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MEMOIRE
POUR les Chanoines Réguliers de l'Abbaye de Saint Acheut
d'Amiens , Ordre de Saint Auguftin , Congrégation de
France , Demandeurs.
CONTRE Meflîfe Nicolas de l'Efiocq, Prêtre, Docleur
de la Maifon & Société de Sorbonne } AbbéCommendataire
de ladite Abbaye , Défendeur .
E T contre le Sieur Martin le Sol s Entrepreneur de Bâtimens 3
Intervenant.
E S Chanoines Réguliers de l'Abbaye de Saint Acheul
tenus pai. les Contoidats des Réparations feulement de
l'Eglife & des Lieux Réguliers , peuvent-ils être chargez
gratuitement des Reconftru&ions 6c Réédifications ? Tel
eft le principal objet fur lequel le Cou feil a a prononcer ;
les mefures qui doivent être prifes, foit pour faire les Reconftrudtions ,
foie pour acquitter celles qui viennent d'être faites , feront une fuite de
ce que le Confeil décidera fur ce premier Point.
FAIT.
|, L'Eglife de S, Acheul de la Ville d'Amiens eft en même tems Abbatiale
& Paroïflîale : les Hiftoriens remarquent qu'elle eft l'ancienne Cathédrale
d'Amiens , qu'elle ne fait qu'un Corps avec la nouvelle , Ôc que les
Chanoines s'étant partagez , les uns réitèrent dans l'ancienne , les autres
pafTerent à la nouvelle Cathédrale. La fituation de l'Eglife de Saine
Acheul dans une Ville confiderable ; l'antiquité de cette Eglife , les
fondions Curiales qui s'y exercent , la pieté & l'afrluënee des Peuples
que la Dévotion attire de toutes parts au Tombeau de Saint Firmin qui
y repofe , tout fèmble concourir à confèrver ce Monument refpe&able.
L'Eglife de Saint Acheul , foit par l'antiquité de l'Edifice , foit parce
c^ue placée fur une hauteur elle eft plus expofëe a' l'imper uofité des Vents»
A
eu dans l'état de ruine le plus affligeant : il en eft de même des Lieux
'Réguliers ', ils font détruits & renverfez. Dans cette Affaire qui eft toute
de Droit public » les Chanoines Réguliers de Saint Acheul fe flattent
de réunir en leur faveur les foins tout à la fois de M. le Procureur Ge-
neral & des Magiftrats : autant les Demandeurs font empreiTez a remé-
dier à leurs malheurs , autant leur Abbé y paraît infenfîble.
Les Chanoines Réguliers de Saint Acheul n'ont jamais méconnu
leurs Engagera en s ; ils font chargez des Réparations , ils ne font rien
moins que tenus des Reconflruclions : l'équivoque perpétuelle de leur
Abbé entre deux objets fi differens ne fçauroit profperer.
Le 6. Septembre 1636. un Arrêt du Parlement de Paris rendu entre
l'Abbé & les Religieux de Saint Acheul avoit ordonné un Partage en
trois Lots dont deux feroient délivrez à l'Abbé , a la charge par luy
d'employer le Revenu de l'un defdits Lots aux Réparations necefTaires
en ladite Abbaye & autres Charges ordinaires 6c extraordinaires. C'eft
à cet ufage que dans le befoin , au moins l'intégrité du tiers-Lot eft
deftinée.
Le premier Août 1657. Meflîre Louis de la Grange , Conféiller au
Parlement de Paris , Abbé Commenda taire de l'Abbaye de S. Acheul
qui a introduit dans ce Monaftere la Réforme de la Congrégation de
France , a palTé avec elle un Concordat dont voie y les principales
Claufes. L'on y demeure d'accord d'un Partage en deux Lots. Ain il
chacune des Parties jouit de la moitié du tiers-Lot. Qu'on ne croye
pas que ce foit un avantage pour les Réformez : l'Abbé Commendataire
oifif joiiit gratuitement de fa moitié du tiers-Lot j il n'en eft pas de
même des Religieux: on les a fait renoncer à demander aucunes Charges
Clauftrales , même pour la Sacrifti e , Ornemens , Linges , Luminaires ;
on les a chargez de 1 acquit des fondations, de la Cure & Charge d'A-
mes annexée à ladite Abbaye , des Portions Congrues de ceux qui fe-
ront les Fondions Curlales , des Aumônes , de la Penfion de l'Oblat »
Droits de Vifite , Gages des Officiers , & gêner ai entent de tout ce que
pourra dewir ér être chargée ladite Abbaye t four quelque caufe & occafion
que ce foit, Ainfi l'Abbé profite impunément fans Charges ordinaires de
la moitié du tiers Lot, l'autre moitié au contraire dévolue aux Réformez
eft abforbée & au-delà par les Charges , l'une defquelles eft celle des
Réparations qui par le Concordat de 1637. eft exprimée en ces termes.
,, Et de plus , lefdhs Religieux feront tenus Se obligez d'entretenir ÔC
„ faire les Réparations de l'Eglife , Cloître , Dortoirs , Refectoir &
3 , autres Lieux Réguliers de ladite Abbaye , defquels ils fè font tenus
„ & tiennent en l'état qu^ils font , & déchargent ledit fieur Abbé &
,, fes Prédéceflèurs & SucceïTeurs de toutes recherches que l'on pourroit
,, faire à ['encontre d'eux pour rai/on des Réparations qui font à prefent
,, ■& cy-après à faire en ladite Abbaye , delquelles lefdits Religieux fe
3 , font chargez & (è chargent par le prefent Concordat. „ Si les Con-
ventions font la Loy des Parties , on jie fçauroit confondre l'entretien
& les Réparations avec les Reconftru&ions de Corps entiers , ou de
grande partie,
Par une «utre Claufe du même Concordat il eft dit , que pour
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donner meilleur moyen d'établir la Réforme dans ladite Abbaye par lefdits
Religieux 3 l'Abbé confent qu'ils faflent unir à la Manie Conventuelle
à leurs lirais la Chapelle de Boubert , Se qu'ils puiffent admortir la Pré-
bende de Saint Firmin. Outre que cette Clauie eft étrangère aux Ré-
parations , les Religieux ne profitent de rien , comme on l'expliquera
dans la fuite.
Il fût fait enfui te par l'Abbé un Partage en deux Lots , les Religieux
choifirent § l'Abbé de l'Eftocq eût-il voulu que celuy qui a fait les Lots
eût eu le choix ?
Peu de tems après les Réformez réclamèrent contre ce Concordat , &
demandèrent l'exécution de l'Arrêt de Partage : ce Différend fût pacifié
paruneTranfadion du 1 5 .Décembre 1 642. dans lePréambule de laquelle
les Demandeurs obfer verent que le Lot qu'ils auroient eu par un Partage
en règle , purement & fimplement & fans aucune Charge , fe trouve
par le Concordat de 1637. chargé de faire les Réparations : au lieu d'un
Tiers franc, fcuvent ils n'ont pas même un Quart ou un Cinquième. Par
ce Traité les Chanoines Réguliers de Saint Acheul fe font départis des
Lettres deRefcifion qu'ils avoient obtenues, & ont confenti que le Con-
cordat du premier Août 16^7. foit exécuté de point en point feloft fa
forme & teneur : Ainfi c'eft à ce Concordat de 1637. qu'il faut fe re-
porter , voilà le Titre auquel il faut toujours revenir. L'Abbé a con-
senti en faveur de ce défiftement à l'Union à la Manfè Conventuelle du
Prieuné de Domvaft , Projet qui n'a pas eu lieu , comme on le déve-
lopera dans un moment.
Eft- il fur prenant qu'au jour d'huy il faille reconftruire ? Il y a plus
de 100. ans que les Lieux étoient dans un état de ruine prochaine ; c'eft
ce qui eft attefté par les Parties par cette même TranfaefHon du 1 5 . Dé-
cembre 1641. L'Abbé y déclare que „ cette Union eft confentie pour les
neceflltez defdits Religieux de Saint Acheul à caufè des grandes rui-
nés tant de PEglife , Dortoirs , qu'autres Lieux Clauftraux & Régu-
liers , pour lefquels réparer les Religieux ont contracté de grandes
„ Dettes.,,
Le Logis Abbatial étant renverfé de fonds en comble , l'Abbé a jette
les yeux fur un nouvel Emplacement plus avantageux pour luy , & qui
appartenoit aux Religieux , ils le luy ont cédé par un Traité du 18.
Juin 1644. L'Abbé leur a abandonné le Terrain de fon ancienne Abba-
tiale , & ils luy ont donné 600. liv. pour l'aider à en conftruire une
nouvelle , ce que les Commendataires n'ont point exécuté. L'Abbé de
l'Eftocq fuppofe que les Réformez ont beaucoup gagné à ce Marché ,
parce qu'ils ont profité , dit-il , de l'Abbatiale : cependant que décou-
vre-t-on dans Ice Traité ? Que les Religieux ont cédé plus d'Efpace qu'ils
n'en ont reçu , qu'ils ont fait un prêtent de c*oo. liv. à leur Abbé , fîc
que l'ancienne Abbatiale ne fubfiftoit plus» L'Acte porte d'après un
Procès-Verbal de Vifite qu'il Jf s'eft trouvé que ledit Lieu Abbatial eft
», pour les caufes ôt raifons y déduites devenu en entière ruine & dépe-
», rîflement , fi qu'à prefent les Bâtimens font tombez par terre, la plu-
,> part des Bois & autres Matériaux perdus , &c. „
Tous ces Traitez ont été ratifiez au Chapitre général de la Congre.
gatiôn de France , ils ont été homologuez au Parlement de Paris. Les
Demandeurs ne prétendent point difîîmuler ces circonfbnces fur les-
quelles la Partie adverfe appuyé avec complaifance : aufli ne veulent-
ils pas fe fbuftraire à leurs Engagemens j il ne s'agit dans cette Affaire
que de ne pas en excéder les bornes.
En 1666. Charles de la Grange fè démit entre les mains du Roy de
l'Abbaye de Saint Acheul dans le defîein fans doute de la faire avoir à
un Père delà Grange , fon Neveu , Proies de Sainte Geneviève ; mais
le Père de l'Etoile , aufïi Chanoine de la Congrégation de France , que
le Roy avoit déjà nommé à l'Abbaye de Saint Severin de Châteaulan-
don , fut pourvu de celle de Saint Acheul : il fe démit de l'Abbaye de
Châteaulandon , le Roy y nomma le Père de la Grange. Le mauvais
état des Lieux de l'Abbaye de Saint Acheul n'eft entré pour tien dans
ces opérations.
Au Père de l'Etoile décédé eri 1718. a fuccedé le Père de Monbri-
feuil qui eft mort en 1730. & par le décès duquel la Partie adverfe a,
été pourvu de l'Abbaye de Saint Acheul ! aînfi pendant un tems cette
Abbaye a été po/Tedée par deux Abbez Réguliers.
Mais quels bienfaits l'Abbaye n*a-t-elle pas reçu de ces deux" Titulai-
res , qu'on ne fuppoferapas avoir diMipé les Revenus 7 JA>n a conflcak
en Place vague l'Abbatiale que la Partie adverfe occupe aujourd'huy ,
c*efl même fous fes yeux que crette Confti ucîlon a été faite. Une partie
des Lieux Réguliers a fondu du vivant de l'autre , les deux Manfes ont
fèrvi à reconfrrulre à neuf un premier Corps-de-Logis. Les IfteYig'wux
ont employé des fbmmes conficferables en Réparations -, on ne doute pas
combien coûtent a entretenir des Bâtimens caduques , l'on a depuis
quelques années réduit â deux ou trois le- nombre des Religieux foie
pour fubvenir plus facilement à rétablir les Lieux , (bit à caufè du def-
îauc de Logemens qui nepeuvent être habirez fans péril.
Les Demandeurs rie recevant aucun fecours dd fieur Ahbé de l'Efrocq,
noique dans les ixefoins les plus inftans ,' cV que les Rétabli /Terriens
foient à fa charge , ils ont pris le parti le premier 4cuk 1 73 7* d'obtenir
ifite des Bâtimens 6i Lieux Ré-
quoique dans les .Deioïns les pli
foient à fa charge , ils ont pris le
un Arrêt du Confeil qui a ordonné la Vii
guliers en prefènee de là Partie advCrfè' par Experts convenus ou noni-
jiiez d'office > lefquels Experts confta ter oient les Réparations & Re-
conftructions qui font à faire , Scfonderoient Les Prez & Marais des
deux Manfes -pour connoître' -en quels Lieux avec moins de dommage
on pourroit. tirer de Ift Tourbe pour en employer le prix aux Reconf*
tructions.
Le Deffendeuf pour éluder a formé exrrajudiciairement Oppofîti'on a
cet Arrêt , mais comme il portoit qu'il feroit exécuté n ono bilan t'Op-
poûcions ou Appellations quelconques , l'InflrucYion n'a pas dû être
retardée. Les Demandeurs ont nommé un Expert , M. du Cardonnoy ,
CommifTaire du Confeil trouvé lur les Lieux , en a choîfî un d'office
pour la Partie adverfe. Les Experts ont drefle leur Rapport au mois
d'Août 1737. de, Pétatdes Lieux Réguliers. Ils oritrendu "compte d'un
Bâtiment neuf que les Religieux ont fait faire , oC qui de voit être con-
tinué dans le même alignement ; ils ont eflimé que le vieux Bâtiment eft
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à démolir maternent & hors d'état d'être habité à caufe du danger qû % tl y a à
le fréquenter. Il eft certain qu'il s'agit de Reconftruftions : enfin les Ex-
perts ont fondé le Terrain propre a. tourben
Le 5 1 . du même mois d'Août 1757. les Religieux ont fait afllgnet
le fieur Abbe' de l'Eftocq au Confeil pour voir entheriner ce Procès-
Verbal , voir dire qu'il fera procède à la Démolition & aux Réconf-
tructions jugées neceffaires , à l'effet de quoy il feroit procédé à l'Ad-
judication au Rabais des Ouvrages & à la Vente de la faculté de tour-
ber dans les Prés & Marais des deux Manies Abbatiale & Capitulaire
de ladite Abbaye , juiqu'à concurrence des fommes neceffaires pour
lefdites Démolitions & Recon {raierions , & qu'il feroit procédé à la fi-
xation de la fomme pour laquelle chaque Manfe contribuera dans le
coût defdits Ouvrages , & du dédommagement que l'une deidites deux
Manfcs pourra devoir à l'autre pour raifon du plus ou du moins de ce
qui aura été tourbe dans l'une ou dans l'autre. Les Chanoines Réguliers
ont auffi conclu à ce que leur Abbé loit condamné à payer la Portion
dont il peut être tenu dans le nouveau Bâtiment qui a été conftruit Se
qui doit être continué dans les mêmes Alignemens , eu égard a l'Efti-
mation que les Experts ont faite de ce qui refte à bâtir.
L'Abbé de l'Eftocq mettant à profit les longueurs de la Procédure ,
les Demandeurs ont donné une Requête provifoire au Confeil le 5 . Dé-
cembre 1757. par laquelle ils ont conclu à ce que fans préjudice du
Droit des Parties au principal , il fut procédé à la Démolition Se Re-
construction des Lieux Réguliers , à P Adjudication au rabais des Ou-
vrages & à la Vente au plus offrant de la faculté de tourber dans les
Vié% fit Marais des deux Manfes * pour les Deniers en provenans être
employez aux Démolitions Ct R«ttonfl:tuJLïo»io. Sur te Provifoire Arrêt
par deffaut le 12. Décembre: Oppofition de l'Abbé , qui le 9. Janvier
1758- à fourni de Deffenfes par lefquelles il a prétendu ne rien devoir ,
& que tout étoit à la charge des Demandeurs feuls.
C'eft dans cet état qu'eft intervenu Jedit jour 9. Janvier 1758. Un Ar-
rêt qui fur le fonds a appointé les Parties dans huitaine , & a joint la
Requête en provifwn au principal ; Arrêt pane entre les Procureurs des Par-
ties , Se en t'ab(ènce de Meffieurs les Gens du Roy.
Sur P Appointeront le fieur de l'Eftocq a développé fon fyftême
par une Requête du 10* Mars 1738. Affedant d'appliquer aux Reconf-
trottions les Titres qui n'ont trait qu'aux Réparations , il a invoqué les
Concordats cy-deïïus rappeliez comme devant opérer fa décharge.
Il ne doit pas être quefiion , difoit-il , de la fixation de ce que chaque Manfe
devra contribuer 3 car je foutiens n'être tenu de rien du tout , & que ce font
les Religieux qui doivent tout faire ; il a ajouté qu'il avoit pour garants
de cette vérité les Traitez & Concordats 3 & que les Demandeurs Suc-
cefleurs au Pécule des deux Abbez Réguliers qui l'avoient précédé , de-*
voient rendre les Lieux Réguliers totalement en état.
Le Confeil n'a point goûté ce fyftême. Arrêt fur Productions le tu
Mars 175 8. qui a reçu la Partie adverfe Oppofantà l'Arrêt fur Requête
&à l'Arrêt par deffaut des premier Août 8c 11. Décembre 1757. fkhi
Jànt droi* fur les Conclurions de M. le Procureur General a ordonné
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que le Rapport des Experts des 13. Août fit jours fuivans 1737- fera
entheriné, en confequence qu'à la diligence des Chanoines Réguliers de
l'Abbaye de Saint Acheul il feroit pardevant le Lieutenant General
d'Amiens procédé à l'Adjudication au rabais des Ouvrages y mention-
nez , comme au 0i à la Vente de la faculté de tourber les Prez & Ma-
rais des deux Manfes jufqu'à concurrence des fommes neceflaires pour
lefdites Démolitions ôc Reconftruclions j & en ce qui concerne la fixa-
tion de la fomme pour laquelle chaque Manfe contribuera dans le cours
de/dits Ouvrages , ou le dédommagement que l'une defdites deux Man-
fes pourra devoir à l'autre pour raifon du plus ou du moins de ce qui
aura été tourbe , le Confeil a refervé à y faire droit après lefdites Ad-
judications ; fur le furplus hors de Cour, dépens compenfez, fur le prix
de la Tourbe feront pris le coût du Procès-Verbal de Vifite & de l'Ar-
rêt. Il eft donc jugé en termes formels que la Manfe Abbatiale conui-
buera ; le plus ou le moins eft le feul objet qui refte à décider.
En exécution de cet Arrêt le 1 J, Août 1738. Adjudication au rabais
des Reconftructions a faire au profit de Martin le Sot moyennant
26100. liv. Le même jour Adjudication au plus offrant de la faculté
de tourber dans quelques Prez moyennant $700. liv. Enfin autre Adju-
dication le 27. Novembre fuivant de la Tourbe d'environ 500. Ver-
ges de Pré moyennant 1750. liv. Martin le Sot s'efl encore rendu Ad-
judicataire. Si on en croit l'Abbé de l'Eftocq, le prix des Rétablifiemens
eft enflé ; les Reeonftructions lont adjugées trop cher , la Tourbe trop
bon marché ; Martin le Sot eft le Prête- Nom des Chanoines de Saint
Acheul , mais la Partie adverfe n'a t-il pas été appelle à toutes ces ope-
rations ? N*a-t-il pas été prefent ? N'a-t-il pas été le Maître de fe rendre
Adjudicataire de l"u« ôc Ue l'aune ? il n"» liôp^du <juc de luy de faire
trouver des Encheriffeurs*
Martin le Sot a été contraint de faire des augmentations conhâera-
bles au-delà de fon Marché ; il y avoit a craindre que le vieux qu'on
vouloit conferver m'entraînât la ruine de ce qu'on faifoit à neuf , il s'eft
pourvu contre les Demandeurs tant pour ce qu'il avoit fait en exécution
de l'Adjudication, que de ce qu'il avoit été obligé de faire au-delà. Ar-
têt du Confeil le premier Mars 1741. qui a ordonné la Vifite & Efti-
mation en prefènee de la Partie adverfe des nouveaux Ouvrages qui
a voient été faits aux Lieux Réguliers. Cette Vifite a été faite le 1 9. Août
1751. Les nouveaux Ouvrages ont été eftimez a 19724. liv. qui joints
au prix de l'Adjudication font un total de 45824. liv. dont les Chanoi-
nes Réguliers de Saint Acheul ont payé une partie. Tel eft l'état des
chofes par rapport aux Lieux Réguliers.
Le 20. Juillet 1751. eftfurvenu un Ouragan dont la violence fuivïe
de Tonnerre & Tremblement de Terre a ébranlé & renverfe prefque to-
talement l'Eglife ; il n'y a plus aucun endroit de ce VaifTeau où l'on
puifTe avec fureté vaquer au Service Divin. Le fi eu r Abbé de l'Eftocq
informé de ce malheur y a paru fort indiffèrent, AuiÏÏ généreux pour
fa Famille que dur a remplir fès Engagemens envers fbn Eglife , il per-
fifte à foutenir que ces évenemens ne le regardent pas.
Les Chanoines de Saint Acheul obligez de fe pourvoir ont obtenu
7
Arrêt du Confeil le 1 1. Août 1751. qui a ordonna la Vifite. Le fleur de
l'Eftocq aiïïgné pour convenir d'Experts a fait deffaut, les Demandeurs
en ont nommé un , le Lieutenant General d'Amiens a fait choix de
l'autre. Le 27. Août Procès- Verbal de Vifite par lequel il eft conftaté
qu'il s'agit de Reconftrudions qui ont été eftimées 93507. liv. Que le
fieur de l'Eftocq ne fe récrie pas que cette Eftimation eft exhorbitante ;
il eft heureux pour toutes les Parties fi l'on trouve quelque diminution
dans l'Adjudication au rabais ; on peut d'autant moins cependant s'en
flatter que depuis plufieurs mois le défordre peut être accru. Voilà près
de cinquante mille Ecus de Reconftrudions a faire , ôc auxquelles on
ne fçauroit trop tôt pourvoir.
Que demandent les Chanoines Réguliers de Saint Acheul t Quant à
VEglife que le Procès- Verbal de Vifite du 27. Août dernier foit enthe*-
riné i en confequenee qu'il fera a leur pourfuite & diligence inceiïam-
ment procédé à l'Adjudication au Rabais en la forme ordinaire des
Ouvrages y mentionnez, Ôf en ce qui concerne les Lieux Réguliers dont
les RétablifTemens fe montent a plus de 45000. 1. & dont ils ont déjà
payé plus de moitié , c'eft-à-dire , beaucoup au-delà de ce qu'ils peu-
vent être tenus , fans que le fieur de l'Eftocq , leur Abbé , Dépofita$re
de la moitié des Revenus du tiers-Lot depuis 22. ans, ait encore donné
quoique ce foit , il foit ordonné qu'il fera tenu par provifion de fournir
au moins la fomme de 17000. liv. pour le premier tiers , à quoy faire
contraint par toutes voyes dues & raifonnables , & que pour achever
de payer ledit tiers, s'il y échoit s èc enfuite les deux autres tiers, il
fera fait des Emprunts à la fureté defquels les deux Manfes Abbatiale Ôt
Conventuelle feront affectées & hypothéquées proportionnement , de^
dudion faite des Charges ordinaires 8r indifp en fables de chacune defdites
Manfes. La Partie adverfe n'auroit pas dû attendre un Arrêt pour aller
au-devant de befoins auïïî inftans ; il eût trouvé plus de facilitez auprès
des Demandeurs qu'il n'en doit efperer du Miniftere public & du
Confeil.
MOYENS.
Comment avec quelque bienfè'ance le fieur Abbé de l'Eftocq peut-
il foû tenir que les Chanoines Réguliers de Saint Acheul font tenus Ôt
des Réparations ôc des Reconftrudions ? Parviendra-t-il à confondre
l'un avec l'autre ? Un pareil fyftême réfifte tout à la fois & à la natufe
& aux Claufes du Contrat de 1657.
• Si c'eft à raifon du tiers-Lot que l'Abbé eft tenu des Réparations ,
Réédifications 5c Reconftrudions » cette Obligation n'auroit pu paner
avec la même étendue en la Perfonne des Chanoines Réguliers de Saint
Acheul qu'autant que l'intégrité du tiers-Lot leur auroit été confiée.
Par le Partage en deux Lots , ils n'ont conftamment que moitié du
Lot des Charges : c'efl à Titre très-onereux qu'elle leur a été donnée ;
mais Peut- elle été gratuitement , l'autre moitié ne peut être exempte
des Charges: il faut que le tiers-Lot entier foit épuifé avant que les deux
Manfes puiffent être entamées. Il répugne donc à la nature du Con-
cordat de 1657. que les Demandeurs puilfent être tenus de la plénitude
?»
■>»
des Obligations du tiers-Lot , puiiqu'ils n'en ont qu'une pattïe : voilà
un premier gage qu'ils ne font point tenus des Reconflmctions , toute
Stipulation contraire réfifteroit au Droit public.
L'Abbé de l'Eftocq ne fe révolte pas moins Contre la Lettre & le
Vœu du Concordat de 1657. Pour s'en convaincre il fuffit de décliner
les Règles & de voir fi l'on peut confondre comme une même chofe les
Réparations & les Reconftructions. Si les notions les plus communes ne
fuffifoient pas pour établir la différence de l'un a l'autre , le fuffrage de
Loyfeau dans Ion Traité du Déguerpifïèment, Livre y. Chap. 6. Nom.
îj. ôc fuivans viendroit à nôtre fecours : cette diflinction y eft claire-
ment établie.
,, Il faut diftinguer , dit-il , les Réparations ou Entretenemens des
3i Maifons d'avec les Rebaftimens ou Réédifi cations. Aliud efi reficere
3 , œdes lofas , aliuà lapfas refiituere $ & comme dît la Loy aliud efi tueri
s , quod acceperis , aliud novum facere, Liv* 44. D. de ufuf. Telles Per*
>s fbnnes en Droit font fujettes aux Réparations & Entretenemens......
3 , qui ne font pas tenues des Réédifications. „ Et plus bas il continue ;
„ donc préfuppofé cette diflinction des Rebâtimens ôc des Entretene-
si mens , il faut prendre garde fi le Preneur à Rente foncière eft charge!
3 , ôc tenu par la nature de fon Contrat des Rebaftimens , ou bien feu-
,, lement des Entretenemens d'Héritages , &c. „ Il ajoute Chapitre 8*
Nomb. 9. „ on peut douter fi outre les Réparations & Entretenemens
il efl tenu du RétablifTement & Réédification de l'Héritage quand il
efl tombé d'antiquité je m'y réfous par cette diftinction que
9 , véritablement on ne le peut contraindre à rebâtir précifément l'Edi-
3, fice fondu d'antiquité j car il n'eft tenu par la nature de fon Contrat
3, que des Réparations & Entretenemens C ôc non-pas des Reftaurations
3j ci Réédifications.
Il faut obferver que Loyfeau parle d'un Preneur a Rente foncière
dont l'Obligation efl beaucoup plus étroite que la nôtre ; l'Auteur ar-
gumente d'après des Textes de Coutume qui afTûj étrillent le Preneur à
Rente foncière à rendre l'Héritage en bon fr fuffifant état , nous fommes
dans une fituation beaucoup plus favorable ; il nous fuffit d'avoir éta-
bli la différence qu'il y a & la diftinclion qu'il faut faire entre les Ré-
parations & les Rétabli/Temens , & de rentrer enfuite dans les Claufes
du Contrat de 1657.
Qu'ai- je promis par le Concordat ? d'entretenir l'Eglife & les Lieux
Réguliers , d'en faire faire les Réparations ,• je ne me fuis donc obligé
qu'à un fimple Entretien & à réparer. J'ay déchargé l'Abbé , fes Pré-
déceneurs & SuccefTeurs de toutes recherches , il eft ajouté pour rai/on
des Réparations qui font & feront a faire en ladite Abbaye dont je me
fuis chargé & dont je me charge ; c'eft uniquement un Entretien & des
Réparations que j'ay pris fur mon compte & rien de plus.
Vainement veut-on fuppofèr que cette Obligation de réparer a été
étendue par la Tranfaction du 15. Décembre 1642. cette Objection
n'a pas la plus légère apparence de fondement. Les Chanoines de Saint
Acheul avoient obtenu de Lettres de Refcifion contre le Concordat de
1637. que demandoit l'Abbé ? Rien autre chofe fi non que ce Traité
fût
9
fût fuivi. De quoy les Demandeurs font-ils demeurez d'accord ? Ils fe
font départis de leurs Lettres de Refcifion , ils ont confenti que la Tran-
faùlion dudit jour premier Août 1657. foit exécutée de point en point félon fa
forme & teneur , moyennant que dès-à-prefent Y Abbé a confenti l'U-
nion du Prieure de Domvaft* Pour s'excufer de Simonie l'Abbé a dit
plus Iqin que ladite Union eft faite ÔC confentie pour les neeeflltez
defdits Religieux de Saint Acheul , à caufe des grandes ruines tant de
l'Eglife , Dortoir , qu'autres Lieux , pour lefquels réparer les Religieux
ont contracté de grandes Dettes. Du mot de ruines on veut inférer
qu'ils font obligez de rebâtit : mais outre que cette Union n'a point
été effectuée , c'eft fe révolter contre le terme de réparer employé dans
la même Claufe. Combien de Bâtimens ruineux s'entretiennent par des
Etays 6c des Réparations ! Loin que ce Traité ait fait une Loy nou-
velle , il renvoyé au contraire au Concordat de 1657. qui doit être
exécuté de point en point. ïl limite l'Engagement des Réformez à l'En-
tretien & aux Réparations.
Ceil: fans aucun prétexte que la Partie adverfe abuie de la Déclara*
tion que l'Abbaye a donnée en 1726. au Clergé d'Amiens. Outre que
ces fortes d'Actes ne fe tirent jamais en rigueur, il y avoit alors un Abbé
Régulier , les deux Manfes étoient confondues , l'on eût pu n'y pas re-
garder de fi près. D'ailleurs les Demandeurs n*y ont dit autre chofe que
ce qu'ils répètent encore aujourd'huy ; ils y ont obfervé qu'ils étoient
tenus par le Concordat de 1637. de toutes les Réparations ; lefquelles
Réparations peuvent bien aller année commune a 500. Hv. ils tiennent
encore le mimé langage. L'Eglife , ont-ils ajouté , par fa vetufté ÔC
caducité coûte beaucoup à entretenir ; la moitié de la Maifon Conven-
tuelle eft fondue i il faudroit bien 20000. liv. au Dire d'Experts pour
là rétablir. Mais cette moitié a été rebâtie , c'eft celle que les Experts
ont reconnu en 1757. Cet accident étoit antérieur à l'arrivée de la
Partie adverfe , l'on y a pourvu , foit des Deniers des deux Manfes ,
foit avec le prétendu Pécule du Père de Monbrifeùil j qu'eft-ce qu'on
demande à l'Abbé dé l'Eftocq ? Le prix du Rétabliffernent de l'autre
moitié vifitée en 1757. 6c que l'Arrêt du 1 1. Mars 1758. a autorifé a
démolir : on luy demande la Reconftru&ion de l'Eglife tombée en
175 1. par un coup inopiné 21. ans après fa Prife de Poflèffion.
Les Religieux font opulens , s'écrie la Partie adverfe ; ils ont trois
Bénéfices , la Prébende de Saint Firmin , la Chapelle de Bonbert 6c le
Prieuré de Domvaft. Mais outre que cette circonftàncé ne changeroit
pas les Principes Ôc n'altereroit pas les Conventions des Parties , elle
n'eft point exactement rendue j rien de moins réel que l'avantage que
l'on prétend que les Demandeurs recueillent;
La Prébende de Saint Firmin eft une charge très - onereufé aux De-
mandeurs , ils font chargez par le Concordat de 1637. de payer au
Deffervant du Bled Ôc de l'Argent j aucun Chanoine du Chapitre de
Saint Firmin n'a voulu accepter cette Prébende qui eft demeurée va-
cante ; les Demandeurs par accommodement donnent tous les ans au
Chapitre de Saint Firmin jo. liv. au par-defius , & fe font chargez d'ac-
G
10
quitter une partie des Fondations dans leur Eglife. Pour ce qui eft de la
Chapelle de Bouben éloignée de 14. lieues d'Amiens & d'un Revenu
modique , elle ne peur luffireà la fubfiftance d'un Chanoine Régulier
qui n'a point de Patrimoine j un Prêtre Séculier qui y réfide en perçoit
Us Revenus \ ce qu'il en rend fuffit à peu près pouf acquitter les Déci-
mes. A l'égard du Prieuré de Dompvaft voicy ce quis'eft paffé depuis
1637. Jamais il n'y a eu d'Union : le fieur de l'Eftocq dont la Partie
advérft, NeVeu, a été l'Héritier, l'a pofTedé pendant plus de Jo. ans. Il
avoit même, été réugné à nôtre Adverfaire j mais la réfignation n'ayant
pas été : admife, un Indultaire l'a impetré_, ce n'eft que depuis peu qu'un
Chànoind Régulier de Saint Acheul le pofiede. L'on en a été privé
pendant 100. ans. Si l'on en jouit à prêtent il a fes Réparations à ac-
quitter h & il peut échaper d'un moment a l'autre ; ce n'eft pas avec des
fictions qu'on peut remédier à des défaftres auffi fâcheux que ceux de
l'Abbaye de Saint Acheul.
Il faut donc revenir au Principe. Les Chanoines Réguliers de Saint
Acheul ont été chargez uniquement d'entretenir & de réparer , on ne
fçauroit étendre leur obligation aux Reconftructions qui forment un
objet tout différent ; il leroit abfurde qu'ils en fuffent tenus , puifqu'ils
ne jouiflènt pas & n'ont jamais joui de la totalité du tiers-Lot à raifon
duquel ieul ils euflènt pu y erre obligez j l'Abbé joiiira-t-il impuné-
ment de la moitié du tiers- Lot deftiné aux Charges? Qu'il en profite à
la bonne heure lorlqu'il n'y a point de RecortftrttGtions à faire , il n'eft
pas douteux qu'il faut l'épuifer avant d'entamer le tiers des Revenus
aeftinez a la fubfiftance des Religieux. Il s'agit de Réédifications. Les
Experts ont eftimé en ij^f* que le vieux Bâiimenî des Lieux Réguliers,
eft à démolir totalement & hors d'état d'être habité àcaufe du danger qu'il y
a de le fréquenter* Ce n'eft point par le defTaut d'Entretiens de Répara-
tions qu'il manque, c'eft par favetufté &i fon antiquité. Il en eft de même
de l'Eglife : les Lieux étoient ruineux il y a 100. ans , l'Acte du IJ.
Décembre 1642. en fait foy ; quelque dépenfe qu'ait coûté leur entre-
tien , ils croulent , leur Reconstruction ne fçauroit être à la charge de
ceux qui ne font tenus que de réparer.
Si vous ne devez pas ces Ouvrages de vôtre chef , pourfuit gravement
la Partie adverfe , vous les devez du chef de vos deux Abbez Réguliers
dont vous êtes Succeiïèurs au Pécule. Le Père de l'Etoile eft mort en
171 8. le Père de Monbrifeiiil en 1750. ils ont joui de la Manfe Ab-
batiale pendant 66. ans ; l'action pour demander les Réparations aux
Héritiers du dernier Titulaire ne fe preferit que par 40. ans $ vous êtes
vous-mêmes garants de l'action que vous intentez.
On a déjà répondu par avance à cette Objection. Il ne s'agit point
icy de Réparations , les Demandeurs en étoient tenus & le font encore;
il eft queftion de Reconftructions. Où a-t-on puifé que l'on eft en droit
de rechercher ceux qui reprefentent les anciens Titulaires pour des chû-
tes de Bâtimens pofterieures de nombre d'années à leur décès ? Où eft le
Procès-Verbal de Vifite que l'Abbé de l'Eftocq a fait drelfer après fa
Prife de Pofteflïon? Après az. ans de joiiiiTance un pareil langage peut-il
II
être écouté ? Ignore-t-il que les Religieux , ainfî que les Hauts-Jufti-
ciers & autres , font des Héritiers irreguliers qui ne feroient Comptables
que de ce qu'ils autoient reçu ? ils lont moins garants que qui que ce
foit d'évenemens pofterieurs de nombre d'années a la jouiiïànce de
l'Abbé de l'Eftocq. Le Père de l'Etoile a conftruit en Place nue Se va-
gue 1* Abbatiale j le Père de Monbriieiïil a bâti une Portion des Lieux
Réguliers , ou du moins fon Pécule y a été employé. Où font les fer vi-
ces que l'Abbé de l'Eftocq a rendu à fon Eglife Ml ne parviendra pas à
rejetter fa propre Dette fur un Tiers.
Mais ce qui tranche toute difficulté c'eft que ces Objections de la Par-
tie adverfe ont été condamnées par l'Arrêt du Confeil du 1 1 . Mars
1758. lors duquel elles avoient été propofées, Dira-t-il que cet Arrêt
eft en fa faveur , qu'il a jugé que les Demandeurs étoient fans qualité
& fans action fous prétexte qu'on a prononcé fur les Conclufions de
Meilleurs les Gens du Roy , èc qu'il y a eu un hors de Cour qui termine
l'Arrêt ? Ce feroît abufer tout à la fois & de la lettre & de l'efprit de
cet Arrêt. Le Prononcé de l'Arrêt eft prefqu'en tout conforme à une Re-
quête provifoire que les Demandeurs avoient donnée le 3 . Décembre
1737. Pour fortir d'affaire ils avoient confenti le 9. Janvier 1738. un
Arrêt d'Appointement qui avoit joint la Requête en provifion au prin-
cipal ; Arrêt paiTé entre lesProcureurs ôc fans le Miniftere de Wlemeurâ
les Gens du Roy. Le Confeil par fon Arrêt fur Productions du 1 1. Mars
fuivant , ne ftatuant pas diffinitivement & adoptant tout ce qui avdic
été projette par cette Requête provifoire j pour éluder la contradiction
des deux Arrêts , a crû devoir prononcer fur les Conclufions de M. le
Procureur General. Si cec Arrêt eût condamné les Chanoines de Saint
Acheul ils euflent été déboutez de leurs Demandes avec dépens : loin
delà , qu'on confère les Difpofitions de cet Arrêt avec les Conclufions
des Chanoines de Saint Acheul , l'on voit qu'il eft modelé fur leurs
Requêtes qui ont été adoptées. Qu'oppofoit alors l'Abbé de l'Eftocq ?
Il ne doit pas être queftion , dilbit - il , de fixation de ce que chaque
"Manie devra contribuer , car je ne dois rien. Qu'ordonne l'Arrêt ? Qu'il
fera procédé a la Vente de la faculté de tourber les Prez & Marais des
deux Manfes jufqu'à concurrence des fommes neceffaires pour les Dé-
molitions & Reconftmctions, Eût - on ordonné qu'il fera pris fur les
deux Manfes fi l'Abbé ne devoir rien ? Voilà une Difpofition pure &
fimple. Si les Demandeurs ont réuffi lorfqu'il ne s'agifïbît que de Re-
conftructions modiques } a plus forte raHon doivent-ils être accueillis
aujourd'huy qu'il y a pour près de çoooo. Ecus de Réédifications aux-
quelles il faut pourvoir. L'Arrêt referve a faire droit après les Adjudi-
cations a la fixation de la fomme pour laquelle chaque Manfe contri-
buera dans le coût des Ouvrages. Il eft donc jugé que l'Abbé doit y
fub venir. Les mêmes Moyens que la Partie adverfe oppofe ayant été
objectez lors de cet Arrêt , il n'eft pas recevable à s'élever contre la
chofe jugée : il n'eft donc queftion que de voir de quelle manière il doit
être procédé a cette fixation.
Il faut diftinguer deux objets ,• les Lieux Réguliers & PEglifé. Par
Cij
rapport aux Lieux Réguliers en exécution de l'Arrêt les Ouvrages ont
ete adjugez au rabais dès l'année 1738. il y en a pour plus de 45000.
liv. il eft queftion de pourvoir au payement.
Il faut commencer par épuifer le tiers-Lot dont les Revenus fe recueil-
lent par moitié par Tune &C l'autre des Parties.
L'Abbé profite gratuitement fur le tiers-Lot au moins de la fomme
de 1 zoo. liv. par an qu'il doit neceuairement rapporter depuis fa Prife
de PoiTeffion , foit parce que dès-lors il a contracté envers le Bénéfice ,
foit parce qu'il ne peut profiter des Revenus du tiers-Lot que les Char-
ges acquittées , les Reftaurations lont les plus eiïemiellee. Depuis 22.
ans qu'il eft pourvu il ne peut profiter de ces Fruits au préjudice des
befoins inftans de fon Bénéfice ; il le peut d'autant moins que dès l'an-
née 1757. les Parties étans en Procès il eft conftitué en retard.
Si les Chanoines de Saint Acheul profitent fur leur moitié du tiers-
Lot de quelque chofe au-delà des Charges , ils doivent également le
rapport à compter du même jour que leur Abbé j mais l'on fent par
avance que leur moitié eft abforbée & au - delà. Elle n'eÛ fans doute
que de 1 zoo. liv. ou environ „ de même que celle de l'Abbé , & ils font
tenus de toutes les Charges , la Sacriftie , le Linge , les Luminaires , h
Penfion de TOblat , les Aumônes , les Droits de Viiite , les Gages des
Officiers , & généralement de tout ce quç peut devoir & être chargée V Ab-
baye. ( Ce font les termes du Concordat de 1637V ) Si l'Abbé de VE.C-
tocq porte un œil trop curieux fur ce point 9 il fera vifible que leur moi-
tié du tiers-Lot abforbée au-delà par les autres Charges , les Deman-
deurs depuis plus d'un fiécle ont été chargez de toutes les Réparations
de l'Egiife & des Lieux Réguliers fans qu'ils ayent eu d'effectif un loi
pour y fubvenîr.
Le tiers-Lot épuifé quant aux Fruits depuis la Prife de Pofleffion du
fieur Abbé de l'Eftocq jufqu'à prefent , comme cela ne fuffira pas , il
y a lieu d'ordonner qu'il fera fait des Emprunts , à la fureté defquels
les deux Manfès Abbatiale & Conventuelle feront affectées & hypo-
théquées proportionnémem , déduction faite des Charges ordinaires de
chacune défaites Manies. Tel eft l'ufage invariable en pareil cas : 2e
voicy ce qui a été pratiqué à peu près en pareil cas. Il fuifira d'en indi-
quer un exemple.
Le Clocher de l'Egiife du Grand Mormelon en l'année 1658. étoit
tombé & avoit ruiné le Chœur. Le Chapitre de Reims , Gros Décima-
teur , actionné par les Habitans , avoit été condamné par Sentence à
employer au rétabliffement le tiers des Dixmes , a commencer en Pan»
née 1658. que l'Egiife étoit fondue. Sur l'Appel des Habitans pat
Arrêt du Parlement de Paris du premier Avril 1670. le Chapitre a été
condamné a rapporter moitié des Dixmes depuis le premier Janvier
1658. pour être employée aux Réparations , & au furplus il a été per-
mis aux Habitans d'emprunter Deniers à intérêts jufqu'à concurrence
de la fomme a laquelle les Réfections poutroient monter , & d'obliger
& hypothéquer au payement du principal ôc intérêts de la fomme qui
feroit empruntée , la moitié defdites Dixmes tant échues qu'à écheoir.
ÏJ
Cet Arrêt conforme au Droit commun a : i°. Oblige k rapporter les
Fruits depuis 1 2. ans : 2 . Quoiqu'il femble qu'il n'y ait que le tiers des
Dixmesou des Revenus d'affettéaux Réparations ,il a jugé que félon les
occurrences une plus grande partie doit y être employée: 3 . Que pour
fub venir aux Rétabliiïèmens , il faut emprunter & affecter les Biens de
l'Eglife. Cet Arrêt eft rapporté dans tous nos Livres , & a été fuivi de
plufieurs autres femblables. Il eft d'autant plus inftant de veiller dans
cette Affaire que l'Article de l'Eglife de Saint Acheul prépare à une
Dépenfe très-confiderable.
Que nôtre Adv*erfaire ne fuppofe pas qu'il a dû y avoir pour les Ad-
judicataires un bénéfice fur la Tourbe : outre que les Dépenfes ont à
peu près égalé le Produit , l'Abbé n'a fourni prefque rien. L'on a tourbe
dans les Prez des deux Manfes. L'on a dû , iuivant l'Arrêt du 1 1 . Mars
1758. prélever les frais du Rapport de 1757. &t ceux pour y parvenir,
les Epices , Coût & Vacations dudït Arrêt , le Produit effectif de la
Tourbe eft très-peu de chofe en comparailbn des Dettes qu'il faut ac-
quitter.
Pour ce qui eft du Rétabllffement de l'Eglife , il y a lieu pour y par-
venir d'entheriner le Procès- Verbal de Vifite & d'ordonner l'Adjudi-
cation au Rabais des Ouvrages y mentionnez ; le mal eft inftant 6c
croît de jour en jour. Dans cette Affaire qui eft toute de Droit public ,
c'eft k M. le Procureur General à fuppléer , fi nous n'avons pas été
aflez loin , & aux Demandes que les Chanoines de Saint Acheul au-
roient pu former , & aux précautions qui doivent être prifes pour l'in-
térêt de l'Abbaye.
Monfteur DE LIER, Rapporteur,
M c . BRUNET, Avocat.
Grenier. Proo»
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Dcl'Imprimerie de J. LAMESLE, Pont S. Michel , au Livre Royal, 175a.
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