊCHES DIVERSES 317 

d'être rectangulaires vont en décroissant depuis le milieu 
jusqu'aux deux extrémités, de telle sorte que, si le centre a 
3, 4, 5 ou 6 mètres, chaque extrémité n'a plus que 60 à 
80 centimètres de hauteur. Ces sennes sont plus légères à 
manœuvrer ; on les emploie dans les étangs où il y a une 
faible profondeur d'eau, 



FILETS FIXES 



Pêche au tramail. — La pêche au tramail, dans les 
fleuves et les rivières, constitue une véritable battue. Voici, 




Fia. 165. 



Tramail. 



d'après M. de La Blanchère, comment on construit ce filet 
(fig. 165). Le tramail « est formé de trois rets superposés les 
uns aux autres ; les deux extérieurs ou années sont ourdis 
à petites mailles; l'intérieur ou (lue est à petites mailles. Les 
aunées se font soit en mailles carrées, soit en mailles en 
losange; dans tous les cas, elles doivent être fortes; aussi, 
y emploie-t-on de la ficelle de choix, et plus grosse que pour 
la flue. Les mailles des aunées ont de 15 à 30 centimètres 
en carré, car il faut qu'elles soient assez grandes pour que 
les poissons que l'on veut prendre passent à travers et 
arrivent à la flue, qui seule doit les arrêter en faisant 

18. 



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318 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



PECHES DIVERSES 



319 










Fie 160. — réi'lie à la senne. 









320 LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

bourse à travers les mailles de l'aunée opposée, par laquelle 
elle ressort sous l'impulsion de l'animal. C'est là qu'il reste 
embarrassé et accroché. Les aunées, en somme, ne servent 
qu'à soutenir la flue, qui est flottante, entre elles, et qui doit 
avoir de deux fois à deux fois et demie l'étendue des aunées. 
La flue s'ourdit toujours en mailles à losange, qui ont de 25 
à 60 millimètres d'ouverture. En général, elle se fait en fil 
très fin, retors en deux et d'excellente qualité. 

Pour monter ces trois filets ensemble, on fait choix d'un 
endroit bien net sur le sol, soit sur du sable, soit sur l'herbe 
fine d'une prairie. On déploie l'une des aunées que l'on tend 
fortement par les quatre coins, au moyen de piquets passant 
dans les boucles B E des angles. Ceci fait, on passe dans le 
dernier rang des mailles de la flue, tout autour un solide fil 
de fouet bien détordu F et d'un seul morceau. On place alors 
la flue sur l'aunée tendue, attachant cette ficelle et lés angles" 
de la flue aux piquets qui tendent l'aunée ; la ficelle du tour 
se trouve parfaitement tendue, mais la fiua ne l'est pas, puis- 
qu'elle est ourdie bien plus grande que l'aunée qui est 
dessous. On distribue alors avec la main les plis de la flue 
le plus régulièrement possible sur la ficelle, tout autour, 
afin qu'elle fronce et fasse poche uniformément sur toute 
l'étendue de l'aunée. On place alors sur la flue la seconde 
aunée, que l'on tend, comme la première, au moyen des 
boucles des angles, sur les mêmes piquets, puis au moyen 
de fil retors, on attache solidement chaque maille des aunées 
correspondantes sur le bord, en ayant soin de prendre entre 
elles une maille de la flue. On termine le travail en bordant 
les trois filets ensemble, au moyen d'une corde solide. Le 
tramail est alors en état de servir. Il ne reste plus qu'à 
garnir le haut de flottes de liège et le pied de plomblées. 

Ce filet se place à poste fixe en travers du cours d'eau ; il 
n'est pas nécessaire même qu'il le barre tout à fait. Le plus 
souvent, il n'en occupe à peu près que le tiers du milieu. Il 



PÊCHES DIVERSES 321 

est généralement soutenu à chaque extrémité par un bateau 
soit amarré au rivage, soit maintenu par une pierre coulée 
au fond qui sert d'ancre. Le tramail posé, les pêcheurs 
descendent à quelques centaines de mètres en dessous, et là, 
déployant une senne à larges mailles qui, cette fois, barre la 
rivière entière, ils remontent lentement vers le tramail. La 
senne, ici, n'agit que comme cloison mouvante. Ainsi, dans 
la Loire, par exemple, les pêcheurs la remplacent-ils par une 
simple chaîne de fer, garnie de cliquets de bois, qu'ils traî- 
nent au fond de l'eau. Quelque soit l'engin employé, chaîne 
ou senne, le poisson effrayé s'enfuit, la tête au courant, et va 
donner dans le tramail, où il demeure embarrassé. Il se 
méfie d'autant moins que, voyant les larges mailles des 
aunées, il y passe facilement, et rencontrant le tissu flot- 
tant de la flue, qui cède sous la moindre pression, il croit 
le refouler pour se livrer passage, mais il n'aboutit qu'à 
former une poche à travers une des mailles de l'aunée 
opposée, poche qui augmente avec la furie de ses mouve- 
ments, les paralyse bientôt et le conserve empêtré. Dans 
les petits ruisseaux, on ne se donne plus la peine de rabattre 
le poisson dans le filet avec la senne, on boule vigoureuse- 
ment sur chaque bord et au milieu avec des perches, remon- 
tant sous le tramail, on y fait fuir le poisson. 

On cerne également, au moyen du tramail, les abords des 
crônes ou cavernes sous les racines et les berges, puis le 
bouloir fait son jeu ; les poissons, attaqués dans leurs retraites, 
fuient éperdus le tapage, et s'emmaillent d'autant plus aisé- 
ment que la vase, soulevée par cette manœuvre dans un ruis- 
seau de peu d'étendue, trouble rapidement l'eau et empêche 
le poisson de discerner son chemin. 

En somme, le tramail est le véritable filet du pêcheur de 
profession ; c'est l'engin qui lui rapporte le plus, et quoique 
la manœuvre en soit assez pénible, tant à cause du poids du 
filet que de sa longueur, c'est celui auquel il a recours le plus 






322 



LA PECHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



souvent. C'est la véritable nappe des morts de nos rivières. 
Tous les poissons s'y prennent sans exception ; même les 
petits, qui pourraient passer à travers les mailles de la flue, 
et cependant s'y accrochent et s'y embrouillent par les 
épines de leurs nageoires. » 

Pêche au vannet. — La pêche au vannet se pratique 
dans les grands neuves, notamment le Rhin et le Rhône pour 
la capture des Truites. On tend-, sur la plus grande largeur 




Fig. 167. — Pêche au vannet. 



possible du cours d'eau (fig. i67) soit des filets, soit des 
piquets garnis d'un clayonnage en bois, de manière à 
affecter la forme d'un V ; l'ouverture se présentant du côté 
d'où vient le courant ; mais comme la Truite, surtout lors- 
qu'elle se sent menacée, est susceptible de faire des bonds 
hors de l'eau pour faciliter sa fuite, il est bon que le barrage 
dépasse le plan supérieur du fleuve de 60 à 80 centimètres 
au moins. A la pointe du V, on a disposé une nasse suffisam- 
ment grande, dont l'ouverture fait corps avec les deux côtés 
du barrage. On place ce vannet au commencement de 
novembre, et chaque matin les pêcheurs qui se sont associés 
pour organiser cette installation assez dispendieuse, vont 






PÊCHES DIVERSES 323 

relever la nasse et se partagent le résultat de la pêche. Ici il 
n'est nullement besoin de battre l'eau, le poisson remontant 
le courant vient se faire prendre de lui-même, en suivant les 
parois du barrage pour entrer dans la nasse d'où il ne peut 
plus sortir. 

Pèche au guideau. — Le guideau est un long filet de 
forme cylindrique ou cylindro-conique dont la taille varie 
de 8 à 10 mètres, pour un diamètre de 60 à 80 centimè- 
tres ; on le place à poste fixe sous le courant de la rivière, 
le plus souvent au voisinage des barrages, des piles de 
pont, des déversoirs d'usines, etc.; l'entrée est maintenue 
droite par un cerceau en bois, soit complètement circulaire, 
soit simplement arrondi au-dessus d'une base droite. Le 
poisson qui remonte le courant entre dans cette longue 
manche et n'en sort plus que très difficilement, s'empê- 
trant dans ses mailles. Ordinairement, comme le relevage 
du filet est une manœuvre assez pénible, on le termine par 
une nasse, où la plus grande partie du poisson vient se 
réfugier ; chaque matin on n'a plus alors qu'à relever la 
nasse. L'inconvénient du guideau c'est que bien souvent le 
poisson qui y est pris se trouvant roulé durant plusieurs 
heures par la rapidité du courant, meurt rapidement et 
s'écorche ou s'abime par suite du frottement contre les 
mailles ou contre le fond. Parfois, lorsqu'on veut prendre 
du petit et du gros poisson, on fait le guideau en trois ou 
quatre sections, chacune avec une grosseur de mailles 
différente, celles de l'embouchure étant nécessairement les 
plus grandes. 

Pèche aux gords. — La pèche aux gords présente une 
grande analogie avec la pèche au vannet. Sur une rivière 
(fig. 168), on tend une ou deux séries de filets ou de clayon- 
nages disposés en forme de W et qui barrent complète- 
ment le courant, l'ouverture des V étant dirigée dans le sens 
de ce courant. A la pointe de chaque barrage, on installe 



324 



LA PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 



des guideaux que l'on termine par des nasses ; on a aussi un 
ou deux guideaux où le poisson vient se faire prendre ; ce 




double guideau ne laisse rien perdre, et si le barrage est fait 
àmaille assez étroites, tout le poisson de la rivière est oblige 
de passer par le guideau. On se sert surtout de la pêche 






I-'ECHE AU VERVEUX 



325 



aux gords pour prendre les Anguilles au moment de leur 
montée. 

Pêche au verveux. — Le verveux est un diminutif perfec- 
tionné du guideau. On fait des verveux de toutes les formes. 
Le verveux ordinaire (fig. 169) est un filet conique d'en- 
viron deux mètres de longueur et de 30 à 60 centimètres de 




Fio. 169. — Verveux. 



diamètre à la base ; des cerceaux en bois ou en fer galvanisé, 
d'un diamètre de plus en plus petit, le soutiennent depuis la 
base jusque vers le sommet. Les mailles sont d'autant plus 
fines que l'on veut prendre du poisson plus petit. La base 
ou ouverture du verveux est complètement ouverte ; on y 
adapte en dedans, un second filet ou coiffe, ou goulet, en 
forme de tronc de cône ; ce tronc de cône, beaucoup plus petit 
comme hauteur que le verveux, a la même base, et le petit 
diamètre du sommet n'a plus que 10 ou 15 centimètres; 
l'extrémité de ce tronc de cône est ordinairement attachée au 
dernier cercle du verveux, le plus voisin du sommet, de 
façon à maintenir ce tronc de cône à peu près dans le même 
axe que le verveux lui-même. On peut donner delà rigidité 
à tout l'ensemble en maintenant les cercles régulièrement 
écartés les uns des autres par des petites baguettes à fourche, 
que l'on pose au moment de s'en servir. On tend le verveux 
dans le sens du courant, de manière à ce que celui-ci se 

Locard, La Pèche. 19 






326 'A PÈCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

présente vers l'ouverture; on amorce dans le verveux, et 
l'on n'a plus qu'à attendre quelques heures; ordinairement, 
on pose les verveux le soir, pour les relever le lendemain 
matin. Le poisson, une fois qu'il a pénétré dans le verveux, 
attiré par l'amorce, s'empêtre dans sa prison sans en retrou- 
ver la porte, tout comme le rat vivant pris dans sa ratière. 
Ceci étant donné, on peut varier les formes et les disposi- 
tions du verveux. Veut-on prendre du gros poisson? on le 
fera plus grand et plus large, et comme il pourrait être 
entrainé, on lui ajoute du lest en dessous pour qu'une fois 
mis à l'eau il n'en bouge plus. Veut-on prendre toutes 
sortes de poissons à la fois ? on fait un verveux de grande 
taille, à mailles serrées, et on loge dans son intérieur trois 
coiffes successives et d'un diamètre final de plus en plus 
petit ; le gros poisson reste dans la première chambrée qu'on 
a eu soin de ménager plus spacieuse ; le moyen poisson se 
loge dans la seconde, et le menu fretin va se réfugier dans 
la troisième. Souvent, au lieu de faire le verveux complè- 




Fui. 170. — Verveux à nasse. 



tement circulaire, on donne à l'entrée une forme d'arceau, 
avec une base droite qui repose mieux sur le sol, mais les 
autres cerceaux restent ronds. Parfois, on termine le ver- 
veux, surtout s'il est un peu long, par une nasse (fig. 170) ; 
en ce cas le filet reste au fond de l'eau, fixé par des perches, 



PÊCHE AU LOUP 



327 



ou de toute autre manière, et l'on ne relève que sa pointe avec 
la nasse pour recueillir le poisson. La pêche au verveux est 




a. 
I 



ordinairement très productive, surtout si l'on a eu bien soin 
d'amoreer convenablement non seulement dans le verveux, 
mais mieux aux abords et un peu loin, de façon à y attirer le 
poisson. C'est une pêche peu fatigante, pratique dans toutes 






328 LA PÊCHE DES TOISSONS EN EAUX DOUCKS 

les eaux, mais plus volontiers dans les rivières. Il faut seu- 
lement avoir bien soin de marquer très exactement la place 
où le verveux a été noyé pour qu'avec la gaffe ou le grappin 
on puisse facilement le retrouver le lendemain. Un mot en- 
core ; il est prudent de se méfier des maraudeurs, qui se 
lèvent de bonne heure et ne vous attendent pas pour aller 
relever vos verveux avant vous... 

Pêche au loup. — La pèche au loup ou à la louve, le sexe 
ici n'a rien à y voir, est une combinaison en petit de la 
pèche au verveux, avec quelques-unes des pêches précédentes. 
Le verveux est cylindrique (fig. 171), et il porte une coiffe 
conique à chacune de ses extrémités. A chaque entrée du 
verveux on dispose un filet rectangulaire, plus ou moins 
allongé, disposé en forme de V, et dont la pointe correspond 
avec l'entrée du verveux dont elle épouse le galbe, tandis 
que les deux autres extrémités sont tenues droites par des 
piquets ; de cette façon, le poisson d'amont comme celui 
d'aval est sollicité, par les filets écartés, à s'introduire dans 
le verveux central, d'où il ne peut plus sortir une fois qu'il 
y est entré. 

Cet appareil s'emploie surtout dans les lacs et les étangs, 
là où il n'y a point de courant; il faut avoir soin de choisir 
les stations où le poisson passe plus volontiers, notam- 
ment au voisinage des herbes, à un changement d'allure 
du fond, etc.; au besoin on amorce de loin pour attirer le 
poisson et le forcer à prendre le chemin du verveux ; bien 
entendu le verveux lui-même est amorcé à l'intérieur. On 
couvre souvent la louve avec quelques brassées de joncs ou 
d'herbages pour mieux la dissimuler ; en été, le poisson 
croyant y trouver un abri, vient s'y faire prendre plus faci- 
lement. 






PECHE A LA NASSE 



329 



ENGINS DIVERS POUR LA PÊCHE 

Pêche a la nasse. — On appelle nasse (fig. 112), des 
paniers de toutes formes faits en joncs et qui servent de 
piège pour prendre le poisson. Les nasses diffèrent des 
verveux par ce fait qu'elles sont construites avec toute autre 
matière qu'un filet. Le jonc, l'osier, la canne, même le 
coudrier sont bons pour faire des nasses. Parfois aussi on fait 




Fie. 172. — Nasse courte à eaux mortes. 



des nasses avec une coiffe en filet. Le plus ordinairement la 
nasse affecte une forme de tonnelet plus ou moins allongé ; 
les joncs sont disposés dans le sens de la longueur, et leur 
écartement est maintenu par un certain nombre de cerceaux 
plus forts et plus rigides ; à l'une des extrémités se place 
une coiffe fixe faite à l'aide d'un tronc de cône en jonc non 
cerclé à sa petite extrémité ; l'autre bout de la nasse est fermé 
par une porte mobile autour d'un axe, le tout en jonc, des- 
tinée à donner issue au poisson. 

Suivant que l'on veut prendre du poisson plus ou moins 
gros, on se sert de nasses à joints plus ou moins écartés; 
pour le petit poisson, et même pour le poisson de taille 
moyenne, il est bon d'avoir à l'intérieur deux coiffes suc- 
cessives, la première plus ouverte que la seconde. Si la nasse 
est bien amorcée à l'intérieur, le poisson ne fera aucune 
difficulté pour franchir d'un seul trait les deux ouvertures 






330 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

bien centrées dans le même axe, et une fois entré il ne lui sera 
plus possible de sortir de sa prison. Il est également avan- 
tageux de faire tresser sur la longueur de la nasse deux 
paires d'anses en osier pour qu'on puisse la saisir commo- 
dément. Dans le Midi, sous le nom de gombin ou lance 
(fig. 173), on fait des nasses de forme cylindrique, mais dont 




Fig. 173. — Nasse gombin. 



la coiffe est en filet ; ordinairement il existe une coiffe à 
chaque extrémité ; sur les côtés on ménage une porte pour 
retirer le poisson. 

On tend les nasses comme les verveux, le plus souvent le 
soir, à la tombée de la nuit, après les avoir garnies d'une 
amorce à l'intérieur ; le lendemain matin on les retire de 
l'eau avec une gaffe ou à l'aide du grappin. Gomme la nasse 
est plus légère que l'eau, on la leste de façon à ce qu'elle y 
gagne le fond de la rivière. Le meilleur moment pour pêcher 
à la nasse, c'est lorsque le temps est un peu orageux, ou 
bien lorsqu'il se produit une crue ; à ce moment les apports 
sont plus riches en substances alimentaires, et le poisson 
toujours avide suit plus volontiers les bords de la rivière où 
l'on a eu soin de disposer les nasses parallèlement à la berge. , 
et assez loin les unes des autres. 

Pêche a la foêne. — Quoique plus particulièrement 
réservée à la pêche en mer, la pêche à la foêne ou fouenne, 
se pratique pourtant également en eau douce dans certaines 



PECHE A LA FOKNE 



331 



antrées. La foène est l'arme que l'on place ordinairement 
itre les mains du dieu de la mer ; mais depuis Neptune, sa 
orme, et surtout son mode de fabrication ont quelque peu 
varié ; néanmoins nos pêcheurs s'en servent toujours de la 
même façon ; on fait des foênes de toutes sortes, avec deux, 
trois, quatre ou cinq dents; ces dents sont tantôt lisses, 
tantôt dentelées sur toute leur longueur ; presque toujours on 
les termine en fer de lance ou en fer d'hameçon (fig. 174). 




Mal 



Fig. 174. — Foène. 



C'est surtout dans le Midi que l'on fait usage de la foêne. 
alors qualifiée de fichouira, pour pêcher les Anguilles dans 
les eaux saumâtres des étangs qui bordent la Méditerranée : 
mais tout le monde n'est pas bon pêcheur à la fichouira, et 
pour s'en bien servir il faut une longue pratique. Le pêcheur, 
monté sur un bateau, le trident à la main, surveille attentive - 
ment le fond de l'eau; voit-il une Anguille en chasse, il lui 
lance son dard dont le manche est fixé par une cordelette 
après son bras. Mais l'Anguille aime mieux voyager la nuit; 
le jour, elle se creuse dans la vase une profonde retraite, y 
cache tout son corps, sortant seulement la tête au-dessus de 
la vase ; l'imprudente, c'est ce manque de précaution qui va 
la perdre. Le moindre mouvement de ses branchies soulève 



M 



332 LA PÊCHE DES POISSONS EN EADX DOUCES 

un léger nuage de vase au fond de l'eau ; le pêcheur attentif 
ainsi averti, descend lentement sa foêne, en tenant bien 
compte de la réfraction de l'eau, puis d'un coup sec, appliqué 
sur le manche de l'outil, il embroche l'Anguille et la ramène 
dans son bateau. 

Pêche a la bouteille. — La pêche à la bouteille ou à la 
carafe, l'une et l'autre se disent, est destinée à prendre les 
petits poissons, et notamment les Goujons. C'est une véritable 
nasse en miniature et en verre. On prend pour cela une 
grande bouteille en verre blanc, d'une capacité d'au moins 
deux litres ; on en fait même qui ont six et huit litres ; le 
fond est renfoncé en forme d'entonnoir et percé en son milieu 
d'une ouverture de 2 à 3 centimètres. Le goulot, large de 
5 à 6 centimètres est fermé à l'aide d'un bouchon de liège 
dans lequel on aura ménagé quelques trous ou simplement 
quelques entailles pour permettre à l'eau de n'être point 
stagnante dans l'intérieur. On introduit dans le fond de la 
bouteille un peu de son ou de mie de pain bien menue avec 
quelques bribes de crottin de cheval, on bouche soigneuse- 
ment et l'engin est prêt à fonctionner. 

Pour s'en servir, on trace dans le sable de la rivière un 
sillon de 1 mètre de longueur environ, et l'on place à son 
extrémité la bouteille, en ayant soin de tourner le goulot en 
amont, l'entonnoir du fond regardant le sillon. Amorcez 
encore dans le sillon avec les mêmes substances que celles 
que vous avez mises dans la bouteille, et bientôt vous verrez 
accourir un régiment de petits poissons qui s'avanceront le 
long de votre sillon; le plus hardi de la bande n'hésite pas à 
franchir l'entrée du fond de la bouteille, les camarades le 
suivent, et pour peu que vous ayez la moindre chance, vous 
serez bientôt obligé de retirer votre bouteille pour la vider 
et la remettre en place. Mais ayez toujours soin de manœu - 
vrer votre bouteille avec toutes les précautions nécessaires; 
n'oubliez point que plus elle est fragile, meilleure elle est, 






PÊCHES A. LA BOUTEILLE. — A PIED 333 

car dans ces conditions elle est plus légère, et se laisse moins 
voir; enroulez autour du goulot une cordelette ou une chaî- 

ette en fer galvanisé, vous la manipulerez plus aisément si 
la rivière est un peu trop profonde. 

On fait également pour ce genre de pêche des bouteilles 

3utes spéciales et assez avantageuses quoique un peu chères; 
elles ont une forme cylindrique, allongée, avec un fond ren- 
trant en entonnoir à chaque extrémité; il va sans dire que 
les deux fonds sont percés ; le goulot portant un bouchon est 
établi sur le côté et se tient en l'air quand la bouteille descend 
au fond de la rivière. Dans cette bouteille le poisson entre à 
la fois par les deux extrémités. On devra lui donner la pré- 
férence toutes les lois que l'on péchera dans un endroit qui 
a peu de courant, ou bien encore dans les haïs où le petit 
poisson aime à se rassembler. 

Pêche a pied. — La pêche à pied se pratique en mer 
comme en eau douce. Elle s'applique aux poissons plats, aux 
Plies ou aux Flétans qui viennent se réfugier sur les grands 
bancs de sable de la Loire et de la Garonne. Les pêcheurs 
expérimentés connaissent parfaitement les endroits fréquentés 
de préférence par les poissons qui s'ensablent ; quand la mer 
se retire ils y vont pieds nus et marchent sur le fond alors 
qu'il ne reste plus qu'une faible épaisseur d'eau. En Picardie, 
à l'embouchure des rivières, on poursuit ainsi les Flets; les 
pêcheurs entrent dans l'eau jusqu'à 1 mètre de profondeur 
et quand ils sentent le poisson, ils le piquent avec un bâton 
armé de deux ou trois clous. Il en est de même des pêcheurs 
de la Seine et de la Loire. 

On fait également dans ce même fleuve la pêche à pied 
d'une autre manière: «Un homme ou un enfant, lisons-nous 
dans le Dictionnaire général des pêches, entre dans l'eau, 
et gagne un des bancs de sables ou corvées qui garnissent 
le lit de la Loire. Ces bancs, de forme bombée, ont le plus 
souvent leur point culminant hors de l'eau. Le pêcheur se 









334 LA PÊCHE DES POISSONS EN EAUX DOUCES 

met à marcher et appuyant fortement le pied de manière à 
former de profondes empreintes dans le sable; il commence, 
en suivant le bord de l'eau, de 20 à 30 centimètres de pro- 
fondeur et tourne toujours en revenant sur ses pas, mais 
sans les croiser. Sa trace décrit une spirale elliptique à tours 
plus ou moins éloignés les uns des autres, suivant la pro- 
fondeur de l'eau. Si le banc descend vite, les tours sont plus 
rapprochés et réciproquement. Arrivé aussi loin qu'il sup- 
pose pouvoir aller, il coupe en travers tous ses tours mar- 
qués, et revient à son premier pas. Là, il recommence sa 
promenade, mais en ayant très soin de mettre chaque pied 
dans le pas qu'il a tracé. Or, voici ce qui est arrivé : les 
Plies, dérangées par le premier passage, ont aperçu le petit 
nuage de sable soulevé par le pas le plus voisin, elles ont vu 
la cavité formée, elles en ont profité pour s'y précipiter, 
l'agrandir d'un coup de nageoire, d'un trémoussement 
habile, et s'y installer coites et immobiles. En revenant peu 
à peu, le pêcheur ne peut manquer de placer son pied sur le 
poisson. Au même moment un coup de digon (sorte de 
foêne) est donné, et la pauvre Plie enlevée ne fait qu'un saut 
du sable dans le panier que le pêcheur porte sur son dos. » 
Pêche au fusil. — Terminons cette revue des différentes 
sortes de pêches par la pêche au fusil ; dans bien des dépar- 
tements, c'est chose interdite, mais si vous êtes chez vous, 
rien ne vous empêche de vous livrer à ce genre de sport 
assez particulier. On a fait des fusils dans lesquels le pro- 
jectile est une flèche un peu courte, maintenue dans le canon 
par un ressort, et retenue à la disposition du chasseur par 
une fine cordelette. Le poisson est-il touché, vous le ramenez 
à l'aide de cette ligne d'un nouveau genre. Mais, nous devons 
l'avouer, ce procédé est en réalité souvent peu pratique, la 
ligne casse et la flèche est perdue. Mieux vaut encore une 
petite balle. Ne faites point usage du plomb, vous abîmez le 
poisson et n'êtes pas sûr de lui donner la mort. La balle doit 



PÊCHES AU FUSIL 335 

être envoyée dans la tête, au plus loin dans les ouïes. Mais 
il faut savoir viser juste, et par suite de la réfraction de 
l'eau on ne doit pas viser un poisson comme un vulgaire 
lapin de garenne. Ne tirez jamais quand le poisson parait 
à plus de 20 centimètres au-dessous de la surface de l'eau, 
et souvenez-vous que, en cette position, la réfraction des 
rayons lumineux dans l'eau fait croire que le poisson n'est 
qu'à 10 centimètres tout au plus. La carabine Flobert est 
excellente pour cet usage, elle fait peu de bruit et n'effraye 
pas le poisson. Avec un peu d'exercice on arrive bientôt à 
viser juste. Le poisson seulement blessé s'enfuit au loin, 
mais une fois mort il revient bientôt à la surface, où vous 
n'avez plus qu'à le recueillir dans l'épuisette. 



LÉGISLATION DE LA PÈGHE 

Nul n'est sensé ignorer la loi, dit le Gode français, et ce- 
pendant combien peu de personnes connaissent, en matière 
de pèche, leurs droits et leurs devoirs. Cela pourtant en vaut 
certes bien la peine, car tel qui pêche en temps prohibé, 
dans un milieu réservé ou non, avec certain engin toléré ou 
proscrit, s'expose à des contraventions, à des amendes plus 
ou moins fortes, parfois même à la prison. Nous avons pensé 
qu'il serait utile de compléter tout ce que nous avons écrit 
sur la pêche, par un résumé des principales lois et réglemen- 
tations les plus essentielles et qu'il importe à tout pêcheur 
de connaître. 

La législation et la réglementation de la pêche fluviale se 
trouvent contenues dans les deux lois des 15 avril 1829 et 
31 mai 1865, dans les décrets des 10 août 1875, 18 mai 1878 
et 27 décembre 1889, ainsi que dans un certain nombre 
d'arrêtés préfectoraux, spéciaux à chaque département, et 
revêtus de l'approbation ministérielle. Nous emprunterons 
les dispositifs les plus importants à connaître à la nouvelle 
édition du Dictionnaire de V administration française de 
Block 1 . 

DROITS DE PÊCHE ET EXERCICE DE CE DROIT 

Droits de l'Etat. — Aux termes de la loi du 15 avril 1829, 
art. 1 er , le droit de pèche, qui comprend aussi le gibier d'eau, est 



* Nous remercions MM. Berger-Levrault et C ie , éditeurs du Dic- 
tionnaire d'administration de Block, d'avoir bien voulu nous com- 
muniquer l'épreuve de l'article Pèchk fluviale, de M. J. Coumes, mis 
a jour par M. Beaurin-Gressier. 



DROITS DE PECHE ET EXERCICE DE CE DROIT 



337 



exercé au profit de l'Etat : 1<> dans tous les fleuves, rivières, 
anaux et contre-fossés navigables et flottables, avec bateaux, trains 
du radeaux, et dont l'entretien est à la charge de l'Etat ou de ses 
ayants cause; 2» dans les bras, noues, boires et fossés qui tirent 
leurs eaux des fleuves et rivières navigables et flottables, dans 
squels on peut en tout temps passer ou pénétrer librement en 
ateau de Dêctieur et dont l'entretien est également à la charge de 
l'État. Sont exceptés toutefois, les canaux et fossés existants ou qui 
seraient creusés dans des propriétés particulières et entretenus 
aux frais des propriétaires. 11 a été entendu, lors de la discussion 
de la loi, que cette exception comprend les canaux et fossés ser- 
vant de délimitation à deux héritages. 

11 est à remarquer que les limites ainsi fixées du droit de pêche 
appartenant à l'Etat, sur les voies navigables et flottables, sont plus 
restreintes que les limites du domaine public sur les mêmes voie-, 
car le domaine public y est délimité par la ligne des eaux coulant 
pleins bords, tandis que le droit de pêche ne peut s'y exercer au 
profit de l'Etat que sur les espaces aquatiques accessibles en tout 
temps, c'est-à-dire même pendant les eaux basses, eaux petits 
bateaux de pêcheurs. C'est là une cause de diminution des produits 
qui devraient appartenir à l'Etat et une source de difficultés entre 
l'Etat et les propriétaires riverains. Mais le législateur a voulu, de 
la sorte, protéger plus sûrement les propriétés riveraines contre 
l'accès trop rapproché des pêcheurs. 

L'art. 3 de la loi du 15 avril 1&29 porte que des ordonnances 
royales détermineront, après une enquête, les parties des fleuves 
et rivières et les canaux où le droit de pêche sera exercé au profit 
de l'Etat, ainsi que les limites entre la pêche fluviale et la pèche 
maritime, dans les fleuves et rivières affluant à la mer. Il a été 
satisfait à cette prescription, d'abord par l'ordonnance du 10 juillet 
1835, puis par une série d'autres ordonnances et décrets qui la 
complètent ou la modifient. 

Le même art. 3 de la loi du 15 avril 1829 a décidé, dans l'inté- 
rêt des marins, que les limites entre la pêche.fluviale et la pêche 
maritime, dans les fleuves et rivières affluant à la mer, seront les 
mêmes que celles de l'inscription maritime. Toutefois, la pêche 
faite dans l'intervalle compris entre les points où cesse la salure 






338 LÉGISLATION DE LA PÊCHE 

des eaux et la limite de l'inscription maritime, est soumise aux 
règles de police et de conservation établies pour la pêche fluviale. 
Divers décrets, rendus le 4 juillet 1853 et postérieurement, ont 
fixé les limites de l'inscription maritime et les points de cessation de 
la salure des eaux sur les côtes de l'Océan et de la Méditerranée. 

Les décrets portant déclaration de navigabilité d'un cours d'eau, 
et par suite attribution du droit de pêche à l'État, ne sont suscep- 
tibles d'aucun recours par la voie contentieuse ; mais dans le cas 
où, postérieurement à la loi du 15 avril 1829, les cours d'eau sont 
rendus ou déclarés navigables ou flottables, les propriétaires privés 
de leur droit de pêche reçoivent une indemnité préalable (Art. 3 
de cette loi). 

Le droit de pêche de l'Etat dans les voies navigables et flottables 
comporte une restriction spécifiée à l'art. 5 de la loi du 15 avril 
1829, qui permet à tout individu d'y pêcher à la ligne flottante 
tenue à la main, le temps du frai excepté, sans payer aucune rede- 
vance. Cette disposition, adoptée en vue surtout de procurer un 
délassement à la classe ouvrière, est devenue en France une cause 
d'abus, en raison du perfectionnement de la ligne flottante, tandis 
que beaucoup de législations étrangères frappent d'un impôt les 
permis de pêche dans les mêmes conditions. 

La loi du 15 avril 1829 prive-t- elle du droit de pêche dans les 
cours d'eau du domaine public les particuliers qui en jouissaient 
en vertu d'anciens titres et de possessions maintenus par l'ordon- 
nance de 1669? L'art. 83 de cette loi, en décidant que les droits 
acquis seront appréciés d'après les lois antérieures, permet de con- 
sidérer comme encore subsistants les droits de pêche d'origine non 
féodale concédés par l'Etat avant 1566. 

La pêche au profit de l'Etat est exploitée, selon la loi du 15 avril 
1829, amendée par celle du 6 juin 1840, soit par voie d'adjudica- 
tion publique, soit par concessions de licences à prix d'argent. 

Le mode de concessions par licences n'est employé que lorsque 
l'adjudication a été tentée sans succès (Loi de 1829, art. 10). Les 
adjudications ont • toujours lieu avec publicité et concurrence 
(L. 1829, art. 20,) ; elles peuvent se faire au rabais, aux enchères 
et à l'extinction des feux, ou par soumissions cachetées (Ord. 28 oct. 
8140). La durée des baux et licences est ordinairement de 9 ans. 



DROITS DE PECHE ET EXERCICE DE CE DROIT 



339 



La décision des contestations qui s'élèvent pendant les opérations 
de l'adjudication, sur leur validité, appartient au fonctionnaire 
qui préside la séance (Loi do 1829, art. 14); celles qui naissent entre 
l'administration et les adjudicataires, relativement à l'exécution 
des baux et, par suite, à la fixation des cantonnements respectif» 
de plusieurs fermiers, ou entre l'administration et ses ayants cause 
et des tiers intéressés à raison de leurs droits ou de leurs pro- 
priétés doivent être portées devant les tribunaux ordinaires (Loi de 
1829, art. 4). 

Les fermiers et porteurs de licences ne peuvent user, sur les 
neuves et canaux navigables, que du chemin de halage, et sur les 
rivières flottables que du marchepied, sauf a traiter de gré à gré 
avec les propriétaires riverains sur l'usage des terrains dont ils 
peuvent avoir besoin pour retirer et asséner leurs filets (Loi de 
1829, art. 35). 

Le produit total de la pèche appartenant à l'Etat atteignait seu- 
lement 471.000 francs de 1840 à 1849, tandis qu'il s'élève actuelle- 
ment à 1.021.000 francs déduction faite de la valeur afférente à 
la portion de territoire cédée à l'Allemagne par le traité de paix 
de 1871. 



Droits des pécheurs et riverains. — Dans les rivières et 
canaux non navigables ni flottables, les propriétaires riverains ont 
exclusivement, chacun de son côté, le droit de pêche jusqu'au 
milieu du cours de l'eau, sans préjudice des droits contraires établis 
par possessions ou titres, en se conformant aux lois et règlements 
particuliers sur la pêche (Loi de 1829, art. 2). Ce droit des riverains 
est fréquemment illusoire ou susceptible de controverse, en raison 
de la difficulté d'observer la limite du milieu du lit dans les cours 
d'eau étroits, ou bien à cause de la faible longueur des propriétés 
riveraines. 

Le droit de pèche dans les eaux non navigables ni flottables 
n'a pas une existence isolée et ne peut être vendu ni prescrit indé- 
pendamment du fonds riverain auquel il est attaché (Code civ.). Il 
peut toutefois être transmis temporairement à titre d'usage, d'usu- 
fruit ou de bail à loyer. 

La pêche dans les étangs ou réservoirs n'est que l'exercice du 



3'iO LÉGISLATION DE LA PÊCHE 

droit de propriété privée ; elle n'est pas soumise aux dispositioi 
des lois et règlements. 

Sont considérés comme étangs ou réservoirs les fossés et canau 
appartenant à des particuliers, dès que leurs eaux cessent nat 
lement de communiquer avec les rivières. 



DROITS PROHIBITIFS EN VUE DE LA CONSERVATION 
DU POISSON 

Les dispositions légales et réglementaires relatives à la conser- 
vation du poisson peuvent être distinguées en deux sortes, selon 
qu'elles ont pour objet d'empêcher le dépeuplement ou bien de 
favoriser la reproduction. Les unes sont d'ailleurs gc, êrales ot 
uniformes, en ce sens qu'elles s'appliquent à la France entière et 
qu'elles se trouvent explicitement contenues dans lf s lois de 1829 i 
1865, ainsi que dans les décrets réglementaires de 1875. 1878 et 
1889 ; tandis que les autres sont particulières et locales, comme 
émanant des autorités départementales en vertu des pou\oir délé- 
gués par la loi de 1829 et les décrets de 1875 et de 1878. 

Dispositions générales. — La pèche ne peut être exercée 
sans la permission de celui à qui le droit appartient (Loi de 1829, 
art. 5). 



Temps de la pèche. — En France, les poissons qu'il est utile 
de protéger de la sorte peuvent être rangés dans deux catégories 
correspondant à deux périodes de ponte : celle d'hiver pour lés 
Salmonidés, et celle d'été pour les autres espèces. Ces deux périodes, 
durant lesquelles la vente et le colportage eussent dû être interdits, 
auraient embrassé des intervalles de temps très considérables si 
l'on avait voulu respecter rigoureusement les lois naturelles de la 
reproduction, qui varient selon les climats et selon la rapidité, la 
qualité et la température des eaux ; mais l'administration s'est 
appliquée à trouver un intervalle moyen entre les saisons extrêmes 
du frai, de manière à protéger suffisamment les espèces les plus 
hâtives comme les espèces les plus tardives, et elle semble avoir 






DROITS PROHIBITIFS 341 

atteint ce résultat en fixant de la matière suivante les périodes d'in- 
terdiction de la pêche (Décret de 1889) : 

1° Du 30 septembre exclusivement au 10 janvier inclusivement, 
pour le Saumon; 

2° Du 20 octobre exclusivement au 31 janvier inclusivement, 
pour la Truite et l'Ombre-Ghevalier; 

3 e Du 15 novembre exclusivement au 31 décembre inclusivement, 
pour le Lavaret ; 

A" Du 15 avril exclusivement au 15 juin inclusivement, pour tous 
les autres poissons et l'écrevisse. 

Le moyen le plus rationnel sans doute eût été da délimiter les 
régions soumises à une même période d'interdiction par bassins, 
ou par groupes de rivières, ainsi que cela existe dans la Grande- 
Bretagne ; mais une telle division aurait engendré des difficultés 
tout aussi grandes que la division par départements. Au reste, 
dans la Grande-Bretagne, on a reconnu la nécessité de réduire à 
un très petit nombre de temps distincts les époques d'interdiction 
établies auparavant en correspondance avec les bassins. Enfin, 
l'uniformité des périodes d'interdiction se trouvait commandée en 
quelque sorte par les dispositions législatives interdisant la vente 
et le transport du poisson en temps prohibé et par la rapidité 
actuelle des communications. 

La pêche n'est permise que depuis le lever jusqu'au coucher du 
soleil, sauf pour l'Anguille, la Lamproie et l'Ecrevisse, sous certaines 
réserves relatives aux engins employés (Décret du 18 mai 1878, 
art. 6). La pêche du Saumon et de l'Alose peut être autorisée pendant 
2 heures au plus après le coucher du soleil et 2 heures au plus 
avant son lever dans certains emplacements spécialement désignés. 

La pêche est cependant permise la nuit pour tous les poissons au 
moyen d'engins fixes, sous la condition de ne relever ces engins 
que de jour (Décret du 10 août 1875, art. 7). 

Il est interdit de mettre en vente, de vendre, d'acheter, do trans- 
porter, de colporter, d'importer et d'exporter les diverses espèces 
de poissons, de leur frai et de leurs alevins, pendant le temps où la 
pêche en est interdite. Mais cette disposition n'est point applicable 
aux poissons provenant des étangs ou réservoirs (Loi de 1865, 
art. 5 et 8, et Décret de 1875, art. 4). 

Locakd, La Pèclie. 20 



342 



LÉGISLATION DE LA PÊCHE 



Afin de tempérer ce qu'il y a de trop absolu daDs l'art. 1 er du 
décret du 10 août 1878, modifié par l'art. l or du décret du 27 dé- 
cembre 1889, qui fixe d'une manière uniforme les époques pendant 
lesquelles la pêche est interdite, les préfets peuvent : 

1° Interdire exceptionnellement la pèche de toutes les espèces 
de poissons pendant l'une ou l'autre période, lorsque cette interdic- 
tion est nécessaire pour protéger les espèces prédominantes ; 

2° Augmenter, pour certains poissons désignés, la durée desditea 
périodes, sous la condition que les périodes ainsi modifiées com- 
prennent la totalité de l'intervalle de temps fixé par l'art. 1 er ; 

3° Excepter de la seconde période la pêche de l'Alose, de l'An- 
guille, de la Lamproie, ainsi que des autres poissons vivant alter- 
nativement dans les eaux douces et les eaux salées ; 

4° Fixer une période d'interdiction pour la pêche de la grenouille 
(Décret de 1875, art. 2). 



Les préfets peuvent autoriser la pêche de nuit de l'Anguille, de 
la Lamproie et de l'Ecrevisse dans des cours d'eau désignés et à 
des heures fixées, en déterminant la nature et la dimension des 
engins dont l'emploi est permis pour cette pêche (Décret du 10 août 
1875, art. 6). 

Ils peuvent autoriser dans les mêmes conditions la pêche du 
Saumon et de l'Alose, mais seulement pendant deux heures avant le 
lever ou après le coucher du soleil (Décret du 18 mai 1878, art. 6). 

Engins dk pêche. — Les dimensions des mailles des filets et 
l'espacement des verges des bires, nasses et autres engins employés 
à la pêche des poissons, sont de quatre grandeurs correspondantes 
aux espèces dont les longueurs sont déterminées. Le mode de me- 
surage des mailles a été fixé par l'art. 9 de la loi de 1865, en 
abrogeant l'ancienne disposition de l'art. 32 de la loi de 1829, qui 
prescrivait le plombage des filets comme garantie de leur mesure 
(Loi de 1865, art. 2, et Décret de 1875, art. 9). 

Il est interdit de placer dans les rivières navigables ou flottables, 
les canaux et ruisseaux, aucun barrage, appareil ou établissement 
quelconque de pêcherie, ayant pour objet d'empêcher entièrement 
le passage du poisson (Loi de 1829, art. 24). 

Les filets fixes ou mobiles et les engins de toute nature ne peu- 



DROITS PROHIBITIFS 



343 



vent excéder en longueur, ni en largeur, les deux tiers de la lar- 
geur mouillée des cours d'eau, dans les emplacements où on les em- 
ploie (Décret de 1875, art. 11). Les filets fixes employés à la pêche 
doivent être soulevés par le milieu pendant trente-six heures de 
chaque semaine, sur une longueur équivalente au dixième de leur 
développement et sur une hauteur de 50 centimètres (Id.,art. 12). 

Les mailles des filets, mesurées de chaque côté après leur séjour 
dans l'eau, et l'espacement des verges des bires, nasses et autres 
engins employés à la pêche des poissons, doivent avoir les dimen- 
sions suivantes : 

1° Pour les Saumons, 40 millimètres au moins ; 

2° Pour les grandes espèces autres que le Saumon et pour l'Ecre- 
visse, 27 millimètres au moins ; 

3° Pour les petites espèces, telles que Goujons, Loches, Vairons, 
Ablettes et autres, 10 millimètres. 

La mesure des mailles et de l'espacement des verges est prise 
avec une tolérance d'un dixième. 

Il est interdit d'employer simultanément, à la pêche, des filets ou 
engins de catégorie différente. 

Il est interdit d'établir dans les cours d'eau des appareils pour 
rassembler le poisson dans des endroits dont il ne peut plus sortir, 
ou de le contraindre à passer par une issue garnie de pièges (Id. , 
art. 14). 

Sont prohibés tous les filets traînants, à l'exception du petit 
épervier jeté à la main et manœuvré par un seul homme. Sont 
réputés traînants tous filets coulés à fond au moyen de poids et 
promenés sous l'action d'une force quelconque. Toutefois des arrêtés 
préfectoraux, rendus après avis des conseils généraux, peuvent auto- 
riser, à titre exceptionnel, l'emploi de certains filets traînants à 
mailles de 40 millimètres au moins, pour la pêche d'espèces spéci- 
fiées, dans les parties profondes des lacs, des réservoirs, des canaux 
et des fleuves et rivières navigables (Décret de 1878, art. 13). 

Il est interdit aux contremaîtres, employés du balisage et mari- 
niers qui fréquentent les voies navigables ou flottables, d'avoir 
dïns leurs bateaux ou équipages aucun filet ou engin de pêche 
même non prohibé (Loi de 1829, art. 33). 

Il est défendu de jeter dans les eaux des drogues ou appâts qui 



344 



LEGISLATION DE LA PECHE 



soient de nature à enivrer le poisson ou à le détruire (Loi de 
1829, art. 25). 

Il est interdit d'accoler aux écluses, barrages, chutes naturelles, 
pertuis, vannages, coursiers d'usines et échelles à poissons, des 
nasses, paniers et filets à demeure ; de pêcher avec tout autre engin 
que la ligne flottante tenue à la main, dans l'intérieur des écluses» 
barrages, pertuis, vannages, coursiers d'usines et passages ou 
échelles à poissons, ainsi qu'à une distance de 30 mètres en amont 
ou en aval de ces ouvrages; de pêcher à la main, de troubler l'eau 
et de fouiller au moyen de perches sous les racines ou autres retraites 
fréquentées par les poissons ; de se servir d'armes à feu, de poudre 
démine, de dynamite ou de toute autre substance explosiblefDe'cr^ 
du 10 août 1875, art. 15). 

Il est interdit de pêcher dans les parties des rivières, canaux ou 
cours d'eau dont le niveau serait accidentellement abaissé, soit 
pour y opérer des curages ou travaux quelconques, soit par suite 
du chômage des usines ou de la navigation (D. 1885, art. 17). 

Des arrêtés préfectoraux peuvent réduire les mailles des filets et 
l'espacement des verges des engins employés uniquement à la pêche 
de l'Anguille, delà Lamproie et de l'Ecrevisse, sous la condition de 
l'emploi de ces filets et engins dans des emplacement déterminés. 
Des arrêtés peuvent aussi déterminer les emplacements limités en 
dehors desquels l'usage des filets à petites mailles n'est pas permis 
(Décret du 10 août 1875, art. 10). 

Les préfets peuvent ajouter aux engins et procédés de pêche 
interdits spécialement par les décrets des 10 août 1875 et 18 mai 
1878, d'autres engins et procédés de nature à nuire au repeuple- 
ment des cours d'eau. Il peuvent aussi déterminer les espèces de 
poissons avec lesquels il est défendu d'appâter les hameçons, nasses, 
filets ou autres engins (Décret du 10 août 1875, art. 16). 

Des arrêtés préfectoraux peuvent autoriser, dans des emplace- 
ments déterminés et à des époques qui ne coïncident pas avec les 
périodes d'interdiction, des manœuvres d'eau et des pêches extraor- 
dinaires pour détruire certaines espèces, dans le but d'en propager 
d'autres plus précieuses (Décret du 10 août 1875, art. 18). 

Des arrêtés préfectoraux, pour lesquels les conseils de salu- 
brité et les ingénieurs sont consultés, déterminent 



DELITS PREVUS ET PEINES EDICTEES 



345 



1» La durée du rouissage du lin et du chanvre dans les cours 
d'eau et les emplacements où cette opération peut être pratiquée 
avec le moins d'inconvénient pour le poisson ; 

2° Les mesures à observer pour l'évacuation, dans les cours 
d'eau, des matières et résidus susceptibles de nuire aux poissons 
et provenant des fabriques et établissements industriels quelcon- 
ques (Décret du 10 août 1875, art. 19). 

Dimension du poisson. — Ces dimensions sont de quatre longueurs 
différentes selon les espèces, afin de protéger les jeunes généra- 
tions (Loi de 1829, art. 30; Décret de 1875, art. 8, et Décret de 
1889, art. 2). 

Les dimensions au-dessous desquelles les poissons et écrevisses 
ne peuvent être péchés, même à la ligne flottante, et doivent être 
immédiatement rejetés à l'eau, sont déterminées comme il suit pour 
les diverses espèces : 

1° Les Saumons et Anguilles, 40 centimètres de longueur; 

2° Les Truites, Ombres-Chevaliers, Ombres communs, Carpes, 
Brochets, Barbeaux, Brèmes, Meuniers, Muges, Aloses, Perches, 
Gardons, Tanches, Lottes, Lamproies et Lavarets, 14 centimètres de 
longueur. 

La longueur des poissons ci-dessus mentionnée est mesurée de 
l'œil à la naissance de la queue; celle de l'écrevisse, de l'œil à 
l'extrémité de la queue déployée. 

DÉLITS PRÉVUS ET PEINES ÉDICTÉES 

Le Gouvernement exerce la surveillance et la police de la pêche 
dans l'intérêt général (Loi de 1829, art. 36). Ce service est aujour- 
d'hui confié à l'Administration des ponts et chaussées (Décret du 
29 avril 1862). 

Les employés et agents chargés de la surveillance doivent être 
âgés de 25 ans accomplis (Loi de 1829, art. 6). Ils ne peuvent entrer 
en fonctions qu'après avoir prêté serment devant le Tribunal de 
première instance de leur résidence et avoir fait enregister leur 
commission (Loi de 1829, art. 7). Ces agents ainsi que les gardes 
champêtres, éclusiers des canaux et autres officiers de police judi- 
ciaire, sont tenus de constater les délits au moyen de procès-ver- 

20. 



I» * Il , , 



346 LÉGISLATION DE LA. PÊCHE 

baux. Ils exercent conjointement avec les officiers du ministère 
public toutes les poursuites (Loi de 1829, art. 36 et 38). 

Les infractions concernant la pêche, la vente, l'achat, le transport, 
le colportage, l'exportation et l'importation du poisson, peuvent être 
recherchées et constatées par les agents des domaines, les employés 
des contributions indirectes et des octrois ('Loi de 1865. art. 10). 

Les délits qui portent préjudice aux fermiers de la pêche, aux 
porteurs de licences et aux propriétaires riverains, peuvent être 
constatés aussi par leurs gardes, lesquels sont assimilés aux garde- 
bois des particuliers (C. F., art. 188). 

Les actions en réparation de délits en matière de pêche se pres- 
crivent par un mois à compter du jour où les délits ont été constatés, 
lorsque les prévenus sont désignés dans les procès-verbaux. Dans 
le cas contraire, le délai de prescription est de trois mois (Loi de 
1829, art. 62;. 

Les délits prévus et les peines édictées par les lois des 15 avril 
1829 et 31 mai 1865 sont résumés dans les indications suivantes : 

Pêche sans autorisation, — Amende de 20 à 100 fr. Confiscation 
facultative des filets et engins. Restitution du prix du poisson. Dom- 
mages-intérêts (Loi dulo avril 1829, art. 3). 

Établissement d'un barrage. Amende de 50 à 500 fr. Dommages- 
intérêts. Destruction du barrage (Art. 24). 

Drogues et appâts malfaisants. — Amende de 30 à 300 francs. 
Emprisonnement d'un à trois mois (Art. 25) . 

Pêche en temps prohibé. — Amende de 30 à 200 fr. (Art. 27). 

Filets, engins et mode de pêche prohibés. — Amende de 30 à 
100 fr. Destruction des filets et engins saisis (Art. 28 et 41). 

Même délit en temps de frai. Amende de 60 à 200 fr. Destruc- 
tion des filets et engins saisis (Art. 28). 

Emploi pour une autre pêche de filets permis pour celle du 
poisson de petite espèce. — Amende de 30 à 100 fr. (Art. 29). 

Même délit en temps de frai. — Amende de 60 à 200 fr. (Art. 29). 

Port d'engins prohibés. Amende de 20 fr. Confiscation et destruc- 
tion des engins prohibés (Art. 29 et 41). 

Pêche, colportage et vente de poissons n'ayant pas les dimensions 
voulues. — Amende de 20 à 50 francs. Confiscation du poisson 
(Art. 30). 



DÉLITS PRÉVUS KT PEINES ÉDICTÉES 



347 



Emploi d'appâts prohibés. — Amende de 20 à 50 fr. (Art. 31). 

Détention de filets ou engins par les contre- maîtres, employés 
du balisage et mariniers. — Amende de 50 fr. Confiscation des 
filets (Art. 33). 

Refus par les mariniers de laisser visiter les bateaux. — Amende 
de 50 fr. (Art. 33). 

Refus par les fermiers, porteurs de licences et pêcheurs en gé- 
néral, de laisser visiter les bateaux et boutiques à poisson. — 
Amende de 50 fr. (Art. 34). 

Refus par les délinquants de remettre les filets prohibés. — 
Amende de 50 fr. (Art. 41). 

Délits commis en récidive. — Amende double (Art. 69). 

Délits commis la nuit. — Amende double (Art. 70). 

Pêche en tout temps dans les parties réservées pour la reproduc- 
tion. — Amende de 30 à 300 fr. Confiscation du poisson (Loi du 
31 mai 1865, art. 1 et 7). 

Vente, achat, transport, importation et exportation en temps 
prohibé. — Amende de 30 à 300 fr. Confiscation du poisson (Art. 
5 et 7). 

Pêche et transport de frai de poisson ou d'alevin en temps 
prohibé. — Amende de 30 à 300 fr. Confiscation du poisson (Art. 8). 

Délits commis soit en récidive, soit la nuit, soit par enivrement 
ou empoisonnement. — Amende double. Emprisonnement de dix 
jours à un mois (Art. 7). 

Transport par bateaux, voitures ou bêtes de somme du poisson 
péché en délit. — Amende double. Emprisonnement de dix jours 
à un mois (Art. 7). 



FIN 




! 



TABLE DES MATIERES 



TABLE DES MATIÈRES 



PREMIERE PARTIE. — Les Poissons des eaux douces de 

France 9 

acanthoptérioiens ' 

Famille des Percides 9 

La Perche commune, 9; la Perche des Vosges, 14; l'Apron, 
15; la Gremille, 18. 

Famille des Cottides 21 

Le Chabot, 21. 

Famille des Gastèrostéides 25 

Les Ëpinoches, 25 ; les Epinochetles, 32. 

Famille des Mugilides 36 

Le Muge capiton, 36; le Muge céphale, 39. 

Famille des Blenniides 42 

La Blennie cagnette, 42; la Blennie alpestre, 44. 

Malacoptérigiens 46 

Famille des Pleuronectidrs 46 

Le Pleuronecte flet, 46. 

Famille des Gadidés 49 

La Lote, 49. 

Famille des Cyprinides 52 

La Loche franche, 52; la Loche de rivière, 55; la Loche 
d'étang, 57; le Goujon de rivière, 59; le Barbeau commun, 62; 
le Barbeau méridional, 66; la Tanche, 67; la Carpe, 70; la 
Carpe de Ivollar, 77; le Carassin, "9; la Gibèle, 81 ; le Cyprin 
doré, 82; la Bouvière commune, 84; la Brème commune, 86; 
la Brème de Gehin, 89; la Brème de Buggenhagen, 90; la 






350 TABLE DES MATIERES 

Brème bordelière, 91 ; la Brême-Rosse, 93 ; l'Ablelte com- 
mune, 93; l'Ablette Mirandelle, 96; l'Ablette de Fabre, 97; 
l'Ablette Spirline, 98; l'Ablette Hachette, 100;l'Ablette albur- 
noïde, 101; leRotengle, 101; le Gardon commun, 103; le Gar- 
don pâle, 107;l'Ide melanote, 108 ; le Chevaine commun, 109; 
le Chevaine méridional, 113; le Chevaine treillage, U4;la Van- 
doise Aubour, 115; laVandoise commune, 116; la Vaudoise bor- 
delaise, 118; le Blajon commun, 119 ; le Vairon commun, 121; 
le Chondrostome nase, 123; le Chondrostome bleuâtre, 126; le 
Chondrostome de Drême, 127 ; le Chondrostome du Rhône, 128. 

Famille des Salmonidés 129 

LeLavaret, 129; la Fera, 132; la Gravenche, 134; laBézoule, 136; 
leHouting, 137; l'Ombre commune, 138; l'Eperlan, 142; l'Om- 
bre-Chevalier, 145; le Saumon, 148; la Truite des lacs, 153 ; 
la Truite de mer, 156; la Truite commune, 159. 

Famille des Clupëides 163 

L'Alose commune, 163 ; l'Alose finie, 165. 

Famille des Esocides 166 

Le Brochet, 166. 

Famille des Murénides 170 

L'Anguille commune, 170. 

Ganoïdes 175 

Famille des Aoipensérides 175 

L'Esturgeon, 175. 

Famille des Pétromyzonides 178 

La Lamproie marine, 178 ; la Lamproie fluviatile, 182 ; la Lam- 
proie de Planer, 183. 



DEUXIEME PARTIE. — La Pêche des Poissons en eaux 
douces 187 

De la pêche a la ligne 188 

Construction des divers éléments de la ligne 188 

Cannes, 188; Scion, 189; Pied de canne, 190; Moulinet, 190; 
Lignes, 191; le Fil, 192; la Soie, 192 ; le Crin, 192; l'Avan- 
cée, 193; les Nœuds, 193 ; Plioirs, 195 ; Flotte, 196; Plombs 
et sondes, 199; Hameçons, 200; Bricoles; 202. 

Accessoires de pêche 204 

Epuisette, 205 ; Boîtes à amorces, 205 ; Carnier de pêche, 210 ; 
Anneau à décrocher, 207 ; Harpon, 208; Pliant, 208; Trousse, 
209; Dégorgeoir, 205. 



TABLE DES MATIERES 351 

Amorces, esches, appâts '. 210 

Définitions, 210; Recettes des amorces, 214; Asticots, 216; 
Mouches naturelles, 218 ; Chenilles, 219 ; Papillons, 219 ; Ephé- 
mères, cousins, phryganes, 221 ; Libellules, 223 ; Sauterelles, 
grillons, criquets, 223; Hannetons, 225; fourmis, 226; Arai- 
gnées, 226; les Vers : ver rouge, ver rose, ver annelé, ver 
jaune, 228; Vers divers, 229; Poissons, 233 ; Blé cuit, 236; 
Avoine, 237; Fève cuite, 237; Mais cuit, 238; Chènevis, 238; 
Fruits divers, 239; Grenouilles, 240; Mollusques, 240; Limaces, 
241; (Sangsues, 242; Ecrevisses, 242; Viandes, 243; Sang 
caillé, 243; Cervelle, 244; Tripes, 244; Fromage, 245; Jaune 
d'oeuf, 245; Cocons, 245; Pain de creton, 246; Essences, 
huiles, 246; Tableau des esches par espèces de poissons, 247 ; 
Poisons végétaux, 250; Poisons minéraux, 252; Mouches 
artificielles, 254 ; Poissons artificiels, 255. 

Différentes sortes de pêclies à la ligne 256 

Notions générales, 256 ; du temps pour la pèche, 257 ; de la 
place à choisir, 258; du coup, 260; de l'attaque, 260; de Ja 
manière de ferrer, 2ôl ; Capture du poisson, 262; Manière de 
pêcher les principaux poissons avec la ligne, 262. 

Pèches à la ligne ordinaire 265 

Pêche au coup, 266; Pêche au vif, 266; Pêche à fouetter, 267 ; 
Pêche à rouler, 269; Pêche au passer, 269; Pêche au lancer, 
271; Pêche à la mouche artificielle, 272; Pêche à la surprise, 
272; Pêche à la grande volée, 273; Pèche au doigt, 277; 
Pêche à soutenir, 278; Pêche au piquet, 278; Pêche au 
pater-noster, 279; Pêche au solitaire, 282. 

Lignes de fond 283 

Pêche aux lignes ordinaires, 2S3 ; Pèches aux jeux, 285. 

Lignes diverses 286 

Pêche à la bricole, 286; Pêche au grelot, 289; Pèche au tor- 
chon, 291; Pèche à la turlotte, 293; Pèche à la cuiller, 294; 
Pêche au tue-diable, 296 ; Pêche à la vourmée, 297 ; Pêche à 
l'auter, 298; Pêche à la balance, 300 ; Pèche à la pelotte,301. 

PÈCHES DIVERSES 306 

Filets mobiles. 306 

Pêche à l'épervier, 3Û6 ; Pêche à l'échiquier, 311; Pèche au 
trouble, 313; Pêche à l'araignée, 314; Pêche à la senne, 315. 

Filets fixes 317 

Pêche au tramail, 317; Pêche au vannel, 322; Pêche au gui- 



TABLE DES MATIERES 

deau, 323; Pêche aux gorets, 323; Pèche aux verveux, 32 

Pêche au loup, 323. 

Engins divers pour la pêche. . . 

Pêche à la nasse, 329; Pèche à la foêne, 330; Pêche à la bou 

teille, 33?; Pèche à pied, 333; Pèche au fusil, 334. 

LÉGISLATION DE LA PÈCHE .... 

Droits de pêches et exercices de ce droit 

Droits prohibitifs en vue de la conservation du poisson. 
Délits prévus et peines édictées, . 

ri a" 



FIN 1) 14 LA TABLE DES M A T 1 E lt E S 



LtOS. — IMl'Rl NlKMlE l'ITRAT AINE, 4, RLE GENTIL