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I m*>-
BCU - Lausanne
II
1094754810
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HISTOIRE
L'EMPIRE OTTOMAN
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SB TBOUYK iGALBMENT
Bruxelles,
Amsterdam ,
La Hats,
Francfort,
Genes,
Florence,
Leipzig ,
Turin,
Vienne,
Varsovie ,
Moscou ,
Odessa,
chez J.-P. Meline, Cans et C>«.
LulchmaDD et tils.
Les freres van-Cleef.
Jiigel.
Yves-Gravier.
J. Piatli.
Brockhauss.
J h . Bocca.
Rohrman et Schweigerd.
E. Glucksberg.
A. Semen.
V e Gautier et fils.
Ch. Urbain et C ie .
J. Sauron.
Mteville. '
J.-B. Dubois.
IMPRIMERIE d'aMFHFE GRATI07 ET C* , I J , HUE I)E T.A MOWNAIE.
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HISTOIRE
DE
LEMPIRE OTTOMAN
DEPU1S SON ORIG1NE JUSQU'a NOS JOURS,
PAR J. DE HAMMER.
ODVRAUE VUlSk AUX «OORCU Lll PLX'I AUTRENT1QUES ET RhDICE 8L'R DES DOCUMEHS
P.T DEJ MAMCtCBIT* LA PLUPART INCOXKUS EM EUROPE;
fcrabutt it VZUtmavA
PAR J.-J. HELLERT;
ACCOMPACNE Il'lJH ATLAS COMPARE DE l'eMPIRE OTTOMAN , CONTF.N AN r 1 1 CARTES
IT lf> PLANS DE BATAILLKS DRESSI-S PAB LE TRADBCTEBR.
TOME TREIZIEME.
DSrUrS I.E TRAITB DE PAIX DE CARI.OWICZ JCSQu'a LA TAIX DE
PASSAROWXCZ.
1699 — 1718.
PARIo
BELL1ZARD, BARTHES , DUFOUR ET LOWELL,
1 b'lS, RUE DE VERHEUIL.
Conbre*.
BOSSANGE, BARTHES £T LOWELL,
1 4 > Great Marlborough Street.
Saint- Jlrtrrebourij.
Fd. BELL1ZARD ET Cie, LIBRAIRES,
tu Pont-de.Police.
MDCCC XXXIX
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TABLEAU DES SOURCES ORIENTALES
DONT L'AUTEUR S'EST SERVI POUR LA SEPTI&ME PERIODS
BE CETTE HISTOIRE.
fyittoivt* #inhale&.
L'Histoire de Raschid que nous avons citee au tome XI ;
depuis le regne d' Ahmed III ( 1 1 15 — 1703) jusqu'a la fin de
l'anne'e 1 1 34 ( 1 722 )• A cet ouvrage se joint :
i°. Tarikhi TschelebizacU-Efendi) c'est-a-dire, Histoirede
Tschelebizade*, depuis l'anne'e de Ph^gire 1 1 35 (172a) jus-
qu'a Pannde 1 14* (1728). Un vol. in-folio de i58 feuillets.
a . Tarikhi Sami we* Schakir we* Soubhi, c'est-a-dire, His-
toire de Sami, de Schakir et de Soubhi, depuis Panned 1 1 34
— 1 730 jusqn'a la fin de Pannee 1 1 56 (t 74$). Deux vol. in-fol.
Le premier de 71 feuillets, le second de a 38 feuillets. Imprimes
& Constantinople en 11 98 (1783),
3°. Tarikhi Izi, c'est-a-dire, Histoirede Vhisloriographe
Izi, continuateur de Soubhi , depuis Panned 1157 (i744)
jusqu'a la fin de Panose n65 (1751 ). Un vol. in-folio de
288 feuillets. Imprint a Constantinople en 1 199( 1784)*
4°. Tarikhi JVazsif, c'est-a-dire, iUrfoire de Vhistoriogra-
phe JVazsif, continuateur d'Izi 5 depuis 1'anneV 1 166 (1752)
jusqu'a la fin de Pannee 1187 (1773). Deux toI. in-folio.
mprimes a Constantinople en I2i9( 1804 )•
5°. Tarikhi Enooeri^ c'est-a-dire, Histoire d'Encveri, Phis-
toriographe, depuis la guerre de Russie, en 1; 68, jusqu'a la
paix de Kainardje* • Un vol. in-fol. , dans ma collection.
a
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ii SOURCES ORIENTALES.
6°. Tarikhi Ibrahim Melek-EJendi, c'est-a-dire, Histoire
aV Ibrahim Melek-EJendi de Temeswar, depuis Fannie 1094
( i683) jusqu'a Panned 1157(1744)- Un vol. in-4°; dans
ma collection.
4jt6totm tyiciale*.
7 e . Ahcvali ghqfecvat der Diyari Bosna, c'est-a-dire, His-
toire des victoires remporte'es en Bosnie, par Ibrahim , di-
recteur de la premiere imprimerie a Constantinople. Impri-
me*e en Pannee 1 154 ( 174* )• Un vol. in,-4° de 62 f. Traduit
en allemand par Dubski.
8°. Tewarikhi Banalouka, c 1 est-a-dire, Histoire deBanya-
louka, pendant cette meme campagne en Bosnie , par un
auteur inconnu. Un vol. in-4° de 4^ f- Dans ma collection.
9 . Tarikhi Seyyah , c'est-a-dire, Histoire du voyageur;
la traduction du Chronicon peregrinantis de Crnsius, contient
Phistoire de la guerre des Persana et des Afghans. C'est le
troisicme ouvrage imprime'a Constantinople en Pannee n 4^
{ 1729 ).Un vol. in-4° de 97 f.
io°. Tahkiki Tewfik, c'est-a-dire, Vfipreuve de la direc-
tion. Cet ouvrage contient Phistoire des negociations avec
Nadir Koulikhan , par le grand-vizir Raghib-Pascha. Dans
ma collection.
1 1°. Souri koumayouny c'est-a-dire, les Noces imperiales,
ou description des fetes lorsdu manage des titles d' Ahmed HI
en Pannee n56 (1723), Un vol. in-4 de 24 f. Dans ma
collection.
12 . Moukalemati Mizsri a>e* Schami, c*est»a-dire, Dialo-
gues de I'lZgyptien et du Syrien ( le premier musulman, le
second cbre'tien) sur les e*vinemens de Vepoque ; brochure
politique de Pamhassadeur Ferriol; 65 feuillets in-4°- Dans
ma collection.
1 3°, Medjmou alaatekaii Mizsr, c'est-a-dire, Collections
stir les e've'nemens de Vfigypte, et en langue arabe sur les
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SOURCES ORIENTALES. m
tvinemens du Caire; depuis Fannee i too (1688) jusque dans
Fannie n5o (1737). Dans ma collection*
i4 a . Risalel Durri-Efcndi, c'est-a-dire , Relation d'am-
bassade de Durri^Efendi, ambassadeur a la cour de Perse en
Fannie n35 (1720). Traduit en francais par Petis de La
Croix et imprim^ a Paris en 1810.
1 5°. Tedbirati pesendidd , c'est-a-dire, les Projets agre*a*
bles par Nououman-Efendi, juge de campde Menghli-Ghirai,
puis commissafre pour la delimitation des frontieres. La
premiere partie de cet ouvrage contient la relation de son
se'jour en Crim^e, la seconde partie traite de la delimitation
de la fronti&re entre l'Autriche et la Porte; dans la troisieme
partie en fin, l'auteur parle de ce qui lui est arrive 1 pendant
son voyage a Hamadan en society de l'ambassadeur envoye
par la Porte a Nadirschah. Un vol. in>4°* Dans ma collection.
t6°. Tarikhi Ali-Pascha, c'est-a-dire, Hisloire d'Ali-Pa-
scha, Bis du midecin qui a e'te* trois fois grand-vizir , par son
fils Siayi. Un vol* in-4° de 1 67 feuillets. Dans ma collection.
1 7 . Rapport sur la ddlivrance de B$£dad par Topal Os-
man-PascJia en Vannie 1733 ; cet ouvrage parait etre une
traduction francaise du docteur Jean Nicodeme. Un vol. in-4°
de 16 feuillets. Dans ma collection.
18 . Tarikhi Silistra, c'est-a-dire, Histoire deSilistra par
Mahmoud Sabiu Un vol. in-4° de 24 feuillets. Dans ma col-
lection.
19°. KoiUazsatoulrakhbar, c'est-a-dire, le Choix des Nou-
velles, par Resmi Ahmed-Efendi ; traduit en allemand par
Diez, sous le titre : Wesentliche Betrachtungen von Resmi
Ahmed-Efendi. Berlin , 181 3. Unvol. in-4° de 45 feuillets.
Dans ma collection.
20°. Tedbiri djcdid, c'est-a-dire , Nouveau conseil par
Djanik-Pascha. Un vol. in-8° de 71 feuillets; dans ma collec-
tion et parmi les manuscrits de Diez a Berlin , n° i3 ; cet ou-
vrage y porte le titre : Terdbi djedid, c'est-a-dire, les Nou-
veUes institutions par Djanik-Pascha.
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it SOURCES ORIENTALES.
21°. Se'ili OuschakizacU, c'est-a-dire, la Continuation (de
l'ouvrage) d'Ouschakizade 1 , biographe des legistes, depuis le
r£gne de Mourad IV jusqu'a la fin de celui d' Ahmed HI, par
Scbeikhi et son fils. Cet ouvrage forme 2 yol. grand in-fol. de
757 feuillets et contient 2000 biographies.
22°. TezkeretoulrSchouara, c'est-a-dire, Liste des Poetes,
par S&im ; cet ouvrage contient les biographies de 4 10 poetes.
Un vol. in-fol. de 182 feuillets. Dans ma collection.
25°. Se'ili Hadikatoul TVouzera y c'est-a-dire, Continuation
dujardin des vizirs par Osmanzade-Efendi, ou biographies de
trente-deux grands-vizirs par Schehrizad^ Mohammed SaTd-
Efendi. Un vol. grand in-8° de 78 feuillets. Dans ma collec-
tion.
24°* Se'itisouliHadikatiFVouzerajC'esl-h-dire, Continua-
tion des biographies des grands-vizirs, par Djawid-Efendi; cet
ouvrage contient les biographies de vingt-cinq grands-vizirs,
depuis Raghib-Pascha jusqu'a Yousouf Sia inclusivement.
Un vol* in-8° de 46 feuillets. Dans ma collection.
Collection tr* Cote et (Ecrite tr'Ctat.
25°. Telikhizsati Raghib-Pasclta, c'est-a-dire, Rapports
de Raghib-Pascha a son dice an. Un vol. Dans ma collection
et dans celle du comte Rzewuski.
4
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i
i'
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LC
ifeME
r THRT^TroZJ.
/ier 1704 k
8. StlNEB II , fiancee au grand-vizir Bfoustafa-Pascha , nee le*!™*** J
1709) , morte au mois de djemazioul-ewwel 1122 (juillet t ma i u i;:/'j
9. Rabha, nee le 16 moharrem 1132 (29 novembre 1719). Mohamm I
10. Odmmbtoullah , nee le 16 silhidje 1135 (17 septembre K, , lp f .,_ \
(28 juillet 1724). 5*11710
11. NaIle Scltawe, nee au mois de djemazioul-akhir 1137 (& i.^-- n
akhir 1 1 39 (10 decembre 1 726) . i6-Efend
12. Nazife Sdltane , nee au mois de redjeb 1137 (mars 1725). M u am
13. Esma Sultane, nee le 10 redjeb 1138 (14 mars 1726). Ld rim
14. Sabiha , nee le 24 rebioul-akhir 1139 (19 decembre 1726). jJousiafai
15. Rebia Sultane, nee le 14 rebioul-ewwel 1140 (30 octobre 4. c hzad6 A
(4 avril 1728). Efendi \
16. SobeIde , nee le 17 schaban 1140 (19 mars 4728) , morte le ( Jjah-Efeii
17. Oumm Selma, nee en I'annee 1145 (1732). " ^
18. SeKneb III , morte le 25 mars 1774 , elle fut mariee avec le p(
en I'annee 1171 (1757). I
19. Khadidje If, nee le 3 scMban 1122 (27 septembre 1710).
20. Emikeh, morte en I'annee 1145 (1732).
MAHMOUD I, fils de MoustAfa Tl
ne le 3 moharrem 1108 ( 2 aout 11
II.
Table ge'nealogique de la Dynastie persl
9. Schah SouleYmar , fils d'Abbas II, monta sar le troae le 25
de juillet 1694.
10. Scmm UovseI'k I f d6trdne par les Afghans le 26 octobre
M Sche'
akdjizai
zade Scl
fendi
ide-Efeni
Moustaft
"$
.Bade" Ah
Kerimbi
I
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HISTOIRE
L'EMPIRE OTTOMAN.
LIVRE LXI.
Adoucissement dans les moeurs ottomanes. — Housein KoeprillQ , Rami*
Efendi , Maurocordato. — Le rooufti Feizoullah. — Daltaban-Pascha
et le kislaraga Nezir. — Le Sultan quitte Andrinople pour retourner a
Constantinople. — Ambassade ottomane a Vienne. — Deputations de
la Pologne, de l'Autriche, de la Russie et de la republique venitienne. —
Conclusion d'un traite de paix avec Venise et la Russie. — Ferriol et
Sutton. — Ambassade de Raguse et du prince du Guriel. — Relations
politiques avec la Perse et 1' empire de Maroc. — Campagne de
Bassra. — La caravane des pterins. — La Sourre et le schenf de la
Mecque. — Retablissement de la tranquillity en Egypte et dans les 6tats
barbaresques. — LaCrimee et Dewlet-Ghiral. — Institutions de Koepriilti.
— Lettre pastorale du Moufti. — Chute et mort de Koepriilii. — Les
savans et les poetes. — Daltaban , grand-vizir. — Reglemens relatifs
am costumes. — Mesures financieres. — Hasan-le-Fugitif est proscrit. —
Persecution des Armeniens. — Construction de plusieurs chateaux
forts. — Troubles de Crimee. — Daltaban est execute. — Campagne
contre les Georgiens. — Delimitation des frontieres. — Administration
de Rami. — Brancovan est confirme dans la principality de Yalachie. —
Troubles et rebellions dans 1' empire, leurs progres et leur fin lors du
detrdnement de Moustafa II.
II est enfin permis au lecteur del'histoire ottomane
de respirer plus librement et de fixer son attention
sur des objets moins sanglans que ceux qui , dans
T. XUI. I
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a HISTOIRE
la prec£dente p£riode, s offraient sans cesse a scs
yeux.Cette 6poque est encore signage, ilest vrai, par
des rebellions, qui amenent la chute de deux Sultans,
mais aucun deux ne meurt victime de la fureur
d*une soldatesque dechainee. L'empireest encore agite
par plusieurs guerres sanglantes; la capitate fremit
encore au bruit de la hache du bourreau ; mais la nuit
de la barbarie qui couvrait ses vastes provinces com-
mence a se dissiper; les horreurs qui ont imprim6
une tache ineffagable au r&gne tyrannique de Mou-
rad IV disparaissent ; l'anarchie militaire, telle que
nous Tavons vue sous la minorite de Mohammed IV,
cesse d'attrister 1'esprit du philosophe, et le vieux
Koeprulu paratt avoir emporte avec lui sa cruel I e
politique. Le mahometisme pcrd de sa sauvage
Sprete , graces aux rapports frequens de la na-
tion ottomane avec les puissances limitrophes et a
1'influence de la politique et de la civilisation euro-
peennes. L'humanit^ p6n&re dans toutes les classes ;
les moeurs publiques voient s'adoucir leur rudesse ori-
ginate, et, de mfime que deux cent cinquante ans
auparavant, a l'epoque ou fut inventee rimprimerie,
une nouvelle vie se d^veloppa dans tous les Etats de
lEurope : ainsi l'empire ottoman sort , lentement il
est vrai, gr&ce a Introduction de cet art, des t£n6bres
de la barbarie. Si les bases du droit public ottoman,
telles que les institutions militaires d'Ourkhan el de
Mourad I er , et les kanounnam£s de Mohammed II , de
Souleiman-le-L6gislateur, d'Ahmed I er , et de Moham-
med IV, demeurent stationnaires , on commence k
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 3
les interpreter, k les d£velopper, et, pour la premiere
fois, rhistoire ottomane sigiiale des cbangemens et
des modifications introduits dans les institutions pri-
mitives, alterations jusqu'alors sans exemple. Les his-
toriens europeens ont dissert^ depuis des siteles sur la
stability des institutions et des moeurs de TOrient ,
par opposition k l'instabilite des constitutions et des
moeurs des peuples de TOccident; ftiais cette stability
n'est qu'apparente , car il n'y a rien defixe et d'im-
muable dans la nature ni dans rhistoire d'une nation.
Des milliers d'ann&s se sont £coul£es depuis que Toeil
humain croit k Timmobilit^ des &oiles fixes ; cepen-
dant elies s'agitent et accomplissent leurs revolutions.
Cest ainsi qu'il existe un progres reel dans la civili-
sation des peuples et des nations de l'Orient, et nul
ne saurait y m^connaitre la reaction de TOuest sur
l'Est. Le Chinois , lui-m£me , malgr£ la muraille qui
devait s^parer le celeste empire des autres peuples de
la terre, est predestine k subir l'influence de la civili-
sation europ&nne, car il ne saurait fermer enticement
Tacces de ses c6tes aux vaisseaux qui sillonnent ses
mers , et les juifs se fondent peu k peu avec les com*
munaules chretiennes.
Ceux des gouvernemens et des peuples qui vou-
draient r^sister a cette marche progressive de la civi-
lisation , doiVent s'attendre au sort des Maures d'Es-
pagne et des enfans d'Israel.
11 y a ici une profonde distinction a etablir entre le
musulman sujet d'une puissance chr&ienne , et le mu-
sulman dominateur des Chretiens. La Russie compte
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4 HISTOIRE
parmi ses sujets quatre millions cinq cent mille mu-
sulmans ; pigs de onze millions de ces derniers ob&s-
sent a la Grande-Bretagne dans les Indes-Orientales.
Les provinces d'Astrakhan et de Crimee sont aujour-
d'hui soumises aux Busses; les &ats de Baberet de
Tipou-Saib, ne sont plus que des provinces du vaste
empire qui appartient k la Grande-Bretagne; les
murs du Kremlin , a Moscou , renferment les sym-
boles de la puissance des khans d'Astrakhan et de
Crimee, tandis que le palais de la compagnie orien-
tate a Londres poss^de les couronnes de Tipou-
Saib et des princes de Ceylan : c'est que tous ont p£ri,
vaincus moins par le nombre de leurs agresseurs,
que soumis par l'ascendant de leur genie. L'into-
leraoce de l'islamisme apparatt clairement dans les
lois musulmanes, et dans les regnes des dynasties
qui confessent cette religion. Aussi Thistoire des Chre-
tiens soumis a Tempire des princes musulmans , n offre-
t-elle d'un c6t£ qu une suite *non interrompue de
violences et de tyrannie, et de l'autre qu'un esplavage
degradant lhumanite dans l'homme. Dans ces der-
niers temps, on sest donne beaucoup de peine inutile
pour ^crire unehistoire des Grecs sous la domination
ottomane; les 6v£nemens qu'elle retrace sont aussi peu
memorables que le serail une histoire des Armeniens,
qui nousferait voir l'existence de ce peuple courW sous
le sabre ottoman ou sous le joug persan. Maisce qui est
vrai relativement aux Turcs dominateurs des chr&iens ,
ne rest point pour les Turcs soumis au princes Chretiens ,
dans le sens politique que nous y attachons. A Tepoque
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DE UEMPIRE OTTOMAN. 5
ou la Crim^e fut subjugu£e par la Russie, tous les ma*
hom&ans de celte contr^e eurent la liberty d'£migrer.
II ne vint k la pens6e de personne d'expulser par la
force les habitans du pays. Une pareille violence e6t
&6 £galement indigne de la tolerance chr&ienne et de
la politique europ^enne. Autre chose est d'affranchir
une contr^e du joug de fer des musulmans ; autre
chose est de depouiller de leurs maisons et de leurs
champs des possesseurs sfeulaires. Malgre eux les
Ottomans seront , par la suite des temps , reduits a
l'alternative ou de renoncer a leur domination sur les
peuples chr&iens ou d'en all£ger le poids et del'exercer
avec moderation. Nous avons fait remarquer, vers la
fin de la periode prec£dente , que dans les dernferes
annees du dix-septteme siecle , les Sultans en avaient
d6j& reconnu la n£cessite , k Foccasion du nizami
djedid { nouvel ordre ) promulgue par Koepriilu ,
qui , le premier, songeait k ameliorer le sort des
sujets Chretiens , r^pandus Sur toute la surface de
TEmpire, L'influence de la politique des cabinets
d'Europe, soutenue par d'habiles diploma les, fit en-
core mieux sentir cette n^cessit^ k la Porte apr6s la
paix deCarlowicz,etravertitincessamment des dangers
qui la menagaient. Depuis long-temps, la Porte recevait
les ambassadeurs des puissances chr&iennes, et d&s
le commencement du dix-septieme sifecle , les Etats
maritimes , l'Angleterre et la Hollande , entretenaient
k Constantinople des ambassadeurs , comme avant
eux , Venise et la France. Les ambassadeurs polonais
et autrichiens allaient et venaient sans cesse, mais
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6 HISTOIKE
ceux de l'empire ottoman envoyes, & de longs inter-
valles, ne faisaient que de court es apparitions dans les
capitales de TEurope , d'ou ils repartaient sans avoir
rien appris. Ce fut seulement au commencement du
dix-huitieme siecle, que les ambassadeurs ottomans
rapporlerent dans ieur pays quelques germes de la
civilisation europ6enne. Ce fut d'abord par Tentre-
mise des ptenipotentiaires turcs h Carlowicz , Soul-
fikar et Maurocordato, que Tesprit qui preside & la
diplomatic des cabinets d'Europe s'introduisit dans
les chancelleries ottomanes ; c'est done a partir du
traits de Carlowicz que la politique ottomane se trouve
plus intimement liee h celle des puissances chr6-
tiennes.
Avant de parler du traite qui fut conclu avec les
Russes 9 une ann£e apres la paix sign6 a Carlowicz
avec TAutriche, Venise et la Pologne, et des ambas-
sades qu'^changferent les puissances belligerantes pour
la ratification de ce traits, qui accorda un repos long-
temps d£sir6 aux sujets des divers &ats, il est neces-
saire de jeter un coup-d'oeil sur les hommes qui se
partageaient alors le pouvoir gouvernemental. La po-
sition nouvelle de Tempire vis- &-vis de TEurope nous
oblige de faire pr£c£der cette partie de notre histoire du
portrait consciencieuxdes hommes quiy ont eu la plus
grande part , ou qui en ont &6 seulement les acteurs
passifs. Au faitedu pouvoir &aitle grand- vizir. C'&ait
le quatrieme Koepriilu , Amoudjazad£ Housein, neveu
du vieux Koeprulii et cousin d'Ahmed Koepriilu . et de
Koepriilu-le- Vertueux, Fun le second et l'autre le troi-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 7
zteme grand-vizir sortis de cette famiUe. £leve sous
l'administration de son oncle et de ses cousins qui le
destinaient aux affaires publiques, Amoudjazad£ avait
accompagn£ Kara Moustafa sous les murs de Vienne;
plus tard, il % avait command^ successivement les for-
teresses de Schehrzor, d- Amassia et les ch&teaux des
Dardanelles. II avait suivi ensuite le Sultan regnant a
Belgrade, ou il s'£tait fait remarquer en lui donnant le
conseil de ramener Tarm^e k Wardein, et de renoncer
a la marche projet^e sur Temeswar. Le d&astre de
Zenta avait t^moigne de la sagesse de ses avis, et apr&s
la mort d'Elmas Mohammed-Pascha , rest6 sur le
champ de bataille, il avait &e nomm6 grand-vizir h
sa place. II s'etait h&t£ de conclure une pais si neces-
saire a 1 empire, et mit tous ses soins a la conserves
C'&ait un homme g^nereux, liberal, ami des savans
et des poetes , que , pour une seule kassid^e, il avait
coutume de r^compenser par un don de cent et m&ne
de deux cents ducats. II distribuait, cliaque annee, aux
scheikhs de Constantinople une somme de cinq cents
bourses et, cbaque jour, aux pauvres de la ville une
autre de mille aspres. Apr&s lui, l'homme le plus in-
fluent par son pouvoir et ses talens etait le reis-
efendi Rami , fils d'un niveleur de Constantinople ,
natif du faubourg d'Eyoub. Rami avait d'abord suivi
la carrtere de son p6re, puis, nomme £crivain de la
chancellerie , il s'etait attach^ a la fortune du poele
Nabi, secretaire du grand- vizir Kara Moustafa. II
avait 6gale celui-ci comme poete et 1'avait surpasse
dans le genre epistolaire : car ses ecrits politiques
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8 HISTOIRE
subsistent comme un monument inimitable du style
le plus riche et le plus elegant qui ait jamais ete appli-
qu6 aux affaires d'Etat. Lorsque Nabi fut 6\e\6
a la dignity de kiaya, Rami le remplaga comme secre-
taire aupr£s de Kara Mouslafa. Apr6s la mort de
celui-ci, il fut nomme Beglikdji, c'est-a-dire sous-
secretaire d'Etat et r6f£rendaire du reis-efendi, puis
enfin reis-efendi lui-m6me. Cest en cette quality
qu'il avait regu les pleins pouvoirs du Sultan pour
traiter de la paix qu'il avait sign£e a Carlowicz , de
concert avec le drogman de la Porte , Maurocordato.
Maurocordato , n6 d'un marchand de soieries de
Khios, et de Loxandra, fille du riche marchand de
boeufs Skarlato, avait ajoute k son nom de famille celui
de son grand-pfere, d'ou vient qu'il est d£sign6 dans
rhistoire ottomane et dans le diplome de l'empereur
Leopold comme fils de Skarlato. II avait termini
ses Etudes k l'universite de Padoue ; nomme doc-
teur en philosophic et en medecine , il s etait rendu
c616bre k Constantinople comme professeur au college
de l^glise patriarcale , et , comme medecin , il avait
gagn6 la confiance du grand-vizir Ahmed Koepriilu
qu'avait poss£d£e avant lui l'interpr&e Panajotti. 11
lui avait bient6t succ£d£ dans la dignite de drogman
de la Porte f et avait f en cette quality , suivi le grand-
vizir Kara Moustafa sous les murs de Vienne. Apr6s
la chute de celui-ci, il avait &6 vivement poursuivi par
la haine de son successeur Kara Ibrahim. Ce n'avait
&6 qu'avec les plus grandes difficultes et au prix de
tous ses biens , qu'il 6tait alors parvenu k d&ober sa
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DE L'EMPIfcE OTTOMAN. 9
t6te au bourreau ; il avail d& enfin c£der sa dignity au
renegat Seferaga \ Cependant, rentr6 bient6t dans ses
fo net ions, il accompagnaaVienne, apr&s Tav^nement
de Souleiman II au trdne, Soulfikar-Efendi, muni par
la Porte des pleins pouvoirs necessaires pour n£go-
cier de la paix a Vienne. II revint, aprfes y avoir ei&
retenu prisonnier pendant trois ans, sans que lui noii
plus que Soulfikar eussent reussi dans l'objet de
leur mission. U fut plus heureux, dix ans plus tard,
k Carlowicz , ou il signa le traits de paix entre la
Porte et TAutriche. Depuis lors , il fut I'&me de
toutes les n£goclations comme de la politique ext£-
rieure de la Porte et regut, en recompense de ses ser-
vices, les titres nouveaux de conseiller intime et d'ex-
cellentissime a . Apr6s la paix de Carlowicz, Tempe-
reur Leopold l'61eva au rang de comte de TEmpire.
Son influence , comme autrefois celle de son pr£d&-
cesseur, 1' habile diplomate-interpr&te Panajotti, servit
puissamment la causedesescoreligionnaireset les ne-
gotiations des princes chr&iens. D£vou£ k trois grands-
vizirs de la famille de Koepriilu, il forma avec le der-
nier d'entre eux et le reis-efendi Rami une*esp6ce de
triumvirat , dans lequel se personnifiait une politique
douce et mod^ree. Cependant leur influence ne put
leur assurer une domination exclusive, et tous les trois
durent flechir devant le pouvoir du plus ambitieux de
« Cantemir II vol., L. LV. note M.; et Carra Histoire de la Moldavie
et de la Valachie a Jassi, 1777, p. 120, ou Seferaga a <H6 change en
Feraga.
» C E£ kito^^twv et ixXv/ATtpirx-scs.
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id HISTOIRE
tous les nymftis que mentionnent les annates de l'Em-
pire, le moufti Fei'zoullah-Efendi.
Feizoullah, 9 fils de Mohammed, seid ou descen-
dant du Prophete , natif d'Erzeroum , et qui faisait
remonter son origine au seid Schemseddin Tebrizi,
professeur et ami de Mewlana Djelaleddin, le grand
poete mystique, £tait arrive , trente-trois ans aupara vant ,
d'Erzeroum a Constantinople avec l'illustre scheikh
Wani, lorthodoxe pr£dicateur de Mohammed IV.
Sa quality de gendre de Wani lui valut bient6t une telle
influence qu'il obtint, avec son beau-p£re, un libre
acc&s aupr6s du Sultan, k la faveur duquel il dut sa
nomination comme pr£cepteur des princes Ahmed
et Moustafa. Feizoullah fut un l£giste assez profond;
il est auteur de plusieurs trails et commentaires f ;
maisil&ait ronge par l'ambition, et 1'intrigue, plut6t
que le savoir, le fit elever , d'abord sous le sultan
Ahmed II, et ensuite sous Moustafa II , a la plus haute
dignite legislative. Place a la tfite des affaires spirituelles,
il usa de tout son ascendant sur le Sultan regnant pour
conferer a sa famille les places les plus lucratives,
au prejudice des oul&nas d'un m^rite reconnu et au
mepris des formes usitees jusqu'alors en mattere
d'avancement. L'ain6 de ses enfans fut d'abord nomme
makiboul-eschraf, c'est-k-dire chef des emirs, ouchef
des descendans du Prophete. Non content de celle
» 11 a laisse" des gloses marginales a l'exlgese du Koran de Beldhawi ,
aux Commentaires des dograes de NeseG, et un traite" arabe avec ce litre :
Nassa'ihoul moulouk c'est-a-dire, conseil pour les rots, Sa biographic so
trouye dans Schelkhi, la treize-cent-quatre-Yiugt-quinzieme.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. n
nomination , il demanda et obtint pour ce mdmefils le
titre et le rang de moufti, et renouvela ainsila promotion
inouie dont 1'ambitieux Karatschelebi Abdoulaziz avait
donne le premier et jusqu'alors Tunique exemple ; en
outre, il lui assura, par un dipl6me du Sultan, la
survivance de la premiere dignity judiciaire et spi-
rituelle de FEtat. Un autre de ses enfans, Ahmed,
fut nomm£ juge de Brousa avec le rang de juge d'ar-
m£e en Anatolie; un troisteme enfin, Moustafa, fut
promu a la dignite de grand -juge d' Anatolie. Le
quatrieme de ses fils , Ibrahim-Efendi , fut employ^
comme pr^cepteur du prince h£r£ditaire, Mahmoud;
Foncle d Ibrahim, Ahmed, fut appete aux fonctions
de juge de la Mecque, et un autre parent du moufti ,
Esseid -Mohammed, obtint la dignite dejuged'armle
en Roumilie. Enfin, Abdoullahbeg, un des deux fils
du troisi&meKoeprulu, sans avoir rendu de services &
l'Etat, sans m6me s'6tre fait remarquer par des qua-
lites personnelles , fut nomm6 vizir , non point
parce qu'il &ait fils du cousio du grand-vizir, tnais
parce qu'il &ait gendre du tout-puissant moufti. Parmi
les paschas-gouverneurs que protegeait Fei'zoullah, se
trouvait encore Moustafa, surnomme Daltaban, c'est-
a-dire autabn etroit f . Moustafa Daltaban fut d'abord
simple janissaire ; il &ait natif du village dePetreit-
schik, prds derMonastir, et ne savait ni lire ni £crire.
Sous le grand- vizir Kara- Ibrahim, il avait &6 succes-
« Surnom donng aux grands marcheurs ; il signifie que leurs courses les
expose a user leurs talons. C'est done une erreur lorsque Cantemir II, L. IV,
n. 99, dit « saus chaussure ».
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i» HISTOIRE
sivement chef des soldats charges de dresser les
tentes, puis chambellan, aga des djebedjis, et enfin des
janissaires; corame gouverneur de Babatagbi etpascba
h deux queues, il avait fait une invasion en Bosnie et
avait paru sous les murs de Soroka ; mais il ne fut pas
plus heureux au siege de cette ville que dans ses tenta-
tives pour amener la Pologne a faire la paix avec la
Porte. H fut enfin nomm£ gouverneur d'Anatolie et
pascha & trois queues; mais les habitans s'&ant plaints
desa tyrannie et de ses vexations, il fut somme de com-
paraitre au diwan et de rendre compte de son admi-
nistration. Le grand-vizir, Elmas Mohammed- Pascha,
Fefit sans doute condamne k la peine de mort, si le
mouftiFeizoullah ne TeAt couvert,d6scette £poque, de
sa puissante protection, et n'etit fait commuer sa peine
en uh exil sur les frontieres de Bosnie l . Ce bannisse-
ment 1'avait emp£che d'assister a la balaille meurtriere
de Zenta, et avait &6 pour lui une nouvelle source de
fortune et d'autorit£ ; comme serasker de Bosnie, il
avait enlev£ & l'ennemi* en une seule campagne, vingt-
quatre chateaux-forts situ£s sur les deux rives de la
Save. Plus tard, il succ£da a Ismail -Pascha, gouverneur
de Bagdad , trop faible pour r&isler aux Arabes re-
belles deBassra et de Kawarna. Ceux-ci se courb&rent
a la v£rit£ sous son joug de fer, mais la tyrannie et
la cruaut6 qu'il deploya dans son administration exci-
t£rent l'indignation g£n£rale. Ce fut lui qui travailla
i Osmanzad6-Efendi dit aPostchal; Caitfemir qui affirme avoir lu
l'ordre de bannissement, dit a Bihke , c'est-a-dire Bihacz.
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DE L'EMPIUE OTTOMAN. i3
de ses propres mains h demolir le consulat et l'eglise
des Frangais h Bagdad , et qui en frappant leg mu-
railles de sa hache , donna le signal de la destruc-
tion z . Sa cruaute alia au point de faire d£chirer par
des serpents le ventre de la femme ,. enceinte , d'un
scheikh arabe, pour lui faire avouer ou son mari
avait cache ses tr&ors; puis il abandonna son cadavre
aux tigres. Le kiaya ( ministre de Fint^rieur ) du
grand-vizir etait alors Hasan , surnomme le Fugitif ,
qui , &eve plus tard a la dignile de kaimakam , fut
cause de grandes infortunes \ La place de kaimakam
etait occup£e par un autre Hasan , surnomm£ le gen-
dre , epoux de la sultane Khadidja, ancienne fiancee
du grand- vizir Kara Moustafa ; sa parent^ avec le
Sultan lui ouvrit par la suite le chemin du grand-
vizirat. Le tschaouschbaschi Moustafaaga &ait gendre
du grand -vizir Kara Moustafa, mort sous le .glaive
du bourreau ; le fils de ce mdme Kara Moustafa, Ali^
beg , s'&ait fray6 la route des premieres dignites f
grftce h la protection du grandvizir actuel, son parent 3 .
En recevant Je titre de vizir , il avait &e nomm6
gouverneur de Candie , et avait obtenu la main de
la princesse Rakiye , fille du Sultan regnant 4 . Les
soeurs de cette princesse, les sultanes Aische et
* Paul Lucas (Troisieme voyage). Paris, 1731, p. 340.
3 Histoire de la bibliotheque de Berlin , p. 256.
3 La premiere Spouse de Kara Moustafa descendait du second et du
troisieme Koeprulti.
4 Raschid, p. 261. V Histoire de la bibliotheque de Berlin le nomme
Seineb.
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1 4 HIST01RE
Emin6h , ftg£es Tune de cinq , l'autre de six ang ,
avaient &6 fiancees aux gouverneurs de Damas et
d'Erzeroum, Hasan et Nououman-Pascha. Toutes
deux recevaient annuellement sur les biens de la cou-
ronne, devenus vacans par la mort de leur tante Oum-
mi, une somme de soixante mille piastres, provenant
des imp6ts leves sur les tribus turcomanes de Tor-
ghoud et d'Ouschak : mais Hasan -Pa scha, &ant tomb£
bient6t aprfes dans la disgrace, la main de la sultane
Aische fuf accord^e au silihdar Ali -Pacha de Tschorli,
plus tard favori et grand vizir. Le kapitan-pascha &ait
toujours Housein Mezzomorto, le vainqueur de la
flotte venitienne et conqu^rant de Khios *. La place
de kizlaraga etait occup^e par Nezir, surnomm6 le
gaucher,parce qu'il avait coutume d'^crire et de com-
battre de la main gauche , et qu'il montait h cheval
du c6te droit. C'etait un eunuque liberal et spirituel ,
dont la bouche savait aussi bien s'ouvrir pour reciter
des vers que sa main pour secourir les malheureux a .
Tels furent les personuages les plus considerables qui,
sous le r&gne du sultan Moustafa, se trouv£rent a la
t&e des affaires de I'Empire.
Six mois s'&aient ecoul^s depuis la paix de Carlo-
wicz , et le temps approchait ou , conform£ment a la
teneur des divers traites , les ambassadeurs de l'Au-
triche , de la Pologne , de la Russie et de la r^publi-
que v£nitienne , devaient se rendre a Constantinople,
i Table chronologique de Hadji Khalfa.
3 Raschid, I, p. 264; et Resmi, biographies des Kislaragas : die est la
trente-troisieme.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. t 5
pour ^changer les ratifications du trait6, et h&ter ainsi
la conclusion d'une paix finale. Pour les recevoir, non
point a Andrinople, mais dans la capitale de TEmpire,
avec pompe et grandeur , il fut rdsolu , a la suite
d'un grand conseil des ministres , que le Sullan re-
tournerait h Constantinople. Vers la fin du moisd'aotit,
eut lieu le depart sotennel du souverain pour la capi-
tale. Au lever du soleil, les vizirs et les emirs, les co-
lonnes du diwan et les chefs de la chancellerie du
trAsor, c'est-a-dire les khodjagans, se trouvfirent ras-
sembles devant la porte du Serai oii le Sultan, rev&u
d'un kaftan de fourrures 1 , le sabre au c6t£, le carquois
sur l^paule et le turban sur la t&e , devait monter a
cheval. Le moufti, les deux juges d'armfe, le chef des
descendans du prophete et les grands oul£mas se
mirent en marche, rev&us de pelisses & quatre man-
ches a et de leurs turbans de c6r£monie K Le grand-
vizir, mont£ sur un cheval richement harnach£, etait
rev&u du kaftan d'Etat en drap rouge : il portait le
kallawi, c'est-a-dire un turban de c^remonie de forme
pyramidale orn6 d'une large bande d'or , des pantalons
de velours fort Targes, Tare et le carquois sur Tepaule,
a la mantere de3 Tscherke^ses. Venaient ensuite le def-
terdar, le reis-efendi et le defter-emini (intendant
du tr&or), avec des surtouts garnis de zibeline 4 , et
un turban de forme ronde 5 inventee par le sultan
S£lim. Us portaient aussi des carquois et des arcs , a
i Schib Kerake.
s Mouwatihadi. — 3 Ourf.
4 Perradj& — 5 S&imi.
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i6 HISTOIRE
la manure des Tscherkesses. Apr6s eux s'avangaient
les deux jugesd'arm^e, les agas des sipahis et des silih-
dars , les chambellans , revdtus d un kaftan double
de fourrures en dehors et en dedans ' et enfin les
khodjagans avec leurs hauts turbans en forme de
cylindre*, et de larges surtouts garnis de zibeline; les
ecuyers conduisant en lesse les chevaux de main du
Sultan, couverts de leurs harnais du diwan, et portant
des boucliers &incelans de pierres precieuses.
Treize jours apr&s son depart d'AndrinopIe , le
Sultan arriva , en chassant et toujours a cheval, a Sili-
wri, ou le grand- vizir, accompagn6 du moufti, s'etait
rendu en voiture, afin de tout disposer pour la recep-
tion du maitre, dans la ferme qu'il poss£dait en ce
lieu. II y regut d'abord le Sultan avec magnificence,
et le jour suivant la sultaneWalid& Le surlendemain
(10 septembre 1699), le cortege, en passant par
Daoud-Pascha, fit a Constanlinople son entree solen-
nelle, qu un t£moin oculaire, La Motraye, a d^crit
en quatre- vingt- cinq chapit res; cette description, bien
que fidele, est loin pourtant , comme il Tavoue lui-
m&me, d'etre complete et enttere 3 . Dix-huit escadrons
de sipahis, quinze chambrees de janissaires ouvraient
la marche, avec les queues de cheval et les bahuts
i SerasM ftap/ou-nimtem.
a Moudjewweze'fiaschid I, et histoire de la bibliothique de Berlin.
3 « Je ne donne qu'une liste peu circonstanciee des personnes qui compo-
» saient cette cavalcade. » Voyage du sieur deLa Motraye a La Haye, 1727,
2 volumes in-folio. La description des v&ements a laquelle La Motraye
n'entendait rien, se trouvedans Y Histoire de la Bibliotheque de Berlin, XI If,
p. 152 et 155. L'auteur fait mcme remarquer que puisqu'il 6tait si sou-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 17
les bahuts du tresor , recouverts de drap ecarlate.
En avant de ces caisses , marchaient le ministre des
finances ( defterdar) , le tresorier du Sultan (khazi-
nedar), avec six cents armuriers,autant de canonniers,
quatre cents mineurs et cinq cents bostandjis. Sui-
vaient les domestiques du Serai , les cuisiniers ,
les confiseurs, les fendeurs de bois, les porteurs d'eau,
les concierges, les baigneurs, les barbiers, les tailleurs
d'ongles, les maitres d'^cole, les imams, les m£decins
des pages, trois cent *soixante tschaouschs avec leurs
chefs 9 le marshal de l'Empire , deux mille posses-
seurs de petits fiefs (timar) et de grands fiefs (siamet) :
venaient ensuite le ministre de lmterieur et le secre-
taire d'Etat, gardien du chiffre du Sultan, l'aga des
janissaires, le grand-mattre du serai ', le juge de
Constantinople , le reis-efendi , les quatre vizirs de
la coupole , les quatre administrateurs des mosqu6es
imp£riales, les six queues de cheval du grand- vizir,
toute sa musique militaire, ses gardes du corps, les
courageux(goenullus) et les temeraires (delis), ses cou-
reurs (schatirs) et ses laquais (tschokadars) ; puis le
grand-vizir lui-m6me et le moufti montes sur des
coursiers richement caparagonn£s avec un frein et
des ^triers dargent et une selle gajrnie de pierres fines ;
vent question de ceremonies , il nNStait pas inutile de donner cette fois la
description des velemens.
■ Basch KapouAga, que La Motraye a traduit improprement par la
qualification de surintendant des portiers : les Kapou Agalers sont les eu-
nuques commis a la garde des portes du Harem. Leur chef est le grand
marechal de la cour, le premier des eunuques blancs, comme le kizlaraga
est le chef des euuuques ooirs.
T. Xlll. a
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18 HISTOIRE
au flanc droit des coursiers &aient appendus un
sabre dans un fourreau couvert de joyaux , une
massue et une masse d'armes en argent massif riche-
ment dories : les gardiens des turbans portaient
de la main gauche leurs turbans de gala recouverts
de mousseline brodee. A leur suite s'avangaient le
vizir kaimakam , les deux juges d'armee , les beg-
lerbegs d'Anatolie et de Roumilie; l'&endard du
proph&e et le Koran deposes dans une caisse d'or
etaient portis par un chameau couvert de riches
etoffes ; enfin on voyait apparaitre les gardes du
corps du Sultan , c' est- a -dire les lanciers et les ar-
quebusiers , et au milieu de leurs panaches de h£ron
£tincelait le turban garni de diamants du Sultan,
comme le soleil brille h travers de legers nuages.
Derriere lui marchaient les quatre premiers pages de
la chambre int6rieure, savoir : lfes porteurs du sabre,
du vase destine aux ablutions, du turban et du kaftan,
lis Etaient suivis du kizlaraga entour6 des eunuques
blancs et noirs; quarante chevaux de main , les ve-
neurs d« Sultan, les chasseurs au faucon et a I'iper-
vier, les gardiens des dogues et des chiens d'arr6t f
les muets et les nains venaient ensuite.La marche etait
ferm£e par les sipahis, les djebedjis, les topdjis, les
janissaires et les laquais des paschas, les soldats char-
ges de dresser les tentes avec trois cents chameaux et
dromadaires , et les porteurs d'eau avec leurs che-
vaux charges d'outres.
L'arrivie journal&re des ambassadeurs qui ve-
naient raliCer le traits de Carlowicz , occupail alors
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DE I/EMPiKE OTTOMAN. 19
t'attention de la Porte et de la capitale. Recemment
ieshabitans d'Andrinople avaient vu entrer dans leurs
tours Fambassadeur polonais Stanislas Rzewuski f ,
Staroste de Chelm : il avait apporte et regu la confir-
mation de la paix : il avait en m&ne temps offert & la
Porte des pr^sens de vases d'argent , et obtenu lui-
tn£me uue allocation de deux cents piastres par jour
pour Tentretien de sa suite * (juin 1699 — silkid6
1110). En vertu de ce traits, les forteresses de C6-
cora, de Soroka et de Camieniec, situ6es en Moldavie,
furent imm^diatement &vacu£es par les Turcs. Sept
tents chariots attetes de quatre ou six chevaux , livr£s
par les voievodes de Moldavie et de Valachie, trans-
porterent de Camieniec aux rives du Dniester cent
quarante-huit canons de bronze, cent vingt-deux ca-
nons de fer , et vingt-trois obusiers avec leurs afftits,
pour 6tre diriges de Ik avec la garnison sur Bender et
Akkerman 3 . Avant son depart d'Andrinople, le Sultan
avait faitchoix d'un ambassadeur extraordinaire pour
la courdeVienne, dans la personne dlbrahim-Pascha
originaire de G6nes. Au si£ge de Vienne, Ibrahim &ait
attach^ au service particulier de Kara Moustafa;
plus tard il &ait successivement devenu tr&orier du
> Raschid, I, p. 250, l'appelle a tort Stanislas Sertschki. Vhistoire du
Defterdar, p. 374, ne donne point son nom.
a Vhistoire du Defterdar, qui devait elre mieui instruit que Raschid,
parle de cinquante piastres settlement : mais il paratt que c'est une faute
d'impression.
3 Raschid, I, p. 151, et histoire du Defterdar, p. 378. Le premier
nomme les forteresses de Moldavie, Tschotschora , Sorika, Doupenitsche*;
la secoude nomme la deruiere NemUche'.
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no fflSTOIRE
grand-vizir Kara Ibrahim , et kiaya du grand- vizir
Ali-Pascha f ; comme gouverneur de Camieniec et de
N6grepont, il avait d^fendu avec courage la premiere
de ces forteresses contre les Polonais et la seconde
contre les Venitiens ; promu ensuite au commande-
mentde la flotte ottomane, il avait r&emment 6t6 en-
voy^ dans la Mer-Noire pour y combattre les Russes ;
presentement, il fut nomm6 pascha k deux queues,
gouverneur de Roumiiie et ambassadeur auprfes de la
cour deViehne. Les pr&ens qu'Ibrahim-Pascha dut
remettre k l'Empereur consistaient en une tente, dont
les colonnettes etaient surmont£es de pommeaux d'or
et dont la tenture interieure &ait d'un satin multico-
lore brod6 de fleurs ; un panache de h6ron orn6 dp
cinquante-deux diamans ; des harnais garnis de cinq
cent trente-deux diamans , de trois cent trente-huit
rubis et &incelans dor et d'£mail ; une chaine double
en or massif qui descendait de la selle au mors et des
boutons du meme metal ; une sangle et des licous en
or, des etriers aussi en or et couverts de cent vingt-
huit diamans et de deux cent quatre rubis; une housse
brodee d'or et de perles , garnie de franges aussi en
perles; une masse d'armes ou brillaient soixante-
dix rubis et cinquante-cinq emeraudes, et dont Tex-
tremile &ait d'or ; elle etait suspendue k un ruban
de brocard rouge orne d Emeraudes et de perles ;
une housse de velours rouge brodee d'or et une cou-
« Raschid , I, p. 250. Deflerdar, p. 374. Histoire de la Bibliotheque
de Berlin, p. 152.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. ai
verture de selle £carlate ; des harnais converts d'&nail
d'azur, de cent douze £meraudes,detrois cent quatre-
vingts rubis, avec le frontal ', le mors *, la chatne 3 et
les ^triers en vermeil '; une sangle dor£e 5 , une massue
ouvr£e 6 , une lourde housse en drap rouge, parsem£e
de cent vingt-six roses d'argent et orn^e de franges de
corail; une housse dor£e; une autre housse £carlate
pareillement dor^e ; une verge d'ambre pesant trois
cent trbis myskales (quatre-vingt-neuf onces) ; vingt
vessies pleines de muse ; trente bezoards 7 ; deux pieces
d'&offe d'or 8 appliqu£es sur des mousselines rouges ;
six pieces larges d'&offe d'or des fabriques de Constan-
tinople; vingt-deux pieces de riches &offes de Con-
stantinople broch&s de fleurs ; six pieces de laines
pour turbans 9 ; cent vingt de fines mousselines dont
se composaient les turbans imperiaux ; vingt pieces de
mousselines rayees d'or ; quatre grands tapis de Perse ;
i Alinlik. — * Enselik.
3 Yilan, e'est-a-dire le serpent.
4 Som-dizgin.
5 Som-topkour.
6 Kakma-topouz.
7 Dans la relation de cette ambassade on ne mentiotlne que 10 vessies
de muse, et 15 bezoards.
8 Kilaboudan Sireng. Histoire de la Bibliotheque de Berlin, p. 152.
Ces deax mots se trouvent aussi chez les Grecs ; le premier chez les
Byzantins , le second chez les Hellenes. Kilaboudan est le KAotaoros des
Byzantins. Voy. Ducange medics et infima Gtcbcub. Sireng est le lap&rms
/njSwv to fdprifxa. de Pollux, L.VH, C. XIII, p. 61. Cet un vehement raye de
pourpre. Dans la relation de cette ambassade ces deux Sireng sont con-
side>6s comme deux pieces de satin rouge brode avec des fils d'or.
9 Dou-hezari est transforme dans la relation de cette ambassade en
Due zarchi.
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•>* HISTOIRE
quinze de ces tapis turcomans brod£s « sur lesquels
on s'agenouille pourfaire la pri&re; quinze chevaux
de main; une chaine d'argent pour retenir le cheval ;
un abreovoir en argent; des housses de Perse bro-
d6es d'or; deux leopards retenus par des chaines
d'argent.
L'echange solennel de l'ambassadeur ottoman con-
tre l'ambassadeur autrichien eut lieu dans les murs de
Slankamen (7 decern bre 1699), que les deux peuples
avaient, huit ans auparavant, jonch£ de leurs cadavres.
L'ambassade ottomane se composait de sept cents
personnes, et avait h sa suite neuf cents chevaux, mu-
lcts et dromadaires. On subvint & son entretien en
lui allouant journellement des vivres pour une valeur
de cent soixante florins et cent cinquante ecus en
numeraire. Le 31 Janvier 1700, l'ambassade fit son
entree dans la ville de Vienne, pr£c£dee par le grand
marshal et l'interpr&e de la cour. La marche £tait
ouverte par quatre voitures chargees de pr£sens, par
les gardes-du-corps, les d61is (t£m£raires) de Bosnie
et les goenullus (courageux) d'Albanie, par le grand
&endard rouge et les deux queues de cheval y les
huit coursiers de l'ambassadeur couverts de trois
housses, Tune d'&offe d'or, l'autre en etoffe d'argent
et la troisi&ne form£e d'une peau de tigre; sur le c6te
droit de la selle pendaient un bouclier , une masse
d'arme, un arc et un carquois garni de filches. L'am-
bassadeur &ait &endu dans sa voiture garnie de drap
• Ouschak sedjade : Ouschak est une tribu turcomane pres du fort de
ce nom dans I'Asie-mineure, non loin de Smyrne.
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DE L'EMPlllE OTTOMAN. *3
rouge et trainee par six chevaux blancs , dont la cri-
ni6re et la queue £taient peintes en rouge , suivant
la coutume turque , avec du henna : devant la voiture
marchaient six laquais arm& de courtes haliebardes,
et sur les deux c6t£s quatre yayabaschis, c'est-&-
dire, capitaines des janissaires, et quatre trabans
armes de boucliers et de fleches ; derrtere , on portait
son fauteuil de campagne , en velours rouge brode
d'or, et son turban recouvert de drap vert. Venaient
ensuite son porte £p£e, le gardien de son sceau, son
tr£sorier, son premier valet de chambre et les autres
officiers de sa maison avec les ustensiles caracte-
ristiques de leurs fonctions , le porteur des vases
avec laigutere et le vase d'ablution, lecafetier avec
la cafettere, le barbier avec le miroir et les rasoirs, le
gardien du linge avec les serviettes, etc. La liti&re de
1'ambassadeur &ait port^e par deux chevaux; soixante
janissaires avec leurs longues et lourdes carabines dont
le canon &ait incline vers la terre, escortaient les voi-
tures qui portaient les pr&ens; lekiaya, ou le maitre
d'h6tel , et le chancelier de 1'ambassadeur avec une
canne en argent , le diwan-efendi et l'imam , c'est-
&-dire le secretaire de la legation et le chapelain pr£-
cedaient les trois ^tendards du reste de la suite de
1'ambassadeur, etla musique ottomane, dont les cha-
lumeaux, les cymbales, les trompettes , les tambours
et les grosses caisses tatares jouaient de bruyantes
fanfares 1 .
> GrQud-und umstandlicher Bericfat S. 52 , und Selazionc distinta e va.
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*4 HISTOIRE
Quatre mois avant I'arrivde de 1'ambassadeur turc
a Vienne , le president du conseil d'etat et de guerre
chargd de n^gocier la paix k Carlowicz , le comte
GKttingen avail pris, avant de partir pour Constan-
tinople, cong£ de TEmpereur avec une pompe inusitee
(26 septembre 1699). Sa suite etait moins nom-
breuse peut-6tre que ceHe de 1'ambassadeur turc,
mais elle comptait plus de personnages illustres.
Apr6s les courriers, les chevaux de main, les
pages et les musiciens , venaient le m^decin de l'am-
bassadeur entre son apothicaire et son chirurgien ;
deux b£n£dictins , ses confesseurs ; le marshal de
l'ambassade et douze seigneurs, marchant par trois et
ayant au milieu d'eux une banniere aux armes d'CEt-
tingen. Parmi eux, on remarquait le capitaine du genie
Jacques de Rauschdorf , et Guillaume Ernest Schmid
d'Anhalt-Zerbst, que , vingt ans plus tard, nous ver-
rons ren^gat; le secretaire de legation Macari, et le
secretaire-interpr&e pour les langues orientates Lacko-
vitz ; au milieu d'eux marchait Simpert, abb6 de Neres-
heim, prelat de la ligation, et qui a 1aiss£ une relation
de cette ambassade 1 ; puis suivaient trois h trois, quinze
comtes, cavaliers d'ambassade. Entre les comtes de
Colloniz et de Breuner, marchait le fils de l'ambassa-
ridica delta solenne intrata in Vienna della grande ambasciata ottomana
seguita addi 31 gennaro 1700 (foglio straordinario 3 Feb.).
» Diarium ou Relation curieuse d'un voyage de Vienne a Constanti-
nople et de la en Allemagne; Augsbourg, 1701, par Simpert, abbe" de
Neresheim, prelat domestique de S. E. l'ambassadeur ; et Relation du se-
cretaire d'ambassade Macari ; a la BibUotbeque de la cour de Vienne.
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DE L'ElVlPlRE OTTOMAN. a5
deur, portantun £tendard en &offed'argent, dont une
face repr&entait l'image de la vierge de Alt-GEttingen,
et l'autre les aigles doubles des armes de Hongrie, de
Boheme et d'Autriche , magnifiquement brod£es. Us
ftaientsuivis des comtesde Dietrichstein. de Lippe, de
Swirby, de Sprinzen stein, de Louis de Sinzendorf, de
Thun, de Saur, de Kuefslein, de Nostiz, des deux
comtes. Adolphe et Charles de Sinzendorf, au milieu
desquels figurait Adolphe- Auguste due de Holstein ;
tous portaient des coiffes d'£carlate bord^es de zibe-
line, des surtouts de velours de differentes couleurs
et des v6temens de dessous en &offe d'or et d'argent.
Derrtere eux , on distinguait l'ambassadeur , portant
sur sa t&e un kalpakhongrois de velours rouge, bord£
de fourrures de zibeline et surmonte d'un panache
noir de h£ron , retenu par une agrafe de diamans venarit
du tr£sor imperial. Son v6tement de dessus etait form£
d'une &offe d'or et garni soit int^rieurement, soit ex-
t^rieurement de zibeline , comme le sont les pelisses
d'Etat du Sultan et du grand-vizir. A sa gauche pen-
dait un sabre turc couvert de pierres fines ; & sa suite
marchaient vingt-quatre laquais, arm^s de piques
turques. Au seconde rang, on voyait \ingt-quatre tra-
bans et deux &endards, dont Tun, rouge et blanc,
repr&entait 1'image de la vierge d'GEtlingen, l'autre,
jaune et noir, les doubles aigles, symbole de la puis-
sance de TAutriche. Leurs surtouts de couleur £carlate
&aient orn6s de quatorze aiguilletles en argent ; leurs
v6temens de dessous en soie de couleur orange et
leurs £charpes de couleur bleue. lis portaient des hal-
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*6 HISTOIRE
lebardes ou £taient incrust^es les armes de la maison
d'GEttingen. Le carrosse de l'ambassadeur &ait garni
interieurement de velours cramoisi, et tratne par six
chevaux de race danoise ; deux autres carrosses, 6gale-
ment alleles de six chevaux prec^daient le vaguemestre
mont£ sur un cheval superbe. Apr£s avoir obtenu son
audience decong£ del'Empereur, l'ambassadeur quitta
Vienne et s'embarqua avec sa suite sur une escadrille
compos£e de quarante-dcux L&limens; il se rendit par
le Danube a Slankamen, ouil fut £chang£ avec l'ambas-
sadeur lure. Arriv6 k Constantinople (8 f&vrier 1 700),
il y fit son entree dans le m£me ordre qu'Jt sa sortie de
Vienne. La Porte lui alloua pour son entretien jour-
nalier quarante poulets, trois dindons, dix oies, trente
pigeons , cent cinquante okkas de la farine la plus
pure, dix okkas de fruits, trente okkas de legumes,
trois boeufs , un veau , dix moutons , cinquante kilos
d'orge, dix quintaux de paille, trois charriots de
foin, trente mesures de bois, cent dix okkas de char-
bon, un okka de fines epices , enfin cent cinquante
piastres, dont chacune £quivalait alors k un reichs-
thaler. Le 1 3 fevrier 1 700 (26 sch&ban 1 1 1 1 ) « , Tarn-
bassadeur eut qpn audience du grand-vizir et , trois
jours apres, il fut admis k celle du Sultan; e'etait un
jour de di wan et de solde pour les troupes, auxquelles
ondbtribua quinze cent bourses, e'est-a-dire cinquante
mille sept cent reichsthalers *. Les pr£sens que rEm-
> Raschid earit par erreur le 20 au lieu du 26 sch&ban.
> VUUtoire de la Bibliotheque de Berlin, p. 155 , avec plus de jus-
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DE L/EMPIRE OTTOMAN. a 7
peretir avait destines au Sultan consistent en un
plateau d'argent, des grilles de chemin^e, des rafrai-
chissoirs, des flambeaux , desarrosoirs, des vases, des
tasses & caf£ , des vases pour le sorbet , le tout de
m£me m&al , des flacons dor£s avec leurs chaines,
des encensoirs , des vases k fleurs , des lustres a mi-
roirs, des montres, un rlchaud en argent et une fon-
taine artificielle du poids de cent marcs. La sultane
Khasseki regut un panier h couvercle tout en or et mar-
tele en bo^se , une autre h anses dories, un troisteme
en argent mat et sans couvercle, une pendule a mi-
roirs, une seconde a jeux de flftte, et enfin une cassette
dejoyaux ornte de pierres fines; l'ambassadeur remit
aussi a la sultane Walid£ une table h caf£, des vases k
fleurs en vermeil orn£s de guirlandes et d'&nail,
deux bras de lustre, quatre corbeilles en fils d'argent,
une montre en forme dc disque aussi en fii d'argent ,
garnie de pierreries , une montre & jeu d'orgue , six
petits vases & fleurs soigneusement travaill£s et orn&
de pierres rouges , enfin un ecrin magnifique. Des
arrosoirs, des vases, des rafraichissoirs, des corbeilles
avec leurs couvercles, des encensoirs, des cassolettes,
des flacons pour 1'eau de rose , des montres et des
pendules, des assiettes et des tasses , des flambeaux,
des miroirs , des bureaux et des ecritoires du plus
tesse que la Relation precitce, p. 74, dit 60,000, renfermls dans 2050
bourses ; mais c'est une double erreur, car 2050 bourses , chacune de
500 piastres font 1,025.000 piastres, et 60,000 6cus font seuleraent 120
bourses.
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o« HISTOIKE
beau travail furent distribu£s au grand-vizir, aux six
autres vizirs, au reis-efendi et au moufii. Les pr&ens
offerts au Sultan pesaient seuls deux mille okkas,
c'est-k dire quarante-cinq quintaux d'argent. Tous
ces pr&ens coherent & l'erapereur une somme de
quatre-vingt-treize mille sept cent cinquante-sept flo-
rins. La cour de Vienne offrit encore a l'ambassadeur
turc , lors de son audience de cong6 , de riches
pr£sens, consistant en vases et arrosoirs d'argent, en
cafeti&res, thiidres , tasses, corbeilles , coupes, flam-
beaux, et quelques pieces de drap fin d'Angleterre l .
Les instructions donn£es au comte QEtlingen lui
enjoignaient de presenter au Sultan ia ratification du
traits de paix et les presens de lEmpereur dans une
audience solenneile , et selon les formes usitees du
i La Relation circonstancide de cctte ambassade, p. 119, donne la
lisle da personnel de l'ambassade, et les noms des principaui emplois. Le
kiayabeg (mattre de ce>6monie). Le diwan-efendi (secretaire delegation).
Le kapidjiler kiayasi (chambellan). Le rairi akhor (grand -dcuyer). Le we-
kili khardj (chef des cuisines). Le doughandji (fauconnier). Le tsha-
ouschbaschi, silihdar (porte-£p£e). Lekhazinedar (treserier). Le tschokadar
(valet de chambre). L'anaktar agazi (gardien des clefs). Le kaftandji
(gardien du kaftan). Tscbamaschirdji (gardien du linge). Le pischgirdji
(gardien de la nappe). Le kahwedji ( preparateur du caft). Le kilardji
(gardien des conGtures). Le kitabdji (bibliotWcaire). Le sofradji (valet
qui dresse la table). L'ibrikdar (gardien du vase des ablutions). Le
mehter-baschi (mattre de cbapelle ). L'itsch mehter (le tapissier attache a
la maison). Le mataradji (porteur des outres destinies a contenir l'eau).
Le schatirbaschi (premier laquais). Le tschadir mehterbaschi (chef des
dresseiirs de tente). Le serradjbaschi (chef des palefreniers). L'aschdji-
baschi (premier cuisinier). Le tschaschnegir-baschi (grand sommelier). Le
sarbanbascht (premier gardien des chameaui). Le kharmandebaschi
( premier gardien des mulets ) .
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DE L'EMPIUE OTTOMAN. 29
e£r£monial. II devait veiller k l'echange des prison-
niers conjointement avec le comte Adolphe de Sin-
zendorf , sp^cialement charge de cette affaire , presser
la delimitation definitive des fronti^res, arr&er les
articles du traite qui garantissaient la stirele des indi-
vidus et du commerce, la protection des eglises et de
leurs desservans; enfin il devait t&cher de faire pren-
dre en consideration la situation difficile des hospodars
de Moldavie et de Valachie, et insister sur l'eioigne-
ment de Toekoeli '. Le comte de Sinzendorf n'eut pas
long-temps k s'occuper de l'echange des prisonniers ;
ilmourut quelquesmois apr£s, et son corps fut rap-
port6 a Vienne par ces m£mes prisonniers qu'il avait
d£livr£s de l'eselavage.
Pour honorer de sa presence la fete que le grand*
vizir donna dans sa maison de campagne sur le rivage
asiatique du Bosphore, non loin du chateau d'Anatolie,
l'ambassadeur autrichien s'embarqua , comme autre-
fois le comte Leslie , sur trois galores. La plus grande
d'entre elles, ornee de trois pavilions et dirig^e par
trois cents esclaves Chretiens , tratnait a la remorque
une galore pleine de musiciens dont les bruyans
accords ne pouvaient se faire entendre au milieu du
cliquetis des chafnes qui r£sultait , a chaque coup
de rames , des efforts des trois cents esclaves. Pour
amuser les ambassadeurs (car on avait encore invite a
cette f6te les envoyes des puissances mediatrices, TAn-
1 Instructions du comte d'OEttingen, du comte de Wermood et d' 1)1 fold,
ambassadeurs dans les annees 1718 et J 740.
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5o HISTOIRE
gleterre et la Hollande), on leur donna le spectacle
d'nn tir k Tare ; des liitteurs , des maftres d escrime,
des danseurs, des joueurs de gobelets, et unecanta-
trice saltimbanque de Perse £gay£renl la fete. Le repas
fut aussi court que magnifique. Des plats de riz
crev6, de toutes les couieurs, des viandes hach£es,
servies dans des citrouilles ou envelopp£es dans des
feuilles de vigne, des pigeons confits, des poulets
r6tis , toutes sortes de gibier et de p&tisseiies pass&rent
rapidement sur les tables, apportes par une foule de
domestiques qui , se transmettant les mets les uns aux
autres, les emportferent presque aussitdt apr&s les avoir
deposes. Ce mode de service t&noigna beaucoup
moins de la sobri&£ des convives, que de l'empresse-
nient et de l'avidil£ de ceux auxquels les restes de-
vaient appartenir.
Apr&s la mort du comle de Sinzendorf , la cour de
Vienne conclut avec l'ambassadeur turc, Ibrahim, une
convention particultere en quatre articles, par la-
quelle Farticle XII de la paix de Carlowicz, qui
reglait le rachat des prison niers, fut etendu k tous les
esclaves tires de contrees soumises au sceptre de
TAutriche , k quelque nation qu'ils appartinssent , et
m&ne aux enfans n£s des esclaves rest&s chrltiennes
durant leur esclavage 1 (26 juillet 1700). L'ambassa-
deur autrichien a Constantinople obtint trois fermans
> Instrumentum ad facilitandam Captivorum utriusque Imperii
eliberationem cwrn magno Porta Ottomanicw legato confectum. Vienne,
26 juillet 1700. Le ferman poor les gouveraeurs de Bosnie et de Temeswar
se trouve dans VInscka de Rami , no 149.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 3i
favorables au commerce, a la protection a accorder aux
£glises catholiques et a leurs desservans en Turquie,
et particuli&ement h ceux de Jerusalem (septembre
1700 — rebioul-akhir 1 1 12). Le premier de ces fer-
mans ne s'appuyait pas sur le traits de commerce
n^gocte en I'an 1 61 7 par le comte de Czernin, et tombe
en d<£su£tude depart et d'autre, au point qu'un stecle
pins tard les diplomates autrichiens en avaient m£me
perdu le souvenir. II &ait bas6 sur le dernier traite de
Vienne *. Les deux autres fermans concernant la pro-
tection k accorder aux desservans catholiques et aux
eglises de Jerusalem, par les autorit£s turques, &aient,
k peu de chose pres, la leltre des deux trails conclus
a ce sujet par Favant-denjier ambassadeur, le comte
de Leslie. Par le premier, la Porte s'engageait h pren-
dre des mesures pour quk Tavenir les pr^tres catho-
liques ne pussent fitre troubles dans Texercice de leur
culte par les 6v6ques grecs, serviens et bulgares, ni
molests par desautorites qui trop souvent n'^coutaient
que leur caprice, leur haine ou leur avarice*. Le der-
nier assurait aux catholiques de Jerusalem la posses-
sion incontest^e de Teglise de Saint- Jean, au nord de
la ville, des s^pulcresde Sion, des couvens de Beth-
lehem et de Nazareth avec leurs tombeaux et leurs
jardins , des lieux saints de Safed , de Saida et de
i Translatio cum originali collates copies diplomatis mercatorum.
Dans les Arch. I. R.
a Translatio cum originali collata copied diplomatis Religiosos con-
cernentis A. 1700. Ibid.
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5i UISTOIKE
Ramla, de la chapelle de la Vierge, et des lieux pos-
sed£s par les Chretiens autour du Saint-S£pulcre. Ce
rn6me ferman les autorisait k c61£brer 4a F6te des
Rameaux surla montagne des Oliviers et dans les lieux
t&noms de la naissance de saint Jean, de saint Joachim
et de sainte Anne; a accueillir les pterins dans leurs
couvens de Jerusalem , de Damas, de Bethlehem , de
Nazareth et de Salda ; k r&ablir les monumens qui
tombaient en ruines, et a acheter les vivres necessaires
pour l'entretien de leurs moines, sans qu'on ptit les
forcer a accepter des denizes et des viandes corrom-
pues ; enfin il leur promettait aide et protection contre
les Arm^niens et les Grecs '.
Avant son audience de # cong6 (2 octobre 1700),
l'ambassadeur recommanda au grand- vizir les patriar-
chessyriaques deHaleb, les catholiques de Khios, les
Ragusains, et le pria de terminer promptement la
delimitation des frontiferes du c6t6 de Novi \ Le
grand-vizir Iui donna encore une fete k Eyoub; et a
sa dernifere entrevue, il decora soixante personnes de
sa suite de v&emens d'honneur. Enfin, par une nou-
velle deference pour l'ambassadeur, il alloua, suivant
un antique usage, une augmentation de solde de
deux aspres par jour k quatre fourriers, a quatre
> Trarislatio cum original* collates copies confirmati diplomatis pro
Religiosis terra Sanctce. Rebioul-akhir 1112 (Sept. 1700). Dans les
Arch. I. R.
» Ges actes se trouventdans les Arch, de Vienne; les lettres de recreance
du comte d'OEttingen dans Rami, p. 464.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 53
tschaouschs, a quatre silihdars , et quatre sipahis «.
L'ambassadeur polonais , qu'avait pr£c£d£ de six
raois le nonce Stanislas Rzewuski, &ait arrive k
Constantinople en m&ne temps que l'ambassadeur
autrichien. C'&ait Raphael de Winiawa Leszczynski,
petit- tr&orier de la couronne, p£re de Stanislas
Leszczynski, qui plus tard occupa le trine de Po-
logne. II fit son entree k Constantinople avec nne
pompe telle que n'en avait jamais d£ploy£ aucun des
ambassadeurs qui jusqu'alors avaient para dans cette
capitale. Sa suit?, compos6e de quatre ou cinq cents
personnes, fat log£e dans les environs du palais
d'Ibrahim-Pascha sur l'hippodrome *, que la Porle,
par une distinction particultere, lui avait assign^ pour
demeure. Les pr&ens qu'il apporta au Sultan consis-
taient en vases, flambeaux, pendules, fontaines k jets
d'eau ; le tout en argent, et en chiens de chasse attaches
avec des chatnes de ce m&al 3 . Quoique sa suite flit
plus' nombreuse, l'ambassadeur fut traits avec moins
d^gards que ne l'avait &6 l'ambassade autrichienne ;
car, sur cent personnes de sa suite, il ne lui fu^>ermis
d'en emmener qu'une seule avec lui en presence du
Sultan. H entra dans la salle d'audience avec cinq
i Cet usage n'est consign^ nolle part, excepts* dans le manoscrit de la
Mbliotheque de Berlin, no 75. f. 175.
» L'Histoire de la Bibliothtque de Berlin, no 75,' p. 155, donnela
date de son arrlvee; le Diarium de Simpert, p. 204, la fixe an 5 mai.
3 Rapport dltailte et circonstanctt, ou se trourent aussi deux harangues
qu'il fit en latin au Sultan et au grand-yizir, p. 88 et 89.
x. XIII. 5
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54 HISTOIRE
nobles settlement ', rev&os comrae lui de simples
kaftans, tandis que la suite du comte d'GEttingen,
composle de seize corates, avait &e admise dans Fin*
terieur du s£rai\ En outre, le comte d'GEttingen s'&ait
assis pendant l'audience sur Festrade m&ne du diwan,
bomieur qui fut refus^ k Leszczynski ; il dut se con-
tenter dun siege recouvert en soie, mais sans dossier.
Pour le repas m6me que Ton a coutume de donner
aux ambassadeurs , immediateraent aprds le diwan et
avant de les rev&ir du kaftan ou de la pelisse, pour
paraitre k l'audience , |e grand-vizir avait fait r^gler
lordre des plats suivant le rang des ambassadeurs, et*
conform^ment a cette r6gle,CEttingen seul eut Thon*
neur de se voir servir un plat de poissons frits 1 . La
mission de l'envoy£ polonais consistait surtout &hftter
la nomination d'une commission pour la delimitation
definitive des fronti^res. Les commissaires nomm£*
par le roi de Pologne, &aient l'ambassadeur lui-mdme,
le palatin de Podolie, Francois de Sas Dziedusycki*
le staroste de Stszyca, Adam de Topor Tarto, le s^ne-r
cbal d^ Podolie, et l'historien du trait6 de Carlowicz,
Etienne de Junosza Humiecki 3 . D&s que Tobjet de sa
demande lui eut &6 accords, la Porte lui signifia
* VHistoire de la Bibliotheque de Berlin, n© 75, p. 155, n'en men-
tionne qae trois.
* Rapport de l'ambassade, dans les Arch, de Vlenne.
3 Plusieurs de ces noms paradssent ttre caches dans les noms mutite*
que mentionne la lettre de recreance de Leszczynski (Voyez Rami, dans
son Inscha, no 461), ou il est cite comme ambassadeur; les Rapports du
comte d'CEUingen, le Biarium de Simpert, et la relation circonstaneiee
de l'ambassade autricnienne ne parlent que d'un seul ambassadeur.
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 55
qu'il pouvait partir, en lui dlsant qu'il n'&ait pas
d'usage daccorder des audiences de cong£ k touts lea
ambassadeurs. Leszczynski r^pondit quil connaissait
fort bien les usages , ainsi que les ^gards dus h son
souverain et k lui-m6me, et qu'il mourrait plut6t
h Constantinople ' que de supporter patiemment une
pareille injure ; des-lors Taudience de cong£ lui fut
accord£e sans difficult^ (37 juillet). Le trotsi&ne am-
bassadeur des puissances qui avaient particip£ h la
paix de Carlowicz fut celui de Venise , Lorenzo So-
ranzo * qui fit son entree k Constantinople trois mois
avant l'ambassadeur autrichien. Averti de son ar-
rive h rembouchure des Dardanelles, la Porte lui
avait envoys , selon l'usage , deux gateres pour le
conduire dans la capitale, oii it fut log£ dans une maisoti
da faubourg de Galata et rejut journellement une
somme de cent vingt piastres destin& k son entretkfn et
& celui de sa suite 3 . Son audience du Sultan avait eu lieu
le 1 4 novembre 1 699 (21 djemaribul-ewwel 1111).
Soranzo , qui &tait venu chercher la confirmation du
traits de Carlowicz, que le plenipotentiaire v&ritien n'a-
vaitvoulu signer que provisoirementetconditionnelle-
ment, obtint encore de la Porte un traits additionnel plus
explicate, auquel forent ajout&s dix-sept autrea clauses
> c j'aUnerais mlenx crevera ConstanUnopIe que dewpportercette in-
jure. » JHarivm de Simpert, p. 264.
» La lettre de recreance de Soranzo se troore dans le grand Imeha de
Rami, no 472*
3 Hitioire de la BibUotMqu* de Berlin, no 75, p. 105 et Raschid, I ,
p. 251, ecrivent tolota que les Francais appeflent piastres iztlotci. La
5*
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36 HISTOIRE
contenues dans les trails pr6c6dens : de sorte que le.
traits de Carlowicz, qui primitivement ne contenait
que seize articles, en eut alors trente-trois '. La Russie
n'avait pas negocte avec la Porte une paix definitive ;
elle avait seulement conclu un armistice de deux ans.
Pour mettre un terme k cet 4jbt provisoire , le Czar
avait muni de pleins pouvoirs son ambassadeur Ou-
kraintzow qui , assists par un autre ptenipotentiaire *
russe , arriva h Constantinople dans les premiers mois
del'ann£e 1700, ou, pendant toute la dur£e des n6-
gociations, il fut retenu sous bonne garde dans le voisi-
nage de la Porte des Sables. Deux fois par semaine,
ils confSraient avec le reis-efendi Rami et le drogman
de la Porte Maurocordato , dans l'ancien serai du.
grand-vizir Kara Moustafa." Les Russes demandaient
Tabandon au Czar des forts de Ghazi et de Schahin-
Kerman , la liberty du commerce , I'&argissement des
prisoriniers , le libre exercice du culte pour ses sujets,
et la protection de la Porte pour ceux qui voudraient
traduction des leltres de creance de Soranto se trouve dans YJnscha de
Le Grand, a la bibliotheque de Vienne, no 425, no 14. L'/mcAade-Rami,
no 584 nous rapporte one lettre du grand-vizir a Soranzo, assurant am
commercans de Venise un traitement bienveillant.
» La ripublique paratt avoir consider^ ce traite* eomme on grand secret
d'ttat, car elle n'en fait mention nolle part. On peut cependant le retrouver
dans les Archives I. R., panni les actes venitiens avec la date et la sus-
cription de l'interprete : Scritto nel campo di Daudpascia alii primi
ddla luna Zilcade 1112 cM 15. (9) Avril. 1701. Tradotione deUiqui
sottoscritti Dragomani publici : Tomato Tarsia Dragomano grand*.
Qiaeomo Tarsia Dragomano di Strada, Aloise Fortis Dragomano pu*
blico. tsac Bali Drag, publico. Giov. B. Navon Drag, publico.
* Bistoire de la Bibliotheque de Berlin, no 75, p. 156. Dans la
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. Zy
se rendre en p£lerinage k Jerusalem. Leg Turcs, de
leur c6t6, insistaient sur l'evacuation de toutesles pla-
ces fortes conquises par le Czar. Leg negotiations du-
raient depuis six mois sans que Ton pftt s'entendre ;
enfin des courriers apport&rent aux ambassadeurs
moscovites le consentement de leur souverain k la de-
molition des forteresses conquises, mais les Turcs per-
sistant dans leur demande d'une restitution pleine et
entire, et traingrent ainsi en longueur les negotiations.
Ce ne fut qa'k la nouvelle envoy^e par le khan des
Tatares du rassemblement autour d' Azof d'une arm£e
russe de cent mille hommes ; que la Porte signa un
trait£ congu en seize articles, etqui , pour trente ans,
assurait la paix entre les deux nations K . Le second
article de ce trait£*stipulait la demolition des fortifica-
tions de Toghan, de Ghazi-Kerman, de Scbahin-Ker-
man, et de Noussret-Kerman.Lecinqui&me, relatif k
la delimitation des frontigres , etablissait qu'on ferait
un desert des douze lieues de pays comprises entre Or et
Azof changees en un desert. Le sixi&me permettait £ga-
lementaux Tatares et aux Busses de chasser, de pteher,
d'^lever des ruches, de couper du bois, et d'&ablir
des marais salins dans le district situ£ entre Or et le
chateau-fort de Meyousch. Le septteme accordait k la
leltre de recreance (voyez Rami, grand Inscha) on fait mention des con-
seillers AmiKanusch, d'Ignatodesich, d'Oukraintzow, et du ptenipotentiaire
Yako Daldeschere. II est difficile de dire quel est cet Emelien, sans consulter
les Archives russes. Le premier plenipotentiaire au traits de Carlowicz &ait
Procopius Bogdanowitsch Wosnitzin.
i Le traite se Irowe dans Raschid , I , p. 253-255.
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58 HISTOIRE
forteresse dAzof la possession d'une Vendue de ler-
ritoire de dix lieues, dans la direction du Kouban, oa
les Noghais et les Tscherk esses ne devaient point in-
quirer les Cosaques et les Busses. L'article huit sti-
pulait que les Tatares de Crimta s'abstiendraient k
l'avenir de toute incursion sur le territoire russe. Le
neuvi&ne £tait relatif k l'£change des prisonniers ; le
dixfcme, k la liberty du commerce; le onzi&ne, aux
p&erins qui se rendraient k Jerusalem ; le treizi&ne
concernait les privileges des agens et des interpretes
des deux nations ; et enfin, le quatorzi&ne stipulait
Tenvoi mutuel d'une ambassade extraordinaire pour
ratifier le traits dans l'espace de six mois.
Un £v£nement inoui jusqu'alors dans les fastes de la
diplomatic europ&nne, eut lieu k l'audience que le
Sultan devait accorder au nouvel ambassadeur fran-
gais, Ferriol, marquis d'Argental. Ge dernier &ait ar-
rive vers la fin de l'ann£e pr£c6dente pour remplacer
son pr£d£cesseur , monsieur de Gh&teauneuf ', qui
1'avait pr&ent6 au grand-visir dans une audience solen-
nelle (5 Janvier 1700) a . Quelques jours apr&s, Ferriol
« La lettre de rappd de Chateaoneuf, remise par Ferriol au grand-
▼izir, datto da 18 mai 1609, se troure dans Ylnecha de Le Grand , no 13;
a la bibtiotheque imp&iale, no 433; et la lettre de recreance que Chateau-
neuf recut da Saltan, se trouve dans le grand Inecha de Rami, n° 463.
» La Motraye, p. 868 , donne la description de cette c6r6monie , aVec la
date da 26 d&embre (vieux style). Raschid, p. 231, donne poor date
le 12 redjeb till , c'est-a-dire le 3 Janvier avcc cette saseription : B4cep-
tion de Vatnbaitadewr franeais et ta groseierete' dam le diwan.. Elle se
*roave aussi dtmYHiitoire dv\ Defter dor t p. 376 et dans Flassan, v. 4,
p. 169,
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DE I/EMHRE OTTOMAN. 3g
arriva, entomb de sa suite, au serai pour remettre an
Sultan les prlsens du roi de France, consistanten une
glace magnifique, longue de quatre-vingt-dix pouces
et large desoixante, en une belle pendule, unehorloge
artistement travaill£e, repr^sentant la rotation des
Voiles, et en plusieurs pieces de riches £toffes et de
drap fin de premiere qualite. Tout se passa & merveille
jusqu'au moment oii l'ambassadeur, revGtu d'un kaf-
tan d'&offe d'or parsem£e de fleurs, fut sur le point
d'&re introduit dans la salle d'audience. Le tscha-
ousch-baschi, ayant remarqu£ que sous son kaftan
l'ambassadeur tenait cach£e une longue £p£e, refusa
de l'introduire avec cette arme. Maurocordato lui fit
observer qu'en insistant il violerait tous les usages
re$us, et que jamais personne, quelque fitt son rang,
n 'avait paru avec des armes en presence du Sultan.
Ferriol mit la main sur son £p£e, protestant xju'elle
ne lui serait reprise par nul autre que par son roi. Le
grand-vizir lui fit alors signifier qu'il n'obtiendrait
point d'audience du Sultan, s'il ne consentait k se des-
saisir de son £p4e. Ferriol r£pondit que monsieur de
Ch&teauneuf lui avait assur£ que, lors de son audience,
il lui avait 4t6 permis de garder la sienne. Le grand-
vizir lui dit qu'il se trompait, et que, dans tous les
cas, si son pr£d&esseur avait port& une arme, elle
avait dti 6tre si petite que personne n'avait pu la
remarquersous son kaftan. L'aga des janissaires es-
jsayait en vain de persuader l'ambassadeur et de le
faire renoncer a son projet. « Vous 6tes des sujets,
» s'£cria l'ambassadeur, et moi je suis le repr&entant
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4o HISTOIRE
» d'un grand roi. » Les vizirs de la coupole, les ka.-
diaskers epuiserent h leur tour toute leur eloquence,
sans pouvoir rien obtenir de lui. Les chambellans, qui
l'avaient d£j& pris sous les bras pour le conduire, sui-
vant l'usage , a l'audience', tent&rent alors de lui en-
lever son £p£e sans qu'il yen aperQtit, mais il les re-
poussa violemment en les frappant des coudes et des
genoux, et , plein de colore, il cria k Maurpcordato :
« Est-ce ainsi qu'on viole dans cepaysle droit desgens?
» Sommes-nous done amis ou ennemis? — Amis, r6-
» pondit Maurocordato; mais vous ne pouvez paraitre
*> a Faudience avec votre 6p£e. — En ce cas, je n'y
* paraitrai pas du tout, » s'ecria l'ambassadeur fii-*
rieux. II se d£barrassa aussitdt de son kaftan, or-
donna aux personnes de sa suite qui en etaient aussi
rev&ues de l'imiter, et dele suivre k son quartier. Le
lendemain, la Porte lui renvoya les^pr&ens du roi.
Six mois apr&s , Ferriol se promenait sur les eaux
du Bosphore , dans un yacht semblable k celui du
Sultan, et reconvert aussi du parasol double de pour-
pre l . Le grand-vizir lui signifia au nom du Sultan qu'il
eAt a s'abstenir de se promener sur un yacht sembla-
ble, s'ilne voulait pas se faire couler k fond : en m£me
temps, il fit donner deux cents coups de baton aux ra-
meurs, qui etaient turcs (20 juillet 1700). Le cabinet
frangais n'ayant pas eu connaissance officielle del'in~
jure faite k son ambassadeur, la Porte n'apporta aucun
■ Flassan, v. IV, p. 162, et le Diarium deSimpert, p. 265. Flassan ne
rapporte que le fait de la decoration du yacht , mats Simpert parte aussi de
Vinjure que lui avail attiree cette affaire.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 4l
changement dans ses relations a vec la cour de France,
et Ferriol demeura dix ans k Constantinople, ou il gera
les affaires de son maltre, sans avoir jamais &6 admis
fel'audiencedu Sultan. Trois roois apr&s l'insulte qu'il
avait essuy£e dans le Bosphore, il obtint, en faveur
des pr6tres Chretiens et de& missionnaires , un
khattischerif semblable en tout point k celui qui &ait
accorde en m£me temps au corate d'GEttingen *.
Lorsque, dix ans aprta, Ferriol perdit reellement la
raison , le grand- vizir , instruit de cet accident par
l'interprete fran$ais de Bru , parent de Voltaire \
lui rlpondit avec son flegme nature! : « 11 dtait d£jk fou
» quand il est arriv6. » M. de Ferriol est le dernier am-
bassadeur frangais qui, par sa vivacity et son irr&lexion,
ait justifie la reputation de 16g£ret6 dont le peuple
frangais est en possession dans l'empire ottoman ; aussi
ne fut-il pas traits avec plus de consideration que ses
pr£d£cesseurs, les sieurs de La Haye, p6re et fils, les
sieurs de Nointel et de Guilleragues, lesquels eurent
k essuyer nombre d outrages dans leurs relations avec
le grand-vizir Koeprfilii, notamment lors de la que*
relle k laquelle donna lieu la place au sofa, et dont
* Ce khattischerif se trouve dans La Motraye (Voyez I, p. 27>), dememe
que celui du comte d'GEttingen, dat£du dernier jour de rebioul-akhir. Dans
le grand Inscha de Rami, no 468, se trouve une lettre du grand-vizir a Fer-
riol. Le grand-vizir iui dit qu'il ne peut satisfaire a son d6sir de ne point
traiter les affaires internationales par l'entremise du kalmakam Osman-
Pascha. On trouve encore dans le meme ouvrage , no 484 , une autre
lettre qui assure aux negocians francais le m&ne traitement qua ceux de
Venise.
* Hitloire de Owlet lit, liv. V,
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4* HISTOTRE
nous avons fait connaftre les details dans le volume
pr£c£dent. Brave comme son £p£e qu'il refusait de
remettreaux Turcs, M. de Ferriol, avant d'obtenir le
litre d'ambassadeur , a vait assist^ k sept campagnes dans
les armies du Sultan et du grand-vizir, en quality de
commissaire frangais aupr&deToekoeli. Toutefois, il
s'&ait moins familiarise avec les moeurs et les usages
des Ottomans qu'avec leurs costumes, qu'il fit dessiner
par un peintre, et qu'il puMia sous le titre de Tableau
de la cour Ottomans, oeuvre qui, jusqu'& la publication
du c£lebre ouvrage de Mouradjea d'Ohsson, fut con-
sider^e comme la meilleure autorit£ en pareille ma-
tiere.
Les envoy& anglais comprenaient mieux que ceux
de France la conduite qu'ils devaient tenir avec les
ministres de la Porte. A l'ambassadeur anglais Paget,
un des m£diateurs du trait£ deCarlowicz, a vait suc-
ced£ le chevalier Sutton, qui sut tellement gagner les
bonnes graces du Sultan que, lors de son audience, il
Thonora d'une r£ponse verbale, comme l'avait fait jadis
Souleiman II. « Les Anglais sont nos bons et vieux
» amis, lui dit-il et nous saurons leur prouver, dans
» l'occasion, que nous sommes animus des m£mes sen-
» timens&leur£gard. Nous t&cherons surtout de don-
» ner a votre roi des t£moignages de reconnaissance
» pour sa bienveillante mediation a Carlowicz, et de
» la confiance que nous avons en son amitte *. »
t Raschid, I, f. 261. La Motraye, I, p. 294. Dans la Detcrizione com'
pendiosa historica di quanta piu curioso e seguito neW anno 1704, par
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 45
Apr& avoir jet6 un coup-d'oeil sur les relations de
la Porte avec les puissances chr&ieniies et particulte-
rement avec leors ambassadeurs, il est utile d'examiner
ses rapports avec les Etats d'Asie confessant la religion
musulmane et avec Raguse, province chr&ienne qui,
sttu£e en Europe, mais tributaire de la Porte, justifia
ce proverbe accr£dit£ dans le Levant, que les Ragu-
sains ne sont d'aucune religion ". Nous avons vu pr£-
c£demment que Raguse &ait redevable a la Porte
d'un tribut de plusieurs annles montant a douze mille
cinq cents dugats; que, lors de son dernier paiement
effectu6 sept annees auparavant , elle n'avait envoys
au tr£sor qu'uri a-compte de qiiatre-vingt-cinq
bourses, et que pendant la guerre, elle avait suspendu
enticement le cours de ses paiemens. Mais comme la
Porte entrevit, lors du trait6deCarlowicz", la possi-
bility de recouvrer les sonunes arridr&s, elle adjoignit
k l'ambassadeur venu de Raguse un commissaire, le
chambellan Mouezin Moustafa , charg£ de recueillir
le tribut (juin 1700 — moharrem 1112). L'ambas-
sade du prince du Gouriel, qui arriva quelque temps
apr£s, fut encore plus mal accueillie : les personnes
qui la composaient furent emprisonn£es dans le cha-
teau des Dardanelles sur les c6tes d'Asie, parce qu'au
Benaglia, se tarave une gravure repr&entant I'audience de 1'ambassadeur
francais; le Sultan lui dit qu'il ne se laissera point irriter contre l'Empe-
reur ; mais M. de Ferriol n'ayant jamais tiA admis a l'andience, ce fait est
d£nu6 de toute Y6rit6.
> Non iiamo Chriitiani , non tiamo Ebrei, ma poveri Ragusei.
a La lettre qui annonce a la republique la conclusion de la paix et le
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44 HISTOIRE
lieu d'apporter le Iribut stipul6, elles avaient amen6
huit esclaves m&les, et quatre femmes esclaves, pour
les offrir au Sultan. L'ambassadeur Mohammed-
Pascha &ait revenu de Perse, oi il avjait &6 envoys
pour faire pari au schah du traitiS de paix de Car-
lowicz l et d'oA il rapportait la r^ponse du schah et
du khan des khans aux fettres du Sultan et du grand-
vizir. En arrivant sur les bords de l'Arpatschai, alors
fronti&re entre la Perse et la Turquie , Mohammed-
Pascha avait trouv6 un mihmandar et deux cents
cavaliers charges de Tescorter k Isfahsjp, par Eriwan,
Nakhdjiwan , Tebriz ,. Sultanieh , Koum , et Kas-
chan. Durant un s£jour de quatre mois dans la
capitale du schah Housein, l'ambassadeur avait &£
admis trois fois k Taudience du roi et avait M con-
gedi6 aveQ de riches pr^sens en or et en tapis de Perse *.
II est probable qu'il etait charg£ aussi de lettres con-
fidentielles relatives au transfuge Ismael- Pascha, an-
cien gouverneur de Bagdad, qui, apres avoir .occupe
successivement les places d'aga des janissaires, de
gouverneur de Roumilie, de kaimakam aupr6s de la
Porte, de gouverneur cTEgypteetde Bagdad, avait &6
destitu6 par le grand- vizir Housein Koeprulu; enfin,
appel6 au gouvernement de Wan et croyant sa t6te
renvoi poor la limitation des frontieres au gouverneur deBosnie, se trouve
dans le grand Inscha de Rami , n* 466.
* Lalettredu grand-vizir a l'ambassadeur Mohammed-Pascha se trouve
dans le grand Inscha de Rami , n* 31.
» Histoire de la Bibliotheque de Berlin, n° 75, f. 163. L'auteUr 4tait
un ami de l'amhassadeur.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN, 45
menac£e, il s'&ait enfui pendant la nuit en Perse, ou il
£tait mort l'ann^e suivante. Quelque temps apr&s le
retour de Perse de Kara Mohammed-Pascha, parut,
encore sous l'administration de Housein Koepriilii, et
quelques jours avant sa chute, un messagef, porteur
d'une lettre 6crite, non par le schah, mais par le khan
des khans, le Mirza Mohammed Moumin Khan, dans
laquelle ce prince demandait k la Porte la permis-
sion d 'installer des pr£dicateurs persans aupr&s des
saints tombeaux d'Ali et de Housein , et de recon-
struire , aux frais de la Perse , les ddmes de ces lieux
\eneres, menaces de ruine \ Les pr^sens ofFerts par le
Mirza consistaient, suivant le nombre sacre des Ta-
tares, en neuf nappes brod^es d'or, neuf schalls , neuf
pieces de satin velu, neuf pieces de velours, neuf
pieces de coton ouvr£, neuf pieces de cotonuni, neuf
pieces de satin de Tebriz , neuf miskales de momie
pur, et neuf b^zoards. Le grand -vizir remit au messager,
pour les offrir k son maitre, trois housses k sofas de
Turns, orneesdebroderies rouges, troisautres demdme
couleur, 6galeirient brod£es et garnies de franges, un
grand manteau rouge de pterin , fabriqu6 k Tunis ,
quatre housses pour sofas de Khios, sur le fond blanc
desquelles &ait brod£ le sceau hexagone de Salomon,
orn£ d'une riche guirlande en soiede toutes couleurs*
On remarquait encore, parmi ces pr&ens, une grandQ
1 LA reponse negative do grand- vizir au khan des khans , dans YInscha
de Rami, no 33, et celle du kiayabeg a I'ambassadeur dans le menie/no 54 c
peuyent seules expliquer le contenu de cetle lettre.
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46 HISTOIRE
tentede Mardin, dont le fond &ait rouge et violet ;
les bords, richement brod&, representaient des niches
de differentes couleurs ; trois tapis de Kandullu, dont le
fond £tait bleu et les bords brod£s en soie verte, tra-
vaill£s k Kandullu; trois arcs 6gypliens dprds et sculp-
ts, selon le goftt de l'lgyptien Joseph ; une pendule
d*6b&ne, mont£een argent, dont les quatre faces £taient
en verre; une longue-vue doree; trois chevaux de
course , et deux chevaux de race. Ainsi les grands-
vizirs turcs et persans £changeaient alors entre eux lea
plus riches merveilles de la nature et de Tart que pro-
duisaient leurs pays respectifs. La r£ponse du grand-vi-
zir, congue dans des termes de bienveillance parfaite ,
contenait l'assurance que les pterins persans pourraient
d&ormais visiter les tombeaux des deux imams, avec
la radme s£curit6 que la sainte ville de la Mecque, mais
qu'il &ait impossible de leur permettre de s'y fixer ou
de Sparer les saints Edifices aux frais du schah ; il
terminait en disant que maintenant oii , par suite du
r&ablissement de la pah, la tranquillity interieure &ait
as*ur£e, la Porte s'occuperait elle-m&ne de toutes les
reparations n6cessaires. Deux lettres, adress£esau sou-
verain de Fez et de Ma roc, Moulai Ismael, alors en
guerre avec le dey d' Alger, 6taient dict&s par le m6me
esprit de fief t6 nationale et de pacification. On y lisait
ces mots : « Maintenant que la paix est r&ablie & l'int£~
» rieur et h l'exterieur, nous pouvons employer tous
j» nos soins h assurer la prosp£rit6 du pays et la sftrete
» de nos sujets \ » En effet, l'Empire avait besoin,
i Les lettres du Saltan se trouvent dans YJnscha de Le Grand , k la biblio-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 4 7
plus que jamais, de veiller & Fexterieur aa maintien
de la paix avec la Russie, l'Autriche, la Pologne, Ve-
nise et la Perse , car des troubles s&ieux £clataient
successivement sur la frontiire de Perse, h Bassra, en
Arabie , en Egypte , & Tripoli, sur le c6tes du nord de
l'Afrique et dans la Grim£e, et menagaient l'Etat d'ud
long d£chirement.
Au midi des ruines de {Baby lone et des lieux saints
visit£s par les pterins mahom&ans et persans , est
situ£, sur les rives de l'Euphrate, le village de Rourn-
ahiy£ , dans le voisinage duquel , & quatre lieues du
c6t6 de l'Est, se trouve un canal qui traverse les pays
compris entre TEupbrale et le Tigre, jusqu'k ce qu'en-
fin il se perde dans ce dernier fleuve. II se nomme te
canal de Diab ». A partir de Roumahiy6 , l'Euphrate
parcourt les districts de Khaled, deKisch6, de S6m6~
wat, de Beni-Malek, de Hask£, d'AordjiyS, jusqu'a
Kama ou il se jette dans le Tigre ; prenant ensuite le
nom de grand Schatt, it baigne les murs de Bassra et
se dirige vers legolfe Persique. Depuis trente ans envi-
ron, les digues qui resserraient l'embouchure de ce ca-
nal avaient 6t6 int6rieurement n£glig£es ; en sorte que,
fheque ittp&iale, n* 42& : la premiere est Scrite en langae torque et datee
da mois de schewwal 1112 (Mars 1701); one seconde, n« 8, torite en langM
arabe , est menacante poor le souverain de flfaroc et favorable aux AJge-
riens.
« Dans la carte de DantiOe de I'Enphrate et do Tigre, le Zabparatt cor-
respondrea ce que Macdonald Kinneir et Heade appellent le fleuve de Hye ;
il n'en est point parte dans les excellentes cartes de Lapie ounous avons a
regretter, comme dans celle de Macdonald Kioneir, beaucoup de defectuo-
sit6i;i1s eusMntmieux fait de s'en tenir a cellos deDanyilleet de Niebuhr,
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48 HISTOIRE
tout-a-coup lTuphrate fit upe violente irruption dans
le canal, et, submergeant tout le pays d'alehtour, le
transforma en un vaste marais, qu on appela Hor S6-
lam6 ; puis le fleuve regagna son ancien lit en se diri-
geant sur S6m6wat. Cette catastrophe ayant fait suspen-
dre le depart des caravanes de commerce et interrompu
la culture du pays, les habitans, incapables de payer les
imp6ts qui leur &aient demandes par le gouverneur,
abandonn£rent leurs villages et allferent chercher un
refuge dans les roseaux et daps les lies de cet im-
mense marais. Un certain Abbasoghli avail su profiter
de leur fuite , et s'etait empar6 des fermages de Rou-
mahiy6, de Kisch£, de Hask£, et de Beni-Malek et
m^rae de ceux du tombeau d'Ali , sans que les troupes
envpy&s contre lui h plusieurs reprises par les gou-
verneurs de Bagdad pussent les lui faire abandonner.
Aux environs de Bassra , le chef rebelle de la tribu
arabe de Mountefik, le fameux scheikh Maani, s'etait
approprte les revenus d'Aaradjiy6 et de S£m£wat;
un autre rebelle, Abbas Anouri, avait ravage le pays
compris entre l'Euphrate et le Tigre, les environs de
Kouds, de Sol bona, de Sib, d*Abad£, de Baschiy6, et
de Houriy6, et le chef de brigands Selman avait mis le
stege devant Nedjef *. Malgr6 le contours des troupes
envoy&s par les gouverneurs de Bassra pour 6touffer
la rebellion, ils n'avaient pu r6duire les chefs que nous
venons de nommer et qui comptaient sous leurs ordres
pr6s de cent mille Arabes. En outre, une arm6e de
» BUtoire de la Bibliothique de Berlin, n» 75, f. 170.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN, 4g
quarante mille Persans stationnait h Dorak, locality
situ^e & 1'ouest de Bassra, auxiliaires sur l'appui des-
quels comptaient, avec une £gale certitude, les rebelles
et le khan persan dp Bassra ; car, bien que jadis le
khan Feredjoullah eiit, pour enlever la ville de
Bassra au scheikh Maani, devenu son ennemi, en-
voy^ les clefs de cette ville a Constantinople parl'en-
tremise de Tavant- dernier ambassadeur persan, Ab-
oulmassoum-Khan, Bassra etait alors entre les mains
de Daoud-Khan , appele par le schali a succeder &
Feredjoullah dans le gouvernement de cette impor-
tante place fronliere. Pour apaiser cette dangereuse
r&volte, le nouveau gouverneur de Bagdad, Daltaban-
Moustafa , homme d'un caractere despotique, maisd'une
grande £nergie, reunit, sousses drapeaux, en sa quality
de serasker, les troupes du gouverneur du Diarbekr,
avec les contingens des begs kurdes de Palou, d'E-
ghil , de Tschermouk , de D]ebl6 , de Mehran , de
Khazou, dSDjezireh et d'Araadia ; les troupes feuda-
taires des gouveraeurs de Mossoul, -de Schehrzor,
de Siwas, d'Amassia, de Mer&sch, de Bir£djik et de
Karamanie ; les janissaires de Bagdad et les lewends,
dont il apaisa les mutineries par quelques dons en
argent. Les silihdars et les sipahis, enr61es volontai-
rement sous ses drapeaux dans le pays de Siwas et
de Tokat , regurent un supplement de solde : le sol-
dat, de cinq aspres, Tofficier (kiaya), de quinze, et
l'aga de vingt aspres par jour. Mohammed-Pascha
Aschdjizd6 , c*est-&-dire le fils du cuzsirrier. qui dans
la derntere guerre avait commande la flouille du
T. XJ1U 4
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So HISTOIRE
Danube , fit construire h Biredjik , avec des bois
tires des montagnes de Mer&sch, vingt tschaiques
dont le commandement fut -confix au nouveau gou-
verneur de Bassra , Ali-Pascha , frfere du gouver-
neur de Haleb. En outre, cinquante fregates, trente
radeaux portant quinze canons de gros calibre \
trente feuconneaux et quatre mor tiers partirent de
Bagdad. Le beglerbeg de Siwas, Moustafa-Pascha,
commanda l'avant-garde de l'armee sous les ordres
du serasker Moustafa-Daltaban. Vers la fin de Jan-
vier, les deux armees se rencontr^rent k Zouweita,
au-dessous de Roumahiye. Les Arabes furent vaincus,
et un troph£e de mille t6tes , ilevees en forme de
pyramide , temoigna de la cruaut6 des vainqueurs
{29 Janvier 1701 — 19 schfcban1H2) a . Les bruits
qui avaient transforme les quarante mille hommes de
Tarm^e ottomane en une arm£e de cent cinquante
mille hommes, avaient jete l'epouvante dans le camp
des Arabes et dans celui du scheikh ISfaani, ou se
trouvait alors le khan persanFeredjoullah, r£concili6
depuis quelque temps avec eux. Le scheikh rebetle
de la tribu arabe de Beni-Adam, Abdousch-schan, se
chargea de n^gocier leur paix avec Moustafa-Daltaban.
Pour hri prouver le d^sir sincere qu'avaient les re-
belles de faire leur soumission, il s'offrit k conduire
* Balyemez ; Raschid, I, p. 257, et YHistoire de la Bibliotheque de
Berlin, n° 75, p. 167, mentionnent seulement quatre gros canons; mais
tous deux parlent de neuf coulevrines , quatre cent vingt canons de bord
(kogousch), e.t trois cent vingt canons a mitraille (satschoma).
a Rascbid'I, p. 260; Voyages d f Otter, t. II, p. 206. Celui-ci parte
«utti, p. £1$, du marais de Haour.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 5t
1'armee ottomane h travers les marais et les ties jus-
qu a Bassra, et le khan Feredjoullah lui envoya des
lettres de Daoud, khan de Bassra, que son neveu avait
intercept&s. Korna se rendit d6s que l'arm£e otto*
maneparut devant ses portes (25 fevrier — 17 rama-
zan). Ali-Pascha, designe comme gouverneur de
Bassra, y fut Iaiss6 en garnison. Daoud-Khan, qui
stationnait avec ses troupes a Kourdelan, en face de
Mdkam-Ali, se retira d£s qu'il eut regu la nouvelle
de la prise de Korna, et le khan de Houweiz£, Fere-
djoullah, se presenta au camp ottoman pour faire s*
soumission. L'armee ottomane ne fut pas plus t6t arrivee
dans le voisinage de Bassra, que Moustafa Daltaban
regut les felicitations dujuge, du moufti, des seids et des
oul^mas venus & sa rencontre. Quelques jours apr&s,
Ali-Pascha fut solennellement install^ par Daltaban en
qualite de gouverneur de Bassra, et la campagne de
Diab, ainsinomm^edu canal de cenom, dont le d£bor-
dement avait &6 la cause premi&re de tous ces troubles,
se trouva d&s-lors heureusement terminee (1 mars —
30 ramazan). Mais, outre les quelques milliers d'A-
rabes dont les t&es avaient forme les trophies de
Zouweita , cette campagne cottta la vie au pascha
du Diarbekr, Mohammed - Pascha, surnomm6 La
Moustache, que Daltaban avait accus6 aupr&s de la
Porte , d'avoir favorise la mutinerie des janissaires.
Le pr£c£dent grand-6cuyer, Hasan le petit, fut charg6
d*apporter sa tfite h Constantinople '.
i Baschid, I, p. 158 et 150. L'Bistoire du Deflerdar, p. 391, parja
4*
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52 HISTOIRE
Avant et jusqu'k l'av&nement du troisi&me Koeprulii,
remiroul-hadj (conducteur de la caravane des pte-
rins pour la Mecque ) avait regu annuellement une
somme de vingt-trois mille vingt-neuf piastres, pr6-
lev£e sur le tr6sor de Damas pour 6tre distribute
aux tribus quihabitent les deserts situ£s entre l'Arabie
et la Syrie, les Beni-M&mour, les Wahidan, les Zamar,
les Ghaza et quelques autres. Depuis vingt ans, on
lie leur avait distribue annuellement que vingt mille
sept cent trente-quatre piastres ; et, tout r&emment;
ia somme au moyen laquelle la Porte achetait des
Arabes la stirete de la caravane des pelerins avait &6
£lev£e a cent onze mille piastres. Mais Tavarice dii
sch£rlff de la Mecque 1'avait port6 en dernier lieu k
en reduire le chiffre , aussi bien que le nombre de£
troupes chargees de Tescorte des caravanes (1699
— 1111).
Le dernier emiroul-hadj , Ahmed-Pascha , fils de
Salih-Pascha , qui, sans doute pour se plaindre de
cet acte arbitraire, s'etait rendu a Andrinople sans en
avoir obtenu la permission, avait ete decapite au mo-
ment de son arrivie, pour cette infraction a ses devoirs.
Son successeur fut Tancien ambassadeur en Perse, Mo-
hammed-Pascha, surnomm£ Abou-Kaouk, c'est-i-dire
le pire du turban. Sous sa conduite, la caravane fut
piI16e par les Arabes frustr^s de leur present annuel;
et Mohammed, depouille de sa dignite de pascha, fut
dc deux lettres adressges au gouverneur de Bassra, relatives a la surety
des routes de Bassra ; leur date est poster ieure de deux. au*. Insclta de
Rami, n« 459 et 4t>0.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. ' 55
exil6, pour sa negligence, dans sa raaison de campagne
d'Amassia. Levant -dernier emiroul-hadj, Hasan-
Pas cha, auquel on avait impute en partie le recent
pillage de la caravane, eut un sort plus deplorable
encore. II fut d'abord exile, puis d£capit£. De si
graves 6v£nemens firent qu'on apporta pour cette
ann£e (4 decern bre 1 701 — 3 redjeb 1113) et l'ann£e
suivante une grande exactitude dans le paiement de la
sourre, c'est-i-dire du present annuellement envoy6
par le Sultan aux pauvres de la Mecque. L'envoi de
qe present, exp^die de Constantinople, a lieu tous
les ans dans les premiers jours du mois de redjeb
$vec une grande solennit£. Le kizlaraga convoque un
diwan auquel assistent tous les conservateurs des mos-
quees imperiales, les inspecteurs des fondations pieu-
ses, le chef de la chambre des comptes et de la cham-
bre des ferniages de la Mecque et M6dine, lescham-
bellans, les nischandjis, le defterdar et le reis-efendi.
Gesfonctionnaires, apr^s avoir charge la sourre sur des
muiets, conduisent hors du serai le chameau magnifi-
quement enharnach£, qui la porte ensuite jusqu'aux
portes de Constantinople. Le reiis-efendi redige la lettre
ausch£rifde la Mecque, le defterdar dresse les registres
de la sourre, et le nischandji la marque au chiffre du
Sultan ; le tout forme dix registres qui sont places dans
des coffres avec le present. Le kizlaraga remet la sourre
au grand-^cuyer, qui , k son tour, la d&ivre a Temiroul-
hadj. Cinq cents pauvres sont, ce jour-lk, nourris aux
frais du Sultan, et le chameau sacr6 sort du serai, pr6-
ced£ par le corps des baltadjis. D'ordinaire, le present
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54 RJSTOIRE
s'£l&ve h soixante-cinq mille ducats qui sont distribu&
aux pauvres de la Mecque et de Medine ! . Le kizla-
raga , en sa quality de premier inspecteur de la source
et des fondations pieuses de la Mecque, percevait au-
trefois la sourre sur les revenus de ces dernieres, et en
conservait l'argent dans la charabre de l'inspecteur des
appartemensdu Sultan ou, jusqu'k son depart, il res-
tail enferm6 dans une caisse appetee haremein dolabi
( la caisse des deux sanetuaires, c'est-k-dire de M6-
dine et de la Mecque). Pendant la derntere campagne
de Candie, et tandis que la cour sljournait & Larissa, la
sourre &ait pr£lev£e sur les revenus des fondations
pieuses du Caire et de Djirdj£, et envoyie d'Alexandrie
k Constantinople. Depuis iors, la portion de cette
somme que renfermait la caisse des deux sanetuaires
ne s'&ait jamais 6\ev6e & plus de vingt-cinq mille pias-
tres payees par le tr£sor d'Egypte. Cette retribution
annuelle fut alors augments d'une somme de trois
mille trois cent piastres, que l'Egypte dut fournir £ga-
lement pour subvenir aux frais des fetes de la naissance
et de la mission du proph&e, nouvellement insti-
tutes par le Sultan. Dece moment, ces deux fetes fu rent
c£l£br£es annuellement, la premiere le 40 rebioul-
ewwel, la seconde dans la nuit du 17 ramazan, par la
lecture des traditions de Bokhora, et des deux cetebres
panlgyriques sur le proph&te, de la Borda et THem-
sriy6 , par de larges offrandes d'encens et des distri-
» Dans YInscha de Rami se trouvent deux lettres au beglerbeg de Damas
comme erairoul-hadj , relatives aux frais que n&essite l'entretien de la
caravane; elles sont datees du 23 djemazioul-ewwel 1114.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 55
butions dc sucreries, de caf<6 et de scherbet '. De
nouvelles expenses furent encore faites pour renou-
yeler la couverture de la Kaaba et pour encadrer k
neuf la pierre sainte ou se voient empreints les vestiges
du pied d' Abraham, et que Ton croit&re tomb£e da
ciel, ainsi que la pierre noire de la Kaaba. La vieille
ch&sse d'argent us^e et remplie de terre p&rie avec de
l'eau puisne a la sainte fontaine de Zemzem, fut ap-
port£e a Constantinople par le commissaire Ibrahim-
Efendi, a la grande joie du Sultan. La piet6 du Grand-
Seigneur n'&endit pas seulement son effet an sane-
tuaire de la Mecque; il institua encore en faveur de
de la mosqu^e de Ben Ommeya, k Damas, one fon-
dation pour quelle regftt annuellement on cierge de
camphre qui devait £tre plac£ pr6s du tombeau ou est
d£pos£e la tfite de saint Jean \
Le sandjak de Djidda, Souleiman-Pascha, arait &6
nomme tout r£cemment conducteur de la caravane;
mais la Porte ne tarda pas k le revoquer, en lui confe-
rant le simple litre de scheickh du sanctuaire de la
Mecque. Arslan-Pascha de Tripoli l en Syrie, fut
x Scherbet et non sorbet, comme l'ont traduit presque tous les peoples
de 1' Europe. La premiere lettre de XInscha de Rami, adrefseeaa sefcerif de la
Mecque, contient l'instruction pour la celebration de ces deux ffttes dans la
maison de la sultane Khadischa. Pour les details, voyez Raschid, I, p. 259.
2 Raschid , I , p. 200. Qaoique la tele de saint Jean ait ete transferee a
Constantinople par les empereurs d' Orient, et que plusieurs exemplaires en
aient ei6 distribues dans les difffcrentes cours de 1' Europe, comme le ra-
conte natveraent Coarsin, chancelier de l'ordre de Saint- Jean , les gardiens
du tombeau assurent qu'elle est encore a Damas.
3 Les lettres du grand-vizir, adressees a cet Arslan-Pascha, gouverneur
de Damas et emiroul-hadj, se trouvent dans YInscha de Rami, no 213f,
213,214,215.
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56 HIST01RE
d&igne pour lui succ^der dans la dignity d'emiroul-
hadj '. D'un autre cdl6, le scherif de la Mecque,
Saad , qui avait si long-temps administre les affaires
de la ville sainte avec le concours de son frire Ahmed,
se d&nit, vers cette epoque, de sa dignite en faveur de
son fits Said, que la Porte recoimut en qualite de
scherif. Quelque temps avant sa retraite, Saad avait
d£pouille de ses lettres de cr^ance et des pr£sens qu'il
portait a titre d'indemnit£ de route, 1'ambassadeur que
l'imam de T Yemen avait d£p£ch£ au Sultan, et que la
Porte avait renvoyed'Andrinople a la Mecque avec un
don de mill e piastres. Les troisautresscherifsde la Mec-
que, qui se trouvaient alors au Kaire, le scherif Ahmed
fils de Kkalil, le scherif Abdoullah fils deHaschim, et
le scherif Yahyafils deBerekiat, furentmandes par la
Porte & Constantinople. Les deux premiers &antmorts
peu de temps apres leur arriv£e , le troisi&ne obtint
la permission de retourner au Caire a . Ce fut ainsi que
les difficult^ relatives aux caravanes de p&erins, a la
sourre et au sanctuaire de la Mecque, se trouv&rent
momentan6ment r^glees.
En Egypte, le gouverneur Housein-Pascha avait et6
remplac£ par Kara Mohammed-Pascha, kiaya deson
> Raschid, I, p. 259, et YInscha de Rami, quatrieme lettre. Les vingt
premiers numeros de YInscha contiennent les lettres da grand-vizir au
scherif de la Mecque, Saad, et a son frere Ahmed ; elles sont relatives au
pillage de la caravane, a la conduite de la sourre, a la nouvelle de son hen-
reuse arrivee , etc. ; d'autres sont adressles au conducteur de la sourre ;
mais le nume>o 21 , qui est dans cette categorie, est date de trente an*
auparavant (1670—1081).
» Histoire tfigyptt, par le fils de Vousouf, f. 196 et 197.
P
DE L'EMPJRE OTTOMAN. 57
pr&l&esseur Ismail. Houseln-Pascha, toujours guer-
royant avec les tribus arabes de TEgypte sup£rieure,
que souvent il poursuivait jusque dans I 'Oasis, avail
fort mal administr6 la province. Des quarante mille
erdebs de bl6 que les gouverneurs &aient tenus d'en-
voyer chaque ann£e a la Mecque pour Ventretien des
pauvres de cette ville, il n'en avait livr£ que trente-
qualre mille : il &ait encore redevable au tr^sor de
neuf cent quarante -qualre bourses du tr&or £gyp-
tien , et d'une somme de douze mille huit cent
soixante-dix-neuf aspres aflfectee k la solde des trou-
pes et dont il les avait frustr£es. De plus, il avait dis-
pose d'avance, pour huit ans, des terres dont le re-
venu conslituait les Imolumens des paschas-gouver-
neurs et qui s'elevait k huit bourses et demiepar mois.
Le nouveau gouverneur regut 1'ordre de percevoir ces
arr6rages \ et pour lui faciliter le recouvrement des
revenus destines k l'entretien du gouverneur, un
khaltisch£rif imperial lui assura le gouvernement de
TEgypte pour cinq ann£es entires. Le precedent gou-
verneur Housein et son kiaya furent jet& dans les
deux prisons du Caire, ou on incarcerait ordinaire-
ment les gouverneurs destitu& et leurs agens. La pre-
miere de ces prisons s'appelait le koeschk d'Yousouf
> Dans Vlnscha de Rami, qui figure a la Bibliotheque imperiale, sous le
no 423 , se trouvent trois lettres du grand-vizir a ce gouverneur, sa voir :
no 204, 205 et 206, sur les arrearages das par le pascba de Djidda ; une qua-
trieme est adressle a ce dernier , n* 207 ; deux autres au gouverneur da
Caire, no 208 et 209 ; les lettres n° 382, 285 et 505, toutes de l'annto 1702
(1114), ont rapport aux fournitures. Enlin une derniere lettre se trouve dans
mon grand Inscha,
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58 HISTOIRE
(Kazsri Yousouf ) , en souvenir de la captivite de
Joseph sous Pharaon; la seconde est le kcesckk des
sueurs (Arak khan6), ou la Maison des tourmens,
dinsrnomm£e parce que les prisonniers n'en sortaient
que lorsqu'on leur avait extorqu6 tout leur argent, k
force de tortures. Kara Mohammed-Pascha, qui avait
&6 jet6 nagu&re dans FArak khan£, par Housein-
Pascha, successeur d'Ismail-Pascha , auquel il &ait
attache en qualite de kiaya, fit & la v£rit£ subir des
tourmens au kiaya de son pr^decesseur 1 , mais il se
eotnporta avec noblesse et g6n£rosit6 envers Houseln
hii-mfime; car, loin de se venger sur lui des souf-
frances qu'il avait endur&s dans l'Arak khane, il
fournit le bl6 dont ce dernier &ah d^biteur, et s'em-
ploya activement pour obtenir sa raise en liberte. Kara-
Mohammed quitta l'Egypte avec une reputation de
douceur et de magnanimity bien rare. II eleva le
tours des monnaies, d'aprSs lequel la piastre leg^re
(esedi, ou piastre au lion) valait, au lieu de quarante,
soixante aspres; la piastre forte ou noire (rial a), au
lieu de soixante, quatre-vingts aspres ; le ducat leger,
marqu6 au chiffre du Sultan (toughraK), au lieu de
cent, cent vingt aspres, et le ducat lourd, ducat k
chaines (yaldiiz) , au lieu de cent dix , cent trente
aspres. II fixa la valeur de la piastre 16g6re k cin-
quante-cinq aspres; celle de la piastre forte h soixante-
cinq; le ducat leger k cent aspres, et le ducat lourd
k cent quinze aspres. Sous son administration, arriva
■ HUtoire du fils d' Yousouf , f. 179.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 5g
en Egypte (mai 1 702 — silhidj£ 1113), le beg de Tri-
poli, Khalilbeg, qui, de concert avec le beg de Tunis,
Mourad, avait fait, a la t&e de quelques milliers d'hom-
mes , une tentative pour s'emparer d'Alger. Vainca
par les Algeriens , les habitans de Tripoli et ceux de
Tunis avaient refus6 de l'admettre dans leurs murs.
Apris son eloignement , la Porte parvint facilement
k r&ablir la paix entre les Etats barbaresques, et k
apaiser leurs differends.
En Asie , B6b6 Soulei'man , chef des Kurdes de
Schehrzor, avait lev6 l'etendard de la r£volte ; mais
defait , sous le gouvernement de Hasan -Pascha,
pred^cesseur de Daltaban , par les troupes du Diar-
bekr et de Haleb , il avait &6 fait prisonnier et d6-
capite avec dix-sept begs kurdes. II ne fut pas plus
difficile a la Porte de mettre fin aux violences que
deux chefs du nom d'Eyouboghli , le premier habitant
FAidin , le second k Denizli , exergaient en Asie-
Mineure. Eyouboghli d'Aidin , invito a un repas par le
percepteur des imp6ts d'Aidin , y fut traitreusement
assassin^. Eyouboghli de Denizli , contre lequel les
habitans avaient £lev£ des plaintes nombreuses , fort
de la protection du chef des &nirs , se rendit a Con*
stantinople, ou il osa. paraftre au diwan au milieu
m&ne de ses accusateurs. Les charges qui pesaient
sur le coupable d&ermin^rent le Sultan, present a la
stance, mais cach6 derriere la fenfitre grille de la salle
du diwan, h faire d^capiter sur-le-champ 1'audacieux
ay an de Denizli. Pour hater Textermination des bri-
gands turcomans et autres qui d&olaient TAsie-Mi-
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6o UISTOIRE
neure, plusieurs fermans adress£s aux beglerbegs de
Siwas et de Karamanie et aux sandjakbegs d'llghoun
et d'Akserai, leur enjoignirent de les poursuivre sans
rel&che '.
Les affaires de Crim£e , alors fort embrouiltees,
furent plus difficiles a r£gler. Selim-Ghirai, £lev6
pour la troisieme fois a la dignite de khan, avait
demand^ sa retraite en raison de son ftge et de ses
infirmites. Elle lui fut accord^e, et sa place fut
donn£e, sur sa demande, h son fils a!n6 1e kalgha
Dewlet-Ghirai ; un autre de ses fils, Schebaz-Ghirai,
fut npmrn^ kalgha. S61im-Ghirai se retira , avec une
pension annuelle de huit cent mille aspres, dans une
m&airie situee non loin de Siliwri, et Installation de
son fils, qui fut traits d'abord avec magnificence dans
le village de Giilbaba, eut lieu k Andrinople, avec le
ceremonial usit6 (95 mars 1699 — 3ramazan 1110).
Le kiaya (ministre de Tint£rieur) l'accompagna h son
depart, jusqu'a la distance d'une lieue, avec toute la
musique du serai. Outre le kalgha Schebaz-Ghirai, le
khan avait trois autres fibres : Ghazi-Ghirai , Seadet-
Ghirai et Kaplan-Ghirai. Les quality de Schebaz-
Ghirai, homme brave et spitftuel, qui avait dejk rendu
des services signals h la Porte, exciterent la jalousie
de son fr6re Dewlet-Ghirai qui, pour s'en defaire,
ne trouva pas de moyen plus expeditif et plus stir que
■ Dans VImcha de Rami se trouvent les fermans adressGs, n° 175, an
sandjakbeg d'Akserai ; n'° 176 , au beglerbeg de Siwas; n° 177 , au beg*
lerbeg de Karamanie et n° 479 , au sandjakbeg d'llghoun.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. «i
de rempoisonner 1 . Sonfrere, Ghazi-Ghiral , trem-
blant d6s-lors pour sa propre vie, crut devoir le prE-
venir ; il souleva les Noghais d' Anapa , k la t&e des-
quels il fit une incursion en Pologne et vint s'&ablir
en Bessarabie, dont les habitans lui jurerent fidelite et
refus&rent ob&ssance a son frfere. Fort de leur assen-
liment , Ghazi , dans une lettre adressee a la Potfe ,
demanda la dignity de khan pour lui, ou la reinstal-
lation de son pere S&im-Ghirai. Cependant les gou-
verneurs d'Oczakow et de KafFa, Yousouf et Mour-
teza-Pascha, march^rent avec le khan contreGhazi-
Ghirai. Celui-ci quitta Baghdj£serai et vint camper k
Kanlidjik, non loin deFerh-Kerman (14 Janvier 1701
— 4 sch&ban 1112). Mais les Noghais ayant et6 avertis
par leurs espions que le khan marchait sur Ak-Ker-
imann , les Mirzas , a part quelques-uns d'entre eux ,
se montrerent disposes k traiter avec lui. Apr£s quel-
ques negotiations, on passa une convention qui assu-
rait aux Noghais rentres dans Tobeissance la liberty
de sojourner en Bessarabie et en Moldavie, dans Vasile
dit de Khalil-Pascha, et l'abolition de la taxe fonctere.
En oulre, le khan s'obligea k ne pr&ever a tilre de
dime que le huiti&ne de leurs revenus, mats il ne r£-
duisait pas la taxe sur les moutons. Les tribus d'Ormit
etd'Orakobtinrent, en vertudecet arrangement, qu'il
leurserait donn£ un juge dont les Emoluments annuels,
fixes a mille piastres , seraient pergus sur le dixteme
de leurs revenus ; quant a la dime pour Fannie cou-
* Raschid, I, f. 256 HisloUre du Defter dor, f.385, Sebeuayar, f.
181.
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6? HISTOIHE
rante, le khan en fit remise moyennant qu'il lui fat
compte une somrae de huit cent mille aspres.
Cependant Kaplan-Ghirai &ait entr6 en campagne
contre les Tscherkesses, auxquelsil avait livre une ba-
taille sanglante a Djindjik , stege principal des Noghais
de la tribu Yedissan (fevrier1701 — ramazan 1112).
L'ictee de cette expedition lui avait &6 sugg6r6e par le
desir de se venger sur cette tribu de la conduite
qu'elle avait teniae envers son malheureux fr6re Sche-
baz-Ghirai, mort erapoisonn6. Sur ces entrefaites , le
khan et Seadet-Ghirai, son fr6re et son kalgha, rame-
n^rent en Crim^e huit cents families de Noghais etablies
en Bessarabie (juin 1701 — moharrem 1113). Quant k
■Ghazi - Ghirai, il s'etait r£fugi6 k Andrinople, d oii,
apres un emprisonnement de dix-huit jours, il fut en-
voy£ en exil dans Tile de Rhodes. La Crimee paraissant
.devoir 6tre enfin rendue a la tranquillity , le khan nomma
k la dignity denoureddin son cousin Inayet-Ghirai, fils
deSelamet-Ghirai, et a celle de beglerbeg d'Or, Men-
gK-Ghirafi. La Porte compta au khan, comme par le
pass£, Targent, dit des seghbans, s^levant k quarante
mille piastres, et quatre mille cinq cents au kalgha.
Le repos dont on s'&ait flatt£ n'etait qu apparent.
Kaplan-Ghirai et Hadji Merdan Ali , vizir du khan ,
tram&rent peu de temps apres une nouvelle conspi-
ration a Kaffa, Lorsque le kalgha Seadet-Ghirai arriva
pour se rendre maitre de leurs personnes , tous les
deux, pour se soustraire a sa puissance, s'&aient dtyk
fait inscrire sur les rdles de rarmee en quality de
simples janissaires; leurs nouveaux compagnons d'ar-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 63
mes refus&rent de les livrer et en firent une affaire
d'honneur, invoquant ce proverbe arabe : llfaut se
garder de dishonorer son dpie ; la mart est preferable
au dishonneur et au rnSpris >. Grftce a cette protection,
tous deux purent s'enfuir a Constantinople ; mais k
peine y furent-ils arrives , que Kaplan - Ghirai a fut
jete dans le ch&teau du Bosphore, et Merdan AU exile
dans rile de Lemnos. Dans le chateau du Bosphore se
trouvait aussi prisonnier Schirinbeg Ogtinour, accuse
d avoir commis des actes arbitraires en adminislrant
la justice. A quelque temps de la, le khan s'&ant plaint
k la Porte de ce que le sejour de son p6re& Siliwri,
dans le voisinage de la ca pi tale, occasionnait des bruits
inquietans, S£lim-Ghirai fut exite k Seres. Plus tard,
il obtinl la permission de se retirer a Funduklii prts
de Yanboli, ou son p6re Behadir-Ghirai avait autre-
fois habite. S£lim &ait alors &g6 de soixante-dix ana
et paralytique. Comme l'air de Fiindiiklu ne lui &ait
pas favorable, il se retira dans le village de Djaghir-
ghan, dans une metairie que poss&lait pr6cedem-
ment Seadet-Ghirai ; ce sejour ne lui convenant pas
davantage, il alia s'etablir dans les jardins d' Ahmed,
scheikh des derwiches Djelweti, qui, au pont de
Korghouna, non loin de Yanboli, avait fait construire
sur la Toundja une machine hydraulique destinee k
arroser trois jardins , et dont la roue a godets faisait
encore tourner un moulin. Mais le vieux Selim n'y
i En-nar we la el aar el meniyet we la ed~deniyet. Sebesseyar, f. 189.
* Sebesieyar, f. 190, dit a Rhodes, mais Raschid et VHistoirt de
Mohammed-Ghira'i disent le contraire.
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64 HISTOIRE
resta pas long-temps '. Esperant que sa sanl£ se rota-
blirait promptement sous l'influence d un air plus vif,
il se fit transporter a la source des Oiseaux dans les
Alpes, au-dessus d'lslemiy^, sur un chariot train£ par
cinquante buffles. Pendant son s£jour dans ces mon-
tagnes, le grand-vizir Housein Koeprulu lui envoya k
titre de don, k deux reprises diff&rentes, une somme
de mille ducats, et le Sultan y joignit un present sem-
blable avec une pelisse de zibeline. Dans sa r£ponse, le
vieux khan rendit gr&ce au Sultan pour ce temoignage
de sa haute bienveillance, mais il demanda, comme
une faveur plus grande encore, la mise en liberty de
son fils Kaplan-Ghirai, enferm£ au ch&teau du Bos-
phore, en disant que, si on la lui refusait, il ne restait
plus personne pour lui fermer les yeux. Sa prtere
fut exaucee ; S£lim quitta les Alpes et descendit au
village de Djouboukli, situ6 dans le district dlsle-
tniy£. Le jour suivant, il fit son entree dans Islemiyi
m£me, oii il fut accueilli avec les honneurs dus k son
rang par le juge , le scheikh et l'ayan. Apr6s avoir
parcouru, dans leur societe, la valine des roues k godets,
il revint en six heures vers la source des Oiseaux qui
jaillit au haut de la montaghe. Ce fut la que l'auteur
de Thistoire de Crim£e, le prince Mohammed-Ghirai,
vint le trouver et demeura quatre jours avec lui.
Selim quitta de nouveau la raontagne (29 aotit 1702
— 5 rebioul-akhir 1 1 1 4), et se rendit au village de Ki-
i Bistoire de Crimte sous les regnes d' Ahmed II et Mouslaft II par le
prim* MohamnMSd-Gbiral , f. 114.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 65
zildjikli dependant de Saghra ; puis il retoorna une
seconde fois a Fundiikli, sans avoir pu trouver aucun
adoucissement k sa maladie, et soit sous son in-
fluence , soit pouss£ par son esprit inquiet, il ne cessa
d'errer dans toute la contr^e.
Les troubles d^ Asie , d' Afrique et d'Europe, loin d'ar-
rfiter les niesures de r&brmes congues par le grand-
vizir Koepriilu, Tun des membres les plus dignes de
porter ce nom, n'avaient fait que le stimuler dans l'ex6-
cution de ses projets. II avait en effet r£solu de poursui-
vre sans rel&che et jusque dans leurs sources, les abus
qui rendaient imminente la ruihe de l'Empire ; de r&a-
blir Tordre et la discipline dans l'administration et dans
l'armee, et d'etendre ses sages r&brmes aux finances,
aux fondations pieuses, k la flotte, k l'arm£e, aux mu-
sulmans et aux chr&iens. Son premier acte de haute
politique administrative, apr6s la conclusion de la paix ,
avait &6 de rendre quelques ordonnances en faveur de
ces derniers. Le grand-vizir suivit k leur £gard les tra-
ces de son cousin Koepriilu, surnomm6 le vertueux,
qui, par la promulgation dun nouveau d£cret appel6
nizamidjedid, avait le premier apport£ quelque adou-
cissement k l'affreuse position des sujets Chretiens; il
avait vaincu ainsi les premiers obstacles qui s'op-
posaient k une r£forme gen&rale dans toutes les bran-
ches de Fadministration. Aussit6t apr&s la ratification
du traits de Carlowicz , les habitans Chretiens de la
Servie et du Banat furent exemptes de la capitation
pourTann^ecourante 1 . En Europe, les sujets chre-
* Rastbid I, f. 250. Histoire du Def(erdar t t 573. L'ordre aupascha de
T. XIII. 5
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66 HISTOIRE v *
tiens del'Empireobtinrent la remise de rarri£r£ de la
contribution de guerre, qui s^levaiti troiscentsoixante-
cinq bourses 1 , c'est-k-direkun million et demi d'as-
pres ; et les Syriens qui confessaient la religion chr£-
tienne fujrent exemptes , pendant la m&ne annle, de
l'impdt dfl pour les p&turages d'hiver\ A Bagdad, il fit
r£gler par le secretaire du tr6sor Diirri-Efendi les fer-
mages arrteres; le produit des mines de Maaden, dans
le paschalik d'Erzeroum, fut exclusivement affecte k la
fonte des monnaies ; il fut d£cid£ qu'il ne pourrait plus
&re vendu ni servir k alimenter la fonderie de canons.
Les mines d'argent de Sidri Kaisi, pres de Selanik,
depuis long-temps abandonees, furent explores de
nouveau; etcommeon avait k craindre, en raison du
voisinage de la mer, les descentes des corsaires, Koe-
prulu y envoya un d£tachement dequarante seghbans,
soldes a raison de quinze aspres par jour, pour d£-
fendre la palanque de bois construite pres du rivage.
En m6me temps, Koepriilii ordonna une r^vison s£-
v£re des rdles des janissaires et de ceux des tscha-
ouschs. Tous ceux d'entre les premiers qui n'&aient
pas inscrits sur les rdles, ou qui n'avaient pas fait le
service de guerre, furent ray& des registres. Quant k
Temeswar , se trouye dans YInscha de Rami, n<> 423 ( a la Bibliotheque
imperiale de Berlin , no 423 ).
i Raschid, I, f. 248, et le Deflerdar; ce dernier cite les lettresdes di verses
fournitures d'argent: Sourssat, Bedeli beldar, Bedeli fourun, Be deli
ordou, c'est-a-dire fournitures d'argent , argent de rachat pour les fours,
pourle camp, etc.
3 Lettres au pascha de Haleb, avec ordre de faire une remise du Kischlak
(droit pour le paturage d'hiver des bestiaui), dans les districts de Semaan,
Harim, Maararret Sermin, Djeboul. Kassir se trouve dans YlrUcha de Rami,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 67
la flotte, elle n'avait &6 Tobjet d'aucune innovation
depuis son organisation par Kilidj-Ali (Okhiali) , le
c&ibre kapitan-pascha de S61im II. Le grand- vizir
composa un nouveau kanounnam£ (code) qui r£gla
le rang des vaisseaux amiraux, savoir de la kapitana,
de la patrona et de la riala de m£me que l'avancement
de leurs capitaines, non-seulement d'apr£s leurs an-
n6es de service, mais encore d'apr&s la nature des ser-
vices qu'ils avaient rendus. Ce kanounnam£, public
sous le grand-amiralat de Mezzomorto, fat le pricur-
seur d un autre kanounnam£ concernant la flotte et
r arsenal, compost, cent ans plus tard, souslegrand-
amiralat du petit Housein, et durant le r£gne de S£-
lim III, et qui , en raison des details infinis dans les-
quels il entre , est consid£r£ comme un module de
legislation maritime par les Ottomans.
Le grand-vizir rendit en outre, surle rapport du
juge d'Andrinople, deux ordonnances relatives k ces
vieilles superstitions qui subsistent encore de nos jours
chez les Grecs, les Serviens et les Hongrois, k regard
des morls qui reparaissent au milieu des vivans. Ces
fantdmes imaginaires sont d£sign& en Orient sous le
nom de schemen. Le juge d'Andrinople avait rapport^
au grand-vizir que les Grecs, depuis des steel es, avaient
Thabitude de visiter le tombeau des revenans, afin de
voir s'ils avaient conserve Tapparence d'&re vivans,
auquel cas on leur pergait le nombril avec un pieu ;
s'ils sortaient encore de leurs tombeaux, on leur tran-
chait la tfite , et on la leur jetait aux pieds. Le grand-
vizir ordonna que le cadavre fat examine , quoique
5*
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68 HISTOIRE
le cas dont il s'agit ne concern&t pas an Grec, mais
bien un musulman. La seoonde ordonnance, adress£e
k un commissaire de police d'un quartier d'Andri-
nople, prescrivit k quatre matrones d'inspecter le torn-
beau d'une musulmane accus£e de magie, et dans
le cas ou on y apercevrait des traces de sorcellerie,
de mettre en ceuvre tous les moyens usit£s pour ren-
dre la paix aux habitans du quartier '.
Le z61e de Koeprulu pour le r&ablissement de l'or-
dre et de la discipline fut vivement second^, d'une
part, par le kapitan-pascha Mezzomorto; de l'autre,
par le moufli Feizoullah, et parson fils, le pr£cepteur
du prince. En eflfet, le moufti adressa k tous les juges
et mouftis des provinces de l'Empire des fermans par
lesquels il leur fut enjoint de veiller : 1° k ce que les
imams et les khatibs (recitateurs des prieres et pridi-
cateurs ) fussent parfaitement instruits dans les trois
points les plus importans de la religion , savoir : dans
les dogmes, dans la lecture du koran et dans les for-
mules sp£ciales de la pri&re; 2° a ce que les professeurs
superieurs (les muderris) , heriliers naturels de la di-
gnite du proph&e, s'appliquassent k la lecture et k la
commentation de la loi et des traditions, et se rendis-
sent familiers, selon l'expression d'Ebou-Daoud, avec
les trois premiers rudimens de la science, du koran,
de la sounna et des* devoirs qu'ils imposent a ; 3° k ce
i Dans le quartier Elhadj Sarrdf.
a El ilmou ieleselayetoun mouhkemetorm, wjsourmetounkctfmetoun,
wt faridhatoun, we ma tewa staliki houvo4 fadhloun : c'est-a-dire , la
science consiste en trois chose* i la cbnnaissance approfondte des yenfett
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 69
que les pr£dicateurs s'abstinssent de raconter des
anecdotes dans leurs sermons ; 4° & ce que les £coles
^lementaires fussent dirigees par des mattres habiles;
et 5° & ce que tous les musulmans eussent soin de
prier, de jeAner, d'aller en p£]erinage, de faire des
aum6nes aux pauvres, d'instruire leurs enfans dans la
connaissance du koran , et de contribuer k la con-
struction des mosqu£es et des £coles. En m&ne temps,
pour r^pandre Instruction religieuse fort n^gligfe
depuis long- temps, des scheikhs furent envoy ^s dans
la Roumilie, en quality de missionnaires '. Ibrahim-
Efendi, fils dumoufti, et pr^cepteur du prince Mah-
moud , pour faire revivre l'esprit de la sounna du pro -
ph&e, poussa m£me son zfele au point d'exercer, de
son propre mouvement , son jeune £l£ve h tirer de
Tare,
La premiere legon de lecture que regut le prince
fut ciUbrie par une f&e magnifique et avec tout le
ceremonial usit6 en pareille circonstance (10mai1701
— 9 silhidje 1 1 1 2). Le caf6 et les biscuits furent offerts
au grand-vizir, au moufti et au kizlaraga par les eu-
nuques blancs du serai, dans des tentes dress^es & cet
effet. On y vit paraftre les chambellans , les inspec-
leurs de la chancellerie, le defterdar, le reis-efendi,
lesg£n£raux des sipahis et des silihdars, les bostan-
djis-baschis et le grand-6cuyer, conduits et pr£ced&
du koran et de la. tradition, et l'exercice ponctuel de ses devoirs : savoir
davantage est du superflu. Histoire de la Bibliotheque de Berlin.
1 La lettre envoyee aa missionnaire de Bosnie se trouve dans I'lnscha
de Rami, sous les n« 418-421 , de meme que ceHe qui fut adressta au
pascha, et qui porte le n° 425,
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7 o HISTOIRE
par le grand-mar&hal de la cour el le grand-cham-
bellan. Le moufti et le grand -vizir alterent k la
rencontre du prince jusqu'k la tente imp&iale. Les
chefs des £mirs , le khodja du prince et les chape-
lains de la cour implriale saluferent son apparition
parde longues acclamations. Ce dernier, &g£ decinqans
et mont£ sur un cheval richement capara$onn£, fut
conduit k la tente du Sultan au milieu d'une pluie
de pieces d'argent que ses officiers jetaient au peuple.
lies premiers dignitaires du serai, le silihdar, le tscho-
kadar et le rikiabdar , c'est-&-dire les porteurs de
l'£p£e, du manteau et de l'&rier imperial, enfin le
khazinedar (tr&orier), et le kapouaga (premier maitre
d'h6tel du Sultan) vinrent rev&us de leurs pelisses
d'hermine et de leurs turbans, dont la forme 6tait une
invention du sultan Selim. Pendant la c£r&nonie, le
prince eut k sa droite le grand-vizir, k sa gauche le
moufti ; les directeurs des fondations pieuses et les
juges d'arm&occupaient des places sur le sopha, tan-
dis que le defterdar et le reis-efendi se tenaient debout.
L'ancien precepteur du Sultan, le moufti Feizoullah,
prit en cette occasion la place de son fils, precepteur
du prince , et fit r^peter au jeune Mahmoud les pre-
miers mots du Koran qui commence ainsi : « Au nom
» du Dieu bienfaisant et mis&ricordieux , Seigneur !
» facilite-nous Taccomplissement de notre devoir, et
» ne le rends point trop p£nible. Seigneur! fais que
» nous puissions nous en acquilter avec bonheur * ! »
i Bismillah-errahman er-rahim, rebbe yessir, we la touassir rebbe*
ternm im bilkhair. Hittoire de la Bibliothique de Berlin , f. 150.
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^le '
DE L'EMPIUE OTTOMAN. 71
A11 nombre des monumens Aleves par le grand-
vizir Koeprulu, il ne fautpas seulementmentionner les
edifices clout il fit les frais, entreautres une ecole de lec-
ture et une acad^mie construites h Constantinople dans
le March£ des Selliers , et non loin de son tombeau ;
les mosqu£es de Gradiska, de Lepanto, d'Andrinople,
et de Constantinople, de nombreuses ecoles, et la r&-
paration de l'aqueduc qui conduit les eaux du bassin
deseaux doucesdans la capitale, etdont les dipenses
s'elev£rent h cinquante bourses ; l'&ablissement de cinq
fontaines, la construction de plusieurs bassins a jets
d'eau dans l'academie de Taschlik a Andrinople, de
dix fontaines a Merzifoun, la reconstruction des abat-
toirs hors des murs d'Andrinople, et quelques autres
fondations dictees par sa sollicitude pour Futility pu-
blique. II fit construire encore, raais aux frais du tr&or,
quelques monumens dont l'utilit£ ne fut pas moim
r£elle. II fit restaureyr un pont a l'entr^e du March4
des Selliers, k Andrinople, moyennant une somme de
quarante-cinq bourses 1 . Larodme sommefut employee
au r&ablissement d'un canal en mines qui conduit
l'eau du Nil h Alexandrie. Les nouvelles casernes des
janissaires &ant devenues la proie des flammes \cp§
du dernier incendie de Constantinople , Koeprulu ea
fit Clever d'assez spacieqs^s pour loger swiante-div
huit compagnies de janissaires; les frais de c$Me coor
struction atteignirent deux cent douse bourses , dont
1 VHistoire de la Bibliotheque de Berlin ,no 75, f. 176, donne le
chronagramme rim6 fait a cette occasion. Voyez aussi VHistoire du Def*
terdar , f. 392, et Rascbid.
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7 * HISTOIUE
cent furent payees par le grand-vizir et Ies autres
ministres : Ies agas et les officiers des janissaires con-
tribu£rent pour quarante autres bourses, et le tr£sor
public en fournit soixante-douze. Les forteresses fron-
fibres de l'Empire, Belgrade, Temeswar et Nissa
furent mises de nouveau en 6tat de defense : mais k
Nissa , un ingenieur renegat d£passa de beaucoup la
somme de trois cent soixante mille quatre cent trente-
cinq piastres qui lui avait &6 allou£e, en y &ablissant,
de sa propre volonte et sans autorisation aucune, des
fosses et des bastions. Gnq mille piastres furent affec-
t^es k la reconstruction du magasin de poudre d'Oc-
zakow, d&ruit par la foudre, et k la reparation des
dommages causes par ce sinistra. D est k regretter que
Koeprulu nait pas eu une liberie pleine et entifere dans
l'administration des affaires, et que sa mort ait suivi
de si prAs sa retraite du minist&re, ou il n'&ait rest£
que cinq ans.
Ceux qui enchafn£rent la toute puissance adminis-
trative de Kceprulii furent le moufti et le kizlaraga.
A la mort du kapitan-pascha Mezzomorto ', le kiaya
du grand-vizir , k Tinsu de son mattre et sans son
assentiment , mit tottr^ticeuvre pour se faire confe-
rer la dignity de vizir, et r il fut soutenu dans ses pre-
tentions par le moufti et le nouveau kapitan-pascha.
Koepriilu, irrit£ de cette conduite, destitua le kiaya, et
lui donna pour successeur un de ses anciens cliens
Hasanaga. Mais, bient6t, il regut du Sultan l'ordre de
> Mwzomorto mourut une annate aprti.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 7 3
renvoyer le nouveau kiaya : toutefois et comme com-
pensation k sa disgrace, Hasanaga fut nomm6 au gou-
vernemeht de Schehrzor. Le kaimakam de Constan-
tinople fut destitu£ , parce qu'un navire avait failli
sombrer au moment ou on le langa k la mer ; il fut
envoy 6 k Canee, dont il regut le commandement.
Enfin le tschaousch-baschi Moustafaaga, autre protege
de Koepriilu, fut Igalement r^voqui. Mais aucun de
ces avant-coureurs d'une disgr&ce complete et pro-
chaine n'afQigea le coeur de Koepriilii autant que r exe-
cution de son neveu, le grand-6cuyer Kiblelizad£ Ali-
beg. Elle n'eut pas pour motif, comme le raconte
faussement l'historien Cantemir ', le secret gard£ par
Kiblelizade Alibeg sur ietat veritable des armees
ottomanes pr6s des frontteres de l'empire russe , car
ce secret, ordonri^, dit-il,par le grand- vizir, n'aurait
pas manque d'etre signal^ par les historiens nationaux
comme un crime de haute trahison. Ce motif fut tout
autre, le r6cit de l'historiographe de TEmpire en fait
foi. Alibeg fut execute , parce qu'il £tait accus£ par le
kizlaraga d' a voir commis un crime de 16se-majest£ ,
ou plutdt d'avoir profan£ le harem imperial. « II p£rit,
» pour nous servir de l'expression de Raschid, parce
» qu'il avait voue un attachement secret a Tune des
» souveraines gard^es dans la chambre du tr£sor de la
i Cantemir, L. IV, p. 95-98. VHistoire de la BiUiotheque de Berlin
attribue la mort de Koepruliizadg a une espece de tables chronologiques
qu'il aurait apportees et dans lesquelles aurait 616 pr6dite ia decheance du
Sultan et la destitution du grand-vizir et du moufti, circonstanoe que l'his-
torien dit 6tre parvenue a la cojmaissance du Grand- Seigneur*
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7 4 mSTOIRE
» Chastet6 '.» Ainsi ce ne fat ni an acte consomm6,
ni an amour partag6, ni nn rendez-vous donn£; mais
un amour intime, mais un culte pieux pour Tune des
sultanes ou Tune des esclaves du harem imperial,
que Ton qualifia de crime de 16ze-majest£, et qui valut
au malheureux amant la couronne du martyre. Le
chagrin que le grand-vizir ressentit de la triste fin de
son neveu , et une maladie incurable qui pendant six
semaines l'avait d£j& retenu dans son lit, le d&ermi-
n£rent & demanderau Sultan la permission de quitter
les affaires, demande qui lui fut accord 6e sur-le-champ,
avec le droit de jouir de tous ses biens et de choisir
le lieu de sa retraite (5 septembre 1 702 — 12 rebioul-
akhir 1114). En se retirant, Koepriiliifit present au
Sultan de soixante de ses meilleurs coursiers , et de
tous ses joyaux *. II se retira ensuite k Andrinople,
dans son palais, construit sur la colline de Boutschou-
kdep£, et, quelques jours aprfes, il alia se fixer dans
sa metairie pr6s de Siliwri , ou il mourut au bout
de trois semaines , pendant l'£quinoxe d'automne
(22 septembre 1 702— 29 rebioul-akhir 1114), C'&ait
un homme g6n£reux, magnanime , grand politique ,
ami des sciences , qui , apr& son oncle Mohammed
Koepriilii-le-Cruel, et ses cousins, Ahmed-le-Politique
et Moustafa-le-Vertueux , m£rita h juste titre le sur-
i Cantemir, L. IV, p. 98, se trompe encore lorsqu'il affirme qa'apres
avoir et6 destitue il avait 6t6 envoyC en eiil.
a Cest done une grave erreurjorsque Paul Lucas, dans son premier
voyage a Constantinople , p. 594 , dit : c On lui 6ta plus de soixante che-
vaui et pour plus de cent bourses de pierreries.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 7 5
nom de Sage. Malheureasement, il resta trop pea
de temps sur le theatre ou l'avaient placi ses hautes
qualites , bien capables de retarder* sinon de pre-
venir tout-k-fait, la decadence de l'Empire, et d'ou
jl disparut comme un m&&>re, apr£s avoir donn6
les plus hautes esp£rances. Trois mois avant sa mort
(1 3 juin — 17 moharrem) , il avait envoye h Naima-
Efendi, qui venait d'adresser a la Porte les premiers
chapitres de sonhistoireottomane, commence & l'an
mil de l'h6gire, une bourse d'or avec le dipldme d'his-
toriographe ; il lui avait de plus allou£ un traitement
journalier de cent vingt aspres (un ducat) k prelever
sur les revenus de la douane. Les fastes de la n6cro-
logie mentionnent encore, dans la m£me annee, la mort
d'un astronome c&ibre, lescheikh Ahmed-d&16[i],
auteur d'une histoire universelle et de plusieurs au-
tres ouvrages * ; de Rodosizad£-Efendi , traducteur
en langue turque des biographies d Ibn Khallikan ,
deNisami, un des mouderris, et des cinq de l'histoire
naturelle de Kazwini , et auteur de plusieurs com-
mentaires sur quatre kassid£s du po&e persan Ourfi a ,
et enfin des deux pontes Katib 3 et Emri 4 ; ce dernier
i Ces ouvrages sont : la continuation des gloses marginaies de Seaded-
dinzade 1 au betdhawi; une traduction arabe du commentaire du traits
persan d'Ossam sur les allegories ayant pour titre : Ghayetoul-beyan; but
des explications; un commentaire arabe a YEthigue d'Adhadi; une his-
toire universelle dont Mouradjea d'Ohsson a tir6 un grand parti ; plusieurs
traites sur la geom&rie, I'astronomie, la m6decine et la musique ; quelques
poesies connues sous son nom de poete, Aaschik (l'amoureux). Voyez les
biographies des le'gistes par Schelkhi, la 1367 m «.
* IWdlal331«"».
3 Biographie de Safayi la 343*?«. ~ 4 Ibidh. 14"'.
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76 HISTOIRE
nous a laiss£ un ouvrage intitule Trisor de Vart ipis-
tolaire 1 . L'annle pr£c£dente avait aussi vu mourir le
scheikh mystique Nazmi Mohammed, qui a traduit en
langue turque le premier Iivre du Mesnewi, et 6crit sur
les sept mots sacr^s des derwisches un livre intitute:
Lapierre de touche des rigles de I'ordre* . Sept savans
mentionn£s dans les biographies des pontes &aient
morts dans cette m£me ann£e : parmi eux etait le
moufti Debbaghzad£ 3 Mohammed. Une mortality plus
grandeencoreavaiteulieu parmi les po£tes,dansl'ann£e
ou le grand- vizir Housein Koepralu conclut le traite de
Carlowicz, carles biographies et les anthologies de ce
temps ne mentionnent pas moins de douze poetes
morts k cette ipoque *.
Le sceau imperial fut remis, d'aprfes le conseil du
moufti Feizoullah , k Moustafa Daltaban-Pascha , Ser-
vien sauvage, ne sachant ni lire ni Icrire, et dont la
cruaute s'&ait r&vetee lorsque , pendant sa campagne
k Bassra, il (it elever des pyramides de t&es arabes.
L'esprit grossier dont il avail egaleroent fait preuve
en ref usant de se conformer k la lettre pleine de sages
avis que lui ayait £crite alors le grand-vizir Hou-
» Kenzoul-lnscha.
> Mayaret-Tarikat. Biographie de Schetkhi la 1565 m «.
3 DansScheikhi , no 1512; Rifki, no 1248; Riza, no 1579; Wehbi,
n* 1592; Bahri, no 1576 et Djouddi, no 1508.
4 Emini, dans Safayi , qo 15, Riza, ibid no 108 ; Rasikh, ibid, no 111,
Feizi, le moufti EbousaYdzadg . no 505 et tyns Scheikhi. no 1275; fetni,
dans Safayi; no Fassih, ibid, n° 511 ; Kaschif , ibid 542 , Maanewi, ibid ,
n° 578; Nassouhi, ibid 417 ; Rezmi, dans les biographies de poetes de
Salim, no ii0,Scherf, ibid, no* 160; Rifki, ibid no 622.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN- 77
Koeprulu, s'&ait pen modifi£ '. En recevant le khatti-
sch^rif de sa nomination, le nouveau grand-vizir se
mit aussitdt en marche poor gagner la residence du
Saltan. lie sixteme jour a apr&sla retraite de Koeprulu,
il arriva pr&s de Scutari, dans le jardin dit du Pro-
montoire, appel£ aussi le jardin du Phare. \A, le
chef de la douane et le kiaya de son pr£d6cesseur vin-
rent k sa rencontre, porteurs de riches pr£sens, et
le kaimakam de Constantinople, Yousouf-Pascha, lui
donna un magnifique repas. Le jour suivant, il arriva,
sans mettre le pied dans la capitale de F Empire , au
jardin de Floria, situ£ pr6s de S. Stephano, sur la
rive europ&nne du Bosphore, et de la il continuasa
route vers Andrinople (21 septembre 1 702 — 28 re-
bioul-akhir 1114). Le defterdar, le reis-efendi, le
tschaousch-baschi vinrent au devant de lui jusqu'k
Hafssa, pour le complimenter sur son heureuse ar-
riv6e ; dans leur suite, figurait l'auteur anonyme de
Thistoirequi est d6pos6e k la bibliotheque de Berlin,
histoire d'autant plus pr^cieuse que F&rivain a &6
le t&noin oculaire des £v£nemens qu'il raconte. lis
accompagnerent le grand-vizir jusqu a Koull&ikoei ,
et , trois jours apr£s, ils all6rent passer la nuit a une
lieue d' Andrinople , dans le village dlskenderiy^
1 Cette lettre se trouve dans V Histoire de la Bibliotheque de Berlin,
f. 206.
a Cantemir se trompe done lorsqu'41 assure, (L. IV, p. 90) que la place
de grand-vizir 6tait restee vacante pendant quarante jours. Raschid, I,
p. 264 et {'Histoire de la Bibliotheque de Berlin, f. 183, ainsi que Paul
Lucas , p. 505 , sont unanimes sur cette date.
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7 8 HISTOIflE
(25 septembre — 3 djemazioul-ewwel) , oii , & gan-
che de la fontaine de r Archer, avaient &6 dressles
leurs tentes, et oil le grand-vizir fut traits par le
reis-efendi. LA, il fut salu6 par les trois premiers agas
de rarmee , savoir ceux des janissaires , des sipahis
et des silihdars, par le fils du moufti, par l'imam du
Saltan et le kaimakam d'Andrinople, le vizir Hasan,
gendre da Sultan. A une demi-lieue au-dela d'lsken-
deriy6, ses coureurs farent revfitus d'habits de velours
et le reste de sa suite de v£temens de drap fin ; enfin
les tschaouschs vinrent r6gler l'ordre de la marche.
Une demi-lieue plus loin, on vit paraitre le grand-
chambellan et les vizirs ; les juges d'arm£e et les sei-
gneurs du diwan l'attendirent k Tendroit oik il devait
prendre son repas. Le kaimakam chevauchait k cdte
du grand-vizir, lorsque le cortege arriva devant la
tente du moufti, ce dernier et l'inspecteur des £mirs
vinrent k la rencontre du nouveau dignitaire jusqu'&
l'extr^mit^ du tapis de la tente. Daltaban descendit
de cheval , non sur la pierre dressee k cet effet ,
mais au hasard et en plein air ; il baisa la main du
moufti , et pressa dans la sienne celle du nakib. Aprds
le repas et les c£r£moniesusit£es, od tous les assistans
furent rev6tus de pelisses d'honneur , le grand- vizir
et le moufti monterent k cheval suivis du nakib , du
kaimakam, du nischandji, etdes seigneurs du diwan;
on remarquait que ces derniers n'etaientpas coifKsde
leurs turbans, comme l'avait present le c£r&nonial f .
Hors de la ville 6laient ranges, sur deux haies, les
i L'auteur teYfflsloire qui se trouvea la BMothfcque de Berlin , dit
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 79
janissaires et leurs officiers coiflKs de leurs bonnets
de gala, qui l'attendaient pour le complimenter et led
servir d'escorte jusqu'au serai. Ce fut dans le koeschk
des f&es publiques que le grand-vizir regtit, des mains
du Sultan, le sceau de l'Empire (5 djemazioul-ewwel
— 27 septembre). Le grand- vizir et lemoufti, revfitus
de pelisses d'honneur, seretir&rent; le premier entra
dans la salle du diwan, ou les officiers de l'&at-major
des divers corps de l*arm£e vinrent lui baiser la main
et le f&lititer sup son 616vation. Le moufti et le na-
kib regurent en present des ballots de schalls faits
des &offes les plus pr^cieuses ; le kaimakam et le
nischandji furent rev&us de pelisses de zibeline et d'6-
toffe d'or; lejuge d'arm^e d'une pelisse d'honneur,
doublee de drap; le deflerdar, le tschaousch-baschi
et le reis-efendi de kaftans magnifiques. Apres toutes
ces ceremonies, auxquelles on attachait encore, h cette
^poque , une haute importance , la premtere me-
sure administrative du grand -vizir fut d'ordonner
Temprisonnement du kiaya, du tr^sorier et du gendre
de son pr^decesseur , pour obtenir d'eux 1'aveu des
richesses qu'ils poss£daient. Sur la recommandation
du moufti, le chef du corps des bouchers, KaraMah-
moud et l'imam du moufti, Pirizade, furent d£sign&
par le grand-vizir, le premier, pour remplacer pro-
visoirement son kiaya, reste en arrtere avec le gros des
bagages, le second, pour 6tre imam du grand- vizir. Le
que deux fois il ayait assists a l'entree dans Constantinople de deux
grands- vizirs, et que, dans ces deux circonstances, on avait negligg ce point
important du ceremonial.
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80 HISTOIRE
Sultan, la favorite Khadisch6 et la Walid£ envoyirent
au grand-vizir des pelisses de zibeline brod£es d'or,
un poignard garni de piprreries et un cheval richement
harnach£; en retour, Daltaban-Pascha donnait an
porteur de ces pr&ens, le silihdar AH deTschorli,
mille ducats, et a chacun des deux pages des cham-
bres int£rieures qui l'accompagnaient , une bourse
d'or avec un cheval sell6 et brid& Le grand-vizir
revfilit aussi d'une pelisse de zibeline le pr£cepteur
du jeune prince, le fils du tout-puissant moufti, qui
&ait venu le complimenter sur son Ovation , et le
barbier du Sultan qui lui avait apport£ la joyeuse
nouvelle que la tfite du prince Mahmoud venait d'&re
ras£e pour la premifere fois. Quelques jours apr&s , le
grand-vizir eut Fhonneur de traiter le Sultan dans
son palais; et, pour luitemoigner sa reconnaissance,
il lui offrit en present un poignard garni de pierreries,
uneceinture, une pelisse magnifique, un cheval, plu-
sieurs ballots d'&offes et cinq bourses de monnaies
nouvellement frapp&s. Pour reconnaitre dignement
ces offres, le Sultan lui envoya de nouvelles pelisses
de zibeline. Cettef&e, assure Paul Lucas, co&ta au
grand-vizir vingt mille ducats. D'autres pr&ens furent
distribues par lui, lors de sa visite aux ^curies impe-
riales: le grand-^cuyer lui ayant amen£ un cheval
richement harnach^, Daltaban lui envoya en ^change
un cheval de race , dix kaftans de velours pour ses
piqueurs, et cinq cents piastres pour les palefreniers
(1 er schewwal 1114 — 18 tevrier 1703). EnHn le
chef des baltadjis boucl£s, c'est-Ji-dire des eunuques
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DE L'EMPIUE OTTOMAN. 81
blancs, qui, le premier, avait apport£ an grand-
vizir la nouvelle de la naissance du prince Ahmed ,
regut un present de cent ducats, outre de riches
gtoffes et des pieces de drap (in; Aliaga, confident du
Sultan, qui lui avait remis les lettres de notification re-
latives k la naissance du prince, et que les tschaouschs
avaient salu£ de longs vivats, regut huit cents ducats,
un cheval et une pelisse. Douze jours apres (2 mars
1703—13 schewwal 1114), quand le Sultan donna un ,
halwet, c'est-&-dire une collation compos£e de sucre-
ries , le grand-vizir lui envoya un magnifique cheval
de selle , une bourse enttere et un paquet de fleurs
avec une lettre ou, suivant l'usage , il le felicitait au
sujet du retour de la belle saison. Ce retour du prin-
temps dut 6tre d'autant plus agitable au Sultan que,
comme son p£re, le sultan defunt Mohammed, Mous-
tafa aimait passionnement la chasse ef qu'il parcourait
sans cesse les campagnes situ£es entre Andrinople et
Constantinople. Aussi le grand-vizir prit-il grand soin
d'etablir des magasins de vivres, au moins pour trois
semaines, k Tschorli, k Bourgas et k Karischduran.
Quelques jours aprfes son installation , Daltaban *
rendit une ordonnance relative aux v&emens des Chre-
tiens, des juifs et des femmes musulmanes. Defense
fut faite aux chr&iens et aux juifs de porter a l'avenir
des pantoufles jaunes , des kalpaks de drap rouge , ou
ornes de galons suivant la mode tatare; enfin il leur
i VHistoire de Crimee, par le prince Mohammed-Gbiralf , f . 115, le
d&igne sous le nom de Sirbol-assl (te Servien grossier).
T. XIII. 6
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83 HISTOIRE
ful ordonn6 de ne se couvrir les pieds et la tfite qne de
drap et de cuir noirs. Le drogman du trattre v^nitien
qui avait livr6 Karaboussa aux Turcs et auquel depuis
lors la Porte payait une pension, regut le premier la
bastonnade, pour avoir com mis une infraction a cette
ordonnance , en continuant k porter des pantoufles
jaunes. Quant aux femmes, qui, dans ces derniers
temps, au lieu de porter de larges et amples v&emens
en portaient d'etroits pourmontrer Telegance de leurs
formes, et se couvraient le visage de voiles en mous-
seline legfere, pour le laisser entrevoir/ elles durent
reprendre les anciens vfitemens larges et flottans, et se
couvrir la face de voiles 6pais couronn& d'un ban-
deau noir (6 novembre 1 703) '. D'un autre c6t£, les
vizirs et les autres seigneurs du diwan, qui jusqu'alors
avaient paru dans les c£r&nonies avec leurs mou-
djewwez^s ou turbans de forme cylindrique, obtin-
rent la permission de porter le kallawi, c'est-i-dire le
turban de forme pyramidale . orn6 dans sa base de
bandesd'or, qui jusque-lk avaient &6 I'attribut parti-
culier du grand-vizir II permit aussi au kaimakam et
au nischandji-pascha de porter dans le diwan, comme
lui-m6me, une pelisse de zibeline double de satin,
■ HUtoire du Defterdar, 403, Hisioire de la Bibliotheque de Berlin,
f. 191, et Paul Lucas, p. 4J4. « Le sixieme, on publiait une ordonnance
par laquelle on defendait aux femmes turques de porter des tarpouches ,
( de longs bonnets rouges syriens ) ; elle leur ordonnait de mettre un
bandeau noir sur le front et une guimpe qui descendit sur le nez, et de ne
porter merne que des vestes fort larges, afin que leur derriere ne parut
point 9
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. " 83
et en dessous un kaftan de satin de Nikdeh. Le grand-
vizir prit d'autres mesures plus utiles que cette ordon-
nance somptuaire. II faut ranger dans le nombre la
defense de transporter des armes hors des provinces
de l'Empire ; le contr61e etabli sur les registres des
tschaouschs et des wakfs ou biens religieux; le rfigle-
merit des tarifs de la douane, et le paiement regulier
de la solde des troupes [»]. Quelques tschaiques
qui, au m£pris de la prohibition, avaient trans-
pose des boulets et des bombes sur les c6tes de la
Mer-Noire, furent confisquees, et le gouverneur du
chateau du Bosphore fut destitu£. Enfin, pour mieux
faire respecter l'ordonnance du grand-vizir, vingt-six
canons et vingt fauconneaux furent envoy^s dans les
chateaux du Bosphore pour contraindre les contreve-
nans a amener ou pour les couler a fond. Un abus grave
appelait encore une reforme : le nombre des tscha-
ouschs, sold&s employes k la Porte, s'elait peu & peu
elevejusqu'k mille, et cependant cinquanle seulement
faisaient un service actif dans le serai. Le tschaousch-
baschi , sur Tordre du grand-vizir, fut invite k noter
tous ceux qui n'£taient pas portes sur les listes ou qui
ne faisaient pas de service actif, et a les rayer des con-
tr6les. L'administration des biens religieux conferes
aux mosquees par le Sultan Souleiman-le-LegisIateur,
appartient au grand-vizir. Daltaban-Pascha, dans un
rapport au Sultan, fit observer que, dans les derniers
temps, une mauvaise administration avait caus6 la
diminution des revenus de ces biens*, qu'il en avait
compart les produits avec ceux des autres 6po-
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84 HISTOIRE
ques menlionn^s dans les registres conserves aux ar-
chives de la Mecque et de Medine: que dfes-lors,
pour obvier a ce delabrement des biens religieux , il
fallait laisser aux cinquante fonctionnaires nduvelle-.
ment cr6es leurs &nolumens journaliers de trente-six
aspres, leur vie durant, k la condition qu'apr&s leur
mort, les deux tiers de leurs revenus rentrassent dans
lacaisse duwakf;qu'en outre, pour les grandes repa-
rations des Edifices , aucune depense ne devait 6tre
faite sans le consentement prealable de linspecteur
des wakfs et des inspecteurs des constructions publi-
ques et hydrauliques.
Cependant le grand-vizir poursuivait le cours de
ses vengeances. II envoyait au kiaya de son pr^deces-
seur Hasan-Pascha , gouverneur de Schehrzor, * une
sentence de mort que le chambellan Bairamaga &ait
charg<5 d'executer. Mais Hasan , se defiant de Bai-
ramaga, qu'il savait avoir souvent &6 employ^ a de
pareilles missions, le fit Wrangler avec le cordon m&me
qui lui &ait destin6 , et envoya sa t&e a Andrinople;
puis il s'enfuit dans le lieu oii on devait moins soup-
conner sa presence, a Constantinople m&ne ; il s'y te-
nait cach6 dans son propre harem, qu'il avait du lais-
ser dans la capitale , lorsqu'il regut l'ordre de partir
pour le gouvernement de Schehrzor. Sa t&e fut ce-
pendant proscrite par le grand-vizir, et on lui donna
depuis lors le surnom dejirart, c'est-a-dire le fuyard.
Vers la m&ne ^poque, le patriarche armenien,
Aviettis, persecutaitsescompatriotescatholiques, et il
en fit jeter plusieurs dans les cachots. L'arbitraire de
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DE L'EMPIRE OTTOMAN, 85
sa conduite le fit mander de Constantinople k Andri-
nople, ou le grand-vizir, le voyant entrer dans son
appartement , s'^cria avec Taccent de la colore :
« Chi en, ne sais-tu pas que le Sultan seul a le droit de
» mettre ses sujets en prison ? * N^coutant que sa
fureur, il le fit jeter lui-m£me dans un cachot, mais
il le rel&cha presque aussit6t, sur l'intercession du
moufti. Toutefois, commeil lui fallait des victimes,
il fit enchatner quatre des plus riches catholiques
armenienssur le banc des gaieres. Une eclipse de lune,
qui apparut vers le m£me temps, sembla aux Arm£-
niens le presage de cette persecution. lis etaient encore
assez superstitieux pour ne voir dans ce ph£nom£ne
qu'un effet demagie, dont ils esp£raient d&ourner les
effets desastreux par le bruit discordant de chaudrons
et de poeles frapp£s les uns contre les autres, comme
autrefois les Romains esp^raient pr^venir les sinistres
presages par les eclipses, par le son des cors et des
trompettes '.
Les jesuites , qui avaient regu du patriarche Supi
la permission de prficher en langue turque dans les
iglisesarmeniennes, soulev^rent de nouveau, vers cette
£poque,l'indignation des Arm^niens non catholiques 3 .
Les wertabiet^s de ces derniers, et le mltropolitain
Ephraiin k leur tfite, se rendirent k Andrinople, pour
porter plainte contre les catholiques et le patriarche
lui-m£me. « Qu'est-ce que les catholiques? » de-
i Tacit, ann. 1,28.
a La Motraye, I, p. 299 , parte du mtmoire publie* a cette occasion par
les jesuites en faveur des Armeniens catholiques*
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86
ITISTOIKE
maqda le kiaya, ministre de Tinterieur, aux plaignans
qui comparurent devant lui ; « Ne sont-ce pas des
» infid£Ies? » Ephraim ayant r^pondu affirmative-
ment , le kiaya reprit : « Peu importe qu'un pour-
» ceau soitblanc ou noir; ce n'en est pas moins un
» pourceau, et la sublime Porte ne fait pas de distinc-
» tion entre un arm£nien, un catholique, et un chr£-
» tien schismatique. » Malgr6 cette r£ponse ironique,
qui peut donner une id6e de la tolerance musulmane,
Ephraim parvint k faire destituer le patriarche Supi,
dont le successeur, Avidick, bien que gagn6 par Tor
des j&uites , et bien qu'il etit promis sa protection
aux catholiques, commenga son administration par
lancer sur eux les foudres de 1'excommunication , et
les poursuivre de tout son pouvoir. Le college des
j&uites k Erzeroum, oil trois cents jeunes Armeniens
avaient &e convertis k la foi catholique, fut ferme, et
les j£suites, forces de se disperser, se refugterent, les
uns en Perse, les autres a Constantinople. Ce qui nui-
sait surtout aux catholiques dans l'esprit des musul-
mans, c'&ait, outre les j&uites, ce grand nombre de
ren^gats frangais qui se convertissaient alors k la foi
musulmane; entre autres, un abb£ qui, pour bias-,
phemer le Christ devant le grand-vizir , avait foul6
aux pieds la sainte hostie. Le grand- vizir n'avait t£-
moign£ pour lui ni m6pris ni ironie, mais il avait froi-
dement ordonn£ qu'on proc£d&t k la circoncision du
neophyte musulman.
LemouftiFeizoullah, auquel Daltaban-Pascha de-
vaitson elevation a la premiere dignity de Vempire, et
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. £<j
qui ne le trouvait ni assez souple ni assez docile k en-
trer dans ses vues, crut presque aussitfr devoir ren-
forcer son parti au moyen d'une alliance "avec le reis-
efendi Rami, auquel il fit accorder la dignity de vizir
(1 er sch&ban 1 1 U — 21 d^cembre 1 702) ' . Le Sultan
lui donna pour successeur Abdi, fils dun scheikh des
Khalwetis. Les fonctions de kaimakam furent d£fer£es
a Koeprulu Abdoullah-Pascha, fils du grand-\izir
Moustafa Koeprulii-le-Vertueux, mortala balaille de
Slankamen ; celles de niscbandji echurent au savant
sty lisle persan Eboubekr de Schirwan.Son successeur
dans 1'emploi de rouznamedji fut 1'ancien defterdar
Mouhsinzad£ Mohammed. Une autre place £tait deve-
nue vacante par la mort du savant juge d'arm£e Ewlia
Mohammed, quil ne faut pas confondre avec Ewlia
1'ancien, qui eut lui-m6me pour 616ve> Ewlia, le c£16-
bre voyageur ottoman. Vers lemdme temps, mourut,
a l'&ge de quatre-vingt-cinq ans, une femme pieuse et
savante, surnommee Oummetoul-djebbar, c'est-k-dire
la mere du souverain dominateur de 1'univers, epouse
du celibre predicateur Wani, et belle-m£redu moufti
Feizoullah. Elle etait si vers£e dans le Koran etdans la
tradition, qu'elle soutenait avec son epoux et son gen*
dre des discussions theologiques ; si pieuse, qu'elle se
lev ait cinq fois dans la nuit pour faire ses pr teres, et
qu'elle achevait en cinq jours la lecture integrate du
Koran. Le moufti, le grand- vizir, le nakib, les juges
« Raschid, I , f. 269. Le dipldme se troure en entier daos YHittoire de
Fauieur auouyme, a la biblioiheque de Berlin.
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88 HISTOIRE
d'arm£e, et les grands oulemas suivirent ses de-
pouilles mortelles, qui furent ensevelies ci Andrinople,
dans le porche de la mosquee de Taschlik. Peu de
temps apres, mourut aussi, en prison, le scheikh
Manevvi, fils de Karabasch Ali, si c£16bre sous le sul-
tan Ahmed I er : sa mort naturelle pr^vint une exe-
cution qu'il avait merilee en assassinant sa femme.
Mais tandis que ces illustres personnages mouraient
autour de lui, des ev£nemens dune importance bien
plus grande, survenus en Crimle. attiraient toute Inat-
tention du grand-vizir, et contribu&rent k preparer sA
chute. Daltaban voulait la guerre , et bien qu'il ettt
t6moign£ des intentions tr6s-pacifiques k l'ambassadeur
russe, arriv£ k Constantinople peu de jour? apr&s son
elevation, il ne songeait qu'k augmenter les moyens
de defense sur les frontiferes de TEmpire du c6te de la
Russie. II faisait b&tir k rentr^e du d&roit de Kertsch,
k lapointe m6me du promontoire d'Akindi-bourouni,
ou du Courant, un ch&teau~fort dont les meurtrteres,
disposes de mantere k ce que les boulets pussent raser
la surface de l'eau, devaient fermer Tentr^e du canal
aux vaisseaux russes. Pour h&ter cette construction, il
fit venir de Samakow le fer dont on avait besoin ; la
Moldavie et la Valachie furent mises en requisition
pour Tenvoi de magons et de charpentiers : les bois
de construction furent tires de Tscherkassie et de Si-
nope; Constantinople fournit le reste des mat&iaux 1 .
« Raschid, I, f. 266. Histoire du Defterdar , f. 402. UHistoire de
Rami-Paschacontient, sous les n°» 155, 172, 227, 300 a 204, 552, 553, 565,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 89
D'un autre c6t£, le khan de Crim6e, Dewlet-Ghirai,
qui ne songeait qu'i recommencer le plus t6t possible
ses incursions en Pologne et en Russie, avait plusieurs
fois dejk envoye a la Porte des rapports sur les grands
armemens que faisait la Russie. Presque toujours ces
nouvelles &aient controuv&s. Tout-k-coup, le kalgha
Seadet-Ghirai parut en Bessarabie avec un corps de
Tatares. En entrant dans cette province, il donna avis
k YousOuf-Pascha , gouverneur d'Oczakow, de la
construction de plusieurs forteresses et del'armement
dune flotte par les Russes l . L'ambassadeur du Czar,
interpelle a ce sujet dans la ville d'Andrinople, r^pondit
que le fort £lev6 pour contenir dans lob&ssance les
cosaques de Potkal, 6tait situ£ & plus de quarante
lieues de Perekop ; que son souverain n'avait pas plus
de douze vaisseaux de guerre dans la mer d'Azof , et
qu'il ^tait dispose d'ailleurs a les vendre au Sultan.
Cette declaration determina la deposition du khan de
Crimee. La Porte lui donna pour successeur son p&re,
Selim-Ghirai, vieillard goutteux, qui ainsi se trouvait,
pour la quatri&ne fois, appete h la dignity de khan
(6 sch&ban 1 1 1 4— S6decembre 1 702). Daltaban vou-
lut, en cette circonstance, se montrer reconnaissant
envers le vieux Selim, qui, en le faisant nommer aga
des janissaires, avait jadis et^ le premier instrument
de sa grande fortune. Ce dernier fut conduit a Andri-
les decrets relatifs a cette construction; yoyez aussi Eistoire de la Biblio-
theque de Berlin , f. 224.
1 Les assertions mensongeres du khan sont de>oil6es dans YHistoire du
prince Hohammed-GhiraY , f. 114.
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90 HISTOIRE
nople dans une voiture de la cour, et le grand-vizir
l'installa dans sa dignite en lui remettant, avecle c6-
rlmonial usite, une kapanitscha (pelisse d'Etat). un
sorgoutsch (panache de h£ron), un kalpak, un car-
quois et un arc, avec un sabre garni de pierres fines.
II regut en outre, a titre de present d'installation, une
somme de deux mille ducats. Son. plus jeune fils,
Kaplan-Ghirai, f ut nomm£ noureddin, et son troisi&me
fils, Ghazi-Ghirai, kalgha. Mais le khan depos£, Dew-
let-Ghirai, refusa de se soumettre aux decisions de la
Porte, et envoya son frere Seadet-Ghirai contre Ak-
kerman et Ismail , que Yousouf-Pascha defendait contre
lui et contre les Noghais soulev£s. Le Sultan d£p£cha
au secours de Yousouf dix regimens de janissajres et
quinze cents lewends, et ordonna une lev£e en masse
dans les pays situes a u- del a du Balkan, dans les pa-
schaliks de Silistra et de Nicopolis ; en marine temps, le
beglerbeg de Roumilie, avec les levies de Valona,
Del vino, Akhrida, Ilbessan, Yanina et Scutari, etle
pascha de Selanik, furent invites a voler au secours
du gouverneur d'Oczakow. On ne n^gligea pas non
plus d'adresser des lettres pressanles a Dewlet-Ghirai
pour l'engager k faire sa souraission.
Cependant, si on redoutait a Constantinople une in-
cursion des Tatares Noghais, on tremblait k Tid£e
d'une nouvelle guerre contre l'Autriche et la Russie ;
car le bruit s'&ait g£n£ralement repandu que les gran-
des levies de troupes ordonn&s dans TEmpire n'au-
raient pas tant pour mission de reduire a l'ob&ssance
les Tatares Noghais et ceux de Crim^e, que de mar-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 91
cher sur les frontteres contre les deux puissances limi-
trophes les plus formidables, TAllemagne et laRussie.
Ces bruits &aient du reste fond£s. Daltaban Moustafa-
Pascha disait a qui voulait Tentendre : « Nous n'avons
» pas a nous plaindre des Tatares, nous sommes d'ac-
» cord avec eux ; » puis il racontait k ses intimes qu'il
avait eu un songe, dans lequel il s'&ait vu conquerant
d'Ofen, et les personnes de sa suite repetaient haute-
ment: « Notre pascha fera la guerre, et fixera la vic-
» toire dans nos rangs.» Toutefois, ses projets belli-
queux renconlrferent une vive opposition dans la per-
sonne du moufti, qui refusait de les sanctionner par
un fetwa , et dans Rami-Pascha , celui-la mfime qui
avait conclu la paix de Carlowicz avec Skarlatzad6
Maurocordato. Pour lever cet obstacle, Daltaban ne
trouva pas de meilleur expedient que de faire empoi-
sonner le moufti dans une f&e qu'il voulait donoer c .
Mais ce projet ayant et6 r6v&6 par le kiaya Ibra-
him, le moufti se tint sur ses gardes ; il profita du
temps qu'il avait devant lui pour se liguer avec Rami
et Maurocordato contre celui dans lequel ils avaient
appris a reconrvaitre Ieur ennemi commun; et tous
trois le peignirent au Sultan comme un empoisonneur ,
et l'instigateur principal de la nouvelle guerre dont
on parlait. Daltaban-Pascha s'etait aliens depuis quel-
que temps Tesprit du Sultan. Si la violence de son
caract&re et sa grossterete, jointes k la proposition <T6-
« Canterair, L. IV, p. 106 et 107 et d'accord avec tai YHistoire da
prince Mohammed-GhiraK , f. 119.
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9 2 HISTOIRE
lever aux premiers emplois plasieurs de ses creatures
qui etaient incapables de les remplir, avaient indispos6
le Sultan contre son grand- vizir, Jes humiliations qu'il
avait fait subir au'moufti et au silihdar toutes les fois que
Foccasion s'en &ait presentee, avaient fait naitre dans
leur &me une haine qui n'attendait qu'une occasion
pour se faire jour. Elle s'offrit dans le meurtre projet6
par Daltaban-Pascha. Seid Feizoullah, Rami et Mau-
rocordato, repr£sent£rent au Sultan que la tranquillity
ne pourrait 6tre retablie en Crim^e tant que Daltaban
tiendrait les rfines du gouvernement. Leur assertion
parut d'autant mieux fondle, que les rebel les, Dewlet
et Seadet-jGrhirai, pour tromper leurs partisans, avaient
fait courir le bruit que le grand- vizir agissait de con-
cert avec eux. A la suite de cet entretien, Moustafa II
fit inviter le grand- vizir k se rendre au serai; en m£me
temps, unordre secret enjoignit a Rami de se trans-
porter au palais de Daltaban, ou on lui dit qu'il venait
de sortir pour se rendre aupr&s du Sultan. Au retour
du messager que Rami avait envoy6 au serai, celui*ci
lui remit le sceau de l'empire que Moustafa avait re-
demanded Daltaban-Pascha (§4 Janvier 1703 — 6 ra-
mazan 1114). Imm£diatement apr£s , ce dernier fut
emprisonn£ dans l'appartement du bourreau , situe
entre les deux portes du serai, et au bout de trois
jours, il paya de sa t&e un pouvoir qu'il n'avait
exerc6 que pendant quatre mois.
Rami Mohammed-Pascha, le plus ferme soutien du
parti de la paix , en se chargeant de la direction su-
preme des affaires publiques^ s'occupa avant tout de
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 9 5
r&ablir Tordre k l'intfriear et de maintenir la tran-
quillity k l'ext^rieur. La rebellion des Tartares No-
ghais cessa a la premiere nouvelle de sa nomination,
et des bruits exag£r& le representerent lui-m£me
comme devant se mettre k la t£te de dix mille janis-
saires et de cinq mille volontaires pour punir les re-
belles. Le khan prudent, le kalgha Dewlet-Ghirai et
Seadet-Ghirai s'enfuirent vers le Kouban oA ils trou-
v^rent un refuge chez les Tscherkesses ". Yousouf-
Pascha d'Oczakow fondit avec ses troupes sur les
Noghais; pendant les trois mois qu'il passa sur leur
territoire,il sevit contre eux avec cruaut6, leurimposa
une contribution de six cents bourses d'argent et obli-
gea chaque famille k lui fournir dix kilos de froment,
dix kilos d'orge et un boeuf. Non content de cette
mesure, il installa une commission compose du juge,
du molla et du moufti de Babataghi , des juges de
Kilia , dlsmail et d' Ak-Kerman dans le but de faire
restituer aux proprietaires tous les biens que lesTatares
avaient piltes et d£ vastus aux environs de Tomorova,
dlsmail et de Kilia \ D6s que la tranquillity fut retablie
parmi les Tatares, le nouveau grand-vizir songea k
reduire les habitans de Mingrelie et du Gouriel qui,
revolts depuis plusieurs ann^es, refusaient tout impot,
» Histoire de la Bibliotheque de Berlin , f. 215. Histoire du prince
Mohammed-Ghirai, f. 118. Lorsque ce dernier gcrivit son histoire, Dewlet-
Ghirai se trouvait dans la Karwarta, Raschid I , f. 272 ; Stbe&seyar.
a Raschid I , f. 272. VInscha de Rami eontient un grand nombre da
lettres du grand-vizir au khan SeUim-GhiraK et au gouverneur d'Oczakow,
relatives aux troubles en Grim&.
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9 4 HISTOIRE
et k punir les Abazes qui , apr£s avoir piI16 les cara-
vanes r£duisaient a 1'^tat d'esclavage les marchands
dont elles se composaient. Cinquante-sept ans s'etaient
£coules depuis la derntere campagne que, sous le regne
d'Ibrahim 1", sept paschas avaient faiteen Mingr61ie;
Koes6 Khalil-Pascha d'Erzeroum , se mit en marche
avec plusieurs paschas et un grand nombre de begs
pour attaquer les rebelles de trois c6tes differens, en
partant de Trabezoun, de Tschildir et d'Erzeroum *.
Qnq annees s'&aient passees depuis le traits de
paix de Carlowicz, sans que la delimitation des fron-
tteres fut d^finitivement regime avec TAutriche, Venise,
la Pologne et la Russie. De grandes difficult^ s'£-
taient 61ev6es k ce sujet , surtout vis-k-vis de T Au-
triche. Trois rjiois aprfes la signature du traits, on avait
redig6 un acte pr£liminaire a , dont l'objet &ait de fixer
i Raschid, I, f. 273 ,et VHistoire de la Bibliotheque de Berlin, se com-
petent l'un l'autre dans remuneration des troupes commandoes pour
cette expedition : I. Sous les ordres du serasker , qui attaquait de Gonia et
de Batoum , se trouvaient le beglerbeg de Trabezoun , le sandjakbeg de
Karahissarscherki , le.beg de Gonia; 5 regimens de janissaires, 200
djebedjis, 100 canonniers, 50 toparabadjis, 2 galeres, 40 galiotes. — II. Du
c6t6 du Tschildir, attaquait le beglerbeg du Tschildir avec les janissaires
d'Ahhiska( Ahhalzik) , 300 gttoullus, les garnisons des ch&teaux -forts
d'Azazour, de Kbartwis et d'Ardenoudj , les sandjakbegs de Schouschad,
Olti , Levant, Bertekrek, Ardehan , Petek , Makhdjil, Postschou, Soulla,
Aschterg, Altounkalaa, Akhkeiek, ( Akhalkalak ), Keskim et Iladjrek ;
le beglerbeg de Karss avec les fusiliers de Karss , de Ketschwan , de
Mefrird , et de Kaghzeman ; les sandjakbegs de Sarschad et de Koul6. —
III. Duc6t6 d'Erzeroum, se trouvaient Ichelonnes le kiaya du gouverneur ,
avec les sandjakbegs de Pasin, Khounis, Medjn6kerd, Melazkerd, Kozdjan,
Tekman , Scbelwe, Kot , Keifi, Mamrewan , Bayezid, Aleschkerd.
* Du 23 avril 1700.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 9 5
les limites respectives ; l'annde suivante , on signa
Facte general de delimitation ', puis les r£glemens
s£par£s relatifs k la frontiere de Syrmie *, a cellesde
Bosnie et de Croatie 3 , de Transylvanie et du Banat 4 .
Ce fut alors seulement que la Porte r£gla ddfinitive-
ment avec Venise la question des limites, en ratifiant
un traits par lequel Novi fut proclame ville frontifere 5 .
Marsigli, fondateur de llnstitut de Pologne 6 , pr£sida
a la conclusion de cette affaire aussi tongue qu'em-
brouill£e, et au soin de laquelle la Porte avait commis
Ibrahim- Pascha , qui, a sonretour de son ambassade
extraordinaire a Vienne, avait &6 nomm6 gouverneur
de Temeswar. A son depart de Constantinople, le
comteGEttingen, ambassadeur d'Autriche, avait laisse
dans cette capita le, en quality de president imperial,
le secretaire de legation Talman ; celui-ci obtint de la
> Du 5 mars 1701. — » Du 12 mai 1699. — 3 Du 25 juillet 1700 , dans
le rapport detail^ de 1'ambassade, p. 93 , et dans la publication du traite*
conclu pres de Brod , concernant la delimitation de la frontiere en-dega du
Danube, le 18 aout 1700 ; a la biliotheque de Munich.
4 Du 2 decembre 1700.
s Instrumenlo limitaneo della evacuazione del lerritorio di Novi e
cessione di esso insieme col casteUo dal name alia Porta Oltomana,
WAgosto 1703.
6 La lettre du grand- vizir Rami a l'ambassadeur anglais Sulton, pour le
remercier de sa mediation dans cette affaire, se trouve dans YInscha de
Rami, n» 45; le no 89 contient une lettre du grand- vizir au pascha de Bel-
grade, datee 1700, et relative a la demolition des tschardaks a 1' embou-
chure de laDrina, dans la Save. Dans mon Inscha se trouvent n°» 1 95 ,
196 et 197 , les lettres du grand-vizir au gouverneur de Temeswar, dans
leslmelles le general se plaint de la grossierete de Marsgili et invite le
pascha a s'entendre avec Ibrahim-Pascha , de^retour de son ambassade
a Vienne , sur la delimitation des fronlieres.
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9 6 H1ST01RE
Porte non-seulement l'eloignement de Toekoeli du
lerritoire de Transylyanie, mais m&ne de Constanti-
nople, et son exil dans une ferme situee aux environs
de Nicom£die. La delimitation des frontieres de Ve-
nise avait &e accomplie en mdme temps que celle des
frontieres de Tempire d'AIlemagne l . Quant k celle
des frontteres polonaises, elle ne fut terming qu'au
mois d'octobre1703, et lorsqu Auguste , appele par
les historiens ottomans briseur dejer a cheval, eut
envoye a la Porte Tarchitr^sorier de la couronne f
Raphael de Wieniawa Lesczynski, pere du roi de ce
nom , et qu'il eut ii6 reconnu par elle en quality de roi de
Pologne 2 : II avait annonc£ son election par l'entre-
mise du ch&telain de Halicz, Pierre de Wieniawa Bro-
nicz. Deux conventions pr£c6d6rent la signature defi-
nitive de l'acte qui r£gla les limites entre la Russie et
la Porte 3 .Dans la premiere, datee du mois d'octobre
1704, le commissaire russe Oukraintzow et Moham-
med -Efendi d^ciderent que la fronttere des deux
empires serait marquee par la rivi&re de Suliva ; dans
la seconde, portant la date du 22 octobre 1705, on
indiqua comme limite invariable a Test le cours du
Dnieper. Les instructions regues par les deux com-
missaires avaient donne lieu h une correspondance
i VInscha de Rami , donne plusieurs lettres du grand-vizir au gouver-
neur de Bosnie , relatives a la delimitation des frontieres de Venise. Voyez
n°» 152, 155 , 154 , 211 , 239, 240.
a L'acte de delimitation envoys par le baron de Thugut , est date 1 du
4 octobre 1775. Raschid, I, f. 255.
* Elle est datee du 22 octobre HOd. Voyez Martens.
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DE I/EMPIRK OTTOMAN. 91
trfcs-active entre le khan, Ie gouverneur d'Oczakow
et Mohammed-Efendi '.
Rami, qui, k 1'instar de ravant-dernier grand- vizir,
Amoudjazade Housein Koepriilu , ^tait p£n&r£ de la
necessity d'une reforme administrative et qui d&s sa
jeunesse avait &1& employ^ dans plusieurs branches
de Fadministration int^rieure , voua a Texecution de
ce projet toute son activity. II songea d'abord k affer-
mir TautoritS des commandans des forteresses-fron-
fibres situ^es k Vest et k l'ouest de Tempire. A cet effet,
il envoya au gouverneur de Bagdad a trois cent cin-
quante bourses d'argent destinies k entretenir un
corps nombreux de milices (lewends) contre les tri-
bus arabes rebelles ; k Widinet k Temeswar, il trans-
forma les biens de la couronne, possedes jusqu'alors
par les grands- vizirs, en odjaliks ou biens her^ditaires
pour les sujets. Cette mesure eut le double avantage
d 'assurer un paiement plus regulier aux troupes , dont
la solde fut prelev^e sur les imp6ts de ces terres, et
d'augmenter le nombre des habitans du Banat de Te-
meswar, que les demises guerres avaient singuliere-
ment depeupte ; aussi eut-il la satisfaction de voir s'y
fixer plus de huit mille sujets, dans Tannee m&ne de
la publication de cet £dit. Une autre ordonnance eut
x Dansl'/tucAa de Rami, se trouvent les lettres au gouverneur d'Adjou,
au gouverneur d'Or-akow et au Khan ; mon Inscha contient une plakfte
contre les Cosaque* de Potkal et plusieurs lettres au gouverneur d'Ocxakow.
a Les lettres au gouverneur de Bagdad, relatives a radministration du
pays se trouvent , dans i'lnscha de Rami , sous les no* 23, 24, 55 , 69 ,
70 , 162 ; d'autres, n<»127 , 157 , 657 , adress&s au gouverneur de l'fcgy-
pte , sont relatives a l'approvlsidnneinent de~to Metfque.
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g8 HISTOIRE
pour objet la solde de seize mille hommes de* troupes
deBosnie, s'elevant k quatre millions d'aspres (trente-
trois mille trois cent soixante-trois piastres)', et qu'il
convertit en odjalik, c'est-Ji-dire, qu'au lieu de char-
ger le tr£sor du paiement de cette somme, i\ ordonna
au gouverneur de Bosnie de la pr£!ever sur Jes biens
que la couronne possedait dans cette province a . II
d£cida en m&ne temps que la solde des garnisons de
.Belgrade et des palanques voisines, se montant k deux
cent soixante-trois mille piastres pour dix mille hom-
mes et plus, serait prelevee sur les fermages des villes
environnantes 3 . Afin de r£gler les d^penses et les
revenus*de la flotte, Rami-Pascha appela k Andri-
nople le kapitan-pascha et 1'intendant de I'arsenal ; un
grand nombre de droits ^ventuels , qui jusqaalors
avaient &e consid6r£s comme le benefice des em-
ployes, furent adjug£s au tr£sor *. Les prix exager&
i VHistoire de laBiblwthequt de Berlin dit expressement la piastre
compile a 180 aspres.
a Savoir : des fermages de Bosnie. 15,466,695 piastres.
De la douane de Raguse. 1,315,750
DeladouanedeSawa,SawaIPalaweIrout 2,528,84s
De la capitation de Bosnie. 12,095,848
De la regie des fermages d'Ouskoob. 9,409,550
Total. 40,814,689 piastres.
3 Bibliotheque de Berlin, f. 225. Lagarnisonde Belgrade 561 Ohommes,
a?ec la soWe journaliere de 66,473 aspres; dans les palanques, 5041 hommes,
arec 62,456 aspres. Ges sommes, designees comme odjalik , fore at pre-
leyees sur la douane et la capitation de Belgrade , stir le fermage des
ifrtpots sur les moutons dePorits-cha , Nisch, Schehrkoel et Semendra, sur
la capitation des Bobemiens de Rahova et Nicopolis.
4 ftaschid, I , f. 247 , VInscha de Rami, n* 164, contient une lettre <jui
determine les stations de la flotte.
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 99
des marchands de pelleteries, qui, dans les der-
niers temps, vendaient quinze cents piastres tme pe-
Hsse de zibeline, et la fourrure d'hermine cinquante
et m£me cent piastres, tandis qu'ils l'achetaient vingt
piastres , furent regies par un tarif qui flxa en m£me
temps leprix des fourrnres dune moindre valeur [111].
La police d' Andrinople occupa egalement Inattention du
nouveau grand-vizir. En m£me temps qn'un 6dit fut
rendu contre les filles publiques de cette capitate , des
ordres furent donnas pour {'amelioration du systeme
employ^ pour sonapprovisionnement d'eau au moyen
d'aqneducs* Ce fut 1'aga des janissaires et le bostandjt-
baschi , que le grand- vizir cbargea de dresser la liste de
tontesles femmes de mauvatse vie et de les faire con-
duire sous escorte k Rodosto et a Malgfaara. Une autre
ordonnance exila k Andrinople tous les soldats cteser-
teurs de l'ligypte. Pendant son r&gne, Souleiman-Ie-
L6gislateur avait fait amener k Andrinople les eaux
de Saroukhanli, dont la source, situ£e k cinq lieues de
la ville, fournissait k Constantinople une masse d'eau de
trente-six pipes par jour. Depuis, les habitans s'&aient
sou vent plaints du manque d'eau, circonstance due en
partie au dilabrement de l'aqueduc et en partie &l'avi-
dit£ des porteurs d'eau, qui en livraient en abondance
aux grands au detriment des moins ais&. Afin de re-
m&Ker k cet inconvenient, Rami-Pascha, accompa-
gne du defterdar et du bostandji-baschi, se rendit k
Saroukhanli oii il fit ^valuer par des architectes la
depensequ'entrainerait la reparation de l'aqueduc etil
assigna pour cet objet une somnie de huit mille pas-
f
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loo HISTOIRE
tres. En outre, il fit conduire dans la ville fes eaax
de l'Youndja , source qui jaillit de terre dans le voi-
sinage du serai de Khizrlik. Rami paraissait s'occuper
de ces details avec une certaine predilection , et il y
apporta d'autant plus de zfcle qu'il etait Iui-m£me fils
d'un niveleur du faubourg d'Eyoub k Constantinople,
et que, dans sa premiere jeunesse, il avait exerc£ cette
profession. II veilla avec le m£me soin au r£tablisse-
ment de la mosqu^e de Yanboli, entterement n£glig£e
depuis nombre d'ann£es ; des juifs et des Chretiens
avaient adoss£ leurs maisons k ses murs, et la ou
Ton voyait autrefois le maitre - autel , on n'aper-
cevait plus que des herbes et le feuillage de quel-
ques arbrisseaux. Rami ordonna de d&nolir les mai-
sons des infid&es qui profanaient les murs du sane-
tuaire, et il le rendit en peu de temps au eulte de l'isla-
misme, sous le nom de Mosqu£e du sultan Moustafa IT,
Afin de pourvoir a la stiret£ des caravanes de p£-
lerins pour la Mecque , si souvent compromise dans
le cours des annees pr£c£dentes, Rami-Pascha prit
soin non-seulement de faire remettre exactement la
sourre aux Arabes du desert, mais aussi il investit
de la dignity de chef du pelerinage (emiroul-hadj) le
gouverneur d'Adana, Mohammed- Pascha , fils de
Beiram, homme brave et 6nergique; en ito£me temps,
il donna le rang de djerdedji ' (celui qui va a la ren-
contre) k Kawassoghli Hasan-Pascha , en plagant sobs
ses ordres les sandjakbegs de Ghaza et de Nablous el
i RaschidI, f. 276. ffistoire de la Bibliotheque de Berlin, f. $31.
Djerdetfi meseUi Karstftoudji.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 101
les troupes des sandjaks de Tripoli, de Saida, de Bei-
rout et de Jerusalem, Par ces sages mesures, la cara-
vane passa au milieu des Arabes sans 6tre inqui&ee.
L'emiroul-hadj Mohammed, loin de s'atr&er k la Mec-
que, commeses pred£cesseurs avaient coutume de
faire , se remit en marche aussitdt qu'il eut accom-
pli les pieux devoirs de sa religion, car il avait r£solu
d'attaquer les Arabes avec son corps d'arm6e , fort
de quatre-vingt-dix bannteres, partout ou ils se mon-
treraient; d'ailleurs le djerdedji Kawassoghli devait
venir a sa rencontre avec trente bannieres. Les Arabes
des tribus de Sahra et d'Anza, dans l'espoir de piller
la caravane a son retour, s'&aient rassembl£s au
nombre de six mille et se montr£rent a Tarriv£e de
l'emiroul-hadj a la station Maan ; mais pendant qu'ils
etaient tenus en respect par le djerdedji et lescheikh des
Arabes deDamas, Koleib,la caravane passa sans £prou-
ver de pertes '.Les tribus turcbmanes, non moins pil-
lardes que celles des Arabes, et qui infestaient la contree
d'Azir et de Massiss, furent extermin£es par le gou-
verneur d'Adana, et le gouverneur de Siwas trans-
planta quelques autres de ces tribus dans le sandjak
de Bozok en Anatolie [iv] \
« VHistoire prcatSe contient le rapport d'un Tatare, courrier du grand-
vizir, qui&ait alI6 chercherie scheikh Kolelb a Mezrib , et qui , de la, s'6tait
rendu en trois jours, a do9 de dromadaire , a Temest, camp du djerdedji ;
le lendemain, il arriva a Arnza et le surlendemain a Katran. Ce fut la
qu'il recut la nouvelle du rassemblement dans la bray ere de Tabout des
Arabes que la caravane rencontra ensuite a Maan. Rasehid, f. 276 , appelle
le lieu du combat Magnara.
3 Rami, no 419, appelle les tribus , appartenanta la grande tribu des
Mmlus: Scherklis, Naklis, HaWerset Targhoudlers*
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to* HISTOIHE
Rami-Pascha, qui se montra toujours favorable
aux innovations ayant pour objet une amelioration
immediate, tourna egalement sa soilicitude vers Tin-
dastrie; 1'ordre qu'il intima aux fabricans de drape
de Selanik , et aux fabricans de soie de Brousa , les
premiers, Juifs, les seconds, Grecsde nation, defaire
confectionner a Tavenir dans leurs ateliers les diverges
sortes de draps et d'&offesqne l'Europe avait impor*
t& jasque 1&, tlmoigne au moins du d&ir qu'il avait
d'affranchir sa patrie dela dlpendance de l'&ranger '.
Oette volont^ se rlvela £gafoment dans la tentative
qu'H fit k Constantinople, k reflet d'y implanter le ca-
f&'er, an moyen de ftves que le beglerbeg de Djidda
lui avak persuade tT6tre propres k la culture qu'apr&
avoir il6 avatees et rendues par des hirondelles '.
Toujours pr£occup£de la sftret^ de lEmpire et des
des moyens de remplir les caisses du tr&or, le grand-
vizir ne cessa de veiller sur les provinces d'Europe,
d'Asie, et d'Afrique, et de rechercher avec soin lesabus
qui s'&aient gliss£s dans toutes les branches de l'admi-
nistration. II fit partir pour Yaffa, qui, servant de port
k Ghaza , k Ramla et k Nabloos , avait besoin d'etre
protfcg^ et contre les corsaires francs et contre les
Arabes de Sy rie, un corps de cent hommes avec six offi-
* Rescind, I, f. 275; La Motraye, I, p. 242 ,dit, sur l'instigation
d'un Lifournak : Ce renegat etait uo grand faiseur de projets et uo de
ceux qui mireot dans la suite en tele an grand-rbir Rami-Pascha , d'eriger
des manufactures de draps.
* La tettre sur ce sujet au gouveraeur de Djidda, se trouve dans
Yhxschade Rami.
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DE L'EMPlItE OTTOMAN. io5
piers, deux tschaouschs, et un intendant de la forteresse
(kalaa kiayaasi). A son depart, le commandant (dizdar)
de cette troupe emmena avec lui dix canons de grog
calibre , trois de sept, et deux de douze, outre deux
mille boulets et deux cents quintaux de poudre.
Peu de temps apris sa nomination, Rami appela k
Constantinople le prince de Valachie , Brancovan Can-
tacuz&ne Bessaraba ■ , donl le regne a et6 si pompeuse-
ment decrit par son chancelier Radul Gretschan. As-
sis sur le stege ducal depuis pr6s de quinze ans, U
s'etait maintenu dans son poste pendant douze cam-r
pagnes, gr&ce a la politique adroite qui lui fit eviter tous
les pieges que lui tendaient tour k tour Toekoeli, le
Khan, le Sultan, le Czar, et l'Empereur. Bien que ce
dernier leut 61eve au rang de prince de l'empire
romain , et malgr£ tous ces precedents , le sultan
Monstafa le confirma de nouveau dans sa voievodia.
Apr£s la paix de Carlowicz, il la lui assura limine b
vie. L'influence qu'il avait du se menager sur le diwan,
1 avail fait triompher d'une conjuration que lesboyard*
mecontens avaient tram£e contre lui pres de la Porte ;
elle avait mtoe et6 assez puissapte pour provoquer la
chute deson ennemi, le votevode de Moldavie, An-
tiocbeCantemir, fils de Constantin, et fr&re deD&n6-
trius Cantemir , 1'historien , et pour faire obtenir cette
principaut£& son beau-fils, Duka. Mais il avait un en*
> Cantemir, IV, b. b., s'ttend longuement sur Porigine de ces nom$,
mats il ne peul dissimuler sa haine contre cette famille et contre celle de
Carra.
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io4 HISTOIRE
nemi implacable dans la personne d'Aleiandre Mau-
rocordato, interpret e de la Porte , qui alors se ligua
avec le grand -vizir, pour assouvir une vengeance pro-
jet6e depuis long-temps. Au mois d'avril 1703, le se-
cond grand-^cuyer , Selimaga, arriva k Bukarest, et
remit k Brankovan Tordre de se rendre a Andrinople.
Le prince, attaqu6 par la ftevre ou tremblant de peur,
pr&endit ne pouvoir se mettre en route en ce mo-
ment ; il esplrait , en retardant son voyage , obtenir
par 1'intercession de ses protecteurs de Constanti-
nople la permission de rester chez lui. Son m6de-
cin, Pilarino 1 , parvint, non sans peine, k mod£rer
Timpatience de Selimaga, en lui repr&entant que, s'il
voulait que le prince arriv&t vivant k Andrinople, il
fallait le faire voyager le plus lentement possible.
Malgr£ la puissante intervention des amis de Branko-
van, parmi lesquels il comptait le moufti Feizoullah,
le silihdar Ali de Tschorli, et Hasan, gendre du
grand- vizir, la Porte refusa constamment de r6vo-
quer son ordre. Apres s'6tre train£ pendant un mois
entier sur la route de Bukarest k Andrinople, il arriva
k Arnaoud-Kcei , pres de Constantinople. Lorsque
> UHiitoire de la Bibliotheqae de Berlin, f. 225, contient une anec-
dote curieuse sur les meclecins de Constantinople a cette epoque. Un m6de»
cin franc, ditl'auteur, a &e envoye dans l'exil par le proto-m6decin Nouh ?
parce que un de sts malades avait peri pour avoir avate des pillules d'extrait
de graines de concombres. II ajoute : autrefois , on avait coutume de
meler 7 a 12 drachmes d'extrait de graines de concombres avec de l'huile
d'amande , ldrachmede graines d' ananas (aghadjkaouni) et 5 lr2 drachmes
de sanelle; mais les medecins francs reMuisaient cet extrait de concombres,
pesant 10 drachmes , en an seul drachme > contena en une seule pillule.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. io5
ftlaurocordato vint ]e feliciter sur son heureuse arriv£e,
Brankovan, pour se concilier Ies bonnes graces de
son ennemi, lui fit present d'une pelisse de zibeline
pr^cieuse, d'un cheval richement caparagonnd, el de
mille ducats. Ce sacrifice lui parut d'autant plus n6-
cessaire, qu'il savait devoir traiter avec ce dernier au
sujet de l'augmentation du tribut annuel de deux cent
soixante-dix bourses que la Porte voulait Clever au
double. Brankovan, apr&s de longues discussions, of-
frit de payer cent ou tout au plus cent-vingt bourses,
en sus de l'ancien tribut ; mais voyant qu'il ne pouvait
arriver a rien par la corruption , il consentit k payer
au fisc une somme de cinq cents bourses, sous la de-
nomination de trisor de Moldavie, par analogie avec
le tribut pay£ par 1'lSgypte appelte le trSsor dgyptien, et
non pas souscelle decapitation, comme la Porte l'a-
vait d'abord exig<5 (M juin, 1703) '. Rami-Pascha,
gagn£ en sa faveur par les protecteurs du prince ,
lui fit un accueil gracieux, et lui promit une audience
du Sultan , pour le mardi suivant , qui &ait jour de
diwan. Brankovan fut introduit dans la salle du tr6ne
avec le c£r£monial usit6 pour les princes de Moldavie
et de Valachie. D'apres un ancien usage , ils sont
conduits en presence du Sultan par le secretaire ,
et l'intendant des tschaouschs; cette presentation
differe de ceile des ambassadeurs des puissances
ftrangeres, en ce que les princes n'assistent pas ,
» Consultez a ce snjet YHist oire de la Bibliotheque de Berlin, la fifiule
qui donne quelques details a ce *ujeU
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io6 HISTOIBE
avant Taudience , au diner des grands- vizirs , maid
qu'ils sont rev&us, aprte le diwan el ]e repas du
grand-vizir, d'un kaftan et d'une kouka, par les mains
du tr&orier. La kouka esl un bonnet orn6 deplumes,
telles que le portent les officiers suplrieurs des janis-
saires, avec cette difference que ces derniers sont orn&
de plumes de heron noires, tandis que ceux qu'on
donne aux princes sont orn^s de plumes de heron
blanches. Les commissaires charges de leur investiture
sont le niouhzir (aga des introducteurs), et le s£lam-
aga (aga du salut), qui pergoivent de ceux qu'ils as*
si stent certaines taxes determines. A Tissue de Tau-
dience, le Sultan fit remettre k Brankovan le dip!6me
par lequel i] le confirmait a vie dans la dignity de
prince de Valachie.
Bien que Rami-Pascha , ne laiss&t Ichapper au-
pune occasion d'augmenter les revenus du fisc , il
ne commenga pas son regne par extorquer de Tar-
gent des grands ; au contraire , il restitua les mai-
sons et les fermes d'Amoudjazad£ Koeprulu, con-
fisquees k sa famille par Daltaban Moustafa-Pascha.
Pendant son administration , on ne toucha pas une
seule fois aux successions des riches fonctionnaires,
h part le cas ou ils &aient morts sans avoir r£gle
leurs comptes avec le fisc; autrement, elles passaient
intactes aux Writiers. Si cette conduite Iui fit beaucoup
d'amis parmi les fonctionnaires, elleluiattiralahaine
deshautsdignitaires qu'ilfrustraainsi de certains droits
£ventuels.D 'ailleurs, les coups debfttonquil ne craigfiit
pas de leur faire administrer , contrairemept a tous les
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 107
usages regus et sans distinction de rang, lui valut au
m6me d^gri rinimitte des grands et de l'arm£e.
Cest ainsi qu'il fit donner quelques centaines de coups
de b&ton au defterdar des gallons, et douze k l'inten-
dant de Torge, qui d£j& avait occupy deux fois la
place de secr&aire-inspecteur des janissaires , pour
s'6tre refus6 de solder les comptes des ouvriers ; ce
ne fut que sur les representations du mouhziraga qu'il
fit cesser ce traitement ignominieux, et qu'il le remit
k la garde de l'aga des janissaires l . Par cette punition
infligee k un officier, Rami se fit des ennemis dans
tous les rangde l'arm6e, surtout parmi les janissaires.
Leur mecontentement s'accrut encore lorsque, ayant
envoys leur aga k la Can^e *, avec le rang de pascha
a trois queues decheval, il le remplaga par son kiaya
(ministre de Tint^rieur), qui occupait dejk cette place
sous Koeprulu , k T^poque ou Rami n'etait que reis-
efendi, et qui , par consequent , tendait alors un rang
superieur au sien. N'ayant pu supporter avec indiffe-
rence le traitement desoWigeant que lui fit subir son
ancien subordonn£, le kiaya sen &ait plaint au moufti,
et ce fat k sa recommandation qu'il obtint sa nomina-
tion et sa place d'aga des janissaires. II fut remplac£
au minist£re de l'mt^rieur par l'aga des sipahis, qui k
son tour eut pour successeur le g6n£ral des armuriers.
1 Une lettrc de Rami a Tschalik, relative au maintiende la discipline, se
troove dans son Inscha.
3 Raschid, I, f. 274. L'ttat-major des janissaires e'tait alors compose*
ainsi ; 1° l'aga All ; 2<> le koulkiaya ; 3° le sagardji ; 4<> le samssoundji ;
*• le moahcfragi ( grand-privol )*
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to8 HISTOIllE
Outre que Rami s'&ait ali6ne les esprit s, et surtout
Inflection des janissaires , par le traitement ignomi-
nieux qu'il avait inflige k leur inspecteur des re-
vues , il existait encore deux autres causes qui , d&s
1'origine, avaient excite le mgconteritement des trou-
pes. Rami n'avait jamais occup£ de grade dans Tar-
m£e et n'&ait arrive k la premiere dignity dans 1'Etat
qu'en marchant sur le cadavre de Daltaban-Pascha ,
auquel sa valeur avait fait pardon ner, en par tie, sa ty-
rannie ; de plus , il n'avait dil son £l£vation qu'k la
protection du moufti Feizoullah, g£n£raleroent d£test6
k cause de son ambition et de son caract&re imp£rieux.
Jamais , jusqu'k ce jour, on n'avait mieux senti l'in-
fluence que peut exercer sur la machine gouverne^
mentale la nomination dun grand-vizir pris dans les
rangs des seigneurs de la plume, c'est-i-dire des em-
ployes civils , tandis que les Sultans avaient eu jus-
qu'alors coutume de le choisir parmi les seigneurs du
sabre, c'est-i-dire les officiers sup£rieurs de l'arm£e.
Daltaban-Pascha, le rude et grassier tyran, ne savait
ni lire ni £crire, mais il rachetait cette ignorance par
une bravoure k toute £preuve. Rami, au contraire,
n'avait aucune des quality de 1'hoiwne de guerre, et
n'&ait connu que par la purete de son style et ses
talens diplomatiques. LThistoire ottomane, comme
celle des autres peuples, a consacre les noms de plu-
sieurs grands hommes d'Etat , qui &aient en m&ne
temps des capitaines cetebres , mais elle cite bien peu
de gen^raux qui aient mani£ avec un £gal succfes la
plume etl'6p£e, ou d'auteurs qui se soient dls|in~
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DE L'EMPIRE OTTOMAN, i*g
gu£s au m&ne degre par leur courage et le m£rite de
leurs oeuvres. Rami-Pascha poss£dait & un degr£ Emi-
nent les quality du politique et de l'fcrivain, ainsi que
l'attestent au reste les deux collections que nous posse-
dons de ses Merits politiques , au nombre de quatorze
cents, et qui sont de veritables modules d'un style sim-
ple, clair Qt noble. Mais, nous le repetons, il n'&ait pas
homme de guerre ; les soldats le d&estaient d'autant
plus qu'il avait contribu£ a la mort deDaltaban, et qu'il
les avait humilies dans la personne d'un de lews offi-
ciers. Son administration n'&ait pas vue avec plus de
faveur par le corps des oul&nas, dont il s'£tait aliene
raffection par ses complaisances pour le moufti,
qui , au m£pris des reglemens en vigueur sur Ta-
vancement des oul£mas , avait 61ev6 aux premieres
dignit£s de l'Empire ses fils et tous ses parens. Qua-
tre de ses fils et son neveu Mohammeddede , tous
jeunes encore , remplissaient les fonctions de juges
d'arm& de Roumilie *. Scheikh Mohammed-
Efendi, Tun de ses fils , etait pr&epteur des prin-
ces, et l'ain6 semblait meme devoir Writer de la
dignity de moufti. Les mollas les plus consideres
£taient obliges d'accepter des emplois de juges subal-
ternes, tandis que les places les plus lucratives deve-
naient la proie des fils du moufti et de ses prot£g£s.
Le rapide avancement du jeune Koepriilii Abdoullah,
promu d'abord au rang de nischandji, puis k celui de
yizir, fut m&ne considere , non comme Un droit
■ Raschid, I , f . 265, 274, 275. C'&aient : Ibrahim, MOufttafa e&
Mohammad.
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no HISTOIRE
h^reditaire dans la famille Koeprfilu, mais comme
une faveur qu il ne devait qu'§ sa quality de gendre
du moufti. L'esprit de domination de ce dernier
devint de plus en plus insupportable , et commenga
k peser de tout son poids sur le grand - vizir lui-
m£me. La famille et leg creatures de Feizoullah ne
eraignirent point de dire hautemeftt que Rami-Pascha
&ait le client de leur patron, Le grand- vttir , sachant
fort bien que son pr&tecesseur avait ti& victime de
l'ambition demesuree du moufti, visa dolors h V6-
loigner du pouvoir.
A tous ces motifs de rnecontentement cau^s aax
grands fonctionnaires par radministratlon du grand-
vizir, vinrent se joindre lee plaintes auxquelles donna
lieu , de la part des habitans de Constantinople , la
resolution prise par le Sultan de prolonger son s^jou?
a Andrinople, oil il pas&it son temps a chasser. Les
expenses occasionnees par Tameublement des palaia
de ses trois filles fiancees, Tune dvec le Vizir Nouou-
manKoeprulii, frered'AbdoullahKoepfiilu, la seconde
avec le vizir AH, fils du gratid-vizir Kara Moustafa, et
la troisieme avec le silibdar Alt deTscborli, le favori
du Sultan, ne laiss&rent pas d'aiigmenter ces disposi-
tions hostiles. Moustafa II fit const ruire pour elles de
somptueux palais en ville et des maisons de campagne
sur les rives de la Toundja ; le plus grand luxe pr&ida
& l'ameublement de ses harems, et, pour les remplir,
il invita les paschas de Bosnie, d'Erzeroum et d'A-
khiska & envoyer des esclaves. Dans sa lette circulaire
aux pasfchas, le grand-vizir leur dit : « Qu'autrefois
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DE L'EMttllE OTTOMAN. tit
» on avait coutume de fournir des hommes, mais que
» le Sultan n'avait besoin que d'^sclaves \ »
La haine generate k laquelle se vit eh butte le grand-
vizir Rami-Pascha fut un presage beaucoup plus
certain de sa chute prochaine, que celui qu'on
avait cherch6 dans le tremblement de terre qui
renversa un grand nombre de maisons et plusieurs
mosquees dans la juridiction de Denizlu. II en avait ete
de m&ne d'un incendie* et d'un orage terrible qui
avaient £clat£ l'annee prgcedente h Constantinople 3 , et
dans lesquels on avait vu les pronostics de la destitu-
tion du grand- vizir Housein Koepriilu, bien quelle eat
pr£c£d£ de long-temps ces deux fl£aux. Mais ce qui
presagea surtout des troubles prochains, ce fut la con-
duite que tinrent quelques centaines de djebedjis en r&-
tlamanf leur solde arrier^e de trois trimestres. lis refa-
s&rentde se mettre en marche pour la Georgie, ou ils
devaient rejoindre Tarm^e , avant d'avoir 6ii payes in-
tegralement ( mi-juin 1 703| — premiers jours de safer
1115). Depuis quelque temps deja, la Porte avait pris
Thabitude de ne jamais payer aux sept odjdks, c'est-a-
i Gette lettre se trouve dans VInscha de Rami , n° 532. Les qua*
lites qu'exige la lettre adressee au beglerbeg de l'Herzegovine, des femmes
croates et hongroises, sont : 1° un corps bien proportion^ (moutenasiboul-
endam); un corps bien pris ( mewzounkadi ) ; 3* un corps imposant
(gutscblii) et 4<> un corps robuste (kouwwetiu).
a Raschid, f. 260 , dit le 3 redjeb 1113 (4 dScembre 170!). Un grand
incendie avait aussi ravage Constantinople l'annee prec6dente. La Motrave,
I, p. 279.
•3 Raschid, f. 261, le 22 monarrem 1114 (18 juin 1702). Un orage non
moins terrihie eut lieu le 26 aout 1701 ; La Motraye, p. 280.
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i la HISTOIRE
dire aux sept corps de troupes soldees, les janissaires,
les sipahis, les silihdars, les topdjis, les toparabadjis,
les djebedjis, et les bostandjis, leur solde entire, et
de ne leur donner qu'un &-compte sur ce qui leur
&ait dil. L'aga et le kiaya des djebedjis, pour apaiser
le tumulte et eloigner les inutins de la capitale, cru-
rent devoir appuyer la demande deleurs soldats. Sur
le rapport que le kaimakam de Constantinople, You-
souf-Pascha, adressa k ce sujet a Andrinople, Rami-
Pascha bl&ma sev£rement la condescendance du kai-
makam et du djebedji-baschi, et les punit en nommant
pour successeur au premier le jeune Koepriilu Abdoul-
lah, ct en donnant la place du second a Ibrahimaga,
Tune de ses creatures. Au lieu de faire connaitre offi-
ciellement la nomination de ce dernier, il lui ordonna
de se rendre a son poste k Constantinople , voulant
ainsi donner k croire qu'il avait &e disgracte et exi!6
de la residence du Sultan '.
Ibrahimaga etait k Constantinople depuis un jnois k
peine, lorsque les djebedjis se soulev£rent de nouveau
(1 7 juillet 1 703 — 3 rebioul-ewwel 1115); mais cette
fois ce fut avec tant de succes qu'ils amen£rent un
changement de souverain*. Le kaimakam, dans l'es-
i Raschid, If, f. 6, paratt youloir dire qae sa nomination avait fournl
an grand-vizir 1' occasion de se venger du monfti ; il cite a cette occasion
les maximes suivantes : La fiancee de la domination n'est accordee qua
celui qui ose imprimer un baiser sur les levres de fepee ; si la destinee
coupe le fil de la sagesse que peut conlre elle un cerveau malade? — Si la
destinee se Jette sur sa prole , les sages deviennent sourds et aveugles.
* Raschid , 1. c. ddnne par erreur le 5 rebioul* eVwel (mardi 1 6 juillet
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DE I/RMP1RE OTTOMAN. Ji3
poir de conjurer Forage, s'empressa deleor promettre
le paiement de leur solde arrier^e de dix trimestres,
et de leur faire esp£rer en outre un present de vingt
bourses. Mais alors les janissaires se joignirent k eux;
donnant un libre cours k la haine long-temps con-
tenue que leur avaient inspir^e le traitement ignomi-
nieuxinflig£ kleur mattre des revues, et la s£v£re r6-
-vision des contr61es k laquelle un grand nombre de
leurs camarades avaient d& leur expulsion de l'arm£e,
ils conseillerent aux djebedjis de ne point accepter
1'argentqui leur &ait offert, de faire cause commune
avec les janissaires, leurs fibres de coeur et d'&me,
de se r^unir sur le march£ aux viandes , atitour des
chaiidrons, et dy planter leurs drapeaux. En effet,
dans la matinee du 18 juillet (4 rebioul-ewwel),
ils s'y rendirent ku cri mille fois r6p&6 de Dieu est
grand! et en r£citant les sourres de la victoire et de
la conqu&e '. Trente &nirs environ, avec trois cents
djebedjis, et quelques centaines d'hommes apparte-
nant au bas peuple, rassembles avec un drapeau,
parcoururent la ville; toutes les boutiques et tous les
magasins furent aussit6t fermes. Le kalmakam et le
seghban-baschi, Haschimzad£ Mourtezaaga, voulurent
1705), au lieu da yendredi. VBistoiredu Defterdar dit le 2 rebioul-ewwel
au liea du 9. Schelkhizadg et l'auteur de YHistoire anonyme, qui a decrit
cette re>olte sous le titre Edrent Wakaasi (e>enement a Andrinople),
sont d'accord sur la date. Voyez encore l'histoire de cette revolte ecrite par
Mohammed Schefik sur l'ordre d' Ahmed HI ; NaKma , dans le t. II , de
son histoire; l'histoire de Mohammed-Ghiral. Les recits de La Metraye
«t de Cantemir sont trop superficiel* pour 6tre consulted
■ La 90»* et la 48««.
T. xiii. 8
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u4 HIST01RE
faire une derniere tentative pour r&ablirl'ordre, en
convoquant uneassemblee des oul&nas et en deploy ant
l'etendard du proph&e; mais le juge de Constanti-
nople, Seid Mahmoud, gendre du moufti, avait depuis
peu rompu, ainsi que le kaimakam, toute relation ami-
cale avec ce dernier, et s'etait refus£ a convoquer &£a
demande, en assemble generate, le corps desoulemas.
Le lendemain (19 juillet — 5 rebioul-ewwel) , le
seghban-baschi se rendit, avec les officiers et les ja-
nissaires restes fiddles, au serai pour l'occuper mili-
tairement. Mais le prefet Yadkar, craignant que les
troupes ne le missent au pillage, s'obstina h leur en
defendre l'entr6e. Aussittt que la populace , assem-
ble sur le marche aux viandes, pressentit le prqjet
du seghban-baschi, elle marcha sur le palais de 1'aga
des janissaires, s'en em para, et ouvrit les prisons pour
grossir ses rangs de la foule de criminels qui y &ait
enferm6e, De Ik, elle se porta au palais du kaimakam.
Au moment ou elle allait y p£n£trer, une voix lui cria
que Koepriilu Abdoullah etait depuis la veille au serai,
et les invita a respecter sa demeure. Des mots on
en vint bientdt aux coups, etmalheureusement uneballe
partie de la maison vint frapper un djebedji l . Ce pre-
mier meurtre exaspera la foule ; l'ddifice, cern6 de tous
les c6t6s, fut envahi et livre au pillage ; une quantite
de fourrures pr^cieuses furent mises en pieces. Les
criminels tires des prisons se firent surtout remarquer
i La Motraye ignore ce fait; il dit, par erreur, en parlant du meurtre du
segbban-baschi « il est a remarquer que c'est le seui homme avec le nioufii,
t qui fut tue dans celte sedition. >
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. ,,5
par leurs brigandages. Le seghban-baschi, en s'en-
fuyant du serai a la porte de l'aga des janissaires,
tomba entre les mains des rebelles qui le jetdrent h bas
de son cheval et le gardfrent prisonnier. Sup ces entre-
faites, une troupe de jeunes gens sorlis de la lie du
peuple, avail arr&<5 le juge de Constantinople, gendre
du moufti, que les rebelles d&ignaient g&ieralement
sous les noms injurieux d'h£r&ique et de Persan.
Tous 4es deux furent soigneusement gardes pendant
la nuit; le lendemain matin, vendredi 20 juillet
(6 rebioul-ewwel), les mutins ayant ordonne au
seghban-baschi , qu'ils avaient proclam£ aga la veille,
de d£ployer 1'etendard du coromandement en chef 1 ,
et celui-ci s'y &ant refuse, Tun des janissaires s^cria :
« L'infid&e a cache l'etendard dans son sein ; » au
m&ne instant , il tira son sabre et le tua \ Sa mort
fut le signal de nouvelles violences. L'&endard du
seghban-baschi fut arbor£ et des hommes furent en-
voy£s dans les divers quartiers de la ville pour publier
k haute voix : « Que tout janissaire qui ne se rangerait
» pas sous le drapeau serait separ6 de sa femme, et con-
» sid^re comrae incapable d'en satisfaire aucune 3 . »
L'un des rebelles monta sur un arbre dans 1'hippo-
■ < Petit ttendard que ceux qui ont le commandement des janissaires
portent ou font porter, sans b&ton, sous Ieur robe , route comme une ser-
viette et qui sert a les rallier en cas de besoin. »
3 VBistoire de la Bibliotheque de Berlin fait remarquer que le de*sir
ambitieux de Haschimzadg , de ne point mourir ayant d'aroir 6te aga ,
avait 616 ainsi exauce\
3 Karisi boschanmisch olsoun ; c'est-a-dire qu'il soil slpare* de sa
femme et incapable d'habiter avec aucune.
8'
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n6 IHSTOIRE
drome, et harangua ainsi le peuple : « Saint, mes fr&res
» qui &esr£unisici! Que Dieu nous soit en aide &tous!
» que sa gr&ce soit sur vous! Amen! Mes fr£reset mes
* amis, peuple de Mohammed! Lequel d'entre nous
» voulez-vous pour moufti? Lequel voulez-vous pour
» aga? Lequel voulez-vous pour juge de Constanti-
* nople? — Nous voulons, s'&ria l'hydre a mille tfites,
» Paschmakdjizad£ pour moufti ; pour aga, Tschalik
» Ahmed, et pour juge de Constantinople, S&nollah~
* Efendi. »
Cependant les rebelles avaient conduit le juge Seid
Mahmoud k la mosqu£e des janissaires 9 foyer de
toutes les revokes de cette milice turbulente, et l'a-
vaient forc£ k £crireii tous les oul&nas pour les invi-
ter k se reunir dans la mosquta centrale. Un des
seids, sacristain d'une mosquee, d£pioya un drapeau
et se mit k la ttte des emirs rebelles ; plusieurs mil-
Iters de palefireniers syriens et de dresseurs de tentes se
r6unirent k eux et, roulant autour deleur turbans des
bandes d'&offe verte, ils s'attribuerent, de leur pleine
autorit£, la qualite d'&nirs ou descendans du proph&e.
Des crieursparcouraient la ville, ordonnant que toutes
les boutiques restassent ferm&s, k l'exception de celles
des boulangers, des bouchers et des fruitiers. Les ins-
pecteurs des Bezestans, du march£ des selliers et les
chefs des divers corps et m&iers, furent invites k se
rendre k l'assemblle des janissaires; les topdjis, les
toparabadjis , les portefaix, les matelots et tous les
hommes de mer, se presentment en foule ; enfm, les
etudians des diverses fondations pieuses vinrent join-
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DE l/EMPIRE OTTOMAN. 1 1 7
dre leurs chaudrons k ceux des rebelles , sur la place
des Bouchers. Les bostandjis, qui avaient en vain
cherchd l'etendard du proph&e , secr&ement trans-
port^ d'Eyoub au serai, parurent alors devant le palais
du Sultan et voulurent y pin&rer. Le prtfet, intimid£
par leurs menaces et n'osant pas leur refuser l'entr6e,
comme il 1'avait fait aux janissaires , leur en ouvrit
les portes (21 juillet — 7 rebioul-ewwel). L'etendard
sacre fut profan£ et plants k c6t6 de celui des rebelles,
d'abord sur la place des Bouchers, puis dans la mos~
qu£e centrale. Li , un certain Karakasch , qui avail
k se plaindre du moufti au sujet de la perte d'un fief,
s'etait d^clar^ Torateur et le chef de la rdvolte, et avait
r£dige une petition par laquelle on demandait ou ,
pour mieux dire, on ordonnait au Sultan de destituer
le moufti et ses fils, dont deux remplissaient les fonc-
tionsde juges d'arra^e, etde venir insider 4 Constan-
tinople '; en cas de refus , les rebelles mena$aient
de se rendre en masse k Andrinople. Cinq oul&nas*,
deux d£put£s de chaque corps des septodjaks 5 et
deux de chaque corps des metiers , furent charges de
porter cette demande k la residence du Sultan (29
juillet — 8 rebioul-ewwel).
Le jour oh cette deputation partit de Constanti-
. « Raschid el Schefik ne donnent que le sens de cette supplique, roais Pan-
tear duManuscrit de Berlin, n° 5, f- 10 et 11 , donne la supplique en cntier.
• C'elaient : I'ancien joge da Caire , Hasan ; I'ancien juge de Phittppo-
polis, Schaban; le pr&kateor de la Stiimiy6, Isa; celui de la mosqute
des Princes., Omer, et le schelkh AbdouDah.
3 loyanitscherl; 2<>Sipahis; 5° Silihdars; 4° Djebedjis; 5°Topdjis;
6« Toparabadjfc; 7<> Bostandjis.
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n8 HISTOIRE
nople , le moufti convoqua les ouiemas, en assem-
ble extraordinaire , dans son palais d'Andrinople ; le
grand-vizir et tous les g^neraax de I'&at-major des
janissaires assisterent k cette reunion. On y r£solut
d'envoyer sans retard ' le premier lieutenant-general
(koulkiaya) dans la capitale, avec trente bourses des-
tinies k apaiser les mutins 1 . Le lendemain, le conseil,
se r&mit dans le palais de Rami-Pascha; comme
la veille, tous les grands ouiemas y prirent part. Apres
une longue deliberation sur les mesures k adopter,
dans le cas ou la mission du koulkiaya resterait sans
effet, l'assembiee se s^para sans avoir rien arr&e. Ce
retard funeste , dans un moment aussi critique , ful
motiv^ par la proposition intempestive de venger le
meurtre du seghban-baschi , faite par un officier des
djebedjis au nom des janissaires, et, disait-il, sur Tor-
dre qu'ils lui en avaient donne. Apr&s une discussion
prolongee, on promit cependant de satisfaire k la de-
mande des troupes , en ajournant toutefois Tex^cu-
tion de ce projet jusqu'au retour du koulkiaya. A
Tissue du conseil , le moufti se rendit au serai pour
faire au Sultan le rapport de ce qui s^tait passe, et le
le lendemain, il eut encore avec lui une conference
secrete, De son cdt6, le grand-vizir profita de Tocca-
sion pour eloigner du serai le silihdar, Ali-Paschade
Tschorli , dont l'intimite avec le Sultan avait depuis
long-temps excite sa jalousie. Bien que le cadre des
vizirs fflt au complet, il le promut k cette dignite, sons
pretexte que la crise actuelle exigeait cette nomination.
> D'apr&s le proverbepersan : .rempUsfteilaboucheduchienayccdu pain».
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DE L'EMPIRE OTTOMAN, tig
A peine eut-on appris k Andrinople qu'une depu-
tation des rebelles venait de quitter la capitale , que
Rami-Pascha convoqua un nouveau conseil dans son
palais. On y d£cida que le bostandji-baschi d'Andri-
nople serait envoy 6, a la t6te de cent hommes, sur la
route de Constantinople, avec ordre d'arrfiter les de-
putes et de les conduire en prison. Celui-ci les ayant
rencontres k Hafssa, livra aux flammes la demande
des rebelles, couverte de trois cents signatures, et les
conduisit k la palanque d'Eghrider£ , ou il furent in-
carc^res. Moustafa , aga des Turcomans , muni d un
dipl6me de sertscheschm£ (commandant), enr61a des
volontaires pour la defense du tr6ne , tandis que le
grand- vizir, le kaimakam et le silihdar, arboraient
leurs drapeaux , sous lesquels venaient se r£unir un
grand nombre de pages et de lewends. Toutes ces
mesures furent ordonn£es contre la volonte du grand-
vizir, et k 1 instigation du moufti , mais sans que le
premier e&t ose y apporter la moindre opposition. Enfin
la Walid£, inform£e par ses agens de 1'accroisseraent
rapide que prenait la rebellion, representa a son fils
la n&essit6 de sacrifier k sa propre stirete le moufti et
toute sa famille. Des que le Sultan eut rendu le khat-
tischerif contenant la destitution du moufti, le grand-
vizir ordonna au tschaousch-baschi de conduire ses
quatre fils, le nakib, lekhodja et les deux juges d'ar-
mie k Erzeroum. Rami-Pascha, questionn£ par le Sul-
tan sur le sort qu'avait eu la supplique des rebelles et
1'emprisonnement inflige k leurs d£put&, s'excusa en
attribuant ces mesures au pouvoir presque ilKmit£
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lao HISTOIRE
dont avait joui le moufti, et, pour, Sparer cette faute,
il fit venir les d£put£s d'Eghrider£ k Andrinople ou
on les traita convenablement. La maison do moufti
et celles de ses fils avaient chacune &6 occupies, la
nuit m£me oft ils avaient quitt£ la residence, par une
compagnie des janissaires, qui deyait les preserver du
pillage ( 28 juillet — 14 rebioul-ewwel). En m£me
temps, Rami 6crivit k Constantinople k Paschmak-
djizad£ pour lui annoncer la destitution du moufti
Feizoullah, ainsi que celle de ses quatre fits et sa nomi-
nation k la premi&re dignity legislative, dont disait-il,
il lui enverrait le dipl6me des le lendemain matin par
legrand-£cuyer.
Cependant la r£volte s'organisait k Constanti-
nople , k mesure qu'elle se renfor^ait dune foule de
gens sans aveu, arrives d'Asie et de tous les hommes
qui, pr6c£demment, avaient d£ploy6 quelque capa-
city dans la direction des mouvemens populaires.
La place des Bouchers ^tant trop petite pour contenir
la foule, les rebelles transport£rent leur camp dans la
prtirie du nouveau jardin. Outre Tschalik Ahmed,
nomm£ par les mutins aga des janissaires, un simple
janissaire de Koutschouk - Tschekmedj6 , nomm6
Toridjanli Ahmed, etSouleimanaga, undesofficiersde
cette milice, qui croyait avoir k se plaindre du pouvoir,
s'&aient mis k la t&edelar&volte. Enfin les rebelles
trouv&rent un nouvel appui dans Ahmedaga, gendre de
Housein Koeprulu, qui, depuis sa destitution des frac-
tions denischandji, avait v6cu dans la retraite, et qui,
imm&Uatement aprfcs la fuite d'Abdoullah Koeprulu,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. tai
avait &6 proclam£ kalmakam de Constantinople 1 .
Malgr6 l'effervescence des esprits, Ahmed maintint avec
s£v£rit£ la police dans la capitale, an point qa'aa milieu
de plus de dix mille rebelles assembles , on n'entendit
parler ni de vol , ni de querelles, ni de viols. Les biens
deshabitarisetl'honneur desjeunes gargonsfurentreli-
gieusement respect£s; on ne vit m&ne nulle part d'ivro-
gnes parcourant la ville. Pashmakdjizad6, d£sign6 par
les rebelles pour succ£der k Feizoullah dans la dignity
de moufti , soit qu'il feignit d'etre malade , soit qu'il
le fiit r£ellement \ ne put remplir ses fonctions; en
consequence, on nomma a sa place l'imam Mohammed*
Efendi de Brousa , un des partisans de Tschalik
Ahmed. Le mattre de requites du grand-vizir et le
grand-£cuyer du Sultan , qui venaient d'arriver k
Constantinople, porteurs du dipldme du nouveau
moufti , n'echapp&rent qu'avec peine & la fureur des
rebelles; car ils les soupgonn£rent, au premier abord,
de n'&re que des espions envoy^s pour les tromper.
Lorsqu'ils se furent convaincus de la r6alit6 de leur
mission , les rebelles mirent aussitdt les sceH& sur les
maisons du moufti destitu6 et sur celles de ses quatre
fils, puis ils &rivirent au grand-vizir en feveur du
* Mohammed Schefik , f. 54 st 55, nomine les deux premiers , les deut
ailes de l'oiseau; lorsque Souleimanaga Tint se joindre aax deux antres , it
les appela, les trois pieds du trepied, et en parlant de tous les quatre , il dit
que c'gtaient les quatre colonnes de la tente de la rebellion.
» L'auteur da manuscrit de Berlin , f. 247 , affirme qu'il araK eu one
attaque d'apoplexie.
3 Cette lettre se trouve dans le manuscrit pr£cit6 , f. 249, et la rlponse
de Rami, f. 260.
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1*1 HISTOIRE
nouveau moufli Mofaammed-Efendi, et finirent par
lexhorter a faire cesser les enr6lemens de troupes
k Constantinople, qu'ils disaient nepas ignorer (1 aoAt
ISrebioul-ewwel) 1 . Le Sultan confirma, par unelettre
autographe, les nominations ordonnees par les rebelles,
bl&ma s^verement l'auteur de r injure faite k leurs d6-
put£s en leur annongant leur mise en liberty, et ter-
mina en promettant de se rendre sous peu dans la ca-
pitate. Mais la revolte prit une tournure toute nouvelle
k l'apparition subite de Hasanaga le Fugitif , celui-la
m£me qui jadis avait envoys k la Porte la t&e du
chambellan charg£ d'y apporter la sienne, k l'6poque
oii il £tait encore gouverneur de Schehrzor, etqui de-
puis avait vecu cach6 a Constantinople. Les rebelles,
alors au nombre de cinquante k soixante mille, &abli-
rent un camp regulier dans la prairie Tscherpoudji,
voisine de Daoud-Pascha , et d6cid6rent qu'ils mar-
cheraient sur Andrinople le samedi suivant 6 aoftt
( 23 rebioul-ewwel) : car une nouvelle lettre , par
laquelle le Sultan s'excusait du retard de son voyage
k Constantinople, avait vivementirrit£lesesprits. Apres
la lecture de cette lettre, plusieurs des principaux
rebelles dirent m£me hautement : « Si le Sultan &ait
» mort, son cadavre pourrait 6tre apport£ en deux
» jours d' Andrinople k Constantinople; pourquoi ne
» peut-il venir ici en quatre jours, puisqu'il est vi-
» vant? *> Avant de 'se mettre en marche 9 la foule
demandale pillage d* Andrinople et unfetwadu moufti
i Mohammed Schefik, f. 52-54, donne ce Khatlisch&if en entier.
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DE l/EMPIRE OTTOMAN, ia3
qui d&slar&t leur rebellion legitime. Les oulemas, qui
s'&aientefforc£s, maisen vain, der&ablir la tranquillity
en gagnant du temps , et d'emp6cher les rebelles de se
porter aux dernteres extr&nites , se virent d6s-lors
obliges , sous peine de p^rir sousle glaive suspendu sur
leurs t&es, derendre trois fetwas, contresign& par le
moufti et le juge d'arm£e. Le premier etait congu en ces
termes : « Si le Padischah , choisi pour gouverner le
» peuple de Mohammed , abandonne la capitale pour
» se livrer au plaisir de la chasse; s'il £crase les sujets
» par d enorme9 imp6ts et prodigue les tr&ors, est-il
» juste de le laisser continuer dans cette route ? »
Cette question fut r&olue n£gativement. Le second
fetwa portait : « si des musulmans se soutevent contre
» les cruautes de l'imam, m£ritent-ils le nom de re-
» belles? » Non. Le troisi&me fetwa enfin sanctionna
la r6volte comme les deux precedents, car, sur la
question ainsi posee : « Si des musulmans se met-
» tent en marche pour r^primer la cruaute de l'imam,
» d'autres peuvent-ils aller h son secours? » le moufti
repondit £galement par la negative '.
La revolte fermentait depuis plus de trois semaines
dans la capitale, lorsque l'armee des rebelles parti t, le
9 aotit (26 rebioul-ewwel), de Daoud-Pascha, dans
le meilleur ordre , et suivit la route d'Andrinople. En
tfite ^tait port6 T&endard sacr£ de Mohammed, et
dans un char reconvert d'&offe verte , pr&£d6 par
» Ces trois fetwas se trouvent dans le manuscrit dela Bibliotheque de
Berlin, f. 256.
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i24 BISTOIRE
tin grand nombre d'ecoliers et d'&udians, &ait con-
tenue la sainte relique da manteau da proph&e. Tons
les matins et tons les soirs, on r£citait la sourre de la
victoire, qu'on terminait en proferant lecri de guerre
Allah . Les corps disciplines cpnfondus dans cette masse
derebelles, consistaient en mille janissaires, quatre cents
sipahis et silhidars, mille hommes de plusieurs autres
regimens, quatre mille djebedjis, nenf cents canon-
niers et neuf cents &nirs ou pr&endus tels,qui rece-
valent de la douane de Constantinople ane solde jour-
nalise de dix aspres chacun. Le pare d'artillerie
se composait de vingt coolevrines , de dix faucon-
neaux, de trente pieces de campagne, de quatre
mortiers , de huit cents grenades, dont quatre cents k
main et quatorze cents barils de poudre; on em porta
en outre soixante-douze mille instrumens de stege ;
tels que beches, pelles, baches, etc.
Lorsqu'on sat k la cour d' Andrinople que le der-
nier khattisch&rif da Sultan &ait rest6 sans effet, le
grand-vizir prit les mesures les plus efficaces pour
repousser la force par la force. Le beglerbeg de Rou-
milie avec son contingent , Khodawerdi-Pascha avec
un corps de dix mille Albanais, et tous les Seghbans
des environs furent invites k se rendre dans la plaine
d'Andrinople; Tordre fut envoy£ au percepteur des
impdts d'Aidin de passer en Europe avec dix mille
fusiliers; le m6me courrier enjoignit au gouver-
neur d'Anatolie, Nououman-Pascha, derejoindre le
Sultan avec toutes les troupes de sa province. D'autres
d£p6c^es furent expedites au begs de Nicomedie, de
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. ia5
Modania et de Mikhalidj, avec injonction de ne laisser
sortir de ces ports aucun navire charg6 de troupes
pour Constantinople. Rami-Pascha placa h la tfite des
troupes rest&s fiddles, Hasan , chef des Yuriiks de
Roumilie. Quant aux Tatares, qui avaient &6 invites
k diverses reprises a hater leur marche sur Andri-
nople, pas un n'avait encore para s . Lorsque les me-
sores prises par le grand-vizir furent connues des
rebelles , ils envoy ferent dans les ports ci-dessus desi-
gn^ de TAsie-Mineure quelques d&achemens de
volontaires , afin que leurs complices trouvassent le
passage libre ; mais ils d6vast6rent et pill£rent les envi-
rons de Brousa et revinrent h Constantinople , en em*
menant prisonniers, du bourg du Kastel, les deux fils
de Wani, tous deux gendres du moufti Feizoullah.
Sur ces entrefaites, les Yuriiks, c'est-&~direles levies
en masse de Roumilie, appeltes aussi Ewladi Fati-
han (les enfans des conqu£rans), et Khodawerdi-
Pascha avec ses Albanais, s etaient rassembles dans la
plaine d'Andrinople avec plusieurs autres paschas et
les levees de la plupart des autres provinces. Cette
arm£e pr&entait un effectif de quatre-vingt mille hom-
ines, contrelesquels les rebelles n'auraient pu tenir un
instant , si Rami-Pascha eftt voulu s£rieusement leur
faire la guerre et surtout s'il avait nomm6 general en
chef un homme plus capable que le vieil Hasan. A la
i Vlnscha de Rami contient, sous les n" 559 , 561 , 562 et 563 , les
lettres aux begs et aux paschas relatives a cette levee; la lettre n<> 564
est adressee a la tribu Rompetoghli en Bessarabie et celle n° 155, au gou-
verneur <T Anatolic
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11(3 H1STOTRE
v&it6, le grand-vizir, dans une harangue solennelle ,
appela toute l'arm£e k la defense du tr6ne, et un
khattischlrif imperial donna surtout les plus grands
61oges aux janissaires, enleurs rappelant les services
qu'ils avaient rendus si souvent a 1'Empire dans les
dangers les plus inuninens. En outre , Rami-Pascha
fit prtter sur le Koran k toute l'arm£e ce serment
solennel : « Par le set, le pain et le sabre! nousjurons
de difendre le donnaieur des deux premiers par le
dernier \ Mais en m£me temps , il donna l'ordre a
Hasan-Pascha de se replier sur Andrinople a la pre-
miere apparition des rebelles; carj, en deployant
ses forces, Ramiesp£rait les intimider, etlesramener
k l'ob£issance par le seul aspect de sa superiority \
A son arriv£e k Siliwri (1 aoflt— 27 rebioul-ewwel),
Farm^e des rebelles avait mis au pillage et d^truit de
fond en comble la ferme du chef des bouchers, contre
lequel le peuple &ait depuis long-temps irrit6. IA, les
oul£mas s'assembterent dans la tente de l'aga des janis-
saires, Tschalik , qui tout r£cemment avait propose d'e-
lever au trdne Ibrahim , fils d' Ahmed II, k la place
d' Ahmed , fils de Mohammed. Mais on lui representa
que sa proposition £tait contraire au droit desucces-
> Raschid, 1 , 15 et 14 ; manuscrit de la JHbliotheque de Berlin, f. 258.
La Motraye, I, p. 528. Histoire de Mohammed-Scheiik , f. 60.
a Manuscrits de la Bibliotheque de Berlin, f. 259. L'auteurdit dans
un passage des feuillets precedents qu'il avait souvent entendu Rami-
Pascha exprimer ses intentions pacifiques, puis il ajoute : we gharri
mahremleri dakhi istimaaetlidiler, c'est-a-dire :« et d'autres qui n'&aient
pas initios dans le secret Font entendu aussi.» D'apres ce passage, il paratt
que l'auteur appartenait a la maison du grand-vizir.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 127
sion en vigueur chez les Ottomans , qui assure le tr6ne k
rain6 des princes du sang d'Osman, et Tschalik dut se
ranger k Favis general. D&sce jour, onr£cita enchaire
les pri&res publiques non plus au nom de Moustafa II,
mais bien d'Ahmed III. Au moment 011 les rebelles
entr£rent dans Tschorli, une deputation du Sultan,
compos£e des premiers paschas de l'arm£e, Hasan-
Pascha, Khodawerdi-Pascha , Souleiman-Pascha et
le pr£dicateur de la vieille mosqu£e d'Andrinople, le
jeune et gros Ali, ainsi que de plusieursautres envoy£s
des oullmas, vint leur apporter des paroles de con-
ciliation. Souleiman-Pascha et le predicaleur se ren-
dirent dans la tente d'Ahmed-Pascha , g£n£ral en
chef del'arm£e des rebelles, qui venait d'6changer le
titre de kaimakam contre celui de grand-vizir. Us
£puis£rent, mais sans succgs, tous les raisonnemens
bas£s sur la justice et le devoir, qu'ils jugerent suscep-
tibles de changer leur resolution; ceux-ci leur mon-
trferent sept fetwas qui legitimaient leur conduite et
appelaient un changement de r£gne. Les deux d£put£s
demand&rent qu'on leur remit les fetwas pour les
montrer k leur chef, le vieux Hasan-Pascha qui, li£
par les ordres du grand- vizir, en r^fera k la Porte au
lieu de commencer l'attaque. Mais Rami-Pascha avait
]ui-m£me quitt£ Andrinople deux jours apr&s, et £tait
arrive k Hafssa, ou Hasan, en attendant sa reponse,
s'£tait £galement rendu. Le grand -vizir le bl&ma
d'avoir battu en retraite, et voulant Sparer cette pre-
miere faute , il se consulta avec les generaux sur la
question de savoir s'il fallait attaquer sans retard les
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ia8 HISTOIRE
rebelles etlesdisperser (19 aoftt — 6 rebioul-akhir);
en m£me temps, il d6p6cha des courriers & la resi-
dence poor annoncer au Saltan qu il ne lui restait
plus qu un seal moyen de salat, celui de se metlre en
personne k la t&e des troupes resides fiddles el de
venir an camp. Le lendemain, on apprit que les deux
fils de Wani , qui depais leur captivity avaient &e
tratnds & la suite de l'ann&, venaient d'ttre assassines
par les rebelles arrives de Brousa.
Cependant le Sultan s'&ait rendu d'Andrinople an
camp de Hafssa (20 aoftt — 7 rebioul-akhir) et les
deux arm&s n'&aient plus s£par£es que par une jour-
n£ede marche. Mais, depuis quelques jours d£ja, les
troupes des deux camps entretenaient des intelligences
secretes. Vers le soir de ce m&ne jour, le grand-vizir
donna des ordres pour for merles retranchemens.
Lorsque l'aga des janissaires les transmit aux soldats,
quelques hommes repondirent qu'il &ait trop tard
et qu il fallait attendre jusqu'au lendemain matin.
Pendant la discussion que souleva cet incident, on
entendit partir de tous cdt£s des fusses et des coups
de fusil, et personne ne put plus douter que ce ne f&t
li le signal convenuavec i'ennemi. Les janissaires,
quelques pr^sens dont on les eut combles, pass£rent
en masse dans les rangs des rebelles. Le grand-vizir
prit la fuite et le Sultan retourna, bride abattue, a An-
drinople. Le lendemain (21 aotit), juste cinq semaines
aprfes r explosion de la revoke , les rebelles vinrent
camper aux bords de la Toundja , devant les portes
d'Andrinople. Le Sultan, en rentrant au serai', $eren-
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DE L'EiWPlUE OTTOMAN. 129
dit chez son fr&re, et lui adressa ces mots : « Mon
» fr£re , ils veulent te choisir pour leur Padischah. »
Aussit6t Ahmed III confirma dans leurs dignites le
grand-vizir, le moufli, le juge d'arm£e et laga des
janissaires nommes par les rebelles. La Walid6 , d£s
qu'on lui eut apprit le changement de rfegne projet£ ,
s etait prononc^een faveurde son fils Ahmed III contre
le prince Ibrahim. Ce fut ainsi qu' Ahmed , le troisi&ne
sultan de ce nom, monta sur le tr6ne k la suite d'une
re volte qui avait dur6 trente-six jours (22 aotit 1703 —
9 rebioul-akhir 1115); et les djebedjis qui , soixante-
dix ans auparavant , s'&aient r^voltes par une ambi-
tion mal entendue, et qui, pour ne pas rester en arri&re
des janissaires et des sipahis , avaient massacre leur
aga , virent cette fois leur rebellion couronn£e d'un
plein succ6s « .
« L'auteur anonyme de YHistoire de la Bibliotheque de Berlin fixe,
par erreur, le jour del'aveneroentd' Ahmed III aa 12 rebioul-akhir. Schelkhi
et Mahommed Schefik donnent le 9. Raschid, II, f. 17 dit que le 10
6tait le jour de la prestation du serment.
T. XIII.
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LIVRE LXII.
Avenement du sultan Ahmed III. — Execution du moufli et de plusieurs
chefs de rebeUes. — Destitution du grand-vizir Nischandji Ahmed-Pa-
scha. — Le grand-vizir Hasan-Pascha. — Mort du sultan Moustafa II.
— Mesures prises a regard de la Russie. — tichange des lettres de noti-
fication et de felicitation. — Revocation du grand-vizir et de plusieurs
auires fonctioimaires. — Administration de Hasan-Pascha et de son sue-
cesseur.— Chute de ce dernier. — Administration de Kalallikoz Ahmed-
Pascha et intrigues de Baltadji Mohammed-Pascha. — Mort de SeJim-
Ghiraf et de Hasan le Fugitif. — Nomination de Tschorli Ali-Pascha au
grand-vizirat. —Troubles a Bassra. — Passe-temps favoris du Sultan. —
Graintes d'une nouvelle rebellion. — Ambassades de Perse , du prince
des Ouzbegs , de Venise , d'Autriche et de Rakoczy. — Relations de la
Porte avec la Russie , la Pologne et la France. — Perse* cution des Arme-
niens. — Avedick et Gomidas. — Restriction apportee au pouvoir du moufti.
— Ghazi-Ghirai, khan de Crim6e. — Guerre contre les Tcherkesses. —
Institutions de Tschorli Ali-Pascha. — Fiancaillesde qaelques sultanes. —
Phenomenes. — La SvrieetFEgypte. — Mortde Rami-Pascha etde Nouh-
Kfendi. — Descente dans l'lle de Majorque. — Les clefs d'Oran. —
Apparition d'un prttendu prince ottoman. — Arrivee de Charles XII,
roi de Suede, sur les frontieres de l'Empire; son depart. — Destitution du
grand-vizir. — Nououman, dernier grand- vizir de la famille Koeprultt. —
Declaration de guerre contre la Russie. — Depart de Ferriol. — Rap-
ports diplomatiques de la Porte avec les puissances europeennes. —
Kalallikoz ; Yousouf-Pascha ; le silihdar, kaimakam.
Ahmed III monta sur le trdne dans la force de F≥
car il n'avait pas encore atteint trente ans. Le 23 aoftt
1703 (10 rebioul-akhir 1115), il regut le serment de
fid£lit6 des hauts dignitaires de TEmpire, assis sur son
lr6ne, suivant Tancien usage de la cour ottomane, et
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HISTOIRE DE L'EMPIRE OTTOMAN. i3i
pQrtant sur sa t&e le turban rond appete Yowoufi 1 y
suitoojU^ de trois plumes de heron ; le reste de son
veteraeot de dessus se conposait d'une kapanidja on
pelisse garnie de zibeline qui descendait jusqu'a mi-
corps. Le lendeinain, quand il se rendit pour la pre-
miere fois a la mosqu£e , pour assister & la pr&re du
\ endredi a , les rebelles , k peine apaises , s'assem-
bterent en tumulte et lui crterent : « Nous sommes
» contens du Padischah, mais nous ne voulons pas des
» traitress — «Messerviteurs, leur ditle Sultan, ce qui
» vous plait m'est agr£able ; tous les chefs que vous
» avez nommes ont regu notre confirmation. » — « S'il
» en est ainsi, crierent-ils tous d'une seule voix, il faut
» nous livrer le moufti, le kizlaraga, le khazinedar,
» en tout soixante personnes dont nous avons la liste.
» Que le moufti meure sur-lechamp, afin qu'on ne
» puisse supposer par la suite qu'un autre ait p£ri a sa
» place. » Le Sultan promit de satisfaire k leur demande,
et fit planter le mime jour les queues de cheval , en signe
de depart pour Constantinople. Le kizlaraga, son se-
cretaire et le kiaya des baltadjis furent emprisonnes
entre les deux portes du serai, dans l'appartement du
bourreau, et confi£s h la garde du bostandji-baschi ;
quatre eunuques , confidens du dernier Sultan, furent
chassis du palais; les places d'imam du Sultan, de pre-
mier et de second buyers tomb&rent en partage h des
i Raschid , JI, f. 17. « A la Joseph d'£gypte.»
a VEistoire qui se trouve a la Bibliotheque de Berlin , n° V, f. 41 ,
commet deux erreurs , car le jour de l'avenement 6tait le 10 et non le 12 ,
et le vendredi 6tait le 11 et non le 13 rebioul-akhir (26 aout), qui <Hait un
dimanche ( la lettre G. ) .
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i3i HISTOIRE
prot£g6s des rebelles; la solde arrive des djebedjis fut
acquittee, et on leur distribua une sorame de deux cent
cinquante bourses. Apr£s avoir paye aux troupes le pre-
sent d'av&nement qui leur etait dti, et qui co&ta au tr£sor
une autre somme de trois mille six cent quatre-vingts
bourses, le Sultan quitta le serai pour aller habiter sa
tente dress£e au bord de la Toundja, dans la prairie du
Pascha, non loin de Koutschoukdepe, oii se trouve un
palais construit par le dernier grand-vizir de la fe-
mille Koepriilii. Ce fut la qu'il donna audience au nou-
veau moufti , Mohammed-Efendi, qui, sachant bien
quil ne devait son elevalion qu'aux exigences d'une
soldatesque rebelle, £tait venu lui demander la prompte
execution de son predecesseur , de peur que sa place
ne lui ^chapp&t. En effet , le moufti Feizoullah ', qui ,
d£ja etait en route pour Warna, ou il devait s'embar-
quer avec ses quatre fils pour gagner de Hi la c6te
d' Asie et se rendre ensuite k Erzeroum , lieu de son
exil , fut ramen6 par les m6mes tschaouschs qui Ta-
vaient escort^, de Parawadi par Islamiy6 et Sagra a
Andrinople, et jet6 dans la plus dure prison. Le trop
faible Sultan abandonna la victirae des rebelles a trois
de leurs chefs , le janissaire Toridjanli, le si pah i Ka-
rakasch et le djebedji Koutschouk-Ali. Pendant trois
jours, ces homines inhumains firent subir k Feizoullah
les traitemens les plus ignominieux. Enfin Moham-
med , le premier et le seul de tous les mouftis qui ait
donn6 cet exemple, ayant ose d&ivrer le fetwa n6ces-
i Feizoullah avail quatre fils et non pas Irente on quarante que lui donne
liberalement La Motraye, I, p. 324
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DE L'EMRIPE OTTOMAN, i53
saire pour tegitimer l'ex6cution de son pr6decesseur,
ces bourreaux plac6rent Feizoullah, coiffe de son tur-
ban de c^r&nonie 1 , sur un cheval de trait, dont la queue
devait lui servir de bride et le conduisirent ainsi h
travers la ville, apres avoir forc6 un juif h con-
duire le cheval. Arrives au march6 des fripiers , ils
le firent descendre et lui tranch^rent la t6te. Deux
prfilres arm£niens qui, de retour d'un enterrement ,
passaient en chantant des hymmes et en agitant leurs
encensoirs, furent obliges de marcher derrtere le ca-
davre du supplied qu'on traina a travers le camp,
attach^ avec une corde. Ils accabl£rent d'invectives
ses restes d^figures , parce qu'il avait rendu le fetwa
par lequel Camieniec, avec ses mosqu£es , avait &6
c£de aux infideles. Non contens de l'avoir fait perir,
son cadavre devint l'objet des plus barbares mutila-
tions; Fun lui coupa le nez, un autre les oreilles , un
troisieme lui perga les 16vres a ; deux fois ils le plon-
g£rent dans la Toundja, deux fois ils Ten retirferent;
enfin , de m£me que jadis les bacchantes de Thrace
avaient livre les membres mutites d'Orph^e aux ondes
de THebrus , ainsi , plusieurs stecles apr6s , les Turcs
pr6cipit£rent dans les flots du Bosphore les restes de-
figur£s de leur premier chef spirituel. C'est , depuis
« La Motraye, qui raconte cette execution, d'accord avec les historiens
oationaui , commet une grave erreur , en pr&endant que le Sultan s'6tait
contents de le d6grader au rangd'un pascha de Sofia. Voy., du reste, sur
cette circonstance, le Manuscrit de la Bibliotheque de Berlin, n° V, f. 42.
a VHistoire du prince Mohammed, f. 124, dit que la punition du ciel
atteignit bientdt ces trois monstres, que Tun devint aveugle, le second
galeui, et que le troisieme mourut de mort subite.
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i34 HISTOIRE
l'origine de l'Empire ottoman et jusqu'& nos jours, le
troisieme moufti qui ait peri d'une mort violente. Les
patriarches grecs qui ont scelle de leur sang leur fid£-
lit£ a la foi chr&ienne sdnt aussi au nombre de trois; il y
a entre eux cette seule difference que les uns ont p£ri
sous le glaive, tandis que les autresont et£ Strangles.
Ainsi le supplice inflig£ aux chefs de la religion chr£-
tienne etait moins ignominieux que celui qu'on faisait
subir aux premiers dignitaires de la foi musulmane;
car, en Turquie, la decollation est consid£r£e comme
plus infamante que la strangulation 1 . D'apr&s la loi
musulmane, qui place tout chretien au-dessous d'un
musulman , la personne inviolable des oul&nas au-
dessus des autres musulmans, et qui assigne au moufti
un rang si £lev£ au-dessus des oullmas, l'execution de
Feizoullah &ait done bien plus ignominieuse que celle
des patriarches etconstituaitune violation plus flagrante
de toutes les lois humaines et divines que ne l'etait la
strangulation des chefs de l'lilglise grecque. Si Ton
agissait ainsi envers les premiers, que ne devaient pas
attendre les seconds ?
Trois jours apr&s l'arriv£e du Sultan k Daoud-
Fascha , il fit son entree solennelle & Constantinople.
Le m£me jour, eut lieu la c^remonie qui veut que le
nouveau souverain aille ceindre le sabre dans la
mosqu£e d'Eyoub. Cette c£r£monie se fit avec une
» Cest le supplice ordinaire en Turquie et le plus infamant , de re-
pandre le sang du criminel dans le mime lieu ou le crime a tiecomtnis.
La Motraye, 1, p. 555.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. . i3 r >
pompe non moins grande que celle qui avait &onn£
la capilale trois annees auparavant , lors de I avene-
ment de Moustafa II. Ce malheureux prince ouvrit
le cortege, enfermi dans une voiture grill^e et gardee
par des eunuques blancs '. Derrtere, venaient sa
mere, ses saeurs, ses filles et trente voitures remplies
des femmes de son harem , que , depuis le jour de sa
d&h&ince, il lui avait &£ defendu de revoir. Ces fem-
mes, surveillees par des eunuques noirs, furent con-
duces imm6diatement au vieux serai, tandis que Mous-
tafa II fut enferm£, avec ses quatre fils, dans la cage
r6serv£eaux princes, dans le nouveau serai.
Au moment ou, conformlment a un ancien usage,
le silihdar, le nakib et l'aga des janissaires ceignirent
le sabre k Ahmed III ' , une salve d'artillerie ,
liree par les canons du serai et des vaisseaux du
port, annonga a l'Empire le commencement du nou-
veau r&gne. Le m£me jour, un £dit defendit aux
habitans de porter des armes dans la ville , puis on
satisfit les troupes en leur donnant le present d'usage
et une augmentation de solde. Elle fut de quarante
aspres par jour pour les agas des serdengetschdis, da
vingt aspres pour les porte-drapeaux, et pour les*
> La Motraye, I, p. 334. Relation von dem praechtigen Zug des tilrk.
Grossherrn S. Ahmet xu Konstantinopel 1703 ; Bibliotheque de Munich.
Voyez aussi : Wahrfter Bericht von der jiingsten tatarischen Zussam*
menrottung, wie aueh der den 16. Jammer 1703 erfolgten Slranguli-
rung des Grosswesirs Daltaban und Rebellion von 4000 Janitscharen
am. 21 sept. 1703.
a Et non pas , comme le dit La Motraye : < VAdji Beclasse ( Hadji
Begtasch) gut en fait Voffice est, diUon, un descendant d'Eiub. » An-
dreossy et Mac-Farlane sont tombed dans use erreur semblable.
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j 36 - HISTOIRE
mille £mirs de dix aspres a percevoir sup la douane.
Vingt mille janissaires, quatre mille trois cents dje-
bedjis et mille topdjis furent inscrits sur les contr6les
avec une augmentation de solde de trois aspres par
jour. Un grand nombre de janissaires , qui avaient
&6 ray^s autrefois des r61es, afflu^rent journelle-
ment a Constantinople pour se faire reinscrire. Mais
un 6dit s6v6re adress£ k Taga et, plus encore, la tran-
quillity des janissaires casernes k Constantinople et
qui refusaient de faire cause commune avec les nou-
veaux arrivans, &oufferent celte nouvelle tentative de
rebellion. La fermet6 du gouvernement fit avorter
aussi le soulevement des gardes du jardin du serai
( bostandjis ) , auxquels on avait promis , au depart
d'Andrinople , le paiement de leur solde arri£r£e
de huit trimestres, et qui maintenant reclamaient
tumultueusement leur paie et en outre un present
d'av£nement , bien qu'ils n'en eussent jamais regu
pr£c£demment. Le Sultan se rendit & l'eslrade de
marbre, appetee le sofa, dans la cour la plus reculee
du serai. La, entour6 du grand-vizir, du moufti, de
l'aga des janissaires et des seheikhs, il exprima hau-
tement le m£contentement que lui oausait la criminelle
conduite des bostandjis , autrefois la garde la plus
fidele du serai; il ordonna dexpulser ces ingrats et de
les remplacer par de jeunes gargons Chretiens en-
lev£s aux rayas sujets de l'Empire [1]. Aprfes.une dis-
tribution de trois cent vingt bourses, montant de la
solde arrive, on chassa du serai sept cent soixante-
treize coupables, et on nomma un commissaire pour
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i3 7
proc£der imm6diatement k la levee de mille enfans
chr&iens. Ce fut la derntere tentative de la Porte pour
retablir ces sortes de levies , tomb^es en desuetude
depuis plus d'un demi-si&cle.
Tschalik , Faga des janissaires qui , avec quelques
mille hommes de ses troupes, avait preside k la distri-
bution de la solde des bostandjis et a l'expulsion des
mutins, et qui , par Ik , esperait avoir captiv6 pour
jamais la haute faveur du Sultan , ne craignit point
d'offrir une f&e a son maitre ( 3 novembre 1703 —
§3 djemazioul-akhir 1 1 1 5 ). Le Sultan accepta , bien
que cette distinction ne fAt g£n£ralement accord^e
qu'aux grands-vizirs. A cette occasion , Tschalik osa
lui demander la place de grand -vizir. Dejk il se croyait
assure du succfes par la r^ponse bienveillante, mais con-
trainte d'Ahmed , lorsque son peu d'^gards envers le
nouveau kizlaraga , Abdourrahman , fit £chouer son
ambition et hftta sa chute. Abdourrahman occupait ,
k l^poque de la derniere revolution , la place d'aga
du vieux serai a Constantinople; il avait d'abord re-
crut6 des partisans pour le sultan Ibrahim , mais
lorsque les chefs de la rebellion lui promirent la place
de kizlaraga, a condition de les aider a mettre sur le
tr6ne le prince Ahmed , il prit avfcc chaleur le parti
de ce dernier. Ce changement d'opinion lui valut , k
I'av&nement d'Ahmed , sa nomination a la place
du kizlaraga Nezir, qui fut emprisonn^ , depouill£
de tous ses biens , puis conduit en exil. II &ait
d'usage k la cour ottomane que , dans toutes les
f&es donates au Sultan , le kizlaraga devang&t le
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i5« HISTOIRE
grand-vizir , et que celui-ci , en s'adressant au
premier , soit verbalement , soit par ecrit , lui donn&t
le titre de oghlum sultaniim (monsieur monfils) ; en
cas de visile , le grand- vizir devait aller au-devant du
kizlaraga jusqu'& l'escalier, et les autres vizirs &aient
tenus de lui baiser la main. Loin de se conformer a
cet usage, Tschalik, qui venait d'accompagner le
Sultan et qui se reposait sur un sofa, sans turban, et
n'ayant sur la t£te qu'une simple calotte, resta assis a
Tarriv^e d'Abdourrahman, et, sans se couvrir de son
turban , il lui dit : « Vous plairait-il , aga , de vous
» asseoir ; » en lui d£signant en m£me temps one place
vis-k-vis du sofa. Dans ce moment, on apporta de l'eau ;
Tschalik but, et lorsque le kizlaraga lui demanda aussi
h boire, il lui donna le verre qui lui avait servi. Cette
conduite irrespectueuse avait deja vivement blesse le
kizlaraga ; un autre oubli des formes usit&s combla la
mesure. Les eunuques, confidens du Sultan, venaient
d'entrer dans la salle sans que Tschalik leur donn&t la
moindre marque de bienveillance. «Nous sommes des
» janissaires, dit-il, et nous ignorons votre etiquette;
» nous ne savons pas s'il faut vous donner le titre de
» fils ou de p£re. Soyez toujours les bien-venus ; » puis
il se mit k crier : « H6 ! gargon , du cafe ! » Les eunu-
ques, habitues aune etiquette severe, se confondirent
en remercimens; mais ils ressentirent vivement le man-
que d'£gards de Taga envers eux, etilssaisirentadroi-
tement, pour s'en plaindre, le moment favorable ou ils
crurent avoir Toreille du Sultan. Ainsi la f&e qui de-
vait servir de marche-pied h l'ambition de Tschalik, ne
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i3 9
fit que hftter sa ruine, k laquelle travaillait ddji avec
activite le grand- vizir, qui voyait en lui, et avec raison,
un rival dangereux.
Ahmed III sentit bientftt qu'il ne pourrait se main-
tenir sur le trdne qu'autant que les chefs de la rebel-
lion, qui pouvaient £tre tentes chaque jour de la re-
nouveler, seraient priv& de toute influence ou rayes
de la liste des vivans. II commenga done par Taga des
janissaires, Tschalik, et, d'accord avec le grand-vizir,
il s'y prit de la mantere suivante. On invita les vizirs et
les oul&nas & se rendre au serai pour assister h une
lecture de la tradition. On savait qu'& la porte du jar din
ils devaient, suivant l'usage , y laisser leurs chevaux,
pour franchir le seuil et se rendre au koeschk d'Eriwan,
lieu designe pour la reunion. Lorsque tous furent
entr£s, on conduisit les chevaux du c6t£ oppose du
serai, a la grande Porte. Au moment de cong^dier Tas-
sentbl£e, le kaftandji jette sur les ^pautes de Tschalik
un- kaftan, pendant que le grand- vizir lui declare quele
Sultan Ta nomme gouverneur de Chypre. « Quel est
mon crime ? » s'^crie Tschalik plein de fureur , et
aussk6t U se pr£cipile vers la porte du jardin dans l'es-
poir dly trouver son cheval. Tromp6 dans son attente,
il s'apergoit, mais trop tard, qu'on en veut k sa t6te x ,
et se hide de retourner a la Porte du Canon , ou il monte
dans la galore qui Fattendait. Le chambellan qui l'avait
accompagnd, £taiten m&ne temps porteur desa sentence
i Raschid, II, f. 24. Serifeldket medari tapyoline gidedji gin
fehm edoup, Cest-a-dire, que sa malheureuse t&e 6tait destin6e a rouler
comme on boulet.
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Mo HISTOIRE
de mort, rendue par lc Sultan, et bas^e snr tin fetwa
du moufti. L'ex^cution de Tschalik fut suivie de prds
de celle des autres chefs des rebelles , du janissaire
Toridjanli et du sipahi Karakasch. Le koulkiaya (pre-
mier lieutenant-general) et lemoubziraga (grand pr6-
v6t de rarmte), le tschaousch et le bostandji-baschi
furentdestitues et envoy^s en exil (1 1 novembre 1703
— 2 redjeb 1 1 1 5). Le silihdar Ipschir, qui avait rem-
place Ali de Tschorlr, avait &6 prec^demment eloi-
gn^ ' par le Sultan ; les quatre fils du moufti Fei-
zoullah , son kiaya et son r^ferendaire furent bannis
k Famagosta; son gendre Mahmoud, qui, pendant la
revolution , etait juge de Constantinople et n'avait
echapp^ quavec peine aux poursuites des rebelles, fut
exile k Brousa. Dun autre cdte , on rappela de Texil
les deux juges darmfo de Roumilie bannis par le pre-
cedent moufti , savoir : Mirza Moustafa et Abazade-
Efendi , le premier originaire de Sinope , le second
de Chypre. Le chef de la confrerie des bouchers ,
homme dont la richesse immense etait employee a se-
courir les pauvres de la capitate, et Tun des proteges
du moufti Feizoullah, qui avait dft racheter sa t6te aux
rebelles par le sacrifice d'une somme de trois cents
bourses , fut confirm^ dans ses fonctions. L'epuise-
ment du tresor suggera au grand-vizir de nouveaux
expediens. II redama de Tancien deflerdar Mouhsin-
« Raschid , f . 20 , donne ici les mutations ope>6es dans les premieres
fonctions de la chambre inteneure des pages, savoir : 4° le silihdar
(porte-6p6e) ; 2° le tschokadar ( gardien du porte-manteau) ; 3° le rikiab-
dar (teneur de l'&rier); 4° diilbend ghoularai (le teneur du turban) ;
5° le serlrasch (barbier ) ; 6° le pescbgiragasi (le gardien de la nappe).
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i<fi
zad£ Mohammed-Efendf , qui n'avait jamais rendu
compte de sa gestion comme intendant de la cuisine
imp£riale, la somme de huit cent soixante-sept bour-
ses , et lui donna pour successeur l'historien Hadji
Mohammed. Pour subvenir k la d^pense du present
d'avenement , on pr£leva , comme d'habitude , les
sommes n^cessaires sur les revenus mensuels que
les possesseurs de fermes , de wakfs et de pensions,
devaient laisser dans les caisses publiques au re-
nouvellement de leurs berats. Autrefois , on avait
paye l'accroissement de solde allou£e aux troupes k
l'occasion d'un av&nement, au moyen d'une augmen-
tation de dix aspres inscrite sur la quittance de la capi-
tation, et d£sign£e sous le nom de newyaft (nouvelle-
ment trouvi). Mais comme le grand-vizir Koepriiiu
Moustafa avait ramene a un systeme l£gal le recou-
vrement de cette taille, en faveur dessujets non musul-
mans; on eut recours, pour faire face k cette depense
du tr&or, aux possesseurs des fermes viag£res (mali-
kian£s) qui, sur mille piastres, durent en payer deux
cent cinquante au fisc. Les ressources du tresor &aient
alors tr6s-restreintes , car Tavidit6 du grand -vizir
Ahmed, qui avait du son elevation aux intrigues des
rebel les, avait port6 la corruption k un point effrayant.
Ahmed-Pascha , russe d'origine , &ait sorti du serai
sous re r6gne du sultan Mohammed IV pour prendre
possession du gouvernement de Bassra ; il avait &e
successivement nomm6 gouverneur de Mossoul , de
Saifda et de Beirout. Destitue lors de l'avenement du
sultan Souleiman, il &ait reste long-temps sans emploi,
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i4a HISTOIRE
et n'etait rentre en fonctions que sous le grand-vizirat
de Koeprulii Amoudjazade Housein, sur les prteres
instantes de sa femme, soeur de be dernier. Koeprulii
le detestait personnellement , au point que toutes les
fois qu Ahmed se rendit a la Porte pour offrir, corame
les autres vizirs , ses hommages au premier chef de
l'Empire, celui-ci regardait par la fen&re en disant :
« Voila encore l'administrateur, » piquante allusion k
l'avidit£ connue de son beau-fr6re et k son esprit in-
ventif pour amasser de Targent. En effet, pendant
son grand-vizirat, Ahmed poussa la cupidite a ses
dernteres limites, en favorisant la corruption et la
vente des emplois. II avait choisi pour son kiaya, ou
ministre de Tint6rieur, un dne l (pour nous servir de
1'expression de l'historien ottoman) qui ne savait ni
lire ni 6crire ; il lui arriva plusieurs fois de donner
des dipldmes d'investiture de sandjaks sans y apposer
sa signature, et d'en d61ivrer d'autres k trois ou qua-
tre reprises diff£rentes ; enfin, il ne parlait k ceux qui
venaient r^clamer ses services que pour leur dire :
«Ya-t-il de l'argent a gagner?» Lorsque Temiroul-
hadj (le conducteur de la caravane de la Mecque)
parlit de Constantinople , Ahmed-Pascha lui remit ,
suivant r usage, les presens et les sommes destines aux
pauvres de la ville sainte ; mais k peine fut-il Eloign 6,
qu'il envoya a sa poursuite des commissaires charges
de les lui rapporter. II est connu sous le surnom de
■ Eschekharif ; Manuscrit de la Bibliotheque de Berlin, no 75,
f. 285
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 143
Kowanos (la ruche d'abeilles), surnom qu'il devait,
soit a son talent de butiner le miel, c'est- i-dire de tirer
Tor de toutes choses, soit k sa faille trapue et ra-
mass£e. Le Sultan, qui n'ignorait rien de toutes ces
particularity, avait offept plusieurs fois dejk le sceau
de l'Empire k son gendre Hasan; mais celui-ci avait
toujours refus£. II tenait cependant ^ s en d£faire, sen-
tant bien qu'Ahmed-Pascha , qui lui avait &£ impost
commc grand-vizir par la rebellion , serait toujours
prGt k la fomenter par des menses secretes pour se
mainlenir en place. Mais enfin , assailli de suppliques qui
demandaient sa destitution, le Sultan envoya le silihdar
lui redemander le sceau. Ahmed-Pascha, en entendant
cet ordre, fut tellement trouble qu'il ne put m£me pas
defaire le noeud du cordon auquel il etait attach^ ; il le
rendit avec la bourse qui le renfermait. On lui signifia
de se retirer dans sa maison situee pr& de la Souleima-
niy6. Chemin faisant, il rencontra son successeur, le
gendre du Sultan, Damad Hasan-Pascha, qui Tapos-
tropha ainsi: «Mon fr6re pascha, si tu ne cherches
» pas a cacher tes tresors, tu n auras rien a craindre ; »
lui donnant ainsi a entendre adroitement que, dans le
cas contraire , il serait livre k la torture. Ahmed-Pa-
scha lui parla quelque temps & l'oreille, puis il lui
baisa la main et se rendit dans sa maison. Malgre la
promesse qui lui avait 6te faite dene point l'inqui&er,
il fut exite a Lepanto apr&s qu on lui eut fait rendre
les tresors qu'il avait si illegalement accumules.
Damad Hasan-Pascha, Grec n6 en Mor^e, &ait
ce commandant de Khios qui, sous le rfegne de Mo-
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i44 HISTOIRE
hammed, avait &\6 retenu prisonnier pendant que] que
temps dansl'appartementdu bourreau du serai', en at-
tendant que son sang coul&t en expiation de la reddition
de Tile et de la forteresse de Khios aux Wnitiens. II
n'avait dft son salut dans ce^te circonstance et sa no-
mination au gouvernement d'Azof, qu'a Intercession
de la princesse , son epouse. Plus tard , il avait 6l6
nomm£ kai'makam d'Andrinople, d'ou il avait passe,
en cette m£me quality, a Constantinople. Devenu
grand-vizir, sa premiere demarche fut de se consul-
ter avec le moufti sur les moyens a prendre pour le
maintien ou plut6t pour le r&ablissement de l'ordre.
Dans cette entrevue, le moufti, voulant faire sa cour
k Damad Hasan, lui insinua qu'il devait sa dignity k
1'opinion publique. Prot£g6 des rebelles, et depuis
long-temps habitue k leur langage , il lui dit : « Mon
» fib , c'est a la volont6 du peuple assemble que tu
» dois le grand- vizirat \ » Ces paroles prouverent
suffisamment au grand-vizir que le moufti n'avait pas
encore perdu de vue les moyens dont il avait us6
pour parvenir a la supreme dignite legislative ; cepen-
dant il lui repondit avec une amitie feinte, et, pour le
tranquilliser sur les suites de la parole inconsider£e
qui venait de lui ^chapper, il l'invita a l'accompagner
chez le Sultan. «Mais nous n'avons pas &£ appeles par
» lui,» dit le moufti.— «I1 n'estpas besoin d'une invita-
» tion sp^ciale, » lui repliqua le grand-vizir : voulant
ainsi faire connaitre a son interlocuteur le degr6 de
> Idjmaat oummet; R as chid , II , f. 26.
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DE L'EMPtftfi OTTOMAN. i4§
son pouvoir et de son influence aupr£s du Sultan, de
m£me que celui-ci lui avait fait pressentir sa popularity
et la puissance des rebelles. Le matin mdme de sa
nomination, Damad Hasan assista a la distribution de
la solde des troupes. Dans l'apr&s midi, il regut les
felicitations des oulemas et des gen^raux des sept
ordjas , confirma quelques-uns des hauts dignitaires
dans leurs emplois ou dans leurs gouvernements et
en destitua quelques autres. Du nombre de ces der-
niers, fut le kaimakam Hasan -Pascha Firari , qu'il
abaissa au rang de defter dar, au prejudice de l'histo-
rien Hadji Mohammed-Pascha. Celui-ci se consola
de son eloignement des affaires , dans Tespoir que
cette mesure ne serait que provisoire; en effet, Hasan
fut peu de temps apris renvoy6 de Constantinople et
nomme gouverneur d'une province, et Hadji Moham-
med rentra pour la troisi&me fois dans ses fonctions
de defterdar. Differant en cela des grands- vizirs ses
pr6d6cesseurs, Damad Hasan d£daigna d'accepter le
moindre argent pour ces nominations. II remit, de ses
propres mains, les dipldmes d'installation aux sei-
gneurs du diwan, et donna ceux des nouveaux gou-
verneurs k leurs agens, sans leur demanderuneseule
aspre. II permit a Nououman-Pascha, qui faisait quel-
que difficult^ de se rendre h la Canee, de choisir pour
lieu de sa retraite Amassia ' ou tine des ties de l'Ar-
chipeLLe vieux Hasan, chef des Yuriiks ou des tribus
errantes de Roumilie, fut nomm6 conducteur et pro-
i Gomme commandant du Tschardak d' Amassia*
T. XIII. 10
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<46 HISTOIRE
tecteur dela caravane des pelerins. Une tentative deg
serdengetschdis ( volontaires) , pour soulever le premier
regiment des janissaires, fut comprimee par deux
khattischerifs du Sultan, actresses aux janissaires etaux
sipahis , et par 1 'active surveillance de la police, qui
purgea en secret la ville des chefs de la derni&e r6-
volte. L'aga des sipahis Salih, qui avait obtenu, avec
la main de la veuve de Houseiin, fils de Fakhreddin,
prince des Druses de la tribu Maan , ses immense*
richesses, et qui, pendant la rebellion, avait achet£
3a place au prix de trente bourses, p6rit par la main
du bourreau. Le m6me sort atteignit les djehedjis
Koulschouk Ali et Karabadjak, en punition de la part
qu'ils avaient prise k la derntere revolution. Hamewi
Ali-Efendi, chef de la chancellerie des taxes 1 , qui
s'etait fait passer pour astronome, bien qu'il ignor&t
jusqu'aux premiers principes de cette science , et qui
debitait, dans ses fr£quentes ivresses d'opinm, des pa-
roles vides de sens, fut envoyS enexil. Le precedent
silihdar, Ali de TschorK, qu'on 6tait sur le point de-
loigner en lui donnant le titre de gouverneur de Haleb,
obtint , gr&ce a Intercession de sa femme et de la m6re
du sultan Moustafa , la permission de rester a Con-
stantinople et de prendre place parmi les vizirs de la
coupole. La conduite que le nouveau grand-vizir tint
& l'egard du kaimakam destitu6 , Abdoullah , merite
surtout d'etre remarqu^e; il le fit sortir de son obscu-
rity et Tenvoya k la Can^e avec le titre de comman-
1 Mefkoufatdjit
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 147
dant. L'histoire signale encore sa g^n^rosite enyers
son pr^decesseur Rami-Pascfaa ; non content de lui
accorder la vie sauve, il lui restitua ses biens immeu-
bles et le nomma au gouvernement de Chypre l . Le
sultan Moustafa , dont la faiblesse avait seule caus6 la
derniere revolution et tous les maux qui la suivirent ,
mourut le 31 decembre 1703 (22 sch&ban 1115)';
il fut enterre a cdte de son pfere dans la mosqtfefc
de la Walide.' Moustafa avait lesprit cultiv6; c'efefit
un prince d'un caract&re doux et bienveillant ; il est
cit^ pour ses talens calligraphiques . H cherchait son
plaisir dans la chasse et dans le jeu da dfirid ; avare
da sang de son peuple, il se montra toujoufs hutnata,
et respecta la fortune des grands. Pendant son r6gne,
Moustafa aima a prot^ger les savans et les pontes;
mais presque tous ceux qui figurent dans les biogra-
phies de'son ^poque m^ritent k peine le tttre de ri-
meurs. Les Ottomans ont conserve les noms de dix-
neuf po&es, dont sept etaient morts 3 1'annee qui pr6-
ceda la fin de Moustafa , et douze dans celte qui la
t KaschW, II, f. 28, et Histoire de laBibliothique de Berlin > n* 75,
f. 291. L'auteur donne an grand-vizir les plus grandes louanges sur son
humanity : aferin ademfyetjod hakikat ue andjak olour, c'est-a-dire :
l'humanite qui se montre sous ces formes mfrite les louanges de tous.
' s Histoire de la Bibliotheqm de Berlin, f. 192, dit le 22 scbabam
Raschid dit par erreur le 20 ; les Tables chronologiques fiient sa mort au
mois de rebioul-akhir, ce qui est entierement faux.
3 £n Fannie 4114 (1702), moururenC: 1° le schetkh Nakschi-Ibrabira ,
dans Sche'ikhi, n. 1370; 2<> le scheikh Nazmt,n. 1363; 3© Maanewi Scheikh
Mourfak, n. 1372; 4°EmrollahbenNaw<mh, aussiappete Emri; 5o Sche-
hri ; Go Bakftad* Jsmafl-Efendi , avec le nom de potte Remzi; 7° Edreadt
tfedjib.
10*
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i£8 tMSTOlRft
suivit '; cette derni&e fut signage encore par la mort
des deux meilleurs historiens du rigne de Moustafa,
le defterdar Mohammed et l'auteur anonyme de This-
toire qui enrichit la bib!ioth£que de Berlin.
Le commencement de l'administration du grand-
vizir Damad Hasan-Pascha coincida avec l'arrivfc des
lettres de felicitation que les souverains d'Europe et
d'Asie envoy&rent k Constantinople , en r£ponse aux
lettres de notification de l'av&nement du Sultan 1 . Mous-
tafaaga fut charge de porter cette nouvelle a Venise ,
et Ibrahim fut d^p£ch£ en quality d'internonce k l'Em-
pereur Leopold. Pour rehausser l'lclat de cette mis-
sion, le Sultan lui accorda le rang de miralem (prince
du drapeau, porteur de I'&endard sacre ). Talman,
ministre r£sidant a Constantinople, remit la lettre de
felicitation de 1'Empereur 3 . Ibrahim passa par l'Es-
clavonie et Gratz, et arriva a Vienne le 28 mai 1 704.
Le 9 juin suivant, il regut une audience de TEm-
pereur. II lui remit , avec la lettre du Sultan , un
6crit par lequel la Porte se plaignait des heiduques
qui, contrairement au traife existant, avaient con-
struit trente-cinq tschardaks dans le territoire compris
t En l'anntolllS (1705) mourorent , 1© Durri, dans Safayi, no 89 ;
2°Rouschdi; 5o Razi; 4» Roukhssat; 5» Seki; 60 Scbakir; 7<> Sarif;
8° Abdoul Hagi; 9° Fenayi; 10° Loutfi; Ho Mouniri; 12<> Niazi, et
enfin la femme poete Onmmetaullah Sidki. Schelkhi mentionne encore
les poetes Naziz, Hamdi, Nassib et Loutfi.
» La circulaire se trouve dans VInscha de Rami, no 469, et les lettres
am puissances gtrangeres , no 254.
3 Credentiales pro Internuntio Talman 9 Aug. 1704 ad S. Ahmet UL
gratulatoria, puis : Hesponsoria per Ibrahimaga SO Aug, 1704 ; la lettre
de recreance porte la date du 30 aout 1704*
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 149
entre les confluens de FUnna et de la BossuL Rien, du
reste, ne troublait alors serieusement la bonne intelli-
gence qui existait entre TAutriche et la Porte. Toekoeli
avait &6 banni k Nicomedie, et les mehees de Ra-
koczy en Hongrie, ou il s'&ait mis k la t&e des magnate
m£cont£ns, inspiraient seulement quelque defiance au
diwan ; aussi un corps de cinq cents janissaires fut-il
envoys vers Belgrade et Temeswar pour proteger la
fronttere contre toute violation * . Ali-Pascha, gouver-
neur de Belgrade, qui, plusieursfois deji, avait essay6
d'entratner la Porte dans une nouvelle guerre avec
FEmpereur , fut puni de sa tentative ; le Sultan Iui
retira l'etendard k trois queues et ne lui laissa que le
titre de pascha k deux queues de cheval \
Les troubles qui divisaient alors la Hongrie per -
mirent k la Porte de d&ourner son attention des af-
faires d'Autriche pour la concentrer sur celles de
Russie. La premiere de ces. puissances &ait trop ab-
sorbs par sa querelle avec Rakoczy pour que Ton
efit a craindre avec elle une rupture prochaine. La
seconde au contraire donnait de vives inquietudes
depuis que le czar Pierre augmentait sa flotte dans la
Mer-Noire. Incertaine sur le but de ces armemens, la
Porte ordonna de pousser avec la plus grande activity
la construction du ch&teau-fort de Temrouk qui avait
d£j& &6 commence sous le r&gne precedent , et qui,
s'elevant au bord de la mer prSs du village de Kizil-
x Raschid, II, f. 31, sous le titre : Apparition dufib de Rakoczy.
> Rapport de Talraan du 2 decembre 1703 ; voir les lettres au pascha
de Temeswar relatives a Rakoczy dans Rami, n° 643, 644 et 645.
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t5o HISTOIRE
tasch, dovah fermer le passage entre Kersch et Ta-
inan. Mais, comme ces constructions ne pouvaient
£tre termin£es avant une annee , le vizir Osman ,
kapitan-pascha, partit avec une flotte pour la Mer-
Noire (1 avril 1 704 — 5 silhidj6 1115), avec mission
de munir d'une nombreuse artillerie la nouvelle re-
doute qui defendait provisoirement Fentrie du d£-
troit de Kersch. Plusieurs petitions arrives de Cri-
m6e et les rapports du khan tenaient le diwan en
iveil ; les unes mandaient que le Czar fortifiait Azof et
construisait un nouveau fort k Taighan (Taganroc) ;
les autres faisaient savoir que Pierre reparait les forti-
fications de Kama nika, sur les rives du Dnieper, et con-
struisait des vaisseaux dans le port de Waskor pour
empficher Tachfevement de la redoute qu'on elevait
devant le nouveau ch&teau qui prit le nom de Yeni
Kalaa *. Le gouverneur de Kaffa, Mourteza - Pascha ,
et celui d'Oczakow, Yousouf- Pascha, furent invites
& proteger les travaux et h tenir leurs troupes pr6tes
h marcher au premier signal a ; cependant, afin de
pr6venir toute rupture, le grand- vizir enjoignit a
Yousouf-Pascha de se conformer aux conditions du
dernier trait6 de paix, de remettre en libertd les pri-
sonniers trainls en esclavage par les Tatares 3 lors
x Raschid ,11, f. 25 , 31 et 52. Les lettres au khan, relatives a k
mission de Novali Moustafa, se trouvent dans VInscha de Rami, n° 675 et
celles qui traitent des secours promis a la Pologne contre la Rnssie , n°* 675,
677, 678 et 680.
• Raschid, II, f.55.
3 Raschid, II, 1 54. La lettee au khan, relative aux fortifications et a la
delimitation des flrontieres russes se trouve, dans VJnscha de Rami (Bihlto-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i5i
de leurs r^centes incursions , et de defendre s£v&re-
ment tout acte d'hostilit6 contre les sujets russes *.
L'ambassadeur russe, arriv6 & Andrinople pendant la
rebellion des troupes qui coftta le trdne au sultan
Moustafa, apprit , dela bouche m6me du grand- vizir
Ahmed-Pascha, que la Porte n'avait aucune confiance
dans les protestations d'amitte de la Russie, et, k son
depart, Ahmed lui remit pour le Czar une lettre dans
laquelle il se plaignait des mesures qui lui faisaient
craindre une rupture de la paix \ Venise nomma , en
rem placement du baile Ascanio Giustiniani , le che-
valier Moncenigo, charg6 de faire agr^er h la Porte
les felicitations de la r£pubKque 3 . Dans le cours de
cette annee , les commissaires proposes & la delimi-
tation des frontiferes de Venise achev&rent heureuse-
ment leur travail *. Ahmed-Pascha d£f£ra au d&ir de
theque I. R., n<> 423), n<>467 ; elk est dateedu27 safer 1115, L'hetman des
cosaques Berabasch etait charge de cette affaire par le Czar; la lettre
n° 468, datee du 28 safer, est relative, comme la pr6c6dente, a la delimita-
tion de la frontiere pres d'Azof et le long de la Mojesch ; eelle qui est en-
registree sons le n° 469 a trait a une affaire conclue entre les deux n6-
gocians russes Aleco et Andrea et rassocie" du negotiant francais Bava ; le
n<> 470 est une lettre concernant le commissaireturcNovaliMioustafa; la lettre
n° 471 estadressee au gouverneur d'Oczakow; celle quiporte len° 472 est
adressee a Ibrahimaga et le n° 475 au gouverneur d'Adjou.
■ Voyez a ce sujet les lettres du grand-vizir au khan, dans VInseha
deRami, n<« 559; puis celles qui sont relatives aux incursions, n° 612,
615, 616, 617, 621, 651, 652, 655, 654, 655, &6 et 642.
» Raschid, II, f. 22. La lettre du grand*vizfr au Czar, da 15 safer 1115,
se trouve dans VInscha de Rami , n° 426.
3 La lettre de recreance de Giustiniani se trouve dans le grand Inscha
de Rami, n° 481, et la lettre relative a la delimitation des frontiers avec
Venise, n° 608.
4 Ihstrommto imperkiU di confini fatto tra la Serm. Republ. et a la
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i5a UISTOIRE
l'ambassadeur genoiset Icrivit une lettre au doge, en
r6ponse a la lettre de felicitation que la r6publique
avait envoy£e k Constantinople \ Le prince des Ouz-
begs, Esseid Mohammed Behadir-Khan, envoya
Koutschouk Alibeg * , en quality d'ambassadeur', pour
feliciter le Sultan sur son av£nement ; un autre ambas-
sadeur arriva de la part d'Ayouka , khan des Kal-
mouks, qui informa la Porte de son refus d admettre
en sa presence l'ambassadeur des Tscherkesses de la
Kabarta, r£volt£s contre le khan des Tatares. La Porte
informa le chef des Kumuks , le schemkhal du Da-
ghistan, du changement de souverain , ainsi que cela
avait eu lieu d^ja lors de l'av£nement de Moustafa II.
D'autres lettres , annongant celui d'Ahmed III ,
furent exp£diees au schah de Perse, au souverain de
Fez et de Maroc , Moulai Sch^rif Ismail, et au domi-
nateurdel'Inde 3 ; quant auxdeys de Tunis, de Tripoli
et d'Alger, et au sch£rif de la Mecque, ils en furent
inform£s , suivant l'usage, par des lettres circulaires.
Les ministres r£sidens de France , d'Angleterre et de
Pologne, r^pondirent k la lettre de notification de la
Porte par des lettres de felicitation de leurs cours res-
pectives.
felice Porta ddo. Constantinopoli i chadban 1815, metdde dec. 1705,
tradotto da G. P. Navon. — Actes venit.
i Dans la lettre de recreance, l'ambassadeur s'appeHe Signor Gengio pour
Cenci. Inscha de Rami , n° 485.
a Ibid n<> 111. Le no 116 consent la lettre de recreance de l'ambassa-
deur Ouzbeg, qui eut son audience le 13 novembre 1703. Le no 681 est
une lettre du kban de DjagataK au grand-vizir; enfin une demiere adressee
au kafrnakam est relative a la reception de l'ambassadeur ouzbeg.
3 Les lettres de faire part envoyles a tous les louverains et princes se
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i55
Nous avons vu que, ddjJt sous le grand-vizirat d'Ah-
med-Pascha , le Sultan s'&ait d^barrasse des prin-
cipaux rebeUes de Farm^e; Damad Hasan-Pascha
entreprit d'en purger egalement le corps des oul&nas.
Lemoufti, dontl'esprit turbulent etait connu du Sul-
tan, dut le premier expier'sa participation a la derniere
revolte.
Un samedi que la cour s'assemblait au serai pour
assister a la lecture des exegeses du koran ou de la
tradition, et que, quelques jours apr6s avoir preside pu-
bliquement un concours pour les places vacantes de
mouderris , auquel il n'avait admis que les fils d'une
foule d'epiciers et de marchands de riz, au prejudice de
candidats d'un merite reconnu , rest^s sans emplois
depuis huit ou dix ans * , le moufti attendait qu on l'ap-
pel&t en presence du Sultan , le silihdar vint lui
remettre l'ord^e de se rendre en exil a Brousa (26 Jan-
vier 1704 — 19 ramazan 1115). On ne lui permit pas
m6me de rentrer chez lui pour faire les preparatifs de
son voyage ; ensortant du serai , il fut conduit dans
la galore qui l'attendait au pied de la digue du palais.
Ahmed-Efendi, qui trdnait sur le coussin, insigne de
la digniti de juge de Constantinople*, et le sacristain
Emini, qui, depuis la rebellion, s'&ait arrog£ le titre et
les fonctions de chef des £mirs , furent arr&6s en
m£me temps et embarqu£s pour Famagosta. La place
de moufti fut conferee a Paschmakdjizade Ali , et la
trouventdansl'/iwfta de Rami, n°» 473, 479, 119, 120^40, 113 et 117.
i Raschid 6tait de ce nombre.
a Istanbol kazati mesnedine siklet weren. Raschid, II, f. 30.
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i54 HISTOIRE
mdme galore qui avah conduit son pr&tecesseur k
Broosa ramena k Constantinople le digne juge d'ar-
m&e Yahya-Efendi, que lemoufti Mohammed y avail
exite. Hasan le Fugitif, apr£s avoir occupe , pendant
quelques semaines, leposte de premier defterdar, fut
promu k la dignity de beglerbeg de Roumilie , et Hadji
Mohammed, l'historien, rentra pour la troisidme fois
dans rexercice de fonctions qu'il avait dii c£der mo-
mentan&nent. Housein le Fugitif fut nomine gouver-
neur de Damas et Gourd Beiram-Pascha de Rakka,
emiroul-hadj de la caravane des p&erins de la Mecque.
Mais comme on avait appris que les Arabes voulaient
piller la caravane, la Porte ordonna au sandjakbeg de
Tripoli de Faccompagner avec sept cents hommes
jusqu'a Bir Ghanem dans le desert. Un ordre analogue
enjoignait aux sandjakbegs de Saida et de Beirout de
le rejoindre avec un corps de cinq cents hommes, et
ceux d'Adjeloun et de Jerusalem furent invites k
Fescorter avec toutes les troupes de leur maison '.
Le scherif de la Mecque a , Said et le gouverneur de
Djidda, comme scheikh du sancluaire, devaient faire,
de leur c6te, tout ce qu'ils pourraient pour prot^ger
i L'ordre envoyea eet effet au sandjak d'Adjeloun, date do 26 siHrkH6
1115 , se trouve dans i'lmcha de Rami, n<> 619. Le n° 622 contient one
lettre au sandjak d'fcgypte relative au compte des sommes employees pour
protlger la caravane ( Irsaliye* ).
a Rami donne sous les no* 576 et 581-582 deux lettres au scherif Said
concernant l'envoi de la Sourre ; deux autres datees du mois de schewwal
1115 et adressees Tune a Said, l'autre a son pere Saad, sont relatives a
V abandon fait au gouverneur de Djidda des taxes appeiees $ate%,
yemaniye et mimiy4.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i55
la caravane. Ismail, kiaya du pascha de Djidda, Bal-
tadji Mohammed, vint, vers cette £poque, h Constan-
tinople, et comme il jouissait depuis long-temps de la
faveur particultere du grand-vizir, il obtint pour son
maftre, moyennant de fortes sommes d'argent, le
dipl6me de gouverneur d'figypte et pour lui-m£rae
celui de gouverneur de Djidda (S3 juin 1 704 — 1 9 sa-
fer 1t16). Enfin, le sch6rif de la Mecque, Said, fut
confirm^ en cette quality '.
Une innovation remarquable eut lieu vers ce temps
enMoldavie. Lesboyards, qui, m6meavant la rebellion
des troupes dans la capitale , s'etaient plaints h la
Porte des oppressions de leur prince Duka , furent
autoris£s k choisir pour hospodar un d'entre eux.
Toutes les voix s'&ant r£unies en faveur de Michel
Rakoviza, gendre de Constantin Cantemir; il regut
Kinvestiture non dans le diwan, mais dans le koeschk
dn rivage et avant d'&re admis h Taudience du Sultan
(3 octobre 1703 — §2 djemazioul-ewwel 1115).
Cette derogation aux usages &ablis etait une suite
de la confusion qui depuis la derntere revoke r^gnait
encore dans le conseil. Le grand- vizir se souciait peu
que ce fut un prince 6Iectif ou nomm6 par la Porle
qui opprim&t les sujets de Moldavie; mais ce qui lui
importait, c'&ait d'eloigner du Sultan tous ceux qui,
en captivant sa confiance, pouvaient devenir des en-
nemis dangereux h son pouvoir. Aussi, n'eut-il pas de
x Le n« 4^2 de YInscha de Rami contient une lettre du grand-vizir au
khan de Crimle, dans laquelle il lui annonce la retraite du sch&if Saad en
faveur de spn fils Said*
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i56 HISTOIRE
repos qu'il n'eAt fait revoquer le silihdar Ibrahimbeg,
homme simple et peu attentif aux conseils de ses amis
(16 avril 1704 — H silhidjS 1115). Le poste vacant
fut donn6 an tschokodar Abaza Souleiman x . II ne
lui fut pas aussi facile de donner la place de kizlar-
aga au tr£sorier Mohammed; il craignait, non sans
raison, que, si elle revenait k Souleiman, le premier
eunuque de la Walide , il ne p&t se maintenir Jong-
temps dans la dignity de grand-vizir. II communiqua
son projet au trlsorier par l'entremise du nain Ham-
zaaga : mais Mohammedaga , moins ambitieux que
pusillanime, en fit part k l'eunuque, celui-ci k la
Walide, et cette dernifre au Sultan. Ce que Hasan-
Pascha avait redout^, arriva : le Sultan ileva Soulei-
man a la dignity de kizlaraga. A peine ce dernier
fut-il en possession de sa place, qu'il fit jouer tous les
ressorts de son influence sur laWalid^pourh&teren
secret la chute du grand-vizir. Par ses intrigues et
celles de son confident, le kozbegdji (gardien du
noyer), il fit secr&ement rappeler de Candie Kalaili
Ahmed-Pascha , gouverneur de File et autrefois sim-
ple baltadji (porteur de bois) du serai. Kalaili Ahmed,
aussit6t apres avoir lu le khattischerif du Sultan,
apporte par un simple bostandji, se mit en route pour
Constantinople, ou il arriva un jour de diwan (28 sep-
tembre — 28 djemazioul-ewwel) ; &ant entr6 au
serai, il fut invito k attendre la fin du conseil dans la
i Le rikiabdar recut la place da tschokodar, et le preparateur da caf<6,
le Franc Osman, celle da rikiabdar.
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DE L'fiMPlRE OTTOMAN. i5;
chambre da gardien du sofa. D&s que le grand-vizir
se fut £loign£ pour se rendre au palais de son Spouse,
]a sultane Khadidj6 , le grand-chambellan alia le cher-
cher pour lui redemander le sceau de l'Empire. En
attendant son retour, le Sultan se rendit au koeschk de
Bagdad , ou il voulut investir Kalaili Ahmed du pou-
voir supreme. Personne dans le serai ni dans la ville ne
soupgonnait le changement projet6. Lorsque le Sultan
fut entr6 dans le koeschk et que Ton annonga Tap-
proche du grand-vizir, tout le monde crut voir arri-
verDamad Hasan -Pascha, le gendre d' Ahmed, mais
tous furent saisis d'etonnement, en voyant sortir de la
chambre du kozbegdji et s'avancer vers le koeschk ,
Kalaili Ahmed-Pascha.
Le grand- vizir , que sa parent^ avec le Sultan n'avait
pu maintenir h son poste , ni prot£ger contre In-
fluence d'un eunuque, fut rel£gu£ avec son epouse
la sultaneKhadidj6, h Nicomedie ; tontefois, le Sultan
luilaissa, outre les biens de la couronne que poss6dait
sa femme, un revenu annuel de trente bourses.
L'administration de Hasan-Pascha, dont la dur&
avait &6 de onze mois, ne fut signalee que par ses
mesures vigoureuses contre les rebelles de G6orgie
et par quelques constructions d utilite publique sur
les frontieres et dans la capitale. Sous son adminis-
tration, les habitans de Mingrelie, du Gouriel et d'lmi-
rette avaient refusi de payer Timp6t, et, se croyant
k l'abri de toute punition dans leurs montagnes , ils
avaient lev6 l'&endard de la revoke. Ils furent n£an-
moins soumis; et, pour les contenir dans Tob6issance i
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i58 HISTOIRE
Hasan-Pascha fit construire deux chateaux forts k Ba-
toum et k Bagdadjik (17 avril 1704—12 silhidj6
1115). Dans le but de prot^ger les cara vanes, il or-
donna d^lever un ch&teau-fbrt sur la frontiere de
Syrie k Tentree du defile d'Amanus, et pr£s del'endroit
mal fam6 de Koubeagadj. A Constantinople, on jeta
par ses ordres les fondemens dun nouveau koeschk,
prfes de la mosqu£e de la Walid6, d'un grand magasin
dans I' arsenal , et d'une caserne pour les matelots.
Damad Hasan avait fait construire en outre, k ses frais,
une mosquee, des fours et plusieurs boutiques. Pour
les autres constructions, chacun des vizirs avait fourni
trois bourses et chacun des gouverneurs provinciaux
deux bourses. D&irant faire disparaitre la difference
qui existait entre la monnaie de Constantinople de bon
aloi et lesmonnaies d'Egypte et de Roumilie de mau-
vais alliage, Hasan avait public un edit par lequel il d6-
cidait qu'en Egypte dix drachmes et demie de mauvaise
monnaie egyptienne Iquivaudraient a dix drachmes de
bonne monnaie, et qu en Roumilie cent dix drachmes,
de cette premiere monnaie equivaudraient k cent
drachmes de bonne monnaie \ Inattention de Hasan
s'etait fix6e aussi sur les fetes du grand et du petit
1 airam, ainsi que sur celle dela nativity du prophete,
k laquelle il avait invito les oulemas par des billets
particuliers a . Six jours avant sa destitution, il avait
t Raschid, II, f. 35. En Egypte le roauvais parafut frapp* a. 70
drachmes, et a Constantinople a 60.
a La forme de ces billets d'mvitatito so trowe dons le Hft mm cr tt dela
Bibliothequt <H Berlin. x
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DE L'EMPJRE OTTOMAN, i5g
rigle la ftte donn£e en honneup de la naigsance de
Fatima , fille premiere n£e du Sultan (22 septembre
1 704 — 22djemazioul-ewwel 1 1 1 6). Le grand nombre
de soeurs que cette princesse eut dans les quinze ann6es
du rfegne de son p6re, permettent de croire qu' Ahmed,
qui n'avait alors que trente ans , aurait eu dans les
quinze ann£es prec^denles, un nombre non moins
grand d'^nfans, si les princes renferm£g dans le serai
pour garantir la succession au trdne pouvaient avoir
d'autres femmes que des femmes studies. Quoique les
Ottomans pr&ent rarement une grande attention h
la naissance dune princesse, celle de la fille premiere
nee , fut cependant cetebree avec un luxe inaccou-
tume. Les corporations rivalisirent de magnificence
dans leur marche pompeuse; des feux d'artificeg
sur l'eau, repr&entant des chateaux et des forteres$e»
de rinvention d'Ali-Pascha, vieux renegat fran$ais de
Marseille, augment&rent la joie publique '. Les am-
hassadeurs des puissances europeennes t£moign£rent
leur satisfaction par des fetes diverges.
Le nouveau grand-vizir Kalailikoz Ahmed-Pascha
&ajt loin d'imiter les nobles efforts de son pred^ces-
seur, pour doter 1'Empire destitutions utiles et pour
rendre au pouvoir le respect quil perdait de plus en
plus. II n'employales ressources de son esprit qu'k in-*
venter de nouvelles modes et h etaler une pompe
« La Motraye, I, p. 568, dit par erreor, vers le milieu de jofllet : If
commet une autre faute, lorsqu'en parlant de la destitution du grand-vizir
Damad Hasan, il dit ; an commencement de septembre au lieu de : a la fin
<fe septembre.
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i6o ftlSTOIRE
inoufe dans ses v&emens. Fils d'un polier detain * du
tillage deMolo, pr6s Kaissariy6, il ne devait son &U-
vation qu'ades intrigues du s^rai, ou il avait &6 intro-
duit comme baltadji par son oncle, qui &ait lui-m&ne
un des baltadjis (porteurs de bois) du palais imperial.
Prot£g6parYousouf, lekizlaraga de MohammedIV, il
avait &e nomm^ chef des cafetiers, puis chef des por-
teurs d'eau. Lorsque le kizlaraga fut exite en Egypte,
Kalai'li Ahmed l'y suivit, et obtint, par son credit, le
sandjak deDjidda et la place de Scheikhol-Harera. Au
bout de sept ann&s , il passa d' Egypte dans le Kurdistan ,
ou il prit possession du gouvernement de Wan; plus
tard, il fut nomm6 kapitan-pascha et kaimakam de la
Porte. Exile ensuite a Lemnos , il rentra de nouveau en
fractions et occupa succeseivementles places de gou-
verneur de Si was, de Trabezoun , et de l'ilede Chypre.
Apres avoir &6 nomm£ pour la seconde fois kaimakam ,
il passa au gouvernement duDiarbekr, puis k ceuxde
Bagdad et d'Adana. Plus tard, il fut charge du com-
mandement d'Azof , maisil s'enfuit et se dlroba pen-
dant quelques temps aux poursuites dirigees contre
lui, jusqu'au moment ou, par l'intercession de la Wa-
Kd6 , il lui fut permis de sojourner k Brousa. Ce fut
encore a la faveur dela sultane-m6re, qu'il dut sa no-
mination au gouvernement de Candie. Rappel6 k Con-
stantinople k Instigation du kozbegdji et 61ev£ k la
dignity de grand- vizir, il fut surnomme Kalailikoz,
c'est-k-dire ncuoc de Vitameur a . Sa ridicule vami6
t C'est a cette circonstance qu'il doit son nom de kaM (Tetameur).
9 Paul Lucas , second Voyage , Rouen , 1719; transforme cenomen
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 161
txmtribua k le faire connattre sous ce sobriquet. Tan-
t6t , il se presentait au diwan avec un turban orne de
quatre bandes d'or au lieu d'une seule, qui distingue
le turban kallawi des vizirs ; tant6t, il se montrait avec
un turban orn6 de bandes d'argent; souvent, il se
couvrait d'uii v&ement de dessous en drap d'or, et
laltachait h son turban un panache de h£ron couvert
de pierrqries. Les mesures administratives qu'il prit
se bornerent h la defense de ne faire cuire le pain de
premiere qualite que dans douze fours de la ville, k
interdire la vente de plusieurs sortes de g&teaux, k
fixer le prix des pantoufles, des socques, des turbans
et & r£gler le tarif des petites embarcations. II semet-
tait peu en peine d'ex^cuter les rescrits imp£riaux,
lorsqu'ils n'etaient pas conformes a ses idees. Sa pro-
digalite lui fit contracter des dettes £normes '. Une
semblableadministration ne pouvait durer long- temps,
et il &ait facile d'en pr^voir le terme. Trois mois apr6s
son av6nement, Kalailikoz Ahmed expia son incurie
par une destitution justement meritee.
Pendant les quelques semaines de son administra-
tion, aucun £v6neraent d'une haute importance ne
signala le r6gne d' Ahmed III, et les annates ottomanes
n'enregistrent que des faits d'un int&6t secondaire,
CcUaillers; il fait encore deBaltadji, Abastagi, de Khadidjd, Qua-
dige , etc.
« L'auteur da tfanuscrit de Berlin raconte que Damad Hasan, avanj
son elevation an grand-vizirat , avait reproche* au grand-vizir Ahmed
Kowanos son systeme d'eitorquer des presens de ses subordonnls , niais
qu'ensuite il avail lui-meme suivi ce systeme. L'historien calcule la d£*
jpfewte des prfeens faits par Kalailikoz Ahmed a 300 bourses au moins.
T. XIII. ii
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16a HISTOIRE
faits que d'ailleurs on voit se r£p&er k l'avdnement
de chaque grand-vizir. Ismailaga, kiaya du precedent
grand-vizir Damad Hasan-Pascha, et le baschbakikouK
(premier agent fiscal), furent condamn£s k payer aii
tr&sor, le premier, trois cents bourses, et le second
cent. Toutefois, Tuti ne versa que cent vingt bourses
et l'autre quatre-vingts. Le chef des bouchers, qui , d£ji
une fois avait &6 oblige d'acheter son repos par une
somme de trois cents bourses, fut condamn£ k verser
dans les caisses du serai quatorze cents bourses , reli-
quat d'anciens comptes qu'on pr&endait n'avoir jamais
&e r£gl£s. Deux confidens du sultan Moustafa eurent
la tfite tranche pour s'&re permis quelques propos
inconsider^s. Le khasseki, ou chef des bostandjis
exempts , fut promu au rang de bostandji-baschi , le
kozbegdji devint khasseki, le pr£c6dent aga et l'oda-
baschi furent admis k la retraite , le premier a vec une
pension quotidienne de deux cents , et le second de
soixante aspres. Le silihdar Ibrahim, que Damad Hasan
avait eloign^ du serai, rentra en faveur ; le gouverneur
de Schehrzor, le silihdar Ali-Pascha de Tschorli
reprit ses fonctions de gouverneur de Tripolis en
Syrie. Ismailaga, kiaya de Damad Hasan, passa
comme gouverneur en Chypre , et son predecesseur
Rami Mohammed - Pascha , dernier grand - vizir de
Moustafa II, prit possession , en cette rti&ne quality,
du gouvernement plus lucratif d'^gypte : car les habi-
tans avaient refus6 obstin&nent de reconnaftre Sou-
Jeiman - Pascha , sandjak de Djidda , que la Porte
avait voulu leur imposer (8 octobre 1704 — 8 dje-
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. DE L' EMPIRE OTTOMAN. i65
mazioul-akhir 1116). Rami regut ordre de seconder
dans sa mission Aouzbeg, envoy6 k la Mecque avec
un corps de mille hommes poor y r&ablir la trail*
quillit£ , fortement compromise par les menses des
adversaires du scherif Said. Sur led plaintes de ce
dernier, le moufti avait rendu un fetwa od it cte-
clarait legitime la reduction, par la force des armes,
des adversaires du chef de la maison sainte, dans le
cas ou celui-ci ne pourrail s'entendre avec eux h l'a-
miable, bien que, depuis Mohammed, le sanciuaire
de la Mecque ftkt consid4r£ comme ne devant jamais
6tre trouble par le bruit des armes.
Le nouveau grand-vizir exp^dia h tous les gouver-
neurs de TEmpire des ordres dits de justice (ewamiri
adalet) qui leur enjoignaient de manager et de prot£-
ger les sujets du Sultan. Un khattisch£rif d'Abmed III
d£fendit Tusage des v6temens d'&offe d'or et des
brides en or tress£, qu'il permit seulement aux pre-
miers dignitaires.
Quelques d&astres maritimes occupaient k cette
£poque ^attention publique ". Ce fut d'abord l'in-
cendie d'un b&timent frangais qui p&rit, corps et biens,
dans le port de Constantinople. L'achdvement d'un
vaisseau de haut bord, lanci peu de jours apr£s, avait
fait oublier cet accident, lorsque sorvint une autre
catastrophe. La flotteottomane, apr&s avoir prot£g£
la construction du ch&teau-fort que la Porte avait fait
x L'tnschu de Rami contient une lettre du grand-vizir au sch&if Salfd
sur le pillage*, dans le golfe d' Arabic , d'un batunent anglais commands
par le capHaine Cokroft , no 602.
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i64 HISTOIRE
Clever a Tentree du detroit de Taman, dans la mer
d' Azof , &ait en route pour Constantinople, lorsqu'elle
fut assaillie par une affreuse temp&e k la hauteur du
port de Koken. Neuf galores seulement et le vaisseau
amiral rentr&rent sains et saufs dans le port de la capi-
tate : tous les autres avaient &4 d&ruits par l'ouragan
dit du solstice d'hiver, que lesTurcs appellent \ejldau
de la saison des chdtaignes ' , parce que son retour
coincide avec l'£poque ou mtirissent ces fruits.
A quelque temps de Ik, il n'&ait question dans la
capitale que d'un esturgeon (murina) du poids de
trois cents livres, que la mer avait jete sur les c6tes
du Pont-Euxin. Le grand -vizir s'etait rendu au
koeschk du rivage , le jour ou le Sultan fit peser cet
£norme lacipensfere. II se trouvait dans la salle des
Grangers (mousafirodasi) , ou il avait coutume de
raconter indiscr&ement aux assistans ses plus intimes
conversations avec le souverain. Lorsqu'on vint h
parler du poisson , le grand-vizir, qui aimait a faire
des contes, dit: « Du temps que j'etais kapitan-pascha,
» on prit un poisson long comme d'ici a Eyoub (un
» mille).» Personne n'ayant ose exprimer un doute k
ce sujet, il continua: « Le Padischah, dit-il, ne put re-
» venir de son £tonnement en voyant le grand nombre
» de mesgens » (c'&ait le jour ou les galeres entr£rent
dans le port avec ses bagages et sa suite, arrives de
Candie). « Ce nest rien ! lui r£pondis-je; il y avait un
» temps ou j'avais, aupris de ma personne, unmonde
■ Kestand kafasi taabir olounan fortouna. Rasehid , II, f. 30.
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DE L'EMPIKE OTTOMAN- i65
» entier de servitews; » tons gard^rent un silence res-
pectueux. Enfin , pour prouver ce qu'il avangait , il
finit par dire qu'il avail dans sa patrie des cousins
dont Tun £tait si riche, qu'il distribuait annuellement
aux pauvres la sorame de mille bourses d'argent. La
silihdar Souleimanaga , qui &ait present, fit observer
malicieusement qu'en prenant pour base la regie qui
ordonne de depenser en aum6nes la quarantine par-
tie de sa fortune, ses cousins devaient 6tre riches
dune somme de quarante mille bourses. Souleiman-
aga avait &6 Kami deKalailikoz-Ahmed; mais, trompd
par le faux bruit qu avait r£pandu l'intrigant Baltadji
Mohammed, Tun des confidens intimes du grand-
vizir, sur retention qu'avait ce dernier de rappeler
d'Egypte leprecedent kizlaraga Yousouf , il &ait devenu
son ennemi secret. Mohammed , le kapitan-pascha,
avait &6 le camarade de Kalailikoz , dans le temps
ou ils habitaient ensemble le serai en quality de bal-
tadjis; rus£ et intrigant, il avait exerce des cette epoque
une grande influence sur Tesprit simple et lourd de
son ami. Devenu grand-ecuyer, le precedent grand-
vizir, Damad Hasan-Pascha, gendre du Sultan, avait
dej& essay £ de l'eloigner de la cour, mais ce projet lui
avait valu une destitution. £lev£ par lenotiveau grand-
vizir k la dignite de kapitan-pascha, Mohammed paya
son protecteur de la plus noire ingratitude, et prepara
sous main sa Chute. Pour y parvenir, il se lia avec
Osmanaga , qui , employ^ d'abord comme kiaya du
grand- vizir, avait ensuite 6t6 &oign6 avec le tilre de
grand-icuyer, et qui depuis brtilait de venger cette
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i66 HISTOIRE
injure. Baltadji Mohammed, en recompense de son
z£le, lui promit le minist&re de l'int&ieur. Aussitdt
qu'il fut certain de l'inimitie do kizlaraga contre le
grand-vizir, il 6'attacha k diviser leg cliens du moufti
et ceux de Kalailikoz Ahmed ; loin de 6e douter du
pi£ge qui lui &ait tendu , le grand-vizir s'acharna
contre le rnoufti qu'il d&ionga an Sultan comme fan-
tear de troubles. Ahmed HI l'ayant invite a prouver
ce qu il avan$ait, Kalatiikoz r£pondit que la voix pu-
blique accusait hautemenl le moufti. Une pareille r£-
ponse dut 6tre d'autant plus d&agr&tble au Sultan
que le grand-viziravaitcommis l'imprudence de faire
valoir sa participation h la derni&re rebellion , et de
se faire un mlrite d'avoir ainsi contribu£ & son avd-
nement. Ahmed ayant demand^ au kizlaraga ce qu'il
pensait de ce bruit , ce dernier saisit cette occasion
pour se venger, et assura au Sultan que tout cela &aif
nne calomnie du grand* vizir; en m£me temps , il in-
forma le moufti de l'accusation port£e contre lui.
Baltadji Mohammed, pour roietnt assurer la perte de
son ancien camarade , lui conseilla de r£pondre au
Sultan , dans le cas oii il renouvellerait sa premiere
question, qu'il tenant ses renseignemens de l'&at~
major desjariis9aires.Malheureueetnent, le grand-vizir
suivit de point en point ce conseil perfide. Le Sultan
s'adressa d£s-lors au kapitan-pascha, qu'il savait avoir
de nombreuses relations avec les janissaires; Moham-
med-Pascha demanda nn jour de d61ai, afin de pou-
voir repondre avec pleine connaissance de cause. II se
rendit chez le premier Heutenant-glnlral Tortoumli,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 167
lui d&ouvrit, sous le sceau da secret, que le grand*
vizir avait calomnte les janissaires aupr&s da Sultan,
qu' Ahmed lui avait destin6 la plaee de Kalailikoz, et
qu'il lui promettait de l'61ever a la dignity d'aga de
c&te milice, si, questioan£ par le* Sultan, il affirmait
que le grand- vizir avait excit6 l'&at-major k se sou-
lever et qu'il les avait tous gagn6s k F exception de lui
seal* Tortoumli accepta, et, le lendemain, le kapitan-
► pascha manda mi Saltan qu'il &ait sur les traces de
menses secretes , mass que le lieutenant-general des
janissaires Tortoumli s'etait botti6 k lui donner quel-
quels renseignements saw vouloir lui confesser le tout;
ce qu'il avait d&lar£ ne vouloir faire, que s'H en &ait
requis par le Padischah lui-m&new Lorsqu£ Tor-
toumli comparut devant le Sultan, il debita hardimeiH
le mensonge que lui avait souffle le kapit&i-pascba*
A la suite de cette entrevue, Ahmed III fit redemaadei 4
le sceau k Kalailikoz Ahmed-Pascha pour le remettre
au rosd Mohammed (25 d&embre 1704. ~ 27 sob&-
huHH6)'.
Mohammed , plus particuK&eme&t connu sous le
nom de Baltadji (le ffendeur de bois), bien que
sob pr4d4cesseur eAt &£ employ 6, comme lui, en
cette qos^ dans le serai, fut linlrigant Je plus
adroit et le plus dangereux enlre toutf les grands-
vizirs dont il soit fait mention daos Je& annates offo-
manes. Circonspect et rus6, il chercha les principaux
appuis de sa puissance, dans ceux-lfc m&ne qui lu
> Raschid, II, f . 58-40, raconte cette intrigue dans ter jrfns tfrwxfe tffttik ,
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i68 filSTOME
avaient servi d'instrument pour y parvenir. Le pre-
mier lieutenant-g£n6ral des janissaires Tortbumli fut
nomm6 aga de cette milice; le grand-6cuyer Osman,
ministre de I'intfrieur, comme on le lui avait prorais ;
]e silihdar Abaza Souleimanaga sortit du serai avec le
grade de vizir a trois queues de cheval et le dipl6me
de gouverneur de Haleb; le ren£gat frangais , Jouvin
deMazarques, originaire de Matseille 1 , depuisAb-
dourrahman, fut promu au grade de kapilan-pascha ;
le premier valet de chambre Ali, plus tard grand-
vizir a , prit la placed' Abaza Souleiman en quality de
silihdar, et Ali de Tschorli, qui parvint par la suite,
comme le pr6c£dent, au premier poste de FEmpirey
fat rappele de Tripoli en Syrie pour si£ger parmi leg
vizirs de la coupole. Le tschaousch-baschi , Turk
Ahmed, fut destitu6 pour.n'avoir pas su vivre en
bonne intelligence avec le kiayabeg Osman, *fet pour
avoir, non-seulement prof£r6 , en plein diwan , de*
injures contre son adversaire , mais m&ne provoqu£
une lutte a coups de poings et tir£ le sabre du fourreau.
Ce fut pareillement une querelle avec le kiayabeg
Osman qui fit Eloigner des aflfeires le defterdar Hadji
Mohammed-Efendi , l'historien. dependant, un mots
apr&s, il y rentra pour la quatri&ne fois, avec le titre
de ministre des finances.
S£lim-Ghirai, apr£s avoir &6 investi a quatre re-
i Rapport de Talman et La Motraye, I, p. 375. Ce dernier le dHfila
d'une bouchere de Marseille.
3 II resta sur le champ de bataille de Peterwardein ; c'6tait le protecteu
deRtschidrbistorien.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 169
prises diflerentes ' du pouvoir supreme en Crim£e et
avoir r£gn£ dans ce pays pendant vingt-quatre ans, etait
mort le 22 decembre J 704 (24 scMban i i 1 6). II avait
foiss6 dix filles et dix fils a , dont Tun, Ghazi-Ghirai,
lui succeda dans la dignity de khan ; Kaplan -Ghirai,
son fr£re, fut nomm£ kalgha. La Porte choisit, pour
remettre au premier les insignes de sa nouvelle di-
gnity et l'installer sur le si£ge ducal que son p6re avait
occupe non sans gloire, le grand-chambellan, qui fut
a cette occasion nomme beglerbeg de Roumilie. Le
nom de Ghazi-Ghirai est c61&bre dans Thistoire otto-
mane par la brillante valeur qu'il deplova le jour de
la bataille de Kossovo, et par les poesies qui ont fail
adnaettrt sa biographie parmi celles des pontes de
l'Empire 3 .
La mort de Selim-Ghirai pr£c£da de peu celle de
deux autres hommes non moins importans. Le pre-
mier, Ahmed-Pascha le Russe, surnomrae Kowanos
(la ruche aux abeilles)^ que les rebelles avaient place
\ la tfite des affaires , mourut dg£ de cinquante ans
dans son gouvemement de Lepanto, ou, depuis son
renvoi de Khios , il avait ete relegue *. Le second,
* La premiere fols dix-sept ans , la seconde fois six ans onze mois, la
troisieme fois six ans 8 mois et la quatrieme fois deux ans onze mois ,
Sebe$$eyar, f. 203.
» Dewlet-Ghiral , Seadet-Ghiral, Schehbaz-Ghirat , Ghazi-Ghirai, Ka-
plan-Ghiral, Menghli-Ghiral, Makssoud-Ghira! , Safa^Ghiral, Sahib-Ghiraf,
Aadil-Ghirai. Sebes$eyar, f. 203.
3 Ghazi, Biographies de Safayi* no 101.
. 4 Biographies des graods-vizirs, par Dilaweragazade Omer. Raschid, II,
f. 45.
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170 HISTOIRE
Yahya-Efendi, juge d'arm& de Rotamilie el rets des
outemas , apr& avoir occupd , comme son p&re
Salih, la place de premier m^decin du Sultan, et,
avoir 6t& invesli trois fois de la dignity de juge
de Boumilie, mourut le § mai 1705 (8 moharrem
1117). Homme d*un esprit droit et peu &$onn6 aux
manures de la cour, Yahya-EfendK ne pot jamais se
r&oudre &feindre en mati&re politique '; dej&, sous
le regne de Souleiman II, il avait d£joii6 par sa fran-
chise les intrigues du kizlaraga qui, apr£s la conqu&e
de Belgrade , avait projet6 la chute du grand-vizir
Moustafa Kcepriilu. Yahya s'£tait rendu alors, k la
t£te des oulemas, au serai, on , sans vonloir £couter
ks remontrances da kizlaraga, il &ait all* jusque
dans Tappartement du Sultan lui demander une sen-
tence de mort contre 1'intrigaftt kizlaraga ; celui-ci ,
dans cette circonstance, n 'avait eu que la ressource de
se jeter aux pieds de Souleiman, qui s'&ait content 6 de
l'61oigner de sa personne.
Le khan Ghazi-Ghirai &ait k peine install^ en
Crimee , que la Porte lui envoya Tordre de r6unir
a Bender sea troupes k celles du gouverneur d'Ocza-
kow, et d'agir de concert avec lui dans le cas ou
1'avis parvenu k Constantinople du projet congu par
les Busses de prendre Camieniec, viendrait a se con-
i Ififioul-emr ne i$i ondan kharidj kelam tefewvmth we tewmedigi
adameberai mastlah at izhari houmi te%owedjouh etmexedi; c'est-a-dire,
aucune parole ne sortit de sa bouche sails avoir ud bat , et ses manieres
envers cetu qu'fl detestait pour leur ntlgtigenft dans tea affaires, ji'&afent
pas bienveillantes*
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 171
firmer. En attendant, Baftadji Mohammed ordonna
au kapitan-pascha de prendre la mer avec neuf ga-
leres et dix gallons, afin de h&ter par sa presence
J-^chfrvement des fortifications du nouveau ch&teau
que Ton construtsait k r entree da d&roit de Taman
dans la mer d'Azof.
Pot de temps aprfe (§3 joillet 1705 — 1« r rebioul-
akhir 1H7) , on regut de Syrie une autre nouvelle
fecheuse. Le gouverneur de Damas , Housein-Pascha
Firari (lefuyard) , avait marche contre le 9cheikh de la
tribu Koleib, qu'il poursuivait de sa baine depub i'd-
poque od il avait pris possession du gouvernement de
Tripoli ; sur le refus fait par I'emiroul-hadj de se join-
dre k loi, Housein avait attaqu£ seal les Arabes sup&»
rieurs ep nombre et avait p6ri dans sa fuite, justifiant
ainsi, jusqu'au dernier moment de sa vie, son surnom
de fuyard '. Au reste, il etait rare qu'il n'y ait pas
habituetlement quelques hauts fonctionnafires meritant
fe surnom Aejkari ou fuyards. Un an apr& la mort
de Housein-Pascha , Temiroul-hadj lui~m$me , Mo-
hammed fils de Gourd Beiram, s'enfuit de Syrie en
Crimee; Maab£ Mahmoud-Efendi , Tun des signa-
taires d'une plainte qui fut adress^e au Sultan contre
le grand- vizir Ba Hadji, sut se sotrstraire a la surveil-
lance du techaousch,charg6 de le conduire en exil h
Sinope; le percepteur de la capitation de Selanik
s'£chappa 6galemeAt k Constantinople de la maison du
* Raschid , II , f. 45. Les Beni Koleib fournissaient , a la carayane des
pterins , les charaeaui n&essaires poor le transport des marchandises et
qui portent en tongue tasque le nom de Sdlma et en arabe celoi de St&ma*
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i 7 2 HISTOIRE
tschaousch qui devait le Iivrer aux mains de la jus-
tice. Deux ann6es plus tard, le plus renomm6 entre
touscesfuyards, le vizir Hasan -Pascha, un des prin-
cipaux chefs de la derntere rebellion , fut frappe a
son tour. Sur son refus d'accepter le gouvernement
d'Egypte, il expia son ambition immod£r£e, car il ne
visait k rien moins qu'k remplacer le grand- vizir ; sa
t&e fut livr^e au bourreau.
Baltadji Mohammed, qui n'avait dti qu'a ses intri-
gues son elevation au grand- vizirat , devait bientdt
quitter le pouvoir comme il y &ait arriv6. II &ait dou6
d'ua esprit fin et subtil, quality n£cessaire pour saisir
et conduire le fil dune intrigue , sans que ses talens
administratifs d£passassent les bornes de la medio-
crity. Mais, outre qu'il &ait incapable de conduire les
affaires d'une haute importance , il n6gligeait sciem-
ment les affaires courantes, afin d'en rejeter la faute
sur les intimes du Sultan , le silihdar AH et le secre-
taire du cabinet, Ibrahim, qu'il avait le plus grand
int£r6t k Eloigner du serai. Ahmed III, d£]h mal dis-
pose en sa faveur, car il savait quelle intrigue avait
determine la destitution de l'aga des janissaires Tor-*
toumli, voulut l^prouver et lui demanda d'ou prove-
nait le d£sordre qui r£gnait dans Tadministration :
« II est impossible de bien gouverner, dit Baltadji >
» quand on n'est point seconde ; pour bien labourer,
» il faut une bonne paire de boeufs ; » il d&ignait ainsi
le silihdar et le secretaire. Mais ceux-ci s'&aient fait
des partisans du moufti et du kizlaraga qui, ne pou-
vant plus douter de Uncapacity administrative da
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i 7 5
grand- vizir, saisirent l'occasion d'en ^instruire le Sul-
tan. Baltadji, qui n'ignorait pas le danger dont il 6tait
menac£ , crut pouvoir le conjurer par de nouvelles
intrigues, mais cette fois il se prit dans son propre
ptege. Un de ses agens ,, habile imposteur , Amber
Mahmoud, adressa une supplique anonyme au Sultan;
dans cet £crit , l'auteur, apres s'6tre plaint du secre-
taire du cabinet , terminait en disant que s'il fallait en
croire les calculs cabalistiques, la tranquillity serait
impossible , aussi longtemps que ce dernier resterait
en place. Gagn6 par l'app&t d'une recompense de dix
bourses d'argent , le muet Mohammed , un des con-
fidens du Sultan, lui remit cette supplique qu'il dit
avoir ete jet£e dans son appartement, et proposa de
nommer un baltadji a la place du pretend u coupable,
Mais Ahmed III , qui avait surpris le secret de cette
intrigue, chassa le muet du serai, forga le baltadji h con-
fesser la part qu'il avait prise a cette machination, et
destitua le grand-vizir. II le fit appeler dans le koeschk
du jardin central, ou le kizlaraga lui demanda le sceau
imperial qui fut aussit6t remis au silihdaraga , Ali de
Tschorli (3 mai 1706 — 19 moharrem 1118). Le
bannissement de Baltadji Mohammed dans Tile de
Khios fut commu£ , sur Intercession du secretaire
Ibrahim , celui-la m£me dont il avait jur6 la perte : il
fut envoys k Erzeroum avec le titre de gouverneur.
Le nouveau grand-vizir, fils d'un laboureur ou
d'un barbier de Tschorli ', qui, du rang de page s'£-
i Fils d'uri laboureur de Chourlou. * Paul Lucas, second voyage, I, p. 116)
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1 7 4 HISTOIRE
iait 61ev6 & cehii de tschokodar, de silihdar, puis de
vizir ej de kaimakam , avail pass£ de ce dernier em-
ploi k celui de gouverneur de Tripoli. A 8Qn retour
de Syrie, il avait repris, pour la seconde fois, les fonc-
tions de silihdar; il fui revfitu, avec le ceremonial
\mt6 , de la kapanidja ou pelisse de zibeline noire k
large collet, orn£e d'aiguillettes en or. La premi&re
d£p£che de quelque importance que regut, a son
entree en fonctions, Ali-Pascha de Tschorii, lui an-
nonga le soul&vement des tribus arabes voisines de
Bassra, qui de nouveau venaient de refuser ob&ssance
aux paschas-gouverneurs des provinces situ&s sur
les bords de l'Euphrate. Les r6voIt£s &aient les Ara-
bes du desert de la grande tribu des Montefik , qui ,
m&ne avant la conqu&e de Bassra paries Ottomans, y
poss&Iait quatre villages. Souleiraan le L£gislateur,
en les confirmant dans leurs anciennes possessions,
avait institu£ un corps de quatre cents cavaliers pris
dans leur tribu , et qu'il avait charges de la garde des
champs et des villages d'alentour ; depuis cette £poque,
les habitans de ces villages payaient au tr&or un impdt
de deux abasis (1'abasi compt£ a quarante aspres) par
cent palmiers , et d'un abasi par arpent de terre. Cet
impdt, qui produisait annuel lement au tr£sor du pascha
une somme de soixante-dix-huit ou quatre- vingts
bourses, &ait per$u par les gouverneurs, qui remet-
taient, tous les ans, avec des v&emens d'honneur, cinq
Cantemir Ahmed HI , n. f. dit qu'il ftait fib d'un barbier de Ghiourioa.
LAMotray«,I,p,a75v
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. i 7 5
cents tomans (le toman k raison de seize piastres) aux
cavaliers arabes des Montefiks , charges de proteger
les habitans de cette contr£e et de veiller sur leurs
recoltes. Outre cet imp6t, les Montefiks payaient en-
core, k titre de fermage , une somme annuelle de trois
ou quatre cents bourses pour avoir le droit de cultiver
les ties de 1'Euphrate.Mais, pendant la derntere guerre
(1690 —1102), le gouverneur de Bassra , Ahmed-
Pascha, s'&ait approprte ces ties, et avait tellement
opprim6 les sujets ottomans, que, s'£tant leves en
masse, its l'avaient massacr£ lui et ses troupes '. Ses
successeurs, Begzad£ Ali-Pascha et Aschdji Moham-
med-Paseha , ne purent r&ablir la perception de ce
fermage; et, lorsque le moutezelim (administrateur
provisoire) du nouveau gouverneur, Khalil -Pascha,
refusa de payer la solde des cavaliers gardiens du ter-
ritoire avant Tarriv^e du pascha, la lutte recommenga
avec plus d'acharnement. Vaincus quatre fois par le
kiaya de Khalil-Pascha , le chef des Montefiks , le
scheikh Maghanis, se vit oblige d'implorer le pardon
du vaidqueur. Celui-ci, apr&s s'6tre consult^ avec les
Scheikhs des tribus Idris et Raschid, d&igna dans
cette derntere le scheikh Nasshr pour commander
aux Arabes montefiks; mais la tribu, ' h l'instigation
du scheikh Moghanis , ayant refus£ d'accueillir ce
Nassir, le kiaya du gouverneur entra pour la cin-
quifeme fois en campagne contre les Arabes du desert
et les defii dans deux rencontres. Comme on com-
> Kourban oldi. Rasohid, II , f. 47.
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i 7 6 HISTOIRE
mengait k manquer de vivres, une partie de Parnate
ottomane se dispersa; les lewends k cheval retournfe-
rent presque tons k Bagdad , et il ne resta plus au
kiaya que quelques milliers d'horames. Enorgueilli
par ses succ&s pr£c£dens, il marcha n^amoins avec ce
faible corps coutre l'ennemi qui lui etait de beaucoup
sup£rieur en nombre ; mais il expia sa t£m£rit£ par
une defaite signalee. D6s-lors , les vainqueurs se jete-
rent , comme une nu£e de sauterelles , sur Bassra et
ses environs , et ravag£rent toute la contree. Aussit6t
qu'on eut connaissance de ces evenemens k Constan-
tinople, le nouveau grand-vizir nomma le gouverneur
de Bagdad serasker de l'arm£e destinee k reduire les
tribus rebel les.
L'arriv^e au pouvoir d'Ali-Pascha de Tschorli fut
marquee, comme celfe de tous les grand-vizirs ses
predecesseurs, par de nombreuses mutations, surtout
parmi les vizirs. Ce fut ainsi qu'Ibrahim-Pascha, na-
gflere internonce de la Porte a Vienne, passa au gou-
vernement de N^grepont , et Koepriiluzade Nouou-
man, plus tard grand- vizir, k celui de Candie.
L impression produite sur lesprit du Sultan par
les evenemens qui compromettaient depuis deux ans
la tranquillite des frontteres au nord et au sud de
FEmpire , fut en quelque sorte effacee par le senti-
ment du bonheur qu'il ^prouvait comme pere. II
avait eu, dans les trois premieres annees de son r£gne,
six enfans 1 , dont trois filles et trois fils. Ses trois
fils, Mohammed, Isa et Ali, &aient morts, lorsque la
« Fatima, Mohammed , Isa, Rhadidjfc, Kalriyfc & S6Hrh.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i 77
naissance du prince S£lim , issu d'une esclave russe,
donna lieu a de nouvelles r£jouissances qui regurent
un eclat particulier de rarriv£e d'ambassadeurs des
puissances &rang6res, charges soit de f&iciter le Sul-
tan au sujet de son av£nement , soit de notifier k la
Porte celui des princes, leurs maitres. A cette 6poque
de sa vie, Ahmed III changeait de palais suivant les
saisons; tantdt il habitait le palais de l'arsenal , tantdt
celui de Karagadj, situ6 Fun au centre, 1 'autre a Fex-
tremite'du port de Constantinople. Quelquefois, il allait
visiter la collection des harnais imp^riaux qui est
ferm^e avec son sceau. Dans ces circonstances, il mar -
chait acGompagni seulement de trois de ses confi-
dent, les porteurs du sabre, du manteau et de Fetrier ,
de trois grands officiers de la cour et de 1'Etat , savoir :
le grapd-£cuyer, le grand- vizir et le defterdar, et de
quatre autres perSonnes. Sou vent aussi, il se rendait au
bassin de l'aqueduc de Constantinople pour y passer
quelques jours dans la society des femmes du harem
et delaWalid£. Pendant que le kiaya du grand-vizir
l'y traitait avec magnificence dans le koeschk de la
sultane-m6re , et qu'il sy abandonnait au plaisir que
procure une nature florissante et majestueuse, une nou-
velle rebellion menagait d'eclater k Constantinople
(S juillet 1 705 — 1 rebioul-ewwel 1 1 1 7). Les janis-
saires et les sipahis, irrit^s de la disparition dun grand
nombre de leurs camarades accuses d'avoir pris une
part active h la dern&re r£volte, s'&aient rassembtes
dans la mosqu£e du sultan Bay ezid, et, prenant pour
point de depart le march6 aux Viandes, parlaient d'aller
T. XIII* 13
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178 HISTOIRE
s etablir dans la mosquee centrale. Pour conjurer Fo-
rage, le grand- vizir rappda en toute h&te le Sultan
et le kiaya dans la capitale , que vingt mille janissaires,
refill fiddles , avaient promis de dtfendre contre
les rebelled ; dun autre c6t6, les bostandjis se mon-
traient Igalement disposes k preserver le serai contre
leurs agressions. En effet , conduits par le kiaya et
l'aga, les janissaires parvinrent a disperser les re-
belles; un petit nombre l d'entre eux, saisis les armes
k la main , furent imm£diatement executes, et deux
vizirs de la coupole, le nischandji Housein-Pascha et
le pr£c£dent grand-vizir, gendre de Hasan-Pascha,
tous deux soupgonn^s d'intelligence avec les rebelles,
furent envoy^s en exil, le premier a Kos, le second k
Lemnos.
Ainsi affermi sur son tr6ne , le Sultan regut avec
la plus grande bienveillance l'ambassadeur persan
Mourteza Koulikhan , gouverneur de Nakhdjiwan,
charge de le teliciter sur son av6nement. La Porte lui
assigna pour logement le palais de Schah-Khoban ,
d oii , au premier paiement de la solde des troupes ,
il fut conduit, avec le ceremonial usit6, k l'audience
du Sultan (15 Janvier 1706 — 30 ramazan 1117).
Avant son depart, le grand-vizir lui donna un festin
pr&s du chateau d'Asie du Bosphore, dans la maison
de campagne d'Amoudjazade Housein Kceprulu. Une
musique bruyante et la beauts du site firent les prin-
cipaux frais de cette f&e ; car Bostandji Moham-
» ta Motraye dit 50,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 179
med-Pascha tenait k lui prcniver que la beautd des
rives du Bosphore surpassait celle des jardins si re-
nommes de Tscharbagh et d Isfahan, et que la mu-
sique tufque &ait sup^rieure k celle des Persans.
L'arrivee d'un ambassadeur du prince des Ouzbegs,
et , uti mois plus tard (5 juita — 22 safer) , celle du
nouveau baile v^nitien Ruzzini, charg6 de renouveler
le traite de paix avec la Porte *, preoccup&rent ensuite
1 'attention de la capitale. L'envoy6 de Raguse qui,
outre les felicitations du s£nat, apportait le tribut ar-
ri£r6 des trois demises annees , s'elevant a douze
mille ducats 2 , fit son entree a Constantinople, con-
jointement avec Tinternonce Autrichien et ambassa-
deur extraordinaire, M. Quarient de Rail (22 octobre
— 4 redjeb). Le dernier avait pour mission sp£ciale de
notifier k la Porte Tavfenement de Fempereur Jo-
seph I er , et de Tassurer du d&ir qu'avait son maitre de
voir s'affermir de plus en plus la bonne harmonie
qui r£gnait entre les deux nations. Quarient, a l'exem-
ple de plusieurs de ses pr£d£cesseurs , avait voulu
faire son entree dans Constantinople au son des trom-
> Raschid , II , f. 49. D'apres le rapport de Quarient, 1' ambassadeur veni-
tieh eut son audience le 12 octobre, simultanement avec l'ambassadeur de
Raguse ; Raschid ditle 6 redjeb, ce qui fait une erreur de deux jours.
2 Raschid, f. 50. Voyez aussi relation von dem, den 17. May 1706
ausser Slangement beschehenen Empfang des Hrn. Hofgriegsraths und
extraordineren Gesandtem, Edlen von Quarient v. Rail, auf der
MUnchner Bibliotheq : erhatte auch ein Credentials fur Maurocor-
dato : Lilterw fiduciaries Josephi J, ad Maurocordatum pro Internuntio
extraordinario Quarient 25. Fevr. 1706. St. R. Das tilrcq. Creden-
tials im H. Aarch. und in dem grossen Jnscha Rami's Nro. 476«
SchrHben des Grosswesirs, ebenfalls im H* Arch.
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180 HISTOIRE
pettes, mais la Porte s'y &ait oppos^e, en pretextant
ledeuil ou la tour venait d'etre plongSe par la mort
des deux plus jeunes princes Jsa et Ali l . Pendant son
sejour a Constantinople, J'internonce autrichien se
concerta avec le grand-vizir, au sujet de l'institution
d'une commission charg£e de r£gler les difKrends qui
s'etaient Sieves entre TAutriche et lri Porte, par suite
de la capture d'un navire dans le port de Durazzo,
du pillage commis k Kecskemet au prejudice de quel-
ques n£gocians turcs, et de la construction de plu-
sieurs tschardaks sur la fronti&re ; toutefois , ce fut
trois ans plus tard seulement que ces difficult^ furent
aplanies dans une conference entre le baron de Ne-
heitib , coihmissaire autrichien, et le pascha de Bel-
grade, charg6 par la »Porte de suivre cette affaire a .
L'activit6 du diplomate autrichien s'employa sur-
tout & faire avorter les projets de 1'ambassadeur fran-
gais Ferriol , qui avait mis tout en oeuvre pour bien dis-
poser le diwan en faveur de Rakoczy et qui soutenait
de tout son credit les rebelles hongrois. Afin de gagner
h sa cause les ministres de la Porte et le Sultan, Ferriol
avait r£dig6 et fait traduire en langue turque trois
memoires qu il envoya au Sultan par I'entremise du
moufti et du kizlaraga. Dans un de ces m6moires,
Merits en forme de dialogue, l'auteur, dans la bouche
d'un Persan nomm6 Ali et d'un Ottoman nomme
Mousa, bl&mait en termes $£v£res, mais mesur£s, la
i ♦
i Isa, mort le 10 safer lllfc (24 mai 1706), et Ali, mort le 3 djemazioul
akhir (12 septembre 1706).
a I/instrument porte la date du 13 moharrem 1121 (25 mars 1709),
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 181
politique indecise du grand- vizir » qui, disait-il, pos-
s£dait tous les vices , n'avait aucune vertu , et se d£-
chatnait contre la Hollande et FAngleterre. Les es-
pions que Quarient entretenait dans la maison de
Ferriol et dans le harem m£me du ministre de Yint6~
rieur de la Porte, &aient, d'une part un minorite et
unjesuite, de 1'autre une ren£gate allemande, du nom
de Fatima \ L'ambassadeur frangais appuyait de tout
son pouvoir les envoyes de Rakoczy, Papay et Hor-
vath, qui, arrives avec le missionnaire protestant Sco-
lontai , quatre mois avant l'internonce d'Autriche ,
avaient &6 log£s dans une maison appel^e Magyor-
Serdi, h Balata, faubourg de Constantinople , ou Ton
trouve h chaque pas des tavernes et ou une populace
ivre s'abandonne aux plus hideuses debauches; c'&ait
Ik que logeaient autrefois les ambassadeurs transyl-
vaniens. Avant de se rendre a l'audience du Sultan,
ou ils se montr&rent habilles en Turcs et non pas dans
leur costume national 3 , ils avaient remis au grand-
vizir un present compose de deux mi He ducats et de
deux gros lingots dor fin, au kiaya trois mille ducats,
et au kizlaraga de la Walid£ quelques barres d'or
» Rapport de Quarient , du 24 octobre 1706. La traduction turque se
trouve encore a Constantinople.
a Die Erfahrniss xeuget, doss die tiirk, Ministri, wass tie gemei-
nigliah unlet einander verborgen halten, oft in ihrem Harem oder
Cynecaeis ihren Frauen erzahlten, also ist eine gewiese teutsche Tur-
khin, Fatma genant f welche bei denen Frauen des Grosswesirs, seines
Chyaja, und versckiedenen anderen vornehmben TUrkhen den Zutritt
ge/unden, welcher monatliehte Thaler gereicht werden.
3 La Motraye, I , p. 378, et le Rapport <k Talman.
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18a H1ST0IHE
fin. A I'audieuce , ils presentment au Sultan un me-
moire dirige contre l'Empereur , le prince de Valachie
et le Czar ; ils aceuserent ce dernier de vouloir sub-
juguer la Su&le et la Pologne (96 juillet 1706). Le
reis-efendi, le savant persan Eboubekr, qui avait
assiste au dernier stege de Vienne et qui connaissait
la turbulence ambitieuse des rebelles hongrois, se
montra bien moins dispose en leur faveur que son suc-
cesseur Abdoul Kerim-Efendi , homme d'un esprit
inquiet. Celui-ci favorisa de tout son credit b mis*
sion du ren£gat italien Ahmed (I'ing&itetur Golappo
de Mod^ne) , homme qui poss£dait parfaitement les
langues allemande, hongroise et turque, et qui avait
dirig6 nagu&re les constructions du chateau de Yeni-
kalaa, & J'entrfo du d^troit deTaman 1 . II accordala
m&ne protection & l'agent frangais Desalleurs, que la
cour de France avait charg£ de subsides pour Ra-
koczy, aupr&s duquel il avait &6 accrecbte en qualite
de commissaire, comme Ferriol l'avait &6 autrefois
aupr&s de Toekoeli. L'ann£e suivante, on vit arriver a
Constantinople une nouvelle ambassade de Rakoczy
charg£e de lettres pour le Sultan et de pre&ens pour
le grand-vizir, son kiaya, le moufti et Maurocordato.
Le present destine au premier consistait en quaranle-
cinq livres d'or, celui du kiaya en dix livrefc d'or ;
les deux autres regurent dix mille ducats. Dans sa
lettre, Rakoczy annongait a la Porte que la dtete de
Hongrie, convoqu^e k Onod , avait d£clar6 Fempe-
La Motraye, I, p. 583. Bapport deTaJman.
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DE L'EMPIIIE OTTOMAN. iB5
rear Joseph I" d&hu de ses droits sor ce pays, et
qu'en attendant la constitution de la Hongrie en mo-
narchic ou en republique, lui-m&meen avait 6l& pro-
clam^ regent; enfin que la Transylvanie r avait reconnu
pour son prince. U mandait en outre que le roi de
Su£de, Charles XII, avait pris le parti des protestans
et armait pour defendre leurs droits.
Malgre la constante surveillance que la Porte eier-
gait alors sur les moindres mouvemens de Pierre-le-
Grand et Tattitude menagante que gardaient Tun en-
vers Tautre les souverains des deux empires, surtout
depuis la construction de quelques forts sur les fron-
tteres, on en vint cependant a une delimitation defini-
tive du territoire ' , mais ce ne fut qu'apres de longues
discussions entre les commissaires turcs et russes : car
les premiers voulaient assigner pour limites & la Rus-
sie les rives du Dnieper, tandis que les Russes pr6-
tendaient reculer ces limites jusqu'aux rives du Bog.
Cependant , la Porte ne se crut pas en s&ret£ par ce
traite, et une flotte coroposee de galores parlait tous
les an$ f comme par le passe, pour la Mer-Noire, avec
mission de surveiller les constructions que faisait faire
le Czar dans ces parages a (29 oc^bre 1 705).
Vers le m6me temps, la Pologue envoya Gurski a
Constantinople , en qualitd d'ambassadeur , dam le
seul but de res$errer les teens cTamiti^ qui uni&ss&nt
i Voyez daw le Quid* iiplomaUque de Martens la convention d* trait
de Belgrade de Fanned 1739.
a Le Rapport de Talman, da mois de septembre 1707 , nomme les cha-
teaux construits ou en construction : Jersch , Ossi , Kersch et Adjou.
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184 H1STOIRE
la Porte et la Rlpublique, et sans le charger d'aucune
negotiation sp^ciale *.
L'ambassadeur frangais pr£s la Porte, fiddle a la poli-
tique de Louis XIV, ne cessait de pr&er l'appui de tout
son credit, tant6t aux prptestans rebelles de Hongrie,
tant6t aux jesuites, comme les plus fermes soutiens des
catholiques, sujets des Ottomans ou r£sidant en Tur-
quie. Trop faible pour r^sister aux instances de ces
dernier s et cedant k leur influence, Ferriol fit enlever
de Khios le patriarche grec Avedick. CeGrec, eiev6
au patriarchat par l'influence de la soci&£ de Jesus, k
laquelle il avait promis d'etre toujours favorable aux
catholiques,. n'avait cesse de les poursuivre avec le
plus grand acharnement depuis son elevation au siege
patriarcal. Avedick fut embarque sur un vaisseau de
guerre et conduit en France , ou il fut secr&ement
retenu et d'ou il ne revint jamais. Cet enlevement fut,
pendant tout le grand- vizirat d'Ali , la cause d'une
m£sintelligence continuelle entre lui et Ferriol ; car
Fun ne se lassa pas de r£clamer le patriarche, et l'au-
tre de nier sa participation k cet acte de violence*
La disparition d'Avedick eut pour resultat imm^diat
de nouvelles persecutions dirig^es contre les catho-
liques armeniens et la mise k execution de mesures
sevdres contre les pfires de la sodete de Jesus. Ceux-
ci qui , autrefois, avaient poursuivi le patriarche grec
k Constantinople a cause de l'etablissement d'une
imprimerie, furent persecutes a leur tour pour avoir
■ Le Rapport de Talman de I'annee 1707. Gurski eut son audience de
conge le 5 septembre 1707.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. i85
fonde une imprimerie arm&rienne qui, sous la pro-
tection de l'ambassadeur frangais, r£pandait des libelles
contre le patriarche et les Arm&iiens non catholiques.
Le grand-vizir fit activement surveiller la maison des
j£suites et arr&er tous les Armeniens qui s'y ren-
daient oil qui en sortaient Soixante d'entre fcux fu~
rent envoyes au bagne ou aux galeres. Le m6me sprt
attendait les deux patriarches armeniens de Constan-
tinople et de Jerusalem , pour avoir permis aux j6-
suites de precher dans les 6glises armeniennes ; de-
nonces par les pr&tres armeniens schismatiques , ils
furent enleves de la maison du patriarche, k Balata, et
conduits au bagne. Tschorli Ali-Pascha menaga le
sup£rieur des jesuites du m6me traitement , dans le
cas ou le patriarche Avedick ne serait point ramene
a Constantinople. Un khattisch£rif du Sultan leur
defendit toute propagande et ordonna I'arrestation
de tous les Armeniens du rite catholique 1 . Le pa-
triarche de ces derniefs, Sari, et six autres qur ge-
missaient dans les prisons , furent condamnes a
mort par le grand-vizir. Six d'entre les captifs sau-
v^rent leur t&e en abjurant leur foi ef en embfas-
sant l'islamisme ; un seul, le vertabiete Comidas ,
eut le courage de se confesser catholique , et se
d£clara pr6t h recevoir la couronne du martyre. Ac-
cuse de catholicisme devant le grand-vizir par le
patriarche Ther Joannes, le premier lui demanda s'il
ignorait que , par sa d£sob&ssance aux ordres du Sul-
* LaMotraye, p. 381 et382, donne ce kbatlischeYif dans toute sou
6tendue.
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1 86 HISTOIRE
tatf, il s'&ait d£elar6 rebelle et avait m£rit6 la mort.
Comidas lui r£pondit qu'il ne pouvait &re accost de
rebellion pour avoir prefere un rite h un autre ; puis ,
s'adressant au grand-vizir, il lui demanda hardiment
si 9 par cela m£me qu'il tenaitentre ses mains le pou-
voir et decidait de la vie et de la mort des sujets , il
&ait aussi appele k decider lequel des deux rites ,
Forthodoxe ou le schismatique, &ait le meilleur ? « Je
»juge Tun et l'autre egalement mauvais , repliqua
» Ali-Pascha , et je te condamne h mort comme re-
» belle ; du reste, ton sang retombera sur tes accu-
» sateurs, s'ils se sont rendus coupables d'imposture.
» — Qu'il en soil ainsi ! s'&ria le patriarche arm£-
» nien ; que ton sang retombe sur les j£suifes qui t'ont
» seduit, toi et beaucoup de membres de notre £gtise. »
Aussitdt le grand-vizir donna ordre de fair© trancber
la t&e au hardi d^fenseur de sa foi et a deux autres
qui, encourages par son exemple, voulaient ntourir
avec lui de la mort du martyr, lis furent conduits der-
rtere le palais du grand- vizir; la, Comidas exhorta ses
deux compagnons h recevoir avec courage le coup
fatal , puis, s'agenouillant, fl fit une courte priere et
presenta sa tfite au bourreau qm , aprte Tavoir slparee
du tronc d'un seul coup, la pJa?a entre les jambes du
cadavre qu'il &endit le venire centre terre. Trois
jours apr£s , la fille de Comidas , &g6e de seize ans,
vint r£clamer les restes de son p&r* , qui lui furent
abandonn^s 1 , etelie les fit d^poser dang le cimettere
i La Motraye et Rapport de^TaJmtiii T/JStfcJta deRami contfent cledx
lettres du grand-vizir concernant le commerce que 1'Autriche entretenaft
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 187
de BaKkli, sur l'emplacement duquel se trouvait jadis
le c616bre palais des fontaines des empereurs de By-
zance. Depuis , son tombeau a toujours &e tr&s-fr£-
quent£ par les p&erins armeniens du rite catholique.
Ainsi, la premiere persecution qu'eurent k essuyer
les Arm&iiens catholiques dans TEmpire ottoman, et
)a suppression de la premiere presse armenienne a Con-
stantinople, furent Toeuvre des j£suites, auxquels on
doit egalement attribuer Tentevemeht du patriarche
armenien non catholique , l'apostasie des Armeniens
orthodoxes, leur conversion a l'islamisme. le martyre
de Comidas et celui de ses deux compagnons d'infor-
tuue. Comme ces derniers, le patriarche Avedick mou-
rut martyr de sa foi dans la prison odon Favait enferme
& perp&uit6, et le mystfire, encore ineclairci , du mas-
que de fer, qui a donn6 lieu h tant de recherches inuti-
les et h tant de suppositions extraordinaires , pourrait
peut-6tre s'expliquer par la presence contemporaineen
France du captif armenien '.
avec la Perse par l'entremise des Armeniens et que la Porte voulait em-
pecher. La lettre n° 419, datee du mois de safer 1115, ordonnel'arrestation
a Belgrade de deux negocians persans : le n° 577 contient l'ordre an
gouverneur de Bagdad d'envoyer sous escorte, a Constantinople, les nego-
cians armeniens, en attendant que cette affaire fut reglee avec 1' Autriche.
1 Depuis que le chevalier Taul6 , dans son ouvrage YBomnie au masque
defer, Paris 1825, a. demontre le peu de foi que merite le journal de Ionka>
falsitie par le Jesuite Griffet, 1' opinion que V Homme au masque defer ait
e!6 un ministre sarde, ne saurait elre deTendue, et il est a croire que c'elait
le patriarche Avedick. Si Taul6 avait connu le passage de Paul Lucas (111™*
voyage,, 1, p. 122) et le Rapport de la Motraye(I, p. 371), ou il est qqes-
tion de l'epoque de l'enlevement du patriarche, il aurait sansdoute par-
age notre opinion. Talman, dans son Rapport, dit qu'il avait eulieuau mois
de septembre 1700. La Motraye enfin ajoute : « Les autres prgtendent qu'on
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188 HISTOIRE
Le grand-vizir, jaloux de conserver le pouvoir ab-
solu sans le soumeltre au contrdle d'une influence
&rang£re, &oigna, peu apr£s son Ovation, l'ancien
kapitan-pascha Weli, vizir de la coupole; il Fenvoya
en qualite de gouverneur en Bosnie, uniquement parce
qu'il 1'avait juge capable de rivaliser avec lui. Rassur6
de ce c6l6 , il songea k Eloigner £galement le moufti
Ali-Paschmakdjizad£ , que le Sultan honorait d'une
eslime toute particultere. Pour yparvenir, il necessa
d'assaillir Moustafa II de ses dol£ances et de lui insi-
nuerquePaschmakdjizad£,le premier d'entre les mouf-
tis, avait &6nomme par les rebelles, et que c'&ait lui
qui avait &e la premiere cause de la r^volte. Tromp6
par ces faux rapports, le Sultan nomma, a la place de
Paschmakdjizade, Sadik-Mohammed qui , avant Tin-
surrection , avait &6 revfetu dela dignity demoufti(1 er f6-
vrier 1 707 — 27 schewwal 1118). Mais la jalousie du
grand -vizir, si riche en exp£diens, trouva encore
moyen de limiter le pouvoir du nouveau moufti; il de-
cida , chose mouie , qu' & l'avenir les promotions aux gra-
des de juges et de muderris seraient faites de concert
avec les deux juges d'arm^e d'Anatolie et dcRoumilie,
et ne d^pendraient plus de la seule volonte du moufti.
Cetteimmixtion des juges d'arm^e dans les nominations
des juges causa de grands d&ordres , car on eut trois
mouftis au lieu d'un. Six mois s'&aient £coul£s depuis
cette ordonnance , lorsqu'un jour le grand-vizir, se trou-
vanten visite chez le moufti, le chef des baltadjis entra
»l'ayail enfermG dans les prisons de requisition et depuis dans les bagnes
»de Marseille, »
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»E L'EMPIRE OTTOMAN. 189
e£ remit une lettre k ce dernier. « Le khattisch^rif est
» sans doute M'adressede son excel lencele grand-vizir,
» ditSadik-Mohammed. — Non, repritle grand- vizir en
» souriant, il s'adresse k votre r6v£rendissime gran-
» deur.»Cekhattisch£rif contenait le r&ablissement du
moufti dans la plenitude de son pouvoir , et 6tait aux
juges d'armfe toute paticipation k la nomination des
muderris. A peine le grand-vizir se fut-il retir£, qu'on
annonga les deux juges d'arm^e ; car ce mfimejour,
plusieurs promotions devaient avoir lieu a diverses
places de juges vacantes en Europe et en Asie. « Com-
» mengons par tendre la chalne des deux bras l (de
» TAsieet de FEurope), et apportez la liste des can-
» didats, disaient les deux kadiaskers qui ignoraient ce
» qui venait de se passer. — Non, dit le moufti, ap-
» portez plut6t du scherbet k ces messieurs ; » leur
donnant ainsi a entendre que leur pouvoir avait cesse.
Quatre mois plus tard (tevrier 1 708 — silkid^ 1119),
Sadik Mohammed-Efendi fut destitu£ pour cause d 'in-
firmity, car, lors des fun^railles de la princesse Kha-
didje, fille du Sultan, &g£e d'un an, sa vieillesse I'avait
emp6ch6 d'&ever les bras au ciel en pronongant la
prtere des morts. Sa place fut donnee a Abazad6 (tils
de la nourrice) Abdoullah. Le juge de Constantinople,
qui cumulait, contrairement a tous les pr£c6dens, cette
place avec celle d'imam du Sultan , au grand detri-
ment des deux services, fut destitu£ par le Sultan lui-
1 Le corps des oulemas s'appelle la chame, et tendre la chafne des deur
bras, signifie, en d'autres termes, augmenterle corps des oul£mas par des>
promotions en Asie et en Europe,
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190 H1STOIRB
m&ne. Ahmed in &ak irritlde ce que son imam, tm
jour ou il devait faire en sa presence la pri&re da
vendredi dans la mosqu£e d'Eyoub , s*y &ait renda
suivi dune douzaine de sergents et de trabans. II
nomma k sa place le chef des £mirs, Seid Mohammed
Sahhafzad£ (fils da libraire), homme d'nn mirite
reconnu, et qui, sans jouir du rang de juge de Con-
stantinople, s'etait trouve blesse de la prtfSrence
donn£e au chapelain de la cour , lors de sa nomination
corame juge de la capitale , et vivait depuis dans la
retraite.
Un changement non moins important que celui da
moufti fut la destitution du khan de Crim£e. Ghazi-
Ghirai , outre qu'il avait accord^ un asile au chef de la
tribu tscherkesse des Heiduques ', qui venait d'assas-
siner son fr£re, avait n£glig6 de mettre un terme aui
incursions des Tatares noghais d' Anapa au-dela du
Kouban, comme il en avait regu l'ordre. Ce futautant
pour donner une juste satisfaction a la Russie , qui
s'&ait plainte de cette violation de la paix (avril 1 707 —
moharrem 1119), que pour punir la r&istance que
Ghazi-Ghirai avait opposle nagu6re aux ordres de
son fr6re aine, lekhan Dewlet-Ghirai, quel la Porte
eleva a sa place Kaplan-Ghirai*, et lui envoya, par
■ Les Heiduques , doot le nom a 6te* derive* jusqu'alors do mot arabe
Haidoud ( voleur de grand chemin ), se pr6sentent ici comme une tribu
tscherkesse. Sebesseyar , f. 208.
2 Raschid , II, f. 52 ; YInscka de Rami contient une Hire du grand-
vizir au khan de Grimee contre Dewlet-GhiraK et une seconds a Dewlet*
Ghiral lui-meme; n<>* 592 595; 506 et607.
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 191
le ren^gat Osmanaga, grand -Scuyer % avec les in-
signes de sa nouvelle dignity, le present d'asage de
cinq mille ducats. Menghli-Ghirai fut proclam6 kal-
gha el son frire puin£, Makssoud-Ghirai, regut le litre
de noureddin. Ghazi-Ghirai mourut peu de temps
aprfes de la peste, k Karinabad*, ainsi que Makssoud-
Ghirai , auquel succeda dans la dignity de noureddin
Sahib-Ghirai. Kaplan-Ghirai , en prenant en mainle
pouvoir , entreprit une guerre contre la tribu tscher-
kesse de Kabarta etablie k Pischtaw (les cinq mon-
lagnes) dans le Caucase. Jusqu'alors les begs de cette
tribu avaient &£ nomm^s par les khans de Crim6e. Bien
que tenant leur autorite du khan, ils ne laissaient pas
de secouer leur joug de temps k autre ; et toutes les fois
qu'ils furent r£duits k l'ob&ssance, ceux-ci avaient cou-
lume de les punir en leur imposanl un tribut lev£ sur la
jeunesse des deux sexes et qui est d£sign£ sous le nom
d'Aiblik (tribut honteux). Pour se soustraire a Top-
pression que les Tatares de Crim^e faisaient, dans les
derniers temps, peser sur eux, lesKabartiens quitterent
leurs demeures de Pischtaw et alterent s'&ablir dans
les montagnes inaccessibles de Balkhandjan. Plusieurs
messages que le khan leur envoya pour les determiner
k rentrer dans leur ancien territoire, et la tentative
m6me du kalgha Menghli-Ghirai pour les y forcer
1 II paraft avoir et6 frangais d'origine , car Raschid le designe sous le
nom foFrmk, dememe que le kapitan-pascha Abdourrahman , originaire
de Marseille.
3 Et non pas, commele dit YHistoiredu royaume de la Chersonnise
Taurique, p. 395: « An palais de Genghis serai, 61oigne d'on degre de
»V4qu*tewr de CoiisttBtinople. •
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i 9 a ttlSTOlHE
par les armes, &aient rest£s sans resukat. D£s-lors
le khan r£solut de marcher contre eux k la t6te d'une
arm£e formidable. Six mille Noghais de Bessarabie,
quinze cents seghbans du khan, lebeglerbeg de Kaffa,
Mourteza-Pascha, avec les troupes de sa maison, trois
mille sipahis 1 , cinq mille Tscherk esses de Kemur-
kceyi et les tribus noghais Ischtouakoghli, Youwar-
lak, Katai, Kipdjak et Yedisan, qui, sous la denomina-
tion de Yaman Ssadak, formaient un effectif de vingt
mille hommes, pass&rent le Kouban, se dirigeant sur
le Caucase. Arrive au d£fil6 de Balkhandjan, Kaplan-
Ghirai, voyant toutes ses propositions rejet£es par les
tscherkesses Kabartiens , donna l'ordre d'attaquer;
mais il fut compl&ement battu et laissa sur le champ
de bataille la fleur de' sa noblesse , et notamment le
scherinbeg, les begs des tribus Djarik, Yourouldj6
et Manssour, vingt-lrois oul£mas et avec eux la plus
grande partie de son arm£e. Le khan lui-m£me n'6-
chappa k la mort qu'avec une peine infinie. Lors-
qu'on apprit celte defaite a Constantinople, le Sultan,
qui lui reprochait dejJi d'avoir assigne a Khandepa,
pr&s de Temrouk a , un territoire a huit mille Cosaques
i AtoX Schahi w4 zanebegleri. Raschid , II, f. 61.
a Raschid, II, f. 53; nii'Histoire de la Tauride par Sestrenszewicz
ni aucune des histoires connues sur ces contrees, ne parlent de cette cam-
pagne memorable. Raschid donne sur cette revolte des Cosaques et sur ceiles
d' Astrakhan, des details bien plus complets qu'aucune des histoires russes.
II raconte dans quelle occasion les boyards Stefan et Sudj (?) ont recu mission
de ramener , par la force, a Astrakhan, les habitans de cette province qui
s'6taient reTugtes dans les 52 villages designes sous le nom de Herman , et
situ6s sur les rives du Don et du Bozok ; il dit que les habitans de ces 32
villages, apres s'etre concertos avec le commandant du chateau-fort de
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DE L'EMPIHE OTTOMAN. i 9 5
fugitifs de Kerman et partisans du cosaque Ignace,
r^volte contre le czar Pierre-le-Grahd , le d£posa,
et plaga, pour la troisieme fois, sur le trdne de Crimee,
le khan Dewlet-GhiraiJusqu'aJors reteuu prisonoier
h Andrinople.
Ali-Pascha deTschorli etait ftge de trente et quel-
ques annees seulement lorsquil fut nomme grand*
\izir.Son caractdre vif , energique et Tactivit^de son
esprit donnaient lieu de craindre qu'il lie sui\ it la route
tracee par le grand-vizir Kara Moustafa \ Quelques
innovations en mature de finances temoignent de l'es-
prit cPordre qui r^gla ses acles admmistratifs , et le
contr61e qu'il etablit sur les comptes des cuisines im-
p6riales, prouveen faveurde son activity. Jusqu'alors
on ri avait jamais fix6 le nombre des defterlus,^ est-&-
dire des affranchis du service act if en temps de guerre,
et des cliens du khan de Crim6e et des vizirs, posses-
seurs de fiefs. Pour en r£duire le nombre excessif,
Noghak sur le Bozok et le vblevode des Cosaques, Boalawin , avaient com-
pletement battulesboyards et disperse^ leur armee; Jl rapporte ensutte que
50,000 Cosaques , allies de Boulawin , s'6taient jetes pros du Bozok sur les
habitans des 32 villages, pour ayoir abandonng leur parti; qu'apres avoir
pris possession de plusieurs de ces villages, ils avaient marchg sur Tscherkes-
Kerman, et qu'apres s'en elre rendus mattres, ils s'etaient drnges sur
Azof; enfin , il raconte que les habitans de Tscherkes-Kerman s'ctaient
reunis aux Cosaques pour perdre Boulawin , et que celui-ci , se voyant
trahi / s'6tait donn<& la mort. Nous avons deja parle de plusieurs de ces vil-
lages oa bourgs du nom de Kerman. VInscha de Rami , n° 396 , nomme,
dans 1'ordonnance de delimitation, art. II du traite* russe, les chateaux de
Tighan , Ghazi-Kerman et Schahin-Kerman.
x II r&ulte des Biographies de Dilaweragazade' Omer, qu'enlannee
1125 (1711) , ou il mourut , Ali etait age* de 40 ans. C'est done a tort que
Voltaire, dans son Histoire de Charles XII, L. V, dit en parlant de lui:
«Ce vieux ministre, etc, *
T. ilii. i3
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l9 4 HJSTOIRE
^galement pr^judiciableau tr£soret au service militaire,
Ali-Pascha d£cidaqu'& Tavenir, le khan de Crim^e ne
pourrait faire inscrire surles r61esdes defterliis plus
de vingt mouteferrikas soldes , de vingt tschaouschs
soldes, de vingt sipahis, d'autant de silihdars et de
trente feudataires (possesseurs de timars et de siamets);
quant aux virirs, ils n'eurent plus droit qii'i Hnscrip-
tion de Ja moitie de ce nombre. L'administration d'Ali
fut 6galement signage par son amour dfela justice.
Sur les plaintes qu'&evaient les Moldaves centre
la tyrannie de leur prince, Antioche Cantemir, il le d£-
posa, et £leva, pour la secondefois, son predecesseur
Michel Rakovixa k la dignit* de hospodar (SO octo-
bre i707 — S3 raijeb 1119). Pour r&ablir su* un
pied respectable led forces navales , AH fit construire
des vaisseaux, fondre des canons et des apcresf \ Jus-
que-l& , on avait fait Tenir ce dernier article d'Angle-
terre ; par ses ordres , on construistt qne fonderie der-
rtere lfes chautiers de ['arsenal , appeles Terzanagoez
fcr/(tesyeoiderarsenal)parce qu'ilsoot vuesur le port.
Cette fonderie, dir%6e par le bombardier Ali, fournit
bienfdt des ancres du poids <Je soixante-dix 3 quatre-
vingt quintaux* Depuis long-temps, I'iledeKeikowa
servait de refuge k de nombreux corsaires, et il &ait
devemi a&essaire de les en <&3*»er. Ali y fit b^tir
un chftteau-f6rt et y iaissa trois galores pour la garde
i Raschid, II, f. 75. UnordreanterifluradniBseaiix dkacteors desftraderiea
relativement a lafonte des 12G canons destines anx chateaux nonveHement
consiruits , se trouve dans YMrbcha de fiami , n<?.Ail. Le no 395 coptienfc
una lejire du grand-vizir au katmakam relative au calibre des fusils a four-
nir ; elle est datee du mois de moharrem 1 1 15 (mai 1705).
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DE L'EiMPIRE OTTOMAN. rg5
des parages de Hie; Q enVoya cinq gallons et quatre
fregates ayant a bord les troupes des sandjaks de
Gonia et de Trabezoun . et trois mille janissaires char-
ges de defendre le cb&teau de Yentkalaa dans le canal
de Kertsch ; un autre corps de trois mille janissaires
fut envoys en garnison a Bender. Lorsque la mos-
quee, construke devaot le bague par les ordres da
grand-vizir, se troitva termwiee, le Sultan s'y remfit
on Tendredi l pour assisler k la premiere pridre qui
y fat adress^e k Dieu. Outre cette mosqu£e, AM bh
fonda une autre qui! dota d'uoe cuisine deetin^e k
ralimentalion des pauvres, d'un couvent, d'une&ole
et d'unebibltotheque. Ce fut pous son administration
qa'on pdsa, en presence de tous les oul&nas, la pre-
miere pierre de la mosquee que la Walid£ fit Clever k
Scutari, a 1 heure designee par Gastronome de la cour
comme la plus favorable \ L'aqueduc du village de
Khalkali qui approvisiomte le serai d'eau, et qui de-
pub quelque temps commengait a tomber en ruines,
fut repare par les soios da grand-vizir qui , Bur le
devis des ingenieurs, ^ffecta k ces travaux une somme
de cinquante bourses, dont vingt settlement k la charge
du fisc : le reste fut donne par Ali-Pascha et les autres
ministres. il fit egalement Sparer le palais du grand-
vizir Biildii Moustafa, pour la fiUe du Saltan regnant,
Falima, celui de Sirek pour la princesse Aische, fille
du sultan Moustafa II, et celui du chef des Bouchers,
i Raschid dit le 8 au lieu du 7 rebioul-akbir ; le 8 e*tait un samedl.
i Le2o redjeb et non pas le 23 corame le dit Raschid ,. car le 25 6tait
un lundi (8 octobre) et non un raercredi.
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ig6 HISTOIRE
pour one autre fille du Sultan , la princesse Khadidj6.
Les deux filles de Moustafa II, Emineh et Aisch£, fu-
rent marines, la premiere au grand-vizir, la seconde a
Nououman Koepruluzad6, second fils de Koepriilu le
Vertueux. Ces deux noces furent c£l£br£es avee la
plus grande magnificence (9 avril 1 708 — 18 mohar-
rem \ 120). Chacune des princesses re$ut une dot de
yingt mille ducats, c'est-i-direle cinquieme seulement
de la sorame qu on allouait autrefois aux sultaites, A
le dixteme de celle que Mohammed IV donna k la fille
de Mourad IV, lors deson manage avec le grand-vizir
Melek Ahmed. La cOrbeille de noces que le grand-
yizir Ali de Tschorli donna k son auguste fiancee et
qui fut expos£e aux yeux du public, contenait un ban-
deau, un collier, des bracelets, une bague, une cein-
ture , des boucles doreilles et des anneaux destines h
parer les articulations des bras et des pieds ; ces sept
objets, toussph&riques et orn£s de diamans, sont con-
sid£r£s par les Orientaux comme la sphere septuple de
la femme ■ . Ces pr&ens comprenaient encore un miroir
garni de pierreries, un voile parsem£ de diamans, des
pantoufles et des socques orn£s deperles, des£chasses
en or et garnies de joyaux pour le bain, deux mille du-
cats et quarante tasses pleines de sucreries. Apr£s les
noces deses deux nieces, le Sultan songea a fianceraussi
z Raschid, II , f. 67. Ces sept pr&ens symboliqaes , destined a orner les
parties principals da corps de la femme, le front, les oreilles, le cou , les
bras, la taille et les jambes, indiquent les sept spheres dans lesqneHes doit
se raouYoir la femme apres son manage , ou , en d'autres termes , qu'eiclae
de toute participation aux affaires publiqnes, elle doit vivre eiclusi veraent dans
sa sphere d'epouse et de mere.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. j 9 }
sa fille Fatlma , &g£e seulemerit de quatre ans. En
vain, Ali-Pascha essaya de dissuader le Sultan d'ac-
corder la main de la jeune princesse au silihdar-pascha,
son favori avou£ ; elle fut fiancee k ce dernier, auquel
elle apporta une dot de quarante mille ducats; de
plus, le Sultan ajouta aux biens dela couronne, quit
poss£dait d&\k, les revenus de Tile de Ghypre \ Les
fiangailles furent c£16br£es avec un faste d'autant plus
extraordinaire (1 6 mai 1 709 — 6 rebioul-ewwel 1121)
que le Sultan se plaisait k ces sortes de r&jouissances. C'est
ainsi que, quelques mois auparavant, il avait ordonne
que la capitale filt illumin£e pendant trois jours, pour
c£l£brer la naissance du prince Mourad (15 j&nvier
1708—21 schewwal 1 1 1 9), n6 d'une esclave croate;
trois jours apr&s , une esclave russe le rendit p£re
de deux filles jumelles ; mais la naissance de ces der-
nieres passa inapergue et ne donna lieu k aucune r£-
jouissance publique. Outre les deux fetes du bairam,
et celles de la naissance du prince, de Texposition du
manteau du prophete et du depart de la caravane des
pelerins pour la Mecque, on cetebra sous le r&gne
d' Ahmed III, pour la premiere fois, la f&e du prin-
temps ; les parterres de tulipes situes dans le jar-
din dit des buis du serai , furent illumines en verres
de couleur*. Au milieu de ces fetes, Ahmed oubliait
i Raschid , f. 68. Comme le silihdar mourut age de 42 ans , il avait
aloro 35 ans. Voltaire a done tort de dire : < Ce vieui ministre (Ali de
» Tschorli) fut la victime du caprice d'un enfant (le silihdar Ali) ^; car ils
ftaient du meme age. Voyez l'extrait de la description de ces noces par
Raschid, dans la fenillepenodiquedeViennede Tanned 1823, n° 42, p. 341.
a Tschimschirlik,
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• 98 HISTOIRE
egalement les affaires de l'Etat et les malheurs que
les incendies , les ouragans , les tremblemens de
terre , les inondations et la peste faisaicnt peser sur
son peuple. Deux incendies , dont Tan consuma le
marche des proposes aux balances pour les mar-
chandises 1 , une partie du faubourg d'Eyoub situ6
sur le bord de la mer, et I'antre une grande partie du
quartier de Khodja-Pascha, 6clat&rent & peu d'inter-
vaile h Constantinople a . A Galfipolis , rix cents ou-
vriers p&irent-par suite de l'explosion d'un moulin k
poudre ; un accident sembiable donna la mort k six
ouvriers d'une poudrerie de Constantinople, et la
foudre , en tombant sur un autre magasin & poudre,
fit sauter une partie du chateau de Lemnos 3 . L'annde
suivante , une forte pi trie enfla tellement la petite ri-
viere de Kiagadkhanl (Cydaris), quelle submergea
la belle vallee des eaux douces et entraina les canons et
les caissons de Kiagadkhan^ . Deux ann£es aupara vant ,
une nou velle lie s'£tah£lev6e tout a coup du fond de
la mer, pr£s deSantorin 5 , appete jadis par lesGrecs
la plus belle ou la paisibte *. Pendant dii semaines,
eette nouvelle fle gagna continuellement en etenduc,
et , lorsqu'elle cut atteint tout son d^veloppement ,
la terre trembla b Constantinople 7 .
i Weznedjiler souki. — . a Le 24 redjeb 1120 (9 octobre 1708). — - 3 Le
*5 schewwal 1120 (28 (tecembre 1708). —4 Le 6 djemazioul-ewwel, 1121
^14 juillet 1709). — 5 Ka^fcr*. — 6 Llpjvr,.
7 Voir la lettre du consul de Paros, Condili, daps Ortelius red. p. 286 ,
par Wagner ; Andrtossy , sur V apparition des ties Caimencs, I, p. 247;
La Motraye, I, p. 588 Rasohid, II, p. 53, dit le 1 rebroul-ewwel 1119
(2juinl707).
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DE L'EMPIllE OTTOMAN. 199
La Syrie , I'Jilgypte et tout le littoral du nord de
1'Afrique jusqu'a Oran;^ppel&rent ensuite, a un £gal
degr£, la sollicitude da grand-vizir, du Sultan et du
peuple. Nassouh-Pascha , non moins renomm£ pour
sa vaieur que pour son activite et son 6nergie, &ait k la
t&e des troupes chargees d'escorter la caravane des
pterins de Id Mecque. Lorsqu'il arriva k la station
appetee la Fontaine de la Walid6, il y rencontra un
corps de quatre mille Arabes, sous les ordres du
Bcheikh Koleib, vainqueur du prudent emiroul-hadj
Housein - Pascha le Foyard. Nassouh - Pascha , sans
donner al'ennemi le temps de r&Kchir, se jeta sur
lui, le d^fit, puis usant de trahison , il invita Koleib a
une entrevue dans une tente dressta entre les camps
arabe et ottoman , et Ty fit p&ir.
En Egypte, Rami-Pascha, dernier grand-vizir de
Moustafa II, n'eut gu£re plus de satisfaction pendant
son administration qu'il n'en avait eu durant son grand-
vizirat. La famine s'&ait Vendue sur tout le pays.
Pour implorer la mis^ricorde divine, Rami ordonna
des prieres publiques dans les lieux de p£|erinage les
plus en renora, au Caire, sur la colline de Djeblol-
djouyousch (la montagne des troupes) et dans la mos-
qu^e d'Amrou-Ben-Aass. La calibre pierre sur la-
quelle les musulmans croient voir la trace des pieds
du Proph&e, et qui a fait donner k la mosquee con-
struite au bord du Nil le nom de Vvstxges du Pro-
phSte, fat portie en procession par les scheikhs et les
&nirs jusqu'i ce que les eaux du Nil eussent atteint
une hauteur de seize aunes et que Ton etit perce les
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aoo HISTOIRE
digues. Cependant, le prix de toutes les denr&s allait
toujours en augmentant, au point que l'erdeb de fro-
ment ou d'orge se payait cent paras , l'erdeb de len-
tilles deux cents et 1'erdeb de riz trois cents ; le bat-
man de viande de roouton trois paras, et celui de
boeuf deux paras ; le quintal de graisse fondue valait
six cents paras, l'huile de lin trois cents, un poulet
huit et trois ceufs un para.
Sous 1 'administration de Rami - Pascha , la Porte
deposa le schfrif de la Mecque Said , d6s qu'elle eut
&6 instruite du meurtre de son pere Saad , et nomma
pour lui succ£der le sch^rif Abdoulkerim. Peu de
temps apr&s, Rami dut c£der sa place h Ali-Pascha de
Smyrne , surnomme Giimriikdji (ie Douanier) , qui
rappete de Temeswar par le grand-vizir Baltadji
Mohammed-Pascha , pour singer a Constantinople,
parmi les vizirs de la coupole, avait par son ingratitude
encouru la disgrace du Sultan et du grand- vizir, en
briguant la dignity de premier ministre.
Le gouvernement d'Egypte, tour a tour berceau et
retraite de tant de grands-vizirs , ne fut ni Tun ni
I'autre pour Rami. Sous Ali de Tschorli , il fut
exite a Rhodes, ou il mourut k la suite des tourmens
affreux qu'on lui avait fait subir pour lui extorquer
ses tr£sors. II n'a laiss6 d'autres monumens que son
Inscha, veritable module de style politique chez les
Ottomans , et les pan£gyriques que des pontes , tels
que Nabi et Sami, ont Merits sur lui, en reconnaissance
des faveurs dont il les avait combl£s. Vers le m6me
temps que Rami, mourut le premier m£decin du Sul-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. aot
tan, Nouh-Efendi , ren^gat italien, dont lecaractere el
l'esprit lui avaient concilie l'estime g£n£rale (29
«eptembre 1 707 — 2 redjeb 1119)'. Malgr£ son origine
&rang&re, Nouh-Efendi avait acquis, en fait de litera-
ture orientate 9 devastesconnaissances, qui luiassignent
un nom parmi les savans ottomans ; c'est lui qui a
traduit VHistoire des feUgions par Sch6hristani.
Une autre circonstance signale encore le grand-
vizirat d'Ali de Tschorli dans Thistoire ottomane.
Sous son administration , les flottes turque et barba-
resque recommenc£rent ft donner de s£rieuses inquie-
tudes aux puissances limitrophes de la M6diterran£e
et ft t'ltalie. Le kapitan-pascha, El-Hadj Mohammed,
fit une descente dans Tile de N£grepont, s'empara
d'un couvent et d un chateau-fort , d&ruisit Fun et
1'autre, et emmena en esclavage trois cents prisonniers
(1707 — 1119). Delft, il fit voile vers Malte, d'oti,
apr6s 6tre rest6 ft l'ancre pendant un jour entier, en
face de rile, il se rendit dans les eaux de Paros, oft il
captura deux navires de TOrdre, qu'il emmena ft Con-
stantinople a . Yers la fin de la m£me annee, la flolte
<T Alger vint mettre le stege devant Oran , dont le
port et la position avantageuse excitaient depuis long-
temps Fen vie des Etats barbaresques. Le 29 d^cembre
(4 schewwal) , les capitaines des trois vaisseaux-ami-
raux d' Alger, la Kapitana, la Patrona et la Biala,
* i Baschid dit settlement qu'il 6tait Franc d'origine ; les rapports des am-
bassadeurs le d&ignent comme ltalien de nation; €antemir , Ahmed III,
note e, dans sa fabqleuse histoire de Baltadji , le dit Grec de File de Crite.
* Raschid , f. 56 , parte aussi de la prise d'un oorsaire de Livouroe.
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aoa HISTOIKE
commandes par trois ren£gats, dont deux Hollan-
dais, jeterent l'ancre dans le port de Constantinople,
et presentment les clefs d'Oran ' au Sultan , alors
convalescent de la petite-v£role. La consultation m£di-
cale qui eut lieu au sujet d$ sa maladie, en pre-
sence du grand-vizir et du moufti, m^rile d'etre signa-
lee en ce que, outre le m^decin ordinaire de la cour,
Mohammed Efendi , sutcesseur de Nouh-Efendi , on
y appela les m£decins Souleiman et Omer-Efeudi ,
l'astronbme Mohammed-Efendi , ancien m6decin du
serai, et le Hollandais Gowin, qui, depuis sa conver-
sion a 1'Islamisme, avail pris le nom de Mohammed.
Lorsque fa nouvelle de la prise (TOran parvint a
Maroc , l'empereur Moulai Hasan , auquel les Otto-
mans ne donnent que le litre de souverain de Fez ,
crut qu'il serait d'une bonne politique d'envoyer k la
Porte une ambassade solennelle chargle de protester
aupr&s delle de son d^vouement, et d'y faire con-
duire, avec tout le respect dti a un prince ottoman ,
un pr&endu fils de Mohammed IV, dont la mite,
traversant la M6diterran6e pendant sa grossesse, avak
el6 pouss£e par un coup de vent , disait-il , sur les
rives de Fez \ A son arriv6e k Khios , le prince ft*
retenu sous bonne garde, mais l'ambassadeur fut ren-
> Rascbid donne les noms de ses bastions d'alors , savoir : Moukhakho
(le bastion rouge de l'ean) , Castelnovo et Castel Rosson ; il lvalue la perte
des Algenens a 8000 hommes , cede des Espagnote a 15,000, et fixe le
nombre des prisonniers a 4,000 et 2,000 renegats. Voyex La Motraye, I,
p. 402.
> Raschid , f. 64. U Motraye , t, p. 402 , dit que c'&ait un pritendu
fils de Souteunmi II.
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DE L'EMMRE OTTOMAN. 2o3
voy£, et ne dut son salut qu'a ce principe de droit
public ottoman , qui dit : aucun outrage ne doit at-
tetndre les ambassadeurs l .. Moulai Hasan, offens£
decette conduite, adressa au Sultan urie seconde lettre,
congue dans des termes moins soumis, etqu'il finissait
en offrant a la Porte de lui prouver la l£gitimit£ du
prince par titres authentiques. Cette lettre ne fit que
h&ter l'?x6cution du pretendu prince, et, dans sa
r^ponse au souverain de Fez, la Porte declara : « Que
» les augustes descendans d'Osman etaient inacces-
» sibles k de semblables insinuations ; que les fits des
» Sultans ne couraient pas le monde comme ceux des
» autres princes , et que le bruit de l'existence dun
» prince legitime n'avait d'autre fondetnent que les
» rfives d'une imagination febrile ou de vains dis-
» cours. » La tfite du fil§ de Mohammed IV fat jet£e
sur le seuil de la porte du serai, avec quelques lignes a
accusant celui a qui elle avait appartenu du crime de
l&se-majest£ , pour avoir pretendu a la parent^ du
Sultan : « comme si , disaient ces lignes , sa m6re, es-
» clave, enceinte des oeuvres de Mohammed IV, avait
» &£ faite prisonni&re pendant son pelerinage a la
» Mecque. »
L'ann^e suivante (1 709 — 1121), apr& la malheu-
reuse bataille de Pultawa, Charles XII de Su6de pa-
rut tout-i-coup sur le territoire ottoman , r£clamant
la protection d' Ahmed III. L'apparilion en Turquie
» Rapport de Talman, date" du mois de mars 1708. Cet avis s'appeUe
» EUxhiyi zevcal yokdiir,
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ao4 HISTOIRE
du heros suedois avait &6 amende da reste par le
grand- vizir Ali deTschorli lui-m6me. L'histoire otto-
mane racontc en detail les causes de cet evenement ,
et 9 comrae leshistoriens europ&ns paraissent les avoir
ignores jusqu'k present, du moins en partie, il est
de noire devoir de les faire connaitre. Sur les
rapports que le vizir-commandant de Babataghi et
gouverneur d'Oczakow, Yousouf-Pascha, avait adres-
s£s k la Porle , au sujet de la guerre engag£e entre
Pierre -le- Grand , que les Oltomans appelaient la
moustache blanche (Ak-biik) f et Charles XII sur-
nomme la tite de fer (demurbasch), le grand- vizir
ordonna k Yousouf-Pascha d'envoyer , comme ve-
nant de sa part , un ambassadeur au roi pour le f<6-
liciter du succ&s de ses armes. La Porte connaissait
toutes les particularity de cette guerre ; elle savait
qu'apr&s la paix avec le Danemarck, CharlesXIl avait
d£fait les Russes a Narva , conquis Thorn et Danzig,
vaincu les Saxons k Pultawsk , soumis Lemberg et
Varsovie, ou il avait fait Hive roi de Pologne Sta-
nislas Leczynski ; elle n'ignorait pas qu'Auguste de
Pologne avait ete battu par les Suedois k Frauenstadt,
que Charles , en p£n£trant en Saxe , Tavait forc£ k
signer la paix d'Altranstadt et de renoncer au tr6ne de
Pologne; elle savait aussi que Charles avait veng6 le
d£sastre de Kalisch par la d£faite qu'il avait fait es-
suyer aux Russes a Holofezim, et que, second^ par
Thetman des Cosaques, Mazeppa, il avait p£n£tr£ dans
TUkraine. Le gouverneur dOczakow, de plus en plus
pen£tr£ de l'utilil6 d'une alliance entre la Porte et la
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 2o5
Su&de, choisit pour ambassadeur un homme droit et
loyal, dans la personnedeMohammed-Efendi de Yer-
kcei. Cehii-ci, sachantque la route de^Pologneoffrait
peu de s£curit6 , se rendit k Thorn, en longeant les
frontteres de Hongrie et d'Allemagtie , et en ayant
soin de cacher son caract&re diplomatique. II arriva
beureusement dans cette ville, et remit au roi la lettre
par laquelle Yousouf- Pascha Tinvitait a entrer en
relations intimes avec la sublime Porte. Charles XII
demanda k l'ambassadeur k quelle circonstance il de-
vait les t£moignages d'amiti£ du pascha, n'ayant jamais
entretenu de relations particuiteres avec le gouver-
nement du Sultan. « Mon pascha , Iui r£pondit Mo-
» harnmed-Efendi, a entendu parler de ta valeur, et
» depuis il a congu en secret le plus grand atlachement
» pour toi. — Quel nom me donne-t-on k la sublime
» Porte ? reprit Charles. — Tu n'en as aucun, r^pliqua
» l'ambassadeur , parce que tu n'y fais resider aucun
» de tes ministres, cpmme le font les autres rois
» francs; ton nom ne pourra y €tre prbnonc^ et ta
» position y 6tre coonue que lorsque tu voudras y
» envoyer uiie ambassade et entrer avec nous en rela-
» tions de commerce * . » Le Roi demanda si le pascha
d'Oczakow avail assez de pouvoir pour lui ouvrir des
relations amicales avec la Porte, et obtenir un trait6
qui garantit la sikret6 des navires su^dois contre les
pirates barbaresques ; Mohammed - Efendi repondit
que l'influence de son maitre &ait assez puissante pour
. i Ahwalun mezkour, schaniim meschhour.
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ao6 HISTOIRE
lui faire accorder ce qu'il desirait, aussit6t qu'un am-
bassadeur suedois serait accredite aupres de la su-
blime Porte. « Que Yon commence done a restituer
» le b&timent suedois qui vient d'etre capture par les
» Algeriens, » dit le roi, etl'efendi le lui promit. Puis
il continua en ces lermes : « La Porte serait-elle dis-
» pos£e k me fournir des secours contre la Russie? »
Sur 1 observation fake par Mohammed que la grande
distance qui s£parait les deux pays ne permettrait pas
de lui envoyer une arm£e, Qiarles r£pliqua: «Eh
» bien ! je mar cherai droit sur Caraieniec, d'ofi ii sera
>> facile a la Porte d'envoyer des troupes a mod se-
» cours. » L'amb^sgadeur lui ayant promis de secon-
der son projet de tout son pouvoir, le roi le renvoya
porteur d'une lettre oii il demandait & Yousouf-Pa-
scha un traite qui assur&t aux ambassadeurs suedois
pres de la sublime Porte les m&nes egards et privi-
leges qiTaux ambassadeurs des autres puissances ; la
Jiberte du commerce entre les deux nations, sauf le
paiement des droits de douane Itablis ; la restitution
des navires captures par les pirates d'Alger ; la re-
connaissance de Stanislas Lesczynski comme roi de
Pologne et le secours d'une arm^e ottomane pour
phasserlesRusses de la Pologne. Enfin Charles s'en-
gagea pour lui et Stanislas a envoyer des ambassa-
deurs a la Porte. Le gouverneur d'Oczakow ayant
jnand6 au diwan le suec6s de la mission de Moham-
med-Efendi , le grand- vizir lui r^pondit que rien ne
s'opposait a la conclusion d'un traite d'amitie et de
commerce avec la Su£de, mais que la Porte ne pou-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 107
vait prot^ger centre les pirates algeriens les b&timens
suedois , ni faire marcher une armee au secours du
roi , sans violer le trait& eiistant avec la Russie. II
terming en disant que tout ce que la Porte pouvait
faire, dans la situation actuelle des choses , c'&ait de
veiller k ce que la paix ne ftit pas conclue entre la
Su&de et le Czar sans son intervention, et que s'il im-
portait au roi d'avoir avec la Porte des relations de
bonne amiti£, il n'avait qu'a lui envoyer prochaine-
ment une ambassade. Yousouf-Pascha forivit dans ce
sens au roi , et il s'&ablit entre eui une correspond
dance k cette occasion '.
Le grand-vizir , qui d&irait la guerre avec la Rus-
sie , conlrairement a la volenti du Sultan , se servit
du gouyerpeur d'Oczakow pour faire croire au rot
que le khan de Crimee marcherait k son secours avec
tout son corps de Tatares. On pretend qu'il forivit
lui-m&ne dans ce sens , sous le sceau du secret , au
khan % qu'il en informa le roi Charles XII, et que le
Sultan, ayant appris ces menees, Ten avait blam£
s£v6rement et lui avait ordonne d'ecrire sur-Ie-champ
au khaji de ne violer en rien la pai% existant avec la
Russie. Mais Charles XII, dans l'ignorance absoiue 011
il £tait de ce qui se passait dans la capitale de l'Empire
oUoman, et se fiant a la promesse que lui avait faite le
1 Raschid, II, f. 71. Cest done une erreur lorsque Voltaire donne une de
ces lettres comme venant du sultan ; Charles XII n'gtait pas meroe en
correspondence avec le grand-vizir, moins encore aveele Sultan.
a Bazi wakifani esrar itlifagleri iizre', e'est-a-dire d'apres Tavis des
hommes inities dans les secrets d'£tat. Raschid, f. 71«
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oo8 HISTOIRE
grand -vizir de faire marcher h son secours le khan de
Crim£e, se hasarda, avec une arm£e de huit mille Su6-
dois et un nombre k peu prfes £gal de Cosaques zaporo-
gijes, que les Turcs nomment Cosaques de Potkal et de
Berabasch , & donnerla calibre bataille dePultawa *on-
tre FarmSe du Czar infiniment sup&ieure en nombre
(8 juillet 1 709) ' . Battu compl&ement et bless£ au pied,
le roi fut oblig£ de prendre la fuite , et vint se placer
sous la protection d' Ahmed III, accompagn^descomtes
Piper et Poniatowski, du chancelier Mullern, des se-
cretaires Neugebauer , Klinkowstrom et Horodenski ,
de lhelman des Cosaques du Don et de Mazeppa, het-
njan des Cosaques Potkal et Berabasch , c'est-a-dire
des habitans de Tile Potkoul* et des hommes libres et
errans
3
Dans sa fuite, Charles XII arriva au chateau des
Cosaques Perewolotschna , situ6 sur les rives du
Dnieper, ou pendant deux jours il lutta contre les
Busses et les Kalmouks envoy£s k sa poursuite. S'il
eAt voulu suivre la route la plus frequence et celle
qui etait le moins encombree de troupes russes, il
aurait pris celle qui conduit directement en Crim^e;
mais se croyant trahi par le khan des Tatares , le Roi
preKra se diriger sur Oczakow , dont le commande-
ment avait ete confix depuis peu a Abdourrahman-
i Suivant La Motraye, Gordon, Voltaire et Levesque, ce fat le 8 , et da-
pres RQhs le 10 juillet ; d'autres encore disent le 9.
» L'lle Potkoul est situleau confluent des rivieres Busowlik et Podpal-
bolfa dans le Dnieper.
3 lis s'appellent en langue slave pere, en langue russepre, en polonais
prze, et en turc here c*est-a-dire libres.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 209
Pascha , ancien general des armuriers. Mais comme
]es Russfes avaient livr6 aux flammes tous les moyens
de transport, navires et barques plates \ on construisit
tant bien que mal, avec des roseaux et des debris de
chariots , des radeaux sur lesquels Charles passa le
fleuve, non sans essuyer une grande perte d'hommes,
car bon nombre de soldats se noy&rent. Lorsqu'il ar-
riva prfes du gu6 dit des Russes*, situ6 k une lieue et
demie au-dessus du confluent du Bog et du Dnieper,
il fut assailli vers le soir par les troupes russes au
moment ou cinq cents Sp£dois et trois ou quatre mille
Cosaques Potkal et Berabasch, qui le suivaient, allaient
effectuer leur passage. On se battit avec le plus grand
acharnement pendant toute la nuit et jusqu'au lende-
main vers i'apr^s-midi ; un grand nombre de ceux
qui ne perirent pas dans le combat se noy^rent en
traversant le fleuve. Le roi qui &ait heureusement ar-
rive sur la rive oppose du Bog , dans la claie de Can-
temier 3 , situ6e& une lieue et demie au-dessus d'Oc-
zakow, se s£para en ce lieu des deux hetmans, qui
allirent s'&ablir avec douze mille Cosaques dans la
forfit de Kardasch Ormani (la forfit des fr&res),
appartenant au khan de Crimee. Charles XII ^tait sur
le point de quitter la claie de Cantemier pour se
rendre k Bender, lorsque le grand-chambellan du
gouverneur de Babataghi , Yousouf- Pascha , vint lui
remettre les pr£sens de son maltre et prendre <Jes me-
1 Potwekaik.
a Rous getschidi.
3 Cantemir yurdi.
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aio HISTOIRE
sures pour snbvenir k son entretien et k celui de sa
suite l . Lobstination du gouverneur d'Oczakow, Ab-
dourrahman-Pascha , a exigcr duroi une forte somme
d'argent, pour iui fonrnir les barques n&essaires au
passage du Bog, avail fait perdre k ce prince cinq
cents Su£dois , faits prisonniers sous ses yeux au mo-
ment ou il venaitde gagner la rive opposee. Abdour-
rahman fut invito par le vizir Yousouf-Pascha k se ren-
dre k Bender, ou, apr6s avoir &e contraint de restituer
k Charles XII les jeunes Su^dois dont il s'&ait erapar6
dans la m&ne circonstance/il fut jet6 en prison et
r£voqu6 de ses fonctions. Ce ne fut quk la priire de
Charles XII lui-mfime, qu'il recouvra la liberty. Avant
son depart d'Oczakow, le roi avait £crit au Sultan et
au grand-vizir. Dans une lettre adress£e posterieu-
rement k ce dernier , le chancelier de Mullern de-
manda, au nom du roi, qu'une alliance offensive et
defensive contre la Russie fflt conclue entre la Porte
et la Su6de. Le secretaire Neugebauer * de Dantzig ,
porteur de ce message, arriva, suivi de dix domes-
tiques, k Constantinople; douze tschaouschs, envoyes
k sa rencontre, iescortirent k son entree dans la capi-
tale, ou il fut admis k Taudience du grand- vizir (7 sep-
tembre 1709), mais non k celle du Sultan, parce qu'il
n'£tait revfitu d'aucun caractere diplomatique. Le roi
occupait d£ja la tnaison qu'il s'etait fait construire
x D'apres Voltaire on lui fournit 500 piastres par jour.
a Raschid , f. 72, fiiele jour du depart du roi d'Oczakow au 9 djema-
zioul-akhir 1121 (20 aout 1709) ; La Motraye se contredit, lorsqu'il date
la lettre du 5 et qu'il fait partir le messager le 2.
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DE L'EMPIllE OTTOMAN. 2 1 1
hors des murs de Bender, lorsqu'un aga vint lui
apporter la r£ponse du grand- vizir k sa lettre * et a
celle du chancelier Mullern, et lui offrir, de la part du
Sultan, un cheval richement harnach£ et un poignard
garni de pierreries; toutefois, ce present n'&ait accom-
pagne d'aucune r^ponse du Sultan \ Quelques se-
maines auparavant, Charles avait envoy£, malgr6 les
observations de Yousouf-Pascha, en Moldavie , un
corps de mille Su^dois 3 , quidevait tenir en obser-
vation les frontteres de Pologne. Les Busses, inform^s
du but de cette expedition , surprirent ce corps prfes
de Czernowicz ; un petit nombre de Suedois f ut tue
ou parvint a se sauver par la fuite , le reste fut fait
prisonnier. Cette violation du territoire ottoman sou-
leva rindignation de tout le diwan, et inspira k la Porte
des craintes s^rieuses pour la siirete de ses frontteres
et pour celle du roi de Su&de , quelle se croyait
engag£e d'honneur a proteger de tout son pouvoir.
Pour se garantir contre une invasion subite et pour
x La Motraye commet une autre erreur lorsqu'il dit : < reponse du vizir
au roi de Suede, recue a Bender le 19 d'aout (le 30 aout), > car Neugebauer
n'6tant arrive a Constantinople que le 28 aout , la rlponse ne pouyait pas
&re parvenu a Bender deui jours apres.
a La Motraye , I , p. 417. Voltaire, dans son Histoire de Pierre I™,
L. XIX, doute de l'authenticitg de la lettre de Charles XII au grand- vizir,
telle que l'a donnee La Motraye. II aurait pu attaquer avec plus de raison
encore l'authenticitg de la reponse d'Ali de Tschorli, car elle est datee du
mois de redjeb (mi-septembre) , tandis que le messager de cette lettre arriva a
Constantinople le 28 aout. Les lettres authentiques du grand-vizir se trou-
vent dans le grand Inscha deRami, n°* 480 et 481, et dans aucune d'elles
il n'est question ni de Neugebauer ni de Mullern, mais d*un present en che-
vaui et d'un riche poignard.
3 La Motraye dit 950 ct Raschid pres de 2,000.
i4*
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ma HISTOIIIE
mettre le roi k l'abri de toute attaque, le grand- vizir,
k la suite de trois longues conferences avec le raoufti
et le reis-efendi, donna ordre aux troupes feudataires
de Roumilie, aux sandjakbegs de Yanina, de Tirhala t
deGustendil, d'Okhri et d'llbessan, aux deux vizirs,
le gouverneur d'Anatolie Abdi-Pascha et Israail-Pa-
scha , ancien gouverneur de Roumilie , de marcher
avec leur contingent sur Bender et d'y etablir leur
camp (27 juillet 1709).
' Cependant le roi investit le secretaire Neugebauer
du titre d'ambassadeur extraordinaire, en le chargeant
de remettre de sa part une nouvelle lettre au Sultan x
(9 octobre — 4 sch&ban 1 1 21 ). Neugebauer fut admis
en presence d'Ahmed IHavec Poniatowski. Celui-ci,
qui s'etait d^ja acquits pr^cedemment avec zele de
deux missions aupres de la Porte, et dont la perseve-
rance £galait Thabilete , avait si bien employe son
sejour dans la capitale que , seconde par un medecin,
le juif portugais Fonseca, et par une juive, il etait par-
venu k interesser k la cause du roi la sultane Walide.
Comme toutes les femmes, elle estimait la valeur , et elle
se declara ouvertement en faveur du heros du Nord,
qu'elle avait coutume d'appeler son lion. Un jour, elle
demanda k son fils quand il comptait secourir son lion
pour qu'il ptit devorer le Czar. Poniatowski retourna
k Bender avec un present de mille ducats et la pro-
messe que la Porte faciliterait au roi , en le faisant
escorter, son passage k travers la Pologne, d*oii il pou-
i 11 6tait arrive* le 2 juin avec une suite de douze perso'nnes. Rapport de
Ta!man.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. ai3
vait retourner dans ses Etats. Lorsque, trois mois plus
tard, un aga apporta au roi la r^ponse du Sultan k sa
derniere lettre et lui demanda de combien d'hommes
il desirait que fttt compos£e son escorte, Charles
repondit qu'il ne pouvait pas accepter moins de trente
mille sipahis et de vingt mille janissaires; mais le
diwan trouva ce chiffre trop elev£ et refusa, car, s'il
eftt &e fait droit k cette exigence, une rupture avec
la Pologne et la Russie serait devenue inevitable.
Charles XII , m£content des tergiversations de la
Porte, envoya k Constantinople, k la place de Neu-
gebauer, le colonel Funk en quality d'ambassadeur;
enfin Poniatowski se rendit pour la troisteme fois a
la cour d'Ahmed III pour souraettre au Sultan les
griefs du roi contre le grand-vizir. Ce ne fut pas sans
beaucoup de difficult^ qu'il parvint k s'acquitter de
sa mission; enfin, saisissant le moment ou le Grand-
Seigneur sortait de la mosquee, il reussit a lui remettre
le memoire du roi (3 fSvrier 1710).
La nouvelle de la violation du territoire ottoman
par l'incursion r£cente en Mpldavie des troupes du
Czar, avait souleve contre l'ambassadeur russe, comte
Tolstoi, l'indignation de la cour, et avait rendu fort
difficile sa position a Constantinople. Dans sa pre-
miere audience (3 septembre 1 709) ' , qui avait eu lieu
quelques jours avant Tarriv^e de Neugebauer, Tolstoi
avait offert au Sultan et au grand-vizir des pr&ens
pour une valeur de vingt-cinq mille £cus. Sous leurs
> Le Rapport de Talraan raentionne au meme jour 1' audience de l'am-
bassadeur de Kaguse.
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2i4 HISTOIRE
auspices, il conlinua avec perseverance les negocia-
tions relatives au renouvellement de la.paix, et finit par
mettre sous leurs yeux deux nouvelles propositions du
Czar. Par Tune, il demandait que la Porte refus&t au
roi de Su6de l'autorisation de rester plus long-temps
dans l'Empire ottoman ; par l'autre , qu'on lui Kvr&t
l'hetman des Cosaques, Mazeppa, quil disaii avoir d6*
serte le service de la Russie. Le khodja du diwan,
Housein-PaschazadeEl-Hadj Mohammed, fut charg£
de conferer sur ce sujet avec l'ambassadeur. Pareille
demande avait dej& et6 adress£e par d'autres envois
russes au gouverneur de Babataghi, Yousouf-Pascha.
Celui-ci avait re^u du grand-vizir l'ordre d'envoyer
l'hetman Mazeppa au khan des Tatares, et d'excuser
ensuite le refus d'extradition sur ce que les Tatares ne
livraient jamais ceux qui £taient venus implorer leur
protection. Mais Yousouf-Pascha £luda cet ordre, et,
faisant venir en sa presence les commissaires russes, il
leur reprocha la violation du territoire ottoman et Tin-
cursion des troupes du Czar, qui s'etaient avancees
jusqu'a tine distance de trente-six lieues au-dela des
fronti&res ; il leur d£clara ensuite que le cas ou se
trouvait le roi de Su£de n 'avait &6 pr£vu par aucun
traits ; que, par consequent, l'hospitalite que la Porte
lui avait accordfo n'&ait en rien contraire k celui
existant ; qu'aux yeux de la Porte, Mazeppa &ait Sue-
dois et non pas Russe , et qu'aussitfo que le roi et
l'hetman auraient d£passe les fronti&res de I'Empire
ottoman , le Czar pourrait agir k leur £gard comme
bon lui semblerait. L'ambassadeur russe k Constan-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. ai5
tinople essaya d'abord d'excuser la poursuite dont le
roi de Su£de avait &£ 1'objet, jusque sur les rives du
Bog, par les troupes russes, et de nier la violation du
territoire et la surprise des Su6dois k Czernowiez ;
raais lorsque la Porte lui eut prouv£, en produisant
des titres authentiques, la r£alit£ deces faits, et qu'il lui
fut impossible de se refuser k levidence , il renonga
k rextraditionde Mazeppa et k l'abandon des clefs
du Saint-Sepulcre de Jerusalem, que la Russie vou-
lait faire passer des mains des pr&res catholiques a
celles du clerg6 grec. De son c6t£, la Porte, qui avait
demand^ la restitution d'Azof et la demolition des
chateaux-forts nouvellement construits par Pierre-le-
Grand sur les c6les de la Mer-Noire, se contenta de
1' addition au dernier traits conclu sous Moustafa II,
d'un article qui autorisait le roi k retourner dans ses
£tats par tel chemin qu'il jugerait convenable 1 (ddcem-
bre 1 709 — schewwal \\ 21 ). Aussit6t que la paix avec
la Russie eut regu cette nouvelle sanction, une lettre du
grand-vizir enjoignit au khan de Crim£e de veiller a
la stricte execution du traits ; en m£me temps, le Sul-
tan, par une lettre adress£e au roi de Su&de, 1 'informs
qu'en vertu de la clause qui le concernait , il pou-
vait retourner dans ses fitats en toute s£curit£. Cette
lettre etait accompagn£e d'un present * de dix mille
» Raschid, II, f. 85. D'apres La Motraye, p. 410, la ratification turque
fut donnee au commencement de l'annee 1710. Rousset, supplement, II ,
p. 11.
* La Motraye et Raschid parlent de ce present en chevaux fait par le
Sultan et le grand-vizir ; seulement La Motraye ne dit rien du present de
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226 HISTOIRE
ducats destines a subvenir aux frais de voyage, d'un
cheval de race avec ses harnais . et de vingt chevaux
demain; le grand- vizir lui offrit egalement un cheval
richement caparagonn£ et trois chevaux de main.
Charles XII accepta les pr&ens du Sultan, mais il re-
fusa ceux du grand-vizir, auquel il ne pouvait pardon-
ner d'avoir renouvete le traite conclu avec la Russie,
et , s'adressant au chambellan Mousaaga , porteur de
ce message , il lui dit : « Je n'accepte pas les presens
» de mes ennemis. » Le fier grand-vizir, Ali deTschorli,
vivement irrit6 de cette conduite, non - seuleraent
contre le roi, mais aussi contre Yousouf-Pascha au-
quel il attribua le refus de Charles XII , ' se pr£valut
de deux lettres que le khan des Tatares, Dew!et-Ghi-
rai, venait d'adresser k la Porte de la part du roi de
Pologne Auguste et de Senieawski, pour faire inter-
venir le khan dans les negotiations entamees avec le
roi de Su£de. Par ces deux lettres, qu'on pretendait
avoir &6 6crites sous l'instigalion du khan \ on de-
mandait la mediation de ce dernier entre Auguste
et Charles XII. Le grand-vizir determina en outre le
Sultan h adjoindre h Yousouf-Pascha et au khan de
Crim£e, en quality de commissaire de la Porte , son
second grand-dcuyer. Lorsque ces trois envoyfe fu-
10,000 ducats. Ce dernier parte d'un second envoi de 800 bourses par le
grand- vizir Nououman-Pascha, mais Raschid paratt l'avoir ignored Reste
done a savoir s'il y a eu en effet deux envois en argent ou si les 10,000
ducats de Raschid ne sont pas les memes que les 800 bourses de La Mo-
traye.
> Tousoufpaschouden biloub bou scheikhi §enden bilnrim, e'est-a-dire
€ e'est toi qui m'as fait cela. »
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 217
rent r£unis h Bender, ils invit£rent le Roi & se rendre
au serai de Yousouf-Pascha ; mais Charles XII ayant
pretext^, pour s'en dispenser, une indisposition, ils
r£solurent d'aller le trouver dans sa maison. lit, ils
lui presentment le khattisch£rif imperial , qui les au-
torisait k op^rer une reconciliation entre Augusle et
Charles XII, sous la seule condition que ce dernier
reconnaitrait Auguste en quality de roi de Pologne.
Charles de Su6de repoussa cet arrangement , comrae
contraire k la parole donn£e et aux conventions
Rentes. Les commissaires ayant mand£ a la Porte qu'il
&ait impossible de se d£barrasser du roi de cette ma-
nure l , le m£contentement du Sultan contre le grand-
vizir augmenta de plus en plus, et, voyant que toutes
les mesures proposes par ce dernier pour Eloigner
le roi de Suede &aient infructueuses % il r&olut de
le deposer, tenement que d'ailleurs la haine du si-
lihdar et du kizlaraga avait depuis long-temps pre-
pare. Le silihdar en voulait surtout au grand-vizir de
1 Ni La Motraye ni Voltaire ne disent un mot de cette entrevue memo-
rable.
* Tschorli AU Paschaniin soui tedbiri sebeble, Iswiidje Kirali dewleti
dliyenum douschi hamiyetint bir bari ghiran oloub refiindi hanghi
tarafa teschebbiis oloundi i$4 moufid olmadighindan tabi houmayun
iztirabi kiilli veziri mouscharoun ile'M inhirafi zamiri houmayoun-
leri merttfbi moitbalaghaya wazsil olmidjidi; e'est-a-dire : « comme par
les mauvaises dispositions du grand-vizir Ali de Tschorli, le roi de Suede
est tomb6 comme un lourd fardeau sur les Ipaules de la sublime Porte , et
qu'aucun des moyens employes par lui ne mene au but, l esprit de l'Em-
pereur a 6te* viyement agit6 et s'est d&ourne* du vizir dont il est question. »
Ce passage d£montre clairement que la destitution du grand-vizir, loin
d' avoir 6t6 provoquto par le parti su6dois, Gtait dueau contraire a l'irritation
du Sultan contre le Eoi.
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2i 8 HISTOIRE
ce qu'il avait tout fait pour emp&cher son mariage
avec la princesse, fille du Sultan ; en outre, ni lui ni le
kizlaraga ne pouvaient lui pardonner la destitution de
l'ancien moufti, leur ami. Us profiterent de leur posi-
tion qui leur permettaat de voir le Sultan a toute heure
du jour, pour obtenir d'Ahmed in, sans la partici-
pation du grand-vizir, un khattisch£rif qui rappelait
le moufti de Sinope, son lieu d'exil, et l'invitait a se
rendre k Constantinople. Le gouverneur de N6gre-
pont, Nououman Koeprulii-Pascha , avait d^ja &6
rappele ant&ieurement , du consentement d'AU de
Tschorli, afin de celebrer son mariage avec la sultane
Aisch£, fille du sultan Moustafa ; la m£me faveur avait
&£ accordle au fils du grand- vizir Kara Moustafa,
qui avait £pous£ la sultane Safiye, autre fille du sultan
Moustafa. Le retour de Nououman Koeprulii dans la
capitate occupait alors tous les habitans : le silihdar
saisit cette occasion et celle que lui offrait le m£-
contentement du Sultan contre le grand -vizir pour
proposer h Ahmed III de nommer a la place d'Ali,
Nououman Koepriilii, her i tier d'un nom qu'avait rendu
c616bre le grand-vizirat de plusieurs de ses aieux
(1 5 juin 1710 — 18 rebioul-akhir)r Le Sultan suivit
ce conseil- il envoya & Ali de Tschorli le grand-
chambellan, qui lui redemanda le sceau imperial, et
lui donna ordre de se rendre sans delai h Kaffa, stege
de son nouveau gouvernement '.
L'administration de Nououman-Koepriilu ner£pon~
> Et non pas a Mitylene, comme le dit La Motraye. Ce dernier fait reraar-
quer avec raison que les Su&lois, qui youlaient faire passer ce chaogement
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. aig
dit pas a l'attente g£n£rale et dementit bient6t les es-
p£rances de ceux qui, en saluant son av&nement, i'a-
vaierit d'avance proclam6 le sauveur de 1'Empire. La
chute d'Ali de Tschorli avait surtout caus£ une joie
fr6n&ique aux Arm^niens catholiques, dont il s'&ait
montr£ le plus cruel persecuteur, et au parti du roi de
Su&de, dont il etait consider^ comme l'ennemi declare.
A la verity, les Chretiens et les musulmans, qui esp£-
raient trouver dans le fils du vertueux Moustafa Koe-
prulii la tolerance et les vertus de son p6re, ne se
trompaient pas; mais Inexactitude et la conscience
meme avec lesquelles il revit les comptes de diverses
administrations , souleva contre lui la haine de tous
les fonctionnaires civils et militaires; de plus, son acti-
vity, trop minutieuse pour le chef d'un grand Etat, ar-
r£ta le cours des affaires les plus importantes. Depuis
que, sous le grand - vizirat de Housein Koeprulii, il
avait obtenu, avec la main de la fijle du sultan Mous-
tafa, la dignity de vizir a trois queues de cheval, il
avait successivement &6 employ 6 comme gouverneur
de Negrepont, de Candie, d'Erzeroum, deBosnieet
de Candie pour la seconde fois , et s'etait acquis par-
tout la reputation d'un homme juste \ Mais il eut le
tort de vouloir faire tout par lui-m6me, comme au
temps ou il &ait gouverneur, recevoir lui-m&ne les
nombreuses suppliques qui lui &aient adress£es, juger
comme &ant leur ouvrage, ont £16 dementis par les Tares. L'histoire de
Gordon et Talman fixent la date au 15 join (18 rebioul-akhir).
* Biographies des grands-vizirs, par Dilaweragazade* Omer, et celles de
Said.
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120 H1ST01RE
lui-m£me tous les proems; aussi se Irouva-t-il bientfo
hors d'etat de repondre a la dixieme partie seulement
des petitions ; il en resulta un grand embarras dans
les rouages qui faisaient mouvoir les diverses bran-
ches de ['administration. II commit deux aulres fautes
non moins graves : celles de ne s'entourer que d'amis
et de confidens avides, et de confier le gouverneroent
des provinces les plus importantes & des hommes ca-
pables tout au plus d'administrer de petits districts -,
aussi les vices isoles de son administration ne tar-
d&rent-ils pas k devenir contagieux, et la seule mesure
qu'il prit concernant. la Su6de et la Russie, pendant
les deux mois qu'il fut au pouvoir, se trouva contraire
aux regies d'une saine politique. Peu dispose h faire
la guerre ou a fournir des secours au roi de Suede,
et ne songeant qu'a maintenir la paix naguere renou-
vel£e avec la Russie, il avait fait remettre au roi de
Suede, par l'entremise du khan, de Yousouf-Pascha
et du grand-£cuyer, une lettre congue dans le m6me
sens que la derniere ecrite a Charles par son pred^-
cesseur , Ali de Tschorli ; il crut pouvoir le determiner
& relourner dans ses Etats a travers la Pologne , en
invoquant l'article du traits r^cemment conclu avec
la Russie, qui pourvoyait k sa stiret6 pendant son
voyage 1 ; mais en m6me temps, se bergant de l'espoir
* Si le second envoi de 800 bourses dont parte La Motraye estyrai, ce
fait a du elre tu comme un secret d'Etat, de meme que le paiement
par portion des dettes contractus par Charles XII : car ni Raschid , dans
son histoire de Y Empire , ni Talman , dans ses rapports a Vienne ,-n'en
font mention.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 221
cbimerique d'intimider la Pologne, en r£pandant le
bruit qu une arm£e nombreuse accompagnerait le roi,
et de la decider ainsi h retirer la sienne, il fit adopter
cetle mesure en plein diwan. En consequence , il
fit partir pour ce royaume des lettres annongant que
la Porte avait resolu de ramener dans son royaume
le roi de Suede, avec une armle non moins formidable
que celle qui jadis avait et6 conduite par Kara Moustafa
sous lesmurs de Vienne ". Cette fanfaronnade dange-
reuse et im politique, dont le seul but &ait d^ viler la
guerre, la provoqua au contraire ; car lesjanissaires , qui
brtilaient de layer la honte des dernieres campagnes ,
la demandaient hautement ; lorsqu'ensuite le reste de
Tarm^e joignit ses solicitations aux leurs (7 aotit 1710
— 21 djemazioul-akhir 1122), lout le monde sentit
que Nououman Koepriilu n'etait pas capable de la
mener a bonne fin.
Depuis quelque temps, le silihdar favori exergait le
pouvoir le plus illimile dans le serai, ou d'ordinaire
rignele grand-maitre de le cour, le kapouaga, ou chef
des eunuques blancs. Celui-ci. jaloux de la faveur par-
ticulieredont jouissait le silihdar, lui defendit un jour
de paraitre dans une promenade ou il devait se montrer
dans la m£me voiture que le Sultan, s'il ne voulait pas
6tre £corche \if. Ahmed III,* irrit6 de cette impudence
du kapouaga, rendit aussil6t un khattischerif qui desti-
tuait le coupable, supprimait son emploi et joignait ses
x Aucun des historiens de Charles XII et de Pierre I er , n'a soupconne*
ces seuls et uniques motifs de l'eJoignement des affaires de JSoaouman-
Pascha. Raschid, f. 79.
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aai HISTOIRE
fonctions avec ses privileges k celles du silihdar. En
possession de ce surcroft d'autorit£ et de puissance, il
eftt &6 facile au silihdar de se faire nommer grand-
vizir, mais, soil que pour le moment il ne se crtit pas
encore assez de force pour se charger de la direction
des affaires, soit qu'il prefer&t suivre son gotit domi-
nant pour l'£tude, soit enfin qu'il craignit les suites de
la guerre qui 6tait imminente, il fit, pour la seconde
fois, agreer au Sultan, comme grand- vizir, Baltadji
Mohammed-Pascha. Ce choix fut principalement dft
aux protestations d'Osmanaga, ancien kiaya de Bal-
tadji, alors inspecteur des douanes. Osmanaga avait
jur5 au silihdar que, s'il voulait faire obtenir le grand-
vizirat a son patron, celui-ci s'engagerait k n'6tre plus
que Taveugle ex6cuteur de ses volont£s. Ce fut ainsi
que la loyaut6 louable et Tactivit^ trop souventminu-
tieusedeNououman Koeprulii furent insuffisantespour
le prot6ger contre l'ambition et les intrigues sordides
du vieux fendeur de bois du serai. Koepriilii, en rece-
vant la nouvellede sa destitution, dut s'estimer heu-
reux d'echanger ses hautes fonctions contre la place
qu'il avait pr6c6demment occup^e. II retourna k N6-
grepont avec le titre de gouverneur. Ce cinqui&me et
dernier grand-vizir, issu de la famille Koeprulii *, fut
aussi loyal, aussi pieux et aussi minutieux que son
grand-pere, Mohammed Koepriilii, s'&ait montre cruel
et immoral dans le choix des moyens employes k
l'ex^cution de ses vastes projets.
i La famille c61£bre des Djenderelis ne donna a 1'Empire que quatre
grands- vizirs.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. zi3
Mohammed Kcepriilu, lorsqu'il arriva au pouvoir
&ge de soixante-dix ans , n'avait h faire valoir ni les
titres de ses aieux ni une grande renomm^e : cepen-
dant son administration depassa bient6t toutes les es-
p£rances qu'on avait congues de lui. Au contraire,
Nououman, soutenu par la gloire de ses p6res et pre-
cede d'une juste reputation de vertu, dementit pres-
qu'aussit6t la haute opinion qu'on avait de ses talens. Le
premier n'aurait jamais et6 jug6 capable d'occuper le
poste le plus 6lev6 de l'Etat, si les circonstances ne l'a-
vaient pas fait grand-vizir, et le second aurait toujours
&6 considers comme l'administrateur le plus capable,
s'il n'avait jamais gouverne. La bonne renommee de
Nououman Kceprulii, comme celle de son pfere , eut
ses vertus pour origine , mais il n'y joignit pas ces
hautes qualites politiques qui distinguaient a un degr6
si Eminent son grand-p6re Mohammed et son oncle
Ahmed. Le souvenir des Crimes de leze-humanit£, qui
souill6rent le rfegne de ces deux derniers, fut en partie
effac6 par les vertus de Moustafa Kceprulii et de
son fils Nououman, en sorte que les talens politiques
et la vertu, la gloire militaire et la plus severe loyaute,
sans 6tre toutefois accumutes sur la mfime personne,
se trouvferent repartis entre les divers membres de la
famille Koeprulii, la plus illustre de TEmpire ottoman.
D£s que Baltadji Mohammed-Pascha fut arriv6 de
Haleb a Constantinople, cinq mille janissaires d'elite,
apres avoir et£ passes en revue par le Sultan devant
la porte d'Andrinople , furent envoy^s a Babataghi
(26 septembre 1711 — 2 sch&ban 1 123). Le grand-
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* 2 4 HISTOIRE
chambellan Mohammed, qui &ait rest£ pr& de buit
mois a Bender, ou il avait port6 les dernteres lettres
de la Porte au roi de Su&de, revint quelques semaines
apr£s chargi dun grand norabre de suppliques adres-
s£es au Sultan par les habitans de la frontiere , qui
tous se plaignaient des continuelles violations de terri-
toire commises par les Russes, et en demandaient une
prompte repression. Ce fut surtout a l'instigation de
Mohammedaga que la Porte invita le khan de Crimee
h se rendre a Constantinople. Solennellement intro-
duit h Taudience du Sultan, et d£sirant la guerre aussi
vivement que Charles XII, Dewlet-Ghirtfi repr&enta
la necessite de rompre avec les Russes qui, disait-il,
entretenaient avec les rayas des intelligences secretes,
& l'aide desquels ils menagaient de s'emparer de toute
la Roumilie (9 novembre — 1 7 ramazan) '. Au sortir de
1 'audience imp£riale, il regut en present un kaftan de
velours rouge garni de zibeline, un kalpak de la m£me
fourrure, deux panaches de h£ron garnis d'agrafes
orn£es de pierres fines, un sabre et un carquois £tin-
celans de pierreries, et un cheval avec ses harnais de
diwan et sa housse. Dix jours plus tard, le Sultan
assista dans le kceschk du sofa a un grand conseil
auquel prirent part tous les vizirs , les ouleraas , les
gen£raux des troupes , le khodjagan du diwan , les
anciens de l'armle, leurs secretaires et les d£put£s de
chaque regiment de la milice (20 novembre — 28 ra-
mazan). Tous ayant pris place, on leur donna lecture
des suppliques r^digees par les habitans des frontieres,
i Raschid , II, f. 84.
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 22 5
et dont le contequ figura ensuite dans le manifeste
sur lequel fut bas£e la declaration de guerre. Leg
griefs de la Porte contre la Russie avaient pour objet
la construction des ch&teaux-forts de Kamienska, £loi-
gnes seulement de douze lieues d'Or, celle du chateau
de Samardjik, au confluent de la Samara du Dnieper,
d'une forteresse pr&s du gu6 de Tighan , la violation
des fronti&res de Moldavie et le passage des rivieres
deTamadjik et du Bog par un corps de troupes russes,
Toccupation de Stanileschti en face d'Yassi , rattai-*-
que k l'improviste des Su^dois sur le Bog et k Czer-
nowiez, Fincursion toute recente (17 mars — 16 mor
harrem) des Kalmouks en Crim^e pr6s de Tschekr-
tscheken l , l'asservissement des Cosaques Potkal et
Berabasch, et enfin Toccupation p^r des troupes russes
de la forteresse de Camieniec. Le moufti Paschmak-
djizad6, qui, imm£diatement apr£s la chute d'Ali de
Tschorli , &ait xentr6 en fonctions, rendit le fetwa
qurd^clarait la guerre non-seulement legitime, mais
n&essaire. Aussit6t Fordre fut donne d'enr61cr trente
miUe janissaires, dix mille djebedjis et sept mille ca-
nonniers ; par un autre rescrit adresse aux gouver-
neurs des villes du littoral, il leur fut enjoint de mettre
a la disposition du kapitan-pa&cha, dont la flolte etait
pr&e k prendre la mer , un certain nombre de M-
timens, tels que galiotes, frigates et felouques *, qui,
tirant peu d'eau , sout particuli&rement propres a la
navigation de la mer d'Azof.
x Dans La Motraye Zezenky.
> Kalieta, firkata, velik. Raschid , f. 82,
T. Mil. 1 5
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»26 HIST01RE
A vant de quitter Constantinople, le khan de Crim£e
ge plaignit du manque d'lgards dont le votevode de
Mol da vie, Nicolas Maurocordato , fils d' Alexandre,
s'^jtait rendu coupable en vers lui, et la Porte crut de*
voir lui donner satisfaction. Bien que Nicolas ne filt
en place que depuis un an,, le Sultan le d£posa en lui
donnant pour successeur D&n&rius Cantemir. Le de-
part du khan pour la Crim£e coincida avec Tempii-
sonnement aux Sept-Tours de l'ambassadeur russe ,
comte Tolstoi.
Deux mois auparavant , cette mfime prison avait
regu dans ses murs un prisonnier d'Etat d'un nouveau
genre, c'etait une momie, circonstance que l'historio-
graphe de l'Empire cite avec raison comme un fait
singulier. Le poste de janissaires Itabli devant la porte
d'Edr£n£ h Constantinople , avait arr&6 , pendant la
nuit, un char conduit par des Francs , et contenant
une momie. Questionn&i & ce sujet, les conducteurs
du char declar&rent que le roi de France envoyait
cette momie en present au roi de Sufede ; mais le kai-
makam la fit conduire aux Sept-Tours, ou, en atten-
dant l'arriv£e du nouveau grand- vizir , Baltadji Mo-
hammed -Pascha, elle fut mise sous le scelte. Si les
conducteurs du char eussent &6 des sujets russes, le
kaimakam aurait peut-6tre fait hrtiler la momie, comme
•une idole. Ainsi Tavait fait, deux ann£es aupara-
vant , le grand-vizir AH de Tschorli , qui , ayant fait
saisir plusieurs images de saints vendues par des n£-
gocians russes k des Grecs , ordonna de les livrcr
aux flammes comme des idoles et de mettre les mar-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. aa?
chands en prison. Ce ne fut que snr leg demandes
pressantes de l'ambassadeur russe qu'ils recouvrirent
leur liberty ; mais, comme il s'agissait de Frangais, le
kaimakam crut probablement que c'etait \k une nou-
velle folie de l'ambassadeur Ferriol, que lea Turcs,
depuis le scandale qui] avait donn6 k l'audience du
Sultan, disaient 6tre priv£ de raison, et qui alors £tait
tombl r£ellement en £tat de d£mence dans le village
de Belgrade, situ£ pr&s de Constantinople. Lorsqu'on
apprit k Charles XII le malheur atrivtS k Ferriol et le
trait de cette Hollandaise, habitante du m&ne village,
qui, dans son enthousiasme pour le h£ros du Nord,
avait r£solu de faire le voyage de Bender sous le cos-
tume d'un officier su&lois, ce prince s'6cria: «Quel
» singulier endroit que ce Village de Belgrade ; le Sul-
» tan a manqu£ y 6tre d£tr6n£(lors de la derni&re r6-
» volte des janissaires); Ferriol y a perdu l'esprit , et
» une dame hollandaise a failli y perdre son honneur. »
Dix annees plus tard, le village de Belgrade acquit
une c£16brite plus grande encore , par le s6jour de
lady Montague, qui y 6crivit ses lettres si spiri-
tuelles. Autrefois Belgrade &ait la residence d'&6
de plusieurs ambassadeurs europ&ns, et, aujourd'hui
encore, ce village est habits dans la belle saison par leg
riches habitans francs etarm&iiens de Constantinople.
L'Autriche , depuis long-temps en guerre avec la
France et les rebelles de Hongrie, venait de porter
enfin le dernier coup k Rakoczy. Battu k Trentschin
(1 er aoAt 1708), la France, lasse de la guerre, avait
d&s-lors commence k lui retirer ses subsides. C'ltait
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2*8 HISTOIRE
en vain qu'il avait cherch£ k interesser k sa cause les
puissances protestantes, l'Angleterre , la Hollande, la
Su&d e et la russe. II en etait venu mfime k implorer
Taide du Czar Pierre, lorsqu'& la suite de la bataille de
Vadkert (29 Janvier 1 7 1 0) , il se vit abandonn6 par la
plus grande partie de la noblesse. Trop fier pour signer
la paix deSzathmar, Rakoczy chargea Desalleurs, Fa-
gent frangais nagu&re accr£dit£ k sa cour , de demander
pour lui a la Porte un refuge dans Tempire ottoman \
Mais celle-ci, qui venait de declarer la guerre k la
Russie., craignit de d£plaire k l'Autriche et refusa
d'acc&ier k sa demande.
Ce fut vers cette £poque que Ferriol fut rapped en
France par ordre de sa cour. II laissa k Constantinople
le souvenir ftcheux de la seine qui avait signal^ le
jour de son audience au serai, et en outre le soupgon
d'avoir fait enlever secr&ement le patriarche ar-
m£nien Avedick , que Fannie pr£c£dente la Porte
avait vainement fait r£clamer par son ambasssadeur
Omeraga*.
Les efforts de Ferriol pour exciter la Porte k de-
clarer la guerre k Tempereur Joseph I* et k la deter-
miner k secourir Rakoczy, eurent d'autant moins de
succte, qu'elle pr6voyait une guerre prochaine contre
i Rapport de Talman de l'annee 1708. Le messager que Rakoczy en-
yoyaa Desalleurs s'appeloit Tallaba.
3 Rapport de TaJman du 11 mai 1709. II est singulier que Taule" n'ait
pas eu connaissance de cette mission , pas plus que des passages de Paul
Lucas et de La Motraye ou il est question de 1' enlevement du patriarche.
Talman, dans son rapport, dit que Ferriol 6tait devenu fou pour avoir 6t6
reprimand^ par sa cour.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. a^
la Russie. Lorsque, l'annee pr^dente , les envoys
de Rakoczy, Michel Teleki, Czaki et Jean Pop,
avaient &6 solennellement introduits dans la ville de
Temeswar par le gouverneur Hasan-Pascha, le re-
sident imperial, en apprenant leur projet de se rendre
a Constantinople, avait protest^ contreleur entree dans
la capitale, et ils s'&aient vus obliges de faire parvenir
leurs lettres au diwan par l'entremise d'un colonel fran-
gais x , qui avait emmen£ k sa suite deux Hongrois d£-
guis£s en domestiques. Dans ses lettres au Sultan et au
grand- vizir , Rakoczy affirma qu'il avait fait tout
son possible pour rendre la Hongrie ind£pendanle
de TAutriche; il demandaque la Porte le reconntit,
comme autrefois elle avait fait pour Toekoeli , roi de
la Hongrie-Sup^rieure, et d£clara que, si on le laissait
plus long-temps sans secours , il se verrait oblig£
d'en demander a la Pologne et k la Su&de. A T^poque
ou il £crivit ces lettres, le grand- vizir Ali de Tschorli
s'etait prononce en faveur des rebelles, mais il avait
rencontr^ un adversaire redoutable dans la personne
du moufti.BaltadjiMohammed-Pascha, sentant la ne-
cessity de conserver k tout prix la paix avec l'Au-
triche, envoy a un de ses agas, Seifoullah, avec une
suite de vingt personnes, k Vienne, pour remettre au
prince Eugene une lettre dans laquelle il protestait de
ses intentions pacifiques. Seifoullah 6lait en outre
charge de faire comprendre indirectement au cabinet
de Vienne que la Porte &ait dispos£e k renouveler
imm£diatement la paix de Carlowicz , bien qu'il n'y
3 Talman le nomme comle de Rassagne. - -
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a3o HISTOIRE
eut encore d'£coul6 que la moitte du terme 6x6 pour
la duree du traits. Un mois avant son arriv^e k
Vienne , Eugene avail offert par £crit au grand-vizir
la mediation du cabinet autrichien , k leffet de pr£-
venir la guerre qui allait 6clater entre la Porte et la
Russie, et les instructions envoyees au resident impe-
rial Talman, lui enjoignaient de ne prendre parti ni
pour ni contre le roi de Sudde , mais d'insinuer au
diwan qu'il y avait un moyen moins violent pour ra-
mener le roi dans ses £tats que celui de le faire es-
corter par une arm£e k travers la Pologne, puisqu'il
pouvait voyager en toute s&ret£ dans les &ats de
FEmpire. Joseph I tr &ant venu k mourir de la pelite-
v6role, la cour de Vienne exp£dia k Talman de nou-
velles lettres de cr£ance , et le chargea, en sa quality
de resident, de nolifier au Sultan l'avdnementau tr6ne
de Charles VI (12 octobre 1711) ; l'ann£e suivante,
Talman lui fit part du couronnement de FEmpereur,
qui avait eu lieu k Francfort , le 22 decembre 1711.
Sur la demande du vieux Maurocordato et de son
fils, interpr&e de la Porte, qui aprte avoir &6 6\ev6
k la dignity de prince de Moldavie, avait c^de le pou-
voir k son fr£re Jean , petit-fils du vieux Mauro-
cordato, Gregoire Ghika, jeune homme ftg6 de douze
ans, n6 k Vienne et tenu sur les fonds de bapt&ne par
l'empereur Leopold, fut admis au service de Char-
les VI, en quality d'£l£ve interpr&e.
Malgr6 les rapports d'intimit6 qui existaient entre
les cours ottomane et autrichienne, et le bon accord
de leurs interpr&es qui paraissait devoir favoriser les.
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DE UEMPIRE OTTOMAN. a3i
affaires do ministre imperial r£sidant k Constanti-
nople, la mediation qu'il offrit k la Porte au nom de
son souverain ne fut pas plus agr&e que celle des
ambassadeurs de Hollande et d'Angleterre. Tout ce
qu'ils purent obtenir , ce fat d'&re admis k Faudience
du Sultan, afin de lui remettre les dep^ches que les
&ats-G6n£raux » et la reine d'Angleterre lui avaient
£crites k ce sojet (Janvier 1711 — silihdj'6 1112).
Quelque temps apr&s, arriva k Constantinople un
ambassadeur do prince des Ouzbegs. II ^tait charg6
d'annoncer a la Porte que , par suite de la mort de
son frere, le prince de Khowaresm 6tait devenu seul
h&itier du tr6ne. Cette nouvelle n'etait pas de nature
k int6re$$er le diwan, dans les circonstances actuelles,
au m&ne degr6 que Tarriv^e k Constantinople de
Pehliwan-Kouli, ambassadeur du prince des Kal-
mouks, Ayouka-Khan, qui, en remerciant la Porte du
bon accueil quelle avait fait k son dernier ambassa-
deur, Mohammed-SaKh, lui demandait des secours
contre les Russes, dans le but d'affratochir les Ousch-
toks et les Karakirghizes de leur domination (5 fevrier
174^).
Vers cette epoque, le roi de Su£de envoya en am-
bassade k Constantinople le g£n£ral Mayersfeld, pour
determiner la Porte k publier un manifeste contre
Auguste de Pologne; les instances de son envoys
ayant &£ vaines , it en publia un lui-m6me qu'il data
de Bender *. Yousouf-Pascha , le premier ami de
> Cette audience eat lieu le 1 Janvier 1711. Rapport de Talman.
» D'apr& le rapport de Talman datf du 28 Janvier 1711.
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a3a HISTOIRE
«
Charles XII pr&s de la Porte, qui depuis vingl ans avait
occupe le gouvernement d'Oczakow et la place de
commandant de Babataghi , et qui , durant sa longue
administration, avait d£fendu les fronti&res avec tant
de succ&s et relev6 les fortifications d&abrees de Ben-
der, fut tout-&-coup frappe de la disgrace du Sultan.
Immediatement apr£s que la guerre eut et£ declar^eaux
Russes, la Porte, pour complaire au khan de Crim£e,
Dewlet-Ghirai, qu'unehaine personnelle aniraaitcontre
Yousouf-Pascha, h cause de l'influence qu'il exergait
sur les affaires du roi de Su&de, non-seulement le
destitua , mais ordonna m£me de le conduire en
prison k Kilbouroun et de confisquer tous ses biens
au profit de ]'j£tat. Une punition plus juste fut infligee
au beglerbeg de Mer&sch , Rouschwanoghli Khalil-
Pascha. Celui-ci avait refus£ de rejoindre Tarm^e qui
devait marcher contre la Russie, et, comptant sur le
secours des Kurdes de la tribu Rouschwan , il avait
arbor6 I'&endard de la revolte, et s'&ait retir6 dans
les montagnes inaccessibles du Kurdistan. Cependant,
vaincu par le gouverneur de Raakk , le vizir You-
souf-Pascha le Roiteux, il fut fait prisonnier, et sa
t&e fut envoy^e k la Porte (juin 1711 — djemazioul-
ewwel 1123). Kalailikoz Ahmed - PaScha , ancien
grand -vizir et #lors gouverneur de Candie, fut
destitu£ sur les plaintes reit^rees des sujets chr&iens
qu'il opprimait de mille manures differentes. Sa vanity
et son amour pour lostentation et le luxe le domi-
naient a un tel point que , pour satisfaire cette pas-
sion, il enleva l'argenterie des eglises, et fit confec-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. a35
tionner des ^triers et des mors avec les flambeaux et
les encensoirs qu'il s'&ait ainsi appropri^s. Baltadji-
Mohammed lui envoya Tordre de retourner en exil
k Kos , et Yousouf-Pascha d'Oczakow, sorti depuis
peu de sa prison de Kilbouroun, fut appete k lui
succeder.
Une autre mutation plus importante eut lieu k la
Porte. Le posle de kaimakam, dont le favori et gendre
du Sultan n'avait voulu se charger que provisoirement
et uniquement parce que le grand-vizir allait prendre
le commandement en chef de Farmde, fut donn6
k l'ancien aga des janissaires Mohammed -Tschelebi.
Exclusivement occup£ d'etudes 1 , le favori d£sirait
d'autant plus quitter les affaires que le grand-vizir ne
voulait pas permettre que les autres ministres res-
tassent k la Porte, et que, se fondant sur un ancien
usage, il leur avait enjoint de le suivre k l'arm£e, en
ayant soin toutefois de se faire repr^senter k Con-
stantinople. Des querelles s£rieuses menagaient d'6-
clater k ce sujet egtre le favori et le grand-vizir. Le
premier', n'osant pas donner sa demission , de peur
d'irriter le Sultan, s'adressa au moufti, qui lui promit
cf arranger cette affaire k sa satisfaction , a condition
qu'il l'aiderait k faire nommer a sa place Mohammed
Tchelebi, un de ses cliens. Cette condition fut accep-
ts , et le moufti obtint sans difficuk6 la permission
i Schebou roux ilmi schfrifiUmeschgoul. Raschid, II, f. 84, expliqu*
nieux pourquoi il ne voulait pas accepter la place du grand-vizir, que ne le
fait Voltaire qui pr&end qu'il 6tait trop jeune ; il avait trente-cinq ans.
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9 34 HISTOIRE
pour le favori de quitter la place de kaimakam et de
nommer pour lui succ6der le prot£g£ du moufti Mo-
hammed (\* avril — 13 safer) x .
Le premier jour de la nouvelle ann£e lunaire , le
grand- viiir fit arborer avec les solennit£s d'usage,
leg queues de cheval h la Porte, annongant ainsi son
prochain depart pour les frontteres (19 tevrier —
1 er moharrem). Quinze jours apr&s, il assista, avec
le moufti, le gilihdar favori, le nischandji-pascha, les
deux juges d'armle et le chef des emirs, a la conse-
cration de la mosqu^e nouvellemeut construite a
Scutari par la sultane Walidi ; le lendemain, l'auguste
fondatrice s'y rendit elle-m6me par une enceinte ten-
due des plus riches &offes , que Ton avait &ev£e k
partir du lieu ou elle mil pied k terre jusqu'k Ventre
de la mosquee.
Le jour oii les janissaires quitt&rent Constantinople
pour aller habiter leurs tentes dress&s dans la plaine
de Daoud-Pascba , toutes les corporations de la capi-
tate les escort&ent, suivant un antique usage, iusqu'& la
porte d' Andrinople (1 mars — 20 moharrem). Deux
jours apr£s, les corps des armuriers, des canonniers et
des soldats du train, se rendirent au camp avec un pare
d'artillerie compos6 de trois cents canons et de vingt
mortiers. La flotte deslin^e k faire la conqu&e d'Azof
quitta le port de Constantinople le 9 safer (8 avril), se
i Raschid faitremarqaer a oette occasion combien de circonsiances avaient
du se reunir poor (aire nommer a la place de kaimakam cet ancien aga
des janissaires qui yirait dans fexii a Broosa et qui paraissait ayoir 6tt
oubltede tout le monde.
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 235
dirigeant vers la Mer-Noire. Outre le vaisseau amiral
que montait le kapitan-pascha Ibrahim avec trois mille
trois cents soldats de marine, la flotte &ak compos£e
de vingt-deux galores fournies par les begs de la mer,
de vingt-sept gallons, portant seize mille soldats, de
trente galiotes mont^e chaeune par deux cent vingt
soldats, de soixante frigates portant chaeune quatre-
vingts hommes , de cent vingt b&timens de moindre
grandeur sp£cialement destines k naviguer dans la mer
d'Azof , et de cent felouques portant sept soldats de
marine; en tout trois cents navires ayant k bord
trente-cinq mille hommes* Quelques jours apr&s, le
Sultan envoya au grand-vizir l'ordre de quitter le camp
de Daoud-Pascha et de se porter k la frontfcre. Les
janissaires, les djebedjis, les topdjis et les toparabadjis
ouvrirent la marcbe ; le lendemain , le grand- vizir les
suivit , apr&s avoir &e honor£ de la visite du Sultan,
qui, en se s£parant de lui, lui fit don d'un kaftan garni
de fourrure, present dit de cong£ Mies troupes asia-
tiques avaient d'avance regu l'ordre, les unes de pas-
ser de Tschardak en Asie k Gallipolis , les autres de
s'embarquer k Scutari, pour se rendre de la k Beschik-
tasch. Les commandans de ces troupes, les paschas-
gouverneurs de Karamanie, de Si was, de Haleb, de
Diarbekr, d'Adana, de Kanghri, d' Angora, d'Ak-
schehr, de Sidischehr, de Tekke, d'Eskischehr et de
Bozok, furent, ainsi que leur suite, passes en revue
par le Sultan, et rev&us de pelisses d'honneur. Quel-
ques semaines plus tard, Ahmed III envoya au se-
■ Widaahdrki.
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rt6 HJSTOIKE
rasker grand- vizi r un khattisch&if avec un sabre
d'honneur et ]e brevet de vizir pour Taga des janis-
saires, Yousouf (1 9 mai — 1 tr rebioul-akhir). Baltadji
Mohammed , en r£glant la marche de l'arm£e , avait
place & l'avant-garde les sipahis et les silihdars ; ils
elaient suivis de quatre mille canonniers munis de
leurs pieces, de six mille armuriers et des soldats du
train avec leurs chariots destines h recevoir les muni-
tions, les ba gages, les blesses et les malades; derriere
eux venaient les boul angers, les porteurs d'eau, les
yivandiers et les dresseurs de tentes. Au centre se
trouvaient les janissaires, les seghbans nouvellement
enr616s, le grand-vizir avec ses gardes-du-corps , la
musique de l'arm£e, les vizirs de la coupole et les au-
Ires vizirs avec leurs troupes; les gouverneurs, avec
les contingens de leurs provinces, formaient Tarrtere-
garde. L'arm£e passa dans cet ordre dlsakdji dans la
plaine de Kartal, d'ou elle continua sa marche vers
la Moldavie. Lorsqu'elle arriva pr&s de Faltschi , le
serasker apprit que le Czar wait pass£ le Pruth pres
de Cecora, qu'il venait d'&ablir son camp a Faltschi,
et que le g£n£ral Scheremetieff faisait mine de d6-
fendre le passage de la rivtere. Dix mille Tatares
traversirent le Pruth h la nage; quatre ponts jet£s
pendant la nuit , conduisirent sur la rive opposee
toute I'arm^e ottomane, en ce moment bien sup6-
rieure en nombre k l'arm£e Russe , parce que deux
corps nombreux , commandos par les g£n£raux Rhenne
et Jonas y avaient et6 detaches dans Fint^rieur de la
Moldavie et de la Valachie. Le Czar qui avait quitle
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 237
Faltschi s'£tait avance dans la plaine de Horsiesti , pr6s
de la ville de fcusch, et s'etait retranche entre le Pruth
et un marais, comme l'avait fait autrefois Sobieski pr6s
de Zurawna ■• Celte plaine marecageuse et couverte
de roseaux &ait dominee par des hauteurs dont
Inoccupation par 1'ennemi rendait toute retraite im-
possible. Aussi arriva-t-il qu'apr£s la bataille dans
laquelle les Russes, repousses de tous les c6t£s, fu-
rent forces de rentrer dans leurs retranchemens , le
khan de Crim£e les tint £troitement bloqu£. Harcel6
jour et nuit par les Turcs et les Tatares, qui occupaient
h la fois les hauteurs et les defiles, Pierre P r , dont
les troupes, souffraient la faim et la soif , allait succom-
ber sous le nombre de ses ennemis , lorsqu'il trouva
un secours inopin£ dans le devouement d'une femme.
Catherine I re , genie protecteur de la Russie et du Czar,
imagina, pour d&ivrer Farmee, de r6unir tous les
bijoux qu'elle put se procurer et de les offrir au,
grand-vizir; en m£me temps, Scheremetieff lui £crivit
pour lui demander la paix a . Charge decette lettre et
des prdsens de Catherine, le chancelier Schaffiroff
se rendit au camp ottoman. Osmanaga , kiaya du
grand-vizir, qui jouissait d'une influence d'autant plus
grande que Baltadji Mohammed lui devait en partie
sa seconde promotion k la plus haute dignite de
IE tat, regut les prdsens, dont la valeur s'dlevait k
■ Consoltez les rapports originaux sur les 6v6nemens de la guerre entre
la Russie et la Porte. Berlin, 1829, p. 15.
» Raschid, II, f. 87; La Motraye II, Gordon, Yoltaire, Hisloire de
Pierre I, Journal de Pierre. Rapport de Poniatowski dans La Motraye.
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•i38 H1STOIRE
peine k quelquescentainesde mille roubles; la somme
fut partagte entre le grand-vizir et son kiaya. II est
probable cependant que ce ne fut pas settlement l'in-
fluence d'Osmanaga qui decida Baltadji Moham-
med k accepter les offres du Czar; il parait au con-
traire que ce fut son d6rir personnel de terminer la
guerre et 1'esplrance de donner k 1'Einpire une paix
avantageuse, qui le d&ermina a souscrire aux propo-
sitions de Pierre I". La paix fut sign£e malgr£ les
vives protestations de Poniatowski, mandataire du roi
de Su6de, qui assista k cette negotiation, et celles de
Dewlet-Ghirai, qui, voyant le succ£sdes armes oltoma-
nes ainsi compromis, s'y opposa dans 1'intergt de 1'Em-
pire. II insista dem£me, maisvainement, pour que le
Czar pay&t aux Tatares un tribut annuel de quarante
mille ducats, et pour que le grand- vizir demand&t Tex*
tradition du prince deMoldavie, Cantemir, dont on avait
. appris la felonie au moment ou l'armee ottomane avait
passe le Pruth pris de Faltschi ; trahison qui avait eu
pour resultat la reintegration immediate sur le tr6ne
de Moldavie de Nicolas Maurocordato.
Le secretaire d'Etat Omer-Efendi » r^digea le trait£
preiiminaire qui devait retablir la paix entre la Porte
et la Russie. Ce trait e, Tun des moins avantageux et
Tun des plus humilians qu'ait jamais acceptes la Rus-
sie, imposait en substance au Czar la restitution d'Azof
et de toutes ses d£pendances, la demolition des forti-
fications de Kamienska , de Samara et de Tighan,
l'abandon de leur artillerie k la Porte , et 1'engage-
Dans Voltaire Hummer.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. a3g
ment de ne plus s'immiscer k Pavenir dans les affaires
concernant les Cosaques Potkal et Berabasch. En
outre , Pierre souscrivit k un article qui inlerdisait
aux ambassadeurs du Czar le s£jour de Constanti-
nople; les autres clauses r£glaient l'lchange des pri~
sonniers , et stipulaient en faveur du roi de Su£de,
qui, disait la redaction, s'&ait refugte sous l'aile pro-
tectrice de la sublime Porte, la liberty de retourner
dans ses £tats; ce m£me article recommandait au Czar
et au Roi de faire la paix, dans le cas ou ils parvien-
draient a s'entendre ; enfin , par un autre article, les
deux souverains contractans s'engageaient k veiller k
ce que leurs sujets v^cussent dans une parfaite tran-
quillity.
Baltadji Mohammed- Pascha, usant de son omni-
potence, signa ce trait6 roalgr£ l'opposition du khan
des Tatares et de Charles XII, dans Tespoir, disait- il,
que la ctemence du tr£s-glorieux , tr6s-grand et tr6s-
gracieux Padischah, lui ferait fermer les yeux l sur la
conduite pass£e des Russes, dans le cas ou ils obser-
veraient religieusement les conditions r£gl6es. Enfin,
une derntere clause du traits stipula, qu'aussit6t apr£s
qu il serait sign6 a , rien ne s'opposerait k la retraite
i Koustakhane her eketlerinden ightnazi am.
a Raschid, II , f. 87 et 8$. La Motraye nous a laisse* une traduction
fidelede ce traits jusqu'au septieme article et Voltaire a tortde dire : « Les
articles de cette paix ne furent point r6diges , comme le voyageur La Mo-
traye le rapporte >. II existe encore sur cette campagne deux imprimis peu
connus, 1° Relation von der tchwedischen und tiirkischen Victoria, so
bei Budjiak wider die Moscoviter erfochten worden, A. 1711. Biblio-
ihique de Munich ; 2<> Joannes Signaei Sendschreiben , betreffend die
bevontehende Ruptur der Ttirken mit Moskau (Bibliotheque de Munich).
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ilJo HISTOIRE DE L'EMPIRE OTTOMAN.
du Czar, qui , poor en garantir la stride execution,
s'engageait k donner en 6tage son conseiller intime , le
chancelier baron Pierre de Schaffiroff et Michel Pe-
trovich ScheremetieflF. Ces derniers conservaient la li-
berie de retourner en Russie aussit6t apr&s l'execu-
tion des clauses du traite (22 juillet 1711—6 djem-
azioul-akhir 1123).
Si Ton consid&re la position d£sesp6r£e oik se trou-
vait l'arm£e russe , on reconnaftra que le traits da
Pruth, on£reux pour la Russie, le fut encore bien
plus pour la Porte, qui, apr&s d'immenses prepa-
ratifs de guerre, ne retirait de cette campagne qu'un
avantage Iph&n&re et qu'une gloire douteuse.
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LIVRE LX1II.
Deux grands-vizirs se succedent a la suite de la paix conclue aux hords
du Pruth. — Reception de Charles XII. — Traite avec la Russie. —
Depart de Charles XII. — Soulevement excite au Raire par Kaltasbeg.—
Mort de Nassouh-Pascha, du moufti Ebezade, du vizir Kalallikoz et de
dix savans illustres.— Prise deCorinthe, d'Egine, deNapoli di Romania,
de Coron, deNavarin et de Modon.— Le fort de Sing vainement assiegS.
Dispositions relatives aux oulemas. — Mesures admiriistratives. —
Executions , propheties , incendies , illuminations. — Mort de la Walide.
Repression des Kurdes et des Arabes; un interprete anglais recoit la
bastonnade, un , interprete venilien est pendu. — Correspondance avec
la cour de Vienne. — La guerre contre l'AJlemagne est au diwanl'objet
de trois deliberations successives. — Envoye de la confederation polo-
naise. Execution de plusieurs personnes de la famille Brancowan et de
celle de Cantacuzene. — Marche sur Belgrade. — Combat de Carlovicz. —
Bataille de Peterwardein. — Rhalil, grand-vizir. —Execution du kiaya*
Chute de Temeswar. — Prise de Bukharest et de Yassy. — Evenemens
de Corfou et de Dal ma tie. — Destitution du kapitan-pascha et du khan
des Tatares. — Bataille de Belgrade. — Prise de cette ville ; chute da
grand-vizir. — ftvenemens de la guerre en Bosnie , en Dalmatie et dans,
la Mediterranee. — Revocation du kapitan-pascha, du moufti et da
grand-vizir. — Propositions de paix; Rakoczy; Congre* et paix de
Passarowicz.
La nouvelle de la paix conclue aux bords du Pruth
lie fut pas apport6e, suivant l'usage, a Constantinople
par le grand-chambellan ou le grand-ecuyer, mais
bien par le kiaya du grand-vizir lui-mfiine, Osman-
aga, qui avait &6 Finstrument actif de cette paix et qui
T. XIII.
l6
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242 HISTOIRE
esp^rait en recompense recevoir les trois queues de
cheval. Jusqu'alors il etait sans exemple qu'un mi-
nistre de lint^rieur eut abandonn£ son poste et confix
ses fonctions a des mains subalternes. Aussi, le kiaya
fut-il trompe dans son altente; car, bien que lanou-
velle dont il &ait porteur eut caus6 une grande joieau
Sultan et aux habitans de la capitale , les ennemis du
grand-vizir nemontrerent que trop d'empressement a
faire connaitre au souverain et au peuple de quelle ma-
nure la paix avait et£ con clue. Le khan des Tatares et
le roi de Su6de ne manqu6rent pas d'exagerer dans
leurs compte-rendus la faute du grand-vizir. Charles,
qui &ait arrive dans le camp ottoman au moment
m£me ou le Czar quittait le sien tambour battant et
enseignes d£ploy£es , avait accabl£ le premier digni-
taire de l'Empire des plus amers reproches. « N'au-
» rais-tu pas dft emmener le Czar prisonnier k Con-
» stantinople? lui dit le roi de Suede. — Et qui done,
» repondit s^chement le grand-vizir, aurait gouvern6
» ses Etats en son absence? » A ces mots, Charles sejette
sur le sofa, avance son pied jusquesur les v£temens du
grand- vizir, y engage volontairement son 6peron, les
d£chire transport^ de colore, sel£ve, monte a cheval,
et repart pour Bender. Poniatowski resta encore quel-
que temps auprfts du grand-vizir, esp^rant le deter-
miner k reprendre les hostilites. Mais lorsque le moufti
appela les fideles h la priere, le grand-vizir se leva et
s'en alia, sans dire un mot, faire les ablutions ordon-
n6es par la loi.
Apr6s avoir regu, avec la pelisse et le sabre d'hon-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. »45
neur, l'ordre de se diriger vers la plaine de Kartal 1
Baltadji quitta Tarm^e et partit pour Andrinople. Seg
intrigues etle peu de reserve de ses paroles lui avaient
dtjk attir6 nombre d'ennemis dont les plus puissans
&aient le moufti, le kizlaraga et AH gendre du Sultan.
Ce dernier surtout n'avait pas oublie la querelle quil
avait eue avec lui imm^diatement avant Touverture de
la derntere campagne, au sujet du refus fait par Baltadji
de laisser, pendant quil £tait kaimakam, les ministres
de la Porte a Constantinople. L'heure de la vengeance
avait sonn£. Bient6t le Sultan apprit par l'organe d'Ali
que la concl usion d'une paix si d£savantageuse dans des
circonstances si favorables, tenait k Tarriv^e nocturne
dans le camp ottoman de plusieurs chariots remplis de
numeraire. Non contens de cette assertion, les ennemta
du grand- vizir Taccus^rent encore de s'fitre arrdt£ k
Andrinople avec le secret dessein d'exciter une sedi-
tion parmi les janissaires, et de se soustraire k la juste
colore du Sultan, en ^vitant d'aller a Constantinople.
En consequence, le grand-chambellan, Mohammed-:
aga regut la mission de se rendre k Andrinople ,
d'y revfitir d'abord le grand-vizir de la pelisse dhon-
neur, et de lui retir6r le sceau de Tempire d£s le jour
suivant. Ce sceau fut remis au g£orgien Yousouf ,
ancien aga des janissaires, qui, apr& avoir pass6 par
tous les grades, depuis celui de simple soldat jusqu'k
celui d'officierd'&at-major, s'&ait, parson m^rite per-
sonnel, elev^ au rang d'aga et de pascha k trois queues
de cheval. Baltadji , exile d'abord a Lesbos , puis k
Lemnos, mourut dans cette tie, Tannee suivante, d'une
i6*
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244 HISTOIUE
maladie incurable , et fot enterr£ k c6t£ de Missri ,
scheikh et po&e mystique, que nous avons vu figurer
sous le rfegne de Mohammed IV (20 novembre 1711
— 9 schewwal 1 123). Ce dernier disait souvent que
s'il en croyait la prediction du mehdi, le bticheron et
lui auraient un seul et m&ne tombeau.
Le nouveau grand-vizir ramena Tarm^e & Constan-
tinople pour remettre l'&endard sacr6 au Sultan, qui
etait alle h sa rencontre j usque dans le voisinage de
Tschekmedj^. Quinze jours apr&s , un envoy£ des
Cosaques Potkal et Berabasch , que la derniere paix
venait de proclamer ind£pendans, apporta une lettre
par laquelle ses compatriotes rendaient hommage au
Sultan (2 decembre1711 —21 schewwal 1123) 1 . A
la suite dun conseil des ministres, la Porte refusa de
ralifier le traits du Pruth , et declara de nouveau la
guerre k la Russie. Le jour d'apres, le ministre de
Fint^rieur, Osman , qui , en raison de son influence
sur Baltadji Mohammed , etait consider^ comme le
principal apteur de la paix conclue aux bords du
Pruth, et le secretaire du cabinet, le reis-efendi Omer,
qui avait r£dig6 le traits, expterent sous le glaive du
bourreau la part qu'ils avaient prise dans cette paix
desastreuse. L'^erivain des tschaouschs , Abdoul-
baki , eut le m&me sort , parce qu'on le soupgonnait
de s'&re laiss6 corrompre par Scheremetieff, qu'il avait
amene au camp du grand-vizir, avec les presens
que ce dernier etait charg6 d'offrir. Au reste, la sue-
■ Rasckid, (I, f. 90, lui donne lc nom de Kolik-Orlik.
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DE L'EMPIHE OTTOMAN. 245
cession d'Osmanfournit les preuves de sa culpabilite:
on trouva chez lui l'anneau de ia Czarine et deux
mille ducats frapp£s aux coins de Saxe et de Russie
(29 decembre 1711—9 silkide 1 1 §3) ' . Cetle decou-
verte ne servit qu\ exciter la cupidity de Yousouf et
h aiguillonner son desir de s'approprier l'argent de
la Russie. Aussi la paix fut-elle r&ablie des le prin-
temps suivant et prorogue pour vingt cinq annees.
Par le nouveau traits, Kiow et l'Ukraine en-degk
du Dniester furent adjuge&s au Czar, a condition
que ni Azof ni Tscherkesk ne pourraient &re for-
tifies de nouveau et que les forts de Kamenoi-Zaton
et xl'Ust-Smara seraient rases, (16 avril 1712). Le
khan regut ordre de retourner en Crimee, car le peu
d'empressement que mettait le Czar k remplir les
conditions de la paix , faisait redouter la reprise des
hostility. Avant la fin de Fannee, les commissaires
charges de regler la delimitation des frontteres revin-
rent k Constantinople, accompagnes d'un mirza du
khan , et ils annoncerent que le Czar &ait loin de
regarder comme s^rieuse la paix r^cemment conclue.
En consequence , on reconnut en conseil et en presence
du Sultan la n£cessit£ de reprendre les armes. Cette
decision entratna, le jour suivant, la chute du grand-
vizir, qui non-seulement ne setait point oppose a la
» Voltaire , Hisloire de Charles XII. Voltaire pretend que l'ancien
grand-vizir AU de Tschorli, fut execute* en meme temps que Osman, cequi
est une erreur. Ali <Hait mort naturellement, au commencement de la meme
annle, a Mitylene, ou on l'ayait transports deKaffa. Biographic d'Osman-
zade'et de Dilaweragazade.
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*46 HISTOIRE
pais du Prnth , mais qui Tavait renouvel^e sept mote
apres , et avait apport6 une extreme lenteur dans leg
prlparatifs d'une guerre r£solue d£s son entree' en
fonctions (1 1 novembre 1712 — 11 schewwal 1 1 24) .
Sa place fut donn£e k l'Abaze Souleiman, esclave af-
franchi de l'ancien kizlaraga Yousouf , h Taide du-
quel il £tait devenu successivement silihdar , gouver-
neur de Haleb , de N£grepont , vizir de la coupole ,
nischandji, kaimakam , et que le gendre favori pro-
posa au choix du Sultan, corame il ayait deja fait pour
ses deux pr&J£cesseurs, parce qu'il ne voulait pas se
charger lui-m&ne du fardeau de la plus haute dignite
de TEmpire.
Sept jours apres, la queue de cheval fut arboree
en signe de guerre devant la Sublime- Porte (19 no-
vembre 1712 — 19 schewwal 1 1 24). L'ambassadeur
extraordinaire du Czar, Abraham Lopoukhin, quielait
venu porteur de riches pr&ens , le comte Tolstoi , et
les deux 6tages , SchaffirofF et Scheremetieff , furent
jet£s le meme jour en prison 1 ; le lendemain, Sa
Hautesse partit pour Andrinople. A Baba £ski, sa
marche fut interrompue par un ouragan terrible m&e
de neige et de pluie; la riviere d£bord& de Hafssa
emporta ses ponts , et retarda ainsi de deux jours
l'entrde k Andrinople.
Six mois auparavant, le Sultan avait £crit au roi de
Su&de pour l'infornier qu'il avait donn^ordreaugrand-
£cuyer, Mohammedaga, eta Ismail, serasker de Ben -
■ SehoeU, HUtoire dMgie <U$ traiUs de paix, XIV, p. 394,
fixe le jour de la declaration de guerre au 12 novembre an lieu 4u II.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 247
der, de le reconduire dans ses Etats, en passant par le
territoire de Pologne , et en subvenant k tous ses frais
de voyage* . Charles XII pour relarder son depart dit k
Mohammed et a Ismail qu'il ne pouvait pas quitter le
pays sans payer les dettes qu'il s'&ait vu force de con-
tracter, depuis qu'on lui avail 6te son subside journalier
de cinq cents piastres ; a cet effet , il demanda mille
bourses. Le Sultan lui en envoya douze cents au lieu
de mille , en y joignant une lettre affectueuse*. Apr6s
avoir regu cet argent, sur la promesse qu'il fit de
partir imm£diatement, Charles n'en refusa pas moins
de se mettre en route , et envoya son ambassadeur
Funk a Andrinople, avec mission de demander pour
lui mille autres bourses. La seule r£ponse a cette nou-
velle reclamation fut Temprisonnement de Funk.
Quelques jours apr£s, le cdnseil se r6unit en presence
du Sultan pour d^liberer sur le rapport que le khan
de Crim£e, le serasker de Bender et le grand-^cuyer,
Mohammedaga , venaient d'adresser k la Porte , par
rintermediaire du tschaousch-baschi Ahmed, et dans
lequel ils faisaient connaitre Tembarras oii les plofi-
geait l'ent&ement du roi 3 . Lorsque le grand-vizir
Souleiman et le moufti Ebezade qui, apr6s la mort
x Voltaire transcrit cette lettre que tout porte a croire authentique; mats
il lui assigne une fausse date, celle du 14 rebyul-euruh (rebioul-ewwel)
1114 (1124), ce qui revient, dit-il, au 19 avril 1712. Or, le 14 rebioul-
ewwel correspond au 21 avril 1712.
a Voltaire assigne a cette lettre la date du 2 schewwal 1114 (1124), c'est-
a-dire du 2 novembre 1712.
3 Raschid, II, f. 94, Si le Sultan avait tenu le discours que lui prele
Voltaire, Fhistoriographe del' Empire en aurait fait mention.
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248 HISTOIRE
dePaschmakdjizad£, sur venue au commencement de
l'ann£e pr<§c6dente, avait 6ie rev£tu pour la seconde
fois de la plus haute dignite legislative, eurent rendu
compte du l'obstination du roi de Su6de, auquel on
offrait cependant tous les moyens de partir, le moufti
rendit un fetwa en vertu duquel le roi , dans le cas
ou il persisterait dans son refus de quitter Bender,
devait 6tre arr&6 ' et conduit a Demitoka (1 cr fSvrier
1713 — 5 moharrem 1 1 25). Tout le monde sait quV
prte s'ttre battu vaillamment avec trois cents Suedois
contre six mille Turcs et vingt mille Tatares, vaincu
par la superiority du nombre, Charles XII, justement
surnomme la T6te de fer, s'enferma avec trois gen6-
raux et se defendit contre Tartillerie ottomane dans
une maison barricade, ou il se r£solut enfin a mettre
le feu ; mais que, dans sa sortie , embarrass^ par les
m£mes eperons dont il avait lac£r6 les v&emens du
grand- vizir , il tomba , et fut entour6 aussitdt . par
vingt-un janissai res, qui le firent prison nier, aux cris
rep^s d'JUah/ (1 2 fevrier 1713) et qu'il fut conduit
au chateau de Djemurtasch ( c'est-a-dire pierre de
fer), pres d'Andrinople et de \k a Demitoka. Voltaire
raconte aussi comment le marquis de Fierville , que
la France envoya h Charles XII , trouva moyen de
faire remettre au Sultan , au moment ou il se rendait
a la mosquee, par le frangais Villelongue, une plainte,
formulae au nom du roi de Sufede , et au bas de la-
quelle se trouvait la signature contrefaite de ce mo-
i Bi ezin halin, c'est-a-dire de quelque maniereque ce fltt , Raschid,
f. 95,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 249
narque, contre les ministres de la Porte, qu'il disait
tous corrompus par Tor.de la Russie 1 . II est douteux
que Villelongue ait pu r^ellement parler ao Sultan
pendant un quart d'heure, comme Taffirme Voltaire;
mais Thistoire oltomane atteste elle-m&ne, a nen
pouvoir douter, que la conduite tenue en cette cir-
conslance envers le roi de Su£de amena la destitution
du gouverneur de Bender, du khan des Tatares, du
moufti et du grand- vizir. Du reste, Topinion publique
s'£tait hautement prononc£e contre les proc^des igno-
minieux dont on avait usd envers un h6te de la
Porte, car , le Proph&e a dit : Respectez voire hdie,
mime s'il est infidele a . Le moufti qui , en apprenant
Tarrestation violente du roi de Su6de, avait manifesto
une joie immoderee et qui se proposait d'exploiter cette
circonstance en la repr&entant comme Toeuvre de son
fetwa, fut le premier r^voque. Le Sultan nomma a sa
place le grand-juge de Roumilie, un de ceux qui en
conseil s'&aient opposes k la mesure projet^e (4 mai
1713 — 6 safer 1 125). Quatorze jours apres, le khan
des Tatares , Dewlet-Ghirai, invito k se rendre a An-
drinople, fut pareillement destitu£ et exile k Rhodes,
d'oii Kaplan -Ghirai, pr£c£demment banni dans cette
ile , fut rappele pour prendre une seconde fois les
rfines du gouvernement de Crim6e. II donna k son
fr&re aine Menghli-Ghirai l'emploi de kalgha, et k son
1 Histoire de Charles XII, L. VII. Soued col dam, c'est-a-dire ; c'ett
le roi de Suede qui te le donne; il fallait Scrire : Jswedj Kiraldam ,
c'esl-a-dire : de la part du roi de Suede.
a Ekremu ed-dha'ifen we laou hafiroun.
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*5o HISTOIRE
autre frfere, Sahib-Ghirai, celui de noureddin (29 mars
1713 — 2 rebioul-ewwei 1 1 25) ".
Sept jours apr£s , le grand-vizir prit la place du
kapitan-pascha , Ibrahim Khodja, qui lui succeda
dans sa haute dignity (6 avril 1713 — 10 rebioul-
ewwei 1125). Ibrahim, natif de Vourla , attach^ au
serai en qualite de rameur, avait su pen^trer si avant
dans les bonnes graces du sultan Ahmed III, que ce
souverain l'avait jadis envoy 6 k Candie, pour annon-
cer a Kalaiiikoz Ahmed-Pascha qu'il venait d'&re
promuaugrand-vizirat. Depuis, la faveur du Sultan
et sa valeur bien connue l'avaient fait elever au poste de
kapitan-pascha, et on croyait generalement que lui seul
pourrait en finir avec le roi de Su&ie , car on lui avait
souvent entendu repeter qu'il se faisait fort d'&oigner
Charles XII. Mais, k peine le pilote eut-il pris en main
le gouvernail du vaisseau de l'Etat, qu'il ne songea k
rien moins quk jeter le gendre favori par dessus le
bord 1 . II jugea que le moyen le plus stir et leplus
prompt d'atteindre ce but, etait de le poignarder au
milieu d'une f£tedonn£een son honneur. Malheureu-
sement , il mit dans sa confidence le nouveau khan de
Crim^e et le reis-efendi, qui trahirent le complot; le
gendre favori eut soin d'etre maladea point, et le Sultan
ordonna en m£me temps la destitution et l'execution
> Sebesseyar, f. 214.
a Dans la Biographic des grands-vizirs par Osmanzadg, cette mttaphore
fait partie d'une longue allegorie, henss£ede termes nautiques, ouil est dit
qu'en se rendant aupres del'Empereur, Ibrahim eut peine a lever l'aucre,
qu'il commenca a remorquer mille affr&temeus (tira mola) fixes au (Able du
navire; qu'il rompit nombre de cables (palamar\ t etc.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. %6t
du grand- vizir, dont lepouvoir n'avait pasture plus
detrois semaines 1 (27 avril 1713 — 1 cr rebioul-
akhir1125).
Le gendre favori, et en dernier lieu kaimakam, AH
prit alors en main, dans l'int£r£t de sa conservation, le
timon de 1'Etat quijusqu'alors lui avail paru un fardeau
trop pesant*. II &ait du village de Seloz, qui est situ6
au bord du lac de Nic£e. Son premier soin fut de r6-
tablir la paii avec la Russie qui , aprfes quelques con-
ferences avec les ptenipotentiaires du Czar, et avec la
mediation des residens anglais et hollandais Sutton et
Collier, fut enfin sign£e k Andrinople , et prorogee
pour vingt-cinq ans sur les bases du traits de Con-
stantinople. Des onze articles de ce traite, les six pre-
miers et le onzi&me correepondaient seuls aux sept
articles du traits sign6 par Baltadji Mohammed; l'ar-
ticle sept, determinait les frontieres respectives entre
la Samara et l'Orel , de telle sorte que tout le ferritoire
situ6 sur les bords de la Samara devait desormais appar-
tenir aux Turcs, et celui qui &ait baignepar l'Orel, aux
Russes. Depuis la source de ces rivieres jusqu'au Don
et h Azof, la frontiere devint la mfime qu'avant la
premiere occupation d'Azof par les Russes. Les Co-
x I] existe dans les archives privies une lettre de ce grand-vizir ephemere
adressge au prince Eugene au sujet des ouvertures faitesdans I'intgret
du commerce , sous le grand-vizir Soulefinan-Pascha , par le resident
Fleiscbmann , successeur de Talman; cette lettre est datee du camp d' An-
drinople.
» Osmanzade* dit, a ce propos, en continuant I'allggorie arabe que noua
avons deja cttee: tedjrah er-riahbi mala teschteha essefen , c'est-i-dire^
les vents ne soufflent pas au gre" des na vires.
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252 H1ST0IKE
saques et les Kalmouks d'une part, de l'autre, les Ta-
tares de Crim^e, les Noghais et les Tscherkesses sou-
mis k la Porte, ne deyaient plus s'inqui&er recipro-
quement * . Cinq commissaires furent charges aussit6t
du trace des frontteres; ils commencerent leurs ope-
rations au confluent de la Samara et de TOrel * avec
le Dnieper, remonterent ces cours d'eau jusqu'a leurs
sources, et a partir de ce point jusqu'au Don, d£ter-
min&rent, par des jalons, la ligne qui devint la fron-
ttere entre les deux Etats (septembre 1714). Lorsqu'ils
eurent termine leurs travaux, dansle cours de Tann^e
suivante, les commissaires furent promus k de plus
hauts emplois 3 .
Apr6s onze mois de pourparlers , le roi de Su6de
avait enfin exprime lui-rii6me le desir de s'en retour-
ner. Moustafa, kiaya de I'ancien gouverneur d'Ocza-
kow et le chambellan Yousouf-Pascha, se presentment
pour Tescorler, k la t£te de six cents tschaouschs. La
Porte lui fit offrir a cette occasion une tente brod£e
d'or, un sabre orn£ de pierres precieuses, et huit che-
vaux arabes dont l'arbre g£n£alogique attestait la
noble origine ; soixante voitures et trois cents che-
vaux composerent le cortege ; ce fut ainsi qu'apres
deux ans d'indulgente. hospitality, le Demiirbasch du
i Raschid , II , f. 95. Rousset , suppl. II, t. II, HO et ill et WKt-
toire de Gordon.
a Raschid dit souvcnt Ersel au lieu d'Orel.
3 Raschid, II, f. 100. L'ancien silihdar Ibrahim fut nomine* nischandji,
SebzUEfendi , aga des silihdars , Kadri-Efendi , president de la chambre
( Mon h acbc'i dji z iyc) ,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. att
nord (t&e de fer), sortit 1 du chateau de Demurtasch
(pierre de fer) a (1 er octobre 1714).
La campagne du Pruth avait coincide avec Tune
des seditions les plus longues et les plus opiniatres
dont fassent mention les histoires d'Egypte. Les ins-
tigateurs de celte rebellion furent quatre capitaines 3
qu'en Tann^e 1120 (1708) le gouverneur Damad
Hasan (beau-frere du sultan Ahmed, devenu grand-
vizir apr6s son avenement) avait bannis pour main-
tenir la tranquillite. Rentr£s plus tard dans leur
patrie , ces derniers profitferent de I'ancienne division
des habitans du Kaire en deux partis , celui des Ka-
simlis et celui des Soulfikarlis , pour opposer au chef
du premier, le scheikhol-beled Eyoubbeg , le chef
du second parti, Kaitasbeg. Le scheikhol-beled
avait non seulement pour lui Kosedj Khalil-Pascha ,
second successeur de Damad Hasan, mais aussi le puis*
sant et richd beg deDjirdje, Mohammed. Les Soulfi-
karlis pillerent ses propri£tes dans, la Haute-Egypte ;
ilsvoulurent proclamer Kaitasbeg scheikhol-beled, et
rallierent a leur parti six des sept corps de troupes
6gyptiennes; il ne restait done plus , du c6t6 oppos6,
que les janissaires et leur chef deteste , Ahmed le
Franc, outre les autorites regulteres, le gouverneur
et le grand pr^vot de la ville. Les deux partis en vin-
i Saivant Voltaire, Charles XH partitJe 1« octobre; sutvant Raschid,
II f. 100, le 10 ramazan 1126, e'est-a-dire le 19 septembre 1714.
a L'historien venitien Ferrari change Demiirbasch en Dermades e* dit
que Charles XII se rendit a cheval de Pultawa a Azof.
3 Kcer Abdullah, Hasan haya, Nassouh kiaya, Ismail kiaya*
Raschid, II, f , 9&
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*54 HISTOIRE
rent aux mains, et aux canons da ch&teau rlpondi-
rent d'autres pieces d'artillerie braqu6es sur la ter-
rasse 61ev6e de la haute mosqu£e da sultan Hasan
(27 mars 1711—7 safer 1123). Aouzbeg, le plus
ferine soutien de Kaitasbeg, fut tu£dans Taction..
Pour gagner k sa cause les trotipes de son adver-
saire, Kaitasbeg donna aux siennes une piastre de solde
par jour. Eyoub vit bienldt se d^garnir les rangs de
son armee, et comme son parti s'affaiblissait de jour
en jour, le beg Ibrahim, qui ne s'&ait prononc£ pour
aucun des deux antagonistes, tant qu'ils avaient com-
baltu k forces £gales, se d£clara pour Kaitasbeg. La
maison d'Eyoubbeg fut consum£e par les flaihmes; le
franc Ahmed ayant 6i6 tu6 par uneballe, les s6ditieux
mirent k sa place un des capitaines exiles, Abdoullah-le-
Borgne, etrenversSrent legouverneur Kosedj Khalil,
en lui donnant pour successeur le beg Kanssoui Quil-
let 1 7 1 1 — -djemazioul-akhir1123)^ A la nouvelle de
ces troubles, la Porte nomma k l'emploi degouverneur
Tancien kapilan-pascha Weli 1 ; mais Kaitasbeg et son
second, Ibrahimbeg , qui s'&aient attribud le titre
de scheikol-beled, se maintinrent dans la commune
administration de la ville, sans qu'il fiftt possible k la
Porte de r^primer cette usurpation de pouvoirs. Les
i Raschid, II, f. 91 , place ces 6v6nemens dans l'annee 1124, bien
que leur d6but remonte a l'annee pr6c£dente , ainsi qu'il rtsutte non-seule-
ment del' Histoirede Yousouf, mais de lalistedes gouverneurs 6gyptieiw
qui figure dans les tables cbronologiques, car Khalil fut remplac£ des le
lerdjemazioul-akhir 1123. L'histoire de cite revolution n'occupe pas inoins
de 10 feuilles dans l'histoire du fils de YousouE, et elle est encore plus d6taillce
dans l'ouvrage de l'auteur anonyme de YHistoire d 7 Egypt e depute Tan
JOOOjusqu'a Tan 1150,
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. a55 f
troupes &aient rentr£es dans le devoir ; mais sous le
gouvernement de Weli, eclat£rent de nouvelles dissen-
tions. Au moment ou la communaut£ musulmane, r£u-
nie dans la mosqu£e du sultan Moeyed, pr£sdela
Porte de Fer, assistait, pendant le mois de jetine, h
la lecture du traits de Birgeli, un etudiant monta en
chaire et repr&enta le culle des saints comme une
idol&trie : « Qui a vu , dit-il , le myst^rieux livre du
» destin? Ce n'est pas notre prophete lui-mfime. II
» faut mettreun terme a ce trafic des sepultures; qui
» s'abaisse jusqu'b baiser un tombeau , n'est pas un
» vrai croyant; il faut raser les couvens des Gul-
» schenis, des Mewlewis et des Begtaschis. Quant aux
» derwischs , ils feraient bien d'etudier , au lieu de
» valser. » Plusieurs nuits de suite , il prficha ainsi
devant un nombreux concours de peuple. Les ortho-
doxes obtinrent contre lui de quelques scheikhs un
fetwa qui taxait sa doctrine d'impiete. Le novateur lut
Iuimgme le fetwa et le commenta devant son auditoire.
Deux jours aprfes, il disparut. La foule se porta alors en
tumulte chezle juge du Caire, reclamant le pr^dicateur
et demandant l'annulation du jugement des scheikhs
qu'elle voulait faire citer au tribunal. Dans cette extr6-
mit6, le pascha-gouverneur s'adressa.aux deux magis-
trals de la capitale , Kaitasbeg et Ibrahimbeg , leur
enjoignant d'&ouffer cette nouvelle emeute. Les chefs
les plus experimentes de la garnison regurent Tordre
de veiller au maintien de la tranquillite. Les troubles
cessment et l'&udiant fut secrfetement envoy£ en
Syrie. La veneration du peuple pour les saints et
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5/56 HISTOIRE
leurs tombeaux, que les predications du novateur
avaient affaiblie, fot raviv^e par la restauration du
mausolee de Housein, dont le cercueil en bois d eb£ne
et en nacre de perle fut 6claire par quatre cande-
labres en argent richement dor£s. Outre ces £vene-
mens , deux khattischerifs m^morables signaterent
Tadministration deWeli : le premier eut pour objet
la levee du contingent habituel de trois mille hommes
pendant la derntere guerre de Russie; le second r£gla
le cours des monnaies d'or et d 'argent '.
A peine Damad Ali-Pascha, gendre du Sultan, fut-il
grand -vizir, qu'il s'occupa de r£tablir Vordre en
Egypte. Dans ce but , il s'attacha principalement au
choix d'un gouyerneur et d'un juge habiles, dont Tun
ptit tenir en respect les troupes turbulentes places
sous son commandement, et l'autre, r^primer les ten-
tatives hardies des novateurs, en mati&re religieuse. H
nomma a ces deux emplois Abdi-Pascha et Feizoullah-
Efendi, gendre de Tancien moufti Feizoullah, non pas
celui qui avait et6 ex6cut£, mais son pred£cesseur, le
ills du moufti Ebouzaid (17 septembre 1714 — 8 ra-
mazan 1126). Abdi-Pascha fit enfermer Khalil-Pa-
scha, qui a son arriv^e dtait encore au Caire, dans
les prisons de cette ville % pour lui extorquer ses tr£-
sors au milieu des angoisses d'une mort cruelle; quant
au kiaya de Khali], il fut emprisonn6 dans la maison
* Histoire du fils de Yousouf. Les ducats (yaldiz) 115, les ducats au
toughra 100, les solotas (piastre isoletle) 60, les e*cus au lion 40 paras.
2 VArahhhanc ou la maison de la sucur. Histoire du fils de Yousouf,
f. 242.
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OR L'EMPIto OTTOMAN. a5 7
rouge (al-hamra); Weli , pr£d£eesseur d'Abdi, fat
incarc£re dans le koeschk de Yousouf, prison habi^
tuelle des goUverneurs d'Egypte revoqu£s, el sur For-
dre de la Porle, conduit de 1& k Constantinople. Abdi
destitua Kaistasbeg qui s'etait appropri£ la chai$e de
defterdar, le fit meltre k mort et jeter par la fen6tre
du ch&teau. Cette execution donna lieu a un nouveau
tumulte; les factieux voulant \enger sa mort, trans-
form^rent une seconde fois en place d'armes et en cita-
delle, la mosquee du sultan Hasan, situee sur la place
Romaili. Les Azabes se soulev^rent. Mohammed et
Osman kiaya furent les meneurs de la revoke. Le chef
desrebelles, Abdoullah le Borgne, tua de sa main deux
officiers <ies janissaires et se plaga k la tfite de ce corps,
(dependant la tranquillity se retdblit. Les janissaires par^-
vinrent a s6 disculper de la mort de leurs officiers, &
laquelle ils disaient n'avoir prisaucune part ; deux des
principaux rebelles, Nedjdeli Hasan et Nassouh kiaya
furent mis & mort; enfin, legouverneur fit jureraux trou-
pes Toublimutuel de leurs griefs, pacifiala ville, et r£gla
de nouveau le cours des monnaies et le prix des denrees 1 .
En Syrie , le fils d'Osman , Nassouh-Pascha , chef
■ Les ducats a la chatne (yaldiz) furent tariffs a 107 paras ; les ducats au
touhgra a 100; les ecus au lion a 40; le rial (solota ou karaghrousch) a 60
(Histoire du fils de Yousouf, f. 266) ; le para a fauit sous de cuivre (ibid.
f.267). Denrees: beurre, les 10 batmans a 30 paras; miel, les 10 bat-
mans a 20 paras; cafS, les 10 batmans a 3 paras; savon, le batman a
5 paras, etc. (ibid. f. 267). Plustard (f. 269), parut un khattische>ifordon-
nant la fabrication de ducats Sgyptiens en or pur a 24 karats et la division
de la. dr a clime d' argent en sept paras ; voir aussi Y Histoire de Vanonyme ;
dans celledu fils de Yousouf, 1 'histoire du gouvernement d'Abdi-Pascha
occupe seule 28 feuilles ; f. 258-270.
t. xur. 17
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*58 HISTOIRE
de la caravane des pelerins, tranchait du souveram,
distribuant h ses parens et k ses amis les sandjaks de
Jerusalem , de Djidda , d'£thiopie , d'Adjeloun , de
Payas, de Tripoli, de Ghaza, de Safed, de Balbek,
de I^ennin et plusieurs autres encore. Comme ceux
de Damas, de Beirout et de Saida etaient menaces du
m&ne sort, Yousouf-P&scha-Topal , c'est-a-dire te
Boiteux, re$ut l'ordre de marcher contre lui avec les
troupes de Rakka et de Haleb , et de le reduire.
Nassouh-Pascha avait debute par de nombreux actes
de violence a Magnate, sa ville natale x , et dans la ville
d'Aidin ou il avait &1& receveur des impdts. Plusieurs
fois, il avait mis en fuite les bostandjis envoyes pour
mettre un terme h ses exactions. Plus tard , il s etait
distingu6 sous les drapeaux du Sultan durant la guerre
de Russie, et, comme on avait besoin dun homme
d'action, on l'avait nomme emiroul-hadj.En cette qua-
lit^, il avait, comme nous l'avons vu plu» haut, battu
les Arabes du desert el tu6 le scbeikh Koleib ; mais il
etait devenu par la suites! insolent et si presomptueux
qu outre les changemens qu'il op£rait de sa pleine auto*
rit6, il s^tait permis de citer a son tribunal , sous pr&exte
dunreglement decomptes, le paschal deux queues que
la Porte avait envoy6 k Aidin pour y percevoir les im-
p6ts k sa place, de l'emprisonner et de le mettre k
mort. Yousouf le Boiteux trouva un puissant auxiliaire
contre lui dans le pascha de Rakka, fils deRousch wan,
auquel avait &6 confix le gouvernement de cette ville
* II y fit construire plus tard une mosquSe et une medresl.
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DE L'EMMRE OTTOMAN. a5g
apr&s repetition de son p£re, le rebelle. L<e gouver*
neur de Rakka se joignit avec quinze mille Kurdes
de la tribu Rouschwan a Yousouf qui parvint k $6-
parer de Nassouh la milice provinciate et les rebelles.
en adressant au* unsdes lettresconguesen termesme-
nagans, aux autres des lettres remplies de promesses.
Yousouf Topal-Pascha s etait avanc£ a six lieues de
Damas, pr6s du khan de Teskhatia ; mats Nassouh ,
abandonnedes siens et convamcu de l'inuttlite de sa
resistance en presence de cette armee, prit la fuite,
dans T intention de s'embarqueraYafe; roalheureuse*
ment , il tomba de cheval au moment ou les Turcomans
envoy es k sa poursuite Tapergurent. II continua nean-
moins a se d&endre; fnais, vaincu parte nombre, il fut
fait prisonnier et livr£ h Topal-Pascha, qui expedia sa
ffcte a la Sublime-Porte (Janvier 171 ^-moharrem 1 1 26)*
Son agent aupr6s de la Porte, le premier aide de
la chancellerie des mines , fut banni et plus tard ex£r
cut6 k Famagosta ; la t&e de son kiaya, devenu en-
suite beglerbeg de Helte, roula aussi devant la Porte
en expiation de m£faits aht£rietirs.
Le nouveau grand- vizir donna de nouvelles preuves
de sa vigilance et de son amour pour la justice , en
frappant de revocation deux des premiers digni-
taires de TEtat , le tschaouschbaschi et l'aga des ja-
nissaires : Fun , pour avoir adjug£ l'h&ritage du riche
Kowanoszad6 de Tatarbazari a son gendre qui se r6-
volta depuis , Fautre pour s'6tre montr£ accessible k
la corruption (d<5cembre 1713— silhidj6 1 1 25). Deux
anciens mouftis , Ebea;ad6 et Atallah-Efendi, pour
«7*
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*6o HIST01KE
s'ttre permis contre le grand-vizir quelques propos
un peu trop libres, furent exiles k Trebizonde et k Si-
nope. On ^tait alors dans les journ£es orageuses da
solstice d'hiver, et, comme ils faisaient voile pour leur
destination respective, une temp&e gi terrible les as-
sail lit a la hauteur de Karassou, dans la Mer-Noire,
que le navire ou se trouvait Ebezade, c'est-a-dire le
fils de la sage-femme, fut englouti dans les flots de
cette mer inhospitaltere (d£cembre 1714 — silihdji
1 128). Sur la route de Trebizonde mourut £galement
l'ancien grand-vizir Kalailikoz, qui, r£voqu6 de son
gouvernement de Candie pour les pillages qu'il avait
comrais dans diflfcrentes eglises, avait 4&6 nomm6 beg-
lerbeg de Trebizonde par Influence de la sultane ,
son epouse (d£cembre 1714 — silhfcyS 1126). Une
perte plus sensible pour l'Etat et pour la science fut
celle du grand-juge de Roumilie , Aarif , fondateur
d'une medres^k Eyoub, auteur d'un ouvrage remar-
quable sur la prise de Candie et les guerres du pro-
ph&e , « livre ou les fleurs du style , dit Thistorio-
» graphe de TEmpire, ont des couleurs plus eclatantes
» que celies de la soie ' , et dont le parfum litt£raire
» est plus suave que celui de l'ambre le plus pur »
(28 octobre 1713 — schewwal 1125). Aarif figure
k la t&e des dix ecrivains principaux parrai les cent
poetes et savans qui moururent dans ces dix der-
t ttasrhid, IF, f. 99, et SchelkhizadA; 1 58 4™« biographic Sesouvragos
•ont Menahiilj oul-woussoul ila medaridjil-oussoul, c'est-a-dire, moyea
d'atteiodreles degrcs des principes ; ce livre est 6crit en langue turque ; puis
le Miradjiyc , po€me sur l'ascension du prophete.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 261
nieres ann&s , el dont les ouvrages m6ritent d'etre
mentionn£s. Ce sont : Ishak Khodja , auteur de plu-
sieurs trails astronomiques , philosophiques et judi-
ciaires, traducteur du Zamakhschari, pr£cieux ouvrage
de rh&orique intitul6 : Proldgomtnes pfulologiques ' ;
le prince des po&tes, Nabi, dont nous avons d^ja parte
et dont les ouvrages les plus remarquables sont : le
Don des Proverbes a , la Clef des Sept'*, un TraitS
sur les devoirs dupilerinage 4 , un Recueil de letlres, un
Recueil de poesies et le Compte-rendu de la victoire de
Caimemec* ; lestrois m£decins Schifayi, Schaaban et
Nouh-Efendi; le premier, traducteur des tegendes
du prophete, le second d'un ouvrage de m^decine fort
estim£< dont le titre est : la Guirison*, et d'un traits
sur la fete de la nativity du proph&e 7 ; le troisi&me ,
auteur dune traduction abr£g£e de l'histoire desreli-
> Mokaddemetol-edeb. Sa traduction est intitulee: Akssaol ereb fi ter- ,
djoumeii moukademeti-edeb. Ses autres ouvrages sont : lo Ishakiye,
traite sur 1'usage du cadran ; 2<> un traits sur la fixation du zenith; 3° des
gloses sur le commentaire de Befdhawi; 4° un commentaire surl'introduo-
tion du Tezhibol-manlik (eclaircissemens de la togique) ; 5<> des gloses sur
le tawcUii ( de Beldhawi) ; 6° idem sur le Schifa du juge Ayadh; 7» un
Erbain ou recueil de quarante traditions ; 8° un commentaire sur le Scha-
mail ou portrait physique du prophete de Termedi ; 9« le Wahdctname,
le livre de 1' unite, 16gende rimee du prophete; 10° le Sandoukatoul
tnaarif, botte aux sciences, traite des Inigmes ; U # un Inscha; 12<> un re-
cueil de poesies. Biographies de Schelkhi, n© 1492 et Safayi n° 17.
a Tohfetoul-emsaL.
3 Miftahi-heftegan. 402»* biographic de Safayi.
4 Tohfetoul-haremem, present des deux reliques.
& Ghazanemei-Kamenidja.
6 Schifaiyc'-Salim, n> 169. ;
7 Tedbiri-Mewloud. Sa biographic figure dans cefles de Schelkhi, sous -
kD«1425.
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*6i HISTOlltE
gions par Scherihstani ; Kara KhaKl-Efendi , autenr
d'un grand nombre dc commentaires , de gloses et
de trartes ■ ; Wahdi Ibrahim auteor dune traduction
abregee en langue torque des biographies dlbn Khal-
fikan % Aazim , cootinuateur da po£me romaniique
de Kafzad6 , intitule : Leila et Medjnoun ; Seki , com-
mentalear da glossaire rim£ en langue persane de
Schahidi ; enfin Schini , qui a fcrit la biographie des
achelkhs sous le litre $ Actions memorable* des
Scheikhs 1 . Tels furent les dfcnrioos de la centurie
litt£raire [i] do stecle, qui Itaient morts dans le cours
de ces dix dernteres ann&s.
Les intentions pacifiques que le grand-vizir, AH de
Nic£e i y avait manifestoes lors de son arrivle au pou-
\oir, et dont il avait fait preuve lorsqu'il s'etait agi de
> 1» sor Taschhtxprizadd; 2© sur YEdabi-Miri; 3» sor le Tehxib de
Noon (logiqoe) ; 4* sur le Bourhan de Firari ; 5° sur la philosophie de
Lari; 6» sor le commeotaire de YHiimelol-am, philosophic dela ma-
ture; 7© sur YAkaxd de Djcbleddin (dogroe); 8© sur YhbaH-ttadj$>,
e'est-a-dtre demonstration indispensable; 9» sor le fragment da l&ovlteka;
10© sur le Tawalu d' Isfahan* ; ft© un traitf sor I'exegese de ee ?erset da
Koran: Dam set mains est la toute-ptrissance ; 12© an trait* expticatif ,
de ce verset da Koran : Dans ta main est la source d* touttdcn. Sa bio-
graphie est la 1542"" do recoefl deSchdkbi.
> Sons le titre de Tedjrid. Sa biographie est la f 588«« da recoefl de
Schelkhi. II est egalement l'aoteor d'on oommentaire sor Ylsbat de Beld-
bawi et de plosieors aotres.
3 Tezkeretoul-meschaikh. Sa biographie est la 92«« do recoefl de Sa-
lim, etla934°» de celoi deSafayi et la 1730-© de eelai de Schelkhi
4 Ferrari s'est tromp6 dans ses Notizie kistoriche delta lega ha Vim-
peratore Carlo IV e la republica di Venexia (1736), p. 24 ; il fait d'AB
on Bforeote et loi donne le surnom de Diabte, denomination qoe plosieors
grand-vizirs ont assortment meritee et obtenoe, mais noa pas Ali de
Kicee.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. *63
conclure unepaix definitive avec la Russie, servirent
puissampient d'un autre cdt6, lesprojets guerriers de
la Porte , notamment contre la r6publique de Venise ,
dont la faiblesse, l'inaction et la neutrality arm£e dans
les guerres europ&nnes que venait determiner la paix
d'Utrecht, excitaient Tempire ottoman h l'attaquer de
nouveau. La Porte trouva le pr&exte d'une declara-
tion de guerre dans quelques collisions entre des vais-
seaux turcs et venitiens, et dans les vexations qu'eut
& subir le navire qui devait rapporter Th^ritage de
l'ancien grand -vizir, Hasan-Pascha, k son Spouse, la
sultane Khadidje, et aux femmes de son harem , non
moins que dans une insurrection des habitans de Mon-
tenegro , foment£e par Venise pendant la derntere
guerre avec la Russie. Par une circonstance assez ex-
traordinaire, le pillage d'un navire appartenant au ha-
rem avait donn£ ^galement le signal de la guerre de
Cr&e, et cette fois le pillage des tresors appartenant
au harem de Hasan-Pascha fut I'&incelle incendiaire
qui devait embraser la presqu'lle de Mor£e, comme
jadis Tile de Candie. Les 6v£nemens de Montenegro
eurent un caractfere plus s£rieux et plus alarmant, et-
il devint urgent d'op^rer la pacification de cepays. Le
paschadeBosnie, Noigpuman, le dernier Koeprulu qui
ait ete grand- vizir, fut charge de marcher contre les
rebelles avec les troupes des paschas de Scutari et de
Hersek. Battus k Zwornik, les Montenegrins s'enfui-
rent dans les cayernes situees aux environs de Cattaro
sur le terriloire de Venise (1 3 octobre 1 7 1 4 — 4 schew-
wal 1 1 26). Apr&s un combat de sept heures, its furent
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264 USTOIRE
en partie massacres et en partie chasses de celte re-
traite; mais le vladika des Montenegrins , leur chef,
qui, troisansauparavant , leur avait reparti t rente- cinq
mille ducats apport£s de Russie, s'enfuit a Cattaro.
LA, malgr£ la proinesse que jusqu'& ce jour le com-
mandant-g£n£ral avait faite a Koeprii'.u, de ne donner
asile a aucun rebel le , non-seulement il fut accueilli,
mais mime le chef v£nitien refusa de le li vrer aux otto-
mans '. Nououman fit dresser procfes- verbal dela no-
tification faite a ce sujet par Hnterprfete venkien a et ce
document dont on fit lecture au diwan , deeida la
rupture. I^a declaration de guerre ressortit d'un mani-
feste congu en quatorze articles 3 , dont le premier &ait
relatif au pillage du vaisseau appartenant au harem de
Hasan-Pascha, le dernier aux affaires de Montenegro,
et les douze autres & diverses vexations exerc^es a
bord de na vires ottomans , et groupies de maniere &
ce que Ton suppos&t Texistence <Tun systfyne r^gulier
de pillage et d inimitie contre la Porte au m£pris de
la paix < (9 dteembre 1 7 1 4 -r 2 silhidje 1 1 §6).
' Le manifeste contre Venise donne a ce vladika le nora de Gikan. II
est appelg ainsi dans un excellent recueil de pieces diplomaliques, qui se
trouve en ma possession et que, pour le distinguer des autres , j'appellerai
Jnscha vtoitien ; c'est une des sources les flus precieuses ou j'aie puise les
materiaux de cet ouvrage.
a II est designe* dans ce manifeste sous le nom de Giovanni. Raschid , II
f/100.
3 Voir le rapport de Fleischmann, intitule : Manifettum contra Venetos
per Asiam primis 10 diebas tilhidje 1126 (d£cembre 1714).
4 Ferrari et tous les autres historiens de la republique passent ces faits
sous silence: en general, ilne faut chercher qu'une verite negative dans
les histoires v&utiennes qui datentdu dernier siecle.
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DE L'EMPIHE OTTOMAN. a65
Le mois suivant, les queues de cheval foment arbo-
r£es au serai imperial , en presence des vizirs et des
&nirs, des scheikhs et desoul&nas convoqu£s kcet
effet ()] Janvier 1715 — 5 moharrem 1127 ).
Deux mois apr&s , elles furent transporlees du serai
de la Porte au camp de Daoud - Pascha , ou se
rendirent d'abord les corporations , puis les troupes
avec toute la pompe usitee en pareille circonstance
(7 mars 1715 — 1 er rebioul-ewwel 1127) 1 ; enfin le
Sultan quitta lui-m&ne le serai avec l'etendard sacre ,
aprfes qu'on y eut recite les sourres de la vicloire et de
la conqufite (1 4 mai 1715—8 rebioul-ewwel 1 127).
Quatorze jours aprfes , le souverain remit Tetendard
sacr6 au grand- vizir serasker, et tous deux se mirent
en route avec Tarm£e Ydont la marche &ait ordonnee
de telle sorte, que le Sultan n'&ait que d'une station
en arri&re du grand-vizir.
A Andrinople , le Sultan descendit a Bourni Pam-
boukli (nez de coton) , & droite de la fontaine de V Archer
(9avril 1715 — 4 rebioul-akhir 1 127) ; le lendemain,
il passa les troupes en revue et campa ensuite dans les
champs deTimourtasch t qu'a trois jours de distance,
lesjanissaires, les topdjiset les toparabadjis abandon -
' Les corporations , le 5 rebioul-ewwel (9 mars) , les janissaires, les
djebedjis et les topdjis, le 5 rebioul-ewewel (II mars) , Raschid, II, f. 104.
a Jeri primo Aprils e partita la Corte per Adrinopoli preceduta di
15 Giorni dal Aga dei Gianizari. II Capitanbassa montava la nave a
3 ponti , dopo vestito ma nelV istesso tempo minaciato dal G. & delta
testa se non combatte. Sta sotto alle isole con 7 anvi. Le altre 12 navi
compresse le due palandarie sono poste a Besiklas. Le secretaire Fran-
<*schi, alors aux Sept-Tours, 1715. Archives rtaitieunes.
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266 HISTOIRE
n&rent pour marcher en avant. Jusqu'alors, dans les
campagnes pr£c£dentes , on avait attendn k Andri-
nople le jour de Khizr (saint Georges), gardien dela
source de vie , qui donne la verdure aux plaines et la
seve aux arbres , epoque k laquelle les chevaux sont
habitue] lement mis au vert ;mais, cettefois, dans la hate
ou Ton etait d'assi£ger les forteresses de la Mor£e, on
r£solut de passer k Selanik le temps des p&turages.
Lorsque le grand-vizir partit, le Sultan l'accompagna
jusqu'a la plaine situ£e pr£s le village d*£mirli , dont
la mosqu^e fut reconstruite k cette occasion (19 avril
1715 — 14 rebioul-akhir 1127). Le serasker donna
a Parage Tordre formel de respecter les r£coltes des
sujets ottomans , et, comme les prairies de Selanik ne
suffisaient pas k la nourriture des chevaux f celles de
Seres furent assignfe , pour huit jours , aux sipahis et
aux silihdars. La flotte qui, lors de la lev£e du camp,
avait £galement quitt£ Constantinople, &ait arriv^e en
mfime temps que l'arm£e k Selanik , ou le kapitan-
pascha prit k son bord deux enormes canons du calibre
de trois cents, destines au siege deTineh. Des trois
mille hommes dont se composait le contingent de Far-
m£e 6gypti$nne , on avait coutume autrefois de laisser
k bord 1'infanterie et de ne debarquer que la cavalerie;
mais, comme on manquait au camp du n^cessaire, pour
monter la cavalerie egyplienne, on ne debar qua que les
quinze cents fantassins , et on laissa sur la flotte les
quinze cents cavaliers. Avant de quitter le grand-vizir,
le Sultan fit l^preuvedu Fahl, c'est-k-dire, qu'il cher-
cha un presage du bon ou du mauvais succes de la
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 267
campagtie, en ouvrant au hasard tin livre saint 011
classique. II prit celui qui est intitule : VOrient des
Jurmeres prophdtiques \ c£l&bre recueil de traditions,
l'ouvrit avec son ongle et tomba heureusement sur
le passage suivant : Vous canquerrez un pays ou le
Karat a court; traitez-m bien les habitant, car Us
vous sont sounds et ddvouds \
Le premier mai , le Sultan leva son camp de Kara
Khalil 3 , tra versa Larissa, en d6ployant unegrande
pompe dans sa marche, et alia camper le lendemain
matin de l'autre cdt£ de la ville, dans la valine du
Tombeau*. A Thebes ,le serasker tint un conseil de
guerre pour savoir de quelle forteresse de la Moree
on devait commencer le stege , ou bien si Ton devait
envahir dun seul coup la presqu'ile toute enftere.
Comme personne n'&nettait ou ne voulait Imettre un
avis , le serasker chargea le beglerbeg de Diarbekr,
Kara Moustafa , de s emparer , k la t&e de quarante
mille hommes, du chateau de Mor6e ; en m&ne temps,
il interrogea le sort sur les r£sultats de ses mesures ,
en ouvrant au hasard le diwan du sckeikh mystique
Hafiz, Tinterprete des secrets surnaturels, dont les
vers lui furent favorables 5 . Mais lanouvelle que Ton
* Mescharikol-enwar en noubouwiyet, par Sifati, mort en 950 de l'h6-
gire. Raschid, II, f. 107.
2 Seteftehoune erzen youzker fiha el kirat, feVstoussou bikhliha khairen
feXni lehoum zimmetoun we* rahmen.
3 Kara Khalil Tschafri.
4 Tourbe owasi ; Raschid, II, f. 109
s Terdjimani esrari ghatb; Raschid,II, f. 110. Vofla quels ttaient ces
Ters (Hafif, chez Cotta, 11^ partie, p. 536) :
I4 ciel conduit let chevaux de parade du tchah
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a68 HISTOIRE
regut de la prise de Tineh fut un presage plus heureux
encore; le prov£diteur Bernard Balbi, qui comman-
dait dans cette place, se laissa influencer par les Grecs
qui ne s'y trouvaient qu'en trop grand nombre 3 et la
rendit aux Turcs sans essayer de la d&endre. On prit,
parmi les pieces d'artfllerie, trente-cinq canons que
Ton r£partit sur quirrze vaisseaux de la flotte, et deux
cents families catholiques furent conduites sur les
c6tes d'Afrique. Cetle conqu&e , que tant d'amiraux
c£l&bres avaient entreprise, tels que Kaplan, Koesedj
Ali et Mezzomorto, qu' Ahmed Koepriilu lui-m&ne
n'avait ose tenter, fut l'ouvrage du kapitan-pascha
Djanum Khodja. C'&ait un Turc originaire de Coron,
qui, dans la demise guerre, avait &6 fait prisonnier a
Imbros, avait pass£ sept ans sur les galores de Venise
et qui, rachete plus tard au prix de cent ducats , faisait
maintenant trembler cette mdme flotte, sur la quelle il
avait autrefois servi comme esclave. ATh&bes, on passa
en revue les six regimens de la cavalerier^guliere, on
distribua les munitions de guerre que Ton avait fait
venir de Negrepont, et le gouverneur de Haleb, avec
les troupes feudataires d'Anatolie, fut charge du trans-
port par terre de I'artillerie de stege. Le chambellan
Topal Osman , nomme depuis peu chef des Marto-
loses 1 , regut une gratification de onze cents piastres,
Les anges mettent la main a ses etriers
Regarde V esprit qui connait les chases cache'es
II envoie des baisers du haut des deux.
( Dans Baschid , par suite (Tune faille d' impression , il y a Fikk au lieu de
Mclek et Nam au Wcu de Bern).
> Martolosbascbi.
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DE L'EMMRE OTTOMAN. 369
parce que ses miliciens avaient fait trois prisonniers ,
dans un combat qu'ils avaient soutenu contre quatre
cents V&iitiens , pr&s de Napoli di Romania. Comrae
les troupes feudataires d'Anatolie , constamment oc-
cupies k trainer les canons sur une route qu'il fallait
deblayer et 61argir k chaque pas , par une tr£s-forte
chaleur, &aient vivement tourment£es par la soif, le
serasker leur adjoignit des porteiirs d'eau dont cha-
cun regut deux ducats. C'est ainsi que Ton parvint
a rendre praticables les chemins qui conduisent de
Thebes a Corinthe, par les stations de Mazi, Meghara
et Mersinlik. Le 1 juin, le serasker franchit l'isthme de
Corinthe et entra sur le territoire deMor£e (24 djem-
azioul-akhir 1 1 27 — 27 juin 1 7 1 5), On ctebarqua dans
la baie de Djehriz (Kenchraea) les provisions de bou-
che que Ton avait fait venir de Negrepont.Le stege
du chateau de Corinthe dura trois semaines. Deja Ton
avait tout dispose pour l'assaut; vingt millejanissaires
se trouvaient k Taile gauche , deux mille sipahis et
cinq cents djebedjis vblontaires k Taile droite, et le
chef des Marloloses , Osman le Boiteux , avec deux
mille lewends (miliciens) , devait le diriger, lorsqu'a
la home de Venise , le ch&teau se rendit , a condi-
tion que la garnison pourrait se retirer sans 6tre in-
qui&6e [n] '. Mais un magasin a poudre ayant saut£,
soit par hasard , soit parce qu'on y avait mis le feu ,
comme les Turcs et les Venitiens s'en accusent reci-
proquement, la capitulation fut violee, et eel accident
> Raschid, f. 114. La date n'est indiquee que parRaschid et doo par
Ferrari.
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a 7 o HISTOIRE
fut le signal d'un pillage general, et da massacre
desGrecs et desVenitiens, sans aucune distinction, an
grand regret du serasker*. Le providiteur Minoto
lui-m6me fut emmend comme esclave , et ne dut sa
d&ivrance qu'anx efforts de la femme du consul hoi*
landais k Smyrae , madame de Hochepied , remar-
quable par sa haute raison et F&iergie de son caract&re.
A la nouvelle de la chute de Corinthe, les Grecs
d'Egine prferent le kapitan-pascha de les delivrer de
la tyranniedes V6nitiens a ; ceux-ci ayant ensuite de-
mande qu'on permit a la garnison de se retirer libre-
ment, Djanum signa le capitulation et envoy a au Sultan
les clefs du chftteau (7 juillet 1715 — 5 redjeb 1 1 27),
Apr£s la reddition d'Argos, Tarm6e se divisa en deux
corps , Tun pour assizer le ch&teau situe sur le mont
Palamidi et qui domine la vilJe de Napoli di Romania ;
1'autre pour faire le stege de cetjte forteresse,. Turk
Ahmed-Pascha et le second lieutenant-general des
janissaires, furent charges de l'attaque du c6t6 de la
porte principale de la \ille, et le beglerbeg de Rou-
milie, Sari Ahmed, ainsi que l'aga des janissaires, de
celle du fort Palamidi. Le siege ne dura que huit
jours, parce que le grand-vizir, fatigu£ de la mafche
ordinaire des tranchees, pr£f&a dormer I'assaut. U
> Raschid, II, Bl. 114; Ferrari;p 45.— Raschid dit quece sont lessoldats
Y&ri'iens qui ont mis le feu aux poadreset Ferrari en accuse les janissaires.
a Raschid, II , f. 1115, et Ferrari qui est d'accord avec lui r molti greet
di quel regno si reputaro no felici col ritornaren$lle braccia deiTurchi,
quantunque da loro oppressi, non sapendoche allro addurre per iscusa
frivol* se non che i ioldatt si fo$sero conciliati I'odio col fare delle con-
cussioni sopra di lofo.
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DE L'EMPIllE OTTOMAN. 271
encouragea par de riches pr&ens ceux qui se distin-
guaient par leur courage. Un sold at, qui avait arrache
du rempart le drapeau de Saint -Marc, regut une
bourse remplie d'argent et fut autorise k porter sur
son turban une marque distinctive (4 juillet — > 1 2 re-
djeb),; un sipahi ayant poursuivi un V£nitien bless£,
qui avait enlev£ un drapeau, et l'ayant atteint et plac£
sur son cheval , regut en recompense deux cents
piastres et sa paie journalise fut augments de dix
aspres. D'autres qui , pendant la nuit, avaient tire des
canons, avec des cordes , hors des fortifications, re-
gurent de m6me une bourse d'argent. Les Turcs
etaient enflammes dun tel courage que, des le hui-
tieme jour du stege, ils donn^rent 1'assaut sur le mont
Palamidi, et que le lendemain la forteresse tomba en
leur pouvoir. La garnison, cornmandee par leprov^-
diteur-g6n6ralBono, avait fait son devoir; mais apres
la prise du fort Palamidi, la ville, canonn£e du c6le
de la montagne , pouvait 6tre r£duite en un monceau
de cendres. En outre, la garnison n^tait composee
que de mille sept cents homines, et les Grecs, las dti
joug des V6nitiens catholiques qu'ils delestaient plus
encore que les musulmans, ne voulaient pas com-
batlre, quoiqu'ils regussent une solde d'un ducat par
jour; enfin Napoli succomba, parce que parmi les
troupes de la garnison , il se trouva des traitres ; le
colonel Sal , qui avait fait tirer sur eux, fut mis en
pieces par le peuple. Les Grecs, qui avaient aide les
Turcs k escalader les murailles, furent les premieres
victimes de leur trahison ; TarctoevSque Carlini p£rit
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a 7 a HJSTOIRE
avec d'autres pr&res ; la \ille fut livr£e au pillage, le
butin fut si considerable , que non-seulement il suffit
aux cent vingt mille assiegeans 1 , mais que m£me plu-
sieurs de ces derniers en retirferent jusqu'a dix et
vingt bourses d'argent. On y trouva une grande quan-
tity de canons en airain et en fer, de poudre et de
plomb. de boulets, de bombes et de grenades*. Le
Sultan, qui regut Theureuse nouvelle de cette conqu&te
sur TAlpe deDespotyaila, vint lui-m&ne a Napolipoui*
voir la ville et le fort du mont Palamidi. Une lettre au-
tographe, remplie d'eloges, accompagna les v&emens
d'honneur dont on decora les officios 3 ; les 6glises
et les cellules furent de nouveau transformees en mos-
qu£es et en lieux depri&re, et Taga des sipahis. Osman,
fut charge de la garde de cette nouvelle conqu&e.
Vers la .fin de juillet, le kapitan-pascha regut o*dre
de se rendre k Koron avec la flotte; l'artillerie de si6ge
deNapoli fut embarquee pour Modon ; huit jours apr6s
le gr?md-\izir sy rendit lui-m&ne avec son arm£e
(30 juillet 1715 — 28 redjeb 1 127). Les fiers monta-
gnards de la Maina se soumirent, Khielafa et Sernata
se rendirent sans coup-f&rir, et lespeuples soulevesse
trouverent de nouveau domptes et replaces sous le joug
■ Raschid, IF, f. 117. II dit que primitivement les janissaires ne devaient
dire que 40,000, mais que lant de volontaires gtaient accourus de 1'Asie-
Mineure, pour se sonstraire aux impositions , quel'armee se trouva forte de
120,000 hommes.
a 126 canons, 20mortiers, 239 quintaux de fer, 1664 quintaoi de plomb,
34,697 boulets , de trois a yingt-quatrelivres; 121,115 bombes, 2,930 gre-
nades de fer et a main; 2,320 grenades a bouteille; 20,000 quintaux de
poudre. Baschid, II, f. 116.
b Le meme, f. 119, sa lettre autographe tout au long.
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DE,L'EMPIRE OTTOMAN. *tf
du vainqueur 1 . Les Turcs avaient assis leur camppr£s
des moulins de Begoghli, situ£s entreKoron, Modon
et Navarin, h quatre lieues de distance de chacune de
ces trois villes, lorsqu'ils apprirent que les enneniis
n'avaient pas l'intentioji de dtfendre Koron et Navarin,
et qu'ils avaient transport^ toutes leurs richesses a Mo-
don (1 5 redjeb 1 1 27 — 1 7 juillet 1715). Deux begler-
begs furent charges de prendre possession des villes
abandonees et le serasker marcha sur Modon, ou
arriva aussi la flotte qui, lors du stege de Napoli di
Romania, avait dirig£ une attaque malheureuse con*
tre Pavesa K A l'approche de la flotte turque, l'escadre
v£nitienne se retira , et le silge fut pouss£ avec la
plus grande vigueur par les asstegeans , et soutenu
avec le plus grand d£couragement par les assi£g£s ,
paree que toutes les troupes se soulevaient. Dans le
chateau , dans le mandrachio , sur le rempart Saint-
Antonio, k la porte Saint-Marc, les soldats &aient en
pleine insurrection , et malgr£ tous leurs efforts , les
braves g£n6raux Pasta et Jansich, ne purent la r^pri-
mer. Pasta n£gocia une capitulation pour obtenir des
. conditions favorables, et le beglerbeg de Roumilie,
Ahmed-Pascha, venait d'accorder une trfrve, lorsque
le grand-vizir rompit toutes les negotiations, de peur
que I'arm£e ne fitt priv6e de butin. Les troupes d<5-
1 Kerdmi oussyanleri zindjiri teseMrj rabt oloundi , c'est-a-dire :
on j eta la chainede la conquite autour du cou de la revolte. Raschid, II,
Bl. 122.
9 Raschid, Bl. 118,. le mardi 15 redjeb; e'est ineiact, parce que le
1 5 rctijeb ttait un mercredl.
t. itiw ' i3
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* 7 4 HISTOIRE
courages ou soulev6es abandonn£rent les remparts ,
et les Turcs p£n&r£rent dans la ville sans obstacle.
Le grand-vizir abusa l&chement de ce succds en outra-
geant et en faisant charger de chaines les malheureux
dtfenseurs de Modon. Vincent Pasta tomba entre les
mains des lewends, qui le tratn£rent devant le kapi-
tan-pascha. Celui-ci se rappela quelques lagers ser-
vices que Pasta lui avait rendus pendant qu'il servak
comme esclave sur les gal&res de Venise, et lui t&noi-
gna une grande reconnaissance. Non-seulement il d6-
fendit la t£te de Pasta devant le grand- vizir, mais 3
accueillit encore avec humanity les autres officiers
v£nitiens que Ton avait tratn£s k bord de la flotte; il
fit donner k chacun d'eux des habits et dix reichstha-
lers, et Pasta obtint en outre un esclave pour son
service personnel. L'esclavage dans lequel il avait
v£cu pendant sept ans sur les gal&res de la r£pu-
blique n'avait pas &ouffe en lui le sentiment de Fhu-
manit6, et sa noble g£n6rosit6 fait paraitre plus hi-
deuse encore l'indigne prodigality du grand-vizir, qra
offrit, k Modon, trente reichsthalers pour chaque tfite
de chr&ien vivant qui lui serait amen£, pour avoir le
plaisir de faire d6capiter ces malheureux par centaines
devant sa tente (1 7 aoflt 1715).
A la nouvelle de la prise de Corinthe et deNapoli
di Romania, le chateau de Mor£e se rendit au beg-
lerbeg deDiarbekr, Karai Moustafa, qui avait &6 d6-
tachi du camp imperial avec quarante mille hommes
pour en faire le stege (1 er sch&ban 1127 — 2 aotit
1715). La prise de Modon fut suivi de pr£sdecelle
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DE L'EMPIAE OTTOMAN, a 7 5
de Malvasie et de Cerigo. Suda et Spirtalonga 1 , leg
seuls postes occup£s par les V^nitiens dans 1'ile de
Cr&e, voyaient se perp&uer dans la personne de
leurs com man dans, Louis Magno et Francois Gius-
tiniani, l'antique valeur du Lion de Saint-Marc. Ces
derniers se defendirent avec courage ; mais laiss£s
sans secours par la flotte de Venise, ils capituterent
au mens de novembre 1715, et d£s-lors la r£publique
ne posseda plus une seule de ses ties de l'Archipel.
Le Sultan se trouvait a Seres, lorsque lui parvint la
nouvelle de la prise du chateau de Moree, de Navarin
et de Modon. Comme les queues de cheval £taient
deja sur la route d' Andrinople, on les fit revenir, afin
de c^l^brer ce triomphe par des ffetes qui dur^rei>t
trois jours, et pour recevoir les felicitations des hauts
dignitaires de l'empire et des ambassadeurs des puis-
sances amies (26 sch&ban 1 1 27 -r 27 avrU 1 7 \ 5). On
61eva ensuile les queues de cheyal dans la plaine de
Tubna, et le Sultan retourna & Andrinople.
De son c6te, le grand-vizir prit les mesures neces-
saires pour 1 'administration de la Mor£e. La descrip-
tion de cette ville , qui renfermait alors deux mille
local ites, fut confine a huit commissaires, et deux au-
tres furent charges de celle de File de Tineh qui
> A r occasion de ce recit, Raschid, II, Bl. 131, s* engage dans
uneloogue digression a propos de la conquete de Candie, et il rapporte
^observation que le moufti Ebusaldzade* ajouta dans son exemplaire
duFerlite de Hadji Khalfa, aucbapitre de la conquete de Candie., savoir :
c que ce fut une honte d' avoir laisse* Suda au pouvoir des Venitiens apres
t une guerre qui avail dure vingt-cjnq ans. t
18*
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*j6 H1STOIRE
comptait soixante-deux villages. Damad AH ordonna
la revision des r61es description des sipabis et des
silihdars, et fit observer une discipline rigoureuse. Des
si pah is, feudataires de Mentesche et de Khoudawend-
kiar, qui pendant la marche avaient pressure des
sujets musulmans, au.mlpris des ordres les plus se-
v6res , avaient 4t6 ex£cut£s d£s avant le si£ge de Mo-
don ; des musulmans renegats, c'est-k-dire des Turcs
qui , pendant la domination v£nitienne , avaient em-
brass6 le christianisme, sans pour cela cesser de porter
le turban blanc, subirent alors le m£me sort k Misitra.
Apr& que les gouverneurs des forteresses nouvelle-
ment conqubes eurent et£ nomm£s , le grand - vizir
regut k Napoli le silihdar du Sultan , charge de Iui
remettre une lettre louangeuse , et de distribuer , au
nom de son malt re, des sabres et des pelisses d'hon-
neur k tous les officiers de r&at-major *. En revan-
che, un ferman de bl&me fut envoy6 au vizir Moustafa-
Pascha, gouverneur de Bosnie , les armes*bttomanes
n' ay ant pas &6 aussi heureuses en Albanie'et en Dal-
matie. Le provediteur Angelo Emo s'&ait empar£ des
places de Zazuina, de Plauno et de Stanizza, afin d'a-
grandir le territoire de Sing et de Knin. Le vizir avec
les beglerbegs de Perzerin , de Zwornik , de Klis et
d'Hersek, les troupes du beglerbeg de Mer&sch et cinq
mille Tatares commandes par le noureddin , parcou-
rut le pays qui s'&end depuis Cettina jusques vers la
mer, portant partout le fer et le feu, et d£peuplant les
* Raschid , II, Bl. 128, donne la lettre aato^raphe tout au long.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. a 77
villages. Cest ainsi que leshabitans de l'ile Oltock, au
nombre de trois cent soixante, avaient tous &6 mas-
sacres. Le vizir fit le si£ge de Sing, mais le franciscain
hongrois Etienne, inspire de 1 esprit du grand Capis-
tran, sut communiquer son courage aux assi£g£s, et le
serasker fut forc6 de se retirer. D'un autre cdt£, les
Venitiens avaient abandonne S. Maura, aprSs avoir fait
sauter les fortifications (6 silhidj£ 1 127 — 3 d£cembre
1715). Deux jours apr£s, le grand-vizir leva son camp
de Napoli, el quitta la Moree apr&s cent et un jours
qui lui avaient suffi pour faire la conqu&e de la pres-
qu'ile. II permit alors aux deserteurs, que Ton avait
ten U8 en &at d'arrestation pendant la campagne k Gal-
lipoli et k Scutari, de retourner dans leur pays. On
rappela dans leurs anciennes demeures les habitans
de la Mor£e qui avaient pris la fuite. L'hiver &ant
d£j& fort avanc£, Da mad, au lieu de dlployer, comme
par le pass£ , l'&endard sacre du Proph&te et de le
faire porter a la t6te de Tarm^e, ordonna, de peur de
]'intemp£rie de la saison, de I'envelopperd'&offes en
satin et de drap d'or, de le d£poser dans le coffre pr£-
cieux destine a cet usage , et de le conduire ainsi sur
un char & Constantinople. Le grand-vizir ne resta
qu'un jour k Larissa, pour rlgler le paiement de la
solde des troupes ; il ne s'arr£ta ni k Selanik ni k
Seres; mais, passant par Demitoka et Youndtschai'ri,
il se.h&ta d'arriver k Andrinople, oiiil fit son entire
en vainqueur et en triomphateur '.
* Raschid, f. 135, et le Rapport sur la conquete de la Moree , comme
appendice de YInsoha de NaW, no IfO.
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a 7 8 HISTOIRE
Le conqu&ant de la Mor& 6tait non-seulement an
guerrier, mais encore un homme d'Etat, et ses institu-
tions prouvent, comme ses victoires, qu'il dlait digne
du poste le plus 61ev£ de l'Empire, celiii auquel est
attach^ le pouvoir le plus Itendu en temps de guerre
comme en temps de paix. Vers le milieu du regne du
sultan-Mohammed , l'6cole des pages de Galata avait &6
supprim£e , et les revenus de cette institution avaient
servi k cr&r des places de muderris qui portaient le
titre de professeurs d' Ibrahim -Pascha , de premiere
et seconde classe. Ali ne fut pas plut6t nomm6 grand-
vizir , qu'tt rendit k cette institution sa premiere desti-
nation ; il nomma un grand-maitre , des prfoepteurs ,
des pr&Iicateurs et des mailres pour diriger Vensei-
gnement des pages , qui &aient nourris et 61ev6s dans
cet &ablissement pour le service du serai et de l'Etat
(moharrem 1127— Janvier 1715). II conserva Tordre
d'avancement &abli dans le corps des oulemas , et,
bien que le moufti, c£darit aux pressantes sollicitations
du kaimakam, eftt nommi, contre toutes les regies,
k une place de professeur, le fils de ce dernier, &g6
settlement de onze ans, il enleva sa place k ce jeune
enfant et reprocha au moufti l'irr£gularit£ de sa con-
duce; le kaimakam Iui-m6me fut destitu£ bienl6t
apr6s et envoy£ comme gouverneur k Kaflfa , oii il fut
execute. Par cet acte de rigueur, Tordre de gradation,
par lequel doivent passer tous ceux qui veulent soe-
ver aux plus hautes dignit6s, fut de nouveau r£gl£ dans
l'esprit de la loi, et Ton satisfit ainsi tout le monde.
Aussi, lorsque, plus tard, dans une assemble pr£sidee
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DE L'EMWllE OTTOMAN. a 79
par le grand- vizir, et dans laquelle il s'agissait de
nommer aux enplois les plus £minens de l'Empire, tel
qu'& ceux de reis-efendi, de defferdar, d&nischandji,
celui-ci voulut Clever a cette derntere dignity son
plus intime confident, rbistoriographe de l'Empire,
Raschid, qui occupait une place de muderris, ce der-
nier refusa, en disant qu'il pr6f£rait se soumettre k
la hierarchic Les secretaires d'Etat qui etaient presens
rest&rent saisis d'&onnement et gard&rent le silence;
le grand-vizir lui-m&ne, f&cM de ce refus, fut quel-
ques instans sans repondre, mais enfin, reprenant son
affability ordinaire, il dit, pour tranquilliser I'historio-
graphe : « Je sais que vous autres, oul6mas, vous,
» convoitez les emplois de ceux qui vous precedent
» imm^iatement , comrae le font les agas du serai;
» chaque pageambitionne le poste de silihdar, et, dftt-il
» quitter la charge de tschokadar pour 6tre rev&u de la
» dignity de grand-vizir, il ne regretterait cependant
» pas moins toute sa vie de ne pas avoir &£ nomm6
» silihdar; de m£me vous , du jour ou vous 6tes entr^s
» en fonction comme muderris , vous poursuivez ,
» sou vent inutilement, pendant quinze ou vingt ans un
» grade plus £lev£. Soit, tu sais ce que tu as k fairer
11 fut si loin d'en vouloir de ce refus k 1'historiographe
de l'Empire, que celui-ci regut peu de temps apr&s
une lettre autographe dn Sultan , qui lui conf&ra une
charge plus £lev£e de muderris, et cela sans qu'on
etit paru vouloir se conformer aux regies de la hi£-
rarchie. Le m6decin du Sultan (qui est toujours
pris parmi les oul&nas), Mohammed de Yenibagdj£
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a8o HISTOIRE
qui, se reposant trop sur la faveur du grand - vizir,
s'etait permis de discourir sur des questions de poli-
tique hors <le sa competence , fut destitu£, et , a sa
place, Omer-Efendi de Smyrne fut nomm6 reis des
m^decins. Le moufti Mahmoud-Efendi , qui avait
fait bannir ses deux pr£d£cesseurs, et dont Tun s'etait
noy6 sur la route de Sinope, fut destitu£, l'opinion
publique s'£tant d£clar£e ouverlement contre lui lors-
qu'on apprit la mort dun de ces exiles'; il fut rem-
plac^ par Mirza Moustafa-Efendi, qui avait d£j& trois
fois rempli les fonctions de grand-juge. Ce fut pendant
que ce dernier &ait revfitu de cette dignity, que Ton
mit fin, par un khattischerif, k la vente et k l'exagdra-
tion du nombre des emplois de moulazim, c'est-k-
dire d'aspirant k 1'emploi de recteur. On d&endit la
vente de ces charges et Ton en restreignit le nombre,
en sorte que d£sormais le moufti ne put distribuer
que seize places de ce genre, le grand-juge de Rou-
milie huit , celui d'Anatolie et le chef des Imirs six,
les juges de la Mecque et de Jerusalem chacun cinq ,
le medecin des grands-vizirs et l'imam de la cour
quatre. On decida en outre que chaque muderris qui
avancerait en grade 1 , c'est-k-dire qui obtiendrait une
* Sounouni not tahkik oulounmaghitschoun , c'est-a-dire , pour faire
taire l'opinion du public. Raschid , II , Bl. 101.
9 Raschid, II, Bl. 106. Les grades sont indiques depute les plus
infeneurs, savoir : lo moussilel Sahan, c'est-a-dire adjoint des Huit
a la mosquee du sultan Mohammed ; 2<> Sahan, c'est-a-dire muderris a la
mosquee du sultan Mohammed ; 3° altmischli , c'est-a-dire un des
soixante; 4<> moussilerSoulelmaniye' , c'est-a-dire adjoint a la mosquee
du sultan Soulelman ; 5° Soulelmaniy6, c'est-a-dire muderris a la mosque*
du sultan SouleTman.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. a8i
des places plus £lev£es de juge on de moll a, aurait
droit & un moulazim (aspirant) qui porterait le titre
de r£p£titeur. Le moufti Mirzasade Monstafa perdit
bient6t apr£s sa place, et voici de quelle mani&re. On
avait eu Tadresse de faire tomber entre les mains du
Sultan une plainte en vers dirigle contre les deux
grands-juges Damadzad£ et Hamidzad6; ce pamphlet
indisposa tellement le Sultan contre ces dignitaires
qu'il les destitua , et qu'il nomma & leur place deux
hommes non-seulement tr£s-vers£s dans la science
des lois , roais encore tr6s-estim6s comme £crivains :
c'&aient Ouschakizade Esseid Abdoullah, l'auteur
des biographies des oulemas et le continuateur du
biographe Atayi , et Abdourrahim , l'auteur de la
grande collection des fetwas , r^cemment imprirale
a Conslanlinople. Le Sultan ne se contenta pas de
destituer les deux grands-juges, mais il donna encore
l'ordre au kaimakam de Constantinople de chercher
k decouvrir les auteurs de la satire , et comme on
apprit que ces derniers faisaient partie de la suite du
moufti , celui-ci fiit destitu£ et eut pour successeur le
savant Abdourrahim (13 djemazioul-akhir 1127 —
15 juin 1715). Trois juges furent accuses d'etre les
auteurs de cet £crit ; deux s'enfuirent aussit6t, et le
troisteme , Djezbr Ibrahim , fut conduit en presence
du Sultan qui se Irouvait alors sur l'Alpe de Rho-
dope. Djezbi Ibrahim s'avoua l'auteur'de cette satire
rimee, mais il accusa les deux autres de l'avoir engage
a T^crire; ceux-ci, ayant &6 d^couverts et confronles
avec lui, nierent toute complicity Alors le kaimakam
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a8a HISTOIRE
de retrier imperial appela le moufti, les grajnds-juges
et les aatres oul£mas pr&ens, pour savoir si, en vertu
de cette sentence : I'honneur du croyani est comme
son sang 1 , on ne devait pas , d'apr& la loi du talion,
r£pandre le sang des coupables et rendre un fetwa
dans ce sens. D£j& plusieurs assistans s'&aient ranges
k l'avis du kaimakam, lorsque le grand-juge de Rou-
milie , Ismail , sans crainte de d£plaire au kaimakam
et au moufti, prit la parole et d&lara que, du moment %
oii on n'avait pas de preuves, il n'y avait pas lieu de
poursuivre les deux juges qui niaient avoir coop£r6 k
la publication de cette satire ; que d'ailleurs il n'exis-
tait aucune loi en vertu de laquelle on p&t appliquer la
peine de mort k celui qui s'avouait l'auteur de la satire.
II ajouta : « Si le Padischah, dans sa toute-puissance,
» avait voulu les condamner h mort, il ne les aurait pas
» consults; pourquoi alors, dit-il, cacherions-nous
» la v£rit£ et la justice, lorsqu'on nousdemande notre
» avis. Vojlk tout ce que j'ai a dire; du reste, vous
» savez sans doute mieux que moi ce qu'il convient de
» faire. » Gr&ce k la courageuse allocution du grand-
juge, le rapport qu'on adressa au Sultan conclut sim-
plement k la destitution et au bannissement.
Sous le r&gne de Moustafa II, les baux annuels du
tr6sor (moukataat) avaient et6 changes en baux & vie
(malikane) ; cette mesure avait fait naitre de graves
desordres, qui portirent prejudice aux finances, car
les riches accaparaient tous les ferraages k vie, qu'ils
> Irdhol-moumin kedemmihi.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. *83
affermaient de nouveau par-dessoiis main ; il arriva
done que le sous-fermier, qui voulait retirer de son en-
treprise, non-seulement le prix de son fermage, mais
encore un gain personnel , pressura les habitans qui se
trouvaient ainsi accabl£s sous des charges £normes.
Les baux k vie furent done tous supprim6s et confies k
r administration del'Etat. Ahmed III signa uneordon-
nanoe en faveur des trois classes d'employ£s du diwan,
qui portent le nom de gediiklus, parce qu'au lieu de
traitement ils poss&dent des fiefs , c'est-&-dire , des
secretaires, des mouteferrikas et des tschaouschs. Gette
ordonnance portait qu'ils seraient constamment atta-
ches k la personne du grand-vizir, et , comme leur
brevet enongait qu'ils ne seraient tenus d entrer en
campagne qu'avec ce dernier, on leur assura le casuel
des fonctions dont ils pourraient £tre charges, et dont
de simples feudataires avaient profite jusqu'& present.
Damad Ali-Pascha remit un peu d'ordre dans le ser-
vice des postes qui avait && n£glig£ depuis quelque
temps, et les ayans (primats) furent rendus respon-
sables de ses irregularity. Les registres de la chambre
des comptes d'Anatolie, dans lesquels existait une
grande confusion , furent examines avec le soin le
plus minutieux et mis en ordre par une commission,
quis'en occupa pendant six mois '. On revisa de mdme
les registres matricules des sipahis et des silihdars, et
> Raschid, Bl. 107. Cette chambre des comptes paya la solde de 1,400
personnesavec 17,608 aspres; par l'ancien reglement, la solde de 1 ,574 per-
sonnes se montait a 160,605 aspres, y compris les fournitures poor les chan-
celleries (f. 108).
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184 H1STOJRE
ceui des revenus des fondations pieuses. On frappa
de nouveaux ducats, de meilleur aloi mdme que ceux
de Venise ; ils &aient d'une valeur de trois piastres,
et cent &aient k cent dix dirhems. Une chaine en
entourait le bord ; d'un c6te on voyait simplement ]e
chiffre du Sultan, de Tautre &aient graves ces mots :
fixxppi a Constantinople. On renvoya dans leurs an-
ciens domiciles tous les sujets chr&iens qui se trou-
vaient r£unis dans les trois residences de Constan-
tinople , d'Andrinople et de Brousa. Cette mesure
s'&endaitmgme k ceux qui demeuraient d6ja depuis dix
ans dans Tune ou dans l'autre de ces villes. Le but
principal du grand-vizir etait de ne point priver le
tr£sor des contributions dont ils ne payaient que la
cote personnelle dans les residences. Une mesure qui
temoigne de l'humanite du grand-vizir (bien qu'elle
flit mal ex&utee, comme on le vit par la suite), ce fut
la defense qu'il fit de circoncire d£sormais les n£gres
en Egypte. L'ordre qu'il adressa k cet effet au gou-
verneur et aux juges d'Egypte, portait qu'il y aurait
keaucoup de merite, de leur part, k empMier que
Ton ne se rendit coupable d'un pareil acte de violence
et d'injustice ; mais, s'il faut en croire l'historiographe
de TEmpire, il paraitrait que le but principal du
grand-vizir fut seulement de purger le serai de la pre-
sence des n^gres l . On proc£da avec moins<Thumanit£
i Raschid, II, f. 138, et dans Yffistoire de Yousouf, Bl. 268,
Sefat saltarieti tawaschi naminde khawaschider takttiiye itschoun,
c'est-a-dire pour soustraire le serai a la domination de ces miserable!
qui portent Ic nom de tawa.chis ( eunaques)
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DE L'EMPIUE OTTOMAN. a85
k ]'ex£cution de trois juifs, qui avaient attire dans une
maison lejeune fils du kiayabeg, sous le pr&exte de
lui offrir des fruits, vmais contre lesquels il n'existait
d'autre preuve que la deposition de cet enfant ftg6 de
six ans. 1J montra encore un esprit peu tolerant, en d£-
truisant le riche couvent grec de Mauromolos, situe a
Tentr^e du Bosphore , uniquement parce que les moines
avaient fait consjruire une eglise plus grande que celle
qui existait jusqu'alors *. On defendit aux libraires de
vendre des livres a l'&ranger, afin de ne pas d^pouiller
la capitale des richesses scientifiques qu'elle poss£dait.
Les receveurs de la cote personnelie regurent l'ordre
s^v^re de ne pas exiger des rayas, sous le titre de taxe
des secretaires et des domestiques, une aspre de plus
que ne le permettait la loi. Les executions etaient rares
et n'avaient lieu que pour des motifs graves. C'est
ainsi que tombferent les t6tes du sandjak de Hamid,
pour ayoir tard£ trop long-temps k entrer en cam-
pagne k la t&e de ses troupes ; de l'ancien inspecteur
del' arsenal ? pour n'avoir pas fait l'aveu de ses con-
cussions; du commandant de Napoli di Romania,
Osmanaga fils de Soulfikar, l'ancien ambassadeur a
Vienne, parce que, en sa quality d'aga des sipahis, il
avait fait preuve d'une grande partiality en contrdlant
les rdles description des troupes, et parce que, tout
r£cemment, il avait impost des taxes outr£es aux ca-
pitaines des navires de commerce. C'etait un homme
tres-instruit et grand amateur d'horticulture ; malgre
« Raschid, If, f. 26, la traduction du passage entier dans Comtcmtinopole
et le BosphOre.
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a66 HISTOIRB
ces titres k 1'indulgence du Sultan qui lui-mfene aimait
beaucoup les fleors, sa t&e fut jetie devant la tente de la
justice ! . Sur l'avis donn£ par le gouverneur de Rakka,
que le scheikh persan de l'Azerbeidjan, connu sous le
nom d'Eboubekr Seiyah , c'est-fc-dire le Voyageur,
trompait le peuple et s&luisait les femmes en employant
la magie, l*ex6cution de ce dernier fut ordonnie. Un
autre aventurier persan fut de m&ne accus£ de sorcel-
lerie; mais celui-ci, comme homme politique, &ait plus
dangereux que l'autre. II £tait venu a Constantinople,
se disant fils du schah Souleiman et frfere du schah
regnant, Housein. La Porte lui avait fait une pension
de deux cents piastres par mois , et lui avait assign^
pour residence d'abord Mityl&ie et ensuite Lemnos.
De Ik, il s'&ait enfui k Bozok , ou il distribuait des
titres en sa pr&endue qualite de schah Abbas m *.
Depuis il eut l'audace de nommer un Turcoman pa-
scha de Tschorouin, et, avec quelques milliers de va-
gabonds qu'il avait rassembtes autour de lui, il tenait
en ^moi tout le sandjak de Bozok. Le peuple croyait
qu'il pouvait commander aux saisons, parce qu'il fei-
sait assez souvent beau temps Ui ou il se trouvait, tan-
i Le mftrne f. 127. — Atlaktsehadiri. Ce nom est dorsad aussi a la tente
dont il a 6t6 <toja question Iocs de la description da camp. La If etraye a
fait de AYlak, Leilek tschadiri, e'est-a-dire to tente d$ to Cigogne, car il
dit : c Pavilion de la Cigogne eleve" sur un seal mat peint en rouge, sur-
> monte d'une boule peinte de meme et plus elere qu'un autre pavilion. »
II, p. 6.
9 Le meme , f. 104. On lisait sur ion aceau : Nigini saltanetra gescht
tcarU Scheh SafUbi Kiran Abbas Salis, e'est-a-dire le scbah, maltre
du temps, Abbas troisieme a hente* de l'anneau de la puissance.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 287
dis qu'en d'autres lieux il pleuvait ou neigeait ; mais it
ne tarda pas a fitre desabuse sur son compte , lors-
qu'il vit tomber sa t&e sous le glaive du bourreau. Le
grand -vizi* maintint dans les limites du devoir les
premiers dignitaires et les gouverneurs de l'Empire,
en les surveillant dans l'exercice de leurs fonctions et
en leur infligeant de justes punitions lorsqu'ils vio-
laient les lois. C'est ainsi que le gouverneur deBassra,
Hasan Yuriik , qui, lors de la derntere revolution ,
&ait parti d'Andrinople avec les troupes du sultan
Moustafa II , pour contenir les Arabes turbulens ,
payee que son avarice ne lui permettait pas d'enire-
tenir un nombre suffisant de troupes, et qti'il s'&ait
abaiss£ jusqu'i percevoir lui-m6me les impositions du
scheikh Maani, fut d£poui!16 de son gouvernement et
de sa dignity de vizir, et appete h rendre compte de
son administration. Gourd Hasan, Tagades janissaires,
fut destitu£ pour sa l&chte conduite et pour avoir dis-
trait une grande partie des fournitures , qu'il avak
regues pour cent mille janissaires, et dont il avait k
peine distribu^ la dixieme partie ; le kapitan-pascha
lui-m6me futTobjjet de quelques soupgons, pour 6tre
reste plusieurs jours avec la flotte, devant Malvoisie,
sans en emmener les habitans, ainsi qu on le lui avait
ordonn£. Le reis-efendi, t|ue Ton enVoya pour exa-
miner sa conduite, d£clara a la \6rh6 que le kapitan-
pascha n'£tait pas coupable; mats celui-ci se plaignit
de ce que le reis-efendi avait compl&ement m£connu
8a dignity de kapitan de la mer, ne lui avait pas rendu
les honneurs qui lui &aientdus, ne 1'avait mdmepas
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288 HISTOIRE
salu£ en le rencontrant sur sa route f , et s'etait adress6
au defterdar de la flotte pour trailer d'affaires.
L'un des fr£quens incendies qui eurent lieu vers
cette 6poque a Constantinople se declara la nuit de la
f6te du Bairam , et prit naissance dans la salle du
vieux serai, ou Ton prenait le cafe; il dura onze
heures et consuma une grande partie de cet Edifice.
Un autre incendie d£vora le magnifique palais de
l'ancien moufti Behayi. On n'eut pas k d£plorer de
pareils sinistres lors des grandes fetes qui furent c£~
lebrees a Andrinople et k Constantinople en l'hon-
neur des victoires remport&s sur les V&iitiens et
de la conqu&e de la Moree , et pendant lesquelles on
tira des feux d'artifice. N£anmoins la joie que l'heu-
reuse issue de cette campagne causa au Sultan et au
•peuple fut troublee par la mort de la Walid6, Grec-
que originaire de Retimo (10 silhidj6 1127 — 7 de-
cembre 1715) et T6pouse favorite de Mohammed IV
(28 safer 1128 — 22 ftvrier 1716). Apr6s la chute
de ce prince , elle avait ete rel£guee pendant huit
ans dans le vieux s^rai (9 silkid£ 1127 — 6 novem-
bre 1715), sous les regnes du sultan Souleiman II et
d'Ahmed II, fils d'Ibrahim; raais, plus tard, sous le
regne de ses deux propres fils , Moustafa II et Ah-
med III, elle jouit pendant vingt annees, non-seule-
ment des plus grands honneurs , comme mere du
Sultan regnant , mais encore de resume et de l'amour
» SSlam ou kelamt iltefat etmeyoub. Raschid, II, f. 126. Ferrari, fin da
premier line.]
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% DE L'EMPIRE OTTOMAN. 289
de la nation , pour avoir fait Clever des mosqu£es h
Scutari et k Galata , et fond£ un &ablissement pour
y nourrir les pauvres '. Pendant la campagne de
Moree , Hasan , gouverneur de Bagdad , avait aussi
, remporte en Asie quelques victoires sur des KurdeS
et des Arabes r6volt£s ; et, comme le dit Thistoriogra-
phe de 1'Empire, a ces conqufites venaient augmenter
» le nombre des conqu&es brillantes de cette annee. »
LesKurdes Satschli, c'est-&-dire les Velus, qui s'&aient
fortifies h Dair-Aassi (couvent de rebelles), au pied de
la montagne de Sindjar (& Massius) , furent re-
pousses par le gouverneur de Bagdad. Le kiaya du
pascha poursuivit les rebelles jusquau ch&teau de
Khatouniy£, situe au milieu du lac du m£me nom,
et a quatre lieues au nord du mont Sindjar a . Lui
et plusieurs autres perdirent la vie dans cette action,
mais les Kurdes furent chassis du chateau qui leur ser-
vait de refuge tians Tile et qui consistait en uneseule et
large rue 3 ; ils p^rirent tous jusquau dernier. Enfin
Sindjar fin it par se rendre, et l'ancien scheikh de la
tribu de T^i fut nomm6 beg de cette ville.
Aux environs de Bassra, quelques rebelles de la
tribu arabe de Lam s'etaient mis sous la protection du
1 Le meme, f. 135 et 158. Raschid se trompe a pen pres de dlx ans en
portant son age a 50-60 ans, f. 163; car son premier fils Moustafa 6ta' t
deja ne en 1074 (1664) et cependant il est impossible quelle n'eut que
bait ans lorsqu'elle le mit an monde.
a Le meme, f. 120 ; c'est d'apres cette indication qu'il faut rectifier la
situation du lac.
3 Diwanyoli est cette longue rue de Constantinople qui conduit de la
porte du jardin au serai.
t. xiii. 19
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ago HISTOIRE
khan persan de Houweize ; le gouverneur de Bagdad,
qui s'etait avanc£ avec son arm£e jusqu'k Dourlak, y
apprit des autoritesde Beld6,.Djewazer, Mendledjin
et m6me du scheikh des Beni Lam, qu'une armee per-
sane de trente mille hommesavait d£ja fait cinq jour-
n£es de raarche dans Fint^rieur du pays. Les Beni
Lam firent alors ce que les tribus arabes ont coutume
de faire lorsqu'elles se trouvent menaces d'un dan-
ger imminent : ils envoy£rent des drapeaux noire aux
Arabes de Bassra et de Bagdad pour leur demander
du secours. A 1'aide de ces auxiliaires , ils repous-
s£rent ['invasion des Arabes places sous la domination
persane, et le gouverneur de Bagdad fit un traits de
paix avec le khan de Houweiz£. Enfin, dans le san-
djak kurde de Harir, un scelerat ayant assassine le
beg, les Kurdes Sahran se divis£rent en deux partis,
dont Tun voulut reconnaitre pour chef F assassin , et
l'autre, le fils de l'ancien beg. Gr&ce a Intervention
du gouverneur de Bagdad, le fils herita de la charge
de son pere, et cette nomination fut sanctionnee par
la Porte.
Si les evenemens qui s'&aient passes pendant les
deux demises carapagnes sur les frontieres et dans
Finterieur de FEmpire, avaient reclame, comme nous
rayons dit plus haut, toute F attention de Khalil-Pa-
scha, il ne perdit point de vue la politique exterieure;
mais sa conduite envers les puissances etrang^res et
leurs ministres ne fut pas des plus affables. L'ambas-
sadeur d'Angleterre s'&ant plaint de ce que Finter-
pr&e angtais a Smyrne, ftge de soixante-dix ans, avail
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DE l/EMPIRE OTTOMAN. agi
ete baltu par un Turc, il repondit : « Si un musulman
» bat un giaour, que voulez-vous que j'y fasse? ■ » et, •
lorsqu'on lui eut repr6sent4 qu'une telle conduite de
la part des douaniers ferait tort au commerce, il re-
pondit que la Porte n'avait pas besoin du commerce
anglais; que si des negocians s'en allaient, d'autres les
remplaceraient , mais que les Anglais ne partiraient
pas \ Jean Navon, premier inter pr^te venitien h Con-
stantinople, subit uh sort bien plus rigoureux que
l'interpr&e anglais de Smyrne ; il fut pendu pour
s'&re m&6 de politique dans une lettre ecrite sur les
evenemens du jour et que Ton intercepta. Lors de
la reddition de Malvofeie, une punition non moins
cruelle avait &£ inflig^e a un medecin grec , origi-
naire de cette ville , pour s'6tre enfui de Constanti-
nople et 7 avoir accepte des Venitiens le poste de com-
mandant d'urie place. Onle ramenak Constantinople,
oii il fut pendu a la porte du Doigt , ayant au cou
le brevet qu'il tenait de la r^publique. Au com-
raencement de la guerre contre Venise, le moutefer-
rika Ibrahim avait 6l6 envoy6 & Vienne avec une
lettre du grand- vizir pour le prince Eug£ne , dans
l'espgrance que la cour imperiale garderait la neu-
trality dans cette guerre, comme elle l'avait fait dans
la derntere guerre contre laRussie.Lemouteferrika la
remit au prince dans une audience solennelle (13 mai
i Le rapport du baile Bfemmo, insfre 1 dans les actes venitiens. Se un
musulmano ha bastanato un giaur, che volete che io vi faccia.
a Noi non habbiamo bisogno del loro commercio; se gueUi mercanti
fonder anno > verrano degli altri , ma non anderanno, 9 cost Vha it-
centia. 8, Luglio 1714.
•9*
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ag* HISTOIRE
1715); celui-ci la regut assis sur an fauteuil en ve-
, lours rouge brode d'or, place sous un dais en soie
rouge et k franges dor ; il portait un habit de soie
rouge brodee dor et un large chapeau ; & sa droite
etaient les conseillers de la cour , et a sa gauche ,
les r£f£rendaires intimes '. Quatre mois apr&s, le
mouteferrika retourna a Constantinople avec une let-
tre du prince Eugene, par laquelle 1'Autriche s'offrait
de nouveau comme mediatrice entre la Porte et Ve-
nise a ; cette lettre resta sans r^ponse comme la pr£-
c£dente. Mais lorsque, l'ann£e suivante, et douze jours
apres que TAutriche et Venise eurent contract^ une
nouvelle alliance offensive et defensive contre les
Turcs, le prince Eugene £crivit au grand- vizir une
lettre dans laquelle il l'engageait vivement a rentrer
dans les conditions du traite de paix de Carlo-*
wicz et a indemniser avant tout la r^publique des
pertes qu'on lui avait fait £prouver , et lorsqu'enfin
on annonga le rappel du resident Fleischmann, dont
les representations n'avaient jamais ii6 £coutees j , tous
sentirent la n6cessit£ d'une nouvelle guerre. On tinti
Eyoub, dans le palais de la Walide, un grand conseil,
auquel assisterent les plus grands dignitaires de la loi
et les g&i&aux de l'arm£e, parmi lesquels se trouvait
i La lettre se trouye dans les Arch. imp. et dans Recredential pro
Ibrahim-Pascha , 9 septembre 1715.
a Lettre da S mars 1715.
3 La traduction de la lettre est jointe en entier au manifesto turc, sous
le titre : Traduction de Vorgueilleux Missif du premier Minislre.
Raschid , II , f. 145.
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. a 9 3
]e second lieutenant-g£n£ral des janissaires, le segh-
banbaschi Hasan, renegat alleraand ; le rei's y lut un
manifeste * r6dig£ par le grand-vizir lui-m&ne et dans
lequel on cherchait k d^montrer que la paix de Car-
lowicz n'obligeait nullement l'Empereur a secourir
Venise; que celui-ci avait par consequent viol£ la paix
et qu'on devait lui declarer la guerre. Le moufti d6-
cida qu'il devait en 6tre ainsi. Le grand- vizir demanda
alors aux g£n£raux s'il devait se rendre k Corfou,
dont on avait depuis long-temps deja resolu de faire la
conqufite, ou s'il devait se diriger vers les frontteres
d'AUemagne. lis r^pondirent tous que le grand-vizir
devait prendre le commandement en chef et marcher
contre les Allemands, parce que ceux-d ne ressem-
blaient pas aux autres infid&les, et &aient des ennemis
redoutables 3 . «Des hommes pusillanimes, ditlegrand-
» vizir, repr&entent la puissance de l'ennemi de la foi
» corame plus grande qu'elle n'est r^ellement et ils
» d£couragent par la les musulmans. N'est-il pas juste
» et conforme aux lois, tris-v^n^rable moufti, de faire
» mourir de pareils hommes, traitres envers 1'Empire
» et la religion, qui essaient ainsi de se soustraire aux
» fatigues de la guerre ? Ce n'est pas sur le contenu
» d'une simple lettre que nous la commencerons cette
» guerre ; nous n'en faisons que les preparatifs et
» nous marcherons sur Belgrade. Si les infideles fran-
» chissent dun seul pas les fronti&res ottomanes, nous
* Le manifeste dans Raschid, II, f. 443-146.
3 Khissimi kawi, Raschid, II , f. 146.
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394 HISTOIRE
» les repousserons; en attendant nous avons domi£ les
» ordres les plus s^v&res aux commandans des fron-
» tiires, afin que la paix ne soit pas viotee. » Le grand-
vizir ajouta qu'il avail r£solu d'envoyer le beglerbeg
de Diarbekr, Kara-Moustafa, k Corfou, et il leur de-
mands ce qu'ils en pensaient. Les g£n£raux , qui
voyaient bien que la determination du grand-vizir &ait
arr&ee d'avance, aimteent mieux garder le silence
que de s'entendre appeler ennemis de 1'Empire et de
la religion , s'ils osaient emettre une opinion con-
traire k la sienne. « C'en est assez pour aujourd'hui,
» dit le grand- vizir en terminant; r^flechissez cette
» nuit, et, si Dieu le veut, trouvez-vous tons demain
» vers midi *u conseil qui doit se tenir k Daoud-
» Pascfaa en presence du Padischah \ »
Le lendemain , les oul£mas et les gen^raux se r&mi-
rent sous la tente du kaimakam. Le grand-vizir arriva
dfcs la pointe du jour , et descendit de cheval devant
la tente itnp&iale , oii l'assembtee ne tarda pas k se
rendre. Damad Ali ouvrit la stance par un discours,
dans lequel il passa en revue , comme dans le mani-
feste , tous les faits accomplis depuis la violation de la
paix par la r£publique jusqu'k la reception de la letlre
du prince Eugene. Le moufti remit son fetwa au reis-
efendi, qui en fit la lecture; il demanda ensuite aux
outemas ce qu'ils en pensaient. Comme personne ne
kii r6pondit, soit qu'ils n'eussent rien k dire, soit qu'ils
ne voulussent pas se compromettre, en faisant connaitre
Ra*chid,f. 147.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 2 9 5
leur opinion, il regna dans toute I'assembtee un profond
silence qui dura pr£s d'un quart-d'heure. Le grand-
vizir le rompit en s'ecriant : « Messieurs, pourquoi ne
» parlez-vous pas ? Vous assistez a un conseil oii cha-
» cun est libre de dire son avis ; si vous avez quelque
» doute sur la l£galit£ du fetwa, faites-le connaitre. »
Enfin 1'ancien grand -juge d'Anatolie, Mirzazade
schei'kh Mohammed, prit la parole en ces termes :
«La lettre du premier ministre allemand, qui nous
» est arrivee par la poste, ne prouve pas que Ton ait
» transgress^ nos frontteres ; oii voyez-vous done la
» trace d'une violation de ta paix ? Ne vaudrait-il pas
» mieux que la Sublime-Porte cherch&t d'abord k ob-
r> tenir quelque certitude k cet £gard , sauf k donner
» ensuite des o^dres en consequence? » Le grand- vizir
r£pliqua qufe la violation de la paix resultait de la lettre
m£me ou on accusait la Porte de s'en 6tre rendue cou-
pable. « Je veux bien convenir de ce fait, continua le
» grand-juge, Tennemi nous accuse d'avoir viote la
» paix , mais il pretend lui-m6me n'avoir rien a se
» reprocher. Qui nous empftche de nous preparer a
» la guerre, pendant que nous ferons une nouvelle
» demande? Est-il done bien n^cessaire d'avertir 1'en-
» nemi que vous avez 1'intention de marcher centre
» lui? D'apres ce que je puis voir, il ne me parait pas
» juste de commencer la guerre k propos de celte let-
» tre seulement ; je crois qu'il suffit , pour le moment,
» de mettre en £tat de defense les frontteres de PEm-
» pire. — Apportes le traite de paix, cria le grand-vizir
» au reis-efendi , et fais-en la lecture au v£n£rable
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296 HISTOIRE
» schelkh de 1'Islamisme. » Le reis-efendi lut le traits,
mais, dans les vingt articles qui le composaient, il ne
se trouvait pas un seul mot relatif k Venise. Le Sultan
prit ensuite la parole, et dit : « Au temps de la guerre
» de Russie , on avait aussi fait des rechercbes , et
» elles n'eurent aucun r&ullat. — Voyez-vous , dit
» le grand-vizir en se tournant du c6t6 de Mirza-
» Efendi, comme I'ennemi ment en nous accusant
» d'avoir viote la paix. — Sans doute, r£pliqua Mirza-
i> zade ; nous savons fort bien que nous n'avons pas
» viole la paix , mais celle-ci se trouve-t-elle done
» rompue par le fait m£me de la fausse accusation de
» Tennemi?*) Le grand-vizir l'interrompit avec v£h6-
mence et s'^cria : « A vous entendre parler, l'enuemi
» ne se rendrait coupable de trahison qu'en s'empa-
» rant de Belgrade ; mais alors il serait trop tard pour
» se defendre. — Je ne dis pas , continua le grand*
» juge, qu'il faille attendre qu'il nous ait donn£ cette
y> preuve de son manque de foi, mais je pretends que
» tant qu'il n'aura pas franchi les frontieres , .cette
» lettre ne nous donne pas le droit de lui declarer la
» guerre. » Le grand-vizir, qui apergut en ce moment
un livre entre les mains du scheikh d'Aya Sofia , le
lui demanda pour savoir si Ton pourrait le consulter
avec fruit. Le scheikh se leva, mais le Sultan lui fit
signe de s'asseoir et de lire ; il ouvrit done l'ouvrage
de Serkhasi l et en lut deux pages qui se trouy&rent
favorables a l'opinion du grand-juge, Le grand-vizir
» Mebioui. Raschid II , f. 48.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 297
dit que ces decisions £taient sens^es et ne pouvaient
6tre r£fut£es, mais qu'elles n'&aient pas appHeables
au cas dont il s'agissait ; cedant ensuite a demi , il
ajouta : « Nous ne voulons pas la guerre sans cause
» et sans violation flagrante de nos frontieres; seu-
» lement nous voulons marcher sur Belgrade , tout
» pr&s h combaltre s'il y a lieu; nous avonsm&ne
» d£fendu trfes - s^vferement aux commandans des
» frontieres de faire le moindre tort a lennemi par
» leurs incursions , et nous nous sommes born^s
» a les engager k se tenir sur leurs gardes. Hier au
» soir encore, nous avons regu une lettre du pascha
» de Temeswar; » et il dit au reis-efendi d'en faire la
lecture. Celte lettre annongait que les Imp^riaux ne
laissaient pas passer les pontons qui arrivaient de
Bosnie sur la Sava. Apres plusieurs paroles 6chang6es
de part et d'autre , le grand-vizir se tourna du cdt6
des vizirs et des emirs, des ayans (premiers du pays),
des khodjagans (seigneurs du diwan) et des g^neraux
de rarmee, et leur demanda une seconde fois de quel
c6te lui et le beglerbeg de Diarbekr devaient se diriger
dans la double guerre qu'on allait avoir a soutenir.
On decida a Tunanimit^ , comme la veille , que le
grand-vizir marcherait contre l'Allemagne. Le Sultan
dit : « Si Dieu le veul , nous nous rassemblerons k
» Andrinople pour nous consulter de nouveau au sujet
» de la guerre d'Allemagne, et nous agirons d'apr^s les
» resolutions qui seront prises l .» Le scheikh de TAya
x Rtechid, II, 150.
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398 mSTOIRE
Sofia eleva les mains pour fairela pri&re ; le Sullan se
leva et l'assembl£e se s£para ; le grand-vizir sortjjt
vivement irrit£ du r&ultat de la deliberation. Quel-
ques jours apr&s , le grand-juge subit la peine de sa
franchise : il fut envoy6 comme simple juge a Para-
wadi.
D& ce moment, on pressa les preparatifs de la
guerre avec la plus grande activity. Ind£pendamment
de la flotle qui se trouvait k l'arsenal, on fit construire
quinze galiotes , vingt-cinq frigates , dix bateaux a
quilles recourses et huit felouques. Ibrahimaga, qui
commandait le corps employ^ k la defense de la Porte
de Fer, prfo du tourbillon du Danube, fut promu k
la dignit£ de pascha k deux queues de cheval et
nomm6 kapitan de la flottille du Danube; le mewkouf-
atdji Ibrahim et le defter dar de Nissa furent nomm£s
commissaires , charges de r£unir les provisions de
bouche sur la route de Constantinople a Belgrade. Le
khan de Crim& fut invito k rejoindre Tarm^e, et le
Sultan, lui envoya mille piastres k titre d'argent de
carquois, et quatre mille pour la solde des seghbans «.
Le beglerbeg d'Anatolie, Turk Ahmed, qui venait
d'arriver k Gallipoli pour se rendre k Corfou , regut
Tordre de se diriger k marche forc6e sur Nissa. D'un
autre cdt£, Ahmedaga de Lippa se rendit par Chocim
k la cour de Rakoczy, porteur d'une letlre dans la-
quelle le grand -vizir lui offrait , comme autrefois k
Toekoeli, la principaul£ de Transylvanie et le titre de
« Raschid, f. 148.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 499
roi de Hongrie, en I'eng&geant k recommencer la
guerre contre.TEmpereur. Le Sultan se dirigea sup
Andrinople, accompagne du kaimakam, du moufti,
des deux grands-juges, du chef des £njirs et de tous
les seigneurs du diwan. Le lendemain de l'arrivto
d'Ahmed III dans cette vilte, le beglerbeg d' Anatolie
y fit son entree a la t&e de ses troupes ; aux premiers
rangs, on voyait les courageux et les tem6raires (go-
niillus et delis) ; venaient ensuite les chasseurs et les
miliciens (seghbans et le wends); puis cinquanle agas
de sa cour et neuf chevaux de main ; enfin, derriere
lui, marchaient plus de mille fusiliers k pied et plus
de cent pages. Le mfime jour, eut lieu le troisteme
conseil que le Sultan avait annonc6 en levant la seance
de la derni&re assemb&e. Aprfes que Ton eut fait la
lecture de la declaration de guerre et du fetwa qui la
tegitimait , le grand- vizir prit la parole : « Nous ne
» sommes pas ici , dit-il , pour perdre notre temps k
» nous consulter sur la n£cessit6 d'une guerre que
» nous avons d£ja resolu d'entreprendre , mais bien
» pour nous exciter k la conduire d'une mantere con-
» venable, conform&nent a la sentence : Combats les
» infidiles et sois sans pitid pour eux '; et vous, hom-
» mes de la loi, qu en pensez-vous? » Les uns lui r6-
pondirent a : «Que Dieu vous guide et vous soit favo-
» rable ; » les autres laiss6rent aux g6n£raux le soin
* Djdhid elkoufar u>4 agladh alethtim.
* Rascbid die a cette occasion le yen tore : Bir souaU komaz ol gham
xe? hazir djewab , Vet t-a-dire : une reponse juste n'admet plus aucune
question.
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3oo HISTOIRE
de r^pondre a leur place '. Le grand- vizir ayant jet6
un regard sur ces demiers pour connailre leur avis,
ils s£cri6rent tous qu'ils &aient les esclaves du Padi-
schah, et qu'ils etaient prtts k faire le sacrifice de leurs
corps et de leurs ftmes pour le service de la religion
et de TEmpire. Le grand-vizir conclut en ces termes :
<cll est hors de doute que Dieu nous accordera la
» victoire, si nous suivons cette maxime : Ne soyez ni
yyjoyeux m tristes, et vous serez supirieurs (par l'^ga-
» lil£ d'&me) [in]. » Le scheikh du camp imperial mit
fin a ce troisteme conseil de guerre, en r£citant les
autres paroles de ce verset du Koran.
Avant de marcher sur Belgrade t le grand-vizir fit
remettre au resident imperial Fleischmann , qui avait
&6 force d'accompagner l'arm^e , une lettre en r&-
ponse a celle du prince Eugene. Elle &ait congue en
termes bien plus passionnes et bien plus grossiers encore
que ceux du manifeste , et l'histoire Ta conservee
comme un monument du style rude et acerbe de la
diplomatic ottomane; la fin de cette lettre en fera suf-
fisammentjuger : «Eh! lorsqu'il sera de nouveau ques-
» tion de paix, comment pourra-t-on ajouter foi a vos
» paroles? Les plus petits dues , et encore moins les
» rois chretiens , se rendent-ils coupables d'actions
» aussi bldmables? — Eh bien! la guerre va decider
» entre nous. Si Dieu le veut, la Sublime-Porte rece-
» vra le prixde sa conduite irr^prochable et si pleine
» D'apres la sentence : KhalakaUahou lilhouroubi ridjeden u>4 ridja-
lea li kassaadn wd leridin (Dieu area certains taommes poor le combat et
d'aulres pour soigner la soupe).
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 5oi
» de moderation. II est hors de doute que le sang qui
» va 6tre r£pandu des deux c6l£s, pesera comme une
» malediction, jusqu'au jugement dernier, sur vous,
» sur vos enfans. et sur les enfans de vos enfans. Que
» la destruction soit votre partage'i » Dans un post-
scriptum 6crit en marge de la lettre, il etait dit que
l'envoye Soulfikar ayant ite emprisonn6 a Komorn
pendant la derniere guerre , la Porte userait de re-
presailles et retiendrait aussi pendant quelques jours
k Belgrade a l'ambassadeur autrichien (3 schaban 1 1 28
— §2 juillet 1716). De Philippopolis, le Sultan envoya
ses ordres au kapitan-pascha et a Kara Moustafa-
Pascha, ainsi qu'au commandant de Bosnie, You-
souf-Pascha le Long, en faisant don a chacun d'eux
d'un sabre d'honneur et d'un kaftan ; les deux pre-
miers furent charges de dinger la guerre a Corfou ,
et le dernier en Bosnie.
Le khan des Tatares , qui venait d'arriver au camp,
annonga ce que deja Ton avait appris du serdar d'lsak-
dji et de Chocim, k savoir que la Pologne, se trouvant
menacee par la Russie et la Saxe, avait besoin de la
plus grande partie de*ses forces; qu'il ne pourrait,
par consequent , envoyer que dix mille hommes a
,» Raschid, II, f. 151. La date da 1« djemazioul-ewwel est le r&ultat
dune fauted'impression; il faut lire djemazioul-akhir (23mai) ; car, ainsi
qu'on le voit par la reponse mime, la lettre d' Eugene n'elait arrivee a Con-
stantinople que le trente-deuxieme jour apres l'equinoie (le 22 avril). L'ori-
ginal quise tronvedans les Archives impenales est aussi date du l er djem-
azioul-akhir. L'historien ne la donne pas en entier, et il a omis le post*
scriptum.
3 On fit observer a la fin de cette lettre qu'on en avait fait un duplicata
depose entre les mains du resident.
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3oa HISTOIRE
Belgrade, et qu'il resterait lui-mgme, avec (rente
mille autres, sur les frontieres de la Pologne. Afin
d augmenter aussi de cecdti la force de l'arm£e, on
enr6la k Ibrail trois mille six cents janissaires , en leur
assurant une paie double ; les commandans re§urent
une augmentation de quarante aspres, les porte eten-
dards de vingt ; les officiers qui avaient eti mis k la
retraite n'eurent que dix aspres, et les porte-enseignes
de la m£me categorie en regurent cinq. On ajouta k
ce corps d'armee la moitie du quatrteme regiment ,
quatre cents hommes avec cinq cents armuriers,
trois cents canonniers, et trente conducteurs d'artii-
lerie. Aaredj Osman-Pascha, gouverneur du sandjak
de Tirhala , regut l'ordre de Sparer les routes par
lesquelles l'arm^e devait passer pour se rendre k Cor-
fou, depuis Tirhala jusqu'a Sayada et Fourindas (Bu-
cintro) ; et de faire les approvisionnemens de bouche
necessaires. Pour transporter l'artillerie , le grand-
\izirordonna de faire une levee parmi les ray as qui,
depuis les premiers temps de l'Empire ottoman,
&aient attaches comme aides au train d'artillerie , et
portaient le nom d'enfans des conquSrans* On en-
voya trois mille hommes pour renforcer la garnison de
la Porte de Fer, et le commandant de ce poste regut
lordre d'y Clever de nouvelles fortifications ; on mit k
sa disposition , pour cet objet , trois mille fantassins,
cinq pieces de douze, cinq cents boulets, dix quintaux
de chiffons, cinq quintaux de plomb , douze livresde
m£ches , et quarante quintaux de poudre. On ren-
forca les garnisons des places qui srvoisinaient la fron-
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 3o3
ti&re russe, en envoyant six cents janissaires dans leg
forteresses de Temerruk, de Rabath, d'Or, de Tem-
kalaa , de Taman, et de Kilbouroun. On envoya des
janissaires a Chocim, et des bombardiers k Temeswar.
On donna des ordres pour h&ter rarrivee des troupes
nouvellement recruties. Peu de jours apr&s le retour
du kban en Crimee, arriva un ambassadeur polonais
envoye par la confederation de Tarnigrod. C etait un
evenement tout nouveau pour la Porte, et ii se trouve
consign^ dans l'histoire de l'Empire, soit a cause de
sa nouveaule , soit en raison de la conduite servile
tenue par l'ambassadeur ; les historiens turcs avaient
cependant passe sous silence l'ambassade du Staroste
de Sredz, Frangois Golz, et celle du palatin de Ma-
zovie, Stanislas Cbomtowski , quoique ce dernier fltt
venu pour renouveler la paix de Garlowicz (22 avril
1714). L'envoy6 de la confederation, le colonel Do-
minique de Jastrzsbiec Bekierski , staroste de Dol-
hyce \ parut tellement surpris de la splendeur de la
cour ottomane et de la puissance de l'armee , lors de
sa reception sous la tente du diwan, « qu'il fit les sirua-
» grees les plus ridicules , et se conduisit plus sotte-
» ment qu'un≠ » telles sont les propres paroles de
l'historien Raschid a . Lorsque le grand- vizir sortit de
sa tente pour se rendre dans celle du diwan, en"
s'avangant majestueusement au milieu de deux haies
formees paries hauts fonclionnaires de l'Etat, l'am-
bassadeur polonais tint son kalpak h la main, et se
i Communique par M. le comte Stanislas R^ewaski.
a Schiweha mi/iouned M khar ne kilned; vers persan bien coram.
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3<4 HISTOIRE
confondit en reverences ; puis, au moment ou Daroad
Hasan -Pascha s'assit et ou tous les tschaouschs du
diwan lui adress&rent le salut d'usage : Que Dieu soit
avec toi! 1'ambassadeur tant6t se leva de son siege,
et tant6t se prosterna \ terre '. Le grand-vizir lui
ayant demande depuis combien de temps il &ait en
voyage et s'il avait rencontr£ en route le khan de
Crim£e, Tenvoye le pria de le recevoir en audience
particuliere, ce qui ne lui fut accorde qu'k la condi-
tion que le kiayabeg serait present. II se plaignit , au
nom de la confederation, du roi Auguste qu'elle accu-
sait de vouloir s'emparer de la Pologne. Enfin il de-
manda Tintervention de la Porte. On l^couta pendant
une heure, mais on lui repondit que le succes de sa
demande d£pendaitdu comptequi devait en 6tre rendu
a Tetrier imperial [iv]. Ces communications avaient
lieu par le secours de Finterpr&e de la Porte, Jean
Maurocordato , fils d'Alexandre, et fr£re de Nicolas ,
qu'il avait remplac6 dans sa charge , lorsque ce der-
« Cet ambassadeur eut une conduite toute contraire a celle da staroste
Golz , auquel le baile v&iiticn Meramo rend un tSmoignage tres-honorable
dans son rapport da 20 juillet 1713 : Fu pot in nome degli Ambassadori
polachi fatta al Primo Veziro Vinstanza, che, poiche le cose convenute
erano lutte composle , fosse loro permesso potersi vedere colli ministri
degli altri principii e doppouna cosi lungariserva conversarconalcuno.
Bipose il Primo Vezir che non era tempo, ma insistendo il Golz, cKe tin
coragiosissimo Polacco, egli lo ricercb di loro nomi quali uditi disse che
il Palatine (Chomstowki) restasse in casa e che se il Golz volessevedersi
col Residents Geesareo glielo permetleva per un sol giorno, ma non con
li altri, mostrando ancora in cio l aver stone sua per il Palatino. che
in solamente udirlo nominate ha protestato piu volte che si sentiva
tutto intemamente commosso.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 3o5
nier fut nomm6 hospodar de Moldavie h fa place de
Rakoviza (1709); Niclas fut chass£ de sa principal
par Cantemir, mais il remonta sur le tr6ne huit mois
apr£s, et au commencement de la campagne de Russie
(1712), il fut nommi prince deValachie, d'ouBran-
covan avait &6 expulse par les Cantacuz&ne 1 , et oii
ceux-ci furent eux-m£mes contraints de c£der la
place aux Maurocordato*. Rrancovan, apr&s un r&gne
heureux qui dura vingt-six ans, fut mis a la torture
a Constantinople avec ses fils, et ensuite d£capit6
(26 aotit 1714). Deux ans apr£s, les Cantacuz&ne y
furent &rangl£s 3 .
Lorsque Farmfe eut &abli son camp k Nissa, on
vit arriver successivpment Sari Ahmed, beglerbeg de
Roumilie; Ahmed, beglerbeg d'Erzeroum; les san-
djaks de Kaissariy6 et de Kodja Hi, et, quelques jours
apris, le noureddin Selamet-Ghirai , k la t6te de dix
milleTatares. Sur ces entrefaites, l'ancien gouverneur
d'Egypte, Weli-Pascha, fut condamn£ h mort; il
avait £te mande h Constantinople pour y payer cent
bourses qu'il devait, et, comme il n'avait pas d'argent,
on lui trancha la t6te. Yousouf le Long, gouverneur
de Bosnie, subit le m£me sort pour s'6tre rendu cou-
> Chiaro et Engel.
* Histoirede Valachie, par Engel, p. 379, et Histoire de Moldavie,
par le meme, p. 296.
3 Engel, p. 379; il y a id plus d'une contradiction, car d'abord il dit
que le grand-vizir les fit ex6cuter a Constantinople : qu'il fit transporter'
leur tele a Constantinople , et entin que l'ordre. avait 6te* donn6 d'Andri-
nople ; mais au commencement de juin, la grand-vizir n'e'tait plus a An-
drinople *. il etait deja en marche vers la firontiere.
t. xiu. *o
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5*6 HISTOI&E
pabk de concussion. Vers le ro&ne temps, p&it vio-
HpMtyftp* ttnterpr&e frangais, Pierre, honuoe qui avait
bemcQup voyag6 , et qui avait rendu de grands ser-
vices lor* de r&rriv& de Charles XII k Bender.. Pierre
&ait resft£ depuis an service de la Porte. L'avis qu'il
avait £mis de ne pas commencer , cette ann£e, la guerre
contre 1'AHemagne, lui ayant attir£ de nombreux
emends, H fut attaqu£ et aesassine sur la route de
Yagodina k Batoudjina , par quelques djebedjis , qui
n'agissaient pas comme voleurs de grands chemins,
mais Men d'apr&s les ordres du kiayabeg. Celui-ci,
instigateur principal de cette guerre, voulait par ce
fioeurtre effrayer le reis-efendi, qui s etait charge de
faire connaHre l'opinion de riaterpr&e.
A son arrivee sous les murs de Belgrade, le grand-
vizir passa en revue 1'arm^e cample dans les en-
virons, et fit son entree dans cette ville an bruit des
salves de l'artillerie de campagne et de celle de la
forteresse. Dans le conseil de guerre qui fut tenu
imm&iiatement apr&a , il agita la question de savoir
si Ton devait marcher sur Temeswar ou sur Peter-
wardein, et si Ton devait ou non faire le stege de
cette derntere ville. Housein, aga des janissaires , fut
d'avis qu'il fallait marcher sur Temeswar ; le khan
des Tatares proposa de faire une incursion dans les
Etats transylvaniens. Le beglerbeg de Roumilie r&-
pondit qu on n'avait sans doute pas encore oub)i£ la
d^faite de Zenta, et qu'on devait se rappeler, par con-
sequent, quels rivieres et quels marais il faudrait pas-
per pour aller a Temeswar; il fit surtout sentir que si
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DE L'EMWRP OTTOMAN. fyy
Jes T>tares&isaient we excursion dans 1? j^ffijflEgtf
^Traflsyjy^^,i|s^^ngeraj^4 qu^fw#4a]bw%i
et, #eipbbrt>l£s h 4e» femraes euceini^ pe ^m jepf
plus propres «ux eqireprises ngilitaire» ; ep con^.-
quet^ce, il opinait ppup marcher sujr Peter warddj) #
soif afin d'y livrer balaille s'S y avait ljyeu, soil po^r
f$if e te s»^g£ de celte yill/e Le grand- vizi? pe fit p^f
coft^aitre son opinion, qui aurak tr?nch6 la que&tioi^
et cela afip cje inieux garder le secret de ses op£r#-
tiops. On sut, par dee prisoner?, qij'tf n'y avait <jpj$
qginze cents homines a Peterwardein, sous le» ordrqp
4e Palffy, et que le cajnp cjes ennerois 4tait & Futa^
squ$ le commandeqaent du prince Eugene. TrQis miU#
ouvjiers , aid^s par mille japissaires et )e# o?ai£lQjf
<le soixaafte-cjlix tschaiques, venaient de jeter un pon|
sur la Save(25 juillet 1716—5 sch&bao H98>Kowr4r
Pascha, gouverneur d'llbessan, fut nomm£ chef 4^
edaireurs, et les beglerbegs d'Anaiolie et de Rowajlie*
Turk Ahmed et Sari Ahmed , c'est-i-dire AJbftrcd Iff
Turc et Ahmed le Jaune, furent charges, J'u* d»
commandement de Faile droite , l'autre de calm 4*
l'aile gauche, et tous deux de proteger contra les hus~
sards del'ennemi les corps des fourragews envoyesep
Syrmie. Pendant trois jours, les trouper se dirigereqt
leotement de Belgrade vers le pont pour effectuer
leur passage. Le serasker, qui aurak pu ohoisir un dqf
jours consider^ comme les plus heureux de la $e-
maine, tel que le samedi, le lundi ou le jeudi, d£cida
que le passage du fleuve aurak lieu le mardi, et non
dans la matinee, mate dans J'aprfis-midi. Cette r&Os
at*
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3*8 . H1ST0IRE
lotion donna lieu k bien des commentaires et fat re-
gard£e comme de mauvais augure, d'apr£s les pr£-
jug& existant sur les jours heureux de la semaine et
les heures favorables de la journte (8 sch&ban 1 128
— 28 juillet 171 6). Le resident Fleischmann, qui jus-
qu'alors avait 6t6 retenu sous bonne garde a Semen-
dra, oblint enfin la permission de partir pour Bel-
grade avec une lettre r£digee en forme de cartel.
Kourd Mohammed-Pascha, qui rencontra le premier
des troupes ennemies aux environs de Carlowicz ',
demanda et obtint la permission de commencer les
hostility. C'est ainsi que le premier fait d'armes, par
lequel les Turcs vioterent la paix de Carlowicz , se
passa prfes de Fendroit m£me oii elle avait et£ sign6e
dix-sept ans auparavant. Kourd-Pascha, sorti victo-
rieux du combat \ ordonna de trancher la t6te aux
morts rest£s sur le champ de bataille , et les envoya
au camp pour 6tre jetees devant la tente de la justice.
A l'instigation du kiaya, homme d'une avarice sordide,
qui avait vu avec d£plaisir la g6u£rosit6 que le grand-
vizir avait deploy£e Fannie pr^cedente en Mor£e, on
ne paya & ceux qui amenaient des prisonniers ou ap-
portaient des tdtes , que vingt piastres par prisonnier
et dix par t£te coupee. Les soldats murmur6rent ; il
y en eut qui refus6rent d'accepter une pareille au-
m6ne; d'autres prirent Targent en jurant, et coupteent
ensuite la t$te aux prisonniers. Le kiaya , inquiet de
i Bistoire du prince Eugene , Amsterdam 1740, p. 31.
a D'apres Raschid, trois mille Tares contre hail mille eanemis, c'est pre*
cistment 1'inYerse d'apres le rapport da gtoAral aulrichien. '
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 3o0
cette irritation , engagea le defterdar, en prenant tou-
tefois la responsibility de cette mesure, h payer cin-
quante ou soixante piastres. Mais lorsqu'on en eat
connaissance , les m£contens ne devinrent que plus
exigeans ; le grand-vizir fut forci de venir s'asseoir
devant la tente de la justice, et de faire distribuer
les recompenses en sa presence. II demanda ensuite
dans le seiu du conseil de guerre , si tout£ l'armte
ne devait pas prendre part k la bataille, d'apres cette
maxime, dont la justesse a &6 si souvent constate par
r experience de tant de campagnes, savoir : « que les
» Allemands infid61es ne peuvent 6tre vaincus que
» par la reunion de toutes les forces de l'arm£e
» ottomane *. » Le beglerbeg d'Anatolie, Ahmed le
Turc, trouva que 1'avis 6tait bon k suivre, mais le beg-
lerbeg deRoumilie, Ahmed le Jaune, objecta qu'il
valait mieux attendre que l'artillerie flit arriv^e, et le
grand-vizir se rangea de son c6t6. Ainsi que nous
Tavons dit plus haut , les troupes l£g6res des deux
armies, commandoes d'une part, par Kourd-Pascha,
et de l'autre par Palffy, en &aient venues aux mains.
Dans cette rencontre, les Ottomans firent sept cents
prisonniers', parmi lesquels se trouva le comte Bceu-
ner. Le lendemain de cette action , Farm^e continua
> Nemsitchi Kafirine askeri islam ayaghi toti iU wartina intikam
aliniir, c'est-adire : « Les Allemands infideles ne peuvent &re yaincus que
» par la poussiere des pieds de l'armee musulmane. »
a D'apres les rapports des ggngraux, la perte des Implriaux ne fut qua
de quatre cents homines ; ils etaient au nombre de trois mille et les Turcs
de sept mille ; d'apres Raschid, la force des Ottomans n'etait que de quinze
cents hommes* et celle des Allemands de huit mille. Raschid, u, f 159*
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Sia HISTOIRE
n marche strr Pelerwardein l , distante seulement de
dfcux Heues de Carlowicz. Mais d£j& le prince Eug£nfe
avail pris position derri&re les retranchemens que S&r-
Attfi AH-Pascha araft fait llevet autrefois , lors drt
atege decettetilfe. Atisditdt aprte son arrive sons les
tews de Pelerwardein, le grand- vizir fit planter Te-
tendard sacf6 devant sa tente. L'arm£e resta pendant
trob heutes sous les armes , s'attendant k chaque in-
stant k fttre attaqu^e par Tennemi, mais cotnme celui-
d ne faisait aticun mouvement, le grand-vizir ordonna
douvrir des tranches k r'entrfe de la nuit (3 aotit
1716) a ; on travailla avec lant d'activit6, que le Ifcn-
demain matih on he se trouva plus qui cent pas du
featnj) foriifi^ 5 . Le grand-vizir attendit de nouveaii
t'tftfaqtie de I'efmemi, au lieu de 1'assaillif lui-m&nfe
iVfe des forces suplrieures ; mais commie cetteattaque
Vent pas Hen , les troupes se retirferent sods leurs
testes. Cfe fut Sari Ahmed, charg6 de la direction des
ftaitch&s, qui fit commettre cette graride faute ; e'etait
kri d'aillefurs tjui, dans le conseil de guerre tetiu k
Belgrade, atait d6nn£ le taalheureux conseil dd maN
l*te* s» Ffcterttafrdera «.
* On trouve toa retiseignemens les plus deiaiflAs suf la fore* et to
mouvemens de 1'armee impgriale dans Y histoire des campagnes del'armee
royale et imp&iale sous le commandement du prince Eugene, d'apres des
acted ririgtndtit. Journal milltaire tfAutriche, 1 802, p. 501.
* C'est ici ericore un de ces cas ou II parattrait y avoir une contradiction
entre la date chretienne et la date musulmane, si Ton ne savait pas que
to 14 schaban (5 aout) commence le 3 aout des le coucher du soleil.
* Bistoire rhilttdire du prince Eugene deSbvoie, a La Haye, I729 f
tta.p. io5, lim.
I bascnid, ti, h leoetm
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 5i*
Le lendemain matin de tr£s-bonne heqre, les deux
armees se pr£par£rent a la bataille .que le prince
Eugene avait r&olu de livrer, et qu'Ali ne pouvait
ni ne voulait £viter(5aoftt 1716).Slankamen et Car-
lowicz sont deux villes cetebres : 1'une, dans l'hig-
toire des batailles, et 1'autre dans celle des trails de
paix. Le prince Eug&ne etendit et rangea en ordre de
bataille cent quatre-vingt-sept escadrons et soixante-
deux bataillons ; son aile gauche s'appuyait sur un
marais, et son aile droite &ait d&endue par des hau-
teurs escarp^es. Les Turcs &aient au nombre de cent
cinquante mille, dont quarante mille janissaires et
trente mille sipahis, le reste &ait compost de Tatares,
de Valaques, d'Arnautes et d'Egyptiens. A l'aile droite,
Ali opposa sa cavalerie h celle des Allemands, com-
mandos par Palffy, Mercy, Falkenstein, Martigni,
Patre et Nadasdy ; sur 1'aile gauche et au centre, com-
battaient les fantassins. La bataille commenga vers sept
heures du matin. Deji la victoire penchait du c6te des
Allemands, lorsque les janissaires culbut&rent & l'aile
gauche 1'infanterie allemaftde* Wallenstein, Lankon,
Bonneval cherchenten vain a retablirjbrdre, les deux
premiers tombent rtiortellement blesses, le dernier ae
defend avec deux cents hommes, etjorsqu'il les voit
r£duits a vingt-cinq , il se fait jour avec eux k travers
les Turcs qui Tentourent. Le prince Eugene ordonna
alors h la cavdlerie de l'aile gauche et au corps de re-
serve de se porter au secours de l'aile droite qui pliait.
Le prince Alexandre de Wurtemberg, soutenu par
Starhemberg, Wallis et Thurn , tint ferme au centre
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3i2 UISTOTRE
de h bataille ; la cavalerie turque , emp£chee par
celle des Allemands de secourir les janissaires , et se
croyant s£par£e de l'arm£e, prend la fuite '. Pendant
tout ce temps , le grand-vizir s'&ait tenu immobile
devant sa tente k c6l6 de l'etendard sacr£ du pro-
ph£te. Mais lorsqu'apris la mort da general com-
mandant Faile gauche, du beglerbeg d'Anatolie, Turk
Ahmed , les sipahis et les silidhars s'enfuirent tout-
&-coup k bride abattue, lorsqu'ftne vit plus autour de
lui qu'une poign£e de cavaliers feudataires , lorsque,
malgr£ ses exhortations et les coups de sabre que ses
gens distribuaient de tous c6t£s, il ne put arr&er les
fuyards, il se pr£cipita , suiyi de ses agas, au plus
fort de la m£l£e, et tomba bientdt aprfes, frappe d'une
balle au front. Ses gens le couchdrent d'abord sur un
cheval et ensuite dans une voiture, et le transport6rent
k Garlowicz ou il expira. Ainsi p£rit Damad Ali-Pa-
scha, dans la villem&neou la Porte avait nagu^resigne
la paix avec TAutriche, la Pologne et Venise; paix
qu'il avait viotee avec? tant de I£g6ret6 en declarant la
guerre k Venose. Ce fut £galement ainsi que les Alle-
mands tir&rent une juste vengeance de cette viola-
tion, et que. la destruction dont il les avait menaces
retomba sur sa f>ropre t£te. Le defter dar Mohammed,
le mewkoufatdji Ibrahim, le reis-efendi Moustafa et
l'historiographe de 1'EmpireRaschid, qui entouraient
l'&endard sacr£, le prirent au milieu d'eux, et, suivis
de l'aga des sipahis et de quelques geduklus a cheval.
Us s'enfuirent k Belgrade. Des que cette fuite fut con-
i nittoire tnilitaire du prince Engine, p. 108.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 5i5
nue a l'aile droile * ou cbmmandait le beglerbeg de
Roumilie, Sari Ahmed, les janissaires se retirerent
aossi vers Belgrade. Apr£s cinq heures de combat ,
vers midi, le sort de la bataille fut fixe. La perte des
Allemands ne fut que de trois mille hommes , tandis
que les Turcs en perdirent six mille. Cent quatorze
canons , cent cinquante drapeaux , cinq queues de
cheval, trois paires de timbales furent les trophees de
la victdire. Dans la tente du grand- vizir, on troiiva
des correspondances importantes; entre autres, lefc
lettres de cr^ance de l'hetman polonais Lidowski pour
l'ambassadeur de la confederation. Mais la joie du
triomphe fut trouble par la vue du corps mutite de
l*infortun£ comte Breuner '. Le lendenlain, les restes
du grand-vizir furent deposes dan$ le vestibule de la
mosquee du sultan Souleiman, k Belgrade; le sort
voultit qu'il repos&t dans cette ville, ou se trouvait
aussi le tombeau dlbrahim-Pascha, Tambassadeur ex-
traordinaire qui nagufere avait &6 envoy£ k Vienne
pour nSgocier la paix, et qui &ait mort gouverneur a
Belgrade. Soixante-dix ans apres, Loudon, le dernier
conqu&rant de Belgrade, emporta k Vienne le cercueil
de Damad Ali, comrne un troph^e dfi sa victoire. On
levoit encore aujourd'hui sous repais ombrage de la
forfit d'Hadersdorf , non loin du tombeau de Loudon,
et 1'inscription turque qui orne ce cercueil fait ressortir
le contraste qui r^sultcd'un tel rapprochement a . Ainsi
j Barbaramente trucidato a fresco colle catene al collo. Ferrari, p. 115.
» I/inscription originate avec la traduction se trouYent dans les Mines
ifcl'Orfw*, V,p.331,
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3i4 HISTOIHE
repos&rent h Belgrade, Tun k c6t6del'autre, l'ambas-
sadeur extraordinaire qui avait sign£ la paix de Carlo-
wicz, et le grand-vizir qui l'avait viotee. Damad AH,
conqu£rant de la Mor6e, sans poss^der Ies talens dun
grand capitaine, &ait an homme d'ttat Eloquent, pro-
fondlment vers6 dans les ouvrages sur les connais-
sances astrologiques des Sofis ; elles n'avaient cepen-
dant pas pu lui apprendre k se connaitre lui-m^me ,
«parce que, dit Raschid, sa vue int6rieure &ait ob-
» scurcie par l'orgueil *. » Le kiaya l'affermissait en-
core dans §a foi h l'astrologie, afin d'exercer plus
sfirement sur lui son influence. L'annee pr6c£dente,
le langage des astres lui avait annonc6 la conqu&e de
la Mor£e , mais il le trompa bien cruellement cette
annee, en lui pr£sageant la prise d'Ofeh *.
Des qu'on eut rendu lesderniershonneursau grand-
vizir ctefunt , 1«6 beglerbegs de Roumilie et d'Ef zeroum,
les agas des troupes, le defterdar et le reis-efendi, de
mdme que les pr£sidens des chancelleries, fi.oiiznam&
et Mewkoufat, s'assembl&fent sous la tente de l'&en-
dard sacri pour d£lib£ref sur la redaction du rapport
» G halebei ghaurouti djibiliyeti Ucheschmi bassMtint petdttesM
ghaflet oloub, c'est-a-dire : Sou orgueil outre" avait tendu le voile eke la negli-
gence devant 1'oeil de sa vigilance. Raschid, II. f. 161, donne sa biographic.
3 Lememe, f. 162. Parmi les Merits que Ton trouva dans fa tente da
grand-vizir, il y en avait tin qui expiiqoait on songe ou il elalt ^Mstfeii d'tin
vaisseau qui s'ttendait de Constantinople a- Belgrade , dans leqoel se trcw-
vait le prophete avec les quatre premiers khalifes, et d'ou descendit Omar
pour soulever un dflme qui se trouvait devant Belgrade. L'eiplication ftait
celle-ci : Que le grand-vtelr ne se laisse* pas arrtter dans le dessefn «}u11 a
de faire la guerre ; que peat redouter une nation qui est sods la garde" du
prophete, et que peut craindre un vaisseau dont le pfieie est S<tt?
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 5i$
k eiivoye* an Sultah telativemenf k la malheureuse
issue de 1st ca'ttpagne, et pour prouder du choix d'uii
serasker provisoifre. Le commanderhent sup£rieur ap-
partenait, suivant la regie, au beglerbeg de Roumilte,
qni le fefttsa, de perir de s'exposer k l'animadversion
dukiaya, devenu, pa* sa perfidie, soil esprit intrigant
et Sa tfi&hancetfi, Tobj^t de la haine oniversdle 1 . Lfe
mewkoufaftdji Ibrahim, prenant la parofe, repr6sen&
t[ue fabsence des queues de cheval, k la Suite du kiayft,
tie pertaettaii pas de supposer qtiele Sultan etit Youlti
lui cohfier le commandement en chef, et il determina
lfes trtiupefs k fcnvoyer une deputation au feeglerbeg
Ahmed-Pascha pour Finviter k se charger du £oih±
inandemfcrit.Le rapport ad*e$s6 au Sultan sur le choix
dti serasker et les 6y£nemfcns de la jotirii&f de Pete*-
i i>ouT rfonner an lectenr une id6e de h maniere dont tea historiogra*
ph.es de fEmpisp s'entendaictrt a pelndre un caractere , nods retrains id h
portrait de ce kiaya , peint par R as chid : Bir mekkiar w6 ghaddar we*si-
temkiari rouzkiar we' aalemi mekr ou ke'idinden bizar we hiyel ou scheT-
ianiyetdd Iblii iti djelis we* kixo oti dourottghde' MosseiUtne* kexabiU
eitiHmfakpisthcwemekr endische ibadoullahe istali ma zarret ettirmek
we' gendii anasi we'babasi He iltifaminde degildilr dediwfnek itschoum
walidini dakhi fassl ou mezemmet ttmegleifiikhar eder kdisiroul-kamtt
we fitnei kiamet to4 assferoittfttoun w& &a#hfrout~tfftt kit&b hoitkmindjt
ifiedjmowi schere we massdari sorer bir schctkhssi bed gewher oloubj
c'est-a-dire: Trompeur et vexatoire, oppressed de ses eontemporains ,
etbnnant te moncfe par sa ruse & sot astoce* , aorti da merae tent cjue Satan
}rtr ttomper et jouer des tour* dtaboKques, rappttant trail pout trait le
grand iiDposteur Moseilema ; enclin a i'hypocrisie et a la dissimulation ,
limit sa gloire noh-seulement a susciter le mat aux serviteurs de bieii,
riiais a rffiRr et k renter ses prepres parents ; jteur eriter de paraltfe sotis
tear dependants ; de petite taflle , disgrfreiS de 9 la nature, il avait de pe-
tite yeux et le teint jaune, et, pour nous servtr de 1' expression deTEcriture,
p^tait un assemblage de toiis lei fices, iiii elfe comptetemerit abjefct.
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3 t i6 HISTOIRE
wardein fut r&lige par le secretaire du tr&or. Comme
il y &ait dit que la principale attaque de la cavalerie
ennemie avait &£ dirig£e contre le saint &endard , et
que personne ne s'&ait trouv6 Ik pour defendre ce
pr^cieux d£p6t, les sipahis et les silihdars, qui avaient
£t£ constitu£s les gardiens de l'etendard sacr6, se plai-
gnirent hautement ; enfin, lorsqu'on rejeta la faute sur
les janissaires, les reclamations de ces derniers furent
encore plus vives. Apres de longs debats , on d£cida
que chacun avait fait son devoir; que la perte de la
bataille ne devait£treimput£e quk l'ent&ement et aux
erreurs du grand-vizir. On chargea de porter le rap-
port k Andrinople, Ibrahim le mewkoufatdji, cjui, 6\e\&
dans le serai, h l'£poque oii le Sultan actuel n'&ait en-
core que prince imperial, avait su d&s-lors gagner ses
bonnes graces ; depuis, secretaire du Sultan, Ibrahim
avait refuse les queues de cheval, et s'etait content^
d'exercer des emplois de finance, d'abgrd comme
president de la chambre des comptes, puis du mew-
koufat, titre dont il se trouvait revfitu au moment
d'entrer en campagne. Quatre jours apr^s la bataille *,
il arriva I Constantinople , porteur du rapport des
g£n£raux assembles en conseil k Belgrade [v].
Le Sultan fut sijoyeux de revoir le compagnohde
sa jeunesse, qu'il fut assez peu sensible h la ftcheuse
nouvelle de lichee essuye par Tarm^e ottomane/ Le
sceau de TEmpire fut envoye h Khalil , gouverneur de
Belgrade , Albanais d'llbessan , qui, introduk dansle
serai en quality de bostandji , s'&ait £Iev6 successive-
rnept aux rangs dekhasseki, d'odabaschi et de bos-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 5i?
tandji-baschi, puis, descendant d'un.degr6, etait* de-
venu gouverneur de Mer&sch ; enfin , au commen-
cement de la guerre, il avait ete charge de Sparer les
fortifications deNissa et de defendre Belgrade. Avec
les biens du dernier grand- vizir, furent saisisle kiaya
Ibrahim, secretaire du defunt, etLaalizade-Efendi 1 ,
Tun de ses confident , auquel etait attribute l'expli-
cation du songe trouv^e sous la tente du grand-
vizir , et soup$onn6 d'avoir prophetise k son maitre
qu'il c^lebrerait la fete du bairam k Ofen, reconquise
par ses armes (21 aoAt 1716 — 3 ramazan 1 1 28) . La
dignity du kaimakam fut donnee au mewkoufatdji
Ibrahim, et celle du reis-efendi Moustafa, k Soulei-
maa. Cette derniere nomination eut lieu pour etouffer
les rumeurs populaires , qui d^signaient le precedent
reis-'efendi, comme ayant participe aux mesures prises
par Je kiaya, bien que Thistoriographe de 1'Empire,
qui avait assist^ a toutes les. deliberations du conseil
de guerre, affirm&t qu'il avait ete constamment d'un
avis oppose a celui du kiaya. Un quatrj&me Ibrahim,
grand- ecuyer , fut nomme conducteur de caravane
des peierins. Comme on le voit, le nom d' Ibrahim
etait fort en faveur : mais , des quatre dignitaires qui
portaient ce nom, le mieux partage etait le kaimakam,
qui avait ete anciennement , et etait encore le favbri
du Sultan. Fils dun sipahi , voi6vode d'Izdin, pres
Kaissariye, il etait entre au serai en qualite de baltadji ;
bient6t, quittant la cognee pour la plume, il avait
i La biographic de son pere Laalizadt Schelkh Mohammed est la 1485«*«
dans le recueil de Schelkhi.
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Sj8 UJfcTOiME
6vite, w j'iWgWi (to ffflti , d'encaijrjr to jafcpfjf
de* pr£c£dens grands-vijirs ; H parvi#t f*)«f to?4»
comme d'aotres baltadjis, k to dignity de gra#<J-vkur,
et occupera comme tei Tattemion de )'hist»N£.
L'arr& de mort que, to veiHe 4* to btfailie <fc Peter-
war dein, le grand- vizir wait Iwci contra Elh*4j Mot
hammed-Pascba , ejito a Jirusetom, ne parvint pas,
heureusement pourlui, fcsa destination, car tf fut rap r
port£ imm£diatemeat. £0 rendani celie sentence, to
veille de sa mort, ie grand-vizir av$it assouvi une vieilte
haine et c£d£ aux accusations dont M^hapuned-Pa-
scha &ait l'objet, et qui |e repr&entaieaj comme ea-
tretenant des intelligences « vac les infid&es, pour p'&r*
prononc£ en faveur de to paix $vec leg Rus$ee. Quel que
repugnance qu'£prouv& le Sullan a approuver cette
condamnation, il n avail pu s'en dispenser, l'usage vour
lant que leg propositions des grands-Yupir* seraskers
fussent toujours accueillies en campagne. L'asseptimeitf
qu'il donna k to sentence de mort prononc6e contre
1'ancien kiaya, le ruse et perfide Ibrahim, &ait beau-
coup mieux motive f . Le beglerbeg de Roumilie, Sari
Ahmed- Pasoha et le defterdar Elhaiij Mohammed,
furent Aleves k la dignity de vizir; mais la promotion
du dernier eut lieu contre lavis du Sullen et du kaima-
kata, que son extreme ambition avak indisposes ; en
efFet , non content de faire parvenir sa demande d'avan-
cement an souverain , par l'organe du mewkoufatd^i
porteur du bulletin de tobat^aUe, il avait en m&ma
1 Rasehid saisit encore odfcte cpcoottmce pour tonncr c*m&re a ton
indignation contre ce kiaya.
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DE L'EMH&g OTTOMAN. 3ig
temps pfewg6 }$ sejrc&r Sari Ahmed, $uccesiseur cju
grand vizir dans le coromandeuiept de l'^nqle, de h
)ui eavQyer p»p £crit. Cette double d-marche lui nuisit
dans l'esprit du Sqltan , corarae agx yeqx d'lbrahiiq,
qui n'avait pa? en de peine k obtenir pour lui la faveur
qu'il sollicitgat. Sari AhmejtJ-Pascha ne jouit pas long-
temps de sa pouvelle dignity, car un jour que, passant
en revue k Batoudjiaa la garnison de Belgrade, il lui
adressait une r^primande s£v£re , les soldats , irrit£$
contre lui depqis la balaille de Peterwardein, dont la
perte lui ^tait attribute en grande partie , se jet6rent
gur lip et le mirent en pieces. L'ancien defter dar,
ftloustafa-Pascha, le remplaga k Belgrade *.
Tejne$war, dernier boulevard de Hslamisme en
Hongrie , venait de succomber : cette nouvellefut te-
niae secrete pendant quatorze jours. Vingt jours apris
la balaille de Peterwardein, Eugene vint camper de-
vant la capitale du Bariat. A cette epoque, Temeswar
&ait moins fortifi^e par tes ouvrages de Tart que par
sa position naturelle dans les marais de la Temes et de
la Bega. La place se composait alors de trois parties :
la ville, le cfaftteairet la palanque. Seize regimens de
cavalerie , commandos p?r le comte Palffy , dix ba-
taillons d'infanterie, sous les ordres du prince Alexan-
dre de Wurtemberg , formaient Tarm6e des assi6-
geans, que rhistoriographe de l'Empire porte a cent
cinquante mille hommes, en affirmant que ce siege
dura soixante-douze jours, aulieu de quarante-quatre,
i Rascbid reproduit ici, II, f. 169, lesconseils d' Ahmed, rapports plui
haut, auxquels f ut attribute la perte de la balaille.
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520 toSTOiAE
et que l'arm£e envoyle au secours de la place, sous
le commandement de Kourd-Pascha, ne comptait que
quinze mille hommes, tandts que son chiffre reel &ait
de vingt-sept ou vingt-huit mille. La tentative que
fit Kourd-Pascha pour jeter dans la place douze mille
janissaires, sipahis ou Tatares, et des munitions de
bouche, £choua complement. Quatre mille Otto-
mans et Tatares restferent sur le terrain. Apr£s un
assaut qui dura quatre heures , la palanque fut prise ;
mais le nombre des morts s'&eva a quatre cents, et
celui des blesses a quatorze cents (13 octobre 1716).
Le prince Emmanuel de Portugal, celui de Bevern, et
le prince Alexandre de Wurtemberg,qui, assistes des
g£n£raux Langlet, Walliset Liebenstein, avaient con-
duit l'assaut de la palanque, dirig&rent les travaux du
stege avec tant de bonheur; qu'ils reduisirent la forte-
resse k capituler (25 novembre 1716). Sur les dix-huit
mille hommes dont se composait la garni son, douze
mille se retir£rent; mille charriots, au lieu de sept
mille qu'ils avaient demands, emport£rent leursba-
gages. Eugene ne fit aucune difficult^ d'autoriser la
sortie des kruczes ren^gats et autres gens sans aveu r .
Ce fut avec la m6me facility qu'il accorda aux Arm6-
niens, aux Grecs, aux Rasciens et aux Albanais, la
permission de rester k Temeswar , si bon lew semblait.
Des le commencement de la campagne , il s'&ait mis
en relations avec les chr&iens de Servie et d'Alba-
nie, et leur avait promis des secours pour les aider k
i Cette canaille peat se retirer partout ou elle voudra, Histoire du
prince Eugfae, p. 12.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. &n
secouer le joug de la tyrannic turquefvi] ; les salves de
cent vingt canons , dont la plupart £taient graves aux
armes des empereurs de Rome et d'Allemaghe , an*
noncdrent que Temeswar venait enfii* de se soustraire
h un esclavage qui durakdepuis cent soixante-cinq ans.
La prise de cette ville ouvratt la route de Valachie
(25 novembre 1716). JbomJd cents Servient com-
mandos par le bavarois Dettin , s'empar^rent par sur-
prise de Bukarest , qu'ils pillerent , et d'oii ils enle-
v&rent le hospodar Nicolas Maurocordato x . Ge coup
de main prouva a la Porte la loyaut6 de ce hospodar,
qui n^tait pas , corame ses predecesseurs, Tami se-
cret des Allemaods, et qui , recemment, avail rendu
de bons services a l'Empire ottoman, au moyen dela
correspondance qu'il avait entretenue avec Rakoczy,
par l'intermediaire du moine Isaie. Pour reconnaitre
ee devouement , on installa a sa. place, comme voite-
vode de Valachie , son fr6re Jean Maurocordato , jus-
qu'alors interpr&e de la Porte, auquel succeda, a ce
dernier titre,Ghika, son parent maternel (2 d£cembre
1716 — 17 silhidje |128).
Le chef d'escadron Ernau fut moins heureux a l'at-
taque de Yassy, que le bavarois Dettin h celle de Bu-
karest, deux mois auparavant; car au moment ou il
assail lait. avec deux cents hussards*, le prince de Mol-
davie, renferm^ dans son ch&teau de Tschetazouye,
i Histoire de Valachie,' par Engel , II , p. 7. Chiaro, p. 223, qui parte
de ee fait comme temoin oculaire et dont rexcellente histoire est sur ce point
le meilleur document qu'on puisse consulter.
a Le mot grec moderne xaVav?,- signifie hussard comme le mot turc kef
tana,
T. XIII* 2 1
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5a* HISTOIRE
deal mille Tatares vinrent ao secours de ce dernier ;
cet episode est raconte en detail par Costin Nicolas le
jeune, le khawendemir de Moldavie, comme son on-
cle Myron en &ait le mirkawend ' (21 Janvier 1717).
La nouvelle de la dtfaite de Peterwardein ctecou-
ragea enti&rement l'arm£e qui assiegeait Corfou, ou le
courage et lhabilete de Schulenbourg dtfendaient
un rocher contre les forces combines , mais non
pas toujours unies , du kapitan-pascha et du serdar
Kara Moustafa-Pascha. Les Turcs &aient ctebarques
r£cemment dans la presqu'tle de Xamilia, d£pen-
dante du territoire de Butrinto, au nombre de trente
mille cavaliers et'de trois mille fantassins; puis, ils
s'&aient empar£s des hauteurs d' Abraham et de Saint-
Sauveur, situees devant la forteresse, et sur les-
quelles, de douze points differens de la ville, cent
bouches & feu vomissaient le fer et la flamme a . Au lieu
de se mettre k couvert dans une tranchee 3 , et douvrir
> Voir, dans le XI« vol. des Notices etExtraits des Manuserits delaBi-
bliotheque du Roi, p. 274-393, les extraits si remarquables qui en sont
donnes par M. Hase , bibliothecaire. Khawendemir est la veritable pro-
nouciation de Mirchond, comme la fait observer Jourdouin dans le IX*
vol. des Notices et Extraits des Manuscrits; toutefois, il n'a pas releve* cette
seconde erreur que Khawendemir elait le fill de Mirkawend: il n'ttait
que son neveu.
a Les deux hauteurs d*Abramo et de S. Salvatore : dans la vieille
ville., quatre postes armes de dix-sept canons leur etaient opposes ; c'etaient
Campana, Mexxa Luna, CidateUa, Martinengo; dans la nouvelle ville
de San Giorgio , c'etaient : Sette Veneti , Sei Veneti, Calogero et Ponta
avec vingt-huit canons et trois mortiers de cinq cents ; sur le front de la
ville Staient : Stranduoso, S. Atanasi , Piataforma et Raimunda, avec
quarante-deux canons et sept mortiers (traboukhi).
a Giammai si lavaro regolaramente colli approei, Ferrari, p. 127.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 5aS
one br&he, les asstegeans perdirerit un temps pr£-
cieux k canonner la haute tour de Saint-Spiridion,
qui n'en souffrit nullement ; ils lanc6rent £galement
dans la ville des bombes, contre Tatteinte desquelles
Jes homines se mirent k Tabri dans la vieille ville, et
les femmes en se r£fugiant dans les souterrains de la
place. Une premiere sortie ayant 6chou6 , Schulen-
bourg fondit une seconde fois sur les asstegeans k la
t&e de huit cents hommes seulement , et les repoussa
apr&s un combat acharne qui dura sept heures (1 8 aotit
1717). Lelendemain, le vent du sud jeta la consterna-
tion dans la flotte et dans le camp des asstegeans, qui,
deux jours apr&s, s'embarqu£rent dans le plus grand
d6sordre , abandonnant vingt-trois grandes pieces de
si£ge, trente fauconneaux, sept mortiers et deux cent
soixante dix paires de buffles pour attelage des canons,
cent cinquante chevaux d'artrllerie , deux mille em-
ployes au service d'autres armes et toutes leurs muni-
tions en poudre et en plomb. Schulenbourg prit en
consequence possession deButrinto et releva les fortifi-
cations de Santa-Maura qui avaient iti rashes (21 aotit
1717). En Dalmatie et en Albanie , les Turcs se bor-
n£rent, pendant le cours de cette campagne, k assaillir
Verlica , Prolec et Duare , et k menacer les habitans
de Pastrovich et de Mont6n£gro. Le pascha de Bos-
nie campa a Cuprez ; celui d* Albanie k Cernizza. Apr£s
avoir r£uni a Cattaro les troupes de Macarsca , de
Primorize , de Virgoraz et d'Opus , Emmo parcourut
avec elles le territoire de Zuppa et de Budero jusqu'i
Antivari et s'empara d'Ottovo , de Zarine et de Po-
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3a4 HISTOIRE
povo. La plupart des fautes qui avaient d&ermin£ la
lev£e du stege de Corfou furent imputes au kapitan-
pascha Djanum-Khodja , auquel avait d£ja et£ attri-
bute Invasion de la flotte v£nitienne a Modem lors de
la pr£cedente campagne, et qui avait dd k rinfluence
du kiaya d'£chapper k I'enqudte dont il &ait menace.
A Corfou , sa haine pour le serdar l'avait emp£che de
le soutenir : au lieu de tenir secr&e , comme c'&ait
son devoir , la d£p£che qui lui avait ^te adressle apres
la bataille de Peterwardein , et qui l'autorisait k se
retirer , si , dans leg trois jours de sa reception , le
fort n'avait pas succombe, il la rendit publique, et
prfoipita ainsi Tembarquement des troupes, que rien
ne put retenir apr£s la lecture de cette lettre ; il fit
aussi pendrei unevergue Hasan-Khodja , Tun des
plus braves capitaines de la flotte. Ces actes furent
cause de sa revocation et de son emprisonnement au
chateau des Sept-Tours. Sa dignity 6chut k Ibrahim-
Pascha qui > sous le grand-vizirat d'Ali de Tschorli,
avait 6t6 trois ans grand -amiral , et depuis avait &6
nomm£ chef de la cara vane des p&erins , en sorte qu il
avait i\6 appete k dinger non-seulement les vaisseaux
du desert, nom que les Arabes donnent aux cha-
meaux, mate aussi les caravanes de la mer, e'est-k-dire
la flotte.
De m&ne que le d&astre de Corfou avait 4&& attri-
bue au kapitan-pascha, de m&ne celui de Peterwardein
fut impute k l'absence du khan des Tatares, qui fut
pareillement destitu6. On ne jugea pas convenable,
cette fois, de lui choisir un successeur parrai les fils de
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DE L'EMMRE OTTOMAN. 5a5
S£fim-Ghirai ; on ahim mieu* le prendre dans une
autre famille, et le choix imperial tomba sur le vieux
Kara Dewlet-Ghirai. Cette nomination n'ayant pas
obtenu lassentim^nt des mirzas et des schiriribegs, on
revint k la famille de S£lim-Ghiraf, et Seadet-Ghiraf,
kalgha de Dewlet-Ghirai, regut le titre de khan (1 6 d&
cembre 1716 — 1 er moharrem 1129). Kara Dewlet>
Ghirai mourut pen de temps apr&s (89 d^cembre 1716
— 14moharrem 1129). L'arriv^e d'un ambassadeur
indien coincida avec le depart du nouveauf khah pour la
Crim&i. Le gouverneur de Rakka venak d'intercepter
tine ambassade frangaise qui se rendait en Perse, et
eelui de Bagdad avait r^cemment donn£ avis de la
d&ouverte qu'il venait de foire d'un vase rempli de
pieces d'argent pr&enddes koufiques, dont la valeur
&ait de sept cent cinquante paras, et qui, ft cause de
leur antiquity furent deposes au tresor de Bagdld.
Deux des oulemas les plus ^minens, les fibres Kewaki-
bizad6, que le precedent grand-vizir avait exiles, Tun 4
MerSsch et 1'autre k Malatia , furent rappetes. Deux
autres oulemas, dont Tun &ait renomm^ pour sa pro-
fonde science , et 1'autre pour ses tatens calligraphy
qttes, moururent sur ces entrefoites. Le premier &ait
le grand-juge du pays, Sahhafzad£, c'est4-dire le fils
du libraire, et le second Dourmischzad6 , le plus
e£lebre £crivain de taaliks qui ait v£cti k cette Spoque,
et k la plume duquel sont dues les belles inscriptions
qui d£corent les mosqu&s construites de son vivant ,
notamment celles d'Ali de Tschorli , de la Walid£ ,
du kapitan Ibrahim-Pascha , du moufti Feizoullah #
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S*6 HISTOIRE
da sera! de Galata el des fontaines do dernier grand-
vizir qui ait port6 le nom de Koeprulii, dans le serai
de Koutschoukdep£ a Andrinople '.
Fatima, fille du Sultan, qui avail alors qnatorze ans
el avait &6 fiancee au grand-vizir Damad Ali, fut
donn£e en manage au favori Ibrahim- Pascha,' qui
r&init ainsi an litre de kaimakam celui de gendre du
souverain. Le defterdar Mohammed Pascha, autre
gendre du Sultan , qui n'avait aucune experience des
affaires, fut ^conduit, et son pr£d£cesseur, Mohammed
le Jaune, qui avait montre un si grand desir d'obtenir
la troisfcroe queue de cheval , fut mis a mort pour
n'avoir pas repr£sent£ les trois mille hommes qu on
lui avait impost l'obligatton de lever a ses frais. Le
gendre defterdar ne lui surv6cut pas long-temps.
Pour que tout fut pr& k 1'ouvertdre de la proehaine
cflppagne, la Porte entretenait la correspondance la
plus active avec les rebelles hongrois, Rakoczy et
Berczeny , et donnait des instructions pour le rassem-
blement des troupes. Un autre ordre enjoignit aux
g6n£raux des sipahis et des silihdars de ne plus accu-
muler sur la m£me t&e les (daces de sipahis qui se
trouvaient vacantes, comme Tabus s'en etait introduit,
de telle fagon qu'un seul individu jouissait souvent de
cent vingt ou de cent cinquante aspres de solde quo-
tidienne, tandis que pr6c£demment il n'aurait pu en
recevoir plus de quatre-vingt-dix.
Le silihdar fut envpye d' Andrinople a Constanti-
» Raschid. f. 157. Il tracait avecune 6gale perfection le djelli etle ghov*
bar, c'etl-a-dure Its grands et petits caracteref .
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DE L'EMPIRB OTTOMAN. 517
nople, avee mission de tirer du tr&or imperial du noo-
veau serai, appel6 le tr&or de la citerne, apres avoir
pris toutefois 1'avis dukaimakam, six cent quinze okkas
cent soixante-douze drachmes d'argent et deux cent
cinq okkas et demie quatre cent vingt-sept drachmes
de m&ne m&al , provenant de vaisselle et de harnais
d'argent, pour les verger k la monnaie. Apr& qu'on
eut arbor6 les queues de cheval et ordonng les pri&res
habituelles au sujet de*la guerre, le grand-* vizir partit
le premier d'Andrinople et alia camper k Nissa; de
son c0t6, le Sultan se rendit d'Andrinople a Sofia.
Le grand-vizir venait seulement de quitter Andri-
nople, lorsque l'armee imperial, traversant k Danube
a Visnitza, dans le voisinage dePancsova, campa juste
devant Belgrade entre la Save et le Danube \ Legou*
verneur de Roumilie, Schatir Ali-Pascha, 6tait arriv^
dans la plaine deWeretschar, d ou il s'&ait jet£ daw ia
forteresse (1 5 juin 4 71 7). Celui de Diarbekr, Redjeb,
1 Raschid, II, f. 181; Histoire de la guerre de Hbngrie> p. 121; Traiti
de Vart militaire chez les Turcs, par Hayne, p. 402; Histoire du
prince Eug&ne, par Dumont. Raschid dit, par errear que le passage da Da-
nube eat liea le 3 redjeb (13 join). Les historiens europeens qui ont fait le
recit de cette campagne ne sont pas mieux informes sur le comptedu grand-
Tizir alors en fonctfons, que Hayne, p. 394, designe sous le nom de Koeprulu
Nououman-Pascha : Y Histoire du prince Eugene et de la guerre de Hen-
grie, p. 120, sous celui de HatschiAli, et Ferrari, p. 166, sons le litre de
bostandjibaschi de Bosuie, tandif qu'il ne s'appelait ni Nououman, nl
AU, mais bien Khalil-Pascha. Le lieu en face duquel 6tait situS le camp,
rtcoit, dans Raschid, le nom de Yemeklik tscheschmesi, c'est-a^dire, Fon-
taine du repas. Voyez Y Histoire des campagnes de Varme'e imperiale
contre les Turcs pendant les annees 1716, 1717, 1718, d' apres les nieces
originales dans le nouveau Journal militaire autrichien, Vienne loll $
p. 16 , auquel est jointe la carte des operations.
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3t8 histohub
apris avoir pra Mehadia, re^ut I'ondre de marcher
sur Belgrade , avec les trente mitle bommes quil com*
mandait poor couper le passage a l'arm6e ennerata
dans la direction de Pane so va. Ali-Pascha, fils de
Kara Mousftafa , celui qui avait assi£g£ Vienne , ayant
fm dire du pont de la Morawa, cni il avait ete€nvoy6,
que le besoin de renfort &ak indent, le grand-vizir
qutUa Niasa vers le milieu dejuillet et se dirigea vers
cette rivttre (ISjuillet 1717 — tschAban 1*99).
Cependant, depuis trois semaines, le prince Engine
assiegeait Belgrade. Quantity de princes allemands
et.frangais s'&aient rallies sous ses drapeaux, jaloux
de conirifcuer & la prise de cette ville. Les princes de
Bavjgre, de Wurtetnberg, deHe&e, deBevern, de
Culmbach, d'Anhalt-Dessaii et de Liechtenstein ; Ies
princes de Dombes, de Marsillac, de Pons; les
c6wtcs Cbarlois et d'Estrade , le marquis d'Alincourt,
Bis du mai&hal de Villeroi , repr£sentans de la che-
valerie frangaise, brillaient a Tarm^e imperiale, de
m6me qu'on avait vu figurer leurs pfcres aux sieges de
Candie et d'Ofen, aux batailles de Saint-Gothard et de
Nicopolis. La premiere ligne etak commands par
les g£n£raux Montecuccoli , Starhenibeg , Bonneval ,
Brown, Daun, Windischgratz , Dalberg; la seconde
par Nadasdy, Mercy, -Harrach, Lobkowitz, Area-
berg, Holstein, Frederic de Wurtetnberg et Emma-
nuel de Savoie , neveu du prince Eugene. Le baron de
Petrasch, qui n'avafa pu r&issir & s'emparer par
surprise de Sabacz , se porta entre cette ville et Mitro-
wilz.
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DE L'EMFIRE OTTOMAN. 329
Le 1 er aoAt, Tarm^e ottomane apparut enfin sur les
hauteurs de Crutzka ou d'Hissardjik, forte de quatre-
vingt mille janissaires, de dix milte Asiatiques, d'urt
pareil nombre de troupes feudataires europ&nnes ,
de vingt mille sipahis ou volontaires et de trente mille
Tatares : la garnisort de Belgrade comptait eh oulte
environ trente milte hoinmes. Au lieu de profited d&
*a srjp£riorite num^rique pour chercher a frapper utt
coup decisif en attaquant I'armee eftnemie; que lei
travaox du siege avaient reduite de quatre-vingt milte
homines ' k un nombre de beaucoup iufgrieur, le
grand-vizir perdil son temps k d^HWrer, & consulted
tantdt le mschandji Mohammed Pa($ch a, tant6t le rcSs*
efendi Kadri, tantdt le grand-ecuy** Hafderaga, alori
au camp, et il finit par n'ficouter pereoftne, pas taSme
le khan ctes Tatares, Jorsqye ce dertifer ltri eat amen£
un fetifdrt de stfftante-dix mille hommes. Pendant
quirae jogrs, tes ddux armies &harig&?ent un fed
tr&-vif ; les Turcs avaient pod* leur pfert cent qua-*
rante canons et trente^cihq mortiers; chaciin dea
deux camps atttndait la retrfrtte de lennemi. Enfin ,
le manque de fourrages cotftraignit le grand-trrifr 4
prendre un parti, mais non pas d se retirer, comme
Tesp^rait Eugene : s'apettevant done qu'une attaqtie
#tait inevitable, ce dernier aima mieux I'affronter que
i'attendre. L action fut brillante: on vit toutes les trou-
pes et tous les g6n£raux de l'armee imp6riale rivafoer
» * 83 bataiUons, 66 compagniesde grenadier*, *22 escadroos de cava*
lerie,23 de dragons, 25 de hussards, elle elail de plus de 80,000 homines. »
tttmfot, Bhtoire mUHaire A* prime Engine , p* 135.
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S3o HISTOIRE
de courage et d'h&oisme (16 aoAt 1717) [vn]. A
1'aile gauche , les Bavarois se pr&iptt&rent sor une
batterie de dix-huit canons, d£fendue par vingt mille
janissaires et quatre mille Ta tares; sootenns par la
cavalerie teg&re et Hnfanterie da prince Alexandre
de Wurtemberg, ils s'empar&rent de la batterie et la
tourn&reiit contre les Turcs. L'aile droite de l'arm&
ottomane ne tarda pas k plier comme laile gauche, et
il s'ensuivit tine deroute gfti^rale. Dix mille Tares
restSrent sur le champ de bataiUe; on pareil nombre
furent blesses ou fails prisonniers ; la perte de l'ann&
chr&ienne ne fut que de deux mille morts et un peu
plus de trois mille blesses. Parari les premiers, on
eut & regretter le feld-mar&hal-lieutenant comte
Hauben, le g£n£ral Dalberg, un jeune comte Palffy,
un prince de Tour et Taxis, les marquis Clerici et
Viliette; au nombre des blesses furent le prince Lob-
kowitz, le prince Frederic de Wurterabeqj , les ge-
n£raux Rottenhahn, Locatelli, Arigoni, le feld-mare-
chal comte Palffy, le seul auquel le prince Eugene
e&t confie le projet et le plan de la bataille* enfin le
prince Eugene lui-m&ne. l^'ennemi abandonna dans
sa fuite cent trente-un canons de fonte , trente-cinq
mortiers , dont quelques-uns langaient des bombes
du poids de deux quintaux, vingt mille Jboulets de
canon, trois mille bombes, trente mille grenades, six
cents barils de poudre, trois cents de plomb, cin-
quante-un drapeaux , neuf queues de cheval , quatre
trompettes , une grosse caisse de la musique des ja-
nissaires , une grande timbale de ceile des sipahis, et
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 35t
deux paires de petites. De m£me qu'apr£s la bataille de
Peter wardein, Eugene s'empara pour sa part dubutia
de la tente du grand- vizir [vin].
Le surlendemain de Faction, la redditibn de Bel-
grade fut signee, et la garnison de cette place se retira
tambour battant et enseignes d^ployees. On trouva
dans la ville, dans les presqu'ttes du Danube et a
bord des tSchaiques qui composaient la flotte, plus de
six cent cinquante canons. Le: brave Ibrahim, kapitan
de la flotte, avait succombe dans une action engage©
mSnie avant la bataille. La chute de Belgrade entrains
celle du grand- vizir, k Uncapacity duquel etait dti ce
revers. Le Sultan offrit le sceau au kaimakam , son
gendre , qui le refusa prudemment, de peur qu'une
campagne ouverte sous de semblables auspices ne d6-
termin&t ^galement la chute du nouveau grand-vizir * r
le sceau fut alors donne a Tun de ses protegds, le
nischandji -pascha, Mohammed , fits d'un n£gociant
£gyptien de Kaissariy£. Mohammed, entr6 au service
d'un pascha de Haleb en quality d'ecrivain, remplit
d'ahord quelques fonctions subalterries; puis s'&jrnt
fait connaitre d' Ibrahim, gendre du Sultan » au com^-
mencement de la dernifcre campagne , et ayant si* lui
plaire , il dut k son patrpnage d'etre successivement
nomm£ nischandji, vizir, et enfin d'fitre promu & la
plus haute dignity de l'Empire. Les deux conseillera
de l'antien grand-vizir, le reis-efendi Kadri, et Hal-
deraga, furent £loign& du camp imperial.
Pendant la campagne de Belgrade , s'accorapKs-
9aient d'autres^nemens ep Traraylvanie, en Bosnia,
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33a HIST01RE
en Dalmatie et sur la M6diterrdnee. Le serdar Redjeb-
Pascha , originairement destine k commander en
Transylvanie, dont Kaplan - Ghira! , a vec dix mille
Tatares , Aait venu renforcer les qnarante mille cou-
reurs et volontaires , borna toutefois ses operations k
la prise de Mahadia et de la nonvelle palanque ; puis il
se replia l&chement sur Orsova et Widin. En Bosnie,
an contraire t la pr£voyance de Koeprulu Nououman-
Pascha d£jouait les desseins du g£n£ral Petrasch, qui
avait cherch£ a s'emparer de Zwornik , et qui ne s'e-
tait pas attendu k trouver son adversaire post£ avec
toutes ses forces disponibles sur l'embranchement
des deux routes de Novi et de Zwornik. A vant la prise
de Belgrade , les deux cpmmandans de Zrin et de
Costanizza, avec nrille cbevaux et cinq cents heiduques,
avaient essay£ de surprendre les forteresses turqued
de Novi , de Kamingrad et de Maydan dans la vallee
d'Uranovaglava , aux bords de l'Unna , non loin de
Novi; mais Czericb, qui en fat inform^, passa
l'Unna , s'&abKt k Sdinte-Catherihe et fit avorter ce
J>rqjet (3 juin 1717). En imposant aux habitans de
Yassy one contribution de guerre et en d&rmsant
h residence du hospodar, le feld-marechal Stain-
title lira vengeance des incursions que les Turcs nG
eessaient de dinger en Transylvanie, dans le Ba-
nat et la Hongrie 6up£rieure. En Dahfcatte , Aloft
Mocenigo , soccesseur d'Emmo i avait pris les me-
sures n£cessaires pour mettre k 1'abri des Tares Po^
povo, Ottovo et Zarine, dont ils cherchaient k s'em-
parer \ ntille soldats tir& de Mostar , Scoblato et
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DE L'EMPIRE QTTOMAN. 353
Gorauze , villes fronti&res, furent transplants par
lui sur le territoire venitien ; puis il ass&gea Imoschi,
da plus forte place frontifkrede I'Herz6govine , qui,
du c6t£ de la Dalraalie , protege les chateaux de Sing,
d'Almissa , de Duar6 , de Primorie , de Macarsca et
de Vergoraz, et, du c6td de l'Herzegovine, ouvre les
routes de Dououno, de Gliouboiischi, de Pocitegl et de
Mostar, capitate de THersek. Apres sen gtre empard,
Mocenigo, maitre d'aller a Mostar, regut lordre de
porter ses armes victorieuses dans la direction de Cas-
telnuovo. A la suite d'unconseil assemble pour savoir
lequel des ports fortifies de l'Albanie , tels que Dul~
cigno , Durazzo , Yallona , Alessio ou Antivari , il
convenait d'attaquer le premier , il se decida pour
Antivari, qui &ait le plus rapproch£ des frontieres de
Budua et de Pastrovich ; mais il asstegea en vain cette
place , car les Montenegrins lui manqu£rent de pa-
role et le pascha de Scutari eut le temps de delivrer
Antivari (26 octobre 1717). Plus heureux que lui ,
Fisani se rendit maitre de Prevesa et de Voniza , les
deux postes avancls de Santa-Maura , quidominent le
golfe d'Arta.
Sur mer , on ne pent signaler aucun 6v6nement
decisif. Cependant le capitaine extraordinaire de la
flotte , Flangini , livra trois combats successifs en vue
des Dardanelles , &la hauteur de Lemnos et de T£n6-
dos, h la flotte du kapitan-pascha Ibrahim , forte de
trente-quatre b&timens ; lui-m&ne succomba en h£ros
(12, 13, 16juin 1717). Les escadres combines de
Diedo et de Pisani rencontrerent la flotte turque pr&
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334 HISTOIBE
des cfltes de Mor6e , i la hauteor de Calotyches ;
mais , loin de s'aborder , les deux arm&s navales
semblgrent s'£viter mutueHement ; Pisani fit voile pour
Cattaro, et le kapitan - pascha rentra, apr£s avoir
perdu deux b&timens , a Constantinople , ou , en
vingt-quatre heures , par l'impr&voyance des pilotes
et des capitaines , la flotte eut plus k souffrir que dans
toute la campagne ; car , pendant la nuit , deux b&ti-
mens echouerent au-dessus des Sept-Tours , devant la
porte du Rivage, et, dans la matinee du jour suivant ,
Tun des vaisseaux mouilles dans le port sauta avec tout
son Equipage ( 2 decembre 1 7 1 7 — 27 silhidj^ 1 1 29).
Aussi , lorsque , trois mois apr& , un incendie se de-
clara k l'arsenal , par suite de la negligence apport£e
dans le calfatement dun navire qui briila avec la moiti£
d'un chantier de bois de constructions, ce nouvel acci-
dent d&ermina la disgrace du kapitan -pascha, auquel
on avait k reprocher la perte de six b&timens detruits
par l'enhemi, echoues ou incendies, plus celledu chan-
tier ; sa place fat donn£e d£s-lors, avec les trois queues
de cheval, au prudent kapitan -pascha qui, depuis sa
revocation, commandait le vaiss€au-amiral ! (23fevrier
1718 — 22 rebioul-ewwel 1150). Ibrahim, gardien
du sceau du grand- vizir Elmas Mohammed-Pascha,
tue a la bataille de Zenta, conduisit k Azof le kapitan
disgraci£. Comme ce dernier avait laisse prendre aux
« Une errear grave a 6te" commise a la page 233 des tables ehronotogi-
ques ; car le kapitan-pascha Souleiman y est confondu avec le grand-vizir
Souletman-Pascha qui 6tait mort a Rhodes en 1127 , trois ans auparavant.
Biographies de$ ffrands-vixirs par Osmanzad^ et Dilaweragazad6.
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DE L'EMPlRE OTTOMAN. 335
lewends et aux kaliondjis de la flotte, une liberty sans
bornes, son successeur, Kiaya Ibrahim, regut l'ordre
de maintenir une discipline d'autant plus severe que,
peu de temps auparavant , les troupes de terre s'e-
taient £galement r^voltees a Sofia en recevant leur
solde, et que le grand-vizir avait &6 contraint , pour
les faire rentrer dans le devoir , de ceindre T6pee
en les mepagant de les faire tailler en pieces , si elles
ne se soumettaient. Vers la iridme £poque , il fut mis
un terme aux exactions des begs et des beglerbegs qui,
charges de lever les contributions de guerre , £cra-
saient d'imp6ts arbitrages les sujets de FEmpire: ces
contributions furent r^glees par un £dit imperial a la
suite duquel on lisait: «Celui qui desobeira au present
» £dit , je le tuerai , aussi vrai que le Koran , ce Uvre
» £man6 du ciel , est ici bas mon guide. »
Rakoczy, qu'un aga etait all6 chercher en France,
venait d'arriver sur un navire de cette nation , qu'il
avait fret6 au prix de cinq mille piastres ; il fut regu k
Andrinople comme devait 1'ttre un prince de Transyl-
vanie. Le brave Koepriilii Nououmanzad£, gouverneur
de Bosnie, regut deux cents bourses d'argent, desti-
nies k couvrir les frais de la mise en &at de defense
du territoire plac£ sous ses ordres. Le Sultan lui donna
une autre marque de sa faveur en decernant la troi-
si&ne queue decheval k son fr&re Ezaadbeg, troisteme
fils du vertueux grand-vizir qui avait succombd k la
bataille de Slankamen. Le moufti Ismail, creature du
kaimakam , gendre du Sultan , qui l'avait 61ev£ dans la
supposition qu'il ne chercherait jamais k contrarier ses
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536 HISTOIRE
vues, perdit sa place, pour avoir voolu user tropin
brement du pouvoir qu'elle lui conferait dans les pro-
motions aux fonclions de juges , et Abdoullah regut
k sa place le v&ement d'honneur, dout la couleur
blanche est l'insigne de la plus haute dignite legis-
lative.
Enfin, Nischandji Mohammed-Pascha lui-m&ne fut
lcart£, car le gendre el favori du Sultan, stir de la
prochaine conclusion de la paix, crut ne devoir pas re-
fuser plus long-temps le sceau de l'Empire, quil con-
serva jusqu'A la fin du r£gne d' Ahmed III. Pendant
ces douze ann£es, il jouit constamment dune faveur el
d'un pouvoir sans bornes; il aima par dessus tout la
paix et les bienfaits qu'elle apporte avec elle; il ful k
la fois juste et habile ; protecfeur des sciences el des
arts, il se montra toujours bon et humain. Pour plus
de distinction, le Sultan lui envoya un lundi (jour
consid6r6 comme le plus favorable pour toute entree-
prise), au lieu du sceau d'or habituel, signe de la sou-
veraine puissance , l'emeraude grav£e k son chiffre,
quil portait ordinairement au doigt, comme un heu-
reux presage de la belle et noble administration pen-
dant laquelle Ibrahim, possesseur du sceau imperial,
maintint l'Empire florissant dans une paix contiauelle
(9 mai 1718— 8 djemazioul-akhir 1 130).
D&s la premiere ann£e de la guerre sur venue entre
la Porte et TAutriche , le ministre anglais Sutton avait
obtenu de sa cour de pleins-pouvoirs pour offrir sa
mediation k Constantinople ; lhunneur de cette me-
diation etait dtt k la Grande-Bretagne de preference
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 33 7
& la France et k la Hollande, parce que, de toutes les
puissances europ^ennes, l'Angleterre avait &6 la pre-
miere a intervenir, un si&cleauparavant, dans les dif-
f&rends de la Pologne avec 1'Empire ottoman. La
Hollande avait suivi cet exemple, et avait pris part en
quality de mediatrice au traite de paix de Carlowicz.
L'ann£e suivante, 1'ambassadeur anglais, Worthley
Montague, qui, aprfes la mort de ses deux pr^deces-
seurs Harbard et Hussey, d^cedes Tun a Belgrade,
] 'autre a Andrinople, se rendit k Constantinople,
offrit, en passant a Vienne, sa mediation; & quoi il fut
r£pondu qu'avantla prise de Belgrade, il ne pouvait
gtre question de paix avec lEmpire ottoman. La pre-
miere demarche dans ce but fut faite immedialement
apris la chute de Belgrade, par l'ancien commandant
de cette forteresse, El-Hadj Moustafa - Pascha ', qui
^crivit de Nissa au prince Eugene, pour lui offrir, avec
la cession de Belgrade et de son territoire, son entre-
mise entre lui et la Porte (5 septembre 1 7 1 7) ; lui di-
sant dans sa lettre que, tant que Khalil avait &e grand-
vizir, il n'arvait pas os£ s'exprimer comme il le faisait
depuis que Mohammed-Pascha etait a la t6te des affai-
res. Un mob aprfes , le grand-vizir ^crivit lui-m£me k
Eugene *, pour lui proposer un armistice et un arran-
* Et non pas Echadji , comme on lit dans le nouveau recuefl militaire
autrichien de 1811 , p. 46.
a II est question dans Rascbid, IT, f. 187, de la proposition du serasker
de Belgrade, mais il y est dit qu'il 1' avait faite de sa pleineautorite',et qu'elle
n'avait 6t6 soumisequ'ulteneurement au grand-vizir Ibrahim : or, Ibrahim
ne fut grand-vizir que sept mois apres la d-marche dont il s'agit. Raschid
dit (page antepenultieme) qu'un si grand nombre de tettres furent eehan-
t. xixi. aa
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338 HISTOIRE
gement k l'amiable , sans lui dire un mot de 1'offire da
dernier commandant de Belgrade , ni de l'abandon de
cette ville. Le porteur de cette lettre, dat£e du camp
de Sofia , fut un secretaire de l'ambassade anglaise , da
nom de Heferman (19 octobre 1717). Eugene fit al-
lusion dans sa r£ponse k la premi&re ouverture qui!
avaitregue relalivement k la cession de Belgrade et de
ses dependances; mais, en attendant les instructions
du cabinet de Vienne , i) passa sous silence les deux
points relatifs k l'armistice et k Taccommodement pro-
poses par le grand-vizir '. II ne tarda pas k recevoir
ces instructions, qui l'autorisaient a conclure la paix,
sur ces bases : que l'empereur garderait toutes ses con-
quotes, que la Porte abandonnerait les rebelles hon-
grois, defehdrait la vente des prison uiers, surveillerait
les puissances barbaresques, restituerait aux francis-
cains les saints lieux k Jerusalem, et cederait nne por-
tion de la Valachie a (1 3 octobre 1717). Au commence-
ment de l'ann£e, le general autrichien Stainville avait
coriclu avec le prince de Valachie, Jean Maurocordato,
une convention en six articles, aux termes'de laquelle
il &ait interdit aux troupes imperiales de fratichir l'Alt
(8 fSvrier 1717). D6s-lors, le conseiller auliqtie, de
Talman, regut les pouvoirs necessaires pour suivre les
gees a ce sujet, que s'il arait voulu les rapporter toutes a leur ordre de date,
ces citations n'eussent fait qu'entrater la marche du recit.
v La lettre datee du 6 octobre 1717, dont ie secretaire de Worthley Monta-
gue fut porteur, est citee, mais non transcrite comme les suivantes, dans lis-
toxica relatione deUapace di Posaroviz, dans Vendramino Bianchi, p. 17.
a Les instructions adressees a Eugene le 13 octobre 1717, concues en
vingt-trpis articles, sont datees du 15 octobre; ses pteins-pouvoirs pour
trailer de la paix portent la date du 23 septembre.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 339
negotiations relatives h la paix projet^e '. Worthley
Montague, qui avait cteplu & la cour imp&iale, ful
remplac6 h Constantinople * par le ministre anglais
St any an, qui, en se rendant h sa destination, passa par
Vienne, ou se trouvait aussi Tancien ambassadeur,
Sutton, charge par TAngleterre d'offrir sa mediation.
Plus les trois ambassadeurs anglais travaillaient a r&a-
blir la paix, plus 1 'ambassadeur fran$ais et Rakoczy,
alors k Andrinople, s'efforgaient de la faire avorter, de
concert avec le chevalier de Boissemene, accr£dH6
aupr&s de Rakoczy comme repr£sentant de l'Espagne.
Le moufti et les oulemas &aient partisans de la paix;
mais le grand-vizir, Mohammed Nischandji-Pascha,
penchait pour la guerre 3 . Rakoczy, qui pr6c&lem-
ment residait k Bender, avait ete rappele k Andrinople
i Instructions adressees a M. de Tabnan, conseHler antique, et qu'fl sera
tenu de suivre comme 6tant noire depute et notre mandataire. dans les
negotiations relatives a la paix proposed par la Porte ottomane, 50 octobre
1717. Arch. I. R.
* Message adresse* par Eugene , comme president da conseU antique, k
l'Empereur, le4fevrier 1718, d'apres le rapport de Talman, date de Bel-
grade le 24 Janvier : < Wortlhey Montague, y est-il dit, ne doit point par-
> ticiper a la mediation, non plus que Colyer, si cela est possible , car son
»[amour pour les Turcs et sa correspondance avec le Czar le rendent suspect.*
3 Lettre de Rakoczy du 26 novembre 1717, contresignee Papay, dont
II existe une copie sans suscription aux Arch. I. La void : < II y a deux
• partis, Fun pour la. paix, a la tele duquel sont le moufti et les oulemas,
» mais le grand-vizir est pour la guerre ; j'ai 6erit amplement a M. le car-
»dinal Alberoni, et je lui ai represents qu'on ne trou vera jamais des con-
» jonctures plus favorables pour conclure l'affaire (d'un traits enlre FEs-
»pagne et la Porte) avec facility et avantage pour S. M. ; comme le grand-
» vizir est ports pour la guerre, il conviendrade trailer stir la conclusion.
»Les Vejiittens, qui sont las du fardeau de la guerre, ont un parti forme
•en cette cour pour la pah. »
2L2*
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34o HISTOUIE
apr& la chute de Belgrade , comme nous l'avons ra-
cont£ plus haut. Le Sultan, en lui accordant une au-
dience 1 solennelle, lui avait de nouveau promis son
appui et ses bonnes gr&ces dans les termes suivans :
«Ne doute pas de la protection et du secours de
» ma Sublime-Porte ; les h6tes qui s y presentent sont
» ordinairement trails avec honneur, et tu es un de
» ceux qui y seront toujours accueillis avec le plus de
» distinction » l (4 Janvier 1718). L'audience eutlieu
avec le c£r6monial r^gle par les kanouns pour la re-
ception dun prince de Transylvanie, vassal de la
Porte ; elle fut sp£cialement signalee par la remise du
kalpak et du sabre. Rakoczy, Bercseny, et les Espa-
gnols qui se trouvaient avec eux, enrdterent des sol-
dats dont chacun regut une gratification de cinquante
florins \ Mais six mois apr£s, lorsque les negotiations
furent pleinement engag£es , le nouveau grand-vizir,
Ibrahim, qui les avait seul dirigees du c6t6 des Turcs,
ecrivit k Rakoczy qu'il eiit k rester k Andrinople
jusqu'& la conclusion de la paix , ajoutant que lam-
bassadeur espagnol, dont il lui avait annonc6 la venue,
pouvait s'en retourner 3 .
» Tarafi dewleti aliyemdi mouzaheret ou mouaawenet bouladjagina
ischtibah yokdiir wi dewleti aliyeme gelen mousafirlere' riaayet olouna
gelmischdiir, sana dakhi fiadesiile' olounadjaghi moukarrer diir.
a Rapport de Talman date de Belgrade , 24 Janvier 1718. VHistoire
des revolutions de Bongrie, de meme que les Memoires du prince Fran-
cois Rakoczy, ne contiennent pas un mot de toutes ces negotiations , noa
plus que des rapports que Rokoczy eut avec la Porte.
3 Traduction de la lettre du grand-vizir Ibrahim, gendre el favori, a
Rakoczy, donnee a Sofie le 5 schaban (4 jufllet 1718;.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 34i
Tandis que le Sultan faisait k Rakoczy des protes-
tations si amicales , les minislres Turcs decidaient
en conseil qu'il y avait lieu k accepter la mediation
de 1'Angleterre et de la Hollande. Le grand- vizir
ecrivit a Eugene pour lui annoncer la nomination
des plenipotentiaires ottomans. C'&aient l'ancien ni-
schandji Ibrahim, actuellement silihdar, et l'ancien
instructeur des janissaires, alors inspecteur d'artil-
Jerie, Mohammed-Efendi , fils de Souleiinanaga , et
surnomm6 Yigirmi sekiz Tschelebi, c'est-k-dire, jeune
seigneur de vingt-huit ans [ix]. Tous deux furent Ale-
ves au rang, Vun de second, Tautre de troisi&ne
defterdar ' . L'orgufcil ottoman niait par cette d£p6che
que les premieres propositions, faites par le serdar de
Belgrade, eussent et6 connues de la Sublime-Porte,
et laissait au prince Eugene le soin de determiner le
lieu du congr&s (Janvier 1718). Ce dernier indiqua k
cet effet une tie du Danube , en proposant d'assigner
Fethislam pour residence aux ministres ottomans, et k
ceux de TEmpereur, Cornez, ville de Valachie, situ£e
en-degk de I'Alt. La cour imperiale choisit pour ses
plenipotentiaires, le comte Wirmond et M. de Tal-
man, ancien ministre resident pr&s la Sublime-Porte
(18 fSvrier 1718). A une nouvelle lettre du grand-
vizir, annongant que 1'hospodar de Valachie, Jean
Maurocordato, venait d'&re adjoint aux plenipoten-
tiaires turcs et demandant un armistice prlalable, le
i Raschid, II, f. 191. Voir dans Biancht, p. 21 ,. la lettre da grand-
vizir datee du milieu de mars ; toutefois la traduction qui en a 6te* faite
par l'interprete Schmidt porte la date du 1<* fevrier.
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34* HISTOIRE
prince Engine rlpondit que Wirmond &ait, prft &
partir, que la conclusion dun armistice, telle que la
demandait la Porte 9 &ait r£serv£e au jugement da
congrta, mais que la participation de Venise, pass£e
sous silence, dans la lettre du grand-vizir, etait une
condition indispensable et devait figurer dans les bases
des negotiations projet£es (15 avril 1718).
Les ministres imp£riaux d£sign& pour la confe-
rence, entr&rent en pourparler k Vienne avec le
chevalier Grimani, ambassadeur de Venise dans cette
capitale, et avec le chevalier Ruzzini, d£sign£ par la r6-
publique pour prendre part aux negotiations relatives
k la paix. La rfyublique de Venise pr&endant obtenir
au-dete de ce qu'elle avait conquis, les ministres imp£-
riaux repr&ent&rent aux Vtoitiens 1'ordre envoy£ par
le grand-vizir au kapitan-pasoha , trouy6 k Belgrade
au d£p6t de la guerre, et qui enjoignait k 1'amiral otto-
man de lever le si£ge de Corfou, en raison de lichee
essuy£ k Peterwardein. Ainsi la derntere victoire rem-
portee par le prince Eugine avait valu k la r£publique
la conservation de Corfou, et c'&ait une raison pour
que Venise regrett&t moins la perte de la Mor£e. Les
ministres mldiateurs forent, du o6t£ de TAngleterre
et de la Hollande, sir Robert Sutton et le comte Co^
Iyer , malgre F opposition que le prince Eugene avait
mise k l'admission de ce dernier. Toutefois , la cour
imp£riale eiprima formellement le va*u que toute
relation avec la Russie lui fitt interdite.
A la fin d'avril, le comte de Wirmond et le procura-
teur venitien Ruzzini quitt6rent Vienne; le second etait
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 343
* accompagn£ de Vendramino Bianchi , nomm6 par la
republique secretaire du congres dent il fut egalement
1'historien. Comme on avail neanmoins d£cid6 d'adop-
ter la proposition faite des le principe par la Porte, de
r^unir le congres k Passarowicz (en langue servieime
Possqrowacz) , ville situ£e sur la rive droite de la
Morawa, k quelques lieues au dessus de son confluent
avec le Danube, deux commissaires, Tun turc, l'autre
allemand, determinerent le lieu qui serait assigne k ses
deliberations. Les plenipotentiaires lures s'etablirent
prdsdu village deCostelliza,a une lieuede Passarowicz,
ou £taient les plenipotentiaires imp£riaux.L'6difice, oA
devaient avoir lieu les seances du congr&s, fut construit
*ntre les deux villages. Le 1 er mai, Wirmond et
Talman se rendirent de Belgrade a Passarowicz , suivis
de Ruzzini et de Sutton (1 er mai 1718) ; les plenipo-
tentiaires turcs partirent de leur c6t£, avec.Colyer; et
l'ancien defterdar Moustafa-Pascha, qui commandait
alors a Narda, et qui, apres hi reddition de Belgrade,
avait £te lorgane des premieres propositions de paix,
fut envoys k fethislam afin de pouvoir se trouver k
portee des plenipotentiaires , dans le cas op ils auraient
besoin de cOnsulter le premier auteor des negotiations.
Aussit6t apr^s son entree au pouvoir, le nouveau
grand-vizir avait appel6 k Andrinople et nomm£ kai-
makam de 1 etrier imperial le gouverneur de Rakka ,
AK-Pascha, fils du grajid- vizir Kara Moustafa, raort
sous le glaive du bourreau. L'espoir d'une prochaine
conclusion de la paix ne lui faisait pas n^gliger les pr6-
paratifs de la guerre, pour le cas ou on ne pourrait
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3/,4 HISTOIRE
l'6viter, et des instructions pressantes enjoignaient ant
gouverneurs des provinces de h&ter la reunion des
troupes. Le grand-vizir regut I'&endard sacr£ des
mains du Sultan et partit pour Sofia apr&s avoir pass6
quelques jours dans la plaine de Kemal , prts d'An-
drinople (6 juin 1718—7 redjeb 1180). En mfime
temps, Engine se rendait k Semlin, accompagn£ du
prince Electoral de Baviere , de son fr&re, le due Fer-
dinand, du due de Saxe-WeissenfeMs, du comte palatin
de Sultzbach et de plusieurs autres princes : k sonarri-
v6e , un aga vint le complimeriter au nom du grand-
vizir, Ibrahim -Pascha (8 juillet 1718). Peu de jours
apr£s, les gouverneurs de Diarbekr, de Haleb, de
Koniah et d'Adana, suivis de leurs troupes, firent leur
entree k Andrinople. Le dernier d'entre ces fonction-
naires, ayant 6t6 mis en cause pour les nombreuses in-
justices dont il s etait rendu coupable, prit la fuite, et le
docteur Tiraoni, au service de l'Angleterre, qui avait
&6 emplpye fr^queraraent soit cofnme interpr&te, soit
dans les negotiations de paix, se brtila la cervelle dans
un accis de m61ahcolie.
Tout le mois de mai s'^coula sans que les negotia-
tions pussent s'ouVrir k Passarowicz , les ministres
turcs n 'ayant pas encore regu de pouvoirs suffisans ,
car ceux qu'ils avaient d'abord produits ne disaient pas
un mot de la r£publique de Venise, puis la d£signaient
en des termes offensans comme ayant donn£ le signal
de la guerre qu'il s'agissait de terminer. Enfin, le Sul-
tan envoya k ses ministres les pleins-pouYoirs dont ils
avaieqt besoin. en due forme et Merits de sa main. Ce
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DE I/EMPIRE OTTOMAN. 345
document faisait mention , ainsi que cela lui avait £t£ de-
man de, de la republique de Venise et du maintien des
possessions acquises pendant la guerre, comrae base
de toute negotiation. {Jur ces entrefaites, arriva 6gale-
ment le troisi£me pl£nipotentiaire imperial , que ses
pouvoirs n'autorisaient point k suivre avecWirmond
et Talman les negotiations relatives k Id paix , mais
seulement k conclure un traits de commerce. C'etait
Fleischmann, autrefois resident imperial k la Porte,
et qui , retenu prisonnier lors de la declaration de
guerre, n avait regu-la permission de retourner k
Vienne qu'apr&s la bataille de Peterwardein.
Le jour de la premiere stance du congris, lesmi-
nistres pltfnipotentiaires , escortes par leurs suites et
les gardes-d'honneur .qui , de chaque c6te, etaient au
nombre de sept ou huit cents, se rendirent sOlennel-
lement et k pas compos au lieu de la reunion , afin
d'entrer en mfrne temps sous la tente oA devaient
avoir lieu les stances. Arrives a leur destination /ils
descendant de cheval pour aller occuper leurs sie-
ges; tous s^ssirent en m£me temps et gaitl&rent le
silence jusqu'k ce que le plenipotentiaire anglais, Sut-
ton, exit ouvert le congres an nom des puissances me-
diatrices (5 juin 17 18, 1* e conference). Le principede
Yuti possidetis, comme base de la negotiation, etait deji
formule dans Ie§ pouvoirs, et les ptenipotentiaires otto-
mans reconnurent par £crit le droit que Ja republique
de Venise avait k une indemnite, soit par ^change, soit
par restitution. Les ministres turcs ayant exprime le
desir qu'une suspension d'armes fiit universellement
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546 HISTOIKE
proclam^e, les plenipotentiaires imp&naux leur repre-
sent£rent que la paix,'dont les negotiations actuelles
avaient pour objet de h&ter la conclusion, rendait une
treve inutile. La demande des imperiaux lendant k
obtenir r extradition des rebelles hongrois Rackoczy,
Bercseny, Antoine Esterhazy, Forgacs, Adam Vai et
Czaki, forma la mati&re d'un rapport que les ministres
turcs adressdrent k la Porte.
Lorsque , dans la seconde conference , les pl£nipo~
tentiaires imperiaul* voulurent etendre k toute la Ser-
vie le principe de V mi possidetis, et demand&rent que
Nissa et Widin fussent consider^ comme une d£pen-
dance de Belgrade, cette pretention fut mal accueillie
par les Turcs, et les mediateurs rendirent compte de
cet incident au prince Eug&ne f qui ve&ait lui-m6me
de se rendre k Belgrade, afin de pouvoir imptimer
une direction plus sAre et plus prompte soit a la paix,
soit a la guerre (7 juin 171 8 — S e conference). Son voi-
sinage ne tarda pas k rendre les Turcs plus traitables.
Ala troisi&me reunion , it fut convenu qu avant de
statuer sur la question servienne on aftendrait une
reponse de la cour d'Andrmople; la conservation du
territoire occup^ en Bosuie , entre la Drina et l'Unna,
ne donna lieukaucunedifficult£, etla premiere confe-
rence avec 1'ambassadeur de Venise fut fix^e au lende-
main (15 juin 1718 — S e conference). Cette stance
fut ouverte comme la premiere par le mediateur an-
glais (16 juin 1718 — 4 e conference). Apr&s avoir
accepte, au nom fte Venise et comme bases de la nego-
tiation, le principe de Vuti possidetis et une indemnite
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DE L'EMPIRE OTTOMAN- 547
pour la r£publique, Ruzzini demanda la restitution
de Suda, de Spinalunga, de Tineh, de Cerigoet de la
Moree , ou , a defaut de ce dernier pays , l'extension
du territoire veiaitienen Albanie, jusques et y compris
le lac de Scutari, en y joignant And van et Dulcigno,
veritable nid de pirate^; il r£clama egalement la posses-
sion incontest£e de Butrinto, Prevesa etVoniza avec le
territoire deXeromero, comme ayant &6 conquis par
les armes de la republique. Les ptenipotentiaires turcs
r^pondirent avec une dignity calme qu'ils rendraient
compte de ces reclamations k la cour d'Andrinople.
Dans la cinquieme conference, les pienipotentiaires
imp^riaux demanderent, a la stupefaction des negocia-
teurs ottomans, la cession de toute la Valachieet deja
Moldavie, comme etant deux dependences de Belgrade
et de Temeswar, plus Bihacz et FUnna pour limite
(1 7 juin 1718 — 5 e conference). Les Turcs r6pondirent
que ceder Bihacz c'etait livreraux imperiauxlaclef de la
province de Bosnie ; que cependant ils y r&lechiraient.
Deux jours apres , les pienipotentiaires imperiaux
obtinrent, non sans peine, la restitution de Ndvi qui
leur avait ete violemment enleve apr£s la paix de Car-
lowicz et la cession des cinq districts de la petite Vala-
chie (19 juin 1718 — 6 C conference).
Le surlendemain , ce fut le tour de Ruzzini : les
pienipotentiaires ottomans ref usirent de ceder k Venise
aucun territoire a l'entour des forteresses de Prevesa
et de Voniza qu'ils designaient tout simplement sous le
titre de palanques; ils rejet^rent egalement la demande
en restitution de Suda, de Spinalunga, de Tineh et de
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548 HISTOIRE
Cerigo: roais ils consentirent volontiers k la deli-
vrance des prisonniers venitiens , detenus dans les
bagnes de Turquie (21 juin 1718 — 7 e conference).
Lorsque, cinq jours apres, les plenipotentiaires
imperiaux rentr&rent en seance , ils tinrent un langage
beaucoup plus modere et ne parl&rent ni d'indemnite
pour les frais de la guerre et le sang repandu , ni de
provinces k adjoindre comme dependances aux forte-
resses conquises par le prince Eug&ne (26 juin 1718 —
8 e conference). La nouvelle du debarquement de dix-
huit mille Espagnols sur le territoire sarde avait op£r£
ce changement dans les pretentions d'Eug&ne, et elle
facilita la delimitation des fronti&res serviennes sur la
ligne de 1 'occupation r^elle. Ce changement de ton
chez les plenipotentiaires imperiaux encouragea la re-
sistance des negociateurs ottomans aux pretentions de
1 'ambassadeur venitien.
A la seance suivante , les Ottomans d£clar£rent
qu'admise k prendre part aux negotiations , la repu-
blique avait regu par cela m£mepleineet entidre satis-
faction ; ils firent valoir les avantages commerciaux
que de plus ils etaient tout disposes k accorder aux
Venitiens comme aux autres nations amies ; eh m£me
temps, ils r^elamerent, sur la cote de Dalmatie, res-
pace" compris entre les frontieres venitiennes de la
Narenta et de Castelnuovo, afin que FEmpire se trou-
v&t , comme precedemment , limiter le territoire de
Raguse (28 juin 1718 — 9 e conference).
Le lendemain, les plenipotentiaires ottomans deman-
derent aux imperiaux la restitution des frontieres vala-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 34g
ques depuis la rivifere du Timok jusqu'a Fethislam , et
d£clar6rent vouloir garder Zokol, ce a quoi la parlie
adverse consentit, pour assurer a l'Empire la libre pos-
session du Timok (29 juin 1718 — 1 e conference). On
ne put rien obtenir pour les franciscains et les Carme-
lites de Jerusalem et du mont Carmel. Le traits entre
la Porte.et l'Empire tou&hait a sa conclusion, lorsque
de nouvelles difficult^ s'&ev^rent , par suite des re-
presentations qu'adressa aux plenipotentiaires otto-
roans le gouverneur deBosnie, Koepriilii Nououman,
au sujet des concessions exorbitantes faites au prejudice
des frontieres de Bosnie. Les mediateurs intervinrent
alors pour faire comprendre aux Ottomans qu'on ne
pouvait revenir ainsi sur une question d£ja resolue, et
concilterent les n6gociateurs turcs et v£nitiens, en de-
terminant les premiers k c6der un espace de terrain
suffisant autour des ch&teaux-forts de Dalmatie, et les
seconds a abandonner celui qui etait necessaire aux
communications entre Raguse et l'empire ottoman.
Neuf jours apr&s, la reponse du grand -vizir termina
le diff&rend elev6 au sujet des frontieres de Bosnie, et
dans une conference qui dura huit heures, les pleni-
potentiaires imperiaux ne purent obtenir que la sainte
alliance figur&t dans le traite. Quant aux r6glemensen
matiere religieuse et commerciale , ils furent ajournes
jusqu'a l'ambassade prochaine (10 juillet 1718 —
1 1 e conference). Deja le 1 4 juillet avait &e fixe pour la
conclusion definitive du traits, lorsqu'un aga survint et
demanda au nom de la Porte, que, semblable a celui de
Carlowicz, le nouveau traite ne fttt pas conju en plus
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35o UISTOIRE
de vingt articles, dans lesqaels seraient comprises ]es
nouvelles stipulations, pour £viter de fournir au peo-
ple nn motif de snpposer que les concessions actuelle-
ment coosenties par la Porte exc£daient eel les inscrites
au pr£c£dent traits. Le soin de conclure un trait6 de
commerce fat principalement confi6 au niscbandji
Seifoullah de concert avec Fleiscbmann.
Tous les plenipotentiaries se reunirent en assembles
glnirale & reflet de coordonner les articles qui avaient
obtenu l'assentiment unanime (12 juillet 1718 —
12® conference). On r£gla d'abord les points qui
int£ressaient les plenipotentiaires imp£riaux ; puis les
Ottomans parvinrent, apr&s une longue discussion, &
faire insurer dans le nouveau trait£ Tarticle du traite
deCarlowicz concernant la defense de relever lesfor-
teresses rashes, et qu'Eugene, dans ses instructions
aux plenipotentiaires, avait surtout recommand£ d'e-
viter. A dix heures, Ruzzini prit la parole; il soutint ses
reclamations dans une discussion anim^e qui dura six
heures; mats en definitive , il dut se contenter, pour
toute satisfaction des avantages commerciaux qui lui
avaient &X& promis, de la restitution du rocher de Ce-
rigo et denviron une lieue de territoire en tous sens
aux alentours des forteresses dalmates ; en retour, il
fut oblige de cider le terrain necessaire aux commu-
nications entre l'Empire ottoman et Tetat de Raguse.
Les plenipotentiaires ottomans eonsentirent enfin a la
reconstr6ction des ch&teaux que les Venifiens avaient
conquis en Dalmatie, demande qu ils avaient conslam-
ment refus£e dans tous les trails precedens.
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 35*
Apr&s 6tre tombe d'accord sur tons les points, on
s'occupa de r£gler les protocoies et de r&liger le
traits. U ne fut pas facile de s'entendre a cet £gard ,
car rien ne put determiner les Turcs k se d£partir de
leurs pretentions orgueilleuses et h souffrir quel'Em-
pereur, et encore moins la r^publiqiie, figurassent sur
la m£me ligne que le Sultan. Enfin , le 21 juillet 1 , a
une heure et demie de relev^e, apr&s les douze con-
ferences dont nous avons rendu compte et qui avaient
embrasse un intervalle de soixante-dix jours, la pais
avec TAutriche'et la r6puhlique de Venise, fut solen-
neltement sign£e (21 juillet 1718). Lorsqu on eut fait
lecture des deux minutes du traitd, le manifeste de
la sainte-alliance, que les Turcs avaient obstin&nent
refuse de faire insurer dans le traite m6me, fut lu ,
signe et remis aux plenipotentiaires Ottomans apr&s
l'&hange des minutes du traits, et les mediateursen
donn£rent un regu. Le prince Electoral de Baviere ,
assista, avecson fr6re, le prince h£r4ditaire de Sultz-
bach , k la signature solennelle du traits. Les n£go-
ciateurs s'embrassdrent et la voix du canon annonga
aux habitant des bords de la Morava et du Danube
que la paix venait d'&re conclue. Six jours aprds , eut
lieu la signature du traitg de commerce arr&£ par
Fleischmann et le nischandji Feizoullah. Sur les vingt-
* II est asssez singulier que cette date si importante ait && indiquee
faussement au 27 aout, par Bianchi, p. 257; tes dates des trois traits
donntes par Raschid, III, f. 24-25, c'est-a-dire du traits de paix imperial,
du traite de commerce conclu ayec 1' Empire et da traits de paix avec
Venise, sont celles de la ratification qui eut lieu dans les premiers jours de
ramazan, mais c'est par erreur que le 26 schaban est mis pour le 22.
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35* HISTOIRE
six articles dont se composait le traits v£nitien , les
quatre premiers &aient seuls relatifs au nouveau r6-
glement des fronti&res, en verta duquel la republique
avait droit a la possession des forts et chateaux con-
quis par elle en Albanie, en Herzegow ine et en Dal-
matie. C'ltaient Imoschi , Iscovaz,. Sternizza, Cinista,
Rolok et Creano 1 avec un rayon d'une lieue; Tile de
Cerigo % les forts de Rutrinto, de Pr&vesa et de Vo-
niza 3 ; de son c6te, elle s'engageait k c£der Zarine,
Ottovo et Zubzi *, pour faciliter les communications
entre les fronti&res turques et l'etat de Raguse , plus
un espace de terrain suffisant pour que ces commu-
nications ne fussent point interrompues du c6te de
Castelnuovo et de Risano: les autres articles, k l'ex-
ception de ceux relatifs aux avantages commerciaux
accord£s k la republique sur le m£me pied qu'& T An-
gleterre, a la Hollande, a la France, avaient ete puises
presque textuellement dans le traits de Carlowicz.
La nouvelle ligne de frontteres entre l'Autriche et
l'Empire ottoman &ait pareillement determine par
les quatre premiers articles du trait£ ; elle suivait l'Alt
et le Danube jusqu'a dix lieues du confluent duTimok
avec ce dernier fleuve , puis la chaine de montagnes
jusqu'a Parakin , enfin, k partir de ce point, la petite
Morava et la Drina ; en sorte que l'Empereur eonser-
i En langueturque : Imoski, Tischkovai, Istrounidja, Ounista, Profogh,
Erechano.
a Tschoka adasi (Tile de drap).
3 Ifrindos, Vonidja, Pereresa.
4 Popova, Tscharina, Otova et Soubsi.
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DE L'EMPIUE OTTOMAN. 355
vait Belgrade, Parakin, Istolaz, Csacsak et les TurcS
Zokol et Rasna * sur la rive droite de TUnna , 1'Em-
pereui* gardait Jessenoviz, Dubiza et Tancienne Novi;
quant a la nouvelleNovi, qui lui avait &6 enlev^e ille-
galement lors de la derni&re delimitation, les Ottomans
durent la restituer. Non-seulement la nouvelle deli-
mitation etait beaucoup plus avantageuse h TEmpire
que celle trac£e par le traits de Carlowicz , grftce k
l'acquisition du district de Servie , que la Porte avait
dft ceder aux Autrichiens, mais elle assurait bien mieux
la s^curit^ des frontferes que la ligne qui prec6-
demment parcourait le Banat en sens oblique. En
effet, elle se trouvait naturellement et clairement indi-
qu£e par le cours de sept rivieres, TAlt , le Danube, la
petite Morava, la Timok, la Drina, la Save et l'Unna,
qu'elle longeait jusqu'au point ou les frontteres impe-
riale , turque et v6nitienne se trouvaient r^unies. Le9
articles qui avaient pour objet de prevenir la violation
des territoires respectifs, en defendant les duels et les
incursions, etaient empruntes aux pr£c6dens traites de
paix ; il en etait de m6me des articles relatifs a la protec-
tion du clerg£ catholique, sans reserve de la protection
speciale k accorder aux religieux de Jerusalem. Deux
autres articles stipulaient la mise en liberie des prison-
niers; l'ichange du prince deValachie, Nicolas Scar-
lati (Maurocordato), contre les barons de Petrasch et
de Stein. La Porte s'engageait 6galement .& tenir en
bride les pirates d' Alger, de Tunis , de Tripoli et de
Dulcigno, ainsi que les rebelles, les brigands des fron-
ti&res , les heiduques libres et la foule de voleurs
T. XIII. 23
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554 HISTOIRE
connus sons le nom de Pribouks; enfin elle promit
d Eloigner des fronti&res les chefs rebelles hongrois,
Rakoczy, Bercseny, Antoine Esterhazy, Adam Vai ,
Forgacs et Michel Csaki.
Quant k la Pologne, un article da traits disait que
ce royaume, en paix avec l'Empire ottoman , n'avait
pas eu besoin d'&re compris dans cette paix ; mais
qu'il conservait la faculty d'exposer k la Porte ses
reclamations au sujet de Chocim on autres par For-
gane de ses envoy&. Le dernier article enfin stipulait
que le traits de paix devait 6tre ratifte mutuellement
pour vingt-quatre ans, dans le d£lai dun mois, par
renvoi d'un ambassadeur extraordinaire. Le traits
de commerce stipulait, outre la liberty du commerce,
la faculty pour l'Empereur de se faire repr&enter en
Turquie, par des consuls et des agens; d'un autre
c6t£, un consul devait 6tre nomm£ dans les villes
d'Autriche et dans l'int£r6t des n£gocians turcs sous
le titre de Schah Bender (maitre du passeport) ; il &ait
interdit aux juifs d'imposer d£sormais leur courtage
aux n£gocians autrichiens ; ceux de Perse £taient auto-
rises h commercer avec les £tats implriaux et & tra-
verser l'Empire ottoman, moyennant l'acquittement
d'un droit de cinq pour cent.
Cette paix £tait sans contredit la plus glorieuse et la
plus avantageuse que TAutriche eftt jamais conclue
avec l'Empire ottoman : elle enleva h la Porte Cerigo,
Semendra, Belgrade , une portion de la Valachie et de
la Servie, Voniza, Prevesaet les chateaux dalmates,
pertes que la restitution de la Mor£e ne pouvait com-
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DE L'EMPIRE OTTOMAN. 555
penser. La possession de cette province ayait &6 une
pomme de discorde entre Venise et l'Empire ottoman ;
elle avait fait jaillir la premiere etincelle de l'incendie
que venait d'£teindre le traite de Passarowicz. Cette
guerre , entreprise par la r£publique pour repousser
l'agression turque, avait 6i6 adoptee et terming par
TAutriche pour 6tre fiddle k la foi jur^e. Mais, il faut
le dire, l'Empereur, press6 de finir les hostility contre
les Tares , afia de s'opposer aux Espagnols qui ve-
naient d'envahir la Sardaigne, signa le trait6 de Pas-
sarowicz bien plus dans son int£r6t propre que dans
celui de son alli£e. Quoi qu'il en soit, cette guerre
brillante et la paix honorable dont elle fut suivie, sont
inscrites dans les Tastes de l'histoire comme un monu-
ment durable £lev£ k la double gloire dont le prince
Eugene avait su s'environner et comme homme de
guerre, et comme homme d'Etat
Fill »V TOM! TRIISlillR.
a5»
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NOTES
ET tfCLAIRCISSEMENS.
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NOTES ET ECLAIRCISSEMENS
DU TEEIZI&ME VOLUME,
LIVRE LXL
I* — Page 75.
L'astronome Scheikh Ahmed-dede (voyez Scheikh], Bio-
graphies des ttgistes etdes poetes, la 1367*) dtait a la fois his-
torien, math&naticien, musicien et poete; ilalaisse xmdiwan
sous le nom dJAaschik (l'amoureux). De tous ses ouvrages,
son Histoire universelle est sans contredit le meilleur. II n'eu
existe en Europe que deux exemplaires, si 1'on en excepte
ceux qui se trouvent dans les bibliotheques de Constantinople.
Le premier appartenait a Mouradjea-d'Ohsson; le second se
trouve a la Bibliotheque I. K. de Vienne. Dans son introduc-
tion, Scheikh Ahmed-dede* cite les soixante-douze euyrages
dont il a tire* parti, et dont nous croyons devoir completer
ici les titres autantque Hadji Khalfa, notre meilleur guide,
nous Fa permis. La publication de ces titres est d'une haute
importance pour la science , en ce qu'elle fait connaitre left
meilleures sources de l'histoire universelle arabe, persane
et turque.
I. Histoires arabes*
i«. KamiletTecoarikh (le parfait des histoires), 1 3 volumes,
par le scheikh Azeddin Ali Ben Mohammed, celcbre sous le
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56o NOTES
nom d'Ibn-el-Essir-el-Djezeri , mort en l'anne'e de Fhe'gire
63o (i 232); continued par Ebou Talib feen Ibn-es-$aayi, mort
en 674 (i^75); depuis l'annee 628 (i23o) jusqu'a Fannie 656
(i258), 5 vol.
2 . Tarikhiet Tdberi % par P imam Ebou Djafer Mohammed
BenDjerir, mort en 3io (922).
5*. El Bedajretwen Nihayet (le commencement et la fin),
par Amadeddin Aboulfeda Ismail Ben Omer de Damas, ce-
leb re sous le nom d'Ibn Kessir, mort en 774 (1372), 10 vol.,
abrdges par Ibn Hadjr, mort en 852 (i44&) 5 traduit en Ian-
gue turque par Mabmoud Ben Mohammed Ben Dilschad.
4°. Mouroudj ez-zeheb (les prairies dorecs), par Aboul Ha-
san Ali Ben Housein Ben Ali El-Mesououdi , mort en 346
(957); cette bistoire ne va que jusqu'a l'anne'e 332 (943).
5°. V Histoire universeUe de Djeuabi ( voyez t. I , n° 22 ,
parmi les sources de cette histoire).
6°. Miretol-djenan <x>6 canol yakzanji maarifeti ma you-
teber min hawadiss ez - ziman eo6 takallout ahwalil- insan
(le miroir du paradis et la source de la vigilance dans la
connaissance des choses les plus memorables, des evenemens
du temps et des revolutions opeVees dans l'etat des honimes),
par riniam Ebi Mohammed Abdoullab Ben Esaad El-Yafii
El-Yemeni, mort en 768 (r365). Cette histoire va jusqu'a
l'annee 740 (*349J* A la bibliotbeque 1. R. deVienne.
7 . Moukhtassarfi akhbaril-bescher (l'abrege dans la con-
naissance des bommes), par le prince de Hama, Aboulfeda
Ismail Ben Ali,rEyoubide, mort en 732(i53i), 2 vol.
8°. Mouktassar U Ibn el-TVirdi, ou Wardi (rhisloire
abregee de Haleb) ; l'annee de la mort de l'auteur manque
dans Hadji Khalfa.
9 . Dourrerrol-khassaiss (les perles des qualites ) , par le
precedent. Cet ouvrage manque dans Hadji-Khalfa
io° Maarif-Jit tarikh (connaissances dans I' histoire), par
Ibn Kotaiba Ei*i Mohammed Abdoullah Ben Moslim cd-Din-
ouri, morten 213(828).
I
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ET ECLA1RCISSEMENS. 56i
h«. El-boudour fit-tarikh (les pleines limes dans 1'his-
toire), par Ebi Seid Balkhi ; cet ouvrage manque- dans Hadji
Khalfa.
12°. Aahd(\e noeud), par Ebi Amrou Ahmed Ben Mo-
Lammed, connu sous le nom d'Ibn Abdi Rebbihi, natif de
Cordoue , mort en 329 (940).
i3°. JVefihat iUayanfi inbal ebnaiz-zeman (heritage des
bommes les plus iilustres pour servir aux. fils de l'epoque),
par Ibn Kallikian , mort en 681 (128a).
i4°. Les Proligomenes d'lbn Khaledoun.
1 5°. Inbal el-kamr nun ebnatl-amr (la connaissance de la
lune par les fils de la civilisation) , par Scbebabeddin Ebil-
fazl Ahmed Ben All Ben Uadjr el-Askalani, mort en 852
(i448)> continues par Bourhanneddin Ibrahim Ben Omar el-
Bakaal, mprt en 885* (1480).
16 . Dourrer rol - kaminct Ji ayanil-miyet es-saminet
(choix des perles des (bommes) plus iilustres du huitteme
siccle de Phegire), par le precedent; cet ouvrage, comrae
1'indique son titre, contient les biographies d'hommes cele-
bres du huitieme siecle.
17 . Dowvwel el- Islam (les dynasties de Plslpmisme),
par rimanrHafiz Schemsec(din Ebou Abdoullah Mohammed
Ben Ahmed Ei-Schebi, mort en 746 (i345), 12 vol.
1 8°. Ez-ze'il el-hafil li tarikhil Islam (continuation de
l'histoire de Sehebi), par Schemseddin Mohammed Ben
Abdourrahman Es-Sakhawi, mort en 906 (i5oo).
1 9 . Schifa Ji taarifi houkoukil-Moustafa (rem&de dans
1'explication des devoirs des elus), par l'imam Hafiz Eboul-
fazl Ayaz Ben Mousa, mort en 544 *49)-
20 . Se'iret Ben Hischam (la ^biograpfcie du prophete) , par
Ben Hischam et Homairi, mort en 218 (833).
21°. Raouzoul enif (le jardin florissant), comme explica-
tion de la biographie de Hischam, par le scheikh imamEbil-
Kasim Abdourrahman Ben Abdoullah Ben Ahmed Es-Sou-
helli, mort en 58 1 (1 185)«
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36a NOTES
aa*. Safccrt es-ssqfaet (la purete* de la purete*), par
Eboul feredj Abdourrahman Ben Ali, celebre sous le nom
d'Ibn el Djouzi, mort en 654 (ia56).
a3° Setret Ibnel Djouzi (biographie du propbete par le
precedent).
24© Mewahib ed-diniyet bil menah el-mohammeddiyet
( presens de la foi dans lea dons mobammedans ) , par le
scheikh imam Scbebabeddin Ebil Abas Abmed Ben Mo-
bammed el-Kastelani , mort en 9*3 (1D17); cet ouvrage,
le plus d^taille* sup la vie du propbete, et dont Hadji Khalfa
dit qu'il n'arait pas son egal, se trouve a la bibliotheque I. R.
a5°. Seiretol Karxouni (biographie du Propbete), par
Karzouni.
a6°. Khamisfi aheval en-nefs en T nefis (extra it de Pe*lat de
l'ame precieuse), par le juge Housein Ben Mobammed de
Diarbekr, e"tabli a la Mecque ; mort en 963 ( 1 555).
27°. Schematl en-Nebi (description de la personne du
Propbete), par Ebi Isa Mobammed Ben Souretil-lmam et-
Termedi; mort en 679(1280).
a8°. Schema'il en-Nebi, par Makrizi.
39*. Missbahol madha (la lanterne brillante ) , sans nom
d'auteur; le nom manque aussi dans Hadji Kbalfa.
3o°. Tarikh el-Khoulefa (histoire des. khalifes), par
Soyouti, mort en 911 (i5o5).
3i°. Tarikh el-Khoulefa, par Emir Ajas.
3a°. Tarikh el-Khoulefa , par 1'imam Khodaai, mort en
454 (1 1 59); cette bistoire a pour titre : Oypun el maarifw6
founoun akhbar il khalaif {les sources des connaissances et
des sciences dans l'histoire des kbalifes).
33°. Raoudhet-en nazirin (le jardin des homines contem-
platifs), par Ibn Schohne.
34°. Nouzhetol-makaletein fi akhbar ed-de*letein el-Fate-
mfret <pess-Salahiyet(re]ouis&ance de deux mots dans la con-
naissance de deux dynasties, les Fatemites et les E joubides),
par Ebou Mohammed Abd es-selam Ben el-Housem enNebri
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ET ECIAIRCISSEMENS. 365
el-BLasrewani ; Hadji Khalfa ajoute encore El-mokri (le lec-
tern*) , tandis que I'histoire turtjue le nomme Makrizi.
35° Soulouk U marifeli doucecvel il-moulouk > c'est-a-dire
Cbemin pour la connaissance des dynasties royales, par
Takiyeddin Abmed Ben Ali el-Makrfai, mort en Fannie de
FWgire 845 (1441).
36°. Housnol el-mohadheret fi akhbari Missr coelKahiret
(dialogue facile pour la connaissance des choses en Egypte
et au Cairo), par Soyouti.
57 . Tarikh Bagdad, c'est-a-dire, histoire de Bagdad , par
Hafiz Mouhibbeddin Mohammed Ben Mahmoud, celebre sous
le. nom d'Ibn en-nedjar, mort en FanneVde Fhegire 811
(i4°9)-
38*. Tarikh et-Yemini^ c'est-a-dire, histoire de P Yemen*
par Eboul Hasan Ali Ben Hasan el-Kbafredji , mort en Fan-
nee de Fhegire 8 1 a ( i 409).
Ztf>. Berk el-Yemanifilfetel-Osmani, c'est-a-dire , fou-
dre de FYemen, en possession des Ottomans, par Koutbed-
din Mohammed Ben Mohammed el Kaidhari , mort en Fan-
nie de Fhe*gire 990 (1582).
4o°. Tarikh Mekke\ c'est-a-dire, histoire de la Mecque f
par Koutbeddin Mohammed Ben Mohammed el-Khaidhari.
4i°. Tarikh Mekk6, c'est-a-dire, histoire de la Mecque ,
par le sche*rif SeidBen, Haschim Ali el-House'ini, le vizir de
Me*dine qui v^cut vers Fannie de Fhegire 676 (127 a).
4a*. Tarikh Mcdinet, c'est-a-dire, histoire de Medine, par
Semhoudi; cette histoire porte encore le titre : El^wcfa bima
yedjeb li hadret el Moustafa y ou fidelite* dans Paccomplisse-
ment de ce qui est du a Flfelu (le prophete), Fauteur que Hadji
Khalfa designe par erreur sous le nom de Schouhoudi, mou-
rut la meme ann£e que Soyouti, de Fhe'gire 911 (i5o5).
43°. Mosameret el~moulouk, c'est-a-dire , entretien noc-
turne pour lea rois, par Bestami.
44°* L'Jusloirede Derbend, du Schirwan et d'Arran, par
un auteuranonyme, appartenant au corps destegistes.
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364 NOTES
45 a . Tarikh Ibn Hakim, cet ouvrage, ainsi que le nom de
Pauteur manque dans Hadji Khalfa.
46°. Nokhbet ed-dchrfi adjaib el-berr cvel bahr, c'est-a-
dire , le faisceau du monde dans les miracles qui s'operent
sur terre et sur mer, par le seheikh Sehemseddin Abdoullah
Ben Mohammed EbiTalib el-Anssari ess-Sofi deDamas.
47°. TarikhiKaramanj c'est-a-dire, bistoire de la Karama-
nie, par un auteur inconnu
II. Histoire de Perse.
48°. Miret el-ed<var w£ mirkat el-akhbar , c'est - a - dire ,
miroir des Eones et echelle des connaissances, par Mossli-
beddin Mohammed el-Lari ; cette bistoire va jusqu'a Pannee
974 de Phe'gire (i566), et a &e traduite en langue turque par
Seadeddin.
49°. Giizide'/it-tarikh,c 9 est-h-dire i le choixdans I'histoire,
par Ahmed Ben Nasar el Mestoufi el Kazwini ; cette histoire
va jusqu'en Pannee de Phe'gire 73o (1329),
5o°. Djami et-tewarikh, c'est-a-dire, le Collecteur des his-
toires, par le khodja Reschideddin Fazloullah, le vizir; cet
ouvrage ne fut' termimf qu'apres la mortdu sultan Gbazan,
en Pannee de Ph^gire 704 (i3o4).
5i°. Loubbet-iewarikh, c'est-a-dire, lamoelledesbistoires,
par Pe*mir Yahya Ben Abdollatif de Kazwin , ^crite sous le
rcgne d'Ismael, en Pannee de Phegire 940 (i533).
52°. Djihanaraij c'est-a-dire Pornement du monde , par le
juge Ahmed Ben Mohammed el-Ghaffari, e*crit pourle schah
Tahmasip en Panned 972 (i564).
53°. Nigaristan, c'est-a-dire Musee tistorique, par le
precedent.
54°. Heft Iklinij c'est-a-dire, les sept hemispheres, par
Emin Ahmed er-Razi, ecrit en Pannee de Phegire 1010(1601),
55°- HesclU bischtj c'est-a-dire, les huit paradis, par Idris
de Bidlis.
56°. Safername', c'est-a-dire, lelivrede la victoire, conte-
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ET ECLAIRCISSEMENS. 365
nant l'histoire de Timour par Scherefeddin AH de Yezdj il
fut termine en l'ann& 828 de 1'hegire (i4 2 4)> et traduit en
francais par Petis de La Croix.
57 . Matlaa es-saade'in, c'est-a-dire, 1'apparition de deux
&oiles, contenant l'histoire du regne du sultan Ebou Said,
et des e've'nemens contemporains ; parlescheikh Kemaleddin
Abd er-Rizak Ben Djelaleddin Ishak de Samarkand, mort
en Fannie de l'ne*gire 887 (1482).
58°. Ekbernam6 y c'est l'histoire oonnue du sultan indien
Ekber,parleKodjaFazloullah; elle manque dans Hadji Khalfa.
5§°. Sdlimname', l'histoire du schahSeiim, le Grand-Mogol;
cette histoire a^te ecrite par Ekber lui-meme, s'il faut en
croire l'historien turc.
600. Tarikhi Kurdistan, c'est-a-dire ,• histoire du Kurdis-
tan , par Idris de Bidlis.
61 °. Histoire des Seldjoukides de Roum, par lbn.Bibi.
6a°. Mosameret el moulouk fi tarikh Ali Seldjouk, c'est-
a-dire, Entretien nocturne des rois sur l'histoire des Seldjou-
kides , par un auteur anonyme.
63°. Tarikh eLBapenderi, c'est-a-dire, histoire de la dy-
nastie du mouton blanc , par le precedent.
64°. Siwer el-memalik, c'est-a-dire, les formes des pays;
cet ouvrage parait avoir e*te* ecrit par le mime auteur que
celui intitule* Siwer el-ekalim, c'est-a-dire , les formes des
hemispheres, par Ebi Seid Ahmed Ben Sehl de Balkh. ,
HI. Histoires torques.
65°. KounJioU-akhbar, c'est-a-dire la mine des connais-
sances, par Moustafa Ben Ahmed, celebresous le nomd'Aali;
ecrite au net dans l'annee de l'b^gire 1006 (i5g7).
66°. Les Paragraphesde la dissolution et de la liaison, et
les bases des depenses et des recettes^ par le precedent.
67°. L'histoire de Seadeddin, mentionnle parmi les sour-
ces du T. I,, n° a4-
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366
NOTES
68°. L'histoire d? AschikpaschaxadL Ibid. n»33.
6cf L'histoire de Rouhi; il n'ea est question nulle part
ailleurs.
7 o*. LeFezliMie Hadji Kbalfe.
7i # . Moumdnanti, bistoire du sultan Mourad.
7a . La traduction de l'histoire de Joannes.
II. — Pagb 83.
(2) Manuscrits de la Bibliotbeque de Berlin , n° 75, f. 195.
La solde se montait & 2,438 bourses d'argent : la bourse eVa-
lu^e ao 5,ooo piastres. Cette somme fut distribute ainsi qu'il
suit : * .
hommetreceraiit par jour asprei
Janissatres et v&erans ,
18,420
221,231
Aga des Tirana,
14,928
Porteurs da fusils,
41
Adjemoghlans de Constantinople,
1,820
7,811 1|2
Baltadjis et cuisiniers,
615
1,441 1|2
Esdavesdu jardin imperial ,
1,912
18,412 1{2
Les autres bostandjis ,
2,207
6,294 lr2
Bostandjis a Andrinople,
792
4,598
idem aGallipoli,
150
300
Sipabis,
2,093 229,845
20,940,92*
Silihdars*
6,875 227,225
20.109,412
Les stpahis, les silihdars et les
quatre boulouks, ensemble,
664 bourses.
Oaloofedjis de Taile droite.
175
4,769
422,052
idem de Taile gauche,
153
4,168
365,321
Ghoureba de Taile droite,
159
5,926
524,451
idem de Taile gauche,
190
5,180
Djebedjis,
2,467
34,886
6,174,822
Topdjis,
1,269
16.857
2,983,688
Toparabadjis,
470
6,478
1,146,604
Porte-6tendards du serai,
107
1,529
235,232
Porteurs d'eau du diwan,
35
262
46,462
Cuisiniers du seraY,
104
632
110,270
Btanchisseurs du serai,
66
154
*7,3I6
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ET ECLAIRCISSEMENS. 367
Artisans,
352
1,119
198,062
Dresseurs de tente da serai,
871
5,512
940,224
Cuisine imp&iata,
1,252
4,800
849,600
Palefreniers da serai,
1,294
8,595
1,485,914
Conducteurs de chameaax,
826
3,812
674,724
Agas retrains,
65
9,040
1,696,280
Mooteferrikas,
444
7,406
1,568,062
Pensionnaires,
282
5,119
, 917,06*
Secretaires de la chambre,
3
47
8,460
Ecoyers tranchans,
*2
450 .
101,700
Secretaires da diwair,
76
1,575
281,846
Surnumeraires au tr&or.
54
1,555
240,703
Yeneurs imp6riaux,
7
140
25,200
Tschaouschs,
981
14,040
2,432,891
Agas de l'eirier,
102
6,640
1,195,500
Medecins du serai,
33
811
145,546
Muezzins du serai,
14
229
58,676
Trtsoriers exterieurs.
18
439
77,854,
Landers de la garde da corps,
61
1,740
155,524
Fauconniers,
11
53
5,940
Arsenal imperial,
•
6,571 1{2
1,172,898
m.
— Page 99.
Le manuscrit de la Bibliotheque de Berlin, 11*75,
feuilles 225-227, donne le prix courant des fourrures a cette
^poque, savoir :
Le dos de la fourrure de zibeline (sirt), premiere quality,
1000 piastres; deuxieme quality, 800 piastres; troisieme
qualite, 700 piastres ; quatrieme quality, 55o piastres.— Dos
de zibeline (kafa), les douze pieces de premiere quality,
600 piastres ; deuxieme qualite*, 45° piastres ; troisieme qua-
lite*, 25o piastres. — Pattes de zibeline (patscha), les iio pie-
ces de premiere qualite*, 120 piastres; deuxieme qualite*,
100 piastres; troisieme qualite*, 85 piastres; quatrieme qua-
lity, 70 piastres.— Queues de zibeline (ko'irouk), les 120 pie-
ces, 1000 piastres. — Lynx d'AnatoJie, les 72 pieces de
premiere qualite*, 4$° piastres ; deuxieme qualite, 35o pias-
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368 NOTES
tres; troisitmc qualite, 100 piastres. — Lynx de Roumilie ,
les 72 pieces de premiere qualite, i3o piastres; deuxieme
qualite*, 70 piastres ; troisieme qualite, 45 piastres. — * Pattes
de lynx, les 3o pieces de premiere qualite, a 22 piastres ;
deuxieme quality, 18 piastres; troisieme sorte, 1 5 piastres.—
Hermioe, les i5o pieces, premiere qualite, 45 piastres;
deuxieme quality 4<> piastres.— Renard de Russie (Moskow
nafesi), les ao pieces, premiere qualite, 45 piastres; deuxieme
qualite*, 4o piastres; troisieme qualite, 55 piastres,— Renard
de Russie au cou blanc (beyaz Moskow baghazi), les 200
pieces, premiere qualite*, 100 piastres; deuxieme qualite,
80 piastres. — Renard rouge ( kirmizi Moskow nafesi ), les
18 pieces, premiere quality, 45 piastres; deuxieme qualite*,
4o piastres; troisieme qualite, 58 piastres; quatrieme qualite,
35 piastres.— -Renard de Russie dont le cou n'a que deux faces
rouges (kirmizi Moskow baghazi) , les 200 pieces , premiere
quality, a i5o piastres; deuxieme qualite*, 120 piastres; troi-
sieme qualite*, 70 piastres ; quatrieme qua I he, 3o piastres. —
Loup de Russie (Moskow tschilkafasi), les 100 pieces , pre-
miere quality, 100 piastres; deuxieme quality, 90 piastres;
troisieme qualite* , 60 piastres. — Dos de loup de Russie
(Moskow ssirti), les 80 pieces, 8 piastres. — Pattes de loup de
Russie (Moskow nafesi patschasi), les 3a pieces, 8 piastres. —
Fourrure de Cosaque (Kozak nafesi), les 18 pieces, premiere .
quality, 39 piastres; deuxieme qualite, 36 piastres: troisieme
qualite', 3o piastres ; quatrieme qualite*, 28 piastres. — Four-
rare deloup cosaque (kasak tschil kafasi), les 100 pieces,
premiere qualite*, 5a piastres ; deuxi&me qualite', 45 piastres ;
troisieme qualite, 38 piastres. — Dos de loup cosaque, les
80 pieces, 8 piastres, — Loup d' Azof (Azak nafezi), les 18 pie-
ces, premiere quality, 26 piastres; deuxieme qualitd, 24 pias-
tres. — Fourrure de loup d'Azof, les 100 pieces, premiere
qualite*, 3o piastres; deuxieme quality 27 piastres; troisieme
qualite* , 23 piastres. — Dos de loup d'Azof (Azak ssirti), les
80 pieces, 6 piastres. — Pattes de loup, les 32 pieces, 6 pias-
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ET 6CLAIRCISSEMENS. 36g
tres. — Renard de Valachie (Tflak nafesi), les 21 pieces,
premiere quality 18 piastres; deuxieme qualite , 16 pieces;
troisienie qualite*, 1 5 piastres; quatrieme qualite, 1 4 piastres.
— Fourrure de Leup de Valachie , les 90 pieces, premiere
qualite, 20 piastres; deuxieme qualite, 19 piastres ; troisieme
qualite, 17 piastres. — Dos de loup de Valachie, les 80 pieces,
5 piastres et demie. — Idem, les pattes, les 52 pieces, 4 pias-
tres et demie. — Renard deRoumilie, les 20 pieces, premiere
qualite*, i5 piastres; deuxieme quality, 1 4 piastres; troi-
sieme quality, i3 piastres; quatrieme qualite*, 12 piastres.
— Fourrure de loup de Roumilie, les 90 pieces, premiere
qualite*, 16 piastres; deuxieme qualite , i5 piastres; troi-
sieme qualite*, 12 piastres; quatrieme qualite*, 9 piastres.
— Dos de loup d' Andrinopie , les 80 pieces, 4 piastres. — -
Pattes de loup d'Andrinople , les 32 pieces , 4 piastres. —
Dos de loup de Sofia , de Philippopolis et de Yanina , les
80 pieces, 5 piastres. — • Les pattes, les 20 pieces, 3 pias-
tres et demie. — Renard d'Anatolie de l'espece appele*e
Oudjhai, premiere qualite, 11 piastres; deuxieme qualite,
9 piastres. — Idem, de l'espece Ikiba'i, premiere qualite*,
i3 piastres; deuxieme qualite, 12 piastres. — Renard d'Ana-
tolie au cou blanc, les 200 pieces, premiere qualite*, 80 pias-
tres ; deuxieme qualite, 55 piastres ; troisieme qualite*, 3o pias-
tres. — Renard blanc (Karsak nafesi), les 32 pieces, premiere
qualite*, 24 piastres ; deuxieme quality, 20 piastres ; troisieme
qualite*, 19 piastres. — Renard blanc marque* aux c6te*s du
cou (Karzak baghazi) , les 200 pieces, premiere qualite,
35 piastres; deuxieme qualite, 3o piastres; troisieme qualite*,
28 piastres. — Ghats tigres de Wan, les 32 pieces, premiere
qualite, 10 piastres; deuxieme qualite*, 9 piastres; troisieme
qualite*, 7 piastres. — Chats sauvages, les 16 pieces, 4 pias-
tres. — Chats noirs, les 18 pieces, premiere qualite*, 12 pias-
tres; deuxidme qualite*, 10 piastres; troisieme qualite, 8 pias-
tres. — Peaux de li£vres, les iS pieces , 4 piastres. — Dos de
levies, les 18 pieces, 4 piastre* un quart; ceux de Raguse
T. XIII* / 24
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5 7 o NOTES
les 1 8 pieces, 4 piastres. — Peaux de brebis (kiwourdjik
koufou) les 18 pieces, 3 piastres. — • Peaux de mouton (ya-
lama), les 18 pieces, 1 piastre et demie. — Peaux de mouton
ordinaires, les 6 pieces, 1 piastre. — Peaux de jeunes lie-
yres (giidjen), les 56 pieces, premiere quality, 12 piastres;
deuxieine qoalitl, 10 piastres. — Peaux de martre (sensar
ssirti), dos, les 85 pieces, premiere qualite*, 32 piastres;
deuxieme quality, 29 piastres; troisieme sorte, 27 pias-
tres; etc.
IV. — Page ioi.
Des 1 4oo ecrits que contiennent les deux collections de
Kami-Pascba, celui qui suit merite d*etre cite* en entier,a cause
des noms de lieux et de tribus qu'il mentionne. C'est une
lettre, dite de vizir, toujours accompagnee d'un ferman du
Sultan, etqui, dans le langage des chancelleries, s'appelle
Mektoubi masslahat ousloub, c'est-a-dire, e^jrite pour hdter
la marcbe des affaires. On trouve, au n° 219 de VInscha de
Rami, une autre de ces lettres de vizir , adressle au gouver-
neur de Siwas, et dans laquelle on lui recommande d'envoyer
les Turcomans errans pris dans les confreries (djemeat)
Scherkli , Nakli, Hakler et Thorghoud , de la grande tribu
(aaschiret) Memlou, pour &tre e'tablis dans le sandjak de Bo-
zok. Le n° 220 contient la lettre adresse'e an sandjakbeg de
Bozok, et le. n° 221, cclle da gouverneur d'Anatolie, Osman-
Pascha. Elle est date'e du 22 djcmazioul-ewwel m4- La
Toici :
cc II a 6\6 rendu jadis un ferman a 1'effet d'^tablir dans vingt-
quatre villages abandonne's, situes dans les juridictions de
Kedjiborlii, Redekler, Sandouklu , Tscholabad et autres, les
peuplades des grands et des petits Selmanlii , des Kaschikdji,
des Koelegkir, des Djawanschad, des Sermagehi, des Karelii
et des Kharmandelii, appartenant aux tribus errantes des
Turcomans Danisch-mendliL Le but de cette mesure e*tait de
les y faipe vivre tranquilles, sans qu'elles pussent quitter les
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ET ECLAIRQSSEMENS. $71
limites de leur nouveau territoire et inquieter la propria
des autres sujets. Mais , comme un rapport envoys a la Su-
blime-Porte prouve que, dans le courant de l'annle passe*e ,
les tribus ci*dessus mentionne*es ont quittd leurs demeures ,
et ont , dans leur course vagabonde , Use* les serviteurs de
Dieu,on a arr6te\apres ayoir entendu 1' instruction faite par le
chambellan Moustafaaga, nomine* juge-commissaire a ceteffet,
que ces tribus seraient re'parties dans les villages abandonne*s
ainsi qu'il suit : les confrenes des grands Selmanlu seront re^
parties dans les villages de Boghralar, Akdjekoei, Weregiren,
Koedje*, Aladja, Lewatlii, Borsama et Dounyayi ; la peuplade
Kharmendelu faabitera le village Aladja , dans la juridiption
de Keduklii ; les babitans du quartier Djibanschanlu, dans la
juridiction de Tscholabad, et ceux appartenant a la confre'rie
Djowanscbad , iront s'etablir dans les villages de Ghori et
deBescbir; quant aux babitans du quartier de Tschpuroukli,
qui apparticnnent a la m^me peuplade , ils se fixeront dans
le village voisin de Halladjlu. La peuplade Kascnikdji babi-
tera les villages de Bogi et de Kbargedgi, dans la juridiction
de Sandouklii , et les habitans du quartier lladjilu , qui font
partie de cette m£me peuplade, s'installeront dans les villages
de Sayad et de Haiderlu ; ceux des quartiers Odjaklii et Fere-
ler, dans la juridiction de Tscholabad, Herschemlu, Mousa-
- tscbaouscb, Derwischogbli et Welili s'^tabliront dans les
villages de Schetkbkadiin , Isfceli , Kcetscherlii , Ayaklu , It-
manhl , Toghanlu et Sarssour. La peuplade des petits Sel-
manlu , dans la juridiction de Kedjibourlou , occupera les
villages de Kapoukoeyi , Hadji oulouki , Bakbscbaisch , pres
Bedkiar, et de Djebalou pres Kedukler. La peuplade Koeleghir
ira prendre possession des villages de Djawi, Yekidj, Ka*-
gban bedkiari,dans la juridiction de Sandouklii, etdu village
d'Okdjiler, dans la juridiction de Touzla. Ceux qui appar-
tiennent aux grands Selmanltr, savoir : Koese* Mousa , Yegen
Reese* et Kara Khalil, se rendront au village de Gouni Aghil,
dependant de la juridiction de Sandouklu.
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3;a MOTES
» On avait reMige* un acle judicial re par lequcl ces tribus
s'obligeaient a ne point envoyer de b^tail hors des limites
du territoire qui leur avait &e* assigne pour demeure, de ne
point courir sans but dans lea Alpes ; mais de s'occuper
de la culture des terres, et de respecter la proprie'te* des ser-
yiteurs de Dieu. II fut convenu que, si les contrevenans a
ces ordres se refusaient a comparaitre derant les autorites, les
gouverneurs devraient les ramener a l'ob&ssance , saisir les
fugitifs, les livrer aux magistrate et les punir suivant la loi.
Tous s'etant engages solidairement a remplir ces conditions f
la Cbancellerie Maliye* et la Chancellerie impeViale avaient
donne* des ordres nouveaux. Mais aujourdlmi que les juges
de Kedukler, Tazkiri et Sendjlii nous ont fait savoir que
les peuplades Sermayelii, Karhl, les grands et les petits
Selmanlu et les Djewarschad s'excitent mutuellement a re-
fuser l'obeissance due aux magistrats, qu'elles sont sorties de
leurs Tillages pour parcourir les juridictions roisines, qu'elies
se sont empare*es de paturages , qu'elies ont enleve* des trou-
peaux et pille d v autres propriety , et qu'enfin elles se sont
rendues coupables de beaucoup d'exactions , il derient ur-
gent de reprimer et de punir ces forfeits. En consequence,
nous avons charge de cette affaire notre Commissaire N. N.,
et tu es autorise* par un ordre de la Sublime-Porte a t'ad-
joindre les troupes des sandjakbegs de Rutahiah , de Hamid
et de Mentesche*, celle des alatbegs de ces sand jaks, et les
janissaires stationnes dans les juridictions de Soughourbeg,
Tazkiri et Denizli , et d'agir comme tu le jugeras a propos,
aussitot que les chefs et magistrats de ces endroits t'auront
fait connaitre la marche des Turcomans. En recevant cet
ordre auguste, tu t'appliqueras aagir avec circonspection,
ejt tu t'efforceras de detourner des fideles serviteurs de
Dieu les malheurs que ces crimipels voudraient leur causer.
C'est a toi de juger s'il convient d'appeler a ton secours les
beglerbegs , les moutesellims, les voievodes , on les ofnciers
des janissaires, les ayans et les magistrals des juridictions sus-
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ET ECLAIRCISSEMENS. 3 7 3
mentionne*es, car tous ont regu l'ordre de t' aider. Tu choisi-
ras le meilieur moyen, et tu agiras en consequence ; tu ra-
meneras dans les villages qui leur ont 4i6 d&ignes, ceux de
ces peuplades qui ontquitte leur juridiction etqui errentdans
le pays pour molester les serviteurs de Dieu; tu puniras les
coupables comme ils l'ont meritd; tu garantiras line tran-
quillity constante a ceux dont la conduite est irre'prochable.
Tu veilleras a ce qu'a l'avenir ils n'abandonnent plus leurs
Tillages , ne causent de dommage a personne, s'occupent de
la culture des terres, et laissent tranquilles les habitans des
contr&s enyironnantes. Aussit6t que tu auras r^gle cette af-
faire, tu feras ton rapport a la Sublime-Porte, conjointement
avec le commissaire ci-dessus denomme* : c'est a cette fin, et
pour obeir a un ordre sublime, jque nous avons ecrit cette
lettre. »
La lettre n° 4<>3 du m&me Inscka ordonne Parrestation des
brigands turcomans du village de Lamus, dans la juridiction
d'Ermenak ; une autre lettre (n° i34) a Yousouf-Pascha d'A-
dana , date'e du 26 Schewwal 1 ii4,luirecommande la trans-
lation des tribus arabes Leili et Raranteli, de la valine de
Dewelii, pres de Nikdeh, aux environs d' An takia.
LIVRE LXII.
I — Page 1 36.
Le passage suivant, qu'on lit dans' le rapport du baile
Emmo, date* du mois d'octobre 1713, m&ite d'etre transcrit
iei , non-seulement a cause de ce qu'il dtt sur cette tentative
de renouveler l'enrdlement des jeunes garcons chre*tieris,
mais aussi a cause de l'epoque qu'il lui assigne. « Tra
» l'altre anzi, che adopra questo primo Veziro per temperare
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374 MOTES
lo sdegno concepilo contra di lui , una e il farsi credere
zelante della sua religione e mostrarsi inimicissimo contra
li Christiani. Al cominaudemonio uscito gia qualque mese,
che li figli delle schiave di Christiani, che non giungessero
alia eta di i5 anni, debbano esser rendu ti ai Turchi, ha
presentemente fatto aggiunger un altro, che rinoya I'antico
costume di questo Impero di rapire dalle braccia dei padri
Christiani li teneri figli per educarli nelMossulmanismo, e
riempito possa dirsi 1'ordine dei Gianizzeri; fu questo in-
termesso I'anno 1664, "* tempo che per le guerre di Can-
dia era quasi disolata la Grezia , et il.Vezir non lascia di
attribuire ad un tale diffeto la declinazione, in che era an*
dato nelli anni di dietro la Monarchia, e per il culto dice
che cessaya alia Religione, e per la disciplina, che non
mancaya a quelli, che dovevano esercitare la milizia* Ha
pero spejlito due Aga, che ne abbiano di questi figli a con-
durre i5oo, e in tan to si va sollecitamente fabricando un
antico Seraglio, posto nelle pertinenze di Pera. II Vezir
accorso a un piccolo foro in quelle parti e osseryato lo ru-
more, ne commando immediatamente il ristoro, et informa-
toai dei vicini e segnate particolarmente le case di Fran-
cesi ed OUandesi, che gli infideli ci havevano per6 li
migliori siti e che bisognaya trattenere cola mille Mossul-
mani per tenerli in dovere. Col protesto poi che i Christiani
contaminano, col solamente yederle, le acque di condetti,
onde le abluzioni, che si fanno dai Turchi avanti di orare,
siano profane e non atte a purgarli come si conyerrebbe,
ha interdetto a tutti li Francesi I'accesso alia yilla di Bel-
grad , oye oltre molti Veneziani teneyan? le loro case di
Commercio, gli Ambasciadori d'Inghilterra ed Qllanda, per
ritirarsi particolarmente in tempo di peste. » Emmo corn-
met une erreur, car ces enr61emens ayaient cesse sous le
regne de Mourad IV.
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ET ECLAIRCISSEMENS. 375
LIVRE LXIII.
I. — Page 262.
En l'anne*e 1 1 16 (1704), moururent : les poetes Yemini ,
Fethi, S&im (khan des Tatares), Remzi, Wassif et Nazim
( yoyez les biogr. de Sheikhi, Safayi, Salim, Bilighi Brousa);
2 les legistes Ahmedzade* Mohammed-Efendi , Redjeb le
khodja du serai, Schaaban le medecin, Schifayi le m&ie-
cin. En Fannee 11 17 (1705} moururent les poetes Hamdi f
Housein Djan 9 un autre Nazim , Yakin , Dewleti ; le scheik
Abdoulhayi; le moufti Feizoullah. En l'anne'e 11 18 (1706)
moururent les poetes Ghaoussi, Rischki, Sirri, Tbalib, Ned-
jib, Ssadri, Rasikh, Scheikhi, Reefeti 5 le khodja du serai Mo-
hammed. En Panned 11 19 (1707) moururent le grand-vizir
Rami-Pascha; Ishakzade Aarifet Nabi. En Panned 1 120(1708)
moururent les poetes Rezmi, Resim, Mahir, Kalimi, Sakib,
Fenni , Sehini , Emin , Scbaaban Agazade*. En l'anne'e 1122
(17 10) moururent les poetes Khodjazade* Naibi Esseid Mo-
hammed , Raghib , Schefik , Ishak Ehodjasi , Rahim , Seki,
Abdi, Otri, Mahir, Rabmi, Mahwi, Taib, le scheikh Him-
metzade' ou Abdi, Aazim, Oulfeti, Seid Abdoullab, frere du
moufti Feizoullah ; le moufti Paschmakdjizade* Esseid Ali-
Efendi , le moufti Sadreddinzade Sadik-Efendi ; la femme
poete Ani ; le legiste Seifzade* Ibrahim, Pirakazizade Moham-
med-Efendi. En l'anne'e 1123 (171 1) moururent les legistes
Esseid Nououman et Fazil Kara Khalil-Efendi j les poetes
Saati, Nadji , Siahi , Nesib , Wassik et Seki le chimiste. En
Fannie 1 1 24 ( 1 7 1 2) moururent les poetes Ferdi, Moustakim,
Hasib, Ani, Hafiz, Abdi, Nicimeti, Ibrahim, khodja du
prince, Enim, Abdoulbaki Aarif-Efendi, Sabit Alaeddin, Na-
mik, Schahi, fils de Selim-Ghirai, Emin et Aazim. En Pan-
nee it 25 (17 1 3) moururent les poetes Nazmi, Sabit, Wehbi,
Schermi et Tahir* En l'annee 1126 (17 14) moururent les
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3 7 6 NOTES
poetes Nikabi, Kenzi , Nesib 9 Aarif , Widjdi , Schini ; le
moufti Eb&ad£ Atallab ; Wahdi Ibrahim-Efendi, traducteur
des biographies d'Ibn Khallikhan; Nouh-Efendi, traducteur
de l'ouyrage de Schebristani. De ces 98 auteurs, les princi-
paux sont : Schaaban le m^decin, Schifayi le m&Lecin, Nabi
le Prince des poetes , Sehini , le l^giste Fazil Kara Khalil-
Efendi , Seki le chimiste 9 Aazim 9 Wahdi Ibrahim , Nouh-
Efendi et Ishak Khodjasi.
II. — Page 269.
L'extrait suWantd'une lettre d'Antonio Zara, un des d&-
fenseursdeNapoli,dateedubagne, le 1 5 mars 1716, contieot
les y^ritables causes de la reddition de Napoli, que Ferrari
ignorait en partie ou omettait sciemment de faire connaitre :
« Lettera di Antonio Zara, dal Bagno grande i5. Marzo 1716.
» Summa e principal causa della deplorabile perdita di Ro-
» mania e stata senza dubbio la pochissima proporzione del
» presidio, e in qualita e in numero d'omciali e soldati, non
» havendosi potuto esigere asistenza alcuna delli Greci habi-
• tanti, gente inesperta e niente armigera. » La garnison sum-
sait a peine pour la defense du fort Palamidi : « Di non poco
• pregiudisio alia difesa et stata l'inesperienza dei capi bom-
• bardieri , in maggior parte Greci cosi pure della scarsezza
» dei minatori. Io non ostante rimasi in alto della mia sempre
» rassegnata ubbidienza con 1700 huomini, non compresi
» 200 fanti di Zicluta Livornesi. Alia perdita del Colonel
» Cardosi, che haveva ladirezione totale della difesa, visub-
» intro il Collonnello Lassala, e tra lui e il Coll* Stade insor-
» sero gravi sconcerti ; furono ridotti in arresto da E. S. Pro*
» vedit. Bon in regno, e fu sbstituito il Coll, Marco Media
» rimasto morto, io poi fui passato alle tende del G. V. dove
» trovai il S. Anzolo Balbi , vi capitb pure il S. Proved. Bon
n ferito di sciabla ; l'Ec. Bettor. Zuane Badoer parimente fe-
• rito in testa, e qualche giorni doppo condotti anche li S.
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ET ECLA1RCISSEMENS. 677
» Nicolo et figlio; Balbi transferito in questo bagno con gli
» altri N.N. tt. H. et gente di Modone con gravi catene. »
III. — Pagb 3oo.
Ge verset qui, en exprimant l'impassibilite stoique du he«
ros, Pei£ve au-dessus de sea ennemis, est le i39 e de la Sourre,
et precede la prtere guerriere siiivante : (Verset 139) « Ne
soyez pas joyeux et ne soyez pas triste , et vous serez vain-
queurs ; car vous etes du nombre de ceux qui ont de la foi. »
(V. i4<>) .* Si des malheurs viennent vous accabler, ils ont
accable aussi d'autres peuples; nous faisons alterner ces jours
de malbeur parmi les bommes pour que ceux qui croient ,
reconnaisseot Dieu, et pour qu'il ckoisisse aussi parmi nous
des martyrs. De par Dieu! il n'ainie les oppresseurs et les
brigands. » (V* i&) « Croyez-vous done que vous entrerez
au Paradis sans que Dieu connaisse ceux d'entre vous qui
out combattu, sans qu'il connaisse ceux qui ont attendu avec
patience? » (V. i43) « Vous desirez la mort avant que vous
l'ayez rencontr^e, vous Favez rencontre sans Pattendre. »
(V. 1 44) tt Mobammed n'est que l'envoyd de Dieu, qui a €\&
precede par d'autres envoyes,etlorsqu'il mourra ou qu'il sera
tu£ t vous to a mere z cbancelans sur vos talons ; celui qui se re-
tournera se nuira a lui-meme, et non pas au Seigneur. Dieu
ne recompense que ceux qui lui marquent leur reconnais-
sance. » (V. i45) « Et personne ne p^rit sans la permission
de Dieu ; car il est ecrit dans le saint livre : Celui qui veut
avoir la recompense de ce monde, nous la lui donnerons;
celui qui attend la recompense d'un autre monde, nous la lui
donnerons aussi ; et nous r^compenserons ceux qui nous re*
mercieront. » (V. 146) « Et combien des propbetes combat-
taient au milieu de troupes ennemies innombrables, et ne
perdirent pas le courage lorsqu'ils se virent ainsi assaillis par
les ordres de Dieu ; ils n'&aient pas faibles t ils ne cessaient
pas decombattre, car, de par Dieu! il n'aime que ceux qui
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378 NOTES
se montrent in&ranlables et patiens.» (V. i4?J* M* n * profe-
raient pas d'autres paroles que celles-ci : Seigneur pardonne-
nous nos plcn^s et la negligence dans nos affaires! raffer-
mis nos pas et aide-nous contre lea masses des infidcles! »
(V. 148) « Et il leur donna la recompense qu'ils ayaient me-
rit& dans ce monde; et il leur donna le bonheur de l'autre
monde. De par Dieu ! il aime ceux qui sont bienfaisans.
IV. — Page 3o4.
Liticrce moderni Mareschalli Poloniw Stanislai Ludovski
ad Suprcmum P*ezirium.
« Oblatis amicitiae demonstrationibus amice significatur,
» quod jam pridem ex parte Gonfcederatorum ad fulgidam
» Portam missus fuisset legatus , nisi expeditio haec per mo-
» dernam in nostro Regno ob Saxones emergentem turbatio-
• nem impedita foret Regnum nostrum a Saxonibus con-
» tra leges et canonep factis injuriis necessario perire debet.,
» quare rebus sic stantibus inter nos habito consilio nosme-
» tipsos, nostraque privilegia defendendi causa in Tarnigrod
» dicto loco confoederationem inivimus , in qua confoedera-
» tione cum praefulgida Porta inter et nos stabilitas verae
• concordtae et amicitiae leges debito modo coli et obserrari
» firmiter conclusum est, qua de causa ad majorem hujus
» negotii confirmationem istse littera per'colonellura Begirsk j,
» nobilem munere legati insignitum, ad fulgidam Portam
» transmissae sunt. Speratuf fore , ut memorato legato nulla
» denegata vestra assistentia cum utrinque yersantia negotia
*» concemente responso cum quantocius ad has partes remit-
» tere studeatis. Dabantur i° Martii 17 16. »
V. — Page 3 1 6.
Nous eonnaissons sur la bataille de Petenrardein , sur le
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ET ECLAIRCISSEMENS. 379
siege de Corfou et la prise deTemeswar, les imprimis suivans,
que la Bibliotheque R. de Munich a mis a ma disposition :
i° Hochst erfreuliche Nachricht von der grossen und blu- •
tigen Niederlage am 2 . und 4 . August. 1716.
2°. Eigentliche und umstcendliche Nackricht von der herr~
lichen Victorie am 5. August. 1716.
3°. Relation, ausfuhrliche, von Anfang der Campagne
des 1716. Jahres, bis aufdie siegreiche, am o, August unweit
Peterwardein geschehene SchlachL
4°. Relation von der Devotion, so die Turken bey gegen-
wcertigem Kriege (iyi6)gegendie Christen angewendet ha*
ben. Prag 1716.
Sur le siige de Corfou.
i°. Eigentliche und ausfuhrliche BeschreibungderBlogier-
und Belagerung Corfu's, vom 8. Julius bis 22. August.
2 . Von der Belagerung Corfu , nebst einem Schreiben
vom 6 November 1 7 1 6.
3°. Continuatio Diarii von I. K. M. Hauptarmee, nebst
Verzeichniss, was bey Aufhebung der Belagerung Corfu im
turk. Lager am 22. August 17*6 gefunden worden.
Sur la prise de Temeswar.
!•• Bericht von der an I. M. beschehenen Uebergab der
turkschen Haubtfestung Temeswar. 1716.
2°. Ausfuhrliche Relazion von der erobertem Festung ZV-
mcswar, sammt dem Abzug. 1716.
3 # . Beschreibung des ungarischen Feldzuges a. 17 16 und
der am i3. Oct. erforlgten Eroberung Temeswar's.
4*. Eigentlicher und umstmndlicher Bericht der ung. Fes-
tung Temescvar, me solche am 12. October erobert norden.
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33o NOTES
VI. — Page 3a i.
P. Copid (Nos Eugenius).
« Omnibus et Singulis pro Deo et Caesare bene sentienti-
» bus , pro ea qua nitimur authoritate et mandato , gratiam
. » Caesareo Regiam et omne bonum.
» Posteaquam gens quaedam inter Macedonea Christiana
» graeci ritus intolerabili infidelium oppressa jugo cliristiano
» animata zelo , temporumque praesentium impulsa circum-
» slant iis binis ad Nos ablegasset vicibus Dominum Joannem
» Kirogipropoli, mercatorem ohetistensem, et tarn repraesen-
» tationibus oretenus factis , quam litteris a Patriarcha
» Okriensi, aliisque Episcopis et Districtuum official ib us
• primariis signatis, suas erga communem hostem obtulisset
w spontaneas vires, ita ut feliciter Deo juvante principianlibus
» armis Gaesareis omnium de natione mens et voluntas sit ,
» j i metis consiliis etrobore infidelium Tyrranidem invadere,
» oinnique possibili modo nocere, nee ab eo desistere. Nos
• itaque mutuae humanitatis , et Christiana? religionis amore
» incited de boc vestro proposito optime et amanter sentien-
• tcs, vobis ita facientibus pro ea, qua pollemus authoritate
• Serenissimi, potentissimi, et invictissimi Romanorum Im-
» peratoris, et Regis Ghatholici Caroli VI , semper Augus-
• tissimi Domini, Domini nostri clementissinii, nomine pro-
» mittimus vobis gratiam Caesareo Regiam , Protectionem et
» assistentiam, nee est, quod de bis vel Religioni, vel liber-
• tati aut privileges vestris quid mali suspicemini, cum Suae.
» Majestatis nulla alia sit intentio, quam communibus viribus
» communem labefactare et opprimere hostem , proinde in
» boc unicum intenti, dignos Christiano nomine sumamus
» spiritus, junctoque armorum et animorum robore feralem
» Barbarorum ferociam , superbiam et impetum sistere ac
» retundere conemur. Aderit hac pura intentione operanti-
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ET tfCLAIRCISSEMENS. 38i
» bus DiviniNuminis favor, et Augustissimi Caesaris auspicia,
» sicnti Csesarea fortltudo et Proteclio. »
VII. — Page 33o.
II est a regretter qu'une partie des trophies bavaroisqui ont
&t& envoy^s a Munich apr&s la d&ivrance de Vienne, en 1'an-
nee i683 ; la conqu&te d'Ofen, en Fannie 1686 ; apr£s la prise
d'assaut de Belgrade, en l'annee 1688, et la bataille de Bel-
grade, en l'annee iyij^aient p^ri dans l'incendie de cette ville
en 1750. Malgr^ cette perte, on voit encore dans cette capi-
taleplusieurs trophdes magnifiquesprissur les Turcs, savoir :
trois tentes , dont Tune, appelde la Tour rouge, est en feutre
rouge double de coton et ornee de rubans cousus sur l'dtdffe;
la seconde, appelee la Tour de Courj est, a l'ext&ieur, de
toile, et a Finterieur, de cotonade rouge; la troisteme, de
couleur grise, ornee a l'int&rieur d'oiseaux et de fleurs, ser-
yait de cuisine ; toutes les trois proviennent du butin fait a
la suite de la bataille de Mohacz. II s'y trouve encore, outre
l'dlephant dont nous avons parte dans le tome XII , lc beau
plat d'airain du douzieme si&cle, dont l'inscription curieuse
a 6t6 publiee par Flii^fel dans les Annates de la Lkterature.
Plusieurs tableaux , reprdsentant des batailles et des sieges
auxquels avaient assist^ les Bavarois, se trouvent exposes
dans la salle des trophies a Schleissheim ; parmi les quinze
frcsques historiques du jardin royal de Munich, on remarque
surlout deux tableaux repr&entant la prise d'assaut de Bel-
grade en Pannee 1688, et les retranchemens des Turcs devant
celte ville en 1717. Outre un grand nombre d'&endards, de
grosses caisses, de chemises-talismaniques , de tentes, d'ar-
mes, d'ustensiles et de v&temens, Munich poss£de une quan-
tity d' inscriptions et de manuscrits turcs. La bibliothdque de
Munich est plus riche de quelques centaines de brochures
publlees sur les guerres contre les Turcs du temps de Maxi-
milien-Emmartuel, que la bibliotWque imp^riale a la cour
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38a NOTES
de Vienna. Nous exprimons ki notre reconnaissance poor 1*
bienveillance ayec laquelle S. M. le roi de Bavi&re a daignl
ordonner pour nous la communication de ces brochures, et
d'une foule d'autres Merits relatifa aux campagnes de i683-
1688, 1717, 1718, 1738 et 1739. Nous regrettonsde ne pouvoir
rien dire sur ies nombreux trophies deposes dans plusieurs
cbambres du chateau de Rasudt. Ces trophies, pris dans
les batailles de Mobacs et de Slankamen, en 1687 et 1691,
proviennent de la succession du prince Louis de Bade.
Qu'il nous soit permis de donner ici le catalogue des ta-
bleaux des batailles et des sieges qui se trouvent dans le
musee du roi de Baviere. Ces tableaux repr&entent les
6renemens principaux des campagnes de P^lecteur de Ba-
Tifere Maximilien-Emmanuely pendant les ann£es 1684-1688.
N*.
3065. Prise de lafbrteresse de Gran, en i683; par Beich
(Francois-Joachim), peintre a la cour de l'&ecteur.
Haut. 9 p. 5 p., larg. 14 p«
3066. La rupture du pont du Danube , pres de Pesth , au
moment on les Turcs, a Farriyie des corps auxiliaires
bavarois, quitterent la ville pour se retirer a Ofen;
par Beich. Haut. 6 p. 7 p., larg. 8 p. to p.**
3067. Passage du Danube par l'arm£e impe>iale et bavaroise
pr&s de Siklos, en 1687, dans le but d'attaquer les
retranchemens des Turcs a Essek; par Beich. M6me
grandeur.
3068. Retraite de l'armie imperiale d' Essek , en 1687; par
Beich. Meme grandeur.
3069. Passage de la Save par Farmed imperiale et bavaroise,
les 8 et 9 aout 1688, dans le but d'attaquer Belgrade;
par Beich. Haut. 9 p. 8 p., larg. i4 p. a p.
3070. Prise de Belgrade, le 6 septembre 1688; par Beich.
Meme grandeur.
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ET fiCLAIRCISSEMENS. 583
3071. Prise de Neuhaeusel, leg aout i685; par Beich. M6me
grandeur.
3072. De'livrance de Gran, et bataille sons les murs de cette
forteresse, en i685; par Beich. M&me grandeur.
3073 Prise de la forteresse d'Ofen, le 2 septembre 1686.
M&me grandeur.
3074. Charles-Albert et Ferdinand , les deux princes bava-
rois pr&ens au si^ge de Belgrade de 1 7 1 7, observent
du baut d'une montagne les environs de la ville et
les travaux des assiegeans; par Beich et Vivien.
Haut 6 p. 1 1 p., larg. 8 p. 10 p.
3075. Audience donnee bors du camp, en 1688, a l'ambassa-
deur turc, par Felecteur Maximilien de Baviere ; par
Jacques Amigoni. Haut. 1 1 p. 9 p., larg. 7 p.'
3076. De'livrance de Vienne, le 12 septembre i683. Sur le
premier plan , on remarque des canons et des cha-
riots de munitions etde bagages; sur le second plan,
on voit toute Farmec cbre'tienne ranged en ordre de
bataille, et le troisieme plan repre'sente plusieurs in-
centives a Vienne; par Beich. Haut. 14 p. 7 p., larg.
29 P-
3077. Victoire remporte'e par PeUecteur Maximilien-Emma-
nuel et le due Charles de Lorraine, entre Mohacz et
le mont Harsan en Hongrie, le 12 aout 1687. L'elec-
teur, a la t&te de Paile gauche de l'arme'e cbre'tienne,
chasse devant lui les troupes ottomanes, entierement
de'faitesj par Beich. Haut. 14 p. 7 p., larg. 29 p.
2898. Bataille de Vienne, gagne'e le 12 septembre i683, par
Felecteur de Baviere et le roi de Pologne, Jean So-
bieski III, sur 25o,ooo Turcs et Tatares. Sur le pre-
mier plan," a gauche, on voit une partie des fortifica-
tions de Vienne foudroye'es par Fartillerie turque, et,
a droite, le camp ennemi et la ligne de bataille ; par
Pierre et Martin.
2901. Prise de Gran, par Jean Sobieski et Felecteur de Ba-
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584 NOTES
riere, en i683. Sobieski a cheyal occupe le devant
da tableau ; derriere lui, on *oit le camp chr&ien et
une partie des tentesbayaroises. Le milieu est occupe
par la forteresse de Gran, con ire laquelle est braquee
toute Partillerie chre'tienne ; par Pierre et Martin.
2905. Portrait de Jean Sobieski III. II est represente a cbeval
dans le costume d'un empereur romain*, et tenant
dans sa droite le baton du commandement. On y lit
cette inscription : « Bataille de Kalwghe, aux monts
CrapakS| ou le roi delivra de lYsclavage plus de
3o,ooo hommes. » Dans le fond, on voit Farmed po-
lonaise-autrichienne au moment de Pattaque.
Tous ces tableaux se trou vent a la gaierie royalc de Schleiss-
beim; ceux qui sont dus au pinceau de Beich sont de la plus
grande fidelity, car l'electeur avait eu soin d'envoyer 1' artiste
•ur les lieux.
On voit encore dans le Musde royal :
i° La prise de Belgrade , en 1688, par Fe*lecteur Maxim i-
lien de Baviere ; bas-relief en bronze ricbement dore* , par
G. de Grof ;
a° Une petite statue de marbre blanc repreaentant l'elec-
teur.
VIII. — Pa*b 33i.
Voici les titres des brochures qui ont paru sur la bataille
du 1(1 aout 17 1 7, et la conqugte de Belgrade :
i°. Ausfuhrliche Relazion des herrlichen Sieges, so die k.
JVaffen unter Anfuhrung Eugenii den 16. August 1 7 1 7 er-
fochten. Bibliotbcque de Munich.
2 . Ausfuhrliche Beschreibung des gegeruvartigen Tiirken-
krieges. B. de M.
3°. Ausfuhrliche BescJireibung des ung. Feldzuges A*
*77i. B. de M. *
4°. Extractsclireiben aus dem k. Feldlager vor Belgrad
2. August 1 7 1 7. 2?. rfe M.
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ET ECLAIRCISSEMENS. 385
5°. Relation wasgestalten den 1 6 August 1717 die turkische
Armee von 200,000 Mann zu Belgrad ahgegiiffen und ges-
chlagen. B. de M.
6°. Copia eines Particularschreibens aus Belgrad. B. de M.
7 . Relazion aus dem k. Lager zu Belgrad v. q4» Julius.
B. de M.
8°. Relazion aus dem k* Lager von Belgrad, 17, Julius.
B.deM. '
9 . Eigenthiimliche und umstcendliche Nachricht von der
kais. Hauptarmee in Ungarn, i5. Junius 1717. B. de M.
1 o°. Relation vom 5. Julius des Angriffes gegen die Tur-
ken mil 27 Fregatten, o,3 Tschaiken und 1 1 grossen Schiffen,
worauf 45oo Mann, und womit sie die zwey kais. Schiffe y
S. Francesco und S. Stephano, angriffen, ohne Erfolg.
ii°. Ausfuhrtieher Bericht der am i5. Junius von Pane-
sova erfolgten Passirung. B. de M.
1 2 . Bericht von dem Sieg bey St. Catharina im Zrinerfeld
am 3. Junius 1717- B.de M.
1 3°. Glucks - und Unglucksfall der in dem Kcenigreiche
Servien gelegenen Hauptfestung Belgrad. B. de M.
i4°- Ausjuhrliche Relazion des herrlichen Sieges , so die
kais. Waffen unter Anfuhrung Eugenii den 16. Aug. 17 17
erfochten. B. de M.
i5°. Ausjuhrliche Relation alles dessen 9 <x>as seit dem am
1 6. August von der kais. uber die turkische Armee erhalteneh
herrlichen Sieg und darauf erfolgte Uebergabe von Belgrad
passirt. B. de M.
1 6°. Relazion was von Anfang der Belagerung Belgrad 's
1 7 1 7 bis zur Uebergabe Notables vorkommen ist. Prog 1 7 18.
B.deM.
1 7 . Raccolta delli diarii de 1 7 1 7.
1 8°. Luna Oitomana in ortu, progressu et oceasu. HeideU
berg 171 7.
1 9 . Decas aug. seu lustrum geminum Imperii augustissimi
Caroli VI cum accurata belli turcici relatione. Vienna.
t. xm. a5
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386 NOTES
20 . Bericht von einer von den Venetianern gegen die
Thurken vor Coron erhaltenen A vantage i3. August 1717.
B.deM.
ai°. Beschreibung aus Konstantihopel von dem Ameth
Selim Sultan , Kaiser des Auf- und Unterganges. B. de M.
Outre que le Sultan y figure sous deux noms , Selim et Ah-
med, il y est encore question d'une ile de la Mecque et de la
procession du cercueildu Prophcte : Soil off enbar getragen
werden, die Lade des Proplieten gesetzet aufsilberne Heus-
chrecken , gerceuchert, angefullt mil Gebeinen der Todten
Dienern und Spahije! !
2a . Turk. Curialien, bestehend: a) in des Sultans Lecher-
lichem Tiiel; b) derTurken Gebeth. B.deM* (Ce titre est un
corollaire aux saute relics d'argent et aux ossemens des si-
pahis). Ein geborner Furst und Heyland, Herzog des edlen
Stammes in Persia und Armenia.
a3°. Kurze Beschreibung, auf was weiss die Tiirken ihre
Andacht verrichten. B. de M. JVlrddie Tumba desgrossen
propheten Mohameth von 3o grossen Ispaien getragen (proba-
blement des ecclesiastiques), die gelragene Tumba wird von
3oo Bassen mit blossen Scebeln verwacht! !) '
24°. Selfsame Furstenjagd, welche S. Ahmet vor dentturki-
schen Fehtzuge mit seinen Bassen und Ho/be die nlen gehaUen,
wieauch kurze Beschreibung vou siebzehn servischen Bauern.
(Gette brochure , comme les trois pr^cedentes , merite tout
au plus le nom d'une fable. Quinze paysans ta tares, portant
sur leurs tetes des torches allnmees, se plaignent de la pas-
sion du Sultan pour la cbasse; le moufti qui lui fait des repre-
sentations a ce sujet est condamne* a avoir le nez coupe' ; le
Sultan, qui poursuit un cerf blanc, est sauve par une jeune
fille. Cette cbasse, dit l'auteur, avait eu lieu a Belgrade im-
xnediatement avant l'ourerture de la campagne ; mais alors
Ahmed 111 se trouvait a Andrinople.)
25°. Bericht uber das Seetreffenvom 12., i3. u. iff. Juni
1717. B. de M.
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ET ECLAIRCISSEMENS. 387
a6 . Turkische Traumgesicht und darauferfolgter Aber-
glaube* (Fable.) Passarowicz 17 18. B. de M.
27 . Nachricht des geschlossenen Friedens 17 18. B.de M.
28 * Diarium vonPassarocricz 18. — 24. Juli 1 748.2?. deM.
29°. Diarium der k. Hauptarmee 1718.
IX. — Page 34 *•
Pour bien comprendre la distinction qu'il y a entre la de-
nomination de tschelebi et les titresd'aga et d'efendi, et le sur-
nom de Fingt-HuitjXest necessaire.de dire quelques mots a ce
su jet. Les colonels, les tschorbadjis 011 colonels des re'gimens
des janissaires sont designes sous le numero de* leur regi-
ment, et portent ainsi le nom de premier, de second, de vingt-
tieme, de trentieme aga. Aga est a la fois un titre militaire
et de cour, car celle-ci a e'galement une constitution toute
militaire; ce mot derive du vieux mot turc aka. Le mot
efendi a pour racine le oysvrsc des Grecs ; c'est un titre que
Ton donne aux legistes et aux employes des chancelleries. Le
titre de tschelebi, qui correspond au gentleman anglais, est
donne* a tout homme'd'une Education soignee et de savoir-
yivre. Mohammed Said recut ce titre pour s'dtre distingue
des autres agas, ses collegues, par son esprit et ses manieres,
fruits d'une education soignee ; il ne s'appelle done pas le
vingt-huitieme aga (yigirmi sekisindji aga), mais jeune sei-
gneur yingt-huit (yigirmi sekiz). Ces surnoms restent tou-
jours , et des auteurs europeens ont eu tort de prendre le
mot de tschelebi pour celui de la dignite de ministre x .
1 Les ministres de la Porte ont an nom collectif, celui de ridjal, e'est-a-
dire les hommes ; de meme que les chefs de la chambre des finances s'ap-
pellent khodjagians ou seigneurs ; ce titre est donne aussi en Syrie et en
Egypte aux negocians, ou, par corruption, on les nomme khawadja. Quoi-
que le mot ridjal soil un pluriel arabe, comme celui de khodjagian est un
pluriel persan, on dit communement a Constantinople : un ridjal, un khodja-
gian, un oulema, Le mot schelebi paratt driver du mot latin ccelebs; le
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388 NOTES ET ECLAIRCISSEMENS.
mot khodja correspond an mot patron d'one maison de commerce. Quant
au litre de sultan, qui, dans son application au souverain, n'est do qu'a
1'Empereur, U est cependant ajoute* par courtoisie aux noms d'efendi ,
d'aga, etc., et Ton dit : Efendum Sultanum, A gam Sultanum, Tschelebim
Sultanum, c'est-a-dire : mon efendi, mon aga, mon savant, mon gratieux
mattre, etc.
Wn Mt WOTBS »Q TOMI tRBJZlftlfB.
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TABLE DES MATURES
COHTBNUES
. DANS LE TOME TREIZI^ME.
LIVRE LXI.
Adoucissement dangles raoeurs ottomanes. — Houseln Koeprulu,
Rami-Efendi , Maurocordato. — Le moufti Felzoullah. —
Daltaban-Pascha et le kislaraga Nezir. — Le Sultan quitte
Andrinople pour retourner a Constantinople. — Ambassade
ottomane a Vienne. — Deputations de la Pologne, de l'Au-
triche, de la Russie et de la rtpublique venitienne. — Con-
clusion d'un traits de paix avec Venise et la Russie. —
Ferriol et Sutton. — Ambassade de Raguse et du prince du
Guriel. — Relations politiques avec la Perse et lempire de
Maroc. — Campagne de Rassra. — La caravane des peie-
rins. — La Sourre et le schenf de la Mecque. — Rctablisse-
ment de la tranquillity en Egypte et dans les Stats barbares-
ques.— La Crimed etDewlet-GhiraL — Institutions de Koeprulu.
— Lettre pastorale du Moufti. — Chute et mort de Koeprulu.
— Les savans et les poetes. — Dallaban ; grand-vizir. — Re-
glemens relatifs aux costumes. — Mesures financicres. —
Hasan le Fugitif est proscrit. — Persecution des ArraSniens.
— Construction de plusieurs chateaux forts. — Troubles de
Crhnee. — Dallaban est execute. — Campagne contre les
I'agen.
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5po TABLE
Page*.
Georgiens. — Delimitation des frontieres. — . Administration
de Rami. — Brancovan est confirms dans la principaute de
Valachie.— -Troubles et rebellions dans 1* empire , lews progres
et leur fin low du detrdnement de Moustafa II. 1-129
LIVRE LXII.
Avenement du saltan Ahmed III. — Execution du moufti et de
plusieurs chefs de rebelles. — Destitution du grand-vizir
Nischandji Ahmed-Pascha. — Le grand-vizir Hasan-Pascha.
— Mort du sultan Moustafa II. — Mesures prises a regard de
la Russie.— tichange des lettres de notification et de felicitation.
— Revocation du grand-vizir et de plusieurs autres fonction-
naires. — Administration de Hasan-Pascha et de son stfcces-
seur. — Chute de ce dernier. — Administration de Kalallikoz
Ahmed-Pascha et intrigues de Baltadji Mohammed-Pascba.
— Mort de Selim-Ghiral et de nasan le Fugitif. — Nomination
de Tschorli Ali-Pascha au grand-vizirat. — Troubles a Bassra.
— Passe-temps favoris du Sultan. — Craintes d'une nouvelle
rebellion. — Ambassades de Perse , du prince des Ouzbegs,
de Venise, d'Autriche et de Rakoczy. — Relations de la
Porte avec la Russie, la Pologne et la France. — Persecution
des Armeniens. — Avedick et Gomidas. — Restriction apportee
au pouvoir du moufti. — Ghazi-Ghiral , khan de Crimee. —
Guerre contre les Tcherkesses. — Institutions de Tschorli Ali-
Pascha. — Fiancailles de quelques sultanes. — Phenomenes.
— La Syrie et PEgypte. — Mort de Rami-Pascha etde NouK-
Efendi. — Descente dans l'tle de Majorque. — Les clefs
d'Oran. — Apparition d'un pretendu prince ottoman. —
Arrivee de Charles XII, roi de Suede, sur les frontieres de
l'Empire; son depart. — Destitution du grand-vizir. — Nouou-
mau, dernier grand-vizir de la famille Koeprtilu. — Declaration
de guerre contre la Russie. — Depart de Ferriol. — Rap-
ports diplomatiques de la Porte avec les puissances euro-
peennes. — Kalallikoz ; Tousouf-Pascha ; le silihdar, kaTraa-
kam. 130-240
L1VIIE LXI1I.
Deux grands-vizirs se succedent a la suite de la paix condue
aux bonis du Pruth. — Reception de Charles XII. — Traitf
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DES MATURES. 3 9 i
Page*.
avec la Russie. — Depart de Charles XII. — Soulevement
excite au Caire par Kaf tasbeg. — Mort de Nassouh-Pascha ,
du moufli Ebezadg, du vizir KalaXlikoz et de dix savans
illustres. — Prise de Corinthe, d'Egine, de Napoli di Romania,
de Coron , de Navarin et de Mod on. — Le fort de Sing vaine-
ment assieg6. — Dispositions relatives am oulemas. — Me-
sures administratives. — Executions , propheties , incendies ,
illuminations. — Mort de laWalidS. — Repression des Kordes
et des Arabes. — Un interprete anglais recoit la bastonnade ; un
interprete venitien est pendu. — Correspondence avec la cour
de \ienne.— La guerre contre l'Allemagne est au diwan l'objet
de trois deliberations successives. — Envoye" de la confedera-
tion polonaise. — Execution de plusieurs personnes de la fa-
mille Brancowan et de ceHe de Cantacuzene. — Marche sur
Belgrade. — Combat de Carlo viSz. — Bataille de Peter wardein.
— Khalil , grand-vizir. — Execution du kiaya. — Chute de
Temeswar. — Prise de Bukharest et d'Yassy. — Evenemcns
de Corfou et de Dalmatie. — Destitution du kapitan-pascha
et du khan des Tatares. — Bataille de Belgrade. — Prise de
cette ville ; chute du grand-vizir. — tivenemens de la guerre
en Bosnie , en Dalmatie et dans la Mgditerranee. — Revocation
du kapitan-pascha, du moufti et du grand-vizir. — Propo-
sitions de paix ; Rakoczy; Congres et paix de Passarowicz. 241-555
FIN DE LA TABLE DU TOMB TREJZ1EHE.
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