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Full text of "Ede quoi rire 1"

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^arbarï Collège îLibrarg 




THE FUND OF 

Mrs. HA'RRIET J. G. DENNY 

OF BOSTON 



Gift of $5000 from the children of Mrs. Denny, 
at her request, ( * for the purchase of books for the 
public library of the Collège." 






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a. LEDIU 



Éde Quoi I^ire 

& se Teurde 



PARIS 

J. GAMBER, Libraire 

a, Rue l'Université 



iJÊi* 



(Parois du S^nferre) 



Bouquc qu'i rit 
ne mord point. 



K l-.rl f. vllti 




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ÉDE QUOI 1 



A SE TEUR1 



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A. LEDIU 

ÉDE QUOI RIRE 

A SE TEURDE 

Prummier chent de conte picards 

(Patois du Santerre) 

Bouqae qa'i rit 
m *6rd point. 

Adage k»ulairb 



TOME PREMIER 



HAM 

IMPRIMERIE JUN1ET-RASSE 

1905 



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Zi iLfï-.l+i.ï 






( Ara 13 -is'js 



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La littérature orale du peuple en Picardie 
comprend surtout des centaines de contes qui 
provoquent toujours le bon rire franc et so- 
nore. La plupart d'entre eux sont tout simple- 
ment des fabliaux, petits poèmes écrits du 
douzième au quatorzième siècle et que la tra- 
dition nous a transmis. Les autres sont le récit 
d'aventures drolatiques qui se sont produites 
^ des époques plus ou moins rapprochées de 
la nôtre et qui ont frappé l'imagination des 
contemporains par leur tournure grotesque ; 
ces derniers n'ont cours que dans les villages 
où le fait s'est passé. 

Parmi les contes qui ont amusé nos ancêtres 
depuis plus de sept siècles et que Ton entend 
encore narrer de nos jours par des conteurs 



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i 



— VI — 

rustiques, il en est que personne ne saurait 
éditer ; ce sont des histoires égrillardes, des 
fariboles graveleuses, des plaisanteries rabe- 
laisiennes salées en diable. J'ai dû faire an 
choix, refusant de donner asile aux crudités, 
aux obscénités et aux paillardises. À la cam- 
pagne, on ne se pique pas de raffinement dass 
le choix des expressions ; on en est resté au 
temps de Rabelais, où les gauloiseries les plus 
crues se disaient et même s'imprimaient avec 
privilège. 

Les campagnards rient de bon cœur et de 
peu ; ils ne se montrent guère exigeants ; ils 
ont le rire facile comme les gens simples dont 
la conscience ne connaît pas le remords. 

Que de contes « ronds comme des pois » se 
débitent dans les villages picards soit aux 
veillées d'hiver, soit au cabaret le dimanche ; 
aux champs à l'heure du repos, dans les gran- 
ges, dans la boutique du charron, à là forge 
du maréchal, aux « berlen » formés sur le 
devant des maisons par les faiseurs de bas au 
moment de la collation ou à la chute du jour 
pendant la belle saison, il se trouve toujoqrs 
dans l'assistance quelque gai conteur pour 
amuser l'auditoire. 

Dans les centaines d'historiettes que j'ai 
entendu raconter dans ma jeunesse, le plus 
grand nombre est puéril, vulgaire, terre à terre, 
sans portée ; ce sont des railleries innocentes, 
des calembours de paysans. 

Je ne prêtai alors qu'une oreille distraite à 
l'audition de ces contes. Mais, en avançant en 
âge, et devenu quinquagénaire, ces joyeux 
récits me reviennent à la mémoire aux heures 



i à 



— VII - 

de délassement avec une netteté et une acuité 
que je n'aurais point soupçonnées dix ans 
auparavant. Ces ressouvenances, ces visions 
du passé accaparent l'esprit et ne font qae 
l'obséder. Ainsi d'ailleurs en est- il pour tous 
les transplantés. C'est que, arrivé au déclin, 
celui qui a livré le rude combat pour l'exis- 
tence jette souvent un regard en arrière ; il se 
prend à regretter d'avoir quitté le foyer 
familial, où sa vie se serait écoulée plus simple 
et plus calme. 

J'ai dû accueillir des contes d'une tournure 
quelque peu risquée. Je m'en excuse auprès de 
mes lecteurs. Faisant avant tout œuvre de 
traditionniste, il me fallait chercher le docu- 
ment exact ; si je m'étais montré trop sévère, 
mon recueil eût été singulièrement réduit, et 
le but que je poursuivais n'aurait pas été atteint. 

11 ne faut pas perdre de vue que le picard 
n'est qu'une langue parlée. Mais si cette litté- 
rature orale est fortement épicée, — ce qui 
lui vaut un si grand succès auprès des paysans, 
— il est incontestable qu'il y a beaucoup plus 
de candeur dans les esprits des gens de la 
campagne que chez les citadins ; les plaisan- 
teries des premiers n'ont ni le sens ni la portée 
qu'elles peuvent avoir chez les derniers. On 
en est resté au village à l'époque des trouvè- 
res, où les choses étaient appelées par leur 
nom. 11 n'y a aucun mal, disait un auteur du 
moyen âge, à nommer ce que Dieu a fait. Les 
trouvères ignoraient l'art des sous-entendus ; 
les paysans ont gardé la même ignorance in- 
génue. 

Les cent contes qui vont suivre ont été écrits 



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— VIII — 

à plus de douzs années d'intervalle ; ils ont 
para d'abord dans plusieurs petits journaux 
du Santerre ; ils ont été reproduits plus tard 
par le Journal de Ham, d'où ils sont extraits ; 
leur impression dans ce dernier journal a duré 
trois ans, puisque le premier conte a paru dans 
le numéro du 5 janvier 1902. C'est ce qui expli- 
quera la différence d'orthographe que l'on re- 
marquera entre le premier et le dernier conte. 
Je n'ai inventé aucune des historiettes qui 
vont suivre. Je ne suis que l'éditeur plus ou 
moins fidèle des récits qui m'ont été faits. 

+ 
• • 

Sous prétexte que l'on doit écrire notre dia- 
lecte comme on le prononce, nos modernes 
patoisants se livrent aux plus bizarres fantai- 
sies dans la manière d'orthographier le picard ; 
le même mot est écrit par eux de différentes 
manières, et, le plus souvent ce n'est qu'une 
cacographie rebelle à toute analyse. On trouve 
dans de minces plaquettes sans nom d'auteur, 
— illustrées s. v. p., — des faux-semblants de 
mots tels que : « Quoi qu'ign o », « 'Nn aim' 
tu », « j'enn aglave », « à-z-escarbilles », « O'z 
entend », « 0' nn o », « leuwairou », etc., etc. 
J'estime qu'un tel charabia ne fait que rendre 
plus affreux notre picard, qui n'est pas déjà si 
élégant. 

Au début, je me trouvais arrêté à chaque 
instant ; des difficultés surgissaient que je 
n'avais point prévues tout d'abord. Je ne pou- 
vais m'en rapporter aux picardisanls qui se 
révèlent auteurs si soudainement et qui sur- 



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— IX — 

gissent de toutes parts dans rétendue du do- 
maine picard — et même au-delà. 

À la suite de longs tâtonnements, j'ai adopté 
un système raisonné et uniforme que je crois 
rationnel. Je n'ai point la vaine prétention 
d'imposer ma méthode comme seule bonne, 
mais je pense qu'il est préférable d'avoir un 
système, fût-il mauvais, que de n'en point avoir 
du tout. Je ne prétends pas que «mes pastilles 
sont les meilleures > ; je laisse ce ridicule aux 
pontifes qui, poussés dans leurs derniers re- 
tranchements, déclarent « qu'il ne faut pas 
donner au patois plus d'importance qu'il n'en 
doit avoir ». Alors, pourquoi écrivent-ils dans 
ce dialecte ? 

Voici quelques-unes des règles que j'ai adop- 
tées. 

Ve muet ne se prononce jamais eu ; il est 
toujours absolument et rigoureusement muet; 
tous les auteurs picards suppriment bien à tort 
cette lettre qu'ils remplacent par une apos- 
trophe. 

Vé fermé, marqué d'un accent aigu, se pro- 
nonce comme son similaire français, qu'il soit 
placé au commencement ou dans le corps des 
mots ; il en est de même quaud il est suivi en 
finale d'une consonne : pied, des % nez ; il est 
donc absolument inutile de l'accentuer ; c'est 
une faute grossière que d'écrire chés, dés, lés. 

Vè ouvert, marqué d'un accent grave, se 
prononce également comme en français : deux- 
ième, troisième, carré, thè, fée. 

Les syllabes em et en ont toujours le son in, 
excepté dans exemple, enfant, temps et les 
dérivés de ces deux derniers, où elles ont le 



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— X — 

son an ; on peut écrire example et tans suivant 
l'orthographe de la langue romane. Mais il est 
inutile et abusif d'introduire un i et d'écrire 
eindormir, eimbéter, ; certains picardisanls 
écrivent de la même façon la préposition en 
et l'adjectif numéral un : Mon père il esÉEiN 
voie, ein raideuœ, ein molet de picard. Une 
pratique irraisonnée que rien ne justifie c'est 
l'accentuation de Ye de en dans le corps des 
mots : enfin, entend, prenne, souriss'mènt. 

Les syllabes Anales en er des adjectifs et 
des infini liîsprummier, dergnier, aimer, ren- 
trer ont le même son qu'en français, et n'u- 
nissent jamais leur r à la voyelle initiale du 
mot suivant ; il en est de même de la 
finale ez. 

Quand un mot commence par une syllabe 
muette et aussi quand plusieurs muettes se 
suivent, il faut introduire dans la prononcia- 
tion un é d'épen thèse : élever se main, ame- 
ner se vaque pa le corde, êretenirsen guevo. 
Les monosyllabes che, de, je, le, me, ne, que, 
se, sont ainsi sujets à un renversement acci- 
dentel et deviennent éche, éde, éle, éje, éme. 
éne, éqve, ése toutes los fois qu'elles arrivent 
au commencement d'une phrase principale, 
d'un membre de phrase détaché ou après une 
finale à consonne parlante. 

Lorsque la syllabe muette, initiale d'un mot, 
est le duplicatif re, comme dans revenir, re- 
trouver, elle doit être précédée d'un é d'épen- 
thèse si la finale du mot précédent est également 
muette : I vo-ti coire êrevenir ? Ch'est le va- 
que éretrouvèe. Quelquefois aussi, au lieu d'a- 
jouter un é d'épenthèse, on accentue la muette 



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Xi 



finale du mot qui précède : Je reviens ; ol lé 
retrouve. 

Le substantif, en picard, ne prend point la 
marque du pluriel comme en français ; jamais 
on ne fait sonner Vs finale, ou Vx, d'un nom au 
pluriel sur la voyelle initiale du mot qui suit; 
de plus, les noms terminés en al ou en ait ne 
changent pas au pluriel ; on dit : Des homme 
heureux, des femme aimape, des bocal, 
ches bétal ou ches bétaile. C'est le nombre de 
l'adjectif, — comme celui de l'article, — qui 
détermine le nombre du substantif. 

Les consonnes Anales d'un mot ne s'unissent 
jamais au mot suivant, excepté pour les t des 
personnes de l'indicatif présent du verbe être : 
Eje sut arrive, Vest aimé, il est accouru, i 
sont étrannès ; même exception pour les s 
des articles, des pronoms et des adjectifs mo- 
nosyllabiques, au pluriel, pour les l et les n 
des mêmes espèces de mots, au singulier, pour 
quelques adverbes et quelques prépositions, 
comme par, pour, quant, alors, etc. 

Pour les mois terminés par nt, on peut sup- 
primer le t si le mot suivanl commence par 
une voyelle sur laquelle ne doit pas sonner le 
t : Un momen après ; mais, devant un mot 
qui commence par une consonne, on doit mar- 
quer le t final du mot qui précède. Il en est de 
même pour les s et les t en finale dans les temps 
des verbes ; ces deux consonnes peuvent être 
supprimées lorsqu'elles sont suivies d'une voy- 
elle : Os avoime ieu faim, il étoi attendu. 

En initiale, en finale ou dans le corps des 
mots, la diphtongue oi (oie, ois, oit, oy) sonne 
oé ou oè, que les picardisants écrivent ouè ou 



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— XII — 

ouè : rètouè, Vétoué. 

Pi pour puis doit s'écrire sans s, parce que 
cette lettre ne sonne jamais sur une voyelle 
consécutive. 

Granmen, dont le roman faisait un fréquent 
usage, ne prend jamais le d étymologique. 
Gomme tous les adverbes de manière, le urinai 
doit être supprimé parce qu'il ne sonne jamais 
sur la voyelle initiale du mot qui suit. 

Nen pour en s'écrit n'n devant les voyelles. 

Qui n'existe pas en picard, mais que i, puis- 
qu'en tournant par le féminin on obtient qu'ai. 

Aile, ou mieux al pour simplifier, doit s'é- 
crire a* pour indiquer la syncope devant tous 
les pronoms personnels régimes me, te, se, 
nou, vcu, leus et les ne de négation ; c'est 
ainsi qu'on le distingue de 'a pour ça ou cela. 

Il o 'tè pour il o été est une apocope qui 
veut être marquée d'une apostrophe. 

D'un poys et non à 1 en poys, pour da un 
pops. 

On supprime la finale nt à la troisième per- 
sonne du pluriel du présent de l'indicatif et du 
présent du subjonctif de tous les verbes parce 
que cette finale déroute la prononciation. 

Un mot pour terminer. 

Littré a dit fort judicieusement : « Un patois 
n'a pas les termes de haute poésie, de haut 
style, vu qu'il est placé sur un plan où les 
sujets qui comportent tout cela ne lui appar- 
tiennent plus. C'est ce qui lui donne une appa- 
rence de familiarité naïve, de simplicité nar- 
quoise, de rudesse grossière, de grâce rustique ». 

Aussi, le picard ne peut-il être écrit que pour 
de petits dialogues, des contes, des historiettes, 



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— XIII — 

des calembours, des chansons, de petites pièces 
de vers plus ou moins fortement assaisonnés 
du sel gaulois, car notre dialecte, comme 

Le latin dans les mots brave l'honnêteté. 

« La science ethnographique, j'en suis assuré, 
a dit un auteur contemporain, ne manquera 
pas de trouver dans la présence d'une certaine 
série de mots, dans la prédominance de certains 
idiotismes de prononciation, dans la similitude 
de certaines tournures de phrases, des éléments 
d'induction utiles à ses progrès. Ce n'est donc 
pas une vaine et futile occupation que celle de 
recueillir les vestiges expirants du langage 
populaire de nos provinces. Beaucoup d'érudils, 
sur divers points de la France, en ont eu la 
curiosité. Ils ont pensé que celte faune en vala't 
bien une autre ». 

C'est tout simplement une contribution à celte 
faune que j'ai voulu apporter avec ces contes 
écrits dans un idiome que j'ai parlé tout d'abord 
et que j'entends résonner chaque jour à mes- 
oreilles depuis plus de cinquante ans. 

Notre dialecte, comme le français, d'ailleurs, 
est en continuelle évolution ; son vocabulaire 
e&l très restreint, c'est pour cette double raison 
qu'il n'a jamais eu et n'aura jamais son 
Mistral. 

A. L. 

Ce 15 décembre 1904. 



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UN BBÀHD POUT AU LAIT 



Tlntin il avoi an via onqae à Marchelcave 
qu'il étoi à la mort ; il o toit demander sen 
neveu pour venir el vir édevant moirir. 

— Marche, non dame, qui dit Tint in à se fem- 
me en s'en allant, mo-n-onque i n'est point 
pove ; os allons hériter enne bêle claque. 

En arrivant à Marchelcave, Tintin il o trouvé 
s'n onquô un mole miu qu'i n'etoit quéques 
jour édevant ; il est don resté pour coucher. 

El lennemain matin, il o follu foire à déjeu- 
ner. Gomme el vaque dé s'n onque a' ne don- 
nait pu pace qu'aile étoit vielle vélèe, Tinlin il 
o cherché après un pont pour aller queurre du 
lait ; i ne trouvoit rien à se mode, quant il o 
aperchu un bieu pout de chame tout neu que 
s'n onque il avoiieuàche marchand de gatelette 
pour des loque et pi d's ou. 

— Vlo bien m'n affoire, qu'i se dit Tintin 
Pierrout, qu'il a voit s'n idée. 

Il o maquillonnè un morcieu de pain-épice 
qu'i n'a voit da che tiroir dé le tabe et pi il o 
foi aveu quéques taque da che pou de chame. 



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_ 2 — 

I s'est envoie après mondé le granne Gertrude, 
qu'aile étoit marchanne éde lait. 

— Volez-vous me venne du lait 1 qu'i foit 
Tintin en arrivant. 

— Oui don, men brave homme, qu'aile dit le 
femme. Combien qui vous n'nen feut ? 

— I foroU renplir men pout, qu'i répond 
l'eute en allongeant sen pout de chame. 

Gertrude aile oieu comme unrefrin en voyan 
un pareil pout. Seulemen, comme allé tenoi à 
venne sen lait, a n'o mie rien dit. Tout en ver- 
sant che lait da che pout, a* se tenoit le pu loin , 
possibe en peuchant sen nez dé se main'gœuche. 

Quant éche pout il o été plein, Tintin il o 
demandé pour combien qui n'en avoit. 

— I n'en o pour six sou, qu'aile dit le femme. 

— Eje n'ai que quate sou, qu'i répond che 
berger ; éretirtz-en pour deux sou. 

— Nan, nan, qu'aile foit Gertrude en s'érecu- 
lant, a' passero comme lo pour aujord'hui. 

G'hétoitchan que Tintin i voloit. A' foit qu'il 
o ieu enne bélo potée de lait pour quate sou. 



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-3 — • 



1 MENGEU DE CATAPLASSE 



Ele femme éde non moite, qu'i me dit l'eu te 
jour Tintin Pierrout, qu'aile est dé s's environ 
de Bray, aile o 'té au mariage dé se filleule ; 
édevant s'en aller, aile o dit à s'n homme qu'aile 
seroit trois jour partis, quate tout au pus. 

El lennemain, en montant dessur el che- 
naillére, nou moite il o manqué sen pied, et pi 
il est queu dal Taire dé le grange. A ses cri, os 
avons accouru tout de suite ; ol Tons prins da 
nous bros pour el porter da sen lit ; il a voit 
perdu connaissance. Eche sérusien i n'y éloit 
point. Justemen, éche marichau, qu'i s'entend 
à foire vêler des vaque, à donner des lavemen 
à ches guevo, à saigner ches béte, il est venu 
à passer. Oi l'avons huquè. 

— Ti que tu t'entends à la médecine, que je 
li dis, viens un mole vir nou moite. 

Eche marichau il est entré ; i s'est rappelé 
qu'à l'aprés-eût Chairlout, sen voisin, il étoit 
queu d'enne équéle ; éche sérusien il avoi 
ordonné de3 sangsure. Eche marichau i di à 
ches femme qu'il étaint venu vir nou moite 
tant par curieusilè éque pour el songner : 

— Gh'est des sangsure qu'i feut. 

— lou qu'i n'en o ? qu'aile édemanne el 
servante. 

— Marche mon Ghairlout ; ése femme aile 



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- 4 — 

warde cheux qu'il ont servi à s'n tomme. A' 
te les donnero ; tu reviendros tout de suite 
ichi ; mi je n'ai poirt le temps, éje m'ons foire 
vêler le vaque Marie-Rose. 

Après que le servante aile o 'tè revenue aveu 
ches «angsure, comme éche marichau i n'avoit 
point dit de que mainiére qui folloit s'en servir, 
ches femme qu'i n'a voit lo i n'étaint point 
d'accord. 

— I feut les foire frire d'enne poyéle dens du 
burre pour foire un cataplasse, qu'aile dit le 
grosse Glodine. 

— Nan, ch'est da du saindoux, qu'aile éreprend 
quiote Grite. 

— Eche n'est point l'io, qu'aile foit Marianne- 
à-Moustache ; i feut es's écorcher comme éde 
s's anguilequ'o fero cuire ôdessur éche gril. 

— Os n'y êtes point, qu'aile dit Lalie ; i feut 
s's é foire infuser dal ieu boulante pour foire 
un lavemen. 

Enne quatrième aile donne un eute avis, tant 
et si bien qu'à la fin ches blancs bonnet qu'i 
n'avoit lo i se soi«t dit des mauvaises raison ; 
i se sont attrapées par leu chignon et pi ennc 
houspiilade générale aile s'est engagée enter 
eux ; ches chaise, el lampe, el tabe, tout o été 
bousculé da lechame; éche bocaile à sangsure 
il o 'té renversé, cassé en mille morcieu ; cUes 
quiolés bétes il ont 'té éberdelèes comme des 
lémichon. 

Pour éque ches sangsure i ne f ache-té point 
perdues, quoi qu'aile o foit le servante ? Aile o 
tout ramassé aveu enne cuillère, qu'aile o mis 
d'enne poyéle ; aile o mêlé aveu dé le miotte 
éde pain, dé le graine éde lin et pi un mole de 
saindoux ; aile o foit mitonner tout l'io dessur 



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- 5 — 

éche poêle. Quant o 'le boin et cœud, aile o 
versé toute d'un torchon qu'aile o posé dessur 
éche driére d'éche moite à le plache qu'étoit 
doreux. Quant éche cataplasse il o 'le froid, el 
servante aile l'o retiré ; aile o gratté che 
torchon da le poyéle pour el foire récauffer pu 
tard. Pour qu'éche cot i né le menge point, aile 
o posé le poyéle sur éche çuin d'éche poêle aveu 
un couvert édessur. 

Un momen après, qu'i me dit Tintin Pierrout, 
j'ai demandé à le servante quoi qu'i n'avoit 
pour souper. 

— 1 n'o un reste éde fricassée de lapin d'à 
midi ; aile est da le castrole édessur éche 
poêle ; ch'est poui vous deux che parcour. 

Je n'n ai don prins lé mitan et pi J'ai rengè 
le castrole â se plache d'habitude da le commode. 
Après que j'ai ieu fini de menger, j'ai 'té vir à 
mes béte. Gomme j'étois lo, j'entends che par- 
cour qu'i nuque el servante pour li demander 
quoi qu'i n'o pour souper. 

— I n'o dé le fricassée su che poêle, qu'a' 
li crie. 

Mi je ne dis rien. Quant j'ai ieu fini m'n ou- 
vrage, éie sut revenu da le moison, juste pour 
. vir éche parcour coper un grous canlé de pain, 
foire un treu dedens et pi verser da che treu 
chan qui n'avoit da le poyéle. Mi je n'ai coire 
érien dit. 

— Nom des ou ! qu'i se di à part li, quant 
j'érai mis l'io da men coffe, éje porrai aller... 
quéque part ! 

En mengcant, a' colloi à ses babinne ; i se 
disoit que ch'étoit pace qu'étoit gros vu que le 
servante aile avoit rais de quoi da se fricassée; 
aussi, i claquoit ses mousse comme des battoir; 



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_ 6 - 

à chaque bouquie, i buvoi un cœup. . 

Quel érepos, bon sang de la terre ! Et pi 
après, que somme! Alloiéte un vrai cataplasse 
da se panche. Ouf 1 

Gomme J venoit d'envaler che dergnier mor- 
cieu.el servante aile est revenue da lemoison. 

— Os-tu soupe ? qu'aile édemanne à che 
parcour. 

— Oui, j'ai mengè che reste éde fricassée de 
lentile ; aile étoit un quiout mole fade... 

— Dé le fricassée de lentile ? qu'alla foit le 
servante. Je n'n ai mie foit. 

En disant l'io, aile eyeuve éche couvert dé 
le poyéle :alle voit qui n'o pu rien dedens. 

— Malheureux ! qu'aile dit le servante fin 
saisie en élevant ses bros en l'air, quoi que 
t'os foit ? 

— Quemen, quoi que j'ai foit ? 

— Ch'est che cataplasse éque j'avois posé 
dessur el driére éde non moite et pi que j'allois 
11 remettre tout à l'heure î 

— Ah ! bon sang de bon sang ! quoi que j'ai 
mengè î Ch'est l'io qu'avoil du mau à passer. 

— Bien, o peut dire éque t'os du gaziou et 
pi dé le poitrinne si tu dégire ello, qu'aile dit 
le servante en foisant des heut le corps à renne 
tripe et boyeu. 

Eche parcour, qu'il étoit fin raonen, i s'est 
en allé bien vite coucher dal l'écurie. Par nuit, 
il o songé qu'il avoit un cataplasse da s'n 
estomas, qu'i ne povoit point deschenne da se* 
boyeu ; il o mal dormi ; ii avoit du délire ; i 
voyoit des hémorruide pousser tout partout 
dessur li, da se panche, da se poitrinne, da se 
tête. T n'n o 'té malade pu de huit jour. 

Edepuls che temps-lo, et diabe éne seroit 



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_ 7 — 

point capabe éde 11 foire eDcorser enne cuillère 
éde fricassée de lentile: il aimeroit min menger 
du pain se. 



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. -21 



— 8 — 



m 
A CHE MARCHÉ 



Enne fois da l'hiver, pendant ches pu forts 
froid, i n'o ieu un homme éde nous environ 
qui s'est en allé à le ville aveu deux pain- 
gnier d'œu pour les venne. En arrivant, il o 
'tè s'élampir édessur éche marché pour attenne 
ches pratique. I foisoi un froid noir, aussi i 
folloit vir «comme nou homme i tapoit la 
seméle : ch'étoit comme un guevo quant éche 
temps il est pou se mette à l'ieu. Il avoit gratin 
éque tous ses œu i f ache-té vendus pou se 
rennaller à se moison. 

Tout d'un cœap, vlo Tintin Pierrout qu'i 
passe aveu un berger dé se connaissance ; i 
rebeie che vendeu d'œu qu'il o Pair un mole 
simplet ; i dit quête cose al l'éreile éde sen 
camarade ; écheti-chi i s'approche d'éche mar- 
chand d'œu : 

— J'érols besoin, qu'i II dit, d'un quarteron 
d'œu. 

— Est bien aise, qu'i foit l'eute. 

— Oui, mais Je vodrois coisir mi-mumme, 
pace qu'à che moment-chi i n'en o granmen 
de gelés. 

— Goislssez da mes paingnier, men brave. 
Vlo che farceu qu'i s'aponne et pi qu'i torne, 

qu'i ratorne ches œu. Tout d'un cœup, i dit : 

— Passez vous bros desous vou rouillére, et 



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- 9 - 

pi croisiez-ies sur vou poitrinne pour que je 
peuche mette édessur cbes œu que je coisirai. 

Eche-t-homme i foit chan qu'o li quémande. 
L'eute i détrioit bien tranquilemen ches œu, 
qu'i posoit tout duchemen da le rouillére d'éche 
grand basou. Il alloit n'n avoir un quarteron, 
quant Tintin Pierrout i s'avanche tout duche- 
men par driére ; i déloie subtilemen éche bout 
de cordelel à vieu qu'i servoit de cheinture à 
che marchand d'œu, pi i donne un quiout cœup 
à che patalon, qui se met à deschenne, à des- 
chenne tout â loisi. 

En yoyant Plo, nou homme i se met à crier 
tant qu'i peut ; pus qu'i se teurdoit, pus éque 
sen patalon i deschendoit. 

Quant écheti qu'il avoit détriè ches œu il o 
vu éque tout le monne s'assannoit, i c'est feufllè 
da ches gens en riant à gafèe. Qhes femme qu'i 
n'avoit lo i mettaint leus main à leus yu, et 
pi, pour parfoire, deux trois quiouts méchants 
galibier i se sont amusés à le piquer aveu des 
épingue à sen driére ; i riaint dé le vir ése 
teurde comme un ver sans povoir décroisier 
ses bros pour éremonter sen patalon. 

Tant qu'à la tin, après que se culotte aile o 
'té en bos, enne vieile marchanne éde 
burre aile o prins pitié d'éche pove bénet ; 
aile o rgmis ses œu da sen paingnier, et pi 
éche grand serin il o peu remonter sen patalon. 

A chaque fois qui racontoit el l'aventure-lo, 
Tintin Pierrout i ne manquoit jamois de dire 
latin : 

— Jamois n'o tant ri, m's amis. Ah* ! que 
plaisi ! 



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— 10 — 



IV 

ÉCHE NÉGUE 



L'ennée passée, après le mois d'eût, il est 
venu des f oiseu de tour da nou village. 1 n'avoi 
un négue aveuc eux qui mengeoit du yoirre, 
des lapin, des cot, des gairnoule, des crapeu, 
des leupe, des séri tout vivants. 

Il ont donné leu représentation da le granne 
grange dé che moile éde Tintin Pierrout. Après 
qu'il ont ieu fini, i se sont couchés dal Taire 
dé le grange. Eehe négue il étoi un quiout 
mole malade ; il avoit peur d'avoir froid; il o 
demandé à che moite si voloit le laissier coucher 
dal l'écurie. 

— Eje veux bien, qui répond che moite ; os 
coucherez aveu men parcour ; os serez tout 
plein miu. 

Eche parcour, qui n'avoit jamois vu de négue, 
a' ni alloit point fort ; il avoit peur d'été 
envalè tout vivant par sen camarade éde lit. 
Tintin Pierrout et pi sen moite il l'ont rasseurè 
en li d'sant que che négue i ne raen^feoit que 
des quiotés béte et qui n'a voit point de danger 
pour li. Malgré l'io, éche parcour il o dit à 
che berger : 

— Os varrez me réveiller demain malin de 
bonne heure, éje vous en prie pour l'amour du 
bon Diu. 

Quant éche négue et pi che parcour il ont tè 



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- 11 — 

bien endormis, éche berger, qui couchoit d'un 
eute lit dal l'écurie, i s'est levé tout duchemen, 
et pi, pour foire enne farce, il o 'le cherche* 
du noir éde fummèe à le cul d'un pout au fu ; 
il o bien barbouillé le figure dé che parcour 
sans le réveiller. 

El lennemain, à le pointelette du jour, Tintin 
Pierrout il o 'té appeler che parcour, comme il 
étoit convenu. 

Nou grand basou i s'est levé, i s'est habillé et 
pi il o 'té s'érebeyerà s'n habitude d'un morcien 
de miloir accroché en dedens dé le porte del 
l'écurie. 

En aperchuvan un visage tout noir, i s'est 
dit comme lo : 

— Tiens ! vloche berger qu'i bot la berloque. 
A le plache dé me réveiller, il o réveillé che 
négue. Si ch'est l'io, éje mé recouche. 

Et pi, i s'est recouché. 

Enne heure pu tard, éche négue i s'est levé ; 
éche parcour i n'n o foi autant ; écheti-chi, en 
se rebeyant da che miloir, i s'est mi à braire en 
disant : 

— Que malheur ! mon Diu, que malheur ! 
J'ai gaignè le maladie dé cheti-lol en couchan 
aveuc li. Ch'est men moite qui n'nestcœusse. 

— Ene braie point, beudet, qu'i li dit che 
berger en arrivant dal l'écurie. Tu mengeros 
aussi des rot vivants comme éche négue ; tu 
gaigneros de Targen à rien foire comme un 
dépulè ; t'éros moins de manque nous ter tous. 

— Oui, mais, Magritte, éme quiote bonne 
amie, a' ne vodro pu se marier aveuc mi ; je 
n'en morrai de chagrin. 

Pour consoler che parcour, Tintin il o prins 
enne granne potée d'ieu qu'il o jetée su le figure 



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- 12 - 

dé che grand gniais ; tout de suite, il est revenu 
blanc pi an gai comme édevant. 






— 13 — 
V 

UN SONGE 



Ch'est surtout quant il o entonné quéques 
baïonnette éque Tintin Pierrout il o granmen 
de jappe. L'eute Jour, i nous o raconté qu'après 
enne ribotte qu'il avoit foi à le tonte éde 
ses béte il avoit songé quli étoit entré da le 
paradis. 

— Tout d'un cœup, qu*i di en nous foisant 
le récit de sen voyage, vlo que j'érebeie autou r éde 
mi. J'éreconnolsquioutMond,Sansanne, Dodor, 
Ghachal et pi ciire d'eu tes gens que j'a vois 
connu da le temps, éque eh'étoit des rédeu à 
pigeon, il étaint d'un cuin en route à gaver 
des bieux pigeon blancs pour servir sans doute 
su le tabe éde ches pu grands s*int du paradis. 
Je me sut avanchè pour leu dire bojour et pi 
leu donner des nouvéle éde leus parent. 

— Tiens, qu'i foit Sansanne en me voyant, 
vlo quiout Tintin Pierroul. Quement qu'a' se 
foit que te vlo ichi ? T'os don acheté enne 
conduite neuve ? Ch'est don que t'os renonchè 
à che bren-de-vin et pi que tu ne fois pu poissier 
tes béte da che trèfe éde che gens ? 

— Ah ! j'aime coire bien boire la goutte. 

— A' tombe bien, qu'i dit Dodor. Pusqué le 
vlo lo, i n'o de quoi te régaler. Beie, pour gaver 
nous pigeon, os prendons du blé da che grand 
baquet-lo et pi os hummons du bren-de-vin da 



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— 14 — 

l'ente baquet à cote. 

— Eje serois mordiu bien gaveu de pigeon 
comme vous, que je di en foisant claquer me 
langue da me bouque. 

— Mets-te en route, qu'i me dit Ghachal. Os 
avons du bren-de-vin du prummier numérou 
comme tu i/n os point sur la terre. 

Vlo don que j'aherd un pigeon, qui continue 
Tintin ; J'enplis me bouque éde blé, et pi, en 
foisant : Hum!, aveu me bouque pour el l'en- 
plir éde bren-de- vin, j'ai- poussé un si grand 
cri éque je me sut réveillé... 

Je n'avois mie rien da me bouque: 

Ch'étoi un songe. 



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- 15 — 

VI 

UN M.ENGEU D'OU 



El semaine passée, j'ai 'té foire un quiout 
tour à men poys. Eje n'ai point peu vir Tintin 
Pierrout, mais je mie sut informé de li. 11 est 
toujours fin relu, toujours gai comme un 
pinchou. Vio chan qu'o m'ô raconté dessur li. 
El veile éde s'en aller au parc, Tintin i di à 
che parcour éde sen moite, qu'il est un mole 
gniaiseu : 

— Edemain, éje partirai de bonne heure ; 
surtout, n'oublie point d'aller réveiller Char- 
mante; aile aime bien dormir, ch'est enne vraie 
paresseuse, enne cœur falli. 

Charmante ch'est le quienne dé che berger. 
Eche parcour i n'o point manqué de foire la 
commission. Aussi, Tintin i ne foit que le 
gouailler depuis che temps-lo. Da che village, 
quant o renconte éche parcour, o ne manque 
point de li demander : 

— Os-tu réveillé Charmante au matin ? 
I passe sen quemin en bougonnant. 
Tintin il o foit miu qu'ello. El file éde sen 

moite aile foisoit se prummiére communion i 
n'o quéque temps. Sen père il o prié à dîner 
ses parent, ses ami et pi tous ses ouvrier. 

Eche berger il o don Hé invité aveu che 
parcour ; à tabe, il étaint voisin. Il ont mengè 
comme quate et pi bu comme huit ; il ont 



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- 16 - 

volu foire honneur à le tabe éde leu molle. I 
n'o mie de mau à Tlo. 

Os avolt servi enne fricassée de lapin. Eche 
parcour, sans avoir l'air d'érien, i rengeoit 
ches ou sur el bord del l'assiéte éde Tintin 
Pierrout aveu les siéne. Quant il on ieu widiè 
leu assiéte, éche parcour i di à che moite : 

— Beyez, che moite, que galaffe éque vou 
berger. Voyez-vous che monché d'où qu'il o 
épluquès? i n'n o-t-i bouffé dé le vianne? 

Point saisi du tout, Tintin i répond froidemen : 

— J'ai foit comme ches gens bien aievès. 
J'ai mengè le vianne, seulemen j'ai laissiè 
ches ou su le bord dé m'n assiéte pour les 
donner tout à l'heure à Charmante. Vou parcour, 
qu'il o l'air dé me tfouailler, aveu s'n air basou, 
il o foit comme un mal éduquè qu'il est. I n T o 
point un ou da s'n assiéte ; il o maqué toute, 
el vianne et pi ches ou, comme un quien qu'il est. 

— Bravo! qu'i dit che moite en claquant *>es 
main, est bien répondu, che berger ; n'en vlo 
coire un de poyè. 

Tout le raonne s'est d:claquè à rire en approu- 
vant Tintin Pierrout. L'un disoit : 

— Il éro enne boine goutte da sencafè, Tintin, 
pace qu'i ne raque point dessur, malgré que 
che n'est poin un ivrogne. 

Un eute disoi à che parcour : 

— T'iros réveiller Charmante édemain matin. 



^ o^5>tss^d^ 



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— 17 — 
Vil 

DOUS A DOUS 



El file éde nou moite, qu'i racontait Peute 
jour Tiniin Pierrout, aile est pour é se marier 
aveu un jeune homme dé dehors, qu'i vient le 
vir à cabriolet deux fois par semaine, el di- 
menche pi le jeudi. 

Au bout de quéques fois, ches joines gens il 
ont 'té li demander ches beue de rue ; comme 
il o du fain da ses botte, i s'est montré géné- 
reux : iléus o donné chinquante live. Pendant 
deux dimenche, ches flu il ontieu de quoi boire 
sans dépenser un sou. 

Eche deuxième dimenche, nou dégourdi de 
parcour i n'n o iant prins qu'i n'o point Mè 
capabe éde rentrer à part li. Seulemen, écheti 
qu'il l*o ramené — éque ch'étoit che flu d'éche 
voisin, — il éloit si seu que li. Gomme i foisoi 
un bieu clair éde lunne, leus camarade i s'amu- 
saint de les vir foire des S da ches rue en se 
tenant pa desous le bros. 

Edevant rentrer, éohe parcour i dit : 

— J'ai faim de... quête cose. 

— Mi aussi, qu'i dit l'eute. 

Da l'étot qu'il étaint tout-é deux, a' n'étoit 
point granmen facile éde leus aponner sans 
risquer de quére à tére. 

Eche flu d'éche voisin il o ieu enne idée de 
gens seu ; i di à che parcour : 



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— 18 — 

— Appuyons-nous dous à dous. 

— Tos raison. 

Ch'est chan qu'il on If oit. En se rélarapissant, 
il ont rebeyè à tere ; i n'on-l rien vu ni l'un ni 
l'eule. 

Toul d'un cœup, che parcour il o aperchu 
quête coseda le fond de sen patalou. 

— Tiens, est drôle, qu'i dit ; j'ai mengé des 
gohelle et pi vlo que je trouve des lentile. 

— Est aussi drôle éque mi, qu'i répond l!eute ; 
j'ai mengè des lentile et pi je trouve des go- 
helte. 

Après qu'il o ieu réfléchi, i dit : 

— Sais- tu quemen qu'a' se foît ? Ch'est pace 
qu'os nous sommes trompés de patalon. Can- 
geons. 

Ch'est che qu'il ont foit. El lennemain, il 
étaint desseuiès. 1 n'ont jauiois peu se ramen- 
tuvoir chan qu'i s'élo t passé niadeviner que- 
men qu'il avaint un eute patalon. 



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— 19 — 
VIII 

GHES DEUX PASTEUR 



Tin tin Pierrout il aime bien gouai lier s's eûtes, 
mais i n'aime mie qu'o li renche la pareile. 1 
né se vante point dé le quiote histoire que je 
m'en vos raconter. 

El veile dé le mariage dé le file éde sen 
moite, écLe marieu il o poyè à boire à tous 
ches domestique éde sen bieu-pére à venir. Que 
ribotte I m's ami, que ribotte I Os o 'le obligé 
de les porter da leu lit tertous. 

El lennemain matin, pour se remette, éche 
berger il o entonné quéques grosses goutte ; 
aussi, pour aller à le messe éde mariage, il 
étoit fin seu. Pendant l'office, i sVst tenu bien 
tranquile, i ne s'est point foit remarquer. A 
l'offertoire, M. le Curé il est venu se mette da 
che chœur en tenant se patène, tandis qu'éche 
bédeu il avoit da se main un bachinet pour 
éque ches gens i mèche-té des sou. 

Tout le monne avoit 'té à l'offranne quant M. 
le Curé i voit Tin tin qu'i s'avanche dal l'allée 
en foisant des zigzag. 

M. le Curé i se demandoi à part li quoi qu'il 
alloit foire : s'il attendroit che berger o bien 
s'i retorneroi à s'n autel. 

— Tant pire, qu'i s'est dit, si a' foit du scan- 
dale dai l'église, éje nel l'attendrai point. 

Quant Tinlin il est arrivé da che chœur, M. 



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— 20 — 

le Garé il o lornè sen dons pour éremonter al 
l'autel 

Après le me.«se, au momen que ches marié, 
leus paren et pi ches témoin il élainl da le sa- 
cristie, eche marister, qu'il aimoi à foire des 
calembour, i di à M. le Curé : 

— Eli bien ! M. le Curé, vous avez eu un sou 
de moins. 

— Pas du tout, magister ; j'ai eu un soûl de 
IroD, au contraire. 

CïTéloi enne bêle réponse qu'aile o foit rire 
tous clieux qu'i n'avoil da le sacristie. Aussi i 
se sont dépêches dé le raconter. E.îhe berger i 
n'n éloit bien enbélè, pace éque comme ches 
ivronne i n'aime point qu'o diche qu'il aime 
boire un cœup. 

Pour sa revenger de M. le Gurè, il o raconté 
chan qu'i s'éloit passé quant il o 'lé à le con- 
fesse pour ése marier. 

M. le Curé, qu'i dit, i veut passer pour nn 
homme capabe, iuslruil. ; i se sert toujours éde 
grands m >utéque personne éne comprend point ; 
i m'o demandé : 

— Avez- vous wardé les commanlemen du 
bon Diu. 

— Nau, que je li réponds. 

— AU ! os êtes un grand pâcheu ; a' n'est 
point bien. Avez-vous wardé, au moins, les 
com mande men de l'Eglise ? 

— Point nen pu, qu'éje li dit. 

— Ah ça ! qu'i foi quasi men en colère, quoi 
qu'os avez don wardé ? 

— J'ai wardé mesb^rbis tout de long de l'été, 
M. le Gurè, pi je n'ai point manqué de mau. 

El semaine d'après, qu'i continue Tinlin 
Pierrout, ch'est-tè José che manchon qu'il o 'tè à 



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— 21 — 

le confesse pour ése marier. M. le Curé i s'est 
roi al l'interroger. 

— Os êtes-I i point superbe ? qu'ili «lemanne. 

— Nan, qui répond José, pace qu'i croit que 
ch'est ches riche qu'i le sont . 

— Os éles-ti fornicateur ? 

— Nen pu. 

— Os êtes-U irascibe ? 

— Nan coire. 

— Os êtes-U concupiscent ? 

— Nan. 

*- Os êtes-li convoiteux ? 

— Je ne sus rien de tout l'io. 

— Quoi qu'os êles, don 1 qui demaune M. le 
Guiè quasi men fàcfcè. 

— Eje sut manchon, qu'i répond Jp*é. 



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-- 22 — 
IX 

A LE BOUDINÉE 



— Et pi, quoi qu'i n'o de nouvieu? que je dis 
reute jour à T nliu Pierrout, qu'il éioi en roule 
à boire ése baïonnette du matin. 

— Ah ! j'ai quête cose éde rétu à vous dire, 
qu'i foi en ouvrantenne bouque granne comme 
el gueule d'un four. 

— Voyons, que je dis après que j'ai ieu foit 
renplir sen voirre, éje vous acoute. 

— Eje quemenche par vous dire que je n'en- 
tends point vous ennuyer aveu un conte qui 
n'o jamois vu le jour ni ramenluvoir des his- 
toire éde viu grand-père à tuer des leup à cœup 
de bonnet. M'n histoire aile est véridique, — 
comme ai Angélique. 

Pour el mardi gros, Gustinche Mieu il o tuè 
senporcheu ; i m'o invité à le boudinée, comme 
i n'n ol'habilude. Eje n'airois po'nt manqué 
d'y aller pour enne manne éde prongneu. I 
n'a voit lo Mimile Longboyeu, Tilisse Maqua- 
part, Toine Bouffeu, Dodor Licheu, Golos 
Maqueforl, Bisecouenne, éche Cuirassier, Tintin 
LaberJaffe el pi coire trois quate grous lapeu. 
Eche frère éde Gustin che Mieu, qu'il est 
employé da ches vidange à Paris, il étoi venu 
aveu un ami à li qu'il est occupé d'enne fonderie 
de grés, qu'i nous o dit. 

— A labe ! qu'i nous o dit tout d'un cœup 



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— 23 — 

Gustin, et pi foites honneur à nou ha bille de soie. 

Ch'étoit plaisi de vir tous ches grands 
mengeu-lo envaler ches morcieu qu'o mettoit 
da leu assiéîe. Aveu che fricout, i bouffaint 
des chique éde pain qu'i poussaint aveu leu 
doigt da leu bouque. I ne prendaint point le 
temps de parler, pace qu'o dit qu'enne berbis 
qu'i brait aile perd enne gueulèe. Si os avoi 
ieu mis enne sonnette à leu menton, o ne s'y 
seroit point entendu ; os éroit 'tè échoui. 

Pour foire ches soupe, Firminie, el femme 
édeGustin, aile a voit mis le tête d'éche cochon 
aveu ches pieu, el queue e' pi ches bos morcieu. 

A la minute, el Tarai d'éche frère éde Gustin 
il o ieu entorsillè ches morcieti de couenne 
qu'o li avoit servis, et pi, d'un seul eœup, i 
s's o envalès comme si ch'étoit d's huile. 

Eche Mieu, en voyant Tlo, i s'est di à part li : 

— Vloun fameux bouffeu; pour un Parigout, 
i menge bien, et pi i n'est po*nt naxieu ni 
pluxineu. Pusqu'il aime bien dé le couenne, i 
feut le régaler. 

Gustin i reprend che plot ; i foit glischer enne 
boine affoire éde couenne dal l'assiéte d'éche 
Parisien en li disant : 

— Mengez ! mengezl pusqu'a' vous sanne 
boin ; quant i n'en o pu, i n'en o coire Os savez 
qu'i ne feut point foire éde reste. Ch'est d'un 
boin cœur. 

Eche Parisien, en voyant da s'n assiéle un 
morcieu de couenne grou comme un bouso, i 
bé demandoit que men qu'i feroit pourel Tenli- 
quer da se panche. 11 o prins sen courage à 
deux main ; comme quant os envaleenne purge, 
il o ouvert ése bouque tout granne pour miu 
lancher le couenne, et pi, sans reprenne é s'n 



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— 24 — 

haleine, en deux trois bouquie il o tout englouti. 
Guslin, en admiration devant un pareil men- 
geu, i se 'disoi à part li : 

— N'en vlo-t-i un d'envaleu? O m'appéleéche 
Mieu : je ne sut mie de taile aveuc li. 

Enne troisième fois, Gustin i repasse à che 
Parigout chan qu'i restoit de couenne da che 
plot en mettant coire aveu che qu'il avoit da 
s'n assiéte. 

Si che Parisien i bouffoit le couenne si vile 
que Tlo, chVst pace qu'i nel l'aimoit point du 
tout: ch'éloit pour é û'n ête puviledébarrachè. 

En voyant s'n assiéte pleine enne iroisième 
fois, sen cœur il o bondi comme un ieuve d'un 
so. Tout chaù qu'il avoi envalè o remonté da 
se bouqtie ; i n'o poin ieu le temps de s'étampir 
pou s'n aller da le cour ; il o tome se tête du 
. coté dé le femme Gustin, qu'aile étoi assis à so 
gœuche; il o foi un grous mac ! et pi il o tout 
rendu da le gron dé se voisinne. 

Foi de menteu ! i n'n o rendu enne waquie à 
déborder. El femme d'éche Mieu a' n'o point 
peu se retenir ; aile o. rendu tripe et boyeu. 
Tous s's eûtes femme i n'n ont foi autant. 

— A' n'est-i point malhéreux, qu'i disoit 
Gustin che Mieu da ses dent, éde perde dé le si 
boine marchandise ! J'érois vécu aveu tout che 
qu'i n'o da le gron dé nie femme pendant pu 
dé le milan de men carême. 

Tant qu'à che Parisien, il o bien 'tè malade 
jusqu'à PâqueS. 






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— 25 — 



UN COUVEU : D'ABfflBU 



Enne fols da l'hiver, Tintin Pierroul ilo juè 
un bieu lour à che parcour éde sen moile. 

PendaDt quéque nuit, il avoit gelé à pierre 
fenne. I n'avoi un grand Ireu da le palissade 
dé le bergerie qu'enne vaque, en heurtant, aile 
avoit foi aveu ses corne. En attendant le dcgeu 
pour povoir plaquer che treu, Tintin, qu'il 
avcit soin de ses béte autant que de li-mumme, 
il avoit foi un monché de gairbèe par da le 
cour pour enpécher le f i oid d'entrer da le ber- 
gerie. 

Un dimenche au soir, éche parcour, pour éne 
point se donner le peine d'aller da le grange 
queurre des gairbèe pemr rafforer ches guevo, 
il o prins cheux qu'i n'avoi t à che treu dé le 
bergerie en dehors da le cour. 

En rentrant pu tard, malgré qu'il ètoi un 
mol& gaillard pace qu'il avoit bu pu d'enne 
baïonnette av« u quéques boins buveu, Tintin 
Pierrout ilo 'le foire enne quiote tornce da le 
bergerie aveu se lanterne pour s'asseurer que 
ses béte étaint bien. En voyant che treu 
débouché, i s'est mi à jurer comme un bieu 
diabe. 

— Nom d'un tonnerre I qu'i dit, ch'est coire 
'té che cœur fali de parcour qu'il o foit che 
chef-d'œuve-lo ! 1 mé le poiero, l'animal ! 



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— 26 — 

En entrant da le bergerie, il o 'lé fin saisi de 
vir enne dizaine d'aignieu trondelès da le 
litière ; il étaint froids comme dé le glache ; i 
ne bougeaint pu. 

Quoi qu'il o foi Tintln Pierrout ? I li est 
venu enne boine idée. - Il o Mè vir dal l'écurie 
si che parcour il et oit couché. Quant il o vu qu'i 
roufloit comme un cat-want aveu sen bec tout 
grand ouvert, il o Hè chercher thés quiouts 
aignieu un par un pour es's apporter tout du- 
chemen da che lit d'éche parcour. A le caleur, 
ches prummier i se sont mi à revenir à eux ; 
en cher han à téter, il ont réveillé che parcour. 

— Quoi qu'os foites-lo ? qu'i di à. che berger 
en le voyant lancher un aignieu da s^n lit. 
Gli'est-i qu'os vous mouquez de mi ? 

— Gh'est dé te feule, grand faignant, si ches 
poves quiotés bète il allaint moirir. i feut que 
tu les réeauffes. 

— Os-t-on jamois vu l'io, qu'i disoit che par- 
cour, mette des béte d'un lit ? 

— Tu y es bien, ti, espèce éde point grand' 
cose. Eu soin dé ne point s's étouffer, sans l'io 
éjé t'étouffe ti-mumme. 

Eche parcour i n'o pu bronché. 
A chaque voyage, Tintin il apportoi un quiou 
aignieu. 

— Combien que vlo de fois que je viens ? 
qu'i demanne à che parcour. 

— Ej ; sait-i, mi ? Eje n'ai mie compté. 

— Fut-che ! Récauffe-les bien, qu'i ditTinlin ; 
quant i seront revenus à eux, éje t'en débarra- 
cherai. En attendant, éje m'ons reboucher che 
treu que l'os débouché, grand malzant. 

Au bout d'un momen, vlo tous ches aignieu 
qu'i se mette à vertiiler da che lit. Eche par- 



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— 27 — ■ 

cour il étoit comme sur des ortile, i ne savoit 
pu éde que cote se mette ; i foisoit des mor- 
gnon à foire Iranner V l'écurie. Quant Tintin 
il o 'le revenu, i li o dit : 

— Débarrachez-mé bien vite éde tous ches 
quiouts diabe-lo. Beyez, n'en vlo un qu'i chuche 
ei peu de men pied gœuche ; i n'en o un eute 
qu'i n'en foi autant à che quiout doigt de men 
pied droite et pi un cute qu'i cafoule à me 
boutinne. Je ne peux mie durer à che métier-lo. 

— Attens, je m'en vos te plainne, sans doute. 
Os-tu point bien du mau ? D'ailleurs, ch'est-i 
point dé te feute ? 

— Oui, mais me prendez-vous pour enne 
berbis ? 

— Nan, je ne té prens mumme point pour un 
ran. Tu n'est qu'enne andouleet pi ua.paresseux. 

A la fin, quant il out 'tè bien revenus à eux, 
Tintin il o reprins ches aignieu un à un pour 
les reporter à leus mère. 

— Nen vlo dix dé reportés. Gambien qu'i n'en 
o coire, don ? 

— Eje sait-i, mi ? qu'i fôit che parcour. Je 
vous ai déjo dit que je n'ai point compté. 

— A foi onze aveu cheti-iol ; i doit n'en avoir 
douze; 

— Eje n'en sens pu qu'un. 

— Quemen que tu n'en sens pu qu'un ? Eje 
m'ons reporter cHeti-chi, et pi après os voirons 
à rebeyer à l'io. 

Quant éche berger il o 'tè revenu, éche par- 
cour i li dit : 

— I n'en o pu. 

— Eje té dis qu'i doit coire n'en avoir un. 

— Eje vous dis qu'i n'en o pu. 

— Ch'est-i que tu l' l'airois étouffé, par hasard ? 



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— 28 — 

En disant Ho, Tinlin il aherd ches couver- 
ture et pi le paillaisse ; i tire tout à 11. 

*- Mais, pour l'amour dé Diu, laissiez-mé don 
tranquile, éje vous en prie, Tintin ! Tout à 
l'heure ch'étoitd's aignieu qui me lapidair en 
cafouillant autour éde mi ; à che-t-heure ch'est 
vous. A* ne sero don jamois tint ? 

Tinfin i continoit toujours éde tirer tout à 
li, tant qu'à la tin éche parcour i déroule aveu 
ches couverture et pi ches paillaisse éde^sur el 
litiéie del récurie. I se reyeuve en colère pour 
donner enne pile à che bercer. Tintin Pierrout, 
qui n'o point pe jr, i s'avanche aveu ses grosses 
galoche, qu'il appuie sur ches doigt de pied 
d'éche parcour. Vlo cheli-chi qu'i se met à crier 
comme si ol l'écorchoil, et pi qu'i ricule en 
étendant ses bros. 11 o lant reculé qu'il est 
arrivé tout pies d'un cuvier plein d'ieu qui 
n'avoitio pour donnera boire à ches guevoel len- 
nemain malin. Au mumme momen, Tinlin i li 
donne enne poussée da s'n estomac et pi il l'en- 
voie nager da che cuvier comme enne gairnoule. 

Apres P l'aventure -lo, Tinlin il o'té Fe 
coucher bien aucœuddasen lit, tandis qu'éche 
parcour il est sorti de sen cuvier en claquant 
du bec et pi en teurdanl se quemise, qu'aile 
étoitfraique comme enne lavette ; i s'est anichè 
comme il o peu da ses couverture pour tacher 
dé se récauffer, en se disant bien qu'enne eute 
fbis i ne prendroit pu ches gairbée decheberbis 
pour aller rafforer ches guevo. 



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— 29 — 



XI 

EL SÏÏTÉNE M. LE CURÉ 



Ele semaine passée, qu'i nous o raconlè Feule 
jour Tinlin Pierrout, il est arrivé enne quiole 
aventure que je vos vous raconter. 

M. le Curé il o l'habitude éde venir à le veile 
tous Jes samedi mon de nou moite, qu'il est 
marguiller. A veu quéques voi in qu'i n'o lo, et pi 
Laillide, el servante éde nou moite, qu'a' n'o 
point se langue à ses talon, M. le Curé i sait 
tout clian qui s'est passé depuis huit jour da 
che village. A mesure, il éremonte à Laillide 
qu'aile pale toujours troup vite. 

— Edevant dire quele cose, qu'i li répète 
souvent M. le Curé, i îeut retorner se langue 
sept fois da se bouque. 

Embêtée d'entenne toujours dire comme lo 
comme si aile étoi enne enfant, Laillide aile 
s'est mi a ruminer que tour qu'aile jueroit bien 
4 M. le Curé. 

A' n'o poin attendu longtemps. El samedi 
d'après, M. le Curé il est arrivé comme d'ha- 
bitude ; i s'est assis da che cadou da le cuin 
d'éche fu ; il o saqué se pipe, il l'o bourrée, il 
l'o allummèe et pi i s'est mi à fummer. Quant 
il oieu fini,elcaleur d'éche fu aile l'o endormi; 
i s'est réveillé quant ches voisin i son", arrivés. 
Tout de suite, Laillide aile o *tè foire enne 
boine écarbouillale à che fu ; un cairbon il o 



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à 



— 30 — 

jenglè dessur el suténe M. le Gurè sans qu'i le 
voiche. 

Au bout d'un momen, Laillide aile vos'étampir 
aveu ses deux mains dessus se panche édevant 
M. le Gurè ; a' se met à foire marcher se langue 
da se bouque comme si aile maquionnoit du 
ringolisse. 

— M. le Gurè, qu'aile dit, j'éretorne éme 
langue enne fois. 

— Est bien chan qu'os foites-lo, qu'i dit M. 
le Gurè ; os profitez de mes conseil. 

— M. le Gurè, j'éretorne éme langue deux fois. 

— Ebt bien, est fin bien. 

— M. le Gurè, j'éretorne éme langue trois foi?. 

— 03 avez raison. 

— M. le Gurè, j'éretorne éme langue quate fois. 

— Ch'est-i qu'aile est fol e? qui n'en o un qui 
dit ; i feut li jeter un sieu d'ieu bénite. 

— M. le Gurè, j'éretorne éme langue cinq fois. 

— Quoi que tu veux dire ? qui li demanne 
éche grous Zidore. 

— M. le Gurè, j'éretorne éme langue six fois. 

— Tunousenbéteàla fln,qu'i dit Jean Gleude. 
Laillide aile continue à dire sans se presser: 

— M. le Gurè, j'éretorne éme langue sept 
fois... édevant vous dire éque vou suténe aile 
brûle. 

M. le Gurè i s'eyeuve tout d'enne ébondie en 
tapant ses main à droite, à gœuche, pa devant, 
par driére pour vir à que plache que se suténe 
aile bruloit ; à la fin, il o tombé dessur ; i 
n'avoil déjo un treu grand pour passer sen puing. 

— Os ne savoites point le dire pu tout ? qu'i 
dit M. le Gurè quasimen en colère 

— E ne m'avez-\ ous point dit que devant de 
parler i folloit retorner se langue sept fois ? 



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— 31 — 

Ch'est chan que j'ai foit. 

— Est vrai ; seulemen che n'est point quant 
o voit que me suléne aile brûle. 

- Os nel l'avoites point dit. 



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— 32 — 

XII 

UN SORCIER BIEN REFOIT 



Tinlin Pierroul i foisoit se partie de piquet 
ou dimenche au soir da l'hiver mon Lalie 
Lôquetoule. A le tabo à cô!è. i n'avoi uu 
berger dé dehors qui :;e fuisoil riocher ie bec 
par deux quiouts joines gens. Tinlin i n'ei 
l'aimoit point granmei pace qui voloit se 
foire passer pour sorcier. 

Eche berger-lo, qull éloit fln seu à Torche 
ede boire, i voloit quant mumme apprenne éehe 
métier de sorcier à ches deux joines gens. 

— Nan ! nan ! qui disaint, os ne volons point 
avoir à foire aveu le diabe. 

— Os éroites tout chau qu'os demanderoites. 
En entendant Ho, Tinlin Pierroul qull o 

toujours ése langue à che treu, i di à sen 
confrère : 

— Ti que t'est pauve comme Job, à cœusse 
éque tu n'édemanne point d'été riche à le diabe, 
pus éque t'est bien aveac li ? 

— Ede quoi que tu te mêles ? qui répond 
l'eute en colère. Eje t'envoierai des pou. 

— Tu ferois miux d'enlever ches pou de tes 
berbis, qui n'en sont maquèes. 

Pour éviter enne dispute, quant el partie aile 
o le llnile, Tintin et pi ses trois camarade il 
ont poyè et pi i se sont en allés ; i n'avoil pu 
que vingt minute pour la retraite. 



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— 33 — 

En arrivant à le porte éde ches rue, Tintin 
i dit à s's eute : 

— I feut donner enne érechon à che baveu-lo. 
Allons T Pat enne su che quemin da ches prè ; 
os li frotterons un mole s'n équinne. 

Ch'est chan qu'il ont foit. Au bout d'un 
momen, il ont entendu éche berger qu'i venoi 
aveu ches deux joines gens. Tintin aveu ses 
trois camarade i se sont muchès par driére un 
grous bisson pour acouter sans ête vu. 

— Oui, qu'i disoit che sorcier, i feut que je 
vous foiche vire el diabe. 

— Nan ! nan ! os ne volons point. 

— Si est, os le voirez ; je le veux. 

Eu arrivant en face dé che bisson iou qu'il 
étoit Tintin aveu ses camarade, éche berger i 
s'arrête : 

— Satan ! qu'i crie de tous ses forche, 
viens ichi ! 

i n ? o poin ieu sitout dit Plo, qu'enne flamme 
aile éciaire éche bisson du heut en bos. Eche 
sorcier i n'étoit point surprins pace qu'i savoit 
que le diabe i prendoit tous les forme : d'un 
cœup ch'étoit un raarguet, un cot noir, un 
cavailler. Ches deux joines gens, fin saisis, il 
ouvraint des yu comme des catiére. 

Eche berger, fin conten de vir que s'n invo- 
cation aile o si vite réussi, i s'avanche tout 
prés d'éche bisson : 

— Satan ! qu'i dit, fois vire été puissance à 
ches deux péreux-lo. 

I n'o poin ieu sitout fini de parler, qu'i s'est 
mi à crier en se trondelan a tére : 

— Aïe, men dous ! Aïe, m'n épeule ! Aïe, éme 
gamme ! Au secours ! au secours ! 

Saisis d'épouvente, ses deux camarade i se 



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— 34 — 

sont mi à courir comme des gens perdus. 

Jintin et pi s's eûtes i se sont retirés tout 
duchemen d'éche bisson pour érevenir au 
èrand décime galoup en faisant du bruit aveu 
leus galoche. Quant il ont 'té arrivés à che 
berger qu'i se rouloi à tére tout en se frottant 
pi en se plaindant : 

— Quoi que t'os ? qu'i li demanne Tintin 
Pierrout. Ch'est-ti que tu reviens du sabbot et 
pi que t'os 'té mal érechu ? 

L'eute i n'o point répondu. Tintin il l'o 
rétampi et pi il l'o reconduit jusqu'à se moison 
à che poys voisin ; il l'o aidiè à se débiller ; il 
o vu qu'il étoit renpli de cœup bleus sur tout 
sen corps. 

A' n'o point 'té fini comme lo. Tintin i n'o 
point peu s'enpécher de raconter el l'aventure 
arrivée à sen confrère. Ch'éloit li qu'il avoi 
allummè un monché de feulle sèques aveu enne 
gazette ; tandis che teraps-lo, ses trois camarade 
i tapaint su che berger aveu des longues perche. 

Eche sorcier il o ieu vent de chan qu'i racon- 
taint ; il o 'té se plainne à ches gendarme, qu'i 
sont venus foire enne enquête ; il ont interrogé 
Tintin et pi ses trois camarade ; il ont dit 
tertous qu'au contraire il avaint 'té porter 
secours à che berger, éque sans eux il éroit 'té 
tué. Ches deux joines gens il ont dit, eux, que 
che berger il éloit seu, qu'il avoit foit venir el 
diabe, qu'i li avoit donné enne chinglèe. 

Ches gendarme, en colère d'avoir 'té dérengès, 
il ont foi un procès à che sorcier pour ivresse 
et tapage nocturne. 

Edepuis che temps-lo, quant Tintin i renconle 
sen confrère, i ne manque jamois dé le gouailler. 

— Quemen qu'a se foit que t'est sorcier, qu'i 



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— 35 — 

li dit, et pi que tu n'os point prévu che cœup-lo ? 
Si t'avois seu l'avenir comme tu ITannonches, 
tu n'érois point rechu enne pile ni ieu deux 
procès. Tu n'est qu'un pove sorcier... 

En disant l'io, Tintin i rebeie de prés sen 
confrère ; i voit des guernadier sur ses épeule : 

— A' ne m'étonne point que t'envoies des 
pou : ch'est les tiéne éque tu canges éde plache. 
Fous le camp d'ichi, saloup, tu serois capabe 
éde mé n'n improvigner. 



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— 36 — 



XIII 

EL LUNNE ENYALÈE 



Eje passois i n'o quéque temps devant che 
che cabaret d'en heut de non village. En avan- 
chant, j'entendois rire à gafèe. Gomme el porte 
aile étoit tout granne ouverte, j'ai reconnu le 
voix dé m'n ami Tintin Pierrout ; i rit d'un si 
boin cœur qu'i f eroit rire éche pu mousu dé che 
village. En tornant se tête, i m'o aperchu. 

— Venez boire enne baïonnette aveuc nous, 
qui me crie, os érez du plaisi, vous qu'os 
aimez entenne raconter des conte. 

Gh'étoit me prenne par men faibe. Eje né 
me sut point foit prier pour entrer da le com- 
paignie éde ches quate ou cinq francs luron 
qu'i n'avoi aveu che berger. 

— Ene foites point attention, qu'i n'en o un 
qu'i me di en m'assiant à leu tabe, si Tintin 
il o père Huber. 

— Ti, t'est enne mauvaise langue, bêle, qu'i 
foit che berger; ch'est-ti point lundi aujord'hui? 

— Oui, men brave, que je li dis ; hier, il o 
foit cœud da ches camp à warder les berbis... 
Voyons, uoi qu'os avez à me raconter de bieu ? 

— Gh'est enne histoire qu'aile est arrivée à 
che parcour édenou moite à ledergaiére pleine 
lunne. El i'imbécile-lo il avoi enpli d'ieu un 
grand bac qu'i n'o da le cour ; au soir, il avoit 
l'habitude éde déloyer ches vaque unne à unne 



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37 



pour les foire boire. Il o quemenchè par déta- 
qoer el grosse vaque noire d'éche cuin. En 
revenan à che bac pour songner le béte, éche 
parcour il o aperchu el lunne qu'aile luisoit 
dal ieu ; il o cru qu'aile étoit queute édedens. 
Il o volu enpécher le vaque éde boire pour 
péquer le lunne et pi el l'accrocher desous le 
grand'porte, comme lo nou moite l n'éroit pu 
besoin de lanterne. I m'o huquè pour que je 
voiche el Paidier ; comme éje n'entendois 
point, il est venu à le porte dé le moison. En 
étandis che temps-lo, el vaque aile o avanchè 
â che bac ; aile s'est mi à boire à grannés 
lampée. J'ai couru lout de suite aveu che par- 
cour. El lunne aile luisoi à che bout d'éche bac. 
Eche parcour il envoie un cœup de pied da les 
patte dé le Noire pour el feire éretirer ; el béte 
aile o avanchè de trois pos tout en continuant de 
boire. Tout d'un cœup o n'o pu vu de lunne 
da che bac : un grous nuage il l'o muchèe tout 
àfoil. 

— Là, voyez-vous, qu'i me dit che bénet de 
parcour, el Noire aile l'o envalée. Quoi foire 
pour el ravoir ? I feut le foire ouvrir par éche 
boucher. 

— Eque t'est béte ! que je li dis. Attends 
qu'aile l'euche dégirèe ; t'iros mette été main 
desous se queue et pi tu 1' l'attraperos au 
passage quant el vaque a' le q rendro. 

—.Tiens, est vrai ! 

— Surtout, que je dis coire, i feut que tu 
laisses été main desous le queue dé le Noire 
tant qu'aile fero sen bouso. 

— Je ne souperai point devant, qu'i répond 
che basou. 

— Nan, que je li dit ; attends pour souper 



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— 38 — 

que le vaque aile euche foi t sen bouso...l 

I n'avoit pet-ête deux heure que che par- 
cour il étoit par driére el vaque pour guetter 
le lunne au passage. Tout d'un cœup, au 
moment qu'i s'y attendoit le moins, el Noire, 
qu'aile mengeoit du vert édepuiu trois Jour, 
aile eilleuve ése queue et pi aile envoie enne 
éclichade du $hent mille diabe da le bouque, 
da ches yu, su che nez d'éche parcour, qu'i n'n 
est queu à le renverse en foisant des cri de 
16-warou, s'érequemandant à sen père, k se 
mère, à sen grand-pére, à se grand'mére, k le 
bon Diu et pi à tous ches saint du paradis. Os 
ons couru tout de suite à sen secours ; ol Tons 
sorti da le cour édessur éche fummier pour el 
nettier propermen. Quant il o peu ouvrir ses 
yu, comme il étoit couché sur sen dou, il o vu 
le lunne en heut, pace qu'éche nuage i n'n y 
étoit pu ; il o dit tout de suite : 

— A cœusse qu'os avez laissiè le porte del 
l'étabe ouverte ? El Noire aile o quiè le lunne, 
et pi aile est déjo raccrochée k che temps. Oi 
n'êtes point granmen malins, vous qu'os me 
traitez toujours éde béte. 

— A cœu. se éque tu nel l'os point arrêtée au 
passage, bougre éde malotru ? 

Lo-dessur, Tintin Pierrout il o foi enne boine 
ricanade et pi nous tertous. J'ai poyé enne 
baïonnette à la société aveu enne rinchurette 
éde prummiére classe après que j'ai ieu toit 
promette à che berger dé me raconter un eute 
jour unne éde ses farce. 



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- 39 



XIV 



Mm ET PI BERGER 



Monseigneur l'évêque il est venu enne fois 
pour donner la confirmation da nou village. 
Tout le monne s'est mis en quate pour bien 
el l'érechuvoir. Os o foil des arc éde triomphe 
à chaque cuin de rue, dessur el plache, à le 
porte del l'église. Ghes joines gens i se sont 
habillés de leu pu bieu pour aller au-devant 
de li à guevo, a mulet, à beudet, chacun selon 
ses moyen. Mais che temps i n'étoit point seur; 
i n'a voit longtemps qu'i foisoit se ; os a voit 
peur d'avoir éde ieu pour el cérémonie. 

El jour arrivé, tout le monne da che village 
étoit sens dessus dessous. Monseigneur idevoi 
arriver à neuf heure par el route éde Koye. 

Tintin Pierrout, éque c^h'est un rude boin 
berger, ilétoienbétè dé ne point povoirquittier 
ses béte pour aller à le cavalcade ; il o si bien 
foit sen compte qu'il o amené sen out de berbis 
point loin dé le route, pour bien vire, pace qu'il 
est granmeu curieux de sen naturel. 

A che moment-lo, i n'avoit des grous nuage; 
éde temps en temps, i quésoit des quiotés 
goutte. 

Tout d'un cœup, en tornant se tête éde Peule 
coté, Tintin il o aperchu enne bêle calèche 
qu'aile arrivoi à fond de train : ch'étoit mon- 
seigneur aveu se suténe violette qu'il étoit 



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— 40 — 

dedens et pi sen grand vicaire. 

En voyant che berger qu'il ou'vroit enne 
bouque comme enne gueule é1e four et pi des 
y u comme des tabatière pour miu vire, monsei- 
gneur i foi arrêter sen cocher; i laisse glicher 
chè quiout cassis dé se calèche, et pi, aveu se 
main,ifoit singne à che berger de s'approcher; 
en saquant se tête, l'évêque i dit : 

— Vous qu'os vous connaissez sans doute à 
che temps, men brave homme, i vo ti foire bieu 
aujord'hui ? 

— 1 fero le temps que je vodrai, don, mon- 
seigneur. 

— Os n'êtes point granmen poli, qu'i dit che 
grand vicaire. 

— Eje veux dire qu'i fero le temps qu'i me 
plairo. 

— A n'est mie coire miu parlé. 

— Os né me laissiez point le temps de finir... 

— Os n'êtes mie le bon Diu, portant. 

— Eje vous dis qu'i fero le temps qu'i me 
plairo : si i pleut, a' me plaît : si i foit bieu a' 
me plaît coire ; i ne feat-i point prenne el 
temps comme el bon Diu nous F l'envoie ? 

Eche grand vicaire il o foi enne grimache en 
serrant ses mousse, tandis que monseigneur i 
foisoi enne quiotte risée en attends ntchan qu'il 
alloit venir. 

Tintin il o continué : 

— Si i pleut, monseigneur, a' fero du bien 
da ches camp pace qu'i foi se depuis longtemps; 
ches poves laboureu i se réjouiront et pi mi 
aussi, mes béte i n'ont pu rien à poissier. Si i 
foit bieu, os ne serez point frais, monseigneur, 
ni tous ches joines gens qu'i sont en route à 
venir au-devant de vous ; ches areéde triomphe 



fcfc* 



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— 41 — 

qu'os o foit pour vous i reluiront au soleil ; ei 
réception qu'o veut vous foire aile sero réussie. 
J'en serai tin content pour vous. 

Etoit bien répondu ; aussi, monseigneur i di 
à che berger : 

— J'admire voù réponse ; os avez de l'esprit, 
men brave homme. Eretirez vou capieu, éje 
vous donnerai me bénédiction. 

— Monseigneur, qu'i dit Tintin Pierrout, si 
vou bénédiction aile est de boine qualité, comme 
je le crois, aile traversero bkn men capieu, 
qu'i reste toujours édessur éme tête ; si a' ne 
veut rien, che n'est mie le peine dé me défuler, 
pace que je n'ai point pour habitude dé retirer 
men capieu, quand mumme a' seroit devant 
M. le Curé. 

Monseigneur il o foit enne quiotte risée ; ilo 
saqué se main droite et pi il o donné tout de 
mumme ése bénédiction à che berger, qu'il o 
foi un grand nom du père. 

En retornant devers ses berbis, Tintin i se 
disoit : 

— Monseigneur chest un brave homme ; i 
n'est point du tout grandier, mais il éroit 
bien peu me donner aveu se bénédiction de 
quoi boire enne baïonnette à se santé. 



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— 42 — 
XV 

A LE CONFESSE 



I n'o quéque temps, en arrivant en face d'éche 
cabaret en heut de nou village, Je me sut 
entendu huquer. Ch'étoit m'n ami Tintin 
Pierrout qu'il éloi en route à boire enne baïon- 
nette, pet-ête el sixième qu'il envaioit depuis 
qu'il étoi arrivé pace qu'i me sannoi un mole 
écauffè ; il étoit coire pu rétu qu'à s'n habitude. 

— Widiez vou voirre, que je li dis, os allons 
n'en reprenne enne eute ensanne. 

I n'attendoit qu'ello. 

Quant éche café il o 'té versé, i m'o raconté 
enne nouvéle histoire éque j'ai tout de suite 
écrit en rentrant. El vlo. 

— Pour Pâques, qu'i me dit Tintin, éche 
parcour éde men moite il o 'lé à le confesse, 
comme il y vo tous l's an. Quant il o ieu débité 
le longue renguie de ses péché, M. le Curé i 
s'est aperchu qu'i n'n avoit moins que d'habi- 
tude ; il étoit content pace qu'i voyoit que che 
parcour il avoit tenu compte éde ses remon- 
trance. Portant, il o ieu des doutance. 

— M'avez-vous tout dit, mon enfant ? qu'i 
demanne M. le Curé. 

— Oui, mon père, éje n'ai rien wardè. 

— C'est bien, mon fils; vous péchez beaucoup 
moins ; je vous en fais mon compliment. 11 
faut persévérer et tout ira bien. 






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P^PPPPBBBP"^^^™! 



— 43 - 

— Quoi qu'os me dites-lo, M. le Curé ? Os 
n'y pensez don point ? Ch'est en ne drôle dé 
pénitence... 

— Mais ce n'est pas une pénitence. Puisque 
vous vous comportez mieux maintenant, vous 
n'avez qu'à continuer. Oui, je vous le répèle, 
et j'insiste, il faut absolument persévérer. 

— Ah ! nan, qu'i répond che parcour, doonez-mé 
enne eute pénitence. Jamois je ne porrai foire 
chan qu'os me quémandez. Tenez, rien que d'y 
penser, éje tranne comme enne feulle. Et pi, 
quoi qu'i diroit Tintin Pierrout ? 

— Le berger n'a rien à voir là-dedans, mon 
enfant ; n'écoulez pas ce qu'il pourra vous dire; 
s'il se fait damner, c'est son affaire. Vous, 
tâchez de gagner le paradis. Allez en paix, mon 
enfant, et ne péchez plus. Vous reviendrez ici 
dans huit jours ; je vous donnerai l'absolution. 

Eche parcour il est revenu à le moison de 
nou moite ; il étoit tout drôle, tout moneu 
comme un quien qu'il o perdu se queue. Pendant 
huit jour, i n'étoit pu du monne ; i foisoit tout 
de travers, à l'érebous du bon sens. El samedi 
d'après, il o retornè à le confesse. 

— Eh bien, mon enfant, qu'i dit M. le Curé, 
avez-vous tenu compte de mes recommanda- 
tions ? Je vous ai donné le conseil de persévérer. 
Avez-vous réussi ? 

— Ah ! ne m'en parlez point, mon père. Eje 
m'y sut prins de tous les fachon. Je n'ai jamois 
peu y arriver. 

— Que me dites-vous donc là ? 11 n'y avait 
là rien de difficile. Puisque vous étiez dans la 
bonne voie, vous n'aviez qu'à persévérer. 

— A n'est mie si facile qu'ello. J'ai prins el 
fourque américaine dé le grange. Je me sut 






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— 44 — 

avanchè tout duchemen jusqu'à le cabéne ; an 
momen que J'étois prêt à le percher aveu me 
fourque, il o foi un si grand sent de cote, qu'il 
o cassé se c&ine et pi i s'est sauvé ; i n'est point 
revenu depuis, tellemen qu'il o ieu peur. 

— Ah ! ça, perdez- vous la tête ? Je ne com- 
prends pas un mot à ce que vous venez de 
me raconter là, 

— Bon ! Quoi qu'os m'avez quémandé ? 

— Je vous al dit de persévérer. Ce n'est pas 
un crime. 

— Os irez el rédemander à Tintin Pierrout. 

— Encore le berger là-dedans ? Mais il n'a 
rien à y faire... Je crois que vous devenez 
idiot, mon enfant... 

— Si je sut enne béte, qu'i répond che parcour 
qui sentoit le moutarde li monter, vous os 
quemenchez à radoter, en parlant aveu respect. 
Aussi, éje n'éreviendrai pu ichi pour qu'os me 
donnéche des pénitence pareiles. 

En disant l'io, éche parcour i s'est relevé, et 
pi il est revenu à le ferme. Gomme il étoit coire 
pu drôle que le samedi d'édevant, ol l'avons 
questionné ; i nous o raconté s'n affoire. 

— J'ai idée que M. le curé i vient fou, qu'i 
nous dit, pour m'avoir érequemandè de per- 
cher Verret. 

A che mouMo, os nous sommes déclaqués à 
rire sans povoir nous arrêter personne. El 
l'imbécile éde parcour, qu'i ne comprend point 
le français, il avoit cru qu'il étoit question de 
mcnquien. 

— Os savez, qu'i me dit Tin! in, éque pour 
warder mes béte, j'ai enne quienne, Char- 
mante^ et pi un quien, Verret ; écheti-chi j'el 
Tai appelé comme lo pace qu'i me vient d'éche 



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— 45 — 

berger de Méziéres ; os savez aussi que ches 
gens d'éche poys-lo i sont surnommés ches 
Verret vu que pour dire un verrou i dite un 
verret. Vlo don pourquoi che parcour il o cru 
que M. le Gurè i li avoit requemandè de crever 
men quien en ii disant de percher VerreL 

Lo-dessur, Tintih Pierrout il o foi enne bêle 
ricanade et pi nous tertous. 



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_ 



- 46 - 

XVI 

ATTRAPE!! ATTRAPÉ 



Un dimenche au matin, Tintin Pierrout, ha- 
billé de sen pu bleu, i deschendoit le rue d'en 
heut en marchant vite. 

Zidore éche cache-mannèe, qu'il l'o aperchu, 
i li crie : 

— Iou que tu t'en vos, comme lo ? Eté vlo 
bieu comme un flu de fête. 

Point de réponse. 

— Iou que ch'est que tu t'en vos ? qui licrie 
f nne deuxième fois. 

Po coire éde réponse, maisTinlin i marchoit 
de pus en pu vile. 

— Iou que ch'est que ch'est que tu t'en vos, 
espèce d'ahuri ? qu'i demanne Zidore enne troi- 
sième fois. 

— Eje m'ons Amiens à che concours agricole, 
qu'i répond à la tin che berger. Eje sut pressé ; 
tu t'en vos me foire manquer che train. 

— Tu t'en vos Amiens, pi tu ne volois point 
mé le dire? Attends, j'ai enne commission à te 
donne.. 

— Vite, dépêche-te. 

— Donne-mé le temps de té le dire, au moins. 

— Oui, mais, tu n'en finis point, hè, lé- warou 
de baveu. Tu sais bienqu'éehe train i n'attend 
point. Quoi que ch'est, pour finir ? 

Zidore i foisoit languir Tintin pour qu'i n'ar- 



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— 47 — 

rive point à l'heure ; à la fin, 1 dit : 

— A' ne sero point lourd à porter. Ché seroit 
d'aller dire bojour à che préfet dé me part. 

Eche berger i prend ses gamme à sen cou, i 
se met à courir tant qu'i peut pour éregaigner 
che temps perdu et pi pour éne point enlenne 
ches gens se mouquer de li, qui s'étoit laissiè 
refoire. 

El dimenche d'après, éche cache-mannèe i 
passoit devant lTéglise au moment qu'o sortoit 
dé le messe ; en le voyant, Tintin i li crie de- 
vant tout le monne : 

— J'ai foit te commission, dimenche. 
Zidore, qui né se rappeloit pu dé rien, i 

demanne : 

— Que commission, don ? 

— D'aller dire bojour à che préfet dé te part. 

— Ah ! bon, oui, je m'en rappelé... Et pi ? 

— Et pi, je y ai 'le... 

— Point possibe ?... T'os 'tè bien rechu ? 

— Oui, oui, j'ai 'tè bien rechu. Eche préfet il 
o'tè fin content d'avoir éde tes nouvéle ; i m'o 
dit dé te dire qu'i t'attend dimenche... v 

— Pourquoi foire ? qu'i demanne Zidore. 

— Pour éque tu voiches diner aveuc li. 
Eche cache-mannèe il o vu qu'il avoi à foire 

à si malin que li ; il o astiqué un cœup de ca- 
choire à sen guevo sans n'en demander pu long. 
Tous cheux qu'i n'avoit lo i se sont mi à le 
gouailler en le houpant jusqu'à temps qu'il o 
ieu tornè checuindé le rue. 

Edepuis che temps-lo, i ne s'avise pu de rire 
éde Tintin Pierrout. 



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— 48 — 
XVII 

MADAME OU MAMSÉLE 



Un lundi au matin, j'ai rencontré Tintin qu'i 
s'en alloi à sen parc ; il a voit sans doute envie 
que je li poiche enne baïonnette. 

— J'ai coire enne nouvéle à vous apprenne, 
qu'i me dit. 

Gomme os étoime en face d'éche cabaret dé 
le rue d'en heut, éje li dis : 
. — Entrons lo. 

— Eje veux bien, comme lo j'allummeraime 
pipe... 

— Et pi os prendrons enre baïonnette. 

— A' sero coire miu, qu'i foit. 

Quant os avons ieu 'tè servis, éche berger i 
me dit : 

— Eche parqour éde men moite i vient coire 
éde n'en foire des siénes. El semaine passée, 
monseigneur l'évêque il est venu donner la 
confirmation da nous environ ; il o deschendu 
à che catieu de Viliers, iou que le sœur d'éche 
parcour aile est servante éde cour. 11 o demandé 
à nou moite el permission d'aller vire ése sœur, 
pacequ'i n'a voit jamois vud'évêque. Nou moite 
i li o accordée. Vlo don che bénet parti tout 
droit à che catieu de Viliers ; ése sœur aile l'o 
foit dîner aveuc elle et pi aveu tous ches do- 
mestique. 

Au bout d'un momen, quant monseigneur il 



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— 49 ■ — 

o ieu fini de menger aveu ches moite, i s'est 
le\è de tabe, il est venu da le cuisinne pour 
donner se bénédiction à ches domestique et pi 
deviser aveuc eux pace qu'i n'est point gran- 
dier pour enne flèpe. I questionnoit ches gens 
qu'in'avoit lo ; i leu demandoit d'iou qu'il étaint. 
Quant il o 'te arrivé à. che parcour, i 11 dit : 

— Os avez un nouvieu curé da vou village ? 

— Oui, qu'i dit l'eute en tornant se casquette 
da ses main et pi en se déwarwignant de droite 
éde gcéuche comme un écolier devant che ma- 
gister. 

— 1 prêche-ti bien ? qu'i demanne l'évêque. 

— Oui. 

— I n'o-ti du monne à le messe ? 

— Oui,... oui. 

— Avez-vous déjo 'tè communier ? 

— Nan. 

— Os avez 'tè à le confesse, au moins ? 

— Nan,... nan. 

— Portant, os devez Xoire des péché, men 
brave homme, qu'i di el l'évêque. 

— Oui,... oui,... très granmeu. 
Lo-dessur, monseigneur il o tornè ses talon ; 

il o vu qu'il avoi à foire à enne espèce éde mal- 
apprins, de niquedoule. 

— QuementquV sefoit, qu'idite-te à che par- 
cour ches domestique d'éche catieu, éque tique 
Vos tant de jappe d'habitude éque t'os répondu 
comme enne andoule à monseigneur l'évêque ? 

— Eje sait-ti, mi, qu'i foi en beyan à tére. 
D'abord, je ne savois point s'i folloit dire 
madame (yimamséle. Et pi, a' m'embétoiéde 
dire toujours oui pi nan tout court ; ch'est 
pour eilo éque j'ai répondu très granmen pour 
allonger un mole. 



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' — 60 — 

I follolt rôponne : Oui, monseigneur ; nan, 
monseigneur. 

— J'ai idée qu'os vous mouquez de ml, qu'i 
répond che parcour ; éche n'est mie men sei- 
gneur pus éque nouseigaeur ch'estM. le mar- 
quis de Gambray. 

Eje crois qu'après chéle-lol, qui dit Tintin 
en Unissant, o peut tirer ei l'équéle. 



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- 51 — 

XVIII 

A CHACUN SEN MÉTIER 



Un de ches dergniers dimenche, il est arrivé 
enne quiote aventure à. Tintin Pierrout. I ne 
se n'n est jamois vanté ; quant o ni en pale, i 
ne répond point ; i n'n est tout moneu. 

Sen bieu-pére, qu'il est garde-champète, il o 
'tè malade pendant pu de huit Jour d'enne ri botte 
qu'il avoit foit. Ch'étoit li qu'i colloit ches 
affiche tous les dimenche à che bâtimen à 
pompe édessus le plache, tout prés del l'église. 
Comme i ne povoit point se lever chedimenche- 
lo, il o foit demander à sen bieu-f iu s'i voloit 
le remplacher. Tintin in'o point demandé miu 
pace qu'i savoit qu'éche garde i li feroit foire 
du café pour ése peine. 

Vlo don Tintin qu'il aherd éche baquet à 
papain aveu che pincieu, i met ches affiche 
édesous sen bros et pi is'en vo à che bâtimen k 
pompe. Il étoi en route à coller le deuxième 
affiche quant os est sorti dé le messe. 

Gomme chaque dimenche, ches capieu pi ches 
blancs bonnet i s'arrétain en face éde ches 
affiche éque quiout Mond i lisoit tout heut pour 
cheuxqu'ine savaint point lire ; vlo que cheux 
qu'il avaint 'té k l'école qu'il étaint étampis, i 
se sont mi à se teurde éde rire ; ches femme 
i mettaint leu main à leu bouque pour éne point 
laissier déhoquer leu .menton. 



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— 52 — 

Tintin, qu'i continuoit decoller,inésedoutoit 
mie dé rien. Vlo chan qu'il avoit foit. Gomme 
1 ne sait ni A ni B, pace qui n'o jaraois peu 
apprenne à Pécole, il avoit demandé à sen 
bieu-pére éde que sens qui folloit ahoquer ch's 
affiche. Eche garde, qu'i sa voit que ches grosses 
lette i sont quasimen toujours par en heut, i 
li répond sans rebeyer ches papier : 

— Tu mettros ches grous caractère en heut. 
Justemen, ch'étoi comme un sort : ches grosses 

lette il étaint par en bos. A' foit que Tintin il 
avoit collé ches affiche à l'envers. Gh'étoit d'ello 
qu'i riaint ches gens. 

Tout d'un cœup, vlo che marister qui sorte 
del Téglise ; i vient s'étampir aveu s's eûtes 
pour lire ches affiche ; comme il aime granmen 
à se mouquer de tout le monne pace qu'i se 
croit capabe, i dit tout de suite à Tintin 
Pierrout : 

— A chacun sen métier, berger, ches berbis 
seront bien wardèes. Edepuis quant jou qu'os 
ahoque el marmite aveu ses pied par en heut? 

Tout le monne ése déclaque à rire à gaffée. 
Tintin, qu'il o comprins, i donne un cœup de 
langue da se bouquepour canger sen prongnieu 
de coté, il housse ses mousse et pi sen nez aveu 
le dons dé se main en répondant* sans tasseu- 
lemen se retorner : 

— Os êtes bien mal prins, M. le Maite. A le 
plache éde vous mette 3ur vous pied, os n'avez 
mie qu'à foire el poirier, os porrez lire 
comme lo. 

Au mumme momen, vlo ches gendarme qu'i 
viente-te à passer ; il arrêle-té leus guevo ; i 
rebeie-te, i se mette-te à rire aussi : 

— Hè, che-t-homme ! qu'i n'en o un qu'i dit, 



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— 53 — 

ch'est jou qu'o puche ède iea à che-t-heure 
aveu che cul dé che sieu en Pair da vou poys ? 

— Si os ne povez point lire, qu'i leu répond 
Tintin, aguevalez-vous su le panche éde vou 
guevo putout que de vous aguevaler sur leu 
dons. 

Ches gens qui n'avoit lo il ont coire miu ri 
de ches béte mouqueuses éque d'éche berger. 



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1 



— 54 - 
XIX 

FOUR AVOIR ERRE PLACRE À CRE FU 



En pleia cœur d'hiver, par nn temps abomi- 
na ho à ne point mette un quien à le cour. 
Tint in Pierrout il o 'té envoyé da le poys dé 
se dame, aux environ de Péronne, pour annon- 
cher le mort dé le mère éde sen moite. 

En roule, i s'est arrêté à le porte d'enne 
auberge pace qu'i ne povoit pu aller pu loin 
telle men qu'il a voit froid. Il o deschendu de 
?en guevo, qu'il o foit mette à l'écurie par 
éehe domestique. Li il o entré da le moison 
pour ése récauffer à che fu. 

Ouitche ! i n'avoit mie moyen d'avoir enne 
plache. I n'avoit lo devant le queminèe un tos 
de mal émus, de ferlapier, qu'i ne faisaint point 
attention al l'étranger qu'i venoit d'arriver ; i 
ne bougeaint pMnt nen pu que Montdidier ; 
poin un n'avoit l'obligeance éde bouger d'edessus 
se chaise pour foire plache à che pove Tintin, 
qu'i claquoit du bec à n'en déhoquer se mâquoire. 

EDne idée vient à che berger, qu'i ne reste 
jamois à court : 

— Madame, qu'i dit à le femme del l'auberge, 
éde manière à êle entendu de tous cheux qu'i 
n'avoit lo, madame, vite, éje vous en prie, 
foites servir deux douzaine d'huit e à men 
guevo ; il est tout plein recran, al l'éremettro. 

Vlo s's eûtes qu'i se mette al l'érebeyer pour 



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— 55 — 

s'assenrer qui ne rit point. Qnement llo ? D'à 
huite à un guevo ? A' ne s'est mie Jamois vu. 
n'en parleroit da ches gazette, pour seur. 

Quant éche domestique il o 'le parti aveu 
ches huite ai l'écurie, tous ches malapprins qui 
n'avoit devant che f u i se sont en allés l'un 
après Peute sans rien se dire pour vir quement 
qu'éche guevo il alloit s'y prenne. 

Après que ches curieux béte-lo il ont 'tè 
partis, Tintin, tout en se frottant les main de 
contentemen pi en riant da se barbe, il aherd 
un cadout qu'i n'avoit d'un cuin, il Fo mis 
devant che fu, Juste au bieu mitan dé le 
queminée et pi i s'est assis dedens ; i s'est 
allongé pour prenne ches pinchette ; il o 
écanùlè ches tison et i s'est cauffé comme un 
prélat qu'i revient dé le messe éde minuit. 

Un quart d'heure après, che domestique i 
rentroit, rapportant ches deux douzaine d'huîte 
en disant qu'il avoi ieu bieu foire, qu'éche 
guevo i n'avoit point tasseulemen volu les 
flairier deux fois. 

En voyant arriver driére éche domestique 
ches curieu qui s'apprétaint à le gouailler, 
Tintin i dit : 

— A' ne m'étonne point ; quant os o froid, os 
est mal disposé. Voas huîte i ne seront point 
perdues pou llo. A che-t-heure que me vlo 
récauffè, éje m'ons les menger aveu bien du 
plaisi en buvant enne bonne bouteile éde vin 
blanc à le santé de ches bons mossieu-lo qu'il 
on ieu le complaisance dé me céder leu plache 
à che fu. 

Ghes-t-lo il ont comprins à che moment-lo 
quel l'étranger i s'étoit mouquè d'eux en se 
pavanant da che cadout, en allongeant ses 



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— 56 — 

guibolle à le caleur. Mais, comme il avoit en 
main enne solide poire éde pinchelte. et qu'il 
étoit de taile à s'en servir pour les ratisier, i se 
sont en allés tout mon eu, comme des quien 
qu'il ont rechu enne tripoïèe. 



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— 57 — 
XX 

AU CHABOUT 



El veile éde m'en aller au parc, qu'i nous o 
raconté Tint in, os étoimes rassannès à quéques- 
uns à rechinèe desous le grand'porte éde nou 
moite. J'ai ieu l'idée d'inventer un ju pour 
érefoire éche parcour, qu'i nous embétoit tous 
les jour en nous disant : 

—Os ne m'attraperez pu jamois, che berger; 
je vous en défle bien. 

J'ai 'té queurre un viu chabout da che fornil ; 
j'ai mis dedens le mitan d'un bouso et pi 
pa-dessur quête cose... qu'i ne sent point le 
fleur d'oranger. J'ai attaqué che chabout pa 
che talon desous le grand'porte à peu prés à 
six pied dé le tére. 

J'ai prins un deux sou da me poche et pi j'ai 
fait connoite el régue du ju. 

— Pour gaigner, que j'ai dit, i feut mette ses 
deux pied à le trache éque j'ai foit lo ; o mile 
éche chabout pour envoyer éche deux sou dedens. 

J'ai ieu soin de prévenir ches camarade, 
hormis che parcour, éde chan que j 'a vois mis 
da che chabout. J'ai quemenchè à juer che 
prummier ; à leplache éde men deux sou, j'ai 
prins un viu sou qu'i ne voloit rien. Gomme 
dé juste, j'ai rué à coté d'éche chabout. Tous 
s's eûtes il ont foit pareil. Eche parcour i ne 
manquoit point de nou gouailler de nou ni al a - 



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— 58 — 

drèche. 

Quant sen tour il o ieu 'té arrivé, il o bien 
mile. Plouf ! vlo che sou da che chabout. 

— Voyez- vous que je sut pus adroit que vous 
tertous ! 

I court tout de suite à che chabout pour 
raveinne éche deux sou qu'il o gaigDè. Il 
entique ése main Jusqu'au fond, seulemen il 
l'o retirée pu vite qui ne l'avoit lanchèe. 

— Os-tu che sou ? qu'os li demandons. 

I ne nous o point répondu, tant qu'il étoi 
occupé à rebeyer ses doigt, iou qu'i n'avoi 
eu te cose qu'éche deux sou. 

— Eté vlo coire attrapé, que je Li dis, qu'i foit 
Tinlin Pierrout. 

— Oui, mais ch'est le dergniére fois. Os ne 
m'attraperez pu. 



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- 59 — 

XXI 
V 



Tannis Alaveine il o 'tè un dimenche à enne 
vente à un poys voisin. Il o acheté enne 
grandécime ormoire, qu'i n'o point poyè quer. 
U est don revenu lin conten à se maison pour 
annoncher à quiote Flavie, se femme, éche 
bien hasard qu'il avoit foit. 

Gomme il étoit varlel d'eût mon M. Goulette, 
il o 'tè demander à sen moite éde 11 prêter enne 
voiture et pi un guevo pour aller queurre é 
s'n ormoire. M. Goulette i n'o point demandé 
miu. 

Vlo don Tannis parti conten comme un diu. 
En arrivan à le moison, i s'est foi aidier pour 
cairquer s'n ormoire da le voiture ; il o poyè 
enne baïonnette à cheâ gens qu'i li avaint donné 
un cœup de main, et pi i s'est rennallè. 

Enmltan quemin, vlo qu'i se donne un cœup 
de ven du chen mille diabe et pi qu'i se met à 
queire des goutte. En voyant che temps tout 
noir, Tannis i se di à part li : 

— Os allons n'n avoir enne boine. 

Pou ne poin ête frais, quoi qu'il o foit ? il o 
étampi s'n ormoire da le voiture, il o ouvert 
el porte et pi i s'est mis dedens. 

— Gomme lo, qu'i se dit, je n'érechuvrat 
poin enne goutte d'ieu. J'ai ieu lo enne boine 
idée. 



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- 60 - 

Sen guevo n'avoit point foit dix pos qu'un 
grous cœup de ven i frummoit le porte del 
l'ormoire ; aile o foit tant de bruit en se cla- 
quant que le jument, épeutèe, aile s'est mis à 
courir au grandécime galoup. 

— Eje sut perdu ! qu'i se dit Tannis en se 
voyant à ver goutte dal Pormoire. 

I s'érequemandoi à le bon Diu et pi à tous 
ches saint du paradis. I sentoit que s'n ormoire 
al glichoit da le voiture ; quant al est venue 
buter contre éche driére, al Fo foit queire à 
tére pace qu'il avoi obliè de mette ches guevile. 

Eche pove Tannis i n'étoit point d'enne bêle 
position ; il étoit secoué lo-dedens comme des 
hoton ; il avoit tous ses membre broyés à 
chaque cahoot. 1 n'étoit pos coire au bout de 
ses peine. Tout d'un cœup, éche ven i casse el 
couplet d'un abe, qu'i vient queire au cul dé le 
voiture. Pus épeutè que jamois, éche guevo i 
se met à foire des bond comme un cabri en 
courant à bride abattue. A che troisième bond, 
patatra î vlo P l'ormoire qu'i gliche au mitan 
d'éche quemin. 

D'éche cœup-lo, Tannis i s'est cru perdu ; ése 
tête en rebondissant comme un ballon sur el 
fond del Pormoire li foisoit vir trente-six mille 
chandeile. 

A' n'étoit po colre fini. En queisant, el porte 
del l'ormoire al s'étoit dèjoint; el ieu al 
couloit par ches fente ; Tannis i voyoit le 
momen qu'il ailoit ête noyé comme d'enne mare. 
I tapoit, i crioit, il appeloi au secours : personne 
é ne passoit. 

Ea voyant sen guevo arriver à se porte sans 
driére à le voiture, M. Collette i s'est dit qu'i 
n'avoit quête cose d'arrivé à sen varlet d'eût. 



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— 61 — 

. 
Tout de suite il o appeiè sen berger, Tin tin 
Pierrout, et pi i ii o dit : 

— Eche temps il est apaisé; monte da le 
voiture-lo, t'iros prenne quiote Flavie en passant 
pour aller vir ensanne quoi qu'il est arrivé à 
Tannis. 

Ine pluvoit pu, et pi che ven il étoit queut ; 
seuiemen, o ne voyoit pu granmen clair. En 
mitan quemin, il ont aperchu quête cose éde 
noiren travers dé le route ; en approchant, il 
ont vu que ch'éloi comme enne granue boite. 

— Ch'est enne ormoire, qu'i dit Tintin en 
deschendant dé le voiture. 

— Oui, ch'est m'n ormoire, qui répond Tannis 
comme s'il étoit fin loin. 

— Qu'est-cheéque ch'est ? qu'i demanne Tin- 
tin en rebeyant tout partout autour éde li. 

— Ch'est mi, Tannis. 

— lou que t'est ? 

— Da m'n ormoire. 

— Quoi que tu fois lo ? Gh'est-i pou ne poin 
été frais ? 

— Eje sut en mitan noyé. 

— Sorte. 

— Je ne peux point. Ouve el porte. 

— 1 n'o point de clé, qu'i dit Tintin. 

— Nan, jel l'ai da me poche. Je ne peux poin 
ouvrir en dedens, i n'o point de treu pour el 
passer. 

— 11 est seu, qu'ai dit quiote Flavie, tout en 
se mettant a berteier contre é s'n homme. 

Tintin, qu'i necomprendoit rien à le comédie- 
lo, il o déhoquè le chambrière pour essayer de 
forcher le serrure. 

— Tape ! tape ! qu'i li disoil Tannis. Dépêehe- 
te, éje m'ons moirir lo-dedens. 



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— Os t'enterrerons dedens ; a* te serviro de 
lasé, qu'ai répond quiote Fiavie d'un air mousu. 

Heureusemen que 1' l'ormoire aile étoi en 
mitan mengèe à ver ; el porte o 'tè bientou 
ouverte. Tannis 11 étolt frais comme un vieu, 
aveu des billout tout partout su se tête ; i s'est 
mi à se frotter sur tous ses membre ; quant il 
o ieu vu qu'i n'a volt rien de cassé, il o dansé de 
joie à pied joints da le fond dé s'n ormoire ; i n'n o 
poin ieu pour longtemps à. tout démentibuler. 

— Quoi que tu fois, espèce d'ivrogne ? qu'ai 
crie quiote Fiavie en colère. 

— Tu ui'embétes, qu'i dit Tannis en prendanl 
le chambrière da les main de Tintin. Tiens, beie ! 
qu'i foi en tapan à g ands cœup su s'n ormoire. 

En rien de temps, tout o 'tè démazenglè. il o 
ramassé ches morcieu, qu'il o jetés dale voiture. 

— Tiens, qu'i di à se femme, t'éros de quoi te 
cauffer. Ah ! que je n'n ai-ti sorti par enne bêle 
porte. Sans vous, m's ami, éje serois mort da le 
boite-lo. 



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— 63 — 
XXU 

EL L'ENFANT DE CHŒUR 



El fia de nou moite, qu'i nous disoi enne fois 
Tintin Pierrout, il o 'le enfant de chœur per- 
dant quéques ennèe. Quant il arrivoi ai l'église 
au matin pour servit el messe, éche cordongnier 
qn'i reste juste en face d'éche porteil, i le foisoit 
toujours arager ; ch'étoi un dentieu d'enfant. 
I demandoi à che quiout fiu quoi qu'i disaint 
ches deux saint qu'i n'a voit da des niche en 
heut dé le porte. 

1 n'avoi un de ches deux saint-lo qu'i tcnoit 
ses deux bros en l'air ; Tente i les laissioit 
queire el long de ses gamme. 

Comme éche rquiout i ne savoit point quoi 
réponne, éche cordongnier i le gouailloit. 

Vlo qu'enne fois le fiu de nou moite i vient 
me trouvoir tont en brayant. Quant i m'o ieu 
raconté se peine, je li ai dit chan qu'il éroi à 
réponne à le béte mouqueuse-lo. 

£1 dimenche d'après, en sortant dé le 
grand'messe, éque ch'étoit le jour éde Pâques, 
i n'avoit granmen de monne qu'i devisaint à le 
porte del l'église. 

Tout d'un cœup, vlo che cordongnier qu'i 
voit sortir éche quiout de nou moite ; i s'est 
mi à le narguer. 

— Quoi qu'i dite-té ches deux saint-lo ? qu'i 
demanne édevant tout le monne. Eje parie que 



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— 64 — 

tu Dé le sais point. 

— Si est, je le sais. 

— Dis riô. 

— Echeti à droite i di en levant ses bros en 
l'air : « Mon Diu que ohe cordongnier il est 
béte ! » L'eute i répond en laissiant queire ses 
bros : « Quoi que tu veux que j'y foiche, men 
camarade ? I n'éro point d'obligation à le bon 
Diu : il est venu au monne bêle, i s'en retornero 
de mumme. » 

Tous ches gen3 qu'i n'avoit lo i se sont mi à 
houper che cordongnier en le gouaillant. I n'o 
leu que le temps de rentrer au pu vite da se 
nioison. 

Edepuis che temps-lo, i n'o pu jamois essayé 
de dentier che quiout enfant de chœur. 



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— 65 — 
XXI11 

ECHE FIU DINDINOU 



Os connaissez tertous Dindinou d'Hourges, 
qu'i nous disoit Peule fois Tintin Pierrout ; il 
est marchand de légumme et pi de cerise da 
l'été ; da l'hiver, i vend d's héreDg pi desgair- 
bèe ;i randit da tous ches poys d'alentour, a* 
foit qu'il est connu comme éche leup blanc. 

A nou fête, il o 'té invité mon Dodore Flan- 
debeu. 

Deux trois jour édevant, éche fiu de Dindi- 
nou, un quiout galibierd'enne douzaine d'ënèe, 
i foisoi arager sen père pour venir à le fête 
aveuc li. 

— Nan, nan, je ne veux point de ti, qui 
disoit Dindinou ; tu n'es qu'un quiout marmou- 
set, un estafier, un vastépluc, boin à me foire 
affront. 

Eche quiou il avoit bien promette qu'i seroit 
sage comme enne image ; il avoit bieu braire 
et pi se trondeier à tére, sen père i li disoit 
toujours qu'l ne voloit point de li. 

Quant il o ieu vu éque tout chan qu'i foisoit 
oh'étoit pour des prone, éche quiou i n'o pu 
di un moût. Ilo'tè s'enfrummerdasechamme, 
pi il o écrit en grosses lette moulées sur enne 
feulle éde papier gris : 

Tie/iS, vlo Dindinou parti â le fête sans 
sen fiu. 

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t 



— 66 — 

Quant el l'épitaphe lo al o 'le flnite, éche 
quiou il l'o laissiè séquir. Il o attendu que sen 
père il euche mis sen patalon de nankin et pi 
s'n habit à queue d'hérondéle qui venoit de 
sen grand'père o bien de sen talon et pi sen 
grand capieu à détorner ch's orage. 

— Pusqu'os ne volez point de mi, os me 
rapporterez quête cose, nou boin, papa ? qui 
dit che quiou en s'avanchant pour embrasser 
sen père. 

En disant llo, éche galopin, qui tenoit se 
main par driére sen dous, i foit comme si 
voloi embrasser sen père à pinchetle ; il a voit 
mis enne boinne affoire ède pâte driére é s'n 
épitapheet pi, subtilemen, il l'o collée da lebieu 
mitan d'éche dous de sen père sans qu'écheti- 
chi il l'euche vu ni sentu. 

Vlo don Dindinou parti d'un pos délibéré ; i 
marchoit comme un cardon se qu'éche vent il 
entraîne. 

I n'avoit point foit vingt pos qui renconte 
grous Jacques : 

— « Tiens vlo Dindinou parti à le fête sans 
sen tiu », qui foi en lisant el l'épitaphe su che 
papier gris qu'i n'a voit d'ahoquè à sen dous. 

— Oui, qui répond Dindinou, ch'est unquiout 
marmouset qui m'embête toujours quant il est 
mon de ches gens ; i ne peut jamois se tenir 
tranquille. 

— Bon, bon, t'es libe ède foire chan que tu 
veux. 

Un mole pu loin, n'en vlo coire un qui lit 
toutheut el l'épitaphe ; pi un troisième, pi un 
quatrième et pi coire éd's eûtes... 

A chaque fois, Dindinou i se dépéchoit de 
dire éque sen flu i n'étoit jamois sage mon dé 



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— 67 — 

s's étranger : ch'est pou Ho qui ne l'avoit point 
emmené aveuc 11. 

En passant da trois qaate village pour venir 
da non pays, tous cheux qu'i rencontroit i Ji 
disaint le mumme chose. I n'avoi aussi des 
gens qu'i n'avoit jamois ni vus ni connus qui 
lisaînt tout heut : 

— « Tiens, vlo Dindinou parti à le fête sans 
sen flu. 

— Est embêtant, à la fin, qu'i pensoit Dindinou 
à part li. J'érois bien foit d'avoir amené che 
galibier-lo ; o ne m'éroit rien dit, au moins. 
Pi après, quoi que ch'est qu'a' peut leu foire à 
tons ches-t-lo ? Je ne iea demanne mie rien, mi. 

Il avoit gra-faim d'ête arrivé à le moison 
Dodore. 

— Quoi que Vos da ten dous ? qu'i li demanne 
écheti-chi quant il o 'té entré. Tiens, o diroit 
qui n'o de l'écrit. Ch'est-ti que t'est à venne o 
bien que t'os 'té primé à che concours ? Ch'est 
comme enne affiche éde notaire. 

Personne é ne savoit lire da le moisonnèe. 
Quéqu'un o dit qu'i folloi avoir érecours à 
Dagobert, éche confltébor, qu'i restoi à coté. 
Justemen, à che momen-lo, il est entré da le 
moison tout en se carrant comme quant i porte 
chape à le pocession. 

— Dis don, voisin, qu'i foit Dodore Flandebeu, 
vodrois-tu nous lire chan qu'i n'o lo d'écrit ? 
en li moutrant che deus de Dindinou. 

Eche confltébor, content de foire vir qu'il est 
capabe, i tousse deux trois cœup en raquant à 
tére, et pi i lit toui d'enne haleine : 

— « Tiens, vlo Dindinou parti à le fête sans 
sen flu. » 

— A malaise, qu'i dit Dindinou, éque tous 



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— 6» — 

chaux que j'ai rencontrés i me disatet tarions 
llo ; ch'est pace qu'étoit écrit da men dons. 
Gb'étè men méchant roccés qui m'o Juè ohe 
tour-lo. Ch'est rien, i mé le poiero en rentrant. 
Dindinou i se promettoit de donner enne 
plamusse & sen fia qui s'en souvaroit long^ 
temps. Mais, à souper, i n'n o prins enne télé 
panchie, qu'il est revenu à se moison Un nique 
et nouque ; aussi, el lennemain i ne s'est pu 
rappelé érlen d'érien. A' foit que sen au, qu'il 
avoit peur d'enne randonnée de cœupde bâton, 
i n'n o colre bien sorti le f ois-lo. 



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XXIV 

POUR ÉNE POINT CANQER 



— El lundi de nou fêle, en sortant dé le 
messe, qu'i nous dit Tintîn Pierrout, os étoime 
étampi à enne benne à le porte del l'église, 
quant Fine, el femme d'éche Lichen, al o 
saquè enne piéche chent sou dé se poche en le 
tenant au bout de ses doigt pour qu'oie voiche 
bien ; al o di à s'n homme en nou présenche : 

— Tiens, ch'est pour ti ! 

Et pi, tout ducnemen, al dit coire : 

— Surtout, né le cange point, lé-warou ! 

Mi que j'avoi entendu chan que Fine al 
avoit di à che Licheu, je me sut dit : Je m'ons 
donner du plaisi à s's eûtes. 

J'ai prévenu mes camarade pour foire dépen- 
ser tout le piéche ehent sou d'éche Licheu, qu'il 
avoit l'habitude dé se foire poyer à boire sans 
jamois saquer s'n argent. 

Eje li dit comme lo : 

— Ch'est ti qu'i régale élefois-chi, Vos rechu 
un bien prêt. 

En quate moût, qu'i nous dit Tintin, éje vous 
dirai qu'os ons foit venir pour chent sou de 
boichon : cinq bouteile éde vin blanc à vingt 
sou. Quant os on ieu entonné tout che vin 
da nous boyeu, éje di à che Licheu : 

— Che n'est point pour té l' l'éreproeher, mais 
i n'o assez longtemps qu'o te rinche el gasiou ; 



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— 70 — 

ch'est sero bien ten tour aujord'hui à poyer 
pour nous. 

Pour éche Liclieu, i n'avoit mie granmen 
moyen d'éreculer ; il o allongé se piéche chent 
sou et pi i s'est en allô toul moneu en se disan 
à part 11 : 

— Ma foi, j'ai acoutè Fine : éje n'ai point 
cangè le piéche ; je r Pai donnée tout ronne. 
Seulemen, je ne sais point quement que je m'en 
tirerai aveu me femme. 

El lennemain a' n'étoit tout de mumme point 
bieu mon d'éche Licheu. Fine, en voyant s'n 
homme tin triste tout du long dé le jornèe, a' 
li o demandé s'i n'étoit point malade. 

— Tu m'embête ! qu'i li répondoit ; je n'ai rien. 
Etoit vrai : i n'a voit pu le sou da se poche. 
El soir arrivé, Fine a' li dit : 

— i feut que je voiche à l'épicerie ; donne-mé 
un mole te piéche chent sou. 

Li i foisoit le sourd. 

Fine a' li o répété quate ou cinq fois le 
queslion-lo ; à la fin, al s'est fâchée tout rouge, 

— Eté piéche cûent sou ? qu'i foit comme s'i 
sorioit d'un songe... Je né l' l'ai mie pu. 

— Tu T l'os cangèe, viu ivrogne ? 

— Nan. 

— lou qu'ai est ? 

— Mon d'éche cabaretier. 

— Grand ferlampier, qu'ai dit Fine, éde venue 
mau vaise comme la gale, tu n'es qu'un dépenseu, 
un prope à rien. Tiens, pi, je ne té parreraipu. 

— Tu feros comme tu vorros ; a' foi éque 
comme io j'irai bientou à l'enlerrement. 

— Quoi que tu veux dire ? 

— Ghan que je dis. 

— Quoi ? 



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— 71 — 

— Eje veux dire qu'en ne les dessaquant pu 
dé te gargatte, tes mauvaise! è, i feront bientoa 
étouffée ou bien empoisonnée. Après toute, ché 
ne sero poin enne granne perte pour mi, ni 
pour nou village, ni pour la France. 

— Et pi du... lien ! qu'ai dit Fine. 

— A\ne veut mie dé le tarte à prone, qui 
resplique éche Licheu. 

Pendant huit jour, Fine al o ieu le courage 
éde tenir parole ; al o peu rester sans dessa- 
quer enne raison à s'n homme ; est rare pour 
un blanc bonnet. 

El huitième jour, éche Licheu il allumme ése 
lampe en plein midi ; il ouve ches ermoire, el 
commode ; il aveint ches cotron, ches harde, 
chesquemise, ches ckinôir, qu'il épard au mitan 
dé le chamme en foisant semblant de chercher 
da tous ches cuin. 

Fine, qu'a' ne comprend rien à sen manège, 
et pi qu'ai voit chiffonner ses affoire, a 1 li 
demanne en colère : 

— Quoi que tu cherches, grand niquedoule ? 

— Que bonheur ! qui foit che Licneu en 
queisan à genou sur ches cotron, al est 
retruvèe ! 

— Quoi qu'est retruvè ? 

— Oui, al est retruvèe I 

— El dirds-tu chan qu'est retruvè, espèce 
d'albran ? 

— Gh'est te langue, que je croyois perdue. 

I n'o poin ieu sitout fini de parler qu'il o 
rechu sus s'n œul enne mornife qu'i n'h o vu 
pu de trente-six mille chandeile. 



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— 72 - 
XXV 

A MUGMSH 



Ch'élèquéques jour édevant de m'en aller au 
parc, qui nous o ditche berger. Après souper, 
os étoinies à cinq six da che fornil de nou 
moite à deviser. 

El servante al avoit déniché le veile un nid 
de glinne dal l'étabe à troube ; tous ches œu il 
étaint porris. Je n'n avois mi un de cote pour 
foire enne farce à che parcour. 

— Edevant de nous coucher, que je dis, si os 
inventoimes un ju ? 

— Ah ! je veux bien ! qui foit nou dégourdi 
de parcour. Quoi qu'os porroimes foire ? 

— Eje mucherai un œu quéque part, et pi 
che domestique, qui tornero sen dous tandis 
che temps-lo, il éro cinq minute pou le trouver. 

Eje f aisois semblant de chercher enne plache ; 
éche parcour i nasijloi autour éde mi en me 
disant tout bos :«Mettez-Flé-lo f ... mettez-1'lé- 
lo... » 

— Nan, nan, que je fois en le déf ulant ; beie, 
je m'ons le mette édesous te casquette ; i ne 
varro jamois le chercher lo. 

— Ahl oui, qui répond nou bénet. 

Quant el l'œu il o le muchè, j'ai prévenu che 
domestique, qui s'est ratornè ; il avoit cinq 
minute pour el trouver; seulemen, j'el li avois 
dit da le jour iou que je le mucherois. 



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- 73- 

E;he chercheu i rebeyoit tout partout sans 
jamois tomber dessur el Pœu. 

— Tu n'os pu que deux minute, que je li 
dis ;... tu n'os pu qu'enne minute et demie ;... 
tu n'os pu qu'enne minute. 

Ëche domestique i s'est mi à tater sur nous, 
sur nous poche. A la fin, i tate à ches poche 
d'éche parcour, su sepoitrinne ; tout d'un cœup, 
il eyeuve sen puing qu'i laisse érequeir e su le 
tête d'éche parcour en disant : 

— 1 seroit-ti lo, par hasard ? 

Aveu un pareil cœup, ei l'œu il o 'te éberdelè ; 
i s'est mi à couler sur ches cavieu d'éche par- 
cour, da ses yu, sur sen visage, et pi a' ne 
sentoit point boin. I n'n o ieu pour pu de huit 
Jour à avoir ses cavieu tout gloirimoneux 

11 étoit coire éref oi un cœup. 




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— 74 — 
XXVI 

UN MAUVAIS POYEU 



Os ne connaissez sans doute point le dergniére 
d'éche parcour ? qui mé demanne Tente jour 
Tintin Pierrout. 

— Nan, que je fois. 

— Ch'est n'n estcoire enne rude. Assiez-vous; 
éje m'ons vous le raconter. 

J'ai comprins chan qu'a' voloit dire. Tout de 
suite, j'ai appelé enne baïonnette pour éche 
berger. 

Tout en touillant sen café da sen voirre, 
Tintin i dit : 

— Et don, ch'étoi i n'o ieu avant-z-hier huit 
jour ; il est venu un chartutier mon de nou 
moite pour acheter un cochon, i li folloi un 
habillé de soie d'au moins deux chent ; éche pu 
grous dé le benne i né besoit, à sen dire, éque 
da les chent quatre-vingt. 

— Eje veux bien vous prenne écheti-lol, qu'i 
di à nou moite, seulemen i forro coire el tenir 
quinze jour ; éje vous le poierai à le li ve sur pied. 

Vlo don éche chartutier et pi nou moite qu'i 
débatte éche prix ; à forche d'arlander, i flnite 
pa se mette d'accord. 

Eche parcour, qu'il étoit lo en attendant que 
nou moite il l'appelé pour éreclamer le queue 
d'éche porcheu, i quemenchoi à s'ennuir. Pour 
enne vaque, il avoit vingt sou de queue d'éche 



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- 75 — 

boucher ; pour un vieu, dix sou ; pour un 
cochon, cinq sou. A ia fin, non moite il o foit 
sinne à che parcour. Echeti-chi il est entré da 
le moison ; i s'est adréchè à che chartutier 
pour li demander sen dû. 

— Ch'est Fhabitude, qu'i li dit en tornant se 
casquette da ses main, qu'o me donne cinq sou 
de queue. 

— Ch'est enne habitude qu'i feu t foire passer, 
qu'i répond che chartutier. Je ne vous dois rien» 
Je ne vous donnerai rien. 

I voloit tasseulemen s'amuser d'éche bénet, 
qui n'o pu seu quoi dire. 

— Os voirons dens quinze jour, men camarade, 
si os avez ieu bien soin d'éche porc. 

Lo-dessur, éche parcour i s'est eu allé mener 
ches vaque poissier da ches camp. Enne mi-heure 
après, éche chartutier il est venu à passer. En 
aperchuvant nou dégourdi, il l'o huquè. 

— Je me rapense éque je ne porrai point 
venir queurre éche porc dens quinze jour. Os 
n'oublierez point de dire à vou moite qui mel 
l'envoiche par éche quemin de fer ; seulemen 
i Jaudro qu'i me prévienche ; os li direz don 
qu'i m'écriche ennelette et pi qui colle édessur 
un timbre-poste. 

— Bon, qu'i dit l'ente, éje ferai vou commission. 
Oui, mais, che parcour i n'o rien dit du tout 

à nou moite en rentrant au soir. 1 ne foisoit 
que buigner ; par nuit, i n'n o point dormi ; 
i se disoit : 

— Eche chartutier-lo, ch'est un al bran; i 
veut sans doute érefoire men moite et pi mi 
aveu. Attaté-me, men gaillard. 

El lennemain matin, éche parcour il o guetté 
che facteu, qu'i venoit tous les jour à le ferme. 



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— 76 - 

Il o *tè el l'adevancher à le grand'porte ; i li o 
raconté chan qu'éche chartutier i li avoit 
requemandè de dire à che moite. 

— A cœusse qui veut tant que l'io que che 
mette i colle un timbe ? 

— Ch'est pace qu'i ne veut point poy er che port. 

— Bon, bon, je vous remercie, éje sais chan 
que je volois savoir. 

Eche parcour i s'est ramentu qu'éche char- 
• tutier-lo i ne disoit jamois un cochon ; i disoit 
toujours un porc, qu'i prononchoit por. 

Quant éche facteu il o 'té parti, éche parcour 
i s'est en allé truvoir nou moite pour li dire 
chan qu'éche chartutier i li avoit requemandè 
le veile. Après qu'il o ieu fini, i dit : 

— Savez-vous quoi que ch'est que che-t- 
homme-lo ? Gh'est un mauvais poyeu. I ne veut 
point venir chercher che cochon pace qu'i n'o 
point envie dé me donner ches cinq sou de 
queue. Eje serois de vous, éje n'envoierois 
point che cochon par éche quemin de fer, i ne 
vous le poiero point : ch'est che facteu qui 
mé l'I o dit. 



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— 77 



XXVII 



UN TO QUI SE RENFIQUE 



En bavant se baïonnette lundi passé, Tin tin 
Pierrout il o coire bien amusé le société. 

— Avant-z-hier au soir, qu'i dit, éche parcour 
il o foit dé les siénes. I n'avoi enne vaque 
qu'ai mentoit depuis quéques jour ; el dame 
a' li avoit dit dé le veiller. Ede jour, alloit 
bien, mais, par nuit, i folloit qu'is'eyeuve éde 
temps en temps. A la fin, éche vieu il esl venu ; 
ch'étoit samedi au soir. En étandis que le dame 
al foisoit cauffer un bruvage pour el vaque 
da che fornil, pour el foire édelivrer pu vite, 
éche parcour il est resté dal Pétabe à vaque ; 
i s'est allongé sur enne gairbèe ; comme il 
étoi en retard éde sen somme édepuis quéques 
nuit, i s'est endormi. 

Tout d'un cœup, vlo le vaque qu'i se met à 
gueuler de tous ses torche. Eche parcour i se 
réveile en surseut, i s'étampit, i rebeie aveu le 
lanterne. Quoi qui voit ? Deux patte éde vieu 
à le portière dé le vaque. Tout de suite i court 
à le porte del l'étabe et pi i se met à crier comme 
un ébréïaque qu'il est : 

— Vite ! vite ! el dame ; accourez tout de 
uite ! Eche vieu i se rentique da le panche dé 



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— 78 — 

le vaque. 

El dame al arrive tout d'enne ébondie. 

Gh'étoi un deuxième vieu qu'il arrivoit da le 
monne. 



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— 79 — 
XXVIII 

ENNE BLEUE VUE 



En arrivant dimenche au soir au cabaret, j'ai 
trouvé Tintin Pierrout et pi che parcour attablés 
devant leu baïonnette. Eje leus ai offert à chacun 
enne grosse goutte pour équeleu café il euche 
pus éde goût. Ede contentemen, éche parcour 
i s'est levé d'enne ébondie pou se mette à 
jengler autour éde mi. Quant il o ieu 'té recrand, 
il o sorti da le cour. 

En étandis qu'il éloit parti pissier, éche 
cabaretier il o apporté ches deux goutte ; mi, 
je me sut assis à le tabe à, côté pour foire un 
client de piquet aveu mes camarade. 

Quoi qu'il o foit Tintin Pierrout ? Gomme il 
étoi à part li à se tabe, il o versé ches deux 
goutte da sen voirre, croyant que personne né 
le voyoit. I n'o point ieu sitout Uni qu'éche 
parcour il est rentré. Il avoit vu che manège 
cTéche berger pa le porte vitrée. 

En s'assiant, il o touillé sen café da sen voirre 
et pi i n'n o bu un avalant. Après qu'il o ieu 
posé sen voirre édessur el tabe, i di à Tintin : 

— A' n'est point bien, che berger, chan qu'os 
avez foit lo. 

— Quoi que j'ai foit ? 

— Os le savez bien. 

— Nan ; je ne sais point che que tu veux dire. 

— Os avez widiè ches deux goutte da vou 



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— 80 — 

volrre. 

— J'ai idée que tu viens fou ou bien que 
t'est seu. 

— Je ne sut ni fou ni seu. Eje vous ai vu pa 
le porte vitrée. 

Tintin, qu'il o ieu peur d'enne dispute, il o 
envalè se baïonnette au pu vite pour décamper 
coire pu rade. Eche parcour il l'o suit da ches 
rue tout en li reprochant se .gourmandise. 

En arrivant a le ferme, leu moite i leus o 
demandé quoi qu'i n'avoit entre eux. Eche 
parcour i s'est expliqué. Voyant qu'a' venoit 
vilain , Tintin il aherd ése houlette en se 
redréchant comme pour taper dessus che par- 
cour. 

— Ch'est-ti que t'os 'té mordu par enne bêle 
aragée ? qu'i 11 demanne. 

Eche parcour, radouchi, i répond : 

— Eje vous ai-ti point vu verser ches deux 
goutte da vou voirre ? Os ne povez mie me 
démentir, nom d'un tonnerre. 

— T'os ieu enne bleue vue, men pove cama- 
rade, qu'i dit Tintin. J'ai idée que t'os père 
Hubert à forche d'avoir bu à remontée. 

— Os avez bu pus éque mi. 

— Qupi qu'a' veut dire ello ? Eje sais miu le 
porter que ti, et pi vlo toute. Tu dis que tu m'os 
vu widier ches deux goutte da men voirre. 
Beie un mole da che bac d'ieu fraîche à le porte 
dé le cour équa t'os rempli pour tes vaque ; 
quoi que tu vois dedens ? 

— Eje vois la lune, qu'i répond che parcour. 

— Eh bien, prends Fié. 

— Je ne peux mie pus qu'a' n'y est point. 

— Portant, tu le vois ? 

— Por seur éque Je le vois. Quoi qu'os volez 



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— 81 — 

coire dire ? 1 n'ont mie de sens ches raison 
qu'os foiles-lo. 

— 'A veut dire, men pauve bënet, comme 
deux et deux font quale, qu'i ne feulmie croire 
à tout che qu'o voit. Comprends si t'os du 
comprendoir. 

Pendant pu de huit jour, éche parcour il o 
ruminé le parole-lo da se caboche ; il o h ni par 
croire qu'il avoi ieu e^ne bleue vue ; i s'est 
ramissè aveu che berger. 






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— 82 



XXIX 

AB PB MSSTEB 



Enne fois, Sanne Flaquet, éque ch'étoi un 
grous réjoui capabe éde foire rire un monché 
de çailieu, qu'i nous o dit lundi TintinPierrout, 
il étoit mon dé che cabaretier d'en heut. I n'a- 
voit tout plein de monne. 

D'un cœup, vlo un étranger qu'il arrive ; i 
s'assie à enne tabe ; au bout d'un moment, 
pour foire rire cbes gens et pi se foîre admirer 
sans doute, i di à Sanne Flaquet : 

— Voyagez-vous, à mesure ? 

— Oui, quéqucfois. 

— Mi, qu'i reprend Peute, j'ai vu granmen 
de poysen France, en Belgique, en Engleterre; 
i n'o rien de rare da cbes poys-lo. Parlez-mé 
de TEspainne ; à la bonne heure, ch'est lo qu'o 
voit des merveile. Tenez, rien que pour éche 
toubac, o n'en voit point de pareil nennepart; 
ofumme des cigare grous comme éd's andoule. 
El prise, don, ah ! nom des os, que prise ! J'ai 
caché da che poys-lo des lapin sans quien ni 
fusil ; est tin comique el cache-lo. 

— Os alloite mette un grain de se rouge éde- 
sous leu queue ? qu'i demanne Sanne Flaqu et. 

— Nan, che n'est point lelo, qu'i répond Tente. 
O s'en vo aveu se canne, ése carnassière et pi 
se tabatière. s'avanche jusqu'à che terrier ; 



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— 83 — 

plache un grous cailleu bis et pi dessuréche 
cailleu o met enne grosse pingnie de toubac. 
Ches lapia, qui sont fou dé le prise-lo, i le 
sente éde loin ; i vient téel léérenifler à che bord 
déche treu ; comme leu musieu il e^t terre, en 
éternuant, ^n faisant leus Atchi ! Atchi / i 
tape-té leu nez dessur éche cailleu et pi i se 
tue-te.O n'oqu'àse saquer dé se muchettepour 
aller s's é ramasser. 

Tout le monne o ri dé che conte dé che bro- 
deu-lo ; i n'o ieu que Sanne Flaquet qui n'n o 
point ri. 

— Vous qu'os avez granmen voyagé, qui di 
al l'étranger, avez- vous le en Hollanne ? 

— Je crois bien que j'y ai 'té. J'el J'ai traver- 
sée da tous les sens ; éche n'est mie un si grand 
poys. 

— Mi, j'ai le à la Haye da mequiote jénesse. 

1 n'avoit des belles auberge comme o n'en 
voit point nenne part. 

— Mi, je n'ai rien vu d'estraordinaire, quldi 
elPétranger. 

— Ch'est qu'03 n'êtes point malin assez. Eje 
sut entré d'enne auberge édessur el granne 
plache. J'ai demandé de quoi remplir é m'n es- 
tomo, qui crioit faminne. Edevant me mette à 
tabe, éche moite i m'omenè desous enne espèce 
dé cheûaillére iou qui n'avoit enne balonche 
aveu un cadou da un de ches deux grands 
platieu. 

— Àssiez-vous lo, qui me di el l'aubergiste. 
Eje m'assis, pi vlo qui me pèse comme un 

habillé de soie. 

— Ghent chinquante-deux live, qui dit che 
moite. 

I m'ofoit deschenne dé le balonche pour mé 



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— 84 — 

mener da le salle à menger. Lo, j'ai empli me 
bédinne tant que j'ai peu. Quant j'ai ieu fini, 
j'ai demandé al l'aubergiste combien que je li 
de vols. 1 m'o rémenè à le balonche pour mé 
repéser. 

— Ghent chlnquante-hult live, qu'i me dit ; 
a foit six live éde pus, à quinze sou le live, 
ch'est qunle live dix sou qu'os mé devez. 

Eje poie et pi je m'en vos. 

El lennemaln, je reviens. me pèse édevant 
dé me donner à menger, seulemen j'avois ieu 
soin de mette deux grous cailleu da mes poche. 
Après que j'ai ieu 'tè pesé, j'ai laissiè passer el 
l'aube rgisle édevant mi par honneslè, comme 
lo, j'ai peu jeter dessur sen f unimier mes deux 
cailleu sans qu'il les voiche. 

Edevant poyer, os mé remène à le balonche. 
En arrivant, je pésois chent chinquante-neuf ; à 
le deuxième fois, je ne pésois pu que chent 
chinquante et un. 

— Monsieur que je li dis, ch'est huit live éde 
moins, à quinze sou a' foit deux écu qu'os 
mé devez. 

— Est ju>te, qu'i me dit ; tenez vlo six live. 
Ch'est comme lo que j'ai dinè deux fols pour 

érien et pi qu'i m'est coire resté trenne sou. 

Tous cheux qu'il étaint lo, i crevaint de rire 
éde ches déguinne dde Sanne Fiaquet et pi dé 
le ruse qu'il avoi ieu. 

— Easeignez-mé el l'auberge-lo pour éq»ie 
j'y voiche quant je retornerai en Hollanne, qu'i 
demanne éche commis-voyageu. 

— Eje vous le dirai quant os m'érez donné 
du toubac pour prenne des lapin. 

Vlo tout le monno qui se déslaque à rire del 
l'étianger qu'i bisquoit d'avoir ieu affoire à si 



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— 85 — 

malin que 11. 1 s'est dépêche de poyer s'n écout 
pi de s'en aller mentir ailleurs. 



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— 86 - 
XXX 

ECHE SERPENT 



Phlibert éche serpent, qu'os appeloil comme 
lo pace qu'i jouoit du serpent à che lutrin dal 
l'église, il avoit remplachè sen père da che 
raétier-lo ; pi sen père, éque j'ai bleu connu, 
qu'i dit Tintin Pierrout, il avoit remplachè sen 
père à li ; 'a foit que depuis trois génération il 
étaint serpent de père en flu. 

Enne fois, M. le Curé il o monté en chaire un 
jour éde granne fête ; nou église al était tout 
pleine ; i s'est mi à prêcher dessur el péché 
originel. 

— Gh'est non mère Eve qu'ai est cœusse 
qu'os venons au monne aveu che péché-lo, qu'i 
disoit M. le Garé. Al s'est laissièe tromper 
par el diabe, qu'il o prin3 le forme d'un serpent 
pour li dire éque si al mengeoit enne pumme 
éde l'abe éde la scienche du bien et du mau a' 
n'en séroi autant que le bon Diu. 

M. le Curé i n'en disoit lo-dessur tant et pus ; 
i n'en défiloit des renguie à ne point nen vir el 
bout. A tout moment, i disoit : 

— Oui, mes frère, oui, ch'est che serpent, 
éche meudit serpent-lo qu'il est cœusse qu'i n'o 
tant de gens de damnés. 

Phlibert, qu'il acoutoit, il o ieu idée que 
ch'étoi à lique M. le Gurè i n'n avoit. Tout 
d'un cœup, i s'éyeuve comme un furieux ; i s'en 



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— 87 — 

vo se planter devant le chaire préchoire ; i 
monte sen puing à M. le Garé en 11 disan en 
colère : 

— Ch'est mi qu'os dites éque j'ai foit tout 
che mau-lo ? Ch'est don qu'os m'en volez pour 
dire éde pareiles chose ? Eche serpent par chi, 
éche serpent par lo. Edepuis chent an qu'os 
sommes serpent éde père en flu da nou famile, 
os n'ons jamois foit d 3 peine à personne. Je ne 
sut qu'un serpent, est vrai, mais je sut honnête. 
A partir d'aujord'hui, je ne serai pu serpent. 
Tenez, je vous rends men suplis. 

- Tout le monne s'est déclaquè à rire dé che 
beudet-lo. M. le Gurè i n'n étoit toit saisi. A 
la fin, il o volu foire des remontrance à sen 
serpent, qu'i n'o jamois volu entenne raison. 

Phlibert il etoit d'enne télé colère qu'il o 
broyé sen serpent en mille morcieu à che pied 
dé che lutrin. 

— Tiens, qu'i dit, comme lo o ne diro pu que 
je fois du mau à ches gens, mi que je n'ai 
point le cœur éde tuer un pou quant éje n'en vois 
un courir dessus le chape dé che confitébor... 






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-r- 88 — 

XXXI 

ENNE BÊLE PRONNE 



Tinlin Pierrout i nous o coire bien foit rire 
Tente jour en nous racontant enne aventure 
qu'ai est arrivée à un homme éde Marchelcave. 

Dimenche passé, qui nous o dit comme lo, 
men moilei m'o envoyé à Ghauines pour rame- 
ner un hout de berbis qu'il avoi achetées. Pour 
m'en aller, j'ai 'tè prenne éche quemin de fera 
Marchelcave, iou que ches gens dé che poys- 
lo i sont surnommés ches Gai. Nou train in'o 
point 'tè sitouten route qu'un Gai de Marché, 
qu'il avoit monté en mumme temps que mi, i 
s'est étampi en iious ravisant tertous ; après i 
dit : 

— J'ai un prongnier la nou gardin qui rap- 
porte des pronne comme osn'navez jamois vues; 
i sont grosses comme des œu de glinne, i sont 
chucrèes comme du mié et pi d'enne bêle cou- 
leur bleusse. 

I continue à vanter se? pronne et pi à se 
vanter li- mumme en disant qu'i n'o personne 
comme li pour savoir songner un prongnier, 
Os acouloime éche graud venl-lo sans jamois 
dire un moul ; à la fin, i dit : 

— Volez-vous vir mes pronne ? 
Personne n'o coire hanse. 

— Tenez, qu'i foi en saquant enne pronne dé 
le poche dé se rouillère, je ne vous en ferai vir 



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— 89 — 

qu'unnepace équejé n'n ai point pus édessur 
mi à che moment-chi. Beyez que bleu fruit. 
Je ne vous le donne point ; je le porte à mo 
béle-mére qu'ai reste point loin de Rosière. El 
pronne-lo a' n'étoit po coire meurt e quant jel 
l'ai cueullue ; je le fois parer depuis huit jour; 
lo, aile est boine à menger. 

En mumme temps, i donne el pronne à m a in- 
nier à sen voisin, qui le passe à un eute, *a foit 
que tout le monne el ravise en iradmirant ; 
éche-t-homme il éloit d'enne joie sans pare île. 

Arrivé à le gare éde Guillaucourt, éche train 
i s'est arrêté; il o monté enne femme da nou 
wagon ; tout de suite éche Gai de Marché i li 
o foit vir ése pronne. 

— Ah ! que bêle pronne ! qu'ai foil le femme ; 
je n'n ai jamois vu de si bêle. Ah ! que tour 1 

Quant al l'o ieu bien tornèe pi ratornèe, al 
s'est allongée à le portière et pi al o dit à enne 
femme qu'ai étoit venue el l'aconduire jusqu'à 
la gare : 

— Beie, ma sœur, que bêle pronne qu'i n'o 
un homme qu'il o. 

— Monte un peu, qu'ai dit l'ente. 

— Tiens, le vlo. 

A sen tour, el femme al foit des admiration 
à ne pu n'en finir tout en tornant le pronne 
éde tous les sens. Eche Gai de Marciié i n'en 
jengloit de contentemen. Oui, mais, d'uncœup 
il o ieu des crignon da se télé ; éche chef éde 
gare i donne un cœup de sifflet pour el signal 
dé che train. 

— Vite ! vite ! qu'i crie, donnez-mé me pronne, 
nom d'un tonnerre î 

I s'étoit foi un attroupement autour dé le 
femme ; chéle-chi, qu'ai tenoit le pronne da se 



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-90 - 

main, al érebeieche-t-homme qu'il avoit saqué 
se tête à le portière en allongeant sen bros ; 
a' 11 demanne : 

— Avez- vous des poche, men brave homme ? 

— Oui don, qu'i répond en montrant le poche 
dé se rouiller e. croyant que le grosse dondon 
al vo li jeter se pronne édedens. 

— Si ch'est Tlo, qu'ai foit, os povez vous 
f ùiller, men pove basou : os nel Ferez pu. 

Lo-dessur, al donne un cœup de dent da le 
pronne qu'a' se met à menger. 

— Al est bêle et pi boine, qu'ai dit ; quant os 
rapasserez, os porrez mé n'n apporter enne 
manne pareile au mumme prix ; éje vous em- 
brasserai à l'an pour la peine. 

Au mumme moment, éche train i se met en 
route. 

— Sacrée gueulusse éde malzanne ! qu'i crie 
che-t-homme en montrant sen puing, os mé le 
poierez, grosse berdale ! 

Et pi, en arrachant le peu de cavieu qu'i li 
restaint, i disoit : 

— Quoi qu'ai vo dire éme béle-mére ? 

Je ne sais point chan qu'ai o peu dire ése 
béle-mére, qu'i nous disoit Tintin Pierrout, 
mais che que je sais, mi, ch'est qu'os avons 
bien ri da che train del l'aventure-lo. 



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- 91 — 
XXXII 

Enne Fari-ure 



— Vite I qui me dit Peute jour Tintin Pier- 
rout en me voyant entrer au cabaret, vile! 
J'ai enre histoire fraîche à vous raconter. 

Dimenche, i n'o ieu un étranger qu'il o juè 
un bieu tour à che cordongnier dé le rue d'en bos. 

En voyant enne poire éde botte à le croisée, 
éche passant il est enlrè ; il étoit quasimen à 
pied décœux. Il o demandé à essayer ches 
botte. Quant il ont 'té toutes deux da ses pied, 
i di à che cordongnier : 

— 1 me vont tin bien. 

Et pi, sans li demander de prix, comme si 
voloit rire, i dit coire : 

— Avez-vous déjo ieu des pratique qui se 
sont sauvées sans vous poyer, après qui! on 
ieu le bien cœuchèes par vous ? 

— Jamois 'a ne m'est arrivé. 

— Si 'avons arrivoit, quoi qu'os feroites ? 

— Eje courrois après. 

— Est-ti vrai ? 

— Gomme éje vous le dis. 

— Essayons, qu'i dit che passant. Je m'ons 
courir ; os courrez après mi àcheli qu'i courro 
au pu vite. 

Vlo 1' l'étranger qui décampe rondébilis. 
Eche cordongnier i se met à courir après li ; 
au bout d'un moment, il o ieu des doutance. 






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- 92 - 

— Attrapez che voieu I qu'i se met à crier 
da ches rue. Attrapez che volea î 

En entendant ches cri-lo, tous ches gens sor- 
taint de leu moison. Eche voleu, qu'il a voit de 
l'avanche, il avoit peur d'ête arrêté ; i disoi à 
cheux qu'i voîaint i' l'arrêter : 

~ Laissiez-mé foire ; os courons au pu vite 
nous deux che cordongnier : ch'est enne pariure. 
Eche cordongnier i veut foire el malin pace 
éque j'ai Tavanche. 

Et pi, os o laissiè courir éche voleu. dit 
qu'i court coire. 



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— 93 — 



XXXIII 



H BOI 



El lennemain del l'ouverture dé le cache, 
Tintia Pierrout i nous o raconte enne histoire 
qu'ai étoit arrivée le veile. 

1 n'o ieu deux cacheu dé dehors qu'i sont 
entrés mon Béric, que se moison ai est da ches 
camp. 1 n'a voit que deux quiouts gai mite ; leu 
père, qu'il est boquion, il étoit parti da che 
bous ; leu mère al foisoi un paingnier d'herbe da 
ches camp ; leu grand* mère al étoit partie à 
veupe. 

Ches deux cacheu il ont demandé à ches 
quioul quoi qu'i n'avol à menger. 

— Erien ; os n'ons rien. 

— Os érez bien enne goutte é1e lait, qu'i di 
un de ches cacheu. 

— Ah ! pou l'io, oui ; i n'n est resté enne 
goutte da nou gattelout. 

— En étandis que je ferai des soupe au lait, 
qu'i di un de ches cacheu à sen camarade, li 
cherche quoi que lu feros cuire. 

L'eule cacheu i voi un grous morcieu de lard 
accroché â che poute. 11 i'aherd tout de suite. 

— Nan ! nan ! qu'i foit che pu grand de ches 
galibier, né le prendez point !... Nan, né le 
prendez point !... 

— i feut bien menger quéle cose, qu'i foit 
che-t-homme. Marche, os té iepoieroDS ten mor- 



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- 94 - 

cieu de lard ganne. 

Vlo don che cacheu qu'i met cuire éche mor- 
cieu de cochon su che gril. 

Quant ches soupe au lait il ont 'tè f oites, ches 
cacheu i se sont mi à labe. Après qu'il ont ieu 
mengè leu soupe, un de ches enfant i dit : 

— Ëje m'ons housser non cuiller à soupe, a' 
n'o jamois servi. 

— AI est tout neufe été cuiller, qu'i foi un 
de ches cacheu. 

— Oui, Jeannout, éche fondeu de cuiller éde 
Quiné, q u'il est venu pour nou fête, i l'o apportée 
hier. Ch'est enne vieile seringue à guevo éque 
M. Gaulette, éche fermier, il o donnée à manman, 
al o foit foire el cuiller-lo aveu. 

Ghe deux cacheu il ont foi enne grimache. 
Mais leu soupe al étoil mengée... 11 ont copé en 
deux el grillade quant al o 'té cuite ; i se sont 
mi à bouffer comme s'i n'avoit quinze jour 
qu'i n'avaint point mengè, pace qu'à che métier- 
lo o gaingne éde l'appétit. 

Après qu'il ont ieu fini, éche pu quiout de ches 
galopin i s'est mi à braire. 

— Quoi que t'os, men quiout fiu ? qu'i 11 
demanne un de ches cacheu. 

— Que malheur ! Quoi qu'ai diro me grand - 
mère en rentrant ? 

— Quoi que tu veux qu'ai diche, men quiout 
père ? Tiens, qu'i foi en 11 mettant enne piéche 
quaranne sou da se main, tiens, vlo pour ti ; 
ne brais pu. 

— Aveu quoi que me grand'méreal graissero 
ses hémorruile, qu'i dit che pu grand, pusqu'os 
avez mengè che lard qu'i li servoi al l'usage-lo ? 

En entendant lelo, vlo ches deux cacheu qu'i 
ramasse-té leus clique et leus claque et pi qu'i 



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- 95 — 

se sauve-le à fond de train. 

Je ne sais point si leu digession al o peu se 
foire. 







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- 96 — 
XXXIV 

DEUX GOUAILLEU GOUAILLES 



Min Colos, — qu'os appeloit comme lo pace 
qu'il a voit 'té biptisiè Firmin et pi que sen père 
i s'appeloit Nicolas, — i s'est en allé l'eute jour 
à clie marché monté dessur sen beudet, qu'i 
nous o raconté el lennemain Tintin Pierrout. 
Etoit fin curieux de vir un grand homme 
aguevalè sur un quiout bourrique ; ses gamme, 
— cheux de Min Golos, point cheux dé che 
beudet, — i trinaint quasimen à 1ère. 

Un mole devant d'arriver à ches prummiéres 
moison, Min Golos i renconte deux joines gens 
bien habillés, aveu des bottine vernies, enne 
badine à leu main, des lunnette à leus yu ; il 
avaint l'air éde foire granmen de poussière. 

En approchant, vlo che beudet qu'i se met à 
ricaner tant qu'i peut. 

— Hihan ! hihan ! 

— A cœasse qu'os laissiez braire vou frère 
comme lo, men brave ? qu'i foi un de ches 
deux joines gens. Os ne savez don point li 
donner che qu'i demanne ? Os devez portant 
comprenne sen langage. 

Min Golos, qu'i n'étoit point si bète qu'il étoit 
mal habillé, i répond tout d'enne ébondie : 

— Men beudet il est si content de rencontrer 
ses parent qu'i se met à rire éde tous ses f orche ; 
i sait qu'os êtes cousin aveuc li de tout prés. 



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_ 









- 97 — 

E]e vois bien qu'est vrai pusqu'os avez com- 
prins sen jairgon : i mé demanne pour aller 
vous embrasser. 

Ches deux joines gens il ont sui leu quemin 
sans nen demander pu long, tandis que Min 
Golos il o sui le siéne tout en riant da ses barbe. 



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- 98 - 



XXXV 



M4MZELE CECILE 



A che dergnier mardi gros, il est arrivé da 
no a village enne aventure qu'os avons seu tout 
de suite par Tintin Hierrout. 

I n'o un clerc, un clerc notaire éque 
ch'est un nivcrgoutte un mole gniaiseu qu'il 
o granmen d'idée de li comme tous cheux 
qu'i ne sont point capabes. 

Tous les jour, pour aller al l'étude, i passoit 
devant le moison d'un perruquer iou qu'i 
n'avoi al l'édevanture dé le boutique un buste 
en chire ; ch'étoi enne femme bien aff ulèe, bien 
pomponnée ; quant o remontoi un ressort, ése 
tété al tornoi à droite, à gœuche ; al sannoit 
saluer ches gens qu'i passaint da le rue. 

A chaque fois qu'i passoit, éche quiout clerc 
i tiroit sen capieu pour saluer le Aie dé che 
perruquer. Malgré ses lunnette, i ne s'aper- 
chuvoit point que ch'étoi enne poupée. 

I n'o ieu un eute clerc éde notaire qu'il o vu 
che manége-lo ; tout de suite, il l'o raconté à 
ses camarade, qui n'nont bien ri. Il ont résous 
éde foire enne farce à che nivergoutte ; i nen 
o ieu un qu'il o 'té le truvoir en li disant : 

— El jour du mardi gros, i n'éro un bai ; i 
feut qu'os venéche danser aveuc nous ; os vous 
donnerons enne bêle cavalière; ch'est sero 
mamzéle Cécile, qu'ai o un caprice pour vous. 



J 



MlUti p H! 



_ 90 — 

— Quèche éque ch'est, mamzéle Cécile ? 

— Ch'est le file d'éche perruquer. 

En entendant lelo, éche clerc 11 est quasimen 
queut faibe éde contentemen. 1 n'éroit point 
manqué d'aller à che bal pour an quartier de 
prongnieu. Il o don promis. 

Tout de suite, l'eute clerc notaire il o 'tè mon 
d'éche perruquer pour el mette au courant. 
Echeti-chi, qu'i n'avoit point d'enfant, ch'étoi 
un vrai farceu, qu'il aimoi à rire ; i n'o point 
demandé miu que de foire chan qu'o li proposent . 

En arrivan à che bal, éche clerc i cherchoit 
tout partout après le file d'éche perruquer. 

— Iou qu'ai est mamzéle Cécile ? qu'i de- 
mandoi à tous cheux qu'i rencontroit. 

Personne éne savoit point chan qu'i voloit 
dire ; o ne connaissoit point le flie-io. Tant 
qu'à la fin, éche clerc notaire il est venu rejoinne 
sen confrère. 

— Mamzéle Cécile a' n'est point venue, qu'i 
li dit ; sen père i n'o point volu le laissier 
sortir ; i sait qu'os li foites éde l'œil tous les 
jour en passant. Venez aveuc mi, os le ferons 
décider à consentir à laissier venir ése file ichi. 

Les vlo don partis toutes deux. En arrivan à 
le porte, il ont vu que le boutique a' n'étoit 
point éclairièe. 

— Mamzéle Cécile al est à se plache d'habi- 
tude, qu'i foit che l'amoureux. 

— Oui, qui reprend l'eute clerc notaire ; 
beyez, al vous foit sinne d'entrer. Ah ! men 
gaillard, os avez dé le veine. Laissiez-mé ren- 
trer d'abord ; j'irai truvoir éche perruquer da 
se salle et pi vous os vous arrêterez da le bou- 
tique pour édeviser aveu se file. 

'A s'est foit comme io. 



L 



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— 100 — 

Eche clerc i dit tout boa : 

— Ah ! mamzéle Cécile ! que Je sut-ti content ! 
Point de réponse. 1 reprend : 

— Ah 1 mamzéle Cécile !... Mamzéle Cécile !... 
Po coire éde réponse. Portant, i voyoit bien 

le file d'éche perruquer qu'ai foisoi aller se 
tête ; i voyoit ses bieux cavieu si bien arrengès, 
si milan ts. I s'est dit que ch'étoit l'émotion qu'il 
l'empéchoit de li réponne. Au mumme moment, 
il entend oomme des quiouts soupir. 

— Al brait, qui se di en mettant ses deux 
main jointes et pi en se laissiant queir a 
genou devant che comptoir. Il avoi envie de 
braire aussi. 

— Ah ! ne brayez point, mamzéle Cécile ! 
Tenez, os me fendez le cœur. Ah ! si os savoites 
comme éje vous aime I... J'en morrai !... 

Et pi, che clerc i se met à nen dire, à. nen 
dire, à ne pu nen vir el bout. Ch'étoit des 
quiotés raison qu'i n'avaint point de sens. 

Tout d'an cœup, vlo le boutique éciairièe à 
la minute, — pace qu'éche perruquer il avoit 
l'électricité. Eche ciero i voi à deux pos de li 
enne douzaine éde joines gens, éche perruquer 
en tête, qu'i se mette à rire à gorge déployée. 

— Quoi qu'os foites don lo, men camarade ? 
qu'i dit che perruquer. J'ai idée qu'os foites l'a- 
mour à me poupée, vingt lé-warbu ! 

Edepuis che jour-lo, éche pove nivergoutte 
i ne passe pu devant le boutique d'éche perru- 
quer ; i foi un long détour pour aller à s'n étude. 

n'en riro coire longtemps da nou village. 



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- 101 — 
XXXVI 

POE FOIRE RÉVEILLON 



Deux viiix fiu qui se trouvaint da la misère, 
il avaint pour voisin un homme riche qu'il étoi 
un mole simpe d'esprit. 

Gomme i n'avaint rien pour foire réveillon 
au Noë, il on ieu Pidèe d'aller li voler l'un enne 
berbis, l'eute des chou. 

Quand el soir o 'tè arrivé, un de ches deux 
frère il o entré da che gardin, l'eute da le cour 
éde leu voisin. Echeti-chi, qu'il o entendu du 
bruits il o di à sen quiout fiu d'aller vir si che 
n'étoit point leu quien, qu'os appeioi Estulo. 
qu'i foisoit du vacarme. 

Eche quiou i s'en vo da le cour ; i crie : 

— Estulo I Estulo ! 

Echeti de ches deux frère qu'il étoi en route 
à cafouiller à le porte dé le bergerie, croyant 
que ch'est sen frère qu'il l'appelé, i répond : 

— Oui ! oui ! Je sut lo. 

Eche quiout flu, fin saisi d'enténe leu quien 
H réponne, i rente rondébrlis da leu moison, en 
mitan mort d'enne pareile aventure ; i raconte 
tout éhansè à. sen père chan qu'i vient d'en- 
téne. Eche père i s'en vo da le cour à sen 
tour ; il appelé aussi : 

— Estulo ! Estulo ! 

— Oui, je sut lo î coire enne fois. Quoi que 
tu me veux, don ? 






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— 102 — 

Vlo che père épeulè à sen tour. Il envoie sen 
flu queurre M. le Gurè. 

En venant d'éche préby tére, M. le Curé pi che 
qaiout il ont passé pa che gardin, pace qu'i 
n'avoit granmen pu court. M. le Curé i portoi 
un suplis et pi un pout d'ieu bénite pour cacher 
le diabe, pace qu'a ne povoi ête éque Satan 
qu'i foisoit parler un quien comme enne gens. 

En voyant quête cose éde blanc, éche copeu 
de chou i croit que ch'est sen frère qui revient 
aveu un aingnieu. 

— Os-tu trouvé? qu'i demanne tout duchemen. 

— Oui, qu'i répond che quiout, croyant que 
ch'est sen père qu'i li pale pour savoir s'il 
amène M. le Gurè. 

— Apporte vite ; men coutieu il est rameulu ; 
je m'ons li coper sen cou. 

En entendant lelo, M. le Gurè, qu'i pensoi 
qu'o voloi el l'égorger, il o ieu peur ; il o prins 
ses clique et ses claque et pi i s'est mi à courir 
comme un possédé ; i foisoit des seut de cabri 
da che gardin. 

Tandis che temps-lo, éche voieu de berbis il 
est venu rejoinne'sen frère aveu un grou 
aingnieu ; éche copeu de chou il avoit rempli sen 
so. 'A foit qu'il ont peu foire réveillon à ches 
dépens de leu niquedoule éde voisin. 

Toujours ches naïu, qu'i dit Tintin Pierrout 
en finissant, i fornirontdu fricou à ches malin. 



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— 103 — 
XXXVII 

MON DÉ CHE BARBIER 



Tous les dimenche au matin, qu'i nous 
racontoi hier Tintin Pierrout, éje vos me foira 
raser mon dé che barbier; os nous rencontrons 
lo quéques fois à ci jq ou six ; tandis qu'éche 
barbier i rase ou qu'i tond, chacun rapporte che* 
nouvéle d'écho village. 

Dimenche passé, os étoime lo à atténe da 
le boutique ; d'un cœup, che barbier quant il o 
ieu fini de raser Grous-Pierre, i nous o dit : 

— Os m'escuserez un momen, m's ami, i feut 
que je voiche quéque part : éje sut pressé. 

I venoi à peine éde f rummer le porte dé le 
cour qu'un étranger il est entré par el porte 
éde ches rue. 

— Eje vodrois foire raccourchir éme barbe 
tout de suite, qu'i di à le femme d'éche barbier, 
pace qu'i feut que je prenche éche train pour 
aller au baptisiou d'éche quiout de men frère. 

— 'A sero bien aisé, qu'ai répond le femme, 
si ches gens qu'i n'o lo i veute-té vous céder 
leu tour. 

— Oui ! oui ! qu'os disons tertous pour foire 
plaisi à che monsieu qu'il étoit bien poli. 

— Où que ch'est qu'il est che barbier ? qu'i 
demanne el l'étranger. 

— 1 s'en vo revenir, qu'ai dit se femme ; il 
est parti iou que le président de la République 






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- 104- 

i vo à pied. 

Deux minute après, éche barbier i rentroit 
dé le cour. 

— Dépêche-té, qu'a' li dit se femme, i n'o un 
' monàieu qu'il est granmeâ pïessè qui t'a|tend. 

Eche barbier il ente da se boutique en nous- 
sant ses doigt à sen cul de pa talon, — comme 
si sen papier il avoit crevé. Tout de suite, il 
aherd sen démêloir et pi ses cerisieu. 

Eche facteu i venoil d'apporter le galette ; 
éche perruquer i fott seuter le bette, il ouré 
ei gazette et pi 1 le donne al l'étranger, 

— Tenez, qu'i 11 dlù, Usez pour prénè 
pàtienche en élandiS que je m'onà roue rajoinir. 
Justemen, i n'o un artique en picard qui vous 
feto rudemen rire ; et pi, si ch'est un effet de 
Von boinetè, lisez tout heut, 'a fôit que tout le 
monne n'en profitero. 

El l'étranger il aguevaîe Sen lorgnon dessur 
sen nez et pi i se met à lire tout heut ; au far 
an mesure qui lisoit, i rioit comme un bochu ; 
os f oisoime tertoùs comme li. 

En étandis che temps-lo, éche perruquer, 
qu'il avolt vucheâ longs cavieu d'éche^-fcomme, 
i s'étoit mi & les coper vivemën San* rien 
demander ^ 1 se disoit à part li : 

— Il o sans doute enne maladie de pieu, elle 
monsieu-lo *, al est d'entie drôle dé couleur ; 
1 forro que je paisse men démêloir et pli mes 
cerisieu à che fu pou ne point foire gaingner Se 
maladie k s's eûtes. 

El l'étranger il étoit si telletnen acharfnè à 
le lecture del l'artique en ittckrd qui ne S'étoit 
point apêrchu qu'éche perruquer 1 Vendit de M 
coper ses cavieu. Après qu'il o iéu fini de lire, 
i 11 dit : 



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f V mr*K*W 



- 105 - 

— Quand jou qu'os coperez me barbe, men 
brave homme ? 

— Tout de suite, monsieu; é]e viens de finir 
éde tonne vous cavieu... 

— Mes cavieu ?... Os avez copè mes cavieu ? 
qu'i foît che-t-homme en se levant d'enne 
ébondie, tout en colère, Jurant comme un Tem- 
plier. Os avez foi tm Joli chef-d'œu ve ! Os n'avez 
don point vu que je porte perruque ? qu'i di en 
lléretirtnipour foire vir enne tête comme un 
genou. 

Os nous sommes mis tertous à rire d'éche-t- 
homme, qui nous o dit Tintln ; ml je 11 al 
dit : « Quant os irez taper à le porte du paradis, 
saint Pierre 1 ne vous laissero mie entrer si os 
vous défulez ; i vous diro qu'os n'ente point lo 
aveu sen c. pa-devant. 

Oui, mais, vlo che-t-homme qu'i ne veut 
point poyer che barbier. 

— Os vous ferez poyer vota quate sou par éche 
gazetier, qui di en se sauvant ; et pi estimez- 
vous heureux si je ne vous foit point poyer me 
perruque qu'os avez gadrouillèe, comme un 
màl-à-patte qu'os êtes. 



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— 106 — 
XXXVIII 



Edevant ête berger mon M. Caulette, qu'i 
nous disoi Mer Tintin Pierrout, j'ai servi 
M. Lampont de Gocarvillè ; ch'est un moite 
difficile, qu'i m'o mis malhonnêtemen à le 
porte. Je me sut promis de li juer un bieu tour 
à le prummiére occasion. Je n'ai point attendu 
longtemps. 

L'énnèe d'après, je me sut en allé à le Saint- 
Jean Amiens. Dal Fadevant-midi, il o Toit de 
l'orage ; enne heure après, i foisoi un bieu 
soleile. J'étoi assis aveu cheparcour édevantle 
porte d'un café en face dé le gare en routé à 
boire enne baïonnette. 

Tout d'un cœup, vlo que je vois M. Lampont 
qu'i venoit d'arriver par éche train aveu des 
cœuchure plaquées de beue. I s'est arrêté su 
che Uottoir en face éde nous à un quiout galopin 
qu'i remplachoit sen père pour cnirer ches 
cœuchure éde ches voyageu. 

M. Lampont i pose sen pied droite édessus 
le quiote boite ; éche gaiibier i gratte sen 
seuler et pi i le chire. Aussitout qu'il o ieu 
fini enne cœuchure, j'appéle éche quiout fiu. 

— Combien qu'i te donne éche monsieu-lo, 
que je li demanne, pour chirer ses deux seuler? 

— Deux sou, monsieu. 

— Tiens, n'en vlo dix, que je li dis eu li 



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— 107 — 

mettan cnne piéche dix souda se main ; va-t-en 
sans lichirersen deuxième seuler. Allez! Ousle! 

Echequiout i se sauve tout de suite aveu sen 
chirage et pi ses broisse. Sen ciient i le huque ; 
Feute i li foi un pied de nez en se ret ornant. 

M. Lampont i s'avanche à nou tabe pour 
m'acaner. 

— Ch'est sans doute enne mouquerie qu'os 
avez volu me foire ? 

Jô ne li réponds point. 

— Volez-vous me dire à cœusse qu'os avez 
foit lelo ? 

Je ne li réponds po coire. 

Vlo M. Lampont qui ce fâche ; i se met à 
me traiter le dergnier de la terre. Je ne l'ai 
jamois rebeyè ni répondu ; ch'est chan qu'i le 
mettoit coire pus en colère. Comme i crioit de 
pus en pus fort, cheux qui passain i s'arretaint 
pour acouter. 11 est venu un sergent de ville. 

— Quèche qu'ameute comme lo ches gens ? 
qui demanne. 

M. Lampont i veut s'espliquer ; il étoit si en 
colère qui berdouilloit sans qu'o peucbe com- 
préne un seul moût. 

Je me sut levé sérieux comme Dagobert, nou 
deuxième chante, quant il entonne Confitebor 
à che lutrin : 

— Monsieu l'agent, que je dis, éche- t-homme-lo 
il est fou ; édepuis dix minute i m'agonisse éde 
sottisse sans que je li euche di un seul moût ; 
demandez putout à men camarade et pi à ches 
gens qui n'o lo. 

— Est vrai ! qui dite-té tertous. 

Aveu men doigt, éje monte ches pied de 
M. Lampont en disant : 

— Beyez, monsieu l'agent, quant o se promène 



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— 108 — 

da cbes rue d'Anciens aven enne cœudiure 
sale et pi enne oœuchure chirèe, ch'est qu'o 
n'o point tonte. Eohe-t-homme-lo il o pour seur 
érechu an cœup de martien. 

M. Lampont, qui ne 8'altenâoit pointa lelo, 
il est monté d'enne oolére du diabe ; i s'est 
avanchè dessnr mi pour éme hamer nn cœup 
de puing. Bche sergent de ville 1 n'o ïéu qné 
le temps de l'empongner au collet ; il To mené 
tout de suite à l'hôtel-Diu pour el foire son- 
gner pace qu'i croyoi avoir affoire à un fou 
furieux. 

Enne heure après, on ne parloit da le ville 
éque d'éche fou que J'avois foi afrreter ; tont le 
monne disoit que ]é n'n avols sorti par enaè 
bêle porte. 



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J»Jiw1: 



— 109- 
XXXIX 

UN DROLE DÉ COCHON 



Tintin Pierrout i s'est coire mouquè Peute 
Jour dé che paroonr. Sen moite il avoit ranmenè 
un cochon qu'il avoi acheté à che franc-marché 
de Moreul. En arrivan à le ferme, il o appelé 
che parcour pour qui ramonne el l'étabe à 
cochon et pi qu'il éparche dé le litière pour 
mette el rhabillé de soie. Quant tout o ' tè prêt, 
il o décairqué che cochon. 

Eche parcour il o foit cuire enne boine cœu- 
dronnèe de pumme éde tére, qu'il o portée dal 
Fétabe a cochon quant il ont 'té cuites ; éde van t 
de les widier dal l'euge, i tapotoit l'ianse dé 
che cœudron dessur éche bord pour appeler 
che cochon ; oui, mais, cheti-chi, qu'il étoi 
étendu de tout sen long, il o refrummè ses yu 
après qu'il o ieu vu chan qu'o li apportoit ; i 
s'est remis à dormir sans voloir bouger ni patte 
ni aile. 

En voyant lelo, che parcour il appelé éche 
cochon en li donnant des nom d'amitié : 

— Viens, men quiout cadet ! qu'i disoit ; viens, 
men quiout minon ! beie, me quiote crotte ï 
menge, men quiout porcheu du bon Diu ! 

Rien n'y foisoit ; el l'habillé de soie i n'ou- 
vroit mumme pu ses yu. 

Eche parcour il o widiè sen cœudroa dal 
l'euge; i s'est mi à genou dessus le litière ; il o 



«Co*, 



— 110 — 

prins enne pomme éde tére, qu'il o déplummèe; 
il l'o montrée à s'n habillé de soie ; 

— Beie qu'est boin ! qu'ili disoit enmengeant 
des quiouts morcieu ; viens maquer aveuc mi. 

Gomme éche parcour i n'en flnissoit point dé 
revenir, éche moite il o envoyé Tintin pour li 
dire qu'il avoit besoin de li. 

— Quant éje sut arrivé dal l'étabe, qu'i nous 
dit che berger, je demanne à che parcour chan 
qu'i foit lo. « Ne m'en parlez point, qu'i me dit, 
vlo un porcheu qu'i ne veut point menger de 
pumme éde 1ère ; ch'est pour ello que je me 
mets & nen menger devant li pour li foire vir 
qu'est boin, qu'i n'o point besoin d'ête dégoûté. 
— Ede que poys qu'i vient che porcheu-lo ? — 
Nou moite il l'o acheté à Moreui ; éje n'en sais 
point pus. — Eje té demanne ello pace équeda 
che poys qu'il o 'té alevè i n'o pet-ête point de 
pumme éde tére. — Et pi, quant 'a seroit 
comme lo, en me voyant nen menger mi- 
mumme 'a doit li donner idée de nen maquer 
aussi. — Je ne dis point nan, seulementu sais 
bien que tous ches cochon i ne se ressanne-té 
point. » 



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— 111 — 

XL 

DEUX BENS À SE WÂRDER 



Vlo enne quiote histoire éque Tinlin Pierrout 
i nous o racontée l'eute jour. 

— J'avois enne vingtaine d'ennèe quant os o 
guillotiné Lemaire, Bourse et pi Villet à Ro- 
sières, J'ai 'té vir comme tant d'eutes éde nou 
village. Ch'ét oit le dergnier jour éde dëcembe; 
i foisoi un froid noir. 

Tandis que ses ouvrier i montaint le guillo- 
tine, éche bourrieu il o rentré mon d'un caba- 
retier pour préne quête cose éde cœud pour ése 
récauffer. 

Evilie cabaret il étoit déjo plein de monne 
qu'il attendaint pour vir guillotiner. Eche 
bourrieu il o ieu du mau à truvoir enne plache ; 
tant qu'à la fin, i n'o ieu quate boins bougre, 
qui n'étaint point tristes, qui se sont serrés 
pour qu'i peuche s'assir. 

Tout en buvant, i s'est mi à deviser aveuc 
eux. I volâint savoir quèche qu'il étoit, mais 
i ne s'est point donné à connoite ; i n'n ont tê 
pour Ieu curieusitè. 

Quant il o ieu fini de boire, il o huquè che 
cabaretier pour el poyer. En se levant pour s'en 
aller, il o donné enne pingnie de main à ches 
francs luron qu'il avoi ieu comme voisin, et 
pi i ieu dit : 

— Surtout, mes brave, éje vous donne et 






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- 112 - 

conseile dé ne jamols passer par mes main ! 

Ches-t-lo il l'ont rebeyè fin saisis en attendant 
qu'is'esplique, pace qui ne comprendalnt point 
chan qui voloit dire. 

Gomme i n'en disoit point pus, i nVm q un 
de ches quate lo qui reprend î 

— E je vous donnerai le mumme conseile, men 
camarade; wardez-vous de mi; éne tombez 
jamols da mes main. 

— Cb'est-ti qu'os seroiteun de foescpnfrère? 
qui demanne éche bourrieu. 

— Je ne sais mie que métier qu'os foites, 
pusqu'os ne nous l'iavez point dit. 

— Ch'est mi che bourrieu. 

— Eh bien, mi, qu'i reprend Feu te sans tranner, 
3Je sut che catreu... 



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— 143 — 
XL 

ENHE OUVERTURE ÎDE CACHE 



En buvant se baïonnette lundi au matin, 
Tintin Pierroutin'o point manqué de raconter 
chan qu'il étoi arrivé le veile, éque ch'étoil 
Tl ouverture dé le cache. 

— Tous l's an, qu'i dit, ch'est mi qu'i porte 
el carnassière éde nou moite ei jour d'ouver- 
ture ; éme femme al vo warder ches berbis à 
me plache éche jour-lo. Eche bieu-frére éde M. 
Cauletle, qu'il est du côté de Bray,il est venu 
vir ése sœur. Nou moite i 11 o donné sen deuxième 
fusil pour qu'i voictie cacher aveuc li ; seule- 
men, i n'avoit point de port d'arme. 

Tant qu'i sont restés sur nou terroi, o Hè Un 
bien ; à remontée, il ont cangè de triéche ; il 
ont foit lever quéques compaignie de pertrix 
qu'i se sont envolées su che terroi d'Hangard ; 
i s'zont sui. I n'ont poinieu foi enne chentaine 
éde pos éque nou moite il o aperchu che garde 
d'Hangard qu'i s'a vanchoit vers eux; ése plaque 
éde cuive al éreluisoi au soleile. Gomme M. 
Gaulette i n'étoit point de ches miu aveu che 
garde-lopace éque ch'est enne espèce d'halbran, 
qui ne veut point les quate fer d'un quien, i 
di à sen bieu-frére : 

— Tiens, vlo che garde qui vient par ichi 
pour nous demander nou port d'arme. Reste ichi. 

— I me fero un procès, qu'i dit l'ente ; tu sais 






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— 114 - 

bien que je n'ai mie de port d'arme. 

— 1 n'o point de danger ; éje m'ons ri 
érefoire ; fois attache à che qu'i s'en vo se 
passer. Keste-lo à che moment- chi : aprè£, lu 
t'en iros tranquillemen su che terroi de nou 
village. 

Quant M. Caulelle il o vu che garde qu'i 
s'approchoit, il o mis sen fusil en bandouillére 
pour povoir miu courir à travers camp. Eche 
garde, en voyant un cache u qu'i restoi à le 
mumme plache et pi che deuxième qu'i se sau- 
voit, i s'est dit : 

— Eche prummier il o un port d'arme, mais 
che deuxième il est en défeut ; éje m'ons 
11 attraper pour li foire un procès. 

Lé représentant de la loi i se met don à 
courir ede lous ses forche. Après que nou moite 
il o ieu 'le assez loin, il o ratornè dessur ses 
pos ; éche garde i s'est dréchè devant li. 

— Vou port d'arme ! qu'i li demanne tout 
éhansè. 

-Elvlo. 

— A cœussc qu'os vous êtes mi à. courir ? 

— Gh'est pace éque j'étois écrampi. Os venoi- 
mes éde casser enne croûte en bos dé che 
rillon-lo. J'avois attrapé enne crampe. 

Pendant che temps- lo, éche bieu-frére éde 
nou moite i s'étoienallè tranquillemen. Quant 
il o ieu 'tè su che terroi de nou village, M. 
Gaulette i di à che garde en se mouquautdeli: 

— Beyez, men brave, ch'est cheti-lol là-bos 
qu'i n'o point de port d'arme. Os n'avez point 
'tè malin ; à che-t-heure il est troup tard : i 
n'est pu dessur vou terroi. Adet, m'n homme, 
enne eute fois, éne vous laissiez pu. refoire. 

'A n'o point 'tè iini. 



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- 115 - 

Un mole pu loin, non moite et pi sen bieu- 
frére il ont rencontré Norè che Bis qu'icachoi 
aveu sen bieu-fiu ; écheti-chi i n'avoit point 
de port, d'arme ; il ont bordure che terroi 
d'Hangard pendant quéque temps; à la tin, i 
sont entrés d'enne piéche éde betterave édessur 
Hangard ; il ont tiré dessur enne compaignie 
de pertrix. A ches cœup de fusil, éche garde il 
est accouru. 

— Sauve-té bon train sur nou terroi, qui dit 
Norè à sen bieu-flu. 

Echeti-chi i di à che garde en passan à coté 
deli: 

— Allez foire un procès à che cacheu qu'il 
est étampi là-bos : i n'o point de port d'arme. 

— Oui, oui, je m'en doute bien, qu'i répond 
che garde ; éche cœup-chi je ne vos pu ête 
érefoit comme tout-à-l'heure. 

En arrivan à Norè, qu'i n'a voit point bougé 
de plache, i li demanne sen port d'arme ; l'eut 
i cherche, i racherche da ses poche, da se car- 
nassière pour donner le temps à sen bieu-fiu 
d'avoir érejoint nou terroi. Tandis che tercps- 
lo, éche garde i saquoit sen calepin pour écrire 
ches nom et prénom dé che cacheu en contra- 
vention. 

— El vlo, qu'i dit Norè che Bis en allongeant 
sen port d'arme ; ch'est l'eu te là-bos qui n'n o 
point. Vou vlo coire attrapé enne fois, che 
garde. Os n'avez mie le nez creux. Adet, m'n 
homme ; os vous envoierons des cacheu sans 
port d'arme. En attendant, je m'ons vous foire 
enne quiote réclame da ches gazette ; éche 
préfet i vous fero avoir enne médaile. 

Eche garde i s'est en allé tout moneu en arra- 
chant le peu qu'i restoit de ses cavieu. Pour 



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— 116 — 

ése consoler, 11 o'tèpréne enne culte numérou 
un ; aussi, il o oublié de sonner la retraite ède 
ches cabaret à dix heure du soir. Sen voisin, 
qu'il l'avoit ramené dé ctie café, il l'o foit 
coucher dal Taire dé se grange. A enne heure 
du matin, il o 'lé le réveiller en 11 disant qu'il 
éloit l'heure éde sonner la retraite. Il avoi ieu 
soin de mette é s'n horloge à dix heure moins 
cinq. Eche garde i s'est levé coire un mitan 
seu ; ilo 'lé vir ai l'horloge et pi i s'est en allé 
sonner le cloque. Ches gens, qu'il étain endor- 
mis, i se sont réveillés ; il ont couru al l'église 
pour savoir iou qu'i n'avoit du fu. Eche garde i 
leus o répondu que ch'étoit la retraite qu'i 
sonnoit. 

— Ch'est sans doute el tiéne dé retraite, qui 
nen o un qui dit. Tu ne feros jamois que des 
betisse. Os n'n avons assez de ti. 

Tous cheuxqu'i n'a voit lo il l'ont porsuit en le 
houpant. 

J'ai idée que dé che cœuplo, qu'i dit Tintin 
Pierrout, éche gai de d'Hangard i ne portero 
pu longtemps se plaque. 



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— 117 — 

XL! 

UN GENDARME QUI SE LAISSE PRÉNE 



Lundi passé, qu'i nous o di hierTinlin Pier- 
rout, i n'n est coire arrivé enne drôle à che 
maoara de parcour. Il a voit 'le le veile à che 
concours agricole éde Moreul. Gomme il est 
rentré tard, el lennemain il o dormi da ches 
camp en wardant les vaque. Ses bêle, en voyant 
qu'i n'étaint pu songnèes, i se sont mi à randir 
éde tous les coté da ches piéche éde verdure. 
Eche parcour i dormoit toujours à che pied 
d'enne moie au Pomme. Tout d'un cœup,un taon 
el pique au bout de sen nez ; i se ré veile ; i 
rebeie, pu de vaque. I s'éyeufe tout d'enne 
ébondie en s'arrachant ses cavieu ; i se met à 
courir jusqu'à che rillon au bout dé le piéche; 
i voit ses vaque à enne piéche éde betterave ; 
i se met à les postiqueràfondde train. Gomme 
midi sonnoit, i s'z o ramenées à le ferme. 

En revenant, i s'est retornè pour savoir s'i 
n'a voit point quéqu'un qu'il avoit vu ses vaque 
à ches betterave. Iloaperchu au loin un gueveu 
noir qu'i galopoit da ches gaquére et pi, par 
driére, un homme aveu un capieu à corne qu'i 
couroi après che gueveu. 

Eche parcour i s'est mi à taper à grands 
cœup de cachoire sur ses vaque pour rentrer 
au pu vite. 

— Pour seur, qu'i s'est di àpartli, ch'est un 



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— 118 — 

gendarme qui me guettait pour éme foire un 
procès ; si sen gueveu ne s'étoit point sauvé, 
j'érois 'té prin3. A che-t-heure, i n'o mie pu 
de danger. Je m'embarrache point mai éde li, 
qu'i s'est di en li foisan un pied de nez. 

A ches prummiéres moison, éche parcour iio 
rencontré Minmin Patelout aveu sen flu et pi 
leu domestique qu'il allaint cairquer enne voi- 
ture éde verdure ; i leus o raconté chan qu'i 
venoit de vir da le vallée de Méziére?. 

— Justemen, qu'i li dile-te, os allons par lo. 
En arrivan à leu piéche, il ont vu eue gueveu 

écappé qu'i couroi en faisant des bond. Un 
mole pu loin, il ont vu un gendarme qu'il étoit 
muehè d'un bisson dessur éche rillon, qu'il 
attendoit sans doute éque sen gueveu i fuche 
tout prés de li. 

Tout d'un cœup, vlo che gendarme qu'i se 
met à seuter et pi qu'i déringole en bos dé ohe 
rillon en s'étendant de tout sen long. Minmin 
Patelout i seule dé se voiture pour aller 
porter secours à che gendarme, en étandis que 
sen flu aveu sen domestique i court-te après 
che gueveu. 

— Os avez-ti du mau, m'n homme ? qu'i 
demanne Minmin en approchant tout à loisi. 

Point de réponse. 

— I seroit don mort, par hasard ? Ghé sero 
à farche d'avoir couru après sen bidet. 

Patelout iiavanchecoire pu prés ; i s'aboisse ; 
il ouve ése bouque et pi ses yu tout grands. 

— Ah ! vingt lé- warou! qu'i dit toutheuten 
, rélevant che gendarme, ch'estun de ches ballon 

qu'il ont foit partir hier au soir à Moreul. Ah ! 
que tour ! Eque j'ai-ti ieu peur ! Ejen'aijamois 
tè si saisi dé me vie. 



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— 119 — 

Au mumme moment, sen tiu aveu sen do- 
mestique il arrive-te aveu che gueveu. Eche flu 
Minmin i dit : 

— Ch'est ches ballon en beudruche qu'os o 
foit partir hier à Moreul ; i seiont queuls par 
ichi d'enne piéche éde verdure da le fraique- 
tumme ; après qu'il ont 'le ressuès au soleil, 
il est venu un cœup de vent qu'i s'z o foittra- 
veter da ches camp. 

- Beie, qu'i dit Pateiout à sen domestique, 
tu porteros ches bricole-lo mon de nou maire ; 
t'éros de quoi boire enne baïonnette. 



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— 120 — 

XL11 

D'ENNE TONNE AU... MIÉ 



— Avez-vous quéle cosse à nous racon- 
ter dé che parcour ? que je dis dimenche à 
Tinlin Pierrout. 

— Justemen, qu'i répond, je li ai juè un bien 
tour hier au soir. 

Edepuis qu'o foit le veile, pendant quéqces 
samedi, os entendoimes dé le moison de nou 
moite enne marguetle braire da le cour. 
Gomme éche parcour i n'y étoit point, pace 
qu'il étoit parti se foire raser mon Roger, 
ch'étoit mi que che moite il envoyoit vir quoi 
qu'i n'avoit. En ouvrant le porte, j'aperchuvois 
le marguetle qu'ai étoi attaquée à che cliquet 
aveu sen cordelet. 

Ch'étoi un malzant qu'il alloit déloyer le 
béte da s'n étabe pour venir el Pamener-lo ; i 
le pinchoi à s'n éreile pou le foire crier ; i 
se sau vol après pour nous vir courir da le cour. 

El samedi au soir da l'hiver, i vient toujours 
du monne mon de nou moite ; 'a foit que tons 
cheux qu'i se trouvaint-lo i se mouquaint de 
mi à chaque fois. 

Eje mé demandois quèche qu'i povoit 
bien foire éche tour-lo. 'A ne povoi ête que 
che parcour, vu qu'i rentroit toujours sitout 
que j'avois allummè me lanterne pour aller vir 
à le marguette. 

Eje quemenchoi à mé recrandir dé le farce- 



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YHWO 



— 121 — 

lo. Ch'est rien, que je me sut dit, éje finirai pa 
te préne, men gailiard. 

Gomme ch'étoit toujours à peu près à le 
mumme heure que che tour il étoit foit, je rae 
sut en allé un quart d'heure édevant dal 
l'étabe à marguette ; j'ai déloyè le béte éque 
j'ai 'tè atiaquer da l'eute cuin. J'ai prins un 
deuxième cordelet éque j'ai ahoquè à men 
cou et pi j'ai passé l'eute bout da che billout à 
le vraie piache dé le marguette. Eje n'ai point 
ieu sitout tini, que le porte del Pélabe a' s'est 
ouverte tout duchemen. Eche farceu i s'est 
avanché en tatant à le palissade jusqu'à le 
piache qu'ai étoit d'habitude el marguette ; il 
o défoit che nœud dé che billout, et pi il o 
sorti del l'étabe en tenant che cordelet croyant 
que le marguette a' le suivoit. 

Eje marchoi à quate patte ; comme o ne 
voyoit ne broquenziu, éche farceu i né se dou- 
toit dé rien. 1 suivoit sen quemin d'habitude, 
en riant tout heut à part li dé che tour qu'il 
alloit juer. I ne s'immaginoit mie qu'il alloi 
ête bien attrapé. 

1 folloit passer à che pignon dé le grange 
iou qu'i n'o enne tonne d'enflquée da le tére ; 
al sert éde commodité à ches ouvrier dé le 
ferme. Quant éche parcour il o 'tè arrivé juste 
en face, j'ai défoit che lâche dé che cordelet à 
men cou, je me sut étampitout d'enne ébondie ; 
j'ai aherd men farceu pa-desous ses aissiéle et 
pi, édevant qu'il euche ieu le temps de foire : 
Oaf ! jel l'ai enflqnèda le tonne jusqu'à ses rein. 

En étandis qu'i se dessaquoit de lo comme i 
povoit, je me sut sauvé. Je me sut décantornè 
pour rentrer par ches rue mon de nou moite. 
J'ai raconté à cheux qu'i n'avoil lo éche tour 



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— 122 — 

que je venois de juer à che parcour. Pour leu 
foire vir éque je ne mentois poinl, j'ai allummè 
me lanterne pour ess'zé mener & le tonne. I 
n'ont point volu aller jusqu'à-lo : i n'avoitmle 
moyen d'y tenir ; éche parcour, qu'il étoit 
coire édedens, i ne fcisoit que piétiner da le 
tonne sans poyoir ése déflquer. A la fin, j'ai 
'tè obligé de li téne enne longue perche pour 
el saquer. 

En sortant de lo, i ne senloit point le musc. 
J'ai mumme idée qui n'n éro coire pour un bout 
à se défaire dé che flair-lo. Seulemen, je crois 
que che né seropu demain qu'il érequemenchero 
à foire des farce aveu le roarguette éde nou moite. 



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- 123 — 
XLIH 

CHES TROIS POULET 



Eche parcour éde men moite, qui disoi hier 
Tintin Pierrout, il o enne sœur qu'ai est si 
bornée que li. Al est aussi en service. 1 n'o 
quèque temps, al o ieu le chance éde povoir 
entrer comme servante mon d'un curé de nous 
environ ;seulemen, a' n'y o point foit long fu. 
Eje m'ons vous dire à cœusse. 

Pour l'an, M. le Curé il o rechu trois poulet 
éde trois màrguillier ; il o dl à Joséphine, ése 
servante : 

— 1 feut mette ches trois cou-lo d'enne cage ; 
os n'n érez bien soin pour qu'il engraisse-té 
vite. I n'en éro un pour mardi-gros, un pour 
la mi-caréme et pi che troisième pour Pâques. 

Quéques jours après, il est venu un pofe dé 
dehors édemander sen pain à che prébytère 
comme i foisoit tous les semaine. M. le Gurè 
i n'y étoit point ; il éloi parti en voyage pour 
plusieurs jour. 

En voyant che pofe, Joséphine a' li dit : 

— Ôs arrivez bien, men brave homme ; i n'o 
lo quête cose pour vous. M. le Gurè il o rechu 
trois cou ; i m'o requemandè dé n'n avoir soin 
en me disant qu'i nen avoi un pour Mardi- 
Gros, un pour é s'n ami Carême et pi un pour 
Pâques. Gomme os arrivez che prummier, 
venez, os coisirez. 



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— 124 — 

Eche mendiant il étoit surnommé Mardi- 
Gros édepnis qu'i s'étoit habillé en masque à 
enne mascarade, iou qu'il avoit représenté 
mardi gros ; el cavalcade-lo al avait foil tant 
de bruit quesen nom i 11 étoit resiè. 

Eche mandeu de pain, qu'il étoi habiiué à 
rechuvoir un morcieu de pain o bien un sou, i 
s'est douté tout de suite que le dalue de servante 
a' n'avoit point coraprins chan que M. le Curé 
il avoit volu dire. I s'est dépéché de coisir 
éche meilleur cou ; i li o loyè ses patte pour 
el mette da sen saclet ; il o remercié Joséphine 
et pi il est reparti au pu vite. « 

£1 servante al li o bien requemandé devant 
qu'i frurame el porte d'envoyer au pu vite ses 
deux camarade Carême et pi Pâques s'i s'zé 
rencontroit. 

Da ches rue, Mardi-Gros il o aperchu Carême 
et pi Pâques, équech'étoit deux mandeu de pain ; 
il o 'té leu dire d'aller touide suite à che pré- 
bytère pace qu'i n'avoi un poulet pour eux. I 
ne volaint point le croire ; pour leu prouver 
qui disoit la vérité, i leus o foit vir el siéne. 

Sitout qu'il ont 'té arrivés mon M. le Curé, 
el servante a' leus o remis ches deux cou. 

En rentrant, M. le Curé il o demandé à José- 
phine quoi qui n'avoit de nouvieu. 

— Vou trois poulet i sont partis ; éje n'érai 
pu besoin d'acheter de son pour leu foire dé le 
pâtée ? 

— Quement ? Quoi qu'os volez dire ? Os avez 
laissié le porte éde leu cage ouverte, malhé- 
reuce ? 

— Nan ; ches trois pofe i sont venus ; éje 
leus ai donnés. 

— Je ne comprends point. Expliquez-vous. 



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— 125 — 

Quoi qu'os volez dire? 1 n'éro sans doute ccire 
quéque bétisse lo-desous. 

— Point du tout. J'ai foit chan qu'os m'avez 
quémandé. Vous rappelez- vous che qu'os m'avez 
dit? 

— Oui. 1 n'en a vol un pour mardi gros, un 
pour la mi-caréme et pi un pour Pâques. 

— Gh'est leio. Eh bien, i sont venus toulé 
trois. Je leus ai donnés. 

— Quoi qu'os me ratatouillez-lo, espèce éde 
nigœude ? qu'i dit M. le Curé, qu'i croyoit 
troup bien compréne. 

— Mardi-Gros, éche pofe éde vou annexe, il 
est arrivé cheprummier; Carême, écheli qu'os 
protégez et pi qu'os appelez toujours l'ami 
Carême, il est venu après aveu Pâques ; éje 
leus ai donné à chacun un cou. J'ai don point 
bien foit vou commission ? 

— Malhéreuse I qu'i foit M. le Curé en lais- 
siant requeir ses bros, os n'en ferez jamois 
d'eule. J'ai volu dire qu'i n'avoi un poulet 
pour été raengè le jour du mardi gros ; éche 
deuxième, el jour éde la mi-caréme, et pi che 
troisième ei jour éde Pâques. Os irez tout droit 
da le paradis, me brave flle ; Note Seigneur 
il o dit : « Bienheureux les pauvres d'esprit, 
car le royaume des cieux est à eux. » En atten- 
dant, os allez chercher enne eute plache pace 
éque si os restoite ichi os me mettroite su le 
paile. 

Ch'est comme lo, qu'i dit Tintin Pierrout, 
que le sœur dé cheparcour al s'est travée sans 
plache. 



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— 126 — 
XLIV 

UN YANTEU 



— I n'o longtemps qu'os ne nous avez rien 
raconté dé che parcour, que je dit Feule fois à 
Tintin Pierrout en li faisant verser eni»e 
baïonnette. 

— Est vrai, qui me répond, Edepuis que je 
sut au parc, je ne sut pu au courant dé che 
qui foit. Seuleinen, je m'ons vous appréne 
chan qu'il est arrivé enne fois à che grand 
José, sen père, éque ch'étoi un vanteu comme 
i nen o point à dix iue à la ronne. 

Et don, éche grand José i revenoi enne fois 
dé dehors par enne pleufe du diabe; ése lémou- 
sine al étoit trempée comme enne soupe. En 
route, un monsieur à cabriolet il Po rejoint ; i 
li o demandé s'i voloit monter aveuc li. L'eu te 
i n'o point demandé miox. 1 se sont mi à de- 
viser de ches camp. EAe monsieur i dit : 

— Vlo du bieu blé. 

— Oui, ch'est du bieu blé ; el piéche-lo ch'est 
à mi, qui dit José en tapant se main au se 
gamme. 

Un mole pu loin, éche monsieur il admiroit 
despiécheéde betterave, d'aveine, éde sainfin. 
A chaque fois, éche grand José i disoi en tapant 
tout partout sur ses genou, sur ses gamme, su 
se lémousine : 

— Ch'est à mi le piéche-lo, pi colre chéle-chi, 



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— 127 — 

pi coire chéle-lol ; tenez, le granne piécbe lo, 
ch'est aussi à mi. 
Eche monsieur i se disoi à part li : 

— Vlo un homme qu'il est rudemen ;iche ; o 
né le diroit point à le vir. 

En arrivant da che village, éche grand José 
il o demandé à che monsieur de foire arrêter 
sen guevo devant enne béie granne ferme. 

— 1 n'est point pofe tout de mumme, qu'i 
pense à part li che monsieur ; ch'est sero un 
avaricieux. 

Quant José il o 'té déchendu, éche monsieur 
il o di hue ! à sen guevo ; il l'o foi arrêter 
deux pos pu loin. 11 o vu que José, à le plache 
d'entrer da le ferme, i montoi un perron de 
tére en face d'enne méchante cambusse ; il l'o 
bien ravisié ; il o vu qu'i n'avoit pu de vingt- 
cinq piéche éde tous les couleur à che patalon 
pi al lémousine éde José : ch'étoit comme un 
damier. A un cœup de vent qui s'est donné, il 
o vu que cbe patalon dé che vanteu il étoit 
ouvert da ches fourque. 

En voyant che treu-lo, el l'étranger, qu'il o 
comprins, il o di à José en semouquant de li : 

— Un grand jour ése prépare. 1 feut foire éd's 
économie, men brave homme, pour coire acheter 
enne eut© piéche. 

Eche père éde nou parcour i s'est trouvé si 
moneu qu'il o rentré tout de suite dasecassine 
sans réponne à che-t-homme. 






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— 128 — 
XLV 

ENNE BERLUQUE 



El lundi de nou fête, qu'i nous o raconté el 
lennemain Tinlin Pierrout,ilest venu un chante 
d'un poys dé dehors pour canter le messe éde 
Requiem. Il avoienne voix rare. Tout partout 
iou qu'il alloit canter, i venoi un monne fou 
pour el l'acouler ; o se 1*1 arrachoi à dix lue à la 
ronne. O ne diro point qu'i n'o que ches por- 
cheu qu'il aime-té che son... 

Si che chante-lo il avoi enne bêle voix, il 
avoi aussi un boin gasiou ; il l'arrousoit sou- 
vent pou ne point avoir el pipie ; o dit que che 
métier-lo i donne soi. 

Don, en sortant dé le messe, tous ches of licier 
d'église il ont 'té au cabaret pour ése rafair- 
chir. 1 se sont mi à boire tant et pus ; chacun 
voioit poyer se tornèe. 

I n'avoit déjo un boin moment qu'il étain 
attablés quant éche chante i dit : 

— A che-t-heure, éje m'ons poyer me tornèe ; 
ch'est men tour ; ché sero le dergniére, pace 
éque j'ai faim ; os irons diner après. 

II appelé don d<* le bière ; quant il o ieu bu le 
milan dé se chope, il o follu qu'i sorte da le 
cour. En étandis che temps-lo, éche bédeu, 
qu'i ne cherchoil qu'à foire des narque, i voi 
enne séris qu'ai étoit prins d'enne surquéle en 
bos dé che comptoir, il aherd bien rade el séris, 



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- 129 — 

i le jéte da che vôirre dé che chante, pi 1 le 
remplit de blére en le faisant mousser tant 
qu'i peut. 

— A vou sa itè ! qu'i dit che bédeu à che 
chante, qu'i rentrait dé le cour. 

— A vou santé à tertous ! qu'i répond che 
chante en choquant sen voirre aveu tout le 
monne. Buvons un cœup, comme dit che pro- 
verbe ; quant nou vaque aile... vélero, os... 
Ureron8auvieu. 

D'enne seule gorgée, éche chante il envale 
tout chan qu'i n'a voit dasen voirre; a' déchen- 
doit comme d'un bos de soie ; portant, il o foi 
à un momen comme un quiout reupe. 

Cheuxqul n'avoit lo aveuc li, i se sont rebeyès 
fin saisis ; i nepovaint point croire qu'il avoit 
peu envaler le sérissans s'aperchuvoir dé rien. 
Personne éne dlsoit moût ; il étaint tertous 
aveu leu bouque ouverte. 

— J'ai idée qu'il est queut quête cosse da men 
voirre en étandis que J'ai 'té da le cour, qu'i 
foit che chante ; o diroit que j'ai sentu comme 
eune berluque passer da men gasiou. 

Tous s's eute i se sont mi À rire en disan à 
part eux : 

— 1 feat-ti tout de mummequé che lé-warou- 
k> il euche enne rude gargate ! 



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— 130 — 
XLVI 

UN ATTRAPEU ATTRAPÉ 



Pour el Toussaint, Tintin Pierrout il o 'tè 
envoyé par sen moite Amien3 émener enne 
vingtaine éde berbis qu'il avoit vendues 
à un boucher. Quant il o ieu livré ses béte, 
éche berger il o randi un mole da le ville en 
attendant l'heure dé che train pour érevenir à 
nou poys. Da le rue des Trois-Cailleu, il o foit 
le renconte éde grand José, de Minmln Hubert 
et pi de Tannis Plaqué ; il ont 'té boire enne 
baïonnette ensanne. Gomme i sortaint dé che 
café, i se sont tapés dens Zidor Malcampè, 
éche berger d'Hourges, qui passoit. A s'n 
habitade, Tintin il l'o gouaille un moié pour 
foire rire es'z eûtes. Malcampè il o volu se 
revenger à sen tour. 

Tandis que Tintin i houssoit aveu se main 
ches bavion qu'il avoit foi en riant dessur ses 
mousse et pi sen menton, Malcampè ilolanchè 
se main da le poche del l'habit de Tintin ; i 
n'n o raveint se blaque à toubac pour li foire 
enne farce ; tout de suite, il i'o quiltiè ; tout le 
monne s'est séparé pour aller l'un d'un coté, 
l'eute éde l'eute. 

— Tintin i vo été bien embêté, qu'i se disoi 
à part li Malcampè : quant i rebeiero da se 
poche pour préne enne chique, i ne trouvero 
pu se blaque. 



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-— 131 — 

Oui, mais, à che moment-lo, vlo che berger 
de Hourges qui sent que quéqu'un i H met se 
main dessus s'n épeule ; i se retorn§ ; i voi an 
sergent de ville qu'i li dit : 

— Os allez venir aveuc mi. 

— lou? 

— Au commissaire éde police. 

— Quoi foire ? 

— Os êtes un voleu. 

— Mi, un voleu ? qu'i foit Malcampè en rian 
à gaffée. Ch'est-ti qu'os vous f...ichez de mi ? 

— Allons î allons î ne m'insultez point. Eje 
vous ai vu préne el blaque qu'os avez coire 
da vou main. 

— Ch'est pour foire enne farce à men confrère, 
Tintin Pierrout, qu'il est berger comme mi. 

— Os le connaissez ? 

— Bien seur éque je le connois. 

— Eje m'ons savoir si est vrai, qu'i dit che 
sergent de ville enappelan un de ses camarate 
pour songner Malcampè tandis qu'i s'est mi à 
courir après Tintin. Quant il Po ieu rejoint, i 
li o dit qu'un voleu venoitde li préne ése blaque. 

— Est vrai, qu'i foit Tintin en mettant se 
main da se poche. 

— Venez aveuc mi, éje vous ferai vir éche 
voleu. 

En aperchuvant Malcampè, Tintin i s'est 
promis del lé refoire. 

— Nou boin qu'os sommes des vieilés connais- 
sance ? qu'i li dit Malcampè. Beie, vlo le blaque 
que je t'ai prins pour rire. 

— Os vous trompez, men brave homme, qu'i 
foit Tintin d'un air sérieux. Os êtes un voleu ; 
sans che sergent de ville-lo, éme blaque al 
étoi escarmotée. Oui, os n'êtes qu'un voleu. 



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— 132 — 

— Ta veux rire, men camarate. Ta me eon- 
nois bien pasqa'os nous sommes coire parlé 
tout à, l'Eure. Ta sais bien qu'o ra'appéle 
Malcampé d'Hourges. 

— Os avez parlé à cheux qui n'a vol avenc mi ; 
quant à mi, je ne vous ai jamois tant va... 

— Bon, bon, qu'i foit che sergent de ville, 
assez cœusé. Allons, ouste ! Os allez venir à 
che commissaire, M. Malcampè. Et pi vous, M. 
Tintin Pierrout, os nous accompaignerez pour 
foire vou déposition ; après, os enfru aimerons 
che voleu-lo à che Bicête. 

En arrivant édevant che commissaire, éche 
berger d'Hourges i n'en cachoit point iarque ; 
i s'aperchuvoit que pour enne quiote farce qu'il 
avoit volu foire alloit venir vilain pour li. 
Tintin i n'n o ieu pitié ; il o dit quéques moût 
al Péreile dé che commissaire ; écheti-chi il o 
di à che sergent de ville éde se retirer pour 
un moment aveu che voleu d'un quiout cabinet 
à coté. Tintin il o raconté à che commissaire 
el farce éque Malcampé il avoit volu li foire et 
pi chan qu'il avoit foit ll-mumme pour li juer 
un mauvais tour. Eche commissaire i n'n o ri 
à nen pissier da sen cainneçon. Il o di À Tintin 
de se retirer ; il o foi appeler Zidor Malcampè, 
qui li o raconté le mumme chosse. Eche commis- 
saire i li o foit enne quiote morale bien tapée. 

— Os povez vous en aller, qu'i li dit en le 
renvoyant, mais ne vous avisez pu jamois de 
foire des narqaeà vou confrère: il est bien pu 
malin que vous ; os n'êtes point de taile aveuc li. 



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— 133 — 
XLVI1 

PASSE ÉDEYANT MI 



Lundi dé le semaine dergniére, éje pas soi s à le 
déjeunèe devant che cabaret d'en heut quant je 
me sut en tend a huquer par Tinlin Pierrout. 
11 étoit lo depuis pet-ête pu de deux heure. Il 
a voit bu quéques baïonnette pace qu'i me san- 
noit qu'il avoitpére Hubert. 11 avoi enne jappe 
du diabe ; i n'arretoit point de dire ; i nen 
racontoit de tous les couleur. 

— Tenez, qu'i di en s'adréchant à mi, vlo un 
beudet de quiout Toine qui n'est point foutu 
de réponne à le question que je liai posée i n'o 
un quart d'heure. Je 11 al dit : « S'i n'a voit lo 
cinq quiouts galopin, que je ieu donne pour e jx 
tertous quinze poire, vingt pumme, trente 
pronne et pi quarante noix, quoi qu'il éront 
chacun ?» 'A n'est portant point malaise. 1 me 
répond qu'il éront chacun trois poire, quate 
pumme... Eje li disque che n'est point lelo. 

— 1 n'éront pu rien pace qu'il éront mengè 
toute, qui dit che malinout de grand Gusse, 
qu'il étoit lo. 

— Tu brûles î qu'i foit Tinlin, mais che n'est 
point lelo. 

— Quoi que ch'est, pour tinir ? 

— Ches cinq galibier il éront du mau à leu 
panche, pace qu'i se seront dépêchés de menger 
toute tout de suite. 



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— . 134 - 

Tout le monnè s'est déclaquè à rire. 
Ud raomen après, éche berger i pose ése 
pipe Gambier dessur el tape. 

— Serois-lu capape dé le casser en deux ? qu'i 
demanne à Béric. 

— Je ne serois point génè. 

— Veux-tu gager que tu né le casseros point 
en deux ? 

— J'ai idée que t'est fou o bien que t'est seu, 
men pove copére, à m ins qu'a ne f uche les deux. 

— Parions, si ch'est lelo. 

— Eje veux bien ; enne baïonnette à. tous 
ches gens qu'i n'o lo. 

— D'accord ! 

Vlo Béric qu'il éyeufe sen puing en hamant 
un grous çoeup ; il éberdéle el pipe en chent 
morcieu. 

— El l'os-tu vu. qu'i di à Tiutin, si je nel 
l'ai point brisièe, espèce éde têtu, de mulet 
d'Auverne ? J'ai gaignè ! J'ai gaignè ! 

— Tos perdu ! T'os perdu ! 

— Quoi que tu dis ? Eche cœup-chi est troup 
fort. T'est seu, Tintin. 

— Eje té dis que t'os perdu, pi je le prouve. 
Tu n'os point cassé me pipe en deux comme il 
étoit dit da nou pariure pus éque t'os foit chent 
morcieu. Est-li point vrai? Demanne à le galerie. 
Poie, m'n homme, poie, tu seros bien considéré. 

Tout le monne s'est coire mi .1 rire éde pu 
bêle. Quéqu'un qu'i ne rioit point, ch'éloit Béric 
pace qu'il ailoit n'n avoir pour enne boine 
claque à poyer tous ches baïonnette. 

Oui, mais, tout d'un cceup, vlo le porte éde 
ches rue qu'ai s'ouve vivemen et pi enne femme 
al rente comme un dragon ; ch'éloit le femme 
dé che berger ; al s'en vo droit à li pour li 



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— 135 — 

mette sen puing devant sen nez. 

— Quement, qu'ai dit tout en colère, t'est coire 
seu, grand bu vatier ? Ta crois don que tu 
morrois si tu passois enne jornèe sans boire 
été baïonnette ?•;.*. 

— Mi ? Nan, men quiout minon, qui foit 
Tiotin en filant au doux, tout en colichant se 
femme pour el l'amiotter, nan, point du tout. 
J'ai déjo 'tè enne fois pu de six mois à ne préne 
éque du lait : je ne m'en truvois point pu pire. 

— Ti, grand ferlapier ? J'ai du mau à le croire 
et pi tout le monne ichi. T'étois malade, pour 
seur. 

— Est portant vrai, pi je n'avois point de 
mau du tout. 

— Che n'est point depuis nou mariage, tou- 
jours. 

— Ah ! nan ; i n'o biécœup pu longtemps. 

— Quant-jou ? 

— Bien, je m'ons té le dire, éme qui oie mi- 
nette : ch'étoit quant éje prendrois le tète... 

A le réponse-io, vlo qu'os nous mettons à rire 
tcrlous comme des fou ; i n'a voit que le femme 
dé che berger qu'ai mousoit ; o voyoil que le 
moutarde a' li montoit. Tout d'un cœup, vlo 
qu'a' se met à agoniser s'n homme édesollisse ; 
li, il aboissioit se télé sans jamois réponne ; il 
avoit l'air si .?oulne d'ête arrengè comme lo 
devant nous, qu'i ne sa voit point îou se melle. 
A la fin, i s'est leyè tout en canchelànt. Se 
femme al l'aherd par sen bros en li disant : 

— Passe édevant mi tout de suite si tu ne 
veux point avoir du ramon. 

Tintin il o filé comme un péteux. Os o 'le pu 
de huit jour édevant Fié revir au cabaret. 



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— 136 — 
XLVIU 

QUE SANCE ! 



— I n'a longtemps qu'os ne nons avez rien 
raconté dé che parcoor, que je dis l'ente jonr 
à Tinlin Pierront. Gh'ost ]on qui ne foit pu rien 
à l'envers, rien à lé rebous du boin sens ? 

— Point si vite ! qu'i répond che berger. Os 
allez vir. 

— Quoi qu'il o don foit ? 

— Eje m'ons vous le dire. Point pu tard 
qu'hier au matin, nou dame al l'o envoyé 
queurre deux lèle neuf es qu'ai avoi achetées 
mon dé cbe grand Mimiie. En revenant k le 
ferme, i demanne à le dame ion qu'i feut g'zé 
mette ; a' 11 dit de les porter da che forai!. 
Eche mal à patte i s'en vo pou s'zé poser 
dessur el moet ; i manque sencœup; i queit-te 
k tére toutes deux. 

— Quoi que tu fois ? qu'a' li crie le dame ; 
t'os cassé ches télé ? 

— i n'en o qu'unne éde cassée» Que sance ! 

— Tu trouves éque ch'est dé le chance d'avoir 
cassé enne télé neufe, ti ? Tu volois don s'ssé 
casser toutes deux ? 

— 1 nen o unne qu'a' n'o rien du tout. Ah ! 
que sance ! que sance ! qui redit coire el 
l'imbéciie-lo» 

Eche basou-lo, qu'i continue Tintin, i n'o 
point pu de jugeotle qu'un enfant. Je me 



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— 137 — 

rappelé clian qu'est arrivé enDe fois à che flu 
de nou moite qu'i n'avoit point pu de sept an. 
11 o toujours 'tè fin gadru. 

J'étois au parc tout prés dé che bous d'Hénon. 
Gomme éche parcour il éloit parti mener enne 
vaque à toire, nou dame a' m'o envoyé à dincr 
par sen quiout flu. 11 avoi un bieu pout à berger 
tout nœu, qu'i miloi au soleil. Je le voyois de 
loin qu'i marchoit tout duchemen comme un 
quiout homme. 'D'un cœup, i voi un bieu 
papillon rouge, blanc, ganne, éde tréne-six 
couleur, qu'i randissôit da ches camp autour 
éde li, pa-devant, par driére, à gœuche, à 
droite, enheut. Vlo che quiout galtbier qu'i se 
met à le porsuire pour el l'attraper. Il folloit 
vir comme i tricotoit ses quiotés gamme : i ne 
voyoit que che papillon. Oui, mais, vlo-ti point 
qu'il arrive à le bord dé le terriére et pi qu'i 
foil berdoudouf ! El vlo queut du heut en bos. 

Tout de suite, éje cours pour el ramasser 
croyant qu'il est tué. En arrivant, je le vois 
trondelè à tére ; i tenoit toujours sen pout à 
berger da se main ; i disoit : 

— Àh ! que sance éque j'ai-ti ! Men pout i 
n'o rien ! Men pout i n'est point brisié ! Ah ! 
que sance éque j'ai-li ! 

Eie 11 crie de se lever. En volant s'étampir, i 
requei à tére. J'arrive pour el raidie r, éje vois 
que se gamme gœuche al est démis. 

Jel l'ai prins da mes bros pour el porter à 
leu moïson. I n'o jamois prins d'attache à se 
gamme ; tout le long dé che quemin i ne foisoit 
que dé me dire : 

— Men pout i n'o rien du tout ; i n'e3t point 
cassé. Ah ! que sance éque j'al-ti ! 



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— 138 — 
XLIX 

DA LE PARADIS 



À le dergniére tonte éde ches berbis, Tintiu 
il o foi enne télé ribotte qu'os o *tè obligé dé le 
porter coucher da sen lit. 11 o foi enne boine 
nuit, aussi, el lennemain, pour se remette, il o 
'té, à s'n habitude, boire enne baïonnette au 
cabaret. 

— J'ai foi un drôle dé songe par nuit, qu'i di 
à cheux qu'i n'a volt lo. Je me sut vu moirir. 
Bien rade, enne béne éde quiouts ange i sont 
accourus pour porter m'n âme da le paradis. 
En arrivan à le porte, qu'ai étoi un mole enter- 
baillée, i m'ont laissiè lo pour leus en aller 
sans doute queurre enne entre âme. 

Ne voyant point personne à le porte, éje sut 
rentré sans buquer ni tirer che cordon dé le 
tintette. J'oubliois de vous dire que che quiou 
aigneu que J'ai alevè au biberon pace que se 
mère al est morte en le mettant au monne i 
m'a vol suit comme un quien. 

Eje n'avois point foit deux pos da le paradis 
que je vois enne bêle femme qu'ai ravise men 
quiou aigneu ; écheli-chi i se met à gambiller, 
à lever sen musieu et pi à> se torligner de 
contentement comme enne gens qu'i voit qué- 
qu'un de connaissance. El bêle dame al appelé 
é m'n aigneu, a' 11 pale ; ése voix ch'étoit 
comme enne musique qu'o n'n entend point de 



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— 139 — 

pareile sur la terre ; alaflatte é m'n aigneu,. 
a' 11 donne des quiouts bec sur sen nez, sur ses 
yu, sur ses érefle ; 11 1 passoit se lanque su le 
visage dé le sainte, da sen cou, sur ses main, en 
secollchant da ses bieuxcolrondesoie blanque. 
Etoit tin curieux de les vir loutés deux se 
dévourant de caresse. 

Mi je restois lo élampi, lout enlerprins, en 
foisant des yu comme des lanterne. Je ne savois 
mie quoi qu'a voloil dire. Eje mé demandois 
à part mi iou que m'n aigneu et pi le dame 
lo il avaint peu se connoite. 

D'un cœup, le sainle al s'en vo queurre enne 
pingnie d'herbe qu'ai senloit pu boin que du 
baume ; a' le donne à m'n aigneu, qu'i se met 
à le menger à grannés gueulèe ; après, a' 11 
apporte d'an bol d'argent enne espèce éde 
liqueur comme je n'n ai bu enne fois à nou fêle 
mon de nou moite, qu'ai coûtoit pet -êle quinze 
sou un quiout voirre. J'érois bien partagé aveu 
m'n aigneu ; à la minute» il o ieu tout envalè ; 
il o relevé se tête édevers el dame en se porlé- 
quant comme si i nen voloit coire. 

— Os ne savez point, men brave homme, 
qu'a' me dit le sainte, que bonheur éque j'ai de 
vir el quiote béte lo ! Eje n'en sut remuée 
depuis mes ortillon jusqu'à me queue d'éronne. 
Da men joine temp?, quant j'étois sur la terie, 
éje wardois aussi les berbis. 

— Gh'esl-ti qu'os seroite sainte Gènevieu/e 
éde fcanterre ? éque je demanne en trannant. 

— Ch'est mi-mumme, qu'ai foit. 

Os alloime nous mette en route à deviser 
de nou métier quant il est arrivé un homme 
aveu enne lonque barbe blanque et pi se tête 
pelée, qu'i tenoit des grosses clef da se main 



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- 140 — 

comme si voloit taper aveu dessur mi. 

Ch'étoit saint Pierre, qu'il avoit laissiè le 
porte du paradis ouverte en étandis qui foisoi 
enne partie de carte aveu un de ses camarate 
par driére un pillier, pace qui n'avoit point le 
droit de ]uer da le paradis, vu qui négligeoit 
sen métier de portier ; il avoit laissiè longtemps 
à le porte des grands saint qui n'entendoit point 
buqner. Enne fois, qull avoit perdu tout s'n 
argent aveu le diape, il avoit juè d's amè, qull 
avoit coire perdues. 

— Quoi que tu fois-lo, espèce éde vastépluc ? 
qui me di en saquant des yu comme des quin- 
quet ; te plache a' n'est point ichi ; prends 
Jacques Desloges pour ten procureu et pi 
décampe au pu rade, éque je ne té revoichepa. 

Vlo que saint Pierre i continue à mé n'n en 
dire comme lo quasimen enne heure d'horloge. 
A la tin, sainte Gènevieofe al s'est approchée 
de 11 pour elramisser aveucmi. Inevoloitrien 
enténe, éche viu tétu-lo. Pour finir, a* li dit : 

— Os savez bien, men camarate, que le bon 
Diu il o dit éque quant os est ichi ch'est pour 
toujours. Eche berger-Io il y est, il y restero 
aveu s'n aigneu, coire. 

— Os n'o mie jamois vu lelo, qui disoit saint 
Pierre en berdelant : un ribotteu venir ichi 
aveu enne béte... 

— Os y êtes bien, vous, que je li di un mole 
croqué. Os avez regniè trois fois vou moite à 
le Passion... 

Vlo qui requemenche tous ses dirie en mé 
reprochant les mille- z-horreur. Sainte Gène- 
vienfe al l'o arrêté en li dlrant éque si os 
étoime entrés, mi pi mil aigneu, ch'étoit dé 
sefeute,pace l qui n'étoit point à se quiote 



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i*p 



- 141 - 

Incarne ; al o dit que si le bon Diu i le savoil, 
ch'est seioit pulout 11 qui mettroi à le porte. 

Je me sut approché de sainte Gènevieufe 
pour el lé remercier d'avoir lé si amiteusse ; je 
me sut jeté & ses genou en embrassant se main. 

Saint Pierre il o gratté se tête à le placlie 
qui n'a voit des cavieu da le temps et pi i s'est 
rétuselé en me beyant, 

— Ah ! tu n'n est un fameux ! qui me dî en 
tapant dessus me panche. 

Au mumme moment, je me sut réveillé pour 
enléne éme femme qui me disoit : 

— Quoi qui te passe pour morde éme main 
gœuche ? 

Dé se n\ain droite a' m'avoi envoyé un cœup 
dessus me panche. 

Ch'est chan qui m'o réveillé. Eje n'élois pu 
da le paradis, malheur ! 






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— 142 — 



A MUCHE-MUCHE 



— El semaine passée, qui nous o dl hier 
Tinlin Pierrout, échc parcour édenou moite il 
o coire 'le bien attrapé. 

Ch'étoi à rechinèe. Ches feuqueu de nou moite 
i foisaint des loyen aveu leu ramassoire. 1 
nen o un qu'i dit : 

— Os allons juer à mache-muche. 

Eche parcour, qu'il est toujours prêt à. s'a- 
muser, pace éque comme lo i se repose, i 
répond : 

— Eje veux bien. 

— Ch'est sero ti qu'i se muchero, qu'i li dit 
Béric ; quiout Sanne il éro cinq minute pour 
été trouver. 

— Iou que je m'ons me mette ? qu'i demanne 
éche parcour. 

1 n'avoit lo pet-éte un dizieu de botte éde 
gliure élampies à. le porte dé le grancheparda 
le cour. 

— Sais-tu, qu'i foit Béric, os allons te mette 
da le mitan de ches bottc-lo. Jamois quiout 
Saune é ne s'en doutero ; i né te trouvaro point. 

ChVst chan qu'o 'té foit. Pour quéche mon- 
ché i né se démoliche point, os o mis cinq-six 
loyen au bout de l'un n'n eute, qu'os o loyès 
autour dé che dizieu. Eche parcour il étoi 
aponnè da le mitan. 



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— 143 — 

Quant o 'le fini, os o huquè quioul Sanne, 
qui s'éloi enfrummè dal l'écurie pour né rien 
vlr, pace qu'étoit défendu. Béric 1 s'est dépêché 
de li dire à s'n érellelou qu'il étolt muchèche 
parcour. 

Qulout Sanne 11 avolt cinq minute pour 
trou voir échetl qu'il étoitmuché. If oit semblant 
de chercher da s'z étape, da le granche ; i ne 
Irouvoit rien. 

— Tu n'os pu que deux minute, qu'o crie à 
che chercheu ;... tu n'os pu qu'enae minute ;... 
lu n'os pu qu'enne mi-minute. 

A che moment-io, quiout Sanne il aherd deux 
baquet ; i s'en vo s'z emplir éde roussie à che 
treu à purin et pi il accourt à che monché de 
gliure ; i wide sen pru ramier sieu da le mit an 
en disant : 

— Eje né le irouvaral don point ? 

Au mumme moment, os entend des wan ! 
wan ! comme quéqu'un qu'est pâmé. Tout de 
suite, i verse sen deuxième sieu. Vlo che par- 
cour qu'i s'étampit en s'ébrouant comme un 
guevo qu'il o ieu peur ; il élolt trempé comme 
enne soupe ; el roussie al couloit le long de 
ses cavieu, su se figure, da sen dous, su se pol- 
trinne ; i ne povoit point parier ; comme i 
s'étoit tenu aveu se lêle en l'air pi se bouque 
tout granne ouverte pou ne point être étouffé, 
il avoit tout rechu da ses yu, da sen nez et pi 
da se bouque. 

— Nom des os, qu'i dit, me vlo coire éref oit ! 
Ch'est rien, éje né me laisserai pu attraper. 

— Edevant huit jour, qu'i dit Béric, os ferons 
coire foi enne eute farce. 



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— 144 — 
U 



Quéqne temps après le dergniére esposilion, 
éle béle-mére éde Tintin Pierrout al o étonné 
tout le monne da che village par el bêle 
cherène à la mode qu'o 11 a apportée enne fois 
dé che qaemin de fer. A' ne s'étoit jamois servi 
jusqué-lo que d'enne vielle cherène à batterole 
qu'a' )i venoit dé se grand'mére. El neufe al 
étoi en bous vernis, milant comme enne glace, 
aveu des cherque en nickel. 

£1 dimenche d'après, i nen o ieu un qu'i 
n'n o parlé À Tlntin, qu'i buvoit se baïon- 
nette au cabaret. 

— Bè, qu'i li répond cheli-chi, éje m'ons 
te dire quement qu'a s'est foil. El oherène-lo 
a' ne coûte point quer à me béle-mére ; a' ne 
li coûte mumme érien du lout. 

— Vraimen ! qu'i foit l'eule ; 'a n'est mie 
possibe I 

— Est aussi vrai que je lé le dis. Gh'est enne 
drôle d'aventure qu'i n'n est cœusse. Si t'est 
de troup naxieu, tu boucheros ten nez. 

Eme béle-mére al o 'té invitée à aller al 
Imposition par ches parent d'un quiout norri- 
chon qu'ai o alevè i n'o enne quinzaine d'énèe. 

— Oui, je m'en rappél<>, qu'i dit l'ente ; 
ch'étoi un quiout gadru qu'os avoit surlommé 
che Parigout. 



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— 145 — 

— Ch'est lelo ; t'os bonne mnmmoire. En 
arrivant da le moison, me béie-mére a* n'éroit 
mie jamois reconnu sen norrichon ; il est vrai 
qu'il avoit trois an quant al l'o rémenè ; i n'n 
o dix-huit aujord'hui. Seulemen, quant al 
l'avoit recondai à ses parent, ch'étoi un grous 
patelout, rouge comme enne cerise ; il avoit 
des si grosses fesse qu'i marchoi à l'égarouil- 
lette. A che-t-heure, ch'est un grand paloul, se 
comme un bec-bous, aveu enne figure éde 
déterré, blanc comme un garçon mangnier ; 
i n'o pu ni cul ni panche, des gamme comme 
des bâton ; il o l'air d'un déviandè qu'i s'en vo 
moirir ; aveu lelo, i tousse un cœup tous les 
cinq minute. 

Ses gens il ont foit les mille-z-amitiè al l'an- 
cienne norriche éde leu fiu. 

— Eche n'est p#int tout lelo, qu'i li ont di 
édevant qu'ai érevienche ; non quiout i n'est 
point fort édepuis quéque temps ; ch'est sans 
doute ése croissance, il o si tellemen grandi ! 
Si os voloite el l'emmener aveuc vous pour 
passer quéque temps au village, l'air éde la 
campainne a' li feroseuremen du bien ; ése santé 
a' ?é remettro ; os nen somme bien embêtes. 

Emebéle-mére, qu'i continue Tintin Pierrout, 
a' n'o point demandé miu; al est don revenue 
à se moison aveu sen norrichon. 

En arrivant, éche Parigou i n'o pu reconnu 
personne, ni ches gens, ni ehes béte, ni le 
moison. I n'avoi enne heure qu'il étoi arrivé, 
petête deux heure ; il o sorti da le cour ; il o 
'tè ouvrir tous ches porte d'étabe l'unne après 
l'eule; i foisoi comme quéqu'un qu'i veut savoir 
chan qu'i n'o tout partout. En sortant dé che 

10 



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— 146 — 

fornil, l o 'tè cliquer le porte d'an qaioul cafor- 
nout qu'i n'o à oolè; ch'est loque me béle-mére 
al rebgeoit se cherène ; al accrochoit le batte- 
role à un cleu à le palissate. Il est resté uu 
mole pu longtemps da che cafornout que da 
ches étabe ; personne n'o foit d'attache à che 
qui fornaguoit. 

El lennemain matin, éche Parigout, en se 
levant, il o 'le s'enfrummer da che cafornout, 
pi le surlennemain i n'n o coire foi autant, pi 
le Jour d'après. Si bel et si bien que le ventredi 
me bêle mère al o parlé de batte el burre pour 
aller le véne à «ne marché le lennemain. Al o 
quémandé à men bieu-pére éde foire coffer 
enne castrolèe dieu pour nncher le cherène. 

Tandis che temps-lo, me béle-ntfre al o 'lé 
queurre tout che qu'i folloit pour batte el 
burre ; en apportant le cherène, al dit à s'n 
homme : 

— I feut que t'n ieu al fuche bien cœude ; i 
me sanne que le chérène-lo al o un drôle dé 
flair, al sent comme el muterne. 

Eche Parigout, qu'il étoit lo, i demanne : 

— Quoi qu'os allez foire aveu lelo ? 

— Du burre, men quiout. 

— Du burre ?... Du burre ? qu'i répète ; 'a né 
se peut mie. Ch'est don point aveu... aveu dé 
le crème qu'o foit du burre ? 

— Bien seur éque ch'est aveu dé le crème, 
qu'i foit men bieu-pére ; éche n'est mie aveu 
du br.. ; os allons mette dé le crème lo-dedens, 
os taperons aveu le batterole-lo et pi os érons 
du burre. 

— Os allez mette dé le crème lo-dedens? qu'i 
foit che Parigout aveu un air saisi qu'i le 



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— 147 — 

rendoit tin drôle. 

— Bien oui, qné Je té dis. 

Men bien-père il aherd el castrole quant cl 
ieu al o 'le boulante pour venir el verser da 
le cherène. 1 n'o point ieu sitou foit qu'il o 
sorli enne avenèe dé le cherène éque toutes 
trois il ont foutu le camp da le cour telle men 
qu'o ne povoit pu durer da le moison. 

Au bout d'un moment, en se rébeyant l'un 
n'n eute étampis toutes trois dessur éche fum- 
mier, me béie-mère al s'est ramenlu que sen 
norrichon i s'enfrummoit da che cafornout à 
le cherène tous les Jour au matin. 

— Malhéreux ! qu'a' li dit, quoi que t'os foit 
da nou cherène ? 

— Je ne sa vois mie que le machine-lo ch'étoit 
pour foire du burre, qu'i répond ; en voyant 
che rond qu'i n'avoit dessur, J'ai cru que ch'étoit 
che couvert éde ches... commodité. 

Lo-dessur, men bieu-pére et pi me béle-mére 
i se sont déciaquès à rire d'un boin cœur. 

Tout de suite, éche quiout Parigout il o écri 
à ses gens pour Ieu raconter el l'aventure en 
léu disant que ch'éfoit dé se feute que le cherène 
dé se norriche al étoit gadrouillèe. 

Trois Jour après, mes bieux-gens i rechu- 
vaint le cherène à. la mode éque tout le monne 
pale da che village. 



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148 — 



LU 



EL SŒUR DÉ GHE PARGOUR 



— Eche parcour éde nou moite i n'est point 
dégniaisè pour deux liard, qu'i nous disoi hier 
éche berger ; ése sœur al estcoire pus en retard 
éque li. 

A le Saint-Jean, ils ont 'le toutes deux un 
dimenche Amiens. Au soir, il ont volu aller à 
Je comédie d'enne loge édessur éche champ de 
foire. jouoi enne piéche iou qu'à un moment 
un de ches personnage il étoi assasinè par des 
brigand. 

— Sauvons-nous bien rade, qu'ai di à sen 
frère en le tirant pa se rouillére, autreraen os 
seroime capabe d'été assinès pour servir éde 
témoin... 

El dégourdie-lo,qu'i dit après Tintin Pierrout, 
ai vient dé rechuvoir ses huit jour puce qu'ai 
foisoit toute à lé rebous du boin sens. 

1 n'avoit trois semaine qu'ai étoi en service 
comme servante éde cour à che catieu d'Han- 
gard. Hier, al o battu le burre. El cuisigniére 
a' li dit : 

— Quant vou burre i sero venu, os nen met- 
trez enne piéche éde deux life éde cote pace qui 
me feut du burre frais. Os le poserez d'un plot 
et pi os mettrez le cloque pa-dessur ; os irez le 
porter au rafrais al l'entrée dé le café. 



yGoos 



— 149 — 

Enne mi-heure après, éche barre il étoi arrivé. 
El servante al o foit des life et pi des nrî-life ; 
a' n'n o retiré un morcieu dé deux life qu'ai o 
rais d'un plot, que le cuisigniére al avoi apporté 
dessur el commote aveu enne cloque en voirre 
qu'ai avoit mi à. colè. 

El servante, qu'a' ne savoit mie à quoi qu'a 
servoit pace qu'a' n'n avoit jamois vu, al s'est 
en allée queurre enne équéle et pi al est venue 
dépéne el cloquetle qu'ai étoi ahoquèeau-deseur 
dé le porte dé le cuisine. El quiote cloqué- lo al 
éloit sonnée pour appeler ches domestique et 
pi ches ouvrieràTheuredé se mette au travaile 
et pi à tape. Ch'étoit che valet de «.hamme qu'i 
venoit tirer le corde pour sonner. Ello ne cou • 
venolt point biécœup à le servante, pace qu'ai 
étoi échouïe. Quant al o ieu mis le cloque 
édessur eche burre, al s'est di à part elle : 

— A che-t-heure, éje cerai tranquille, au 
moins; éje n'entendrai pu le cloquetle éde 
malheur-lo ; el culsigniére al o ieu enne rude 
boine idée. 

A midi, éche valet de chamme il est arrivé 
pour sonner le cloque. Sans rcbeyer en l'air, i 
s'est mi à tirer le corde; comme éloit pu légère 
éque d'habitude et pi qu'a ne sonnoit point, il 
o relevé se tête: i n'a voit pu de cloque. Tout 
de suite, il o pensé que ch'étoit quéque malzant 
qu'il l'avoit dépendue et pi qu'il l'avoil muchèe 
pour el foire chercher. Il o rentré da le cuisine 
pour édemander à le servante si, des fois, a' 
n'éroit point vu cheti qu'il avoit foit le farce-lo. 
A' ne disoit point troup grand'cosse. 

Lo-dessur, el cuisigniére al est arrivée ; al o 
vu que le cloque éde voirre al étoit restée 



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— 150 — 

dessus le commote. 

— lou qu'il est men burre ? qu'ai édemanne. 

— Il est da le café. 

— Os n'avez don point mis le cloque édessur? 

— Bien si est, et pi je n'ai point manqué de 
mo, coire. J'ai déhoquè le cloque qu'i n'avoi 
au-deseur dé le porte par da le cour, qu'ai 
répond le servante. 

— Ah ! ch'est vous qu'os avez foit che bleu 
chef-d'œufe-lo ? qu'i dit che valet de chamme. 
Os ne serez Jaraois qu'enne pôle dalue. 

Dé che cueup-lo, al o rechu ses huit Jour. 



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— 151 — 

lui 
ECHE COCHER DU PAPE 



Ch'est enne histoire du temps passé éque 
Tintin Pierrout i nous o racontée Tente jour. 
Vlo chan qu'i nous o dit. 

— 1 n'o ieu enne fois un seigneur éde non 
villache qui s'est foit conduire en carroche à 
Paris pour aller vir el pape, qu'il étoit venu en 
France. 

Ch'étoit le jour du Saint-Sacremen. Deux o 
bien trois lue devant arriver à Paris, éche 
seigneur, en passant d'un villache, il est entré 
dal réglisse pour enténe canler veupe. Gomme 
éche marister il étoit malale, i folloit qué- 
qu'un pour el remplacher à che lutrin. Nou 
seigneur il o foit dire à sen cocher de d: chêne 
pour venir porter chape, pace qu'i connaissoit 
le plain-chant. 

Tout alloit tin bien tant qu'os est resté dal 
i'églisse ; mais, quant el pocession al o que- 
menchè à sortir, ches deux guevo de nou 
seigneur il ont ieu si tellemen peur éde ches 
balngniére qu'i volain à l'air, qu'il ont parti à 
part eux au grandécime . galoup, comme des 
béte écappèes. Eche cocher i s'est mi à courir 
après eux tant qu'il avoit de gamme, en criant : 

- Ho ! l'Ardeur ! Ho ! Vigoureux ! Ho ï ho ! 
A forche éde courir pi de crier, il est venu à 



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— 152 — 

bout de rattraper ses deux bidet. Il o remonté 
vile et vite su che siéche aveu se chape sur sen 
dous pace qu'i n'avoit point prins le temps dé 
11 éretirer. En revenant al réglisse, il o ren- 
contré un eute carroche ; ch'étoit cheti d'un 
riche marquis qui s'en alloi aussi à Paris pour 
vir el pape. 

Eche cocher dé che marquls-lo, qu'il avoit 
toujours entendu appeler le pape Note Saint- 
t»ére, en voyant un cocher aveu en ne bêle 
chape sur sen dous, i s'est dit : 

— Bien seur, ch'est che cocher du pape. Note 
Saint-Pére il est da che carroche. 

Tout de suite, il arrête ses guevo ; i déchend 
vite et bon train ; i se jéle à genou da ches 
poussière en tenant ses main jointes pi en 
aboissiant se télé comme édevant le Saint- 
Saeremen. 

— Quoi que tu nous fois-lo, espèce éde 
dégordi ? qu'i li crie sen moite en passant se 
tête pa che cassis. 

— M. le Marquis ne sait don point que ch'est 
le carroche du pape qu T i passe-lo ? 1 n'o mie 
que sen cocher qu'il o le droit d'avoir enne 
chape quant il est dessus che siéche pour con- 
duire ches guevo. 



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— 153 — 
L1V 

BIEN RÉPONDU 



— Quoi qui n'o de nouvieu ? qu'i nen o un 
qui demanne l'eute jour à. che berger. 

— Je ne sais rien de nou vieu, nou vaque a» 
n'o po coire vélèe, qu'i répond Tintin en riant 
tant qui peut. 

— Voyons, voyons, tu n'est point sérieux. 
Eche berger i prend tout de suite un air 

pensiu ; i dit : 

— 03 savez tertous qu'os o enterré hier à 
remontée éçhe grand Michée ; i n'o point volu 
passer pa il églisse ; oi l'o conduit dé se moison 
à. le chimetiére. 'A me foit ramentuvoir en ne 
quiote question que j'ai ieu aveuo li i'ennée 
passée da le mois d'eût. 

Eme vieile quiéne, el mère éde Charmante, 
al est morte da ches camp comme j'étois au 
parc. Je n'n ai ieu bien de l'ennui pace éque 
ch'étoi enne rude boine béte. J'ai foi un treu 
aveu me houlette da che rillon au bout dé le 
piéche éde tére iou que j'étois au parc pour 
entérer me quiéne. 

Gomme j'élois en route à foire el fosse, vlo 
Michée qu'i passe ; i mé demanne chan que je 
fois ; je li dis. 

— Quemen qu'un homme comme li, qui me 
di en se mouquant demi, éque lu vos à le messe 



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— 154 — 

tons les dimenche quant tu n'est point au parc, 
éque l'entére ten quien sans foire venir éche 
curé pour qu'i diche quéques brimborion et pi 
qu'i jéle un mole d'ieu bénite ? 

— Acoutez, Michée, mi ch'est mengoût d'aller 
à le messe ; éje né me mouque point de cheux 
qu'i n'y vont jamois ; 'a ne mé regarde mie ; 
pus qu'os prêchez la liberté, laissiez s'z eûtes 
moite éde foire chan qu'i veul-te... 

— Je ne t'empêche mie d'aller al réglisse. 

— Nau, os n'y arriveroite point, seuiemen os 
avez l'air éde vou foute éde mi. Portant, éje 
pratique miu la liberté que vous. Je ne fois 
point entérer me quiéne comme un chrétien 
pace que je respecte ses opignion. 

— Quoi que lu veux dire ? 

— Ëme béte al étoit libre-penseusse, comme 
os disez à tout bout de camp. Jel l'entére comme 
un libre-penseu,... comme os volez ête entérè 
vous-mumme... 

Lo-dessur, nou homme i s'est en allé en 
grummelant sans me dire à revoir ; i ne m'o 
pu jamois reparlé depuis che jour-lo. 



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— 155 



LV 



En qaemenchant s'n histoire, Tinlin Pierrout 
i nous dit : 

— Os connaissez tertous maîte Roublard, el 
l'avocat qui vient tous l's an passer queques 
jour mon de nou précepteu. 1 li est arrivé enne 
fois da le ville qu'i reste enne aventure que je 
m'ons vous raconter. 

Et don, el l'avocat il avoit l'habitude éde 
foire tous les jour aveu sen quien enne lonque 
promenade daches rue, histoire dé sedégordir 
les guibolle et de savoir chan qu'i se passe. 

Enne fois, san quien, le nez auvent, le queue 
en trompette, il ente da le boutique d'un char- 
lulier qu'i venoil d'apporter sur enne tape un 
paie de ches pus appétissants. 

Eche quien i n'o f oit ni unne ni deux ; aussi- 
tout que che chartulier il o ieu sen dou3 tornè, 
il o planté ses deux patte dé devant su le tape, 
el pi, sans préne el temps de s'assir, en quate 
cœup de gueule, il oenvalèle mitan dé che pâté. 

En rentrant da se boutique aveu un plot de 
boudin et pi un plot de seucisse, éche charlu- 
tier il o aperchu che voleu qu'i se régaloit à 
sen compte. 

— Ch'est rien, qu'i se dit, moite Roublard i 
mé le poiero. 






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— 156 — . 

I huque deux voisin pour li servir ede témoin 
en cas dé besoin conte éche qaien voleu, qui 
se porléquol en allant rejoinne son moite étampi 
devant enne boutique éde libraire, occupé à 
reluquer d's i mâche. 

Enne heure après, éche tueu deporcheu i s'en 
vo da che cabinet dé che marchand de" parole ; 
sans li nommer personne, i 11 demannequement 
qu'i feut s'y préne pour é se foire poyer d'un 
pâté qu'un quien malzant il o maquô da se 
boutique. 

— Est bien simpe, qu'i dit el l'avocat. Allez- 
vous-en tout droit truver (Sue moite dé che 
quien ; os li direz cne qu'i s'est passé. S'i foit 
le mauvaisse tête et pi s'i ne veut point vous 
dédommager, ol l'appel leror s devant che Juge 
éde paix. Eje plaiderai vou affoire. 

— Bien, Je vous remercie... 

— Dites, à quèche éqae ch'est che quien 
malzant ? 

— Sen moite i n'est point loin d'ichi : ch'est 
vous. Eche pâté que vou quien i m'o maquè. 
i voloit pour les moins trois life dix sou. 

— Les vlo ! qu'i répond moite Roublard en 
saquant sen boursicout. Os me ren volerez chan 
qu'i reste éde vou pâté ; os n'iron3 mie au 
Juge éde paix pour enne quiole affoire comme 
lo, qu'os venons d'arrenger. 

— Fut-che, qu'i dit che chartutier en empo- 
chant ches trois life dix sou et pi en riant da 
se barbe. 

Sen pâté i ne voloit point chinquante sou ; 
mais che n'étoit mie tant le question d'empo- 
cher vingt sou de troup qu'il Pamusoit ; ch'é- 
toit d'avoir été pu an que moite Roublard, qu'i 



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— 157 — 

passoit pour un malin. 

Oui, mais, la fin de l'aventure o prouvé qu'un 
charlutier ne peut mie refoire un avooat. 

Deux heure après, moite Roublard ilenvoyoi 
enne note éde chent sou pou le prix dé se con- 
sultation. Il o follu poyer. 

Quéche qu'o 'lé embétè ? Gh'est che chartutier. 

1 ne feut jamois oblier che proverbe picard 
qui dit : 

En toute raison, ne réclamez jamois 
Un liard éde pus éque vou pâté voloit. 



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— 158 — 
LVI 



— Quoi qu'i n'ode nouvieu aujord'hui ?qu'i 
nen o un qu'il o demandé hier à Tintin. 

— Je ne sais rien de nœu. Gbe n'est qu'enne 
histoire éde Pennée passée. 

Vers el Pennecote, il est venu ichi enne 
espèce éde grand prope à rien, qu'i s'est adré- 
chè a mi pour éque je le conduiche mon denou 
maiie ; i se disoit délégué du minisse éde 
l'Agriculture. 

Nou maire il o foi appeler tout de suite ches 
pu grous bonnet dé che village et pi il ont 'té 
tertous da ches camp. 

Quant il ont 'lé arrivé au droit d'enne piéche 
d'aveine, éche délégué i dit : 

— Oh ! que bieu blé ! 

Eche maire et pi ches laboureu i se sont 
rebeyès sans rien dire. 

Un mole pu loin, i n'avoi enne piéche éde 
paméle ; éche délégué i dit coire : 

— Oh ! que bieu blé ! • 

— 1 le foi espres, qu'i se dit-te à part eux che 
maire et pi ches laboureu. 

Arrivé à enne piéche d'orge, éche Parisien i 
se met à dire pou le troisième fois : 

— Oh ! que bieu blé ! 

Un mole pu loin, i n'avoi enne piéche éde soile. 



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— 159 — 

— Ah ! qu'i foit che délégué, os n'ons po 
coire vu de si bieublè quécheti-chi ; si ch'est 
à un de vous, éje li fois tous mes compliment. 
Pour du bieu blé, ch'est du bieu blè. 

— À n'est point maiin, qui di un de ches 
laboureu, ch'est me meilleure piéche : ch'est du 
blè de deux an. 

Gomme ches Parisien i ne sont jamois mal 
prins, éche délégué i dit : 

— Eje voyois bien qu'i n'avoit quête cose 
comme lo. Ch'est égal, je ne peux point foire 
autermen que de vous complimenter. Après 
men rapport, M. le Minisse i ne manquero 
point de vous adrécher li-mumme dé se pu 
bêle écriture tous ses compliment et pi, pet- 
ête la croix du mérite agricole ; os le méritez 
bien pour vou blè eslra. 

Gomme o sen doute, el minisse i n'o rien 
envoyé du tout ; il o sans doute adevinè qu'o 
s'étoit mouquè tout partout de sen délégué 
quant os o ieu connu s'n histoire. 






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— 160 



LVI1 

Eche Coconpier pi sen Cofte-Fort 



— Os savez que che cocongnier, qu'i nous o dit 
l'eute fois Tin lin, i gaigne éde l'argent comme 
des plaie d'ognon, malgré qu'i n'est pjint 
malin. El semaine passée, il est revenu d'Amiens 
aveu enne granne boite qu'i folloi ête à six 
pour el porter. El lennemain, il o Hé chercher 
ses voisin pour el l'aidier à le mette à plache. 

— Quoi que ch'est d'ello ? qu'i nen o un qu'i 
demanne. 

— Gh'est un conter-fort pour renger m'n 
argent. 1 n'o que ches gens riches qu'il ont 
lelo. Enne fois qu'est f rummè, i n'o point moyen 
del l'ouvrir aveu le clé, si o ne connoit point 
éche secret. Mi j'el l'ouve à la minute sans 
avoir éde rao. 

Oui, mais, sen secret il étoit si bien un secret 
qu'i n'n est point venu à bout. I tornoit, i 
ratornoit, i hairniquoit à droite, à gœuche. 
Bernique ! I ne trou voit point le moyen d'ou- 
vrir el serrure. 

— Pour seur, voisin, qu'i li dit Louis Gaguet, 
i n'o un diabe da te boite. Il feut el lé reporter. 

O recairque éche coffe fort da le voiture, et 
pi che cocongnier il lé remène Amiens. 

A lé porte éde Noyon, éche gabelou i foi 
arrêter. 



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— 161 — 

— Quoi qu'os avez lo-dedens ? qu'i demanne. 

— Erien, monsieur. 

— Quement, rien ? Ouvrez mé le caisse-lo. 

— ne peut mie nen venir à bout. 

— Allons ! allons ! Ghe n'est point à mi qu'os 
le ferez accroire. Os volez mêle foire à Toseile. 
Gh'est pace qu'os f rendez ; i n'o dé le conterbéne 
lo-dedens. Os ne passerez point. Hetornez à 
vou moison. 

Eche pofe benêt de cocongnier il étoit tout 
ahuri ; i nen menoit point largue. A la fin, il 
est venu un chef éde gabelou qu'il o dl à un 
de ses employé d'aller aveu che cocongnier 
mon dé che marchand de coffe pour savoir si 
n'avoit point dé le conterbéne. 

Eche cocongnier i n'n o ieu pour tréne sou 
pour avoir dérengê che gabelou. 

Mais il est si béte qu'i n'o po coire seu el 
l'ouvrir. 



ii 



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— 162 — 

LV1IL 



Dimenche à remontée, comme Tintini bu voit 
se baïonnette da sen cabaret aditè, i nen o un 
de cheux qui n'avoit lo qui li dit : 

— Quoi que tu t'en vos nous raconter aujor- 
d'hui, che berger ? 

— Ennequiote histoire amusante, qui répond 
tout de suite. 

Lo-c'.essur, i toulle sen café aveu le cuiller. 
Par driére li, éje fois sinne à che cabaretier de 
li remette enne goutte. 

Eche berger i nous o dit : 

— A che baptisiou de sen fin, Phlippe Bouque- 
bleusse, il avoi invité à diner enne quinzaine 
éde parent pi d'ami. Jean Maqueu i s'y truvoit. 
Après qu'il o ieu bien mengè pi bien bu comme 
un galafe qu'il est, i s'est aboissiè comme 
pour ramasser qûéte cosse à tére ; ch'étoit 
pour enflquer un grous morcieu de lard éde- 
sous se grosse casquette à poil. Grég.ireLafulè 
il o vu che cœup-lo. 

Quant os o ieu fini de menger, tout le monne 
est venu s'assir autour dé le queminée pour 
ése coffer à un boin fu de bous pace qu'i 
foisoit froid. 

Grégoire il avoi ieu soin de foire mette Jean 
Maqueu da che cuin tout prés dé che fu. I foi- 



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— 163 — 

soit si tellement cœud à le plache-lo que che 
lard i s'est mi à fonne édessor el tête éde Jean ; 
el grjrfsse al couloit sa se figure, sur sen cou, 
da sen dous ; comme i ne povoit point reculer, 
Il étoit lo bien mal-prins. 

En volant pr£ne ches épinche pour raltisier 
che fu, Grégoire Lafuté, comme s'i nel l'avoit 
point foi esprés,ilo foit queiraveu sen queute 
el casquette éde Jean Maqueu ; tandis qu'ai 
rouloit d'un coté, éche morcieu de lard il alloit 
quéir da ches chêne. 

— Ah ! ch'esl comme lo que tu t'y prends ? 
qu'idit Phlippe Bouquebleusse, en voyant lelo. 
Tu né te contentes point de menger comme 
quate ; i feut coire éque t'emportes du fricout ? 
Attaté-me, bougre éde gourmand. 

Lo-dessur, Phlippe il aherd men Jean Maqueu 
pa s'n épeule, il l'éyeuve dé se chaise, et pi, 
aveu un loin cœup de pied da sen prussien, il 
l'o envoyé Irondeler da ches rue. 



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— 164 — 
LIX 

Um U À LE FfilNNE 



— Pour aujord'hui, qui nous o dit Tente fois 
Tintin Pierrout en buvant se baïonnette, éje 
n'ai coire érien à vous dire édessur el compte 
éde nou ahu de parcour. Ch'est enne quiote 
histoire sur Jean Gleude éque j'ai à vous 
appréne ; ai s'est passée point pu tard qu'avant- 
z-hier. 

Jean Gleude et pi Lalie, se femme, qu'i que- 
menche-le à préne éde l'âge, il avaint résous 
de foire des économie pour leus acheter à cha- 
cun enne boine quemisse éde toile liane pour 
Jeu foire ensevelir quant i viendron à moirir. 
.Ch'est chan qui fut foit. 

L'eute jour au soir, Lalie, qu'a* ne pense qu'à 
s'n homme, al o foit des landimolle pace éque 
Jean Gleude 1 n'n est fou. Leu voisinne a' leus 
avoit donné enne moisson de lait dé se vaque 
nouvéle vélèe. 

Jean Gleude i s'est mi à bouffer comme un 
galafe qu'il est ; il entiquoit da se bouque aveu 
ses doigt pour qu'a voiche pu vite. Il o tant 
miè de landimolle éque par nuit il o ieu du 
mo ; i s'est mi à rêne du heut du bos ; pi, 
tout d'un cœup, i s'est allongé da sen lit sans 
remuer ni patte ni aile. Ese femme a' li par- 
loit, i ne répondoit point. 



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— 165 — 

Fin saisie, Lalie al court tout flac ébondie mon 
dé se voisinne pour lidire que s'n homme il est 
trondelè mort da leu lit. El voisinne, éque 
ch'est enne femme d'afute, al dit qu'i feu 
ensevelir tout de suite Jean Gleude en élandis 
qu'il est coire cœud pace éque si os attention, 
sen corps i varoit roide et pi o ne porroit pu 
foire ployer ses bros ni ses gamme. 

Lalie al érevient à leu moison aveu se voi- 
sinne ; al ouve é s'n ormoire pour saquer le 
quemisse qu'ai avoi achetée exprés pour ense- 
velir Jean Gleude quant i seroit mort ; al 
l'apporte à se voisinne ; chéie-chi al dit : 

— Quoi qu'os me donnez-lo, me brave femme ? 
Os n'y pensez point ? Mette porrir da le 1ère 
enne si bêle quemisse ? 'A seroit le gadrouiller. 
Ghes geus riche is y rebeiete-té pus éque vous. 
Enne vielle quemisse 'a seroit tout comme. 

— Os avez raison, qu'ai dit Lalie. 

Vlo don qu'ai érebeie da s'n ormoire ; al 
éretorne loute ; a' ne trouve qu'enne vieile 
quemisse qu'i n'étoit pu mettabe ; el baingniére 
éde pa-devant al étoi arrachée ; i n'avoit pu 
que le mitan dé le manche droite et pi che col 
i n'y étoit pu. 

— O ne peut tout de mumme point s'en ser- 
vir, qu'ai foit le voisinne en ravisiant le que- 
misse. Os n'éroite point un viu so, des fois ? 

— Si est, qu'ai dit Lalie. J'ai nou so à le f rinne. 

— Donnez-le lé ; 'a fero pet-ête Paffoire. 
Tout en brayant comme enne Madeleine, 

Lalie al vo queurre éche so à le frinne, qu'ai 

apporte à se voisinne; chéle-lol al décœud le cul 

dé che so et pi al ensevelit Jean Gleude édedens. 

Quant o'tè foit, Lalie, qu'ai avoitdu chagrin 



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— 166 — 

tout de mumme d'avoir perdu s'n homme, al 
s'est ml à braire pu fort ; eues larme i dégo- 
sillaint de ses yu jusqu'à tére. 

— Ah ! mou Diu ! mon Diu ! qu'ai di en se 
jelant su che lit à le télé dé s'n homme, men 
pofe Jean, que malheur ! Je ne té voirai don 
pu ? lou que té vlo ? Mon Diu I mon Diu I iou 
que tu t'en vos ? 

— Meudit femme ! qn'i répond Jean Gleude 
en s'étampissant sur sen lit, éje m'en vos à che 
meulin pus éque tu m'apportes non so à le 
f rinne ! 

El voisinne al o ieu si tellemen peur qu'ai 
s'est sauvée à se moison comme si al avoit le 
f u à sen drlére ; al s'est mi à tranner les bar- 
bette ; al o attrapé le jaunisse et pi un dévote- 
ment qu'il l'ont foit maigrir éde douze life. 

Os adevinne bien que Jean Gleude il avoit 
foit le mort pour éprouvoir si se femme al 
tiendroit se promesse. Dé che cœup-lo, il o seu 
à quoi s'en tenir sur el parole éde ches blancs 
bonnet. 



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— 167 — 
LX 

UN 8IEU TOUR 



— Pour parler d'an bien tour, qu'i disoit le 
semaine passée Tiniin Pierrout, ch'est cheli que 
Norè Griie il o joè à sen bieu-flu. 

EL samedi dé devant le mardi gros, il o 
marié se file aveu che liu Zidor Maquéleule ; 
éche mariache i s'étoil quasimen défoit feule 
d'enne vaque. 

Zidor i voloi absolumen que Norè i donne 
ence vaque à se aie en pus éque cl nui qu'i 
meltoit dessur éche contrat ; Norè i ne voloit 
rien enténe. Tant qu'à la fin, quant il o vu 
éque tout alloit se démentibuier, il o promis 
enne vaque pour el lundi de Pâques. I ne voloit 
point le mette éde3sur ei l'écrit pou ne point 
augmenter ches droit ; Zidor il o dit que si a' 
n'étoit point portée su che contrat qu'i n'avoit 
rien de foil ; i s'en retorneroi aveu sen tiu à 
leu moison, laissiant Norè, se file et pi se vaque. 

11 o follu y passer. 

Après leu mariache, éche fiu Zidor et pi se 
femme il ont 'tè rester d'un eute villache iou 
qu'il avaint truvè un quiou établissemen. 1 
n'avoit six semaine qu'il étaint mariés, jamois 
i n'avain ieu de nouvéie éde Norè. 

— Tu vois bien, qu'i disoit che joine marié 
à se femme, ten piére i veut nous refoire ; 






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— 168 — 

ch'est an halbran ; i vent tenir ése vaque. 

— Si tu veux, qu'a' li répond se femme, os 
irons le vir el jourédePàqpes. 

— Eje nédemanne point miux, qui foit l'eute. 
Les vio don partis ensanne mon Norè quant 

el Jour éde Pà lues il o 'té arrivé. 

— Bojour, papa, qu'a' li dit se file en se jetan 
à sen cou, tout en le colicLant ; os venons vous 
vir pour savoir si os vous portez bien. 

Au bout d'un moment, éche fin Zidor il o 
demandé à sen bieu-pére s'i leus aconduiroit 
se vaque el lennemain. Norè i ne disoit point 
troup grand'cosse ; tant qu'à la an, il o dit 
qu'i taroit se promesse. 

Quant ése file et pi sen bieu-flu il ont 'té 
partis, Norè il o ruminé quement qu'i s'y paroit 
pour éne point donner se vaque. 1 ne truvoit 
rien. I n'n o point dormi le nuit-lo. 

El jour arrivé, i s'est levé pour foire é g'n 
ouvrage. Quant il o ieu fini, i s'est en allé da 
s'nétabe ; il o détaquè se vaque pour el lé mener 
mon dé se file. 

Tout le long de sen quemjn, i ruminoit tou- 
jours quoi qu'i feroit pour éne point donner se 
vaque. Tout d'un cœup, i li est venu enne idée. 

— Bon ! bon ! qu'i s'est di à part li, i né 
l'I érons point I 

Edevant d'aniver da che villache, il o ren- 
contré che facteu. 

— Tiens, vlo Norè ! qu'i dit cheti-chi ; ch'est- 
ti qu'os allez mener vou vaque à toire ? 

— Nan ; je le conduis mon de men bîeu-flu. 
Seulemen, éje sut embêté ; j'ai comme da l'idée 
que le béte-lo al est malade. 

Vingt pos pu loin, Norè ilo aperchu che garde 



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— 169 — 

qu'il l'attendoit pour rentrer ensanne da che 
villache boire la goulle. 

— diroit qu'os avez l'air fin triste. Norè, 
qu'i dit che garde, curieux comme enne canule. 
Quoi qu'i n'o, don ? 

— Ne m'en parlez point. J'ai promis enne 
vaque à me file pour aujord'hui. Je ne sais 
point quoi qu'il avaint mes vaque au matin, 
il étaint tertous comme moneusses. J'ai prins 
chéle-chi pacequéje croyois qu'a' n'a voit rien ; 
édepuis. un momen, éje vois quV se laisse 
triner ; o diroit qu'a' n'o pu le forche dé lever 
ses patte. 

En entendant lelo, éche garde, qu'il étoit 
malin comme un cot roux, i nel l'o point mis 
dal l'éreile d'un vieu. 

— Savez-vous chan qu'os avez à foire, Norè ? 
qu'i li dit ; foi tes elle poissier lo un momen 
édevânt d'entrer da che villache ; al porro se 
reposer. 

En étandis che temp3-lo, éche garde i court 
rondébilis mon dé che maire ; i li dit que 
Norè Grite il est à enne chentaine éde pos éde 
ches prummiéres moison aveu enne vaque 
qu'ai o pour seur el cocotte. 

Tout de suite, éche maire i dit qu'i ne feut 
point le laissier rentrer da che villache. 

Eche garde i reparte d'enneébondie en disant 
à chaque porte éque Norè il aconduit A sen 
bieu-fiu enne vaque qu'ai est malade dé le 
cocotte, qu'i ne feut point le laissier avancher 
pu prés pace qu'ai feroit gaigner le maladie. 

Tous ches gens, déjo avertis par éche facteu, 
i se rassanne-té pour suire éche garde et pi 
empêcher Norè de rentrer aveu se vaque. 






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— 170 — 

Quant il ont 'tô arrivés en dehors dé che 
villache, il ont va Norè qu'il étoit toujours à 
le mumme plache sans bouger ; il attendoit 
fin tranquile qu'o vienche li déféne d'avancher 
pu prés. Aussi, i ne s'est point foit dire deux 
fois dé retorner à semoison, pus éque ch' étoit 
chan qui voloit. 

'A foit que depuis che temps-lo ése vaque, 
qu'a' n'avoit mie rien du tout, al est coire da 
s'n étabe ; quant il lé rebeie, i ne peut point 
s'empêcher de rire da ses barbe. 



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— 171 — 



LXI 



AU JUGE EDE PAIX 



Eche moite Tintin Pierroul il l'o envoyé 
enne fois da lescouvrinne chercher en ne dizaine 
éde berbis qu'il avoi achetées mon d'un fermier 
du Saiiterre, Eh mitan quemin, il o entré d'un 
quiout cabaret pour boire enne baïonnette en 
mengeant un morcieu de pain qu'il a voit mis 
da sen «aclet. 

Echecabaretier-loilétoit surnommé Malému 
da che village, pace qu'il étoit toujours éde 
mauvaise humeur ; i n'étoit jamois content ; 
il éroit volu venir riche en rien de temps. 

En voyant che berger, qu'il étoi habillé à 
tous les jour et pi qu'i ne foisoit qu'enne si 
quiote dépense, éche cabaretier il o servi enne 
baïonnette tout en bougonnant ; en versant che 
café aveu 11 ieu-de-vie, i n'n o répandu le 
mitan dessus le tape. 

— Os varez riche, qu'i di à Tintin, paceéque del 
ieu-de-vie répandue ch'est singne éde bonheur. 

Che n'étoit point la peine dé se fâcher conte 
enne pareile brute ; érois peu venir vilain. 
Quoi qu'il o foit Tintin Pierrout ? Il o demandé 
à che cabaretier si voloit li véne pour un sou 
de fromache pour menger aveu sen pain. 

En étandis que Malému il o ieu sen dous 
tornè pour aller queurredu fromache, toujours 



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— 172 — 

en berdelant, Tiotin il o 'tè à che baril d'ieu- 
de-vieet pi il o lornèche robinet dé le fontaine. 

En revenant, Malému il entend comme que- 
qu'un qu'i pisse; i rebeieet pli volt que ch'est 
sen baril d'ieu-de-vie qui se wide. I court bien 
rade éretornerche robinet et pi i revientcorame 
pour taper dessus che berger ; écheti-chi il 
étoit le pu fort; d'un cœup depuing il o envoyé 
trondeler che cabaretier da ches rue. 

11 ont 'tè devant che juge éde paix. Malému 
il o parlé che prummier. Quant il o ieu fini 
d'espliquer ses raison, éche juge il o donné la 
parole à Tin tin Pierrout ; écheti-lol il o raconté 
bien posémen que che cabaretier i n'avoit 
point 'té poli, éque ch'étoi un brutaile ; en 
finissant i dit : 

— Sche cabaretier i m'o dit éque del ieu de- 
vie répandue ch'étoit singne éde bonheur, éque 
j'allois venir riche. I mé n'n o répandu le mitan 
de men voirre ; mi, par éreconnaissance, J'ai 
volu qu'i vienche coire pu riche : je n'n ai 
répandu le mitan de sen baril. 

Tous ches gens qu'il étaint lo i se sont mi à 
claquer leus main en disant : 

— Est bien foit ! Est bien foit ! 

Eche juge i n'n o ri à nen défrencher sen 
quénegson, et pi il o renvoyé Malému en disant : 

— Quel lé rechon-lo a' vous serche à l'avenir : 
os nel l'avez point volé. 



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— 1?3 — 



LXII 



»9 FLAR A MOTQBS 



I n'avoit hait jour éque personne n'a voit 
point vu Tintin Pierrout au cabaret ; éje que- 
menchois àmé n'n inquéter quant eldimenche 
d'après, éque ch'étoit le jour del lé rebond dé 
le fêle d'Aubercourt, éche parcour M. Gaullelle 
il est arrivé au soir au café pour boire enne 
baïonnette. 

— Eche berger il est don rudemen malade 
qu'i n'o point mis les pied ichi depuis huit 
jour ? éque je demanne à che parcour. 

— Nan, i n'est point malade, seulemen, i 
n'ose pu se montrer... 

— A cœusse ? que je fois. 

— Li qu'il aime tant se foute dé s'z eûtes, il 
o peur qu'o li renche la pareile. 

— Quoi que tu veux dire? Raconte nous lelo ; 
os ne savons rien. 

— Eje veux bien vous l'I appréne ; seulemen, 
os ne direz point qu'a vient de mi. 

— N'eu point peur, os né te mettrons point 
en frappe. 

— El fête d'Aubercourt, qu'i quemenche eche 
parcour, ch'étoit i n'o aujord'hul huit jour, ei 
pruramier dimenche d'octobe, comme os le 
savez lertous, nou boin. El venlerdi dé devant, 
nou moite il o envoyé Tintin queurre un ran 






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— 174 — 

qu'il avoi acheté à che fermier d'Aubercourt. 
Eehe berger il o profité del l'occaslon-lo pour 
aller dire un bojour à se tante et pi 11 annoncher 
qu'i varoit dîner à leu molson le dimenche dé 
le fête comme 1 venoit tous l's an. 

Justemen, s'n oncque et pi se tante il étalnt 
da leu fornil ; l'un cauffoit le four tandis que 
l'eule al perlrissolt le tara Ique rie. Tintin 11 o 
quemenché à gouailler se tante, en il disant 
qu'ai étoi en route a foire du flan à mouque, 
pace qu'à le saison-lo ches mouque, qu'l n'ont 
pu de forche, i queie-te-lé tout partout da che 
lait bouil, da le pronnèe, da le pâte. 

Ese tante, qu'ai avoit sen bonnet de travers, 
a' n'entendoit point la risée che jour-lo ; sen 
neveu i prendoit plais! à le foire fâcher. I sa voit 
que se tante al étoit prope et pi qu'ai foisoit du 
boin dan, du boin walieu, du boin pàtèà pum- 
me. C'héioit pour el dentier qu'i li disoit qu'a' 
ne prendot point le peine dé retirer che* mou- 
que dé se tamiquerie 

— Si t'est sinactieux que lelo, qu'ai finit par 
dire el femme en colère, é ne vient point ichi 
dimenche, je ne veux point de ti. 

— Si est, si est, ma tante, éje varai aveu me 
femme, comme tous l's an, men bieu père et 
pi me béle-mére. 

Lo-dessar, i s'est en allé en disant coire quant 
il o 'té arrivé à le porte éde ches rue : 

— Surtort, ne laissiez point queir troup de 
mouque. 

— Oui, porcheu, qu'ai dit se tante da ses dent, 
éje m'ons te foire un flan esprés pour ti. Mar- 
che, marche, men neveu, tu nen mengeros un 
bieu... 



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— 175 — 

Qioi qu'ai o foit ? Al o aherd sen ramon ; al 
l'o passé à che planquer, à che poule, da ches 
cuin, pour foire queir Ions ches mouqe aveu s'z 
airnile ; a' n'n o ramassé deux paingnie, qu'ai 
o mis dessur el pâle qu'ai avoi étendue da le 
fond d'enne tortiére ; pa-dessur, al o versé dé 
lepronnèe aveu du lait boull pour mucher 
ches quiolés béte. 

El dimenche à remontée, Tintin i parloi aveu 
se famlle à le fêle d'Aubercourt ; en roule, i 
disol à ses bieu-^ens qu'il allolt leu foire du 
plaisi en narguant se tante en li parlant de sen 
flan à mouque. 

Tandis che lemps-lo, ése tan le al disoi à 
quéques-uns de ses invilé qu'il étalnt déjo 
arrivés qu'ai avolt foi un flan à mouque esprés 
pour Tintin Pierrout ; a' leu donnoit le conseil 
dé ne point nen menger. 

En arrivant, che berger, qu'il étoit comme 
un évertinè, i n'o point manqué de dentier se 
tanle aveu sen flan à mouque. 

— Pi, ma tanle, qu'i disoit, os nen trouve- 
rons-ti bien un chent ? 

— Pus qu'ello, men neveu. 

— Combien ? Deux chent ? 

— Tu n'y est point. 

— Trois chent ? 

— Un mille, deux mille, éje sais-ti combien ? 
Il o foit si froid ches jour-chi éque ches 
mouque i queisainl par monché. 

Quant éche moment il o 'lé arrivé de servir 
el lamiquerie, os o apporté un grandécime flan 
en face éde Tintin pour qu'i foiche ches pari. 
Eche flan-lo il avoit bêle mine, i sentoil boin, 
ches bord il étaint bien doirès, Tintin il lé 






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— 176 — 

rebeie de prés, il lé renife ; i di à se tante : 

— Eje vous fois mes complimen, ma tante ; 
i n'o point enne seule mouque édessor éche 
flan-lo. 

Et pi, d'un air malin, i di après : 

— Che n'est sans doute que cheti-chi ; ol 
l'avez coisi esprés pour me Happer ter. 

— Tu n'os jamois rien dit de si vrai, men 
neveu, qu'ai foit le femme en tenant sen sérieux. 

Cheux qu'il étainau courant, i riaintda leus 
barbe. 

Eche berger i s'est mi à foire ches part ; 
quant il o'ieu fini, i n'n o foit queir unne da 
s'nassiéle en disant: 

— Je me sers éche prummier pour êîe seur 
dé n'n avoir. 

— T'os raison, men garçon, qui dit s'n oncque. 

Tandis que le torliére al foit le tour dé le 
tabe, Tintin il attrape ése piéche éde flan sans 
l'I érebeyer ; i mord à même. En foisant mar- 
cher ses raâquoire, i sentoit qu'a croquoit, 
avoi un drôle dé goût, avoit du mo à passer à 
s'n alouette ; il o envalè tout de mumme éche 
prummier morcieu ; i n'n o reprins enne 
deuxième bouquie qu'il o 'tè obligé d'entiquer 
aveu ses doigt ; el loi a' ne voloit point déchéne 
da sen gasiou. 

Tous s'z eûtes il lé rebeyainl ; d'un cœup, i 
s'est aperchu qu'il avaint quasimen tertous 
l'air dé se fouie éde li. En aboissiant ses yu, il 
o rebeyè che morcieu de flan qu'il avoit da se 
main. Quoi qu'il o vu ? Enne nitèe de mouque 
enter el pâte et pi che lait bouli, 'a n'n éloit 
noir ; i nen avoit des mille et des chent. 

Vlo Tintin, qui n'est portant point nactieux, 



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— 177 — 

qu'i se met à foire des heut le corps à rêne 
tripe et boyeo ; en ouvrant se bouque granne 
comme enne gueule éde four, os o aperchu des 
mouque et pi des mouque collées à sen palais, 
su se langue, émormelées desous ses dent, d's 
eûtes restées en route ahoquèes à ses mous- 
tache, queutes sur sen menton, collées dessur 
ses mousse. 

En se déclaquan à rire aveu tous s'z eûtes, 
éche bieu-pére dé che berger i 11 dit : 

— Que gueule noire éque t'os, men pofe fin ! 

— Tu voiols trou voir chent, deux chent, 
trois chent mouque da men flan, qu'a' li dit se 
tante; tu dois êle pus éque content, men 
polaque : ch'est par mille qu'i sont. Si tu 
n'avois point 'lé si gourmand, éque t'euches 
foit comme nous tertous, qu'os n'y ons point 
touché personne, tu ne serois point le risée de 
tout le monne à che moment-chi. Marche, a' 
t'apparo à rire dé te tante. 

Tintin, qu'il étoit moneu comme un quien 
qu'il o perdu se queue, i s'est levé bien rade 
pour aller décraper se bouque à leseile. Quant 
i 3'est ieu bien ébroué, il o foutu le camp sans 
dire à revoir à personne. 

Edepuis che temps-lo, i ne desserre pu les 
dent pour gouailier s'z eûtes ; ch'est tout juste 
s'il ouve ses mâquoire pour menger. 

El dimenche d'après, comme tout le monne 
da che villache i savoit chan qu'il étoi arrivé 
à Tintin, o s'est mi à se mouquer de li au 
cabaret. 

— Iros-tu coire à le fête d'Aubercourt ? qu v i 
li demanne GusseCourtgambon. 

— Bien nan, je n'irai pu, qu'i répond che ber- 

12 



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— 178 — 

ger ; tous Fs an, ]é revenoi aveu le droulle ; ]é 
n'n avois pour huit jour à mé remette ; à che- 
t-heure,éje serai tranquile, comme lo. 



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— 179 — 
LXIII 

;GH1 M©rTIl! 



— Et pi, Tintin, quoi qu'os allez nous appréne 
éde nouvieu aujord'hui dessur éche parcour ? 
qu'i non o un qu'i demanne à chd berger. 

— Edepuis quéque temps, nou basou i ne foit 
pu de ferdrinne. Os viendrons pet-ête à bout 
de le dégnalser. Eiquiote histoire que je m'ons 
vous dire a* vous fero rire tout de mumme ; 
ch'est men grand'pére qu'i mei l'o racontée da 
le temps. A' m'est revenue l'eute jour en war- 
dant les berbis. 

1 n'avoi enne fois un viu flu qu'i ne s'étoit 
jamois marié. Gomme ches viu gairchon, il 
étoi un mole mainiaque. ua. sen testamen, il o 
laissiè enne somme d'argent pour acheter tout 
les an deux setier de grous prongneu pour 
donner à cheti qu'il éroit foit foire à se femme 
tout chan qu'il éroit volu pendant un an durant. 

'A ne povoi ête qu'un viu fiu pour avoir enne 
idée pareile ; écheti qu'i né se marie point, i 
n'est jamois contrarié, J peut foire chan qu'i 
veut. Quant os o enne femme, éche n'est pu el 
mumme canchon. 

— Tu nen sais quête cose, ti, che berger, 
qu'i nen o un dé le béne qui di à Tintin. 

— Tais-te-té, ti, t'est un bavard, qu'i foit 
Tin lin Pierrout en houssant se bouque aveu el 









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oogie 



— 180 — 

dous dé se main. Tu yeux Jeter des cailleu da 
mén gardln ; tu n'est mie si fier nen pu devant 
te femme ; da te moison, éche moite i s'habile 
aussi aveu d's épinque. 

— LS, e?t bien foit, qu'i dit-te ess'z eûtes à 
che berger, 

L'eute i n*o pu hanse. 

— 1 n'avoit pu de chent an, qui continue 
Tintin. que le donation dé che drôle dé corps-lo 
al étoit foite sans que Jamois un homme il 
euche peu gaigner ches prongneu. Seulemen, 
enne fois i nen o ieu un qu'il y est quasimen 
arrivé. Il éloit marié depuis onze mois vingt- 
neuf joui s et demi quant i s'est en allé Iruvoir 
à midi éche notaire qu'i de voit remette ches 
prongneu. 

-- Edepuis que je nut marié, qu'i di en arri- 
vant dal l'élude, j'ai toujours 'lé che moite. 

— Est bleu, men gairchon ; seulemen, tu 
revaros demain pus qu'i n'ero juste un an que 
t'est marié ; éje lé donnerai ches prongneu. 
T'apporleros un so. 

El lennemain, éche joine marié il arrive aveu 
enne manne. 

— A cœusse éque tu n'os pMnt prins un so 
comme éje té l'I avois requemandè ? qu'i dit 
che notaire. 

— Eje volois, qu'i répond l'eute sans malice ; 
ch'est me femme qu'a' m'o empêché. 

— Ah ! ah! ch'est comme lo que t'est moite? 
qu'i foit che notaire. Bien, bien, men gairchon, 
éje warde mes prongneu. 



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— 181 — 
LXIV 

EGHE MESSAGER DU PARADIS 



— Da le temps, men rataion, que ch'étoi un 
farceu, qui nous disoit Tintin Pierrout en 
buvant se baïonnette lundi deignier. il o juè 
un bieu tour à deux gens d'un villache pa- 
dessur Montdidier. 

Vlo chan qu'o raconte édepuis che lemps-lo 
da nou f ami le. 

Enne fois qui revenoit de Paris, men rataion 
s'est arreiè pour édemander un voirre édechite 
mon d'un grous laboureu. 1 n'avoit que le 
femme qu'ai étoit remariée pour el deuxième 
fois. 

— Dloù qu'os revenez, men brave homme V 
qu'ai édemanne à pore Pierrout. 

— Je reviens de Paris, qu'i répond. 

Elle qu'ai entendoi un mole dur et pi aveu 
lelo, daiue qu'ai étoit, alo comprins qu'i disoit 
qui revenoit du paradis. 

— Quoi! os revenez du paradis ? qu'ai foit 
tout saisie. 

— Oui, brave femme, qui dit Feule en riant 
da ses barbe. 

— Défunt men prummier homme, qu'os appe- 
loit Cadet Mengrous, qu'il est mort édepuis 
blentout trois an, ch'étoi un si boin liu que 
s'n âme al est pour seur da le Paradis. Né 



L 



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— 182 — 

Tl éroites-vous point vu» des fois ? Il étoi un 
mole gon?nou et pi bigu. 

— Oui, oui, qu'i dit men rataïon ; je ri ai vu; 
mumme qu'il est vêtu comme un mandeu de 
pain ; ses harde i sont pu d'à mitan usées ; s'i 
n'avoit point ieu affaire à quéques camarate 
charitapes i seroià che-l-heure mort édefaim. 

— Est-ti Diu possipe ? Men pofe Cadet, qu'i 
n'o jamois manqué dé rien da nou moison, ése 
vir d'un pareile étot ! J'ai coire lo lous ses 
harde. Si je truvois quéqu'un pour li foire 
passer, éje les donnerois bien. 

Men ralaion, qu'il avoi envie de s'amuser, i 
répond : 

— 'A ne peut point miu tomber, boine femme. 
Je retorneral da le paradis le semaine qu'i 
vient ; ch'est mi che messager ; si os volez me 
donner ches harde éde Cadet Mengrous, je li 
porterai. 

E!e pofe naïusse al o 'le tin contente. AI o 
ramassé ches pu bieux habit éde défunt sen 
prummier homme, qu'ai o mis d'enne quiote 
malle aveu des quemise, des mouchoir, des 
seuler, des cœuchelte, et pi coire quéques 
quioles doucheur. Aveu lelo, al o donné enne 
poire d'écu à men rataïon pour cl poyer dé se 
commission et pi trois pistole pour éremette à 
Cadet, pour ses plaisi. 

Père Pierrout il o cairquè le malle su s'n 
épeule pour érevenir à se moison. 1 n'avoi à 
peu prés enne boine heure qu'il éloit parti 
quant éche fermier il o rentré de ches camp ; 
ése femme a' li dit : 

— Je viens d'avoir des nouvéle éde défunt 
Cadet Mengrous. 



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— 183 — 

Et pi al o tout raconté d'an bout à Feu te. 

— Tu n'est qu'enne pofe perle 11 te, qu'i il 
répond sen deuxième homme tout en colère. 

Tout de suite, i monte à guevo pour courir 
au triplégaloup après chefarceu qu'il o attrapé 
se femme. 

Men rataïon i s'étoi arrelè à le bord d'un 
bous en ruminant quement qu'i f croit pour 
renvoyer aie femme ése malle et pi s'n argent. 
Tout d'un cœup, il o aperchu uncavaillier qu'i 
couroi à fond de train ; il o muchè le malle 
d'un bisson et pi i s'est assis à le bordure dé 
che bous ; il o foit semblant dé rien. 

— Avez-vous vu un homme aveu enne malle 
su s'n épeule ? qu'i de manne éche cavaillier en 
arrivant à men rataïon. 

— Oui, don ; i n'o mumme point longtemps. 
Si tout qu'i vous o aperchu, il o traversé le 
riviére-lo pour entrer da che bous. 

— Eje sut à ses trousse ; ch'est un voleu. 
Tenez men guevo en étandis que je m'ons 
courir après li. 

Père Pierrout i n'o point demandé miu. Quant 
i n'o pu vu che-t-homme, il o mis le malle en 
travers dé che guevo, il o monté dessur, el pi 
i s'est sauvé augrandécime galoup. 

Quand éche laboureu il o ieu travetè tout 
che bous, sans vir personne, il est revenu pour 
érepréne sen guevo ; i n'o pu rien vu. 

— Eje sut refoi à men tour, qui se di en li- 
mumme, tout en grattant s'n éreile : mais che 
n'étoit point lo qu'il a voit du mo. 

En rentrant à se moison, ése femme a' li o 
demandé s'il avoit rejoint che messager- du 
paradis. 



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— 184 — 

— Oui, oui, qu'i répond, je 11 ai vu ; i m'o 
ieu l'air si complaisant éque je 11 ai donné men 
guevo pour qu'i fuche pu vite arrivé. 

— T'osbien foit, qu'ai dit le femme en faisant 
le nom du père. 

Enne poire d'heure après, men ralaïon i 
besoit reconduire éche guevo, éle malle et pi 
éche l'argent à ches gens. 



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— 185 — 
LXV 

POLYTE MAGLOIRE 



— Nou voisin Polyle, éche fiu de défunt 
Magloire, ch'esl un grous laboureu qu'il o du 
fein da ses botte, qui disoit Feu te jour Tin lin 
Pierrout. L'ennée passée, il o rechu pendant 
trois semaine, au moment dé le cache, un de 
ses cousin qu'i reste à Paris. 

Pour l'esposilion, éche Parisieu il Po in vile 
à aller le vir. Polyte i ne se ri est point foit 
dire deux fois. Gomme i sa voit que sen cousin 
pi se femme ch'est des gens à l'étiquette, i s'est 
demandé s'i n'alloit point foire troup de brioche ; 
i sen toit bien qu'i n'a voit point biécœup d'usache. 

— Eje ferai bien attache à mi/ qu'i se disoi à 
part li. 

A s'n arrivée, i ne s'est point troup mal lire ; 
i n'o foit que d'écraser un doigt à sen cousin en 
lidonnanenne pingnie demain ; i n'o point troup 
défulè se cousinne en l'I embrassant, et pi i n'o 
foit qu'un accrou à che tapis aveu ses seuler 
à cleu. 

Polyle il avoi enne bêle pipe bien culottée 
da le poche dé s'n habit de velours à cote ; 
peur que se cousinne a' le voiche, pace qu'i 
savoit qu'ai n'aimoit point sentir éde fummeu, 
il o cherché iou qu'i mellroit Madelon, — 
ch'étoit le nom qu'i donnoi à se pipe. 









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— 186 — 

En étandis qu'il éloi à part 11 pour un momen, 
il o on vert enne porte qui donnoit da che 
salon ; il o va enne quiole boite édessar un 
meube ; il o Hé mette Madelon tout de suite 
da le boîte. 

A tabe, Polyte il o foi honneur à tout chan 
qu'os o servi ; i mengeoit bien et pi i buvoit 
miu. Quant il o vu se cousinne qu'ai versoit 
del leu da sen voirre à elle, il o volu foire éde 
l'esprit. 

— I n'o mie que ches gairnoule qu'i boit-le-lé 
del ieu, qu'i di en riant à gafèe. 

Tout d'un cœup, i Jéle un ous desoas le tabe. 
Ese cousinne al o toussé tout de suite en 
rebeyant s'n homme. A che deuxième ous qu'il 
o coire éjetè, al o dansé dessur ése chaise. A 
che troisième al o huquè le servante pour 11 
foire ramasser ches ous. 

— Os m'escuserez, cousinne, qu'i dit Polyte; 
à nou moison, j'ai l'habitude dé jeter ches ous 
à men quien. 

— Ici, nous n'avons pas de chien, qu'ai dit 
le cousinne d'un air se, pace qu'a' n'a voit po 
coire dégirè che moût de gairnoule. 

En se levant de tabe, os o passé da che salon, 
qu'il étoit dolong lé salle. 

— Volez-vous que je vous foiche un mole de 
musique ? qu'ai édemanne ése cousinne. 

— Ma foi, je veux bien, qu'i répond, si 'a vous 
foit plaisi. Si je m'endors, tu me réveilleros, 
cousin. 

Vlo don le cousinne qu'a' se meta sen piano. 
Edevant l'I ouvrir, al éretire ése boîte à gant 
qu'ai étoit posée dessur. 

— Que drôle d'odeur I qu'ai foi en reniflant. 



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— 187 — 

— Eje sais quoi, qu'i dit Polyte, ch'est Ma- 
delon que j'ai mis lo-dedens. 

Ese cousinne ai o manqué d'avoir enne 
attaque éde nerf en le voyant saquer ue brûle- 
gueuie dé se boîte à gant. Quant al o ieu juè 
nn air ou deux, s'n homme i di à Polyle : 

— Eje vois que Vos envie de fummer. Viens 
aveuc mi. 

Il Po mené da sen cabinet. Vlo don Polyte 
qu'i bourre ése pipe; il l'allumme et pi i s'élale 
da sen cadous comme un prince en tirant des 
goulèe pareile à ennequeminèe à vapeur. IL o 
taché de raquer comme quéqu'un qu'i n'est point 
troup mal-apprins ; il envoyoit ses raquion 
tout duchemen, sans foire éde bruit, dessur 
éche planquer chirè. 

Tout de suite, sen cousin i pousse aveu sen 
pied sans rien dire un bieu crachoir en acajou 
bien milantducolè que Polyle il avoi envoyé 
ses raquion. Polyte, qu'i n'avoit rien vu, en 
volant raquer enne deuxième fois, il oaperchu 
che crachoir ; comme i ne savoil point à quoi 
qu'a servoi, il o raqué de l'eute colè. Sen cou- 
sin, il o râpasse che crachoir. Eche manége-lo 
il o duré pendant quéques minute. A la fin, 
Polyle i dit : 

— Fois attention, men cousin ; érelire été 
quiole boite, autremen je porrois bien finir par 
raquer dedens sans le foire esprés. 

El lennemain, Polyte i foisoil d'eu tes manque 
éde toucha, 'a foit qu'i s'embéloit ; se i cousin 
pi se cousinne i ne s'amùsaint point nen pu da 
se société. 

El surlennemain, i reprendroit che train pour 
érevenir à se moison. I se disoi h part li : 



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— 188 — 

— Ghe n'est pu demain qne je rétornerai 
mon de ches gens-lo ; i font troup d'épourie. 
Je me barrache bien d'eux. I sont si doreur 
qu'o ne sait mie quement s'y préne ; si o leu 
donne enne pingnle de main, i crie-te qu'o s'z 
afole ; si o pale un mole neut, o s'z échouït ; 
à lape, i ne boit-té point, i ne menge-té point, 
i ne font que pluesiner ; aussi, il ont des mine 
éde drouilleu. 1 ne sont point prés de ramonner 
nies crotte. 




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— 189 — 



LXVI 



JAGQUOUT PI SEN BEUDET 



— Connaissez-vous el l'aventure qu'i vient 
d'arriver à Jacquout ? qu'i demandoit hier 
Tin Un à ses camarade éde cabaret. 

El semaine passée, éche brave Jacquout i 
s'est en allé Amiens aveu sen beudel. En tor- 
nant le rue desTrois-Cailleu, vlo che bourrique 
qu'il o peur d'un ruissieu ; i s'arrête tout 
court ; S3n moite il o bieu le taper, i ne veut 
ni avancher ni reculer. 

Tous ches badeud i se sont attroupés. Da le 
béne, i n'avoi un apprenti apothicaire ; d'nn 
cœup, i li vient enne idée ; i court bien rade à 
le moison de sen patron, pi i revient aveu 
deux quiouls paquet de poive éde Cayenne ; i 
di à Jacquout : 

— Men brave homme, os serez coire lo au 
soir si os ne folles point chan que je m'ons 
vous dire. Tenez, vlo deux paquet de poure 
qu'ai est souveraine pour foire marcher des 
béte rétifes. Os n'avez qu'à lever le queue de 
vou beudet ; os frotterez pa-desousdé le poure 
que je vous donne;! filero tout de suite comme 
éle vent de bise. 

Jacquout il o remercié de grand cœur éche 
jeune homme dé s'n houneslè, pi il o foit chan 
qu'i venoit de li dire. I n'o poin ieu silout 



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— 190 — 

fini el l'opération, que cbe beudet i s'est mi à 
jengler comme un poulain mieufe ; sans de- 
mander sen quemin, il o fllè à fond de train. 

Sen moite i s'est mi à courir après li ; tout 
en courant du pu vite qu'i povoit, i perdoit du 
terrain su che beudet, qu'i foisoit des bond de 
cabri da le ville en levant sen cul en l'air et 
pi en brayant à échouir ches gens. A la fin, 
Jacquou il étoit si éhansé qu'il o 'tè obligé de 
s'arrêter. 

— Imbécile que je sut ! qu'i se di à part li, 
pusqu'un paquet dé le poure-lo ch'est assez 
pour foire courir men bourrique, éje n'ai mie 
qu'à me servir dé che deuxième paquet ; pour 
seur, a' me dounero des gamme ; éje porrai 
rattraper me béte. 

Vlo dont Jacquout qu'i s'aponne par driére 
enne grandporte pour mette à le plache qu'i 
feut le poure qu'ai foit courir. 1 n'o poin ieu 
sitout ensillè sen médicamen qu'il o cru avoir 
da le fond dé se culotte comme enne teupignére 
éde grous frummion qui pique-té comme des 
veupe ; i n'o ieu que le temps de s'aponner da 
che ruissieu pour Masser el l'endroit iou qu'a* 
le dégatouilloit si fort. 

Jacquout j ne pensoit mie pu à rattraper sen 
beudet, qu'il étoit raccouru d'enne ébondie à 
s'nétabe comme si o li avoit mis le fu quéque 
part. 

Ch'est depuis che jour lo que Jacquout i dit 
tout le mo qu'i peut de ches apprenti apothi- 
caire de la ville d'Amiens. 

Je vous demanne un peu si ch'est juste, qu'i 
dit Tintin en finissant sen conte. 



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191 — 



LXVIH 



UN HÉRITAGE VITE MAQUÈ 



— Os avez connu tertous Michelout, che 
garde-meulin d'Hacbeléne, qu'i nous disoit 
l'eute fois ïiniin ; os savez qu'i ne povoit 
jamois sentir deux sou da se poche ; tant qu'il 
avoit de l'argent i riboltoit. 

Un bieu jour, i li est arrivé un quiou hérit 
qu'i n'attendoit point ; enne vielle cousinne, 
qu'i n'a voit pet -été jamois vue, al est morte 
en li laissiant quête cose comme trois mille life. 

Quant éche notaire il o ieu compté el l'argent 
qu'i revenoi à Michelout, écheti-lol i n'n o 'tè 
comme tout ébeubi ; pour seur, i n'avoit ja- 
mois vu tant d'argent d'un cœup. I se deman- 
doit quoi qu'il alloit foire éde tout lelo ; alloit 
demander rudemen du temps pour tout dépen- 
ser. Nom des os ! que de ribotle !... I uen 
ciaquoit se langue da se bouque. 

Gomme ch'étoi Amiens qu'il éloit venu re- 
chuvoir ei l'argent dé s'n héritage, il o résous 
de bien vive édevant rentrer à sen meulin. Il 
o quemenchè par aller se foire habiller comme 
un grous propriétaire ; après, il o 'tè vir deux- 
trois ami qu'il avoit da le ville ; en le voyant 
si bieu, i n'ont point peu s*empécher de li dire : 

— Gh'est-ti que t'os assasinè quéqu'un ? 

— Nan, seulemen je viens de foire un héri- 



>à 



— 192 — 

tage. Ede conlenlemen, éje sut venu vous prier 
à dîner aveuc mi ; ch'esl mi qu'i poie. 

L ne se le sont point foit dire deux fois. Les 
vlo don partis da che pe bieu restaurant. I se 
font servir comme des milord. Après, il ont 
p ri n s en ne voilure pour aller au théâte. 

El lennemainetpi le surlennemain, Michelout 
il o continué de poyer à menger pi à boire et 
pi le reste à ses caraarale. Eux, qui ne s'étainl 
iamois vu à pareile fête, il étain aux petits 
soin, folloit vii\ autour éde Michelout ; i li ser- 
vaint de domestique, éde valet de cliamme. 
Gomme i prisioit, i ne li laissiaint point préne 
éle peine éde saquer se tabatière : i nen avoi 
un qu'i li préseutoit tout ouverte, un eute qu'i 
11 porto il sen toubac à ses narinne, éche troi- 
sième qu'i li houssoit sen nez ; s'i nen avoi ieu 
un quatrième, il éroit pet-ête éternuè à se 
plache. Quant i mon toit da le voiture, i folloit 
vir comme l'un arrengeoil che coussin dé le 
banquette, comme un eute i li metloi un coussin 
à sen dous ; i ne s'étoit mie jamois vu si 
heureux. 

Au bout d'enne dizaine éde jour dé le vie-lo, 
Michelout i n'avoit pu le sou. Il o follu qu'i 
revienche da sen poys pour se remette à tra- 
vailler : ch'éloi un rude cangement. 

A chaque pratique qu'i venoi â sen meulin, i 
racontoit ches bombance qu'il avoit foit : 

— Mi, qu'i disoit, j'ai vécu comme un homme 
qu'il o chent mille life éde rente. 

Etoit vrai pusqu'i dépensoit trois chent life 
par jour. 1 linissoit toujours par dire en parlant 
de ches riche : 

— Nom d'enne bricole ! éque ches cochon-lo 



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— 193 — 

i sont-ti heureux tout de mumme ! 

Gh'est le seule morale qu'i tiroit dé s'n 
aventure. 

Quoi qu'o peu atténe éde miu d'un seulout ? 



i3 



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— 194 — 
LXVll 



— Dlmenche au matin, en sortant aven che 
parcour éde nous foire raser mon Roger, qn'i 
nous o raconté Tintin, ôs ous 'lé boire enne 
baïonnette mon Lalie. I n'avoit lo Donat d'Han- 
gard, eque ch'est un conteu de conte et pi un 
nienteu comme i nen o point deux pareile. Eje 
li demanne : 

— Quoi qu'i n'o de nouvieu, Donat ? 

— Bè, Tintin, qu'i me répond, os o foii 
hier enne bêle pêque à Thésy. Os o prins un 
viédace d'un treu à troube. 

— Quoi que ch'est qu'un viédace ? qu'i de- 
manne éche parcour. 

— Bè, men quiout, qu'i dit Donat, ch'est 
un poisson d'enne grosseur estraordinaire 
comme tu n'n os jamois vu, ch'est enne baleine 
d'ieu douche. Echeti qu'o 'le prins hier dal 
reniai le il o foit boissier ei ieu éde pu de deux 
pied quant il o Mè retiré ; l pésoit douze chent. 

— Vraimen ! qu'i foit che parcour. Ah ! que 
tour I 'A n'est mie croyape. 

— Est portant aussi vrai que je té le dis. 

— Ele vianne al est-ti boine ? 

— Quemen, si al est boine ? Eje té crois, 
comme dit François. Al est si boine éque tous 
chef? gens dé che villache il ont 'té nen chercher 



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— 195 — 

des paingnierrèe du diabe, qui u'n avaint leu 
cairque. Je n'a ai rapporté pu de dix life, que 
me femme al foit cuire pour nou dîner. J'ai 
idée que cheli qu'i FI o péquè i ne varo mie 
jamois à bout de donner tout chan qu'i li reste. 

— Quemen qui s'appéle ? qu'i demanne éche 
parcour. 

— Gh'est Modesse éche Bégueu. 

— Modesse, qu'os disez ? 
-Oui. 

— Cn'est men bieu-frére. 

— Vos-y tout de suite, tu n'n éros coire. 

— Vite, Lalie, qu'i dit che parcour à le caba- 
retiére, prêtez mé vou grand paingnier ; éje 
m'ons partir tout de suite ; éje serai revenu 
pour dîner. Nou dame al sero contente d'avoir 
dé che poisson-lo, nou boin, che berger ? Os 
li direz iou que je sut parti. 

Eche grand bénet i n'o poin ieu sitout f rummé 
le porte éque Donat i s'est mi à rire comme un 
gobelin. Gh'étoi enne mentirie qu'il avoi' in 
ventée pour foire courir éche parcour ; ilavoit 
di un viédace comme il éroit di un eute moul- 

En arrivant mon de sen bieu-frére, éche par" 
cour il Fo trouvé assis dessur sen métier en 
route à foire des bos. 

— Quémerveiledé tevir?qu'i li dit cheti-chi. 

— Eje Viens chercher un morcieu dé che 
viédace éque t'os péquè hier pour el porter À 
nou dame. 

— Quoi que tu veux dire ? 

Eche parcour il o raconté chan que Donat 
d'Uangard i nous avoit dit. Quant il o ieu fini, 
sen bieu-frére i li dit : 

— Men pofe Jacques, tu t'est laissiè refoire 



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— 196 — 

par Donat, qa'i nen foit jamois d'eute. E]e 
n'ai rien péquè du loat. Ta n'os qu'à te ren- 
naller sans rien dire & personne pour qu'o né 
se mouque point de ti. Tiens, bois la goutie et 
pi vo-l-en. 

'A n'o point 'té fini. 

in'avoitlo un voisin qu'il est curieux comme 
enne canule qu'il o demandé & che parcour 
quant il est serti de mon de sen bieu-frére 
quoi qu'il étoit venu foire aveu sen paingnier. 
Echeti-chi il o raconté s'n histoire. 

— Ten bieu-frére, qu'i li dit Tente, i n'o 
point volu le donner de sen poisson. Attends, 
lu n'n éros tout de mumme. Je n'n ai ieu un 
grous morcieu ; je m'en vos t'en donner le 
mi tan ; tu ne l'en iros point à wide. 

Ëche faiceu-lo, i s'est en allé da sen gardin ; 
il o ramassé enne cairminne da le haie, qu'il o 
bien enlorsillèe da de l'herbe, da du feurre et 
pi d'un grous papier gris autour, sans qné che 
parcour i le voiche foire. 

— Tiens, qu'i di à cheti-chi, en mettant le 
cairminne da sen paingnier, éreporte ello à te 
dame ; seulemen, ne t'atarge poin en roule 
pace ëque dé che temps-lo éche poisson se 
wale Yite. 

Eche parcour il est revenu rondébilis ; éde 
temps en temps, i li venoit d's avenée dé le 
cairminne qu'i li foisaint dire à part li : 

— Tout de mumme, éde ches caleur-lo o ne 
peut point warder longtemps de poisson. 

En arrivant à le ferme, non dame a' li de- 
manne : 

— Quoi que tu nous rapportes-lo ? 

— Du Yiédace, 






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— 197 — 

— Quoi que ch'est délelo? 

— Ch'est un poisson tin. Os allez vous ré- 
galer à vous en léquer les babinne. 

Eche parcour il aherd éche paquet qu'o li 
avoit mis da sen paingnier sans qu'il euche vu 
chou que ch'étoit. 1 se met à le détorsiller. Tout 
d'un cœup, i découve éche morcieu de cairminne 
rempli de ver, d'enne puanteur à donner le 
choléra. Ede saisissemen, i le laisse queir à 
1ère. Nou dame, en se bouchant le nez, al court 
aherde sen ramon qu'ai hamme édessur éche 
parcour en li disant : 

— Meudit polaque, veux- tu te dépêcher de 
ramasser te cairminne et pi d'aller ri enterrer 
da ches camp. Ch'est coire quéqu'un qui s'est 
mouquè de ti, espèce éde Jean-béle. 

Dé che cœup-lo, os n'ons point mengè bié- 
cœup personne À midi ; seulemen, os ons attaqué 
sur ches baïonnette à remontée au cabaret. 



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— 198 — 
LXV11I 

QUIOUT DÉRIC 



— Enne fois, qu'i disoil Tintin, éche parcour 
il o/lè conduire quiout Déric, éche deuxième 
ttu de nou moîle, qu'il éioit coire Joine, mon 
dé se graud'mére, du côté de Ghaulnes. Il ont 
'le préne éche train à Marchelcave. 

Ch'étoit le prummiére fois que quiout Déric 
i montoi en quemin de fer ; aussi, i n'arreloit 
point de foire éd's admiration en rebeyantpar 
éche quiout cassis qu'il éiol ouvert. Quant 
éche train il arrivoi à ches gare, éche galibier 
il é toit tout saisi de vire coire des gens pi des 
gens. 

— Que le raonne M est-ti grand ! qu'i disoi 
quiout Déric, tout évertinè. 

D'un cœup, il est venu enne idée à che par- 
cour. En étandis que che galmite i rebeyoi 
enne vaque qu'ai foisoit sen bouso en poissiant 
d'enne piéche éde sainfin à vingt pos dé che 
quemin de fer, éche parcour il aherd subtilemen 
par driére el casquette dé che quiout, qu'il o 
muchèe tout de suite édesous le banquette. 

Déric i s'est mi à braire comme un vieu dé 
se vir à le tête défulèe ; i croyoit que ch'étoi 
un cœup de vent qu'i li avoi enlevée ; i voloi 
à toute forche que che parcour i foiche arrêter 
che train pour aller ramasser se casquette da 



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— 199 — 

ches camp. 

— Nan, nan, qu'i dlsoit che parcour ; tant 
pire pour ti. Je t'a vois défendu de foire vie qu'i 
dore à che quiout cassis ; tu n'os jamois volu 
m'acouter. Ch'est rien, quant tu revarro à vou 
moison été mère a' té n'n en donnero des pla- 
musse. 

— Tant pire auôsi ! qui crioit che galibier, 
éje veux me casquette, et pi i mé le feut, na. 
Cours éle queurre, qui disoi à che parcour en 
le poussant devers éche cassis. 

— Seros-tu sache, après ? qu'i li demanne 
éche parcoar. 

— Oui, oui, je serai sache comme enneimache. 

— Bien seur? 

— Oui, est bien seur. 

— Si ch'est lelo, torne ten dous ; beie da ches 
camp sans remuer ni patte ni aile. 

Eche quiout il o foit chan que che parcour i 
li quemandoit ; écheli-chi i s'est mi à siffler 
comme quanl j'appéle Charmante, éme quiéne, 
qu'i dit Tintin ; tout de suile, i replache éle 
casquette édessur éle tête dé le flude nou moîte. 

Quèche qu'o 'le bien content? I ne feut point 
éle lé demander : ch'est 'le che quiout ttu, qu'i 
s'est ratornè pour érebeyer che parcour en 
riant à çafèe. Et pi, tout de suite, comme un 
quiou évertin, il aherd ése casquette qu'i Jéte 
à le volée da ches camp par éche cassis qu'il 
étoit toujours ouvert, et pi i di à che parcour, 
qu'i ne s'étoit point attendu à lelo : 

— Sitfe coire pour que je voiche ère venir 
éme casquelte éle fois-chi. 

Oui, mais, che cœup-lo che n'étoit pu l'eute. 
Eche parcour il avoit le sifflet copè ; i n'n étoit 



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. 



— 200 — 

tout moneu. Justemen, ch'étoi à le prummiére 
estation qui dévalût déchéne. IL ont 'tè cher- 
cher après le casquette ; il oot travetè tous 
ches piéche sans jamois rien vir. 'A foit que 
quiout Déric il o Hè obligé de s'en aller à le 
tête défulèe mon dé se grand'mére. 



j 



— 201 — 
LXiX 



— Ch'est coire dé che parcour que je m'en 
vos vous raconter ches deux qaiotes parate 
qu'il o foit le semaine passée, qu'i nous disoi 
samedi Tinlin Pierrout. 

Nou moite il l'a voit envoyé porter enne poire 
éde pigeon à M. Lormieu, éche sérusien, aveu 
enne ielte. Quant il o 'té revenu, M. Caulelte i 
H o demandé s'il avoit bien foit ses deux com- 
mission. 

— Bien oui, qu'i répond l'eute, comme s'il 
étoit croqué que nou moite i n'euche point 
confiance en li ; seulemen, qu'i continue, j'ai 
idée que M. Lormieu i ne sero pu jamois en 
étot de lire dé se vie. 

— Quoi que tu veux don dire ? Esplique-te. 

— Bien, il est avule. 

— Quement, avule ? 

— Oui, oui, il est avule. 

— Quoi que ch'est que ch'est que tu nous 
démaques-lo ? 

— Oui, est vrai ; che n'est mie le peine d'a- 
léguer. Après que j'ai ieu posé che3 pigeon 
dessur éle tape et pi remis vou lelte à M. Lor- 
mieu, i me dit : « lou qu'ai est te casquette ? » 
Jel Tavois dessus me tête ; i né le voyoit point. 
Gh'est pace qu'il o perdu la vue. 

El lennemain, éque ch'étoit le veile éde Qua- 
simodou, nou dégourdi il o 'té à le confesse 



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— 202 — 

pour foire ses Pâques comme tous Fsan. Quant 
il o ieu fini dé se confesser, M. le Curé i 11 o 
dit : « Pour vou pénitence, os irez vous mette 
à genou devant ches quator estation et pi os 
direz un Pater et pi un Ave ; os revarez ichi 
dens huit jour pour que je vous donne-che 
l'absolution. 

El lennemain, éque ch'étoit dimenche, éche 
parcour i s'est envoie à Grand-Villers. En arri- 
vant au droit dé le gare, i s'est jeté tout flac 
ébondie à genou da ches beue ; il o foi un 
grand nom du Père et pi il o di un Pater aveu 
un Ave ; après, i s'est relevé en houssant ses 
genou. Il est venu demander à cheti qui donne 
ches billet iou qu'ai est le quatorzième estation : 

— Gh'est Tergnier. 

— Combien qu'i n'o d'ichi ? 

— I n'o seize iue. 

— Combien qu'i coûte ? 

— Trois life trois sou. 

— Et pi, devers Amiens, iou qu'ai est le 
quatorzième estation ? 

— Ch'est à Formerie. 

— i n'o-ti moins loin ? 

— Ch'est coire pu loin ; i n'o dix-huit iue. 

— Bien, monsieu, je vous remercie bien. 
Lo-dessur, comme éche parcour i ne povoit 

point foire un tel trajet à pied da s'n éremonlèe, 
et pi qu'i n'avoit point assez d'argent pour éle 
foire en quemin de fer, il est venu espîiquer s'n 
embarrosà M. le Curé, qui n'n o bien ri. 

— Allez, men pofe basou, qu'i li dit, os irez 
da le paradis tout droit ; Note Seigneur i pen- 
soi à vous quant il o dit : « Blenhéreux ches 
pofe d'esprit, éle royaume des ciu il est à eux». 



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— 203 — 
LXX 

ENNE ÉREMARQUE 



— Ele semaine passée, qu'i nous o di avanl-z- 
hierTintin Pierrout, mes bieux-gens il ont lue 
leu habillé de soie ; il ont foil le tripe éle lenne- 
main, éque ch'étoit dimencLe. Eche parcour 
éde nou moite, qu'il avoit le prié, i n'o point 
manqué dé venir. Il o mengè comme qnate et 
pi bu comme huit, à s'n habitute. Quant i s'est 
élevé pou se rennaller, il étoit fin seu, quasi- 
men morl-z-ife. J'ai *tè obligé dé le conduire 
coucher da sen lit dal l'écurie. Ele lennemain 
matin, en arrivant à le ferme, j'ai vu nou 
homme qu'il avoi un air rudemen moneu. 

— I mé n'n est arrivé enne drôle éle nuit-chi, 
qu'i me dit ; ne vous approchez point iroup 
prés de mi... 

— Quoi qu'i n'o ieu, quiout?qué jelidemanne. 

— Ne m'en parlez point ; je nen sut coire lout 
ébeuhi. Hier, à le tripe mon de vous bienx- 
gens, os o raconté d's histoire éde brigand, à 
foire drécher ches cavieu. Je n'n al songé par 
nuit. Je me Ira vois dache bousd'Hénon. D'un 
cœup, vlo que je voi arriver enne gens qu'i 
n'avoit point du lout bel air. 11 avoi un poignard, 
enne sarpe pi un pistolet à se cheinture ; 1 portoi 
un fusil en bandouiilére ; da se main gœuche, 
i tenoit un saclet qu'il avoit l'air rudemen 



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— 204 — 

lourd ; en marchant, 'a cliquotoit comme si 
ch'étoit des louis d'or pi des piéche chent sou ; 
da se main droite, il avoi un louchet. 

Pendant rn moment, il avoit l'air éde cher- 
cher après quéle cosse. J'avois peur qu'i me 
voiche ; Je me sut muchè du miux que J'ai peu 
desous un bisson d'éroince. Eje povois tout vir 
san ête vu. 

A la fin, éche brigand-io il o posé sen fusil pi 
sen saclei à tére ; i s'est mi à foire un treu à 
che pied d'un grous quéne à chinquante pos dé 
le granne allée par en bos. Quant éche treu il 
o ieu assez d'avanteur à s'n idée, il o mis sen 
saclet dedens et pi il o rebouché che treu ; en 
s'en relornant il o dit tout heut à part li : 

— Je revarai elle rechercher demain au soir. 

Quant il o 'lé parti, je me sut rasseuré un 
mole, J'avoi ieu un rute peur ; éje sentois qu'a 
grouiiloit da mes boy eu. Je me sut relevé ; J'ai 
'tè m'assir à che pied dé che quéne. J'ai obliè 
de vous dire éque Je me truvois lo en bain- 
gniére volante, Je ne sais poin à cœusse. Eje 
n'a vois point men coutieu pus éque j'étois sans 
patalon ni gillet. Je ne povois mie foire dé 
remarque pour éretruver leplachedéche saclet 
éque da me quiote idée éje volois venir déterrer 
au jour édevant que che brigand i fuche venu 
elle requeurre. 

Gomme j'étois lo à buigner quement que je 
m'y parrois pour éreconnoîte éche quéne, vu 
qu'i nen o tant da che bous, vlo que je sens 
enne colique éde lé-warou... J'étois sauvé!... 

Pou me soulager, j'ai 'té m'aponner à che 
pied dé che quéne. Gh'étoi ente éremarque... 
'A n'étoit point biécœup propre, seulemen je 



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— 203 — 

n'avois mie à coislr : à la guerre comme à la 
guerre. Après lelo foit, je sut raccouru me 
mette da meu lit pour atléne éle jour. 

— Et pi, quant éle jour il o 'tè venu, quoi 
que Vos foit, men quiout ? Os-tu retornè à che 
bous d'Hénon ? 

— Quoi que j'ai foit ? Ah ! ne m'en parlez 
point!... En me réveillant, j'ai vu que m'n 
éremarque... al étoit da men lit !... Vingt lé- 
warou. ch'étoi un songe!... Ah ! jour dé Diu ! 
je m'en souvarai longtemps ! 



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— 206 — 
LXXI 

m POISSON D'AVRIL 



— Os savez lertous que nou marister ch'est 
un h m me qu'il aime à foire des farce, qui 
disoil Peu le jour Tin tin Pierrout ; personne é 
ne s'en fâche pace qu'o sait qui n'est point 
méchant et pi qui pale bien à tout le monne ; 
i n'est point grandier pour enne flèpe. Ch'est li 
qui nen sait des conte, éd's histoire à foire 
rire à nen tenir ése panche. 

An mesure, ches farceu i sont refoils à leu 
tour ; ch'est chan qui 11 est arrivé i n'o point 
longtemps. 

Ch'éloit le veile du prummier avril à le 
brunne. Nou moite i rentroit de voyache ; il 
éloil da se chamme en roule à se débiller ; 
comme i ne foisoit point froid, éle croisée 
qu'ai donne édessur ches rue ai étoit tout 
granne ouverte. Nou moîle il é loi assis pour 
déloyer ches cordon de ses seuler. Tout d'un 
< œup, il entend foire floue ! à colè de li ; i 
rebeie : ch'éloi un coquelet mort éque quéqu'un 
il a voit jeté en passant. Tout de suite, nou 
moite i uo irt à le croisée ; i voi un homme 
qui se sauve au grandécime galoup en riant 
tout heuL à part li ; à le clairlè de ches lampe 
éde ches voisin, il o reconnu che marister à se 
loi que lévite. 



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— 2u7 — 

Nou moîte il o ramassè~che cou mort ; il o 
'le le porter à le dame eu 11 disant : 

— Tiens, tu feros déplummer che bétaile-lo 
et pi tu le feros cuire pour édemain à midi. 

— T'est fou, .m'n homme, qu'ai répond le 
dame ; je reconnois che cou-lo qu'il est depuis 
huit jour d'enne toffe d'orlile da ches rue ; je 
ne veux mie vous foire menger dé le cair- 
minne ; j'ai bien d'eute cosse à vous donner à 
tertous. 

— Je le sais, nou dame ; os nen mengerons 
point personne ; ch'est enne farce que je veux 

'foire à quéqu'un qu'o volu m'attraper. 

— Donne el lé à che parcour ; i le déplummero 
et pi i le fero rôtir da che fornii. 

Un moment après, nou moite il o écrit un 
moût de billet qu'il o envoyé porter par sen 
quiout dergnier mon dé che marister ; il l'in- 
vitoi à dîner pour éle lennemain éque ch'étoit 
jeudi. 

Quant éche quiout il o 'le revenu, il o di à 
sen père que che marister i varoit. 

Ele lennemain, à midi tapant, nou homme 
il arrivoit; lout le monne s'est mi à tape, li à 
le lape éde ches moîte, nous à le tape éde ches 
domestique, tertous da le granne cuisinne dé 
le ferme. 

Nou dame ai quemenche par servir ches boins 
fricout qu'ai sait si bien foire ; éche marister i 
li foisoi des compliment. Au moment d'apporter 
che rôti, nou moîte i foit sinne à che parcour, 
qu'i s'est en allé da che fornii ; il est revenu 
aveu un cou rôti qu'il avoit bêle couleur; il 
étoit fort appétissant. Eche parcour il est venu 
le poser dessur éle tape au droit de che marister. 



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i 



— 208 — 

— Ghe n'est point pour vous 11 éreprocher, 
qui li dit non moîte, mais depuis que je décope, 
ch'est bien vou tour, à che-t-heure. 

— Eje né demanne point miux, qui foit che 
marister. Os croyez pet-ête m'embarracher. Os 
allez vire comme je m'y entends. 

— Os avez-ti un coutieu qui cope bien ? 

— Pour ello, oui, qui dit l'eute sans méfiance ; 
aveu men coutieu, éje coperois du fer. 

11 aherd sen coutieu, i se met a le frotter 
dessur éle manche dé se fourchette pour éle 
raguisier; quant il o ieu fini, ilo détaquè enne 
patte, enne aile, tout en niflant comme enne 
marguette nacsieusse ; i veut retorner che 
coquelet de l'eute sens; vIo le béte qu'ai s'ouve 
en deux ; i n'avoit des minon par chentaine da 
se panche ; che n'étoit point le pire ; vlo enne 
avenèe d'enne puanteur du diape qui s'épard 
da le moison ; tout le monne é se met à peucher 
sen nez ; i n'avoit pu moyen de durer ; vlo que 
tout le monne ése sauve da le cour. 

— 'A n'est point bien lelo, qui dit che ma- 
rister â nou moîte. 

— Ene vous fâchez point, m'n homme, qui 
répond M. Gauilette, ch'est che poulet qu'os 
m'avez envoyé hier à le brunne. 

Eche. marister i s'est mi à rire ; ch'est chan 
qu'il avoit de miu à foire ; il o reconnu qull 
avoi ieu l'édessous. 



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— 209 — 
LXXIU 

UN QUIOUT DROLE 



Hier au soir, Tîniin i nous n'n o coire raconté 
enne soéle édessur éche parconr. 

— Os savez qui n'o six semaine, qui nous o 
dit comme lo, grous Pierre éche bracongnier 
il o ieu un procès pour avoir 'té soi-disant à 
Fallût à che bous d'Hénon. Eche garde éde 
bous, en faisant se tornée à la brunne, il étoi 
arrivé à che cœup de fusil ; el l'affutier il l'o 
aperchu, i s'est sauvé tout de suite au grandé- 
cimegaloup pou ne point ête éreconnu. Gomme 
éche garde i nen veut à grous Pierre pour tous 
ches tour qui li foit, il o lé avertir ches gen- 
darme; os o foit clainevile à se moison; o n'o 
rien trouvé. 'À n'o point empêché che garde 
éde foire un procès à grous Pierre. 

Echeti-chi i n'o rien dit. Che n'étoit point li 
pace qu'ai Fheure-lo il étoi à l'opposé dé che 
terroi qu'irevenoit d'éparde fummier aveu che 
parcour d'enne piéche à non moite. Il est 
comme pair et compagnon aveu che parcour, 
ch'est pour ello qu'il o foi assiner tout de suite 
écheti-chi comme témoin à décharge. 

Eche procès il o 'tè appelé à Montdidier le 
semaine passée. Gomme grous Pierre il avoit 
besoin de vir é s'n avocat, 1 s'est envoie devant 
che parcour. 

14 



jlC = 



— 210 — 

En arrivan da le ville, nou dégourdi i s'est 
mi à randir da tous ches rue en rebeyant à 
droite à gœuche sans savoir iou qu'il étoit. 
D'uncœup, i tombe édessurel plache Parmen- 
tier. I vol à enne horloche qu'il alloi êtemidi ; 
ch'est al l'heure lo qu'il étoi appelé à che tri- 
bunal. I ne savoit point iou qui se trouvoit, et 
pi i ne povoit point se décider al lé demander 
à ches monsieu qu'i rencontroit ; il étoit 
comme enne gens emprétée ; i voyoit que 
tout le monne étoit bien habillé; i n'a voit que 
11 aveu enne rouillére ; il étoit si berlurè de 
tout chan qu'i voyoit qu'i ne savoit mumme 
point que Jour qu'il étoit. 

— Ché seroit don dimenche ichi ? qu'i se 
demandoit à part 11 ; portant, quant éje sut 
parti de nou villache, ch'étoit un jour ouvrier. 

À la fin, comme midi il alloit sonner, i s'est 
ahardi ; il o vu à le porte d'enne granne bou- 
tique éde confection un bleu quiout jeune 
homme à le tête défulèe qu'i se tenoit roide ; 
i sembloitqu'il'lé rebeyoi aveu un air amiteu. 
1 s'est avanchè en retirant se casquette pa le 
visière : 

— Pardon, escusse, monsieq, os vodroite-ti 
m'ensigner che tribunal ? 

L'eu te i ne répond point. 

— Criez pu fort, il est sourd, qu'i di un f arceu 
en passant à l'enconte dé che parcour. 

Echrti-chi i répète ése question en criant 
tant qu'i peut. 

Po coire éde réponse. 

Eche moite dé che magasin il arrive à le 
porte pour édemander à che dégourdi quoi qu'i 
veut ; éche parcour i li demanne iou qu'il est 



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— 211 — - 

che tribunal. 

— Tenez, men brave homme, il est lo à deux 
pos ; ch'est che grand bâtiment au droit de 
vous au bout dé le rue ; os n'ayez point à 
vous tromper. 

— Merci bien, monsieu, qu'i foit che parcour, 
os êtes bien poli pi bien honnête ; éje vous 
remercie coire; os êtes tout plein pus obligeant 
que che nivelet-lo, qu'i n'o tasseulemen point 
volu me réponne, malgré que j'ai crié fort. 
Eche n'est mie vou flu, nou boin ? 

— Nan, nan, qu'i répond che marchand en 
riant comme un bochu. 

— Ch'est un quiout drôle, beyez, che quiout- 
lo, qu'i dit che parcour en s'en allant, oui, 
ch'est un quiout drôle. 

Nou arriéré de parcour i n'avoi mie foi attache 
qu'i s'étoi adréchè à un mannequin de bous que 
ches marchand de nouvieutè i habile-té pour 
mette à leu devanture. 



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— 212 — 



LXXIV 

DÉ LE GRAINE ÉDE SOIRET 



t- Tatisse éche Mandier 11 est à la mort, 
comme os le savez sans doute, qu'i nous disoi 
avanl-z-hier Tin tin Pierrout, seulemen, chan 
qu'os ne savez pet-ête point, ch'est che qu'il o 
di hier au soir à M. le Curé qu'il étoit venu 
pour el l'estrémiser. 

— Nan, qu'os faisons; racontez-nous lelo. 

— M. le Curé, qu'i reprend che berger, i 
parloi à Tatisse, du purgatoire, du paradis, 
ede l'enfer. 

— Laissions tout lelo tranquile, qu'i foit che 
Mandier ; disez-mé tasseulemen da lequel 
éde ches trois endroit-lo qu'i n'o des cot. 

M. le Gurè, qu'i né se doutoit point iou que 
che simplet-lo i voloit nen venir, i li dit 
croyant li foire plaisi : 

— I n'o que da le paradis qu'o voit des col, 
pace que che n'est que lo qu'o trouve tout chan 
que le bon Diu il o créé sur la terre... 

— Bon ! bon ! je ne vous en demanne point 
pus, M. le Gurè ; si ch'est comme lo, laissiez- 
mé aller da l'enfer ; j'aime miu vive aveu le 
diabe qu'aveu des cot ; ches meudit béte-lo i 
m'ont bien foit foire troup de mauvais sang sur 
la terre. 

il o toujours 'tè gniangniou ; da sen joine 



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— 213 — 

temps, il étoit coire granmen pu basou. 11 éloi 
aussi tout plein su s i bouque ; il éroit mengè 
enne douzaine éde soiret à le fois si se mère al 
l'avoit laissiè foire. 

Vlo chan qu'i li est arrivé. 

11 o demandé enne fois à Sévérin Quin, leu 
voisin, éque ch'étoi un farceu, quement qu'os 
avoit ches héreng-lo. 

— 1 n f o rien de pu aise, qu'i li répond Feule: 
tu n'os qu'à t'n aller al l'épicerie Laurent Ga- 
gout ; lu demanderas pour deux sou de graine 
éde soiret ; o té n'n en donaero enne mi-onche ; 
aveu lelo, lu n'n éros assez pour ésemer ciie 
parqué à Tenconte dé le pignon de von granche ; 
i feut qu'a fuche ésemé au l'omme ; t'arrou- 
seros tout de suite et pi tu n'iros vir éque dix 
jour après. 

— Ah ! man mère ! qu'i dit Tati3sc Mandier 
en rentrant da leu moison, nou voisin i vient 
de m'ensigner un moyen d'avoir des soii et 
point quers. Donnez-mé deux sou pour que je 
voiche acheter dé le graine mon Laurent Ga- 
gout ; éje les sèmerai à le pignon de nou 
grauche loi qui ne vient que des ortile. 

— Men pofe liu, tu ne vois point que Sévérin 
i s'est foula de il ? 

— Fut-che ! 'A ne fuit rien. Donnez-mé tout 
de mamme deux sou ; éje voirai chan que 
Laurent i me diro. 

En élandis che temps-lo, Sévérin Quin il avoit 
couru mon ôVl l'épicier pour el l'avertir. 

Quant Tatisse il est arrivé mon Gagout. 
écheti-chi i li o dit qu'i venoit justémen dé 
rechuvoir dé le boine graine tout fraîche ; 
ch'élott desgriné qu'il avoit retirés d'un soiret; 



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- — 214 — 

dens dix jour, qu'i 11 dit, ches Jolnes soirei i 
porrain ête élevés. 

Fin content, che Mandier il o foit chan que 
Se vérin i li a voit requemandè. Eche dixième 
jour, en se levant, i court à le pignon dé se 
granche. Quoi qu'i voit ? Deux douzaine au 
moins de tête éde soiret qu'i se saquaint dé le 
tére éde quasimen un demi-pouce. 1 court tout 
de suite à leu moison : 

— Ah ! man mère, qu'i crie en ouvrant le 
porte tout flac ébondie, mes soiret qu'i sont 
levés I Os voyez bien que Sévérin i ne m'o 
mie attrapé. 

— Ali ! mon biu, que malheur dé n'n avoir 
un pareile ! qu'ai dit se mère en laissiant re- 
queir ses bros ; tu varos fou, men pof e gniaiseu 
aveu ten Sévérin et pi tes soiret. 

El lennemain matin, Tatisse il o couru vir à 
ses soiret en se levant, i nen manquoit six ; 
à midi, i nen avoit huit éde moins ; à rechinèe, 
i nen restoit pu que cinq. 

— Gh'est un voleu qu'i vient me les préne, 
qu'i se di à part li ; che n'est rien ; je m'ons 
guetter. 

I n'avoit pet-ête enne heure qu'il étoi à 
Paflût quant i voit che cot de Sévérin qui 
vient à che parqué de soiret ; il agrippe enne 
tête, qu'i se met à croquer. 

— Ah ! ch'est ti, men gaillard, qui me jues 
che tourlo ? Attaté-me ! 

En disant lelo, Tatisse i sorte dé le granche 
aveu enne trique pour assommer che cot ; 
écheti-chi, qu'il étoit bicncœuchè, il étoit déjo 
loin quant éche Mandier il est arrivé à che 
parqué de soiret. 



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— 215 — 

Edepuis che temps-lo, éche pofe simplet i n'o 
jamois peu souffrir éde col ; i voioit tuer tous 
clieux qu'i reneonlroit. Pour seur, i morro 
sans leus avoir pardonné. 



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— 216 — 



LXXV 

Drôle dé Mâquerie 



— Eche parcour éde nou moite, qui nous o 
dit hier Tintin Pierrout, il avoil réussi à foire 
entrer se sœur comme servante mon M. Caul- 
lette i n'o quéque temps. A* n'y éro point foit 
long fu ; al vient dé rechuvoir ses huit jour. 

Edevant vous dite à cœusse qu'ai o 'le ren- 
voyée, éje m'ons vous raconter enne aventure 
qu'a' 11 est arrivée mon dé se dame dé devant. 

— Si tu truve à te marier, qu'ai li o di enne 
fois le dame-io, éje té donnerai dix écu pour 
été dot. 

Huit jour après, el servante al di à le fer- 
mière : 

— J'ai un amoureu, nou dame ; os ne serons 
point longtemps à nou marier; apprêtez vou 
argent. 

— Eje né demanne point miu ; seulemen je 
veux vir édevant cheti que t'os coisi. 

— 1 n'o rien de pu fadle; éje vous ri amarai. 
El lennemain, le servante al vien aveu sen 

prétendu ; quant il o 'té parti, éle dame al dl 
à se servante : 

— Jour de Diu ! qu'il est laid ! Ch'est un 
courtes botte; il est bancal, gongnou, aveu se 
guife éde travers. Ene viens pu jamois ichi 
aveuo 11. Quoi que t'os coisi lo, me pover file ? 



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_ 217 — 

Il est laid à foire écheurter enne vaque. 

— Pour dix écu, quoi qu'o peu avoir ? qu'ai 
répond le dalue quasimen en colère; éche n'est 
mie tasseulemen le prix d'un mauvais beudet. 

Âpres qu'i nous o ieu débité éle l'histoire-lo, 
éche berger i nous dit : 

— Nou moite il étoit rentré l'ente fois aveu 
enne mi-douzaine éde bécache qu'il avoit tuées 
da ches pré ; il o di à nou dame dé s'zé foire 
cuire pour éle surlennemain, qu'i prieroi enne 
poire d'ami à venir souper à le ferme. 

Ele jour arrivé, éle servante qu'ai est prope 
pi ménutieusse, al avoi ieu bien soio de foire 
cuire ches bécache à point ; al étoit seure d'a- 
voir bien réussi ; al s'atlendoit qu'o li feroit 
des compliment. 

Quant éche plot aveu ches bécache il o . 'le 
apporté dessur éle tape, nou moite il o aherd 
enne fourchette pi sen coutieu pour ouvrir ches 
qùiotés béte en deux. A le prummiére, i s'arrête 
tin saisi; ilouve éle deuxième, éle troisième;... 
sen rouche i li monte. 

— Nen vlo unne d'affoire ! qu'i di en colère. 
Voyons un mole ches trois eûtes s'i seront 
coire pareiles. 

11 ouve ches trois bécache qu'i restaint. I vol 
eque toutes six il ont 'té widlèes. 

— Feut-ti que le tile-lo al fuche béte, qu'i 
dit nou moite en parlant dé le servante, pour 
avoir enlevé ches boyeu de ches bécache. Pi 
ti, qu'i di & le dame, tu ne sais don point l'oc- 
cuper de veiller à chan qu'o foit da te cuisinne ? 

Ele servante, en entendant nou moite crier 
après elle et pi le dame, al est venue s'escuser 
en disant que ch'étoit le prummiére fois qu'ai 



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- — 218 — 

foisoit cuire dé chequiout gibier à plumme-lo ; 
al o promis de Joire attache pour enne eute fois. 

Avanl-z-hier, non moîte il o rentré dé le 
cache aveu se carnassière pleine éde pertrix 
pi decaile. 11 o coire invité pour aujord'hui ses 
ami à venir souper à le ferme. 

Quant tout le momne o 'té à tape, éle servante 
al o servi che prummier plot. À che deuxième 
plot, ch'étoit ches pertrix. Nou moîte i li dit : 

— Ele fois-chi, os ne nous avez point foit 
de cœup de maladrèche, nou boin ? 

— N'eussiez point peur, nou moite ; éje sut 
seure qu'os vous léquerez vou3 doJgt. 

Lo-dessur, al o apporté aveu un air tin rétu 
éche plot aveu ches pertrix ; seulemen, aveu 
se main gœuche, a' se bouchoit les narinne. 

En décopant le prummiére pertrix, vlo enne 
avenèe du diape qui vient da le nez de ches 
gens. Ch'étoit le servante qu'a* n'avoit point 
netliè ches béte ; a' s'z avoit foit cuire tout 
cœuchèes vêtues comme si ch'étoit des bécache. 

Vlo nou moite qu'i se met d'enne colère 
bieusse ; i crie, i jure, i tempête. 

— Quemen, qu'i di à le dame, a' ne sait don 
rien foire, éche mont de fien-lo ? Al wide chan 
qu'i ne feut point, pi a' ne wide point chan 
qu'i feut. O n'o mie jamois vu enne dalue 
pareile. I n'o point de bon Diu ni de miséri- 
corte, i feut li donner ses huit jour tout de 
suite, pi que je n'n entenche pu jamois parler. 

Ele servante, qu'ai acoutoi à le porte, croyant 
que che moîte i s'en alloit li foire des compli- 
ment, al est reutrèe da le salle tout d'enne 
ébondie ; a' s'est posée en face dé che moîte 
aveu ses deux puing dessur ses hanche, pi al 



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— 219 — 

o dit, rouche comme enne rosse pienne : 

— ne sait mie jamols quant-Jou qu'os o 
bien foi avenc vous. Aujord'hui, os volez du 
br.., demain os nen volez pu. Que le bon Diu 
vous patafiole ! Eje nen sut rebrous de vous. 
J'aime miuz m'en aller éque d'enténe berdeler 
comme lo à mes éreile pour des saloperie de 
mounet pi de pertrix. Je ne veux mie de -vous 
huit Jour, éje m'en vos tout de suite. Poyez-me 
chan qu'os mé devez, et... bojour la compai- 
gnie ! Je n'entends mie rien à vous mâquerie. 



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I 



— 220 — 
LXXVl 

UN PORTE-CIGARE 



— A le SatnWean, qu'i nous o dit Tintin 
Pierrout, éche parcour il o demandé à nou 
moite pour aller Amiens vir ése tante, qu'ai 
est établie marchanne éde frite à le cuin dé le 
pierre Si-Firmin, à che marché à réderie. 

Il o 'té bien rechu pa se tante, qu'ai li o foit 
menger enne bonne ratatoule éde pomme éde 
terre qu'ai o foit cuire aveu dé le graisse 
achetée à le boucherie de guevo. 

Quant il on ieu dîné, éche parcour i s'est en 
allé foire un tour da le ville. Pace qu'il étoit 
habillé à le dimenche, i se carroit comme un 
pou dessur un tignon. Tout d'un cœup, da le 
rue des Trois-Cailieu, i voit quête cosse qui 
relui à tére ; vite, i le ramasse. 

— Que bieu porte-cigare aveu un bout en 
argent éque j'ai trouvé lo ! qu'i foi en le ravisiant . 

Pour éle ressayer, i court acheter un cigare 
d'un sou, qu'il allumme tout de suite. 1 se met 
à tirer des goulée si grosses que se bouque al 
avoit l'air d'enne queminèe de quemin de fer. 

— Echeti qu'i s'en servoit, qu'i se di à part li, 
il avoi rudemen mauvaise haleine. 

'A né l'I o point empêché de continuer de 
fummer. Tous cheux qu'i passaint à côlé de 
li, i ne povaint point se retenir éde rire en 



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— 221 — 

voyant un si drôle dé porte-cigare, Li qui 
croyoit qu'ol Tadmiroit, i se carroit tant qu'i 
povoit. 

— Beyez, qui di à se tante en rentrant, que 
bien porte-cigare éque J'ai ti. 

Ese tante kl met ses lùnnelte, al ravise éche 
porte-cigare : 

— Pofe nigœud, qu'a' il dit, lu seros don 
toujours si naïu enne fois que Peule ? Tu ne 
vois don point que ch'est enne canule éde 
clysopompe ? 

— Ch'est lelo, qui répond che parcour en 
raquanl,qué Je croyois qu'écheli qui se n'n 
etoit servi il. avoit la... bouche puanle. 



— ^-JZ2-Ji 



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— 222 — 



LXXV1I 

DES JOUES ÉDE CAPIEU 



— Gusse éohe cantongnier, qu'il est granmen 
gouailleu, il o 'tè Jolimen refoi i n'o quéque 
temps, qu'i noua o dit Tintin Pierrout. Il aime 
agacher tous ches passant ; en étandis che 
temps-lo, i ne foit rien. An mesure, il o affaire 
à pu malin que li ; a' né le corrige mie. 

Un mole devant le mois d'eût, i voit passer 
un voyageu à pied ; il étoit bien habillé, seule- 
men il avoi un certain drôle dé capieu mou 
qu'i n'étoi pu dé le prummiére fraîcheur. 

Gusse i s'appuie dessur éche bout dé le 
manche dé se pèle ; i ravise éche voyageu du 
heut en bos, et pi i li dit comme enne béte 
mouqueusse qu'il est : 

— Monsieu, si vou capieu il o des joine, éje 
nen retiens. 

— Os n'n érez, qu'i répond che-t- homme ; os 
povez compter dessur. 

Eche voyageu il o continué sen quemin ; 
arrivé à le prummiére moisondéche villache, 
éque ch'étoi un cabaret, il o entré ; il o demandé 
à casser enne croûte et pi à boire un cœup. 
Tout en mengeant, i s'est mi à deviser ; il o 
parlé d'éche cantongnier qu'i tenoit bien se 
route ; éle cabaretiére al o dit quement qu'i 
s'appeloit. 



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— 223 — 

— I paroit qu'i s'en vo foire un quiout héri- 
tache, qu'ai dit coire; il avoi enne tante à Paris 
qu'ai vient de moirir ; o dit qu'ai avoi un 
quiout quête cosse; i n'o que lipour hériler... 

Eche voyageu, qu'i venoit de li passer enne 
idée, i nen savoi assez ; i n'o pu demandé eute 
cose ; il o dit deux-trois raison et pi i s'est en 
allé après qu'il o ieu poyè. 

Pet-ête huit-dix jour après, Gusse éche can- 
tongnier il o rechu enne lette d'éche chef éde 
gare qui li disoit qu'i venoit d'arriver par 
éche quemin de fer enne caisse à sen nom 
venant de Paris, qu'ifolloit venir enlever da 
les quarante huit heure s'i ne voloit point 
poyer de droit de magasinache. 

—Ché sero chan qu'i mé revient del i'héri tache 
dé me tante, qu'i se dit Gusse à part li. Que 
boine tante éque j'avois ! Eme pofe tante ! qu'i 
dit coire en foisant semblant de braire,... sans 
larme. 

Justémen, el lennemain ch'étoit dimenche. 
Gusse il o 'té vir un voiturier pour li demander 
combien qu'i li prendroit. 

— I n'o deux iue d'ichi, qu'i dit ; i nen éro 
pour un demi-jour aller revenir ; ch'est sero 
trois life dix sou et pi à diner à nous deux 
men guevo pi mi. 

— D'accord! qu'i dit Gusse. 

Les vlo don partis. Arrivés à le gare, Gusse 
i s'en vo montrer éle letle pour qu'o li rimèche 
chan qu'i n'avoit pour li. O li foit vir enne 
granne caisse bien cleutèe, iou qu'i n'avoit 
d'écrit à trois-quate plache : Fragile. Al étoit 
si tellemen lourde qu'i ne povoit point le sou- 
lever aveu che voiturier. 11 o folia avoir ére- 



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H 



— 224 — 

cours à quatre homme éde peine pour éle mette 
da le voiture. Gusse i n'n o coire ieu pour 
vingt sou et pi douze life dix-neuf sou de port 
éde quemin de fer. 

— Tu t'en vo assommer men guevo, qui 
dit che voiturier ; est troup lourd ; je ne peux 
nen préne que le mitan. 

— Tu paros toute, o bien je ne té poierai 
point, qu'i dit Gusse. 

— Si tu veux que je prenche toute, ch'est sero 
quarante sou de pus et pi t'iros à pied. 

— D'accord! qu'i foit che cantongnier à 
forche qu'il avoit grand'faim dé mener tout 
lelo à se moison. 

Pour seur, qu'i pensoi à part li, ché sero des 
pendule et pi tout pïein des bêles affaire qu'i 
n'éro lo-dedens, comme il ont da ches ville. 

Quant il o le arrivé à se moison, Gusse i n'o 
ieu rien de pu pressé que de décieuter le caisse. 

Tous ches voisin, qu'il avaint 'le avertis par 
éle femme Gusse, il étaint venus vir. Après 
qu'éche couvert il o *lô retiré, Gusse i saque 
un capieu,... deux capieu,... trois capieu,. . pi 
coire des capieu, terlouspu sales, pu crasseux 
l'un que Teute. Au fond, dessur enne granne 
pancarte, i n'avoit d'écrit : « Joine éde capieu 
érelenus par Gusse à un voyageu qu'il o passé 
i n'o douze jour ». 

Tout au fond dé le caisse, pour qu'ai f uche pu 
lourde et pi qu'éche port i f uche pu quer, i n'a- 
voi au moins un demi-méte éde cailleu de fu. 

Eene voyageu il avuit tenu parole. 

Pour enne bêle farce, ch'é oi enne bêle farce. 

Tout le monne é n'n o ri, hormis Gusse, pace 
que le jornèe-lo a' 11 cou toit quer. 



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— 225 — 
LXXVIU 

UISl GASHU 



Eche sérusien de non villache, qui s'appéle 
M. Lormieu, il o enne niièe d'enfant qn'i sont 
tertons au pu laids. H est vrai que leu mère 
ch'est enne granne boite d'horloche qu'a' n'o 
point pour deux liard éde tornure, et pi aveu- 
lelo fin moususse, agréape comme enne porte 
éde prison, 

— Eche fiu de nou moite, quant il étoit 
quiout, qui disoit i'eute fois Tintin Pierrout, 
il o toujours 'tè fin gadru ; ch'étoi un enfant 
rudemen précoce. 11 entendoit toujours dire 
éque ch'étoit M. Lormieu qu'il apportoit ches 
quiouts enfant qui venaint da le monne ; i 
croyoit qu'i n'n avoit toujours enne provision 
da se café. 

Enne fois, nou dame ai s'est en allée aveu 
sen galopin mon dé se voisinne qu'ai venoit 
d'avoir un quiout fiu, qu'il o follu montrer à 
toute forche à che galibier de nou moite ; il 
érebeyoit l'i enfant tant qu'i povoit. 

— Ah ! que bieu quiou anche î qu'i disoit ; 
comme il est gentil ! 

Pi, au bout d'un momen : 

— M. Lormieu, qu'i foit, il l'éro vendu quer. 
En rebeyant se mère, i li dit : 

— A cœusse éque M. Lormieu il o des enfant 

15 



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— 226 — 

si laids, dis, maman ? 

— Eje sais-ti, mi ? qu'ai répond non dame. 
Sen quiont gadrui foit semblant de baigner. 

— Mi, je le sais, qu'i dit. 

— A cœnsse ? 

— H est obligé de tenir ches pu laids pace 
qu'i ne tronfe point à les véne ; personne n'en 
veut. Ch'est comme éche bouienger qui menche 
du pain brûlé ou bien men-cuit pace éque ses 
pratique i nen veut-té point. 

En entendant le raison-lo, tout le monne s'est 
mi à rire. Enne vielle grand'mére qu'a' se 
trouvoit da le culn dé che fu, a' n'o point peu 
s'empêcher de dire enter ses dent : 

— 1 ne vlvro point che qulout morveu-lo, il 
est de troup précoce. 



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— 227 — 
LXX1X 

jl jj& comédie: 



— Pour éle lundi de nou fête, qui nous o 
raconté hier au malin Tin tin Pierrout, ches 
joines gens de nou villache H ont donné enne 
éreprésentation da che viux calieu au profit dé 
che pofe Jean Toinout, que se moison al venoit 
d'ête brûlée. 

Tous les samedi au soir, ches joines gens il 
allalnt répéter leu rôle. Eche flu de nou moite, 
qu'il o toujours 'té argotè, i jouoi un de ches 
prummier rôle da le comédie-lo. Gomme il 
avoi un nom bajouals et pi qu'il étoit déguisé, 
éche parcour i li o demandé le veile quement 
qu'i porroi éle l'éreconnoite. 

— 'A ne sero point malaisé, qu'i li répond 
quiout Tôt or. Tu fero attache quant tu voiro 
un grand f u aveu tout plein de diablotin autour 
qu'il aherdront un acteu pour éle lé jeter da 
Penfer, ché sero mi qu'i sero éle Tacteu. 

Ele jour del lé représentation, il est arrivé 
un monne fou da che viux catieu ; à la minute, 
tous ches plache il ont' té prins. Eche parcour, 
qu'il étol arriva de bonne heure, i s'étoit mis 
pour bien vir da ches plache à bon marché, 
iou qu'os étoi étampi. 

Ele comédie al o quemenché. Tout alloi à 
merveile ; o crioit bravo ! bravo ! en tapant 



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— 228 — 

da ses main ; o brayoit, o rioit ; tout le monne 
admiroit ches acteu. 

A an moment, o voit da le mitan d'éche 
théale des flamme qui monte-le à che plafond ; 
i n'avoit des diablotin aven des corne pi des 
queue, habillés de vert et de rouge qui gam- 
billaint tout autour dé che f u ; i se sont Jetés 
à quate édessur un acteu, qui ne voloit point 
se laissier aherde; à la fia, i nen sont venus à 
bout ; il Ton envoyé rouler da ches flamme, 
iou qui n'avoi enne trappe au mitan ; il est 
queut pa-desous che théate; tout de suite, il 
est apparu des grosses flamme bleusses, garnies, 
rouches et pi os o sentu le hasi. 

En étandis que tout le monne tapoit da ses 
main pour appleudir, éche parcour i s'est mi 
à crier de tous ses forche comme un gens qu'il 
est épeutè : 

— Men pofe Totor ! iou que te vlo ? Au 
secours! au secours! 

En disant lelo, il agamme ches banc, ches 
chaisse, i seule édessur éche théale pour atéter 
ches diape. 

— Tos de misérape, attaté-me ! qui di à ches 
diablotin ; es avez brûlé le tiu de non moite ; 
éje m'ons vous le foire poyer quer. 

1 raque da ses main pour donner enne pile à 
ches diape ; en hammant pour taper un cœup 
de puing dessur éle brongne d'écheti qu'il étoi 
en face éde li, vlo d's eûtes diablotin qui 11 
donne-te un croche-pied par driére et pi qui le 
font queir ; il Ton empongné par les quate 
patte pour el lé jeter à sen tour da l'enfer. O 
'té foit si vite qui n'o point ieu le temps de 
dire : Men cœur ! Tout le monne s'est mi à. 



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— 229 — 

claquer des main, qu'o n'n étoit échouï. 

Pour que che bénet i laisse Unir éde juer 
tranquilemen le comédie, ol l'o laissiè iou 
qu'il étoit tant que le piéche éde théate al o 
'lé flnite. 

Ch'est 'té Totor qu'il o *lè le défrummer ; 
quant écho parcour il l'o ieu reconnu, i s'est 
jeté à ses genou pour 11 demander del lé recon- 
duire sur la terre. Gh'est chan qu'o 'le foit. 11 
étoit temps ; s'il étoit coire resté enne heure 
éde pus, i seroit mort éde peur; isecroyoit da 
l'enfer pour toujours. 



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— 230 — 
LXXX 

DONNANT DONNANT 



— Quant j'étoisjoine,qu'i nouso di enne fois 
Tinlin Pierrout, man mère al voloit que je 
fuche curé. Je n'ai jamois peu appréne à lire ; 
malgré lelo, j'ai 'té enfant de chœur tout de 
mumme. 'A ne m'alloit point des pu fort ; éle 
dimenche, da l'été, à le plache d'aller i. veupes 
et pi au salut, j'éroi miu aimé aller à che 
bous à noisette, as alie et pi à nid. 

Enne fois da le carême éque ch'éloit me 
semaine à servir éle messe éde huit heures 
j'étoi en route à juer à le topiche aveu mes 
camarale ; éle partie al étoit si animée, que je 
n'ai pu pensé à tinler le messe ; il alloi éle 
huit heure et demie quant M. le Garé il est 
arrivé point content en me disant : 

— Vite, Tinlin, cours tinter le messe, l'heure 
al est passée. 

— Oui, M. le Curé ; os allons tinir nou partie. 

— Eje té dis tout de suite, galopin ; che 
n'est point tout à l'heure. 

— Enne quiole minute, 'a vo été foit. 

— Oui, t'os raison, qui dit M. le Curé, 'a vo 
êle foit. 

En disant lelo, i s'aboisse et pi i ramasse 

éme topiche, qu'i met da le poche dé se suténe. 

Erae vlo don parti tirer le corde pour tinter 



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— 231 — 

le messe. M. le Cure il arrive al l'autel ; i 
quememenche, mi je réponds de mauvaise 
humeur. A l'offertoire, M. le Cure i se retorne 
en allongeant se main pour préne éle burette 
au vin que j 'a vois da me main ; j'altendois 
che moment-io. Eje dis : 

— Je veux bien vous le donner, mais devant 
rendez-mé me topiche. 

— Chut ! chut ! qu'i me répond tout bos M. 
le Curé, éje lé le rendrai après le messe. 

— I n'o point de chut ! chut ! ch'est tout de 
suite qui mé le feut ; che n'est point après le 
messe. Si os ne mé le rendez point à che-t-heurc, 
os n'érez mie le burette. 

— Galibier, tu fois du scandale ; été mère a' 
le séro. 

— A cœusse qu'os tenez me topiche, vous ? 
Eche n'est mie à vous, na. Rendez-mel lé. 

Ilo follu que M. le Curé i mé le renche pour 
avoir éle burette. Il l'o di à man mère, qu'a* 
m'o donné enne randonnée du diape. Edepuis 
pu de quarante ans qu'est passé, je né l'I ai po 
coire obliè. 

Je n'ai jamois voiu ête curé. Eje sut pasteur 
tout de mumme, mais pasteur éde berbis. 



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— 232 - 



LXXXI 



ENNE GOUTTE ÉDE DOUX 



— Acoulez bien chan que je m'ons vous 
raconter, qui dit Peule jour Tinlin Pierrout ; 
os allez rire terto js comme des boehu. 

I n'o ieudimenciie quinze jour, quiout Pierre 
il o Uè à le fêle éde Berville; édevant partir, 
il o di à se femme, quV n'a voit point peu y 
aller vu que leu vaque al étoit prête à vêler : 

— Pus éque lu ne viens point, éje té rappor- 
terai quête cosse éde boin, nou dame. 

Vlo don quiout Pierre parli ; il étoit bieu 
comme un îiu de fêle. Enne fois à tape, il o 
mengè comme quéqu'un qui n'o rien prins 
depuis huit jour ; il étoit si tellemen occupé à 
bouffer qu'i ne pensoit pu à che qu'il avoit 
promis à se femme ; che n'est qu'à che dessert 
qo'il o ieu un rapensemen. A che cœup de 
cachoire, os o offert du dur à ches capieu et pi 
du doux à ches blancs bonnet. 

— Mi, qu'i dit quiout Pierre, j'aime miu du 
doux. 

11 avoit vu qu'a voit bile couleur et pi qu'a 
devoi ôte chucrè pace qu'étoi épais. A le 
plache dé le boire, il o saquè un mouchoir éde 
poche ; il o widiè sen voirre d'un cuin de sen 
tire-jus et pi il o foi an nœud comme quant 
os y met de l'argent, il o bien remercié ches 



— 233 — 

gens ; i leus o di à revoir et pi i s'est rennaliè 
à se moison. I marchott comme el vent de 
bise ; pour deux grosses goutte, i né se seroit 
point arrêté ; il avoit grafalm d'ête arrivé 
pour foire enne surprinse à se femme. 
En ouvrant se porte, i dit : 

— Ah ! me quiote Madeleine, je ne t'ai poin 
obllèe. Adevlnne chan que je té rapporte. 

En disant lelo, 1 sorte sen torque-nez ; i se 
met en route à déiolre éche nœud. 

— Eje té rapporte... 

— Quoique tu me rapportes? Nen flnlros-tu? 
Eche nœud défolt, qulout Pierre l ne volt 

pu rien ; t tate da se poche, tin saisi. 

— Nom des os ! qu'l folt, éje té rapporte... 

— Quoi que tu me rapportes ? 

— Eje té rapporte... érlen du tout ! 



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— 234 — 
LXXXIl 

Pour rouvrir sen Goutieu 



— A un répillé éque Grangasiou il o donné 
le semaine passée, qu'i nous o dit le iennemain 
Tintin Pierrout, i n'avoit lo quéques boins 
maquartetpi de fameux avaloir. Mi-mumme, 
j'ai juè dé le maquoire sans peuprer moût lant 
que me panche al o 'lé lendue comme enne pieu 
de lambour et pi me boutinne prèteà se déloyer. 

A che moment-lo, j'ai passé men coutieu 
dessur mes mousse en me porléquant pour éle 
l'housser ; après, je i' lai frummè pour éle 
mette da me poche, croyant qu'i n'avoit pu 
rien à venir que che café. 

Oui, mais, vlo-ti point Marianne, éle femme 
Grangasiou, qu'ai apporte un bieu roquepor 
bien appétissant que s 1 n homme i se met à 
décoper en grosses tranches. J'ai reconnu que 
je ra'étois troup pressé de met le men coutieu 
da me poche ; pour seur, éje trouvarois coire 
enne plache da me berdale pour ensaquer me 
part dé che roquepor. 

Seulemen, quoi dire et pi quoi foire pour 
ërepréne men coutieu et pi le rouvrir sans 
passer pourungalaffe édevant tous cheux qu'i 
n'avoit lo ? 1 nen éroit pet-ête ieu qu'i se se- 
raint contentés dé renifler che rôti en se 
disant qu'i n'étoitsans doute point si boin qu'i 




— 235 — 

n'n a voit l'air. Mi, i m'est venu enne eute idée. 

— Sais-tu bien, ra'n ami, que je dis tout d'un 
cœup à Grangasiou, en lié rebeyant d'un air 
sérieux comme un beudet qui boft d'un sieu, 
que je t'ai rendu un rude service en venant à 
te moison aujord'hui ? 

— Vraimen ? Conte-nous lelo, Tint in, vite. 

— J'ai f...ichu enne volée de cœup de bâton 
à un malzant qu'il abattoit ches pumme éde 
ten plant au bout dé che villache. 

— Quèche éque ch'étoit che malzant-lo ? 

— Gh'étoi un de ches hérichongnier qui roule-té 
ches villache aveuleu famile en raccommodant 
des gatteletle, mettant des cul à ches vieilés 
manne o bien à ches viux paingnier et pi 
disant la bonne aventure. Tout lelo che n'est 
que pour povoir rapiner pi agripper chan qu'o 
ne veut point ieu donner. Et don, je venois de 
quittier men parc pour venir ichi. En aperchu- 
vant che malzant à che pied de ten pu grous 
pummier, éje m'approche éde li pour li deman- 
der aveu que permission qu'il abattoit ches 
pumme. 

— Du... fien ! qui me répond. 
Et pi me montrant sen puing : 

— Eme permission ? qui foit, éle vlo. Après?... 

— Après ? que je li dis, f...iche éle camp ?u 
pu vite. 

— Quant éje vodrai, qui foi, et pi eu soin à 
ti ; éle moutarde a' me monte à 'e tête ; m's 
éreiie i quemeuche-te à coffer... 

— Men pofe Bâtisse î men quiout vitelout ! 
que je li réponds, tu me fois peine ! Tu ne 
péserois mie enne crotte éde quien au bout de 
men seuler ; d'un cœup de pied, je t'envoierois 



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— 236 — 

si heut ila che temps que Lu serois maquè par 
ches mouqueron devant que dé requeir à tére. 

I s'avanche tout de mumme édessur mi ; éje 
saque men coutieudé me poche ; jel l'oufe tout 
grand comme lo. 

— Si tu ne décampes point au pu vite, bri- 
gand, que jo li dis ; éje té creuve la paillasse. 

II o ieu peur. I ne se 11 est point Toit dire 
deux fois ; en voyant que J'étois bien résous à 
taper, i s'est sauvé en posant ses deu main 
dessur sen prussien, touL en wallonnant sans 
doute des menache da sen jairgon. 

En racontant éie rhistolre que je venois 
d'inventer, qui nous dit Tintin, j'avois prins 
men coutieu, que j'avois ouvert en le tenant 
serré da me main. 

— Un morcieu de roquepor, qui me dit 
Grangasiou en me passant 11 assiéte. 

— Eje veux bien, que je foi en piquan un 
morcieu aveu le bout de men coutieu. 

'A foit que je me sut remi à menger sans 
ête honteux. 

Vlo che que ch'est que d'avoir aussi bonne 
blaque éque bonne gueule. 



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— 237 — 



LXXXUI 



EN QUEMIN DE FER 



L'eute Jour, os é toi me à enne quiole béne à 
nous coffer autour dé che poêle. Edepuis un 
boin moment, Tintin Pierrout i ne desserroit 
point les dent ; il avoit l'air éde buigner ; sans 
doute qui cherchoi à se ramenluvoir quéque 
histoire. D'un cœup, vlo qui tape sen brûle- 
gueule édessur éle l'ongue éde sen peu pour 
foire queir éle chêne. Quant il o ieu débourré 
se pipe, i nous dit : 

— Je ne vous ai jamojs raconté chan qu'il 
étoi arrivé à nou dégourdi de parcour éle 
prummlére lois qu'il o 'tè en quemin de fer. 
Je m'ons vous le dire. 

Nou homme il avoit lé appelé comme témoin 
à le cour d'assise d'Amiens pour un fu mis à 
deux mole par un malzant. Quant o n'o pu ieu 
besoin de li, il est revenu aie gare pour préne 
éche train. Eche beudet, qu'i ne connaissoil 
rien dé rien, i monte aveu sen billet de troisième 
d'un vagon de prummiére. 1 n'avoit qu'un 
monsieu aveuc li ; écheti-chi, quant il o vu 
monter un voyageu aveu enne rouillére passée 
pi des galoche, il alloilli dtrequ'lse trompoit, 
seulemen che train il o parti tout de suite. 
Comme éche monsieu-lo ch'étoi un rieu, il o 



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— 238 — 

résous de s'amuser à ches dépens de sen com- 
pagnon. 

Ch'étoi au mois de janvier ; i geloi à pierre 
féne. I n'avoit des bouillotte da ches vagon. 
En route, éche monsieu i di à nou parcour : 

— Volez-vous foire un cœup de commerce ? 
Eje vous ferai gaigner enne boioe j ornée. 

— Eje veux bien. 

— lou qu'os déchendez ? 

— A Grand-Villers. 

— Mi aussi. Tenez, quant éje voyache par du 
temps froid comme aujord'hui, eje prends enne 
chaufferette aveu dé l'ieu cœude édedens pour 
melte édesous mes pied, que je fuche en 
quemin de fer o bien en voilure. Je n'n ai poyè 
dix écu ; comme je n'n érai pu besoin éle 
l'ennée-chi, éje vous le laisserai pour dix life. 

— Est troup quer pour mi ; je n'ai que chent 
dix sou da me poche. 

Il avoit rechu quate life dix sou pour avoir 
servi de témoin* et pi i li restoit vingt sou de 
devant. 

— Si ch'est lelo, qu'i dit che monsieu, je vous 
le laisse pour chent sou. 

Eche parcour i met se main da se poche pour 
saquer sen mouchoir ; i déloie che nœud qu'il 
avoit foi à un cuin pour mette é s'n argent ; i 
prend cinq piéche vingt sou qu'i donne à che 
monsieu. 

Au mumme moment, che train il arretoi à 
le gare éde Grand-Villers ; éche monsieu i 
déchend subtilemen. 

— Attendez-mé, qu'i li crie che parcour, os 
me donnerez un cœup de main. 

Oui, mais, Tente i li répond qu'il est pressé. 



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— 239 — 

En passant à le porte, i dit deux mont al 
remployé pou le metle au courant ; i li remet 
ches cinq piéche vingt sou de che parcour ; 
éle remployé i s'est mi à rire corn me un gobelin. 
D'un cœup, vlo che parcour qu'il arrive à le 
sortie aveu le bouillotte su s'n épeule. 

— Ion qu'os allez aveu lelo? qui lidemanne 
éle l'employé. 

— A le ferme éde non moite. 

— Quoi qu'os volez nen foire ? 

— Ch'est pour éle lé revéne à men moite pour 
mette da sen cabriolet quant i voyache da 
l'hiver. 

— lou qu'ol l'avez ieu ? 

— Ch'est che monsieu qu'i vient de déchéne 
qu'i mé 11 o vendu. 

— Volez-vous bien reporter lelo bien rade 
iou qu'ol l'avez ieu, autremen je vous foi un 
procès pour avoir volé che matériel éde la 
compaignie. 

— Quement, volé ? Puséque je l'I ai poyè. 

— Eche monsieu qu'os disez, i s'est foutu de 
vous, men pofe bénet. 

— Oui, mais, mes chent sou ?... 

— Tenez, les vlo, qu'i dit éle l'employé. A 
che-t-heure, men braf e père, pus qu'os avez mis 
le bouillotte à se plache, os allez mé remette 
vou billet pour sortir. 

Eche parcour i li donne un copon de troi- 
sième classe. 

— Ah ! men gaillard, os volez don voler pi 
freuder la compaignie ? Os avez un billet de 
troisième et pi os montez en prummiére? Eche 
cœup-chi je ne vous manquerai point. Je hvôns 
vous foire un procès. 



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— 240 — 

Non bônet i se met à grâce en disant qu'i 
n'est ni voleu ni freudeu, et pi que devant 
monter da cbe train il avoit bien foi attache 
da que vagon qu'il éloit. 

— Tenez, monsieu, qui di al l'employé, J'ai 
compté ches wagon après le machine : un, 
deux, trois ; ch'est da cheti-chi que je sut 
monté, pus éque ch'est che troisième. 

Ele l'employé et pi ches gens qui n'avoit lo 
qu'il acoutaint, i se sont déclaqués à lire dé 
che basou. 

— Bon, bon, qu'i foi éle l'employé, passez ; 
seulemen né requemenchez pu, pacc qu'os le 
poieroite pu quer qu'à che marché. 



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— 241 - 



LXXXIV 

A cœup de Bonnet de Coton 



— Eche parcour, qu'i nous disoit l'eute fois 
che berger, il o toujours 'té en retard. Quant 
il étoit joine, i n'avoit point pu naïu que li. 

li avoi enne domzaine d'énèe quant sen 
grand-pére il est tombé malate. À l'artique 
éde la mort, ése mère al Fo envoyé queurre 
bien rate M. le Curé. Ch'étoit par nuit ; tout 
étoit frummè à che prébytère. 

— M. le Curé, qui s'est dit ehequiout, i dort; 
i ne feut point le réveiller. 

Portant, il o tapé deux-trois eœup dessus le 
porte aveu sen... bonnet de coton ; après, i 
s'est assis dessus le seul pour atléne éque 
M. le Curé i sorte. 

1 n'a voit bien quate-cinq heure que che gali- 
bier il étoit lo quant M. le Curé il o ouvert éle 
porte pour aller dire ése messe. En aperchuvan 
un eofant qu'i dormoit da che cuin, il l'o 
réveillé en li disant : 

— Quoi que tu fois-lo, men quiout flu ? 

— Eje sut venu vous queurre pour men 
grand-pére qu'i se morroit quant éje sut parti 
de nou moison. 

— 1 n'o-ti longtemps que t'est lo ? 

— Edepuis enne heure du matin. 

— Tu ne savois point taper à le porte ? 

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— 242 — 

— Si est, si est, J'ai tapé. 

— Je n'ai rien entendu. 

— Eje tapois aveu men bonnet de coton pou 
ne point vous réveiller. 

— Ten grand-pére il éro icu le temps de 

moirir édepuis que t'est lo. I 

— Nan, nan, i n'o point de danger; i ne 
morro point tant qu'os ne f ussiéche miearrivè 

— Si ch'est lelo, je m'ons dire éme messe ! 
édevant d'aller à vou moison. 

— Oui, oui, os povez nen dire deux et pi trois, j 
et pi coire déjeuner après. Nou voisin Tatisse 

Baveu i m'o promis qu'il éluseroit men grand- 
pére lerchi que je fuche érevenu aveuc vous ; | 
i né le laissero point moirir édevant qu'ol j 
l'eussiéche estrémisè. j 

— Men pove enfant, qu'i dit M. le Curé comme 
à part li en s'en allant à s'n églisse, os ons dé 
le chance éque ches pain à cacheter i sont in- 
ventés pace qui ne faudrait point compter 
dessur ti. 



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— 243 — 
LXXXV 

A 6UEV0 DESSUR UN COCHON 



— Et pi, quoi de nœu, Tintin ? 

— Je ne sais rien de nouvieu aujord'hui, 
men quiout, qtfi répond che berger. 

— Cherchez bien, os trouvarez quête cosse. 

— Je me ramentus enne aventure qu'ai est 
arrivée à che moîte dé che parcour édevant 
qa'i fuche mon M. Caullette. 11 étoi à che 
moment-lo à le ferme du Bel-Air moa M. Mi- 
cheut. Ele lundi dé le fête, sen moîte et pi se 
dame il ont 'le à le messe éde Requiem. En 
leus en allant, il ont bien requemandè à che 
parcour d'avoir soin de ches bétaiie, d'abruver 
ches vieu, pi dé ne point oublier ches cochon 
surtout. 1 n'ont poin ieu sitout leu dous tornè 
que che parcour il o foutu le camp pour aller 
rejoinne éle servante d'enne eute ferme qui 
voloit foire danser à remontée dessus le plache. 

En sortant dé le messe, iou qu'os avoit 'lé 
longtemps, éche fermier pi se femme i se sont 
coire atargès à deviser en buvant enne bou telle 
éde vin blanc au cabaret aveu d's ami ; 'a f oit 
qu'en rentrant à leu moison il étoit déjo tard. 
Ches bétaiie i foisain enne vie de lé-warou ; 
os entendoit ches vieu gueuler, ches cochon 
grummeler ; i nen avoi un surtout qu'il étoi 
en route à démentibuler le porte dé s'n étape 



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À 



- 244 - 

pace qui n'avoit point eule cosse à marner. 

— À cœasse éqae ches cochon i font vie qui 
dure comme lo? qu'ai édemanre Mme Micheut. 

— 'A n'est point malin, qu'i répond s'n 
homme, i n'ont rien da leu euche ; beie, le 
cœadronnèe de pumme éde terre al est coire 
accrochée à le cramillie da che fornil, pi che 
fa il est éteint. 

Ches moîte i se sont mi à huquer che par- 
cour ; ch'étoit du temps perdu ; i n'o jamois 
répondu, pusqu'i n'étoit point lo. 

— Sais-tu ? qu'ai dit le fermière à s'n homme, 
quant i renterro, tu li remet tros sen saclet 
pour qu'i s'en voiche ailleurs ; édepuis quéque 
temps, je ne sais point chan qu'il o, i n'o pu 
l'air d'avoir ése tête à li. En attendant, dé- 
hoque éle cœudronnêe ; os irons le porter à 
ches cochon pour que le vie-lo al finiche. 

M. Micheut il o retiré se lévite qu'il o posée 
dessur ches bros de sen cadous ; ése femme al 
o retroussé se robe éde soie pi ses cotron pour 
aidier s'n homme à porter checœudron par éle 
l'anse. Quant il ont 'té arrivés al l'étape, il ont 
posé checœudron à tére. Eche fermier il o 
ouvert éle porte ; au mumme moment, éche 
meudit cochon, qu'il étoit comme enne béte en 
furie, i sorte d'enne ébondie ; i passe enter les 
gamme éde Mme Micheut qu'a' se trouvoi & 
l'égarouillette ; il l'emporte édessus s'n équinne, 
ése figure tornèe du coté dé le queue dé che 
cochon, qu'ai aherd tout de suite éde ses deux 
main pou ne point perde l'aplomb, pace qu'ai 
avoit peur éde queir à tére. 

En voyant le grand'porte ouverte, éche 
cochon i se met & galoper comme un grand 



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— 245 — 

diape qu'il éloit pou se sauver da ches rue 
aveu se cavaillére toujours édessur sen dous. 
M. Micheut i se met à postiquer che cochon ; 
en passant dessus che f uïnmier, sen pied i 
gliche d'un bouso de vaque ; i s'étend de tout 
Feu long & tére et pi il envoie sen capieu heut 
de forme rouler d'un eute bouso. 1 se réyeufe 
pour aller au secours dé se femme qu'il entend 
foire des cri ébréiaques àa ches rue. I voit che 
cochon qu'i court comme s'il avoit le fu à sen 
driére ; il Faperchut qui monte édessur éle 
bord dé le mare qu'i n'avoit en bos dé le rue ; 
d'an cœup, il entend : Floue ! pi i ne voit pu 
rien. Gh'est che cochon qu'il o seutu dal ieu 
aveu se cavaillére édessur sen dous. 

I n'avoit lo du monne qu'i sortaint dé che 
che cabaret; il ont 'tè au secours éde Mme Mi- 
cheut qu'ai avoit l'air d'enne grosse gairnoule; 
al étoit foite comme un mardi gros ; ses harde 
il étaint tout plaquées de bourbe, pace qu'i 
n'avoit point granmen dieu da le mare. El 
pofe femme al est revenue à se moison comme 
al o peu en marchant à l'égarouillette pi en 
tenant ses deux bros pendants, tout claquant 
du bec. 

Au mumme moment, éche parcour i revenoit 
par éle porte dé che gardin. 

— Beie, espèce éde mont de flen, qui li dit 
en colère M. Micheut en li montrant se femme, 
vlo len chef-d'œufe ; ch'est ti qu'i n'n est 
cœusse. Aussi, tu t'en vos me foute éle camp 
tout de suite ; je ne veux point de tes huit 
jour. Prends au pus vite Jacques Desloges 
pour ten procureu et pi qu'o ne té revoiche pu 
jamois ichi. T'iros vir ailleurs si ches cochon 



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— 246 — 

i sont foitspour servir éde guevo, et pi sii 
peut-té vife sans menger en étandis qur tu fois 
le cœur-falli. En attendant, éme femme al s'en 
vo servir éde risée à tout che viilache. 



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— 247 — 
LXXXVI 

UN BIEU MODÈLE 



— Quoi qu'os allez nous dire éde bien, Tintin Y 
Eche parcouril o-ti coire foit quéque ferdaine ? 

— Je ne vous dirai rien de li aujord'hui, m's 
ami, qui répond che berger ; éje vous apparai 
enne quiole histoire qu'ai est arrivée à se mère. 

Ch'étoi enne fois éle jour dé che patron, i 
n'o d's ennèe. M. le Curé il avoi invité un grand 
précheu pour foire un sermon sur saint Aouen. 
Il est venu un monne fou dé che villache et pi 
dé dehors pour éle l'enténe ; éle réglisse al 
étoit troup quiote. I n'n est resté enne boine 
béne da le chimentiére au droit dé le porte, 
qu'os ô laissièe tout erra n ne ouverte. 

Eche jour-lo i f oisoi enne caieur éde lé-warou, 
vu que che patron ch'est le 24 d'aoûl. Quant 
os o 'té arrivé à la fin de veupe, au moment 
que che précheu il o monté da le chaire pré- 
choire, i n'avoit pu d'un grand-pére et pi 
d'enne grand'mére qu'i ronflaint dai réglisse. 

Pour quemencher, éche précheu, en racontant 
le vie de saint Aouen, i ne parloit point troup 
fort ; i débitoit se quiote affoire bien tran- 
quilemen, os acoutoit sans foire éde bruit, 
étoit si bien dit. A la fin, il o parlé granmen 
pu heut quant il o dit qu'i folloit préne saint 
Aouen pour modèle si o voloi été seur d'aller 



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— 248 — 

da le paradis. 

— Oui, mes frère, qui se met à crier, imitez 
vou glorieux patron, éle bon Diu i vous récom- 
pensera ! 

Et pi i reprend coire pu heut en tapant un 
grous cœup de puing édessur éle bord dé le 
chaire préchoire : 

— Oui, mes frère, croyez-mé, prendrez éche 
bienheureux Aouen pour modèle... 

A che cœup de puing, éle mère dé che par- 
cour qu'ai dormoit depuis un boin moment 
dessur ése chaisse édesous che cloquer, al 
répond tout heut, coire en milan endormie : 

— peut dire qu'o n'n entend da le monne. 
Nen vlo du prope... Ch'est un joli modèle... 
Quement, préne un buvalier comme lo pour 
modèle ?... Edepuis le matin, i ne foit que 
boire. En venant ichi, jel l'ai laisslô trondeiè 
au milan de nou moison en route à foire des 
pieu... Ch'est un bieu polaque ; i n'o bien de 
quoi le préne pour modèle. 

En entendant lelo, tous ches gens qu'i n'avoit 
lo i se sont déclaqûès à rire sans povoir se 
retenir. Eche précheu il étoit tout enterprins 
pace qui ne savoit point che qu'a voloit dire. 

Ele mère dé che parcour ai avoit comprins 
que ch'éloit sen frère, qui s'appeloit Aouen, 
que che précheu il avoit volu donner comme 
modèle. 



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— 249 — 
LXXXV1I 

UN MOITE SOUPER 



— Et pi quoi, Tintin, ch'est-jou que che par- 
cour i ne fait pu de les siénes ? éque je deman- 
dois l'eute jour à che berger. 

— Bien si est, qu'i foit ; acoutez un mole. 
Lo-dessur i s'est mi à débourrer se pipe 

édessus s'n onque en rebeyant sen voirre d'un 
air triste, pace qu'il éloit wite. J'ai comprins. 
J'ai foit sinne à le cabaretiére éde verser enne 
eute baïonnette à Tintin Pierrout. 

— A che marché dé le Toussaint, à Moreul, 
qu'i dit che berger, nou moite il o foit mener 
enne vaque par éche parcour et pi un poulain 
paréche domestique. Quant il oieu vendu ches 
deux béte, il o di à che parcour et pi à che 
domestique qu'i povaint se divertir pourvu qu'i 
f uche-té rentrés à le ferme pour dix heure. 

1 n'avoil déjo un boin momen que le soir il 
étoi arrivé quant ches deux joines gens-lo il 
ont rencontré d'enne quiole rue iou qu'o ne 
voyoit point clair à mette da se poche tellemen 
qu'i foisoi noir, M. Lormieu, éche sérusien de 
nou villache, qu'i s'en alloit foire atteler sen 
guevo. Eche domestique il l'o reconnu à sen 
nos ; il l'o dit tout bos à che parcour ; écheti-chi 
i crie tout de suite : 



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— 250 — 

— Bosoir, M. Lormieu. 

— Bosoir, éche parcour, qu'i foit che sérusien, 
qu'iM'avoit reconnu à se voix. 

— Âcoutez un mole, M. Lormieu, qu'i foit 
che parcour, i n'o quinze jour, quant éje vous 
ai raconduit vou guevo écappè qu'os avoime 
arrêté nous deux che domestique, os m'avez 
dit qu'os nous donneroile la piéche ; justemen, 
éche domestique il est lo aveuc mi. 

— A la bonne heure! qui foit che sérusien, éje 
vois que tu né te laisses point oblier. Tiens, 
pour vou peine, vlo chent sou qu'os partagerez 
à vous deux. 

— Merci, M. Lormieu, qu'i font che parcour 
et pi che domestique en mumme temps. 

Eche domestique i di à l'eute : 

— Eje té dis toujours équet'os troup lonque 
lanque ; éle fois-chi, je ne té l'I éreprocherai 
pu ; marcne, t'os bien foit. 

Eche parcour i croyoit que ch'étoit che 
domestique qu'il avoit rechu le piéche, pusqull 
avoit dit merci ; éche domestique, li, il avoi 
idée que ch'étoit che parcour, pace qu'il avoit 
remercié aussi. 

— Sais-tu à quoi que je pense ? qu'i dit che 
domestique au bout d'un momen. 

— Nan, dis un mole* 

— Si os alloime foire un -moite souper da le 
granne auberge édessus che marché ? 

— Eje veux bien, qu'i dit l'eute, qu'il est 
toujours prêt pour éle maquerie. 

Les vlon don partis toutes deux. 1 se sont foi 
apporter du boudin, des seucisse, dé le fricassée 
de lapin, du reulout, dé le salate et pi du vin ; 
après, il ont demandé un café aux trois couleur 



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— 251 — 

et pi il ont fommè des grous cigare éde député. 

— Cambien qu'os vous devons ? qui de- 
manne-te à che garçon. 

— Ghent sou tout juste, qui foit. 

— Poie, qu'i dit cheparcour à che domestique. 

— Ch'est à ti de poyer, qui dit che domes- 
tique. 

— Jou que tu te iouts de mi ? qu'i foi che 
parcour. 

— Allons, voyons, donne éle piéche client 
sou que t'os rechue tout à l'heure. 

— Ch'est ti qu'il l'o rechue; mi, je n'ai rien. 

— Tu veux le warder pour ti à part tl, voleu. 

— Quemen, voleu ? Ch'est ti que t'est un voleu. 

— Dis-le-ié un peu coire enne fois. 

— Oui, t'est un voleu, voleu, voleu. Je 11 ai 
dit trois fois. 

I s'éyeuve-té toutes deux en hamant des 
cœup de puing prêts à taper f;ur l'un c'n eu te. 

A che moment-lo, M. Lormieu il est entré 
pour poyer éle l'attache éde sengue\o édevant 
partir. En voyant ches deux gens-lo, qu'il 
étaint prêts à s'étranner, il o adevinè à cœusse. 

— Quoi qu'i vous doit-te ? qu'i demanne à 
che garçon. 

— Chent sou. 

— Les vlo, qui foit che sérusien. Enne eute 
fois, qu'i di en se tornant devers éche parcour, 
t'éro^ soin, quant éje ferai promis la piéche, 
d'aliéné que je lé 11 euche donnée. 

Eche parcour il o sorti tout de suite aveu se 
léte da ses gamme sans dire un moût. 

Da ches rue, éche domestique, qui le suivoit, 
i li dit : 

— J'ai ieu tort éde direéque t'a vois bien foit 



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— 252 — 

dé reclamer la piéche à M. Lormieu; Vos coire 
iea te langue troup lonqae ; tu vois comme i 
s'est foutu de nous deux. 



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— 253 — 

LXXXVII1 

UN MARCHAND DE REULOUT 



— Tous les jeudi, Bâtisse Norè, éche mar- 
chand de fromache, qui nous disoi hier Tinlin, 
i vo à che marché de Ghaulnes véne des reu- 
lout ; comme ése femme al vo nen véne ailleurs 
aveu leu voiture à beudet, li i prend che q ue- 
min de fer. 

Ële semaine passée, en arrivan à le gare éde 
Marchelcafe, il o prins sen billet el pi il o monté 
tout de suite da che train ; comme il étoi à 
part li, il o prins ses aisse ; il o lanchè ses 
paingnier desous le banquette et pi i s'est 
adossé, ses gamme ouvertes, comme M. le Curé 
da sen cadous à veupe. 

D'un cœup, il arrife cinq-six femme qu'il 
oufe-té le porte ; i veut-té le foire déchéne en 
li disant qu'il est d'un compartimen de dame 
seules comme est écrit dessus l'I étiquette ; li, 
qui ne sait point lire, i ne se n'n étoit point 
douté. 

— Je ne sut point fier, qu'i di en dévalant ; 
éje veux bien canger de compartimen. 

11 o 'té monter d'un eute à coté. Tout de 
suite, éche train i s'est mi en route après che 
cœup de sifflet. 

Au bout d'un momen, vloches blancs bonnet 
qu'i se mette- te à se rebeyer en desous en 



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— 254 — 

nlflant tout duchemen, pace qu'i venoit d's 
avenèe qu'i ne sentaint point »a rose. 
A la fin, i n'o enne femme qu'i dit : 

— Quoi qu'o senl comme lo ? I n'o-ti quéqu'un 
qui s'est obiiè ? 

— Eche n'est point des violette qu'o sent, 
qu'ai di enne eute. 

Ches deux femme-lo i reluque- te enne Joine 
femme qu'ai avoi un quiomt norrichon de six 
mois da ses bros. 

— Os n'avez point besoin de mé rebeyer, 
qu'ai dit chélé-lol ; j'ai mis des lanche propes 
à men quiout pour venir ichi ; tenez, rebeyez 
sen driére, il est se. 

Vlo que toutes trois i se met-te à ravisier 
enne femme qu'ai et oit lo aveu enne fillette 
éde sept-huit an; éle mère, un moléenterprins, 
al s'aboisse pour dire quête cosse tout bos ai 
Téreile dé se file. 

— Nan, manman, qu'ai dit le quiole tout 
heut, éje n'ai rien foit ; os sav?z bien que je 
n'ai mie volu menger de goëtte. 

Ches blancs bonnet il ont resté lo sans 
jamots se dire un moût. À chaque estatlon, 
quant i venoi enne femme ouvrir éle porte, al 
lé refrummoit tout de suite en disant : 

— Qu'o pue lo-dedens ; j'aime miux sentir 
éle fummèe de toubac ; éje monterai pu tout 
aveu ches fummeu. 

Quant éche train il o Hè arrivé à le gare éde 
Ghaulnes, Bâtisse Norè il est déchendu quate à. 
quate pour accourir ouvrir éle porte dé che 
compartiment de ches dame seules ; il o allongé 
sen bros desous ches cotron. 

— Quoi qu'os volez coire ? qu'i demanne-té 



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— 255 — 

ches femme tout épeutèes. 

— Au secours ! au secours ! qu'ai crie enne 
grand'mére qu'ai étoit vieile comme ches haie. 

— Volez- vous bien ne point tater nous mollet, 
qu'a' li di enne eute en colère. 

— Je me fous point mal éde vous mollet pi 
coire éde vous pa-dessus le marché. Chan que 
je veux, ch'est mes reulout. 

Lo-dessur, i dessaque ses paingnier de fro- 
mache, qu'i sentaint le chent mille diape. 

— Ch'est lelo qu'os sentoime, qui nen o unne 
qu'i dit. Ch'est vous qu'os êtes venu nous em - 
poisonner. 

— Oui, ch'est mi. 

— Os n'êtes point honteux, viux saloup ? 

— 1 n'érois-ti point follu, pour vous bieux 
yu, bêle dame, éque j'euche prins mes paingnier 
aveuc mi pour que je fuche empesté jusqu'iehi? 
Ch'est comme lo que je fois tous les jeudi. A le 
plache dé me foire déchéne d'ichi, os n'avoUe 
qu'à ne point monter da che compartimen-lo. 
'A vous apparo de l'esprit pour enne eute fois. 
Adet, bélés madame ! 



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— 256 - 
LXXXK 

A LE LESSIFE 



Tiniin Pierrout i nous n'n o coire raoontè 
enne sotie i n'o quéques jour édessoréle sœur 
dé che parcour qu'ai o 'te pendant quéque 
temps servante mon dé che curé de Corchéle. 

— Eche curè-lo, qu'i nous o dit che berger, 
ch'étoi un brave homme, qu'il aimoit bien 
foire la charité à ches povers gens ; aussi, il 
étoit souvent sans le sou, an mesure, sans 
quemisse. Ënne fois, il o ieu deux-trois de ses 
confrère à dîner ; i n'a voit point grand'cosse 
à leu donner à menger. Ese servante al o foit 
tout de sen miu, mais a' n'arreloi point de 
berteler da se cuisinne ; a' se disoi à part elle : 

— Eje li dis-ti point toujours à M. le Curé 
qu'i se mettro su cho feurre pour donner tout 
chan qu'il o à des cœur-falli. à des ferlapier 
qu'i se mouquo-té de li après ?... Quoi que je 
m'ons leu donner à ses confrère ?... Que mal- 
heur ! Seigneur, Jésus, Marie, Joseph pi tous 
ches saint du paradis venez à men secours !... 

Tout en grummelant comme lo à p.«rt elle, 
éle servante al est venue tout de mumme à 
bout éde gairnir ése tape coire à peu prés. 

En s'assiant, M. le Curé il o vu que ses 
confrère, qu'il avaint leu pu bêle suténe, i 



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— 257 — 

cherchain après des serviette ; tout de suite, i 
crie à se servante : 

— Apporte-nous don des serviette, éme 111e. 
Ele servante, fin saisie, pus qu'a' n'avoit 

jamois va de serviette dal l'ormoire dé che 
prébytère, al répond tout flac ébondie : 

— Des serviette ? Os savez bien qu'os n'n 
avez mie ! 

Tout de suite, M. le Gurè i s'eyeufe ; i s'en 
vo da le cuisinne et pi i dit tout bos à se ser- 
vante : 

— Tu n'en feros don jamois d'eule, pofe 
dalue ? Tu vos me foire passer pour pu mal- 
héreux que je ne sut. Tu ne savois point 
réponne autermen ? 

— Quoi que j'érois dit ? 

— 1 folloit dire : « Ches serviette i sont à le 
lessife. » 

En revenant da le salle, M. le Gurè i s'est 
escusè en disant à ses confrère éque tous ses 
serviette il étain à le lessife. 

Quant il on ieu Uni de menger, éle servante 
al o apporté che café; voyant qu'a' n'avoit 
point mis de chuque, M. le Gurè i li crie : 

— Apporte-nous du chuque. 

— Du chuque, M. le Gurè ? qu'ai foit l'ente, 
os savez bien qu'il est à le lessife. 



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— 258 — 



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UN PUITS QUI SE REBOUCHE 



— I feut que Je vous raconle éle dergniére 
dé che parcour, qu'i nous o dit hier au soir 
Tintin Picrrout. 

Samedi, nou dame al l'o envoyé mener enne 
vaque à toire à Méziéres. En arrivant mon dé 
che laboureu iou qu'il étoit che toire, il o 
trouvé tout le monne en mouvance da le cour. 
Ele seile al étoit queute da che puits, et pi 
cheli qu'il avoit Phabitule éde déchéne da ches 
puits i n'étoit poin à se moison. Da le Sanlerre, 
ches puits i sont si avants éque tout le monne 
éne veut point z'y déchéne. 

Eche parcour M. Caullette i di à che laboureu : 

— Si os volez me donner ches t rois life qu'os 
poyez à cheli qui raveind ches seile, j'irai 
queurre éle vole da che puits. 

Eche laboureu i n'o point demandé miux. 

Os o prins un tracier qu'os o loyè solide men 
à le caine qu'i n'o au bout dé le soulle ; éche 
parcour i s'est assis dessur éche tracier en 
tenant le caîne éde ses deux main. Eche domes- 
tique et pi che varlet d'eût il l'ont déchendu 
tout à loisi. Quant éle soulle ni o ieu 'té déroulée 
Jusqu'à Tl arrêt, éche domestique i dl à che 
varlet d'eût : 

— Tiens bien che brandet, éje m'en vos beyer 



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— 259 — 

à Je porte dé che puits pour vir da che fond. 
Lo, i crie à che parcour : 

— Es-tu arrivé à l'ieu ? 

Au bout d'un moment, nou dégourdi i ré- 
pond : 

— Vite î vite I éremontez-mé. 

Eche domestique et pi che varlet d'eût i se 
dépêche-te éde torner che brandet. Quant éche 
parcour il o 'lé arrivé en heut, éche domestique, 
voyant qu'il éremontoit comme il avoit dé- 
chendu,ilidit : 

— Tu n'os don point le seile ? 

— Nan. 

— Acœusse? 

— Eje n'ai mie cherché après. 

— Quoi que ch'est que t'os foit, si ch'est lelo, 
espace d'andoulle ? 

— Bé, je m'ons té dire. Quant tu m'os crié, 
J'ai relevé me tête en l'air pour vir quèche qu'i 
me parloit. Eje n'ai pu vu qu'un qui quiout 
treu à le gueule dé che puits. J'ai ieu peur qu'i 
se rebouche tout à foit et pi os n'éroile pu peu 
mé remonter ; j'érois 'té étouffé da che puits. 

— Tu n'éros point ches trois life. 

— 'A m'est bien égal ; éje m'en fous pas 
mal ; j'aime miux revir éle clairtè du jour ; 
d'ichi rien de temps, éche puits-io i sero 
rebouché ; os voirez si je vous mens. 



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— 260 — 



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DEUX MIRAQUE MANQUES 



Tintin Pierroul i nous disoil dimenche passé : 

— Du temps de men rataïon, qui nTo raconté 
men père, i n'avoi un Joine curé à Corchéle 
qu'il o volu frapper l'esprit de ses paroissien. 
Ele veile dé che patron, il avoit foi enne in- 
vention à le télé dé l'I eslalue dé che saint ; 
après, ilodi à sei? bédeu, qu'i n'étoit point pu 
dégourdi que che parcour éde M. Cauilette : 

— Edemain, en élandis que je precûerai, tu 
m'acouteros bien, et pi, quant éje dirai: 
«< N'est-ce pas, grand saint, que c'est vrai ? » 
tu tireros éle fichéle-lo à droite ; quant éje 
dirai : « N'est-ce pas, grand saint, que ce n'est 
pas vrai ? », tu le tireros à gœuche. 

El lennemain, éche précheu, qu'il avoit bien 
apprins s'n érechon pour eue point foiro enne 
feule, i s'adréchoit souvent al Testai ue your 
dire : « N'est-ce pas, grand saint, que c'est 
vrai ? », tout de suite éle Pestât ue al foisoit 
singne éque oui aveu se tête. Ul momen après, 
i disoit : « N'est-ce pas, grand saint, que ce 
n'est pas vrai? », éle restatue ai ébesoit singne 
éque nan. 

Tout alloit fin bien. Ghes dévote i besaint 
d's yu comme des fernête ; il étaint prêtes à 
crier au miraque. 



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— 261 — 

Vlo que tout d'un cœup éle tête a' ne bouge 
pu. Eche précheu i répète ses question ; point 
de réponse. 

— Mais, xéponds donc, grand saint ! qu'i crie 
M. le Curé quasimen en colère. 

Erien; éle tête al reste toujours sans bouger. 

— Mais pourquoi donc ne me réponds- tu pas, 
grand saint ? Qu'y a-t-il ? qu'i demanne M. le 
Curé. 

A che momen-lo, éche bôdeu i saque ése tête 
par driére éle restatue, pi i crie : 

— Ele fichéle al est cassée, M. le Gurè. 
L'énèe d'après, M. le Gurè il o engignè eute 

cosse, seulemen i n'o pu volu se servir éde sen 
bédeu ; il o prias un quiou enfant de chœur 
qu'il étoit bien déluré. 

— Aussilout que je serai en roule à prêcher, 
qu'i li dit M. le Gurè, t'iros da che prébylère ; 
tu paros deux tison bien allummès el pi tu 
montero aveu dessur éle voûte dé che chœur 
au-deseur d'un treu qu'i n'o. T'acouleros bien 
men sermon ; quant éje dirai que je veux que 
che fu du ciel i queiche, tu frotteros tes deux 
tison l'un conter l'eute au-deseur dé che Ireu. 

Vlo M. le Gurè qu'i monte da se chaire pré- 
choire et pi qu'i que men che sen sermon ; au 
bout d'un moment, i dit : 

— Si chan que je viens de vous dire 'a n'est 
point vrai, éje veux que le f u du ciel i queiche 
ichi. 

Au mumme moment, i queit du fu dal ré- 
glisse. 

Tout alloit bien pendant quate-cinq fois ; à le 
sixième fois, i ne queit pu rien. 

— 'A n'est don point vrai, chan que je dis ? 



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— 262 — 

qui foi che précheu en se déwarwignaut da le 
chaire. Quoi qui n'odon, grand saint ?.Ch'est- 
li que je vous ai offensé ? 

Eche quiou enfant de chœur i saque ese tête 
pa che treu et pi i dit : 

— I n*o pu de fu à ches tison, M. le Curé ; i 
feut-ti n'n aller queurre éd's entes ? 



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— 263 — 
CXU 

ENNE VAQUE SANS CŒUR 



— Os avez-ti coire enne histoire nouvéle dé 
che parcour à nous raconter ? éque je c'emanne 
l'eute fois à Tintin Pierrout. 

— Ah ! oui, pi enne bêle, qu'i me répond. 
J'ai fini de boire éme baïonnette ; éje vous 
dirai lelo un eute jour. 

J'ai comprins tout de suite. 

— Osbuvrez bien enne deuxième baïonnelle, 
que je li di en foisant sinne à che cabaretier. 

Quant éche berger il o ieu vu que sen voirre 
ilétoit rempli, i nous.o dit : 

— Nou moile il o vendu à che boncher enne 
vaque qu'a' li a voit donné bien dé le téte- 
rompue et pi à che parcour. Al avoit 'lé fin 
difficile à engraissier ; os avoit bien li foire dé 
le draque, li donner des betterafe cuites aveu 
du son, des tortieu, des pumme éde terre, 'a né 
besoit que plucsiner en en laissiant pu dé le 
mitan ; a* n'avoit ni le forche éde fluquer ni 
de s'émouquer. Nou moite i disoit toujours 
éque ch'étoi enne cœur falli. Al avoit coûté pu 
de deux fois pus qu'enne eute. 

M. Caullette et pi che boucher il avaint 'le 
rudemen longtemps à se mette d'accord. Après 
qu'il ont 'tè convenus dé che prix, nou moîte 
il o réclamé un écu de queue pour éche parcour 
comme ch'étoit l'habitute. Eche boucher i n'o 



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— 264 — 

jamois vola enténe raison. 

— Nan, nan, qui disoit, éje vous 11 ai poyèe 
pus éque sen prix ; je ne donnerai poin un 
liard éde pus. 

— Si ch'est lelo, qui li dit nou moite, os me 
donnerez le cœur dé me vaque ; éche n'est 
point lo enne grosse affaire. 

— Eje veux bien, qui répond che marchand ; 
'a né me coûtero mie queir ; éje réponds que 
vou vaque a' n'o point de cœur; ch'est pour 
elio que ch'éloi enne granne paresseusse, enne 
cœur falli. Os le serons bien. Eje m'en vos le 
tuer en rentrant ; os envolerez vou parcour 
édemain à le boucherie. 

Ele lennemain, nou dame aldonnoiun cabas 
à che parcour pour aller chercher che cœur dé 
le vaque. En arrivan à le boutique, i n'o vu 
que che garçon, pace éque sen moite il étoit 
parti aveu se voiture porter dé le vianne 
édehors. 

Eche garçon, qui n'avoit point le averti que 
che cœur dé le vaque M. Caullelte ch'étoit pour 
nou moite, il l'avoil vendu à enne pratique 
qu'ai venoit de s'en aller aveu. 

Quant éche parcour il o ieu dit che qui ve- 
noit faire, éche garçon boucher i li o dit : 

— Men pofe camarate, tu seros obligé de 
t'en retorner comme Test venu ; éle vaque éque 
ten moi le il o vendu à le miéne a' n'avoit point 
de cœur. 

— 'A ne m'étonne point, qui répond che 
parcour ; nou moite, qui s'y connoit, i disoit 
toujours que le bôtelo a' n'étoit point comme 
enne eule, qu'ai, étoit t troup cœur falli, qu'a' 
n'avoit point de cœur. 



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— 265 — 
XCI11 

A L'®©TH®Ï 



— I n'o quinze jour, qui bous disoit l'eule 
fois che berger M. Caullette, éche parcour il 
o 1è porter six canard éque non dame al avoit 
vendus à un grous restaurant d'Amiens. En 
arrivant à l'octroi, éche gabelout qui a'avoit 
de service ch'étoit justémen quiout Toinouî, 
che fiu Toine Gagout, éde nou poys, qu'il est 
à peu prés d'âche aveu che parcour. 

Nou dégourdi de parcour il avoit mis ches 
six canard d'un paingnier aveu un chinoir 
pa-dessur; il avoit loyè ches cordon autour 
dé che paingnier pour éque ches béte i né se 
sauve-té point. En le voyant arriver aveu un 
paingnier à sen bros, quiout Toinou i li dit : 

— Tiens, que merveiie dé te vir ichi ? 

— Eje viens vir éme tante, qui répond Tente. 
.— Quoi que ch'est que t'apportes-lo ? 

— T'est bien curieux ; 'a ne té regarde mie. 

— Quemen, 'a ne mé regarde point ? T'est 
obligé dé me montrer chan que t'os da ten 
paingnier. Allons, vite, dépêche- te. 

— A cœusse éque t'os des bieux habit, tu 
crois don que tu me fois peur ? Tu né le rap- 
pelés don pus qu'os ons *tè gléner ensanne quant 
os étoime joines ? 

— I ne s'agit point de tout lelo, qui dit che 



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— 266 - 

gabelou en déloyani ches cordon dé che chi- 
noir; t'os six canard, à qnale sou par télé, 'a 
toit vingt-quate sou que t'os à me donner si 
tn veux rentrer da le ville aveu tes béte. 

Eche parcour i s'est foit tirer un mole s'n 
éreile; comme Toinout il l'o menachè dé le 
foire auerde par un grand chef, il o fini par 
donner ches vingt-quate sou qu'il avoit rechus 
de nou dame et pi qu'i voloit warder. 

Ele samedi d'après, éche parcour il o reparti 
Amiens porter six eules canard. I se disoi en 
route à part li : 

— Marche, marche, men Toinout, t'os volu 
foire ten malin le semaine passée ; éle fois-chi, 
lu seros refoit. 

En arrivanà l'octroi, éche gabelou il l'arrête : 

— Quoi que t'os à déclarer ? 

— Erien. 

— Quemen, rien ? qu'i dit Toinout en défai- 
sant ches cordon dé che chinoir édessus che 
paingnier. Eche n'est mie des canard éde beue 
que tu portes lo-dedens. 

— Nan, bien seur ; 'a seroit coire troup boin 
pour été gargatte, mais che n'est point pourti. 

— Je n'ai point besoin de tous tei raison, 
qu'i di Toinout ; t'os six canard ; tu me dois 
vingt-quate sou pour rentrer. 

— Ch'est-ti que tu ne ^ ois pu clair? qu'i dit 
che parcour ; mes canard i n'ont pu de télé 
pusqué je leus ai copèes édevant venir. Je ne 
te dois mie pu rien le fois-chi, grous beudet. 

— Àujord'hui, qu'i li dit che gabelou en se 
foutant de li, je ne té fois point poyer leu tête, 
pus qu'i n'n ont pu ; ch'est deux sou à le patte 
qui feut que tu me poiche. 



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— 267 — 

Huit Jour après, ch'est 'tè nou dame qu'ai o 
été Amiens. 

— Edevant d'arriver à l'octroi, qu'i li dit che 
parcour quant al o démarré, os érez soin de 
leu coper leu tête et pi leus patte pour éne 
point poyer de droit à che gabelout. 

— Quoi qu'i veut dire éche basou-lo ? qu'ai 
se demandoit nou dame. 

Âl l'o seu par éche gabelou en arrivant 
Amiens. Et pi che restaurant i li o dil : 

— Ch'est-ti qu'os m'avez envoyé des canard 
morts éle semaine passée ? I n'a vain I pu de 
tête. Est coire bien qu'o ne sert point ches 
bétaile-lo aveu leu tête ; si ch'avoit 'tè des 
coquelet, éje né s'z éroit point rechus. 

Nou dame al o raconté à che-t-homme éque 
ch'étoit che parcour qu'il a voit foi t che bieu 
chef-d'œufe-lo pour éne point poyer d'octroi. 
Eche restaurant i s'est mi à rire à nen pissier 
da sen cainecon. 



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268 



XGIV 



EL PRUMMIÉRE FEMME 



Dimenche passé, après que Tintin il o ieu 
gobé quéques boines baïonnette, i nous o 
raconté qnement que le prummiére femme al 
o 'té créée. 

— Elé bon Diu, qu'i nous o dit, quant il t) 
ieu foi Adam dessur sen prope portrait, i s'est 
dit comme lo que che-t-homme qu'i venoit de 
foire il alloit s'ennuir k part li da le paradis 
terresle. L'idée li est venue de 11 donner enne 
compinne. Âpres qu'il o ieu perlri un quiout 
monché de beue qu'il avoit servi à foire Adam, 
sen moite i s'éloit lavé ses main. Pour éne pu 
s' zé salir enne deuxième fois, il o enlevé enne 
cote à che-t-homme en étandis qu'i dormoit 
pour fabriquer le femme. 

Après qu'il o ieu retiré le cote,éle bon Dlu il 
l'o posée à tére pour éreboucher che treu qu'i 
venoit de foire à Adam. Oui, mais, vlo-ti point 
qu'un quien malzant qu'i miloit lo depuis un 
boin moment, i se jéte édessur el Tous et pi 
qu'i se sauve aveu. 

Quant éle bon Diu i s'est n'n est aperchu, éche 
quien il étoit déjo loin ; éle bon Diu i s'est mi 
à courir après li tant qu'il avoit de gamme ; 
éche quien,qu'il étoit sans doute miux cœucbè, 
il o couru pu vite éque li ; il o aperchu un 



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— 269 — 

Ireu à enne barrière qu'i n'avoi à un gardin- à 
côté du paradis terreste ; quant il o volu passer 
par éclie treu, i n'o point peu pace qu'i lenoit 
le cote en travers dé se gueule ; i s'est mi à 
hairniquer de tous les sens pour passer : i n'o 
jamois peu nen venir à bout. Pendant che 
lemps-lo, le bon Diu i gaignoit du terrain ; i 
n'étoit pu qu'à trois pos dé che quien ; i n'ailoit 
point ête malprins éde rattraper sen bien. 

Tout d'un cœup, en tornant re tête pour 
érebeyer sen moite, éche quien il o foit passer 
un bout del Tous ; il o continué, tout o passé. 
Au mamme moment, le bon Diu i s'est aboissiè 
pour aherde éche quien ; i n'o peu l'I attraper 
que par ése queue; éche quien il o tiré un si 
fort cœup que le bon Diu i s'est trondelè à 
1ère et pi il o lâché le queue. Pour éne point 
s'affoler en queisant à 1ère, il avoit mis ses 
deux main en avant ; i sont queutes justémen 
da quête cosse qu'étoit bien doux, mais qu'a' ne 
sentoit point le fleur d'oranger ; ch'éloit... 
ch'éloit... Adevinez. 

En voyart ses deux main embernalèes, le 
bon Diu il o laissiè courir éche quien, qu'il 
éloit déjo loin. I s'est dit comme lo : 

— Tiens, pus éque j'ai lo da mes main quête 
cosse qu'i ressanne à des beue éje m'en vos le 
pertrir comme j'ai foit pour Adam ; 'a sero 
boin assez pour chan que je veux foire. 

Il o don fabriqué enne femme ; il o soufflé 
dessur ; al s'est levée tout flac ébondie et pi 
al o couru tout de suite édevers Adam pour 
éle colicher. 

Gomme éle marchandisse que le bon Diu il 
avoi ensillèe pour Eve a' n'étoit point de si 



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— 270 - 

boine qualité éque chelle qu'ai avoi servi pour 
Adam, ch'est pour ello que leprummiére femme 
al avoit tous les vice et pi qu'ai o perdu s'n 
homme pi elle aveuc li. 



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— 271 — 

XGV 

UN PARRAIN EMBÊTÉ 



— I n'o trois-quale dimenche, qu'i racontoit 
l'eute jour Tintin, éche parcour éde nou moîle 
il o 'té retenu pour êle parrain à che flu Cha- 
chale Janaiu, éque ch'est un vrai pisse-t rois- 
goutte en quale plache, — éche père, point 
che flu. 

Eche parcour i n'o point osé dire nan pace 
qu'o né refuse jamois che service-lo ; seulemen, 
il o foi enne rule grimache en dedens. Ghan 
qu'il Fembétoit, ch'étoit qu'i n'avoit point de 
cœuchure propes : i n'avoit que des galoche en 
mitan usées et pi des seuler aculès. Il o 'lé 
truvoir sen camarale Bébert pour li conter ses 
peine. 

— Né te gêne point, qu'i dit Bébert, éje m'ons 
le prêter mes seuler d'à le dimenche. 

Eche parcour il est revenu à le ferme ftn 
content ; i s'est habillé bien rate et pi i s'est 
en allé al réglisse aveu se commère. 1 besoit 
du temps du bon Diu, mais point de sen meil- 
leur ; i pluvoi à ne point mette un quien à le 
cour. Tout d'un cœup, Bébert, qu'i beyoi à sen 
cassis, i voit passer ches gens dé che baptisiou 
et pi i voit che parcour qu'i marche sur ches' 
cailleu, au mitan de ches flaque, da ches beue, 
sans foire attention à rien. 



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— 272 — 

— Eu soin à ti, qu'i li crie Bébert en ouvrant 
se croisée, tu l'en vos user mes seuler. 

— Je ne peux portant point marcher dessur 
éme tête, qu'i répond che parrain. 

Vio le moutarte qu'ai monte à che nez de 
Bébert ; i sorle dé se moison pour suire éche 
baptisiou ; i s'est mi à cote dé che parrain ; à 
tout momen, i li disoit tout heut: 

— Mets bien tes pied ; lo, i n'o des cailleu ; 
lo, i n'o des beue ; lo, i n'o du bouso ; eu bien 
soin à mes cœuchure. 

— A le Un des fin, qu'i dit che parcour en 
colère, en arrivant al réglisse, tu m'embête 
aveu tes seuler ; tiens, s'zé vlo, je n'en veux 
pu ; éje m'en fous et pi de ti pa-dessus le marché. 

Eche parcour i s'est Jécœuchè et pi il o jeté 
ches deux seuler da les guibolle éde Bébert. 

— Attends, qu'i dit Florent che sonneu à che 
parcour, né te fois point de bile ; éje m'ons te 
chercher mes seuler nœus ; tu porros marcher 
tout partou aveu, Je ne té dirai point chan que 
Bébert i te disoit ; pou le peine, tu me donneros 
des dragée. 

Eche parcour i cœuche ches bieux seuler 
milants de Florent. O baptis-e éle l'enfant. 
Quant tout o 'lé foit, tout le monne o sorti dé 
11 églisse. 

Florent i s'est mii par driére ches gens dé 
che baptisiou ; à tout momen, i crioi à cho 
parrain : 

— Marche tout partout aveu mes seuler, je 
ne té ferai point dé reproche comme Bébert... 
Marche sur ches cailleu..., marche da ches 
flaque..., n'eu point peur éde salir messeuier... 
Marche, ch'est à mi ches seuler-lo, i sont poyès. 



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— 273 — 

Eche parcour il étoit coire si embétè que 
devant. U o patiénlè jusqu'à le moison Chachale 
Jansiu. Quant il o'tè arrivé, il est entré tout 
cTenne ébondie ; i s'est décœuchè dessur éle 
seule et pi il o jeté eues deux seuler da les 
patte éde Florent en li disant : 

— Eje té donnerai des dragée de chuque 
noir quant ches berbis dé che moite i nen 
feront, pace qu'aveu tes permission t'os lé si 
embêtant que l'eute aveu ses défense. 

Lo-dessur, il o claqué le porte dé le moison 
en se sauvant sans mumme embrasser se 
commère, qu'ai rioit de l'aventure à nen trem- 
per se quemisse. 



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— 274 - 



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UN MMMCHE MANQUÉ 



— I n'o quéques énèe, qu'i nous o raconté 
l'ente fois Tintin Pierrout, éle sœur dé che 
parcour, qu'ai avoit coiffé depuis bouguermen 
longtemps Ste-Catherine, al o 'lé demandée en 
mariache par Dodore Rieux, éche domestique 
dé che laboureu iou qu'ai étoit servante. 
Gh'éloit pour nen rire, bien seur; i n'éroit mie 
jamois volu préne enne daine pareile. 

Ele servante, qu'ai étoit fin contente, a' n'o 
dit ni oui ni nan ; al o demandé vingt-quatre 
heure pour réfléchir. 

Ele lennemain, que ch'étoit samedi, al s'est 
don en allée à le brunne al réglisse sans rien 
dire à personne. En arrivant, al s'est jetée à 
genou édevant l'I estatue de la Sle-Vierche ; 
al o foi un grand nom du Père et pi al o récité 
Je vous salue Marie tout heut. Quant al o ieu 
fini, al o raconté à le Ste-Vierche éque Dodore 
i voloit se marier aveuc elle. 

—Voyons, boine Sle-Vierche, qu'ai o dit, quoi 
qu'os nen pensez? I feut que je renclie réponse 
tout à l'heure. Eje dirai-ti oui ou bien nan ? 

— Nan ! qu'ai fol enne quiote voix. 

Vlo le dalue fin saisie. Al érequemenche à 
dire coire tout heut : 

— Os savez bien, granne Ste-Vierche, que je 



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— 275 — 

sut déjo qoasimen vielle file. Dodore i m'o 
promis qui m'aimeroit bien ; ch'est on boin 
travailleu ; i n'est point buveu ; éje serai heu- 
reuse aveuc li. 

— Nan ! nan ! qu'ai foit le quiote voix. 
Nom des os ! vlo le servante qu'a' se met à 

braire comme enne Madeleine : 

— Mon Diu ! Seigneur ! qu'ai disoit, que mal- 
heur éque j'ai-» ! Portant, Dodore il o l'air éde 
bien m'aimer, et pi.... i feut-ti que je le diche ? 
mi aussi jel l'aime bien... Voyons, bonne Ste- 
Vierche, inspirez-mé, éje dirai-ti oui ? 

— Nan, coire enne fois ! qu'ai dit le quiote 
voix. 

Lo-dessur, vlo le servante qu'a' se réïeufe 
tout d'un cœup ; al érebeie en colère éle l'enfant 
Jésus que la Ste- Perche al tient da ses bros ; 
a' li monte sen puing et pi al l'apostrophe : 

— Tais-te, hè, quiout marsouset, éche n'est; 
mie à ti que je pale ; laisse réponne été mère 
al sait miux que ti chan qu'i f eut que je diche 
à Dodore. 

Au mumme moment, M. le Curé il est arrivé 
pour éle salut, 'a foit que le servante al o 'té 
obligée de s'en aller sans que la Ste-Vierche 
a' li euche répondu. 

Ele quiote voix qu'ai avoi entendue ch'étoit 
che bédeu qu'il avoit conterfoit le siéne ; i se 
trouvoit par driére éle l'autel quant éle sœur 
dé che parcour al étoi arrivée ; il étoit resté lo 
pour acouter. 

En sortant del réglisse, éche bédeu il o 'tè 
tout raconter à Dodore. Aussi, quant éle ser- 
rante ai est venue retrouver che domestique 
pour li dire qu'ai voloit bien se marier aveuc 



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. 



— 276 — 

11, Dodore i 11 o répondu : 

— Tu ne peux mie foire ello, pus que che 
quiout enfant Jésus i t'o dit que nan. 

Ele servante al s'est en allée tout clabeusse 
en brayanttant qu'a Ipo voit. 

Sen mariaahe il o 'lé démoli. Edepuis che 
temps-lo, personne nel i'o pu jamois demandée. 



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277 — 



XCVUI 

Eche Quiout de nou Moite 



— Il arrife éde temps en temps éque ohes 
gouailleu i sont gouailles à leu tour, qu'i non s 
disoit hier éche berger M. Gaullette. Ele 
semaine passée, j'ai bien ri de ches deux réponse 
que che quiout de nou moite il o foi à cbe 
parcour, qu'i voloit se mouquer de li. 

Os étoime à du monne da che fornil après 
souper, quant éche quiout M. Gaullette, qu'il 
o enne douzaine d'ennèe, il o entré en fum- 
man enne cigarette qu'il avoit foi aveu des 
feulle éde noyer sèques qu'il avoit entorsillèes 
d'un morciea de gazette. 

En voyan arriver che quiout galibier. éche 
parcour i n'o point peu s'empêcher de dire : 

— Tiens, nen vlo un qu'i fumrae comme un 
étron. 

— Si t'étois passé pu tout par driére éche .cul 
dé le glinne, qu'i répond le fin de nou moite, 
éle Tétron i ne fummeroit point. 

— A cœusse ? qu'i demanne éche parcour. 

— Pace éque tu 11 érois envalè, éle l'élron. 
Os nous somme déclaquès tertous à rire à 

nen défrencher nou boutinetle ; éche parcour 
i rioi aussi, mais i rioit ganne. 

Un momen après, 'a né l'I o poin empêché de 
coire parler troup vite et pi d'été érefoi un 
deuxième cœup» 



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1 



— 278 — 

Bche quiout gadra qu'il avoit si bien remis 
che parcour à se plache, i dit comme lo : 

— Que drôle dé sonche éque j'ai-ti foit par 
Doit ! Ah ! que drôle dé sonche ! 

— Quoi que t'os don songé de si drôle que 
lelo ? qu'i demanne éche parcour. 

— J'ai songé que j'avoi un meulin da me 
panche... 

— Et pi ? 

— Et pi ?... Epi pi épi 'a foit deux épi. 

— Et pi quoi ? qui foit che parcour. 

— Et pi que tu soufflois à... l'opposé dé me 
bouque pour éle foire torner. 

Tout le monne s'est coire mi h rire pu fort; 
i n'avoit que che parcour qu'i ne rioit point. 

J'ai idée que si os n'avoime point 'té lo, 
éche quiout de nou moite il éroit 'té plamusé. 

Vlo quement qu'i ne feut jamois de troup 
gouailler quant o n'entend point la risée. 



Y, 



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— 279 — 
XGIX 

ÉCHE LES BLAHC 



Dimenche au soir, comme éje n'avois po 
coire vu Tintin Pierrout venir boire ése baïon- 
nette an cabaret, éje m'enquétois de li, quant 
éche parcour et pi chenouvieu domestique éde 
M. Gaullette i sont entrés da che cabaret. 

— Tintin i n'est mie malate ? que je leu 
demanne. 

— Nan, qui répond che parcour ; il o du 
travaile ; i foit le tailleu. 

— Quoi que tu veux dire ? 

— Eche berger i raccommote sen mantieu, 
qu'i dit che domestique. 

— Espliquez-vous, que je fois ; je ne sais 
point chan qu'os volez dire. 

— Eje m'en vos vous raconter éle l'histoire, 
qu'i reprend che parcour. Hier au soir, os 
étoime da che fornil de nou moite aveu Tintin, 
ches deux batteu et pi le servante. Eche domes- 
tique il étoit parti foire foire ése barbe. Ede- 
puis quéques jour, éche berger il embétoit 
cheti-lolpacequ'i croyoit que ch'est un péreux ; 
i li disoit qu'il aperchuvoit de temps en temps 
un leu blanc qu'i sortoi à la brunne dé che 
bous d'Hénon. I disoit qu'a né le surprendroit 
point s'il essayoit de venir & le bergerie de 
nou moite pour préne unaingneu ;irequeman- 



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— 280 — 

doit de bien f rummer le porte dé che gardin, 
pace qu'i donne da ches camp. 

A forche d'enténe parler dé lelo. éche domes- 
tique i n'étoit tout de mumme point asseur. 

El don, hier au soir, Tinlin i nous dit : 

— 0* allons foire peur à che domestique. 
Aidiez-mé ; éje nVons préue men manlieu blanc 
de pieu de berbis ; os mettrons du feurre éde- 
dens; os n'n emplirons ches manche, et pi os 
nen ferons autant à ches deux basquinne pour 
foire quate patte comme si ch'éloi un leu ; 
aveu che collet de men mantieu, os ferons enne 
tête. Os le laisserons da le milan dé che fornil 
aveu le porte en mitan ouverte; os soufferrons 
le lampe et pi os irons nous mette da ri étape 
à troupe pour guetter che domestique quoi 
qu'i fero quant i revarro. 

A la minute, éche leu blanc il o 'tè fabriqué; 
os n'ois point 'le sitout muchès que che domes- 
tique il ouvroit le grand'porle. I s'est en allé à 
s'n habilule droit à che fornil allummer le 
lanterne pour aller vir à ches guevo devant 
se coucher. 

En avanchant, i voit le porte qu'a' n'est 
point frummèe ; éle lunne, qu'ai étoit pleine, 
al lui soit par éle cairnache de le porte édessur 
éche leu blanc, que che berger i foisoit bouger 
en tiran enne tichéle qu'il avoi attaquée à 
enne patte. Eche domestique i s'arrête comme 
comme enne gens saisi ; i rebeie autour éde li 
tout partout par da le cour ; i voit le porte dé 
che gardin tout granne ouverte, pare éque 
Tintin il avoi ieu roin d'aller ri ouvrir *spré*. 

Nou homme i restoit lo élampi sans bouger 
ni patte ni aile, comme quéqu'un qu'i ne sait 



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— 281 - 

point chan qu'i doit foire ; i rebeyoit da che 
fornil tant qu'il avoit d's yu. 

A che moment lo, ches deux batteu qu'il 
avain approché leu tête à un cassis qu'il étoit 
cassé al rétape à troupe, i n'ont point peu se 
retenir éde rire. Eche domestique, qu'i s'z o 
entendu % i s'est douté de quête cosse. Quoi 
qu'il o f oit ? Il o couru bon train da le granche, 
il est revenu coire pu vite aveu un fourqué 
américain qu'il avoit des longs dent ; il est 
entré comme un furieux da che fornil ; il o 
ei tiqué che fourqué da che leu blanc, qui 
n'o point bougé, tant qu'il étoit saisi, pour 
seur, et pi il est sorti da le cour en tenant 1© 
béte au bout de sen fourqué. 

En voyant lelo, Tintin i s'est démuchè dé 
Tl étape à troupe ; i ne rioit point. 

— Quoi que tu fois ? qu'i crie à che domes- 
tique en couran après li. 

— Eje viens d'enfourquer éche leu blanc, qu'i 
répond l'eute, el pi, pour qu'i fuche bien mort, 
éje m'ons le plonquer da le roussie. 

— Arrête I arrête ! qu'i foit che berger. 

— I n'o point d'arrêté, i f eut que je le renche 
bien mort. 

En disant lelo, éche domestique i trondéle 
éche leu blanc da ches bouso et pi i le jéte. à 
plein volée au mitan dé le roussie après i s'est 
sovè pace éque Tintin i voioit li foute enne pile. 

Eche pofe berger i n'o point manqué d'em- 
barros pour foire sêquir sen mantieuembernatè 
et pi treuvè. Je ne sais point si n'n est venu à 
bout à l'heure qu'il est, qu'i foit che parcour 
en rian à gafèe. Eje crois que ch'est enne farce 
qu'i né requemenchero pu jamois. 



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— 282 — 
G 

6RANNES SALUTATION 



— J'ai connu da le temps, qu'inous o di enne 
fois Tintin Pierroat, un viux sérusien qu'il 
étoit fin original. 

Un bieu jour, éche précepteu, qu'il aimoit 
tout plein à rire éde ches gens et pi à se mou- 
quer de tout le monne, paee qui se croyoit pu 
malin qu'un eute, idià cheux qui se trou vain t 
lo aveuc lida ches rue quant ilo vu venir éche 
sérusien : 

— Attendez un molet, os allez avoir duplaisi. 
Quant éche sérusien il o ieu tè arrivé tout 

prés d'eux, éche grand dépendeu d'andoulle éde 
précepteu i li dit comme lo en s'aboissiant : 

— Docteur, éje vous salue jusqu'à mes genou. 

— Mi, qu'i foit che sérusien en retirant sen 
capieu à grands bord, éje vous salue jusqu'à 
mes guevile. 

Eche précepteu irequemenche ses salutation 
en s'aboissiant coire pu bos, et pi i dit : 

— Docteur, éje vous salue jusqu'à mes talon. 

— Mi, je vous salue jusqu'à tére. 

— Docteur, éje vous salue j usqu'à da le mitan 
de la terre. 

— Mi, je vous salue jusqu'à de l'eute coté de 
la terre, jusqu'aux antipote. 

Eche précepteu il étoi arrivé au bout de sen 



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— 283 — 

rouleu ; i cherchoii depuis an moment, quant 

i requemenche à se ployer en deux en foisant 
des grands singne, et pi i dit coire : 

— Docteur, éje vous salue jusqu'au fond de 
l'enfer. 

— Mi, je vous y laisse, qu'i répond che viux 
scrusien en s'en allant roite comme un piquet. 

Quèche qu'o tè refoit ? Che n'est point eheti 
qu'i croyoit refoire Tente. 

Tout le monne o rit de bon cœur, qu'i dit 
che berger, mais che n'est point tè che précepteu . 



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— 285 — 



TABI^E' 



Introduction 1 

Un grand pout au lait 1 

Un mengeu de cataplasse 3 

A che marché . 8 

Eche néque 10 

Un sonche 13 

Un mengeu d'ous 15 

Dons àrdous 17 

Ches deux pasteur 19 

A le boudinée 22 

Un couveu d'aingnieu 25 

Ele suténe M. le Curé 29 

Un sorcier bien refait . , 32 

Ele lunne envalèe 36 

Evêque et pi berger 39 

A le confesse 42 

Un attrapeu attrapé 46 

Madame ou mameséle • . . 48 

A' chacun sen métier 51 

Pour avoir enne plache a che f u .... 54 

Au chabout 57 

Eûfrummè d'enne ormoire. 59 

Ele l'enfant de chœur 63 

Eche flu Dindinou 65 

Pour éne point canger 69 

A mucher 72 

Un mauvais poyeu 74 

Un vieu qui se renflque 77 



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— 286 — 

Enne bleue vue 79 

Au pu menieu 82 

Eche serpent 86 

Enne bêle pronne 88 

Enne pariure 91 

Un boin repos , . 93 

Deux gouailleu gouailles 96 

Mameséle Cécile 96 

Pour foire réveillon 101 

Mon dé che barbier 103 

Un fou 106 

Un drôle dé cochon 109 

Deux gens & se warder 111 

Enne ouverture éde cache 113 

Un gendarme qu'i se laisse préne ... 117 

D'enne tonne au... niié 120 

Ghes trois poulet 123 

Un vanleu 126 

Enne berluque 128 

Un attrapeu attrapé 130 

Passe édevant mi 133 

Que sance ! 136 

Da le paradis 138 

A muche-muche 142 

Enne cherène neufe 144 

Ele sœur dé che parcour 148 

Eche cocher du pape 151 

Bien répondu 153 

Au pu malin 155 

Un délégué 158 

Eche cocongnier pi sen coffe-fort. .• . . 160 

Voleu de lard 162 

Eche so à le frinne 164 

Un bleu tour 167 

Au juge éde paix 171 



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— 287 — 

Du flan h mouque 173 

Eche moite. 1*9 

Eche messager du paradis 181 

Polyte Magloire 185 

Jacquout pi sen beudet 189 

Un hériiache vite maquè 191 

Un viédace 194 

Quiout Déric 198 

Un étou s 201 

Enne éremarque 203 

Un poisson d'avril 206 

Un quiont drôle 209 

Dé le graine éde soirel 212 

Drôle dé mâquerie.. 216 

Un porte-cigare 220 

Des joine éde capieu 222 

Ungadru 225 

A le comédie 227 

Donnant donnant 230 

Enne goutte éde doux 232 

Pour rouvrir sen couti€u 234 

En quemin de fer 237 

A cœup de bonnet de coton 241 

A guevô dessar un cochon 243 

Un bieu modèle 247 

Un moîte souper 249 

Un marchand de reullout 253 

A le lessife 256 

Un puits qui se rebouche 258 

Deux miraque manques 260 

Enne vaque sans cœur 263 

A Toetroi 265 

Ele prummiére femme 268 

Un parrain embélè 271 

Un mariache manqué 274 



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Eche quiout de hou moite 277 

Eche leo blanc . 279 

Grannes salutation . . : • 282 




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